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SEANCES ET MEMOIRES
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TOME PREMIER — HUITIÈME SÉRIE
ANNÉE 1884
TRENTE-SIXIÈME DE LA COLLECTION
Avec figures
PARIS
G. MASSON, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1884
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MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
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COMPOSITION DU BUREAU
Président perpétuel. ..... M. Paul Bert.
à Re M. François-Franck.
Vice-présidents.......... M Matin Duval.
Secrétaire général....... M. Dumontpallier.
Secrétaire généraladjoint. M. Straus.
M. Mégnin.
M. Quinquaud.
Secrétaires ordinaires....
M. Henneguy.
M. Larcher.
Trésorier ...,.,:.::::...: M. Chatin (J.).
Archiviste..............,. M. Hardy.
MEMBRES HONORAIRES
Chevreul. MM. Milne-Edwards.
Dumas. Pasteur.
Gosselin. De Quatrefages.
Gueneau de Mussy (H.). Wurtz.
MEMBRES TITULAIRES HONORAIRES (1889)
MM. Balbiani.
Ball.
Bert (Paul).
Berthelot.
Blot.
Bouchereau.
Bouchut.
Bouley (Henri).
Brown-Séquard.
Carville.
Charcot.
Chatin.
Cornil.
Duguet.
Gallois.
Goubaux.
Gréhant.
Hamy.
. Hanot.
Hardy.
Hayem.
Hallopeau.
Javal.
Joffroy.
Laborde. ;
= MEMBRES TITULAIRES
MM. Beauregard.
Blanchard.
Bloch.
Bochefontaine.
Bouchard.
Bourneville.
Budin. A HE au
Chamberland. -
Chatin (J.): "1001 |
Cotard. sr
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Leblanc.
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Luys.
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Malassez.
Marey.
Michon.
Milne-Edwards as
Oilivier.
Onimus.
Pouchet.
Rabuteau.
Raymond.
Robin (Charles).
Sappéyé #43 1e +
Trasbot.
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Verneuil. 74
Vidal. FR SPC
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MM. D'Arsonval. +500
Dastre.
Déjerine.
Dumontpallier.
Duval (Mathias).
Franck Guen
Galippe.
Geilé.
Grancher. Hu
Grimaux:4 0h méme
MM. Henneguy.
MM. Poncet.
Henninger. Quinquaud.
Hénocque. Regnard.
Kunckel. | Richet.
Landouzy. | Robin (Albert).
Larcher. Sinéty (de).
Liouville. SITAUS.
Mégnin. | Vignal.
Nepveu.
MEMBRES ASSOCIÉS
MM. Chauveau. MM. Lortet.
Beale. Ludwig.
Bowman. Ollier.
Carpenter. Owen (Richard),
Darwin. Panum.
Donders. Paget (James).
Guérin (Jules). Siebold.
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Huxley.
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Leroy de Méricourt. |
Van Beneden.
Vogt.
MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX
MM Arlomes"..s04buel.8."..:, à Lyon
Baréty -. - sponbabil:É--cc à Nice.
Beaunis 21 %ehued.6::.:: 4, Nancy:
Beyvlard ei: aenatnere. e à Paris.
Ghaussat 2, sono: #2 20 à Aubusson.
CONTI 7 MONO 2.0 à Rio-de-Janeiro.
DOME ne LU à Bordeaux.
DANCE NS OMERS à Menton.
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Déseranges .:. -niduufl. fe. à Lyon.
Dufour (Gustave)............ à Toulouse.
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à Rio-de-Janeiro.
COMPTES RENDUS
HEBDOMADAIRES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
SÉANCE DU 5 JANVIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
SUR QUELQUES INCOMPATIBILITÉS ET CONTRE-INDICATIONS MÉDICAMENTEUSES.
Note de M. RABUTEAU.
1° Incompatibilité de l’iodure de potassium et du sulfate de quinine. —
On sait que l’iodure de potassium pur est généralement très bien toléré aux
doses ordinaires, et qu’il en est de même du sulfate de quinine. Or j'ai re-
connu que, lorsqu'on administre ces deux médicaments en même temps, ou
à des intervalles peu éloignés, même à des doses faibles ou moyennes telles
que celles de 1 gramme d’iodure de potassium et de 50 centigrammes de
sulfate de quinine, il se produit une intolérance assez remarquablé. Cette
intolérance est marquée par des troubles du côté du tube digestif et par
divers accidents généraux. Les troubles du côté du tube digestif consistent
dans l’anorexie, des nausées, des vomissements même, des douleurs épigas-
triques, des coliques. Les troubles généraux consistent en une anxiété, un
malaise inexprimable, le ralentissement, la petitesse du pouls, la pâleur,
une fatigue générale.
Ces symptômes, plus ou moins prononcés, rappellent complètement ceux
que l’on a signalés après l’ingestion de l’iode en nature (Orfila) ou de la
teinture d’iode (Lasègue), lorsque cette teinture laisse précipiter de l’iode
dans l’estomac, c’est-à-dire lorsqu'elle n’est pas administrée dans un véhi-
cule tel que le vin, pouvant dissoudre l’iode qui se précipiterait. Ces mêmes
accidents se produisent après l’ingestion d’un iodure de potassium impur
contenant de l’iodate de potasse, ou après l’ingestion de ce sel, quise trans-
forme plus ou moins complètement en iodure dans l'organisme, en donnant
ainsi un mélange d’iodure et d’iodate qui peuvent se trouver simultanément
dans l’estomac.
BIOLOGIE. — 7° SÉRIE, T. V; N° 1. 1
2 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
J'ai donné depuis plusieurs années déjà (4) l'explication de l’intolérance
d'un mélange d’iodure et d’iodate de potassium. On sait que le mélange d’un
iodate, sel oxygéné, et d’un iodure, sel non oxygéné, n’est point stable au
contact d’un acide, c’est-à-dire qu’il donne immédiatement de liode libre.
Or j'ai fait voir que ce même mélange laisse également précipiter de l’iode
libre dans le suc gastrique, à cause de l'acidité de ce liquide. L’expérience
devient plus saisissante, si, après avoir donné à un chien un peu de pain, on
lui fait prendre un mélange d’iodure de potassium (1 gramme par exemple)
et d’iodate de potasse (10 centigrammes par exemple) dissous dans Peau. Il
vomit bientôt le pain, coloré en bleu violet par l’iode mis en liberté, tandis
qu'il n’en serait rien s’il avait pris séparément l’iodure ou l’iodate.
En rapprochant ces données de la similitude d'accidents succédant à l’in-
gestion simultanée, ou rapprochée, de l’iodure de potassium ou du sulfate de
quinine, j'ai pu donner l'explication de ces accidents. Elle est la même que
la précédente. Le mélange d’iodure et de sulfate de quinine se décompose
à la longue dans le tube digestif, non seulement dans l’estomac, mais dans
l'intestin dont le suc est acide, contrairement à ce que l’on répète souvent.
Il ya précipitation d’iode libre. La décomposition est beaucoup plus difficile
que celle du mélange d’iodate et d’iodure, ce qui explique la durée assez
considérable, un jour au moins, du malaise consécutif à l’ingestion. Cette
durée correspond au temps employé pour l'élimination de la majeure partie
des sels ingérés, lors même qu'ils auraient pénétré totalement par absorption
dans le torrent circulatoire. En effet, à cause des phénomènes de diffusion
et d’osmose qui se produisent dans l’organisme, les sels ingérés reviennent
en petite quantité dans le tube digeslif par un processus de sécrétion et de
réabsorption successives, jusqu’à ce que l'élimination en soit complète.
2° Contre-indication du quinquina et de la quinine chez la femme aux
périodes menstruelles. —: L'homme, à quelque époque que ce soit de sa
vie, peut prendre sans danger la quinine en tenant compte des indications
et des doses. Il n’en est pas de même chez la femme, aux époques mens-
truelles. J’ai été témoin d'accidents terribles et menaçant la vie chez une
jeune dame qui, sujette à des accès de fièvre, ou plutôt de mouvements
fébriles avec rougeur de la face (elle avait eu jadis des fièvres intermittentes),
prenait parfois, dans la prévision ou au moment de l’arrivée des mouve-
ments fébriles, tantôt du vin de quinquina, tantôt une pincée de 30 à 50 cen-
tigrammes de sulfate de quinine dans un peu de vin. Dans trois circon-
stances, où cette dame avait ses règles, une fois l’ingestion du quinquina
et deux autres fois l’ingestion du sulfate de quinine furent suivies de très
graves accidents. Ces accidents consistèrent dans une douleur subite et
extrêmement violente à l’hypogastre, d'angoisse, de défaillance, d'abandon
absolu de la vie. Les battements cardiaques étaient devenus rares et imper-
ceptibles. — Le sulfate de quinine ne fut point abandonné ultérieurement
(1) Comptes rendus de la Société de biologie, 1869, p. 17.
SÉANCE DU 9 JANVIER. o
pour cela, mais & ne fut jamais ingéré à la période menstruelle, et les
accidents ne se reproduisirent plus.
J'ai appris, d'autre part, qu'une jeune personne avait succombé presque
subitement après avoir pris une petite quantité de sulfate de quinine. Cette
personne avait ses règles à ce moment.
Comment expliquer ces accidents si terribles? Nous savons que la qui-
nine, agent névro-musculaire, modifie la contractilité des fibres lisses. Nous
savons, d'autre part, que l’utérus est essentiellement formé de ces fibres
lisses. Il est donc rationnel d’admettre que les douleurs violentes produites
par la quinine, à l’époque menstruelle, proviennent des contractions qu’elle
détermine dans l’utérus qui se trouve alors dans une situation temporai-
rement exceptionnelle.
Cette explication me paraît d'autant plus rationnelle, qu’elle se trouve
complètement d'accord avec celle qu'un médecin de Coimbre, le docteur
Sousa Refoios (1) a donné des accidents qu’il avait observés consécutive-
ment à l’ingestion du quassia amara pendant l’époque menstruelle.
Une dame de sa famille prenait, pendant des périodes consécutives de
quatre à cinq jours, une tasse d’infusion de quassia avant le déjeuner, pour
cause de dyspepsie. Jamais elle n'avait été incommodée de cette ingestion.
Mais un jour qu’elle avait ses règles et qu’elle reprenait son traitement,
elle ressentit bientôt après l’ingestion du médicament, de violentes douleurs
utérines qu’elle compara aux douleurs de l’enfantement (cette dame était
multipare). |
Pour expliquer ce fait insolite, notre confrère de Coimbre dut rejeter
d’abord l'hypothèse d’une idiosynerasie, puis celle de rhumatismes et de
névralgies utérines, de dysménorrhée, dont cette dame n’avait jamais souf-
fert, et admit, en fin de cause, que les douleurs survenues après l’ingestion
du quassia devaient être attribuées à des contractions utérines produites
par ce médicament.
Cette manière de voir est d'autant plus acceptable que la quassine, prin-
cipe amer du quassia, semble déjà pouvoir être distraite du groupe artifi-
ciel des Amers, pour être placée parmi les agents modificateurs de l’inner-
vation et de la myotilité. Cette substance peut, en effet, provoquer des
convulsions.
La conclusion naturelle de ces faits, c’est que l’on devra également éviter
de prescrire le quassia aux femmes à l’époque des règles. On devra, par
conséquent, leur interdire l’usage des bières actuelles, dont l’amertume est
produite par des substances et ingrédients de toute sorte, notamment l'usage
de la bière de Surinam, ainsi désignée parce que le houblon s’y trouve
remplacé par le quassia que l’on appelle également, dans les officines, bois
de Surinam.
(1) Sousa Refoios, À medicacäo tlonica e su interprelaçäo physiologica.
Coimbre, 1879.
4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
DE LA PRÉSENCE DE GALETS DANS L'ESTOMAC DES OTARIES (OTARIA JUBATA),
par le docteur Haxx.
Le 17 janvier, nous avons lrouvé échoués sur la plage de la baie Lort,
au sud de l’île Hoste, trois otaries mâles et adultes. En découpant les vis-
cères de ces animaux pour en conserver des fragments dans la liqueur
de Müller, nous constatèmes qu’ils avaient une quantité considérable de
valets dans l’estomac. Le plus gros des trois était porteur de vingt-cinq ga-
lets de toutes dimensions et pesant ensemble 8K5,500. Les échantillons
rapportés proviennent de cel animal. Les deux autres n’avaient chacun que
dix cailloux qui n’ont pas été pesés. La plupart de ces cailloux étaient polis
et arrondis, mais quelques-uns en granit étaient anguleux; les plus petits
avaient les dimensions d’un œuf de poule.
Les otaries femelles, qui ont été tués sur un ilot de la baie Edwards,
dans la partie occidentale des Malouines, et qui à cette époque de l’année
allaitaient leurs jeunes, n’avaient dans leur estomac que des becs cornés de
céphalopodes et des helminthes. Un mâle adulte tué au bord de la mer et
dans la même localité portait sept cailloux.
Plus tard deux autres otaries furent tués au bord de la mer dans les îles
de la Terre-de-Feu; le plus jeune avait un seul galet dans l’estomae, le plus
gros en avait sept du poids de 2k5,500.
Nous avons encore constaté que tous les otaries (lions de mer ou phoques
à fourrure) coulaient à pic, quand ils étaient tués à la mer.
Il nous est donc peut-être permis de supposer que l’otarie avale des
galets pour se lester à la mer et qu'il les rend quand il descend à terre
pour y demeurer pendant quelque temps.
SUR LES SYMPATHIES DOULOUREUSES OU SYNALGIES,
par MM. Mathias Duvaz et G. FROMENTEL.
La Société de biologie n’a pas oublié les communications du professeur
Gubler sur ce qu'il appelait les douleurs répercutées ou en écho, et l’expli-
cation hasardée qu’il donnait de ces phénomènes en invoquant une sorte
de sensibilité réflexe (voy. Comptes rendus de la Société, décembre 1876).
Le docteur H. Gourdon Fromentel s’étant trouvé dans des conditions parti-
culièrement favorables pour observer ces phénomènes (lui, son père et une
autre personne de sa famille, étant très sujets à ces sensations bizarres, ont
été les sujets mêmes de ses observations), voulut bien me consulter sur
l’intérêt physiologique des faits qu’il était à même de recueillir en les ana
lysant minutieusement, et, sur mon conseil, il choisit comme sujet de thèse
inaugurale l’étude de ces phénomènes de sensibilité, en adoptant, pour les
expliquer, la théorie que je lui avais proposée. C’est sur ce travail (Des sym-
SÉANCE DU 9 JANVIER. 5
pathies douloureuses ou synalgies, Thèse de Naney, 1883, n° 172) que je
voudrais appeler l’attention de la Société.
Le type des phénomènes en question est le cas suivant : Lorsque, dit l’au-
teur, J’écorche avec l’ongle un petit bouton sur la moitié interne du tiers
inféro-postérieur du bras gauche, j'éprouve une douleur vive, piquante ou
pinçante, au niveau de la ceinture, et du même côté, plutôt en arrière du
tronc et latéralement qu’en avant; c’est donc dans la région lombaire qu’est
le point sympathique de la région brachiale directement irritée. L'auteur a
observé plus de soixante-dix synalgésies de ce genre, qu’il résume à la fois
dans une série de tableaux, et par des figures où, sur une silhouette du
corps humain, chaque point sympathique est rattaché par une ligne courbe
à son point irrité correspondant. Les excitations mécaniques proprement
dites sont les plus aptes à donner naissance à une association douloureuse :
tels sont l’écorchement d’un bouton, le tiraillement et arrachement d’un
poil, et même la piqûre avec une pointe d’épingle, à condition que cette
pointe soit enfoncée perpendiculairement et de manière à produire une
douleur vive ; le pincement de la peau peut aussi suffire; mais l’excitation
électrique n’a jamais produit d'effet synalgésique, peut-être parce que cette
excitation se localise moins bien qu’une irritation purement mécanique.
Au même point irrité correspond toujours le même point sympathique,
stabilité de rapports que Gubler avait déjà signalée; de plus ces rapports
sont tels, qu'une excitation dirigée sur une région de la surface cutanée où
fut perçue une douleur sympathique peut en déterminer une autre dans la
région du point irrité primitif. Enfin, autant que l’auteur a pu étendre ses
observations sur différents sujets, il est amené à conclure que chez les di-
verses personnes des points sympathiques très voisins répondent à des
points irrités très voisins, de telle sorte qu’une synalgie éprouvée par l’une
d'elles sera, à peu de chose près, ressentie par les autres. Une synalgésie
est donc non seulement un phénomène stable chez le même sujet, mais pré-
sente encore une assez grande stabilité d’un individu à un autre.
Ce sont là des données expérimentales qui doivent indiquer la voie pour
tuute hypothèse explicative. Cette hypothèse, nous avons cru devoir la
chercher exclusivement dans des rapports anatomiques entre les centres
correspondant aux divers territoires de la sensibilité cutanée. Après avoir
examiné et rejeté toute théorie qui attribuerait un rôle, soit aux anasto-
moses périphériques des nerfs, soit aux ganglions nerveux, soit à la moelle
épinière, M. G. Fromentel, développant une hypothèse dont nous lui avions
seulement indiqué les points principaux, montre que dans tous ces cas il
s’agit sans doute d’excitations propagées d’un centre cérébral à un centre
voisin, lequel, en vertu de l’extérioration des sensations, rapporte aux par-
ties périphériques, avec lesquelles il est normalement en rapport, tous les
ébranlements dont il est le siège. C’est ce qu’il appelle la théorie centrale
des synalgésies. Nous pensons que cette théorie pourra ne pas rester à l'état
d’hypothèse stérile, c’est-à-dire que, lorsque les observations auront été
6 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
multipliées encore et qu'on aura comblé les nombreuses lacunes de la topo-
graphie des synalgésies, il ne sera pas impossible de tirer, des faits natu-
rellement groupés, des inductions sur les rapports anatomiques probables
entre les centres sensitifs cérébraux. |
Comme appendice à ces sensations associées, M. G. Fromentel donne
encore, et ce n’est pas la partie la moins curieuse de sa monographie,
l’histoire d’un sujet chez lequel les mouvements des doigts étaient, de l’une
à l’autre main, liés par une sorte d'association fatale. De cette observation,
il nous suffira d'extraire le détail suivant, pour montrer tout son intérêt :
« Je plaçai sur une table une feuille de papier que je fixai devant le sujet
assis et tenant un crayon de chaque main, puis je le priai d'écrire. Je pus
constater que la main gauche avait tracé, de droite à gauche (en sens inverse
de notre écriture ordinaire), des caractères semblables à ceux figurés par
la main droite et fort lisibles, ce dont on pouvait d’ailleurs s’assurer facile-
ment en retournant la feuille et regardant par transparence. »
M. À. OLzivier : Je profite de l’occasion qui n’est offerte par la commu-
nication de M. Duval, pour revendiquer en faveur d’un de nos compatriotes,
M. Chassaignac, la découverte d’un fait physiologique curieux, qui a été
attribuée à Werir Mitchel, je veux parler de la rétraction du testicule à la
suite du pincement de la peau du scrotum. Lorsque le pincement est léger,
la rétraction se produit du côté de l’excitation ; lorsqu'il est fort, elle a lieu
des deux côtés à la fois. —Je me rappelle avoir entendu, en 1862, Chassai-
gnac appeler sur ce fait l’attention de ses élèves.
J’ajouterai que la connaissance des faits étudiés par M. Fromentel,
dans sa thèse inaugurale, peut rendre de réels services au clinicien : elle
lui permettra de comprendre certains phénomènes pathologiques, qui, sans
cela, resteraient inexplicables, et, dans certains cas, elle lui fournira d’im-
portantes imdications thérapeutiques. — Il serait très utile de connaître la
topographie exacte de toutes les parties du corps dont l’excitation peut faire
naître, dans une région plus ou moins éloignée, soit des mouvements, soit
des impressions sensitives. Il semble même exister une certaine constance
dans la production de ces phénomènes. Comme exemple d'association de
sensations douloureuses, je rappellerai le fait de névralgie réflexe, que j'ai
rapporté à la Société, il y a dix ans. Il s’agissait d’une femme qui avait
reçu de sa fille en pleine crise d’hystérie un violent coup de poing dans la
région du sein. Elle ressentit à ce niveau une vive douleur et quelques
jours après elle présenta tous les symptômes de la névralgie cubitale. Depuis
cette époque, J'ai observé la même névralgie chez deux dames qui s'étaient
heurté le sein contre une clef, en voulant ouvrir une porte de cave.
_—
SÉANCE DU 9 JANVIER. 7
APPLICATION A L'HOMME DE LA MÉTHODE D'ANESTHÉSIE CHLOROFORMIQUE
PAR LES MÉLANGES TITRÉS (1), par M. Paul Bert.
Je rappelle que cette méthode consiste à faire respirer au patient un
mélange de 8 grammes de chloroforme, vaporisés dans 100 litres d’air.
Jusqu'à ce jour, seize grandes opérations ont été faites dans le service de.
M. le docteur Péan à l'hôpital Saint-Louis. Elles ont élé faites sur les
sujets les plus divers par l’âge (enfants de dix-sept mois, de quatre ans, de
sept ans, adultes, vieillards), par les conditions générales (hommes vigou-
reux, femme extraordinairement nerveuse et eraintive, adolescents épuisés
par une longue suppuration, alcooliques avérés, etc.). Toutes ont donné
des résultats excellents, et tellement concordants, que malgré leur petit
nombre il est permis de les résumer en quelques propositions affirmatives.
I. Le mélange de 8 grammes de chloroforme avec 100 litres d’air n’est
pas désagréable à respirer; quelques malades même le trouvent bon.
Il en résulte qu’on n’a jamais sous les yeux le spectacle des efforts, qui
donnent quelquefois naissance à une véritable lutte, que fait trop:souvent le
patient pour écarter de sa bouche la compresse imbibée de chloroforme ;
car l'air chargé d’un excès de vapeurs irrite les maqueuses nasale et laryn-
vée et amène des toux, des suffocations, des arrêts respiratoires, avéc.
congestion de la face, et toute la série des accidents bien connus.
II. La phase dite d’excitation, qui n’est autre chose, comme je l'ai dé-
montré en 1866, qu'un délire dû aux troubles sensitifs qui précèdent l’a-
nesthésie complète, est toujours très médiocre et très courte. Même chez
les alcooliques, elle n’a jamais amené de lutte ; un seul aide suffisait aisé-
ment pour maintenir les jambes et les bras ; elle n’a duré au plus que trois
ou quatre minutes. Chez les autres personnes elle est très faible et ne
dépasse pas deux minutes; et même dans plusieurs cas, chez des adultes,
elle n’a pas existé, le malade étant arrivé sans aucun mouvement à l’anes-
thésie et à la résolution musculaire.
III. L’insensibilité absolue arrive en six ou huit minutes. Elle se maintient
très régulière pendant toute la durée de la respiration du mélange anes-
thésique, qui a été jusqu’à ce jour de trente-sept minutes au maximum (2).
Le pouls, qui s’est un peu accéléré généralement au moment de la période
d’excitation,, redevient tout à fait calme et régulier pendant le sommeil. La
section de la peau ou des troncs nerveux, le sciage des os, en un mot les
temps les plus douloureux des opérations ne réagissent pas sur lui.
La respiration se comporte comme la circulation. Les adultes ronflent
(1) Deuxième communication. Voy. la séance du 22 décembre.
(2) Depuis la présentation de cette note, une ovariotomie a été pratiquée.
L'insensibilité est arrivée en trois minutes, sans phase d’excitation. L'anesthésie
a été entretenue pendant cinq quarts d'heure. Calme complet; pas de vomisse-
ments : 50 grammes de chloroforme dépensés.
8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
quelquefois, comme ils le font du reste dans le sommeil normal. Les exci-
tations douloureuses accélèrent légèrement les mouvements respiratoires.
La pupille se contracte le plus souvent au moment de l’anesthésie, et
l’œil se retourne en dehors et en haut; cependant deux ou trois fois cette
contraction n’a pas été sensible. Au réveil, la pupille se dilate.
Il n’y a jamais eu, pendant l’anesthésie, de nausées ni de vomissements.
La salivation est très faible.
La température n’est pas sensiblement modifiée. Après trente-sept
minutes d’anesthésie, elle s'était abaissée de moins d’un demi-degré.
(Résultat bien différent de ce que j'avais observé sur les chiens où la tempé-
rature s’abaisse rapidement.)
En un mot, à aucun moment de l’anesthésie, le chirurgien n’éprouve
aucune inquiétude sur l’état du malade, qui dort et respire avec le plus
grand calme.
IV. Lorsque l'embouchure par laquelle arrive le mélange anesthésique
a été enlevée, on observe toujours une prolongation considérable de l’état
d'insensibilité. Cette prolongation paraît être en rapport avec le temps pen-
dant lequel on a fait respirer le mélange; on comprend qu’il faudra de très
nombreuses observations pour permettre d'établir une loi.
Cette anesthésie de retour a permis d'exécuter, sans que les malades
souffrissent, des opérations sur Ja face, dont quelques-unes (deux résections
du maxillaire inférieur, une résection des deux maxillaires supérieurs),
ont été longues et pénibles. Chez un malade extraordinairement anémié et
épuisé, auquel on devait amputer la jambe au-dessous du genou, dans des
conditions assez difficiles, j'ai enlevé l'embouchure après la section de la
peau. L’insensibilité a persisté pendant tout le temps de opération, la liga-
ture des artères et le pansement!définitif, c’est-à-dire pendant vingt-deux
minutes. À la dix-huitième minute, le malade ouvrit les yeux et put ré-
pondre à mes questions.
Replacés sur le brancard, et reportés dans leur lit, les malades conti-
nuent à dormir pendant un temps variable. Trois fois seulement, il y eut des
nausées légères. Le réveil est fort calme; les malades n’accusent ni
malaises, ni maux de tête; quelques-uns même semblent joyeusement
excités.
V. La marche de l’appareil de M. le docteur Saint-Martin, que j’ai employé
dans ces essais, ne laisse rien à désirer. Rien de plus simple que le manie-
ment de ces deux gazomètres, dont on remplit l’un pendant que le malade
consomme l’autre. Un aïde suffit pour exécuter la manœuvre ; un autre pour
maintenir l'embouchure de caoutchouc.
J'ai commandé un modèle plus petit, qui ne devra pas coûter plus de
200 francs, et pourra être emporté sur un fiacre. Deux hommes le monte-
ront aisément dans les escaliers, et il suffit d’un seau d’eau pour mettre les
gazomètres en état de fonctionner.
Les vapeurs que respire le malade étant très diluées, leur proportion
SÉANCE DU 9 JANVIER. 9
dans l’air ambiant devient extrêmement faible, et l’odeur de chloroforme
ne peut arriver à gêner l'opérateur et les assistants.
Enfin la dépense en chloroforme est ainsi réduite à son minimum. Elle
paraît être en moyenne de 1 gramme de chloroforme par minute.
VI. En résumé : pas de période répulsive ; période de délire toujours faible,
même chez les alcooliques, quelquefois nulle, même chez les adultes; insen-
sibilité absolue et régulière, obtenue en six ou huit minutes ; sommeil calme,
respiration, circulation, température normales; pas de nausées; aspect nor-
mal et tout à fait tranquillisant du malade qui dort; anesthésie de retour,
constante et souvent très prolongée; réveil calme, bien être consécutif,
rarement quelques nausées très faibles ; maniement de l’appareil des plus
faciles ; bas prix de cet appareil ; notable économie sur la dépense en chlo-
roforme.
SUR UNE AUTRE MÉTHODE D'ANESTHÉSIE CHLOROFORMIQUE,
par M. Paul BERT.
La méthode que je viens de décrire, me paraît, je le dis sans autre pré-
caution de langage, résoudre complètement le problème de la chloroformi-
sation. Elle joint l’innocuité à la simplicité, et j’ai la ferme espérance de la
voir bientôt adopter dans tous les hôpitaux et par tous les chirurgiens des
villes, et je me fais fort de démontrer que la chirurgie militaire elle-même
trouvera dans son emploi une grande économie de temps, d’aides et de
chloroforme, ce qui n’est pas à dédaigner.
Il n’est guère possible d’espérer cependant que les médecins qui exer-
cent au fond des campagnes, et qui sont appelés de temps à autre à employer
le chloroforme pour des luxations, des hernies étranglées et d’autres acci-
dents qui exigent une intervention immédiate et sur place, puissent acheter
un appareil de 200 francs et le conserver toujours en bon état de service.
Ils resteraient donc livrés à l’emploi de la compresse imbibée de chloro-
forme. Or, si ce procédé élémentaire exige de la part de nos plus éminents
chirurgiens une surveillance de tous les instants, et souvent excite leur
inquiétude, chacun sait avec quelle anxiété, quelquefois même avec quelle
terreur, l'emploient les praticiens peu expérimentés.
Aussi, une fois résolu le problème de la chloroformisation par les mé-
langes titrés, je suis revenu à des recherches momentanément abandonnées,
et qui avaient pour but de remplacer la compresse.
Je viens aujourd’hui rendre compte du résultat de mes tentatives, qui ne
sont pas encore terminées.
Lorsque, dans le courant de cette année, MM. Gréhant et Quinquaud
entretinrent la Société d’un procédé qui consistait à faire respirer aux ani-
maux un mélange d’alcool et de chloroforme, M. le docteur Dubois vint
10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
déclarer que des essais analogues avaient déjà été faits dans mon labora-
toire.
Il ne s'agissait en aucune façon d’une réclamation de priorité. Il est bien
incontestable que nos collègues et amis n'avaient rien su de nos tentatives;
de plus, nous ne les avions pas poursuivies, et elles étaient restées à la
phase de tàätonnements; enfin ce n’était pas l’alcool que nous avions employé
(à cause de la complication de ses vapeurs), mais l’eau, la glycérine, des
matières grasses solides et liquides. Nous avions du reste laissé momenta-
nément de côté ces recherches, parce qu’elle nous paraissaient tout à fait
empiriques et qu'il fallait avant tout établir scientifiquement les conditions
d'action des vapeurs anesthésiques.
De plus, cette étude des mélanges se présentait à moi comme beaucoup plus
compliquée qu'on ne semblait l’imaginer. Il y a en effet à tenir compte :
1° de la proportion entre l’agent anesthésique et le véhicule destiné à dimi-
nuer la tension de ses vapeurs; 2° de la quantité absolue de cet anesthé-
sique ; 3° de la température ambiante; 4° de la surface d’évaporation ; 5° du
volume du vase clos où est contenu le mélange; 6° de l'agitation de ce mé-
lange — toutes conditions qui dépendent de l'installation instrumentale, et
dont or peut être le maître après étude suffisante —; 7° de la rapidité et du
volume des respirations de Panimal, qui doivent faire varier la rapidité du
détitrage du mélange, — condition dont on n’est pas le maitre.
Car, — et ce peut être là, suivant l’usage qu’on en fait et le but qu’on se
propose, un avantage ou un inconvénient de la méthode — il est bien
évident que le mélange est de moins en moins riche en chloroforme au
fur et à mesure que l’expérience marche, et que par suite la tension de
vapeurs anesthésiques est de moins en moins forte dans l’air inspiré. Il
élait donc nécessaire, sous peine de rester dans l’empirisme, de se rendre
compte tout d’abord de l’influence de ces tensions diverses.
Aujourd'hui que cette question fondamentale est étudiée et que l’appli-
cation à l’homme a corroboré ce que m’avaient montré les expériences faites
sur les animaux, je suis revenu aux anciennes expériences et j’ai obtenu des
résultats très curieux et très encourageants.
Voici, pour fixer les idées, le récit d’une expérience :
Chienne pesant 10 kilogrammes; trachéotomie. Température extérieure, 17 degrés:
Au fond d’un flacon à deux tubulures, mesurant 1 litre de capacité, on introduit un,
mélange de 50 centigrammes de chloroforme dans 100 grammes d’huile d'olives.
Par une des tubulures arrive le tube plongeant qui fera barboter l'air; par l’autre,
le tube qui communique avec la trachée. Un jeu de soupapes empêche le reflux
de l’air expiré. |
- L'animal s’endort en cinq ou six minutes, presque sans agitation. Le sommeil est
calme, l’anesthésie bonne, mais moins régulière qu'avec les mélanges titrés. Sa
température baisse comme dans les anciennes expériences.
Le niveau du mélange s’abaisse lentement; sa température est de 13 degrés.
Au bout de deux heures et demie, l’animal redevient sensible, puis se réveille com-
SÉANCE DU D JANVIER. 11
plètement. Il n’y a plus à ce moment que 10 grammes de chloroforme dans le
mélange. La température de l’animal a baissé de 5 degrés.
Cette proportion (1 de chloroforme et 2 d’huile) paraît bonne, dans les
conditions précitées de l’expérience. Elle endort rapidement et ne menace
pas la vie.
J’appelle l'attention sur ce fait intéressant : l’épuisement du chloroforme
dans le mélange et par suite le réveil au bout de deux heures et demie. Il est
clair que, si le même animal avait respiré un mélange moitié moins riche,
soit 29 grammes de chloroforme dans 50 grammes d'huile, il eût dormi
moitié moins de temps. Et de même un animal deux fois plus gros aurait
épuisé son mélange en moitié moins de temps.
J'espère pouvoir obtenir, en multipliant les expériences, un certain rap-
port entre la composition des mélanges et la durée de l’anesthésie. Ceci fait
chez les animaux et étudié bien à fond, je serai autorisé à faire des essais
sur l’homme. Et si mes prévisions se réalisent, il sera possible de déter-
miner la composition d’un mélange qui devra, chez un enfant, un adolescent,
un adulte, produire et entretenir l’anesthésie pendant un temps déterminé.
Mais quand même on ne pourrait arriver sous ce rapport à un degré suf-
fisant de précision, ce sera quelque chose que d’indiquer au praticien le
mélange liquide qu’il pourra faire respirer avec efficacité et sans danger.
Cela ne vaudra jamais les gazomètres et les mélanges gazeux titrés. Mais
cela vaudra infiniment mieux que la compresse. Et du reste l'outillage se
réduira à un flacon, deux tubes de verre, un tuyau de caoutchouc et une
embouchure à soupapes, instrumentation qui est à la portée de toutes les
bourses.
On peut appeler ce procédé procédé de campagne, en opposition avec
l’autre qui est procédé de ville. |
M. À. Ozrivier : Au cours de son intéressante communication, M. Bert
nous a dit que dans le sommeil provoqué par le protoxyde d'azote, le malade
présentait souvent une forme de rêve caractérisée par la sensation d’une
chute dans un abîme.
Il semblerait, d’après quelques faits bien établis, qu’à certaines intoxiea-
tions correspondent des rêves spéciaux. Pour ne citer qu’un exemple, je
rappellerai les rêves des individus qui abusent des boissons alcooliques.
Ces individus voient dans leur sommeil des animaux immondes ramper sur
leur lit ; ils rêvent à leur profession, ou bien, en temps d’agitation politi-
que, ils croient y prendre une part active. Cette forme de rêve constitue
un véritable signe diagnostique de l’intoxication alcoolique. On pourrait peut-
être arriver à des conclusions analogues pour les autres intoxications.
12 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
PRÉSENTATION D'OPUSCULE, par M. BOCHEFONTAINE.
J'ai honneur d'offrir à la Société de biologie un exemplaire d’un petit
opuseule portant le titre : Étude expérimentale sur l’action microbicide
du sulfate de cuivre.
Je lirai seulement le dernier article (VIIT) de cette note qui est extraite
du Journal de pharmacie et de chimie, du mois de novembre 1883.
« Cette étude, si incomplète qu’elle soit, prouve cependant que :
» 4° Les spores des mucédinées peuvent se développer dans des solutions
de sulfate de cuivre à 1 pour 100;
» 2° Les vibrioniens de la putréfaction pullulent au milieu des solutions
cupriques à 1 pour 1000:
» 3° La proportion de sulfate de cuivre nécessaire pour arrêter le déve-
loppement des vibrioniens est au moins quatre fois plus forte que celle qui
tue les cobayes, et dix fois plus grande que celle qui peut amener la mort
du chien;
» 4° La bactériémie expérimentale se produit également chez les animaux
soumis ou non à l’action du sulfate de cuivre injecté sous la peau, à dose non
mortelle ;
» 9° Les bactéries se développent dans le sang des animaux qui succom-
bent aux effets du sulfate de cuivre, introduit seul sous la peau ou dans la
circulation sanguine.
» De pareils faits, transportés dans le champ de la pathologie humaine,
ne permettent-ils pas de conclure que, si le sulfate de cuivre possède une
action prophylactique de la fièvre typhoïde, du choléra, ou d’autres maladies,
on est à peu près certain que l'élément contagieux sur lequel il exerce son
pouvoir préventif n’est pas constitué par des germes microbiques.
» Si l’on arrivait à reconnaître que le choléra, ou d’autres maladies infec-
tieuses, sont produites par des vibrioniens, il faudrait done, pour s’en pré-
server ou s’en guérir, s'adresser à un médicament autre que le sulfate de
cuivre.
» Ces conclusions s’appliquent à fortiori aux spores de mucédinées, d’al-
gues, aux corpuscules microbiques qui résistent au sulfate de cuivre en
solution plus ou moins concentrée, et même, comme on le sait, à des désor-
ganisateurs puissants tels que les acides chlorhydrique, sulfurique, etc. De
sorte que, si l’on émettait l’idée que le germe du choléra réside dans des
spores de champignons, et que le cuivre préserve ou guérit du choléra en
détruisant des sporules de mucédinées, cette hypothèse, qui rappellerait celle
de Salisbury pour l’intoxication palustre, serait dès à présent très difficile à
soutenir.
» Les infusoires au contraire sont tués par des doses de sulfate de cuivre
que l’on peut injecter dans le sang des animaux sans compromettre leur
existence. Mais les infusoires ne paraissent pas pouvoir vivre dans le sang,
et, si l’on reportait aux germes de ces organismes l’opinion émise pour les
SÉANCE DU D JANVIER. 13
spores de champignons et les vibrioniens, on concevrait une théorie des plus
hypothétiques. »
Les conclusions qui viennent d’être lues ont été communiquées à l’Aca-
démie de médecine par M. Ball, dans la séance du 18 septembre 18883.
La mention de cette date, antérieure à la mort de l’un des membres do
ia Commission française envoyée en Égypte pour y étudier la pathogénie
du choléra, prouve que je n’ai pas pu vouloir profiter d’un si malheureux
événement. C’est là pourtant ce que M. Burq tend à insinuer dans le
deuxième paragraphe d’une communication qu'il a faite à la Société en
séance du 15 décembre 1883, page 699, lignes 6 à 16.
La même communication renferme encore une insinuation regrettable,
page 660, au sujet de ma communication du 18 septembre à l’Académie de
médeeine : « La Gazette des hôpitaux a fait connaître, dans son numéro du
27 septembre, la réponse qui fut faite par M. Miquel, dès la séance suivante,
par la bouche de M. le professeur Bouley. Je vous y renvoie. »
Je vous renvoie, non pas à la Gazette des hôpitaux, mais au Bulletin de
l’Académie de médecine, séance du 25 septembre 1882, où vous trouverez,
page 1113, la Note de M. Miquel sur l’Asepticité des sels de cuivre. Vous
verrez que dans cette note il n’est pas question des expériences dont j’a-
vais entretenu l’Académie dans la séance précédente. M. Miquel parle de
ceux qui jugent « de la bonté d’un antiseptique à l'égard des bactéries, par
son indifférence à s'opposer au développement d’un mycélium de moisis-
sure vulgaire... »
Or, comme vous venez de le voir, mes expériences, qui ont été faites en
partie au laboratoire de M. Vulpian, en partie au laboratoire de l’Hôtel-Dieu,
ont principalement et particulièrement pour objet l’action du cuivre sur les
bactériens.
D'ailleurs, afin de rendre impossible toute confusion sur ce point, j’at
adressé à M. le Président de l’Académie de médecine une lettre qui se
trouve au Bulletin de l’assemblée, séance du 2 octobre 1883. Il ne pourra
rester aucun doute dans l'esprit de ceux qui consulteront cette publication
ou bien encore la Semaine médicale, où se trouve insérée également la
lettre publiée par l’Académie de médecine.
MALADIES ÉPIDÉMIQUES DIVERSES CHEZ LES CUIVRIERS DE VILLEDIEU,
par M. BOCHEFONTAINE.
La note de M. Burq, contenue dans les Comptes rendus de la séance
du 15 décembre 1883, m'a engagé encore à communiquer à la Société un
certain nombre de documents dus à l'initiative de M. A. Ygouf, qui les a
recueillis pendant les vacances dernières à Villedieu même, où il possède
une partie de sa famille.
Pour éviter toute hypothèse sur « l’esprit qui a présidé à ces vecher-
14 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ches (1) », je me hâte de dire que M. Ygouf, auquel la métalloscopie est
absolument indifférente, a été guidé par la curiosité scientifique seulement.
Peu lui importait que le cuivre, plutôt qu’un autre agent, eût la vertu de
préserver du choléra. Il a donc cet avantage incontestable de n’être pas
naturellement porté à soutenir quand même une théorie personnelle.
Les documents relatifs aux maladies épidémiques observées à Villedieu
ont été en partie COMTAUNQUES à l’Académie des sciences et à l'Académie
de médecine, l’autre partie n’a pas été publiée.
Les rues et les ruisseaux de Villedieu exhalent une odeur de cuivre qui
par moments est assez intense pour incommoder les étrangers. Mais il n’est
pas permis d’invoquer comme cause de cette odeur des émanations prove-
nant d’égouts plus ou moins bien entretenus. Il n’y a pas un seul égout à
Villedieu : tous les ruisseaux sont à ciel ouvert. Dans un seul point de la
ville, le ruisseau d’un côté de la rue passe à travers une gargouille pour se
déverser dans le ruisseau de l’autre côté, sans qu’il y ait stagnation des
eaux dans la gargouille.
Un assez grand nombre d’habitants, même parmi les plus aisés, font
constamment usage d’ustensiles de ménage en cuivre fabriqués dans la
‘localité : cuillers, fourehettes, assiettes, buies, fontaines, poëles, casseroles,
chaudrons, robinets, tout est en cuivre.
_ Les hommes aux cheveux verts, ou dont la peau présente des taches
vertes, ne sont pas rares dans la ville.
Les ouvriers qui se livrent à la fonte du cuivre ont souvent des envies de
vomir, des coliques et même de la diarrhée. Les médecins considèrent ces
symptômes comme caractéristiques d’un empoisonnement pe le cuivre et
font prendre du lait aux malades.
On connaît des fabricants d’objets en cuivre qui, s’étant réservé le soin
de fondre le métal nécessaire à leur commerce, étaient pris de coliques de
cuivre à chaque fonte. [ls ont renoncé à faire eux-mêmes cette opération
et, depuis, ils n’ont plus ressenti de symptômes d'intoxication cuivrique.
Ce n’est pas seulement chez les fondeurs de cuivre que l’on observe les
accidents gastro-intestinaux qui précèdent; on retrouve encore ces troubles
caractéristiques chez les individus qui sont exposés aux poussières des
magasins de cuivre. Les négociants ne conservent guère les cuivres en
magasin : ils font un inventaire et se débarrassent des vieilles marchan-
dises. Or ils sont quelquefois forcés de renoncer à faire eux-mêmes leur
inventaire parce qu'ils sont malades exactement comme les fondeurs. Un
négociant en cuivre, dont je pourrais dire le nom, fut pris, il n’y a pas bien
longtemps, de coliques et de diarrhée dans les conditions que je viens
d'indiquer : dès l’apparition des accidents, il fut traité pour un empoisonne-
ment par les poussières de cuivre. Peu à peu l’affection se modifia et se
termina par une fièvre typhoïde.
(1) Loco citato, p. 660, lignes 27 et suivantes.
SÉANCE DU 9 JANVIER. 15
Parmi les particularités qui ont attiré notre attention, je signale celle-ci :
certains ouvriers ne peuvent pas travailler le cuivre rouge sans se trouver
incommodés, tandis que le cuivre jaune est sans action sur eux.
Les habitants de Villedieu, dont le nombre était de 3595 lors du dernier
recensement, et particulièrement les ouvriers en cuivre, sont donc saturés
de cuivre autant qu’il est possible de l’être dans les conditions normales de
la vie. Par conséquent, si ce métal confère une immunité contre la conta-
gion des maladies épidémiques, les cuivriers seront à l'abri de ces
affections.
Les faits recueillis par M. A. Ygouf, faits consignés par des personnes
des plus honorables, instruites, qui parlent de visu, ne sont pas conformes
à cette présomption.
En 1849, on a observé à Villedieu neuf cas de mort par le choléra ; une
partie comprend des ouvriérs en cuivre ou des membres de leurs familles.
Si la même épidémie avait exercé des ravages sur une population aussi
considérable que celle de Paris, elle aurait fait 5700 victimes.
La moyenne des décès par an à Villedieu est de 90.
En 1870, par suite de l'épidémie de variole, la mortalité a été de 110; en
1871, pour la même cause, elle a atteint le chiffre de 208.
En 1882, la fièvre typhoïde élève le nombre des morts à 118. On compte
une centaine de typhiques parmi lesquels 20 succombent.
Afin que la Société de biologie puisse avoir sous les yeux tous les docu-
ments plus ou moins en contradiction avec la théorie exposée devant elle,
je transcris ici la lettre du maire de Villedieu, M. J. Tétrel, qui est relative
au choléra, à la variole et à la fièvre typhoïde :
Villedieu, le 18 novembre 1883
Monsieur,
Il y a deux jours je répondais à votre honorable collègue, M. le docteur Burq,
sur la question que vous daignez également m'indiquer aujourd’hui. J’ignorais
l'article publié par le Journal des connaissances médicales, le 15 de ce mois, et
M. le docteur Burq n’ayant fait allusion qu’au choléra et à la fièvre typhoïde, j'ai
borné mes observations à ce qui faisait l’unique objet de sa lettre.
Une opinion généralement répandue dans notre ville est que le travail si nom-
breux du cuivre, s’opérant dans nos ateliers, rend les cas de choléra plus rares
que partout ailleurs. Depuis 1852, cette épidémie n’a pas été signalée parmi nous,
et lesobservations transmises par M. Ygouf ne se rapportent qu'à une époque an-
térieure. Il est incontestable que plusieurs ouvriers, « continuellement en contact
avec le cuivre, ont été en 1848-49 atteints par le choléra, mais on cite ces faits
comme des cas tout à fait exceptionnels ».
Quant à la variole, à la fièvre typhoïde, nul doute n’est possible. Cette année
encore une violente épidémie de fièvre typhoïde a régné à Villedieu. Ce sont les
quartiers occupés par les ateliers de fonderie, de chaudronnerie qui ont le plus
souffert. Variole et fièvre typhoïde atteignent les ouvriers de l’industrie locale
comme les autres habitants. Si les quartiers où s’exercent d’autres industries ont
16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
été relativement épargnés, il faut reconnaître que la population y est moins dense,
et que les habitations sont meilleures comme conditions hygiéniques.
En 1870, nous avons eu une épidémie de variole des plus violentes, et qui a oc-
casionné de nombreux décès. Elle a été produite et entretenue par les variolés,
insuffisamment guéris, qui se trouvaient forcés d’évacuer les hôpitaux de Cher-
bourg pour recevoir les blessés qui leur étaient envoyés. J'avais alors l’honneur
d’être à la tête de administration municipale de Villedieu, et je puis vous affirmer
que notre hospice communal a dû déclarer à l’administration militaire trois mille
huit cents journées de maladie de militaires de passage. Nous avions des salles
spéciales pour les variolés. « Près de la moitié de la population s’est trouvée
atteinte alors par l’épidémie, et les ouvriers cuivriers n’ont pas été plus indemnes
que les autres. »
Ces renseignements sont fort exacts. Les livres de l’état civil n’ayant jamais
indiqué la cause d’un décès, je me suis informé, avant de vous répondre, auprès
des membres du corps médical les plus anciens en exercice, qui ont confirmé ces
renseignements.
Daignez, etc. Signé : JULES TÉTREL.
Voici un fait intéressant au point de vue de l’action microbicide du
cuivre dans l’organisme humain.
Un négociant, fondeur en tuivre, en contact permanent avec le cuivre,
prend le charbon, en 1865, et meurt dans l’espace de quelques jours. Il
est incontestable que, dans ce cas, l’action du cuivre sur le développement
de la bactéridie charbonneuse a été absolument nulle. Ce résultat est
conforme aux résultats expérimentaux dont j’entretenais la Société il y a
un instant.
Chaque année, on constate un nombre assez considérable de cas de scar-
latine et de rougeole chez les enfants de Villedieu.
Enfin, tous les ans, la diphthérie fait dans cette ville une ou deux victimes.
Nota. — Voici d’autres indications concernant les ouvriers en cuivre de
Paris. Les apprentis ciseleurs en cuivre rouge ou jaune prennent des
crampes d'estomac et des coliques. Pour les préserver ou les guérir de ces
accidents on leur fait boire du lait.
Les ouvriers ciseleurs sont aussi de temps en temps affectés des mêmes
troubles digestifs. Ils sont exposés aux paralysies de l’avant-bras (peut-être
à des paralysies radiales?). Vers l’âge de cinquante-six ans, les ciseleurs sur
cuivre sont finis; ils sont pour la plupart atteints de paralysie générale.
Cette maladie attaque même les travailleurs qui n’ont pas atteint la qua-
rantaine. Dans un atelier de quatorze ciseleurs, il y a eu l’an dernier un
cas de fièvre typhoïde qui a été traité et guéri à l’hôpital Tenon.
Les facultés intellectuelles du malade qui a fourni ces renseignements,
et qui se trouve à l’Hôtel-Dieu, ne paraissent pas altérées.
BOURLOTON.— Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
SÉANCE DU 12 JANVIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
MM. Pasteur et Wurrz remercient la Société de biologie de les avoir élus
membres honoraires.
MM. CHauver, Jules GuéRiN, Le Roy ne MÉRricourT, LORTET et OLLIER,
récemment élus membres associés, accusent réception des diplômes qui
leur ont été envoyés et remercient la Société.
MM. Beaunis et Morez, élus membres correspondants, remercient la
Société.
ÉLECTION D'UN MEMBRE TITULAIRE
Nombre des votants, 99.
M. le docteur Gellé obtient. : à: .':. : : 94 voix.
MNetdpcteue Minas Dee cdot
MAeNdoc eur Dé Iérure EAP ARENENSENE
MAle docteureBlanchar (ie eme es Eee
M. GELLÉ, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, est élu membre
titulaire de la Société de biologie.
ÊPIDÉMIE DE TRICHINOSE EN ALLEMAGNE, par M. GRANCHER.
Messieurs, sur la bienveillante invitation de M. le président, je vais vous
entretenir le plus brièvement possible de l'épidémie de trichinose que j'ai
récemment observée avec M. Brouardel en Allemagne.
Je manquerais à un devoir de courtoisie, si je ne remerciais publique-
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T, [°", N° 2. 2
18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ment nos confrères d'Allemagne, qui nous ont facilité la tâche confiée à
M. Brouardel par M. le ministre du commerce.
M. le professeur Virchow s’est montré particulièrement bienveillant en
mettant à notre service son expérience du sujet et sa haute influence scien-
tifique.
Quand nous arrivames au cours de la septième semaine de l'épidémie à
Emersleben, nous trouvàmes un grand nombre de malades encore très gra-
vement atteints.
Ceux qui ne pouvaient quitter le lit avaient tous la même physionomie
morbide, et cette uniformité des symptômes nous parut tout à fait expres-
sive. Immobilisés dans le décubitus dorsal par un œdème colossal des
membres inférieurs, de l'abdomen et quelquefois des membres supérieurs,
le visage maigre, l’œil terne et la voix brisée, quelques-uns étaient mou-
rants et deux succombaient en effet, pendant notre séjour à Emersleben,
selon le modeordinaire à cette période, c’est-à-dire à une asphyxie rapide par
congestion pulmonaire ou pneumonie ultime. D’autres moins gravement
touchés pouvaient faire quelques mouvements et sentaient l'appétit renaître ;
on espérait les sauver.
L’œdème des membres et du tronc est päle, mou, gardant fortement
l'empreinte du doigt, mais si considérable que, par placès, la peau rougit et
se fendille, laissant échapper une sérosité limpide; enfin des eschares se
forment aux points déclives et comprimés. La fièvre est nulle, la langue
nette et propre et les malades ne se plaignent que de faiblesse et d’essouf-
flement. L’auscultation des poumons laisse entendre des ràles muqueux
dispersés aux deux bases, le cœur est sain, le pouls normal.
Nous avons examiné le sang de deux malades et constaté une augmenta-
tion notable des globules blancs qu’on peut estimer, à défaut d'hématimètre,
au double ou triple du chiffre physiologique. Les globules rouges paraissent
sains.
Messieurs, les malades que nous avons vus à Emersleben étaient bien et
dûment atteints de trichinose, et la question de diagnostic ne se posait pas
pour nous; mais, à supposer que nous eussions ignoré et la nature du mal
et les antécédents des malades, nous n’eussions pu songer qu'à une cachexie
cardiaque ou albuminurique.
La prédominance accentuée de l’œdème aux membres inférieurs plaidait
en faveur d’une affection cardiaque, mais l’auscultation du cœur et des vais-
seaux ne révélait aucun bruit pathologique, aucune lésion ; le pouls était
normal.
La diffusion de l’ædème aux membres et au tronc pouvait faire penser à
une néphrite, mais l'examen des urines, au dire de nos confrères, ne déce-
lait aucune trace d’albumine.
Orle médecin ne se trouve jamais dans'des conditions aussi défectueuses
que celles que nous supposons; les commémoratifs d’une part et la con-
SÉANCE DU 12 JANVIER. 19
fluence des malades dans un même village d'autre part, suffiraient pour
rendre l’erreur impossible.
Nous croyons done pouvoir conclure que, si le diagnostic d’un cas isolé
de trichinose est quelquefois difficile, celui d’une épidémie ne saurait être
longtemps incertain.
Pronostic. — Le pronostic de la trichinose nous a paru dépendre, toutes
choses égales d’ailleurs, de la quantité de viande consommée, de son degré
de pureté et de fraicheur.
La servante de M. Heine, qui n’a fait que goûter à la saucisse crue, n'a pas
été gravement malade. Tous les auteurs, du reste, sont d'accord sur ce point
que le danger croît avec le nombre de trichines ingérées. M. Brouardel a
mis en relief tout ce qui concerne l'influence du mélange et de la conserva-
tion prolongée de la viande trichineuse, et M. Colin a dit quelle part impor-
tante la salaison du hachis avait à ses yeux, sur son innocuité.
Les deux autopsies que nous avons faites pendant notre séjour à Emers-
leben nous ont permis de constater la présence de la trichine dans presque
tous les muscles de l’économie. Cependant le diaphragme et les intercostaux
en contenaient plus que les muscles des bras et de la jambe, autant du
moins qu'on peut en juger très approximativement sur une série de prépa-
rations.
Les trichines n’ont laissé dans l’intestin et ses parois, non plus que dans
le péritoine, aucune trace de leur passage, et l'examen microscopique n’a
révélé aucune altération des membranes de l'intestin. Les muscles sont
rouges et fermes, et l’on sait qu'avant leur enkystement et surtout avant
l’imprégnation calcaire des parois du kyste, celui-ci reste invisible; plus
tard au contraire, et surtout au voisinage des tendons, comme l’a si bien in-
diqué M. Virchow, on voit la surface du muscle semée d’une foule de
points blanes un peu ovoïdes qui ne sont autres que des kystes calcifiés.
Sur des préparations faites avec des muscles frais dont on dissocie les
faisceaux à l'aiguille et qu’on colore au picro-carmin, on peut suivre la
marche de la trichine depuis son arrivée dans le muscle jusqu’à son enkys-
tement. L'action de l'acide picrique et les préparations après durcissement
dans l’alcool fournissent les renseignements complémentaires.
En nous aidant de ces divers moyens, nous avons constaté des altérations
du périmysium, du myolemme et des faisceaux primitifs avant et après l’appa-
riüon de la trichine en un point.
Le périmysium subit une irritation diffuse, qui se traduit par une abon-
dante multiplication de ses noyaux, prédominante autour des vaisseaux
sanguins.
Le myolemme de la plupart des faisceaux primitifs reste tout à fait sain,
ainsi que la substance musculaire qu’il contient ; celui de beaucoup d’autres
faisceaux subit la néoformation nucléaire sans modification sensible de la
striation et des qualités physiques du muscle; ailleurs, le myolemme et sa
20 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
fibre primitive présentent des altérations profondes qui préparent le nid
où la trichine va se fixer, grandir et s’enkyster.
Ainsi la trichine ne s’arrête pas dans le tissu conjonctifinter-musculaire ;
elle pénètre à travers le myolemme ramolli et transformé en une gaine cel-
lulaire, jusqu’à la fibre primitive dont elle fait son aliment.
Virchow et surtout Gerlach avaient déjà vu et décrit cette pérégrination
du nématode ; notre observation vient confirmer la leur, et contredire celle
des auteurs qui placent le kyste dans le périmysium et décrivent les dégé-
nérescences musculaires comme une altération de voisinage.
Les altérations biologiques de la fibre emprisonnée se révèlent par les
réactifs colorants. Tandis que les fibres restées saines ont gardé leur affi-
nité pour le carmin, les faisceaux malades absorbent de préférence l'acide
picrique, qui colore également le protoplasma des cellules. Le tout appa-
raît dans la préparation comme un petit bloc ovoide jaunâtre sur le fond
rose des fibres intactes.
L’acide osmique colore en brun foncé et le nid de cellules, et la fibre al-
térée, tandis que les parties saines du muscle prennent une teinte sépia
claire.
Cette double réaction micro-chimique indique l’altération profonde de la
fibre musculaire, qui tend à descendre au rang des substances ternaires.
La trichine apparait alors dans ce milieu préparé pour la recevoir ; d'a-
bord mince et allongée, elle grossit et se replie légèrement sur elle-même
à l’une de ses extrémités, puis, continuant de grandir, elle s’enroule finale-
ment et désormais reste immobile.
Parallèlement, la membrane extérieure du kyste se forme aux dépens de
la couche la plus externe des cellules qui infiltrent le myolemme. D’abord
très mince et fasciculée, elle s’épaissit et devient homogène et transparente.
Ses lames profondes se rejoignent peu à peu aux deux pôles du nid de la
trichine, s'unissent et ferment le kyste en ce point, achevant ainsi sa sépara-
tion d'avec les deux extrémités supérieure et inférieure de la fibre muscu-.
laire.
Celle-ci tantôt reste altérée dans une grande longueur, emprisonnée dans
une gaine de cellules et s’atrophie. Tantôt elle reprend, à quelques milli-
mètres au-dessus et au-dessous du kyste, sa striation et ses qualités phy-
siologiques. Le myolemme qui l’enfoure se continue directement avec la
couche la plus profonde de la membrane kystique.
Il est intéressant de constater que dans Le voisinage immédiat d’un kyste,
les faisceaux musculaires dont la trichine n’a pas besoin restent intacts ; ils
subissent un refoulement mécanique et se déforment par compression, mais
ils gardent leurs stries, sans, traces de dégénérescence cireuse ou granu-
leuse. | |
Il reste à expliquer, Messieurs, comment ces lésions cadrent avec les
symptômes de la trichinose. La première période diarrhéique ou cholé-
riforme s'explique aisément par le séjour des trichines dans l'intestin, leur
SÉANCE DE 412 JANVIER, 21
fécondation et leur ponte; mais après sept ou huit jours les trichines mères
sont éliminées avec les excréments, pendant que les jeunes commencent à
cheminer à travers les tissus.
La phase dite musculaire qui commence à ce moment s'explique tout aussi
bien, car les crampes, les fourmillements, les raideurs tétaniques, etc.,
sont des symptômes directs de l’irritation musculaire.
L'état typhique dans lequel les malades tombent assez promptement au
cours du septième septénaire et dans lequel ils succombent quelquefois,
est moins facile à comprendre. Il en est de même de l’état cachectique
qui le suit.
Si les reins et le foie du premier cadavre étaient gras et scléreux, ainsi
que l’examen histologique est venu le confirmer, ceux du second étaient
sains. D'autre part, l’état du cœur et des vaisseaux ne saurait expliquer
l’ædème colossal des membres inférieurs. Nous en sommes réduits à invo-
quer, sans pouvoir dire en quoi elle consiste, une cachexie humorale qui
révélerait directement des désordres que provoquent les trichines dans le
tissu musculaire.
NOTE SUR UN APPAREIL MÉDICAL POUR L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES D'AIR
ET DE CHLOROFORME, par le docteur R. DuBors.
Ayant été chargé par M. Le professeur Paul Bert des premiers essais sur
l’homme de la méthode anesthésique par les mélanges titrés d'air et de
chloroforme, j'ai pu constater, le premier, les inconvénients que présente
dans la pratique l'emploi des gazomètres télescopiques disposés d’après les
indications de M. le docteur de Saint-Martin. Les modifications importantes
apportées par M. le docteur de Saint-Martin à l’appareil primitif de Dulong
constituent, ainsi que nous l’avons indiqué à diverses reprises, un progrès
très réel, incontestable, mais à notre sens encore fort insuffisant.
Les reproches que nous lui adressons sont les suivants :
1° Il ne faut pas moins de deux personnes très attentives et déjà habi-
tuées à cet appareil pour en assurer le bon fonctionnement.
2° Son grand développement et la forme cylindrique des gazomètres
nécessite un espace trop considérable par rapport à l'étendue ordinaire des
salles d'opération.
3° IT est impossible de lui faire subir le moindre déplacement sans être
forcé de le démonter en partie.
4 Les organes en saillie, tubes, robinets, contrepoids, récipients à
chloroforme, peuvent être brisés ou déplacés par les assistants ou les aides
et constituent un danger permanent.
#0) SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
9° La circulation de l'air est assurée par le jeu de cinq robinets éloignés
les uns des autres, ce qui nécessite une surveillance de tous les instants.
6° Le récipient à chloroforme construit en verre mince, à ouverture trop
faible, est d’une fragilité très grande et susceptible de se coucher facilement ;
sa construction est coûteuse et son nettoyage difficile.
1° La présence de quatre contrepoids à pièces multiples, d'autant de
poulies et de montants, nécessite la‘ présence d’une personne qui se déplace
à chaque instant et constitue un exercice véritablement pénible au bout d’un
certain temps.
8° La masse d’eau employée (18 à 29 litres par cylindre) pour faire plon-
ger les gazomètres, bien que très réduite, est encore trop considérable ; en
outre, ces gazomètres sont flottants et l’adhérence des parois des cylindres
rend souvent leur ascension ou leur descente difficile.
9% L'appareil n'étant protégé par aucune enveloppe résistante, le transport
en est difficile, dangereux et coûteux.
Le gazomètre médical dont nous présentons le plan, offre l'avantage de
faire disparaître à peu près complètement tous les inconvénients contre
lesquels nous avons eu à lutter jusqu’à présent.
Il se compose de deux gazomètres télescopiques de forme parallépipé-
dique d’une capacité de 100 litres chacun, contenus dans une caisse de
bois susceptible de fermer au moyen d’un couvercle. La hauteur de l’appa-
reil fermé ne dépasse pas 60 centimètres, il a la même étendue en profon-
deur : sa longueur est d'environ À mètre.
L'appareil développé mesure environ 1", 20 à 1",30 de hauteur.
Il n'existe aucun organe en saillie sur les côtés de la caisse.
Une seule personne suffit pour le faire fonctionner.
Le nombre des robinets est réduit à deux, et de plus, ils sont mis simul-
tanément en mouvement par une seule poignée placée au milieu de Pappa-
reil.
Le récipient à chloroforme est situé au sommet des gazomètres, et réduit
à une simple éprouvette graduée, recouverte d’une petite cloche mobile
munie d’un tube plongeur.
Un seul contrepoids qu’il suffit de placer alternativement sur un cylindre
et sur l’autre, deux poulies, un seul montant mobile portant une règle gra-
duée, constituent autant de simplifications très importantes.
La quantité d’eau peut être très réduite ainsi que le frottement grâce à
la forme parallépipédique des gazomètres, dont deux arêtes seulement
sont guidées par deux glissières placées aux extrémités de la diagonale du
plan de section horizontale.
Les gazomètres construits en tôle plombée sont moins coûteux et plus so-
lides que ceux de zinc.
La grande simplicité des organes, le peu de volume et la mobilité de ce
nouvel appareil, en font un instrument suffisant pour la pratique médicale
SÉANCE DU 12 JANVIER. 93
et bien supérieur sous ce rapport à tous ceux qui ont été jusqu'à présent
employés.
M. l'ingénieur Tatin, qui poursuit en ce moment la recherche d’un appa-
reil à titrage sans gazomètre, d’après nos indications, a bien voulu nous
aider de ses conseils et de ses connaissances spéciales pour la construction
de cet appareil médical; c’est lui qui nous a communiqué le plan-eroquis
que nous joignons à cette Note sommaire.
SUR LA CONTRACTURE DANS LA CATALEPSIE HYPNOTIQUE.
Note de M. BRÉMAGD.
Le docteur Brémaud, en étudiant les différents états hypnotiques provo-
qués chez des sujets sains, à signalé précédemment la concordance et la
similitude de certains de ces états avec les états analogues développés chez
les hystéro-épileptiques. Il semble cependant que cette similitude cesse
dans l’état cataleptique. Ainsi MM. Charcot et Richer disent formellement
que la contracture ne se manifeste point chez leurs malades placées dans
l’état de catalepsie. Sur les nombreux sujets, chez lesquels j'ai pu étudier
ces phénomènes hypnotiques, la catalepsie ne m’a point semblé un obstacle
à la production des contractures. Ainsi sur un sujet mis en catalepsie par
la fixation prolongée d’un point brillant et sur lequel on constate une dila-
tation exagérée des pupilles, le ralentissement de la respiration, la légèreté
particulière des membres et leur tendance à garder indéfiniment la situation
dans laquelle on les place, il suffit d’un choc léger pour contracturer
immédiatement les masses musculaires ainsi frappées, le reste du corps
conservant sa souplesse et la propriété de garder la position où on le met.
Dans les mêmes conditions de catalepsie, un choc brusque, agissant à la
partie supérieure de la colonne vertébrale et ébranlant tout le corps, déter-
mine une contracture générale rendant le corps rigide et susceptible d’être
déplacé en masse et tout d’une pièce.
Enfin un courant d’air dirigé sur telle partie du corps détermine une
contraction locale, un courant d’air dirigé sur la nuque détermine une con-
tracture générale.
M. P. Berr. {Cet état de contracture cataleptique s’obtient-il instan-
tanément et peut-on la produire en agissant à grande distance du sujet en
expérience ?
M. Brémaun. Les sujets entrainés par de nombreuses expériences
peuvent acquérir une impressionnabilité telle, que le choc de l'air déplacé
9% SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par un éventail agité derrière eux, à quelques mètres de distance, peut
suffire pour déterminer une contracture générale. Des magnétiseurs,
connaissant cette particularité, s’en sont souvent servis dans des spectacles
publics, où des phénomènes d’une réalité incontestable peuvent se trouver
entourés de fraudes formant un mélange difficile à analyser.
BOURLOTON.— Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
SÉANCE DU 19 JANVIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
M. Sécuin (de New-York) est élu membre correspondant de la Société
de biologie.
M. le docteur G. BURDET fait hommage à la Société de son Traité élémen-
taire et pratique d'électricité médicale.
A MONSIEUR LE SECRÉTAIRE ET A MESSIEURS LES MEMBRES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Monsieur le Secrétaire,
J'ai pris connaissance, dans le Progrès médical, de la Note lue à la
Société de biologie par M. le docteur Dubois, dans la séance du samedi
29 décembre dernier. |
Involontairement, mon excellent confrère commet une erreur manifeste
en attribuant à M. Bert le procédé d’anesthésie employé avec succès dans
le service de M. Péan.
En effet, c’est avec l'appareil même que j'ai imaginé, c’est en suivant à
la lettre, sans y rien changer, les indications que j'ai données dans le
Bulletin de thérapeutique du 30 octobre 1882, pour la préparation de l’air
rigoureusement titré en chloroforme, qu'ont été observés les résultats
remarquables dont on a entretenu la Société de biologie, et jusqu’à présent
M. Paul Bert n’a pas encore trouvé, que je sache, un procédé de préparation
pouvant remplacer le mien.
Si l’idée de la méthode, je me hàte de Le proclamer, revient au Président
perpétuel de l1 Société, la solulion pratique me revient, et j'ai le droit de
le dire, sans mes recherches ce qu’on appelle la méthode de M. Paul Bert
en serait encore à l’état de conception théorique.
Je regrette d’être obligé de faire cette rectification , mais la part légitime
qui me revient dans cette application nouvelle me parait trop diminuée
par mon éminent collaborateur.
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 3. b
26 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
Je vous prie de donner lecture de cette lettre à la Société et de vouloir
bien la faire insérer au procès-verbal.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l’assurance de ma respectueuse
considération.
D' DE SAINT-MARTIN.
Ris-Orangis, 17 janvier 188%.
RÉPONSE DE M. PAUL BERT A LA LETTRE PRÉCÉDENTE.
Je prie la Société, de vouloir bien autoriser l’insertion de la lettre dont
elle vient d'entendre la lecture. La réponse, elle le sait bien, ne m'embar-
rassera pas, et il serait presque inutile d’en faire une devant elle.
La Société sait, en effet, que je m'occupe depuis bien longtemps des ques:
tions d’anesthésie, et comment j'ai été amené à démontrer que l’action des
anesthésiques dépend non de la quantité qu'on en emploie, mais de la
tension de leurs vapeurs dans l'air inspiré.
Or mes expériences, entreprises avec les appareils grossiers qu'on a
d'ordinaire pour les recherches de laboratoire, étaient déjà fort avancées
et avaient fait l’objet de ma Note du 14 novembre 1881 à l’Académie des
sciences, lorsque j'ai appris par M. le docteur Paul Regnard que M. le
docteur de Saint-Martin avait construit un appareil fort commode et plus
présentable que ceux dont nous nous servions. Notre confrère le mettant à
ma disposition, je le fis acheter pour le laboratoire, où il a servi non seule-
ment à mes expériences, mais à celles d’autres personnes.
La description qu’en avait déjà donnée M. de Saint-Martin dans le Bul:
letin de thérapeutique commence par ces mots caractéristiques : € J'ai fait
» récemment construire quelques gazomètres propres à obtenir l’anesthésie
» chirurgicale, au moyen d'un air rigoureusement titré en chloroforme selon
» les indications données par M. P. Bert le 14 novembre 1881. »
L'appareil consiste tout simplement en deux gazomètres, dont l’un se rem-
plit pendant que l’animal ou l’homme en expérience épuise l’autre. Ce
n’est pas, comme on le voit, un dispositif bien difficile à inventer ! II est
vrai que ces gazomètres sont d’une forme spéciale et que notre confrère
croit, à grand tort me dit-on, nouvelle et imaginée par lui. Mais cette com-
plication elle-même est inutile, et de simples gazomètres ordinaires à cuve
avec flotteurs sont suffisants.
Quoi qu'il en soit, trouvant cet appareil tout construit, je fus très heureux
de m'en servir, au lieu de perdre mon temps avec les fabricants. Aussi
W’ai-je pas manqué une occasion, ici et ailleurs, de dire que je l’utilisais et
de rendre justice à son inventeur.
Le 25 juin 1883, en présentant une nouvelle Note à l’Institut, je disais :
« Mes expériences ont été faites à l’aide de l'appareil, décrit par M. le docteur
» de Saint-Martin dans la séance du 18 décembre 1882. Cet appareil composé
» de deux gazomètres qui agissent alternativement, est des plus commodes à
SÉANCE DU 19 JANVIER. 97
» employer, et il est appelé à rendre les plus grands services dans toutes les
» questions relatives à la respiration. »
Le 14 janvier dernier, j’ai reproduit à peu près les mêmes paroles :
« L'appareil imaginé et construit par M. le docteur de Saint-Martin, que
» j'ai mis en usage dans ces essais comme dans mes dernières expériences
» sur les animaux, est simple, peu encombrant, assez commode à manier et
» d’un prix modéré. Il consiste en deux gazomètres cylindriques à réservoir
» annulaire de 150 litres chacun, dont, par le jeu de contre poids, l’un se
» remplit pendant que le malade épuise l’autre. L’air, en entrant dans le
» gazomètre, traverse un petit flacon contenant la dose voulue de chloroforme
» et la réduit en vapeurs. »
J'ai done fait tout ce qui m'était commandé par la justice et la délicatesse
en donnant à M. de Saint-Martin la part de mérite qui lui revient, celle d’un
constructeur ingénieux, dont l’instrument m’a rendu de réels services. J’ai
même été au delà, en m’abstenant d'apporter à cet appareil les modifica-
tions, les améliorations dont l’usage nous avait montré l'utilité, en refusant
même d'essayer des appareils basés sur des principes tout différents, que
m'avaient proposés d’habiles constructeurs. Je trouvais juste que le nom de
M. de Saint-Martin füt associé dans la mesure indiquée plus haut, aux pre
miers succès de la méthode. La Société comprendra que je me sens aujour-
d’hui absolument dégagé, et je lui présenterai avant peu des appareils bien
autrement originaux, et en même temps moins volumineux et plus faciles à
manier.
Elle jugera maintenant si M. Dubois a, comme le déclare M. de Saint-
Martin, « commis une erreur manifeste en attribuant à M. Bert le procédé
» d’anesthésie employé avec succès dans leservice de M. Péan ».
Et quant à prétendre, toujours avec M. de Saint-Martin, que « sans ses
» recherches, ce qu’on appelle la méthode de M. P. Bert en serait encore à
» l’état de conception théorique», c’est vraiment un comble. Autant dire que
Je n'aurais pas été capable de faire venir le ferblantier du laboratoire et de
lui commander des gazomètres, ou que les amis qui m’entourent et qui
m'aident n'auraient pas eu la charité de me donner cet ingénieux conseil.
ACTION PARALYSANTE DE L'ATROPINE SUR LA FONCTION MODÉRATRICE DU CŒUR.
APPLICATION A L'ÉTUDE DU POULS LENT PERMANENT, par M. FRANÇoIs-
FRANCK.
L'influence bien connue de l’atropine sur la fonction modératrice que les
preumogastriques exercent sur le cœur a été attribuée à la perte d'activité
des appareils ganglionnaires modérateurs intra-cardiaques : on a pensé que
si le bout périphérique du pneumogastrique cessait de produire l'arrêt du
cœur sous l'influence d’une atropinisation suffisante, c’est que les organes
terminaux du nerf avaient été atteints par le poison paralysant et cessaient
28 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
dès lors de réagir par une incitation modératrice, bien que la conductibilité
du nerf demeurât intacte. De la même façon a été interprétée l’expérience
de Stannius, la ligature du sinus veineux qui cesse de produire l’arrêt car-
diaque, si le cœur a été soumis à l’action de l’atropine.
Cependant cette théorie nerveuse, bien que généralement acceptée, n'a
pas paru satisfaisante à quelques physiologistes : récemment, par exemple,
M. Gaskell, au cours de son travail sur l’innervation du cœur de la tortue
(Journal of Physiol., Cambridge, 1883, p. 114), invoquait un tout autre
mécanisme pour expliquer les effets indiqués plus haut : c’est à une exagé-
ration de l’activité rythmique du muscle cardiaque sous l'influence de
l’atropine que serait due la résistance apportée par le cœur aux influences
qui tendent à en suspendre le fonctionnement rythmique (excitation du
pneumogastrique, ligature de Stannius).
Que l’on admette l’action ganglionnaire ou musculaire de l’atropine, les
résultats de expérience suivante restent inexplicables :
Alors que les fortes excitations induites du bout périphérique du pneumo-
gastrique sont devenues absolument inefficaces sur un chien atropinisé, les
excitations mécaniques, produites à la face interne du cœur, avec un valvu-
jotome, continuent à déterminer, si elles sont assez intenses, des temps
d'arrêt, tout aussi prompts à se produire et tout aussi durables qu'avant
l’atropinisation.
S'il s'agissait, comme on le pense, d’une paralysie des appareils ganglion-
naires modérateurs intra-cardiaques ou d’une suractivité fonctionnelle du
muscle compensant les influences fmodératrices, pas plus dans un cas que
dans l’autre, la conservation des effets inhibitoires des excitations trauma-
tiques intra-cardiaques ne devrait être observée.
Il faut donc admettre que le poison cardiaque agit autrement qu’on ne
le croit pour produire ses effets paralysants sur la fonction modératrice.
Dans notre expérience le cœur se comporte exactement comme si les
pneumogastriques avaient été coupés ; il réagit aux irritations intérieures de
la même façon : cette remarque conduit à supposer que l’atropine, respec-
tant les appareils ganglionnaires intra-cardiaques, supprime seulement
la relation fonctionnelle entre les nerfs extrinsèques modérateurs et ces
organes terminaux ; elle agit à la façon d’une double section des pneumo-
gastriques ; elle opère la section physiologique de ces nerfs et son influence
pourrait être comparée à celle du curare sur les nerfs moteurs ordi-
naires. ie
D'autant mieux que, comme on le sait, le curare, à dose suffisante, pro-
duit sur la fonction modératrice des nerfs vagues les mêmes effets sus-
pensifs que l’atropine à petites doses : cette dernière substance agirait donc
comme un curare des nerfs cardiaques modérateurs.
S'il en est ainsi, et que les organes ganglionnaires modérateurs soient
respectés par le poison qui supprime seulement l’activité des nerfs afférents,
il est possible d'utiliser à quelques points de vue pratiques l’action particu-
SÉANCE DU 19 JANVIER. 29
lière de l’atropine : par exemple, quand, dans un cas de pouls lent perma-
nent, il s’agit de déterminer la provenance cardiaque ou centrale (bulbaire
directe ou réflexe) du ralentissement anormal du cœur. La théorie indique
que, si les appareils nerveux bulbaires sont le point de départ du ralentis-
sement, une atropinisation suffisante, séparant fonctionnellement le cœur des
centres nerveux modérateurs, permettra au rythme cardiaque de reprendre
sa fréquence ou tout au moins de manifester une tendance à l'accélération.
Comme, en pratique, on ne saurait sans danger pousser l’atropinisation à
un degré suffisant pour produire la paralysie absolue des terminaisons
du pneumogastriqne, c’est évidemment l’atténuation seule du ralentissement
et non la restitution complète du rythme normal que l’on devra rechercher.
Dans les tentatives déjà faites sur l’homme avec les préparations bellado-
nées, on s’est seulement préoccupé de provoquer l'accélération du cœur,
sans chercher à tirer parti, au point de vue de la provenance du ralentisse-
ment, des particularités que je viens de signaler. Il me paraît logique
d'attendre de l'emploi raisonné de l’atropine quelques éclaircissements à
cet égard, et j’aieu moi-même l’occasion d'utiliser récemment ces notions
dans un cas de vrai pouls lent permanent (1) : la provenance centrale de
cette modification du rythme a pu ainsi être admise, sans que le résultat
négatif de l’atropinisation puisse du reste fixer sur la nature réflexe ou
directe du ralentissement anormal du cœur.
À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. FRANGOIS-FRANCK SUR LE MÉCANISME
PHYSIOLOGIQUE DE L'ACTION DE L'ATROPINE. Note de M. LABORDE.
Je suis d'autant plus porté à appuyer la conclusion de M. Franck relati-
vement au mode d’action de l’atropine sur le fonctionnement du cœur par
l'intermédiaire du vago-sympathique, et particulièrement du système mo-
dérateur, que j'ai moi-même implicitement admis et démontré depuis
longtemps l’action de l’atropine sur la conductibilité motrice des vagues,
assimilable à l’action du curare, dans les conditions expérimentales sui-
vantes :
4 Étant donnée une substance, l’aconitine, dont l’influence sur le
fonctionnement cardiaque se traduit par des modifications constantes et
toujours identiques, fixées neltement par les tracés cardiographiques, et qui
sont de leur nature de celles qui appartiennent à l’action centrifuge des
vagues, si l’on administre préalablement le curare, les effets pour ainsi dire
spécifiques de l’aconitine sur le cœur ne se produisent plus.
Il en est exactement de même lorsque, au lieu de curare, on administre
(1) J'appelle vrai pouls lent permanent celui qui résulte de la succession
ralentie des systoles ventriculaires et non de la production d’une systole
avortée sur deux, comme cela paraît être le cas dans les faits actuellement
publiés par M. Tripier dans la Revue de médecine.
30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
préalablement de l’atropine. Dans l’un comme dans l’autre cas, la fonction
des vagues a été complètement annihilée et de la même façon, de telle sorte
que l'intermédiaire entre l’influence centrale bulbaire et le cœur se trouvant
ainsi éliminée, les modifications produites sur le centre fonctionnel par le
toxique (ici l’aconitine) ne peuvent plus se faire sentir, n’ayant plus d’émis-
saire, sur le fonctionnement cardiaque.
L'identité du résultat implique évidemment, en ce cas, l’identité du
mode d'action.
J'ajoute — ce qui n’est pas indifférent à la démonstration — que les tracés
cardiographiques du curare et de l’atropine offrent, chez la grenouille, un
type qui les rapproche singulièrement.
2° Une autre preuve, également expérimentale, de l’action prédominante
de l’atropine sur la motricité des vagues, à la façon du curare, pendant que
l’appareil nerveux intra-cardiaque conserve, relativement au moins, ses
propriétés et son Jeu fonctionnel, est la suivante :
Un animal, même mammifère, un chien ayant reçu une dose massive
d’atropine, jusqu’à 6, 8, et même 10 centigrammes (doses parfaitement
tolérées surtout quand la morphine, également à dose élevée, est simulta-
nément administrée), et les vagues étant alors dans un état d’inexcitabilité
absolue, notamment dans leurs bouts périphériques (après section àla région
cervicale), le cœur continue à fonctionner avec un rythme parfait, étranger
et comme indifférent à toute excitation soit centrale, soit périphérique.
Or il est difficile d’imaginer la possibilité et la réalité d’un fonctionne-
ment aussi normal, aussi peu troublé, sans la conservation à peu près inté-
grale des propriétés fonctionnelles du système nerveux intra cardiaque,
lequel jouit, d’ailleurs, d'autant mieux de sa fonction autonome et ryth-
mique, qu'il est affranchi de toute influence extrinsèque par le fait de
Pinexcitabilité complète des intermédiaires ou vago-sympathiques. Il est, en
conséquence, bien difficile d’admettre en pareil cas, en la justifiant, l'opinion
des auteurs qui veulent que l’action de l’atropine s’exerce sur les ganglions
intra-cardiaques, lesquels auraient perdu leur réceptivité à l'influence
modératrice ou accélératrice des vago-sympathiques.
Une autre preuve, du reste, que ces appareils ganglionnaires, pas plus
que la contractilité de la fibre musculaire cardiaque n’ont été sensiblement
touchés par latropine physiologiquement absorbée et véhiculisée par le
sang en circulation, c’est que, si l’on applique directement la substance
sur l’organe, de façon à l’en imprégner peu à peu, on ne tarde pas à pro-
duire son arrêt, après une série de modifications fonctionnelles, qui témoi-
gnent d’une action directe de la substance chimique sur ses éléments orga-
niques.
On est donc forcément amené à la conclusion que les nouvelles données
de M. Franck viennent corroborer encore, à savoir qu’une des modalités
de l’action physiologique de l’atropine s'exprime par les modifications et la
SÉANCE DU 19 JANVIER. 31
perte de l’excitabilité motrice des vagues, et que sous ce rapport, tout au
moins, l’action de l’atropine est assimilable à celle du curare.
J'essayerai de montrer prochainement que ce mode d'action fournit une
explication très satisfaisante de ce qui a été récemment observé, notamment
par MM. Dastre et Morat, et par M. Paul Bert, relativement à la résistance
à l’action toxique du chloroforme, lorsqu'on a préalablement administré
soit l’atropine seule, soit simultanément la morphine et l’atropine.
EXPÉRIENCES SUR LES SENSATIONS DE CONTRACTION MUSCULAIRE
par M. A. M. BLocx.
Les expériences que je vais avoir l’honneur de soumettre à la Société de
biologie, sont relatives aux sensations de contractions musculaires.
La dénomination de sens musculaire, généralement employée pour dési-
gner ces phénomènes sensoriels, me semble défectueuse. En effet, non seule-
ment il n'existe pas d'appareil spécial justifiant l’expression de sens, mais
encore nous sommes très peu avertis, par nos sensations, des muscles que
nous faisons agir. Si je fléchis les doigts, par exemple, les sensations que
j'éprouve sont localisées à la paume de la main et non à l’avant-bras. Nous
ignorons si les muscles viennent en aide à ceux que nous voulons contracter
pour assurer un mouvement et, par exemple, lorsque nous étendons la jambe
sur la cuisse, nous ne nous rendons pas compte de la contraction auxiliaire
des gastro-cnémiens.
Voici des graphiques représentant quelques exemples de ces contractions
musculaires synergiques. On y voit un retard du début de l’auxiliaire sur le
début de la contraction principale : soit, dans l'exemple choisi, un retard
des jumeaux sur le triceps crural. Je me propose de revenir sur ces phéno-
mènes, dans une communication ultérieure.
Je divise mon travail en deux parties : la première, comprenant la re-
cherche des mouvements musculaires, dans les mouvements actifs; la
seconde, établie sur l'étude des sensations qui résultent de la résistance
musculaire à des charges variables.
I. Voici le dispositif que j'ai employé :
Je me place devant un paravent à deux feuilles, plié à 90 degrés environ
et couvert de papier divisé en carrés de 5 centimètres de côté.
Je cherche à poser les deux mains symétriquement sur les papiers qua-
drillés et je marque au fusain les points qui me semblent correspondants.
Reportant tous ces points sur une feuille quadrillée aux deux cinquièmes
de la réalité, j’observe des écarts variés, qui sont de 1 à 2 centimètres dans
les régions voisines du corps et situées à la hauteur du visage et de la poi-
trine. Les erreurs sont de 5 à 7 centimètres dans les zones éloignées du
corps, nécessitant, par conséquent, une extension plus ou moins grande des
membres supérieurs.
23 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Cela posé, je recommence l’expérience en me faisant soutenir le bras par
un aide, tandis que, en même temps, je place librement mon autre bras
dans une situation qui me paraisse symétrique avec celle du membre passif.
Les tracés sont semblables aux premiers. J'en conclus que la sensation
musculaire est de peu d’effet dans la conscience des mouvements que nos
membres exécutent et que les modifications des articulations, de la peau, ete.,
suffisent à nous indiquer la position d’une partie du corps, sans que la
contraction musculaire nous aide dans la connaissance de cette notion.
Je présente à la Société deux graphiques, montrant l’un, comment en pas-
sant un poignet dans une anse de caoutchouc, on a encore la même symétrie,
malgré les efforts que les muscles du bras suspendu sont forcés de faire.
L'autre tracé établit une variété de phénomènes, à savoir que la simul-
tanéité des deux mouvements est une des conditions de leur symétrie et
que, lorsqu'ils sont exécutés successivement, les écarts sont considérables.
Je complète cette première partie en exposant des expériences faites au
moyen d’un volume dont il s’agit de prendre, entre le pouce et l’index de
chaque main, un certain nombre égal de pages.
Les erreurs commises n’augmentent pas sensiblement, lorsque les doigts
d’une main sont tirés en sens inverse par deux bandes de caoutchouc.
Ici encore la sensation musculaire joue un rôle absolument effacé.
II. Les sensations de résistance sont étudiées, soit en. suspendant aux
deux index des charges variées, jusqu’à ce qu’on sente la différence de
poids, soit en augmentant un poids suspendu à un doigt, jusqu’à ce qu'on
sente cet accroissement.
L'effet sensoriel est dû à deux facteurs : la pression à la peau et la con-
traction de résistance du doigt.
Cet effet se manifeste par une constante proportionnelle que estime à
un huitième du poids total. C'est-à-dire que l’augmentation de la charge
devient sensible au doigt, lorsqu'elle atteint un huitième du poids primitif.
Il s’agit d'étudier séparément chacun des éléments physiologiques qui
constituent ce degré de sensibilité.
Pour éliminer la contraction musculaire, je place le doigt sur un anneau
rigide et fixe. Le poids suspendu n’agit plus que sur la sensation de pression
cutanée.
La constante proportionnelle devient alors un tiers ou un quart du poids
total.
Pour n’avoir plus à estimer que la contraction musculaire seule, je serre
le doigt dans les tours d’un fil de caoutchouc qui annihile la faible pression
des charges graduelles. J’emploie ensuite un autre procédé.
Tenant un poids d’une main, je suspends à l’autre bras un poids égal au
premier et je cherche à évaluer à quel point du second bras il faut glisser
la charge pour que la différence sensoriale se manifeste. Le second bras
devient ainsi un levier à longueur variable et la charge est proportionnelle
de ce côté à la longueur du levier.
SÉANCE DU 19 JANVIER. 35
Dans ce cas, comme dans celui du fil de caoutchouc, je trouve d’un tiers
à un quart du poids total comme constante proportionnelle.
Je crois pouvoir conclure ainsi :
Dans les mouvements actifs, les sensations musculaires sont tellement
voilées par les autres sensations de déplacement, que la notion musculaire
nous échappe.
Dans les contractions de résistance à une charge suspendue, les diffé-
rences de poids perceptibles se présentent comme constante proportionnelle
équivalant à un quart du poids tolal, fraction sensiblement égale à celle que
la pression cutanée manifeste.
Dans Pacte ordinaire qui consiste à soulever des poids variables, les deux
modes de sensations cutanées et musculaires s'ajoutent ; la constante pro-
portionnelle n’est plus alors qu'un huitième du poids soulevé.
CONTRIBUTION A LA PRÉSERVATION CUPRIQUE DANS LES MALADIES
INFECTIEUSES ; ENQUÊTE DE ViLLenteu, par le docteur V. Buro.
Dans l’avant-dernière séance de la Société de biologie, M. Bochefontaine
a reproduit les arguments, que M. le professeur Vulpian avait déjà exposés
en son nom à l'Académie de médecine et à l’Académie des sciences, contre
la préservation cuprique dans les maladies infectieusse. 2
Sur les expériences de laboratoire de notre savant confrère, nous n'avons
personnellement rien à répondre, n’en ayant, de notre côté, fait aucune, et
nous laisserons à qui de droit le soin de les réfuter, comme l’a déjà si bien
fait le docteur Miquel dans la Note lue en son nom à l’Académie de méde-
cine par M. le professeur Bouley. Mais, sur les faits contradictoires que
M. Bochefontaine a signalés pour Villedieu, nous sommes aujourd'hui en
mesure de lui donner la réplique, grâce à de minutieuses recherches qui
viennent d’être faites dans cette localité par l’autorité et à un rapport de
M. Boscher, pharmacien inspecteur et membre du Conseil d'hygiène de
l'arrondissement d’Avranches.
D’après notre honorable contradicteur, il ressortirait des faits observés à
Villedieu ce qui suit :
A. Que les habitants y font un usage tout spécial d’ustensiles en cuivre
de loute sorte et que dans toutes les rues de Villedieu on sent le cuivre à
plein nez, d’où «une saturation cuprique, au plus haut degré, générale » ;
B. Que la colique de cuivre y est fréquemment observée parmi les ouvriers
chaudronniers ;
C. Que le choléra a régné à Villedieu en 1848-49, et que « neuf cas de
mort furent observés, en partie chez des ouvriers en cuivre ou dans leurs
familles » ; |
D. Qu'en 1870, il y eut à Villedieu une épidémie sévère de variole qu
sévitsurles ouvriers tout autant que sur les autres habitants,si ce n’estplus ;
34 SOCIÈTE DE BIOLOGIE.
E. Qu’en 1882, la fièvre typhoïde y fit encore de nombreuses victimes, et
que les quartiers qui furent le plus atteints étaient précisément ceux occupés
par l’industrie locale ;
F. Qu’enfin Cun chaudronnier aussi imprégné de cuivre qu’il est possible,
est mort du charbon en 1865, et, par conséquent, que la bactérie charbon-
neuse n’est pas non plus arrêtée par le cuivre ».
Sur tous ces points voici notre réponse :
A’. QILest inexact, nous écrivait M. Tétrel, maire de Villedieu, à la date
du 20 décembre, que dans la plupart des rues de Villedieu on sente mani-
festement le cuivre, comme l’indiquent les Comptes rendus de l’Académie
des sciences ; deux rues seulement peuvent donner lieu à cette observation,
la rue Haute et la rue Basse, c’est-à-dire celles où s'opère le travail du
EULVRE=Ee
» Il est faux, complètement faux (sic) que le plus grand nombre des
habitants fasse un usage spécial d’ustensiles en cuivre. Fourchettes, cuillers
et plats en cuivre sont inconnus ici et n’existent que dans l’imagination
d’un correspondant insuffisamment renseigné. Autrefois on se servait de
marmites en métal de cloches; depuis de longues années pas une seule n’a
été fondue dans nos ateliers, et fort rares sont celles qui ont survécu à un
usage quotidien. »
«B'. Autrefois, dit M. Boscher dans son rapport, parmi les fondeurs surtout,
alors très nombreux, régnaient des coliques plus ou moins fortes, qu'on
expliquait par les vapeurs de mauvais cuivres, provenant d’ustensiles brisés
qui avaient élé étamés dans le temps avec des étains mélangés de plomb...
Mais aujourd’hui que Villedieu tire de Paris le cuivre rouge et jaune tout
laminé, nos ouvriers chaudronniers n’ont jamais de coliques. Ils accusent
seulement des nausées... »
C’. Le 15 octobre 1852, nous recevions de M. Lepelletier, témoin oculaire
des faits qui avaient pu se passer en 1832 et 1849 parmi ses administrés, la
déclaration suivante :
€ 390 individus, au moins, travaillent le cuivre. Pas un seul n'a été
atteint du choléra ni en 1832, ni en 1849.
» On a attribué à ce fléau la mort de deux ou trois personnes en 1849,
Mais je ne considère pas le fait comme indubitable. Je crois plus vrai de
dire que notre ville n’a point été frappée par le choléra. » (LEPÉLLETIER,
maire de Villedieu.)
Voici maintenant une déclaration non moins topique de M. Tétrel :
« L’assertion de neuf cas de mort par le choléra est légèrement produite.
Le nombre des décès a été, en 1848 de 98, en 1850 de 99, en 1851 de
96 et en 1849 de 8T seulement. Vous voyez que la mortalité a été moins
grande cette année-là. Dix ouvriers chaudronniers sont décédés en 1849
et, parmi eux, un seul, le sieur Châtel, fondeur (en cuivre jaune) est indu-
bitablement mort du choléra. On pense que le sieur Lepetit, parcheminier,
SÉANCE DU 19 JANVIER. 35
et les dames Bénard, coquetière, Lepelletier, journalière, et Cornudet, sans
profession (cinq personnes en tout, dont quatre sans aucun rapport avec la
chaudronnerie, même de par le mariage) ont succombé à la même ma-
ladie. En interrogeant nombre de personnes, je n’ai pu arriver à établir
qu'il y ait eu d’autres décès imputables à l’épidémie. »
Dans une lettre précédente (du 16 novembre), le même M. Tétrel nous
écrivait :
« Si, avant 1852, quelques cas isolés de choléra ont été fort rarement et
par exception constatés, dans notre ville, depuis cette époque, aucune épi-
démie n’a eu lieu parmi nous; je n’ai pas eu à enregistrer wn seul décès
cholérique comme officier de l'etat civil. »
Si le choléra a réellement pénétré dans Villedieu en 1849, n'est-il point
remarquable, au premier chef, qu'il n’y ait fait que cinq victimes sur une
population d'environ 4000 âmes? Mais poursuivons.
D’. Il est vrai qu'en 1870 la variole a régné à Villedieu et sévi violem-
ment sur les ouvriers chaudronniers eux-mêmes. Mais ce qui n’a point été
suffisamment mis en lumière, c’est que « l’épidémie fut produite et entre-
tenue » par une avalanche de contages apportés du dehors par « des vario-
leux insuffisamment guéris » en tel nombre qu’ils donnèrent, à eux seuls,
« 3800 journées de maladie » et, ce qui n’a point été dit par M. Bochefon-
taine, c’est que, sans parler de la profonde dépression morale qu’avaient dû
subir, en 1870, les habitants de Villedieu aussi bien que le reste de la
France, et des influences hygiéniques dont il va être question à propos de
la fièvre typhoïde, à ce moment il y avait une interruption de travail dans
les ateliers », si bien que, pour remédier à la poignante misère des ouvriers,
la municipalité dut aller jusqu’à « organiser des ateliers d'extraction et de
cassage de pierres » (Tétrel), et ce qui valait assurément la peine d’être
relevé c’est que, comme les statistiques que nous avons reçues en font foi,
les cas de variole ont été augmentant précisément au fur et à mesure que
l'imprégnation cuprique allait s’atténuant par le chômage.
L’. Il est encore très vrai qu'il y a deux ans les ouvriers de Villedieu ont
présenté un certain nombre de cas de fièvre typhoïde, mais ce qu’il impor-
tait également de dire, aussi bien pour l'épidémie de 1882 que pour tous
les cas de fièvre typhoïde, de variole, ou autres maladies épidémiques qui
ont pu être observées à Villedieu à d’autres époques, c’est d’abord que les
ouvriers chaudronniers, au nombre de 400 environ, y sont disséminés
« dans quarante ou cinquante ateliers et qu’un grand nombre travaillent
seuls » (Boscher), d’où une imprégnation cuprique bien moindre que
lorsque de nombreux ouvriers travaillent en commun, ainsi que cela a lieu
à Paris dans la plupart des ateliers de chaudronnerie ; c’est, ensuite, que
les conditions hygiéniques de ces chaudronniers sont très près de celles qui
furent si néfastes aux ouvriers de l’usine de Bornel. Voici, en effet, ce que
déclare encore M. Tétrel :
« La maladie à été circonscrite dans une partie bien distincte de la ville.
30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Ce sont les maisons et cours entourées de constructions rapprochées de
canaux ou bouches d'égout, et où la population est très dense, qui surtout
se sont trouvées atteintes. Nous avons pris les mesures les plus énergiques
pour maintenir la propreté partout »
F’. Après avoir confirmé les dires de M. Tétrel sur la question du choléra,
M. Boscher s’est exprimé sur le sixième point de la façon suivante :
« Relativement au cas de charbon, voici ce que l’on raconte. Un patron
eut plusieurs clous au visage. Il en avait un surtout très gros près d’une
oreille. Forcé alors de se mettre en voyage, il fut pris de fièvre intense au
bout de quelques jours et mourut à l’hôtel où il s'était arrêté (en Bour-
gogne). Le médecin du lieu dit que la mort était la suite d’un anthrax. »
Conclusions. — Toutes les assertions de M. Bochefontaine sur Les faits
qui se seraient passés à Villedieu en opposition de la préservation cuprique
sont donc, les unes grandement erronées et les autres incomplètes. Ges
dernières témoignent seulement que la loi de la préservation a ses exi-
vences, comme toutes les lois, et ses limites de résistance aussi bien que le
blindage d’un navire, par exemple. Est-ce à dire qu'il ne se soit point pro-
duit de par ailleurs des faits exceptionnels qui puissent justifier, dans une
certaine mesure, l’appoint que notre honorable confrère est venu donner à
la thèse contradictoire soutenue avant lui par M. Bailly? Les réserves
expresses que nous avons faites sur toutes les questions autres que celles
de la préservation des ouvriers en cuivre dans le choléra ; le soin que nous
avons pris {oujours de dire que ces questions sont encore à l'étude, témoi-
guent que nous savons aussi mettre en pratique la maxime du doute.
D'autre part, des recherches que nous faisons en ce moment même du
côté de Durfort, centre d’une industrie similaire à celle de Villedieu, et
dans les grandes usines de grosse horlogerie du département du Doubs,
afin de répondre aux objections qui pourraient également nous être faites
de par les observations de fièvre typhoïde du docteur Duperron sur les
ouvriers horlogers de Besançon, qui ne font, eux, que la montre, démon-
trent aussi, du reste, que loin de fuir la lumière, nous nous efforçons
de la faire par tous les moyens en notre pouvoir. Seulement ce que nous
demandons à nos contradicteurs, non sans droit, ce nous semble, c’est
d'apporter dans leurs observations la même rigueur, le même sens critique,
et de ne point se hâter de se fier aux apparences, si, comme nous, ils ne
visent réellement que la vérité. L
Lorsque nous aurons obtenu les renseignements que nous attendons sur
les chaudronniers de Durfort et les horlogers du Doubs, si la Société veut
bien nous le permettre, nous viendrons lui dire notre dernier mot sur la
préservation professionnelle conférée par le cuivre.
BouRLoTON.— Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
SÉANCE DU 26 JANVIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
SUR LE MODE D'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ATROPINE ET SUR L'INFLUENCE
QUE CE MODE D'ACTION, SOIT SEUL, SOIT ASSOCIÉ A CELUI DE LA MORPHINE,
EXERCE SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET TOXIQUES DU CHLOROFORME,
par M. LABORDE.
En revenant aujourd’hui sur la question soulevée par M. François-Franck
du mode d'action de l’atropine sur le fonctionnement du cœur (voy. les
Comptes rendus de cette année, p. 27, 28, 29 et 30), je me propose d’in-
sister à nouveau et un peu plus qu'il ne m’a été permis de le faire dans ma
précédente Note, sur le mécanisme de cette action, et'en second lieu de
montrer comment ce mécanisme donne la raison physiologique de la rapi-
dité d'action du chloroforme et de son innocuité relative, dans le cas où l’on
administre, au préalable, soit l’atropine seule, soit Se QUE
pine et la morphine.
I. — Les preuves expérimentales que j'ai eru pouvoir donner, en plus
et à l’appui de celle apportée par M: F. Franck, de l’action paralysante
de l’atropine sur la fonction Jose du cœur à la du curare,
sont les suivantes :
1° Les tracés cardiographiques de l Marie et du curare offrent, chez
la grenouille, un type qui les rapproche singulièrement ;
2° Les effets caractéristiques de l'influence d’une troisième substance,
l’aconitine, sur le fonctionnement du cœur, sont complètement annulés
par l'administration préalable soit de l’atropine, soit du curare; les choses
se passent, dans ce cas, comme à la suite de la section des pneumogas-
triques.
C’est ce que montrent d’une façon péremptoire les graphiques que je mets
sous les yeux de mes collègues, et qui ont été reproduits dans mon travail
sur les Aconits et l’aconitine (p. 120, 121 et 122);
3° Le rythme cardiaque n’est pas sensiblement modifié après labolition
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. I, N° 4. 4
38 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
complète de l’excitabilité motrice des vagues par atropinisation, d'où il
semble résulter que l’action de l’atropine a respecté, en majeure partie au
moins, l'intervention fonctionnelle des appareils ganglionnaires intra-car-
diaques. Car il est difficile, ainsi que je le disais dans ma dernière Note, de
concevoir la possibilité et la réalité d’un fonctionnement aussi peu troublé
que l’est celui du cœur, en cette condition expérimentale, sans la conser-
valion à peu près intégrale des propriétés fonctionnelles du système ner-
veux intra-cardiaque.
C’est, d’ailleurs, une des questions les plus difficiles à résoudre et à
juger par des preuves expérimentales directes que celle de l'influence
réelle exercée par une substance chimique, sur les ganglions intra-car-
diaques. Profondément placés et comme cachés dans une enveloppe cellulo-
adipeuse, ces petits appareils se trouvent ainsi soustraits à l’influence
même directe et immédiate des toxiques les plus actifs, car la résistance,
par exemple,-du cœur d’un animal à sang froid, détaché de l'animal, à
l’action d’une solution concentrée d’aconitine (substance d’une grande acti
vité toxique) dans laquelle on le plonge ou dont on l’imprègne peu à peu,
cette résistance, dis-je, est énorme et telle qu’elle peut durer plus de vingt-
quatre heures (1).
Pour ce qui est de l’atropine, il semble résulter de l'observation des
effets consécutifs sur le rythme cardiaque que, dans le cas d'absorption
physiologique générale, c’est-à-dire par transport circulatoire, les appareils
ganglionnaires dont il s’agit échappent à son action.
Comme il en est de même de la contractilité propre de la fibre muscu-
laire du cœur (car s’il y a, en réalité, de ce côté, un certain degré d’excita-
tion au début, :on ne saurait l’invoquer, ainsi que l’a fait récemment M. Gas-
kell, comme la cause efficiente du maintien et de la persistance du rythme
cardiaque sous l’influence de l’atropine), il reste, en dernière analyse,
l’action sur la conductibilité motrice des vago-sympathiques, et en ue
lier sur leur fonction modératrice.
La fonction modératrice est, en effet, celle qui est touchée d’une
facon prédominante, et en ce cas élective, par l’atropine, bien qu'il
puisse y avoir aussi, dès le début de son action, et selon la dose, une
influence sur les accélérateurs, ainsi que le rappelait M. Dastre, en citant
le récent travail, sur ce sujet, de son collaborateur M. Morat. Mais cette
influence n’est que passagère, elle marque une période de l’action définitive
et dominante, et elle est une expression de la grande loi indiquéé par
GI. Bernard, et que je me suis efforcé de confirmer et de généraliser, savoir
que toute substance médicamenteuse ou toxique dont l'effet physiologique
propre est d’atténuer ou d’annihiler momentanément telle ou telle propriété
fonctionnelle, commence par l’exciter, cette excitation étant le signe du
A) es. à ce sujet les Aconits et l’aconitine, par Laborde et Düquésel
p. 192, 153.
SÉANCE DU 26 JANVIER. 39
premier contact effectif de la substance avce l'élément organique qui con-
stitue le substratum fonctionnel en question (exemples : les analgésiants et
anesthésiques, les paralyso-moteurs, etc., chloroforme, éther, opium, bro-
mure de potassium, etc.).
= Mais il est un autre facteur dont il importe, selon moi, de tenir
compte dans cette appréciation de l'action de l’atropine ou du curare
sur les effets modérateurs cardiaques : c’est, en dehors de la conduc-
“tibilité motrice du nerf (iei le vago-sympathique), la possibilité d’une
action sur les expansions terminales du nerf dans leur relation immédiate
et intime avec la fibre musculaire, c’est-à-dire et, en vrais termes, sur les
plaques terminales de Rouget et de Kühne ; possibilité signalée et étudiée,
pour les nerfs moteurs, en général, et, à propos du curare, par Otto
Füncke, de Bezold, et surtout par Vulpian.
- Ce qui semblerait prouver que ce facteur mérite tout au moins d’entrer
en ligne de compte dans une interprétation suffisamment motivée du mode
d'action de l’atropine, c’est le résultat expérimental ci-après sommairement
résumé :
À un chien vigoureux, on administre simultanément du chlorhydrate de
morphine, du sulfate neutre d’atropine et du chloral (en injection intra-
veineuse) à doses suffisantes (1) pour réaliser la double condition d’une
insensibilisation générale absolue, et d’une complète inexcitabilité motrice
des vagues. Cette inexcitabilité est constatée à la suite de la section de l’un
ou des deux pneumogastriques, à l’aide d’excitations électriques d'intensité
progressive, avec inscriptions cardiographiques des résultats. Ces résultats
sont les suivants :
Effet absolument négatif de l’excitation du bout périphérique des vagues ;
en d’autres termes effet nul de modération ou d’arrestation cardiaque.
Au contraire, effet positif de l’excitation (même par un courant mi-
uimum) du bout central, se traduisant par un arrêt respiratoire. Ce der-
nier résultat n’aurait rien d’inattendu, et rentrerait dans la règle, puisque
Vexcitation agit ici sur les fibres centripètes ou sensitives du vague, si nous
w’étions dans cette condition expérimentale préalable qu’il ne faut pas
perdre de vue : c’est que, par le fait de l'intervention simultanée de doses
massives de morphine et de chloral (à supposer même que l’atropine, à dose
massive aussi, n’ait pas d’action de cette espèce), tous les appareils de sen-
sibilité générale et spéciale sont dépossédés de leur fonction à ce point que
toute excitation périphérique et même profonde (l’enfoncement de la lame
d’un scalpel jusqu’au contact du tronc du sciatique, par exemple), la provoca-
tion de fout réflexe par attouchement ou excitation des muqueuses accessi-
bles, et de la conjonctive oculaire, restent absolument sans effet appréciable,
(1) Dans un de ces types d’expériences nous avons donné : chlorhydrate de
morphine, 50 centigrammes; sulfate d’atropine, 8 centigrammes; chloral,
4 grammes.
40 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
la pupille restant elle-même immobile dans une fixité mydriatique. En cet état,
d'animal est réduit à l'apparence d’une masse inerte, incapable de toute
réaction aux excitants extérieurs et chez laquelle s’accomplit, par une sorte
d’automatisme fonctionnel, les deux fonctions uniques et mécaniques de
respiration et de circulation. Il est donc rationnel de supposer que, dans de
telles conditions, la fonction de conductibilité centripète ou sensitive des
vagues est perdue au même titre que la conductibilité motrice, el comme
cela a lieu dans tous les nerfs mixtes; d’où il suit que si, par l’effet de
l'excitation électrique du bout central, il se produit un effet arrestateur des
mouvements respirateurs thoraciques, c’est que le courant électrique (non
plus le courant nerveux ou sensitif), porté par le tronçon de nerf au centre
respiratoire bulbaire, dont l’excitabilité fonctionnelle est toujours persis-
tante, a mis en jeu cette excitabilité de façon à donner lieu, par les nerfs
moteurs conservés de la mécanique respiratoire, à un phénomène Lin
du côté de celle-cr.
En d’autres termes, il semble qu'en ce cas le nerf pneumogastrique
n’agit plus en tant que nerf, par sa fonction propre, motrice ou sensitivé,
par sa neurilité, mais uniquement comme conducteur d’un courant de
pile : il serait, en un mot, réduit à l’état de simple fil ous d'un
€<ourant Hébiquel extérieur et étranger à lui.
Et cette propriété conductrice est bien réelle, ainsi que le PERS lexpé-
æience suivante :
Prenez ce bout périphérique du vague qui ne répond plus à lexcitation
électrique, détachez-en une suffisante longueur pour constituer deux frag-
ments adaptés à deux isolateurs, fermez le circuit et faites passer le courant
de pile qui tout à l’heure était inefficace pour déterminer le moindre effet
modérateur ou d'arrêt; et si vous prenez en même temps entre deux de vos
doigts les extrémités respectives de ces deux fragments, vous recevrez l’im-
pression plus ou moins vive, témoignant du transfert du courant électrique:
Et si, réalisant un autre dispositif, vous mettez lés deux bouts du nerf
au contact des gastrocnémiens d’une grenouille, vous provoquerez, à chaque
passage du courant # à cheque interruption, de violentes CONFAESS mus-
<ulaires. Si {u
Donc le cordon nerveux qui n’agissait plus, sous l’excitation densie
en tant que nerf moteur, reste pourtant un conducteur efficace du courant,
tout à fait assimilable à nos fils conducteurs ordinaires. ù
Faut-il voir dans ce fait très simple d’ailleurs, et dont la détnbastr #0
est des plus faciles, une preuve qu'entre la netion propre du nerf et le
courant électrique qui la mettrait en jeu, au même titre que tout autre
excitant artificiel, il n’y a pas l’analogie que l’on est encore aujourd’hui,
d’après certains travaux d’outre-Rhin, disposé à y voir ? C’est une question
qu’il n’est pas ici le lieu d'examiner. LÀ
Mais, à ne considérer que le résultat en lui-même, il montre clairement,
de son côté, que le courant excitateur étant réellement conduit à travers
SÉANCE DU 26 JANVIER. 48
le cordon nerveux, s’il ne produit: pas sur la fibre musculaire cardiaque
l'effet habituel, c’est qu’il éprouve au point d'arrivée une barrière infran-
chissable, ce qui ne peut être attribué qu’à l’effet du toxique, ici l’atropine.
Or, comme d’une part, la contractilité musculaire est respectée, et que, de
l’autre, les appareils ganglionnaires intra-cardiaques semblent, d’après les
raisons sus-mentionnées, être aussi indemnes, il y a lieu, comme on voit,
d’invoquer en dernière analyse, et tout au moins dans une certaine mesure,
l’action de la substance sur les plaques nerveuses terminales.
Quoi qu’il en soit de ce mécanisme intime dont les éléments, on a pus’em
convaincre, sont très complexes, il n’en reste pas moins le fait capital et
- incontestable de la paralysie des effets modérateurs ou arrestateurs car-
diaques, et c’est ce fait que nous allons maintenant examiner au point de
vue de l’action du chloroforme combinée avec l’action concomitante de
l’atropine.
NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ACHOLIE, par M. V. Haxor,
agrégé de la Faculté, médecin de Tenon.
Dans la séance de la Société de biologie du 23 avril 1881, je rapportais
un cas d’oblitération du canal cholédoque sans ictère. Chez un malade
atteint de sclérose stomacale j'avais trouvé à l’autopsie une transformation
fibréuse concomitante du hile du foie; sur des coupes microscopiques le
canal cholédoque et le canal cystique apparaissaient complètement obli-
térés ; 1l en était de même pour l’artère hépatique et les branches qu’elle
fournit dans le hile. L’oblitération de la veine porte n’était pas complète, mais
la lumière de ce vaisseau présentait un rétrécissement très notable. Pour
expliquer l’absence d’ictère avec cette oblitération complète du canal cholé-
doque, une seule hypothèse m’avait paru légitime : en vertu de l’oblitération
complète de l’artère hépatique et de l’oblitération incomplète de la veine
porte, la sécrétion biliaire s’était, sinon totalement, du moins presque tota-
lement abolie et, en pareille occurrence, l’oblitération du canal cholédoque-
ne pouvait déterminer la production de l’ictère, la résorption de la bile ne
pouvant s’effectuer, puisque le foie ne produisait plus de bile.
Il y avait donc eu acholie dans le sens littéral du mot, et cette acholie-
rendait parfaitement compte de l’absence de l’ictère malgré l'oblitération
complète du canal cholédoque.
Je faisais remarquer, d’ailleurs, que l’atrésie des vaisseaux du hile, et
partant l’acholie consécutive, ne s’était effectuée que progressivement et
qu'il était difficile, dans l’histoire clinique du malade, de faire la part de
ce qui revenait à l’acholie elle-même.
J'observe en ce moment, dans mon service dé l'hôpital Tenon, un malade
ren
LS
SOCIÉTÉ .DE BIOLOGIE.
qui présente quelques particularités cliniques que je puis rapprocher de ce ,
que je viens de dire relativement à l’acholie. IL s’agit d’un homme âgé de
quarante-six ans qui, depuis près de trois ans, est atteint d'affection chro-
nique du foie, sur la nature intime de laquelle je n’ai point à me prononcer
ici. Il a été soigné déjà par plusieurs de mes collègues des hôpitaux et
aujourd’hui, comme chaque fois qu’il a dû entrer à l'hôpital, on constate
une hypertrophie du foie et de la rate, un tympanisme considérable sans
ascite, une décoloration complète des matières fécales sans le moindre
ictère.
Cette fois, comme à chaque crise nouvelle, le malade est affaibli et amai-
gri; cependant l’appétit est resté bon et le facies est loin d’indiquer. une
altération profonde de l’organisme. Le malade n’est point leucémique. Il
n’a jamais eu de coliques hépatiques, jamais d’ictère, et rien ne permet de
supposer qu'il y ait une gêne à l’écoulement de la bile dans lintestin. Et
cependant, je le répète, les matières fécales sont constamment décolorées,
argileuses comme on dit. Ici encore, je ne vois qu’une hypothèse plausible :
la lésion hépatique a retenti sur la sécrétion biliaire et l’a plus ou moins
complètement tarie; de là acholie avec décoloration des matières fécales
sans ictère. Ainsi donc, de même que le protoplasma de la cellule hépa-
tique, en vertu de conditions pathogéniques plus ou moins bien déterminées,
crée tantôt plus, tantôt moins de matière glycogène qu’à l’état normal; de
même, il sécrète tantôt plus, tantôt moins de bile que dans les circonstances
ordinaires. À côté de la polycholie il y a l’oligocholie, sinon l’acholie com-
plète.
Encore une fois la pathogénie de cette dernière reste obscure ; quoi qu’il
en soit, elle seule peut rendre compte de ces deux particularités cliniques
paradoxales : l’oblitération du canal cholédoque sans ictère ; la décolora-
tion. des matières fécales sans ictère, les voies biliaires étant perméables.
S'il était permis de juger sur un seul cas, il semblerait, d’après notre obser-
vation deuxième, que cette acholie par suppression de fonction soit compa-
tible avec une survie assez longue; il me paraît également rationnel de
subordonner à cette acholie, chez le même malade, le tympanisme consi-
dérable qu’il présente, en le déduisant des propriétés antiputrescibles si
connues de la bile.
Il me paraît supposable également que le tympanisme, qui entre dans la
phénoménologie de certaines cirrhoses, ressortit à un certain degré d’acholie,
facile à concevoir en de pareils processus.
PRÉSENTATION D'UN PSEUDO-HERMAPHRODITE MALE, par le docteur S. Pozzu,
agrégé, chirurgien de l’hôpital de Lourcine.
Louise Bavet, âgée de vingt-sept ans, mécanicienne, grande, bien pro-
portionnée, porte les habits de femme et passe pour telle. Aspect masculin
SÉANCE DU-26 JANVIER, 43
du visage, barbe peu fournie sur la joue, moustache très rare, aucun déve-
loppement des seins. Conformation masculine du bassin, pas de mont de
Vénus, système pileux disposé comme chez l’homme, assez abondant sur le
pubis et formant une traînée remontant jusqu’à l’ombilic. L'aspect des grandes
lèvres est différent suivant que le sujet est debout ou couché. Lorsqu'il est
couché, la grande lèvre du côté gauche est tout à fait effacée et forme une
très faible saillie. Celle du côté droit offre une bosselure à la partie supé-
rieure. À la palpation on reconnaît qu’elle est due à la présence du testi-
cule. Lorsque le sujet est debout, la saillie supérieure des grandes lèvres
augmente considérablement surtout à droite. Le testicule qui, dans la
position horizontale, remonte jusque dans l’anneau, descend alors jusqu’à la
partie supérieure de la grande lèvre. À droite, la saillie déjà signalée du
testicule s’augmente considérablement par l’afflux d’une eertaine quantité
de liquide (hydrocèle péritonéo-vaginale). Lorsque le sujet est debout, la
double saillie testiculaire jointe à la juxtaposition des grandes lèvres donne
à la fente pseudo-vulvaire un aspect absolument scrotal, et la verge qui la
surmonte ajoute encore à l’apparence masculine; au contraire, lorsque le
sujet est couché, que les grandes lèvres sont écartées et qu’on relève la
verge, l'apparence féminine est frappante.
Nous décrirons successivement :,1° la verge; ® l’orifice de l’urèthre ou
méat urinaire; æ la fente vulvaire.
1° Verge. — Dans l’état de flaccidité, sa longueur, prise en appuyant sur
le pubis et la redressant légèrement, est d’environ 5 centimètres; son volume
est très légèrement au-dessous de la normale. Le fourreau de la verge
forme supérieurement un prépuce bien conformé ; inférieurement il est
remplacé sur la ligne médiane par la forte saillie d’une bride médiane très
légèrement creusée en rainure. Cette bride part du sommet imperforé
du gland, et arrive en bas jusqu’à la racine de la verge où elle se
divise pour passer de chaque côté de l’orifice de l’urèthre. Sa longueur
totale est de 3 centimètres. Elle maintient la verge fixée inférieurement et
provoque pendant l'érection une forte courbure à concavité inférieure qui
est assez douloureuse. En saisissant cette bride avec les doigts, on la
détache des parties profondes et elle paraît dépendre uniquement des tégu-
ments; lorsqu'on fait relever la verge et qu’on écarte les grande lèvres, on
observe de chaque côté à leur face interne deux petits replis cutanés d’une
extrême finesse, qui partent du prépuce et viennent se rejoindre inférieu-
rement à 3 centimètres en avant de l’anus en formant une véritable four-
chette. Ces deux replis cutanés sont les analogues des petites lèvres.
2° Méat urinaire. — 11 s'ouvre à 2 1/2 centimètres en bas et en arrière
de la racine de la verge, dont il est ainsi séparé par une véritable fosse
naviculaire. I estcaché profondément au fond de la fente pseudo-vulvaire et
n’est nullement apparent quand on n’écarte pas les grandes lèvres. Il a tout
à fait l’aspect du méat urinaire féminin. Ainsi qu’il a été dit, la bride qui
part du sommet imperforé du gland, où elle occupe la situation du frein du
44 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
prépuce, Se continue jusqu’au niveau du méat urinaire et se divise pour
l’embrasser dans une sorte de boucle. Au-dessous de l’urèthre et masquant
le fond de la dépression vulvaire, on voit une autre petite saillie annulaire
qui ressemble absolument à un petit kymen. En se continuant supérieure-
ment avec la boucle précédemment décrite autour du méat, cette saillie
forme une sorte de 8 de chiffre.
3° Vulve. — L'ouverture pseudo-vulvaire modérément écartée mesure
2 centimètres entre le méat urinaire et la fourchette; elle a à peu près
1 centimètre de profondeur ; sa face interne a un aspect muqueux et on y
remarque de fines arborisations vasculaires. Le fond, occupé par le repli
hyméniforme déjà décrit, ne s’enfonce pas à plus de 2 ou 3 millimètres au
delà de la petite corolle membraneuse formée par ce repli. On y remarque
souvent une sécrétion muqueuse.
Le toucher rectal ne donne aucune sensation nette de prostate. [Il semble
cependant qu’il existe une légère saillie à la partie médiane et la pression
y est un peu douloureuse. Du reste, l’attouchement de toute la surface vul-
vaire et en parliculier du méat urinaire est très difficilement supporté par
le sujet. Aucun trouble du côté de la miction. Le cathétérisme n’a pu être
encore pratiqué.
Les testicules offrent un assez petit volume; le gauche est manifestement
atrophié et on peut le faire rentrer dans le trajet inguinal. Le droit offre
une grosseur à peu près normale, il est toujours situé en dehors de l’an-
neau. Les testicules ne sont descendus qu’à l’âge de seize ans et sont
apparus dans un effort (violent éclat de rire); le sujet s’est trouvé mal de
douleur.
Le système pileux génital s’est développé à quatorze ans; la verge a
commencé à grossir à seize ans. Les érections se sont montrées à ce mo-
ment. Elles deviennent rapidement douloureuses par suite de la traction de
la bride inférieure. L’éjaculation a-t-elle lieu par le méat urinaire ou plutôt
dans le fond de la dépression pseudo-vulvaire? Ce point n’a pu être élu-
cidé ; elle se fait en jet d’une certaine force. Il y a souvent des pollutions
nocturnes.
Le sujet est très porté vers le sexe féminin. Il y a eu plusieurs tentatives
de coït. Celui-ci se pratique le sujet étant debout et la femme couchée
sur le bord du lit.
L'examen du sperme n’a donné aucun spermatozoïde.
Il n’y a jamais eu de moindre écoulement sanguin par les voies géni-
tales.
Je me propose de revenir dans une prochaine séance sur divers points
de cette observation. Je compte notamment rechercher devant vous la véri-
table valeur des faits d’hermaphrodisme qui existent dans la science. — Le
nom de « pseudo-hermaphrodite mâle » que j'ai inscrit en tête de cette
Note, indique déjà ma pensée à cet égard : à proprement parler il n’y a pas
dans l’espèce humaine de vrais hermaphrodites.
- mit: tm. se té éd
SÉANCE DU 26 JANVIER. 45
Un point spécial que je désire dès aujourd’hui signaler, quoique devant
en faire bientôt l’objet d’une nouvelle présentation, est le suivant : Nous
-voyons ici qu’il n'existe pas de vagin ; il y a pourtant un ymen annexé à
une œulve. Faut-il voir dans ce fait un argument en faveur de l’origine
externe de l’hymen, de son développement aux dépens du sillon uro-génital
plutôt que des canaux de Müller? En un mot, conformément à l'opinion
ancienne, l’hymen serait-il une dépendance de la vulve, et non une dépen-
dance du vagin comme l’a brillamment soutenu devant vous M. Budin? Je
me borne à poser la question. Je discuterai plus tard les réponses qu’elle
comporte.
NOTE SUR LES MODIFICATIONS DES MILIEUX RÉFRINGENTS DE L’ŒIL ET SUR
LA SÉCRÉTION LACTÉE DANS LES ANESTHÉSIES A LONGUE DURÉE PAR LE
CHLOROFORME, par R. Dupois.
En examinant à l’ophthalmoscope des sujets anesthésiés par le chloroforme,
j'ai constaté qu'à un certain moment, les milieux transparents de l'œil
présentaient des troubles qui allaient en augmentant progressivement
jusqu’à ce que l’image du fond de l’œil devienne très irrégulière et parfois
même impossible à distinguer. Nous avons remarqué principalement des
reflets moirés qui, après un examen attentif, nous ont paru produits par
une altération particulière de la cornée, que l’on peut mettre en évidence
au moyen de l’astigmoscope à disque. Il est facile de reconnaître, par ce
procédé, l’existence d’un astigmatisme irrégulier des plus prononcés. Jai
voulu savoir si ce défaut de régularité de la surface cornéenne ne tenait
pas à des mucosités déposées à la surface de l’œil, mais en lavant celui-ci
avec soin au moyen d’un jet d’eau légèrement salée, il a été impossible de
faire disparaître cet asligmatisme. Ces observations ont été faites chez le
chien.
Dans un cas observé sur un homme en état d’anesthésie à longue durée,
par la méthode Paul Bert, dans le service du docteur Péan, cet astigma-
tisme irrégulier était si prononcé, qu'il pouvait être observé à l’œil nu : la
pulpe du doigt, très légèrement promenée à la surface de la cornée, montrait
qu'il n’était pas produit par des sécrétions. Cette déformation de la surface
cornéenne s'accompagne en général d’une diminution de tension trèsnotable
du globe de l’œil. D’autres modifications importantes surviennent égale-
ment, après abolition du réflexe pupillaire, du côté des milieux réfringents
plus profonds de l'œil. Dans un cas, M. le docteur Bertrand et moi, nous
avons constaté, à l'examen ophthalmoscopique à l’image droite, le développe-
ment d’une hypermétropie de cinq à six dioptries. D’autres phénomènes in-
téressants et qui feront l’objet d’une communication ultérieure ont été égale-
ment observés.
Chez une chienne en état de lactation, dont les mamelles étaient très
46 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sonflées, nous avons constaté les mêmes modifications et de plus les ma-
melles étaient devenues absolument flasques. Cette chienne présentait en
outre cette particularité qu’elle avait abondamment uriné à la fin de l’anes-
thésie, alors que, dans la généralité des cas, la vessie est vide quand le
sommeil a été prolongé très longtemps.
Ces faits, par leur rapprochement, pourront peut-être intéresser ceux qui
nn l’œil comme une glande ; pour nous toute explication physiolo
sique paraît au moins prématurée et nous nous bornons à signaler ces faits
déjà assez intéressants par eux-mêmes.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'UTÉRUS ET DU VAGIN, ET PARTICULIÈRE-
MENT DU MUSEAU DE TANCHE CHEZ LE FŒTUS HUMAIN, par MM. F. TOURNEUX
et Ch. LEGAY, présentée par M. Poucner.
Cette Note a pour but d'indiquer les modifications que présente le conduit
utéro-vaginal, dans le cours de son développement, depuis le troisième
mois de la vie intra-utérine jusqu’à la naissance, et surtout de préciser le
mode de formation de la partie vaginale du col de l’utérus. On sait depuis
les recherches de Dohrn (Zur HER der Müller’schen Gänge und ihrer
Verschmelzung, Marburg. Gesellschaft, 1871) que sur des embryons hu-
mains de 35 millimètres, c’est-à-dire à la fin du deuxième mois, les conduits
de Müller sont fusionnés dans toute l’étendue du cordon génital. A cette
époque, le conduit utéro-vaginal ou conduit génital (Leuckart) résultant de
cette fusion ne montre encore aucune trace de division en portion utérine
et vaginale : il est tapissé dans toute sa longueur par l’épithélium prisma-
tique stratifié des conduits de Müller. Comment se fait, spécialement chez
l’homme, au cours du troisième mois, l’apparition d’un épithélium pavi-
menteux stratifié dans l’extrémité vestibulaire du conduit génital ? S’agit-1l
d’un envahissement de lépithélium du sinus uro-génital qui refoulerait
sraduellement l’épithélium primitif du conduit génital, ou au contraire
sommes-nous en ürésence d’une transformation locale d’un épithélium
prismatique en épithélium pavimenteux stratifié ? C’est ce que la compa-
raison des différentes études embryonnaires du troisième mois, qui nous
ont fait défaut, pourrait seule nous apprendre (1). Toujours est-il que cette
(1) La persistance chez quelques animaux (vache, truie) des conduits de Wolft
sous le nom de conduits de Gärtner, logés dans la paroi antérieure du vagin, et
venant s'ouvrir à son extrémité antérieure, certaines malformations résultant
d’un arrêt de développement, comme la duplicité du vagin, montrent toutefois,
contrairement à l’opinion de Rathke, que le vagin envisagé comme organe ne
résulte pas d’un bourgeonnement de la partie postérieure du sinus uro-génital,
mais doit être considéré comme une dépendance des conduits de Müller.
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SÉANCE DU 26 JANVIER. 47
transformation ou substitution épithéliale débute par l'extrémité inférieure
du conduit génital et s’élève ensuite progressivement jusqu’à la région qui
répondra au futur museau de tanche.
Sur un fœtus humain de 7°%,5/10°,5 (fin du troisième mois lu-
naire)(1), dont l’extrémité inférieure, sur une hauteur de 8 millimètres, a
été décomposée en 265 coupes transversales, le conduit génital possède un
revêtement épithélial pavimenteux stratifié sur une hauteur de 10 coupes à
partir de son extrémité vestibulaire. Le conduit uro-génital ou canal vesti-
bulaire (2), à l'extrémité supérieure duquel s’ouvrent en arrière le conduit
sénital et en avant le canal de l’urèthre, a été intéressé sur 90 coupes, c’est-
à-dire mesure une longueur de 2° ,7. Le conduit génital occupe une série
de 156 coupes : sa longueur est par suite de 4%,6. Un fait qui nous a frappé
tout d’abord dans l’examen des coupes sériées, et que nous retrouverons
plus aceusé dans les stades suivants, est l’absence de toute lumière dans
l'extrémité inférieure du conduit génital. L’épithélium pavimenteux stratifié
comble entièrement la cavité génitale sur une hauteur de 10 coupes à partir
du vestibule (3), puis la lumière du conduit, d’abord petite et circulaire,
(1) Le numérateur de ce rapport indique la longueur du vertex au coceyx, le
dénominateur celle du vertex au talon. je
(2) Il importe de bien préciser la valeur des termes sinus uro-genitalis et
canalis uro-genitalis employés par les auteurs dans des acceptions souvent
uu peu différentes. J. Müller dans son grand travail sur le développement des
organes génitaux (1830) désigna sous le nom de sinus uwro-genitalis la portion
antérieure du cloaque détachée sous forme de conduit tubuleux de l'intestin pos-
térieur, et recevant par son extrémité supérieure, et à une faible distance les
uns des autres, les conduits suivants : uretères, conduits de Wolff et conduits
de Müller. En 1835, Valentin proposa de remplacer la désignation de sinus uro-
genitalis par celle plus conforme à la réalité de canalis uro-genitalis, désignation
employée depuis indifféremment par les auteurs avec celle de sinus uro-genitalis
(voy. Rathke, 1871). Avec le développement, 1a forme du sinus uro-génital se mo-
difie sensiblement; la portion de ce sinus comprise entre l’abouchement des ure-
tères et celui des conduits génitaux, s’allonge et devient chez l’homme la
portion prostatique du canal de l’urèthre, et chez la femme l’urèthre en entier.
C’est à la portion inférieure du sinus uro-génital de J. Müller et de Valentin,
commune à l’urèthre et au conduit génital chez la femme, que Küllicker et ses
élèves réservent la dénomination de sinus uro-génital. Nous pensons qu’il serai
peut-être préférable, pour éviter toute confusion, de désigner cette portion infé-
rieure, aux dépens de laquelle se formera le vestibule, sous le nom de conduit
uro-génital (ductus uro-genitalis) employé déjà par J. Müller, ou encore sous celui
de canal vestibulaire.
(3) L'absence de lumière dans la partie inférieure du conduit génital a été si-
gnalée récemment par Geigel (Ueber Variabilitat in der Entwicklung der Ges-
chlechtsorgane beim Menschen, 1883). Geigel compare la soudure des parois
épithéliales opposées du vagin à celles des paupières et du prépuce dans les
deux sexes, qui se produisent à la même époque.
48 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
augmente progressivement en largeur, et se présente bientôt sous la forme
d’une fissure transversale mesurant vers la quarantième coupe une longueur
de 260 ». Les diamètres transversal et antéro-postérieur du vagin sont à
cette hauteur de 900 et de 770 . L’épithélium, d’une épaisseur de 30 y,
paraît formé d’un mélange de cellules prismatiques et de cellules pavimen-
teuses ou polyédriques; c’est une sorte d’épithélium mixte dont l'élément
pavimenteux augmente vers le vestibule, et dont l'élément prismatique pré-
domine, au contraire, dans les parties supérieures. Ce fait semble devoir
être invoqué en faveur d’une transformation sur place de l’épithélium pri-
mitif du conduit génital, qui inférieurement formerait l’épithélium pavi-
menteux stratifié du vagin et supérieurement deviendrait l’épithélium pris-
matique de l’utérus. Nous ne pensons pas toutefois que le stade qui nous
occupe soit suffisant pour trancher définitivement la question.
Vers la soixante-dixième coupe l’épithélium se rapproche assez nettement
de la forme prismatique : il a en même temps augmenté d’épaisseur (50 y).
Vers la cent-vingtième coupe, le conduit génital régulièrement cylin-
drique mesure 1 millimètre de diamètre. Sa lumière, légèrement contournée
en forme d’S couchée transversalement, possède une longueur de 140 y.
Vers la cent-trentième coupe, le conduit utéro-vaginal commence à
s’aplatir d'avant en arrière; sa lumière participe également à cet aplatisse-
ment qui devient de plus en plus prononcé jusqu’à l’orifice des trompes.
Nous signalons, en passant, la persistance sur une longueur de 57,2
(110 coupes) à partir de l'extrémité vestibulaire, des. deux conduits de
Wolff avec une interruption de la trentième à la quarante-huitième coupe
pour celui du côté gauche. Ces deux conduits, cheminant dans les parois
latérales du tube utéro-vaginal, viennent s’ouvrir à l’extrémité supérieure
du canal vestibulaire, en arrière de l’urèthre, et de chaque eôté du cylindre
épithélial solide qui comble la lumière du vagin.
Un second embryon de la même largeur (17°,5/10°",5) nous pré-
sente un stade légèrement plus avancé que le précédent.
Le segment inférieur du tube utéro-vaginal est tapissé par un épithélium
franchement pavimenteux stratifié, d’une épaisseur de 20», qui remplit
entièrement la lumière du conduit, au voisinage de sa terminaison vestibu-
laire. Supérieurement l’épithélium est prismatique, d’une hauteur de 35
à 40 y.
La section transversale du cordon épithélial, à l’origine inférieure du
conduit génital est assez régulièrement cireulaire, puis elle prend la forme
d’un T à branche verticale dirigée en arrière. La section s’étire ensuite
transversalement, en même temps que la branche verticale du T disparaît,
et qu’une faible lumière se montre au centre du cordon épithélal. Plus haut
la coupe du conduit épithélial est celle d’un croissant à concavité dirigée en
avant : à ce niveau s’opère la transition graduelle de l’éphitélium pavimen-
teux en épithélium prismatique.
Supérieurement la lumière du conduit génital se contourne en forme d'S
SÉANCE DU 26 JANVIER. 49
couchée transversalement : les deux épaississements longitudinaux des pa-
rois antérieure et postérieure qui déterminent cette incurvation, repré-
sentent les rachis du futur arbre de vie du col de l'utérus. Enfin, tout au
sommet de l’organe, la lumière est rectiligne, aplatie d’avant en arrière.
Un fœtus plus avancé de 10°",5/14°%,5 (début du cinquième mois
lunaire) nous fournit les mensurations suivantes : La longueur totale du
conduit génital mesurée sur des coupes longitudinales sagittales, atteint
11 millimètres dont 1"",5 est occupé par l’épithélium prismatique et
6"®,5 par l’épithélium pavimenteux stratifié : la transition est graduelle
entre ces épithéliums. Sur une étendue de 1,8 à partir du vestibule, les
parois épithéliales antérieure et postérieure sont intimement soudées entre
elles, sans trace de lumière centrale. La lame épithéliale résultant de cette
fusion mesure d’abord une épaisseur de 50 y, puis on la voit se renfler en
arrière, à 1 millimètre environ du vestibule, et atteindre une épaisseur de
300 ». Ce renflement postérieur répond à la branche verticale du T que nous
avons signalée chez l'embryon précédent, sur la coupe transversale.
Fœtus de 12%,5/17 centimètres (milieu du cinquième mois lu-
naire). — Le conduit génital possède une longueur de 13 millimètres. A
6 millimètres environ du fond de l’organe on remarque un léger renflement
de la paroi, au niveau duquel se fait la transition encore graduelle de l’épi-
thélium pavimenteux stratifié. Ce dernier remplit entièrement la cavité du
conduit sur une hauteur de 2"%,5 à partir du vestibule.
Sur cet embryon nous voyons apparaître pour la première fois les sillons
de l'arbre de vie sous forme de légères dépressions de la face interne du.
conduit utéro-vaginal. Ces dépressions, qui commencent à une petite dis-
tance au-dessus de la transition es s'étendent sur une longueur de
2 millimètres.
Fœtus de 16 centimètres/23 centimètres (Début du sixième mois lu-
naire). — Nous assistons chez cet embryon au début de la formation du
museau de tanche. Au niveau du renflement cylindrique qui dessine l’extré-
mité inférieure du col de l’utérus, l’épithélium pavimenteux stratifié, qui
comble dans toute sa longueur la cavité du vagin, s’involue dans le tissu
sous-jacent sous forme d’une lame cellulaire mince, disposée en capsule
dont la concavité regarde en haut. Ainsi se trouve délimité un mamelon
conique continu par sa base avec le col de l’utérus, et à sommet inférieur :
ce mamelon représente la portion vaginale du col de lutérus. L’épithélium
pavimenteux stratifié du vagin s’enfonce à une faible distance dans la cavité
du col dont la lumière se termine en s’effilant vers l’extrémité du museau
de tanche : la transition épithéliale est toujours graduelle.
En ce qui concerne l’époque à laquelle se développe la partie vaginale
du col de lutérus, nos recherches concordent avec celles de Dohrn, qui
place le début de la formation du museau de tanche de la dix-neuvième à
la vingtième semaine (Marburg Gesellschaft, 1815).
Nous mentionnerons encore sur cet embryvn les points les plus intéres-
50 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sants suivants : la longueur de l’utérus est de 11 millimètres, celle du
vagin de 10"%,5 ; les parois ne se laissent pas encore décomposer en tu-
niques distinctes. Les sillons de l’arbre de vie, plus nombreux et plus déve-
loppés que dans le stade précédent, couvrent une étendue de 5millimètres.
Les plis du vagin sont dessinés par des involutions épithéliales en forme de
lames transversales dans le tissu sous-jacent.
Fœtus de 20 centimètres/31 centimètres (septième mois Are —
La longueur totale de l’utérus est de 14 millimètres, dont 5 pour letcorps
et 9 pour le col. L’épithélium du vagin remplit encore complètement la
cavité de cet organe, seulement les cellules les plus centrales se dissocient
et se détachent sur la coupe.
La muqueuse du corps de l’utérus est tapissée par un épithélium prisma-
tique sans cils vibratiles d’une hauteur de 20 à 30 ; qui se poursuit sans
modification dans la cavité du col. Les sillons de l’arbre de vie, de plus en
plus accusés à mesure qu’on se rapproche du museau de tanche, atteignent
pour les plus développés, une profondeur de 500 à 600 4; ils disparaissent
à une distance de 1,5 à 2 millimètres de l'extrémité du museau. Les sil-
lons les plus inférieurs présentent sur leurs parois des dépressions alvéo-
laires simples ou divisées, dans lesquelles s'enfonce sans changement
appréciable l’épithélium légèrement épaissi des sillons.
La saillie du museau de tanche mesure une longueur de près de 1 milli-
mètre. L’épithélium pavimenteux stratifié qui en revêt la surface vaginale,
s'engage dans la cavité du col à une profondeur de 1°", 3, puis il diminue
.d’épaisseur, el se continue ensuite par une transition graduélle avec l’épi-
thélium prismatique de l’utérus.
La muqueuse de l’utérus distincte à ce stade, de la tunique niusculeuse
possède une épaisseur de 300 à 4004. La tunique musculeuse atteint 0,7 16
au niveau du corps et 1,04 à la partie inférieure de l'utérus.
Fœtus de ‘29 centimètres/44 centimètres (neuvième mois lunaire). —
L'utérus mesure une longueur de 23 millimètres dont 5"",5, pour le corps
et 17%%,5 pour le col. Le museau de tanche nettement accusé possède à sa
base un diamètre de 10 millimètres; toutefois la quantité dont il proémine
dans la cavité du vagin, c’est-à-dire la longueur de la portion vaginale du
col de l'utérus, ne dépasse guère 1,5 à 2 millimètres.
L’épaisseur de la muqueuse du corps de l’utérus varie entre 600 et 700 y.
Au niveau du col, l'épaisseur de la muqueuse, mesurée assez exactement
par la profondeur des sillons de l’arbre de vie, est comprise entre 600 et
- 900 ».
Le passage de l’épithélium prismatique de l’utérus à l’épithélium pavi-
- menteux stratifié du museau de tänche s'opère brusquement à une distance
de 15 millimètres de l’extrémité du museau. Dans une étendue de 2 milli-
mètres environ au-dessus de cette transition, l’épithélium prismatique (15 à
254 de hauteur) de la cavité du col, a subilatransformation dite muqueuse.
Les cellules qui le composent ont augmenté de hauteur (35 à 40 «) en même
SÉANCE DU 26 JANVIER. 51
temps que leur corps cellulaire est devenu transparent, et entièrement
réfractaire à l’action des réactifs colorants. D'autre part on constate dans
toute la région occupée par cet épithélium transparent, aussi bien à la sur-
face des plis de l’arbre de vie que dans les sillons qui les limitent, la produc-
tion d’involutions épithéliales en forme de tubes généralement simples, dont
la profondeur varie de 50 à 200 4 : ces formations anatomiques représentent
les glandes du col de l’utérus. Les variétés de forme signalées par les auteurs
nous paraissent tenir à ceci : que les unes s'ouvrent librement à la surface
des plis de l'arbre de vie, tandis que les autres viennent déboucher au fond
des sillons, sur leurs parois, ou encore dans les dépressions alvéolaires que
nous avons signalées précédemment. (Comp. Cornil, Journal de l'anatomie,
1864.)
Ajoutons qu’un bouchon muqueux occupe toute la portion du col répon-
dant à l’épithélium muqueux.
Fœtus à terme.— Chez le fœtus à terme, la transformation muqueuse de
lépithélium prismatique, dont il est facile de se rendre compte, aussi bien
sur les pièces traitées par le liquide de Müller, que sur celles fixées par
l’alcool, s’est étendue à toute la cavité du col, ainsi que le développement
des follicules glandulaires : le bouchon muqueux remplit le col dans toute
sa longueur.
Les sillons de l'arbre de vie (1%, 5 à 2 millimètres de profondeur), avec
leurs nombreux follicules glandulaires se rapprochent beaucoup sur la
coupe de l’aspect qu'ils présentent chez l’adulte.
Dans la cavité du col de l’utérus, on ne trouve encore aucune involution-
épithéliale méritant le nom de glandes de l’utérus. Quelques sillons seuls
serpentent le long de la face interne de la muqueuse.
Sur tous les fœtus à terme que nous avons examinés, l’épithélium prisma-
tique de l’utérus, aussi bien du corps que du col, était entièrement dépourvu
de cils vibratiles.
Nous rappellerons que M. de Sinéty (Société de biologie, 1875) avait déjà
signalé l'absence de cellules ciliées dans l’utérus à la naissance, sauf toute-
fois au voisinage des orifices tubaires.
DEUXIÈME NOTE SUR LA DIFFUSION, par M. L. CHaBry, présentée
par M. Poucxer.
J'ai fait connaître, dans une précédente communication à la Société de bio-
logie, la loi suivante concernant la diffusion de l’acide sulfurique, en contact
avec l’eau distillée :
Un vase cylindrique vertical empli d'eau distillée, étant en contact par
son extrémité inférieure avec une couche acide de composition constante,
22 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
la hauteur verticale à laquelle l'acide s'élève par diffusion, au bout d’un
temps donné, est en raison directe de la racine carrée du temps considéré.
J’appelle cette relation la loi des hauteurs de diffusion. De nouvelles expé-
riences, faites dans les mêmes conditions, m'ont montré que les quantités to-
tales d'acide diffusées dans levase après un temps donné sont également pro-
portionnelles à la racine carrée de ce temps. F’appelle cette seconde rela-
tion la. _... quantités diffusées. Il résulte du rapprochement de ces deux
lois que les quantités d’acide diffusées, dans un même vase cylindrique.
croissent proportionnellement au chemin parcouru par l’acide (la quantité .
diffusée est double lorsque l’acide est parvenu à une hauteur double, etc.).
Ces deux lois sont-elles rigoureusement exactes, ou, comme la plupart des
lois physiques, ne sont-elles applicables que dans certaines limites et avec
une certaine approximation? J’ai éprouvé la loi des hauteurs dans des li-
mites comprises entre une minute et quarante-sept heures et le rapport des
hauteurs calculées aux hauteurs observées n’a jamais excédé 100/106‘; la
première loi, si elle n’est rigoureusement exacte, est donc approximée à
1/20° environ. Il m'est difficile, pour le moment, de juger si les erreurs
d'observation peuvent atteindre ce chiffre. En ce qui concerne la seconde
loi, je l’ai contrôlée dans des limites de temps comprises entre dix minutes
et cinq jours, et le rapport des quantités calculées aux quantités observées
n’a pas excédé 100/110°. La seconde loi, si elle n’est exacte, est donc
approximée à 1/10° et j'ignore si les erreurs d'observation ne peuvent
atteindre ce chiffre. | bc wÂi É
Il n’est pas inutile d'observer que si l’une de ces lois était rigoureuse-
ment vraie, il en résulterait que les lois de la diffusion sont celles que Fou-
rier a assignées à la propagation de la chaleur, et la seconde loi serait aussi
rigoureuse que la première, car l’analyse mathématique démontre qu’elles
ne sont que des expressions différentes d’un même fait. L'hypothèse d’une
semblable analogie entre les lois de la diffusion et celles de la propagation
de la chaleur avait déjà été émise par Fick en 1855; mais les «expériences
de vérification faites par cet auteur sont peu concluantes, car le rapport
entre les chiffres calculés et observés s’élève parfois à 1/2. Postérieurement,
Matteucci, en 1862, remarqua qu’une loi analogue régissait l’imbibition
des tissus végétaux par l’eau.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2; Paris.
93
SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
La parole est donnée à M. le professeur LABOuLBÈNE pour lire la notice
qu’il a rédigée sur Davaine, membre titulaire-honoraire de la Société de
biologie.
Cette notice sera publiée ultérieurement et en tête du volume de 1884.
M. Paul BerT, président, remercie au nom de la Société M. le professeur
Laboulbène de l'éloge qu’il vient de lire de notre regretté et savant col-
lègue.
— À titre d'hommage rendu à la mémoire de Davaine, la séance est
levée.
M. le professeur W. B. CARPENTER adresse une lettre de remerciements
pour sa nomination de membre associé de la Société de biologie. Il adresse
en même temps, comme hommage à la Société, un grand mémoire intitulé :
The Zoology of the Voyage of H. M. S. « Challenger ». Report on the
genus Orbtiolites. — M. HENNEGUY veut bien se charger de rendre compte
de cet important travail.
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. L°, N° 6. a)
ot
tre
SÉANCE DU 9 FÉVRIER 1884
Présidence de M. Paul Bert.
— Hommage fait à la Société de biologie de l’ouvrage suivant : Swr Les
déformations cräniennes artificielles des squelettes trouvés dans les
fouilles de Szaged-ŒEthalom (Die Ausgrabungen zu Szaged-(Œthalom in
Ungarn). In-quarto de 251 pages, avec VIIT planches, Budapest, 1884 ;
par Joseph von LENHOSSEK.
À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE.
Ù .
Paris, le 8 février 1884.
J’ai l'honneur de faire hommage à la Société d’un exemplaire du Rapport
qui vient d’être fait à l'Académie royale de médecine de Bruxelles (séance
du 29 décembre), par M. le docteur Desguin, membre titulaire, sur mon
travail : Les origines de la métallothérapie. La Société y trouvera la consé-
cration de ses si précieux suffrages concernant cette nouvelle méthode de
traitement qui a reçu le nom de Burquisme, et la justification de la bien-
veillance avec laquelle ses honorables membres ont bien voulu accueillir
l’histoire de sa découverte.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l’expression de mes sentiments
profondément respectueux.
D' V. Buro.
SUR LE PLACENTA DES OISEAUX, par M. Mathias DuvaL.
Dès le 22 mai 1880, j'avais l'honneur de communiquer à la Société de
‘biologie quelques observations sur le mode d'extension de l’allantoïde chez
les oiseaux, et je signalais la présence, vers le pôle inférieur de la sphère
vitelline, de formations allantoïdiennes d'apparence énigmatique, lesquelles,
-sous forme de replis membraneux, se détacheraient de la sphère vitelline,
_SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 59
a ——— a —
pour ailer envelopper la masse albumineuse accumulée au petit bout de
l’œuf. Ces dispositions étaient énigmatiques en ce qu’elles nous montraient
J’allantoïide abandonnant la cavité pleuro-péritonéale ou cœlome externe
pour aller donner naissance à une formation dont aucun embryologiste
n’avait encore signalé l'existence.
Depuis cette époque nous avons poursuivi cette étude, ba sans Succès,
parce quenous ne nousadressions qu’à des œufs de no dontles dimensions
sont trop considérables pour permettre de dureir en masse et de débiter en
coupes fines la totalité des parties que renferme l’œuf; et cependant nous
nous étions convaincu que C'était là le seul mode de recherche qui pût nous
donner des résultats satisfaisants, c’est-à-dire nous faire reconnaitre les
rapports et connexions des parties, rapports et connexions que nous avions
en vain essayé de déterminer par la SEAT même, en opérant sous
l’eau.
Nous étions sur le point de renoncer à rare ce problème, lorsque, au
mois de mai dernier, par le fait de circonstances particulières, nous fûmes
à même de nous procurer un grand nombre d'œufs de fauvette, à toutes les
périodes de l’incubation, œufs qui, grâce à leur petit volume, purent être
dureis (emploi du liquide de Kleinenberg et de l’alcool) puis débités au
rasoir en minces coupes. Dès lors il nous fut possible, sur les préparations
ainsi obtenues, de suivre le trajet et les: connexions des. membranes et de
constater les faits suivants :
Suivant le schéma classique, l’allantoïde se glisse et s'étend dans la
fente pleuro-péritonéale des parties extra-embryonnaires du blastoderme,
envahit ainsi successivement tout l'hémisphère supérieur de la sphère vitel-
line, atteint et dépasse l’équateur de cette sphère. Mais lorsque l’allantoïde
est arrivée vers l'hémisphère inférieur, cette vésicule cesse de s’étendre
dans la fente pleuro-péritonéale ; elle repousse.au-devant d'elle le chorion
(feuillet fibro-cutané doublé de l’ectoderme) et se porte ainsi en bas, aban-
donnant la sphère vitelline, pour suivre la face interne de la membrane
coquillière, en se dirigeant vers le petit bout de l’œuf; elle forme ainsi
une sorte de sac qui circonserit la'masse albumineuse (blanc d'œuf), et, à
mesure que l’allantoïde approche du petit bout de l'œuf et l’atteint, ce sac
se ferme comme une bourse dont on tire les cordons. Alors l’albumine est
renfermée dans un sac clos et formé par l’allantoïde revêtue du chorion.
C’est alors, ou déjà un peu auparavant, qu’apparaissent des formations
qui vont donner à ce sac une signification précise : sa face interne (en contact
avec la masse albumineuse) se couvre de villosités, longues et vasculaires,
qui plongent dans l’albumine et président à son absorption; et en effet
l'absorption de cette albumine se fait dès lors très rapidement.
Nous avons donc là un organe dont les parties essentielles sont repré-
sentées par des villosités choriales, empruntant leurs vaisseaux à l’allan-
Loïde ; à un organe de ce genre tout embryologiste donnera le nom de
placenta.
96 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Les oiseaux possèdent donc un organe annexe analogue au placenta des
mammifères : au lieu que les villosités de ce placenta pénètrent dans le
terrain maternel et y puisent les sucs nutritifs, ainsi que cela a lieu chez
les mammifères, ces villosités, chez l’embryon d'oiseau, plongent dans
l’albumine que les organes de la mère ont déposée, comme provision nutri-
tive, dans l’espace que circonscrit la coquille calcaire de l’œuf. C’est la pré-
sence de cette coquille qui détermine le placenta à prendre la forme de sac
avec villosités à la face interne, au lieu de s’étaler en surface avec villo-
sités externes. Mais on comprend facilement que chez des ovo-vivipares, à
coquille mince et membraneuse, comme chez les reptiles, on pourra trouver
des espèces chez lesquelles, la coquille se résorbant, le placenta, que nous
venons de voir prendre la forme de sac chez l'oiseau, s’étalera sur la surface
interne des oviductes et s’y greffera par ses. villosités.
Le placenta des oiseaux nous offre donc une forme élémentaire qui a pu
être l’origine du placenta des mammifères, c’est à dire que nous trouvons
ainsi de nouvelles formes de transitions et de nouvelles affinités entre les
vertébrés allantoïdiens munis d’un placenta et ceux qui jusqu’à présent ont
été considérés comme aplacentaires.
Remarquons encore que si le placenta des oiseaux est un organe d’ab-
sorption nutritive par sa surface intérieure, il est un organe d'échanges.
respiratoires par sa surface extérieure, c'est-à-dire qu'ici se trouvent
réparties en deux régions différentes les fonctions qui, dans le placenta des
mammifères, s’accomplissent simultanément en un seul et même lieu.
Dans une prochaine communication nous reviendrons sur certaines
parties de ce placenta des oiseaux, et montrerons que sa partie supérieure
n’est pas allantoïdienne, mais purement ombilicale, c’est-à-dire qu’à certains
égards il se rattache à ce qu’on a pu considérer comme un placenta ombi-
lical chez certains poissons plagiostomes.
SUR LE MODE D'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ATROPINE ET SUR L'INFLUENCE
QUE CE MODE D'ACTION, SOIT SEUL, SOIT ASSOCIÉ À CELUI DE LA MORPHINE,
EXERCE SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET TOXIQUES DU CHLOROFORME.
Deuxième Note de M. LABORDE.
Quel que soit, disais-je dans la première partie de cette Note (Comptes
Rendus, p. 37, 1884), le mécanisme intime de l’action physiologique de
l’atropine sur le fonctionnement du cœur, le fait capital que cette action
s’exerce, d’une façon prédominante, et en ce sens élective, sur les effets
modérateurs ou arrestateurs du cœur demeure démontré et incontestable.
Or ce fait, joint au suivant, dont j'ai donné aussi une démonstration expé-
rimentale péremptoire, savoir que le centre respiratoire bulbaire est doué
d’une résistance fonctionnelle et d’une survie exceptionnelles, ce fait, dis-je,
SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 57
fournit la raison physiologique de l’immunité relative contre l’action du
chloroforme, dans le cas où l’atropine a été préalablement administrée et
a produit ses effets, soit seule, soit en compagnie de la morphine.
Quel est, effectivement, le résultat essentiel de l’administration préalable
de l’atropine? C’est de réduire à néant ou, tout au moins, d’atténuer consi-
dérablement l'influence modératrice ou arrestatrice que le bulbe exerce, par
l'intermédiaire des vagues, sur le cœur; les choses se passent en ce cas,
comme si l’on avait opéré la section des vagues ; et il s'ensuit que le cœur,
soustrait de la sorte à cette influence dominatrice, se trouve comme indi-
vidualisé en son fonctionnement; il a conquis et il garde toute son auto-
nomie fonctionnelle, rythmique, et il est ainsi, par ce fait même, hors des
atteintes qui peuvent lui venir de l'influence centrale.
Or, un des effets les plus graves de cette influence, c’est l'effet suspensif
des battements du cœur, autrement dit la syncope cardiaque. Cest là pré-
cisément ce qui constitue le danger imminent de la chloroformisation au
début, et le danger se trouve, en conséquence, écarté ou singulièrement
atténué par les conditions fonctionnelles réalisées, gràce à l’action préa-
lable de l’atropine.
La théorie physiologique est, d’ailleurs, en parfait accord avec l’observa-
tion clinique et expérimentale, ainsi que cela résulte des expériences de
MM. Dastre et Morat, confirmées sur le terrain clinique par M. le docteur
Aubert(de Lyon)et par ses élèves, MM. Brinon et Hortolès, et des expériences
plus récentes de M. Paul Bert.
On peut s'assurer encore, par un procédé expérimental des plus
simples et des plus faciles, de cette immunité et de cette résistance
particulière aux effets nocifs du chloroforme, conférés par l’atropinisa-
tion préalable : il suffit d'opérer sur la grenouille, que l’on sait être si
sensible à l’action des vapeurs chloroformiques. Voici un type de dispositif
d'expérience à ce sujet :
Prenez deux grenouilles aussi semblables que possible ; l’une est destinée
à servir de témoin; l’autre reçoit, au préalable, en injection hypodermique,
une dose suffisante de sulfate neutre d’atropine (cette dose peut et doit,
selon la vigueur du sujet, être poussée jusqu’à 5 ou 6 milligrammes).
Les deux animaux sont ensuite simultanément soumis à l’action de va-
peurs chloroformiques, ou, selon le procédé habituel applicable à la gre-
nouille, elles sont plongées dans de l’eau chloroformée, jusqu’à ce qu’elles
offrent l’état objectif bien connu de résolution complète, qui donne l’aspect
de mort apparente.
Une observation attentive permet d’abord de constater, dans la plupart des
cas, que les effets du chloroforme se produisent plus rapidement sur la gre-
nouille préalablement atropinisée. En second lieu, si l’on ouvre rapidement
la poitrine, on voit qu’en général les contractions cardiaques persistent,
quoique très lentes et très affaiblies, chez l'animal qui a reçu l’atropine,
pendant qu’elles sont totatement suspendues chez l’autre, Mais— fait con-
DS SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
stant— si à raison des conditions d'absorption, qui sont ici spéciales, se
faisant par toute la surface cutanée, les effets du chloroforme arrivent à
amener de part et d'autre la suspension des battements du cœur, la re-
prise et le retour de ces battements commencent toujours chez la grenouille
atropinisée, et chez elle le cœur a récupéré l'énergie et le rythme premiers
de ses contractions, bien avant que celui du témoin ait repris son fonction-
nement normal.
Si l’on pousse, dans ces conditions respéctivés, la chloroformisation jus-
qu'aux effets extrêmes, on constate une ténacité et une résistance relatives
tout à fait imprévues du côté de la grenouille atropinisée : nous avons vu .
dans un de ces cas, un de ces animaux qui avait reçu 6 milligrammes d’atro-
pine, et soumis ensuite à l’action du chloroforme jusqu’à la mort apparente,
présenter la persistance et la continuation des battements du cœur (mis à
nu) deux jours environ après l’expérience, alors que chez le témoin le cœur
avait été incapasle de récupérer définitivement sa fonction, à la suite de la
chloroformisation.
Ces résultats expérimentaux peuvent, du reste, être fixés, dans leurs dé-
tails les plus délicats, par la méthode cardiographique, ainsi qu'en témoi-
gnent les tracés que je vous présente.
Mais il est possible de réaliser plus complètement encore ces conditions
d’immunité, de résistance à l’action nocive du chloroforme, cela en asso-
ciant à l’action de l’atropine celle de la morphine. La théorie physiologique,
basée sur les résultats positifs de l’expérimentation, explique fort bien aussi
cette simultanéité d’action, en vue de préserver des accidents possibles et
les plus imminents de la chloroformisation.
En effet, pendant que l’atropine met le cœur à labri des influences
d'arrêt, partant de la syncope cardiaque, par son action paralysante de la
conduction motrice des vagues, la morphine, de son côté, par son action
analgésiante généralisée, prévient et empêche les effets des impressions
sensitives, soit générales, soit surtout localisées aux muqueuses des pre-
mières voies, qui constituent, au début de la chloroformisation, le point
de départ des phénomènes d’excitation et d'arrêt cardiaque; de telle
sorte que les deux substances, atropine et morphine, se prêtent, par
leur action réciproque, un mutuel appui pour parer au même et essentiel
danger : l’arrêt cardiaque d’emblée et du début.
Cest là, en effet, le danger véritablement grave, par son imminence
presque es comme par sa nature fonctionnelle, de la chloroformisation ;
voici pourquoi :
En dehors de lune des EN enthalités. d’ailleurs nombreuses, mais
étrangères à l’action physiologique propre du chloroforme en inhalation,
qui peuvent intervenir comme cause de mort pendant la chloroformisation
empirique, le vrai, le seul mécanisme de la mort par cette substance, c’est
l'arrêt primitif et persistant de la fonction respiratoire : c’est là un fait qui
SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 59
ne saurait être contesté, croyons-nous, aujourd’hui, par aucun physiologiste
autorisé. Or, tant que le cœur continue à battre, l’arrêt respiratoire peut
presque toujours et facilement être vaincu par une intervention appropriée,
soit d’excitation électrique, soit et surtout de respiration artificielle; tandis
que si le cœur se trouve en état d'arrêt, quelque peu persistant, les diffi-
cultés de ramener, chez l’homme surtout, ses contractions, sont telles qu’il
n’est pas téméraire de dire que, dans les conditions dont il s’agit, il y a à
cela une impossibilité insurmontable : d’où l’asphyxie respiratoire et géné-
ralisée consécutives, et la mort irrémédiable.
. C’est pourquoi les moyens préventifs de la syncope cardiaque primitive
—et tels sont, nous venons dele démontrer, l’atropine et la morphine asso-
eiées — sont de nature à atténuer, autant que faire se peut, et même à
éviter le danger essentiel et toujours imminent de la chloroformisation.
Aussi, pensé-je qu’en attendant la mise en pratique et la vulgarisation pos-
sible de la méthode de l’anesthésiation par les mélanges titrés de chloro-
forme et d’air, il y aurait lieu et il serait physiologiquement rationnel
de recourir à l’emploi préventif du mélange d’atropine et de morphine
préconisé, après une sérieuse expérience clinique, par M. le docteur Aubert
(de Lyon). |
Il est vrai que l’on appréhende, en général, d’user d’une substance aussi
active et aussi dangereuse que l’atropine ; et cette appréhension n’est pas
sans fondement, lorsqu'on n’est pas sûr de la pureté chimique du produit :
mais lorsqu'on est autorisé à avoir confiance en cette pureté — ce qui est
facile — et lorsque, d’un autre côté, intervient l’action simultanée et anta-
goniste de la morphine, on peut, sans crainte, recourir à l’atropine, surtout
dans la limite de l’effet préventif qu’il s’agit seulement d’obtenir, en ce
cas.
Cette question de la pureté du produit chimique a, d’ailleurs, une impor-
tance dont on ne se fait généralement pas une juste idée, et elle tient à un
certain nombre d'éléments dont on ne se douterait guère à priori; c’est
pourquoi je me propose d’y revenir prochainement en ce qui concerne par-
ticulièrement l’atropine, et à propos du procédé de chloroformisation que
me portent, en attendant mieux, à préconiser les données expérimentales.
DE L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUE DU SANG ET DE DIVERSES SUBSTANCES COLORÉES,
AU MOYEN DE LA LUMIÈRE BLANCHE DIFFUSE, RÉFLÉCHIE PAR LA PORCELAINE.
APPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES, TOXICOLOGIQUES ET MÉDICO-LÉGALES, par
M. le docteur À. HÉNOCQUE.
Je signale à la Société un procédé qui simplifie l'observation des bandes
d'absorption des divers liquides colorés et en particulier du sang et des
humeurs; je me crois autorisé à le présenter comme nouveau, parce que je
60 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
n'ai rencontré dans les traités d'analyse spectrale aucune indication du
même genre. Ce procédé consiste à examiner avec un spectroscope à vision
directe de construction très simple le sang ou les liquides colorés déposés
sur une plaque de porcelaine blanche, et éclairés par la lumière solaire ou
par une source lumineuse quelconque, par exemple une simple bougie.
Les substances qui présentent des bandes d'absorption lorsqu'on les
examine par transparence offrent ces mêmes bandes si on les examine par
un éclairage direct, réfléchi sur une surface blanche polie, soit le papier
glacé blanc, soit la porcelaine ou une lame de verre émaillé blanc.
La lumière solaire montre déjà nettement les raies du spectre, lorsqu'elle
est réfléchie par la surface plane, concave ou convexe d’un morceau de
porcelaine, mais si l’on examine sur la porcelaine des substances offrant
des bandes d'absorption, celles-ci apparaissent plus nettement que si on
les observait par transparence dans les mêmes conditions de lumière et
«’épaisseur. |
Ce phénomène est des plus prononcés avec la lumière solaire, il se pro-
duit avec les autres sources de lumière, telles que le gaz, le pétrole et tout
simplement une bougie.
J'ai choisi quelques exemples dont je vais faire la démonstration à ceux
de nos collègues que ces études peuvent intéresser.
Une série de tubes soumise à votre examen, ayant 1 centimètre de dia-
mètre, renferme des substances qui présentent des bandes d'absorption,
les dilutions sont déterminées de manière que certaines bandes appa-
raissent à peine si on les examine par transparence à la lumière d’une
bougie; si, au contraire, ces tubes sont:posés sur une plaque de porcelaine |
et exposés à la même lumière, mais directement, c’est-à-dire placés au-
dessous de la flamme: et inclinés de façon à réfléchir la lumière, on voit les
bandes apparaître plus nettement, et l’on en peut constater d'autres qui
n'étaient pas visibles.
1° Une solution de sulfate de didyme au deux-centième examinée par
transparence ne montre pas de bandes d’absorption nette, mais si le tube
est placé sur une plaque de porcelaine, on peut distinguer à la lumière
d’une bougie une bande à droite de la raie D, dans le jaune, et même une
seconde bande dans le vert.
2° Une solution de chlorure de didyme dans laquelle on distingue à
peine les deux bandes caractéristiques du chlorure de didyme, les montre
très nettement si l’on examine le tube sur la porcelaine.
3° Une solution de picro-carminate d’ammoniaque au trois-centième montre
deux bandes caractéristiques à droite de D, c’est-à-dire dans le jaune vert
et le vert, si on l’examine sur la porcelaine, les deux bandes sont réunies
et ne laissent plus voir de vert comme dans les solutions concentrées.
4° Du sang humain, conservé dans l’hyposulfite de soude, a été dilué de
façon à présenter une teinte rose très pàle; examiné par transparence, il
SÉANCE DU ® FÉVRIER. 61
ne présente aucune bande caractéristique ; mais, vu sur la porcelaine, il
montre la bande large caractéristique de l’hémoglobine réduite.
5° Le liquide plasmatique ou sang de la larve du Chironomus étendu
d’eau montre par transparence les deux bandes de l’oxyhémoglobine ; vu sur
du papier porcelaine (papier du sphygmographe), il montre ces deux bandes
plus larges, à peine séparées par un espace vert sombre.
5° De la teinture de cantharides montre, par transparence, une bande
très nette dans le rouge ; en l’examinant sur la porcelaine on distingue
une seconde bande dans l’orange à gauche de la raie D : les raies sont
caractéristiques de la chlorophylle.
1° De l'essence de violettes présente par transparence une bande dans le
sang, et sur la porcelaine, deux autres bandes dans l’oranger et près du
bleu. |
Il est inutile de multiplier ces exemples pour démontrer que la lumière
blanche réfléchie agit sur les solutions de substances colorées en augmen-
tant l’intensité des bandes d'absorption, comme si la solution était plus
concentrée, ou comme si l’épaisseur du liquide observé était plus considé-
rable. |
J’ai cherché à déterminer la valeur de cette augmentation, mais je n’ai
pu jusqu'à présent l’évaluer que d’une manière approximative; il m'est
démontré cependant que pour le sang, pour les solutions de sel de didyme,
l'épaisseur de la couche observée sur la porcelaine, à la lumière solaire,
donne des bandes d’absorption aussi nettes que les mêmes solutions obser-
vées par transparence et ayant une épaisseur double, triple et même quin-
tuple.
C’est ainsi que six gouttes d’une solution d’hémoglobine au centième,
diluées dans un centimètre cube d’eau, donnent, par l’éclairage de la por-
celaine, deux bandes aussi nettes qu’une dilution de douze gouttes de cette
solution dans un centimètre cube d’eau.
Cette relation varie suivant la concentration des matières colorantes et
suivant des conditions qui ne sont pas encore nettement déterminées.
Les applications de ces phénomènes à l'analyse spectroscopique sont
très importantes, puisque l’examen direct sur la porcelaine est rapide, et
en quelque sorte instantané, et n’exige qu’une très petite quantité de
substance. En physiologie et en toxicologie, j'ai déjà pu démontrer les
avantages de cet examen sur la porcelaine dans les recherches que j'ai
présentées à la Société, sur la durée de l’absorption et de l’élimination du
nitrite de sodium et du nitrite d’amyle, et qui reposent sur l'examen spec-
troscopique du sang des animaux intoxiqués par les nitrites, répété à quel-
ques minutes d'intervalle.
Enfin, dans l’étude médico-légale des taches de sang ou d’autres
substances colorées sur du linge, sur du bois, des tentures, il y aura avan-
tage à procéder de la manière suivante : Une portion du tissu présentant la
tache de sang, que ce soit du linge ou même une lamelle de bois, est collée
62 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sur un godet de porcelaine, puis humectée d’eau; on l’examine alors avec
le spectroscope à vision directe, et l’on peut faire agir sur la tache les
réactifs caractéristiques de l’hémoglobine : on a ainsi l'avantage d'éviter
la séparation de la tache et du tissu, et une dilution qui fait disparaître la
substance colorante, c’est-à-dire la preuve matérielle.
NOTE SUR LE SQUELETTE CARTILAGINEUX PRIMITIF DE LA FACE,
par M. Georges HERVÉ.
Presque tous les anatomistes ont décrit et décrivent encore le développe-
ment du squelette facial comme s’effectuant suivant un mode spécial, en-
tièrement différent du processus ostéogénique qui, chez les vertébrés
supérieurs, donne naissance au crâne basilaire. Les os de la face se dépo-
seraient directement entre des membranes, sans être précédés de cartilage,
comme se développent les os de revêtement de la voûte du cräne (ossifica-
tion intermembraneuse ou périéstéale). La base du crâne, au contraire, est
préformée à l’état cartilagineux, et c’est aux dépens de ce cartilage primor-
dial, ou, pour mieux dire, par son intermédiaire et en se substituant à lui,
que se forme la substance osseuse, l’os se déposant ici dans l’épaisseur
même du cartilage (ossification intracartilagineuse ou enchondrale).
J’ai l’honneur de soumettre à l'examen de la Société un certain nombre
de coupes microscopiques qui m'ont permis de constater, relativement au
mode d’ossification de la face, des faits en complète opposition avec la
théorie que je viens de rappeler. Je ne prétends pas, toutefois, revendiquer
la priorité de la découverte de ces faits : ils ont été vus avant moi par
Dursy d’abord, puis, plus récemment, par Hannover, qui les à parfaite-
ment décrits dans son important mémoire sur «le cartilage primordial et
son ossification dans le crâne humain » (pages 45 à 50). Mes observations
ne font que confirmer les leurs; elles étendent, en outre, à quelques mam-
mifères (chat, mouton) les résultats auxquels ils sont arrivés pour l’homme.
Il ressort de cet ensemble de recherches que le prétendu dualisme évo-
lutif que l’on a voulu établir entre la base du crâne et la face, au point de
vue de l’ostéogenèse, que ce dualisme n’existe réellement pas. Le squelette
facial tout entier est primitivement cartilagineux. Le cartilage primitifde #
la face est en continuité de substance avec le chondrocräne, dont il repré-
sente une simple dépendance; il prolonge directement le cartilage de
l’ethmoïde. C’est en dehors de ce massif cartilagineux, dans les parties
membraneuses qui l'entourent, qu’apparaît ultérieurement la substance
osseuse qui constituera le squelette définitif. L’os, au moment de son appa-
rition, vient doubler extérieurement le cartilage, avec lequel il coexiste pen-
dant quelque temps. Ce mode de développement, les relations des deux
:
£
$
1
|
édit
PILE
SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 63
substances, ainsi que les dispositions morphologiques affectées par le car-
tilage facial, apparaissent très clairement sur les coupes que voici, faites
sur des têtes d’embryons de chat de 5 1/2 centimètres de long.
L'ossification progressant, le cartilage disparaît par une atrophie dont
la marche et le mécanisme ne sont pas encore parfaitement connus. Il y a
là matière à nouvelles recherches.
On a pu déjà reconnaître l'identité de ce processus et de celui que les
beaux travaux de MM. Robin et Magitot ont depuis longtemps mis en
lumière pour le développement du maxillaire inférieur. On se rappelle que
ces auteurs ont montré qu'il n’y a pas ossification directe du cartilage de
Meckel, mais que l’os se forme en dehors de l’arc mandibulaire cartilagi-
neux; celui-ci est destiné à disparaître par atrophie, son rôle étant celui
d’un simple support d'attente. Ce fait, qui constituait une apparente excep-
tion à la loi générale du développement de la face osseuse, aurait dû déjà
attirer l’attention des observateurs, en les portant à vérifier d’un peu plus
près ce que cette loi pouvait avoir de fondé. Une autre observation, due à :
M. le professeur Sappey, venait bientôt apporter un nouveau démenti à la
théorie du développement achondral. M. Sappey montrait, en effet, que le
vomer est formé au début de deux lames osseuses enfermant dans leur inter-
valle un prolongement émané du cartilage de la cloison du nez; il avait
vu, en même temps, que l’os ne se développe pas aux dépens de ce carti-
lage, mais en dehors de lui, et il avait suivi la résorption graduelle du car-
tilage intra-vomérien à partir de la naissance jusqu’à l’âge adulte. M. Sap-
pey, ouvrant ainsi la voie aux recherches des embryologistes, constatait
enfin que « pendant toute la première moitié de la vie. fœtale, la cloison des
fosses nasales est exclusivement constituée par un cartilage qui s'étend de
leur paroi supérieure à l’inférieure, et de leur ouverture antérieure à la
postérieure. » (Traité d'Anat. descript, t. I, p. 213, 2° éd.)
Ce grand septum cartilagineux, dont il ne reste plus chez l’adulte que le
cartilage dit de la cloison, occupe chez l'embryon tout l'emplacement où se
formeront plus tard la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer.
Mais ce septum n’est lui-même qu’une partie d’une masse cartilagineuse
beaucoup plus étendue qui comprend toute la face. Sur des coupes orientées
en direction frontale, c’est-à-dire pratiquées suivant un plan vertical et
transversal, et se succédant d’avant en arrière, on voit, sur les plus recu-
lées, la cloison en question se rattacher en haut au cartilage de la base du
crâne. Sur des coupes passant plus en avant, le septum se divise à sa partie
supérieure en deux lames, qui s’incurvent à concavité inférieure pour for-
mer le plafond des cavités nasales, puis qui se reploient de chaque côté de
haut en bas, en limitant la paroi externe de ces cavités. Ces lames cartila-
gineuses latérales, qui prolongent en avant les masses latérales de l’eth-
moïde, constituent de véritables maxillaires supérieurs cartilagineux.
Tapissées à leur face interne par la pituitaire, elles envoient dans l’inté-
rieur des fosses nasales des prolongements (les cornets cartilagineux), qui
64 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
circonserivent les méats et les sinus. Le cartilage entoure ainsi de toutes
parts les cavités et arrière-cavités nasales. Le sinus maxillaire notamment,
reconnaissable sur les coupes à ses glandes en épi, offre à ce moment des
parois entièrement cartilagineuses. Quant à los, il apparaît déjà sous la
forme de points isolés, présentant l'aspect réticulaire bien connu des os de
membrane en voie de développement. Ces points osseux se constituent
extérieurement au cartilage. On aperçoit très nettement de chaque côté
deux centres d’ossification : l’un, supérieur, qui, de la région fronto-nasale,
descend entre l’œil et la paroi externe des fosses nasales; l’autre, infé-
rieur, qui rayonne d’une part vers le précédent, et s’étend d’autre part
dans F voûte palatine.
Tels sont les faits. [ls montrent, en résumé, que le PT de la base
du cràne et le squelette facial se développe suivant le même mode, et que
l’un et l’autre sont primitivement constitués par la substance cartilagi-
neuse. La seule différence est que, dans le premier cas, l’os se dépose à
l’intérieur du cartilage, et dans le second à sa surface.
Je signalerai en terminant une application que l’on peut faire de ces faits
embryologiques à la pathologie. Les fosses nasales et leurs sinus sont par-
fois, chez les jeunes sujets surtout, le siège de tumeurs cartilagineuses.
L'origine de ces tumeurs ne laissait pas que d’être embarrassante avec la
théorie ostéogénique généralement admise; elle s'explique, au contraire,
très aisément par l'existence d’un squelette cartilagineux précédant le
squelette osseux. J’ajoute que la composition de ces tumeurs, qui renfer-
ment, ainsi que l’a montré Broca, un mélange en proportion variable de
tissu cartilagineux et de tissu osseux (ostéochondromes), se trouve égale-
ment expliquée par la coexistence, à une certaine période du développe-
ment, de l’os et du cartilage.
ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA LUTIDINE DU GOUDRON DE HOUILLE. Deuxième
Note, par MM. Œcasner DE ConiINcK et Piner. (Travail du laboratoire de
M. M en présenté par M. BOCHEFONTAINE.)
Dans nos précédentes notes (séances des 24 novembre et 1* décem-
bre 1883), nous avons déterminé la dose de lutidine du goudron de houille
qui amène la mort chez le chien.
Nous avons étudié depuis l’action physiologique de cette substance au
moyen de doses plus faibles.
ExPÉR. VIII. — Chien mâtiné pesant 18 kilogrammes; l’animal est jeune et
vigoureux. Injection intra-veineuse de la solution suivante : lutidine, 3 grammes;
eau, 16 grammes. ;
à aie r
= Luc «of OR tee bb br
SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 65
1 h. 30. Injection de 5 centimètres cubes. Au bout de quatre minutes, saliva-
tion ; l'animal est agité.
1 h. 35. Injection de la même quantité; salivation abondante; l’haleine de
l'animal exhale fortement l’odeur de la base. Vive agitation; respiration pro-
fonde, difficile, saccadée. Les mouvements du cœur sont précipités, le cœur bat
65 au quart.
1 h. 40. Injection de la même quantité. L’animal est pris de tremblements
généralisés et est affaibli.
4 h. 45. Nouvelle injection de la même quantité. Au bout de trois minutes,
l'animal est plus engourdi, il reste couché sur le côté, affaissé sur son train
postérieur. On observe quelques mouvements spontanés de la tête et des membres
antérieurs; pas la moindre sensibilité de la cornée, pupilles très dilatées.
L’anima! réagit faiblement contre les pincements; pas de cris de douleur.
3 h. 10. L’animal est moins engourdi, et il peut faire spontanément quelques
pas; les tremblements généralisés continuent.
Le lendemain l’animal est revenu à l’état normal.
ExpEr. IX. — Chien griffon pesant 12 kilogrammes. Injection intra-veineuse
d’une solution contenant : lutidine, 37,4; eau, 16 grammes.
3 heures. Injection de 5 centimètres cubes; au bout de quelques minutes,
salivation.
3 h. 5. Nouvelle injection de 5 centimètres cubes; salivation abondante;
l'animal se débat et crie.
3 h. 10. Injection de la même quantité. Le cœur qui, avant l’expérience, battait
18 au quart, bat 42. L'animal est pris de tremblements généralisés. Température
rectale : avant l'expérience, 39,9; à 3 h. 15 elle est descendue à 38°,5. La respi-
ration est profonde et pénible; 7 mouvements respiratoires au quart.
3 h. 16. Injection de la même quantité. Même état.
3 h. 20. L'animal est affaibli; il réagit peu lorsqu'on le frappe. Il ne crie pas,
mais l'introduction du thermomètre dans le rectum détermine des mouvements
violents généralisés et des cris de douleur; la sensibililé réflexe de la cornée est
extrêmement diminuée.
3 h. 30. La température rectale est de 380,4; la respiration est de 6 au quart.
Faiblesse extrême ; l’animal s’affaise sur le ventre et reste quelque temps immo-
bile. Cependant, au bout de vingt minutes environ, l’animal fait quelques mou-
vements spontanés, mais il ne peut se tenir sur son train postérieur.
Le lendemain il se meut avec moins de difticulté et est encore abattu.
Le surlendemain l’animal est mieux.
Au bout de quatre jours, il est bien revenu à l’état normal.
La lutidine du goudron de houille agit donc sur les centres nerveux;
elle produit d’abord des phénomènes d’excitation auxquels succèdent
bientôt la diminution, puis l'abolition de la sensibilité et de la motricité.
Les battements du cœur sont accélérés, puis deviennent sensiblement moins
nombreux. La température est abaissée de 1 à 2 degrés par les doses que
nous avons employées. La respiration qui est, au début, fréquente, profonde,
irrégulière, ne tarde pas à se ralentir tout en demeurant irrégulière. Pour
66 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ce qui est de la salivation, si l’on considère que la lutidine du goudron
se comporte vis-à-vis du système nerveux central comme la picoline, nous
sommes conduits à admettre que cette base agit sur les glandes salivaires
par le même mécanisme que la picoline, sis D par l’intermédiaire
du système nerveux central.
Depuis que nous avons eu l’honneur de présenter à la Société de biologie
notre première Note, nous avons eu connaissance du Mémoire dans lequel
MM. Waters et Williams ont étudié les propriétés physiologiques de la
B-lutidine (dérivée de la cinchonine). D’après ces auteurs, cette base est
antagoniste de la strychnine dont elle arrête les convulsions. Sans doute,
notre lutidine possède la même propriété, puisqu'elle se comporte vis-à-vis
du système nerveux central de la même façon que son isomère. C’est ce que
nous avons d’ailleurs l'intention de vérifier.
En terminant, nous nous faisons un devoir de remercier M. le docteur
Bochefontaine, qui nous a guidés de ses conseils.
NOTE POUR SERVIR A L'HYBRIDITÉ CHEZ LES ANIMAUX, par M. Emile THreRRY,
professeur de zootechnie et directeur de lEcole d’Agricullure de
l'Yonne.
Le 7 mai 1883, M. Fourrey, de Venisy (Yonne), fit don à l’École pratique
d'Agriculture de l'Yonne d’un jeune verrat âgé de quatre mois, né dans les
premiers jours de janvier. Cet animal est le produit d’un sanglier, pris tout
jeune au bois au milieu d’une suite dont la mère venait d’être tuée, et d’une
truie de la variété du Bourbonnaiïs (variété de la race bressane). À l’époque
où le sanglier, père de celui qui a été donné à l’École, à été surpris, il
pouvait être âgé de deux mois environ; car il portait encore la livrée qui n’a
disparu que deux mois après sa capture.
. C’est à l’âge d’un an environ qu’on lui a donné une truie. De cet accou-
plement sont nés quatre marcassins : trois femelles et un màle. C’est préci-
sément ce màle que nous possédons à l’École de La Brosse. Il a des caractères
très accusés du sanglier : tête effilée et très allongée; oreilles droites mais
un peu plus longues et plus larges que celles du père; dos et reins très
courts ; la croupe, très avalée, fait que le train postérieur paraît être beau-
coup plus bas que le train antérieur; les soies sont raides et absolument
semblables sur l’encolure, le garrot et le dos à celles du sanglier. L'animal
est pie, c’est-à-dire qu'il a une partie de la croupe et du ventre garnie de
soies blanches moins rigides que les soies de sanglier.
Il est extrêmement doux et pas sauvage avec les élèves qui le soignent.
Il a été placé avec une jeune truie, de même race et de même variété
que sa mère, àgée de deux mois. Le 12 novembre 1883 cette bête a donné
PRE
SÉANCE DU 6 FÉVRIER.
(er)
el
naissance à cinq petits. Elle était à peine âgée de quatre à cinq mois quand
elle a été fécondée par notre hybride. Sur les cinq petits, il y avait quatre
femelles et un mäle. Deux des petits sont morts quelques heures après la
naissance, les trois autres — deux femelles et le mâle — vivent et sont très
vigoureux. Les deux femelles, à part quelques taches noires, ressemblent
beaucoup à la mère. Le mâle tient plus du père. Cependant il ale corps allongé
et un peu aplati d’un côté à l’autre, comme le sanglier ; la croupe est moins
avalée, mais la tête se rapproche encore davantage de celle du père. Cepen-
dant les oreilles sont déjà un peu plus larges et un peu plus tombantes. Il
porte sur toute la croupe, mais plus à droite qu’à gauche, une large tache
de soies de sanglier. Cette tache, pendant deux mois, avait l'aspect complet
de la livrée du marcassin. Aujourd’hui, à quatre-vingt jours, elle ressemble,
quant aux soies, au pelage du sanglier de quatre mois qu’on appelle : bête
rousse; Mais elle est d’un aspect “re pàle que le pelage ordinaire de l’a-
nimal sauvage de quatre mois.
L’hybride né d’une truie et d’un sanglier n’est donc pas en ER
Ce n’est pas un mulet.
Je n’ai pas la prétention de donner une démonstration ; mais je désire
simplement signaler ce fait qui l’a d’ailleurs été déjà par les zoologistes.
J’ai intention de poursuivre l’expérience dans les conditions suivantes :
L’hybride primitivement amené à La Brosse couvrira encore la truie qui
nous a donné les trois porcelets ; il couvrira en outre une des jeunes truies
qui descendent déjà de lui. Il sera ensuite châtré et livré à la consommation.
Je m’assurerai alors du nombre exact des vertèbres lombaires, ainsi que du
nombre de ces mêmes vertèbres chez les descendants que nous ne vendrons
pas.
Je tiendrai la Société de biologie au courant de cette observation, que je
poursuivrai aussi loin que possible pour étudier le retour en arrière.
Je serais heureux si la Société voulait bien me faire quelques réflexions
ou me donner des conseils relativement à une direction particulière qu’elle
croirait devoir donner à cette recherche expérimentale.
NOUVELLE SÉRIE D'EXPÉRIENCES SUR LES VIANDES TRICHINÉES D'AMÉRIQUE,
par M. Duprez, vétérinaire inspecteur de la boucherie de Paris.
Le 14 janvier, quatre rats (variété albinos) sont isolés dans des cages en
fer, disposées d’ailleurs de façon que ces animaux se trouvent dans des
conditions de propreté favorables. Ces quatre rats sont divisés en deux sé-
ries : numéros À et3, numéros 2 et 4
Les numéros 1 et 3 reçoivent tous les jours 10 grammes de salaison tri-
chinée, 20 grammes de pain et un peu d’eau. Les numéros 2 et 4 reçoivent
GS SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par tête et par jour 15 grammes de salaison trichinée et de l’eau. Les salai-
sons sont un morceau d'épaule et un morceau de poitrine provenant des
saisies effectuées dans des salaisons américaines par le service d’inspection
de la boucherie de Paris. Ces morceaux sont les seuls qu’on ait pu alors se
procurer. Les préparations microscopiques montrent en effet que ces viandes
contiennent une quantité notable de trichines (un kyste par préparation
environ pour l'épaule, un kyste par deux préparations environ pour la poi-
trine).
Le 15 et le 16 janvier rien d’anormal ; les animaux paraissent seulement
très altérés.
Les 18, 19 et 20, les animaux laissent un peu de nourriture ; légère
diarrhée. On attribue le peu d’intensité de celle-ci pour les animaux soumis
au régime exclusif de la salaison, à ce qu’on leur donne en même temps de
l’eau en abondance.
Les 24 et 26, retour complet à la santé. Les excréments sont fermes.
Les 27 et 28, même état. Toutefois le rat numéro 1, nourri au pain et à
la viande, paraît avoir un peu maigri.
Les 29, 30 et 31, rien de particulier.
Le 1° et le 2 Fier les rats numéros 1 et 3 sont mis au régime du pain
seul; la viande est supprimée. Pour les numéros 2 et 4, continuation du
régime par la viande exclusivement et l’eau.
Les 5, 4, 9, 6 et 7, rien de particulier.
Le 8, les quatre rats sont mis au régime du pain; ils sont en par-
fait état de santé. Un fragment des muscles de la cuisse, prélevé sur
chacun d’eux, ne montre ni jeunes trichines, ni trichines en cours d’enkys-
tement.
Ces expériences ont été faites dans le laboratoire de MM. Robin et Pouchet,
sous la direction de M. Pouchet, qui en accepte la responsabilité, comme
l’avaient été celles publiées antérieurement par M. Rebourgeon.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
M. E. C. SÉcuix, professeur au Collège des médecins et des chirurgiens
de New-York, fait hommage à la Société de son ouvrage : Opera minora
(A collection of essays, articles, lectures and addresses from 1866 to 1882
inclusive. New-York, 1884).
M. Ch. Ricuer dépose sur le bureau et donne une analyse verbale de son
livre sur l’homme et l'intelligence (Paris, 1884).
M. Haxor fait hommage, au nom du traducteur et commentateur, M. le
docteur P. Hermet, de l’ouvrage de Jonathan Hutchinson sur les maladies
de l'œil et de l'oreille consécutives à la syphilis héréditaire (Paris, 1884).
M. le docteur Pozzi fait une communication sur la bride masculine du
vestibule chez la femme et sur l’origine de l'hymen, à propos d’une jeune
fille dépourvue de vagin, d'utérus et d’ovaires, travail faisant suite à sa pré-
sentation précédente du 26 janvier 1884, d’un pseudo-hermaphrodite mâle.
Ce travail sera inséré dans les Mémoires de la Société de biologie.
SUR LA COAGULATION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES,
par M. Edouard GrImaux (1).
Diverses matières albuminoïdes, et surtout l’albumine de l’œuf et du
sérum, possèdent la propriété de se coaguler par l’action de la chaleur et
de se transformer en substances insolubles. La cause de la coagulation, la
nature de la modification chimique que subit l’albuminoïde en se coagulant
sont absolument inconnues, et il n’est pas d’autre colloïde d’origine orga-
nique qui présente cette réaction. Malgré les nombreuses recherches entre-
(1) Cette communication a été faite dans la séance du 12 janvier 1854.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS: — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 6
10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
prises sur les albuminoïdes, on n’est pas parvenu à déterminer, dans le
phénomène de la coagulation, le rôle du sel et des gaz qui les accompagnent
dans les liquides de l'organisme : aucun procédé ne permet d'obtenir l’al-
bumine à l’état de pureté absolue, la dialyse laisse toujours une quantité
de sel s’élevant de 4 à 8 millièmes; ou, si elle est débarrassée de sub-
stances fixes, comme dans le procédé de M. Wurtz, elle retient une cer-
taine quantité d'acide acétique combiné.
Ces propriétés spéciales des albuminoïdes, ainsi que leur facile transfor-
mation en corps analogues, sous l'influence des réactifs, en ont fait un
groupe spécial dans la série des corps organiques, ne présentant d’ana-
logies avec aucun d’entre eux.
Pour apporter quelques documents nouveaux à cette importante question,
il m'a semblé qu’on devait suivre une voie nouvelle ; au lieu de reprendre
l'étude des albuminoïdes dont la molécule est si complexe et sur lesquels
on à fait tant de travaux remarquables, il fallait s’efforcer d'obtenir un
corps d’une structure relativement simple, un colloïde azoté présentant les
propriétés physiques des albuminoïdes et donnant comme eux des solutions
coagulables par la chaleur.
Mes premières recherches sur un colloïde azoté dérivé de l'acide aspar—
tique, l'étude de la coagulation de l’hydrate ferrique soluble et de la silice
soluble m'ont amené à préparer un colloïde azoté dont les solutions se coa-
gulent par la chaleur, dans des conditions déterminées, et l’on peut obtenir
le phénomène de la coagulation, dans les mêmes conditions, avec des solu-
tions ammoniacales de caséine. Ce parallélisme entre les réactions du corps
de synthèse et celles de la caséine montrent l’analogie parfaite de ce corps
avec les albuminoïdes naturels. |
On obtient ce colloïde au moyen de l'acide amidobenzoïque ordinaire
(acide métaamidobenzoïque) ; on le chauffe pendant une heure avec une
fois et demie son poids de perchlorure de phosphore, puis on traite la masse
par l’eau bouillante, jusqu’à ce que le résidu insoluble présente l'aspect
d'une poudre blanche et friable. Cette poudre, qui paraît être un anhydride
provenant de l’union, avec perte d’eau, de plusieurs molécules d'acide amido-
benzoïque, est arrosée d’ammoniaque ; elle s’y gonfle, puis s’y dissout lente-
ment en ne laissant qu’une trace de produit insoluble à froid, mais se
dissolvant par une légère élévation de température.
Cette solution ammoniacale filtre très lentement; après filtration, elle est
évaporée dans le vide, à froid. Elle s'épaissit d’abord en une gelée diaphane,
puis se dessèche en plaques translucides, jaunâtres, inodores, insipides,
ressemblant absolument à l’albumine du sérum.
Le colloïde ainsi préparé se gonfle dans l’eau froide, puis s’y dissout peu
à peu; il est facilement soluble dans l’eau chaude, et ses solutions peuvent
être portées à l’ébullition sans altération. Si l’on évapore cette solution au
bain-marie, le résidu présente le même aspect que la substance primitive,
mais il est devenu insoluble dans l’eau. Au contraire, après avoir été dessé-
SÉANCE DU [6 FÉVRIER. 71
ché dans le vide, il peut être chauffé à 100 degrés sans perdre sa solubilité
dans l’eau. On sait que ce caractère appartient à l’albumine, comme la
montré M. Chevreul en 1821.
Le colloïde amidobenzoïque, devenu insoluble dans l’eau par évaporation
à chaud de la solution aqueuse, se dissout dans l’ammoniaque, dans la
soude et dans le phosphate de soude comme la caséine sèche.
L'action des réactifs sur le colloïde amidobenzoïque a été étudiée avec
des solutions à 2 pour 100 : cette recherche montre que, comme l’indiquent
les faits suivants, cette solution acquiert, sous l'influence de divers sels,
la propriété de se coaguler par la chaleur, et qu’elle se comporte comme
les colloïdes azotés fournis par les organismes vivants.
Elle est précipitée par les acides chlorhydrique, azotique, acétique, tar-
trique et oxalique. L’acide acétique en excès redissout le précipité qu'il
a formé et la solution dépose alors des flocons par l’addition de ferrocya-
nure de potassium. L’acide azotique dissout à chaud le colloïde en le colo-
rant en jaune ; la potasse, la soude et l’ammoniaque augmentent la colora-
tion jaune. Un excès d’eau de chaux donne immédiatement un précipité;
si l’on ajoute seulement un vingtième d’eau de chaux, la liqueur reste
limpide ou présente à peine une faible opalescence : maïs elle a acquis alors
la propriété de se coaguler en une gelée épaisse par l’action de la cha-
leur. Le chlorure de sodium en solution saturée, le chlorhydrate d’ammo-
niaque même très étendu, le sulfate de magnésie à 1 pour 100, le sulfate de
strontiane, les chlorures de potassium, de baryum, se comportent comme
l’eau de chaux; ajoutés à la solution du colloïde en quantité insuffisante
pour le troubler à froid, ils lui communiquent la propriété de se coaguler à
chaud. La coagulation commence vers 50 degrés, le liquide devient opales-
cent, puis laiteux, et le coagulum se forme entre 70 et 80 degrés. La tem-
pérature de coagulation varie avec la quantité de sel ajouté.
Il faut de très petites quantités de sels pour amener la coagulation : ainsi
pour 2 centimètres cubes de la solution à 2 pour 100, il faut 5 à 6 gouttes
de sulfate de chaux ou de sulfate de strontiane, ou de la solution saturée de
chlorure de sodium ; 1 centimètre cube de la solution de sulfate de ma-
gnésie à 1 pour 100.
Parmi les causes qui retardent ou empêchent la coagulation, une des
plus importantes est la dilution : ainsi quelle que soit la quantité de chlo-
rure de sodium en solution à 10 pour 100, la coagulation n’aura pas lieu,
quoique la proportion de sel ajouté soit beaucoup plus grande qu'avec
quelques gouttes d’une solution saturée. Le sulfate de soude, l’azotate de
potasse, l’acétate de soude entravent l’action du coagulant; ainsi, par l’ad-
dition de 1 centimètre cube d’une solution de sulfate de soude à 4 centi-
mètre cube de colloïde, l’action du sulfate de chaux est tellement contra-
riée que pour donner à 2 centimètres de la solution du colloïde amidoben-
zoïque la propriété de se coaguler par la chaleur, il faut, non plus 5 à
6 gouttes de sulfate de chaux, mais 4 à 5 centimètres cubes.
79 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
On peut ajouter le sel coagulant en quantité insuffisante pour déterminer
la coagulation, même à l’ébuilition, mais si l’on fait passer dans le liquide
un courant d'acide carbonique après ou avant l'addition du sel, elle devient
coagulable par la chaleur. L’acide carbonique, qui seul est sans action,
permet d'employer une plus faible quantité de sel.
Ce fait est à rapprocher des expériences si intéressantes de MM. Mathieu
et Urbain (Bulletin de la Société chimique, 1874, t. XXI, p. 181, t. XXII,
p. 484) qui ont fait jouer un rôle à l’acide carbonique dans le phénomène
de la coagulation de l’albumine; seulement l'acide carbonique n’est pas le
seul agent de cette coagulation, et il est nécessaire de tenir compte de la
présence des sels que renferment les albuminoïdes naturels.
L’acide carbonique détermine à froid la précipitation du colloïde amido-
benzoïque en présence du sulfate de soude, de l’azotate de potasse, du
chlorure de sodium étendu, qui seuls sont sans action, même à lébullition.
La solution de phosphate de chaux tlans l’acide carbonique coagule
à chaud le colloïde, comme le font le sulfate de chaux et les autres sels
coagulants. L’alun, le sublimé corrosif, l’azotate mercuriel, le tannin,
donnent à froid des précipités volumineux : avec le sulfate de cuivre, le
coagulum est verdàtre, et se dissout dans un excès de potasse en prenant
une couleur bleue violacée mais qui n’a pas la teinte rose produite par les
albuminoïdes ou par l’anhydride aspartique.
Les coagulums formés par l’action des sels alcalins ou des acides sont
solubles dans l’ammoniaque; ceux que produisent les sels de chaux, de
baryte et de magnésie y sont insolubles.
Enfin la présure liquide coagule la solution du colloïde amidobenzoïque
dans les mêmes conditions que la caséine.
Les expériences précédentes montrent que la solubilité des albuminoïdes
est modifiée par la présence des sels et de l'acide carbonique qui les accom-
pagnent dans les liquides de l’organisme : mais il faut remarquer de plus
que le phénomène de la coagulation ne dépend pas seulement du rapport
en poids de l’agent coagulant et de la substance coagulable, il est en outre
fonction de la dilution. Schècle a montré le premier que le blanc d'œuf,
étendu d’eau, ne se coagule pas par la chaleur. Le fait a été confirmé par de
nombreux observateurs, entre autres par MM. Mathieu et Urbain, et par
M. Aronstein; les premiers lui ont restitué la propriété de se coaguler par
l’action de l'acide carbonique; le second opérait avec de l’albumine
dialysée, et ajoutait du chlorure de sodium. M. Gauthier à également vu
que de l’albumine évaporée à basse température donnait des solutions coa-
sulables par la chaleur seulement après le passage de l'acide carbonique,
et M. Monnier a obtenu des solutions de blanc d'œuf incoagulables par la
chaleur, mais devenant coagulables après addition d'acide tartrique et
d'acide acétique.
J'ai constaté aussi que, dans les solutions d’albumine à 1 pour 100, la
solution annule l’action coagulable des sels, mais que la propriété de se
1
C9
SÉANCE DU 16 FÉVRIER.
coaguler est rendue au liquide, soit par l’acide carbonique, soit par les sels
qui agissent sur Le colloïide amidobenzoïque. La solution ammoniacale de
caséine à à pour 100 se comporte de même.
Cet effet de la dilution est confirmé par la réaction du chlorure de sodium
à 10 pour 100 qui ne rend pas coagulable la solution du colloïde amidoben-
zoïque, tandis que quelques gouttes d’une solution concentrée de sel marin
lui communiquent cette propriété. Dans les nombreuses recherches qui ont
été faites sur les albuminoïdes naturels, acidalbumine, paraglobuline,
syntonine, etc., on n'a pas assez tenu compte de la richesse des liquides
en matière solide ; il me semble qu'on doit attribuer à cette cause les con-
tradictions nombreuses que présente l’histoire des albuminoïdes, puisque
la dilution suffit pour changer les caractères d’une même espèce chimique,
comme le montre l'étude du colloïde amidobenzoïque.
On voit que les conditions dans lesquelles a fieu le phénomène de la coa-
gulation sont les mêmes avec ce corps de synthèse et les substances aïbu-
minoïdes, celles-ci n'ont donc plus rien de spécial, de mystérieux dans
leurs propriétés; ce sont des espèces chimiques ou des mélanges d'espèces
chimiques qui, une fois sorties de l’organisme vivant, obéissent aux lois
physico-chimiques.
Parmi les nombreuses recherches qui doivent suivre ces premiers résul-
tats, je m'occuperai d'abord de déterminer, avec le colloïde amidobenzoïque,
la nature de la transformation chimique qu'il subit dans les diverses con-
ditions qui le font passer de l’état soluble à l’état insoluble et coagulé.
INFLUENCE DE FAIBLES TRACES D'ACIDE NITRIQUE SUR LA RECHERCHE DE
L’ALBUMINE DANS L’URINE, par M. Albert ROBERT.
Dans sa communication si pleine d'intérêt, M. Grimaux a soulevé plu-
sieurs idées qui peuvent être immédiatement utilisées pour expliquer un
fait d'apparence très singulier, non encore connu et que j'ai observé à
maintes reprises depuis quelques années.
Voici une urine qui contient une quantité notable d’albumine ; chauffée
dans un tube d’essai, elle fournit un coagulum abondant et si on l’additionne
d'acide nitrique, on observe la même réaction : cette albumine se coagule
donc par la chaleur et par l'acide nitrique employés isolément.
Et maintenant je prends un autre tube d’essai, que je lave avec de l'acide
nitrique, en ayant soin de le vider et même de le secouer avec force, de
laçon à ce qu'il ne paraisse pas rester trace d’acide sur ses parois. Si l’on
remplit alors le tube avec l’urine albumineuse de tout à l'heure et qu’on
chauffe, rien ne se coagulera : à peine, au début de la chauffe, observera-t-on
74 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
produire qu’un louche léger au lieu du coagulum opaque que l’on attendait.
Dans un grand nombre de cas même l'urine restera absolument trans-
parente. {
Je crois qu’on a prétendu autrefois qu’en ajoutant une certaine quantité
d’un acide fort à l’urine on pouvait empêcher la coagulation de l’albumine,
parce que l’acide en question mettait en liberté de l'acide phosphorique qui
s’opposait à la réaction; ne serait-il pas plus rationnel d'admettre, d’après
les faits si curieux que vient de nous révéler M. Grimaux, que les traces
infinitésimales d’acide adhérentes à la paroi interne du tube ont modifié,
dans une mesure que nous ne connaissons pas, les matériaux salins fixés
sur l’albumine ?
L'influence de la dilution apparaît manifeste aussi puisqu’une quantité
tangible d'acide nitrique, si minime qu’elle soit, aurait immédiatement pro-
duit un coagulum.
Les idées de M. Grimaux pourraient servir peut-être encore à éclairer
le phénomène curieux de la rétractibilité et de la non-rétractibilité de
l’albumine.
En effet, puisque les conditions de teneur saline et de dilution influent
d’une manière si puissante sur la coagulation, rien n'empêche plus de se
ranger à l’opinion de M. Lépine, qui attribue le phénomène en question aux
conditions du milieu dans lequel la coagulation a lieu, conditions dont les
principales sont le degré d’acidité et celui de concentration saline. Ainsi se
trouverait vérifiée l’assertion de KE. Brücke d’après qui les caractères phy-
siques de leurs précipités albumineux ne peuvent nullement servir à diffé-
rencier les diverses albumines.
DES DIASTASES CHEZ LES poissons, Note de M. Ch. RicHer.
Dans un travail antérieur (1), j'ai étudié l’action diastasique de quelques
tissus et de quelques liquides chez les poissons cartilagineux. J’ai montré
que, chez les squales, le suc gastrique n’a pas d’action saccharifiante sur
l’amidon, que la lymphe péritonéale d’une part, et d’autre part la glande
pancréatique, ont une action saccharifiante évidente sur l’amidon en
empois. Le liquide céphalo-rachidien, analogue à la lymphe, et qui contient
des albumines coagulables par la chaleur, peut aussi quelquefois saccha-
rifier l’amidon.
Sur les poissons osseux, chez la carpe et la tanche, j'ai cherché à étudier
l’action diastasique des mêmes liquides et des divers tissus qui font.
partie du tube digestif.
(1) De quelques faits relatifs à la digestion chez les poissons (Archives de
physiologie, 1882, p. 536-558).
SÉANCE DU 16 FÉVRIER, UT LE
Si l’on prend quelques gouttes @e la sérosité péritonéale d’une carpe,
liquide riche en petits cristaux miçroscopiques et parfois aussi en bactéries,
et qu’on les mélange à de l’empois d’amidon, en quatre ou cinq minutes on
obtient une formation abondante de sucre. Chez les carpes et les tanches,
comme chez les squales, la lymphe péritonéale est donc fortement diasta-
sique.
La muqueuse stomacale et la muqueuse intestinale sont aussi pourvues
de cette même action saccharifiante, et, en quelques minutes, une par-
celle de ces muqueuses peut, avec l’empois d’amidon, donner d’assez
notables quantités de sucre. Il faut remarquer cette diastase de l’estomac
de la carpe, poisson herbivore, alors que, chez les squales qui sont carni-
vores, l'estomac est absolument dépourvu de toute puissance diastasique (1).
On sait que chez les vertébrés supérieurs la bile n’a que des propriétés
diastasiques très faibles. Il n’en est pas de même chez les poissons. Il
suffit qu'une ou deux gouttes de bile soient chauffées à 40 degrés pendant
quelques minutes avec l’empois d’amidon pour qu’on puisse aussitôt con-
stater du sucre. Ce résultat très net dans certains cas, ne me paraît pas être
consfant.
Quelques expériences ont été faites par Claude Bernard, par M. Kruken-
berg, sur le pancréas des sélaciens qui constitue une glande distincte, par-
faitement délimitée. Mais, chez les poissons osseux, le pancréas est très
difficile à voir; le plus souvent il est à l’état de tubes disséminés dans le
mésentère (tubes pancréatiques de Legouis). J’ai constaté que les replis
mésentériques, qu'ils contiennent ou non des glandes pancréatiformes, sont
pourvus dune puissance diastasique surprenante. Une portion du mésen-
tère pesant à peine quelques milligrammes peut en moins de trois minutes
saccharifier quelques centimètres cubes d’amidon. A cet égard le mésen-
tère des carpes et des tanches — car je ne voudrais pas généraliser les
résultats obtenus — se comporte, vis-à-vis de l’empois d’amidon, aussi
énergiquement que le tissu pancréatique des vertébrés supérieurs (2).
Il ne s’agit assurément pas de ferments organisés; d’abord, parce que
l’action est presque instantanée, et que je ne regarde comme diastasiques
que les tissus qui donnent du sucre en quelques minutes; ensuite, parce
‘jue, dans des expériences de contrôle, j’ajoutais tantôt du salicylate de
soude, tantôt du cyanure de potassium, ce qui entrave tout développement
dl’organismes.
En terminant je noterai l’inefficacité diastasique absolue de la glande
(1) M. Luchau (Centralbl. f. d. med. Wiss., 1877, p. 497) et M. Homburger
(Jbid., p. 561) avaient noté le fait: etils en ont conclu que l’estomac des carpes
est analogue au pancréas. Mais leurs expériences ont porté surtout sur la diges-
tion de la fibrine. '
(2) M. Krukenberg nie que ces replis mésentériques des poissons osseux puis-
sent être assimilés au pancréas (Untersuch. aus dem physiol. Institute Heidel-
berg, 1878, t. I, fasc. 4, p. 338).
70 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
palatine des carpes et des tanches. Chez les cyprins, existe, comme on
sait, à la voûte palatine, un organe volumineux, de consistance molle,
rouge, peu étudié, à ce qu’il paraît, par les histologistes. Cette masse spon-
vieuse, que je pensais à priori très riche en diastase, par suite de quelque
homologie possible avec les glandes salivaires, a été, au contraire, sans
action sur l’amidon, comme je l’ai constaté à plusieurs reprises (1).
NOTE SUR UN CURARE CURARISANT ET PRODUISANT EN MÊME TEMPS
L'ARRÊT SYSTOLIQUE DU CŒUR, par M. BOCHEFONTAINE.
Il y a quelques années, j'ai eu l’occasion d’acheter, pour le laboratoire de
l’'Hôtel-Dieu, une certaine quantité de curare provenant de l’exposition d’un
fabricant de produits chimiques à la dernière exposition universelle de
Paris.
J'avais d’abord essayé sur la grenouille un échantillon de ce curare et
constaté qu'il engourdissait en empêchant les excitations des fibres ner-
veuses motrices d'arriver jusqu'aux muscles, qu’il ne troublait pas sensible-
ment le cœur, qu'il ne déterminait pas de convulsions, et que l'animal
paralysé revenait peu à peu à l’état normal, après avoir éliminé son poison.
L'aspect de cet échantillon était d’ailleurs celui d’un curare de bonne
qualité (bonne au point de vue de la physiologie expérimentale bien
entendu).
Celui qui nous a été livré ensuite est plus noir et quelques fragments |
sont poussiéreux au lieu d’avoir une cassure métallique. Je ne tardai pas à
(1) M. Krukenberg (loc. cit., t. II, p. 44) est arrivé à un résultat tout à fait
différent, mais il y a tant de contradictions dans ses recherches mêmes que je
ne puis m’étonner de ce désaccord.
Afin de fixer les idées par des chiffres, voici le résultat d'une expérience dans
laquelle j'ai mis en contact, pendant vingt-quatre heures, à une température de
12 degrés environ, de petites portions de tissu d’un poisson avec de l’empois
d’amidon.
Voici les quantités de sucre trouvées finalement, par la liqueur de Fehling,
évaluées par rapport à { gramme de tissu ou de liquide :
Replisimésentériques 1 CANNES 6sr,9 de sucre.
Vésicule bihaire (vide) PRE PEMMENSENTE
Intestin: MAN LIIRNENRPAANRRENNRERIMeNTe 1,6:
ESTOMAC RE CE DE TOR 0,5.
ROLE MS CPE ANA SOA Bou sic 0,51
Dile eee SUN Re AMEN NSP 0,04
Glandes sfranes ou palatines. . . . traces faibles.
SÉANCE DU 16 FÉVRIER.
—!
—
voir que celte provision de curare n'avait pas les mêmes propriétés que
celles de l’échantillon.
Les solutions aqueuses filtrées ou non ressemblent à celles du curare ordi-
naire. Mais elles tuent les grenouilles, pourvu que la dose qui leur est admi-
nistrée sous la peau soit capable de déterminer la paralysie curarique. Et
si l’on cherche la cause de la mort, on voit que, la contractilité musculaire
étant conservée et l’excito-motricité persistant dans un membre dont l'artère
principale a été liée, les battements du cœur s’affaiblissent progressivement,
par diminution graduelle des diastoles auriculaires et ventriculaires,
jusqu’à ce que l’organe extrêmement resserré, en systole, cesse de se
contracter.
Chez le chien, l’entretien de la respiration artificielle n'empêche pas la
mort par arrêt du cœur. Comme chez la grenouille, du moment où la quan-
tité de substance injectée dans le tissu cellulaire sous-cutané peut produire
l’action curarisante, l’animal est condamné. C’est en vain que l’on prend
la précaution de le tenir au chaud, de l’envelopper de couvertures afin
d'éviter le refroidissement produit par l’insufflation pulmonaire, la mort
arrive au bout de cinq, six ou sept heures. Par l'exploration de la paroi
précordiale, ainsi qu’en tätant le pouls à l’artère fémorale, on constate que
les battements du cœur et les pulsations artérielles s’atténuent peu à peu,
jusqu’à devenir imperceptibles. Cependant l’animal est par instants agité
par des secousses convulsives légères.
On sait qu'il suffit d’une quantité très faible de curare injectée dans les
veines pour déterminer l’engourdissement curarique. D'autre part, j'ai
constaté que le curare (ainsi que d’autres substances) mêlé au sang veineux
est beaucoup plus rapidement éliminé que lorsqu'il est introduit sous la
peau. Il résulte de là que la décurarisation arrive promptement, et que,
si l’on doit faire une recherche plus ou moins longue, on est forcé de
renouveler à diverses reprises l’injection intra-veineuse de curare. Ces
données m'ont conduit naturellement à faire, en injectant le curare dans
les veines, une nouvelle série d’expériences dans lesquelles les animaux
subissaient pendant le moins de temps possible l’action de la quantité
minimum de substance curarisante. Les résultats ont été les mêmes que
dans les cas où l’on avait recours aux injections sous-cutanées : les ani-
maux ont eu des secousses convulsives légères, les battements du cœur se
sont affaiblis peu à peu, puis arrêtés.
Pour mieux étudier l’action de ce curare sur le cœur, M. Lesage a pris
des tracés hémodynamométriques dans l'artère carotide, sur plusieurs
chiens vigoureux, avant la curarisation et depuis le début de la curarisation
jusqu’au moment de la mort.
Il a vu ainsi que le premier effet cardiaque du poison consiste dans une
courte période, quelques minutes au plus, d’irrégularités des systoles
cardiaques ; il y a ralentissement avec des pulsations relativement faibles
suivies de véritables bonds de la colonne de mercure de l’hémodynamo-
18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
mètre. Cette période est suivie d'une autre dans laquelle les systoles régu-
lières sont accélérées et de plus en plus faibles. La pression moyenne
artérielle est alors diminuée. Les pulsations artérielles sont plus fortes au
moment où chaque insufflation pulmonaire atteint son maximum ; l’accélé-
ration semble ne plus exister, mais les contractions ventriculaires diminuent
d'énergie et finissent par s'arrêter, sans que le nombre de ces contractions
ait sensiblement diminué.
Ces résultats conduisaient à penser que notre curare était composé de
deux substances douées de propriétés différentes, l’une possédant l’action
propre du curare, l’autre agissant sur le cœur pour Paffaiblir par degrés
insensibles et finalement l’arrêter.
Afin de vérifier cette hypothèse, M. Calmels essaya d’isoler la curarine
de ce curare en employant le procédé de Preyer. Il a réussi parfaitement.
Le produit qu’il a retiré du curare brut a toutes les propriétés du bon
curare; il n'arrête pas le cœur et ne produit pas de convulsions. J’ai
engourdi des grenouilles avec ce curare et constaté qu’au moment où
l’animal est entièrement paralysé le cœur conserve sa régularité et son
énergie. Enfin ces batraciens reviennent complètement à l’état normal le
deuxième ou le troisième jour après la curarisation. Chez les mammifères
tels que le chien, on peut prendre des tracés hémodynamométriques comme
avec le curare classique.
Maintenant il faut chercher quelle est la substance cardiaque qui se
trouve mêlée avec Le curare ?
Je ne suspecterai certainement pas notre fournisseur d’avoir falsifié la
substance qu’il nous a livrée. Ce fabricant qui a reçu une récompense
comme témoignage de la valeur des produits qu'il avait exposés, avait
acquis une assez grande quantité de curare, non pas pour le débiter à Pétat
brut, mais pour tenter d’en extraire en grand la curarine cristallisée, par
le procédé de Preyer ou autrement : il n’a pas perdu son temps à addi-
tionner un agent cardiaque à son curare.
Mais les indigènes qui l’ont préparé ont pu, avec intention, joindre aux
strychnos toxifera, triplinervia, Gubleri, Crevauxii,etc., avec lesquels ils
confectionnent leurs extraits, d’autres plantes toxiques capables d’agir sur
le cœur. L'examen attentif du cœur chez les grenouilles empoisonnées avec
notre mauvais curare éloignerait de cette idée, parce que l’on ne voit pas le
ventricule cardiaque éprouver ces contractions irrégulières caractéristiques
de l’action des plantes qui arrêtent le cœur de la grenouille en systole : la
digitale, l’inée, l’upas-antiar, Verythrophlæum guineense, le muguet,
l’adonis vernalis.
Les voyageurs ont rapporté que les sauvages de certaines tribus du Brésil
font entrer le venin des serpents, du crapaud, etc., dans la préparation de
leur curare. On sait encore que les Indiens, à certaines époques de l’année,
vont à la chasse des crapauds, dont ils conservent le venin dans des pots,
pour empoisonner leurs flèches. [l est bien certain, ainsi que M. Vulpian en
PRE COR PR
SÉANCE DU 16 FÉVRIER.
a fait la remarque, que le curare dont se servent les physiologistes ne ren-
ferme pas de venin du crapaud, puisque ce venin est un poison systolique
du cœur des plus énergiques et que le curare usuel n’a pas d'action notable
sur l'appareil central de la circulation. Or justement notre curare est un
agent toxique violent et qui arrête le cœur de la grenouille en systole. Il est
done possible qu'il contienne une substance d’origine animale comme le
venin du crapaud, et que les récits des voyageurs fassent allusion à des
curares possédant une composition de ce genre.
M. Calmels, qui vient d'isoler le principe actif du venin du crapaud,
pourra appliquer son procédé d'extraction à la recherche du même prin-
cipe dans le curare cardiaque. S’il obtient ainsi la carbylamine, il ne
restera plus de doute sur la présence du venin du crapaud dans notre
curare. SU 6
Cet agent, impropre aux usages des laboratoires, constitue pour les sau-
vages qui l’emploient une arme plus dangereuse que celui que nous
recherchons pour nos expériences. Les flèches enduites d’un double poison,
l’un qui paralyse les mouvements généraux, l’autre qui arrête le cœur, ces
flèches doivent agir avec plus d'énergie que celles qui sont trempées dans
le curare ordinaire puisque, dans toutes les expériences auxquelles je viens
de faire allusion, les animaux ont fatalement succombé alors qu’on les
plaçait dans des conditions qui leur permettaient de revenir de la curari-
sation.
CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'ACTION DU CUIVRE SUR LES PERSONNES QUI
SONT EN CONTACT PERMANENT AVEC CE MÉTAL, par M. BOCHEFONTAINE.
Le compte rendu de la séance du 19 janvier 1884, p. 33, lig. 22 et 23,
reproduit une affirmation déjà émise ici le 15 décembre 1883, par M. Burq,
relativement à mes recherches sur le pouvoir microbicide du sulfate de
cuivre. Il suffit de rappeler que, le 5 janvier dernier, la Société de biolo-
sie, après vérification des textes, a constaté l’inexactitude de cette affir-
mation.
Aussi je ne serais pas revenu sur ce point, si la même Note du 19 janvier
ne renfermait le passage suivant : «€ Il est faux, complètement faux que le
» plus grand nombre des habitants (de Villedieu) fasse un usage spécial
» d’ustensiles en cuivre. Fourchettes, cuillers et plats en cuivre sont incon-
» nus et n'existent que dans l'imagination d’un correspondant insuffisam-
» ment renseigné. »
À ces allégations j’opposerais seulement un formel démenti si je ne
tenais pas à vous prouver combien elles sont gratuites.
J'ai dit que : € un assez grand nombre d'habitants, même parmi les plus
» aisés, font constamment usage d’ustensiles en cuivre fabriqués dans la
SU SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
» localité : cuillers, fourchettes, buires, fontaines, poêles, casseroles,
» chaudrons, robinets, tout en cuivre. » Je maintiens mon dire et je le
prouve par un exemple dont la signification, au point de vue de laction
préservatrice du cuivre, ne vous échappera pas. Deux tantes de M. Aug.
Ygouf, mortes de la variole, à Villedieu, lors de l’épidémie de 1870-71, ont
toute leur vie fait usage des objets qui viennent d'être énumérés, ainsi que
de plats et d’assiettes en cuivre. Ces faits sont affirmés par M. Ygouf et par
son fils, M. Aug. Ygouf, c’est-à-dire par le frère et le neveu des défuntes.
Or M. Ygouf père est né à Villedieu; il y a passé sa jeunesse, et chaque
année il y séjourne avec sa famille une partie des vacances. Leur témoi-
gnage ne peut pas laisser le moindre doute.
D'ailleurs je mets sous les yeux de mes collègues les preuves matérielles
de ce que j'ai avancé : des cuillers, une fourchette, un plat, une écumoire
en cuivre jaune et en cuivre rouge qui viennent tous de Villedieu. Plusieurs
de ces objets ont servi; les autres sortent de chez les marchands, et voici les
factures imprimées des ustensiles neufs. Le prix d’un co uvert ordinaire en
cuivre rouge est de 2 fr. 80. Les cuillers, fourchettes et plats en cuivre sont
donc bien connus à Villedieu.
Puisque les circonstances m’amènent encore à parler du cuivre, il n’est
peut-être pas sans intérêt de continuer l’énumération des articles fabriqués
avec ce métal. Vous jugerez ainsi combien l’usage du cuivre est répandu à
Villedieu et l'importance de l’industrie du cuivre dans cette petite ville.
On fait avec le cuivre des alambies, des bouilloires, des cafetières em
repoussé, des moules à charlottes, des petits poëlons qui servent à cuire la
bouillie de froment avec laquelle on élève en partie les petits enfants,
des poëlons d'office, des tourneresses à galette. Les canes ou buires à lait,
c’est-à-dire les grands vases dans lesquels on trait les vaches deux et trois
fois par jour, sont également en cuivre, de même que les couloirs à lait, les
pompes à eau, à cidre, à bière, et les canelles que l’on fixe à demeure pen-
dant des mois aux tonneaux pour tirer le cidre nécessaire à la boisson de
chaque jour. Ces robinets à clef, dont voici un échantillon, ont une répu-
tation de supériorité dans la robinetterie de France et de l’étranger. Parmi
les objets en cuivre que l’on expose à un feu ardent, il faut noter les
réchauds et les bassinoires d’où peuvent se dégager des émanations cui-
vreuses, le calumet, petite couverture trouée qui s'adapte sur les bords du
fourneau de la vulgaire pipe en terre et qui est retenu au tuyau par
une chaïînette. Citons encore les chaufferettes ow boîtes que l’on remplit
d’eau chaude pour mettre sous les pieds, les chandeliers, Les petites lampes
à huile, les fiches et les charnières. On trouve même des vases de nuit en
cuivre.
J’ai parlé d’une personne en contact journalier avec le cuivre et qui a suc-
combé à la pustule charbonneuse trois jours après avoir été piquée par une
mouche : cette personne, pour satisfaire une fantaisie, s'était fait un cha-
peau et une paire de sabots en cuivre repoussé.
SÉANCE DU [6 FÉVRIER. S1
Les clefs en cuivre n’existent pas dans le commerce; mais, si quelqu'un
a perdu sa clef en acier, il la remplace volontiers par une clef en cuivre que
l’on fabrique dans la localité.
En un mot, l'emploi des ustensiles de ménage en cuivre chez les sourdins
(c’est ainsi qu'on nomme dans la Manche les habitants de Villedieu) est de
notoriété publique. Il y a même à ce sujet une légende.
Après l'invasion de 1815, des détachements de troupes ennemies furent
répartis dans beaucoup de communes de la France. A Villedieu on envoya
des Russes, qui furent très étonnés à la vue des tabliers rouges de poussière
de cuivre portés par les chaudronniers et de la vaisselle de cuivre reluisante
des ménagères : «Gomme ils sont riches dans ce pays, disaient-ils, ils ont
des tabliers en cuivre, et 1ls mangent dans des plats en or avec des
cuillers en or. »
Le commerce du cuivre à Villedieu est évalué à deux millions par an; il
a pour débouchés la France et l'Angleterre, mais surtout Paris, la Norman-
die, la Bretagne et Jersey. On conçoit que la manipulation d’une pareille
quantité de cuivre permette le dégagement de l'odeur cuivreuse. Cette
odeur du cuivre dont J'ai déjà parlé est particulièrement manifeste dans les
rues et places suivantes : Haute-Rue, place et rue de la Perrière,rue Jacob
et rue des Moulins, Basse-Rue, les quais, rues Lucette, aux Mières, des
Cohues, du Pussoir-Fidèle, de la Planche-Blondel, du Pavé, aux Cornes,
place du Marché-aux-Cercles.
L’odeur du cuivre est frappante avant que l’on soit entré dans la ville,
quand on arrive par la route de Saint-Lô ou par celle de Pont-Farcy.
C'est du reste dans les cours autour desquelles les maisons sont groupées
comme dans certaines de nos cités que l’on sent davantage le cuivre et que
les épidémies sévissent de préférence.
Dans d’autres rues l’odeur du cuivre semble masquée par la puanteur des
tanneries ou mégisseries voisines, notamment rue du Pont-Chignon. A ce
sujet, je voudrais rappeler que M. Tétrel, dans la réunion de l'Association
normande de Pannée 1876, a soutenu l’idée que ces établissements pré-
servent de certaines maladies épidémiques. On venait de réfuter la pré-
tendue immunité créée par le cuivre ; cependant il ne parla pas du cuivre
cette époque.
Avant d'aller plusloin, il fautremarquer que cette odeur cuivreuse, que cet
emploi journalier de nombreux ustensiles de ménage en cuivre n’ont aucune
action fächeuse sur la santé des habitants de Villedieu. La Société n’a pas
oublié que les nombreuses expériences de M. Galippe ont conduit leur
auteur à une conclusion pareille.
Un second point me paraît aussi bien démontré, à savoir que l'action
prophylactique qui devrait être la conséquence de cet emploi du cuivre et
de ces odeurs cuivreuses est absolument imaginaire. Pour le prouver
j'ajoute les faits suivants à ceux que j'ai déjà rapportés.
82 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
L'annuaire publié par l'Association normande dit que le choléra, avant
1849, c’est-à-dire en 1832 et 1834, a marqué son passage à Villedieu
comme dans le reste du département de la Manche. On sait que, d’après
les statistiques relevées en Angleterre, le choléra a fait plus de ravages
parmi les travailleurs du cuivre que parmi les autres ouvriers. Enfin l’on
sait encore que ces conclusions sont conformes à celles de M. Bailly, de
MM. A. Houlès et de Piétra-Santa et à celles de notre collègue M. Mégnin.
Antérieurement à 1870, la variole est venue à Villedieu, et, parmi ceux
qu’elle a frappés, je citerai M. Boscher, le même pharmacien-inspecteur
dont il est question dans le compte rendu de la séance du 19 janvier
dernier.
Actuellement, la rougeole sévit à Villedieu, au point qu’elle a nécessité
la fermeture de l’asile. On compte dans la ville un certain nombre de cas
de fièvre typhoïde et plusieurs cas d’angine diphthéritique. Je dois ces nou-
veaux renseignements à MM. Ygouf. Afin de vous prouver que je ne m’abrite
pas derrière des personnages supposés, j'ai prié MM. Ygouf de se rendre
à la Société, ce à quoi ils ont consenti. Je vous demande donc de leur
permettre d'affirmer l’exactitude des faits que j'ai avancés dans le cas où
ces faits vous inspireraient des doutes.
Cette constatation bien établie, je n’aurai plus à discuter des citations
dénaturées, des statistiques fantaisistes toujours réfutées et que l’on remet
quand même en avant, pour la défense d’une vue puérile de lesprit!
Maintenant recherchons les effets du cuivre sur les ouvriers cuivriers.
L'annuaire de l’Association normande reconnaît que « les émanations
» cuivreuses sont bien cause, chez les fondeurs de cuivre au creuset, de
» dyspnée, d’embarras gastrique et de diarrhée ». Il contient encore cette
phrase : « Il est incontestable que les émanations métalliques ont une
» influence notoire sur la santé des habitants. Nos poëliers contractent
» avant l’âge de la vieillesse des infirmités graves », qui ne sont peut-être
pas dues en totalité à l’action du cuivre.
Afin de compléter ma communication précédente, je rapporte encore
quelques faits recueillis à Paris chez des fabricants de bronze que je con-
nais depuis plus de vingt ans, et qui, soit dit en passant, sont convaincus que
le cuivre ne préserve d'aucune maladie.
Les macules vertes des dents, la teinte verte des cheveux et du tronc,
l’'irritation des gencives, la salivation, la soif, les nausées, Les coliques de
cuivre s’observeraient surtout chez les ciseleurs en cuivre qui donnent de
ce fàcheux privilège l’explication suivante : « Pour finir les ciselures, c’est-
» à-dire pour enlever les aspérités, les bavures que les pièces de cuivre
» présentent au sortir de la fonte, on se sert d’un foret à main que l’on
» active avec un archet. La pointe du foret s’échauffe rapidement et ne
» mord plus bien dans le bronze; alors l’ouvrier porte l’instrument dans sa
» bouche et le mouille avec sa salive. Or le foret est chargé d’une petite
DER EEESREROE
SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 83
» quantité de poussière de cuivre qui est retenue par les lèvres. Comme
» cette manœuvre est répétée très souvent, la quantité de poussière qui
» reste dans la bouche et qui est avalée représente à,la fin de la journée une
» masse relativement considérable, de sorte que les accidents cupriques
» ne tardent pas à se manifester. »
Un fabricant de bronzes a des alternatives remarquables de constipation
et de diarrhée chaque fois que, pressé par ses affaires, il tourne ses pièces
de cuivre. Lorsqu'il s'occupe seulement de la partie commerciale de sa
maison, ou bien lorsqu'il prend quelque repos à la campagne, ces troubles
disparaissent et la digestion intestinale est régulière.
Chez trois personnes qui travaillent le cuivre il est survenu à différentes
reprises un ensemble de symptômes qui ont donné de grandes inquiétudes :
amaigrissement, pàleur de la face, perte d’appétit, affaiblissement consi-
dérable, fièvre le soir, insomnie, sueurs nocturnes, murmure respiratoire
très affaibli, respiration entrecoupée, toux sèche, quelques râles sous-
crépitants, constipation qui cédait à l’usage du lait. Les malades cessaient
tout travail volontairement ou non, et, au bout de quelques semaines, ils
étaient parfaitement rétablis.
J'ai mentionné la paralysie générale des ciseleurs en faisant allusion à
des cas où il semble qu’il n’y a pas lieu de faire intervenir l'influence de
l'alcoolisme. Il faut savoir aussi que l’alcoolisme est fréquent chez ces
ouvriers. Les ciseleurs et même les ajusteurs font souvent un tel abus d’ab-
sinthe, qu'ils deviennent incapables de se servir de leurs mains et sont
obligés de renoncer à leur métier.
Si nos collègues, médecins des hôpitaux, avaient l’occasion de pratiquer
la nécropsie d’un cuivreux paralytique général ou non, il serait intéressant
de rechercher quelle est la proportion de cuivre contenue dans les différents
organes. La comparaison des chiffres obtenus chez les cuivreux avec ceux
que les auteurs, et notamment M. Galippe, ont indiqués dans l’état normal,
fournirait sans doute une relation entre les symptômes observés pendant
la vie et la quantité de cuivre contenue dans les organes des malades.
Quoi qu'il en soit, on doit retenir les troubles gastro-intestinaux produits
par le cuivre chez les cuivriers, d'autant plus que l’expérimentation déter-
mine chez les animaux des phénomènes du même ordre. Par conséquent,
lorsque le médecin se trouvera en présence de maladies telles que Le choléra
ou la fièvre tvphoïde dans lesquelles l'appareil digestif peut être si grave-
ment atteint, il devra se garder de prescrire des préparations cuivrées à
titre de médication préventive aussi bien que curative.
Cette pratique réservée est d'autant plus recommandable, que les mala-
dies épidémiques, loin de s'arrêter devant la saturation et même l’intoxi-
cation cuivreuse des ouvriers en cuivre, semble sévir davantage parmi ces
travailleurs.
SL SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
— ——————————— ——————— =_——— — -
PERKINISME ET MÉTALLOTHÉRAPIE ; RÉSUMÉ HISTORIQUE ET EXPLICATIF,
par M. RABUTEAU.
La métallothérapie a été l’objet de communications et de discussions
nombreuses devant la Société de biologie. Beaucoup de points me parais-
sent peu établis. D’un autre côté, la question historique m’a paru fort incom-
plète et a élé, de ma part, le motif d'observations qui n’ont point fait l’objet
d’une publication. J'ai pensé qu'il serait peut-être utile d'exposer l’histo-
rique et l'explication de la question tel que je l’ai compris, en commençant
par le perkinisme, méthode qui à devancé fa métallothérapie.
PERKINISME. — Celte méthode tire son nom du docteur Perkins (1), qui
exerçait à Plainfeld, dans l'Amérique septentrionale. Elle eut jadis une
vogue immense et se pratiquait de la manière suivante :
On exerçait un attouchement sur les parties souffrantes, ou dans le voi-
sinage de ces parties, avec deux aiguilles appellées tractors, longues de
10 centimètres, composées chacune d’un métal différent, de laiton et de fer.
L'une était terminée en pointe et l’autre était arrondie à son extrémité
large de 7 millimètres. Ces deux aiguilles étaient réunies par la base. On
s’en servait surtout dans le but de provoquer de l’analgésie, de calmer les
migraines, l’odontalgie, les douleurs rhumatismales, goulteuses, ostéocopes.
S’agissait-il d’une céphalalgie, on promenait l’appareil sur la région fron-
tale, sur la région temporale, ou bien de l’occiput à la nuque après avoir
soigneusement nettoyé la tête du malade. Dans les rhumatismes des mem-
bres, c’était le long de l’humérus, du radius, du fémur, qu’on pratiquait la
même opération. |
Le procédé de Perkins fut bientôt connu en Europe, dans le Danemark
d’abord, où il fut apporté par une femme de ce pays qui en avait observé
les résultats en Amérique. Les succès attribués à ce procédé, le caractère
de singularité qu'il offrait le mirent bientôt à [a mode. On fabriqua des
aiguilles d'argent, de cuivre, de plomb, d’ébène, d'ivoire, etc.; les dames
en portaient toujours avec elles. « Partout on préconisait, on idolâtrait
Perkins, comme on avait préconisé et idolätré Mesmer. »
Les principaux effets du perkinisme consistent en une excitation momen-
lanée de la douleur sur les points où l’on applique les tracteurs; puis cette
(1) Perkins (Elisha), mort à New-York, en 1779, n’a pas laissé d’éerits, mais
son fils (Benjamin-Douglas) en a laissé plusieurs qui ont été publiés à Londres.
et qui sont cités dans le Schriftsteller-Lexicon de Callisen :
The influence of the metallic tractors on the human body, 1796, in-8. —
Experiments with the metallic tractors, 1799, in-8. — Cases of sucessful pra-
tice with Perkins patent metallic tractors, 1801, in-8. — The efficacy of Perkins
metallic tractors in topical diseases on the human body and animals, 1801, m-8.
_._.——tt mm tt mit Sn onto di tue de NÉ MRÉRR
SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 8)
douleur artificielle est suivie d’un soulagement et parfois de la cessation
des symptômes auxquels on se proposait de remédier. Les médecins de
Copenhague seraient parvenus ainsi à calmer les douleurs vagues résultant
de la goutte et du rhumatisme, ainsi que des hémicràänies, des odontalgies.
Pour expliquer les effets du perkinisme, on peut admettre qu'il se pro-
duit des actions chimiques, par conséquent de l'électricité, lorsque les
aiguilles métalliques sont appliquées sur la peau qui est toujours plus ou
moins humide. En effet, on trouve, dans les écrits sur la question, que les
aiguilles faites de substances non métalliques, d’ardoise, de bois, d'os,
d'ivoire par exemple, étaient inactives (1).
D'autre part, on avait remarqué que la pointe des aiguilles ou tracteurs
de Perkins avait une saveur acide et métallique, qu’elle déterminait une
sorte de fourmillement lorsqu'on l’approchait de la joue.
Cette explication par des actions électro-chimiques repose d’ailleurs sur
des faits de physique générale.
Si l’on plonge dans un vase de verre V contenant de l'acide chlorhy-
drique, deux lames en platine pur @ et b, et si l’on met ces lames en
communication avec un galvanomètre g, on remarque que l'aiguille reste
au repos. Îl n’y a pas d'action chimique, par conséquent aucune production
d'électricité. Mais, si l’on vient à faire couler le long d’une des lames de
platine une goutte d’acide azotique, cette goutte, arrivant au contact de
l'acide chlorhydrique, forme de l’eau régale qui attaque le platine, et l’on
voit aussitôt l'aiguille du galvanomètre se dévier avec rapidité. Les mêmes
résultats s’observent lorsqu'on se sert d’or pur au lieu de platine pur. Au
contraire, lorsqu'on introduit dans le vase V une lame d’un métal inatta-
quable par l'acide chlorhydrique, tel que le platine ou l’or pur, et une
autre lame formée d’un métal plus ou moins attaquable, tels que le fer, le
(4) Alibert, Nouveaux éléments de thérapeutique et de matière médicale, Paris,
1808, 2° édit., p. 481.
Schwilgué, Trailé de matière médicale, t. I, 3° édition, revue par Nysten,
1818, p. 221.
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I, N° 7. 7
86 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
zine, il y a production d'électricité et l’aiguille du galvanomètre est forte-
ment déviée.
Si, au lieu de métaux, on employait des lames ou des tiges de substances
telles que l’ardoise, l’alumine, le bois, l’ivoire, on n'aurait pas d’action
chimique, par conséquent pas d'action électrique, ce qui explique l’absence
des résultats physiologiques et thérapeutiques à la suite d'applications d’ai-
suilles ou de tracteurs non métalliques.
J'ai cité les affections dans lesquelles Perkins employait ses tracteurs: Il
faudrait en ajouter plusieurs autres : affections inflammatoires, chroniques,
locales, etc. Perkins était de bonne foi dans ses exagérations et ses erreurs;
il périt, dit-on, victime de la confiance que ses tracteurs lui avaient inspirée
comme moyen préservatif de la fièvre jaune.
MérTALLOTHÉRAPIE. — La métallothérapie consiste dans l’application de
pièces métalliques sur diverses parties du corps dans un but thérapeutique.
Elle diffère du perkinisme en ce que les deux métaux des tracteurs se
trouvent remplacés par un seul métal.
Cette pratique thérapeutique remonte à l’antiquité. Aristote recomman-
dait l'emploi des plaques de cuivre sur la tête dans le cas de migraines.
Elle s’est continuée plus tard. Un usage populaire consiste à recouvrir la
tête d’un chaudron en cuivre, à l’entourer de lames de cuivre et à appli-
quer des plaques de métal sur les points douloureux. Mais ce n’est qu'au
commencement de ce siècle que cette pratique devint l’objet d’une attention
spéciale. Ch. Despine, qui exerçait la médecine en Savoie, publia en 1838
un ouvrage où sont relatés de nombreux essais faits, à dater de 1820, sur
l'application des métaux à la cure des maladies nerveuses (1).
Sa méthode n’était pas exclusive. Il employait concurremment les appli-
cations métalliques, les aimants et l’électricité. Il reconnut, sans toutefois
la pouvoir démontrer, une certaine corrélation entre les phénomènes métal-
liques et les phénomènes électriques. De plus, il s’aperçut de l’influence
manifestement différente qu’avaient sur ses malades, l’or, le cuivre jaune,
le zinc, le fer aimanté. Il s’appliqua à traiter surtout certaines formes
convulsives des affections nerveuses d’origine hystérique, les paralysies, les
névralgies, les contractures.
La question en était restée où l’avait laissée Despine, lorsque M. Burq
la rappela en 1848. Il répéta ce que son prédécesseur avait déjà dit : que
es malades présentaient des idiosyncrasies pour les métaux, que les uns
étaient sensibles à l’or, au zinc, les autres au cuivre, etc., et, de plus, il
prétendit que les métaux agissaient aussi bien à l’intérieur qu’à l'extérieur.
(1) Charles-Auguste Despine, Observations de médecine pratique aux eaux
d'Aix en Savoie, Annecy, 1838.
Monard, La métallothérapie en 1820, Lyon medical, 1880, n° 29. — Consultez
galement la Gazette médicale de Paris, 30 juin 1877.
SÉANCE DU 16 FÉVRIER. S1
Il y avait, par conséquent, une métallothérapie externe et une métallothé-
rapie interne.
Les premières publications de M. Burq datent de 1851 (1); les dernières
ont été linsérées dans les Comptes rendus et Mémoires de la Société de
biologie qui les a acceptées, à mon avis, avec une bienveillance souvent
excessive (2).
M. Burq avait reconnu que l’application de plaques métalliques faisait cesser
lhémianesthésie des hystériques. C'était le fait capital qui fut vérifié par
M. Charcot à la Salpêtrière et fut cité devant la Société de biologie, en
1871. Il s'agissait d'interpréter ce fait. Je rappelai alors le perkinisme, les
phénomènes électriques qui se produisent au contact des métaux avec un
liquide capable de les attaquer (fig. ci-dessus), par conséquent avec la peau
qui est toujours plus ou moins humide, et je traçai une sorte de pro-
gramme expérimental, en annonçant qu'avec l'or pur et le platine pur les
résultats seraient négatifs. Ce programme fut exécuté par M. Regnard, qui
appliqua sur la peau des malades divers métaux mis en communication
avec un rhéomètre multiplicateur. L’aiguille fut déviée quand il s'agissait
de cuivre, de zinc, de fer ou d’autres métaux facilement attaquables par
les acides; elle ne fut point déviée lorsqu'il s’agissait de platine et d’or
chimiquement purs, non de l’or des monnaies ou des doreurs, lequel con-
tient toujours du cuivre.
M. Burgq ne voulut point accepter cette explication. Il s’en itint à l’idio-
syncrasie, à la sensibilité spéciale pour certains métaux, en un mot, à
quelque chose de vague et de mystérieux. Il ne sut pas remarquer le
phénomène dit de transfert.
Ce phénomène, qui a été signalé par M. Gellé, consiste en ce que l’insen-
sibilité qui a disparu chez une personne hémianesthésique, s’est transportée
de l’autre côté où la sensibilité était naguère intacte. Le transfert n’a pas
lieu uniquement par l’application des métaux, qui ne sont pas d’ailleurs les
seuls agents æsthésiogènes (Charcot et Regnard). On l’obtient également
avec les solénoïdes, les aimants. Toutefois, dans l’application directe d’un
aimant, il y a double effet, l’aimant agissant comme métal proprement dit
et comme solénoïde. Enfin toute irritation, telle que celle que produit la
moutarde noire, exalte la sensibilité aux points d'application, tandis
qu’elle la diminue aux points symétriques situés de l’autre côté (Adam-
kiewicz, Westphal, S. Adler).
En résumé, la métallothérapie, de même que le perkinisme, n’est qu’une
méthode de traitement par une très faible quantité d'électricité développée
au contact des métaux avec la surface cutanée.
(1) , Thèse de Paris, 1851.
(2) Société de biologie, années 1877 à 1883.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
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89
SÉANCE DU 23 FÉVRIER 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
M. RaguTeau fait hommage à la Société de biologie de la quatrième
édition de son Traité de thérapeutique (Paris, Ad. Delahaye et Lecrosnier,
1884).
DE LA FOLIE DES ANTIVIVISECTIONNISTES, par M. MAGNAN.
Depuis quelques années, un sentiment, une idée, d’ailleurs fort respec-
tables, l'amour et la défense des animaux contre des brutalités ou des
sévices inutiles, sont devenus le point de départ de la formation de Sociétés
dites protectrices des animaux. Dans ces milieux, éminement zoophiles, on
oublie volontiers ce qui, dans notre état social, reste encore à faire au
point de vue philanthropique ; aussi ne craint-on pas de présenter des pro-
positions telles que la création de caisses de retraite pour les animaux vieux
et infirmes. Dans ce courant d’idées qui les captive, des âmes trop sensibles,
des cerveaux mal équilibrés, des dégénérés trouvent de nombreux thèmes
dont ils s'emparent, qu’ils exagèrent et qui finalement deviennent chez eux
un véritable délire. C’est ainsi, nous allons le voir, qu’est engendrée la
folie des antivivisectionnistes, dont je désire vous entretenir un instant.
Tout d’abord, il va sans dire qu’il ne s’agit pas d’une espèce pathologique
nouvelle, c’est simplement un syndrome épisodique, une des manifestations
variées par lesquelles se traduit la folie héréditaire. C’est, si vous le voulez,
au point de vue intellectuel, un des sfigmates psychiques de la folie héré-
ditaire.
À côté des antivivisectionistes, il faut placer des végétariens d’une espèce
particulière, ceux qui poussent à l’alimentation exclusivement végétale,
non point par mesure d'hygiène, mais uniquement pour éviter le sacrifice
ou l’abatage des animaux. Un exemple de ce genre nous sera fourni par
une malade entrée à l’asile Sainte-Anne à la suite d’un scandale aux
abattoirs de la Villette.
C’est une fille de trente-sept ans, dont la grand’mère paternelle est
morte à Charenton et dont la mère, âgée de soixante ans, atteinte de délire
chronique, a successivement traversé les périodes d’inquiétude, de persé-
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 8. ë
90 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
cution et commence à entrer dans la phase ambitieuse qui aboutira vrai-
semblablement à la démence, la maladie ne s’arrêtant guère à la troisième
période. L’hérédité vésanique est donc convergente chez cette fille, aussi
les dispositions maladives se sont-elles montrées de bonne heure. Toujours
scrupuleuse, toujours méticuleuse, un incident assez important de sa vie,
une rupture de mariage, est venu donner à ces tendances une activité plus
grande : elle est persuadée que son fiancé n'ayant pas pu l’épouser, va se
tuer ; elle en est très affectée, très émue et s'attend, à chaque instant, à
recevoir la fatale nouvelle; elle se reproche d’être la cause de cette mort.
Elle est, en outre, très superstitieuse et s’alarme à la vue d’un peu de
sel ou de poivre répandu sur la table : c’est signe de malheur, il va se pro-
duire quelque catastrophe. De même l’apparition d’une araignée la trouble
et la remplit, toute la journée, de crainte.
Une période plus active de délire se produit ensuite; pendant quelque
temps surviennent des hallucinations avec des idées de persécution, des
craintes, des frayeurs : des individus la surveillent, l’observent, se cachent
dans la cave, l’écoutent. Après une courte période d’excitation, elle se
calme, mais bientôt apparaissent des phénomènes d’un autre ordre.
Depuis six mois elle refuse de manger de la viande et s’en tient à une
nourriture végétale. Elle voudrait s’opposer à l’abatage des animaux; elle
veut également prendre soin des plus malheureux et elle sort chaque jour
avec un panier renfermant des provisions qu’elle distribue aux chiens vaga-
bonds les plus maigres qu’elle rencontre. Elle se rend également dans les
abattoirs, où elle exhorte les garçons bouchers à cesser leur cruelle tuerie:
«Nous n'avons pas le droit de tuer les animaux, leur dit-elle; les animaux
sont des frères qu’il faut protéger. » Elle est allée dans plusieurs établisse-
ments poursuivre sa croisade etelle a été arrêtée aux abattoirs de la Villette
dans le feu même de ses discours. |
Entrée à Sainte-Anne, elle refusait absolument de manger, elle préten-
dait que la sainte Vierge l’inspirait, et elle a dû quelque temps être nourrie
à la sonde. Elle s’est améliorée assez promptement et elle a été rendue à
sa famille, beaucoup plus tranquille, mais non guérie.
La seconde malade, l’antivivisectionniste, avait demandé des conseils à
M. Charcot qui, avec son obligeance habituelle, a bien voulu me l’adresser
en la signalant à mon attention.
Elle est âgée de quarante ans, et malgré l’absence de renseignements
précis sur les antécédents héréditaires, elle a été toute sa vie si émotive, si
nerveuse, si impressionnable, que les troubles morbides qui se sont déve-
loppés depuis cinq ans ne sont que la traduction plus active de ses disposi-
tions natives. |
Sa sollicitude pour les animaux est tellement grande, que quand il pleut,
la nuit, elle ne dort pas, songeant aux fatigues des chevaux sur un sol glis-
sant et aux mauvais traitements que, dans certaines circonstances, leur
infligent les cochers.
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 94
Le bruit d’un coup de fouet l’émotionne à un tel point, qu’elle tremble de
tous ses membres, pensant à la malheureuse bête qui a reçu le coup. Un
jour, dans la rue Drouot, voyant frapper un cheval, elle s’est évanouie et
serait tombée sans le secours d’un passant.
L'idée seule d’une expérience de physiologie, d’une vivisection, comme
elle dit, lui arrache des larmés, la jette dans un état d’angoisse extrême;
elle ne voudrait pas, pour sauver sa vié ou la prolonger, que l’on fit la plus
petite expérience sur un animal, et elle donnerait, dit-elle, de grand cœur
son existence, non pas demain, mais à l’instant même, si en échange on
lui promettait qu’il n'y aurait plus jamais un animal sacrifié.
Cette disposition d'esprit, cette préoccupation incessante rend sa vie
insupportable, la pousse parfois aux actes les plus extravagants et les plus
ridicules pour éviter une fatigue ou un mal quelconque à un animal, chien,
cheval, chat, grenouille, tortue, etc. À peine dans la rue, son œuvre de
protection commence : elle ramasse les morceaux de verre, de crainte qu’un
cheval dans sa chute ne vienne à se blesser. Un jour, elle a passé, elle, en
toilette de dame, plus d’une demi-heure à ce travail de chiffonnière.
Demeurant à la banlieue dans une localité où l'on se propose d'élever de
nouvelles constructions à côté de sa maison, elle voulait faire empierrer le
chemin pour empêcher les lourdes charrettes chargées de matériaux de
s’embourber dans les temps de pluie et éviter ainsi les coups de collier inu-
tiles; mais elle s’est décidée, au dernier moment, à déménager, ne se sen-
tant ni la force ni le courage d’entendre les cris, les jurons et les coups de
fouet des charretiers.
Arrivée à une station de voitures, elle fait de vives Rae aus à toute
personne qui prend un fiacre à laqueue de la file, parce que le cheval récem-
ment arrivé est encore fatigué; elle ne peut s'empêcher de récriminer
lorsqu'elle voit choisir également un fiacre dont le cheval mange lavoine.
Un matin, tandis qu’elle passait devant la boutique d’un charbonnier,
elle aperçoit cet homme rudoyant un vieux cheval qui ne veut pas entrer
dans les brancards de la charrette; elle le supplie de ne plus frapper
animal; puis elle s’approche elle-même de la rosse, lui parle doucement,
la caresse, l’embrasse, et finit par l'installer dans les brancards. Avant de
se retirer, elle demande au charbonnier l'heure où il attelle et Le lende-
main, à l'heure indiquée, elle est là, demandant la faveur de s’occuper de
la bête; sa requête est accueillie en riant par le charbonnier. Elle revient
plusieurs jours de suite, jusqu’à ce que l’animal plus docile se laisse atteler
sans résistance.
N'ayant nul souci des témoins ni du lieu où elle se trouve, elle invective
les cochers qui frappent leurs chevaux : « Je préférerais, dit-elle, recevoir le
coup, que de le voir donner à un animal. »
Si elle voit tomber un cheval, elle accourt aussitôt et force le conducteur
à dételer l’animal pour qu'il puisse se redresser plus facilement. Si l’on
92 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
refuse, elle s’assied sur la bête, prévenant qu’elle ne bougera pas avant que
l’on ait dételé.
Lorsqu'elle aperçoit un cheval grièvement blessé, elle s’empresse de lui
porter secours : «Je ne me rends compte, dit-elle, de rien, je ne vois
même pas la foule qui m’entoure, qui souvent m'est hostile. Je ne reste pas
inactive, ajoute-t-elle, je vais chercher à l’animal de l’avoine, des carottes,
de la luzerne, de l’eau ; je lui donne à boire moi-même, je lui soulève la tête
je lui lave les naseaux avec mon mouchoir, je lui mets de la paille sous
sa pauvre tête, je fais tout ce que je peux pour adoucir ses derniers mo-
ments, et je le protège contre les foules làches et cruelles. La pauvre bête
a, à ses derniers moments, ce qui lui a manqué toute sa vie, un ami! » :
Un jour elle offrait mille francs pour qu’on achevät sur place et qu’on ne
fit pas souffrir en le transportant chez l’équarrisseur, un cheval qui avait
une patte cassée. Elle achète une autre fois cent cinquante francs unwieux
cheval exténué, elle le place en pension moyennant soixante-dix-huit francs
par mois et parvient ainsi, dit-elle, à prolonger son existence de cinq
mois.
Un jour encore, elle se trouve mal après avoir relevé un chien dont la
patte venait d’être écrasée par une roue de voiture. Elle recueille les chiens
misérables qu’elle rencontre dans la rue, elle les emmène chez elle ou les
place dans une infirmerie.
Elle fait un testament en faveur de cinq ou six chiens qu’elle soigne à sa
maison. Elle a légué à chacun vingt-cinq francs par mois, mais craignant
que cette somme ne soit insuffisante, elle se propose de l’augmenter. Elle
m'a raconté, avec de grands éloges, qu’une dame protectrice avait, plusieurs
jours de suite aux Halles, acheté toutes les grenouilles pour les enlever aux
vivisecteurs.
Sous les instigations d’une autre malade dont nous allons parler, elle a éerit
à différents journaux contre MM. Paul Bert, Brown-Séquard, Laborde, etc.
Mais voici le passage d’une lettre qu’elle m'a adressée le 7 décembre
dernier et qui montre une fois de plus sa nature compatissante : « Il neige,
il fait froid, le pavé est gelé. Un surcroît de souffrance pour les pauvres
chevaux ! Vous ne pouvez pas vous faire une idée de ce que je souffre en
pensant aux souffrances de ces malheureuses bêtes. ;
» Je vous en prie, je vous en supplie, si vous avez de l'influence sur
M. Laborde et autres vivisecteurs, employez-la en faveur des chevaux. Un
animal qui rend tant de services à l'humanité, a droit à notre pitié. »:
En dehors de cet amour pour les animaux les plus malheureux, qui la
tient constamment en émoi, elle présente, fait important à noter au point
de vue des stigmates psychiques de la folie héréditaire, elle présente des
bizarreries d’un autre ordre. Ce sont des craintes du contact decertains ob-
jets, craintes analogues à celles que M.J. Falret a associées à cette forme de
folie désignée sous le nom de folie du doute et qui n’est, après tout, qu’un
syndrome épisodique de la folie héréditaire. Notre malade ne peut supporter
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 93
——_—_—_—_—_— a ———— —
la moindre poussière sur un meuble et elle essuie tous les objets après sa
domestique; elle passe elle-même à l’eau, avant de s’en servir, la vaisselle
déjà lavée; elle ne se sert jamais d’une serviette revenue du “nee
sans l'avoir préalablement trempée dans l’eau et fait sécher. « Je ne me
laverai jamais la figure, dit-elle, avec une serviette qui revient du blanchis-
sage, sans la passer à l’eau ; et cependant je pose sans le moindre dégoût
mon visage sur le museau d’un cheval; je panse les plaies des animaux
même les plus malpropres, sans la moindre répugnance. »
Elle se lave plus de vingt fois par jour; elle est, sans cesse, en mouve-
ment chez elle, et dans l’appartement elle craint constamment de manquer
d'air. Elle a une hyperesthésie des sens et plus particulièrement de l’ouïe;
elle ne peut supporter le pas des domestiques ; elle les oblige à quitter les
souliers et à prendre des chaussures qui ne fassent aucun bruit.
Tel est l’antivivisectionniste triste, modeste, bon, qui n’a qu’un but : faire
du bien aux animaux malheureux. Un autre exemple va nous montrer l’anti-
vivisectionniste ambitieux, batailleur, pour qui l'amour des animaux n’est
qu’un prétexte à démonstrations bruyantes.
Il s’agit d’une dame âgée de trente-huit ans, dont la mère, atteinte de
délire chronique, est morte au bout de vingt ans dans la démence. Cette
antivivisectionniste est très remuante, très agressive, c’est, en un mot, la
véritable héroïne du genre. Comme beaucoup d’héréditaires mal équilibrés,
elle n’est pas dénuée d’esprit; elle m'avait adressé ces quelques mots avant de
venir me trouver : «Je ne pense pas, Monsieur, que ce soit à titre de simple cas
pathologique que j'aurai l’honneur de me présenter devant vous. Néanmoins,
je ne m'en trouverais nullement humiliée, les toqués et les fous, à notre
époque, me paraissant à peu près les seules personnes dignes d’estime. »
Elle éprouve une certaine satisfaction à raconter la part active qu’elle
prend dans la campagne contre la physiologie expérimentale. Elle a, dit-elle,
l'esprit de l’avenir, elle est le Progrès, la Lumière, elle ne tient pas à appar-
tenir à un milieu bien pondéré, à avoir une intelligence d’un niveau moyen,
un esprit égal : on ne peut rien faire dans ces conditions. Elle ne tient pas
à garder les réserves de son sexe, elle s’affranchit de toutes ces conventions
ridicules, et au besoin elle ne craint pas de jurer et de recourir à un lan-
gage un peu épicé. Elle a du courage, elle ne redoute pas la lutte, elle veut
soutenir les faibles. Les peines physiques la touchent peu, elle marche en
avant, elle hait l'humanité qui est méchante, et elle aime les bêtes.
Une expérience sur un animal devrait sauver, dit-elle, son fils, qu’elle
s’y opposerait formellement, ne voulant pas devoir la vie de son fils à la vie
d’un animal. Du reste, la douleur humaine la touche peu, tandis qu’elle
s’émeut à la vue et à l’idée de la souffrance des animaux. Elle trouve plaisir
à raconter qu'elle est entièrement détachée des affections humaines ; elle
aime son fils parce qu’elle le tient sous la main, qu’elle le domine et qu’elle
espère l’élever dans la haine de l’humanité et l’amour des animaux. Elle
estime son mari, elle le considère comme un ami, comme un camarade, et,
ü4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
=. — ——_———_———_—_—_—_———
si elle éprouve un autre sentiment pour lui, e’est, sans doute, le résultat de
l'habitude.
Il y a quelques années, elle avait recueilli chez elle douze chats; mais
comme elle occupait 5n appartement dans une des dépendances d’une grande
administration, elle avait été invitée à se débarrasser de tous ces animaux ;
elle décida son mari à abandonner une situation avantageuse plutôt que de
sé séparer de sés chats. Aujourd’hui elle n’en a plus que cinq ou six; elle
en prend d’ailleurs grand soin, elle les baigne de temps à autre; parfois
ils la griffent, mais ça ne l’arrête point; elle les laisse une heure dans une
couverture de laine pour les bien sécher ; elle les surveille attentivement et
se lève la nuit pour jeter leurs ordures et les tenir très proprement.
Cé contraste étrange entre cette préoccupatiou incessante pour l'animal
et l’indifférence pour l’homme est une anomalie qui aurait lieu de sur
prendre avec la lucidité d'esprit que présentent ces malades, mais qui
devient cliniquement un fait vulgaire, quand on se reporte aux bizarreries
et aux Singularités des AER ere tete intellectuelles.
Je dois encore rappeler un fait. Lors du congrès de Norwich, en 1874, au
inoment où je me disposais à répéter les expériences sur Patton compara-
tive de l'alcool et de absinthe, la salle fut envahie par plusieurs individus,
à la tête desquels se trouvait un véritable énergumène qui, l’œilétincelant,
le visage injecté, vint avec un Couteau couper le lien qui retenait l’uné des
pattes d’un chien. Il se disposait à continuer, quand je l’écartai doucement
et priai deux assistants de le maintenir, absolument comme j'ai l’habitude
de faire pour certains aliénés agités. Je poursuivis ensuite ma démons-
tration, J’ai le regret de n’avoir pu obtenir de renseignements sur les anté-
cédents de cet impulsif, mais à coup sûr on eût trouvé une tare originelle
expliquant cet étrange accès de fureur. 7
Eu résumé, ces faits nous montrent une fois de ÿTee combien peuvent
être variées les couleurs sous lesquelles se manifeste la folie héréditaire.
Chez les dégénérés tout devient, en effet, occasion de délire, et grâce à leur
puissante prédisposition ces malades n’ont pas besoin pour arriver à la
systématisation de passer par les étapes lentes et progressives que par-
courent méthodiquement les délirants chroniques.
EXPÉRIENCES SUR LES FERMENTS DIASTASIQUES DU SANG ET DES TISSUS,
par MM. Prenoz et Ch. Ricuer.
Nous publions ici, uniquement afin de prendre date, le résumé somiaire
de quelques expériences sur les diastases. ;
Si l’on introduit dans le système circulatoire d’un chien, par injection
veineuse, de notables quantités d’empois d’amidon, on ne voit survenir,
contrairement à ce qu’on aurait supposé d’abord, aucun accident grave. Au
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 95
bout d’une demi-heure le sang contient de très grandes quantités de SAVEAES
Néanmoins, la sécrétion urinaire ne nous à pas paru augmentée.
Si l’on met en contact du sang de chien sortant de l’artère avec de l’em-
pois d’amidon et qu’on expose le mélange à l’étuve pendant quarante-huit
heures, on ne retrouve plus ni amidon ni glycose. L’amidon a été saccha-
rifié par la diastase du sang, et la glycose ainsi formée a été détruite par
les organismes figurés qui se sont développés en abondance.
Ce qui le prouve, c’est que l’addition de salicylate de soude neutre, à la
dose de 30 grammes par litre, permet de retrouver la glycose. [n’y a plus
d’empois, car la diastase du sang l’a saccharifié ; mais le salicylate, qui est
avtiseptique, a empêché la transformation ultérieure de la glycose. .
Le sang mêlé au salicylate de soude se coagule d’abord, puis se hani
et reste ainsi liquéfié pendant très longtemps.
Les autres tissus de l'organisme peuvent aussi transformer l’amidon en
glycose. Il nous a semblé que c'était surtout le rein (et en partiguliar le
rein du porc) qui contenait le ferment diastasique.
(Travail du laboratoire de :physialnsie de la Faculté de médecine Fe
Paris.)
[NFLUENCE DE L'ÉTAT DU SANG SUR L'APPAREIL NERVEUX DE LA CIRCULATION,
par MM. DasrRe et Morar.
Nous faisons hommage à la Société de biologie d’un mémoire récemment
paru dans les Archives de physiologie. Ge travail coordonne, résume et
complète quelques-uns des résultats que nous avons obtenus déjà ancienne-
ment (1877-1878-1880) et que nous avons exposés ici même à diverses
reprises (Comptes rendus de la Société de biologie, p. 810, 1879; p. 107,
1880, etc.). Nous voudrions, arrivés au terme de nos études, en donner une
analyse succincte.
Il y a une relation'entre l’état du sang insuffisamment hématosé, dys-
pnéique, asphyxique, et l’état des vaisseaux. Cette relation est très remar-
quable en elle-même; de plus, elle nous a fourni un moyen précieux
d'investigation dans la pétHérehe des nerfs vaso-moteurs.
L'historique de la question est court. Nous signalerons seulement trois
points dans ses antécédents :
1° On a d’abord connu l'action du sang asphyxique sur lappareil
moteur. Lés convulsions générales de l’asphyxie ont été aperçues à toute
époque ; les crampes etles contractions du train postérieur chez les ani-
maux auxquels on lie l'aorte abdominale avaient été vues déjà au temps de
Haller. On a su dépuis lors que l'excitation portait sur les noyaux d’ori-
gine des nerfs moteurs.
20 On à connu ensuite Paction Stimulatrice du sang asphyxique sur les
96 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
centres nerveux respiratoires. Lorsque l'hématose est insuffisante, les mou-
vements inspiratoires s’accélèrent : il y a dyspnée; lorsque l’oxygène s’ac-
croît, les inspirations se ralentissent; elles peuvent se suspendre : il y a
apnée. On à expliqué l’alternance des mouvements respiratoires par l’al-
ternance qui se produit dans la composition des gaz du sang, et par l’exci-
tation périodique que le sang pauvre en oxygène exerce sur les centres in-
spiratoires. Nous n'avons pas à juger cette théorie; nous voulions seule-
ment rappeler le fait positif qui lui sert de base. Cette notion de ?’excita-
tion des centres nerveux par le sang asphyxique a été étendue par
Luchsinger aux centres médullaires qui sont les noyaux d’origine des nerfs
sudoripares. Brown-Séquard, antérieurement, avait professé que la pro-
priété d’être stimulé par le sang asphyxique était une propriété générale,
appartenant à tous les tissus.
3° Le troisième point est précisément relatif à l’action du sang asphyxique
sur la circulation. — Après des recherches nombreuses, les physiologistes
étaient arrivés par deux voies différentes à cette conclusion que ; Le sang
dyspnéique élève la pression générale. Ce résultat, d’ailleurs inconstant,
donnait lieu à des contradictions; de plus il était peu suggestif.
Il y avait à cela une raison très simple. L'étude de la pression générale est
un mauvais moyen de connaître l’état des vaisseaux : elle donne toujours
un résultat brut, total; inutile le plus souvent ou au moins peu suggestif et
capable quelquefois de conduire à l'erreur, comme il est arrivé, dans le cas
présent aux auteurs, qui ont vu à tort dans l’élévation de la pression artérielle
par l’asphyxie, la preuve d’une contraction universelle des vaisseaux de
l'organisme. — Il fallait donc analyser les phénomènes vasculaires de
Vasphyxie ; les étudier dans les différents organes. Heidenhain et Grutzner,
Asp et Loven, Zuntz enfin, sont entrés avec plus ou moins de succès dans
cette voie. C’est ce que nous avons fait nous-mêmes en poussant nos re-
cherches aussi loin que possible.
Nous avons étudié d’abord le cœur, puis les vaisseaux.
ÏJ. — PHÉNOMÈNES DU CÔTÉ DU CŒUR. ARRÊT ASPHYXIQUE.
Les perturbations exercées par l’asphyxie sur le cœur présentent deux
phases : une phase ataxique de début, traduite par des irrégularités, des
intermittences, des battements par série, due à l’intervention des causes
mécaniques ; une seconde phase de déclin, improprement appelée paraly-
tique et se traduisant par le ralentissement et l’arrêt du cœur :.ce phéno-
mène, dû à l'influence véritablement toxique du sang noir, est la cause pro-
chaine de la mort. L’asphyxie arrête le cœur. Cette syncope mortelle était
aux yeux de nos prédécesseurs le fait le plus saisissant de l’asphyxie.
1° Quelle est la cause de cet arrêt ? — Pour Bichat, c'était une impuis-
sance vraie du cœur paralysé par le sang noir.
L'expérience contredit absolument cette vue. L'arrêt du cœur, au lieu
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 97
d’être un fait de paralysie, est au contraire un phénomène d’activité ner-
veuse. Le ralentissement et la syncope finale sont dus à l’excitation du
noyau pneumogastrique. La preuve expérimentale en a été donnée par
Luchsinger et par nous-mêmes. Au moment de la syncope cardiaque immi-
nente ou même réalisée, il suffit de couper les deux pneumogastriques : les
battements reprennent avec une grande vitesse.
2% Quel est le rôle de cette action spéciale du sang asphyxique sur les
nerfs pneumogastriques ? — Gette extrême excitabilité du vague pour le sang
noir est la source du principal danger de l’asphyxie rapide. Mais on peut
dire aussi qu'elle en est, à un certain point de vue, le remède. En effet, si
l’excitabilité actuelle du vague n’est pas déjà extrême, si l’asphyxie au lieu
d’être brusque est graduée, le résultat de l’excitation du vague est seule-
ment de ralentir le cœur, par conséquent d’épargner son travail et de le
répartir sur une durée plus longue. Zuntz a insisté sur ce rôle de pré-
voyance. Il a vu et nous avons vérifié que l’animal qui a les vagues coupés
résiste moins longtemps à l’asphyxie : la mort arrive plus rapidement et
par un autre mécanisme. En résumé, l'intégrité des vagues, suivant les
conditions, peut être la cause de la syncope mortelle, ou la eause de la ré-
sistance à la mort.
3° L'action du sang noir est-elle vraiment élective pour le noyau modé-
rateur ? — On est amené à se demander si le centre bulbaire des pneumo-
gastriques est seul excité parmi les autres centres nerveux. L’expérience
répond négativement. Elle prouve que l’action excitante du sang noir porte
aussi sur le système accélérateur.
Nous l’avons montré par trois ordres de preuves :
a. En pratiquant l’asphyxie sur un animal dont les vagues viennent d’être
sectionnés et en constatant une accélération du cœur ;
b. En observant la même sur-accélération plusieurs jours après la sec-
tion des vagues, lorsque le cœur s’étant un peu ralenti, l'accroissement de
vitesse est devenu plus facile à constater ;
c. En pratiquant l’asphyxie chez un animal atropinisé. La mort se
produit alors plus tardivement, sans ralentissement, par diminution suc-
cessive de la force des contractions.
Trois conséquences ressortent de ces expériences :
1° Le sang noir exerce une action générale sur les centres nerveux, mé-
dullaires comme bulbaires, sur le système accélérateur comme sur le sys-
tème modérateur. — C’est là une démonstration particulière de la loi géné-
rale de l’action excitatrice du sang noir sur les centres nerveux.
2° À égalité d’excitation pour le cœur, la prédominance reste au système
modérateur. Le cœur sollicité au même moment à s’accélérer et à se ra-
lentir, se ralentit en effet. La même loi est vraie pour le tégument. L’effet
est inverse sur les viscères. Dans le premier cas c’est le système modérateur
ou dilatateur qui l'emporte ; dans le dernier cas c’est le système constric-
teur dont l’excitation prédomine.
98 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
&æ L'action excitante du sang noir porte d’abord sur lappareil nerveux
extracardiaque. Elle atteint en second lieu l’appareil intracardiaque. Ge
second effet est rendu évident lorsque le premier a été écarté par la section
des vagues ou l’action de l’atropine. — M. Ch. Richet à montré l’action
excitante du sang asphyxique sur les terminaisons nerveuses intracar-
diaques en appliquant au vague coupé un courant un peu inférieur au cou-
rant minimum. Cette excitation sans effet, devient efficace, lorsque Pon
pratique l’asphyxie. Enfin, après le système cérébro-spinal et le système
intracardiaque, l'appareil musculaire lui-même pourra être atteint par
l'excitant asphyxique ; mais cette action est tardive, obscure, et n'intervient
que pour une bien faible part dans les phénomènes que l’on observe chez le
vivant.
II. — ACTION DU SANG ASPHYXIQUE SUR LES VAISSEAUX.
Il faut observer la manière d’être des différents organes tégumentaires et
viscéraux sous l’action du sang noir. — On produira l’asphyxie par diffé-
rents procédés :
4° Action sur la circulation de l'oreille (lapin). — Le meilleur pro-
cédé d’asphyxie consistera à soumettre l'animal à la dépression sans cou-
rant d'air. C’est la forme la plus pure d’asphyxie : elle est progressive ; elle
n’introduit ni troubles mécaniques, ni irritations nerveuses ; elle se produit
dans un milieu toujours identique. -
On remarque que précisément au moment où la pression atteint la valeur
de 40 à 42 centimètres de mercure, l’artère auriculaire se dilate brusque-
ment. Le phénomène disparaît si la pression s'élève ; il reparaît dès qu’elle
retombe à ce niveau. L’intensité de la dilatation, sa précision, sa brusquerie
sont faites pour frapper vivement l'observateur.
Les circonstances de l’expérience peuvent s'expliquer facilement.
a. En premier lieu, c’est précisément aux environs de 40 centimètres de
dépression que la composition du sang commence à éprouver un change-
ment notable. Jusque-là il peut se faire une compensation par la rapidité
ou l'ampleur des respirations. Mais à ce point l’oscillation physiologique
extrême est dépassée et l'effet toxique du sang désoxygéné peut se Mmani-
fester.
b. En second lieu, le phénomène reconnaît pour cause une excitation des
nerfs vaso-dilatateurs de l’oreille que nous avons fait connaître dans une autre
publication. A défaut de ceux-ci, la dilatation ne pourrait s'expliquer que
par une paralysie des constricteurs. Mais l'expérience montre que ceux-ci,
loin d’être paralysés, sont au contraire excités; car une stimulation directe
sur eux ou sur leurs terminaisons, c’est-à-dire sur le vaisseau, est plus effi-
cace que dans l’état normal. 6
2 Action sur la circulation bucco-faciale (chien). — On observe encorè
une dilatation asphyxique considérable. Cette dilatation est due principale-
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3
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 99
L
ment à l'excitation des centres médullaires vaso-dilatateurs (voy. notre
Mémoire sur le nerf sympathique vaso-dilatateur). Les centres ganglion-
naires périphériques ont une part très restreinte dans le phénomène.
% Action sur la circulation des membres. — La congestion du tégu-
ment cutané des membres peut s’observer au même moment que celle de
. l'oreille et de la région bucco-faciale, soit par la méthode des débits san-
euins, soit par la méthode coloriscopique.
En résumé, le sang noir ‘excite simultanément le système vaso-constric-
teur et vaso-dilatateur du tégument, L'effet sur le système vaso-dilatateur
est prédominant : d’où la congestion asphyxique de la peau.
Action du sang noir sur les viscères. — Nous avons étudié ensuite l’ac-
tion du sang noir sur la circulation des viscéres.
4° Intestin. — Il faut recourir à des procédés convenables pour observer
la circulation intestinale sans la troubler : on peut employer notre procédé
d'inspection rapide, ou celui des bains de chlorure de sodium à 6/1000°
(Zuntz).
Au moment même où le tégument est congestionné, on constate l'effet
inverse sur l'intestin. Il est anémié : les artérioles sont resserrées, à peine
visibles. :
2° Rate. — Nous avions annoncé dès nos premières recherches que les
principaux viscères se comportaient comme l'intestin. — L’inspection di-
recte le prouve, en ce qui concerne la rate. Ch. Roy l’a vérifié au moyen de
son instrument. Nous l’avons constaté à nouveau en enregistrant le volume
de la rate avant et pendant l’asphvyxie au moyen de l'instrument de Ch. Roy
légèrement modifié.
9° Rein, uretère, vessie. — Nous avons fait les mêmes constatations en
ce qui concerne le rein, soit par l’examen coloriscopique, soit par emploi
de l’appareil volumétrique de Roy. — Pour la vessie, l’inspection directe
suffit.
4 Utérus: — Mèmes constatations
9° Foie. — La même constatation n’a pas été possible pour le foie.
Lun de nous (1877-1878, De la glycémie asphyxique) a constaté l’hy-
pérglycémie sous l'influence du sang noir dans l’asphyxie brusque. Mais il
n’en faudrait pas conclure avec assurance à une dilatation vasculaire. —
Mêmes réserves pour le poumon.
Sous le bénéfice de ces réserves, il est permis de dire que Le sang noir
qui dilate les vaisseaux de la peau contracte ceux des viscères. L’expli-
cation reste la même. On doit admettre que les deux systèmes dilatateur
et constricteur sont mis en jeu par l’excitant asphyxique, mais qu'ici
l'avantage ou la prédominance reste au système constricteur.
Comparaison des résultats. — Dans le cas de l’asphyxie, l'équilibre na-
turel des deux systèmes nerveux vaso-contricteur et vaso-dilatateur se
trouve rompu d’une manière différente pour la peau et pour l'intestin, 1 y
100 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
,
a prédominance du modérateur du côté de la peau, prédominance du
en du côté des viscères.
C’est un mécanisme préétabli qui règle ces conditions. Il remplit un
rôle de prévoyance pour compenser les effets pernicieux de l’asphyxie : le
cœur ménageant ses mouvements à mesure que l'oxygène tend à lui
manquer ; le sang chassé de l'intestin par la contraction des artères, .
tendant à se répandre près de l'air vivifiant dans les vaisseaux dilatés
de la peau.
Balancement entre la circulation cutanée et la circulation intestinale.
— L'étude de l’asphyxie nous a donc révélé une loi importante dans le jeu
des mécanismes circulatoires, c’est la division de cet appareil en deux sec-
tions qui marchent ensemble et d’une manière inverse l’une de l’autre. —
Il y a balancement entre la circulation tégumentaire et la circulation viscé-
rale. — Les variations de la composition du sang sont l’excitant initial qui
met en jeu ces mécanismes.
Ce balancement est encore manifesté dans deux circonstances qui en
montrent bien le caractère général.
1° L’excitation forte des nerfs de sensibilité générale affecte la circulation
comme l’asphyxie même. Elle contracte les vaisseaux des viscères ; d’autre
part, elle dilate les vaisseaux du tégument.
2° Ce même balancement s’observe par l’excitation du dépresseur car-
diaque de Ludwig et Cyon. Nous avons constaté qu’il y avait constriction
cutanée, en même temps que dilatation viscérale.
Les Di exposés dans le cours de ce travail contribuent ainsi à nous
faire connaître une partie du mécanisme compliqué qui préside à la régu-
larisation des fonctions cireulatoires.
CALCUL SALIVAIRE, DE TAILLE EXTRAORDINAIRE, EXTRAIT DU CANAL
DE STÉNON D'UN CHEVAL, présenté par M. MÉGnin.
J'ai l’honneur de présenter à la Société un calcul de taille bien remar-
quable ; il a été extrait du. canal parotidien d’un cheval, il y a quatre ans,
par un de mes confrères du Pas-de-Calais, M. Parmentier.
Ge calcul pesait 290 grammes en 1879, époque de lopération; il pèse
encore 282 grammes, car un petit fragment de la surface s’en est détaché
et la dessiccation a bien pu lui faire perdre quelques grammes. Ce calcul
était mobile dans le conduit considérablement dilaté ; il existait une fistule
laissant écouler un liquide infect. Il a fallu détruire Partère et la lier. Le
cheval avait été vendu pour être sacrifié; il a rapidement guéri après l’opé-
ration et mon confrère a pu le voir, deux ans après, travailler à la culture.
Ce calcul est de forme ovoïde, du volume d’un gros œuf de poule, un peu
aplati sur une face; il mesure 95 millimètres de long, 52 millimètres de
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. : 401
large et 48 millimètres d'épaisseur ; il est fortement rugueux vers sa grosse
extrémité et plus ou moins lisse dans le reste de son étendue. Îl a encore,
malgré le long temps qui s’est écoulé depuis son extraction, l'odeur carac-
téristique de salive altérée.
C’est le plus gros calcul de ce genre que nous connaissions, au moins en
France, car ceux qui se trouvent dans les collections de nos écoles vétéri-
‘ naires sont loin d’atteindre son volume. Verheyen, dans son remarquable
article Cazcuz du Nouveau Dictionnaire vétérinaire, en cite un qui existe
à Berlin et qui pèse 600 grammes.
Les calculs salivaires du cheval sont généralement provoqués par un
corps étranger, comme un grain d'avoine, une barbule d’orge, ou de brome,
qui pénètre dans le canal de Sténon, s’y arrête et devient le centre d’un
dépôt des sels de la salive qui se précipitent couche par couche en formant
des stratifications concentriques. La section de celui-ci, pratiquée avec une
scie et suivant son grand diamètre, montre au centre une parcelle végétale
que j’ai reconnue, à l'examen microscopique, avoir appartenu à un fétu de
paille.
Notre collègue M. Galippe m'ayant demandé de faire l’analyse de ce
calcul, je me suis empressé d’acquiescer à son désir en lui envoyant la
sciure obtenue par le sectionnement du calcul en deux moitiés, ainsi que
tous les éclats qui s'étaient détachés de la surface. Voici les résultats de
l’analyse faite par notre collègue, d’après la note qu’il m'a adressée et que
je transcris textuellement :
« Analyse d’un calcul salivaire de -cheval (Laboratoire de la clinique
d'accouchement) :
1° Partie interne du calcul.
gr.
DE LA AM LAEN BAS qu ST ON DIU .... 0,009
Matièresigrasses UN En, RL OEIORE MATRA 0,015
Matières organiques solubles dans l’eau ............ 0,027
Matières organiques non solubles...... L Hans et À 0,075
Matières minérales solubles...:....... Wed LEE AA ATACeS
Chaux totale....... FD R Et PTS RCE RE PTT D DER re 050
Acide phosphorique. ...... AL nd ere 0,041
Mapnésie ct suites re"... ARR A traces
Acide carbonique........ PO SAR ED 0,997
2 Partie corticale du calcul.
or
eu ui phub eue ul nt Annette tirée 0,010
Mhières grassesri. 4 iushiends 4h RAA are 0,016
Matières organiques solubles dans l’eau ...... sable 0,028
Matières organiques non solubles .................. 0,078
Matières minérales solubles....................... traces
Aide HHpsphorique ....,...4........:. Ne 0,062
MASÉSIEMEMISILICE : . 2. 0. 1e cesse oem e Ai here À traces
Chagetotuen:..:... A en TR ALLO RE TARIE 0,489
Acide carbonique......... à PAROI GARE y A nue tte) 0,329
102 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
» La partie interne et la partie corticale du calcul présentent une compo-
sition très voisine.
» Les chiffres correspondent à 1 gramme de calcul analysé,
» L’acide carbonique et la chaux ont été dosés sur des échantillons
séparés.
» Claude Bernard à appelé l'attention (Leçons de physiologie expérimen-
tale appliquée à la médecine, t. IT, p. 60) sur la quantité considérable
d’acidec arbonique contenue dans la salive parotidienne, et le calcul analysé
est surtout riche en carbonate de chaux. »
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE (1), par PAUL Gipier.
Dans une Note présentée à l’Académie des sciences, le 11 juin 1883,
j'exposais les résultats d’un certain nombre d'expériences sur la rage; expé-
riences dans lesquelles j'avais étudié le mode d’inoculation, la transmissi-
bilité de la rage par hérédité maternelle, la valeur de la présence des
corps étrangers dans l’estomac des chiens au point de vue du diagnostic de
la rage, l’atténuation du virus rabique et enfin le parasite de la rage.
Dans une prochaine communication je me propose de développer quel-
ques-uns de ces points, notamment celui qui a trait au microbe de la rage.
Aujourd’hui je me contenterai d'indiquer les résultats de nouvelles recher-
ches concernant l’hérédité de la rage et l’action du froïd sur son virus.
Après avoir vu succomber brusquement, au bout de quarante jours, des
animaux à qui j'avais inoculé de la matière cérébrale de fœtus trouvés à
l’autopsie d’une lapine morte de rage expérimentale, ma première idée fut
que ces animaux pouvaient avoir eu la rage. Cette opinion était, en outre,
corroborée par ce fait qu'à deux reprises différentes j'avais vu mourir avec
des phénomènes convulsifs, un mois environ après leur naissance, de jeunes
animaux ayant survécu à leur mère inoculée pendant la gestation.
L’inoculation et l'examen ultérieur négatifs de la substance cérébrale de
ces sujets et de nouvelles recherches me disposent à croire que, si leur
mort est due à la rage, ce doit être indirectement. En d’autres termes,
contrairement à ce que j'étais porté à croire en principe, la rage ne se
transmet pas héréditairement. Cependant dans quelques cas elle agit peut-
être sur le système nerveux des descendants à l'instar d’une névrose. Il y
aurait là un chapitre de pathologie nerveuse fort intéressant à étudier.
Quant à ce qui est de l’action du froid sur le virus rabique, elle est
extrêmement intéressante. D’après mes observations le froid pourra sans
doute rendre de grands services au point de vue de l’atténuation des virus
(1) Travail du laboratoire dé pathologie comyaréc du Muséüm de Paris:
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RVRCIR ORNE
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. : 103
que l’on n’est pas encore parvenu à cultiver, en se plaçant dans certaines
conditions que j’exposerai un jour.
L’incubation de la rage a été beaucoup plus longue chez des animaux ino-
culés avec le virus soumis pendant plusieurs heures à une température de
40 degrés au-dessous de zéro, et un chien inoculé directement sur le cer-
veau avec du virus soumis à un froid de —45 degrés, après avoir présenté
un certain malaise pendant quelques jours, se remit et n’était pas mort au
bout de neuf mois. Une nouvelle inoculation fut pratiquée, il y a un mois,
chez cet animal, qui mourut le quatorzième jour avec les symptômes de la
rage furieuse. La première inoculation ne l’avait donc pas préservé. Si l’on
pouvait s’en tenir à une seule expérience, on pourrait admettre que le virus
rabique est détruit par un froid de — 45 degrés. C’est un point que j’étudie
en ce moment.
Mais si au moyen du froid je n’ai pas réussi encore à atténuer le virus de
la rage de manière à en faire un vaccin pour employer l’expression admise,
je suis parvenu, en me servant de cet agent, à conserver ce même virus pen-
dant un temps très long et qui me reste encore à déterminer. Ainsi, j'ai
maintenu, dans l’appareil frigorigène que j'ai présenté à la Société de bio-
logie (1), des fragments de cervelle de chien enragé à une température
de -— 9 degrés pendant trente-deux jours. Au bout de ce temps, tous les ani-
maux inoculés avec cette substance périrent après avoir présenté les sym-
ptômes caractéristiques de la rage et dans les mêmes délais que leurs con-
génères contaminés par le virus frais. |
ANESTHÉSIE PROLONGÉE OBTENUE AVEC LE PROTOXYDÉ D'AZOTE À LA PRESSION
NORMALE, par M. le docteur À. AUBEAU.
Dans la séance de la Société de biologie du 12 mai 1883, M. P. Bert
démontra que l’on peut obtenir l’anesthésie prolongée avec le protoxyde
d'azote, à la pression normale, en administrant alternativement du pro-
toxyde d’azote pur, puis un mélange de protoxyde d’azote et d’oxygène,
dans des proportions voisines de celles où se trouvent dans l’air l’azote et
l'oxygène.
En anesthésiant d’abord l’animal par le protoxyde d’azote pur, puis en
lui faisant respirer le mélange susdit de façon à prolonger l’insensibilité
pendant plusieurs minutes, en redonnant ensuite le protoxyde d'azote pur,
puis le mélange, M. P. Bert à pu maintenir un chien insensible pendant
une demi-heure.
Appelé à pratiquer quotidiennement, depuis plusieurs années, anesthésie
proto-azotée et frappé des avantages de cette anesthésie, j’ai été conduit à
(1) Société dé biologie, 16 juin 1583.
104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
faire une série d'expériences dont les résultats viennent confirmer et en
quelque sorte compléter les observations de M. P. Bert.
Voici de quelle façon je m'étais d’abord posé le problème :
Existe-t-il un mélange de protoxyde d’azote et d'oxygène anesthésique
d'emblée, et permettant, sans danger, de prolonger l’anesthésie pendant
une période suffisante pour pratiquer la majorité des opérations chirur-
gicales ?
L'expérience m’a démontré qu’il existe bien des mélanges anesthésiques
d'emblée, mais que ces mélanges sont dangereux parce qu’ils contiennent
une proportion d'oxygène trop faible pour entretenir la vie au delà de vingt
à trente minutes.
Je me suis alors proposé de résoudre cette autre question.
L’anesthésie avec le protoxyde d’azote pur étant obtenue, combien de
temps se prolongera le sommeil chirurgical, si l’on administre un mélange
donné de protoxyde d’azote et d’oxygène ?
J'ai obtenu dans ce sens des résultats remarquables. Le résumé de mes
expériences, qui seront publiées in extenso, établira nettement, je pense,
ce que l’on peut espérer de l’anesthésie proto-azotée.
À. Expériences sur les animaux. — L'action du protoxyde d'azote est
moins rapide et moins intense sur le chien que sur l’homme. Il suffit de
deux minutes au plus pour obtenir chez l’homme l’anesthésie avec le pro-
toxyde d’azote pur; d’autre part, l’insensibilité va jusqu’à l'abolition du
réflexe palpébral; on peut toucher la conjonctive et la cornée sans provo-
quer le moindre clignement des paupières. C’est même sur l'observation du
réflexe palpébral que je me guide, en dernier ressort, chez l’homme, pour
reconnaître la période d’anesthésie confirmée.
Chez le chien, l’anesthésie n’est obtenue qu’au bout de trois et quatre
minutes, le réflexe palpébral persiste alors qu’on peut traverser un pli de la
peau avec un trocart, pincer l'oreille, appliquer le fer rouge dans les régions
les plus sensibles sans éveiller la sensibilité.
L’anesthésie se prolonge, après qu’on a cessé les inhalations, pendant
quarante à soixante secondes, aussi bien chez le chien que chez l’homme.
Si l’on continue les inhalations de protoxyde pur au delà de la période
d’anesthésie confirmée, le chien meurt en moins de dix minutes. La mort
est précédée de convulsions tétaniques; la respiration se suspend, puis le
cœur cesse de battre.
L’autopsie démontre que les poumons sont affaissés, rétractés, conges-
tionnés; qu'il existe des ecchymoses sous-pleurales et que le cœur volumi-
neux et comme dilaté est rempli de sang fluide et rouge. Si l’on anesthésie
Panimal avec le protoxyde pur et que, sans écarter l’inhalateur, on admi-
nistre ensuite un mélange de protoxyde d’azote et d'oxygène, la prolongation
de l’anesthésie est, toutes choses égales d’ailleurs, inversement proportion-
nelle à la richesse du mélange en oxygène.
Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 40 litres
-
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 103
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant trois minutes; elle est peu
profonde.
Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 20 litres
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant six minutes.
Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d'azote et 10 litres
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant douze minutes.
Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 5 litres
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant vingt-quatre minutes.
Le rapport qui existe dans les expériences précédentes entre la progres-
sion croissante de la durée de l’anesthésie et la progression décroissante de
la richesse du mélange en oxygène constitue une véritable loi.
Bien que le mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 5 litres
d'oxygène fût déjà ia de réaliser des conditions favorables à l’hématose,
je résolus d’administrer un mélange contenant 100 litres de protoxyde
d'azote et seulement 2 litres et demi d'oxygène. L’un des chiens mourut de
syncope respiratoire au bout de vingt-cinq minutes.
Dans les derniers moments la respiration se faisait avec efforts, les côtes
devenaient saillantes, les espaces intercostaux se déprimaient comme si le
vide se fût fait dans la cavité thoracique. Le tableau de la mort fut d'ailleurs
le même que dans les cas où l’on tue l’animal avec du protoxyde d’azote
pur. L’autopsie révéla des lésions identiques, avec cette particularité que la
rétraction des poumons était plus grande, que les vésicules pulmonaires
étaient presque complètement vides de gaz et que le cœur était plus volu-
mineux.
Ïl existait de même de nombreuses ecchymoses sous-pleurales.
IL importe de faire quelques réserves sur ce cas, l’animal ayant subi trois
expériences fatigantes dans la même journée.
. À l’aide du même mélange contenant 100 litres de protoxyde et 2 litres
et demi d’oxygène, je maintiens un chien anesthésié pendant quarante-
quatre minutes. Mais au cours de cette anesthésie, il se fit, à un quar
d'heure d'intervalle, deux syncopes respiratoires qui m’obligèrent à prati-
quer la respiration artificielle. Je dus en outre par prudence et dans la
crainte du même accident, écarter l’inhalateur à trois reprises différentes
afin de permettre chaque fois 7 à 8 inspirations d’air pur.
L'animal resta haletant et anéanti pendant près d’un quart d'heure et
dévora alors sa pâtée.
En résumé, si l’on anesthésie un chien avec le protoxyde d’azote pur et
que lon administre ensuite un mélange contenant du protoxyde d’azote
d'oxygène, l’anesthésie se prolongera pendant trois, six, douze et vingt-
quatre mnilifes, suivant que le mélange Tenir 40, 20, 10 ou 5 litres
d'oxygène et 100 litres de protoxyde.
Les premières inhalations sont suivies chez les animaux d’une période
d’excitation de courte durée, due à la peur.
Un fait intéressant qui nous a frappé dans chacune de nos expériences,
3IOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N°8. y
106 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
c’est qu’au moment où l’on cesse les inhalations de protoxyde pur pour
administrer le mélange, la respiration se ralentit et se suspend même pen-
dant quelques secondes pour redevenir bientôt calme et régulière. Le
même phénomène se reproduit toutes les fois qu’on change les proportions
du mélange. L’anesthésie prolongée est assez profonde, dans tous les cas,
pour que l’on puisse piquer l'animal, le brûler au fer rouge dans les régions
les plus sensibles, telles que le pourtour de l’anus, le scrotum, les oreilles,
lui traverser un pli de la peau avec un trocart, le frapper avec une corde,
sans obtenir le moindre signe de sensibilité.
Le réveil survient spontanément, même lorsqu'on prolonge les inhala-
tions, et cela dans les limites, variables avec chaque mélange, que nous
avons précédemment indiquées. Il est instantané et l’animal dresse la tête
dès qu’on écarte l’inhalateur.
Bientôt même il fait des efforts pour se débarrasser de ses liens.
Il reste pendant quelques minutes dans un état caractérisé par de l’hébé-
tude, par de la parésie du train postérieur et par une marche continue,
comme s’il était en quête de quelque gibier; puis il se précipite sur les
aliments qu’on lui présente et qu’il avait d’abord refusés.
Ces phénomènes se prolongent d'autant moins que le mélange est plus
riche en oxygène.
Les mélanges contenant 100 litres de protoxyde et 40, 20 ou 10 litres
d'oxygène, ainsi que les mélanges intermédiaires, sont inoffensifs chez le
chien. |
Le mélange contenant 100 litres de protoxyde et 5 litres d'oxygène a
pu être employé sans danger, mais son emploi exige déjà une grande sur-
veillance.
Aucun des mélanges précédents n’est anesthésique d'emblée pour le
chien.
Les mélanges contenant 100 litres de protoxyde et 4, 3, 2 122 litres
d'oxygène sont anesthésiques d’emblée pour cet animal, mais ils sont dan-
gereux.
Tous les accidents que j’ai observés étaient dus à la syncope respi-
ratoire.
Les battements du cœur sont encore perceptibles pendant quelques
secondes après la suppression de la respiration.
La syncope respiratoire est toujours précédée de convulsions pe
plus marquées du côté des membres antérieurs.
On prévient l’accident en permettant des inhalations d'air pur dès le
début de ces phénomènes convulsifs.
À. Expérience sur le lapin. — Un lapin soumis d’abord à Paction du
protoxyde d'azote pur a été anesthésié au bout d’une minute et demie ; il a
inhalé ensuite un mélange contenant 6 litres d’oxygène et 100: litres de
protoxyde et est resté anesthésié pendant trente-sept minutes ; à ce Den |
il a donné des signes de sensibilité.
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 107
B. Observations sur l’homme. — Mes observations sur l’homme sont
trop peu nombreuses et trop peu concluantes pour que j'essaye d’en tirer
des déductions. Telles quelles cependant elles ont beaucoup d’analogie avec
celles que j'ai faites sur les animaux, et sont par conséquent assez encou-
rageantes pour m’engager à les poursuivre. Ce sont elles qui m’ont décidé
à faire cette communication, De nombreuses expériences m'ont appris
qu'un homme ne peut, d’une façon générale, absorber plus de 35 à 45 litres
de protoxyde pur sans danger.
Je rappelle que l’anesthésie se produit au bout de deux minutes et qu’elle
dure pendant quarante à soixante secondes.
J'ai été anesthésié par MM. Heymen et Ronnet, mes aides, avec le pro-
toxyde pur, puis avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote
et 40 litres d'oxygène.
L’anesthésie avec le protoxyde pur a été obtenue au bout de deux minutes
et s’est prolongée, avec le mélange, pendant deux minutes. Le réveil a été
spontané, bien qu’on ait continué les inhalations pendant huit minutes.
Au réveil, état nauséeux pendant deux minutes. Je venais de déjeuner.
J'ai anesthésié MM. Simon et Charles Diffoth, àgés l’un de vingt-quatre
ans, le second de trente-six, avec le protoxyde pur.
L’anesthésie a été obtenue au bout de deux minutes.
J'ai continué les inhalations avec le mélange contenant 100 litres de
protoxyde d’azote et 40 litres d'oxygène. L’anesthésie s’est prolongée pen-
dant deux minutes et demie chez l’un, trois minutes chez l’autre.
Le réveil a été spontané, bien que j'aie continué les inhalations.
J’ai respiré 80 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde
d’azote et 6 litres d'oxygène. J’ai été anesthésié d’emblée au bout de quatre
minutes.
Mes aides ont enlevé Pinhalateur une minute et demie plus tard.
J'ai respiré 70 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde
d'azote et 5 litres d'oxygène. J’ai été anesthésié d’emblée au bout de trois
minutes et demie.
M. Heymen a té anesthésié au bout de deux minutes et demie avec
90 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 4 litres
d'oxygène. Ce mélange est anesthésique d'emblée.
Ces expériences démontrent :
1° Que dans les seules expériences complètes qui ont été faites chez
l’homme avec des mélanges riches en oxygène (40 litres d'oxygène pour
100 litres de protoxyde d’azote), la prolongation de l’anesthésie est sensi-
blement égale à celle qu’on observe chez le chien;
2° Que les mélanges contenant 6, 5, 4 litres d’oxygène pour 100 litres
de protoxyde d'azote sont anesthésiques d'emblée pour l’homme, alors que
le dernier seul est anesthésique d'emblée chez le chien.
L'anesthésie se produit plus lentement qu'avec le protoxyde d’azote pur.
108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
D'autre part, ces faits prouvent une fois de plus que l’action du protoxyde
d'azote est plus marquée sur l’homme que sur le chien.
J'espère compléter mes observations et apporter prochainement des con-
clusions pratiques, qui actuellement seraient prématurées.
Toutefois on peut dire dès à présent:
1° Que pour les opérations de courte et de moyenne durée l’on peut
avoir recours au protoxyde d'azote pur, puis à l’un des mélanges précédem-
ment étudiés ;
% Que pour les opérations de longue durée Le protoxyde d'azote à la
pression normale peut encore suffire, mais à la condition de recourir au
procédé indiqué par M. P. Bert, c’est-à-dire à l’emploi alternatif du pro-
toxyde pur et de l’un de ces mélanges.
Toutes mes expériences ont été faites au laboratoire de l’école dentaire
de la rue Richer, en présence de MM. Heymen, Ronnet et Viau, et avec leur
concours.
Je me suis servi des petits gazomètres gradués du docteur Telchow et de
deux gazomètres d’une capacité plus grande, divisés'en litres et construits
par M. Heymen-Billard.
Un détail opératoire qu’il importe de signaler est le suivant : si l’on pré-
pare une grande quantité de mélange et qu'on l’emploie séance tenante,
l’anesthésie devient moins profonde lorsque le sujet en expérience inhale
le contenu de la partie supérieure du gazomètre.
L’anesthésie reprend dès qu'on donne à l’animal le contenu d’un second
gazomètre renfermant exactement les proportions d'oxygène et de pro-
toxyde d'azote. Le mélange est donc plus riche en oxygène dans les forces
les plus élevées.
Les deux gaz oxygène et protoxyde d’azote n’offrent pas de densités assez
différentes pour échapper d’une façon générale à la loi des mélanges des
gaz et pour se superposer par ordre de densité comme l'acide carbonique et
l'air, par exemple. Dans la grotte du Chien, à Pouzzoles, j'ai cherché la raï-
son de l’anomalie que j’observais et j’en ai trouvé l'explication dans le fait
suivant. D'une part le protoxyde qui nous est livré à l’état’ liquide dans des
bouteilles de fonte est comprimé à la pression de 70 atmosphères, tandis que
l'oxygène n’est comprimé qu’à 50 atmosphères.
Lorsque les gaz se dégagent et passent des bouteilles qui les contiennent
dans le gazomètre, il existe en eux par conséquent une différence de pres-
sion égale à 20 atmosphères. D'autre part, si l’on introduit la boule d’un
thermomètre dans le courant de protoxyde d’azote au voisinage de son point
de dégagement, l’instrument maïque en quelques secondes un abaissement
de température égal à 18 degrés au-dessous de zéro, tandis qu'un thermo-
mètre placé au milieu du courant d'oxygène dans les mêmes conditions reste
à 10 degrés au-dessus de zC_0.
Il existe donc entre les deux gaz au moment de leur CCS une
äifférence de température égale à 28 degrés.
#
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 109
Il me parait évident que ces différences de température et de pression
s'opposent au mélange des deux gaz et que leur diffusion ne peut s’opérer
qu’au bout d’un certain temps.
Pour obvier à ces inconvénients il suffirait de préparer le mélange à l’avance
afin que la diffusion des gaz ait le temps de s’effectuer.
Mais, comme dans la pratique on emploie le mélange séance tenante, je
pense qu'on obtiendra également de bons résultats en faisant le mélange
dans des réservoirs petits et compressibles, tels que des sacs en caoutchouc
qui permettent de malaxer les gaz.
La question du transport et du maniement des appareils est résolue.
Il suffit, en effet, ainsi que l’a dit M. P. Bert, d'employer des ballons en
caoutchouc. M. Heymen Billard a construit, sur mes indications, un appa-
reil composé de deux sacs, dont chacun communique d’une part avec les
bouteilles d'oxygène et protoxyde d’azote, et d’autre part avec l’inhalateur.
On peut interposer sur le trajet des tuyaux qui conduisent les gaz des
bouteilles dans les deux ballons, soit un sac plus petit de capacité connue
(1 litre, par exemple), soit un compteur à gaz marquant les litres. On fait
arriver dans lPun des ballons du protoxyde pur. On remplit l’autre avec le
mélange. Quand le malade est anesthésié, on administre le mélange et l’on
remplit un ballon pendant que le patient vide l’autre.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA MIGRAINE. Note par MM. Nicart et RoBiouis.
Le but de cette Note est d'établir qu’il existe non seulement une migraine
ophtalmique, mais aussi une migraine auditive, une migraine olfactive,
une migraine gustative, et que, bien plus, il n’est pas pour ainsi dire de
fonction cérébrale que la migraine ne puisse intéresser. M. Robiolis a fait
de ce point l’objet d’une thèse (Contribution à l'étude de la migraine dite
ophtalmique et de ses diverses manifestations. Thèse de Montpellier, 1884),
récemment soutenue à Montpellier; nous y renvoyons ceux que le détail
des faits intéresse, et nous nous bornerons à un exposé suceinct de la
question, pour ne nous arrêter avec quelque détail que sur les troubles
sensoriels.
. L Troubles de la sensibilité spéciale. — Phénomènes oculaires. —
Il faut distinguer le scotome des phénomènes photoptiques ou, si l’on veut,
trois variétés de scotomes : 1°Île scofome simple ou obscur, qui n’est point
une tache noire apparente, mais simplement un point où la vue fait défaut,
comme dans la tache aveugle de Mariotte. Sa situation est symétrique aux
deux yeux, il peut occuper deux moitiés entières du champ et constituer
ainsi une véritable hémianopie; 2° le scotome obscur à bords lumineux
110 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ou scotome scintillant des auteurs, lorsque la limite périphérique ou laté-
rale (par opposition à la limite centrale ou médiane) est lumineuse, figu-
rant ces zigzags irisés dont on a publié des dessins; 3° le scotome l'umi-
neux, lorsque le champ visuel s’éclaire d’uné lueur étendue apparaissant
et disparaissant à de courts intervalles. Le fait est rare (Thèse de Dianoux
et observation personnelle). Obscurité et lumière, scotome et photopsie
semblent être deux degrés d’un même trouble physiologique et correspondre
celle-ci à un état d’excitation, celle-là à un état de dépression. Si la migraine
est produite comme il semble probable par un défaut d'irrigation dans la
substance cérébrale, il faut supposer que dans le scotome scintillant le
centre obscur correspond au centre d’un cône d'irrigation et le bord sein-
tillant à la périphérie du même cône près des anastomoses vasculaires.
Phénomènes auditifs. — Is ont été signalés pour la première fois par
Airy. Nous avons constaté des sifflements d'oreille, ailleurs un bruissement
analogue à celui que l’on entend quand les oreilles sont remplies d’eau à la
sortie d’un bain, ailleurs encore comme celui que produit une coquille
creuse appliquée sur l’oreille. Ce symptôme s’est manifesté subitement dans
un des cas en même temps que le siège de la douleur passait du front à la
région pariétale et occipitale.
Phénomènes olfactifs. — Ceux-ci n’ont pas encore été signalés; nous
devons indiquer l’apparition d’une odeur d’acide osmique très carac-
téristique.
Phénomènes qustatifs. — C’est un goût comparable à celui que produit
un courant électrique passant à travers les deux joues. Le fait nous est
personnel.
IT. — Les troubles de la sensibilité générale sont : la douleur céphalique,
les fourmillements dans les membres et de l’anesthésie.
IT. — Les troubles vaso-moteurs sont : de l’anémie des extrémités avec
sensation de froid (observation de Féré, Revue de médecine, 1883, et obser-
vation personnelle). On doit en rapprocher la dilatation pupillaire signalée
par Du Bois-Reymond, la chute de la paupière que nous avons rencontrée
dans une de nos observations (paralysie du muscle à fibres lisses de
Müller).
IV. — Les troubles des fonctions motrices sont : du tremblement, du
spasme musculaire, de la parésie et même de la paralysie (Aiïry, Charcot,
Féré, Parinaud).
V. — Parmi les troubles d'ordre psychique plus élevé on rencontre de
laphasie, de l’amnésie verbale (Féré, Charcot). Dans une de nos obser-
vations nous avons constaté de l’insomnie et du délire ; peut-être même
faudrait-il ranger ici certains faits de folie passagère.
ñ
|
SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 411
Ce qui précède établit du reste la participation possible de toutes les
fonctions cérébrales aux accès de migraine. Un de ces symptômes peut
constituer à lui seul un accès; celui qui en a l’expérience personnelle ne
saurait s’y tromper, soit à cause des circonstances qui l’ont précédée ou pro-
voquée, soit pour avoir éprouvé les mêmes troubles dans des accès complets
avec céphalalgie et vomissements.
— M. Raphaël BLancHarp a été élu membre titulaire de la Société de
biologie dans la séance du 16 février 1884.
3OURLOTON. — [Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
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113
SÉANCE DU 1° MARS (1884
Présidence de M. Mathias Duval.
NOTE SUR LES PHÉNOMÈNES D'ARRÊT, par M. BEAUNIS, professeur
à la Faculté de médecine de Nancy.
Les phénomènes d’arrêt ou d’inhibition qui se passent dans le système
nerveux peuvent se rattacher aux catégories suivantes, pour ce qui con-
cerne les fonctions motrices :
1° Il peut y avoir interruption d'un mouvement commencé ou en cours
d'exécution, que ce mouvement soit volontaire, automatique ou réflexe.
Les faits de ce genre sont aujourd'hui classiques.
2 Le mouvement en cours d'exécution peut, au lieu d’être interrompu
tout à fait, être simplement affaibli dans son intensité, sa vitesse ou sa
durée. Ce cas rentre en réalité dans le précédent, il n’y a qu’une différence
de degré.
3° Le mouvement n'est pas empêché, mais \ peul être simplement
retardé dans son apparition. Xci il peut se présenter deux cas :
À. Ou bien le mouvement se produit pendant que l'excitation qui l’a
déterminé continue encore à se faire. Habituellement ce cas se combine
avec le précédent, en ce sens que la contraction en même temps qu’elle est
retardée se trouve aussi affaiblie. Quelquefois cependant il arrive que les
contractions sont d'autant plus violentes, que leur retard est plus pro-
noncé.
B. Ou bien le mouvement se produit après la cessation de l'excitation.
Dans ce cas, qui se présente fréquemment, la contraction consécutive peut
facilement être prise pour une contraction volontaire ou spontanée, et la
confusion a été faite plus d’une fois.
4 Les actions d'arrêt peuvent empécher un mouvement de se produire.
Il est évident que dans ces cas il faut se mettre en garde contre les causes
d'erreur tenant soit à la diminution d’excitabilité de la substance nerveuse,
soit à des conditions expérimentales particulières.
9° Les actions d'arrêt peuvent modifier la forme de la contraction. C’est
ainsi que les formes variables de la contraction réflexe s'expliquent par
l'influence des actions d'arrêt qui s’exercent dans les centres nerveux.
6° Les actions d’arrét peuvent diminuer l’excitabilité de la substance
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. IL, N° 9. 10
114 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
nerveuse. Ainsi la préparation des nerfs d’une patte chez la grenouille peut
diminuer l’excitabilité de la moitié correspondante de la moelle.
To Il peut se produire, au lieu d’un raccourcissement, un allongement
du muscle sous l’influence d’une excitation. Get allongement, que j'ai
observé plusieurs fois, ne doit pas être confondu avec l'allongement admis
par Gad au début de la contraction musculaire et qui est un phénomène
d’un tout autre ordre. Dans les cas dont je parle, il s’agissait d’un phéno-
mène réflexe.
L’excitation qui détermine les actions d'arrêt peut avoir pour point de
départ, soit les centres nerveux eux-mêmes, soit les nerfs périphériques.
C'est le second cas qui se réalise habituellement dans Îes conditions phy-
siologiques ordinaires. Toute excitation sensitive peut, sous certaines condi-
tions, déterminer des actions d'arrêt.
Les phénomènes d’arrêt se montrent non seulement dans les centres
nerveux, mais on les rencontre aussi dans les nerfs périphériques, quoi-
qu'ils y aient une bien moindre intensité.
© L'opinion classique, qui admet dans l’axe nerveux cérébro-spinal des
centres moteurs et des centres d’arrêt distincts et indépendants, doit être
revisée. Il est très probable en effet que les actions motrices et les actions
d'arrêt se passent dans les mêmes éléments, dans la même substance.
Dans cette hypothèse, toute excitation détermine dans l'élément nerveux
excité deux modifications de sens contraire, une modification positive qui
. peut agir à son tour comme excitant sur la substance nerveuse voisine et
ainsi de proche en proche jusqu’au muscle, et une modification négative
qui tend à détruire ou à annuler la première, et, suivant que l’une ou l’autre
de ces modifications prédominera, on aura ou bien un mouvement ou bien
un affaiblissement (ou un arrêt) de ce mouvement. Le mouvement qui
succède à une excitation n’est que la résultante d’une lutte entre ces deux
tendances.
L'existence de ces actions d’arrêt explique les variations que présentent
les expériences d’excitation du cerveau et les effets différents qu'on obtient
d’un moment à l’autre dans le cours d’une expérience.
Les actions d’arrêt ne se montrent pas exclusivement dans les fonctions
motrices et le phénomène doit être envisagé à un point de vue beaucoup
plus général. Ainsi les sécrétions, par exemple, sont soumises aux mêmes
influences d'arrêt que les mouvements, et les faits de ce genre sont connus
de tous les expérimentateurs. En un mot, si, comme les faits tendent à
établir, toute stimulation détermine à la fois dans la substance nerveuse
des phénomènes d’excitation et des phénomènes d'arrêt, cet arrêt pourra
s'exercer sur toute manifestation, quelle qu’elle soit, de l’activité nerveuse.
À un point de vue tout à fait général, l'arrêt est donc un fait fondamental
d’innervation. À toute excitation rerveuse correspondent deux tendances
contraires, une tendance à l’activité d’une part et une tendance à l’arrêt de
cette activité d'autre part, et la manifestation, quelle qu’elle soit, mouve-
SÉANCE DU 1° MARS. 115
ment, sécrétion, etc., qui suit l’excitation n’est que la résultante de ces
deux actions contraires. Si l'arrêt est une loi générale de l’innervation, les
éléments nerveux dont l’activité accompagne les processus psychiques ne
doivent pas échapper à cette nécessité. On est donc forcé d’admettre l’inter-
vention des actions d’arrêt dans les fonctions psychiques comme dans les
fonctions sécrétoires ou motrices.
Tout processus psychique est la résultante de deux actions contraires,
une action impulsive, une action d'arrêt. Cette dualité se retrouve au fond
de toute manifestation psychique, mouvement volontaire, passion, déter-
mination, pensée, et notre vie intellectuelle n’est qu’une lutte perpétuelle
entre ces deux tendances : impulsion et arrêt, homo duplex. La prédo-
minance relative de l’impulsion ou de l’arrêt détermine chez l’homme le
caractère.
Les actions d’arrêt jouent certainement un rôle important en pathologie,
et il importe que l'attention des eliniciens soit éveillée sur ce point. C’est
ainsi qu'il peut y avoir des paralysies par exagération des actions d'arrêt et
des contractures par abolition de ces mêmes actions, paralysies et contrac-
tures qui doivent être distinguées avec soin des paralysies et des contrac-
tures ordinaires. |
DE L’ACHOLIE PIGMENTAIRE (1), par M. Albert Ropin.
Dans la séance de la Société de biologie du 26 janvier 1884, M. Hanot a
présenté une Note fort importante relative à un cas de suppression de la
fonction biliaire du foie. Mon éminent collègue a bien voulu me confier
l'examen des urines de son malade, et je viens communiquer aujourd’hui
les résultats de mon étude. Ces résultats, assez inattendus, me paraissent
devoir éclairer un peu la question encore si obscure de l’acholie, en gui- .
dant les médecins dans la découverte des signes capables de constituer les
formes cliniques dont nos recherches font soupçonner l'existence.
Voici quels étaient les principaux caractères physiques et chimiques de
ces urines :
Caractères physiques.
Quantité de 24 heures...... rl ic tr cree Mot 2e 3000.
MÉTIER E RUN Eten 2 et das de As AE Et 1012
Couleur..... AA rte ML OR IC Jaune très pale.
DHARE UE NO Roues ve OT EMEA AE Urineuse très faible.
Aspect.2....1Mi0/iLAN, Um PARLE LUE EU DIRES LUIER Assez trouble.
Sédiment 1.614. DAT RNA RAM . Assez abondant,
blanc jaunâtre, cristalloïde, essentiellement formé de cristaux carac-
téristiques de phosphate ammoniaco-magnésien et de quelques
amas de phosphate de chaux.
(1) Étude urologique faite à propos d’un cas d'acholie pigmentaire observé
o Ï Le]
par M. Hanot.
116 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Caractères chimiques.
Matériaux solides......... RARE SU El M Ar 822" ,88.
Urée se trite 52 CG 2 IMIEN PER & Li ARMES 21er ,87.
Ghlorures: 7.22 PRE. . +. IT ENARE 17er ,40.
Acide phosphorique totale": 42:00 gr ,25.
Acide sulfurique des sulfates .................. 287 ,283.
Acide sulfurique sulfoconjugué ........ MARS Oer ,227.
soufre facilement Oxydable.. "eee Osr ,441.
— difficilement oxydable..... de CN 18.503.
ACIJE SUINDIQUELD PA IEEPEETR ARR NEA D Ar ,454.
POtASSe AM LEE LE de on E ET sr 697.
PHÉNOR MERS ETES PAUL rte: ee CLR Indosable.
AlDUmMINCAER UE À ESS MAS GS Pis Bi PP 1 Ho Le à Ge à 0.
Glucose tee RARE TRE AANNTEEEE LT sa IOROS
Inosite ere re RSR AA ve APN TTL SE DL HOMDE
Pismenténilioire FER CER EAP A TT 0.
Pigments urinaires anormaux.................. 0.
DrDRE MATIN E CARPE RENE AR re Ce Considérable.
Traitée par l'acide nitrique, l’urine très pâle prend une coloration
rouge-hyacinthe des plus intenses.
Étant donnée cette analyse, peut-on en tirer quelques indications sur
l’état de la fonction biliaire chez le malade de M. Hanot ?
Un fait est incontestable, c’est que cette sécrétion s’accomplit au moins
d’une manière anormale, et que, d’après l’observation clinique, il paraît y
avoir une acholie complète. Or l’examen des urines ne conduit pas à une
conclusion aussi absolue, et je vais démontrer que l’acholie reconnaît pro-
bablement plusieurs variétés, dont l’un des types est représenté par le
malade de M. Hanot.
Les éléments essentiels de la bile étant les pigments et les acides biliaires,
il en résulte qu’en cas d’acholie totale et absolue il ne se forme dans le
foie ni pigments ni acides biliaires, et que l'analyse chimique, par consé-
quent, ne saurait déceler nulle part dans l’organisme, ni pigments, ni acides
biliaires, non plus que les éléments qui pourraient résulter de leur décom-
position.
Or il n’en est pas ainsi chez le malade de M. Hanot.
En effet, une étude minutieuse des différents états sous lesquels le soufre
est éliminé par les urines, nous apprend que sur une quantité totale d’acide
sulfurique de 45,454, l'acide sulfurique des sulfates entre pour 25,283,
l'acide sulfurique sulfoconjugué pour 03r,227, soit en tout 25,510 d’acide
sulfurique préformé.
D'autre part, le soufre facilement oxydable atteint le chiffre de Osr,447,
SÉANCE DU 1°’ MARS. 417
————————————————————————
le soufre difficilement oxydable (1) celui de 15,503, soit un total de 15",944
de soufre incomplètement oxydé. Geci équivaut à dire, en somme, que
43,6 pour 100 du soufre total de l’urine sont éliminés sous forme de soufre
incomplètement oxydé.
Or on sait, depuis les recherches de M. Lépine et de Zuelzer (2), qu’il
existe un rapport constant entre la sécrétion de la bile et le soufre incom-
plètement oxydé de l'urine; celui-ci provenant de la taurine ou de corps
sulfurés de même ordre, résorbés soit dans le foie, soit dans l'intestin, après
le dédoublement de l'acide taurocholique de la bile.
Done, pour qu'il y ait dans l'urine du soufre incomplètement oxydé, il
est indispensable qu’il se soit formé préalablement des corps sulfurés
dans l’organisme. Et comme jusqu’à présent on considère le foie comme
le seul organe capable de fabriquer ces corps sulfurés dont l’acide tauro-
cholique et secondairement la taurine peuvent être considérés comme les
types; comme d’un autre côté, cet acide taurocholique est un des principes
essentiels de la bile, il s’ensuit que chez le malade de M. Hanot, la fonction
biliaire ne paraît pas atteinte dans tous ses termes, puisque la cellule hépa-
tique est encore capable de sécréter un des éléments capitaux de la bile.
Nécessairement on doit admettre cette dernière conclusion, à moins
qu'on ne suppose que la taurine ou les corps sulfurés dont il s’agit,
puissent être fabriqués dans un autre organe que le foie. Mais, jusqu’à
présent, 1l est peu de faits qui viennent donner créance à cette manière de
voir. Je ne pense pas, en effet, qu’elle puisse être étayée sur des faits aussi
vagues que ceux de E. Etti, de Fréderieq et de Sotnitschewsky, qui signa-
lent la présence de traces de taurine dans les muscles d’un vieux cheval
maigre, dans ceux des céphalopodes, ainsi que dans le poumon frappé de
pneumonie croupale (3).
Une objection plus sérieuse, quoique encore peu précise, pourrait être
fondée sur cette assertion de M. Lépine, que l’on peut, dans certains cas,
(1) Le soufre est calculé en H?SOf. J'entends par soufre facilement oxydable
celui qui correspond à l’acide sulfurique obtenu quand on traite l’urine par le
chlorate de potasse et l’acide chlorhydrique. Pour doser le soufre difficilement
oxydable, j’emploie la méthode de M. Lépine (azotate de potasse).
(2) Voyez pour l'historique de la question : Lépine, Revue de médecine, 1881,
p. 27 et 911. — Lépine et Guérin, Note sur le soufre incomplètement oxydé dans
l'urine, Communications faites à la Société des sciences médicales de Lyon pen-
dant le deuxième semestre de 1882. Lyon, 1883. -— Lépine et Guérin, Revue de
médecine, 1881, p. 1001. — Zuelzer, Untersuchungen über die Semiologie des
Harns, Berlin, 1884.
(3) E. Etti, OEsterr, Vierteljarsch. ,. wissensch. Veterinärkunde, 1871, Bd
XXXVI, Heft L. — Frédericq, Bulletin de l’Académie de médecine de Belgique,
2e série, t. XLVI, 1878. — Sotnitschewsky, Zeilschrift fur phys. Chemie, t. IV,
p. 217, 1880. — Cloetta dit aussi avoir trouvé des traces de taurine dans les
poumons et dans les reins, et Cloëz dans les capsules surrénales.
118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
trouver dans l’urine du soufre difficilement oxydable, sans que celui-ci pro-
vienne de la taurine ou de ses dérivés. Mais, s’il en était ainsi, il faudrait
encore prouver que les éléments sulfurés originels prennent naissance ail-
leurs que dans le foie (1).
Certes, personne ne pensera à baser un argument contradictoire sur la
quantité de soufre incomplètement oxydé trouvé dans lurine du malade,
puisqu'il est acquis, depuis les dosages de M. Lépine, que dans l’urine nor-
male la proportion de soufre non oxydé atteint 10 à 12 pour 100, au plus
20 pour 100 de la quantité totale du soufre urinaire : dans le cas actuel, je
trouve la proportion de 43,6 pour 100. Et d'autre part, tandis que dans
l’état normal le rapport du soufre total est à l’azote de l’urine comme 20
est à 100, ce rapport s’élève ici à 43,7 pour 100! Voilà une proportion énorme,
supérieure même aux chiffres les plus élevés qu’ait obtenus M. Lépine dans
ses recherches sur l’homme, puisque son maximum n’a pas dépassé 41,9.
Il n’y à donc pas acholie absolue dans le cas qui nous occupe, puisque le
foie fabrique encore des acides biliaires ou des corps sulfurés dont on
trouve les produits de décomposition dans l’urine ; ce foie sécrète donc un
liquide biliaire, mais c’est une bile incomplète, dans laquelle fait défaut
l'un des éléments primordiaux de ce liquide, à savoir le pigment. L’uro-
logie me conduit donc à cette conclusion qu’il s’agit très probablement ici
d’une acholie que, suivant l’heureuse expression de M. Hanot, on peut
qualifier de pigmentaire.
Mais, si l'existence de cette,variété d’acholie est présumable, n’est-on pas
en droit de supposer qu’il peut exister aussi une acholie des acides biliaires
et enfin une acholie totale, soit trois formes d’acholie? Nous ne connais-
sons que la première de ces variétés, dont le type serait fourni par lobser-
vation de M. Hanot; nul doute qu’en étudiant de près des malades de même
ordre, on n'arrive à découvrir les autres et à fixer les caractères cliniques
qui leur correspondent.
On pourrait se demander maintenant ce que devient l’hémoglobine des
globules rouges du sang qui se détruisent dans l’organisme de ce malade;
on sait qu'à l’état normal cette hémoglobine est l’origine du pigment
biliaire. Sans résoudre la question d’une manière définitive, je tends à ad-
mettre que cette hémoglobine, au lieu de faire du pigment biliaire ou de
l’hémaphéine, donne naissance au chromatogène urohématine qu’on trouve
dans l’urine en quantité vraiment colossale.
Cette étude urologique faite à propos de lobservation capitale de
(1) Si l’on opposait que le soufre incomplètement oxydé provenait, dans le cas
actuel, de la cystine, je puis répondre encore que Marowsky (Deutsch. Archo.,
t. IV, p. 449, 1867) admet un rapport entre la eystinurie et la sécrétion bihaire.
D'ailleurs, avec la quantité de cystine qui correspondrait au poids du soufre
incomplètement oxydé que j’ai dosé, on eût trouvé un sédiment de cystine, ou
tout au moins l’urine eût précipité par l’acide acétique, ce qui n’a pas eu lieu.
SÉANCE DU 1° MARS. 119
M. Hanot, ouvre largement le champ des théories sur la fonction biliaire.
En effet, si les sécrétions du pigment et des acides ou corps sulfurés bi-
liaires, peuvent avoir lieu indépendamment l’une de l’autre, c’est ou bien
parce que ces deux sécrétions s’accomplissent à l’aide de matériaux dis-
semblables, ou bien parce qu’elles ont leur siège dans des protoplasmas
différents. Voilà une voie nouvelle qui se dégage de mon analyse : je ne
fais que l’énoncer aujourd’hui, car avec ce seul cas pour point d'appui,
elle ne saurait être actuellement discutée.
Mais il reste une difficulté à écarter. Dans les observations de M. Lépineet
de Zuelzer, le soufre incomplètement oxydé éliminé par l’urine est d'autant
plus abondant, qu’il existe un obstacle plus marqué à l’écoulement de la
bile : c’est quand on a lié le canal cholédoque sur les animaux, ou quand il
existe chez l’homme de l’ictère par rétention, que l’on trouve des rapports
dépassant 20 pour 100 du soufre total. Il faudrait donc admettre que, chez
le malade de M. Hanot, la bile ne s’écoule pas dans l'intestin. Mais M. Hanot,
au nom de la clinique, repousse absolument cette manière de voir; pour
lui, le canal cholédoque de son malade est perméable.
Si donc la bile est versée dans lintestin, il est nécessaire d'admettre
que sa résorption intestinale a été très active, puisque le soufre d’origine
biliaire forme près de la moitié du soufre total de l’urine, au lieu d'en
former un cinquième seulement, comme il arrive chez un individu à résor-
ption intestinale normale.
En résumé, si l’on se croit en droit, malgré les arguments précédents, de
repousser l’idée d’une acholie simplement pigmentaire, et d'admettre par
conséquent une acholie totale, la conclusion qui ressortirait alors de mes
recherches, c’est que la taurine ou les corps sulfurés analogues peuvent
être fabriqués ailleurs que dans le foie, puisqu'on trouve dans l'urine
une proportion de soufre incomplètement oxydé qui indique la présence
d’une notable quantité desdits éléments dans ce liquide.
Mais pour ma part, la première opinion me paraît bien plus conforme à
la vérité, et la quantité inappréciable de phénol existant dans cette urine
vient encore l’appuyer. Car, si les acides biliaires à qui la bile doit ses pro-
priétés antiputrescibles, ne passaient pas dans l'intestin, celui-ci serait le
siège de putréfactions dont le phénol est l’un des produits constants.
M. Hanot a noté, il est vrai, un tympanisme considérable chez son malade ;
mais le développement de gaz n'implique pas fatalement des putréfactions
intestinales ; il peut résulter de fermentations de tout autre ordre.
L'analyse de cette intéressante observation soulève encore bien des
points dignes de remarque ; mais pour l’instant je me bornerai à en signaler
un seul, c’est le rapport entre l’azote des ingesta et l’azote de lurée.
Comme M. Hanot à fait soigneusement peser les aliments pris par son ma-
lade, ce rapport est facile à établir.
La quantité d’albumine contenue dans les aliments des vingt-quatre
120 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
heures peut être évaluée à 1225r,10 (1), soit 19sr,29 d’azote. Or la quantité
d'azote qui répond à l’urée de vingt-quatre heures est de 405,19, soit 52,5
pour 100 seulement de l’azote ingéré. Si l’on admet avec Lehmann que
l’on retrouve dans l’urine sous forme d’urée 82,5 pour 100 de l’azote in-
géré, il s'ensuit que le malade de M. Hanot présente un déficit assez
notable de 30 pour 100.
Evidemment, les partisans de la doctrine qui place dans le foie la source
de l’urée, chercheront dans ce fait un appui pour leur théorie. Je ne nie
pas que l'argument puisse être employé, mais il est loin d’être probant,
puisqu'on peut objecter qu'avec ce foie aux fonctions abolies, ou tout au
moins très ralenties, l'organisme a pu fabriquer encore 215r,87 d’urée, soit
un chiffre très normal. Quant au déficit azoté de 30 pour 100, il y a, pour
le justifier, des hypothèses aussi plausibles que celle de l'inactivité hépa-
tique; ne peut-on supposer qu'une partie de cet'azote s’est fixée dans l’orga-
nisme, ou qu'une fraction des albumines ingérées n’a pas été utilisée dans
le tube digestif? Tout ce qu’on pourrait concéder, c’est qu’une petite por-
tion du déficit azoté représenterait la part qui revient au foie dans la for-
mation de l’urée.
Mais tout ceci rentre déjà dans la spéculation pure et m’écarterait du
but de cette étude, dont l’objet principal était de fixer l'attention des méde-
cins sur l’existence possible de plusieurs variétés d’acholie eten particulier
_de l’acholie pigmentaire.
SUR LES MÉLANGES TITRÉS D'ÉTHER ET D’AIR, par M. Paul BERT.
J’ai répété avec l’éther les expériences que j'avais faites avec le chloro-
forme, et en voici les résultats obtenus chez les chiens trachéotomisés :
1° 20 grammes d’éther vaporisés dans 100 litres d'air. Chien pesant
3k8,8; température rectale, 37°,5; température extérieure, 16 degrés.
Pendant six minutes, agitation violente.
Après vingt minutes, la cornée est sensible, les pattes insensibles.
Après trente minutes, insensibilité cornéale.
Mort après deux heures vingt-cinq minutes.
La température est progressivement descendue à 27 degrés. Les mouve-
ments respiratoires ont passé de 100 à la minute à 20; ceux du cœur de
180 à 72. La respiration s’est arrêtée une minute avant la circulation.
L'animal a respiré 862 litres du mélange, contenant 172 grammes
d’éther.
2° 25 grammes d’éther dans 100 litres d'air. Chien de 4K5,3; température
rectale, 39 degrés ; température extérieure, 17 degrés.
(1) Calcul d’après les tables de Kœnig et de Zuelzer.
SÉANCE DU 1° MARS. 121
Agitation vive pendant cinq minutes.
Insensibilité en trente minutes.
Mort en deux heures quinze minutes, avec 31°,5.
L'animal a respiré 700 litres d'air, contenant 175 grammes d’éther.
3° 30 grammes d’éther. Chien de 8k5,45; température rectale, 38 degrés;
température extérieure, 18 degrés.
Agitation assez vive pendant quatre minutes.
Anesthésie complète en dix-huit minutes. Mort en une heure quarante-
trois minutes; température, 55 degrés.
L'animal a respiré 190 litres d’air contenant 225 grammes d’éther.
4° 40 grammes d’éther. Chien de 6ks,2 ; température rectale, 39 degrés ;
température extérieure, 18 degrés.
Vive agitation pendant cinq minutes. [nsensibilité complète en douze
minutes. Mort en une heure cinq minutes; température rectale, 34°,8.
L'animal a respiré 500 litres contenant 200 grammes d’éther.
9° 50 grammes d’éther. Chien de 11K5,3; température rectale, 38°,5;
température extérieure, 18 degrés.
Anesthésie complète en douze miuutes. Mort en trente-huit minutes.
Température rectale, 37 degrés.
A respiré 400 litres de mélange contenant 200 grammes d’éther.
Résumé.
Avee 20 grammes, mort en 2,25.
ARR PTE RE TE
RO UT NA US
re (1 Men pee Liber
MEUOB SO AE PNORPUNES
On ne peut faire de mélanges plus riches à cause de la forte tension de
l’éther qui soulève les gazomètres.
La respiration a toujours lentement diminué de nombre et d'amplitude,
et s’est toujours arrêtée avant la circulation.
Le nombre des battements du cœur n’a pas changé d’une manière notable,
hormis dans la première expérience, quand la température n’a plus été que
de 30 degrés.
La phase d’agitation — chez des animaux trachéotomisés — a toujours
été assez vive pendant cinq minules environ.
La quantité d’éther employé n’a que peu varié.
122 SOCIÉËTÉ DE BIOLOGIE.
À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. POZZI SUR L'ORIGINE DE L’HYMEN,
par M. le docteur P. Bupix.
Mon savant confrère M. Pozzi a fait à la Société de biologie une commu-
nication importante sur l’origine de l’hymen. Je ne veux pas discuter les
opinions scientifiques qu’il a émises et auxquelles MM. de Sinéty et Mathias
Duval ont fait des objections; je désire seulement relever quelques passages
de son mémoire où sa plume a probablement trahi sa pensée.
M. Pozzi a écrit (Mémoires de la Société de biologie, p. 23): « Voici le
résumé des conclusions auxquelles M. Budin, a été amené par la dissec-
tion d’une petite fille et l’étude d’un fœtus de quatre mois. » Et plus
loin (p. 24): « Je ferai également grâce à M. Budin de toute querelle sur
la valeur douteuse de la solidarité grossière entre l’hymen et le vagin
décelée par la dissection qui a été, l’origine de son mémoire. En ana-
tomie philosophique rien n’est trompeur comme le scalpel. »
Les expressions dont s’est servi mon collègue pourraient donner lieu à
des interprétations erronées sur les documents dont J'ai fait usage. Je ne
me suis pas borné à la dissection d’une petite fille et à l'étude d’un fœtus
de quatre mois. |
En ce qui concerne les enfants à terme, j'avais écrit dans mon mémoire
(p. 8): « Nous avons essayé bien des fois de faire cette préparation sur des
cadavres de petites filles et toujours nous avons retrouvé la même disposi-
tion. » Les membres de la Société peuvent se rappeler que, le jour où j'ai
fait ma communication, je leur ai présenté un certain nombre de pièces.
Pour les fœtus avant terme, il est facile de voir que ma description s’ap-
plique à ce qui a été vu chez plusieurs, puisque j'ai écrit (p. 11): «Nous
avons cependant observé, à plusieurs reprises, un fait qui nous semble
jeter quelque lumière sur les rapports de la vulve et du vagin. »
Comme dans les recherches scientifiques il faut toujours être sévère et
défiant envers soi-même, j'avais prié mon ami, P. Segond, qui était alors
prosecteur de la Faculté, de vouloir bien s’assurer si mes assertions étaient
exactes. Il m'a fait, à l’époque, plusieurs belles préparations, une surtout
sur un fœtus de quatre mois : ces préparations ont été présentées à la
Société. Un prosecteur de la Faculté de Lyon, M. le docteur Duchamp, m'a
aussi apporté en 1880 une préparation qu'il avait faite sur une femme
adulte et vierge.
Il y a donc eu de très nombreuses préparations faites non seulement par
moi, mais encore par des anatomistes dont personne ne saurait nier la
compétence.
Plusieurs accoucheurs étrangers m'ont, du reste, annoncé qu’ils avaient
absolument obtenu les mêmes résultats que moi.
M. Pozzi trouve qu’en anatomie philosophique, rien n’est trompeur comme
le scalpel. Il à peut-être raison au point de vue général, mais je ne me suis
SÉANCE DU 1° MARS. 193
pas uniquement fondé sur mes dissections, j'ai apporté d’autres preuves.
J'ai montré que les colonnes antérieure et postérieure et les rides du vagin
venaient se continuer sur la face interne et jusque sur le bord libre de la
membrane hymen. J’ai encore invoqué les remarquables préparations his-
tologiques qui avaient été faites pour moi par M. le docteur de Sinéty.
Ces quelques remarques faites, je ne saurais trop remercier mon excel-
lent collègue des termes élogieux qu’il a employés en d’autres passages pour
qualifier mon modeste travail. La question de l’origine de l’hymen était
déjà à l'étude depuis quelques années, M. Pozzi la pose en des termes nou-
veaux et intéressants : espérons qu’elle sera prochainement résolue.
L
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE (1). (1° Les oiseaux contractent
la rage; ? ils quérissent spontanément.) PREUVES EXPÉRIMENTALES, par
M. Paul Gierer, aide-naturaliste de pathologie comparée au Muséum de
Paris.
Malgré quelques cas rapportés dans la science, cas très discutables il est
vrai, on n’admet pas aujourd'hui que les oiseaux puissent contracter la
rage.
Si l’on s’en tient à l'observation superficielle des phénomènes, l’inocula-
tion de la rage chez les oiseaux ne paraît être suivie d'aucun résultat fâcheux
pour ceux-ci, c’est à peine si une ou deux semaines après l'opération ces
animaux présentent quelques symptômes anormaux; souvent ils n'offrent
rien d’appréciable. Cependant il m'est arrivé d'observer parmi les oiseaux
que j'ai inoculés, une poule qui fut atteinte quinze jours après l’inoculation,
d’une paralysie ou plutôt d’une parésie des membres inférieurs et des
muscles extenseurs du cou. Lorsqu'on la mettait hors de sa cage et qu'on
l’effrayait, cette poule cherchait à se sauver, mais ne pouvait se tenir
sur ses pattes devenues presque inertes, et se trainait sur le sol, en s’aidant
des ailes. Dans sa ca ge, elle demeuraitimmobile et semblait ne pas pouvoir
supporter sa tête, qu’elle laissait tomber lentement en avant jusqu’à ce que
son bec eüt rencontré le sol; à ce moment elle relevait brusquement la tête
pour la laisser retomber sans cesse, Ces symptômes persistèrent pendant
plusieurs jours. Cette poule ne prenait qu’une quantité insuffisante d’ali-
ments et je m'attendais à la voir mourir, lorsqu'un matin, en entrant au
laboratoire, je la trouvai guérie de sa paralysie et en train de manger. Elle
continue de vivre depuis sept mois. Ge fait m'inspira l’idée que les oi-
seaux contractent peut-être la rage, mais que, en raison de l’insensibilité
relative bien connue de leur système cérébro-spinal, ou par une autre cause
(1) Travail du laboratoire de pathologie comparée du Muséum de Paris.
124 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
à rechercher, le microbe de la rage peut évoluer, subir toutes ses phases
dans la substance nerveuse de ces animaux et être éliminé avant d’avoir.
produit des troubles incompatibles avec la vie. Une de mes poules en expé-
rience s'était donc montrée plus sensible que les autres et avait été frappée
de paralysie.
Voilà l'hypothèse, voici les faits :
J'inoculai à l’aide d’une seringue de Pravaz, à travers les paroïs du crâne,
un coq et un pigeon avec une goutte d’eau distillée, récemment bouillie,
tenant en suspension de la matière cérébrale rabique. Les symptômes patho-
logiques qui suivirent cette inoculation furent peu accentués, surtout chez
le coq, et ils auraient pu passer inaperçus pour un œil non prévenu.
Au bout de douze jours, après avoir fait une incision sur le crâne du pi-
geon, j'enlevai à l’aide du scalpel une petite lame osseuse et j'excisai un
fragment du lobe cérébral droit de la grosseur d’une lentille.
L'examen microscopique de la portion excisée m’y fit constater l’existence
du micrococcus que j'ai signalé et décrit dans ma communication du mois
de juin 1883 à l’Académie des sciences. Bien que dès ce moment je n’eusse
aucun doute sur l’existence de la rage chez ce pigeon, le petit fragment de
substance nerveuse fut délayé et inoculé à trois rats. Le rat présente un
ensemble symptomatique tellement spécial, tellement caractéristique, que
je n’hésite pas à considérer cet animal comme un véritable réactif pour
l'étude de la rage.
Les trois rats inoculés de cette façon périrent de la rage, l’un (le plus
jeune) au bout de dix jours, les deux autres le onzième jour. Ces animaux
servirent à inoculer quatre autres sujets, qui présentèrent les mêmes sym-
ptômes et moururent.
Au bout de vingt jours, j'inoculai trois rats et un cochon d'Inde avec une
parcelle du cerveau du coq obtenue par le même procédé. L'examen mi-
croscopique y démontra l’existence du même microbe que chez le pigeon,
mais plus abondant et disposé en certains points par groupes de dix à quinze
granulations. Les rats inoculés périrent avec les mêmes signes et dans les
mêmes délais que les précédents et que tous les rats inoculés par moi de la
rage et dont le nombre s’élève aujourd’hui à près de 200.
Le cochon d'Inde mourut le treizième jour après avoir présenté des troubles
semblables à ceux des rats; ces animaux servirent également à inoculer la
rage à d’autres.
Quant aux volatiles à qui j'ai fait subir ces opérations, leur santé ne s’en
est pas trouvée altérée ; ils vivent encore et vont me servir à déterminer le
moment où la virulence disparaîtra de leur cerveau, c’est-à-dire où ils seront
guéris de la rage. J'ai pu constater déjà que la virulence était éteinte vingt-
huit jours après l’inoculation chez le pigeon qui a servi dans la première
expérience citée plus haut. La matière cérébrale d’un pigeon inoculé sept
mois auparavant à trois reprises différentes ne produisit aucun symptôme
SÉANCE DU 4% MARS. 195
chez deux cobayes et quatre rats, qui reçurent une injection intra-crànienne
de cette substance délayée dans de l’eau distillée stérilisée. J’aurai à recher-
cher encore si les oiseaux peuvent contracter plusieurs fois la rage, si cette
maladie peut être transmise de l'oiseau à l'oiseau, et quelles modifications
peut apporter au virus l’acclimatement chez ces animaux, etc.
Les observations détaillées de ces expériences seront publiées prochaine-
ment dans un mémoire que j'aurai l’honneur de présenter à la Société.
Ainsi done, voilà des expériences qui témoignent qu’une maladie jusqu’à
présent réputée incurable, peut guérir spontanément chez une classe d’ani-
maux. N’a-t-on pas le droit d'espérer que, si l’on parvient à saisir le déter-
minisme de ce fait dont on comprendra toute l'importance, on ne soit con-
duit un jour à une thérapeutique rationnelle de la rage et à sa guérison.
C’est une induction qui me paraît légitime.
SENSIBILITÉ CUTANÉE ET SENS MUSCULAIRE CHEZ LES HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUES,
par M. P. Macnin.
Dans une précédente communication, j'ai attiré l’attention de la Société
de biologie sur ce fait que, chez les hystéro-épileptiques qne j'ai eu occasion
d'observer dans le service de mon maître, M. Dumontpallier, il a toujours
paru exister une relation étroite entre les zones cutanées sensibles et
les départements musculaires dont il était possible de provoquer la con-
tracture par excitation périphérique.
Dans ces conditions, l’examen du sens musculaire pouvait présenter
quelque intérêt. Nos nombreuses expériences ont porté sur des hystéro-épi-
leptiques franchement hémianesthésiques. Je n’en rapporterai qu'une
seule.
Ma malade est hémiancesthésique gauche, sensible du côté droit. Dans
cet état, on lui cache les yeux de telle façon que sa volonté ne puisse inter-
venir en aucune manière dans les renseignements qu’elle va donner.
Toutes précautions convenablement prises, on constate que la malade à
conservé la notion de position de son membre supérieur droit, par exemple
qWelle peut, avec ce membre, exécuter sans hésitation tel ou tel mouve-
ment; que du côté droit, enfin, les mouvements soit spontanés, soit commu-
niqués donnent lieu à une contracture intense des muscles qui sont mis en
action.
Rien de semblable de l’autre côté. Si l’on place la main gauche de la
malade derrière son dos, elle n’a nulle notion de la position qu'on lui a
communiquée ; elle est incapable d'exécuter un mouvement précis avec ce
126 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
membre, enfin point de contractures par mouvements soit spontanés soit
communiqués.
Cela étant, nous faisons un pli à la peau de la face palmaire de l’avant-
bras gauche dans la région qui correspond exactement au long fléchisseur
propre du pouce. Sur le sommet de ce pli, nous appliquons pendant un
instant une plaque métallique (l'or, dans le cas particulier). Cet agent
æsthésiogène ramène la sensibilité dans une zone cutanée très limitée.
Nous constatons alors les faits suivants : La malade n’a notion que de la
position occupée par son pouce. L’invite-t-on à se toucher l'oreille gauche
avec ses quatre derniers doigts : elle est incapable de le faire et sa main se
porte sur un autre point du visage. Au contraire, l’engage-t-on à faire le
même mouvement avec son pouce : elle porte sans aucune hésitation la
pulpe de ce doigt à l’endroit désigné; enfin les mouvements d’extension
soit spontanés, soit communiqués du pouce ne sont suivis d'aucun effet par-
ticulier, tandis que les mouvements de flexion déterminent immédiatement
la contracture intense du long fléchisseur propre de ce doigt, avec crampe
très douloureuse le long du trajet de ce muscle.
Examine-t-on à ce moment le membre supérieur droit :on constate les
phénomènes précisément inverses. La sensibilité cutanée a disparu de ce
côté dans le point symétrique de l’application du métal à gauche et en même
temps les sensations musculaires font nettement défaut dans le fléchisseur
propre du pouce de ce côté. On a en somme, en apparence au moins, pro-
duit en même temps que le transfert local de la sensibilité cutanée, le
transfert local aussi du sens musculaire dans le muscle sous-jacent à la zone
cutanée rendue sensible.
Le parallélisme entre l’état de la sensibilité cutanée et l'aptitude des
muscles à la contracture a toujours été net chez nos malades. Il est peut-
être intéressant à constater au point de vue du transfert des contractures.
Sur notre malade, par exemple, hémianesthésique gauche, nous détermi-
nons la contracture du court abducteur du petit doigt du côté droit sensible
par excitation légère de la zone cutanée qui lui correspond. La contracture
produite, voulons-nous la transférer à gauche : quel que soit l’agent æsthé-
siogène employé, l’examen attentif permet de constater le transfert de la
sensibilité cutanée précédant celui de la contracture. Celle-ci n’apparaît
qu’au moment où la malade accuse du côté primitivement anesthésique la
sensation de l’excitant.
De par le fait que les mouvements spontanés ou communiqués peuvent
déterminer la contracture des muscles mis en action, et que Le sens mus-
culaire semble conservé dans ces muscles, il ne faudrait pas conclure que
les excitations périphériques agiront nécessairement sur leurs nerfs sen-
sitifs. Le point de départ de la contracture peut être néanmoins superficiel.
C’est le cas pour la malade que nous avons citée. L'observation suivante le
prouve :
9
D ht dt.
SÉANCE DU 1% MARS. 197
La malade étant sensible de tout le corps, et le sens musculaire ainsi
que l’aptitude à la contracture existant également des deux côtés, la pres-
sion, la malaxation pratiquées avec le doigt à droite restent sans effet.
Pratiquées à gauche, dans les mêmes conditions, elles déterminent une
contracture intense. On en pourrait conclure que la malade est hyperexci-
table à gauche et ne l’est pas à droite. Mais, si l’on vient à répéter l’expé-
rience en se servant du manche d’un porte-plume, par exemple, au lieu
du doigt, la contracture apparaît à droite, elle ne se produit plus à gauche.
Ce résultat, constaté seul, conduirait à une conclusion opposée. La réalité
est que, dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas la percussion, la
malaxation qui agissent, mais bien la température des corps dont on se sert.
La malade sent le froid du porte-plume à droite, la chaleur du doigt à
gauche. Ce résultat, en apparence paradoxal, s'explique par ce fait que le
membre droit est sans cesse à une température de 4 à 5 degrés supérieure
à celle du membre gauche. Les résultats sont très nets lorsqu'on cherche à
produire la griffe cubitale. Le plus léger attouchement de la peau avec
le doigt au niveau du nerf du côté gauche, dans la gouttière olécra-
nienne, donne lieu à une contracture intense, tandis que‘la malaxation
énergique de ce nerf au même niveau avec un porte-plume n’est suivie
d'aucun effet. Résultats inverses si l’on agit sur le côté droit. La malade
se lave-t-elle les mains avec de l’eau chaude : sa main gauche entre en
contracture. Les plonge-t-elle dans de l’eau froide : c’est alors la main
droite qui est intéressée. En résumé, et bien qu’à premier examen les
apparences puissent tromper, le point de départ de la contracture n’est
pas profond, mais au contraire très nettement superficiel.
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SÉANCE DU 8 MARS 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
NOTE SUR UNE PROLIFÉRATION EXTRAORDINAIRE DE CORPUSCULES CALCAIRES
DANS LE TISSU MUSCULAIRE D'UN CHEVAL, par M. P. MÉGNIN.
Dans la séance de l’Académie de médecine du 7 septembre 1880,
M. Bouley, au nom de M. Vittu, médecin-vétérinaire et inspecteur de la
salubrité à Lille, communiquait la relation d’un fait de tumeurs muscu-
laires multiples extrêmement abondantes, chacune ayant la forme et le
volume d’un grain de seigle observé chez un cheval présenté à l’abattoir. Il
se demandait si ces tumeurs, d’une consistance calcaire, ne seraient pas le
produit d’une calcification qui se serait opérée dans les poches kystiques
dues à la présence d’un parasite tel que la trichine.
Cette communication, avec les pièces à l'appui, fut renvoyée à l’examen
d’une commission composée de MM. Lancereaux, Planchon et Bouley:
Toujours à l’affüt de faits nouveaux de parasitisme, cette communication
me frappa et je m'adressai directement à M. Vittu pour avoir des échantil-
lons de ces muscles de cheval farcis de ces kystes parasitaires calcifiés
supposés, et je reçus de mon confrère les pièces que je présente à la
Société.
Ces échantillons se sont décolorés, depuis quatre ans qu’ils sont dans
l'alcool, mais on peut voir le nombre considérable de corpuscules qui
existent dans chaque morceau, sur la couleur jaunàtre desquels ils tranchent
par leur blancheur; ils sont si abondants dans certains points, qu’ils se
touchent. Ces corpuscules sont tous allongés dans le sens des fibres et irré-
gulièrement cylindro-fusiformes, bosselés et arrondis à leurs extrémités; ils
ne ressemblent, comme on voit, que très imparfaitement à des grains de
seigle et sont loin d’être uniformes et de même taille : les plus grands ont de
9 à 6 millimètres de long sur 2 à 3 millimètres d'épaisseur, les plus petits
ressemblent à des points blancs ayant moins de 1 millimètre de diamètre;
entre ces deux dimensions extrêmes, il y a tous les intermédiaires possibles.
J'ai fait des préparations microscopiques de quelques-uns d’entre eux en
les usant sur une pierre à repasser jusqu’à pellicule et je vous présente ces
B1OLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°, N° 10. 11
130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
préparations et le dessin de l’une d’elles grossi 25 fois ; comme on voit, il y
a des sortes d’ilots grenus irréguliers servant de centre à des stratifications
concentriques, et chaque grand corpuscule paraît être le résultat de la
réunion de plusieurs petits corpuscules microscopiques voisins, plus ou
moins réunis en chapelet et englobés ensuite dans une gangue calcaire stra-
tifiée. Est-ce là un exemple d’une dégénérescence spéciale des fibres mus-
culaires autour de laquelle se serait formé un dépôt calcaire ? je le pense;
dans tous les cas il n’y a aucune trace de l’existence antérieure d’un para-
site, et ces corpuscules, même les plus petits, ne ressemblent en rien aux
kystes calcifiés laissés par des trichines mortes.
J'ai remis quelques-uns de ces corpuscules à notre collègue M. Galippe,
qui a eu la bonté d’en faire l’analyse qualitative, et il Les a trouvés com-
posés de carbonate et de phosphate de chaux et de magnésie avec traces de
sulfates et de fer.
Cette sorte de lésion n’a pas encore été observée, que je sache, chez les
animaux. D’après M. le professeur Ch. Robin, à qui j’ai montré ces pièces,
on aurait rencontré, mais.bien rarement, des corpuscules semblables dans
les fibres musculaires de l’utérus chez des vieilles femmes, mais jamais
dans de semblables proportions. |
NOTE SUR L'ACTION DE CERTAINES SUBSTANCES ORGANIQUES SUR L’AMIDON,
par M. P. Recnanp.
Dans une de nos dernières séances, notre collègue M. Richet présentait
à la Société quelques remarques à propos de l’action de certains tissus des
animaux sur l’amidon cuit. Cette communication me rappela quelques
expériences que j'avais faites autrefois, que je viens de recommencer, et
que je voudrais présenter en peu de mots.
Je cherchais si les poissons, bien qu’on ne connaisse pas anatomique-
ment leurs glandes salivaires, ne posséderaient pas néanmoins de la salive.
Une expérience de physiologie pouvait seule décider la question.
À priori, cela n’était guère probable ; le poisson d’abord ne mäche pas
sa proie ; il l’avale d’un seul coup et n’aurait guère le temps de l’insaliver.
Ensuite il est difficile de comprendre comment la salive pourrait demeurer
dans la bouche de l'animal parcourue par le courant d’eau perpétuel de La
respiration.
Pour juger expérimentalement la question, je pris deux vases semblables,
dans lesquels je mis une solution étendue d’amidon cuit. J’abandonnaï l’un
à lui-même, dans l’autre je plaçai un cyprin doré qui, pour les besoins de
sa respiration, faisait sans cesse passer l’eau amidonnée dans sa bouche.
Au bout de quatre jours l’eau où se trouvait le poisson avait perdu sa
SÉANCE DU S MARS. 151
teinte louche, elle ne donnait plus la moindre réaction par l’iode et, au con-
traire, la liqueur de Fehling la montrait remplie de sucre. L’eau amidonnée
témoin n’avait pas varié.
Ii aurait donc semblé que le poisson avait, par sa salive, transformé
l’amidon en sucre Mais en faisant la critique de l'expérience, on remarque
que l'animal était plongé tout entier dans l’amidon et que plusieurs causes
pouvaient intervenir, Les poissons sont recouverts d’un épais mucus qui
pouvait avoir son action. Je recommençai mon expérience en mettant dans
l’eau amidonnée, non plus un poisson, mais du mucus enlevé soigneuse-
ment par le raclage de la peau d’une anguille vivante. Au bout de six jours
tout l’amidon était transformé en sucre. En faisant l’expérience à 30 degrés,
il ne fallait plus que deux jours environ.
Ainsi l’expérience primitive ne signifiait rien, elle ne prouvait nullement
que les poissons eussent de la salive. La vérité est que beaucoup de liquides
organiques transforment l’amidon en sucre et en particulier cette mucosité
répandue sur le corps des animaux immergés.
SUR LES VÉSICULES SÉMINALES DU MARA, par MM. Maruias Duvaz
et G. HERvÉ.
Dans le courant de l’année dernière, à propos de l’innervation de l’utérus,
une courte discussion s’engagea devant la Société sur la signification mor-
phologique des longs tubes qui, chez le cochon d'Inde, jouent un rôle ana-
logue à celui des vésicules séminales. Ces tubes sont-ils les restes des
tubes de Müller, et par conséquent homologues de l'utérus et de l’utricule
prostatique, ou bien sont-ce des appendices du canal déférent (du eanal de
Wolff de l’embryon) et par suite de véritables vésicules séminales, compa-
rables à celles de l’homme ? Cette question ne peut être tranchée que par
lembryologie et l’anatomie comparée. Nous avons commencé les recherches
d’embryologie à cet égard ; mais pour lemomentnousne voulonsinvoquer qu’un
fait d'anatomie comparée. Il s’agit d’un mara (Dolichotis patagonica),ron-
geur qui, malgré le nom de lièvre de Patagonie qu’on lui a aussi donné, et
malgré ses mœurs assez semblables à celles du lapin, est assez voisin de lape-
rea du Paraguay, souche de notre cochon d'Inde. Ce mara esi d’une taille
relativement grande (50 centimètres de longueur), de sorte que ses organes,
par leurs dimensions, se prêtent bien à la dissection. Il possède, derrière la
«vessie, deux tubes qui rappellent ceux du cochon d'Inde, mais sont plus
courts, moins régulièrement calibrés et se rapprochent ainsi de l'aspect
de vraies vésicules séminales. Et en effet ces tubes ou vésicules viennent
s'ouvrir, sur la paroi postérieure du canal de l’urèthre, de chaque côté d’un
petit verumontanum, par un conduit qui est commun à leur partie termi-
nale et à la partie terminale du canal déférent. Quelque significatifs que
132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
soient ces détails, ils ne seraient peut-être pas suffisants pour élucider la
question, s’il n'existait encore la disposition suivante : sur le sommet du
verumontanum est un orifice médian, qui conduit dans un utricule prosta-
tique. Donc, puisque nous avons là l’uterus masculinus, les restes des ca-
naux de Müller, il n’est pas possible de considérer les vésicules séminales
de ce même animal comme des canaux de Müller; ces vésicules doivent
être des diverticules développés secondairement sur chaque canal de Wolff;
l’embryologie, en nous montrant l’époque et le mode de leur apparition,
confirmera et précisera la conclusion précédente.
M. G. Hervé, qui a disséqué les autres organes de ce mara, s’est assuré
que cet animal, conformément à sa parenté sus-indiquée avec le cobaye, ne
possède, de même que le cobaye, qu'une seule veine cave supérieure
située à droite, tandis que la plupart des autres rongeurs, le lapin par
exemple, en ont deux, une droite et une gauche.
ACTION PHYSIOLOGIQUE DU POISON DES Moïs, par M. BOCHEFONTAINE.
Grâce à l’obligeande de M. Mocquin-Tandon, directeur de l’Institut bota-
nique de France à Saïgon, M. le docteur Lejemble, du tribunal de cette
ville, a pu m'envoyer le poison que je mets sous les yeux de la Société. Cette
matière, d’après la lettre de M. Lejemble, consiste dans « une substance
» visqueuse, semi-liquide à la température de ce pays, avec laquelle les
» Mois, peuplade à demi sauvage, habitant le nord-est de la Cochinchine,
» empoisonnent les flèches dont ils se servent, à la guerre ou à la chasse.
» Il a été très difficile de se procurer même cette faible quantité.
» Voici, d’après renseignements que j'ai pu recueillir», continue M. Le-
jemble, « les effets produits par la flèche suivant la puissance de l’animal
» atteint : si c’est un co-nai, animal possédant à peu près la taille d’un fort
» cerf de France, quand l'engin s’est enfoncé dans le corps de quelques
» centimètres (2 ou 8), il peut encore exécuter quelques sauts; puis 1l tom-
» berait subitement mort. L’éléphant, qui présente une force de résistance
» beaucoup plus considérable, peut faire encore environ un kilomètre avec
» la flèche dans le flanc; il est pris d’un tremblement considérable, chan-
» celle sur ses membres, tombe lourdement à terre et meurt.
» Les Moïs gardent sur la fabrication de cette substance le secret le
» plus absolu; jamais ils ne consentent à donner la recette aux étran-
» gers; ils ne font pas, paraît-il, trop de difficultés pour vous préparer
» une ou plusieurs flèches empoisonnées ; mais ils ne vous confieraient,
» sous aucun prétexte ni pour le plus grand prix, la substance toxique
» elle-même. Je pense, avec M. Moquin-Tandon, que l’Annamite n’a pu
se procurer que par un vol le contenu d’un bambou qu’il a pu rapporter
à Saïgon, et que vous recevrez pour partie dans quelques jours.
S ÿ
PPT
SÉANCE DU S MARS. 152
» Pourtant il paraîtrait, d’après la relation du jardinier chef du gou-
» vernement qui a fait une excursion dans le pays, que des plantes de la
» famille des Strychnées et le Strophantus concourent à la composition de
» cetle matière, qui ne serait que la réunion des sues de ces différentes
» plantes.
» Un fait certain c’est que la viande des animaux empoisonnés par ce
» moyen ne possède aucun effet toxique et peut sans inconvénient entrer
» dans l'alimentation. Je me propose d’expérimenter, sur moi-même, dans
» la journée d’après-demain dimanche, qne j'aurai à peu près libre. »
Les cjrconstances n’ont pas permis à M. Lejemble de faire l’expérience
qu'il projetait. D'autre part, le porteur n’ayant pas remis au destinataire le
flacon qui lui avait été confié, M. Lejemble m'a expédié la seconde moitié
du produit pris par M. Moquin-Tandon dans sa collection.
Comme on le voit, l’extrait, brun foncé, en partie desséché, s’est recou-
vert de moisissures dans quelques points de sa surface.
L’extrait mis dans l’eau distillée se dissout incomplètement.
On à fait ainsi un mélange trouble dosé de manière qu’une division de la
seringue de Pravaz ordinaire, divisée en quarante parties, contient À milli-
gramme de substance ; puis on a injecté sous la peau du tarse d’une gre-
nouille, 2 milligrammes d’extrait, sur une autre grenouille, 4 milligrammes,
enfin, sur une troisième, 6 milligrammes.
Cinquante minutes plus tard, les grenouilles sont affaissées sur le ventre,
incapables de reprendre leur attitude normale; elles n’ont plus que de
rares et faibles mouvements spontanés. Les mouvements réflexes provo-
qués par le pincement d’un orteil ne sont guère affaiblis.
La muqueuse buccale est exsangue.
Le cœur est mis à nu et l’on constate que ses mouvements sont entière-
ment arrêtés ; le ventricule est pâle, contracté, vide, les oreillettes semblent
revenues aussi sur elles-mêmes, mais non complètement vides de sang.
On attend que les mouvements réflexes soient abolis, et l’on constate
alors que l’excito-motricité du nerf sciatique n’est pas entièrement disparue
et que la contractilité musculaire persiste.
Ces trois expériences indiquent déjà que lextrait des Moïs tue le cœur
de la grenouille, alors qu'il n’a pas aboli les mouvements spontanés ou
provoqués, l’excito-motricité nerveuse, la contractilité musculaire, etc.
Pour être certain que cette substance est réellement un poison cardiaque,
les expériences précédentes ont été répétées sur trois autres grenouilles
dont le cœur avait été mis préalablement à découvert.
Cinq à six minutes après l'injection les battements du cœur sont devenus
irréguliers; le ventricule, pâle, contracté par places, était rouge etdistendu
dans d’autres endroits, tantôt à la pointe, tantôt à la base. Le nombre des
systoles est peu à peu tombé de 35 à 16 par minute.
134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Un quart d'heure après l'injection hypodermique le ventricule est entiè-
rement arrêté, pale, en systole; les oreillettes très distendues par le sang
continuent à se contracter régulièrement.
Vinet-cinq minutes après l'opération les oreillettes toujours distendues
sont arrêtées entièrement à leur tour.
À ce moment les grenouilles sautent et nagent comme si elles n’avaient
pas été empoisonnées.
On a encore répété la même expérience sur deux grenouilles vigoureuses,
récemment apportées au laboratoire, mais auxquelles on a injecté sous la
peau 1 milligramme seulement d'extrait.
Sept minutes plus tard le cœur est devenu irrégulier.
Treize minutes après l’injection le ventricule s’est arrêté en systole.
Sept minutes plus tard, c’est-à-dire vingt minutes après le début de l’ex-
périence, les oreillettes se sont arrêtées à leur tour, maïs en diastole.
Les deux animaux avaient alors conservé leurs mouvements spontanés et
réflexes, sautant et nageant à peu près comme dans leur état normal.
Chez quelques grenouilles l'extrait a été inséré sous la peau à l’état brut,
la dose employée avait le volume d’une tête de grosse épingle.
Six minutes se sont à peine écoulées avant que le ventricule cardiaque
füt arrêté en systole. |
La même quantité d'extrait mise directement sur le cœur découvert a
arrêté le ventricule au bout d’une minute et demie.
Immédiatement après l'application du poison sur le cœur, les battements
de cet organe se sont arrêtés. Après quelques secondes les mouvements
sontrevenus parfaitement réguliers ; enfin les irrégularités caractéristiques, :
puis l’arrêtée, sont produites à leur tour.
Trois gouttelettes du poison dilué dans l’eau, ont ralenti le cœur,
puis arrêté le ventricule en systole au bout de quinze minutes. Au bout de
vingt-cinq minutes les oreillettes se sont arrêtées en diastole.
Dans ces expériences comme dans celles où la substance avait été mise
sous la peau, les grenouilles avaient conservé leurs mouvements spontanés
plusieurs minutes après l’abolition des battements du cœur.
Il n’a pas été possible dans aucun cas de rappeler les contractions du
ventricule au moyen de l’atropiné ou de l’électricité.
On est donc autorisé à conclure que le poison des flèches des Moïs est un
toxique extrêmement énergique qui arrête le cœur de la grenouille en sys-
tole et doit être classé parmi les poisons du muscle cardiaque, avec la digi-
tale, le muguet, l’adonis cernalis, etc.
Je me suis empressé d'écrire ce résultat à M. Lejemble pour qu’il fût
averti du danger auquel il s’exposerait s’il mettait à exécution son projet
d'expérimenter le poison des Moïs sur lui-même.
Quelle peut être la plante avec laquelle les indigènes préparent leur
extrait? M. Baillon, auquel je me suis adressé pour avoir quelques rensei-
SÉANCE DU 8 MARS. 135
gnements sur ce sujet, pense que cette plante n’est pas une Strychnée ni le
Strophantus hispidus, c’est-à-dire l’Inée du Gabon sur la côte occidentale
de l’Afrique tropicale. Il suppose plutôt qu'elle est l’'Upas-antiar qui croît
à Java, non loin de la Cochinchine. Le pouvoir toxique de l’Upas-antiar,
poison systolique du cœur, employé par les Pahouins, n’est pas moins consi-
dérable que celui des Moïs, par conséquent l'hypothèse de M. Baillon est des
plus rationnelles.
En terminant, remarquons que cette puissance toxique n’a pas empé-
ché les moisissures de croître sur l'extrait contenu dans ce flacon. D’autre
part, la fructification des champignons n’a rien enlevé à l’activité de la
substance, car les expériences faites avec la partie de l’extrait recouvert de
mycélium ont donné les mêmes résultats que celles pour lesquelles on
avait pris la matière intacte, visqueuse encore ou desséchée.
Pour que cette Note fût moins incomplète, il faudrait qu’elle indiquât le
nom de la plante et ses propriétés bien reconnues. Mais la guerre actuelle
ne permettra peut-être de longtemps à M. Moquin-Tandon de se livrer à
cette recherche. Il me sera peut-être donné de compléter plus tard cette
communication préalable.
NoTE suR LE JEQUIRITY, par M. E. Harpy.
Les graines de Jequirity (Abrus precatorius) ont été dans ces derniers
temps l’objet de nombreuses recherches. Leur étude chimique n’est point
faite. Hilger dit y avoir constaté la présence d’un alcaloïde, sans action phy-
siologique. Salomonsen (1) a extrait le principe actif en épuisant les graines
par l’eau ou la glycérine et en précipitant par l’alcool ; il a reconnu dans la
substance qui se dépose les propriétés des matières albuminoïdes et en a
conclu que ce ne peut être un ferment diastasique ni un ferment pepto-
nique. Wanneman (2) obtint la même substance et la considéra comme un
ferment soluble.
En étudiant la composition de cette substance après l'avoir convenable-
ment purifiée, on reconnait facilement qu’elle a les propriétés des gluco-
sides. Sous l'influence des acides dilués à l’ébullition, elle se transforme en
sucre et en alcaloïde particulier. La solution en effet réduit la liqueur de
Fehling et donne des précipités avec tous les réactifs des alcaloïdes, iodure
de mercure et de potassium, iodure de potassium ioduré, etc.
Ce mélange neutralisé et versé sur la conjonctive d’un lapin n’amène la
production d'aucune inflammation.
On extrait l’alcaloïde en évaporant à sec, et en reprenant par l'alcool, qui
dissout seulement l’alcaloïde.
Nous proposons pour la glucoside contenue dans le Jequirity, le nom
d'abrine, qui rappelle son origine.
(1) Fortschritte der Medecin de Friedlænder,
(2) Semaine médicale, 1884.
136 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE POUR SERVIR À L'ÉTUDE (DES VARIATIONS D’EXCITABILITÉ DES APPA-
REILS SUDORAUX PÉRIPHÉRIQUES », par M. le docteur KAUFMANN, aide-
major au 31° d’artillerie (Le Mans), présentée par M. FrANÇors-FrANCK.
M. Straus, pour démontrer l’action suspensive du froid local sur l’excita-
bilité des glandes sudoripares, s’est servi de l’appareil de Richardson. Il
abaissait la température d’une portion circonscrite des téguments, puis,
faisant une injection hypodermique de pilocarpine, il déterminait une
sueur généralisée, sauf à l'endroit où avait été projetée la pulvérisation.
J'ai consfaté les mêmes effets de sudation générale, avec absence de
sudation locale, en agissant non plus sur des parties artificiellement refroi-
dies, mais sur des portions de la peau devenues malades à la suite d’un
refroidissement antérieur, sur des engelures.
J’ai établi trois expériences consécutives sur un sujet qui présentait de
l’éphidrose du côté droit, éphidrose se produisant sous l'influence de cer-
taines causes (émotions, chaleur du milieu ambiant, névralgies, etc.). Je
pensai que l’injection de pilocarpine devait exagérer cet état.
Cet individu était porteur d’engelures au niveau de l'articulation méta-
tarso-phalangienne des deux gros orteils. Ces engelures ont deux mois
d'existence.
… Première expérience. — La température approximative des deux pieds
est de 32 à 33 degrés. Il y a une hyperesthésie notable de la partie erythé-
mateuse; à ce niveau la température est aussi plus élevée. Avant l’expé-
rience je prescris un bain local de 37 degrés pour élever la température du
membre droit. La durée du bain fut de quinze minutes. La température
s’est élevée. Immédiatement après, injection de 1 centigramme et demi
de pilocarpine, au niveau de l’engelure du côté droit. Au bout de deux
minutes la sudation commence. Le côté droit du corps surtout est en
sueur. À À centimètre en arrière de la surface érythémateuse, il y a une
sudation locale abondante. A la loupe, on aperçoit de grosses gouttelettes
de sueur. Cette sudation existe aussi en avant sur le gros orteil; elle est
moins prononcée et commence à un demi-centimètre environ de Péry-
thème. Mais la portion atteinte d’engelure est restée sèche durant toute la
durée de l’expérience. Du moins l’examen à la loupe ne nous a pas révélé
l'existence de la sudation locale. Peut-être le papier argentique eût été
plus sensible. En tout cas, il n’aurait certainement décelé que des traces
très légères de sueur.
Le pied gauche ne fut pas examiné.
Deuxième expérience. — Le lendemain, croyant ne pas avoir injecté une
quantité suffisante de pilocarpine, je recommençai l’expérience avec 2 cen-
tigrammes d’alcaloïde. T1 n’y eut pas de bain préalable. Le membre se trou-
vait dans les mêmes conditions que la veille, au point de vue de la tempé-
rature et de la sensibilité. Les mêmes phénomènes furent observés. Il y eut
une sudation excessivement abondante du côté droit du corps, mais les
SÉANCE DU 8 MARS. i 137
engelures restèrent sèches. L’injection fut pratiquée au même orteil et sur
le bord même de l’engelure.
Troisième expérience pratiquée le troisième jour. — 2 centigrammes
et demi de pilocarpine, toujours à droite. Mêmes symptômes que précé-
demment. De plus, l'examen du pied gauche fut fait ce jour-là. Ce membre
était aussi en sueur, sauf l’endroit occupé par l’érythème.
Ces expériences me paraissent montrer que les troubles d’innervation,
qui causent les modifications circulatoires propres à l’engelure, s’accom-
pagnent d’altérations fonctionnelles de l’innervation sudorale. Or ces der-
nières perturbalions étant bien évidemment de nature paralytique, au
moins temporaire (puisque, comme après les dégénérations nerveuses, la
pilocarpine ne produit plus la sudation), on est amené, par assimilation, à
considérer comme passifs les troubles de la circulation. Ils résulteraient,
eux aussi, d’une suspension d'action nerveuse, produite par le froid local,
et les phénomènes congestifs de l’engelure ne devraient pas être rattachés
à des phénomènes de vaso-dilatation active.
Ces mêmes expériences confirment aussi à nouveau le fait, déjà établi
sur d’autres preuves, que la sudation n’affecte aucun rapport nécessaire
avec la congestion cutanée.
Nous voyons encore que, si le froid jocal est capable de suspendre, pen-
dant qu’il exerce son influence en tant’ qu'agent de réfrigération, comme
dans les expériences de M. Straus, l’activité sudoripare, il peut être aussi
le point de départ de troubles d’innervation prolongés, survivant à la
cause productrice, et atteignant, entre autres fonctions, l’activité sudorale.
NOTE SUR UN CAS DE SIALORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE, par MM. GiLces
* DE LA TOURETTE et BoTrTEy, internes des hôpitaux.
L’hypersécrétion de la salive n’est pas un phénomène rare chez les indi-
vidus qui souffrent d’une affection nerveuse : on a pu l’observer dans cer-
tains cas de lésions cérébrales, mais il est de notoriété commune qu’elle se
montre assez fréquemment, dans les maladies qui intéressent le bulbe —
l’ataxie locomotrice, la paralysie labio-glosso-laryngée — pour occuper une
place notable dans leur symptomatologie. Dans la grande majorité de ces
cas, toutes les glandes salivaires participent à cette hypersécrétion, et il
est rare que le liquide recueilli vienne assez particuliérement d’une glande à
l'exclusion d’une autre pour que son examen puisse permettre de déterminer
avec précision la composition du liquide parotidien ou sublingual par
exemple. Il en est de même, lorsque par l'emploi d'agents thérapeutiques,
et parmi ceux-ci le jaborandi, on détermine une sialorrhée à laquelle parti-
cipent loutes les glandes salivaires. Le cas que nous rapportons nous a paru
réaliser, au point de vue particulier de la parotide, l'expérience bien connue
de Claude Bernard sur la glande sous-maxillaire du chien : l'impossibilité
138 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
dans laquelle on se trouve de déterminer expérimentalement chez l'homme
de tels effets physiologiques, nous a engagé à en publier la relation.
Il s’agit, dans la circonstance, d’un homme àgé de vingt-six ans, exerçant
la profession de garçon boucher, de constitution vigoureuse, ne présentant
pas d’antécédents pathologiques héréditaires. [l n’est ni syphilitique ni
alcoolique et n’a jamais souffert que de rares maux de tête survenant à
intervalles éloignés. Vers le mois de novembre 1883 il a été envahi par une
loquacité insurmontable. Depuis cette époque, sans cause appréciable, il
parle tout haut ou à voix basse, disant tout ce qui lui vient à l’idée et accom-
pagnant ses actes d’un verbiage continuel. Bien que ses actes soient toujours
sensés, cette loquacité est devenue tellement désagréable, qu’il ne trouve plus
à s’employer dans le métier qu'il pratique.
Cette bizarre affection le conduit à l’hospice de la Salpêtrière le 14 fé-
vrier 1884, et bien que, suivant lui, son état se soit amélioré, il est facile, les
jours suivants, de l'entendre parler seul d’une façon plus ou moins compré-
hensible. Les facultés intellectuelles sont du reste intactes, de même qu'il
n'existe aucun trouble de la sensibilité ou de la motilité.
Le 18 février, à six heures du soir, sans que le malade se soit exposé au
froid, sans cause provocatrice d’aucune sorte, surviennent subitement des
douleurs très vives, à caractère lancinant, dans la région parotidienne
droite, irradiant dans toute la partie droite de la face et jusque dans l’o-
reille du même côté. Ces douleurs sont si vives, qu’il est obligé de se tenir
la tête sous un courant constant d’eau froide. Presque aussi subitement la
bouche se remplit de salive, et pendant que la partie droite de la face est
couverte de compresses imbibées d’eau froide, le malade tient sous sa
bouche un crachoir, qui est bientôt rempli de liquide salivaire qui s'écoule
constamment le long de la commissure labiale. Il est facile de constater que
la région parotidienne est le siège d’une notable augmentation de volume,
qu’il existe un peu de rougeur de la peau sans empâtement, et que la tem-
pérature locale y est légèrement augmentée. Les autres glandes salivaires
sont entièrement indemnes de tout phénomène particulier. Il n'existe aucun
trouble du goût, de l’ouïe, de l’odorat ou de la vue. Vers dix heures du soir
les phénomènes douloureux disparaissent subitement, la sialorrhée s'arrête
et le malade s’endort : la région parotidienne reprend son volume normal.
Le lendemain matin 19 février, à huit heures, réapparition de phénomènes
identiques qui durent jusqu'à une heure de l'après-midi. La quantité de
salive excrétée dans ces deux accès s’élève en totalité à 1200 grammes,
Interrogé sur ces accidents si spéciaux, le malade raconte que c’est, depuis
un mois, la troisième fois qu’il est atteint de cette sialorrhée douloureuse,
et que les deux premiers accës avaient duré environ quatre ou cinq heures,
s'étaient montrés et avaient disparu dans des conditions analogues à celles
que nous venions d'observer.
L'interprétation de Ces phénomènes ne laisse pas que d’être ässez corn-
plexe. Gette sialorrhéé doit-elle être rapportée à une névraigie de la
26 nid
SÉANCE DU 8 MARS. 139
branche auriculo-temporale du maxillaire inférieur qui donne des filets à la
parotide, produisant des troubles analogues à ceux que l’on observe dans
les affections douloureuses de la branche sous-orbitaire qui s’accompagnent
d’un écoulement de larmes. Ou bien plutôt, en présence des troubles céré-
braux que nous avons signalés, doit-on assigner à ces symptômes une cause
centrale. Il est difficile de répondre : cependant nous nous croyons auto-
risés à conclure, vu le début subit et la cessation rapide des douleurs s’ac-
compagnant de sialorrhée qui ne rersiste jamais après leur disparition,
que le flux salivaire est ici nettement lié à des phénomènes nouveaux, mal
déterminés il est vrai, mais non douteux toutefois.
- Nous avons dit que la parotide seule était atteinte ; l’exploration des
autres glandes salivaires ne laisse en effet aucun doute à ce sujet. Nous
nous trouvions donc en possession de 1200 grammes d’un liquide frais,
non altéré, presque entièrement parotidien, les autres glandes n'ayant sé-
crété que normalement, partant dans des conditions excellentes d'examen
de la salive parotidienne. *
Ce liquide examiné dès les premiers accès, à la sortie même de la bouche
du malade, était filant et visqueux, sans odeur. Placé dans un verre à expé-
rience, légèrement troublé dès l’abord, il ne tardait pas à se séparer en
deux parties, une supérieure très considérable, formée d’un liquide transpa-
rent, une inférieure, blanchâätre, composée de liquide et de solide. M. Londe,
chef du laboratoire de chimie de M. le professeur Charcot, fit l'examen
chimique du liquide recueilli (les deux parties simultanément) ; il constata
qu’il était neutre, riche en phosphate et carbonates, riche en mucine et que
les réactifs révélaient à peine des traces de ptyaline et de sulfocyanure de
potassium, tous caractères ordinaires de la salive parolidienne.
L'examen microscopique de cettesalive parotidienne, qui, commeonlesait,
est presque exclusivement muqueuse, devenait des plus importants. On se
trouvait en effet dans les mêmes conditions, au point de vue de la parotide,
que lors de l'excitation prolongée de la corde du tympan, agissant pendant
plusieurs heures pour produire l’hypersécrétion de la glande sous-maxillaire.
Il nous était permis d'ajouter un fait de plus, cette fois-ci observé chez
l’homme, aux expériences si concluantes de M. le professeur Ranvier, qui a
bien voulu contrôler le résultat de ces recherches.
On sait en effet qu'en 1869 Heidenhain, répétant les expériences cé-
lëbres de Ludwig et de Claude Bernard sur l’excitation prolongée de la corde
du tympan, analysa le liquide sécrété par la glande sous-maxillaire du chien
adulte et le trouva constitué par des cellules granuleuses, se colorant forte-
ment par le carmin et plus petites que les cellules muqueuses normales. fl
en conclut, après avoir comparé ce liquide avec celui que sécrétait la
glande salivaire du côté opposé, seulement soumise à l’excitation physiolo<
gique, que les cellules muqueuses qui tapissent les acini de cette glande
parlaient en masse pour former le liquide de sécrétion. C'était déjà une
restriction apportée à la théorie qui soutenait que la sécrétion phystiole-
140 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
gique de la salive s’accompagnait de la chute constante de l’épithélium qui
formait le liquide sécrété. Ces idées furent combattues en 1869 par M. Ran-
vier, qui fit nettement voir que, lorsqu'on soumet la glande sous-maxillaire
du chien à une excitation prolongée, ses cellules muqueuses ne se détachent
pas, mais bien au contraire restent en place et subissent les modifications
suivantes : le noyau de ces cellules situé normalement du côté de la mem-
brane propre, à la périphérie, gagne le centre du corps cellulaire, et, à
mesure que le protoplasma s'accroît dans des proportions considérables, le
mucus chassé tombe dans la lumière du vaisseau et est excrété. Depuis cette
époque, M. Ranvier, observant à l’état vivant les cellules caliciformes qui
tapissent la muqueuse que revêt le suc lymphatique rétro-lingual de la
grenouille, a pénétré le mécanisme intime de la sécrétion salivaire. Il a vu
que ces cellules muqueuses possédaient des vacuoles remplies d’un liquide
moins réfringent que le protoplasma, que sous l’influence de l'excitation ces
vacuoles augmentaient de volume, qu'il s’en formait de nouvelles, et que
leur contenu se substituait au mucus chassé en dehors de la cellule qui ne
quittait jamais la paroi.
Le liquide parotidien que nous avons examiné dans ses régions supé-
rieures ou intérieures, ou simultanément à la sortie de la bouche, contenait
deux éléments cellullaires de nature différente. On y voyait de nombreuses
cellules épithéliales pavimenteuses, venues du revêtement de la muqueuse
buccale, avec noyau central se colorant fortement par le carmin : mais
jamais dans les très nombreuses préparations que nous avons faites, il ne
nous à été donné de constater la présence d’une seule cellule caliciforme,
dont les caractères morphologiques diffèrent si complètement de ceux de la
cellulle pavimenteuse. Après une excitation de cinq heures et à deux re-
prises différentes et rapprochées, les cellules muqueuses de la parotide
n'avaient donc pas quitté leur paroi d'implantation.
Il existait en outre dans le liquide d’examen de petits éléments à gros
noyau granuleux en forme de haricot, fortement colorés par le carmin,
entourés d’une légère zone de protoplasma, dans lesquels il était facile de
reconnaitre des corpuscules salivaires qui ne sont autre chose, comme on
le sait, que des cellules Ilymphatiques en migration normale et constante à
travers toutes les muqueuses et les organes glandulaires. Ces éléments
étaient en outre beaucoup plus nombreux qu’à l’état normal, ce qui se pro-
duit du reste lorsqu'on soumet une glande à une excitation prolongée.
Claude Bernard a en effet démontré que les petits vaisseaux des glandes se
dilatent au moment où se produit la sécrétion, de telle sorte que la pression
sanguine s’y trouve notablement augmentée. Cetteaugmentation de pression,
beaucoup plus considérable dans les hypersécrétions, pourrait peut-être
nous donner l'interprétation de la légère rougeur des tissus que nous avions
notée et de l'augmentation légère de la température de la région paroti-
dienne.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, ruée Mignon, 92, Pafis,
SÉANCE DU 15 MARS 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
NOUVELLES CONTRIBUTIONS A L'HISTOIRE DU SANG DES CRUSTACÉS, par
M. Poucxer (1).
J'ai déjà signalé à plusieurs reprises diverses particularités relatives au
sang des Crustacés (Société de biologie, mars 1881; Journal de l'A-
natomie, mars-avril 1882). Les faits que j'ai à signaler aujourd’hui sont
les faits suivants :
Dans trois vases, du sang de langouste, d’écrevisse, de homard, a été
recueilli le 24 novembre 1883 avec toutes les précautions nécessaires pour
éliminer les germes atmosphériques. Ces sangs étaient recueillis au-dessous
d'huile d’olive ordinaire. Ces sangs se sont coagulés et, gardés à la tempé-
rature de la chambre depuis cette époque, sont restés sans aucun change-
ment apparent. Le sang de l’écrevisse est hyalin, transparent comme au
premier jour, formant une gelée à un état de coagulation par conséquent
différent de celui de la coagulation du sang des mammifères, due à la pré-
sence d’un réseau fibrillaire au milieu d’un liquide en excès.
Le sang de langouste a présenté pendant plusieurs semaines son di-
chroïsme caractéristique. Au voisinage de la surface en contact avec l'huile, :
ce dichroïsme a disparu, mais la masse est restée coagulée, rosée, opaline
par la présence de leucocytes comme au premier jour.
À la surface de ces sangs il s’est produit d’abondantes végétations de
myceliums. Ces myceliums ont fructifié (Penicilium glaucum), ont reversé
dans l’huile une quantité notable d’eau. Aujourd’hui à ces myceliums ont
succédé ou s'ajoutent des masses zoogléiques.
Les cas de végétation dans les huiles ont été découverts et étudiés par
M. Van Tieghem il y a quatre ans. Le point sur lequel nous voulons attirer
l'attention est que ces huiles, abondamment chargées des germes de divers
myceliums, de productions zoogléiques, tout en leur fournissant une atmo-
sphère favorable, ne paraissent pas leur laisser exercer leur action sur la
matière putrescible immédiatement placée au-dessous d’elles.
(1) Communication faite à la Société dans la séance du 8 mars.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. [°7, N° 11. 12
142 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
UN MOT SUR LA PARALDÉHYDE, par M. Ch. E. Quinouaup.
Au mois d'août dernier, dans le service du professeur Fournier, nous
avons administré la paraldéhyde dans des cas d’insomnie, la dose était de
50 centigrammes à 3 grammes, dans un véhicule aromatisé ; tantôt elle
provoquait du dégoût, parfois elle était prise facilement; après un temps
variable il survenait un sommeil tranquille, calme, mais le degré d’activité
semblait diminuer avec le temps, car il fallait augmenter les doses pour
produire le même effet. C’est avant tout un hypnotique qui peut trouver
ses indications dans les cas d’insomnie, surtout chez des sujets qui ne pré-
sentent pas de grosses lésions organiques. Get agent nous a même rendu
des services pour atténuer et pour prévenir le morphinisme.
Pour déterminer son action physiologique nous avons institué, en juillet
1885, au Muséum et aux Ménages, diverses expériences, desquelles il ré-
Suite
1° Que la paraldéhyde agit d’abord sur les lobes cérébraux et secondaire-
ment, suivant les doses, sur le bulbe et sur la moelle épinière;
2° Elle n’est point un anesthésique vrai, bien que l’anesthésie puisse sur-
venir avec de fortes doses, qui sont dangereuses ;
9° Cet agent peut produire la mort avec arrêt respiratoire, le cœur conti-
nuant à battre. À doses faibles la tension artérielle est peu modifiée, mais
elle diminue avec une forte dose, le cœur se ralentit;
4 Les inhalations faites pendant une heure, soit à parties égales d'alcool
et de paraldéhyde, seit de paraldéhyde pure, n’ont pas produit le sommeil ;
9° L'apparition de la méthémoglobine est un des effets de son action sur
le sang ;
6° La paraldéhyde détermine un abaissement de la température, une di-
minution de l'acide carbonique exhalé par les poumons. Immédiatement
après l’injection de la paraldéhyde dans les veines le sang devient noir dans
les artères : ce n’est pas du sang asphyxique.
Voici quelques expériences à l’appui de ces propositions :
a. Sur un chien on injecte dans les veines 8 centimètres cubes de paral-
déhyde. Avant l'expérience, l’animal exhale, en 12 minutes, 58°,5 CO?, la
température est de 38°,5. Trois quarts d'heure après l'injection, l’élimina-
tion pulmonaire de CO? descend à 15r,96.
b. Sur un autre on injecte dans l’estomac 10 centimètres cubes de la
substance : avant l'injection, le rejet de CO? est 15r,88 en dix minutes, tan-
dis que trois heures après on trouve 18r,52.
c. On injecte sous la peau et dans les veines 15 centimètres cubes de pa-
raldéhyde. Avant l'expérience, l’exhalation de CO? est de 2%r,10, la tempéra-
ture de 38°,8; deux heures et quart après, la balance donne 18r,74 de COË.
SÉANCE DU 15 MARS. 143
d. On injecte 21 centimètres cubes de paraldéhyde dans l'estomac et sous
la peau d’un autre chien. Avant l'expérience, l'animal exhale 45,20 CO° en
dix minutes; quatre heures après l’exhalation est descendue à 15,52 et le
lendemain la fonction tend à se rétablir, la quantité de CO? exhalé est de
2sr,16.
UN DEUXIÈME CAS DE TUMEUR CAUSÉE PAR UNE LARVE D'ŒSTRIDE
OBSERVÉ EN FRANCE CHEZ L'HOMME, par M. Méanin.
Dans le cas très intéressant de tumeur cutanée causée par une larve
d'Œstride, observé à Paris, chez une dame qui était arrivée depuis peu
d'Amérique, et que vous à rapporté M. Albert Robin, notre collègue pen-
sait que c'était le premier et l’unique cas de cette curieuse affection observé
en France chez l’homme. Si c’est le premier cas, ce n’est pas l’unique,
car à peu près dans le même temps qu’il observait l'affection parasitaire
en question, sur une dame, M. le docteur Jousseaume en constatait un
semblable chez un homme récemment débarqué aussi d'Amérique, et je
vous présente la larve d’Œstride que m'a gracieusement remise M. Jous-
seaume pour en faire l’étude et pour compléter ma collection d'Œstrides.
L'homme qui a présenté le cas observé par M. Jousseaume est M. Fois-
sardey, qui remplissait au Guatemala les fonctions de garde-mine, et
c’est sur la partie moyenne et externe de la cuisse gauche que s’était déve-
loppée une sorte de furonele dont il ignorait complètement la cause. La
tumeur mesurait 6 centimètres de diamètre, présentait une certaine éléva-
tion, était de couleur rougeàtre violacée, et son centre présentait une sorte
de petit bouton percéà son centre, d’où s’écoulait de temps en temps un peu de
liquide sanieux. Au mois de décembre dernier M. Foissardey, agacé par
les élancements que provoquait le furoncle en question et dont il suivait
le développement depuis plus de quarante jours, s’avisa un jour de le
presser fortement de la périphérie au centre, et il en fit sortir le ver en
forme de petite bouteille que je présente; il était blanc, mais il a pris une
couleur noirätre et il s’est desséché et racorni dans l’alcool, mais il mesure
encore 9 millimètres de long sur 5 de large.
On voit qu’il se compose d’une partie renflée et d’une partie rétrécie en
forme de col et incurvée ; à l’extrémité de la partie renflée, se trouve la
bouche armée d’une paire de forts crochets; les anneaux qui constituent la
partie renflée, et qui sont au nombre de six, sont armés de rangées circu-
laires de piquants plus nombreux sur la face dorsale; l'extrémité opposée,
rétrécie, se termine par un petit renflement et porte une paire de stigmates
analogues à ceux de tous les Muscides; c’est cette extrémité qui est con-
Stimment en rapport avec l'ouverture cutanée, et cela était nécessaire afin
que la larve puisse respirer.
Cette larve a été rencontrée assez fréquemment dans l'Amérique centrale
144 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par les voyageurs naturalistes et a été reconnue pour être une larve d’Œs-
tride que Justin Goudot avait nommée Cuterebra noxialis ; Brauer ayant
distrait du genre CUTEREBRA de Bracy-Clack quelques espèces différentes
du type du genre pour en former le genre DermarogrA, l’Œstride de Goudot
est devenue la Dermatobia noxialis. D’autres voyageurs naturalistes, entre
autres MM. Coquerel et Sallé, ont aussi observé cette larve, mais sous le
nom de ver macaque, ver moyoquil que lui donnent les indigènes. On
l’a même regardée comme particulière à l’homme, sous le nom d’ŒÆstrus
hominis ; mais depuis on l’a retrouvée sous la peau des bestiaux, des chiens
et même des chats sauvages, ce qui prouve qu’elle n’est pas spéciale à une
espèce de mammifère.
La mouche qui produit cette larve est longue de 15 millimètres, elle a la
tête jaunàtre, le corselet cendré et tacheté régulièrement, et l’abdomen
bleu d’acier.
Quand la larve a la forme de bouteille comme celle que je présente, et
que j'ai dessinée figure 2 de la planche que je présente, elle n’est qu’à son
deuxième stade, suivant Brauer ; quand elle est plus âgée, la partie rétrécie
se dilate et la larve a une forme d’ove allongé; cela indique que la larve
recueillie par M. Albert Robin, qui ne porte pas le rétrécissement carac-
téristique du deuxième âge, était plus âgée que la mienne.
Les phénomènes présentés par M. Foissardey, pendant le temps qu’il
nourrissait ce parasite, ont été beaucoup moins graves que ceux observés
sur la dame dont M. À. Robin a raconté l’histoire ; cette différence dans les
symptômes a-t-elle pour cause la différence sexuelle ou une idiosyncrasie
spéciale? Ou bien dépend-elle de la région occupée par le parasite? C’est
ce qu'il est difficile de dire.
Nous avons en France plusieurs espèces d’Œstrides dont les larves vivent
dans ou sur le corps de nos animaux domestiques, et même de quelques
ruminants sauvages ; mais aucune ne s'attaque à l’homme. Je vous présente
des spécimens de ces différentes espèces :
Trois d’entre elles vivent à l’état de larve dans l’estomac du cheval, ce
sont : la Gastrophilus equi, la Gastrophilus hemorrhoïidalis et la Gastro-
philus pecorum; :
Une autre, dont la larve vit dans les sinus frontaux et maxillaires du
mouton, c’est l’OŒEstrus ovis ;
Une cinquième, dont la larve vit dans les poches pharyngiennes du cerf,
c’est la Pharyngomyia picta ;
Enfin, une sixième, dont la larve vit sous la peau des bœufs, c’est l’Hypo-
derma bovis.
Cette dernière seule a des mœurs analogues à la Dermatobia noxialis de
Goudot; comme elle, sa jeune larve, en sortant de l’œuf, pénètre sous la
peau, se constitue une loge qui augmente de capacité à mesure qu'elle
grandit et dont les parois sécrètent une matière purulente dont elle vit, car
elle agit comme un véritable cautère. Cette larve, d’abord fusiforme et an-
SÉANCE DU 15 MARS. 145
nelée et blanche, devient grosse, courte, mamelonnée et noire; puis, après
un séjour de neuf à dix mois dans sa prison hypodermique, elle en sort dans
les grattages auxquels se livre le bœuf qui la nourrit, tombe à terre ou sur
le fumier, s’y cache et s’y transforme en nymphe; puis, six semaines après,
éclôt sous forme d’une grosse mouche velue qui vit tout juste le temps de
se livrer à la reproduction de l’espèce, c’est-à-dire pendant cinq à six jours,
après quoi elle meurt sans avoir pris un atome de nourriture, n’ayant qu’un
rudiment de bouche et des organes digestifs atrophiés.
Les bœufs qui nourrissent des larves d’hypoderme ont souvent la peau
du dos couverte de nombreux mamelons, dont chacun loge une larve. Ils ne
s'en tourmentent nullement et même sont souvent dans un état très floris-
sant d'embonpoint. Les engraisseurs de bœufs de la Franche-Comté choi-
sissent même, au marché, les bœufs maigres qui ont des larves d’'Œstrides
sous la peau, parce qu'ils ont remarqué que ces bœufs s’engraissent mieux
que les autres; et, en effet, ce sont toujours des bœufs à peau très fine que
la mouche choisit d’instinct pour loger sa progéniture, afin que sa jeune
larve ait moins de peine pour arriver à son but. Or on sait que les animaux
à peau fine sont ceux qui s’engraissent le plus facilement, de là le choix que
Von fait des bœufs à tumeurs d’(ŒÆstrides.
Du TRAITEMENT DU RÉTRÉCISSEMENT DE LA TROMPE D'EUSTACHE PAP LA
MÉTHODE DE L'ÉLECTROLYSE, par M. GELLÉ.
Je ne pensais pas exposer de sitôt les résultats de ma pratique au sujet
de l’application de lélectrolyse à la cure des rétrécissements tubaires ;
mais M. le docteur Mercié vient de lire à l’Académie un travail sur ce
sujet; et je publie en ce moment (voici le placard-épreuve daté du
28 février courant que je mets sous yeux de la Société) un Traité d’oto-
logie où ce traitement par l’électrolyse se trouve indiqué et jugé sur quelques
faits de ma pratique. J’aurais donc, quand paraîtra ce livre, l’air d’un
plagiaire si je ne me hâtais de montrer que j'ai travaillé et décrit le même
mode de traitement, comme ce placard en fait foi.
Du sujet, je ne puis donner ici que les résultats; ils ont été en somme
satisfaisants, surtout en tant qu'action topique exercée sur la stricture;
car, on le sait, l'amélioration de l’ouie est subordonnée à bien d’autres
conditions anatomo-pathologiques, dont la valeur n'apparaît clairement
qu'après le rétrécissement franchi, tels sont l’état des fenêtres, la mo-
bilité de la chaîne, l’élasticité du tympan, etc. Dans quatre cas où j'ai pu
suivre et étudier l'effet de la méthode par l’électrolyse, j'ai vu la stricture
céder en tout ou en partie, et la circulation de l’air redevenir possible par
l’opération de Politzer, mais non par la déglutition.
Dans tous les cas l’état antécédent de la caisse du tympan a paru influen-
146 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
cer les résultats, au point de vue de l'audition, bien plus que celui de
la trompe. J'avais choisi, à dessein, des rétrécissements liés à d'anciennes
otites scléreuses qui avaient résisté à l’action des moyens ordinaires du
traitement. Peut-être, en face de lésions de la caisse moins accusées, les
suites seront-eiles plus encourageantes, cependant il ne faut pas oublier
que le traitement par l’électrolyse s'adresse surtout à ces cas de strictures
fibreuses, cicatricielles ou autres, rebelles à la dilatation aidée de topiques
modificateurs variés.
DE L'INFLUENCE DE LA PARALDÉHYDE SUR LA CALORIFICATION, SUR L'OXYGÉ-
NATION DE L'HÉMOGLOBINE, ET SUR LES PHÉNOMÈNES D'ÉCHANGES, par
M. A. HÉNOCQUE.
Ayant pratiqué une série de dix expériences dans le but d'étudier l’action
de la paraldéhyde, j'ai obtenu certains résultats que Je veux signaler, parce
qu'ils mettent en relief des particularités qui n’ont pas été exposées avec
une précision suffisante par les expérimentateurs qui ont publié le résultat
de leurs recherches sur la paraldéhyde et que, en outre, J'ai à faire con-
naître des faits entièrement nouveaux.
Sans insister sur l’action hypnotique de la paraldéhyde ni sur la dimi-
nution de la sensibilité à l’excitation électro-magnétique qui accompagne
le sommeil produit par l’injection sous la peau de quantités de paraldéhyde.
variant entre 40 centigrammes et 1 gramme chez des cobayes, et de 1 à
% grammes chez le lapin, me contentant de rappeler que cette injection
excite une douleur vive, et est rapidement suivie de salivation ; j’exposerai
avec quelques détails les faits qui m'ont démontré que la paraldéhyde amène.
une diminution considérable dans les phénomènes d’échanges dans les
tissus, correspondant à l’abaissement de la température, au ralentissement
dela respiration, à la diminution de l’oxyhémoglobine contenue dansle sang.
Enfin l’étude de ces phénomènes permet d'expliquer comment la paraldé-
hyde peut retarder et même arrêter l’action de certains poisons, tels que
le nitrite‘de sodium, ainsi que je l’ai observé, ou la strychnine, ainsi que Va
signalé M. Dujardin-Beaumetz, et cela sans qu’il soit nécessaire de consi=
dérer ces poisons comme véritables antagonistes, ainsi qu'on l’a fait à
propos de la strychnine.
L’abaissement de température peut atteindre 8 degrés sans amener
la mort; chez un cobaye, il a été de 5 degrés, c’est-à-dire que la tempéra=M
ture rectale étant de 39,4, s’est abaissée à 34°,2 en l’espace de trois
heures.
Chez un lapin soumis à quelques jours d'intervalle à deux expériences,
la température rectale est descendue une première fois de 40°,4 à 32°,4en
l’espace de six heures, de 40°,2 à 32°,2 en l’espace de trois heures.
SÉANCE DU 195 MARS. 147
————————————
La durée de cet abaissement considérable de la température a varié de
deux heures à six chez deux cobayes, et sur le lapin, dans un premier cas,
la température rectale est descendue à 36°,5 à six heures du soir, c’est-à-
dire trois heures après l'injection de 5 grammes de paraldéhyde (il pesait
2400 grammes); elle à continué à descendre jusqu'à 33 degrés à sept
heures du soir, et à minuit et demi, elle était au-dessous de 32 degrés
centigrades. Enfin, le lendemain, à sept heures du matin, le thermomètre
ne remontait encore qu’à 3» degrés, l’animal étant tout à fait réveillé.
En somme, chez ce lapin, la température rectale est restée au-dessous de
36 degrés pendant douze heures environ, et au-dessous de 32 degrés pen-
dant plus de quatre heures. Je dois ajouter que dans cette période de
temps, la respiration élait devenue stertoreuse, l’animal était dans un coma
comparable à celui de l'ivresse la plus extrême, et j'ai dû, à plusieurs
reprises, l’exciter avec des courants induits les plus violents (appareil à
chariot avec la bobine à fond) pour rétablir la respiration.
Dans tous les autres cas, celle-ci a été ralentie très notablement; l’état
du cœur ne nous a pas présenté de résultats précis, en dehors d’un ralen-
tissement (de 180 à 144 chez le lapin).
La couleur du sang varie sous l'influence de la paraldéhyde; elle devien
d’un rouge plus vif même dans les veines ; le sang de ces deux ordres de
vaisseaux offre une teinte presque analogue, carminée, mais plus claire
que celle du sang veineux. L’examen spectroscopique, pratiqué suivant un
procédé qui me permet une évaluation relative de l’oxyhémoglobine, m'a
montré une diminution notable de l’oxyhémoglobine , et pouvant arriver à
ce point qu’on ne perçoit plus que la bande de l’oxyhémoglobine réduite,
c’est-à-dire de l’hémoglobine.
A ces fails, il convient d’ajouter que la salivation a été constamment
observée au début des expérimentations, et que chez les cobayes, comme
chez les lapins, il y a eu une véritable constipation et absence prolongée
d'émission d'urine.
J'ai voulu rechercher si dans ces conditions qui démontrent une diminu-
lion considérable ou au moins un trouble profond dans les échanges qui
s’opèrent dans le sang et dans les poumons, et dans le tissu cellulaire sous-
cutané, l’action du nitrite de sodium sur le sang serait modifiée. J’ai
établi dans des expériences antécédentes, dont les résultats ont été commu-
niqués à la Société de biologie, le 22 décembre 1883, que la transformation
de l’hémoglobine en méthémogiobine sous l’influence de l’injection sous-
cutanée du nitrite de sodium, présente des effets constants qui peuvent per-
mettre d'apprécier la rapidité de l’absorption et de l'élimination des
nitrites. J’ai pratiqué alors les expériences suivantes :
Sur ce même lapin, chez lequel une première fois j'avais étudié la pro-
duction de la méthémoglobine dans le sang, par le nitrite de sodium, et
constaté que la bande caractéristique apparaissait en vingt-cinq minutes
pour une quantité de 20 centigrammes de nitrite par kilogramme du poids
148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
_— = em
de l'animal, j'ai injecté une dose de paraldéhyde égale à 4 centimètres
cubes, et quatre minutes plus tard 2 grammes de nitrite de sodium, soit la
dose énorme de 80 centigrammes de nitrite par kilogramme du poids de
l'animal. Or, chez ce lapin, qui a présenté un abaissement de la température
de 40 à 320 9. un sommeil comateux, et qui à été observé de trois heures et
demie à onze heures et demie du soir, l’examen spectroscopique n’a jamais
montré la bande de la méthémoglobine, même après le réveil ; la période
comateuse proprement dite a duré de sept heures à dix heures du soir.
L'injection de paraldéhyde avait done déterminé chez ce lapin un état qui
a empêché l’action spéciale du nitrite de sodium sur le sang.
Ce fait singulier et unique nous a amené à répéter et varier ces expé-
riences. Nous avons constaté que, si l’on injecte la paraldéhyde après l’in-
jection de nitrite de sodium, les cobayes ou les lapins meurent avec la colo-
ralion brune du sang, et chez d’autres, un lapin et deux cobayes, l'injection
de paraldéhyde, pratiquée après l’injection du nitrite de sodium, n’a pas
empêché la mort, mais dans ces cas mêmes, le sang était bien moins brun,
la die était incomplète.
Ces divergences dans les résultats montrent qu'il n’y a pas dans l’action
de la paraldéhyde un arrêt complet des échanges, mais une diminution, ou
peut-être même une certaine localisation de cet arrêt dans diverses parties
des organes; cette diminution peut-elle même être variable ? Dans tous les
cas, je crois qu’il faut en tenir grand compte avant d'accepter un antago-
nisme entre la paraldéhyde et la strychnine basé sur des faits dans lesquels
il a fallu donner des doses de strychnine considérables, pour déterminer le
strychnisme chez des animaux préalablement soumis à l’influence de la
paraldéhyde,
Enfin la diminution de température que nous avons observée, permet de
supposer qu’on pourra, en clinique, employer avec succès la paraldéhyde
dans les cas d’hyperthermie.
EXPÉRIENCES SUR LE RALENTISSEMENT DES MOUVEMENTS DU CŒUR CHEZ
L'HOMME, PROVOQUÉ PAR UNE EXCITATION PÉRIPHÉRIQUE DOULOUREUSE,
par M. A. M. Brocn.
On sait que les excitations périphériques douloureuses pratiquées sur
les animaux produisent un ralentissement des mouvements du cœur.
Cette question a été traitée par un grand nombre de physiologistes : les
uns, comme Dogiel, Hering, Holmgren, Rutherford, appliquaient aux
narines de l’animal des liquides irritants, ou, comme François-Franck,
excitaient les branches sensibles afférentes au pneumogastrique, les autres,
comme Brown-Séquard, Claude Bernard, Goltz, Bernstein, Biffi, se servaient
SÉANCE DU 19 MARS. 149
de l’irritation des ganglions ou nerfs abdominaux ou, comme Tarchanoff,
d’attouchements sur le péritoine préalablement enflammé.
Je ne sache pas que le ralentissement du rythme cardiaque ait été jusqu’à
ce jour étudié expérimentalement sur l’homme, à propos des excitations
douloureuses.
Le résultat était à prévoir d’ailleurs par induction, tirée des expériences
sur les animaux.
De plus, il est de connaissance vulgaire que les douleurs violentes ou
les poignantes émotions amènent la syncope par arrêt du cœur.
Mais il me semblait intéressant de rechercher si une douleur modérée,
si une émotion peu vive pouvait ralentir le cœur chez l’homme. J'ai obtenu
cet effet, voici par quel procédé.
Je me suis servi des cautérisations que l’on a coutume de pratiquer sur
certains malades, les tuberculeux, par exemple, à l’aide du thermo-
cautère de Paquelin.
Je place sur le cœur du patient un cardiographe fixé au moyen d’une
ceinture. À côté de la plume qui marque sur le cylindre le tracé du cœur,
j'installe un second style inscripteur en communication avec un tambour
dont la membrane, peu tendue, porte à son centre une petite balle de
plomb fixée par une goutte de cire à cacheter.
Ce tambour est dans ma main, avec le thermocautère.
Les mouvements de percussion, que la cautérisation va nécessiter, suffi-
sent pour que la balle de plomb, par son inertie, secoue la membrane sur
laquelle elle est collée.
Le cylindre tournant, j'aurai donc deux lignes d’inseription : l’une qui
marque les mouvements du cœur, l’autre qui fait une ligne droite avant
l’opération et une série de crochets correspondant aux mouvements du
thermo cautère pendant les cautérisations.
Les pointes de feu sont faites sur le devant du thorax.
Je les commence lorsque le cœur a inserit un certain nombre de ses
mouvements, pour être assuré du rythme, et après les avoir faites, Je saisse
le cœur revenir à ce rythme avant d’enlever l'appareil.
Les repères sont faciles à prendre et l’on voit exactement à quel instant
de la révolution cardiaque ont débuté les trois ou quatre chocs du thermo-
cautére.
Cela posé, on observe toujours un ralentissement du cœur et, chose qui
me paraît intéressante, ce ralentissement précède la première cautéri-
sation.
L’appréhension du patient qui voit arriver l'instrument près de sa poi-
trine ralentit son cœur. Les palpitation s qui suivent sont également ralen-
ties plus ou moins, selon l’impressionnabilité du sujet, puis le système or-
dinaire se rétablit.
Jai l'honneur de présenter à la Société deux graphiques montrant ces
150 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
résultats. Le premier, très net, contient deux séries de quelques pointes
de feu.
La première a donné 1/20 de seconde de ralentissement, avant et pen-
dant la cautérisation ; la seconde série, 1/10 de seconde. Il s'agissait d’un
jeune homme habitué au traitement.
Le second cardiogramme est relatif à une jeune fille très effrayée et
très excitable.
Le ralentissement est plus prononcé que dans le premier exemple, il
atteint presque 1/3 de seconde.
Ici encore, le ralentissement a précédé le choc du thermocautère, l’émo-
tion a suffi pour le provoquer.
Je vais au-devant d’une objection que l’on pourrait me faire.
Il ne s’agit pas, dans ces résultats, d’influences dues à la respiration
des sujets.
Dans les nombreuses expérience que j'ai faites, et dans des tracés qui
montraient avec le cœur, les courbes respiratoires, j'ai observé les ralen-
tissements aussi bien dans l'expiration que dans l'inspiration, à toutes les
phases de la courbe respiratoire.
En général, l'effet de la douleur se manifeste par une brusque inspira-
tion soutenue un moment et terminée par une respiralion incomplète d’une
certaine durée.
J'ai imité ce phénomène, recueillant sur moi-même, soit le cœur, soit
le pouls radial.
Au lieu d’un ralentissement j'ai obtenu une accélération du rythme
cardiaque dans ces circonstances et voici un graphique qui le montre clai-
rement.
Le ralentissement que j'ai signalé dans mes expériences sur des sujets
cautérisés en est d'autant plus caractéristique et s'accorde entièrement
avec ce que l’on observe chez les animaux. |
SUR LA FUSION DES CONDUITS DE MULLER CHEZ L'HOMME ET SUR LE
DÉVELOPPEMENT DE L’HYMEN, par MM. F. Tourneux et E. WERr-
THEIMER.
Dans une des dernières séances de la Société de biologie, M. Pozzi a
posé en termes précis la question de l’origine de l’hymen. Déjà en 1878,
dans une réunion des médecins allemands à Cassel, cette question avait
fait l’objet d’une longue discussion à laquelle prirent part Dohrr, Hoffmann
Freund, etc., mais qui n’aboutit à aucune solution définitive (voy. Ctbl. f.
Gynækologie, 1878). Bien que nos recherches sur le développement
des organes génito-urinaires soient encore loin d’être complètes, en
raison surtout de la difficulté de se procurer des embryons humains
SÉANCE DU 19 MARS. 451
pendant les trois premiers mois de la gestation, nous croyons cependant
devoir indiquer dès maintenant les principaux résultats auxquels nous
sommes arrivés, espérant que ces données pourront contribuer dans une
certaine mesure à élucider le mode de formation de l’hymen.
Livius Fürst (Monatschrift f. Geburth, 1867, n° 36) et Dohrn (Marburg.
Gesellschaft, 1871) ont montré les premiers que la fusion des deux
conduits de Müller en un canal unique (génital de Leuckart), débutait
vers le tiers inférieur du cordon génital, puis progressait à la fois en haut
et en bas. Un point sur lequel ne paraissent pas insister les auteurs les
plus récents, bien qu'il se trouve déjà nettement indiqué par Fürst et par
Külliker, c’est que leurs extrémités inférieures se fusionnent en dernier
lieu (1). Cette fusion tardive résulte de l’écartement notable des segments
terminaux des conduits de Müller, qui vont s'ouvrir en divergeant sur les
parois latérales d’une sorte de crête ou saillie longitudinale que présente à
ce niveau la paroi postérieure du sinus urogénital.
Sur un embryon de porc Q long de 67 millimètres, la distance entre les
deux points d’abouchement des conduits de Müller dans le sinus urogénital
est de 300 p. Ces conduits convergent ensuite l’un vers l’autre sur la ligne
médiane, et ne tardent pas à s'y fusionner (quatrième coupe), la fusion est
complète dans toute l’étendue du cordon génital (60 coupes).
Voici, d'autre part, ce que nous avons pu constater sur des embryons
bumains; sur un embryon de 19 millimètres, les conduits de Müller n’ont
pas encore atteint l'extrémité inférieure du corps de Wolff.
Sur un embryon & de #2 centimètres dont le cordon génital, mesurant
une longueur de 1"",6, a été décomposé en 50 coupes, les rapports des
conduits de Müller sont les suivants de bas en haut:
Séparés pendant 6 coupes.
Accolés — 4 coupes.
Fusionnés — 24 coupes.
Accolés — 12 coupes.
Séparés — 4 coupes.
90 coupes — 1,6.
Sur un fœtus ® de Z- centimètres, les conduits de Müller fusionnés
dans toute la hauteur du cordon génital divergent encore par leurs extré-
mités inférieures (3 coupes). La cloison qui les sépare, toujours appré-
ciable sur un fœtus @ de = centimètres, a complètement disparu sur un
fœtus de ## centimètres. On peut donc dire d’une façon générale que chez
(1) « Inférieurement la cloison persiste jusqu’à la fin de la douzième semaine,
si bien que les conduits de Müller fusionnés dans les deux tiers supérieurs du
cordon génital, doubles dans le tiers inférieur, s’abouchent par deux orifices
distincts dans le sinus urogénital. » (Fürst, loc. cit., p. 106.)
152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l’homme la fusion des extrémités inférieures des conduits de Müller s’ef-
fectue tardivement, au commencement du cinquième mois lunaire.
Il est probable que les extrémités des conduits de Wolff qui s'ouvrent
primitivement à une faible distance des conduits de Müller dans le sinus
urogénital se fusionnent avec ces derniers pour constituer le segment in-
férieur ou hyménial du vagin (comp. Hoffmann, Ctbl. f. Gynækologie, 1878).
C’est du moins ce que tend à démontrer ce fait que chez le fœtus de
nous trouvons parmi les cellules épithéliales qui remplissent l’orifice du
vagin, deux trainées latérales de courtes aiguilles jaunâtres, comme il en
existe dans les conduits de Wolff en voie de disparition, chez le fœtus de
%>. On sait, d’autre part, que chez la vache adulte les conduits de Wolff,
persistant partiellement comme conduits de Gartner, ne s'ouvrent plus
directement dans le sinus urogénital, mais à l’intérieur même du vagin, et
à une distance de 1 centimètre environ de orifice vaginal. Il paraît ra-
tionnel d’admettre que les extrémités des canaux de Wolff ont disparu
dans cette étendue pour prendre part à laformation de l’orifice vaginal.
Aïnsi que l’ont signalé tous les observateurs (Merkel, Valentin, Külliker,
Dohrn, etc.), l’hymen ne s’accuse que dans la seconde moitié de la gros-
sesse (dix-neuvième semaine, d’après Dohrn). Cette membrane est une trans-
tormation du renflement primitif sur les parois duquel les conduits génitaux
s'ouvrent dans le vestibule (voy. Külliker). La saillie hyméniale ne devient
réellement proéminente dans le canal vulvaire (Budin) ou canal vestibu-
laire (Tourneux et Legay) qu’au moment de la dilatation du vagin par
accumulation des cellules épithéliales pavimenteuses. Cette dilatation se
fait assez brusquement, entre les longueurs de 4 et © centimètres (sixième
mois lunaire), alors que le diamètre transversal du vagin l'emporte de
beaucoup sur celui de l’orifice hyménial. Les éléments de la lame épithé-
liale qui comble à cette époque toute la lumière du vagin, se multiplient
rapidement et distendent le conduit, en même temps qu'ils refoulent en bas
la saillie hyméniale. C’est à la même époque et probablement sous l’in-
fluence du même mécanisme, que les culs-de-sac de l’extrémité supé-
rieure du vagin commencent à se délimiter.
Sur un fœtus ® de 4 centimètres (fin du sixième mois lunaire), l’hymen
mesure une largeur de 1%",5. Il a la forme d’une saillie conique aplatie
transversalement, qui prolonge directement les parois du vagin dans le ves-
tibule. C’est cette disposition que l’on peut facilement constater dans les
derniers mois de la grossesse et à l’époque de la naissance qui a fait dire
à plusieurs observateurs (Küllicer, Budin), que l’hymen représentait lex-
trémité inférieure du vagin saillante dans le vestibule. Il importe de faire
remarquer que bien que la saillie hyméniale soit en continuité avec toute
l'épaisseur des parois du vagin, on trouve dans la constitution de ces parties
des différences structurales assez sensibles. Nous nous contenterons d’in-
diquer ici que l’hymen est entièrement dépourvu de fibres musculaires
lisses.
SÉANCE DU 15 MARS. 153
Lorsque la fusion des extrémités inférieures des conduits de Müller ne
s’est pas opérée, la saillie hyméniale présente deux orifices, donnant accès
dans une cavité vaginale unique.
L'étude comparative du. développement du sinus urogénital dans les
deux sexes prouve que la saillie hyméniale de la femme répond entièrement
au verumontanum du canal de l’urèthre chez l’homme.
OBSERVATION RELATIVE A UNE NOTE DE M. BOCHEFONTAINE SUR L'ACTION
PHYSIOLOGIQUE DU POISON DES Moïs, par M. HENNEGuY (1).
Dans son intéressante communication sur le poison des Moïs, faite dans
la dernière séance de la Société, M. Bochefontaine a établi que cette
substance est un poison cardiaque, qui arrête le cœur en systole avant l’abo-
lition des mouvements spontanés. Je désire rappeler que, déjà en 1875,
j'avais fait connaître les propriétés physiologiques du poison des Moïs (2).
Ce poison m'avait été remis par M. le professeur Rouget, qui le tenait lui-
même de M. Mothe, chirurgien de marine. J’ai expérimenté cette substance.
non seulement sur des grenouilles, mais aussi sur des pigeons et de jeunes
chats. Dans tous les cas, j'ai vu les mouvements volontaires persister chez
les animaux à sang chaud, jusqu’au moment de la mort, qui arrive brus-
quement au milieu d’une syncope. Les battements du cœur étaient d’abord
très accélérés, puis il se produisait, quelques minutes avant la mort, un
véritable tétanos du cœur, les ventricules étant fortement contractés et les
oreillettes distendues. Chez ces mêmes animaux, j'avais constaté quelques
mouvements convulsifs vers la fin de l’empoisonnement.
Mes expériences sur les grenouilles m’avaient montré que les mouvements
volontaires ne disparaissaient que quelque temps après l’arrêt définitif du
cœur et que les différents systèmes perdaient ensuite leurs propriétés
comme dans la mort naturelle, seulement la contractilité musculaire s’étei-
gnait rapidement.
Je suis heureux que les expériences de M. Bochefontaine viennent con-
firmer les résultats auxquels j'étais arrivé moi-même il y a quelques années.
(1) Communication faite à la séance du 8 mars 1884.
(2) Étude physiologique sur l’action des poisons, p. 156 et suivantes. Mont-
pellier, 1875.
BOURLOTON, — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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157
SÉANCE DU 22 MARS 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
NOTE RELATIVE A QUELQUES EXPÉRIENCES SUR LA PARALDÉHYDE, à propos du
procès-verbal, présentée par M. BocHEFONTAINE.
Dans la dernière séance, à l’occasion de la communication de M. Hé-
nocque et des remarques de M. Quinquaud sur la paraldéhyde, j'ai men-
tionné les résultats généraux de quelques expériences faites sur la demande
de M. Vulpian dans son laboratoire. La Semaine médicale, en donnant son
résumé des Comptes rendus de la Société, m'attribue à tort cette recherche,
qui appartient à M. Vulpian, et en même temps elle change le sens des
remarques que j'ai faites.
Sans revenir autrement sur ce sujet, qui fera sans doute l’objet d’un tra-
vail de M. Vulpian, je suis autorisé à dire que les effets physiologiques de
la paraldéhyde sont notablement moins marqués que ceux du chloral,
puisque le lapin, qui ne résiste pas toujours à 1 gramme de chloral
hydraté, résiste fort bien à 3 grammes de paraldéhyde.
D'autre part, M. Vulpian m’a prié de répéter avec la paraldéhyde les
expériences de M. Brown-Séquard et les siennes avec le chloral introduit
dans l'oreille du lapin. Ces expériences n'ont donné aucun résultat même
après lintroduction de 3 centimètres cubes de paraldéhyde pure dans
l'oreille du lapin.
M. Mercié, à propos de la note déposée par M. Gellé sur l’électrolyse de
la trompe d’Eustache, adresse la lettre suivante :
Paris, 18 mars 1884.
Monsieur le Président, je lis dans les Comptes rendus de la Société de
biologie, séance du 16 mars, une Note de M. le docteur Gellé sur l'emploi
de l’électrolyse dans les rétrécissements de la trompe d’'Eustache au sujet de
la communication que nous avons faite à l'Académie de médecine le
1limars. Je dois vous dire que ce mode de traitement est employé depuis
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. Lt, N° 12. 13
158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
———________—_____—__——_—__———_—_———@
un certain temps à la clinique du docteur Garrigou-Desarène:. Nous en
avons déjà parlé, après quelques expériences, dans la Revue de thérapeu-
tique médico-chirurgicale du 1% octobre 1882 et dans le journal le Pra-
ticien, 4 décembre 1882.
Nous n’en avons fait l’objet d’une communication à l’Académie de méde-
cine qu'après avoir pendant longtemps, près de deux ans, expérimenté ce
nouveau mode de traitement sur un grand nombre de malades de la cli-
nique et avoir pu en juger les excellents résultats.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.
J. MERGIÉ,
chef de la clinique otologique du docteur Garrigou-Desarènes.
— M. GELLÉ répond qu'il n’a nullement entendu soulever une question
de priorité, mais montrer qu'il n’a pas été inspiré par la Note présentée par
M. Mercié.
— M. Marassez présente un livre de M. Laveran sur les Fièvres inter-
mittentes, en insistant sur la valeur des recherches de l’auteur relatives à
la nature parasitaire de la malaria.
CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DU CHLOROFORME ET DU CHLORURE DE MÉTHY-
LÈNE (GH?C?), SOUS LE RAPPORT PHYSIOLOGIQUE, par MM. J. ReNAuLD
et VILLEJEAN. | ù
Dans un mémoire intitulé : Recherches pharmacologiques sur le chlorure
de méthylène (4), nous avons démontré que le produit livré sous ce nom
aux chirurgiens est souvent, sinon toujours, un simple mélange de chloro-
forme et d'alcool méthylique. Il est inutile de revenir sur les essais analy-
tiques qui nous ont permis d'établir ce résultat curieux.
Nous avons dû, pour l’appuyer sur des preuves irrécusables, comparer
les matières suspectes au chlorure de méthylène GH°CFE préparé et purifié
complètement par nous-mêmes à l’aide d’un procédé décrit dans notre pre-
mier travail.
Après de longues et laborieuses manipulations, le chlorure de méthylène
absolument pur a été recueilli en quantité suffisante pour nous permettre
de comparer les propriétés anesthésiques de cet agent à celles du chloro-
forme. Mais avant de nous soumettre à ces inhalations ou de les appliquer à
des anesthésies chirurgicales, il nous a semblé prudent de tenter quelques
essais sur les animaux. Le résumé succinct de nos observations montre
(1) Bulletin de l'Académie de médecine, 2° série, t. XIE, p. 568.
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SÉANCE DU 22 MARS. 159
surabondamment la convenance et même la nécessité de cette mesure
préventive.
L'installation provisoire de notre laboratoire ne permettant pas d'opérer
sur de grands animaux, nous avons dû recourir successivement à l’obligeance
de MM. les professeurs Vulpian, Paul Bert et en dernier lieu de M. le doc-
teur Laborde, chef des travaux physiologiques à la Faculté de médecine.
C’est grâce à l’hospitalité de ces savants que nous avons pu entreprendre
ces travaux et que nous avons l’espoir de les mener à leur terme.
Nos inhalations de chloroforme et de chlorure de méthylène ont été
presque exclusivement pratiquées sur des chiens, au moyen de l’appareil
de Junker recommandé par M. Spencer Wells(1) dans l’administration du
chlorure de méthylène pendant l’ovariotomie. Une seule fois nous avons
mis à profit, pour le chlorure de méthylène GH°CF, les gazomètres usités
par M. P. Bert pour le titrage de l’air et des vapeurs du chloroforme. Mais
la consommation du produit est tellement grande dans ce système, quand
on veut étudier la série entière des phénomènes anesthésiques, depuis le
début jusqu’au refroidissement et à la mort de l’animal, que notre provision
épuisée en une seule séance nous a obligés à renoncer temporairement à
ces intéressants essais.
La relation minutiéuse de nos observations sera exposée dans un mé-
moire étendu. Comme il s’agit, quant à présent, d'établir des faits nouveaux
constatés d’une façon irrécusable, nous nous bornerons à citer le nombre
des expériences et à noter la succession régulière des phénomènes ob-
servés pendant et après l’inhalation du chloroforme et du chlorure de mé-
thylène.
La marche de l’anesthésie provoquée par le chloroforme s'étant montrée
entièrement conforme aux descriptions classiques, nous n’avons exécuté
que cinq expériences. Points de repère utiles pour enregistrer les modifi-
cations physiologiques produites sur les mêmes réactifs vivants par un agent
appliqué à l’aide d'appareils absolument identiques.
Nos chiens étaient de forte taille (poids : 15 à 20 kilogrammes), bien
portants, vigoureux. En négligeant des différences insignifiantes dans la
durée des phases, le chloroforme a donné lieu dans nos cinq expériences aux
observations suivantes :
Marche générale avec le chloroforme. — Après 1/2 minute d’inhalation
au moyen de l'appareil de Junker, début de l'agitation.
1 m.— Agitation, dilatation pupillaire atteignant rapidement le maxi-
num.
4 m. 1/2. — Abolition du réflexe cornéen et presque simultanément du
réflexe palpébral.
2 m. 1/2. — Anesthésie générale et résolution complète. Les mouve-
(1) Spencer Wells, trad. P. Rodet (1883), p. 222.
160 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ments respiratoires et les battements du cœur ne sont pas sensiblemen
modifiés. j
L'inhalation est continuée pendant 4/2 minute ; persistance des mêmes
phénomènes, cessation de l’inhalation.
L'animal insensible, immobile et dans un état de résolution, est détaché
et mis en liberté.
11 m. après le début des inhalations. — Période de retour ; léger cligne-
ment des paupières, salivation abondante.
13 m. — L'animal couché fait quelques tentatives pour se redresser ; état
d’ébriété, titubation.
Aucune trace de contracture dans les mâchoires, ni dans le cou. Aucun
mouvement clonique dans le train antérieur ou dans le train postérieur.
Peu à peu, les symptômes d’ébriété et la titubation diminuent.
15 m. — Retour presque complet à l’état normal, l’animal obéit à l’appel
de son gardien.
Marche générale avec le chlorure de méthylène GH?CE. — Quinze expé-
riences réalisées avec le chlorure de méthylène pur ont fourni des résultats
dont le tableau suivant peut être considéré comme le résumé exact et
typique.
Les seules différences méritant d’être notées ne portent nullement sur
la nature des phénomènes, elles touchent seulement à la rapidité plus ou
moins grande de leur apparition et de leur durée. Ces dernières conditions
paraissent influencées, non par l’impression de l’agent anesthésique lui-
même, mais par la dose plus ou moins grande absorbée par l’animal suivant
l'énergie et la fréquence de ses mouvements respiratoires ou de {a propulsion
produite à l’aide des sphères de caoutchouc annexées à l’inhalateur.
Après 1/2 minute d'inhalation. — Début de l'agitation; le chien pousse
de légers cris.
4 m. 1/2. — Milatation purs commencement d'insensibilité cor-
néenne ; nystagmus.
2 m. — Abolition des réflexes cornéens et palpébraux ; insensibilité géné-
rale ; nystagmus persistant.
3 m.— Mouvements cloniques, simulant la marche ou mieux la natation !
les quatre membres et la queue elle-même y prennent part.
4 m.— Les mêmes phénomènes continuent ; fin de l’inhalation. L'animal
est détaché et abandonné à lui-même. Malgré l’insensibilité, les mouvements
cloniques dans les muscles des membres, de la face, de la région pré-
pharyngienne et même du diaphragme continuent.
6 m. — Commencement de la période de retour ; le réflexe cornéen repa-
rail; contracture persistante des màchoires; l’anesthésie n’a pas cessé.
1m. — Attaque épileptiforme ou choréiforme.
9 m.— Le chien présente encore de la contracture, surtout dans les
muscles des mächoires et dans ceux du cou.
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SÉANCE DU 22 MARS. 461
41 m.— Les phénomènes diminuent d'intensité. L'animal essaye de se
redresser, mais ses pattes s’arc-boutent à peu près comme dans l’intoxication
strychnique.
20 m. — Contracture des muscles de la nuque.
29 m. — L'animal ne peut encore ouvrir les mâchoires; il est atteint
d’un strabismé convergent.
29 à 30 m. — Les symptômes d'intoxication diminuent jusqu’au retour
presque complet de l’état normal. Cependant, après ce temps, le chien, dont
les mâchoires peuvent être desserrées, tient obstinément la tête baissée, ne
répond pas à l’appel de son gardien et semble sous l'influence d’une sorte
d'hallucination.
Telest, avec de légères variantes, le tableau que nous ont offert Les chiens
dans les quinze expériences d’inhalation pratiquées avec le chlorure de
méthylène.
La comparaison de ces phénomènes avec ceux que présentent les mêmes
animaux chloroformisés manifeste un contraste frappant dans l’ensemble
des symptômes autres que l’insensibilité.
Tandis que l'influence du chloroforme amène avec l’anesthésie générale
un état de résolution précieux à tous les points de vue pour les applications
de cet agent aux opérations chirurgicales, le chlorure de méthylène pro-
duit au contraire un état de contracture permanent ou temporaire, ressem-
blant par moments à du tétanos alternant avec des crises épileptiformes ou
choréiques.
L'ensemble des symptômes est tellement inquiétant, que nous avons re-
douté la mort des chiens, en poussant l’inhalation assez loin pour voir si,
en augmentant les doses, nous arriverions au terme des mouvements désor-
donnés et à la résolution.
Dans les cas où nous avons tenté ces essais, les troubles cardiaques et la
suspension des mouvements respiratoires conduisent le chien à un point si
rapproché de la mort, que nous avons été obligés, sans que la contracture
cessät, de rappeler les mouvements respiratoires par la respiration artifi-
cielle et même par l’emploi des courants faradiques.
Sans entrer ici dans des développements qui trouveront place dans un
travail complet sur les anesthésiques dérivés du méthane €H, nous croyons
devoir ajouter que des résultats différentiels entre le chloroforme et le
chlorure de méthylène, résultats absolument concordants, ont été observés
par nous sur divers animaux (grenouilles, lapins). Pour les premières,
les expériences ont été faites tantôt par l'immersion dans l’eau chloroformée
diluée, suivant la méthode de CI. Bernard, ou par la diffusion des vapeurs
de chloroforme (ou de chlorure de méthylène) dans une vaste cloche pleine
. d'air.
Si nous faisons pour un instant un retour vers l’origine de ce travail,
nous ajouterons que des expériences nombreuses, exécutées au moyen de
162 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l'appareil de Junker et des gazomètres à titrage de M. P. Bert, prouvent
que le prétendu chlorure de méthylène d’origine anglaise et le mé-
lange synthétique de chloroforme et d'alcool méthylique dont nous avons
donné la composition, agissent sur les animaux exactement comme le chlo-
roforme et diffèrent autant du composé GH°C par leurs propriétés physio-
logiques que par leurs caractères physiques et leur constitution chimique.
En résumé, nous tirons de ces recherches les conclusions suivantes :
1° Les chlorures de méthylène que nous avons étudiés et qui ont été livrés
par l’industrie aux chirurgiens n’ont de commun que le nom avec le corps
CH°CP; ce sont de simples mélanges empruntant leurs propriétés au chlo-
roforme seul.
2° L’action physiologique du chlorure de méthylène GC est différente
de celle du chloroforme. Dans l’ensemble symptomatique, ces deux corps
ne se ressemblent que par la production de l’insensibilité.
9° Les symptômes résultant de l’inhalation du chlorure de méthylène
GH°CE (contracture, mouvements cloniques, crises épileptiformes, cho-
réiques), sont constants et de nature si effrayante, qu’il est impossible de
penser à employer cet agent dans la thérapeutique chirurgicale.
4° Tandis que le chloroforme, en même temps qu’il anesthésie, pro-
duif, comme phénomène concomitant, une résolution musculaire aussi
précieuse pour les opérations que rassurante pour le chirurgien, les mou-
vements désordonnés qui accompagnent et suivent l'anesthésie méthylénique
constituent un obstacle matériel et moral à son emploi.
9° En présence de ces faits, n’est-il pas permis de se demander si jamais
le chlorure de méthylène €H2CP a été administré en chirurgie.
SUR LA DISTRIBUTION DE L'URÉE DANS LE SANG, par MM. GRÉHANT
et QUINQUAUD.
Nous avons cherché à déterminer avec exactitude s’il existe dans le sang, .
pris en divers points de l'appareil circulatoire, quelque différence quant au
contenu de l’urée et s’il est possible de démontrer directement où se forme.
cetle substance; cette démonstration est fort importante à faire, puisque
Hoppe Seyler a pu écrire récemment : « ni le lieu, ni le mode de formation
de l’urée ne sont encore déterminés avec une précision suffisante. »
Nous avons l'honneur de communiquer à la Société de biologie les pre-
miers résultats que nous avons obtenus. Nous nous sommes attachés tout
d'abord à recueillir chez l'animal vivant le sang des veines sus-hépatiques
qui a circulé dans le foie, dans l'intestin et dans plusieurs viscères abdo-
minaux, notamment dans la rate.
Le procédé que nous avons employé pour obtenir le sang des veines sus-.
hépatiques est celui de Claude Bernard légèrement modifié : on introduit
par la veine jugulaire gauche jusque dans la veine cave inférieure, une
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SÉANCE DU 22 MARS. 163
longue sonde en étain, dont le pavillon est fermé par un tube de caoutchouc
et une baguette de verre; pour s'assurer que la sonde a bien pénétré dans
la veine cave inférieure, on fait une incision immédiatement au-dessous des
fausses côtes à droite ; en insinuant le doigt entre le rein droit et le foie on
tombe sur la veine et on sent l’extrémité de la sonde. On aspire alors au
niveau de la veine jugulaire à l’aide d’une seringue après avoir comprimé
la veine cave inférieure; le sang ne pénètre pas dans la seringue, parce
que la paroi de la veine s’applique contre l’ouverture latérale de la sonde;
on retire peu à peu celle-ci et il arrive un moment où le sang se précipite
instantanément dans la seringue; ce fait coïncide avec le moment où l’ex-
trémité de la sonde arrive en face des veines sus-hépatiques ; le sang aspiré
est injecté dans un flacon à l’émeri, qui a été taré, il est défibriné par
l'agitation, pesé et additionné d’une quantité d'alcool double de son poids.
On prend ensuite dans un second vaisseau, dans l'artère carotide, par
exemple, un autre échantillon de sang, qui servira à fournir un terme de
comparaison.
Nous n'avons pas besoin de décrire ici le procédé de dosage de l’urée de
Gréhant par l’acide azoteux et la pompe à mercure, nous ferons remarquer
seulement que le sang coagulé par l’alcooi depuis vingt-quatre heures au
moirs est filtré sur un morceau de loile de lin, est soumis à la presse, et que
l'extrait alcoolique évaporé au bain-marie repris par l’eau est introduit
directement dans l’appareil à réaction. Nous avons reconnu qu'il est néces-
saire de faire parvenir par aspiration dans cet appareil, non seulement la
solution, mais les parcelles solides détachées du fond de la capsule et qui
retiennent un peu d’urée. Les volumes de gaz corrigés exprimés en centi-
mètres cubes donnent 2"»r,683 d’urée par centimètre cube d’acide car-
bonique.
Voici les premiers résultats rapportés tous à 100 grammes de sang que
nous avons obtenus chez des chiens :
Milligrammes.
PAreremiemonale. PE EE ST NS NET 33 d'urée
Veine fémorale........ Pr le DS EN Me 91 ——
Veine jugulaire, bout périphérique. ...... 31 —
Ne CAVEISUDETIEULE A PACE EIRE +. 99 —
IPAPATETENCATO Ne EN ECINMORNECENERREEE 92 —
Veines sus-hépatiques........1.:.,..2139. .. 59 —
PAT er er tarde 0 RE ReC RER 9830 —
Veine splénique.......... LÉRÉR OC: 91,1 =
Veines sus-hépatiques....... DRE OURE .. 99,1 =
HR Ariére CALE. Le 220 tetes SRE 57 =
Veines sus-hépatiques........... CSS 66 —
V-OWATIELE Carotide., :.:.. Se A CE re be 40 —
Veimes sus-hépatiques:.4. 2, 070000 44 —
VI. Artère carotide..... PR PE Ne Eu A PA ES 92,4 —
Vemesteushépatiques. #0 0000 s. 140,201 —
Veine splémiquenr. Ame ... 99,4 =
164 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
—————————_—_———__]__]——]_]_]—_——
De ces résultats qui ont été constants nous pouvons conclure : 4° que le
sang qui revient des membres ou de la tête contient autant d’urée que le
sang artériel qui se rend dans ces organes, d’où il suit que l’urée qui se
forme peut-être à la périphérie est amenée probablement par la lymphe au
centre circulatoire ; 2 que le sang qui a circulé à travers la rate et lé foie
est toujours plus riche en urée que le sang artériel, et la différence est
encore plus marquée chez l'animal en digestion que chez l'animal à jeun ;
elle peut s'élever à 9 milligrammes (expérience IV) dans 100 centimètres
cubes de sang. Une pareille différence est loin d’être négligeable, en effet,
si nous supposons que 100 grammes de sang sortent du foie en une minute
et emportent 9 milligrammes d’urée en plus, cela ferait 540 milligrammes
en une heure ou 13 grammes en vingt-quatre heures. Si le poids d’urée
déversé par le sang des veinessus-hépatiques en une minute était, comme dans
l'expérience IT (animal à jeun), égale à 3 milligrammes, 100 grammes de
sang donneraient en mille quatre cent quarante minutes ou vingt-quatre
heures 45,32 d’urée.
Nos recherches, qui ont été faites au Muséum d'histoire naturelle dans le
laboratoire de physiologie générale, dirigé par M. le professeur Rouget,
démontrent done qu'à l’état physiologique l’urée se forme en certaine
quantité dans les viscères abdominaux. ï
NOTE SUR LES CONDITIONS DE LA VIE DANS LES PROFONDEURS DE LA MER
par M. P. REGNaRD.
L'observation faite par les naturalistes de quelque nouveau phénomène
entraîne logiquement un certain nombre de recherches de laboratoire,
d'expériences s’y rapportant.
Tout le monde aujourd’hui est frappé des merveilleuses découvertes
faites par les membres de la commission des dragages; ils ont donné la
preuve qu’à des profondeurs où la vie ne semblait pas pouvoir exister, elle
était représentée par des types singuliers, mais en réalité fort nombreux.
Le physiologiste n’a donc plus à rechercher si, sous ces pressions
énormes de plus de 600 atmosphères que supporte le fond de l'Océan, la
vie existe; il doit maintenant essayer de déterminer dans quelles conditions
elle peut se produire.
En lisant les comptes rendus destravaux de la Commission du Talisman
on est frappé de ce fait, que la faune abyssale est totalement différente de la
faune de la surface; qu’il n’y a pas mélange, que jamais les animaux du
fond ne viennent en haut, que jamais les animaux de la surface ne se ren-
contrent profondément.
Il y à pourtant une zone d'environ 2500 à 3000 mètres dans laquelle les
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* SÉANCE DU 22 MARS. 165
animaux de la surface peuvent pénétrer, mais ils ne sauraient aller beau-
coup plus bas. |
Le premier problème qui s'impose donc à l’expérimentation est de
rechercher la cause de ce fait.
Pour y arriver, nous nous sommes servis de l’ingénieuse pompe dont se
sert M. Cailletet pour la liquéfaction des gaz. On sait que cet appareil
permet d'obtenir dans un milieu purement aquatique des pressions de plus
de 1000 atmosphères, correspondant par conséquent à des fonds d'environ
12 000 mètres. C’est beaucoup plus qu’il n’est besoin.
Notre intention était de ne faire connaître nos résultats qu'après qu’ils for-
meraient un corps de doctrine complet. Mais, M. Certes, dans la dernière
séance de l’Académie des sciences, ayant annoncé qu'il allait se servir de la
même méthode pour l’étude des fermentations, force nous est de prendre
date aujourd’hui, puisque nous avons trouvé depuis plusieurs semaines une
partie de ce qu'il se propose de rechercher.
Il est évident que nous nous sommes adressé tout d’abord aux ‘êtres les
plus simples, aux ferments.
Les animaux qui existent au fond de la mer présentent tous les phéno-
mèênes de la vie, il était évident qu'en eux les ferments solubles devaient ne
pas agir comme chez ceux de la surface. Nous avons pu constater qu’à une
pression de 1000 atmosphères, la salive continuait à transformer l’amidon
en sucre. | |
Mais en serait-il de même des ferments figurés? Nous avons tout d’abord
placé de la levure de bière à une pression de 1000 atmosphères pendant
une heure, puis nous l’avons mise en contact avec de l’eau sucrée dans les
conditions voulues. Elle a été longue à commencer la fermentation, elle
était comme endormie, mais elle a néanmoins fourni cette fermentation.
Notre appareil enregistreur nous a permis de voir que cette fermentation
était très ralentie.
Dans une deuxième série d’expériences nous avons placé de la levure
dans de l’eau sucrée à une pression de 600 atmosphères dans les conditions
abyssales.
Un témoin était placé à côté. Au bout d’une demi-heure le témoin était
en pleine fermentation. Au bout de sept heures la levure enfermée dans
l'appareil n'avait encore fourni aucune trace d'alcool. Mais retirée de l’ap-
pareil, elle se réveilla en quelque sorte et la fermentation se mit en train.
Le résultat est assez d'accord avec l'observation des membres de la Com-
mission du Talisman, qui n’ont jamais ramené de substances putréfiées du
fond de la mer.
Les infusoires vivant à la surface des eaux ont été placés par nous à
600 atmosphères. Nous avons pris pour cela un tube plein d’eau croupie,
absolument remplie de ces êtres.
Après une demi-heure de ce traitement, les infusoires nous ont semblé
endormis, ralentis dans leurs mouvements, mais tous étaient vivants.
166 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ro
Les mollusques ont des mouvements si obscurs, que sur eux observation
devient très difficile; néanmoins nous avons pu voir qu'à 600 atmosphères
ils ne perdaient pas toute vitalité ; ils tombent dans une sorte de vie iatente,
qui persiste plusieurs heures après qu’on les a retirés de l'appareil. Puis
ils se réveillent et ne semblent plus autrement incommodés.
Les annélides nous ont présenté le même phénomène, mais avec une
intensité très grande.
Nous avons mis une sangsue sous 600 atmosphères. Elle est sortie de
l'appareil rétractée et en état de mort apparente. Au bout de deux heures,
elle faisait quelques mouvements. Le lendemain elle était réveillée et très
vivante.
La même chose se voit sur les crustacés. Nous mettons dans notre appa-
reil des gammarus, des daphnies, des cypris, des écrevisses même. Puis
nous foulons 600 atmosphères.
Les animaux tombent instantanément endormis. Miel retirés du tube, ils
se réveillent après quelques minutes et reprennent tous leurs mouvements.
Il semblerait donc que la pression intense a amené chez eux la vie latente,
qui cesserait dès que les conditions seraient devenues normales.
Si de ces animaux inférieurs nous passons aux poissons, tout s’accentue.
Il faut, bien entendu, éliminer route action de la vessie natatoire. Sinon
les gaz de cette vessie se dissolvent dans le sang, et au moment de la
décompression amènent la mort du poisson par leur dégagement subit dans
les vaisseaux. La chose est facile à voir, on trouve alors le cœur rempli de
gaz.
Prenons done un eyprin doré, dont nous avons vidé la vessie en le
plaçant une minute sous la cloche d’une machine pneumatique.
Mettons-le ensuite sous 100 atmosphères (1000 mètres environ), il en
sort sans le moindre accident. A 200 atmosphères il sort comme endormi,
mais il se remet. À 300 atmosphères il est mort. À 400 atmosphères il est
mort et absolument rigide.
Cette expérience nous donne l'explication de la zone où, dans l'Océan,
les poissons de la surface peuvent se rendre, où le mélange des faunes peut
en quelque sorte avoir lieu.
C’est en effet entre la surface et une limite de 2500 à 3000 mètres que les
poissons que nous pêchons d'ordinaire se rencontrent en abondance.
Ce qui est le plus frappant dans notre expérience, c’est cette rigidité
considérable de l’animal qui a été porté à 400 atmosphères.
C’est probablement là qu’est l’explication de sa mort.
Pour bien étudier ce phénomène, nous avons pris des animaux sur
lesquels il est plus facile d’expérimenter que sur les poissons. Nous nous
sommes servis de grenouilles, dont nous avions soigneusement vidé les
poumons sous la machine pneumatique.
Sur ces animaux nous avons retrouvé les mêmes phénomènes que sur les
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2
SÉANCE DU 22 MARS. 167
poissons, nous avons de plus enregistré la contraction du muscle et noté
son excitabilité.
À 100 atmosphères le muscle semblait à peine atteint, sa contraction et
son excitabilité étaient presque normales. |
A 200 atmosphères le muscle avait déjà perdu de son exeitabilité, la
contraction était plus lente, plus durable, mais moins énergique.
À 300 atmosphères c’est à peine si le muscle se montrait excitable. Le
tracé de la contraction est à peine saillant.
À 400 atmosphères plus rien, le muscle est absolument rigide et inexci-
table, tellement dur qu’on casse plutôt animal en deux que de faire plier
une articulation. 4
En analysant ce phénomène, on voit qu'en devenant rigide le muscle a
augmenté de poids : des cuisses de grenouille, qui avant d'entrer dans l’ap-
pareil pesaient 15 grammes, pesaient 17 grammes en en sortant et après y
avoir séjourné dix minutes.
Une grenouille témoin placée dans un vase d’eau à côté n’avait nullement
changé de poids. Il semblerait done que sous l'influence de l'énorme
pression de 400 à 600 atmosphères l’eau pénètre subitement dans les tissus
et devienne une sorte de poison pour le muscle devenu dès lors rigide
et inexcitable.”
Il y aurait là quelque chose de comparable à l’action de l’oxygène, qui,
sans action à la pression normale, devient un poison tétanisant à la pression
de 7 à 8 atmosphères.
La pression semble avoir aussi une certaine influence sur la circulation.
Quand on met un poisson à la pression de 600 atmosphères, ne füt-ce qu’une
minute, on trouve son cœur arrêté et la circulation totalement suspendue.
En recherchant sous le microscope la circulation de la patte d’une gre-
nouille ainsi comprimée, on voit tous les globules tassés, arrêtés, immobiles.
Cet effet est-il le résultat de la contracture musculaire excessive qui com-
primerait tous les vaisseaux ?
Peut-être est-ce une action propre sur le muscle cardiaque.
Quand on n’a pas pris soin de bien vider la vessie natatoire, nous l’avons
déjà dit, on trouve le cœur et les branchies remplis de bulles gazeuses.
C'est qu’alors en effet les gaz de la vessie, sous l’action &e l’énorme pres-
sion qu’ils subissent, se dissolvent dans le sang, et, au moment de la décom-
pression, se dégagent subitement, de manière à former cette mousse sanguine
que l’on observe dans la maladie des plongeurs (Paul Bert).
Nous avons voulu étendre notre étude sur la vie abyssale aux végétaux
eux-mêmes. Nous avons soumis à une pression de 600 atmosphères des
algues d’eau douce pendant plusieurs heures. A la sortie de l'appareil elles
ont été mises au soleil et elles ont continué à décomposer l'acide carbo-
nique et à former de l'oxygène. Mais quelques jours après elles étaient
jaunes, mortes et tombaient en décomposition.
Des graines de cresson alénois, portées à 1000 atmosphères pendant dix
168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
minutes, sont sorties de l'appareil gonflées d’eau. Semées dans un pot, elles
n’ont commencé à germer qu'au bout d'une semaine, tandis que dès le
troisième jour les graines témoins germaient activement.
Nous continuons au Havre ces expériences sur les végétaux, non plus au
point de vue de la pression, mais au point de vue de la lumière. Des ballons
remplis d'algues sont suspendus à diverses hauteurs à une chaîne retenue
par une ancre et une bouée. Dans ces ballons sont placées des algues dé-
composant l’acide carbonique ou des graines germant. Les expériences de
Soret, démontrant que c’est le rouge du spectre qui est absorbé par l’eau, et
d'autre part les recherches de M. Paul Bert et les nôtres démontrant que ce
sont les rayons rouges qui sont utiles pour la fabrication de la chlorophylle,
il est probable que nous allons trouver là la cause de l’absence des végétaux
dans les régions abvssales. Nous nous contentons de prendre date au-
Jourd’hui pour cette recherche.
En résumé, chez les plantes et les animaux inférieurs, jusqu’à ceux qui ont
du sang rouge, l'excès de pression amène une sorte de vie latente résultant
probablement de la pénétration d'une certaine quantité d’eau dans les tissus.
Chez les animaux aquatiques supérieurs, la mort est amenée par la tétani-
sation du musele sous l'influence d’une pénétration d’eau. Chez les animaux
qui vivent normalement au fond des abîmes, les tissus doivent être modifiés
définitivement par l’accoutumance lentement acquise, et la mort doit être
instantanée quand on les ramène à la surface par un mécanisme exactement
inverse de celui que nous avons étudié. C’est en effet ce qui résulterait des
observations des membres de la Commission du Talisman, puisque ces
savants affirment n'avoir jamais eu un poisson des profondeurs vivant, et
puisque en arrivant à la surface les tissus de ces animaux leur ont apparu.
mous, friables et par conséquent dans un état exactement inverse de celui
que nous avons obtenu par la pression.
NOTE SUR LE JÉQUIRITY, par M. E. Harpy.
La substance qui se précipite quand on traite les graines de jéquirily
par l’eau et que l’on ajoute de l'alcool, est une matière blanche qu'il est
difficile d'obtenir pureet complètement exempte de produits étrangers. Ilest
particulièrement difficile de la séparer d’une matière qui se colore par
l'iode, probablement de la dextrine.
La solution se trouble par la chaleur, ce qui la rapproche des matières
albuminoïdes. Elle agit énergiquement sur la conjonctive de l’œil d’un
lapin et produit une inflammation intense. Portée à l’ébullition un temps
suffisant, elle perd cette propriété et devient inactive.
Elle se dédouble sous l'influence de l’acide sulfurique en donnant de la
glucose et une substance qui précipite par les réactifs des alcaloïdes. Cette
dernière réaction peut s'expliquer par la formation de peptones, qui se pro-"
4
à
tes. 27 2722
SÉANCE DU 22 MARS. 169
duisent pendant l’ébullition avec l’acide. On s’en assure en ajoutant de la
potasse et du sulfate de cuivre, on obtient la réaction dite du biuret, carac-
téristique des peptones. La présence du sucre s’explique par la transfor-
mation de la dextrine.
La matière active contenue dans [a graine de jéquirity a done quelques-
uns des caractères des ferments non figurés, comme l’a déjà dit M. Wan-
nemar, mais pour être sûr que ce soit un ferment, il resterait encore à
déterminer et à isoler la substance qu'il serait apte à dédoubler.
NOTE SUR L'ÉTAT DE FASCINATION DANS LA SÉRIE HYPNOTIQUE,
par M. P. BRÉMAUD.
Dans de précédentes communications sur cet état de fascination, le pre-
mier de la série hypnotique, j'ai fait remarquer que cet état n'avait point
été obtenu sur les femmes hystériques hypnotisables, leur système nerveux,
probablement trop impressionnable pour la fixation de l’état initial, les
amenant d'emblée à l’état cataleptique, plus avancé dans la série.
Continuant mes recherches à ce sujet, je constate que, sur des femmes en
excellent état apparent de santé et hypnotisables, l’état de fascination, carac-
térisé par la dilatation pupillaire, l'élévation du pouls, la parésie de la
volonté, l’imitation automatique ne peut être établi; l’état provoqué d’em-
blée sur toutes étant la catalepsie avec sa symptomatologie habituelle.
En ce qui concerne l’état de fascination développé sur des sujets mascu-
lins, les signes caractéristiques sont d'autant plus nets et plus tranchés, que
la provocation première de l’état est plus récente; quand les expériences
sont multipliées, à mesure que l’impressionnabilité du sujet s'accroît, la
période de fascination disparaît graduellement, puis finit par ne plus appa-
raître ; l’état qui s'établit d'emblée est la catalepsie.
Les sujets sur lesquels j’expérimente depuis plusieurs mois, ne peuvent
plus être fixés dans l’état initial, et voici ce qui s’est passé pour tous sans
exception. À un moment donné, étant en fascination depuis une ou deux
minutes, et en pleine période d'imitation par gestes ou paroles, ils s’arrê-
tent brusquement, le pouls redevient à peu près normal, l’état cataleptique
s’est établi instantanément.
Aux expériences subséquentes la fascination s'établit encore, mais pour
un laps de temps de plus en plus court, jusqu’au moment où la catalepsie
s'établit nettement d'emblée. La léthargie et le somnambulisme peuvent
être déterminés chez les mêmes sujets.
170 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE SUR LES CONDITIONS FAVORABLES À LA PRODUCTION DE L'HYPNOTISME,
par M. P. Brémaun.
L’hypnotisme, dans ses différentsstades, peut être facilement provoqué sur
un si grand nombre de sujets sains, etla connaissance des éléments qui'cau-
sent l’impressionnabilité à l’hypnotisme estsi imparfaite, qu’il n’est pas sans
intérêt d'établir les influences de diverses natures qui augmentent ou dimi-
nuent la résistance du système nerveux à l’action des agents hypnogènes.
À ce titre les observations suivantes peuvent avoir un certain intérêt.
Deux jeunes gens, l’un de vingt et un, l’autre de vingt-cinq ans, étaient,
en décembre 1883, hypnotisables avec la plus grande facilité et présentaient la
série complète : fascination, catalepsie, léthargie, somnambulisme. Ils se pré-
taient facilement aux expériences les plus diverses, un peu honteux cepen-
dant de ce qu’ils regardaient comme une infirmité. Interrogés sur leur ma-
nière de vivre, ils avouaient facilement un usage quotidien et exagéré de
boissons alcooliques et surtout d’absinthe. Effrayés bientôt de leur grande
susceptibilité hypnotique et désireux de s’en guérir, ils s’abstinrent sur
mes conseils, sinon de toute liqueur alcoolique, du moins d’absinthe, e
prirent des habitudes plus sobres. Examinés, en février 1884, toutes les
tentatives d’'hypnotisation, pratiquées plusieurs Jours de suite, ont échoué à
leur grand contentement.
Il est difficile de ne pas en conclure à une action de l’alcool sur la facilité
de production des phénomènes hypnotiques.
L’expérience serait plus concluante si l’hypnotisme réapparaissait après
la reprise des habitudes alcooliques, et les deux jeunes gens dont il est
question offrirent spontanément de refaire en ce sens particulier une expé-
rience que je n'ai pu approuver du reste. L'influence alcoolique n’est pas la
seule que j'ai pu constater. Un jeune homme de vingt-cinq ans, se prêtan
pour la première fois à mes expériences, fut promptement hypnotisé, et
passa par les états de fascination, catalepsie et léthargie, sans que le som-
nambulisme ait pu être provoqué.
Le surlendemain et les jours suivants, pendant une semaine, toutes les
tentatives d’hypnotisation restèrent sans résultat. Le sujet indiqua alors que
des excès vénériens avaient précédé de fort peu la première expérimenta-
tion, et qu'il était à ce moment dans un état d’énervement particulier dû à
ces excès.
Il est permis d’en conclure que pour un certain nombre de personnes, les
habitudes alcooliques et l’énervement qui suit les excès vénériens peuvent
constituer une excitabilité temporaire spéciale du système nerveux, qui faci-
lite la provocation des phénomènes hypnotiques.
SÉANCE DU 22 MARS. 171
DES SUGGESTIONS PROVOQUÉES A L'ÉTAT DE VEILLE CHEZ LES HYSTÉRIQUES
ET CHEZ LES SUJETS SAINS HYPNOTIQUES (1), par M. F. BoTTEY, interne
des hôpilaux.
Tous les médecins qui s'occupent d’hypnotisme savent que rien n’est plus
facile que de provoquer, pendant l’état somnambulique, des suggestions de
toute sorte, que l’on peut faire persister une fois que le sujet est réveillé.
Mais on n'avait pas signalé jusqu'alors la possibilité de provoquer ces mêmes
suggestions à l’état de veille. .
Chez toutes les malades hystéro-épileptiques que j'ai eu l’occasion
d'observer, dans le service de M. le docteur Luys (Salpêtrière), j’ai pu déter-
miner ces suggestions à l’état de veille ; j'ai pu également les déterminer
chez des sujets absolument sains, chez des infirmières du service, n'ayant
jamais présenté aucune affection nerveuse dans leurs antécédents, soit per-
sonnels, soit héréditaires. Il faut que ces sujets soient hypnotisables, mais
cette condition n’est cependant pas indispensable, car nous les avons éga-
lement obtenues chez certains qui n'avaient jamais pu être endormis.
J'ai l'honneur de présenter devant la Société trois sujets, une malade
hystéro-épileptique et deux jeunes filles absolument saines, infirmières à la
Salpètrière, chez lesquelles nous pouvons déterminer toutes les suggestions
possibles à l’état de veille. À la volonté de l’expérimentateur (dont la per-
sonnalité, du reste, n’a rien à faire ici), on détermine avec la plus grande
facilité, soit des hallucinations sensorielles, soit des paralysies sensitivo-
sensorielles et motrices de toutes sortes.
Par la simple affirmation ou par linjonction, on peut les rendre muettes,
aveugles, les priver de l’odorat, etc...; on peut leur donner des contractures
des membres, des anesthésies cutanées ou des paralysies motrices. Ces
paralysies offrent lous les caractères des paralysies corticales et présentent
du reste les mêmes symptômes que ceux qui ont été signalés par M. le pro-
fesseur Charcot dans les paralysies psychiques déterminées dans le somnam-
bulisme (exagération des réflexes tendineux, abolition du sens muscu-
faire, etc….).
Au moment de faire cette communication, on nous donne connaissance
d’une brochure toute récente publiée par M. le professeur Benheim (de
Nancy), qui a également observé ces suggestions à l’état de veille. Nous
ignorions cette publication lorsque nous avons fait nos expériences, qui, de
la sorte, se corroborent réciproquement avec celles de ce dernier observa-
teur.
Dans les paralysies motrices, les contractures, les anesthésies, déter-
minées par suggestion, soit pendant le somnambulisme, soit à l’état de veille;
nous avons toujours pu provoquer le transfert en appliquant un aimant du
(1) Communication faite à la séance du 15 mars 1884.
172 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. . #23
côté opposé. Cet effet du transfert est pour nous absolument démontré, car
nous nous sommes entouré, pour le produire, de toutes les conditions de :
garantie possibles. Pour le transfert qui se fait pendant le somnambulisme,
le sujet, ayant les veux fermés, ignore qu’il y a un aimant à côté de lui, et
il n'y a donc pas là à craindre l'effet de l’expectant attention. À l’état de
veille, nous avons expérimenté, d’abord avec un aimant véritable, puis avec
une imilalion d’aimant en bois, tous les deux enveloppés à chaque expé-
rience dans une serviette : dans le premier cas nous avons eu le transfert,
dans le second cas nous n’avons pas pu le provoquer, ce qui semble absolu-
ment concluant.
LD
BOURLOYON. — Jinprimeries réunies, A, rue Miguon, > Paris.
SÉANCE DU 29 MARS 1884
Présidence de M. Paul Bert.
M. TrasBor présente des pièces provenant d’un cheval mort de rhuma-
thisme articulaire. Ce sont les articulations fémoro-tibiale et rotulienne de
l'articulation du jarret. Il y a imbibition profonde, coloration foncée du
cartilage articulaire et destruction partielle de cet élément anatomique.
Le cheval avait cinq ans. Il n’y a pas eu de complication du côté du cœur,
bien que ce soit la règle en pareil cas, peut-être parce que la mort a surtout
été hâtée par le décubitus prolongé.
À PROPOS DE LA DISCUSSION SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES,
par M. Macrror.
Dans la dernière séance, à laquelle j'ai le regret de n’avoir pu assister,
M. Malassez est revenu sur la discussion qui s'était élevée entre nous à
l’occasion de l’origine des kystes des màchoires.
Cette nouvelle argumentation appellerait de ma part une réplique que je
suis forcé d’ajourner, désirant présenter à l’appui de ma manière de voir
des pièces anatomiques et anatomo-pathologiques que je rassemble en ce
moment.
Je ne rentre donc pas dans le fond du débat, mais je ne puis laisser sans
réponse l'affirmation de M. Malassez quand il dit : «Je ne me rallie pas à
l’opinion de MM. Verneuil et Nepveu, l’époque à laquelle j'ai fait mes
recherches ayant précédé les travaux de M. Verneuil sur cette question. »
Or je crois devoir rappeler, au point de vue de la vérité historique,
quelles sont les phases successives par lesquelles a passé cette polémique
déjà ancienne et toujours renaissante de la pathogénie des kystes des
mächoires.
C'est en 1874 que M. Verneuil, s’inspirant de recherches publiées l’année
précédente (1873) par Charles Legros et par moi sur l’évolution folliculaire,
émit cette théorie, notablement différente de la mienne (voy. Mémoire sur
les kystes des màchoires, Archives de médecine, 1872), que les kystes de la
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°*, N° 13.
174 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
variété périostique aussi bien que certains épithéliomas avaient pour point
d'origine les débris épithéliaux du cordon ou de la paroi folliculaire elle-
même.
Cette manière de voir fut professée publiquement dès cette époque dans
les cliniques de la Pitié, et M. Pozzi, alors interne du service, pourrait au
besoin l’attester.
En 1875, une présentation faite par M. Verneuil à l’Académie de méde-
cine sur un cas de polygnathie et mes Mémoires sur la polygnathie
(Annales de génécologie, août et septembre 1875) furent l’occasion de discus-
sions à la Société de chirurgie, discussions reprises en 1878, séance du
3 juillet, dans laquelle M. Verneuil et moi nous exposàmes nos idées per-
sonnelles.
Enfin, en 1876, un travail de M. Reclus, communiqué au congrès de
l'Association française à Clermont (Progrès médical, n° 4T et 49), tendait
à confirmer encore la doctrine de M. Verneuil.
Tel est l'historique de la question, telle est la part de chacun dans l’étude
de ce problème de pathogénie. M. Malassez revendique une priorité. Je
me borne à lui demander sur quels textes il appuie cette revendication?
SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES. Note de M. Macrror.
Je regrette de n’être point de l’avis de M. Nepveu lorsqu'il cherche à
expliquer la production des kystes des mâchoires, développés autour des
racines des dents par un processus pathologique ayant pour origine un des
débris épithéliaux du follicule et non le périoste ou la membrane qui revêt
la surface de la racine. Je sais aussi que cette théorie est celle qu’a acceptée
et défendue notre commun maître, le professeur Verneuil.
En la combattant de nouveau aujourd’hui, j'invoquerai des raisons cli-
niques et des raisons anatomo-pathologiques.
Comme raisons cliniques, je dirai que ces kystes se produisent constam-
ment’au sommet d’une racine de dent toujours frappée d’un état patholo-
gique grave : carie profonde avec ou sans suintement purulent et fétide,
périostite du sommet à signes parfaitement définis, destruction de l’organe
réduit parfois à l’état de débris. Le sommet radiculaire occupe ainsi inva-
riablement le centre du foyer kystique, de telle sorte qu’à l'ouverture de la
poche, le doigt rencontre toujours ce sommet dénudé et rugueux qui a été
le point d’origine du mal. Dans aucun cas on n’a rencontré un kyste de cette
variété qui n'offre ces conditions caractéristiques. Or en serait-il de même
si un kyste se développait aux dépens de débris épithéliaux, qui n’ont parfois
aucun rapport immédiat avec les dents ?
Je sais bien qu'onainvoqué contre notre explication la présence d’une couche
épithéliale tapissant la paroi de ces kystes, circonstance que la pathogénie,
SÉANCE DU 29 MARS. 475
aux dépens du périoste, expliquerait difficilement. J'espère cependant, tout
à l'heure, pouvoir donner de ce fait une explication satisfaisante.
En ce qui concerne les raisons anatomo-pathologiques, je rappellerai
tout d’abord que, d’après une doctrine que j'ai défendue à plusieurs reprises,
la formation du kyste en général, la maladie kystique si l’on veut, exige,
pour condition préalable de son développement, l'existence d’une cavité ou
tout au moins d’une paroi préexistante : tels les kystes des glandes sébacées,
salivaires, dont l’orifice excréteur s’oblitère accidentellement; tels les
kystes des bourses séreuses, de l’épididyme, etc. ; dans tous les cas de kystes
bien déterminés, il y a donc préexistence d’une cavité devenant le siège du
-mal kystique.
Or, pour ce qui concerne les kystes des mâchoires, j'ai soutenu, d’une
façon qui fut trouvée d’abord bien absolue et qui paraît depuis assez géné-
ralement acceptée, que ces kystes obéissaient invariablemént à l’un des
deux processus suivants :
1° Le follicule dentaire devient kystique, c’est-à-dire que sa paroi, disten-
due par un liquide de formation nouvelle, acquiert parfois un développe-
ment considérable et se double, dans son mouvement d’extension, d’une
paroi osseuse empruntée au maxillaire. Ces kystes sont bien connus des
chirurgiens. Ils ont été maintes fois décrits : ce sont ceux au fond desquels
on retrouve constamment une couronne de dent incluse: dentigerous cyst,
des auteurs anglais, kystes folliculaires, en un mot.
«2 Dans la seconde variété, le périoste qui revêt la racine d’une dent, se
soulève par l’accumulation d’un produitinflammatoire, résultat d’une périos-
Lite initiale. ei se présentent deux courbes pathologiques : si le processus
inflammatoire est brusque, aigu, on assiste à l’évolution d’un abcès qui
s'ouvre sur la gencive ou sur la peau, dont la paroi est le périoste lui-
même et dont le centre, l’épine si l’on veut, est le sommet radiculaire par-
faitement perceptible à l’exploration directe. Si le processus est lent, le
liquide soulevant et distendant le périoste reste séreux ou visqueux; le tra-
vail progressif se prolonge pendant des mois ou des années. C’est la forma-
tion kystique qui se produit, c’est-à-dire le kyste périostique.
En dehors de ces deux mécanismes, nous ne saurions admeltre aucune
autre pathogénie aux kystes des màchoires.
J'arrive maintenant à l’objection tirée de la présence d’un épithélium à
la face profonde d’un kyste périostique. La plupart des anatomistes se
refusent à accepter la genèse d'emblée d’un revêtement épithélial, en dépit
de certains faits bien établis de productions d’endothélium dans certaines
bourses muqueuses accidentelles ou autour de corps étrangers. Nous n’invo-
querons donc pas ce dernier mécanisme. Nous rappellerons seulement que
dans l’évolution folliculaire, alors que la couronne entièrement formée com-
mence son éruption, la paroi du follicule, doublée de son épithélium, vient
se fixer au niveau du collet de la dent, s’étale à la surface de la racine el
476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
:
constitue par la suite le périoste alvéolaire. 1 n’est plus étonnant, dès lors,
que ce périoste, dans la formation d’un kyste dont il devient la paroï, soit
en même temps le siège d’une prolifération épithéliale.
M. Malassez se rallie à l'opinion de MM. Verneuil et Nepveu et il s’appuie,
pour expliquer la génération d’un kyste dans un groupe d’éléments épithé-
liaux, d’abord sur la présence de ces éléments dans les kystes et ensuite sur
une raison qui serait bien plus grave, sur la non-existence d’un périoste
dentaire.
J'ai répondu à la première objection; quant à la seconde, je dirai que, si
mince que soit à l’état normal le périoste d’une dent, il est toutefois impos-
sible, suivant moi, d’en nier l’existence. Son étude histologique y a montré
la présence de fibres du tissu conjonctif, de fibres élastiques, de vaisseaux,
de nerfs et de beaucoup d’autres éléments accessoires. Puis, s’il est difficile
à percevoir et à isoler à l’état physiologique, les moindres inflammations,
et elles sont fréquentes, l’épaississent, le congestionnent et en rendent la dis-
section et la séparation très faciles. Cet épaississement devient considérable
dans les kystes ou les abcès sous-périostiques. Mais je ne saurais, en vérité,
refuser le nom de périoste à une lame fibreuse que tapisse une couche
osseuse, le cément, qui participe à tous les phénomènes morbides du périoste
ordinaire et qui devient même le siège de néoplasmes, dans lesquels se
retrouvent les éléments les plus divers, fibreux, fibro-plastiques, myélo-
plaxes, épithéliums, etc.
Cette hypothèse serait acceptable si l’on observait des kystes au voisinage
de dents saines et sans contact immédiat avec elles; maisil n’en est jamais
ainsi. Toujours, en pareil cas, la dent, en rapport avec le kyste, est le siège
d’un état morbide, une périostite soit spontanée, soit consécutive à une
autre maladie. Il ne saurait donc être mis en doute que la périostite du
sommet soit le phénomène initial d’un développement kystique. Il n’est pas
moins constant de rencontrer le sommet dénudé d’une racine dans toute
cavité kystique.
NOTE SUR LA PATHOGÉNIE DES KYSTES MAXILLAIRES, DITS PÉRIOSTIQUES
DENTAIRES, par M. L. MALASSEZ.
J'ai eu l’occasion d'étudier, grâce à MM. Reclus, Terrillon, Rigal, un
certain nombre de ces très petits kystes que l’on trouve parfois appendus à
l'extrémité des racines des dents et que l’on peut considérer comme étant
l’origine de ces kystes plus volumineux dans lesquels plongent les racines
des dents et que M. Magitot a désignés sous le nom de kystes périostiques ;
tel était le kyste que nous a présenté M. Nepveu à la séance du 8 mars der-
nier. D’une façon générale ces kystes répondaient assez bien à la descrip-
ÿ
SÉANCE DU 29 MARS. M1
tion qu’en a donnée M. Magitot ; ils étaient constitués par une paroi fibreuse
tapissée intérieurement d’un épithélium pavimenteux. Cependant on y pou-
vait observer certains faits qui me semblent jeter quelques clartés sur la
pathogénie de ces kystes, et sur lesquels il me paraît bon d’appeler l’at-
tention.
Le premier que je signalerai, c’est que la plupart de ces kystes pré-
senfaient des traces d’inflammation plus ou moins vive. Dans l'épaisseur
des parois, principalement le long des vaisseaux, il y avait une accumula-
tion de petites cellules rondes comprises dans une substance conjonctive peu
ou pas fibrillaire, ne se colorant pas en rose par le picrocarmin comme le
fait le tissu fibreux; dans certains kystes les cellules étaient par places si
serrées les unes contre les autres, qu’on croyait voir de petits abcès au
début. À la surface interne des kystes, on retrouvait aussi du tissu conjonctit
embryonnaire formant parfois une couche sous-épithéliale ; c’est lui qui
constituait ces petiles végétations, myxomateuses ou sarcomateuses, qui font
si fréquemment saillie dans la cavité kystique et sont également revêtus
d'épithélium pavimenteux.
Dans l’un de nos kystes ce processus inflammatoire était très développé,
les couches internes des parois avaient l’aspect d’un tissu de bourgeons
charnus, le revêtement épithélial avait en majeure partie disparu; si bien
qu'à un examen superficiel, on aurait pu le prendre, non pour un kyste
enflammé, mais pour un abcès en voie d’enkystement, et voir là un exemple
de transformation d’un abcès en kyste épithélial; hypothèse inadmissible,
parce qu'avec nos connaissances actuelles on ne peut concevoir une généra-
tion spontanée d’épithélium : on voit bien des corps étrangers s’entourer
dans les tissus de cellules -conjonctives ou endothéliales, mais jamais de
cellules épithéliales proprement dites, et encore cela ne se produit-il que
s’il n’y a pas eu de suppuration.
Le développement des végétations intrakystiques, la disparition du revê-
tement épithélial nous permet de soupçonner un mode de guérison pour ces
kystes : la cavité se comblerait peu à peu, puis disparaîtrait complètement,
ne laissant après elle qu’une masse conjonctive. C’est d’ailleurs ce que l’on
peut observer, à l’état normal, dans certains follicules de de Graaf, qui
s’atrésient, à l’état pathologique, dans bon nombre de conduits épithéliaux
enflammés qui s’oblitèrent.
Dans unautre kyste que j’aiexaminé, le squelette fibreux était bien le même
que dans les précédents, mais, à la place des fovers inflammatoires situés
dans l'épaisseur des parois, à la place des végétations internes et de leur
revêtement épithélial, à la place même du contenu kystique, on ne voyait
qu'une masse de granulations et de corps réfringents d'apparence grais-
seuse, au milieu desquels on ne distinguait que par places, ici quelques
cellules rondes, là quelques cellules épithéliales à-peine reconnaissables.
Ceci montre que les kystes peuvent, à un moment donné, subir une dégé-
nérescence graisseuse dans tous leurs éléments cellulaires; ce qui est peut-
178 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
être encore un mode de guérison, comparable à celui des tubercules qui
s’enkystent et se caséifient.
Un autre détail, intéressant à noter, consiste en l’existence dans l’épaisseur
des parois, principalement dans les couches les plus externes, de petits
corps arrondis, dont les plus gros sont manifestement de nature osseuse et
de formation récente. Peut-être est-ce là le début d’un processus concourant
à la formation de la coque osseuse qui enveloppe les gros kystes et que
l’on ne peut attribuer toujours et uniquement à la simple distension du
maxillaire .
J'arrive maintenant au fait le plus important que j'aie vu. N’admettant pas
qu'un kyste à revêtement épithélial puisse provenir d’un abcès, ou se déve-
lopper spontanément en plein tissu conjonctif ou osseux, supposant qu’il
pouvait être resté dans les tissus quelque débris épithélial fœtal, ou y être
arrivé quelque bourgeon épithélial provenant d’un tissu épithélial voisin,
du rebord gingival par exemple, j'avais fait etexaminé un très grand nombre
de coupes de quelques-uns de ces kystes, afin de voir sije n’y trouverais pas
quelques traces de ces débris fætaux ou de ce processus épithélial. Or voici
ce que j'ai observé sur l’un de ceux qui m'ont été apportés en 1876, par
M. Reclus.
Sur l’une des coupes, dans l’épaisseur de la paroi, il existait une masse
épithéliale très allongée en forme de boyau, de cordon, et qui était consti-
tuée par des cellules pavimenteuses du type malpighien. Son extrémité
interne était creuse, tubulée et s’ouvrait en entonnoir dans la cavité kys-
tique ; l’épithélium qui tapissait cette portion était également pavimenteux,
il se continuait d’une part avec l’épithélinm plein du cordon épithélial et
de l’autre avec le revêtement épithélial de la cavité kystique. L’autre extré-
mité se dirigeait du côté de la surface externe du kyste, se bifurquait, et là
se trouvait coupée obliquement. J’ai pu la retrouver sur des coupes voi-
sines, et voir qu’elle se ramifiait en plusieurs branches, lesquelles étaient
toujours formées de cellules pavimenteuses du type malpighien comme les
parties précédentes. Quelques-unes se terminaient en cul-de-sac, maïs il
en est d’autres que je n'ai pu suivre.
J'ai retrouvé des formations analogues dans les parois de presque tous
les autres kystes que j'ai examinés, même sur celui dont j’ai parlé précé-
demment et qui avait subi cette dégénérescence graisseuse complète.
Cependant, soit que les coupes n’aient pas été faites en nombre suffisant
(et c’est arrivé pour quelques-uns, je l’avoue), soit que ces productions
aient été vraiment moins développées, je n’en ai pas observé d’aussi éten-
dues que dans le cas précédent. C’étaient chez la plupart de simples bour-
geons épithéliaux pleins, partant de la surface kystique et s’enfonçant peu
dans l’épaisseur de la paroi. Quelques-uns m'ont paru réellement se
terminer là, en sorte qu’on pourrait les considérer comme des formations
épithéliales encore peu développées et représentant les premières phases
de développement des grands cordons ramifiés sus-décrits. Sur une autre
SÉANCE DU 29 MARS. 179
Re me en |.
pièce, les productions Rene au lieu d’être pleines et massives, étaient
creuses.
Je dois Be ici une cause d erreur qu'il n’est pas toujours facile
d'éviter; j'ai dit que la surface interne présentait souvent des végétations
revêtues d’épithélium, or il ne faudrait pas prendre pour des bourgeonne-
ments d’épithélium les espaces situés entre deux végétations voisines, les-
quels, étant limités par l’épithélium des végétations, ont parfois sur les
coupes l’aspect de tubes ou de cordons coupés dans leur longueur.
Dans les divers kystes, l’épithélium constituant les bourgeons épithéliaux
n’avait pas toujours le type malpighien aussi prononcé que dans le premier
cas ; il était formé parfois de cellules simplement polyédriques compa-
rables à celles qui composent les ligaments des dents temporaires ou per-
manentes. Mais, et c’est encore là un détail très intéressant, il y en avait
qui présentaient une disposition plus ou moins étoilée, comparable à celle
des cellules centrales de l’organe de l’émail, ou à celle des cellules de la
couche intermédiaire.
Que sont ces formations épithéliales? Les rapports de voisinage et de
continuité, les ressemblances de tissu qu’elles présentent avec les kystes,
prouvent évidemment qu'il y a entre eux une parenté intime: mais dans
quel sens est-elle ? — 1° Les cordons épithéliaux sont-ils des productions
de nouvelle formation, parties de la muqueuse gingivale pour s’enfoncer
entre l’alvéole et la dent jusqu’à l'extrémité de celle-ci et se développer là
en cavité kystique ? — 2 Sont-ce des débris épithéliaux de la vie fœtale,
d'origine gingivale ou dentaire, dontune portion serait devenue kystique? —
3° On pourrait enfin se demander si parmi eux il n’en est pas qui seraient
de simples bourgeonnements de la paroi kystique, quelle que soit d’ailleurs
l’origine du kyste.
Je passe sur cette troisième hypothèse, très vraisemblable d’ailleurs, parce
qu’elle est accessoire et ne résout pas le problème pathogénique posé ;
restent donc les deux hypothèses précédentes.
La première est évidemment très possible ; il se produirait chez l’adulte
quelque chose d’analogue à ce qui se passe à l’état normal chez le fœtus ;
seulement, au lieu d'aboutir à la formation d’une dent (une dent de troisième
dentition), ce serait un kyste qui serait produit. On pourrait encore com-
parer ce processus à ces bourgeons pleins ou tubulés que de Sinéty et moi
avons trouvés dans les ovaires kystiques, lesquels partent de la surface
ovarienne et s’enfoncent plus ou moins profondément dans le stroma
ovarien pour y former des kystes. Cependant, et quoique ce soit là comme
un souvenir d’un processus fœtal normal, il paraîtra peut-être étrange
qu’un bourgeon épithélial de nouvelle formation puisse suivre un trajet
si long, si spécial, sans arrêt intermédiaire, pour ne prendre son dévelop-
pement final qu’une fois arrivé à l'extrémité de la racine de la dent.
La seconde hypothèse expliquerait mieux ce siège si spécial, tout en se
rapprochant également de processus déjà connus. Les débris épithéliaux
180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
fœtaux qui peuvent persister chez l’adulte (et l’on peut s’en rendre bien
compte en examinant des fœtus de cinq à six mois({), sont les suivants :
1° des bourgeons partis de la face profonde de la muqueuse principale-
ment au niveau des sillons ; 2° les ligaments des dents temporaires et
permanentes, lesquels présentent souvent aussi des bourgeonneme nts;
peut-être y en a-t-il parmi eux qui sont des tentatives d’une troisième
dentition; 3° le feuillet externe de l'organe adamantin qui donne de
nombreux bourgeons, principalement dans la région le plus proche du
bord gingival; cependant on en trouve parfois au voisinage du point où ce
feuillet, se repliant, se continue avec le feuillet interne ; 4° ce feuillet
interne qui, on le sait, persiste toute la vie chez les dents à développ ement
continu, comme le sont par exemple les incisives des rongeurs; peut-être
persiste-t-il plus ou moins atrophié chez les dents qui ne poussent plus,
MM. Pouchet et Chabry auraient vu de ces faits.
Il serait très important de savoir,et c’est un point actuellement à l’étude,
s’il en est parmi tous les produits épithéliaux sus-indiqués qui persistent
normalement chez l’adulte. Chez les fœtus de cinq à six mois, on peut déjà
voir des masses épithéliales qui semblent complètement isolées et qui sont,
soit d’origine gingivale, soit d’origine dentaire, leur siège l’indique parfois.
Il en est qui se présentent sous forme d’épithélium pavimenteux avec ou
sans globes épidermiques, d’autres sous forme de cordons d’épithélium
pavimenteux ou polyédrique; quelques-uns présentent une couche d’épithé-
lium cylindrique, et une sorte de lumière centrale. J’en ai vu de ces der-
nières autour desquelles le tissu conjonctif s'était condensé et formait une
sorte de paroi, c'était comme un kyste en miniature.
En attendant le résultat des recherches dont je parlais, supposons que
ces débris fœlaux puissent persister chez l’adulte et voyons quels sont
parmi eux ceux qui pourraient donner lieu aux kystes périostiques. Pour
les mêmes raisons qui nous ont fait douter de notre première hypothèse,
on peut éliminer les bourgeons gingivaux, les ligaments dentaires, et les
parties des feuillets externe et interne de l’organe adamantin les plus
voisines de la gencive. Mais il n’en est plus de même pour les parties les plus
profondes de ces feuillets, ainsi que pour les bourgeons profonds du feuillet
externe, lesquels, une fois la dent poussée, doivent se trouver au voisinage
de la racine. Ce seraient donc plutôt ces parties fœtales qui seraient l’ori-
gine des kystes périostiques et des cordons épithéliaux que j’y ai rencontrés.
Du reste, que le point de départ de ces petits kystes périostiques soit une
production épithéliale récente ou fœtale, qu’il soit d’origine gingivale ou
dentaire (ce qui est, après tout, peu différent, puisque ce sont les gencives
qui sont le point de départ des formations dentaires), il n’en reste pas
moins acquis ce fait, important à mon avis, à savoir que dans les parois de
(1) Voyez aussiles planches du mémoire de Legros et Magitot dansle Journ al
- d'anatomie, 1873.
SÉANCE DU 29 MARS. 481
ces kystes on trouve des masses épithéliales rappelant les formations fœtales
dentaires. Or l’existence de telles masses dans cette région suffit pour nous
expliquer, ce qui serait incompréhensible sans cela, le développement au
milieu d’un tissu mésodermique, comme est le maxillaire, de néoforma-
tions épithéliales, quel que soit d’ailleurs le type que revêtent ces néofor-
mations : que ce soient de simples kystes uniloculaires comme les kystes
qui font le sujet de cette étude, que ce soient des kystes prolifères et par
conséquent multiloculaires, que ce soient des épithéliomas adénoïdes ou
carcinoïdes. Je n’insiste pas sur ces possibilités, qui rentrent d’ailleurs
dans la loi des néoformations épithéliales en général.
J’ajouterai seulement que cette théorie générale peut s’appliquer égale-
ment aux kystes dentigères ou folliculaires, que M . Magitot considère comme
dus à la simple dilatation de l’organe de l’émail. Supposons en effet qu'un
de ces débris épithéliaux que l’on rencontre entre la gencive et le follicule
dentaire persiste et soit Le point de départ d’un kyste; la dent, en se déve-
loppant, va rencontrer devant elle la paroi kystique et percer dans le kyste
comme elle aurait percé dans la bouche. Ainsi donc, tandis que le kyste
dit périostique serait le kyste tardif des formations épithéliales inférieures
à la dent, le kyste dit folliculaire serait Le kyste hà tif des formations épithé-
liales supérieures. En tout cas, cette théorie des kystes folliculaires nous
explique pourquoi la ou les dents implantées à leur intérieur ont un émail
si parfaitement régulier, ce qui me semble difficile à comprendre si l’on
admet que l’organe de l’émail est devenu le siège d’un développement kvs-
tique, car un tel développement devrait singulière ment altérer ses fonctions.
Je crois qu’il faut réserver l'hypothèse de la transformation kystique de
l'organe de l’émail pour les kystes que Broca et M. Magitot ont désignés
sous le nom de kystes folliculaires de la période embryoplastique;' et
encore ?
Je dois maintenant répondre aux objections cliniques et anatomiques que
M. Magitot à faites (1) à la théorie de l’origine épithéliale des kystes périos-
tiques. Elles sont au nombre de trois : 1° les kystes sont toujours consé-
cutifs à un état pathologique grave de la dent ; 2° les racines des dents font
saillie au centre des kystes; 3° les kystes résultent toujours du dévelop-
pement d’une cavité pré existante.
Ilest facile de répondre à ces objections : 1° Il n’existe pas toujours d’af-
fections antérieures de la dent, M. Magitot le dit lui-même dans ses travaux
antérieurs. Mais, quand bien même ilen existerait toujours une, en quoi cela
renverserait-il la théorie épithéliale? Cela donnerait au contraire la raison
de la prolifération de ces épithéliums restés stériles jusqu'a lors; ne sait-
on pas que des irritations de la peau peuvent amener des épithéliomas ? Tels
sont ceux que l’on voitsuccéder aux cautères, tel est le cancer des ramoneurs.
(1) Gazette des hôpitaux du 11 mars 1884, p. 235.
182 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Je dirai même que ce qu'il y a d'étonnant, c’est de ne pas rencontrer un
plus grand nombre de ces néoformations épithéliales du maxillaire, avec la
grande quantité de débris épithéliaux qui s’y voient chez le fœtus, avec la
grande fréquence des périostites qu’on observe chez les adultes.
2 Le siège à l'extrémité de la dent est en effet quelque peu difficile à
comprendre, si l’on admet que le kyste a pour point de départ un bourgeon
parti de la gencive; quoique, à vrai dire, nous voyons le bourgeon de la dent
permanente faire un long trajet et venir se placer au-dessous de la dent tem-
poraire, et l’on pourrait, ainsi que nous l’avons dit, considérer notre bour-
geon épithélial et son kyste comme un essai avorté d’une troisième évolution
dentaire. Mais ce siège s'explique tout naturellement quand on admet
l’origine du kyste aux dépens d’un débris fœtal appartenant aux parties
profondes de l’organe adamantin, car ces parties se trouvent correspondre
à la racine de la dent lorsque celle-ci a terminé sa croissance. Enfin on
conçoit que le kyste lui-même, se développant, vienne se percer contre la
racine immobile. |
3° Quant à dire que les kystes résultent toujours du développement d’une
cavité préexistante, c’est ne tenir compte que des kystes dits par rétention
et laisser de côté les kystes par néoformation, et ils sont nombreux. Du reste,
cette objection se retournerait contre M. Magitot, car il n’a pas décrit, que
je sache, de cavité préexistante dans cette suture, ce ligament alvéolo-den-
taire qu’on appelle à tort périoste, ainsi que l’a fait remarquer M. Ranvier
dans son cours au Collège de France.
Je ferai remarquer aussi qu’en combattant lathéorie épithéliale, M. Magitot
se combat lui-même. Autrefois, pour expliquer avec sa théorie l'apparition
d'un revêtement épithélial à la surface d’un abcès périostique, il admettait
une genèse épithéliale spontanée. Aujourd’hui il a abandonné, et avec juste
raison, cette hypothèse, qui nous paraît bien singulière maintenant; mais
il admet (ce qu’il niait autrefois) que la paroi folliculaire qui doit former.
le périoste a pu rester doublée d’une partie de l’épithélium adamantin,
et que c’est cet épithélium qui serait le point de départ du revêtement
épithélial du kyste périostique. Or n’est-ce pas là rentrer dans une des
hypothèses de la théorie épithéliale que je soutiens et que combat M. Magitot ?
La théorie de l’origine épithéliale des kystes dits périostiques a été
attribuée en France à M. Verneuil par quelques personnes, à moi par
d’autres. Les premières ont raison, les secondes n’ont pas tort; en voici
l'explication qui m’a été demandée d’ailleurs, non par M. Verneuil, mais
par M. Magitot dans une lettre adressée au président de la Société de bio-
logie. Si l’on s’en tient uniquement à ce qui se trouve écrit et imprimé,
M. Verneuil a certainement la priorité puisque ses idées ont été publiées
en 1876 par M. Reclus (1), et les miennes, ou plutôt une partie des miennes
(1) Progrès médical, 18 novembre et 2 décembre 1876.
SÉANCE DU 29 MARS. 183
en 1881 seulement, par M. Charvot (1). Mais si. nous recherchons ce qu’on
pourrait appeler la priorité orale, les rôles sont renversés, je crois. Nous
voyons en effet qu’en 1875, M. Verneuil n’était pas encore en possession de
cette théorie pour les kystes périostiques (2), ou du moins ne l’avait pas
professée, puisqu'il n’en est pas fait mention dans une thèse passée cette
même année 1875, par un de ses élèves, M. Jacquelin, thèse, dit l’auteur,
faite sous l'inspiration et d’après les indications de M. Verneuil. Or, à cette
époque, conduit par les examens que j'avais faits de diverses tumeurs
épithéliales du maxillaire, et surtout par des recherches que j'avais com-
mencées depuis un an sur des embryons humains, afin de savoir quels
débris épithéliaux pouvaient être le point de départ de ces tumeurs, j'étais
arrivé déjà à cette théorie et je l’avais exposée dans ces conversations fami-
lières qui s’établissent dans un laboratoire, à côté du microscope, à propos
de l'examen de préparations. C’est ce qui m’est arrivé en 1876 avec M. Re-
clus, qui, s’occupant des épithéliomas du maxillaire, m’'apporta justement
plusieurs des kystes périostiques dont j'ai parlé plus haut et chez lesquels,
guidé par mes idées, je découvris ces boyaux épithéliaux si intéressants.
. C’est encore ce qui m'est arrivé-plus tard avec M. Charvot alors qu'il pré-
parait son travail sur les kystes périostiques et dans lequel il me fit l’hon-
neur de citer mon opinion. Comme cela n’avait pas encore été fait, que je
sache, c’est là le seul témoignage écrit que je puisse invoquer, témoignage
bien tardif et ne portant que sur une partie de la théorie, sur celle qui à
trait à l’origine des kystes périostiques.
Que si nous nous reportons maintenant aux travaux publiés à l’étran-
ger (3), nous voyons la théorie épithéliale apparaître vers la même époque
(1) Archives générales de médecine, avril et mai 1881.
(2) Il Pavait admise, et avec réserve, pour expliquer une tumeur congénitale
polykystique du maxillaire inférieur (Bulletin de l'Académie de médecine, 1875,
p. 644).
(3) Je citerai à titre d’exemple quelques-uns des travaux récents qui sont
venus à Ma Connaissance :
1874. Brosike : Deux cas de tumeurs kystiques de la mâchoire; elles provien-
draient d’un développement anormal de l'organe de l'émail. — 1876. Heath : Trois
cas de maladie kystique de la mâchoire inférieure; ils auraient pour point de
départ les glandes des gencives. — 1876. Busch : Trois épithéliomas kystiques de
la mâchoire inférieure ; l’origine en serait dans un enfoncement hétérotopique du
tégument externe pendant la période fœtale. — 1876. Mikulicz : Tumeur dite
dermoïde de la mâchoire inférieure; elle résulterait d’une dégénérescence de l’or-
gane de l’émail.— 1877. Kolaczek : Adénome kystique de la mâchoire inférieure ;
l’épithélium gingival aurait donné lieu pendant la vie fœtale à une formation glan-
dulaire du type muqueux, origine de la tumeur actuelle. — 1879. Falkson :
Tumeur kystique de la mâchoire ; on peut la considérer comme un kyste prolifère
parti de l'organe de l’émail. L'auteur propose de l’appeler : eystome prolifère folli;
culaire, etc., etc. |
184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
et de divers côtés à la fois. De telles éclosions s’observent habituellement
pour toutes les questions qui se trouvent à un moment donné « dans l’air »,
et c’est ce qui rend souvent ces questions de priorité aussi difficiles à établir
exactement que vraiment peu importantes. Et si j'ai cru devoir revenir sur
cette question si discutée de la pathogénie des kystes périostiques, ce n’est
pas pour faire acte de revendication, mais c’est, ainsi que je le disais au
commencement de ce travail, pour préciser cette pathogénie en appelant
l'attention sur quelques faits encore inaperçus ou laissés de côté, c’est
encore pour insister sur les liens de parenté remarquables qui existent
entre les différentes néoformations épithéliales des maxillaires: kystes
périostiques, folliculaires ou dentigères, kystes multiloculaires, épithé-
liomas divers ; toutes néoformations dont l'aspect est si différent au pre-
mier abord, qu’on les range habituellement dans des classes à part, les
supposant d’origine et de nature toute différente. |
NOTE SUR LA PATHOGÉNIE DES KYSTES DES MACHOIRES, par M. le docteur
AGUILHON DE SARRAN.
La question de la pathogénie des kystes des màchoires vient d’être soule-
vée de nouveau devant la Société de biologie, et ne semble pas encore ré-
solue. J’ai pensé qu'il serait utile de faire connaître quelques détails anato-
miques qui apporteront peut-être quelque lumière dans ce débat.
Deux théories sont en présence : l’une, défendue par MM. Verneuil, Ma-
lassez, Nepveu, attribue la formation des kystes à la présence de débris
épithéliaux inclus dans le maxillaire, et provenant du follicule dentaire.
D’après la seconde, soutenue par M. Magitot, le kyste est formé aux dépens
du périoste alvéolo-dentaire, et porte pour ce motif le nom de kyste périos-
tique; une altération de la dent est, dans ce dernier cas, le phénomène
initial, déterminant, de la production kystique.
Avant de rechercher quelle est la plus vraisemblable de ces deux hypo-
thèses, il est absolument nécessaire de comparer les kystes des mâchoires
avec ceux des autres régions.
Or, partout où il y a une production kystique (1), on peut être assuré
qu’elle s’est développée autour d’un corps étranger introduit à l’intérieur de
nos tissus, que ce corps provienne de l’extérieur, comme un morceau de
métal, une balle par exemple, ou bien qu’il soit formé d’un fragment de
tissu mortifié et devenu ainsi un corps étranger à l'organisme; ou enfin
qu'il consiste dans l’accumulation, en un point, d'organismes inférieurs.
Exemple : les kystes hydatiques. [1 semble, en résumé, que le kyste soit
(1) Je laisse de côté les faux kystes, qui ne sont autre chose qu’une glande dis-
tendue par son produit, comme‘les kystes sébacés, par exemple.
SÉANCE DU 29 MARS. 185
créé par la nature dans le but d'isoler un corps qui occupe dans notre orga-
nisme une place anormale, à la condition qu'il ne soit pas suffisamment
irritant pour produire une inflammation.
Ces diverses conditions se rencontrent-elles dans les deux théories en
présence ? Évidemment dans l’une et l’autre on retrouve le corps étranger,
qu'il soit un débris épithélial ou une racine mortifiée. Je n’ai jamais eu
l’occasion de voir des kystes formés en dehors de la présence d’une dent
malade, mais je ne doute point qu’il puisse s’en produire.
Jusqu'ici l'accord semble complet. Mais ce qui prolonge le débat depuis
si longtemps, c’est que la théorie de M. Magitot n’est basée que sur un mot,
l'adjectif périostique, qui n’explique en aucune façon la structure de la
membrane kystique et qui a surtout le grand inconvénient d’être inexact.
Il n’y a pas de périoste alvéolo-dentaire. Le tissu mou qui unit la racine à
l’alvéole n'est point du tissu lamineux, mais bien du tissu fibreux analogue
à celui de tous les ligaments. Je me sers à dessein de cette distinction des
tissus conjonctifs établie par M. le professeur Robin, et, bien qu’elle ne soit
pas admise par tous les histologistes, parce qu’elle exprime clairement ma
pensée sans plus de détails.
Depuis plusieurs années, j’étudie la structure de ce prétendu périoste, et
plus je cherche dans toute la série animale, plus je vois qu’il n’y a aucune
analogie ni anatomique, ni physiologique entre cette membrane et le pé-
rioste.
En attendant qu’il me soit possible de fournir ici même les preuves de
cette assertion, je puis dire qu’au point de vue anatomique le tissu qui
unit la racine à l’alvéole est formé de faisceux fibreux très réguliers, très
denses, maintenus par des fibres élastiques extrêmement fines, et qui re-
çoivent des vaisseaux et des nerfs très fins et extrêmement rares. Les élé-
ments cellulaires conjonctifs font presque complètement défaut. Ces fais-
ceaux fibreux sont parallèles, très réguliers et perpendiculaires aux surfaces
dures, de manière à unir directement l’os alvéolaire au cément. Ce qui a
pu faire douter de la nature purement fibreuse de ce tissu et m’a arrêté
longtemps moi-même, c’est la présence d’un grand nombre de vaisseaux et
de nerfs. Mais je suis parvenu à obtenir des préparations qui montrent clai-
rement que ces vaisseaux et nerfs ne sont point destinés au tissu de la mem-
brane, et qu’ils ne font que la traverser pour se rendre soit à l’os maxil-
laire, soit à la face profonde de la gencive.
Au point de vue physiologique, ce tissu fixe la dent au maxillaire comme
un simple ligament, et dans la série animale, chez certains poissons en par-
ticulier dont les dents sont mobiles, on le voit servir de point d’attache à
des muscles. Ce court résumé suffit à démontrer que sa structure n’a pas
d’analogie avec celle du périoste, et que ses fonctions sont bien différentes,
le périoste ne servant jamais à unir deux portions osseuses, mais disparais-
sant au contraire pour faire place aux ligaments.
Le terme de kyste périostique est donc impropre, d’abord parce qu'il n’y
486 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
a pas de périoste, et ensuite parce qu'il est difficile de se figurer un liga-
ment passant à l’état d’enveloppe kystique.
Il reste maintenant à expliquer l’origine de Pépithélium qui tapisse l’in-
térieur de l'enveloppe. Je crois pouvoir jusqu’à un certain point en indiquer
le point de départ par un fait anatomique que j'ai signalé ici même, il ya
trois ans, et qui n’était point encore connu avant cette époque.
J'ai montré à la Société des préparations sur lesquelles on voit d’une
façon très nette qu’il existe au sommet des racines dentaires de l’homme,
sur une hauteur de 4 à 5 millimètres, trente à quarante vaisseaux sanguins
qui traversent le cément et l’ivoire pour se rendre à la pulpe dentaire; ils
prennent naissance sur une branche de la maxillaire qui envoie d'autre
part un grand nombre de vaisseaux dans l’os qui forme la paroi alvéolaire.
Il en résulte que le maxillaire et la pulpe dentaire sont en communication
directe.
Supposons maintenant que la pulpe dentaire ait perdu sa vitalité, ce qui
arrive très fréquemment par suite de carie ou de toute autre cause. Deux
états pathologiques peuvent survenir : Si la pulpe se putréfie, ce qui est le
cas le plus fréquent, quelques parcelles de son tissu mortifié sont refou-
lées facilement à travers les canaux creusés dans l’ivoire où se trou-
vaient les vaisseaux dont je viens de parler, et vont atteindre l’os maxillaire ;
il en résulte une inflammation, une ostéite, et l’on se trouve en présence
de l’abcès dit dentaire. Dans d’autres cas, beaucoup plus rares, la pulpe
subit une sorte de mortification et ne détermine point d’inflammation par sa
présence; mais elle est devenue un corps étranger, ainsi que les petits vais-
seaux sanguins décrits ci-dessus. Que l’on se figure une pointe de racine
d’où émergent trente à quarante petits vaisseaux desséchés, comme les
poils d’un pinceau, et on ne sera pas étonné qu’elle agisse comme un corps
étranger, dont la surface est, somme toute, assez étendue. Je crois que c'est
là la véritable origine des kystes développés autour des dents malades.
En effet, jamais l'insertion de la paroi kystique ne dépasse sur la racine
la hauteur à laquelle on trouve encore des vaisseaux sanguins. Si réelle-
ment le soi-disant périoste formait cette paroi, il n’y aurait pas de raison
pour qu'il n’y contribuât dans sa totalité, c’est-à-dire jusqu'au bord gin-
gival.
Enfin ce fait anatomique suffit, il me semble, à expliquer la présence de
l'épithélium signalé par M. Nepveu, car la tunique interne des vaisseaux
peut en fournir en abondance.
En résumé :
1° Les kystes des maxillaires sont analogues aux autres kystes observés
dans les différents tissus.
20 Ils se développent autour de corps étrangers non irritants, et les
isolent.
3 Ces corps étrangers peuvent être apportés de l'extérieur (kystes signa.
SÉANCE DU 29 MARS. * “487
a
lés par Broca) ou bien être constitués par un fragment de tissu animal mor-
tifié ou occupant une place anormale.
4° Les fragments de tissus occupant une place anormale sont les débris
épithéliaux provenant de l'organe adamantin, et inclus dans la substance
osseuse du maxillaire. Les fragments mortifiés sont la pulpe dentaire, et
les vaisseaux qui s’y rendent en traversant le cément et l’ivoire de la pointe
radiculaire.
9° L’épithélium observé sur la paroi kystique peut être fourni par la tu-
nique interne de ces vaisseaux.
6° Le terme de kyste périostique est impropre, et doit être remplacé par
ceux de kyste épithélial et kyste radiculaire des mâchoires, suivant les
cas.
NOTE RELATIVE A L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR QUELQUES PHÉNO-
MÈNES VITAUX (MOUVEMENT DES CILS VIBRATILES, FERMENTATION), par
M. P. REGNanr.
Dans la dernière séance, nous avons communiqué à la Société un cer-
tain nombre d’expériences se rapportant à l’action des hautes pressions sur
les conditions de la vie. Nous voudrions aujourd’hui compléter ce que nous
avons dit sur ce point. Quand on comprime jusqu’à 600 ou 700 atmosphères
des infusoires, on remarque que ces animaux sont beaucoup plus résistants
que les êtres plus complexes en organisation. Nous avons opéré sur des
paramécies, des kolpodes et des vorticelles. Il faut pour les faire tomber
en état de vie latente, plus de pression et plus de temps qu’il n’en est
nécessaire pour les autres animaux ; on y arrive néanmoins.
Quand on agit sur des infusoires ciliés, comme les vorticelles, on remar-
que que, en dix minutes et avec une pression de 600 atmosphères,on arrête
complètement les cils vibratiles ; l’action du long pédicule spiral de l’ani-
mal est elle-même annihilée et le plus souvent il demeure allongé.
Il faut une heure environ pour que l’animal délivré remette en mouve-
ment ses cils et pour que le mouvement du fil spiral recommence.
En résumé, nous affirmons done de nouveau que les infusoires de la sur-
face de la mer ne sauraient, sauf acclimatement lent, vivre dans les profon-
deurs et que pour ces êtres il doit, comme pour tous les autres, exister une
faune abyssale.
Nous avons encore essayé la pression sur des êtres en voie de développe-
ment. Des tétards de grenouille soumis à 400 atmosphères se sont endor-
mis profondément, ils ont mis plus de quatre heures à se réveiller : à 100,
200, 300 atmosphères, ils ont semblé ne rien éprouver. Ces animaux sont
donc, eux aussi, assez réfractaires à l’action, de la pression, puisque, à
400 atmosphères, les grenouilles sont rigides et tuées. Les tritons, même
188 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
adultes, ont pu résister à 400 atmosphères et ne sont morts qu’à 600 :.ils
nous semblent aussi avoir une plus grande résistance.
Nous avons essayé l’action de la pression sur presque tous les ferments
solubles. Ils ne sont nullement entravés. La salive, le suc pancréatique, le
ferment inversif agissent aussi bien à 600 atmosphères qu’à la pression
normale.
DE L'EXCRÉTION DES CARBONATES PAR LES BRANCHIES, par M. P. REGNARD.
Quand on abandonne dans un vase rempli d’eau et bien ventilé par un
barbottage d’air, un certain nombre de poissons, on voit que l’eau où ils
étaient placés, se charge rapidement de carbonates. Après avoir dégagé
tous les gaz dissous dans cette eau par le vide absolu et l’action de la cha-
leur, on produit encore un abondant dégagement de bulles gazeuses si on
ajoute quelques gouttes d’acide.
Ce fait nous avait déjà vivement frappés il y a six ans, M. le professeur
Jolzet et moi, au cours d’un long travail sur la respiration des animaux
aquatiques.
J’ai depuis cherché par où ces sels pourraient bien sortir de l’organisme
du poisson et j’ai pensé que peut-être il se faisait une excrétion de carbo-
nates, par diffusion, à travers la paroi si fine des branchies.
Pour voir ce qu’il en était, pour savoir si cette excrétion de carbonates
était un acte respiratoire, j'ai d’abord cherché si elle variait en même
temps que la respiration.
Pour cela, j'ai élevé lentement la température de l’eau et par conséquent
celle de l’animal. On sait, par nos expériences antérieures, que, dans ces
conditions, les phénomènes respiratoires augmentent rapidement.
Un poisson, qui, à 10 degrés, excrétait en vingt-quatre heures 840 eenti-
mètres cubes d’acide carbonique libre, excrétait en même temps 30 centi-
mètres cubes d’acide carbonique combiné. À 25 degrés il excrétait 1440 cen-
timètres cubes d'acide libre et 218 eentimètres cubes d’acide combiné. A
30 degrés il excrétait 2664 centimètres cubes d’acide libre et 880 d’aside
combiné. [l s'agissait donc bien d’un phénomène respiratoire puisqu'il pro-
gressait ou diminuait en même temps que les combustions respiratoires
elles-mêmes.
Mais nous avons voulu en donner une preuve plus complète encore. Nous
avons essayé de placer dans un vase les branchies d’un animal, pendant bue
le reste de son corps serait dans un autre vase. Pour cela nous avons mis
une anguille dans un tube en U renversé. La tête de l’anguille plongeait
seule dans un vase d’eau, le reste du corps et l’anus étaient dans un autre
vase : on ne pouvait donc pas ineriminer l'intervention des déjections intes-
tinales ou cutanées.
Dans ces conditions,nous avons vu 172 centimètres cubes d’acide carbo-
SÉANCE DU 29 MARS. 189
nique sortir, à l’état de carbonate, de la branchie. En sorte que nous pouvons
dire que, à côté de la respiration branchiale gazeuse, il existe une vraie
respiration solide par la sortie, par diffusion des carbonates contenus dans
le sang.
Nous rapproehons notre étude de celle de Fréderieq (de Liège), qui dé-
montre qu’un courant inverse peut exister, de sorte que, par diffusion et
à travers la branchie, les sels du sang se mettent en harmonie avec ceux
de l’eau où baigne le poisson, si bien qu’on peut faire apparaitre tel ou tel
sel dans le sang d’un poisson,simplement en mettant ce sel dans l’eau où on
le fait vivre.
LA FIÈVRE TRAUMATIQUE NERVEUSE ET L'INFLUENCE DES LÉSIONS DU CERVEAU
SUR LA TEMPÉRATURE GÉNÉRALE. Note de M. Charles RICHET.
L'influence des lésions du cerveau sur la température générale du corps
n’est pas connue. On sait que les lésions de la moelle (faits cliniques de
Brodie, Billroth, Fischer, Quincke, Frerichs, expériences de Tscheschichin,
Quincke, Naunyn, Brück et Günter, Schreiber, etc.) portant sur la moelle
cervicale, le bulbe ou la moelle allongée, déterminent quelquefois une aug-
mentation rapide de la température générale du corps. Dans toutes ces ex-
périences, il ne s’agit pas du cerveau, mais de la moelle allongée ou de la
moelle cervicale, dont l’influence sur la chaleur est incontestée.
Les expériences de MM. Enlenburg et Landois ont prouvé que l’excitation
d’un lobe cérébral produit dans le membre du côté opposé dilatations para-
lytiques des vaso-constricteurs, et élévation notable de la température de ce
membre. Mais ils ne parlent pas de la température générale,
Or l’excitation du cerveau et des régions les plus superficielles du cer-
veau produit une fièvre traumatique nerveuse, et en quelques heures la
température générale monte de 1, 2 et 3 degrés (1).
Les expériences dont je vais donner ici succinctement les résultats, por-
tent sur des lapins. Elles ont été faites au laboratoire de physiologie de la
Faculté, avec l’aide de MM. Gley et Rondeau, que je tiens à remercier de
leur obligeante assistance. Toutes les températures ont été prises dans le
rectum, avec des thermomètres dont l’exactitude a été vérifiée.
(1) Chez un lapin enveloppé d’ouate, la température extérieure étant de 29,4,
M. Schreiber (Archives de Pflüger, t. VI, p. 591) a vu, après la destruction du
cerveau (lobes antérieurs), la température générale d’un lapin monter de 38°,7 à
41,3 en six heures. Mais, comme trois autres expériences analogues ne lui avaient
donné qu’un résultat négatif, et que d’ailleurs ses recherches portaient sur un
tout autre sujet, il n’a pas porté son attention sur ce fait remarquable.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 13. 15
190 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Par un hasard heureux, c’est ma première expérience qui a été la plus,
décisive, Elle est d’une netteté remarquable et peut servir de type.
il À 3h., Température : 390,5.
Piqüre du cerveau droit par une épingle d’acier qui perfore le crâne.
A 5h. 45, Température : 40°,4.
Le lendemain à 2 h. 40, Température : 39,2.
Nouvelle piqûre au même endroit.
À 3 h. 15, Température : 42°,8.
A 4 h. 15, Température : 42,2.
A 5 h. 50, Température : 42,5.
Le lapin mange, ne présente aucun phénomène morbide; mais, dans la nuit, il
meurt, probablement d’hyperthermie, car les lésions cérébrales, trouvées à
l’autopsie, étaient insuffisantes pour expliquer la mort. La piqûre avait respecté
les couches optiques et les corps striés, se trouvant à 3 ou 4 millimètres en avant
du corps strié.
Ainsi, dans cette expérience, la piqûre des lobes antérieurs a déterminé
en quarante-cinq minutes une élévation de température de 3°,6.
C’est un exemple tout à fait typique de fièvre traumatique nerveuse.
Voici maintenant,d’autres expériences, faites encore par simple piqûre.
HE A 2 h. 30, Température : 39°,6.
Piqüre du cerveau gauche pour la première fois.
A 5 h. 30, Température : 40°,7.
L'animal est encore vivant aujourd'hui et très bien portant.
Alh., : Température : 39°,7. »"
III. Piqûre du cerveau droit, en un point qui avait déjà été piqué les jours
précédents (deux fois).
À 2 h. 30, Température : 40°,4.
An Température : 40,6.
A 5h, Température : 41,2.
L'animal a conservé toute son intelligence; il mange, se lèche, court, etc. Il est
très bien portant aujourd’hui encore.
IV. AS {Oh ATEmpérature ao
Piqûre du cerveau droit en un point qui avait été déjà piqué les jours précé-
dents (trois fois).
A.i1h., Température : 400,1.
À 3h. 15, Température : 40,8.
A 5h., Température : 39,9.
Le lendemain, Température : 39,3.
Ces expériences, et d’autres encore, sur lesquelles je ne puis insister,
nous prouvent que la piqûre du cerveau (lobes antérieurs droit ou gauche)
SÉANCE DU 29 MARS, : | 191
peuvent élever énormément la température: cette fièvre traumatique ner-
veuse disparaît plus ou moins rapidement, ce qui exclut toute hypothèse
d'infection générale par les microbes. D'ailleurs, on ne comprendrait pas
qu’en une heure ou deux, la septicémie se soit manifestée par une Hiper
thermie si complète.
D'ailleurs, pour juger l’influence du traumatisme sur les DATES quelques
expériences ont été faites.
v A2h., Température : 39,9
Mise à nu et dilacération du nerf ce.
A 30) Température : 390,1.
A5 h.,10, Température : 40,1.
A 5h. 30, Température : 40,0.
VE À 10h.,, Température : 39,7
(Plaie faite à la cuisse, avec dilacération et a des muscles).
À 1 h. 30, Température : 40,0.
A 3 h. 30, Température : 39,7.
Le lendemain, Température : 39,8.
Si l’on met à nu le cerveau, et qu'on le cautérise largement, soit avec le
thermo-cautère, soit avec des substances chimiques caustiques, on voit le
mêmes phénomènes se produire.
VIL. À 5 h., cautérisation de la surface du cerveau avec le perchlorure de
fer. Température : 39°,4
Le lendemain à 3 h., Température : 42,25.
On touche de nouveau le cerveau ; et alors, à partir de ce moment, l’animal
meurt rapidement en se refroidissant avec une rapidité extrême.
A 3 h. 20, Température : 419,5.
3 h. 50, Température : 41,55.
A 3 h. 40, Température : 41,15.
A 3 h. 50, Température : 40,09.
A &h., Température : 40,4.
A 6h. 25, Température : 38,8.
VIIL. Lapin avant l’opération. Température : 390,7.
Lapin attaché pendant une heure. Température : 38 degrés.
À 5 h., le cerveau est mis à nu et cautérisé avec de l’acide phénique.
A Gh. 25, Température : 400,2
Le lendemain à 9h., Température : 41,2.
Cautérisation nouvelle. :
À 10 h. 50, Température : 41°,7.
A 1h. 30, Température : 41,9.
A 4h.,. Température : 41,6.
192
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Six lapins sont pris comme termes de comparaison, traités deux à deux
de la même manière; trois d’entre eux sont opérés avec des précautions
antiseptiques.
IX. — XIV. A.
A'.
B.
Incision de la peau du crâne sans antiseptiques.
Incision de la peau du crâne avec antiseptiques.
Incision de la peau du crâne et mise à nu du cerveau sans
antiseptiques.
Incision de la peau du crâne et mise à nu du cerveau avec
antiseptiques.
Incision de la peau du crâne, mise à nu et cautérisation du
cerveau sans antiseptiques.
Incision de la peau du crâne, mise à nu et cautérisatien du
cerveau avec antiseptiques.
L'opération est faite simultanément pour les six lapins à 1 h.
A°
AV
C.
Température avant l’opération : 39°,6.
Température à 4 h. : 39,6.
Température avant l’opération : 39,5.
Température à 4 h. HD 0e
Température avant l’opération : 39,3.
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,9.
Température à 4h. : 40,2.
Température à 5 h. : 29,8.
Température avant l’opération : 39,0.
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,8.
Température à 4 h. : 39,8.
Température à 9 h. : 39,6.
Température avant l’opération : 39,0.
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,2.
Température à 3 h. : 39,5.
Température à 4 h. : 99,1:
Température avant l’opération : 39,0.
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,5.
Température à 3 h. : 48,1.
Température à 4 h. : 41,8.
Le lendemain, tous les lapins paraissent assez bien portants.
Température À : (?).
Température A! : 40°,0.
Température B : 40,5.
Température B' : 40,2.
Température C : 39,8.
Température C' : 40,2.
(1) Ilest probable que dans cette expérience, comme dans la suivante, ile cer-
veau a été légèrement blessé lors de l’enlèvement de la voûte crâänienne.
ce pu 29 Mars. 193
Cette expérience nous prouve, d’une part, que le traumatisme chez un
la pin (avec ou sans précautions antiseptiques) ne détermine pas d’élévation
notable de la température, tandis que les lésions cérébrales produisent
ra pidement une hyperthermie extrême ; mais dans quelques cas seulement.
Il nous reste à déterminer — et c’est ce que nous étudions en ce moment
— quels sont les points du cerveau qui agissent le plus énergiquement sur
la production exagérée de chaleur.
Sur un canard, l’action hyperthermique du cerveau a été observée. Il est
vrai que la cautérisation très profonde du cerveau avec du phénol et du
per chlorure de fer a gagné les corps opto-striés, mais le bulbe et la protu-
bérance, comme l’autopsie l’a démontré, étaient intacts.
XV. A 2h., Température : 41°,8.
Mise à nu du cerveau.
| A 5h., Température : 41°,0.
: Le lendemain, cautérisation du cerveau.
À 4h. 30, Température : 41°,5.
A Gh., Température : 42,9.
Sur les chiens, comme sur les lapins, l’excitation du cerveau fait monter
la température générale.
Sur un chien dont la température était de 38°,4, la cautérisation avec du
perchlorure de fer et du phénol de la surface du lobe occipital gauche à
fait monter en cinq heures la température à 39°,4.
Le lendemain, la température était à 40 degrés. Mais, malgré les précau-
tions antiseptiques prises, nous ne pouvons être assuré qu'il n’y avait pas
un certain degré d'infection.
Sur un autre chien le cerveau est mis à nu et cautérisé. La température
est de 38°,46. (Nous mesurons cette température avec un thermomètre très
sensible, gradué en cinquantièmes de degré.)
À 4h. 40, cautérisation du lobe occipital.
La température, de 4 h. 40 à 5 h. 50, monte de 38°,46 à 38°,82, quoique
l'animal, d’une douceur extraordinaire, n’ait fait aucun effort pour se déta-
cher, et n’ait pas réagi à l'opération.
Sur un autre chien la température est à 2 heures de 39°,52.
On l’attache, on incise la peau, on met à nu le cerveau du côté gauche, et
on constate, à 3 h. 45, un abaissement considérable. La température est
_ de 38°,58.
Des excitations électriques aux circonvolutions rolandiques et en divers
points de l’écorce font monter la température, qui baisse ensuite et qui est
194 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
à 9 h. 25 de 38°,50. À ce moment (après cautérisation du gyrus) on canté-
rise les circonv olutions occipitales. |
À 5h. 25, Température : 380,50.
A 6h., Température : 38,50.
A 6h. 10, Température : 38,70.
A 6 h. 30, Température : 38,86.
A Gh. 55, Température : 38,94.
Ces faits, quoique encore incomplètement déterminés, semblent prouver
que, sur les chiens comme sur les lapins, le même effet thermique général
s’observe par l’excitation du cerveau en certaines parties de l'écorce. : :
Que de points sont encore à étudier? S’agit-il d’une production plus
erande, ou d’une déperdition moindre de chaleur ? Est-ce,une excitation
de l’écorce cérébrale, ou une suppression d’action (1)? Faut-il assimiler
cette fièvre cérébrale traumatique à la fièvre que détermine parfois lexci-
tation d’un nerf périphérique ? Bien des questions se: posent, et nous nous
proposons, MM. Gley, Rondeau et moi, d’en.poursuivre la recherche, afin de
pénétrer, si c’est possible, plus profondément dans, cette question intéres-
sante. \
Mais les explications doivent venir après l’exposé du fait, et il nous suffira
aujourd'hui d’avoir montré que l’excitation de l’écorce du cerveau déter-
mine une fièvre traumatique nerveuse et de l’hyperthermie centrale. :
M. Ocuivier. Je demanderai à M. Richet s’il a pris immédiatement après
chaque expérience, la température des animaux sur lésquels il opéraït'et
s’il a constaté, dans ce cas, un abaissement de températuré comparable à
celui qu'ont one chez l'Homme: à la suite d'hémorrhagies cérébrales,
M. Charcot et son ancien élève M. Bodies abaissement qui peut aller
jusqu’à 36 degrés et même à 35°,4. Dans un-cas d’hémorrhagie cérébrale
que j'ai observé à l’hospice d’Ivry, la température rectale est descendue à
34 degrés. À cet abaissement succède une réaction en sens inversé, qui
varie suivant que le malade doit survivre ou succomber. Dans le premier
cas, la température revient graduellement à son chiffre normal, autour
duquel elle oscille avant de s’y maintenir ; dans le second, elle s’élève rapi-
dement à 40 degrés et peut atteindre 41 et même 42 degrés. C’est là un signe
pronostique d’une très grande valeur.
Je demanderai également à M. Richet si dans ses expériences il a porté
son attention sur l’état des urines et s’il a constaté les phénomènes que j’ai
signalés chez l’homme, après l’hémorrhagie cérébrale, à savoir de la
(1) IL est à remarquer qu’en général les lapins, malgré leur hyperthermie
centrale, ont les oreilles froides, ce qui semble indiquer, contrairement à l’opi-
nion de MM. Eulenburg et Landois, une constriction plutôt qu’une vaso-dilatation
périphérique.
SÉANCE DU 29 MARS. 195
mr +
‘polyurie, de l’albuminurie et de la glycosurie, phénomènes de même ordre
que l’abaissement de température et qui semblent dus à une compression
‘de la base de l’encéphale lorsque l’épanchement sanguin est abondant ou,
dans le cas contraire, à une excitation à distance sur la moelle allongée.
- Il n’est point nécessaire que l’hémorrhagie siège dans les parties profondes
du cerveau pour que ces phénomènes se produisent. Je les ai observés, à
l'exception de la glycosurie, dans un cas d’hémorrhagie dans la partie
moyenne de la circonvolution frontale ascendante droite.
SUR UN POINT DE LA PATHOGÉNIE DE L'ENDARTÉRITE DES PETITES
ARTÈRES, par MM. LÉPINE et BLANC.
Les travaux modernes, parmi lesquels il convient de citer particulière-
ment ceux de M. H. Martin (1), ont montré l'importance pathogénique de
l’endartériolite ; mais la pathogénie de cette dernière n’a pas encore été
suffisamment élucidée. Sans vouloir réduire le rôle de la dyscrasie (2),
nous croyons qu'il convient de se préoccuper, plus qu’on ne fait d'habitude,
d’un facteur mécanique, le tiraillement de l’artériole (3).
- La prédilection au niveau des courbures aortiques de l’athérôme, qui
reconnait, comme on sait, pour cause l’endartérite des vasa vasorum, les
différences que présentent, sous le rapport de, l'intensité de l’endartérite,
les artérioles de différents organes inégalement extensibles, paraissent
démontrer l'influence de ce facteur. A cet égard nous pouvons encore citer
un fait où l’endartérite était beaucoup plus prononcée dans les piliers du
ventricule droit dilaté que dans ceux du ventricule gauche.
En général, les artérioles du rein ne présentent pas un épaississement
de l’endartère, comparable à celui que l’on peut observer dans celles
des piliers du cœur. Serait-ce parce que les modifications de volume du
rein, bien étudiées par MM. Cohnheim et Roy, ne sont pas, le plus souvent,
suffisantes pour tirailler notablement les artérioles ?
Bien que relativement peu commune, l’endartériolite bien prononcée des
artérioles du rein s’observe cependant quelquefois, elle donne alors au rein
un aspect un peu particulier. La surface de l’organe est parsemée de dépres-
sions, de forme irrégulières, bien visibles quand on a détaché la capsule,
et dont chacune correspond à la terminaison d’une artériole corticale inter-
(1) Revue de médecine, 1881.
(2) Voyez à cet égard les Annotations à la traduction du Traité des maladies
des reins de Bartels.
3) L'un de nous (Compte rentlu de la Société de biologie, 1869) a expliqué
par le tiraillement de l’endocarde de l'oreillette le siège de prédilection de l’en-
docardite auriculaire dans certains cas.
196 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
lobulaire, ainsi qu'on peut s’en convaincre par l'examen microscopique
d’une coupe suivant l’axe de la pyramide. Une bande de sclérose plus
ou moins régulière existe parallèlement à l'artère rétrécie, qui présente
également à un degré variable de la périartérite. Telle est sommairement
la disposition de cette sclérose d’origine artérielle, signalée depuis M. Lan-
cereaux par un certain nombre d’observateurs, mais qui n’est peut-être pas
encore suffisamment décrite.
Au point de vue du diagnostic de la lésion sur une coupe microscopique,
nous insistons sur le fait que cette sclérose s’étend toujours jusque sous la
capsule du rein, où elle forme de petits foyers, de dimension variable,
simulant ainsi, sous ce rapport, une autre forme anatomique de sclérose
rénale, la sclérose sous-capsulaire diffuse, sur laquelle nous nous propo-
sons de revenir ultérieurement.
NOUVELLES RECHERCHES SUR LE SOMMEIL, par M. Henri STAssANO.
Les études physiologiques sur le sommeil sont encore très peu avancées,
aussi je crois bien faire en communiquant, par cette note, les résultats gé-
_ néraux que j'ai obtenus en recherchant les causes qui peuvent modifier
l’heure à laquelle les animaux s’endorment.
Mes expériences ont été faites sur des oiseaux parce que, chez ces ani-
maux, il est plus facile de déterminer le moment précis où arrive le som-
meil. L'appareil qui a servi à mes expériences était une caisse, hermétique-
ment close, d’une contenance de 18 litres environ. Deux ouvertures, munies
de glaces, étaient pratiquées sur les côtés, permettant de voir à l’intérieur.
En enfermant ces oiseaux une heure, une heure et demie, deux heures,
trois heures, quatre heures, etc., avant le coucher du soleil, j'ai observé
que ces animaux s’endormaient de plus en plus tôt. J’ai cru en trouver la
raison dans la quantité de plus en plus grande de gaz carbonique que les
oiseaux exhalaient avant de s’endormir. C’est ce gaz carbonique qui, réagis-
sant sur eux, amenait un sommeil plus hâtif.
J’entrepris alors une série de recherches méthodiques sur l’influence
qu’exerce sur le sommeil l’acide carbonique, mélangé à l'air en petites
proportions.
Des serins furent introduits dans la caisse, chaque jour, à la même heure.
Mais une quantité variable de gaz carbonique était mélangée à l’air de la
caisse. Pour cela, il suffisait de décomposer, par l’acide sulfurique, du car-
bonate de soude, soigneusement pesé, dans un ballon, mis en communica-
tion par un tube avec la caisse. La quantité de carbonate de soude
employée a varié de 1 à 14 centigrammes.
On voit qu’à ces faibles doses l’acide carbonique ne pouvait guère agir
que physiquement.
SÉANCE DU 29 MARS. 197
Or je constatai que le sommeil arrivait plus tôt chez les serins soumis à
l'expérience, lorsqu'ils respiraient un air plus chargé de gaz carbonique.
À un certain moment les animaux, avant de s’endormir, commençaient
à manifester une certaine gêne de la respiration, des mouvements
dyspnéiques. |
Cette gêne et ces mouvements se manifestent chez les animaux, lorsque
le sang se trouve surchargé d’acide carbonique. Dans le cas actuel, l’accu-
mulation de gaz carbonique est le résultat d’une moindre exhalation de
gaz carbonique, produit dans les tissus. On sait, en effet, que l’exhalation
de l’acide carbonique diminue sensiblement quand augmente la proportion
du gaz carbonique dans l'air.
Il faut bien noter que dans ces expériences l’acide carbonique n’agissait
que physiquement, comme ferait l’augmentation de la pression baromé-
trique. M. Paul Bert a démontré qu’en augmentant la pression de l’air,
l’exhalation du gaz carbonique diminue.
J'ai expérimenté aussi cette influence de la pression sur le sommeil. Je
n’ai fait que deux expériences; dans la première la pression était augmentée
de 40 centièmes, et dans la seconde de 50 centièmes d’atmosphère. Le
sommeil fut ralenti.
Ainsi les influences qui diminuent l’exhalation de l’acide carbonique
avancent l'heure du sommeil. |
J’ai observé, au contraire, qu’en favorisant l’exhalation du gaz carbonique
on retarde le moment auquel les oiseaux s’endorment. Pour retarder sen-
siblement l’heure du sommeil chez les serins, il a suffi de fixer l’acide car-
bonique, exhalé par les oiseaux, au moyen de morceaux de chaux sodée,
placés au fond de la caisse, et de permettre à l’air de se renouveler, en
passant dans un ballon, où il y avait aussi de la chaux sodée. Le retard
observé dans cette expérience, répétée nombre de fois, fut de cinq minutes
environ.
En introduisant artificiellement dans la caisse de l’oxygène libre, jai pu
obtenir un retard maximum de trois heures et quarante minutes. D'une
façon générale, le sommeil venait d'autant plus tard, que la quantité d’oxy-
gène employée était plus forte.
Mes expériences sur le sommeil forment donc deux séries. Dans la pre-
mière, j’ai cherché à diminuer l’exhalation du gaz carbonique, soit en
augmentant la proportion de ce gaz dans l’atmosphère respirable, soit en
augmentant la pression ordinaire de l’air. Le résultat fut une avance dans
le sommeil.
Dans la deuxième série d'expériences, j'ai cherché au contraire à faciliter
l’exhalation du gaz carbonique chez ces mêmes animaux, soit en enlevant
ce gaz au fur et à mesure de sa production, soit en introduisant directement
de l’oxygène libre. Le résultat a été un sommeil plus tardif.
198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SUR LES CARACTÈRES CLINIQUES DES PARALYSIES PSYCHIQUES EXPÉRIMENTALES
(PARALYSIES PAR SUGGESTION). — Note de MM. P. RicHer et GILLES DE
LA TOURETTE. |
En 1869, Russel Reynolds (1) attirait l'attention sur une forme de para-
lysie survenant en dehors de lhypnotisme chez des sujets sains ou tout au
moins paraissant l'être, paralysie suggestive, « dependent on idea, » sui-
vant l'expression de l’auteur anglais. En 1878, Erb (2), commentant le
mémoire de Reynolds, donnait le résumé de nouveaux faits empruntés à sa
pratique personnelle. Cette question vient d’être reprise et soigneusement
étudiée par M. Bernheim (3), professeur à la Faculté de médecine de
Nancy; elle a été également l’objet d’une intéressante communication de
M. Battey à la Société de biologie (4).
IL semble, ainsi que l’a fait remarquer M. Charcot (5), que tous ces
auteurs, étudiant ces paralysies suggestives, soil pendant la période som-
nambulique ou cataleptique de l’hypnotisme, soit à l’état de veille, aient eu
pour but unique de rechercher les conditions nécessaires à leur production.
Ils ont, en effet, complètement laissé dans l’ombre les phénomènes cliniques
qui ont pour siège le membre paralysé.
À l’instigation de M. Charcot et suivant la méthode qu’il a depuis long-
temps préconisée, nous avons, pour combler cette lacune, recherché, une
fois la paralysie produite, quels étaient les signes qui pouvaient permettre
d’en affirmer l’existence, et surtout de la différencier des autres paralysies
dites organiques (6). |
Avant d'entrer dans l’étude des signes cliniques fournis par ces para-
lysies, il est utile, afin d’éviter toute erreur et de bien préciser la question,
de dire qu’elles peuvent être produites par suggestion, dans la période
somnambulique ou cataleptique de l’hypnotisme ; — persister à l’état de
veille chez les individus hypnotisables; — être suggérées à l’état de veille
chez ces mêmes sujets hypnotisables, hystériques ou non ; — être suggérées
à l’état de veille chez les sujets non hypnotisables. Elles peuvent, en outre,
(1) Russel Reynolds, Remarks on paralysis and others disorders of motion
and sensation dependent on idea. In British med. Journal, 1869, Nov. 6.
(2) Erb, Handbuch der Krankheiten des Nervensystem. An Ziemssen,
11° vol., 2 partie, p. 827, 1878. L
(3) Bernheim, De la. suggestion dans l’état hypnotique et dans létat de
veille. Paris, 1884.
(4) Communication faite le 15 mars à la Société de biologie.
(5) Charcot. — Leçon du 7 mars faite à l'hôpital de la Salpétrière.
(6) La plupart des phénomènes que nous rapportons ont du reste été observés
par l’un de nous, en 1883, et consignés dans un mémoire qui pour des raisons
spéciales n’a pu être encore publié.
SÉANCE DU, 29 Mars. 199
affecter, sous l’influence de la suggestion, deux modalités différentes, entre
lesquelles se placent tous les intermédiaires ae le membre pes
lysé peut être flasque ou contracturé.
Si, dans la circonstance, nous nous proposons d'examiner les signes cli-
niques fournis par ces paralysies dans tous les étatset chez tous les sujets,
nous devons dire que nous nous bornerons à étudier leur symptomatologie
en dehors de tout état de contracture dans l’état de flaceidité qui sé produit
d'emblée sous l'influence de l’injonction, type qué nous allons rapporter.
Lorsque, dans lhypnotisme, ou à l’état de veille, on dit au sujet en
expérience, hypnotisable, ou non: « Vous ne pouvez plus remuer votre
bras, ilest inerte et retombe le long du corps, » on constate bientôt une
paralysie de la motilité et de la sensibilité. On peut, à la vérité, dissocier
par une injonction appropriée la motilité et la sensibilité, mais les phéno-
mènes qui vontsuivre restént les mêmes lorsque la sénsibilité est conser-
vée; toutefois la réciproque n’est pas vraie. Ces phénomènes sont de la
plus haute importance, ce sont :
1° La flaccidité complète du membre qui, siulavke retombe comme une
masse inerte; l’abolition complète de la motilité et D la sensibilité.
2 L’exagération considérable des réflexes tendineux, facilement consta-
table par les procédés de recherche les plus élémentaires. À cet égard, les
tracés obtenus par comparaison avec le myographe de Marey, sont des plus
instructifs. Après avoir pris le tracé du réflexe rotulien (le myographe
étant placé sur le droit antérieur de la cuisse), chez un sujet-type à l’état
de veille et pendant la période somnambulique de l’hypnotisme, le membre
n'étant pas paralysé, on reproduit, sans changer le tambour myographique
deplace, letracé du réflexe dans l’état même de paralysie par suggestion. On
voit alors que le nombre des secousses, l'excitation restant la même, est en
moyenne triplé, et que la ligne de secousse dans l’état de paralysie est éga-
lement plus que triplée en hauteur.
3° Comme corollaire, il existe de la érépidation spirale, toujours plus
. appréciable au membre inférieur, mais qu’on peut également obtenir dans
le membre supérieur par l'extension forcée de la main. Les tracés myogra-
phiques ne diffèrent pas à cet égard de ceux qu’on obtient dans le cas de
paralysies organiques.
4 Le sens musculaire est complètement aboli dans le membre paralysé;
le sujet en expérience est incapable de retrouver avec sa main droite libre,
sa main gauche paralysée.
9° Nous avons entrepris quelques expériences relatives à la forme de la
secousse musculaire (électricité faradique, 10 degrés, Dubois-Reymond),
à l’aide de la méthode graphique de Marey. Il nous a été donné de constater
que, pendant la période paralytique, la hauteur de la secousse augmentait
et que sa descente prolongée simulait une sorte de tétanos incomplet.
La secousse qalvanique, étudiée par les mêmes procédés d’enregistre-
ment, nous à fourni des résultats analogues et encore plus satisfaisants et
200 , SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
démonstratifs. L’excitation était faite avec le pôle négatif et à la fermeture
du courant. Pendant l’état paralytique, la secousse atteignait une hauteur
double de celle qu’elle avait avant ou après la paralysie. De plus, elle était
très prolongée, et son sommet, remplacé par un plateau plus ou moins acci-
denté, se terminait brusquement par une descente rapide.
Ces derniers résultats obtenus par le choc galvanique nous ont paru
d'autant plus probants, que nous avions eu soin d’interposer un galvano-
mètre dans le circuit et de faire les excitations avant, pendant ou après la
paralysie, avec la même intensité de courant (7 à 8 milli-ampères).
Disons encore que la secousse électrique, parfaitement sentie avant la
suggestion paralytique, ne l’est plus lorsque le membre est paralysé.
6° Troubles vaso-moteurs. Sensation de froid subjectiveet objective dans
le membre paralysé. Zone de rougeur diffuse autour de la plus légère
piqûre d’épingle. En étudiant tous ces symptômes, on remarquera de suite
combien ils se rapprochent de ceux que l’on observe dans les paralysies de
cause organique, si bien que, si la notion d’étiologie faisait défaut, la diffé-
renciation serait des plus difficiles à établir. À ce titre, ainsi que l’a fait
remarquer M. Charcot dans sa leçon du 7 mars 1884, dans laquelle il a
reproduit ces paralysies par suggestion devant un grand nombre d’audi-
teurs, ces caractères méritent donc d’atlirer l’attention de tous ceux qui,
de près ou de loin, s'intéressent à la pathologie nerveuse.
UN DERNIER MOT SUR LES ANTÉRIORITÉS DE LA MÉTALLOTHÉRAPIE ET SUR
LA PRÉSERVATION CUPRIQUE DANS LES MALADIES INFECTIEUSES, par M. le
docteur V. Bura.
Dans la séance du 12 février, nous avons eu l’honneur d’une double mise
en cause. :
La première a eu pour auteur M. Rabuteau, un adversaire de la dernière
heure de la métallothérapie, qui paraît tenir à faire preuve qu’il ne peut
se pardonner non seulement d’avoir voté, avec l’unanimité de ses honorables
collègues, la première récompense que nous aient value plus de trente années
de travaux, mais d’avoir baptisé, le premier, la nouvelle méthode thérapeu-
tique du nom de Burquisme. Revenant sur une tentative malheureuse de
revendications déjà faite dans la séance du 15 juillet 1882, — malheureuse
à cause de la réplique si topique qu'il s’était attirée de la part de MM. les
professeurs Bouley et Grimaux, — M. Rabuteau est parti d’Aristote et a
fini par Perkins et Despine pour essayer encore d'établir que la métallo-
thérapie n'est nouvelle ni en fait, ni en principe.
Comme nous n'avons, nous, aucun goût pour les redites et que, tenant
par-dessus tout à continuer de justifier la bienveillance que M. Rabuteau a
SÉANCE DU 29 MARS. 201
reprochée à la Société, nous devons ne pas distraire ses moments si pré-
cieux pour des questions. oiseuses, nous renverrons l’infatigable prôneur
de cette métallothérapie d'aventure, la Ferromanie, dans laquelle tant de
nos néo-alchimistes ont su trouver la solution pratique du problème de la
transmutation des métaux, à la réponse de MM. Bouley et Grimaux dans la
séance précitée, à celle que nous lui fimes nous-même dansle Bulletin qui
suivit, p. 913 et suivantes, sous ce titre : le Burquisme et le Perkinisme,
à notre récent traité : les Origines de la métallothérapie, et dût son
amour-propre en pâtir, nous dirons que M. Rabuteau n’a même pas la pri-
meur de ses revendications. En effet, laquestion desantériorités de la métallo-
thérapie avait déjà fait l’objet d’une thèse, en 1877, par M.Jenning’s, et nous
lavions nous-même longuement débattue avec MM. Despine (neveu), dans la
Gazette médicale de 1877, et Monard, dans le Lyon médical de 1880.
Afin que la Société de biologie puisse, au besoin, achever de s’édifier sur les
raisons décisives qui firent que ces deux honorables confrères eurent, eux,
le bon goût de ne point revenir sur un sujet épuisé, nous avons l’honneur
de lui faire hommage d’un exemplaire du tirage à part des articles qui clà
turèrent le début.
Abordons maintenant le sujet pour lequel nous avons demandé surtout
la faveur d’être entendu.
Le docteur Baïlly a fait école. Quoique nous eussions démontré, par
des enquêtes qui défient tout contrôle, que ses arguments contre la préser-
vation cuprique professionnelle trouvaient leur explication dans les déplo-
rables conditions hygiéniques des ouvriers de Bornel, conditions contre les-
quelles il n’y a point de préservation cuprique qui tienne et qui, d’ailleurs,
tombent en présence de ce fait indéniable que les ouvriers d’une usine
rivale voisine, celle d’Ercuis, et ceux mêmes de la succursale, à Paris, de
l'usine de Bornel, qui ne sont point soumis à ces mêmes conditions, ont
joui d’une immunité à peu près absolue, aussi bien que les centaines d’ou-
vriers des maisons Christofle, Desclars, Caylar, Veyrat, etc., qui font les
mêmes articles; bien que, d’autre part, nous eussions également prouvé
que chaudronniers, fabricants de bronzes, fondeurs en cuivre, etc., de
Paris et d’ailleurs, ont été préservés de même dans les différentes épidé-
mies, la campagne anticuprique à repris de plus belle.
Parmi les nouveaux combattants, M. Bochefontaine s’est fait distinguer
par une ardeur sans égale. Après avoir fait, avec l’aide de M. Ygouf,
les trouvailles que l’on sait du côté de Villedieu, M. Bochefontaine a com-
battu le bon combat itérativement devant l’Académie de médecine et l’Aca-
démie des sciences, où, plus heureux que nous, il a, lui, toujours trouvé des
oreilles pour l'entendre ou quelqu'un pour les faire s'ouvrir. Non content
de prendre à partie la préservation professionnelle, il a attaqué les expé-
riences, aussi bien conduites que probantes, de MM.Miquel et Chamberland
sur l’antisepticité des sels de cuivre, et celawprécisément au moment même
où M. Charpentier mettait cette antisepticité hors de doute cliniquement,
202 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
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par les expériences remarquables dont il a entretenu l’Académie, dans la
séance du 4 mars dernier, Puis, un beau jour, le 16 février, le lieutenant
de M. le professeur Vulpian est venu, dans cette enceinte, reproduire les
mêmes arguments, nous voulons dire les mêmes assertions sans preuves,
les mêmes inexactitudes ou les mêmes portions de vérité seulement; il a
renouvelé devant la Société cette exhibition de plats, de cuillers, de four-
chettes, d’écumoires, de cannelles, etc., en cuivre, avec factures et acheteurs
d’icelles à l'appui, et, comme si ce n’était point déjà assez de pareilles pué-
rilités, il a parlé d’alambies, de chaufferettes, de chapeaux, de sabots, de
calumets, et même de vases de nuit en cuivre, pour montrer comment les
Sourdins, qui sans doute ne connaissent point l’étamage et ne lavent
jamais leur vaisselle, déjà imprégnés de cuivre par Pair des rues, achèvent
des’en «saturer autant qu’il est possible ».
Après cet argument et d’autres de même valeur, après la présentation
de ses deux témoins, M. Ygouf, chaudronnier, et son fils, mandés tout
exprès de Villedieu, pour certifier quoi? qu’on y fabrique pour deux millions
d'objets en cuivre de toute sorte et qu’on peut y en acheter, M. Bochefon-
taine, usant d’un procédé bien connu, s’est comme exclamé : € Gette consta-
tation faite, je n’aurai plus: à discuter des citations dénaiurées, des
statistiques fantaisistes, toujours réfutées, et que l’on remet quand même
en avant pour la défense d’une vue puérile de l'esprit. »
N’étaient les égards que l’on se doit entre collègues, on pourrait légitime=
ment se demander pourquoi aucun des chimistes émérites de la Société et,
surtout M. Galippe n’a demandé la parole pour adresser à M. Bochefon-
taine l’une ou l’autre de ces deux questions : | |
1° À supposer qu’à Villedieu, on fasse une sorte de débauche du cuivre,
contrairement à cetle asserlion de M. Tétrel : « Il est faux, complètement:
faux, que le plus grand nombre des habitants fasse un usage spécial
d’ustensiles en cuivre; fourehettes, cuillers et plats en cuivre n’existent que.
dans l’imagination d’un correspondant insuffisamment renseigné » ; à sup-
poser qu’on y pousse le culte pour le cuivre jusqu’à ne vouloir vider letrop
plein nocturne de sa vessie que dans un pot de chambre de ce métal, l’éta-
mage n’est point aussi inconnu qu'il l'était partout au commencement du
siècle et qu’il l’est encore dans tout l'Orient, et alors comment peut-il se faire:
qu'ils s’imprègnent de cuivre plus que ne le faisaient nos pères, doût la bat-
terie de cuisine, veuve encore de cette. couche d’étain plombique qui a eu
pour résultat de créer un danger très réel à la place d’un péril imaginaire,
brillait d’un éclat si vif sur leurs crédences ?
2° Quel est donc le composé cuprique assez volatil et à odeur assez pé-
nétrante pour affecter les organes olfactifs avant même que l’on soit entré
à Villedieu ? | |
Ces questions, nous les avons posées implicitement à M. Bochefontaine
dans trois lettres, dont une spéciale à l'effet de savoir dans quel volume de
l'Annuaire de l’association normande avait été puisée cette citation :
SÉANCE DU 29 MARS. 203
«qu'avant 1849, en 1832 et 1834, le choléra avait marqué son passage à
Villedieu comme dans le reste du département de la Manche. » Mais
M. Bochefontaine s’est renfermé dans le silence le plus dédaigneux, et
lorsque nous l'avons avisé, en janvier, de ce que nous devions dire dans la
séance du 19 nous avons eu aussi le regret de ne point le voir à la séance !
Comme il nous fallait pourtant connaître l’opinion d’un homme compé-
tent, nous avons pris le parti de recourir encore une fois à l’obligeance de
M. Boscher et de lui demander un éclaircissement, sur la première ques-
tion ? c'était inutile après la déclaration si topique de M. Tétrel, mais une
réponse. sur.la deuxième, celle des odeurs, plus le contrôle de la citation
faite par M. Bochefontaine. Le 2 mars, nous recevions la lettre qui suit :
« Affirmer et prétendre qu’à Villedieu l'air soit saturé d’émanations cupriques
etqu'on y sente le cuivre à plein nez! c’est trop fort, en vérité. Si les ateliers
et les ouvriers cuivriers dégagent une odeur sui generis (surtout, sans doute,
quand ces derniers ont mangé de l’ail ou de l'oignon, pour lesquels les chau-
dronniers, comme beaucoup d’autres ouvriers, nous ont paru avoir un goût très
marqué), cette odeur est tellement faible, qu’à un mètre de distance on ne la
peut sentir. Avancer alors qu’elle est forte au point qu’on en est frappé quand
on entre en ville par les routes de Saint-Lô ou de Pontfarcy, c’est préter à rire :
de même en prétendant que cette odeur existe dans ces rues signalées.
» J'avoue que parfois, et à certains moments seulement, il peut se produire
une odeur désagréable dans certaines rues. Lorsqu'on vide en effet le baquet où
s'opère le décapage des objets fabriqués, les matières organiques des ruisseaux,
sous l'influence de l'acide contenu dans les eaux de décapage, peuvent dégager
de l'acide sulfhydrique, qui n’a rien de commun, que je sache, avec le cuivre.
» Je n’ai jamais entendu parler que le choléra ait existé à Villedieu en 1832 et
en 1834. (On sait que M. Lepelletier, ancien maire, et, de plus, témoin oculaire,
le niait absolument en l’année 1853.)
» Quant aux dires tirés de l'Annuaire de l'Association normande, je n’ai pu
les contrôler. Je crains bien qu'ils n’aient été inspirés par un passage du Diction-
naire géographique, de Laurent Eschard, publié à Paris en 1790. (Suit la cita-
tion de ce passage.) — BOSCHER. »:
Ennemi des redites, nous l’avons dit, nous fermerons ici le débat avec
M. Bochefontaine et nous renverrons le lecteur à la note publiée dans les
comptes rendus de la séance du 19 janvier, p. 33 et suiv., de laquelle nous
déclarons ne point avoir une seule ligne à retrancher, aux différents ar-
ticles qui l’ont précédée, soit dans le Bulletin même, soit dans la Gazette
des hôpitaux, et à un travail sur le cuivre en cours de publication. Nous
ajouterons seulement que quant aux phrases, aussi ambiguës qu’écourtées
du compte rendu de la séance du 16 février, où il est parlé « d’inexacti-
tudes relevées par la Société... de vérification des textes.…, de fabricants
de bronzes de Paris, qui, soit dit en passant, sont convaincus que le cuivre
ne préserve d'aucune maladie, etc., » nous mettons au défi M. Boche-
fontaine de les justifier comme nous défions ses deux collaborateurs,
204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
—
MM. Yeouf père et fils, d'ajouter un nom de cuivrier de plus à celui de
Châtel (fondeur) retrouvé seulement par la municipalité et M. Boscher dans
les cinq décès cholériques, et non pas neuf, qui eurent lieu en 1849 à
Villedieu.
Enquête sur les chaudronniers de Durfort. — MM. de Pietra-Santa et
l'abbé Houlès, dans un travail publié par le Journal d'hygiène sous Île
titre : Action du cuivre sur l’économie, ont pris part à la croisade cupri-
cide. Ne trouvant dans l’histoire de leur village aucune preuve, nous en
avons vainement demandé aux deux auteurs. Edifié déjà par ce silence,
nous nous sommes adressé à des médecins de Sorrèze — à Durfort il n’y en a
point — dont un, M. le docteur Cros, natif de cette ville, avait été précisé-
ment cité plusieurs fois par l'abbé Houlès, et voici leurs réponses :
Docteur Rossienoz, 1° février. — « On n’a souvenir dans le pays que d’une
épidémie de choléra, celle de 1854. Deux cas seulement sont signalés pour Dur-
fort, un mortel chez un terrassier et un qui s’est terminé par la guérison chez
un ouvrier qui travaillait le cuivre.
» À Revel, distant de 5 kilomètres de Durfort, il mourut jusqu'à 28 per-
sonnes par jour, sur une population de 4000 habitants.
» La fièvre typhoïde, de mémoire d'homme, n’a point régné épidémiquement à
Durfort. J’en ai observé quelques cas isolés chez de jeunes sujets, mais aucun
sur des ouvriers en cuivre.
» En 1856, il y eut à Durfort une épidémie de variole, des ouvriers en cuivre
en furent atteints, mais il ne mourut que quelques femmes enceintes. En 1870
il n’y en a eu qu’un seul cas, c’était chez une femme nourrice. »
Docteur Cros, 19 mars. — « Je n’ai jamais eu connaissance ni d’un chaudron-
nier, ni d’un martineur, mort du choléra, de fièvre typhoïde ou de variole, mais
j'affirme avoir vu une épidémie de variole grave (la même sans doute dont parle
le docteur Rossignol).
» Pour ma part, je crois que les émanations de cuivre, résultant dotsaéions
diverses, sont un préservatif sans conteste des affections dont vous cherchez
le mode de propagation et la genèse. »
Pour en finir avec la question des chaudronniers, nous dirons qu'étant
allé non loin d'ici, dans la petite rue des Bernardins, qui certainement ne
le cède en rien aux rues les moins favorisées de Villedieu, où est situé
l'important établissement de chaudronnerie de M. Charles, bien connu de
tous les médecins hydropathes de France, afin d'essayer encore d'y perce-
voir la fameuse odeur cuprique, nous ne sommes parvenu qu’à en rappor-
ter ce précieux document, qui est à ajouter à tant d’autres.
M. CHaRLes, le 13 mars. — « En réponse à vos questions, voici ce que je puis
vous affirmer :
» Je n’ai jamais eu connaissance d'aucun cas de mort causé par le choléra,
par la fièvre typhoïde, ni par la variole parmi les nombreux ouvriers que j'ai em-
ployés depuis 1847, époque à laquelle je me suis établi rue de Bièvre, n° 20.
» C’est dans cette maison que j'habitais lorsque le choléra de 1849 a éclaté et
SÉANCE DU 29 MARS. 205
aucune personne travaillant dans mes ateliers, ni même aucun habitant de la
maison n’a été atteint.
» En 1854, j'habitais le n° 8 et employais alors une trentaine d'ouvriers. Per-
sonne n’a été atteint parmi eux, et il en a été de même des locataires habitant
ma maison, tandis que chaque maison voisine avait trois, quatre et même cinq
victimes à enregistrer.
» Du reste c’est un fait acquis pou: tous les chaudronniers que, grâce à leur
état, ils peuvent être sans craintes pendant les temps d'épidémies. »
Enquête sur les horlogers du Haut-Rhin et du Doubs. — Dans la séance
du 19 janvier, l’honorable M. Mégnin a dit que le choléra avait, en 1854,
exercé de grands ravages à Beaucourt et dans les localités voisines, et que
les horlogers, qui y sont en grand nombre, avaient payé leur tribut à l’épi-
démie comme les autres.
La première partie de cette assertion est fondée. Beaucourt fut, en effet,
presque décimé —188 décès, dont 180 cholériques environ sur 2400 habi-
tants, en trois mois — mais, sur la deuxième, M. Mégnin a été très mal
servi par ses souvenirs.
A notre requête, MM. Japy ont ordonné une enquête dans leurs impor-
tantes usines du Haut-Rhin et du Doubs. MM. les docteurs Lorber et Borne,
qui en sont les médecins, y ont procédé, pour leur part, avec un soin et une
habileté qui leur font le plus grand honneur.
Voici sèchement ce qui résulte d’une correspondance très active avec ces
deux honorables confrères :
Docteur LoRBER. — « 11 décès cholériques chez les horlogers de Beaucourt
(toutes proportions gardées ils auraient dû en avoir de 60 à 70), dont 5 seule-
ment de cuivreux authentiques — suivent les noms et l’âge —; les autresétaient
des pivoteurs, façonnant des pièces de fer ou d’acier, ou bien des femmes qui
ne travaillaient que d’une manière intermittente.
» Vous pouvez faire des réserves pour Ridez qui était un buveur et Bouteiller
(dix-sept ans) qui n’était occupé que depuis quelques mois, et tous les cinq étaient
repasseurs d’ébauches de roues de montre.— Pas un par conséquent ne travaillait
dans la grosse horlogerie, pendules et réveils.
» À Darles, il y a eu 6 décès cholériques, mais pas un horloger n’a été atteint;
à Vaudoncourt rien, à Dampierre et à Badevel, — 430 ouvriers ne font actuelle-
ment dans ce dernier centre que de la grosse horlogerie — il n’y a eu que des
cas sporadiques n’intéressant pas les horlogers.
» En résumé, si l’on tient compte du rapport du chiffre de la population en
général, il est incontestable que, dans notre rayon, les horlogers ont été relati-
vement épargnés par le choléra. »
Parlant ensuite des autres maladies épidémiques, le docteur Lorber s’ex-
prime ainsi :
« Fièvre typhoïide. — J'en ai observé des cas chez des horlogers, mais en
petit nombre et qui ne pouvaient pas être considérés comme des cuivreux.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 68° SÉRIE, T. 1°, N° 45, 16
206 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
» Variole. -— Je ne me rappelle pas avoir soigné un seul ouvrier horloger
varioleux.
» Charbon. — Je n’en ai jamais vu.
» Colique de cuivre. — Elle n'existe pas à Beaucourt. »
Docteur BORNE. — « À Seloncourt la population (2400 habitants) est en bonne
moité horlogère. Cette commune comprend la section de Berne, qui constitue le
groupe ouvrier très important de la maison L.-E.-P. Japy, qui, de très longue
date, fabrique le gros volume. (Cette maison est distincte de celle de Beaucourt.)
Il n'y eut aucun cas de choléra, ni de suette dans ce groupe ouvrier. À Selon-
court (village), Jaune frappa plus de 200 personnes. à
» En 1882-83, j'ai pu suivre l’évolution d’une épidémie de fièvre typhoïde de
Seloncourt à Merlière — suit une statistique de laquelle il appert que pas un
horloger cuivreux ne fut atteint, — et cependant l'épidémie en question fut
suffisamment accentuée pour qu’elle eût pu sévir sur tous les ouvriers. — M. Borne.
ne parle point de la variole —
» On peut done très bien nee que l'opportunité morbide fut très diffé-
rente suivant les sujets, et je serais très disposé à faire jouer un rôle. tres
important à l'influence de l’imprégnation cuprique, dans cette non-réceptivité
des ouvriers qui travaillent le laiton, voire même de leur milieu, deleur famille. »
Nous nous bornerons à ajouter, pour tous commentaires de témoignages
si formels, que ceux qui, comme certains journaux, s'étaient tant hâtés de
recueillir celui de M. Mégnin et d’avoir l’air de dire : la cause est en-
tendue, auraient sagement fait, ce nous semble, d’attendre les résultats de
l'enquête que nous avions annoncée.
Nous aurions bien voulu réfuter aussi cette objection, la mort de Thuillier,
«qui s’étail cuivré à fond », a-t-on dif, comme si, à supposer que les 6à
1 grammes, au plus, de bioxyde de cuivre que l’infortuné a pris au cours
de deux mois (renseignement de M. Nocard), ce fût assez pour autoriser un
tel langage, un fait isolé pouvait prouver ici davantage que les cas, qui ne
se comptent plus, d'individus bien vaccinés qui contractent encore la va-
riole. Mais, tout au plus, nous reste-t-il encore assez de place pour dire:
qu'ayant assez de ce rôle de Sisyphe que, depuis plus de trente années, nous
remplissons sur la question du cuivre, et croyant avoir assez accumulé de
preuves pour fournir aux hommes de bonne volonté des éléments de convic-
tion suffisants pour les encourager à nous suivre dans la même étude, nous:
sommes bien décidé à laisser dire désormais ceux qui persisteront à nier
ici ce qui, pour nous, est l’évidence même.
AT 2 ee
ed Am
SÉANCE DU 29 MARS. 907
A PROPOS DU RÔLE DU CUIVRE COMME ANTAGONISTE DU CHOLÉRA,
par M. MÉGNnx.
Comme preuve à l’appui de sa théorie relative au pouvoir préservatif
qu’aurait le cuivre à l’égard du choléra, M. Burq est venu vous apporter,
dans une des précédentes séances, un exemple de l’immunité, qui aurait été
constatée chez les ouvriers horlogers, si nombreux dans le pays de Monthé-
liard, et particulièrement chez ceux des usines de la maison Japy frères
de Beaucourt, lors de l’épidémie de choléra en 1854. Je me suis vivement
élevé contre cette assertion, car, originaire du pays cité par M. Burq, je m'y
trouvais, précisément au moment même de cette terrible épidémie et jy
remplissais Le rôle de suppléant des médecins, — dont le nombre était devenu
insuffisant, — concurremment avec des étudiants de Strasbourg envoyés par
la Faculté pour remplir le même rôle, et j'avais vu, de mes yeux vu, de
nombreux ouvriers horlogers mourir du choléra.
Ce témoignage n’a pas suffi à M. Burq; il est venu avec des statistiques,
prétendues officielles, dressées trente ans après les événements, par des
correspondants, certainement très honorables, mais qui, n'étant pas dans
le pays au moment de l'épidémie, n'ayant rien vu de leurs yeux, n’ont pu
récolter que des on-dit, les registres de l'état civil dans les campagnes ne
signalant pas les causes de la mort et désignant seulement la profession
du décédé par les termes généraux d’ouvrier de fabrique, cultivateur, etc.
C’est sur ce témoignage, opposé au mien, que M. Burq vient nous dire que
ouaTRe horlogers seulement sont morts du choléra à Beaucourt en 1854!
Puisque mon témoignage a si peu de valeur aux yeux de M. Burq, je veux
lui en fournir un autre, qu’il ne récusera pas, celui-là : c’est celui du méde-
- cin des épidémies du pays de Montbéliard, M. le docteur Tuefferdit fils, qui,
à la suite du choléra de 1854, rédigea un mémoire spécial sur cette
affection, et je lis dans ce travail, page 10 :
« Si l’on en croit un praticien de Paris, qui fait grand bruit de la métal-
» lothérapie, les personnes qui travaillent le cuivre jouiraient d’une incon-
» testable immunité. Mais cette illusion n’était pas possible dans le pays où
» nous avons vu succomber des ouvriers qui passaient leur vie dans une
» fabrique d’horlogerie à Montbéliard, et le nombre de ceux qui ont été
» frappés dans des conditions analogues a été fort grand à Beaucourt (Haut-
» Rhin). »
Ce mémoire date de 1854! Ne dirait-on pas que c’est écrit d'hier ?
La malheureuse expérience de Thuillier aurait dû clore tout débat sur le
prétendu rôle préservatif du cuivre vis-à-vis du choléra, mais, puisqu'on
persiste à nous en parler, je veux encore citer les lignes suivantes, qu'on lit
à la page 262 du dernier numéro paru de la Revue d'hygiène de M. Vallin
(n° 3, 1884):
208$ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
« Dans une lettre que M. le docteur Ghaumery, notre médecin sanitaire
à Alexandrie, nous écrivait dernièrement, nous croyons devoir relever le
passage suivant qui a trait au prétendu antagonisme entre le cuivre et le
choléra :
« En lisant avec intérêt, dans le n° 9 de la Revue d'hygiène, le passage
relatif au rôle préservatif du cuivre vis-à-vis du choléra, je me proposai
de me livrer au Caire à une petite enquête à ce sujet et de vous en trans-
mettre le résultat.
» Il y a au Caire, comme à Constantinople, mais sur un plan plus réduit,
une toute petite ville dans la grande, qui s’appelle le Khan Khabil, ou plus
vulgairement le bazar : là, dans des ruelles étroites, qui s’enchevêtrent
les unes dans les autres, existent des dépôts de toute sorte de marchan-
dises et des ateliers où tous les corps de métiers sont représentés : une de
ces ruelles est occupée exclusivement par les ouvriers qui travaillent le
cuivre et qui, comme leurs confrères de Damas et de la Perse, burinent
et cisèlent ces plateaux, ces aiguières, ces vases de cuivre si en vogue à
Paris depuis quelque temps.
» Je connaissais un Persan qui est le chef d’un de ces principaux ateliers
et qui possède les meilleurs ouvriers en cuivre du bazar. Je me rendis à
son magasin dès que j'eus quelques heures à dépenser, et pour amorcer
la causerie, je marchandai un plateau, dont il me demanda d’abord
des sommes folles et qu'il finit par me laisser à 25 francs. Pendant ces
pourparlers j’eus le temps de le questionner et d'apprendre qu’un assez
grand nombre d'ouvriers qui travaillaient le cuivre avaient été frappés par
le choléra, soit chez lui, soit chez ses voisins : € Dans cette boutique, me
disait-il, le patron est mort ainsi que deux ouvriers; dans cette autre, trois
sont morts sur cinq; moi-même j'ai perdu mon meilleur artiste, un Persan,
qui n’avait pas son pareil dans tout le Caire, et le plateau que je viens de
te donner est le dernier sorti de ses mains. »
» En somme, tous renseignements recueillis avec le plus d’exactitude
possible, j'ai pu n’assurer que sur 3 à 400 ouvriers qui travaillent le
cuivre au Khan Khabil, une trentaine avaient eu le choléra et que treize ou
quatorze en étaient morts. [ei donc le cuivre n’a pas eu d'action préven-
tive. Je vous livre mon observation sans commentaires, car jusqu'à pré-
sent, dans la bataille que se livrent les partisans et les adversaires du
cuivre, chaque parti n’a eu qu’à enterrer ses morts. »
BoURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
Ba 7e Rrl og (és
‘209
SÉANCE DU 5 AVRIL 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
DE L'ACTION DU CERVEAU SUR LA TEMPÉRATURE (Addition à la Note
du 25 mars), par M. Ch. RIcHer.
Aux faits indiqués plus haut, je voudrais ajouter le récit d’une expérience
confirmative.
Sur un chien dont la température était de 38,7, l'opération (mise à nu de
la dure-mère) a porté la température de 38°,7 à 38°,4 de 10 h. 10 à 12 h. 35.
Ce qui représente par dix minutes un abaissement de — 0°,02.
À 12 h. 35, la dure-mère est incisée, le cerveau est mis à nu, ce qui
équivaut à une excitation, l’action de l’air sur les circonvolutions détermine
toujours, comme on sait, une certaine congestion.
De 12 h. 35 à 3 h. 55 la température monte de 38,4 à 39 degrés, soit de
— 0°,6 en trois heures vingt-cinq minutes, soit par dix minutes une ascen-
sion de + 0°,05.
On cautérise à 3 h. 55 les circonvolutions occipitales avec le thermo-cau-
têre, et on observe, sans que l’animal se soit débattu, étant d’une extrême
docilité, les températures suivantes :
A 4h. 01, Température : 39°,1.
A 4h. 03, Température : 39,2.
À 4h. 06, Température : 39,3.
À 4h. 17, Température : 39,4.
A 4h. 28, Température : 39,5.
Ce qui en trente-trois minutes est une ascension de 0°,5, représentant
donc une ascension de 0°,15 par dix minutes. À partir de ce moment la
température monte encore, mais plus lentement, pour baisser ensuite, ayant
atteint son fastigium.
À 4h. 55, Température : 390,6.
À 5 h. 25, Température : 39,65.
À 5 h. 55, Température : 39,6.
À 6 h. 05, Température : 39,55.
A 6 h.10, Température : 39,45.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°", N° 14. 17
910 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Nou pouvons résumer ainsi ces faits :
Par dix minutes.
De 40:h. à 12 h. 1/2. Chien’attaché et opéré. ..-.............. . — 0°,02.
De 12h.1/2 à 4 h. Excitation du cerveau par l'exposition àl’air. + 09,05.
De 4h.à 4h. 1/2. Effets de la caütérisation............... + 00,15.
Il est à remarquer que la température (individuelle) des chiens est peu
variable. Quoique les divers chiens, d’après des mensurations (plus de 480)
que j’ai faites, oscillent entre 38°,2 et 40°,1, comme température normale,
chaque chien a à peu près une température invariable (1), les conditions phy-
siologiques restant les mêmes. Or la condition d’un chien attaché et quine
se débat pas, c’est que sa température baisse lentement, mais constamment.
Pour répondre aux remarques que m’adressait M. Olivier, je ne saurais
dire s’il y a un peu d’hypothermie après l’excitation du cerveau chez les
lapins. Quant à la polyurie, j'ai observé une fois après l'opération, émission
d’une urine abondante et limpide. En tous cas on ne peut guère assimiler
la piqûre des lobes cérébraux à une hémorrhagie cérébrale dans laquelle il
existe des phénomènes de compression (2).
NOTE COMPLÉMENTAIRE DES COMMUNICATIONS PRÉCÉDENTES RELATIVES
AU SULFATE DE CUIVRE, par M. BOCHEFONTAINE.
Le 16 février dernier, j’ai apporté à la Société les preuves matérielles de
l’usage très répandu à Villedieu d’ustensiles de ménage en cuivre non
étamé. D’autres objets sont vendus étamés légèrement; ils se détament au
bout de quelques semaines de service et on s’en sert ensuite indéfiniment
jusqu’à l’usure, sans les faire étamer. Pendant ma jeunesse, j'ai mangé
bien souvent, avec une cuiller en cuivre, de la bouillie de sarrasin cuite dans
un chaudron en cuivre : cuiller et chaudron provenaient de Villedieu et
n'avaient jamais été étamés. |
Sans tenir compte de cette démonstration irréfutable, M. Burq est venu,
samedi dernier, répéter ses dénégations habituelles. À la demande du
bureau, je ne me placerai pas sur le terrain où mon contradicteur veut m'’at-
tirer, je me contenterai de compléter mes communications antérieures en
relevant les erreurs contenues dans sa dernière Note.
(1) Ce fait résulte aussi des observations de M. Anrep (Archives de Pflüger,
1881, t. XXI, p. 194), qui a fait sur le même chien 135 observations et a trouvé
comme minimum 38°,9 et comme maximum 39°,4 (sauf une fois 390,8).
(2) Errata de la Note précédente : Page 190, ligne 24, lire Expér. IL. À 1 heure,
piqûre du cerveau droit. Température : 39,7; page 191, ligne 29, lire À 3 h. 50,
température : 40°,09; page 192, ligne 33, lire Température : À 3 h. 40°,1.
SÉANCE DU 9 AVRIL. 211
I. Je répète que ces communications reposent à peu près complètement
sur les documents de M. Ygouf père, qui habite Paris et n’a jamais été chau-
dronnier, et de son fils, M. Aug. Ygouf, étudiant en médecine, externe des
hôpitaux et élève du laboratoire de l'Hôtel-Dieu. J’ai été heureux d'apporter
ici les faits rassemblés par M. Aug. Ygouf pendant ses dernières vacances,
au milieu de sa famille. Pourquoi donc vouloir attribuer à unautre
homme, si considérable qu'il soit, ce qui appartient exclusivement à M. Aug.
Ygouf ?
Il. À deux reprises différentes j’ai demandé à M. le Président de
vouloir bien entendre M. Ygouf. M.le Président n’a pas jugé à propos d’ac-
céder à ce désir, pour des raisons de convenance qui se comprennent faci-
lement. Mais M. Ygouf a pensé qu’il pouvait adresser à la Société la lettre
suivante, qu’il m'a autorisé à transcrire ici : |
Monsieur le Président,
Dans plusieurs séances de la Société de biologie, j'ai entendu M. Burq quali-
fier d’inexacts ou de faux les faits relatifs à Villedieu et consignés par M. Boche-
fontaine, d’après mes indications. Samedi dernier, les mêmes attestations ont
été répétées et vous avez refusé d'entendre mes affirmations, alors que vous
acceptiez celles de mon contradicteur.
Je prends donc le parti d'adresser par écrit à la Société la rectification sui-
vante :
Tous les faits en question, je les ai constatés par moi-même ou recueillis à
Villedieu au milieu de ma famille, qui habite depuis longtemps cette localité;
certains d’entre eux concernent même plusieurs de mes parents.
Par conséquent, toutes les dénégations contraires doivent être considérées
comme nulles.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations.
Signé : Auguste YGOUF,
4 1 Externe des hôpitaux de Paris.
Paris, le 4 avril 1884.
HT. L’odeur du cuivre à l’entrée de Villedieu et dans plusieurs rues de la
ville est celle que tout le monde connaît, celle qui reste aux doigts quand
ils ont frotté un morceau de cuivre ou une vieille pièce de monnaie en
cuivre, On sent le cuivre dans les rues de Villedieu, c’est là un fait de
notoriété publique. Les femmes des poëliers ou chaudronniers ont souvent
de la peine à s’accoutumer à l’odeur de cuivre exhalée par leurs maris :
elles ne confondent pas cette odeur avec celle de l’ail ou de l'oignon.
Ceux-là mêmes qui ne sont pas allés à Villedieu, savent que les cuivriers de
Villedieu sentent le cuivre. Sur le champ de foire de Saint-Lô, quand on
passe auprès d’un individu qui sent le cuivre, on dit : « C’est un sourdin »,
c’est-à-dire un chaudronnier de Villedieu. Sur ce même champ de foire, on
242 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
vend l’oignon par centaines de sacs; on y vend aussi de lail, et personne
ne confond l’odeur du cuivre avec celle de l’ail ou de l'oignon. |
On ne confond pas non plus avec l’odeur du cuivre, celle de l’acide
sulfureux ni de l’acide sulfhydrique. M. Boscher est donc dans l’erreur
quand il suppose que cette confusion peut exister. Mais il est vrai, comme
l’établit M. Boscher, que les rues de Villedieu sont très malpropres, dégagent
de l'acide sulfhydrique, et que les habitants se plaignent depuis longtemps,
mais en vain, de la négligence que la municipalité apporte au nettoyage des
rues. Plusieurs petites villes de la Manche, dans lesquelles l’industrie du
cuivre n'existe pas, n’ont point, que je sache, éprouvé les atteintes du cho-
léra : elles sont propres. Peut-être le défaut de propreté à Villedieu est-il
une des causes de l’action du choléra dans cette localité.
IV. Une des premières, sinon la première victime de l’épidémie de choléra
de 1849 à Villedieu, fut un poëlier, c’est-à-dire un travailleur particulière-
ment exposé à l’action du cuivre, dont le nom ne se trouve pas dans la
liste qui a été communiquée à la Société et dont le fils, docteur en méde-
cine des plus honorables, exerce actuellement dans sa ville natale.
V. Je rappelle que, d’après les recherches de M. Axel Lamm, l’application
de plaques de cuivre sur la région épigastrique n’a pas préservé du choléra.
En revanche, elle a produit des eschares de la peau avec laquelle les plaques
demeuraient en contact. M. Mégnin rapporte, dans le dernier numéro de nos
Comptes Rendus, les faits qu’il a vus par lui-même et ceux qui ont été vus
par M. le docteur Tuefferdt et parM. le docteur Chaumery : tous ces faits,
comme ceux de Villedieu, sont en contradiction formelle avec ceux de mon
contradicteur.
VI. J’ai parlé d’une personne en contact journalier avec le cuivre qui a
succombé rapidement aux suites d’une piqûre de mouche. Il ne peut y avoir
le moindre doute sur la nature de la maladie à laquelle cette personne a
succombé : c’est un anthrax malin ou charbon. Le malade était le beau-
frère de M. Ygouf. Le diagnostic charbon, ou anthrax malin, a été nette-
ment affirmé par les médecins à M. Ygouf père en même temps qu’à un
frère du défunt : le malade même avait eu parfaitement conscience de la
nature et de la gravité de sa piqûre.
VIT. Voici maintenant deux ordres de faits qui doivent nous engager à
quelques réserves sur l’innocuité du cuivre.
La mère d’un docteur de Villedieu, après avoir retiré des confitures
d’une poêle en cuivre où elle les avait fait cuire, eut l’idée de goûter avec
le gratin adhérent au fond du vase. Bientôt après elle mourait à la suite
de symptômes d’empoisonnement aigu, que les médecins attribuèrent au
cuivre (sans autopsie et sans analyse chimique). Il convient de remarquer
que l’habitude de cuire les confitures de groseille dans les poêles ou bas-
SÉANCE DU 9 AVRIL. 213
—_——
sines en cuivre est très répandu dans le département dela Manche, comme
ailleurs,et que l’on n’a jamais noté, que je sache, un cas d'intoxication par
les confitures.
On peut rapprocher de ce fait la Note de M. Audouard, sur le danger des
clefs en laiton avec lesquelles on tire le vin, publiée par la Revue d'hygiène
et les Connaissances médicales.
VIII. Il ne m'était pas venu à l'esprit d'apporter ici le volume de l’An-
nuaire de l’Association normande où j'ai puisé les textes contenus dans
ma dernière Note (1). Je répare cet oubli. Voici les textes cités ou men-
tionnés marqués au crayon rouge; M. le Président n’a qu’à les comparer
avec ceux de notre Compte rendu, pour voir qu'ils ont été reproduits avec
exactitude et avec le sens qui leur est attribué dans l’original.
IX. La signification des expériences sur le pouvoir microbicide du sulfate
de cuivre dont j’aientretenu la Société, ayant été contestée, je suis heureux
d’avoir à mentionner, pour les appuyer, la thèse inaugurale de M.J. Marry (2).
Ce travail, fait sous la direction de M. Doléris, qui a contrôlé les examens
microscopiques de l’auteur, loin de les contredire, confirme les résultatsque
j'ai obtenus. Dans ses expériences avec des morceaux de placenta,
M. J. Marry constate (p. 13), que le sulfate de cuivre n’est réellement
microbicide qu'en solution au centième. C’est la conclusion à laquelle
j'avais été conduit, ainsi que M. Marry le constate lui-même, (p. 19 et 20).
On ne saurait donc comparer cette action à celle d’agents antiseptiques
puissants, comme le sublimé, etc. Aussi la première conclusion de
M. J. Marry préconise-t-elle le sulfate de cuivre « dans Le cas où une raison
quelconque milite contre l’emploi du sublimé » (p. 57).
Le travail de M. Charpentier (1), dans le service duquel le sulfate de cuivre
a été employé comme topique en solution au centième, est la démonstration
clinique des faits acquis par les expériences de MM. Doléris et Massyet et
par celles de M. Marry. Par conséquent, je suis en parfait accord avec
M. Charpentier comme avec ces auteurs et en désaccord complet avec
les théories de M. Burq.
En dehors de l’organisme animal, dans la thérapeutique externe, obsté-
tricale ou chirurgicale, les solutions de sulfate de cuivre au centième
tuent les bactéries et vibrions de la putréfaction, tout le monde est d’accord
sur ce point, M. Miquel, M. Chamberland, ainsi que les auteurs qui pré-
cèdent. Mais il n’en résulte pas que la quantité de sulfate de cuivre qui peut
être introduite dans notre organisme sans danger pour lui, par voie d’absor-
(1) L'année de cette publication est indiquée, page 81, ligne 31, des Comptes
rendus, 1884.
(2) De l’action antiseptique du sulfate de cuivre en obstétrique, Paris, 1884,
p. 13, 19, 20, 23 et suiv., 37 et suiv., 57.
(3) Bulletin de l'Académie de médecine, n° 10, séance du 4 mars 1884.
914 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tion stomacale ou autre qui ‘puisse exercer une action quelconque sur des
bactéries développées, ou en voie de développement dans l’économie ani-
male. Il n’en résulte pas, en un mot, que le sulfate de cuivre soit antisepti-
cémique ou antibactériémique.
C'est justement dans le but d'étudier cette question que j'ai soumis ‘au
plus haut degré possible à l’action du cuivre un certain nombre de cobayes.
Chez ces cobayes on produisait ensuite la bactériémie mortelle, absolument
comme s'ils avaient été dans l’état normal, c’est-à-dire comme si on ne
leur avait pas donné de cuivre.
Les résultats négatifs obtenus dans toutes ces expériences ont none
que le sulfate de cuivre, à peine absorbable, ne peut pas être introduit dans
l’économie animale en proportion suffisante pour exercer chez elle son pou-
voir microbicide, et que la thérapeutique interne ne peut pas retirer de
l'usage du sulfate de cuivre les mêmes avantages que la thérapeutique
externe. Par conséquent, dans le cas où les contages cholérique, typhique,
variolique, etc., etc., résideraient dans des corpuscules-germes, des ba-
cilles, des mycrozymas, ete., le sulfate de cuivre serait absolument impuis-
sant contre lui. En un mot, le pouvoir microbicide assez médiocre du
sulfate de cuivre ne lui confère aucune action antisepticémique ou anti-
bactériémique.
X. En résumé, il n’y a pas un seul fait contradictoire relatif à mes
communications qui, malgré les attestations de M. Boscher et de M. Tétrel,
ne soit manifestement erroné, et, par conséquent, M. Burq n’a apporté dans
sa dernière communication aucun argument nouveau.
Je suis donc en droit d'affirmer de rechef que l’opinion de M. Burq, sur
l’action préservatrice du cuivre contre les maladies infectieuses, et notam-
ment le choléra, ne repose, jusqu’à présent, sur aucun fondement sérieux.
SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE. Note de M. BERNHEIM.
M. le professeur Bernheim a envoyé à la Société, à la fin de février, un
mémoire Sur la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille.
A l’occasion de la communication de MM. Gilles de la Tourette et P. Richer,
il soumet à la Société de biologie les remarques suivantes :
«1° Reynolds et Erb n’ont parlé dans leur mémoire quedes paralysies qui
peuvent survenir spontanément à la suite d'émotions morales ou par le fait
de l'imagination ; ils n’ont pas parlé des paralysies suggérées soit à l’état
de veille, soit à l'état hypnotique.
» Tandis qne M. Bernheim a établi, ainsi que cela est rapporté dans la
brochure qu’il a antérieurement adressée à la Société de biologie, qu'on
SÉANCE DU D AVRIL. 215
peut chez certains sujets, à l’état de veille, par simple affimation, provoquer
et faire disparaître instantanément, expérimentalement, des paralysies, des
anesthésies, des contractures, des illusions sensorielles et même des hallu-
cinations complexes.
» 2 Quant aux caractères cliniques que MM. Gilles de la Tourette et P. Ri-
cher ont exposés, M. Bernheim pense qu’ils ne sont pas constants, et, à
l'appui de cette remarque, M. Bernheim rapporte qu’il a dans son service
d'hôpital deux sujets, chez lesquels il a suggéré une paralysie et chez les-
quels il n’existe pas de réflexe tendineux, ni phénomène du genou, ni phé-
nomène du pied. De plus labolition du sens musculaire existe si on la
suggère spécialement, mais peut manquer si on ne la suggère pas.»
SUR UN MOYEN TRÈS SIMPLE POUR CONSERVER LES CADAVRES,
par M. PHILIPPEAUX.
J'ai l’honneur de présenter à la Société de biologie un moyen très simple
pour conserver les cadavres sans odeur et sans empêcher la putréfaction de
se faire.
Ce moyen consiste à mettre le mort en bière, de le recouvrir de son ou
de sciure de bois, puis de remplir la bière de charbon de bois concassé.
Je conserve depuis vingt mois, des chiens morts, dans des caisses en bois
de sapin et qui ne donnent aucune odeur, et cependant un de ces chiens a
été trouvé réduit à l’état de squelette en quinze mois.
SUR L'ACTION DE LA PARALDÉHYDE, par Ch. E. Quinquaur.
4° La paraldéhyde diminue l’exhalation pulmonaire de l’acide carbonique
(dans toutes les expériences rapportées plus loin, la paraldéhyde a été
donnée en injection intraveineuse). Par exemple, un chien qui avant
Padministration exhalait 2 grammes de C0? en huit minutes, en exhale
seulement 1 gramme, dix-huit minutes après l'injection.
2° Pendant le sommeil paraldéhydique, l’acide carbonique du sang di-
minue plus rapidement que l’oxygène, la quantité de ce dernier reste nor-
male ou peu diminuée. Il en résulte que la paraldéhyde produit un ralen-
tissement extrême de la nutrition, les éléments anatomiques ne travaillent
plus ou peu. |
3° Le mécanisme de la mort s'explique par l’arrêt nutritif et par l’altéra-
tion graduelle et progressive de l’hémoglobine transformée en méthémo-
globine; sur l’animal vivant cette lésion n’est pas considérable, les ani-
maux succormbent par cessation des mouvements respiratoires.
916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
0000
4 La capacité respiratoire du sang reste longtemps normale : pour
diminuer un peu avant la mort.
Nous rapportons à l'appui de ces propositions, les tableaux suivants :
État normal avant l'injection intraveineuse de paraldéhyde.
oO,
Nombre Co: ANALYSES DES GAZ
POIDS de fans contenus
£ d S . rsprati È dans i
DATES des T.R. {resp Faute 50 litres d'air des SAONE RE,
CHIENS SE |
minute expirés Vol. total CO: 0
19 mars 1884 11%8,200 | 39,8 20 2 gr. 15cc,8 &cc,9 | 4cc,3
26h 13k8,100 | 39,6 | 20 | 2,36 | 216,9 | 43cc,0 | Gce,2
aTAMÉE 9% 800 | 390,6 | 19 | 18,70 | 22,6 | 450,8 | 5cc,0
4e avril 19%e,900 | 390,0 | 22 | 4e,40 | 22,0 | 44c0,6 | 60,5
Ur 16 kilog. | 40,4 | 30 1gec,0 | 106,3 | Gce,7
PRES 7ke,550 | 390,3 | 21 | 4e,98 | 43,1 | 43cc,1 | 4ec,5
Après l'injection intraveineuse de paraldéhyde.
ELLE el
Quantités qui s’est écoulé depu.s de dans CHENE |
; ; T. R. |respirations| 50 litres |35 centigram. de sang
injectées le début par d’air IS SAT ES
de l'injection minute |expirés|ya. totall CO2 | O
19mars
bec 18" [390,8 36 |18r,02/12cc,8|7cc,8]4cc,3
26 mars 13
gcc 45!" 137,8 90 |12,06114cc,017,cc2|4cc 7
31 mars
10cc 35’ |37,8l 68 lOer,82/15cc,8|7cc,8]5cc,6 Mort 3n,90 après
le début
‘ de l'injection.
1e avril
1Scc 53/11970,4| 120 15cc,4|8cc,5|50€,7 Mort 4n,20 après
début.
2 avril
11cc 1190’ |39c,0 19cc,7|8cc 6|3cc,2| Mort après 1n,20,
onextraitle sang
du ventricule
gauche.
ï prise 55 |36°,3| 124 ; A 1170102,915%e,7
3 ie Do — 1645! [340,7 96 19ce,8|7cc,8|4cc,9( Mort 3h,30 après
| Lor6 le début.
U — 2h15! |340,0| 100 A2cc alice, 4|4cc, 5
|
ES ERP PE PP SES
SÉANCE DU 9 AVRIL, 917
RECHERCHE DES MICROBES DANS UNE NODOSITÉ XANTHÉLASMIQUE. — RÉSULTAT
NÉGATIF, par M. le docteur V. Hanor, agrégé de la Faculté, médecin
de Tenon.
Il y a en ce moment, dans notre service, une femme atteinte de lithiase
biliaire, avec ictère noir depuis dix-huit mois et qui présente depuis cinq
mois une éruption xanthélasmique abondante, soit sous forme de plaques,
soit sous forme de nodosités. Quelques-unes de ces nodosités sont presque
pédiculées ; aussi avons-nous pu en détacher une très aisément, sans faire
souffrir la malade, dans le but de rechercher si ces productions xanté-
lasmiques contenaient des microbes comme l’ont avancé plusieurs auteurs :
M. Balzer, M. Korab entre autres.
Les recherches ont été faites aussi méthodiquement que possible. Voici
comment on a procédé : les coupes ont été pratiquées à l’état frais, au
moyen du microtome à congélation de Verick.
Plusieurs procédés de coloration ont été employées; nous citerons
particulièrement les suivants :
4° Un certain nombre de coupes ont été colorées par le violet de mé-
thyle 5 B, la fuschine et la vésuvine en solution aqueuse 1/100°, décolorées
par l’alcool, éclaircies à l'essence de girofle et montées dans le baume de
Canada ;
2° Après avoir été colorées et décolorées par le procédé précédent,
quelques coupes ont été recolorées par le picro-carmin (procédé de Wei-
gert), traitées par l’alcool, éclaircies et montées comme précédemment ;
3° Quelques coupes ont été colorées par l’éosine ou l’éosine hématoxylique,
examinées sans décoloration ou après décoloration;
4 Nous avons enfin coloré quelques coupes par la glycérine héma-
toxylique ; elles ont été décolorées par l'acide acétique dilué, éclaircies et
montées par les procédés habituels.
On voit que la nodosité xanthélasmique se compose de tissu fibreux à
gros faisceaux entre-croisés dans tous les sens et comprenant entre eux, çà
et là, des cellules adipeuses.
Or sur aucune préparation on n’aperçoit de microbes de quelque forme
que ce soit, n1 dans les amas de cellules adipeuses, ni entre les faisceaux
fibreux, ni dans les cellules de tissu conjonctif hypertrophiées accolées à ces
faisceaux, ni à l’intérieur ni au pourtour des vaisseaux.
Ce n’est là, après tout, qu'un seul fait et un fait négatif. Néanmoins,
comme la question de la nature parasitaire du xanthélasma est à l’ordre
du jour, nous avons cru devoir publier notre observation à titre de simple
document.
D'ailleurs on pourrait nous objecter que l'absence de microbes dans nos
préparations ne prouve pas définitivement que le xanthélasma de notre
malade est indépendant de tout parasite, qu’on y trouvera peut-être un
218 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
micro-organisme à une autre période de son évolution, que peut-être aussi
il s’agit là d’un œanthélasma déshabité, les microbes s'étant éliminés,
comme ils peuvent s’éliminer dans le charbon, le choléra des poules, la tu-
berculose après avoir provoqué des lésions qui leur survivent et qui évo-
luent ensuite pour leur compte.
On pourrait nous cbjecter aussi qu’en employant d’autres procédés de
coloration nous aurions trouvé le parasite qui nous a échappé. Nous recon-
naissons la valeur de ces objections, et, encore une fois, nous ne donnons
notre observation que pour ce qu’elle vaut.
DE LA COLCHICINE CRISTALLISÉE, par M. A. Houpé, pharmacien.
(Note présentée par M. LABORDE.)
1° Propriétés. — La colchicine cristallisée, principe immédiat du col-
chique d’automne (Colchicum autumnale), se présente sous forme de ma-
melons cristallisés, incolores, et constitués par une infinité de cristaux qui
sont autant de prismes à base rectangulaire ou hexagonale, le plus souvent
modifiés sur leurs angles.
La colchicine est peu soluble dans l’eau, la glycérine, l’éther et la ben-
zine, mais elle l’est complètement dans l’alcool et le chloroforme.
D’une saveur et d’une réaction alcaline, elle dégage de l’ammoniaque
lorsqu'on la chauffe dans un tube avec de la potasse caustique. — de plus
elle se combine facilement avec quelques acides organiques pour former
des sels cristallisés.
Mais, afin de nous assurer que ce principe immédiat était une espèce
chimique distincte et toujours identique à elle-même, nous avons cherché
son point de fusion, en opérant sur de la colchicine provenant de cristalli-
sation différente et même sur de la colchicine régénérée de ses combinai-
sons salines : dans tous nos essais — à la température de 156 degrés nous
avons observé un état pâteux, et à 162 degrés la fusion complète — le liquide
obtenu, étant légèrement coloré en jaune et d'apparence huileuse, ne chan-
geait pas d'aspect si on élevait la température jusqu’à 210 degrés.
2° Mode de préparation. — Notre mode de préparation de la colchicine
cristallisée n’emprunte rien aux procédés antérieurs, et repose sur les prin-
cipes suivants :
1° Extraction de la colchicine en traitant la plante par l’alcool fort qu’on
élimine par distillation ;
2° Dissolution de l’extrait dans une solution d’acide tartrique, et agitation
avec le chloroforme, qui sépare la colchicine du tartrate primitif et qui, par
évaporation, abandonne les cristaux que j'ai l'honneur de présenter à la
Société,
SÉANCE DU 9 AVRIL. 219
RE Te
Voici les détails de l'opération.
Nous prenons 34 kilogrammes de semences de colchique que nous épui-
sons par lixiviation au moyen de 100 kilogrammes d’alcool fort à 96 degrés.
Les liqueurs réunies et filtrées sont distillées à la plus basse température
possible afin de retirer la totalité de l’alcool.
L’extrait obtenu est agité à plusieurs reprises avec son volume d’une
solution d’acide tartrique au vingtième, opération qui a pour but de sé-
parer les matières grasses des huileuses; cependant les liqueurs acides en
retiennent encore une notable quantité, qu’on enlève par des agitations ré-
pétées avec de l’éther à 62 degrés, lavé à l’eau.
On filtre et on agile ces liqueurs contenant toute la colchicine à l’état de
tartrate avec du chloroforme qui, s’emparant de l’alcaloïde seulement (l’a-
cide tartrique restant dans la solution aqueuse) l’abandonne par évapora-
tion à l’état cristallisé.
De la sorte, on obtient un produit encore impur et imprégné de matière
colorante; on le reprend par un mélange de chloroforme, d'alcool et de
benzine et, peu à peu, on arrive à isoler les cristaux incolores constituant
la colchicine à l’état de pureté.
Cette méthode nous permet de retirer des semences de colchicine une
quantité de principe immédiat qui n’est pas inférieur à 3 grammes par kilo-
gramme.
3° Réactions de la colchicine cristallisée. — 1° Les acides sulfurique,
chlorhydrique, phosphorique, forts ou dilués, dissolvent la colchicine et la
colorent en jaune-citron;
2° L’acide azotique lui communique une coloration violacée non persis-
tante ;
3° La potasse et la soude ne la précipitent qu’en solution acide et sous
l’action de la chaleur ;
4 Par le tannin, il se produit un précipité blanc cailleboté ;
9° Par le bichlorure de platine, il y a formation d’un précipité abon-
dant, de couleur rouge et d’aspect cristallisé ;
6° L’eau iodée donne un précipité brun ;
1° Par l’iodure double de mercure et de potassium, il se forme un pré-
cipité jaune, mais en solution acide seulement ;
8° Enfin l’iodure de potassium ioduré y détermine un précipité jaune-
marron.
Cette Note n’est que le prélude d’un travail ultérieur qui comprendra
l’étude complète de la colchicine cristallisée, au double point de vue chi-
mique et physiologique.
M. Lagonpe. Je n'ai pu faire encore avec ce nouveau produit qu’un cer-
tain nombre d'expériences d'ensemble, qui ne me permettent pas d’entrer
aujourd’hui dans les détails de son mode d’action physiologique. Il résulte,
9290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
toutefois, de ces premiers essais, et je puis dire dès à présent que l’activité
de cet alcaloïde ne se manifeste, d’une façon appréciable, qu'à des doses
relativement élevées. Il rentre, à cet égard, dans la catégorie des principes
immédiats qui demandent à être dosés par centigrammes et non par milli-
grammes. Ainsi sur des cobayes du poids moyen de 450 grammes, la dose
physiologique est de 2 à 3 centigrammes, et la dose toxique de 6 centi-
grammes (dose toxique amenant la mort en une heure environ). Un état de
collapsus, ou stupeur, est le principal effet général de son action. Le fonc-
tionnement du cœur et les phénomènes respiratoires mécaniques sont no-
tablement modifiés sous son influence. Je reviendrai prochainement, je le
répète, sur ces modifications, mon intervention ayant surtout pour objet
aujourd’hui de sauvegarder la priorité de la recherche chimique.
NOTE RELATIVE A L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA VITALITÉ DES
MIGRO-ORGANISMES D'EAU DOUCE ET D'EAU DE MER, par M. CERTES.
J’ai l’honneur de présenter à la Société de biologie la Note que j'ai
déposée à l’Académie, dans la séance du 17 mars dernier, sur les cul-
tures à l'abri des germes, des eaux et des sédiments du Travailleur et du
Talisman (1). À celte occasion, je demande la permission d’exposer briève-
ment le résultat des nouvelles expériences que j'ai faites sur divers organismes
microscopiques, en les soumettant à de hautes pressions pendant un temps
qui à varié de sept heures à sept jours pleins. Cette communication, je
l'espère, aura pour effet d’atténuer, sinon de faire disparaître entièrement,
les divergences plus apparentes que réelles que M. le docteur Regnard vous
a signalées dans la dernière séance entre les conclusions de ses expériences
et les miennes. C’est ainsi que je partage entièrement cette opinion de
M. Regnard, « que les infusoires de la surface de la mer ne sauraient, sauf
acclimatement lent, vivre dans les profondeurs, et que pour ces êtres
il doit, comme pour tous les autres, exister une faune abyssale ».
Il n’en est pas moins vrai que nos expériences diffèrent et par Le but que
nous poursuivons et par les conditions dans lesquelles elles sont exécutées,
En ce qui me touche, je me suis proposé de rechercher par quels pro-
cédés, dans les grands fonds de la mer, la matière organique était ramenée
à l’état inorganique. À la suite de l'expédition du Travailleur, en 1881,
j'ai d’abord cherchéles microbes directement, par l’examen microscopique,
dans les sédiments fixés par l’acide osmique et traités par les réactifs colo-
rants. Ne trouvant rien de ce côté, j'ai eu recours à la méthode des cultures;
mais dès le début, je n’ignorais pas qu'il ne suffirait pas d'obtenir des
(1) Comptes rendus, n° 11, p. 690.
SÉANCE DU 5 AVRIL. 9291
microbes authentiques des grands fonds, comme ceux obtenus avec les
matériaux recueillis, sur ma demande, par le Talisman, et qu’il me fau-
drait encore replacer ces microbes dans leurs conditions normales d’acti-
vité physiologique. Ces conditions sont difficiles à réaliser et, ne füt-ce qu’à
titre d'essai, j'ai dû tout d’abord rechercher quel est l'effet des hautes
pressions sur les organismes unicellulaires, infusoires et microbes, que
nous trouvons à la superficie. J’ai dû aussi me préoccuper d'éviter les
compressions et les décompressions brusques qui, bien évidemment, ne se
rencontrent qu'à l’état d'accident dans la nature.
Sur ma demande et sur les indications obligeantes de M. Cailletet,
M. Ducretet a légèrement modifié le dispositif des appareils de l’éminent
physicien. Dans les appareils dont je me sers, il y a deux récipients et deux
manomètres au lieu d’un. Les récipients sont isolés ou mis en communi-
cation, à volonté, à l’aide d’un robinet, ce qui permet d’emmagasiner la
pression ou d'opérer la décompression sans trop de précautions, dans le
premier récipient. On peut ensuite, à l’aide du robinet, transmettre l’effet
obtenu, d’un récipient à l’autre, aussi lentement qu'on le veut. C’est ainsi
que dans toutes mes expériences, sauf en cas de fausse manœuvre, j'ai
mis près d’une demi-heure pour passer de 0 à 500 atmosphères et réci-
proquement.
M'inspirant des mêmes préoccupations, je n’ai jamais cherché à
dépasser 400 à 500 atmosphères, qui représentent la pression moyenne des
profondeurs relevées par les expéditions sous-marines.
Si j'ai bien compris les diverses communications de M. le docteur
Regnard, ces conditions, sauf en ce qui touche l’expérience dont il vous a
rendu compte dans la dernière séance, diffèrent sensiblement de celles
dans lesquelles il s’est placé. Il n’y à donc rien d'étonnant à ce que les
résultats auxquels je suis arrivé diffèrent des siens.
En opérant comme je viens de le dire, et après avoir toujours eu soin
de déterminer à l’avance les espèces d’infusoires ou de micro-organismes
que je mettais sous pression, j'ai constaté ce qui suit.
A 100 et 300 atmosphères maintenus pendant 7, 24, 48 et 72 heures, cer-
tains organismes sont tués; d’autres sortent de l’appareïil aussi vivaces
qu'ils y étaient entrés ; d’autres enfin tombent dans cette vie latente dont
nous a parlé M. le docteur Regnard.
À 450 et 500 atmosphères, le nombre des organismes vivants diminue,
celui des organismes tués ou tombés en vie latente augmente. Dans la pre-
mière expérience, — dont j'ai déjà rendu compte à l’Académie, — les
Chlamydococcus pluvialis soumis pendant sept heures à une pression de
100 à 300 atmosphères étaient tous sortis de l’appareil aussi vivaces qu’en y
entrant. La plupart des autres infusoires étaient morts. Dans une seconde
expérience prolongée pendant quarante-huit heures, à 300 atmosphères,
les infusoires d’eau douce : Paramecium colpoda et Vorticelles, étaient
tombés en vie latente; d’autres étaient morts. Au contraire des Euplotes
299 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
charon, des Euplotes patella et des Pleuronema marina, infusoires ma-
rins, étaient restés mobiles. D’autres espèces et notamment des Holosticha
flava et des Actinophys étaient mortes.
Dans la dernière expérience que j’ai faite, des organismes d’eau douce ont
été maintenus pendant trente-six heures à la pression de 520 atmosphères.
A la sortie de l'appareil, la plupart des Chlamydococcus paraissaient être
en vie latente; quelques-uns même étaient tués; d’autres étaient encore
mobiles; mais les individus complètement verts avaient résisté en plus
erand nombre que ceux dont la chlorophylle commençait à prendre la cou-
leur rouge. Dans ces mêmes tubes, j’ai pu montrer à deux de vos collègues,
un quart d'heure après la sortie de l’appareil, des Rotifères en pleine acti-
vité. Les Tardigrades qui élaient tombés dans ” vie latente, se sont réveillés
plus tardivement.
Enfin dans toutes ses expériences, certains microbes, très abondants dans
les tubes mis sous pression, disparaissent; d’autres se meuvent dès leur
sortie de l'appareil.
Il semble donc que, dans les conditions où je me suis placé, l’effet des
hautes pressions varie non seulement d'espèce à espèce, mais aussi, dans la
même espèce, d’individu à individu. Il semble surtout qu’il n’est pas indif-
férent de produire la compression ou la décompression plus ou moins ra-
pidement. Il n’est donc pas impossible qu'avec des pressions plus fortes,
prolongées pendant plus longtemps, aucun des organismes de la superficie
ne résiste et que tous indistinctement ne soient tués. C’est une expérience
à faire.
Je ne saurais passer sous silence l'effet des hautes pressions sur la bac-
téridie charbonneuse. Avec M. Roux, nous avons soumis du sang charbon-
neux à une pression de 600 atmosphères pendant vingt-quatre heures. Ge
sang a conservé toute sa virulence et les cultures qui en ont été Hate ont
pleinement réussi.
Dans aucune de ces expériences, on le voit, je n’ai encore abordé le pro-
blème de la fermentation ni celui de la putréfaction. Les résultats obtenus
par M. le docteur Regnard avec la levure me paraissent d’ailleurs concorder
avec ce que l’on savait déjà du sommeil des cellules mycodermiques qui se
rencontrent dans les vins mousseux et sucrés. À un moment donné, ces cel-
lules ne décomposent plus le sucre, soit qu’elles subissent l’action paraly-
sante de l’acide carbonique, soit que la nourriture leur fasse défaut, soit
enfin, comme semble le confirmer l’expérience de M. le docteur Regnard,
que la pression produite par la tension du gaz fasse obstacle à la fermenta-
tion. Mais on peut encore se demander si d’autres ferments, et notamment
ceux des grands fonds, n’obéissent pas à d’autres lois. C’est la question que
je me suis posée et que j'essaye de résoudre en ce moment.
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SÉANCE DU 9 AVRIL. :223
SUR L'ORIGINE DU SUCRE DU LAIT, par M. Paul BERT.
Pendant la période de lactation, la glande mammaire produit des quan-
tités considérables de lactose. D’où vient ce sucre? Deux hypothèses peuvent
être faites sur son origine.
Suivant l’une, il serait formé sur place, dans la glande même, aux
dépens de quelque matière lactogène plus ou moins analogue au glyco-
gène hépatique découvert par Claude Bernard. Suivant l’autre, il serait
apporté par le sang, et la glande ne ferait que l’exeréter; 1l faudrait alors
supposer que le sucre se forme en excès dans l’organisme après l’accouche-
ment, et qu'il est emmagasiné dans les mamelles.
Pour juger cette dernière hypothèse, j'ai eu l’idée d'enlever les glandes
mammaires avant la gestation, et d’examiner les urines après l’accouche-
ment. Si le sucre est formé en excès dans l’organisme, il devra être excrété
aussitôt par les reins, et l’animal deviendra pour un certain temps glyco-
surique.
Je fis cette expérience en 1878 sur une femelle de cochon d'Inde, dont
les urines ne montrèrent pas trace de sucre; j’appris alors que M. de Sinéty
avait déjà fait la même opération, mais dans un autre but, et qu’elle lui
avait donné également chez une femelle de cobaye le même résultat.
Je me mis alors à la recherche d’une matière glycogénique dans le tissu
même de la mamelle. Je traitai ce tissu comme Claude Bernard l’avait
fait pour celui du foie, par l’emploi alternatif de l’eau bouillante comme
dissolvant et de l’alcool comme précipitant du lactogène cherché. Des ana-
lyses multiples m’ayant donné des résultats singuliers et peu concordants,
j'eus recours à M. Schützenberger qui voulut bien m'aider dans cette étude
de ses conseils si autorisés.
Un grand nombre de mamelles de vaches et de chèvres furent examinées
par lui; il parvint à extraire de quelques-unes d’entre elles, et particuliè-
rement de celles qui n'étaient pas en état delactation, de très petites quan-
tités d’une matière que l’acide sulfurique transformait en sucre, sans que
la salive, la diastase ou le suc pancréatique pussent en faire autant.
* Il est bien évident que cette matière ne peut jouer un rôle important dans
la production du sucre du lait, et je fus conduit à revenir à l’autre hypo-
thèse et à refaire mon expérience première.
Cette fois, au lieu de femelles de cochon d'Inde, animaux de petite taille
et d’une puissance lactogène très faible, j'opérai sur une chèvre qui, les
mamelles enlevées, et bien guérie de l'opération, fut conduite au bouc en
même temps qu’une autre chèvre laissée dans l’état normal.
Les deux animaux mirent bas le même jour (14 mars 1883). Or, tandis
que l’urine de la chèvre non opérée ne contenait pas trace de sucre, on en
trouva en abondance dans celle de la chèvre sans mamelles, les deux ani-
294 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
maux étant nourris et soignés de même. Malheureusement, les effets de
succion faits par le petit chevreau sur les mamelons, amenèrent dès le
troisième jour une inflammation locale suivie d’un phlegmon, et tout natu-
rellement Le sucre disparut dès le début des accidents inflammatoires.
Je crus devoir en conséquence, avant de rien publier, recommencer
l'expérience. Le 22 mars de cette année, une autre chèvre à laquelle j'avais
enlevé les mamelles et les mamelons mit bas, et ses urines qui pendant la
durée de la gestation ne contenaient pas trace de sucre, se montrèrent
aussitôt après l’accouchement capables de réduire avec énergie la liqueur
cupro-potassique. La proportion de sucre se maintint très forte pendant trois
à quatre jours, puis elle diminua, et, le 31 mars, le sucre avait presque en-
tièrement disparu.
Ces deux expériences très nettes et très concordantes m’autorisent donc à
conclure que le sucre du lait est produit par l’excrétion mammaire du
sucre fabriqué en excès par l'organisme après la parturition.
Où se forme ce sucre? Très vraisemblablement dans le foie. Y apparaît-
il de suite à l’état de lactose, ou bien à l’état habituel de glycose, la trans-
formation en lactose se faisant dans la mamelle? (C’est une question
qu’aidera à résoudre l’analyse soignée des urines sucrées, mais que je wai
pu aborder encore.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
A ST
#8
SÉANCE DU 5 AVRIL 1884
(Suite. )
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
DE QUELQUES FONCTIONS MÉDULLAIRES CHEZ LE CHIEN, par le docteur Coury
(de Rio-de-Janeiro). Note présentée par M. BOCHEFONTAINE.
J’ai commencé depuis cinq mois des expériences sur la moelle, et dans
un sujet aussi vaste et aussi difficile à considérer dans son ensemble, je
crois bon de donner des résultats provisoires qui peuvent servir de point
de départ pour d’autres, comme ils le sont pour moi.
Je les classerai d’après l’ordre dans lequel je les ai recherchés, sans”
m'occuper aujourd’hui de leur liaisons réciproques ou de leur comparaison
avec de nombreux fails déjà connus.
Mes premières constatations sont relatives au mécanismedes mouvements
produits par les excitations périphériques ; elles ont comme les autres porté
sur des chiens. On pincelégèrement les orteils d’un animal normal, il retire
la patte ; on électrise son sciatique avec un courant faible, il fléchit le mem-
bre. Ces deux contractions sont considérées partout comme analogues, et
on les confond sous le nom de réflexes ; cependant leurs caractères physio-
logiques présentent de grandes différences. Pour le montrer, il suffit de
chloraliser un chien de moyenne taille, vigoureux et en bon état, l'animal
perd d’abord ses mouvements volontaires, il tombe et reste étendu, conti-
nuant à respirer. [Il a reçu par exemple trois grammes de chloral par la
veine saphène. On pince, on presse, on pique une de ses paltes, il ne retire
pas le membre, les mouvements périphériques d'origine cutanée sont sup-
primés comme les mouvements volontaires. Alors on découvre le nerf scia-
tique, on lélectrise, et la cuisse se fléchit comme à l’état normal, on élec-
(rise avec un courant plus fort, et, si la dose w’est pas trop forte, l’antmal
pousse encore de pelits cris aphones.
La quantité d’anesthésique qui est suflisante pour supprimer les mouve-
ments appelés volontaires et les mouvements ‘consécutifs aux excitations
(1) Communication faite dans la séance du 29 mars 1884.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 15. (RE)
9296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
cutanées sensorielles, a donc laissé persister pendant un certain temps les
réactions douloureuses et d’une façon durable les réflexes produits par
l'excitation du sciatique, et comme il est facile de s’en convaincre en met-
tant à nu le cerveau, elle n’a pas supprimé non plus l’excitabilité électrique
des circonvolutions du gyrus.
Il faudra des doses de chloral beaucoup plus fortes, huit, dix grammes au
lieu de trois, pour faire cesser à peu près en même temps les contractions
produites par lélectrisation du cerveau et par celle du sciatique, comme
aussi pour arrêter la respiration spontanée.
Cette résistance plus grande des réflexes produits par les exeilations des
nerfs correspond bien à des différences du mécanisme physiologique. Si
on lie la moelle, au niveau du dos, sur un chien normal et que l’on com-
pare les mouvements d’origine cérébrale du train antérieur aux mouvements
d’origine périphérique qui restent seuls possibles dans le train postérieur,
on constate qu'il suffit de faibles doses de chloral pour faire disparaitre les
mouvements volontaires dans le train antérieur etles mouvements produits
par l'excitation des pattes dans le train postérieur, tandis qu'il faudra em-
ployer des doses deux ou trois fois plus fortes pour que Pélectrisation du
cerveau ou du boul central du sciatique n’agisse plus sur les muscles.
Ces observations de dissociation des divers ordres de contractions peu-
vent être répétées avec quelques variantes, dans divers états loxiques :
curarisation, alcoolisation, strychnisation, et surtout dans divers étais
pathologiques expérimentaux ; et leurs résultats doivent être considérés
comme absolument certains.
Au lieu de continuer à diviser les mouvements suivant leur origine céré-
brale ou périphérique, nous devons les distinguer par leur mécanisme
médullaire plus ou moins compliqué ; et, tout en admettant toutes les for-
mes de transition possible, entre les mouvements volontaires et le réflexe
par excitation du nerf, nous pouvons opposer les contractions associées, Sin
ples, en quelque sorte élémentaires, produites par l’électrisation du cerveau
ou par celle du sciatique, aux mouvements compliqués, utiles, consécutils
aux fonctionnements normaux du cerveau ou des organes sensoriels péri-
phériques.
Après avoir ainsi rapproché physiologiquement par leur rôle dans les
mouvements deux ordres d'appareils que l'anatomie a justement séparés,
j'ai cherché si toutes les excitations périphériques se comportaient de la
même façon par rapport aux fonctions motrices de la moelle, du bulbe, et
j'ai obtenu des résultats encore plus inattendus.
Ce chien est debout ou couché, je touche, je presse légèrement ses orteils
ou l'extrémité des pattes, il retire ou il remue le membre correspondant,
et ilreste partout ailleurs complètement immobile. Je pinee plus fort;
l'animal tourne la tête; je pince plus fort, il crie. Ayant constaté cette
succession de divers ordres de mouvements, locaux et généralisés, je cher-
che à en produire d’analogues en excitant d’autres parties dela peau,et je ne
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SÉANCE DU 9 AVRIL. 99]
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peux pas les obtenir. Je pince ou je presse la peau de la cuisse ou celle de
l’aine, le chien relève bien le membre, mais en même temps il tourne la
tête et il ere, je pince la peau du cou, je pince celle du ventre, le chien
crie où agite l’ensemble du corps sans mouvement local; je pince dans la
région du dos, et je produis, pour certaines races, un mouvement local de
la peau ; mais pour d’autres, les cris et l’agitation générale sont aussi la
réponse unique et immédiate.
La conclusion de ces faits est facile à poser. La distinction des mouve-
ments réflexes locaux et des réactions générales n’est possible sur le chien
que pour des régions cutanées étroites. La plupart des excitations de la
peau, si bien graduées soient-elles, déterminent d'emblée, si elles sont sui-
vies d'effet des réactions motrices généralisées plus ou moins douloureuses,
et, comme le prouvent d’autres faits que je fournirai plus tard, la sensi-
bilité de toute la surface du corps, au moins sur le chien est obtuse, et peu
développée ; les pattes peuvent seules être considérées commes des appa-
reils sensoriels, capables de déterminer à la façon du cerveau des mouve-
ments médullaires compliqués.
Après avoir subdivisé les contractions dites réflexes en deux classes, mou-
vements compliqués plus ou moins analogues aux mouvements volontaires.
et contractions simples plus ou moins analogues aux contractions produites
par l’électrisation du cerveau ; après avoir limité la production des mouve-
ments sensoriels compliqués à certaines zones nerveuses très étroites pour
ie chien, l'extrémité des pattes et obscurément le dos, j'ai cherché à étudier
leurs conditions diverses ; et je n’ai pas eu de peine à me convaincre de l’in-
suffisance des lois déduites de l'étude de la grenouille ou fout au moins de
l'impossibilité de les appliquer à toutes les espèces.
Ainsi, sur des chiens j'ai excité comparativement deux nerfs des membres
antérieurs el postérieurs, ef voici Ce que j'ai vu :
Je prends d’abord un sciatique, le droit par exemple: j’excite un bout
central à 56, courant du chariot du Bois-Reymond, aucune contraction ; à
94, léger mouvement de la patte ; à 52, tout le membre se fléchit ; à 50, 48,
mème mouvement, et en plus quelquefois léger mouvement du membre
antérieur du même côté ou de la tête, d’autres fois, cris légers ; à 46 ou à
4%, 42, l'animal fléchit le membre droit et en même temps crie et agite tout
le corps.
Jai répété cet examen sur plus de vingl animaux et je n'ai jamais pu
obtenir de contractions limitées aux deux membrés postérieurs en exci-
tant un seul des nerfs sciatiques : la loi de Pirradiation transversale ne:
s'applique donc pas au chien, ou du moins à la partie dorso-lombaire de sx
moelle.
Etudions maintenant le bout central du nerf médian, qui est d'ordinaire
un peu plus sensible. Le courant 58 ou 60 sera suffisant pour faire contrac-
ter légèrement les orteils ; à 56, le membre aura un mouvement d'ensemble;
à 53 ou 92, le membre antérieur opposé entrera lui aussi en contraction;
228 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
à 48 ou 46, l’animal poussera des cris, en même temps qu'il remuera tous
les membres.
Sans entrer dans l’examen des variations individuelles, qui peuvent être
très grandes, et sans perdre de temps à indiquer les petits moyens néces-
saires pour bien examiner ces faits, nous voyons que l'influence du sciati-
que en se généralisant s'exerce longitudinalement ; tandis que l'influence
du médian et aussi des autres nerfs brachiaux s'exerce transversalement.
Ainsi, les règles de l’irradiation ne sont pas les mêmes pour les deux ré-
sions antérieure et postérieure de la moelle; et, au moins sur le chien, l'or-
gane spinal présente dans ses diverses parties un fonctionnement et des
relations spéciales.
Cependant au milieu de ces variations, les phénomènes produits par
l’électrisation des nerfs des membres, les seuls que nous étudiions main-
tenant, présentent une marche semblable: ces excitations déterminent
d’abord des mouvements locaux par l'intermédiaire de la partie de moelle
en rapport avec les nerfs, plus tard des mouvements généraux d’agitation
et de douleur par l'intermédiaire d'organes plus éloignés, et cette sueces-
sion constante fournit un moyen de mesurer ces fonctions réflexes motrices
aropres à la moelle; puisqu'une simple section de cet organe permet
«e les isoler.
A l’état normal, le bout central du sciatique aura besoin du courant 54
pour déterminer une contraction des orteils, et du courant 47 pour déter-
miner des cris et de l'agitation. Me servant d’un mot qui n’engage en rien
la nature des phénomènes, je dirai que 54 mesure l’excito-motricité de la
moelle dorso-lombaire, et 46 l’excito-motricité généralisée ; et j’appellerai
zone des réactions locales médullaires la distance d’excitation comprise entre.
o4et 46. Cette différence des courants minimum et maximum capables
d'agir sur l’organe spinal pour modifier les autres est donc égale, pour cet
animal, à 8 divisions du chariot ; comme nous allons le voir, les variations
de cette zone sufliront à nous renseigner sur la nature des divers troubles
médullaires. |
Je ne dirai rien des différences souvent fort grandes que ces réactions
locales peuvent présenter d’un animal à l’autre ou même d’un moment à
l’autre d’une même expérience, sous l'influence de conditions diverses, du
reste analvsables ; et je passe à l’étude des variations plus durables pro-
duites par des états pathologiques absolument vulgaires.
Quel est, par exemple, l’état des réactions de la moelle dans la partie
qui correspond à un membre contracturé, en quoi se différencie-t-il de
l’état normal ou de l’état paralytique ; comment séparer physiologiquement
l'anesthésie de l’hyperesthésie ; autant de questions que j'ai pu facilement
poser et résoudre en partie.
J'ai fait environ cinquante expériences de lésions de la moelle, soit en
découvrant complètement l'organe, soit en allant simplement le piquer à
travers une perforation des vertèbres, lautopsie indiquant ensuite la
LE nl os
A
EL
SÉANCE DU 9 AVRIL. .. 299
valeur de la lésion, et j’ai pu examiner des troubles fort divers. Je n’ai
jamais observé que l’excitabilité du nerf correspondant à la moelle lésée
pût devenir plus grande que l’excitabilité d’un nerf sain ; et, hormis les cas
de section complète de la moelle, — où l’on constate quelquefois, mais non
toujours, une augmentation légère de l’excitabilité des nerfs centripètes
situés en arrière de la lésion, sans que cependant cette excitabilité s’élève
jamais au-dessus de chiffres que l’on peut obtenir à l’état normal, — j'ai tou-
jours vu les lésions de la moelle diminuer plus ou moins la sensibilité de
l'organe et sa facilité à répondre aux excitants divers.
Dans les cas plus simples et plus probants, où les phénomènes de
contracture, de tremblement ou de paralysie sont unilatéraux et permettent
de comparer le même nerf des deux côtés, j'ai toujours vu le bout central
du nerf sciatique ou celui du médian être moins excitables du côté troublé
que du côté sain, quelle que fût la forme du phénomène moteur. J'en ai
conclu que la vieille distinction des troubles d’excitation et de paralysie
était inexacte, puisque les contractures ou les tremblements s’accompa-
gnaient, eux aussi, d’une diminution de la sensibilité de la moelle aux
divers excitants.
Alors, poussant plus loin lPanalyse, j'ai étudié spécialement certaines
formes pathologiques ; et pour plus de facilité j’en distinguerai trois qui
sont depuis longtemps décrites : la contracture constante ou par accès avec
hyperesthésie, qui est la réaction ordinaire immédiate des piqüres unilaté-
rales de la moelle; la contracture moins marquée avec anesthésie commen-
çante ;: enfin, la paralysie avec anesthésie, qui est l’aboutissant commun
des lésions de la moelle assez durables et assez étendues.
Je prends un chien dont la moelle a été piquée à gauche, comme le
montrera l’autopsie. L’instrument perforant ayant fait une plaie extérieure
très petite, l’animal est en bon état, mais son membre postérieur gauche
est gêné dans les mouvements et de loin paraît paralysé ; il reste tendu en
en arrière dans la marche ou traîné sur le dos de la patte. En le saisissant,
je constate d'ordinaire qu'il est raide, résistant aux pressions, en un mot
plus ou moins contracturé. J’étudie la sensibilité ; mais chaque fois que je
touche la patte assez fort pour être senti, l'animal, au lieu de retirer le
membre, pousse des cris perçants et cherche à se défendre; ce côté est donc
hyperesthésié, comme on l’a depuis longtemps indiqué.
Alors je découvre les deux sciatiques et je compare leur bout central.
Le nerf droit, le nerf du membre sain, est sensible à 48, le nert gauche, du
membre contracturé, est sensible à 48, 46 ou 44 : la différence de mini-
mum est donc légère et inconstante ; mais si elle existe, ce qui est l’ordi-
naire, elle indique une diminution de la sensibilité de la moelle du côté
lésé.
L’hyperesthésie n’est donc qu’apparente, ou plus exactement elle est
produite par une perturbation et non par une augmentation de fonction.
Voici en quoi consiste la perturbation,
230, : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
À droite le bout central du sciatique détermine des mouvements du
membre si on l’excite à 48, mais il faut employer 36 ou même 34 pour
produire des signes de douleur : la zone des réactions locales de la moelle
est donc conservée ; assez souvent même elle est un peu augmentée, ce qui
explique la diminution apparente de sensibilité de la patte. Au contraire, à
gauche du côté hyperesthésié, le même courant minimum produit à la fois
un mouvement local et des cris répétés ; et si, par exemple, 46 fait remuer
le membre, 45 ou 44, quelquefois même 47 ou 48 seront suffisants pour
faire: crier l’animal.
L’hyperesthésie n’est donc pas déterminée par une plus grande sensibi-
lité de la moelle ou du nerf, mais par une facilité plus grande de la conduc-
lion des excitations vers les organes éloignés de la douleur ou des cris ;
l’action isolée de l'appareil spinal est diminuée ou supprimée dans la
partie correspondante au membre hyperesthésié, el cette diminution de la
fonction locale indique, évidemment, une diminution de la fonction
normale.
De plus, tandis que, dans les conditions physiologiques, les excitations
légères produisent une contraction, si les membres sont contracturés, les
excitations font cesser la contracture et mettent les membres en relàche-
ment, Si bien que le nerf sensitif excito-moteur est devenu un nerf d'arrêt.
Voilà pour l’hyperesthésie : les autres formes de trouble par lésions de
la moelle sont aussi faciles à comprendre.
Un membre est paralysé avec accès de contracture passagère et en même
temps il est peu sensible. On compare Les deux nerfs; dans le membre sain,
le bout central du sciatique sera sensible à 50 et il faudra employer 4%
ou 42 pour changer la position du membre et 36 pour obtenir un eri; les
deux excito-motricités locale et générale sont légèrement abaissées, et la
zone des réactions purement médullaires est peu modifiée.
Enfin, dans les cas de myélite unilatérale un peu étendue, avec paralysie
plus complète qui porte à la fois sur les mouvements et sur la sensibilité,
les différences des deux côtés de la moelle deviennent encore plus grandes.
Alors les nerfs des membres sains déterminent ds mouvements réflexes
si on les excite à 52 ou 50 ou 48, tandis qu'il faut employer 38, 36 ou 34 sur
les nerfs des membres paralysés, et les courants 28, 25 et même 20 seront
nécessaires pour produire des signes légers de douleur.
Je pourrais analyser longuement ces résultats, mais je préfère les fournir
tels que je les ai obtenus, me réservant de déduire leurs conséquences
lorsqu'ils auront été complétés et aussi vérifiés par d’autres expérimenta-
teurs. Je dirai simplement que l’on peut réaliser, avec les intoxications,
des troubles analogues.
La strychnine, je lai déjà publié, agit comme les contractions hvper-
esthésiques. R
Si l’on opère, ce qui est indispensable, avec des précautions suffisantes,
en prenant un chien normal, sans chloral ou sans autre agent d’immobilisa-
Ms
SÉANCE DU D AVRIL. 231
tion; si on laisse reposer l’animal après la mise à nu du nerf, pour bien
constater, comme point de départ, l’état normal et non un premier état
d’épuisement, on observe que pour les doses de strychnine petites ou
moyennes, l'excitabilité minimum du nerf n’est pas augmentée, et qu’elle est
diminuée pour les doses fortes ou pour les petites doses répétées.
Pendant que le minimum d’exeitation reste fixe ou s’abaisse, la forme
des réactions est modifiée, et la zone d'action isolée de la moelle est dimi-
nuée ou supprimée ; à l'état normal, le courant 52 par exemple produisait
un réflexe et le courant 42 un eri et de l’agitation généralisée ; après la
strychnine, le courant 50 ou 46 sera seul senti, mais il produira une se-
cousse ou une convulsion d'ensemble.
A l’opposé de la strychnine nous pouvons placer le chloral. Ce poison, qui
permet de dissocier les mouvements compliqués produits par les excitations
des pattes ou par les incitations volontaires, agit sur les fonctions de la
moelle comme les lésions paralysantes. Presque dès le début de son action,
il diminue l’excito-motricité locale et il diminue encore plus l’excito-motri-
cité générale, si bien que la zone de fonctionnement de la moelle parait
agrandie. Puis bientôt les réactions générales disparaissent entièrement, et
les contractions réflexes isolées persistent seules, même pour des doses
beaucoup plus fortes. /
Je n’insiste pas davantage; on voit que ces constatations précises, faciles
à répéter, offrent une base nouvelle aux études sur les fonctions de la
moelle et du bulbe, et j'espère pouvoir montrer, par des recherches déjà
commencées, que ce point de départ peut ainsi se résumer : On doit cher-
cher dans les organes spinaux le mécanisme et le point de départ de tous
les phénomènes moteurs ou sensitifs, conscients ou inconscients, en lais-
sant au cerveau le monopole des phénomènes compliqués appelés psychiques
ou intellectuels, suivant le point de vue où l’on voudra se placer.
À PROPOS DU TÉTRACHLORURE DE CARBONE, par M. DASTRE.
On est revenu à plusieurs reprises, dans les dernières séances, sur le
rôle du tétrachlorure de carbone. La plupart des faits que l’on a indiqués
étaient connus depuis assez longtemps ; je n’ai qu'à rappeler les indications
que j'ai fournies dans mon travail sur les anesthésiques (1880-1881),
p. 39:
« Le tétrachlorure de carbone a été signalé par Morel (1876) comme un
» anesthésique plus énergique que le chloroforme. Son étude a été reprise
» par M. Laffont, dans sa thèse inaugurale (1877). Les expériences faites
» sur les animaux montrent une première période d’excitation extrêmement
232 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
» vive, marquée par des convulsions toniques et cloniques qui éclatent, dès
» les premières inhalations, d’une façon presque instantanée. La pupille est
» dilatée. — Lorsque, dans la seconde période, l’insensibilité survient, le
» cœur est rapide et la pression baisse : l’action du vague sur le cœur serait
» atténuée ou même annulée. Enfin, si lon pousse linhalation plus loin
» encore, il y a collapsus, et la mort survient peu après comme dans l’in-
» foxication profonde.
» Cette substance n’a pas été essayée sur l’homme : ses effets connus ne
» semblent autoriser aucune application à la chirurgie. »
SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES DITS € PÉRIOSTIQUES ),
par M. MaGiror.
Je ne pensais pas devoir reprendre, aujourd’hui, la parole devant la So-
ciété sur la question de l’origine des kystes des mâchoires de la variété
périostique. Mais la communication de M. Malassez a pris un développement
et une importance si considérables, que je crois devoir y revenir une der-
uière fois afin de mieux préciser et de mieux faire comprendre ma manière
de voir.
Je dirai d’abord quelques mots de la question anatomique :
M. Malassez refuse d'accepter pour cette couche de tissu qui tapisse la
racine des dents, le nom de périoste, ne lui reconnaissant pas la compo-
sition et la structure du périoste osseux nocival.
Je ne serais pas loin de m’entendre à cet égard avec M. Malassez, car je
n'ai jamais établi de mon côté de rapprochement complet entre le périoste
osseux et le périoste dentaire. Jai décrit ce dernier comme une couche
non disséquable à l’état normal, composée d'éléments divers, fibres de tissu
conjonctif, éléments élastiques, vaisseaux, nerfs, etc., d’une épaisseur de
O"",4 au maximum, c’est-à-dire à peine visible à l’œil nu, et voici entre des
plaques de verre des lambeaux que j’ai détachés, sans grande difficulté, sur
une dent saine.
Cest donc pour me conformer à un vieil usage que j'ai conservé le nom
de périoste, trouvant d’ailleurs le terme de ligament difficilement compa-
tible avec toutes les questions de nosologie que soulèvent les maladies
variées de ce Lissu.
Mais si ce prétendu périoste est difficilement perceptible à l’œil nu dans
l’état physiologique, il peut très rapidement, en quelques heures, sous l’in-
fluence d'un traumatisme, par le fait d’une inflammation même légère,
changer complètement d'aspect. Il se gonfle, s’épaissit, s’injecte et peut
alors être aisément détaché, par les pinces, en lambeaux membraniformes.
SÉANCE DU 9 AVRIL. 9233
C’est au sommet d’une racine affectée de périostite chronique ou d’une
de ces petites poches kystiques bien connues qu'il faut observer ces méta-
morphoses : la mince couche fibreuse est devenue prodigieusement épaisse ;
elle est le siège de proliférations multiples, fibroïdes, épithéliales et autres.
Les divers éléments de sa constitution anatomique semblent y être devenus
le siège d’hypertrophie ou d’hypergenèse, tandis que, d’autre part, la cavité
qu’elles forment est occupée par le sommet radiculaire dénudé, résorbé,
rugueux et que le point d'implantation de la poche se retrouve non loin du
sommet sur une sorte de petite collerette d'insertion.
A cet état en quelque sorte hypertrophique d’un kyste suceède bientôt la
période d’amineissement lorsque le développement de la poche doit trouver
ses moyens de distension dans les parois fibroïdes antérieures.
Quoi qu’il en soit, c'est dans les petites poches kystiques du sommet des
racines que M. Malassez a rencontré les productions épithéliales en forme
de boyaux, cordons, globes épidermiques,végétations diverses qui ont attiré
son attention.
Mais alors, puisque les petits kystes ne sont, ainsi que tout le monde en
convient, que l’état moins avancé des grands, comment se fait-il qu’au lieu
de trouver, évidente et palpable, dans les petites poches, la démonstration
de l'origine de nos kystes, M. Malassez et avec lui MM. Verneuil, Reclus,
Nepveu sont allés la chercher dans les débris de bourgeons épithéliaux
épars dans les mächoires comme trace de l’évolution folliculaire anté-
rieure ?
C’est substituer, en vérité, à une théorie très simple, une explication bien
confuse et difficile. Mais ce n’est pas tout, et aucun fait ne vient donner
créance à la théorie de ces messieurs, bien au contraire. Les faits observés,
tous les faits el ils sont nombreux, restent conformes à l'explication que
nous donnons.
Voici quatre pièces que je mets sous les yeux de la Société et au moyen
desquelles on assiste à l’évolution complète d’un kyste périostique.
Première pièce. — Poche fibroïde épaisse coiffant le sommet d’une ra-
cine — déchirée pendant l'extraction — fait très commun.
Deuxième et troisième pièces. — Maxillaire supérieur d’un adulte,
trouvé par M. Kirmisson, et contenant in situ deux kystes : l’un, gros comme
un pois, développé du sein du tissu osseux et coiffant comme le précédent
le sommet d’une racine dentaire ; l’autre, ayant pour point d’origine la ra-
cine, et formant dans la fosse comme une cavité du volume et de la forme
d'un œuf de pigeon. Au fond du kyste se retrouve le sommet rugueux de la
racine dénudée jusqu'à la collerette d’où s'étale la paroi kystique.
Quatrième pièce. — Maxillaire supérieur adulte, trouvé par M. Farabeuf,
et dans le tissu duquel fait saillie une poche kystique à paroi ostéofibreuse
934 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
et dont le point d’origine apparaît évident au sommet de la racine postéro-
externe d’une molaire cariée et brisée.
Quelle objection peut-on faire à des faits aussi démonstralifs? L'évolution
tout entière d’un kyste périostique est là sous nos veux, palpable et évi-
dente.
Nous ne voulons pas, bien entendu, revenir sur la question de l’épithé-
lium, dont la présence dans les kystes dits périostiques a conduit M. Malassez
à chercher bien loin une explication qui était si près de lui. Ma réponse
est dans ce fait anatomique que le périoste dentaire a lui-même pour ori-
gine la paroi du follicule, laquelle est tapissée à sa face profonde par une
couche épithéliale continue.
C’est donc cet épithélium qui, dans la membrane devenue périoste, pro-
lifère avec beaucoup d’autres éléments, et forme ces villosités, ces lam-
beaux épithéliaux qui flottent dans les kystes.
Comme conclusions dernières, je me résumerai de la manière suivante :
1° Le développement d’un kyste dit périostique des mâchoires a pour
unique processus le soulèvement du périoste au sommet d’une racine de
dent.
2° Tout développement d’un kyste périostique implique dans son origine
un degré plus ou moins intense de périostite, de sorte qu’il serait exact de
dire que la formation kystique n’est que l’une des terminaisons finales de la
périostite.
3° [1 n'existe, à ma connaissance, aucun cas de kyste périostique indé-
pendant de tout rapport avec le sommet radiculaire d’une dent.
4° Tout kyste périostique présente à l’examen direct les traits earacté-
ristiques suivants :
a. Siège constant au sommet d’une extrémité radiculaire ;
b. Paroi empruntée au périoste, lequel, après s'être épaissi au début,
s’amineit et se distend par le développement.
ce. Le sommet radiculaire est dénudé, rugueux, résorbé et plonge dans la
poche;
d. Point d'implantation dans la poche kystique sur un niveau voisin du
sommet et en manière de collerette circulaire.
DE LA PÉNÉTRATION DU SUC GASTRIQUE DANS L’ALBUMINE COAGULÉE
SÉJOURNANT DANS L’ESTOMAC, par M. À. HERZEN.
Le travail de M. Ch. Richet (1) sur la diffusibilité de l’acide chlorhydro-
peptique m'a vivement intéressé, car je m'occupe, depuis quelque temps,
d’un sujet fort analogue. Le domestique de mon laboratoire est un jeune
(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1884’, 21 mars.
PRE EE
SÉANCE DU 9 AVRIL. 235
homme porteur d’une fistule gastrique ; la description de ce cas, au point
de vue clinique, et de mes premières observations préliminaires sur sa
digestion, se trouve dans la Revue médicale de la Suisse Romande, 15 jan-
vier 1884. Cet hiver, j'ai entrepris, en collaboration avec M. le docteur
Roux (de Lausanne), une série d'expériences destinées à constater, sur
notre patient, l’influence (découverte par M. Schiff et si souvent constatée
sur les animaux) exercée par certaines substances alimentaires sur la pro-
duction ou sur la sécrétion de la pepsine. A celte occasion j'ai été conduit
par le hasard à entreprendre une étude collatérale dont les résultats me
paraissent avoir un certain intérêt, et qui ne manque pas d’affinité avec le
travail de M. Ch. Richet sur la diffusion comparée de acide chlorhydrique
seul et de ce même acide combiné à la pepsine ; de plus, mes résultats con-
firment indirectement les siens.
Afin qu’un liquide peptique digère, il ne suffit pas qu’il contienne de la
pepsine, ni même de l'acide chlorhydropeptique; il faut qu’il contienne en
outre une certaine proportion d'acide chlorhydrique libre. La présence de
cet excès d'acide dans le suc gastrique est mise hors de doute par la magni-
fique réaction violette qu'il donne avec une solution aqueuse de tropéo-
line O0; ie souligne ces mots, car e’est là la manière la plus défectueuse,
la moins sensible, d'employer ce précieux réactif; à plus forte raison,
lorsque la réaction se manifeste, la preuve est certaine ; si au contraire
elle ne réussit pas, on ne peut pas conclure à l'absence de l'excès d'acide,
car la présence d’une certaine proportion de corps albumineux, qui ne
manquent jamais dans le sue gastrique, suffit pour empêcher la réaction (1).
Cela posé, voici mes observations :
|. - Afin de constater la marche normale de la digestion et les modifica-
lions qu’elle subirait sous les influences expérimentales que nous ferions
successivement agir, nous introduisions dans l’estomac trois petits sacs en
fil de soie à larges mailles, contenant chacun le même nombre de cubes
d’albumine fraichement coagulée, du volume de 125 millimètres cubes
environ, et un flocon de fibrine de sang de bœuf, du volume d’à peu près
{ centimètre cube; les sachets en question étaient destinés à être retirés
(1) Pour se convaincre de ce fait, il suffit de faire la réaction en versant quel-
ques gouttes de tropéoline dans 1 centimètre cube d'HCI au 1 pour 1000 et d’y
ajouter ensuite 1 centimètre cube de salive. La réaction disparaît. Cela montre
de plus que pour l'empêcher il n’est pas nécessaire que l’acide soit combiné au
corps albuminoïde présent: en effet, si la salive contenait 1 pour 100 de matières
solides, ce qui est rare, si toutes ces matières étaient des albuminoïdes, ce qui
w’arrive jamais, et si enfin ces albuminoïdes avaient la propriété de lier 10
pour 100 d'HCI, ce qui est énorme, on devrait en ajoutant quelques nouvelles
gouttes d'acide, obtenir la réaction sans retard; or on ne lobtient qu'en en
ajoutant en excès relativement considérable. C’est donc la présence mène des
corps albuminoïdes qui Pempêche.
936 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
de l'estomac au bout d’une heure, de deux heures et de trois heures. La
fibrine jouait le rèle d’un réactif très sensible, devant indiquer, par sa
disparition, la présence d’un suc gastrique peptique, actif dès le commen-
cement de l'expérience, ou bien l'absence du ferment peplonisant par sa
conservation. L'état des cubes d’albumine devait indiquer la rapidité de la
digestion. Sauf quelques cas exceptionnels, nous les avons vus décroître
rapidement, surtout dans le deuxième et le troisième sachet. Afin de con-
server un document objectif de nos résultats, nous mellions ces cubes,
après les avoir bien rincés dans de l’eau distillée, dans de petites éprou-
vettes remplies de glycérine mélangée avec son volume de solution saturée
d'acide borique.
Or il nous est arrivé assez souvent de trouver le contenu du premier
sachet absolument intact, albumine et fibrine; et quelquefois, même dans le
second sachet, il y avait encore un reste de fibrine et l’albumine n’était que
superficiellementattaquée. Nous avons cru d’abord que dansces cas la pepsine
avait été absente pendant la première heure après le repas et n’avait com-
mencé à être sécrétée que dans le courant de la deuxième heure. Mais il
n'en était pas ainsi: en effet, nous nous aperçümes bientôt que la fibrine
se dissolvait dans le mélange giveéroborique, et que, la fibrine une fois
dissoute, les cubes d’albumine commençaient, eux aussi, à prendre l'aspect
caractéristique de cubes semblables en train d’être digérés; dans les
éprouvettes qui n'avaient point contenu de fibrine, ils semblaient se con-
server beaucoup mieux. Évidemment, la fibrine (et peut-être aussi l’albu-
mine) s'était imbue de ferment, sans se dissoudre. Je résolus alors de sa-
crifier toute notre collection afin de m’assurer de l’état des choses. Le mé-
lange glycérique fut décanté et remplacé par de l’acide chlorhydrique à 2
pour 1000 ; les éprouvettes furent mises à l’étuve, à 40 degrés. Le lendemain
elles ne contenaient plus qu’un liquide limpide; toute l’albumine était dis-
soute. [l n’y avait plus à douter du fait que même l’albumine coagulée
absorbe et fixe une certaine quantité de ferment, quantité en tous cas suf-
fisante pour sa propre dissolution. Je voulus alors voir combien de ferment
elle fixait ainsi; dans ce but, je mis dans chacune des éprouvettes (elles
étaient une quarantaine) un morceau d’albumine ; à ma grande surprise,
il ne fut nullement attaqué, même au bout de plusieurs jours d’étuve; —
sauf les quelques éprouvettes qui avaient contenu de la fibrine ; — à toutes
celles où il resta intact, j'ajoutai alors un petit flocon de fibrine pour
m'assurer si réellement il n’y avait plus une trace de pepsine; ce flocon,
gonflé par l'acide, se maintint parfaitement entier pendant deux jours
d’étuve.
La conclusion qui ressort de ces faits est assez singulière : il y a des eir-
constances (indéterminées) où l’albumine peut séjourner dans l'estomac
une heure, et même deux heures, sans être visiblement attaquée, malgré la
présence d’un ferment dont elle s’imprègne; les morceaux d’albumine re-
tiennent, dans ces cas, juste la quantité de ferment requise pour leur
SÉANCE DU 9 AVRIL. DST
propre dissolution. Conséquence relative à la méthode de telles recherches :
la non-dissolution, dans l’intérieur de l’estomac, de l’albumine et quelque-
lois même de la fibrine, pendant une ou deux heures, ne peut plus être con-
sidérée comme une preuve suffisante de l’absence du ferment — ou plutôt
d’un ferment — gastrique (1).
IL. — J'ai fait une série d'expériences assez nombreuses pour constater
la rapidité de cette pénétration du suc gastrique dans la profondeur des
morceaux d’albumine coagulée. Dans ce but, j'ai introduit dans chacun de
mes sachets un gros cube d'albumine, ayant de 10 à 12 millimètres de
côté, afin de pouvoir l’examiner couche par couche. Voici mes résultats :
Au bout d'une heure : Aspect intact, ou bien premier commencement de
la digestion; dans ce dernier cas, angles très légèrement émoussés, surfaces
moins unies, d'apparence un peu grenue. Je coupe le cube en deux, et j'ap-
plique la surface de section sur une plaque poreuse imbue de teinture de
tournesol neutre, elle y laisse l'empreinte d’un carré dont le contour est
nettement dessiné par un trait rouge de l’épaisseur d’un millimètre environ,
qui encadre une surface carrée bleuâtre. J’enlève avec un scalpel les six
tranches extérieures, acides, du cube; je les mets à l’étuve avec un peu
d'acide chlorhydrique au 2000"; elles s’y digèrent rapidement.
Au bout de deux heures : Angles arrondis, surfaces semblables à celles
du marbre rongé par un acide, un peu ramollies, volume visiblement
diminué, réduit d'environ un tiers; le cube, coupé en deux, et appliqué
sur la tablette à tournesol, y fait l'empreinte d’un carré rouge dont le con-
tour, nettement dessiné, a une largeur d'environ 3 millimètres, et embrasse
une tache centrale bleue, ayant encore quatre côtés à peu près droits,
mais les angles très arrondis. J’enlève d’abord les six tranches extérieures
du cube, d'un millimètre environ d'épaisseur, et puis les six tranches
suivantes ; les unes et les autres sont mise à l’étuve dans deux éprou-
vettes, avec un peu d'acide chlorhydrique au 2000‘; les premières se
digèrent rapidement, les deuxièmes restent absolument intactes pendant
plusieurs jours. Je n’essaye même pas la digestion du morceau central,
qui a conservé la légère alcalinité propre de lalbumine.
Au bout de trois heures : Volume réduit à environ un tiers, surfaces
(1) Je n'ai certes pas Fintention de soutenir qu'il doive {oujours en être
eæaclement ainsi; il est très probable que dans les cas d’excessine pauvreté ou
d’excessive richesse du suc gastrique en pepsine, les morceaux d’albumine pour-
ront, à un moment donné, contenir moins de pepsine ou plus de pepsine qu'il
n’en faut pour les dissoudre; j'ai même vu quelques cas semblables, mais, vis-à-
vis du nombre total de mes observations, ils sont si peu nombreux, que je puis
les considérer comme exceptionnels, tandis que Ia très grande majorité des cas,
du moins dans cette première série d'observations, indique que généralement,
el avec un contenu moyen de pepsine dans le suc gastrique, on obtient les résul-
Lats que j'ai exposés.
238 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
très ramollies, se désagrégeant au moindre contact; le cube, coupé en deux,
imprime sur la tablette une tache irrégulièrement carrée, rouge dans toute
son extension; encore une fois, ce sont seulement les tranches extérieures
qui se digèrent à Pétuve; le reste, le morceau central, bien qu'il soit acide,
y demeure intact pendant un temps illimité.
Ces observalions me paraissent démontrer deux choses, — et c'est ici
qu’elles se rencontrent avec celles de M. Ch. Richet : À
1° Le suc gastrique pénètre dans la profondeur des cubes dalbumine à
raison d'environ À millimètre pendant la première heure, 3 millimètres
pendant la deuxième heure;
2 L’acide précède la pepsine et accélère, beaucoup plus qu'elle, sa
marche vers le centre des cubes. — 11 s'ensuit qu'il y à dans le suc gastrique
actif de l'acide chlorhydrique libre, outre celui qui forme avec la pepsine
l'acide chlorhydropeptique, et qu'il est plus diffusible que ce dernier.
Cependant, j'ai hâte de le dire, l'acide libre n’est pas un précurseur
indispensable de lagent peptonisant; pour m'en assurer, jai utilisé le suc
vastrique naturel et pur, tel qu'il était offert par la fistule, toutes les fois
que nous l'avons trouvé spontanément neutre, ce qui arrive de temps en
temps; mais, comme ce cas est, en somme, assez rare, J'ai fait des essais
avec du sue gastrique ayant son acidité normale, que je neutralisais ad hoc
avec un peu de soude. J'ai pu me convaincre ainsi qu’au bout d'une ou de
deux heures, la pepsine pénétrait tout de même dans la couche superficielle
des cubes, — mais l'imbibition m'a paru plus lente et moins profonde; les
tranches extérieures de ces cubes, mises à l’étuve dans de l’acide chlorhy-
drique au 2000, se dissolvaient quelquefois très lentement, mais enfin com-
plètement, les morceaux centraux ne se dissolvaent jamais. — La pepsine
pénètre donc dans les morceaux d’albumine, même en l'absence de Pacide.
L’inverse, — c’est-à-dire que l'acide pénètre en absence de la pepsive,
—— va de soi, mais il était intéressant de voir si les morceaux d’albumine qui
ont séjourné dans un liquide peptique acide de concentration moyenne, tel
à peu près que le suc gastrique qui m'a fourni tous les résultats indiqués
jusqu'à présent, absorbent aussi une quantité d'acide suffisante pour leur
propre digestion. Je n'ai qu'un petit nombre d'observations relativement
à cette question, mais elles parlent bien nettement en faveur de la réponse
affirmative ; j'ai vu plusieurs fois des morceaux d’albumine se dissoudre
complètement lorsque, après les avoir retirés de l'estomac et bien rincés,
je les mettais à l’étuve dans une très petite quantité d’eau; mais il faut que
cette quantité soit très petite, car autrement elle dilue trop l'acide présent
et la digestion ne se fait pas.
Enfin, en vue de ces résultats, je me suis demandé si des cubes d’albu-
mine ayant séjourné une ou deux heures dans le suc gastrique ne contien-
draient pas, par hasard, fout ce qu’il leur faut pour leur propre digestion :
pepsine, acide et eau; j’ai mis de tels cubes à l'étude après les avoir recou-
SÉANCE DU D AVRIL. 239
verts d’une épaisse couche d'huile d'olive, qui en empêchait lessiccation,
sans se mêler avec eux. Au bout d’un temps assez long, de quarante-huit
heures au minimum, les morceaux d’albumine, blancs, opaques et résistants,
se transformaient en une gelée délicate, parfaitement diaphane et soluble
dans l’eau.
Cependant, ne nous hàtons pas de conclure, d'après le simple fuit de
cette modification de lalbumine, ni même d'après sa dissolution complète,
plus ou moins rapide, à une véritable digestion de cette substance, c’est-à-
dire à sa transformation en peptone. En effet, dans beaucoup de cas, j'ai
observé que la peptonisation était très imparfaite et que la plus grande.
partie de l’albumine se trouvait dans la phase intermédiaire appelée para-
peptone. Je ne sais pas à quoi il faut attribuer ce fait; mais il me semble
que si, d’une part, dans l'acide chlorhydrique au 2000° Palbumine cuite ne
se dissout point (ou excessivement peu) et si, sous l'influence de la pepsine,
elle se peptonise en se dissolvant, nous pouvons admettre que dans les cas
où elle se dissout rapidement sans se peptoniser, nous avons affaire à un
troisième agent de la digestion stomacale, à un agent dissolrant, non
peplonisant, el tout au plus parapeptonisant.
Tels sont les faits principaux que je tenais à communiquer à la Société de
biologie. Nous continuons nos recherches sur la pepsinogénie et nous
avons déjà des résultats très nets, tout à fait concordants avee ceux de
M. Schilf, qui a découvert, il y vingt ans déjà, que le présence, dans le sang
en circulation, de certaines substances, par lui nommées peptogènes, accé-
lère et augmente considérablement la production ou la sécrétion de [a
pepsine.
DBOURLOTON. — Jinprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris
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SÉANCE DU 19 AVRIL 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
SUR L'EXISTENCE DE MASSES ÉPITHÉLIALES DANS LE LIGAMENT ALVÉOLO-
DENTAIRE CHEZ L'HOMME ADULTE ET À L'ÉTAT NORMAL, par L. Marassez.
Pour expliquer l'apparition de tumeurs épithéliales au sein des maxil-
laires, loin de tout tissu épithélial préexistant tel que glande ou muqueuse,
on a supposé (1), entre autres hypothèses, que ces tumeurs devaient avoir pour
point de départ une quelconque de ces productions épithéliales qui accom-
pagnent la formation des dents, productions qui auraient persisté une fois
la dentition achevée.
Ce n’est évidemment là qu’une hypothèse ne reposant, que je sache, sur
aucune constatation anatomique précise, venant même à l’encontre du dire
d’observateurs très recommandables, qui prétendent que toutes ces produc-
tions épithéliales finissent par disparaître complètement. Cependant elle
rend si bien compte des faits observés, il est d’ailleurs si difficile de s’as-
surer exactement de la disparition complète de toutes ces productions, qu’il
m'a paru utile de vérifier si cette disparition était bien réelle.
Mes premières recherches avaient porté uniquement sur la paroi des
petits kystes que l’on rencontre parfois appendus à l’extrémité de dents
cariées et jy avais découvert, ainsi que je l’ai dit dans une communication
précédente (p. 176) des cordons épithéliaux, que l’on pouvait justement
considérer comme de tels débris. Entre temps, j'avais aussi observé plu-
sieurs fois sur des coupes de gencives, assez loin de la surface muqueuse,
de petites masses épithéliales (les prétendues glandes du tartre proba-
blement) que l’on pouvait encore ranger dans la même catégorie de
faits.
Mais ces observations ne constituaient pas encore une preuve suffisante,
les cordons épithéliaux des parois kystiques pouvant être considérés comme
des bourgeonnements du revêtement épithélial de ces parois, ceux des gen-
cives comme des bourgeonnements de la muqueuse, Il fallait que la consta-
(1) Voy. l'historique, p. 182 de ces Comptes Rendus.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T, I, N° 16. 19
242 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tation se fit, non pas seulement dans des états pathologiques, mais encore
à l’état normal, c’est-à-dire sur des maxillaires d'adultes parfaitement
sains. Or c’est ce que j'ai pu faire dans ces derniers temps, grâce au con-
cours de M. Galippe, qui a bien voulu me procurer un tel maxillaire et
m'aider à le préparer.
Une deuxième petite molaire inférieure, ayant été décalcifiée (1) avec les
parties adjacentes du maxillaire, fut débitée complètement au microtome
en coupes longitudinales de 1/100 et de 1/50 de millimètre d'épaisseur;
toutes ces coupes furent colorées, puis patiemment examinées l’une après
l’autre. Or, dans ce grand nombre, il s’en trouva plus d’une vingtaine où
je pus facilement constater dans l’épaisseur du ligament ou périoste alvéolo-
dentaire, de petites masses cellulaires nettement distinctes du tissu fibreux
qui les entourait.
Ces masses siègent généralement. au voisinage de la dent, quelques-unes
cependant se trouvent dans la partie la plus externe du ligament, à côté du
maxillaire et de ses espaces médullaires (il ne faut pas confondre ces
dernières avec les myéloplaxes ou cellules géantes multinueléées que l’on
rencontre dans cette même région). Il en existe dans toute la hauteur du
ligament; les plus superficielles même s'étendent jusque dans l’épaisseur
du bord gingival, elles dépassent donc le niveau du collet de la dent ; ce
sont elles que j'avais vues autrefois et qu'on avait déjà décrites comme
glandes du tartre. Les plus profondes vont jusqu’à l'extrémité de la racine,
mes préparations ne m'ont pas permis de voir si elles la dépassaient, en
tout cas elles sont là beaucoup plus rares. C’est au-dessous du collet, au
niveau de la partie supérieure de la racine, qu’elles m'ont Basn les plus
nombreuses et les plus développées.
Pour me rendre compte de leur disposition dans leur ensemble j'ai Ru
siné, à la chambre claire et à un faible grossissement, toutes celles que j'ai
trouvées dans douze de mes préparations les plus heureuses; puis je les ai
réunies sur un même dessin en prenant comme points de repère, dans le
sens vertical, le bord Supérieur du eément qui était très net, et dans le'sens
transversal le bord même de la dent. Elles se sont trouvées alors, formant
comme une longue traînée cellulaire verticale, interrompue par places,
légèrement sinueuse et munie de courtes ramificalions latérales.
La forme de ces masses cellulaires est très variée; il en est de parfaite-
ment circulaires et qui correspondent soit à des coupes d’amas sphériques,
soit à des coupes transversales d’amas cylindriques; il en est d’ovaless; il
(1) Pour décalcifier, j’ai essayé différents liquides; celui qui m'a le mieux réussi
jusqu’à présent c’est un mélange d’acide picrique et d’acide azotique, dans la pro-
“portion de 2 à 3 parties d'acide azotique ordinaire du commerce pour 100 de solu-
“tion concentrée d’acide picrique à la température ordinaire; ce mélange agit plus
rapidement que l’acide picrique seul, ou que l’acide chromique au 100, et : ne
nuit pas aux colorations futures.
SÉANCE DU 19 AVRIL. 243
en est de très allongées en forme de cordons plus:ou moins réguliers; ilien
est aussi.qui sont ramifiées ; on croirait parfois avoir affaire à des frag-
ments glandulaires.'" Il. est à remarquer que: les formes allongées n’ont
généralement pas la même direction que celle des faisceaux du ligament
alvéolo-dentaire; ceux-ci, allant presque directement du maxillaire à da
dent (le point d'insertion dentaire se trouve séulement à un niveau un peu
plus profond que le point d'insertion maxillaire), ont une direction-à! peu
près perpendiculaire à l’axe de la dent; tandis que nos masses cellulaires
sont plutôt parallèles à cet axe, comme le sont aussi les vaisseauxet:les
nerfs de la région. On les rencontre assez souvent d’ailleurs côte à côte
dans la même gaine conjonctive, mais souvent aussi elles sont comes
ment isolées avec ou sans gaine SENTE propre.
Cés masses sont pleines, je n’en ai pas réncontré qui RER En, de
cavité bien nette. Les cellules qui les composent sont généralement polyé-
driques et assez petites ; cependant, dans les plus gros amas circulaires, Les
cellules périphériques sont parfois cylindriques ‘et implantées perpendicu-
Jairement à la surface externe; tandis que dans les amas les plus ‘effilés,
elles sont toutes plus ou moins allongées dans le sens même de l’amas.
Elles possèdent un noyau relativement volumineux; tandis que le proto-
plasma est assez réduit. Je n’ai pu distinguer si ces cellules étaient simple-
ment opposées l’une à l’autre, ou si elles étaient réunies par des filaments
à la façon des cellules épithéliales du type malpighien ; en tout cas je n’ai
jamais observé d'espaces intercellulaires, comme en JrésEtie l’épithélium
central de l'organe de l'émail. ie 8
Que sont ces masses cellulaires? Quand on les compare aux productions
épithéliales bien connues que l’on rencontre autour des dents qui se déve-
loppent, on est frappé des ressemblances extrêmes qui existent entre elles.
Il en est même qui, vues isolément, ne sauraient être distinguées. Ces ressem-
blances, les analogies de siège, portent à penser que ce sont des produc-
tions de même nature et.que.les masses cellulaires que j'ai trouvées dans
le ligament alvéolo-dentaire: de cette petite molaire d’adulte, proviennent
de quelques-unes des formations épithéliales qui accompagnent la dentition
et qui auraient persisté chez l’adulte : bourgeons partis de la face profonde
de la muqueuse gingivale, ou des cordons des: dents temporaires ou per-
manentes, ou du feuillet: externe de l’organe de l’émail ;, cette dernière
origine est peut-être la plus vraisemblable, en raison de la dissémination
de ces débris ; c’est d’ailleurs un point à étudier.
On Ra de nombreux exemples de débris épithéliaux pe
ayant persisté au sein de tissus adultes; mais il paraîtra peut-être extraor-
dinaire qu'une telle persistance ait pu se produire dans une région
que l’on suppose généralement devoir être le siège de compressions
fréquentes et’ considérables. De telles, compressions existeraient sans
doute s’il y avait un véritable périoste entre la dent et son alvéole; mais,
comme le professait récemment M. Ranvier dans son cours, il n°y a là rien
244 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
qui ressemble à un périoste; c’est bien plutôt, ainsi que le pensaient les
anciens anatomistes, un ligament (1), qui, je le ferai remarquer, suspend
pour ainsi dire la dent dans la cavité alvéolaire, et dont les faisceaux
composants laissent entre eux des intervalles où il ne doit pas exister
de pressions bien considérables, puisqu'il s’y trouve de nombreux nerfs qui
ne sauraient les supporter, et de volumineux vaisseaux, de véritables sinus,
qui les atténueraient singulièrement si elles tendaient à se produire.
Je ne sais si ces masses épithéliales ont été déjà constatées et décrites;
je n’en ai trouvé aucune trace dans les quelques auteurs que j'ai consultés
à ce sujet. S’il en est ainsi, il serait utile de continuer ces recherches, afin
de voir si on les retrouverait sur d’autres dents (2) et chez d’autres
sujets; si, en un mot, nous avons affaire ici à un fait anatomique constant,
ou à une simple anomalie. Peu importe d’ailleurs, pour le point de vue
spécial auquel je me suis placé; du moment, en effet, que l’existence
de telles masses est possible, cela suffit pour que l'apparition de tumeurs
épithéliales au sein des maxillaires ne soit plus un fait incompréhensible,
et pour que la théorie épithéliale que j'ai soutenue en reçoive, sinon une
démonstration complète et définitive, du moins un très solide appui.
v
DES SYNERGIES FONCTIONNELLES BINAURICULAIRES ; DE L'ACCOMMODATION POUR
L'AUDITION BINAURICULAIRE ; ÉTUDE DE CETTE ACCOMMODATION EN ACTION ;
APPLICATIONS A LA SÉMÉIOLOGIE AURICULAIRE ET A LA CLINIQUE, par .
M. GELLÉ.
La séméiotique auriculaire possède aujourd’hui des méthodes d’observa-
tion de premier ordre qui permettent aux cliniciens de constater l’aération
des caisses tympaniques, la perméabilité des trompes d'Eustache, la mobi-
lité, la tension, l’élasticité de la membrane du tympan, lejeu de la platine
de l’étrier dans la fenêtre ovale, elc., mais dans toutes ces explorations,
l'organe de l’ouïe est étudié uniquement à l’état statique, ou simplement et
mécaniquement müû par les divers procédés d’insufflation d’air ou sous
l'influence des pressions centripètes. Aucune méthode d'exploration cli-
nique ne saisit l’'accommodation en activité et ne fournit le moyen d’en
apprécier l'effort, ni de constater son incapacité ou sa perte même. Chacun
(1) On ne saurait objecter à cette manière de voir que les ligaments ne pos-
sèdent jamais une richesse vasculaire aussi grande que celui-ci, il suffirait de
citer le ligament inter-articulaire de l’articulation coxo-fémorale.
(2) J’en ai encore trouvé sur la première grosse molaire de ce même
maxillaire. l
SÉANCE DU 19 AVRIL. 245
comprend cependant combien il serait important de pouvoir juger des
capacités fonctionnelles de laccommodation des oreilles aux intensités
sonores et aux distances, comme on analyse l’accommodation oculaire.
Ce n’est pas que le rôle des moteurs de la chaîne dans l’adaptation de
l'oreille ait été négligé ; je ne rappellerai pas ici les travaux et expériences
devenus classiques de Politzer, Lucæ, Flick, Moos, Pilcher, etc., ete.,
pour ne nommer que les plus récents.
L’accommodation de l'oreille aux tons, aux intensités et aux distances,
admise d’abord par analogie avec l'organe de la vue, est aujourd’hui
démontrée expérimentalement. Les traités classiques la décrivent en détail
(Beaunis, Béclard, M. Duval). Une des dernières expériences instituées pour
rendre cette fonction d’accommodation manifeste est celle de Wolf. Wolf
fait entendre à l'oreille un appeau, à une grande distance; puis le même,
tout auprès de l'oreille. Or il constate que le deuxième son présente une
élévation d’un demi-ton sur le premier. [l y a là, au dire de Wolf, un effet
évident de la contraction réflexe du tenseur tympanique.
Si je viens à mon tour étudier l’accommodation auriculaire, c’est avec
une méthode tout autre, en me basant sur un fait expérimental neuf; enfin
j'espère pouvoir en faire l'application à la clinique au grand profit de la
séméiolique auriculaire.
En résumé, j'ai à produire devant vous : 1° un phénomène physiologique
expérimental; 2° son interprétation et ses preuves de plusieurs ordres ;
3° son application à l'étude clinique de l’accommodation auriculaire. Voici
le fait, base de ce travail :
Expérience : Un diapason la 3 est emmanché à l’extrémité d’un tube
de caoutchouc, qui est fixé hermétiquement à l'oreille droite par l’autre
bout. Le tube est tenu à la main; le diapason pend librement et vibre. A
l'oreille gauche un tube-caoutchouc fixé hermétiquement transmet les
pressions d’une poire à insufflation de Politzer ordinaire.
Le sujet indique alors que à chaque pression douce effectuée sur la poire
à gauche, le son perçu à droite s’atténue légèrement, et cela à volonté. Donc
en agissant sur une oreille, on modifie l’audition de l'oreille opposée.
L'expérience peut être simplifiée : on fait vibrer le diapason à 3 ou 4 centi-
mètres du méat auditif droit, la poire toujours adaptée à gauche, et l’on
constate absolument le même résultat. C’est le procédé clinique, simple et
rapide.
Comment expliquer cette action d’une oreille sur l’autre? Comment agit
la pression faite à gauche pour modifier l'audition à droite, à l'opposé ?
Quand, il y a trois mois, je vins exposer ce fait devant la Société de bio-
logie, la plupart des avis furent qu’il y avait probablement là une action
sur le centre sensoriel; d’autres pensèrent à une excitation réflexe; bref,
le sujet resta à l'étude. J’apporte aujourd’hui l'interprétation de ce phéno-
mène constant à l’état sain.
Les deux oreilles, comme les deux veux, sont associées dans leurs mou-
9246 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
vements pour l'audition binauriculaire. À ce moment, les deux organes
conducteurs du son possèdent la même tension, et leur accommodation
est la même pour le même ton. Si les oreilles sont successivement frappées
et non pas à la fois par le même son, il faut croire également que le même
effort d’accommodation a lieu de chaque côté, la sensation restant iden-
tique. Il semble que cela ne puisse être discuté. Il existe, il est vrai, pour
chaque oreille une sphère d’activité latérale bien distincte, qui permet
l'orientation; mais il faut admettre aussi laccommodation synergique des
deux organes dans l’audition binauriculaire.
Or je pense que dans l’expérience des pressions, quand j’agis sur l’appa-
reil de l’accommodation d’umcôté, je provoque synergiquement une action
analogue de l’appareil transmetteur de autre côté.
Ceci n’est encore qu’une induction, mais voici les preuves que je crois
démonstratives dela vérité de l'interprétation que je donne. Voyons
d’abord les preuves cliniques. En général, les affections de l’oreillemoyenne
modifient profondément la capacité fonctionnelle d’accommodation. et la
réaction dans l’épreuve décrite plus haut.
Tantôt, c’est la réplétion de la cavité par la prolifération de la muqueuse
enflammée (première période de l’otite aiguë), tantôt une collection intra-
tympanique, qui arrêtent totalement les mouvements de la chaine des
osselets. D’autres fois, c’est une sclérose ancienne; ailleurs une tension
tympanique causée par l’oblitération des trompes, etc. Dans certaines
observations, l'affection auriculaire ne nuit pas à la production du phéno-
mène significatif, c’est-à-dire à l’atténuation du son à droite, si la pres-
sion a lieu à gauche, ou vice versd. Cela est en général d’un excellent
pronostic, de même que la réapparition du signe après son entière dispa-
rition.
On observe quelquefois une action exagérée des pressions, c’est-à-dire
que, au lieu d’une atténuation du son, elles causent son extinction passagère
et la section nette de la sensation du son continu du diapason; je Vai
observée dans certains cas de large perforation et de ramollissement extrême
avec relächement du tympan.
En général, il suffit d’une lésion unilatérale grave, immobilisant l’appa-
reil conducteur (réplétion, sclérose, oblitération tubaire) pour que l'épreuve
soit négative, puisqu'aucun mouvement ne peut être ou reçu ou transmis.
Ces observations démontrent qu’il existe entre le phénomène de l’atté-
nuation du son (obtenue à droite quand une pression est faite à l'oreille
gauche) et les lésions de l’oreille moyenne, un étroit rapport. En effet, si
Von contrôle ces résultats par l’épreuve dite des pressions centripètes, qui
donne la mesure de la mobilité de l’organe conducteur, on trouve qu'il y a
accord parfait, c’est-à-dire que toujours avec une épreuve despressions cen-
-tripètes négative, l'atténuation manque dans notre épreuve dite des syner-
gies fonctionnelles. Donc, quand aucun mouvement n’a lieu, aucune
modification n'étant imprimée à l’organe qui subit la pression de la poire à
SÉANCE DU 19 AVRIL. 247
air, rien ne se produit à l'opposé. La mobilité de l’appareil est, on le voit,
une.condition de la genèse-du phénomène auditif observé, et c’est bien une
excitation de mouvement à distance qui s'opère dans notre expérience.
Or j'apporte à cette conclusion l'appui d’une preuve que je crois sans
réplique; la voici : pour les diverses épreuves précédentes, c’est la sensa-
tion des patients (je les ai choisis intelligents, et quelques-uns sont des
docteurs en médecine) et leur dire que j'ai dû enregistrer, mais voici mieux :
on peut, en auscultant, percevoir les atténuations du son annoncées par
le sujet, ou constater leur absence alors que celui-ci ne les perçoit pas.
Dès lors plus de doute! Sous l'influence d’une modification légère imprimée
à une oreille, une égale modification de l'organe conducteur du son se pro-
duit dans l'oreille opposée; plus de doute que ce soit l’organe de l’accom--
modation et de la transmission du son qui entre en jeu et produise l’atté-
nuation du son observée.
L'épreuve que j'indique nous montre donc un déplacement passif, méca-
niquement imposé à l’appareil de la chaîne des osselets, se répétant syner-
giquement à l’opposé, sous l’influence probable de la synergie fonctionnelle
de l’accommodation. |
Mais qui ne voit que du côté.synergiquement actionné, le mouvement,
cause du phénomène acoustique, est actif et non plus passif comme de
l’autre côté? C’est donc une mise en activité de l’appareil d’accommodation
de l'oreille que je produis, et que le signe d’auscultation indiqué constate
à chaque atténuation du son. annoncée par le sujet.
C’est l'organe lui-même qui synergiquement sollicité fonctionne.
J'ai donc ainsi dans la main le moyen de faire travailler l'appareil
l’accommodation auriculaire, d’en étudier la capacité fonctionnelle et l’é-
nergie accommodative ; c’est là une épreuve clinique de premier ordre, qui
donne au praticien la possibilité d'explorer l’oreille et d'étudier son fonc-
tionnement, comme on examine depuis longtemps les yeux et l’accommo-
dation visuelle.
Je laisse aujourd'hui de côté les applications nombreuses des données de
ces épreuves de la synergie fonctionnelle d’accommodation binauriculaire à
la clinique générale, à l'étude des surdités liées à l’hystérie, au tabes, etc.;
et surtout je me contente de signaler ce fait clinique remarquable : la
production de mouvements actifs, synergiques, d’accommodation ow de
coordination, sous l'influence des déplacements passifs imprimés à des
organes fonctionnellement associés.
248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
EFFETS DE LA DESTRUCTION DE L'ÉCORCE CÉRÉBRALE SUR LES LAPINS.
Note de M. Ch. Ricuer.
En continuant, avec MM. Gley et Rondeau, nos expériences sur l’influence
thermique de l'excitation ou de la cautérisation du cerveau, nous avons
été frappé d’une conséquence singulière de la lésion cérébrale.
Les lapins, dits de choux, qui servent à nos expériences, vivent en capti-
vité dans une cage étroite. Lorsqu'on les prend pour les faire marcher ou
courir, on remarque qu'ils se traînent à grand peine ; si on les pousse pour
les faire marcher en avant, ils vont en tâtonnant, en hésitant, faisant à peine
quelques pas, tournant la tête de côté et d’autre, et il faut plusieurs minutes
pour leur faire franchir une distance de quelques mètres (1). Or, si, après
avoir fait sur un lapin cette constatation, on lui met ä nu le cerveau, puis
qu’on cautérise la surface, très légèrement, très superficiellement, avec le
thermocautère, on verra ces allures hésitantes et paresseuses instantané-
ment modifiées.
Après quelques secondes de stupeur, le lapin est devenu agile et coureur.
Il verra, entendra, tout aussi bien que précédemment. Mais, au lieu de se
traîner sur le sol en rampant et en hésitant, il sera devenu apte à fournir
une longue course, et, en quelques bonds, courant sans interruption, il fera
le tour de la salle à deux ou trois reprises.
Si l’on frappe des mains, il se sauvera rapidement, quelquefois avec une
extrême brusquerie, lançant avec force les deux pieds de derrière contre le
sol, sautant légèrement par-dessus les obstacles, qu'il distinguera très bien,
et contre lesquels il ne butera pas s’ils ne sont pas trop élevés, et s’il peut
les franchir.
Mais, si l'obstacle est un mur, ou une planche un peu haute, il sera lancé
avec une telle force, que souvent il se heurtera violemment la tête, n’étant
plus capable de s’arrêter à temps. Ce n’est pas, je le répète, parce qu’il ne
voit pas l’obstacle, attendu qu’il voit très bien des deux côtés, et qu’il évite
parfaitement les obstacles latéraux. ,
C’est une expérience qui réussit toujours que de prendre un lapin
d’allure très paresseuse, de lui cautériser la surface du cerveau, et de
constater la transformation presque instantanée de son allure. Il est devenu
excitable, farouche et coureur.
J'avais déjà signalé le même phénomène sur des oiseaux, en particulier
des canards, dont l'écorce cérébrale avait été détruite (Bulletin de la
Société de biologie, 1883, p. 129). « Si on les effraye, disais-je alors, ils
(1) Il va sans dire que cette allure n’est que passagère. Si l’on met des lapins,
d’allure aussi bête, dans un endroit où ils puissent s’ébattre, en deux ou trois
jours, et quelquefois moins de temps, ils deviennent agiles et alertes, presque
autant que le lapin de garenne.
SÉANCE DU 19 AVRIL. 9249
#—
——
fuient, en se butant contre les objets du laboratoire, sans s’arrêter jusqu’à
ce qu’ils aient rencontré un obstacle, comme un mur ou une planche, qui
les arrête définitivement. Ils sont devenus très farouches, comme s’ils avaient
perdu une certaine faculté d’inhibition, celle d’arrêter les mouvements
instinctifs de la frayeur et de la fuite. »
Cette explication me paraît être la plus vraisemblable qu’on puisse donner
de ces phénomènes singuliers. La suppression de l’écorce cérébrale (ou de
quelques régions de l’écorce) équivaut à la suppression des appareils d’in-
hibition. L’action bulbaire s’exerce alors sans restriction : si à l’état normal
un lapin ne court pas brusquement quand on l’effraye, c’est que certaines
excitations, venues des régions corticales, l’arrêtent dans son mouvement.
Cette zone cérébrale, qui préside à l’inhibition, étant détruite, alors une
émotion, une excitation le font courir avec rapidilé, sans qu’il puisse s’ar-
rêter.
Peut-être y a-t-il quelque analogie entre ces phénomènes, et l'élévation
thermique consécutive à la destruction de l'écorce. Si l’on suppose que l’in-
hibition par l’écorce du cerveau ne s’exerce pas seulement sur les phéno-
mènes du mouvement volontaire, mais encore sur les actions thermogéniques,
il s'ensuit que les actions thermogéniques, après la suppression de l'écorce,
vont s'exercer avec une puissance très grande.
L'expérience suivante va donner une preuve de la simultanéité des deux
phénomènes.
26 mars. Lapin blanc. Température : 39,5.
Incision de la peau du crâne.
5 heures après l’opération. Température : 39°,9.
27 mars. Mise à nu du cerveau, et cautérisation des lobes occipitaux.
A 3h, Température : 40°,1.
À 5h. 10, Température : 40°,0.
L'animal se rétablit très bien, reprend les allures paresseuses et stupides du
lapin de choux.
7 avril. A 1h., Température : 40°,3.
(Cette légère hyperthermie est due vraisemblablement à la suppuration de sa
plaie.)
De 1 heure à 1 h. 38, on agrandit la plaie, et on cautérise très superficielle-
ment, mais sur une assez grande surface, l'écorce du cerveau.
A 1 h.358, Température : 39,7.
Le lapin prend aussitôt des allures toutes différentes. En quelques bonds, il
traverse la pièce, saute au-dessus des objets épars dans le laboratoire, voit et
entend très bien, est devenu très farouche.
A 3h. 30. Température : 40°,95.
À 5h. 15. Température : 40°,7.
A Gh.25. Température : 40°,5.
250 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
Il est très excitable, et crie bruyamment dès qu’on le touche.
8 avril. Température : 400,5.
9 avril. Température : 40°,1.
12 avril. Température : 380,8.
(Assez malade, quoique mangeant beaucoup.)
Aujourd’hui 19 avril. Température : 38°,9,
Il paraît à peu près rétabli, quoique avant des phénomènes de stupeur alter:
nant avec une agilité très grande quand on l’excite.
Ainsi on peut considérer, pensons-nous, l’écorce du cerveau comme un
appareil d’inhibition, aussi bien pour les actions thermogéniques que pour
les mouvements volontaires (1). On pourrait aussi supposer que ces phéno-
mènes ne sont pas dus à l'absence d’inhibition, mais bien à une excitation.
Entre ces deux hypothèses on peut préférer l’une ou l’autre.
SUR LA STÉRILISATION DES LIQUIDES AU MOYEN DE LA MARMITE DE PAPIN.
Note de M. le docteur L. HEYDENRFICH.
Malgré les avantages que présente la marmite de Papin comme moyen de
stérilisation des liquides nutritifs destinés à la culture des microbes, on a
cessé, surtout en Allemagne, de l'utiliser pour cet usage à la suite d’expé-
riences dans lesquelles MM. Koch, Gaffky, Loeffler (2) et Wolfhugel(3), etc.,
ont relevé des différences d’à peu près 40 degrés après une demi-heure de
contact entre le liquide et le bain de vapeur dans lequel il était plongé.
Le principe de Watt paraît pourtant devoir assurer une distillation régu-
(1) Il est évident que ces phénomènes sont bien différents de ceux qu'ont
observés divers auteurs, et en particulier M. Nothnagel, après l’excitation du
noyau caudé du corps strié, noyau qu'il a appelé nodus cursorius. Dans toutes
nos expériences, il n’y a eu que l’écorce cérébrale qui ait été touchée. Il nya
pas non plus d’analogie à établir entre nos expériences et celles de Magendie
sur le mouvement impulsif, irrésistible après section des corps striés et des
pédoncules.
Plusieurs des lapins opérés en février et en mars sont complètement rétablis :
entre autres un lapin dont la température s’est élevée à 41°,9 en quelques heures.
Je me réserve de revenir sur les faits relatifs aux ascensions thermiques consé-
cutives et aux troubles de nutrition, qu’on voit sur les lapins anciennement
piqués et rétablis.
(2) Mittheil. d. Kaiserl. Gesundheitsamtes, 1881, Bd 1.
(3) Ibid., 1884, Bd 2.
SÉANCE DU 19 AVRIL. 251
lière de la partie chaude à la partie froide, et par conséquent l’uniformi-
sation assez rapide des températures. Mais on sait qu'il n’est applicable
qu’au milieu où la vapeur existe seule. Quand il y a de l'air, la seule con-
dition d'équilibre à laquelle soit assujetti le mélange est que la tension de
la vapeur en un point quelconque soit au plus égale à la tension maximum
qui convient à la température de ce point. Dans un pareil mélange l’équi-
libre des pressions, ne s’accompagnant pas nécessairement de l'égalité de
la température, celle-ci peut théoriquement être très inégale dans les
divers points.
Ce raisonnement m'a conduit à penser que les résultats si singuliers
obtenus par MM. Koch, Gaffky et Loeffler tenaient peut-être à ce que Pair
n'avait pas été chassé de l’appareil de chauffage; et pour vérifier cette
induction, j'ai fait les expériences suivantes.
Dans une marmite de Papin, mesurant 35 centimètres de diamètre,
45 de profondeur et renfermant 9 centimètres de hauteur d’eau, j'ai Ts
duit un vase cylindrique de fer-blanc ouvert par le haut, fermé par le bas,
dans lequel je mettais un ballon porté sur un valet de Pile et renfermant
2 litres d’eau. La marmite étant fermée par son couvercle et chauffée à 120 de-
orés, la chemise d’air comprise entre le ballon et les parois du vase en fer-
blanc devait, en grande partie, rester en place, maintenue par sa densité,
dans l’atmosphère plus riche en vapeur qui se formait au-dessus d’elle. Deux
thermomètres maxima étaient placés dans des conditions aussi identiques
que possible, à la même hauteur, l’un à l'extérieur du vase de fer-blane,
l’autre au fond de ce vase à son intérieur ; un troisième thermomètre plon-
geait dans l’eau du ballon. Or le premier étant à 120 degrés depuis un quart
d'heure, le second ne marquait que 87°,5 et l’eau du ballon n’était pas
encore montée à 90 degrés.
En répétant la même expérience, après avoir ouvert pendant trois mi-
nutes la soupape d'évacuation lorsque l’eau était en ébullition sous la pres-
sion ordinaire, la température du liquide ne montait qu’à 60 degrés.
On n'avait donc pas évacué complètement encore l’air du vase cylin-
drique, qui ne pouvait disparaitre en effet que par l’entraînement latéral ;
ce qui le prouve, c’est qu’en perçant six trous au fond du vase de façon à
balayer l'air de bas en haut, l’eau du ballon est montée dans les mêmes
conditions à 119°,8.
Enfin, en Sétériant avec quelques doubles de papier les ouvertures
faites, on transforme de nouveau le vase ouvert à ses deux extrémités de
l'expérience précédente, en un vase fermé par le bas, où l’air reste stagnant,
et la température de l’eau retombe à moins de 50 degrés après un quart
d'heure à 120 degrés.
Ces différences de température sont tout à fait analogues et même en cer-
tains cas supérieures à celles qui ont été relevées dans les expériences que
nous citions plus haut; c’est ce qu'expliquent suffisamment les différences
dans les dispositifs adoptés.
9592 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Dans tous les cas elles prouvent que dans le chauffage au moyen de la
marmite de Papin, il est nécessaire d’évacuer tout l'air.
10 expériences faites dans ces conditions m'ont conduit aux conclusions
suivantes, dont l'importance pratique n’a pas besoin d’être démontrée.
La marmite étant chauffée à 120 degrés, après expulsion de l'air, et la
pression de la vapeur étant par conséquent dans tous les points de 2 atmo-
sphères, il faut, pour porter à 120 degrés de l'eau introduite dans la
marmite à la température ordinaire :
Dix minutes, lorsque l’eau remplit un ballon de 1 litre;
Cinq minutes, lorsque l’eau remplit un ballon de 1/2 litre;
Deux minutes environ, loi rsque l’eau est en volume de moins de 200 cen-
timètres cubes.
En se tenant dans ces limites, on peut être sûr de l'égalité de température
entre un liquide aqueux et une enceinte chauffée par la vapeur à 120 degrés,
et la marmite de Papin devient, dans ces conditions, un appareil précieux,
dont le fonctionnement est aussi rapide que sûr.
(Ges recherches ont été faites dans le laboratoire de M. le professeur
Duclaux.)
NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LE RAPPORT QUI EXISTE ENTRE LES URINES
SUCRÉES ET LA SÉCRÉTION MAMMAIRE, par M. DE SINÉTY.
J'avais appelé, l’année dernière, l’attention de la Société sur Le cas assez
curieux d’une chienne vierge, qui présentait une sécrétion lactée périodique,
correspondant à l’époque de la parturition, si elle avait été fécondée, c’est-
à-dire neuf semaines environ après chaque période de rut.
Le phénomène continue à se produire dans les mêmes conditions. Ainsi
cette chienne était en chaleur au commencement de février, et J'ai constaté,
ces jours-ci, la présence du lait dans ses mamelles (1). J’ai voulu recher-
cher si ses urines contenaient du sucre. Les examens répétés plusieurs fois
ont toujours été négatifs ; il n’y avait pas de sucre dans l’urine. Ce fait est,
du reste, en rapport _. ce que J'ai constaté dans d’autres circonstances.
Quand la sécrétion mammaire est peu abondante, ou que la sécrétion et
l’excrétion se compensent, le sucre n’apparaît pas dans l’urine. Lorsque, au
contraire, la fonction mammaire étant active, l'élimination du lait est en-
travée, le sucre se montre au bout de peu de temps et en ahondance dans
l'urine, ainsi que je l’ai signalé depuis plus de dix ans (2).
(1) Gette chienne, du reste bien portante et bien conformée, n’a jamais voulu
subir les approches du mâle. Elle se défend, elle mord, et jusqu’à présent, malgré
plusieurs tentatives, on n’a pu réussir à la Fe saillir.
(2) 1° Recherches sur l'urine pendant la lactation (Mémoires de la Société de
biologie, 1873).
SÉANCE DU 19 AVRIL. 253
Puisque je suis revenu aujourd’hui sur ce chapitre de la lactosurie (1)
des nourrices, je ferai quelques observations au sujet de la communication
récente de notre président, M. Paul Bert, sur l’origine du sucre du lait (2).
En expérimentant sur une femelle de cochon d'Inde, M. Bert a constaté,
comme moi, qu'après la parturition les urines ne contenaient pas de sucre.
Au contraire, chez deux chiennes privées de mamelles, les urines se mon-
traient, aussitôt après l’accouchement, capables de réduire avec énergie la
liqueur eupro-potassique.
Nous sommes done en présence d’expériences contradictoires. D’après
M. Bert, cette différence tiendrait à la petite taille et à la faible puissance
lactogène du cobaye. Mais, dans ce cas, cette faible puissance lactogène ne
se monfrerait pas seulement chez les animaux privés de mamelles. Or
l'apparition du sucre dans l’urine est des plus manifestes chez le cobaye en
lactation à l’état normal ; tandis qu’elle a toujours fait défaut sur ceux de
ces animaux qui n'avaient plus de glandes mammaires. Mes expériences
de 1873 et 1874 n'avaient pas porté sur un seul sujet, mais bien sur six
femelles, dont j’ai conservé plusieurs au Collège de France pendant plus
d'un an. Ces femelles ont eu une nombreuse progéniture, et jamais je nai
trouvé de sucre, ni avant ni après la parturition, chez celles pour lesquelles
l’ablation avait été totale. Chez deux d’entre elles, opérées au moment de
la naissance, où l’ablation avait été incomplète, et où une portion des glandes
avait été involontairement épargnée, j'ai constaté une légère réduction du
liquide cupro-potassique dans un cas, et pas dans l’autre (3).
d Effets consécutifs à l’ablation des mamelles (Comptes rendus de l'Acadé-
mie des sciences et Société de biologie, 1873 et 1874).
° Sur la mamelle et la sécrétion lactée de l'enfant nouveau-né (Société de
biologie, 1875).
4° Galactorrhée sans glycosurie (Société de biologie, 1877).
o° Nouveaux faits relatifs à l’ablation des mamelles chez les cobayes
(Académie des sciences, 1877). ,
6° De l’innervation de la mamelle (Société de biologie, 1879).
(1) Depuis que Blot, en 1856, avait signalé la présence du sucre dans l'urine
des femmes enceintes et des nourrices, on supposait que ce même sucre était de
la glycose. Un chimiste allemand, Hofmeister, en 1877, a obtenu des cristaux de
sucre de lait extrait de l’urine des nourrices, ce qui m'a engagé à remplacer le
mot de glycosurie par celui de lactosurie. .
(2) Sur l'origine du sucre du lait, par M. Paul Bert (Comptes rendus de l’Aca-
démie des sciences, séance du 31 mars, et Société de biologie, séance du 5 avril 1884).
(3) Pour toutes nos expériences, les animaux étaient placés isolément dans des
boîtes en bois doublées de zinc et montées sur quatre pieds, dans une situation
déclive. Un orifice pratiqué à la portion la plus déclive de la boite permettait à
l'urine de s’écouler à mesure dans un récipient muni d’un filtre. On recueillait
ainsi lPurine des vingt-quatre heures, dont la quantité était bien suffisante pour
faire plusieurs analyses qualitatives.
254 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Ces faits expérimentaux concordent avec les observations cliniques. Jai
toujours vu, en effet, que la proportion du sucre dans l’urine était d'autant
plus grande, au moment de la montée du lait, ou lorsqu'on supprimait l’allai-
tement, que les femmes avaient des mamelles plus volumineuses. Ce rapport
entre k quantité de sucre de l’urine et la richesse de la sécrétion mammaire
a été bien établi par les travaux de Hempel (1). Les dosages pratiqués par
cet auteur nous montrent aussi que ce n’est pas immédiatement après la
parturition que le sucre commence à apparaître dans l’urine, mais du
deuxième au troisième jour seulement. |
Je rappellerai également ici quelques recherches que j'avais faites dans
le laboratoire de Claude Bernard, en 1873 et 1876, sur la quantité de sucre
contenu dans le sang des femelles en lactation, et que je n’avais pas pu-
bliées à cette époque, ne les trouvant pas assez nombreuses ni assez con-
cluantes. Je vous communique, aujourd’hui, les résultats, tels que je les
avais consignés à mesure sur mon livre d'expériences. |
Mes recherches ont porté sur six chiennes. Chez la première j’+ ’al dosé
seulement le sang artériel; sur les cinq autres, simultanément, le sang
artériel et veineux sortant de la glande.
Première expérience. — Chienne en gestation. — Le 26 mars, l’urine recueillie
par le cathétérisme ne contient pas de sucre. Le 27, parturition. Le 28, les ma-
melles sont gonflées et contiennent du lait; pas de sucre dans l’urine. Le 3 avril,
les petits tètent abondamment, pas de sucre dans l’urine. Le sang de l'artère
crurale contient une quantité de sucre qui correspond à 1#',6 pour 1000 grammes
de sang. Le 7, les petits meurent tous par un accident. Le 9, les mamelles sont
gonflées, et l’urine réduit abondamment la liqueur de Fehling.
Deuxième expérience. — Chienne ayant mis bas le vendredi 5 mai et allaité
jusqu’au 9, jour où l’on supprime l'allaitement. Le 10, à deux heures, du lait existe
en quantité dans les mamelles. L’urine réduit abondamment, soit avec la liqueur
de Fehling, soit avec le réactif de Brücke.
On prend du sang (40 grammes environ) dans la veine épigastrique, trés grosse
et très apparente par l'effet de la lactation, veine qui reçoit le sang provenant
de la mamelle.
‘Immédiatement après la prise du sang veineux, on en retire une égale quan-
tité de l’artère crurale. Ces deux sangs sont traités de la même facon par le pro-
cédé classique employé alors au laboratoire de Claude Bernard, et nous trouvons,
pour le sang artériel 3,2 de sucre pour 1000 grammes de sang, pour le sang
veineux 21,9 pour 1000.
Troisième expérience. — Chienne ayant mis bas depuis cinq jours, séparée de
ses petits le lundi 22 mai.
Le 23, les mamelles contiennent peu de lait et sont flasques. Du sang retiré
(1) Hempel, Die Glycosurie im Wochenbetite (Archiv. für Gynækologie, t. NII,
1875, p. 312).
SÉANCE DU 19 AVRIL, 259
dans les mêmes conditions que dans l’expérience précédente et traité de même
donne : |
Pour le sang de l’artère crurale..... 2,1 de sucre pour 1000.
Pour le sang de la veine épigastrique. 15,9 se “!
Quatrième expérience. — Chienne amenée de la fourrière, le 7 juin, avec du
lait dans les mamelles, sans renseignements sur lépoque de la parturition et la
durée de l’allaitement.
Le 9 juin, à midi, les mamelles contiennent du lait en abondance et sont très
gonflées. L’urine, dosée par la liqueur de Fehling et parle saccharimètre, donne
6 grammes de sucre par litre d’urine.
Le sang recueilli et traité dans les mêmes conditions donne
Pour le sang de l'artère crurale..... 25,56 de sucre pour 1000.
Pour le sang de la veine épigastrique. 21,50 — —
Cinquième expérience. — Chienne de forte taille en lactation. Suppression de
l'allaitement le 11 juin.
Le 12 juin, à une heure, les deux sangs sont recueillis et traités et donnent :
Pour lFartèreus 416 ARR TILONL 23 AR LREA Re LEE EU
Pour la veine. ....... SLA ASIE 4 HAN. 26e ND
Sixième expérience. — Chienne de petite taille en lactation, mise en expe
rience au moment où elle vient d’allaiter. On ne peut pas obtenir d’urine par le
cathétérisme. î
Le sang recueilli et traité donne :
Pour l’artère........ . 1,6 de sucre pour 1000.
Pour la veine......:... 11,8 = tan)
Ces expériences nous montrent que la quantité de sucre contenu dans le
sang n’est pas plus considérable qu'à l’état normal, lorsque les animaux
allaitent et qu'il n’y a pas de sucre dans l'urine. Ce chiffre augmente, au
contraire, dès que l’allaitement est supprimé, et que, {la glande conti-
nuant à fonctionner, le sucre apparait dans l’urine.
Enfin la proportion entre le sucre contenu dans le sang artériel et vei-
neux sortant de la mamelle reste à peu près la même, sauf dans la dernière
expérience, où il y avait une légère augmentation en faveur du sang veineux ;
mais une différence aussi minime est insignifianté, et se trouve dans la
limite des erreurs possibles des procédés de dosage.
L'ensemble des faits que je viens de rappeler ne me paraît pas en rapport
avec l'hypothèse que le sucre du lait se forme dans le foie.
D'abord M. Bert base cette opinion sur deux expériences faites sur des
chèvres, sans tenir compte des résultats opposés obtenus par lui-même et
par moi chez le cobaye.
Ensuite il me paraît difficile de faire concorder ce rapport signalé par
256 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tous les auteurs qui se sont occupés de la question, entre la richesse de la
sécrétion mammaire et la présence du sucre dans Purine, avec l’idée de la
lactogénie hépatique. Ou bien, alors, faudrait-il admettre un équilibre
constant entre le fonctionnement du foie et des glandes lactées.
Telles sont les quelques observations que je désirais soumettre à la So-
ciété à propos de la dernière communication de M. Bert.
PERSISTANCE DE LA PAROLE, DANS LE CHANT, DANS LES RÊVES ET DANS
LE DÉLIRE, CHEZ DES APHASIQUES, par M. BROWN-SÉQUARD.
J’ai lu quelque part que l’on a constaté quelquefois que des aphasiques
atteints de délire, ont parlé comme le font les individus pris de délire sans
avoir perdu la faculté du langage parlé. J’ai vu deux cas de cette espèce.
L'un de ces malades, un pasteur d’Osborne (ile de Wight), m'a été adressé
par sir William Jenner, en 1862. Il avait reçu un coup sur le front à gauche
et était devenu incomplètement hémiplégique à droite, et absolument apha-
sique, sans avoir perdu les mouvements de la langue. Il était aussi privé de
la faculté d'exprimer ses idées par l'écriture, mais son agraphie n'allait pas
jusqu’à l'empêcher d'écrire, car il pouvait copier ce que l’on avait écrit, sa
main n'étant pas très paralysée. Atteint de symptômes de méningo-encé-
phalite, il fut pris d’un délire assez violent, dans lequel il parla distincte
ment, employant un grand nombre de mots pour exprimer ses idées
délirantes.
Quant à la possibilité de la parole dans les rêves chez les aphasiques, je
ne sache pas que le fait ait été signalé. Je n’en connais qu’un cas, celui
d’un médecin distingué de Cincinnati (États-Unis), atteint de ramollisse-
ment cérébral, d’origine embolique. Plusieurs fois pendant son sommeil,
dans sa longue maladie, il a fait entendre des phrases entières, qui variaient
avec son rêve. [l avait conservé son intelligence et l’on a pu aisément en
juger, car, bien qu’absolument aphasique, il avait conservé les facultés
d'exprimer ses idées par le geste et par l'écriture, son bras droit n'étant
pas complètement paralysé.
Quant au chant, chez un aphasique, je ne puis en dire plus que ce que
J'ai appris par une lettre du frère d’un malade, mort avant que j'aie pu le
voir. Cet individu, atteint subitement de perte de la parole et réduit à
n’employer que l’interjection : Oh ! pour exprimer toutes ses idées, était pa-
ralysé incomplètement à la face et aux membres à droite. Bien que sa main,
de ce côté, pût assez se mouvoir pour que l'écriture fût possible, il avait
vainement fait des efforts pour écrire : son agraphie était complète. Les
gestes lui restant, il a pu donner la preuve que son intelligence n’était
pas perdue. À plusieurs reprises il put chanter presque aussi bien qu'avant
son attaque, les mots de la chanson étant émis aussi facilement que jamais.
SÉANCE DU 19 AVRIL. 257
La faculté d'exprimer intelligemment des idées par la parole, dans l'état
de veille, peut donc disparaître, sans qu'il en soit ainsi de la faculté ou des
facultés d’exprimer, par la parole, les idées confuses du rêve, celles
du délire ou celles qui sont liées mnémotechniquement à un rythme
musical. si
NOTE SUR L'ÉTHÉRISATION ET LA CHLOROFORMISATION PAR LA VOIE RECTALE,
par M. le docteur Ch. DEBIERRE, professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Lyon.
Les premiers essais d’éthérisation par la voie rectale sont déjà anciens.
Quoi qu'il en soit, c’est, à l’heure actuelle, une méthode à laquelle ont
assez souvent recours les chirurgiens danois. |
Au moment même où nous faisions nos expériences au laboratoire de
M. Chauveau, cette méthode était employée à l’Hôtel-Dieu de Lyon par
M. Daniel Mollière, à l’instigation d’un confrère danois, M. Axel Yversen.
Dans cette étude, la première question qu’on doive se poser est celle-ci :
l’éthérisation par la voie rectale est-elle possible?
A cette question, on peut incontestablement répondre par l’affirmative.
Un lapin adulte ordinaire entre en anesthésie confirmée (cornée insen-
sible, résolution musculaire, etc.), après une période de temps qui varie
de six à dix minutes.
La seconde question que nous nous sommes posée a été la suivante :
Cette anesthésie est-elle facilement obtenue chez tous les individus de même
espèce ou non, et indistinctement ?
Il est moins facile de répondre à cette question qu'à la première. C’est
en vain, en effef, que nous avons fait passer à travers le tube intestinal
d’une chienne du poids de 15 kilogrammes, et pendant un temps qui a varié
de trente à quarante minutes, 40 à 50 grammes d’éther vaporisé et sous une
pression de 4 à 5 centimètres de mercure : nous n’avons pu obtenir la pé-
riode de résolution. Bien mieux, en employant la méthode mixte d’anes-
thésie, c’est-à-dire en injectant à un chien, dix minutes avant l’essai d’éthé-
risation rectale, 0,02 de chlorhydrate de morphine, je n’ai pu obtenir
l’anesthésie confirmée. I] y a grand émoussement de la sensibilité, saliva-
tion très abondante, mais l'animal conserve la conscience du monde exté-
rieur, sa cornée est toujours sensible et il réagit aux piqüres profondes.
Mais le chien, on le sait, est tout particulièrement réfractaire à l’éthéri-
sation, L'homme l’est moins. M. Daniel Mollière aurait réussi à atteindre
la période de résolution chez trois jeunes sujets (Lyon médical, 30 mars 1884).
Pour notre compte, ce que nous avons pu voir dans le service de ce chi-
rurgien, c’est que chez trois personnes âgées, qu'il opérait pour fumeurs
de la face, la période de résolution de l’anesthésie chirurgicale n’a pu être
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 16. 20
258 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
obtenue par l’éthérisation rectale seule. Mais ce que nous avons également
vu, c’est que dans ces conditions il suffit de présenter, devant le nez du
sujet, la compresse roulée ou le bonnet employés ordinairement pour l’éthé-
risation par les voies aériennes, pour le voir tomber en un instant, une à
deux minutes au maximum, en éthérisation confirmée, et sans période
préalable d’excitation, fait important. Enfin, ce que l’on peut observer
encore, c’est que, dans ces conditions, l’éthérisation par la voie rectale seule
peut alors maintenir l’anesthésie autant qu’on le veut.
Ce genre d’anesthésie peut-il provoquer des accidents ?
Dans une expérience faite avec M. Kaufmann, chef des travaux de phy-
siologie à l’École vétérinaire de Lyon, nous avons pu provoquer la mort
d’un lapin en un quart d'heure. Au bout de deux à trois minutes, l’haleine
de ce lapin sentait très fortement l’éther (comme dans toutes les expé-
riences); au bout de six minutes, il en était à la période de résolution. Nous
élevons alors la pression à 8 et 10 centimètres de mercure et empêchons, à
l’aide d’un petit artifice, les vapeurs d’éther de rebrousser chemin et de
s'échapper en jets bruyants par l’anus. Le ventre se ballonne énormément,
la respiration se ralentit, elle s'arrête, le cœur n’a plus que quelques fré-
missements : le lapin est mort.
Nécropsie. — Le cœur est arrêté en diastole, il est gorgé de sang et
encore excitable. Les intestins sont fortement congestionnés; les tuniques
muqueuse et musculeuse du cæcum ont cédé en trois endroits : seule la
tunique péritonéale a résisté.
Ce résultat est important à retenir : il montre que dans l’éthérisation par
la voie rectale, il ne faut pas non plus faire pénétrer les vapeurs dans l’in-
testin sous trop forte pression. On peut arriver à ce résultat en employant
un manomètre ou un tube avec soupape de süreté. Disons que la sortie
bruyante, par l’anus, des vapeurs d’éther pendant l’éthérisation rectale,
lorsque la pression intra-intestinale est trop forte et que les vapeurs d’éther
arrivent plus vite qu’elles ne sont absorbées, est une soupape d’échappe-
ment toute naturelle.
Quel est l’avantage de l’éthérisation par la voie rectale?
Si cette méthode était jugée digne d’entrer dans la pratique chirurgicale,
elle aurait deux avantages incontestables : 1° celui de supprimer la période
d’excitation; 2 celui de permettre les opérations sur la face, tout en
maintenant l’anesthésie sans embarras pour les mains du chirurgien.
Le manuel opératoire est des plus simples. Il suffit d’avoir à sa dispo-
sition un flacon avec bouchon à deux tubulures. À l’une de ces tubulures,
on adapte un tube en caoutchouc terminé par un embout qu'on enfonce
dans le rectum, préalablement vidé par un lavement; à l'autre tube de
verre on adapte un manomètre ou même on y adapte un tube en caoutchouc
qu’on ferme avec une forte pince serre-fine. On peut ainsi ouvrir et fermer
à volonté le tube et faire baisser ou hausser la pression de vapeurs anesthé-
SÉANCE DU 19 AVRIL. 9259
- siantes. Le flacon est plongé dans un petit bassin à 40 ou 50 degrés centi-
grades. L’éther ne tarde pas à bouillir et les vapeurs passent dans l’in-
testin.
Ajoutons, pour terminer, que le chloroforme ne nous a donné jusqu'ici
que des résultats incertains. Il a un inconvénient que n’a point l’éther : son
point d’ébullition est trop élevé.
NOTE SUR LA PRÉSENCE DU CUIVRE DANS LES CONFITURES,
par le D' V. GaLrppe.
Dans la dernière communication de notre collègue, le docteur Bochefon-
taine, j'ai été particulièrement frappé par l’énonciation d’un fait d’empoi-
sonnement qui aurait été provoqué par le résidu de la cuisson de confitures
dans un vase en cuivre. Cette attribution, il est vrai, comme le dit fort bien
du reste M. Bochefontaine, ne s’appuie sur aucune preuve, attendu qu'il
n'y a eu ni autopsie, ni analyse chimique, elle pourrait donc à bon droit
ètre considérée comme nulle et non avenue. Toutefois, j'ai pensé qu'il était
sagé de ne pas laisser entrer cette observation dans nos bulletins, sans une
simple protestation. Tout-le monde sait que l’on fait les confitures dans des
vases de cuivre et que c’est généralement le privilège des enfants de goûter
« au gratin adhérent au fond du vase ». Il n’est peut-être personne de nous
à qui pareil régal n’ait été permis sans provoquer du reste le moindre
accident.
Le fait rapporté par M. Bochefontaine m'a engagé à donner des dosages
faits par moi, 1l y a plus de deux ans, et que je n'avais pas eu le loisir de
publier. Ces dosages prouvent que les confitures contiennent une notable
proportion de cuivre, et il suffirait de consulter les personnes qui font usage
de cet aliment, pour se convaincre qu’il ne constitue pas un poison bien
dangereux. C’est là une expérience chaque jour renouvelée par un nombre
considérable d'individus occupant tous les degrés de l’échelle des âges, et
elle constitue un argument sans réplique.
Voici nos résultats :
Cuivre.
Groseilles, par kilogramme. ................. Os, 0272
Cerises, EN a TENTE MA DT TAPIE PRPRAERE 0 0152
Mirabelles, NT M RE EU Ie 0 0248
Reine-Claude, EN Pie ÉCRAN 0 0160
Coings, A 2 DORE AN 0 020
Abricots, LE A à ends Ni 0 0176
Fraises, = OL OR REPAS Lier O0 0112
Poires, TR ae fe eu 208 0 0136
Oranges, LR RS A nd: 0 0192
Ananas, et Pc PMR EE O0 0224 (1)
(4) Laboratoire de la Clinique d’accouchements. — J'ai été aidé dans ces dosages
par M. Noël, alors interne en pharmacie à l'hôpital (1882).
260 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION VESTIBULAIRE ET LES’ GLANDES
VULVO-VAGINALES ET CLITORIDIENNE CHEZ LA FEMME, par MM. F. TourNEUx
et E. WERTHEIMER.
Nous continuerons à désigner sous le nom de conduit uro-génital (ductus
uro-genitalis) la portion inférieure du sinus uro-génital de Joh. Müller,
Valentin. et Rathke, située au-dessous de labouchement des conduits géni-
taux, et s’ouvrant au dehors par une fente antéro-postérieure (fente ou
fissure uro-génitale, aditus uro-genitalis). Au moment où s’accuse le
tubercule génital, la fente uro-génitale se prolonge à sa face inférieure
sous forme d’une gouttière (uréthrale), dont les bords limitent un triangle
isocèle répondant par son sommet à la base du gland.
Chez le fœtus femelle, on peut donner au ductus uro-genitalis, en raison
de sa destinée, le nom d’entrée ou vestibule du vagin (Nalentin),
canal vuloaire (Budin), ou encore de canal vestibulaire (Tourneux et
Legay).
Le conduit uro-génital ne s’accroit pas avec l’âge proportionnellement
aux organes adjacents (urèthre et vagin). Nous notons, en effet, sur plusieurs
sujets les longueurs suivantes :
Longueur du conduit
uro-génital.
9 9
Fœtus de = CeNTIMEIReS EU NN EEE 2 millimètres.
4
9 se
Fæœtus Q de T centimètres (fin 4° mois lunaire)... 2,5.
Fœtus ® de 9 centimètres (fin 6° mois lunaire)... 3 millimètres.
AE dE POIs ER PRO CR RE NPA 5 millimètres.
Pour ce dernier sujet la profondeur du vestibule a été mesurée de la
base de l’hymen à l’origine des petites lèvres.
L’épithélium qui tapisse au début le canal vestibulaire est un our
pavimenteux stratifié qui, chez les jeunes embryons de mammifères (pore,
mouton, veau), comble entièrement la lumière du conduit. Sur le fœtus
3 9
9 2,4 DL D van ans o nr .
humain de RT centimètres, l’épithélium pavimenteux stratifié mesurait
?
e
1,9
une épaisseur variable de 30 à 45u. Sur le fœtus & de —— 10,5 centimètres
(début du 4 mois funaire), l’épithélium est devenu eee stratifié
contre la paroi antérieure du canal vestibulaire, ainsi que dans le fond de
12,5
la gouttière uréthrale. Sur le fœtus de Dre centimètres (milieu du 5° mois)
lé vestibule possède dans toute sa profondeur un revêtement prismatique
SÉANCE DU 19 AVRIL, 9261
stratifié, jusqu’à la base de la saillie hyméniale, où commence l’épithélium
pavimenteux stratifié du vagin. Ces modifications nous ont paru intéres-
santes à signaler, surtout si l’on considère que chez la femme adulte lépi-
thélium du vestibule et de la gouttière uréthrale (portion pré-uréthrale du
vestibule) retourne à l’état pavimenteux stratifié, tandis que chez l’homme
l’épithélium de ce même vestibule (portion membraneuse et bulbeuse du
canal de l’urèthre) conserve pendant toute la vie les caractères d’épithé-
lium prismatique stratifié.
Glandes vulvo-vaginales. — Le début de la formation des glandes
vulvo-vaginales répond à peu près au 3° mois de la vie intra-utérine. Nous
n'avons pas observé ‘de fœtus femelle correspondant à ce stade; mais chez
3,2
le fœtus mâle de DE centimètres les glandes de Cowper, homologues des
glandes vulvo-vaginales, sont déjà représentées par deux bourgeons pleins
de l’épithélium du conduit uro-génital, mesurant une longueur de 400 & sur
une épaisseur de 80 (16° coupe du conduit uro-génital décomposé de bas
en haut en 64 coupes, à raison de 30 coupes par millimètre). Chez le fœtus
. 1,9 : :
femelle de TE , les glandes vulvo-vaginales figurent deux longs cylindres
1
épithéliaux pleins, avec quelques ramifications à leur extrémité profonde
(de la 18° à la 29° coupe du vestibule décomposé de bas en haut en 90 coupes,
à raison de 34 coupes par millimètre).
12
Chez le fœtus de _ centimètres, les glandes sont notablement plus
développées. Les culs-de-sac glandulaires sont dessinés à l’état de bour-
geons pleins, au nombre de !0 à 12 sur la coupe (de la 11° à la 24° coupe
du vestibule décomposé en 40 coupes, à raison de 15 coupes par milli-
mètre).
19 ;
Chez le fœtus de = centimètres, les glandes se rapprochent par leur
structure de ce qu’elles sont à l’époque de la naissance. Les culs-de-sac
possèdent une lumière centrale limitée par une couche de cellules cylin-
driques claires, d’une hauteur de 20 à 30m; le diamètre des culs-de-sac
varie de 60 à 90w. Les conduits excréteurs viennent déboucher dans le
sillon qui sépare les petites lèvres et l’hymen déjà nettement accusés; leur
épithélium est prismatique stratifié, ainsi que celui de la région correspon-
dante du vestibule.
Glande clitoridienne. — L'un de nous a décrit pour la première fois
chez la femme, sous le nom de glande clitoridienne, une petite glande en
grappe, située à la face inférieure du clitoris, et venant s’ouvrir sur la ligne
médiane, dans la région pré-uréthrale du vestibule (Wertheimer, Journal
de l’anatomie, 1883). Dans son complet développement, cette glande n’a
262 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
été observée’ qu'une seule fois chez la femme adulte, mais on rencontre
toujours, au point correspondant à l’abouchement du canal excréteur de
cette glande, une dépression tubuleuse plus ou moins profonde suivant les
sujets. Nous avons été assez heureux pour retrouver le bourgeon initial de
eue glande ou de cette dépression tubuleuse sur les deux fœtus femelles
9,5 12,5
GT 5° es et de TE centimètres. Chez le premier, le bourgeor
très ent e ne mesurait en longueur que l'épaisseur de deux coupes;
12,5
chez le fœtus de AT centimètres, il s’enfonçait profondément (près de
1 millimètre) dans la direction des corps caverneux, au-dessous desquels on
apercevait sa section circulaire sur une dizaine de coupes. Sur ces deux
fœtus le bourgeon, émané de l’épithélium de la gouttière uréthrale, était
entièrement plein et sans ramification à sa terminaison profonde. — Nous
sommes persuadé que la méthode des coupes sériées permettra de mettre
en évidence laglande elitoridienne dans nombre de cas où un examen super-
ficiel ne l’avait pas d’abord fait soupçonner.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES URETÈRES CHEZ L' EMBRYON DE SARIGUE
AVEC QUELQUES REMARQUES CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT DES UTÉRUS
BICORNES (CARNASSIERS, PACHYDERMES, RUMINANTS), AINSI QUE LE MODE
D'ÉLARGISSEMENT DU FOND DE L’UTÉRUS CHEZ LE FŒTUS HUMAIN, pan
M. F. TourNeux.
On sait que chez les Marsupiaux les conduits de Müller ne se fusionnent
pas dans le cordon génital, comme chez les autres mammifères, mais qu'ils
évoluent isolément, et donnent naissance, chez la femelle, à deux utérus et
à deux vagins, s’ouvrant par deux orifices distincts dans le vestibule. Un
embryon de sarigue & (Didelphis virginiana), long de 32 millimètres, que
nous devons à l’obligeance de M. Pouchet, nous a permis d'étudier la dis-
position particulière des uretères qui, au lieu d’embrasser dans leur cour-
bure le cordon génital, s’engagent au milieu de ce cordon, entre les conduits
de Wolff et de Müller, et divisent en quelque sorte le cordon génital en deux
moitiés latérales, contenant chacune un conduit de Müller et un canal de
Wolff. Chez notre embryon, un espace médian d'environ un demi-millimètre
sépare les conduits de Müller, ou plutôt les conduits utéro-vaginaux (ou
génitaux) qui leur ont succédé. Chacun de ces conduits possède, en effet, en
dehors de la couche épithéliale prismatique qui en tapisse la face interne,
une tunique propre déjà nettement différenciée; l'épaisseur totale du con-
duit atteint 200 y.
Les conduits de Wolff réduits à l’état de minces cordons cellulaires
ns S
SÉANCE DU 19 AVRIL. 203
(20 u. de diamètre), cheminent dans l’épaisseur même de la paroi postéro-
externe des conduits génitaux, au voisinage de leur surface. [nférieure-
ment ces cordons wolffiens se rapprochent de la lumière centrale, et se
soudent à l’épithélium des conduits génitaux, à une faible distance au-
dessus de leur embouchure. Cetle disposition vient à l'appui de l'opinion
que nous avons émise précédemment au sujet du développement du segment
terminal ou vestibulaire du vagin par fusion commune des extrémités infé-
rieures des conduits de Müller et de Wolff (Tourneux et Wertheimer, Soc.
de Biologie, 15 mars 1884).
Chez les autres mammifères, les conduits de Müller se fusionnent dans
toute l’étendue du cordon génital en un canal unique et médian. Les cornes
de l'utérus (carnassiers, pachydermes, ruminants) se développent aux dépens
des segments des conduits de Müller compris entre le sommet du cordon
génital et les insertions wolffiennes des ligaments inguinaux (ronds). La
division plus ou moins profonde de l’utérus suivant les groupes, résulte
uniquement de ce fait que la séparation entre le vagin et l’utérus a remonté
plus ou moins haut dans le cordon génital. Chez la femme, l'utérus est
bicorne jusqu’à la fin du quatrième mois lunaire de la vie intra-utérine
(Michel, Joh. Müller, etc.). Sur un fœtus de — (début du 4 mois lu-
naire), la distance entre les insertions des ligaments ronds est de 4 milli-
mètres, alors que la largeur du fond de l’utérus ne dépasse pas 2 milli-
mètres. Peu à peu le fond de l’utérus empiète latéralement sur les cornes,
qui disparaissent ainsi progressivement de dedans en dehors, pour fournir
À 9 :
à son élargissement. Chez un fœtus de TE (fin du 4° mois), les ligaments
2
ronds s’insèrent directèment sur les côtés de l'utérus, dont le fond mesure
une largeur de 47" ,5.
BOURLOTON. — [Imprimeries réunies, A,
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En
265
SÉANCE DU 26 AVRIL 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
DE L'INFLUENCE DU TRAVAIL INTELLECTUEL SUR LA TEMPÉRATURE GÉNÉRALE,
par M. Eugène GLEy.
À propos des recherches sur la chaleur animale dont M. Charles Richet a
déjà entretenu la Société et qu’il poursuit avec mon collègue du laboratoire
de physiologie de la Faculté de médecine, M. le docteur Rondeau, et avec
moi, nous avons eu l’idée de faire construire un thermomètre tel que l’on
puisse sur soi-même observer la température rectale et en suivre aisément les
modifications sous diverses influences. Cet instrument, que j'ai l'honneur
de présenter à la Société, a été réalisé d’une manière fort simple : c’est un
thermomètre à mercure, dont la cuvette est assez grosse et dont la tige
offre deux coudes; du second coude s’élève une branche montant assez
haut et à l’extrémité de laquelle se trouve la graduation qui va de 35 à
42 degrés. Et ainsi, une fois le thermomètre introduit dans le rectum, —
et la direction du premier coude rend très aisée cette introduction — on
peut faire soi-même les lectures sans déplacer aucunement l’instrument.
Comme nous voulions celui-ci très sensible, chaque degré est divisé en 25.
Ce thermomètre a été construit par M. Ducretet. M. Alvergniat nous en a
construit un autre, de même forme, aussi commode à manier et que je pré-
sente également à la Société.
J'ai fait sur moi, avec ce thermomètre, un certain nombre d'observations
pour voir si le travail intellectuel exerce quelque influence sur la tempéra-
ture générale. C’est une question qui a été très peu étudiée. J'avais déjà
obtenu la plupart de mes résultats lorsque quelques recherches bibliogra-
phiques nous ont montré que John Davy s'était aussi occupé de mesurer les
effets thermiques de l’activité psychique (1). Plus récemment, M. Spech,
dans les Archiv. für experimentellen Pathologie (2), a publié un mémoire
où il donne quelques températures prises sous cette influence. Mais ces
(1) Davy, Physiological Researches, p. 18 et 51. London, 1865.
(2) T. XV, 1882, p. 88.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I°", N° 17. 21
266 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
deux observateurs se sont servis vraisemblablement de thermomètre à
maximum; par conséquent ils ne pouvaient obtenir qu’un effet final, une
résultante totale, alors qu'il est particulièrement intéressant, dans des
expériences de ce genre, de suivre toutes les variations de la courbe ther-
mique. Je dois dire, d’ailleurs, que, d’une façon générale, leurs chiffres
concordent avec ceux que j'ai trouvés.
Je diviserai mes expériences en deux séries, d’après les conditions dans
lesquelles je me suis placé pour observer ma température. J'ai en effet
surtout pris celle-ci, tantôt assis devant ma table de travail après-midi,
tantôt au lit, le matin. Comme on va le voir, cette seule condition amène
des résultats notablement différents, toutes les autres conditions, bien
entendu, restant les mêmes : dans les deux cas, immobilité à peu près
absolue, c’est-à-dire repos musculaire et travail analogue consistant le plus
souvent dans la lecture d’articles de la Revue philosophique. Pour les
expériences faites le malin, j'étais à jeun ; quant à celles de l’après-midi, le
travail de la digestion était sans doute terminé, le déjeuner ayant eu lieu
entre 11 heures et midi et les observations commençant à 4 ou à 5 heures.
Dans les deux cas, la première température relevée n’a jamais été prise,
inutile de le dire, que 1/4 d'heure après l'introduction du thermomètre
dans le rectum; les températures étaient notées de 5 en 5 minutes. La
durée des expériences que je relaterai plus particulièrement, variant entre
3 heures et 1 heure, étaient, le plus souvent, de 2 heures ou de 4 h. 1/2.
J'ai remarqué très vite que, dans la position assise, par suite de Pimmo-
bilité, la température centrale s’abaisse assez rapidement. Le fait d’ailleurs
est bien connu. Mais qu'intervienne alors l’activité psychique, on constate
des modifications dans la courbe de la température, ainsi qu’on peut Île
Ï ;
voir sur les tracés que j'ai apportés ici; il se produit des arrêts, des pla-
teaux, quelquefois de petites ascensions, en un mot des irrégularités.
Je choisis, entre plusieurs autres, quelques expériences typiques à cet
égard :
Le 20 avril. Le 22 avril. Le 93 avril.
Heures. Degrés. | Heures. Degrés. Heures. Degrés.
AMD RS 2 A5,2510: 37,20 À 5,20 T : 31,24
4,090 — 37,28 5,30 — 37,14 9,25 — 31,16
4,95 — 317,26 5,929 — 37,10 9,90 — 31,10
5 — 31,24 9,40 — 37,04 0,30 — 31,04
A ce moment travail. b,45 — 36,18 0,10 — 36,98
0, — 31,20 9,00 — 36,92 0,45 — 36,92
5,10 — 37,20 0,09 — 36,88 9,00 — 36,90
5,15 — 37,18 6 — 30,84 0,00 — 36,86
5,20 — 37,16 6,9 — 36,80 6 — 930,84
b,25 —- 37,10 6,10 — 36,76 A ce moment travail.
5,30 — 37,08 6,15 — 36,72 6,5 — 36,90
0,30 — 91,10 6,20 — 36,70 6,10 — 36,92
Interruption du travail. 6,25 — 36,68 6,15 — 36,90
}
\
il
SÉANCE DU 26 AVRIL. 267
TE —————"———"—————"—"——]————"—"—"—"—_
Le 20 avril. Le 22 avril. Le 23 avril.
Heures. Degrés. Heures. Degrés. Heures. Degrés.
5,40"T : 37,04 6,30 T : 36,66 6,20 T : 36,92
5,45 — 36,98 6,35 — 36,66 6,25 — 36,88
Reprise du travail. 6,140 — 36,62 6,30 — 36,88
5,50 — 37,00 6,45 — 36,60 Fin du travail.
9,09 — 36,96 A ce moment travail. 6,35 — 36,86
6 — 36,96 6,50 — 36,64 6,40 — 36,86
6,5 —.36,92 6,55 — 36,68 6,45 — 36,84
6,10 — 36,92 HUE 19668 6,50 — 36,84
6,15 — 36,86 1,5 — 36,68. 6,55 — 36,82
6,20 — 36,88 7,10 — 36,64 71 — 36,80
6,25 — 36,84 1,15 — 36,68
6,30 — 36,82 7,20 — 36,70
6,3 — 36,82 7,25 — 36,70
6,40 — 36,80 7,30 — 36,68
6,45 — 36,76
6,50 — 36,76
6,55 — 36,76
T — 36,80
TRES 6 76 ;
1,140 — 36,76
Ainsi, dans l'expérience du 20 avril, en 1 h.25 detravail (de 5 h.45 à 7 h. 10)
il y a eu une chute de température de 0°,23 (36°,98 à 36°,76); dans l’expé-
rience du 22, en 1 h. 20 sans travail, la température baisse de 0°,60; dans
l'expérience du 23, en { h. 40, mais alors qu’il n’y a que 30 minutes de tra-
vail, la baisse est de 0°,44. Dans une expérience faite Le 6 avril, de 2 h. 50 à
o h. 50, l'après-midi, c’est-à-dire d'une durée de 3 heures, et le travail
ayant commencé à 3 h. 15 pour durer jusqu’à la fin de l’expérience sans
autre interruption qu’une interruption de 10 minutes, la température n’a
baissé que de 0°,44. Dans une autre observation, le 14 avril, le soir, de
4 h. 20 (de 11 h. 10 à 12 h. 30), la baisse n’a été que de 0°,04.
Nous pouvions déjà conclure de ces expériences, ce me semble, que
l’activité psychique détermine une production de chaleur. Dans les condi-
tions dans lesquelles je m'étais mis en observations, il y a, en effet, une
cause qui amène une baisse de la température centrale, c’est l’immobilité,
et cette chute a lieu d’une façon assez régulière. Il n’importe pas, pour le
moment, que nous n’ayons pu encore déterminer jusqu’à quelles limites
arrive cette chute. On sait, de plus, à quelle sensation de froid périphé-
rique donne lieu le travail intellectuel. Il n’est personne peut-être qui, tra-
vaillant immobile, ne sente, à un certain moment, ses extrémités se refroidir.
Ce phénomène tient aussi en partie, je crois, à l’immobilité et, d’autre part,
il est sans doute en quelque rapport avec la constriction des vaisseaux des
membres qui se produit, Mosso l’a bien montré, lorsque le cerveau tra-
vaille, Or, malgré cette grande cause de refroidissement, l’immobilité, dès
268 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
que l’activité psychique intervient, la température ne baisse plus aussi
rapidement ou même par moment reste stationnaire. La production de
chaleur, que détermine un pareil effet, doit donc être encore assez considé-
rable, Si elle ne se traduit que faiblement sur les courbes, c’est que dans la
plupart des expériences physiologiques on ne saisit que des résultantes, par
suite de la complexité des causes qui sont en jeu. Voici, par exemple, deux
causes antagonistes : l’une tend à faire monter la température, c’est lPacti-
vité psychique, l’autre tend à la faire baisser, c’est l’immobilité : celle-ci
est plus puissante, et alors Les effets de l’autre sont nécessairement atténués;
ils n’en existent pas moins.
Une seconde série d'expériences a été faite au lit, le matin, une heure
environ après le réveil. Jai voulu éviter de cette façon l'influence hypother-
mique de l’immobilité, en me plaçant dans un milieu de température sen-
siblement constante. Il en a été ainsi et j’ai pu constater nettement l'effet
thermique du travail intellectuel, dégagé de toute cause perturbatrice; les
courbes que je présente à la Société le montrent bien. Voici d’ailleurs
quelques-uns des résultats que j'ai obtenus.
Le 20 avril. Le 23 avril.
Heures. Degrés. Heures. Degrés.
À 9,50 T : 36,36 À 9,55 T : 36,44
Début du travail 9,40 — 36,44
Le 24 avril.
Heures. Degrés.
A 7,30 T : 36,32
1,35 — 36,32
Le 15 avril.
Heures. Degrés.
A 7,45 T : 36,32
1,90 — 36,34
A ce moment à 9h52: 9,45 — 36,48 7,40 — 36,32
travail. 9,55 — 36,36 9,50 — 36,50 7,45 — 36,34
1,55 — 36,32 10 — 36,38 9,55 — 36,50 7,90 — 36,32
8 — 36,32 10,5 — 36,40 10. — 36,50 7,05 — 36,34
8, b — 30,92 10,10 — 36,42 À cemomenttravail. 8 — 36,94
8,10 — 36,22 10,15 — 36,44 10,5 — 36,50 À ce momenttravail.
8,15 — 36,34 10,20 — 36,148 10,10 — 36,50 8,9 — 36,34
10,15 — 36,52
10,20 — 36,52
8,10 — 36,36
8,20 — 36,36 10,25 — 36,48
8,15 — 36,40
8,25 — 36,40 10,30 — 36,50
8,30 — 36,40
8,90 — 90,41
Fin du travail.
8,40 — 36,42
8,45 — 36,49
8,50 — 26,42
8,55 — 36,40
56,10
9,5 ‘— 36,36
9,10 — 36,36
10,35 — 36,92
À ce moment
interruption.
10,40 — 36,52
© 10,45 — 96,52
10,50 — 36,52
10,55 — 36,52
11 — 96,52
Reprise du travail.
11,5 — 36,52
11,10 — 36,52
11,15 — 36,54
11,20 — 36,56
Fin du travail.
11525 -— 36,54
11,30 — 36,54
10,25 — 36,52
10,30 — 36,52
10,35 — 36,52
10,40 — 36,54
10,45 — 26,58
10,50 — 36,58
8,20 — 36,40
8,20 — 36,49
8,90 — 36,46
Fin du travail.
8,35 — 96,48
8,40 — 36,48
8,45 — 36,50
8,50 — 36,50
8,55 — 36,48
9 — 36,48
SÉANCE DU 20 AVRIL. 269
Ainsi, par l'effet de l’activité psychique, en 45 minutes la température
s’est élevée de 0°,10: en 1 h. 40, malgré une interruption de 25 minutes,
elle a monté de 0°,20; en 50 minutes de 0°,08, et en 30 minutes de 0°,16.
Dans trois autres expériences (28 mars, 3 avril, 18 avril), en 20 minutes,
j'ai constaté des élévations de 0°,08, de 0°,08 et de 0°,12. En moyenne et
toutes choses égales, on peut donc dire que, dans l’espace d’une heure envi-
ron, la production de chaleur due au travail intellectuel est représentée par
un peu plus d’un dixième de degré.
Il convient maintenant de signaler quelques détails, assez intéressants
peut-être, des courbes que j’ai obtenues. On remarquera tout d’abord que
l’élévation de température ne se produit qu’un certain temps, 1/4 d’heure
environ, après le début du travail. Le fait était à prévoir. Le travail fini,
souvent la température continue à s’élever un peu ou bien demeure station-
naire; en d’autres termes, lorsqu'il n’y a pas de causes de refroidissement,
l'augmentation de température, résultant de l’activité psychique, reste pour
ainsi dire acquise à l'organisme. — Tous ces faits ne prouvent-ils pas que
les augmentations de température constatées tiennent bien à une combustion
plus active? Telle paraît être en effet l’explication réelle du phénomène
dont il s’agit. Le cerveau qui fonctionne brûle davantage. De là une pro-
duction de chaleur ; de là l’élévation de la température centrale. Et ce phé-
nomène prend naturellement sa place à côté des observations déjà faites,
relatives aux modifications circulatoires et à l'élimination plus considérable
de certaines substances pendant le travail intellectuel et à la suite de ce
travail.
Il n’est pas besoin, sans doute, d'ajouter que la différence est grande
entre les expériences que je viens de rapporter et celles qui consistent
à prendre, avec de petits thermomètres disposés en couronne, la tem-
pérature crànienne; nous nous demandons toutefois, à propos de ces
élévations de la température frontale, dont la cause et la signification sont
encore bien discutées, si elles ne dépendraient pas tout simplement, étant
donnée l’augmentation de la température centrale, de cette augmentation
même. Nous réservons d’ailleurs, MM. Richet, Rondeau et moi, cette étude
ainsi que l’étude de la température périphérique en général pendant l’acti-
vité psychique. Il nous semble que les variations de cette température péri-
phérique seraient intéressantes à observer, parallèlement à celles de la
température rectale, données par un instrument précis comme celui que
nous avons entre les mains. pi.
Il nous reste maintenant à tirer une conclusion générale de mes expt-
riences. On dira peut-être que les élévations de température que j'ai con-
statées sont bien peu considérables. IT est vrai; mais il est vrai aussi que,
normalement, les lobes frontaux ne doivent être qu’un petit foyer de cha-
leur. La grande source de la chaleur animale, c’est le système musculaire.
A toutes les preuves que l’on a de ce fait, on peut encore ajouter l'influence
hypothermique de l’immobilité, dont jai parlé plus haut. Toujours est-il,
970 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
néanmoins, que de l’exereice de la pensée résulte une production de cha-
leur. C’est là une manière indirecte de voir, chez l’homme, une influence
nerveuse élever la température générale et on ne laissera pas de remarquer
le rapport de ce fait avec la fièvre nerveuse dont M. Ch. Richet entretenait
tout récemment la Société. Il y a néanmoins une différence entre l’inter-
prétation possible de ces deux ordres de phénomènes; car, tandis qu’on ne
peut attribuer qu’à l'influence nerveuse les faits dont a parlé M. Richet, on
pourrait sans doute, pour ceux que j'ai constatés, ne pas s’en tenir à
l'explication que je propose et les rattacher à des actions vaso-motriees
d’origine cérébrale, et vraisemblablement aussi périphérique. Ce point est
à éclaireir.
SUR LE DÉVELOPPEMENT DES DIATOMÉES, par M. Poucuer.
L'évolution complète des bacillariées ou diatomées est probablement
encore inconnue. Leur multiplication par scissiparité, leur régénération
par auxospores, étudiée en dernier lieu par Pfitzer (1882), ne semblent
pas satisfaire à toutes les conditions de la reproduction des êtres vivants,
et il était permis de supposer que de ce côté existaient de graves lacunes.
Sans prétendre à les combler, je crois devoir faire connaître, en présentant
ici les dessins originaux et en attendant la publication d’un travail plus
étendu, quelques faits qui pourront aider à porter la lumière sur ce sujet
encore fort obscur. Nos études ont porté sur des espèces marines. :
On trouve sur le fond de la mer, en se plaçant dans les conditions favo-
rables d'observation, des corps sarcodiques qui après une période d'activité
et de mouvement s’arrêtent et s’étalent alors en expansions qui leur donnent
parfois une apparence rappelant tout à fait celle d’un corps fibroplastique.
Le cytoplasme est hyalin, légèrement bleuâtre, ou bien il peut être déjà
coloré par la diatomine. Le noyau est à peu près sphérique avec un nueléole.
Ce corps rameux grandit, les ramifications s’unissent et finalement dessi-
nent un réseau plus ou moins étendu et dont l’aspect diffère selon les
espèces.
Ge réseau s’étend parfois extrêmement loin; puis à un moment donné les
filaments font place à des corps biconiques plus ou moins espacés ou che-
vauchant les uns sur les autres. Il est impossible de se méprendre sur la
valeur de ceux-ci et on a bien sous les yeux des diatomées en formation.
Parfois des filaments s’élargissent, et les élargissements traités par l’acide
osmique, présentent un clivage qui les montre formés de diatomées nais-
santes. Plus tard au milieu de chacune d’elles, quand elles commencent à
être bien dessinées, on voit un petit point brillant.
Ce réticulum d’origine a, dans les Nitszchia, une apparence toute spéciale.
SÉANCE DU 26 AVRIL. 271
Le corps amiboïde d’où il provient, est communément caché sous des
masses zoogléiques, d’où on le voit en quelque sorte s’échapper. Les filaments
du réseau sont extraordinairement déliés, mesurant moins de 1 pouce, et
présentent de place en place des renflements de substance eytoplasmique
(les futures diatomées) mesurant 4 à 5 pouces, ayant un léger reflet
bleuâtre avec une ou deux granulations foncées. On s’assure sans peine que
ces renflements se déplacent le long des filaments avec une rapidité fort
notable. Le phénomène est des plus faciles à vérifier. Nous avons pu suivre
ainsi un de ces renflements arrivant à des embranchements et changeant de
route presque à angle droit pour glisser le long du filament perpendiculaire
à celui qu'il avait suivi jusque-là.
Tantôt les filaments du réseau se rejoignent et se soudent sans aucune
modification de leur diamètre et tantôt leur point de jonction présente un
renflement qui prend, en raison de ces rapports, la forme triangulaire. En
examinant la progression de ces renflements, on constate parfois qu’en
arrière de lui, le filament présente un élargissement momentané, sur une
étendue égale environ à deux fois la longueur du corps parcourant le fila-
ment. Au delà, le filament reprend son diamètre primitif.
Reste une question fort intéressante et qui appartient aussi bien à l’his-
toire des diatomées, qu’à celle des péridiniens. Que devient le noyau? Les
corps amiboïdes en possèdent un avec nucléole. Nous le retrouvons sur les
mêmes corps devenus stationnaires et étalés en réseau. [l peut rester au
contact d’un groupe de jeunes diatomées prenant naissance du cytoplasme
qui l’environne immédiatement. Mais il est certain que les diatomées en
formation se trouvent souvent fort éloignées de lui et poursuivent leurs évo-
lutions indépendamment de lui.
Enfin il conviendra de rechercher si la gaine à l’intérieur de laquelle se
développent de nombreuses diatomées et qu’on regarde comme un produit
de celles-ci, ne serait pas plutôt un dérivé du corps amiboïde originaire.
SUR LE MÉCANISME DE LA MORT OU DES ACCIDENTS QUI SUCCÉDENT A L'IN-
JECTION SOUS-CUTANÉE DU CHLOROFORME, à propos d'une Note de
M. Bouchard sur le même sujet, par M. LABORDE.
Dans une intéressante Note lue récemment à l’Académie de médecine et
à la suite de nombreuses expériences poursuivies depuis 1881, notre col-
lègue M. Bouchard a cherché à expliquer la mort inopinée et constante qui
succéderait, d’après lui, à l'injection sous-cutanée de chloroforme.
« Un fait qui n’a jamais manqué, dit-il, c’est le développement d’une
albuminurie généralement intense et souvent accompagnée d'hématurie, qui
se produit deux heures après l'injection, quelquefois plus tôt, quand la
bo
1
bo
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dose a été plus considérable, et qui, malgré la conservation des signes exté-
rieurs de la santé, persiste jusqu’à la mort. Cette albuminurie dure vingt-
quatre heures, quarante-huit heures au plus, quand la dose a été plus
faible et que la mort ne survient pas.
» Chez les lapins mis en expérience, dont le poids moyen était de 1709 gram-
mes, le chloroforme injecté sous la peau à la dose de 1 centimètre cube ou
à une dose supérieure, a toujours provoqué l’albuminurie et a toujours
amené la mort dans les délais et avec les phénomènes que j'ai indiqués.
» À la dose de 3/4 de centimètre cube, l’albuminurie a été constante, la
mort s’est produite dans les trois quarts des cas.
» À la dose de 1/2 centimètre cube, l’albuminurie a été constante, sauf
dans un cas; la mort est survenue dans les trois quarts des cas. L'animal
chez lequel l’albuminurie n’a pas été constatée compte parmi les morts.
» À la dose de 1/4 de centimètre cube, lalbuminurie n’a paru que dans la
moitié des cas; quand elle s’est produite, elle a été suivie de mort; quand
elle a manqué, les animaux ont survécu. Chez ces derniers, de nouvelles
injections de 1/4 de centimètre cube pratiquées un, deux ou trois jours de
suite ont suffi pour déterminer l’albuminurie et la mort.
» À des doses moindres, de 1/5 à 1/10 de centimètre cube, l’albuminurie
et la mort n’ont jamais été la conséquence d’une première injection ; mais
elles ont toujours suivi les injections multiples pratiquées une fois seule
ment par jour, et le nombre a varié entre deux et dix.
» Chez le chien, l'injection de chloroforme à une dose représentant le
millième du poids du corpsne produit ni la mort ni l’albuminurie. A la dose
de 1 centimètre cube par kilogramme, elle produit une albuminurie légère
qui n’est pas suivie de mort. À la dose de 2 centimètres cubes par kilo-
gramme, elle détermine l’albuminurie et la mort. Comme chez le lapin, la
mort survient tardivement chez le chien, après une période intermédiaire de
santé apparente. »
Il y a dans le travail de M. Bouchard une question de fait et une question
d'interprétation.
D’après des expériences anciennes et inédites, faites avec mon regretté
collègue Muron, et que j'ai récemment reprises et répétées, le fait de la
mort des animaux à la suite de l’injection sous-cutanée de chloroforme ne
serait pas aussi constant que semblent le démontrer les résultats obtenus
par M. Bouchard. Ce fait est évidemment soumis, en sa variabilité, à un
certain nombre de conditions contingentes, notamment au poids et à la
résistance individuelle des animaux, à la dose de la substance, aux condi-
tions de son absorption et de sa dissémination dans l’organisme, et aussi au
plus ou moins de pureté et d’activité du produit.
J'ai vu survivre et jai encore sous les yeux un lapin qui a reçu itérative-
ment et successivement à des intervalles de plusieurs jours, 1, 2 et 3 cen-
timètres cubes de chloroforme en injection hypodermique ; il est vrai que ce
SÉANCE DU 26 AVRIL. 913
lapin était du poids de 3 kilogrammes, bien supérieur, par conséquent, à
celui des animaux de M. Bouchard. Mais il est à remarquer que la dose de
chloroforme employée par nous était triple de celle avec laquelle notre col-
lègue et ami a obtenu ses résultats.
Un autre lapin, du poids également élevé de 3k5,500, après avoir résisté
aussi à l'administration hypodermique de 1/2, 1 et 2 centimètres cubes de
chloroforme, a succombé à la suite de l'injection de 3 centimètres cubes,
mais seulement deux jours après.
Enfin, un troisième lapin plus jeune, et du poids relativement inférieur
de 1343 grammes, et par conséquent au-dessous des chiffres indiqués par
M. Bouchard, après avoir reçu une première fois en injection sous-cutanée
1 centimètre cube de chloroforme, et une seconde fois, cinq jours après,
2 centimètres cubes, a survécu et se porte actuellement fort bien.
Nous avons déjà observé, Muron et moi, des résultats de cette nature,
avec plus ou moins de variabilité quant à l'accident mortel.
Ce qui est constant, c’est l’état passager de narcose et d’incoordination
ébrieuse, avec une dose suffisante, — et aussi l’albuminurie signalée par
M. Bouchard. Je trouve aussi indiquée dans les notes de Muron la pré-
sence de sucre (glycosurie) dans un certain nombre de cas ; mais, dans les
expériences que j'ai récemment répétées, je n’ai pu constater qu’une seule
fois, et cela dans des conditions particulières d’altérations nutritives (amai-
grissement considérable, gangrène locale) la réaction glycosurique carac-
téristique dans les urines.
On voit, en effet, même dans les cas où ils résistent et survivent, les ani-
maux présenter un amaigrissement rapide; de plus, lorsque l’injection a
été faite, comme dans plusieurs de nos cas, à l’une des pattes postérieures,
celle-ci devient constamment le siège d’une parésie plus ou moins accentuée
et durable, à la fois motrice et sensitive, si bien que l'animal traîne la
patte sans la pouvoir ramener en flexion, et qu’il peut lui advenir, ainsi
que nous l’avons observé dans l’un des cas qui précèdent, de se laisser
manger, par suite d’insensibilité, l’extrémité du pied par un de ses coha-
bitants (lapin ou rats).
Il convient de noter aussi que, si dans la plupart des cas il ne se montre
pas, au lieu de linjection, d'accidents locaux très accentués, tels que abcès
ou phlegmon gangreneux, il y a presque toujours un certain degré d’infil-
tration séreuse avec aspect nacré et induration de la couche musculaire
superficielle : témoignage de la réalité de l’action irritative locale de la
substance. On observe particulièrement ces phénomènes locaux bien consta-
tables à l’autopsie, lorsque l’injection a été poussée un peu profondément
du côté des cuisses, jusqu’au voisinage ou au contact des couches muscu-
laires.
Ajoutons enfin — ce qui n’est pas une remarque indifférente — que le
chloroforme dont nous nous servions provenait du fournisseur habituel du
laboratoire, c’est-à-dire d’une de nos principales maisons de produits chi-
274 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
miques, et que, si sa pureté n’était pas parfaite (elle est difficile à rencon-
trer), son activité était certainement celle du chloroforme usuel.
Il se peut, cependant, que cette activité fût inférieure à celle du produit
employé par M. Bouchard; ce qui expliquerait les différences de degrés de
nos résultats respectifs. Car en somme il ne s’agit pas de résultats contra-
dictoires, mais simplement de degrés dans la production et la parité des
accidents.
Il y avait donc à rechercher le mécanisme pathogénique de ces accidents
qui peuvent, en réalité, aboutir un peu plus tôt ou un peu plus tard, et
moyennant la dose suffisante, à la mort. C’est ce qu'a fait notre savant ami,
en examinant successivement et expérimentalement les conditions de possi-
bilité suivantes.
Il s’est d’abord demandé si l’albuminurie qu’il observait constamment
n'avait pas de relations pathogéniques nécessaires avec les accidents mor-
tels, lesquels seraient alors le résultat d’une néphrite avec intoxication
urémique. Mais ni l'examen histologique du tissu rénal, où l’on ne trouve
que de la congestion avec extravasation sanguine dans les canalicules, sans
lésions épithéliales, ni l’analyse du sang, qui ne révèle qu'une quantité
d’urée sensiblement égale à la normale, ne permettaient de s’arrêter à cette
hypothèse.
S'agit-il d’un réflexe suspensif provoqué par une irritation locale au siège
de l’injection hypodermique ?
_ Pour vérifier cette deuxième éventualité, M. Bouchard sectionne les nerfs
sciatique et crural du même côté, laisse la plaie se cicatriser, et avant que
la régénération nerveuse ait pu s’opérer, pratique l'injection habituelle de
chloroforme ; l’albuminurie et la mort surviennent dans cette condition
expérimentale comme précédemment. Qu'il nous soit permis de faire
remarquer à M. Bouchard qu'à priori une pareille hypothèse n’était guère
justifiée. Car la mort par un réflexe suspensif est un fait rapide, plus ou
moins subit de sa nature, puisqu'il est constitué par une syncope soit car-
diaque, soit respiratoire. Or dans l’espèce la mort n’arrive, après le retour
d’une santé apparente, qu'au bout de vingt-quatre, quarante-huit heures,
ou au delà.
En troisième lieu, M. Bouchard est amené à se demander si les accidents
observés ne seraient pas le résultat d’une entrave, par abaissement ther-
mique, aux phénomènes d’osmose et de nutrition, et au développement
consécutif d’un de ces états septicémiques constitués par une auto-inocula-
tion de. germes fournis par le tube digestif. Sans doute cette infection
n'expliquerait pas l’albuminurie qui est trop hâtive, mais elle pourrait
fournir l’explication du retour apparent et momentané à la santé, et la mort
après vingt-quatre ou trente-six heures. Or M. Bouchard a vainement
cherché des microbes dans le sang et dans le tissu des animaux morts dans
les conditions dont il s’agit, et il a inoculé sans résultat leur sang à des
animaux sains.
(ob |
SÉANCE DU 26 AYRIL. 27
Réduit alors et en dernière analyse, à la simple et naturelle hypothèse
de la possibilité d’un empoisonnement dû à l’absorption du chloroforme,
M. Bouchard étudie, dans une nouvelle série d'expériences, d’un côté les
effets des inhalations du chloroforme à une dose ni anesthésique, ni mor-
telle, et de l’autre, ces mêmes effets à la suite d’injections intraveineuses,
et il observe constamment une albuminurie rapide avec hématurie intense,
mais sans que la mort s’ensuive.
D'où il semble résulter que c’est bien à l’empoisonnement qu'est due
l’albuminurie des injections sous-cutanées du chloroforme, soit que le
poison agisse directement sur les éléments des reins au moment de
l'élimination, soit que, transporté dans le centre nerveux par le sang,
il y influence les parties qui président à la nutrition ou à la circulation
du rein.
Mais si l’albuminurie, ajoute M. Bouchard, est aussi expliquée par lem-
poisonnement, il n’en est pas de même de la mort qui vient des injections,
puisque le chloroforme introduit dans le sang par l’inhalation ou par l’in-
jection intraveineuse n’amène pas la mort, quoiqu'il ait produit la narcose
et l’albuminurie.
D'où cette conclusion définitive: « Le mécanisme de la mort après l’in-
jection sous-cutanée de chloroforme est done encore inconnu. »
Eh bien, dans la série des possibilités pathogéniques si bien analysées par
lui, M. Bouchard a précisément omis celle qui pouvait et devait, à notre
sens, lui fournir l'explication rationnelle qu’il cherchait; ou plutôt il ne l’a
pas omise, à proprement parler, puisqu'il l’invoque implicitement quand il
parle du transport par le sang de la substance toxique dans les centres
nerveux, mais il ne l’invoque que pour se rendre compte de l’albuminurie,
qu'il a trop exclusivement en vue, il s'arrête en chemin, pour ainsi dire,
dans la recherche des conséquences complètes, totales, de ce transport au
contact des centres nerveux.
Et d’abord quels centres nerveux ou quelles parties de ces centres ? C'est
ici qu'il convient de rappeler encore une fois le mécanisme de l’action phy-
siologique ettoxique du chloroforme, et de voir les modifications que peuvent
apporter à cette action les conditions spéciales dans lesquelles la substance
est introduite dans l’organisme et offerte à l’absorption.
Nous le savons aujourd’hui pertinemment, l’action physiologique du chlo-
roforme s'exerce d’une façon prédominante sur Le système nerveux central,
en impressionnant tout d’abord les éléments anatomiques de la sphère céré-
brale, et ensuite successivement, et de haut en bas, ceux du myélaxe: les
phénomènes d’hypnotisme et d’anesthésie plus ou moins complets consti-
tuent la principale expression symptomatique, fonctionnelle de cette action,
tant qu’elle ne dépasse pas la limite physiologique ; mais à la dose toxique,
eten dehors, bien entendu, de toute condition intercurrente capable d'amener
(ordinairement par un mécanisme suspensif) des accidents graves instan-
976 © SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tanés ou la mort, condition qui n'implique pas l’action propre du chloro-
forme, mais celle de toute substance irritante à l’égal de ce dernier, — à
la dose toxique, disons-nous, le centre bulbaire, et particulièrement le
centre organique qui préside aux mouvements et à la fonction respiratoires,
qui a résisté jusqu'alors — il offre en effet d'habitude, en de pareilles
conditions, la dernière résistance et durée fonctionnelle — est frappé à son
tour, et la mort survient par cessation primitive des phénomènes méca-
niques de la respiration.
Nous parlons ici des mammifères et de l’homme, car, chez les animaux
à sang froid, notamment chez les batraciens, la résistance à l'action
toxique et mortelle du chloroforme est relativement plus grande, à raison
de l’importance fonctionnelle de la respiration cutanée qui peut suppléer et
même remplacer complètement la respiration thoraco-pulmonaire ; celle-ci
n’en est pas moins primitivement suspendue par l'influence du chloroforme,
à dose toxique, comme chez les mammifères, en sorte que le mécanisme
physiologique vrai de la mort par le chloroforme est bien et toujours un
arrêt respiratoire par action prédominante et définitive sur le centre bul-
baire : ce fait ne saurait être, croyons-nous, légitimement contesté aujour-
d’hui par aucun physiologiste autorisé, et il est permis d'ajouter que ce
même mécanisme peut et doit être étendu à tous les anesthésiques agissant
plus ou moins à la façon du chloroforme.
Dans ce qui précède, nous avons eu exclusivement en vue le chloroforme
administré en inhalation et agissant conséquemment, par les vapeurs intro-
duites dans les poumons, au contact immédiat d’une large surface vaseu-
laire d'absorption : d’où résultent des conditions particulières de rapidité et
d'intensité d'action qui constituent précisément les avantages inappréciables
de l'emploi de cette substance.
Mais, si le mode d'administration et d'application de celle-ei est de nature
à modifier son action en ce qui touche aux conditions dont il s’agit, il ne
saurait modifier cette action dans sa nature propre, c’est-à-dire dans une
expression physiologique: ainsi, et pour en arriver de suite à la question
qui nous occupe, il est légitime de présumer, à priori, que l’action du chlo-
roforme, en injection hypodermique, aboutira en somme aux mêmes phé-
nomènes fonctionnels, aux mêmes effets sur les éléments organiques au
contact desquels il aura été porté par l’absorption, partant au même méca-
nisme physiologique et toxique que dans le cas d’inhalation, mais avec
toutes les différences et modifications que comporte le mode d'absorption
sous-cutané.
Ces modifications portent expressément sur le temps relatif de la péné-
tration dans le milieu circulatoire, laquelle se fait ici non plus avec la rapi-
dité, la presque instantanéité de tout à l’heure, mais lentement, progressive-
ment, ce qui amène la même lenteur dans les phénomènes d'élimination,
et par suite un contact plus prolongé, plus notoire de la substance avec Les
éléments des tissus qu’elle est appelée à traverser : d’où la gravité, après
SÉANCE DU 26 AVRIL. 971
EN 5) 2 AU
une période latente, des accidents consécutifs qui, comme dans la plupart
des cas de M. Bouchard, et dans quelques-uns des nôtres, peuvent aboutir
à la mort. Mais, à la modification près, tenant au mode d’administration de
a substance, le mécanisme de la mort, mécanisme essentiellement respira-
toire, est toujours le même, ainsi qu'en témoignent et l’observation clinique
attentive du vivant de l’animal, et l'examen cadavérique de tous les organes.
Il n’est pas difficile, en effet, de constater, du côté des phénomènes res-
piratoires, les signes accusateurs d’allérations graves de cette fonction; ces
signes, en ce qu ils ont d'objectif, sont surtout ceux d’une dyspnée plus ou
moins intense, avec irrégularité du rythme.
Si d’un autre côté, après la mort, on ne s’arrête pas à l’examen exclusif des
reins, en vue de explication pathogénique de l’albuminurie seule, eton pra-
tique attentivement et complètement l’autopsie des animaux qui ontsuccombé
dans ces conditions, ce qui frappe surtout, ce sont les altérations des or-
ganes respiratoires, nous parlons des poumons. Ces altérations, qui sont
constantes dans leur existence et dans leur nature, au degré près d’inten-
sité, sont essentiellement constituées par un état congestif généralisé, avec
ecchymoses sous-pleurales, les unes ponctiformes, les autres plus larges et
plus éter-lues, et de larges îlots d’'emphysème aux bords tranchants et aux
bases. S1 l’on ajoute à cela la présence d’une grande quantité de sécrétion
spumeuse dans tout l’arbre bronchique, et de liquide séro-sanguinolent in-
filtrant les mailles intervésiculaires, on aura le tableau des lésions dont il
s’agit, tableau qui, pour le dire de suite, se rapproche singulièrement de
celui qui appartient aux effets consécutifs de la section expérimentale des
pneumogastriques.
Cette assimilation est d’ailleurs, jusqu’à un certain point, justifiée par la
nature des symptômes morbides observés sur le vivant, au cours de la ma-
ladie expérimentale, et sommairement signalés ci-dessus ; et aussi par un
autre résultat de l’autopsie qui ne laisse pas d’avoir, en ce cas, de l’impor-
tance : je veux parler de l’examen du bulbe rachidien. Une simple obser-
vation à l’œil nu de la surface du plancher du quatrième ventricule, parti-
culièrement dans la région des colonnes grises et du V de substance grise,
c’est-à-dire au niveau des origines des vagues, permet la constatation d’un
état d'infection vasculaire, de congestions animales, et l’examen microsco-
pique sur des coupes pratiquées à cet endroit, après durcissement dans l’al-
cool, confirme et complète la première observation.
Ce point central de l’influence fonctionnelle du système nerveux sur les
phénomènes respiratoires, semble bien être, en conséquence, le lieu orga-
nique de l’action prépondérante et définitive du chloroforme, tant dans le
cas d’inhalation que dans le cas d'absorption sous-cutanée, à la lenteur
près de la production des accidents ; et en dehors même de l’existence et de
la constatation possible d’une lésion organique de ce point central, l’impli-
cation prépondérante des organes et de la fonction respiratoires dans le
mécanisme pathogénique de la mort n’en serait pas moins clairement dé-
278 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
montrée par les constantes altérations pulmonaires. L'état de congestion et
d'infiltration des reins, auquel il convient d'ajouter un état à peu près sem-
blable du foie, se rattache logiquement au même mécanisme pathogénique,
soit que l’influence primitive sur le centre nerveux suffise à expliquer l’al-
buminurie comme dans le cas de lésion expérimentale, soit qu’à cette
influence réelle viennent se joindre les effets locaux d’une absorption et
d’une élimination lente et successive sur des éléments organiques de la
glande rénale.
Quoi qu'ilen soit de ces détails qui ne feraient que corroborer le réstiint
définitif de cette enquête expérimentale, ce résultat fournit les données
positives du mécanisme, tant de la production de lalbuminurie, que des
accidents plus ou moins graves, et parfois mortels, à la suite de l'injection
sous-cutanée de chloroforme ; mécanisme qui ne diffère pas au fond, de celui
de la mort à la suite de l’inhalation ou de l’injection intraveineuse. El n°v :
a donc pas lieu de dire, avec M. Bouchard : « Le mécanisme de la mort
après l’injection sous-cutanée de chloroforme est encore inconnu. »
Mais notre conclusion contraire et positive n’en apporte que plus de
raison et de force à celle dans laquelle notre savant ami avertit de la cir-
conspection qu'il convient d’avoir à l’égard des injections de chloroforme à
haute dose chez l’homme, et surtout à l'égard des injections réitérées, 3 ou
4 centimètres injectés par jour, ne fût-ce que pendant trois jours, corres-
pondant à des doses qui ont été mortelles chez le lapin.
Il ne faut pas oublier, à ce propos — et c’est ce que M. Bouchard a for-
mellement constaté, — que les inhalations de chloroforme poussées jusqu'à
l’anesthésie sont suivies chez l’homme d’albuminurie transitoire, et qu'il
serait, en conséquence, téméraire de penser que l’homme est à 1’ abri d’ac-
Sn qui peuvent entrainer la mort chez l’animal.
Il y a là, au point de vue pratique, un fait qui se recommande à l’atten-
tion de nos confrères.
ANESTHÉSIE DU CONDUIT AUDITIF ET DU TYMPAN, AU MOYEN D'UN JET DE
GAZ ACIDE CARBONIQUE, par M. GELLÉ.
Les expériences de Brown-Séquard sur l’anesthésie de la muqueuse de la
gorge et du larynx par un jet rapide d'acide carbonique sont présentes à
votre mémoire. J'ai tenté d'employer ce moyen comme calmant de la dou-
leur dans l’otalgie et comme anesthésique de la peau du conduit et du
tympan dans les opérations qui se pratiquent dans ces régions.
Comme calmant, l'expérience a été très concluante, et entre autres le
résultat a été et est chaque jour excellent dans un cas d’otalgie atroce,
symptomatique d’une lésion ulcéreuse de la gorge et des piliers du voile,
SÉANCE DU 26 AVRIL. 9279
La violence des aceès de douleur est rapidement calmée par l'injection d’un
litre et demi à deux litres d'acide carbonique, contenu dans un sac de
caoutchouc et porté au méat auditif par un tube de caoutchouc. Je me
réserve de présenter dans quelque temps les résultats obtenus dans l'emploi
du jet de gaz acide carbonique comme anesthésique dans les opérations.
SUR L'ABOLITION DES SUGGESTIONS A L'ÉTAT DE VEILLE, CHEZ LES SUJETS
HYPNOTISABLES, par M. le docteur BRÉMauD. — Note présentée par
M. DuMonNTPALLIER.
La détermination de certaines suggestions à l’état de veille paraît se
relier étroitement à l'étude de l’hypnotisme puisque les sujets sur lesquels
ces phénomènes se produisent sont tous hypnotisables et que d'autre part
tous les sujets hypnotisables ont pu être soumis aux suggestions les plus
variées.
Cependant les phénomènes de suggestion à l’état de veille bien diffé-
rents en cela des phénomènes analogues obtenus dans les états hypnotiques
caractérisés, sont justiciables de la :volonté et de la raison du sujet lui-
même, et tout individu hypnotisable, homme ou femme, sur lequel la sug=
gestion a prise, à l'état de veille, y deviendra absolument rebelle, dans ce
même état de veille, dès qu’on aura pu lui démontrer, chose facile du reste,
la part que son imagination prenait à l’accomplissement des faits.
Dans les états hypnotiques : fascination, catalepsie, somnambulisme, les
facultés de l’imagination sont surexcitées en même temps que la volonté, le
jugement, la raison, le moi sont dans un état de parésie manifeste, et à ce
moment tout raisonnement, toute démonstration faite à l’individu hypnotisé
ne seraient que le point de départ d’une nouvelle suggestion ou seraient
méconnus.
Il n’en est pas de même à l’état de veille. [lsemble que l’individu hypno-
tisable attribue à celui qui l’hypnotise un pouvoir particulier contre lequel
. il n’y a pas de résistance possible ; il accepte dès lors, à l’état de veille et
dans, un certain ordre d’idées, comme absolument vrai tout ce que lui
affirme ce dernier et agit en conséquence, ne pouvant ou n’osant mettre sa
volonté propre en opposition avec la volonté de l’expérimentateur.
Dans d’autres cas, sous l’empire d’une émotion qui se traduit par des
troubles vaso=moteurs faciles à constater et qui viennent d’être mis en
relief par M. le professeur Charcot, MM. Bottey, etc., etc., on peut provo-
quer non seulement l'impuissance d'exécuter certains mouvements, mais
encore des phénomènes de contracture, d’anesthésie, l’aberration de sensa-
lions thermiques, gustatives, olfactives, etc. Mais, le sujet étant en état de
veille et capable de suivre un raisonnement logique, si ‘on arrive par un
280 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
artifice d'expérience à lui faire comprendre que son imagination seule est
la cause des phénomènes dont il est le témoin actif, il semble qu’un charme
soit rompu et dorénavant toutes les tentatives de suggestion resteront sans
résultat. Il est nécessaire cependant, pour que la guérison soit complète,
que l'individu sur lequel on opère ne soit pas absolument dénué de toute
intelligence et de toute culture intellectuelle.
Voici le résumé de diverses expériences qui mettent ces faits en pleine
lumière :
40 M. B..., vingt-trois ans, étudiant. — Ce jeune homme est hynoptisable et a
été mis à différentes reprises en état de fascination. Catalepsie, léthargie, som-
nambulisme. Il reconnaît éprouver un certain sentiment de crainte toutes les fois
qu'il me rencontre, n'être jamais complètement à son aise vis-à-vis de moi, et
éviter ma rencontre autant que possible, craignant toujours d’être hypnotisé par
accident.
S'étant décidé à se prêter à une nouvelle série d'expériences, il est invité à fer-
mer les yeux. Sur l'affirmation qu’il ne peut plus ouvrir les paupières, M. B... reste
les paupières closes, faisant des efforts musculaires se traduisant en grimaces, les
paupières restant fermées quoique légèrement frémissantes. Vivement sollicité
par Les assistants de ne point prolonger une comédie ridicule, il redouble d’ef-
forts grimaçants et ne peut parvenir à ouvrir les yeux. Sur la permission solen-
nellement formulée par l’expérimentateur, il les rouvre immédiatement et pro-
teste avec énergie de sa bonne foi.
Il est invité à étendre le bras droit horizontalement. On feint de lancer du
fluide sur le bras étendu et on le met au défi de plier ce membre, qu’on lui dit
paralysé. Il reste immobile et ne peut arriver malgré des efforts évidents à plier
le bras. On reconnaît une contracture manifeste de tous les muscles brachiaux,
les doigts sont convulsés, et le sujet déclare bientôt éprouver une douleur into-
lérable. On l’avertit que la liberté de ses mouvements lui sera rendue dès qu’un
des assistants qu’on lui désigne feindra de se moucher. Cet assistant, le docteur
Baude, retire son mouchoir de sa poche et le porte lentement à sa figure; le sujet
suit des yeux avec anxiété ; au moment précis où le docteur Baude se mouche, la
contracture disparaît, le sujet plie Le bras, et le frictionne vivement pour calmer
la douleur.
Pendant ces expériences, le sujet n’a cessé de causer, de manifester son éton-
nement et sollicite des explications qu’on lui promet s’il se prête à une dernière.
expérience.
On lui fait découvrir le bras gauche tout entier ; la sensibilité cutanée est re-
connue normale. On fait le simulacre de lancer du fluide sur le bras mis à nu,
et on affirme qu'il est devenu complètement insensible. Avec une forte épingle
on pique et on transperce la peau sans que le sujet donne la moindre marque de
sensibilité, il regarde, stupéfait, les piqûres qu’on lui pratique en grande quan-
tité et émet l’avis que ce procédé est bien supérieur à la chloroformisation. On
retire enfin les six épingles avec lesquelles on a fait la transfixion complète d’un
repli cutané ; les piqûres donnent fort peu de sang. On remarque que les tégu-
ments sont pâles, décolorés et légèrement refroidis. Le bras droit examiné au
même moment offre la coloration et la température normales. Le sujet remue
ner à
SÉANCE DU 26 AVRIL. 9281
librement le bras anesthésié et reste insensible aux pincements énergiques que
lui font divers assistants.
Une passe, le long du bras, et l'affirmation de l’expérimentateur rendent la
sensibilité au membre, et le sujet quelques secondes après dit ressentir vivement
la douleur des piqûres qui lui ont été faites.
2 M. Le G..., étudiant, a été hypnotisé à diverses reprises, et se trouve dans
les mêmes conditions morales que le précédent sujet. Mis au défi par l’expéri-
mentateur, après un simulacre de passes,de se lever de la chaise où il est assis,
il se livre à des efforts désordonnés et violents. Après quelques tentatives sans
résultat, il perd l'équilibre et tombe par terre en renversant sa chaise. Sur
l'affirmation qu’il lui est impossible de se relever, il se débat, roule à plusieurs
reprises sur lui-même et déclare bientôt qu'il en a assez, qu'il est temps que
cette mystification cesse et qu’il ne veut plus être tourné en ridicule.
On remet à chacun de ces deux jeunes gens une boîte soigneusement enve-
loppée, et on leur déclare avec une grande apparence de conviction, comme pour
prouver une action antimagnétique du contenu de ces boîtes, que, tant qu'ils au-
ront ces objets sur eux, ils seront rebelles à toute influence magnétique, de
quelque part qu’elle vienne.
À partir de ce moment, toutes les tentatives de contracture, de paralysie et
d'analgés'e restent sans résultat. Les sujets en expérience sollicitent vivement
les explications promises et l’ouverture des boîtes, s’imaginant trouver dans une
action métalloscopique l’explication de ces curieux phénomènes. Les boîtes sont
ouvertes et au milicu de l’hilarité générale on constate qu’elles sont en carton
et ne contiennent rien.
L’expérimentateur explique que tous ces phénomènes de suggestion ne repo-
sent que sur une exaltation particulière de l'imagination, avec déviation morbide
de la volonté, que l’anesthésie est due à une paralysie spéciale naissant d’une
modification des centres cérébraux, de nature émotive, et que la ferme convic-
lion de l’impuissance personnelle de l’expérimentateur est pour le sujet un
moyen infaillible de se soustraire à sa volonté.
Immédiatement après, et depuis, à plusieurs reprises, diverses tentatives de
suggestion faites sur les mêmes sujets ont complètement échoué.
3° Anna T..., quarante ans. — Le sujet esthypnotisable et a été plusieurs fois
déjà mis en état de catalepsie et de somnambulisme.
On détermine facilement, le sujet étant en parfait état de veille, des phéno-
mènes analogues à ceux décrits plus haut.
À un moment donné, on annonce que, par le pouvoir du fluide magnétique,
elle va ressentir une vive sensation de froid, et l’expérimentateur se met en de-
voir de lui faire des passes embrassant tout le corps. Le sujet très incrédule rit
à plusieurs reprises en déclarant que dans une atmosphère aussi chaude (l’appar-
tement était fortement chauffé) avoir froid était impossible. Avec une grande ap-
parence de conviction je redouble l'énergie des passes ; brusquement le sujet
annonce ressentir une sensation de fraîcheur naissant à la nuque et s’irradiant
dans toutes les parties du corps. La sensation de fraîcheur s’accentue de plus en
plus et devient bientôt un froid intolérable. A ce moment la face est devenue
pâle, les mains décolorées, on remarque sur les avant-bras le phénomène connu
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°", N° 17. 22
289 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sous le nom de chair de poule, les dents claquent avec violence, de rapides fris-
sons parcourent tout le corps, le sujet demande grâce.
On fait alors des passes en sens inverse des précédentes, destinées, dit-on, à
ramener la chaleur : en quelques instants tous les phénomènes signalés plus haut
disparaissent.
Quelques minutes après, une plaisanterie dite par un assistant ayant provoqué
l'hilarité du sujet, je déclare, en étendant les bras et faisant des passes, qu'il lui
sera impossible de cesser de rire. Le rire, de franc et naturel qu'il était, se
transforme immédiatement en explosions automatiques qui impressionnent vive-
ment le sujet lui-même.
La respiration est gênée, et la face s’empourpre. Le rire entraine une sensa-
tion de douleur bien marquée et le sujet s’écrie à différentes reprises et avec
angoisse : « Assez, j'ai mal. »
Il suffit d’un geste de l’opérateur pour amener la cessation de cette manifes-
tation nerveuse.
On demande au sujet de prêter son mouchoir, et on fait sur le tissu des passes
en différents sens, le mouchoir est remis au sujet et on lui affirme que la puis-
sance magnétique conférée au mouchoir est telle qu’elle annihile momentané-
ment le pouvoir de l’opérateur. Ce dernier agissant comme précédemment
cherche à provoquer des contractures, la sensation du froid. Ces tentatives
restent vaines. Le mouchoir est alors enlevé et les suggestions sont alors suivies
d'effet.
Afin de garder le sujet pour des expériences ultérieures, on ne lui donne aucune
explication.
Ces diverses expériences mettent, il me semble, suffisamment en évidence
l'influence de l’imagination et les phénomènes matériels qui peuvent en résulter,
la puissance de la foi et la façon dont peuvent agir en certaines circonstances
les sachets, amulettes, philtres, etc. Elles montrent en outre l’origine probable
de beaucoup de superstitions et la nécessité pour beaucoup de gens d’une véri-
table éducation morale.
NOTE SUR LE PASSAGE DE LA LÉTHARGIE AU SOMNAMBULISME DANS LA SÉRIE
HYPNOTIQUE, par le docteur BRÉMAUD (présentée par M. DUMONTPALLIER).
On sait qu'une friction légère d’un sujet en léthargie détermine un
changement dans l’état hypnotique et le passage au somnambulisme.
On sait encore que cette même friction sur le vertex fait revenir le sujet
du somnambulisme à la léthargie suivant cette loi posée par M. Dumont-
pallier : € La cause qui fait, défait. »
Quel est l’effet réel de cette friction sur le vertex, et quelle est la nature
de ce réflexe mystérieux dont les résultats immédiats paraissent aussi
extraordinaires ?
L’expérience suivante permet de répondre à cette question.
Si sur un sujet en léthargie, paraissant complètement isolé du monde
SÉANCE DU 26 AVRIL. 283
extérieur, ne répondant à aucune sollicitation verbale, on contracture par la
percussion le membre supérieur, le droit, par exemple, le sujet est toujours
en léthargie et ne répond point, mais que l’expérimentateur touche le
membre contracturé et en porte l’extrémité digitale presque à toucher ses
lèvres, de façon que les vibrations sonores se communiquent par continuité
d'organes solides, immédiatement le sujet perçoit les sons émanant de
l’expérimentateur et répond à ses questions comme dans l’état de somnam-
bulisme. Très souvent ce somnambulisme n’est que transitoire.
Si l’on rompt la communication, le sujet ne perçoit plus, il retombe dans
son isolement léthargique. Quelquefois le somnambulisme est au contraire
définitivement établi, et persiste après la rupture des communications.
Examinant tout d’abord le premier cas, celui où après la rupture des
communications le sujetretombe dans l’isolementléthargique, on l'explique
facilement par la propagation interrompue, puis rétablie, puis interrompue
encore, des vibrations jusqu’à l'oreille interne.
C’est un phénomène analogue à celui que l’on constate chez les individus
dont le tympan est perforé. Les vibrations transmises par la voûte crànienne
sont perçues facilement, tandis que les vibrations ou ondulations aériennes
restent sans effet, ne pouvant ébranler le tympan.
Le second cas, celui où le somnambulisme persiste après la rupture des
communications, s'explique par la détermination de la contracture des
muscles auriculaires par l’effet du léger ébranlement causé par les pre-
mières paroles du sujet en expérience.
Il s’ensuivrait done qu’il n’y aurait entre la léthargie et le somnambu-
lisme aucune différence essentielle au point de vue du fonctionnement
intellectuel, et de la mise en action de centres particuliers, puisque par un
simple artifice d'expérience on peut se mettre en relation avec le léthar-
sique comme avec le somnambule.
Un des caractères de la léthargie est la résolution musculaire. Les
muscles tenseurs du tympan, de la chaîne des osselets sont en résolution
comme les muscles volontaires, et la membrane flasque ne vibrant plus, le
sommeil n’est pas troublé par la perception des bruits extérieurs, et on ne
peut se mettre par la parole en communication avec le sujet endormi.
Mais de même que la percussion ou l’ébranlement d’une masse muscu -
laire la fait entrer en contracture, l’ébranlement léger déterminé par la
friction du vertex ou la percussion légère d’un point quelconque de la voûte
cranienne détermine par contracture musculaire, la tension de la mem-
brane tympan, de la chaîne des osselets, et par suite rend possible la trans-
mission des sons. Dès lors, pouvant communiquer oralement avec le sujet,
on peut agir par suggestion et développer tous les phénomènes du somnam-
bulisme provoqué.
« Mais l’action qui fait, défait. »
La même friction ou percussion remet en résolution les muscles auricu-
laires, les vibrations ne sont plus transmises ; le sujet est isolé du monde
284 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
extérieur, il est en léthargie. Cette léthargie provoquée n’est qu’apparente
et il suffit d’une tige métallique transmettant à la voûte crâänienne les vibra-
tions sonores pour que les phénomènes du somnambulisme apparaissent de
nouveau.
C'est la connaissance incompiète de ce phénomène qui a fait uaître la
croyance des magnétiseurs à la transposition du sens de l’ouie, car, si dans
cet état de léthargie où le sujet ne perçoit plus par l’oreille, on lui parle de
très près au creux de l’estomac ou à l’extrémité des orteils, après avoir
déterminé la contracture, les vibrations sont communiquées, transmises,
perç ues, et le sujet répond.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
KE £n
et
ENST RO à
285
SÉANCE DU 3 MAI 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA KAIRINE, par MM. BROUARDEL
et Paul Love.
Depuis les recherches de Fischer, de Filehne, de Riess et de Kussmaul,
la kairine jouit en Allemagne d’une certaine vogue comme agent antipyré-
tique et comme sueccédané de la quinine. En France, ce médicament a été.
étudié par MM. Hallopeau et Girat : les observations de ces auteurs ont été
consignées dans le Bulletin de la Société de biologie (1883, p. 293).
Nous avons repris ces expériences au commencement de cette année dans
le laboratoire de physiologie de la Sorbonne. Voici les résultats auxquels
nous sommes arrivés.
Après l'injection d’une certaine quantité de kairine à un chien, le pre-
mier symptôme qui se manifeste est une cyanose très prononcée de la
langue et des lèvres. Les vaisseaux, très dilatés, ont pris une teinte violacée.
A ce moment, l'animal fait de nombreux mouvements d'inspiration, sem-
blables à ceux d’un chien qui asphyxie. Nous examinerons plus loin les
autres symptômes.
Au bout d’un certain temps, l'animal meurt. On trouve à l’autopsie les
poumons ratatinés et bleuûtres, les vaisseaux de l'intestin violacés, la rate
cyanosée. Le sang est brun verdàtre : 11 se coagule très facilement.
Tous ces caractères laissent à penser que c’est dans le sang que l’on doit
rechercher l’action physiologique de la kairine. C’est cette étude que nous
voulons exposer.
[. Gaz du sang. — À un chien de 10 kilogrammes, on fait une saignée
à l'artère crurale, le # avril, à quatre heures du soir. L'analyse à la pompe
à mercure fournit pour 100 centimètres cubes de sang, 516,5 de gaz, ainsi
composés :
36,0 — CO?
14 ,0 — O
1 ,5 — Az
51 ,5
Immédiatement, on injecte dans les veines de l’animal 15',5 de kairine.
On observe, après vingt minutes, la cyanose des lèvres et de la langue.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°", N° 18. 23
286 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
————————— — rm
Le lendemain, à onze heures, on fait une injection sous-cutanée de 15",5
de kairine, L'animal meurt à midi et demi. Le sang pris un peu avant la
mort donne à l’analyse 27 centimètres cubes de gaz :
2w,9 — CO
Pas 0)
4,5 — Az
2100
Le 7 avril, à un chien de 3K8,700, on injecte sous la peau 15,5 de kaï-
rine. L'animal meurt en une heure un quart : sa température est tombée
dans cet intervalle de 36 à 50 degrés.
Le sang de l'artère crurale analysé avant l'expérience, a donné pour
100 centimètres cubes 992,4 de gaz :
45°,6 — CO?
12 3 20
il 15 TV
59 4
Au moment de la mort, le sang ne content plus pour 100 que 21 centi-
mètres cubes ainsi composés :
1,5 — 0
1 ,5 — Az
PA Va)
Nous constatons done dans ces deux expériences une diminution considé-
_rable de l'oxygène et de l’acide carbonique du sang. L’acide carbonique a
pu diffuser dans les tissus, ou être produit en moindre quantité. C'est la
disparition de l’oxygène qu’il importe surtout de démontrer et d'expliquer.
IT. Mesure de la capacité respiratoire du sang. — À un chien bien por-
tant, on fait une saignée à l'artère crurale. La capacité respiratoire du sang
recueilli est de 27ec,8 d'oxygène pour 100 centimètres cubes de liquide.
Pans 100 centimètres cubes de ce sang, on ajoute 3 décigrammes de
kairine. À mesure que la solution de kairine descend dans l’éprouvette con-
tenant le sang, on voit celui-ci noircir profondément : il devient verdâtre
par transinission.
La capacité respiratoire de ce sang kaïrinisé analysée après un quart
d'heure, n’a plus donné pour 100 centimètres cubes de liquide que 4,4
d'oxygène.
Sur du sang de cheval, dont la capacité respiratoire est de beaucoup
SÉANCE DU 3 MAI. 281
plus faible que celle du sang de chien, la quantité d’oxygène est tombée
de 7cc,8 à 3°,6, après le mélange d’un peu de kairine au liquide sanguin.
De toutes ces expériences, il résulte que c'est le globule du sang, que
c’est l’oxyhémoglobine qui sont atteints par la kairine.
IT. Analyse spectroscopique du sang. — Dans la cuve pleine d’eau du
spectroscope, on ajoute une goutte de sang artériel. Les deux raies de l’oxy-
hémoglobine sont très nettes.
Peu à peu, avec une baguette de verre, on introduit dans le liquide de la
kairine cristallisée. Au fur et à mesure que celle-ci se dissout, on voit la
raie de droite s’atténuer ; bientôt la raie de gauche diminue également.
Puis, toutes deux finissent par disparaître absolument.
IT y a donc destruction complète de l’oxyhémoglobine, mais sans que l’on
puisse saisir les phases intermédiaires de cette destruction.
Cette étude de l’action physiologique de la kairine nous permet mainte-
nant d'expliquer les symptômes qui suivent l’ingestion de ce médicament.
Nous ne faisons que les énumérer, car les relations de cause à effet sont
des plus faciles à établir.
Les auteurs ont constaté l’abaissement de la température, la diminution
de l’urée, l’hématurie, la cyanose des lèvres, l’affaiblissement de la respi-
ration et de la circulation, la parésie, la diminution de la sensibilité, etc.
Tous ces caractères sont expliqués par la destruction de l’oxyhémoglobine
du sang.
Peut-être ces résultats encourageront-ils moins nos voisins d’outre-Rhin
à administrer la kairine dans la pneumonie, la fièvre typhoïde, la fièvre
catarrhale, la scarlatine, l’érysipèle, la phthisie, la fièvre intermittente, ete.
Il nous semble, en effet, que dans toutes ces maladies il y a une contre-in-
dication absolue à l’ingestion de ce médicament.
ne
LIBRARYIZ
Z =
NOTE SUR L'ACTION DU CHLORHYDRATE DE KAIRINE
2
par M. Ch. E. Quinquaur.
Il résulte de nos recherches que la kairine produit des phénomènes
d’excitation, puis des signes de résolution musculaire, avec une sorte de
coma, lorsqu'on fait une injection intraveineuse à dose suffisante.
Après l’injection, la pression artérielle diminue considérablement ; le
lendemain, Ja pression est normale (la dose étant insuffisante pour produire
la mort) ; les veines deviennent bleuâtres ainsi que les artères.
Les gaz totaux du sang diminuent de quantité très peu de temps après
288 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l'injection, puis augmentent progressivement à mesure que se fait la répa-
ration. Comme exemple, citons les analyses suivantes :
Sang normal de l'artère carotide.
Avant 48 heures
l'injection. après l'injection.
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. 11°,0 gcc 2
CO? u9 ds 7 0 L 4
0 ce Le 3 5 3 6
Sang du cœur droit.
Gaz totaux contenus dans 20°° de sang. 10,6 gcc 4
CO? _- —_ 120 5 ,0
0 — —- 2100 2 ,2
Autre exemple :
Sang carotidien.
Avant 94 heures
l'injection. après l'injection. :
Gaz totaux contenus dans 20€ de sang. 07) 806,6
C0? — — D ,9 4 ,8
(9) _ ——- ZA (E RD
Le pouvoir absorbant diminue, moins cependant qu'on le croirait en
voyant le changement de couleur du sang, bien observé par Hallopeau et
Girat.
L'acide carbonique et l’oxygène diminuent également,
Sang de la veine fémorale.
Avant Apres
: l'injection. l'injection.
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. Acc, 4e
CO? — eo — ee 3 ,9
0 — = 18 , 0 ;,2
Sang du cœur droit.
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. 10%,8 6c°,0
CO? — — 15 2 ,9
0 — — 3 ,0 0 ,8
Sang carotidien.
Gaz totaux contenus dans 20° de sang. NEA He
CO? — _ Teil 3 ,0
(9) — — 3 ,) D 7
Le lendemain, le sang artériel renfermait :
Gaz totaux contenus dans 20% de sang. T7 D
CO? : — — 3 ,8
(8) — — D 2
On voit que la réparation du sang au point de vue de lPoxygène se fait
graduellement.
SÉANCE DU 9 MAI. 289
Pendant la première phase il peut survenir un phénomène inconstant,
c'est une légère asphyxie.
Expérience sur un chien moyen.
Avant Après
l’injection. l'injection.
Gaz totaux contenus dans 20° de sang. 8cc,9 gce,8
CO? — — 9 ,0 1,5
0 8: £ 2 6 1,5
Chez cet animal, le pouvoir absorbant est à l’état normal de 3,5 pour
20 centimètres cubes de sang et de 2,3 après l'injection au moment où la
teinte est sépia. Les doses employées ont été de 23,20 pour un chien de
24 kilogrammes, et de 03,60 pour un chien de 13 kilogrammes.
RECHERCHES SUR LA CONSTITUTION PHYSIQUE ET CHIMIQUE DES DENTS
A L'ÉTAT DE SANTÉ ET DE MALADIE, par le docteur V. GALIPPE.
Résumé. — Quelle que soit l’idée que l’on se fasse des causes de la carie
dentaire, il est une étude préalable qui domine toutes les théories, qu’elles
soient chimiques ou parasitaires, c’est celle du terrain, c’est-à-dire de la
dent elle-même envisagée au point de vue de sa constitution physique et
chimique. Cette étude a été trop négligée jusqu’à ce jour, il nous paraît dif-
ficile d’édifier quoi que ce soit de sérieux au point de vue de l’étiologie de
la carie, si l’on ne détermine pas à l’avance les conditions qui précèdent
généralement l'apparition de cette lésion. Ces conditions sont intimement
liées à l’évolution de l'individu, à sa nutrition ainsi qu'aux modifications
imprimées à l’état général par les états pathologiques acquis ou transmis.
Les propriétés physiques, la constitution chimique des dents, constituent
la résultante de ces influences diverses.
La dent a en elle-même des éléments de résistance aux causes de des-
truction, dont la valeur effective est subordonnée aux causes générales que
nous venons d’énoncer succinctement.
C’est ce que nous appellerons le coefficient de résistance.
Quand on examine des appareils dentaires affectés de carie, on voit que
la distribution de cette lésion, lorsqu'elle n’est pas généralisée, varie d’indi-
vidu à individu, et que dans des circonstances susceptibles d’être compa-
rées, ce ne sont point les mêmes dents qui sont frappées.
Que l’on prenne des enfants en voie d'évolution, ou des femmes en état
de gestation, des nourrices, elc., en un mot, des individus dont la nutrilion
subit, pour une cause quelconque, des variations plus ou moins accustes,
290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
on verra que les manifestations locales de ces troubles nutritifs varient
d'individu à individu.
En admettant pour un groupe d'individus placés dans les mêmes condi-
tions pathologiques une cause initiale, unique, la localisation des effets
sera variable eu égard à leur point d'application. l
Chez les uns, telle dent sera frappée, chez les autres, telle autre sera
atteinte.
Quelle conclusion tirer de ces faits, si ce n’est que dans un même appa-
reil dentaire, telle dent prise en particulier peut avoir un coefficient de
résistance inférieur à sa voisine ou à sa similaire.
Ce qui est vrai pour les dents constituant l’appareil dentaire d’un indi-
vidu déterminé, l'est également pour l’ensemble des appareils dentaires
envisagés chez des individus différents. De même que, dans une bouche
prise isolément, il y a des dents, qui en vertu de leur composition n’otfriront
point de résistance sérieuse à la carie, de même, si l’on détermine le coet-
ficient de résistance de différents individus, ceux-ci se distingueront en supt-
rieurs et en inférieurs.
Le coefficient de résistance est donc variable, si on l’envisage dans les
dents d’une même personne, el il diffère également d’individu à individu.
C’est le coefficient de résistance exprimé par les propriétés physiques et
la constitution chimique des dents-facteurs en relation intime avec l’état
actuel de l’individu et généralement susceptibles d’être modifiées par Pali-
mentation, l'hygiène et la thérapeutique, que je me suis proposé de déter-
miner.
Tout d’abord j'ai établi par analyses chimiques qu’il y avait un rapport
constant entre les propriétés physiques des dents et leur constitution chi-
mique. Ce point de départ étant acquis, je me suis mis en devoir de déter-
miner d'abord une propriété physique importante des dents, les résumant
toutes en quelque sorte, je veux parler de la densité.
La méthode employée est celle connue dans les traités de physique sous
le nom de méthode du flacon. Gette méthode est susceptible d’une grande
précision ; les résultats qu’elle nous a donnés ont du reste été vérifiés par
l'analyse chimique. Voiciles résultats fondamentaux auxquels nous sommes
arrivés :
La densité des dents croît depuis l'enfance jusqu'à l’âge adulte.
Chez l’adulte elle est susceptible d’éprouver des variations, suivant les
oscillations de la nutrition dans l’état de santé ou de maladie.
La densité de la dent paraît être plus considérable chez l’homme que
chez la femme. Toutefois le nombre des appareils dentaires examinés par
nous n'est pas suffisant pour que nous ne fassions pas une réserve à cet
égard. C’est ainsi que la densité la plus élevée que nous ayons rencontrée
jusqu'ici: 2,24, appartient précisément à une femme, mais c’est là un fait
exceptionnel.
Par contre la densité la plus faible que nous ayons trouvée chez
SÉANCE DU 3 MAI. 291
ladulte : 2,09, nous est également fournie par une femme morte en
couches.
Cette dernière observation viendrait à l’appui de l’opinion en vertu de
laquelle la carie accompagnerait généralement la grossesse, en raison de
l'insuffisance de l'alimentation minérale des femmes enceintes ou nour-
rices.
En vertu de l'ascension de la courbe des densités, depuis l’enfance jus-
qu’à l’âge mür, les dents de lait ont une densité inférieure à celle des
dents permanentes.
La détermination des densités vient à l'appui de l’opinion de M. Ranvier,
qui a professé dans son cours du Collège de France que les dents présen-
tant les espaces interglobulaires les plus nombreux et les plus considérables
étaient précisément les plus exposées à la carie ; ce sont également celles
qui ont une densité comparativement plus faible.
La physique vient ainsi confirmer les données de l’anatomie mierosco-
pique.
Si l’on examine comparativement les densités des dents du côté droit et
du côté gauche, on voit toujours que la densité est un peu plus considérable
d’un côté que de l’autre.
Cette différence nous a paru être moins marquée alors que le coefficient
de résistance était plus élevé.
La prédominance du côté droit sur le côté gauche nous paraît ressortir
de nos déterminations. Ge fait est conforme aux lois établies par À. Milne-
Edwards et de Luca sur la prédominance physique et chimique du système
osseux droit sur le gauche.
La dent est un organe complexe constitué par des tissus différents: sa
densité n’est donc que la moyenne des densités de ces différents tissus.
Toutefois, si l’on prend séparément la densité des couronnes et celle des
racines, on voit que la densité des couronnes obéit aux lois que nous
avons établies plus haut.
Examinons par exemple un appareil dentaire dont la densité moyenne
générale est égale à 2,1081.
Nous voyons que la densité des dents du côté droit est égale à 2,11 et
l'emporte sur la densité du côté gauche, dont la densité est seulement égale
à 2,09.
Si maintenant nous prenons la densité moyenne des couronnes, nous
voyons qu'elle est considérable, puisqu'elle est égale à 2,3077, tandis que la
densité moyenne des racines tombe à 4,97.
En poursuivant l’analyse, nous voyons que la moyenne des densités des
couronnes du côté droit est égale à 2,32, tandis que du côté gauche elle
atteint seulement 2,28.
La densité des racines dans cet exemple n’a pas varié.
La constance de ces faits a été retrouvée pour les dents de lait et même
pour les dents encore incluses dans le maxillaire.
299 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Il me reste maintenant à montrer : 1° que la composition chimique de la
dent suit les oscillations de la densité ;
2° Que la répartition de la carie obéit à ces deux facteurs : propriétés
physiques el constitution chimique ;
3 À rechercher si les dents se carient plus fréquemment à gauche qu'à
droite.
Cest ce que je ferai dans une prochaine communication (1).
MODE D'ACTION DU CURARE SUR LES CELLULES NERVEUSES DITES MOTRICES
OU GROSSES CELLULES, par M. le docteur Jupe.
Si, après avoir coupé le nerf sciatique d’une grenouille curarisée, vous
excitez son bout périphérique, il vous est de toute impossibilité de déter-
miner le plus léger mouvement dans la portion de la patte où se distribue.
ce nerf. Seulement, en irritant son bout central, vous produisez immédia-
tement des mouvements réflexes dans la patte du côté opposé.
Si, maintenant, vous laissez plongé, même pendant un certain laps de
temps, dans une solution de curare, le nerf sciatique d’une patte galva-
noscopique de grenouille, lorsque vous venez à exciter ce nerf, vous voyez
survenir, dans cette patte, des contractions.
L'explication généralement admise de tous ces phénomènes est la sui-
vante : Le curare agit de préférence sur les plaques motrices; celle que je
donne de ces phénomènes est tout autre.
Pour moi, le bout périphérique, comme le bout central d’un nerf de re-
lation quelconque, du nerf sciatique par exemple, comporte au moins trois
ordres de filets nerveux : des filets d'ordre moteur, d’autres d'ordre sensitif
et enfin ceux d'ordre réflexe.
L'action du curare sur la neurilité que transportent les filets moteurs est
indiscutable, puisque on a beau, chez un animal curarisé, irriter le bout
périphérique de ce nerf, on ne parvient jamais à déterminer le moindre
mouvement dans la patte où il se rend.
Par contre son action sur les filets sensitifs ou plutôt sur la neurilité sen-
sitive qui les parcourt est nulle ; l’expérience classique de Claude Bernard
sur une grenouille curarisée et préparée ad hoc le démontre péremptoire-:
ment.
Quant à la neurilité réflexe, elle n’est pas non plus atteinte par l’action
du curare, puisqu’en agissant sur le bout central du nerf sciatique d’une
(1) Laboratoire de la clinique d’accouchements.
SÉANCE DU 3 MAI. 293
grenouille préalablement curarisée on détermine des mouvements mani-
festes dans la patte du côté opposé.
En résumé, le curare n'aurait qu’une propriété, celle de détruire la neu-
rilité motrice; elle ne porterail atteinte en aucune façon aux deux autres :
la neurilité sensitive et réflexe.
Mais une difficulté se présente ici; puisque l’action réflexe n’est pas dé-
truite par le curare, comment se fait-il que l'irritation du bout périphé-
rique du nerf sciatique d’un animal curarisé ne donne pas lieu à des phé-
nomènes de contraction, ainsi que cela a lieu pour le nerf sciatique du côté
opposé ?
Quant à moi, je ne vois qu'un moyen d'expliquer ce phénomène, c’est
d'admettre qu’à l'instar de la neurilité sensitive, la neurilité réflexe
marche de la périphérie au centre, de sorte que sur les trois variétés prin-
cipales de neurilité, deux seraient centripètes : la neurihté sensitive et
réflexe; une seule serait centrifuge : la neurilité motrice.
Il me reste à expliquer pourquoi, en laissant plongé, même pendant un
certain temps, le nerf sciatique de la patte d’une grenouille dans une
solution de curare, on continue à obtenir des mouvements dans cette patte,
lorsqu'on vient à irriter ce nerf. D’après moi, le curare n’a pas d'action
sur les filets nerveux en tant que filets nerveux, il n'en a réellement que
sur l'appareil qui recèle cette neurilité, c’est-à-dire sur les centres nerveux
moteurs, constitués dans le cas présent par ce qu’on désigne communément
sous le nom de cellules motrices ou grosses cellules.
Si donc nous résumons en quelques mots l’ensemble de nos remarques
sur le mode d’action du eurare sur le système nerveux, nous arrivons en
définitive aux conclusions suivantes :
Le curarc est sans action sur la neurilité sensitive et réflexe ; il n’agit
pas non plus sur les plaques motrices, comme on le croit généralement,
mais bien sur les cellules motrices ou grosses cellules, dont il détruit la
neurilité.
DE L'ACTION DU GURARE, par M. DASTRE.
Je répondrai très brièvement à l'invitation qui m'est faite par l'auteur de
la Note précédente, d'exprimer une opinion sur le problème qu’il a voulu
résoudre.
D'abord, y a-t-il vraiment un problème à résoudre ? — Est-il nécessaire
de remettre encore une fois sur le tapis une question si profondément étu-
diée ? — Je me permets d’en douter.— Les faits principaux de l'empoison-
nement curarique sont connus : on les enseigne, à bon droit, dans les cours
classiques, et il est inutile d'essayer d’ébranler la confiance qu’ils méritent.
204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
— Ces tentatives vaines proviennent d’une confusion entre deux ordres de
phénomènes qui apparaissent dans le cours de cet empoisonnement. Il y a
en effet deux périodes : une période initiale ou de début, qui prête à des
doutes, à des incertitudes, comme d’ailleurs les périodes de début de tous
les empoisonnements ; et en second lieu une période confirmée, bien décrite
et que tout le monde doit bien connaître.
1. — La période d'empoisonnement confirmée est celle qui a donné lieu
aux belles découvertes de CI. Bernard et aux études intéressantes de Kül-
liker, Vulpian et de tant d’autres physiologistes. — Elle s'ouvre au moment
où le nerf moteur excité artificiellement, commence à perdre son action sur
le muscle, c’est-à-dire au moment de la paralysie expérimentale.
Deux faits la caractérisent. — C’est d’abord quand la perte d’action du
nerf coïncide avec la conservation de l’activité du muscle. Malgré ce qu’en a
dit Rosenthal, malgré les expériences sur le retard de la contraction, il faut
dire que le muscle est intact. — Les centres nerveux n’ont point perdu leur
excitabilité ; les nerfs sensitifs ont conservé la leur. — Les recherches de
von Bezold font penser que le nerf moteur lui-même n’a perdu n1 son exci-
tabilité ni sa conductibilité. Il n’y aurait donc d’abolie que l’action des
nerfs moteurs sur les museles : la continuité physiologique du nerf et du
muscle seulement serait entravée ou rompue. Les choses se passeraient
comme si un obstacle naissait entre le nerf moteur et la substance muscu-
laire. — Où réside cet obstacle ? est-ce à la plaque de Rouget, est-ce au ni-
veau des terminaisons ? Ce sont là des questions d'extrême détail qui ne
seront de longtemps éclaircies, mais qui importent peu.
Le second fait est relatif à k manière dont le nerf moteur arrive à perdre
son action sur le muscle. — CI. Bernard a vu que l'excitation perdait son
efficacité d’abord à la partie supérieure (c’est-à-dire médullaire du nerf) et
successivement vers la périphérie. De telle sorte que l'excitation, inefficace
loin du muscle, sera efficace près de celui-ci. — Voilà un fait très facile à
vérifier : j'ajoute que toutes les fois que nous faisons l’essai d’un eurare,
nous répétons, et toujours avec le même succès, cette expérience.
Ces faits peuvent suffire au physiologiste expérimentateur. Laïssent-ils
subsister quelque obseurité ? Oui. — Et voici laquelle : La difficulté est rela-
tive à la condition du nerf moteur. — Avec Bezold, Vulpian, Cl. Bernard
lui-même, nous avons admis que le nerf moteur avait conservé, dans son
trajet, ses propriétés : et voici qu’il semble qu'il perde son excitabilité à
partir de la moelle successivement jusqu’à la périphérie. C’est là un point
obseur : Le nerf moteur est-il ou n'est-il pas empoisonné ? Les expériences
de Fontana, de Külliker, de CI. Bernard, de Vulpian, ne résolvent pas la
question. Ces expériences montrent que le nerf n’est empoisonné ni par ses
attaches médullaires, ni sur son trajet, bien que la pénétration des sub-
stances étrangères et spécialement du curare soit possible par les étrangle-
ments annulaires. — Ces épreuves montrent donc seulement une alterna-
SÉANCE DU 93 MAI. 295
tive : ou bien le nerf n’est pas empoisonné, — et c’est cette hypothèse que
l’on admet généralement — ou bien, s’il est empoisonné, il l’a été par la
périphérie et le poison aurait agi sur lui en remontant.
Ces deux alternatives, d’ailleurs, sont sujettes l’une et l’autre à une ob-
jection. — Si le nerf n’est pas empoisonné, pourquoi paraît-il perdre son
excitabilité (du haut vers Le bas)? L’explication de Vulpian, que nous ne
rapportons pas ici, ne nous semble pas satisfaisante.
Dans l’autre alternative, si le nerf a été empoisonné par le bas, pourquoi
perd-il son excitabilité par le haut ?
Voilà une réelle difficulté. Nous ne voyons pas de moyen de la résoudre
actuellement.
Ces difficultés permettent-elles de dire que l’on ne connaît point l’action
du curare sur l’organisme et nous obligent-elles à rejeter cette question dans
le domaine litigieux ?— Nous ne le croyons pas.— Autant vaudrait dire que
l’on ne sait rien en physiologie, parce que l’on ne peut rien savoir à fond.
IL. — La période initiale de l'empoisonnement curarique est mal connue
et nous ne croyons pas qu’elle puisse faire l’objet d’un enseignement clas-
sique. Cependant nous croyons que beaucoup des difficultés auxquelles elle
a donné lieu s’expliqueraient en admettant cette loi générale d’après
laquelle la perte des propriétés physiologiques est précédée d’un effet
inverse d’exagération de ces mêmes propriétés. Quoi qu'il en soit, cette
période est caractérisée par la perte des mouvements volontaires et ré-
flexes et la conservation de la sensibilité.
Or, à ce moment précis, l'excitation directe du nerf moteur est plus effi-
cace (P. Bert, Cl. Bernard) qu’à l’état normal. Les choses se passent
comme si (remarquons bien cette formule qu'il ne faut pas transformer en
une réalité) l'excitation du nerf moteur était augmentée. De même encore
les centres nerveux médullaires conservent leur action, car l'excitation di-
recte de la moelle et des racines provoque des mouvements intenses. —
Pourquoi l’excitation directe est-elle efficace et les excitations physiolo-
giques fonctionnelles, inefficaces ? Voilà une réelle difficulté relative à cette
période.
Ces notions répondent en partie à la Note de M. Judée. J’ajouterai, pour
mon compte, que je crois que le curare empoisonne réellement le nerf
moteur, mais que cet empoisonnement n’est possible que par la périphérie.
Cette opinion, qui est contraire à l’opinion régnante, est la seule qui, sans
faire disparaître toute difficulté, n'implique, à mon sens, aucune contradic-
tion.
296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
TOPOGRAPHIE GÉNÉRALE DES APPAREILS NERVEUX OCULO-PUPILLAIRE ET
ACCÉLÉRATEUR DU CŒUR. — APPLICATION SOMMAIRE DES DONNÉES PHY-
SIOLOGIQUES A LA THÉORIE DU GOITRE EXOPHTHALMIQUE, par M. FrAN-
cois-FRANCK.
«L'ensemble des travaux exécutés depuis les premières recherches de
Budge et Waller, de CI. Bernard et Brown-Séquard, etc., sur l’action des
filets du sympathique se rendant aux muscles lisses de l'appareil oculaire
(iris — muscle ciliaire — muscle orbitaire de Müller — fibres lisses des
paupières), permet de concevoir la topographie de ce système d’une façon
assez complète. Il en est de même pour d’autres départements nerveux
dépendant du sympathique et notamment de l’appareil d’innervation accé-
lératrice du cœur. Ce dernier, déterminé, du moins dans sa portion mé-
dullaire, depuis les travaux de von Bezold, de Ludwig de Cyon, des frères
Cyon, etc., présente une remarquable analogie avec le précédent : le
parallèle des deux systèmes offre quelque intérêt au point de vue de l’ana-
tomie physiologique et des applications cliniques.
C’est sur cette comparaison que je désire attirer l’attention de la Société,
en lui soumettant les résultats des expériences de contrôle que j’ai eu loc-
casion de reprendre récemment sur ces sujets dont je l'ai déjà entretenue
en 1878 et qui ont fait l’objet de différents mémoires publiés dans les
Comptes rendus du laboratoire de M. Marey (1877-1878-1879).
1° Appareil irido-dilatateur médullaire. — La région de la moelle qui
donne naissance aux nerfs oculo-pupillaires doit être considérée comme
beaucoup plus étendue que ne l’ont indiqué les physiologistes qui ont les
premiers déterminé le «centre cilio-spinal ». En effet, de la cinquième
paire cervicale à la cinquième paire dorsale, on trouve des rameaux com-
muniquants qui renferment en proportion variable des filets destinés à
l'appareil oculaire ; c’est dire que la région cilio-spinale comprendrait toute
la portion de moelle comprise entre deux plans parallèles passant, le su-
périeur au niveau de la cinquième cervicale, l’inférieur à la hauteur de la
cinquième dorsale. Or tous les filets émanant de cette grande région con-
vergent vers le premier ganglion thoracique en prenant des directions dif-
férentes suivant le niveau considéré: le groupe supérieur ou descendant est
formé par les filets du nerf vertébral qui unit les cinquième, sixième, sep-
tième et huitième cervicales au premier ganglion thoracique ; le groupe
moyen ou transversal comprend les rameaux communiquants des première
et deuxième dorsales, les plus riches en nerfs irido-dilatateurs ; le groupe
inférieur ou ascendant est constitué par les rameaux des troisième, qua-
irième, cinquième paires dorsales, lesquels n’abordent pas directement le
SÉANCE DU 3 MAI. * 297
ganglion premier thoracique, mais s’engagent auparavant dans le cordon
limité du sympathique en traversant les deuxième, troisième et quatrième
ganglions de la chaîne dorsale.
Ces trois groupes se réunissent dans le premier ganglion thoracique qui
constitue un véritable centre de convergence etremplit, comme je l’ai in-
diqué en 1878, le rôle de centre tonique pour les nerfs oculo-pupillaires
qui le traversent, comparable en cela au ganglion cervical supérieur auquel
Liégeois, M. Vulpian et plus récemment M. Tuwim ont reconnu une in-
fluence propre sur les nerfs irido-moteurs.
Du ganglion premier thoracique, les filets irido-dilatateurs gagnent le
cordon cervical en se groupant surtout dans la branche antérieure de
Panneau de Vieussens el traversent ensuite le ganglion cervical inférieur,
qui ne parait pas remplir vis-à-vis d'eux le même rôle de centre tonique
que le ganglion premier thoracique.
Dans le cordon cervical on ne rencontre que d’une façon tout à fait excep-
tionnelle la dissociation anatomiquement appréciable des nerfs irido-dila-
tateurs et des nerfs vaso-moteurs, telle que l’a autrefois indiquée M. Schiff;
d'autre part aucune expérience n'autorise à accepter comme réelle la dis-
position superficielle des nerfs iriens dans ce cordon, comme l’ont admise
Eulenbure et Guttmann.
Au delà du ganglion cervical supérieur (qui ne me paraît recevoir aucun
filet irido-dilatateur additionnel de la partie supérieure de la moelle cer-
vicale), les nerfs oculo-pupillaires prennent une direction nouvelle. Ils se
dissocient visiblement des vaso-moteurs carotidiens et suivent, comme J'ai
cherché à létablir en 1878, un trajet indépendant : ils gagnent le ganglion
de Gasser par l’anastomose importante qui unit ce ganglion au premier
ganglion cervical. |
Dans le trijumeau, ils s'associent aux filets de même nature que fournit
le bulbe rachidien et tous ensemble vont gagner les nerfs ciliaires au ni-
veau desquels on les retrouve plus ou moins complètement différenciés des
nerfs irido-constricteurs fournis par le moteur oculaire commun.
Si on laisse de côté. la portion véritablement périphérique de cet appa-
reil, celle qui s’est détachée de la chaîne ganglionnaire et qu’on ne consi-
dère que la portion médullaire, on peut remarquer sans difficulté la grande
analogie de disposition qui existe entre l'appareil 1rido-dilatateur et l’ap-
pareil accélérateur du cœur.
2° Appareil cardiaque accélérateur. — Ce dernier émane aussi du
tronçon de moelle compris entre la cinquième paire cervicale et la cin-
quième paire dorsale ; les rameaux qui le constituent vont gagner le même
centre de convergence, le ganglion premier thoracique, en suivant les
mémes rameaux communiquants ; c’est seulement à partir de ce ganglion
que s'effectue la dissociation anatomique, les nerfs accélérateurs du cœur
se détachant soit à ce niveau, soit au niveau de l’anneau de Vieussens, soit
298 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
surtout au niveau du ganglion cervical inférieur pour se rendre aux plexus
cardiaques, tandis que les nerfs oculo-pupillaires suivent une marche
ascendante.
Si l’on ajoute que les vaso-moteurs céphaliques, ceux des membres supé-
rieurs, ceux du poumon, ont également leur point de départ dans le même
tronçon de moelle et prennent aussi les mêmes voies pour gagner le centre
de convergence thoracique supérieur, on saisira sans peine la multiplicité
des réactions auxquelles devra donner lieu une lésion irritalive, expéri-
mentale ou accidentelle, intéressant soit la moelle cervico-dorsale, soit la
chaîne ganglionnaire dans la région du premier ganglion thoracique ; une
irritation même circonscrite pourra donner lieu à des troubles oculo-pupil-
laires, cardiaques, pulmonaires, vasculaires, céphaliques, etc.
3° Rapprochement des réactions obtenues expérimentalement et des
symptômes du goitre exophthalmique. — On trouve réalisé en clinique le
type le plus complet des troubles fonctionnels que pourrait provoquer théo-
riquement l’altération dont il s’agit : dans le goitre exophthalmique com-
plet les accidents oculo-pupillaires, cardiaques et vaso-moteurs présentent
l'association des effets que nous pouvons produire isolément en excitant le
sympathique cervical (troubles oculo-pupillaires), en excitant les nerfs car-
diaques accélérateurs (palpitations actives), les vaso-moteurs pulmonaires
(troubles dyspnéiques), les vaso-moteurs céphaliques (troubles circulatoires
de la face, congeslion active, expansions artérielles thyroïdiennes), etc. Ces
différents accidents sont groupés et coexistent dans l'affection bien carac-
térisée par la triade symptomatique classique. À
Nous pouvons reproduire d’une façon très frappante l’ensemble des acci-
dents du goitre exophthalmique en portant uñe irritation soit sur le centre
de convergence des différents appareils nerveux intéressés (sur le ganglion
premier thoracique), soit sur la région cervico-dorsale de la moelle ; de là,
cette induction que dans la maladie en question le point de départ peut être
localisé soit dans la région ganglionnaire indiquée, soit dans la portion de
moelle qui correspond à l’origine des nerfs oculo-pupillaires, cardiaques
accélérateurs, vaso-moteurs céphaliques, etc.
Mais quand on considère qu’en outre des troubles qui caractérisent à
première vue le goitre exophthalmique et qu’on pourrait localiser dans la
portion extramédullaire du sympathique, il en est d’autres de provenance
évidemment médullaire (tel que le tremblement, récemment étudié par
Marie), on est conduit à abandonner la localisation sympathique pour
accepter, comme beaucoup plus conforme aux faits, la localisation mé-
dullaire.
Je ne voudrais pas entrer ici, à propos d’une question de topographie du
sympathique, dans des considérations plus étendues, sur un point très
étudié de physiologie pathologique ; il m’a semblé intéressant de rappro-
cher des faits établis par la physiologie, les symptômes d’une affection ner-
SÉANCE DU 3 MAI. 299
veuse qui reproduit d’une manière si remarquable, à l’état permanent, les
modifications que nous pouvons provoquer, à l’état transitoire, par les
irritations de la région cervico-dorsale de la moelle. Je renvoie pour la
discussion détaillée de la localisation sympathique du goitre exophthal-
mique aux leçons de M. Vulpian sur les vaso-moteurs (TI, p. 647 et suiv.),
ainsi qu'à l’ouvrage de M. Grasset sur les maladies du système nerveux
(IL, p. 210).
BOURLOTON. — Imprimerics réunies, À, rue Mignon, 2, Paris,
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SÉANCE DU 10 MAI (884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
EXxISTENCE DE L'EXCITABILITÉ MOTRICE ET DE L'EXCITABILITÉ INHIBITOIRE
DANS LES RÉGIONS OCCIPITALES ET SPHÉNOÏDALES DE L'ÉCORCE CÉRÉ-
BRALE, par M. BRowN-SÉQuARD.
On sait que, depuis la découverte de Fritsch et Hitzig, la surface céré-
brale a été considérée comme composée de deux parties distinctes : une
zone motrice et une autre bien plus considérable, non motrice. Ces diffé-
rences ont fourni à la doctrine des localisations cérébrales, qui a cours
maintenant, son premier fondement.
De nombreux faits, que J'ai trouvés en 1875 et depuis lors, m'ont gra-
duellement conduit à cette opinion, en apparence paradoxale, que, si la zone
occipito-sphénoïdale du cervean ne semble pas motrice, c’est qu’elle est
plus excitable que la zone dite motrice. L’exposé de quelques-uns de ces
faits montrera l’exactitude de cette assertion.
On sait que nombre de parties du système nerveux sont capables, sous
l'influence d’une excitation, de produire soit un mouvement, soit une inhibi-
tion. M. Ch. Rouget a montré que la production de l’une ou de l’autre de
ces deux espèces d'effets dépend de la puissance d’excitabilité ou du de-
gré de l'excitation de la partie qui leur donne origine. Il en est ainsi de
certaines branches du nerf vague, dont l'excitation faible augmente les mou-
vements respiratoires et dont l'excitation forte inhibe ces mouvements. Il
n’en est pas tout à fait ainsi pour les parties dites non motrices de l'écorce
cérébrale, dont l’excitabilité est si grande, qu’elle produit l’inhibition bien
plus souvent que des mouvements.
Ces parties ressemblent en cela au tronc du nerf vague, qui, chez les ani-
maux vigoureux, inhibe souvent le cœur même pour une excitation peu
forte et quelquefois, sous une excitation faible, ne produit aucune augmen-
tation des mouvements de cet organe. Quoi qu’il en soit à cet égard, je vais
faire voir que la zone corticale non motrice peut produire de linhibition ou
des mouvements, suivant les circonstances de l’expérience.
4° Chez les lapins il est très fréquent de trouver que la partie de l’écorce
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 19. 24
302 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
formant une bande étroite le long de la scissure longitudinale, en arrière
de la zone dite motrice, et s'étendant jusqu’au voisinage du cervelet, pro-
duit des mouvements des deux membres du côté opposé, ou de l’un d’eux,
lorsqu'on la galvanise.
2 Chez le chien, ainsi que chez le lapin, j'ai vu assez souvent, depuis dix
ans, que, si des sections superficielles sont faites en différents sens sur la
zone corticale non motrice, les dernières de ces sections produisent des
mouvements dans les membres du côté opposé.
3° Chez des chiens et des lapins, pour diminuer l’excitabilité de la zone
non motrice et de la base de l’encéphale (peut-être aussi de la moelle épi-
nière), j'ai excité énergiquement l'écorce cérébrale, à l’aide de deux appa-
reils Dubois-Reymond, les excitateurs de l’un d’eux étant appliqués au
maximum d'intensité sur la partie occipitale de l'écorce cérébrale, ceux de
l’autre, à un moindre degré de puissance, étant appliqués sur la zone mo-
trice. Deux effets importants ont été observés un grand nombre de fois : le
premier est que, pendant le passage des courants, qui a élé continué envi-
ron vingt secondes, il y a eu dans le tronc et les quatre membres des mou-
vements plus énergiques que ceux que je produisais lorsque les courants
des deux piles étaient appliqués sur la zone motrice seulement; le second
est qu'après le passage des courants dans les deux parties, la zone dite
non motrice est devenue motrice. En la galvanisant faiblement (à 12 ou
13 centimètres, avec un appareil Dubois-Reymond animé par une pile peu
forte), j'ai vu et revu, à chaque excitation, des mouvements tout à fait sem-
blables à ceux qui suivent l’application d’un courant de même intensité sur
la zone motrice. Cette partie (circonvolutions occipitales et sphénoïdales,
surtout les premières) devient donc tout aussi motrice que la partie de
l'écorce, que l’on considère comme le siège des centres moteurs des
membres. J’ajoute que la face, le cou, la queue se meuvent aussi dans
ces circonstances par une excitation galvanique peu forte de l'écorce céré-
brale occipitale. Ces expériences réussissent plus souvent chez le chien
que chez le lapin.
4° Jai déjà montré que la cautérisation d’un côté de la surface du cerveau,
à l’aide d’un fer chauffé au rouge, sinon davantage, peut produire de la
contracture, soit de l’un ou des deux membres du côté correspondant, soit
de ceux du côté opposé, soit des quatre membres (1). La zone dite non
motrice produit cet effet presque aussi souvent que la partie dite motrice.
J'ai constaté aussi (en 1875) l’apparition de l’épilepsie avec zone épi-
leptogène croisée à la suite de cautérisations des circonvolutions oecipi-
tales. Tout récemment, Unverricht (2) a montré que la galvanisation de
ces circonvolutions peut causer des convulsions.
(1) Voy. Comptes Rendus de la Société de biologie pour 1875, p. 360 et 376, et
Archives de physiologie normale et pathologique, 1875, p. 855.
(2) Centralblatt für Nervenheilkunde, ete., Leipzig, 1883, p. 419.
SÉANCE DU 10 Mai. 303
9° Si je galvanise énergiquement la surface non motrice, et qu’ensuite
j'examine ce qu'est devenue la puissance motrice dans la partie que l’on dit
contenir les centres moteurs, Je trouve très souvent, surtout chez le chien,
que cette partie a perdu complètement cette puissance. Dans d’autres cas,
elle n’est que diminuée. Les circonvolutions excitées par le galvanisme
dans cette expérience, ont donc réagi pour produire, non un mouvement,
mais de l’inhibition. Où cette inhibition a-t-elle lieu? Est-ce dans la zone
corticale, dans les fibres nerveuses qui l’unissent à la base de l’encéphale,
dans cette base elle-même, dans la moelle épinière, dans les nerfs ou dans
les muscles ? Je ne puis, dans le moment, rien dire de plus à ce sujet que
ceci : j'ai constaté, dans cette expérience, la perte d’excitabilité de la sub-
stance corticale et celle de la base de l’encéphale du même côté. — Au bout
d’un temps assez court ( 2, 4, 10 minutes), l’excitabilité revient à la zone
motrice. À plusieurs reprises (5 ou 6 fois) chez le même animal, j'ai pu
ainsi faire disparaître l'excitabilité de la partie motrice et la voir repa-
raitre.
6° Déjà en 1875 (Comptes Rendus de la Société de biologie pour 1875,
p. 146 et 560), j'ai signalé ce fait, que la cautérisation de la parlie occipi-
tale de l'écorce cérébrale détermine des paralysies à siège variable.
T Enfin, en 1874 et 1875 (Arch. de Physiologie, 1875, p. 855 et suiv.), j'ai
trouvé que la cautérisation de la surface cérébrale, soit dans sa partie anté-
rieure ou moyenne, soit dans sa partie postérieure, produit très souvent une
paralysie du nerf grand sympathique cervical.
Ces faits et nombre d’autres montrent clairement que la zone considérée
comme non motrice à la surface du cerveau, loin d’être inexcitable, est, au
contraire, plus excitable que la zone dite motrice. Comme cette dernière,
elle peut, dans certaines circonstances, produire des mouvements dans les
membres du côté opposé, mais ellé peut faire 'plus, c’est-à-dire produire de
linhibition.
NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ANESTHÉSIE RECTALE, par R. DuBois.
On a repris dans ces derniers temps l’étude de la question, déjà soulevée
autrefois, de l’anesthésie rectale.
L'agent anesthésique employé jusqu'à présent est l’éther. Ce liquide,
bouillant à une température de 35 degrés environ; peut être injecté dans la
partie terminale du tube intestinal sous forme de vapeurs. Administrées de
cette façon, ces vapeurs peuvent déterminer une anesthésie, malheureuse-
ment incomplète chez l’homme et tout à fait insuffisante chez le chien, l’éli-
mination par le poumon étant probablement aussi rapide que l’absorption
par l'intestin.
304 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE,
En raison de cette activité insuffisante des vapeurs d’éther, il eùt été très
avantageux de pouvoir les remplacer par les vapeurs d’un liquide plus éner-
gique, le chloroforme par exemple.
Mais on sait que ce liquide bout à une température voisine de 60 degrés
et que des vapeurs engendrées dans de semblables conditions peuvent déter-
miner à l’intérieur de l’abdomen des accidents d’une gravité considérable.
En outre, ces vapeurs formées à une température de 60 degrés seraient
rapidement condensées dans l’intestin, dont la température ne dépasse pas
38 à 39 degrés. Or on connaît l’action énergique que le chloroforme exerce
sur les tissus en général et principalement sur ceux qui, comme la mu-
queuse rectale, sont beaucoup plus riches en eau que lépiderme par exemple.
Il ne fallait donc pas songer à introduire le chloroforme à l’état de va-
peur au moyen de l’ébullition. IT restait à savoir si l'air saturé de vapeurs
de chloroforme à une température égale ou inférieure à celle du corps
pourrait être absorbé par le rectum, comme par le poumon. C’est dans ce
but que nous avons, sur l'invitation de M. le professeur Bert, entrepris une
série d'expériences dont voici le résumé :
Un courant d’air était chassé, au moyen de la boule de caoutchouc d’un
pulvérisateur, dans un flacon contenant le chloroforme ; l'air saturé de chlo=
roforme dans ce flacon était conduit profondément dans le rectum au moyen
d’une sonde à double courant, affectant une disposition spéciale. On pou-
vait, en fermant ou en diminuant l’orifice extérieur de la sonde, modérer
ou même empêcher la sortie de l’air chloroformé.
Grèce à cet appareil, on a pu faire passer dans la partie terminale du
tube digestif une quantité considérable d’air saturé sans qu’il ait été pos-
sible, à aucun moment, de saisir les indices de son exerétion par les voies
respiratoires, aucune modification de la sensibilité n’a été observée. Dans
un cas, cependant, la quantité d'air injecté fut assez considérable pour
déterminer un tympanisme très prononcé, dont l’apparition fut bientôt suivie
d’un vomissement brusque de matières alimentaires accompagnées d’air
chloroformé.
Dans ces expériences l’air était saturé à la température ordinaire.
Dans les expériences qui suivirent celle-ci, on se servit d’air saturé à la
température de 35 degrés : Le résultat fut le même, c’est à peine si l’on put
observer dans un cas quelques signes d'ivresse. Mais, dans tous les cas,
malgré les précautions prises pour introduire, sans efforts, la sonde rectale,
on à vu se produire un ténesme violent et persistant, et pendant l'injection
de l'air chloroformé les animaux poussaient des gémissements.
On est donc amené à penser, d’après ces expériences, que l’anesthésie
rectale, par les vapeurs de chloroforme, est impossible, celle qui est pro-
duite par les vapeurs d’éther restant d’ailleurs insuffisante.
Elles montrent, en outre, que l'absorption de l'air chloroformé par l’in-
testin est presque nulle.
Ce résultat ne doit pas surprendre, car le tube digestif doit plutôt être
SÉANCE DU 10 Mat. 305
considéré comme un appareil d'excrétion du chloroforme. Les malades qui
ont subi l’anesthésie chloroformique, par inhalation pulmonaire, vomissent
souvent, plusieurs heures après, des mucosités incolores ayant le goût
sucré et l'odeur caractéristique du chloroforme. Une des malades du ser-
vice de M. le docteur Péan nous disait, il y a quelques jours, qu'elle avait
vomi «son chloroforme » trois heures après l’opération.
On sait cependant que le chloroforme, à l’état liquide, est absorbé par
les voies digestives; aussi avons-nous également cherché à utiliser cette
circonstance. Dans le but de diminuer la rapidité et de rendre plus grande la
régularité de l'absorption et surtout pour éviter une action topique trop
énergique, nous avons injecté dans le rectum un mélange d'huile et de
chloroforme. Or nous n'avons pu obtenir, même avec un mélange conte-
nant un quart de son poids de chioroforme, autre chose qu'une ivresse
prolongée. Ici encore l'absorption semblait être à peu près égale à l’élimi-
nation.
Les voies respiratoires restent donc le lieu d'élection pour l'introduction
des vapeurs anesthésiques dans l’économie, les progrès réalisés par lPappli-
cation de la méthode des mélanges titrés de M. Paul Bert ayant d’ailleurs
fait disparaitre presque complètement les inconvénients que présente l’in-
halation pulmonaire de mélanges variables, de composition indéterminée.
I. SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE OU LES EFFETS DE LA CONTRACTION DES
MUSCLES INTERCOSTAUX INTERNES ET EXTERNES SUR LES MOUVEMENTS DES
CÔTES ET DU THORAX, DANS LES DEUX ACTES FONCTIONNELS DE L’INSPI-
RATION ET DE L'EXPIRATION ;
IT. DE LA PERSISTANCE ET DE LA DURÉE DE L'ÉLASTICITÉ DU TISSU PULMO-
MONAIRE APRÈS LA MORT.
(D’après les recherches faites sur le corps du dernier supplicié, dit Campi),
par M. J.-V. Laporpe.
I. Dans les recherches auxquelles j'ai eu l’occasion de me livrer sur les
restes du dernier supplicié, Passassin anonyme Campi, je me suis appliqué
à suivre rigoureusement un programme fixé et tracé d'avance, afin d'éviter,
autant que possible, la moindre perte d’un temps précieux. Ce programme
contenait surtout, on le présume, un certain nombre de questions de
physiologie encore en discussion et qui attendent une solution définitive :
telle est la fameuse question du rôle des muscles intercostaux internes et
externes dans les actes mécaniques de la respiration; fameuse par les dis-
cussions interminables et toujours renaissantes auxquelles elle a donné
ieu, depuis la grande querelle de Haller et de Hamberger, qui avait par-
306 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tagé en deux camps adverses les physiologistes de cette époque, comme elle
partage encore aujourd’hui ceux de la nôtre, savoir d’un côté avec Haller :
MM. Helmholtz, Budge, Merkel, Schomaker, Duchenne, etc.; de l’autre
avec Hamberger : MM. Hutchinson, Donders, Sibson, Ludwig, Béclard, ete.
Je n’avais garde de laisser échapper l’occasion que je guettais depuis long-
temps, et qui s’offrait ici particulièrement favorable, de reprendre l’étude
de cette question; car les muscles étaient très développés, et grâce au peu
de temps exceptionnellement écoulé entre le moment de la décapitation et
l’arrivée du cadavre au laboratoire (une heure et quelques minutes
environ) (1), la contractilité musculaire était dans un état de conservation
et de puissance qui s’écartait peu de l’état normal.
Afin de nous placer dans les meilleures conditions possibles d’observa-
tion, nous avons sectionné les côtes du côté de leurs attaches antérieures,
et enlevé le plastron sternal, de façon à les rendre très mobiles et à rendre
en conséquence très appréciable leur locomotion. Puis, après avoir mis à nu
par une rapide et d’ailleurs très facile dissection, les cinq ou six premiers
espaces, avec leurs muscles intercostaux internes et externes, ayant immé-
diatement et exactement sous nos yeux les attaches de ces muscles, nous
les avons fait se contracter respectivement et individuellement, à l’aide d’un
courant interrompu d'intensité moyenne, lequel suffisait à produire de
magnifiques résultats :
1° Du côté du muscle intercostal interne (extrémité antérieure ou ster-
nale de la côte) chaque excitation électrique et chaque contraction muscu-
laire consécutive à cette excitation amenait invariablement l’abaissement
de la côte supérieure vers l’inférieure.
Si l’on étendait le courant excitateur à plusieurs espaces intercostaux à
la fois, toujours dans la sphère des muscles intercostaux internes, on voyait
tout aussitôt se produire wn abaissement en masse des côtes et du thorax ;
2 Du côté du muscle intercostal externe (région costo-vertébrale moyenne
et postérieure), la même excitation amenait constamment avec la contraction
musculaire qui suivait, l’élévation de la côte inférieure vers la supérieure,
celle-ci étant légèrement tenue immobile du bout des doigts.
Et lorsque fixant dans l’immobilité la première côte, comme elle l’est en
l’état physiologique, par le muscle scalène en particulier dans les actes fonc-
tionnels dont il s’agit, on faisait passer le courant bien isolé dans plusieurs
espaces à la fois, au niveau des intercostaux externes, on voyait se faire une
élévation synergique en masse des côtes et du thorax.
Pour nous mettre à l'abri de toute cause de confusion et d'erreur dans
(1) Le cadavre a été, selon l’usage encore en vigueur, transporté au Champ de
navets, mais nous avons soigneusement pris les précautions nécessaires pour
qu’il fût perdu le moins de temps possible dans la réalisation de cette formalité
stupide.
SÉANCE DU 10 Mar. 307
cette appréciation de l’action réelle des intercostaux externes, nous avons
porté les excilations en dedans de la poitrine, tout à fait à l'extrémité pos-
térieure des espaces intercostaux, au voisinage de la colonne rachidienne,
et par conséquent au véritable siège des. muscles intercostaux externes,
où il n’y a plus possibilité de mélange de leurs fibres avec celles des inter-
costaux internes (ceux-ci n’allant pas, on le sait, jusqu’au rachis). Or, dans
ce cas, comme dans le précédent, l'élévation des côtes, soit individuellement,
soit en totalité, a été le résultat constant des contractions musculaires pro-
voquées.
Ces résultats ont été reproduits un grand nombre de fois, toujours les
mêmes, sans la moindre variation; ils ont été constatés par tous les assis-
tants, nommément par le docteur Gley, un de nos préparateurs; ils ont
pu être vérifiés par M. le professeur J. Béclard, même deux heures après le
début des expériences, la contractilité des muscles de la vie de relation se
maintenant encore à ce moment à un taux très sensible. En sorte que nous
nous croyons autorisé à considérer et à présenter comme définitivement
résolue cette question hier encore indécise et tant débattue. Cette solution
est conforme à celle de Hamberger, et donne raison à ce-physiologiste, qui
admettait — en le démontrant surtout par un schéma géométrique devenu
classique — que les intercostaux internes sont abaisseurs des côtes, par
conséquent expirateurs: les intercostaux externes, élévateurs des côtes,
c'est-à-dire inspirateurs.
Qu'il me soit permis d’ajouter, à ce propos et en passant, que depuis plus
de quatre années déjà, j'avais fait devant mes élèves la démonstration expé-
rimentale de l’action des intercostaux internes, grâce à un dispositif facile
à réaliser, et qui ne me paraît pas laisser de doute sur le résultat objective-
ment constatable.
À un lapin préalablement chloralisé ou chloroformé on extirpe la totalité
des lobes cérébraux, de façon à lui enlever toute possibilité de fonction
volontaire : l’animal est réduit, de la sorte, à une.machine purement respi-
ratoire, et la respiration s’accomplit alors dans les meilleures conditions de
tranquillité passive, à l’abri de toute influence excitatrice venant de l'animal.
On dénude avec soin deux ou trois espaces intercostaux supérieurs en
dehors autant que possible de la sphère diaphragmatique, et de façon à avoir
bien sous l’æœil les muscles intercostaux internes.
En l’état de respiration calme et tranquille, où se trouve l'animal,
comme dans un sommeil profond, c’est à peine si l’on voit les côtes (surtout
les côtes supérieures) se mouvoir, et les espaces intercostaux varier. Mais
il suffit de le placer dans les conditions de l’effort respiratoire, en faisant
une petite plaie de poitrine du côté opposé à la dénudation des espaces,
pour voir aussitôt les côtes se mettre en mouvement, les muscles que l’on a
sous les yeux se contracter violemment, et dans chacune de ces contractions,
les côtes s’abaisser individuellement ou en totalité, selon que l’on observe
308 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
un seul ou plusieurs espaces à la fois; si bien que l’action des intercostaux
internes paraît bien, dans ces conditions expérimentales, coïncider avec Pa-
baissement des côtes, par conséquent avec l'expiration.
Le phénomène peut être rendu plus sensible encore et plus évident lors-
qu'à la plaie de poitrine on adjoint la compression simultanée de la.
trachée, de manière à amener une asphyxie passagère, et par là de grands
efforts respiratoires qui portent à leur sammum les mouvements des côtes
et des espaces intercostaux.
Ce dispositif permet, je le répète, une nette constatation de l’action des
intercostaux internes, mais non pas de celle des intercostaux externes, à
cause de la complexité des actions musculaires synergiques qui sont en jeu,
et de la difficulté d'observer individuellement, en dehors et en arrière du
thorax, la contraction de ces muscles sur l’animal vivant.
Cest pourquoi l’observation réalisée sur le corps du supplicié en ques-
io dans les conditions particulièrement favorables qui viennent d’être
signalées, apporte, surtout en ce qui concerne les intercostaux externes,
un complément précieux et définitif de démonstration.
IT. Le tissu pulmonaire jouit d’une propriété remarquable d’élasticité,
qui lui permet de se rétracter avec une grande puissance relative, pour
chasser à chaque expiration l'air introduit par l'inspiration, et qui a subi
l'acte des échanges respiratoires. Cette propriété fonctionnelle constitue,
comme on sait, l’agent essentiel de lexpiration. On s’en est beaucoup
occupé, principalement au point de vue de la mensuration manométrique,
depuis Carson, qui à fourni les premiers chiffres à ce sujet, jusqu’à Donders
et notre collègue M. d’Arsonval, qui a fait de cette question de physiologie
l’objet de son excellente thèse inaugurale.
Mais on n’a pas étudié jusqu’à présent, à notre connaissance du moins,
cette propriété du tissu sous Le rappert de sa persistance et de la durée de
la survie après sa mort.
Or, depuis cinq années déjà, dans des recherches encore inédites, faites
sur des poumons d'animaux, de chiens en particulier, arrachés de la poi-
trine immédiatement après la mort, nous avions constaté que cette durée
était d’une ténacité et d’une longueur exceptionnelles; et cela dans des con-
ditions d'observation très favorables, grâce au dispositif suivant :
Nous placions le poumon dans l’ingénieux appareïl de Woillez, dit le
Spirophore, lequel étant muni d’un soufflet à la partie inférieure permet
une imitation aussi exacte que possible des actes mécaniques de la respira-
tion; et nous pouvions ainsi et à volonté, interroger l’état de l’élasticité
après une inspiration plus ou moins forcée, mais s’accomplissant comme
dans l’état physiologique, sous l'influence de la diminution de pression dans
l'enceinte où étaient placés les organes. Or, dans ces conditions, les pou-
mons de chien nous donnaient les résultats suivants :
SÉANCE DU 10 Mai. 309
Le huitième jour, la propriété de rétractilité était encore énergique; le
neuvième, le dixième et le onzième, elle se manifestait encore avec une
diminution sensible et progressive. Le douzième, c'est à peine si on en
constatait des traces, et le freizième jour elle paraissait totalement perdue.
Quand je dis qu’il en restait des traces, c’est que dans le dispositif dont il
s’agit, il a été facile d’adjoindre à l'observation objective le procédé des
oraphiques, de façon à enregistrer tous les jours le phénomène, et ses varia-
tions progressivement décroissantes.
Frappé de cette survie exceptionnelle, qui n'appartient certainement, à
un pareil degré, à aucune autre propriété de tissu organique, j'attendais la
première occasion qui s’offrirait, de vérifier le fait sur le poumon de
homme; cette occasion, je viens de l’avoir dans de très favorables condi-
tions, et je me suis empressé de la saisir. Les poumons de Campi étaient,
il est vrai, dans un réel état pathologique, caractérisé par un emphysème
généralisé, et un état congestif des régions postérieures et des bases; mais
l’ampliation inspiratoire se faisait encore dans une assez grande étendue,
pour qu’il füt possible d'apprécier la propriété de rétractilité.
Or cette propriété était encore puissante, ainsi qu'il a été facile de s’en
assurer par des graphiques, avec le dispositif de l'appareil de Woillez;
graphiques qui donnaient à peu près l’amplitude normale. Je me suis dès
lors appliqué à interroger journellement les modifications de la rétractilité
de ces poumons, et j'ai pu constater que tout en présentant une diminution
sensible et progressive, surtout à partir du quatrième jour, elle existait
encore manifestement le septième et le huitième; mais elle nous a semblé
avoir complètement disparu le neuvième jour.
Je m'en tiens aujourd’hui à ces deux résultats, relatifs l’un à l’action des
intercostaux internes et externes, l’autre à la persistance post-mortem de
la propriété de rétractilité du tissu pulmonaire, me proposant de revenir
prochainement sur les autres recherches de quelque intérêt qu’il nous a
été permis de faire en cette circonstance.
Pour ce qui est de la remarquable durée de cette propriété rétractile,
sans vouloir discuter en ce moment l'opinion qui leur attribue comme une
de ses raisons prochaines la contractilité des muscles bronchiques (museles
de Reissesen), contractilité qui serait elle-même sous laction directe des
nerfs vagues, il nous sera permis de remarquer que le bien fondé de cette
opinion se trouve sérieusement compromis en présence du fait de la survie
en question; car nous ne pensons pas que cette possibilité de survie soit
attribuable à la contractilité musculaire, même à celle de la fibre lisse, et
en tout cas, elle ne saurait s'appliquer à l'influence depuis longtemps
perdue des nerfs pneumogastriques.
310 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SUR LA CAUSE DE LA RIGIDITÉ DES MUSCLES SOUMIS AUX TRÈS HAUTES
PRESSIONS, par M. P. REGNARD.
La Société se souvient peut-être que quand, dans l’eau, on soumet des
muscles à des pressions considérables (600 à 1000 atmosphères), on obtient
presque instantanément une rigidité considérable, au point que, dans les
expériences les mieux réussies, on casse plutôt les membres de lanimal
que de les faire plier.
On voit en même temps, en poussant plus loin les recherches, que les
muscles superficiels sont les plus contractés, que certains muscles pro-
fonds sont quelquefois tout à fait relàächés. Le cœur en particulier continue
souvent de battre, alors que presque tous les muscles proprement dits sont
contracturés.
Il semblerait donc que la pression ne doit concourir en rien à la pro-
duction du phénomène, puisque évidemment tous les muscles la supportent
à un même degré.
En revanche, il est possible que, sous les pressions énormes que nous
produisons, l’eau puisse pénétrer subitement dans les tissus et produire la
tétanisation que nous observons.
S'il en est ainsi, nous connaissons la cause de cette tétanisation, et
au moins une des causes de la mort des animaux portés aux grandes pro-
fondeurs.
Or plusieurs expériences nous permettent de penser que le processus
est bien celui que nous venons d'indiquer. |
1° Si on pèse soigneusement des pattes de grenouille avant et après
l'expérience, on trouve une augmentation considérable, qui une fois a pu
aller à un cinquième du poids total, tandis qu'un témoin placé dans l’eau
à la pression normale n’a pas sensiblement jaugmenté de poids.
2° Si on comprime des pattes de grenouille en les tenant à l'abri de
l’eau, on n’observe plus la rigidité ni l’augmentation du poids. Pour réali-
ser cette expérience, on renferme une grenouille dans un sac en caoutchouc
mince, puis on enlève tout l’air par le vide et on lie le sac. On met le tout
dans l’appareil et on comprime à 600 atmosphères. L'expérience est donc
identique aux autres, sauf que les muscles ne sont pas au contact de l’eau.
Eh bien, dans ces conditions, quand on retire la grenouille, elle n’a pas
augmenté de poids et elle n’est nullement contracturée. Donc, pression
égale dans les deux cas ; d’un côté, contact avec l’eau : contracture et aug-
mentation de poids; de l’autre, absence de contact : absence de contracture,
absence d'augmentation de poids.
L'expérience peut être faite d’un coup en se servant d’un animal qui Sy
prête fort bien.
SÉANCE DU 10 Maï. o1l
On prend un dytique. Cet animal est couvert d’un test chitineux
extrêmement épais, difficile à traverser et qui protège les tissus sous-ja-
cents contre l’imprégnation de l’eau. Comprimons à 600 atmosphères un de
ces insectes dont nous aurons vidé autant que possible les trachées en le
mettant dans le vide.
Retirons-le au bout d’un quart d’heure, il est parfaitement vivant, tandis
que le poisson placé à côté de lui est mort en quelques minutes.
Il est certain que les tissus, autres que le muscle, plongés dans l'eau en
pression, l’absorbent rapidement. Un bout de sciatique frais, qui pesait
4 grammes, pesait 4,4 en sortant de l’appareil à 600 atmosphères : il
était même sensiblement plus dur et plus rigide qu'avant. Un tronçon de
moelle de chien pesait 12 grammes avant la pression et 13%, 2 après. [Il
semble donc qu'il v,a là une loi générale, qui peut nous expliquer la mort
des animaux portés à de grande profondeurs (1).
L'eau en effet est un poison des tissus ; elle tue les cils vibratiles, les
spermatozoïdes, la fibre musculaire et la cellule nerveuse. Chez les ani-
maux à sang chaud cela est instantané, chez les animaux susceptibles de vie
latente nous voyons que nous provoquons ce mode d’existence avant de
provoquer la mort (2).
Ainsi on savait que l'excès de chaleur comme son absence-amenait la vie
latente (Bernard).
On savait aussi que l'excès d'oxygène comme son défaut (P. Bert) cau-
sait la maladie, puis la mort de la cellule.
On savait que le manque d’eau dans les tissus provoquait la vie latente
(animaux réviviscents), puis la mort. On ne savait rien sur l’action d’un
excès de cet élément. Nous pouvons annoncer aujourd’hui qu’il en est de
l’eau comme des autres éléments essentiels à la vie, son excès comme son
défaut amène la mort ou même, au début, la vie latente, chez les êtres
susceptibles de supporter ce mode d’existence.
(1) Dans une prochaine communication, nous ferons connaître les lésions histo-
logiques des tissus.
(2) Depuis notre dernière communication, en nous servant de petites anguilles»
nous avons réussi à endormir un de ces animaux pendant quatre heures. Par
transparence, nous voyons battre son cœur. Après le réveil, l'animal était si vif
qu'il à réussi à s'échapper de l’aquarium.
S12 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE SUR DES FIGURES D'ANATOMIE REMONTANT A LA FIN
DU QUATORZIÈME SIÈCLE, par M. G. Poucuer.
Je pense être agréable à la Société en mettant sous ses yeux les plus
anciennes figures d'anatomie humaine qui existent probablement au monde,
car elles doivent dater des dernières années du quatorzième siècle. Elles
illustrent un manuserit persan qu'a bien voulu me communiquer M. Scheffer,
l’éminent directeur de l’École des langues orientales vivantes, et n’est pas le
moindre joyau de ses magnifiques collections personnelles. C’est le Traité
d'anatomie de Mansour-ben-Ahmed, dédié à Mirza pir Mohammed, petit-fils :
de Tamerlan, et qui mourut en l’an 800 de l’hégyre (1406).
L’exemplaire que je mets sous les yeux de la Société est ancien. Il existe
une copie plus récente du même manuscrit à la Bibliothèque nationale
(ancien fonds persan, n° CLI). Mais les figures en sont assez grossières et
inexactement copiées. Il est décrit par Leclerc (Histoire de la médecine
arabe, t. IT, p. 326). Le texte persan offre de très grandes difficultés et je
n'ai pas jusqu'ici pu en faire entreprendre la traduction. Je dois me borner
à l'interprétation des figures. Elles sont au nombre de six.
Les deux premières figures représentent des sujets les jambes écartées,
les genoux pliés, les mains sur les cuisses, face dorsale en avant (?). Elles
sont en effet d’une interprétation difficile. fl semble que le sujet est plutôt
vu par derrière, comme s’il était sur le ventre, avec le menton projeté en
avant, le sinciput paraissant continuer la colonne vertébrale.
Ces figures et les suivantes sont en partie faites à la règle et au compas
avec une préoccupation évidente du dessin ornemental. De plus, certaines
parties, telles que les veines, par exemple, qui correspondent à la face
opposée à celle qui regarde le lecteur, sont dessinées en dehors du trait li-
mitant la silhouette de l'individu. Un certain nombre d’artères et de veines
se trouvent ainsi figurées en dehors du cerps.
La première figure correspond au squelette. Les sutures crâniennes sont
indiquées par de gros traits dentelés. Sept vertèbres au cou. Les côtes sont
représentées par dix-neuf traits à droite et dix-huit à gauche en jolie couleur
jaune, rectilignes, parallèles, obliques, diminuant du premier au dernier de
chaque côté. De chaque côté également, les quatorze premiers traits sont
unis deux à deux par un trait transversal à leur extrémité périphérique,
allusion possible aux sept vraies côtes. Il reste ainsi du côté droit cinq
fausses côtes et quatre du côté gauche, en raison sans doute de la création
d’Eve.
La deuxième figure, dans la même attitude que la précédente, est con-
sacrée aux nerfs, figurés par des traits plumeux partant du rachis et s’éten-
SÉANCE DU 10 Mai. 313
dant dans la tête et les membres. Ils sont de toutes couleurs : noirs, rouges,
jaunes, etc., pour l'agrément des veux. Dans la tête, quatre cercles au
compas indiquent le cerveau.
La troisième figure représente le sujet de face et est évidemment consa-
crée à la description des parties extérieures.
La quatrième est consacrée aux veines et aux viscères. Les veines sont
figurées par un réseau de traits rouges plumeux à leur extrémité partout
d’égal diamètre. La splanchnologie est la suivante. Canal intestinal : un
tube droit aboutissant à un estomac piriforme à grand axe vertical se con-
tinuant par un intestin allant à gauche, puis à droite deux fois, offrant alors
un prolongement borgne, puis une circonvolution annulaire, sur laquelle
vient se greffer l'intestin terminal finissant sur la ligne médiane au point
correspondant à l'anus. Les noms sont ceux de l'antiquité : intestin de
douze doigts, petit intestin, intestin à jeun, intestin aveugle, côlon, dont le
nom est simplement transerit, intestin droit. Le foie, piriforme comme
l'estomac, est appliqué à droite contre celui-ci, allongé par conséquent
dans le sens vertical. Vésicule du fiel au milieu du foie, colorée en vert.
Elle envoie des vaisseaux biliaires colorés en vert comme elle et dessinés
par des traits plumeux, entre les circonvolutions intestinales, jusqu à l’in-
testin. Une branche importante va directement à la rate (traditionnelle),
d’autres à l'estomac et peut-être aux veines. Les reins sont placés très haut,
allongés transversalement, appliqués contre l'intestin. Le droit est placé
plus haut, d’après uné ancienne erreur remontant aux plus anciens anato-
mistes grecs. Il n’y a aucune apparence d'organes génitaux externes ou
internes sur aucune figure. Les poumons ne sont pas indiqués comme
organes distincts et seulement par une teinte occupant la région de la
poitrine.
Aucune indicalion de diaphragme n1 de trachée.
La cinquième figure est consacrée plus spécialement au cœur, aux artères
et reproduit en partie la splanchnologie de la figure précédente. Les vais-
seaux biliaires s'étendent sur l’estomac et le dépassent vers l’hyÿpochondre
gauche, mais ne vont pu. toutefois jusqu’à la rate. Gelle-ei est unie au
contraire à l’estomac par trois vaisseaux sanguins. Les artères des mem-
bres sont figurées par des traits rameux occupant le milieu des membres.
Le cœur est figuré par une masse ovoïde, flanquée de deux cavités plus
petites, les oreillettes.
Les poumons sont représentés comme à dessein par une teinte claire en
occupant la place et sur laquelle se détachent le cœur, le foie et l’estomac.
Au niveau supérieur de cette teinte claire représentant les poumons, au-
dessus du cœur, est figurée une masse en rouge brun, de la même couleur
que le cœur (larvnx ?), d’où partent en haut : 1° deux vaisseaux montant dans
914 SOCIËÈTÉ DE BIOLOGIE.
le cou à droite et à gauche; 2° en bas, des traits rouges plumeux se répan-
dant dans le poumon (les vaisseaux pulmonaires) et des traits verts tout
pareils qui sont évidemment les bronches. L'un des traits rouges paraît relié
au cœur; 3° un trait rouge passant derrière le cœur et se trifurquant au-
dessous de lui pour donner le vaisseau de la rate y arrivant par trois bran-
ches, un grand vaisseau abdominal et un troisième se bifurquant en À dont
les branches se continuent comme artère centrale du membre inférieur.
Les artères du membre supérieur se continuent par un trait horizontal
les reliant et passant entre le cœur et la masse brune que nous venons de
décrire et qui semble représenter la masse des vaisseaux cardiaques immé-
diatement au-dessus de leur origine.
La sixième figure, un peu plus grossière que les précédentes el sans
explications, termine le livre. Le diaphragme y est probablement figuré par
des traits horizontaux occupant la moitié de l’espace représentant les pou-
mons. De plus, l'utérus est figuré comme un ovoïde obliquement incliné en
bas et à droite, et contenant un fœtus dans une attitude naturelle.
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SÉANCE DU 10 Mai. 315
SUR LE SPECTRE D'ABSORPTION PRODUIT PAR LE CHLORHYDRATE DE KAÏRINE
SUR LE SANG, par Ch. E. Quinouaun.
Voici les conditions dans lesquelles on voit se produire une bande d’ab-
sorption :
Dans une solution hématique au 1/50°, placée dans l’auge du spectro-
scope, on ajoute douze à quatorze gouttes d’une solution de chlorhydrate de
kairine (40 centigrammes pour 3 centimètres cubes d’eau distillée). On voit
alors une bande apparaître dans le rouge, tandis que les deux bandes de
l’hémoglobine s’atténuent pour disparaitre.
Bientôt on voit nager dans le liquide des flocons albumineux résultant de
Valtération des globules sanguins, la filtration enlève ces produits altérés,
mais laisse subsister la substance, qui est la cause de la bande d'absorption.
Cette bande se voit fort bien avec le prisme de flint, mieux encore avec le
prisme de quartz ou de verre blanc; dans ces deux dernières circonstances
le spectre est réduit, vu le faible pouvoir dispersif de ces deux substances.
A l’aide du spectroscope Thollon et de la lumière solaire, on détermine
très exactement que cette bande d'absorption est un peu plus réfrangible
que la raie C de l'hydrogène, laquelle raie a été reconnue directement à
l’aide de la bobine de Rumkorff.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
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911
SÉANCE DU 17 MAI (884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
DE L'ACTION DES LIQUIDES NEUTRES SUR LA SUBSTANCE ORGANISÉE (SUITE),
par M. R. Dugors.
Depuis l’année 1870 jusqu’à celle qui vient de s’écouler, j'ai eu l'honneur
à diverses reprises de communiquer à la Société les résultats des expé-
riences que j'ai entreprises dans le but de connaître l’action intime des
liquides neutres sur la substance organisée.
J'ai, jusqu’à présent, étudié tout particulièrement le mode d’action de
l'alcool, de l’éther, du chloroforme sur l’hydratation des tissus, c’est-à-dire
les réactions réciproques que ces divers liquides neutres (inactifs sur la
teinture de tournesol) peuvent exercer les uns sur les autres quand ils se
trouvent en présence de Ia substance protoplasmique.
Ces recherches devaient me conduire nécessairement à rechercher
quelles pouvaient être les modifications imprimées aux tissus par la pro-
portion d’eau qu’ils pouvaient contenir en plus ou en moins.
L’eau en effet est de tous les liquides neutres celui qui semble posséder
sur la marche des phénomènes biologiques, qu’ils soient d'ordre physiolo-
sique ou pathologique, l’action prédominante.
Son importance dynamique paraît être égale, sinon supérieure, à la place
qu’elle occupe dans la constitution des tissus vivants, c’est-à-dire qu’elle
dépasse de plus des quatre cinquièmes limportance de tous les matériaux
employés par les êtres vivants non pas considérés isolément, mais bien pris
dans leur ensemble.
Etudier complètement l'intervention de l’eau dans les phénomènes de la
vie serait faire l’histoire complète de la vie, car nul ne peut dire qu’un
acte vital quelconque, physiologique ou pathologique, n’est pas constitué
principalement par un mouvement de molécules d’eau.
L'importance de cet agent, en apparence indifférent, n’a échappé à aucun
biologiste. Aussi, dès la plus haute antiquité, lui a-t-on accordé le rang qu'il
méritait d'occuper.
Cependant on demeure frappé d’étonnement en voyant qu'aucune étude
310LOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. [°, N° 20. 25
318 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
d'ensemble n’a, jusqu’à présent, été entreprise, bien que de nombreux
documents épars dans la science indiquent qu’une généralisation est déjà
possible. |
Ce n’est pas aujourd'hui cependant, que nous voulons tenter le succès
d’une semblable entreprise : aussi, nous contenterons-nous de parler de
l’action de l’eau sur les propriétés des fibres musculaires striées.
Depuis longtemps déjà on sait que l’eau injectée dans les vaisseaux san-
guins, où simplement appliquée à la surface des muscles striés peut pro
voquer des contractions. Bien plus, on a pu localiser cette action dans la
fibre musculaire, soit par des sections nerveuses, soit par l’emploi du cu-
rare, et, en définitive, tous les physiologistes sont d'accord aujourd’hui pour
reconnaître que l’eau est un excitant du muscle.
Mais, comme l’a fort bien dit M. le professeur Charles Richet dans son
excellent ouvrage sur la physiologie du muscle : « toutes les substances qui
sont funestes à la vie du muscle sont des excitants du muscle. » Mais, à
notre sens, le mot excitation » est de ceux qui doivent aller rejoindre, dans
le domaine de l’histoire, l’irritabilité en physiologie, la force catalytique en
chimie, et les idiosyncrasies en pathologie.
Tel était l’état de la science lorsque nous avons cherché par de nou-
velles expériences à faire faire un pas de plus à cette importante question.
Pour cela nous avons injecté dans les vaisseaux d'animaux tués par sai-
_gnée totale de l’eau à diverses températures comprises entre 10 et 45 de-
rés, et nous avons remarqué que les contractions des muscles striés étaient
parfois nulles, parfois lentes, parfois rapides et énergiques. L'opinion de
plusieurs physiologistes qui assistaient à nos expériencés fut que l’action
de la chaleur devait seule être mise en cause.
Pourtant on sait, depuis les belles recherches de M. le docteur Calliburcès,
que l’action de la chaleur sur la contraction des muscles striés est peu sen-
sible, surtout quand les écarts de température sont progressifs et peu
considérables; de là la division si remarquable des muscles en thermosys-
taltiques et athermosystaltiques.
Pour élucider ce point important, j'ai injecté comparativement de l’huile
et du mercure à des températures correspondantes à celles auxquelles j'avais
injecté la même quantité d’eau, et je n’ai plus observé les mêmes contrac-
tions.
On pouvait penser que la capacité calorifique de l’eau intervenait et que
pour.une même quantité de liquide injecté à une même température, la
quantité de calorique cédé n’était pas la même.
Mais en injectant des masses plus grandes des liquides précités l'effet
était le même.
Il ne nous restait qu'une hypothèse possible pour expliquer les phéno-
mènes dont nous étions témoins, la pénétration de l’eau dans la fibre mus-
culaire, l’hydratation de l'élément anatomique.
Cette explication nous paraissait d'autant plus admissible, que l'excitation .
SÉANCE DU 171 Mal. 319
augmentait en raison de l'élévation de la température de l’eau injectée,
jusqu’à une certaine limite pourtant.
Or on sait que le phénomène de l’imbibition des colloïdes suit précisé-
ment la même loi.
Il nous était donc permis d'avancer :
1° Que, dans ces conditions, le phénomène de la contraction et aussi
celui de la rigidité, qui semble n’être autre chose qu’un état permanent de
la contraction musculaire, pouvait être déterminé par limbibition par
l’eau de la fibre musculaire ;
2 Que cette imbibition, conformément à la loi générale, croit avec l’élé-
vation de la température, jusqu’à une certaine limite pourtant.
En définitive, l’état de contractilité ou de rigidité nous paraissait fonc-
tion de la proportion d’eau contenue à un moment donné dans la fibre
musculaire striée. Aussi, lorsque M. le professeur Regnard, notre chef de
laboratoire, nous fit part de la surprise qu’il éprouvait en voyant les muscles
striés devenir rigides quand il les comprimait dans l’eau à plusieurs cen-
taines d’atmosphères, nous nous crûmes autorisé à déclarer qu’il ne pou-
vait être question, dans ce cas particulier, que d’un phénomène d’imbibition
de la fibre musculaire.
En vain, on nous objecta que les tissus gorgés d’eau ne pouvaient se
laisser pénétrer par de l’eau, en raison de l’incompressibilité des liquides.
Nous avons soutenu notre opinion première, et, les muscles, quiétaient
devenus rigides sous l’influence des hautes pressions dans un milieu
aqueux, ayant été pesés, l'expérience démontra l'exactitude de nos prévi-
sions : les muscles avaient augmenté de poids, parfois dans une proportion
considérable.
Ces muscles reprenaient d’ailleurs leur élasticité normale quand on les
mettait sous une cloche en présence de l’acide sulfurique. Il en était de
même quand, avec quelques précautions, on les mettait en présence de sub=
stances susceptibles de soustraire l’eau aux tissus. |
Une grenouille rigide et absolument inerle, plongée dans un mélange
d’eau et d'alcool au 1/10°, put même retrouver la possibilité d'exécuter des
mouvements spontanés.
Cependant la démonstration n’était pas suffisante et l’on pouvait croire
que la pression seule était réellement l’agent principal dans la production
de la rigidité.
On eut alors l’idée d’envelopper les muscles dans des enveloppes
imperméables de caoutchouc et de les soumettre à de hautes pressions. M. le
professeur Regnard voulut bien se charger d'exécuter cette expérience au
moyen de la pompe inventée par M. Cailletet.
Entre les mains de l’habile expérimentateur, l'expérience réussit pleine-
nent; les muscles soumis à de hautes pressions, mais mis à l'abri de la
pénétration de l’eau, restèrent flexibles.
Les circonstances nous ont conduit à publier d’une façon prématurée,
320 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sans aucun doute, les résultats d'expériences préliminaires, simple prélude
d'études que nous nous proposions de poursuivre quand nos occupations
ordinaires nous le permettraient.
Cependant, gràce à l'extrême complaisance de M. le professeur Regnard,
qui à bien voulu nous permettre l'emploi de lappareil qui lui a été confié,
nous espérons pouvoir faire connaître bientôt d’une façon plus complète
l'influence de l’imbibition sur les tissus et étudier plus complètement le
mécanisme physico-chimique de leur hydratation.
FAITS MONTRANT QUE TOUTES OU PRESQUE TOUTES LES PARTIES DE L'ENCÉ-
PHALE, CHEZ L'HOMME, PEUVENT DÉTERMINER CERTAINES INHIBITIONS, par
M. BrowN-SÉQuARD.
Dans des leçons que j'ai faites à Londres, au Collège des médecins, en
1876, et dans un cours au Collège de France (pendant l'hiver 1878-79), j'ai
essayé de montrer que toutes ou au moins presque toutes les parties de
l’encéphale peuvent donner lieu à des paralysies des membres, et que ces
pertes de mouvement volontaire proviennent le plus souvent, non d’une
perte de fonction des parties lésées, mais d’une influence inhibitoire partant
du siège de la lésion ou de son voisinage, et s’exerçant sur d’autres parties
de l’encéphale et sur la moelle épinière, et peut-être même aussi sur les
terminaisons des nerfs moteurs. Un des arguments que j'ai mentionnés à
l'appui de ces idées a consisté à faire voir que des actes clairement inhibi=
toires peuvent être produits par toutes ou presque toutes les parties de
l’encéphale, et que ces inhibitions, comme les paralysies des membres,
peuvent durer jusqu’à la mort.
Prenant sans choisir dans une masse extrêmement considérable de faits
cliniques, je vais donner des preuves que les diverses parties de l’encéphale
peuvent, par inhibition, produire :-1° la paralysie des sphincters de la vessie
ou de l'anus, ou de l’un seulement de ces sphincters ; 2° la perte de la déglu-
tition ; 9° la perte de la facuité réflexe de la moelle épinière; 4° une longue
persistance de diminution de force et de vitesse du cœur.
1° Paralysie des sphincters de La vessie et de l'anus. — Je vais faire voir
que les centres toniques et réflexes, siégeant dans le renflement dorso-lom-
baire de la moelle épinière, et qui maintiennent ces sphincters dans leur
état ordinaire de constriction, peuvent être inhibés par des lésions des di-
verses parties de l’encéphale.
Voici un certain nombre des faits que j'ai rassemblés. Je donne les uns
à cause du siège, les autres à cause de la nature de la lésion. On voit par les
variétés à l'égard de ces deux particularités que le phénomène produit n'est
lié ni à une certaine partie de l’encéphale, ni à une certaine espèce de Ié-
im tés de dé à
SÉANCE DU 11 MAI. 394
sion. Ceci est, du reste, confirmé par des faits qu'on observe tous les jours,
montrant que toute espèce d’altération peut exister dans un point quelconque
de l’encéphale sans qu'il y ait paralysie des sphincters. Pour me mettre à
l'abri d’une cause d'erreur évidente, je ne rapporte que des faits dans les-
quels l'intelligence était conservée.
1. Cas de paralysie des sphincters due à une lésion de la base de l’en-
céphale. — Obs. I. Hémorrhagie dans la partie antérieure de la protubé-
rance, surtout à droite (Sénac, Bull. de la Soc. anat., 1856, p. 206). —
Obs. IT. Hémorrhagie de la protubérance, suivie d’atrophie considérable
(Cruveilhier, Anatomie pathol., 21° livraison, p. 3). — Obs. IL. Hémor-
rhagie de la protubérance (Guéniot, Bull. de la Soc. anat., 1860, p. 321).
— Obs. IV. Ramollissement du centre de la protubérance (J.-H. Bennett,
Principles and practice of Medicine, 5 Edit, Edinburgh, 1868, p. 390.—
Obs. V. Tubercule dans la protubérance et un aussi dans le cervelet (La-
borde dans thèse d’Allo, 24 juin 1864, p. 32). — Obs. VI, VIE, VITE, IX, X
et XI. Hémorrhagie, abcès ou tubercule dans le cervelet (Banks, Dublin
Hosp. Gazette, 1856, p. 43; Bristowe, Trans. of the Pathol. Soc., t. XIE,
p. 17; Duplay, Archives de médecine, nov. 1836, p. 262; Fauvelle, 2 cas
in Gintrac, Cours théor..et clin. de pathol. interne, t. NVIL, p. 301 et 314;
Archambault, Moniteur des hôpitaux, t. X, 1853, p. 129).
Cas de lésion du corps strié ou de la couche optique. — Obs. XEE. Ra-
mollissement des deux corps striés (Gintrae, loc. cit., &. IX, p. 360). —
Obs. XITE, Gaillot dans le corps strié droit (R.-T. Moyo, London med.
Gazette, t. XXXIX, 1847, p. 16). — Obs XIV. Inflammation du corps strié
et du pédoncule cérébral (Abbot, Amer. Journal of medical Science, Phila-
delphia, July 1853, p. 78).— Obs. XV. Hémorrhagie dans la couche optique
(J.-H. Bennett, loc. cit., p. 26). — Obs. XVI. Ramollissement presque pu-
rulent du corps strié gauche (Gintrae, loc. eit., VII, p. 329). |
Cas de lésion d’un des lobes cérébraux. — Obs. XVII. Plusieurs tumeurs
dans le lobe antérieur droit (Bright, Reports of Medical cases, London,
t. [f, p. 355). — Obs. XVIIT. Quatre tumeurs sur le lobe antérieur gauche
(Bayle et Kergaradec, in Lallemand, Recherches anat.-pathol. sur l'encé-
phale, &. IT, p.25).— Obs. XIX. Inflammation d’une circonvolution du lobe
antérieur droit à son bord inférieur et externe (Gendrin, in Fabre,, Biblio-
thèque du médecin praticien, 1849, t. TX, p. 142). — Obs. XX. Tumeur
hydatique du volume du poing dans le lobe droit (Faton, Bull. Soc. anat.,
1848, t. XXII, p. 344). — Obs. XXI. Ancien foyer hémorrhagique, lobe
moyen droit (Andral, Clinique médicale, t. V, p. 312).— Obs. XXII. Abcès,
lobe moyen droit (Goupil, Bull. Soc. anat., 1851, t. XXXI, p. 480).
Cas de lésion des circonvolutions. — Obs. XXIIT. Ulcération de la sub-
stance grise des lobes antérieurs (Lecorché, Comptes rendus de la Soc. de
922 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Biol., 1856, p. 163). — Obs. XXIV. Ramollissement de la scissure de Syl-
vius (Baréty, Mémoires de la Soc. de Biol., 1873, p. 148). — Obs. XXV.
Méningite, parties antérieures (Legendre, Maladies de l'enfance, p. 58).
Cas de lésion de plusieurs parties de l’encéphale, simultanément. —
Obs. XXVI. Artère sylvienne droite obturée ; ramollissement du lobe frontal
et du lobe sphénoïdal (Berger, Bull. Soc. anat., 1869, p. 148).—Obs. XX VIT.
Ramollissement du lobe antérieur et d’une partie du lobe moyen, à droite
(J. Burns, London medical Gazette, 1838,t. XXIT, p. 455).—Obs. XX VIT.
Tubercules dans Le lobe antérieur droit, la couche optique gauche et le cerve-
let (De Lignerolles, Bull. Soc. anat., 1866, p. 205.—Obs. XXIX. Compres-
sion considérable par kyste séreux sur hémisphère gauche (Jacquet, in Gin-
trac, loc. cit., t. VI, p. 694). — Obs. XXX. Abcès dans tout l'hémisphère
gauche (Abercrombie, Pathol. and practical Researches on diseases of
the brin, Edinburgh, 1845, p. 94). — Obs. XXXI. Grosse tumeur dans la
partie postérieure du lobe moyen et dans le lobe occipital, à droite (Smith,
The Lancet, January 1873, p. 49). — Obs. XXXII. Fracture du pariétal ;
inflammation dure-mère ; abcès lobe moyen droit et effusion sanguine sous
lobe antérieur gauche (De Morgan, Transactions Clinical Society, 1870,
t. VIII, p. 17).— Obs. XXXIIT. Oblitération des artères cérébrales à droite
(Van der Byl, Transact. Pathol. Soc., 1857, t. IX, p. 16).— Obs: XXXIV-:
_ Caillot et ramollissement dans le lobe moyen gauche, s'étendant aux circon-
volutions du lobe sphénoïdal et aux corps opto-striés (J.-F. Jackson, The
Lancet, t. 11, 1866, p. 605).— Obs. XXXV. Sang épanché dans les circon-
volutions frontales et autour du bulbe (Piéchaud, Lebec et Gauché, Bull.
Soc. anat., 1878, p. 13). — Obs. XXXVI. Effusion sanguine dans quelques
circonvolutions, petit caillot dans la corne postérieure du ventricule droit
(Bright, loc. cit., t. I, p. 290).—0Obs. XXX VIT. Ramollissement hémorrha-
gique du lobe antérieur et d’une partie du lobe moyen, à droite (Copeman,
Collection of cases of apopleæy, 1845, p. 36).
Un seul des deux sphincters peut être paralysé, comme le montrent les
faits suivants : ;
Cas de lésion de parties diverses de l’encéphale produisant une para-
lysie du sphincter vésical. — Obs. XX XVIIT. Anévrysme de l’artère basilaire
(Bright, The Lancet, 1829, p. 127). — Obs. XXXIX. Tumeur volume fève
et ramollissement protubérance, à gauche (Coindet, in Lallemand, Loc. cit.,
IT, p. 92).— Obs. XL. Atrophie du bulbe et de la protubérance (Gintrac,
loc. cit., IX, p. 275). — Obs. XLI. Kyste hématique du cervelet, à droite
(Marcé, Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1861, p. 252). — Obs. XLII.
Tumeur de couche optique et ramollissement partiel du pédoneule cérébral,
à gauche (Fleischmann, in Bernhardt, Symptomatol. und diagnostik der
hirngeschwülste, 1881, p. 151). — Obs. XLIIT. Tumeur couche optique et
SÉANCE DU 11 MAI. 3923
corps strié, à gauche (Barié, Bull. Soc. anat., 1874, p. 411). — Obs. XLIV.
Sang épanché dans corps strié extraventriculaire (Gintrae, loc. cit., VI,
p. 143).— Obs. XLV. Fracture du frontal, abcès des circonvolutions près de
scissure de Rolando (Alexander, The Lancet, t. 11, 1848, p.426).—0Obs. XL VI,
Tumeur volume grosse noix entre dure-mère et lobe frontal (Andral, loc.
-cit., t. V, p. 1). — Obs. XLVIT. Fracture cràne, abcès lobe frontal (F. G.
Reed, The Lancet, II, 184$, p. 173). — Obs. XLVIII. Hémorrhagie, lobe
antérieur (Andral, loc. cit., t. V, p. 300).
Cas de lésion de parties diverses de l’encéphale produisant une para-
lysie du sphincter anal. — Obs. XLIX. Arières basilaire et vertébrale
droite, obturées par un caillot (W. H. Dickinson, Saint-Georges Hospital
Reports, 1866, p. 261). — Obs. L. Léger ramollissement en arrière du
corps strié (Rilliet et Barthez, Maladies des enfants, t. If, p. 257). —
Obs. LI. Ramollissement du lobe postérieur et un peu du lobe sphénoïdal,
à gauche (Troisier, Comptes rendus de la Société de Biologie, 1873, p. 388).
— Obs. LIT. Ramollissement du pédoncule cérébral gauche (Marrotte,
Union médicale, 1853, p. 407).
Dans quelques-uns des cas ei-dessus, il y avait fort peu de paralysie des
membres, et dans un ou deux il n’y en avait pas trace. Dans plusieurs de
ces cas, et en particulier dans les observations [, IT et XE, il n’y avait pas
d’anesthésie. Dans deux ou trois cas, et spécialement dans les observations
XIX et LI, le besoin de rendre les urines et les matières fécales se faisait
sentir, mais il était impossible au malade d’en empêcher l’évacuation.
Peut-on expliquer autrement que par une inhibition les paralysies des
sphincters de l’anus et de la vessie dans les cas que j'ai rapportés? Certai-
nement non. La physiologie et la clinique nous enseignent que les centres
toniques et réflexes situés dans le renflement dorso-lombaire de la moelle
épinière continuent de maintenir les sphineters anal et vésical dans un état
de constriction suffisant pour empêcher l'issue continuelle des matières fé-
cales et de l'urine, lorsque la moelle épinière est coupée au-dessus de ce
renflement. [l est donc certain que ce n’est pas par suite de la perte de
fonction de la partie lésée, dans l’encéphale, que la paralysie des sphincters
a eu lieu dans les cas ci-dessus. Il faut conséquemment admettre que c’est
à une irritation provenant des parties lésées ou de leur voisinage qu'est due
cette paralysie, Quant au mécanisme à l’aide duquel cette perte de puissance
se produit, il est évident que c’est celui de l’inhibition. En effet, comme je
l'ai montré, ily a inhibition toutes les fois que se produit d'une manière
purement dynamique une disparition immédiate ou presque immédiate,
temporaire ou persistante, d'une fonction, d'une propriété ou d’une activité
dans les tissus nerveux ou contractiles, sous l'influence de l’irritation
d'une partie du système nerveux, à quelque distance au moins de l'organe
ou du tissu où survient cette disparition. C’est donc à une inhibition des
324 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
centres Loniques et réflexes qui, normalement, tiennent les sphincters con-
tractés, que ces faisceaux de fibres musculaires doivent leur paralysie, dans
les observations rapportées ci-dessus.
Je continuerai l’exposé de ces recherches dans la séance prochaine.
NOTE SUR UN CRITÈRE DE LA SENSIBILITÉ HYPNOTIQUE; L'HYPNOSCOPE; UNE
NOUVELLE MÉTHODE DE DIAGNOSTIC, par M. J. Ocorowicz, présentée
par M. Cu. Ricuer.
J'ai l'honneur de présenter à la Société les résultats de mes recherches
faites en 1880-1882 à l’université de Lemberg, à Cracovie, à Varsovie, dans
les montagnes de Tatra et depuis deux ans à Paris. Comme je leur attribue
une certaine valeur pratique, je vais les exposer brièvement avant de pou-
voir publier les observations détaillées. — Il s’agit des avantages qu'on
peut tirer en physiologie et en médecine de l’action physiologique de Pai-
mant. Je sais bien que cette action est loin d’être acceptée par tout le
monde; mais au point de vue empirique, où je me place en ce moment, je
peux laisser au lecteur la liberté de considérer cette action comme pure-
ment psychique ou suggestive — les résultats n’en seront pas moins vrais,
ni moins importants. — La forme de l’aimant à laquelle je me suis arrêté
définitivement comme la plus pratique, rappelle celle de l’électro-aimant
Joule, avec cette différence que les lignes de force y sont dirigées en dedans
et non en dehors dutube aimanté. Afin de distinguer cette forme des formes
ordinaires, d'éviter les répétitions et d'indiquer le but de son application,
je nommeraice petit appareil « l’hypnoscope ». J’espère qu’il trouvera bien-
tôt sa place dans la pratique à côté de l’esthésiomètre de Weber.
L'avantage de l'application de l’hypnoscope est double :
19 Il nous donne le criterium de la sensibilité hypnotique, c’est-à-dire
facilite de beaucoup les recherches sur les phénomènes de lhypnotisme ;
2° Il fournit au médecin un moyen nouveau de diagnostic dans les ma-
ladies nerveuses.
Le mode de l’application est le suivant : on introduit l’index de la per-
sonne soumise à l’épreuve dans le tube de lhypnoscope, de manière à tou-
cher les deux pôles à la fois, et après deux minutes on le retire, en exami-
nant les modifications qui ont pu se produire dans le doigt.
Chez 70 personnes sur 100 prises au hasard, on n’observera aucun
changement. Chez trente environ, on va constater les modifications de
deux sortes : subjectives ou objectives. Les premières consistent en sensa-
tions subjectives, dont voici les principales: un souffle froid ou chaud,
fourmillements et picotements, sensation de gonflement dans la peau, d’en-
gourdissement dans les muscles, de douleurs de différentes nuances, de
SÉANCE DU 11 MAI. 325
——— —
lourdeur dans le doigt ou dans le bras entier, ete. (1). Les modifications
objectives appartiennent à l’une des trois catégories suivantes :
a. Mouvements involontaires, trépidation irrésistible dans l'index ou
dans la main entière;
b. Insensibilité plus ou moins prononcée, analgésie, anesthésie, surtout
au bout du doigt, quelquefois dans tout le bras;
c. Paralysie et contracture plus ou moins manifeste jusqu’à rigidité
complète ; rigidité élastique (« doigt à ressort » de Nélaton).
Les phénomènes provoqués disparaissent au bout de quelques minutes
sous l'influence d’un massage très léger ; sans cela ils peuvent durer plu-
sieurs minutes et même plusieurs heures.
Il existe un parallélisme constant entre cette faculté d’être influencé par
l’aimant et la sensibilité hypnotique. Toutes les personnes sensibles à Pai-
mant sont hypnotisables ; toutes les autres sont absolument réfractaires.
Le nombre et le degré des modifications subjectives et objectives corres-
pondent au degré de la sensihilité hypnotique. Dès qu’il ya des phénomènes
subjectifs et objectifs faciles à constater, on peat inférer une sensibilité
supérieure; elle est faible, quand il n'y a qu'une seule des quatre catégories
précitées, ou bien quand les modifications sont peu marquées. Enfin il
faut se méfier des sensations purement accidentelles, provoquées par l’émc-
tion ; la distinction n’en est pas du reste difficile, car les sensations véri-
tables reviennent toujours, tandis que les sensations imaginaires disparai-
tront ou changeront de caractère à une seconde épreuve. Les rares excep-
tions de la règle générale sus mentionnée se laissent toujours réduire à des
causes secondaires et confirment plutôt la règle. On sait par exemple que
l’habitude d’être influencé par des stimulants d’un caractère déterminé
accroît la sensibilité pour ce genre de stimulants, et alors il se peut qu’une
personne souvent hypnotisée par une méthode donnée, ressentira relative-
ment moins l’action de l’aimant à une première expérience; mais il suffit
d'appliquer la même méthode par rapport à l’aimant pour reconstituer le
parallélisme normal. Ce dernier est évident quand on pratique l'expérience
hypnoscopique et ensuite l’hypnotisation pour la première fois.
Je ferai observer encore que la sensibilité hypnotique d’une part et la
sensibilité magnétique d’autre part peuvent être modifiées et même anéan-
ties par suggestion en état de monoidéisme. Enfin il ne faut pas oublier
que « sensibilité hypnotique » n’est pas synonyme de sommeil nerveux avec
perte de souvenir. Ce dernier phénomène n’est possible que chez 15 sur
100 personnes environ, tandis qu'avec 15 autres on obtient plusieurs
phénomènes hypnotiques sans sommeil complet.
Il arrive même qu’on découvre à l’aide de l’hypnoscope une sensibilité
extréme, mais sewlement par rapport aux phénomènes inhibitoires des
muscles, et alors le sujet sera facilement hypnotisable dans ce sens qu'on
(1) Ces sensations sont détaillées dans la Revue scientifique du 3 mai.
326 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pourra le tétaniser complètement, sans cependant pouvoir l’endormir. Plus
rarement, on observe à l’hypnoscope l’insensibilité toute seule, et alors
aussi le sommeil est difficile et les contractures impossibles.
En somme, l’hypnoscope nous révèle une aptitude nerveuse spéciale,
propre à un nombre relativement considérable de personnes bien por-
tantes ou qui jouissent d’une santé apparente. Cette aptitude n’est pas
synonyme de nervosité en général, car bon nombre de personnes extrême-
ment nerveuses ne sont pas sensibles à lPaimant et à l’hypnotisation, tandis
qu’on trouve des sujets excellents parmi les personnes qui ne sont pas ner-
veuses dans le sens habituel du mot. Les femmes bien portantes sont géné-
ralement moins sensibles que les hommes, tandis que parmi les malades
c’est du côté des femmes qu’il y a une prépondérance marquée. Elle est
quelquefois en proportion de 45 pour 100 pour les femmes et de 37 pour 100
pour les hommes. Ce qui est certain cependant, c’est que les maladies ner-
veuses favorisent la sensibilité hypnotique — ou inversement — et que
parmi les hystériques il y a peu de malades réfractaires.
Mais ni l’hystérie, ni l’épilepsie, ni la neurasthénie, et encore moins l’ané-
mie ne doivent être confondues avec la sensibilité hypnotique, qui est une
aptitude complexe, mais sui generis. Il est probable qu'elle dépend des
relations réflexes particulières entre le système cérébro-spinal et le sys-
tème ganglionnaire et surtout entre le cerveau et les nerfs vaso-moteurs.
11 me reste à faire quelques remarques par rapport à l’application de
l’aimant comme moyen de diagnostic. Déjà une simple expérience hypno-
scopique nous donne à elle seule une vue profonde dans les mystères du
système nerveux de la personne expérimentée. Au bout d’une minute de
cette expérience, les points faibles de l’organisation nerveuse se manifes-
tent un à un. Partout où il y a une anomalie fonctionnelle quelconque, des
douleurs ou des convulsions momentanées surgissent; les anciennes mala-
dies, qui depuis nombre d'années n’ont pas donné signe de vie, apparaissent
momentanément en miniature ; les tendances de maladies naïssantes se
découvrent ; les épileptiques ressentent un commencement d’attaque (mais
l'attaque vraie est par cela méme éloignée et affaiblie) ; on distingue facile-
ment une anesthésie ou une paralysie fonctionnelle d’une anesthésie ou
d'une paralysie organique, car la première commence à disparaître sous
l’aimant, et dans les cas d’origine évidemment organique il y a toujours
espoir d'amélioration, si l’hypnoscope produit un effet quelconque. Dans
plusieurs cas de paraplégie, on détermine exactement les limites de la lésion
spinale en promenant un fort aimant le long de la colonne vertébrale. Dans
certaines névralgies et parésies l’aimant provoque une chaleur d’un côté et
un froid intense de l’autre en indiquant juste les rameaux des nerfs sensi-
tifs ou moteurs atteints par la maladie, ete., eic. De sorte que ce serait une
négligence impardonnable si l’on s’obstinait à repousser ce moyen inoffensif
et tellement instructif, sous prétexte que l’influence physiologique de l’ai-
mant n’est pas encore expliquée. Mon opinion personnelle va plus loin. Je
PS
SÉANCE DU 171 MAI. . 397
vois dans les révélations de l’hypnoscope la nécessité d’un dédoublement de
la thérapeutique. Il devient inutile et même imprudent, d'appliquer les
mêmes remèdes à des personnes sensitives et non sensitives. Pour un grand
nombre de malades hypnotisables tous les remèdes sont également bons ou
également mauvais d’après les influences nerveuses particulières. On peut
neutraliser les plus fortes doses des médicaments les plus typiques et re-
produire leur effet d’une manière tout à fait positive par suggestion. Chez
les personnes sensibles, on obtient une amélioration souvent instantanée,
sous l'influence de divers moyens minimes que l’hypnotisme et le magné-
tisme mettent à notre disposition. Voudra-t-on s’obstiner quand même à
leur administrer les poisons qui nuisent, même en guérissant?
SUR L’AIRE VITELLINE DU BLASTODERME DU POULET, par M. Mathias Duvaz.
On sait que sur le blastoderme de l’œuf d'oiseau, à partir du troisième
jour, c’est-à-dire lorsque l’aire vasculaire est bien délimitée, on trouve, en
dehors de cette aire vasculaire (ou aire opaque), en examinant le blasto-
derme en surface, à l’œil nu, une zone que Kælliker appelle, avec de Baer,
aire vitelline, et sur laquelle il distingue une partie interne et une partie
externe (zone interne et zone externe de l’aire vitelline, Kælliker, trad. fr.,
p. 91). D’après Kælliker, l'aire vitelline serait formée dans toute son éten-
due par le feuillet externe et par le feuillet interne, ce dernier épaissi et
formant le bourrelet entodermique; ce feuillet interne serait surtout épais
dans la zone interne de l'aire vitelline, puis s’amincirait rapidement en
passant dans la zone externe, où il finirait en même temps que l’ectoderme
(op. cit., p. 121); etle même auteur donne une figure (p. 197, fig. 114) ou
l’on voit, en effet, le bord de l’aire vitelline formé par la terminaison, au
même niveau, de l’ectoderme et de l’entoderme.Or toutes nos préparations
nous montrent que les choses sont disposées tout autrement, et notamment
que l’entoderme ne double l’ectoderme que dans la zone interne de l’aire
vitelline, la zone externe étant formée uniquement par l’ectoderme appliqué
directement sur la masse vitelline. À ce prémier fait, topographique pour
ainsi dire, s’en ajoutent d’autres relatifs à des détails de composition histo-
logique des feuillets du blastoderme dans les deux zones de l'aire vitelline.
En effet, si l’ectoderme recouvre toute l’aire vitelline et se termine à sa
périphérie externe par un bord libre, légèrement épaissi, que nous appelons
bourrelet ectodermique, il n’en est pas de même de l’entoderme; à cet
égard, l'aire vitelline est différemment constituée dans sa zone interne el
dans sa zone externe ; dans la première elle est formée par l’ectoderme et
par l’entoderme ; dans la seconde elle n’est formée que par l’ectoderme.
328 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Mais l’entoderme qui prend part à la formation de la première zone n’est
pas composé de cellules différenciées, mais seulement d’une couche vitel-
laire avec noyaux. Nous donnerons le nom d’entoderme vitellin à cette
partie de l’entoderme pour rappeler et sa composition et ses rapports avec
l'aire vitelline, et, par opposition, le nom d’entoderme cellulaire à l’autre
partie de l’entoderme ou épithélium de la vésicule ombilicale, en faisant
toutefois remarquer que l’entoderme vitellin existe déjà dans les régions
externes de l’aire vasculaire, au voisinage du sinus terminal et du bour-
relet mésodermique (épaississement par lequel se termine le bord libre du
feuillet moyen).
Il résulte de ces dispositions que chacun des trois feuillets du blasto-
derme se termine, indépendamment les uns des autres, dans une région de
l'aire viteiline : le feuillet moyen à l’origine de cette aire, par le bourrelet
mésodermique ; le feuillet interne.dans la partie interne de cette aire, là où
on cesse de trouver des noyaux dans la couche vitelline la plus superficielle;
le feuillet externe à la limite externe de l’aire vitelline, par le bourrelet
ectodermique.
Tel est l’état du blastoderme étendu sur la sphère vitelline, aux troisième
et quatrième jours de l’incubation, et la connaissance précise de ces dispo-
sitions est indispensable pour comprendre comment le blastoderme, enve-
loppant la masse du jaune, se ferme au niveau du pôle inférieur de ce
jaune pour constituer une vésicule ombilicale close. Nous indiquerons,
dans une prochaine communication, le résultat de nos études sur la ma-
nière dont se fait cette occlusion. Mais avant d'examiner ce qu'il advient
ultérieurement des diverses parties de la zone vitelline, nous devons dire
un mot sur leurs états antérieurs.
Au troisième jour nous assistons à l’extension des feuillets du blasto-
derme et non plus à leur formation; or, comme nous le démontrerons pro-
chainement dans un mémoire pour lequel toutes les préparations sont
actuellement entre nos mains et déjà étudiées, l'extension des feuillets
blastodermiques se fait d’une manière toute différente que leur production
première, et les différences à cet égard portent essentiellement sur les
rapports qu'affectent entre eux les bords des feuillets.
Ainsi nous venons de voir qu’au troisième jour les trois feuillets se ter-
minent, indépendamment les uns des autres, au commencement, au milieu
ou à la limite externe de Paire vitelline. Mais il n’en est pas ainsi lors de
leur formation, car alors l’entoderme et l’ectoderme se continuent l’un
avec l’autre par un bord commun. Nous nous contentons pour le moment
d’énoncer le fait, insistant sur ce que, si ces deux feuillets n’ont plus de
connexions par leurs bords terminaux au troisième jour, cela n’est pas à
dire que les choses aient toujours été ainsi antérieurement.
D'autre part, nous avons vu que les parties les plus périphériques du
feuillet interne sont formées par ce que nous avons appelé un entoderme
vitellin, c’est-à-dire par une couche de substance vitelline avec nombreux
SÉANCE DU 17 MAI. 329
noyaux. Mais, quoique, dès le début, on trouve sous le germe segmenté une
couche vitelline semée de noyaux, le feuillet interne en voie de formation
n’a pas alors de connexions avec cette couche; ce n’est que plus tard, en
se séparant de l’ectoderme, qu'il s'unit, à sa périphérie, avec cette couche,
qui devient lectoderme vitellin, c’est-à-dire la zone d’accroissement et
d'extension du feuillet interne. Quant à ces noyaux, qu’on peut appeler des
noyaux libres, ajoutons qu'ils ne se produisent pas par genèse au sein de la
couche vitelline qu'ils occupent, mais proviennent directement de la divi-
sion des noyaux du germe lors de la segmentation.
Ces indications rétrospectives, quelque brèves qu’elles soient, suffiront
pour bien montrer que ce que nous avons décrit avec détail se rapporte non
à la formation des feuillets, mais à leur extension, extension qui se fait
d’une manière toute spéciale, par une adaptation en rapport avec l'immense
étendue de la surface de jaune que le blastoderme doit recouvrir dans Pœuf
d'oiseau. Pour les œufs de petite dimension, jusques et y compris l’œuf de la
grenouille, formation et extension du blastoderme ne sont qu’une seule et
même chose; pour les œufs (jaunes) volumineux, comme ceux des oiseaux,
des reptiles (et probablement des poissons cartilagineux), formation et
extension des feuillets sont choses distinctes et très différentes.
UR LE MICRO-ORGANISME D'UNE SEPTICÉMIE OBSERVÉE CHEZ L'HOMME
ET LE MOUTON, par M. Ch. DEcacny, cultivateur à Beauvois (Aisne).
Au mois de mars 1883, un médecin des environs m’envoya à examiner
du sang provenant d’un homme atteint d'accidents à forme charbonneuse.
Cet homme, charron dans son village, s’était blessé à la main en arrangeant
la voiture d’un boucher. Quelques heures plus tard, la main enflait, puis
le bras, et la fièvre survenait. Le médecin avait songé au charbon, pensant
que le boucher avait pu transporter soit des animaux, soit des peaux conta-
minées.
Le sang que l’on m’envoyait était dans de bonnes conditions de conser-
valion. Je l’examinai à l’état frais, puis dans des préparations colorées par
la fuchsine et montées dans le baume. Dans les deux cas j'y constatai, à
côté de globules sanguins intacts, une énorme quantité d'organismes en
huit de chiffre ou diplocoques. On n’avait donc pas affaire à une affection
charbonneuse, mais plutôt à une forme particulière de septicémie.
Quelques jours plus tard, le même médecin me prévenait que le charron
était mort en présentant tous les symptômes décrits dans les cas de septicé-
mie. [Il m'envoraiten même temps du sang provenant d’une femme àgée de
330 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
cinquante ans. Cette personne, parente du charron, avait lavé le linge de
celui-ci, en ayant à la main une légère égratignure. Elle fut prise de fris-
sons, la main et le bras enflèrent et en peu d'heures elle offrait tous les
symptômes qu'avait présentés son parent.
J’examinai ce sang. Il contenait les mêmes micro-organismes en huit de
chiffre. J’avertis le médecin en me permettant de lui suggérer Pidée
d'employer énergiquement tous les moyens possibles d’oxydation, tels que
l’eau oxygénée, l’eau de Rabel, etc. Le médecin employa de l’eau oxygénée
en injections sous-cutanées, des parties de peau et de tissu cellulaire se
gangrenèrent, s’éliminèrent sous forme d’eschares ,.et la malade guérit.
Ces deux faits me paraissent d'autant plus intéressants qu’au mois de
novembre 1882, c’est-à-dire quelques mois auparavant, j'avais eu l’occasion
d'examiner du sang provenant de moutons malades, sang que m'apportait le
vétérinaire du pays, M. Henri d’Athis. Les moutons appartenaient à un cul-
üvateur des environs qui en avait perdu plusieurs en quelques jours, et de
nouveaux accidents étaient à craindre. Les moutons en parfaite santé, en
apparence, tombaient brusquement malades, et au bout d’une journée ou
deux ils mouraient. Le vétérinaire croyait aussi avoir affaire à des cas de
charbon, cependant il avait été surpris de trouver de nombreuses hémor-
rhagies dans le foie et la cavité péritonéale. Quelques-uns avaient des
douves dans le foie.
Or j'avais également trouvé dans le sang de ces moutons des organismes
en huit; puis, ayant fait durcir le foie, jy avais constaté des hémorrhagies,
une hépatite interstitielle généralisée, et les mêmes micro-organismes en
huit, disséminés en grand nombre et de tous côtés.
Il existerait donc une forme de septicémie caractérisée par des micro-
organismes en huit de chiffre ou diplocoques ; on pourrait constater ceux-ci
dans le sang avant la mort, ils seraient capables d’occasionner des désordres
inflammatoires considérables, leur développement serait arrêté par les oxy-
dants : l’eau oxygénée employée par le médecin, l’eau de Rabel par le vété-
rinaire. Enfin ces faits viennent prouver une fois de plus qu’il faut apporter
la plus grande surveillance dans le trafic des animaux de boucherie.
DE L'ACTION DU GURARE, par M. Onimus.
Dans les communications faites à la Société de biologie par MM. Judée et
Dastre, nos confrères ont oublié un fait important et qui doit dominer la
discussion sur l’action du curare.
Nous avons déjà indiqué cet élément de discussion dans une communi-
cation à l’Académie de médecine, et il peut se résumer en ces deux propo-
Sitions :
*
4
Ê
mnt D ds
PPT T0
SÉANCE DU 17 MAI. 9391
Lorsque le système nerveux périphérique est complètement détruit,
comme cela arrive à la suite de traumatismes, ou de paralysies, ou encore
d’empoisonnements lents, etc.; en un mot, chaque fois que les filets mo-
teurs sont sûrement et nettement altérés jusqu’à leur extrémité terminale,
tandis que la fibre musculaire conserve encore sa contractilité par d’autres
modes d’excitation, on n'obtient plus de contraction avec les courants in-
duits. La conclusion, si paradoxale qu’elle paraït être, est forcément celle-
cl: Les courants induits ne provoquent la contraction des fibres musculaires
que lorsque les éléments nerveux en rapport direct avec le muscle sont
excitables, et d’un autre côté chaque fois qu'avec ces courants on détermine
la contraction, c’est que la fonction des nerfs est conservée.
En second lieu, comme cette contractilité farado-musculaire est mani-
feste après l’empoisonnement par le curare, il est certain que les plaques
de Rouget, au moins, n’ont pas été atteintes par le poison.
Les nerfs doivent donc être atteints uniquement dans leur conductibilité,
et c’est surlout le tronc qui est empoisonné. Cela concorde parfaitement
avec les expériences de Claude Bernard, de Bezold, de Vulpian. De plus, la
rapidité avec laquelle Le poison cesse d’exercer son influence, la facilité de
ramener les conditions physiologiques et le peu d’action sur les autres
nerfs, doivent faire rejeter un empoisonnement d'éléments aussi résistants
que les plaques terminales.
En résumé, les faits pathologiques viennent éclairer ici les difficultés des
théories physiologiques, et, quelle que soit l'explication que l’on préfère, il
est un fait que le mode de contractilité met hors de toute contestation, c’est
que lobstacle qui existe entre le système nerveux et le système musculaire
dans l’empoisonnement par le curare, c’est que cet obstacle, dis-je, ne ré-
side pas entre les extrémités des filets moteurs et la fibre musculaire.
ADDITION AUX NOTES ANTÉRIEURES RELATIVES A QUELQUES PROPRIÉTÉS DU
CUIVRE (TÉMOIGNAGE DE M. LECROSNIER), par M. BOCHEFONTAINE.
Je désire ajouter, comme note additionnelle aux communications que j'ai
faites dans ces derniers temps à la Société, le témoignage de M. Lecrosnier
relativement à Villedieu.
M. Lecrosnier, le libraire-éditeur que nous connaissons lous, a séjourné
maintes fois à Villedieu, et chaque fois, sur la place du Marché notam-
ment, il a été incommodé par l'odeur du cuivre. Les vêtements des cui-
392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
vriers sentent le cuivre, et si ces travailleurs, de même que les autres habi-
tants de la ville ne sont pas, comme les voyageurs, gênés par les émanations
cupriques, c’est qu'ils y sont accoutumés.
L’accoutumance toutefois ne va pas jusqu’à arrèter toute action du cuivre
sur l'organisme, de sorte que la population de Villedieu subirait une cer-
taine dégénérescence si elle n’était constamment rajeunie par l'apport des
communes voisines.
Jamais Villedieu n’a été préservé d'aucune épidémie.
Les renseignements fournis par M. Lecrosnier expliquent comment
M. Boscher, dont l’officine est située sur la place de Villedieu où l’odeur du
cuivre est particulièrement désagréable, comment, dis-je, ce pharmacien a
pu émettre les dénégalions qui ont été apportées à la Société.
BOURLOTON. — lrapraneries réunies, À, rac Mignon, 2, l'ams. à
JT
333
SÉANCE DU 24 MAI 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
OBsERvATION SUR LA NoTE DE M. LABORDE SUR L'ÉLASTICITÉ PULMONAIRE
(séance du 10 mai 1884), par M. Paul Berr.
Notre collègue, résumant ses expériences sur les poumons de l’assassin
Campi, s'exprime ainsi :
« Pour ce qui est de la remarquable durée de la propriété rétractile,
» sans vouloir discuter en ce moment l’opinion qui leur attribue comme
» une des raisons prochaines la contractilité des muscles bronchiques
» (muscles de Reissensen), contractilité qui serait elle-même sous l’action
» directe des nerfs vagues, il nous sera permis de remarquer que le bien-
» fondé de cette opinion se trouve sérieusement compromis en présence du
» fait de la survie en question ; car nous ne pensons pas que cette possibi-
» lité de survie soit attribuable à la contractilité musculaire, même à celle
» de la fibre lisse, et, en tout cas, elle ne saurait s’appliquer à l’influence
» depuis longtemps perdue des nerfs pneumogastriques. »
Je crois devoir faire observer que, dès 1868, dans les leçons que j'ai pro-
fessées au Muséum (1), j'ai montré : 1° que la contractilité des bronches
d’un poumon est sous l'influence du nerf pneumogastrique du même côté ;
2° que, quatre à six Jours après la section de ce nerf, son bout périphérique
cesse de pouvoir agir sur les fibres de Reisseissen ; 3° qu'après deux semaines
de section, la contractilité bronchique elle-même a disparu ; # que ce
poumon, ainsi privé de contractilité, demeure rétractile par élasticité,
conserve ses cils vibratiles et paraît absolument sain.
La contractilité pulmonaire est donc absolument distincte de la
rétractilité.
(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 330. Paris,
J.-B. Baillière, 1870.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, [°", N° 21. 26
394 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SUR L'ORIGINE DU MOT MAGNÉTISME ANIMAL, Note de M. Charles RiceT (1).
J'ai eu l’occasion de trouver dans quelques ouvrages anciens des indica-
tions sur les vertus médicales attribuées à l’aimant. Il n’est pas étonnant
qu'un agent physique aussi puissant ait été, dès le début de la médecine,
employé comme remède. Il convient d’ailleurs de remarquer que ce sont
des opinions plutôt que des faits.
Voici d’abord un passage de Cardan (2) :
« Laurentius Guascus Cherascius, médecin empirique de Tours, avait
» apporté ces jours derniers ceste pierre (un aymant) el promettoit pouvoir
» pénétrer toute la chair sans douleur, s'il touchoit une aguille : laquelle
» nous semblant ridicule, comme il est de raison, 1l certifia ceste chose par
» expérience à mes compagnons. Finablement à fin que j’expérimentasse
» cette chose incredible, j’ay mis en la peau de mon bras une aguille pre-
» mièrement frottée à l’aimant, et premièrement j'ay apperceu une très
» petite imagination de ponction : après, quand l’aguille pénétroit tout le
» muscle, quasi droitement, lors je sentois l’aguille pénétrer jusqu’au pro-
» fond en la part ou elle penetroit, mais je ne sentois aucune douleur.
» Adone j’ay revelé à mes compagnons ce que j’avois expérimenté sus moy.
» Je laissay l’aguille longtemps fléchissant le bras de çà et de là, je n'ay
» rien senty qui me fust moleste et le sang uen est sorty; l’aguille tirée
» hors, il n'est demouré aucun trou : seulement une demie goute de gros
» sang est apparue, par laquelle on cognoissoït le vestige de la playe. Et celuy
» qui estoit auteur de cecy ne vouloit observer le lieu des nerfs ou des
» veines, afin que nous entendissions plainement grande vertu estre en cest
» aymant. »
Dans un autre livre plus ancien (3) : « Marcr ANTONIT ZIMARE, Antrum
» magico medicum in quo. curationum magnelicarum ad omnes cor-
» poris humani affectus curandos thesaurus locupletissimus. — Francfort,
» 1525 à 1526,» on voit une indication, qui paraît être la première, de
la puissance médicale de l’aimant. Mais j'ai vainement cherché dans cet
ouvrage un fait précis, ou même une allusion à la vertu médicatrice de
aimant, autre que celle qui est dans le texte.
Basile Valentin, dans son Traité des choses naturelles et surnaturelles,
explique que, l’aimant pouvant agir à distance, il n’y a rien d'étonnant à ce
(1) Communicaticn faite à la séance du 17 mai.
(2) Les livres de Hierosme Cardanus, médecin milannois, etc., traduit de la:
tin en françois, par Richard Le Blanc, Paris, 1584 (le septiesme livre des pier-
reries, p. 186, À et B).
(3) Ge livre se trouve à la Bibliothèque nationale, réserve : Te 40, n°5, et à la
Bibliothèque de la Faculté de médecine.
SÉANCE DU 930 MAI. 339
— — _—_
que sa faculté s'exerce, à distance aussi, sur les plaies. « Ce n’est pas là
dit-il, une force diabolique, c'est une force attractive analogue à celle des
dote (1). »
Ce passage de Basile Valentin se trouve rapporté en allemand et en latin
dans le livre de Rod. Goclenius, professeur à Marbourg, que intitulé :
Synarthrosis magnetica, Marbourg, 1617, ps 246:
Ce même auteur avait composé un autre ouvrage sur le même sujet, inti-
tulé : Tractatus novus de magnetica vulnerum curatione, Francfort, 1613.
Dans ces deux ouvrages, l’auteur assimile à l’aimant les médicaments
quelconques, métalliques ou botaniques, qui agissent à distance sans un
contact immédiat. Malheureusement, pour ce qui est de donner la preuve de
ces actions, ilse contente de dire que sa puissance thérapeutique est incon-
testable, prouvée par des raisonnements el des expériences assez pour
qu’il soit inutile d’insister encore à ce sujet. [1 faut, dit-il, être un impu-
dent ou un méchant homme, ou un Béotien, pour nier ces efets. DRE
hujus curæ est certis experimentis patefactus.
Ces traités de Goclenius ont suscité une réponse de Jean-Baptisle. Hel-
montius (De magnetica vulnerum curatione, Paris, chez Le Roy, 1621).
Dans tous ces ouvrages, remplis de stériles discussions et d’affirmations en-
fantines, il ne m’a pas été possible de trouver un fait précis intéressant
vraiment la science; c’est de la médecine astrologique ou alchimique,
Papplication de lPaimant étant comparée à l'application des pierres et des
anneaux magiques.
Ce qui est intéressant, c’est de voir que dès le commencement du dix-
septième siècle, le mot magnétique signifie action à distance, sans contact
direct (2).
Ainsi, lorsque Mesmer se servira du mot magnétisme pour son
fluide, ce n’est pas parce qu'il lassimilera d’une manière spéciale à Fai-
mant, c’est parce qu'il est entendu qu’une force qui s'exerce à distance,
sans contact direct, est une force magnétique.
(1) « On trouve beaucoup de substances en médecine qui agissent à distance
et produisent des effets kyperphysiques ; c’est à la manière du magnétisme (ma-
gneticd form) qu’elles opèrent; par une force spirituelle attractive à travers
l'air : l'air est le milieu entre la substance médicatrice et la maladie. C’est de
même que l’aimant se tourne en tout temps vers son étoile méridienne. »
(2) Comme dans l'opuscule de Nicolas de Locques, médecin spagyrique, Des
vertus magnétiques du sang, de son usage interne et externe pour la guérison
des maladies, in-12, Paris, 166%, Gentil. — Malheureusement on ne trouve dans
ce fatras que des a tons de Paracelse. « [1 ne faut pas, dit-il, se persuader
que l’aimant animal soit l’aimant vulgaire. »
330 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE L'ACHOLIE, par Victor HANOT, agrégé
de la Faculté, médecin de l'hôpital Tenon.
Dans une précédente séance, j'ai entretenu la Société d’une observation
d’acholie que je comparais à un autre cas que j'ai publié dans nos Bulletins
en 1882.
Tandis que, dans le premier fait, l’acholie s’imposait comme une consé-
quence indiscutable de l’oblitération des vaisseaux artériels et veineux du
hile, dans l’autre observation, l’acholie était déduite pendant la vie de la
décoloration des matières fécales sans ictère et de quelques symptômes tels
qu'un tympanisme considérable, qui semblaient témoigner d’une sécrétion
au moins incomplète de la bile.
Ce qu'il y avait de particulièrement intéressant chez ce malade cachec-
tique, c’est que l’examen ne révélait que ces deux signes de la décoloration
des matières fécales sans ictère et du tympanisme qui permissent de
remonter à la cause de l’évolution morbide. Seule la décoloration des ma-
tières fécales indiquait une affection hépatique; point d'indice de lésion
d'un autre organe; et cette affection hépatique, quelle qu’en fût la nature
exacte, devait être considérée cliniquement comme relativement bénigne,
puisqu'elle durait, à n’en pas douter, depuis plusieurs années, qu’elie pré-
sentait des rémissions d’une durée assez considérable et que chaque recru-
descence, en dehors du mauvais état général, ne déterminait guère d’autres
symptômes que la décoloration des matières sans ictère, ni fièvre, ni acci-
dents douloureux. Il s'agissait donc là d'une affection chronique du foie,
réduite, pour ainsi dire, à sa plus grande simplicité et-s’accompagnant d’un
trouble de la sécrétion biliaire. Il importait beaucoup d'établir s’il y avait
abolition complète de la sécrétion biliaire ou simple modification. Notre
collègue M. Robin conclut d’une étude chimique des urines du malade,
que la bile était encore sécrétée, que les pigments seuls faisaient défaut,
qu'il n’y avait, comme je lai dit, qu'une acholie pigmentaire.
La marche ultérieure des choses a bien montré que tout au moins l’alté-
ration du système biliaire était superficielle; bientôt l’état général s’amélio-
rait, et en même temps le tympanisme disparaissait et les matières fécales
reprenaient insensiblement leur coloration normale.
La crise avait duré trois à quatre mois et toutes les crises précédentes,
depuis trois ans, s'étaient présentées de la même manière. Pour le dire en
passant, ce retour de la coloration des matières fécales prouve assez qu’on
n'avait pas affaire à un individu présentant cette particularité de sécréter
normalement une bile incolore.
Ici donc l’acholie était un signe diagnostic de haute Th indenus. mais
c'était une acholie pigmentaire et le pronostic en était moins sérieux. Au
contraire, dans l'observation publiée en 1882, l’acholie était absolue.
SÉANCE DU 30 Mal. 3931
Dans le fait nouveau que je présente à la Société, l’acholie était encore
complète. Chez un homme de trente et un ans, atteint de cancer de
l'estomac et de cancer secondaire du foie, les matières fécales se décolo-
rèrent complètement pendant les trois dernières semaines de la vie, bien
que le malade, par exception, continuât à s’alimenter dans des proportions
moyennes. Pendant cette même période, point d’ictère ; pàleur, décoloration :
complète des muqueuses et du tégument externe. L’autopsie montra le
cancer stomacal et le cancer hépatique secondaire, diagnostiqués pendant
la vie.
Les voies biliaires étaient complètement libres, revenues sur elles-
mêmes, décolorées ; aucun calcul ni dans la vésicule ni dans les conduits.
Quant à la vésicule elle-même, elle était vide, décolorée, recroquevillée,
de telle sorte qu’elle n’aurait pas contenu plus de deux cuillerées à café de
liquide, si on avait tenté de l’injecter.
Ici la décoloration des matières fécales ne reconnaissait pas pour cause
l’oblitération des canaux biliaires et il est plus que probable qu’elle était
liée à une diminution, sinon à une abolition complète de la sécrétion bi-
liaire. és
Ce n’était plus simplement l’acholie pigmentaire, mais l’acholie vraie,
complète ou incomplète, causée par un processus intime encore à dé-
terminer.
NOTE SUR L’EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE,
par M. P. REGNarn.
Les travaux qui ont été faits sur la fermentation due à la levure de bière
sont innombrables. Mais tous les auteurs qui jusqu’à présent se sont oc-
cupés de ce sujet intéressant ont seulement examiné les résultats ultimes
donnés par la fermentation, ils n’ont pas étudié ce qui se passait pendant
l’acte lui-même quant à sa marche et en fonction de temps.
Ils mettaient du sucre et de la levure en présence, ils constataient un
abondant dégagement de gaz, une production d’alcool, et, en dosant ces
deux produits, ils avaient, en fin de compte, la mesure de la fermentation,
mais 1ls n’en connaissaient pas la marche.
La méthode graphique seule, enregistrant d’une manière continue les
produits de l’action chimique sans l’influencer en rien, pouvaient satisfaire
au desideratum que nous signalons. Grâce à l’appareil que nous avons au-
trefois présenté à la Société (1882) et à la description duquel nous ren-
voyous le lecteur, il est possible d'enregistrer un dégagement gazeux. Or,
dans la fermentation alcoolique, le dégagement Wd’acide carbonique est pro-
portionnel à la fermentation, il en donne la mesure ; en l’enregistrant sous
390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
forme de courbe continue, on aura la courbe de la fermentation elle-
même.
Mais, avant d'étudier la courbe de la fermentation, examinons, comme
terme de comparaison, celle d’une action chimique quelconque. Mettons
par exemple dans notre appareil de la craie et de l’acide chlorhydrique et
laissons-le fonctionner. L’acide carbonique se dégage, s’enregistre et nous
obtenons la courbe représentée ci-dessous (fig. 1).
On voit, enexaminant ce tracé direct donné par l’appareil, que l’attaque
ae,
|
a
CARRE EE ES
PARTIE EN RCE
RATE
5
\
DL
ADIDDIN
DIT
FIG. 1. — Courbe représentant l’action d'une quantité donnée d’acide chlorhydrique
sur un excès de carbonate de chaux. -
est d’abord très vive, puis, l’acide s’appauvrissant peu à peu, la courbe s’al-
longe au point d'arriver à une ligne horizontale au moment où tout l'acide
a disparu. | |
I suffit d'examiner cette courbe pour voir que l’action de l’acide sur le
sel de chaux se fait suivant un mouvement uniformément ralenti et que la
courbe obtenue est parabolique. Nous ne saurions multiplier ici les tracés,
mais nous pouvons, après de nombreuses expériences, déclarer que toutes
les actions chimiques que nous avons examinées donnaient une courbe iden-
tique à celle-ci. Nous renvoyons d’ailleurs le lecteur au travail que nous
avons publié en collaboration ayec M. Paul Bert (1883) : il y verra que la
décomposition de l’eau oxygénée par la fibrine se fait, comme les combi-
naisons que nous venons de citer, suivant une courbe parabolique.
SÉANCE DU 30 Mal. 339
Maintenant que nous connaissons la courbe des actions chimiques
simples, mettons dans notre appareil une quantité connue d’eau, de glu-
cose, de levure, laissons ces sustances fermenter à 35 degrés et recueillons
la courbe du dégagement d’acide carbonique. Nous obtenons le tracé de la
figure 2.
En examinant cette courbe, nous remarquons une différence très no-
table avec celle d’une action chimique pure (fig. 1). La fermentation ne
commence pas immédiatement ; pendant les quinze premièrés minutes elle
est très lente, et elle croît suivant une courbe parabolique peu développée.
Il y a là une période très intéressante que nous avons appelée le temps perdu
+ —
SABEHOE M
A
F1G. 2, — Courbe représentant lPaetion de la levure de bière sur. la glucose. Les chiffres
de la colonne verticale expriment des quantités égales d’acide carbonique; les chiffres
de la colonne horizontale représentent le temps exprimé en heures.
de la fermentation, pendant laquelle les deux substances sont en contact
sans agir. L'étude détaillée de ce temps perdu et des conditions qui le font
varier fera le sujet de notre prochaine communication.
Après le temps perdu vient la fermentation dite tumultueuse (1). Elle est
marquée par une ascension brusque de la courbe; elle se fait suivant un
mouvement uniforme et se trouve représentée par une ligne droite. Au
bout d’une heure et demie environ, dans notre expérience, la fermentation
se ralentit, les produits mêmes de la fermentation (nous le démontrerons
prochainement) viennent en entraver la marche et la production du gaz va
en décroissant uniformément comme la courbe d'une action chimique
simple.
La figure 3 représente une fermentation où il y avait moins de sucre et
de levure; elle dure deux fois plus, produit moins de gaz, mais tous les
caractères de la première courbe s’y retrouvent.
C’est pour montrer qu’en variant les proportions des matières fermen-
(1) Dans toutes nos expériences, nous avons opéré à 35 degrés et employé de
la levure haute,
340 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tescibles, on modifie les éléments de la courbe sans changer sa forme gé-
nérale, que nous publions la figure 4, fournie par une fermentation où il y
RE
A
d|
J
FiG. 3. — Courbe représentant une fermentation alcoolique.
avait moins de sucre et plus de levure que dans la première. La fermenta-
lon a été plus rapide, mais elle a présenté tous ses éléments ; temps
perdu, ligne droite, ligne parabolique,
SÉANCE DU 90 MAI. 341
En résumé, la méthode graphique nous montre qu'il y a une différence
sensible entre une action chimique simple (fig. 1) comme celle qui ré-
sulte de l’attaque d’un carbonate par un acide et l’action d'un ferment vi-
vant dédoublant une espèce chimique.
D'un côté, action uniformément retardée ; de l’autre, période de silence
Fi6. 4. — Courbe représentant une fermentation alcoolique.
(temps perdu), marche uniforme (période tumultueuse), marche para-
bolique (période finale).
Dans une prochaine communication nous dirons comment on peut expli-
quer et modifier ces différents temps.
INFLUENCE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE SUR LA COMPOSITION DU SANG
ET SUR LA NUTRITION, par M. Ch. E. Quinouaun.
CI. Bernard a montré que le sang veineux d’un musele devient rouge
après la section de son nerf, et Brown-Séquard a signalé depuis 1869 Ia
puissance que possède le système nerveux central d'arrêter plus ou moins
subitement l’activité de la nutrition dans les différents tissus et organes.
Malgré ces travaux de premier ordre, il reste encore des points obscurs ;
par exemple, le problème suivant n’est pas résolu : à l’aide d’analyses
physico-chimiques exactes, déterminer quelles sont les modifications du
sang dans les divers points de l’arbre circulatoire et les troubles nutritifs
après la section de la moelle épinière à la limite supérieure de la région
dorsale? Dans ces circonstances, il se produit d’abord une diminution
considérable de l’exhalation pulmonaire de CO? : voici un chien de moyenne
342 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
taille qui exhale avant la section 11,82 de GO? dans 50 litres d’air en qua-
torze minutes, tandis qu’une heure et trente-trois minutes après la section,
le rejet n'est plus que de 01,70 en quinze minutes et dans 50 litres d'air;
toutes les autres analyses sont dans le même sens.
Après cette section, le sang subit des modifications dans les veines des
membres inférieurs, dans les veines sus-hépatiques, dans le cœur droit et
dans les artères. Voici dans quel sens il subit des changements :
Sang des veines crurales.
Dix à quinze minutes après la section médullaire, l’analyse des: gaz
montre l’augmentation de l’oxygène et la diminution de CO.
Exemple : |
Avant Après
la section. la section.
Pour 100 de san ROSE Le) OO DAT FEES
= RAD LE PMR tee 260,0: 20
D'autres fois l'animal meurt par asphyxie, rapidement ou deux à trois
heures après l’opération : dans ces cas, l'oxygène diminue. Le chien peut
encore succomber à l’hypothermie, et dans ces conditions on trouve parfois
que l’oxygène a peu diminué dans les artères, dans les veines périphériques
et viscérales.
Sang des veines sus-hépaliques.
L'oxygène diminue d’une manière très nelte; dans les cas d’asphyxie
cette diminution est considérable.
Exemple sans asphyxie :
Avant Apres
la section. la section.
Pour 00e Sans AD PPEE EEE 14c:0 46,0
Le AUDE RNA Sr 45 ,0 94 ,0
Exemple avec asphyxie :
POULE SAN MU E EE PPETEEPEE 156,0 2,3
_ COURTE Loi 0 GS MT) 38 ,0
Sang du cœur droit.
L’oxygène augmente en quantité.
à Avant 1/4 d'heure
la section, après la section.
PourMO00cde sang MO 207 SEUuE cc, 0 AE 1)
ai COR AMENER 13 ,0 30 0
SÉANCE DU 930 MAI. 343
D’autres fois l’oxygène diminue ou reste au même taux.
Avant Après
la section. la section.
Pour 100€€ de sang. 0....:........ 17ec,0 41cc,0
| w CUOE TA nm 290 END
Pour 100€€ de sang. 0............. RATE ESS CT
ta Rs scie 37 ,5 36 0
Le sang artériel subit les mêmes modifications que le sang du cœur
droil.
Exemple :
Avant Après
la section. la section.
Pour 100€c de sang. 0....4........ 21®,5 29,9
— eee 12 ,5 38 5
Exemple d’hypothermie :
T. R, : 399,1 T. R: 210,5
Avant A7 apres 98’ après 24 heures
la section. - la section. la section. après la section.
Pour 100€ de sang. 0..... 9ce 0 11cc,0 10ce,0 (SIA 1)
me. CO 0} puegpe, AUS A mu9010 34 6
De tous ces faits on peut conclure que la section de la moelle épinière
vers la partie supérieure de la région dorsale produit l’artérialisation du
sang veineux des membres postérieurs : cet effet s’atténue, mais reste cons-
tatable dans le sang du cœur droit et dans le sang artériel.
Par contre, le sang viscéral des veines sus-hépatiques se désoxygène plus
ou moins; de là des varialions en quantité dans l’oxygène du sang du ven-
tricule droit, et dans l’oxygène du sang artériel.
Deux circonstances viennent troubler la loi générale établie plus haut. Ces
inodificaltions hématiques sont : d’une part, lPasphyxie agissant sur les
organes moteurs de la circulation, fait démontré par MM. Dastre et Morat,
et sur le sang lui-même; d'autre part, l’hypothermie avec artérialisation
du sang veineux. De ces effets combinés il résulte des altérations com-
plexes, faciles à saisir.
EXPÉRIENCES NOUVELLES SUR LA VITESSE DU COURANT NERVEUX SENSITIF,
CHEZ L'HOMME, par M. À. M. BLocu.
L'étude comparative des sensations auditives et tactiles m'a permis de
déterminer la vitesse du courant nerveux sensitif.
J'ai dit, dans un récent travail (novembre 1883), que la simultanéité
344 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
de deux sensations résultant d’un bruit et d’un choc sur la main, se mani-
feste lorsque le choc précède le bruit, et cela, depuis une avance de ;, de
seconde, jusqu’à 5 de seconde.
J'ai expliqué ce phénomène par les effets combinés des durées de trans-
mission et des persistances des deux sensations soumises à l’examen.
Lorsque l’on substitue le lobule du nez au doigt, les intervalles entre
lesquels se produit le synchronisme apparent ne sont plus les mêmes.
Il faut toujours que le choc soit jrénnier Ée la simultanéité se montre
depuis 5 de seconde, en moyenne, jusqu'à 4? de seconde.
Sans vouloir entrer dans de longues explications que j'ai développées
précédemment (Journal de l'anatomie, janvier 1884), je conclus ainsi :
5 3,6 é 1,4
250 250 250
représentent le temps nécessaire à la transmission centripète pour une lon-
sueur de nerf égale à la différence des distances du doigt et du nez, res-
ectivement, jusqu’au sensorium.
Ce résultat donne 141 mètres par seconde et, si l’on tient compte des dif-
férences de vitesse pour les nerfs et pour la moelle, ainsi que je lai fait
dans mon premier mémoire sur le sujet, publié en 1875 dans les Archives
de physiologie, on trouve en dernière analvse 137 mètres par seconde.
J'avais trouvé 132, en 1875. |
La seconde partie de l’expérience, l'intervalle 2 de seconde, nécessite
la recherche d’un nouvel élément, la persistance du toucher sur le nez.
Cette expérience est très difficile à réaliser, parce qu’on n’est jamais cer-
tain de tenir la tête immobile pour prendre deux repères successifs
Elle m’a fourni 93 mètres par seconde.
La moyenne des deux parties de l’expérience est done 114 mètres Jia:
seconde, en tenant compte des longueurs de nerfs et de moelle.
Mais je maintiens mon chiffre de 1875, soit 132 mètres par seconde,
d’abord, parce que l’intervalle minimum, partie la plus exacte de l’expé-
rience, donne 137 mètres, chiffre presque égal, et, en second lieu, parce
que mon outillage ancien avait une bien plus grande précision.
En effet, les erreurs dans la prise des repères étaient de ,;! de seconde,
pour un millimètre ; dans mes expériences actuelles, un millimètre repré-
sente environ ,;, de seconde, c’est donc une approximation presque 20 fois
moins grande. Mais il ne s’agissait pas spécialement de résultals numériques.
Pour moi, l’essentiel était de retrouver, par un procédé tout différent du
premier, des résultats analogues, montrant le bien-fondé des théories qui
ont présidé à mes recherches anciennes, comme à celles que j'ai l'honneur
de présenter à la Société aujourd’hui.
SÉANCE DU 30 MAI. 349
SUR LA TUBERCULOSE ZOOGLŒIQUE, ÉTUDE DU MIGRO-ORGANISME, par MM. L.
MaLassez et W. ViGNaL.
L’inoculation de certains produits tuberculeux peut donner lieu, ainsi
que nous l’avons indiqué précédemment (1), à une affection ressemblant en
tous points à une tuberculose bacillaire aiguë généralisée, sauf qu’on y
trouve, au lieu et place des bacilles de Koch, des amas zooglœiques de mi-
crocoques. Nous l'avons désignée sous le nom de’« tuberculose zooglæique »,
voulant simplement indiquer par là et les ressemblances de lésions et les
différences de parasite qu'elle présente avec la tuberculose bacillaire, sans
nous prononcer, les faits ne nous l’ayant pas permis, sur les rapports de
nature qui peuvent exister entre ces deux affections, ainsi qu'entre les deux
micro-organismes qui leur ont donné naissance. Pour arriver à élucider ce
dernier point si important, nous avons pensé qu'il fallait trouver tout d’a-
bord une technique qui permit de colorer nos zooglæées et de les recon-
naître facilement, ce que nous n’avions pu faire encore. Et ce sont les résul-
tats obtenus dans cette voie que nous allons brièvement résumer dans cette
Note.
Deux procédés de coloration peuvent être employés : l’un plus rapide,
l’autre plus lent.
Le procédé rapide comprend trois opérations, comme celui de Ehrlich pour
les bacilles : la coloration en masse, la décoloration partielle, le montage.
1° La coloration s’obtient en laissant plusieurs heures la coupe dans un
bain formé de 9 centimètres cubes d’eau saturée d'huile d’aniline, et de
L centimètre cube de solution alcoolique concentrée de bleu de méthylène.
2° La décoloration voulue est donnée par une immersion dans un bain al-
calin composé de deux volumes d'une solution de carbonate de soude à
2 pour 100 et de 1 volume d'alcool absolu. On y agite la préparation, les
zooglæées se décolorent moins vite que les noyaux et l’on s'arrête au moment
où, les zooglæées étant encore vivement colorées, les noyaux ne possèdent
plus qu'une teinte bleu pâle. 5° Pour le montage, on place d’abord et pen-
dant quelques instants la coupe dans une assez grande quantité d’eau dis-
lillée afin d'enlever toute trace de la solution alcaline; on déshydrate ensuite
rapidement avec de l’alcool absolu ; puis on éclaircit avec de l’essence de
girofle ou de térébenthine, et l’on monte enfin dans le baume de Canada ou
la résine d’Ammar non dissous dans le chloroforme.
Le procédé lent ne comprend que deux opérations, la coloration spéciale
s’obtenant d'emblée et la décoloration se trouvant par conséquent suppri-
(1) Voy. Société de biologie, séances des 12 et 19 mai, 9 juin 1883; Académie des
sciences, séance du 5 novembre 1883; Archives de physiologie, n° du 15 no-
vembre 1883.
346 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
mée. La coupe, après avoir été lavée à l’eau distillée, est placée dans le bain
suivant :
Solution de carbonate de soude à 2 pour 100....... 10 volumes
Eau saturée d'huile d’aniline et filtrée............ D. Me
Alcool ahsnluee ee TL He Sonore 8 , —
Solution de bleu de méthylène faite avec 9 volumes
d’eau distillée et 1 volume de solution alcoolique
CONCERNÉ EE CEE Ce de der EC te LAS —
Ce mélange, qui est d’un beau bleu clair lorsqu'il vient d’être préparé,
devient verdàtre au bout de quelque temps, se fonce et donne un précipité;
mais cela n'altère en rien sa qualité, au contraire, il suffit de le filtrer. Les
coupes y sont abandonnées de deux à trois jours au moins; leszooglæées se
colorent alors en bleu franc et assez vif, tandis que le tissu de granulation
est d’un bleu verdàtre très pâle et les noyaux des tissus sains d’un bleu peu
intense. Pour conserver dans toute leur netteté ces différences de ton et de
qualité de couleur, le montage demande quelques soins particuliers. La
coupe, après avoir été bien lavée à l’eau distillée, doit être déshydratée
avec de l'alcool absolu légèrement teinté par du bleu de méthylène, puis
éclaircie, non avec de l’essence de girofle, mais avec de l’essence de berga-
. mote ou de térébenthine. Quant au montage, il se fait comme précédem-
ment, soit dans le baume de Canada, soit dans la résine d’Ammiar non dis-
sous dans le chloroforme.
Le premier de ces procédés est évidemment plus rapide et donne peut-être
de plus belles préparations; mais la décoloration demande une certaine ha-
bileté, une certaine habitude pour être arrêtée au moment opportun. Le
second a évidemment l'inconvénient de demander beaucoup plus de temps,
mais il a le grand avantage d’être d’une exécution bien plus facile.
Si l’on examine, sur des préparations colorées comme il vient d’être dit,
les points où existent de grosses zooglœées semblables à celles que nous
avons décrites et figurées dans notre travail des Archives de physiologie,
on est frappé de voir qu’elles se sont comportées d’une façon bien différente
vis-à-vis du réactif colorant : les unes sont vivement colorées en bleu in-
tense dans toute leur étendue; les autres ne sont colorées qu’à leur partie
périphérique ou seulement dans une portion de cette périphérie, le reste
étant incolore, et la teinte s’atténue assez rapidement quand on passe des
parties colorées à celles qui ne le sont pas. Il en est enfin qui restent com-
plètement incolores et se détachent en masses claires sur le fond bleuté de
la préparation; elles font l'impression d’un négatif, les colorées représen-
tant un positif.
. La loi de ces différences saute rapidement aux yeux : les z0oglæées qui se
colorent complètement sont les petites qui se trouvent isolées dans les pe-
tites granulations au début, ou occupent la périphérie des amas 20oglœiques
SÉANCE DU 30 MAI. 341
que l’on rencontre dans les tubercules plus volumineux. Gelles dont la péri-
phérie seule se colore sont les très grosses que l’on rencontre dans les
mêmes conditions que les précédentes. Celles dont une portion seulement
se colore, font toujours partie d’un groupe dont elles occupent la périphérie ;
la portion qui se colore est toujours la portion extérieure, tandis que celle
qui ne se colore pas est celle qui regarde le centre de l’amas. Enfin les
zooglæées qui ne se colorent pas du tout sont celles qui occupent le centre
des groupes zooglæiques, ou celles qui se trouvent dans des parties caséi-
fiées.
Or les petites zooglæées qui se trouvent dansla granulalion au début, ainsi
que celles qui occupent la périphérie des groupes zooglæiques, sont évidem-
ment d’origine plus récente, elles sont en plein développement et doivent se
nourrir plus facilement; tandis que celles qui occupent le centre de ces
groupes ou siègent au milieu des parties caséifiées sont certainement d’àge
plus avancé, etse trouvent dans des conditions où leur nutrition doit être
plus difficile ou même impossible. [1 semble done que le degré de colora-
bilité de nos micro-organismes soit.eu rapport avec leur degré de vitalité,
autrement dit : les zooglœées, ou portions de zooglæées, colorables seraient
celles qui sont en pleine activité, tandis que les non colorables seraient
celles qui sont mortes ou simplement à l’état de repos. Ge qui prouve en
effet que celles-ci persistent à vivre un certain temps au moins, c’est que
nous avons vu réussir l’inoculation de parties Complètement caséifiées,
là où les zooglœæées devaient être incolorables.
Pour étudier la structure des zooglæées, il est nécessaire de recourir à de
puissants objectifs à immersion homogène et à de bons condensateurs de
lumière. Nous nous sommes servis du 1/18 de Zeiss et du condensateur de
Abbe. TH faut aussi que les préparations soient d’une grande finesse, qu’elles
n'aient par exemple guère plus de 1/100° de millimètre d'épaisseur ; encore
est-il bon de les comprimer quelque peu en les montant dans le baume afin
de les amincir davantageet même de les dissocier légèrement.
Si l’on examine les zooglæées ou parties de zooglæées les plus vivement
colorées, on voit tout d’abord qu’elles sont composées de petits grains vive-
ment colorés en bleu. Ces petits grains ne sont pas disposés au hasard et
sans ordre, ils sont rangés en séries linéaires et forment des chapelets, ce
que nous avions entrevu déjà (Arch. de physiologie, 1883,t. IT, p. 382). Ces
séries s’entre-croisen£ sous divers angles, par places elles se trouvent côte
à côle et parallèles ; on dirait un paquet de chapelets pelotonnés et entor-
tillés. Les grains composants sont en général de forme allongée et mesurent
de 0,6 & à 1 de long sur 0,3 y de large environ; les intervalles qui les
séparent ont tantôt plus, tantôt moins de 0,4 y. On trouve aussi des grains
un peu plus allongés qui sont légèrement étranglés vers leur partie moyenne
et d’autres à peu près sphériques qui sont, groupés deux à deux. Ges diffé-
rentes formes correspondent évidemment à des phases diverses de dévelop:
248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pement, puisqu'on les peut constater dans une même zooglæée, voire même
sur un même chapelet.
Si l’on passe maintenant aux parties peu colorables, l’aspect est changé.
La disposition en chapelet ne s’observe plus qu’exceptionnellement. Les
grains se trouvent plus éloignés les uns des autres et sans ordre apparent ;
ils sont sphériques, plus volumineux, et mesurent de 0,5 à 0,6 x de diamè-
tre. Quelques-uns, ceux qui présentent encore la disposition en chapelet,
sont parfois assez bien colorés, mais la plupart sont à peine teintés en bleu
pale, et il en est qu’on ne peut distinguer tant qu’ils se trouvent noyés dans
la pleine lumière du foyer du condensateur ; il faut, pour les apercevoir,
abaisser le condensateur et faire apparaître les différences de réfringence.
Si l’on étudie enfin les parties qui restent complètement incolores, on ne
distingue plus avec les immersions homogènes et dans la pleine lumière des
condensateurs qu'un granulé vague et flou; mais là encore, en modifiant
l'éclairage de façon à mettre en relief les parties de réfringence diffé-
rente, on aperçoit des grains qui semblent être de même forme et de même
volume que ceux des zooglæées peu colorées.
Les formes zooglœiques colorables ou non colorables que nous venons
d'étudier ne sont pas les seules que puisse prendre notre micro-organisme.
Si l’on examine avec soin, dans des tubercules en voie d'extension, le tissu
de granulation qui entoure les zooglæées ou les amas de zooglœées, on y
pourra découvrir, même assez loin de celles-ci, de très petites zooglæées qui
avaient échappé tout d’abord à l’observation. Elles sont composées, comme
celles en activité,de chapelets de microcoquesallongés ettrès colorables ; mais
leur pelotonnement est souvent très peu considérable et réduit à quel-
ques anses; parfois même il n’y a pas de pelotonnement proprement dit,
on trouve seulement çà et là des fragments de chapelets plus ou moins
longs, plus ou moins ondulés.
Il existe encore dans cette même région un état de développement moins
avancé et des plus intéressants. Il consiste en très courts chapelets formés
d’un très petit nombre de microcoques, trois ou quatre environ, et qui, s’ils
sont vus à un grossissement moins considérable, ont l’aspect de bacilles. Ce
qui les fait ressembler à ceux de Koch, lesquels apparaissent à de forts
grossissements et à des colorations convenables (1) comme formés de petits
grains. Cependant il y a entre ces deux micro-organismes des différences
très notables : les petits grains des bacilles de Koch sont moins allongés
(4) Pour bien voir cette disposition, les bacilles de Koch doivent êtres colorés
en bleu ou en violet et non én rouge. Du reste, si on dispose sur le carreau d’une
fenêtre une série de ronds bleus, et à côté une série exactement semblable de
ronds rouges, et qu’on s'éloigne à une distance convenable, on pourra voir les
ronds rouges confondus et formant un bâtonnet continu, alors que les ronds
bleus seront encore distincts.
SÉANCE DU 30 MAI. 349
et plus petits ; ils ne se colorent pas ou du moins très mal par les méthodes
qui colorent les nôtres, tandis que ces derniers ne se colorent pas du tout
par la méthode de Ehrlich. Ces courts chapelets en forme de bacilles
sont tantôt isolés, tantôt réunis en certain nombre; ils sont alors disposés
parallèlement les uns aux autres ou sous des angles divers. Ils semblent
parfois siéger à l’intérieur d’éléments, dans le noyau ou le protoplasma;
mais cette apparence peut être due à ce qu'ils sont situés soit au-dessus,
soit au-dessous de l’élément ; en tous cas, on en trouve qui siègent mani-
festement entre les éléments.
À côté de ces chapelets plus ou moins longs, il existe enfin des diplo-
coques et des microcoques isolés qui ressemblent comme forme, volume et
coloration aux grains des susdits chapelets ou bacilles; on peut les consi-
dérer comme la forme la moins avancée de notre micro-organisme.
Toutes les différentes formes que nous venons de passer en revue et que :
l'on peut rencontrer dans le tissu de granulation qui constitue la zone péri-
phérique de nos tubercules zooglæiques, doivent évidemment être considé-
rées comme une sorte d'avant-garde envahissante, comme un semis de
colonies futures, comme les premières formes de développement des
volumineuses zooglœées précédemment décrites.
Dans nos tuberculoses zooglϾiques, outre les granulations et tubercules
à zooglœées bien nettes, nous en avions observé d’autres où il n'existait que
de très petites zooglœæées, à peine visibles, et a’autres où nous n’en pouvions
distinguer aucune. Cependant, comme dans ces dernières nous avions re-
marqué entre les éléments des apparences de granulations et que là où ce
granulé était le plus marqué, les préparations au picrocarminate prenaient
une teinte plus jaunâtre, nous avions supposé que nos micro-organismes de-
vaient encore être présents, mais qu'au lieu d’être réunis en zooglæées plus ou
moins volumineuses et facilement visibles, ils se trouvaient disséminés dans
le tissu tuberculeux. Notre hypothèse était fondée. Si, en effet, sur des pré-
parations très fines et colorées par l’un des deux procédés sus-indiqués, l’on
examine à un fort grossissement une de ces granulations sans zooglœées
nettement apparentes, on y pourra trouver toutes les diverses variétés de
formes que nous venons de décrire dans la zone périphérique des tuber-
cules à grosses zooglœées : c’est-à-dire des microcoques et des diplocoques,
des bacilles, des chapelets de petites zooglæées, tous ces organismes étant
vivement colorés en bleu. De plus, on en peut rencontrer qui se colorent à
peine ; nous avons même constaté de très petites zooglæées qui ne se colo-
raient plus et dont les grains étaient devenus sphériques; enfin il nous à
semblé voir des chapelets, des bacilles, des diplocoques et des microcoques
également non colorés; nous disons il nous semble, parce qu’il est bien
difficile de reconnaître avec certitude, au milieu des tissus, des corps si
petits lorsqu'ils ne sont pas colorés.
L'étude de ces granulations tuberculeuses sans zooglæées volumineuses et
10LOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. fr, N° 91. 27
390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
facilement visibles, nous prouve donc qu’elles aussi sont dues à la présence
du même micro-organisme, mais moins développé ; elle nous montre que
celui-ci peut sous cette forme perdre sa colorahilité comme ceux qui ont
acquis tout leur développement, c’est-à-dire, d’après ce que nous avons vu
précédemment, qu’il peut passer de l’état d'activité à l’état de repos; elle
nous montre enfin combien il faut être réservé avant de nier l’existence de
notre micro-organisme tant qu'on n'aura pas à sa disposition une technique
capable de les colorer lorsqu'ils sont à l’état de repos, lorsqu'ils sont
incolorables par les procédés que nous avons indiqués; on peut, en effet,
avoir affaire à des granulations ou tubercules dont les micro-organismes
sont justement à cet état de dissémination, de développement peu considé-
rable et de non-colorabilité, auquel cas, et lorsque cette forme existe seule,
il devient presque impossible de la reconnaître. Nous avons cherché une
technique qui nous permit de les colorer lorsqu'ils sont à cet état, nous
n'avons pas réussi jusqu’à présent. D’autres micro-organismes, le bacille
de Koch entre autres, présentent peut-être aussi des formes de développe-
ment pendant lesquelles ils seraient invisibles avec nos procédés actuels
de coloration.
Dans un travail, qui doit paraître dans un des prochains numéros des
Archives de physiologie, on trouvera des figures représentant les différentes
formes que nous venons de décrire.
INHIBITION DE CERTAINES PUISSANCES RÉFLEXES DU BULBE RACHIDIEN ET
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, SOUS L'INFLUENCE D'IRRITATIONS DE DIVERSES
PARTIES DE L’ENCÉPHALE, par M. BRowN-SÉQuARD.
Dans la précédente séance, j'ai montré (voy. Comptes rendus, n° 2,
p. 320) que les centres d'action tonique et réflexe de la moelle épinière,
qui maintiennent les sphincters de l’anus et de la vessie dans leur état
normal de contraction, peuvent être inhibés par des lésions encéphaliques,
très variées quant à leur siège et à leur nature. Je vais maintenant faire voir
que diverses parties du cerveau peuvent aussi, par inhibition, rendre diffi-
cile ou impossible l’acte réflexe de la déglutition.
Que cet acte soit amoindri et annulé dans les cas de lésion intrabulbaire
ou de compression du bulbe ou de ses nerfs par une tumeur siégeant dans
les parties voisines, c’est là un fait tout simple de modification d’une fonc-
tion par altération des éléments anatomiques qui l’accomplissent. Mais
lorsque, sans altération organique de ces éléments, des lésions localisées à
une distance plus ou moins grande du bulbe, produisent les mêmes effets,
nous nous trouvons en présence de faits d’un tout autre ordre que ceux dans
lesquels le bulbe ou ses nerfs sont lésés. Dans des cas de lésion à distance
SÉANCE DU 30 MAI. 351
de ce centre nerveux, comme ceux que je vais brièvement mentionner, il est
clair que nous avons à étudier un phénomène dont les circonstances sont
celles des actes d’inhibition (voyez la définition de l’inhibition, p. 323, nu-
méro précédent). Voici un certain nombre de faits de cette espèce. F’en ai
recueilli un bien plus grand nombre, mais je crois que les suivants suffisent.
Cas de difficulté ou de perte de la déglutition, causée par une lésion
d'une ou de plusieurs parties des lobes cérébraux. Des circonvolutions,
soit dans la zone dite motrice, soit ailleurs, étaient les seules parties lésées
dans des cas de Dussaussay (Bulletins de la Soc. anat., 1875, p. 213), de
Bright (Reports of medical cases, t. IT, p.124), d’Abercrombie (Pathol. and
pract. researches on diseases of the brain, 1845, 2 cas, p. T1 et p. 80),
de Nivet (Bull. Soc. anat., 1836, p. 121), de Barlow (British medic. Jour-
nal, 1877, t. II, p. 103). '— Les lobes antérieur ou moyen étaient le siège
de la lésion dans des cas de Bright (Loc. cit., p. 352), d’Andral (Clinique
médicale, t. V, p. 329), de Lallemand (Rech. anat.-path. sur l'encéphale,
t. II, p. 407), d’Abercrombie (2 cas, loc. cit., p. 80 et p. 89), de Dussaus-
say (Bull. Soc. an., 1876, p. 30), de Morrah (Medico-chir. Transactions,
1811, p. 260), de Desgranges, de Raikem, de Ransford (tous trois cités par
Gintrac, in Cours théor. et prat. de Pathol. interne, t. VIX, p. 174, 79 et
671), de Quesneville (Thèse de Paris, 1834, n° 326, p. 91), de Romberg
(Manual of nervous diseases, London, t. II, p. 429), de Charcot (thèse de
Bricquebec, Paris, 1868, n° 64, p. 32). — Le corps strié, la couche optique,
le pédoncule cérébral, ou deux de ces parties ensemble, étaient le siège de
la lésion dans des cas de Charcot (thèse citée de Bricquebec, p. 16), de
Bright (3 cas, loc. cit., p. 189, 296 et 299), de Gendrin (cité par Fabre,
Bibliothèque du médecin praticien, t. IX, p. 61), de Todd (Clinical Lec-
tures, edited by Beale, 1861, p. 729), de Raymond (3 cas, du service de
Charcot, Etude anatomique, physiologique et clinique de l’hémichorée,
l’hémianesthésie, etc., p. 38, 54, 63), de Dufau (cité par Gintrac, loc. cit.,
t. VILLE, p. 337), de Quinquaud (Bull. Soc. anat., 1868, p. 215), de Chrich-
ton Browne (West Riding Lunatic Asyluin Reports, t. V, 1875, p. 292),
de Gintrac (3 cas, loc. cit., t. VIL, p. 143 et 214, t. IX, p. 362), de Mar-
rotte (Union médicale, 1853, p. 407), de Rae (Beale’s Archives of Medi-
cine, t. I, p. 52), de Hervez de Chégoin (Journal hebd. de médec., 1831,
t. IE, p. 389), de E.-C. Seguin (Quarterly Journal of Psychol. medic.,
t. IL, 1868, p.115), de Strambio (Journal des progrès des sciences médic.,
1829, t. XIIT, p. 231).
Je pourrais montrer, par des cas de lésion du cervelet et de la protubé-
rance, que ces parties peuvent aussi faire disparaitre la puissance de déglu-
tition, mais bien que dans ces cas la lésion ne füt pas capable d’exercer une
pression sur le bulbe, le doute pourrait exister. Je laisserai donc ces faits de
côté. Ils ont cependant une grande valeur, surtout quand on les met en
présence de cas de lésion considérable de la protubérance sans trouble de
la déglutition, tels que ceux publiés par Gintrac (loc. cit., t. VIIT, p. 370),
302 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
par Guéniot (Bull. Soc. anat., 1860, p. 321), par sir W. Gull (Guy's Hos-
pital Reports, 1859, p. 296), et par Lager (cité par Gintrac, loc. cit., € NI,
p. 393).
Il y a lieu de se demander quelle est la partie de l’arc réflexe qui cesse
d'agir dans çes cas où la déglutition est rendue impossible par un acte inhi-
bitoire. Est-ce la partie centripète, c’est-à-dire les fibres nerveuses inci-
dentes ? Est-ce la partie centrale, le centre réflecto-moteur ? est-ce la partie
centrifuge, c’est-à-dire les fibres nerveuses motrices ? ou enfin le tissu mus-
culaire lui-même? Une inhibition étant possible dans chacune de ces par-
ties, je ne puis dire quelle est celle qui est atteinte. Mais, comme, dans un
crand nombre d’autres cas où des actes réflexes cessent par une influence
inhibitoire, nous savons que c’est le centre réflecteur qui est affecté, il y a
tout lieu de supposer que c’est cette partie qui l’est aussi lorsque la déglu-
tition est rendue impossible par une irritation venant d’un point du cerveau,
à quelque distance du bulbe. Les faits que j'ai rapportés montrent claire-
ment que les circonvolutions dans la zone appelée motrice ou en dehors
d'elle, les parties blanches des lobes moyen ou antérieur, la couche optique,
les deux corps striés, la capsule interne, le pédoncule cérébral, sont capa-
bles de faire cesser la puissance de déglutition par un acte inhibitoire.
Les mouvements réflexes des membres peuvent aussi disparaître par
suite d’un acte inhibitoire provenant de parties diverses de l’encéphale. Je
me bornerai pour aujourd’hui à établir qu'une lésion limitée à une partie
d’une moitié de l’encéphale peut faire perdre la puissance réflexe dans les
deux côtés du corps. Voici un certain nombre des faits que j'ai recueillis à
cet égard. Pour abréger, je ne fais que nommer les auteurs des observations
et donner l'indication bibliographique : Sibson (The Lancet, t. 1, 1866,
p. 621), Hersent (Bull. Soc. anat., 1845, p. 26), Gintrac (loc. cit., t. VIE,
p. 193), Hamerton (The Lancet, t. I, 17, p. 346), Angelucci (cité par Char-
cot et Pitres, Revue de médecine, 1883, obs. CLXXXIV), J.-W. Ogle
(British and Foreign medical Review, oct. 1856, p. 498), Crichton Browne
(West Riding Lun. Asyl. Reports, 1875, €. V, p. 241), J. Hutchinson
(London Hospital Reports, t. IN, p. 17), Dussaussay (Bull. Soc. anat.,
1866, p. 30), Vigla (Gazette des Hôpitaux, 1845, p. 419), Barral et Mar-
saux (cités par Gintrae, Loc. cit., t. VII, p. 12 et 195).
Ces faits sont décisifs contre l’opinion d’après laquelle des centres d’in-
hibition existent dans l’encéphale, un à droite, capable d'agir sur la moitié
sauche de la moelle épinière, l’autre à gauche, agissant sur la moitié droite
de cet organe. Les faits que je rapporterai dans la prochaine séance sont
tout aussi décisifs contre les opinions d’après lesquelles il y aurait des
centres d’inhibition de la puissance réflexe de la moelle épinière, soit dans
les lobes antérieurs, soit dans la couche optique, soit enfin dans la pro-
tubérance.
BOURLOTON. — [mprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
993
SÉANCE DU 31 MAI 1884 «
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
SUR QUELQUES RÉACTIONS DE L’ALBUMINE ET DU COLLOÏDE AMIDOBEN-
zoïique, par M. Édouard Grimaux. Communication faite à la séance
du 10 mai 1884.
Dans un premier Mémoire (1), j’ai décrit la préparation d’une substance
colloïdale obtenue au moyen de l’acide amidobenzoïque, et j'ai fait voir que
les solutions de ce corps acquièrent, par l’action de petites quantités de
sels, la propriété de se coaguler sous l’influence de la chaleur. La coagu-
lation dépend tout à la fois de la proportion de l’agent coagulant et de la
dilution du liquide. J’ai rapproché ces réactions de celles des solutions
étendues d’albumine qui ne se coagulent pas par la chaleur et deviennent
coagulables par l'addition de chlorure de sodium, de sulfate de chaux, de
sulfate de magnésie, de chlorhydrate d’ammoniaque, etc., ou après avoir
été saturées d’acide carbonique.
C’est sur les réactions comparées des solutions diluées d’albumine et des
solutions du celloïde amidobenzoïque que je reviendrai aujourd’hui, pour y
ajouter quelques faits nouveaux.
Scheele, comme je l’ai dit, est le premier qui ait constaté que le blanc
d'œuf étendu d’eau ne se coagule pas par la chaleur (2), et le fait a été con-
firmé en 1821 par M. Chevreul (3). Par cette addition à froid, l’albumine
ne paraît pas avoir été altérée ; M. Chevreul a fait voir en effet que ces solu-
tions étendues, évaporées dans le vide, de manière à être amenées à la
même concentration que le blanc d’œuf, se coagulent comme lui par la
chaleur.
Si, au contraire, on chauffe ces solutions étendues, l’albumine est mo-
difiée.
Scheele a déjà observé cette transformation : « Si l’on mêle bien exacte-
(1) Comptes Rendus de la Société de biologie, 1884, n° 7, 22 février, p. O7.
(2) Mémoires de chimie de W. Schecle, Dijon, 1785, 2 partie, p. 59.
(3) Annales de chimie, t. XIX, p. 46.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° Série, T. 1°, N° 22, 28
304 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
» ment le blanc d'œuf avec 10 parties d’eau, dit-il, et que l’on fasse
» bouillir ensuite le mélange, le blanc d’œuf restera dissous; mais, si lon
» verse quelque acide, la dissolution se coagulera comme du lait. »
M. Chevreul a vu, de son côté, que l’ébullition ou l’évaporation au bain-
marie transforme l’albumine « en lui faisant éprouver, dit-il, un change-
» ment qui la rend analogue à l’albumine coagulée ».
Enfin M. Ch. Robin (1) a retrouvé le fait observé par Scheele et tombé
dans l’oubli : « On chauffe une solution étendue de blanc d'œuf jusqu’à la
température de la coagulation ; l’albumine ne se coagule pas et devient
légèrement opaline. Si on laisse refroidir la liqueur et qu'on y ajoute une
goutte d'acide acétique, il se formera un volumineux précipité d’albumine. .
Un excès d’acide empêche le précipité et le redissout. L'action de la cha-
leur a donc fait subir à l’albumine une modification. »
En étudiant les modifications que l’action de la chaleur fait subir à Pal-
bumine en solution étendue, j’ai reconnu qu'il se forme un corps possé-
dant les propriétés des albuminates, si voisines de celles de la caséine.
Des solutions d’albumine renfermant 1 pour 100 de matière sèche, por-
tées à la température de 80 degrés, déposent à peine quelques flocons, et
on peut porter à l’ébullition le liquide dilué sans qu’il se trouble; à peine
devient-il rapidement opalin.
Cette solution possède alors la propriété de donner avec l'acide acétique
un précipité qui se dissout dans un excès d'acide et reparait par neutrali-
sation exacte avec un alcali, pour disparaître de nouveau dans un excès
d’alcali, Elle possède surtout la propriété curieuse de se coaguler entière-
ment à froid par le passage d’un courant d'acide carbonique, et le coagu-
lum se redissout quand on le fait traverser par un courant d'air. Il se dis-
sout également quand on le met en suspension dans l’eau atrée après lavoir
débarrassé de l’eau chargée d’acide carbonique, ou quand on place la masse
coagulée dans le vide, au-dessus de la potasse. L’addition de phosphate de
soude à la liqueur empêche la précipitation par l'acide carbonique, mais
non par l’acide acétique, et la solution possède alors les caractères des
solutions de caséine. Cette propriété de donner avec l'acide carbonique un
précipité se redissolvant par l’action de l’air appartient aussi aux globu-
lines, mais le produit de transformation de l’albumine s’en distingue en ce
qu'il ne se dissout pas dans le sel marin. Bien entendu que ces solutions
sont coagulables par la chaleur, quand on les additionne de petites quan-
tités de sels, ou qu’on y a fait passer quelques bulles d’acide carbonique,
insuffisantes pour amener la coagulation à froid.
L’acide carbonique en agissant sur les solutions étendues d'albumine,
modifiées par la chaleur, ne précipite pas toute la matière albuminoïde ;
le liquide séparé du coagulum par filtration renferme une peptone, et si, au
lieu de porter à 80 degrés la solution étendue d’albumine, on la fait
Fe
(1) Chimie physiologique de Robin et Verdeil, t. KE, p. 297.
SÉANCE DU 91 MAI. 399
bouillir pendant quelques heures, la quantité de substance précipitable par
l'acide carbonique diminue, en même temps qu'augmente la proportion de
peptone.
La formation de peptone par l’action d’une température peu élevée sur
la solution diluée d’albumine, fait mettre en doute l'existence des pep-
tones dans le sang, admise par quelques physiologistes ; en effet, pour les y
rechercher, après avoir défibriné le sang, on chauffe le sérum afin de coa-
guler l'albumine : or il est possible que les peptones rencontrées dans le
sang s’y forment simplement par l’action de la chaleur sur l’albumine. De
même, Milton a isolé du lait, après en avoir retiré la caséine, puis l’albu-
mine par l’action de la chaleur, une substance protéique qu’il a appelée
lactoprotéine et qui présente les caractères d’une peptone : rien ne prouve
qu’elle existe dans le lait et qu’elle ne prenne pas naissance par la trans-
formation de l’albumine.
On peut expliquer la modification que subit l’albumine en admettant que
la dilution la dissocie en soude libre et en une substance albuminoïde, qui
s’hydrate pour se convertir en albuminate, composé que fournissent les alcalis
avec les matières protéiques ; une hydratation plus avancée donnerait une
peptone. Quant à la précipitation de l’albuminate par l’acide carbonique, i]
donnerait avec celui-ci une combinaison peu stable, qui se détruit par l’ac-
tion d’un courant d’air ou par l’évaporation dans le vide.
Ce qu'il y a de réellement intéressant, c’est que de telles réactions ne
sont pas spéciales aux composés albuminoïdes; j’ai pu les reproduire avec
le colloïde amidobenzoïque. En soumettant des solutions étendues à une
ébullition de quelques minutes, on obtient, après filtration, un liquide lim-
pide qui a acquis la propriété de donner à froid, par l'acide carbonique,
un coagulum disparaissant sous l'influence d’un courant d'air. Ici,
comme pour l’albumine, la présence du phosphate de soude empêche la
précipitation par l’ 7 carbonique.
Je résume dans le tableau suivant les réactions des solutions étendues
d’albumine et du colloïde amidobenzoïque pour en faire resortir l’étroite
analogie et prouver que les propriétés des albuminoïdes n’ont rien de spé-
cial et dépendent de leur caractère colloïdal.
Solution d'albumine à 1 pour 100. Solution du colloïde amidobenzvique.
Ne coagule pas par l’ébullition: devient Ne coagule pas par l’ébullition, de-
opalescent. vient trouble après quelques minutes
d’ébullition.
Précipite à chaud par l'addition de sel Idem.
marin, de sulfate de chaux, de sulfate
de magnésie, de chlorhydrate d’ammo-
niaque.
390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Coagule à chaud après saturation par Après addition d’une quantité insuf-
un courant d'acide carbonique. fisante de chlorure de sodium pour
coaguler, devient coagulable à chaud
si on sature la solution d’acide carbo-
nique.
N'est pas précipitée par l'acide acé- Est précipitée par l'acide acétique,
tique.
Est précipitée à froid par l’acide azo- Idem.
tique.
Le précipité est soluble dans l’'ammo- Idem.
niaque, insoluble dans le phosphate de
soude.
Est précipitée par le tannin, les sels Idem.
de mercure.
Avec le sulfate de cuivre donne un Idem, seulement la solution potas-
précipité qui se redissout dans la potasse sique est plutôt bleue que violette.
avec une couleur violette.
Evaporée dans le vide, garde sa solu- Idem.
bilité dans l’eau.
Evaporée au bain-marie, devient inso- Idem.
luble.
Acide azotique à chaud colore le préci- Idem.
pité en jaune.
Caractères des solutions qui ont éle chauffees.
Précipite à froid par l’acide acétique. Idem.
Précipité franchement soluble dans un Difficilement soluble.
excès d'acide acétique.
Précipite à froid par l'acide carbo- Idem.
nique.
Le précipité formé par l’acide carbo- Idem.
nique à froid se redissout par l’action d’un
courant d’air.
La présence de phosphate de soude Idem.
empêche la précipitation par l'acide car-
bonique.
NOTE SUR LES MICROCOCCI DE LA PNEUMONIE FRANCHE, par M. le docteur
AFANASSIEW (de Saint-Pétershourg). Travail du laboratoire d'anatomie -
pathologique de la Faculté de Paris.
Les premières indications sur la présence de micrococei dans la pneu-
monie franche ont été données par Klebs, Eberth et Koch. Depuis les tra-
vaux publiés par Friedländer, cette question est entrée dans une nouvelle
phase. Cet auteur, se basant sur un grand nombre d’autopsies, démontra
SÉANCE DU 931 MAI. 291
la présence constante de micrococci ovoïdes, d’une longueur d’à peu
près 1 2, dans l’exsudat alvéolaire et dans les espaces lymphatiques. Plus
tard Günther, et après lui Leyden, ont constaté la présence des microcoeci
dans le suc du poumon malade pris à l'aide de la seringue de Pravaz chez
l’homme vivant.
Marchiafava, Cambria et Griffini trouvèrent ces micrococci dans le sang
des sujets atteints de pneumonie franche. En même temps, les cliniciens
cherchèrent ces coccus ovoïdes dans les crachats, el ils croient les avoir
trouvés (Friedländer, Ziehl, Glies George, Matray, Mendelssohn, Lichtheim).
Cependant tous les travaux que nous venons de citer laissaient à désirer,
parce qu'on n'avait pas réussi à cultiver le microbe à l’état de pureté ni à
reproduire la pneumonie par l’inoculation de cultures pures. Ces inocula-
tions ont été faites et étudiées presque en même temps par Salviali et Zäs-
-lein, Friedländer et Talamon.
Les deux auteurs italiens ont publié une communication préliminaire
dans le Centralblatt. Pour obtenir des cultures pures, ils ont pris la
sérosité de vésicatoires et le sang des sujets atteints de pneumonie et les ont
transportés dans du bouillon de bœuf ou de veau à la température de
31 à 99 degrés cenligrades. [ls se sont aussi servis de gélatine de veau
liquéfiée, d'extrait de viande liquide et du liquide de Pasteur. Dans ces cul-
tures, ils trouveront des micrococei mobiles qu’ils inoculèrent à différents
animaux. Ils n’ont pas indiqué le lieu choisi par eux pour faire leurs
inoculations. Ces inoculations ont réussi en ce sens qu’elles auraient pro-
duit la pneumonie chez différents animaux, entre autres le lapin. Friedländer
se sert, pour ses cultures, de poumons hépatisés pris sur des cadavres
humains et cultive les micro-organismes dans le milieu nutritif solide qui
a rendu tant de services à Koch dans ses études sur Les bactéries patho-
gènes. [Il se sert de la peptone-gélatine solide, du sérum gélatinisé du
bœuf et enfin des pommes de terre bien stérilisées. Par ces procédés il obtient
des micrococei ovoïdes, sans mouvements, qu’il injecte directement dans le
poumon. Ces expériences réussissent au mieux sur les souris, assez bien
sur les cohayes, moins bien sur les chiens et pas du tout sur les lapins. Sur
cinq chiens, inoculés deux fois chacun, un seul tomba malade et succombha
à une pneumonie croupeuse. L'inhalation des micrococei pulvérisés a été pra-
tiquée sur des souris et donna des résultats positifs. Talamon a trouvé dans
le suc du poumon pneumonique d’un cadavre, quelques heures après la
mort, des micrococci en forme de grain de blé, de 1 à 1,54 de longueur et
de 0,5 à 1 4 de largeur. Ces mièrobes, cultivés d’après la méthode de Pasteur,
ont atteint 2,5 à 3p de longueur et 1,54 de largeur. L’inoculation directe
de ces cultures dans le poumon détermine chez le lapin une pneumonie
croupale terminée tantôt par la mort, tantôt'par la guérison. L’inoculation
au chien n’a pas réussi.
En présence de ces résultats contradictoires, des recherches de Salvioli
et Zäslein, de Friedländer, de Talamon, vu la grande importance du sujet,
398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
il était utile d'étudier à nouveau la production artificielle de la pneumonie,
et c’est pourquoi nous avons, d’après les conseils de M. le professeur Cornil,
vérifié quelques-unes des expériences de Friedländer. Ces dernières, en
effet, nous ont paru les plus exactes et les plus circonstanciées.
En même temps, nous avons étudié principalement les questions sui-
vantes : 1° Ÿ a-t-il possibilité de produire la pneumonie franche par Pin-
jection des micrococci dans le tissu pulmonaire sain, dans le tissu sous-cu-
tané et enfin dans le sang de l’animal? 2° Existe-t-il un seul ou plusieurs
micrococci pouvant déterminer la pneumonie ? 3° Si nous pouvons produire
la pneumonie chez les tout petits animaux, comme les souris, les rats et les
cobayes, ne peut-on pas aussi la donner à des animaux plus grands et plus
rapprochés de l’homme, comme chez le chien?
Nous nous sommes efforcé de suivre exactement la méthode indiquée par
Friedländer, à l'exception cependant de la peptone-gélatine, que nous avons
neutralisée et éclaircie par une solution de phosphate de potasse et non
par le bicarbonate de soude. Ce sel précipite en effet les sels alcalins et
par suite il éclaircit la peptone-gélatine, La stérilisation des appareils a été
faite à la température de 200 à 250 degrés, la stérilisation des liquides
dans la marmite de Papin à la température de 120 degrés centigrades. Nous
avons coloré d’abord les microbes de la pneumonie par le violet de gentiane
préparé d’après Ehrlich et nous les avons décolorés ensuite par le procédé
inventé par Gram, procédé brièvement indiqué dans le travail de Friedlän-
der. Cette méthode consiste à placer les coupes ou les lamelles colorées dans
une solution d’iodure de potassium iodée et à chercher ensuite la décolo-
ration par l'alcool absolu et l’essence de girofle.
Comme cette méthode n’était pas décrite en détail dans l’article de Fried-
länder, nous avons composé nous-même dans ce but le liquide suivant :
lodure de potassium, 5; eau, 100 et une petite quantité d’iode, juste pour
colorer le liquide en brun. Après l’apparition de Particle Gram, qui a paru
récemment, nous avons appris qu'il préparait son liquide de la façon sui-
vante : [ode, 1; iodure de potassium, 2 ; eau, 500. La préparation du li-
quide d’après cette formule est impossible. Probablement il y a là une erreur
d'impression.
Cultures. — La mort remontait à vingt-quatre ou trente heures au mo-
ment où nous avons recueilli les poumons. Comme nous avons fait ces
examens en hiver (décembre-avril) et comme tout notre matériel anatomo-
pathologique se trouvait ordinairement dans des pièces froides, il ne nous
a pas été difficile de choisir des poumons qui ne montraient encore aucune
trace de décomposition. Nous avons cultivé l’exsudat provenant de six faits
de pneumonie. Nous n’avons obtenu qu’une seule fois une culture pure
d'emblée, c’est-à-dire avec des cocci ovoïdes. Ordinairement il se déve-
loppait dans les cultures de deux à quatre variétés de micrococer. Une fois
ces cultures ont liquéfié notre peptone-gélatine. Le microscope révélait,
SÉANCE DU 931 MAI. 399
dans ce dernier cas, de petits micrococci ronds et immobiles. Ce micro-
organisme était probablement la cause de la liquéfaction de la peptone-géla-
tine.
Dans les autres cultures, qui ne sont pas devenues liquides, nous avons
trouvé trois sortes de microcci : 1° un micrococcus grand, rond de 1,5 à
1,82 de diamètre; 2° un micrococeus très petit, rond de 0,5 à 0,9 y de dia-
mètre, et enfin & un micrococeus ovale de 0,9 à 1: de longueur. Après avoir
liquéfié la peptone-gélatine dans les tubes contenant les micrococci, nous
avons versé le contenu sur une plaque de verre stérilisée et nous avons pu
séparer les micrococei qui avaient commencé à végéter sous forme de taches
différentes à l'œil nu. Nous les avons ensemencés et cultivés séparément
dans des tubes spéciaux et nous avons réussi à produire des cultures pures
des micrococci 1 et 3. C’est avec le micrococei 3 que nous avons générale-
ment fait nos expériences, quoique quelquefois nous ayons pris la culture 1
et la culture mélangée, composée principalement des micrococci 2. Il me
fut impossible de séparer ces derniers du micrococeus 3. Le micrococcus 3
ressemble beaucoup à celui de Friedländer. Il a la forme ovoïde et n’est
pas doué de mouvements actifs.
Sur les préparations des poumons sains , nous n’avons pas réussi à dé-
montrer les capsules autour des on décrites par Friedländer.
C’est seulement sur les préparations du sue pleurétique des cobayes et des
rats que nous avons vu des capsules rondes, ovales, avec un ou deux micro-
cocci, mais jamais des capsules longues, colorées et avec plusieurs miero-
cocci, comme le décrit Friedländer. Il est vrai que nous avons observé quel-
quefois des espaces clairs et incolores qui entouraïent les cocci en forme de
capsules, mais il y a lieu de regarder ces capsules comme des produits
artificiels. Le plus souvent nous avons vu des espaces clairs autour des
cocci lorsque le liquide pleurétique était muqueux et épais. Pendant leur
croissance, les micro-organismes forment à l’œil nu la disposition décrite
par Friedländer, avec cette différence que, dans ces végétations en
forme de clous, la partie représentant la tête ne dépassait pas de beaucoup
la surface de la gélatine, de telle sorte qu’au lieu d’être hémisphériques les
têtes étaient presque planes. Le micrococcus 2 avait un aspect macrosco-
pique un peu différent, notamment à l’intérieur de la gélatine; les végéta-
tions, disposées en long suivant la direction de la piqüre, étaient plus pàles
et contenaient moins de granulations perlées; celles-ci étaient encore
moindres que dans les végétations du micrococcus 3.
Sur les coupes du tissu pulmonaire pneumonique, de même que sur les
préparations desséchées de l’exsudat pneumonique de l’homme, nous avons
toujours réussi à trouver des micrococei. Quelquefois nous les avons trouvés
en grande quantité. Par la méthode de Gram ils se coloraient en bleu
foncé, tandis que le tissu restait de couleur brune. Ces micrococci ont quel-
quefois la forme ovale, ils sont en même temps moins nombreux et ordinai-
rement unis par deux (diplococcus), par quatre en forme d’une chaïînette,
300 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
et se trouvent principalement dans l’intérieur des globules blancs migra-
teurs de l’exsudat alvéolaire ou entre les filaments de fibrine. Quelquefois
ils sont ronds, très nombreux et se trouvent principalement isolés ou unis
par deux, remplissant les globules blancs jusqu’à dix et davantage dans une
cellule. La grandeur des cocei ovoïdes sur les coupes est à peu près de
0,94 et la grandeur des petits microbes ronds est de 0,5 à 0,6%. Les deux
variétés de cocci que je viens de décrire paraissent toujours plus grandes
dans les cultures. Nous avons fait nos expériences sur quinze cobayes, six
rats et six chiens.
À. Expériences sur les cobayes. — I. Avec le micrococcus pneumonique
preumonique n°3. 1° L’injection directe d’une macération des micrococei (1)
(de 1 à 3 centimètres cubes) dans le tissu pulmonaire nous a donné tou-
jours une pleurésie bilatérale. L’exsudat pleurétique était le plus souvent
fibrineux, quelquefois séreux ou purulent. Les poumons ont toujours été
très altérés. La portion du poumon voisine de la piqüre, tout le lobe corres-
pondant et quelquefois le lobe voisin étaient frappés d’hépatisation grise.
Les autres lobes du même poumon se trouvaient ou en hépatisation rouge
ou congestionnés. Les lobes du poumon du côté opposé à la piqûre étaient
le siège d’une hépatisation rouge ou d’une congestion. Rarement on trou-
vait une péricardite séro-fibrineuse. Dans le sang pris à l’oreille, le second
jour après l’inoculation, ‘on trouvait presque toujours des cocei, ordinai-
rement en forme de diplococcus. La rate étail très souvent gonflée, le foie
montrait quelquefois des signes macroscopiques de dégénérescence grais-
seuse. j
Comme la pneumonie croupeuse était surtout marquée autour du lieu
injecté, on aurait pu incriminer le traumatisme. Pour répondre à une pa-
reille objection, nous avons fait nos injections dans la plèvre.
2° L’injection des cullures dans la plèvre droite donnait différents ré-
sultats, selon que l’animal mourait le second jour ou vivait jusqu’au com-
mencement du troisième jour. Dans le premier cas nous observions ordinai-
rement une pleurésie bilatérale séro-fibrineuse et purulente. Les poumons
gauche et droit montraient dans un lobe une hépatisation rouge et de Ja
congestion dans les autres. Dans le second cas nous avons trouvé, même
dans le poumon gauche où il n’y avait pas eu d’injection, des foyers d'hépa-
tisation grise. D’où cette conclusion que le traumatisme Joue ici un rôle
secondaire. La principale cause de cette pneumonie croupeuse doit done
être cherchée dans les micrococci.
3° L’injection des micrococci de la pneumonie croupeuse sous la peau ou
dans la veine jugulaire donnait différents résultats, selon la quantité des
(1) Le liquide à injection a été préparé avec un nombre de têtes de culture,
macérées dans l'eau distillée stérilisée, suffisant pour donner à l’eau une appa-
rence laiteuse.
SÉANCE DU 31 MAI. 361
microbes injectés. Après une injection de 4 à 3 centimètres cubes, l’ani-
mal se rétablissait ordinairement ; il succombait à l'injection d’une plus
forte dose. Une fois nous avons vu se développer une péritonite fibrineuse
purulente. Dans l’exsudat, entre les globules blancs et dans leur intérieur,
il y avait des micrococci absolument semblables à ceux que nous avions
injectés. L’injection était faite dans le dos près de la paroi abdominale. Nous
n'avons pas observé d’œdèmes ni d'inflammation du tissu cellulaire, ni
abcès au point injecté.
II. Les expériences avec le grand microbe rond n° 1 n’ont pas donné de
maladies graves aux cobayes, quoique nous en ayons injecté une quantité
plus considérable (de 0,5 à 1 centimètre cube). Au point injecté il y avait
des cicatrices blanches, grandes comme un petit pois.
B. — Les expériences faites sur six rats ont donné des résultats ana-
logues à ce que nous venons de déerire chez les cobayes. Les rats succom-
baient encore plus vite que les cobayes.
C. Expériences sur des chiens. — T. Le liquide pleurétique d’un cobaye
a été injecté à des chiens. 1° Un de ces animaux survécut à deux inoculations
faites dans les poumons droit et gauche. Après chaque inoculation l’animal
devint malade, resta couché, perdit l’appétit; la température monta jusqu'à
40 degrés, cependant l’animal guérit. Ce chien fut sacrifié quelques semaines
après, et on trouva simplement des cicatrices à l’endroit des piqüres inocu-
latrices. En outre on a constaté du côté gauche des adhérences pleuro-pul-
monaires. | d
2° L’injection des cultures n° 3 mélangées avec le microbe n° 2 dans le
poumon donnait le même résultat, seulement l'animal toussait ordinaire-
ment. L’injection de la culture pure n° 3 (1c,5) dans la veine jugulaire ne
produisit aucun effet nuisible. |
3° L’injection de 1,5 à 2 centimètres cubes de culture pure dans le pou-
mon du chien était suivie d’une affection caractérisée par différents sym-
ptômes propres à l’inflammation croupeuse des poumons. Cependant le
second ou le troisième jour, le chien se portait mieux, de sorte que nous
avons pensé d’abord que les chiens étaient réfractaires à ce mierococeus.
Une fois nous résolûmes, quoique le chien fût mieux portant, de le sacrifier
et d'observer l’état de ses poumons. Nous trouvàmes alors une inflammation
évidente du poumon, qui occupait tout un lobe, et qui était en pleine réso-
lution. Chez un autre chien, auquel nous avons injecté 2 centimètres cubes,
nous avons produit une maladie grave avec tous les symptômes de la pneu-
monie franche (60 respirations à la minute, pouls 144, température 41 de-
grés, malité tympanique dans le poumon droit, souffle tubaire, etc.). A la
fin du second jour, le chien a commencé à se rétablir. Nous l’avons sacrifié
et nous avons trouvé autour des deux piqüres inoculatrices une inflamma-
tion évidente du poumon, qui occupait le lobe supérieur tout entier et une
partie du lobe médian.
362 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Ces deux dernières expériences nous montrent que les chiens se rétablis-
saient très rapidement d'une pneumonie de faible intensité. Enfin, la cul-
ture mélangée contenant les micrococei n° 2, et seulement en petite quan-
tité les micrococei n° 3, produisait aussi la pneumonie croupeuse chez les
chiens et les cobayes. Quant à la nature des micrococei n° 2 et 3, nous ne
saurions dire s'ils représentent des variétés différentes, ou s’ils constituent
simplement les différentes phases du développement du même mierococcus.
Dans plusieurs de nos expériences, où nous avons ouvert l'animal mort
ou tué, nous avons pris de suite un peu de l’exsudat pulmonaire ou pleuré-
tique que nous avons déposé sur la peptone-gélatine. Nous avons alors
obtenu des cultures, qui, à l’œil nu et sous le microscope, étaient absolu-
ment semblables à celles que nous avions injectées. Les cultures faites avec
des cobayes malades nous ont réussi le mieux ; ici nous pouvions suivre de
près le mode du développement des micrococei ovoïdes. Nous avons souvent
mis du liquide pleurétique provenant de cobayes dans des pipettes capil-
laires stérilisées ; l’ayant conservé longtemps, nous avons suivi Le dévelop-
pement et la multiplication de ces micrococei.
Sur les coupes du poumon des cobayes et des chiens atteints d’hépatisa-
tion grise, nous n'avons pas pu trouver de micrococei, tout en nous servant
des indications de Gram; pourtant nous étions sûr que les micrococci
devaient s’y trouver, puisque sur les préparations desséchées, faites avec le
suc pleurétique et colorées par la solution aqueuse de gentiane, nous avons
trouvé des diplococci, des chaïnettes composées de quatre microbes, et
enfin un grand nombre de microbes isolés ou uniques, unis par deux one
l’intérieur des globules blancs. Cependant nous avons réussi quelque-
fois à trouver sur les coupes des micrococci dans l’intérieur des globules
blancs de l’exsudat pulmonaire ou entre eux; mais ordinairement, peu de
temps après, ces cocci, d’ailleurs peu nombreux, perdaient leur coloration.
Aussi n’avons-nous pas pu obtenir de préparations durables. Il est difficile
d'expliquer cette différence dans les résultats de la coloration des cocei de
la pneumonie croupale de l’homme et des animaux, que Gram a constatée
de son côté.
Ainsi les résultats principaux de nos expériences sont les suivants :
1° Dans la production de la pneumonie croupeuse les microcoeci jouent tou-
jours un rôle actif. 2 En considérant que des expérimentateurs, agissant
avec plusieurs micrococci, ont pu produire la pneumonie chez les animaux,
en admettant l’existence de micrococci probablement différents, observés
sur les coupes, et enfin en tenant compte de la différence de la coloration des
microbes pneumoniques de l’homme et des animaux, nous pensons que la
pneumonie résulte probablement de l’action de plusieurs microbes ; en tous
cas ces micrococci sont très voisins par leur forme et leur grandeur. 3° Les
propriétés pathogéniques du micrococcus de la pneumonie croupeuse ne sont
pas très grandes, vu que les animaux inoculés peuvent quelquefois opposer
une résistance très forte, et même souvent sortir vainqueurs dans cette lutte
SÉANCE DU 91 MAI. - 806
pour l'existence. 4° Le micrococeus atteint son maximum d'action si on l’in-
troduit directement dans le poumon. Cependant, si le poumon est sain, il
oppose une forte résistance à la prolifération du micrococcus. 5° Tout ca
rend très possible l’hypothèse, d’après laquelle les différentes causes nocives
qui affaiblissent l’organisme, comme le refroidissement, sont des circon-
stances adjuvantes du développement du micrococcus de la pneumonie et par
conséquent de la pneumonie croupeuse.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.
Klebs, Beiträge zur Kenntniss der pathogenen Schistomyceten (Arch. f.
experim. Pathol., Bd 4, 1877, p. 418).
Eberth, Zur Kenntniss der mykotischen Processe (Arch. f. klin. Med., Bd 28,
1881, p. ! à 42).
Koch, Mittheilung aus d. kais. Gesundheitsamt. Berlin, 1881.
Friedländer, Ueber die Schizomyceten bei der acut. fibr. Pneumn (Virch.
Arch., Bd 87).
Günther, Sitzungsberich des Vereins f. inn. Med. Berlin, 20 novembre 1882.
Leyden, ibid.
Marchiafava, eité d’après Salvioli et Zäslein.
Cambria et Griffini, ibid.
Ziehl, Centralbl. f. die med. Wissensch., 1883, n° 25; 1884, n° 5%.
Glies-George, Brit. med. Journ., 1883, n° 1175.
Matray, Wiener medic. Presse, 1883, n°° 23 et 24.
Mendelssohn, Zeitsch. f. kl. Med., 1884, VIT, p. 206.
Lichtheim, Fortschr. der Med., 1884. Referat de l’article de M. Men-
delssohn.
Salviali et Zäslein, Ueber den Mikrokokkus und die Pathogenese der crouposer
Pneumonie (Centr. f. die med. Wissensch., 1883, n° 41).
Friedländer, Die Mikrokokhten der Pneumonie (Fortschritte der Medicine,
1883, n° 22 et 14).
Talons Communication à la Société anatomique de Paris, 1883.
Gram, Ueber die isolirte Färbung der Schizomyceten in Schnitt und
Trockenpräparaten (Fortsch. der Medic., 1884, n° 6).
Babes, Journal des connaissances méd., 1884.
364 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SUR LES ŒUFS DE LA BILHARZIE, par M. Joannes CHATIN.
Dans un travail précédent (1), j'ai fait connaître le mode de développe-
ment de l'embryon de la Bilharzie (Bilharzia hæmatobia Cobb., Disto-
mum hæmatobium Sieb.), réservant certaines questions et particulièrement
l'étude des variations qui peuvent s’observer dans la forme des œufs de
cet helminthe.
Le sujet ne laisse pas d'offrir quelque intérêt au point de vue zoologique
et J'ai été très heureux de pouvoir récemment en reprendre l'examen, grâce
à l’obligeant concours de M. le docteur Fouquet (du Caire), qui a bien voulu
m'envoyer :
1° Un fragment de vessie humaine contenant des œufs de Bilharzie;
2% Trois petits tubes remplis d'urine sanguinolente contenant des œufs
de la même espèce.
Le fragment de vessie provient d’une autopsie pratiquée dans les environs
de Minieh (Haute Egypte) ; il est conservé dans un mélange à parties égales
d’eau, d'alcool et de glycérine.
Blanchâtre et de consistance moyenne, il présente à la surface de la mu-
queuse des petites taches d’un gris légèrement brunâtre et d'aspect granu-
leux.
En enlevant une parcelle de ces formations et l’examinant, après dilacé-
ration, sous un faible grossissement, on constate qu’elle est constituée par
des débris de la muqueuse, des globules sanguins altérés et enfin des œufs
de Bilharzie.
Ces œufs sont protégés par une coque épaisse et brunâtre qui n’est pas
lisse comme on l’admet généralement : sous un fort grossissement on
constate qu’elle offre de nombreuses gaufrures dont la section dessine de
notables saillies sur la coupe parallèle au grand axe de l’ovule.
Celui-ci se prolonge, vers l’un de ses pôles, en une pointe conique et
effilée qui réclame au point de vue taxonomique une attention spéciale.
Un des observateurs qui se sont le plus particulièrement occupés de l'étude
du Bilharzia (2), n’a pas hésité à distinguer dans ce genre deux espèces
caractérisées par la situation et la forme de ce prolongement qui, droit et
exactement polaire dans l’un des types, eût présenté chez l’autre une forme
courbe et une insertion latérale. Sonsino n’appuyait d’ailleurs d'aucun
autre caractère cette distinction spécifique formellement contestée par
(1) Joannes Chatin, Observations sur le développement et l’organisation du
proscolex de la Bilharzie (Annales des sciences naturelles, 6° série, t. XI, 1881).
(2) Sonsino, Della Bitharzia hϾmatobia, 1876.
SÉANCE DU 91 Mal. 36
divers helminthologistes et que, pour ma part, je ne saurais admettre, en
présence des faits que j'ai pu observer.
Non seulement les œufs à prolongement polaire et droit coexistaient, sur
les mêmes points, avec les œufs à pointe courbe et latérale, mais on
constatait tous les états intermédiaires entre ces formes considérées soit
au point de vue de l’insertion du prolongement, soit au point de vue de
son aspect général: tantôt la pointe s'élevait sur le pôle même de
l’ovule, tantôt elle s’écartait à peine de ce pôle, tantôt elle était rejetée à
une distance plus appréciable, tantôt enfin elle devenait franchement laté-
rale. Rectiligne en certains cas, elle s’infléchissait parfois légèrement vers
sa pointe pour accentuer ailleurs cette tendance et atteindre ainsi, par des
modifications progressives, son maximum d’incurvation. Si l’on ajoute que
ces divers degrés de courbure et d'insertion se combinent de manière à
réaliser d'innombrables états secondaires formant une série parfaitement
continue, on voit ce que devient la dualité spécifique établie par Sonsino
sur la base singulièrement fragile que je rappelais plus haut.
Dépossédé de l'importance zoologique qu’on s’était cru en droit de lui
accorder à la suite d'observations trop rapides, le prolongement ovulaire de
la Bilharzie n’en conserve pas moins une réelle valeur morphologique ; 1l
montre, en effet, chez un distomien la première ébauche des filaments qui
se développeront sur l'œuf de la plupart des polystomiens avec une con-
stance assez grande pour représenter un des caractères les plus saillants
de cette tribu des Trématodes.
Les œufs contenus dans l’urine offraient des dispositions identiques à
celles qui s’observaient sur les œufs recueillis à la surface de la muqueuse
vésicale, Les dimensions de l’ovule, les caractères dé l'embryon ne subis-
saient aucune modification, quelle que fût la forme du prolongement ou quel
que füt son mode d'insertion. :
À PROPOS DE LA SUGGESTION MENTALE. Note de M. Charles RICHET (1).
On a pensé que les expériences de M. Stuart Cumberland avaient enfin
donné la preuve de cette suggestion mentale qui avait été si souvent et si
inutilement cherchée jusqu'ici. [l n’en est rien ; car l'expérience de M. Cum-
berland réussit très bien, sans qu’on ait à invoquer le phénomène mystérieux
de la transmission de la pensée, sans signe extérieur.
(1) Communication faite à la Société dans la séance du 24 mai 1884.
360 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Comme M. Ch. Garnier, comme d’autres personnes qui m'ont écrit ou
parlé à ce sujet, j'ai pu facilement reproduire ces expériences.
Je rappellerai en quoi consiste la principale expérience de M. Cumber-
land. Il prend la main d’un individu qui a caché un objet ou qui pense
à un objet quelconque, et, les yeux bandés, va directement vers l'objet
caché ou pensé.
Remarquons qu’il ne réussit pas avec tout le monde : ce qui s'explique
facilement, si l’on admet que certains, à qui il recommande de penser forte-
ment à l’objet caché, ne peuvent pas s'empêcher de faire avec la main
quelques petits mouvements, qui, pour peu qu’on y prête quelque attention,
sont des indices sûrs de la direction qu’il faut suivre ou, tout au moins,
d’une direction à suivre.
C’est ce qui a lieu, surtout si l’on presse fortement la main de l'individu
qui a caché l’objet. Il se fait alors dans sa main de petites oscillations,
des frémissements involontaires, qui trahissent sa pensée, et mettent sur la
voie à suivre avec une précision qu'on ne soupçonnera jamais, tant qu'on
n'aura pas fait cette petite expérience.
Cela rentre dans le cadre des faits exposés par M. Chevreul avec tant de
clarté, il y a près de trente-cinq ans (1). En tenant un anneau suspendu par
une ficelle, on le fait dévier dans le sens qu’on veut, sans cependant faire
de mouvement conscient. En réalité le fait de vouloir fortement détermine
de petits mouvements inconscients. La différence entre l’expérience (le
M. Cumberland et celle de M. Chevreul, c’est qu’au lieu d’avoir affaire à un
anneau, on agit sur un individu qui perçoit les tremblements imperceptibles
de la main.
J'ai fait l'expérience sur sept personnes (2) (A, B, C, D, E, F, G) diffé-
rentes qui toutes essayaient de ne pas faire de mouvements.
A. — Échec. E. — Succes.
À. — Succès. E. — id.
EË. — id.
B. — Succès.
B. — id. F. — Échec.
DS pour
G. — Succès.
C. — Échec. E—
= ü6
D. — Succès. Cd:
D. — Échec.
Dans les cas où il y a eu succès, j'ai été absolument guidé par la personne
dont je tenais la main, et cela, je le répète, avec une précision parfois extra-
(1) Et aussi, depuis, par M. Hacke Tuke, dans un article important.
(2) Fet G étaient des hommes.
SÉANCE DU 31 MAI. 3067
—
ordinaire, sans qu'elle ait eu conscience qu’elle me guidait, croyant, au
contraire, être guidée par moi.
Si je rapporte ces expériences, c’est pour faire remarquer d’abord que
la suggestion mentale, si tant est qu'elle existe, n’a pas encore été scienti-
fiquement démontrée, c’est ensuite parce qu’elles prouvent l'importance
extrême, dans un grand nombre de cas, des mouvements inconscients
accomplis par nous.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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SÉANCE DU 7 JUIN 1884
Présidence de M. Paul Bert.
DE L'AUDITION DES SONS EN CONTACT ET DES SONS PAR INFLUENCE, ET
DE L'ACTION DE LA TENSION DES MEMBRANES SUR LEUR PERCEPTION,
par M. GELLÉ.
Le tympan transmet non seulement des vibrations aériennes, ou par
influence, mais aussi des vibrations solidiennes (cràäniennes ou autres), vi-
brations au contact d’un corps sonore (montre, diapason, anévrysme, etc.).
L'action affaiblissante des tensions exagérées de la membrane du tym-
pan dans la perception des sons apportés par l'air ambiant est bien établie.
Pour l’audition des sons crâniens, j’ai démontré que la loi posée par Savart
et Wollaston la régit aussi; et j'ai prouvé expérimentalement (voy. Étude
de La sensibilité acoustique au moyen du tube interauriculaire, Gellé,
1876) que la tension artificielle du tympan par les divers procédés employés
atténue également la sensation venue par la voie osseuse crànienne.
Cependant, autant il est facile d’atténuer un son aérien, autant il est dif-
ficile d’éteindre, par une tension forte des membranes, le son des corps
sonores qu'on met à leur contact.
L'expérience suivante le démontre :
Au moyen d’un téléphone à ficelle, long de 50 centimètres, à peu près,
écoutez le son d’un diapason {a ou de la montre posés à auelques centi-
mètres en face du cornet récepteur, Tant que le fil reste mollement dé-
tendu, l’audition est nulle ; rien ne passe. —— Mais tendez Pappareil par un
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I", N° 23. 29
370 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
poids de 1 gramme posé sur le fil : aussitôt le son s'entend; avec l’addi-
tion d’un poids de 5 grammes, le son est pur, sec, métallique et plus
fort.
Cependant, si l’on ajoute 15 à 20 grammes d’un coup sur le fil, le dia-
pason cesse aussitôt d’être entendu : c’est le silence subit.
Si, au lieu de placer le diapason à distance du cornet, nous le posons
sur le cornet même, il deviendra presque impossible d’atténuer un tant
soit peu la transmission, quelle que soit la charge accumulée sur le fil
conducteur. |
Il y a donc sous le rapport de la conduction du son une différence com-
plète entre les sons aériens et ceux au contact.
Ua faible excès de tension de la membrane $suffit à éteindre Les premiers,
et les seconds persistent malgré des poids extrêmes.
; |
En présence de ces résultats expérimentaux, il est permis de se deman-.
der comment il se fait que l'audition des sons cràäniens (la perception crà-
nienne est l'audition des sons transmis par les os du crâne, tels que ceux
de la montre et du diapason posés sur le front ou au vertex) peut être modi-
fiée à volonté, en changeant la tension des membranes de l'oreille, soit par
l'épreuve de Valsalva, soit par la déglutition effectuée le nez pincé, ou
autrement. DM
Il entre nécessairement ici un facteur nouveau, et il est clair qu’à l’action
insuffisante de la tension de la membrane s’ajoute une action plus déci-
sive. Le résultat différent doit être sûrement rapporté à l’action exercée sur
le labyrinthe par les déplacements de la platine de l’étrier qui coïneident
avec ceux de la cloison et se produisent sous l'influence des mêmes causes.
L'atténuation du son crénien est due à l’enfonçure de la base de l'étrier
vers le labyrinthe et supplée à l'effet insuffisant de la tension du
tympan.
Nous observons en clinique toutes ces modifications de perception, et les
lésions des fenêtres labyrinthiques et de la base de l’étrier influencent
d’abord la perception erânienne.
On a vu que pour les sons de la montre et du diapason a; ordinaire
(9 centimètres), l'apparition du son et son extinction correspondent à des
différences minimes de tension des membranes. Il était intéressant de savoir
comment l’audition de la voix et surtout de la parole, du langage articulé,
était influencée par les diverses modifications de tension imprimées aux
membranes du téléphone à ficelle, et de comparer les résultats aux précé-
dents.
Au moyen d’un téléphone à ficelle, d’une longueur de 6 à 8 mètres, dont
les cornets étaient placés dans des chambres séparées et bien isolées, j'ai
étudié les phénomènes de transmission de la voix, de la parole et de la
voix chuchotée, sous des tensions diverses imprimées aux deux membranes
par une traction simple.
SÉANCE DU T JUIN. o1t
Or j'ai ainsi constaté que, toutes proportions gardées (relativement
à l’intensité sonore et à la longueur du fil conducteur), la voix était facile-
ment perçue alors que le diapason ou la montre ne l’étaient point encore,
quand le fil mou et courbé était à peine tendu, et que le même fait avait lieu
pour peu que la tension füt un peu prononcée. Les autres sons s’éteignent
avec trop comme avec trop peu de traction sur le fil ; la voix seule passe
très nettement. La voix passe facilement vers l'oreille, le chuchotement éga-
lement, et tous deux attirent vivement l'attention auditive : la parole est
indistincte encore (fil non détendu), mais la voix éclate et s’entend forte-
ment. Avec une tension très faible, mais surtout avec une tension moyenne
(fil presque horizontal), la parole est claire, nette, bien articulée et
nuancée ; avec une tension forte, le son de la parole est toujours bien frappé,
l'articulation franche et très distincte, le timbre seul se modifie ; il devient
aigre, aigu, nasillard. Il y a déjà longtemps que le diapason n’est plus
entendu.
La pénétration du son de la voix et de la parole chuchotée est donc
supérieure, puis vient la transmission du langage articulé, qui est supé-
rieure à celle de la montre et du diapason et persiste plus longtemps qu’elles ;
elle résiste à des tensions de la membrane qui ont vite éteint ces dernières.
Est-ce affaire d'intensité du son? Certainement l’intensité du son de la voix
est plus forte; mais il y a aussi une énorme différence entre le son simple
du diapason ou de la montre, dont l'audition exige un certain degré de
tension bien limité, et l’ensemble de sons complexes, de tonalités, de
timbre, d'intensité si divers qui constituent la parole et correspondent à des
tensions les plus variées. N’y a-t-il pas aussi lieu d'admettre une impres-
sionnabilité plus parfaite de l'organe de laudition et de ses membranes
pour les sons émis par des membranes vibrantes (anches membraneuses)?
Au cours de cette étude, j'ai pu constater aussi quelques phénomènes
d’audition bien connus :
Ainsi les intermittences de la sensation sonore et les silences interca-
laires, dans l'audition des sons faibles ou à la limite de la perception et de
la capacité auditive du sujet.
J'ai noté la vigueur de la transmission de la parole chuchotée ; enfin j'ai
pu observer linfluence d’une première sensation d'éveil sur la perception
consécutive, On choisit Le point de tension du fil du téléphone qui anéantit
la transmission du diapason {a ; par exemple ; puis on frappe vigoureuse-
ment ce diapason sur le dos d’une chaise en bois tourné, ce qui fournit un
la très sonore, et que l’observateur placé dans la chambre isolée perçoit
cependant très néttement avec son intensité et sa force vive initiale ; aussitôt
ce diapason est mis en face du cornet récepteur; or le son est perçu à ce
moment. Certes l'intensité joue ici un grand rôle, mais il m'a paru cepen-
dant qu’à intensité à peu près égale, l'audition n’avait pas lieu si le même
son n'avait déjà impressionné le nerf acoustique de l’observateur. Ne serait-
312 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ce pas que l'attention, et sans doute l’accommodation de l’organe de Pouie,
sont mieux préparées pour l’audition renouvelée du même son, éveillées
qu'elles sont déjà par une première impression ?:
La clinique nous montre que l'oreille sourde excitée par un son for-
tement donné, le perçoit ensuite facilement, bien qu’on l’émette plus fai-
blement.
L
L
|
4
:
SÉANCE DU Î JUIN. VE Te
LA SUGGESTION MAGNÉTIQUE, par M. Buro (1).
L'étude que nous avons faite des phénomènes qui ressortissent à la sug-
gestion, date déjà de l’année 1847, et c’est le résultat d’une dizaine d'ob-
servations à Paris.et à Londres sur toute sorte de sujets que nous allons con-
denser dans les propositions qui vont suivre. Seulement, faisons-le remarquer,
nous ne visons ici que la suggestion magnétique, et nous en séparons celle
qui peut s’obtenir dans l’état de veille par les procédés de Braïd qui, pour
nous, nous l'avons dit, diffèrent en ce qu ils aboutissent à l’auto-magné-
tisme.
A. Dans quelles conditions peut-on obtenir la suggestion magnétique?
Deux sont essentielles : 1° une grande impressionnabilité et un nervo-
sisme soit en puissance, mais que les moyens employés pour mettre le sujet
en état de condition seconde ne tarderont point à faire ressortir, soit patent,
et caractérisé alors par des troubles de la sensibilité générale ou spéciale
(anesthésie, analgésie, achromatopsie, etc.) et de la motilité (amyosthénie,
parésie, etc.); 2° une réceptivité ou idiosyncrasie spéciale dont la sensibi-
lité au cuivre et quelquefois aussi à l’or donne toujours la mesure, à moins
que l’aptitude métallique ne soit momentanément effacée ou larvée, tandis
que la sensibilité au fer en est la négation.
L’entrainement vers la suggestion a encore pour conséquence fatale, qu’on
le sache bien, d’aggraver de plus en plus l’état pathologique comme aussi
d’exagérer la sensibilité métallique ; mais, en revanche, plus les troubles
nerveux sont devenus prédominants, plus l’anesthésie et l’amyosthénie se
sont généralisées et ont gagné en profondeur, mieux et à moins de frais
s'obtient la suggestion.
B. La suggestion, lorsque le sujet est bien entrainé, n’a besoin ni de la
parole, ni du geste, ni d'aucun attouchement pour se produire. Alors la
volonté seule suffit et peut même s’exercer à distance. Nous pourrions citer,
par exemple, une expérience fameuse faite en 1847 à l'hôpital Beaujon, sur
une malade, de Robert, dont l’éminent chirurgien avait seul réglé toutes
les conditions, qui réussit parfaitement en tous ses détails à la seconde,
montre en main, nous étant placé et fait garder à vue dans la salle de
garde, tandis que la malade était couchée au deuxième étage de l’un des
pavillons situés en arrière. Donc les raisons invoquées par MM. Janet,
(1) Addition à la séance du 31 mai 1884.
914 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
Ch. Richet, etc., pour expliquer de récentes expériences, ne sauraient
avoir aucune valeur dans l'espèce.
C. La suggestion peut s'exercer sans une grande fixité de la pensée, si le
sujet est très clairvoyant et a été déjà entrainé. Mais, condition sine qua
non, il ne faut chez l’expérimentateur aucune résistance consciente ou
inconsciente à se laisser deviner, et, s’il n’y met point une certaine volonté,
doit-il du moins rester entièrement passif ou neutre; au cas contraire, un
échec est à peu près certain. C’est ce qui expliquerait pourquoi M. Cumber-
land a probablement loujours le soin, pour toutes ses expériences publiques,
de se précautionner de Liers déjà éprouvés, qui, après avoir reçu en dépôt
la pensée d’un sceptique récalcitrant, le laissent lire en eux comme à livre
ouvert, sans pourtant qu'on puisse les accuser d'aucune entente de super-
cherie. Cette condition d'absence de toute résistance, volontaire ou non,
rend, on le comprendra, toutes les démonstrations suggestives des plus
chanceuses, si bien que, pour notre compte, il y a beau jour que nous avons
renoncé à en faire aucune, sachant d’ailleurs très pertinemment que, quelle
que puisse être la confiance que l’on accorde à l’initiateur, rien ne vaut ici
autant que le plus petit fait qu’on a pu produire soi-même tout seul.
D. La puissance de la suggestion n’a pas plus de limites dans l’ordre mo-
ral, — il faut que les médecins légistes en restent bien convaincus, — que
dans le domaine des sensations physiques. Pour rester sur ce dernier, nous
dirons, par exemple, qu’à une malade mourante qui, dans son état ordi-
naire, avait un dégoût extrême pour tous les aliments en général, mais en
revanche les appétits les plus bizarres, nous pûmes toujours la faire man-
ger convenablement lorsqu'elle se trouvait en état de condition seconde, et
satisfaire alors à toutes ses fantaisies par la suggestion.
E. La suggestion peut continuer ses effets hors de l’état de condition se-
conde sans nouvelle intervention. Sorti de l’état somnambulique, le sujet
exécute alors l’ordre qui lui avait été donné, conserve l’aititude et les senti-
ments qui lui avaient été suggérés, et peut encore, malgré lui, commettre
les actes les plus condamnables.
F. Si des conditions toutes spéciales sont nécessaires pour qu’un sujet
puisse subir l’influence de la suggestion, le premier venu, avec quelque
expérience des procédés voulus, peut, lui, obtenir les mêmes effets que les
opérateurs les plus habiles.
G. La suggestion, ou, ce qui est tout comme, la transmission de pensée,
donne la clef de la crédulité de tant de gens sensés dans Ja puissance du
somnambulisme pour guérir, faire découvrir de prétendus trésors, retrouver
des objets perdus, etc.
SÉANCE DU 7 JUIN. D 1
Elle peut servir avec non moins de succès à expliquer les prétendus
succès des doses infinitésimales en homæopathie. Il y a bien longtemps
qu'après avoir obtenu des cures merveilleuses pendant trois mois, toujours
avec le même flacon de globules, nous éerivimes : € Le globule des homcæo-
pathes n’est autre chose que la pointe des ciseaux des hypnotiseurs : l’un
et l’autre se valent. »
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, ruc Mignon, 2, Paris.
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Lib Los it
311
ADDITION À LA SÉANCE DU 7 JUIN 1884
Présidence de M. Paul Bert.
SUR L'ÉLASTICITÉ PULMONAIRE (RÉPONSE AUX OBSERVATIONS DE M. PAUL
Berr), par M. LABORDE.
M. Paul Bert présentait la Note suivante, à propos de nos recherches
relatives à l’élasticité pulmonaire (Bulletin du 10 mai) :
« Je crois devoir faire observer que dés 1868, dans les leçons que j'ai
professées au Muséum (1), j'ai montré : 1° que la contractilité des bronches
d’un poumon est sous l'influence du nerf pneumogastrique du même côté ;
2° que quatre à six jours après la section de ce nerf, son bout périphérique
cesse de pouvoir agir sur les fibres de Reisseissen ; 3° qu'après deux semaines
de section, la contractilité bronchique elle-même a disparu; 4° que ce
poumon, ainsi privé de contractilité, demeure rétractile par élasticité, con-
serve ses cils vibratiles et paraît absolument sain.
» La contractilité pulmonaire est donc absolument distincte de la rétrac-
tilité. »
Je ferai remarquer que cette conclusion ferme n’est nullement exprimée
dans les leçons de M. Paul Bert, bien qu’elle soit implicitement contenue
dans les résultats de ses expériences. Je n’ai pas mentionné ces expériences
dans ma courte Note, parce que je n’y voulais pas, ainsi que je l’ai expres-
sément dit, discuter la question dans ses détails. Mais dans l’exposé com-
plet de mes recherches sur le supplicié Campi, qui va paraitre dans la
Revue scientifique, voici ce que j'ai écrit à ce sujet, et qui peut être consi-
déré, je crois, comme une réponse satisfaisante aux observations de mon
éminent collègue :
(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 330. Paris,
J.-B. Baillière, 1870. |
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°, N° 247 30
318 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
« La constatation de cette longue persistance post moriem de la rétracti-
lité du tissu pulmonaire a, en dehors du fait même, une autre importance :
elle permet, par voie de déduction, une appréciation physiologique de
l'opinion qui attribue à cette LL propriété d’élasticité comme une
de ses causes prochaines la contractilité des muscles bronchiques (muscles
de Reisseissen), contractilité qui serait elle-même sous la dépendance des
nerfs pneumogastriques ; il paraît difficile, en effet, de justifier cette attri-
bution en présence de la survie fonctionnelle en question, qui ne saurait
appartenir à la contractilité musculaire proprement dite, pas même à celle
de la fibre lisse et moins encore à l’influence, depuis longtemps perdue, des
nerfs .pneumogastriques.
» Dans ses remarquables leçons sur la respiration, professées au Muséum
en 1868, M. Paul Bert, étudiant la contractilité des bronches, et son rôle
dans les phénomènes respiratoires, a montré, par des expériences con-
cluantes, qu’à la suite de la section de l’un des pneumogastriques, celui-ci
perd son action sur le poumon à peu près en même temps que sur l’œso-
phage et sur le cœur, c’est-à-dire du quatrième au sixième jour après la
section ; que la contractilité pulmonaire a elle-même disparu au bout de
trois semaines ; qu’elle n’est pas encore. revenue après qualre mois, même
chez un jeune chien; et cependant le poumon reste sain, ne s’engorge nul-
lement de mucosités, et conserve ses cils vibratiles (1).
» Si, malgré la perte complète de sa contractilité, le poumon fonctionne
encore normalement dans ces conditions, ainsi que l’a observé le savant
professeur, c’est qu’il a conservé sa propriété de rétractilité nécessaire
à l’accomplissement de l'acte expirateur ; d’où il suit que cette rétractilité
n’est pas due à la contraction des muscles bronchiques, mais dépend essen-
tiellement de l’élasticité du tissu pulmonaire, laquelle est, en conséquence,
distincte et indépendante de la contractilité musculaire propre. Cette con-
clusion est implicitement contenue, quoique non exprimée, dans le résultat
expérimental de M. Paul Bert, et elle concorde parfaitement avec le résul-
tat de notre étude post mortem. »
L'EXCITABILITÉ DES CANAUX BILIAIRES. RECHERCHES SUR LE SUPPLICIÉ CAMPI,
_ par M. Lagorpt.
Parmi les questions que je n'avais eu garde d’oublier dans mon pro-
gramme de recherches, et qui attend aussi une solution définitive, était
celle de l’excitabilité des canaux biliaires.
Bien qu’il. existe encore, en nosographie, un terme qui implique cette
(1) Paul Bert, Leçons sur la physiologié comparée de la respiration, éte.,
p- 316-377 et 379-380.
SÉANCE DU 7 JUIN. 319
excitabilité, celui d’ictère spasmodique, la réalité du spasme dont il s’agit,
sa possibilité même chez l’homme, sont loin d’être admises par la généra-
lité des physiologistes et des cliniciens. Ce qui porte à ce doute ou à cette
dénégation, c’est que l’on n’a pas jusqu’à présent démontré d’une façon
absolument sûre, incontestable, la présence d'éléments contractiles, c’est-à-
dire de fibres musculaires dans la paroi propre des canaux hépatique et
cholédoque de l’homme, ou que tout au moins ces éléments n’y ont pas été
trouvés en une suffisante proportion pour expliquer un état spasmodique de
ces organes. Chez l'animal, au contraire, notamment chez le chien, ce
spasme n’est pas douteux, je crois lavoir démontré, en ce qui me concerne,
expérimentalement, de manière à ne pas laisser prise à une contestation
sérieuse (1), et dans des recherches histologiques minutieuses, Ch. Legros
a découvert et signalé, de son côté, de véritables éléments musculaires
dans la paroi de ces mêmes canaux. D’après les résultats positifs de l’expé-
rimentation et de la morphologie comparées, je suis très disposé, pour mon
compte, à penser que les choses ne doivent pas se passer autrement à cet
égard, à quelques nuances près, chez l’homme que chez le chien; et il y
avait, conséquemment, un véritable intérêt à mes yeux, à faire la recherche
dans les conditions qui m’étaient offertes.
Je dois le dire de suite, cette recherche ne nous a pas fourni un résultat
d’une cerlitude complète, relevant d’une constatation absolument évidente,
dans laquelle le doute n’aurait aucune part; mais nous y avons puisé des
présomptions qui ne sont pas sans valeur, dans des conditions où l’investi-
gation présente de réelles difficultés.
Ces difficultés, en effet, consistent à obtenir, un Crtain temps après la
mort, des contractions bien nettes, bien Roue des organes à fibre
musculaire lisse. C’est ainsi que, dans le cas de notre supplicié, nous ne
sommes parvenus qu’à grand’peine à provoquer, à l’aide d’un courant
maximum et à grand renfort d’interruptions, quelques plicatures à la sur-
face externe de la paroi intestinale, dans les diverses régions du gros et du
petit intestin.
Du côté de l’appareil d’excrétion biliaire, mis rapidement à nu, et bien
en vue, voici donc ce qu'il nous à été permis de constater.
La vésicule biliaire était complètement vidée et aplatie sur elle-même.
Sous l'influence d’un courant fort, il se formait, à sa surface, des rides très
visibles de contraction, qui s’étendaient jusqu’à l'embouchure du canal
cystique.
Les excitateurs à pointe isolée étant ensuite appliqués, l’un non loin de
la racine du canal hépatique, l’autre sur le’ canal cholédoque, à une cer-
taine distance de son abouchement avec le duodénum (afin d’éviter autant
que possible l’intervention des fibres duodénales), le condensateur à cha-
(1) Étude expérimentale sur la contractililé et le spasme des canaux biliaires
etc. (Tribune médicale, 1875-1876).
380 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
riot étant d’ailleurs à son maximum, à la suite d'interruptions réitérées au
point d'application du second rhéophore, nous avons cru apercevoir, M. Gley
et moi, dont les yeux étaient simultanément et fixement attachés au point
en question, comme un étranglement circulaire et lentement formé de la
paroi du cholédoque. Comme j'étais mieux préparé que mon collaborateur,
par mes études et mes observalions antécédentes de ce phénomène sur
l'animal, à la constatation de la forme particulière de sa production, je
serais peut-être plus porté que lui à l'affirmation ; mais ses doutes donnent
précisément à ce résultat le juste caractère d’incertitude que j'entends lui
conserver, en attendant une occasion plus opportune encore de le vérifier,
c'est-à-dire les conditions d’un examen plus rapproché, aussi rapproché
que possible du moment de la décapilation.
Dans le cas actuel, d’ailleurs, il nous manque encore un élément d’appré-
ciation, de nalure à relever la certitude de notre observation expérimentale :
c’est le résultat de l'examen histologique, au point de vue de la présence
réelle de fibres lisses dans les canaux biliaires, examen confié à M. le doc-
teur Vignal, élève et préparateur du professeur Ranvier (1).
LA LOCOMOTION DE L'ENCÉPHALE, D'APRÈS UNE EXPÉRIENCE FAITE SUR LA
TÊTE DE CaMpi, par M. LABORDE.
Comme nous avions praliqué sur le cräne du supplicié, à la région fron-
tale, une fenêtre qui nous permettait de voir et d'examiner dans la cavité
crânienne, nous en avons profité pour faire une constatation qui tire des
conditions où elle a été faite une valeur particulière, et qui est relative à la
question récemment soulevée par M. Luys d’une prétendue locomotion de
la masse encéphalique, sous l'influence des atlitudes diverses du corps et
de la tête. Grâce à notre fenêtre frontale, nous étions si bien en situation
d'observer le phénomène dont il s’agit, qu’il nous a de suite et pour ainsi
dire sauté aux yeux : la tête étant placée verticalement, et reposant sur la
surface de section cervicale, nous apercevions distinctement entre la surface
de substance cérébrale et la paroi interne de la boite crànienne un vide,
(1) Il m'est permis d'annoncer que des éléments musculaires ont été positive-
ment constatés par M. Vignal dans les parois des canaux hépatique et cholédoque
de Campi.
M. Grancher avait, d’ailleurs, antérieurement, signalé la présence de ces élé-
ments chez l’homme : le résultat de ses recherches a été consigné dans une note
de la Gazette médicale, qui m'a échappé, et il est également mentionné dans les
leçons de M. le professeur Charcot sur l’anatomie pathologique de l'appareil
biliaire. ù |
SÉANCE DU 1 JUIN. 381
—
une distance relativement considérables d'au moins 5 millimètres; et
lorsque, prenant cette tête à deux mains, on la renversait doucement dans
le sens contraire, c’est-à-dire de façon à tourner en haut la base cervicale,
et en bas le sommet cränien, sans jamais perdre de vue la petite fenêtre,
on voyait mauifestement se rapprocher et comme tomber peu à peu la sur-
face nerveuse, jusqu’au contact complet de la surface osseuse, de façon à
boucher le ‘plan interne de notre fente. Il suffisait de recommencer le ren-
versement inverse de la tête pour reproduire aussitôt le vide et l’éloigne-
ment en question. L'expérience a pu être répétée à volonté, toujours avec
les résultats invariables constatés par tous les assistants, notamment par le
professeur Béclard.
Le fait est donc, en lui-même, indéniable ; mais il a suffi, comme on le
voit, pour qu'il se produisit, même au voisinage tout prochain de la mort,
que le liquide céphalo-rachidien se fût complètement écoulé, et que les
canaux vasculaires fussent vides : ce qui démontre que c’est bien là un fait
extra-physiologique et absolument cadavérique.
SUR LA SUGGESTION MENTALE. Note par M. H. DE VaRIGNy.
Ayant fait depuis près d’un mois (1) cinq séries d'expériences à la ma-
nière de M. Cumberland, je puis eiter dès maintenant un certain nombre de
résultats. Mes expériences ont été faites sur neuf personnes différentes, en
cinq séances, soit un total d'environ soixante ou soixante-dix expériences.
Dans chacune de celles-ci, il s’agissait de trouver un objet quelconque
caché dans une superficie d’environ 200 mètres carrés : la personne
qui cherchait avait les yeux bandés. Parmi les neuf personnes, j'ai eu
trois sujets donnant de bons résultats; toutes trois du sexe féminin, et
de tempérament nerveux. Parmi ces trois personnes deux excellent à con-
duire ; l’autre conduit et trouve également bien.
Dans les expériences auxquelles jai participé moi-même, j'ai trouvé aisé-
ment l’objet caché, à condition d’être accompagné d’une des trois personnes
citées plus haut.
Je mentionnerai notamment un fait où les phénomènes furent très nets.
Après avoir fait une dizaine de mètres dans une direction, je changeai brus-
quement, après avoir tâté la voie, et me dirigeai dans le sens perpendicu-
laire à la première. Je me sentis alors en bonne voie et j’arrivai (les yeux
bandés) vers une personne assise au bord d’une allée. Je la fouillai — rien.
— Je voulus m'éloigner, tâtant encore la voie. Mais évidemment j'avais tort.
Je cherchai encore en étendant les bras : il y avait une deuxième personne
(1) Ma première expérience est du 11 mai,
382 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
près de la première. L'objet n’était pas sur elle. Encore une fois, je voulus
m'éloigner, mais je fus convaincu que l’objet était à côté de moi. Je finis
par dire que sürement l’objet était là, et qu’il ne pouvait pas être ailleurs.
En effet, il était sur une troisième personne dont la présence m'avait
échappé, bien que je fusse aussi rapproché d'elle que des autres.
N'ayant pris que très récemment connaissance des faits cités par M. Ch.
Richet, je n’ai pas eu le temps de rassembler les différents résultats que j'ai
obtenus de mon côté : jy reviendrai prochainement. En tous cas, l’explica-
tion à accepter est certainement celle qui a été déjà proposée par diverses
personnes : il n’y a pas là perception de la pensée, il y a simplement inter-
prétation de différences dans la tension des museles et de mouvements
inconscients et spontanés, très faibles.
CONSTITUTION DE LA SUBSTANCE GRISE EMBRYONNAIRE DE LA MOELLE
ÉPINIÈRE, par M. VIGNAL.
Pour Kælliker et Hensen (1), la substance grise embryonnaire, avant que
les cellules nerveuses ne fassent leur apparition, est formée par une double
série des fibres très fines se croisant presque à angle droit et contenant des
noyaux (avec les cellules y attenantes, dit Kæœlliker (2) avec un point d'inter-
rogation), Renaut (3) pense que, lorsque les vaisseaux ont pénétré dans les
couches d’épithélium qui formaient la moelle à son début, on voit « autour
» des noyaux $e développer un protoplasma qui refoule à la périphérie le
» protoplasma primitif, réduit à l’état d’exoplasme et comme desséché;
» les noyaux eux-mêmes deviennent volumineux; l’élément semé à l’état de
» graine par la prolifération épendymaire, tend progressivement en pré-
» sence des vaisseaux à vivre de plus en plus activement en même temps
» que sa différenciation s’accuse. » Pour cet auteur, cet exoplasme est ana-
logue à celui qui constitue les pointes de Schultze et les longs filaments de
Ranvier, dans la couche des cellules du corps muqueux de Malpighi.
Nos recherches nous conduisent à envisager autrement que ces auteurs la
structure de la substance grise embryonnaire ; en effet, si nous étudions sur
un lapin âgé de dix à quatorze jours, ou d’un embryon de mammifère quel-
conque, d’un âge correspondant, la substance grise de la moelle, après que
celle-ci à été fixée par un mélange d’acide osmique et d’alcool, nous
(1) Hensen, Entwickl. d. Kaninschens und Meirschweinchens (Zeitschrift f.
Anat. und Entwickl., t. I, 1876). S
(2) Kælliker, Traité d'embryogénie, trad. franç., Paris, 1889, p. 615.
(3) Renaut, Recherches sur les centres nerveux amyéliniques (Arch. de Phy-
siol. norm. et path., 1881, 2 série, vol. I, p. 593).
SÉANCE DU 7 JUIN. 383
voyons que cette substance est formée par des cellules ayant un proto-
plasma émettant généralement plusieurs prolongements se dirigeant dans
divers sens, mais suivant cependant deux directions principales : l’une
d'elles est parallèle à la direction des fibres radiaires venant des cellules
avoisinant le canal de l’épendyme, c’est-à-dire qu'elles ont une direction
rayonnée, l’autre est dirigée de haut en bas et les fibres qui la suivent for-
ment par leur réunion la commissure antérieure. Ce sont les fibres qui
suivent cette direction qui sont la cause de la démarcation nette, qui existe
entre les cellules épithéliales bordant le canal de l’épendyme et les cellules
qui forment le rudiment de la substance grise, car les cellules qui touchent
aux couches épithéliales vraies ont des prolongements se dirigeant en ma-
jorité de haut en bas; celles qui se trouvent plus à la périphérie ont au con-
traire des prolongements suivant de préférence une direction rayonnée.
Les noyaux des cellules de la substance grise embryonnaire, sont au début
de deux sortes: les uns se colorent vivement par le carmin et l’hématoxy-
line, ils sont généralement petits et ne mesurent chez le mouton que 4à 5 u;
les autres plus gros, ayant de 7 à 8 x, sont généralement sphériques, s’im-
bibent peu par les matières colorantes et renferment des granulations.
Je ne pense pas, comme l’a dit Boll (1), que cette différence dans les
noyaux indique que les cellules possédant des noyaux d’une variété de-
viendront des cellules nerveuses, les autres des cellules de la névroglie,
car plus tard tous les noyaux seront semblables; mais je crois que
cette différence dans les noyaux indique plutôt que les cellules à gros
noyaux sont des cellules en voie de division. Du reste, le protoplasma de
toutes les cellules est exactement semblable, il est mou, émet des prolon-
gements de sa substance et ne possède pas de contours nets, comme c’est le
propre de presque toutes les cellules embryonnaires.
Ces cellules étendent petit à petit leur domaine, jusqu’à ce qu’elles occu-
pent les deux côtés de l’épendyme et qu’elles le dépassent en haut et en
bas. Ce sont elles qui se transformeront entre le deuxième et le cinquième
mois de la vie utérine en cellules nerveuses et en cellules de la névroglie ;
mais avant de subir cette transformation, la différence qui existe pendant la
première période de ieur évolution entre leurs noyaux disparait.
Je n’ai jamais vu aucune de ces cellules posséder l’exoplasme dont parle
Renaut, et je pense que la différence qui existe entre ma description de la
substance grise embryonnaire et celles de Kælliker, de Hensen et de
Renaut tient à la méthode que j’ai employée; en effet, ces auteurs ont em-
ployé l’acide osmique seul, et cet agent agissant seul sur les tissus a le
grand inconvénient de les rendre si homogènes, qu’on ne distingue plus que
les noyaux et les fibrilles.
Ce n’est que beaucoup plus tard que les cellules de cette substance,
(1) Boll, Die Histologie und Histeogenese d. nervüsen Centrat-organ. (Arch.
[. Psichiatrie und Nervenkrankeit, Bd IV, 1874).
384 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
- lorsqu'elles se seront transformées en cellules nerveuses et en cellules de
la névroglie, présenteront des parties différenciées, et encore ces parties ne
feront-elles leur apparition qu’à la fin de l’évolution de ces cellules, comme
j'espère le montrer dans une prochaine communication.
Ce travail a été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France.
SUR LA FORMATION DE LA SUBSTANCE GRISE EMBRYONNAIRE DE LA MOELLE
ÉPINIÈRE (DIVISION INDIRECTE DES CELLULES), par M. ViGNaL.
De nos jours, malgré les travaux de Mayzel (1), Drasche (2), Fraisse (3),
Brass (4) et quelques sages réserves de Flemming (5), on a une tendance
manifeste à considérer comme la caractéristique d’une division cellulaire,
sauf toutefois pour les globules blancs, les élégantes figures chromatiques
qu’on obtient en colorant par des substances ayant une élection très grande
pour les noyaux, des cellules en voie de division. Cependant quelques au-
teurs reconnaissent que les figures chromatiques ne sont pas constantes,
que souvent elles font défaut, mais qu’on rencontre toujours des figures
achromatiques formées par les minces filaments incolores de l’aster.
= Dans le cours de recherches que je termine en ce moment sur le déve-
loppement des éléments de la moelle, j'ai été amené à m'occuper secondai-
rement de cette question à propos de la formation de la substance grise
embryonnaire.
On sait qu'avant le neuvième jour chez le lapin, le quatrième chez le
poulet, la moelle est formée uniquement de cellules embryonnaires allon-
gées, toutes semblables entre elles; à partir de cette époque la substance
grise se forme sur les côtes des rangées de cellules précédentes, sous la
forme de nouvelles couches dont le grand diamètre n’est pas dirigé dans le
même sens que ces dernières. La couche que forment ces cellules se pro-
duit très rapidement ; de nombreux vaisseaux y pénètrent, de sorte qu’on
est en droit de penser que les changements qui se produisent dans les
cellules sont très actifs et que par conséquent, si les figures karyokiné-
tiques sont aussi constantes qu’on le dit généralement, on devrait en ren-
contrer un grand nombre.
Telle avait été ma première idée, aussi ai-je été grandement étonné de
(1) Mayzel, Regeneration d. Epithets. Arb. hist. Labarat. Varsovie, 1878.
(2) Drasche, Zur. Frag. d. Regeneration Litzber (Wien. Acad., 1879).
(3) Fraisse, Brass und d. Epithet regenerat. (Zool. Anzeig., 1883, p. 683).
(4) Brass, Biologische Etud. Erst. Theil. Org. d. Thiere Zelle. Halle, 1883 et
Chromat. substanz, etc. (Zool. Auzeig., 1883, p. 681).
(5) Flemming, Zell substanz, kern und zelltheilung. Leipzig, 1882.
SÉANCE DU 7 JUIN. 385
ne pas en observer une seule, soit dans la substance grise se formant, soit à
son voisinage immédiat, quoiqu’elles fussent très abondantes dans la pre-
mière rangée de cellules qui bordent le canal de l’épendyme. Je me mis
alors à la recherche des figures achromatiques; le résultat fut également
négatif, il y en avait un grand nombre dans les points où on observe les
figures achromatiques, mais nulle autre part ailleurs.
En présence de ces faits, j'ai été amené à penser qu'il n’y a que deux
hypothèses admissibles pour expliquer la formation de cette substance, car
il faut rejeter d’une manière absolue, du moins chez les mammifères, l’hy-
pothèse qu’elle peut être formée par des éléments venant du mésoderme
ou de l’ectoderme ; aucun fait ne justifie cette manière de voir.
La première, c’est que toutes les cellules de la moelle se forment surtout
dans la première, quelques-unes dans la deuxième rangée des cellules qui
bordent immédiatement le canal central, puis qu'elles émigrent de là vers
la périphérie pour former la substance grise, ou bien que seules les cellules
de la première rangée prolifèrent et repoussent les cellules situées der-
rière elles et que celles-ci changent de forme à mesure qu’elles approchent
de la périphérie. | RER
Mais cette hypothèse me paraît difficilement admissible : du reste les
cellules en voie de division sur les bords du canal de nets, s’expli-
quent par le fait que ce canal s'agrandit considérablement pendant cette
période, et cette augmentation ne peut se faire que parce que les cellules
deviennent plus nombreuses.
Ce qui me porte à penser que la division qu’on 1 observe dans ce point est
destinée à augmenter le nombre des cellules qui bordent le canal de
l’épendyme, c’est que, lorsque le fuseau se divise en deux portions, on voit
que ces deux parties sont parallèles au bord du canal de l épendyme et-que
la plaque équatoriale est perpendiculaire à ce bord, tandis que, si ces cel-
lules se divisaient pour former de nouvelles couches, cette plaque devrait
être parallèle à ce bord et l'axe des deux fragments du fuseau lui être per-
pendiculaire.
La seconde hypothèse et celle qui me paraît le plus probable est la sui-
vante, c’est qu'il existe, pour les cellules formant la substance grise em-
bryonnaire et les cellules qui l’avoisinent, un autre mode de division ou
plutôt de reproduction que celui connu sous le nom de division indirecte ou
de karyokinèse.
Ce travail a été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France.
386 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
DE LA POUSSÉE VERTICALE QUE L'HOMME EXERCE SUR LE SOL PENDANT SES
MOUVEMENTS, par L. CHABry. Communication faite le 15 mars 1884.
Pendant les mouvements du corps humain, le centre de gravité est à
l’état de déplacement incessant, et décrit dans l’espace une courbe inconnue
mais déterminée pour chaque espèce de mouvement. Menons un axe ver-
tical OZ, projetons horizontalement sur cet axe le centre de gravité, et soit
© G sa projection :
Nous aurons ainsi sur OZ, un point mobile G, dont le mouvement lié à
celui du centre de gravité sera connu, si on connaît le mouvement de celui-
ci dans l’espace. Supposons, à un instant donné, l’accélération du point G
égale à », je dis que la poussée exercée verticalement sur le sol sera à
cet instant égale à y + TR #, expression dans laquelle est le poids du corps
et 4 l’accélération due à la pesanteur. On sait, en effet, que les variations du
mouvement du centre de gravité d’un système peuvent être considérées
comme engendrées uniquement par les forces extérieures à ce système.
Dans le cas considéré, les forces intérieures du système sont les contractions
musculaires qui déterminent le mouvement des organes; les forces exté-
rieures sont la pesanteur et la réaction du sol. Ces dernières sont les seules
qui modifient le mouvement du centre de gravité ; si & est le poids du corps,
æ la réaction du sol estimée verticalement (c’est-à-dire la composante verti-
cale de cette réaction), ces deux forces produiront une accélération verticale
totale — g + - æ. Du reste, cette quantité est supposée égale à #, on a
done # — —g + : æ, d’où l’on tire æ — HE # (1). Nous avons supposé
la réaction du sol et la pesanteur agissant en sens inverse l’une de l’autre,
ce qui est dans le cas ordinaire; la formule (1) conviendra à tous les cas, si
l’on convient : 1° d’affecter du signe positif la force x lorsqu'elle est dirigée
de bas en haut et du signe négatif dans le cas contraire ; 2° de prendre #
positivement lorsque le mouvement du point G est dirigé de bas en haut et
qu'il est accéléré, ou de haut en bas et qu’il est désaccéléré ; de prendre ©
négativement lorsque le mouvement du point G est dirigé de haut en bas et
qu’il est accéléré. Il résulte de cette convention que à chaque valeur de x,
c’est-à-dire à chaque réaction donnée du sol, correspondent, d’après la for-
mule, deux mouvements différents possibles du centre de gravité, l’un
accéléré s’effectuant de bas en haut, l’autre désaccéléré s’effectuant de haut
en bas ou inversement.
SÉANCE DU T1 JUIN. 381
La discussion de la formule (1) conduit aux propositions suivantes :
a. — La pression æ est nulle pour — + — g, c'est-à-dire : 1° lorsque le
centre de gravité descend avec une accélération » égale à g, ce qui est le cas
d’une chute pure et simple ; 2° lorsque le centre de gravité s’élève avec une
désaccélération % égale à g, ce qui est le cas de l’ascension libre contre la
pesanteur, en vertu de la seule vitesse acquise, comme dans le saut après
que les pieds ont quitté le sol.
b. — La pression x est constante et égale au poids du corps pour # — 0,
c'est-à-dire : {° lorsque le centre de gravité s’élève avec une vitesse con-
stante ; 2° lorsqu'il descend dans les mêmes conditions. Le repos n’est qu’un
cas particulier dans lequel la vitesse est nulle.
€. — La pression x est constante et différente du poids du corps, lorsque
4 est constant et différent de O et g et que le centre de gravité subit un
mouvement uniformément accéléré ou retardé soit de haut en bas, soit de
bas en haut.
d. — La pression æ est positive : 1° lorsqu'on prend appui sur le sol pour
soulever le centre de gravité; 2° lorsqu'on prend appui sur le sol pour
retarder la chute du centre de gravité; les deux cas se présentent successi-
vement dans le saut, au départ et à l’arrivée quand les pieds touchent le
sol,
e. — La pression æ est négative : 1° dans le cas d’une chute lorsque le
précipité, non content de descendre avec l’accélération g, due à la pesan-
teur, s’aide encore d’une traction sur le sol pour descendre plus vite;
2° lorsqu'un homme animé d’un mouvement vertical ascendant modère sa
vitesse ascensionnelle à l’aide d’une traction exercée sur le sol. Supposons
un sauteur dont les pieds soient attachés au sol à l’aide d’un lien élastique,
pendant la première partie du saut, l’élasticité du lien agira pour modérer
la vitesse ascensionnelle et pendant la seconde partie du saut pour accélérer
la chute; les pressions sur le sol sont négatives dans ces deux cas.
Le déplacement du centre de gravité, d’où dépend à chaque instant la
pression exercée sur le sol, mérite une étude spéciale. Je me bornerai à
signaler ici les mouvements périodiques auquel ce centre est soumis. Tout
déplacement d’une partie pesante, à l’intérieur du corps, détermine une
variation de la position du centre de gravité. Celui-ci ne peut donc être
situé au même point lorsque les cavités cardiaques sont pleines et lors-
qu’elles sont vides ; lorsque le thorax est dilaté et lorsqu'il est contracté; il
est dans une mobilité perpétuelle et subit à l’intérieur du corps de petits
déplacements périodiques isochrones avec le déplacement périodique des
388 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
viscères. La pression exercée sur le sol par un animal vivant, doit donc elle-
même subir des variations périodiques. Pour vérifier expérimentalement
cette conclusion, on peut placer un rat anesthésié dans le plateau d’une
balance très sensible; les oscillations de la balance traduisent les variations
de la pression verticale qu’exerce l’animal; elles sont très faibles à cause
de la grande masse relative de tout le système. En plaçant le rat dans une
corbeille légère suspendue à l'extrémité d’un fil de caoutchouc, on à un
appareil plus léger et plus sensible dans lequel les élongations et les rac-
courcissements du fil de caoutchouc sont nettement isochrones avec les
mouvements respiratoires.
TT
SÉANCE DU 14 JUIN. 389
Re A NE ER NN IT
SÉANCE DU 14 JUIN 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
M. BocHEFONTAINE présente un travail de M. ArANAssIEw sur la transfu-
sion du sang rendu coagulable par l'addition de peptone. (Renvoyé aux
Mémoires.)
d
M. LABORDE présente un travail de M. Ferdinand Vicier sur le sulfo-
carbol et son action antifermentescible. (Renvoyé aux Mémoires.)
SUR L'EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. — ÉTUDE
DU TÉMPS PERDU, par M. P. RecNann.
Dans la dernière Note que nous avons eu l’honneur de soumettre à la
Société, nous faisions remarquer que, si l’onmet en présence de la levure de
bière et une solution sacrée, il se passait un certain temps, dix à vingt mi-
nutes dans les conditions ordinaires de nos expériences, avant que la levure
se mit à agir. Nous avons appelé temps perdu cette période, qui, sur nos
courbes, se trouve représentée par une ligne horizontale d'abord, très légè-
rement ascendante ensuite.
Quelle est la cause de ce temps perdu ? C’est ce que nous voudrions
rechercher aujourd’hui.
Il est évident que dans l’acte de la fermentation, c’est le protoplasma de
la cellule qui agit et qui détermine le dédoublement de la substance fer-
mentante. Or, pour arriver au protoplasma, il est nécessaire que la substance
en fermentation traverse les couches extérieures de la cellule; le temps
perdu pourrait bien être précisément le temps utilisé à cette imbibition.
Ce fut notre première pensée, et nous étions d'autant plus encouragé à
penser de cette manière, qu'une expérience de chimie pure nous donnait
un véritable schéma de la manière dont les choses devaient se passer.
Si l’on met dans notre appareil une lame de zinc et une certaine quantité
390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
d’acide sulfurique, on voit les choses se passer de manière très différente
suivant que la lame de zinc est décapée ou qu’elle est recouverte d’une
couche d'oxyde.
Si la lame a été décapée, elle est immédiatement attaquée par l'acide et
donne un tracé A (fig. 1), pareil à tous les tracés chimiques purs, c’est-à-
dire sans temps perdu. Si, au contraire, la lame est encore écrouie et recou-
verte d’une couche d'oxyde dure, il faut à l’acide très étendu un certain
temps pour pénétrer et détacher cette couche. Le dégagement d'hydrogène
RE EI EN EL
EN A EN A RS EC EE
PET EE EE
Ce MER ReITENIEIn) EAI
FIG. i.— Action de l'acide sulfurique : À, sur une lame de zinc décapée ;
B, sur la même lame encore recouverte d'oxyde.
se fait lentement. d’abord et nous observons une courbe B, qui nous pré-
sente au début un véritable temps perdu analogue à celui de la fermentation
alcoolique.
Si telle est l'explication, nous allons facilement le vérifier. Pour cela,
faisons d’abord fermenter de la levure, puis au milieu même de son action,
quand elle sera bien imbibée d’eau sucrée, retirons-la etmettons-la au contact
d’une nouvelle solution sucrée. Celle-ci devra se mettre à fermenter de suite
puisque la levure sera imbibée déjà et nous ne devrons pas avoir de temps
perdu.
En faisant l'expérience (fig. 2), on voit que les choses ne se passent pas
du‘tout ainsi. La courbe inférieure représente une fermentation normale.
La courbe supérieure a été fournie par de la levure retirée par un rapide
filtrage au milieu d’une fermentation intense et jetée rapidement dans l’en-
SÉANCE DU L4 JUIN. 391
registreur. On voit que, dans les deux cas, que la levure ait été imbibée ou
non, le temps perdu a été identique.
Puisque notre première explication nous échappait, deux autres s'offraient
à nous pour expliquer le temps perdu; notre appareil enregistre le déga-
FIG. 2. — Graphique fourni par de la levure ordinaire et par de la levure préalablement
imbibée d’eau sucrée.
sement d'acide carbonique, il était possible que cet acide commençât à
saturer l’eau contenue dans l’appareil et ne se dégageàt pas. A priori cela
n’était pas probable, car on aurait dû alors trouver un temps perdu dans
tous les cas où on aurait produit de l’acide carbonique, soit dans l'attaque
de la craie par un acide; or dans une précédente Note nous avons dit qu’il
n’en était rien.
La levure, d'autre part, consomme l’oxygène dissous dans l’eau où s’opère
la fermentation; il était possible que Le temps perdu füt celui où cette res-
piration avait lieu et que la levure ne commençàt à attaquer le sucre qu’en
commençant à manquer d'oxygène libre.
On peut voir, en examinant la figure 3,que ces deux explications sont
fausses également.
Nous avons d’abord recueilli un tracé normal. Puis nous avons produit
une fermentation dans de l’eau préalablement saturée d’acide carbonique.
Si le temps perdu tenait à la dissolution de ce gaz, il ne devait plus se
produire, puisque la dissolution était impossible. Or on voit que le temps
perdu est resté identique.
Nous avons produit une nouvelle fermentation dans de l’eau complète-
ment privée d'oxygène par l’ébullition et le vide. Si le temps perdu était
celui pendant lequel la levure consomme l’oxygène libre avant d'attaquer
392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
le sucre, là encore il ne devait pas exister. Or il s’est produif, et, comme
la fermentation a été ralentie, il a lui-même été plus long.
gène.
ée d’oxy
eau privée
d’une fernrentation dans l’
NÉE
do
Fic. 8. — (Graphique d’une fermentation normale, d’une fermentation dans l’eau préalablement saturée de CO*,
À quoi donc attribuer la période que nous étudions? Une eéxpérierce assez
simple nous en donne la cause. Le temps perdu est en raison inverse de la
concentration du liquide fermentant. Il semble qu’étant un être vivant, la
de jevure ait besoin d’être excitée pour entrer en action, et que, de même
SÉANCE DU 14 JUIN. 393
que nos aliments excitent l’activité de nos cellules et la sécrétion de nos
liquides digestifs, de même il faut pour qu’elles entrent de suite en activité,
que les cellules de levure reçoivent l'excitation plus ou moins intense de son
aliment, du sucre.
Qu'on veuille bien regarder le tracé 4. On verra que, dans quatre fermen-
F1G. 4. — Influence de la concentration du liquide sucré sur le temps perdu de la fermentation.
tations différentes où les quantités de levure et de sucre étaient identiques,
le temps perdu a été toujours inversement proportionnel à la quantité d’eau
en présence (1).
Dans le premier tracé pas de temps perdu, et au contraire augmentation
progressive de ce dernier à mesure que la concentration diminue.
Il semble même que la fermentation est d'autant plus incomplète, que la
dilution du sucre est plus grande : c’est un point sur lequel nous aurons à
revenir.
(1) Pour que la capacité de l’appareil füt toujours la même, quand il y avait
moins d’eau, nous mettions une quantité équivalente de grenaille de verre.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 24.
394. SOCIÉTÉ -DE BIOLOGIE.
EFFET DES HAUTES PRESSIONS SUR LES ANIMAUX MARINS, par M. P. REGNARD:
C'est toujours sur des animaux vivant dans l’eau douce que nous avons
jusqu’à présent étudié l’action des hautes pressions (plus de 600 atmo-
sphères). Nous venons de transporter tout notre matériel expérimental à la
station physiologique du Havre, et nous avons pu étendre nos observations à
toutes les classes d'êtres qui habitent les eaux.
Comme il fallait s’y attendre, les lois que nous avions trouvées, à savoir
la pénétration de l’eau dans les tissus, la vie latente consécutive, et finale-
ment la mort, si on prolonge la compression plus ou moins longtemps,
suivant les êtres, les lois, dis-je, que nous avions trouvées se sont vérifiées.
Nous avons néanmoins observé quelques faits nouveaux assez intéressants
pour être présentés à la Société.
On trouve facilement dans la mer des poissons qui n’ont pas de vessie
natatoire ; il est donc beaucoup plus facile d’expérimenter sur eux, que sur
les poissons d'eau douce. |
En soumettant pendant dix minutes, aux fortes pressions, de très petits
poissons plats, nous avons réussi à les endormir pendant plusieurs heures,
puis le réveil est survenu, et il n’a pas semblé que les animaux eussent
éprouvé aucun dommage de cette expérience. En prolongeant une heure
l'expérience, l'animal nous est revenu complètement mort. Nous n'avions
encore pu obtenir sur les poissons d’eau douce la vie latente que sur l’an-
guille de la montée. Chez tous les autres nous obtenions la mort d'emblée,
la vessie natatoire (même vidée avec soin) renfermant toujours un peu de.
gaz qui se dissout et vient produire des embolies gazeuses au moment de la
décompression.
Sur tous les crustacés que nous avons essayés, nous avons obtenu le même
résultat que sur les crustacés d’eau douce, sommeil d’abord, même après
une pression portée très haut (800 atmosphères), puis mort. La résistance
plus grande des crustacés aux changements de pression tient à ce que leur
carapace leur forme une véritable cuirasse protectrice. [Ils ne sont décou-
verts qu’au niveau des branchies, mais, là, la pénétration d’eau se fait non
pas au milieu des tissus, mais dans le sang lui-même, ce qui n’a pas une
influence nocive comparable.
La carapace néanmoins finit par se laisser traverser. Cela se voit fort bien
sur les crevettes, très transparentes, comme chacun sait. Quand elles ont
été soumises à 400 atmosphères, on voit leur carapace devenir louche,
opaque, à la manière de la carapace des crevettes mortes et imbibées
d’eau.
La preuve que la carapace est bien la cause de la protection momen-
tanée des crustacés, c’est qu’en soumettant à 600 atmosphères un crabe qui
SÉANCE DU 44 JUIN. 395
venait d'abandonner sa cuirasse et qui par conséquent était mou, nous
l'avons tué, tandis que quelques jours auparavant, alors qu'il était encore
muni de sa carapace, il avait résisté à une pression bien supérieure.
Le Bernard l’'Ermite manque de carapace sur les anneaux postérieurs de
son corps : il est donc mal protégé contre la pénétration de l’eau. Soumis
à 600 atmosphères, il succombe vite, tandis qu’un crabe placé à côté de lui
ne fait que s’endormir.
Nous avons opéré sur des ascidies simples, sur des annélides (néréides,
serpules), sur des mollusques (moules, buccins, cardiums, etc.). Dans tous
les cas nous avons retrouvé ce que nous avaient fourni les animaux d’eau
douce, la vie latente, puis la mort avec des différences individuelles dans
la durée du premier phénomène.
Mais les êtres qui nous ont fourni les résultats les plus singuliers sont les
échinodermes et les actiniaires. En comprimant à 1000 atmosphères de
petites astéries, on les retire de l’appareil jendormies et tellement gonflées
d’eau, que leur estomac fait hernie au dehors et leur tissu semble une
gelée gonflée d’eau. Dix à douze heures après, l'animal est dégonflé, il se
réveille et le mouvement des ambulacres reparaît. Il faut longtemps pro-
longer la pression pour amener la mort.
Sur les alcyons, sur les actinies, le même processus se constate facile-
ment. Leurs tissus qui se gonflent et se dégonflent d’eau si facilement
semblent plus résistants à la mort par imbibition forcée.
Je présente à la Société deux actinies qui, pendant trente minutes, ont
supporté une pression de 1000 atmosphères, il y a quinze jours de cela, et
elles sont parfaitement vivantes. Elles sont sorties de l'appareil en vie
latente, elles ont mis quelque temps à se réveiller. Pour tuer ces cœlen-
térés, il m’a fallu prolonger la compression pendant plusieurs heures.
Je ne serais donc pas étonné si dans les dragages on rencontrait un
jour des actiniaires dans les fonds, bien qu’on n’en observe aujourd’hui qu'à
la surface des mers; les tissus de ces animaux, par leur nature même, sem-
blant résister mieux que ceux des êtres supérieurs à l’action de la pénétra-
tion de l’eau.
396 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ANESTHÉSIE A L'AIDE D'UN MÉLANGE DE CHLOROFORME ET D’AIR EXACTE-
MENT TITRÉ. MÉTHODE DE M. P. BERT. STATISTIQUE DES 115 PRE-
MIÈRES OBSERVATIONS RECUEILLIES DANS LE SERVICE DE M. PÉAN 4
L'HÔPITAL SAINT-Louis, par le docteur A. AUBEAU (1).
M. P. Bert exposait dernièrement les résultats des premières anesthésies
obtenues chez l’homme à l’aide de sa méthode de dosage de chloroforme et
d'air.
M. Péan a continué l'emploi de cette méthode pour les opérations de son
service.
Dans tous les cas, l’anesthésie a été conduite par M. le docteur Dubois,
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne.
Nous avons recueilli les observations dont nous désirons communiquer
aujourd’hui la statistique.
Elle porte sur 115 cas. Si ce nombre est trop restreint pour fournir les
bases d’un jugement définitif, il est du moins suffisant pour permettre
d'établir une comparaison entre les procédés ordinaires et la méthode des
mélanges titrés.
Nous n’avons pas à faire ici l’exposé de cette méthode, mais il importe
de relater les résultats fournis par l’emploi des différents mélanges.
Titres des mélanges. — La quantité de chloroforme contenue dans les
mélanges a varié entre 7 et 10 pour 100.
Le mélange à 8 pour 100 a été employé chez 103 malades sur 115, C'est
lui qui donne les meilleurs résultats. En effet, le mélange à 7 pour 100 n’est
suffisamment anesthésique que pour les très jeunes enfants. Le mélange à
10 pour 100 ne fait que hâter la marche de l’anesthésie.
La dose de 8 grammes de chloroforme pour 100 litres d’air représente
la dose minima pour la moyenne des individus.
L’äge, le sexe, le tempérament, n'ont qu’une influence secondaire et déjà
connue.
68 malades appartiennent au sexe masculin, 47 au sexe féminin. Les
àges se répartissent entre six mois et soixante-seize ans ; les deux extrêmes
de la vie.
Des opérations de siège, de nature et de durée variables, ont été prati-
quées chez ces malades. À savoir :
14 amputations ;
18 résections osseuses et évidements ;
1 désarticulation de la hanche ;
1 réduction de luxation de la hanche;
(1) Les observations détaillées rapportées à l’appui des conclusions du pré-
sent travail seront publiées dans les Mémoires de la Société pour l’année 1884.
SÉANCE DU 14 JUIN. 397
2 autres opérations sur les jointures : l’ablation d’une encéphalacèle et
l’arrachement du nerf dentaire inférieur ;
2 autoplasties de la face;
9 débridements d’abcès froids fistuleux énormes, avec ablation des fon-
gosités ;
32 ablations de tumeurs de toute nature et de toutes régions ;
4 opération du bec-de-lièvre ;
1 ablation d’ongle mearné;
5 opérations sur le rectum et l’anus;
10 sur les organes génitaux urinaires de l’homme;
16 sur ceux de la femme, dont une ovariotomie et une opération de
fistule utéro-vésicale, etc., etc.
Plusieurs malades présentaient des états pathologiques capables d’in-
fluer sur la marche de l’anesthésie : laryngite, bronchite, phthisie, nervo-
sisme, alcoolisme, anémie. L’hyperesthésie des muqueuses laryngienne et
bronchique a provoqué de la toux. L’anémie à été favorable à la rapidité et
à l'intensité de l’action anesthésique sans toutefois entraîner de dépression
nerveuse inquiétante.
L'opération a pu être conduite à bonne fin, même chez un malade atteint
de cancer étendu du gros intestin qui subit dans la même séance l’opéra-
tion de l’anus artificiel, d’abord par la méthode de Callisen, puis par celle
de Littre, bien que tout concourût à engendrer chez ce patient une adyna-
mie mortelle.
L’anesthésie marcha très régulièrement chez un autre sujet très débilité,
qui avait eu récemment plusieurs accès d’embolie pulmonaire, bien qu’on
eût employé un mélange à 9 pour 100.
L’alcoolisme a retardé la période d’anesthésie confirmée et a hâté le
réveil.
Phénomènes de l’anesthésie. — Nous n’avons jamais observé chez nos
malades la répugnance qu'inspire le chloroforme administré par la méthode
de la compresse.
Sauf chez un jeune homme atteint de laryngite et un phthisique alcoo-
lique, il n’y a eu, au début, ni toux, ni spasme de la glotte, ni hypersécré-
tion glandulaire.
La période d’excitation, si fréquente avec les procédés habituels, a fait
complètement défaut dans plus de la moitié des cas. Elle a été insignifiante
dans la plupart des autres et représentée seulement par quelques plaintes,
des rêvasseries sans mouvements, de légères secousses convulsives dans les
membres, un mouvement d’élévation du bras et de la jambe, le tout ne
durant pas plus de deux secondes à deux minutes.
Encore cette excitation légère était-elle provoquée, le plus souvent, par
l'exploration de la région malade, le lavage des plaies, etc.
En réalité 12 malades seulement sur 115 ont eu de l'excitation marquée
398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ou prolongée. Onze étaient alcooliques; chez le dernier, le masque n’appli-
quait pas hermétiquement au visage.
L’anesthésie confirmée a été obtenue, en moyenne, sept minutes après le
début des ‘inhalations, elle a été en règle très générale parfaite, .e’est-à-
dire régulière, calme, continue, profonde, et n’a pas présenté les alterna-
tives de demi-réveil et de demie -collapsus qu'on observe si fréquemment
avec les procédés ordinaires.
Dans le cas d'opérations pratiquées sur les màchoires, la méthode des mé-
langes a offert des avantages réels, en permettant de maintenir pendant
toute la durée des manœuvres chirurgicales, l’anesthésie aussi profonde,
en conduisant les vapeurs à l’entrée du larynx à l’aide d’un tuyau en cuivre
recourbé, construit par M. Mathieu sur les indications de M. P. Bert.
Trrégularités de l’anesthésie.—1 y a eu, pendant la période d’anesthésie
confirmée, quelques incidents : de la toux chez quatre malades atteints de
laryngite ou de bronchite, des nausées et un vomissement, pendant une
suspension des inhalations.
Un ralentissement inquiétant de la st chez un rhumatisant gout-
teux, vingt minutes après le début des inhalations.
Les soupapes de l’inhalateur fonctionnaient mal, mais néanmoins l’expli-
cation de ce phénomène n’est pas des plus simples. Peut-être y a-t-il lieu
d’accuser quelque réflexe encore peu connu, car, au moment où la respira-
tion s’est modifiée, on opérait dans la profondeur du creux axillaire.
Les recherches que nous faisons actuellement avec M. le docteur Dubois,
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne, sur les réflexes provoqués
par les manœuvres opératoires, pendant l’anesthésie, donnent une certaine
valeur à cette interprétation.
Il y eut enfin un certain degré d’adynamie chez le sujet atteint de rétré-
cissement cancéreux du gros intestin. L’étendue de l'affection organique,
la déchéance nutritive subie par le sujet, la gravité et la longue durée
(quatre-vingt-deux minutes) des opérations, ont certainement joué dans ce
cas un rôle plus important que le chloroforme. Enfin, comme nous l’avons
dit, l'opération put être conduite à bonne fin, et l’on est en droit de se deman-
der si l’on aurait eu un égal succès avee le procédé aventureux de la com-
presse.
À propos de ce malade, il est intéressant de remarquer que la méthode
de l’anesthésie par la voie rectale n’est pas applicable à tous les cas.
L'examen attentif des différents faits que nous venons de signaler, montre
que les incidents de l’anesthésie confirmée ne sont nullement imputables à
la méthode.
La durée totale des anesthésies a varié entre huit et quatre-vingt-deux mi-
nutes.
Les quantités de mélange dépensées ont oscillé entre 80 et 1200 litres,
suivant la durée de l’anesthésie.
SÉANCE ‘DU 14 JUIN. 399
-Le réveil s’est effectué, en moyenne, sept minutes après la cessation des
inhalations, mais après le réveil l’insensibilité à la douleur a persisté pen-
dant un temps variable. Quelques malades ont eu des vomissements au
réveil et chez quelques-uns l’état nauséeux a persisté de trente-six à qua-
rante-huit heures.
Appréciation de la valeur de la méthode des mélanges titrés. — Des
circonstances particulières nous ont entraîné à pratiquer l’anesthésie chlo-
roformique presque quotidiennement depuis dix années et à étudier de près
les phénomènes cliniques de l’anesthésie. Nous avons pu expérimenter et
apprécier les divers procédés; disons de suite que notre impression géné-
rale est toute en faveur de la méthode de M. P. Bert, qui donne à la con-
duite de l’anesthésie une Précision, une régularité, une sécurité inconnues
jusqu'alors.
Mais, pour appuyer notre opinion sur des données précises, envisageons
les inconvénients et les dangers de l’anesthésie chloroformique.
Les inconvénients sont : la répugnance des malades et l’irritation des
muqueuses buccale, nasale, pharyngienne et laryngienne au début des
inhalations, d’où : toux, spasme de la glotte, suffocation et hypersécrétion
glandulaire.
Le danger, c’est la syncope respiratoire. Nous ne prétendons pas nier la
possibilité d’une syncope cardiaque au cours de l’anesthésie, mais nous ne
Vavons pas observée.
Au contraire, tous les accidents qui ont évolué sous nos yeux étaient attri-
buables à une syncope respiratoire.
La syncope respiratoire revêt deux formes : forme convulsive, forme
parésique ou adynamique.
La forme convulsive apparaît soit tout à fait au début des inhalations, soit
pendant la période d’agitation.
Au début elle paraît due à la pénétration d’une dose massive de vapeurs
chloroformiques dans les voies respiratoires, à un accès de suffocation.
Plus tard elle fait suite à une respiration saccadée, pénible, convulsive;
élle est souvent précédée de troubles vasculaires cutanés, sur lesquels nous
avons autrefois attiré l'attention (Odontologie, t. II, n° D.
La forme adynamique est le terme d’une dépression nerveuse excessive
produite par le chloroforme.
Ces données étant établies, nous posérons les conclusions suivantes :
1° La dose de chloroforme 8 pour 100 étant une dose minima pour la
majorité des individus ; les phénomènes d’irritation locale des muqueuses
nasale, buccale, pharyngienne et laryngienne (toux, spasme, suffocation)
faisant défaut avec l'emploi des mélanges titrés, la syncope convulsive du
début ne nous semble plus à craindre;
2° La période d’excitation étant supprimée ou considérablement atténuée,
sauf chez les alcooliques, le danger de la syncope convulsive de la période
d’excitation paraît écarté.
400 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
3° L'emploi d'une dose maxima de chloroforme et l'absence dé dépres-
sion nerveuse inquiétante doivent rassurer sur la probabilité d’une syncope
adynamique.
Toutefois, comme il est impossible de prévoir à l'avance jusqu'où ira la
dépression nerveuse chloroformique chez certains sujets déjà débilités;
comme cette dépression est variable suivant les individus; comme à cette
dépression peut s'ajouter celle d’un choc chirurgical excessif, il importe de
faire des réserves et de ne jamais s’écarter des obligations de prudence et de
surveillance.
Nous n’insistons pas sur les avantages d’ordre secondaire (entretien de
l’anesthésie pendant les opérations qui se pratiquent sur la bouche et les
fosses nasales, économie de chloroforme).
Nous dirons seulement pour terminer que, si la méthode des mélanges ne
donne pas une sécurité absolue, elle offre du moins sur les autres procédés
d'immenses avantages.
Les observations faites sur l’homme confirment de tous points les expé-
riences faites sur les animaux.
M. le docteur Dubois a fait construire un appareil transportable et d’un
maniement facile. M. Péan se propose de poursuivre l’usage des mélanges
titrés. Pour notre part, nous continuerons à recueillir avec soin les obser-
vations des malades anesthésiés par cette méthode, parce qu’à notre sens
on n’obtiendra de données sérieuses et pratiques sur l’anesthésie qu’en se
_ plaçant toujours dans des conditions identiques, c’est-à-dire en employant
des mélanges exactement titrés.
MACHINE A ANESTHÉSIER DU DOCTEUR R. DuBois, CONSTRUITE PAR M. TATIN,
POUR LA CHLOROFORMISATION PAR LA MÉTHODE DE M. PAUL BERT, par
M. R. Dupois.
&
Ayant été chargé par mon maître M. le professeur Paul Bert d’appli-
quer pour lanesthésie chirurgicale la méthode des mélanges titrés, à
l’hôpital Saint-Louis, sous la savante direction de M. le docteur Péan, j'ai
pu me rendre facilement compte des inconvénients que pouvait présenter
dans la pratique l’emploi des gazomètres.
Je ne reviendrai pas ici sur la critique détaillée des appareils qui ont
servi aux premières expériences : elle a été présentée dans une Note anté-
rieure.
Je me bornerai seulement à rappeler que l’objection la plus sérieuse
est basée sur ce fait, à savoir que l’emploi des gazomèêtres nécessite
SÉANCE DU 14 JUIN. 401
l'intervention d'un aide très attentif, familiarisé déjà avec le maniement
compliqué de ces appareils.
Le mesurage du chloroforme se faisant au moyen d’une Énbuette
graduée, on peut craindre des erreurs de lecture de la part de celui qui est
en même temps chargé de surveiller le jeu des robinets et celui des
cylindres.
En outre, le volume, le poids, la fragilité et le prix des gazomètres ne
permettent guère leur emploi que dans les grands hôpitaux, où ils pour-
raient rendre de véritables services, à la condition de leur donner la
dimension, la forme et la disposition indiquées par M. le professeur Paul
Bert (1).
Pour la pratique courante, il élait au contraire important, nécessaire
même, de réduire de beaucoup le poids et le volume.
Depuis la découverte des liquides anesthésiques on n’a cessé de maîtriser
l’activité merveilleuse, mais redoutable de ces puissants auxiliaires.
Le nombre des appareils inventés dans ce but est considérable. Malheu-
reusement on reconnait bien vite, en suivant avec aitention l'historique de
cette question, que tous les inventeurs semblent avoir voulu appliquer une
règle qu’ils ne connaissaient pas.
Les premiers essais ont été, à tort, le plus souvent pratiqués d’ enbiée
sur l’homme, et, malgré la Pre ee des chirurgiens mise plus d’une
fois à contribution, on a dû renoncer à l'emploi d’appareils dont la
construction ne reposait sur aucune donnée scientifique solide.
Ces appareils ont, en général, pour but de déterminer le poids du chlo-
roforme ou de l’éther employé dans un temps donné. On s’est efforcé
surtout de modérer ou d'activer à volonté la volatilisation de l’agent anes-
thésique par des robinets, des tubes, des orifices de grandeurs variables,
sans tenir compte de la tension de la vapeur ainsi produite dans son
mélange avec l'air.
Cest cependant là le point essentiel, ainsi que cela a été établi par les
nombreuses expériences de M. Paul Bert.
Il fallait donc, pour se conformer aux indications de la méthode par les
mélanges titrés, dans la construction d’une machine pratique à anesthésier,
obtenir une mesure exacte des volumes d’air et de vapeur anesthésique,
constituant un mélange homogène et titré immédiatement au gré de l’opé-
rateur.
Telles sont les raisons qui m'ont fait rechercher le moyen de remplacer
les gazomètres par un corps de pompe et l’aide chargé de mesurer et de
verser le chloroforme par une pièce mécanique.
Mais cette conception serait probablement restée à l’état de vues théo-
(1) M. Paul Bert pense qu’il y aurait avantage à avoir dans chaque hôpital un
grand gazomètre simple à air chloroformé pouvant distribuer, au moyen de
tuyaux en plomb, le mélange anesthésique dans chaque service de chirurgie.
402 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
riques si je n'avais pu obtenir le concours de M. Tatin, bien connu déjà du
monde savant par l’ingéniosité de ses travaux.
Les recherches que nous avons faites en commun nous ont permis de
construire la machine à anesthésier que je place sous les yeux de la Société
et au moyen de laquelle six anesthésies ‘ont été pratiquées avec succès cette
semaine à l’hôpital Saint-Louis.
La machine à anesthésier se compose d’une pompe à air, rappelant la
disposition connue en hydraulique sous le nom de « pompe des prêtres ».
Une plaque circulaire horizontale supportant une membrane invaginante
est mise en mouvement par l'intermédiaire d’une tige terminée à sa partie
supérieure par une chaîne Vaucauson se réfléchissant sur une roue dentée
et supportant à son extrémité libre un contrepoids.
Cette roue dentée est mise en mouvement par un volant auquel on coms
munique un mouvement circulaire alternatif et limité dans chaque sens.par
un butoir commandant, à chaque fin de course, un tiroir de distribution
analogue à celui des machines à vapeur; on évite ainsi l'emploi des sou-
papes, dont la fonction est si souvent imparfaite et par conséquent inquié-
tante. |
Le jeu de ce premier groupe d'organes est invariablement lié à celui qui
est chargé d'assurer le dosage du liquide anesthésique.
A cet effet, un petit seau métallique, fonctionnant comme un godet
de noria, va, à chaque course du piston, puiser la quantité voulue de
Vanesthésique employé dans un récipient placé au-dessous de lui.
Ce godet, arrivé au point culminant de sa course, déverse son contenu
dans un barboteur, traversé par l’air appelé de l’extérieur par le jeu du
piston. |
Le volume d’air mesuré par la capacité du corps de pompe est toujours
suffisant pour volatiliser complètement le liquide anesthésique, dont les
vapeurs se mélangent intimement à lui, au moment du passage dans le
barboteur. |
La pompe à air étant à double effet, on peut ainsi charger l'appareil d’un
côté du piston, tandis que le mélange préparé de l’autre côté est conduit
jusqu'aux voies respiratoires du malade par un tube flexible auquel on
adapte un masque d’un modèle spécial sans soupape, ou un tube destiné à
injecter le mélange anesthésiqué dans l’arrière-bouche, selon les cas.
Grâce aux dispositions de cet appareil, on peut le confier aux mains les
plus inexpérimentées, sans avoir à craindre qu'il produise un autre
mélange que celui indiqué par le godet employé.
Son volume restreint, qui ne dépasse guère celui d’un seau ordinaire, son
faible poids (15 kilogrammes), la simplicité de sa manipulation en font
un appareil susceptible d'appliquer dans la pratiqué courante la méthodé
d’anesthésie de M. Paul Bert, qui jusqu’à présent a donné de si brillants
résultats.
SÉANCE DU 44 JUIN. 403
DES LÉSIONS QUE PRODUISENT SUR LES TISSUS ANIMAUX LES HAUTES
PRESSIONS, par MM. P. ReGNarn et W. VicnaL.
Dans une communication faite précédemment à la Société de: biologie,
l’un de nous avait démontré, à l’aide d’une série de pesées, que les
tissus des vertébrés soumis à une haute pression (600 atmosphères) absor-
baient une quantité relativement considérable d’eau, et que c'était à la pré-
sence de ce liquide que devaient être attribués les différents phénomènes
qu’on observe dans les tissus, car, si on les mettait à l’abri de l’eau, tout en
les soumettant à ces pressions, on n’observait plus ni l’augmentation du
poids, ni les autres phénomènes.
Depuis ce temps, nous avons étudié les lésions que les tissus subissent
lorsqu'ils sont placés dans ces conditions. À cet effet, nous avons soumis à
une pression de 600 atmosphères deux séries de tissus comprenant l’épithé-
lium, les muscles, les nerfs et le tissu conjonctif. La première série ne fut
maintenue sous la pression que pendant dix minutes, la seconde, dans
laquelle nous avons voulu exagérer les phénomènes, pendant deux heures.
4° Nous avons observé que toutes les cellules muqueuses (cellules-calici-.
formes) d’un œsophage de grenouille étaient. brisées par cette pression,
elles n’existaient plus que sous la forme d’un noyau entouré de proto-
plasma , tandis que les cellules à cils vibratiles paraissent au premier abord
intactes ; mais un examen plus soigné montre que l’eau a pénétré dans leur.
intérieur et a refoulé le protoplasma au voisinage du plateau sous la forme
de petits grains.
2 Le tissu conjonctif lâche est plus ou moins distendu par l’eau, les
faisceaux de fibrilles qui-le forment sont écartés les uns des autres. Lorsqu'il
constitue la trame de soutien d’un organe, des muscles par exemple, les
éléments propres de ce tissu sont écartés les uns des autres. Lorsqu'on
observe le tissu conjonclif dans un tendon, les fibres tendineuses sont sépa-
rées les unes des autres et baignent dans une atmosphére aqueuse.
3° Le tissu musculaire présente des altérations de divers ordres. Lorsque
la pression a duré seulement pendant dix minutes et qu'on examine des
muscles profonds, on voit que la striation transversale est moins nette et
que le sarcolemme ne se montre-plus à la surface du faisceau primitif, mais
en est légèrement écarté. Les faisceaux sont en même temps devenus très
friables et se brisent avec la plus grande facilité.
Si l'examen porte sur des muscles superficiels ou si la pression a duré
un certain temps, les lésions qu’on observe sont multiples. D'abord Le sarco-
lemme est toujours plus ou moins soulevé, la substance striée présente des
altérations dé divers ordres; la striation transversale n'existe que dans
quelques rares endroits, là longitudinale est très irrégulière, généralement
elle a complètement disparu, La substance striée est elle-même brisée,
404 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
refoulée dans l’intérieur du sarcolemme et présente presque toujours des
renflements et des amincissements considérables. |
Sur des coupes transversales, outre les lésions du tissu conjonctif ambiant,
que nous avons décrites, on voit que les fibrilles formant le faisceau primitif
sont beaucoup plus écartées les unes des autres qu’à l’état normal; on
dirait que la substance qui les sépare les unes des autres (le protoplasma)
a augmenté de volume dans une proportion considérable.
4 Les nerfs présentent eux aussi des lésions très notables; en effet, les
fibres d’un nerf soumis seulement pendant dix minutes à la pression de
600 atmosphères, ont des inscissures de Schmith beaucoup plus marquées
qu’à l’état normal, et souvent la membrane de Schawnn n’est plus accolée à la
couche de protoplasma qui se trouve au-dessus de la myéline, mais en est
écartée plus ou moins. Lorsque la pression est maintenue plus longtemps,
les inscissures deviennent encore plus marquées, et en même temps on voit
qu’au niveau de chaque étranglement la myéline est refoulée des deux côtés
sur une longueur plus ou moins considérable.
9° Les globules sanguins sont toujours détruits dans les vaisseaux super-
ficiels.
Nous pouvons résumer nos observations en disant que, lorsque des tissus
sont soumis à une haute pression, l’eau pénètre de force dans le plasma
baignant les éléments et dans le protoplasma de ceux-ci, dont les parties
différenciées sont brisées et refoulées.
Les résultats de ces expériences fournissent quelques renseignements
utiles sur la physiologie des éléments soumis aux expériences.
Nous rappellerons ici que M. Ranvier avait supposé que les échanges se
produisent dans les fibres nerveuses surtout au niveau des étranglements;
nous avons vu, dans les fibres des nerfs soumis aux fortes pressions, que la
lésion principale s’est produite au niveau des étranglements annulaires;
c’est donc à ce niveau que la fibre nerveuse est le plus accessible à l’action
des corps externes, et cela nous porte à penser que c’est aussi en ce point
que se font les échanges nutritifs pendant la vie.
Afin d’éviter les causes d’erreurs dans nos observations, nous avons exa-
miné en même temps chez le même animal, les tissus après la compression
et d’autres portions de ces mêmes tissus après un séjour de dix minutes et
deux heures dans l’eau, et sur ces derniers qui n’avaient pas été comprimés
nous n'avons observé aucune lésion.
BOURLOTON. — lniprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
SÉANCE DU 21 JUIN 1884
Présidence de M. Paul Bert.
DE LA VARIABILITÉ DES NÉVRITES CUTANÉES DES TABÉTIQUES D'UN MALADE
A L'AUTRE, ET CHEZ LE MÊME MALADE SUIVANT LES POINTS DE LA PEAU
QUE L’ON EXAMINE, Dar M. J. DEJERINE (1).
Dans des publications antérieures (2), étudiant les névrites cutanées des
tabétiques observées par Westphal et par Pierret, j'ai démontré leur in-
dépendance d'avec la lésion médullaire, et leur importance au point de
vue de la physiologie pathologique des troubles de la sensibilité cutanée, et
partant de l’incoordination motrice, dans la sclérose systématique des fais-
ceaux postérieurs.
Dans tous les cas que J'avais étudiés jusqu'ici à ce point de vue, l’altéra-
tion des nerfs cutanés était toujours dans son développement, lLoutes choses
égales d’ailleurs, moins prononcée que celle des racines correspondantes.
Dans Le fait que je rapporte dans la Note actuelle, les névrites cutanées
étaient beaucoup plus marquées que l’altération des racines postérieures,
et correspondaient rigoureusement aux troubles de la sensibilité observés
pendant la vie. Il s’agit d’un cas de sclérose combinée à évolution un peu
spéciale, que j'ai eu l’occasion d'observer dans le service de mon mailre,
M. le professeur Vulpian, qui a bien voulu m’autoriser à publier le résultat
de mes recherches (3). Le malade qui fait le sujet de cette communication,
àgé de quarante-cinq ans, entra dans le service de M. Vulpian le 24 no-
vembre de l’année dernière. Les douleurs fulgurantes remontaient à six
ans. Lors de son entrée dans le service, on constate de l’incoordination mo-
lrice des membres inférieurs, arrivée à un degré très prononcé. Il
existait en outre une faiblesse assez notable de la force musculaire de ces
membres. Abolition du réflexe patellaire. Perte complète de la notion de
position des membres. La sensibilité de la peau des membres inférieurs
(1) Travail du laboratoire de M. le professeur Vulpian.
(2) Société de Biologie, 1882, et Arch. de Phys. norm. el Pathol., 1883.
(3) Je ne donne ici qu’un résumé succinet de cette observation, qui paraitra plus
détaillée dans un prochain travail.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 25. 932
406 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
était érès altérée. Plaques d’anesthésie et d’analgésie irrégulièrement dis-
tribuées, avec retard dans la transmission des impressions. Pas de ther-
mo-anesthésie. Les réflexes cutanés (plante du pied) sont conservés. À Ia
face interne du genou droit, dans un espace correspondant à un carré
irrégulier de cinq à sept centimètres de côté, la sensibilité cutanée est con-
servée, peut-être même un peu plus exquise qu’à l’état physiologique. Le
côté correspondant (gauche) est au contraire le siège d’une anesthésie et
d’une analgésie très accusées. Membres supérieurs : à part quelques dou-
leurs fulgurantes, rien de particulier, pas d’anesthésie, pas d’incoordina-
tion. Intégrité des sens spéciaux. Albumine abondante dans l’urine.
Diagnostic clinique : sclérose combinée (postérieure et latérale), né-
vrites cutanées des membres inférieurs. Néphrite parenchymateuse. Régime
lacté. 1 centigramme de morphine en injections. La paraplégie qui existait
à l'entrée, progressa d’une façon très rapide et bientôt fut absolue. Crises
gastriques, uréthrales et vésicales, avec dysurié et ténesme anal. Même
état de la sensibilité des membres inférieurs, douleurs fulgurantes, per-
sistance de la sensibilité de la peau de la face interne du genou droit,
Abolition des réflexes cutanés (plante du pied). Aggravation de lPétat gé-
néral, œdème des membresinférieurs, remontant sur la paroi abdominale.
Eschare sacrée. Mort parsepticémie avec broncho-pneumonie, le 30 janvier
à six heures du matin. Autopsie vingt-huit heures après la mort. Rigidité
cadavérique peu prononcée. Broncho-pneumonie double. Néphrite parenchy-
mateuse chronique. Méningite spinale postérieure. Atrophie des racines
postérieures assez marquée dans les régions lombaire et dorsale inférieure,
diminuant progressivement en remontan t. Sclérose postérieure dans toute la
hauteur occupant la totalité de ces faisceaux, à la région lombaire. Dans cette
région et dans la moitié inférieure de la région dorsale, sclérose latérale,
occupant la partie postérieure des faisceaux latéraux. Les ganglions spinaux,
huit à la région lombaire, trois à la région crurale, paraissent normaux à
l'œil nu. L'examen histologique a été pratiqué, à l’état frais, sur les racines
postérieures et les nerfs cutanés de la peau des membres inférieurs (acide
osmique et picro-carmin) ; les ganglions spinaux oùt été examinés après dur-
cissement.
Racines postérieures : altérations assez notables à la région lombaire;
environ un tiers des tubes est réduit à l’état de gaines vides. Quelques
tubes en voie d’altération. Racines postérieures entre les ganglions et la
coalescence : examen pratiqué par la même méthode, sur trois racines de
la région lombaire; ces racines sont normales. Ganglions spinaux :
rien de particulier au microscope, état normal. Verfs culanés examinés
dans les régions suivantes : cuisse droite, région antérieure ; cuisse gauche,
face interne ; jambe gauche, région antéro-externe ; jambe droite, région
antéro-externe ; et face interne du genou droit, régions de la peau dans
lesquelles, sauf dans la dernière, on avait noté pendant la vie des troubles
très marqués de la sensibilité. Dans toutes les préparations des nerfs
SÉANGE. DU 21 JUIN. 407
—
faites par la méthode habituelle (état frais, dissociation, acide osmique,
picro-carmin, etc.), sauf dans les nerfs provenant de la face interne du
genou droit, on trouve: une, névrite parenchymateuse que l’on peut sans
exagération qualifier de colossale, car il n’existe pas un seul tube sain sur
beaucoup de préparations, tous sont atteints de névrite à un degré assez
avancé de son évolution, disparition du cylindre-axe, état moniliforme du
tube nerveux, multiplication des noyaux, ete., etc. Les gaines vides
sont en petit nombre. [Il en existe beaucoup moins que dans les racines
postérieures correspondantes; ce qui domine de beaucoup dans chaque
préparation, c’est le grand nombre de tubes arrivés au même degré d’alté-
ration : ce qui démontre bien que; dans le cas actuel, on à affaire à un pro-
cessus différant complètement, quant à l’évolution, de celui des racines
postérieures.
Dans la partie de la peau où l’on avait noté pendant la vie la conserva-
tion de la sensibilité (face interne du genou droit), les nerfs cutanés sont
beaucoups moins altérés et les tubes malades y sont en très petit nombre:
c’est absolument l'inverse de ce que l’on observe dans les nerfs cutanés
provenant des parties anesthésiées, et l'examen microscopique, dans le cas
actuel, concorde pleinement avec l’analyse clinique.
Le fait que je rapporte ici, me paraît avoir une certaine importance à
différents points de vue. Tout d’abord il montre, une fois de plus, le rôle
joué par les névrites cutanées dans les troubles de la sensibilité des tabé-
tiques, car il rend compte des différences si grandes que l’on observe à
lésion médullaire égale, d’un tabétique à l’autre. La démonstration est ici
on ne peut plus nette, puisque ces névrites cutanées faisaient défaut ou à
peu près, dans les points de la peau où la sensibilité était respectée, et
c'est là, à ma connaissance du moins, la première fois que par l'examen
histologique on est arrivé à montrer que les différences dans l’état de la
sensibilité cutanée chez un même malade, suivant les points que l’on
examine, sont dues à une variabilité très grande dans le degré de déve-
loppement de ces névrites, degré qui peut être très différent dans des
points de la peau très voisins cependant les uns des autres. La nature péri-
phérique de ces névrites, que j'aie établie dans un travail antérieur, est ici
encore parfaitement nette, étant donnée l'intégrité des ganglions spinaux.
Je désire seulement insister sur le degré extraordinaire de développe-
ment que ces névrites présentaient dans le cas actuel, et dont Je n’ai jamais
vu approcher, à beaucoup près, les nerfs cutanés des ataxiques que j'ai
examinés Jusqu'ici, Car, ainsi que Je l’ai consigné ailleurs, ecs névrites
m’avaient toujours paru moins intenses que celles des racines poslérieures
correspondantes. Dans le cas actuel, l’altération des nerfs cutanés était
extrémement plus intense que celle des racines, et la possibilité pour un
tabétique pur (ou combiné comme dans le cas actuel) de présenter des né-
vrites périphériques beaucoup plus marquées que celles des racines posté-
rieures, me paraît avoir une grande importance, au point de vue de la phy-
408 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
siologie pathologique du tabès en général, et de la névrite périphérique
en particulier, car il montre limportance de plus en plus grande qu'il
faut accorder aux lésions des nerfs cutanés des ataxiques au point de vue
de l'interprétation des phénomènes cliniques d’une part, et, d'autre part,
il montre de plus, sije puis m’exprimer ainsi, l’autonomie des nerfs sensitifs
périphériques dans le tabès, qui se prennent par eux-même, non seulement
sans participation de leurs centres trophiques (ganglions spinaux), qui sont
toujours respectés ainsi que je l'ai démontré, mais encore sans qu'il existe
un rapport quelconque entre le degré d’altération qu'ils présentent et celui
des racines postérieures, puisqu'ils peuvent être beaucoup plus altérés que
ces dernières, comme dans le cas actuel. En d’autres termes, la névrite
cutanée des labétiques peut être beaucoup plus intense que la névrite des
racines postérieures correspondantes, c’est là un fait de la possibilité duquel
il faudra désormais tenir compte.
INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. — HALLUCI -
NATIONS BILATÉRALES SIMULTANÉES DANS L'{HYPNOTISME. — PERSISTANCE A
L'ÉTAT DE VEILLE, par MM. DumonrpaLuier et KE. BÉRILLON.
La Société n’a peut-être pas oublié qu’à diverses reprises, l’un de nous a
déjà attiré l’attention de la Société sur les illusions, les hallucinations uni-
latérales ou bilatérales provoquées chez les hystéro-épileptiques dans l'état
d'hypnotisme (1).
Dans les expériences précédentes, les hallucinations bilatérales du
voût, de Podorat, de la vue, avaient été produites par l'intermédiaire de
l'appareil auditif.
Nous voulons aujourd'hui établir la possibilité de déterminer chez une
hystéro-épileptique, en état de somniation provoquée, des hallucinations
doubles de la vue, en agissant directement sur la rétine.
* Un dispositif fort simple nous a conduits à ce résultat.
Nous nous bornerons à citer une des expériences :
Une malade hystérique, voyant également bien des deux veux, est mise.
d'emblée en somnambulisme par pression légère sur le vertex.
On fixe dans le plan vertical médian de la figure du sujet en expérience
un écran disposé de telle façon que chacun de ses yeux ne puisse voir que
les objets situés du côté correspondant de l'écran.
Un des assistants place alors son visage dans le champ visuel de l'œil
(1) Comptes rendus de la Société de biologie, séances des 3 juin 1882, p. 393;
8 juillet 1882, p. 519; 16 décembre 1882, p. 786.
SÉANCE DU 21 JUIN. 409
droit du sujet; un autre en fait autant dans le champ visuel de l'œil
gauche.
L’expérimentateur, par un geste, simule alors une difformité ridicule
sur le visage placé du côté droit, et une difformité repoussante sur le vi-
sage placé du côté gauche.
La face de la malade exprime à droite l’expression de la gaieté la plus
franche, tandis qu’à gauche elle revêt l'expression d'une horreur profonde.
On retire alors l'écran et on réveille la malade par une légère pression
sur le vertex.
Après le réveil, la double expression faciale persiste. De plus il se pro-
duit un mélange bizarre d’éclats de rire et de cris d'horreur qui se eon-
fondent de telle sorte, qu’il n’est pas permis de douter qu’il existe, dans le
cerveau du sujet réveillé, deux hallucinations de la vue, de nature diffé-
rente, dont le point de départ a été une excitation rétinienne dans l’état
d’hypnotisme et dont le siège appartient à un hémisphère cérébral diffé-
rent.
On presse de nouveau sur le vertex de la malade. Elle retombe en
somnambulisme, et le début du sommeil provoqué est précisément marqué
par la disparition de toute manifestation bruyante. L'expression faciale bi-
latérale n’en persiste pas moins.
Le dispositif étant rétabli tel qu’au début de l'expérience, il suffit de
faire le geste d'effacer sur le visage des assistants la difformité qu’on y avait
simulée, pour voir aussitôt la face du sujet devenir indifférente. L'halluci-
nation disparaît avec l’image qui l’avait fait naître.
La malade, de nouveau réveillée, ne garde aucun souvenir de ce qui s’est
passé.
SUR L'IDÉOPLASTIE; CLASSIFICATION DES FAITS. Note
de M. le docteur Julien OcHorowicez.
L’idéoplastie (1) veut dire : la réalisation physiologique d’une idée. Elle
comprend tous les faits connus sous le nom de « suggestion » (vocale), mais
aussi tous les faits analogues, déterminés sans participation d’une seconde
personne, c’est-à-dire tous les faits d’auto-suggestion ou de suggestion
spontanée. Il y aura donc idéoplastie partout où l’idée seule d’une modi-
fication fonctionnelle quelconque suffit pour déterminer cette modification
fonctionnelle.
Les phénomènes de l’idéoplastie ne sont que des cas particuliers d'une
(1) Ce mot a été employé pour la première fois par le docteur Philips (Durand
de Gros). Voyez. son Cours théorique et pratique de Braidisme, Paris, 1860,
p. 44 et suivantes,
410 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
loi générale, à savoir de la loi de réversibilité. Toutes les transformations
des forces sont réversibles. Si la chaleur peut produire un mouvement mé-
canique, c'est que le mouvement mécanique peut produire de la chaleur. Si
l'électricité provoque le magnétisme, c’est que, inversement, le magnétisme
peut engendrer les courants. Si la voix peut produire les courants ondu-
latoires, c’est que les courants ondulatoires peuvent reproduire la voix, ete.
— Cette loi présente une importance philosophique de premier ordre, parce
qu’elle nous permet de prévoir la transformation inverse, dès que la trans-
formation directe est constatée; et il arrive souvent que la transformation de
a en b est parfaitement connue, tandis que la transformation de b en a reste
à découvrir. Exemple : Le phonautographe (le mouvement mécanique
produit par la parole) a été connu depuis longtemps, sans qu’on soup-
çconnât la possibilité d’une transformation inverse, c’est-à-dire la repro-
duction de la parole par un mouvement mécanique (le phonographe).
L'idéoplastie est donc un cas particulier de cette loi générale de la nature
D’ordinaire c’est la sensation qui provoque l’idée ; dans l’idéoplastie, c’est
l’idée qui provoque la sensation. On nomme cette transformation inverse
une hallucination, quand elle est spontanée ; et on s’est habitué à nommer
une suggestion l'hallucination provoquée. C’est toujours ‘une édéoplastier
des sensations ou idéoplastie passive. Elle peut être positive ou négative.
Elle est positive, lorsqu'elle détermine la perception d’un exeitant ‘qui
n'existe pas; elle est négative, lorsqu'elle rend impossible la perception
d’un agent réel. La première classe de ces phénomènes est bien connue,
l'autre l’est moins, mais je me suis convaincu maintes fois qu'il est possible
par exemple de rendre 2nvisible, même à l’état de veille, ‘une personne, un
objet ou une partie d’une personne ou d’un objet; de sorte que la rétine du
sujet hypnotisable, même réveillé, restera absolument insensible à la vue
d’un objet déterminé. Et si, par exemple, on rend invisible une personne
qui fume une cigarette, la personne, la cigarette et la fumée resteront in-
visibles pour le sujet; mais, si cette personne allume une seconde ciga-
rette qui n'avait pas été ensorcelée par l’idéoplastie négative, le sujet sera
épouvanté par la vue d’une cigarette qui se promène en l’air, en brülant.
À côté de l’idéoplastie des sensations, 1l ÿ a une seconde. catégorie que :
nous appellerons l’idéoplastie des mouvements: ou l’idéoplastie active: De
même que la précédente, elle peut être positive ou négative: Exemples :
4° L'idée d’un bâillement provoque le bäillement lui-même ; on suggèresau
sujet un mouvement quelconque et il lui est impossible de se soustraire à
ce mouvement. On peut de la sorte commander, par exemple, l'écriture d’un
acte d’aceusation, d’un legs testamentaire, ou bien un meurtre, un suicide
même. Dans l’état de monoïdéisme complet, lob'et de la suggestion est
indifférent, faute de la possibilité d’une opposition quelconque. Ces faits ont,
du reste, été mis hors de doute par des expériences récentes. 2° On peut de
même empêcher la production de certains mouvements volontaires. Vous
tracez, par exemple, une ligne imaginaire, et il devient impossible au sujet
SÉANCE DU 21 JUIN. 41
——
de la franchir, non à cause d’une paralysie momentanée des muscles, qui
peuvent rester souples, mais à cause d’une amnésie momentanée des mou-
vements au moment donné, car 1l y a des amnésies psychiques de la marche,
comme il y des amnésies verbales. Mais c’est toujours l’idée de l’impossibi-
lité, qui rend les mouvements impossibles : c’est donc une idéoplastie
active négative. J
Les deux catégories précitées n’épuisent pas le cadre des phénomènes
idéoplastiques. Il en existe encore une troisième, qui embrasse les faits les
plus surprenants, et que nous nomimnerons l’idéoplastie matérielle. Il ne
s'agit plus d’une modification subjective sensivo-motrice, mais d’un chan-
gement réel, objectif des fonctions vitales et des fonctions végétatives en par-
ticulier. L'idéoplastie matérielle, elle aussi, peut être positive et négative.
C’est un fait commun qu'après s’être brülé la peau, on se représente men-
talement la douleur d’une brûlure, mais est-ce possible qu’une idée de
brülure puisse provoquer une inflammation locale réelle? Si invraisem-
blable que puisse paraître ce phénomène, il n’en est pas moins vrai. En
prolongeant l’idéoplastie passive, on peut quelquefois produire une inflam-
mation locale, une enflure même. Et inversement, je suis arrivé une fois à
faire disparaître par suggestion, dans l’état hypnotique, une fluxion den-
taire très marquée, qui durait depuis deux jours. Après avoir commencé
par l'idéoplastie passive hallucinatrice, je suis parvenu à obtenir la
disparition complète de l’enflure au bout de vingt-cinq minutes. Pour
pouvoir eroire à un fait si étrange, il faut se rappeler les enflures hysté-
riques, qui, comme on sait, s’accentuent et disparaissent très vite. Ces
expériences nous expliquent les cas extraordinaires des stigmates, et elles
méritent d’être répétées par d’autres expérimentateurs. De même on peut,
en prolongeant la suggestion, provoquer non seulement les sensations du
chaud ou du froid, mais aussi une augmentation réelle de la température
périphérique. Dans un cas, j'avais obtenu la diminution de la fièvre de 0°,9,
diminution qui durait plusieurs heures. De même encore, on peut dimi-
nuer ou augmenter la fréquence du pouls, les sécrétions de toutes sortes,
et l’échange des matières en général. On peut provoquer une faim atroce
et rassasier le malade pour plusieurs heures. On peut déterminer à volonté,
et exactement, la durée du sommeil naturel et guérir les insomnies. On
peut enfin changer les besoins et le caractère moral d’un sujet pour plu-
sieurs semaines. Îl m'est impossible de citer ici tous les faits qui ont été
constatés par moi, mais ceux-là suffiront, j'espère, pour attirer l'attention
des physiologistes. 2° De même qu’on provoque des modifications maté-
rielles dans les fonctions du sujet, on peut aussi le préserver des influences
qui sans cela auraient nécessairement produit certaines modifications
fonctionnelles. Ce sont les cas de l’idéoplastie matérielle négative. Il est
possible, par exemple, par une simple suggestion à l’état de monoïdéisme,
de rendre le sujet complètement réfractaire à une forte dose d’alcool,
d'opium, de morphine, etc. Jose même supposer qu'une dose mortelle de
4192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
poison pourrait être tout au moins atténuée, et il serait désirable d'essayer
cette méthode d’inoculation psychique dans les cas de rage et de choléra
chez des personnes hypnotisables.
En général, dans toutes les trois catégories de l’idéoplastie, s’il est pos-
sible de produire certains changements fonctionnels pathologiques, il est
de même souvent possible de les faire disparaître, quand ils se sont produits
spontanément, sous forme de maladies. (C’est en quoi consiste la médecine
mentale, injustement négligée.
Toutes les personnes sensibles aux influences idéoplastiques sont nette-
ment sensibles à l’hypnoscope (1).
- Je réserve pour une communication ultérieure l’esquisse d’une théorie
psycho-physiologique de l’idéoplastie.
ACTION DE L'ACIDE SALICYLIQUE SUR LA RESPIRATION CHEZ L'ANIMAL SAIN
ET PARTICULIÈREMENT CHEZ L'HOMME ATTEINT DE FIÈVRE TYPHOÏDE, par
M. BOCHEFONTAINE.
On sait que les effets hypothermiques ou antipyrétiques du salicylate de
soude sont douteux pour beaucoup d'auteurs. Deux élèves du service de
M. G. Sée ont pu prendre par jour dix grammes de ce médicament sans
constater chez eux une modification appréciable de la température. D’après
les expériences que J'ai faites avec M. Blanchier, on peut donner aux chiens,
par la voie stomacale, jusqu'à 12 granimes de salieylate sans provoquer
autre chose qu’un abaissement de la température centrale de 3 ou 4 dixièmes
de degré. Encore cette diminution de la température est-elle inconstante.
Et, lorsqu'elle se produit, elle est suivie d’un retour à l’état normal et
même d’une hyperthermie de 2 ou 3 dixièmes de degré.
L'action antipyrétique de l’acide salicylique chez les malades atteints de
fièvre typhoïde est au contraire des plus évidentes, ainsi que le prouvent
les faits cliniques nombreux observés par M. Vulpian.
Un certain nombre d'expériences déjà anciennes m'ont permis de con-
stater, tant au laboratoire de l’Hôtel-Dieu qu’au laboratoire de pathologie
expérimentale et comparée, que l’action déprimante de la température
sous l'influence de l’acide salicylique s’observe sur l’animal sain comme
sur l’homme malade.
‘Voici le résumé de neuf expériences sur des chiens auxquels on a donné
soit par l'estomac, soit par les veines, de 90 centigrammes à 1 gramme
d'acide salicylique.
(1) Voyez ma première communication, n° 20 des Comptes rendus.
SÉANCE DU 21 JUIN. 413
Température rectale.
Avant i’expérience. 2 h. 30 après l'expérience.
DR onUl € 0 00 al Minheriquen Ru Pr on
Rens onu élan ui. 970,9
ARR Le se RSR A OL 4: «LS 380
DENT NN RTL PRET EEE SERRE 380,4
DOUÉ RU ME et RO RnRREe 38,9
SUD ne Le LAN 3 RERO ETES 38c,9
CD Me ONE RESTE
PTE EL RUE PNR Rene 990,2
AT NN ss hpieteh aan ions
Je n'ai eu qu’une fois l’occasion de noter la température normale de 40°,1.
La physiologie nous enseigne en effet que la température normale varie
chez le chien, suivant les individus, entre 38 et 40 degrés centigrades.
Ainsi des doses d’acide salicylique qui ne produisent chez le chien aucun
trouble toxique appréciable, suffisent pour amener un abaissement de la
température, variable entre 1 degré et 4 dixièmes de degré.
Les différents auteurs qui se sont occupés des effets de l’acide salicylique
sur la respiration, et dont les noms se trouvent rassemblés dans le travail
de M. Blanchier (1879), ces auteurs n’ont pas observé d’action bien appré-
ciable, quand ils ont donné aux animaux ou à l’homme des doses non
toxiques de médicament.
Il m’a donc paru intéressant de rechercher de nouveau si l’on n’observe-
rait pas chez l'animal sin et chez l’homme atteint de fièvre typhoïde des mo-
difications de la respiration correspondantes à celles de La température (1).
Chez le chien, lorsque l’on introduit dans l'estomac ou dans une veine
une dose de 50 centigrammes à 1 gramme d’acide salicylique convenable-
ment dissous, c’est-à-dire une dose non toxique de ce médicament, on ob-
tient une diminution du nombre des respirations de 3 à 9 par minute. Ainsi,
au lieu de 20 respirations par minute, on n’en compte plus que 17,16, 15 dans
le même temps, une demi-heure après le début de l'expérience. En même
temps, il se produit un autre changement dans les mouvements respiratoires,
lequel se traduit comme il suit sur les tracés pneumographiques : chaque
courbe respiratrice est plus haute que dans l’état normal; le thorax s’ar-
(1) Je me suis servi pour cette recherche d'un appareil construit sur mes indi-
cations par M. Verdin. Cet appareil consiste dans un tambour de M. Marey
mobile sur une tige horizontale, laquelle se fixe sur un pied-support solide. On
peut ainsi prendre facilement des tracés pneumographiques chez des malades
qu’il serait imprudent de remuer dans leur lit, en appliquant le tambour sur un
côté du thorax. Ce procédé permet encore d'inscrire séparément les mouvements
respiratoires de l’un ou de l’autre côté du thorax et de comparer la différence
qu'ils présentent dans certains cas de pneumonie, de pleurésie, etc.
414 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. .
rête à peine en état d'affaissement, d'expiration; le mouvement d'expiration
est aussitôt suivi d’un mouvement de dilatation du thorax; le thorax arrivé
à son maximum de distension demeure un instant en inspiration, de sorte
que, à ce moment, la ligne respiratoire, plus ou moins longue, droite, forme
un plateau inspiratoire; les mouvements respiratoires sont parfaitement
réguliers.
On peut obtenir le même résultat avec le salicylate de soude, à la condi-
Lion de donner aux animaux une dose de cet agent deux ou trois fois plus
considérable que la quantité d'acide salicylique que je viens d'indiquer.
Chez l’homme atteint de fièvre typhoïde, j'ai constaté plusieurs fois, notam-
ment dans le service de M. Vulpian à l’Hôtel-Dieu, une sorte de dyspnée
typhique caractérisée principalement par la diminution, le peu de durée,
et quelquefois l’irrégularité de l’amplitude des mouvements d'inspiration.
Il n’est pas inutile de dire que ces malades ne présentaient pas de compli-
cations pulmonaires particulières. Le tracé pneumographique dans ces
cas portait de 25 à 41 et 48 mouvements respiratoires, c'est-à-dire un
nombre à peu près normal ou bien à un chiffre très élevé de respirations,
suivant la gravité des cas observés. Chaque respiration, au lieu d’être repré-
sentée par une ligne courbe, va jusqu’à former un angle aigu, dont le som-
met correspond à la fin de l’ampliation thoracique et au commencement
de sa déplétion. D'autre part, ces angles diffèrent considérablement de
hauteur : quelques-uns ont 30 millimètres et d’autres 10 et même 5 milli-
mètres. En un mot, les inspirations sont courtes, fréquentes et quelquefois
très irrégulières.
Cet état saccadé de la respiration étant constaté, le malade est soumis
au traitement par l'acide salicylique en ingestion intrastomacale, à la dose
de 5 à 6 grammes par jour, par fractions de 1 gramme.
Vingt-quatre heures après le commencement du traitement, on enregistre
de nouveau les mouvements respiratoires et l’on constate que chaque ondu-
lation respiratoire représente une courbe dont la hauteur à de 30 à 35 mil-
limètres, et dont le sommet figure un petit plateau irrégulier. Les respi-
rations sont régulières et généralement au nombre de 18 à 20 ou 25 par
minute. |
Chez certains typhiques, plus sensibles sans doute à l’action de l'acide
salicylique, le nombre des respirations reste élevé à 28 par minule; mais
le rythme respiratoire est parfaitement régulier.
Chez un malade observé dans la clinique de M. G. Sée, l'administration
de l’acide salicylique a été suivie de délire avec une certaine agitation. Ges
symptômes cérébraux sont, comme on le sait, fréquents dans la fièvre
typhoïde : ils peuvent donc être attribués à la maladie elle-même tout aussi
bien au moins qu’à une action de l’acide salicylique sur le cerveau. Quoi qu'il
en soit, il est remarquable que l’action du médicament sur l’appareilres-
piratoire s’est énergiquement manifestée. Les mouvements respiratoires
sont devenus amples, réguliers, non saccadés, mais leur nombre est de-
SÉANCE DU 21 JUIN. . 415
meuré à trente et même à trente-cinq par minute, pour revenir ensuite
progressivement et assez vite au chiffre normal.
Chez différents malades traités à la clinique de M. Sée par le salicylate
de soude pour des accidents rhumatismaux, j'ai constaté encore que le sali-
cylate de soude produit des effets du même genre que ceux de l'acide sali-
cylique sur la respiration; mais, comme chez les animaux, il doit alors être
administré à doses beaucoup plus considérables que l'acide salicylique.
L’acide salicylique modifie done très heureusement la respiration des
malades atteints de fièvre typhoïde, puisqu'il rend aux mouvements respi-
ratoires leur amplitude et leur régularité et permet ainsi à l’hématose affai-
blie de reprendre son activité physiologique.
Tl'existe par conséquent une corrélation entre le prolongement des inspi-
rations pulmonaires et- l’abaissement de la chaleur centrale produits chez
l'animal sain par Pacide salieylique. Le même rapportse retrouve chez les
malades atteints de fièvre typhoïde et traités par l'acide salicylique à la
dose de 5 à 6 grammes, puisque la température de ces’individus. tombe
rapidement, en même temps que les inspirations brèves font place à des
mouvements normaux d'inspiration pulmonaire.
L'action de l’acide salicylique sur lappareil respiratoire, chez les
malades atteints de fièvretyphoïde, ne peut guère être attribuée à une modi-
fication du sang par ce médicament. L'expérience à démontré en effet que
la quantité d'acide salicylique qui pénètre dans l’économie par voie d’ab-
sorption stomacale ne peut exercer sur le sang aucune action de ce genre.
Le cœur n’est pas atteint par l’acide salicylique ou par le salieylate de
soude, car, dans les expériences sur les animaux avec des doses toxiques
mortelles, on constate (Bochefontaine, Chabbert (1877), Blanchier, etc.)
que cet organe conserve encore ses mouvements alors que les propriétés
des centres nerveux et des muscles sont abolies et que la rigidité cadavé-
rique à commencé.
D'autre part, les expériences sur les animaux à l’état sain ont démontré,
il y a plusieurs années, que l'acide salicylique à dose non toxique agit sur
lès centres nerveux. Jai avalé à différentes reprises 3 grammes d'acide sali-
cylique en deux fois, à midi et le soir. J’ai ressenti, après chaque expérience,
une grande fatigué qui m'empêchait de marcher. Assis, je n’éprouvais au-
cune gêne; tous les mouvements étaient libres ét les fonctions cérébrales
intactes ainsi que la sensibilité. Les premiers efféts dé l'acide salicylique à
doses médicamenteuses portent done, chez lhôomine comme chez les ani-
maux, sur le céntre nerveux bulbo- ONE Par conséquent, on est en
droit dé conclure que la régularisation de la respiration chez les malades
atteints de fièvre typhoïde est le résultat d'une ‘action de l'acide salicy-
lique sur l'appareil respiratoire central du bulbe rachidien.
416 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DES CELLULES NERVEUSES DE LA MOELLE
ÉPINIÈRE, par M. VW. ViGNa.
Les cellules nerveuses ne font dans l’embryon de la brebis leur appari-
tion, d’une façon nette et absolument certaine, qu’à l’époque qui correspond
à la dixième semaine de la vie utérine de l'embryon humain; elles pro-
viennent d’une transformalion des cellules qui forment la substance grise
embryonnaire, et que nous avons décrites dans une communication précé-
dente. Les cellules nerveuses apparaissent simultanément dans cette sub-
stance dans deux groupes principaux : l’un est situé au bas de la corne
antérieure, l’autre plus haut et sur le côté externe de cette corne. Ces deux
groupes correspondent respectivement dans la moelle dorsale (la seule
portion sur laquelle portent nos descriptions) au groupe antérieur et au
groupe de la corne latérale ; quelques autres cellules disséminées irrégulié-
rement se voient encore dans la corne antérieure.
Lorsqu'on examine ces cellules dans une préparation obtenue par disso-
ciation, on voit qu'elles sont des cellules plus grandes que celles qui les envi-
ronnent; leur forme est très variable, irrégulière ; elles ont de longs prolon-
gements très grêles, qui quelquelois se divisent; leur noyau est toujours
volumineux, à un contour fort net; il renferme, outre des granulations peu
distinctes, un ou deux nucléoles ; leur protoplasma ainsi que leurs prolonge-
ments, qui en sont formés, se colorent faiblement par l’osmium ; il est peu
dense, rappelle comme aspect une émulsion d’albumine légèrement teintée
en brun; il renferme souvent de nombreuses vacuoles quelquefois très
petites, tantôt assez volumineuses; ces vacuoles ne se trouvent jamais
dans les prolongements.
Entre cette forme, qui est la plus avancée, et les cellules embryonnaires,
qui constituent à cel âge la masse sine nel de la substance grise de la
moelle, on rencontre toute une série d’intermédiaires.
Dans un embryon de mouton, long de 10 centimètres et correspondant
comme âge à un fœtus humain de trois mois et demi, on voit encore dans la
corne antérieure quelques cellules qui présentent le même aspect que celles
que nous venons de décrire; mais généralement elles sont plus volumi-
neuses, ont de nombreux prolongements, qui se ramifient souvent; leur noyau
est volumineux, nettement délimité, renferme un ou deux nueléoles brillants ;
leur protoplasma se colore en frun clair par l'acide osmique, il renferme
de grosses granulations peu réfringentes, qui ne sont jamais nettement déli-
mitées, mais qui se confondent plus ou moins avec la masse générale qui
les enveloppe.
Les prolongements des cellules nerveuses ont le même aspect que le pro-
toplasma, ils se ramifient souvent; dans les cellules les plus développées on
SÉANCE DU 21 JUIN. 417
aperçoit généralement un prolongement plus grêle que les autres; comme
jamais il ne se ramifie et qu’il paraît être formé par une substance homo-
scène, nous avons tout lieu de croire que c’est le prolongement de
Deithers.
Les cellules de la colonne de Clarke font leur apparition dans lembryon
de brebis lorsque celui-ci n’a que 17 centimètres de longueur, et qu’il cor-
respond comme àge à un fœtus humain de quatre mois.
Jusqu'à ce que les embryons de moutons aient atteint une longueur de
25 centimètres, ce qui correspond environ au cinquième mois et demi de
la vie utérine de l'embryon humain, le protoplasma des cellules nerveuses
des cornes antérieures ne change pas sensiblement d'aspect; il devient seu -
lement plus ferme, et les prolongements augmentent de volume ; il est alors
plus facile de les voir se diviser, mais la structure de la cellule reste la
même ; c’est à cette époque qu'apparaissent les cellules des cornes posté-
rieures.
À l’époque qui correspond au sixième mois de l’embryon humain et à
cette époque chez celui-ci, on voit que dans quelques cellules des cornes
antérieures la surface du protoplasma, formani le corps cellulaire, prend
une apparence vaguement striée ; cette apparence est due à ce que les gra-
nulations de protoplasmaldevenues plus fines se rangent en séries linéaires,
mais de fibrilles proprement dites on n’en découvre pas la moindre trace ;
cet arrangement des granulations n’existe généralement pas dans tout le
protoplasma d’une cellule, mais seulement dans une partie, il ne s’étend
jamais dans les prolongements. |
Au septième mois, la majorité des cellules des cornes postérieures pré-
sentent dans le protoplasma entourant le noyau, soit dans toute son étendue,
soit seulement dans une partie, une différenciation fort nette, sous la forme
de fibrilles excessivement grêles, entre lesquelles se trouvent Les granula-
tions protoplasmiques,
Au huitième mois, presque toutes les cellules des cornes antérieures
possèdent une véritable structure fibrillaire; celle-ci s’étend même souvent
dans les prolongements, tandis que dans celles des cornes postérieures la
fibrillation n’est pas encore distincte.
Enfin, à la naissance, il est rare de voir des cellules qui ne soient pas
striées, cependant on en rencontre toujours quelques-unes sur un certain
nombre de préparations. Les cellules nerveuses sont à cette époque tout à
fait semblables à celles de la moelle adulte, sauf en ce que leur volume est
moindre et en ce qu’elles ne renferment jamais de granulations pigmen-
(aires.
Avant de terminer ce que j'ai à dire sur le développement des cellules
nerveuses, je rappellerai que quelques auteurs d'anatomie comparée ont
émis lopinion qu'à un certain moment de son développement la moelle est
formée d’une série de ganglions soudés bout à bout, et qu’elle représente
alors là chaîne nerveuse de certains invertébrés. Les (travaux des embryogé
418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
nistes ont fait justice jusqu'à un certain point de cette supposition, en
démontrant que la moelle ne présente pas une série de renflements et de
rétrécissements.
Il restait à savoir si, lorsque les cellules se forment, elles ne sont pas réu-
nies par petits groupes, de façon à constituer des ganglions dissimulés. À
l’aide de coupes transversales faites en série et de coupes longitudinales, je
me suis assur 6 qu'à aucun moment du développement les cellules ne for-
ment des groupes qu’on püt assimiler à des ganglions, elles s'étendent
sous forme de col onnes presque régulières dans toute la longueur de la
moelle.
(Ge travail a été fait au laboratoire d'histologie du Collège de France.)
À PROPOS DE L'ACTION ANTICOAGULANTE DES PEPTONES SUR LE SANG,
par M. le docteur E. GLey.
À propos de la communication de M. le docteur Afanassiew, présentée
par M. Bochefontaine dans la dernière séance de la Société de biologie, et
à propos de la discussion qui a suivi, je désire rapporter quelques expé-
riences que j'ai faites durant cet hiver.
Pour étudier les effets des excitations sensorielles et des émotions sur la
circulation du sang chez le chien, j’enregistrais, au moyen du manomètre
double à mercure de M. François-Francek, les variations de la pression san-
guine à la fois dans le bout central et dans le bout périphérique de la caro-
tide. Il m'importait naturellement beaucoup d'empêcher la formation des
caillots dans les canules dont on se sert d'habitude pour mettre une artère
en communication avec le manomètre, et ces caillots étaient d'autant plus
à craindre que la durée de mes expériences était plus longue (deux heures
en moyenne).
Je pensai alors à employer le moyen signalé par plusieurs physiologistes
allemands, comme M. François-Franck l’a rappelé dans la dernière séance
de la Société, et à faire des injections intraveineuses de peptones pour
prévenir la coagulation du sang. M. Franck m’encouragea d’ailleurs en me
disant qu'il avait quelquefois obtenu d’assez bons effets de cette pratique
dans des expériences sur la pression sanguine.
Afin d'éviter le léger ennui de chercher des peptones, et d’abord
de quelle provenance je les prendrais, et puis pour ne pas perdre de
temps, je recourus à un autre procédé, usité par M. Ch. Richet, pour
l'étude du suc gastrique. Il s’agit d’une opération chimique très simple :
on prend un estomac frais de porc, on louvre et on le lave ‘avec
un courant d’eau; puis on sépare la tunique muqueuse, on la divise en
co
SÉANCE DU 21 JUIN. 41
petits morceaux et on broie ceux-ci avec du sable. On ajoute 1 litre d’une
solution contenant 37,5 ou 4 grammes de HCI. On laisse à une température
de 25 degrés environ pendant vingt-quatre heures, on décante, on filtre sur
du papier Chardin et on additionne alors le liquide filtré d’une quantité
minima de carbonate de soude, de manière à le rendre amphotérique et
même plutôt alcalin. On filtre de nouveau. — On à ainsi un liquide qui con-
tient de grandes quantités de pepsine, de peptones et des substances consti-
tutives de la muqueuse stomacale.
C'est ce liquide complexe que j’ai injecté dans la veine saphène de plu-
sieurs chiens expérimentés cet hiver (trois). J’en injectais environ 300 cen-
timètres cubes dans l’espace d’une demi-heure. Il n’est jamais survenu
d'accidents dans le cours de ces injections.
Or, grâce à l’emploi de ce moyen, J'ai pu enregistrer la pression sanguine
pendant une heure et demie et même deux heures, sans que des caillots
vinssent interrompre et gêner mes expériences. Et il faut remarquer qu'il
n’arrivait, pendant ces expériences, de suspendre de temps en temps le
cours du sang dans les deux bouts de l’artère : ce qui d'ordinaire facilite
encore la formation des caillots. J’ai fait constater ce résultat à M. Laborde
et à mon collègue du laboratoire de physiologie de la Faculté, M. le doc-
teur Rondeau.
Assurément l’action, qui m’a bien paru anticoagulante, du liquide dont je
me suis servi, demanderait à être analysée. L'effet est-il dû aux peptones qu'il
contient ? ou à la pepsine? ou au mélange même de ces substances di-
verses ? D'autre part, quelle est la quantité nécessaire de ce liquide pour
obtenir l'effet utile ? Au bout de combien de temps cette action anticoagu-
lante se produit-elle? Autant de questions à examiner. — Toujours est-il
que le fait m’a semblé intéressant au point de vue physiologique et qu'il
était sans doute bon de le rapprocher des résultats obtenus par M. Afanas-
sieW.
Je dois ajouter que, dans une première expérience, j'avais fait une injec-
. 2 2
tion intraveineuse de peptones de provenance allemande, et que cette
injection n'avait pas empêché la coagulation du sang.
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SÉANCE DU 28 JUIN (884
Présidence de M. Paul Bert.
NOTE SUR LE CŒUR ET LE LARYNX DU CACHALOT, par M. BEAUREGARD (1).
Parmi différents viscères d’un cachalot mâle, reçus par M. le professeur
Pouchet, figurent le cœur et le larynx. Je résume dans le tableau suivant les
dimensions du cœur et des orifices des principaux vaisseaux :
Le cœur mesure dans sa plus grande largeur........... 94 centimètres.
Sa hauteur au niveau de l’artère pulmonaire est de.... 48 —
Ventricule gauche. Plus grand diamètre transversal... 43 —
— — longitudinal.... 50 —
Ventricule droit. — transversal. .... 45 —
— —— longitudinal.... 48 —
Oreillette gauche. — transversal ..... An —
_ — antéro-postér... 20 —
Oreillette droite. — transversal... 40 —
aéé — antéro-postér... 26 —
Orifice de l’artère pulmonaire. Diamétre.............. - - A) —
— Épaisseur des parois... ( _
Orifcerde laorlemDiametteecPN RE EN Re 15 —
_ Épaisseuridelsamparoi eee ee 2 2
Le cœur est globuleux, plus semblable dans sa forme générale au cœur
des Balœnides qu'à celui des Cétodontes. Son sommet est arrondi, sa base
très large. La surface des ventricules est lisse et parcourue par de nom-
breux vaisseaux qui émanent de troncs coronaires considérables. Les oreil-
lettes ont une surface bosselée relativement peu vasculaire,
Les ventricules, presque égaux entre eux en capacité, offrent une disposi-
tion toute particulière de leurs colonnes charnues. Celles-ci, au nombre de
deux principales, dans chaque ventricule, sout fixées à la paroi ventriculaire
par une de leurs faces ; cette face toutefois n’est pas complètement adhé-
(1) Communication faite dans la séance du 21 juin 1884.
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [%, N° 26, 33
499 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
“
rente. La face libre donne insertion aux cordages tendineux des valvules
auriculo-ventriculaires. Il existe dans chaque ventricule deux de ces
colonnes charnues fixées, l’une à la paroi antérieure, l’autre, à la paroi
postérieure ; chacune d'elles est formée d’un corps central aplati polygonal,
des angles duquel partent de fortes branches qui se divisent bientôt ; leurs
ramifications, de plus en plus petites, s’anastomosent et déterminent des
aréoles plus particulièrement nombreuses vers le sommet des ventricules.
Les valvules auriculo-ventriculaires sont formées à gauche d’un repli cir-
culaire divisé en quatre lambeaux d’inégale longueur (deux plus grands et
deux plus petits); à droite le repli membraneux se divise en trois lambeaux
seulement, un antérieur, un interne et un externe.
Les oreillettes offrent dans leur région postérieure une structure aroé-
laire très compliquée, résultant de l’entre-croisement de nombreuses
colonnes charnues.
Larynx. — Nous ne possédons à vrai dire que l’épiglotte et l'extrémité
antérieure des cartilages aryténoïdes. Ces parties toutefois suffisent à dis-
tinguer le larynx du cachalot non seulement de celui des Balænides, mais
encore de celui des autres Cétodontes.
La forme du cartilage de lépiglotte est tout à fait caractéristique. Très
épais en arrière, où il est comparable à une quille de bateau, il s’évase et
s’aplatit en avant pour prendre la forme d’une large gouttière dont les bords
sont réfléchis en dehors. Cette gouttière reçoit les extrémités des cartilages
aryténoïdes. Ceux-ci sont cylindriques en arrière, mais en avant s’étalent
en une lame un peu incurvée.
L'ensemble de ces cartilages est recouvert d’une muqueuse à épithélium
très épais, et l’orifice glottique est transversal, à extrémités recourbées en
arrière.
Ces études ont été faites au laboratoire d'anatomie comparée du Muséum;
avec M. Boulart, préparateur, nous avons réussi à injecter les vaisseaux du
cœur, Ce qui nous à permis de faire faire un moulage intéressant.
OBSERVATIONS À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. AUBEAU, RELATIVE
AUX MÉLANGES TITRÉS DE CHLOROFORME ET D’AIR, par M. Paul BErr.
M. Aubeau a présenté, dans la dernière séance, les résultats de ses
observations sur les applications de ma méthode anesthésique. J’ai été très
heureux de voir que son appréciation très autorisée était tout à fait favo-
rable à l’emploi des mélanges titrés. Je veux aujourd’hui, à ce propos, faire
deux observations. :
La première, c'est que ces 115 observations ont été faites à l’aide des ga
zomètres. Dorénavant, je ne me servirai plus que de l’appareil de M. Dubois
SÉANCE DU 28 JUIN. 493
——
construit par M. Tatin. Cet appareil réalise en effet les conditions que j'avais
indiquées : titrage exact du mélange, changements faciles de ce titrage,
marche automatique, n’exigeant aucune éducation première et presque
aucune attention, impossibilité de tout accident, hormis la respiration d'air
non chloroformé. Les nombreux essais faits sur le chien nous ont permis
d'essayer chez l’homme, et les résultats ont été plus satisfaisants encore
qu'avec les gazomètres.
La seconde observation, c’est que je crois bon de renoncer à la conti-
nuité de la respiration du mélange à 8 grammes pour 100 litres d'air,
lorsque l’opération doit durer très longtemps. Je commence par la dose de
8 grammes, ou même de 10 grammes; puis l’anesthésie bien confirmée,
c’est-à-dire après une dizaine de minutes, j'entretiens avec le mélange à
6 grammes.
Les avantages de cette modification sont les suivants. Le mélange à
8 grammes semble correspondre par ses effets sur l’homme au mélange à
10 grammes chez le chien. On peut en inférer que celui à 6 grammes chez
l’homme correspondra à celui à 8 grammes chez Le chien. Or, avec 10 gram-
mes, la mort arrive chez le chien dans le courant de la troisième heure;
avec 8 grammes seulement dans celui de la sixième heure. On voit que le
mélange à 6 grammes donnerait au chirurgien un temps infiniment supé-
rieur à celui des opérations les plus longues.
Dans les accouchements, j’emploierais le mélange à 8 grammes, lorsqu'il
s’agit de douleurs assez éloignées, avec intermittences espacées. Dans les
derniers moments, je donnerais le mélange à 6 grammes d’une manière
continue. C’est là un nouveau champ d’essai pour la méthode.
Du RÔLE DE CERTAINES INFLUENCES DYNAMOGGÉNIQUES RÉFLEXES DANS DES CAS
DE SUTURE DE NERFS RÉCEMMENT PUBLIÉS, par M. BROWN-SÉQUARD.
Des expériences extrêmement nombreuses m'ont conduit à cette conclu-
sion, qu'il est impossible d’irriter un peu fortement une partie quelconque
du système nerveux à action centripète, sans produire un changement plus
ou moins notable dans les centres nerveux, les nerfs sensitifs et moteurs et
les tissus contractiles, dans l’organisme tout entier. Dans plusieurs commu-
nications à la Société, j’ai montré que les irritations causées par la section
du nerf sciatique ou par l'application de chloroforme sur une portion de
peau, peut changer l’état dynamique de l’encéphale, de la moelle épinière,
des nerfs et des tissus contractiles, de telle façon que certaines de ces par-
ties gagnent en force alors que les autres, au contraire, perdent de leur
puissance. [l y a alors, en effet, dynamogénie dans certains points, inhibi-
tion dans d’autres.
494 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
Avant de publier les résultats expérimentaux nouveaux que j'ai trouvés
depuis mon dernier travail sur ce sujet, je crois utile de montrer que la con-
naissance des influences dynamogéniques que j'ai constalées comme effets de
Pirritation d’un ou de plusieurs nerfs, peut servir à expliquer les faits si inté-
ressants sur lesquels M. Tillaux vient d'appeler l'attention. On sait que cet
habile chirurgien, dans deux cas de section ancienne du nerf médian, a vu
reparaitre le mouvement volontaire et la sensibilité dans les parties para-
lysées, quelques jours après avoir pratiqué la suture des bouts de ces nerfs.
M. Ranvier ayant constaté que le bout périphérique du nerf médian, dans
ces deux cas, était complètement altéré, on se demande comment les fonc-
tions perdues ont pu se rétablir. [l est clair que ce n’est pas la réunion d’un
bout de nerf mort à un bout de nerf vivant qui a permis à la sensibilité et
au mouvement de revenir aussi promptement dans ces deux cas. Sans doute
la suture vient en aide à la régénération des nerfs, mais il faut toujours un
temps assez long pour obtenir cet effet. Des expériences nombreuses m'ont
donné une complète confirmation des résultats obtenus par MM. Vulpian et
Philipeaux, qui disent que la fonction des nerfs coupés, non suturés, revient
d'ordinaire en quatre ou cinq semaines, tandis qu'après la suture elle a pu
revenir en dix-sept jours. Cela suffit pour montrer qu'il n’y avait pas eu
possibilité de régénération, chez les opérés de M. Tillaux, au moment où
les fonctions perdues ont été recouvrées.
Les cas sont si nombreux, maintenant, de section d'un ou même de deux
nerfs du bras (et surtout du médian)sans qu’il y ait eu perte de fonction, qu'il
n’est pas douteux que chaque muscle, chaque partie de la peau de la main et
de l’avant-bras reçoivent des ramifications de plusieurs nerfs. C’est ce que les
belles recherches de MM. Arloing et Tripier ont bien établi. Tant que les nerfs
sont à leur état normal, leur énergie peut être insuffisante pour qu'après la
section de l’un d’eux, la sensibilité et les mouvements volontaires persistent
à un degré très notable dans les parties innervées, principalement par le
nerf coupé. Mais si, par la suture, ou, pour parler plus exactement, par
une irritation du bout central du nerf sectionné, on vient à augmenter (par
influence dynamogénique réflexe) la puissance d'action des filets nerveux
intacts provenant de troncs non lésés et se distribuant à [a partie para-
lysée, il est tout simple que la sensibilité et les mouvements volontaires re-
paraissent. C’est là, très probablement, ce qui a eu lieu dans les cas de
M. Tillaux et c’est aussi ce qui a eu lieu dans les cas de Laugier, de Houël
et d’autres chirurgiens, où la suture a été faile très promptement après
la blessure et où les fonctions perdues ont été rétablies le jour même de
l'opération.
Les expériences que j'ai faites montrent que souvent, après une irritalion
du nerf sciatique ou d’un des nerfs du plexus brachial, les autres nerfs du
membre, soumis à l'opération, gagnent en force d’une matière notable. Jai
trouvé aussi qu'une section de la peau, même peu considérable, ou son irri-
tation par du chloroforme ou par un vésicatoire, etc., suffisent quelquefois
19
(OL
SÉANCE DU 28 JUIN. 4
pour augmenter notablement la sensibilité et l’excitabilité motrice de tous
les nerfs d’un membre. Il y a donc lieu de croire que dans les cas si
curieux de M. Tillaux, c’est l’irritation due à l’opération qui a fait dispa-
raitre la paralysie et l’anesthésie. IT est probable que, sans la suture, une
autre irritation du bout central du nerf médian ou même l'application d’un
vésicaloire ou d’un autre moyen d’irritation de l’avant-bras, auraient donné
un résultat tont aussi favorable que celui de l'opération qui a été faite.
ACTION DE LA CINCHONIDINE ET DE LA CINCHONINE SUR LA CIRC:£ATION DES
MAMMIFÈRES SUPÉRIEURS, AU MOMENT OU CES ALCALOÏDES PRODUISENT LEURS
EFFETS CONVULSIVANTS, par M. BOCHEFONTAINE.
Les expériences faites par M. Vulpian dans ces dernières années ont
prouvé que l’appareil cardio-vasculaire du chien participe à la tétanisation
sénérale des muscles de l’économie, au moment des accès convulsifs pro-
duits par la strychnine. Ce fait est démontré au moyen de lhémodyna-
momètre à mercure mis en rapport avec la carotide chez un chien
auquel on injecte une quantité suffisante de sulfate ou de chlorbhydrate
de strychnine.
Au moment où survient l’accès convulsif, la colonne de mercure s'élève
rapidement, brusquement, dans l’hémodynamomètre. Par exemple, de
16 centimètres de mercure, la pression moyenne va jusqu’à 30 centimètres.
Arrivée à ce degré, elle reste à peu près stationnaire pendant la durée de
l'accès; mais alors les battements du cœur sont accélérés, énergiques, en
un mot {étaniformes.
Il était intéressant de rechercher si la pression sanguine et les batte-
ments du cœur subiraient les mêmes modifications sous l'influence de la
cinchonidine et de la cinchonine, au moment où ces alecalcïles du quin-
quina déterminent les convulsions générales décrites par Briquet, MM. Bou-
chardat, Delondre et Girault, MM. Chirone et Curci, M. Labozde, ete., etc.
Cette recherche a été faite d’abord sur des chiens curarisés dont on in -
scrivait la circulation intracarotidienne. Puis, pendant que le tracé se
dessinait sur l'appareil enregistreur, on injectait dans une veine du pied
10, 20, 30, 40 centigrammes de sulfate de cinchonine ou de cinchonidine,
suivant la taille des animaux.
Les phénomènes constamment observés dans ces expériences sont un
abaissement rapide, mais progressif de la pression sanguine intracaroli-
dienne, puis un certain degré de ralentissement des systoles. Toujours les
battements du cœur sont restés parfaitement réguliers. Quelquelois, lorsque
l’on a injecté tout d’un coup 30 à 40 centigrammes de sulfate de cincho-
426 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
nidine ou de sulfate de cinchonine, il s’est produit pendant quelques se-
condes un certain degré d'accélération du cœur.
Pour éviter toute objection basée sur l’action vaso-dilatatrice que possède
le curare, les mêmes expériences ont été répétées sur des animaux absolu-
ment à l’état normal, c’est-à-dire non curarisés, non anesthésiés par le
chloral, l’éther, etc., etc. Les résultats de l’injection intraveineuse ont été
absolument les mêmes. Toujours le cœur est resté régulier, même au mo-
ment où l’animal a été pris d’un attaque convulsive des plus caractéris-
tiques, soit après l'introduction de la cinchonidine, soit après l'introduction
de la cinchonine. Alors, chez ce chien à l’état normal comme chez ceux qui
avaient été curarisés, la pression sanguine a diminué progressivement,
dans un quart de minute environ, de 3 à 4 centimètres de mercure. Au
bout de ce quart de minute les pulsations cardiaques se ralentissent-et par-
fois deviennent plus amples qu'avant l'injection. En introduisant chaque
fois dans la veine du pied de 10 à 15 centigrammes de sulfate de cinchoni-
dine ou de sulfate de cinchonine, on peut reproduire cinq à six fois, sur le
même animal, les phénomènes qui viennent d’être décrits. Le retour à la
pression normale se fait, mais non pas complètement, une minute et demie :
environ après chaque injection, et si l’on ne dépasse pas ces doses sur un
individu de moyenne taille, l’animal survit et revient entièrement à l’état
normal.
On observe donc avec la cinchonidine et la cinchonine, au point de vue
de la diminution de la tension intra-artérielle et de la régularité des bat-
tements du cœur, des modifications analogues à celles qui sont déterminées
par la quinine. Ces phénomènes sont plus accusés avec la quinine qu’avec
la cinchonidine et plus marqués avec la cinchonine qu'avec la cinchonidine.
Il convient de remarquer que le pouvoir convulsivant doit être classé dans
un ordre inverse : la cinchonine occupant le premier rang, la cinchonidine
le second, et la quinine le troisième. Il faut rappeler ici que les convulsions
déterminées par la quinine ne s’observent pas constamment chez le chien.
Mais le point sur lequel je désire appeler particulièrement l'attention de
la Société, c’est l’abaissement de la pression sanguine même pendant les
convulsions dues à l’influence de la cinchonine et de la cinchonidine, tandis
que sous l’influence de la strychnine on constate au contraire une élévation
considérable de la tension intracarotidienne.
I résulte de ce fait que le mécanisme de l’action de la strychnine sur
l’appareil circulatoire diffère de celui de la cinchonine et de la cinchoni-
dine sur ce même appareil.
MM. Chirone et Curci, sans faire d’ailleurs de comparaison entre la
strychnine et les deux alcaloïdes des quinquinas, sont conduits à la même
conclusion par d’autres expériences avec la cinchonidine. Après avoir
enlevé les centres psycho-moteurs du cerveau, chez le chien, ils n’ont plus
constaté la production des accidents convulsifs qui surviennent sous l’in-
fluence de la cinchonidine chez ces animaux à l’état normal. Ils ont done
SÉANCE DU 28 JUIN. 497
pensé que la cinchonidine (et sans doute aussi la cinchonine) exerce son
action sur la substance corticale du cerveau, tandis que la strychnine agit
surtout sur la substance grise bulbo-médullaire.
Dans le but de répéter les expériences de MM. Chirone et Curei, j'ai en-
levé les centres moteurs des membres d’un côté chez six chiens chloralisés.
J'avais déterminé avec soin, sur le gyrus sigmoïde d’un côté, les points
moteurs des membres du côté opposé, puis, ces parties une fois enlevées
largement et profondément avec le bistouri, l’animal était gardé en obser-
vation. Quarante-huit heures après l’abrasion de l'écorce cérébrale, les
animaux, complètement revenus de la chloralisation, ont présenté de
l’affaiblissement des membres du côté opposé à la lésion, tantôt plus
marqué en avant, tantôt plus aceusé en arrière. Mais la paralysie n’a ja-
mais été assez considérable pour supprimer complètement les mouvements
spontanés de ces membres, ni les mouvements convulsifs produits par
l’agent convulsivant.
Une autre série d'expériences différentes a donné des résultats plus nets.
J'ai injecté sous la peau de plusieurs chiens, nés depuis quatre jours ou
trois jours, des doses toxiques de sulfate de cinchonidine variant entre
10 et 20 centigrammes de substances. Le sel a été introduit, tantôt dans le
péritoine, tantôt sous la peau. Les animaux sont morts au bout d’un temps
variable (de une demi-heure à une heure suivant le poids de Panimal) et
aucun d’eux n’a eu de convulsions : il y a eu de l’affaiblissement général
progressif, du coma, du ralentissement dans la respiration, qui s’est arrêtée
complètement ; le cœur a continué de battre régulièrement, puis il s’est
arrêté à son tour, et les petits chiens sont morts sans avoir présenté la
moindre convulsion, absolument de la même manière que les batraciens
(grenouilles) soumis à la même intoxication.
La même expérience a été répétée sur deux chats nés depuis deux jours.
A l’un on a injecté 5 centigrammes de sulfate de cinchonidine sous la peau.
L'autre a reçu la même dose dans la cavité péritonéale. Les deux petits ani-
maux ont succomhé de la même manière que les jeunes chiens, sans pré-
senter la moindre convulsion.
On sait que la strychnine détermine des convulsions tétaniformes chez les
jeunes des mammifères supérieurs, chien ou chat, comme ces animaux
adultes. D'autre part, la physiologie nous enseigne que les fonctions du
cerveau ne s’exercent pas chez les jeunes mammifères âgés de trois à
quatre jours seulement. L'opinion de MM. Chirone et Gurci semble donc
vérifiée par ces dernières expériences. On peut admettre que les jeunes
chiens et les jeunes chats ne présentent pas de convulsions parce que
leur substance grise corticale n’est pas encore en activité fonctionnelle.
Par conséquent on peut conclure que la cinchonidine à doses toxiques (de
même sans doute que la cinchonine) provoque des convulsions chez les
mammifères adultes, par suite d’une action sur l’écorce du cerveau. II
n’est donc pas possible de classer la cinchonidine, et même la cinchonine
498 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
parmi les agents convulsivants tels que la strychnine, la brucine, le hoang-
nan, etc.; ces dernières substances agissent en effet avec énergie sur les
batraciens et sur les jeunes des mammifères supérieurs aussi bien que sur
ces mammifères adultes. La cinchonidine, la quinine et la cinchonine
exercent au contraire leur pouvoir convulsivant sur les mammifères adultes
seulement et produisent chez la grenouille, les chats et les chiens nés depuis
quelques jours des phénomènes de collapsus et de coma.
ÉTUDE DE DIVERS MICRO-ORGANISMES A L'AIDE DE SOLUTIONS ALCALINES,
par M. Ch. DEGAGNY.
Dans la coloration des microphytes, j'ai toujours été frappé de trouver
que soit les bacilles, soit les microcoques que j'examinais, semblaient plus
gros, étant colorés que non colorés. D’un autre côté, j'avais fait quelques
essais sur le bacille de Koch, et ces recherches m’'avaient porté à croire
qu'en effet les couleurs d’aniline colorent, autour des microphytes, une zone
qui les rend sensiblement plus gros que lorsqu'ils sont examinés sans être
colorés. Afin d'arriver à me faire une idée plus nette sur ‘ce sujet, j'ai or-
ganisé une série d'expériences, à l’aide de divers procédés que je vais dé-
erire el qui m'ont conduit à des résultats intéressants.
Premier procédé. Soit, par exemple, une coupe de foie ou de poumon. Je
la place pendant cinq minutes dans une dissolution de potasse à 5 pour 100,
puis, après l’avoir lavée, je la pose sur une lamelle et la laisse dessécher à
l’air. Cette coupe est alors mise sur un bain colorant de fuchsine ou de violet,
pendant une heure. Je décolore ensuite par l’eau acétifiée, déshydrate par
l'alcool absolu, et monte dans le baume après éclaireissement par l'essence
de térébenthine. Sous l'influence de la solution alcaline, les tissus se sont
fortement étendus et fondus, pour ainsi dire, en un tout à peu près homo-
gène. Les effets de diffraction causés par les bords des cellules et des divers
éléments et par des substances d'indice de réfraction différent n'existent plus.
Les microphytes respectés par la solution alcaline sont plus visibles et se
détachent mieux.
Par un second procédé, je fais dissoudre les mêmes tissus à l’étuve
à 90 degrés, dans une solution de potasse à 15 pour 100 pendant vingt-
quatre heures. Je lave les dépôts obtenus à l’eau distillée, et j'obtiens ainsi
à l’état d'isolement les microphytes contenus dans les tissus ; ils sont d’ail-
leurs exactement semblables à ceux des coupes, lesquels servent de témoins.
Par un troisième procédé, je laisse macérer pendant six mois une partie
des dépôts obtenus soit dans de l’eau distillée, soit dans du bouillon de
bœuf ou d’autres milieux fermentescibles divers. Les dépôts ont été traités
dans certains cas de deux manières différentes : tantôt je leur avais fait
SÉANCE DU 28 JUIN. 429
subir un lessivage léger par la potasse ; tantôt au contraire un lessivage pro-
longé, et j'ai obtenu ainsi des résultats différents.
Bacille de la tuberculose. — Des coupes de poumons tubereuleux sont
traitées les unes par le procédé Erlich-Weigen, les autres sont colorées par
le violet ordinaire après macération dans la potasse.
D'un autre côté, je fais dissoudre une certaine quantité soit de poumon,
soit de erachats tuberculeux, dans une dissolution de potasse à 15 pour 100,
comme il est dit plus haut ; j'obtiens ainsi un dépôt contenant des bacilles,
et je les prépare sur une lamelle comme s'il s'agissait de diatomées;
je dilue le dépôt dans une gouttelette d’eau placée sur un couvre-objet
et je dessèche sur la lampe à alcool; les bacilles se trouvent ainsi ré-
partis d’une façon uniforme sur ja lamelle. Je. colore alors par le procédé
d’Erlich et décolore par Pacide. Tous les bacilles se trouvent décolorés
par ce procédé ; mais, si je colore par le violet ordinaire, mes bacilles sont
colorés ; ils ont bien la forme, l’aspect spécial du bacille de Koch ; seule-
ment le tube cellulosique du bacille est peu coloré, tandis que les spores le
sont fortement. Ainsi après lessivage dans la potasse, ke bacille de la tuber-
eulose se laisse colorer par les procédés ordinaires, mais il se laisse déco-
lorer par l'acide; l’acide peut pénétrer le bacille après qu'il a été lavé dans
la potasse, tandis qu’il ne le peut sans cette préparation préalable. Enfin je
remarque que les bacilles lavés à la potasse et colorés sont très sensible-
ment plus fins que ceux préparés par les méthodes ordinaires.
Je mets dans de l’eau distillée, stérilisée, une partie du dépôt obtenu après
un premier lessivage ; ce dépôt a une teinte verdàtre foncé. Je place dans
d’autres tubes une autre portion de dépôt lessivé plus complètement et
dont la couleur est à peu près blanche. Au bout d’un an, j’examine les
dépôts : les verdàtres sont composés de quelques bacilles et d’une immense
quantité de spores, tandis que ceux qui ont été plus complètement lavés et
dépouillés de la substance verdàtre fournissent les bacilles intacts, avec leurs
spores bien reconnaissables. Le lessivage prolongé à la potasse a donc
dépouillé le bacille de Koch d’une substance colorée verdàtre, substance
qui est impénétrable aux acides, et pénétrable aux couleurs ordinaires, sur-
tout aux couleurs alcalinisées, substance produisant dans des conditions
déterminées la dissolution du tube cellulosique du bacille, mettant ainsi
les spores en liberté et servant à leur dissémination.
Bacillus anthracis. — Je prends une coupe du foie d’un lapin imoculé ;
foie mis à durcir aussitôt après la mort. Je monte après macération dans la
potasse, comme il est dit plus haut. La coupe estfortement étendue : les ba-
cilles dans le plasma des vaisseaux sont bien séparés, bien nets, mais moins
colorés que par les procédés ordinaires. On voit mieux leur intérieur, où lon
distingue parfaitement les spores, qui se forment par conséquent dans les
vaisseaux, à l’intérieur des bacilles, pendant la vie. Le Bacillus anthracis
extrait du sang immédiatement après la mort ne laisse pas voir les spores
430 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dans son intérieur. Il est enveloppé d’une couche très fortement réfringente,
qui empêche de voir son intérieur.
Je fais dissoudre dans la potasse à 15 pour 100, à 50 degrés, dans une
étuve, pendant vingt-quatre heures, du sang charbonneux de mon lapin
inoculé. Je fais deux portions du dépôt, je lessive de nouveau lune des
portions, Je la mets à macérer pendant six mois. Au bout de ce temps, dans
la portion complètement lessivée, les bacilles sont intacts, tandis que dans la
portion moins lessivée, les trois quarts ont disparu; je ne trouve plus que
des spores et quelques rares bacilles. Enfin je remarque encore que, traités
par les couleurs, les bacilles lessivés sont plus petits et moins colorés.
Bacille de la putréfaction, microcoques du rouget, etc. — J'obtiens un
abondant dépôt blanchâtre du Bacillus putredinis, en mettant à l'air pendant
quelques jours du bouillon de bœuf. Je traite le dépôt par le lessivage à la
potasse, puis je mets à macérer des parties non lessivées,'des parties légère-
ment lessivées, et des parties lessivées plus complètement. Les portions non
lessivées ne me fournissent que des spores au bout de trois mois. Les ba-
cilles lessivés sont intacts au bout d’un an. Les premiers, traités par les cou-
leurs, sont plus gros, plus colorés; on ne voit pas les spores à l’intérieur. Les
seconds sont plus petits, moins colorés; on voit les spores à l’intérieur.
Je traite également des tissus et du sang, dans le rouget, dans la sear-
latine, dans la septicémie, et, suivant les cas, j'obtiens, ou des microcoques,
ou des diplocoques, toujours moins gros et moins colorables après lessivage
par la potasse, tous semblables et dans les coupes et dans les tissus dissous.
Les solutions alcalines, en agissant sur les microphytes, les débarrasse-
raient d’une substance placée à leur surface, substance éminemment colo-
rable par les couleurs d’aniline.
Cette substance étant enlevée par les solutions alcalines, les mierophytes
se conservent intacts dans les milieux les plus variés; mais, si elle n’a pas
été enlevée par les solutions alcalines, les microphytes perdent au bout d’un
certain temps leur paroi cellulosique, les spores sont mises en liberté, comme
si la substance avait servi de moyen de dissémination pour les spores.
Cette substance, soluble dans les solutions alcalines, le serait aussi en
partie dans le sang, et lui communiquerait, suivant les cas, des propriétés
spéciales. Modifiée, enfin, dans des milieux artificiels où les microphytes ne
vivent pas actuellement, la même substance perdrait une partie de.ses pro-
priétés dissolvantes destinées à la dissémination et une par!ie de sa viru-
lence, effet particulier de son développement dans les milieux normaux. On
s’expliquerait ainsi les phénomènes d'atténuation par les cultures dans cer-
taines conditions.
SÉANCE DU 28 JUIN. 431
CISELEURS EN CUIVRE ET HORLOGERS. — Note rectificative sur les prétendus
dangers qu'offre la profession de ciseleur en cuivre, et sur les nombreux
cas de choléra qu’auraient offerts les horlogers cuivreux dans les fabriques
du Doubs en 1854, — par M. le docteur V. BurQ.
Dans les séances du 5 janvier et du 16 février, M. Bochefontaine a pro-
noncé une sorte de réquisitoire professionnel contre les ciseleurs en cuivre
et en bronze. Si l’on en croyait notre honorable contradicteur, ces ouvriers,
non moins malheureux que les cérusiers, seraient assiégés par toute sorte
de maux : par la colique de cuivre, bien entendu, par des troubles digestifs,
par des paralysies de l’avant-bras, par la paralysie générale, voire même
par la phthisie plus que personne; ils seraient finis vers l’âge de cinquante-
six ans et souvent même avant que d'avoir atteint la quarantaine, et
tout cela parce que le ciseleur ferait usage d’un foret pour enlever les
bavures et les aspérités des pièces fondues, et qu’il porterait fréquemment à
sa bouche ledit foret plus ou moins chargé de particules de cuivre, pour le
faire mieux mordre.
Comme la profession incriminée par M. Bochefontaine est l’honneur d’une
industrie qui tient à Paris une des premières places, et que nous savions
pertinemment que ses assertions étaient absolument inexactes; comme,
d'autre part, ce n’est pas le moment de faire accroire que la déglutition d’une
petite quantité de limaille, voire d’oxyde de cuivre, peut devenir le point de
départ d'accidents sérieux, nous avons entrepris de réfuter les nouveaux
dires de M. Bochefontaine autrement que par ce que nous avions appris per-
sonnellement en fréquentant depuis de plus de trente années les ateliers
parisiens.
Nous avons donc ouvert encore ici une enquête et voiei ce qui en ressort,
1° Foret des ciseleurs. — MM. Thiébault frères nous écrivaient le 12 mai
dernier : « Les ciseleurs ne se servent pas de foret ; ee sont les monteurs » ;
et cette déclaration, parfaitement inutile pour ceux qui sont inaccessibles à
cette idée bizarre que, pour enlever des bavures et des aspérités d’une
pièce de bronze au sortir de la fonte, le meilleur moyen est de la cribler
de trous, a été confirmée par le sourire de M. Barbedienne et d’autres
fabricants.
Les seuls outils dont se serve le ciseleur, sont le ciseau, le rifloir ou la
lime et un petit marteau, de sorte que non seulement il n’y a aucun apport
de limaille dans sa bouche par un foret imaginaire, mais la paralysie radiale
n'est même point possible par compression, les mains n'ayant, l’une qu’à
tenir et conduire le ciseau, et l’autre qu’à frapper dessus à petits coups.
2° Accidents cupriques. — « I] arrive, ont écrit encore MM. Thiébault,
que les apprentis qui débutent sont atteints de coliques; mais ce sont
432 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
des exceptions et, dans tous les cas, après quelques mois de travail. les
accidents cessent. »
Quant à la colique de cuivre chez les ouvriers faits, les ciseleurs comme
les monteurs et les tourneurs, voiei l'extrait d’un document, que nous avans
publié dans le temps, qui en fera bonne justice.
La Société du Bon Accord, exclusivement composée d'ouvriers en bronze,
dont nous parlons souvent parce que c’est toujours vers elle qu’il faut porter
ses regards quand il s’agit d’une question soit de cette nature, soit relative
à la prophylaxie des affections zymotiques, fut fondée en l’année 1819, Il y
a dix-septans, en 1867, nous fimes le relevé de tous les cas de coliques sur
ses registres médicaux, qui sont parfaitement tenus, et nous arrivämes à ce
résultat que la Société avait payé 66 jours de maladie depuis sa fondation,
pour colique de cuivre ou autres, soit une journée un quart environ par
année !
Durée des ciseleurs. — Nous possédions un annuaire de la Société pré-
citée pour l’année 1865, nous nous sommes procuré celui de 1884, et le
dépouillement de ces deux documents irrécusables et si distants lun de
l’autre a donné les résultats suivants :
1865. — Socielaires actifs : 348.
CO à 40 ans, 40à 55ans. 55 à 69 ans.
CiSeleUrS MN EL MARIE 99 64 1900200
Monteurs. Met. $ 48 10 MS
MOUPNEULTSRER TEEN ERR ES 23 11 J1— MON
Totaux. 170 115 63 — "208
Pensionnaires : 37, dont 31 de 65 à 79 ans et 6 de 75 à 90 ans.
1884. —- Societaires actifs : 271.
90 à 40 ans. 40 à 55 ans. 55 à 65 ans.
se leEUTS ER 49 53 29 = MSI
Monteurs remet 44 90 Ar = 90
DOULEURS EAP 18 19 RU |
: TUNER RÉ, LS, y UE
Totaux El 109 Sr) 97
Pensionnaires : 54, dont 44 de 65 à 75 ans et 10 de 75 à 93 ans.
34 sont d'anciens ciseleurs, et pas un des 54 pensionnaires n'est atteint
d’une paralysie quelconque, ainsi qu'il est facile de s’en assurer au siège
social, 8, rue Saint-Claude (Marais), chez M. Prétot, secrétaire-trésorier
et lui-même ciseleur-façonnier.
On voit, d’après tout ce qui précède, ce qu'il faut penser encore de ces
accidents cupriques, de ces paralysies diverses, de ces terminaisons à bref
délai, ete., dont M. Bochefontaine a gratifié si libéralement les ouvriers
en bronze en général, et les ciseleurs en particulier.
SÉANCE DU 28 JUIN. 433
Nous aurions d’autres points à relever, notamment la citation em-
pruntée à l'Annuaire de l’Association normande de 1876, d’après
lequel « Le choléra aurait marqué son passage, en 1832, à Villedieu
comme dans le reste du département de la Manche », citation aussi inexacte
dans la lettre que dans son esprit, car le passage visé se borne à ces douze
mots prononcés incidemment par M. Besnou : « En 1832, 1834 et 1849, Le
choléra y & à peine paru », qui, à raison de ce qui les précède et de ce qui
les suit, avaient précisément une signification toute contraire à celle que
leur a prêtée M. Bochefontaine. Mais nous ne voulons pas rouvrir le débat
sur Villedieu, et ceux que la question intéresse trouveront amplement de
quoi se satisfaire dans un ouvrage qui sera publié presque en même temps
que cette Note.
ENQUÊTE SUR LES HORLOGERS DE MONTBÉLIARD.
Dans une Note annexée à la communication que nous avions eu l'honneur
de faire à la Société dans la séance du 29 mars, M. Mégnin, réfuté sur la
question des horlogers du Haut-Rhin, s’est rejeté sur ceux du Doubs, et, de
plus, nous a renvoyé au Caire. Nous y sommes allé sur les ailes de la poste,
bien entendu, et comme l'Égypte n’est pas tout proche, nous n’en sommes
pas encore revenu. Mais en revanche nous avons fait de si bonne besogne
à Montbéliard, que nous ne voulons pas en priver plus longtemps la
Société.
La Société se souvient que deux honorables confrères, MM. les docteurs
Lorber et Borne, qui exercent depuis nombre d'années, l’un à Beaucourt,
et l’autre à Hérimoncourt, ont établi par une enquête aussi sévère que
minutieuse, contresignée moralement, sinon effectivement, par les chefs des
grandes usines de ces localités, MM. Jappy frères et P. Jappy, qui l'avaient
sollicitée, qu'à Beaucourt, Badevel, Darles, Dampierre et Berne, qui sont
peuplés d’horlogers, pas un ouvrier dans l'horlogerie de gros volume (pen-
dules et réveils) n’est mort dans cette effroyable épidémie de choléra de
1854 qui enleva à Beaucourt un treizième de sa population, et que succom-
bèrent seulement cinq horlogers (dont un apprenti de dix-sept ans), qui ne
faisaient que la montre, plus des ouvriers pivoteurs, fabricants de vis, etc.,
qualifiés aussi d’horlogers, mais qui ne touchaient point au cuivre.
Sur l'invitation d’abord de M. Goguel, maire, puis de son successeur
M. le docteur Beuuier, une enquête a été faite à Montbéliard et dans une
commune voisine, Béthencourt, et cette enquête conduite par qui? par le
propre fils de M. Tuefferdt, qui était naturellement désigné pour l’entre-
prendre parce qu'il est le médecin des épidémies de la région, a abouti à
ce résul(at :
« Ainsi, dans les deux communes, dont la population était de 7000 âmes
à celle époque et où deux usines de grosse horlogerie réunissaient
434 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
1000 ouvriers, il n'y a eu que cinq décès d'ouvriers en horlogerie, et
aucun des cinq ne travaillait le cuivre.
» Frédéric TuErFERD.
» Montbéliard, 30 mai 1884. »
Que reste-t-il après cela et après les enquêtes de Beaucourt de cette cita-
tion aux termes si peu explicites :
« Cette illusion (la préservation des ouvriers en cuivre) n’était pas pos-
sible dans le pays où nous avons vu succomber des ouvriers qui passaient
leur vie dans une fabrique d’horlogerie à Montbéliard, et le nombre de ceux
qui ont été frappés dans des conditions analogues a été fort grand à
Beaucourt.
» TUEFFERD père. »
Ne nous est-il pas permis de penser que, si M. Tuefferd père avait un
peu moiis partagé les préventions qui, à l’époque surtout où il s’exprimait
«le la sorte, régnaient contre la métallothérapie et tout ce qui pouvait en
dériver, son fils n'aurait point eu à faire très honorablement acte de
réparation ?
Reste maintenant à vider laffaire, non du malheureux Thuillier, sur
laquelle nous pensions nous être suffisamment expliqué pour espérer qu'un
membre de la Société de biologie, à l'esprit aussi éclairé que celui de
M. Mégnin, ne reviendrait pas, mais celle des chaudronniers du Caire.
D’après l’article envoyé par M. le docteur Chaumery à la Revue d'hygiène :
«Sur 3 à 400 ouvriers qui travailllent au Khan-Kabil, une trentaine
auraient eu (l'an dernier) le choléra et treize ou quatorze en seraient
morts. »
Le docteur Darogagna-Bey, qui exerce au Caire, nous avait promis des
informations précises, mais nous n'avons encore rien reçu. En attendant,
nous avons Les déclarations diamétralement opposées, pour toutes Les épidé-
mies antérieures : 1° de M. Maroque disant : « Pendant deux époques où le
choléra sévissait en Égypte — en 1850 et 1865 — le quartier arabe au
Caire, où se fabriquent les ustensiles de cuivre, fut exempt du fléau. C’est
un fait incontestable, que tout Européen né, comme moi, en Egypte peut
certifier. À. MAROQUE » ; — 2 de M. Tédesco pour le bazar des chaudron-
mers de Constantinople ; — 3° du R. P. Damien pour celui de Bagdad.
Si les renseignements fournis au docteur Chaumery ne sont point le
produit de quelque fumisterie, il ne faut point oublier, en effet, que les
Fakirs sont légion en Orient; sans prétendre au rôle de prophète, nous
croyons pouvoir dire d'avance au docteur Darogagna-Bey, qu’il trouvera
que les ouvriers en cuivre du Caire, qui ont été atteints l’an dernier par le
fléau, avaient été mis depuis longtemps en chômage d’abord par la révolte
=
Q2
ot
: SÉANCE DU 28 JUIN.
d’Arabi, puis par la guerre des Anglais, comme les chaudronniers de Ville-
dieu, qui contractèrent la variole en 1870-71, par la guerre franco-alle-
mande.
Du reste, pour montrer avec quelle facilité prennent vie Les faits les plus
apocryphes et combien ils ont cette vie dure, pour peu que la passion s’en
mêle, nous terminerons par la citation du fait qui suit.
A peine M. Bailly était-il descendu, l’an dernier, de la tribune de lAca-
démie, que M. le docteur V. Révillout voyait succomber entre ses mains, rue
Vaneau, avec tous les symptômes du choléra le plus accentué, un ouvrier
qui lui avait affirme dans ses derniers moments qu’il avait travaillé dans le
cuivre tant et si bien que c'était là vraisemblablement la cause de tout son
mal. M. Révillout communiqua le fait à différents confrères, et il le raconta
avec détails et commenta dans certaine lettre dont il voulut bien nous
donner la primeur.
Dès le lendemain nous allions aux renseignements rue d’Assas, chez le
mécanicien bien connu, M. Marinoni, où le décédé travaillait encore la
veille de son alitement, et nous y apprenions, à notre grande stupéfaction,
que jamais cet homme « étouffé par le cuivre » n'avait teuché à ce métal
depuis plusieurs années qu'il travaillait dans l'usine, et l’on nous fit voir el
toucher, à la place même qu’il avait toujours occupée, les pièces exclusive-
ment en fer — espèces de tringles à boulons, — qu'il tournait et taraudait,
et dont plusieurs étaient inachevées !
Nous avisämes des résultats de notre enquête le docteur Révillout. Notre
cher confrère fit le silence sur la mystification dont il avait été la victime;
mais il avait parlé, la bonne nouveile avait cireulé comme une traînée de
poudre, si bien que, sans plus ample informé, la Gazette hebdomadaire
l’insérait presque d'urgence et que non moins rapidement la même revue,
qui a publié la communication de M. Chaumery, la servait aussi à ses
lecteurs en ces termes :
« Quelques jours plus tard (après la lecture de M. Bailly), à Paris,
M. Révillout voyait succomber entre ses mains, avec les symptômes les
plus marqués du choléra, un ouvrier tellement imprégné de cuivre, que le
malade altribuait tous les accidents à l’empoisonnement par ce métal.
» Ces faits ont paru à quelques-uns être écrasants contre la doctrine
que soutient le docteur Burq.
» VALLIN. »
Ainsi done, voilà un homme qui meurt, non pas en Egypte, nou pas même
dans quelque département lointain de la France, mais au centre de Paris,
à quelques pas de l’Académie ; voilà un homme qui travaillait dans un grand
atelier où rien n’était plus facile que de savoir au juste ce qu'il y faisait; et
cet homme qui n'avait jamais tourné ou limé que du fer, des journaux
436 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
graves l’ont servi à leurs lecteurs comme un exemple écrasant pour notre
doctrine ! Ab uno disce omnes.
En résumé, qu’on le sache bien, la prophylaxie cholérique par le cuivre
est un fait contre lequel il n’y a point à cette heure un ensemble de preuves
de la moindre valeur, tandis qu'il y en a des milliers pour.
Errata. — Dans notre article sur la suggestion magnétique, page 373,
2° ligne, bre : et c’est Le résultat d’une dizaine d'années d'observations.
BOURLOTON. — lmprimeries réunies, À, ruc Mignon, 2, Paris.
437
SÉANCE DU 5 JUILLET 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
M. le docteur LARRIVÉ adresse une lettre sur les avantages probables de
l'emploi de’l’eau oxygénée en injection et en lavement dans le traitement
du choléra.
M. Marey fait hommage à la Société de biologie du Supplément à la
méthode graphique dans les sciences expérimentales.
M. H. Beaunis offre à la Société un exemplaire deses Recherches expéri-
mentales sur les conditions de l’activité cérébrale et sur la physvologie
des nerfs.
* M. Révizcour adresse à M. le président de la Société de biologie une
longue lettre, dans laquelle il dit en substance que : surpris de voir
M. Burq le mettre en cause et contredire publiquement le témoignage in-
discutable d’un ouvrier mourant, il a ouvert, dans l’atelier où cet ouvrier
travaillait, une contre-enquête dont les résultats sont diamétralement oppo-
sés à ceux de l’enquête de M. Burq, et confirment sur tous les points les
dires du malade en question.
REMARQUE SUR LA PRÉSERVATION CUPRIQUE, par M. BOCHEFONTAINE.
Le dernier numéro de nos Comptes rendus contient encore un long
article dans lequel M. Burq vient affirmer, sans aucune preuve à l’appui,
les assertions qu’il a déjà apportées à la Société et qui, chaque fois, ont
été réfutées.
Il serait donc inutile de rappeler que les théories de M. Burq sont
entièrement dénuées de fondement, si, en présence de l’épidémie de Tou-
lon, tout notre pays ne se sentait pas menacé par le choléra.
Dans de pareilles conditions, il est regrettable que la Société de biologie
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I, N° 26. 34
438 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
serve d'appui à une réclame en faveur du sulfate de cuivre. Mais on pour-
rait à la rigueur ne pas se préoccuper d’une question de ce genre.
Il n’en est pas de même de l’action du cuivre sur l'appareil digestif. On
sait que les sels de cuivre introduits dans l’estomac déterminent des vomis-
sements, des coliques, de la diarrhée. On sait encore que les préparations
de cuivre peuvent déterminer des perforations de l’estomac, de l’intestin et
la mort. Je rappelle seulementà ce sujet les noms de MM. À. Richet, Vulpian,
Trasbot, Rabuteau, Laborde, Galippe, ete., etc. Par conséquent une sub-
stance qui détermine nécessairement des accidents de ce genre ne peut pas
être conseillée comme un médicament prophylactique du choléra.
RECHERCHES SUR L'ÉLIMINATION DE L'ACIDE PAOSPHORIQUE CHEZ L'HOMME
SAIN, L'ALIÉNÉ, L'ÉPILEPTIQUE ET L'HYSTÉRIQUE, par M. Marrer.
Je demande la permission d'indiquer brièvement le point de départ de
ces recherches et les résultats auxquels elles m'ont conduit. Je diviserai
cette communication en deux parties ayant trait, l’une à la physiologie,
l’autre à la pathologie.
Le point de départ de mes recherches a été la clinique. Lorsqu'on étudie
les maladies du système nerveux qu’on désigne sous le nom de névroses,
on ne tarde pas à s’apercevoir que nous sommes très pauvres en ce qui
concerne leur physiologie pathologique, c’est-à-dire en ce qui concerne la
connaissance des modifications biologiques dont elles sont l'expression ou
qui les accompagnent. Cette pénurie se comprend, l’anatomie pathologique
reste dans ces cas lettre morte, et ce n’est qu'en pénétrant dans l’intimité
même de la nutrition et du fonctionnement du système nerveux qu’on peut
arriver à connaître ces modifications. |
Nous nous sommes demandé si celles-ci ne se trahissent pas du côté des
excrétions et plus particulièrement du côté des urines, et dans cette direction
notre altention s’est naturellement portée tout d’abord sur une substance,
l'acide phosphorique, qui est intimement lite à la constitution du système
nerveux. Nous avons donc étudié l’élimination de cet acide dans l’aliénation
mentale, l’épilepsie et l’hystérie. Mais cette étude ne pouvait avoir quelque
valeur qu’à la condition d’être rapprochée de ce qui se passe chez l’homme
sain; seul ce rapprochement pouvait nous indiquer si les maladies qui
précèdent modifient ou non l’excrétion des phosphates. Gela ne suffit pas
encore pour le but que nous poursuivons dans ce travail, c’est-à-dire pour
savoir si, sous l'influence des maladies fonctionnelles du système nerveux,
les échanges qui se passent au sein de ce système sont modifiés. En effet,
pour pouvoir conclure des modifications dans l’excrétion des phosphates
aux modifications qui se passent dans la substance nerveuse, il faudrait que
SÉANCE DU 9 JUILLET. 439
l'acide phosphorique fût exclusivement lié à la nutrition et au fonctionne-
ment de cette substance. Or, lorsqu'on étudie la constitution des différents
| tissus de l’économie, on voit les phosphates entrer dans la constitution de
tous nos tissus : ce qui fait supposer que ces sels ne se lient pas à la seule
nutrition du système nerveux. En tous cas, c’est là un point nécessaire à
élucider; car, si l’aliénation mentale, l'épilepsie et l’hystérie atteignent par-
liculièrement ce dernier système, elles peuvent retentir sur d’autres
organes, modifier par suite les échanges qui se passent dans ceux-ci et
cnsécutivement l'élimination des phosphates. Par cela même, il était de
toute nécessité pour nous de connaître dans son ensemble le rôle biolo-
sique que joue l’acide phosphorique chez l’homme sain, de savoir quelles
sont les différentes fonctions qui peuvent produire des modifications dans
l'élimination de cet acide, et enfin de pouvoir distinguer ce qui, dans un
cas donné, appartient au système nerveux dans les modifications produites
d’avec ce qui appartient à d’autres systèmes.
Pour résoudre ces différents points, nous avons recherché les rapports:
qui existent entre les phosphales d’une part, le travail musculaire, le travail
intellectuel et la nutrition générale d'autre part. De plus, nous ne nous
sommes pas contenté d'étudier l'élimination de l'acide phosphorique total;
nous n’aurions pas pu, par l'étude de cette seule substance, arriver au but
que nous poursuivions; nous avons étudié l’élimination de l'acide phospho-
rique uni aux terres, de l'acide phosphorique uni aux alcalis et de l’azote.
Avant d'exposer les résultats que nous avons obtenus, disons encore que
nous avons annulé l’influence de toutes les causes, telles que alimentation,
sommeil, milieu, etc., qui peuvent agir sur l'élimination de l'acide phospho-
rique, de manière que, si des modifications se produisent dans le rendement
des phosphates sous l’influence des facteurs que nous mettions en jeu, ces
modifications ne puissent être attribuées qu’à ces facteurs.
A. Travail musculaire et acide phosphorique. — Un même travail mus-
culaire peut, chez un même individu, modifier ou non l'élimination de
l'acide phosphorique suivant la nature 1 l’alimentation. |
Lorsque prenant un individu soumis à un régime mixte relativement peu
reconstituant, nous le soumettons à un travail musculaire assez énergique,
nous obtenons les modifications suivantes dans le rendement de l'acide
phosphorique et de l’azote : augmentation de l'acide phosphorique uni aux
alcalis et de l’azote, le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres reste
normal. |
Lorsque, prenant ce même individu, nous le soumettons à un régime
végélal et à un travail musculaire semblable au précédent, les modifications
qui précèdent s’accentuent ; une seule: différence se produit : le chiffre de
l’acide phosphorique uni aux terres, qui restait fixe tout à l'heure, ä une lé-
“ère tendance à diminuer dans le cas actuel.
Lorsque, au contraire, ce même individu était soumis au même travail
440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
que précédemment, mais mangeait une nourriture exclusivement animale,
aucune modification ne se produisait dans l'élimination de l'acide phospho-
rique.
D'un autre côté, nos recherches nous montrent que pour une même ali-
mentation et chez un même individu, le travail musculaire marque ou non,
suivant son intensité, son action sur l’excrétion des phosphates. Aussi, si,
chez l'individu qui nous a servi aux recherches qui précèdent et qui est
soumis au régime mixte que nous avons indiqué, nous diminuons l'intensité
du travail musculaire, aucune modification ne se produit dans l’élimination
de l'acide phospharique. Inversement, si, lorsque l’alimentation estriche, nous
augmentons l'intensité du travail musculaire, nous voyons l'élimination de
l'acide phosphorique et de l’azote subir les modifications que nous avons
indiquées plus haut, alors qu’un travail moins intense ne produisait rien.
Ces résultats en apparence contradictoires s'expliquent parfaitement et
se confirment. [ls prouvent qu’il existe un rapport étroit entre le travail
musculaire et l’alimentation ; lorsque celle-ci est suffisamment riche par
rapport à l'intensité du travail, aucune modification ne se produit dans l’éli-
mination de l’acide phosphorique, tandis que, lorsque l'intensité du travail
musculaire dépasse la richesse de l’alimentation, ce travail marque nette-
ment son action sur l'élimination de l’acide phosphorique et de l’azote : il
augmente le rendement de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de
l'azote, et laisse intacte ou diminue légèrement l’excrétion de l'acide nhos-
phorique uni aux terres. L'alimentation peut done compenser les pertes
en acide phosphorique que le travail musculaire fait subir à l’économie,
mais il n’en est pas moins vrai que ce travail emploie pour se produire de
l'acide phosphorique. En effet, l'augmentation dans le rendement de l'acide
phosphorique que nous constatons sous l'influence du travail musculaire se
rattache bien à une désassimilation plus intense et non à un défaut d’assi-
milation; elle ne se produit pas lorsque l’alimentation est riche relative-
ment à l'intensité du travail, ce qui serait si elle se rattachait à un défaut
d’assimilation. De plus, des expériences faites sur les animaux nous per-
mettent de dire que l'augmentation dans le chiffre de l'acide phosphorique
rendu par les urines sous l'influence du travail musculaire, provient en
majeure partie du moins, sinon en totalité, des muscles eux-mêmes.
Quand on soumet un chien, à la diète depuis quarante-huit heures, à un
travail musculaire énergique et lorsqu'on examine comparativement chez
cet animal le sang de l’artère et celui de la veine fémorale, on voit que le
sang veineux est plus riche en acide phosphorique que le sang artériel.
Nous pouvons synthétiser ainsi les rapports qui existent entre le travail
musculaire et l’acide phosphorique :
4° L’acide phosphorique est lié à la nutrition et au fonctionnement des
muscles ;
2° Le travail musculaire marque son action sur l'acide phosphorique
SÉANCE DU D JUILLET. 441
éliminé par les urines, en augmentant le chiffre de l'acide phosphorique
uni aux alcalis.
B. Travail intellectuel et acide phosphorique. — Le travail intellectuel
marque son action sur l'élimination de l'acide phosphorique dans un sens
absolument opposé au travail musculaire : à augmente l’acidephosphorique
uni aux terres et diminue le chiffre de l'acide phosphorique uni aux alcalis
et de l'azote. Ges modifications dans l’excrétion urinaire, sous l’influence
du travail intellectuel, n'apparaissent d’une manière complète que lorsqu'on
tient compte de l'intensité du travail et de la richesse de l’alimentation. Si,
en effet, la diminution de l’azote et de l’acide phosphorique uni aux alcalis
se retrouve toujours, l'augmentation des phosphates terreux n’apparaît que
lorsque le travail est intense, etelle est d'autant plus marquée que ce travail
est plus intense et l’alimentation moins riche. Toutes nos recherches nous
démontrent que cette augmentation dans l’acide phosphorique uni aux
terres est due à une désassinilation plus active de la substance cérébrale et
par suite que le travail intellectuel emploie pour se produire de l'acide
phosphorique. Car mes recherches démontrent en outre que, si le cerveau
en fonctionnant rend de l’acide phosphorique uni aux terres, il absorbe de
l'acide phosphorique uni aux alcalis; cette absorption plus grande des
phosphates alcalins par le cerveau en travail se traduit par une moindre
élimination de ces sels. Toutefois la diminution de l’acide phosphorique uni
aux alcalis, qui existe à la suite du travail intellectuel, reconnaît encore une
autre origine, elle tient en partie au retentissement qu’exerce ce travail sur
l’ensemble de la nutrition qu'il ralentit, ainsi que le prouve la diminution
dans le chiffre de l’azote éliminé.
Nous disons done :
1° L'acide phosphorique est intimement lié à la nutrition et au fonc-
hionnement du cerveau. Le cerveau, en fonctionnant, absorbe de l'acide
phosphorique uni aux alcalis et rend de l'acide phosphorique uni aux
terres. .
20 Le travail intellectuel retentit sur la nutrition en général, qu'il ra-
lentil.
3° Le travail intellectuel modifie l'élimination de l'acide phosphorique
par les urines; il diminue le chiffre de l'acide phosphorique uni aux
alcalis, et augmente le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres.
C. Nutrition générale et acide phosphorique. — L’acide phosphorique
est lié à la nutrition générale; c’est ce qu’il est facile de démontrer
lorsqu'on étudie chez un homme à l’état de repos l'élimination de cet acide
aux différentes périodes de la journée, comparativement à l’élimination de
l'azote. D'abord on voit le sommeil, en tant qu’état de repos, diminuer
l’excrétion de ces deux substances ; ensuite, dans les autres périodes de la
journée traduisant l’activité nutritive, on voit l'élimination de l'acide phos-
449 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
phorique et de l'azote se faire dans un sens parallèle et cela pour les deux
espèces de phosphates. Et comme chez l’homme à l’état de repos, la dé:
composition des matières albuminoïdes, que reflète l'élimination de l'azote,
n’est liée au fonctionnement d’aucun organe en particulier, mais seule-
ment aux échanges nutritifs qui se passent dans nos différents tissus, c’est-
à-dire à la nutrition générale, nous ne pouvons que rattacher à la même
origine les variations qui se produisent aux différentes périodes du jour
dans l'élimination de l’acide phosphorique. Nous sommes done amené à
dire :
L’acide phosphorique est lié à la nutrition générale; dans ce cas, l’éli-
mination des phospuates, phosphates neutres et phosphates alcalins, suit
une marche parallèle à la décomposition des matières albuminoïdes, c’est-
à-dire à l'élimination de l'azote.
Si maintenant nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur les résultats
auxquels nous ont conduit nos recherches sur l'élimination de l'acide
phosphorique chez l’homme sain, nous voyôns que cet acide est lié à Ja
nutrition du muscle, du système nerveux et à la nutrition générale; en
d’autres termes aux échanges nutritifs qui se passent dans l’ensemble de
l’économie. Mais, si nos recherches nous montrent que l’acide phosphorique
n’est propre à la nutrition d'aucun tissu en particulier, elles prouvent que
la mise en activité de ces tissus peut se traduire d’une manière différente
sur l'élimination des phosphates et que lorsqu'on étudie comparativement
l’excrétion de l’acide phosphorique uni aux terres, de l'acide phospho-
rique uni aux alcalis, et de l’azote, on peut arriver à dégager ce qui, dans
un cas donné, revient au système nerveux, au système musculaire et à la
nutrition générale dans les modifications imprimées à l’élimination des
phosphates. Ces prémisses physiologiques établies, nous pourrons aborder la
seconde partie de notre étude, celle qui a trait à la pathologie.
NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU TRANSFERT CHEZ LES HYPNOTIQUES,
par MM. Ch. FéÉRé et A. BIner.
Le phénomène du transfert qui a été découvert par la Commission de la
Société de biologie chargée d'étudier l’action des applications de métaux
sur la surface cutanée chez les hystériques, consiste en une transposition
de certains phénomènes pathologiques, sous l'influence de plusieurs agents;
dits æstbésiogènes. Parmi ces agents, un des plus actifs et des plus com-
modes à employer est l’aimant ; c’est à lui que nous avons eu recours dans
la plupart de nos expériences.
Disons tout de suite que, dans ces expériences faites à la Salpétrière dans
le sérvice de M. Charcot, nous ne nous sommes occupés que du grand
£. Ni
SÉANCE DU D JUILLET. 443
hypnotisme, dans lequel les phénomènes somatiques permettent de se tenir
en toute circonstance à l’abri de la fraude.
I. Il est à peine nécessaire’ de rappeler que le transfert des troubles
spontanés nous a servi de point de départ.
Parmi les troubles spontanés dont on peut obtenir la transposition chez
les hystériques, il faut citer tout d’abord : 1° les troubles unilatéraux de la
sensibilité se présentant soit sous forme d’hémianesthésie, soit sous forme
d’hémidysesthésie; 2° les troubles unilatéraux de la motilité, paralysies
flasques ou contractures, peuvent également être transférés dans un
certain nombre de circonstances. Le phénomène est aujourd’hui bien
connu, au moins dans ses manifestations extérieures ; nous n’y insistons
pas davantage.
IT. Nous nous arrêterons plus longtemps sur le transfert des troubles
provoqués, des divers états de l’hypnotisme artificiel, pour lequel nous
adoptons la classification établie par M. Charcot (1), auquel nous nous
contentons de renvoyer, pour la définition des termes de léthargie, cata-
lepsie, somnambulisme, que nous allons avoir à employer :
4° Lorsqu'une hypnotique est plongée dans la léthargie totale, avec
hyperexcitabilité, dite neuro-musculaire; si l’on ouvre l’œil gauche, le sujet
devient cataleptique de ce côté, tout en restant léthargique du côté droit où
l’œil reste fermé. Si dans ces conditions nous appliquons un aimant à quel-
ques centimètres de l’avant-bras droit, au bout de deux minutes, nous
voyons la main droite s’agiter d’un léger tremblement, puis prendre gra-
duellement la consistance des membres cataleptiques et se placer peu à
peu dans la position qu'occupait le bras gauche. Ce dernier, après avoir été
animé de tremblements plus violents qui ont cessé tout à coup comme un
accès d’épilepsie partielle pour laisser la main flasque, a pris tous les
caractères de la léthargie. La catalepsie comprend maintenant le côté droit
tout entier, tandis que le côté gauche, face, bras, jambe est léthargique
et hyperexcitable. Le tran<fert de l’hémiléthargie et de l’hémicatalepsie
a été complet sauf sur un point : l’œil est resté ouvert du côté gauche, qui
est devenu léthargique et fermé du côté droit devenu cataleptique. Le
transfert peut de même s’opérer en sens inverse.
2° Lorsqu'un sujet est en léthargie ou en catalepsie, si l’on frotte légère-
ment le vertex sur la ligne médiane, on détermine un troisième état : le
somnambulisme. Lorsqu’au lieu de faire la friction sur le milieu de la tête,
on la pratique un peu latéralement, le côté frictionné passe en état de som-
nambulisme, tandis que le côté opposé reste dans l’état préexistant, léthargie
(1) J. M. Charcot, Essai d’une distinction nosographique des divers états
nerveux compris sous le nom d'hypnotisme (Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 1882).
444 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ou catalepsie. L’hémisomnambulisme offre tous les caractères somatiques
du somnambulisme total, absence d’hyperexcitabilité musculaire, et de
plasticité cataleptique, hyperexcitabilité aux excitations légères de la peau,
au souffle, ete. Si l’on donne une suggestion hallucinatoire, l’hallucination
n'existe au réveil que du côté somnambulisé.
Le sujet est capable de répondre quand l’hémisomnambulisme est com-
biné à l’hémiléthargie; il ne fait en général que bredouiller quand il s’agit
de l’hémicatalepsie. Que l’hémisomnambulisme soit associé à l’hémiléthargie
ou à l’hémicatalepsie, il est susceptible de transfert tout comme ces deux
derniers états combinés.
III. Si les divers états dimidiés de l’hypnotisme sont transférables, il en
est de même des différents phénomènes unilatéraux des trois états de
l'hypnotisme : L° c’est ainsi que les contractures provoquées de la léthargie
peuvent être transférées soit avant, soit après le réveil. Ce fait a été mis en
lumière par MM. Charcot et Richer.
2% Pour la catalepsie, l'aimant peut opérer le transfert des attitudes :
W... est en catalepsie, les yeux largement ouverts, fixés et dirigés en
haut; elle est assise sur un fauteuil, le côté droit contre la table ; le coude
gauche repose sur le bras du fauteuil, l’avant-bras et la main sont relevés
verticalement, le pouce et l’index sont étendus, les autres doigts sont dans
la demi-flexion; l’avant-bras droit et la main sont étendus sur la table ;
l’aimant est sous un linge à 5 centimètres environ. Au bout de deux mi-
nutes l'index droit commence à trembler et à se lever; à gauche, les doigts
étendus se fléchissent, et la main reste un instant flasque. La main droite et
l’avant-bras se lèvent et se placent dans la position où était primitivement
la main gauche, qui s’étend sur le bras du fauteuil avec la mollesse cireuse :
propre à l’état cataleptique.
Cette expérience, ainsi que les précédentes, montre bien que l’aimant
agit en dehors des états de conscience et que l’attention expectante ne joue
aucun rôle dans le transfert.
9° L’aimant a la même action sur les phénomènes unilatéraux du som-
nambulisme, dont le transfert peut avoir lieu soit avant, soit après Le réveil,
s’il s’agit de suggestion persistante. Parmi ces phénomènes, les uns sont
moteurs, les autres sont sensitivo-sensoriels ; les uns et les autres peuvent
résulter soit de suggestions excitatrices (spasmes, mouvements impulsifs,
hallucinations), soit de suggestions inhibitives (paralysies, anesthésies
générales ou systématisées) (1). | 4
a. Motilité. — Nous ne citerons qu’un exemple de transfert de paralysie
par suggestion :
(1) Ch. Féré, La médecine d'imagination (Progrès médical, 1884, p. 309). —
A. Binet et Ch. Féré, Les paralysies par suggestion (Revue scientifique,
juillet 1884).
SÉANCE DU 9 JUILLET. 445
W... est dans le sommeil somnambulique; nous lui suggérons une para-
lysie de la main gauche qu'elle gardera au réveil et nous la réveillons
immédiatement. Au bout d’une minute la main gauche s’engorge, devient
chaude, rouge, se couvre de sueur àsa face palmaire, elle estcomplètement im-
mobile, les réflexes tendineux de lavant-bras sont exagérés. La main droite
est allongée sur une table à 2 centimètres d’un aimant à cinq branches.
Au bout d’une minute commence un tremblement très intense de la main
droite, l’avant-bras et le bras s’agitent aussi de mouvements oscillatoires
qui rappellent ceux de l’épilepsie partielle; puis tout à coup, au bout d’une
minute et demie, la main s’arrête, elle est complètement inerte et flasque,
et peu à peu elle s’engorge, tandis que la main gauche reprend progressi-
vement ses mouvements, sa température et sa couleur normale.
Les paralysies de mouvements adaptés, des mouvements d’articulation
des mots par exemple, lorsqu'elles sont soumises à l’action de l’aimant,
offrent certaines particularités sur lesquelles nous ne reviendrons pas
ici (1).
Le transfert s'effectue aussi pour les contractures, spasmes localisés,
et enfin pour les mouvements impulsifs suggérés ; un des exemples les plus
curieux est le suivant :
Nous suggérons à notre malade l’idée de faire des chiffres; après son
réveil elle se met à faire des chiffres de sa main droite comme de juste :
mais un aimant est caché à proximité de sa main gauche. Quand elle a écrit
jusqu’au nombre 12 sans s’interrompre, elle commence à hésiter, puis elle
change sa plume de main, et se met à écrire de la main gauche. Les carac-
tères qu’elle trace nous paraissent tout d’abord sans signification; mais en
y regardant de près, nous constatons qu’elle a fait des chiffres qui, regardés
au miroir, sont à peu près aussi corrects que ceux qu'elle a faits de la main
droite, c’est-à-dire qu’elle à exécuté avec sa main gauche des mouvements
absolument symétriques à ceux qu’elle est maintenant incapable de tracer
de la main droite.
L'expérience a réussi de la même manière pour d'autres mouvements
impulsifs plus ou moins compliqués.
‘b. Sensibilité. — Les anesthésies sensitives et sensorielles soit géné-
rales, soit systématisées, sont susceptibles d’être transférées par l’aimant ; il
en. est de même des dysesthésies, des hallucinations de l’odorat, de l’ouie,
de la vue, du goût, du toucher. Pour le transfert des hallucinations, soit
unilatérales, soit bilatérales différentes, il existe une période d’oscillations
bien sentie par le sujet, qui éprouve pendant quelques instants des sensa-
tions alternantes plus ou moins confuses.
Une circonstance intéressante à noter, c’est que le transfert des phéno-
mènes localisés, attitude d’un membre dans la catalepsie, paralysie, hallu-
(1) Voy. Revue scientifique, loc. cit.
440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
cination, s'accompagne d'une douleur de tête localisée, débutant en général
du côté de l’aimant, puis passant dans le point symétrique du côté opposé.
Cette douleur, qui est quelquefois assez intense pour nécessiter l’inter-
ruption de l’expérience, occupe un siège constant pour le même membre,
pour le même sens. À l’aide des notions anatomiques précédemment éta-
blies par l’un de nous (1), nous avons pu nous assurer que la douleur de
transfert répond, dans la plupart des cas, aux centres corticaux que les
recherches physiologiques et anatomo-cliniques ont mis en rapport avec
certaines fonctions déterminées. C’est ainsi que le transfert des attitudes
ou des paralysies du membre supérieur détermine une douleur qui siège au
niveau du pied de la deuxième frontale et de la région correspondante de
la frontale ascendante ; pour les mouvements d’articulation, elle siège au-
dessous et en avant ; pour le membre inférieur, à la partie supérieure du
sillon de Rolando; pour les hallucinations de la vue, dans la partie anté-
rieure du lobule pariétal inférieur, dans la région où on a localisé l’hémi-
anopsie et la cécité verbale ; pour les hailucinations de l’ouïe, dans la région
antérieure du lobe sphénoïdal. : |
Le transfert des troubles sensitifs paraît déterminer une douleur sié-
geant à la fois dans la région du centre moteur et dans la partie posté-
rieure du cerveau, où elle est diffuse ; le transfert des hallucinations du goût
détermine une douleur siégeant au-dessus de la crête occipitale externe et
à 2 centimètres en dehors de la ligne médiane; le transfert des hallu-
_cinations de l’odorat, une douleur siégeant à 1 centimètre au-dessus et un
peu en dedans. Ces deux derniers résultats sont en désaccord avec ceux des
recherches expérimentales, et ils méritent d’être contrôlés.
Le transfert des phénomènes que nous venons de passer en revue,
s’accompagne de faits objectifs qui permettent de s’avancer avec assurance.
Nous devons mettre plus de réserve lorsqu'il s’agit du transfert d’une
attitude volontaire à l’état de veille chez les sujets hypnotisables. Nous
avons observé quelques faits de ce genre qui n’ont laissé aucun doute
dans notre esprit; mais nous désirons faire de nouvelles expériences avant
d'entrer dans le détail. Notons toutefois que dans cette dernière circon-
slance, comme dans le cas de transfert des hallucinations, il se produit des
oscillations consécutives des plus nettes et en tout analogues à celles qui
ont été signalées dans le transfert de l’anesthésie hystérique.
(1) Ch. Féré, Note sur quelques points de la topographie du cerveau (Arch.
de physiol. norm. et pathol., 1836, p. 247). — Nouvelles recherches sur la topo-
graphie crânio-cérébrale (Revue d'anthropologie, 1881, p. 468), etc.
DU: ?
SÉANCE DU 9 JUILLET. - AA
NOTE SUR LES TENSIONS DE DISSOCIATION DE L'EAU ET DES TISSUS,
par M. R. Dupors.
Nous avons autrefois présenté à la Société de petits mammifères qui
s'étaient spontanément desséchés dans une atmosphère relativement
humide et dans un espace de temps très court, après avoir séjourné pen-
dant quelques heures dans de Pair assez chargé de vapeurs anesthésiques
pour les tuer rapidement.
Nous avions, d'autre part, observé que des tissus animaux et végétaux
placés dans les mêmes conditions subissaient des modifications diverses
que nous avons décrites, et qui favorisaient la séparation de l’eau des par-
ties fixes.
On était ainsi amené à se demander si des tissus appartenant à des êtres
vivants, se conduiraient comme les tissus des animaux empoisonnés, en ce
qui concerne la rapidité avec laquelle s'opère la déshydratation ou l’anhy-
drisation, si l’on veut se servir de l’expression employée par Chossat.
Dans le courant de l’année dernière, nous avions placé sous des cloches
de verre contenant du chlorure de calcium, des animaux morts et des ani-
maux vivants (crapauds). On pouvait supposer que les animaux se dessé-
cheraient plus vite que les animaux morts en raison de la circulation péri-
phérique, de la respiration et des diverses excrétions qui résultent -de
l’activité biogénique.
L'expérience nous a prouvé qu’il n’en est rien, et que les animaux morts mis
en présence de substances avides d’eau, perdent dans le même temps plus
d’eau que les animaux vivants placés dans les mêmes conditions.
Ce fait est d’ailleurs bien connu des botanistes et des entomologistes.
Lorsque l’on veut rapidement dessécher des Crassulacées, des Orchidées ou
d’autres plantes riches de sucs aqueux, on doit arrêter leur vitalité soit par
la chaleur, soit par un poison, le sublimé corrosif, par exemple, ou par
tout autre moyen de destruction vitale.
On doit agir de même pour beaucoup d’insectes qui peuvent résister pen-
dant plusieurs jours à la mort et à la dessiccation, alors même qu’ils ont été
fixés au moyen d’épingles et mis, de la sorte, dans l'impossibilité de se
procurer des boissons ou des aliments.
L'arrêt des échanges biogéniques diminue donc la faculté que possèdent
les tissus de retenir l’eau qui fait partie de leur constitution.
Cette modification importante paraît tenir à ce que les albuminoïdes qui
composent nos tissus, perdent, au moment de la mort, la propriété de fixer
de l’eau; cette explication théorique a besoin cependant d’être appuyée
par de nouvelles recherches expérimentales.
Mais, avant de pénétrer plus profondément dans cette étude, on devait
418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
se demander si la quantité d’eau, perdue par des animaux placés dans les
mêmes conditions, était toujours égale, alors même que ces animaux
auraient été tués par des procédés différents.
Pour élucider cette question, nous avons placé, sous une cloche de verre
_assez spacieuse, contenant une grande quantité de chlorure de calcium, des
grenouilles du même poids et de même provenance, enfermées dans de
petites cages de toile métallique.
Les unes étaient vivantes, les autres avaient été tuées par divers pro-
cédés : poisons, chaleur, congélation, électricité, dessiccation préalable.
Toutes avaient séjourné vivantes dans une atmosphère sèche, assez long-
temps pour que l’eau, contenue dans les cavités naturelles ou à la surface
de la peau, ne püt entrer en ligne de compte.
Le tableau suivant indique la proportion d’eau perdue en trois jours par
chaque groupe de trois individus, chaque individu ayant été pesé séparé-
ment :
ADMAUXEVIVAES AS EL IE RENNES 15,30 pour 100.
= (UÉSIDAMIEACUNATE CÉEEPEE PETER 14,20 =
— paniefroid HR NCRER SERA 14,64 —
—= Dana is tnyehine Per FELEECr 15,31 —
= An pDanlélectriciié CARPE ERMIONE —
— — par la icsstae tion DES 17,78 =
— — parnlerchlorctonme PE CPrreE 18,87 —
— DA TODINE EE RERCE CET 19,160
= — par la pilocarpine.......... 19,45 =
L'expérience n’a pu durer plus de trois jours ; la température du labora-
toire oscillant entre 18 et 22 degrés, des signes de décomposition se sont
manifestés le troisième jour. Maisgräce à une disposition spéciale, nous
pourrons dans quelques jours donner les courbes respectives de la marche de
la déshydratation dans ces divers cas et dans d autres circonstances parti-
culières pendant un temps plus long.
On s’est toujours préoccupé de la proportion d’eau que pouvaient contenir
les divers tissus. Volkmann, Bischoff et d’autres expérimentateurs ont fait
à ce sujet des recherches d'ensemble; inalheureusement les procédés
qu'ils ont employés ne sont pas à l’abri de toutes causes d'erreur. Mais
l'étude complète de la rapidité plus ou moins grande avec laquelle se des.
sèche un tissu, paraît avoir été complètement négligée, malgré les applica-
tions importantes que les faits de cet ordre peuvent recevoir en biologie.
Tandis qu’un muscle, par exemple, se dessèche très vite dans le vide
sulfurique, un fragment de peau, placé dans des conditions identiques, ne
perdra l’eau qu’il contient qu’au bout d’un temps beaucoup plus long,
bien que ia proportion d’eau soit bien moins élevée pour la peau humaine
que pour le muscle.
On peut donc dire que la résistance de chaque tissu à la dessiceation
n'est pas en rapport avec la proportion de l’eau qu’il contient.
SÉANCE DU D JUILLET. 449
La peau, pour laquelle la dessiceation est plus lente, constitue par ce fait
un puissant obstacle à la dessiccation de l’organisme entier. Le poumon
semble conserver pendant longtemps son élasticité en raison de propriétés
d'ordre analogue.
La quantité d’eau que contient un tissu ne semble pas diminuer, elle
paraît plutôt exagérer la rapidité avec laquelle se fait sa dessiccation.
Ce fait devient tout à fait frappant quand on dessèche comparativement
des tissus normaux et des tissus pathologiques.
Pour dessécher dans le vide sulfurique un morceau de muscle provenant
d’une jambe amputée, il nous a fallu trois fois plus de temps que pour des-
sécher deux échantillons de fibrômes utérins de même poids et de même
surface, provenant de deux sujets différents. Cependant ce tissu, dans les
deux cas, contenait 15 pour 100 d’eau, alors que le muscle, mélangé de
quelques parties graisseuses, ne put perdre que 64 pour 100 de son poids
d’eau.
Il semble donc qu’il existe pour l’eau des tissus, ce que l’on observe pour
l’eau des sels hydratés, des tensions de dissociation de l’eau et du principe
fixe, variables avec chaque tissu comme avec chaque sel dans des condi-
tions identiques et variables aussi pour un même tissu et un même sel avec
les conditions du milieu. On serait ainsi conduit à admettre que les tissus,
ou plutôt les albuminoïdes qui les composent, se comportent comme de
véritables hydrates.
Jusqu'à présent, les tissus pathologiques que nous avons examinés perdent
plus facilement leur eau que les tissus sains, mais ils en contiennent davan-
tage. Leur consistance n'indique rien; souvent ce sont les plus résistants
qui contiennent le plus d’eau.
Il y a lieu de rechercher également l’influence de l’âge, du sexe, etc., sur
les tensions de dissociation de l’eau et des tissus.
Actuellement nous savons simplement que la quantité d’eau est plus con-
sidérable chez les individus jeunes, végétaux ou animaux, et qu’elle va en
diminuant de la jeunesse à la vieillesse. Il ne nous paraît pas sans intérêt
de rechercher les divers points de cette courbe de la vie en fonction de la
quantité d’eau des tissus et de sa tension de dissociation.
450. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. h
SUR LES MOUVEMENTS MUSCULAIRES INCONSCIENTS EN RAPPORT AVEC LES
IMAGES OU REPRÉSENTATIONS MENTALES, par M. E. GLEY,
M. Ch. Richet a bien voulu, dans une discussion récente à la Société de
biologie à propos de ses expériences sur un prétendu phénomène de sug-
gestion mentale, mentionner les expériences que je faisais de mon côté à
ce sujet; il a même annoncé que je cherchais à inscrire les mouvements
musculaires par lesquels il a expliqué cette soi-disant perception de la
pensée. Depuis lors j'ai poursuivi mes recherches et j'ai pu enregistrer les
mouvements en question. Ce sont les tracés qui les représentent que j'ai
l'honneur d'apporter à la Société.
Mais je désirerais d’abord faire quelques remarques relatives aux condi-
tions de mes expériences et aux sujets grâce auxquels j'ai pu les réaliser.
On sait qu'il s’agit de trouver, les yeux fermés ou bandés, un objet caché
par une personne dont on tient la main, cette main pressant assez forte-
ment celle de l’expérimentateur ; il n’est pas nécessaire qu'il y ait un objet
caché ; il suffit que la personne pense à un objet qui se trouve dans une ou
plusieurs chambres convenues ou dans un lieu quelconque. — J'ai expéri-
menté jusqu’à ce jour sur 25 personnes différentes, 9 du sexe féminin,
. 16 du sexe masculin, de tempérament assez divers, la plupart ayant reçu
une éducation libérale et d'esprit cultivé ; l’âge varie entre dix-huit ans
(minimum) et quarante-cinq aus ; sur ces 25 personnes, 16 m'ont donné des
résultats positifs, 1 des résultats indécis, et j'ai échoué avec les autres.
J'ai pourtant lieu de croire que par l’exercice on pourrait réussir au moins
sur quelques-unes de ces dernières, et les expériences se montent à une
centaine (chiffre exact : 95 ou 96), presque toutes faites avec les sujets
que j appellerai bons, car avec les autres, après deux ou trois expériences
au plus, j’abandonnais la partie. Parmi les 16 sujets bons il y en a 7 du
sexe féminin et 9 du sexe masculin. C'est sur ceux-ci que j'ai fait les plus
longues séries d'expériences (jusqu’à 20 sur l’un d’eux, toutes réussissant
à merveille).
Quelle qu'ait été l’expérience — objet caché ou simplement pensé,
comme il arrivait presque toujours, — j'ai été conduit vers l’objet qu'il s’a-
gissait de trouver, guidé par de petits mouvements des muscles de la main
du sujet, et cela, ainsique le disait M. Ch. Richet dans sa communication
du 24 mai(l), Çavec une précision qu'on ne soupçonnera jamais, tant
qu'on n'aura pas fait cette petite expérience ». Ce sontces mouvements que
j'avais pensé tout d’abord à enregistrer et ce sont les tracés qui les révè-
lent objectivement que j'ai l'honneur de présenter à la Société; ils ont été
(1) Voy. le n° 22 (6 juin) du Compte rendu de la Société.
TP OP
SÉANCE DU 9 JUILLET. A51
“pris sur une femme et sur trois hommes. Comme on peut le voir sur ces
sraphiques, il se produit tout le temps de l’expérience dans la main du
sujet des contractions fibrillaires, des petits mouvements de pression, etc.,
qui indiquent, on le comprend aisément, la direction à suivre et qui, en
général, augmentent d'intensité quand on arrive devant l’objet. À ce mo-
ment d’ailleurs on est encore renseigné par l’immobilité soudaine du
sujet, par la cessation de tous mouvements dans sa main, et on éprouve
même la sensation du relàchement qui survient dans ses Fc I ya là
une sorte de phénomène d'arrêt, consécutif à l’état de tension continue, de
tonicité exagérée, par lequel ses muscles viennent de passer.— Quant aux
mouvements eux-mêmes, il est possible d’en distinguer de deux sortes,
suivant les sujets : parmi ceux-ci en effet, les uns donnent les petits mou-
vements de la main, les frémissements musculaires dont je viens de
parler; chez les autres, il y a comme un mouvement de traction de toul le
bras et de la main, et dans ce cas, on se sent quasi entrainé vers l’objet ;
chez quelques-uns enfin on observe à la fois cette traction et les pressions
de la main. D’autre part, 1l m'a semblé dans plusieurs expériences que les
sujets qui présentent les mouvements de pression sont ceux dont la main se
relâche, lorsqu'on est arrivé devant l'objet ; la main des autres, au con-
traire, à ce moment reste contractée comme par une sorte de geste im-
pératif.
J'ai inscrit ces mouvements d’une manière très simple. Je place dans la
paume de la main droite du sujet le tambour d’un cardiographe double ;
ma propre main s'applique sur la face métallique de ce tambour, et sur le
dos de ma main se voient les doigts du sujet. Ce petit appareil est mis en
relalion avec un tambour dont le levier-style écrit sur un cylindre enregis-
treur. Dans quelques expériences je me suis servi du myographe pour
l’homme, placé sur les muscles fléchisseurs de l’avant-bras, et j’ai obtenu
des tracés analogues. — Comme je ne pouvais pas augmenter démesuré-
ment la longueur des tubes de caoutchouc transmetteurs, la recherche de
l’objet ne s’est jamais faite que dans un rayon assez court, et par consé-
quent ces expériences ont toujours eu peu de durée.
Assurément l’analyse des mouvements obtenus de cette façon n’est pas
très facile ; est-elle même possible ? car la forme de ces légères contrac-
tions musculaires, fibrillaires si l’on veut, est peu distincte, ce qui tient
sans doute au mode d'inscription que j'ai imaginé, dont je ne me dissimule
pas les défauts. Mais j'ai cru que pour le moment, alors qu'on a essayé de
parler de suggestion mentale, l’essentiel était de montrer la réalité des
mouvements dont il s’agit et par conséquent d’en fournir une preuve objec-
tive et véritable.
Reste maintenant tout un côté, et non le moins important, de la question.
Il est incontestable que, dans les conditions où ces expériences ont lieu, il
y a des mouvements musculaires du sujet en expérience. Mais quelle est la
cause de ces mouvements ? À quoi tiennent-ils ? Comment se produisent-ils ?
452: SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
C'est dans une théorie psychologique qu'il faut chercher cette cause.
M. Ch. Richet a très bien rappelé dans sa communication du 24 mai les
faits étudiés par M. Chevreul il y a déjà longtemps et qui démontrent
clairement l'existence de rapports étroits entre les volitions et des mou-
vements inconscients. Or ce phénomène est très général : toute image est
liée à des mouvements ; il en est de même des sentiments. C’est ce que
Gratiolet a très bien vu (1), quand il remarque qu’une sensation est suivie
d’une tendance au mouvement et que cette tendance nécessaire, étant d’une
façon générale proportionnelle à l’excitation, détermine des actes affectifs ; il
ajoute qu’une tendance pareille résulte des désirs de l'imagination. Gra-
tiolet distinguait ces mouvements en mouvements symboliques et mouve-
ments sympathiques. En ce qui concerne les expériences de M. Ch. Richet
et les miennes (2), ne paraît-il pas évident, conformément à la théorie du
rapport de l’image et du mouvement, que, après avoir caché un objet aus -
sitôt que nous pensons à cet objet, nous avons l'idée et souvent même le
désir d’aller le chercher? Alors s'organise un état cérébral duquel résul-
tent des mouvements dans nos mains et un mouvement de direction géné-
rale du bras. Il suffit même de penser à un objet, surtout avec force, comme
dans les expériences dites de Cumberland, pour que ces mouvements se pro-
duisent. N'est-ce pas d’ailleurs ce qui arrive en dehors de toute expérience
quand nous avons, par exemple, l’idée d’un livre placé sur tel rayon de
notre bibliothèque ? Involontairement le mouvement d'aller le prendre
s’ébauche.
Ces mouvements, bien entendu, augmentent d'intensité, quand une émo-
tion s’ajoute. Chez un de mes sujets, aussitôt que j'approche de l'objet, il se
produit une telle émotion, que la respiration s'accélère et prend ce rythme
bien connu des personnes dites impressionnables ; en même temps lapres-
sion de la main devient plus forte(3). Chez un autre de mes sujets le phé-
nomène est encore plus remarquable. En effet, avec ce sujet je ne puis pas
trouver les objets quelconques ; il faut, pour que les expériences réussissent,
qu’il pense à un objet important pour lui, comme une lettre ou un papier
l'intéressant beaucoup ou le touchant vivement. Et chez ce sujet, tout le
(1) Anatomie comparée du système nerveux considere dans ses rapports avec
l'intelligence. Gratiolet dit ailleurs (De la physionomie et des mouvements d'ex-
pression) : «Il résulte de tous les faits que j'ai rappelés que les sens, l’imagina-
tion et la pensée elle-mème, si élevée, si abstraite qu’on la suppose, ne peuvent
s'exercer sans éveiller un sentiment corrélatif et que ce sentiment se traduit di-
rectement, sympathiquement, symboliquement ou métaphoriquement dans toutes
les sphères des organes extérieurs qui le racontent tous, suivant leur mode
d'action propre, comme si chacun d’eux avait été directement affecté. »
(2) Voy. aussi celles de M. de Varigny, Comptes rendus, n° 24.
(3) J'ai noté cependant dans quelques expériences le fait inverse : la pression
de la main diminuait, comme s’il s’établissait une compensation entre ces mou-
vements et ceux de la respiration.
SÉANCE DU D JUILLET 453
temps que dure la recherche de l’objet et surtout au moment de la décou-
verte, il se produit des modifications remarquables dans les mouvements du
cœur. J’ai fait sur ces divers points plusieurs expériences ; je noterai seu-
lement l’arrêt du cœur survenu plusieurs fois au moment où je trouve
l’objet caché. Ce sont là des exemples de l'influence bien connue, depuis
anecdote classique d’Antiochus et de Stralonice, des émotions sur les
mouvements du cœur. Mais ces faits montrent clairement, ce me semble,
le rapport qu'il y a entre l'intensité de l’image et les mouvements incon-
scients. Ce rapport me paraît si étroit, que je pense qu’en en faisant varier
un des termes, l’autre variera : en augmentant, au moyen du haschich par
exemple (et nous songeons, M. Ch. Richet, qui me les a proposées, et moi,
à réaliser ces expériences), la vivacité des images, on augmentera vraisem-
blablement l’intensité des mouvements dont il s’agit.
On a une autre preuve de la réalité de cette relation dans d’autres expé-
riences que J'ai faites. Je comptais de 0 à 30, le sujet ayant pensé à un
nombre compris entre ces deux extrêmes, et, tant à la vue du tracé que
dans la perception des mouvements se passant dans sa main, je disais à
quel nombre il avait pensé. Or ces expériences, si elles ont réussi chez un
de mes sujets, ont échoué chez un autre. Et encore, chez le premier, j'ai
obtenu des mouvements beaucoup plus faibles, comme on peut le voir sur
les graphiques, que dans les expériences ordinaires. C’est que l’image d’un
chiffre est déjà beaucoup moins une image sensible qu’une image abstraite;
aussi la tendance motrice diminue-t-elle de force.
Quant au caractère phsychologique de ces mouvements, c’est, on la
remarqué, l’inconscience. Ceci n’est pas absolument exact. J’ai trouvé plu-
sieurs sujets qui ont conscience des mouvements qu’ils exécutent, mais ils
ne peuventpas ne pas les faire; cette conscience sans doute n’est pas précise
comme celle d’un mouvement volontaire, mais enfin elle est encore assez
nette. Chez les autres sujets, la grande majorité, il y a inconscience com-
plète. Il convient done, ce me semble, de distinguer les mouvements en
rapport avec les images en mouvements, tous involontaires, mais les uns
inconscients, les autres conscients.
Tous ces faits relatifs à l'intensité et à l’inconscience variables des mou-
vements dont il s’agit démontrent, je crois, que ces mouvements ne résul-
tent pas simplement d'associations habituelles entre le désir et l’idée de
mouvoir un objet, d'aller le chercher, par exemple, et les mouvements né-
cessaires pour prendre cet objet (1), mais qu’il entre dans la constitution
même des images, qu’il y a en elles des éléments moteurs; de là dans le
cerveau les courants centrifuges desquels résultent les mouvements en rap-
port avec les diverses représentations. € Nos perceptions, dit M. Ribot,
en particulier les plus importantes, celles de la vue et du toucher, impli-
(1) C’est la théorie à laquelle Darwin semble s’ètre trop exclusivement attaché.
Voy. L'expression des émotions, passim, et surtout p. 7.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 27. 35
LA
454 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
quent à titres d'éléments intégrants, des mouvements de l'œil où des
membres (1). » Par conséquent, si dans la vision réelle le mouvement est un
élément essentiel, il doit jouer le même rèle dans la vision purement men-
tale, «idéale ». Il s'ensuit, comme le dit Hughling Jackson, € qu'il doit y
avoir un élément moteur aussi bien qu’un élément sensoriel dans le sub-
stratum anatomique dont la faible décharge correspond à ce que nous appe-
lons penser à un objet (2) ». ‘
Je ne m’excuserai pas d’avoir été obligé de faire un peu de psychologie
devant la Société ; la psychologie, devenant chaque jour une science plus po-
sitive, ne tend-elle pas à rentrer de plusen plus, du moins pour une grande
partie des questions dont elle s'occupe, dans le cadre des études physiolo-
giques ?
SUR LA NON-ACCUMULATION DU CHLOROFORME DANS L'ORGANISME
APRÈS L'ANESTHÉSIE COMPLÈTE, par M. Paul BERT.
J'ai montré, par des analyses chimiques dont j'ai communiqué les résul-
tats à la Société, que, lorsqu'un animal respire un mélange titré d’air etde
-chloroforme, il commence par consommer une certaine quantité de chloro-
forme, pour arriver à l’anesthésie complète, et qu’à partir de ce moment
il ne détitre plus le mélange qu’il respire, il n’absorbe plus de chloroforme.
Il ne se fait done pas, comme on l'enseigne partout, d’emmagasinement
_indéfini de chloroforme dans l’organisme; et si la mort survient au bout
d’un certain temps, cela tient non pas à ce qu'il y a eu accumulation exces-
sive de chloroforme, mais à ce que la vie des éléments anatomiques est
incompatible avec la proportion nécessaire pour amener cet état d'anes-
thésie complète.
En d’autres termes, il y a saturation, à un certain mement, de l’organisme,
qui ne peut plus prendre de chloroforme sous la tension où il se trouve
dans le mélange titré. Si l’on augmente le titre de ce mélange, une nou-
velle quantité de chloroforme entre dans l’organisme, jusqu’à saturation
nouvelle, et la mort survient encore plus rapidement.
L'expérience suivante met cette vérité en lumière sous une forme très
saisissante.
* Je fais respirer à un chien À, un mélange de 10 grammes de chloro-
forme dans 100 litres d'air ; c’est le mélange limite, au-dessous duquel
(1) Les maladies de la volonté, p. 7. Voy. aussi le remarquable article publié
par M. Ribot dans le numéro d'octobre 1874 de la Revue philosophique sur Les
mouvements et leur importance psychologique.
(2) Clinical and physiological Researches on the nervous system, p. 18.
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ot
SÉANCE DU 9 JUILLET.
l’anesthésie est très lente et imparfaite. Il devient insensible à la cornée au
bout de quatre à cinq minutes. Un quart d'heure après, je fais respirer à
un second chien B, l'air expiré par le premier. Or il s’anesthésie au bout de
quatre minutes, et dort bientôt aussi profondément que son compagnon.
Au bout d'une nouvelle demi-heure, je fais respirer à un troisième
chien C, l’air qui a traversé les poumons des deux premiers. animaux. Il
s’endort à son tour en quatre minutes, et reste parfaitement anesthésié.
Je suis persuadé qu'on aurait pu ajouter à la chaîne une série indéfinie
d'animaux, et qu'ils se seraient tous anesthésiés, si l’on avait pris la pré-
caution de ne les mettre en place que de demi-heure en demi-heure. Mais il
faut compter avec l’épuisement de l’air et les phénomènes de l’asphyxie.
En tous cas, l’expérience démontre nettement que le mélange ne s’était
pas détitré en traversant les poumons des deux premiers animaux.
Mais il ne faudrait pas croire qu’au moment où un animal est devenu
insensible, même à la cornée, il soit saturé de chloroforme en rapport avec
la tension du mélange titré. Non, il continue à absorber encore du chloro-
forme pendant un certain temps. En voici la preuve :
Un chien est anesthésié en quatre minutes avec le mélange à 10 pour 100.
Aussitôt je fais respirer à un second chien l’air expiré par le premier. Or
celui-ci ne devient insensible qu’au bout de douze minutes, ce qui prouve
bien évidemment qu'il ne respirait pas le mélange à 10 pour 100, mais un
mélange détitré.
Action de l'asphyxie. — Le chien C respirait un air déjà deux fois
expiré, et par conséquent épuisé, asphyxique, ne contenant probablement
guère que 13 à 14 pour 100 d'oxygène. Aussi sa muqueuse buccale était
évidemment noirâtre.
Or ce chien parfaitement anesthésié, même à la cornée, n’est resté
tranquille à aucun moment de l'expérience. Sans cesse il était en trépida-
tion, remuant les pattes, la mâchoire, les paupières, par des mouvements
faibles et incoordonnés. Ces phénomènes étaient dus à l’asphyxie.
J'ai montré en effet, dans un travail ancien, que, si l’on noie un animal
bien anesthésié, il a des convulsions, moins fortes il est vrai que celles
d’un animal sain. « Cela prouve, disais-je, que le pouvoir excito-moteur des
centres nerveux est resté intact, la réceptivité de la moelle épinière ayant
disparu; puis que l'excitation de la moelle par un sang privé d'oxygène a
pour conséquence des mouvements (1). »
Gône respiratoire. — Les deux chiens À et B m'ont donné un exemple
bien saisissant de l'influence néfaste chez les animaux très profondément
chloroformés, des gènes respiratoires.
(1) Sur la prélendue periode d'excilalion dans l'empoisonnement par le
chloroforme et l'éther (Acad. des sciences, 18 mars 1867).
456 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Entre chaque chien, — car les trois animaux respiraient en chaine,
grâce à un triple jeu de soupapes — j'avais placé un petit sac de caoutchouc
destiné à éviter l'influence réciproque des rythmes respiratoires. Or, à la
fin de l’expérience, un petit accident ayant maintenu gonflés ces deux sacs,
qui opposaient ainsi une certaine résistance à l'expiration des deux chiens
A et B, ceux-ci sont morts soudainement, et, comme toujours, par arrêt
respiratoire. Ils étaient du reste très pris, et depuis longtemps les mouve-
ments respiratoires des naseaux avaient cessé, ce qui indique que le bulbe
ne fonctionnait plus régulièrement.
Je ne saurais trop insister sur les dangers que fait courir à un malade
profondément anesthésié le moindre obstacle au libre jeu de la respi-
ration.
SUR LA THÉORIE DE L'IDÉOPLASTIE. Note de M. le docteur J. Ocaorowiez (1).
D’après la classification motivée dans ma précédente communication, il
y à lieu de distinguer trois catégories de phénomènes idéoplastiques :
° Idéoplastie des sensations : positive et négative.
2° [déoplastie des mouvements : positive et négative.
3° Idéoplastie matérielle ou trophique : positive et négative.
Il nous reste l’explication des faits. Expliquer veut dire : réduire un fait
* isolé à des conditions connues, suffisantes et nécessaires. Les conditions
de l’idéoplastie sont doubles : psychiques et physiologiques.
Conditions psychiques. — Les idées peuvent, jusqu'à un certain point,
être considérées comme des forces. Elles s’enchainent par association et
leur action ne se manifeste d'ordinaire qu'intérieurement. Pour qu’elles
produisent un effet extérieur par rapport au cerveau, il faut, ou bien une
excitation extérieure, ou bien un acte de volonté. Dans l’idéoplastie, il en est
autrement : l’idée provoque un effet sans une excitation extérieure suffi-
sante et indépendamment d’un acte de volonté, quelquefois même contrai-
rement aux excitations et à la volonté. D'où provient cette autonomie de
l’idée? Elle provient d’une augmentation d'intensité. L'idée d’une lumière,
en augmentant d'intensité, se transforme en une sensation de lumière. La
représentation d’un mouvement, en augmentant d'intensité, produit le
mouvement, etc. Et quelle est la cause de cet accroissement d'intensité?
La voici : Dans les conditions ordinaires une idée ne se présente jamais
seule; elle est toujours associée à un groupe d’autres idées. Tout en pen-
sant à un lion que je ne vois pas, je vois le papier sur lequel j'écris ces mots,
(1) Communication faite à la séance du 28 juin 1884.
SÉANCE DU D JUILLET. 457
je vois ma main, la plume, l’écriture, je ressens la position de mes membres,
j'entends les bruits de la rue, etc. Toutes ces idées, sensations, représenta-
tions se dessinent dans mon esprit avec plus ou moins de netteté. Plus leur
nombre est grand, moins elles sont nettes, car elles s’effacent, elles se para-
lysent mutuellement. En concentrant ma pensée sur un bruit éloigné, je per-
cois mieux ce bruit, mais en même temps je reste relativement sourd pour les
autres bruits, et il arrive, quand nous attendons avec impatience un signe
convenu, que nous le percevons par l’idéoplastie, avant qu'il se soit pro-
duit réellement. C'est donc par un isolement de l'attention, par l’élimina-
tion des idées étrangères, que l’idée dominante acquiert son intensité
exceptionnelle. Elle est plus forte que d’habitude, parce qu’elle est seule,
parce qu’elle n’a pas d'obstacles intérieurs. Je peux, tout en écrivant, me
représenter un acte de bâillement et il restera dans mon esprit comme
un simple souvenir d’un mouvement réflexe, contre-balancé par d’autres
idées; mais si, sans avoir une préoccupation quelconque, je contemple pas-
sivement une personne qui bâille, je commencerai à bâiller moi-même par
l’idéoplastie imitative. Dans tous les cas d’idéoplastie, cette condition
psychique est nécessaire : il y faut une tendance marquée vers le monoï-
déisme, c’est-à-dire vers l'isolement de l’idée dominante. Autrement elle
restera € à l’état faible » et ne pourra pas se traduire en une sensation ou
en mouvement. L’idéoplastie matérielle dénote un état de monoïdéisme
encore plus prononcé. Elle ne peut se produire que dans l’état hypnotique
complet (ne serait-ce que momentanément) et par une action monoïdéistique
forte et prolongée. C’est alors que l’idée arrive au maximum de se puis-
sance; elle règne en souveraine. Toutes les sensations étrangères sont
abolies et l’esprit est devenu une tabula rasa, sur laquelle l’idée suggérée
se réfléchit avec une intensité inouïe. Elle gouverne alors le système ner-
veux toutentier. Mais comment se fait-il que l’idée d’une hémorrhagie par
exemple, qui est toujours quelque chose d’idéal, de subjectif, peut produire
l’hémorrhagie elle-même, qui est un fait objectif et matériel? Pour le com-
prendre, il faut avoir recours aux conditions physiologiques.
Conditions physiologiques. — I n’est pas douteux que les changements
trophiques de l’idéoplastie matérielle s’effectuent par l'intermédiaire des
nerfs vaso-moteurs. Une surexcitation ou une paralysie de ces nerfs, diver-
sement combinées, peuvent en rendre compte d’une manière plus ou moins
complète. Mais comment une idée arrive-t-elle à influencer les aerfs vaso-
moteurs? À la rigueur, ce n’est pas l’idée comme telle, qui détermine ces
changements. Elle n’est que le point de départ d’une action et non pas
l'agent proprement dit. Et c’est ici que je voudrais insister sur une caté-
gorie des associations, fort importante, et très peu étudiée. Il ne faut pas
s’imaginer que ce ne sont que des idées qui peuvent s’associer entre elles.
Il y a aussi des associations psycho-physiques entre les idées d’une part et
certains états organiques d'autre part. Ces états, qui sont des complexus
458 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
physiologiques fort divers, n'arrivent jamais à la conscience : nous pouvons
bien remuer un doigt, tel ou tel, quoique nous n’ayons aucune connaissance
ni des nerfs, n1 des muscles, ni des courants nerveux qu'il faut mettre en
action pour y arriver. C’est l’association idéo-organique qui se charge de
l'exécution de notre volonté. Cette association est en partie héréditaire et
en partie acquise, mais même en tant qu'acquise elle reste inconsciente; ce
n'est que son premier anneau (l’idée) qui arrive à la conscience. Or, dans
l’idéoplastie matérielle, nous avons affaire à des associations de ce genre.
D'un côté, l’idée d’un changement ; de l’autre, un complexus organique, qui
amène ce changement. Et comme dans la reproduction des idées, l’idée
présente réveille une sensation ou un mouvement passé, de même ici
l’idée dominante réveille un état organique particulier, avec lequel elle est
en association inconsciente. C’en est aussi un genre de mémoire, mais
d’une mémoire inconsciente et matérialisée.
Et elle est bien puissante, cette mémoire ! Si, d’un côté, les états patho-
logiques des organes peuvent déterminer des idées maladives dans le cer-
veau ; de l’autre côté, à force de la loi de réversibilité, lés idées favorables
ou défavorables à la santé peuvent améliorer ou empirer l’état général de
l'organisme. L'influence est parfaitement mutuelle, parce qu’elle s’effectue
entre deux anneaux d’une même association. Quelquefois un simple chan-
gement de milieu suffit pour produire une amélioration ; parce que, dans un
endroit donné, tous les objets, même indifférents, se sont associés d’une
manière inconsciente à un certain état maladif et ‘le provoquent, le sou-
tiennent, le favorisent machinalement, par l’association idéo-organique.
Il y a des sujets (lexemple a été déjà cité par Boerhaave) chez lesquels
l’idée d’une maladie, la représentation exacte de ses symptômes, suffit pour
déterminer la maladie elle-même, une maladie bien réelle. Le cas est
extrême, mais l’agent reste le même. Lorsqu'on nous parle d’une « chaleur
étouffante », nous comprenons bien de quoi il s’agit, parce que l’idée de la
chaleur réveille en nous d’une manière imperceptible l’état physiologique
de l’échauffement. Supposez une sensibilité plus grande, une facilité
exceptionnnelle des reproductions idéo-organiques, et vous aurez un
échauffement palpable. S'il est vrai, comme l'avait très bien remarqué
M. Brown-Séquard, que tous les phénomènes de l’hypnotisme ne sont que
des manifestations d’inhibition ou de dynamogénie, les phénomènes d’idéo-
plastie ne sont qu'une inhibition ou dynamogénie, conditionnées par une
association idéo-organique, tandis que les autres cas d’inhibition et de
dynamogénie dépendent des associations purement physiologiques : organo-
organiques. Si, par exemple, l'excitation du nerf splanchnique arrête les
mouvements de l’intestin, c’est que ces deux phénomènes relativement éloi-
gnés : lirritation du nerf splanchnique et une parésie des muscles de l’in-
testin, sont associés physiologiquement d’une manière plus ou moins
inconnue, mais de même qu’un sentiment donné s'associe à certains
mouvements d'expression. La théorie des associations organo-organiques et
SÉANCE DU D JUILLET. 459
idéo-organiques n’explique pas, il est vrai, ce qui reste malheureusement
inexplicable dans l’état actuel de nos connaissances, à savoir les causes
intimes de la plupart de ces associations; mais en tous cas, elle pourra con-
tribuer, je l’espère, à subordonner des faits fort divers à un même prin-
cipe et à un même mécanisme associationiste. La psychologie et la physio-
logie se trouvent ainsi réunies et on pourra dès lors rechercher les lois des
associations physiologiques, comme on a déjà étudié les lois des associa-
tions psychiques. C'est en perdant ses associations psychiques dans l’état
de monoïdéisme, que l’idée retrouve ses associations organiques, qu’elle
s’enchaine à elles, qu’elle provoque des modifications dans les organes, avec
une force d’autant plus décisive et irrésistible, qu’elle est elle-même puis-
sante et irrésistible. Elle se confond pour ainsi dire avec l’état qu’elle re-
présente, elle le réalise. On pourrait dire que les cas d'inhibition organo-
organique sont pour la plupart des associations par contraste, où l’excita-
tion de a s’associe à un arrêt de b, tandis que les dynamogénies sont des
associations par similitude, lorsqu'une excitation & est suivie de l’excita-
tion b. Et elles peuvent être causales, indissolubles ou seulement acciden-
telles; car, de même qu'entre les idées, il y a des associations physiolo-
giques par contigquité, c'est-à-dire des associations effectuées par un
simple rapprochement dans le temps ou dans l’espace. L'état maladif «
s'associe à un autre état maladif d par cette simple raison, que des causes
accidentelles les ont produits simultanément ou l’un après l’autre. Dès lors,
il suffit que l’état à se présente pour que l’état b soit ressuscité en même
temps. Aussi il faut bien se méfier des associations idéo-organiques par
contiguité, qu'on prend souvent pour des associations causales. On croit,
par exemple, que « l’état somnambulique s'obtient par une pression sur le
vertex », Landis qu'entre ces deux phénomènes il n’y a aucune relation de
causalité. Le principe des associations idéo-organiques bien compris, tout
en rendant compte des phénomènes d’idéoplastie motrice et matérielle,
fera disparaître ces observations individuelles et artificielles qui gêne beau-
coup l’étude indépendante et rigoureuse de ces phénomènes compliqués.
Je n’ai pas eu, dans cette courte notice, d'autre intention que d’esquisser
à grands traits les principes généraux d’une théorie de l’idéoplastie. Aussi
j'ai omis à dessein l’analyse des conditions physiologiques particulières, et
la confrontation de ces remarques générales avec les théories des phéno-
mènes idéoplastiques qui ont été émises par Braid, Durand, Charpinion,
Liébeault et Bernheim. Je me réserve cette tâche pour un ouvrage détaillé.
BOURLOTON. — hüprimeries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris.
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461
SÉANCE DU 12 JUILLET 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
RECHERCHES SUR L’ÉLIMINATION DE L'ACIDE PHOSPHORIQUE CHEZ L'HOMME
SAIN, L'ALIÉNÉ, L'ÉPILEPTIQUE ET L'HYSTÉRIQUE (HERO communi-
on) par M. MarRET.
Dans la précédente séance, j'ai indiqué les résultats biologiques auxquels
m'a conduit l’étude de l'élimination de l’acide phosphorique chez l’homme
sain. Cet acide se lie à la nutrition du musele, du système nerveux et à la
nutrition générale; mais ces facteurs influencent différemment l'élimination
des phosphates. L'activité musculaire augmente l’excrétion de l’acide phos-
phorique uni aux alcalis et de l’azote et laisse intact ou diminue le rende-
ment de l'acide phosphorique uni aux terres; le travail intellectuel, au
contraire, augmente l’excrétion des phosphates terreux et diminue lélimi-
nation de lazote et de l’acide phosphorique uni aux alcalis; enfin la
nutrition générale agit dans le même sens sur les deux espèces de phos-
phates et sur l’azote. L'étude comparative de l’acide phosphorique uni aux
terres, de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de l’azote permet donc de
distinguer ce qui revient au système nerveux de ce qui revient au système
musculaire et à la nutrition générale lorsque ces facteurs agissent simulta -
nément. Rappelons encore, pour rendre plus facile cette distinction, que
chez l’homme sain le rapport entre l’acide phosphorique uni aux terres et
l'acide phosphorique uni aux alcalis est en moyenne comme 1 est à 5.
Par suite, nos recherches physiologiques transportées dans le domaine
de la pathologie nous permettront évidemment, si dès modifications se
produisent dans le rendement de l'acide phosphorique sous l'influence des
maladies fonctionnelles du système nerveux, de savoir si ces maladies
modifient les échanges qui se passent au sein de Ja substance nerveuse.
C’est sur les résultats que nous avons obtenus à cet égard dans l’aliénation
mentale, Pépilepsie et lhystérie, que nous désirons attirer aujourd’hui
l'attention de la Société, Mais tout d’abord il est nécessaire de savoir si ces
maladies modifient, relativement à la normale, l'élimination de l'acide
phosphorique.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 28. 46
462 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
Pour cela, il faut encore comparer l’état pathologique à l’état physiolo-
gique, et comme différents éléments peuvent modifier lélimination de
l'acide phosphorique, il faut que l'élément maladie distingue seul l’homme
malade de l’homme sain. Nous ne pouvons insister sur les conditions né-
cessaires pour qu’il en soit ainsi, on les trouvera exposées en détail dans
notre travail. Nous dirons seulement que la comparaison entre l’état de
maladie et l’état de santé est possible au double point de vue de la quantité
et de la qualité de l’acide phosphorique éliminé, et cela que la maladie
soit curable et que par conséquent on puisse suivre le malade jusqu’à sa
guérison et comparer ainsi chez lui l’état de maladie à l’état de santé; que
la maladie soit incurable et qu’on doive comparer l’élimination de l’acide
phosphorique chez le malade en observation avec ce qui existe chez l’homme
sain en général; qu’on veuille enfin comparer chez un même individu deux
périodes différentes d’une même maladie.
Nous pouvons maintenant aborder l'étude de l’élimination de l'acide
phosphorique chez l’aliéné, l’épileptique et l’hystérique. Toutefois, pour ne
pas donner trop d'extension à cette communication, nous nous limiterons à
l'étude de cette élimination dans la manie, la Iypémanie et Pépilepsie.
Manie et acide phosphorique.— Nos recherches nous montrent que l’état
maniaque peut être divisé relativement à l’influence qu’il exerce sur lélimi-
nation de l’acide phosphorique et de l'azote en quatre périodes : agitation,
dépression, rémission et convalescence, qui se comportent de la manière
suivante :
Acide Acide Acide
Azote. phosphorique phosphorique phosphorique
total. uni aux terres. uni aux alcalis.
Agitation....... Augmenté. Augmenté. Augmenté. Augmenté.
Dépression . .... | Diminué. Diminué. Augmenté. Diminué.
Rémission...... Diminué. Diminué. Diminué. Diminué.
Convalescence…. Diminué. Diminué. | Diminué. Diminué.
Nous laisserons de côté ce qui à trait à la rémission et à la convales-
cence pour ne nous occuper que des périodes d’agitation et de dépression.
Pour que l'agitation marque son action sur l'acide phosphorique éliminé
par les urines, il faut que cette agitation ait une certaine intensité, sinon
aucune modification ne se produit. De plus à une agitation d'apparence
extérieure semblable peuvent correspondre des modifications un peu diffé-
rentes dans l'élimination de Pacide phosphorique, suivant qu’on considère
la période d’état ou la période de déclin de Ia maladie. À la période d’éta,
’
SÉANGE DU 12 JUILLET. 403
le chiffre de l’acide phosphorique uni aux terres est plus augmenté qu’à la
période de déclin, tandis que le chiffre de l’acide phosphorique uni aux
alcalis reste le même dans les deux cas. Or, comme dans la période d’état,
les troubles intellectuels sont plus marqués qu’à la période de déclin, on
est amené, d’après ce que nous a appris la physiologie, à attribuer à ces
troubles la plus grande augmentation constatée dans le rendement des
phosphates terreux, tandis que l’augmentation des phosphates alcalins se
rattacherait à l'élément agitation. Cette manière de voir s'impose lorsqu'on
compare les périodes d’agitation et de dépression; dans cette dernière, en
effet, les troubles psychiques persistent, l'augmentation de l’acide phospho-
rique uni aux terres persiste, tandis que, l'agitation ayant disparu, le chiffre
de l’acide phosphorique uni aux alcalis diminue. Nous pouvons donc dire
que la manie dans les période d'agitation et de dépression augmente les
échanges nutritifs qui se passent au sein de la substance nerveuse. Et
comme l’augmentation de l’acide phosphorique uni aux alcalis est entière-
ment liée à l’élément agitation, de même que l’augmentation de l’azote, et
que nous avons vu le travail musculaire augmenter le chiffre de ces deux
substances, 4 est naturel d'attribuer à la suractivité du système
musculaire qui existe pendant l'agitation maniaque une.part.dans, l'aug-
mentation de l'azote et de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Nous
disons une part; et, en effet, cette augmentation reconnaît encore une
autre origine, elle est liée à une suractivité de la nutrition générale,
suractivité qui n’existe plus dans la période de dépression; ici, en effet, la
diminution dans le chiffre de Pazote et des phosphates alcalins prouve que
la nutrition générale est ralentie.
Nos recherches sur la manie nous conduisent donc aux conclusions
suivantes :
« 1° La manie modifie diversement, suivant les périodes, l'élimination
par les urines de l’acide phosphorique et de l'azote.
» 2° La manie modifie les échanges nutritifs qui se passent au sein de la
substance nerveuse; elle les augmente.
» 9° La manie retentit sur la nutrition générale, qu’elle suractive dans les
périodes d’agitation et qu’elle ralentit dans les périodes de dépression. »
Lypémanie et acide phosphorique. — La lypémanie, lorsqu'elle a une
certaine intensité, augmente le chiffre de l'acide phosphorique uni aux
terres et diminue le chiffre de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de
l'azote. Elle modifie donc l'élimination de ces substances de la même ma-
nière que le travail intellectuel et les modifications produites sont suscep-
tibles dans les deux cas des mêmes interprétations, de sorte que nous
pouvons dire :
« 1° La lypémanie augmente les échanges en acide phosphorique qui se
passent au sein de la substance cérébrale.
» 2° La Jypémanie ralentit la nutrition générale. »
404 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Le retentissement de la lypémanie sur la nutrition générale est une ques-
tion intéressante à étudier dans son ensemble, nos recherches à ce sujetsont
encore très incomplètes. Cependant des expériences faites sur la numéra-
tion des globules du sang dans cette forme d’aliénation mentale, prouvent
que la lypémanie a une grande influence sur l’hématopoièse; elle peut
modifier dans des proportions parfois considérables les rapports entre les
olobules blancs et les globules rouges.
Épilepsie et acide phosphorique. — L’épilepsie, en dehors des attaques
et de l’état de mal, ne modifie pas l'élimination de l’acide phosphorique et
de l’azote.
Les attaques d’épilepsie augmentent l'élimination de l'azote, de lacide
phosphorique uni aux terres et de l'acide phosphorique uni aux alealis.
L'augmentation de lacide phosphorique uni aux terres .est proportionnel-
lement plus considérable que celle de l’acide phosphorique uni aux alcalis
el de l’azote ; de plus l’augmentation des phosphates terreux se retrouve en
dehors des attaques sous l'influence des vertiges, tandis que dans ces cas
l'azote et les phosphates alcalins ne sont pas augmentés. Par conséquent,
l'augmentation de l'acide phosphorique uni aux terres qu'on constate sous
l'influence des attaques doit être attribuée, comme pour le travail intellec-
tuel, à un déchet en acide phosphorique dû à une suractivité dans les
échanges en cet acide qui se passent au sein de la substance nerveuse.
Inversement, l’augmentation de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de
l'azote doit être recherchée ailleurs que dans le système nerveux; elle est
due à la mise en activité du système musculaire qu’entrainent après elles
les attaques.
L’état de mal épileptique produit dans l'élimination de l’azote et de l'acide
phosphorique des modifications de même ordre que celles auxquelles don-
nent lieu les attaques et qui reconnaissent la même origine.
Ces différents faits établis, nous pouvons résumer comme suit les rapports
qui existent entre l° lee et l'acide phosphorique :
« 1° Dans l’épilepsie, en dehors des attaques et de l’état de mal, l’élimi-
nation de lazote et de l'acide phosphorique par les urines n’est pas mo-
difiée
» 20 Les attaques et lé lat de mal épileptique augmentent l'élimination de
l’azote et de l'acide phosphorique; ils suractivent les échanges quise passent
au sein du système nerveux. »
En résumé, les recherches que nous avons faites montrent que les ma-
ladies fonctionnelles du système nerveux modifient les échanges nutritifs
qui se passent au sein de ce système et qu’on peut se rendre compte des
modifications produites par l'examen des urines. C’est bien, en effet, à la
nutrition qu'il faut altribuer les modifications que nous avons constatées
dans Pélimination des phosphates ; ces modifications sont indépendantes de
SÉANCE DU 12 JUILLET. 465
la forme que revêt l’activité nerveuse ; elles sont les mêmes lorsque celle-ci
s'exprime par des troubles de l’idéation comme dans l’aliénation mentale
ou par des troubles d’un autre ordre comme dans l’épilepsie ; elles sont les
mêmes peu importe la forme que revêt l’idéation, on les retrouve en effet dans
les deux formes les plus opposées de l’aliénation mentale, dans la manie et
la lypémanie. Ces modifications nutritives, que produisent les maladies
fonctionnelles du système nerveux et que mettent en relief nos recherches
donnent lieu à des indications thérapeutiques sur lesquelles nous n’insis-
terons pas ici et qu’on retrouvera dans notre travail.
DE LA DÉMENCE ALCOOLIQUE, par M. MAIRET.
Jé voudrais encore prier la Société d'accepter un autre travail se rap-
portant comme le précédent aux maladies du système nerveux et intitulé :
De la démence alcoolique, contribution à l'étude de la périencéphalite
chronique localisée et à l'étude des localisations cérébrales d'ordre psy-
chique.
Ce travail, basé sur l'observation clinique, est tout différent de celui dont
nous venons d'exposer la substance ; cependant il s’en rapproche peut-être
par un point. Si nos recherches biologiques sur l’acide phosphorique nous
ont permis de montrer que cet acide est intimement lié à la nutrition du
cerveau, elles ne nous ont pas révélé le pourquoi de la différence que revêt
la manifestation psychique; nous avons vu, en effet, les formes les plus
opposées de cette manifestation modifier dans le même sens la nutrition du
cerveau. Certes, il est possible que des recherches faites sur d’autres
substances que l’acide phosphorique nous livrent le secret de ces différences
dans l’expression du fonctionnement cérébral, mais peut-être aussi est-ce
ailleurs qu’il faut chercher ce secret; c’est du moins une manière de voir
vers laquelle nous portent les observations consignées dans notre travail
sur la démence mélancolique.
Dans ces observations dans lesquelles les troubles psychiques se tra-
duisent pendant la vie par des idées de tristesse, nous rencontrons à l’au-
topsie des lésions localisées dans des régions identiques du cerveau. Gette
localisation des altérations anatomiques en des régions toujours les mêmes
nous à naturellement amené à nous demander s’il n’existait pas une rela-
tion de cause à effet entre elles et les idées de tristesse qui existaient pendant
la vie. Différents témoignages sont venus nous affermir dans cette manière
de voir. Ces témoignages, tirés de faits identiques aux nôtres et publiés
par divers auteurs, d'observations de paralysie générale, de Pétat des ré-
gions du cerveau, que nous soupçonnions être le siège des idées de tristesse,
sous l’influence d’un fonctionnement exagéré, et enfin d'expériences faites
466 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
|
sur les animaux; ces témoignages, disons-nous, nous ont amené à nous
demander : si les circonvolutions qui forment la lèvre inférieure de la
scission de Sylvoius, et en arrière de cette lèvre et sur une étendue encore
indéterminée, les circonvolutions temporales et surtout les circonvolu-
tions sphénoïdales etles circonvolutions de l’'hippoccampe ne seraient pas
le siège des idées de tristesse.
Toutefois, hätons-nous de le dire, cette question de la localisation des
idées de tristesse n’est que posée ; pour qu’elle passe dans le domaine de
la science, il faut, comme nous le disons dans notre travail, qu’elle s’appuie
sur des faits plus nombreux que ceux que nous avons pu réunir et surtout
qu’elle soit confirmée par un grand nombre d’expérimentateurs.
Mais ces données de physiologie pathologique ne sont qu’un des côtés de
notre travail sur la démence méaneenine. Nous avons voulu surtout, dans
celui-ci, dégager un type clinique jusqu'ici laissé dans l’ombre et qui nous
paraît mériter une place dans le cadre nosologique.
Ce type, caractérisé au point de vue symptomatique par un délire mélan-
colique, un état d’affaiblissement radical de lintelligence, dont on retrouve
souvent les traces dès les premières périodes de la maladie et qui par consé-
quent n’est pas consécutif au délire, et par des troubles paralytiques locali-
sés, présente, à l’autopsie, des lésions de même nature que celles qui existent
dans la paralysie générale, mais qui, au lieu d’être diffuses, sont localisées.
Ce type est donc à la paralysie générale ce qu’est une inflammation localisée
à une inflammation diffuse, et comme trait d'union entre la démence mélan-
colique et la paralysie générale, la clinique nous montre des faits dans les-
quels la lésion d’abord localisée se généralise.
La connaissance du type clinique que nous avons dégagé nous paraît
avoir une réelle importance au point de vue du pronostic et du traitement;
elle nous paraît avoir une importance non moins grande au point de vue de
la pathologie générale, en ce sens qu’elle nous montre la périméningo-encé-
phalite, que nous ne connaissions jusqu’à présent que comme une inflam-
mation diffuse, suivre les lois qui régissent l’inflammation.
PRÉPARATION DE PEPTONE DE FIBRINE POUVANT SERVIR D'ALIMENT,
par M. GRÉHANT.
Dans un Mémoire publié dans les Archives de Pfluger en 1875,
MM. Plosz et Gyergyai (de Budapest) ont exposé les résultats qu'ils cu
obtenus en nourrissant des chiens avec des solutions de peptone de fibrine :
en six Jours, le poids d’un animal nourri de peptone, d’une solution de
sucre et d’eau, s’accrut de 2ks,53 à 2ks,79 ou de 260 grammes. Ce travail
m'a donné l’idée de proposer l’emploi de solutions de peptone de fibrine
SÉANCE DU 12 JUILLET. 467
chez des malades ou des convalescents, et je crois que ce mode d’alimenta-
tion peut rendre de grands services.
La fibrine du sang, que l’on peut se procurer à bas prix dans les abattoirs,
se dissout, comme on le sait, très facilement dans le suc gastrique naturel
ou artificiel ; je me suis servi d’abord de suc gastrique du chien obtenu par
une fistule, mais j'ai bientôt renoncé à ce moyen, qui fournissait trop peu de
liquide et de peptore pour un emploi médical.
Je compose un suc gastrique artificiel formé de :
Pepsine amylacée du commerce ....... 2 grammes.
Acide chlofbydriQue nur er 4 centimètres cubes.
au PER ne de SARL 1 litre.
En soumettant à l’action de ce liquide 100 grammes de fibrine du sang
humide, lavée à plusieurs reprises dans l’eau qui enlève peu à peu les glo-
bules du sang et décolore la fibrine et en chauffant dans l’étuve de 40 à
45 degrés, on obtient au bout de vingt-quatre heures une solution à peu
près complète.
On filtre le liquide sur un linge, on le fait bouillir et on l’additionne de
bicarbonate de soude jusqu’à ce qu'on obtienne une solution neutre ou
légèrement alcaline, qui filtre rapidement sur du papier et qui est donnée
au malade.
Cette solution de peptone de fibrine précipite très abondamment par une
solution de tannin.
En été, la fibrine fraiche s’altérant assez vite, on peut, après l’avoir lavée
à grande eau, la soumettre à la presse et la conserver dans l’alcool.
Avant de faire agir sur la fibrine ainsi conservée le suc gastrique artifi-
ciel, on exprime l’alcool à la presse et on lave à grande eau pour qu’il ne
reste plus d'alcool; la solution de la fibrine ainsi conservée se fait aussi
bien que celle de la fibrine fraiche.
La préparation de plusieurs litres de peptone de fibrine peut se faire
chaque jour, et n’exige qu’une demi-heure.
À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. GRÉHANT, par M. BoucHEREAU.
L'alimentation des aliénés est un problème souvent difficile, non seule-
ment parce que ces malades refusent toute nourriture sous l'influence de
leurs conceptions délirantes, mais il arrive parfois qu’ils dépérissent tout en
prenant une quantité de nourriture en apparence suffisante pour des indi-
vidus du même âge et de la même constitution; ce fait, particulier à cer-
468 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tains mélancoliques, résulte de ce que chez eux l'assimilation des aliments
ne s'opère pas comme dans les conditions de la santé ordinaire : les
régimes les plus substantiels ont souvent été prescrits sans succès.
Dans le but d'arriver à alimenter certains aliénés mélancoliques, M. Bou-
chereau a fait usage de fibrine préparée chaque jour par M. Quesneville,
pharmacien de l'asile Sainte-Anne, suivant les indications et procédés que
M. Gréhant à fait connaître : la fibrine a été donnée quotidiennement à la
dose d’un litre, mélangée à du bouillon gras ou maigre, à du lait, à des
substances aromatisées : elle a été presque toujours acceplée facilement : la
fibrine n’a pas été donnée en général à l'exclusion de tout autre aliment,
mais associée au régime de la maison.
Parallèlement, d’autres aliénées mélancoliques se trouvant dans la même
situation physique et mentale reçoivent les rations habituelles sans addition
de fibrine : or on a vu les premières, qui recevaient de la fibrine, s’amé-
liorer au point de vue mental et physique, tandis que les secondes n’ont
éprouvé aucune amélioration, bien que soumises au régime alimentaire très
réparateur de la maison : ces faits ont paru dignes d'attention.
Une femme D..., âgée de vingt-huit ans, accouchée le 10 décembre 1883,
entre le 12 janvier 1884: elle a de l’agitation maniaque, des. idées mélanco-
liques ; son pouls varie de 110 à 120 pulsations, sa température oscille
entre 38 et 39 degrés; elle doit garder le lit, car ses jambes ne peuvent la
porter, elle pèse 34k5,600; sa stature est petite; après deux mois et demi
du régime mixte avec fibrine, elle a gagné 45,300; le délire disparaît, les
forces reviennent, elle peut marcher, travailler, reprendre ses occupations,
et sort en apparence guérie.
Une autre, âgée de trente-deux ans, entre pour la seconde fois : son
intelligence à toujours été débile, mais elle a été atteinte de délire mélan-
colique avec tendance au suicide; elle est petite, maigre, pèse 45ks,100 ;
elle prend un litre de fibrine par jour, devient moins sombre, s'occupe,
répond volontiers, montre de l'initiative; elle a gagné seulement 15,200 ;
il y a amélioration sensible au point de vue mental et physique.
Une troisième femme, ägée de trente-deux ans, entre le 23 septembre 1883:
elle présente de l’affaiblissement intellectuel et de la mélancolie anxieuse ;
elle avait éprouvé des chagrins et subi des privations, elle mangeait peu,
dormait mal; sa faiblesse était très grande, elle restait’toute la journée au
même endroit et se tenait difficilement debout; malgré le régime reconsti-
tuant de l'asile, son état n'avait aucune tendance à s'améliorer ; au com-
mencement de mars, elle pesait 55%:,400, et au 30 avril, elle: avait gagné
2k5,800 : on avait ajouté un litre de fibrine à ses rations habituelles. Son
intelligence était devenue plus lucide : elle s'était mise à marcher, à tra-
vailler, les idées mélancoliques avaient disparu, et il restait seulement des
signes de démence.
L'alimentation par la fibrine, venant s’associer au régime habituel, a rendu
SÉANCE DU Â12 JUILLET. 469
de réels services chez les aliénés débilités : aux faits cités on pourrait en
ajouter un certain nombre d’autres recueillis également par M. Vétault, mon
interne, dans lesquels l’état physique seul s’est amélioré sans modifications
pour les dispositions mentales antérieures.
EXPÉRIENCES QUI DÉMONTRENT COMBIEN IL EST DANGEREUX DE RESPIRER
DES VAPEURS NITREUSES, par MM. GRÉHANT et Quinouaup.
On emploie actuellement les vapeurs nitreuses pour détruire les germes
morbides qui peuvent être contenus dans les bagages des voyageurs: il
paraît difficile que, dans l’usage de ces vapeurs d'acide hypoazotique, les
voyageurs et les employés ne soient point exposés à en respirer.
Nous nous sommes rappelé un fait, publié autrefois à la Société de biolo-
gie par notre collègue M. Rabuteau : il s’agissait d’un ouvrier qui, ayant
respiré des vapeurs nitreuses qui s'étaient échappées d’une chambre de plomb,
avait quitté son travail, était retourné chez lui sans éprouver d'autre phé-
nomène qu'une certaine oppression, puis mourait quelques heures plus
tard ; nous avons voulu, par deux expériences faites sur des animaux, démon-
trer de nouveau le danger que présente l no rene des vapeurs nitreuses
dans les poumons.
Première expérience. — Un chien fixé sur une gouttière reçoit sur la
tête une muselière de caoutchouc bien appliquée, qui communique par un
large tube de caoutchouc avec un tube de verre long de 1 mètre, large de
4 centimètres environ, qui traverse un trou percé dans la fenêtre du labora-
toire et s’ouvre au dehors; on fait pénétrer dans l'orifice de ce tube un
long tube de verre uni à l’un des flacons muni d’un robinet, d’un appareil
de MM. Deville et Debray servant de gazomètre, qui a été rempli d’abord
de bioxyde d'azote; on ouvre légèrement le robinet et on fait passer à tra-
vers un barboteur à eau le gaz qui pénètre bulle à bulle dans l’air que res-
pire le chien, qui s’agite vivement ; au bout de dix minutes, on cesse l’expé-
rience, l’animal détaché reste couché sur le flancet présente une respiration
haletante ; on est obligé de le faire porter au chenil ; quarante-huit heures
après, on répète la même expérience et dès les premières inspirations du
mélange loxique, l'animal meurt par arrêt des mouvements respiratoires ; à
l’autopsie, on trouve la trachée et les bronches remplies de mucosités con-
tenant une foule de petites bulles d’air; la trachée' est ple et lépithélium
vibratile ne présente plus le moindre nie, des cils.
Deuxième expérience. — En répétant une seconde fois la même expé-
rience, nous avons fait arriver le bioxyde d’azote plus lentement encore :
470 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l'animal mourut au bout d’une demi-heure et on avait consommé de un à
deux litres de bioxyde d’azote, qui était en partie rejeté au dehors par les:
mouvements d'expiration; il y eut d’abord arrêt de la respiration, puis
arrêt du cœur quelques instants plus tard.
Nos expériences, faites au laboratoire de physiologie de M. Rouget, au
Jardin des plantes, suffisent pour appeler de nouveau l'attention sur le
danger extrême que présente l'introduction des vapeurs nitreuses dans les
poumons.
OBSERVATION DE M. RABUTEAU SUR LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE.
La communication si intéressante et si opportune de MM. Gréhant et
Quinquaud me donne l'occasion d’insister sur le danger des vapeurs
nitreuses et de le préciser davantage. |
Parmi les intoxications provoquées expérimentales, je n’en connais
aucune qui se rapproche davantage du choléra. Mon opinion est fondée sur
l'observation de symptômes graves dont j'ai été victime après l’absorption
accidentelle de vapeurs nitreuses dans la préparation du nitrite d’amyle.
J'ai vu d’autre part, chez les animaux, la cyanose, la réfrigération, des
altérations graves du sang que j'ai indiquées et qui ont été rappelées par
M. Hénocque.
Je rappelleraï, en outre, que les vapeurs nitreuses et les nitrites sont des
poisons excessivement traîtres, peut-être plus traîtres que le phosphore.
Le sang devient peu à peu acide, comme il arrive dans le choléra, et la mort
a lieu souvent plusieurs heures après l’intoxication nitreuse, alors qu’on
aurait pu croire à une amélioration.
NOTE SUR LES PEPTONES DE FIBRINE EN SOLUTION,
par M. Ch. E. Quinquaur.
Nous avons surtout étudié l’action de ces peptones sur le. poids, l’exhala-
tion pulmonaire de CO° et sur l’urée de quelques malades, en choisissant
des cas graves :
Ogs. I. Diabète maigre. Anorexie profonde : en un mois et demi le poids avait
diminué de 5 kilogrammes.
SÉANCEt DU Â2 JUILLET. 471
On donne chaque jour 120 grammes de peptone de fibrine et l’on voit survenir
les modifications suivantes dans le poids et dans l’exhalation de CO?.
Avant l'administration par voie stoma-
cale des peptones le poids est de 62 kilogrammes.
AETOUrS apres MAINS < FOSTER 63 —
Enmoisiapres (Same of REGIIE 64 CE
En moiset/demhaprèsi:s.te tenus: 65 —
L’exhalation de C0? suit la même marche :
Avant la prise des peptones en 6/20" 1sr,40 de CO? est exhalé.
TH JOUESNANEES EP EEE CROATIE —
Un mois aprés "ne" en 69 2 ,10 .
Ors. IL. Ulcère simple de l’estomac avec hématémèse. Vomissements. Gas-
tralgie très accusée. Amaigrissement ; cachexie.
On donne chaque jour 110 grammes de peptone.
Poids avant la prise des peptones..... 56 kilogrammes.
Trois/Semames apres. 2h MeRMENE" 98 —
Exhalation pulmonaire de CO® :
Avant la prise de peptone en 7/5 1sr,25 de CO? est exhalé.
Trois semaines après.... en 71 4,19 —
Ogs. III. Cancer de l'estomac à la phase cachectique. Anorexie profonde,
vomissements quotidiens.
Administration journalière de 100 grammes de fibrino-peptone.
Dans l’espace d’un mois le malade avait maigri de 5k5,400 et pesait 64 kilo-
grammes avant l'alimentation avec les peptones. Un mois après, le malade avait
conservé son même poids.
L’exhalation pulmonaire de CO? avait augmenté.
Avantla prise des peptones en 650” 15r,50 de CO? est exhalé.
Un mois après." en 640 1 ,9%5 —
Os. IV. Phthisie pulmonaire avec excavation au sommet gauche. Amaigrisse-
ment profond. Fièvre hectique. Anorexie, vomissements.
Avant le traitement le malade avait perdu en cinq semaines 4kg,600 de son
poids, qui, la veille de l’alimentation par les peptones, était de 63 kilogrammes,
est resté stationnaire un mois après, où l’on note 63kg,300.
L’exhalation pulmonaire de CO? est plus considérable.
Avant la prise des peptones en 6/ 15r,35 de CO? est exhalé.
Trois semaines après..,. en 6/10” 1 ,85 —
Dans tous ces cas les malades ont pris les fibrino-peptones par l’estomac ;
nous les avons données également dans les autres phases de la phthisie, dans
472 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
diverses dyspepsies, dans les cas de démence sénile, dans diverses affections
de la vieillesse avec faiblesse excessive.
Presque constamment nous avons vu survenir une amélioration très
notable, des malades cachectiques ont pu reprendre de l’'embonpoint, et
assez de force pour se lever et se promener, alors qu’ils ne le faisaient point
depuis plusieurs mois ; les résultats ont été favorables dans les affections
gastro-intestinales. L’urée a constamment augmenté ; l’accroissement a été
de 4 à 12 grammes dans les vingt-quatre heures. |
Chez 4 malades atteints de sténose stomacale et æsophagienne, nous avons
administré par la voie rectale les peptones de fibrine en solution, à la dose
de 140 grammes en solution très légèrement alcaline ; dans tous les cas
l’urée s’est accrue de 5 à 9 grammes en vingt-quatre heures, l’exhalation
pulmonaire de CO? a augmenté, seul le poids est resté stationnaire.
Préparation des fibrino-peptones. — La méthode générale est celle que
l’on emploie ordinairement et celle qu'a préconisée mon ami M. Gréhant;
au cours de mes recherches, j'y ai introduit quelques modifications :
On prend 200 à 250 grammes de fibrine bien lavée, alcoolisée en été
surtout, on l’acidifie avec une solution très étendue de HCI, on lave, la
fibrine se gonfle et l’on y ajoute 5 grammes de pepsine amylacée, 3 centi-
mètres cubes d'acide chlorhydrique et 1 litre d’eau. Le tout est maintenu
dans une étuve à la température de 40 degrés. La digestion artificielle est
faite en quinze à seize heures; on passe à travers une toile de lin, on
neutralise par le bicarbonate de soude, on filtre, puis on verse la solution
de fibrino-peptone dans de petits flacons de 250 grammes préalablement
portés à 200 ou à 100 degrés si les peptones y sont contenues, on ferme
avec un bouchon de liège et on lute avec la parafine.
De cette manière, la substance se conserve et l’on a ainsi des rations
faciles à administrer en deux ou trois fois dans la matinée avec du bouillon
maigre, du lait, du café, avec ou sans aromates. |
RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA SypHilis, par MM. Marcus et de
ToRNÉRY. Travail du laboratoire de M. Vulpian, présenté par M. Bocxx-
FONTAINE.
À Prague, il y a quelques années, M. Klebs a trouvé dans le pus du
chancre induré des bätonnets semblables à ceux de la tuberculose et formant
par leur réunion un feutrage épais. Il aurait même réussi à innoculer
l'affection à un singe en se servant de morceaux de chancre infectant,
plaque, ete., mais non à l’aide de microbes cultivés in vitro.
Depuis, M. Aufrech a découvert dans le pus syphilitique des coccus se
colorant facilement par la fuchsine.
SÉANCE DU 12 JUILLET. 4
1
CO
En France, MM. Martineau et Hamonic ont constaté également dans le
pus du chancre syphilitique la présence de bacilles. Nous avons donc cru
intéressant de reprendre ces recherches, d'autant plus que toutes les inocu-
lations jusqu'ici tentées ne l'avaient pas été avec des microbes provenant
des cultures successives, mais bien avec des produits syphilitiques divers,
tels que chancre, condylome, papules, ete. Ce sont ces cultures que nous
nous sommes d'abord efforcés de réaliser, et voici la méthode à laquelle nous
nous sommes arrêtés après de longs tàtonnements.
On laisse séjourner dans l’eau distillée (250 grammes) placée dans un
endroit frais, 250 grammes de viande maigre pendant vingt-quatre heures
environ. On exprime ensuite la viande avec soin pour retirer le maximum de
l’infusion. On ajoute 10 grammes de peptone non acide et dépourvue de mé-
langes, 5 grammes de chlorure de sodium et 3 grammes de phosphate de
potasse. On chauffe le tout jusqu'à ébullition et les matières albuminoïdes
se coagulent en entier. On filtre et on obtient un liguide jaune clair auquel
on ajoute un peu d’eau pour restituer à l’infusion la quantité d’eau primi-
tive.On y mêle alors une solution de gélatine au cinquième, qu’on a chauffée
à ébullition et à laquelle on fait traverser un entonnoir à filtration chaude.
Puis on neutralise avec de la potasse et on chauffe à l’éballition jusqu’à
120 degrés. On verse le résultat de ces diverses manipulations dans des
tubes stérilisés à 100 degrés, qu'on ferme ensuite avec de la ouate égale-
ment stérilisée, en ayant soin cependant de ne pas la laisser trop longtemps
dans l’étuve, afin de ne pas obtenir des produits pyrogénés antiseptiques qui
s’opposeraient au développement des germes.
Nous avons recueilli de la sérosité de chancre infectant et de condylome
lavés au préalable avec une solution mierobicide au moyen d’un fil de
platine porté au rouge, et nous avons ensemencé un certain nombre de nos
tubes avee ces produits syphilitiques.
D’autres tubes renfermant la même solution refroidie furent conservés
comme témoins ; les uns furent infectés avec du liquide septique, tandis
que le reste ne reçut aucune espèce de germe.
Tous les tubes furent exposés à une température de 35 degrés centi-
grades.
Au bout de peu de jours ceux qui renfermaient des germes septiques
eurent leur terrain transformé en une bouillie infecte. Les tubes qui
n'avaient rien reçu demeurèrent intacts et gardèrent leur transparence et
leur solidité primitive. Ceux où nous avions introduit du virus syphilitique
présentèrent au bout de trois jours une petite cupule opaque au point de
l’inoculation et qui se développa peu à peu vers la profondeur. Au micro-
scope ces trainées se révélèrent comme des colonies de coccus sur lesquelles
nous reviendrons.
Dans toutes ces recherches nous nous sommes servis de la méthode de
Gram, de Copenhague (coloration avec violet de gentiane dissous dans de
l’eau saturée d'huile d’aniline et décoloration avec une solution composée .
474 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
d’eau, 300 grammes ; iodure de potassium, 2 grammes ; iodure métallique,
1 gramme).
La fuchsine nous a donné également de bons résultats, mais moins nets.
Sans insister davantage sur les détails de ces recherches, ce qui dépas-
serait peut-être de beaucoup les limites prescrites à cette note, nous résu-
mons en quelques mots les résultats auxquels nous sommes arrivés, nous
réservant de publier plus tard un travail plus complet sur ce sujet :
1° On rencontre dans les produits syphilitiques, et dans les cultures que
nous avons réussi à faire, des colonies de coccus faciles à colorer par les
méthodes indiquées plus haut ;
2 On y rencontre encore, mais en infime minorité, des bàtonnets déjà
signalés par Birsch-Hirschfeld et Martineau, qui disparaissent au bout de
la troisième culture et qui ne résistent pas à l’alcooi acidulé (3 pour 100);
3° Aussi ces bâtonnets nous paraissent-ils accidentels et d’origine septi-
cémique ;
4 Ces bätonnets semblent souvent résulter de la juxtaposition de deux ou
trois coccus ;
9° Ces coceus sont faciles à cultiver dans l’infusion de viande de bœuf
peptonisée, additionnée de gélatine et alcaliné ;
6° Ils se retrouvent dans les chancres indurés et dans les ganglions syphi-
litiques en employant les mêmes procédés de coloration-ou en traitant les
coupes par des alcalis qui font ressortir les coccus.
Ajoutons que pour ces recherches il est bon d’user de forts grossis-
sements (immersion à l'huile de Verich n° 12 ou immersion K. de Zeiss)
et se servir de l'éclairage Abbé, à diaphragmes ouverts.
SUR UN PROCÉDÉ DE DOSAGE DE L'AZOTE TOTAL DE L'URINE,
par M. A. HENNINGER.
L’urée, le produit le plus abondant de la dénutrition des principes azotés
de l’économie, peut jusqu’à un certain point donner la mesure de cette
dénutrition. Mais, pour aborder le problème dans toute sa généralité, il faut
tenir compte en outre des produits azotés accessoires, acide urique, créati-
nine, acide hippurique et matières dites extractives de l’urine. À priori, en
effet, il est fort peu probable qu’il existe un rapport constant entre la quan-
tité d'azote excrétée sous forme d’urée et celle qui entre dans la composition
de ces produits de cornbustion incomplète.
Les expériences de Ghalvet font entrevoir, au contraire, que ce rapport,
peu variable peut-être à l’état physiologique, change dans la maladie. Si
SÉANCE DU 12 JUILLET. 415
——
néanmoins, dans l'immense majorité des cas, on s’est contenté de connaître
la quantité d’urée, cela tient à la facilité des méthodes de dosage de ce corps,
comparée à l'imperfection des procédés qui permettent de déterminer l’azote
total de l’urine. Ceux-ci sont fondés sur la transformation de l'azote en am-
moniaque par la calcination avec la chaux sodée (procédé de Seegen, diver-
sement modifié), ammoniaque facile à doser par une liqueur titrée d'acide
sulfurique. Mais d’un côté ces procédés sont longs et d'autre part ils laissent
échapper une certaine proportion d'azote, qui passe à l’état de quinoléine ou
d'autres bases.
Or la méthode récemment proposée par M. Kjeldahl pour doser l’azote
dans les composés organiques, peut être aisément appliquée à l’urine, et
avec la modification que j'y ai apportée, elle devient d’une exécution facile.
Le chimiste danois détruit les matières organiques par un grand excès
d'acide sulfurique concentré, réactif maintes fois employé à cet effet et dont
l'application, étudiée par M. A. Gautier et par M. Pouchel, a rendu si pré-
cise la recherche des poisons minéraux. L’azote passe à l’état de sulfate
d’ammonium et est dosé sous forme d’ammoniaque par un procédé aleali-
métrique.
Voici comment je procède pour doser l’azote total de l’urine : 20 centi-
mètres cubes d'urine (10 centimètres cubes si elle est concentrée) sont
évaporés avec 9 centimètres cubes d’acide sulfurique concentré, dans une
fiole en verre résistant (verre à base de potasse). Le résidu noir est ensuite
graduellement chauffé à feu nu jusque vers le point d’ébullition de l'acide
sulfurique : il se dégage du gaz sulfureux et de l'acide carbonique, la masse
devient de moins en moins foncée et finalement elle ne conserve qu’une
teinte ambrée. [1 suffit de une heure et demie à deux heures pour atteindre
ce résultat. On transvase alors le liquide dans une fiole jaugée de 50 centi-
mètres cubes, en s’aidant de petites quantités d’eau, on le sursature par
de la soude qu’on a soin d’ajouter peu à peu et en refroidissant pour éviter
une perte d’ammoniaque, finalement on parfait avec de l’eau Le volume de
90 centimètres cubes. Pour doser l’ammoniaque dans ce liquide, on pour-
_rait, à l’exemple de Kjeldahl, en soumettre une partie à la distillation et
recueillir les vapeurs dans une liqueur acide titrée. Mais il est beaucoup
plus simple de décomposer l’ammoniaque par l’hypobromite de sodium et
de mesurer l'azote dégagé. |
A cet effet, on prélève 10 centimètres cubes de liquide alcalin, ce qui
correspond à 4 ou 2 centimètres cubes d'urine primitive, on les introduit
dans un uréomètre et on les traite par l’hypobromile. La quantité du
liquide ammoniacal permet d’ailleurs de faire plusieurs déterminations
de contrôle.
Du volume de l'azote délayé, on déduit son poids, en tenant compte de la
température et de la pression. Mais, pour éviter les calculs de réduction du
volume à zéro et 160 millimètres, il est plus expéditif de décomposer dans
le même appareil par l’hypobromite une quantité connue de sulfate d’am-
À
| VA:
»" * 4
476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
monium (5 centimètres cubes d’une solution à 18,856 par litre contenant
exactement 01,02 d'azote) et de mesurer le volume d’azote dégagé. Une
simple proportion donne alors le poids de l’azote contenu dans 4 centimè-
tres cubes ou 2 centimètres cubes d'urine.
J'ai appliqué ce procédé de dosage à des urines sucrées, albumineuses,
peptoniques, et toujours les résultats ont été satisfaisants. Il est seu-
lement plus difficile d'obtenir, après l’action de l'acide sulfurique, un
produit aussi peu coloré qu'avec l’urine normale. Dans ce cas, l'addition
de quelques parcelles de permanganate de potassium au liquide sulfurique
haud permet de décolorer le produit, mais elle n’est pas indispensable
pour l’urine. M. Kjeldahl procède toujours ainsi et affirme que, malgré
la réaction extrêmement violente qui se déclare, on ne perd pas d’ammonia-
que, pourvu que l’on arrête naturellement l'addition du permanganate dès
ia coloration verte du liquide. J’ai vérifié l'exactitude de ce fait.
Parmi les nombreux uréomètres qui ont été décrits par MM. Heifner,
Ivon, Bouchard, Esbach, Regnard, Blarez, etc., celui de M. Regnard se
prête le mieux au cas actuel. Les résultats sont suffisamment exacts pour
les besoins de la clinique. Pour des analyses très précises, j'ai construit un
appareil spécial un peu plus grand, à laide duquel la mesure du volume
d'azote se fait dans un appareil fondé sur le principe du manomètre mesu-
reur de Regnault. Les résultats obtenus sont excellents et la méthode de
M. Kjeldahl ainsi modifiée nous paraît constituer un procédé de dosage de
l'azote à la fois rapide et susceptible de rendre des services multiples. Je
compte l'appliquer au dosage des peptones dans les liquides de lorga-
nisme.
BOURLOTON. — liprimceries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris.
0
ADDITION À LA SÉANCE DU 12 JUILLET (1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
SUR UNE FAUSSE NOCTILUQUE, par M. Poucaer.
Tous les naturalistes sont à peu près d'accord aujourd’hui pour considérer
les Noctiluques comme ayant une étroite parenté avec les Péridiniens, mais
Jusqu'à ce jour aucun fait positif n'était venu démontrer cette parenté.
Aucun Péridinien n’absorbe d'aliments solides, aucun ne présente de
tentacule. Des considérations d’une morphologie presque subtile enga-
geaient seules à rapprocher des êtres aussi différents en apparence. Les
faits que nous produisons aujourd’hui, sans résoudre l’obscure question de
l'origine des Noctiluques, semblent au moins démontrer d’une maniere
irréfutable qu'elles ne sont qu’une transformation de quelque espèce ou de
plusieurs espèces de Péridiniens.
Cette année, jusqu’au moment présent 10 juillet, la mer à Concarneau
s’est montrée absolument dépourvue de Noctiluques. C’est à peine si on en
rencontre quelques-unes, non encore gonflées en ballons, dans les pêches au
filet fin. Par contre, on y découvre un Péridinien, qui se présente sous
plusieurs variétés d'aspect ou plusieurs éfats dont l'identité ne saurait être
méconnue, soit qu'il s'agisse d’une espèce nouvelle, ce qui nous semble peu
probable, soit qu'il s'agisse de véritables Noctiluques troublées dans leur
évolution dès la forme antérieure par laquelle elles passent avant de se
multiplier par les procédés connus et déjà décrits.
Premier état. — Forme péridinienne nettement accusée, mesurant 100 à
120 de long, se rapprochant de la forme ordinaire des Gymnodinium.
L’être a toutefois une cuticule mince, résistante, comme celle des Noctilu-
ques. Deux sillons caractéristiques, avec leurs flagellums. Cytoplasme
Jjaunâtre, ne renfermant jamais de corps étranger, disposé en trabécules
comme celui des Noctiluques, enveloppant un noyau sphérique comme celui
des Noctiluques, avec des granulations d’un brun verdâtre, massées autour
de ce noyau, des globes jaunâtres et enfin des grains de substance jaune
vert, semblant être de la chlorophylle.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. Ie", N° 29. à
{
478 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Cette constitution du cytoplasme se retrouve rigoureusement identique
dans les autres états.
Deuxième état. — Qu'on imagine l’être précédemment décrit gonflé par
un excès d’eau dans les lacunes de son cytoplasme, on aura une sorte de
petit ballon ovoïde, sur lequel se dessine encore nettement le sillon trans-
versal entourant un des bouts de l’ovoïde à la manière d’un fichu dont les
deux extrémités se rapprocheraient en pointe.
Cet état paraît être un état ultime annonçant à plus ou moins longue
échéance la fin de l’être.
Troisième état. — On constate, en étudiant ceux de ces êtres qui ont
encore nettement la forme péridinienne, qu’ils peuvent présenter des défor-
mations dues à des rétractions locales de leur cuticule sous l'influence du
cytoplasme contractile. Les Noctiluques offrent la même particularité. Ces
déformations se traduisent le plus souvent en plis irréguliers longitudinaux.
Mais elles ont aussi pour effet, chez certains, de rétracter la partie conique,
qui fait alors une saillie de moins en moins prononcée au milieu du
champ limité par le sillon transversal.
Quatrième état. — Cest de beaucoup le plus intéressant, c’est en même
. temps le plus commun. La portion conique est complètement rétractée et
en quelque sorte retournée intérieurement. L’être est par suile à peu près
cylindrique avec une de ses extrémités exeavées. Le bord de cette excavation
est tracé par le sillon transversal dans lequel on peut voir le flagellum se
mouvoir. Enfin, sur le milieu de la longueur de l'être, s’insère un tentacule,
le plus souvent avorté et fort court, mais qui s’est présenté au moins une
fois à nous avec des caractères de dimension et de forme générale rappelant
exactement le tentacule des Noctiluques. Sa substance était remplie de
petites granulations de grosseur uniforme, foncées ; il paraissait dénué de
mouvements.
SUR LA DILATATION DES TISSUS VIVANTS PAR LA CHALEUR, par L. CHABRY
(présentée par M. Poucuer).
Les nombreuses observations qui ont été faites dans ces derniers temps
sur les effets que la pression extérieure exerce sur les animaux habitant les
profondeurs de la mer, m'ont amené à étudier l’action de la chaleur sous
un aspect où elle est comparable à une pression.
Au point de vue mécanique, l’effet des pressions extérieures est de rap-
procher les unes des autres toutes les molécules du corps de l’animal, pro-
SÉANCE DU 12 JUILLET. 419
portionnellement à la pression exercée et aux coefficients de compressibilité
des divers tissus.
Or, si on ne considère que les variations de distance des molécules, on
sait qu’une variation de température de quelques degrés amène de plus
grands changements que plusieurs atmosphères de pression. Il était donc
intéressant de vérifier (car la chose était probable à priori) que les
corps vivants subissent comme le plus grand nombre des corps bruts une
dilatation par la chaleur. J’ai étudié, à cet effet, différents vers et crustacés,
et j'ai trouvé, en élevant de 10 degrés centigrades à 15 degrés la température
de l’eau dans laquelle ils vivaient, que ces animaux subissaient une dilata-
tion totale ou cubique, dont le coefficient était du même ordre de grandeur
que celui de l’eau de mer. Les tissus vivants se dilatent donc, par la chaleur,
à la manière des corps bruts, et ce seul fait démontre que la compression,
par ses effets mécaniques, ne peut faire subir aucune atteinte à la vie, à la
condition que les animaux ne renferment pas de gaz libres, facilement
compressibles.
Les effets de la pression, que je suis loin de nier, doivent donc être
rapportés soit à la modification de certains pouvoirs physiques, comme la
solubilité ou l’imbibition, soit à la variation de l’activité chimique.
Quant aux changements de distance que la pression provoque entre les
molécules des humeurs et des tissus, leur effet physiologique est nul,
puisqu’une diminution de température d’un degré provoque entre ces mêmes
molécules des variations de distance beaucoup plus considérables, sans que
les phénomènes généraux de la vie en soient sensiblement troublés.
NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L’ADONIS VERNALIS, par Ad. LESAGE,
aide de clinique à l’'Hôtel-Dieu (présentée par M. BOcHEFONTAINE).
L’Adonis vernalis est une plante de la famille des Renonculacées. Ses
propriétés physiologiques et thérapeutiques ont été étudiées dans ces der-
nières années, d’abord par M. Bubnow, en Russie, puis par M. Cervello, en
Italie, puis tout récemment par différents auteurs en France et en Alle-
magne.
M. G. Sée, voulant l’employer dans son service de clinique, a désiré con-
trôler auparavant les expériences des premiers de ces auteurs. C’est ainsi
que j'ai été conduit à déterminer, avec le concours de M. Bochefontaine, au
laboratoire des cliniques de l'Hôtel-Dieu, l’action physiologique de l’Adonis
vernalis.
On a employé, pour cette recherche, la plante tout entière ou les racines
seules. Je mets sous les yeux de la Société un échantillon des différentes
parties de la plante.
480 __ SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
= ——
Les animaux qui ont servi pour les expériences sont la grenouille, le
cobaye et le chien.
Chez la grenouille, on a eu recours d° abord à une macération hydro-
alcoolique de. racines sèches d’Adonis vernalis préalablement pulvérisées.
On a pris 33 grammes de ces racines, qu’on à laissé macérer-pendant un
mois dans l’eau et l'alcool à parties égales (40 centimètres cubes de chaque).
On a obtenu 75 centilitres de liquide après filtration. Chaque centimètre
cube de ce liquide représente donc le principe actif d'environ 25,21 de
racines sèches.
Quelques gouttes de celte macération ont été instillées directement sur
le cœur ou injectées sous la peau.
L'application sur le cœur mis à nu de 2 gouttes de ce liquide FE les
effets suivants. Immédiatement après, par l'effet de l'alcool, le cœur s’ar-
rête un instant en diastole, puis se remet à battre d’une façon régulière.
Pendant les quinze minutes qui suivent, les contractions ventriculaires
vont toujours en diminuant de force et de nombre; en même temps les ven-
tricules se distendent irrégulièrement et restent resserrés par places jus-
qu'à l'arrêt complet du cœur. À ce moment le ventricule est exsangue, for-
tement contracté. Les oreilles sont distendues et remplies de sang:
Les injections sous-cutanées produisent les mêmes effets, à part l'arrêt
momentané du cœur quisuit l'application directe du liquide chargé d'alcool.
Sur une grenouille, vingt minutes après l'injection sous-cutanée de
‘“juatre divisions de la seringue de Pravaz, le cœur, qui jusque-là avait
battu régulièrement, commence à se contracter péniblement. Le ventricule
devient exsangue et rigide par places ; en premier lieu le plus souvent à la
pointe. Cette rigidité fait que les oreillettes ne peuvent plus verser leur
contenu dans la cavité ventriculaire. Elles se remplissent et se distendent
fortement, et ce n’est qu'après trois ou quatre systoles auriculaires que le
sang g passe dans le ventricule, qui le chasse immédiatement par une con-
D brusque. On observe cet état du cœur pendant dix minutes environ,
puis l'arrêt du ventricule en systole arrive une demi-heure après l’injec-
tion. aoû: 8155 Ja
D’après'ées expériences, cette plante doit donc être placée au rang de
celles qui “arrêtent le cœur en systole, comme la digitale, l’inée, le mu-
“guet, été, ‘ét'éonsidérée comme un médicament cardiaque.
Les injections intraveineuses chez le chien et les tracés
tiques Yiefnénñt'éonfirmer les faits observés chez la grenouille. On a em-
pores dans-céicais;inon plus la macération hydro-alcoolique de racines, mais
Je piincipe actif de’ la pit isolé à l’état amorphe, par M. E. Hardy et
‘pas M: Lahglébert/0:
Sur un chien nas pesant 32 kilogrammes, on fait une injection dans
la! véine Saphène d'untdemi-centigramme environ d’adonidine en solution
“dans l’eauetlalcool à parties égales. La pression sanguine prise dans l’arière
carotide avant l'injection était égale à 16 centimètres cubes de mercure.
SÉANCE DU 12 JUILLET. 481
Aussitôt après liniestion on observe une élévation subite de la pression,
qui monte jusqu’à 36 centimètres cubes de mercure et se maintient ainsi
élevée pendant vingt-cinq minutes.
On note en même temps un ralentissement des battements du cœur ne
de 107 tombent à 71 par minute.
La section des deux nerfs pneumogastriques ne modifie pas l’état de la
circulation. L’excitation électrique des deux bouts centraux céphaliques
n’élève pas la pression sanguine; celle des deux bouts périphériques ne
fait pas baisser cette pression et n'arrête pas les pulsations cardiaques.
L'animal meurt au bout d’une demi-heure sans aucun mouvement con-
vulsif.
On a obtenu les mêmes résultats quand on s’est servi des extraits ou de
l’adonidine cristallisée, mais incomplètement purifiée, préparés au labora-
toire de chimie de l’'Hôtel-Dieu par M. Calmels avec des racines incom-
plètement desséchées.
Il en a été de même avec lPadonidine eristallisée, incolore, extraite au
même laboratoire par M. Rasetti. C’est, je crois, la première fois que l’on
ait étudié les propriétés de l’adonis, en se servant d’un produit chimique
aussi nettement défini. M. Rasetti présentera d’ailleurs à la Société une
Note relative à ses recherches. HE
L'augmentation de la pression et le ralentissement du cœur sors
encore l’action de l’Adonis vernalis de celle du muguet et des autres médi-.
caments cardiaques, mais surtout de la digitale. Son action, plus tardive,
tient sans doute à son peu de solubilité.
I] convient de remarquer l'énorme augmentation de la pression sanguine
intracarotidienne notée déjà par M. Cervello. Comme ce phénomène résulte
sans doute d’une action tonique de l’adonis sur la fibre musculaire car-
diaque, il conduit à penser que l’on pourrait conseiller l’emploi de l’Adonis
vernalis en clinique dans les affections où le muscle cardiaque présente un
certain degré d’atonie.
NoTE SUR L’ADONIDINE, par M.G. RASETTI, présentée par M. Bochefontaine,
Travail du laboratoire de M. le professeur G. Sée à l’Hôtel-Dieu.
L’adonidine a été préparée par la méthode de Cervello, qui se résume
ainsi : épuisement de la plante, l’Adonis vernalis, par un mélange d’eau et
d'alcool à volumes égaux ; après concentration convenable de l'extrait, trai-
tements successifs par l’acétate de plomb, le tannin et enfin l’oxyde de zinc
en solution alcoolique absolue, à la température de l’ébullition. L’adonidine
que l’on obtient ainsi possède la consistance et la couleur d’un caramel
épais.
974
482 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
. Des traitements successifs par le noir animal, suivis de filtrations et dé:
concentrations ménagées (le produit s’altérant facilement à une tempéra-
ture peu élevée, voisine de 60 degrés), n'ont fourni un produit plus pur,
très peu coloré en jaune pâle, se prenant en une masse cristalline, encore
fortement souillée d’une matière visqueuse qui s'attache énergiquement aux
parties cristallisées et dont il paraît difficile de les débarrasser, cette ma-
tière accompagnant en presque totalité les cristaux dans les divers dissol-
vants que j'ai pu employer pour les en séparer. Cependant, au moyen de
traitements méthodiques par l’eau et l’alcool à différents degrés de concen-
tration, j'ai pu isoler des cristaux à peu près purs, assez blancs et qu me
paraissent népésenier toute l’activité de l’adonidine.
D'un autre côté, j'ai constaté la présence dans mes produits d’autres
cristaux, Ten différents des premiers : ces cristaux, qui se présen-
tent sous forme de tables, paraissent se comporter avec les réactifs d° une
manière différente des premiers (aiguilles prismatiques).
De plus, des essais entrepris pour préparer l’adonidine par un nouveau
mode d'extraction, m'ont amené à conclure à la nature éminemment com-
plexe du produit la méthode de Cervello.
Dans ces conditions, je me borne à consigner ces résultats, me réservant
dans une prochaine communication de donner, avec la nature et les pro-
priétés des divers cristaux, le détail des procédés employés pour leur ob-
_tention.
à 483
SÉANCE DU 19 JUILLET 1884
| Présidence de M. Paul Bert, président.
À L'OCCASION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 12 JuILLET 1884.
A l’occasion de la communication de M. Gréhant qui démontre combien
il est dangereux de respirer des vapeurs nitreuses, M. BOUCHEREAU a insisté
sur la diversité des accidents qui peuvent se produire.
Il en est d’immédiats, qui entrainent souvent une mort rapide par
-asphyxie, comme MM. Gréhant et Quinquaud l’ont observé et M. Rabuteau
avant eux ; il en est d’autres tardifs dans leur apparition et plus ou moins
graves dans leurs manifestations suivant la quantité de vapeurs respirées et
suivant le temps durant lequel un individu a été soumis à ces vapeurs
nitreuses.
Ges accidents se révèlent par des “hémonbnss divers, des troubles de la
respiration, des altérations du sang se traduisant par des urines san-
guinolentes et albumineuses, et une perturbation plus ou moins marquée
dans l’organisme sain jusque-là : il y a donc urgence à proscrire le déga-
gement de vapeurs nitreuses dans les établissements publics et privés, car
elles peuvent causer un réel dommage à la santé.
DES MOUVEMENTS DU CŒUR CHEZ LES INSECTES PENDANT LA MÉTAMOR-
PHOSE, par M. KuNCkEL D'HERCULAïS.
Les mouvements du cœur persistent-ils chez les nymphes; en d’autres
termes, y a-t-il arrêt ou persistance de la circulation pendant la métamor-
phose ?
Hérold (1815) admet que chez les Lépidoptères, l’activité du vaisseau
dorsal est incessante ; Newport (1837), observant la diminution du nombre
des pulsations au moment de la métamorphose, présume que chez les
Lépidoptères il y a arrêt pendant l’hibernation ; M. Weismann (1863) pense
484 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
que chez les Diptères (Muscides) à un moment déterminé aucune contrac-
tion du cœur ne peut avoir lieu; Kunckel (1872) admet que chez les Dip-
tères (Syrphides) les contractions rythmiques du vaisseau dorsal se conti-
nuent sans interruplion, puis (1875) reconnait qu'il y a arrêt momentané ;
Ganin (1876) se prononce en faveur du mouvement continu chez les Mus-
cides.
En présence de ces opinions contradictoires, il importait de faire de nou-
velles observations, la connaissance exacte de ce point de physiologie
devant permettre d'interpréter les phénomènes 1 EU qui accompa-
gnent le développement postembryonnaire.
Si les nymphes des Muscides ne se prêtent pas à l observation directe, il
n’en est pas de même de celles des Syrphides. Pour corroborer les adhonies
que j'avais faites antérieurement sur les nymphes des Volucelles, je me suis
attaché ce printemps à suivre le développement d’un autre Diptère apparte-
nant également à la famille des Syrphides, lEristalis æncus.
Chez la Volucella zonaria, le développement postembryonnaire est rela-
tivemient lent et peut, suivant la température, se faire en cinquante-deux?
. quarante-six ou quarante-deux jours (temp. moy. 12°,1) ou bien en vingt-
cinq ou vingt-quatre jours (temp. moy. 20°,1); chez l’Eristalis œæneus
l’évolution postembryonnaire est plus rapide et s’effeclue généralement en:
quatorze jours (temp. moy. 15 degrés). 18
Lorsque les larves de ces Syrphides se sont immobilisées, à travers le
iégument on aperçoit pendant quatre jours les battements du cœur, qui sont
très réguliers. Quand le tégument se durcit pour constituer la pupe, le
phénomène cesse d’être visible ; mais alors apparaissent les cornes stigma-
tifères, du cinquième au sixième jour en moyenne chez la Volucelle, le
quatrième jour chez l’Eristale, qui vont nous fournir un point d'appui pour
retirer directement les nymphes de leurs pupes. Si l’on extrait adroitement
ces nymphes sans les blesser, on peut, à travers leur enveloppe d’une
grande minceur et d’une transparence parfaite, compter facilement les pul-
_sations du vaisseau dorsal dans l’abdomen.
On peut ainsi observer les mouvements rythmiques du cœur chez la
Volucelle jusqu’au onzième jour; chez l’Eristale jusqu’au huitième jour;
mais chez la première, quand arrive le douzième jour, chez la seconde,
quand survient le neuvième jour, on constate que. les battements du cœur
ont complètement cessé.
Si l’on continue à ôter des nymphes de leurs pupes, on voit que chez
une Volucelle du quinzième jour, du vingt-neuvième jour, du trente-sep-
tième jour les pulsations ont repris leur régularité, que chez une Eristale
du dixième jour les pulsations commencent à se manifester à nouveau, mais
à intervalles très irréguliers; mais que du onzième au quatorzième jour,
époque de l’éclosion, elles s’effectuent avec une grande régularité.
Chez les nymphes, il y a done suspension temporaire des battements du
cœur et par conséquent arrêt momentané de la circulation. C’est pendant
SÉANCE DU 19 JUILLET. 485
cette suspension de la fonction physiologique que s’effectuent dans le vais-
seau dorsal les changements histologiques qui modifient sa forme, change-
ments caractérisés principalement par la constitution d’une longue aorte
traversant le thorax nouvellement constitué.
QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES MŒURS ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA CAN-
THARIDE (CANTHARIS VESICATORIA), par M. le docteur H, BEAUREGARD,
aide-naturaliste au Muséum.
Dans le courant de l’été 1883, j'ai entrepris l’éducation artificielle de
la cantharide, dont le mode de développement à l’état de liberté est, comme
on le sait, encore inconnu. Je me proposais de reprendre les expériences
de M. Lichtenstein (de Montpellier) qui était parvenu à suivre toutes les
phases du développement de l’insecte en nourrissant les jeunes larves avec
du miel de Ceratina, hyménoptère qui nidifie dans les tiges du sureau.
Ayant reçu d'Avignon un lot assez considérable de cantharides vivantes,
je les plaçai dans de grandes cages à parois de toile métallique, dont le sol
était couvert d’une couche de terre épaisse de 5 à 6 centimètres.
Des petits lilas en pot que je disposais dans ces cages étaient bientôt
dévorés par mes insectes, qui dans ces conditions ont vécu pendant plus
de quinze jours sans paraître souffrir de leur caplivité. J’ai done pu les
observer à loisir, et voici quelques-uns des faits dont j'ai été témoin. Je
passe sous silence les détails de l’accouplement qui ont été décrits avec
grand soin et j'arrive immédiatement à la ponte.
Le 27 juin, vers deux heures de l’après-midi, j'aperçus une cantharide
femelle en train de creuser un trou dans le sol assez compact. L'endroit
qu’elle a choisi est voisin d’un bloc de terre durcie du volume d’une grosse
noisette. À gauche de ce bloc elle a déjà fait une tranchée assez large et
peu profonde, et elle est en ce moment occupée à pousser ses fouilles au-
dessous du bloc de terre solide, qu’elle ne cherche pas à entamer.
De ses mandibules, elle fouille la terre et la brise en menus grains que
par le mouvement successif de ses trois paires de pattes elle rejette en
arrière. À mesure qu’elle s'enfonce ainsi la fête en avant dans le sol, un
petit monticule de terre s’amasse à l’orifice du trou qu’elle creuse; bientôt
elle disparaît complètement. Voulant me rendre compte de ce qui s’est
passé, je soulève le bloc durci sous lequel la cantharide a creusé et
j'aperçois au fond d’une sorte de chambre que recouvre ce bloc, un orifice
arrondi, régulier, d’où font saillie les antennes de l’insecte, animées de
légers mouvements ou vibrations. L’insecte, après avoir creusé le conduit
où il doit déposer ses œufs, s’est donc retourné. II ne me reste plus qu’à sur-
veiller sa sortie. À quatre heures dix minutes, premiers mouvements, la tête
486 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
et le corselet se dégagent de l’orifice. Bientôt de ses mandibules et de ses
premières pattes il attire la terre et comble le conduit. Les tarses font
l'office de ràteaux. Les petites pierres sont rejetées au loin; seule la terre
meuble estemployée. Au bout de quelques minutes, le sol est nivelé et il
serait impossible de retrouver l’endroit de la ponte si je n’avais eu soin de
le marquer au moyen d’un petit pieu de hois. Pour m'assurer que j'avais
assisté à la ponte, je fis après le départ de l’insecte une fouille dans la di-
rection du conduit comblé de terre et je trouvai à 3 centimètres de pro-
fondeur environ de petits paquets d’œufs que je recueillis pour en suivre le
développement. L
La ponte des cantharides dans la terre semble indiquer que les larves
seront parasites d’hyménoptères souterrains.
Lorsque j'eus obtenu les larves issues des œufs recueillis, je ne pus
malheureusement me procurer du miel de Ceratina, comme l'avait fait
M. Lichtenstein. Une excursion dans les carrières de Nanene me Pracuie
quelques cellules de Mégachile. D’autre part, M. Fabre (d'Avignon) m’en-
voya un certain nombre de tiges sèches de ronces renfermant des cellules
d’Osmia tridentata. J'offris ces différente’ pâtures à mes larves et j’eus la
satisfaction de voir qu’elles leur convenaient à merveille.
Le miel de Mégachile en particulier fut attaqué sans hésitation. Elles
parurent hésiter davantage en présence du miel d’'Osmie, mais faute de mieux
_elles s’en contentèrent et je pus suivre les diverses phases de leur dévelop-
pement. Sans entrer aujourd'hui dans les détails de ces diverses métamor-
phoses, je dois dire que j'ai obtenu cette année, 31 mai, la cantharide à
l’état d’insecte parfait. S
Parmi les observations auxquelles donnent lieu ces expériences, je noterai
ce fait que les larves paraissent pouvoir s’accommoder de diverses espèces
de pâtures : ce qui présente un certain intérêt en démontrant que le jeune
parasite montre une certaine indifférence relativement à l'espèce d’hymé-
noptère pris pour hôte, du moment où la qualité de la nourriture est ren-
contrée. D’autre part, dans aucun de mes essais je n’ai pu donner avec le
miel l’œuf de l’hyménoptère, et le développement n’en a pas moins réussi.
Ce n’est donc pas le même mode de nutrition que chez le Sitaris. Ainsi que
Va établi M. Fabre, en effet, la première larve du Sitaris humeralis est
carnassière et se repaît de l’œuf de l’Antophore. Cet œuf dévoré, la larve
mue et devient apte à nager sur le miel, qu'elle absorbe avidement.
Chez la cantharide il n’en est plus de même, l’œuf n’est pas nécessaire, Le
miel suffit, mais à condition que ce miel ne soit pas liquide, car à aucune
période de son développement la larve de cantharide n’est susceptible de
surnager. J'ai maintes fois tenté de placer les première ou deuxième larves
de cette espèce sur des miels liquides et je les ai toujours vues s’engluer et
s’empêtrer au point qu LICS se seraient noyées si je ne leur avais piËé
main-forte.
Un autre point méritait d'attirer mon attention. Il y a M
SÉANCE DU 19 JUILLET. . 48T
(1871), M. Riley a fait connaître le mode de développement de certains
genres (Epicauta, Macrobasis) d'insectes américains tellement voisins de la
cantharide que là plupart des éntomologistes les réunissent tous sous le nom
générique de Cantharis. Riley a vu que ces insectes se développent à l’état
naturel dans les nids de certains Acridiens et que leurs larves dévorent les
œufs de ces orthoptères. J’ai voulu, avant de rechercher dans les nids
d’hyménoptères des larves de cantharide, savoir s’il n’y avait pas une
autre piste à suivre et si je ne devrais pas également faire des fouilles dans
les endroits où'les Acridiens déposent leurs œufs. J’avais précisément en
même temps que des jeunes larves de cantharide écloses à la fin de juillet,
divers individus d’un grand Acridien du Midi (Acridium peregrinum).
L'un d'eux vint à pondre un paquet d'œufs considérable. Il m'était donc
facile d'établir l’expérience. Le résultat fut négatif. Les jeunes larves de
cantharide refusèrent obstinément ceite nourriture, et celles que j'avais
mises en présence des œufs en question moururent au bout d’une quinzaine
de jours. Même résultat avec des œufs de Locusta viridissima. Il me pa-
rait donc évident que la cantharide à l’état larvaire est bien mellivore, et
que, si elle peut s’accommoder de diverses espèces de miel, elle ne saurait
changer à ce point de régime, qu'elle pût se contenter aussi d'œufs d’or-
thoptères. Une autre conclusion me paraît également ressortir de ces obser-
vations. Quand le régime de deux individus est aussi dissemblable, ne
peut-on en déduire une différence générique, et le mode de développement
des larves ne vient-il pas confirmer l’opinion de ceux qui voient dans les
Epicauta et les Cantharis deux genres différents ?
NOTE SUR L’ÉPIDÉMIE DE CHOLÉRA DE 1854 A BEAUCOURT,
par M. BOCHEFONTAINE.
M. le docteur de Pietra-Santa, absent de Paris, m'a adressé hier les
lignes suivantes :
« Je vous envoie en communication l’intéressante lettre que je reçois du
docteur Muston (de Monthéliard), auteur de l’Histoire d’un village, que nous
ne connaissions pas, ni M. l'abbé Houlès, ni moi.
» Je pense que vous voudrez bien la signaler à la Société de biologie. ».
Je m’empresse de satisfaire au désir de M. de Pietra-Santa, et voici la
lettre de M. le docteur Muston :
« 12 juillet 1884.
»'MES
» ...….. Je prends la liberté de vous envoyer un exemplaire de mon ou-
vrage qui a pour litre : Histoire d’un village.
488 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
» Vous trouverez à la fin du second volume un chapitre intitulé : Gau
series d’un vieux médecin de campagne.
» Dans cette causerie se trouve l'épidémie de choléra qui a ravagé Beau-
court et les environs en août, septembre et octobre 1854. né
» Le choléra de 1854 est venu par Marseille et remontant le cours du
Rhône, de la Saône et du Doubs, il a atteint Beaucourt dans Îles premiers
jours d'août. Il s’est abattu avec une extrême violence sur ce village, où
il ‘a fait 222 victimes.
» Notez bien que la population de Beaucourt est composée des ouvriers
de MM. Japy frères et Ci, qui tous travaillent le cuivre, le laiton, le fer et
l'acier.
» De tout le pays, c’est Beaucourt qui a été le plus éprouvé. Dans les
villages agricoles environnants, le choléra a été beaucoup moins violent et
a fait peu de victimes.
» J'ai lu avec surprise que M. Burq a écrit que les ouvriers de MM. Japy
travaillant sur le cuivre avaient été indemnes du choléra.
» Cette assertion est complètement fausse, comme vous le verrez dans le
récit que je donne de l’épidémie de 1854, récit exactement vrai, et qui
prouve d’une manière péremptoire l’inefficacité du cuivre contre le cho-
léra.
» Agréez, elc.
» D' MuüsTow,
» de Monthéliard (Doubs), avenue des Fossés. »
Les Comptes rendus de la Société contiennent déjà beaucoup de preuves
que l’idée de l’immunité cuprique est une pure chimère. Cette lettre inté-
ressante est une preuve de plus de l’inefficacité du cuivre contre le choléra;
elle a sa place à la suite des autres dans les Bulletins de la Société.
M. MÉGnin à la suite de cette lecture donne le renseignement suivant :
€ M. le docteur Muston dont il est question ci-dessus, était, au moment
du choléra de 1854, médecin en chef des mines de Beaucourt; il appartient
à la grande famille Japy par M° Muston, qui était une demoiselle Japy.
M. Muston, infirme depuis quelques années, se livre avec succès à la culture
de la littérature, comme le prouve le petit livre qu’il vient de composer
et qui est l’histoire même de Beaucourt et de son développement. »
»
SÉANCE DU 19 JUILLET 489
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CELLULES DE LA NÉVROGLIE DANS LA
MOELLE DES MAMMIFÈRES, par M. W. VIGnaz.
Les cellules de la névroglie de la moelle ne commencent à devenir dis-
tinctes des cellules embryonnaires, formant alors la grande masse de la
moelle, que lorsque l'embryon de la brebis a atteint une longueur de
10 centimètres (il correspond alors à un fœtus humain de trois mois et
demi). Elles se montrent alors sous la forme de masses granuleuses peu
réfringentes, ayant quelques pointes d’exeroissance également granuleuses ;
entre cette forme et les cellules embryonnaires à protoplasma presque
homogène, on rencontre toute une série d’intermédiaires.
Puis elles revêtent la forme de cellules ayant peu de protoplasma autour
de leur noyau, mais possédant par contre de nombreux prolongements se
ramifiant souvent ; leur protoplasma est homogène, transparent comme du
verre, mais renferme de grosses granulations.
Lorsque l'embryon du mouton a atteint 17 centimètres de long (quatrième
mois de l'embryon humain), les cellules de la névroglie se présentent sous
la forme de cellules renfermant un noyau volumineux, au milieu d’une
masse de protoplasma transparente comme le verre, se colorant très fai-
blement par l’osmium, émettant des prolongements grêles et souvent rami-
fiés, qui présentent quelquefois une extrémité renflée, qui indique que le
protoplasma qui les forme est mou, un peu élastique et qu'il est revenu
sur lui-même, par suite des tiraillements que la cellule a subis pendant
la dissociation; dans ce protoplasma on trouve généralement quelques fines
granulations.
Lorsque l'embryon 4 25 centimètres, ces cellules présentent un très
grand développement, leurs prolongements sont très nombreux et se rami-
fient souvent : ils ont la même constitution que le protoplasma périnu-
cléaire.
À partir de cet àge et pour se prolonger un peu au delà de la naissance
chez le mouton et l'embryon humain, les cellules subissent les transfor-
mations suivantes, pour prendre les caractères de cellules adultes. Ces
transformations ne s’effectuent pas dans toutes les cellules à la fois, mais
seulement dans certaines d’entre elles.
D'abord les granulations qui sont dans le protoplasma de la cellule de-
viennent moins réfringentes el se confondent avec lui, puis quelques-uns
des prolongements prennent un aspect rigide ferme et homogène et de-
viennent d'un volume égal dans toute leur longueur ; ils ne présentent plus
trace de division; les autres prolongements gardent le même aspect que
le protoplasma d’où ils viennent.
Arrivée à cet état, la cellule peut s’acheminer vers son complet déve-
loppement suivant l’un des deux modes suivants : ou bien toutes les fibres
490 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
subissent la transformation rigide avant que le protoplasma entourant le
noyau présente la moindre trace de différenciation, c’est-à-dire qu'il
présente des côtes rigides qui sont dues aux fibres qui le traversent sans
se confondre avec lui ou entre elles ; ou bien une, deux ou trois fibres tra-
versent le protoplasma à l’état différencié, tandis que les autres prolonge-
ments continuent à être des prolongements protoplasmiques.
La cellule présente alors une partie adulte et une partie embryonnaire.
Lorsque la cellule de la névroglie est sur le point d’avoir ses prolonge-
ments différenciés, sa masse de protoplasma est considérable, elle diminue
pendant cette différenciation, de sorte qu’on est porté à penser que le pro-
toplasma se condense pour former la partie différenciée.
Souvent, lorsque les cellules différenciées de la névroglie sont jeunes,
on voit que l’extrémité de leurs prolongements est renflée, comme nous
l'avons déjà vu dans les cellules à prolongements protoplasmiques; ce fait,
joint à ce qu'il est très rare de voir des prolongements de cellules de la
névroglie détachés des cellules dans une préparation par dissociation, me
porte à penser que les cellules de la névroglie forment un immense réseau
enfermant dans ses mailles tous les éléments nerveux de la moelle.
S'il ne fait aucun doute que les cellules de la névroglie se trouvant dans
la substance grise embryonnaire, se forment aux dépens de quelques-unes
des cellules embryonnaires qui constituent au début cette substance, l’ori-
gine de celles qui se trouvent dans la substance blanche est moins bien
établie. Pour Eichhorst, elles viennent d’une transformation des globules
lymphatiques; mais celte hypothèse me parait difficilement admissible,
car on n'a jamais vu ces éléments se transformer en d’autres et surtout
en cellules aussi différenciées que celles de la névroglie. Boll prétend que
ces cellules forment au début une masse unique multinucléée, qui plus tard
se fractionne en cellules, chaque noyau devenant le centre d’une cellule.
Ïl est une autre hypothèse qu'on pourrait émettre, mais qui ne me parait
pas plus vraie que celle qui fait provenir les cellules de la névroglie des
globules blancs, c’est qu'elles se forment aux dépens des cellules connec-
tives embryonnaires, qui pénétreraient par migration dans la substance
blanche ; mais les caractères des cellules connectives sont si différents de
ceux des cellules de la névroglie, que cette hypothèse doit être rejetée
de suite. Quant à l'hypothèse de Kælliker qui suppose que ce sont des élé-
ments propagés le long des vaisseaux, il est difficile de la discuter, car elle
manque de précision.
IL me parait plus probable qu elles viennent de cellules de la substance
grise, qui pénètrent entre les fibres de la substance blanche; en effet,
à l’état adulte, ainsi que durant tout le développement, les cellules de la
névroglie, qu’elles proviennent de la substance blanche ou de la substance
grise de la moelle, présentent exactement les mêmes caractères. Puis les
différenciations qu’elles offrent ne se retrouvent que dans les cellules d’ori-
gine épithéliale; ainsi on peut les comparer jusqu’à un certain point aux
SÉANCE DU 19 JUILLET. 491
cellules du corps muqueux de Malpighi (Renaut), aux cellules de soutène-
ment de la tétine (Ranvier), aux cellules du tissu dit muqueux du sac
dentaire, qui toutes sont, comme les cellules de la névroglie, d’origine blas-
todermique.
Le fait suivant milite fortement en faveur de cette manière de voir :
lorsque des celiules commencent à se voir dans les cordons de la substance
blanche, on observe une diminution considérable dans le nombre des élé-
ments jeunes qui composent la ‘substance grise. On ne peut expliquer cette
diminution qu'en admettant qu'un certain nombre de ces éléments ont
émigré, car on n'observe pas la moindre trace de résorption, ni agrandisse-
ment du volume de la substance grise comparativement à un âge plus
Jeune, àge dans lequel il ne se trouvait pas d'éléments cellulaires dans la
substance blanche.
(Ge travail à été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France.)
NOTE SUR LE SOMNAMBULISME PARTIEL ET LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES,
par MM. Ch. FÉRÉ et A. BIner.
Dans une Note récente sur le transfert chez les hypnotiques communi-
quée à la Société de biologie, nous avons appelé lattention sur ce fait que
l’on peut provoquer chez les sujets léthargiques ou cataleptiques le somnam-
bulisme d’une moitié du corps par la friction unilatérale du vertex. Nous
avons montré en outre que le transfert de phénomènes moteurs, d’attitudes,
de contractures, de paralysies limitées, etc., ou de phénomènes sensitifs,
anesthésies, dysesthésies limitées, hallucinations, etc., détermine une dou-
leur, douleur de transfert, qui est toujours la même pour le même mou-
vement ou la même sensation, et que les notions acquises de topographie
crânio-cérébrale permettent de localiser d’une manière précise. La loca-
lisation de cette douleur nous a servi de guide dans une autre série
d'expériences dont les résultats nous ont paru offrir quelque intérêt.
Lorsqu'on fait, non plus une friction légère, mais une pression forte avec
l'extrémité du doigt ou un corps mousse sur les points qui sont le siège de
la douleur de transfert, on fait passer à l’état somnambulique le membre
dont le centre est touché, et exclusivement ce membre, qui perd ses carac-
tères cataleptiques ou léthargiques et offre tous les phénomènes propres à
l’état de somnambulisme. On peut ainsi somnambuliser un membre isolé-
ment, les deux membres homologues ou un bras d’un côté et une jambe de
l’autre, ete., il est possible de déterminer des paraplégies léthargiques ou
cataleptiques, des monoplégies croisées des membres, etc. La face peut être
isolée des membres, on peut la laisser léthargique ou cataleptique, pendant
4992 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
que les membres sont dans l’état somnambulique. Il est un point intéres-
sant à noter en ce qui concerne la face, c’est que l’on peut dissocier la par-
tie supérieure et la partie inférieure; par une pression forte sur un point
déterminé, situé en arrière d’une ligne verticale passant en arrière de
l’apophyse mastoïde et au-dessus d’une autre ligne horizontale passant par
l’arcade sourcilière, on fait disparaître, dans l’état léthargique, lhyperexcita-
bilité dite neuro-musculaire des muscles frontaux palpébraux et zygoma-
tiques, tandis que les muscles du menton, le peaucier, elc., restent hyper-
excitables. L’un de nous a présenté à la Société de biologie, il y a huit
ans (1), un sujet atteint d’un tic de l’orbiculaire des paupières et des zygo-
matiques, consécutif à un traumatisme crânien occupant la même région;
il semble donc que ce soit bien là le siège du centre cortical des mouve-
ments de la partie supérieure de la face. Notons en passant que ces phéno-
mènes de somnambulisme partiel sont transférables par l’aimant, etc.
Lorsque, par une série de pressions sur les points psycho-moteurs, on a
déterminé un état de somnambulisme partiel généralisé, le sujet n’est point
aussi lucide que lorsque le somnambulisme a été provoqué de la façon ordi-
naire par la friction étendue d'emblée à l’ensemble de la région du vertex.
Il est susceptible de recevoir des hallucinations provoquées ; mais l’état
somnambulique n’est pas complet : c’est ainsi qu'une de nos malades qui,
dans l’état de somnambulisme vulgaire, a un point érogène sur la partie
supérieure du sternum, ne présente point cette excitabilité spéciale dans
l’état de somnambulisme partiel généralisé. Pour rendre à la région ster-
nale sa sensibilité spéciale, il faut frictionner la partie occipitale du cer-
veau. La friction sur ce point isolé peut d’ailleurs réveiller la zone érogène
seule, tout le reste du corps restant dans l’état léthargique ou cataleptique.
Ce fait nous montre au moins que l’opinion de Gall mérite d’être exami-
née à nouveau.
OBSERVATIONS DE M. DUMONTPALLIER A PROPOS DE LA COMMUNICATION
PRÉCÉDENTE.
Je demande la parole pour faire remarquer que certains points de la
communication de M. Ch. Féré nous paraissent confirmatifs des faits que
J'ai antérieurement exposés devant la Société.
Je rappellerai entre autres expériences (2) celles qui ont été faites devant
vous sur la nommée (G...... J'ai montré sur celte malade que des excita-
(1) Ch. Féré, Tic non douloureux de la face consécutif à une : lésion probable
du pli courbe (Bull. Soc. biot., 1876).
(2) Dumontpallier, Comptes uns de la Société de biologie, 1882, p.11 et 32.
SÉANCE DU 19 JUILLET. 493
tions périphériques, exercées sur différentes régions du cuir chevelu, pou-
vaient déterminer divers mouvements de la tête, des membres et du tronc.
Ces mouvements étaient directs, croisés ou alternes croisés suivant le point
du cuir chevelu sur lequel portait l’excitation. Ces expériences, répétées
un grand nombre de fois sur différentes malades et dans les différentes pé-
riodes de l’hypnotisme, ont donné des résultats constants.
Les expériences de Heidenhein et de Grützner (1), celles de Berger (2)
présentent une grande analogie avec nos expériences. De plus, le docteur
Ladame (3) a constaté que l’excitation de différentes régions du cuir che-
velu pouvait déterminer la contracture ou le relàchement des muscles des
‘membres supérieurs et inférieurs.
Il est de toute justice de rappeler, ainsi que je l’ai déjà fait antérieure-
ment, que Braid, conduit par des vues théoriques qu'il avait empruntées à
Gall, avait pratiqué sur le cuir chevelu des excitations qui avaient déter-
miné des phénomènes semblables à ceux que nous venons d’exposer.
J’ai aussi communiqué sommairement les mouvements provoqués sur
nos malades par des excitâtions qui portaient sur la peau de la région rachi-
dienne (4).
J'ai de même démontré que la pression du cuir chevelu dans les régions
temporale et frontale pouvait déterminer l’aphasie, la perte de la notion de
l’usage des objets, la perte de la faculté du calcul, ete. Pour ce qui est de
Paphasie en particulier, elle peut être produite par la pression.sur la région
temporale droite ou gauche. Il y avait done dans ce cas action croisée sur
l’hémisphère cérébral du côté opposé.
Je rappellerai, en terminant, que M. Magnin et moi(5) nous avons
montré qu'il est possible de localiser, et cela à volonté, les divers phéno-
mènes hypnotiques à telle ou telle région du corps, de telle sorte que le
sujet en expérience peut être divisé en deux moitiés égales, hémilatérales,
et de plus en deux moitiés sus- et sous-ombilicales. Ces différentes parties
du corps pouvaient, les unes, présenter, par exemple, les caractères de la
léthargie, les autres étant au contraire en état cataleptique. Enfin il pouvait
y avoir somnambulisme, catalepsie, léthargie alternes croisés.
Il ressort de ces remarques que les expériences de M. Féré, à la Salpé-
trière, viennent, comme je l’ai déjà dit, confirmer les expériences faites à
l’hôpital de la Pitié, il y a deux ans.
(1) Heidenhein (A.) et Grützner (P.), Breslauer Artzliche Zeitschrift, n° 4,
28 februar 1880 (Mittheilung vom 16 februar 1880).
(2) Berger, Hypnotische Zustaude und ihre Genese (Breslauer Artzliche Zeits-
chrift, 1880).
(3) Ladame (P.), La névrose hypnotique, 1881, p. 127.
(4) Dumontpallier, Comptes rendus de la Société de biologie, 1882, p. 106.
(5) Dumontpallier et Magnin, Comptes rendus de la Société de biologie, 1881,
p. 309 et Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1882, p. 60.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. I‘, N° 29, 38
494 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE SUR L'ACTION DE L'URÉE, par MM. GRÉHANT el QUINQUAUD.. -
Nous avons entrepris une série d’expériences pour savoir si l’urée a une
action nuisible sur l’économie animale : dans l’état actuel de la science,
des pathologistes et des physiologistes de grand mérite, à la suite de
Ségalas (1), soutiennent que l’urée n’est pas nuisible; cette opinion est
celle qui est adoptée par la majorité des médecins; on a même proposé de
supprimer le mot wrémie, comme introduisant dans la science une idée
fausse. Les quelques expériences de Gallois et Picard, celles plus compli-:
quées d’Hammond, démontrant que les injections d’urée peuvent produire
des accidents graves et la mort, n’ont pas entrainé la conviction des obser-
vateurs.
Nous avons pensé que, dans ces conditions, il fallait apporter un déter-
_ minisme rigoureux ; nous sommes restés convaincus, après la lecture de
ces travaux, que les expérimentateurs ne s'étaient pas placés dans les
mêmes conditions.
Nos expériences ont été faites sur la grenouillé, le cobaye, le lapin et le
‘chien. La solution d’urée pure est neutre, ne donnant pas trace d’AzH°
par la distillation dans le vide à 40 degrés, rien par le nitrate d'argent,
rien par les sels d’urane, rien par le sulfate ferreux; la baryte donne un
‘précipité d'oxyde de fer, l’acétate de plomb donne un précipité blanc, lourd,
insoluble dans AzOH, soluble dans HCI concentré et bouillant : il existe
donc un peu de sulfate de fer dans l’urée. Les injections ont été faites STE
‘la peau et quelques-unes dans les veines.
Après une injection de 0,50 d’urée, une grenouille est prise de convul-
sions analogues à celles qui sont ie par la strychnine, puis survient
la flaccidité et la mort : le cœur s’arrête après la respiration.
Un cobaye de 400 grammes est tué avec moins de 8 grammes durée,
présentant des accidents convulsifs et meurt rapidement avec des phéno-
mènes d’asphyxie. /
Un lapin de 1200 grammes succombe avec des convulsions après une
injection sous-cutanée de 15 grammes d’urée.
Un jeune chien de 2 kilogrammes meurt rapidement à la suite d’une injec-
tion sous-cutanée de 20 grammes d’urée.
Un chien de 10 kilogrammes succombe en vingt-quatre heures, à une
injection sous-cutanée de 90 grammes d’urée.
Ces doses paraissent considérables : mais la dose toxique dans le sang
est assez minime, et c’est là le fait important, elle n’est que de 05,39
pour 100 de sang chez un cobaye, de 05",76 chez un lapin, de 0sr,60 chez
(1) Lettre à M. Magendie (Journal de Magendie, 1822, p. 354), par Ségalas
d’Etchepare.
SÉANCE DU 19 JUILLET. 495
un chien. Pour que la dose mortelle existe dans le sang, il faut injecter de
fortes quantités, parce que l’urée est fixée par les tissus, dans lesquels on
la retrouve par l’analyse chimique.
Nous avons trouvé dans le sang des hommes atteints d’urémie des quan-
tités d’urée correspondantes.
La conclusion s'impose, l’urée peut produire la mort, à la condition
expresse que la dose toxique existe dans le milieu intérieur.
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE, par M. Paul GiBiEr.
J'ai déjà eu l’honneur d'entretenir la Société de mes recherches sur la
rage, et dans ma dernière communication (1) j'ai démontré que les oiseaux
sont susceptibles de contracter la rage et qu'ils en guérissent spontanément.
Je citais deux expériences où l’on voit un coq et un pigeon inoculés de la
rage transmettre cette maladie à des mammifères qui en moururent, tandis
que les oiseaux guérirent. J’ajouterai que leur guérison s’est maintenue et
qu'aujourd'hui ces animaux vivent en état de parfaite santé.
Je rappellerai que c’est en excisant un fragment du cerveau de ces oiseaux
que j'ai constaté par l’inoculation et par l'examen microscopique le miero-
coceus spécifique signalé et décrit pour la première fois par moi dans une
note à l’Académie des sciences en juin 1883.
J'ai promis à la Société de rechercher :
4° Si les oiseaux peuvent contracter deux fois la rage;
2° Si la rage peut se transmettre de l'oiseau à l'oiseau ;
3° Quelles modifications le virus rabique subit en passant successivement
dans plusieurs organismes d'oiseaux.
J'ai tenu ma promesse et je suis en mesure de dire aujourd’hui :
1° Que les oiseaux ne contractent pas deux fois la rage;
2° Que l’oiseau enragé peut transmettre sa maladie à un autre oiseau;
3° Et que d’après un certain nombre d’expériences le virus rabique en
passant dans plusieurs organismes d’oiseaux paraît augmenter l'intensité
de ses effets pour ceux-ci tandis qu’il semble que pour les chiens il s’at-
ténue. Ces différentes propositions seront développées dans un mémoire que
j'aurai l’honneur de présenter ‘prochainement à la Société.
J'ai continué ces recherches et mes nouvelles expériences confirment
pleinement les premières. Cependant j'ai observé à la suite de l’inoculation
de la rage aux oiseaux quelques cas fort graves. Dans un cas un pigeon
inoculé avec une quantité six fois plus grande que d’habitude eut des
(1) Comptes rendus, n° 9, p. 123.
496 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
convulsions et est mort; son cerveau était littéralement saturé de micro-
phytes.
J’ai également observé chez les poules des cas très graves et où la mort
semblait imminente. Comme ces animaux ne mangeaient plus depuis en-
viron quarante-huit heures, j’eus l’idée de les gaver. Les résultats furent
réellement merveilleux. Ce fut une véritable résurrection ; après quelques
jours de gavage la paralysie disparut et les animaux purent se remettre à
manger seuls. Aujourd’hui ils sont hors de danger. |
Avant de terminer cette communication je demanderai encore quelques
instants à la Société pour exposer un procédé d’inoculation que j'ai imaginé
et qui peut remplacer avec avantage la trépanation si on veut inoculer di-
rectement le cerveau, surtout chez les petits animaux. Ge procédé consiste à
perforer directement avec l’aiguille de Pravaz et, si la boîte cränienne est
trop résistante, à faire un avant-trou avec un petit forel. |
J’ai trouvé également un autre procédé qui, d’après les résultats obtenus
jusqu’à présent, semble aussi sûr et aussi rapide que l’inoculation cérébrale.
Ce moyen consiste tout simplement à pratiquer l’inoculation dans la chambre
antérieure de l’œil avec de la substance cérébrale d’un animal enragé délayée
dans de l’eau stérilisée. Les symptômes inflammatoires sont nuls et la com-
motion cérébrale est évitée.
Dans le mémoire auquel jai fait allusion plus haut, on trouvera un cer-
tain nombre d’observations concluantes sur ce mode d’inoculation de la
rage. |
(Travail du Laboratoire de pathologie comparée du Muséum.) :
r
M. Déjerine est nommé membre titulaire par 23 voix sur 27.
BOURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
497
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
M. le docteur Buro fait hommage à la Société de biologie de son livre :
Sur le cuivre contre le choléra et la fièvre typhoïide (préservation et trai-
tement), 1884.
NERFS ÉJACULATEURS, par M. Ch. REMY, agrégé de la Faculté (1).
Chez le cochon d'Inde on trouve sur la veine cave inférieure, au niveau
des veines rénales, un petit ganglion plexiforme du volume d’une tête d’é-
pingle ou plus petit, dont l’excitation détermine très rapidement l’éjacula-
tion.
Ce ganglion est facile à voir. Sa blancheur tranche sur la couleur rouge
sombre de la veine. Il reçoit des filets radiculaires du plexus rénal et des
ramicommunicantes de la région. Il émet quatre ou cinq branches de couleur
blanche qui, suivant un long trajet, descendent parallèlement à la colonne
vertébrale vers les organes génitaux internes et sont placées dans le mésen-
tère inséré en cet endroit. On peut facilement charger ces rameaux sur un
excitateur.
Pour trouver Le ganglion, il faut sectionner la paroï abdominale du sternum
au pubis, inciser crucialement sa partie droite, rejeter à gauche tout le
paquet intestinal pour découvrir l'embouchure des veines rénales, suivre
les filets nerveux qui se dessinent sur la veine rénale droite.
Pour trouver les filets efférents, il suffit de tendre le mésentère qui s’in-
sère sur la colonne vertébrale depuis le rein jusque dans le petit bassin et
de regarder par transparence.
L’excitation électrique du ganglion ou des rameaux efférents est suivie de
l’émission de sperme. Celle des racines du ganglion n’a pas d’effet.
Aussitôt après l’application des électrodes, on voit se produire une con-
(1) Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 19 juillet 1884.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 30.: 49
498 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
traction énergique des longues vésicules séminales de l’animal. Elles se
tordent et se tortillent d’un mouvement vermiforme. Il est remarquable
que l'intervalle entre l’excitation et la contraction est très court.
Puis il se produit un mouvement du côté de la verge et du périnée;
l'animal a éjaculé dans son prépuce sans érection.
Nouvelle excitation, nouvelle émission de sperme. Quand les excitations
ont été reproduites à plusieurs reprises, il survient des phénomènes plus
compliqués.
L'animal entre en érection, les mouvements des muscles éjaculateurs sont
plus prononcés et le gland se gonfle et se hérisse de papilles lors de l’écou-
lement spermatique.
Le sperme est d’abord formé de bouchons muqueux épais, plus tard il
devient de plus en plus liquide. Mais on peut, dès la première éjaculation,
constater les spermatozoïdes.
Le courant nerveux est centrifuge, après section des nerfs. L’excitation
du bout périphérique est suivie d’effet, mais l’excitation du bout central est
sans résultat. |
L’excitation s'accompagne quelquefois de légères manifestations de
douleur.
Quand le ganglion a été excité pendant quelque temps, on peut supprimer
le courant électrique. Il suffira de toucher la verge avec un corps étranger
. pour déterminer l’éjaculation.
La vessie et le rectum ne subissent pas de contraction.
J'ai nommé ces nerfs éjaculateurs parce que leur premier effet est de
vider les vésicules séminales et de déterminer des mouvements dans les
muscles du périnée. Les contractions des vésicules séminales et du périnée
se produisent même après que tout le sperme est sorti au dehors. a
Ce n’est que plus tard, par suite du passage du sperme dans le canal, que
se produit l’érection. L’érection n’est jamais un phénomène de début, elle
succède à plusieurs excitations séminales produites dans le canal.
Je crois donc qu'il faut distinguer ces nerfs des nerfs érecteurs de
Eckhart et leur conserver le nom d’éjaculateurs.
J'ai répété ces expériences plusieurs fois et toujours avec le même succès
devant les élèves de mon cours et devant la Société (4).
(1) M.François-Franckm’asignalé une thèse de Loeb (Giessen,1866),dans laquelle
l’auteur, étudiant les mouvements des canaux spermatiques et des vésicules sémi-
nales, a constaté l’action éjaculatrice des filets du sympathiquese détachant du gan-
glion mésentérique inférieur. J’ignorais l'existence de ce travail jusqu’au jour
où j'ai présenté la note précédente, Loeb, du reste, ainsi que l’a noté M. Franck
dans l’article GRAND SYMPATHIQUE dont il m'a communiqué les épreuves, ne donne
pas de détails sur la topographie des nerfs éjaculateurs : on pourra combler cette
lacune en se reportant à la description que j'ai présentée plus haut.
SÉANCE DU 26 JUILLET. 499
SUR L’ACIDE PHOSPHORIQUE ET LE PHOSPHORE NON COMPLÈTEMENT OXYDÉ
DANS L'URINE DES ÉPILEPTIQUES, par M. R. LÉPINE.
Dans les Comptes rendus de la Société de biologie, séance du 12 juil-
let 1884, p. 464, M. Mairet s'exprime de la manière suivante :
« Les attaques d’épilepsie augmentent l'élimination de l’azote, de l'acide
phosphorique uni aux terres et de l’acide phosphorique uni aux alcalis.
L'augmentation de l’acide phosphorique uni aux terres est proportionnelle-
ment plus considérable que celle de l’acide phosphorique uni aux alcalis
et de l’azote; de plus l’augmentation des phosphates terreux se retrouve
en dehors des attaques sous l'influence des vertiges, tandis que dans ces
cas l’azote et les phosphates alcalins ne sont pas augmentés. »
Or ces diverses propositions se trouvent exactement dans les mêmes
termes, avec chiffres et graphiques à l'appui, dans le mémoire sur l’excré-
tion de l’acide phosphorique que j'ai publié en 1879 dans la Revue men-
suelle, en collaboration avec M. Jacquin, pages 719 et suivantes (1).
M. Mairet dit, de plus, que l’épilepsie, en dehors des attaques et de
l’état de mal, ne modifie pas l’élimination de l’acide phosphorique et de
l’azote. Sans vouloir examiner si cette assertion est tout à fait exacte, je
ferai remarquer que chez les divers épileptiques que nous avons étudiés à
ce point de vue l’excrétion de l’acide phosphorique était, relativement à
celle de l’azote, moins abondante que chez l’homme sain.
Cette même anomalie se rencontre dans beaucoup d'états Ares
et sa cause est assez complexe : M. Fleischer, qui l’a particulièrement étu-
diée chez les malades atteints d'affection rénale, l’explique par la rétention
des phosphates dans le sang. J’accepte volontiers, pour certains cas, cette
manière de voir, en ajoutant, pour expliquer à mon tour cette rétention,
que le phosphate de soude est un sel qui excite au minimum l’épithélium
rénal, étant, à dose égale, bien moins diurétique que le chlorure de sodium.
Si l’on considère, d'autre part, que la proportion des phosphates dans
l'urine est notablement influencée par l’alimentation, on arrivera à conclure
que l’excrétion des phosphates par l’urine ne donne que sous réserves des
renseignements certains sur l’étendue des échanges nutritifs.
Voilà pourquoi j’attache une importance relativement plus grande à la
proportion de phosphore incomplètement oxydé contenue dans l’urine : dans
une note présentée cette année à l’Institut, mes collaborateurs et moi nous
montrons que ce phosphore, par rapport à l’azote et à l’acide phosphorique,
(1) Pour éviter tout malentendu, je signale que dans le tableau graphique de
la page 719, au lieu de : id. uni aux alcalis, il faut lire : id. uni aux terres, et
qu’au lieu de : id. uni aux terres, il faut lire : uni aux alcalis. Les chiffres du
bas de la page 719 et de la page 720 permettent d’ailleurs de rectifier cette faute
du graveur,
500 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
est susceptible d'augmenter beaucoup dans certains états nerveux, notam-
ment après une attaque d’épilepsie (1). Ce n’est pas à dire pour cela que
ce phosphore provienne du tissu nerveux exclusivement. Bien au contraire,
nous terminons notre note par la remarque suivante : « L'augmentation
de l’excrétion du phosphore incomplètement oxydé dans certains états ner-
veux ne suppose pas nécessairement un grand accroissement de la désassi-
milation de la substance nerveuse ; il se peut que la désassimilation des
substances phosphorées disséminées dans divers tissus de l'organisme soit
accrue par une action nerveuse, comme l’est celle de la matière glycogène,
consécutivement à la piqüre du plancher du quatrième ventricule (2). »
RECHERCHE DU BACILLE DE KOCH DANS LA TUBERCULOSE CALCIFIÉE,
par M. J. DEJERINE (3).
La transformation des masses tuberculeuses par calcification est connue
depuis longtemps. Laennec, Andral, ont insisté sur ce mode de guérison
des tubercules, et Rogée, en 1839 (4), a montré combien la tuberculose
crétacée était fréquente, car cet auteur l’a rencontrée dans la proportion de
51 pour 100 chez les vieilles femmes de la Salpêtrière ; c’est là un résultat
qui paraît un peu extraordinaire au premier abord, mais qui n’a rien de
bien excessif, car la tuberculose calcaire est plus commune qu’on ne le
croit généralement, ainsi que le démontrent iles autopsies pratiquées dans
les hospices de la vieillesse, lorsque l’on s’est proposé pour but de la
rechercher.
Appelé à suppléer pendant un an M. le docteur Liouville, à l’hospice de
la Rochefoucauld, j'ai pu me convaincre de l’exactitude de la description.
des auteurs précédents, et j'ai rencontré fréquemment la tuberculose pul-
monaire, à l’état calcifié ou crétifié, chez des vieillards qui, en dehors de
lésions pulmonaires d'ordre sénile (emphysème, pigmentation, dilatation
des bronches, etc.), ne présentaient du côté du système pulmonaire, aucune
altération tuberculeuse autre que des noyaux calcaires des sommets.
Bien qu'aujourd'hui la manière dont nous comprenons la tuberculose dif-
fère un peu de celle des auteurs précédents, la nature tuberculeuse de la
grande majorité de ces lésions ne fait de doute pour personne, la calcifi-
cation étant en effet un des modes de terminaison ordinaires des néoplasies
à tendance caséeuse, et la clinique nous montrant que les produits caséeux
(1) Sur La proportion du phosphore incomplètement oxydé, etc., par R. Lé-
pine, Eymonnet et Aubert. Séance du 28 janvier.
(2) Progrès médical, 1884, p. 91.
(3) Travail du laboratoire du Professeur Vulpian.
(4) Archives de médecine.
SÉANCE DU 26 JUILLET. 501
des poumons relèvent presque toujours d’une origine tuberculeuse, et ne
sont que très exceptionnellement la conséquence d’une autre maladie infec-
tieuse à marche également chronique, la syphilis par exemple, pour ne
pas parler de la lèpre, absolument rare dans nos climats.
Les produits calcifiés des poumons sont donc presque constamment
l’expression anatomique d’une tuberculose arrêtée dans son évolution,
éteinte dans le sens clinique du mot, et il m’a paru intéressant de recher-
cher si l’on pouvait encore y constater la présence de lagent infectieux
cause de la tuberculose (bacillus tuberculosus de Koch). Ce sont les résul-
tats de ces recherches, qui ont porté sur douze autopsies, que je me propose
d'exposer dans la Note actuelle.
Tout d’abord, j'ai éliminé soigneusement tous les cas dans lesquels, à
côté de tubercules crétacés ou calcifiés, on trouvait des tubercules plus ou
moins nombreux dans d’autres parties des poumons. On sait que cette éven-
tualité n’est pas très rare, soit chez l’adulte, soit chez le vieillard: je n’ai
recherché les bacilles que dans les cas de tuberculose calcifiée pure, dans
lesquels un examen attentif à l'œil nu ne décelait, soit dans les poumons,
soit dans les autres viscères, la présence d’aucune granulation tubercu-
leuse. -
Les petites masses crétifiées ou calcifiées ‘des poumons se rencontrent,
comme on le sait, le plus souvent aux sommets, et sont en général superfi-
cielles ; à leur niveau la plèvre est un peu épaissie et déprimée, et la palpa-
tion fait constater la présence d’un noyau, en général de petit volume, variant
de celui d’une tête d’épingle à celui d’une grosse lentille, plus rarement à
celui d’un pois, formé d’une coque de pneumonie insterstitielle fortement
pigmentée en noir, à l’intérieur de laquelle se trouve la petite masse,
absolument enkystée. Ce noyau. est formé de couches de densité différente
suivant l’époque à laquelle remonte sa formation ; tantôt la masse est aussi
dure à la périphérie qu’au centre, tantôt et plus souvent peut-être, le
centre seul est crétifié, et oppose au couteau un obstacle difficile à vaincre,
la périphérie étant plus molle et simplement calcifiée, ou même caséo-cal-
cifiée.
La méthode employée dans ces recherches a varié suivant que l’on avait
affaire à des masses calcifiées ou à des masses crétifiées; dans ce dernier
cas, il a fallu recourir à la porphyrisation dans l’eau distillée ; dans le pre-
mier cas, la masse était déposée sur la lamelle, desséchée et traitée par la
méthode d’Ebrlich ou de Weigert. La coloration obtenue au bout d’un séjour
de vingt-quatre heures dans la matière colorante, les préparations étaient
traitées par les procédés de décoloration ordinaires, montées dans le baume
après dlessiccation et éclaircissement, et examinées au microscope avec un
10 ou un 12 homogène à immersion à huile, avec condensateur Abbé (1).
(1) La nature calcaire de ces produits est facile à constater : en faisant passer
sous la lamelle une goutte d'acide sulfurique, il se produit une effervescence,
502 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
A —————————
Je donne ici le résumé des résultats que j’ai obtenus, me réservant de les
compléter dans un travail ultérieur.
Os. I. — Homme de soixante-quatorze ans. Mort d’insuffisance mitrale avec
congestion pulmonaire. Noyau calcifié du sommet gauche avec coque scléreuse.
Pas trace de granulations nulle part. Le noyau est incisé avec un couteau passé
au feu, la masse porphyrisée et délayée dans de l’eau distillée stérilisée. Le
liquide est examiné par ‘la méthode ordinaire, sur dix préparations : on constate
sur deux seulement la présence de bacilles, en petit nombre du reste, cinq ou
six par préparation, pas très nettement colorés, avec un aspect sporulé assez
marqué.
Ogs. II. — Hémorrhagie ventriculaire chez un homme de soixante et onze ans,
petit tubercule crétifié (lentille) du sommet gauche, rien ailleurs, pas de granu-
jations nulle part. Examen histologique, pas de bacilles.
Os. III. — Asystolie chez une femme de soixante-cinq ans. Autopsie, insuffi-
sance mitrale et aortique. Petit noyau calcifié du sommet droit, noyau semblable
plus petit du sommet gauche. Pas de bacilles sur douze préparations.
O8s. IV. — Pneumonie chez un homme de soixante-douze ans. Autopsie:
pneumonie grise du lobe inférieur gauche. Noyau crétifié au centre, mou à la
périphérie, siégeant au sommet gauche, du volume d’un petit pois. La partie
centrale porphyrisée ne contient pas de bacilles; la partie périphérique plus
molle, délayée dans de l’eau distillée et traitée par les procédés de coloration
ordinaire, montre des bacilles dans chaque préparation, en petit nombre du
reste, mais avec leurs caractères ordinaires, et un aspect sporulé assez accusé.
Ils sont toutefois moins colorés que des bacilles de tuberculose récente, traités
de la même façon.
Os. V. — Cachexie sénile. Femme de soixante-dix-huit ans. Mort par bron-
cho-pneumonie. Noyau calcifié de la partie moyenne du lobe supérieur gauche,
du volume d’une lentille. Pas de bacilles sur huit préparations.
Ons. VI. — Homme de soixante-deux ans. Mort par asystolie. Autopsie : insuf-
fisance mitrale et aortique. Petit noyau caséo-calcifié, du volume d’une lentille,
au sommet gauche. Pas trace de granulations tuberculeuses nulle part. Examen
histologique. La partie centrale crétacée ne contient pas de bacilles ; la péri-
phérie, molle, caséo-calcifiée, en contient un certain nombre, très nets sur
chaque préparation.
Os. VII. — Carcinome utérin. Femme de soixante-dix ans. Autopsie : noyau
calcifié, sous-pleural, du volume d’un pois, siégeant à la partie antérieure du
obe moyen du poumon droit. Pas de granulations nulle part. Pas de bacilles.
Ogs. VIIL. — Hémiplégie ancienne, par hémorrhagie de la capsule interne chez
un homme de quatre-vingt-neuf ans. Mort gâteux. Noyau crétacé du sommet
eton voit apparaître en nombre considérable les cristaux aciculaires de sulfate
de chaux.
SÉANCE DU 26 JUILLET. 503
gauche, du volume d’une kentille. Pas dè granulations nulle part. Pas de bacilles
sur Six préparations.
Ogs. IX. — Carcinome de l’estomac, homme de soixante-dix ans. Noyau du vo-
lume d’un pois, occupant le sommet droit, crétifié au centre, d’une consistance
analogue à celle du mastic à la périphérie. Le centre crétifié ne présente pas de
bacilles. La partie périphérique (mastie) en contient un certain nombre, une
dizaine par préparation, très nettement colorés. Il n’existait dans aucun viscère
de granulation tuberculeuse.
Os. X. — Hémiplégie ancienne chez un homme de soixante et un ans. Mort par
apoplexie. Autopsie. Hémorrhagie ventriculaire. Ancien foyer hémorrhagique
dans la capsule interne gauche. Au sommet droit, on trouve deux petits noyaux
calcifiés, l’un du volume d’une lentille, l’autre du volume d’un pois. Chacun de
ces noyaux est crétifié au centre, mou et caséo-calcifié à la périphérie. Le centre
crétacé de chacun de ces noyaux ne contient pas de bacilles. La périphérie en
contient quelques-uns, présentant leurs caractères habituels, avec une apparence
sporulée très nette. L’examen a porté sur sept préparations, qui en contenaient
chacune, en petit nombre cependant, cinq à six en moyenne
Ops. XI. — Noyau calcifié du sommet droit, chez une femme de soixante-cinq
ans, morte de bronchite chronique et emphysème. Pas trace de granulations
tuberculeuses. Pas de bacilles à l’examen histologique.
Ors. XII. — Cette observation, provenant d’un malade du service de M. le pro-
fesseur Vulpian, concerne un homme de quarante-neuf ans, mort par broncho-
pneumonie septique, à la suite d’eschares survenues dans le cours d’une affection
de la moelle épinière. Cet homme n’accusait aucune affection pulmonaire anté-
rieure. À l’autopsie, faite le 31 janvier de cette année, l’examen à l’œil nu mon-
tra l’existence d’une double broncho-pneumonie septicémique et d’une néphrite
parenchymateuse. À la partie moyenne du lobe supérieur du poumon droit,
on trouve un noyau caséo-crétacé, du volume d’une lentille, entouré d’une coque
fibreuse gris de fer. L’examen je plus minutieux ne montra l'existence de granula-
tions tuberculeuses dans aucun viscère. A l’examen histologique, le centre crétacé
du volume d’une tête d’épingle ne contenait pas de bacilles. La zone périphérique,
semblable à du mastic, en contenait au contraire en grand nombre, tous présen-
taient leurs caractères ordinaires, avaient une apparence très nettement sporulée
et se coloraient d’une façon intense, soit par la fuchsine, soit par la gentianine
en solution anilinée.
On peut voir, d’après le résumé précédent, que, sauf dans un seul cas(Obs. D),
les bacilles ont toujours fait défaut dans la tuberculose crétacée, et que
dans les cas où le noyau était à la fois crétacé au centre et calcifié ou caséo-
calcifié à la périphérie, le centre ne présentait pas de bacilles. Ces derniers
ne se rencontrent qu’à la périphérie, lorsque cette dernière n’est pas encore
envahie par la crétification. On pourrait se demander toutefois si la por-
phyrisation à laquelle sont soumises les parties crétacées n’est pas une mé-
thode qui puisse les faire disparaître : la chose n’est pas probable, car cette
504 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
porphyrisation n’est jamais complète, et au sein même des masses créti-
fiées les plus dures, on voit que certaines parties résistent au broiement, et
qui ne sont autres que des fragments de tissu pulmonaire, imprégnés de
sels calcaires, mais dans lesquels la trame organique n’a pas complète-
ment disparu, et qui se montrent assez souvent au microscope, Sous
forme d’alvéoles à cavités singulièrement rétrécies par la pneumonie inter-
stitielle, à parois hyalines et à bords nettement brisés. Ce sont sur ces parois
ainsi modifiées, que l’on rencontrait des bacilles dans le seul cas de tuber-
cules complètement crétifiés où je les ai constatés; dans les autres, je le
répèle, ils faisaient absolument défaut.
La persistance des bacilles dans les zones plus molles et périphériques
paraît être fréquente, au contraire, si l’on en juge d’après les observa-
tions précédentes, et la chose en elle-même présente un certain intérêt;
toutefois, à cet égard, il ne faudrait pas trop généraliser, et le bacille de
Koch peut, dans certains cas, disparaître avant toute crétification, témoin
le fait suivant que j'ai eu l’occasion d’observer dans le service de mon
maître M. le professeur Vulpian à l’Hôtel-Dieu, que je supplée actuellement.
Il concerne un homme de quarante-cinq ans, entré dans le service le
16 juillet au soir pour une pneumonie à laquelle le malade succomba la
nuit de son entrée. À l’autopsie on trouve une pneumonie grise du poumon
droit. Le poumon gauche présente des lésions remarquables, il contient
une douzaine de masses caséeuses, disséminées dans son intérieur. Ces
masses varient du volume d’un pois à celui d’une noisette, et sont entourées
de coques fibreuses (pneumonie interstitielle) de coloration gris de fer,
atteignant sur certains points l’épaisseur considérable de deux centimètres.
Ces masses caséeuses sont dures, sèches, résistent à l’ongle, mais ne con-
tiennent pas de sels calcaires. Pas trace de granulations tuberculeuses ni
dans ce poumon, ni dans le poumon droit, qui ne présente que les lésions
de la pneumonie suppurée. Pas de granulations dans aucun viscère. Pas de
cicatrices du foie. À l’examen histologique, ces masses caséeuses ont une
apparence amorphe et granuleuse. Pas de bacilles, pas de zooglées (méthode
de Malassez et Vignal). Ici les bacilles avaient disparu avant la calcifica-
tion, il est vrai qu’on peut se demander si ce n’est pas un cas de syphilis
pulmonaire, bien qu’il ne soit pas dans l’habitude de cette dernière de se
localiser sur le poumon, et surtout d’y produire des lésions aussi nombreuses
que dans le cas actuel. On ne peut rejeter la nature tuberculeuse de ces
produits dans le cas actuel, par le fait qu’ils ne contiennent ni bacilles, ni
zooglées, et, si l’on songe à l’intensité de la pneumonie insterstitielle dans
ce cas et à la rareté de la syphilis pulmonaire, il est plus logique, ce me
semble, d'admettre que l’on s’est trouvé en présence d’une ancienne tuber-
culose, d’une tuberculose guérie.
Le résultat de mes recherches que j’expose ici d’une façon sommaire et
que je compléterai par la suite, montre d’une part, que les noyaux cal-
caires des poumons sont bien, comme l’indiquent les anciens médecins
SÉANCE DU 26 JUILLET. 505
anatomistes, des productions tuberculeuses arrêtées dans leur développe-
ment, et mes recherches montrent que ce sont bien des productions tuber-
culeuses bacillaires, puisque l’on retrouve souvent le bacille à la périphérie,
lorsque la calcification n’est pas encore totale. Lorsqu'elle est complète,
le bacille a disparu, et le. processus est éteint, ainsi que le démontrent
les inoculations faites, en s’entourant des précautions usitées en pareil
cas, avec le lait de chaux obtenu par la porphyrisation des masses cré-
tifiées. J’ai inoculé, il y a plusieurs mois, des séries de cobayes, avec les
masses crétacées, broyées et étendues d’eau, provenant des malades des
observations IT, III, V et VIIT ; certains animaux sont inoculés depuis plus
de six mois, et ne présentent rien de particulier, leur état général est abso-
lument normal.
J’ai entrepris également des expériences d’inoculalion avec des tuber-
cules incomplètement calcifiés; jusqu'ici je n’ai pas eu de résultat positif,
c’est du reste un point de la question sur lequel j'aurai à revenir par la
suite.
En résumé, la nature tuberculeuse des productions crétacées des sommets
me paraît confirmée par les recherches précédentes, et, si l’on songe à la fré-
quence avec laquelle on les rencontre dans les hospices de vieillards
(51 pour 100, Rogée), la curabilité de la tuberculose, et sa curabilité fré-
quente, s'impose de plus en plus à l'esprit du médecin, quelle que soit du
reste l’idée que l’on se fasse de la nature intime de la maladie parasitaire
qui a nom tuberculose, que ce soit d'emblée une maladie générale, ou,
ce qui paraît plus probable, que ce soit au début une affection locale suscep-
tible de se généraliser.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FIBRES DE LA SUBSTANCE BLANCHE
DE LA MOELLE DES MAMMIFÈRES, par M. W. VIGNar.
La substance blanche de la moelle se développe, d’après Eichhorst, aux
dépens de cellules situées à la périphérie de la substance grise et qui pren-
draient une direction parallèle au grand axe de la moelle en émettant à
leurs deux pôles de fins prolongements; ces prolongements se souderaient
avec ceux des cellules situées au-dessus et au-dessous de façon à former
un chapelet variqueux, puis les noyaux deviendraient libres dans la sub-
stance fondamentale se trouvant entre les cellules.
Vers le quatrième mois de la vie utérine de l'embryon humain, la myé-
line ferait son apparition dans la substance fondamentale interfibrillaire,
sous la forme de fines granulations qui se souderaient les unes aux autres
et recouvriraient chaque fibre d’un manteau de myéline. Le noyau s’appli-
querait alors à la surface de la myéline. Ball soutient à peu près la même
opinion, quant à la formation des fibres nerveuses, mais pour lui la myé-
906 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
—————
line à son origine dans des cellules venant de la substance grise, qui, après
s'être infiltrées de graisse, entourent les fibres nerveuses.
Pour His la substance blanche serait formée uniquement par des prolon-
gements venant des cellules nerveuses formant la substance grise, ils au-
raient d'abord la forme de fibres radiées.
Mes recherches me conduisent à adopter complètement cette manière
de voir, car d’abord on ne voit pas comment les fibres de la substance
blanche, qui sont certainement en rapport avec des cellules nerveuses,
pourraient naître sous la forme d'éléments distincts de celles-ci; puis on ne
trouve nulle part trace d'éléments spéciaux chargés de les former.
Quant à l’origine des cellules qui se rencontrent à partir du troisième
mois et demi sur les fibres de la substance blanche de la moelle, on observe
les faits suivants.
Dans la substance blanche de la moelle d’embryons de mouton ayant entre
10 et 25 centimètres de long, on trouve, outre les cellules de la névroglie
que j'ai décrites dans une précédente communication (1), des cellules plus
allongées suivant un sens que suivant les autres ; ces cellules ont un noyau
ovalaire ; le protoplasma assez épais autour du noyau diminue de plus en
plus d'épaisseur à mesure qu’on s’éloigne de celui-ci et se trouve bientôt
réduit à une simple lame très mince.
Il est assez rare de trouver des cellules de cette espèce isolées; généra-
lement, elles sont intimement appliquées sur une fibre nerveuse et lui
constituent un manchon. Ces celluies ne possèdent pas de membrane
d’enveloppe, aussi est-il difficile de voir leurs limites, iorsqu’elles se trou-
vent appliquées sur une fibre nerveuse.
Lorsque ces cellules se trouvent appliquées sur les fibres, on voit, vers
le cinquième mois, de la myéline se développer entre elles et les fibres ;
quelquefois la myéline apparaît sous la forme de fines gouttelettes, mais
plus souvent sous celle d’une mince lamelle, qui acquiert petit à petit une
grande épaisseur en même temps qu’elle prend une coloration plus foncée
par l’acide osmique; en un mot elle se développe autour des cylindres d’axe
des fibres de la moelle, comme autour de ceux des nerfs périphériques.
Dans les nerfs périphériques, les cellules qui entourent les cylindres
d’axe viennent des cellules connectives périphériques ; celles qui se trou-.
vent autour des fibres de la moelle ont, d’après mes recherches, une autre
origine. Il me semble certainement, comme l’a dit Ball, qu’elles viennent
des cellules de la substance grise ; en effet dans la moelle d’embryons ayant
entre 10 et 15 centimètres de long, outre les cellules de la névroglie, on
rencontre d’autres cellules qui paraissent n'être que de simples cellules
embryonnaires et à leur voisinage d’autres cellules qui présentent entre ces
dernières et les cellules de recouvrement des cylindres d’axe, toute une
série de transitions.
(1) Société de biologie, séance du 19 juillet 1884.
SÉANCE DU 26 JUILLET. 507
Dans un travail que j’ai publié précédemment sur le développement des
fibres nerveuses périphériques, j'ai dit que je pensais que la couche du
protoplasma qui recouvre les cylindres d’axe devait jouer un certain rôle
dans la formation de la myéline. Les recherches que j’ai faites sur le déve-
loppement des éléments de la moelle me confirment dans cette opinion. En
effet, il me semble qu'il est difficile d'admettre qu’une substance aussi spé-
ciale que la myéline se développe dans deux cellules d’origine aussi diffé-
rente que la cellule de revêtement des tubes nerveux périphériques et
la cellule de revêtement des tubes de la substance blanche. Mais, si l’on
admet que la substance qui les englobe d’abord, puis leur forme par la
suite à chacune séparément une enveloppe et qui est de même origine dans
les fibres centrales que dans les fibres périphériques, joue un rôle dans la
formation de la myéline, l’origine de cette substance me paraît recevoir
une explication rationnelle.
La principale différence qui existe entre les tubes nerveux périphériques
et les tubes nerveux centraux consiste en ce que les premiers ont une
membrane d’enveloppe (la gaine de Schwann), tandis que les seconds n’en
possèdent pas et que les noyaux des tubes périphériques sont logés dans
une encoche de la myéline, tandis que ceux des fibres de la moelle sont
logés durant le développement et à l’état adulte, à la surface de la couche
de myéline; mais les noyaux de ces deux espèces de fibres sont toujours
entourés de protoplasma.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CEROCOMA SCHREBERI ET STENORIA
APICALIS, par le docteur H. BEAUREGARD, aide-naturaliste au Muséum.
L’an dernier, au mois d'octobre, je rapportais d’Aramon, petit village
voisin d'Avignon, une pseudo-chrysalide dont les caractères extérieursétaient
assez semblables à ceux de la pseudo-chrysalide de la cantharide pour me
donner à espérer que j'avais enfin découvert le gîte où cet insecte se déve- :
loppe à l’état de liberté. D'un jaune pâle, longue de 10 millimètres et
large de 5,5, elle avait la forme d’une nacelle légèrement incurvée à ses
deux extrémités. La tête, infléchie sur la face ventrale un peu concave, se
distinguait toutefois de la tête de la pseudo-chrysalide de cantharide par
des antennes un peu plus volumineuses, plus saillantes et plus foncées, et
par un labre moins développé. Trois paires de pattes sous la forme de
courts moignons de couleur brune se trouvaient en arrière de la tête. Enfin
la division du corps en segments était bien apparente et ceux-ci portaient
des stigmates rougeätres un peu saillants, en même nombre que chez les
autres pseudo-chrysalides connues des Vésicants. On voyait en outre la
mue de la forme larvaire précédente, encore adhérente à la face ventrale
de la pseudo-chrysalide, tout à fait à l’extrémité postérieure du corps, sous
508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
la forme d’une petite membrane plissée où les mandibules cornées, noires
se faisaient remarquer par leur grosseur.
J'avais découvert cette intéressante forme larvaire dans les couloirs d’un
hyménoptère que j'ai pu déterminer il y a quelques jours à la suite d’éclo-
sions, et qui est le Colletes signata (Kirby). Je ne saurais cependant affir-
mer que ce Colletes était l'hôte de ma larve parasite, car une Osmie han-
tait également ces mêmes couloirs et y avait construit de nombreuses .
cellules. Il se peut fort bien d’ailleurs que le parasite se contente indiffé-
remment de l’un ou l’autre des miels très semblables de ces hyménoptères,
comme Je l’ai montré chez la cantharide en développement (voy. ‘notre
précédente note). Quoi qu'il en soit, ma pseudo-chrysalide passa tout l'hiver
sans subir aucune transformation, et ce n’est qu’au mois de mai de cette
année (3 mai) que j'assistai à sa première évolution. Son enveloppe semi-
cornée se fendit sur le dos, et livra passage à une belle larve blanche
longue de 15 millimètres environ, munie de trois paires de petites pattes,
courtes, incolores, avec antennes sous forme de gros moignons et pièces buc-
cales un peu jaunâtres. Cette larve parut pendant trois ou quatre jours assez
active, puis elle tomba dans une immobilité à peu près complète.
En cet état, elle avait la plus grande ressemblance avec la troisième
larve de la cantharide.
Enfin, le 23 mai, soit vingt jours après son apparition, la mue eut lieu
et me laissa en présence d’une nymphe dont les caractères parfaitement
tranchés me permirent de reconnaître à quel genre d’insecte j'avais affaire.
Longue de 11 millimètres environ, de couleur blanc jaunâtre, pattes et
‘pièces buccales presque transparentes ; les antennes légèrement teintées de
jaune sont remarquables par leur volume énorme et l’irrégularité des ar-
ticles qui les composent. En outre, les jambes de la première paire de
pattes sont très renflées, presque globuleuses, tandis que celles des autres
paires sont grêles. — Sur le dos Les segments sont couverts de rangées de
soies raides, peu serrées. — Ces caractères des antennes et des pattes sont
ceux du cérocome. En effet, à partir de cette époque, je vis peu à peu la
nymphe subir des changements notables. Tout d’abord les yeux se colorent
en brun, puis en noir. Les mandibules acérées deviennent noires. Bientôt les
antennes et les pattes prennent une coloration ambrée, puis le corselet, et
la tête, sauf Le vertex, deviennent noirs.— Les deux derniers segments de
l'abdomen se distinguent aussi au bout de quelques jours des autres seg-
ments par leur coloration foncée.
Enfin, au bout d’un mois (le 23 juin), l’insecte arrivait à l’état parfait,
toutes les parties noires ayant acquis des reflets bleu métallique, et je pou-
vais reconnaître aux caractères des antennes et des pattes le Cerocoma
Schreberi. — Les Cerocomes :semblablement aux Melve, Sitaris et Zonitis
subissent donc les transformations qui caractérisent l’hypermétamorphose,
et comme chez ces derniers genres, les larves vivent en parasites dans les
cellules de certains hyménoptères. J’ai des raisons de croire qu’elles choi-
SÉANCE DU 26 JUILLET. 509
sissent de préférence le miel du Colletes signata. J’ajouterai que la pseudo-
chrysalide dont je viens d'exposer le mode d’évolution n’était pas isolée
dans les couloirs de l’hyménoptère. Mon ami M. Nicolas, entomologiste distin-
gué d'Avignon, a bien voulu continuer les fouilles que je n’avais pu terminer,
et m'a envoyé à la suite de ses recherches un certain nombre de pseudo-
chrysalides de même espèce, ainsi que des débris d’un individu parfait.
Parmi les cellules de Colletes que j'avais recueillies ou qui me furent en-
voyées, j'en trouvai bon nombre qui étaient occupées par une petite pseudo-
chysalide, de couleur jaune-paille, enveloppée tout entière dans une pel-
licule très mince, irisée, représentant la mue de la larve précédente. Ces
pseudo-chrysalides m'ont donné cette année, au commencement de juin, des
Stenoria apicalis, petite espèce de la tribu des Vésicants, ordinairement
rangée dans le genre Sifaris. Les particularités que m'ont présentées les
formes larvaires de cet insecte, m’engagent à lui restituer le nom de
Stenoria que Mulsant lui avait donné, se fondant sur certains caractères
anatomiques.
NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PRINCIPE VÉSICANT CHEZ LA CANTHARIDE,
par M. H. BEAUREGARD.
Il résulterait des recherches de Neutwich, que le pouvoir vésicant des
cantharides ne se développe que chez l’insecte adulte et seulement après
l’accouplement. Le même auteur ajoute que les insectes petits ou de taille
moyenne ne sont pas vésicants. Pour contrôler ces assertions, j'ai entrepris
des recherches en employant les méthodes que j'ai indiquées dans une pré-
cédente Note et voici les résultats auxquels je suis arrivé : les cantharides
de petite taille sont vésicantes, comme les insectes de grande taille. Ceci
n’a rien d’ailleurs qui doive nous étonner, car l’insecte parfait qui succède
à l’état de nymphe, est à l’état adulte, et ne s’accroît plus d’une manière
sensible. Ce qui détermine la taille d’un insecte, ce n’est pas le temps plus
ou moins long qui s’est écoulé depuis son apparition, mais les conditions
plus ou moins favorables qu’il a rencontrées dans le cours de son dévelop-
pement.
J'ai d’ailleurs pu constater que les premières larves de la cantharide
sont vésicantes ; 24 de ces larves broyées et appliquées directement sur la
peau ont déterminé la formation d’une ampoule. Enfin j'ai démontré
ailleurs que les œufs ont un pouvoir épispastique très énergique. Mes expé-
riences ne me laissent aucun doute sur ces faits.
10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
PERFECTIONNEMENT. APPORTÉ A LA CHAMBRE CLAIRE DE DOYÈRE
ET Mizne-Epwanps, par L. MALASSEz.
Depuis cinq à six ans je me sers pour faire mes dessins microscopiques
d’une chambre claire de Doyère et Milne-Edwards que j'ai modifiée et qui,
sous cette forme nouvelle, me paraît beaucoup plus commode ; aussi je crois
utile de la faire connaître, d'autant mieux que cette modification peut pis
pliquer à d’autres Charmbres claires.
Pour en bien faire comprendre l’idée, supposons d’abord que nous ayons
à dessiner un point très limité exactement situé au centre du champ
microscopique, et considérons les deux rayons visuels qui partent l’un de
ce point lui-même en suivant l’axe du microscope, l’autre du dessin de ce
point. Ces deux rayons forment entre eux un angle que j'appellerai
angle de la chambre claire, et qu’il importe de bien connaître, car c’est lui
qui règle les positions respectives qu'il faut donner au microscope et au
papier à dessin.
Ainsi, dans les chambres claires de Sæmmering, Amici, Woliaston, etc.,
cet angle est de 90 degrés ; aussi faut-il dessiner sur un plan vertical si
l’on veut laisser le microscope vertical; ou bien, ce qui est plus commode,
renverser le microscope, le rendre horizontal et dessiner à plat.
Dans les chambres claires de Chevalier, Doyère et Milne-Edwards, Na-
chet, etc., cet angle est de 15 à 18 degrés environ; on peut alors laisser le
microscope vertical, l’image microscopique se trouvant rejetée sur la table
à côté du pied de l’instrument. Mais, ainsi que je l’ai montré autrefois({),
il faut alors, pour avoir des dessins exacts, dessiner sur un plan ineliné for-
mant avec l’horizon un angle égal à celui de la chambre claire, ou bien en-
core incliner d'autant le microscope sur le côté et dessiner à plat sur la
table.
La modification que j’ai apportée à la chambre claire de Doyère et Milne-
Edwards consiste uniquement à en agrandir l’angle, à lui donner une va-
leur de 40 à 45 degrés, soit 45 degrés. L’avantage qui en résulte, c’est que,
parmi les positions diverses que l’on péut donner au microscope et au
papier à dessin, il en est une qui est on ne peut plus commode; c’est celle
qui consiste à renverser. en arrière le microscope, de façon qu’il fasse avec
la verticale un angle égal à celui de la chambre claire, un angle de 45 de-
grés par exemple, à tourner la chambre claire de Foa que l’image miero-
scopique soit projétée en arrière du microscope et à placer en ce point sur
la table le papier à dessin.
En effet, cette position du microscope est celle que l’on adopte tout
naturellement lorsqu'on a de nombreuses préparations à examiner, ou des
(1). Archives de physiologie, 1878, p. 406.
SÉANCE DU 26 JUILLET. EAU
dessins à faire sans chambre claire ; parce que, ayant à regarder sim-
plement devant soi, la tête se trouve dans la position la plus naturelle et la
moins fatigante ; on n’a pas à la fléchir et à la baisser comme on est forcé
de le faire avec un microscope vertical: La position du papier sur la table
en arrière du microscope est aussi la plus commode qui se puisse prendre
pour la liberté des mouvements des mains. É
Enfin les dessins seront nécessairement très exacts, si l’angle d’incli-
naison du microscope est bien égal à celui de la chambre claire et si celle-ci
a été tournée convenablement, de façon que l’image d’un point central soit
reportée en arrière juste dans la ligne antéro-postérieure du microscope ; si,
en un mot, le rayon visuel parti de ce point est exactement perpendicu-
laire à la surface du dessin. Ge sont là (1) des précautions faciles à prendre :
j'ai donné autrefois le moyen d'évaluer l’angle des chambres claires.
Quant à l’inclinaison du microscope et à la position de la chambre claire,
ce sont choses si faciles à mesurer, qu’il est inutile d’insister. Seulement,
afin de n’avoir pas à recommencer le travail, il est bon d'inscrire sur la
chambre claire la valeur de son angle, de prendre un point de repère
pour l’inclinaison à donner au microscope et un autre pour la position à
donner à la chambre claire.
_ Les seuls cas dans lesquels les chambres claires à 45 degrés ne peuvent
servir sont ceux dans lesquels on est obligé de dessiner en laissant le
microscope vertical; quand on a affaire, par exemple, à une préparation non
fermée ou à une préparation d'objets en suspension dans un liquide; il
faut alors avoir recours à un autre instrument. On pourrait cependant, à
l’aide d’un dispositif permettant de déplacer les prismes d’une quantité
déterminée, changer à volonté leur angle et les employer soit avec un
microscope incliné, soit avec un microscope vertical.
(1) Archives de physiologie, loc. cit.
DOURLOTON. —- hinpirimerics réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris.
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SÉANCE DU 2 AOÛT (884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
GANGRÈNE MASSIVE ET SYMÉTRIQUE DES DEUX PIEDS, SURVENUE SPONTA-
NÉMENT CHEZ UN SUJET ATTEINT D HYDROPISIE VENTRICULAIRE ET DE
PÉRIENCÉPHALITE CHRONIQUE. ÎNTÉGRITÉ COMPLÈTE DU CŒUR, DES AR-
TÈRES ET DES VEINES DES MEMBRES INFÉRIEURS AU-DESSUS DES PARTIES
GANGRENÉES ; ALTÉRATIONS PROFONDES DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES DES
DEUX JAMBES, par MM. A. Pitres et L. VarzranD (1).
Clémence P..., âgée de vingt-quatre ans, est entrée à l’hôpital Saint-André, de
Bordeaux, le 5 décembre 1883, pour une gangrène symétrique des deux pieds
survenue spontanément dans le cours d’une affection chronique des centres ner-
veux.
Jusqu’à l’âge de dix-huit ans, Clémence avait joui d’une santé relativement
bonne. Cependant son intelligence était peu développée, et, bien qu’elle vécüût à
cette époque-là de la vie commune, elle n’avait jamais pu apprendre à lire ni à
écrire.
Vers l’âge de dix-huit ans elle fut prise d’hésitation de la parole, de tremble-
ment des membres supérieurs, de faiblesse des membres inférieurs et de dé-
mence progressive. Un an après le début de ces accidents, les membres inférieurs
devinrent le siège de contracture permanente, et la malade, gâteuse et tout à fait
impotente, fut condamnée à ne plus quitter le lit.
Le 27 novembre 1883, ses parents s’aperçurent que ses deux pieds étaient
froids, violacés et insensibles. La malade ne paraissait pas en souffrir. Cependant
on était inquiet autour d’elle de l’apparition de ce symptôme nouveau et on se
décida à la faire transporter à l'hôpital le 5 décembre 1883.
État au moment de l'entrée à l'hôpital. — La malade reste ele
ment étendue sur le lit dans le décubitus latéral gauche. Son visage, sans être
très expressif, n’a pas cependant les apparences ordinaires de la démence. Elle
comprend à peine ce qu’on lui dit et aux questions qu’on lui pose elle ne répond
que par des monosyllabes ou par des grognements indistincts. Elle pousse de
(1) Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 26 juillet 1884.
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 31. 40
514 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
temps en temps, surtout la nuit, des gémissements plaintifs. I n’y à pas de sali-
valion ni de crachotement.
Lorsque la malade est assise sur son lit, on n'observe pas de tremblement de
la tête. Les pupilles sont égales et contractiles. Il n’y a pas de paralysie appré-
ciable des muscles de la face. Les mouvements des yeux sont normaux. La ma-
lade peut tirer la langue hors de la bouche quand on le lui demande; mais, quand
elle exécute ce mouvement, on remarque que la langue et les lèvres sont le siège
de tressaillements musculaires irréguliers et très intenses.
A l’état de repos, les membres supérieurs sont croisés sur l'abdomen et immo-
biles. Ils ne présentent pas de contracture. Quand la malade veut s’en servir, 1ls
sont agités d’un tremblement très notable, qui gène considérablement les mou-
vements volontaires.
Les membres inférieurs sont contracturés, fortement fléchis ; ils ne peuvent
exécuter aucun mouvement volontaire. Les mouvements passifs sont eux-mêmes
très limités et paraissent provoquer de vives douleurs.
Les deux pieds sont déjà gangrenés. La peau qui les recouvre est violacée,
soulevée çà et là par de larges phlyctènes à contenu noirâtre. On peut y enfoncer
profondément des épingles sans que la malade paraisse s’en apercevoir. Leur
température est basse, cadavérique. La gangrène s’étend sur la totalité des deux
pieds, jusqu’au niveau des malléoles, où la peau reprend sa couleur, sa tempé-
rature et sa sensibilité normales. Il n’y a pas d’œdème des jambes. Les batte-
ments des artères crurales, au triangle de Scarpa, sont parfaitement percepti-
bles. On n’arrive pas à sentir les pulsations des artères poplitées ; mais il faut
dire que l'exploration de cette région est rendue très difficile par ia flexion per-
manente et la rigidité des membres inférieurs.
La sensibilité à la piqüre est très émoussée sur toutes les parties du corps
(face, tronc, membres supérieurs et inférieurs). Cependant, quand on pique la
malade, ou quand on la pince un peu énergiquement, elle pousse des gémisse-
ments et se met à pleurer.
Les urines retirées par la sonde sont foncées, non purulentes, et ne renferment.
ni sucre ni albumine.
La malade est gâteuse; depuis plusieurs années elle urine et défèque dans son
lit sans demander le bassin.
L'état général est assez bon: 1l n’y a pas de réaction fébrile ; l'appétit est
conservé.
Pendant les quelques semaines que la malade est restée à l'hôpital, la mortifi-
cation des pieds a subi l’évolution de la gangrène sèche. Le 22 janvier, le pied
gauche, complètement momifié, s’est séparé spontanément des parties vivantes
et a été trouvé libre dans les pièces du pansement. Le pied droit, noir, flétri,
complètement desséché, n’adhère plus à la jambe que par quelques filaments ;
fibreux. Des eschares cutanées profondes se sont développées sur différents points
du corps, particulièrement sur les régions sacrées, fessières, trochantériennes.
Pendant les derniers jours, la fièvre s’est allumée et la mort est survenue le
28 janvier 1884.
Autopsie le 29. — Encéphale : Dilatation des ventricules latéraux par une
abondante quantité de liquide séreux, sans épaississement ni état chagriné de
l’épendyme ventriculaire. Adhérences générales de la pie-mère avec la substance
grise des circonvolutions. Intégrité apparente des masses centrales, de la
SÉANCE DU 2? AOUT. 19
protubérance du bulbe et du cervelet. Les poumons, les reins, les organes
génitaux paraissent normaux. Le foie est volumineux, jaunâtre, manifestement
graisseux.
Le muscle cardiaque et les appareils valvulaires du cœur sont sains. L’aorte
n’est pas athéromateuse. Les artères des membres inférieurs, ouvertes dans
toute leur longueur, sont tout à fait normales. Leurs parois sont flexibles, sans
épaississement ni induration. Leur cavité ne renferme aucun caillot adhérent. Au
niveau de leur arrivée dans le sillon d'élimination qui sépare les parties gan-
grenées des parties saines, les artères tibiales antérieures et postérieures se
terminent par un cul-de-sac cicatriciel sans caillot prolongé. Les veines des
membres inférieurs paraissent également tout à fait saines. Elles contiennent
du sang liquide avec quelques coagulations cruoriques, molles, non adhérentes,
flottant librement dans l’intérieur de leur cavité.
Des fragments nombreux des nerfs superficiels et profonds des deux membres
inférieurs sont recueillis et plongés immédiatement dans des solutions au cen-
tième d'acide osmique pour être soumis à l’examen microscopique. À l’œil nu,
tous les nerfs paraissent sains. On ne constate pas de névromes au niveau de
leur terminaison dans les sillons d'élimination des parties gangrenées.
L’examen microscopique de la moelle et des nerfs a fourni les résultats
‘suivants :
Dans la moelle il existe une sclérose diffuse légère, occupant les deux cordons
antéro-latéraux et les 4/5 antérieurs des cordons postérieurs. Les cornes de sub-
stance grise ne présentent pas d’altérations grossières.
Tous les fragments des nerfs des membres inférieurs, recueillis au-dessus des
parties gangrenées, dans le tiers inférieur des jambes, sont profondément
altérés. On n’y trouve plus une seule fibre nerveuse saine. Le tissu qui compose
ces nerfs est composé par une grande quantité de gaines vides et par des masses
de myéline isolées ou par des leucocytes gorgés de gouttelettes de myéline. Les
gaines des tubes nerveux ne paraissent pas avoir été le siège d’une prolifération
nucléaire active.
Les fragments des nerfs tibial antérieur et tibial postérieur pris dans le tiers
supérieur des jambes, sont incomparablement moins altérés. Ils renferment çà et
là quelques fibres grêles, présentant de loin en loin de grosses varicosités rem-
plies de protoplasme et de gouttelettes de myéline; mais la plupart des fibres
sont normales. Les nerfs de [a cuisse, le sciatique, le crural, sont parfaitement
sains.
Quelques fragments des nerfs des membres supérieurs, conservés pour servir
de contrôle aux examens, sont également tout à fait normaux.
Plusieurs ganglions rachidiens provenant des régions sacro-lombaire et
cervico-brachiale, examinés sur des coupes après l’action de l'acide osmique ou
de bichromate d’ammoniaque, sont trouvés sains. Les cellules qu’ils renferment
et les tubes nerveux qui les traversent ont leur aspect habituel.
En résumé, dans le cours d’une affection chronique et diffuse des centres
nerveux, une gangrène massive symétrique se développe aux deux pieds
chez un sujet jeune, bien nourri, non diabélique et n'ayant subi aucun
traumatisme. À lautopsie on trouve une dilatation notable des ventricules
latéraux et une adhérence générale des méninges cérébrales avec la sub-
916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
stance corticale. La moelle est le siège d’une sclérose diffuse des cordons
antéro-latéraux et postérieurs. Le cœur est normal ; les artères et les veines
des membres inférieurs sont saines et ne renferment aucune concrétion
sanguine adhérente. Les nerfs des deux membres inférieurs sont profondé-
ment altérés au voisinage des sillons d'élimination des parties gangrenées.
Plus haut, leurs altérations vont en diminuant d'intensité à mesure qu’on
s'élève vers le genou, et dans la cuisse le sciatique et le crural sont tout à
fait normaux.
Cette observation nous paraît être un exemple de gangrène d’origine
névritique. La symétrie exacte de la gangrène, l'absence des altérations
cardio-vasculaires ou dyscrasiques qui déterminent &’ordinaire les gangrè-
es spontanées, l'existence de lésions profondes dans les extrémités péri-
phériques des nerfs des membres inférieurs, rendent au moins cette opinion
très vraisemblable.
DE LA SUGGESTION DANS L'ÉTAT HYPNOTIQUE, par M. le docteur BERNHEIM.
La suggestion m’a paru être la clef de tous les phénomènes hypnotiques
que j'ai observés. J'ai essayé de reproduire les expériences récentes de
MM. Féré et Binet et je n'ai pas réussi, alors que la suggestion n’était pas
en jeu.
Voici ce que nous observons constamment, mes confrères et moi, à
Nancy :
Quand un sujet est hypnotisé, par n'importe quel procédé, fixation d’un
objet brillant, des doigts ou des yeux de l'opérateur, passes, suggestion
vocale, occlusion des paupières, etc., il arrive un moment où les yeux res-
tent clos, et les bras tombent en résolution. Pour changer la résolution en
catalepsie, il n’est pas nécessaire d'ouvrir les yeux du sujet : il suffit de
lever sa main et de la laisser quelque temps en l’air pour qu'elle y reste.
De même pour les autres membres. S'ils n’y restent pas, il suffit d'affirmer :
« Le bras reste en l’air, la jambe reste en l’air. » La catalepsie suggestive
est obtenue. Le fait d'ouvrir ou de fermer les yeux du sujet n’a pas modifié
le phénomène.
Pour mettre en évidence les caractères du somnambulisme chez les sujets
aptes à les manifester, il n’est pas nécessaire de frictionner le vertex; ül
suffit de parler au sujet, et celui-ci exécute l’acte ou réalise le phénomène
suggéré, s’il est à un degré d’hypnotisation suffisant.
À tous les degrés l’hypnotisé entend l’opérateur; il a l’attention et l’o-
reille fixées sur lui; alors même qu’il reste immobile, insensible, La face
inerte comme un masque, détaché en apparence du monde extérieur, il en-
SÉANCE DU © AOUT. 917
tend tout, soit que plus tard au réveil il en ait conservé le souvenir, soit
qu'il l'ait perdu. La preuve, c’est que, sans le toucher, sans lui souffler sur
les yeux, le simple mot: « Réveillez-vous », une ou plusieurs fois prononcé
devant lui, le réveille.
Sur aucun de mes sujets, je n’ai pu obtenir, sans suggestion, le transfert
d’une contracture, d’une catalepsie, d’une anesthésie, d’une illusion senso-
rielle, etc.; et j’ai essayé un très grand nombre de fois.
Voici, par exemple, une expérience que j'ai faite avec mon excellent col-
lègue et ami M. Beaunis. Nous endormons une infirmière du service, sus-
ceptible d'entrer en somnambulisme, mais que je n’avais endormie encore
qu’à de rares intervalles; elle n’avait jamais assisté ni comme témoin, ni
comme actrice au genre d’expérimentations que je voulais faire sur elle. Je
mets le membre supérieur gauche en catalepsie, horizontalement étendu, le
pouce et l'index étendus, les autres doigts dans la flexion; le bras droit et
la main restent en résolution. J’applique contre celle-ci, c’est-à-dire
contre la main droite, un aimant, et je le laisse pendant huit minutes;
aucun phénomène ne se produit.
Alors, n’adressant à M. Beaunis, je dis : € Maintenant je vais faire une
expérience : je vais appliquer l’aimant (par le bon côté!) contre la main
droite, et au bout d’une minute, vous allez voir cette main se soulever avec
le bras, prendre exactement l'attitude qu'a le membre supérieur gauche,
tandis que celui-ci va se relàächer et tomber. ». |
Je replace l’aimant exactement comme la première fois, et au bout d’une
minute, le transfert (suggéré) se réalise avec une précision parfaite : la
figure de l’hypnotisée reste impassible.
Si alors, sans plus rien dire, je remets l’aimant contre la main gauche,
au bout d’une minute, le transfert se reproduit en sens inverse, et ainsi de
suite.
Je provoque, chez la même personne, un torticolis par contracture des
muscles d’un côté du cou: j’approche l’aimant du côté opposé, sans rien
dire ; au bout d’une minute, la tête se tourne du côté de l’aimant, il se pro-
duit un torticolis inverse; Le transfert est opéré.
Il avait suffi que j’affirmasse une seule fois à M. Beaunis le phénomène
du transfert devant le sujet en apparence inerte, pour qu’il se réalisât
désormais toujours et pour toutes les attitudes, car l’idée du phénomène
avait pénétré dans le cerveau du sujet.
Je dis ensuite : € Je vais tourner l’aimant dans un autre sens et le trans-
fert va se faire de la main à la jambe. »
Au bout d’une minute, en effet, le bras tombe et la jambe se soulève. Je
replace l’aimant contre la jambe, sans rien dire, et le transfert se reproduit
de la jambe au bras.
Si, sans rien dire au sujet, je remplace l’aimant par un couteau, un
crayon, un flacon, un morceau de papier, le même phénomène se produit.
Le lendemain je refais ces expériences sur une autre somnambule qui
D18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
avait assisté à celles de la veille, et sans rien lui dire, sans rien dire devant
les personnes présentes : elles réussirent à merveille; l’idée du transfert
avait été suggérée à son cerveau par le fait dont elle avait été témoin.
De plus, après que j'eus répété ce transfert plusieurs fois d’un bras à
l’autre, et cessant l'application alternative de l’aimant, le transfert continua
spontanément à se faire deux fois encore (oscillations consécutives), cer-
tainement par l’idée qu'avait la personne que lexpérience continuait.
J'ajoute d’ailleurs que antérieurement j'avais déjà plusieurs fois essayé
d'obtenir le transfert chez cette personne et cela sans résultat, tant que
l’idée du phénomène n’avait pas pénétré dans son cerveau.
Chez aucun de mes hypnotisés je n'ai vu le transfert s'accompagner spon-
tanément d’une douleur de tête localisée. Mais chaque fois que j'annonçais
qu'une douleur se produirait à tel ou tel point du cuir chevelu, le sujet la
ressentait. Un second sujet hypnotisé la manifestait spontanément quand il
avait vue exprimée par le premier.
Je n’ai pu davantage, en dehors de la suggestion, déterminer aucun
phénomène par pression exercée sur certains points du crâne.
Voici, par exemple, une autre de mes somnambules endormie. Je presse
le eràäne successivement en divers points : rien.
Je dis : € Maintenant je vais toucher la région du eràne qui correspond
aux mouvements du bras gauche et ce bras va entrer en convulsion. » Cela
dit, je touche un point arbitraire du cuir chevelu à droite : aussitôt le bras
gauche est agité de secousses.
Je dis : « de presse plus fort et l’excitation fera place à fa paralysie; » le
bras tombe inerte.
Je provoque de même des convulsions localisées au côté gauche de la
face.
J'annonce que je vais produire de l’aphasie en touchant la région cor-
respondant à la parole; je touche le pariétal ou l’occipital gauche et le
sujet ne répond plus à mes questions ; il répond aussitôt que j'éloigne la
main du crâne. Ceei fait, j'annonce que je vais toucher d’une autre façon,
de manière à exciter au lieu de paralyser : la parole sera plus facile, et la
personne alors de répondre à mes questions de la façon suivante : « Com-
ment vous appelez-vous? — Marie, Marie, Marie, Marie. — Comment allez-
vous ? — Bien, bien, bien, bien, Lions EE n'avez pas mal ? —— Du tout,
du tout, du tout, du tout. »
Chose remarquable ! Cette somnambule, suggestible à l’état de veille, n’a
conservé à son réveil aucun souvenir conscient de ce qui s’est passé pen-
dant son sommeil. Et cependant alors si, sans rien dire, je répète les ex-
périences de transfert avec un aimant, ou avec un corps quelconque,
papier, couteau, etc., les mêmes phénomènes de transfert se reproduisent,
à son grand étonnement ! comme si le cerveau avait conservé le souvenir
inconscient des phénomènes suggestifs réalisés dans l’état hypnotique, ce
que d’autres expériences n'avaient déjà appris.
SÉANCE DU ? AOUT. 519
Je me borne à l'énoncé de ces faits : je ne prétends.pas interpréter par la
suggestion les phénomènes constatés par d’autres observateurs. Je veux
simplement signaler ce qu'à Nancy plusieurs de mes confrères et moi
avons, d’un commun accord, observé.
SUR DEUX PHÉNOMÈNES PRODUITS PENDANT LE SOMNAMBULISME PROVOQUÉ,
par M. H. BEauniS, professeur de physiologie à la Faculté de médecine
de Nancy.
I. — Dans une série àe recherches entreprises dans ces derniers temps sur
les caractères physiologiques du somnambulisme provoqué, j'ai observé un
certain nombre de faits qui démontrent d’une façon irréfutable que la sug-
gestion hypnotique peut agir sur les fonctions organiques. Le tracé que je
présente à la Société montre que nous pouvons modifier par suggestion
directe le rythme des mouvements du cœur chez les sujets hypnotisés.
Ce tracé a été pris dans Les conditions suivantes sur une somnambule que
M. Focachon, pharmacien à Charmes, a bien voulu amener à Nancy et
conduire à mon laboratoire. J’applique sur l’artère radiale gauche le sphyg-
mographe à transmission de Marey; une horloge électrique inscrit les
secondes sur le même cylindre (1). Il est évident que le rythme du cœur
pourrait être modifié en suggérant au sujet une émotion quelconque,
crainte, douleur, etc. Mais pour être démonstrative l'expérience devait être
conduite autrement. Le pouls est d’abord pris à l’état de veille, puis pen-
dant le sommeil ; quelques moments après, on lui dit : Faites bien 'atten-
tion ; votre cœur bat moins vite, moins vite, encore moins vite et l’on
continue ainsi pendant un certain temps la suggestion du ralentissement
en l’accentuant ; en deux points du tracé, au début et à la fin de la sugges-
tion, l’accentuation plus énergique détermine une sorte d'arrêt du cœur
bien visible sur le tracé; on voit en effet une pulsation manquer ou du
moins c’est à peine si un léger crochet indique l’existence d’une pulsation.
On laisse alors le pouls revenir à l’état normal, et au bout d’un certain
temps on fait la suggestion de l’accélération, et l’accélération se produit.
Le tableau suivant donne la marche de l'expérience par périodes de dix
secondes :
Avant le sommeil. Retour à l’état normal.
1971 — 16,1
- 15,1 — 16,8
15,8 — 46,5
— 17,0 — 17,8
— Mouvements de la main. — 17,8
— Jdem.
(1) L'horloge n'étant pas réglée exactement, chaque division ne correspond
pas tout à fait à une seconde; mais cela n’a aucune importance au point de vue
qui nous occupe 1]
520 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Sommeil. Accélération suggérée.
2247 — 19,8
— 16 — 19,8
— 16 — 20
— 16,5 — 19
— 16,6 — 19
— 18
Suggestion du ralentissement. Retour à l’état normal.
— 15,5 — 17,8
— 15,6 — 17,5
— 15,5 — 17,8
— 15,7 — 15,5
— 15,8 — 16,6
— 15,9 — 16,5
— 14,8 — 16
— 14,5 — 16
Je me contenterai d'exposer ce fait, auquel j'aurai plus tard occasion
d’en ajouter d’autres qui ne pourront laisser le moindre doute sur l’in-
fluence de la suggestion hypnotique sur les fonctions organiques.
IL. — Si la suggestion permet d'interpréter presque tous les phénomènes
qui se produisent pendant le somnambulisme provoqué, elle ne peut pas les
interpréter tous. C’est ce que démontre le fait suivant que j'ai observé il y a
quelques jours.
Me H. A... et M'° À. E... ne sont pas parentes; mais elles sont amies
et travaillent habituellement ensemble. Toutes les deux sont des sujets
remarquables au point de vue du somnambulisme provoqué. Le 30 juillet
dernier, M. Liébault endort Mme H. A... J’endors de mon côté Mile A. E...
dans une pièce voisine, et une fois endormie, je lui dis : Vous vous réveil-
lerez quand Mme H. A... se réveillera. M. Liébault, prévenu, dit à
Me H. A... quelle se réveillera quand il lui mettra la main sur le front.
Mie À. E... est placée de façon qu’elle ne peut voir ce qui se passe dans la
pièce voisine. Au moment où M. Liébaut place la main sur le front de
Mne I. À..., celle-ci se réveille et en même temps Mie A. KE... se réveille
aussi. La même expérience fut répétée par moi le lendemain avec le même
résultat. °
Mon absence de Nancy ne me permet pas &e suivre ces expériences, que
je compte reprendre à mon retour ; mais la façon dont elles ont été con-
duites ne me permet pas d'attribuer les phénomènes observés à la sugges-
tion. Quant à l'interprétation des faits, je ne ferai aucune hypothèse; je me
contente pour le moment de les enregistrer et d'appeler sur eux l’attention
des expérimentateurs. |
SÉANCE DU 2 AOUT. 521
NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE ET LE TRAITEMENT DE L’OSTÉO-PÉRIOSTITE
ALVÉOLO-DENTAIRE, par MM. MaLAssez et GALIPPE.
Cette affection très répandue, décrite en 1760 par Fouchard et en 1778
par Jourdain, sous le nom de suppuration conjointe des alvéoles, a été bien
étudiée de nos jours (1867) par le docteur Magitot, qui lui a donné le nom
que nous conservons quant à présent.
Exactement décrite par cet auteur, au point de vue de sa marche et de
ses lésions, l’ostéo-périostite alvéolo-dentaire était mal connue pour ce qui
regarde son mécanisme et ses causes, et considérée généralement comme
incurable.
Il résulte de nos recherches que l’ostéo-périostite alvéolo-dentaire est,
réserves faites pour l'influence du terrain, une maladie locale intérieure et
parasitaire, ce qui explique le processus et donne de précieuses indications
pour le traitement.
Toute cause mécanique capable de détacher la gencive du collet de la
dent, et la plus fréquente est le dépôt du tartre salivaire, permet aux micro-
organismes de pénétrer entre le cément et la paroi alvéolaire.
Ces organismes provoquent, soit par action directe, soit à la suite de
l’inflammation qu'ils déterminent, la destruction des ligaments alvéolo-den-
taires et du cément auquel s’attachent ces ligaments.
Celui-ci présente à la fois des phénomènes de destruction et de néoforma-
tion ; la dentine est érodée et mise à nu et recouverte par places de cément
de nouvelle formation ; les micro-organismes pénètrent dans les canalicules
et, à la longue, la dent peut être injectée dans toutes ses parties par ce pro-
cédé.
La pulpe est envahie et disparaît.
À la période ultime de la maladie, les micro-organismes pénètrent lar-
gement par le canal radiculaire dont le contenu a été détruit.
Ces phénomènes s’accompagnent de suppuration, abondante, dans les
produits de laquelle on trouve de nombreux micro-organismes, sur lesquels
nous aurons à revenir.
Le traitement doit être à la fois chirurgical et antiseptique. Il consiste
dans la destruction de la muqueuse gingivale sur toute la hauteur où le
rebord alvéolaire est résorbé, de façon à supprimer les clapiers dans les-
quels vivent et se développent les micro-organismes et l’introduction dans
ces clapiers d’antiseptiques comme le sublimé corrosif à 3 ou 4 pour 1000
dans les cas ordinaires.
Quand les fibres ligamenteuses du périoste ne sont point détruites en tota-
lité et que la dent peut encore être maintenue assez solidement pour rem-
plir ses fonctions, l'affection est curable; il n’en est plus de même quand
529 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
le cément est détruit sur toute sa hauteur et que la dent est complètement
infectée par le mécanisme décrit plus haut (1).
SUR LA PRÉSENCE DE CORPUSCULES FALCIFORMES DANS LE PUS EXTRAIT DE
LA CAVITÉ PLEURALE D'UN MALADE ATTEINT DE PLEURÉSIE CHRONIQUE
LATENTE. Note de MM. J. Kunsrcer et A. Pirres, de Bordeaux, pré- -
sentée par M. R. BLANCHARD.
Les Psorospermies oviformes ou Coccidies (Leuckart) sont des êtres
parasitaires du groupe des Sporozoaires, qui vivent souvent au sein des tissus
des vertébrés. L’espèce la plus commune et la mieux étudiée, le Coccidium
oviforme, se rencontre dans le foie du lapin. D’autres espèces ont été trou-
vées chez le chien, le chat, le rat, la souris, le porc, le poulet, ete. Le
développement rapide de ces parasites chez nos animaux de basse-cour
peut donner lieu à des épizooties très meurtrières. Les lésions que provoque
leur présence dans les tissus sont en général caractérisées par la forma-
tion de petits abcès à contenu puriforme ou caséeux. Ces abcès peuvent se
rencontrer dans presque tous les viscères. [ls ont été particulièrement étu-
diés dans le foie, mais on peut les observer également dans les intestins,
les reins, etc. Dans les poumons, les lésions psorospermiques ressemblent
beaucoup aux lésions tubereuleuses : elles donnent lieu à la formation de
tumeurs caséeuses disséminées dans le parenchyme pulmonaire et diffé-
rant des masses tuberculeuses en ce que l'examen microscopique permet
de retrouver dans leur intérieur les corpuseules oviformes.
On a signalé quelquefois chez l’homme des affections d’origine psoro-
spermique. Gübler a présenté, en 1858, à la Société de biologie (2) l’obser-
vation d’un malade qui mourut dans son service à l’hôpital Beaujon, où
il était entré pour une tumeur du foie. À l’autopsie, on trouva le foie
hypertrophié et creusé d’une vingtaine de cavités remplies de liquide puru-
lent ou de matière caséeuse. Ces cavités avaient en général le volume d’une
noix ou d’un œuf; l’une d'elles était grosse comme la tête d’un fœtus de
six mois. Dans le pus liquide ou caséeux qui remplissait leur intérieur,
Gübler reconnut au microscope l’existence d’une grande quantité de
corpuscules oviformes qu'il considéra comme des œufs de Distomes. La
description détaillée qu’en donne Gübler permet aujourd’hui de reconnaître
(1) Travail du Laboratoire d’histologie du Collège de France et du Labora-
toire de la Clinique d'accouchement de la Faculté de médecine.
(2) Gübler, Tumeur du foie déterminée pur des œufs ,d’Helminthes, observée
chez l’homme (Bull. de la Soc. de biol., t. V, p. 61-71).
SÉANCE DU 2 AOUT. 023
qu'il s'agissait de Coccidies. Les naturalistes les plus autorisés, MM. Bal-
biani (1), Leuckart (2), ne conservent aucun doute à cet égard.
L'observation de Gübler n’est pas absolument isolée. Dressler (Prague),
Kjellberg et Eimer ont retrouvé des Psorospermies dans le foie de l’homme.
Rivolta et Grassi en ont rencontré dans les déjections de certains malades,
Lindemann dans le rein, et il est probable, dit M. Balbiani, après avoir
rappelé ces faits, que, si l'attention des savants était plus spécialement
dirigée de ce côté, les observations de ce genre se multiplieraient de plus
en plus.
Nous avons trouvé récemment un nombre considérable de corpuseules
falciformes, analogues à ceux qui constituent les corps reproducteurs des
Psorospermies, dans le pus d’un abcès pleural qui s’était formé lentement et
sans réaction fébrile chez un homme de vingt-sept ans, employé depuis plu-
sieurs années à bord des paquebots qui font le service régulier de Bordeaux
au Sénégal. Cet homme éprouvait depuis deux ans de l'oppression, de la pesan-
teur dans le côté gauche de la poitrine, un peu de toux sans expectorations.
Son état général était du reste excellent. Il n’avait jamais de fièvre, ni de
frissons, ni de sueurs nocturnes. À plusieurs reprises, dans le cours des
deux dernières années, il eut l’occasion de consulter des médecins, qui tous
diagnostiquèrent une pleurésie gauche et engagèrent le malade à se soigner
sérieusement. Mais celui-ci était si peu inquiet de son état, qu'il ne fit
jamais aucun traitement sérieux.
Le 16 mai 1884, M. le docteur Lartigue (de Bordeaux) appela l’un de
nous en consultation auprès de ce malade. Il présentait alors les signes
physiques les plus caractéristiques d’un épanchement liquide abondant
dans la cavité pleurale gauche (voussure avec immobilité des fausses côtes,
matité absolue, abolition des vibrations thoraciques, silence respiratoire
dans les deux tiers inférieurs de l’hémithorax gauche; absence de souffle et
d’égophonie ; pas de pectoriloquie aphone, pas d’œdème de la paroi thora-
cique). La thoracocentèse fut décidée et pratiquée séance tenante. Elle
donna issue à deux litres de pus blanc, opaque, d’une consistance huileuse,
sans la moindre odeur désagréable. Quelques jours après la ponction, le
malade, se sentant tout à fait bien, quitta Bordeaux, malgré les conseils
qui lui furent prodigués. L’épanchement s'était en partie reproduit, sans
qu'il y eût la moindre réaction fébrile, avant ou après l'opération.
Examiné au microscope, sans l’addition d’aucun réactif, le pus extrait
par la ponction renferme des quantités innombrables de granulations libres,
réfringentes, de 1 à 4 ; de diamètre, beaucoup de leucocytes pàles, à pro-
toplasma granuleux, quelques rares cellules plates, quelques hématies deve-
nues sphériques et enfin un grand nombre de corpuscules ovoïdes ou fusi-
formes, homogènes, d'apparence hyaline, nageant librement dans le liquide
(1) Balbiani (G.), Leçons sur les Sporozoaires. Paris, 1884.
(2) Leuckart (R.), Die Parasilen des Menesten. Leipzig, 1879.
524 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
de la préparation ou renfermés au nombre de dix à vingt, ou plus, dans des
vésicules claires, relativement volumineuses.
Les corpuscules isolés mesurent en général de 18 à 20 » de longueur ;
exceptionnellement on en trouve quelques-uns plus petits (8 à 10 y), ou
beaucoup plus volumineux (60 à 100 y»).
Ces petits corps rappellent entièrement l'aspect des corpuseules falci-
formes des Psorospermies. Ils présentent une enveloppe mince, finement
striée, et un contenu protoplasmique au centre duquel se voit quelquefois,
mais non toujours, un noyau arrondi.
Les vésicules renfermant les corpuscules falciformes sont formées parune
membrane cuticulaire enveloppante, et à leur centre se trouve souvent une
masse protoplasmique. Les petits fuseaux sont accumulés à la périphérie
sous la membrane. Gette masse protoplasmique paraît être l’homologue du
nucléus de reliquat des Sporozoaires.
Quelques doutes subsistent encore dans notre esprit sur la véritable
nature de ces corps. Cependant il nous semble vraisemblable que nous
avons affaire à une Psorospermie vivant en parasite dans la cavité pleu-
rale.
La présence de ces Sporozoaires dans le liquide d’un vaste abcès pleural,
chez l’homme, soulève plusieurs problèmes intéressant à la fois les natura-
listes et les médecins. D’où provient ce parasite? Par quelle voie a-t-il
pénétré jusque dans la cavité pleurale? Quel rôle a-t-il joué dans lPévolu-
tion de la pleurésie? Doit-il être considéré comme la cause de la puru-
lence de l’épanchement? Nous ne pouvons malheureusement donner à ces
diverses questions une solution immédiate.
CHLOROFORME imMPUR, par M. Paul Berr.
On a, depuis longtemps et à diverses reprises, signalé l’existence de
chloroformes impurs dans le commerce de la droguerie. La nature des
allérations de ce produit a été bien étudiée; on en peut dire autant des
causes qui les produisent et des moyens propres à les reconnaitre. Il ny a
done pas lieu d’insister sur ces divers points. Mais il importe d’éveiller
l'attention des praticiens, toutes les fois que l’occasion se présente, car
l'existence de mauvais chloroforme, vendu sous le nom de chloroforme pur
anesthésique, est peut-être plus fréquente qu’on ne le suppose généra-
lement. |
L’altération peut être poussée si loin que de semblables produits ne pour-
raient être respirés quelques secondes sans déterminer des accidents
graves.
Dans l'échantillon que nous présentons à la Société et qui sort cependant
PP OR CT
SÉANCE DU 2 AOUT. 25
d’une des plus importantes maisons de Paris, la quantité de chlore libre est
si considérable, que le bouchon de liège qui ferme le flacon est profondé-
ment corrodé.
Quand on ouvre le flacon, une forte odeur de chlore se dégage aussitôt et,
si l’on introduit une petite quantité. de ce produit dans un tube à essai
contenant de l’eau distillée et un fragment de papier ozonoscopique,
celui-ci bleuit fortement : les vapeurs seules suffisent à produire cet effet.
Le chlore libre, en agissant sur l’iodure de potassium du papier ozonosco-
pique, met l’iode en liberté et tandis qu'une partie de celui-ci colore en
bleu l’amidon, l’autre communique au chloroforme qui tombe au fond du
tube une belle teinte rouge violet. Ce papier réactif est d’un emploi facile
et permet de déceler rapidement ce genre d’altération. D'ailleurs ce même
chloroforme, traité par l’eau, donne avec le nitrate d’argent un abondant
précipité de chlorure d’argent; il rougit le papier de tournesol et contient
aussi bien certainement de l’acide chlorhydrique.
Ce même chloroforme contient en outre d’autres impuretés, ear, si
on le soumet à la distillation fractionnée, on remarque que les deux pre-
miers passent à 61 degrés, tandis que le troisième ne passe plus qu’à
69 degrés. Comparé à d’autres chloroformes de bonne qualité, il possède
cependant la même densité; c’est done là un mauvais caractère, car ceux-ci
passent complètement à 61 degrés.
D’ailleurs peu de chloroformes du commerce sont absolument compa-
rables. Souvent ils laissent après eux, quand on les fait évaporer dans la
main, une mauvaise odeur ; si l’évaporation'se fait à une basse tempé-
rature, comme cela se produit dans la machine à anesthésier du docteur
Dubois, ces composés n'étant pas volatilisés par le courant d’air froid,
il se fait une sorte de rectification, quin’est peut-être pas inutile, car on ne
connait pas exactement la nature et les propriétés de ces produits lourds
qui, par leur aspect oléagineux et leur teinte jaune verdàtre, ressem-
blent beaucoup à l'huile des Hollandais. Il est probable que l'existence
de ces produits dans le chloroforme du commerce tient à ce qu’on emploie
pour sa ‘préparation industrielle des alcools mal rectifiés.
On conçoit facilement que, en dehors des dangers inhérents à l'emploi
du chloroforme, principalement en ce qui concerne les mélanges d’air et de
chloroforme trop riches en vapeurs anesthésiques, le malade puisse en-
core être exposé à des accidents très graves par l’inhalation de vapeurs
analogues à celles qui se dégagent de l'échantillon que nous venons de
présenter.
Dans de semblables conditions tout titrage du mélange d’air et de
liquide anesthésique devient illusoire, puisqu'il ne s’agit plus d’un chloro-
forme pur, mais d’un mélange de composition indéterminée contenant des
produits manifestement toxiques même à faible dose.
526 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
INFLUENCE DU DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE SUR L'ÉTAT D HYDRATATION
DES ŒUFS DE LA COULEUVRE A COLLIER, par M. R. Dugors.
Une couleuvre à collier conservée depuis quelques jours dans le labora-
toire de physiologie de la Sorbonne pondait alternativement des œufs qui
présentaient un commencement de développement embryonnaire et d’autres
qui ne présentaient pas trace d’embryon. Ces œufs ont été placés sous la
cloche de la machine pneumatique en présence de l'acide sulfurique et de
la potasse. Les œufs qui ne contenaient pas d’embryon ont perdu 57 pour 100.
de leur poids d’eau, tandis que les autres ont perdu 74,74 pour 100. La
couleuvre ayant été ouverte vivante, on trouva également dans l’oviducte
des œufs fécondés et non fécondés placés alternativement. Les œufs non
fécondés, mis dans les mêmes conditions que ci-dessus, ont perdu 62 pour
100 de leur poids d’eau, tandis que les autres ont perdu 72,17 four 100
d’eau. | ÿ
Il semble donc que, pour ce cas particulier au moins, le développement
de lembryon soit accompagné d’une fixation d’une proportion d’eau plus
grande par les œufs fécondés.
D'autre part, le contenu des œufs non fécondés était plus épais, plus
visqueux et il a fallu pour les dessécher complètement quatre fois moins de
temps que pour dessécher les œufs fécondés. Il est vrai que ceux-ci conte-
naient une plus forte proportion d’eau, mais nous avons montré que par-
fois la résistance au dessèchement était en raison inverse de la proportion
de l’eau, par exemple dans le tissu des tumeurs fibreuses de l’utérus. [ei
c’est le contraire qui s’est produit, ce que nous avons appelé la tension de
dissociation de l’eau et destissus était plus grande pour les œufs non fé-
condés contenant moins d’eau, plus grande également pour des tissus pa-
thologiques contenant plus d’eau. La tension de dissociation paraît donc
être, indépendamment de la quantité d’eau, plus faible pour les tissus ou
les albuminoïdes dont la vitalité est plus énergique.
NOTE SUR UNE SEPTICÉMIE, par M. CHARRIN, interne des hôpitaux.
Sur le cadavre de lapins morts du charbon bactéridien, il peut se déve-
lopper quelques heures après la mort un microbe particulier.
Inoculé au lapin, il tue cet animal dans un espace de temps qui varie en
moyenne de dix-huit à quarante-huit heures ; la survie, comme dans d’autres
septicémies, est en raison inverse de la quantité de substance inoculée. Pen-
dant la maladie, lalbumine apparaît dans les urines, la température du lapin
SÉANCE DU Ÿ AOUT. 521
s'élève de 1 à 2 degrés; la plus haute température est atteinte, en général,
quatre ou cinq heures avant la mort; la respiration s'accélère, les convul-
sions surviennent quelquefois dans les derniers moments.
A l’autopsie, on trouve, au point inoculé, un œdème rougeàtre, si l’ino-
culation a été faile dans le tissu cellulaire sous-cutané ; il y a le plus sou-
vent peu d'urine dans la vessie; le foie, les reins, l’intestin sont congestion-
nés, la rate est bleuàtre, augmentée de volume.
Nous avons retrouvé l'organisme dans les viscères suivants : poumons,
foie, reins, muscles, rate, myocarde, bulbe, moelle des os et enfin dans le
sang. Dans le foie, il est très abondant, disposé en chapelets à grains très
nombreux, pouvant atteindre le nombre de vingt. Son siège au sein des
tissus est dans les vaisseaux ; son habitat naturel paraît être le sang; on en
retrouve cependant dans l’œdème au voisinage du point inoculé.
Recherché deux fois dans la cornée, l'humeur aqueuse, les cartilages, Le
liquide du péricarde, nous ne l’avons pas rencontré; une fois il a pu être
constaté dans la sérosité du péritoine.
L'urine, les matières fécales dans un cas ont transmis la maladie; dans
deux tentatives la bile et la salive n’ont donné aucun résultat.
Les portes d'entrée de la maladie sont multiples : l’inoculation peut être
faite avec succès par la voie veineuse, par le tissu cellulaire sous-cutané,
par la trachée, le péritoine, le tube digestif. Si l’on se sert de cette dernière
voie, on trouve, à l’autopsie, les ganglions mésentériques volumineux, rosés
et contenant des microbes.
La maladie se transmet au fœtus. Elle se transmet du lapin au lapin;
elle se transmet aussi au moineau, quelquefois au rat. Le chien, la poule,
le cobaye, la grenouille ont résisté.
Le sang conservé à l’état pulvérulent dans un tube fermé garde sa viru-
lence au moins pendant dix-huit jours.
Ce microbe a une forme arrondie ou légèrement ovoïde, surtout dans les
cultures ; 1l est ordinairement, comme nous l’avons dit, disposé en chape-
let; il est aérobie ; il se cultive dans le bouillon de bœuf et de lapin: les
cultures perdent rapidement leur virulence ; elles sont plus actives inocu-
lées dans les veines que dans le tissu sous-cutané. L'organisme est légère-
ment mobile dans les cultures; il fixe soit dans les liquides, soit dans les
tissus durcis par l'alcool absolu, les réactifs habituels, couleur d’aniline,
plus spécialement le violet de méthyl SB;-ses dimensions sont d'autant
plus petites, que les grains qui composent les chapelets sont plus nombreux ;
elles varient de 1 à 2u. Dans le sang et dans les cultures ceux qui sont
ovoïdes, en s’accolant deux à deux, prennent l’aspect d’un petit bàâtonnet
étranglé. Parmi les septicémies dont l'organisme a été nettement isolé, deux,
à notre connaissance, se rapprochent de celle dont nous parlons. La pre-
mière est celle de M. Gaffky, décrite dans le premier volume des Comptes
rendus de Office sanitaire impérial de Berlin. Nous croyons qu’elle constitue
toutefois une maladie différente, soit parce que le microbe décrit par l’auteur,
528 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
allemand n’a pas la même forme, soit parce qu’il ne paraît pas se dévelop-
per de préférence dans le foie, soit surtout parce qu'il tue la poule.
La seconde maladie à rapprocher est celle décrite par M. Pasteur, en
1880, à l'Académie de médecine. L'organisme découvert par M. Pasteur avait
une tout autre origine, puisqu'il venait de la salive d’un enfant rabique,
mais, comme le nôtre, il tuait le lapin, habitait le sang et ne tuait ni la
poule, ni le cobaye. Toutefois nous n’avons pas trouvé à l’autopsie l’état |
congestif, apoplectique des organes respiratoires, et inversement nous avons
noté des lésions de la rate qui ne sont pas indiquées par M. Pasteur. Comme
nous n'avons pas trouvé dans le mémoire de ce dernier auteur assez de
détails pour poursuivre le parallèle, nous ne trancherous pas la question
de différence ou d’identité.
ErRarum. — Lire page 491, % ligne, rétine au lieu de fétine.
BOURLOTON. — Imiprimeries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. : |
029
SÉANCE DU 9 AOÛT 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
PRÉSENTATION DE PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES DU CHOLÉRA,
par MM. Srraus et Roux.
Nous avons l'honneur de présenter à la Société de biologie des prépara-
tions provenant de cas de choléra observés à Toulon. Un certain nombre
de ces préparations confirment les résultats que nous avons annoncés à la
Société de biologie, à notre retour d'Égypte (1), d’autres de ces prépara-
tions sont relatives au bacille en virgule, découvert par M. Koch et consi-
déré par lui comme étant la cause du choléra.
Les symptômes et les lésions macroscopiques du choléra sont de telle na-
ture que c'est dans l'intestin que l’on est conduit à rechercher la cause de
la maladie. En Égypte, nous nous étions efforcés de trouver dans les tuniques
intestinales un microbe spécifique. La méthode que nous avons suivie dans
cette recherche consistait à colorer dans une solution aqueuse de bleu de
méthylène des coupes pratiquées sur des fragments d’intestin grêle durcis
par l’alcool. Dans les nombreuses coupes ainsi traitées, nous avions constaté
que, dans un certain nombre de cas, les parties superficielles de la mu-
queuse, les conduits des glandes tubulées, la charpente des villosités et, par
places la sous-muqueuse, renfermaient des micro-organismes divers et en
nombre variable, selon la portion d’intestin examinée et selon la durée de
la maladie.
Cette entéromycose était surtout accusée dans la dernière portion de l’in-
testin grêle.
De ces constatations anatomiques, nous n’avions pas cru pouvoir tirer de
conclusions positives sur la cause de la maladie. Une muqueuse dépouillée
d’épithélium, comme celle de l’intestin dans le choléra, ne peut-elle pas
être aisément envahie par les organismes contenus dans les liquides qui la
(1) Comptes rendus de la Socièlé de biologie, séance du 10 novembre 1883
p. 569. FE
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 97, N° 32. 41 l«
,-
/
530 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
baignent? La variété des microbes que l’on constatait dans les préparations
devait éveiller au plus haut point le soupçon d’une invasion secondaire de
l'intestin. « S'il existait réellement, disions-nous, entre l’un de ces microbes
trouvés dans les tuniques intestinales et le choléra une relation de cause à
effet, ce microbe devrait se rencontrer dans toutes les autopsies de cholé-
riques. C’est ce qui ne s’est pas présenté dans nos recherches. Nous avons
observé la présence, dans la muqueuse intestinale, de micro-organismes
surtout dans les cas de choléra qui s'étaient prolongés et qui s’accompa-
gnaient d’un piqueté hémorrhagique de l'intestin. Dans trois cas de choléra
foudroyant, où les sujets avaient été emportés en dix à vingt heures et où
l'intestin était plutôt pàle que congestionné, il nous a été impossible de
constater, dans les tuniques intestinales, la présence appréciable de micro-
organismes. Dans un autre cas suraigu, le nombre des bacilles était très
faible et il fallait un grand nombre de coupes pour en déceler quelques-uns.
Or c’est précisément dans ces cas suraigus, où la maladie revêt son inten-
sité la plus grande, que Ia présence d’un microbe dans la muqueuse intes-
tinale, si elle était réellement primitive et caractéristique, devrait aussi se
ral avec le plus de netteté et d'intensité.
À Toulon, nos investigations ont de nouveau porté sur la recherche d un
organisme Sora dans les tuniques intestinales. Cette recherche s’im-
posait à nous avec d'autant plus de soin que dans son premier rapport, daté
d'Alexandrie, 17 septembre 1883, M. le docteur Koch annonçait que dans
les tuniques intestinales des cholériques ‘il avait constamment trouvé un
organisme qu'il incline à regarder comme étant spécifique du choléra. Se
basant sur l’ensemble des coupes d’intestin grêle de dix cholériques,
M. le docteur Koch arrive à cette conclusion que le choléra est caractérisé,
n Égypte aussi bien que dans l’Inde, « par la présence constante, dans la
muqueuse de l'intestin grêle, d’un bacille caractéristique, rappelant celui
de la morve ».
Les nouvelles observations que nous avons faites à Toulon confirment
pleinement celles que nous avions faites en Égypte. Dans la muqueuse
intestinale d’un certain nombre de cholériques, on rencontre les organismes
les plus divers, surtout dans les cas où la maladie s’est prolongée. Mais
dans les cas plus rapides, ils sont beaucoup moins nombreux, et dans les
cas suraigus il est impossible de déceler leur présence.
Ainsi sur les dix-huit intestins de cholériques que nous avons recueillis à
Toulon, plus de la moitié (onze cas), malgré le nombre des coupes exami-
nées, ne contenaient pas, d’une façon appréciable, de micro-organismes. .
Nous pouvons donc maintenir que dans bon nombre de cas de choléra
(et particulièrement dans les plus caractérisés, les plus rapides) on ne trouve
pas de micro-organismes dans les tuniques intestinales.
Dans ses cinquième et sixième rapports, datés de Calcutta (4), M. Koch
(1) Voy. Fortschritte der Medicin, 1884, n° 5, p. 33 et n° 7, p. 49.
SÉANCE DU 9 AOUT. 531
donne des détails plus précis sur l'organisme qu’il regarde comme étant la
cause du choléra; ce n’est plus sur les tuniques intestinales, mais sur le
contenu même de l'intestin et sur les selles que doit porter l’investigation.
« Le bacille du choléra, dit-il, n’est pas tout à fait droit, mais plus ou
moins recourbé, parfois en forme. de virgule, parfois plus arqué en forme
de demi-cercle. » :
M. Koch, à Toulon, a bien voulu nous indiquer les méthodes auxquelles
‘il a recours pour mettre ce microbe en évidence. [l n’emploie pas de procédé
spécial de coloration : une parcelle de selles ou de mucus intestinal est
étalée en couche mince et desséchée sur une lamelle à couvrir ; la prépara-
tion ainsi obtenue est légèrement chauffée et colorée par une solution
aqueuse assez concentrée de couleur basique d’aniline, de préférence par
le bleu de méthylène.
Lorsque, comme nous l’avons fait systématiquement à Toulon, on examine
ainsi les selles caractéristiques des cholériques, on voit qu'elles renferment
le plus souvent un grand nombre d'organismes microscopiques divers, et
dans beaucoup de cas on n’y rencontre qu’un petit nombre d'organismes en
virgule, alors même qu’elles ont l'aspect riziforme caractéristique. Le con-
tenu inteslinal, prélevé dans les meilleures conditions sur le cadavre,
montre aussi, dans la majorité des cas, des espèces variées de micro-orga-
nismes, parmi lesquelles on trouve le bacille en virgule, sans que celui-ei
semble prédominer sur les autres.
Ainsi, dans treize cas, l'examen fait dans de bonnes conditions des selles
caractéristiques ou du contenu de l'intestin grêle, nous a révélé trois fois
un très grand nombre de virgules; dans quatre cas, on ne les trouvait qu’en
petit nombre et dans ces cas elles faisaient défaut. Il est vrai que les con-
ditions regardées par M. Koch comme particulièrement favorables à la mise
en évidence du bacille en virgule sont assez fugaces; pour lui, les selles
encore fécales du début, non plus que celles qui accompagnent la période
de réaction ne sont convenables pour cette recherche; il recommande
l'examen du contenu intestinal pris rapidement dans l'intestin grêle des su-
jets ayant succombé pendant la période algide d’un choléra rapide.
Dans un cas foudrovant dont l’autopsie a été faite avec M. Koch, nous
avons trouvé l'intestin grêle tapissé par une sorte de mucus blanc grisâtre,
filant, et dans une parcelle de ce mucus étalé en couche mince sur la la-
melle à couvrir et traité par la matière colorante comme nous l’avons dit
plus haut, on voyait, colorés en bleu, une grande quantité de bacilles en
forme de virgule. Ils étaient, pour ainsi dire, comme en culture pure dans
ce mucus ; c'est à peine si dans les préparations on rencontrait associés à
eux quelques bâtonnets d'organismes communs. Sur les dix-huit autopsies
que nous avons pratiquées, nous avons rencontré une autre fois, dans un
cas où la mort était survenue très rapidement, le même aspect du contenu
intestinal et la même abondance du microbe en virgule.
Ces cas sont très saisissants, et conduisent à accorder dans le choléra un
992 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
grand rôle à l'organisme en virgule ; cependant il en est d’autres où la va-
riété des organismes que l’on trouve dans le contenu intestinal est si grande
qu'aucun d’eux ne paraît prépondérant. Dans ces cas, M. Koch a recours à .
la culture pour mettre en évidence l'organisme en virgule.
Une parcelle du contenu intestinal est délayée dans quelques centimètres
cubes de bouillon gélatiné que. l’on a fluidifié par une douce chaleur; on
étend le liquide ainsi ensemencé sur une plaque de verre et la gélatine con-
venablement refroidic fait prise de nouveau. Dans les îlots d'organismes
qui se développent, il en est qui ont l’aspect de petites masses réfringentes;
ils sont formés par des organismes en virgule qui fluidifient bientôt la géla-
tine autour d’eux et se montrent alors sous le microscope animés de mou-
vements rapides. Ces organismes, pendant leur végétation, restent parfois
joints bout à bout et alors ils prennent une forme en S, ou la forme de spi-
rilles. C’est cet aspect de la culture dans le bouillon gélatiné que M. Koch
regarde comme caractéristique. L’organisme en virgule exige pour son
développement un milieu alealin ; il pullule avec une extrême facilité dans
la plupart des milieux alcalins, à une température variant entre 16 et 42 de-
grés; dans les conditions où M. Koch l’a observé, il ne paraît pas donner
de germes; une dessiccation de quelques heures suffirait pour le faire
mourir.
Il est donc certain qu'il existe souvent, dans les selles rizilormes et dans
le contenu de l'intestin des cholériques, un bacille en forme de virgule et
que, dans certains cas, on trouve ce bacille presque à l’état de pureté dans
la matière muqueuse qui tapisse l'intestin. Est-on en droit d’en conclure
que le microbe en virgule est l’organisme du choléra? Nous ne le pensons
pas. Tant que par l'administration d’une culture pure de cet organisme on ne
sera pas parvenu à donner le choléra, la preuve ne sera pas faite. C'est
pourquoi toutes les tentatives pour donner le choléra aux animaux ont un
si grand intérêt; jusqu’à ce qu’on soit arrivé à un résultat dans ce sens, la
démonstration scientifique restera à faire. Il se pourrait en effet que l’orga-
nisme en virgule ne füt prédominant dans l'intestin de certains cholériques
que parce qu'il y trouve un milieu de culture favorable.
A défaut de la preuve directe que fournirait l’inoculation du mierobe en
virgule aux animaux, M. Koch s’est efforcé de montrer que l’organisme qu’il
a décrit dans le choléra ne se rencontrait que dans l’intestin des cholériques
et jamais chez l’homme en santé où chez l’homme atteint de maladies autres
que le choléra. Pour qu’une semblable constatation ait de la valeur, il fau-
drait qu’elle portàt sur un très grand nombre de cas, car il suffirait que
l'organisme de M. Koch füt trouvé une seule fois en dehors d’un cas de
choléra asiatique pour tout mettre en question.
La forme en virgule ne peut, du reste, à elle seule caractériser l’orga-
nisme du choléra. On trouve en effet des bacilles recourbés et de forme
tout à fait semblable à celle de l’organisme de M. Koch dans des produits qui
n'ont rien à voir avec le choléra. Le docteur Maddox, de Londres, a photo-
;
J
SÉANCE DU 9 AOUT. FRE
graphié un microbe en virgule qu’il a rencontré dans un réservoir d’eau.
M. Malassez nous a montré dans une préparation de selles de dysenterie,
au milieu de beaucoup d’autres organismes, quelques bacilles en forme de
virgule bien caractérisés. Dans du mucus vaginal de femmes atteintes de
leucorrhée, dans la sécrétion utérine muqueuse d’une femme ayant un épi-
thélioma naissant du col, nous avons trouvé des formes de bacilles en vir-
gule semblables à celles du choléra.
La forme en virgule n’est done pas caractéristique par elle-même. Il est
très important d'essayer, dans des cas analogues à ceux que nous venons de
citer, d'isoler par la culture les microbes qui présentent une forme sem-
blable à celle de l’organisme de M. Koch et de voir comment ils se com-
portent dans les différents milieux de culture : c’est la seule manière de
les caractériser.
Si le bacille en virgule est la vraie cause du choléra, comme il ne réside
que dans le contenu de l'intestin et que, dans les cas rapides du moins, il
n’envahit même pas d’une façon appréciable la muqueuse intestinale, il faut
admettre que, pour produire des effets aussi rapides et aussi intenses, il
sécrète un ferment soluble, une ptomaïne, un poison quelconque, extrême-
. ment énergique, qui, absorbé, provoque les symptômes du choléra. Il faut
donc s'attacher à extraire des cultures pures dans lesquelles a vécu le ba-
cille un poison soluble qui reproduirait chez les animaux des symptômes
analogues à ceux que l’on observe chez les cholériques.
Il y aura aussi un intérêt spécial à rechercher si, dans les cas de choléra
uostras bien avérés, on rencontre le microbe en virgule.
— Il nous reste à nous expliquer.sur un dernier point. Dans notre rap-
port sur le choléra d'Égypte nous avons signalé la présence dans le sang
des cholériques, de particules extrêmement fines affectant l’aspect d’orga-
nismes. Toutefois, nous faisions toutes nos réserves, vu l’insuccès de nos
tentatives de culture et de coloration. À Toulon la même altération du
sang s’est présentée à nous dans beaucoup de cas, mais elle a fait défaut
dans quelques-uns. Nous pensons que ces corpuscules sont dus à une altéra-
tion spéciale de l’hémoglobine ; c’est aussi l’opinion à laquelle paraît se
ranger notre ami M. Malassez qui, avec sa compétence si grande en héma-
tologie, a examiné des échantillons de sang des cholériques d'Égypte et de
Toulon.
534 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
DESCRIPTION D'UN APPAREIL DE MM. P. ReGNarD ET PAUL LOYE,
POUR L'ÉTUDE DE L'ABSORPTION PAR LES RACINES DES VÉGÉTAUX.
L'appareil que nous avons l'honneur de présenter à la Société peut se
ramener à un système de deux vases communicants. Dans l’un des vases
plonge la plante que l’on veut soumettre à l’étude ; dans l’autre se meu un :
flotteur portant une tigelle: à l’extrémité de cette dernière est fixée une
plume qui vient écrire sur un appareil enregistreur mis en mouvement lui-
même par le jeu d’une horloge.
(1) Présentation faite dans la séance du 2 août 1884.
SÉANCE DU 9 AOÛT. ‘535
L’absorption du liquide contenu dans l’un des vases produit un abaisse-
ment de la colonne liquide de l’autre vase. Le flotteur descend, et c’est ce
mouvement de descente qui est enregistré. .
Pour éviter l’évaporation, on étale une couche d’huile sur le liquide du
vase qui contient la plante. On est alors bien certain que la diminution du
volume et l’abaissement du flotteur sont uniquement dus à l'absorption par
les racines du végétal.
Cet appareil nous a donné déjà un assez grand nombre d'indications nou-
velles : nous nous proposons de les réunir et de les présenter à la Société
dans une de ses prochaines séances.
SUR UN CAS DE PARALYSIE FACIALE PÉRIPHÉRIQUE, AVEC ALTÉRATION DE
LA CORDE DU TYMPAN, SANS MODIFICATIONS DU GOUT ET SANS RÉACTION
DE DÉGÉNÉRESCENCE, par M. J. DEJERINE (1).
Les altérations subies par la fonction gustative, dans la paralysie faciale
périphérique, sont connues depuis longtemps, et sont attribuées par la
plupart des auteurs, à l’altération subie par la corde du tympan, dans son
trajet à travers le rocher; le cas actuel, dans lequel il existait une altéra-
tion très prononcée de ce filet nerveux, sa ns que le goût füt modifié d’une
façon appréciable, me paraît intéressant à rapporter, et concerne un malade
que j'ai eu l’occasion d'observer récemment à l'Hôtel-Dieu, dans le service
de M. le professeur Vulpian, que je supplée actuellement.
Le nommé X..., âgé de vingt-sept ans, est couché au n°29 de la salle Saint-Jean
de Dieu, depuis le 20 février. C’est un tuberculeux vulgaire, dont l'affection pul-
monaire remonte au mois de novembre 1882 ; en mars 1883, il fit une chute sur la
tête, à la suite de laquelle se déclara un écoulement d’oreille, séro-purulent,
d’abord intermittent, qui devint bientôt permanent,
Lors de son entrée, on constate une caverne au sommet droit et du ramollis-
sement au sommet gauche. Crachats nummulaires contenant de nombreux bacilles.
Phthisie laryngée. Arrêt de développement avec malformation congénitale de la
main gauche. Fièvre hectique. Diarrhée.
Le 11 juin dernier, début d’une paralysie faciale droite (même côté que l’otite);
d’abord peu accusée le premier jour, la paralysie augmente les jours suivants,
et est très nette, quoique encore peu intense, le 14 juin, èt porte sur le facial
supérieur et inférieur. Paralysie du frontal et du sourciliér, effacement des
rides du front, déviation de la commissure Jlabiale, lagophthalmos très net.
(1) Travail du laboratoire du professeur Vulpian.
536 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Difficulté dans l’acte de souffler et de siffler. Pas de déviation de la langue, ni
de la luette, voile du palais symétrique.
Exumen électrique (troisième jour de la paralysie), appareil à chariot
(méthode polaire).
Côté sain. Minimum d’excitation du nerf............ TS
— — des muscles........ 10°
Côté paralysé. Minimum d’excitation du nerf........, 110,5
— — des muscles. .... 10°
État normal.
Le 14 juillet, la paralysie a nettement augmenté, la face tout entière est
déviée, le malade fume la pipe, pas d'atrophie musculaire appréciable, le côté
droit de la face a perdu toute expression.
, 1
*
Examen electrique (même méthode).
Côté sain, Minimum d’excitation des musceles........ 110,5
— — AU ATACIAIR EME PETER 12°
Les muscles du côté paralysé ne répondent qu’à 10 divisions et le nerf à 11.
Le surlendemain, ils ne répondent qu’à 9 divisions.
Contractilité galvanique (appareil de Trouvé). à
Côté paralysé. Côté sain.
Muscles de la face.. NEC 15° 15°
— PEC 15° 15
— POC 15° 17e
Nerf facial. NEC 158 120
— PEC 15° 1120
_ POC 470 15°
Il y a donc une légère perturbation dans la formule de réaction, sans augmen-
tation de la contractilité galvanique, en ce sens que le PFC s’obtient à droite avec
le même nombre d'éléments que le NFC et le POC. Pour le nerf, au contraire, on
observe, comme c'est la règle dans ces cas de paralysie, une diminution de la
contractilité nerveuse, en ce sens que le nerf facial, au lieu d’être excitable à
droite avec douze éléments de l’appareil Trouvé, ne l’est qu'avec quinze élé-
ments. à
16 juillet. — L’œil droit du côté paralysé est atteint de kérato-conjonctivite,
avec ulcération de la cornée, pas d’hypopyon. Le lendemain, on note de l’inéga-
lité pupillaire (myosis à droite, du côté paralysé).
Examen du goût, pratiqué le même jour : on ne constate aucune différence
dans la fonction gustative des deux côtés. L'examen est pratiqué à l’aide d’un pin-
ceau au moyen de solutions diverses (sucre, chlorure de sodium, vinaigre, colo-
quinte), le pinceau promené de chaque côté de la langue, le malade accuse la
même sensation gustative des deux côtés. La coloration de la muqueuse linguale
est la même des deux côtés, la langue et le voile du palais ne sont pas déviés. On
SÉANCE DU 9 AOUT. 531
essaye la pilocarpine (5 milligrammes en injection) sur chaque joue, la sudation
paraît un peu plus abondante du côté paralysé, et se produit en même temps que
celle du côté sain.
Le malade succombe le 20 juillet. L’autopsie est faite le lendemain et montre
du côté des poumons de l’infiltration tuberculeuse, et une caverne à chaque som-
met. Les méninges sont très œdématiées; cerveau normal; la pariétale ascen-
dante du côté droit est cependant plus mince que celle de l’autre côté. Sur une
coupe faite à la scie, et passant parallèlement à l’axe du rocher au travers de
l'oreille moyenne, on constate que la caisse est remplie d’un pus assez adhérent,
et que sur ses parois existent des séquestres osseux, mous, friables, se détachant
facilement par le lavage et par la pointe du scalpel. L’oreille moyenne est en
communication directe avec le conduit auditif externe.
La membrane du tympan a complètement disparu, il n'existe pas trace des
osselets de l'ouie. Le promontoire est méconnaissable. La carie semble se
prolonger du côté des cellules mastoïdes, car la substance osseuse se laisse
facilement entamer par le scalpel à ce niveau. Il est facile de déterminer sur
cetle coupe les rapports de la première et de la troisième portion du facial, mais
il n'en est pas de même de eux de la deuxième, que l’on ne peut déterminer
malgré la plus grande attention. Le facial dans ses première et troisième portions
semble se terminer dans le foyer purulent, mais la chose ne peut être affirmée,
la coupe ayant sectionné probablement le facial dans sa portion moyenne, et en
outre, on ne peut affirmer que la carie ait atteint la deuxième portion du facial,
car il existe encore une couche assez épaisse de substance osseuse entre le foyer
de la carie, et la surface intracränienne du rocher à ce niveau (l'examen micro-
scopique montre du reste que le facial n’était point très altéré). Une coupe faite
perpendiculairement à l’axe du rocher, et parallèlement à la première portion du
facial, touche le labyrinthe qui semble normal, en particulier le limaçon dont
on voit très nettement la lame spirale et les ramifications du nerf cochléaire.
Corde du tympan. — Prise avant son anastomose avec le lingual, en faisant
la coupe du pharynx. Acide osmique et picro-carmin, Tous les tubes qui la com-
posent sont très altérés, il n’y a pas un tube sain, tous sont profondément
altérés.
Facial. — Rameaux pris dans la parotide, très peu altérés, quelques-uns
seulement par préparation, la plupart ont conservé leur apparence physiologique.
Cet examen, comme le précédent, a été pratiqué aussitôt après l’autopsie, avec
les méthodes ordinaires. La troisième portion du facial (rocher) examinée par la
même méthode ne montre qu’un très petit nombre de fibres en voie de dégé-
nération.
L'examen à l’œil nu de la moelle épinière, à pârt un état un peu grêle des
deux premières paires, ne présente rien de particulier à l’œil nu (1).
Dans le cas actuel, il n’existait pas de modification appréciable du goût,
bien que la corde du tympan fût dégénérée, et cependant dl’examen a été
D y 5 ? P
pratiqué avec toute la rigueur employée en pareil cas, le malade n’accusait
(1) L'examen histologique (le malade ayant une atrophie congénitale de la
main gauche) sera publié ultérieurement.
538 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pas de différence sensible d’un côté à l’autre. Peut-être la différence était-
elle trop minime pour qu'elle füt perçue par le malade, c’est là la seule
explication possible du fait actuel, car les paralysies faciales périphériques
s’accompagnent trop fréquemment d’une altération de la fonction gusta-
tive, pour que le cas actuel puisse être considéré comme prouvant que la
corde du tympan n’a rien à voir dans les fonctions de la gustation. Mais son
-rôle en tous cas ne doit pas être considérable, si l’on en juge d’après le cas
actuel, car ce nerf Ctait complètement dégénéré et la fonction gustative
paraissait intacte. Les troubles du goût, dans les paralysies faciales péri-
phériques, sont en général peu prononcés, et, dans l’observation que je
rapporte, il est possible que, en raison de laffaiblissement général du
malade, des différences, parfaitement appréciables chez l'homme sain, n’aïent
pas été perçues; cela tendrait à montrer une fois de plus le rôle peu
considérable joué par la corde du tympan dans les phénomènes de la
gustalion.
Le peu de modifications survenues dans l’état de la contractilité fara-
dique, me paraît également intéressant à signaler dans le cas actuel. La
paralysie faciale présentée par ce malade, complète dès les premiers jours,
durait depuis plus d’un mois, sans que la contractilité musculaire et l’ex-
cito-motricité du nerf fussent modifiées d’une façon un peu marquée; la
différence entre le côté sain et le côté malade était minime, ainsi qu’on
l'a vu plus haut, et nullement en rapport avec l'intensité de la paralysie
* (qui, je le répète, était absolue) et avec la durée de ectte dernière. Au lieu
de trouver la réaction de dégénérescence, on trouvait au contraire un étal
presque normal de la contractilité faradique.
L'examen histologique du nerf facial qui me permit de constater Pit
grité de la grande majorité des tubes nerveux qui le constituent, rendait
compte du peu d’altération de la contractilité électrique ; mais cet examen
ne rend pas compte de l'intensité de la paralysie, du moins dans l’état
actuel de nos connaissances sur ce point de physiologie pathologique. I
est difficile, pour ne pas dire plus, de comprendre une paralysie faciale par
compression, compression suffisante pour amener une paralysie complète
et durable comme dans le cas actuel, persistant plus d’un mois (jusqu’à ia
_ mort), sans que tous les faisceaux nerveux du nerf participent à la dégéné-
ration. En d’autres termes, dans le cas actuel, le nerf facial était soumis à
une compression suffisante pour empêcher la volonté de passer, mais cette
compression était insuffisante pour amener la dégénérescence du nerf, et
partant des troubles marqués dans l’état de la contractilité. Je le répète, à
l'examen histologique, l'immense majorité des tubes nerveux du facial pré-
sentait les caractères de l’état normal, et cependant la paralysie .était
absolue.
Le fait précédent tend donc à montrer qu’un nerf peut être comprimé
suffisamment pour perdre la conductibilité volontaire, pendant un temps
très long, sans que la dégénérescence de ce nerf en soit la conséquence
COR
SÉANCE DU 9 AOUT. 539
forcée. C’est là un fait dont il faudra tenir compte, dans l'histoire de cer-
taines paralysies par compression, dont la physiologie pathologique est
encore, à beaucoup d’égards, d’une interprétation fort obscure.
Du RÔLE JOUÉ PAR LA MÉNINGITE SPINALE, POSTÉRIEURE DANS LA PATHO-
GÉNIE DES SCLÉROSES COMBINÉES, par M. J. DEJERINE.
La participation des faisceaux latéraux dans certaines scléroses systéma-
tiques des faisceaux postérieurs n’est pas très rare, et dans ces cas-là le
tableau clinique présenté par les malades diffère singulièrement de celui
du-tabès ordinaire. La sclérose latérale associée à la sclérose postérieure
étudiée en 1879, par Westphal, peut s’observer dans diverses circon-
stances. Tantôt, et c’est peut-être le cas le plus fréquent, elle apparaît en
même temps que la sclérose postérieure, et dès le début, les symptômes de
cette dernière affection sont modifiés, tantôt, au contraire, c’est dans le
cours d’un tabès, évoluant depuis un temps plus ou moins long, que l’on
voit survenir des symptômes indiquant que les faisceaux latéraux se
prennent à leur tour.
Dans ces différents cas de sclérose combinée, la selérose latérale n’a rien
de systématique, c’est une sclérose corticale, occupant la partie la plus
postérieure du cordon latéral, et n’ayant avec le faisceau pyramidal et le
faisceau cérébelleux aucun rapport régulier, c’est une selérose asystéma-
tique venant se greffer, pour ainsi dire, sur la moelle épinière d’un sujet
atteint de sclérose fasciculée des cordons postérieurs.
La présence de la sclérose latérale dans le cours de la sclérose posté-
rieure, ses relations avec cette dernière, sa physiologie pathologique, en
un mot, sont encore incomplètement élucidées, et jusqu'ici les différentes
idées qui ont été émises à cet égard, sont loin d’être absolument démon-
siratives. LEE
Dans deux cas, que j’ai eu l’occasion d'observer récemment, la sclérose
latérale qui venait compliquer des lésions du tabès ordinaire, me paraît
devoir être le résultat d’une méningo-myélite corticale par propaga-
tion. ,
On sait combien est fréquente, pour-ne pas dire constante, la méningite
spinale postérieure des tabétiques (Vulpian), et l’on sait que cette dernière
est en général proportionnelle, comme intensité, au degré de développement
de la sclérose postérieure, On sait également que, pour que cette ménin-
gite se produise, il n’est pas nécessaire que la sclérose postérieure devienne
corticale, mais qu’elle se produit dès que les faisceaux de Burdach com-
mencent à se prendre au niveau de leur partie moyenne, et ceci montre
540 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
bien que cette méningite spinale ne se produit pas par contiguité, mais bien
par un mécanisme de nature irritative, agissant à distance (Vulpian). |
Dans l’immense majorité des cas, la méningite reste localisée dans le
domaine des cordons postérieurs, et c’est ainsi que les choses se passent
dans le tabès ordinaire.
Mais, dans certains cas, la méningite s’étend de chaque côté des cor-
dons postérieurs, et empiète plus ou moins sur le faisceau latéral corres-
pondant, et, dans ces cas-là, on trouve une sclérose médullaire sous-
jacente, marchant de la périphérie au centre, de forme triangulaire à base
méningée, et le processus scléreux est d'autant plus intense, que l’on se
rapproche davantage de la méninge altérée; les tractus fibreux de cette
dernière, charpente de la névroglie à l’état normal, épaissis d’une façon
notable, à vaisseaux scléreux, sont manifestement le point de départ de
l’altération irritative aboutissant à la destruction des tubes nerveux.
Dans les deux faits que j’ai eu l’occasion d’observer, et auxquels je fais
allusion plus haut, les choses se sont passées de cette manière. Le premier
concerne un malade du service de M. le professeur Vulpian, tabétique
depuis plusieurs années, et chez lequel l'apparition d’une paraplégie à
marche rapide, révéla pendant la vie l’altération des faisceaux latéraux.
Dans le secend cas, observé à l’hospice la Rochefoucauld, où je suppléais
M. le docteur Liouville, la marche clinique fut différente ; dès le début de
l'affection, les cordons latéraux paraissent avoir élé pris, car la faiblesse
motrice évolua parallèlement avec les douleurs fulgurantes. Dans ces deux
faits, l'examen histologique de la moelle épinière montrait une sclérose
des faisceaux postérieurs, avec méningite spinale chronique, s'étendant aux
faisceaux latéraux (partie postérieure), dans les régions lombaire et dorsale
inférieure; dans les points correspondants, il existait une selérose corticale
de la partie postérieure des cordons latéraux, rigoureusement proportion-
nelle comme étendue, siège, distribution et intensité de lésion, aux altéra--
tions de la méninge sus-jacente, et La sclérose était d'autant plus prononcée,
que l’on examinait des parties du faisceau latéral plus rapprochées de la
méninge.
Il s’agit évidemment dans les cas que je rapporte ici, d’ane sclérose laté-
rale par méningo-myélite extensive, partie de la méningite des cordons pos-
térieurs ; dans un de ces faits, la marche de la sclérose latérale fut sub-
aiguë, dans l’autre la marche fut chronique, et encore ici l'examen
histologique confirma les données cliniques, car dans le premier cas la
méninge recouvrant la partie postérieure des faisceaux latéraux et la
moelle sous-jacente montraient des signes très nets d’irritation subaiguë
(noyaux nombreux, etc.).
Les différents cas de sclérose combinée publiés jusqu'ici sont-ils sus-
ceptibles d’une interprétation analogue ? La chose me paraît probable, ainsi
que l’on peut s’en convainere en lisant les observations des auteurs qui se
sont occupés de ce sujet. Malheureusement, dans un certain nombre d’au-
SÉANCE DU 9 AOUT. o41
topsies, l’état de la pie-mère est passé sous silence, même à l’œil nu, et dans
les observations où la méningite spinale postérieure est notée, l’examen
histologique n’en fait pas mention.
C'est du reste là un point spécial de la question, que je discuterai dans
un prochain travail.
PATHOLOGIE EXPÉRIMENTAL , CLINIQUE. NOTE SUR LA RÉTENTION D URINE,
par M. Ch. E. Quinouaur.
Ce travail a pour but de rechercher les altérations du sang, les modifica-
tions de la température, de la pression artérielle, de l’exhalation pulmo-
naire de CO?, après la ligature de l’urèthre chez les animaux, après une
rétention d'urine chez les individus rétrécis ou chez les sujets prostatiques.
1° Expérimentation. — Voici les résultats principaux : les chiens aux-
quels on lie le canal uréthral succombent le quatrième jour à des accidents
urémiques, exceptionnellement le troisième jour à une rupture de la vessie
et à une péritonite.
Ar autopsie on trouve dans tous les cas une disienion extrême de la
vessie, qui est enflammée et souvent adhérente à l’épiploon contigu laissant
voir des points purulents; l’uretère est un peu dilaté, les reins sont conges-
lionnés et les poumons offrent des plaques d’hyperhémie ; le cœur est dis-
tendu par des caillots gelée de groseille.
Dans ces conditions, l’aceumulalion de l’urée dans le sang se manifeste
nettement de la quarante-huitième à la soixante-douzième heure qui suit
l'oblitération de l’urèthre, tandis que le même phénomène se produit immé-
diatement après la néphrotomie et la ligature de l’uretère, comme l’ont
montré divers auteurs, surtout M. Gréhant. Cette différence tient à ce
que l’animal continue à uriner dans sa vessie, jusqu’à ce que la pression y
soit suffisante pour entraver la fonction rénale. Au moment de la mort cette
pression est d’un centimètre et demi de mercure.
Expériences montrant l’augmentation de l’urée dans le sang, consécuti-
vement à la ligature de l’urèthre :
Poids durée contenu dans 100 grammes de sang.
Aantiar Heatare: 232.7... |. 0sr,016 05r,025
Après vingt-quatre heures....... 0 ,018 0 ,027
— quarante-huit heures...... 0 ,054 0 ,032
— soixante-douze heures..... 0 ,145 0 ,165
— quatre-vingts heures...... » 0 ,189
La température de l'animal ligaturé s'accroît pendant les deux jours qui
suivent la petite opération, laquelle est faite par la méthode antiseptique ;
DE BIOLOGIE.
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SÉANCE DU 9 AOUT.. = 543
mais la chaleur s’abaisse le quatrième jour, où elle tombe aux environs de
31 degrés, parfois au-dessous.
La pression artérielle diminue notablement après le troisième jour;
ainsi de 14%,6, avant la ligature, elle descend quatre jours après à
o centimètres.
Notons ici l'absence d’hydrémie ou la présence d’une hydrémie très
faible.
L’exhalation pulmonaire de CO? diminue constamment à partir du troi-
sième jour ; déjà vingt-quatre heures après la ligature, on note un léger
abaissement suivi après vingt-quatre heures d’un peu d'augmentation.
En voici un exemple :
Poids de CO? exhalé en 9/20".
Avant la ligature de l’urèthre..... SP MAN AERS 18,40
Après vingt-quatre heures..... SE OU Dbooe 145
— quarante-huit heures........... OO Ébe 0 ,90.
SOIT ANTE- DOUZE EURES. 2e 2-0 ee. secs 10168
Tous ces faits s’expliquent par les lésions hématiques : l'acide carbonique
diminue progressivement à mesure que l’urée s’accroît, la proportion d’oxy-
gène reste longtemps la même, diminuant à la fin en raison STE" de
Pasphyxie.
La capacité nr du sang reste tout à fait normale, fait impor-
tant au point de vue de l’histoire de l’urémie. Les tableaux ci-joints, I, Il
et III, montrent toutes ces variations. te
TABLEAU IL. — LICATURE DE L'ORÈTHRE.
CON E dr
DATES DES RÉCHÉRCHES | % 7 . 8 GAZ DU SANG Ha
ea m & & |CONTENUS pans 15 PRIS) Z S
— Æ , A
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CHIEN DE 16 KILOGRAMMES. EN & = < C0:. 0. D ©
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13 juin (normales). .... HE02 EE ONG 2,9 »y |/390
44 — (2%h.ap.ligat.). | 01,52 20 » » » DURS 00
45 — (48h.ap.ligas.). | 01,75 | 19 » ) » » . 399,8
— (72h.ap.ligat.)..| 0,49 | 29 | 6,9 | ,3,3 | 2,7, | 0,120 | 31°,4
Mort dans la nuit du 46 au 47.
À ñ
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
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LL
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TABLEAU HI. — LIGATURE DE L'URÉTHRE.
I D AO
DATES DES RECHERCHES RRNRMION : | NOMBRENDE PRESSION
DE C0? RESPIRATIONS a À
SUR UN CHIEN a M IUÈRS ARTÉRIELLE
DANS 25 LITRES PAR
DE 11 KILOGRAMMES. LEN 5 MINUTES. MINUTE. MARIE
13 juin (normales)....... Our,93 17 399,2 18°,5
— (24h. ap. ligat.).. 01,87 14 390,7 »
45 — (48h. ap. ligat.).. Osr,92 15 280,9 »
16 — (12h. ap. ligat:).. |. O0s,73 14 370,2 14°,2
Mort dans la nuit du 16 au 17.
% Clinique. — Chez l’homme les phénomènes principaux que nous
venons d'étudier, sont absolument les mêmes ; cependant l’accumulation de
l’urée se fait d’une manière lente ; aussi la vie se prolonge-t-elle plus long-
temps chez l’homme que chez le chien.
Observation. — Poids d’urée dans 100 grammes de sang chez un rétréci
atteint de rétention complète d'urine : homme de trente-cinq ans, chez le-
quel le cathétérisme réussit seulement le huitième jour de sa rétention :
Avant: l'accident een Rennes tete ts . Ogr,015
Après le troisième jour............. PE ed oo e 0 ,018
Ie CINQUIÈMENDUR ECC CCC U 0 ,028
— le huitième jour.......... de BR NOTE 0 ,035
L’exhalation pulmonaire de C0°, qui était de 15,60 en sept minutes,
tombe le septième jour à 05r,37 tout étant égal d’ailleurs.
Chez des vieillards atteints d’hypertrophie de la prostate avec rétention
d'urine, nous avons trouvé les mêmes faits.
Dernière considération importante : lorsque chez l’animal on désobli-
tère le canal avant que l’urée ait atteint 08,130 pour 100, l'animal survit;
si le chiffre d’urée est supérieur, le chien succombe ordinairement.
Nos analyses tendent à prouver que chez l’homme la dose AMENER un
pronostic grave est de 05',067 pour 100.
Mais si, au lieu d’avoir une rétention d'urine complète comme dans les
cas rapportés plus haut, la rétention est incomplète, ou si le cathétérisme
intervient, alors tous les phénomènes mentionnés diminuent nat cesser si
l'évacuation est suffisante et si le chiffre d’urée dans le sang n’a pas atteint
la dose mortelle pour les tissus.
SÉANCE DU 9 AOUT. 049
L’altération du sang ne suffit pas pour expliquer la mort : il existe une
- autre cause : les éléments anatomiques sont peu à peu modifiés par les
produits de rétention : l’activité de la respiration élémentaire diminue
beaucoup, ainsi que nous l’avons souvent vérifié, en utilisant la méthode de
notre illustre président P.-Bert ; dans un autre (ravail nous reviendrons sur
ce point.
ACTION PHYSIOLOGIQUE DES SUCS DE L'ARBRE Q XÉ » ET DE LA LIANE Q Voiï-
Voï » QUI SERVENT A LA PRÉPARATION DES POISONS DES Moïs, par M. Bocxe-
FONTAINE.
Je viens ajouter quelques renseignements à la Note relative au poison
des Moïs que j’ai communiquée il y a quelques semaines à la Société.
Afin d'obtenir les plantes qui servent à la préparation de ce poison,
M. Lejemble s’est adressé à M. Crupy, ancien sous-officier de spahis, resté
en Cochinchine depuis 1861, et qui parcourt deux ou trois fois chaque
année la contrée à moitié sauvage sur les confins de laquelle sont fixées les
dernières tribus des Moïs.
M. Crupy se fit donner un ordre du Phù invitant les notables Moïs
à lui indiquer les plantes avec lesquelles ils fabriquent leur poison.
« Peine inutile; pendant quinze jours, dit-il, on fabriqua devant moi un
certain poison avec lequel on pourrait tuer une armée, et, après plu-
sieurs expériences, j'étais forcé de reconnaître que l’on me trompait. »
Heureusement le hasard lui vint en aide et il put se procurer les objets
suivants, que je mets sous les yeux de la Société :
1° Deux morceaux de bois. L’un, plus gros, est un fragment de la tige
d’un arbre Xé de grosseur moyenne; l’autre, plus petit, provient d’une liane
‘appelée Voï-Voï. Ces noms appartiennent à la langue quoè-ngù.
2° Deux échantillons d'extraits préparés l’un avec l’arbre Xé, l’autre avec
la liane Voi-Voï. |
3° Une feuille müre de l'arbre X6, et une feuille jeune de la liane
Voi-Voi.
Le poison de l'arbre Xé est un suc naturel que l’on obtient en pratiquant
une incision à l'écorce. II s'écoule de la plaie une matière gommeuse, sans
odeur, qui a la teinte de l’eau miellée, s’épaissit en vieillissant et prend
alors la couleur de l’acajou : en même temps le poison acquiert plus de force.
Lorsqu'il est devenu trop dur pour que l’on puisse y tremper l’extrémité
des flèches au moment où on devra les lancer, on lui rend sa consistance
sirupeuse en ajoutant un peu d'alcool. M. Crupy, suivant l'habitude des
indigènes, a essayé le poison Xé sur des caméléons, qui ont succombé assez
rapidement.
J'ai essayé ici le suc de l'arbre Xé et obtenu les mêmes effets que ceux
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [, N° 32, 42
046 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
qui sont indiqués dans le travail de M. Henneguy, et dans ma précédente
communication sur le poison des Moïs. Avec l'écorce ràpée de cet arbre on
a fait un extrait hydro-alcoolique qui a donné les mêmes résultats.
M. Baillon a reconnu que cet arbre Xé n’est pas autre chose que l'Antiaris
toxicaria, comme il l’avait supposé du reste. Il n’est donc pas étonnant
que l’on ait obtenu avec ce poison, sur la fibre musculaire cardiaque,
l’action caractéristique des poisons systoliques du cœur, tels que la digitale,
le muguet, elc.
L’écorce de la liane Voï-Voï contient un liquide blanc, inodore, qui colle
aux doigts. Le poison que l’on prépare avec elle ne s’affaiblit pas avec le
temps. S’il est devenu trop épais ou dur au moment où l’on veut s’en servir,
on lui rend sa consistance en le mélangeant avec du jus de tabac.
Ce morceau de liane a servi à la préparation de l'extrait qui l'accompagne
et voici comment M. Crupy décrit cette manipulation, qui a été faite devant
lui :
«On frappe sur la liane avec un morceau de bois pour en détacher
l'écorce par petits morceaux ; on met dans un grand vase 1 kilogramme
de cette écorce avec 11 litres d’eau; on fait bouillir pendant huit heures,
on retire l’écorce pour ajouter environ 190 grammes de tabac et conti-
nuer à faire bouillir pendant dix minutes. Le tabac est retiré et pressé
dans la main pour en extraire le jus. On fait de nouveau bouillir pendant
dix minutes, puis le vase est retiré du feu. On laisse refroidir le liquide,
qui est be à une quantité d'un verre à bordeaux; cette composition a
l'aspect et l’odeur de la mélasse. »
La substance ainsi préparée a été essayée par M. Crupy sur des singes et
des caméléons. On pratiquait une piqûre plus ou moins profonde à la cuisse
au moyen d’un bambou effilé dont la pointe était enduite d'extrait de Voi-
Voï : tous les. animaux ont succombé au bout de cinq à neuf minutes.
Afin de reproduire les résultats obtenus par M. Crupy et d'étudier l’action
physiologique du poison Voï-Voï, j'ai fait sur la grenouille et le chien un
certain nombre d’éxpériences :
1° Avec l'extrait sec adhérent aux parois du vase.
On a mis un fragment de cet extrait gros comme une tête d’épingle .
naire sous la peau de la jambe de trois grenouilles. Au bout de vingt minutes
les grenouilles ont paru affaiblies, moins alertes, cependant elles nageaïent
et elles avaient conservé leur réflectivité médullaire. À ce moment le cœur
a été mis à nu sur une des grenouilles et on a vu le ventricule pâle, exsan-
gue, petit, en systole, tandis que les oreillettes étaient rouges et distendues
par le sang. Tout mouvement avait cessé dans les’ diverses parties du cœur:
Pendant la durée de cet examen, les deux autres grenouilles s'étaient
affaiblies et affaissées sur le ventre. On les a mises dans l’eau; elles n’ont
pas fait de mouvement; on leur a pincé les orteils d’une patte postérieure
et elles ont aussitôt exécuté quelques mouvements de natation. Le cœur
SÉANCE DU 9 AOUT. 47
immédiatement mis à découvert était arrêté comme celui de la première
grenouille.
On a répété l'expérience méthodiquement pour bien étudier le cœur et
on s’est assuré que l’extrait de Voï-Voï contenu dans le vase envoyé de
Cochinchine est un poison musculaire systolique du cœur, comme le suc de
l'écorce de l’Upas-antiar.
2 Avec le même extrait dilué dans l’eau dans la proportion de 10 centi-
grammes par centimètre cube d’eau, on a fait sur un chien l’expérience
Suivante, qui est suffisamment caractéristique pour n’avoir pas besoin d’être
répétée.
Ogs. — Chien terre-neuve mâtiné, poids 18 kilogrammes.
2 h. 45. Injection sous-cutanée de 5 centigrammes d'extrait Voi-Voi dilués
dans 1/2 centimètre cube d’eau.
3 h. 5. Défécation, inquiétude, l’animal ne tient pas en place, anhélation.
3 h. 15. Vomissement de matières alimentaires et de mucus spumeux. Cœur
irrégulier.
3 hi 28. Vomissements, cris de douleur, respiration difficile, battements du
cœur irréguliers et arrêts du cœur.
3 h. 30. Vomissements, cris de douleur, même état du cœur, diarrhée abon-
dante. L’animal affaibli se couche sur le ventre, puis se relève.
3 h. 40. Les vomissements se sont reproduits ainsi que les cris de douleur à
plusieurs reprises ; les battements du cœur sont de plus en plus irréguliers et
précipités avec des asystolies fréquentes. Tout d’un coup l’animal tombe sur le
flanc et pousse un cri aigu de douleur. Le cœur est arrêté, l’animal est mort.
3° On a râpé l’écorce de la liane et avec la poussière ainsi obtenue pesant
5 grammes, On à fait un extrait hydro-alcoolique qui produit sur la gre-
nouille l'arrêt systolique du cœur, alors que le système nerveux central, les
nerfs, les muscles de l’animal conservent leurs propriétés physiologiques.
Peu tous les muscles, le cœur seul à ce moment est incapable de se
contracter sous F te de l'électricité ; enfin l’atropine est impuissante
à lui rendre ses mouvements.
Par conséquent, le principe actif de l’écorce de la liane Voï-Voi est un
poison musculaire systolique du cœur, comme l’Upas-antiar, le Conval-
laria maïalis, la digitale, l'Erytrophlæum quineense, V'Adonis verna-
lis, etc.
Quel est le nom scientifique de la liane Voï-Voï? Les parties de la plante
qui sont jointes à l’extrait ne suffisent pas pour établir la place qu’elle
occupe en botanique. Faut-il la classer parmi les Sérophantus ainsi que l’a
pensé le jardinier en chef de l’Institut français de botanique à Saïgon ? Il
n’est pas encore permis de le croire. Le Strophantus hispidus, ou Inée,
étudié par MM. Carville et Polaillon, est un poison musculaire systolique
du cœur des plus énergiques, comme la liane Voï-Voï. Mais, d’après les
indications recueillies par M. Baillon, l’Inée ou Onaye, du Gabon, est un
« arbuste sarmenteux élevé de 3 à 4 mètres » tandis, que le Voï- Voï est une
D48 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
liane puissante qui peut étouffer les grands arbres autour desquels elle
s’enroule. Il est probable qu’un nouvel envoi de Saïgon me fournira lês
moyens de résoudre cette question.
En résumé, on connaît aujourd’hui deux poisons des flèches des Moïs, l’un
préparé avec l’Upas-antiar, l'autre avec la liane Voï-Voï encore indéter-
minée. Or ces deux poisons onf la même action physiologique, qui consiste
dans l’arrêt du muscle cardiaque en systole ventriculaire.
DE LA RÉGULATION DE {LA CHALEUR CHEZ LE CHIEN PAR LA RESPIRATION.
Note de M. Charles RicHer.
On admet généralement, mais, ce semble, sans apporter de démonstra-
tions ou d'expériences à l’appui, que la régulation de la chaleur se fait,
quand la température extérieure s’élève, d’une manière différente chez
l’homme et chez les animaux qui, comme le chien, n’ont pas de transpira-
tion cutanée notable. Je viens apporter quelques expériences qui dévelop-
pent et confirment cette donnée empirique plutôt qu'expérimentale.
Pour étudier facilement les effets de la chaleur sur l'organisme, j'ai fait,
avec M. Laborde, construire, au laboratoire de physiologie de la Faculté,
une chambre qui a 1 mètre de largeur, 3 mètres de long et 2 mètres de
hauteur, dans laquelle un régulateur est disposé de manière que la
température soit constante. On a ainsi une étuve qu'on peut échauffer à la
température voulue au moyen de tubes d’eau chaude circulant le long des
parois. Il est à noter que dans les parties hautes la température est tou-
jours plus élevée, de 3 ou 4 degrés, que dans les parties basses.
A lafpartie moyenne, dans toutes mes expériences, la température de
l’étuve était entre 37°,5 (minimum);et 41°,5 (maximum).
Si l’on fait entrer un chien dans cette étuve, sa respiration devient hale-
tante. Ce changement de rythme, sur lequel je reviendrai avec plus de dé-
tails dans une prochaine communication, s’observe soit immédiatement,
soit une ou deux minutes après que le chien est entré dans l’étuve.
Bientôt la respiration devient très accélérée, et l’essoufflement de l’animal
est tel, qu’il a parfois 300 respirations par minute. Cependant sa tempé-
rature rectale ne s'élève pas sensiblement, ainsi que quelques expériences
vont l’établir.
Temps Température Différence
passé dans l’étuve. à l'entrée. à la sortie. par heure.
4° Un chien placé dans l’étuve.... 2 h. 30 38° 380,2 + 00,09
Do Pas "ni 2 h. 39,1 388 — 015
90 cs Æ 9 h. 30 390 1 39° 1 SET
4° Même chien qu’à l’expérience.. 14 h. 380,0 38°,8 + 09,02
5° — — 20h05 390,4 390,4 =
6e _ # 1 h. 30 380,8 40° (1) + 0,9
7° Même chien que l'expérience 6. 2 h. 30 40°,1 390,2 — 0°,6
(1) La température de l’étuve est de 41°,5.
r %
DAT
- SÉANCE DU 9 AOUT. 549
Ainsi l’élévation de la température extérieure de 37 à 41 degrés ne fait
croître que très faiblement, ou ne fait pas croître du tout, latempérature d’un
chien dont le museau n’est pas attaché ; lequel peut, par conséquent, avoir
une respiration anhélante.
Il en est tout autrement quand il est muselé de manière que la respira-
tion ne puisse se faire par la gueule ouverte. Voici les expériences qui le
prouvent : |
Temps Température Différence
passé dans l’étuve. à l'entrée. àla sortie. par heure.
1° Chien de l'expérience 1........ nette 409,2 410,7 + 40,09
Do . Re 0 h. 45 38.9 4325 LE 612
go Er RUE 0 h. 50 39o,4 AB 408
4° — ORALE 0 h. 10 990,9 409,8 + 70,8
Autrenchien. PER re 1 h. 45 39°,6 410,7 + 102
Ces chiffres montrent la netteté de cette expérience. Un chien dont le
museau est attaché s’échauffe très rapidement dans l’étuve, parce que sa
respiration ne peut pas être haletante, partant que le refroidissement par
l’évaporation pulmonaire ne peut se faire.
Pourquoi, lorsque la gueule est fermée, n’y a-t-il pas d’anhélation vio-
lente? Je ne saurais en déterminer exactement la cause; il est possible
que ce soit un fait simplement mécanique. Pour que la respiration soit
extrêmement rapide, il faut que les mouvements de l'inspiration et de l’ex-
piration s’opèrent sans avoir une résistance à surmonter. Quand la trachée
ou quand la gueule est largement ouverte, de manière que l'inspiration et
l'expiration se fassent librement et sans obstacle, le rythme est accéléré.
Au contraire, dès que la pression augmente, le rythme se ralentit.
C’est comme une machine actionnée par une force constante, la vitesse
et le poids soulevé sont un produit constant. De sorte que, le poids augmen-
tant, la vitesse diminue ; le poids diminuant, la vitesse augmente.
Un chien, profondément chloralisé et échauffé, respire plus vite quand on
lui ouvre largement la gueule que lorsqu'on lui ferme le museau. Toutes
les fois qu'on lui tire la langue et qu’on lui ouvre la gueule, sa respiration
s’accélère ; et il ne s’agit pas là d’un réflexe, mais simplement d’une condi-
tion mécanique plus favorable, car tous les réflexes sont abolis.
En augmentant la résistance qu'ont à vaincre l'inspiration ou l’expiration
sur des chiens chloralisés, on ralentit énormément le rythme respiratoire.
Au moyen d’un appareil très simple (large tube en verre plongeant dans
une éprouvette de diamètre à’peu près égal et contenant un peu de mercure)
on augmente la résistance respiratoire. On voit alors se ralentir aussitôt le
rythme de la respiration, aussi bien sur des chiens profondément chloralisés
que sur des chiens normaux; aussi bien sur des chiens dont la respiration
est accélérée par la chaleur que sur des chiens dont la respiration n’est
pas accélérée.
Je me réserve, d’ailleurs, de reprendre ce point spécial, dans ses rela-
550 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tions avec la dyspnée thermique. Car il y a tout une question chimique très
importante, mais très difficile à résoudre, relative à linfluence de CO® sur
le rythme respiratoire.
L'action du chloral est aussi très intéressante à étudier sur les animaux
mis dans l’étuve. A dose très forte, il empêche l’accélération respiratoire,
et alors la température de l'animal s'élève, quoique le museau soit détaché
ou que la trachée soit ouverte. C’est là un fait curieux qui montre,
d’une part, que la régulation de la chaleur est un phénomène réflexe (Le
chloral, supprimant les réflexes, empêche cette régulation de se faire).
D'autre part, le chloral, empêchant l’évaporation pulmonaire, empêche le
refroidissement.
J’ajouterai une autre remarque : c’est que, lorsque la chloralisation est
très profonde, la température du chien ne peut être élevée au-dessus de
42 degrés. Vers 42 degrés (41°,9 dans un cas, 42°,3 dans un autre) l'animal
meurt, et sa respiration s'arrête. Il est curieux de comparer ce fait à celui
que j'ai indiqué à propos des poissons : que pour ces animaux la puissance
toxique de divers poisons croit avec la température.
L'action combinée du chloral et de la chaleur fait qu’une température
de 42 degrés, qui n’est pas mortelle pour un chien (j’en ai conservé qui
avaient eu, l’un 43°,7; un second, 48°,5; un troisième, 43°,4) devient mortelle
pour un chien chloralisé. D’autre part, une dose de chloral, qui n’est pas
mortelle pour un chien à 40 degrés, devient mortelle quand la température
de ce même chien, sans dose nouvelle de chloral, s'élève à 42 degrés (1).
Nous pouvons done émettre les conclusions suivantes :
4° Les chiens se refroidissent par une respiration plus fréquente et par
l’évaporation pulmonaire active qu’elle provoque.
% Des chiens non muselés ne s’échauffent pas sensiblement dans une
atmosphère de 38 à 40 degrés. Quelquefois même ils se refroidissent, quel-
que paradoxal que paraisse ce phénomène, si le froid qu'amène une anhé-
lation extrêmement rapide est, somme toute, plus important que la produc-
tion de la chaleur, au même moment.
3° Lorsqu'ils sont muselés, ce qui empêche l’anhélation et la respiration
rapide, ils s’échauffent très promptement, soit de 5, 6,7, 8 degrés par heure.
4 La non-accélération de la respiration chez les chiens muselés est un
phénomène mécanique dû à ce que la gueule n’est pas ouverte de manière
à rendre les voies aériennes largement béantes.
5° Le chloral, à une dose qui supprime les réflexes, fait que l’animal
(1) Comme l’ont vu M. Goldstein, M. Sihler et tous les auteurs qui ont étudié la
dyspnée thermique, la section des deux pneumogastriques n'empêche pas lPan-
hélation. J'ai conservé pendant deux semaines, du 19 juin au 2 août, un chien dont
les deux pneumogastriques avaient été coupés le 19 juin. Mis dans l’étuve, il avait
une respiration accélérée, qui devenait même régulière, de sorte qu'il ne sé-
chauffait pas sensiblement plus que les chiens intacts.
SÉANCE DU 9 AOUT. 551
ne peut plus régler sa chaleur par la respiration, et que sa température
augmente.
6° L’action combinée du chloral et d’une température de 42 degrés déter-
mine la mort chez le chien, alors qu’isolément ces deux actions sont in-
suffisantes.
Du PANSEMENT DES PLAIES EN GÉNÉRAL ET DES PLAIES CONTUSES EN PAR-
TICULIER, AVEC LA DÉCOCTION DE PACINE DE VALÉRIANE, par M. le doc-
teur H. ARRAGON, médecin stagiaire au Val-de-Grâce.
Depuis une année environ, j'ai entrepris, suivant les conseils de M. le
docteur Gréhant, des expériences sur l’emploi de la décoction de racine de
valériane pour le pansement des plaies en général et plus particulièrement
des plaies contuses.
C'est grâce au bon vouloir de M. le médecin-chef de l'hôpital de Ver-
sailles que je pus mettre en lumière la valeur réelle de ce pansement ; l’in-
térêt qu'il y prit et ses bons conseils m’encouragèrent dans ce travail.
Le liquide employé se formule de la façon suivante :
Racine de valériane. ............ . 30 grammes.
IE ARS CUP PO HAS TUE Het M UMIItES
Faire bouillir pendant une demi-heure, passer et appliquer sur les plaies
des compresses imbibées de cette décoction. Maintenir ces compresses tou-
jours humides.
Cette décoction peut au besoin se conserver plusieurs semaines.
Je n'ai l'intention aujourd’hui que de signaler à la Société le résultat de
mes recherches, me proposant de faire paraître d’iei peu un travail sur ce
sujet avec observations à l’appui; travail que j'aurai l'honneur de vous
offrir, si vous voulez bien me le permettre.
Qu'il me suffise aujourd’hui de dire que j'ai près de 50 observations
satisfaisantes contre 2 seulement sans résultat. Parmi ces 50 observa-
tions, une désarticulation du poignet guérie en douze jours; des plaies
contuses de la jambe par coups de pied de chevaux, plaies siégeant sur le
tibia et d'ordinaire si longues à guérir (neuf, onze et dix-sept jours), plaies
par arrachement, par écrasement, otites moyennes guéries par injections
tièdes de la décoction.
La guérison n’est pas plus rapide qu'avec les pansements aujourd’hui
employés, telle n’est pas notre pensée, nous voulons seulement faire remar-
quer que le symptôme douleur est complètement annihilé.
Nous avons remarqué cependant que ce pansement était préférable dans
les cas de plaies contuses, les résultats étant moins satisfaisants lorsque
l’on avait à soigner des plaies avec trajets profonds (cas de résection du
coude). Dans ces cas, pour que le résultat soit satisfaisant, il faudrait établir
un courant continu du liquide dans le trajet, soit au moyen d’un bain local,
552 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
soit en faisant usage d’une mèche longue trempée dans un vase renfermant
de la décoction et qui agirait comme siphon.
L'application de ce pansement calme aussitôt la douleur. Nous explique-
rons ceci sans doute par une action de l’acide valérianique ou de quelque
valérianate sur les terminaisons nerveuses; c’est ce que, nous l’espérons, la
suite de nos recherches nous apprendra.
En un mot, voici les avantages de ce pansement ignoré et qui cependant,
comme pourra vous le dire M. le docteur Gréhant, a rendu de grands ser-
vices à l’un de nos confrères membre de sa famille : Cessation de la douleur,
rapidité de la cicatrisation, simplicité et excessif bon marché du pansement
(chaque litre fait en certaine quantité revenant à 2 centimes environ).
NOTE SUR L'EMPLOI DE LA DÉCOCTION DE VALÉRIANE COMME TOPIQUE,
par M. GRÉHANT.
Le point de départ de la communication de M. Arragon, c’est l'exposé que
je lui ai fait d’une série nombreuse d’observations qui sont dues à mon
beau-père, le docteur Landragin, d’Aubenton (Aisne), et qui ont montré
combien est avantageux l’emploi d’une décoction de 30 grammes de racine :
de valériane dans 1 litre d’eau, dans le traitement des plaies contuses avec
ou sans fractures et dans le traitement de l’érysipèle. Parmi ces observa-
tions qui m'ont été communiquées verbalement, il en est une qui m’a paru
_ très intéressante : il s'agissait d’un ouvrier auxiliaire de la: Compagnie de
l'Est, qui, élevant à l’aide d’une grue mobile une charge trop lourde. a été
2 2 Ce) O 2
renversé brusquement sur le sol par la chute de la grue et a’été frappé sur
le pied par l'énorme contrepoids de la machine ; le pied, complètement
écrasé et enfoncé dans le sol, n’a pu être dégagé qu’avec de grands efforts ;
les médecins appelés furent d'avis de pratiquer aussitôt l’'amputation. Le
docteur Landragin s’y est opposé et, en appliquant pendant plusieurs mois
sur la plaie contuse, qui présentait un écrasement partiel des os du pied,
des compresses souvent renouvelées de décoction de valériane, il vit la
douleur disparaître et la guérison se faire, à tel point que le blessé marche
aujourd’hui aussi bien qu'avant l’accident.
Un fait très remarquable, au point de vue physiologique, est que, dès la
première application de la compresse, la douleur disparaît aussitôt,
Je suis d'avis qu’on ne peut trop vulgariser l'emploi d’un topique aussi
précieux. ES
ErRaATA. — Le tableau des pages 519 et 520 doit être lu dans l’ordre
suivant : Avant le sommeil, Sommeil, Suggestion duralentissement, Retour
à l’état normal, Accélération suggérée, Retour à l’état normal.
— Page 521, ligne 10 (communication Malassez et ;Galippe), au lieu de
intérieure : lire infectieuse. — Ligne 22, au lieu de énjectée, lire infectée.
BOURLOTON. — liiprimeries réunies, A, rue Mignon, 9, Paris.
993
SÉANCE DU {{ OCTOBRE 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
M. Marmias DuvaL fait hommage à la Société, de la part de M. Enrico
Stassano, du journal le Darwin, numéro unique, consacré à la mémoire
du grand naturaliste. Ce recueil contient des articles rédigés, les uns en
italien, les autres en français, et dus à MM. C. Vogt, Moleschott, Pala-
dino, etc., ainsi qu'à deux membres de la Société dé biologie, MM. Marey
(Sur l'hypothèse du transformisme) et Mathias Duval (Darwin et ses tra-
vaux).
M. LABORDE, en son nom et en celui de M. DuqQuEsNEL, fait une com-
munication ayant pour titre : Les substances médicamenteuses au point de
vue de la pureté chimique et de l'activité physiologique. La Digitaline.
Cette communication comprenant un certain nombre de figures gravées,
sera insérée prochainement dans les Mémoires de la Société.
DE LA SUGGESTION SANS HYPNOTISME. Note de M. Charles RICHET.
J'ai présenté, en 1882 (1), l’observation d’une personne, point du tout
hystérique, qui, sans magnétisme et sans hypnotisme, offrait des symptômes
remarquables de contracture et d’automatisme; chez qui, en un mot, les
phénomènes de l’hypnotisme se présentaient sans hypnotisme. (’a été, je
crois, le premier cas de suggestion observée dans ces conditions.
Depuis lors de nombreuses expériences, de M. Liébault, de M. Bernheim, :
d’autres médecins encore, et de moi-même (2), ont rendu le fait indiscu-
table, et on a pu donner nombre d'exemples irrécusables de ce phénomène
(1) Janvier 1882, Bulletin de la Sociélé de biologie, p. 21.
(2) L'homme et l'intelligence, 1883, p. 524.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. J°", N° 53. 42
554 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
étrange, qui, pour étrange qu'il soit, n’en est pas moins aujourd'hui bien
constaté.
Je serais même porté à croire que cette influence de la suggestion est
bien plus fréquente qu’on le suppose, et je vais rapporter à ce propos deux
expériences que J'ai faites récemment.
Si l’on prend un petit objet, un petit canif, par exemple, ou une pièce
de monnaie, et qu’on la mette dans la main de telle personne qu'on sup-
pose sensible à l’influence de la suggestion ; en lui fermant la main et en
la pressant un peu, puis en affirmant qu’il est impossible de la rouvrir, on
assistera à un curieux spectacle.
La main ne peut plus se rouvrir : la personne ainsi ensorcelée fait avec
le bras et l’avant-bras toutes sortes de mouvements pour essayer de làcher
l’objet qu’elle tient ; mais cela lui est impossible, et obstinément la main
reste fermée.
Cette expérience très simple me paraît intéressante à noter, car on aura
ainsi, par un essai facile à faire et à répéter chez beaucoup de personnes,
un moyen de connaître la sensibilité à la suggestion. Jamais, même les plus
timorés ne se refusent à tenter l'expérience, et une fois qu'elle a réussi,
on est assuré que les autres expériences de suggestion réussiront éga-
lement.
Sur sept à huit personnes j’ai fait l'expérience, et deux fois J'ai réussi à
obtenir ainsi cette contracture (ou paralysie) par suggestion.
Sur une de ces personnes, Mlle B°**, âgée de quarante-cinq ans environ,
qui n’avait jamais été soumise ni au magnétisme n1 à l’hypnotisme, j'ai pu
faire une série d'expériences curieuses.
Je lui disais de se tenir debout en face de moi, et je faisais avec ia main
le geste tantôt de la repousser, tantôt de l’attirer; malgré elle, elle se
sentait repoussée en arrière, ou attirée en avant ; et elle ne pouvait garder
son équilibre. De même je pouvais aussi, en portant la main soit à droite,
soit à gauche, faire en sorte qu’elle se sentait attirée soit à droite, soit à
gauche, et elle perdait encore son équilibre.
Si je lui disais de balancer le bras, comme à la personne de l’observation
rapportée par moi en 1882, elle faisait le mouvement de balancement sans
pouvoir l'arrêter, et ce mouvement allait en s’exagérant.
La suggestion pouvait exercer son influence sur des fonctions psychiques
plus complexes. Aïnsi je lui montrais sa robe qui était noire, et je lui disais:
« Elle est bleue ; » après l'avoir regardée attentivement, elle me disait :
« Non, elle est noire; mais elle a des reflets bleus. » Puis comme j'insistais,
elle ajoutait : « Comme toutes les étoffes noires, elle est bleue à la lumière. »
De fait, cette robe, en drap noir, n’avait aucun reflet bleuâtre. Pour l’autre
manche, ie lui disais : € Elle cst rouge. » Alors Ml B°°* se moquait de mot,
disait que l’étoffe était noire; comme j’insistais, lui montrant obstinément
le même point de sa inanche, comme rouge : € C’est noir, noir, noir; mais
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 559
En
vous me montrez précisément un point qui est défraichi, et l'étoile est usée
à l’endroit que vous m’indiquez. »
Je lui disais de compter jusqu’à vingt, en l’assurant qu’elle ne pourrait
aller au delà de dix et, de fait, au chiffre onze, avant de le prononcer, elle
s’arrêtait ; on aurait pu croire, à tort, à une sorte de spasme du larynx, si
en même temps qu'elle ne pouvait prononcer le mot onze, elle n'avait pu
parler comme précédemment. Ainsi, elle pouvait parler, dire tout ce qu’elle
voulait dire, sauf la continuation de la numération à partir de onze.
C’est là ce qui établit nettement le caractère tout à fait psychique de ces
paralysies, ou si l’on veut de ces aphasies par suggestion. C’est une aphasie
limitée à un mot, ou à un ordre de mots particuliers, et la différence est
grande entre cette forme d’aphasie et les autres formes décrites.
Un de nos amis, qu’elle connaît depuis son enfance, était présent à la
scène. À Mie B*** alors je dis à plusieurs reprises, et avec autorité et déci-
sion, qu’elle a oublié son nom de Gaston, et qu’il s’appelle Jules ; Mie B°
me dit: « Ah ! cela, je vous en défie. — Soit, mais alors comment s’appelle-
t-il? — Il s'appelle. il s'appelle. je sais bien son nom, je ne peux pas le
dire, quoique je le connaisse bien ; en tout cas ce n’est pas celui que vous
voulez me faire dire. — Soit, mais il s'appelle Jules. — Non. — Comment
s’appelle-t-11? — Il s’appelle Ju... Ju... Non, je ne veux pas dire Jules, ce
n’est pas son nom. » Je n’ai pas pu aller plus loin.
Si je donne ainsi avec détail cette expérience, c’est pour montrer quelle
sorte de lutte s'établit dans ce cas entre la personnalité antérieure con-
sciente, et la personnalité nouvelle, automatique, dont la suggestion met
en jeu les ressorts.
J’ai aussi fait avec Mile B‘**, qui est bonne musicienne, l'expérience sui-
vante, assez intéressante : « Vous allez vous mettre au piano, lui dis-je, et
vous ne pourrez jouer que l’air : J’ai du bon tabac. » Elle se met alors
au piano, commence à jouer une sonate quelconque, puis ses mains s’alour-
dissent, dit-elle, et sans qu’elle le veuille, voilà que l’air J’ai du bon tabac
revient sous ses doigts. Comme on lui fait des reproches de jouer ainsi de
telles sottises, elle essaye à plusieurs reprises ; mais toujours au bout de
quelques accords, revient l'air J’ai du bon tabac, joué dans les tons les
plus divers, car elle essaye de mettre sa main en divers points du clavier
pour se soustraire à cette obsession. Pendant plus de cinq minutes, elle a
joué cet air sans pouvoir s'arrêter; et elle m'a prié de faire cesser cette
suggestion, qui devenait insupportable pour elle et pour tout le monde.
Il est certain que les cas analogues sont bien plus fréquents qu’on serait
d’abord tenté de le croire. Mon ami le docteur Gley a répété chez quelques
personnes, l’expérience du cauif tenu à la main, et dans un cas il a con-
staté aussi une grande sensibilité à la suggestion. Il a aussi fait l'expérience
de la couleur de la robe ; Mlle X°°°, avec qui il tentait l'expérience, s’est ex-
primée dans les mêmes termes que Mie B***: « Non, disait-elle, la robe
n’est pas rouge ; elle est fanée et défraichie, c’est vrai, elle n’est pas tout à
296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
fait noire, mais elle est noire cependant. » Ainsi, à des états psychiques
analogues répondent des expressions tout à fait identiques.
Je crois qu'on peut conclure de ces diverses observations que la sensi-
bilité à la suggestion est en somme assez communément observable, et
qu'il existe nombre de personnes qui en subissent facilement les effets.
Chez nombre de personnes, l’automatisme psychique est tel qu’une parole
affirmative, un ordre, une indication formelle et précise, ne rencontrent
pas de résistance, et mettent en jeu, avec une force irrésistible, toute une
série de conceptions et d'actions imposées.
DE LA PUISSANCE INHIBITRICE ET DE LA PUISSANCE CONVULSIVANTE
DE L’ACIDE CARBONIQUE, par M. BROWN-SÉQUARD.
Depuis l’époque (1849) où j'ai montré que l’acide carbonique joue, dans
_ l'organisme animal, un rôle considérable à l’état normal et dans d’autres
conditions, et que c’est à lui que sont dues les contractions rythmiques du
cœur et les mouvements respiratoires, ainsi que les premières contractions
de l'utérus dans le travail de accouchement et les raideurs ou les secousses
. convulsives de l’asphyxie et de l’agonie, de grandes discussions ont eu lieu et
. Se continuent encore sur les points divers dont je m'étais occupé. Je n’exa-
minerai aujourd’hui qu'un seul de ces points : il s’agit de la cause des con-
vulsions dans l’asphyxie. On a maintenant complètement accepté l'opinion
que j'ai émise, à savoir que c’est le sang, altéré par l'insuffisance de la
respiration, qui alors produit les convulsions. Mais, si plusieurs physiolo-
gistes sont d'accord avec moi à admettre que c’est l’acide carbonique qui
est alors l’agent exçitateur des contractions spasmodiques, nombre d’autres,
au contraire, soutiennent que c’est l’absence d’oxygène qui est la cause des
convulsions.
La question en était là, lorsque M. Paul Bert est venu la compliquer en
faisant connaître des faits, en apparence décisifs, à la fois contre mon opi-
nion et celle de mes contradicteurs. Il a trouvé (1) que, quelquefois, des
chiens, ayant été soumis à l'influence de fortes doses d’acide carbonique,
n’ont de convulsions toniques ou cloniques que lorsqu'on les laisse respirer
de l’air atmosphérique pur. Il dit, par exemple, à propos d’une chienne qui,
pendant près de deux heures, avait respiré un mélange de 20 pour 100 de
CO?, de 60 pour 100 d'oxygène et de 20 pour 100 d’azote, sans avoir de
convulsions : € Je détache l'animal, j’enlève la muselière (pour permettre la
respiration d'air atmosphérique) et le mets à terre. Presque aussitôt, il est
(1) La pression barométrique : recherches de physiologie expérimentale,
Paris, 1878, p. 990 à 1015.
"lù
LT
L
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. Hay
pris d’une grande attaque de convulsions toniques, puis cloniques »
(p. 995). |
Avant de montrer que, dans cette expérience, s’il n’y avait pas de con-
vulsions tant que l'animal respirait de l'acide carbonique, c’était par suite
d’une inhibition du pouvoir exeito-moteur de la moelle épinière, je vais rap-
porter les résultats d'expériences que j’ai faites pour bien établir que l’inha-
lation d'acide carbonique ou son insufflation dans les poumons peuvent ne
donner lieu à des convulsions qu’au moment où l'animal commence à
respirer de l’air pur ou peu de temps après.
Dans de nombreuses expériences sur des singes, des chiens et des lapins,
inhalant un mélange d'oxygène et d’acide carbonique (ce dernier gaz en
proportions variées, mais toujours considérables), ou recevant soit ce
mélange, soit de l'acide carbonique pur, par insufflation dans la tra-
chée, j'ai constaté que le plus souvent, lorsque la production d'oxygène
était faible ou faisait complètement défaut, les convulsions ou les raideurs
convulsives ne se montraient qu'après le retour à la respiration d’air atmo-
sphérique pur. Sur dix-sept animaux dans ces conditions (12 lapins,
4 chiens, À singe) sept ont eu des convulsions au moment même où
l'air pur a commencé à être respiré, un presque aussitôt après ce retour à la
respiration normale, un, dix secondes après, deux, une demi-minute après,
un, une minute après, deux, une minute et demie après, un, deux minutes
après et enfin deux autres, pendant la seconde ou troisième minute
après.
Dans ces expériences, c’est donc à l’instant ou presque à l'instant où la
quantité d'acide carbonique a commencé à diminuer dans le sang et dans
les tissus, en même temps que la puissance vivificatrice de l’oxygène a
commencé aussi à augmenter ou à reproduire l’excitabilité affaiblie ou per-
due dans les centres nerveux et dans d’autres parties, que les convulsions
ont eu lieu.
Chez un assez grand nombre d'animaux, des convulsions ont été pro-
duites pendant l’insufflation ou l’inhalation d’acide carbonique mêlé à de
l'oxygène ou à de l’air atmosphérique ; chez d’autres, des convulsions ont eu
lieu pendant un temps très court durant cette insufflation ou cette inhala-
tion, et se sont montrées de nouveau après le retour à la respiration nor-
male ; enfin chez un singe et un lapin j'ai vu des convulsions commencées
pendant l’inhalation d'acide carbonique, se continuer après le retour à la
respiration d'air atmosphérique.
Je vais montrer qu’en admettant que l’acide carbonique, suivant les cir-
constances, peut produire de l’inhibition ou des convulsions, il est très
facile d'expliquer ce qui a lieu dans le fait découvert par M. Paul Bert et
dans les expériences dont J'ai donné les résultats.
C’est une règle très générale (mais ce n’est pas une loi sans exceptions)
que l’acte inhibitoire réclame une puissance d’excitation plus énergique que
acte producteur d’une contraction. Quant à la puissance d’une excitation, elle
558 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
———_—_—_—_—_———_————— ro
dépend de deux circonstances bien distinctes l’une de l’autre : la première
est le degré de l’excitabilité des parties sur lesquelles va agir une excitation
et la seconde l’énergie de cette excitation. Or l’acide carbonique est d’une
énergie excitatrice extrêmement grande (ainsi que je vais le montrer), d'où
il suit qu’il est tout simple que cet agent produise de l’inhibition, au lieu de
produire des convulsions, lorsque sa quantité est considérable et que l’exei-
tabilité des centres nerveux est suffisamment grande.
Ainsi que je l’ai constaté, les choses peuvent aller si loin à cet égard,
que l’acide carbonique peut produire partiellement, et même d’une manière
complète, les phénomènes qu’engendre quelquefois la piqûre du bec au
calamus. Il est extrêmement curieux de voir alors, ainsi que j'en ai été
témoin trois fois chez des chiens, et deux fois sur un lapin et un cobaye,
sous l'influence d’une injection de ce gaz par la trachée, dans les poumons,
le sang devenir rouge ou rougeàtre dans les veines, au lieu de voir le sang
artériel noircir. Chez ces cinq animaux, la mort a eu lieu par inhibition sou-
daine de toutes les activités cérébrales, de la respiration, du cœur et des
échanges entre les tissus et le sang. Une excitation des ramifications des
nerfs vagues dans les poumons a ainsi produit subitement ces diverses
inhibitions, avec toutes les particularités que j'ai signalées comme appar-
tenant à la mort sans agonie ou avec arrêt des échanges.
La puissance inhibitrice que possède l'acide carbonique s’est montrée
encore dans nombre de circonstances, d’après ce que j'ai trouvé. Ainsi :
4° un jet violent de ce gaz peut, en agissant sur la narine, inhiber l’activité
morbide de certains nerfs donnant lieu aux douleurs de la migraine; 2° un
jet de gaz sur la narine ou poussé de bas en haut de la trachée, dans le
larynx, — un tube étant fixé au bout inférieur de la trachée coupée pour
permettre à l’air d'entrer dans les poumons, — inhibe souvent d'emblée la
respiration ; 3° un jet de ce gaz passant de la trachée dans le larynx peut
inhiber le pouvoir excito-moteur de la moelle épinière, au point d’arrêter
temporairement les convulsions dues à de la strychnine, à de l’acide phé-
nique ou à deshémorrhagies; 4° un jet de ce gaz, à la condition qu’il soit
très violent et qu'il arrive par un tube enfoncé dans la bouche jusqu’auprès
de l’ouverture laryngienne, peut aussi inhiber d'emblée la puissance mor-
bide du bulbe et de la moelle épinière, donnant lieu à une attaque d’épi-
lepsie, chez le cobaye, à un moment quelconque de la durée de cette
attaque ; 9° enfin une analgésie considérable peut être produite, par inhibi-
tion, sous l’influence d’une excitation des nerfs laryngés, par de l’acide
carbonique.
Dans l'expérience de M. Bert, comme dans les miennes, il semble évident,
d’après ce que je viens de dire de la puissance inhibitrice possédée par
l’acide carbonique, que, lorsqu'il arrive que des convulsions n’aient pas lieu
tant que la proportion de ce gaz dans le sang et les tissus est excessive,
c’est qu’alors la puissance excito-motrice des centres nerveux est inhibée.
I! est de plus évident que lorsque l’oxygène arrive donnant une vitalité nou-
DÉdancns :
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 99
velle aux centres nerveux, aux nerfs et aux muscles, en même temps que la
proportion d’acide carbonique diminue, celui-ci n’étant plus en quantité
suffisante pour agir avec toute sa puissance, donne lieu à des convulsions,
au lieu de produire de Pinhibition.
Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’opinion de mes contradicteurs depuis
1849 — opinion d’après laquelle les convulsions de l’asphyxie dépendraient
de l’absence ou de la diminution de la quantité d'oxygène dans le sang —
reçoit, de l'expérience de M. Paul Bert et des miennes, un coup décisif,
puisque c’est lorsque la quantité de ce gaz augmente dans l’organisme
que les convulsions surviennent.
Il est évident, conséquemment, que l’acide carbonique, suivant les cir-
constances, peut ou inhiber la puissance excito-motrice des centres ner-
veux, ou la mettre en jeu et produire ainsi des convulsions toniques ou
cloniques. |
FORMATION DE L’URÉE PENDANT LA DIGESTION DES ALIMENTS AZOTÉS,
par M. E. Quinouaur.
Nous avons institué des expériences pour étudier la nutrition élémen-
taire dans des conditions très variées ; nous en exposerons lès résultats à
la Société dans des communications ultérieures : aujourd’hui nous nous
bornerons à montrer ce qui se passe dans les viscères abdominaux, pendant
la digestion.
Un grand nombre d’observateurs, Weiïgelin en particulier, ont fait voir,
en notant heure par heure la quantité d’urée excrétée, que le maximum
était atteint vers la sixième heure après le repas; mais on n’a pu
tirer de ces recherches aucune donnée précise sur la formation de cette
carbamide ; en effet, l’augmentation dans le rejet de l’urée tient-elle à
une suractivité rénale, à une hypersécrétion ? Ou bien est-elle sous la dé-
pendance d’une formation plus grande dans les tissus ? Les analyses portant
sur l’urée de l’urine ne peuvent donner une solution à ces questions.
Pour résoudre le problème, nous avons dosé d’après notre méthode
(Quinquaud, Moniteur scientifique, 1880) l’urée dans le sang d'animaux
soumis à une alimentation azotée. Parmi nos expériences, je n’en citerai
qu’une seule comme type, les autres seront reproduites dans le Mémoire
publié sur ce point :
Expérience. — Le 2 octobre, à dix heures du matin, nous donnons à un
chien, qui ne s’est pas alimenté depuis plusieurs jours, 1 kilogramme de
viande crue ; l'animal avale gloutonnement 750 grammes de la viande,
Préalablement on prend dans la veine jugulaire du sang qui donne
pour 100 0,6 d'azote ou 0,011 milligrammes d’urée.
560 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
À onze heures, on retire de la même veine du sang renfermant pour 400
2 centimètres cubes d’azote ou 0sr,038.
À midi, le sang contient pour 100 2ec,2 d’azote ou 0,044.
À 12,59, c’est-à-dire 3",55 après le repas, il existe 3,3 d’azote ou 0,061
d’urée dans 100 grammes de sang.
A cinq heures, on trouve 2,2 d’azote ou 08,044 d’urée dans 100 grammes
de sang.
Le lendemain le sang ne contenait plus que 05,018 d’urée pour 100.
Ainsi l’urée augmente dans le sang peu de temps après le repas,
suit une courbe ascendante, atteint son maximum quatre heures environ
après l’alimentation ; l’excrétion par les urines d’une plus grande quantité
d’urée est en rapport direct avec un accroissement dans la quantité que
renferme le sang.
Mais cette augmentation d’urée tient-elle à une sorte de balayage des tis-
sus, produit par une circulation plus active ? Ou bien existe-t-il un excès
dans la formation? Pour résoudre la question, nous avons fait des analyses
de tissus d'animaux placés dans les mêmes conditions pendant un cer-
tain temps : des chiens à peu près de même poids ont été soumis au même
régime pendant quelque temps, puis les uns ont été tués à jeun par sec-
tion du bulbe et les autres ont été sacrifiés par le même procédé quatre
heures après un repas de viande crue; on a dosé l’urée dans le foie, la
_ rate et le cœur de ces animaux, et on a trouvé ce qui suit:
Chiens à jeun (moyenne). Urée. Chiens en digestion. Urée.
100 gr. de sang renferment.. 0,032 100 gr. de sang renferment. 0,067
100 de fore en nne 0,021 100 — defoie.......... ... 0,026
100 detrate ere 0,076 100 "de rate terre 0,158
100 — de cœur........... . 0,048 100 — de cœur............ 0,102
Ces analyses montrent donc qu’à jeun les tissus et le sang renferment de
faibles proportions d’urée, laquelle s’accroît considérablement pendant la
phase digestive ; la rate contient plus d’urée que le sang; ce fait s'explique
puisque M. Gréhant et moi avons trouvé plus d’urée dans le sang jde la
veine splénique que dans les divers sangs de l’organisme.
De plus, les chiffres précédents démontrent que pendant la digestion
surtout, les viscères sont un lieu de production très actif d’urée.
LA PREMIÈRE LARVE DE L'EPICAUTA VERTICALIS (ILLIG),
par M. BEAUREGARD.
Ayant reçu à la fin de juillet (30 juillet) de cette année un certain nom-
bre d’Epicauta verticalis bien vivants, j'ai pu en obtenir des pontes et
observer pour la première fois la première larve éclose des œufs. Cette
observation était d'autant plus intéressante pour moi, que le genre Épicauta
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 561
n’est représenté en France que par cette espèce, sur le développement de
laquelle on est sans renseignements, tandis qu’en Amérique les Épicanta
sont nombreux en espèces et leurs mœurs curieuses ont été dévoilées assez
récemment par un habile entomologiste américain, M. Riley, qui a montré
que contrairement aux larves des autres Vésicants connus qui sont melli-
vores, celles des Épicauta américains sont carnassières et se nourrissent
d'œufs de Locuste.
Les essais d'éducation que j'ai pu tenter sur mes larves écloses le 12 sep-
tembre, c’est-à-dire plus d’un mois après la ponte qui avait eu lieu le 8 août,
sont encore trop incomplets pour me permettre de faire une histoire com-
plète de l’évolution de l’Epicauta verticalis. Je crois toutefois pouvoir en
conclure dès maintenant que cette espèce a des mœurs très analogues à
celles des espèces américaines. [1 est à remarquer d’ailleurs que tous les
traits essentiels des larves d'Epicauta vittata, décrites par Riley, se retrou-
vent chez la première larve de l’Epicauta verticalis que j'ai pu étudier. En
voici la description succincte :
Longueur, 3°",8 environ. Largeur, 1 millimètre.
Tête à peu près sphérique, assez volumineuse , d’un brun marron,
inclinée.
Antennes de quatre articles, dont trois superposés, le quatrième, conique,
hyalin, lisse, étant inséré à côté du troisième, qui est plus long et se ter-
mine par un long poil, accompagné de plusieurs autres plus courts.
Labre membraneux, velu. Mandibules fortes, cornées, dentées en scie
sur la moitié antérieure du bord'interne. Mächoires membraneuses. Palpes
maxillaires de trois articles, dont le dernier, plus long, irrégulièremen
ovoïde, offre une large surface interne, couverte de petits poils tubuleux
courts.
Lèvre inférieure, échancrée au milieu de son bord antérieur. Palpes
labiaux de deux articles, le dernier très long, cylindrique.
Tous les segments du corps sont noirs et couverts de poils roux. Ces poils
sur les sept premiers anneaux de l’abdomen sont pourvus chacun, à leur
base, d’une épine courte et large.
Le premier segment thoracique est au moins deux fois plus large que le
second, qui lui-même est plus large que le troisième.
Les pattes sont rousses, longues de 1 millimètre environ. Elles sont re-
marquablement armées d’épines robustes en forme de dague, qui siègent
principalement sur les hanches, les trochanters et les cuisses. Les tibias
sont couverts de poils plus grêles et plus allongés, sauf à leur extrémité
antérieure, qui est pourvue de trois épines.
Enfin les ongles, au nombre detrois, consistent en un ongle médian, aigu,
fort, et deux ongles latéraux plus grêles et moins allongés.
Par tous ces caractères, le triongulin de l’Epicauta verticalis est ahsolu-
ment semblable à ceux des Épicauta d'Amérique, et parmi les autres Vési-
cants, se rapproche surtout du triongulin des Mylabres.
562 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DU VARAIRE
BLANC ET SUR LES MOYENS DE COMBATTRE SES EFFETS, par M. le docteur
Courmin, chef de clinique chirurgicale de la Faculté de Bordeaux.
Le Varaire blanc (Veratrum album), qui porte encore le nom d’Ellé-
bore blanc, est une plante de la famille des Colchicacées. La racine, la seule
partie que j’ai employée, est épaisse, fusiforme, un peu charnue, pourvue de
radicules blanches, allongées et réunies en touffes. J'ai expérimenté cette
substance sous deux formes pharmaceutiques différentes : l’extrait aqueux
et la teinture alcoolique; voici les résultats que j’ai obtenus en usant des trois
principales voies d'absorption : voies stomacale, sous-cutanée et intravei-
neuse.
VOIE STOMACALE
Première expérience. — 27 octobre 1881.— Chien griffon du poids de 10 kilo-
grammes; j'incorpore à une omelette 12 centigrammes d'extrait aqueux de varaire
blanc. Vingt-cinq minutes après l’ingestion, l'animal vomit, les nausées persistent
pendant vingt minutes ; après ce temps, le chien est pris d’un tremblement géné-
ralisé. Pas de troubles respiratoires, pas d’urination, pas de diarrhée, aucune
contracture musculaire.
Quarante minutes après, l’animal reprend ses allures habituelles.
Deuxième expérience. — 29 octobre 1881. — Jeune chien pesant 9 kilo-
grammes. À 9 heures du matin, je lui fais avaler une omelkette contenant
2 grammes d’extrait de varaire blanc; l’animal l’absorbe avec avidité.
9 h. 7. Nausées, vomissements alimentaires et bilieux.
9 h. 22. Diarrhée séreuse et urination abondante; les efforts dE vomissement
continuent ; l’animal bave abondamment.
9 h. 30. L’animal s’affaisse, ne répond plus à mes appels; je le frappe, il ne
bouge pas, il ne peut se tenir debout, il faut le porter dans sa cage.
La respiration est régulière, les vomissements persistent pendant quarante
minutes. J’abandonne l’animal à 10 h. 30 et j'apprends du garçon de laboratoire
qu'il est resté couché toute la journée dans sa cage et qu'il à beaucoup bavé.
Le lendemain matin, il Sort de sa cage en titubant, refuse toute nourriture et
boit beaucoup.
Le soir, l'animal est complètement rétabli, il ne titube plus et prend de la
nourriture; ni vomissements, ni diarrhée.
Troisième expérience. — Jeune chien loulou du poids de 5 kilogrammes.
1° novembre 1881. — Injection dans l'estomac, au moyen d’une sonde œsopha-
gienne, de 30 grammes de teinture alcoolique de varaire blanc. Immédiatement
l’animal vomit une grande partie de la teinture mélangée à des mucosités, l’ani-
mal étant à jeun, la respiration se précipite ; j'arrive à ne plus pouvoir compter
les inspirations. Urination abondante, les vomissements deviennent bilieux et
noirâtres. Le chien s’est couché sur le flanc droit ; je ne peux le faire lever; je
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 563
——
le saisis pour le porter dans sa cage, et je m'aperçois qu'il est atteint de con-
tracture généralisée. Pendant une heure, les vomissements continuent, il bave
abondamment, la respiration est très rapide; à certains intervalles il y a des
arrêts brusques de l'inspiration et l’animal succombe deux heures après.
La tête est fortement rejetée en arrière dans une attitude tétanique.
Je pratique lautopsie le lendemain matin et voici ce que je constate : Tous les
muscles sont tétanisés, ceux de la paroi abdominale et thoracique offrent une
certaine résistance au bistouri. Les deux poumons sont très congestionnés, la
muqueuse æœsophagienne est rougeâtre, enduite d'un mucus sanguinolent. Les
intestins sont ratatinés, leur surface externe est rougeûtre; en certains points
on observe par transparence des taches ecchymotiques, en d’autres points il y
a des arhorisations capillaires anormales. J’incise l’estomac, il s’en écoule une
grande quantité de liquide sanguinolent ; la muqueuse est réduite à l’état de
bouillie hématique. De loin en loin, dans toute la longueur du tube digestif, on
observe des plaques simulant celles du purpura. Les reins, la muqueuse de la
vessie sont légèrement congestionnés. Rien du côté du cœur, rien du côté des
centres nerveux. Aucune rupture, ni hémorrhagie musculaire.
VOIE SOUS-CUTANÉE
Cinquième expérience. — Cobaye; poids, 310 grammes.
27 novembre 1881. — 10 heures. Injection sous-cutanée, avec la seringue de
Pravaz, de 1 centigramme d’extrait aqueux de varaire blanc dans 1 gramme d’eau
distillée.
10 h. 2. Urination.
10 h. 7. Nausées et vomissements alimentaires.
10 h. 25. Urination abondante; l'animal est inquiet, il s’agite sur Hate: le
rythme respiratoire est fréquent; j’essaye de le faire marcher sur la table d’expé-
rience , titubation, il se couche, ne pouvant faire aucun mouvement.
10 h. 30. L’animal rend des matières fécales, dures, moulées; il est pris de
contractions violentes qui, commencant par les membres postérieurs, gagnent
bientôt tout le corps; la respiration est très fréquente.
10 h. 50. Les contractions continuent, agitant tout le corps, la respiration est
toujours très fréquente.
11 h. 30. Les contractions musculaires n’ont pas cessé, elles se reproduisent à
des intervalles très rapprochés; j’abandonne l'animal, que je retrouve en parfait
état trois heures après. L’injection pratiquée dans le tissu cellulaire de la région
dorsale n’a produit aucune réaction.
Sixième expérience. — 15 novembre 1881. — Chien griffon du poids de
10 kilagrammes. Cet animal à fait un repas à 2 heures de l'après-midi.
4 h. 20. Injection, sous la peau de la nuque, de 3 centigrammes d’extrait
aqueux de varaire blanc dans 1 gramme d’eau distillée. L'animal pousse des cris;
l'injection paraît très douloureuse,
4 h. 40. Vomissements bilieux.
h. 30. Pas de diarrhée, pas d’urination, les vomissements ont cessé. L'animal
marche en titubant pour rejoindre sa cage, une bave abondante s'écoule de sa
bouche, respiration normale.
564 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Le lendemain, je retrouve l’animal en parfait état, il n’y a pas trace de selles
diarrhéiques sur sa paille.
Je ne note, six jours après, aucune rougeur, aucune tuméfaction, aucune dou-
leur au niveau du siège de l'injection.
Septième expérience. — 24 novembre 1881. — Chien pesant 17 kilogrammes.
9 h. 30. Injection au niveau de la région dorsale, de 12 centigrammes d’extrait
aqueux de varaire blanc. L’animal pousse des cris; l’injection paraît très doulou-
reuse.
9 h. 40. Le chien témoigne une vive inquiétude.
9 h. 50. Respiration embarrassée, contraction du diaphragme, vomissements,
salivation.
9 h. 55. Diarrhée séreuse, urination; raideur musculaire, l’animal titube en
marchant ; je le rapporte dans sa cage, où il se couche; les efforts de vomisse-
ment persistent toute la journée.
Le lendemain matin, je le trouve dans sa cage, le corps couvert de bave; les
mouvements ne sont pas assurés, la diarrhée séreuse continue. Pas de douleur au
niveau de la piqûre; ces symptômes ne cessent que dans la soirée.
VOIE INTRAVEINEUSE
Huitième expérience. — 21 décembre 1881. — Chien griffon du poids de
4 kilogrammes.
À 4 heures, injection, dans la veine crurale gauche, de 25 centigrammes de
teinture alcoolique de varaire blanc étendue de 12 grammes d’eau distillée.
Je mets environ trente secondes pour faire pénétrer le liquide. Au bout de ce
temps, vomissements bilieux, urination et diarrhée; la respiration s’embarrasse,
elle s’arrête par moments, et je suis obligé de pratiquer la respiration artificieile.
Les inspirations et les expirations sont très lentes et, malgré mes efforts pour
le faire vivre, l'animal succombe une heure et demie après l’injection.
L’autopsie révèle une forte hyperhémie de la muqueuse stomacale et duodé-
nale, un peu d’hyperhémie de loin en loin sur la muqueuse de l'intestin grêle; les
poumons sont congestionnés. Rien à noter du côté des reins, ni du côté de la
vessie. Rien de particulier dans les centres nerveux.
Neuvième expérience. — 26 décembre 1881. — Chien pesant 16 kilogrammes.
Injection d’'hydrate de chloral dans la veine fémorale droite; anesthésie absolue,
la cornée est insensible et la résolution musculaire complète.
À ce moment-là, je note 15 inspirations et 132 pulsations cardiaques. Dans la
même veine fémorale droite, j’injecte 10 centigrammes d’extrait de varaire étendus
de 2 grammes d’eau distillée.
Quelques secondes après l'introduction du liquide, angoisse respiratoire,
efforts de vomissements, contractions énergiques des muscles inspirateurs, la
respiration s’arrête, le cœur continue de battre. Respiration artificielle, je note
36 inspirations par minute, j'injecte de nouveau 20 centigrammes d’extrait de
varaire dans 4 grammes d’eau distillée.
A ce moment la respiration se ralentit, il n’y a pas de vomissements, je
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 565
n’observe plus que 4 ou 5 inspirations par minute, l’animal urine beaucoup et
meurt.
Je pratique l’autopsie trois heures après la mort : cœur en systole, poumons
congestionnés, la muqueuse de l'estomac est saine, il n’en est pas de même de
celle du duodénum qui est fortement hyperhémiée, rien dans le reste de l’in-
testin, reins normaux, un peu d'urine dans la vessie, rien du côté des centres
nerveux.
Dixième expérience. — Chien griffon du poids de 4 kilogrammes. — 20 jan-
vier 1882.
Injection intraveineuse de chloral, veine crurale gauche; anesthésie absolue;
à ce moment, je pousse, dans la même veine crurale, 15 grammes contenant
25 centigrammes de teinture de varaire blanc. A peine ce liquide a-t-il pénétré
dans la veine, que l’animal vomit, la respiration s’embarrasse ; je dois pratiquer
la respiration artificielle pendant plusieurs heures; après trois heures, je suis
obligé d'abandonner l’animal, que je trouve mort le lendémain matin.
L’autopsie révèle de l’hyperhémie assez intense de la muqueuse stomacale et
duodénale, ainsi qu’une légère congestion pulmonaire.
Onzième expérience. — 18 février 1882. — Chien pesant 5 kilogrammes.
5 heures. J’injecte 12 centigrammes de teinture de varaire blanc étendue de
6 grammes d’eau distillée dans la veine crurale gauche. Avant de pratiquer l’in-
jection, l’animal a 18 inspirations à la minute. Quelques secondes après l'injection,
la respiration s’arrête; urination abondante, vomissements. Au bout d’une
minute, l’animal n’a plus que 9 inspirations, un minute après, 6.
J’injecte à ce moment-là, dans la même veine crurale, 10 centigrammes de
chlorhydrate de morphine étendus de 5 grammes d’eau distillée, le sommeil
s'établit, la respiration s’effectue plus facilement, j’observe 10 à 12 inspirations
par minufe. :
Nausées sans vomissements ; quelques contractions diaphragmatiques, érythème
intense de la paroi abdominale. Je vois l’animal dans la soirée, il dort paisible-
ment, il n’a plus de nausées, ni de contractions diaphragmatiques ; le lendemain
il a recouvré ses allures normales.
Douzième expérience. — 2 janvier 1884. — Jeune chienne de 7 kilogrammes.
5 h. 30. J’ouvre la veine crurale droite et j'injecte 15 centigrammes de-chlor-
hydrate de morphine dans 6 grammes d’eau distillée. Au bout de trois minutes,
l’animal est complètement anesthésié. À ce moment, j'injecte 8 centigrammes de
teinture de varaire blanc dans 4 grammes d’eau distillée.
À peine l'injection est-elle terminée, que les contractions diaphragmatiques
commencent, la respiration s’arrête; je pratique la respiration artificielle et
immédiatement tout se rétablit dans l’ordre, les contractions diaphragmatiques
continuent. Érythème de toute la peau de la paroi abdominale, érythème de la
peau qui recouvre le creux axillaire, la chienne bave légèrement sans vomir, pas
de diarrhée, pas d’urination. Je détache l'animal une demi-heure après l'injection,
je le porte dans sa cage; à de longs intervalles, j’observe des contractions dia-
phragmatiques, mais pas de vomissements et aucun trouble respiratoire.
Le lendemain matin, l'animal est levé, le train postérieur et letrain antérieur sont
566 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
© ————"———————" "et
un peu raides, la démarche de l'animal est titubante, la paille de sa cage est re-
couverte de matières fécales diarrhéiques, une diarrhée assez abondante persiste
toute la journée, l’animal refuse toute nourriture ; ce n’est que le surlendemain
qu'il accepte des aliments.
Si l’on cherche à synthétiser la pluralité des symptômes observés chez
l'animal après l'absorption de cette substance, on note que, quelle que soit la
voie par laquelle elle ait été introduite, elle détermine des perturbations
sur quatre appareils organiques distincts : 1° appareil digestif; 2° appareil
respiratoire; 3° appareil urinaire; 4° appareil musculaire; 5° appareil
cutané.
1° Appareil digestif. — Nausées, vomissements, qui, d’abord alimen-
taires, deviennent bilieux et dans un cas (hématémèse, troisième expérience)
salivation très abondante, qui persiste fort longtemps après les derniers
vomissements, diarrhée séreuse, tels sont les divers phénomènes observés
du côté du tube digestif.
Voici maintenant les lésions anatomiques qu’il m'a été donné d'observer
du côté des diverses parties de cet appareil : muqueuse œsophagienne rou-
geâtre, enduite d’un mucus sanguinolent. L’estomac est rempli de liquide
hématique, l’épithélium de la muqueuse stomacale est détruit dans une
grande partie de son étendue, il y a de loin en loin des plaques ecchymoti-
ques noirâtres, extravasations sanguines dans le tissu cellulaire qui double
la muqueuse; de loin en loin dans toute la longueur du tube digestif on
rencontre des plaques ecchymotiques ressemblant à des plaques de purpura
(troisièmé expérience).
En injection intraveineuse, le varaire blanc administré à dose toxique a
produit dans un cas une tie hyperhémie (sans extravasats sanguins) de la
muqueuse stomacale et duodénale, ainsi que de la muqueuse de l'intestin
grêle ; dans la neuvième EHRÉNENLE, c’est la muqueuse seule du duodénum
qui était atteinte. À
Ces lésions, comme on le voit, s’observent à la suite de l’ingestion sto-
macale et des injections intraveineuses. Elles résultent par conséquent dans
le premier cas d’une action directe, irritante, exercée sur la muqueuse
gastro-intestinale, et, dans le second cas, d’une action indirecte ou réflexe.
Pareils phénomènes ont été observés par M. Le professeur Oré, de Bordeaux,
dans ses belles recherches sur l’action physiologique de l’agaric bulbeux;
lui aussi a pu noter des hyperhémies, des ecchymoses en plaques et diffuses
de la muqueuse gastro-intestinale, soit qu’il ait administré l’agaric bulbeux
par la voie stomacale, ou par la voie intraveineuse.
Que l’action irritante, caustique s’exerce directement lorsque le varaire
blanc est administré par la voie stomacale, je l’admets sans conteste ; ceux
qui ont manié cette substance n’ignorent pas que les poussières déterminent
une irritation fort désagréable de la muqueuse nasale, amenant des éter-
nuements et provoquant même dans quelques cas un léger épistaxis ; 1l n’est
SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 567
donc pas étonnant de voir pareils désordres produits sur la muqueuse
gastro-intestinale. Mais comment s’expliquer que semblables lésions s’ob-
servent dans les cas où le varaire blanc a été administré en injections intra-
veineuses ? Les contractions diaphragmatiques et les vomissements qui pré-
cèdent la mort ne suffiraient-ils pas à produire ces désordres ? Je ne le crois
pas, car dans certaines observations l’animal succombait une ou deux
minutes après l’ingestion de la substance dans les veines ; or dans un inter-
valle de temps aussi court, il me paraît bien difficile de pouvoir invoquer les
contractions du diaphragme et de l’estomac comme cause des lésions éten-
dues et profondes de la muqueuse gastro-duodénale.
Que faut-il donc penser de cette action indirecte ? Le varaire blanc agit
en cette circonstance sur le poumon excito-nerveux de la moelle épinière,
et c’est ce poumon excito-nerveux qui agit en produisant ces lésions sur la
muqueuse gastro-duodénale ; il faut donc faire entrer son action physiolo-
gique dans le grand cadre des actes réflexes et lui donner droit de cité dans
cet immense département.
2 Appareil respiratoire. — Dans trois cas (huitième, neuvième et dixième
expérience), la respiration s'arrête après l’absorption de la substance; il
faut pratiquer la respiration artificielle dans un cas cependant; malgré
toutes ces précautions, l’animal meurt (huitième expérience). À lPautopsie,
les poumons sont congestionnés,'gorgés de sang ; il y a eu dans tous les cas
de la congestion pulmonaire et les animaux ont succombé par suite de la
contracture des muscles de la paroi thoracique et du diaphragme.
9° Appareil urinaire. — Quel que soit le mode d'introduction du varaire
blanc, quelle que soit la voie d'absorption de la substance, l’urination a été
un des symptômes primordiaux de l’action physiologique du varaire blanc.
Dans les diverses autopsies, je n’ai pu découvrir que dans un seul cas une
légère congestion de la muqueuse des reins et de la vessie (troisième
expérience).
4 Appareil musculaire. — Contractures et paralysies, tels sont les deux
symptômes présentés par l'absorption de cette substance.
L'animal titube, il s’affaisse, puis, si la dose est toxique, la contracture
généralisée se produit et dans la troisième expérience cette contracture
avait persisté après la mort.
Les lésions de paralysie et de contracture envahissent tous les groupes
musculaires, mais en suivant toujours la même marche, les contractions
diaphragmatiques ouvrent la scène, puis les paralysies et les contractures
des muscles du train postérieur et antérieur apparaissent; enfin, à doses
toxiques, on note ces mêmes phénomènes du côté des muscles de la région
postérieure du cou. La bave ne se montrant que longtemps après l’ingestion
de la substance, quelle que soit la voie d'absorption, je suis à me demander
508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
si elle n’est pas produite par la contraction des muscles masséter et des
autres muscles qui environnent les glandes salivaires.
os Appareil cutané. — Dans la douzième expérience, j'ai noté lappari-
tion d’un érythème très intense qui aurait envahi toute la paroi abdominale
et la peau du creux axillaire gauche; cet érythème s’accompagnait de
chaleur, il avait déterminé une rougeur.sombre, qui a persisté durant un
quart d'heure environ.
Je dois dire que, dans aucun cas, je n’ai rien observé du côté de la
pupille.
N'ayant pu rien obtenir par l’anesthésie chloralique, j’eus l’idée, étant
donnée l’analogie observée entre les symptômes produits par l'absorption du
varaire blanc et ceux du choléra, d'employer le chlorhydrate de morphine à
hautes doses.
Comme on a pu le voir dans mes deux dernières expériences, la morphine
dans le premier cas a arrêté les’ accidents; dans le second cas, elle les a
atlénués sans les supprimer et a permis à l’animal d'éliminer son poison et
d'échapper à une dose toxique.
BOURLOTON. - lmprimeries réumies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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909
SÉANCE DU 18 OCTOBRE 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
M. François FRANK dépose un mémoire de M. BEAUNIS, membre corres-
pondant, sur la justesse et la fausseté de la voix humaine, en en résumant
brièvement les conclusions.
NOTE SUR LE POULS DANS LE COURS, LA CONVALESCENCE ET LA RECHUTE DE LA
FIÈVRE TYPHOÏDE, par le M. docteur Pierre Parisor, chef de clinique
médicale à la Faculté de médecine de Naney (présentée par M. FrANçois-
FRANCK).
Toutes ces recherches ont été faites à l’aide du sphygmographe de
Marey.
Pendant la période d'état de la fièvre typhoïde, la fréquence du pouls
n’est pas proportionnelle à la faiblesse de la tension artérielle. Il n’y a pas
de rapport entre l’amplitude du dicrotisme et la gravité de la maladie. Au
début comme au milieu de cette période, le pouls peut être tricrote ou
même polycrote (polycrotisme fébrile); ce signe en lui-même ne doit pas
être considéré comme l’indice d’une convalescence prochaine, ni par con-
séquent regardé comme l’apanage de la convalescence. Le dicrotisme
asymétrique est une des formes les plus caractéristiques de la pulsation de
la fièvre typhoïde. Dans l’anacrotisme, on doit voir surtout le signe d’une
très grande faiblesse de la tension artérielle (hémorrhagie intestinale).
Pendant la période des oscillations descendantes, la forme du pouls n’a
pas un cachet propre à ce stade de la maladie; dans le cas, cependant, de
défervescence brusque et d'augmentation rapide de la tonicité artérielle
(fièvres abortives), il peut se manifester quelques irrégularités du pouls.
Expérimentalement, à la période d’état, il est facile d'augmenter d’une
facon rapide la tonicité artérielle en refroidissant le malade à laide d’un
matelas à eau par exemple; dans ce cas le pouls peut devenir irrégulier. Ce
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 197, N° 94. 14
910 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
spasme vasculaire, par l’arythmie produite, met en évidence la faiblesse
latente du cœur liée à sa dégénérescence granulo-graisseuse. Au moment
de la convalescence, les irrégularités du pouls se rencontrent surtout après
les défervescences rapides. Tous ces faits permettent d’invoquer, pour une
très large part, dans la pathogénie des arythmies du pouls, l'augmentation
de la tonicité artérielle.
Pendant la convalescence, la fréquence ou mieux l’impressionnabilité du
cœur est en rapport avec la faiblesse de la tension artérielle. La forme du
pouls varie durant la convalescence suivant une règle : au début, c’est-à-
dire au voisinage de la défervescence, la pulsation présente les signes d’une
forte tonicité artérielle ; à une période plus avancée elle rappelle la forme
du pouls fébrile, et revient, au bout d’un temps assez long, à la forme phy-
siologique ; ces changements de forme de la pulsation sont en rapport avec
l'état d’anémie du sujet. L’influence de cette anémie est masquée dans les
premiers jours de la convalescence par l'augmentation de la tonicité arté-
rielle qui accompagne la défervescence. Si la maladie n’a pas été longue et
si le sujet est peu anémié, la pulsation offre au début de la convalescence
les signes d’une tonicité artérielle exagérée, qui diminue dans la suite
en rendant au pouls, presque aussitôt, l’aspect du pouls normal.
Dans la fièvre typhoïde, autant qu’on peut juger des variations de la
tension artérielle par les modifications de la forme de la pulsation radiale
obtenue avec le sphygmographe de Marey, cette tension, faible pendant la
période d'état, augmente insensiblement pendant le stade des oscillations
descendantes ; elle passe par un maximum au moment de la défervescence
complète, diminue ensuite et, au bout d’un temps très long chez les sujets
anémiés, augmente de nouveau pour revenir à l’état physiologique. Pendant
la période d'état et celle des oscillations descendantes de la fièvre typhoïde,
le pouls et la température pris isolément donnant des renseignements dia-
gnostiques et pronostiques insuffisants, il est indispensable de faire simul-
tanément leur étude. Durant la convalescence, les indications fournies par
le thermomètre ont plus de valeur que celles données par l’examen du
pouls.
Dans la rechute le pouls est plus fréquent, à gravité égale, que dans la
première évolution typhoïde.
SUR L’EXISTENCE D'ALTÉRATIONS PÉRIPHÉRIQUES DES NERFS MOTEURS DANS
LES PARALYSIES OCULAIRES DES TABÉTIQUES, par M. J. DEJERINE (1).
Les troubles oculaires du tabès sont connus depuis très longtemps, et
l’on sait que la constatation de certains d’entre eux, du myosis en particu-
(1) Travail du laboratoire de M. le professeur Vulpian.
rh RE
SÉANCE DU 18 OCTOBRE. Sal
lier (Argyll-Robertson), a une importance toute spéciale pour le diagnostic
de cette affection. Il en est de même de la névrite optique et des paralysies
(le la troisième et de la sixième paire. Ces dernières, en particulier, peu-
vent se montrer à différentes périodes du tabès, au début ou à la période
d'état : dans le premier cas, elles sont souvent passagères ; dans le second,
permanentes. Ces paralysies ne sont pas toujours complètes, et, lorsqu'elles
portent sur la troisième paire, il n’est pas rare d'observer une paralysie
incomplète, quelques-uns des muscles énervés par ce nerf étant seuls tou-
chés. La dissociation paralytique que l’on peut observer dans ces cas est
assez variable ; une des plus communes est la paralysie du releveur de la
paupière, soit d’un seul côté, soit des deux à la fois, comme dans l’obser-
vation suivante, concernant une femme que j'ai eu l’occasion d'observer
récemment dans le service de mon maître, M. le docteur Vulpian, que
je supplée actuellement à l'Hôtel-Dieu.
OBs. — Femme de trente-huit ans, tabétique depuis dix ans, ataxique depuis
deux ans. Douleurs fulqurantes ; anesthesie plantaire ; abolition des réflexes
tendineux. Pas de myosis. Pas de strabisme. Double paralysie du releveur de
la paupière. Signe de Romberg. Troubles de la sensibilité peu accentués des
membres inférieurs. Fièvre typhoïide. Mort subite pendant la convalescence. —
Autopsie. Sclérose postérieure avec méningite spinale correspondante, ayant
son maximum dans les régions lombaire et dorsale. Atrophie des racines posté-
rieures. Névrite parenchymateuse très marquée des nerfs intramusculaires des
releveurs ; intégrité des autres branches de la troisième paire. Atrophie très
prononcée des fibres musculaires des releveurs (résumé).
La nommée X.., âgée de trente-huit ans, venait régulièrement chaque
semaine dans le service de M. Vulpian (dans lequel elle avait séjourné pendant
plusieurs mois) pour l'affection dont elle était atteinte (tabès) et était traitée par
des pointes de feu le long du rachis et de l’iodure de potassium à l’intérieur.
C’était une femme de constitution assez vigoureuse, sans antécédents patholo-
giques particuliers, et chez laquelle les douleurs fulgurantes avaient apparu
pour ia première fois il y a dix ans, et l’incoordination assez prononcée dont
elle était atteinte datait de deux ans. Pas de crises gastriques, pas de troubles
génifo-urinaires.
État actuel, le 12 août de cette année : Ataxie assez prononcée des membres
inférieurs, la malade marche en talonnant fortement. Signe de Romberg. Dou-
leurs fulgurantes et constrictives au niveau des cous-de-pied. Troubles de la sen-
sibilité très peu marqués, anesthésie légère, presque pas d’anesthésie. Perte de la
notion de position des membres. Membres supérieurs indemnes. Face : pas de
douleurs fulgurantes, pupilles un peu dilatées, égales, réagissant sous l'influence
de la lumière, mais lentement. Pas de strabisme. Chute des deux paupières supé-
rieures tellement prononcée que les pupilles sont toujours couvertes à l’état
normal, et que, lorsque le malade veut lire, elle est obligée de tenir ses pau-
pières élevées à l’aide de ses mains. Cette paralysie des releveurs date de trois
ans. Les autres muscles innervés par la troisième paire sont intacts ; intégrité de
la sixième paire. Cette malade rentre dans le service de M. Vulpian vers le
milieu de septembre pour une fièvre typhoïde contractée en ville, et meurt subi-
HA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tement le 6 octobre, élant en pleine convalescence depuis plusieurs jours.
A l’autopsie, on trouve, du côté de l'intestin grêle, les altérations de la fièvre
typhoïde arrivées au stade de réparation à peu près complète. Le cœur est mou,
flasque (myocardite); pas de lésions valvulaires, pas d’adhérence de l’aorte.
Poumons congestionnés, avec un tubercule calcifié du sommet gauche. Reins
normaux. Système nerveux, —encéphale : rien à noter du côté des méninges, cor-
ticalité normale, ganglions cérébraux sains. Cervelet normal. Bulbe rachidien :
rien de particulier à l’œil nu, les nerfs crâniens qui en émergent, la troisième
paire, en particulier, ont leur volume et leur coloration nacrée habituels. Moelle
épinière : méningite spinale postérieure dans toute la hauteur, atrophie des
racines correspondantes, diminuant progressivement de bas en haut. Sclérose
des cordons postérieurs, occupant toute leur étendue dans les régions lombaire
et dorsale inférieure, diminuant en remontant vers la région cervicale.
Les deux globes oculaires, ayant été énucléés avec les muscles de la cavité
orbitaire, les nerfs intramusculaires de chaque releveur des paupières, pré-
sentent après leur dissection un aspect grisätre caractéristique, tandis que
les rameaux allant aux muscles droits paraissent sains. Après action de lacide
osmique, et du picro-carmin, on constate au microscope des altérations très
prononcées des rameaux nerveux des releveurs. Il n’existe pas un seul tube sain
par préparation, ils sont réduits pour la plupart, à l’état de gaines vides, quel-
ques-uns seulement sont encore en voie d’altération et présentent les lésions bien
connues de la névrite parenchymateuse à différents degrés de son évolution. Les
fibres musculaires de chaque releveur sont très atrophiées; elles sont réduites
des trois quarts de leur volume, les noyaux sont multipliés et quelques-uns con-
tiennent des granulations se colorant en noir par l'acide osmique et de nature
vraisemblablement graisseuse. Les autres filets de la troisième paire se rendant
aux muscles droits sont normaux; il en est de même de la sixième paire.
La localisation de la paralysie et de l’atrophie dans les muscles releveurs
des paupières, en conséquence de l’altération des rameaux nerveux cor-
. respondants, m'a paru intéressante à signaler, car elle tend à démontrer
que dans l’ataxie locomotrice il peut exister des paralysies musculaires,
dépendant d’altérations périphériques des nerfs moteurs. Je dis altérations
périphériques, car le tronc de la troisième paire n’était pas altéré, et bien
que l'examen des noyaux des troisièmes paires n’ait pas encore été pratiqué,
la dissociation de la paralysie, sa limitation aux releveurs durant un espace
de trois années ne peuvent guère être sous la dépendance d’une lésion cen-
trale (altérations nucléaires), car dans ce cas il faudrait admettre que les
cellules destinées aux mouvements du releveur étaient seules prises, hypo-
thèse fort peu vraisemblable pour ne pas dire plus, d’une part, et infirmée
par l'intégrité du tronc de la troisième paire, d’autre part.
L'existence de névrites musculaires périphériques chez les tabétiques me
parait présenter un certain intérêt au point de vue de la physiologie patho-
logique du tabès, et l'étude de ces névrites est appelée vraisemblablement à
nous rendre comple de certaines paralysies que l’on rencontre quelquefois
dans le cours de la sclérose postérieure.
;
c ; ANT
LnËl
SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 913
DE L'OTITE EXTERNE PÉRIOSTIQUE CIRCONSCRITE, par M. GELLÉ.
Depuis un certain temps on a publié dans la presse et lu aux Sociétés
savantes, celle des hôpitaux entre autres, des observations curieuses de
tumeur de nature arthritique, nées soit du derme, soit du périoste et con-
tractées dans les régions où les os affleurentla peau.
J'ai pu observer plusieurs fois l’évolution de tumeurs analogues dans le
conduit auditif externe et je les décris dans mon livre (p.101) sous le titre
d'otite externe périostique circonscrite, qui indique à la fois leur siège, leur
nature et leur aspect. On trouvera dans ce chapitre les figures de ces pe-
titles tumeurs à divers degrés de développement (p. 101). J’ai observé cinq
fois ces lésions : deux fois avec le regretté Archambaud, un cas amené par
le docteur E. Labbé, et les deux autres dans ma clientèle spéciale.
. Dans tous les cas l’aspect de la lésion et l’allure de l’affection ont été
absolument identiques, et la terminaison par résolution a été observée.
Un des sujets avait dix ans; le deuxième, qualorze ans; l’autre trente-
sept ans; un autre quarante-sept ans, et le dernier soixante ans.
La lésion est limitée au fond du conduit, au niveau de sa portion osseuse.
On aperçoit à l'examen au moyen du spéculum et d’un éclairage suffisant
(lampe et miroir) une ou plusieurs petites tumeurs rosées, rondes, bien
limitées, et bien isolées les unes des autres, circonscrites, qui font saillie
dans la lumière du conduit.
En se développant, ces éminences arrondies et colorées finissent par se
toucher ;.elles soulèvent le méat, cachent le tympan et causent la surdité.
En général, une douleur légère et à exacerbations nocturnes franches
parfois se réveille dans les mouvements de la mâchoire et dans la dégluti-
tion, mais surtout au contact du stylet, sans être jamais très vive.
Le stylet donne la sensation d’une résistance ferme, mais non osseuse
cependant; la petite tumeur plit à la pression de l'instrument sans se
laisser déprimer d’une façon appréciable à la vue.
Il peut se faire qu’il n’y ait qu'une seule tumeur et par son accroissement
elle atteint l’autre face du conduit et arrive ainsi à le troubler et à causer
de la surdité. (Voy. p. 101, de mon Précis des maladies de l'oreille, fig. 27.)
Le conduit auditif n’est pas seul atteint par l’affection générale; et sou-
vent le pharynx est atteint en même temps d’une inflammation sub-ædéma-
teuse méconnue du sujet, vu qu’elle est indolore, et dont la marche est
lente; dans un des cas que j'ai observés, une otite moyenne rhumatismale
existait du côté opposé et une pharyngite subaiguë servait de trait d’union
entre les lésions bi-auriculaires.
Dans deux cas où il existait dans l’un des conduits des tumeurs multiples,
il yen avait également dans l’autre conduit, placé à un degré différent de
développement.
Dans la plupart des cas les manifestations diathésiques locales sont ac-
514 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
compagnées d’un état fébrile léger, à redoublement le soir et la nuit, avec
sueurs le matin. Deux fois j’ai vu coïncider avec les accidents auriculaires
et évoluer simultanément des arthrites du genou légères, et, au point de vue
du diagnostic, c’est la douleur d’un côté de la tête, localisée quelquefois
uniquement dans l'oreille, et surtout la surdité accentuée et progressive
qui attirent l'attention du malade.
Il est impossible de prendre cet ensemble pour un début de fièvre mu-
queuse, malgré la lenteur d'évolution, le redoublement nocturne et le ma-
laise, car il n’y a aucun phénomène du côté du tendon et rien de la pros-
tration des forces qui caractérisent la fièvre continue.
A l'inspection on ne peut prendre la tumeur pour un furoncle, dont la
marche est rapide et cause une douleur des plus vives et une grande réac-
tion. Le siège dans la portion osseuse, la multiplicité, la lenteur d'évolution,
la résolution totale et la disparition sans suppuration différencient cette
lésion nettement de toute autre lésion auriculaire. Le pronostic est bénin,
mais au point de vue de la périostite circonscrite seule, car elle indique
une évolution diathésique dont le pronostic général est tout autre. Enfin
j'insisterai sur la présence de la pharyngite subaiguë qui tend à produire des
lésions auditives bilatérales et à laquelle il faut s'attaquer énergiquement.
Le traitement est simple, les fumigations aromatiques seront dirigées
vers les méats ; des irrigations tièdes douces seront lancées dans les conduits
et répétées plusieurs fois par jour, et le sulfate de quinine et le salicylate de
soude s’adresseront à la fièvre rhumatismale ; plus tard l’iodure de potas-
sium complétera la résolution de l’engorgement. On devra s'occuper de
la pharyngite concomitante, et la traiter par des fumigations, des garga-
rismes et des purgatifs répétés.
SUR LES VAISSEAUX DE L'ALLANTOIDE DU POULET, par MATHIAS DuvaL.
En faisant hommage à la Société de mon mémoire Sur les annexes des
embryons d'oiseaux (extrait du Journal de l’anatomie de G. Pouchet et.
Ch. Robin, 1884), où se trouvent consignées des recherches dont les points
principaux ont été exposés ici sous la forme de notes préliminaires, je
crois devoir compléter cette étude par quelques indications sur la manière
dont se comportent les gros troncs vasculaires de l’allantoïde chez le
poulet.
A la suite de la communication (Bulletin de la Société, 15 février 1884,
n° 20) où, à propos de la formation du sac placentoïde des oiseaux, j'avais
décrit la manière dont l’allantoïde vient se fermer, comme une bourse
dont on tire les cordons, au niveau du petit bout de l’œuf, un de nos col-
lègues voulut bien me faire une objection, ou, pour mieux dire, une de-
SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 919
mande d’éclaircissement sur un point qui lui paraissait encore mal élucidé.
J'ajouterai que la question prit aussitôt à mes yeux une double importance,
et par elle-même, et par la compétence de celui qui la soulevait, puisque
ce collègue était le professeur Dastre, dont la belle monographie sur l’al-
lantoïde fait époque dans la science. « L’allantoïde étant une vésicule qui,
en s'étendant à la face interne de la coquille, se trouve formée de deux
feuillets, l’un interne, l’autre externe, comment se comportent les vaisseaux
pour passer du feuillet interne sur le feuillet externe, alors que s’est faite
vers le petit bout de l’œuf l’occlusion sus-indiquée, laquelle supprime ou au
moins réduit au minimum les communications entre le feuillet interne et
le feuillet externe ? » Telle est, réduite à sa forme la plus abrégée, la question
qui me fut posée.
Je viens y répondre aujourd’hui, en disant non pas que j’en ai trouvé la
solution, mais que cette solution a été formulée de la manière la plus lar-
sement explicite, il y a près de cinquante ans, par un embryologiste,
français.
Quand je voulus me mettre en mesure de répondre à cette question,
j'examinai au point de vue spécial des vaisseaux les très nombreuses
coupes d'œuf en totalité que j'avais faites pour étudier le sac placentoiïde.
Je pensais constater au niveau de l’orifice où se forme la bourse allantoï-
dienne, dans ce qu'on peut appeler l’ombilic allantoïdien, la présence de
gros vaisseaux, se réfléchissant du feuillet interne sur le feuillet externe de
l’allantoïde ; il n’en fut rien ; à ce niveau n’existent guère que des capil-
laires. Par contre je constatai que les gros vaisseaux allantoïdiens parais-
saient passer du feuillet interne sur le feuillet externe au niveau de l’es-
pace qui sépare l’amnios de la vésicule ombilicale, comme si le pédicule
de l’allantoïde se continuait ici aussi bien avec le feuillet externe qu'avec
l’interne. Toutefois ces dispositions étaient peu nettes sur les coupes. Il
fallait, pour les élucider, avoir recours à la dissection des membranes.
Au moment où j'allais entreprendre ces dissections, je fus amené à relire,
pour un autre objet, le mémoire de Dutrochet sur les Enveloppes du fœtus.
Or je trouvai dans ce mémoire la question posée et clairement résolue. « On
remarque, dit Dutrochet (1), au milieu dela vésicule ovo-urinaire (c’est le
nom qu'il donne à l’allantoïde), un gros vaisseau qui semble être contenu
dans son intérieur et qui se distribue à sa surface supérieure (feuillet ex-
terne); ce fait paraît en contradiction avec l’observation faite les jours
précédents, que les vaisseaux de la vessie ovo-urinaire sont contenus dans
ses parois, mais un peu d'attention suffit pour voir que cela continue
d’avoir lieu. La vessie ovo-urinaire, peu après son apparition et encore
fort étroite, est devenue adhérente par son fond à la membrane propre du
vitellus qui lemprisonne ; ses vaisseaux se trouvent par conséquent fixés par
(1) Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des ami-
maux el des végétaux, 1837, 1. I, p. 212.
L
516 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
leur extrémité et tendus comme des cordes, du col de cette vésicule à l’en-
droit de l’adhérence ; et la vessie ovo-urinaire en se développant rapide-
ment par l'effet de la distension qu'opère en elle le fluide abondamment
versé dans son intérieur, rencontre un obstacle à son extension dans ce
vaisseau principal, sur lequel elle se ploie de manière à lui former une sorte
de mésentère.. » Une série de figures (pl. 23) servent à Dutrochet à faire
comprendre cette disposition, sur laquelle il revient avec plus de détails
à la page 221 de son mémoire.
Ce que nous venons d’en citer suffira pour faire comprendre linterpré-
tation de Dutrochet, qui, à la page 221, résume ainsi sa description : CII
résulte de ces dispositions que les vaisseaux, sans cesser d’être contenus
dans les parois de la vessie ovo-urinaire, sont cependant renfermés dans
l’espace qui sépare l’endo-chorion de l’exo-chorion (le feuillet interne du
feuillet externe de l’allantoïde); et que ce dernier reçoit ainsi des vais-
seaux immédiatement, ce qui n'aurait pas lieu sans ce mécanisme partieu-
lier. » Nous ajouterons que nous en avons trouvé la plus complète confir-
mation dans les dissections que nous avons alors entreprises.
Quel est l'ouvrage d’embryologie qui cite le nom de Dutrochet? Quelle
est même la monographie sur l’allantoïde ou sur telle autre enveloppe fœ-
tale où soient rappelées Les recherches de cet auteur? Et cependant le mé-
moire que nous venons de citer se compose de quatre parties, qui sont
autant de chefs-d’œuvre, traitant successivement des enveloppes de l’em-
bryon d'oiseau, des enveloppes des embryons des reptiles, des enveloppes
des embryons des mammifères, et enfin de l’œuf des batraciens. Mais lem-
bryologie n’a en France que de rares adeptes; c’est dans les ouvrages des
pays étrangers, où cette science est si largement cultivée, que nous cher-
chons les indications bibliographiques ; et comme ces ouvrages sont sin-
gulièrement sobres en citations de travaux français, il se trouve que nous
ignorons précisément les découvertes qui ont été faites chez nous depuis
un demi-siècle, et qu’il faut des circonstances fortuites pour nous mettre
sur la voie de ces indications bibliographiques.
À
EXPÉRIENCES SUR LA CONTRACTION MUSCULAIRE PROVOQUÉE PAR UNE
PERCUSSION DU MUSCLE CHEZ L'HOMME, par M. A.-M. BLocu.
On connaît l’expérience d’Aeby, relative à la propagation de l’onde mus-
culaire lorsqu'on excite l’extrémité d’un musele. Cette onde chemine avec
une vitesse d’un mètre par seconde d’un bout à l’autre du faisceau contracté
par une excitation directe.
Lorsqu’au contraire l’excitation porte sur le nerf principal qui se rend au
1
|
SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 7
muscle, ce dernier se contracte simultanément dans tous les points de la
masse.
La percussion permet de répéter, chez l’homme, la première expérience
d'Aeby, et, si l’on frappe en un point le vaste interne de la cuisse, par
exemple, on provoque une contraction qui gagne de proche en proche et
qu’on peut enregistrer en plaçant des tambours explorateurs à des distances
déterminées du point où le choc est produit. Tel est le sujet des expériences
dont j'ai l'honneur d'entretenir la Société, et voici des graphiques qui per-
mettent de mesurer la vitesse de l’onde musculaire.
Le moment du choc est exactement repéré. On voit sur les tracés un
retard d'environ 1/25 de seconde pour un petit point situé à 5 centimè-
tres de l’endroit percuté et un retard de 1/16 de seconde environ pour un
point éloigné de 10 centimètres.
La différence, soit 1/42 de seconde, mesure le temps nécessaire à la pro-
pagation de la contraction musculaire dans 5 centimètres de muscle,
d’où l’on peut conclure à une vitesse de 2 mètres par seconde.
Si Aeby n’a trouvé qu’un mètre, il faut considérer qu’il expérimentait
sur un muscle détaché de l'animal et la différence que je viens de relater
dans mes résultats n'implique pas nécessairement que chez l’homme, la
vitesse de l’onde soit double de celle des muscles de la grenouille.
J'ai, comparativement, enregistré en deux points éloignés l’un de l’autre
la contraction volontaire et la contraction provoquée par le choc sur Île
tendon rotulien. Dans ces deux cas, le muscle, comme on devait s’y attendre,
se contracle en même temps dans toute sa masse. Ce fait est un argument
de plus en faveur de la théorie qui explique, par une action réflexe et non
par une excitation musculaire directe, le phénomène du genou.
DE LA DUALITÉ CHEZ LES MAMMIFÈRES.
Note de M. le docteur PuaiciPpEaux, aide-naturaliste au Muséum.
Tout le monde sait que la dualité existe chez tous les mammifères, c'est-
à-dire que tous leurs organes sont doubles ou symétriques, placés de
chaque côlé du corps, que ces organes jouissent des mêmes propriétés et
des mêmes fonctions, et qu'ils peuvent se suppléer si Pun d’eux vient à
manquer.
Si, par exemple, on enlève à un animal vivant un de ses hémisphères
cérébraux, l’animal vivra, pourvu que l’autre hémisphère vienne le sup-
pléer ; il en sera de même si l’on pratique, chez un animal vivant, l'ablation
d’un rein, l’autre viendra le suppléer, la fonction urinaire se fera et la vie
continuera, comme je l'ai montré bien des fois.
018 SOCIËÉTÉ DE BIOLOGIE.
Enliu il en séra de même si l’on coupe, toujours sur un animal vivant,
un des nerfs pneumogastriques, Le droit, par exemple, le gauche viendra le
suppléer et la vie continuera, comme cela a été souvent démontré.
Flourens, célèbre physiologiste, pensait que la dualité existait même
jusque dans le corps des vertèbres qui se développaient, d’après lui, par
deux points d’ossification.
Serres, célèbre anatomiste, professait la même opinion. M. Gervais, mon
collègue au Muséum d'histoire naturelle, m’assure avoir vu ces deux
points d’ossification chez l’homme et chez le veau. Pour moi, J'ai toujours
pensé que ces naturalistes avaient raison et que j'aurais un jour la satis-
faction de montrer cette dualité du corps de la vertèbre, ce qui m'arrive
aujourd’hui.
Dimanche dernier, en traversant la cour de la baleine, au Jardin des
Plantes, j'ai aperçu, par le plus grand des hasards, une vertèbre isolée de
baleine : c'était l’axis qui présentait admirablement les deux points d’ossifi-
cation ; j'ai fait photographier cette pièce, qui montre la division en deux
parties du corps de la vertèbre. Je conclus que la dualité est bien un fait
certain dans le corps des vertèbres, que tous les organes sont doubles
comme le cerveau et qu’ils ont tous les mêmes fonctions, qu’ils peuvent se
suppléer si l’un vient à manquer et enfin qu'un de ces organes symétriques
peut se reposer tandis que l’autre travaille.
SUR LE SYSTÈME CIRCULATOIRE DES HOLOTHURIES, par M. Louis PErTir.
Malgré les travaux de Tiedemann et de Semper, nos connaissances sur le
système circulatoire des Holothuries sont encore bien insuffisantes.
Comme chez les Oursins, on y distingue deux parties : 1° le système aqui-
fère ; 2° le système vasculaire. Le premier est assez bien connu, mais on ne
sait pas bien comment se termine le second ; on ignore notamment ses rela-
tions avec le premier. Est-il oui ou non en connexion avec lui ?
La finesse des vaisseaux et la contractilité bien connue des organes des
Holothuries rendent l’étude de cette question assez difficile. Pour pratiquer
de pareilles recherches, il est indispensable d’avoir des animaux vivants et
de grande taille. Grâce aux ressources du laboratoire de Concarneau, j'ai
pu étudier une espèce d’'Holothurie (Sfichopus Selenkæ), dont les individus
atteignent fréquemment une longueur de 30 centimètres.
Chez cet animal, comme chez les autres Holothuries, le système vascu=
laire est composé d’un vaisseau ou d'un réseau externe accolé à l'intestin
suivant la ligne d'insertion du mésentère ; 2° d’un vaisseau interne parallèle
et diamétralement opposé au premier.
SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 19
Chez le Stichôpus Selenkæ, le vaisseau externe est remplacé en grande
partie par un riche réseau (rete mirabile) qui commence au début de Pin-
testin proprement dit et se prolonge sur une portion de la deuxième bran-
che descendante de l'intestin ; au delà il se continue probablement par un
vaisseau. Mais en avant il se termine assez brusquement en général à la
hauteur du sillon qui sépare l’estomac de l'intestin, quelquefois un peu en
arrière; dans ce cas, il émet un petit vaisseau qui se prolonge jusqu’au
sillon. En tout cas, la partie externe du système vasculaire paraît se ter-
miner en avant à l’étranglement stomacal.
Le vaisseau interne est appliqué sur la paroi de l'intestin, il ne forme pas
de réseau, mais on constate presque toujours la présence d’une anastomose
d’une longueur variable, qui relie la première branche descendante à la
branche montante, Le vaisseau interne ne se termine pas comme l’externe
à l’étranglement stomacal ; bien que son calibre diminue beaucoup à partir
de cet endroit, on peut l’injecter jusqu’au canal péribuccal aquifère.
Après plusieurs essais infructueux, j'ai réussi à pousser plus loin l'injec-
tion et je suis parvenu, sans employer cependant de fortes pressions, à in-
jecter un réseau qui vascularise l’anneau péribuccal. Ce réseau est formé
d’un petit vaisseau placé à l’équateur de l’anneau péribuccal, et qui émet
des deux côtés des branches ramifiées. Quelques-unes m'ont paru se pro-
longer sur la vésicule de Poli.
Il n'existe pas, au moins dans cette espèce, un deuxième anneau situé au-
dessous du canal aquifère, ainsi que l’indiquent plusieurs auteurs et comme
il est figuré notamment par Théel chez les Holothuries provenant des dra-
gages du Challenger (1).
La disposition que j’indique se rapproche davantage de celle qu'a con-
statée Semper sans être absolument la même. Cet auteur signale un épais
réseau de très fins vaisseaux, adossé à la paroi de l’anneau vasculaire ; ce
réseau, dans certains cas, se plisse: de là le nom de fraise pharyngienne
(Schlundkrause) que lui a donné Semper.
Entre le vaisseau interne et le réseau externe, il existe une large et facile
communication, grâce aux lacunes de la paroi de l’intestin. L'expérience
montre que l’on peut injecter l’un d’eux en poussant l'injection dans
l’autre,
En terminant, je ferai remarquer l’analogie de la disposition du système
vasculaire des Holothuries avec celle que M. Kœhler a décrite pour les
Oursins; dans les deux, il existe un vaisseau externe et un vaisseau in-
terne : le premier s'arrête avant d'atteindre le collier aquifère ; le second
aboutit à un réseau circulaire (un canal chez les Oursins) en connexion avec
(1) Report of the Sciéntifie Results of the Exploring Voyage of the Challen-
ger, vol: IV, HozorTuuRiEs (pl. XL, fig. 2).
SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
le cercle aquifère. Je n’ai pas, il est vrai, vu de commuiication
système aquifère et le système vasculaire, bien qu “ayant injecté | È
systèmes séparément; mais je dois ajouter que je n'ai pas us
M. Kæhler, de fortes pol dont les résultats sont bien souven
tables.
BOURLOTON. — lmprimerics réunies, À, ruc Mignon, 2, Pari,
981
SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
VARIATIONS RYTHMIQUES DE LA COURBURE DE LA CORNÉE, par M. JAvAL.
En août dernier, observant à l’ophthalmomètre un œil atteint de kératocône,
j'ai été surpris de voir le rayon de courbure de la cornée varier, par saccades,
d’une quantité égale à environ un cinquième de millimètre, et, saisissant le
pouls de la malade, j'ai constaté que ces variations présentaient le synchro-
nisme le plus parfait, avec les pulsations artérielles. De plus, la variation
n'étant pas la même dans tous les méridiens, nous étions en présence de
variations de l’astigmatisme.
Je viens d'observer un cas analogue, mais moins accentué ; c’est égale-
ment sur un œil affecté de kératocône, mais chez un homme de quarante
et un ans, tandis que la première observation est relative à une jeune fille
de vingt et un ans.
SUR LE TUBE DIGESTIF DE QUELQUES POISSONS DE MER.
Note de M. A. PrzzieT (présentée par M. R. BLancrarp) (1).
Je veux indiquer brièvement quelques particularités que j'ai remarquées
sur le tube digestif des poissons de mer que j’ai examinés au laboratoire de
Concarneau.
Chez tous, l’œsophage est identique et présente un corps de Malpighi
stratifié, avec un grand nombre de cellules caliciformes, à la surface libre,
sans aucune espèce de glandes.
L’épithélium de lestomac, quand il existe, est toujours formé de cellules
caliciformes allongées ; dans quelques cas, leur portion claire, muqueuse,
est très réduite, la cellule se colore alors tout entière en brun par l’acide
osmique.
Les glandes répondant à l’estomac du fond des vertébrés supérieurs ne
contiennent jamais qu'une seule sorte de cellules, granuleuses. Les glandes
(1) Communication faite dans la séance du 11 octobre 1884.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, 1°, N° 35. 45
582 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
répondant à l'estomac pylorique peuvent exister très netles, comme chez le
congre, ou manquer absolument.
Chez le Labrus Bergylta, ou Vieille, le Blennius Pholis, le Lepadogaster
bimaculatus, le Syngnathus acus, le Callionymus Lyra, il n’y a pas traces
de glandes stomacales. Ces poissons, très différents d’ailleurs les uns des
autres, ont tous un tube digestif très court; l’œsophage s’abouche directe-
ment avec l’intestin. Le syngnathe, le callionyme, présentent, entre le revête-
ment stratifié de l’œsophage et les plis de l’intestin, une surface, recouverte
d’un épithélium formé d’un seul rang de cellules cylindriques ou calici-
formes allongées, répondant au revêtement stomacal des autres poissons,
mais il n’y a pas de glandes au-dessous.
Chez le Gobius niger, le Cottus scorpius, on voit des culs-de-sac glan-
dulaires peu nombreux se montrer sous ce revêtement; l'estomac est là
rudimentaire.
Les appendices pyloriques, quand ils existent, ont la structure de la
portion d’intestin sur laquelle ils s’insèrent.
L'intestin présente des plis, simples ou composés, analogues à ceux qu'on
voit chez les fœtus de mammifères ; ce qui domine, ce sont des plis à direc-
tion longitudinale, qui peuvent exister seuls comme chez les Scomber
Scombrus, ou être réunis par des anastomoses transversales (Labrus
Bergylta). I peut être aussi composé uniquement de glandes cylindriques,
comme chez la Motella tricirrata, ou uniquement de villosités, comme
chez le Mugil capito. Les éléments en sont prismatiques, mêlés ie cellules
caliciformes en quantité variable.
Avant l’anus, l'intestin se dilate presque chez tous, et forme une petite
ampoule, séparée du reste par un sphinecter musculaire tout à fait net, formé
par la tunique interne, circulaire, des fibres lisses de l'intestin. La muqueuse
de cette ampoule est plus épaisse que celle de l’intestin qui la précède.
Elle n'en diffère pas sensiblement dans ses éléments.
DE LA DÉSHYDRATATION DES TISSUS PAR LE CHLOROFORME, L'ÉTHER
ET L'ALCOOL, par M. R. Dugors.
Dans ses belles leçons sur les anesthésiques et l’asphyxie, après avoir
parlé de l’action chimique exercée par l’oxyde de carbone sur le globule
sanguin, Claude Bernard s'exprime ainsi: € Nous ne somines pas aussi
avancés pour l’action des anesthésiques, mais nous pensons cependant qu'un
certain nombre d'arguments empruntés à l'analyse exacte des faits peuvent
nous permettre de concevoir d’une façon assez nelte l’action physico-chi-
mique qu'ils exercent sur les éléments nerveux. À nos yeux, cette action
consisterait en une semi-coagulation de la substance même de la cellule
nerveuse, coagulation qui ne serait pas définitive, c’est-à-dire que la
SÉANCE DU 29 OCTOBRE. 2893
substance de l’élément anatomique pourrait revenir à son état primitif
normal après élimination de l’agent toxique (1). »
Comme le dit lui-même le grand physiologiste, c’est là une conception
logiquement déduite des faits observés ; mais quelle est la nature, le méca-
nisme de cette semi-coagulation? De nouvelles expériences étaient indi-
quées.
Dès 1870 (2) nous avions été amenés, à la suite d'expériences failes dans
le laboratoire de la clinique médicale de PHôtel-Dieu à admettre que
l'alcool agissait sur l’organisme, lorsqu'il pénétrait en nature dans la circu-
lation, par la perte d’eau qu'il faisait subir aux divers tissus en vertu d’une
action exosmolique : un grand nombre de liquides neutres à chaleur spéci-
fique peu élevée, agissaient, selon nous, par le même mécanisme.
Depuis cette époque, nous avons multiplié les expériences et les résultats
nouveaux sont venus confirmer l’exactitude de nos premiers essais.
De récentes expériences faites au laboratoire de physiologie du Havre
(station maritime), en présence de M. le professeur Charles Richet, sont
plus démonstratives encore que celles qui ont été rapportées dans les com-
munications antérieures.
En opérant principalement sur des plantes de la famille des Crassulacées
et du genre Echeveria (E. glabra) on a pu obtenir, par les vapeurs de chlo-
roforme, une action déshydratante assez rapide pour que l'expérience puisse
ètre répétée dans un cours et assez évidente pour que le résultat puisse êlre
fixé par la photographie.
L'épreuve que nous présentons à la Société montre deux individus de la
même espèce et de la même provenance. L’un d’eux a été placé sous une
cloche, au-dessus d’un cristallisoir contenant du chloroforme; l’autre sous
une cloche d’égale dimension, ne contenant que de l'air.
Au bout de peu de temps, des diverses parties de la plante soumise à
l’action des vapeurs du chloroforme, on a vu sortir des gouttelettes compa-
rables à celles de la rosée ; elles se sont d’abord montrées sur les feuilles
occupant la partie inférieure de la tige. Le nombre et le volume de ces
souttelettes allait en augmentant de plus en plus, et au fur et à mesure que
l'eau sortait du tissu de la plante, chassée par la vapeur anesthésique, la
feuille s’affaissait sur elle-même et s’inclinait, ainsi qu'il arrive après une
nuit de gelée.
On obtient des résultats tout à fait identiques avec les vapeurs d’éther et
d'alcool, mais tandis que le chloroforme agit en une heure environ, et
même moins si la plante est séparée de la terre, il faut attendre douze
heures pour l’éther et vingt-quatre heures pour l'alcool.
Les pesées nous ont montré que l’eau éliminée ainsi élait remplacée par
(1) Claude Bernard, Leçons sur les anesthésiques et sur l'asphyæie, p. 103.
Paris, 1875.
(2) Bulletin de la Sociclé de biologie, 1870.
D84 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
une certaine quantité de chloroforme, d’éther, et d'alcool, variable pour
chaque agent, mais toujours de beaucoup inférieure à la quantité d’eau
perdue.
En réalité, le liquide ainsi excrété n’est pas de l’eau absolument pure,
elle contient de très faibles proportions de divers matériaux solides que
nous n'avons pas encore étudiés. [Il s'opère également, au sein des tissus,
des modifications des produits gazeux, ainsi que nous l’avons indiqué autre .
part, mais ces phénomènes corrélatifs de la perte de l’eau nous paraissent
jouer un rôle secondaire.
D'ailleurs, le seul fait de la déshydratation ne suffit-il pas pour expli-
quer les phénomènes d'arrêt observés pendant la germination des graines,
des spores, pendant les fermentations? Peut-on expliquer d’une manière
plus satisfaisante l’action des anesthésiques sur la sensitive, puisqu'il est
établi, depuis les belles expériences de M. Paul Bert sur ce sujet, que le
mouvement est dû à un phénomène de l’hydratation ?
On-trouverait encore dans la comparaison de l’élat d’anesthésie et de
l’état de vie latente par dessiccation pure et simple de nombreux points
communs.
Dans l’action du chloroforme sur les tissus, il y a lieu de distinguer deux
cas : ou bien les tissus ont été préalablement desséchés, et la présence d’un
liquide. anesthésique entravera l’hydratation sans pénétrer lui-même les
tissus; s’il s’agit d’une graine de moutarde bien sèche, elle ne germera
pas, mais ne perdra rien non plus de sa faculté germinative ; ou bien les
tissus sont déjà imbibés d’eau, et il s’établira entre l’eau et l’agent anesthé-
sique des phénomènes de substitution, une faible quantité de celui-ci venant
remplacer une forte proportion d’eau.
Ce qui explique pourquoi les altérations produites par les anesthésiques
dans l'intimité des tissus ont échappé à la plupart des observateurs, c’est
que ces phénomènes de substitution peuvent s’opérer sans que l'aspect
de la substance protoplasmique soit sensiblement modifié.
Ainsi que me l’a fort obligeamment fait remarquer M. le professeur
Grimaux, à propos des communications que j'ai faites à la Société, Graham
a obtenu, en opérant sur des colloïdes minéraux, des résultats tout à fait
comparables à ceux que j'ai vus se produire au sein des tissus végétaux et
animaux. On peut, en effet, en plongeant dans l'alcool absolu, à plusieurs
reprises, de l’hydrate d’acide silicique gélatineux, remplacer complète-
ment l’eau par l'alcool sans que l’aspect colloïdal et le volume du com-
posé soient sensiblement modifiés : ce qu'il appelle un hydrogèle devient
alors un alcoogèle ; de même on peut déplacer l'alcool de l’alcoogèle par
l’éther et obtenir un étherogèle et ainsi de suite pour une série de corps
diffusibles entre eux.
Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans ces combinaisons, c’est que
l’alcoogèle, mis à son tour en présence d’une grande masse d’eau, peut
perdre tout son alcool, qui serait remplacé par de l’eau, la forme colloïdale
SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 585
subsistant toujours : « De semblables changements, dit-il à ce propos, sont
des exemples frappants de l'influence de la masse (1). » ;
En soumettant des œufs de poule à l’action des vapeurs de chloroforme,
nous avons vu lagent anesthésique traverser le blanc de l’œuf, qui n’en
retenait qu'une faible proportion, pour aller s’accumuler dans le jaune, en
vertu d’une faculté que nous ne connaissons - pas encore complètement.
Ne peut-on admettre, par analogie, que le chloroforme entraîné pendant
l’inhalation chloroformique par le sang, se fixe de préférence, comme le
pensait Claude Bernard, sur le tissu nerveux ? Alors, dans cette hypothèse,
l’inhalation étant suspendue, le sang se débarrasserait, par la respiration,
du chloroforme qu’il contient et viendrait agir, par sa masse liquide, sur
le système nerveux pour le débarrasser à son tour du poison, de la même
maniêre qu'une masse d’eau enlève l’alcool à un alcoogèle.
SUR LA SEGMENTATION SANS FÉCONDATION, par M. Mathias Duva.
Pour étudier la cicatricule dans les stades qui précèdent l’état type du
blastoderme de l’œuf fraîchement pondu, nous avons été amené à utiliser
des matériaux autres que des œufs extraits de l’oviducte de poules sacri-
fiées. On sait que, sur l’œuf de poule fraîchement pondu et non incubé,
l’état du blastoderme est assez variable, et que, souvent, il est assez peu
avancé pour permettre à peine la distinction des deux feuillets. Œllacher,
qui à insisté sur ce fait, pense qu’il faut attribuer ces différences à ce qu’il
appelle l’individualité de l’œuf, hypothèse fort admissible, mais qui se
dérobe jusqu’à un certain point à la vérification expérimentale. En lisant le
mémoire d'ŒÆllacher, nous nous sommes demandé si, à côté de l’individua-
lité de l’œuf, il n’y aurait peut-être pas à tenir compte aussi de l’indivi-
dualité des parents, surtout de la poule, hypothèse qui, vu les lois de
l'hérédité, n’est en somme que l’hypothèse d’Œllacher retournée. Tout ce
que nous voulons dire ici relativement à ce sujet, c’est que cette dernière
supposition nous a amené à en faire une autre qui nous a mis sur une piste
très fructueuse pour nos travaux. Si des poules peuvent, comme variétés
individuelles, pondre des œufs plus ou moins avancés dans leur développe-
ment, il est fort probable qu’en s'adressant à des oiseaux d’espèces diffé-
rentes, on trouvera d'une espèce à l’autre des différences encore plus
grandes dans l’état de formation du blastoderme au moment de la ponte.
Et, en effet, en portant nos recherches sur des œufs de moineaux, de ros-
signols, de serins, de perroquets (perruche ondulée, ces derniers oiseaux
étant en cage, de sorte qu’il était facile de recueillir l’œuf et de le préparer
aussitôt après la ponte), nous avons pu trouver des cicatricules qui n’étaient
(1) Bulletin de la Société de chimie, 186%, t. Il, p. 178 et suiv.
s
a
080 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
encore qu'aux premiers stades de la segmentation. Telle a été une première
source des matériaux que nous avons employés pour l’étude de la formation
du blastoderme des oiseaux.
Une seconde source nous a été fournie dans des conditions sur la portée
générale desquelles la présente note a pour but d'attirer l'attention. Nous
possédions une poule qui, ayant antérieurement servi à des expériences,
était conservée isolée, loin de tout coq, et pondait régulièrement ses œufs ; :
en ayant préparé quelques-uns pour voir quel pourrait bien être Pétat de
leur cicatricule, nous fûmes fort surpris de l'y trouver en pleine segmen-
tation. Sur de semblables œufs de poule, sur de nombreux œufs non
fécondés de serin, de colin, de perruche, que nous avons pu nous pro-
curer chez des marchands d'oiseaux, nous avons toujours, sans exception,
trouvé le germe en voie de développement, c’est-à-dire à des phases plus
ou moins avancées de la segmentation. Telle a été la seconde source des
matériaux que nous avons employés pour l’étude de la formation du blasto-
derme, puisque les œufs non fécondés et fraîchement pondus représentent
tous les stades que l’on trouve sur les œufs fécondés et récoltés dans l’ovi-
ducte même de l’animal sacrifié.
= Nous désirerions, pour aujourd’hui, insister seulement sur la généralité
de ce fait, à savoir la segmentation, c’est-à-dire le commencement de déve-
loppement d’un œuf non fécondé. D’après nos observations, ce développe-
ment arrive à peine jusqu'à la production d’un double feuillet blastoder-
_mique, mais il va jusqu’à la production d’une cavité de segmentation, et par
suite à l’indication d'une première ligne äe séparation entre le feuille externe
et le feuillet interne primitif. Or d’autres observations, très complètes,
avaient déjà été faites, sur les œufs non fécondés des poules, par Œllacher,
qui à consacré un important mémoire à ce sujet(l). Œllacher a constaté
que le développement de ces œufs est la règle générale; que ce développe-
ment ne dépasse pas les premiers stades, et qu’il s'arrête du reste au bout
de peu d'heures lorsque ces œufs sont mis dans la couveuse.
L'action du spermatozoïde n’est done pas indispensable pour déterminer
la segmentation ; elle est seulement nécessaire pour faire que celte seg-
mentation se poursuive jusqu’à production de feuillets blastodermiques,
puis d'organes dérivés de ces feuillets. En tout cas, les faits de segmenta-
tion d’ovules non fécondés montrent qu’il n’y a pas un abime séparant la
reproduction par parthénogénèse de la reproduction sexuelle.
Or ces faits sont très généraux, c’est-à-dire qu’en réunissant toutes les
observations éparses sur ce sujet, on voit, chez les invertébrés et chez les
vertébrés, ei dans ces derniers jusque dans l’espèce humaine, la segmen-
tation pouvoir se produire en dehors de toute fécondation.
Pour les invertébrés, aux faits, rappelés par Œllacher, de segmentation
(1) J. Œllacher, Die Verænderungen des Unbefruchteten Keimes der Huh-
nereier à Eïileiter (Leipzig, 1872).
SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 581
d'œuf de gastéropodes en dehors de toute fécondation (observations de
Vogt, de De Quatrefages; voy. Œllacher, op. cit., p. 47), nous pouvons
ajouter ceux observés par Baudelot et plus récemment par Pérez sur les
Zonites ; les cas de Baudelot, sur le Zonites cellarius sont on ne peut plus
explicites (1). Il va sans dire que, pour les invertébrés inférieurs, les faits
sont plus nombreux encore, mais aussi d’une valeur moins frappante.
Pour les vertébrés, il y a longtemps qu'Agassiz (Proceced. of the Boston
Soc. of Nat. Hist., 1859) et Burnett (Proceed. of the Amer. Acad. of
Se., 1857) ont constaté la possibilité d’un commencement de développe-
ment pour des œufs de poissons nom imprégnés de sperme. Bischoff et
Leuckart ont fait les mêmes observations pour l’œuf de la grenouille; plus
récemment, M. Moquin-Tandon, ayant observé avec soin ce phénomène, a
vu que les choses se passent alors aussi régulièrement qu'après la fécon-
dation, sauf que le processus s’arrête bientôt; c’est-à-dire qu'il a vu «5e
former nettement, d’après le rythme ordinaire, d’abord les deux grands
cercles méridiens, puis le cercle équatorial »; mais à partir de la nais-
sance du quatrième cercle méridien, parfois même avant, le fractionnement
prend un caractère d'irrégularité très marquée, puis s’arrête (Gompt. rend.
Acad. des sciences, 30 août 1875, p. 409). Chez les oiseaux, outre les
observations d'Œllacher et les nôtres il faut encore citer celles de Matta-
Maia sur les œufs non fécondés et fraichement pondus de tourterelles
(Meitheilung. Embryol. Instit. im Wien., 1877, I, p. 85).
Chez les mammifères, Bischoff a donné, pour la truie, un cas observé
dans les conditions de la plus rigoureuse exactitude (Annales des sciences
naturelles, août 1844; Mémoire sur la maturation et la chute périodique
de l'œuf, p.134), et Hensen (Centralblatt, 1869, n° 26) a rapporté ce cas cu-
rieux d’un grand nombre d’ovules accumulés, chez une lapine, dans un
oviducte dont la lumière était oblitérée dans son trajet, ovules qui se pré-
sentaient à toutes les phases successives de la segmentation, puis de la dé-
générescence après segmentation.
Mais ce n’est pas tout: un cas, plus significatif encore, a été observé
pour l’espèce humaine; je dis plus significatif, parce que les conditions de
l'observation sont telles, qu’il est impossible de soupçonner l’arrivée de la
moindre trace de sperme jusqu’à l’ovule. Cette observation est due à notre
regretté maître, le professeur Ch. Morel (de Nancy). [1 l’a publiée dans la
première édition de son Traité d’histologie (1864), en laccompagnant
d’une figure qui ne laisse aucun doute sur la justesse de son interprétation.
Mais cette observation est demeurée complètement oubliée, inconnue; elle
eût cependant singulièrement été précieuse à Œllacher et à Waldeyer lors-
qu’ils ont émis l’hypothèse que les kystes dermoïdes de l'ovaire pourraient
bien avoir pour origine un développement parthénogénétique d’ovules en-
(1) Voy. Pérez, Act. Soc. Linn. de Bordeaux, 1877, et E. Dubreuil, Revue des
sciences nalur., Montpellier, 1878, t. VII, p. 131.
588 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
core contenus dans l'ovaire (voy. Œllacher, op. cit., 1872, p. 47). L’obser-
vation si précieuse de Ch. Morel est donnée par lui dans les courts termes
que voici (op. cit., p. 211): « En examinant des vésicules de Graaf hyper-
trophiées, chez des femmes mortes de péritonite puerpérale, huit à dix
jours après l'accouchement, nous avons rencontré plusieurs ovules dans
lesquels la segmentation était aussi nettement dessinée que dans les œufs
fécondés : seulement les cellules du pseudo-blastoderme subissaient déjà la
métamorphose graisseuse.. La segmentation est donc possible sans fécon-
dation préalable, ce qui n’a rien d’anormal en soi, car l’ovule n’est qu'une
cellule. » Telle est précisément la conclusion à appliquer au germe de
l’œuf d'oiseau, lequel germe, ou, pour mieux dire, la masse entière du
jaune, n’est qu’une cellule, et peut, à ce titre, se segmenter sans l’inter-
vention d’un autre élément cellulaire, d’un élément mâle.
EXPÉRIENCES SUR LES VARIATIONS NYCTHÉMÉRALES DE LA TEMPÉRATURE
NORMALE, par M. le docteur MAUREL, médecin en chef de la ma-
rine (1).
Conclusions. — 1° On peut à volonté déplacer le maximum de la tem-
pérature nycthémérale et le faire passer du soir au matin et réciproque-
ment. Il suffit pour cela de modifier les conditions d’existence de l’animal.
2% Ce maximum de température varie de 5 à 9 degrés.
3 Trois influences concourent à le produire : les repas, l'éclairage, le
mouvement.
% De ces trois influences, c’est celle des repas qui est la plus impor-
tante. Elle l’est à ce point que, même opposée aux deux autres, elle n’en
conserve pas moins la prépondérance. Elle se traduit par une différence
de 0°,3 à 0°,5.
5 L'influence de l'éclairage est manifeste, mais elle ne se traduit que
par 0°,2 de différence. Cette influence elle-même, il faut l’avouer, est
complexe. On peut se demander en effet, si, dans l’influence du jour, c’est
celle de la lumière ou bien celle de la chaleur qui doit l'emporter. Les
deux y concourent; mais, sans que je puisse être affirmatif, Je pense que
c’est celle de la lumière qui emporte. À la Guadeloupe, en effet, les tem-
pératures du jourget celles de la nuit ne diffèrent que de quelques degrés.
6° L'influence du mouvement s’est traduite également dans mes expé-
riences par 0,2 environ. Mais je la crois variable, et je pense qu'à
l’état de pleine liberté, elle pourrait dépasser ces faibles proportions.
1° Les autres influences que l’on pourrait invoquer pour expliquer
l’exagération de la température normale, ne me paraissent jouer qu'un
rôle tout à fait secondaire.
(1) Pour les détails des expériences, voyez les Mémoires de la Société.
SÉANCE DU 29 OCTOBRE. 289
DES ANASTOMOSES DE L'HYPOGLOSSE AVEC LES NERFS CERVICAUX : ORIGINE
ET RÔLE DE SA BRANCHE DESCENDANTE, par M. le docteur E. WERTHEIMER.
Chez l'homme, les anastomoses qui unissent les premiers nerfs cervicaux
à la douzième paire, peuvent être divisées en deux classes: les unes, que
nous appellerons les anastomoses directes, parce qu'elles vont se rendre au
tronc même de l’hypoglosse, partent de l’arcade formée par les deux
premiers nerfs rachidiens au niveau de l’apophyse transverse de l’atlas ; les
autres, ou anastomoses indirectes, sont représentées par la branche descen-
dante interne du plexus cervical, qui décrit avec la branche descendante de
l'hypoglosse une anse plexiforme, dont les ramificatiofis sont destinées aux
muscles sous-hyoïdiens.
Quant aux anastomoses directes, elles comprennent deux ordres de filets :
les premiers suivent une direction centripète et remontent vers l’origine de
l’hypoglosse, qui leur emprunte, probablement, en partie, sa sensibilité ; les
seconds, sur lesquels nous voulons surtout insister ici, se dirigent vers la
périphérie et après un court trajet abandonnent le nerf pour entrer dans la-
constitution de la branche descendante de l’hypoglosse. Il est facile, en effet,
de s’assurer que chez certains sujets, ainsi que l’ont signalé la plupart des
-anatomistes, ces derniers filets, au lieu de se fusionner, selon la règle, avec
le tronc nerveux, lui sont simplement accolés, et se continuent directement
dans la branche descendante : nous avons même vu la ligne de juxtaposition
irès nettement marquée par un petit rameau vasculaire. Chez le fœtus et le
nouveau-né, nous avons rencontré les mêmes variété individuelles que chez
l'adulte, ce qui prouve que le simple accolement de l’anastomose n’est pas,
comme on aurait pu le supposer, la disposition originelle, ni sa fusion avec
le nerf un effet des progrès de l’âge.
Mais le point qui fait plus particulièrement l’objet de cette note, et qui
offre quelque intérêt pour l’anatomie et la physiologie comparées de la
douzième paire est le suivant : la branche descendante de l’hypoglosse est-
elle uniquement constituée par des fibres cervicales, et n’en contient-elle
pas d’autres appartenant en propre au nerf crânien ; en d’autres termes,
l’hypoglosse ne prend-il par lui-même aucune part à l’innervation des
muscles de la région sous-hyoïdienne. Quoique la dissection puisse diffici-
lement, à elle seule; résoudre la question, la plupart des anatomistes
admettent d’une façon plus ou moins explicite la présence dans la branche
descendante de fibres propres du nerf cränien. Cependant, dans ces derniers
temps, Holl (Zeitschr. für Anat. Entwickl., Bd IT, $ 82) a prétendu que
celle-ci ne renferme que des fibres cervicales, les unes descendantes, dont
il a été question plus haut, les autres ascendantes, et venues, après s’être
réfléchies en anse, de la branche descendante interne du plexus cervical.
D'autre part, par la voie de l’expérimentation, Volkmann, dans des
recherches déjà anciennes (Müllers Arch., 1840, p.502), arrive à conclure
290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
que l'hypoglosse ne donne à sa branche descendante que peu de fibres
motrices, et à l’état normal, pour le muscle thyro-hyoïdien seulement.
En reprenant cette étude des anastomoses de l’hypoglosse sur différents
animaux que nous avons pu nous procurer, nous avons constaté que la dispo-
sition anatomique n’était pas la même sur tous. Chez le singe (macaque),
elle reproduit celle que l’on a décrite chez l’homme et l’on retrouve les
deux ordres d’anastomose dont nous avons parlé.
Chez le chien, le chat, le lapin, les fibres qui unissent dette tiens les
nerfs cervicaux au tronc même de lhypoglosse n'existent pas : les anasto-
moses sont indirectes et se font de rameau à rameau : ainsi chez le chien,
qu’on peut prendre comme type, la première branche cervicale inférieure
se dégage au niveau de lPapophyse transverse de l’atlas, passe en avant du
pneumogastrique, et, avant de se perdre dans l’extrémité inférieure des
muscles sous-hyoïdiens, elle donne une anse à la branche descendante de
l’hypoglosse
Le fait ons c’est que chez ces animaux, celle-ei se détache au tronc
avant qu’il n'ait reçu de fibres anastomotiques cervicales ; or, chez le chien
ou le lapin, vient-on à exécuter celte branche à l’aide dü courant faradique,
on provoqüe immédiatement un abaissement de l’as hyoïde, dû aux contrac-
tions des muscles sous-hyoïdiens. [l est à remarquer que l’on n'obtient pas
le même effet en agissant sur le tronc même de l’hypoglosse, parce que
l’action prédominante des muscles propres de la langue élève l’hyoïde ; c’est
probablement ainsi qu'il faut s'expliquer les résultats obtenus par Volkmann,
qui a expérimenté sur le tronc lui-même ou sur ses racines.
Il fallait cependant démontrer que cette influence exercée par la branche
descendante sur les muscles de la région sous-hyoïdienne n'est pas empruntée
à l’anse anastomotique qu’elle reçoit de la première branche cervicale.
Dans ce but, nous avons pratiqué, sur un certain nombre de chiens; l’ex-
périence suivante, avec un résultat constant: après avoir sectionné ou
arraché la première branche cervicale au niveau de l’atlas où elle se trouve
facilement sous le ganglion qui recouvre le spinal, nous attendions Le temps
nécessaire peur qu Pelle fût devenue inexcitable ; quand cette condition était
remplie, avec un courant faible, nous obtenions encore, par l'excitation de
la branche descendante de lhypoglosse, la contraction très nette non seule-
ment du muscle thyro-hyoïdien, mais encore des faisceaux supérieurs du
sterno-hvoïdien, et quelquefois de ses faisceaux inférieurs. L’excitation
localisée aux filets nerveux, qui se distribuent dans ces muscles, donnait les
mêmes résultats, avec cette différence que l’action isolée du thyro-hyoïdien
produit plutôt l'élévation du larynx que labaissement de l’hyoïde. Le sterno-
thyroïdien parait exelusivement innervé par les fibres cervicales ; quant à
l’'omo-hyoïdien, on sait que chez le chien il fait défaut.
Ce qui est donc hors de doute, c’est que chez le chien, le lapin, lhypo-
glosse contribue à animer les muscies sous-hyoïdiens.
Par analogie, nous pouvons en inférer qu’il en est de même chez l’homme,
- SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 591
surtout si l’on considère que le filet anastomotique cervical, alors même
qu'il est simplement accolé à la douzième paire, reçoit certainement, au
moment où il entre dans la branche descendante, quelques fibres nerveuses
qui paraissent venir de l'hypoglosse lui-même.
Enfin cette conclusion prend un caractère de généralité si on |’ appuie sur
les notions fournies par l'anatomie comparée, dont elie reçoit une nouvelle
confirmation. En effet, chez les poissons et les amphibies, l’hypoglosse
n’existe pas en tant que nerf distinct: c’est le premier nerf rachidien qui
fournit à la fois aux muscles hyoïdiens et à la langue ; mais, quand l'appareil
musculaire de ce dernier organe acquiert plus d'importance, il se forme,
pour le desservir, un nerf spinal, que l’on rattache, d'ordinaire, au groupe
postérieur des nerfs cràniens, mais qu'on peut considérer, avec raison,
comme produit par un dédoublement des racines motrices de la première
paire rachidienne, en faisant abstraction de la petite racine ganglionnaire
de l’hypoglosse, qu'ont signalée Meyer, de Bonn, et M. Vulpian, et dont
l'existence n’est pas un fait général. Si les deux nerfs sortis de cette subdi-
vision sont destinés plus spécialement, l’un aux muscles de la langue,
l’autre, souvent renforcé par les nerfs cervicaux suivants, aux muscles
abaisseurs de l’os hyoïde, il n’y a pas lieu cependant de s'étonner que leur
champ de distribution ne soit pas limité d’une façon absolument rigoureuse,
et que l’hypoglosse continue, comme nous croyons l'avoir démontré, à
animer une partie des muscles sous-hyoïdiens, de même que quelques
fibres cervicales concourent, comme la vu Volkmann, à donner le mouve-
ment à la langue.
Ce sont là des liens qui, avec quelques autres encore, que l’on pourrait
citer dans la série animale, rappellent, chez les sntélnés supérieurs, la
communauté d’origine de deux nerfs devenus distinets, mais primitivement
confondus dans un tronc unique, chez les vertébrés inférieurs.
(Ge travail était terminé, quand nous eûmes connaissance d’une note de
M. Laffont, publiée dans l'Année médicale (1883), sur l’origine de la branche
descendante de l’hypoglosse, qui proviendrait, d’après ce physiologiste, du
pneumogastrique ou plutôt du spinal. Ces recherches, faites du reste dans
un but et par des procédés différents des nôtres, ont été exposées par leur
auteur d’une façon trop sommaire, pour que nous puissions faire autre
chose que les mentionner.)
ALLOCUTION DE M. PAUL BERT, Président perpétuel.
Messieurs,
L'ordre du jour est épuisé. Mais avant de lever la séance, je dois faire
à la Société une communication pour moi fort intéressante.
Lorsque vous m'avez fait l’honneur insigne de m'appeler à remplacer
à ce fauteuil notre illustre maître Claude Bernard, jai dû, suivant la
592 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
lettre de nos Statuts, de notre Constitution pratiquement irrévisable, ac-
cepter le titre de Président perpétuel. Mais en vous remerciant, j'ai dé-
claré que je n'étais pas partisan de ces mandats viagers donnés à un
homme, de ces vœux perpétuels contractés par une assemblée, de ces
inamovibilités qui suppriment les responsabilités. Et j'ai annoncé qu'un
jour je vous appellerais à vous prononcer à nouveau, et vous rendrais
toute votre liberté. \
Ce jour me paraît arrivé, au début de cette année nouvelle. Je viens
donc vous donner ma démission de Président perpétuel. C’est là une nou-
velle manière de vous témoigner le prix que j’attache à la libre posses-
sion d’un titre si justement honoré.
Car ce n’est pas un mince honneur que de présider une Société à la-
quelle sont apportées les prémices de toutes les découvertes qui se font
en ce pays dans l’histoire des êtres vivants. Cet honneur, j'ai essayé de le
reconnaître non seulement par le respect des opinions de tous et la direc-
tion impartiale de vos discussions, mais par mon assiduité au fauteuil. Et
quelques-uns de vous se rappellent peut-être qu'après un intervalle d’ab-
sence commandé par les nécessités de la politique, rendu à la liberté le
26 janvier 1882, je revenais le 28 reprendre possession de la présidence
effective.
Il me semble que vous comprenez assez ce que j'éprouve en ce moment
pour qu'il soit inutile d'exprimer par de longues paroles mon émotion et
ma gratitude. Elles sont également sincères et profondes. Et, pour tout
dire en un mot, en résignant ici la perpétuité de ma présidence, je vous
assure, quoi qu'il arrive, de la perpétuité de ma reconnaissance.
BOURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
L NE
ADDITION À LA SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
D'UN ŒIL VÉRITABLE CHEZ LES PROTOZOAIRES, par G. POUCHET.
Les Protozoaires groupés sous le nom de Péridiniens peuvent présenter
soit une tache dite oculaire, soitun appareil beaucoup plus compliquérappe-
lant comme structure les yeux les plus simples qu’on trouve chezles Métazoai-
res. Cette tache oculaire quand elle existe n’est formée que d’une gouttelette
rouge transparente et qui semble de consistance oléagineuse, au lieu d’être
formée par un amas de fines granulations comme chez d’autres infusoires,
Cette gouttelette est alors unique, nettement limitée, sphérique (Glenod.
obliquum, Pouchet), ou claviforme, un peu recourbée comme nous le con-
statons dans Perid. tabulatum Ehr. Elle varie de volume. Elle tranche par
sa coloration sur la diatomine (Glen. obliqu., Perid. tabulatum Ehr.) ou la
chlorophylle (Protoperidinium viride Pouch.) du cytoplasme. Chez ce der-
nier être elle a d’ailleurs des limites moins nettes et de plus elle est cen-
trale. Ce n’est que par exception qu’on en rencontre deux. Quand elle est
unique, sa situation est invariable, elle est placée en avant, par rapport au
mode de progression de l’être. Enfin dans aucune espèce l’existence de
cette tache oculaire n’est constante. Parfois on peut voir à sa place une
gouttelette d’un aspect très différent, comme teintée d’un léger lavis d'encre
de Chine (Glenod. obliquum). D’autres fois rien n’en rappelle l'existence.
Nous avons montré ailleurs que dans certaines années, à certaines époques,
ces taches oculaires pouvaient être très rares ou exister chez presque tous
les individus de l’espèce. Nous notons l’existence d’une belletache oculaire
claviforme chez un seul Perid. tabulatum, fau milieu d’un grand nombre
d’autres qui en sont dépourvus, dans une eau conservée depuis plusieurs
mois.
Cette tache ne paraît pas d’ailleurs avoir une influence appréciable sur
l'entraînement de l’espèce à la lumière, On ne note sous ce rapport aucune
différence entre les individus offrant ou non cette. gouttelette rouge (1).
(1) Toutefois on n’a pas fait d'expériences permettant d’apprécier si les in-
dividus pourvus ou non de tache oculaire étaient également sensibles.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — #° SÉRIE, T, 1, N° 36. 46
594 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Certaines espèces allant énergiquement à la lumière (Glen. amphibium
Pouch.) en sont toujours dépourvues.
Néanmoins la situation constante de cette gouttelette, le fait qu on
rement elle est unique, d’autres raisons encore et jusqu’à sa couleur ne
permettent guère d'en interpréter l’existence comme un simple accident
dans les réactions de la vie de la cellule où elle apparaît et nous enga-
gent, quoiqu’elle ne soit pas constante, à y voir l’équivalent d’un œil
rudimentaire.
Une autre raison encore est que cet œil peut se présenter chez les Péri-
diniens avec une complication beaucoup plus grande que chez aucun autre
Prolozoaire, comme nous avons pu le constater sur des Péridiniens marins
(voisins de Gymn. spirale Bergh. et Archimedis Pouch.). Les individus qui
se présentaient à nous (août, septembre, 1883, 1884) étaient soit libres,
soit enveloppés d’une membrane kystique très mince, de forme ovoïde et de
taille variable, appartenant peut-être : à deux espèces. Le cytoplasme est
légèrement rosé ou jaunâtre. On peut y trouver un globe volumineux de
diatomine pàle en voie derésorption. Le noyau unique est volumineux, très
visible, laissant bien voir les filaments nucléaires, comme cela est l’ordi-
naire chez les Péridiniens. Vers le centre de l’être, apparaît plongée dans
le cytoplasme transparent une masse pigmentaire noire, à-contours plus ou
moins réguliers, très nets. Elle semble constituée par un groupement dense
de fines granulations (1).
Tout contre cette tache brille un corps hyalin, claviforme, semblant
engagé par une de ses extrémités dans la masse pigmentaire. Ce corps
rappelle complètement le globe réfringent des yeux de certains vers ; on
peut le désigner comme cristallin. Il offre même parfois une complica-
tion destructure encore plus grande. Il est alors sphérique, mesurant jusqu’à
10 # et comme porté sur un large pédicule reposant lui-même sur amas
de pigment. On distingue autour du pédicule une sorte de bourrelet ou de
collerette qui peut déjà faire soupçonner l’existence d’une membrane. Le
corps réfrangible est en effet composé de deux parties, l’une enveloppante,
l’autre enveloppée, de densités à peu près égale. Il peut arriver qu’en exer-
çant une légère pression sur l’être, le contenu du corps cristallin se trouve
chassé à travers le pédicule et l’amas pigmentaire sous la forme d’un petit
globe hyalin qui va se loger dans le voisinage au milieu du cytoplasme.
En mêmetemps la membrane d’enveloppe vidée de son contenu s’est flétrie
et ne laisse aucun doute sur la nature de la lésion qui vient de se produire,
On pourrait donc à la rigueur considérer dans cet œil rudimentaire, mais
plus complexe que ceux qui ont.été décrits jusqu'ici chez les Protozoaires,
un corps pigmentaire ou choroïdien, une cornée et un cristallin.
. La disposition de ces parties. par rapport à l’être mérite attention. Le
(1) Le pigment mélanique n’a été signalé jusqu'ici que chez un très petit
nombre d’infusoires, Ophryoglena atra, acuminata Ehr. L
us
[
È
1
SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 595
cristallin est constamment situé sur la face aborale de la tache pigmen- |
taire, c’est-à-dire tourné en arrière et par conséquent du côté où progresse
l'être, en sorte que, si cet œil était un organe de vision, il serait en réalité
disposé le plus favorablement possible pour servir à diriger l’individu.
Il n'est nullement certain que tous les organes que nous désignons ‘sous
le nom d’yeux, d'yeux accessoires, de taches oculaires chez les Métazoaires
et les Protozoaires aient la même signification physiologique que notre œil.
Nous ignorons. jusqu'à ce jour et de la façon la plus absolue si les
yeux accessoires de la ligne latérale des poissons en particulier, leur
fournissent quelque sensation d’un ordre spécial comme le préten-
dent certains physiologistes ou si ces organes jouent un rôle plutôt en
rapport avec la vie de l'espèce qu'avec celle de l'individu. Dans le second
cas ils seraient assimilables jusqu’à un certain point aux taches. pigmen-
taires en forme d’yeux que présentent un grand nombre d'animaux. Quel
que soit le mécanisme par .lequel ces taches aient pris naissance (méca-
nisme sur lequel a insisté Darwin), qu’elles soient le produit d’une sélec-
tion sexuelle ou naturelle, la forme ou plutôt le dessin de ces taches n’en
reste pas moins spécial aux animaux et on peut dire plus : spécial à l’ha-
bitus extérieur de leur corps ; car les organes internes ne présentent rien
de pareil même alors qu’on y trouve comme chez les poissons, les. éléments
de coloris (cellules pigmentaires et iridocytes) nécessaires pour constituer
ces taches. Il faut y voir en définitive, croyons-nous, une image de l’œil
des vertébrés ou des céphalopodes. C’est sur le marché de Trieste que
nous avons été un jour vivement frappé de ces apparences. On y vendait
principalement et en abondance de petites raies (Raja circularis) avec
deux taches oculaires sur le dos, des squilles (Squilla mantis?) avec une
tache oculaire bien nette sur les derniers anneaux de l’abdomen, et de
petites Sèches dont les yeux semblaient répéter toutes ces taches oculaires.
Si d'autre part on admettait que les yeux accessoires des poissons sont
surtout des « semblants » d’yeux de vers ou de mollusques, il faudrait dès
ors donner de l’œil comme organe une double définition, l’une en quelque
sorte subjective, l’autre objective, selon que cet œil est destiné à produire
chez l'individu qui le porte une perception ou à donner une sensation à
d’autres êtres vivants. Ici se rangeraient à côté des yeux de la ligne laté-
rale des poissons, les véritables taches oculaires que d’autres présentent
(Zeus faber, Lepadogaster, etc.) tout à fait semblables à celles des
oiseaux (Paon, Argus, etc.), des Papillons et même des mammifères
(Ocelot).
Même en admettant que l'organe compliqué décrit plus haut chez les Pro-
tozoaires soit un organe de vision, c’est-à-dire un organe actif servant à
la perception des vibrations calorifiques sous une forme quelconque, nous
n’en saurions comprendre le rôle puisque des êtres tout voisins et dépour-
vus des mêmes organes se dirigent délibérément à la lumière, ni le fonction-
nement,qui n’est plus comparable à celui de l’œil des Métazoaires. Que les
596 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
vibrations calorifiques agissent directement sur le cytoplasme chez les Pé-
_ridiniens complètement dépourvus de taches oculaires ou indirectement
par l’intermédiaire d’une lentille et d’un écran, le problème reste le même.
On est en face d’une physiologie toute autre. Chez les Métazoaires nous
concevons l’élément anatomique comme unité primordiale : par suite,
l'œil, s’il est unique, devra, comme nous l’avons montré ailleurs, être com-
posé d’au moins deux éléments (Nauplius, Copépodes). Les différences d’in-
tensité lumineuse perçues dans deux directions différentes de l’espace diri-
seront l'animal. Un seul élément rétinien ne donnerait que des impressions
successives résultant des mouvements, loin de pouvoir les guider directe-
ment (1).
La cellule unique qui constitue le Protozoaire est à ja fois organe de sen-
sibilité, organe de mouvement et organe délibérant ou nerveux, puisqu’elle
se dirige. L
Sous quelque forme que les vibrations calorifiques soient perçues par le
cytoplasme d’un Péridinien, leur intensité relative dans chaque direction est
directement appréciée par l’être unicellulaire absolument comme nous
apprécions nous-mêmes l'éclairage des différents points du champ vréti-
nien.
Il serait peut-être curieux de rechercher si les êtres qui se dirigent
ainsi à la lumière possèdent toujours au moins deux cils ou deux flagella
qui, impressionnés différemment, fourniraient au corps cellulaire un élément
de comparaison, mais ce ne serait que reculer de bien peu la difficulté. On
pourrait encore admettre que les extrémités prodigieusement ténues de ces
flagella sont directement influencées par l’état moléculaire de l’eau que
traversent les rayons calorifiques et dirigent dès lors passivement le corps
cellulaire dont ils dépendent, dans une direction donnée. En dehors de
cette hypothèse, nous sommes forcés, dans l’état actuel des connaissances,
d'imaginer dans le cytoplasme d’un Péridinien ou Anthérozoïde, certaines
particules ou molécules déterminées jouant entre elles le rôle réciproque
des éléments anatomiques des Métazoaires.
Peut-être la physiologie n’a-t-elle pas assez tenu compte jusqu'ici de cette
complication fonctionnelle dans une seule et même cellule. Peut-être
pourrait-elle tirer quelque avantage de considérer chez les Métazoaures
chaque élément anatomique comme susceptible de régler lui-même et
dans une certaine mesure son propre fonctionnement.
(1) Tout au moins faudrait-il supposer à l’animal un repère dans une situa-
tion qu’il saurait reprendre et un calcul de déplacement lui permettant de syn-
chroniser dans l'espace les variations d’intensité lumineuse successivement
perçues autour de lui.
BOURLOTON. — lmprineries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris,
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1884
/
Présidence de M. Paul Bert, président.
SUR LA PRÉSENCE DES CELLULES DE B1ZZ0ZERO ET DES MÉDULLOCELLES DANS
LE FOIE FŒTAL DES MAMMIFÈRES. Note par M. LAULANIÉ; présentée par
M. MarTuias DuvaL.
Quand on examine les éléments obtenus par dissociation sur des fragments
du foie d’un fœtus de lapin ou de mouton, on découvre, à côté des cellules
hépatiques, de grosses cellules dont le protoplasma se colore en jaune
orangé par le picro-carminate d’ammoniaque et dont le noyau, très volumi-
neux, émet un grand nombre de bourgeons qui lui donnent un aspect muri-
forme. Ces singuliers éléments rappellent immédiatement les cellules que
Bizzozero a découvertes dans la moelle rouge et que l’on connaît sous le
nom de cellules de Bizzozero ou de cellules à noyau bourgeonnant. Si l'on
examine comparativement des préparations de moelle rouge et de foie
fœtal, il est impossible de saisir la moindre différence entre les cellules à
noyau bourgeonnant que l’on trouve dans les deux séries de préparation.
Des deux côtés, mêmes dimensions, mêmes réactions devant les matières
colorantes, même disposition äu noyau. L'analogie entre les deux tissus
s'affirme encore par la présence d’un grand nombre de petites cellules dans
lesquelles le noyau sphérique prédomine au point de ne laisser subsister
qu’une mince atmosphère de protoplasma. Ici encore, il n’est pas possible
de constater une différence saisissable entre les médullocelles et les cellules
obtenues par dissociation dans le foie fœtal d’un mammifère. On pourrait
soutenir que ces derniers éléments sont des leucocytes, maisils s’en éloignent
singulièrement par le diamètre, qui est beaucoup moindre, et par le noyau,
qui n’affecte jamais les dispositions étranges présentées par celui des leu-
cocytes. Si, après avoir étalé sur une lame porte-objet une certaine quantité
de tissu hépatique obtenu par dissociation, on le soumet à une dessiccation
rapide, la préparation colorée au sulfate de rosaniline laisse voir les élé-
ments que nous discutons, avec le même noyau sphérique que les prépara-
tions ordinaires avaient d’abord révélé. Et cependant, la technique qui
précède est assurément la plus propre à montrer la disposition des noyaux
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 36. , 46
598 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
en tire-bouchon des leucocytes. — Ainsi donc, le foie fœtal des mammifères
contient, en dehors de ses éléments propres, les cellules de la moelle osseuse
rouge, c’est-à-dire des cellules à noyau bourgeonnant et des médullocelles
dans les proportions où on les trouve dans la moelle. J'ajoute que les mêmes
recherches dirigées sur le foie fœtal des oiseaux ne laissent voir rien de sem-
blable. Il s’agit done d’un détail tout à fait particulier aux mammifères.
Cette constatation faite, il importait de saisir la place des cellules
médullaires dans le foie fœtal et leurs rapports avec les éléments propres
du tissu hépatique. Ces rapports deviennent évidents sur des coupes très
minces après durcissement par l'alcool absolu. Sur les préparations
provenant de foies de fœtus de mouton dont je dispose, la lobulation
commence à se dessiner, les capillaires fortement ectasiés découpent
dans les lobules des travées de cellules hépatiques qui sont nettement
distinctes. Or c’est toujours en dehors de ces travées hépatiques, c'est-à-
dire dans les espaces vasculaires, que l’on découvre les cellules de Bizzo-
zero et les médullocelles. Les premières sont très rares et on trouve à
peine une seule par champ du microscope ; les médullocelles sont, au con-
traire, très abondants ; ils sont accumulés en amas nettement circonscrits,
comme s'ils résidaient dans autant de cavités pourvues d’une paroi propre.
Les globules sanguins, qui sont cependant étroitement pressés dans les
capillaires, ne pénètrent jamais ces amas de méduilocelles, qui tout en
paraissant siéger dans les vaisseaux forment des groupes indépendants. Je
dois ajouter que, si l’on examine le sang d’un foie fœtal obtenu par des pres-
sions bien ménagées, on n’y trouve jamais ni cellules à noyau bourgeonnant,
ni médullocelles. On ne les trouve pas davantage ni dans la veine cave
postérieure en avant du foie, ni dans la veine ombilicale ou la veine porte.
On peut donc dire que la circulation hépatique du fœtus des mammifères
est caractérisée par l’accumulation à l’intérieur des capillaires de cellules
semblables à celles de la moelle osseuse et qui séjournent dans les vais-
seaux sans dépasser le territoire sanguin du foie.
En ce qui touche l’évolution des cellules à noyau bourgeonnant et des
médullocelles hépatiques, voici ce que j'ai observé. Le développement du
foie comporte deux grandes périodes dans lesquelles l'ordonnance générale
des éléments est.très différente. Dans la première, il n’y a pas trace de lobu-
lation ; les cellules forment des cordons anastomosés qui dessinent un
réseau. Les mailles du réseau sont remplies par les capillaires. Dans la
seconde, la lobulation s’affirme de plus en plus par l'orientation des trabé-
cules hépatiques. Or l’évolution des cellules médullaires du foie parait
dominée par la succession des deux périodes précédemment indiquées. Le
foie réticulaire ne contient que des cellules à noyau bourgeonnant éparses
dans Îles capillaires. Le foie Ilobulé contient en même temps les médullo-
celles avec la disposition que j’ai déjà fait connaître.
Quoi qu’il en soit, à un certain moment de son développement, le foie
fœta, est pourvu de cellules de Bizzozero et de médullocelles qui occupent
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 299
l’intérieur des capillaires. En présence de pareils faits, on ne peut se
défendre d'établir un rapprochement entre la fonction hématopoiétique
attribuée au foie fœtal et à la moelle rouge, et la présence des mêmes élé-
ments dans ces deux tissus d’ailleurs si différents sous les autres rapports.
En ce qui touche l’hématopoïèse hépatique et médullaire, je n’ai pas d’opi-
nion personnelle, par la raison que j'ai toujours échoué dans la vérification
des résultats affirmés sur ce point par les histologistes. Maïs, si ces résultats
sont exacts, c’est-à-dire si la moelle rouge et le foie fœtal possèdent en
commun la propriété de former des globules rouges, cette communauté de
fonctions s’expliquerait très aisément par la présence dans l’un et l’autre
tissu d'éléments absolument identiques. Je terminerai par une remarque
relative à l’évolution des éléments médullaires dans le foie. On sait que
l'apparition des médullocelles est liée à la lobulation hépatique. Ces cellules
sort donc moins précoces que les cellules de Bizzozero qui se voient déjà
dans le foie réticulaire. N’y aufait-il pas là une succession en rapport avec
le rôle différent des deux sortes de cellules? Les médullocelles sont relative-
ment tardifs ; ils apparaissent justement à une période où il n’y a plus dans
le sang de globules nucléés et où l’hématopoïèse demande de nouveaux pro-
cédés. Les médullocelles seraient précisément les agents de la fabrication
nouvelle des globules rouges qui, en perdantleur noyau, ont en même temps
perdu la faculté de se reproduire.
Les cellules de Bizzozero ont une existence plus générale : on Les trouve à
tous les moments du développement du foie, et cela permet de leur conserver
des attributions très différentes de celles des médullocelies. J’incline à
penser que les cellules à noyau bourgeonnant sont des cellules vaso-forma-
trices arrêtées dans leur développement. Cette hypothèse se concilierait très
bien avec cette circonstance qu'on les trouve à tous les moments du déve-
loppement du foie et avec l’uniformité probable des procédés de la forma-
tion des vaisseaux hépatiques.
LES SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE DE LA
PURETÉ CHIMIQUE ET DE L'ACTIVITÉ PHYSIOLOGIQUE ; LA DIGITALINE DES
HÔPITAUX DE Paris, par M. le docteur LABORDE.
Dans ma récente communication sur la pureté de composition chimique
de la digitaline, appréciée au moyen de l’épreuve physiologique, après avoir
montré la différence profonde qui existait, à cet égard, entre deux échan-
tillons, dont lun — celui qui succombait entièrement sous la comparaison
— venait de l'étranger, je faisais une allusion discrète aux produits que
nos administrations hospitalières, plus soucieuses de leurs finances que de
l'intérêt des malades, soumissionnent au rabais, étant assurées ainsi d’une
600 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
infériorité de ces produits proportionnée, tout au moins, à leur bon marché
relatif.
J'avais des motifs sérieux de me permettre cette allusion, non pas seu-
lement les motifs puisés dans le fait rétrospectif de la falsification du sul-
fate de quinine, mais une raison nouvelle qui m'était fournie précisément
par la substance actuellement soumise à notre examen : la digitaline.
Je considère comme un devoir de divulguer les faits d’ordre purement
scientifique qui m'ont été révélés à ce sujet par mes recherches.
Si, à côté de l’échantillon-type par sa pureté d’origine et de composition
chimique, et par son action physiologique, et de léchantillon venu de
l'étranger, presque inerte relativement au premier, nous plaçons le troisième
échantillon que voici, nous allons trouver des différences encore plus
accentuées. D'abord il se distingue absolument des deux premiers par son
aspect et sa couleur : tandis que ceux-là sont tout à fait décolorés et se
présentent sous l'apparence d’une poudre fine et cristalline, celui-ci est de
couleur jaunàtre orangé et offre l’aspect d’une poudre grossière.
C'est à peine si on lui trouve des traces d’amertume à la dégustalion.
Soumise après dissolution, d’ailleurs difficilement obtenue à la faveur
de l'alcool, à la réaction du Codex, &’est-à-dire traitée par quelques gouttes
d'acide chlorhydrique et chauffée, elle n’éprouve aucune modification de
couleur, et ne prend pas la coloration vert-émeraude caractéristique.
Enfin, traitée par le chloroforme, au lieu de s’y dissoudre complètement,
elle laisse un abondant résidu.
Ces premiers résultats fournis par l'épreuve chimique trouvent une écla-
tante confirmation dans l’épreuve physiologique et expérimentale, en pre-
nant, ainsi que nous l’avons fait précédemment avec les deux premiers
échantillons, pour criterium, l’action typique de la digitaline pure sur le
cœur, autrement dit l'épreuve cardiaque.
En effet, soit que l’on suive objectivement sur le cœur mis à nu d'une
grenouille les modifications fonctionnelles de l’organe sous l'influence de
la dose relativement élevée de un demi-centigramme du produit, dose
employée dans nos expériences antérieures et dans les mêmes conditions;
soit que, pour plus d’exactitude dans les détails de l'observation, l’on
s'adresse à la méthode cardiographique, on arrive au même résultat, qui est
invariablement celui-ci :
L'arrêt définitif du cœur ne se produit qu'au bout de dix-huit à vingt
heures, alors que sur un animal témoin fixé et ayant le cœur dénudé, comme
chez le précédent, les pulsations cardiaques sont réduites des deux tiers,
rien que sous l'influence de la fatigue et de la condition expérimentale.
Quant aux premières modifications fonctionnelles appréciables, elles n’ont
guère lieu avant la troisième et la quatrième heure, et comme elles con-
sistent surtout en un ralentissement progressif des pulsations ct en une
nt SRie ns de Sn à
SÉANCE DU S NOVEMBRE. 601
diminution de leur amplitude, elles pourraient aussi, avec quelque droit,
être mises sur le compte de la simple fatigue.
Bref, il n’y a rien là de comparable aux effets rapides, sûrs, nets et
caractéristiques d’un produit chimiquement pur et d’une activité physiolo-
gique adéquate à cette pureté, tel que celui qui a servi de type à notre
étude.
Même résultat, plus frappant encore si c’est possible, sur un animal plus
élevé dans la série, résultat bien mis en relief par l’essai typique suivant :
A deux jeunes cobayes, du poids, l’un de 300 grammes, l’autre de
330 grammes, nous adiministrons simultanément en injection sous la
peau du dos :
Au premier, 1/2 centigramme du produit en question ;
Au second, 1 centigramme du même produit. Trois heures après ri injec-
tion, ni l’un ni l’autre des deux animaux ne présente extérieurement aucune
modification fonctionnelle.
Ils sont laissés le soir en cet état.
Ce n’est que dans la matinée du lendemain que les effets toxiques ont
commencé à se manifester sur le second cobaye, celui qui a reçu la dose
de 1 centigramme; il est mort vers deux heures et demie, par conséquent
vingt-quatre heures après l’injection. Quant au premier, auquel il avait été
administré 1/2 centigramme du produit, il n’a succombé que le deuxième
jour, c’est-à-dire au bout de quarante-huit heures environ.
On n’a pas oublié que la digitaline chimiquement pure et vraiment active
produit, dans les mêmes conditions expérimentales, ses effets caractéris-
tiques sur le cœur de la grenouille, c’est-à-dire l’arrêt définitif en systole
avec forte rétraction ventriculaire en moins de cinq minutes, et sur le
cobaye en moins d'une heure. Quand on compare ces résultats à ceux que
nous venons de faire connaître, obtenus avec le nouvel échantillon de digi-
taline, on voit que l'écart est considérable et que nous avons affaire à un
produit d’une infériorité hors de pair.
Eh bien, quel est cet échantillon de prétendue digitaline, et d’où vient-il?
C’est un échantillon authentique de la digitaline des pren. de Paris.
[l ne nous appartient pas de dire la provenance industrielle, n’ayant à nous
occuper ici, comme nous nous le sommes promis, que de la question
scientifique.
Tont commentaire à des faits qui parlent d'eux-mêmes serait d’ailleurs
superflu. Nous n’ajouterons qu’un mot, qui sera comme la conclusion morale
de ces faits.
Il résulte d’une enquête auprès d’un certain nombre de nos médecins des
hôpitaux, dont quelques-uns sont ici mes collègues, m’entendent, et pour-
ront au besoin confirmer mon dire, qu'ils n’emploient plus jamais, dans
leurs services, la digitaline, quelle que soit l’opportunité de son indication
602 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
thérapeutique, à cause de l’infidélité et surtout de l'entière nullité de ses
effets. Ceux de ces médecins qui y ont encore parfois recours se servent,
non de la digitaline fournie par l’hôpital, mais d’une digitaline qu'ils se
procurent ailleurs, et en laquelle ils croient pouvoir mettre leur confiance.
Un produit véritablement digne de cette confiance ne se rencontre pas,
je me hàte de le dire, dans toutes les officines, et ce n’est pas seulement
dans nos hôpitaux que l’on se trouve exposé, à cet égard, à la déception et
à la déconvenue. Mais avec un peu d'attention et de vigilance de la part du
médecin, qui y a tout intérêt pour lui comme pour son malade, il est pos-
sible, facile même, de se procurer une substance due, nous ne saurions
trop le répéter, en sa pureté chimique actuellement la plus parfaite, à un
procédé tout français.
Nous ne saurions admettre en tout cas que, sous prétexte de rabais, notre
administration hospitalière continue à s’alimenter en médicaments à des
sources aussi impures, et qui ont par surcroît le désavantage de couler de
l'étranger.
Nous n’en avons pas fini d’ailleurs avec cette étude des substances médi-
camenteuses considérées au point de vue de ieur pureté de composition et
de leur activité physiologique, étude qui n’a pas seulement pour but de
dévoiler des pratiques administratives d’une gravité réelle eu égard aux
devoirs et aux résultats de l’assistance médicale, mais qui vise, en outre,
dans sa généralité, une question fondamentale : celle de la connaissance
exacte de l’activité des substances médicamenteuses, basée sur la recherche
expérimentale, seule capable de constituer une thérapeutique rationnelle
et véritablement scientifique.
SUR ELA LUMIÈRE DES PYROPHORES, par MM. Dupors et AUBERT.
I. — Plusieurs observateurs ont déjà examiné au spectroscope la lu-
mière émise par les insectes lumineux; celle du pyrophore à été étudiée
par M. Pasteur (Compt. rend. de l’Ac. des sc., t. LIX, p. 109). Ayant eu
à notre disposition un pyrophore, venu au Havre dans une cargaison de
bois de teinture, nous l’avons observé à notre tour, et, après avoir vérifié les
faits précédemment connus, nous sommes parvenus à des résultats nou-
veaux et qui nous ont paru dignes d’être signalés.
L'observation à été faite avec un spectroscope ordinaire à prisme de
flint très réfringent, et muni d’un micromètre. Un petit prisme à réflexion
totale permet d'observer simultanément deux sources lumineuses.
Notre examen a porté sur les deux organes du prothorax; l’organe ven-
tral, ne se découvrant que pendant le vol, lorsque l’insecte ouvre ses
élythres, est plus difficile à étudier. L’insecte était placé dans un support
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 603
devant le spectroscope. On augmentait l'éclat par une excitation méca-
nique.
Nous avons obtenu un spectre continu sans raie obscure ni lumineuse :
résultat déjà obtenu par M. Pasteur. Nous avons pu en préciser les limites.
Le spectre, fort beau quand l’animal est très lumineux, est assez étendu du
côté du rouge et s’étend jusqu'aux premiers rayons bleus. On peut lui assi-
sner comme limites approchées, d’un côté la raie B, de l’autre la raie F.
Du côté du rouge, il s’étend un peu plus loin que la raie B ; du côté du bleu,
les derniers rayons sont si pàles, que leur position ne peut être déterminée
avec une grande exactitude.
Au moyen du prisme à réflexion totale nous avons comparé ce spectre à
celui d’une bougie et il nous a paru à peu près aussi étendu vers le rouge.
Lorsque l'intensité de la lumière varie, sa composition change d'une
manière assez remarquable. Quand l’éclat diminue, le spectre se raccourcit
un peu du côté du bleu, mais beaucoup de l'autre côté, le rouge et l’orangé
disparaissent complètement et les rayons qui persistent les derniers sont
des rayons verts d’un indice un peu inférieur à celui de la raie E. C’est
d’ailleurs cette région du spectre qui présente toujours le plus vif éelat.
L’inverse se produit quand l’animal commence à être lumineux. Les rayons
verts apparaissent d’abord et le rouge s’étend de plus en plus jusqu’à ce
que l'intensité de la lumière ait atteint son maximum.
Ce fait est digne de remarque, car nous ne croyons pas qu’on ait jamais
observé rien de semblable relativement à l’ordre d'apparition des couleurs.
Seul, le sulfure de strontium, phosphorescent par l’action de la lumière et
d’une température croissante (Becquerel, La lumière, t. I, p. 387), donne
un spectre dans lequel les rayons de moins en moins-réfrangibles apparais-
sent à mesure que la température s'élève, mais en même temps les rayons
plus réfrangibles disparaissent.
L'appareil lumineux du pyrophore, considéré comme source de lumière,
se comporte donc dans l’émission de la lumière d’une manière qui lui est
propre, et ne peut, à ce point de vue, être rapproché d’aucune autre source
lumineuse. Il est intéressant de rapprocher de cette étude les modifications
qu’éprouve la source lumineuse pendant que l’intensité s'accroît. Il suffit
d'examiner l’organe un peu attentivement pour constater que, lorsque la
lumière commence à paraître, la partie centrale et intérieure seule est
lumineuse. Ce n’est que lorsque la lumière est très vive, qu’elle gagne la
couche périphérique dans laquelle MM. Robin et Laboulbène ont constaté
la présence d’une multitude de fines gouttelettes graisseuses. Ces savants
pensent que la couche périphérique ne fait que réfléchir la lumière pro-
duite par la partie centrale de l'organe (Compt. rend. de l'Ac., 1873).
Ilest curieux de remarquer que c’est seulement lorsque cette couche
périphérique est éliminée, que les rayons rouges apparaissent.
IT. — Bien que le spectre de cette lumière se fût montré peu étendu du
604 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
côté du violet, nous avons voulu voir par un essai photographique si elle
possédait quelque action chimique.
Après quelques essais infructueux, nous avons opéré comme il suit :
Un fragment de dentelle en papier noirci fut disposé devant une plaque
au gélatino-bromure, dans un châssis à positif, et la plaque exposée à la
lumière de l’un des organes lumineux ; l’autre organe envoyait ses rayons
principaux à peu près parallèlement à la plaque, qu'il éclairait cependant
un peu d’un côté. L’insecte était à environ deux centimètres de la plaque.
Afin d'obtenir un résultat décisif, la plaque fut exposée pendant une
heure à la lumière de l’insecte constamment excité; mais l’action fut si
intense, qu'il nous parut évident qu’il suffirait d’une exposition beaucoup
plus courte. En effet, nous avons pu réduire le temps de pose à vingt mi-
nutes (cliché n° 1), puis à cinq minutes (cliché n° 2) et nous aurions
certainement obtenu une action appréciable avec un temps plus couft, si la
mort de l’insecte n'avait mis forcément fin à nos expériences.
Nous joignons à cette note deux photographies faites au moyen des
clichés n° 1 et n° 2. On y distingue la région (a) éclairée par le deuxième
organe et l’ombre (b) due au corps de l’insecte.
L'examen de ces photographies montre que la lumière du pyrophore
a une action chimique très intense, si l’on tient compte de ce fait que les
organes lumineux étant de petite dimension (1 millimètre 1/2 à 2 millimè-
tres environ) la quantité de lumière qu’ils émettent est très faible, quoi-
qu'ils soient très brillants.
La lumière du pyrophore détermine la phosphorence du sulfure de cal-
cium, la fluorescence de l’éosine et de l’azotate d’urane. On n’a rien obtenu
avec le sulfate de quinine et la dissolution éthérée de chlorophylle.
IT. — Nous avons cherché à mesurer l'intensité lumineuse. Mais cette
intensité étant beaucoup plus faible que celle que nous pouvions prendre
comme point de comparaison, les expériences présentent par ce fait une
grande incertitude et ne peuvent être considérées comme définitives.
En déterminant l’étendue et la forme de la surface éclairée sur des
écrans placés dans diverses positions autour de l’insecte, nous nous som-
mes assurés que la lumière est renvoyée surtout latéralement, vers le haut
et plus en avant qu’en arrière. Les rayons principaux sont situés dans des
plans faisant avec le plan médian de l’insecte des angles d'environ 45
degrés.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 609
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE COMME TOPIQUE SÉDATIF DE LA DÉCOCTION
DE VALÉRIANE, par le docteur H. ARRAGON.
Je n’ai demandé la parole que pour citer à l'appui de macommunication
sur la valériane une observation {rès importante de M. le docteur Martel,
chirurgien chef de l’hôpital de Saint-Malo et membre correspondant de la
Société de chirurgie. Lui-même m’a prié de vous la faire connaitre, la voici
donc telle qu’elle m’a été envoyée :
Le 31 août au matin, est apporté dans mon service un homme dans la
force de l’âge, qui la veille a été victime d’un accident de machine à battre
le blé. Les deux mains et la partie inférieure des avant-bras ont été saisies
dans un engrenage, et il en est résulté des deux côtés une vaste plaie con-
tuse avec arrachement presque total de la plaie de la région. — Les tendons
des extenseurs sont à nu par places. — Il n’y a pas de fièvre, mais la dou-
leur est extrêmement intense, arrachant des cris au blessé, qui se montre
cependant plein de courage.
Les premiers médecins qui l’ont vu ont cru l’amputation nécessaire,
d’un côté au moins, sinon des. deux.
__ Je ne partage pas cette opinion, dit toujours le docteur ur et plus
confiant dans les ressources de la nature et des pansements antiseptiques,
je recouvre les parties blessées d’un pansement humide phéniqué et je
prescris aussitôt que ce sera possible de remplacer l’eau du RÉsenent par
la décoction suivante :
Racine de valériane.. 40 grammes (au lieu de 30 que j'avais indiqués).
DEN BREVET REPARER 1 litre.
Faire bouillir une demi-heure, passer et ajouter 10 pour 100 de la solution phé-
niquée à 1/20°.
Immédiatement après l'application de cette décoction imbibant les
compresses la douleur à disparu. Ce pansement est continué jusqu’à ce
jour.
La plaie se on par l'élimination des eschares. Il n’y a pas de fièvre
et pas d'autre douleur que celle qui est le résultat de l’inflammation secon-
daire, qui, sauf la nuit, est très modérée.
L'effet rapide et puissant du pansement sédatif a frappé le malade lui-
même et tout le personnel du service.
Telle est l'observation de M. Martel. L’adjonction d’eau phéniquée cor-
rige quelque peu l'odeur plus désagréable encore de la décoction simple, et
sa présence est utile aussi comme antiseptique, condition que la décoction
seule ne remplirait pas. En effet, elle peut être conservée huit à dix jours
en vase clos, mais à parür du douzième jour des champignons commencent
à se former à la surface.
606 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Permettez-moi d'ajouter que l'emploi de cette décoction est plus répandu
qu'on ne Le croit parmi les populations rurales. J'ai rencontré à Argenteuil
des femmes cultivant et faisant sécher la valériane et qui m'ont dit avoir
elles-mêmes appliqué notre décoction avec succès dans des cas de plaies
contuses et pour calmer les douleurs causées par les fractures au moment
de l’accident. J’ai appris aussi que cette même décoction était employée
dans plusieurs pays de Normandie par les nombreuses bonnes vieilles qui
dans ce pays font souvent l'office de médecin, et cela depuis fort longtemps.
DE L'EXTIRPATION DES CORPS THYROÏDES DES CHIENS,
par M. le docteur PHiLiPEAUx.
J'ai montré, il y a quinze ans environ, que l’on peut, sur des rats albinos,
enlever les corps thyroïdes sans produire aucun trouble consécutif de la
santé.
J'avais donc été en droit de conclure que le corps thyroïde n’est pas plus
nécessaire à la vie des animaux et à l’accomplissement de leurs fonctions
que la rate et les capsules surrénales, puisque lon peut enlever ces organes
complètement sans déterminer la moindre perturbation fonctionnelle.
Un physiologiste bien connu, M. Schïff, vient de publier une note dans
laquelle il dit que les animaux auxquels on extirpe les corps thyroïdes ne
survivent pas à cette opération; je viens à cette occasion de répéter mes
expériences, mais cette fois sur des chiens, et elles m'ont donné les mêmes
résultats. | |
Le 1* septembre, j'ai extirpé, sur quatre chiens âgés d’un an, le corps
thyroïde droit ; pour cela, on a fait sur la face antérieure du cou une inci-
sion longue de 6 centimètres à partir du cartilage thyroïde, puis on a con-
duit sous le corps thyroïde deux fils à l’aide desquels on a lié le üssu cel-
lulaire sur lequel il s'appuie et les vaisseaux compris dans ce tissu
cellulaire ; on a excisé ensuite l’organe et l’on a fait un point de suture à la
plaie cutanée ; les animaux, bien soignés, ont guéri et aujourd’hui ilsse por-
tent bien. Quinze jours après, j'ai refait la même expérience sur quatre autres
chiens du même âge et par le même procédé opératoire ; mais cette deuxième
fois j'ai extirpé le corps thyroïde des deux côtés et j'ai obtenu les mêmes
résultats. Les chiens ont supporté celte opération sans qu'on ait observé le
plus léger accident particulier; ils sont guéris et très bien portanfs.
On voit que l’extirpation des corps thyroïdes ne met pas plus en danger la
vie des chiens que celle des rats albinos, et par conséquent je ne puis m'em-
pêcher de croire que, si M. Schiff a vu la mort être la conséquence presque
constante de cette vivisection, ce résultat a eu sans doute pour cause, dans
ses expériences, non l’absence des corps thyroïdes, maïs l'intervention de
complications opératoires qui ont passé inaperçues.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 607
PRÉSENTATION DE L'OZONÉINE A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
par M. le docteur Onimus.
Je présente à la Société de Biologie un liquide trouvé par M. Braud,
fabriqué par M. Beck.
Ce liquide doit ses vertus, qu’il conserve indéfiniment, à l’ozone dont il
est saturé. su
Je me fais un devoir de vous soumettre ce produit ; car il y a quelques
semaines à peine, je prétendais avec plusieurs chimistes qu’il est impos-
sible de condenser l’ozone ou de le dissoudre dans l’eau par la raison qu'il
se transforme aussitôt en oxygène ordinaire.
Il y a trois semaines, M. Beck nous a apporté ce liquide, et il nous a
montré la coloration très prononcée qu’il déterminait sur le papier ozono-
métrique.
Nous avons néanmoins manifesté quelques doutes, d'autant plus que
d’autres corps déterminent cette coloration, entre autres l’essence de téré-
benthine, qui, comme vous pouvez vous en assurer par l'odeur, entre dans
la préparation de ce liquide.
Nous avons donc tenu, avant tout, à faire et à expérimenter nous-même,
les autres réactifs de l'ozone, et ces recherches ont été concluantes; car
ce liquide donne toutes les réactions du gaz ozone avec la papier Schæen-
bein, avec le papier Houzeau; de plus il noircit l’argent métallique, et il
transforme l’arsénite de potasse en arséniate de potasse.
J’ai fait quelques expériences sur le pouvoir désinfectant de ce liquide,
et, si l’action n’est pas aussi prompte que celle de l’ozone à l’état de gaz, je
dois reconnaître qu’elle est tout aussi manifeste.
Les flacons que je vous présente renferment l’un, de la viande qui a été
dans un état d’altération très avancée, l’autre, des œufs pourris.
Tous deux en présence de l’ozonéine ont perdu leur odeur et leur aspect
de putréfaction.
Ce produit a été expérimenté par M. Braud, avec un remarquable succès,
à Toulon dans les salles de cholériques et de varioleux; et nos confrères
MM. les docteurs Guiol, Long, Peyrremond, Rey-Escudier, en ont, d’après
les rapports que j’ai lus, constaté l'excellence.
Nous n'avons pas besoin d’insister sur les grands avantages de ce produit.
Ils sont trop utiles pour que nous n’ayons pas désiré vous les signaler im-
médiatement.
608 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
NOTE SUR UN CHEVAL A CORNES, par M. Emile Tarerry.
Présentée par M. MÉGnin.
J'ai eu l’occasion d'observer tout récemment un fait, trop peu important
pour être classé parmi les observations tératologistes, mais qui a cependant
attiré mon attention.
Il s’agit d’un cheval de trente mois, de race morvandelle, sous poil gris,
devant devenir gris clair ou même blanc. Cet animal présente dans la
région frontale deux tumeurs symétriques, du volume d’un bon œuf de
pigeon, plus larges à la base qu’au sommet, et ayant un peu plus de 2 cen-
timètres de longueur. Le diamètre de la base, qui est bien régulièrement
circulaire, est d'environ 3 centimètres; car la circonférence de la tumeur,
prise au même point, mesure près de 7 centimètres.
Ces deux appendices que, à tort ou à raison, je considère comme des
cornes rudimentaires, ont pour base anatomique le frontal, et sont situées
à 4 centimètres en dedans et un peu au-dessus des trous sourciliers. Elles
sont distantes l’une de l’autre de 5 à 6 centimètres.
Une note analogue a déjà été présentée à la Société de biologie, en 1852,
par M. Armand Goubaux.
MM. Goubaux et Barrier signalent également ces anomalies, sans les
décrire, dans leur Traité de l'extérieur du cheval, publié en 1882.
Nulle part ailleurs je n’ai trouvé indiqués ces appendices qui donnent à
la physionomie du cheval un aspect tout particulier. Mais je me contente
d'enregistrer.
BOURLOTON. — linprimeries réunics, À, rue Mignon, 2, Paris.
609
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1884
- Présidence de M. Paul Bert, président.
Dans la séance du 8 novembre 1884, M. Pau Berr a été réélu Président
perpétuel de la Société de biologie. FRE
— Dans la même séance, conformément à l’article 9 des statuts de la
Société, il.a été procédé à l’élection du Secrétaire général: M. Dumonr-
PALLIER a été réélu Secrétaire général pour cinq années.
DISCOURS DE M. PAUL BERT.
Mes chers collègues,
C’est un devoir pour moi, et un devoir bien doux à remplir, que de vous
remercier des suffrages quasi unanimes qui m'ont renouvelé le mandat
présidentiel que vous m’aviez confié après la mort de notre illustre maitre,
Claude Bernard. Cette réélection a pour moi un prix infini, car elle donne
aux yeux de tous sa juste valeur à une démission qui n’était que l’accom-
plissément d’un engagement oublié peut-être de plusieurs d’entre vous.
Mais les conséquences de cette démission restent entières. Il n’y a plus
désormais ici de perpétuité, malgré la lettre de nos irrevisables statuts.
Régulièrement, à des époques qu'il sera expédient, je crois, de faire coïn-
cider avec la réélection de notre Secrétaire général, vous serez appelés à
choisir celui d’entre vous qu’il vous paraîtra utile, pour le bien de la So-
ciété, d'appeler à la présidence.
J'aurais désiré, pour répondre plus dignement à la marque nouvelle de
confiance et d'estime que vous m’avez donnée, faire devant vous un résumé
de l’ensemble des travaux de notre Société pendant la première période de
ma présidence. Mais, en me reportant à nos Mémoires et à nos Comptes
rendus, j'ai constaté, non sans orgueil, que cette tâche était impossible.
Faire l’histoire de nos travaux, ce serait faire l’histoire des progrès des
sciences biologiques en France, car il n’est pas de découvertes dont nous
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 37, 47
610 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
———_—_——————…—.—_—_—_—— ete
n’ayons eu ici la communication. Et la nature de nos publications, l'allure
de nos séances, l'absence de prétention à l’érudition ou à la rhétorique, qui
caractérisent notre Société, font que ces découvertes se sont le plus souvent
présentées devant elles à l’état de primeurs, avec la saveur et la naïveté de
débutantes sur la scène du monde.
En effet, mes chers collègues, rien de plus simple et de plus libre que
notre manière de contribuer aux progrès de la Science. Nous apportons ici,
sans préparation et sans précautions oratoires, les faits tels que le laboratoire
vient de les révéler à notre observation. Du reste, clinique ou vivisection,
il nous importe peu; nous ne nous inquiétons guère des querelles de pré-
séance entre les divérs moyens que l’esprit humain emploie pour la re-
cherche de la vérité. Tout chemin mène à la vérité, disons-nous en modi-
fiant quelque peu le proverbe, pourvu qu’on le parcoure d’un pas sûr et
suffisamment rapide, guidé par un œil sagace et vigilant.
Cettte simplicité dans notre manière d'exposer ici nos découvertes à
pour corollaire la simplicité des discussions dont elles sont souvent l’occa-
sion. Bien que vives parfois, leur courtoisie est une règle que n’ont pas eu
hesoin de confirmer des exceptions. Et toujours elles sont précises, claires,
courtes, de premier jet, comme les communications elles-mêmes. Nous
cherchons à nous instruire les uns les autres, serrant la vérité « au plus
près », comme disent les marins; et chez nous les recherches et les afféteries
de l’art de bien dire n’ont jamais servi à dissimuler ou à consoler
l'erreur. ; à
Il en résulte des séances remplies de faits, des volumes qui semblent,
malgré leurs dimensions, n’être, tant les articles sont brefs, que des tables
analytiques de matières. Les vouloir résumer, quelques artifices qu'on y
emploie, m’a paru tâche impossible.
Mais ce que les faits accumulés pendant cinq ans n’ont pas permis de
faire, sera, je crois, praticable, réduit à une seule année. J’essayerai donc
dorénavant, au début de nos sessions annuelles, de tracer devant vous un
tableau rapide des progrès réalisés pendant l’année écoulée. Ce sera pour
nous tous une satisfaction légitime ; pour notre Société, une occasion d’a-
grandir encore le cercle de son influence ; pour votre président, la meilleure
manière de reconnaître l’honneur que vous lui avez fait en l'appelant à
présider à de tels débats.
Je finis, mes chers collègues, comme j'ai commencé, en vous assurant de
ma reconnaissance. J’ai mandat de joindre à mes remerciments ceux de
notre Secrétaire général, que vous avez réélu en même temps que moi.
Je suis certain que j’accomplis aussi un mandat que vous me donnez
tacitement, en rendant à notre excellent et savant collègue témoignage en
votre nom, pour l’exquise bonne grâce et le zèle infatigable qu’il a toujours
mis dans l’accomplissement de ses délicates fonctions.
SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 611
DISCOURS DE M. ÉDOUARD GRIMAUX
A]
Messieurs, j'ai le triste devoir d'annoncer à la Société de biologie la
mort d’un de ses membres les plus distingués. M. Henninger a succomhé
samedi dernier à une affection cérébrale; il était à peine àgé de trente-
quatre ans.
D'une intelligence d'élite, d’une érudition sans pareille, d’une incompa-
rable puissance de travail, il était tout à la fois un esprit encyclopédique, à
qui rien n’était étranger, et un chimiste éminent, qui laissera dans la science
la trace de son passage. Sa courte existence fut bien remplie ; malgré le
temps consacré à ses examens de doctorat, à son concours d’agrégation, à la
direction du laboratoire de M. Wurtz, il trouva encore le moyen de Publier
d'importants Mémoires de chimie générale où se marquent sa justesse d'ob-
servation et son habileté d’expérimentateur; pendant plusieurs années, il
rédigea le Bulletin de la Société chimique, et fut chargé par M. Wurtz de
surveiller la publication du Dictionnaire de chimie, auquel il fournit de
nombreux et remarquables articles.
Pour la Société de biologie, c’est une perte immense ; nul ne connaissait
comme lui l’état de la chimie biologique, il s’y était distingué par ses
recherches sur les peptones, sur la méthoglobine, ete., et il l'avait professée
à la Faculté de médecine avec un brillant succès, quand il fut appelé à
suppléer M. Wurtz.
Tous ceux qui l’ont approché ont pu apprécier Fes hautes qualités de son
caractère, sa serviabilité, son dévouement, et les élèves qu'il a guidés dans
le laboratoire de la Faculté garderont de leur jeune maïtre un ineffaçable
souvenir.
J'ai voulu aujourd’hui, Messieurs, mesurer seulement en quelques mots
la grandeur de la perte que fait la Société de biologie; j'aurai le pieux
devoir d’exposer plus tard les travaux et la vie de mon regretté et cher ami
Arthur Henninger.
SUR L'EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION. — DEUXIÈME
ET TROISIÈME TEMPS, par M. P. REGNARD (1).
Dans deux Notes précédentes, nous avons fait connaître la forme
qu'affectait la marche d’une fermentation normale. Nous avons vu qu'après
une première périodé appelée le temps perdu, pendant laquelle la levure
était d’abord inactive, puis attaquait progressivement la liqueur sucrée,
(1) Communication faite à la Société de biologie dans sa séance du 8 no- AI
vembre 1884. FR\UTE
612 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
il en survenait une seconde, pendant laquelle le dégagement d'acide carbo-
nique était constant, malgré l’affaiblissement de la quantité de sucre con-
su
Ÿ
A.
al
al |
Fermentalion normale. -- Aux poins + et ++ on a fait des pesées et constaté qu'il n'y avait
plus de soufre
tenue dans la liqueur, et enfin une troisième période pendant laquelle la
fermentation ne se fait plus que suivant un mouvement régulièrement
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 613
retardé. La deuxième période est représentée sur la courbe par une droite,
la troisième par une courbe parabolique.
En réalité, c’est, nous allons le voir, le deuxième temps seul qui repré-
sente la fermentation, les cellules de levure font l’attaque proportionnelle-
ment à leur propre poids et non en proportion de la quotité de sucre qui
va naturellement sans cesse en décroissant dans la liqueur en fermentation.
C’est donc là quelque chose qui ne ressemble pas à une réaction chimique
ordinaire. Dans celles-ci, la réaction va en diminuant à mesure que les
substances réagissantes se combinent; le résultat final est une couche para-
bolique. Ici rien de pareil, les cellules travaillent comme des ouvriers
faisant sans cesse le même ouvrage dans le même temps, que cet ouvrage
soit à peine commencé ou près de finir. Le résultat graphique est une
droite.
Mais que se passe-t-il dans la troisième période au moment où commence
la courbe parabolique, preuve du mouvement uniformément retardé? Une
expérience simple va nous l’apprendre. Faisons une prise dans la liqueur
fermentante au moment où se produit la courbe parabolique (+ et ++ sur
la figure), nous constatons, par l’analyse, qu’il n’y a plus trace de sucre
dans la liqueur, et pourtant le dégagement d’acide carbonique continue.
Il n’y a certainement plus fermentation, puisqu'il n’y a plus de matière
fermentante : le dégagement de CO? est alors un phénomène de respiration.
La levure, même sans oxygène, continue à rendre de l’acide carbonique
comme toute cellule, ou même tout être inférieur tenu dans un milieu
asphyxique. Cette respiration (véritable autophagie de la levure) se fait aux
dépens des réserves que vient d’accumuler la levure et diminue en même
temps que ces réserves mêmes. De là le mouvement THE diminué
et la forme de la courbe obtenue.
En résumé : 1° temps: inaction (temps perdu); 2° temps : fermentation
proprement dite, travail nutritif de la cellule, mouvement uniforme, ligne
droite ; 3° temps : respiration de la cellule, usure des matériaux de réserve,
mouvement uniformément retardé, parabole; tels sont les trois expressions
graphiques d’une fermentation alcoolique normale.
LE MICROBE DE LA FIÈVRE JAUNE. Communication de M. REBOURGEON (1)
«En 1880, le docteur Domingos Freire, professeur de biologie à la Faculté
de médecine de Rio-de-Janeiro, dans un Mémoire paru sur ses travaux
scientifiques, publiait déjà le résultat de ses premières découvertes sur le
microbe de la fièvre jaune et sur l’emploi du salicylate de soude, comme
moyen curatif.
» Depuis ce moment, M. Freire n’a cessé d'étudier la question, mais alors,
(1) Note communiquée dans la séance du 8 novembre 1881.
614 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
en l’envisageant sous son véritable point de vue, c’est-à-dire celui. de la
nature microbienne de cette fièvre, de la culture possible de son microbe
et de ses transformations physiologiques et chimiques et enfin de son atté-
nuation. Aujourd’hui, après une expérimentation rigoureuse, à l’abri de
tout reproche, M. Freire donne les preuves de la contagion et démontre
chez les malades de la fièvre jaune l'existence d’une ptomaïne dont ilindique
les caractères. La culture du micro-organisme et la reproduction artificielle
de la matière noirâtre des vomissements, la nature infecto-contagieuse de
la maladie et enfin l’inoculation préventive à l’aide d’un liquide de FRE
atténué ont été l’objet de ses recherches.
_ » Quand on examine le sang d’un sujet récemment mort de la Fr
jaune, ou mieux encore le sang d’un animal inoculé et sur le point de
mourir du même mal, on remarque sous le champ du microscope: 1° une
quantité cmt le de microcoques extrêmement petits, d'apparence
hyaline; 2 des corps d'apparence cellulaire n’atteignant que le quart du
volume d’un globule du sang ; 3° ces mêmes corps cellulaires, plus gros et
plus opaques ; 4° de grosses cellules affectant la forme d’une cellule épithé-
liale, d'aspect noirâtre, montrant leur tunique d’enveloppe déchirée, et
laissant échapper une quantité des microcoques signalés plus haut. |
» D’un autre côté, si, dans un bouillon de culture approprié, en s ’entou-
rant des précautions sonne, on cherche à cultiver le microcoque trouvé
dans le sang, à la température de 38 ou 39 degrés, on le voit successivement
se transformer en quelques heures et passer par tous les états que nous
venons d'indiquer. Si on laisse le liquide en repos, la partie inférieure est
entièrement noirâtre, et l'observation microscopique démontre que ce
dépôt n’est formé que des enveloppes cellulaires du micro-organisme arrivé
à sa dernière période d’action. L'analyse chimique démontre, en outre, que
cette enveloppe cellulaire s’est transformée en ptomaïne. Il est donc facile
de déduire de cette série d'observations que la fièvre jaune est déterminée
par la présence dans le sang d’un eryptocoque, qui suit rapidement toute
sa phase d'évolution et que la matière noirâtre du vomissement ou des
déjections des malades n’est formée que par les débris de ce même crypto-
coque, devenu toxique par leur transformation en ptomaïne, et non par des
globules du sang, déposés sous forme hémorrhagique, comme on l’a cru
pendant longtemps.
» Encouragé par ces découvertes successives, et procédant toujours avec
la rigueur expérimentale nécessaire, M. Freire est arrivé à atténuer le virus
de la fièvre dans son liquide de culture et à le transformer en un virus
bénin ou vaccinal. Au mois de novembre dernier, l'Empereur du Brésil, cet
illustre Mécène de la science, assisté du ministre de l'Empire et des princi-
paux membres de la Faculté de médecine, a voulu consacrer l’œuvre de
M. Freire, et l’autorisation a été donnée de commencer les vaccinations dans
l'espèce humaine. L'exemple donné par nous n’a pas tardé à produire des
résultats, et en quatre mois le chiffre des vaccinés a dépassé 400.
SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 615
» Les phénomènes observés à la suite de la vaccination ne sont autres
que ceux que l’on remarque dans la fièvre jaune très bénigne : douleurs
intra-orbitaires et sous-orbiculaires, céphalalgie peu intense, perte d’appétit,
élévation de la température, lassitude dans les membres. Mais tous ces
symptômes cessent au bout de deux ou trois jours au plus, et le sujet
recouvre la santé. Si l’on examine le sang des vaccinés, quelques heures
après l’inoculation, on retrouve le microcoque de la fièvre jaune, mais il ne
transforme plus sa tunique d’enveloppe en ptomaïne, il n’est par conséquent
plus toxique, se résorbe peu à peu et finit par disparaître,
» L’expérimentation n’a pu encore démontrer combien de temps peut
durer l’immunité conférée par cette inoculation préventive; mais cette
immunité, au début, est absolument certaine, positive, et les exemples les
plus frappants nous l’ont démontrée. Parmi nos inoculés, un grand nombre
ont pu vivre dans des milieux absolument contaminés, voyant tous les jours,
autour d’eux, la fièvre jaune éclaircir leurs rangs, sans ressentir la moindre
atteinte du mal. Nous avons vu également, dans le cours de nos expériences,
alors que, sous l'influence des hautes températures de ces régions, les labo-
ratoires étaient littéralement envahis par le microbe, les animaux nouvel-
lement achetés comme sujets d'expérience mourir spontanément et en
quelques heures de la fièvre jaune, tandis que des centaines d’autres,
inoculés préventivement, ont parfaitement résisté, donnant tous les signes
d’une parfaite santé.
» Je termine en demandant d'établir pour M. Freire la question de
priorité et en promettant de donner très prochainement de nouveaux détails,
appuyés toujours, du reste, sur l’expérimentation. »
ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA CONSERVATION DU CHLOROFORME,
par M. Jules REGNAuULD.
Résumé et conclusions. — 1° Les expériences ont porté simultanément
sur deux types de chloroforme pur et rigoureusement privé de chloral : l’un
obtenu par le procédé classique de Soubeiran, l’autre provenant de la
réaction d’une solution de soude sur l’hydrate de chloral.
Dans les deux cas, les dernières traces d’alcool et d’eau ont été éliminées
à l’aide de rectifications sur le sodium métallique.
Les produits ultimes distillés dans l’obseurité n’ont pas reçu un seul
instant l’impression de la lumière avant d’être mis en présence.
2° Ce chloroforme, exposé à la lumière du soleil, tantôt directe, tantôt
diffuse, a donné les premiers indices de décomposition (C1,C°0°CE,CIH),
après deux jours, pendant les températures élevées et sous l'influence des
radiations intenses du mois de juillet, après cinq jours, en décembre.
616 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
3° Le même chloroforme s’est conservé pur au contact de l'air pendant
plus de quinze mots, à la condition d’être ser ‘upuleusement soustrait à la
radiation solaire.
4 Le même chloroforme exposé alternativement à la lumière solaire
directe ou diffuse s’est conservé pendant plus de quinze mois, à la condi-
tion de rester en contact avec une atmosphère d'azote complètement privé
d'oxygène.
9° Le chloral ne joue donc aucun rôle dans la destruction de la molécule
du chloroforme : l'oxygène de l'air est suffisant pour la déterminer lorsque
le mélange des vapeurs et du gaz est soumis à l’insolation.
6° Nous avons vu avec M. E. Roux que l’insolation peut être remplacée
dans cette réaction par l’effluve.
1° Ces expériences précisent et complètent, par leur durée et leur rigueur
minutieuse, les résultats obtenus en Amérique et en Allemagne, touchant
l'influence de l'air et de la lumière sur l’altération du chloroforme.
8° L'action préservatrice de l’alcool éthylique C#HSO® sur le chloroforme
CHOC énoncée par M. Rump (1868) est confirmée par une série d'essais
comprenant des mélanges à 1/100°, 1/500°, 1/1000°. Ceux-ci n’ont éprouvé
aucune altération, bien qu’ils aient été soumis à l’influence simultanée de
l’air et de la lumière depuis le 21 juillet 1883 jusqu’au 15 novembre 1884.
9 Les expériences subséquentés démontrent que cette action protectrice
n'est pas l’apanage exclusif de l’alcool éthylique.
10° Le pouvoir préservateur des homologues C?*H?**?0? inférieur et supé-
rieur (alcool méthylique C°H‘0°, alcool amylique CH:20?) n’est pas égal
à celui de C*Hf0?. Il peut approximativement être évalué à un dizième.
11° Dans le groupe des alcools monoatomiques (C?*H?*0°) appartenant à
la série acétylique, nous avons pu expérimenter, grâce à l’obligeance de
notre savant el regretté collègue Henninger, l'alcool allylique CSHSO? à
l’état de pureté. Malgré la différence des constitutions, l’action préserva-
trice de cet alcool s’est montrée égale à celle de CHSO® à la dose de 1/1000°.
Il est bien entendu que le produit est trop rare pour qu'il s'agisse ici de
pratique.
12° Parmi les dérivés alcooliques dont l'intervention peut être parfaite
ment utilisée, je citerai l’éther ordinaire C$H!°0?, qui, à la dose de 1/1000°,
a suspendu l’action de l'oxygène et de la lumière pendant une période de
plusieurs mois (du 4 avril 1884 au 15 novembre 1884).
13° Deux carbures de la série benzénique (C?*H?-"5), la benzine CHF et
le toluène CHF, ont fourni des résultats singuliers. Tandis que le carbure
CH associé au chloroforme dans le rapport de 1/1000° ne possède aucune
influence préservatrice, l’homologue supérieur le plus voisin C'#H$ a protégé
le chloroforme contre toute action de l’oxygène et des radiations solaires
depuis Île 21 juillet 1883 jusqu’au 15 novembre 1884. Le premier (benzine)
est done inerte, le second (foluène) exerce une influence dont l'intensité est
au moins égale et peut-être supérieure à celle de l’alcool éthylique.
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 617
Les recherches que j'ai entreprises avec M. Villejean sur les propriétés
physiques des dérivés chlorés du formène C°H nous ont fourni des résullats
curieux, qui, nous l’espérons, établiront un lien théorique entre les phéno-
mènes que je viens d'exposer et expliqueront d’apparentes anomalies.
TUBERCULOSE ET DIPHTHÉRIE DES GALLINACÉS, par MM. V. Cornit.
et P. MÉGnin.
TUBERCULOSE DES GALLINACÉS. — La tuberculose est très commune chez
les Gallinacés, la poule, la dinde, le faisan, la perdrix, etc., et chez le
pigeon. Elle à pour siège d’élection le foie, la rate et le péritoine. Elle a
été décrite, au point de vue histologique et bacillaire, par Ribbert(Deutsche
Med. Woch., 1883, n° 413), par Koch (Gesammt. Abhandl., 1884), Babes
(Journal des connaissances médicales, 1884).
En France on a généralement rapporté à la diphthérie les lésions du foie
et des organes internes, les nodules que nous avons étudiés dans ces der-
niers temps et qui sont manifestement de nature tuberculeuse. Ces nodules
coexistent souvent en effet avec de la diphthérie des premières voies et
même des sacs aériens. Aussi regardait-on les lésions du foie, par exemple,
comme appartenant à la diphthérie et survenant dans une période chro-
nique de cetle dernière affection.
Nous avons examiné des tubercules du foie, de la rate et du péritoine,
les uns récents, les autres chroniques, chez six animaux : un pigeon, deux
poules, une dinde et deux faisans.
Les lésions observées étaient partout les mêmes, sauf les différences pro-
venant de léur ancienneté, et toutes étaient constamment très remarquables
par la quantité considérables de bacilles de la tuberculose.
Tubercules récents. — Nous les avons étudiés dans le foie d’un faisan
et d’une poule. Les îlots malades tranchaient à la surface du foie et dans
son parenchyme par une teinte demi-transparente, grisâtre, jaunâtre, homo-
sène ou parsemée de grains très fins et ayant une certaine opacité. Ces îlots
sont tantôt arrondis et peu visibles à l’œil nu, ou du diamètre d’un grain de
chènevis ou davantage, tantôt disposés en couches épaisses plus où moins
régulières à la surface du foie sous la capsule de Glisson. Lorsqu'ils sont
nombreux, le volume du foie est énorme. A un grossissement de 20 dia-
mètres environ on voit sur les coupes de l’organe des masses relativement
transparentes, lobulées, parsemées de petits points opaques. En outre de ces
. grandes masses 1l existe de petits points semi-transparents qui entourent
comme de petites zones les vaisseaux interlobulaires du foie. Avec un plus
fort grossissement (200 diamètres) on voit que le tissu nouveau est formé
618 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par des fibrilles qui se colorent mal par les réactifs colorants, et qui res-
semblent à une sorte de fibrine feutrée, réticulée ; les fibrilles sont séparées
par des cellules rondes dont les noyaux ne se colorent pas nettement ou même
nese colorent pas du tout. Au milieu de ce tissu on constate des vacuoles etdes
travées canaliculées qui appartiennent à des vaisseaux dont les parois sont re-
connaissables bien qu’altérées et transformées, leurs cellules propres ayant
subi la même décoloration que le tissu voisin ; dans leur intérieur on voit
des cellules rondes ou épithélioïdes plus ou moins volumineuses ; il n° di a
pas vestige de cellules hépatiques.
Les préparations colorées avec le violet de Bâle simple ou en solution
d'Ehrlich, puistraîñées pendant quelques minutes avec la solution d’iodure de
potassium iodé, ou par le bichlorure de mercure, puis décolorées par l'alcool
et l'essence et montées dans le baume, nous ont montré une quantité consi-
dérable de bacilles allongés, minces, que nous avons rapportés dans les pre-
miers examens aux bacilles de la diphthérie; mais les mêmes préparations,
colorées de la même manière, puis décolorées avec l’acide nitrique au tiers,
nous ont montré les mêmes ee d’où nous avons conclu qu'il s Mi
de la tuberculose et non de la diphthérie.
La disposition et le siège de ces bacilles dans les cellules était dalleur
tout à fait en rapport avec les lésions de la tuberculose. En effet, su
les coupes obtenues après la coloration au violet d'Ehrlich décolorées e
l'acide nitrique, puis colorées par le picro-carmin pour avoir une double
coloration, traitées ensuite par l’alcool et l’essence de girofle, montées dans
le baume, nous avons vu que les bacilles étaient le plus souvent situés
dans des cellules rondes ou ovoïdes ou sphéroïdales. Ces cellules en conte-
naient un plus ou moins grand nombre. Elles constituaient ordinairement
de petits amas de trois ou quatre cellules, soit situées très manifestement
dans un vaisseau, soit dans le tissu réticulé. Ces cellules, du volume de 40
à 12 ou 15 y, ne possédaient généralement qu'un seul noyau, ais il yen
avait quelquefois deux. Dans les tubercules récents d’une de nos poules il
n’y avait que deux, trois ou quatre bacilles par cellule. Ces bacilles sont
presque tous grenus ; ils présentaient de petits grains colorés, quelquefois
plus gros que les bâtonnets mêmes ; on voit aussi parfois un grain isolé ou
deux grains isolés comme des diplococci. Ces grains sont colorés absolu-
ment de la même façon que les bacilles et assurément de la même nature.
Il ya GES cellules plus volumineuses qui renferment plusieurs noyaux
et qu'on, peut assimiler aux cellules géantes de la tuberculose humaine.
Elles en diffèrent cependant parce que les noyaux ne sont pas aussi réguliè-
rement disposés que dans cette dernière.
Le foie du faisan que nous avons examiné était farci partout de tuber-
cules semi-transparents. Ces tubercules offraient la même structure, à
cette différence près que toutes les cellules des îlots tuberculeux étaient
remplies par une quantité considérable de bacilles : les cellules volumineuses
se présentent comme couvertes et bordées de bacilles longs, disposés en
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. | 619
touffes épaisses, leurs extrémités plus ou moins régulières, droites ou con-
tournées, dépassant le bord de la cellule comme une couronne.
Ces bacilles examinés à un plus fort grossissement présentent aussi des
grains dans leur intérieur.
Ces grosses cellules hérissées de touffes de bacilles ne possèdent généra-
lement qu'un noyau. Elles ressemblent au premier abord aux cellules de la
lèpre, mais elles contiennent plus de bacilles encore que lesicellules lé-
preuses. Elles différent évidemment des cellules géantes de la tuberculose
humaine, parce qu’elles ont plus de bacilles et qu’elles n’offrent d'habitude
qu’un seu] noyau. Il y a aussi des bacilles libres dans le tissu voisin.
Tuberculose chronique. — A l’œil nu les lésions de la tuberculose du
foie, de la rate, du péritoine que nous avons observées montrent des grains
calcaires jaunâtres plus ou moins grands. Nous avons fait des coupes de la
tuberculose chronique de la poule, qui, colorées doublement par le violet
d'Ehrlich et la safranine, présentaient des lésions tellement nettes et pro-
noncées, qu'il était ae de reconnaître la couleur des bacilles à l’œil nu
ou à un grossissement de 10 à 20 diamètres.
Sur ces coupes à un faible grossissement, les bacilles étant très bien CO-
Jorés en violet, on voit des taches arrondies soit à la partie centrale d’un
tubercule calcaire, soit à la fois au centre et dans des zones corticales ou
des stries violettes. Les bacilles ainsi colorés paraissent situés dans des
fentes du tissu ou dans l’intérieur des vaisseaux. Autour des stries et des
cavités, on observe une zone colorée en brun foncé par la surcharge du violet
et de la safranine. C’est la portion calcaire de la masse tuberculeuse qui
forme toujours une seconde zone autour des bactéries. A la périphérie de
cette zone calcifiée, on a un tissu inflammatoire, comme au pourtour de
toute tumeur. D’autres fois, à la partie centrale de la masse tuberculeuse,
ayant le volume d’un grain de chènevis ou davantage, on trouve un tissu
mortifié qui ne se colore plus et qui tient à peine au tissu qui l’entoure. Ce
dernier montre des taches violettes ou des stries dues à la présence des
bacilles, puis à la périphérie le tissu calcifié et en dehors enfin le tissu
enflammé.
Les grosses masses tuberculeuses sont entourées par de plus petits tuber-
cules, tantôt plus récents, tantôt entourés eux-mêmes d’une zone calcifiée,
Ces petits tubercules sont très réguliers; leur centre constitue une zone
violette qui nous a souvent semblé située dans un vaisseau dont les parois
étaient modifiées; la zone périphérique est simplement enflammée ou
calcifiée,
Avec de plus forts grossissements, nous avons vu les bacilles de la tuber-
culose qui sont accumulés au milieu des tubercules calcaires comme dans
une culture, en amas irréguliers, en contact les uns des autres en si grand
nombre que, des fentes ou scissures du tissu dans lesquelles on les trouve,
ils sortent et deviennent libres au bord de la coupe, où ils sont entraînés
620 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par les manipulations nécessaires à la coloration et au montage des prépa-
rations. Ils sont là, aux bords de la préparation, isolés ou accolés en touffes,
sans qu’on voie de cellules à côté d’eux. De même dans les fentes du tissu,
sur les coupes, ils sont accumulés suivant des figures irrégulières, tantôt se
rapprochant de la forme ovoïde ou circulaire, tantôt en bandes, rarement en
forme d'S comme cela a lieu dans les cultures où ils se développent en
liberté sur le sérum gélatinisé de Koch, par exemple. Ces bacilles ne sont
pas compris dans des cellules. Il est probable qu’ils se sont primitivement
développés dans des cellules, mais que les cellules ont été détruites et ne
sont plus visibles. Ils sont agglomérés en nombre tellement considérable,
qu'ils sont difficiles à voir isolés au milieu des masses colorées qu'ils
forment. Ils sont tous bien colorés par le violet d'Ehrlich. |
Le tissu calcifié qui se trouve autour des fentes contenant les bacilles est
très fortement coloré par le violet seul, et la couleur devient brun violet
foncé quand on a teinté le pinceau avec la safranine. Ce tissu est aréolaire,
formé de faisceaux ou fibres transparentes hyalines très fortement colorées
par le violet et la safranine, ayant une apparence réticulée. Dans les espaces
que laissent entre eux ces faisceaux on trouve souvent des boules hyalines colo-
rées de la même façon. Sur les préparations minces ces boules hyalins sortent
parfois de leur loge et se trouvent au bord de la préparation. Elles sont de
_volume variable pouvant atteindre à 8 ou 10 4 et régulièrement sphériques.
Il n’y a pas un seul noyau ni une cellule ayant conservé sa vitalité et sus-
ceptible de se colorer dans toute cette zone calcifiée.
DIPHTHÉRIE DES OISEAUX. — Comme nous ne savions pas au début ce qui
appartenait à la tuberculose et à la diphthérie, nous avons étudié à la fois
ces deux maladies chez les oiseaux.
La diphthérie des oiseaux la plus caractéristique est celle qui siège sur la
langue, les fosses nasales et le larynx. Telle est la diphthérie des poules et
nas qui est vulgairement désignée sous le nom de pépie. Elle se
caractérise par de fausses membranes qui couvrent le larynx ou ses bords,
la muqueuse buccale, nasale, laryngienne et qui remplissent les sacs aériens,
en particulier les sacs aériens du ventre. Mais de plus la diphthérie des
oiseaux envahit parfois le tissu conjonctif de l'orbite; elle se localise à la
peau sous la forme de tumeurs plus ou moins profondes ; elle s'étend aussi
parfois sur la muqueuse de l’intestin, ainsi que cela se voit chez le faisan et
la perdrix.
Nous avons étudié les diverses localisations. Nous avons vu dans les
fausses membranes diphthéritiques des micrococci et des bacilles; on sait
.que Klebs a décrit des bacilles dans la diphthérie en outre des mierococci
autrement connus et Lüfler a cultivé en cultures isolées les bactéries et les
microcoques. Ce dernier a analysé les lésions diphthéritiques de diverses
espèces animales, des ‘pigeons, des poules, du veau. Il a montré que les
bacilles, différents du reste chez les gallinacés et chez le veau, ont seuls la
propriété de reproduire la maladie et ce sont, d’après Lüfler, les baeilles qui
Ji
SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 621
sont les plus importants à considérer dans la diphthérie (1). L'un de nous a
fait des examens de diphthérie de la peau de la vulve venue à la suite de la
diphthérie pharyngienne de l’homme et reconnu que les bacilles y sont tout
à fait prédominants (2). Les bacilles que nous y avons vus sont tout à fait
semblables au cas de Lôüfler.
Nous avons retrouvé des bactéries analogues dans tous les faits de
diphthérie des oiseaux que noùs avons examinés, que leur siège fût sur les
membranes muqueuses ou sur la peau.
M. Geoffroy Saint-Hilaire a mis à notre disposition des poules du Jardin
d’acclimatation, et nous en avons reçu aussi de plusieurs éleveurs. Les ba-
cilles siègent surtout à la surface et dans l’intérieur des fausses membranes
sous forme d’amas de bactéries en ilots zoogléiques ou isolés. Le Lissu con-
jonctif enflammé de la peau malade était le plus ordinairement mortifié ; les
cellules et les noyaux avaient perdu la faculté de se colorer.
Nous avons examiné un fait de diphthérie de la muqueuse intestinale du
faisan. La fausse membrane assez épaisse, formée de couches de fibrine,
adhérait par places à la muqueuse intestinale. Celle-ci était mortifiée dans
sa presque totalité ; mais on pouvait cependant y reconnaître la figure des
glandes en tube et des villosités intestinales. Le tissu conjonctif profond de
la muqueuse était infiltré de sang. La musculeuse était normale. Les bacilles
de la diphthérie mêlés à quelques microcoques existaient à la surface des
fausses membranes, à la surface des villosités et dans le conduit des glandes
en tube. Ces conduits présentent un canal limité par des cellules épithé-
liales nécrosées. Dans leur intérieur on voit des bacilles disposés en séries
linéaires dirigées dans le sens longitudinal. C’est le seul endroit de la mu-
queuse elle-même où on les trouve, car il n’y en a pas dans le tissu con-
jonctif autour des glandes ni dans le tissu plus profondément situé.
Dans les nodules diphthéritiques de la peau, on trouve, sur les coupes,
dans le tissu conjonctif de la peau une infiltration pâr des cellules et de la
fibrine. De grandes masses de ce tissu inflammatoire sont nécrosées et lais-
sent entre elles des fentes. Les bâtonnets existent surtout dans ces fentes et
dans les parties nécrosées voisines des fentes précédentes. Ils sont là assez
nombreux et ils constituent de petits amas où ils sont enchevêtrés.
(1) Voy. l'analyse du travail de Lôfler dans le Journal des connaissances me-
dicales, 1884.
(2) Cornil et Ranvier, Manuel d'hist. path., t. I.
622 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
DÉGÉNÉRESCENCE FIBRO-PLASTIQUE DU LOBE MOYEN DU FOIE D'UN CHEVAL
SOUS L'INFLUENCE D'UNE ÉMIGRATION DE Q Sclerostoma armatum Rud. »,
par M. P: MÉGnin.
La pièce que je présente est une portion du lobe moyen d’un cheval qui
est tranformé en une véritable tumeur fibro-plastique dans laquelle le tissu
propre du foie a complètement disparu ; elle est parcourue dans sa longueur
par la veine porte ; son tissu, très dense et très serré dans certains points, est
plus mou et comme colloïde dans: d’autres ; il est parsemé dans toute son
étendue par de petits.kystes sanguins contenant tous chacun un helminthe
replié sur lui-même; des vaisseaux qui parcourent cette tumeur on retire
aussi des helminthes semblables à différents degrés de développement ;
quelques-uns des plus grands kystes ne contiennent plus qu'un putri-
lage couleur chocolat où l’helminthe qui l’habitait est sans doute mort et
décomposé ; les plus petits de ces kystes ne contiennent pas de sang, mais un
embryon de la même espèce d’helminthe enroulé sur lui-même. En exami-
nant ces helminthes, qui sont presque tous colorés en rouge. sanguin, on
reconnait facilement, au microscope, qu'ils appartiennent à une espèce de
strongylien à bouche munie d’une cupule coriace dont le bord est frangé de
pointes fines, c’est-à-dire au Sclerostoma armatum de Rudolphi. Dans les
plus grands on distingue des mâles et des femelles, les premiers ayant
2 à 3 centimètres de long et les secondes de 3 à 4, mais dans aucune de
celles-ci nous n'avons trouvé d’œufs complètement développés, mais des
ovules non fécondés, ce qui s'explique par l’état d'isolement dans lequel se
trouvaient les individus adultes des deux sexes : leur taille indique qu'ils
appartiennent à la grande variété de l'espèce Sclerostoma armatum qui vit =
d'habitude sur la muqueuse du gros côlon et du cæcum et nullement, à celle
qui vit dans des anévrysmes de l’artère mésentérique. C’est la première fois
qu'on voit cet helminthe vivre et se développer dans le tissu du foie et
causer la transformation du tissu de cet organe ; il y avait déjà été vu dans
le pancréas et même dans la tunique du testicule.
DEUX FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES FACULTÉS INTELLECTUELLES
DES ANIMAUX. Note de M. EuiLe THIERRY, présentée par M. Méanin.
Depuis quelque temps, la Revue scientifique enregistre des faits quiten-
dent à prouver que l'intelligence est beaucoup plus développée chez les
animaux qu'on n était disposé à le croire. Mon illustre maître, M. H. Bouley,
a, lui aussi, publié quelques observations d'animaux qui lui avaient té-
- SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 6923
moigné de la reconnaissance des bons soins qu’il leur avait donnés. Il
n’en a pas été de même pour moi.
En juin 1862, je suis appelé à donner mes soins à un mulet âgé de
dix ans, ayant, à la suite d’un coup de corne, un abcès énorme en arrière
de l’épaule gauche — région scapulaire ; — je ponctionne et débride cet
abcès sans que l'animal, muni d’un tord-nez, ait manifesté de la douleur
par une réaction sensible. Le propriétaire fait les pansements jusqu'à
guérison, et il n’a jamais eu besoin d'employer le tord-nez.
Le 26 mars 1864, je suis appelé pour le même animal, qui, mis en
contact avec une jeune jument, contracta une angine gourmeuse. Il me fut
impossible de l’approcher. Il éloignait même son propriétaire, à coups de
pied, tant que j'étais dans l'écurie. :
En 1869, au mois d'octobre, l’animal avait alors dix-sept ans, il est
atteint d’une nerf-férure du membre antérieur droit. Il m'est présenté
chez moi, attelé en limon. Je n’ai pu l’approcher. Néanmoins je donnai
rendez-vous pour aller lui faire une application de feu sur le tendon ma-
lade. Je chargeai un futur confrère qui m'accompagnait, M. Bavois, au-
jourd'hui vétérinaire aux Riceys, d'aller examiner l'animal à l'écurie.
Celui-ci se laissa toucher. Je fis alors mettre le mulet dehors. Aussitôt qu'il
_m’aperçut, il témoigna l'horreur que je lui inspirais par une intention ma-
nifeste de rentrer à l’écurie et cherchait même à mordre le domestique
qui le tenait. Cet homme, ancien soldat du train des équipages, eut l’idée
de le garnir de ses harnais et de le mettre dans les brancards d’une
lourde charrette, mais à l’envers, c’est-à-dire que l’animal fut attelé la tête
placée à l’endroit où se trouve d'ordinaire la queue. Je pus alors explorer
la région malade. Le domestique me donna alors le conseil de faire mon
opération dans ces conditions. Je m’y décidai, non sans de sérieuses appré-
hensions. Le tord-nez fut même inutile, et je pus mettre un feu en pointes
pénétrantes avec la plus absolue sécurité. Je n’eus plus occasion d’appro-
cher cet animal, qui mourut l’année suivante d’un second coup de corne
de vache dans l’abdomen.
Evidemment ce mulet a raisonné. — Evidemment pendant près de dix
ans il s’est souvenu que je lui avais fait mal au mois de juin 1862. Et je
suis porté à croire qu'il se serait vengé s’il avait pu me rencontrer à la
portée de ses atteintes. J'avoue d’ailleurs ne. pas m'expliquer l’action
morale produite par le mode d’attelage à l’envers.
Au mois de mars 1867, un de mes amis, M. Berty jeune, boucher à
Ervy (Aube), parait des côtelettes de mouton pour un de ses clients qui
les attendait. Son chien d’arrêt, du nom de Negro, ramassait à côté de
lui les bribes qui tombaient. M. Berty se servait, pour son opération, d’un
instrument tranchant appelé feuille, qui, lui échappant de la main, alla
couper le néz de son chien à environ 1 centimètre et demi du bout, qui;
détaché presque entièrement, n’était plus retenu que par le bord très mince
de la lèvre supérieure, En un mot le bout du nez pendait, Le sang coulait
‘
024 SOCIËÈTÉ DE BIOLOGIE.
abondamment. Appelé aussitôt — j'étais presque son voisin — je pus
constater l’état que je viens de décrire. Je fis immédiatement une suture à
surjet. L'hémorrhagie s'arrêta. La cicatrice se fit par première intention ;
au bout de quelques ‘ours l'animal était guéri.
À partir de cet instant, il ne me fut plus possible d’entrer chez
M. Berty, si le chien était à la maison. On était obligé de l’enfermer et
de l’attacher. Et tant qu’il m’entendait, il manifestait sa... reconnaissance
par des grognements significatifs.
Quand je le rencontrais dans la rue, il s’éloignait en grognant. Et pen-
dant cinq ans, jusqu’en 1872, année de sa mort, ce chien a prouvé qu'il
se souvenait de la douleur que je lui avais fait endurer pour le guérir.
Je crois que bien évidemment ce mulet et ce chien avaient beaucoup de
mémoire; mais je crois aussi qu'ils ne s'étaient pas rendu compte que
mon action chirurgicale n’était que bienveillante à leur égard.
Il ya cependant, pour le chien, une particularité que J'ai omis de
signaler. C’est que j'étais propriétaire d’une chienne qui, au moment du
rul, accordait de ‘préférence ses faveurs à Negro. Or, pendant toute la
durée de ces chaleurs, le chien venait chez moi, mais il prenait les voies
détournées et se cachait dès qu’il me voyait ou qu’il m’entendait. Lorsque
Je chassais avec son maitre, il était assez aimable.
J'ai honneur de communiquer à la Société de biologie ces deux faits
pour ce qu'ils valent. Peut-être serviront-ils, un jour, à l'étude des fouc-
tions cérébrales chez les animaux.
SUR LE RENFLEMENT ÉRECTILE TERMINAL DE L'ARTÈRE SPERMATIQUE DANS
LE FŒTUS, par M. LauLanié. Note présentée par M. Mathias DuvaL.
Quand on dissèque l'appareil d’un fœtus mâle de brebis ou de vache, on
constate que l'artère spermatique (grande testiculaire), au lieu d'offrir les
flexuosités si remarquables qu'on lui trouve chez l’adulte, se termine sim-
plement par un renflement rougeàtre, qui est d'autant plus saillant que
l'artère elle-même présente chez le fœtus une gracilité extrême.
Quand je rencontrai ce fait pour la première fois, je erus d’abord à un
accident, à une anomalie particulière. Mais je l’ai constamment retrouvé sur
une douzaine de fœtus de brebis ou de vache. Il s’agissait donc d’une dis-
position constante, et dont il importait de déterminer la nature par les pro-
cédés de l’histologie. Pour cela, le testicule est enlevé avec l’artère testi-
culaire, suspendu pendant une heure dans les vapeurs d’acide osmique
au 100°, et immergé pendant vingt-quatre heures dans l’alcool absolu. Le
SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 25
durcissement par l'alcool, la gomme et l’alcool convient particulièrement
aux organes des fœtus âgés; mais l'acide osmique est indispensable pour
les organes de petites dimensions, sur lesquels il m'a semblé que l'alcool
r’exerçait qu’une action incomplète et incertaine.
Les coupes très minces pratiquées à partir de la tête de l’épididyme ne
tardent pas à atteindre le renflement terminal de l'artère spermatique,
dans lequel on découvre tous les caractères du tissu érectile vasculaire (1).
La masse vasculaire circonscrite par des contours elliptiques est enveloppée
d’une couche fibreuse embryonnaire, dont la face interne jette à l’intérieur
de l’organe les éléments du stroma. Celui-ci soutient un réseau très riche
de capillaires anastomosés et renflés par des dilatations irrégulières. Un ne
peut méconnaitre leur nature, qui se dénonce par la présence d’un revête-
ment épithélial indiscutable et surtout des globules sanguins qui, en
certains points, remplissent les cavités des capillaires ectasiés. Sur cer-
taines coupes particulièrement heureuses, on peut surprendre l'artère
spermatique elle-même et constater qu’elle développe à l’intérieur de la
masse érectile ses flexuosités habituelles, quoique fort peu nombreuses.
Les coupes qui montrent ces divers détails intéressent en même temps la
tête de l’épididyme et même l’épididyme tout entier ; on peut alors constater,
sur la partie moyenne de cet organe et dans le globus minor, des ilots érec-
tiles isolés les uns des autres, quoique probablement placés sous la dépen-
dance du même vaisseau, à moins que l'artère petite testiculaire ne parti-
cipe aussi à leur formation, ce qu’il m’a été impossible de voir.
Quel est le degré de généralité de cette disposition? Quel est son rôle ?
Quelle est la durée de sa persistance chez les jeunes animaux? Ge sont
autant de questions qui demandent une étude particulière, dont je ferai
connaitre plus tard les résultats.
Pour le moment, je me borne à affirmer que le renflement érectile ter-
minal de l'artère grande testiculaire est constant dans les fœtus de brebis
et de vache, qu’il apparait d’assez bonne heure sur les fœtus de 0,08 à
0,10 sous la forme d’une ébauche que le microscope seul peut rendre sai-
sissable, et qu’il atteint tout son développement sur les fœtus à terme.
Quant au rôle du renflement érectile, on ne peut faire à cet égard que
des hypothèses. II se pourrait qu’il fût destiné à suppléer provisoirement
les flexuosités encore insuffisantes de l’artère spermatique et à ménager
dans la circulation du testicule des résistances qui amoindrissent la pres-
sion sanguine et qui paraissent indispensables à la nutrition de lorgane,
Je ne sache pas qu’on ait essayé d'interpréter à ce point de vue les flexuo-
(1) On sait que dans son étude magistrale sur les tissus érectiles, M. Ercolani
distingue trois formes de tissus érectiles : 1° le tissu érectile vasculaire ; 20 les
organes érecteurs musculaires; 3° le tissu érectile musculo-vasculaire (Des
tissus et des organes érectiles, par le professeur Ercolani, résumé par le docteur
Luciani in Journal de l'anatomie et de la physiologie, 1869).
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 37. 38
626 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sités de l'artère spermatique. Mais n’y aurait-il pas dans cette disposition
un artifice comparable à celui qui domine la circulation des centres nerveux,
et qui, par la diffusion du sang dans les réseaux de la pie-mère, amoindrit
la violence dé son accès, qui devient ainsi tolérable pour le tissu si délicat
de l’axe cérébro-spinal ? À
Si ce rapprochement est légitime, on conçoit qu’en attendant que l'artère
grande testiculaire ait pris une longueur suffisante pour décrire les nom-
breuses flexuosités qu’on lui voit chez l'adulte, il se forme sur son trajet,
et au moment de sa pénétration dans l'organe, un réseau érectile où s’é-
puise la pression du sang. Il y a là une conjecture qui me paraît accep-
table, mais qu'il importe de vérifier par une étude méthodique. ;
SUR LA DISPOSITION DES PAPILLES FOLIÉES DANS LA LANGUE DES SINGES.
Note de MM. R. BouLarT et A. PILLIET; présentée par M. R. Bzan-
CHARD.
Chez les singes, l'organe folié coïncide avec des papilles filiformes, fungi-
formes et cratériformes. Il consiste en un nombre variable de petites
lamelles séparées par des dépressions ellipsoïdes, en général profondes.
Cette série de lamelles, située, comme on sait, à la partie latérale de la base
de la langue, commence, chez les anthropoïdes, en avant d’un plan trans-
versal, qui couperait la langue au niveau du trou borgne et se prolonge en
avant jusqu’à la dernière papille cratériforme du V lingual. Chez l’orang.
les lames sont dirigées obliquement de bas en haut et se rapprochent ainsi
de la face supérieure de la langue. Elles occupent une longueur d'environ
1 centimètre sur 1 à 1 1/2 millimètre de hauteur. Les crêtes de l’organe
folié vont s’amoindrissant en avant et en arrière et finissent par se confondre
avec de simples plis de la muqueuse. Quelques-unes s’anastomosent entre
elles. Il y a, chez l’orang, douze de ces lames de chaque côté, elles
coexistent avec un V lingual net, présentant sur chaque branche cinq
papilles cratériformes, ce qui donnerait à penser qu’au point de vue physio-
logique ces papilles et l'organe folié ne se suppléent pas.
Chez le chimpanzé, même nombre de crêtes, elles dépassent seulement
un peu le V lingual en arrière. Du trou borgne part une rangée
médiane de quatre papilles .cratériformes, dirigée dans l’axe longitu-
dinal de la langue, disposition rare. Chez les papions, les macaques, les
semnopithèques, les sajous, les ouistitis, le V lingual est réduit en général
à deux papilles cratériformes antérieures et une postérieure. L’organe folié
est très développé, tel que nous l’avons décrit plus haut, et commence en
du 2 rés. a
SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 627
avant du V lingual. Chez les guenons et les cynocéphales, il n’y a rien à
dire de l’organe folié, que signaler son existence.
Le nombre des papilles foliées varie d’une espèce à l’autre; il nous a
même paru ne pas être constant dans la même espèce. Nous en comptons
quatre sur le ouistiti, sept sur le sajou, dix à douze chez le macaque
Maïman, onze chez le macaque Rhésus, etc.
Comme structure, l’organe folié du singe rappelle entièrement ceux du
lapin, de l’écureuil, de la taupe. Chaque crête est divisée en trois papilles
secondaires. Elle est souvent bilobée par un léger sillon. Les bourgeons du
goût présentent leurs cellules spéciales et les mêmes réactions; ils sont
seulement beaucoup plus nombreux en général que chez le lapin, et
descendent jusqu'au fond des cupules interpapillaires, où débouchent les
nombreuses glandes de la base de la langue à ce niveau. Ceux qu’on trouve
sur chaque bord du sillon des papilles cratériformes sont tout à fait sem-
blables à ceux des papilles foliées.
SOURLOTON. — [mprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
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629
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
NOTE SUR LA COLORATION DES TISSUS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
AU MOYEN DE LA SAFRANINE, par M. le professeur Albert ADAMKIEWICz.
A la précédente séance, M. le président me fit l'honneur de me prier de
vouloir bien faire part à la Société de la méthode nouvelle de coloration que
j'ai appliquée à l’étude des tissus du système nerveux central et publiée dans
les Comptes rendus de l'Académie des sciences de Vienne(t. LXXXIX, 1884).
Je me fais un plaisir d'accéder à cette demande et de faire connaître cette
méthode en quelques mots.
La safranine est une des nombreuses couleurs dérivées de l’aniline. J'ai
l'habitude de la conserver en solution aqueuse à 1 pour 60. Au moment de
l’'employer pour la coloration des préparations histologiques, il importe de
filtrer quelques gouttes de cette solution, puis de les laisser tomber dans un
récipient contenant de l’eau distillée ; le mélange peut être employé dès qu'il
a pris à peu près la teinte du vin de Bourgogne. On y place alors les coupes
obtenues avec des tissus bien durcis (la coloration dépend du durcissement
préalable). Ces coupes ont été d’abord lavées soigneusement à l’eau distillée ;
on les laisse dans la solution de safranine de trois à six heures; quelquefois
même un séjour de vingt-quatre heures est nécessaire.
Quand la coloration est suffisante, on procède à la décoloration, qui
est la partie la plus importante de la méthode, et à laquelle il faut accorder
la plus grande attention. Elle se fait soit avec de l'alcool auquel on a ajouté.
des traces d'acide nitrique, soit avec de l'alcool absolu.
Dans le premier cas, la substance grise se décolore, ainsi que les septa qui
rayonnent à travers la substance blanche et qui, comme je l’ai précédem-
ment fait voir, renferment tous les vaisseaux de la substance blanche. Si le:
durcissement du tissu s’est fait dans les sels de chrome, la substance
blanche tout entière conserve une belle teinte de cuivre rouge. Si le tissu a
été durei par l’alcool, cette même substance présente une teinte orangée ;
on constate, en outre, que certaines parties qui avoisinent la substance
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [, N° 38. 49
ue
630 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
crise fixent plus fortement la matière colorante que la périphérie. Ces
parties se rencontrent symétriquement disposées dans tous les cordons et
ont la forme suivante : dans le cordon antérieur, c’est une circonférence
située aux confins de la commissure et du fond du sillon antérieur de la
moelle; dans le cordon postérieur, elles remplissent l’espace compris entre
la commissure, le sillon postérieur etle sommet de la corne; dans le cordon
latéral, elles occupent l’angle situé à l'union de la corne antérieure et de
la corne postérieure. Quelquefois, les parties que nous venons de décrire
sommairement présentent, dans les cordons antérieurs et postérieurs, l'aspect
de cornes qui s'appliquent plus ou moins intimement contre la substance
crise ; il est particulièrement intéressant de voir que quelquefois encore ces
parties ne s’appliquent pas aussi intimement à la substance grise, mais en
sont séparées par des lacunes très nettes qui, dans le cordon postérieur,
ont parfois la forme d’un croissant.
Quand la décoloration se fait au moyen de l'alcool pur et non acidulé, on
voit, au bout d’un certain temps, se produire une double teinte. En outr
de la coloration que nous avons signalée déjà, on constate que la substance
crise, les septa de la substance blanche et le tissu conjonctif de la pie-mère,
que la méthode précédente laissait incolores, prennent une coloration particu-
lière. Si la pièce a été durcie dans lalcool, la teinte de ces parties est rouge ;
si le durcissement s’est fait dans des chromates, elle est violette.
Il importe de rechercher maintenant quels éléments se sont colorés.
Voyons d’abord la substance blanche. Les méthodes usitées jusqu'à ce jour
(carmin, hématoxyline) coloraient seulement les cylindres-axes; la safranine
les laisse incolores, mais se fixe sur une substance qui est contenue dans la
myéline, dont elle n’est qu'une partie, et qui se présente sous l’aspect d’un
croissant ou d'un cercle. |
La coloration rouge ou violette se rencontre dans les noyaux du tissu con-
jonctif, dans ceux de la névroglie et dans les cellules nerveuses. Cette teinte
commune à trois éléments histologiques différents montre entre ceux-ci une
certaine parenté au point de vue chimique, constatation qui est d'autant plus
intéressante que M. le professeur Ranvier a fait l’importante découverte de
leur identité morphologique.
Tandis que les parties que nous avons signalées dans la myéline peuvent
facilement être décolorées, même quand on traite sans précautions suffi-
santes les préparations, on voit les parties qui se teignent en rouge ou en
violet présenter une résistance considérable : on peut aïnsi obtenir des pré-
parations qui n’ont plus que cette dernière teinte et qui offrent la plus
grande ressemblance avec des préparations au carmin, à cela près que les
cylindres-axes restent incolores.
En terminant, je ferai remarquer que les fibres du réseau de Gerlach,
considérées comme dépourvues de myéline, présentent la substance qui se
colore en orangé. J'ai appliqué la méthode ci-dessus à l’étude de moelles
ART
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 031
pathologiques ; bien que mes recherches ne soient pas encore terminées, je
puis pourtant annoncer qu’elles m'ont conduit à des résultats qui me sem-
blent intéressants et nouveaux.
NOTE PRÉLIMINAIRE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAÏNE
ET DE SES SELS, par M. le docteur LABORDE.
Il se fait beaucoup de bruit depuis quelque temps autour et à propos
d’un produit médicamenteux qui paraît appelé à rendre de grands services
en ophthalmologie, et qui, selon nous, est destiné à jouer un rôle bien plus
étendu et bien plus important en thérapeutique générale : j'ai nommé la
cocaine.
Ce n’est pas seulement parce qu'il s’agit d’une question d'actualité, et
pour cela digne de l'intérêt de la Société, que je viens, à mon tour, dire
quelques mots de cette substance; c’est aussi, et surtout, parce que j'ai à
produire, sur ce sujet, quelques résultats nouveaux d’études déjà anciennes,
faites dans notre laboratoire, avec des produits chimiques obtenus et pré-
parés, de première main, par M. Duquesnel, dont l’existence, la composition
et les effets physiologiques attendaient, pour être divulgués, l’achèvement
un peu retardé de ces recherches.
Il y a deux années déjà qu’elles ont été commencées, époque à laquelle
nous avaient été remis les produits en question, ainsi qu’en font foi les
lignes suivantes d’un article de Revue de physiologie appliquée à la
thérapeutique, ayant pour titre : la Coca et la cocaïne, lignes qu'il n’est
pas inutile, comme on va le voir, de reproduire (1).
Après avoir rappelé les indications et les usages, jusqu'alors plus ou
moins empiriques de la coca, nous ajoutions : « Puis, donnant les conclu-
sions d’un travail du docteur B. von Aureso, inséré dans lo Spirimentale de
1880 (fase. V, p. 512), nous disions en propres termes :
« Nous reproduisons ces conclusions, sans commentaires, l’occasion de-
vant bientôt se présenter à nous de faire, sur ce sujet, des recherches per-
sonnelles dans les conditions désirables dont nous parlions plus haut, grâce
à un produit nouveau dû à notre collaborateur M. Duquesnel, produit qui,
_ si l’on en juge par ses propriétés physico-chimiques et sa belle cristallisa-
tion, constitue un principe immédiat réel d’une pureté jusqu'ici inconnue. »
Je vous présente ce produit et deux autres qui l’accompagnent, extraits
comme lui de la feuille de coca et dont les caractères essentiels avaient été,
dès cette époque (1* juillet 1882), sommairement décrits dans la note sui-
vante, qui nous avait été remise par M. Duquesnel, en même temps que
ces substances :
(1) Tribune médicale du 27 octobre 1882, n° 732, p. 414.
632 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
La feuille de coca contient trois principes distincts jouant le rôle
d’alcaloïdes :
1° Cocaïne proprement dite (échantillon déjà remis). — Alcaloïde cris-
tallisé en aiguilles blanches, inodores, de saveur un peu amère. Peu so-
luble, de réaction fortement alcaline, surtout lorsqu'on le dissout dans
l’eau légèrement alcoolisée.
il sature bien les acides, donne des sels solubles, difficilement cristalli-
sables.
2° Cocaïne dite neutre.— Alcaloïde cristallisé, ainsi nommé parce qu’il n’a
pas d'action sensible sur le papier de tournesol. Il paraît se combiner aux
acides et donner des sels cristallisables. Peu abondant dans la feuille. Il
est peu soluble dans l’eau.
3° Cocaïne liquide. — Produit sirupeux, contenant peut-être encore
quelques aiguilles de cocaïne n° 1. Soluble dans l’eau, de réaction alcaline
très énergique, presque caustique sur la langue.
Il sature bien les acides. Sels non étudiés.
Ces trois principes existent dans la feuille de coca ins les proportions
suivantes :
Cocaïne vraie, environ 3 pour 1000.
Cocaïne dite neutre, environ 0,5 pour 1000.
Cocaïne liquide, environ 2 pour 1000.
« Comme vous le voyez, ajoutait M. Duquesnel, la coca, par sa composi-
tion, suit une règle qui est à peu près générale, c’est-à-dire que les plantes
actives contiennent presque toujours une base principale cristallisée, une
base amorphe, et souvent une base liquide, produit de transformation ou
d’altération. »
Ces trois produits ont été expérimentalement essayés par MM. Rondot
et Gley, nos préparateurs, auxquels j'en avais confié l’étude; et, bien que
cette étude laisse encore à désirer, les résultats en sont assez intéressants
pour mériter d’être connus.
J'y ajouterai ceux de la recherche personnelle que j'ai faite d’un sel de
cocaïne neutre, le sulfate, le seul que nous ayons tenu jusqu’à présent de
M. Duquesnel, et qui possède une action très caractéristique.
Mais, avant de consigner ces résultats, 1l importe de rappeler rapidement
les premiers motifs qui ont déterminé ces recherches et l’état de la question
physiologique.
M. le docteur Coupard nous avait entretenu, à maintes reprises, des
remarquables propriétés anesthésiques des préparations de coca, s’exer-
çant surtout sur les muqueuses nasale, pharyngée et laryngée; propriétés
qu'il mettait depuis longtemps à profit ss sa pratique spéciale des affec-
tions du larynx; si bien que tout en nous suggérant le désir d'étudier, au
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 633
point de vue physiologique, des préparations bien déterminées de la coca
(ce qui nous avait porté à provoquer l’intervention nécessaire d’un chimiste
compétent), M. Coupard avait bien voulu, à notre demande et en attendant,
nous communiquer la formule d'application pratique, qui fut insérée dans
le même numéro ci-dessus de la Tribune médicale, sous la rubrique et
dans les propres termes suivants :
FORMULES ET PRESCRIPTIONS.
La coca dans les affections douloureuses du pharynx et du larynx.
Faire une macération alcoolique de feuilles de coca.
Puis évaporer l'alcool au bain-marie jusqu’à une consistance du maceratum,
qui se rapproche de la consistance sirupeuse.
S’emploie en badigeonnages, ou en pulvérisation (avec addition, dans ce dernier
cas, de 1/10 d’eau), dans les pharyngites douloureuses chroniques et même sub-
aiguës ; dans la phthisie laryngée douloureuse ; dans DERERES toux convulsives:
réussit quelquefois dans le spasme randurneere
Si la préparation est employée pour attouchements laryngiens, s’en servir telle
qu’elle est indiquée ci-dessus ; si c’est pour attouchements pharyngiens, y ajouter
un sixième de son poids de glycérine neutre.
Il convient d’ajouter que le docteur Ch. Fauvel, dont M. le docteur Cou-
pard était chef de clinique, faisait également usage, dans le même but,
des mêmes préparations, à sa clinique spéciale, ainsi qu’en fait foi une note
que nous trouvons dans une publication spéciale de 1878 (1).
Quoi qu’il en soit, en 1880, M. Coupard avait entrepris avec un de ses
amis, qui fut aussi notre élève, et malheureusement enlevé par une mort
prématurée, le docteur Bordereau, des expériences physiologiques à l’aide
d’un sel de cocaïne préparé par eux-mêmes, le chlorhydrate.
Nous possédons le résumé brut d’une de ces expériences, qui mérite d’au-
tant plus d’être reproduite, que ses résultats sont tout à fait caractéristiques
de l’action physiologique des sels de cocaïne, et qu’ils offrent une complète
analogie avec ceux que nous a donnés depuis, à un degré supérieur d’in-
tensité, il est vrai, le sulfate de cocaïne. |
Il s’agit d'un cobaye du poids d’environ 320 grammes auquel ont été
injectés sous la peau 3 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne.
Dix minutes après l’injection, ont commencé à se produire des phéno-
mènes convulsifs généralisés, surtout cloniques, avec opisthotonos, reve-
nant par accès.
On note ensuite successivement :
La perte complète du réflexe oculaire ;
(1) « Le docteur Ch. Fauvel, y est-il dit, utilise son action anesthésique sur la
gorge dans l’angine granuleuse, où elle (la coca) remplace admirablement les
badigeonnages et les cautérisations, qui sont souvent si nuisibles, etc. »
-
634 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
L'insensibilisation à la piqûre et aux pincements, alors qu’un cha-
touillement léger, la simple action de souffler sur l’animal provoquent des
réflexes ;
Une dilatation pupillaire très accusée ;
Parésie motrice du train postérieur à la suite des accès convulsifs, que
l’on provoque facilement par les excitations périphériques.
Malgré le retour du réflexe oculaire au bout d’une heure environ, la ces-
sation de la mydriase et le retour à la station normale, mais avec persistance
notable de l’insensibilité générale, l'animal a succombé dans la nuit.
On le voit, les phénomènes d’anesthésie généralisée, et spécialement
d’insensibilité oculo-conjonctivale sont clairement notés dans cette obser-
vation expérimentale, de même que la mydriase pupillaire.
Quant aux phénomènes convulsifs, nous allons les retrouver comme ma-
nifestation constante de l’action, à dose toxique, soit de la cocaïne, soit de
ses sels.
Des essais de MM. Rondot et Gley, il résulte que des trois produits ci-
dessus mentionnés, la cocaïne cristallisée et le produit liquide sont doués
d’une activité sensiblement supérieure à celle de la cocaïne neutre. Mais
c'est la cocaïne cristallisée qui tient, à cet égard, le premier rang. Les
phénomènes principaux et constants qu’elle détermine, soit chez les ani-
maux à sang froid (grenouilles), soit chez les mammifères (lapin, cobaye),
et qui sont toujours et clairement notés dans les observations expérimen-
tales dont il s’agit sont les suivants :
La diminution de la sensibilité générale ;
La dilatation pupillaire ;
Des secousses convulsives, alternativement toniques et cloniques, et
impliquant d’une façon prédominante le train antérieur, et la tête qui se
renverse en opisthotonos ;
Finalement accidents asphyxiques.
MM. Gley et Rondot avaient également réalisé quelques essais cardio-
graphiques dans le but de déterminer et de fixer les modifications fonction-
nelles du cœur sous l'influence de la cocaïne. Ces tracés que je présente,
obtenus surtout avec la cocaïne neutre, seront bientôt utilisés dans l’étude
analytique des effets de la cocaïne sur le fonctionnement du cœur et les
phénomènes respiratoires.
J'ai repris, moi-même, ainsi que je l’ai précédemment annoncé, cette
étude avec le sulfate neutre de cocaïne.Les résultats que j'ai obtenus et
que je vais résumer présentent un réel intérêt, et tout en confirmant cer-
taines notions déjà acquises, au sujet de l’action physiologique d’un sel actif
de cocaïne, ils révèlent quelques points nouveaux ou qui n’avaient pas été
suffisamment déterminés.
ns. ds
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 635
Nos essais ont été faits avec une solution parfaitement limpide de sulfate
neutre de cocaïne, dosée au 1/100°, c’est-à-dire à 1 centigramme de prin-
cipe actif pour { centimètre cube de véhicule.
Elles ont porté sur les animaux à sang froid (grenouilles), et les mammi-
fères (cobaye, lapin, chien), l'administration de la substance étant faite, soit
en injections sous-cutanées, soit en injections intra-veineuses, soit en
applications locales.
Je laisseraiï, pour l’instant, de côté, me proposant d'y revenir ultérieure-
ment pour l’étude du mécanisme de l’action de la substance, les effets sur l’a-
nimal à sang froid, pour ne m'occuper que des phénomènes observés sur les
mammifères, qui, d’ailleurs, sont de beaucoup les plus intéressants.
4° Chez le cobaye, du poids moyen de 470 grammes, À centigramme de
sulfate de cocaïne injecté sous la peau du dos, donne lieu à une hyperexci-
tabilité générale qui pousse l’animal, soit spontanément, soit au moindre
bruit, et sans la plus légère excitation périphérique, à se mettre en mouve-
ment avec une brusquerie, une violence comme irrésistibles ; et cependant
_on constate en même temps, à cette dose, un degré notable d’analgésie
commençante, aux extrémités des pattes, surtout des pattes postérieures.
Si, au bout de quelques minutes (dix minutes environ), on pratique une
nouvelle injection de 1 centigramme, les phénomènes ne tardent pas à s’ac-
centuer et à prendre l'intensité et l'allure des effets toxiques, sans aller ce-
pendant et nécessairement jusqu’à la mort.
D'abord, cette sorte d’excitabilité et d’impulsion motrices devient extrême ;
l'animal, inquiet, le regard fixe, s’élance subitement en avant, et fuit d’une
course rapide et comme affolée.
L’analgésie se généralise et devient complète sur le tégument externe,
mais surtout aux pattes ; on peut la constater sur la muqueuse nasale; tou-
tefois la sensibilité persiste, peut-être un peu atténuée, à la conjonctive
oculaire ; les pupilles sont dilatées en mydriase. Et tandis que la sensibilité.
consciente semble presque complètement abolie, les phénomènes d’excito-
motricité sont non seulement conservés, mais manifestement augmentés.
Bientôt, en effet, l'animal est pris d'accès convulsifs, auxquels prennent
une part prédominante le tronc antérieur et la tête; accès caractérisés par
Popisthotonos, des convulsions alternativement toniques et cliniques des
pattes antérieures, grimacement de la face et des lèvres, spasmes palpé-
braux, rejet par la bouche de petites quantités de liquide verdâtre, rejet
répété des urines.
Ces accès, d’aspect épileptiforme, se renouvellent à des intervalles de plus.
en plus éloignés, laissant, dans les intervalles des rémissions, l’animal couché
sur le flanc, en état de parésie motrice consécutive.
Puis, s’il résiste — ce qui peut arriver dans les conditions de poids et de
dose dont il s’agit — aux accidents asphyxiques compliquant l’état convulsif,
on voit diminuer ce dernier, qui n’a plus que la forme clonique, et l’animal
636 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
se relève, ne conservant plus que l’analgésie généralisée, persistante, com-
plète et absolue du côté des extrémités. |
Fait remarquable, et sur lequel j’insiste, j'ai vu cette analgésie persister
plus de quarante-huit heures après son apparition, alors que l’animal a
recouvré toutes les autres fonctions normales.
Tel est le tableau symptomatique des effets physiologiques du sulfate de
cocaïne sur le cobaye. J'ai tenu à le reproduire dans ses détails essentiels,
parce qu’il est typique et qu’il montre dans toute’sa netteté le remarquable
contraste, qui semble caractériser l’action de la cocaïne, entre l’énorme
hyperexcitabilité excito-motrice allant jusqu'aux secousses tétaniques et
épileptiformes et l’abolition persistante des phénomènes de sensibilité perçue
et consciente.
Ce tableau est sensiblement le même.chez le lapin, dans les mêmes condi-
tions expérimentales, etil ne varie guère que dans quelques détails relevant
du degré relatif d’impressionnabilité individuelle.
2° Mais il prend, chezle chien, un intérêt nouveau et une importance plus
grande, grâce à la forme et au développement remarquables que révèle, chez
cet animal, l’action excitatrice de la cocaïne.
En effet, soit que l’on administre en injection hypodermique, ou en injec-
tion intra-veineuse, notre sulfate de cocaïne à un chien, à dose suffisante —
et cette dose est en moyenne de 6 à 8 centigrammes pour un chien de
8 à 9 kilogrammes, — on observe constamment, à la rapidité de production
près, les phénomènes suivants :
L'animal, s’il est à l’attache, commence à piétiner sur place, tournant
tantôt à droite, tantôt à gauche, comme préoccupé et inquiet. S'il est en
liberté, il marche précipitamment en tous sens avec des mouvements de
tête effarés, tantôt tournant sur lui-même dans une sorte de mouvement de
manège, tantôt courant droit devant lui, sans jamais s’arrêler, sans un in-
stant de repos, qu’il semble chercher sans jamais pouvoir le trouver. En
cet état, l’animal paraît avoir conservé toute son intelligence, il répond à
l'appel, il répond aux caresses, qu’il recherche même, mais auxquelles il se
soustrait bien vite, forcé qu’il est d’obéir à l'impulsion motrice irrésistible
qui l’entraîne.
En même temps qu’il se meut ainsi d’une façon incessante, il présente,
entre autres phénomènes, un degré notable d’analgésie généralisée, avec
prédominance aux extrémités des pattes, et s’étendant aux muqueuses
nasale, buccale et pharyngée, mais non, d’une façon appréciable, à la con-
jonctive oculaire, bien que les effets de dilatation pupillaire soient accen-
tués.
Nous avons assisté hier encore au curieux spectacle donné simultanément
par deux jeunes chiens : —l’un ayant reçu 6 centigrammes de sulfate de
cocaïne en injection hypodermique, l’autre 5 centigrammes en injection
intra-veineuse par fractions successives de 1 centigramme à la fois, — au
Ë
Ê
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 637
curieux spectacle, dis-je, de cette sorte de mouvement perpétuel, durant plus
de deux heures, et nous avons pu en rendre témoin notre collègue M. Ch.
Richet. Je me propose de le reproduire devant mes collègues de la Société.
Une particularité qu’il importe de retenir, c’est que, dans ces conditions
expérimentales d'administration de la substance et de dose, l’anesthésie
conjonctivale ne se produit pas d’une façon appréciable ; il faut, pour cela,
pousser la dose jusqu'aux effets toxiques ou à leur limite pour la déterminer,
ainsi que paraît lavoir fait le professeur Vulpian avec le chlorhydrate de
cocaïne en injection intra-veineuse (1).
Mais il suffit d’instiller dans l'œil de l’animal de cinq à dix gouttes de la
solution à 1 pour 100 de sulfate neutre de cocaïne, pour voir se produire en
l’espace de quatre à cinq minutes l’anesthésie cornéale commençante,
laquelle devient complète et générale vers la dixième minute. Elle dure
de vingt-cinq à trente minutes, pour décroître et cesser ensuite. Mais on
peut l’alimenter et la faire persister en renouvelant les instillations.
Le fait peut être facilement constaté sur le lapin que je mets sous les yeux
de mes collègues de la Société.
Un état mydriatique accompagne constamment cette anesthésie localisée.
Cette action locale, signalée en Allemagne pour le chlorhydrate de cocaïne,
par MM. Koller d’abord, puis par MM. Koningstein, Reuss et Hock, confirmée
à Londres, par Harley et Clifford Allbutt, à Paris par le professeur Pa-
nas (2), etc... appartient donc aussi nettement à notre sulfate neutre de
cocaïne. 3
Cette action, d’ailleurs, n’est qu’un épisode de l’action générale de la
cocaïne, et notamment de son influence anesthésiante sur les muqueuses
naso-bucco-pharyngée et laryngée, connue, ainsi que nous venons de le
démontrer, antérieurement aux travaux allemands.
Au surplus, ce n’est pas là une action propre à la cocaïne, et je montrerai
prochainement que d’autres substances actives, notamment un produit
extrait du Boldo, et une gelsémine chimiquement pure, jouissent des mêmes
propriétés d’anesthésiation de la conjonctive oculaire. C’est même là un fait
qui semble s'étendre à un certain nombre de principes immédiats que je
ferai incessamment connaître, à ce point de vue.
Il résulte, en tout cas, de ce qui précède et de ces premiers faits expéri-
mentaux — que les effets d’anesthésiation générale, et surtout d’analgésie,
sont l’une des caractéristiques essentielles de laction physiologique des
sels actifs de cocaïne; que l’anesthésie localisée des muqueuses bucco-pha-
ryngée, laryngée, nasale, cornéo-conjonctivale n’est qu’un épisode, ou plu-
tôt une portion de l’action générale;
Que les effets d’anesthésie partielle et localisée avaient été découverts
(1) Communication à l’Académie des sciences.
(2) Communication à l’Académie de médecine, séance du 17 novembre 1884.
638 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
© © ——————————————_—]_—_ | —]
et étaient connus bien avant les travaux récents, qui, toutefois, il est juste
de le dire, ont mieux précisé l’action locale sur la conjonctive oculaire,
de façon à en tirer les conséquences d'application à l’ophthalmologie opéra-
toire ;
Mais que — et c’est le point sur lequel nous tenons à insister particuliè-
rement — il y a dans la connaissance mieux approfondie de l’action physio-
logique totale et générale de cette substance, des indications d’application
d’une portée beaucoup plus étendue et plus importante ; — indications dont
cette note préliminaire à déjà pu donner un aperçu, et qui vont mieux se
dégager de la seconde partie de notre étude.
EXPÉRIENCES SUR L’OZONÉINE, par M. le decteur Onimus.
Dans la séance du 8 novembre je vous ai présenté le liquide appelé
ozonéine et dont j'ai signalé l’action analogue au gaz ozone. Après avoir
expérimenté ce liquide sur des substances organiques altérées, j'ai depuis
cette communication fait des recherches sur son influence sur les animaux.
La première des choses, et la plus importante, était de savoir si ce corps
avait une action toxique, et si son emploi thérapeutique pouvait présenter
des dangers.
J'ai commencé par faire des injections sous-cutanées sur des cochons
d'Inde et sur des lapins, et je n’ai pu obtenir aucun phénomène d’empoison-
nement. Sur un lapin, après avoir injecté neuf seringues de Pravaz, c’est à
peine s’il y a eu une tendance à la parésie des membres postérieurs. Chez
le cochon d'Inde il en a été de même. Chez des grenouilles que j'ai main-
tenues dans ce liquide, j'ai obtenu au bout de quelques minutes un ralen-
tissement considérable dans les mouvements, une diminution de la sensi-
bilité et de l’action réflexe, et finalement l’arrêt de la respiration. Le cœur
continue à battre, et cela encore une heure après que la grenouille ne donne
plus aucun signe de vie, mais l’excitabilité de la moelle, comme celle des
nerfs et des muscles, est presque complètement abolie.
Si au moment où les phénomènes d’empoisonnement se manifestent, alors
même que l’animal a perdu l’usage de ses membres, on remplace l’ozonéine
par de l’eau ordinaire, peu à peu la respiration revient, et la grenouille au
bout d’un temps plus ou moins long recouvre ses mouvements et sa sensibi-
lité, mais elle reste très longtemps à reprendre sa vivacité primitive.
Nous avons nous-même avalé quelques grammes de ce liquide, et à l’ex-
ception d’une légère sensation de plénitude de La tête, nous n’avons éprouvé
aucun effet, le pouls est resté le même, et la respiration n’a pas changé. Notre
confrère, le docteur Médard, a sur lui-même fait des expériences plus nom-
breuses, car non seulement il a avalé un grand verre à Bordeaux de ce
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 639
liquide, mais il s’est fait des injections hypodermiques. Il n’a constaté
aucun changement appréciable sous le rapport de la respiration et de la
circulation. C’est à peine si les battements artériels ont paru plus pleins.
Enfin, du côté du système nerveux, 1l n’a éprouvé qu’un très léger bourdonne-
ment dans les oreilles.
On voit donc que ce liquide n’a qu’une très faible action toxique. Sur les
mammifères il faut des doses considérables pour produire un trouble fonc-
tionnel, et sur les animaux inférieurs, s’il finit par tuer, c’est en agissant sur
le système nerveux ; la circulation n’est que fort peu influencée.
Au point de vue thérapeutique, l’ozonéine peut donc être non seulement
employée comme médicament externe, comme cela a été fait à Toulon, et
comme cela a lieu actuellement dans les services de M. Dujardin-Beaumetz
et de M. Cuffer, mais on ne doit pas craindre de l’administrer à l’intérieur et
même en injection intra-veineuse.
Je ne veux point m'étendre sur les modes d’emploi de ce produit, mais je
me contenterai de dire qu'à l'hôpital Beaujon, M. le docteur Gombault à
bien voulu nous autoriser à l’employer en injections hypodermiques sur des
cholériques. La première fois, chez un malade dont le pronostic était des
plus graves, l’interne, M. Crespin, fit coup sur coup deux injections hypo-
dermiques ; le malade est aujourd’hui hors de danger; chez un autre cholé-
rique, qui agonisait, les mêmes injections ramenaient chaque fois un peu de
vitalité, mais le malade finit par succomber. Il eût été peut-être préférable,
dans ce cas, d’injecter directement le liquide dans la veine.
Nous eroyons devoir ajouter que ce liquide est formé d’un mélange d’eau
et d'essence de térébenthine qui renferme par litre 9 milligrammes de gaz
ozone, car il transforme en acide arsénique (As,0°) 55 centigrammes d’a-
cide arsénieux (As, 0°).
ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA VITALITÉ DE LA LEVURE ET SUR LES
PHÉNOMÈNES DE LA FERMENTATION, par À. CERTES et D. Cocxin.
Les recherches que nous avons entreprises sur la «fermentation sous
pression » exigeant pour être menées à bonne fin plus de temps que nous
ne l’avions prévu tout d’abord, nous avons l’honneur de faire connaître à la
Société les résultats qui nous paraissent définitivement acquis à la suite
d'une première série d'expériences.
I. La vitalité de la levure n’est pas détruite par des pressions de 300 à
400 atmosphères, maintenues pendant plusieurs jours à l’aide de l’appareil
Cailletet.
A l’examen microscopique on ne constate aucune altération sensible dans
la forme et l’aspect des cellules de levure, et, lorsqu’on les sème ultérieure-
640 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ment, à l’air libre, dans un moût sucré, elles se multiplient et se compor-
tent comme la levure cultivée dans des conditions normales.
Ce premier résultat n’est pas absolument nouveau. M. le docteur Melsens,
de l’Académie royale de Belgique, dès 1870 (1), et, cette année même, M. le
docteur Regnard ont constaté des faits analogues.
IT. Sous des pressions de 300 à 400 atmosphères, la fermentation
alcoolique se produit toujours uu bout d’un certain temps.
IT. Dans la fermentation sous pression, le dégagement du gaz acide car-
bonique paraît s’opérer dans des conditions spéciales d'équilibre molécu-
laire. Presque toujours on n’aperçoit que quelques bulles de gaz dans les
tubes que l’on retire avec précaution de l’appareil; quelquefois même ces
bulles font absolument défaut; mais ce n’est qu’une apparence et, au pre-
mier choc, le dégagement d’acide carbonique se produit immédiatement
en abondance et si tumultueux que les tubes se vident en quelques secondes
comme un siphon d’eau de Seltz.
Nous nous réservons de faire connaître ultérieurement notre opinion sur
la nature de ce phénomène, dont nous poursuivons actuellement l’étude.
Dans toutes nos expériences nous avons procédé aussi lentement que pos-
sible à la compression et à la décompression du liquide. |
Grâce à la perfection des appareils construits par M. Ducretet, la pression
maintenue pendant cinq, sept et huit jours, n’est jamais descendue au-
dessous de 100 atmosphères et, dans les dernières expériences, la déperdi-
tion n’a pas dépassé 20 atmosphères par vingt-quatre heures. Les appareils
étaient d’ailleurs visités deux fois par jour et ramenés chaque fois à la
pression initiale (2).
(1) M. le docteur Melsens, en 1870, a adressé à l’Académie des sciences
(Comptes rendus, t. LXX, p. 629) une Note fort intéressante « sur la vitalité de
la levure de bière ». Dans cette communication il annonce notamment que « la
fermentation alcoolique est arrêtée, lorsqu'on opère en vase clos, quand l’acide
carbonique produit exerce une pression d'environ 25 atmosphères. Dans ce cas,
ajoute-t-il, la levure est tuée ». Nous ne pensons pas qu’il y ait nécessairement
contradiction, comme on pourrait le supposer à priori, entre ces expériences et
les nôtres. Nous aurons d'ailleurs occasion de revenir ultérieurement sur cette
question.
(2) Ces recherches, comme les précédentes, ont été faites dans le laboratoire de
M. Pasteur.
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 641
| SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU,
par M. I. Srraus.
Depuis les recherches de M. Ricord (1), on admet deux variétés dans les
bubons qui accompagnent le chancre mou, le bubon sympathique et le
bubon symptomatique. Le pus du bubon sympathique n’est pas inocu-
lable ; celui du bubon symptomatique est virulent ; quand on l’inocule, on
reproduit une pustule chancreuse caractéristique ; souvent, après l’incision,
les lèvres de la plaie deviennent chancreuses, ce qui lui a fait donner le
nom de bubon chancreux. Cette distinction est demeurée classique.
Aujourd'hui la virulence implique nécessairement l’idée de microbe;
aussi ai-je cherché à mettre en évidence celui du chancre mou. Pour éviter
les organismes d'impureté qui se trouvent à la surface ulcérée et à décou-
vert du chancre mou, j'ai fait porter mes investigations sur le pus du bubon
non encore ouvert.
Mes recherches ont été faites sur 42 cas de bubons consécutifs au chan-
ere mou, à tous les stades d'évolution, les uns naïssants, les autres plus
avancés en date, d’autres sur le point de s'ouvrir. Toutes les précautions
exigées par la rigueur expérimentale étaient prises; la peau était lavée
avant l’incision, le bistouri flambé. Des échantillons de pus furent prélevés,
non seulement sur les premières portions s’écoulant à l’incision, mais sur
le pus profond exprimé par une forte pression ou aspiré à l’aide d’un tube
effilé. Les particules de pus, desséchées en couches très minces sur des
lamelles, furent traitées par les procédés de coloration actuellement en
usage; dans aucun des 42 cas, il ne me fut possible de déceler dans ie pus
la présence de micro-organismes. Dans quelques cas, on procèda à l’exci-
sion, au moment de l’ouverture, d’un fragment de paroi de l’abcès ; sur
des coupes de ces fragments durcis dans l’alcool absolu, les tentatives de
coloration furent également sans résultat.
Un peu de pus fut chaque fois, au moment de l’incision, semé dans des
milieux de culture variables (bouillons de Pasteur, bouillon de gélatine
peptonisé, bouillon peptonisé rendu solide par l’agar-agar); les cultures,
placées soil à l’étuve à 32 degrés, soit à la température ordinaire du labo-
ratoires, demeurèrent stériles, sauf quelques-unes qui se troublèrent par
des organismes d’impureté.
En présence de ces tentatives infructueuses de coloration et de culture,
j'ai été conduit à rechercher si Le pus du bubon avait, en réalité, la virulence
du chancre lui-même. Je procédai donc à l’inoculation du pus, au moment
(1) Traité pratique des maladies vénériennes ou sur l’inoculation appliquée à
l'étude de ces maladies. Paris, 1838. — Leçons sur le chancre, rédigées par
A. Fournier, 2° édition. Paris, 1860.
642 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
de l’incision du bubon. L’inoculation était faite, avec toutes les précautions
nécessaires, soit sur la peau du ventre, dans le voisinage de l’ombilie, soit
au bras; le point d’inoculation était ensuite protégé par un verre de montre
fixé par du diachylum, quelquefois par une couche de coton flambé (moins
génante au bras). Or, dans les 42 cas, l’inoculation n’a jamais donné lieu à
une pustule chancreuse (1).
Souvent on inoculait en même temps sur l’autre côté de l’abdomen ou
à l’autre bras, la sécrétion du chancre, avec les mêmes précautions. Alors
que l’inoculation de la sécrétion chancreuse était toujours positive, celle
du pus du bubon était toujours restée stérile.
Dans ses expériences, faites de 1831 à 1837, M. Ricord a obtenu
271 fois un résultat positif à la suite de l’inoculation du pus du bubon;
42 fois seulement le pus du bubon, inoculé le jour de l’ouverture, se
montra virulent ; les 229 autres résultats positifs ont été obtenus par l’inocu-
lation du pus pris un ou plusieurs jours après l’ouverture du bubon; dans
ces 229 cas, l’inoculation faite Le jour de l’ouverture avait été inefficace.
Pour M. Ricord, ces résultats semblent établir que le pus du bubon
chancreux est souvent virulent ; qu'il n'est pas toujours virulent au mo-
ment de l’ouverture, mais qu'il le devient dans la suite.
Pour expliquer cette particularité surprenante, M. Ricord avait ima-
giné que la virulence réside dans le pus profond, intra-ganglionnaire, tan-
dis que le pus superficiel, périganglionnaire en est destitué.
Il pouvait déjà paraître étonnant que le 'chancre mou caractéristique
s’accompagnât tantôt d’une variété de bubon, tantôt d’une autre; mais il est
bien plus surprenant encore de voir, dans un même bubon, le pus, inof-
fensif Le premier jour, devenir virulent les jours suivants.
Pour ce qui est de la virulence au moment de l’ouverture du bubon, nous
ne l’avons pas plus rencontrée dans le pus profond que dans le pus super-
ficiel. Nous avons, dans quelques cas, puisé au moyen d’un tube de verre
effilé le liquide issu du ganglion lui-même incisé; ce liquide inoculé de-
meurait stérile.
Toutes les inoculations faites par nos devanciers au moment de l’ouver-
ture auraient donc été stériles comme celles que nous avons pratiquées
nous-même, si, au lieu'de laisser la piqûre d’inoculation exposée aux
souillures des produits du chancre, transportées soit par la main, soit par
la chemise, le linge de pansement, etc., ils l'avaient soigneusement proté-
gée par un verre de montre ou autrement. Même sans cette précaution, le
chiffre des résultats positifs aurait été diminué si seulement, au lieu d’ino-
culer à la cuisse (comme faisait Ricord), ils avaient inoculé à toute autre
région plus éloignée du chancre.
(1) Dans deux cas seulement, on constate une fausse pustule, se distinguantde la
pustule caractéristique par son évolution plus lente, l’absence de bords taillés
à pic, de fond grisâtre, la guérison rapide et spontanée, la non-réinoculabilité.
SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 643
Il n’est pas besoin d’invoquer la virulence d’un pus profond ne venant à
la surface que quelquesjours après l’ouverture de l’abcès pour expliquer les
résultats des expériences de M. Ricord. Si, dans ces expériences, la viru-
lence du pus au moment de l’ouverture est exceptionnelle, c’est que la
plaie du bubon n’a pas encore été souillée par la sécrétion du chancre. Si
le pus se montre virulent dans la suite, c’est qu’il l’est devenu par le trans-
port sur la plaie de la matière virulente du chancre lui-même. On sait
en effet avec quelle facilité chez un individu porteur de chancre, toute plaie
faite à la peau peut devenir consécutivement chancreuse.
Dans nos expériences, nous n’avons jamais vu, dans les jours qui ont
suivi l’incision du bubon, le pus devenir virulent ni les bords de la plaie
prendre l'apparence chancreuse. Pour cela, il nous suffisait de protéger,
après l’incision, la plaie contre toute contamination possible par la sécrétion
du chancre, à l’aide d’un simple pansement occlusif, consistant en une
couche de coton flambé.
L'examen anatomique, les résultats des cultures ainsi que des inocula-
tions concordent donc et la conclusion qui s'impose est celle-ci : ;
Il n’y a pas deux espèces de bubons accompagnant le chancre mou; il n’y
a que « le bubon du chancre mou ».
Le bubon du chancre mou n’est jamais originellement virulent ; il ne
devient virulent et chancreux que par inoculation secondaire, après l’ouver-
ture (1).
(1j Ces recherches ont été faites à l'hôpital de Midi, dans le service de mon
maître et ami M. le docteur Mauriac, qui m'a généreusement ouvert ses salles;
j'adresse aussi mes remerciements àl’interne de M. Mauriac, M. Le Roy, qui m'a
prêté son concours le plus dévoué.
BOURLOTON, — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 1884
Présidence de M. Mathias Duval.
La cocaïne ET ses sELs. Note complémentaire, par M. LABORDE.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de mes collègues de la Société,
ainsi que Je m'y étais engagé dans la dernière séance, outre les produits
extraits par M. Duquesnel de la feuille de coca, notamment de beaux
cristaux de Cocaïne pure et du chlorhydrate de cocaïne, un sel nouveau de
la même base, le bromhydrate. |
Je tenais d'autant plus à montrer ces produits, dont la pureté chimique
peut être absolument garantie, que, depuis que la question de la cocaïne
est à l’ordre du jour, on a paru croire de divers côtés, on a même affirmé
que l’on ne trouvait qu’en Allemagne des produits de cette nature vérita-
blement actifs. \LuTS
C’est là une erreur, une sorte de légende, qu'il est temps et qu’il im-
porte d'autant plus de faire disparaitre, que l’on sait, ici surtout, à quoi
s’en tenir sur cette prétendue pureté, en ce qui concerne des substances
de premier ordre et d’un usage très répandu en thérapeutique.
Pour ce qui est de la cocaïne et de ses sels, je suis heureux de vous ap-
porter le témoignage que les produits français que je vous montre non:
seulement ne le cèdent en rien aux produits allemands, mais, je ne crains
pas de l’affirmer, qu'ils offrent de plus des garanties supérieures.
J'ajouterai, en passant, que le bromhydrate de cocaïne, dont j'ai com-
mencé à faire l’essai comparativement avec le chlorhydrate, offre, à un haut
degré, peut-être même à un degré supérieur, les propriétés physiologiques
sénérales de sels actifs de cocaïne, notamment la propriété analgésiante.
Enlin, et c’est le dernier renseignement complémentaire de ma première
Note, on peut constater sur l’animal (cobaye) que je montre ici, la remar-
quable persistance de l’analgésie périphérique dont j'ai déjà parlé, car
il y a plus de vingt-quatre heures qu’il a reçu, en injection sous-cu-
tanée, 2 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne, et vous le voyez
encore complètement sans réaction perçue ou consciente sous l'influence de
fortes excitations périphériques.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 40, 50
646 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
DE L'INFLUENCE D'UN RÉGIME FORTEMENT AZOTÉ CHEZ LES HERBIVORES SUR
L'AUGMENTATION DU VOLUME DU FOIE, par le docteur MaAurELz, médecin de
1° classe de la marine (1).
L'observation clinique ayant semblé me démontrer qu'une alimentation
richement azotée jouait un rôle important dans le développement des affec-
tions du foie, je me suis décidé à soumettre cette question à l'expérimenta-
tion et ce sont les résultats que j’ai obtenus que je viens vous exposer.
Ces expériences ont simplement consisté à soumettre des animaux à un
régime fortement azoté, tandis que d’autres étaient nourris avec de l'herbe.
Pour exagérer les conditions de l’expérience, ce sont des lapins, c’est-à-dire
des herbivores, que j’ai choisis.
La première expérience, qui a élé poursuivie pendant dix mois, ne com-
prenait que deux animaux. La seconde a porté sur quatre ânimaux, mais
a été interrompue au bout de six mois. Après quelques tàtonnements c’est
avec du fromage que j’ai nourri les animaux. À la condition de leur donner
à boire, ils s’y habituent assez facilement.
ERA 1 POIDS TOTAL jreie RAPPORT
se Ù ‘POS D’ORI RC
NUMÉROS D'ORDRE RER ns TE DR O TSE
DES EXPÉ- Sa Dace DU
baie se < AU POIDS TOTAL
RIENCES RD can L'EXPÉ- | L'EXPÉ- | FOIE A LA FIN.
RIENCE RIENCE D ; L'EXPÉRIENCE
—————— | ——— |
gr. gr. gr.
1re expé-(N° 1. Régime végétal...... 680 | 1210 31. | 32,7
rience.{N° 2. Régime du fromage. | o80 1780 86 | 20,69
|
& 3-D pu ss ( 629 | 1160 33 | 9,15}
à. ape FRE ime vég ie pie Te 880 sn | 4272 28,93
|
mine: ne >) 467 | 1365 | 48 |28,44),
gi romage.. 44
Ne 6. Régime du fromage | 565 | 1270 55 | 204 29,44
| ;
Ces expériences, comme on peut le voir par le tableau suivant, semblent
avoir pleinement justifié mes prévisions.
Dans la première expérience, en effet, au moment où j'ai sacrifié is
animaux, le lapin qui avait continué sa nourriture ordinaire pesait
1210 grammes et le foie 37 grammes seulement, c'est-à-dire que le poids
de cet organe était environ la trente-troisième partie du poids total. Pour
le lapin nourri avec du fromage au contraire, le poids total était de
1780 grammes etle poids du foie de 86 grammes, ce qui donne comme
(1) Communication à l’Académie de médecine, séance du 22 novembre 1884.
SÉANCE DU 29 NOVEMPRE. 047
proportion 20,69; c’est une différence de plus d’un tiers. Maïs de plus le
foie avait perdu sa consistance normale; il était dur, résistant, granité et
ne s’affaissait nullement quand on le déposait sur une table.
Quoique le résultat de cette expérience füt des plus nets, comme elle
n'avait porté que sur deux animaux, j'ai voulu la recommencer, et cette fois
je la fis porter sur quatre lapins, dont deux restèrent au régime ordinaire
et dont les deux autres furent mis au régime du fromage. Cette expérience
n’a duré que six mois; mais, quoique moins accentués, les résultats ne me
paraissent pas moins probants. |
Le rapport du poids du foie à celui de l'animal a été de 39 grammes en-
viron pour le lapin soumis au régime végétal et de 30 grammes environ
pour ceux qui ont suivi le régime azoté. Or, je le répète, cette expérience
n’a duré que six mois.
Quoique ces expériences soient peu nombreuses, la différence a été si
marquée, que Je pense que l’influence du régime azoté sur l’exagération du
volume du foie est au moins très probable.
Outre ce fait, dont la démonstration était le but principal de mes recher-
ches, ces expériences en ont mis un autre en relief, et d’une manière tout
aussi évidente : c'est le développement plus considérable de lanimal sous
l'influence du régime azolé.
Dans la première expérience, les animaux étaient de la même portée, et
J'ai eu soin de choisir celui qui pesait le moins pour le soumettre au régime
azoté. Or, malgré une infériorité de poids assez marquée au début
de l’expérience, ce lapin a pris dans la suite un développement tel qu'il
dépassait l’autre de près d’un tiers : 1210 grammes pour le premier et
1780 grammes pour le second.
Dans la seconde série d'expériences, trois animaux seulement étaient de
la même portée, le n° 4 n’en faisait pas partie. lei également parmi ces
trois, j'ai choisi pour le régime végétal ceiui qui était le plus avancé:
629 grammes au lieu de 467 et 565 grammes. Or à la fin de l'expérience
de beaucoup c'était lui qui pesait le moins : 1100 grammes contre 1865
et 1370 grammes.
Enfin pour cette seconde expérience, je me suis livré à quelques recher-
ches hématimétriques, et, quoique l’on ne puisse pas leur accorder une
grande importance, parce qu’elles sont peu nombreuses, je pense cepen-
dant qu'elles présentent assez d'intérêt pour mériter d’être consignées
ICI.
Le sang pris à la base de l'oreille a donné pour le lapin n° 4 nourri avec
de l'herbe :
2084000 globules rouges, et pour les deux autres : 6572000 et
6 107 000.
Iline parait donc résulter de ces expériences :
l° Que sous l'influence d'un régime fortement azoté le foie des animaux
herbivores augmenterait considérablement de volume ;
048 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
2° Que sous cette même influence, le développement total de l'animal est
également augmenté : L
9° Que le sang est peu riche en globules rouges ;
4° Enfin, sans qu'on puisse conclure d'une manière complète de ces
expériences à ce qui se passe chez l'homme, méme en tenant compte de
ce qu'elles ont d'exagéré, je pense cependant qu'elles rendent probable que
l'influence d'un régime trop azoté, au moins dans les pays chauds, doit
tendre à augmenter le volume du foie.
NOTE SUR LES FIBRES ARCIFORMES SUPERFICIELLES DU BULBE RACHIDIEN,
par M. Cu. FéRé.
Les descriptions des fibres arciformes superficielles du bulbe rachidien
sont des plus variées et leurs connexions sont encore en litige. Certains au-
teurs les décrivent comme se dirigeant transversalement sur la face anté-
rieure du bulbe en passant au-devant du sillon médian, où elles formeraient
une sorte d’avant-pont. Plus souvent on les fait sortir du sillon médian pour
se diriger vers la partie inférieure des olives, qu’elles recouvrent quelque-
fois et enfin se porter en arrière, en dehors des corps restiformes, vers les
cordons cuneatus et gracilis. Depuis les travaux de Deiters, de Clarke, de
Meynert, on admet généralement que cesfibres arciformes superficielles ont
un trajet analogue et les mêmes connexions surles fibres arciformes profon-.
des, c’est-à-dire que, parties des faisceaux gracilis et cunéiforme d’un côté,
elles se portent, en affectant des rapports plus ou moins étroits avec l’olive
correspondante, vers la ligne médiane, dans le sillon antérieur qu’elles tra-
versent; et que de là, après avoir traversé l’autre olive, elles se confondent
après un entre-croisement complet avec les fibres du corps restiforme du
côté opposé. Souvent les fibres arciformes superficielles ont dans la région
antérieure une direction parallèle à celle de la pyramide antérieure et ne
paraissent avoir aucun rapport avec le sillon médian.
La pièce dont il s’agit nous paraît propre à aider à l’élucidation de cette
question. On voit, en effet, sur la partie postérieure du bulbe, l'extrémité
supérieure du faisceau grêle dévier ses fibres les plus superficielles pour
constituer un faisceau récurrent, qui, né au-dessus du renflement de la pyra-
mide postérieure, se dirige en bas et en avant pour contourner l’olive, puis
remonter de nouveau sur la face antérieure du bulbe. Dans son trajet ascen-
dant, ce faisceau se place sur le bord externe de la pyramide et conserve
cette position jusqu'à la limite de la protubérance en restant distinct dans
toute son étendue.
Cette pièce semble donc indiquer que l’entre-croisement des fibres ar-
ciformes n’est pas tout à fait celui que l’on décrit, et qu’elles n’ont pas de
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 649
connexions nécessaires ni avec le sillon médian ni avec l’olive du côté
opposé. Nous espérons que l'étude histologique de la pièce nous permettra
de découvrir l’entre-croisement dans la protubérance, et pourra guider dans
la recherche des dégénérations ascendantes du faisceau de Goll.
OBSERVATIONS SUR UN HELMINTHE DU Fou DE BassAN, par M. L. FOuRMENT.
En disséquant un Fou de Bassan (Sula bassana), M. le professeur Alph.
Milne-Edwards trouva quelques Nématodes épars à la surface de l’intes-
tin, dont l’incision mit à découvert un amas de ces Vers qui, réunis au même
point, avaient perforé les membranes intestinales et s’y trouvaient fortement
engagés.
M. le professeur Alph. Milne-Edward$ voulut bien me remettre ces Hel-
minthes, et c’est à sa bienveillante obligeance que je dois d’avoir pu les
étudier
Ces Vers présentent la forme ordinaire des Nématodes. Le corps est
blanchätre, assez long, effilé à ses deux extrémités; la partie céphalique,
légèrement tronquée, porte une bouche garnie de trois lèvres nettement
définies et l’une d’elles est armée d’un aiguillon pointu; un faible renfle-
ment se montre de chaque côté de la tête; l’œsophage rectiligne et strié
parallèlement vient aboutir dans un estomac cylindrique et légèrement
dilaté ; un peu au-dessus du point de jonction de celui-ci avec l’œsophage
s’insère un cæcum qui s'étend contre l'intestin, sur une longueur équiva-
lant environ au sixième de celle de ce canal; l’intestin, sensiblement cylin-
drique, parcourt à peu près en ligne droite tout le corps et vient se terminer
un peu en avant de la partie caudale par un anus étroit et invaginé, autour
duquel se voient plusieurs glandes bien délimitées ainsi que deux masses
triangulaires qui l'entourent étroitementet paraïssent jouer le rôle de sphine-.
ters; enfin la partie caudale, faiblement obtuse, se termine par une petite
pointe conique.
Je n’ai trouvé aucune trace d'organes de reproduction. Il est donc assez
difficile de déterminer rigoureusement ce Nématode ; néanmoins la division
trilabiale de la bouche, le cæcum œsophago-stomacal et la disposition de
l’anus permettent de le rapprocher du genre Ascaris. L'existence des glan-
des anales bien caractérisées présente un intérêt particulier; on sait que
ces mêmes organes se trouvent auprès du rectum de l’Ascaris megaloce-
phala et que Macalister (1) a signalé chez quelques Nématodes des glandes
anales qu'il a considérées comme représentant les tubes malpighiens des
insectes ; mais d’une façon générale ces glandes sont assez rares pour qu’on
leur accorde une attention spéciale.
(1) Macalister, Annals and Mag. of nat. History, 1865.
650 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
L'aiguillon acéré qui arme une des divisions labiales explique parfaite-
ment la perforation de l’intestin et la pénétration de cet Helminthe larvaire
dans la cavité péritonéale où il a été trouvé à l’état libre.
Ce Nématode offre les plus grands points de ressemblance avec l’Agamo-
nema commune, dont jai donné dans un travail antérieur (1) une descrip-
tion détaillée ; cependant je ne pense pas qu'il puisse prendre place dans ce
genre Agamonema, créé par Diesing (2), pour v classer les Helminthes
agames eæclusivement endoparasites des poissons.
Ces Nématodes avaient été jusqu'alors désignés sous les noms de Gor-
dius marinus (3), de Filarid piscium (4), de Filocapsularia commu-
mis (5), etc., etc.
La présence d’un Agamonema chez un oiseau serait la négation même
du principe quiavait guidé Diesing dans la création du genre.
D'un autre côté, de nombreux observateurs : Gmelin (6), Schrank (7),
Rudolphi (8), Bellingham (9), Dujardin (10), Mollin (11) ont décrit sous les
noms d’Ascaris marina, d'Ascaris harengum, d’'Ascaris halecis, d'Asca-
ris constricta, d'Ascaris capsularia, ete., etc., des Helminthes agames et
endoparasites des poissons.
En rapprochant les synonymies de ces Ascaris et Agamonema, il est
facile de reconnaître qu'ils ont été constamment confondus. De plus, en
comparant les diagnoses que les helminthologistes distingués que je viens
de citer ont données de ces Nématodes, j’ai pu me convaincre qu’elles n’of-
frent que des différences légères et sans importance; enfin par de très nom-
breuses observations faites sur ces divers Nématodes recueillis vivants dans
les poissons qui les hébergent, j'ai constaté que les détails anatomiques les
plus essentiels (parties céphalique et caudale, tube digestif avec son cæ-
cum, glandes anales, papilles, ete.) sont absolument identiques.
(1) L. Fourment, Observations sur l’'Agamonemu commune (Société de bio-
logie, séance du 23 décembre 1882).
(2) Diesing, Systema Helminthum, I, 116. :
(3) Linné, Syst. nat. ad., XII, 1075, 4 partim. — Muller, Prodrom. verm.,
N. 2578. — Fabricius, Faun. Groenland, 266. d
(4) Rudolphi, Entoz. hist., I, 74-75. -— Ej. Synops., 10, 218. — Siebold,
in Wiegmann’s Archiv, 1838, 1, 305, 312. — Créplin, 5bid., 373. — Dujardin,
Hist. nat. des Helminthes, 60. — Créplin, in Ersch et Grub Encyclop., 1846,
Sect. I, XLIV, 166-167.
(3) Deslongschamps, in Encyclop. meth. (Zoophyt.), IT, 399.
(6) Gmelin, Syst. nat., 3035-3037.
(7) Schrank, Verz., 9.
(8) Rudolphi, Entoz. hist., 11, 143, 179. — Ej. Synops., 39, 50, 270, in
Wiegmanns Archiv, Il, 27.
(9) Bellingham, in Annals of hist. nat., XIII, 169.
(10) Dujardin, Hist. nat. des Helminthes, 187, 203.
(11) Mollin, Sitzungsb. d. k. Akad, XXXNIII, 23:
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 651
On est ainsi conduit à penser que les nombreux Nématodes agames et
endoparasites des poissons doivent être vraisemblablement rapportés au
seul genre Ascaris ; on ne saurait admettre les innombrables types hàlive-
ment créés à la suite d'observations incomplètes et portant sur des individus
larvaires. Des recherches ultérieures fourniront sans doute des éléments
suffisants pour élucider complètement le cyele évolutif deces Nématodes.
A cet égard, il est intéressant de signaler leur présence chez un oiseau
essentiellement piseivore.
NOUVELLE MÉTHODE CALORIMÉTRIQUE APPLICABLE A L'HOMME,
par M. A. D'ARSONVAL.
+
A plusieurs reprises, depuis 1875, j'ai entretenu la Société de différents
appareils que j'ai combinés en vue de mesurer et d'enregistrer la quantité
de chaleur dégagée par un être vivant. Je rappellerai simplement que
toutes les dispositions que j'ai décrites jusqu’à ce jour obéissent aux trois
conditions fondamentales ci-dessous :
1° Le calorimètre conserve toujours la même température;
2° IL est plongé dans un milieu qui a la même température que lui;
3° Le calorimètre règle automatiquement sa température en agissant
sur une source frigorifique compensatrice qui donne la mesure de la
chaleur dégagée.
Cette méthode donne des résultats irréprochables au point de vue de
l'exactitude tant physique que physiologique ; mais, comme il est nécessaire
de maintenir l’invariabilité de la température du calorimètre, il faut dis-
poser d’une source de froid compensatrice.
Pour de petits appareils, la chose estrelativement facile : mais, lorsqu'on
doit faire de la calorimétrie sur de grands animaux ou sur l” Route. il faut
autant que possible simplifier l’appareil instrumental. C’est pour atteindre
ce but que vers la fin de l’année passée (1883), j'ai essayé une autre mé-
thode, d’une installation simple et d’une exactitude néanmoins très suffisante
pour ce genre de recherches. C’est une variante de la méthode calorimé-
trique par rayonnement, à laquelle j'ai apporté plusieurs perfectionnements
qui en rendent l’usage très pratique (1).
Pour les animaux de petite taille (lapin, cobaye, chien), le calorimètre
proprement dit est le même que celui que j’ai décrit déjà pour la méthode
compensatrice ; c’est un grand thermomètre creux, dans lequet est renfermé
(1) J'ai décrit cette méthode déjà, mais pour d’autres usages, dans le journal
La lumière électrique du 18 octobre 1884, qui a bien voulu me prêter ses
clichés pour la présente Note.
652 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l'animal ; dans la première méthode le corps dilatable du thermomètre est
un liquide, dans la méthode actuelle ce corps est un gaz (de l'air).
L'appareil destiné à la calorimétrie humaine ou aux grands animaux ne
diffère du précédent que par ses dimensions et sa situation qui est verti-
cale au lieu d’être horizontale.
Le calorimètre proprement dit se compose de deux cylindres métalliques
concentriques limitant deux cavités : la première (1), annulaire, herméti-
quement close et communiquant seulement par le tube (3) avec un mano-
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mètre à eau (4), dont on verra tout à l'heure l’usage. Cette cavité est pleine
d'air. La seconde cavité (2) constitue l’intérieur du calorimètre, dans
lequel est placée la source de chaleur (un homme dans la figure 1). Le
calorimètre est suspendu au plafond par une double poulie (6) et équilibré
par un poids (7), sa base repose sur un socle (8) muni (‘une rainure cir-
culaire pleine de glycérine ou d'huile faisant fermelui:e parfaitement
étanche. :
Pour pénétrer dans l'instrument, on le soulève au-dessus du sol et on
le laisse retomber dans la rainure une fois en place. Cette manœuvre ne
présente aucune difficullé, grâce à la suspension de l'instrument. Au-
dessous du socle débouche un tuyau (9) de 6 à 8 centimètres de diamètre,
qui passe à travers la cloison de la pièce où se trouve l’instrument.
La ventilation a lieu simplement par l'appel de la cheminée (9), dans
laquelle brüle un bec de gaz à débit constant. L'air extérieur arrive en
10 par le haut du calorimètre, et, comme la ventilation se fait de haut
en bas, la température est bien uniforme dans l'intérieur de l'appareil.
; | N
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 658
Supposons maintenant l'instrument relié à un manomètre simple par le
tube 3; si une source de chaleur est placée en 2, elle échauffe l'air
de 1 et la température monte jusqu'à ce que La perte par rayonnement
soit égale à la production. La loi de Newton nous apprend d’autre part
que la perte de chaleur est proportionnelle à l'excès de la température du
corps rayonnant sur celle du milieu ambiant. |
Cette augmentation de température se traduit à l'extérieur par le mou-
vement de la colonne du manomètre qui en donne la mesure. Si on veut
l'enregistrer directement, on peut munir la branche libre du manomètre
d’un petit flotteur, ou mieux supprimer le manomètre et le remplacer par
un tambour à levier de Marey. Dans ce cas l’appareil est d’une sensibilité
excessive, qui est fonction du volume d'air enfermé dans le thermomètre,
tandis qu’elle en est indépendante avec le manomètre (dilatation sous pres-
sion variable).
Ce calorimètre n’est autre chose, comme on le voit, qu'un grand fhermo-
mètre à air creux, dans la cavité duquel la source de chaleur se trouve
enfermée. On reconnait aisément dans ce dispositif le principe de mes
régulateurs directs décrits autrefois, et on comprend, sans que j’insiste,
les avantages de ce dispositif, qu'on retrouve dans tous mes instruments
(calorimètres ou régulateurs de température), depuis que j'en ai montré
l'importance en 1875.
D'après la loi de Newton, la quantité de chaleur rayonnée (et par consé-
quent produite) en un temps donné est proportionnelle à l’excès de tempéra-
ture du calorimètre sur le milieu ambiant pour des différences inférieures
à 90 degrés.
Si l’on fait une expérience de courte durée, on peut employer soit le ma-
nomètre à air libre, soit le tambour à levier, pour enregistrer l’échauffe-
ment de la cavité 1; dans le cas contraire, les variations barométriques
et thermométriques du milieu ambiant fausseraient tous les résultats ou
nécessiteraient des corrections pénibles enlevant à la méthode sa plusgrande
qualité : la simplicité. Pour éliminer à la fois ces deux corrections, je relie
la seconde branche du manomètre à un grand réservoir (5), qui se trouve
placé dans la même pièce que le calorimètre, et qui subit par conséquent
les mêmes variations externes.
Avec cetle disposition le manomètre indique constamment la différence
de température du calorimétre et du milieu ambiant, c'est-à-dire précisé-
ment la quantité à mesurer.
L'ensemble de l’appareil constitue un thermomètre différentiel à air,
analogue, aux dimensions et aux usages près, à l'appareil classique de
Leslie.
[ faut à présent graduer l'instrument expérimentalement pour en faire
un appareil de mesure. Cette graduation est des plus simples. Je place
dans l’appareil une source constante de chaleur, dont l'intensité est connue
à l’avance et j'observe lPindication correspondante du manomètre. Je
654 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
prends comme source de chaleur soit un bec de gaz hydrogène dont la
chaleur de combustion est exactement connue, soit une spirale de platine
chauffé par un courant, soit un simple jet de vapeur à 100 degrés.
Je n'insiste pas sur les détails de cette opération, n'ayant besoin ici que
d’en faire connaître le principe.
Celte graduation une fois terminée, la simple lecture du manomètre fail
connaître à chaque instant la chaleur produite par l’être en expérience.
Pour inscrire les indications de l'appareil ainsi modifié sous forme de
courbe continue, j'ai employé plusieurs dispositifs; je ne décrirai que le
suivant, dont j'ai emprunté l’idée au loch enregistreur de Marey (fig. 2).
FIG. 2.
Les deux branches du manomèêtre (4 et 5) sont terminées chacune par
une capsule métallique que clôt une membrane élastique (1 et 2). Ces deux
membranes sont reliées entre elles par une traverse rigide (3), qui fait mou-
voir un levier (6), dont la pointe vient tracer une courbe en 7 sur le cylin-
dre enregistreur. Comme les membranes 1 et 2 ont la même surface,
aucun mouvement ne se produit si on exerce des pressions égales en 4 et 5.
L'appareil n’est donc influencé que par les différences de pression à me-
surer. Pour augmenter la sensibilité, on peut ne pas mettre de liquide dans
le manomètre, mais il est préférable d’allonger le levier inscripteur.
J'ai établi sur ce principe d’autres appareils pouvant rendre de grands
services dans la thermo-chimie organique, je les décrirai ultérieurement à
la Société.
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 635
D’UNE NOUVELLE MÉTHODE CALORIMÉTRIQUE. Note de M. CHARLES RICHET.
Ayant eu l’occasion, dans le courant de cette année (Bulletin de la So-
-:ciété de biologie, 29 mars 188%), d'établir que la piqüre de la partie super-
ficielle du cerveau détermine presque immédiatement une hyperthermie
remarquable, je me suis demandé s’il s'agissait là d’un effet vaso- moteur
ou d’une excitation nerveuse ayant produit un excès de chaleur.
Les méthodes calorimétriques pouvant seules résoudre la question, j'ai
dû faire des essais dans ce sèns ; et c'est le dispositif instrumental que je
viens soumettre aujourd’hui à la Société de biologie, me réservant, dans
une séance prochaine, de donner les résultats principaux oblenus.
On sait que notre ingénieux confrère, M. d’Arsonval, a imaginé un calo-
rimètre dont il a étudié, avec beaucoup de soin, les conditions (1).
L'appareil que nous avons employé, s’il ne donne pas en calories un
chiffre précis, a l’avantage de mesurer facilement, et avec une extrême
sensibilité, la radiation extérieure, le rayonnement de tel ou tel animal,
dans des conditions tout à fait physiologiques. C’est donc plutôt un thermo-
mètre périphérique total qu'un calorimètre (2).
Avec cet appareil on peut mesurer à l’aide de quelques expériences très
simples la quantité de chaleur qui rayonne d’un animal,et, au bout d’un
temps très court, soit une demi-heure à peu près, on a déjà une mesure
très suffisamment exacte.
La figure ci-jointe explique micux que toute cuescripion l'appareil em-
ployé.
Soit un animal enfermé dans une enceinte à double paroi, la chaleur
rayonnante émise par lui va échauffer la double paroi qui l’entoure. Alors
l'air qui yest contenu va s’échauffer, et par conséquent se dilater, de sorte
que, pour mesurer la chaleur rayonnante émise, il suffira de mesurer la
dilatation de l’air contenu dans la double enceinte.
Si l’on adapte un manomètre à l'enceinte qui entoure l'animal, par suite
de la dilatation, la pression croîtra, et cet accroissement de pression fera
monter le liquide du tube manométrique. On pourrait donc simplement
mesurer la hauteur de la colonne liquide manométrique; mais, comme les
volumes sont en raison inverse des pressions, la pression croît tellement
vite, que l'élévation de la colonne liquide devient bientôt très faible et que
quelques millimètres répondent à une élévation de température très
notable.
(1) Travaux du Laboratoire de M. Marey, t. V, et La Lumière électrique,
1884, n° 36, 37, 38 et 39, p. 261 et suivantes.
(2) Nous en avons établi le principe au mois de juillet 4884, au cours de phy-
siologie de la Faculté de médecine.
656 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Pour tourner la difficulté, nous avons mis en usage l’artifice suivant :
Si l'air, en se dilatant, est amené à la surface d’un grand vase herméti-
quement clos, rempli de liquide, avec un siphon amorcé, la moindre aug-
mentation de pression fera écouler l’eau du siphon; et la quantité d’eau qui
tombera sera précisément égale en volume à la dilatation de l'air.
Pour avoir une pression tout à fait nulle, le liquide du vase clos est en .
communication avec un tube en verre recourbé, à air libre, disposé en
forme de siphon, et monté sur une crémaillère graduée en millimètres. On
établit le niveau exact, de telle sorte que l’eau ne coule pas, mais que la
moindre augmentation de pression la fasse couler.
Si l’on recueille dans une éprouvette graduée l’eau qui s'écoule, on me-
sure ainsi exactement la dilatation de l'air, dilatation qui est égale à la
quantité d’eau qui est tombée. |
La sensibilité de l’appareil est extrême, puisque une allumette, en brülant
au centre de la boule, dégage assez de chaleur, c’est-à-dire dilate suffisam-
ment l'air de l’enceinte, pour qu'il s'écoule 5 à 6 centimètres cubes.
Un lapin, en une demi-heure, fait tomber de 100 à 200 centimètres cubes.
On conçoit l'avantage qu’il y a à employer une mesure aussi commode que
celle d’un volume d’eau, et avec des quantités aussi considérables.
Mais, si le siphon reste au même point, comme, par suite de la chute d’une
certaine quantité d’eau, le niveau n’est pas lout à fait le même, l'appareil
travaille avec une certaine pression. Il faut donc, de toute nécessité, pour
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE.
>
(D
— 1
que la pression soit toujours égale à zéro, ramener le siphon au même point:
ce qui est très facile quand on connaît à quelle quantité d’eau répond une
différence de pression d’un millimètre. Cette quantité dépend évidemment
des dimensions du vase; dans mes appareils, la chute de 30 centimètres
cubes d’eau répondait à une diminution de niveau d’un millimètre; par
conséquent, pour régler l’appareñ, il suffit pour un écoulement d’eau de
30 centimètres cubes d’abaisser le siphon ai un millimètre, ce qui se fait ie
moyen de la vis à crémaillère.
Il faut tenir compte aussi des changements de la température extérieure
qui agit sur l’air de l'enceinte ; un thermomètre gradué en 1/25 de degré,
est suspendu à côté du calorimètre, et permet de faire les corrections né-
cessaires. [l faut aussi, naturellement, corriger la pression, quoique cette
correction, pour les espaces de temps d’une demi-heure et une heure, soit
bien moins importante que celle de La température.
Quant à l'appareil récepteur, ou calorimètre proprement dit, je me suis
servi tantôt de la couveuse de M. d’Arsonval, tantôt, et avec plus d'avantages,
d’un appareil plus petit, construit sur mes indications par M. Wiesnegg,
d’un serpentin tubulaire en cuivre, disposé en forme d’un double hémi-
sphère, au milieu duquel on place l'animal.
Les résultats obtenus par cette méthode si simple confirment les idées
théoriques classiques en la plupart des points.
J'aurai l’occasion prochainement d’en donner les résultats.
SUR UN PHÉNOMÈNE OBSERVÉ CHEZ DES ANIMAUX SOUMIS A L'ACTION DE COU-
RANTS ÉLECTRIQUES INTENSES, par MM. BROUARDEL, GARIEL et GRANGE.
Nous exécutons en ce moment une série de recherches sur les con-
ditions dans lesquelles la mort peut être le résultat de l’action de courants
électriques intenses : nous aurons l'honneur de présenter ultérieurement
les conclusions auxquelles nous aurons été conduits. Nous désirons vous
faire connaître seulement aujourd'hui un fait que nous avons observé el
qui, à ce que nous croyons, n’a pas encore élé signalé.
Nos expériences portent actuellement sur des chiens que nous soumet-
tons à l’action de courants, tantôt continus et lantôt alternatifs, correspon-
dant à des différences de potentiel qui peuvent atteindre 300 volts environ,
qui, suivant les conditions, peuvent amener ou non la mort.
Lorsqu'un chien a été soumis à l’action d’un courant électrique qui n’est
pas mortel, pendant un temps qui peut ne pas excéder 15 secondes, l'animal
étant placé dans une goutlière ordinaire en bois, qui doit être assez bon
6o8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
isolant, si l’on vient à toucher l'animal après la cessation du passage du
courant, on éprouve une sensation très nette, qui montre que l’animal est
Électhisé d’une manière notable, la sensation pouvant arriver à être dange-
reuse. Cette sensation ne semble pas générale, elle apparaît particulière-
ment, comme cela doit être, sur les parties présentant des pointes, les parties
où il existe des poils dressés, les ongles, le museau. Dans certains cas l'effet
était identique à celui qu’aurait produit une bobine d’induction; de plus,
cet effet n’a pas paru toujours appréciable immédiatement après la cessation
du courant, mais seulement quelques secondes après. Nous ajouterons que
l'effet a paru le même, soit que le courant employé fût continu, soit qu'il
fût alternatif. Enfin, et si le fait se trouvait général, il présenterait une
grande importance; ce phénomène ne peut être perçu, bien que nous
l’'ayons recherché lorsque l’animal avait succombé à l’action du courant;
rien ne put être observé, soit que l’animal eût succombé après une longue
expérience dans laquelle il avait été épuisé par l’action du courant, soit que
la mort eût suivi immédiatement le premier passage du courant. Le phéno-
mène a été incontestable dans les expériences et nous allons recher-
cher s’il se produit dans des conditions différentes et pour d’autres animaux.
Il est à peine nécessaire d'indiquer l'intérêt que présenterait ce phénomène
sila différence que nous venons de signaler entre les animaux morts et vi-
vants était générale : ce pourrait être un moyen de reconnaître la mort
réelle.
SUR UNE PSEUDO-TUBERCULOSE CUTANÉE DU CHIEN, PROVOQUÉE PAR LE
DEMODEX FOLLICULORUM (Owen). Note par M. LAULANIÉ, présentée par
M. Marxias DuvaL.
‘On sait que le Demodex folliculorum (Owen), qui reste inoffensif chez
l’homme, détermine chez certaines espèces domestiques, et en particulier
chez le chien, une gale extrêmement opiniètre pouvant même amener la
consomption et la mort. |
L’anatomie pathologique de cette affeclion contient des faits précieux qui
intéressent au plus haut degré la pathologie générale. A côté des lésions
banales qui avaient déjà frappé les observateurs en raison de leur caractère
bruyant, j'ai trouvé, en effet, une forme de tuberculose locale qui se rat-
tache très évidemment à l'influence irritante des Demodex et sur laquelle
je vais donner quelques détails.
Les fragments de peau malade ont été dureis dans l’alcool absolu, et les
préparations ont été faites en deux séries et dans deux directions par des
coupes transversales et tangentielles.
Dans presque toute l'étendue des parties que j'ai observées, la galé est
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 699
déjà assez avancée pour avoir amené la chute des poils. Ce phénomène a
entrainé à sa suite l’atrophie et même la disparition complète de toute la
partie des follicules située au-dessous de l'insertion des glandes sébacées.
Au-dessus de ce point le follicule a persisté et la gaine externe de la racine
circonscrit un canal régulier, occupé autrefois par le poil et devenu au-
jourd’hui le canal exeréteur commun de toutes les glandes sébacées an-
nexées à chaque follicule. Je dois ajouter que, par une compensation tout à
fait inattendue, toules les portions de l'appareil pileux, qui persistent après
là chute du poil, ont subi une hypertrophie manifeste. Ce détail se voit
bien sur les coupes tangentielles où la cavité circonserite par la gaine
-externe de la racine est devenue trois ou quatre fois plus considérable qu'à
l'état normal avant la chute des poils. D'autre part, les glandes sébacées se
sont multipliées et ont augmenté de volume.
Les parasites sont distribués dans la peau d’une façon qui ne rent pas
entièrement aux descriptions données par les auteurs. Ils occupent, il est
vrai, l’intérieur du follicule, associés aux débris de la gaine interne, ou
bien, là où les poils sont tombés, ils remplissent les canaux excréteurs des
glandes sébacées ; mais je ne les ai jamais surpris à l’intérieur des culs -de-
sac glandulaires, dont l’épithélium est parfaitement intact. Par contre, les
Demodex se répandent bientôt en dehors de leur habitat primitif et vont
déterminer dans le derme les produits de nouvelle formation qui font l’ob-
Jet principal de cette note.
On trouve en effet sous l'étage occupé par les glandes sébacées une zone
limitée en bas par les glomérules des glandes sudoripares et qui contient
des ilots jaunâtres, bosselés, et formés par un tissu de granulation. Ces
masses granuleuses sont allongées et occupent la place des anciens folli-
cules dont elles ont la direction. Cette ordonnance particulière du tissu de
-nouvelle formation etsa subordination évidente à l’orientation même des
follicules, fait naître immédiatenent l’idée que chacun des îlots tubercu -
leux s’est produit sous l'influence des Demodex issus du follicule corres-
pondant et donne ainsi la mesure de la sphère d'action de ces parasites.
Quand on examine à de forts grossissements le tissu de nouvelle forma-
tion, il se laisse résoudre en petits groupes cellulaires qui ont la composi-
tion générale des follieules de Koster de la tuberculose. On y découvre en
effet : 1° une cellule géante centrale revêtant parfois la forme d’un dia-
phragme dont le contour interne embrasse un fragment de Demodex;
2° une couronne compacte de cellules épithélioïdes colorées en jaune
orangé par le picro-carminate d’ammoniaque, et affectant, en certains cas,
une disposition radiée très nette ; 3° une ceinture périphérique embryon-
naire qui d’ailleurs n’est pas constante.
La présence fréquente d’un Demodex au centre de ces formations dé-
nonce suffisamment leur origine et montre qu’elles sont le produit spécial
de l'inflammation provoquée par les parasites.
Ce fait est en tous points comparable à celui que j'ai observé autrefois
660 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dans le poumon d’un chien (1) qui, sous l'influence des œufs du Strongy-
lus vasorum (Baillet), est envahi par une granulie histologiquement sem -
blable à celle que je décris aujourd’hui. On voit donc une fois de plus que
sous l’action irritante de parasites vulgaires il peut se former dans les tis-
sus vivants des produits inflammatoires, qui par la nature de leurs élé-
ments et leur arrangement spécial sont identiques aux tubercules élémen-
taires vrais.
Il y a là, semble-t-il, un ordre de documents qui doivent particulière-
ment intéresser ceux d’entre les médecins qui doutent encore du rôle
pathogénique du bacille de Koch et qui voient dans le tubercule un produit
anatomiquement spécifique, développé sous l'influence d’une diathèse in-.
saisissable. Les fausses tuberculoses parasitaires que j'ai fait connaître me
paraissent plaider indirectement contre l’ancienne doctrine et déposer en
faveur de la nouvelle.
Ce qui donne ici aux produits inflammatoires des apparences inaccoulu-
mées et leur imprime cette note particulière caractérisée par la formation
de cellules épithélioïdes et de cellules géantes, c’est assurément l'énergie
propre de la cause'irritante qui développe son influence avec une certaine
discrétion. On conçoit donc que, si l’action irritante dépasse cette mesure
où elle amène la formation des pseudo-follicules, elle pourra se traduire
par des phénomènes inflammatoires bruyants et vulgaires. J’en ai la preuve
ici même dans les effets du Demodeæ folliculorum (Owen), qui, par une
lente progression, aboutissent à la formation de ces abcès et de ces pustu-
les qui avaient seuls frappé les pathologistes vétérinaires dans la gale ul
chien.
Soit que l’action irritante des parasites trouve dans sa continuité même
une cause d’exacerbation, soit que les Demodex abandonnant la forme lar-
vaire pour passer à l’état adulte deviennent plus actifs, les produits mor-
bides ne tardent pas à subir le contre-coup de cet accroissement d'énergie
et leur physionomie se transforme, la suppuration intervient; mais il ne
faut pas oublier qu’elle constitue seulement le phénomène ultime d’un
processus inflammatoire dont les termes divers s ‘aperçoivent très aisément
dans mes préparations.
Il est en effet très rare que les pseudo-follicules que j'ai décrits plus
haut se présentent avec une pureté de composition tout à fait parfaite. Cela
arrive en certains points là où l’énergie propre des parasites s’est contenue
dans les limites qui répondent à cette forme anatomique. Mais le plus sou-
vent on voit intervenir au centre des pseudo-follicules des globules puru-
lents qui impriment un remaniement plus ou moins étendu à la formation.
La cellule géante centrale perd alors ses connexions avec la ceinture épi-
(1) Sur une tuberculose parasitaire du chien et sur la pathogénie du follicule
tuberculeux. Note par M. Laulanié, présentée à l’Académie des sciences, par
M. Bouley, 2 janvier 1882.
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE, 661
thélioïde, elle se disloque et se fragmente à des degrés divers. Les glo-
bules purulents, en se multipliant, amènent la transformation complète du
pseudo-follicule en un abcès miliaire. Quand ces phénomènes se produisent
au centre d’un ilot tuberculeux, la lésion prend alors une physionomie inté-
ressante : elle affecte la forme d’un abcès plus ou moins étendu, dont les
parois sont formées par du tissu de granulations. Mais ces parois elles-
mêmes sont progressivement entamées par la suppuration et il ne reste
plus rien de ces formations préliminaires qui répondaient à la première mo-
dalité de la cause irritante.
Ainsi l’action phlogogène des Demodex folliculorum (Owen) donne lieu
à deux formations inflammatoires qui se substituent l’une à l’autre et se dé-
roulent dans deux périodes distinctes. Dans la première, les produits
pathologiques reproduisent les caractères histologiques des tubercules élé-
menlaires vrais; dans la seconde, les leucocytes font irruption dans les
pseudo-tubercules et la suppuration s’installe pour progresser ensuite et
donner lieu à des abcès plus ou moins étendus. Ce phénomène n’est pas
isolé. On peut le rapprocher de ce que les Allemands nous ont fait connaître
sur l’actinomycose, dont les lésions affectent la forme nodulaire et la forme
purulente. Il y a probablement entre ces deux formes le même rapport de
succession que celui que j'ai rencontré pour les produits inflammatoires de
la gale de Demodex.
NOTE SUR LA PHYSIOLOGIE DES PYROPHORES, par M. R. Dupors.
En poursuivant l'étude de la production de la lumière par les êtres
vivants, j'ai été frappé du nombre comparativement très restreint d’obser-
vations et d'expériences physiologiques connues concernant les pyrophores.
On sait que, contrairement à l’opinion émise par Brown et combattue par
Lacordaire, toutes les parties de l’insecte ne sont pas phosphorescentes,
mais que la production de la lumière est localisée dans des organes spé-
ciaux..Ce dernier observateur à également remarqué que l'organe lumi-
neux séparé du corps de l’animal continue à briller pendant un certain
temps pour s’éteindre ensuite peu à peu; il ajoute que l’on peut ramener
la phosphorescence, après qu’elle a disparu, au moyen de l’eau bouil-
lante.
Enfin M. Marey a bien voulu nous faire savoir qu'il avait pu faire re-
paraître la lumière, au moyen de l'excitation électrique, dans des organes
éteints et séparés de l'animal. Ce fait doit être rapproché d’une ancienne
observation de de Humboldt, rapportée par Phipson, d’après laquelle on
aurait pu faire reparaître la lumière, dans les organes spéciaux d’un pyro-
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° Série, T. IT, N° 04. b1
662 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
phore mort, par application sur les ganglions antérieurs d’une pièce de
zinc et d’une pièce d'argent.
On s’est principalement occupé des mœurs, des caractères morphologi-
ques et de la structure de l’organe lumineux des pyrophores.
Cependant ces insectes sont beaucoup plus maniables que les autres
animaux lumineux et leur organisation se prête admirablement à l’étude des
relations des diverses fonctions avec la production de la lumière : inver-
sement, l'observation attentive du mécanisme de ce phénomène peut aider
à éclaircir certains points importants de la physiologie des insectes, enve-
loppée encore aujourd’hui d’une obscurité profonde.
L'existence d’un seul individu (une femelle), que nous avons pu con-
server pendant près de trois semaines au laboratoire du Havre, nous a
permis de faire un certain nombre d'observations suivies : les expériences
auxquelles l’insecte a pu se prêter sont assez nombreuses, bien que
nous ayons été limité par la nécessité de nous placer toujours dans des
conditions compatibles avec la vie.
Nos observations peuvent se diviser en deux groupes :
1° Modifications subies par la fonction lumineuse sous l’influence des
agents physiques ; |
2° Modifications produites par les agents chimiques.
]
Action de l’excitation mécanique. — Un choc, une chute de l’animal sur
un corps dur, le frottement déterminé au moyen d’un pinceau ou d’une
plume excitent la production de la lumière. Les poils dont les téguments
de l’animal sont recouverts, même à la surface des plaques lumineuses, pa-
raissent jouer le rôle d'appareils tactiles : ils sont susceptibles sous ‘cer-
taines incidences de prendre une belle teinte bleuâtre, mais ce sont là des
phénomènes dus à la décomposition de la lumière extérieure et qu'il ne
faut pas confondre, comme semblent l’avoir fait les anciens observateurs, .
2 2
avec la lumière propre de l’animal.
Quand on l’excite fortement, l’insecte paraît impuissant à arrêter la pro-
duction de la lumière, et, s’il est fixé pendant que l’excitation mécanique
est exercée, il se met à frapper à la manière des autres taupins, et la lu-
mière brille avec d'autant plus d'intensité, dans les plaques du prothorax,
que le mouvement devient plus rapide et plus violent : l’animal s’excite
lui-même; il en est de même, paraît-il, pour la plaque ventrale, quand le
vol est rapide. Ce point mériterait d’être vérifié, mais d’une manière géné-
rale on peut affirmer que l’activité musculaire qui suit une excitation
accroît l'intensité lumineuse. C’est ce qui a fait supposer à Morren que l’in-
tensité lumineuse était en rapport direct avec l’activité respiratoire et
qu’elle augmentait ou diminuait selon le jeu des stigmates placés sous la
volonté de l’insecte.
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. | 663
Tous les points du corps sont excitables, mais le phénomène lumineux
apparaît plus vite quand on excite les bords latéraux de l’abdomen ainsi
que les points situés au niveau des articulations : les plaques lumineuses
elles-mêmes sont directement excitables mécaniquement.
Excitation électrique. — L'’excitation électrique par les courants réduits
est également plus efficace dans les points ci-dessus désignés et, en géné-
ral, là où les téguments ont la moindre épaisseur. Avec une pile de
moyenne force au bichromate de potasse et le n° 10 du chariot de Du Bois-
Raymond on peut provoquer l’apparition de la lumière par une excitation
portée sur un point quelconque du corps. Le temps qui s’écoule entre
l'excitation de la partie terminale de l’abdomen et la production de la
lumière dans les plaques du prothorax est d'environ une ou deux secondes.
Nous n’avons trouvé aucun point dont l’excitation, même avec un courant
puissant, ait été susceptible de faire disparaître la lumière.
L’excitation directe des plaques ne modifie en aucune façon l'intensité
maxima obtenue par un autre moyen. En excitant un côté seulement de
l’animal, la lumière parait simultanément aussi brillante dans les deux
plaques prothoraciques.
L'animal peut spontanément produire de la lumière, elle se montre or-
dinairement quand il se met en mouvement dans l’obscurité, mais au
repos absolu les plaques ne brillent pas ou parfois très faiblement.
Dans certaines conditions indiquées plus loin, lalumière peut se produire
alors que de fortes excitations ne donnent lieu à aucune manifestation ap-
préciable : elle peut'aussi disparaître quand l'animal semble jouir de toutes
ses autres facultés, mais dans les conditions normales l’extinction de la
lumière serait aussi difficile à obtenir que le serait le sommeil pendant
une violente excitation.
Action de la lumière. — Le séjour prolongé ne modifie pas la faculté
éclairante.
Si l’on empêche la lumière de pénétrer dans un œil en obturant celui-ci
avec une boulette de cire, l’intensité n’en est pas moins vive et pas moins
persistante : elle augmente si l’on obture à la fois les deux yeux; mais
l'animal s’arrête et ne cherche plus à fuir.
Si l’on applique sur une des plaques lumineuses du prothorax,
animal étant dans l’obscurité, une boulette de cire, la démarche, qui
est ordinairement rectiligne, devient incertaine, puis l’animal s'arrête
et l’autre plaque s'éteint; on peut dans ces conditions ranimer la lu-
mière par lexcitation des élytres, mais elle ne tarde pas à faiblir et à dis-
paraître.
La lumière se produit spontanément vers le soir, qui est la période
d'activité de l’animal ; alors même que l’animal est depuis plusieurs jours
dans l'obscurité complète et continue, la même périodicité existe.
L
664 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Action de la chaleur. — En élevant progressivement la température
d’une étuve humide dans laquelle linsecte à été placé à 36 degrés, on voit
la faculté photogène disparaître vers 46 à 47 degrés, alors que les mouve-
ments spontanés et la sensibilité persistent.
Action du froid. — Au bout de huit minutes dans un milieu dont la
température n’est que de H 1 degré centigrade, toute trace de sensibilité et
de mouvements disparait alors que la propriété photogénique subsiste
encore.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
48
…. jo
665
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TOXICITÉ DES URINES NORMALES,
par Ch. Boucxarp.
En août 1882, j'ai communiqué à la Société de biologie le résultat des
recherches que j'avais entreprises sur certaines substances toxiques qui, au
cours des maladies infectieuses, me semblaient être preduites par les agents
infectieux. J’ai montré que les urines de la fièvre typhoïde, de la pneumonie,
de la pleurésie infectieuse, de lictère infectieux, renfermaient des alca-
loïdes en plus grande quantité que les urines normales.
En octobre de la même année, dans une note insérée dans la Revue de
médecine, j'ai montré que, même les alcaloïdes normaux des urines dont
la découverte est due à M. G. Pouchet, sont en grande partie, sinon en
totalité, élaborés par des organismes végétaux, que leur source est dans
l'intestin et qu'ils sont le produit des putréfactions intestinales qui s’opèrent
même dans l’état de santé. J’ai montré que certains alcaloïdes extraits des
urines peuvent exercer une action physiologique, dilatation de la pupille,
accélération des battements du cœur. Jai montré d’autre part que les ma-
tières intestinales, même normales, sontéminemment toxiques et que, pour
déterminer la mort du lapin, il suffit de l’extrait de 17 grammes de matière,
débarrassé des sels minéraux, de l’ammoniaque et des acides biliaires. J'en
avais conclu que, si les substances toxiques formées dans l'intestin ne pro-
duisent pas l’intoxication, c’est parce que le rein élimine ces produits au fur
et à mesure de leur pénétration dans le sang.
Comme corollaire de cette manière de voir, il fallait admettre la toxicité *
des urines. C’est l’idée traditionnelle, contemporaine de celle qui fait du
rein un émonctoire. C’est sur cette toxicité hypothétique des urines que
reposent les principales théories de l’urémie. Cette conception s’est engagée
dans la voie de la démonstration expérimentale avec Frerichs et CI. Bernard.
Après l’urée et l’ammoniaque, on a accusé les autres matières organiques,
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 41. 92
Us
666 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
les malières colorantes, même les matières minérales et en particulier la
potasse, de donner aux urines leur toxicité. Mais cette toxicité de l’urine
normale qu’on prétendait expliquer, on ne l'avait pas démontrée expérimen-
talement ; en effet, je n’avais obtenu les effets comparables à ceux de l’atro-
pine signalés plus haut, qu'avec des alcaloïdes extraits des urines patholo-
giques.
Cette démonstration a été donnée dans une note du Centralblatt,
23 décembre 1882, par le docteur Bocci. [l résulte de ses expériences que
l'urine humaine normale injectée sous la peau des grenouilles peut produire
la paralysie et même la mort. Chez le rat, le cochon d'Inde et le lapin, cette
action toxique de l’urine serait beaucoup plus faible et très passagère.
Le 9 avril 1883, le docteur Schiffer a communiqué à la Société de médecine
interne de Berlin, des recherches analogues. [1 tue une grenouille en injec-
tant sous la peau l'extrait de 16 à 25 grammes d'urine. [] lui faut l’extrait
d’un litre et demi d'urine pour luer un lapin. Il n’a pas réussi à isoler la
substance toxique.
Les recherches de M. Dupard entreprises sous la direction du professeur
Lépine et celles plus complètes de MM. Lépine et Guérin, en 1883 et 1884,
sont intéressantes surtout au point de vue de la toxicité des urines patholo-
giques et des différences que présentent les matières toxiques suivant les
maladies.
Dans tous ces travaux, la matière qui a servi aux expériences a été surtout
‘un extrait, soit alcoolique, soit éthéré de l'urine, on n’a fait qu’ex-
ceptionnellement usage de l’urine en nature. Les injections sous-cutanées
d'urine autre que les urines fermentées des cystites avaient laissé croire que
l'urine normale n’est pas toxique ; c’est au moins ce qu’on pourrait conclure
des expériences de Muron.
Pour la détermination de ce que j'appelle l'équivalent thérapeutique des
médicaments, je me suis servi, comme voie d'introduction, de l’injection
intraveineuse. Cette méthode qui, au point de vue opératoire, est presque
aussi facile et expéditive que l’injection sous-cutanée, paraît au premier
abord être moins avantageuse pour l’étude analytique des divers phénomènes
toxiques ; elle est, en tout cas, infiniment supérieure pour la détermination
‘exacte de la quantité de substance médicamenteuse ou toxique nécessaire
pour provoquer, dans l’unité de poids d'animal, un effet physiologique
déterminé. L’injection intraveineuse, en dehors de quelques circonstances
exceptionnelles, doit être actuellement interdite chez l’homme ; elle peut
être, en raison de sa précision et de sa rigueur, préférée à toute autre
méthode pour l’expérimentation chez les animaux.
J'ai employé l'injection intraveineuse pour l’étude de la toxicité de l’urine
en nature, ce qui, à ma connaissance, n'avait pas encore été lenté. Je com-
munique aujourd'hui les principales conclusions de mes essais sur les urines
normales. Ces conclusions ne portent que sur les expériences faites avec
l'urine exactement neutralisée par le bicarbonate de soude ; mais j'ai acquis
SÉANCE DU G DÉCEMBRE. 667
la conviction que lacidité normale de lurine n’augmente pas d’une façon
très notable l’action nuisible de ce liquide introduit directement dans le
sang. Toutes mes expériences ont été faites sur le lapin.
Les effets de l'injection intraveineuse d’urine normale sont les suivants :
la pupille se contracte au point de devenir punctiforme ; la respiration d’abord
accélérée devient faible ; l’animal se meut difficilement ; sa tête tombe ; il
devient somnolent ; la sécrétion urinaire est augmentée, ainsi que l’excrétion ;
la température baisse rapidement ; les réflexes palpébraux et cornéens dis-
paraissent ; la respiration s’arrête ; l’animal meurt sans convulsions, le cœur
continuant à battre, les muscles striés et les muscles lisses continuant à se
contracter ou à être capables d’entrer en contraction.
Quand on ne continue pas l'injection jusqu’à production de la mort, l'animal,
quoique profondément assoupi, couché sur le flanc, en résolution complète,
avec une respiration très faible, survit toujours ; cependant la température
continue à baisser ; les urines continuent à être sécrétées en abondance. Au
bout de quelques minutes, animal sort de sa torpeur, la respiration reprend
son amplitude, peu à peu les mouvements volontaires et les réflexes repa-
raissent, la pupille revient à ses dimensions normales, la température cesse
de baisser. Au bout d’une demi-heure, l’animal est bien portant et reste
définitivement bien portant ; ses urines sont rarement et, en tout cas, très
faiblement albumineuses.
Ces effets sont produits par des quantités d’urine qui sont très variables
suivant les individus qui les fournissent et suivant l’état de ces individus.
La mort est produite en moyenne par l’injection de 40 à 60 centimètres .
cubes par kilogramme de lapin, la pupille commençant à se contracter du
dixième au quinzième centimètre cube. Certains hommes, à l’état de santé
parfaite, fournissent des urines, qui à la dose de 84 centimètres cubes, de
97 centimètres cubes produisent seulement le myosis, la polyurie, l’hypo-
thermie ; et ces mêmes hommes pris d’un malaise insignifiant, d’un rhume,
d’une courbature, donnent des urines qui tuent à la dose de 12 centimètres
cubes par kilogramme d'animal.
Il est à remarquer que, lorsque l’urine tue à faible dose, elle ne produit
qu'une contraction pupillaire légère ou nulle, ce qui permet déjà de supposer
que les effets physiologiques produits par l’urine dépendent de matières
multiples, une matière toxique pouvant se trouver en excès sans que la
substance qui produit le myosis se trouve augmentée.
On pourrait supposer que la mort ou les divers troubles physiologiques
sont le résultat d’une action mécanique sur le système vasculaire ou d’une
action physique ou chimique sur le sang, produites par la masse du liquide
injecté. Il n’en est rien, car si pour une même urine les accidents sont pro-
portionnels à la masse injectée, pour des urines différentes ils dépendent
surtout de la qualité de ces urines. D’autre part, on sait que les injections
intraveineuses sont infiniment mieux tolérées qu'on ne le croyait autrefois.
J'ai établi, par des expériences dont les résultats ont été communiqués au
668 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Congrès médical de Copenhague (août 1884), qu’on peut, sans provoquer le
moindre trouble, injecter chez le lapin 90 centimètres cubes d’eau par kilo-
oramme, ce qui équivaut à 117 grammes d’eau pour 100 grammes de sang,
et que, pour provoquer la mort, il faut au moins 122 centimètres cubes d’eau
par kilogramme, ce qui équivaut à 157 grammes d’eau pour 100 grammes
de sang. Les expériences récentes faites chez l’homme confirment cette
manière de voir.
Si l’urine injectée dans le sang ne produit pas les accidents ou la mort
par la masse d’eau qu’elle contient, on pourrait incriminer l’urée. Il résulte
de mes expériences que les solutions aqueuses d’urée n’arrivent à produire
la mort, par injection intraveineuse, que lorsqu'on à injecté 68,46 d’urée
par kilogramme d'animal, soit 84 grammes d’urée par kilogramme de sang.
Or j'ai produit la mort par injection intraveineuse d'urine dans des cas où
l'urine injectée n’avait introduit avec elle que 24 centigrammes durée par
kilogramme d'animal; et, en aucun cas, il ne m'est arrivé d'introduire
même le cinquième de la quantité d’urée nécessaire pour produire la
mort. £
Pas plus que l’urée, l'acide urique ne saurait être accusé. Jai injecté
dans les veines du lapin, par kilogramme d’animal, 30 centigrammes d'acide
urique pur, dissous dans l’eau, à l’aide de la soude, et j'ai au préalable
neutralisé la solution par un courant d'acide carbonique. Les accidents et
la mort ne surviennent qu’au delà de cette dose et sont imputables au car-
bonate de soude, ainsi que j’ai pu m'en assurer par une expérience de con-
trôle dans laquelle j'ai injecté la quantité de bicarbonate de soude pur qui
avait été employée, dans la première expérience, pour dissoudre l'acide
urique. Or, si 30 centigrammes d'acide urique sont inoffensifs, je ferai
remarquer que j'ai produit la mort avec des quantités d’urine qui n’intro-
duisaient dans le sang que 6 milligrammes et qui n’ont jamais apporté avec
elles même la dixième partie de la quantité que je sais n’être pas toxique.
Je n’ai pas recherché personnellement si la toxicité des urines peut être
attribuée à la créatinine ; mais les expériences de Ranke et celles beaucoup
plus récentes de Schiffer rendaient cette recherche superflue. Ce n’est pas
par la créatinine que l’urine est toxique.
Je me suis demandé si l’on devait accuser les matières minérales des
urines, et j'ai reconnu que les matières minérales obtenues par carbonisation
de quantités d’urine doubles de celles qui avaient produit la mort, ne déter-
minaient aucun accident chez les animaux auxquels on les injectait. Cepen-
dant ces matières sont toxiques, les sels de potasse surtout, mais à des doses
beaucoup plus élevées, et la mort se produit avec de violentes convulsions
toniques, tandis que la mort par l’urine arrive sans convulsion. L’ammoniaque
détermine aussi de violents spasmes toniques, mais à la dose élevée de
96 centigrammes par kilogramme. Quand on l’injecte à dose suffisante pour
produire la mort, mais insuffisante pour provoquer les convulsions, à 18 cen-
tigrammes par kilogramme, la mort arrive tardivement, au bout de plusieurs
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 669
ee
heures, et avec une hypothermie considérable.Lesaccidents non immédiate-
ment mortels des injections d'urine normale se dissipent rapidement et ne
sont pas tardivement mortels.
Les matières minérales des urines sont donc toxiques; mais ce n'est pas
à leur toxicité qu’est due la mort par injection intraveineuse d’urine.
Ce n’est pas aux matières volatiles que les urines doivent leur toxicité.
Après une longue ébullition, l’urine, ramenée à son poids primitif par
addition d’eau distillée, est toxique à la même dose que la même urine non
bouillie.
Je devais me demander si, comme l’a pensé Thudichum, les urines sont
toxiques par le fait des matières colorantes.
La raison qui me déterminait à tenter cette nouvelle épreuve, c'est que
les urines des urémiques sont généralement fort peu colorées. J’ai injecté
comparativement deux échantillons d’une même urine, dont l’un avait été
décoloré par le noir animal. Cette expérience m'a toujours donné des
résultats saisissants : l’urine décolorée ne produit qu’un malaise insignifiant,
sans hypothermie et sans contraction de la pupille, quand on l’injecte à dose
double de la quantité d’urine non décolorée qui tue avec hypothermie con-
sidérable un autre animal du même poids. Je ne prétend pas que ces accidents
sont dus aux matières colorantes ; mais je suis en droit de dire qu'une
partie des matières toxiques, celle en particulier qui contracte la pupille,
ont cetté propriété de se fixer sur le charbon, à la façon des matières
colorantes.
J'ai évaporé à siccité des urines dont j'avais éprouvé la toxicité ; j’ai traité
le résidu sec par des lavages répétés à l’alcool absolu ; les liquides alcooli-
ques filtrés ont été évaporés à siccité et le résidu repris par l’eau distillée
représentait les matières solubles dans l’alcool. La partie de l'urine évaporée
que l’alcool n'avait pu dissoudre a été redissoute dans l’eau distillée ; cette
seconde solution représentait les matières insolubles dans Palcool. J’ai expé-
rimenté comparativement ces deux solutions. Elles sont toxiques toutes deux,
mais chacune d’elles est moins toxique que la quantité correspondante d'urine
totale.
Les matières insolubles dans l’alcool sont un peu moins toxiques que les
matières solubles dans l’alcool. Ces dernières provoquent le coma sans con-
vulsion ; les matières insolubles tuent à la suite de convulsions toniques
violentes.
Indépendamment des dissemblances que présentent les accidents termi-
naux, j'ai à signaler d’autres différences dans les effets physiologiques des
deux substances.
L’extrait soluble dans l'alcool, avant de produire le coma, provoque une
sécrétion salivaire abondante, semblable à la salivation intense persistant
pendant plus de trois quarts d'heure que j’ai vue survenir constamment à
la suite des injections intraveineuses d’extraits alcooliques de sang, de
muscles, et surtout de foie, particularité qui me fait dire que, si le bouillon
670 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
est peptogène, il est aussi et surtout sialogène. Ces matières des urines qui
sont solubles dans l'alcool m'ont paru aussi activer la sécrétion urinaire.
Elles n’ont produit la contraction de la pupille que d’une façon exceptionnelle
et à un faible degré.
L’extrait insoluble dans l'alcool, avant de provoquer les convulsions,
produit, comme l'urine totale et avec une égale énergie, la contraction
pupillaire.
Ces dernières expériences démontrent encore clairement que les matières
toxiques des urines sont multiples et que ces diverses matières ont des effets
physiologiques différents. De ce qu’on peut, avec l'urine, contracter la
pupille et provoquer la salivation, on pourrait croire que l’urine contient une
matière, alcaloïde ou autre, comparable à la muscarine ; mais il se trouve
que la salivation est produite par une matière totalement soluble dans
l'alcool, tandis que le myosis est provoqué par une autre matière presque
insoluble dans l'alcool. En raison de cette circonstance, il est très peu pro-
bable que cette dernière matière soit un alcaloïde.
Je ne me dissimule pas que cette analyse bien longue et pourtant bien
incomplète de la toxicité de l’urine normale n’apporte pas une solution; mais
Je pense qu’elle est un acheminement vers la solution. Elle apporte quelques
clartés à la physiologie pathologique de l’urémne ; elle prouve qu’il est chi-
mérique de chercher le poison urémique. Cette chimère était déjà condamnée
par la clinique. Quand les matériaux qui doivent constituer l’urine sont
retenus dans le sang, si l’intoxication était produite par une seule substance,
on ne comprendrait pas que l’urémie füt tantôt comateuse, tantôt convulsive.
On comprend, au contraire, que si l’obstacle à Félimination porte principa-
lement sur les matières solubles dans l’alcool, l’intoxication ait la forme
comateuse ; que si les substances insolubles dans l'alcool ont plus de peine
à s éliminer, l’empoisonnement se présente avec la forme convulsive ; que
si la rétention est générale, le coma s'accompagne d’accidents convulsifs.
Je n’affirme pas que les matières minérales soient un facteur négligeable
dans la pathogénie des accidents urémiques ; je ne contredis pas complète-
ment les vues de MM. Feltz et Ritter, touchant le rôle des sels de potasse ;
mais, si ces sels ont un rôle dans l’urémie, c’est seulement dans l’urémie
convulsive ; encore ce rôle est-il accessoire. L’extrait insoluble dans l'alcool
contient les matières minérales, moins une partie de la potasse. Cet extrait
produit la mort par convulsion. Or, si l’on prend la totalité des matières
minérales d’une quantité d’urine double de celle qui a fourni cet extrait, on
ne produit ni les convulsions, ni la mort. Il y a donc dans cet extrait, à côté
des matières minérales convulsivantes, quelque chose qui est plus convul-
sivant et plus toxique qu’elles, et ce quelque chose est de nature organique.
Au nombre de ces matières organiques, insolubles dans l’alcool et convulsi-
vantes, se trouve la matière qui contracte la pupille. Or la contraction
pupillaire est notée parmi les signes de l’urémie.
- L’hypothermie aussi est un phénomène contingent de l’urémie ; or l’hypo-
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 671
thermie est produite par une substance qui, comme celle qui provoque le
myosis, a la propriété de se fixer sur le charbon. Cette substance n’est donc
pas l’ammoniaque, bien que l’ammoniaque aussi produise l’hypothermie.
À quantité égale et à température égale, l’eau, les solutions durée, les
solutions d'extrait alcoolique d'urine peuvent abaisser la température comme
l’urine totale, mais à un moindre degré. Seule l’urine diminue la calorifi-
cation ; les autres liquides, tout en abaissant la température de l’animal,
augmentent sa calorification.
La quantité de calories perdue par un animal auquel on injecte de l’eau
froide est moindre que la quantité de calories exigée par l’eau froide, pour
se mettre en équilibre de température avec l’animal. L’injection d’eau froide,
à la façon du bain froid, provoque donc, dela part de l’animal, la production,
dans un temps donné, d’un plus grand nombre de calories qu'à l’état
normal.
La quantité de calories perdue par un animal auquel on injecte de l’urine
dans les veines est plus grande que la quantité de calories exigée par cette
urine pour se mettre en équilibre de température avec l’animal. L’injection
d'urine fait donc que l’animal produit, dans un temps donné, moins de
calories qu’à l’état normal. L’urine doit cette propriété hypothermisante à
l’une des matières capables de se fixer sur le charbon. Suivant les cas, cette
matière peut être retenue dans le sang, chez les urémiques, ou ne l’être
pas.
Ainsi l’analyse physiologique démontre dans les urines normales cinq ou
six ordres de matières toxiques que l’analyse chimique devra déterminer.
ÉTUDE SPECTROSCOPIQUE DU SANG A LA SURFACE SOUS-UNGUÉALE DU POUCE,
par M. A. HénocquE, directeur-adjoint du laboratoire de médecine des
Hautes-Etudes, au Collège de France.
Je présente à la Société les résultats de recherches que j’ai entreprises
dans le but d'appliquer à la pratique clinique journalière, la propriété que
présentent les téguments de permettre l’observation spectroscopique du
sing, chez l’être vivant.
Les essais tentés dans cette voie par divers auteurs et notamment par
Stofmann, Stroganoff, Fumouze, Mac-Munn et les recherches très multi-
_pliées de Vierordt, n’ont pas jusqu'à présent trouvé de nombreux imita-
teurs. J’ai contrôlé ces recherches et tout en en appréciant les difficultés,
j'en ai reconnu les causes d’erreur, et j'espère avoir accompli un si réel
progrès dans cette voie, que je me crois autorisé, dès maintenant, à expo-
ser les résultats de mes études.
672 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Lorsqu'on examine à la lumière du jour la surface de l’ongle du pouce,
avec un spectroscope à vision directe, on aperçoit la première bande d’ab-
sorption du sang, masquant le jaune, et s'étendant à droite de la raie D;
quelquefois on reconnaît aussi un peu plus loin vers la raie E, dans le jaune
vert, la seconde bande, mais plus étroite et moins foncée. En style spectro-
graphique, la première bande s’étend ordinairement entre 570 et 590 mal-
lionimètres en longueurs d'onde, la seconde entre 545 et555 millionimètres ;
ces chiffres sont des moyennes qui peuvent varier suivant les individus. Si
l’on applique autour de la première phalange du pouce une forte ligature
avec un tube de caoutchouc, et que l’on observe l’ongle avec le spectroscope,
on voit, au bout de quelques secondes, la deuxième bande pâlir et dispa-
raître, puis après un temps de 25 à 35 secondes, on voit apparaître le jaune,
la première bande pàlit peu à peu et finil par disparaître, de sorte qu’on
voit le spectre complet, quoique présentant assez longtemps une légère
teinte sombre entre D et E. Ces phénomènes se succèdent en un temps
variable, entre 50 et 80 secondes. J’appelle virage le moment d’appari-
tion du jaune, et durée de la réduction tout le temps qui sépare l’appli-
cation de la ligature de la disparition complète de la bande principale (&),
la seule dont on ait à se préoccuper.
Aussitôt qu’on enlève la ligature, on voit réapparaître cette bande et elle
offre même une plus grande intensité qu'avant la ligature.
Ces phénomènes s'expliquent facilement; en effet la ligature concentre
dans le pouce une certaine quantité de sang artérialisé et de sang vei-
neux, l’on perçoit pendant quelque temps les bandes de l’hémoglobine oxy-
génée, puis la réduction par les échanges interstitiels se fait, l'oxygène est
consommé, et l’hémoglobine réduite ne présentant pas de bande d’absorption
assez intense pour être perçue à travers l’ongle, le spectre réapparaît inin-
terrompu.
J’ai cherché à déterminer si la réduction était complète, lorsque la bande
caractéristique à disparu, et j'ai constaté, en examinant le sang du pouce
après laréduction en 50 secondes environ, que lesang était veineux, très foncé,
mais qu'en maintenant la ligature pendant deux minutes la coloration du sang
était encore plus foncée. Je pense donc, quant à présent, que dans mes
observations je constate la durée de la réduction de l’oxy-hémoglobine dans
le riche réseau vasculaire sous-unguéal. C’est cette phase de la réduction
que je crois pouvoir délimiter et apprécier dans sa durée avec la précision
uécessaire pour les recherches de physiologie et pour l'examen clinique.
Dans le but d'éviter les causes d’erreur et de rendre les résultats com-
arables, il faut procéder méthodiquement dans l’examen spectroscopique
du pouce; j'emploie un spectroscope à vision directe permettant de mesurer.
la largeur des bandes (je me suis également servi du micro-spectroscope
de poche de Brownirg qui convient à cet usage, j'ai utilisé aussi le micro-
spectroscope de Zeiss, enfin je fais construire un instrument qui pré-
sentera sous une forme simple les conditions nécessaires). A l’aide d’une
2 don tit RE
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 673
montre à seconde, je note l'instant précis de la ligature, et, pour faire celle-
ci instantanément, je me suis arrêté, après divers essais, à l'emploi d’un
tube de caoutchouc rouge que j’enroule plusieurs fois autour de la première
phalange du pouce, j’examine alors avec le spectroscope, et je constate le
moment de l’apparition du jaune et enfin la durée de la réduction. De plus,
afin d'ajouter à cette recherche une plus grande précision, je note avant la
ligature la largeur de la bande principale, la présence de la seconde bande
s’il y a lieu, de plus, l'intensité relative de la bande, et diverses particula-
rités de coloration, de pigmentation de la peau; enfin il est utile de noter
la longueur de la phalange du pouce à partir de la ligature.
Je reviendrai dans des communications ultérieures sur les particularités
techniques, et je me borne aujourd’hui à indiquer les résultats généraux
que m'ont présentés des recherches poursuivies depuis le commencement
de cette année, et qui comprennent plus de trois cents observations pra-
tiquées sur cent individus de différents âges, dans divers états de santé, et
parmi eux Je compte un nègre.
Le premier tableau que je présente montre la durée de la réduction sui-
vant les âges et les sexes; on voit que d’une manière générale la durée varie
entre 45 et 85 secondes, dans les 130 notations se rapportant à 63 individus;
il y en a 80 entre 55 et 15 secondes, 12 au-dessus de 80 secondes, 9 au-
dessous de 40 secondes, enfin dans la zone moyenne étendue entre 55 et
65 secondes il y a près de 40 notations, on peut donc considérer comme
moyenne ordinaire des observations une durée de réduction de 55 à 65 se-
condes. Je reviendrai plus tard sur les variations extrêmes dont la plupart
“sont en rapport avec des états pathologiques.
Le second tableau montre les variations individuelles d’un homme de
44 ans, prises à diverses époques, de février à décembre; on voit que les oscilla-
tions moyennes varient entre 40 et65 secondes, et que sous l’influence d’un sé-
jour à la campagne en août, la moyenne remonte de façon à se rapprocher de
65 en septembre, la courbefléchit en octobre et remonte en novembre sous
l'influence d’un régime tonique et de la médication ferrée; enfin elle reste au-
dessus de 50 secondes et dépasse 65 secondes, et les premiers jours de
décembre, une partie de cette courbe montre une élévation à 90 secondes,
sous l'influence d’un accès fébrile et un abaissement à 35 secondes, sous
l'influence d’un purgatif. Les variations diurnes chez un même individu
semblent correspondre à l'influence de l’état de diète, des efforts physiques et
intellectuels ; dans exemple présenté lon note les chiffres suivants : à 7 #30,
à jeun, 57 secondes ; à 8h 1/2, après un premier déjeuner, 55 secondes; puis
à 10h45, 64 secondes; enfin à midi après le second déjeuner la durée est de
65 secondes ; elle descend à 60 vers 3 heures pour remonter à 68 secondes
à 3h1/2 après une collation: il y aeu dans ce cas une élévation progressive
de 7 à 4 heures, sauf un abaissement à 9 heures et un abaissement vers
3 heures. De nombreuses causes amènent des variations chez le même in-
d ividu, de sorte qu’il importe dans les observations de multiplier les nota-
674 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tions, et d'indiquer l'heure, afin d'établir chez l'individu uñe sorte de carac-
téristique, car les variations de la durée des réductions sont plus étendues
que celle de la température et du pouls.
L'influence des états pathologiques sur la durée de la réduction est
considérable ; elle produit les notations les plus extrêmes, par exemple la
durée peut s’abaisser au-dessous de 30, et même être nulle, c’est-à-dire
qu'on ne perçoit pas la bande caractéristique après la ligature ou même
avant. Le zéro seconde a été observé chez des cancéreux, dans la convales-
cence de la dysenterie de Cochinchine ; dans les états cachectiques, elle
annonce la terminaison prochaine, mais dans le cas de dysenterie la guéri-
son à eu lieu.
L’anémie par perte de sang rapide ou par pertes répétées présente les
chiffres bas de 30 à 40 ; dans un exemple de métrorrhagie abondante, par
fausse couche, je trouve le deuxième jour 30 secondes, puis le troisième
jour 35 secondes, et enfin six semaines plus tard la durée est de 80 secondes;
les pertes avaient cessé le quatrième Jour.
D'autre part, chez un homme robuste, âgé de quarante-six ans, des épis-
taxis répétées ont amené un nisissement É à 30 secondes.
Je pourrais multiplier les exemples, qui prouvent l'influence de la diète ou.
de certaines médications. Je me borne à montrer les courbes comparatives
de la température du pouls et de La durée de réduction observées chez un jeune
homme de dix-huit ans, atteint de congestion pulmonaire avec erachats
rouillés, hémoptoïques, souffle et räles crépitants. On voit, en même temps
que le pouls et la température s’abaissent, la durée de réduction descendre
de 80 secondes (début de la fièvre, température 39°,6, pouls 104) à 50 se-
condes, osciller entre 50 et 55 secondes, avec le pouls à 60, 56, 64, et la
température de 36 degrés; enfin sous l’influence de la RTS de la médica-
tion par le sulfate de quinine, et aussi des pertes de sang, la température
s’abaisse à 35°,8, le pouls à 56 et la durée de réduction à 40 secondes. Le
neuvième jour on commence l’alimentation et le lendemain la durée de
réduction monte à 68 secondes, avec un pouls à 70, pour osciller ensuite
entre 60 et 65 secondes avec un pouls de 70 à 82. Toutes ces observations
étaient prises entre 81/2 et 9 heures du matin. -
Les maladies chroniques ou aiguës, les états diathésiques ont une in-
fluence, non seulement sur la durée de réduction, mais aussi sur la largeur
de la bande caractéristique et sur son intensité ; dans les cas d’ictère spas-
modique et même d’état subictérique, la bande est moins intense et même
avant la ligature on peut voir le jaune.
En définitive il importe de tenir compte de toutes les particularités que pré-
sente le spectre observé à l’ongle du pouce, et la caractéristique de la mé-
thode, dont je poursuis les applications à l’expérimentation physiologique et
à la clinique, ne consiste pas seulement dans le choix de l’ongle du pouce,
mais aussi dans l’étude de la largeur et de l’intensité des bandes d’absor-
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 679
——
ption ; de plus, elle se rattache à un autre moyen d'examen spectroscopique
du sang que je ferai connaître prochainement.
NOTE SUR L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA FONCTION PHOTOGÉNIQUE
Du LamPyre, par R. Dupois et P. REGNARD.
Dans les grandes profondeurs les animaux lumineux paraissent être plus
nombreux encore que dans les zones superficielles, dont la faune en ren-
ferme cependant un grand nombre d’espèces.
Les recherches de Panceri sur les organes lumineux des pyrosomes et
l'examen, par le P. Secchi, du spectre de ia lumière qu'ils émettent, semblent
indiquer qu'il existe, sous le rapport de la fonction photogénique, une très
grande analogie entre les animaux marins et les animaux terrestres phos-
phorescents.
Il y avait donc intérêt à rechercher si ces derniers pouvaient conserver la
propriété d'émettre de la lumière après avoir été soumis à de hautes pres-
sions.
Les animaux terrestres lumineux étant fort rares à l’époque (octobre) où
nous avons fait nos expériences, il nous a été impossible de les multiplier ;
mais les faits que nous avons observés nous ont paru assez intéressants
pour que nous ayons cru utile de les faire connaître dès à présent.
Dans une première expérience, un Lampyre (L. noctilucus) a été im-
mergé, étant phosphorescent, dans un tube rempli d’eau et plongé aussitôt
dans le réservoir de la pompe Cailletet : il a été maintenu pendant dix mi-
nutes à une pression de 600 atmosphères ; au bout de ce temps, l’insecte
sorti du réservoir de la pompe était encore lumineux et resta lumineux
bien que faiblement pendant quelques instants, mais il était d’ailleurs
absolument inerte : on put cependant à plusieurs reprises faire reparaître
de faibles lueurs au moyen des courants induits.
Ce Lampyre, abandonné à lui-même dans une boîte avec un insecte de la
même espèce tué par un autre procédé, fut trouvé au bout de vingt-deux
jours absolument mou et flexible, alors que le second s'était complètement
desséché : les organes phosphogènes possédaient la même apparence en
tant que forme, consistance et couleur que pendant la vie, tandis que ceux
de son compagnon étaient ridés et brunis; les tissus de l’animal avaient
très vraisemblablement subi le phénomène d'hydratation, qui se produit
dans ces conditions ainsi que l’ont établi antérieurement les auteurs de
cette communication.
Pensant que l’insecte était en état de vie latente et qu’en lui faisant per-
dre l'excès d’eau qui le maintenait en cet état, on pourrait ranimer la vie
et la lumière, il fut placé sous la cloche de la machine pneumatique, au-
676 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dessus du chlorure de calcium. Examiné au bout de douze heures, l’animal
présentait une phosphorescence très manifeste bien qu’assez faible : il était
d’ailleurs absolument inerte, même sous l’influence de l'excitation électri-
que. Il fut abandonné sous une cloche en présence du chlorure de cal-
cium, à la pression normale : la phosphorescence s’éteignit peu à peu et le
desséchement continuant, l’insecte devint rigide sans avoir retrouvé Île
mouvement et la sensibilité.
Un autre Lampyre, qui avait été comme le premier immergé, mais qui
avait été placé, avec le tube qui le contenait, sous la cloche de la machine
pneumatique, perdit rapidement sa phosphorescence. Introduit aussitôt dans
le réservoir de la pompe Cailletet et laissé pendant dix minutes sous une
pression de 600 atmosphères, il sortit non lumineux, mais absolument inerte
comme le premier : on ne put faire reparaître la lumière par l'excitation
électrique. Il resta pendant trois jours en état de vie latente et complè-
tement éteint. Le troisième jour, en ouvrant la boîte qui le contenait, on le
trouva très vivace et très lumineux.
Les auteurs de cette communication se proposent de poursuivre l'étude
de l’influence des hautes pressions sur les êtres phosphorescents dès que
les circonstances le permettront.
DES MICROBES EN BATONNETS DE LA DIARRHÉE INFANTILE,
par MM. DamascaiNo et CLapo.
Les recherches dont nous présentons un court résumé, ont été faites sur
des enfants à la mamelle atteints de diarrhée. On sait que cet état mor-
bide est fréquent chez les babys du premier âge : il affecte principalement
les sujets dont l’alimentation a été défectueuse et constitue l’un des princi-
paux symptômes de l’athrepsie. Nous avons eu également l’occasion de
l’observer à titre de phénomène secondaire, survenu dans le cours ou à la
suite d’une autre maladie, notamment de la rougeole.
Dans ces conditions, les matières diarrhéiques, de réaction toujours
acide, présentent tantôt d'emblée la coloration verte au moment même où
elles viennent d’être rendues, c’est la forme la plus sérieuse ; tantôt au
contraire, l'évacuation, d’abord jaunâtre, prend rapidement à l’air une teinte
verdâtre d'intensité variable. Cette dernière forme est de beaucoup la moins
grave ; mais, quand elle est négligée, elle aboutit facilement à la précé-
dente, laquelle n’est que le prélude de la diarrhée cholériforme infantile.
Il est bon de noter (et c’est un point sur lequel nous ne saurions trop insis-
ter) que nos recherches ont été commencées dès les premiers mois de l’an-
née 1883, à une époque où il n’était nullement question de l’épidémie cho-
lérique actuelle ; elles ont été régulièrement poursuivies depuis lors, même
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 671
pendant le mois de novembre 1884, et il nous a été facile de nous assurer,
par une comparaison fréquemment répétée, que les micro-organismes con-
statés par nous dans les évacuations sont essentiellement différents dans l’un
et l’autre état morbide. Lorsque l’on examine au microscope, après les avoir
préalablement colorées au bleu de méthylène, des lamelles sur lesquelles
ont été étendues les matières vertes immédiatement rendues par les enfants
atteints de diarrhée, on y constate une quantité prodigieuse de bacilles en
bâtonnet. Ces bacilles, de forme et de dimensions caractéristiques, existent
presque seuls dans les cas graves et semblent être en quantité proportion-
nelle à l’intensité de l'affection diarrhéique. Dans les formes les plus légè-
res on les retrouve en faible proportion mélangés aux nombreux microbes
qui existent dans les selles.
Les bacilles de la diarrhée verte sont très allongés et proportionnelle-
ment gros : on peut se rendre compte de leurs dimensions en les comparant
à ceux de la tuberculose, qui mesurent à peine le tiers de leur longueur. Il
en résulte que l'étude en est assez facile : on Les aperçoit très distinete-
ment avec l'objectif n° 7 et même l’objectif n° 6 de Verick(oculaire 2) ; mais
il est préférable d'employer le 12 homogène à l’huile avec l'éclairage
Abbe.
Dans la diarrhée’verte, ces microbes sont en quantité innombrable, à tel
point que les selles paraissent en être presque exclusivement composées.
Dans certains endroits, on les trouve isolés et on peut en conséquence les
étudier aisément; mais la plupart du temps ils sont réunis en groupes
quelquefois assez considérables.
D'une façon générale, ils offrent à peu près tous la même direction pa-
rallèle, en certains endroits cependant ils s’entre-croisent : ces sortes de
colonies sont excessivement nombreuses sous le champ du microscope.
Conformation du bacille. — Il est allongé, à peu près six fois plus long
que large, beaucoup plus volumineux que celui de la tuberculose et que
celui du choléra. Il est, en général, plus ou moins recourbé, soit légère-
ment, soit en croissant, plus exceptionnellement en demi-cercle, quelque-
fois il présente la forme d’une s italique. Ses deux extrémités ne sont pas
taillées à pic, comme pour certains microbes des selles de diarrhéiques;
mais elles sont arrondies. Ce bacille est d’une largeur uniforme et ne pré-
sente pas de renflement le long de son corps; parfois cependant, lorsqu'il
est coudé, on observe du côté convexe une petite voussure.
Les préparations faites avec le bleu de méthylène dissous dans l’eau pré-
sentent, lorsque la lamelle n’a pas séjourné plus d’un quart d'heure dans la
matière colorante, une particularité intéressante à noter. Dans ce cas, en
effet, la partie moyenne du microbe reste fortement colorée et les extré-
mités sont moins teintées. Cette différence de coloration est-elle due à une
condensation plus considérable du protoplasma qui réagit différemment en
présence de la matière colorante, ou bien existe-t-il une structure parti-
078 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
culière de la partie centrale du microbe en rapport avec un état de sporu-
lation ? les cultures seules pourront permeltre de se prononcer à cet
égard.
Nous avons déjà dit que les hacilles étaient en nombre considérable et
qu'ils semblaient parfois constituer la totalité des selles; cependant ils
affectent aussi avec les éléments cellulaires et les détritus des selles certains
rapports qu’il importe de noter. Ces microbes, en effet, ne se rencontrent
pas dans l’intérieur des cellules, mais seulement autour d’elles, et, lorsqu'il
existe des amas épithéliaux, les bacilles se trouvent dans les interstices des
cellules et à la périphérie des amas.
Dans certaines de nos préparations, les microbes semblent englobés par
une matière albuminoïde et forment ainsi des sortes de groupes séparés les
uns des autres par des espaces clairs. Dans d’autres ils constituent des amas
réunis autour des détritus de la digestion.
Observés à l’état frais dans une goutte d’eau distillée, ces bacilles appa-
raissent relativement transparents, doués de mouvements rapides; on peut
néanmoins les suivre en faisant varier la vis micrométrique. Les mouve-
ments semblent avoir pour centre la partie majeure du microbe.
Indépendamment d’un assez grand nombre de faits où la constatation
du microbe a été faite par nous, il nous a été donné d’éfudier complètement
les évacuations des dix enfants dont l’observation a été très soigneusement
recueillie. Chez deux de ces malades, le microbe que nous venons de dé-
crire s’est présenté avec une pureté vraiment exceptionnelle. La culture
la mieux réussie ne saurait donner de meilleurs résultats. Aujourd'hui
nous en observons un troisième cas à peu près analogue. Chez les autres
sujets, les bacilles en bâtonnet offraient une prédominance exceptionnelle
relativement aux autres microbes des selles.
Dans tous ces faits il a été intéressant de voir, à mesure que la guérison
s’avançait, le microbe disparaître ; de telle sorte qu’à la fin de la diarrhée,
ce bacille se rencontrait, mais il fallait le chercher, perdu qu’il était au
milieu des autres microbes.
Lorsque les selles, de vertes, deviennent jaunâtres, les microbes dimi-
nuent, au point que du jour au lendemain on est étonné de voir la quantité
de ces bacilles se modifier avec une aussi grande rapidité; le bacille
persiste cependant, quoique en très petit nombre, quand les évacuations
redeviennent jaunes.
Nous avons examiné comparativement des selles vertes et des matières
provenant d'une diarrhée primitivement et toujours jaunes; aucune res-
semblance n’existe entre les deux ; elles diffèrent tout autant qu’une culture
de microcoques et une culture de charbon.
Tels sont les faits qu’il nous a été possible de constater dans de nombreux
examens. Nous répétons encore une fois que les microbes en bâtonnet
existent avec une singulière abondance dans les évacuations vertes de la
diarrhée infantile ; que dans certains cas ils semblent constituer à peu près
SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 679
exclusivement les éléments morphologiques de ces évacuations et au mi-
croscope ils se montrent sous l’aspect d’une culture pure. Nous nous bor-
nons aujourd'hui à cette seule constatation, en appelant l'attention des
observateurs ; nous poursuivons des expériences de culture dont les résul-
tats positifs ou négatifs doivent être attendus avant qu’il soit possible de
tirer du fait observé les conséquences qu’il comporte.
HOMOLOGIES DU PEIGNE DES OISEAUX ET DU CORPS VITRÉ EMBRYONNAIRE
DES MAMMIFÈRES, par MM. Mathias DuvaL et J. Réar.
Quand on étudie parallèlement chez des embryons d'oiseaux et chez des
embryons de mammifères les processus qui se produisent au niveau de la
fente rétinienne (dite fente fœtale), on est frappé de la manière différente
dont se comportent à ce niveau le mésoderme chez ces deux classes de ver-
tébrés.
Chez les uns comme chez les autres le mésoderme vasculaire, qui entoure
la vésicule oculaire secondaire, pénètre dans la fente rétinienne et se pro-
longe dans la cavité de la vésicule secondaire en y faisant saillie sous forme
d’un bouchon à extrémité interne libre et plus ou moins arrondie. C’est à
partir de ce moment que commence la différence. 1° Chez l'embryon des
mammifères le bouchon mésodermique vasculaire en question s’agrandit,
s’épanouit, s'étale et remplit toute la cavité de la vésicule oculaire secon-
daire ; à lui se joignent les éléments mésodermiques qui ont pénétré dans
cette cavité, soit avec le cristallin, soit en passant entre les bords du cris-
tallin et les bords de la vésicule oculaire (1); ainsi se trouve constitué le
corps vitré embryonnaire des mammifères. 2° Chez l'embryon de poulet, au
contraire, le bouchon en question reste longtemps dans son état primitif,
ce n’est que tardivement qu'il se prolonge un peu dans la cavité de la vési-
cule oculaire; mais jamais il ne s’y étale; jamais il ne remplit la cavité de
la vésicule oculaire secondaire ; il y forme seulement un prolongement vas-
culaire qui, plus tard, se charge de cellules pigmentaires; en un mot, il
donne naissance à la formation connue sous le nom de peigne. Ajoutons
que dans le vésicule oculaire du poulet aucun autre élément mésodermique
ne pénètre, soit en même temps que le cristallin, soit en passant entre les
bords du cristallin et ceux de la vésicule oculaire.
De ces faits on peut déduire, en les exprimant pour ainsi dire sous une
(1) Pour nous, ces éléments mésodermique, s’engageant entre les bords du cris-
tallin etles bords de la vésicule oculaire secondaire, sont essentiellement de nature
vasculaire; cependant nous sommes forcés d'admettre que des cellules mésoder-
miques sont entraînées par ce réseau vasculaire au moment de l’invagination du
cristallin. Mais nous considérons l’élément asculaire comme pont à lui seul le
principal rôle, comme étant l’élément essentiel.
680 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
forme condensée, que le peigne du poulet est l’'homoloque du corps vitré
embryonnaire des mammifères, puisque ce peigne est la seule masse vas-
culaire mésodermique qui pénètre dans la cavité oculaire du poulet.
En se reportant aux beaux travaux de Beauregard sur le peigne et sur les
réseaux vasculaires du fond de l'œil, on voit que cet anatomiste arrive en
partie à concevoir l’homologie que nous venons d'indiquer, mais il ne nous
parait pas trancher la question d’une façon aussi absolue que nous nous
croyons autorisés à le faire, puisqu'il considère le peigne comme l’homo-
logue à la fois et du corps vitré embryonnaire et des réseaux rétiniens.
€ On peut donc considérer, dit-il (Réseaux vasculaires du fond de l’œil,
p. 61), le peigne des oiseaux comme un réseau hyaloïdien persistant après
la vie fœtale. Cependant, outre ce réseau hyaloïdien, certains vaisseaux qui
appartiennent au peigne me semblent devoir être considérés comme ana-
logues aux vaisseaux rétiniens des mammifères. »
Cette dernière partie des conclusions de Beauregard a pour origine le
résultat de ses recherches sur les rapports du peigne embryonnaire avee la
membrane hyaloïde. Dans la figure 23 de son mémoire (Réseaux vasculaires
du fond de l’œil) on verra qu’il représente le peigne embryonnaire comme
situé en dehors de la membrane hyaloïde, qu'il refoule devant lui à me-
sure qu'il s’avance dans la cavité oculaire (sur des poulets du sixième et
du huitième jour).
Or sur cette question nos préparations sont d’une signification on ne peut
plus décisive : la membrane qu’on désigne sous le nom d’hyaloïde chez le
poulet à l’âge sus-indiqué ne passe pas au-dessus du peigne; même sur des
poulets beaucoup plus âgés (même chez les poulets à terme), cette membrane,
doublant la face interne de la rétine et s’en détachant plus ou moins sur les
pièces durcies, vient sur les bords de la fente rétinienne, et les contourne
pour passer sur la face externe du feuillet proximal de la vésicule oculaire
secondaire ; la façon dont se comporte cette membrane au niveau du colo-
boma rétinien est identique aux rapports qu’elle affecte avec le bord de la
vésicule oculaire tout autour du cristallin. En ceci nous sommes parfaite-
ment d'accord avec Külliker, qui, tout en admettant que cette membrane,
soi-disant hyaloïde, contourne les bords de la vésicule oculaire secon-
daire, déclare qu’elle cesse d’être démontrable à la surface externe de la
vésicule par suite de la présence du tissu mésodermique ; mais nous pou-
vons ajouter que, s’il est vrai qu’on ne puisse pas la distinguer au premier
abord dans ces régions mésodermiques, on peut cependant constater que le
feuillet proximal de la vésicule oculaire secondaire est séparé du tissu mé-
sodermique qui l'enveloppe par une ligne très fine formant du bord parfai-
tement tranché.
De ce qui précède, nous voyons que cette membrane laisse passer libre-
ment le peigne à travers la fente fœtale pour entrer dans la cavité de l'œil.
Plus tard les vaisseaux rétiniens s’insinuent entre cette membrane et la ré-
tine, c’est-à-dire qu’ils sont alors en dehors de la cavité eirconserite par
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 681
cette membrane ; tandis que le peigne est en dedans, comme l’est du reste
le corps vitré des oiseaux.
Tels sont les faits d’après lesquels nous pensons devoir conclure que le
peigne est l’homologue du corps vitré, et qu’il faut repousser toute idée
d’homologie entre le peigne et le réseau rétinien. 2.
Mais il reste encore une question : cette membrane hyaloïde, et d’une
manière générale, la membrane qui enveloppe le corps vitré chez les em-
bryons des mammmifères comme chez ceux des oiseaux, mérite-t-elle le
nom d'hyaloïde ?
Henle, le premier, considéra l’hyaloïde comme appartenant à la rétine et
lui donna le nom de limitante interne, manière de voir qui fut adoptée par
Ivanoff et Kessler et combattue par Arnold, Balfour, et plus récemment par
Beauregard. Balfour et Beauregard (Étude du corps vitré, in Journal de
l'anatomie de Ch. Robin, 1880, p. 270) ont fait valoir contre l’opinion de
Henle cette objection que chez les oiseaux la membrane hyaloïde n’est pas
interrompue au niveau du péigne, mais qu’elle recouvre celui-ci sur toute
sa surface. Kessler répond que l’hyaloïde manque sur la fente rétinienne et
sur le peigne jusqu’au sixième jour et que ce qui apparaît sur le peigne ulté-
rieurement n’est plus l’hyaloïde vraie. Par ce qui précède on a vu que
nous nous rattachons entièrement à cette manière de voir de Kessler; il
est évident pour nous que l’hyaloïde de l’œil de l'embryon est une mem-
brane cuticulaire produite par la rétine, une limitante interne en un mot.
Se forme-t-il plus tard chez les mammifères une seconde hyaloïde par
condensation des parties périphériques du corps vitré ? Se forme-t-il quelque
chose d’analogue à la surface du peigne de l’oiseau? C’estune question que
nous n’abordons pas ici et qui recevra lous ses développements dans un
travail complet dont nous n’avons voulu détacher dans cette note prélimi-
naire que les faits relatifs à l’'homologie du peigne des oiseaux avec Le corps
vitré embryonnaire des mammiféeres et seulement avec ce corps vitré (pas
avec le réseau rétinien).
NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION CHEZ LES VÉGÉTAUX; SON
ACTION SUR LES DEUX SYNERGIDES ET SUR LE NOYAU SECONDAIRE DU SAC
EMBRYONNAIRE, par M. CH. DEGAGNY.
Les travaux de Hoffmeister (1857-1860), de Strassburger (1877) sur la
fécondation, ont fait connaître les détails de l’entrée du tube pollinique
dans le sac embryonnaire, et les changements qu’il détermine dans l’une des
synergides et de là dans l’oosphère.
D'un autre côté, les travaux de M. Guinard sur le sac embryonnaire
(Annales, 1882) sont venus compléter, en partie, quelques points mal déter-
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. [°, N° 41. DJ
682 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE,
minés des diverses opérations, division, fusion des noyaux polaires, ete.,
qui s’accomplissent dans le sac et achèvent son organisation.
Dans tous ces travaux, et quelques-uns analogues et plus récents tou-
chant de plus ou moins loin au même sujet, un point très important, con-
cernant les phénomènes propres au noyau secondaire et à l’une des syner-
gides, avant, pendant et après la fécondation, n’a pas été résolu.
Cependant, tous les auteurs le reconnaissent, les fonctions et par conséquent
les destinées du noyau secondaire sont de la plus haute importance. C’est
lui qui est le point de départ de l’albumen.
Strassburger a fait le jour assez complètement sur les rapports qui s’éta
blissent entre le tube pollinique d’une part, l’une des synergides d'autre
part, et par là sur l’œuf. Ses observations et sa démonstration, en grande
partie, ont été faites sur un sujet d'étude (Monotropa hypopites), bien dis-
posé réellement pour laisser voir le phénomène et quelques-unes de ses
phases.
Mais l’arrivée du tube pollinique détermine subitement l’accomplisse-
ment de plusieurs autres phénomènes sur les autres membres de lPappareil
femelle, se passant avec une rapidité telle qu'il est difficile de les surpren-
dre. Tout ce qui a été décrit sur ces phénomènes le prouve. On voit pendant
un temps considérable, des semaines, des mois, l'appareil présentant le même
aspect; le gros noyau secondaire au centre, puis la fécondation accomplie,
ce noyau divisé en un certain nombre formant la couche pariétale endo-
spermique. Des phénomènes intermédiaires à ces deux états on a surpris
peu de chose, sinon que le noyau secondaire, suivant les cas, est situé
tantôt plus loin, tantôt plus près de l’appareïl supérieur.
Les observations suivantes, appuyées sur des préparations dontje vais par-
ler et sur des dessins faits à la chambre claire, aideront, je l'espère, à com-
bler quelques lacunes d’un sujet important, qui est loin d’être épuisé.
Après une multitude de comparaisons faites entre les dessins les descriptions
écrites de divers auteurs, et de nombreuses préparations que j'avais faites
sur des plantes de divers groupes, j'avais été conduit à constater que le
noyau secondaire, figuré tantôt au centre du sac, tantôt plus bas, tantôt
plus haut, devait accomplir une marche déterminée au sein du sac, entre
les deux appareils. J'étais, d’un autre côté, en présence de certaines images
fournies par mes préparations, et que je ne trouvais nulle part dans les
descriptions données jusqu'ici. Je fus donc porté à penser que je me trou-
vais en présence de phénomènes intermédiaires, non surpris, se succédant
avec une rapidité telle qu’ils n'avaient pas été constatés. Espérant trouver
quelques lacunes, et les liaisons intermédiaires des divers aspects que j'avais
sous les yeux, je me décidai à scruter un nombre considérable de saés em-
bryonnaires. |
J'avais examiné des renonculacées, des violacées, des liliacées, ete. Je
choïsis pour sujet spécial l’Helleborus niger qui fournit des conditions par-
ticulières où se trouvent réalisées des dispositions anatomiques et physiolo-
a
ISÉANCE DU Ü DÉCEMBRE. 683
siques, absolument favorables aux observations et d’une réalisation très rare
sur la même plante: Le sac embryonnaire est spacieux, les variations et
changements des divers appareils y sont plus sensibles. La fécondation S'y
fait dans des conditions atmosphériques bien faites pour suspendre ou
retarder la rapidité d'évolution des phénomènes que l’on veut rencontrer, et
que provoque l'intervention du tube pollinique.
J'ai coupé environ six cents ovules provenant de pistils de même âge, de
même forme et de même aspect extérieur, qui n’ont fourni à peu près deux
cents coupes bien réussies, donnant des aspects compris entre le noyau
secondaire situé au centre du sac, et le noyau secondaire divisé: en noyaux
formant couche endospermique.
Je choisis huit préparations que j'ai dessinées ; elles représentent les deux
situations extrêmes citées plus haut et ses intermédiaires.
N° 1. Le noyau secondaire est au centre, le protoplasma émet quel-
ques traînées qui le relient à la paroi et aux appareils.
N° 2. Le noyau secondaire est toujours au centre. Le protoplasma
(contracté par l’alcool absolu) est plus abondant entre l’appareil supérieur
et le noyau ; la traînée plus épaisse.
-N° 3. Le noyau secondaire s’est approché de l’appareil supérieur ; une
anastomose bien visible de protoplasma condensé l’unit à la face inférieure
de l’oosphère, à gauche; à droite, à la face inférieure de la synergide
gauche.
N° 4. Le noyau secondaire s’est rapproché tout contre l’appareil su-
périeur dans l’anfractuosité comprise entre la paroi du sac et l’appareil
supérieur. La couche interposée de protoplasma s’est encore condensée en
bourrelet uni intimement à l'appareil supérieur.
De la synergide gauche des filaments, droits, incolores, de nature pro-
toplasmique existent entre le noyau de cette synergide et le noyau secon-
daire, résultant de l’action des deux éléments l’un sur l’autre, et montrant
que le noyau de la synergide en se retirant a dû entraîner avec lui le pro-
toplasma de la synergide qui était venu se condenser en face du protoplasma
du noyau secondaire.
De la synergide droite des filaments protoplasmiques analogues, bien
visibles (objectif 1/16 de pouce immersion, Prazmowski), vont du noyau
de cette synergide vers l’oosphère et sont les vestiges d’une union du proto-
plasma entre les deux éléments.
L'une des synergides servirait donc d’intermédiaire à la matière élabo-
rée par l’arrivée du tube pollinique, vers l’œuf; l’autre synergide, d’inter-
médiaire analogue vers le noyau secondaire. Noyau secondaire et oosphère
recevraient la substance fécondante par la voie des synergides.
N°5. La fécondation est faite, un bout de boyau dépasse en haut. Le
noyau secondaire est rompu en une masse de noyaux séparés à nucléoles
bien visibles et très réfringents. La masse des noyaux présente la forme
d’un bouquet descendant dans le sac.
684 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
N° 6. L'une des phases de 5.
N° 7. Autre phase de 5 : le bouquet se disjoint, les noyaux commencent
à se séparer. Ils n’ont pas encore l'aspect des noyaux libres endospermi-
ques. Ils se rendent à la paroi.
No 8. Après la dislocation du bouquet, bipartition des noyaux dans la
couche endospermique primaire.
En résumé, les phénomènes peuvent, jusqu’à nouvel ordre, être établis de
la manière suivante :
Avant la fécondation, le noyau secondaire, dans le sac embryonnaire,
s’approche'de l'appareil sexuel femelle, auquel il vient s'unir intime-
ment.
Le noyau secondaire participe à la fécondation par l'intermédiaire de l’une
des synergides, comme il est établi que l’œuf y participe par l’intermédiaire
de l’autre synergide.
Aussitôt la fécondation opérée, le noyau secondaire sedivise en une quan-
tité considérable de noyaux réunis en forme de bouquet très serré ; le bou-
quet se disjoint et chaque noyau va à la paroi pour digérer le nucelle,
préparer la place de l’albumen et le former plus tard.
ACTION DE L’ATROPINE SUR LE SYSTÈME NERVEUX, par M. JuDÉE.
L’excitation du bulbe par un fort courant d’induction détermine un arrêt
du cœur. On n’a pas encore précisé exactement l'endroit du bulbe qu’il faut
exciter pour produire ce phénomène, mais le fait en lui-même est indiscu-
table. L’irritation des bouts périphériques des pneumogastriques sectionnés
produit aussi un arrêt du cœur. Par contre leur simple section détermine
une accélération des battements du cœur.
La conclusion à tirer des résultats obtenus dans ces trois expériences est
incontestablement la suivante. Il existe dans le bulbe un centre d’inhibi-
tion cardiaque dont les pneumogastriques sont les fils conducteurs ou mieux
dont les fils conducteurs font partie des pneumogastriques.
Maintenant vous administrez à un animal de l’atropine et vous voyez Les
battements du cœur s’accélérer, comme après la section des pneumogas-
triques vous obtenez, comme l’a très bien dit M. le professeur Franck, la
section physiologique de ces deux nerfs et l’influence de ce poison peut
être comparée à celle du curare sur les nerfs moteurs.
En présence de ces nouveaux faits, je me crois en droit de dire : les
phénomènes d’inhibition cardiaque dont le point de départ est un centre
nerveux silué dans le bulbe, sont annihilés par l’action de l’atropine sur
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 685
le système nerveux comme déjà, d’après moi, ceux propres aux centres
moteurs le sont par le curare.
Quant aux centres réflexes proprement dits, l’atropine, comme le curare,
n’a aucune action sur eux, puisqu'on peut en administrer impunément à un
animal, sans jamais voir aucun trouble se produire du côté des phénomènes
respiratoires. Comme on sait déjà que la vitalité de la sensibilité générale
est annihilée par l’action du chloroforme ou bien de ses dérivés, à l’heure
présente il ne resterait donc en définitive qu’à trouver le poison suscep-
tible de porter atteinte à la neuralité réflexe pour connaître tous les poisons
jouissant de la propriété de détruire plus ou moins complètement l’action
des principales neuralités admises jusqu'à ce jour, soit d’origine centrifuge,
soit d’origine centripète.
NOTE SUR LES ALTÉRATIONS HISTOLOGIQUES DU FOIE DANS LE CHOLÉRA,
par V. HANoT et A. GILBERT.
Nos recherches ont porté sur quatre sujets morts à l'hôpital Tenon, soit
dans le service de M. Gaillard-Lacombe, soit dans notre propre service.
Sur ces quatre sujets, deux étaient du sexe masculin, et deux du sexe
féminin. Tous quatre avaient succombé dans l’algidité, en moins d’un jour et
demi de maladie.
Nous avions supposé qu’en limitant notre étude à des faits comparables
par leur évolution clinique, nous obtiendrions par l’examen microscopique
des résultats comparables, sinon identiques. Nos prévisions ne se sont
qu’en partie vérifiées, ainsi qu'il ressort des détails suivants :
Premier cas (homme mort en dix-sept heures). — Les lobules hépati-
ques n’offrent rien d’anormal dans leur disposition générale. Les travées
hépatiques ont conservé leur direction radiée. Les cellules hépatiques qui
sont situées à la partie centrale des lobules sont fortement pigmentées,
celles qui sont placées à la périphérie le sont, au contraire, faiblement.
Un grand nombre de cellules hépatiques, disséminées au hasard, possèdent
deux noyaux de dimension ordinaire, ou plus souvent un seul noyau hyper-
trophié, ainsi que M. Straus l’a déjà signalé. Les noyaux hypertrophiés
atteignent jusqu’à 12 et 15 » de diamètre; ils gardent la forme cir-
culaire normale, ou quelquefois deviennent ovalaires; ils se montrent
assez souvent un peu plus vivement colorés par le carmin que les noyaux
normaux ; ils contiennent pour la plupart des granulations et un nucléole
nettement distincts. Les veines sus-hépatiques, les veines intralobulaires
etles capillaires qui occupent la partie centrale des lobules sont conges-
tionnés. Par places, ces derniers vaisseaux renferment un grand nombre de
686 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
leucocytes. Les voies biliaires sont saines. Le tissu conjonctif des espaces
portes est infiltré de petites cellules rondes.
Deuxième cas (homme mort en vingt-quatre heures). — Les cellules
hépatiques situées à la partie centrale des lobules prennent une coloration
rouge brun par le picro-carmin; elles contiennent de fines granulations
protéiques qui en rendent le noyau peu distinct; un grand nombre d’entre
elles renferment en outre de petites gouttelettes graisseuses. L’infiltration
graisseuse augmente progressivement de la partie centrale à la partie péri-
phérique des lobules, si bien que celle-ci paraît uniquement constituée par
des boules de graisse de dimensions variables. Les veines centrales des
lobules sont congestionnées. Les voies biliaires sont saines. Le tissu con-
Jonctif des espaces portes est criblé de cellules embryonnaires.
Troisième et quatrième cas (femmes mortes, l’une en trente etune
heures, l’autre en trente-deux heures). — Dans ces deux faits nous avons
retrouvé les lésions que nous avons signalées dans le premier cas. Nous
avons noté, de plus, d’autres altérations que, jusqu’à ce jour, nous n’avons
observées que”dans le choléra.
Examinées avec un faible grossissement, les coupes du foie permettent de
A en ON >
reconnaître, dans ces troisième et quatrième cas, que, par places, le paren-
chyme hépatique ne s’est pas laissé colorer par les réactifs; en sorte que,
de distance en distance, apparaissent au sein des lobules des zones inco-
lores, d'ordinaire arrondies ou ovalaires, dont les dimensions sont très
variables. À un fort grossissement, les zones incolores se montrent consti-
tuées par des cellules hépatiques en état de fuméfaction transparente.
C’est la désignation qui nous paraît convenir à cette alternative. Transpa-
rentes comme du cristal, ces cellules ont des contours très nets et pos
sèdent souvent deux noyaux de dimension habituelle ou un seul noyau
hypertrophié, normalement colorés par le carmin et l’hématoxyline. Tumé-
fiées, elles se compriment mutuellement ou compriment les cellules avoisi-
nantes, et oblitèrent la lumière des capillaires radiés, si bien que, dans les
zones incolores, la disposition trabéculaire a complètement disparu. Les.
zones transparentes n’offrent pas toutes un égal degré de décoloration, et La
tuméfaction transparente n’atteint pas à un égal degré les éléments cel-
lulaires ; il est donc possible d'étudier dans une même préparation toutes
les phases que parcourt la cellule hépatique depuis l’état normal jusqu’à
l’état morbide complet.
SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 687
THÉRAPEUTIQUE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE. LES INHALATIONS D'OXYGÈNE
DANS L'ATMOSPHÈRE NORMALE, par M. Ch.-E. Quinouaup (1).
En expérimentant, d’après les procédés cliniques ordinaires (c’est-à-dire
en faisant respirer 9, 6, 1, 8 et 10 litres d’oxygène, répétées deux ou trois
fois dans la journée), les inhalations d’oxygène chez l'homme dans les cas
d’anémie, nous n’avons pu obtenir aucun résultat dûment imputable à
l'oxygène; nous nous sommes demandé pourquoi.
Il fallait résoudre un premier problème en se plaçant dans les mêmes
conditions que les cliniciens : quels sont les effets physiologiques des inha-
lations d'oxygène chez les animaux et chez l’homme ?
Lavoisier et Seguin, en faisant respirer de l’oxygène pur, n’ont constaté
aucun changement dans les produits de la respiration. Voici ce qu’ils di-
saient : € Il se consume dans un temps donné beaucoup plus de charbon que
de lout autre combustible dans l’air vital que dans l’air de l’atmosphère. On
avait toujours pensé qu’il en était de même de la respiration, qu’elle devait
s’accélérer dans l’air vital; mais l'expérience détruit toutes ces opinions :
soit que les animaux respirent dans l’air pur, soit qu’ils respirent dans ce
même air mélangé avec une proportion ptus ou moins considérable de gaz
azote, la quantité d'air vital qu’ils consomment est toujours la même... La
respiration et la circulation ne paraissaient pas sensiblement ni accélérées
ni retardées, la chaleur était égale dans la respiration dans l'air vital pur
ou dans le mélange de 15 parties de gaz azote et de À d’air vital (2). »
Regnault et Reiset (3) ont écrit :
« La consommation d'oxygène par heure a été exactement la méme dans
l'atmosphère normale et dans l'atmosphère oxygénée. »
Plus bas, ils ajoutent : « Le rapport entre le poids de l’oxygène contenu
dans l ue carbonique ef celui de l’oxygène consommé a été trouvé un peu
plus fort dans l’expérience 89, où l'animal se trouvait dans une atmosphère
plus riche en oxygène ; il est probable que cela tient au régime féculent. »
Page 496, les mêmes auteurs concluent que « la respiration des animaux
n'est aucunement influencée par la proportion d'oxygène de l’atmosphère
dans laquelle ils vivent, pourvu que cette proportion soit suffisante pour
entretenir la vie. Dans une atmosphère renfermant deux ou trois fois plus
d'oxygène que notre atmosphère terrestre, les animaux n’éprouvent aucun
(1) Communication faite dans la séance du 29 novembre 1884.
(2) Lavoisier et Seguin, Mémoires de l'Académie des sciences de Paris, 1789,
P. 59:
(3) Recherches chimiques sur "1 respiration des animaux des diverses classes,
par MM. V. Regnault et J. Reiset (p. 299, Ann. de chimie et de physique, 3° série,
t. XXVI, 1849).
688 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
malaise et les produits de leur respiration sont absolument les mêmes que
lorsqu'ils se trouvent dans l'atmosphère normale. »
Plus tard notre savant physiologiste P. Bert (1) a montré qu’il survient
une suroxygénation du sang lorsque l’animal respire dans une cloche
renfermant 6 à 7 litres d'oxygène.
Voici les expériences que nous avons instituées sur des chiens pour con-
naître les effets physiologiques des inhalations d'oxygène dans l’atmosphère
normale.
0
Première expérience. —- Inspiration dans un ballon plein d’oxygène,
expiration à l'air libre. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration.
Température.
Le chien inhale environ 100 litres d'oxygène en treize minutes.
Avantl'inhalation. Aprèsl'inhalation. Diminution. Augmentation.
Remprmectale mere 38°, 31°,8 0v,3
POUSSE ARE MALE) 120 90 30
Respiration....... oc 19 10 9
Oxygène contenu dans 100 :
de sang artériel...... se OGM 28,8 DAT.
La capacité respiratoire de ce sang était de 32 centimètres cubes pour 100,
c’est-à-dire qu'après l’inhalation le sang n’avait pas encore acquis son maxi-
mum d'absorption.
Pourquoi n’arrive-t-on pas dans ces inhalations au maximum d’absorp-
tion? C’est qu’il existe dans les conditions respiratoires ordinaires une
certaine'quantité d’hémoglobine qui échappe à la suroxygénation par inha-
lation d'oxygène (on peut faire circuler 200 litres d'oxygène pur et plus à
travers les poumons d'un chien sans jamais attejndre le maximum d’ab-
sorption que l’on obtient en agitant le liquide sanguin à l’air libre), c’est là
un fait analogue à celui que Gréhant avait vu et que nous avons vérifié dans
lintoxication par l’oxyde de carbone, une quantité à peu près égale d’héma-
tocristalline échappe à l’action du gaz toxique, qui a cependant une si forte
affinité pour l’hémoglobine. Il y a là des faits similaires dont la cause intime
nous échappe encore. |
Deuxième expérience. — Inspiration dans un ballon en caoutchouc
rempli d’exygène, expiration à l’air libre. Gaz du sang artériel. Pouls. Res-
piration. Température.
L'animal met vingt minutes à inspirer 100 litres d'oxygène.
(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 126.
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 689
Avant l'inhalation. Aprèsl'inhalation. DPiminution. Augmentation.
Temp. rectale.......... AVES CHAINE 28° 0°,5
POUSSE RER, 96 16 20
. Respiration: ............. 14 S 6
Gaz contenu dans 100‘) CO*. 39,2 39 °,2 »
de sang artériel...\Ox.. 17,6 19,8 2,9
La suroxygénation est également manifeste dans le sang du cœur droit,
en voici la démonstration :
Troisième expérience. — Inspiration dans un ballon d'oxygène, expira-
tion à l’air libre. Oxygène du sang du cœur droit.
Le chien inspire environ 100 litres d'oxygène en quinze minutes.
Avant l’inhalation, il y a 8,5 d'oxygène dans 100 centimètres cubes de
sang pris dans le cœur droit; immédiatement après l’inhalation on en
trouve 10°°,1, ce qui fait une augmentation de 1°°,6.
Dans une quatrième expérience faite encore dans les mêmes conditions,
nous avons obtenu après l’inhalation de 100 litres d'oxygène 192,5 d’oxy-
gène dans 100 centimètres cubes de sang artériel au lieu de 18‘°,1, chiffre
normal, ce qui fait une augmentation de 1°°,4.
Nous avons encore varié les conditions en faisant inspirer et expirer l’ani-
mal dans une cloche renfermant 16 litres d’oxygène pur ou dans un sac de:
caoutchouc renfermant 50 litres d'oxygène pur. Dans ces conditions, la
suroxygénation a été également nette, mais un peu plus accentuée.
Quatrième expérience. — Inspiration et expiration dans une, cloche
contenant 16 litres d'oxygène. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration.
Température.
L'animal respire pendant quinze minutes dans une cloche placée sur la
cuve à eau et contenant 16 litres d'oxygène. On extrait le sang de l’artère
au bout des quinze minutes pendant que le chien respire encore dans
l’oxygène.
ÆAvantlinhalation. Aprèsl'inhalation. Diminulion. Augmentation.
PORC ae CAD 90 94
Teniprectale 2, 1:21. 39°,5 980,7 0°,8
Respiration. ........ tant) 12 7l
Oxygène dans 100* de sang
artériel.,.... RITES 16° 19 5
Cinquième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon rem-
pli d'oxygène. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration. Température.
690 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Le chien respire pendant dix minutes dans un sac qui contient 50 litres
d'oxygène.
Avantlinhalation. Aprèsl’inhalation. Diminution, Augmentation.
Ï $
Meraprectale Re ENE EDS SPA 00,6
POUSSE RER AE 114 100 14
RESDIRAHONE ERP EECTES 16 12 À
Oxygène dans 100 de sang
actériehe sn epe 7e 207 923$ DS
Sixième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon conte-
nant de l'oxygène. Oxygène du sang artériel.
L'animal pendant dix minutes dans le ballon qui contient 40 litres d’oxy-
gène.
Avant l’inhalation on trouve 21,7 d'oxygène dans 100 centimètres cubes
de sang extrait de l’artère fémorale et immédiatement après on en mesure
230,6; il y a donc une augmentation de 1°°,9.
Dans les deux expériences qui suivent nous avons en outre dosé l'acide
carbonique dans Pair expiré par l'animal.
Septième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon ren-
fermant de l'oxygène. Oxygène du sang artériel. Analyse de l’acide carbo-
nique dans l’air expiré. d’après la méthode de Gréhant et Quinquaud.
Pouls. Respiration. Température.
Le chien respire dans un sac fermé contenant 50 litres d'oxygène. Au
bout de quinze minutes d’inhalation on extrait le sang pour l'analyse, et au
bout de vingt minutes on recueille l’air expiré pour y doser l’acide carbo-
nique.
Avantl’inhalation. Après l'inhalation. Diminution. Augmentalion-
lemprérectale rene DONS 910,4 00,1
DOUIS ER AU RES RER 106 eS0 26
RESPIrAONAR ERP EEE EE 19 8 4
Oxygène dans 100* de sang
artériel PRE SEE A) 1 21 (PA
CO? dans 95 litres d’air ex-
DIRES ASSURER tr, 41 191,04 Üsr, 31
Huitième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon d’oxy-
gène. Oxygène du sang artériel. Acide carbonique de l'air expiré. Pouls.
Respiration. Température.
L'animal respire dans un sac contenant 50 litres d'oxygène ; dix minutes
après le début de linhalation on prend le sang dans l’artère fémorale et
dix-huit minutes après on recueille l'air expiré.
«
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 691
de)
Avantlinhalation. Aprèsl'inhalation. Diminution. Augmentation
Temp rectale eee 91,71 310,6 Oo,1
Pouls# LS SEE Morin 142 92 20
Respiration PESTE 4 17 12 5
Oxygène dans 100* de sang
ACER Te die 18:,5 20° I
CO? dans 95 litres d’air ex-
pIFES en AO... .... 157,96 Teil Our,05
Dans l'expérience qui va suivre, nous avons fait un mélange d’air et d’Oxy-
gène pur.
Neuvième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon conte-
nant 39 litres d'oxygène et 16 litres d'air. Oxygène du sang artériel. Pouls.
Respiration. Température.
Avantl’inhalation. Abprèslinhalation. Diminution. Augmentation.
Remp-yrectale:tt 528 1.0 GOT 31,1
RETIRE FERMER 100 89 19
RESDILAIEONE RE 14 ”
Oxygène dans 100‘ de sang
ATÉMOR ND Re TO 18 °,6 1220
Le sang a été extrait de l’artère treize minutes après le début de l’inha-
lation.
En résumé, l’inhalation de l’oxygène dans une cloche ou dans un ballon,
c'est-à-dire dans une atmosphère fermée, produit une suroxygénation un
peu plus accentuée que dans les cas où l’animal inspire dans un ballon et
expire à l’air libre. Afin de faciliter la suroxydation du sang, il est fort utile
que les orifices et les tubes des ballons et des soupapes soon très courts
et aient un diamètre supérieur à celui de la trachée de l'animal sur lequel
on opère, sinon il se fait une accumulatiof de CO? qui entrave plus ou moins
la suroxydation.
Ces expériences variées démontrent :
1° La possibilité de suroxygéner faiblement le sang en faisant respirer
l'animal dans une atmosphère fermée ou inspirer dans un ballon plein
d'oxygène avec expiration à l'air libre;
2° Un ralentissement du pouls qui est évident dans toutes nos expériences.
En même temps l'agitation de l'animal cesse, l'oxygène est done un sédatif
au lieu d’être un excitant;
9° Un ralentissement de la respiration net, mais un peu moins marqué;
4° Un faible abaissement de la température:
692 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
o° Une très légère diminution dans l’exhalation pulmonaire de l'acide
carbonique.
Ces modifications diverses sont analogues, quoique moins accentuées, à
celles qui ont été si bien étudiées par M. P. Bert (1).
Ces mêmes phénomènes se présentent en physiologie humaine ; dans
un cas nous avons pu observer ces faits bien nettement chez une femme qui
réclamait avec instance une saignée. Avant l’inhalation, le sang veineux
contenait 12 centimètres cubes pour 100 d’oxygène; après l’inhalation de
60 litres d'oxygène, le sang en contenait 14°°,5 pour 100.
Tout semble donc prouver qu'il y a un ralentissement d’oxydation ; néan-
moins, vu la complexité du problème, nous avons cherché un moyen pour
apprécier d’une manière exacte ce qui se passe au niveau des capillaires
dans l’intimité des tissus.
Pour résoudre cette question de physiologie générale, nous nous servons
depuis quelque temps du procédé suivant :
Mesure du degré d’oxydation par le rapport des gaz du sang artériel
aux gaz du sang veineux. — I] suffit d’avoir à sa disposition deux pompes
à mercure pour opérer l'extraction des gaz du sang simultanément : on
prend le sang à l’aide de deux aspirateurs parfaitement jaugés; l'extraction
proprement dite des gaz, les analyses gazeuses, toutes les manœuvres sont
faites en même temps et dans les mêmes conditions de température ; un peu
d'habitude suffit pour exécuter les divers temps de l’opération avec la {plus
parfaite simultanéité. :
Quant à la signification de la grandeur du rapport, elle est facile à saisir :
lorsque ce rapport est plus grand qu’à l’état normal, cela signifie que l’oxy-
dation a été plus forte; s’il est plus petit, cela veut dire que l'oxydation a.
été inférieure.
Prenons des exemples : dans des expériences sur les inhalations de
l'oxygène, faites avec l’aide du docteur Butte, nous faisons en même temps
l'extraction des gaz du sang veineux et du sang artériel avant et après
l’inhalation. F
Le sang veineux contient avant linhalation 15* pour 100 d'oxygène.
— — aprés — 17,9 — —
Le sang artériel contient avant l’inhalation 22*,45 — . —
— — après — 23°°,45 — —
Donc, avant l’inhalation, il disparaissait dans les capillaires 22°€,45 — 15
centimètres cubes, c’est-à-dire 7°,45 d'oxygène qui servaient à l’oxydation.
Après l’inhalation, il n'en disparaissait plus que 23°,45 — 172,5, c’est-à-
(1) P. Bert, Pression barométrique, 1877, p. 802.
SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 693
dire 5°°,95 ou 1%,5 en moins, c’est-à-dire un cinquième en moins de la
consommation normale.
- On peut encore exprimer ce ent par le rapport des sangs veineux
aux sangs artériels, ce qui donnera
c’est-à-dire que le second rapport étant plus petit que ie premier, cela veut
dire qu’à l’état normal, avant l’inhalation d'oxygène, la consommation de
ce dernier, les oxydations interstitielles sont plus intenses qu'après les
inhalations d'oxygène, qui ralentissent au contraire les mouvements d’oxy-
dation organique.
En voici un autre exemple : avant l’inhalation, le sang artériel renferme
15 centimètres cubes d'oxygène; au même moment le sang veineux en
contient 9 centimètres cubes; cela veut dire que 6 centimètres cubes d’oxy-
gène ont disparu en produisant des oxydations.
Après l’inhalation, le sang artériel contient 15°%,5 d'oxygène, le sang
veineux en renferme 11 centimètres cubes, c’est-à-dire que 4,5 d’oxygène
ont disparu dans les oxydations, ce qui fait 1,5 ou un quart en moins qu’à
l’état normal.
Ou encore, avant l’inhalation, le rapport de l’oxygène du sang artériel à
celui du sang veineux est de 1,66, tandis qu'après l’inhalation il est de
1,40; il est plus faible et par conséquent les oxydations sont plus lentes.
Dans une autre expérience faite dans les mêmes conditions que les pré-
cédentes, avant l’inhalation d'oxygène, les SANT au niveau des capil-
laires sont représentées par 5,15, ends qu'après les inhalations ces oxy-
dations ne sont évaluées qu’à 3,90.
On peut donc conclure que les inhalations d’oxygène, au lieu de bruler
l'organisme, ralentissent les combustions organiques.
Ce ralentissement des oxydations a été tel dans quelques-unes de nos
expériences, que la différence d’oxygène employé en moins après les inhala-
tions a été un tiers de l’oxygène brülé à l’état normal.
Une dernière question : les inhaiations telles qu’on les fait chez l’homme,
à la dose de 5 à 6 litres d'oxygène répétées deux ou trois fois par jour,
produisent-elles des effets physiologiques ?
Mes expériences, bien des fois répétées, ne m'ont fait découvrir aucun
des faits décrits au début de ce travail. Pour obtenir des effets sensibles,
il faut se servir d’un mélange composé de 1/3 d’oxygène et de 2/3 d’air,
par exemple 33 litres d'oxygène et 66 litres d’air que l’on fait circuler à
travers les poumons à l’aide d’un appareil à soupape, ou encore 20 litres
d'oxygène et 40 litres d’air.
Avec des doses inférieures, on peut bien obtenir quelques effets, mais,
au bout de dix minutes, un quart d'heure, tout a disparu. On peut donc
694 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dire que la méthode ordinaire des cliniciens est insuffisante. La clef du
problème est de faire respirer un mélange au tiers pendant vingt minutes
ou une demi-heure. Pour avoir des effets physiologiques durables, il faut
que l’inhalation ait une durée de 20 minutes à une demi-heure et même
plus si c’est possible. *
On ne doit pas craindre les inhalations d'oxygène dans les cas de tuber-
culose ; elles ne produisent pas d’hémoptysies.
BOURLOTON. — imprimeries réunies,‘ A, rue Mignon, 2, Paris,
697
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1884
Présidence de M. Paul Bert, président.
M. le docteur BEAGREGARD a été élu me mbre titulaire de la Société de
biologie dans la séance du 6 décembre.
NOTE SUR LA SPECTROSCOPIE DES TISSUS VIVANTS,
par MM. Albert RoBin et [. STRAUS.
Dans la dernière séance de la Société de biologie, M. Hénocque a com-
muniqué un travail des plus intéressants sur la spectroscopie des tissus
vivants. Ce sujet avait été étudié précédemment par Vierordt, puis par Fi-
lehne, et après avoir eu connaissance de leurs recherches, nous avons nous-
même, en 1880, institué une série d'expériences de contrôle qui nous ont
conduits à des résultats un peu différents de ceux qu’ils avaient obtenus.
Aussi, comparant nos observations avec celles de nos prédécesseurs et celles
récemment publiées par notre savant collègue, nous croyons avoir recueilli
un certain nombre de faits qui peuvent servir à la critique de la méthode et
sont de nature à inspirer quelques réserves sur sa valeur actuelle comme
moyen d'exploration clinique. -
Vierordt examinait la pulpe du doigt après avoir lié celui-ci avec une
mince bande de caoutchouc; il utilisait la lumière réfléchie et particulière-
ment la lumière solaire diffuse; enfin il se servit successivement des spec-
troscopes à vision directe de Browning, de Schmidt et Hans, de Seibert et
Krafft, en accordant la préférence à ce dernier instrument.
Nous essayämes d’abord la lumière transmise; mais quelle que füt la
source lumineuse employée, nos tentatives restèrent infructueuses ; à peine
nous fut-il possible de déterminer les raies de l’oxyhémoglobine avec la
lumière fournie par une bougie Jablochkoff du plus gros modèle, et en nous
servant du grand spectroscope de Dubosq et du spectroscope à vision directe
de Browning.
Comme Vierordt recommandait spécialement le spectroscope de Seibert
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 42, D4
698 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
et Krafft de Wetzlar, nous fimes fabriquer par ces constructeurs un instru-
ment qui nous permit de faire nos recherches dans les mêmes conditions
que le savant allemand, et en employant comme lui la lumière solaire dif-
fuse réfléchie.
Mais après d’assez nombreuses expériences, nous avons pu nous con-
vaincre que les procédés actuels de spectroscopie des tissus vivants n’avaient
point encore un degré de précision suffisant pour légitimer leur entrée dans
la pratique. Et ceci pour les motifs suivants :
1° Il est extrêmement difficile d'apprécier exactement le moment où dis-
paraît la première bande de l’oxyhémoglobine, et deux expérimentateurs
différents obtiennent pour une même observation des chiffres dissemblables,
l’un d’eux affirmant la réapparition du jaune, tandis que l’autre perçoit en-
core la bande de réduction. Il y a là une erreur personnelle considérable
qui rend les chiffres donnés par tel ou tel auteur assez divergents pour qu'il
soit difficile d'établir entre eux une comparaison. Aïnsi, entre les obser-
vations des auteurs de cette Note, il y a eu des dissemblances qui se sont
élevées parfois jusqu’à 30 pour 100. D'un autre côté, la moyenne physiolo-
gique de Vierordt, de M. Hénocque et les nôtres diffèrent notablement. En
effet, sur 201 observations, Vierordt en note 42 de 40 à 74 secondes, 110 de
75 à 150 secondes et 49 au-dessus de 150 secondes, de sorte que les chiffres
de 75 à 150 secondes peuvent être considérés comme la moyenne physio-
logique pour Vierordt. Or M. Hénocque trouve comme moyenne 59 à 65 se-
condes ; nous-mêmes avons trouvé de 80 à 110 secondes.
2% Pour un même observateur, l'instant précis où disparaît la bande
d'absorption est d’une constatation des plus difficiles, car cette bande s’atté-
nue graduellement et avec une lenteur qui n’est pas toujours la même, de
sorte qu'entre le moment où elle palit et celui où elle s’efface, il y aune
période d’indécision assez variable et qu’augmente encore l'incertitude vi-
suelle causée par la tension prolongée du regard. Quand on croit avoir vu
disparaître la bande, il suffit de fermer l’œil pendant une à deux secondes,
puis de le rouvrir pour apercevoir encore sa trace. Peu à peu, la teinte de-
vient si vague, quoique encore perceptible, que la constatation de sa totale
disparition exige des tàtonnements peu compatibles avec une mensuration
exacte. Et nous ne confondons pas ici les derniers linéaments de la bande
avec la teinte sombre très légère et très diffuse qui représente à la fin de
l’expérience la bande de l’hémoglobine réduite.
3 L’échelle des variations physiologiques est assez étendue pour qu’on
soit en droit de demander si celle des variations pathologiques est assez
grande pour la dépasser. M. Hénocque donne les limites de 45 à 85 se-
condes ; mais Vierordt a observé sur lui-même des variations de 40 à
330 secondes ; nous-mêmes avons obtenu comme extrêmes de 45 observations
sur le même individu 30 et 120 secondes. Après le repas du soir, l’un de
nous observait successivement sur l’index droit 30 et 38 secondes, tandis
que l’autre notait sur lui-même et avec le même doigt 140 et 150 secondes.
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 699
Or ce chiffre de 30 secondes est celui déterminé par M. Hénocque dans
l’anémie par perte de sang.
4 L'examen successif des divers doigts de la main donne des chiffres
qui ne concordent pas, soit que l’on opère sur les doigts de la même main,
soit sur ceux des deux mains. Voici deux expériences à l’appui de cette as-
sertion :
BRAIN TaAUCHe +. eee 104 secondes
InAESAANOIL- PRE ie. To —
Médius gauche......... Te —
Médius droit....... PNR OD nu
Exp. IL Index gauche .......... (CORRE
= Médius gauche....... PASSE
Index droit ARR Ee Pere 30 —
La conséquence qui s'impose, c’est qu’en cas d'incertitude dans l’appré-
ciation de la réduction de l’hémoglobine, incertitude si fréquente comme
nous l’avons exposé plus haut, on ne pourra répéter l’observation sur un
autre doigt.
5°Malheureusement, s’il y a le moindre doute sur le chiffre trouvé, il faudra
cependant se contenter de cette unique observation, puisque d’un côté celle-
ci ne peut être répétée sur un doigt différent, et que d’un autre côté nous
allons prouver que des mensurations consécutives effectuées sur le même
doigt fournissent aussi des chiffres discordants. Les trois expériences sui-
vantes le démontrent.
17e obs. 2e obs. 3° obs. 4e obs.
Exe. Il. Index gauche... To SE” 100” 80"
Médius ....... 65" 102" 90" 15"
Annulaire .... 15"! 103" 83" 90"
Exp. IV. Index gauche . 53/! SA til
Exp. V. Médius gauche. 85" 110"
Index droit ..… 82" 94"
Médius droit .. 90" ou
Index gauche . ITU 105"
6° Les mêmes conditions physiologiques chez le même sujet n’engendrent
pas Loujours des variations dans le même sens. La digestion, entre autres,
tantôt augmente le temps nécessaire à la réduction, tantôt elle le diminue,
et cela dans des conditions de régime et de Santé absolument identiques.
En voici des exemples :
Exp. VI. Avant le déjeuner. Index gauche. Moy. de 3 obs. 110”
2 h. après le déjeuner. — — à — 87/
Exp. VIL. Avant le déjeuner, —. — 93— 72!!
2 h. après le déjeuner. — — 3 — 104"
700 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
En résumé, la méthode de spectroscopie des tissus vivants due à Vierordt
est passible de six ordres d’objections, telle que l'erreur personnelle et par
conséquent le défaut de concordance entre les observateurs; la difficulté
d'apprécier la disparition de la bande, l’étendue des variations physiologi-
ques, la variabilité de la réduction dans les divers doigts de la main, la
discordance d'examens successifs faits sur un même doigt, la dissemblance
des chiffres obtenus pour des états physiologiques semblables. Donc, avant
de tenter l'introduction de ce nouveau moyen d'exploration, dans la physio-
logie et dans la clinique, il importe de modifier, s’il est possible, sa tech-
nique, de façon à éliminer les causes d'erreur fondamentales que nous venons
de signaler.
ETUDE SPECTROSCOPIQUE DU SANG A LA SURFACE UNGUÉALE DU POUCE.
Notes complémentaires, par M. A. HÉNocQuE.
Je présente à la Société des détails complémentaires sur diverses parti-
cularités que présente l’examen spectroscopique du sang à travers l’ongle,
parce qu'ils feront comprendre la nécessité de procéder méthodiquement à
cet examen, suivant les précautions que j'ai indiquées, si l’on veut éviter
les causes d’erreur qu'ont présentées les modes d'exploration appliqués par
divers expérimentateurs, ‘et dont je ne saurais accepter la responsabilité
puisque, bien que eux et moi nous ayons examiné la même matière, c’est-à-
dire le sang à travers les tissus, les moyens employés sont tout à fait diffé-
rents. J’insiste sur la nécessité de tenir compte, non seulement de la
largeur de la bande principale, mais aussi de sa position dans les diverses
phases du phénomène et enfin de son intensité.
I. — Pour démontrer l’importance de la position de la bande et de l’é-
tude des autres particularités de l’image spectrale, je présente une planche
coloriée que j'ai établie d’après nature pour démontrer les diverses phases
du phénomène de réduction.
C’est ainsi que l’on voit avant la ligature la bande + occupant l’espace
de 510 à 559,5 en millionimètres, c’est-à-dire dépassant la bande D sur la
gauche en l’espace de 30” environ, il se produit le phénomène de virage,
c’est-à-dire que la bande passe à droite de D et laisse voir le jaune, puis
le spectre se dégage en même temps que la bande s’affaiblit et disparait ;
de sorte que vers 55”, le’spectre semble ininterrompu: c’est la phase
de réduction de l’oxyhémoglobine à la surface sous-unguéale, et c’est celle
dont je note la durée; mais, si je laisse la ligature en place, je constate
alors de nouveaux phénomènes, la région jaune et jaune verdàtre s’as-
sombrit, et peu à peu il semble que la bande réapparaisse ; mais elle est
bien moins intense que la première, plus diffuse, et elle s'étend à gauche
de D au dela même de 560. Or à ce moment, qui peut correspondre
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 701
à 120", 150", 180/, on peut confondre cette bande de l’hémoglobine ré-
duite avec la bande primitive du sang oxygéné, si on ne tient pas compte de
sa position et de sa largeur. Le phénomène s’accentue et atteint son maxi-
mur en 240", mais en même temps le rouge s’assombrit et il y a obscurité
du spectre dans la région rouge, s'étendant d’abord à 650 à gauche de C, puis
dépassant C jusqu'à 630, de plus toute la région jaune vert est assombrie,
et au delà de E toute la partie est noire. En même temps le sang, qui a
l’aspect veineux foncé si on l’extrait dans la période de réduction, a pris
une couleur brunâtre laquée, enfin la phalange unguéale offre une teinte
livide ou cyanosée, d’où le nom de période de cyanose sous lequel je la
désigne. La ligature est devenue douloureuse, et produit des fourmillements
qui obligent à ne pas en prolonger l’application.
Il résulte de ce fait qu’il ne faut pas interrompre l’examen dans la pé-
riode qui s’étend entre 30/' et 80’ pour ne pas laisser inaperçue la période
de réduction.
II. — J'ai choisi le pouce de préférence à tout autre doigt parce qu’en
outre de la facilité d'application instantanée de la ligature, il offre cet avan-
tage de présenter une phalangette facile à isoler et une lunule sous-
unguéale plus développée que sur les autres doigts.
L'expérience suivante que j'ai répétée 7 fois et sur 4 individus diffé-
rents prouve en effet qu’il faut tenir grand compte de la quantité de tissus
et surtout de tissu osseux qui sépare la ligature, de l’ongle observé. En effet,
appliquant une ligature de caoutchouc au poignet, au-dessous des apo-
physes styloïides radiale et cubitale, j’ai comparé pour chaque ongle la durée
de la réduction. Or j'ai trouvé toujours la durée la moindre au pouce, puis
à l’annulaire, ladurée plus grande au médius, et pour l'index et l’annulaire
une durée intermédiaire. Les diagrammes que je présente montrent d’une
manière évidente cette relation directe entre la durée de réduction et la
distance de l’ongle à la ligature. L’explication de ce fait me semble facile à
donner.
Au moment de la ligature on isole un large territoire vasculaire dans
lequel les échanges ne sont pas absolument identiques, il se fait des
sortes de réserves dans le tissu osseux, et probablement des communica-
tions entre les territoires divers, comme on le voit quand on examine au
microscope la circulation dans la membrane natatoire de la grenouille; en
définitive, il semble que plus il y a de substance osseuse entre la ligature
et l’ongle, plus longue est la durée de la réduction.
La conclusion à tirer de ces expériences est qu’il importe de tenir compte
dans les observations de la distance de la ligature à l'extrémité de la pha-
lange du pouce, ce qui est bien facile, car il n’y a qu'à la comparer à la
longueur du pouce de l'observateur, qui peut d'avance facilement déterminer
la distance de tous les plis de l'articulation de la phalangette de son propre
pouce à l’extrémité de ce doigt.
IL. — S'il estimportant, dans l'examen spectroscopique de l’ongle, de ne
CONTE eee
nt a”
702 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pas se laisser distraire et de ne pas l’interrompre, il ÿ a moyen de faire
varier les impressions rétiniennes de façon à les renouveler pour ainsi dire;
c’est pourquoi l’on doit examiner, par de légers déplacements du spectro-
scope, l’ongle de long en large, puis l’ongle, la lunule et le rebord cutané
qui l'entoure : on voit ainsi que la disparition de la bande se fait d’abord
dans la lunule, puis quelques secondes plus tard dans l’ongle, mais elle per-
siste encore pendant quelques secondes à la peau ; or à un certain moment
le phénomène de réduction est complet dans ces trois régions, et c’est alors
que je note la phase de réduction; ces détails semblent bien délicats, ce-
pendant ils constituent un moyen de préciser l’examen très facile à acquérir
par la pratique.
IV. — Il ne faudrait pas conclure de ce que j'ai indiqué des variations
entre 0’’ et 100", chez des individus différents, que celles-ci peuvent être
observées à l’état normal. En effet, sur 130 notations, il y en a 80 entre 59”
et 19/! secondes, mais il y en a aussi 25 entre 55” et 60”, et, d'autre part, il
n’y en a que 6 au-dessous de 38’ et 6 au-dessus de 85//; or l'examen du
pouls ou de la température présenterait des variations comparables.
De plus, j'ai souvent trouvé le même chiffre à plusieurs jours d’inter-
valle, à plusieurs mois même, lorsque j'observais à la même période de la
journée; c’est ainsi que dans 62 observations prises à diverses époques en
six mois, j'ai trouvé 25 fois la durée de la réduction variant de 40!’ à 50”,
et 7 fois elle a été égale à 50/', 6 fois à 45", enfin 9 fois entre 45/ et 47.
Enfin, sur le même individu, si l’on examine le pouce après quelques
minutes d'intervalle, on trouve bien une différence de 5 secondes, quelque-
fois davantage, mais, s’il s’agit de variations ou de chiffres extrêmes, comme
dans les cas pathologiques, cette différence n’a plus grande importance, et
au contraire il est bon de renouveler l’examen toutes les fois qu'on aura
obtenu un premier chiffre exceptionnel.
Pour conclure, j'ai la conviction que, si l’on pratique méthodiquement cet
examen, on obtiendra des résultats importants; avec l’habitude, l'erreur
personnelle diminuera, et d’ailleurs j'indiquerai bientôt les moyens de
contrôle qui permettront de vulgariser la méthode dont je n'ai encore
exposé que le premier procédé.
DE LA LIGNE PRIMITIVE DES POISSONS OSSEUX, par M. L. F. [ENNEGUY.
Depuis que Dursy, en 1866, a établi nettement la distinction entre la
ligne primitive et le sillon médullaire dans embryon du poulet, l'attention
des embryogénistes a été attirée sur ce point et on a cherché à retrouver la
même disposition dans les embryons des autres vertébrés. Chez les mam-
-mifères, une ligne primitive identique à celle des oiseaux et présentant avec
fr
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 703
l'embryon les mêmes rapports que chez ces animaux a été observée par
Hensen, Külliker, Lieberkühn, Rauber, etc.; Balfour, Strahl ont aussi
découvert un rudiment de cet organe chez les reptiles. Seuls les vertébrés
anallantoïdiens ont paru jusqu'à présent ne pas avoir de ligne primi-
tive.
Dans un travail récent en cours de publication, Kupffer (1) a décrit et
figuré une ligne primitive apparaissant dans le blastoderme de la truite et
du brochet avant la formation de l’embryon. Kupffer regarde comme erro-
nées les descriptions des premiers développements de l’embryon données
par ses devanciers. Suivant lui, au huitième jour de l’incubation, le blas-
toderme présente en un point de sa circonférence une petite saillie proémi-
nente, qui est le bourgeon caudal d’Œllacher; en avant de celui-ci, se
trouve un épaississement blastodermique que tous les auteurs ont considéré
jusqu'ici comme l’écusson embryonnaire. Au stade suivant, il se produit en
avant du bourgeon caudal, sur la ligne médiane de l’écusson, une invagina-
tion sous forme d’un sillon longitudinal. Ce sillon, que tous les. auteurs ont
décrit, que Baer, Vogt, Lereboullet et Stricker regardaient comme une gout-
tière médullaire, mais que les embryologistes modernes, Œllacher, His, etc.,
considèrent comme une simple dépression superficielle, est pour Kupffer
une véritable invagination ectodermique. Bientôt apparaît un autre sillon
perpendiculaire au premier, mais dont l'existence est temporaire et il ne
reste plus que le sillon longitudinal (gouttière primitive, Primitivrinne),
qui s’allonge en même temps que l’écusson embryonnaire. Les bords de la
gouttière primitive se réunissent en avant du bourgeon caudal et forment un
cordon axial médian que l’auteur considère comme une ligne primitive
(Axenstreif oder Primitivstreif). Vers le commencement du premier jour,
la gouttière primitive a disparu et la bandelette axiale, qui s’est élargie
à sa partie antérieure, occupe la ligne médiane de l’écusson. La dispari-
tion de la gouttière primitive coïncide avec le moment où la moitié du vi-
tellus est recouverte par le blastoderme.
Il y aurait donc dans le développement de la truite, un moment où toute
irace extérieure d’invagination a disparu, sans qu'il y ait encore formation
d’embryon. Ce stade serait caractéristique pour les téléostéens.
Pour Kupffer, embryon se forme d’une manière indépendante de ce qu’il
considère comme la ligne primitive ; la tête apparaît d’abord en avant de
l’extrémité antérieure de la bandelette axiale : elle consiste dans le rudi-
ment du cerveau, des yeux et d’une paire d’arcs branchiaux : elle se conti-
nue avec la bandelette axiale, dont elle est séparée par une constriction. Les
protovertèbres, qui apparaissent ensuite, se développent en dehors de la
bandelette axiale; la moelle au contraire se forme dans cette bandelelette et
est en continuité avec le cerveau.
104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Kupffer n’a pas encore figuré ni décrit les coupes qu’il a faites des em-
bryons qu’il a étudiés, mais ayant pratiqué moi-même un grand nombre
de coupes transversales et longitudinales d’embryons des stades indiqués
par Kupffer, comme possédant une ligne primitive, je crois pouvoir dès à
présent contredire les assertions de cet auteur.
Sur tous les œufs de truite que j’ai examinés, depuis le commencement
de l’apparition de l’écusson embryonnaire jusqu’à la fermeture du blasto-
derme, je n'ai jamais pu découvrir trace d’invagination. Le sillon longitu-
dinal, qui occupe d’abord l’axe de l’embryon, est tout à fait superficiel
comme on peut s’en convaincre en examinant les embryons à la lumière
réfléchie. Mais ce sont surtout les coupes transversales et longitudinales qui
montrent bien, par la disposition des cellules dans l’ectoderme, qu’il n’y a
pas d’invagination à une époque quelconque du développement.
Sur ces mêmes coupes on constate que, dès le début de la formation de
l'embryon, celui-ci commence immédiatement en avant du bourgeon caudal
d'Œllacher. C’est en ce point, comme je l’ai déjà montré, que se différen-
cient la corde dorsale et les lames mésodermiques. La partie antérieure de
l’écusson embryonnaire est constituée par un épaississement de l’ectoderme,
correspondant au cerveau, ainsi que l’a très bien vu, le premier, Œllacher.
Si le sillon longitudinal représentait une ligne primitive, comme le prétend
Kupffer, on ne trouverait pas à ce niveau la corde dorsale. On sait, en effet,
que, chez les vertébrés supérieurs, la corde dorsale ne se forme qu’en avant
_de la ligne primitive.
Le sillon longitudinal, qui apparaît à la surface de l'embryon sur la ligne
médiane, correspond bien à la gouttière nerveuse des autres vertébrés ; mais
chez les téléostéens cette gouttière disparaît de bonne heure par un pro-
cessus spécial. Les bords du sillon ne se rapprochent pas par leur partie
supérieure pour former un canal, ni par leur face interne pour constituer
une fente linéaire, comme l’a dit Calberla: ils se rapprochent par leur partie
profonde, de sorte que le fond de la gouttière est soulevé et arrive finale-
ment au même niveau que les bords; il y a donc là plutôt évagination
qu'invagination. Pour comprendre ce phénomène, on peut comparer les
bords du sillon à deux vagues qui, poussées l’une contre l’autre, se fusion-
nent par leurs bases, sans déferler, pour constituer une vague unique. La
vague résultant ainsi de la fusion des deux autres est l’axe nerveux, dans
lequel se forme plus tard une cavité par un processus que j'ai déjà indiqué
dans une Note précédente. Gette explication de la disparition du sillon mé-
dullaire primitif n’est pas une simple vue de l'esprit; elle est fondée sur
l’examen en surface des embryons et sur l’étude des coupes transversales.
Lorsque le sillon longitudinal apparaît, il a la forme d’un V dont la
pointe est en contact avec le bourgeon caudal, comme Ziegler (1) l'a très
(1) Ziegler, Die embryonale Entwickelung vor Salmo Salar, Freiburg in-Br.,
1882.
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 105
bien représenté (pl. IT, fig. 4). Peu à peu ses bords se rapprochent, devien-
nent parallèles et se fusionnent à la partie antérieure de l’embryon, puis le
sillon devient de moins en moins profond et disparaît de la partie caudale
à la partie céphalique de l'embryon. Les coupes transversales de ces
différents stades montrent également bien le rapprochement des bords du
sillon et l’épaississement progressif de l’ectoderme sur la ligne médiane.
Elles montrent en outre que les rangées de cellules ectodermiques disposées
primitivement suivant des courbes à convexité inférieure, se redressent de
la profondeur vers la surface et finissent par former des courbes à convexité
supérieure.
Le sillon transversal, qui croise à un certain moment le sillon longitudinal
vers son tiers antérieur, et les fossettes qui apparaissent sur le trajet de ce
dernier représentent, comme l’admettent la plupart des auteurs, les vési-
cules cérébrales primaires; ces dépressions superficielles s’effacent par un
processus identique à celui qui fait disparaitre le sillon longitudinal.
Si les faits que je viens d’exposer ne suffisent pas pour prouver que le
sillon longitudinal ne peut être considéré comme une ligne primitive, je
donnerai une preuve encore plus démonstrative de l'erreur d'interprétation
dans laquelle Kupffer est tombé. Sur un embryon d'environ deux millimè-
tres, intermédiaire à ceux que Kupffer a figurés pl. I, fig. 9 et 10, il existe
déjà trois protovertèbres de chaque côté de la ligne médiane vers la région
moyenne, là où le sillon longitudinal a complètement disparu. Ces proto-
vertèbres se voient nettement, soit sur des coupes longitudinales, soit
encore mieux sur l'embryon entier, vu par transparence, après avoir été
coloré et monté dans le baume de Canada. Il est donc bien évident qu'il ne
saurait être question de ligne primitive au niveau de ces protovertèbres et
à fortiori en avant. Il en est de même de la partie située en arrière Jusqu'au
bourgeon caudal, puisque, comme je l’ai déjà dit, la corde dorsale est bien
délimitée dans cette région.
A la partie postérieure de la corde dorsale, se trouve, chez de très jeunes
embryons de truite, une vésicule provenant d’une invagination endoder-
mique et que j'ai désignée sous le nom de vésicule de Kupffer, la considé-
rant comme identique à celle que cet auteur a fait connaître chez l'épinoche
et qui a été vue depuis dans un très grand nombre d’embryons de téléostéens.
Cette vésicule, située immédiatement en avant du bourgeon caudal, apparaît
de très bonne heure, dès que commencent à se différencier l’axe nerveux,
la corde dorsale et les lames mésodermiques. Sur les coupes transversales
faites à son niveau, on voit que la partie supérieure de la vésicule est en
contact immédiat avec l’axe nerveux. Lorsqu'on compare ces coupes à des
coupes pratiquées à travers la partie postérieure d’un jeune embryon d'oiseau
(oie, perroquet) ou de reptile (lézard), dans la région du canalneurentérique,
on est frappé de la ressemblance qui existe dans la disposition des feuillets
blastodermiques. On ne trouve plus en ce point de limite nette entre l’ectoderme
et l’endoderme, et la seule différence qui existe entre les téléostéens et les
706 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sauropsides c’est que chez ces derniers il y a communication entre le tube di-
gestif et le canal médullaire, tandis que chez les poissons osseux, l’axe ner-
veux étant primitivement solide, il ne s'établit entre cet axe et l'intestin
qu'une simple relation de contact. La vésicule de Kupffer est, en effet, le
premier vestige de l'intestin postérieur, et, en suivant son évolution, on la.
voit s'étendre en avant et devenir la partie postérieure du tube digestif.
Chez le brochet et l’éperlan, Kupffer a vu la vésicule provenir d’une inva-
gination ectodermique ; il existe alors un canal qui va de l’endoderme à la
face dorsale de l'embryon. Chez la truite, je n’ai jamais pu constater une
semblable invagination ; mais l’existence de ce canal chez d’autres poissons
me semble une raison majeure pour admettre l’homologie de cette région
avec celle du canal neurentérique, puisque chez ces animaux le canal d’in-
vagination met en rapport l'intestin primordial avec le sillon médullaire
primitif non encore oblitéré. |
Dans le bourgeon caudal, situé en arrière de la vésicule de Kupffer, les
feuillets sont confondus. La structure de cette partie de l'embryon est iden-
tique à celle de la tête de la ligne primitive des vertébrés supérieurs. De
par sa situation et sa constitution histologique, le bourgeon caudal me
paraît donc correspondre à la ligne primitive. Ce bourgeon, comme la
ligne primitive, apparaît de très bonne heure avant l'embryon proprement
dit et persiste avec la même structure jusqu'à la fermeture du blasto-
derme, dont les bords viennent se réunir à lui pour constituer la partie
postérieure de l’embryon.
Enfin, comme l’ont vu la plupart des auteurs qui se sont occupés du
développement des poissons osseux, l'extrémité postérieure de l’axe em-
bryonnaire se bifurque en avant du bourgeon caudal, et les deux branches
de la bifurcation embrassent le bourgeon et viennent se confondre avec
le bourrelet blastodermique. Kupffer rapproche cette bifurcation de celle
qui se voit à la partie postérieure de la ligne primitive des oiseaux et
des reptiles ; il me semble plus naturel de l’assimiler à la disposition qui
existe à la partie postérieure des embryons des mammifères et des oiseaux,
chez lesquels l'extrémité du sillon médullaire embrasse la tête de la ligne
primitive.
Je crois donc, avec Kupffer, que l’embryon des téléostéens possède une
ligne primitive ; mais, tandis que Kupffer regarde le sillon longitudinal
comme représentant cette ligne, pour moi, ce n’est que le bourgeon caudal
qui peut être assimilé à cet organe primaire. La ligne primitive des téléos-
téens est rudimentaire et présente une grande analogie avec celle des
reptiles. Kupffer a figuré, en effet, à la partie postérieure de l'embryon du
Lacerta agilis un bourgeon qui me paraît identique à celui des téléos-
téens. Bien que cet auteur regarde les reptiles comme dépourvus de ligne
primitive, je me range entièrement à l’opinion de Balfour et de Strabl, qui
considèrent ce bourgeon comme une ligne primitive.
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 707
LE CALORIMÈTRE A SIPHON ET LA PRODUCTION DE CHALEUR.
Note de M. Cu. Ricner (1).
Nous avons, dans une précédente communication, indiqué les conditions
techniques de l’expérience qui consiste à mesurer la chaleur par la dilata-
tion de l'air ambiant et à mesurer la dilatation de l’air ambiant par le vo-
lume d’eau qui s'écoule d’un siphon exactement amorcé.
Ce calorimètre a certains avantages et certains inconvénients.
Ses avantages sont : la simplicité, la rapidité de l’expérience, et enfin
l'extrême sensibilité. Les appareils à manomètre ne peuvent évidemment,
à aucun de ces points de vue, lui être comparés. En outre, le débit d’eau
est tellement considérable, que son inscription par la méthode graphique
est très facile.
_ Comme inconvénient, il a une sensibilité peut-être exagérée, en ce sens
que les variations barométriques, et surtout celles de la température am-
biante, agissent d’une manière assez puissante, et qu'il faut faire des eor-
rections toujours délicates. En effet, ce vaste thermomètre à air, qui est la
double enceinte entourant l’animal, a des oscillations moins rapides que
celles du thermomètre à mercure, de sorte qu'il est difficile de juger si
1/25° de degré du thermomètre à mercure correspond simultanément à 1/25°
de degré pour le thermomètre à air. En second lieu, dans l’enceinte où il
est enfermé, l’animal n’est plus à la même température que le milieu
ambiant ; il a échauffé le milieu ambiant d’une quantité de chaleur très
appréciable. L'appareil imaginé il y a longtemps par.M. d’Arsonval est le
seul qui réponde à cette indication de maintenir l’animal à une température
constante. Enfin, par suite de la nature même de la mesure (écoulement
d’un débit d’eau), la quantité de chaleur ne se peut apprécier que dans un
sens positif. S'il y a des oscillations dans la production de chaleur de
animal, ces oscillations ne peuvent être connues. C’est toujours une pro-
duction de chaleur qu’enregistre l’appareil, avec augmentation, diminution
ou cessation, mais sans pouvoir rétrograder. Ainsi un animal qui, après
avoir donné beaucoup de chaleur, n’en donne plus du tout, fournira la
même courbe qu'un animal ayant HOT beaucoup de chaleur, et conti-
nuant à en produire.
En somme, malgré ces légers inconvénients, ce nouveau procédé calori-
métrique nous semble d’un usage facile et très exact, pouvant donner en
moins d’une heure des indications précises-sur la quantité de chaleur émise
par tel ou tel animal.
(1) Voyez les Bulletins de la séance du 30 novembre, p. 655.
7108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Au bout d’un certain temps la dilatation de l'air s’arrête, et l'écoulement
d’eau, qui a été très fort dès la seconde ou troisième minute, à partir de ce
moment, tend à devenir de plus en plus lent. En général, au bout de qua-
rante minutes environ, il cesse ou se ralentit beaucoup, de sorte que le
maximum de dilatation est atteint en moins d’uneheure,
Geci peut s’expliquer d’une manière fort simple : l’enceinte qui entoure
l'animal est soumise à la fois au réchauffement par l'animal et au refroidis-
sement par l'air ambiant. Ces deux phénomènes étant opposés l’un à
l’autre, un certain équilibre s'établit : le gain par la chaleur de l'animal
étant égal à la perte de chaleur de l’enceinte de cuivre qui rayonne dans
l'atmosphère.
Aussi, d’une manière générale, la courbe obtenue en inscrivant les débits
d’eau est-elle toujours une parabole, ou du moins presque toujours ; car, le
gain restant constamment le même, la déperdition est d'autant plus grande,
que plus grande est la différence de température entre l'enceinte métallique
et l’air extérieur.
Cette considération est importante, car elle permet de limiter à un très
court espace de temps la durée de l’expérience. Au bout de quarante minutes
environ, on peut arrêter la mesure de l’eau qui s’écoule, car l’expérience
est à peu près terminée, et les variations de la température extérieure
exerceront plus d'influence que la chaleur gagnée par le fait de l’animal
enfermé dans l’enceinte.
Nous nous contenterons pour aujourd’hui d'établir les trois propositions
suivantes :
1° La radiation extérieure, autrement dit la perte de chaleur, autrement
dit encore, puisque l’animal reste à une température invariable, la produc-
tion de chaleur, est, avant tout, fonction du volume de l'animal. Les con-
ditions physiologiques diverses exerçant une moindre influence que cette
condition primordiale de la taille.
Nous vérifions ainsi, par l'expérience directe, les faits si bien exposés par
Regnault et Reiset dans leur mémoire classique sur la respiration des ani-
maux. |
En effet, on démontre en physique que le refroidissement — ou la radia-
tion — est proportionnel à la surface ; or la surface ne croît pas aussi vite
que le volume. Si l’on suppose les animaux comme des sphères de volume
inégal, les volumes respectifs sont entre eux comme les tubes des rayons,
tandis que les surfaces respectives sont entre elles comme les carrés des
rayons (1). :
(1) Soit R le rayon d’une sphère, son volume sera 4/3 + R? ; et sa surface, 4 x R?;
ou bien, en chiffres, 4,2 R, et 12,6 R2. On trouve alors, en comparant des vo-
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 109
Ces considérations s’appliquent aux animaux vivants; et, quoique leurs
formes soient tout à faitirrégulières, comparées à celle d’une sphère parfaite,
on peut approximativement leur appliquer ces faits géométriques. Nous
pouvons supposer aussi, ce qui est très proche de la vérité, que leur densité
est homogène, et que leur poids et leur volume sont absolument corrélatifs.
Il suit alors de là qu’un animal de 113 kilogrammes a une surface 100 fois
plus forte que celle d’un animal qui pèse 113 grammes; cependant son
poids est 1000 fois plus fort, de sorte que 100 petits animaux, pesant chacun
113 grammes, et, par conséquent, pesant en tout 11,300, ne dégageront
pas moins de chaleur qu’un animal pesant 113 kilogrammes.
Appliquons ces données à nos expériences.
Nous avons expérimenté, à ce point de vue, avec des lapins pesant 3 kilo-
grammes en moyenne; des cobayes pesant 650 grammes en moyenne; des
pigeons de 350 grammes; de petits cobayes pesant 150 grammes, et des
moineaux pesant 20 grammes.
En supposant ces cinq groupes d'animaux des sphères parfaites, leurs
volumes seront respectivement à peu près :
Volume. Surface.
LADINS RSA More 3000 1000
Gros cobayes..... Re 650 300
BIO CONS ER Sc CE tee 300 240
BeHISICODANESE 7 TENTE O0 120
MOMEAEEPREEEE EEE EE es 20 30
Et les rapports des surfaces seront :
lapins ner SSD CS Le 80
Gros icobayess PAT Re RONA 30
BÉCÉONSE ES AR ee een SRE 20
DEMÉSRCODANES ER er Ce coboneocea 10
MOIREAUXS 2. ee Er ETES de 9
lumes différents, les surfaces corrélatives suivantes pout des sphères dont le rayon
varie.
VOLUMES. | SURFACES.
113,000 11,300
4,200 1,260
3,060 1,010
2,150 806
699 981
389 255
269 201
180 154
113
99 50
20 96
710 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Tandis que les rapports des poids seront:
Lapins" FSRÈReE Mt... LR COR ET . 150,00
GrosicobDayes RE ec EN ACREn CT 92,00
Pigepnst. SSP... ORNE 17,00 .
Petits cODAVES SERRE. CORP ERU LE 7,9
Moineaux-SÉeRPRRPEN. OP Pre 1
Or, pour 1 kilogramme d’animal, les quantités de chaleur produite ont
été, en moyenne, si nous représentons la chaleur produite par la quantité
d’eau qui s’est écoulée pendant une heure du calorimètre :
‘
PA AS RE eee en an SULS
GTOSACODANES Eee cer CCE 82
PIRCONSE 7 MR AS Re AA tr me 112
PetilsiCobayes. 11. 6rr MU TI RE RRRETE 150
Moinéauxt. 484 OR MEN RRE 450
Pour éliminer les considérations de poids, nous devons multiplier ces
chiffres par les rapports respectifs des poids, et nous trouvons alors :
LAPINS RS ERA EnEE 31 X 150—5550
GEDSICOAVES REP PEN PEER 82X 32—2624
LISeONS Eee DM Tee HS T=AOUA
Betis tenhaves tee" Rrere 150X 7,5—1125
Moineaux sans er enton res 4150 MAS
Telles sont, à peu près, les quantités de chaleur produite par L'anioel
indépendamment du poids et de la surface.
Mais, si nous rapportons ces quantités à une unité de surface arbitraire,
telle par exemple que le tiers de la surface d’un moineau, nous avons:
LANINSS 66 Moto oc EEE 69cc
GROSICODAVES A LE ER ere ene 87
PIS CONS SERRE AR RUE 95
PetItSKCODAVES EEE AS AE US ne re 112
Moineaux er mate ect pans 150
Ces quantités sont bien plus voisines l’une de l’autre que les quantités de
chaleur calculées par rapport au poids.
Cependant nous ne trouvons pas encore de proportionnalité parfaite : cela
tient en grande partie à ce que les animaux ne sont pas des sphères régu-
lières, mais présentent des irrégularités de surface qui rendent le dévelop-
pement de la surface beaucoup plus considérable pour les petits animaux que
pour les grands. Les irrégularités d’une petite sphère étant, relativement
à son volume total, bien plus importantes que celles d’une grande sphère.
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 711
Nous pouvons donc formuler autrement cette loi, en disant que la pro-
duction de chaleur d’un animal est fonction, non de son poids, mais de sa
surface. |
Au point de vue de la physiologie générale, c’est un fait bien remarquable
que l’activité chimique des tissus, qui produit de la chaleur, soit à ce point
dépendante dela taille. Il y a là un caractère extérieur qui, à première vue,
parait secondaire, alors qu’en réalité il domine la fonction chimique de tous
les tissus.
Dans toutes nos expériences, nous avons constamment trouvé que les
petits animaux produisent, relativement au poids, beaucoup plus de chaleur
que les gros, et que des animaux de même poids, autrement dit de même
volume, produisent, à très peu de chose près, des quantités de chaleur
égales.
Je donnerai prochainement quelques courbes graphiques, indiquant la
netteté de cette loi. En voici une qui suffira pour démontrer la netteté de
l'expérience (voy. p. 112).
Voici en outre quelques chiffres :
Production de chaleur
en une heure pour 1 kilogramme.
RAS EMI OO EEE PAR een 40
Dern MORE RE LE qe 40
(DIT GES GE RER een RE UE
Ainsi trois animaux de même poids, aussi différents zoologiquement qu’un
chat, une oïe et un lapin, ont produit tous les trois la même quantité de
chaleur, et leur courbe est tout à fait identique.
Dans un autre appareil récepteur (couveuse de M. d’Arsonval), disposée
comme un cCalorimètre à siphon), nous avons trouvé les chiffres suivants,
qui, par suite de la différence des appareils, ne sont pas comparables aux
précédents, mais sont comparables entre eux :
CHAT AE ON ÉTIOSTAMINEST ee» à à See due se sen a Ne esta on AE
Lapins de 3 kilogrammes (moyenne de 13 expériences)... 67
Cobayes de 600 grammes (moyenne de 4 expériences)... 90
Pigeons de 350 grammes (moyenne de 3 expériences).... 150
Nous avons même pu établir une sorte d’analogie physique entre la radia-
tion des animaux et celle d’un corps inerte.
Plaçant dans le calorimètre un litre d’eau, dans un flacon, nous avons
constaté un débit bien inférieur à ce que donne un litre d’eau à la même
température (41 degrés), placé dans cinq flacons.
En résumé, de ce premier fait ressort en toute évidence que la production
de chaleur est fonction de la surface et non du poids.
On remarquera que les mammifères vivant dans l’eau, et, soumis par
7119 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
En bas, sur l’ordonnée horizontale, sont indiquées les minutes. À gauche, sur lordonnée
verticale, sont.les quantités d’eau tombées, exprimées en centimètres cubes et rappor-
tées à 1 kilogramme du poids de l'animal. Les courbes indiquent done le déhit de
l’eau qui s’écoule en une heure du calorimètre, pour 1 kilogramme d’animal.
Eau B. — 1 kilogramme d’eau à 41 degrés, placée dans un flacon.
Eau A. — 1 kilogramme d’eau à 41 degrés, placée dans cinq flacons de 200 grammes chacun.
Lapins D. — Moyenne de six expériences sur des lapins normaux pesant de 3000 à
3291) grammes.
Gros cobayes. — Quatre expériences différentes :
H. Cobayes de 775 grammes chacun en moyenne.
E. — AOL 2
L. — — 645 — —
M. — — 530 — —
Petits cobayes C (de 146 grammes). — F (de 141 grammes).
Les points qui interrompent les courbes sont les moments où la mesure de l’eau a été faite
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 149
conséquent à une déperdition de chaleur considérable, sont tous d’énorme
dimension ; s’ils étaient petits, ils ne pourraient suffire à la déperdition pro-
duite par le milieu liquide.
Le second fait est le suivant:
La production de chaleur est fonction du téqument.
Ayant montré précédemment que des lapins rasés consomment une quan-
tité énorme d'aliments, perdent de leur poids cependant et ont une tempé-
rature un peu plus basse que la normale, nous avons voulu étudier la radia-
tion de lapins rasés. Comme on pouvait s’y attendre, nous avons constaté
qu'ils produisent une radiation extrême. Alors que la radiation normale
d’un lapin est de 37 centimètres cubes par heure, celle d’un lapin rasé
(moyenne de quatre expériences) a été de 58 centimètres cubes (66-49-
92-56). :
S1 nous trouvons identité pour la production de chaleur d'animaux de
même volume, mammifères ou oiseaux, cela tient à ce qu’en somme le
tégument des oiseaux et le tégument des mammifères sont également bons
protecteurs de la chaleur interne.
En recouvrant de flanelle 3 litres d’eau à 41 degrés, nous avons eu une
radiation bien moindre qu’en laissant ces 3 litres dans le flacon non recouvert
de flanelle. C’est une sorte de grossière synthèse de l’expérience du lapin
rasé comparé au lapin que protège son tégument naturel.
11 sera intéressant de voir, dans les expériences de calorimétrie que nous
projetons de faire sur l’homme, quelle sera l’influence des divers vêtements.
En enduisant d'huile la peau d’un lapin, on augmente énormément sa
radiation calorique. Un lapin complètement enduit d'huile avait, deux heures
après cette opération, une température de 56°,8 ; mais, malgré cette basse
température, sa radiation calorique fut de 56€, c’est-à-dire bien supé-
rieure à celle des lapins normaux.
Troisièmement, enfin, la radiation extérieure est fonction du système
nerveux.
Cela se démontre de la manière la plus formelle par l'expérience de la
piqüre du cerveau.
Pour cela, il est bon de faire la piqûre deux ou trois fois de suite au même
endroit à quelques heures de distance. Dans ce cas, on voit survenir une
hyperthermie extrême, comme je l’ai indiqué dans un travail antérieur.
Cette fièvre nerveuse survient surtout quand on pique les portions les plus
antérieures, en avant des corps optostriés et même sans toucher les corps
optostriés, presque dans les bulbes olfactifs. Sur un lapin, dont la tempé-
rature a monté en trois heures de 39°,8 à 41°,8, l’autopsie vient de me
montrer que les régions tout à fait antérieures du cerveau avaient seules été
atteintes.
Les lapins piqués, quoiqu’ils ne présentent pas toujours d’hyperthermie,
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. [°, N° 492, 95
714 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
m'ont paru donner une radiation calorifique plus intense que les lapins
normaux, comme le prouvent les chiffres suivants :
Lapins normaux (moyenne de six expériences). 37°
Lapin PIQUE SE PPRPERR EL. CCE see 42
Lapin AA tee A eV A OUR 44
Lapin == Mur ARE PA Son on c où 46
DE be dot à 2 MOOD. DA e ob 46
Lapin WE 6 bo pe RE DS
Il s’agit évidemment d'animaux de même poids, et les quantités de chaleur
trouvées sont rapportées à 1 kilogramme.
A cet égard, l'expérience suivante est très instructive
Unlapin piqué une première fois donne.. 41e
Le même piqué une deuxième fois donne... 49
Le même piqué une troisième fois donne.. 59
Dans une autre série d'expériences, j'ai cautérisé superficiellement le
cerveau d’un lapin avec du nitrate de mercure.
Immédiatement après la cautérisation............. GOcc
Le lendemain, première piqûre et cautérisation. .... A2
SECONEMIQUrE ATEN She e are MINTEL ES ÉERENERS > ONE
Droisièmepiquee rer. RME OR 0 do 99
Deuxqjoursaprès sans piqure. "AC RR NE RER 39
Trois jours après, sans piqüre ................... 99
Cindqgours apres Sans ipiqurer CRE EPP ERP PET EPERE 40
Ainsi la production de chaleur dépend en partie du système nerveux,
puisque, en excitant le système nerveux, on provoque non seulement une
augmentation de la température centrale, comme je l’ai indiqué il y a
quelques mois, mais encore une augmentation du rayonnement périphérique,
comme l° tiarene les chiffres eu précèdent.
Donc la fièvre nerveuse qu’on observe après l’excitation du système
nerveux, n’est pas due à une moindre déperdition de chaleur, puisque au
contraire la déperdition de chaleur est plus considérable; comme la déper-
dition de chaleur plus grande coïncide avec une élévation thermométrique
du corps même de l’animal, il s’ensuit que c’est la production de chaleur
qui est augmentée. Donc l’excitation du système nerveux produit une activité
exagérée des actions chimiques qui dégagent de la chaleur.
Inversement, en diminuant l’activité des éléments nerveux, par exemple
par une injection sous-cutanée de 2 grammes de chloroforme, on ralentit
énormément la radiation extérieure, et cependant la température interne
s’abaisse. Un lapin chloroformé m’a donné une chaleur de 20 centimètres
pers
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 715
cubes, alors que, dans le même temps, les lapins normaux produisent
31 centimètres cubes.
Il faut donc, pensons-nous, ne pas attribuer, au point de vue de la cha-
leur produite, trop d'importance aux effets vaso-moteurs. Dans le chloro-
forme, quand la température baisse, la radiation calorique diminue, et,
dans la fièvre nerveuse, quand la température monte, la radiation calorique
augmente. Ge qui règle la température organique, c’est plutôt la production
de chaleur que la déperdition de chaleur.
Il nous reste encore à étudier, avec cette nouvelle méthode calorimétrique,
bien des points intéressants ; entre autres, l'influence de la température
extérieure ; celle de l'alimentation ; celle des actions musculaires ; celle des
poisons. C’est ce que nous nous proposons de faire et de communiquer pro-
chainement à la Société (1).
ETUDE SUR LE VIRUS DES CHANCRES ET BUBONS VÉNÉRIENS NON SYPHILI-
TIQUES, par le docteur Paul GiBier.
Les vénéréologistes admettent en général que les bubons qui compliquent
les chancrelles ou chancres mous peuvent être ou simplement inflamma-
toires ou virulents, c’est-à-dire qu’ils renferment dans ce dernier cas, même
avant leur ouverture, l’élément contagieux du chancre mou, lequel élément
peut parfois ne se révéler qu’au bout d’un certain temps après lincision
du bubon (Ricord).
Dans une récente communication M. Straus a exposé les résultats fournis
par quarante-quatre expériences très intéressantes en ce sens qu’elles ont
toutes été négatives. M. Straus en a conclu que l’on a tort de considérer
les bubons vénériens comme primitivement virulents et qu'ils ne le de-
viennent après leur ouverture qu'à la suite d’inoculations accidentelles.
Je laisse à d’autres le soin de signaler les conséquences que peut en-
traîner une semblable doctrine, dans la pratique. Je désire seulementattirer
l'attention de la Société sur un certain nombre de faits de mon observation
personnelle, qui sont en contradiction avec les conclusions de M. le docteur
Straus.
Pendant mon passage comme interne à l’hôpital du Midi, j’ai eu souvent
l'occasion d’inoculer du pus provenant d’un bubon immédiatement après
lincision, Le point d’inoculation était recouvert d’un verre de montre
maintenu à laide d’une plaque de diachylon et d’un bandage de corps.
(1) Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine.
716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Cette pratique est celle de mon maître le docteur Horteloup, qui a fait bien
longtemps avant moi les mêmes observations. Que se passait-il? L’inocula-
tion exploratrice était tantôt positive et tantôt négative. J’ai observé aussi,
comme l’a signalé M. Ricord, que tel bubon non virulent aujourd’hui pou-
vait l’être demain. Cette modification est-elle toujours due au transport
dans l’abcès d’une particule provenant du chancre”? Je ne le pense pas.
Je n’ai pas cru devoir conserver toutes ces observations, la question ne
me semble pas pouvoir devenir litigieuse; mais, depuis, à l’occasion de
recherches entreprises sur le microbe de cette affection, recherches sur
lesquelles j’espère revenir un jour, jai fait deux expériences qui me sem-
blent devoir donner à réfléchir avant de faire table rase de faits établis par
tant et tant d’observateurs pour adopter une opinion nouvelle.
Ces expériences ont été faites sur deux malades admis en même temps,
le 1° janvier 1883, dans le service de mon cher maître le professeur Cornil,
salle Rostan, lits n°s 13 et 24. Ces deux malades, atteints d’adénites ingui-
nales survenues à la suite de chancres simples, étaient presque guéris de
leurs ulcérations. Leurs bubons n'étaient pas ouverts, mais la fluctuation
était très manifeste. Après avoir cautérisé assez profondément le point
culminant des abcès avec le fer rouge, je plongeai dans leur cavité une
pipette Pasteur flambée et j’aspirai une partie du contenu. Avec le pus
ainsi recueilli je fis une inoculation à la lancette sur l'abdomen du sujet à
droite de l’ombilic et à peu près sur la même ligne. Le point inoculé fut
préalablement lavé à l'alcool et gratté. Les malades venaient de revêtir une
chemise propre et le point inoculé fut protégé par un verre de montre
fixé par une large plaque de diachylon et un bandage de corps. Un chancre
caractéristique et qui mit beaucoup de temps à guérir malgré les panse-
ments, fut la conséquence de cette inoculation. Une deuxième inocu-
lation faite avec les produits de ces premiers chancres sur le point
correspondant du tégument abdominal fut non moins positive que la
précédente.
Résumons ces deux observations.
Ogs. I. — Le nommé R... (Emile), dix-huit ans, couvreur, entre le 1° fé-
‘ vrier 1883, salle Rostan, n° 13, hôpital de la Pitié, dans le service du professeur
Cornil.
Il y à quinze jours, apparition de deux chancres dans le sillon balano-prépu-
tial, quatre jours après le dernier coït. Depuis huit jours adénite inguinale
gauche, douloureuse. La peau est rouge, amincie. Chancres de la verge en bonne
voie de cicatrisation. Opération et inoculation exploratrice comme il est dit plus
haut, puis incision de l’abcès au bistouri.
Le 3 février, le bubon a l'aspect chancreux (bords déchiquetés, fond gra-
nuleux, etc.). La piqüre d’inoculation a l’aspect d’un petit chancre mou. Examen
à la loupe très net.
Le 4, ulcération à bords décollés au niveau de la piqüre. Application de
ehlorure de zinc en solution saturée.
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. Qi
Le 5, le chancre abdominal s'agrandit. Le bubon a très mauvais aspect.
Les chancres péniens sont guéris.
Le 6, même état. Deuxième inoculation faite avec le pus du premier chancre
abdominal sur la partie opposée de l'abdomen.
Le 8, petit chancre au niveau de la deuxième inoculation.
Le 9, la deuxième inoculation est tout à fait caractéristique.
Les chancres abdominaux mirent plusieurs semaines à guérir et le malade
sortit le 23 mars après cinquante jours de présence à l’hôpital.
Ogs. IL. — Le nommé B... (Alexandre), vingt-huit ans, bijoutier, entre le
1er février 1883, salle Rostan, n° 24.
Il y a environ trois semaines, le malade a eu avec une femme des relations
qui furent suivies, au bout de trois jours, de l'apparition de plusieurs petits
chancres péniens. Ces chancres sont à peine visibles aujourd’hui, ils sont à peu
près cicatrises.
Il y a douze jours, douleurs dans l’aine gauche, adénite.
La suite de l'observation est identique à la précédente.
Le malade sortit au bout de cinquante-sept jours, le 30 mars, avant la gué-
rison complète de son bubon inguinal. |
On remarquera, nous l’espérons, la rigueur avec laquelle ces expériences
ont été faites ; il nous semble difficile, après cela, de nier la virulence propre
du bubon.
Signalons encore ce point intéressant de la deuxième observation, à
savoir que les chancres initiaux étaient à peu près cicatrisés avant l’ouver-
ture du bubon.
Du reste, nous avons observé et nous pouvons dire que tous les syphilio-
graphes ont pu observer comme nous des bubons virulents — comme on
les appelle — survenant après la disparition complète des chancres.
Et puis enfin — et nous terminerons par là — comment pourrait-on ex-
pliquer (si le bubon n’était susceptible d’aucune virulence propre) les
longues discussions qui ont été soulevées à propos du bubon d'emblée, ainsi
qu'on nomme certaines adénites survenant en dehors de tout chancre
appréciable et dont l’inoculation du pus aboutit à la formation du chancre
mou si caractéristique ?
Nous concluons donc que si, dans un certain nombre de cas, des adénites
non chancreuses, simplement inflammatoires, peuvent survenir en com-
plication d’un chancre mou, ce ne saurait être la règle ; et nous ne dou-
tons pas que des expériences entreprises en plus grand nombre ne viennent
appuyer notre opinion.
718 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
———————————————————…———.——…—…………—……—…….…….…___û—…——…—_—…—…—
RECHERCHES SUR LA PRÉSENCE DE BACTÉRIES DANS LES VISCÈRES DES
CHOLÉRIQUES, par E. Doyen, Interne des hôpitaux.
Nous avons examiné, durant la récente épidémie, le contenu intestinal
et les viscères d’un certain nombre de cholériques.
Les pièces ont été recueillies peu de temps après la mort.
Dans toutes nos autopsies nous avons trouvé, dans le contenu et les tuni-
ques de l’intestin, des bacilles-virgules.
Ces bacilles, dans les cas foudroyants, existaient, à l’état de culture pure,
dans le duodénum et la partie supérieure du jéjunum. Dans les cas lents,
nous ne les trouvions que dans l’iléon, mêlés à d’autres bactéries. Nous
noterons cette migration des bacilles-virgules de haut en bas le long du
tube digestif.
Notre attention fut attirée spécialement sur l'examen du foie, du rein, de
la rate. Le poumon doit être écarté, comme pouvant donner lieu à trop de
causes d'erreur.
Les petits fragments de ces viscères, provenant de trois sujets différents,
furent inoculés dans la gélatine. Dans ces trois cas, nous avons obtenu des
résultats positifs. Mais les cultures présentaient à la fois plusieurs espèces
de bactéries : des bacilles-virgules, des diplocoques, des microcoques en
chaîinettes, et des bàtonnets volumineux. D’autres tubes, où nous avions
déposé des fragments de viscères sains, restaient stériles.
Nous avons alors recherché si nous pouvions découvrir, sur les coupes,
les divers microbes que nous présentaient les cultures.
Dans les sept cas que nous avons examinés, nous avons observé, sur les
coupes du foie et du rein, diverses bactéries se rapportant à quatre types
distincts : 1° des bàätonnets volumineux, 2° des diplocoques formés par la
réunion de deux éléments ovalaires; 3° des microcoques en chainettes;
4 des bacilles droits ou plus souvent contournés en C, en S ou entire-bou-
chon, présentant les mêmes caractères que les bacilles-virgules, dans les
coupes de l'intestin.
La rate se prête moins bien que le rein et le foie à cette investigation.
Ces diverses bactéries se rencontrent dans l’intérieur des vaisseaux,
c’est-à-dire dans le sang : soit à l’état libre, entre les globules rouges, soit
plus souvent, au milieu d’amas de leucocytes, et dans l’épaisseur de ces
derniers. Nous les avons aussi observés dans les capillaires.
L'examen comparatif des coupes et des cultures du rein et du foie dé-
montre l’identité des microbes observés dans ces deux cas. La température
froide de la saison, le peu d'intervalle qui séparait l’autopsie de la mort, la
présence des bactéries dans l’épaisseur des leucocytes, permettent de re-
jeter leur origine cadavérique. D’ailleurs ces bactéries sont les mêmes que
\
SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 7119
celles qu’on rencontre dans le mucus intestinal et dans les coupes de l’in-
testin. De là à leur pénétration dans les vaisseaux, il n’y a qu’un pas.
Nous déduirons donc des faits que nous venons de signaler l’existence,
dans le choléra, d’une septicémie complexe, d’origine intestinale, développée
par suite de la chute de l’épithélium. Toutes les bactéries contenues dans
l'intestin peuvent pénétrer dans l'épaisseur de ses tuniques, durant la vie,
et de là dans le sang.
C’est ainsi que nous avons rencontré, chez les cholériques, dans les vis-
cères où les bactéries s'accumulent de préférence au cours des septicémies
pathologiques et expérimentales, des bacilles-virgules, mêlés à des bacilles
variés et à des microcoques.
L'existence de ces bactéries dans le sang nous semble un fait capital et
de nature à éclairer la marche du choléra et certains symptômes inexplica-
bles par la présence exclusive des bactéries dans l'intestin.
Nous ajouterons qu'après M. H. Koch et Nicati nous avons réussi à déter-
miner le choléra chez le cobaye et le chien.
La culture du foie, du rein, de la rate d’un de ces animaux, mort le
11 décembre dernier, a déterminé sur la gélatine le développement de
nombreux bacilles-virgules et de quelques autres bactéries. Nous continuons
actuellement ces expériences, et nous reviendrons sur ces derniers faits,
que nous n'avons d’ailleurs constatés qu'après la séance du 13 décembre (1).
(1) Travail du laborotoire de M. Cornil.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies. À, rue Mignon, 9, Parris.
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121
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
XECHERCHES DE CALORIMÉTRIE ANIMALE. Note de M. A. D'Arsonvaz (1).
La calorimétrie animale était presque complètement délaissée par les
physiologistes, malgré son importance, jusqu’au moment où J'ai fait con-
naître une méthode nouvelle, spécialement applicable à la physiologie.
Mon but, en imaginant cette méthode, était, ainsi que je l’ai dit dans un
premier mémoire paru en 1878, d'étudier quelles sont les conditions phy-
siques et pathologiques qui font varier la production de chaleur chez les
êtres vivants.
J'ai passé plusieurs années à perfectionner la méthode, de façon à pouvoir
donner exactement en calories la production de chaleur de tel ou tel
animal, ainsi que les phases de cette production, de façon à avoir les résul-
tats dont l'exactitude tant physique que physiologique fût irréprochable.
Si j'ai passé un temps si long à perfectionner la méthode de mesure, c’est
parce qu’il m'est impossible de partager l’opinion de certains physiologistes
qui professent qu'une méthode approximative est toujours suffisamment
exacte pour les besoins de la physiologie. À
Pour moi, cette science est déjà assez compliquée par elle-même, pour
qu'on évite soigneusement de l’encombrer encore d'expériences sur l’exacti-
lude physique desquelles on puisse élever des doutes légitimes.
Une fois bien fixé sur la rigueur de la méthode, je n’avais plus qu’à suivre
e plan d'expériences que je n'étais tracé ; c'était la partie la plus facile de
ma tâche. Je rappellerai en quelques mots ce plan, dont on trouvera l’énoncé
dans mon premier Mémoire (2).
J'ai trouvé commode pour mes recherches d'adopter la division des phéno-
mènes vitaux proposée par CI. Bernard, en:
1° Phénomènes de synthèse ou de nutrilion ;
2° Phénomènes de destruction ou de fonctionnement.
C’est là une division qui convient particulièrement aux études calorimé-
({) Communication faite dans la séance du 29 novembre 1884.
(2) Recherches sur la chaleur animale, in Travaux du laboratoire de M. Marey,
1878.
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. 1, N° 43. 56
—1
Lo
1Q
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tiques, puisque les phénomènes du premier ordre absorbent de la chaleur,
tandis que ceux du second en dégagent au contraire.
Pour faire varier la production chez un même animal, je modifie tantôt
les-conditions physiques, tantôt les conditions physiologiques.
Pour faire varier les conditions physiques, j'ai modifié le milieu cosmique
ou extérieur ; je me suis adressé au milieu sanguin ou intérieur pour mo-
difier les conditions physiologiques.
Je vais exposer en quelques mots seulement les résultats des expériences
très nombreuses que j'ai exécutées depuis six années, résultats que j'ai
déjà en partie signalés dans différentes publications, mais sans suite. Je
donnerai le détail et le tracé graphique de chaque expérience dans le
mémoire détaillé que je suis en train de rédiger pour la Société.
J’ai à exposer successivement les modifications calorifiques dues aux varia-
tions du milieu ambiant par les changements :
1° De la température ;
2° De la pression;
3° De la composition gazeuse de ce milieu: et les modifications dues aux
variations du milieu intérieur :
1° Par l’état de jeûne ou de digestion ;
20 Par le repos ou Pactivité musculaire ;
3° Par la nature de l’alimentation ;
° Parles poisons et les maladies provoquées, telles que fièvre, septicémie,
charbon, etc.
Tel était, en effet, le programme des expériences que je m'étais imposé
dans mon Mémoire de 1878 et que n'importe quel expérimentateur peut
réaliser une fois en possession de la méthode :
‘
4° Influence du poids et de la taille. — Je passe rapidement sur cette :
série, mes expériences confirmant simplement les connaissances classiques
sur ce point, Savoir.
Que la chaleur produite par un même poids d'animal est d’autant plus
grande que la surface est elle-même plus considérable (1). D'où on conclut
que la chaleur perdue, c’est-à-dire produite par un kilogramme d'animal
quelconque, dépend seulement de sa surface.
2% Influence de la température du milieu ambiant. — Ma méthode calo-
rimétrique étant basée précisément sur l’invariabilité de température du
milieu ambiant d’une part, et permettant d'autre part de changer cette tem-
pérature d’une expérience à. l’autre, cette méthode, nr permet seule
d’élucider ce problème important.
Voici en quelques mots les conclusions qui ressortent de mes expériences:
Pour un même animal la production de chaleur varie en général propor-
tionnellement à l’abaissement de température dans les limites comprises
(1) Voy. Gavarret, De la chaleur produite par les êtres vivants, p. 285.
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 123
entre zéro et 15 degrés centigrades. Plus la température du calorimètre est
basse, plus l'animal qui s’y trouve enfermé fabrique de chaleur. Néanmoins
on constate sur les graphiques fournis par l’instrument que cette proportion-
nalité n’est pas rigoureuse. Aux températures basses, l'animal produit pro-
portionnellement moins qu'entre +- 15 et + 10 degrés, par exemple. Cela
tient évidemment à ce que la surface rayonnante physiologique de l'animal
n’est pas constante comme sa surface physique. Aux basses températures,
le phénomène se complique d’une constriction vasculaire périphérique, qui
restreint considérablement le pouvoir rayonnant de l'animal à égalité de
surface physique. Gela montre que la connaissance de la surface géométrique
d’un animal est insuffisante pour qu’on en puisse déduire la perte par
rayonnement ; il faut encore tenir compte de l’état de la circulation périphé-
rique. De cette première série d'expériences, on peut conclure que, pour
lutter contre le froid, l’animal ne se borne pas à diminuer les pertes dues
au rayonnement, son système nerveux agit pour augmenter l'intensité des
combustions organiques.
Au-dessus de 20 degrés centigrades environ, il n’en est pas ainsi: 0n
constate que la production de chaleur augmente avec la température du
milieu ambiant.
Au-dessus de 20 degrés, l’animal n’est plus maître de régler sa produc-
tion ; pour lutter contre la chaleur, il n’a plus qu’un moyen: augmenter la
perte par dilatation vasculaire périphérique et par évaporation.
La température extérieure a une grande influence sur la quantité de
chaleur produite par un animal, comme on peut le voir par l’expérience
suivante que j’extrais de mon registre :
10 juin 1881. Lapin pesant 1K5,700. Température ambiante, 12 degrés
(dans les caves du Collège de Fr ae)
L’animal dégage 9,5 calories à l'heure à 17 degrés Me du labo-
ratoire) ; la roman n’est plus que 6,5 calories à l'heure.
Enfin le lendemain, l’animal étant placé dans le calorimètre refroidi à
—+ 9 degrés, il dégage environ 12 calories à l'heure. On voit donc que la pro-
duction, pour un animal resté identique, a varié de 6,5 à 12 calories à
l'heure, c’est-à-dire du simple au double, pour un changement de tempéra-
ture ambiante, variant entre 5 et 17, c’est-à-dire pour 12 degrés d'écart.
J'ai pu depuis faire varier graduellement la température de + 4
—+- 39 degrés centigrades dans l’espace de quelques heures, sans 2.
l'animal de l'instrument ; la courbe est encore plus D
On voit par conséquent combien il est important, pour avoir des résultats
comparables, d'opérer toujours à la même température. Cest pourquoi j'ai
installé mes appareils dans une des caves du Collège de France, où la tem-
pérature reste presque invariable durant des semaines.
3 Influence de la pression barométrique. — Mon calorimètre est construit
de façon à pouvoir résister au vide ou à une pression de deux atmosphères.
/
724 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Comme je n'étais pas outillé mécaniquement pour assurer la ventilation
sous dépression ou sous pression, je me suis servi pour la dépression d’une
trompe en verre qui, en ventilant suffisamment pour éviter l’asphyxie de
l'animal, réduisait graduellement la pression de 75 à 50 centimètres de
mercure.
Dans ces conditions, je n’ai observé aucune variation notable dans la pro-
duction. Pour la raison ci-dessus, j'ai dû jusqu’à présent remplacer la
pression par une plus grande richesse en oxygène du milieu ambiant. En
faisant respirer l’animal dans l’oxygène pur, j'ai constamment constaté une
diminution marquée dans la production de chaleur au début de l'expérience.
Je reviendrai plus tard sur ce phénomène, que je n’ai encore observé que
d’une façon insuffisante.
4° Influence de la composition gazeuse du milieu ambiant. — J'ai
constaté que l’asphyxie produite par l’acide carbonique augmente la pro-
duction de chaleur comme elle augmente la température centrale, ainsi que
mon maître, M. Brown-Séquard, l’a signalé depuis longtemps.
Cette augmentation n’est pas due à l’asphyxie, c’est-à-dire à la privation
d'oxygène, mais bien à l’action excitante de l’acide carbonique. En effet, en
faisant respirer à l'animal un mélange non asphyxiant d'acide carbonique
et d'oxygène purs, cetle augmentation dans la production de chaleur se
montre de la même manière. Je reviendrai également sur cette intéressante
expérience, qui confirme les idées émises par M. Brown-Séquard, sur le
rôle de CO? dans l’économie.
o° Influence de la digestion. — Chez les animaux que j'ai expérimentés
(chiens, lapins, cobayes, pigeons, poule), la production de chaleur a
augmenté notablement pendant les deux premières heures environ qui suivent
l’ingestion des aliments. Cette augmentation a été une fois de plus de moitié
chez un chien à jeundepuis vingt-quatre heures.
6° Influence du jeûne. — Je n'ai pas poussé les expériences au delà de
vingt-quatre heures. Au bout de douze heures environ, la production a nota-
blement diminué chez une poule et des pigeons ; après trente-six heures, la
production chez la poule était tombée de près de moitié. Chez un chien, la
production après trente-six heures avait diminué d’un cinquième environ.
Chez quatre cobayes, au contraire, la production est restée la même pendant
les quarante-huit heures.
1° Influence de la lumière. — J'ai nettement constaté, mais chez les
oiseaux seulement jusqu’à présent, une diminution dans la production de
chaleur, en plongeant ces animaux dans l'obscurité complète. Cela tient
probablement à ce que ces animaux cessent tout mouvement aussitôt qu'ils
n’y voient plus clair, ce qui n’a pas lieu en général pour les mammifères.
8° Influence des enduits et vernis appliqués sur la peau. — J'ai signalé
depuis longtemps déjà qu’on augmente considérablement le rayonnement
SÉANCE DU 2Ù DÉCEMBRE. 125
—_—
d’un animal en l’enduisant d'huile de glycérine ou même d’eau (1), comme
le prouvent les nombres ci-dessous :
Première expérience : 2 avril 1880. Lapin en digestion. Poids — 255,725,
Intact, l'animal produit 18 calories à l'heure.
On le frotte d'huile d’olive, aussitôt après l’animal produit 35 calories à
l'heure.
Deuxième expérience : 26 mars 1880. Lapin pesant 1ks,900.
Intact, l'animal produit 10 calories à l'heure.
Frotté d'huile de lin, il dégage 28 calories à l’heure.
Troisième expérience : Cobaye pesant 750 grammes.
Intact, l'animal produit 5,5 calories à l’heure.
Frotté de glycérine, il dégage 11,5 calories à l’heure.
L'animal rayonne ainsi pendant vingt-quatre heures sans en souffrir.
Quatrième expérience : 9 janvier 1881. Lapin glycériné dans un calori-
mètre à 12 degrés.
L'animal dégage normalement 8,5 calories à l’heure après glvcérine et
pendant dix heures il dégage 18 calories.
On peut constater par ces diverses expériences que l'huile de lin a un
pouvoir rayonnant de beaucoup supérieur à celui de l’huile d'olive et de la
glycérine.
9% Variations du pouvoir émissif de la peau humaine. — Une même
surface dont la différence de température avec le milieu ambiant reste
constante, perd par unité de temps une même quantité de chaleur. C’est un
fait évident quand on considère une surface inanimée quelconque. J'ai
constaté qu'il en était autrement pour la peau humaine vivante.
Pour cela, j’ai mesuré à la fois la température locale de la peau de l'avant-
bras et la quantité de chaleur rayonnée par un cercle de 5 centimètres de
diamètre de cette peau au moyen du petit calorimètre local que j'ai fait con-
naître antérieurement à la Société. Or j'ai obtenu dans les mêmes conditions
physiques des variations allant du simple au double. Ce fait ne peut s’expli-
quer qu’en admettant que la sécrétion cutanée modifie beaucoup le pouvoir
émissif de la peau. Une conséquence importante à tirer de ce fait, c’est qu’on
ne peut pas absolument affirmer qu’il y a augmentation de la calorification
chez l’homme même quand on constate une augmentation de la température
à la fois centrale et périphérique, car cette double augmentation peut
néanmoins s'accompagner d’une perte moindre (c’est-à-dire d’une produc-
tion moindre) si le pouvoir émissif de la peau a subi un changement en sens
inverse.
Cette expérience montre une fois de plus combien la thermométrie est
insuffisante pour nous renseigner sur les variations dans la production de
(1) Rapports sur l'Ecole pratique des hautes études et Société de biologie.
726 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
chaleur ; le thermomètre nous renseigne exclusivement sur la répartilion de
la chaleur.
Pour ne pas allonger indéfiniment cette Note, j'arrête ici l’'énumération des
expériences dont je désire encore signaler les résultats à la Société.
SUR LA NON-VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU,
par M. I. SrTraus.
Dans la séance du 22 novembre dernier, j'ai communiqué à la Société de
biologie, et le 24 novembre à l’Académie des sciences, mes recherches sur
quarante-deux cas de bubons suppurés accompagnant le chancre mou. Dans
ces quarante-deux cas, le pus examiné au moment de l’ouverture et traité
par les méthodes de coloration actuellement en usage, ne révéla la pré-
sence d'aucun micro-organisme; semé dans divers milieux de culture,
ce pus ne donna naissance à aucun développement.
Enfin, et c’est là le fait capital, dans ces quarante-deux cas successifs,
le pus inoculé au moment méme de l'ouverture du bubon, ainsi que les
jours suivants, ne reproduisit pas la pustule chancreuse caractéristi-
que.
On avait eu soin de protéger soigneusement la piqûre d’inoculation et la
plaie du bubon lui-même, à l’aide d’un pansement ocelusif; on évitait ainsi
que la piqûre d’inoculation et la plaie du bubon incisé ne fussent contami-
nées par la sécrétion du chancre, par la chemise, les linges, les objets de
pansement souillés de cette sécrétion chancreuse fraîche ou desséchée (1),
soit enfin par les mains du malade ou des infirmiers.
Depuis cette première Note j’ai continué, dans le service de M. Mauriac,
avec l’aide dévouée de son interne, M. Le Roy, mes recherches. Seize nou-
veaux cas de chancres mous avec bubons suppurés se sont présentés.
Le pus, dans ces seize nouveaux cas, s’est montré privé de virulence,
tant au moment de l'ouverture du bubon, que dans les jours qui ont suivi.Le
bubon incisé et protégé par un pansement ouaté n’est jamais devenu chan-
creux et a guéri comme un abcès simple.
Aïnsi, depuis le début de mes recherches, c’est-à-dire depuis le mois de
mai dernier jJusqu'aujourd'hui, j'ai eu à ma disposition tous les bubons
suppurés consécutifs à des chancres mous qui sont entrés dans un des ser-
vices de l’hôpital du Midi; ces bubons, actuellement au nombre de cin-
quante-huit, ont tous été reconnus non virulents, aussi bien au moment
de l’ouverture que les jours suivants.
Si l’on consulte les auteurs classiques, on trouve les données statistiques
(1) Ricord et Spérino ont montré que du pus de chancre mou desséché pouvait :
conserver sa virulence pendant sept mois.
SÉANCE DU 2) DÉCEMBRE. ni
suivantes : pour M. Ricord, les bubons simples et les bubons chancreux
seraient à peu près en nombre égal. Pour M. Rollet, « les bubons suppurés
sympathiques, c’est-à-dire non virulents, forment le tiers environ, et les
bubons virulents, réinoculables, les deux tiers environ du nombre
total (1) ».
M. le professeur Fournier se prononce avec plus de réserve : « La fré-
quence relative des deux espèces de bubons, dit-il, serait très curieuse à
déterminer. Malheureusement, la science est loin d’être fixée sur ce point,
et nous ne pouvons que citer cette lacune à l'attention des observa-
teurs (2). »
Rallions-n ous au chiffre le plus modeste et supposons que la moitié des
bubons accompagnant le chanere mou soient des bubons chancreux. Est-il
admissible, dans cette hypothèse, que nous soyons tombé sur une série
ininterrompue de cinquante-huit cas de bubons simples, sans interposition
d'un seul cas de bubon virulent?
Les conclusions auxquelles je suis arrivé blessaient trop les idées reçues
pour ne pas provoquer des protestations.
Dans la dernière séance de la Société de biologie, M. P. Gibier nous a
dit qu’en 1883 il a fait entrer dans le service de M. Cornil deux malades
porteurs de chancres avec bubons suppurés. Le même jour, il inocule le
pus de ces bubons, au moment de l’ouverture, et l’inoculation, dans les deux
cas, aurait été positive.
Ces faits sont surprenants, étant donnée, de l’aveu même de Ricord et de
ses successeurs, la rareté de la virulence du bubon au moment de l’ouver-
ture. En effet, dans toutes les inoculations, au nombre de plus de cinq
cents, que Ricord a pratiquées pendant six ans, de 1831 à 1837, sur deux
cents soixan£e et onze inoculations positives, quarante-deux fois seulement
le pus se montra virulent le jour de l'ouverture du bubon. M. Gibier dispose
de deux bubons, qu’il ouvre le même jour, et dans les deux cas, il tombe
sur la virulence initiale, si rare cependant!
M. le docteur Horteloup, dans la dernière séance de la Société de chirur-
gle, a communiqué le résultat d’une expérience d’inoculation faite par lui,
depuis la publication de ma Note, et qui lui a donné un résultat contradic=
toire aux miens. Un bubon développé à la suite d’un chancre mou est incisé
et le pus inoculé au moment de l’ouverture ne donne rien; mais du pus
repris sur le bubon deux jours après l'ouverture produisit par l’moculation
la pustule chancreuse caractéristique. M. Horteloup déclare avoir pris
toutes les précautions pour éviter la contamination de la piqüre d’inocula-
tion aussi bien que de la plaie du bubon par la sécrétion du chancre; et
cette assurance, donnée par un chirurgien de lhabileté et de la haute
(1) Rollet, Traité des maladies vénériennes, Paris, 1875, p. 161.
(2) Fournier, art. Bugon, Nouv. dict. de méd. et de chir. pratiques, 1. V
p. 764,
2?
128 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
compétence de M. Horteloup est faite pour inspirer pleinement confiance.
Cependant il se pourrait qu'une erreur se soit glissée dans cette expé-
rience unique invoquée par M. Horteloup : qui nous dit que le verre de
montre protecteur ou surtout le pansement du bubon n’a pas été dérangé
par le malade, et que l’infection ne se soit pas ainsi produite à l’insu et
malgré toutes les précautions du chirurgien ?
M. Horteloup me reproche d’avoir trop peu de faits à lappui de ma
thèse (ces faits n’étaient encore qu’au nombre de quarante-deux au moment
où il parlait), et il pense que j'ai eu affaire à une «série heureuse ». Le
fait qu’il avance est unique, il est vrai, mais il est positif.
La situation qui m'est faite est assez embarrassante et rappelle un peu,
si la comparaison n’était trop ambitieuse et s’il est permis d’assimiler les
petites choses aux grandes, ce qui s’est passé au sujet de la génération
spontanée. Là aussi les faits qu’on opposait à M. Pasteur étaient, en appa-
rence, des faits positifs ; et, dans ma cause comme dans la sienne, toute
erreur d'expérience commise par mes adversaires leur profite et se tourne
contre moi. La situation est d'autant plus délicate, que les faits qu’on in’op-
pose sont des faits accomplis, et pour lesquels le contrôle rétrospectif est
impossible.
La meilleure solution, c’est de multiplier les expériences et de les pro-
duire en nombre tel que toute objection de « série heureuse » ne soit plus
possible. Il importe en outre que ces expériences soient faites par d’autres
. Que moi-même, compétents et non intéressés dans le débat.
M. le docteur Humbert, récemment nommé chirurgien de l’hôpital du
Midi, et M. Du Castel, médecin du même hôpital, ont bien voulu me pro-
mettre de vérifier dans leurs services les faits que j'ai avancés et d’en faire
connaître les résultats ; d'autre part, M. Mauriac continue à me permettre
libéralement de travailler dans son service. Ainsi le contrôle de mes asser-
tions pourra se faire sur tous les cas de bubons qui vont être admis à
l’hôpital du Midi, exclusivement réservé à ces sortes de maladies. La ques-
tion pourra donc être, dans peu de temps, définitivement jugée, l’on verra
si c’est à tort ou avec raison que je conclus à la non-virulence du bubon qui
accompagne le chancre mou.
INOCULATIONS NÉGATIVES DE PUS PROVENANT DE BUBONS,
par M. Albert Rogin.
Pour vérifier les faits annoncés par M. Straus dans son intéressante com-
munication, j'ai fait à l'hôpital du Midi des inoculations de pus bubonique
qui m'ont donné les résultats ci-dessous énoncés.
Dans trois cas, après avoir ouvertles bubons avec les précautions d'usage,
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE.
— 1
19
æ)
j'ai immédiatement inoculé le pus sur l'abdomen et sur la cuisse droite. Les
piqûres protégées par du diachylon n’ont donné aucun résultat.
Trois jours après l'ouverture du bubon soigneusement protégé, j'ai fait
sur ces trois malades une seconde inoculation. Deux fois le résultat a été
nul. Dans le troisième cas, il survint au lieu de la piqûre, une petite bulle
pemphigoïde pleine de sérosité roussâtre et qui guérit en quelques jours
(fausse pustule de Straus). Dans un quatrième cas, le chancre était guéri
quand j'ouvris le bubon ; l’invculation immédiate et l’inoculation secondaire
demeurèrent également infructueuses.
Enfin, dans un cinquième cas, j'ai fait seulement une inoculation le
jour de louverture de l’abcès : elle n’a pas plus abouti que les précé-
dentes.
SUR LA MÉTHODE DES INJECTIONS INTRAVEINEUSES ET SUR L'APPLICATION
DE CETTE MÉTHODE A L'ÉTUDE DE QUELQUES EFFETS DE L'EAU, DE L'ALCOOL,
DE LA GLYCÉRINE, DE LA CRÉOSOTE, DE LA RÉSORCINE ET DE L'ANTIPYRYNE,
par M. Ch. Boucranp.
Pour déterminer les équivalents thérapeutiques des médicaments, j’ai eu
recours à la méthode des injections intraveineuses (Congrès médical de
Copenhague, août 1884); j'ai adopté la même méthode pour l’étude analy-
tique de la toxicité des urines normales (Société de biologie, 9 décembre
1884). Cette méthode, pour l'étude physiologique des substances toxiques
et surtout pour l'estimation du poids de chaque substance qui, par kilo-
gramme d’animal, peut produire, soit la mort, soit un trouble fonctionnel
déterminé, est extrêmement précieuse ; elle me semble être trop négligée
et mériterait, à mon sens, d’être employée non comme méthode unique,
mais comme moyen général de recherche et de contrôle. J'ai toujours eu
soin de le dire et je le répète avec insistance : cette méthode des injections
intraveineuses n’est pas actuellement applicable à la thérapeutique; il
serait prématuré et téméraire de l’employer chez l’homme, sauf dans des
cas exceptionnels. Chez les animaux, dans un but d’expérimentation, elle à
une supériorité incontestable. Elle est, au point de vue opératoire, presque
aussi facile et expéditive que la méthode sous-cutanée ; elle est infiniment
plus précise et plus rigoureuse ; elle est plus inoffensive et moins doulou-
reuse ; on gradue ses effets à volonté et on produit immédiatement le degré
d'intoxication que l’on veut obtenir.
Tout ce qui a été dit à l’avantage des injections sous-cutanées comparées
à l’ingestion par le tube digestif, peut être répété au profit des injections
intraveineuses, quand on les compare aux injections sous-cutanées. La
lenteur de l’absorption des matières même dissoutes, quand elles sont in-
troduites dans le tissu cellulaire, fait que cette absorption est parfois com-
7130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pensée par l’émonction rénale et que les phénomènes physiologiques n’ap-
paraissent pas avec des doses qui, introduites directement dans le sang,
auraient déterminé une action évidente. Tout effet physiologique peut éga-
lement faire défaut quand la substance injectée sous la peau peut être
graduellement transformée ou détruite dans l'organisme. La même dose de
la même substance poussée dans les veines produira des effets immédiats
bien que passagers. Quand l’injection sous-cutanée est suivie de troubles:
fonctionnels, on ne peut pas estimer la quantité de matière toxique qui est
actuellement agissante, parce qu’on ignore quelle quantité est déjà absorbée,
quelle quantité est déjà éliminée. Sans être absolument rigoureuse, l’injec-
tion intraveineuse serre la vérité de plus près. On sait par là quelle quan-
tité doitêtre présente dans le sang pour qu’un effet déterminé se produise.
Mais je me hâte de reconnaitre que ce n'est pas le poison qui est dans le
sang, auquel on doit attribuer le plus souvent les accidents; ces accidents
dépendent de la quantité de poison que le sang a déjà livrée aux cellules.
L’injection intraveineuse se rapproche donc de la rigueur idéale sans at-
teindre ses dernières limites.
Les injections intraveineuses, contre toute apparence, sont plus inoffen-
sives que les injections sous-cutanées. II est fréquent qu’une injection sous-
cutanée de 4 centimètres cubes produise l’albuminurie chez le lapin ; il est
rare qu'une injection intraveineuse dix ou quinze fois plus considérable
produise le même effet chez le même animal. L’innocuité des injections
sous-cutanées telles qu’on les pratique chez l’homme n’infirme en rien cette
proposition : car, toute proportion gardée, l’injection d’un centimètre cube,
sans action chez l’homme, ne représente que la cent soixantième partie de
l'injection sous-cutanée qui se montre souvent nuisible chez le lapin.
L’injection sous-cutanée esl très souvent suivie d’accidents septiques lo-
caux ou généraux; ce fait était déjà surabondamment démontré par la clini-
que humaine ; l’injection intraveineuse met presque toujours à labri des
accidents septiques. Le sang neutralise l’action non seulement des anaéro-
bies, mais d’un bon nombre de microbes aérobies. À part quelquesespèces
pathogènes, les bactéries peuvent, en général, être injectées dans le sang
sans produire d'accidents. J’ai injecté dans les veines d’un lapin, à la dose
de 60 centimètres cubes par kilogramme, une urine fermentée rendue
opalescente par l’abondance des microbes et n’ai provoqué aucune mani-
festation morbide immédiate ou tardive. De semblables urines, fermentées
mais non ammoniacales, peuvent être injectées sans inconvénient sérieux
sous la peau, à la dose de 1 à 16 centimètres cubes; mais, si l’on pousse
dans le tissu cellulaire des quantités plus élevées de liquide fermentes-
cible, même s'il n’est pas en fermentation, même sil’on a eu soin de
détruire les germes par l’ébullition, on provoque au bout de vingt-quatre
heures la mort par septicémie. Quelque microbe, introduit à la faveur de
quelque imperfection de l’opération ou apporté par le sang, se multiplie et
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 7131
pullule au point de déterminer la mort, même sans avoir produit localement
ni suppuration, ni gangrène.
Deux expériences comparatives que je choisis parmi beaucoup d’autres
viennent à l’appui de plusieurs des assertions qui précèdent.
Une urine de diabétique renfermant 60 grammes de sucre par litre est
injectée à deux lapins : chez l’un dans les veines, chez l’autre sous la peau.
L’urine acide, d’abord neutralisée par le bicarbonate de soude, puis filtrée,
a été introduite dans les veines à la dose de 81 centimètres cubes par kilo-
eramme d'animal, ce qui à introduit dans le corps du lapin 45",85 de sucre
par kilogramme, soit une proportion de 63 grammes de sucre pour
1000 grammes de sang. La même urine bouillie et ramenée à son poids
primitif par addition d’eau distillée est injectée, après filtration, sous la peau,
à la dose de 36 centimètres cubes par kilogramme. On n’a ainsi introduit
dans le corps de l’animal que 25",2 de sucre par kilogramme. Le premier
animal devient immédiatement polyurique ; trois minutes après le début de
l'injection, ses urines contiennent déjà une forte proportion de glycose qui
va rapidement en augmentant; la glycosurie dure cinquante heures, l’ani-
mal n’a jamais paru malade, et quinze jours après l’expérience, ilest encore
bien portant. Le second animal, qui a reçu sous la peau l’urine bouillie en
bien moindre proportion, n’a jamais eu de sucre dans les urines, il est de-
venu albuminurique et est mort au bout de vingt-quatre heures. Le tissu
cellulaire, qui paraissait seulement œdémateux, sans emphysème, sans
gangrène, sans pus, laissait sourdre par expression un liquide où fourmil-
laient en nombre prodigieux des bactéries bacillaires mobiles. Une goutte
de ce liquide recueillie au moment précis de la mort, inoculée à un lapin et
à un cobaye, a déterminé chez ces animaux une maladie quiles a également
tués en vingt-quaire heures avec présence des mêmes bactéries dans le tissu
cellulaire; et les inoculations continuées en série ont toujours donné le
même résultat. Des enseignements multiples de ces deux expériences,
je ne reliens que deux conclusions : dans les injections sous-cutanées, la
lenteur de l'absorption peut permettre à l'organisme de détruire une sub-
stance, qui, introduite directement dans le sang, fait apparaître des troubles
physiologiques qui ne s’observent pas quand l'introduction est faite sous
la peau ; l'injection sous-cutanée est plus dangereuse que l'injection intra-
veineuse, même poussée en quantité beaucoup plus considérable.
Je suis donc en droit de dire que, à certains points de vue et pour certains
objets, l’injection intraveineuse peut.être préférée à l’injection sous-cuta-
tanée dans les recherches expérimentales sur les animaux.
Pour appliquer l'injection intraveineuse à l’étude des substances toxi-
ques, il faut savoir, au préalable, ce que peuventproduire les liquides dans
lesquels les médicaments ou les poisons seront tenus en dissolution et fixer
les quantités de ces excipients qui peuvent être introduites dans les veines
sans provoquer aucun accident. Les dissolvants les plus habituels pour ce
mode de recherches sont l’eau, l'alcool, la glycérine.
132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
L’eau distillée, injectée dans les veines du lapin à la dose de 90 centi-
mètres cubes par kilogramme, est inoffensive; cette dose représente 117
d’eau pour 100 de sang. Au delà on voit survenir des secousses muscu-
laires. À partir de 122 centimètres cubes d’eau par kilogramme la mort
survient; cette dose mortelle représente 157 d’eau pour 100 de sang.
L'injection intraveineuse d’alcool est infiniment moins douloureuse et
beaucoup moins dangereuse que l'injection sous-cutanée. On peut injecter
dans les veines de l’alcool absolu dans la proportion de 0,6 par kilo-
oramme ; le magma produit par le contact de l’alcool se dissolvant immé-
diatement dans le sang des autres veines, il ne se produit pas d’embolie
pulmonaire. À mesure que l’on ajoute de l’eau à l'alcool absolu, on peut
introduire dans les veines des quantités d’alcool de plus en plus fortes. Les
solutions aqueuses d'alcool contenant en volume 20 pour 100 d’alcool ab-
solu, ou moins, sont celles qui permettent d'introduire la plus forte pro-
portion. Avec ces solutions, il faut 1°,45 d’alcool absolu par kilogramme
pour produire la narcose, soit en volume 1,9 d’alcool absolu pour 100 de
sang. Au delà de 3 centimètres cubes d’alcool absolu par kilogramme, la
mort survient, ee qui représente 3,9 d'alcool absolu pour 100 de sang. En
raison de sa viscosité, la glycérine ne peut pas être injectée pure; même à
faible dose elle produirait ce que j'ai appelé l’embolie visqueuse. Les mé-
langes de glycérine et d’eau par parties égales ou toute solution aqueuse
contenant moins de 50 pour 100 de glycérine peuvent être employées sans
inconvénient. Mais à partir de 5 centimètres cubes de glycérine par kilo-
oramme, on voit survenir des trémulations; à 14 centimètres cubes par
kilogramme la mort survient avec rigidité cadavérique immédiate ; la rigi-
dité commence même avant que la mort soit complète.
Pour les essais d’injections intraveineuses de substances toxiques, on
devra donc dissoudre ces substances, pour 1 kilogramme d’animal, dans
moins de 90 centimètres cubes d’eau, moins de 1°*,45 d’alcool absolu,
moins de » centimètres cubes de glycérine.
Parmi les nombreuses substances dont j'ai déjà fait l’étude suivant cette
méthode, je signalerai seulement quelques médicaments en raison d'effets
physiologiques nouveaux que ce mode d'administration m’a permis de
constater.
La créosote, à partir de 4 centigrammes par kilogramme, produit la len-
teur respiratoire; à 12 centigrammes on observe des pauses de quatre à
huit secondes et en dehors de ces arrêts la fréquence des mouvements res-
piratoires n’est que de seize par minute au lieu de cinquante-quatre.
La résorcine, à partir de 4 centigrammes par kilogramme, produit des
convulsions vibratoires, partielles d’abord, puis universelles, et la mort sur-
vient quand l'animal a reçu 41 centigrammes par kilogramme.
L’antipyrine à partir de 7 centigrammes provoque un état singulier des
muscles, une rigidité universelle qui a été vue partiellement par M. Hénoc-
que et comparée par lui à l’état cataleptique. Cette rigidité permet aux
7°" Ye
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 133
mouvements respiratoires et aux mouvements volontaires de s’exécuter en
toute liberté. Dès que la volonté actionne un muscle, la rigidité disparait
pour recommencer dès que le mouvement volontaire a été exécuté. Cette
raideur musculaire est due à l’action de l’antipyrine sur le système nerveux
et non sur le système musculaire. Sur un animal auquel on a sectionné le
sciatique et le crural de même côté, tous les muscles sont rigides à l’excep-
tion des muscles du membre énervé.
SUR LA COMMUNICATION DIRECTE PLACENTAIRE DE LA MÈRE AU FŒTUS,
par M. Eugène Curie (1).
J'ai à vous soumettre quelques pièces injectées qui me paraissent démon-
trer qu’une communication directe existe entre les vaisseaux de la mère et
ceux du fœtus.
Cette communication, Je le sais, n’est pas admise; on peut même dire
qu’elle est presque universellement niée et l’on explique Ia nutrition du
fœtus par une sorte d'absorption par imbibition.
D’après la description des auteurs, les artères du fœtus se termineraient
par des bourgeons vasculaires baignant dans les sinus veineux qui con-
tiennent le sang provenant de la mère. Ce contact suffirait pour déterminer
l'absorption des matériaux qui servent à la nutrition du fœtus.
La nutrition par imbibition est certainement celle du début de la vie
fœtale, il ne saurait en être autrement. D'ailleurs, à ce moment, elle est
facile à comprendre quand le corps du fœtus est peu épais et se réduit à
quelques membranes. Mais plus tard, quand il est bien séparé des tissus
de la mère et qu'il ne communique que par le placenta, à travers un long
cordon contenant des vaisseaux, alors cette manière de se nourrir est plus
difficile à comprendre. La disposition même des soi-disant bourgeons ter-
minaux et leurs rapports avec les sinus veineux ne me paraissent pas faits
pour favoriser l'absorption.
En effet, la terminaison des artères en vaisseaux fins n’est en contact
avec les sinus que par une surface courbe, sur laquelle les vaisseaux vien-
nent s'implanter normalement, en sorte qu'ils sont loin d’être dans une
bonne condition pour baigner leurs parois.
Enfin le mode de rapport admis entre la mère et le fœtus n’explique pas
les transmissions des germes morbides, ni les vaccinations intra-utérines.
Si, au contraire, on vient à démontrer la communication directe entre
(1) Communication faite dans Ja séance du 13% décembre 1884.
7134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
les deux circulations, tous ces faits reçoivent une explication des plus
simples. + VER
Voici ce que j'ai constaté sur les lapins et les cochons d'Inde : chez ces
animaux on peut faire pénétrer des injections colorées, des vaisseaux de la
mère dans ceux du fœtus et réciproquement.
Je me suis servi, pour ces injections, de solutions aqueuses de gélatine.
et de solutions alcooliques de gomme-laque. Les deux réussissent. Je n’em-
ploie pas la seringue pour pousser l’injection, parce que le mouvement est
trop brusque et ne dure pas assez longtemps. Il faut que l'injection traverse
les capillaires les plus fins du placenta et elle ne saurait le faire rapide-
ment. Je me sers d’un flacon à deux tubulures et d’une pression à air par
une poire double en caoutchouc.
Les injections poussées de la mère au fœtus réussissent plus facilement
chez le lapin. Chez cet animal l'injection pénètre jusqu’au cœur du fœtus
et en sens inverse reflue dans les veines crurales.
Chez le cobaye elles pénètrent moins loin et ne dépassent pas la veine
ombilicale ; mais la signification scientifique est la même, il y a pénétration
de la mère à l'enfant.
Pour injecter du fœtus à la mère, il faut se servir du cochon d'Inde
parce que cet animal porte plus longtemps que le lapin, et, le petit arrivant
à un degré plus avancé de développement, l'injection est plus facile à
faire.
Ce dernier mode d’injection est vraiment caractéristique et celui qui
l’aura exécuté aura de la peine à n’être pas convaincu de la communi-
cation.
Cette pénétration réciproque des injections n’est pas douteuse. Mais
quelle est sa valeur, doit-on [a considérer comme normale ou peut- -on
l'expliquer par des ruptures et des extravasations ?
Je répondrai à celte objection, d’abord qu’on n’a à ma connaissance in-
jecté que des vaisseaux lymphatiques par ce procédé ou cet accident ; qu'il
faudrait donc admettre, ce qui n’est pas impossible, mais ce qui est pure-
ment hypothétique, que ce serait une disposition particulière au placenta.
Il faudrait encore admettre que la même rupture se fait toujours, puisque
ces mêmes injections réussissent constamment, et après il resterait encore
à expliquer comment il se fait que l'injection poussée par les vaisseaux de
la mère passe dans la veine ombilicale du fœtus ; tandis que l'injection
poussée par les artères du cordon va se rendre dans les veines utéro-abdo-
minales. Ce serait une spécialisation bien réussie pour de simples ruptures.
Enfin je soumets à votre observation ce fait particulièrement intéressant,
c’est que l’injection poussée ainsi par le fœtus arrive dans les vaisseaux
abdominaux et reflue même dans les placentas des fœtus voisins. Cela ne
donne-t-il pas l’image d’une injection des plus normales ?
J'arrive maintenant à l’objection qui a été considérée comme péremp-
toire et qui me paraît facile à résoudre. Comment se fait-il que le fœtus
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 73
(by
conserve les globules du sang qui lui sont propres s’il y a abouchement dés
vaisseaux des deux systèmes ?
D'abord il faut considérer que la communication, si elle a lieu, comme je
le pense, a lieu par les vaisseaux les plus fins du placenta. On peut en
avoir une certaine preuve par la manière dont se font les injections, quand
on procède dans la direction du fœtus vers la mère. On voit d’abord le
placenta se colorer un peu, puis l'injection reflue vers la veine du cordon;
cependant le placenta continue à se remplir et ce n’est qu'après qu’il est
bien injecté que les veines de l’utérus commencent à s’injecter à leur tour.
Ainsi la communication se fait par des vaisseaux fins. Dans ce cas il
suffit que les globules sanguins du fœtus, qui sont plus gros que ceux de la
mère, soient aussi d'un diamètre plus gros que celui des vaisseaux commu-
nicants, pour que le fœtus les conserve. Cette disposition me paraît en effet
exister, ainsi que semblent le montrer les examens sous le microscope.
Mais il y a encore une disposition dont il faut tenir compte et qui con-
tribue pour sa part à limiter le mélange des sangs. C’est la différence de
pression qui peut exister entre les deux circulations. Si la pression de la
mère l’emporte, le fœtus doit plutôt recevoir que donner; et il parait assez
rationnel d'admettre que cette pression est plus forte au moins au moment
de la pulsation des artères chez la mère.
À cela se rattache sans doute une disposition intéressante des artères du
_ fœtus, je veux parler de la présence des valvules dans ces artères, disposi-
lion dont la nécessité s'explique dans la supposition de la communication
directe. Sans ces valvules la pression supérieure du côté de la mère refou-
lerait le sang dans le cœur du fœtus et interromprait la circulation dans
son corps à son grand préjudice.
Grâce à ces valvules, au moment de la systole maternelle, la pression
supérieure de son côté pourra arrêter la circulation fœtale dans le pla-
centa, mais dans le placenta seulement, et laissera intacte la circulation
dans le corps même du fœtus. Puis les pulsations fœtales étant plus nom-
breuses que les pulsations maternelles, un certain nombre d’entre elles
correspondront à la diastole chez la mère, moment de pression diminuée
chez elle. À ce moment, sans doute, l'équilibre de la pression dans le pla-
centa se rétablit en faveur du fœtus et sa circulation placentaire recom-
mence. |
Je ne chercherai pas pour le moment à déduire les conséquences patho-
logiques de cet état de choses, en cas de troubles de circulation chez la
mère ; cela serait trop long et je me résume ainsi.
Pour conclure avec certitude à une communication directe entre les vais-
seaux de la mère et ceux du fœtus, il faudrait compléter ma Note par la des-
criplion anatomique de cette communication. Je ne suis pas en état de le
faire pour le moment, mais je pense que je puis me permettre d'affirmer
qu'il y a présomption en sa faveur et tout au moins que la question pour le
130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
moment résolue dans le sens de non-communication mérite un nouvel
examen.
NOUVELLES REMARQUES SUR LES COMMUNICATIONS VASCULAIRES DE LA MÈRE
AU FŒTUS DANS LE PLACENTA DES RONGEURS, par M. CURIE.
Dans la dernière séance, j’ai présenté des pièces injectées tendant à dé-
montrer une communication entre les circulations de la mère et du fœtus
chez le lapin et le cochon d'Inde.
Ces injections ont été faites avec une pression variant de 6 centimètres
(minimum) à 10 centimètres (maximum), la pression faite à l’aide d’une
poire en caoutchouc n'étant pas constante.
On à fait une LRJECUON à la valeur démonstrative de ces injections; elle
est fondée sur ce que j'aurais employé une pression exagérée.
Mais est-il possible de considérer comme exagérée pour une injection la
pression normale du sang pendant la vie? Je ne le pense pas.
Or chez le lapin j'ai trouvé dans la carotide une pression égale à 10 cen-
limètres et je puis mettre ce chiffre sous la garantie d’une autorité incon-
testable. Claude Bernard, dans ses Leçons sur les liquides de lorganisme,
p. 172, donne les nombres suivants pour la pression dans la carotide du
lapin : minimum, 9 millimètres ; maximum, 100 millimètres, le maximum
correspondant à la pression du cœur. Ainsi 10 centimètres étant le chiffre
de la pression maximum chez le lapin, mes injections doivent être considé-
rées comme ayant élé faites sous une pression normale. Sans doute il
vaudrait mieux les avoir faites à une plus basse pression. Mais est-ce
possible ?
Je ne pense pas, pour ma part, qu’elles puissent réussir avec des pressions
différant sensiblement de la pression normale du sang chez l’animal vivant.
Il me semble qu'il doit y avoir concordance entre la constitution et la
fonction. La fonction ne doit avoir lieu que dans des conditions dont les
limites sont peu étendues ; elle doit être troublée quand ces limites sont
dépassées en plus ou en ‘moins. [ei la fonction, c’est la pénétration du sang
de la mère dans le fœtus.
Cette pénétration ne doit pas se faire trop facilement ; il y aurait danger
évident pour le fœtus. Les conditions dans lesquelles elle est possible doivent
être très limitées, et une de ces conditions c’est la résistance à la pression.
Il est donc fort probable que le passage ne doit avoir lieu qu’à une
pression dont les limites ne doivent guère être en dessous de la pression
normale du sang.
Il serait d’ailleurs important de mesurer ces limites, au point de vue de
la physiologie et de la pathologie de la grossesse, si la communication se
confirme.
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 3 731
À cet égard, j'ai commencé une série d'expériences sous le contrôle de
M. Mathias Duval, qui a eu l’obligeance de me prêter une place à son labo-
ratoire.
Or une première expérience nous a démontré qu’à une pression de
| mètre d’eau, soit environ 7 centimètres de mercure, l'injection ne passe
pas du fœtus à la mère chez le cobaye.
À ce moment, si on élève la pression à 10 centimètres, le passage s’établit
dans les veines utéro-abdominales, toujours avec la lenteur habituelle que
j'ai signalée.
Mes expériences ont toujours été faites sur des animaux tués par hémo-
rrhagie. Condition qui diminue la tension des vaisseaux sanguins.
J'ajouterai aujourd’hui un fait qui a encore une certaine importance au
point de vue qui nous occupe et que je réservais pour une étude ultérieure.
C’est qu’une injection (de solution alcoolique de gomme laque), poussée avec
pression exagérée pour la veine ombilicale du fœtus, en sens rétrograde
vers la mère, donne une belle injection des lymphatiques qui entourent
comme des grappes les vaisseaux sanguins utéro-abdominaux.
Ainsi les injections poussées avec une pression normale donnent des
trajets croisés suivant leur direction de la mère au fœtus ou réciproquement,
el l’injection poussée avec une pression exagérée dans la veine ombilicale,
en sens rétrograde, remplit les lymphatiques de la mère.
Ces conditions variées dans lesquelles se présentent mes expériences et
leur constance me paraissent avoir une certaine valeur démonstrative.
PROVOCATION DU SOMNAMBULISME D'EMBLÉE (LES YEUX OUVERTS).
Note de M. BRÉMau».
On distingue dans le somnambulisme provoqué deux variétés PA
suivant que le sujet a les yeux clos ou ouverts.
L'ouverture des paupières en permettant l’exercice fonctionnel de la vue,
donne au somnambulisme un caractère plus actif.
Les impressions visuelles deviennent l’occasion d'illusions spontanées ; le
sujet rêve, met son rêve en action, et peut associer, dans une certaine
mesure, les événements réels qui l’entourent, avec les événements 1llusoires
de son rêve. ;
Cet état de somnambulisme est donc très intéressant à étudier et à con-
naître. On sait que cette forme de somnambulisme se présente quelquefois
spontanément ; la malade Félida du docteur Azam, — l’homme qui, lors de
la catastrophe de la rue François-Miron, fut subitement plongé en état de
somnambulisme par le bruit de l'explosion, et ne se réveilla que plusieurs
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 45. 97
138 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
semaines après en [talie, — et bien d’autres encore, sont des exemples bien
connus de cet état hypnotique.
Les auteurs qui ont étudié l’hypnotisme provoqué, ne semblent avoir
obtenu cet état que secondairement, et le docteur Bottey, dans une publica-
tion récente, est tout à fait affirmatif. Le somnambulisme les yeux ouverts, .
dit-il, n’est jamais primitif, et on l’observe toujours consécutivement à un
état antérieur.
Cette assertion a une certaine gravité ; il serait fächeux de méconnaitre
l’authenticité de certains faits et d’en nier la possibilité.
En effet, la provocation du somnambulisme les yeux ouverts peut se
faire presque instantanément, et le sujet ainsi mis en somnambulisme ne
présentant aucun signe extérieur, attirant évidemment l'attention, accessible
aux suggestions, aux hallucinations, aux illusions les plus diverses, pourrait
dans certains cas être victime de la malveillance d'autrui, comme il pourrait
aussi constituer pour son entourage un danger d’autant ee grand qu'il serait
méconnu.
Il est donc nécessaire au médecin légiste d’être mis en garde contre "
possibilité de faits de cette nature.
Cet état de somnambulisme d'emblée les yeux ouverts a été provoqué chez
un certain nombre de militaires hypnotisables, de se sont volontairement
prêtés à ces épreuves.
Une brusque interpellation,déterminant un mouvement de surprise, accom-
pagnée immédiatement d’une suggestion hallueinante, a suffi pour déterminer
chez trois sujets hypnotisables l’état somnambulique avec les phénomènes
somatiques accoutumés : insensibilité destéguments, hyperexcitabilité neuro-
musculaire, elc.
Cet état, constaté par trois se de l'École de médecine navale de
Brest, MM. Féris, Fontan, Bertrand, peut être suivi de somnambulisme les :
yeux fermés, de léthargie, par simple ocelusion palpébrale. Le retour au
réveil se fait plus facilement après la détermination d’un de ces états.
Quant à la durée possible de cet élat de somnambulisme d'emblée, malgré
tout l'intérêt que peut offrir une semblable constatation, je n’ai aucune
donnée positive, parce que je n’ai pas cru devoir prolonger assez longtemps.
de pareilles expériences. |
=
SÉANCE DU 20 DÈCEMBRE. 139
ToxICOLOGIE EXPÉRIMENTALE. — ACTION, MESURÉE AU DYNAMOMÈTRE, DES
POISONS DITS MUSCULAIRES SUR LES MUSCLES DE LA VIE DE RELATION,
par M. Ch. E. QuiNquaup. :
Claude Bernard, après avoir montré l’action du curare sur les nerfs mo-
teurs, de la strychnine sur les nerfs sensitifs, se demanda s’il existait un
toxique agissant sur les muscles eux-mêmes, et il crut trouver ce poison
dans le sulfocyanure de potassium ; toutefois son opinion sur le mécanisme
de l’action n’était pas encore arrêtée. « Nous allons passer, dit-il, à un
agent qui semble porter ses effets sur Le système musculaire : ce poison est
le sulfocyanure de potassium... » Plus loin, il ajoute : QIl ne produirait
peut-être qu'un empoisonnement musculaire par contact, ce qui est néan-
moins très intéressant (1).»
À partir de cette époque, les physiologistes recherchèrent les poisons dits
musculaires et nous trouvons dans un bon livre (2) de nombreuses expé-
riences tendant à montrer que le nombre des poisons musculaires est con-
sidérable.
En Allemagne, les avis sont divisés; ainsi, pour ne citer qu’un exemple,
Guttmann pense que les sels de potassium ont une faible action ur les mus-
cles, même injectés à dose énorme dans une veine.
Dès 1864, M. Vulpian élève des doutes sur certains poisons dits muscu-
laires. « Je ne sais pas s’il existe un seul sel métallique qui mérite d’être
appelé poison musculaire, qui agisse par conséquent sur les muscles d’une
façon spéciale, par l’intermédiaire de la circulation (3). »
Plus tard, M. Laborde, dans un excellent trauail sur le sulfocyanure,
arrive à démontrer que cet agent ne saurait être considéré comme un
poison musculaire et cardiaque dans la véritable acception physiologique
du mot (4).
On a objecté qu’en excitant un muscle ou le nerf qui s’y rend, on peut
bien reconnaitre si l’excitabilité musculaire est abolie, mais qu'il est bien
difficile, sinon impossible, d'en reconnaitre les divers degrés de diminu-
tion, puisqu'on n’a pas de mesure du phénomène.
C’est dans le but de répondre à cette objection que nous avons institué
une série d'expériences sur le sulfocyanure de potassium, le nitrate de
plomb, le chlorure de baryum, la vératrine ei le venin de crapaud.
(1) Leçons sur Les effets des substances toxiques et médicamenteuses, par CI.
Bernard, 1857, 24° leçon, p. 354 et 355.
(2) Eléments de toxicologie, par A. Rabuteau, 1874, p. 489 et suivantes.
(3) Leçons sur la physiologie générale et comparée du système nerveux,
p. 446 et suivantes.
(4) Les poisons dits musculaires et le sulfocyanure de potassium (Comptes
rendus et mémoires de la Société de biologie, 1879, p. 149).
740 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
Pour mesurer la force musculaire, nous avons eu recours au procédé un
peu modifié de Gréhant et Quinquaud (1), procédé qui consiste à mesurer
au dynamomètre l'effort exercé par un muscle lorsqu'on excite son nerf à
laide d’un courant ayant à peu près la même intensité. On scie le calca-
néum, auquel ce tendon reste adhérent; on passe le fil de fer près de l’in-
sertion du tendon à l'os: de cette manière le fil de fer ne glisse plus sous
l'influence de la contraction musculaire. De plus, nous ne sectiounons le
nerf qu'au moment de la mort par le toxique. La mesure est faite avant
l’'empoisonnement et après, surtout au moment même où la mort survient
produite par le toxique. ‘
À. — Sulfocyanure de potassium.
Première expérience du 9 septembre. Sur un chien de 15 kilogrammes, à
4 h. 40 on mesure la force musculaire au dynamomètre, sa température rectale
est de 390,2.
Tension 2 — 12 — 10 force dynamométrique normale.
— Dot ATK — , —
== DA Er — ess
4 h. 50, injection intraveineuse de 50 centigrammes de sulfocyanure de
potassium. 5 h.5, de nouveau 50 centigrammes. 5 h. 13, température rectale, 38°,6.
5 h. 18, injection de 50 centigrammes ; l’animal est un peu agité au moment de
l’injection. 5 h. 28, injection de 50 centigrammes ; à 5 h. 30, le chien aboïe, puis
est pris de convulsions toniques et meurt.
A5h: 35, tension CM MON PRE NO
NET A0 AD EE ES
Le nerf sciatique droit que l'on excite est découvert depuis 4 h. 40.
À 5 h. 45, on excite le sciatique gauche pour la première fois.
Tension 2 20415 — (1
_ IA 2 A2 TP 1
Ce chien est mort avec 2? grammes de sulfocyanure en injection intravei-
neuse (12 centigrammes et demi par kilogramme).
®% expérience du 6 décembre, faite sur un chien de 7k$,800; à 11 heures du
matin, on prend la force musculaire.
Tension 2 — 10 — 8 force normale.
— D — 10 =. —
À 11 h. 3, injection sous-cutanée de 1 gramme de sulfocyanure ; 11 h. 26, de
(1) Gréhant et Quinquaud, Journal de l'anatomie et de la physiologie, publié
par Ch. Robin et G. Pouchet, p. 399, novembre 1884.
LS
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 7141
nouveau 4 gramme; 11 h. 32, 1 gramme; 11 h.34, 1 gramme; 11 h. 39, { gr;
11 h. 46, 1 gramme; 11 b. 56, injection intraveineuse de 60 centigrammes ;
au bout de quelques minutes, on voit apparaître des mouvements convulsifs et
la mort.
Cinq minutes après la dernière respiration on a :
Tension 2e AO 228
_ D = 0 =.
— DITS
3e exæpérience du 8 décembre faite surun chien de moyenne taille; de 9 h. 45
à 10 h. 45 on injecte sous la peau 5 grammes de sulfocyanure ; et de 11 heures
à 11 h. 53 on injecte 26 grammes du même sel (en tout 31 grammes); une
dose de 50 centigrammes en injection intraveineuse suffit pour amener la
mort avec des convulsions tétaniformes; immédiatement après on excite le
nerf sciatique et on a:
Tension 2 — 1 = Ÿ
_ MP Oo?
— DE 206 0112
4° expérience, du 19 décembre, faite sur un chien de 12kg,100, température
rectale, 38,4: de 9 h. 55 à 11 heures on injecte sous la peau 84 grammes de
sulfocyanure; à 11 h.5, de nouveau 12 grammes ; à11 h. 15, température rectale,
98 degrés, salivation abondante, gémissements; à midi 30, température rectaile,
312 ; à 2 heures de l'après-midi, injection sous-cutanée de 20 grammes du
même toxique (en tout 116 grammes c’est-à-dire 95r,60 par kilogramme); 2 h. 1/2,
R— 12 à 13 par minute; plus d’agitation, demi-somnolence, respiration lente et
calme ; 3 h. 10, température rectale, 35°,7.
A3 h. 1/2, R — 18; pendant l’assoupissement, quelques petites secousses dans
les muscles du cou. A 3 h. 40, l'animal est pris d’une convulsion tonique téta-
niforme et succombe à 3 h. 43. Immédiatement après la mort on excite le-nerf
sciatique :
Tension 3 — 11 — 8 force musculaire.
— DID 19 —-
La force physiologique était de 9 : il est donc ainsi exactement prouvé que
la force n’a pas été modifiée.
B. — Nitrate de plomb.
Première expérience, du 15 décembre, sur un chien de 14kg,900, ayant une
température normale de 38°,3; de 10h. 40 à 11h. 22, on injecte peu à peu
21 grammes de nitrate de plomb sous la peau; de 11 h. 22 à midi 35, injection
sous-cutanéef de 70 grammes du même sel; température rectale, 37°,1 (en tout
91 grammes); midi 40, injection intraveineuse de 1 gramme de ce toxique;
immédiatement accélération des mouvements respiratoires, puis arrêt. On ex-
cite le sciatique.
742 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
A12h./44, tension 3 — 131/2 — 10kg,1/2 comme force musculaire.
42h. 45 = 4192— 12192 — 11 kil.
12h. 50 — 2. — 43 SpA Il
2e expérience, du 17 septembre, sur un chien pesant 10k,200 : température
rectale, 38 degrés ; force musculaire normale, 10. De 10 h. 30 à 11 h.5, injection |
sous-cutanée de 50 grammes de nitrate, température rectale, 37°,8 ; de 11 h.10
à 11 h. 25 on injecte 2 grammes du même sel dans la saphène ; de 11 h. 25 à |
midi 10, on injecte dans la veine 25r,30, la respiration se ralentit, présente des
arrêts, puis reprend pour s’arrêter définitivement à midi 16.
A midi 17, on excite le sciatique : Tension 2 — 1112 — 91
midi 25 — 2 — 13 =" MIPRIT
midi 39 -- 3 — 11 = HOMO
midi 45 — 212 — 9 —" 6kg1/2,
midi 53 — 0 — 0 —
L’excitabilité a donc été efficace pendant 37 minutes; la force musculaire
après la mort était normale.
C. — Chlorure de baryum.
Première expérience, du 11 décembre, sur un chien de 8k£,800 : température
rectale, 38°,95, force normale, 7 kilogrammes; de 10 heures à 10 h. 45, oninjecte
sous la peau 58r,50 de chlorure de baryum : cris violents survenant par accès,
agitation, salive abondante, nausées et vomissement, diarrhée, température r'ec-
tale, 37°,9. À 10 h. 55, arrêts respiratoires; 11 heures, température rectale,
31 degrés. 11 h. 5, quelques secousses musculaires; à 11 h. 10, dernier arrêt
respiratoire, le cœur battant encore.
À 11 h. 12, on excite le sciatique : Tension 2 8 Mb
11 h. 18 — — —- 22 NON AE
11 h. 25 — — — DNS VTC
11 h.55 -- — — ro M)
11h. 50 — — — (| ET 1)
L’excitation a été efficace pendant au moins vingt-cinq minutes.
D. — Vératrine.
Expérience du 10 décembre, sur un chien de 15 kilogrammes, température
rectale, 38,7; force musculaire normale, 10kg,1/2. A 11 h. 15, injection sous-
cutanée de # centigrammes de vératrine; de 11 h. 20 à 11 h. 40, injection de
‘9 centigrammes ; (salive et défécation, légère diarrhée ; de 11 h. 40 à midi, in-
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. | 143
jection de 4 centigrammes: nausées, vomissements bilieux, température rectale,
38°,1, état nauséeux de midi à midi 20, injection de 31 centigrammes (en tout
44 centigrammes).
Mort à midi 30, avec une température de 39°2,
L’excitation du sciatique à midi 35 donne :
Tension 2 — 1112 — 9kg,1/2
A midi45 — 212 — 11192 — 9
1 heure — 0 — 0 — (1)
Après la mort la force musculaire était donc à peu près normale.
E. — Venin du crapaud commun.
Expérience du 16 décembre, sur un chien de moyenne taille : température
rectale, 383 ; force musculaire normale, 14 kilogrammes. A 11 h. 30 on injecte
lentement dans Ja saphène du venin de crapaud datant de 1857, en solution
dans l’eau tiède; pendant l’injection l’animal s’agite, pousse des cris, accélère
sa respiration. À 11 h. 50, température rectale, 38°,2; quelques minutes après la
fin de l’injection, l’animal succombe.
A 11 h.5f, on excite le sciatique : Tension 3 ROUEN 182
11 h. 55 — — — 21/2 — 16 —1 199,
La force musculaire n’a donc pas sensiblement varié.
Durée de l'efficacité de l’excitabilité neuro-musculaire après une section
du bulbe.
Expérience du 24 décembre sur un chien de 9 kilogrammes. Section du bulbe
11h17.
Excitation du sciatipue et mesure de la force musculaire.
A (4 h. 21, tension 1 4012410942
41 h. 23 — 2 O2 AM?
41 h. 39 — 24/2 — 15 — 12412
11 h. 45 — 212 — 8 — 194)
{1 h. 50 L’excitation du nerf détermine encore la contraction muscu-
l aire; mais celle-ci n’est pas efficace pour agir sur le dynamomètre : l’aiguille
accuse à peine 1/4 de kilogramme.
La conclusion de toutes ces expériences s’impose : tous ces poisons, re-
gardés comme des toxiques agissant pour atténuer ou éteindre la force mus-
culaire, n’ont pas, dans l’empoisonnement aigu, une action nette sur cette
force musculaire, mesurée au dynamomètre.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, vue Mignon, 2, Paris.
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145
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE (884
Présidence de M. François-Franck, vice-président.
PRÉSENTATION D'OUVRAGE. MorT DE Louis Coury.
Note de M. A. n’ArsonvaL (1).
Messieurs, en déposant sur le bureau de la Société le présent volume
intitulé : Ébauches sociologiques, le Brésil en 1884, j'ai le profond chagrin
de vous annoncer la mort de son auteur, M. le docteur Louis Couty, pro-
fesseur à l’École polytechnique et au Muséum de Rio-de-Janeiro. Cest une
perte que je ressens cruellement, et la Société tout entière s’associera, j'en
suis certain, aux regrets que je manifeste, car elle perd en Couty un de ses
correspondants les plus éminents. Notre infortuné collègue est mort le
23 novembre dernier à Rio, à l’âge de trente ans, en pleine production
scientifique, épuisé, on peut le dire, par le labeur incessant et surhumain
qu'il s'était imposé.
Fils d’un pauvre instituteur limousin qui avait eu l’honneur d’être
proscrit par l’Empire, Louis Couty devait tout à son intelligence et au
travail.
En 1872, il rentrait comme interne à l’hôpital de Limoges. C’est là où je
lai connu et où se sont établis entre nous ces liens d’étroite amitié que la
mort seule pouvait rompre. En 1874, il est nommé sixième sur quatre cents
candidats au Val-de-Grâce.
En 1875, à l’âge de vingtans, il est reçu docteur en médecine de la Faculté
de Paris et sa thèse inaugurale est couronnée. En 1876, il est nommé chef
de clinique au Val-de-Grâce, il en sort le deuxième en 1877, et enfin en 1878,
il est nommé au concours agrégé à la Faculté de médecine de Lyon; il
n'avait pas encore vingt-quatre ans. Aussi généreux qu’il était intelligent,
notre collègue, pour venir en aide à sa famille, accepta, non sans regrets,
les propositions avantageuses qui lui étaient faites par le gouvernement
brésilien. Depuis six ans, il était à Rio-de-Janeiro, tenant haut et ferme le
drapeau de la science française. Un de ses collègues, M. Gorceix, vous
dira dans la Revue scientifique ce que Couty a fait pour le Brésil. Chargé
(1) Communication faite à la séance du 20 décembre 1884.
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. 1°, N° 44. 28
746 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
par le gouvernement brésilien d’une mission importante, notre collègue
était attendu ces jours derniers en France, où il amenait la jeune compagne
qu'il s'était choisie depuis un an à peine.
Nous attendions impatiemment son arrivée par le paquebot même qui
nous apporte aujourd’hui la nouvelle de sa mort.
L'œuvre scientifique de Couty est considérable par son étendue et sa
variété, Tous ses travaux sont empreints de ce cachet d'originalité qui est
propre aux intelligences d'élite.
Les Bulletins de’ notre Société contiennent à eux seuls près de quarante
Notes ou Mémoires sur des sujets nouveaux, qui lui ont été fournis par notre
recretté collègue. Couty a publié à dix-neuf ans son premier travail scien-
tifique, qui se rapporte à l'étude expérimentale de l’entrée de l'air dans les
veines.
Les Comptes rendus de l’Académie des sciences contiennent trente-quatre
Notes de sa main. D’autres recueils scientifiques importants ont également
tenu à honneur de publier les travaux de Couty; tels sont la Gazette
hebdomadaire, les Archives de physiologie, la Fe scientifique, le journal
l’Encéphale, la Revue d'hygiène, etc.
Ses publications sociologiques comprennent plusieurs volumes ou bro-
chures. Je cite au hasard :
L’'Esclavage au Brési ; les Études expérimentales au Brésil ; le Maté et
les conserves de viande ; l'Alimentation au Brésil ; Rapport sur la culture
du café ; Étude de biologie industrielle, et enfin le Brésil en 1884, sa
dernière publication.
Pour resserrer les liens qui unissent la France au Brésil, Couty avait
fondé récemment deux journaux, rédigés en langue française et en langue
portugaise.
D'un patriotisme ardent, il était l’âme de la colonie française au Brésil.
Mais son œuvre la plus importante n’a pas vu le jour. C’est un grand
ouvrage sur le cerveau, qui doit être entièrement écrit, et qui pourrait com-
prendre 800 pages d'impression.
Mon ami m'avait chargé de m’entendre avec un éditeur parisien pour sa
publication. Le professeur Charpentier et moi avons reçu les confidences de
cet esprit d'élite au sujet du plan et du contenu de cette publication.
Il y a là un travail énorme que nous ne laisserons pas inutile. J'espère
que nous pourrons avoir ce manuscrit, ainsi que les Notes scientifiques de
notre ami commun. Nous devons à l’amitié, nous vous devons, Messieurs,
ainsi qu’à la science, de ne pas laisser se perdre ces richesses ; nous ferons
notre devoir.
SÉANCE DU 271 DÉCEMBRE. 141
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAÏNE
ET DE SES SELS. Deuxième Note, par M. J.-V. Laporpe (1).
Dans une première communication (Comptes rendus du 29 novembre 1884),
j'ai essayé de tracer le tableau général de l’action physiologique de la
cocaïne et de ses sels, en insistant sur deux manifestations saillantes,
essentielles de cette action, savoir : 1° l’analgésiation périphérique géné-
ralisée, et d’une persistance exceptionnelle chez certains animaux, notam-
ment chez la grenouille et chez le cobaye;
2% L’hyperexcitabilité motrice excessive qui met les ms notamment
le chien, dans un état de motilité incessante, irrésistible et irréfrénable,
durant des heures entières.
Aujourd’hui, et pour compléter cette étude générale, je me propose d’en-
trer dans les détails de l’analyse expérimentale, en passant en revue les
modifications imprimées par l’action de la substance aux principales fonc-
tio ns, respiration, circulation, calorification, sécrétions, et en essayant de
pénétrer le mode ou le mécanisme de son action physiologique, notam-
ment en ce qui concerne la dissociation et le contraste si remarquables,
entre les effets analgésiques et les effets d’excito-motricité ; en déterminant
enfin les doses toxiques.
Afin de limiter cette Note aux exigences de nos Comptes rendus, je résu-
merai, autant que possible, les points essentiels de mes recherches.
I. — FONCTIONS RESPIRATOIRE ET CIRCULATOIRE.
L'action, soit simultanée et solidaire sur la respiration et sur le cœur,
soit séparée et individuelle sur les mouvements respiratoires d’un côté, sur
les mouvements du cœur de l’autre, se trouve exprimée dans les graphiques
que je présente, tant à la phase purement physiologique, que dans la phase
toxique.
À doses fractionnées et successives de Î centigramme, chez le cobaye, on
assiste à des modifications du fonctionnement respiratoire et cardiaque,
s'exprimant par des alternatives d’augment et de dépression, d’agitation avec
irrégularités, de calme et d’irrégularités passagers.
Ce sont les phénomènes d’irrégularité, d’incohérence fonctionnelles qui
dominent, ainsi que le démontrent bien nos deux premiers tableaux gra-
phiques; et ces phénomènes s’accentuent à mesure que l’on approche de la
période d’excitation motrice, et surtout de la période convulsive, dans
laquelle les tracés prennent un caractère d’irrégularité, qui témoigne d’un
trouble profond des fonctions respiratoire et circulatoire.
(1) Communication faite dans la séance du 27 décembre {884.
7148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Les grands efforts respiratoires exprimés par l'amplitude relative des
lignes du tracé, les intermittences et les arrêts marquent un état as-
phyxique, qui précède et amène la mort, à la dose toxique.
Lorsque cette dose est administrée d'emblée (en injection hypodermique)
chez le même animal, par exemple 5 centigrammes, pour un poids de
350 à 400 grammes, les modifications fonctionnelles dont il s’agit sont plus
rapides, et partant plus saisissables dans leur ensemble, comme l'indique
bien le tracé suivant, qui résume le tableau complet d’une intoxication par
le chlorhydrate de cocaïne.
On y voit, en effet, à la suite des lignes représentant la respiration nor-
male, et le fonctionnement également normal du cœur, les modifications
qui se produisent immédiatement après l'injection de la dose massive et toxi-
que de la substance : ces modifications sont exprimées, surtout du côté de la
respiration, d’abord par un ralentissement momentané, desirrégularités et
des intermittences, que précèdent une accélération du rythme avec une
certaine régularisation passagère. Puis, bientôt, au bout de huit à dix mi-
nutes, survient la phase d’agitation où l’on voit les lignes du tracé prendre
une amplitude relativement énorme, avec accélération, irrégularités crois-
santes, grands efforts asphyxiques. Finalement une forte et rapide attaque
convulsive, rappelant le strychnisme, se produit, très bien exprimée par la
derniè-e ligne du graphique; la respiration s’arrête, et l’on voit, sur le tracé,
le cœur continuer encore pendant une minute et ibn ses pulsations régu-
* lières, mais faibles et espacées.
Le mécanisme de la mort paraît donc être un mécanisme asphyxique, à
la suite de phénomènes convulsifs, et les constatations nécropsiques directes
s'accordent avec la réalité de ce processus : on trouve, en effet, à la surface
des poumons des ecchymoses caractéristiques, soit ponctiformes, soit
plus étendues, et le cœur est distendu en diastole, contenant du sang noir |
dans ses cavités.
Nous avons essayé de fixer aussi par des graphiques l’état du fonctionne-
mentcardio-respiratoire chez le chien, qui est sous l'influence de la dose de
cocaïne nécessaire pour produire les Danone si remarquables d’excito-
motricité que j'ai signalés et décrits. On retrouve, en ce cas, expression
craphique des irrégularités respiratoires, avec influence excitatrice et
accélération, qui semblent caractériser cette phase d’action de la substance.
Cette expression répond, d’ailleurs, à l’état d’anhélation de l’animal, à la
suite de sa course incessante el irrésistible.
Les mêmes modifications fonctionnelles se produisent et s’observent dans
les mêmes conditions expérimentales sur le lapin, à la différence près des
doses supérieures exigées pour la taille et le poids de lanimal, doses
variant de 15 à 29 centimètres cubes (en injection hypodermique) pour le
poids de 1K5,500 à 2k6,500.
Mais, chez le lapin, à part les phénomènes généralisés d’hyperexcitabilité
réflexe qui dominent et aboutissent rapidement à la période convulsive, avec
14
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 149
dilatation pupillaire excessive, troubles cardio-respiratoires de l'asphyxie,
etc., on observe une anémiation remarquable et constante des vaisseaux auri-
culaires. Cette constatation n’est pas sans importance pour l'interprétation du
mécanisme de l’action de la substance.
PRESSION SANGUINE. — Je rapprocherai des résultats qui précèdent ceux
qui concernent l'influence de la cocaïne sur la pression sanguine.
Il résulte des recherches précises faites à l’aide du double manomètre de
Franck, qu’à la dose de 10 centigrammes de chlorhydrate ou debromhydrate
de cocaïne introduit en injection intraveineuse, sur un chien du poids
moyen de 12 kilogrammes, la pression s'élève d’une quantité double en
moyenne de la pression initiale, tant dans le bout central ou cardiaque de la
carotide,que dans le bout périphérique. Cette élévation se produit rapidement,
puisqu'elle commence pendant l’introduction même de la substance,etaussitôt
que la moitié de la dose (5 centigrammes) a été injectée; elle se maintient
et peut même être accrue sensiblement de nouveau, par l’introduction de
nouvelles doses fractionnées de 3 à 5 centigrammes ; nous n’avons pas ob-
servé, dans ces conditions, comme l’a fait M. le professeur Vulpian, dans ses
expériences sur le même sujet (Comptes rendus de l’Académie des sciences
du 24 novembre 1884), un abaissement préalable et momentané de la pres-
sion, ce qui tient peut-être à ce que nous agissions sur un animal non cura-
risé; mais nos résultats s'accordent relativement à l’élevation constante et
très marquée de la pression intra-artérielle, qui semble caractériser, de ce
côté fonctionnel, l’action de la cocaïne.
Au moment de cetteélévation et pendant sa durée constante, les oscilla-
tions de l'inscription manométrique, traduisant les pulsations cardiaques,
subissent une variation très sensible, consistant en un ralentissement avec
augmentation de l’amplitude, qui porte aussi manifestement sur les oscilla-
tions respiratoires.
La ligne du graphique traduisant la pression dans le bout périphérique
de l’artère, suitassez exactement, dans ses oscillations, les variations données
par le bout central, et il semble que ces variations soient surtout sous l’in-
fluence des modifications imprimées au fonctionnement du moteur central,
c’est-à-dire du cœur. À
État de l’excitabilité du pneumogastrique. — Dans cette étude hémo-
manométrique avec inscription graphique, où nous avons été efficacement
secondé par notre préparateur M. E. Gley, nous avons cherché à apprécier
l’état d’excitabilité du bout cardiaque du pneumogastrique, sous l'influence
d’une dose suffisamment élevée de bromhydrate de cocaïne : 10 centimètres
cubes de la solution au 1/100.
Or la grande diminution des oscillations oc combinée avec l’aug-
mentation presque doublée de leur amplitude, a témoigné en ce cas, non seule-
ment de la persistance de l’excitabilité motrice du pneumogastrique, mais
750 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
encore, d’après la comparaison avec l'effet initial du courant excilateur
témoin, d’une augmentation de cette excitabilité.
Ce résultat semble concorder avec l'observation des phénomènes si re-
marquables d’'hyperexcitabilité motrice généralisée, et nous aurons bientôt à
le rapprocher des effets locaux que nous allons constater sur la fonction
motrice d’un nerf mixte ordinaire.
Pour compléter observation des modifications fonctionnelles du côté des
phénomènes mécaniques respiratoires et cardio-musculaires, il me reste à
signaler ce fait, que je ne fais qu'énoncer :
C’est que chez la grenouille, les mouvements du flanc etles mouvements de
déglutition sont rapidement suspendus, sous l'influence de la cocaïne, tandis
que le cœur continue à battre dans l’état même de mort apparente, à la dose
toxique d’emblée (1/2 à 1 centimètre cube de la solution de l’un des sels
au 1/100), mais alors avec une lenteur progressive, et des modifications que
l'étude cardiographique directe montre être des modifications consécutives
avec effets de collapsus paralytique et d’épuisement fonctionnel.
L'arrêt définitif du cœur se fait d'ordinaire en dilatation passive des
cavités avec accumulation de sang noir. C’est le même processus fondamen-
tal que chez le cobaye.
IT. — TEMPÉRATURE.
Les modifications de la température générale et centrale sont des plus
remarquables.
Chez l’un de nos chiens, auquel il suffit d’administrer en injection sous-
cutanée de 5 à 6 centigrammes de chlorhydrate ou de bromhydrate de |
cocaïne pour déterminer une hyperexcitabilité motrice excessive, la tem-
pérature initiale du rectum (thermomètre bien maintenu enfoncé), étant
39 degrés centigrades, monte dans l’espace de vingt-cinq à trente minutes,
en pleine période de mouvement et de course irrésistibles et inces-
sants, à 40°,95, c’est-à-dire qu’elle augmente de plus de 1 degré.
Chez le cobaye au repos, soumis à l'influence d’une dose de 2 à 5 centi-
grammes des mêmes sels de cocaïne, la montée de la température est sur-
tout sensible (de 1/2 à 1 degré en moyenne) à la période convulsive. Mais
elle baisse rapidement si la dose est toxique, et au moment où, à la suite des
accès convulsiformes répétés, se prononcent les phénomènes asphyxiques
et s'arrête la respiration. ÿ
Ces modifications thermiques sont bien en rapport avec les phénomènes
d’hyperexcitation motrice sur lesquels nous insistons, comme étant les
plus remarquables et les plus curieux de ceux qui appartiennent à l’action
de la cocaïne; et il n’est pas téméraire, croyons-nous, d'attribuer cette élé-
vation du taux thermique à une production momentanément exagérée de
la chaleur engendrée par Panimal.
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE. 751
1IL. — SÉCRÉTIONS.
Les fonctions de secrétion, en général, ne paraissent pas recevoir de la
cocaïne une influence marquée; seule la sécrétion salivaire semble subir
une augmentation réelle. Nos constatations, à ce sujet, concordent parfai-
tement avec celles de M. le professeur Vulpian.
Quant à la sécrétion de l’urine, non seulement elle ne parait pas subir
d’accroissement notable, mais elle est comme suspendue, et en tout cas,
très diminuée, car elle n’est pas habituellement excrétée, même à la période
d’excilation motrice. Chez le cobaye, nous n’avons guère vu la miction se
faire qu'à la période asphyxique extrême ; et chez un chien ayant suc-
combé en pleine période convulsivante et asphyxique, à l'administration
d’une dose élevée et toxique (18 centigrammes en injection intraveineuse),
la vessie, recueillie avec soin et avec ligature préalable de l’urèthre, a été
trouvée rétractée, revenue sur elle-même et contenant à peine quelques
gouttes d'urine.
Cela nous a porté à présumer que l’urine ne devait pas être la princi-
pale voie d'élimination de la cocaïne, et que, en tout cas, si cette élimina-
tion avait lieu par cet émonctoire, ce devait être en très minime propor-
tion. Cependant l’instillation réitérée dans l'œil d’un lapin de gouttes de
l’urine rendue par un cobaye à la période asphyxique ultime de l’intoxica-
tion par la cocaïne, a amené une mydriase manifeste et persistante, mais
sans anesthésie réflexe caractérisée. Ce résultat indique des recherches à
poursuivre à propos de l’élimination de la substance, non seulement du
côté de l’urine, mais surtout du côté de la salive : c’est ce que nous som-
mes en train de faire, tant au point de vue physiologique que chimique.
Du côté de l’appareil biliaire, il ne semble pas y avoir non plus d’in-
fluence hypersécrétoire notable, si ce n’est aux doses et à la période des
accidents toxiques, où il se fait, mais alors consécutivement, une conges-
tion hépatique intense avec écoulement biliaire abondant, dont témoignent
et la distension de la vésicule, et la présence du liquide colorant dans la
première portion de l'intestin grêle.
IV. — DosE TOXIQUE.
Les effets toxiques, mortels, de la cocaïne et de ses sels sont implicite-
ment contenus et décrits dans ce qui précède. Nous ajouterons ici que, de
même que chez le cobaye et chez le lapin, les effets convulsivants, avec vio-
lentes décharges tétaniformes, se produisent chez le chien ;et que chez ce
dernier, comme chez les précédents, le processus asphyxique avec suspen-
sion de la respiration et persistance très momentanée des pulsations car-
diaques considérablement ralenties et affaiblies, constitue et caractérise la
phase terminale et mortelle.
7152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Il résulte de nos recherches que le chiffre de la dose toxique d'emblée,
ramené à l’unité de poids de l’animal, est de 18 milligrammes, c’est-à-dire
en nombre rond de À centigramme environ.
On voit par là que la dose physiologique et thérapeutique peut être
assez élevée chez l’homme.
V. — MODE ET MÉCANISME PHYSIOLOGIQUES DE L'ACTION DE LA COCAINE.
Sans vouloir, dès à présent, tirer de l’étude qui précède, une systémati-
sation complète et définitive, relative au mode d'action physiologique de la
cocaïne, nous croyons pouvoir à l’aide des DES que contient cette étude,
faire au moins une tentative justifiée.
Le fait assurément le plus important, le plus curieux, en tout cas, et qui
domine l’étude physiologique de la cocaïne, c’est le contraste entre les
phénomènes d’hyperexcitabilité neuro-musculaire et les phénomènes
d’analgésie, c’est-à-dire d'atténuation et de perte momentanée et même per-
sistante de la sensibilité perçue ou consciente; il y a là comme une dissocia-
tion fonctionnelle, qui constitue, en apparence, un fait paradoxal.
Toutefois, et à priori, le paradoxe est moins réel, et tend à disparaitre,
lorsque évoquant des faits analogiques qui constituent, à cet égard, comme
une loi de physiologie pathologique, l’on considère que rien n’est plus près
des effets d’excitabilité fonctionnelle extrême que les effets d'atténuation ou
de perte de la même fonction : témoin l’analgésie ou l’anesthésie succédant
aux hyperalgies ou aux hyperesthésies, ou même coïncidant avec elles ; témoin
encore les paralysie motrices succédant aux contractures ou coïncidant avec
ces dernières. N'est-ce pas encore une loi physiologique, que les substances
médicamenteuses ou toxiques, qui ont pour action dominante et définitive
d’abaisser le taux d’une fonction, ou d’anéantir momentanément cette fonc-
tion, commencent par l’exciter et même l’exalter ?
Il ne paraît pas douteux que c’est par une influence directe, re
nante et élective sur les éléments excito-moteurs centraux et périphériques
du système nerveux, que la cocaïne produit, à la période d’état de son action
physiologique, ses effets si remarquables d’hyperexcitabilité motrice.
L'action sur les éléments centraux, myélétiques, et même bulbaires, à une
certaine période, ne semble pas contestable, puisque les phénomènes en
question aboutissent aux effets convulsivants les mieux caractérisés. Mais
cette action porte aussi sur le système nerveux périphérique de l’innervation
motrice, puisque, en plus de la persistance et de l’exagération des réflexes,
nous avons cru dûment constater une surélévation de l’excitabilité motrice
du nerf sciatique (chez le chien), et même, comme nous l'avons montré plus
haut, du nerf vague.
Mais n’y at-il pas aussi, surtout dans l’irrésistibilité de l'impulsion mo-
trice, une participation des éléments psycho-moteurs de la sphère cérébrale?
Nous sommes d'autant plus tenté de le croire que, à part les caractères et
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 199
[a nature même du phénomène, les centres percepteurs cérébraux parais-
sent, ainsi que nous allons le voir, jouer un rôle non douteux dans le mé-
canisme physiologique de la production de l’analgésie.
En effet, cette analgésie généralisée ne peut tenir qu’à deux causes, ou
modifications fonctionnelles : ou bien au défaut de conductibilité centripète
du nerf sensitif, — ou bien au défaut de perception de l'impression trans-
mise.
Or la conductibilité centripète est intacte, puisque le réflexe persiste, et de
plus cette conductibilité persiste dans toute la hauteur du myélaxe, puisque
le réflexe continue à se manifester sous des excitations suffisantes, dans toutes
les régions motrices qui répondent au départ de cette excitation. C’est donc
l'élaboration perceptive ou réceptive qui manque, en d’autres termes, l’éla-
boration consciente qui constitue la sensation perçue, dont le témoignage
chez l'animal est la manifestation douloureuse. On peut, et nous avons pu,
chez le chien, pousser cette démonstration, pour ainsi dire, à l'extrême, en
suscitant sur le bout central du nerf lui-même (sciatique), à l’aide d'un
courant d’induction déterminé d'avance, en son action minima, des réactions
généralisées, exclusivement réflexes, sans aboutir à la réaction consciente,
douloureuse. C’est aussi dans cette condition expérimentale que nous
avons, par contraste, observé une élévation marquée de l’excitation périphé-
rique ou motrice du même nerf.
Nous ne parlons ici, bien entendu, que des effets consécutifs à l'absorption
générale de la substance, soit en injection sous-cutanée, soit surtout en
injection intraveineuse; car les effets locaux, suite de l'application locale
in situ, sont d’un autre ordre, en cesens que l’imprégnation des tissus, des
éléments anatomiques, par la substance amènent des effets paralytiques
beaucoup plus complets, et portant, à la fois, notamment chez lagrenouille,sur
les éléments nerveux et musculaires : ainsi les muscles de la cuisse touchés
directement par la solution au 1/100 de bromhydrate de cocaïne, en quantité
suffisante (1/2 à 1 centimètre cube) nerépondent pas plus que le nerf, à un cer-
tain moment, aux excitations électriques directes. Cela explique, très pro-
bablement, l’action anesthésiante locale et superficielle de la cocaïne, sur
certaines extrémités nerveuses très accessibles, comme celles de la peau ou
de la conjonctive.
Le tissu musculaire participe-t-il pour une certaine part à l’hyperexcita-
bilité fonctionnelle en question ? Cela est possible; mais, pour préciser la
réponse, il s’agit de faire des recherches directes, auxquelles nous n'avons
pas encore pu nous livrer.
Il nous suffira de rappeler ici que le mécanisme de la mort toxique est
le processus asphyxique par arrêt des phénomènes mécaniques respira-
toires, précédant l’arrêt du cœur. Ce processus est, par ses caractères
physiologiques, de ceux qui ont leur point de départ dans une influence
bulbaire.
Reste à savoir si le sang reçoit lui-même, en ses éléments constitutifs, du
7194 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
contact et de l’action de la substance, quelques modifications, et quelles
modifications : c’est un point qu’il appartient à des recherches ultérieures
de déterminer.
Bien qu’elle ne semble pas être prédominante, la participation du sym-
pathique à certains effets fonctionnels de la cocaïne n’est pas douteuse:
les phénomènes oculo-papillaires (mydriase), les phénomènes vaso-moteurs
nettement indiqués par l’anémiation auriculaire du lapin, et par les mo-
difications de la pression sanguine périphérique, sont autant de témoignages
de cette participation. Nous y ajouterons les effets sur la contractilité des
fibres intestinales s'exprimant par des défécations multiples, que nous
avons bien observées sur le chien, à la suite de l'administration, en injec-
tion intraveineuse, d’une dose voisine de la dose toxique. C’est aussi très
probablement par son action excitante sur les fibres motrices du sympa-
thique que la cocaïne produit les effets ci-dessus dans ce département du
système nerveux.
On pourrait dire, pour résumer en une formule de comparaison, et
faire bien comprendre le mode d’action de la cocaïne, que cette action est
le contraire de celle du curare, celui-ci frappant pour l’anéantir la con-
ductibilité nerveuse motrice, et respectant, dans la suhordination des
phénomènes, la conductibilité sensitive ; celle-là respectant et même exal-
tant la propriété motrice périphérique et centrale, et s’attaquant, pour
Vatténuer ou l’anéantir momentanément, à la sensibilité, mais de préfé-
rence à la sensibilité perçue ou consciente.
Il se pourrait, du reste, que dans ce contraste, que nous ne faisons qu’in-
voquer ici comme simple moyen d’explication, il y eût le fond d’un véri-
table antagonisme physiologique entre les deux substances. Nous nous pro-
posons de poursuivre expérimentalement cette idée.
Un mot en terminant sur quelques applications pratiques, dont l’indica-
tion peut être puisée dans l’étude physiologique.
L’action excito-motrice, neuro-musculaire, de la cocaïne, véritable action
dynamogénique, et très probablement thermogène, indique son emploi effi-
cace dans le cadre des maladies à collapsus paralytique, dans les amyo-
trophies, dans les longues et difficiles convalescences, en un mot dans tout
cas morbide où domine un état dépressif, atonique du système nerveux.
Son action analgésiante, soit généralisée, soit localisée, pourra en faire,
sans doute, un précieux médicament dans un grand nombre d’affections
douloureuses, notamment dans les névralgies superficielles, contre les-
quelles permettra d'agir directement la possibilité d’injecter sous les lissus
sous-cutanés, sans crainte d'accidents, une assez haute dose (de 10 à 20 et
25 centigrammes) de l’un des sels actifs de cocaïne.
Un hasärd expérimental nous permet, à ce propos, de citer un résultat
des plus encourageants relativement à l'emploi de la cocaïne dans les ma-
ladies cutanées douloureuses ou prurigineuses, ou dans les simples der-
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 755
malgies : Un de nos chiens, habituellement soumis à l'administration
de l’un des sels de cocaïne, en injection sous-cutanée, pour en démontrer
les effets excilo-moteurs, s’est trouvé être atteint de gale canine, et il se
gratte constamment, dans l’état ordinaire. Mais, aussitôt qu'il est sous
l'influence de la cocaïne, et en pleine période excito-motrice, avec un
certain degré constant d’analgésie périphérique, il cesse complètement tout
grattage; et la reprise de cet exercice obligé est, pour nous, le signe de
l'épuisement prochain de la substance.
Enfin, en ce qui concerne l’anesthésiation locale, notamment celle de la
conjonctive oculaire, qui, on le sait, est toujours très superficielle et peu
durable à la suite de simples instillations intrapalpébrales, il résulte d’un
certain nombre d'essais qu’en injectant, sous la conjonctive scléroticale, à
la partie supérieure, en arrière du globe oculaire, de 1/2 à À centigramme
de chlorhydrate ou de bromhydrate de cocaïne, on obtient rapidement une
insensibilisation complète, profonde, telle en un mot, qu’on peut piquer,
tailler, couper dans l’œil entier, le presser, le malaxer, enfin l’extirper
sans la moindre manifestation douloureuse, ni sensation quelconque de la
part de l’animal.
L’injection peut d’ailleurs être réalisée facilement sous un pli de la con-
jonctive, sans incision préalable, comme l’a fait Koller, de la capsule de
Tenon; elle ne provoque pas d’accident et ne laisse pas de trace, ainsi
qu’en témoignent des lapins qui l'ont subie, et que nous avons conservés
en respectant leurs veux. Nous signalons ce procédé aux ophthalmologistes,
comme pouvant constituer et devenir une ressource précieuse dans les
opérations profondes de lœil.
NOTE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES POLYPES HYDRAIRES,
par M. A. DE VARENNE.
Les travaux de L. Agassiz, Hœckel, O. et R. Hertwig, Korotneff et
d’autres encore, nous ont fait connaître le système nerveux chez des Cælen-
térés voisins des Hydraires et chez les Méduses. M. Rouget a démontré l’exis-
tence de cellules nerveuses et de plexus nerveux chez l’Hydre d’eau douce,
et en Allemagne quelques auteurs ont décrit des cellules nerveuses dans
les tentacules et dans leur voisinage chez des Hydraires marins. À part ces
travaux, nous ne savons que fort peu de chose sur le système nerveux des
Polypes Hydraires proprement dits.
Voici les résultats des recherches que j'ai faites :
En faisant des dissociations délicates, j'ai trouvé chez la Campanularia
flezuosa, Y Hydratinia echinata, la Podocoryne carnea et la Clava mul-
796 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ticornis un plexus, un réseau à mailles assez larges constitué par des cel-
lules nerveuses le plus souvent bipolaires ou tripolaires. Ce réseau, qui
existe non seulement dans les tentacules et dans l'individu nourricier, mais
aussi dans tout le cœnosare, est situé au-dessous de l’ectoderme. Les pro- «
longements des cellules nerveuses les relient les unes aux autres de façon à
constituer un véritable plexus ou bien les mettent en rapport avec les «
organes des sens d’une part et les fibrilles musculaires contractiles de l’ec-
toderme d’autre part.
Sur certaines préparations, on peut voir le schéma absolument réalisé du
réflexe décrit dans tous les traités de physiologie. Une cellule nerveuse
envoie un de ses prolongements polaires à une cellule tactile (palpocil ou
nématociste) et par l’autre prolongement elle est en rapport avec une
fibrille musculaire d’une cellule de l’ectoderme.
SUR LA SEGMENTATION, LA CAVITÉ DE SEGMENTATION ET LES NOYAUX LIBRES
DU JAUNE (ŒUF D'OISEAU), par M. Mathias Duvaz.
Il n’y a pas, avant comme pendant la segmentation, de limite absolue entre
le germe proprement dit et le vitellus blanc, pas plus qu'iln'y enaentrele ©
vitellus blanc et le vitellus jaune. On ne peut pas même, pour établir une
distinction de ce genre, dire que tout ce qui prend part à la segmentation
est le vitellus de formation (ou germe) et que ce qui n’y prend pas part est
Je vitellus de nutrition, car, après que le blastoderme a été constitué, une
segmentation secondaire se poursuit dans le reste du vitellus, sur le plancher
et sur les bords de la cavité sous-germinale, et il nous est actuellement
impossible de dire où s’arrête exactement cette segmentation secondaire. :
La segmentation est excentrique, c’est-à-dire commence en un point qui
ne correspond pas au centre du futur disque blastodermique (à l’axe du
noyau de Pander), et elle se poursuit plus activement dans cette région
excentrique où elle a commencé.
Cette dernière remarque (position excentrique du point de début, et
moindre volume des segments dans cette région, alors que la segmentation
s’est étendue) a déjà élé très nettement formulée par Kælliker ; nous y ajou-
ons seulement le complément suivant: ce point, où commence et où se
poursuit plus activement la segmentation, correspond à la future région pos-
térieure du blastoderme ; il est donc, dès le aébut, possible de reconnaitre
quelle partie du germe correspondra à la région postérieure, quelle partie
à la région antérieure de l’embryon.
Pendant la segmentation, l’œuf d’oiseau présente, comme celui des verté-
brés inférieurs, une véritable cavité de segmentation, affectant la forme de
fente, souvent difficile à reconnaître, et qui marque dès lors la séparation
de l’ectoderme d’avec les éléments sous-jacents. La constatation de cette cavité
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 7151
de segmentation est très importante pour expliquer et confirmer le fait, du
reste bien observé par nombre d’auteurs, de l'existence très précoce d’un
feuillet externe bien défini: c’est pour n'avoir pas observé cette cavité ou
fente, que récemment W. Wolff est venu remettre en question le mode de
séparation et d’accroissement de ce feuillet externe (W. Wolff, Arch. für
Mikroskop. Anat., 1882, t. XXI, p. 46).
En progressant en profondeur au-dessous de la cavité de segmentation, la
segmentation entame des couches de vitellus qui doivent être considérées
comme du vitellus blanc ; puis, lorsqu'elle est arrivée à une certaine pro-
fondeur dans ce vitellus blanc, elle semble s’arrêter ; mais en réalité il y a
simplement modification de son processus, de son rythme, c’est-à-dire que
les derniers sillons horizontaux, isolant les sphères de segmentation les plus
profondes, formées en dernier lieu, confluent en une fente au-dessus de
laquelle est une masse de sphères de segmentation (masse blastodermique
proprement dite) et au-dessous une masse de vitellus parsemé de noyaux
libres. Cette fente est la cavité sous-germinale, qui se produit d’arrière en
avant, et qui est l’homologue de la cavité intestinale primitive de l’œuf des
batraciens, c’est-à-dire représente la cavité d’invagination gastruléenne des
vertébrés inférieurs. Chez les oiseaux, cette formation de la cavité gastru-
léenne (cavité sous-germinale) se trouve donc ainsi intimement mêlée au
phénomène de la segmentation, de sorte qu’il est arrivé qu’on a parfois
donné, par abus de mots et contrairement à toutes les homologies, le nom
de cavité de segmentation à la cavité sous-germinale (Dansky, Kostenitsh,
W. Wolf).
Après formation de la cavité sous-germinale, on trouve, dans le vitellus
qui forme le plancher de cette cavité, de nombreux noyaux libres ; ces noyaux
proviennent de noyaux qui, pendant la formation de la cavité sous-germi-
nale, se sont divisés chacun en deux moitiés, dont l’une est restée dans
l’une des sphères les plus profondes du blastoderme, dont l’autre est de-
meurée dans le plancher de la cavité de segmentation. Autour de ces noyaux
se produit dès lors une segmentation secondaire, d’abord très peu active, et
donnant naissance à des éléments dont quelques-uns sont les homologues
des globules du bouchon de Ecker chez les batraciens ; plus tard, cette
segmentation secondaire devient très active, sur les bords du plancher de la
cavité sous-germinale, pour donner lieu à une formation que nous appelons
bourrelet entodermo-vitellin ; en même temps, en dehors de ce bourrelet,
s’étend de plus en plus la zone de vitellus à noyaux libres, qui donne lieu
à la production de l’entoderme vitellin. Voyez à cet égard notre Note sur
l’entoderme vitellin (Comptes rendus de la Société de biologie, mai 1884),
note qui, dans l’ordre naturel des faits, représente la suite de la présente
communication.
Pour insister ici spécialement sur ces noyaux libres du plancher de la
cavité sous-germinale, nous dirons que leur importance, leur origine et leur
signification ont été très diversement interprétées. C’est en somme Gaœtte
158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
qui, dans ses recherches relativement anciennes déjà, a fourni à cet égard
les observations les plus précises et les vues les plus exactes. Comme nous,
il considère chacun de ces noyaux comme provenant de la division d’un
noyau primitif dont l’autre moitié est restée dans une sphère de segmentation
du germe. Et en effet il n’est plus guère possible aujourd’hui d'admettre une
formation nouvelle (spontanée) de noyaux dans le vitellus, surtout depuis
que nous savons que, dans l'œuf de batracien à segmentation totale, la
segmentation, très active au pôle supérieur, ne se poursuit que très lente-
ment vers le pôle inférieur, et que cette lenteur dans la marche des sillons
est en rapport avec le volume considérable des segments qu'ils circonseri-
vent, de sorte que sur les gros œufs méroblastiques la segmentation doit
devenir extrêmement lente à mesure qu’elle atteint la masse dite de vitellus
nutritif. À ce moment il est donc tout naturel de trouver des noyaux libres
dans les couches sous-jacentes aux zones complètement segmentées, c’est-
à-dire, en un mot, au-dessous de la cavité de segmentation. Il ne faut pas
oublier, du reste, qu’on trouve souvent deux et même quatre noyaux dans
les gros segments des batraciens, ce qui, comme l’a fait remarquer Gætte,
est en rapport avec ce fait bien connu que la division du noyau précède celle
de la cellule, de sorte qu’en définitive le vitellus à noyau libre représente
des parties où les noyaux se sont divisés, mais où le vitellus qui les entoure
n'est pas encore segmenté.
ACTION LOCALE DU CHLORHYDRATE DE COCAÏNE SUR LES FONCTIONS CÉRÉ-
BRALES, par M. Aug. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Naney.
L'action anesthésique locale du chlorhydrate de cocaïne sur les terminai-
sons sensitives m'a donné l’idée de rechercher si cette même substance,
portée au contact de la surface cérébrale mise à découvert, n’abolirait pas
momentanément les fonctions du cerveau, de manière à pouvoir servir de
base à une méthode générale d'étude de la physiologie de cet organe, con-
sidéré soit dans son ensemble, soit dans quelques-unes de ses parties.
L'expérience n’a pu être faite jusqu'ici que sur la grenouille, mais elle a
répondu à mon attente. Le cerveau ayant été mis à nu sur cet animal, on
attend que l’hémorrhagie soit arrêtée, puis on prend un petit fragment
d’éponge ou de papier à filtre, imbibé d’une solution de chlorhydrate de
cocaïne à 5 pour 100, et on le maintient pendant deux à trois minutes au
contact de la surface des hémisphères cérébraux, en prenant soin de ne pas
toucher les parties voisines. Au bout d’un temps très court, on voit
l’animal rester complètement immobile dans l'attitude normale et ne plus
faire de mouvement spontané. La respiration n’est pas modifiée, chose bien
différente &e ce qui a lieu quand la substance est introduite dans la circula-
tion. La sensibilité est intacte, et même plutôt légèrement augmentée;
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE. 159
lorsqu'on presse un doigt de la patte antérieure, cette patte est retirée brus-
quement et revient de suite dans la position primitive. De même pour la
patte postérieure, qui réagit aussi par un seul et brusque mouvement aux
excitations que l’on fait porter sur elle. Quand l'excitation est trop forte, il
peut y avoir un saut, mais jamais suivi d’un second ; l’animal reste figé,
pour ainsi dire, dans son attitude normale, qu’il ne quitte pas à moins d’une
seconde excitation. Tout essai fait pour modifier cette attitude est combattu
vigoureusement. Cherche-t-on à étendre l’une des pattes, elle est immédia-
tement retirée et repliée avec force. Veut-on mettre la grenouille sur le
dos, elle lutte, et se replace vivement sur le ventre dès qu’on cesse d’exercer
l'effort nécessaire pour la maintenir.
En un mot, l’on observe dans toute leur pureté les phénomènes classiques
par lesquels Flourens, Vulpian, ont montré que les hémisphères cérébraux
sont le siège de la volition. Mais ce qu'il y a d’important, c’est qu'on n’a
plus à faire subir aux centres nerveux la plus petite mutilation, et que
Panimal survit à l’expérience. La cocaïne exerce seulement une action sus-
pensive sur le fonctionnement de la partie touchée.
De plus, animal peut lui-même servir à la contre-expérience, car, au
fur et à mesure que la cocaïne s’élimine de la substance cérébrale, les
fonctions de cette dernière redeviennent progressivement normales. Au bout
de trois ou quatre jours, le retour est complet, et l’expérience peut être
recommencée.
Pendant les quelques jours que met la cocaïne à s’éliminer et l’animal à
reprendre sa liberté d’allures ou, comme ondit, sa spontanéité, on n’observe
d'autre phénomène secondaire qu’une très légère diminution de la sensibilité
ou peut-être seulement de la puissance réflexe ; quant à la respiration et à
la circulation, elles ne sont pas autrement troublées.
Ces faits, qui seront répétés dans des conditions variées sur des animaux
à sang chaud, montrent que l’on pourra abolir le fonctionnement de tout ou
partie du cerveau, dont on étudiera les propriétés sans autre trouble secon-
daire. Cette méthode devra servir à résoudre définitivement plusieurs
questions de physiologie cérébrale, telles que celle des points appelés
psycho-moteurs, celle de l’excitabilité de la substance grise, etc. (1).
Jajoute que le contact de la cocaïne en solution assez concentrée affecte
également et temporairement l’excitabilité du nerf moteur, du muscle, et en
général de tout protoplasma, comme je l’ai indiqué le 24 décembre dernier
à la Société de médecine de Nancy et comme je le développerai dans une
prochaine Note.
(1) M. François-Franck, dans une précédente séance, a déjà exposé les résultats
des expériences qu’il poursuit sur les mammifères, en appliquant localement les
sels de cocaïne sur la zone motrice et en en circonscrivant l’action à l’aide d’un
dispositif spécial. Il à annoncé que jusqu'ici il n’avait point obtenu de modifica-
tions de l’excitabilité corticale ; mais, se réservant de donner de plus amples
détails quand ses recherches auraient été suffisamment répétées, il n’a pas remis
760 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
DE L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUE COMPARATIF DE LA SURFACE SOUS-UNGUÉALE
DANS LES DEUX POUCES, par M. À. HÉNOCQUE.
J'emploie comme moyen de contrôle de appréciation de la durée de
réduction de l’oxyhémoglobine, l’examen comparatif et simultané des deux
pouces, placés l’un à côté de l’autre et examinés alternativement avec le
spectroscope.
En résumant les observations dans lesquelles j'ai netans l'examen des
deux pouces l’un après l’autre ou en même temps, et quelques-unes d’entre
elles remontent à plusieurs mois, je trouve les notations suivantes : sur dix-
huit de ces observations, dans cinq cas la durée a été égale pour les
deux pouces, dans sept cas il y a eu une différence de deux à cinq
secondes, dans cinq cas une différence de dix secondes, dans un seul
cas une différence de vingt secondes, et dans ce dernier fait j'avais noté que
l'examen était très difficile à cause de la défectuosité de l'éclairage. IL
résulte en outre de ces faits que la durée de la réduction a été plus longue
dans le pouce droit, treize fois sur dix-huit, et deux fois seulement sur le
pouce gauche ; or dans ces deux cas on avait fait la ligature du pouce gauche
la première, et celle du droit dix secondes plus tard; c’est pourquoi en
commençant par le pouce droit on atténuera la différence.
En effet, si d’une part la durée est un peu plus longue dans le pouce
droit parce qu’il est plus volumineux ordinairement, la durée de réduction
dans le pouce gauche est un peu augmentée par le fait même de la ligature
pratiquée antérieurement sur l’autre doigt ; telle est du moins l’hypothèse
qui se présente, et je me réserve d’en vérifier l’exactitude par des observa-
tions muitipliées.
L'examen comparatif des deux pouces offre de grands avantages, mais
plus on avancera dans la pratique de ces études et plus on reconnaîtra que
le meilleur moyen de diminuer l’erreur personnelle est de procéder métho-
diquement suivant les règles que j'ai déjà exposées.
Des différences de quelques secondes sont insignifiantes ; si la différence
de la durée relative dans les deux pouces dépasse dix secondes, il est utile
de pratiquer plusieurs examens, surtout si les notations sont extrêmes, par
exemple au-dessous de trente secondes ou au delà de quatre-vingts secondes.
Le second examen devra être pratiqué au moins dix minutes après le
premier afin d’éviter l’augmentation dans la durée de la réduction qui est
constante lorsqu'on pratique deux ligatures à deux ou trois minutes d’inter-
valle.
de Note officielle. Les journaux qui rendent compte de la Société ont seuls
indiqué les faits qu’il avait énoncés, et il n’est pas étonnant que M. Charpentier
ait pu penser qu'il avait eu le premier l’idée d’appliquer à l’étude des fonctions
cérébrales les propriétés anesthésiantes locales des sels de cocaïne.
. (François-Franck.)
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 161
SUR LA SPECTROSCOPIE DES TISSUS VIVANTS. Deuxième Note,
par M. Albert RoBin.
Nous avons adressé, M. Straus et moi, au procédé actuel de spectroscopie
des tissus vivants, des objections qui nous paraissent subsister encore pour la
plus grande partie, malgré la réponse de notre honorable collègue. En effet,
nous n’avons jamais confondu la bande primitive du sang oxygéné avec la
bande de l’hémoglobine réduite, ainsi qu’on peut s’en convaincre en lisant
l'exposé de notre deuxième objection. Vierordi, d’ailleurs, avait parfaitement
décrit cette bande diffuse de réduction. Quant aux limites des variations
physiologiques chez les différents individus, nous persistons à déclarer
qu’elles sont très étendues, puisque les observations les plus nombreuses de
M. Hénocque varient entre 55 et 15 secondes, tandis que celles de Vierordt
s'étendent de 75 à 150 secondes, et les nôtres de 30 à 110 secondes.
Pour ce qui a trait aux autres divergences entre M. Hénocque et nous,
celui-ci répond que nous étant placés dans des conditions expérimentales
différentes des siennes, nos résultats sont difficilement comparables aux
siens. Il recommande, en effet, l’examen de la surface unguéale du pouce,
tandis que Vierordt, Filehne, et nous, avions observé la pulpe de l'index, du
médius et de l’annulaire.
Or, dans une nouvelle série d'expériences faites ces jours derniers sur la
surface unguéale du pouce, j'ai obtenu les chiffres que je condense dans le
tableau ci-dessous : à y
SEXE ET AGE DOIGTS A B C D
DES SUJETS OBSERVÉS Are oBSERV.|2® OBSERV.|3€ OBSERV. | 42 OBSERv.
NUMÉROS
DES
EXPÉRIENCES
Homme, 37 ans | pouce D
1 heure pouce G
4 heures pouce G
id. index G
Femme, 26 aus | pouce G.
1 heure index D.
D 38"
G 43/!
G »
D 33" .
D 45"!
4 heures pouce
id. pouce
id. index
id. index
Femme, 40 ans | pouce
1 heure pouce G.
Femme, 58 ans pouce D. 3 »
1 heure pouce G. o0"
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, 1°", N° 44. 59
7162 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
L'expérience I donne des résultats assez concordants pour la première
observation (A), puisque le maximum d'écart a été de 16 pour 100.
Dans l'expérience IT, les écarts de la première observation (A) ont été de
° et 38 pour 100. Ils se sont élevés à 20 et 18 pour 100 dans les expériences
IIT et IV.
D'un autre côté, les écarts entre la première et la deuxième observation
(A et B) ont varié de 4 à 116 pour 100.
En présence de ces résultats, nous maintenons les objections générales
que nous avons formulées dans la dernière séance.
L'idée de Vierordt mérite d'attirer sérieusement l'attention et peut
conduire à d'importantes applications ; mais sa technique actuelle, même
avec l’ingénieuse modification apportée par M. Hénocque, me semble encore
trop indécise pour que les chiffres qu’elle fournit aient une indiscutable
valeur.
EXAMEN SPECTROSCOPIQUE DU SANG, PRATIQUÉ COMPARATIVEMENT
DANS LES DEUX POUCES, par M. A. HÉNOCQUE.
M. Hénocque a employé comme moyen de contrôle de l’appréciation de
la durée de la réduction de l’hémoglobine, l’examen simultané des deux
pouces. Dans dix-huit observations faites sur les deux pouces, il a constaté
dans cinq cas une durée égale, dans sept cas une différence de deux à cinq
secondes, dans cinq cas une différence de dix secondes et dans un seul eas,
la différence a été de vingt secondes, mais l’éclairage était défavorable.
La durée de la réduction est ordinairement plus longue dans le pouce.
droit que dans le gauche, et elle varie d’ailléurs suivant qu'on a lié un.
pouce l’un avant l’autre. M. Hénocque conclut de ses recherches que dans.
l'examen simultané des deux pouces, des différences de zéro à cinq secondes!
sont négligeables; lorsque la différence est de dix secondes, il est utile de,
faire plusieurs examens si les notations sont extrêmes, sn. au-dessous de,
trente secondes ou au delà de quatre-vingts ns. Enfin, lorsque la:
différence est de vingt secondes, il existe une condition d’erreur nécessitant
un nouvel examen, et celui-ci doit être pratiqué au moins dix minutes après,
le précédent, afin d éviter l’augmentation de la durée de réduction qui est
constante lorsqu'on pratique des ligatures consécutives.
ee se = POS LEE LE
(3e
ET
DC
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 163
RECHERCHES DE CALORIMÉTRIE ANIMALE. Note de M. A. D'ARSONVAL.
Dans une communication précédente (séance du 29 novembre 1884), j'ai
décrit à la Société une nouvelle méthode de calorimétrie qui offre certains
avantages de simplicité instrumentale, surtout en vue de son application
à la calorimétrie humaine. Chaque fois qu’on introduit dans la science une
nouvelle méthode, et surtout lorsqu'il s’agit d’une méthode de mesure, un
devoir impérieux s'impose à l’expérimentateur : celui d'en contrôler préa-
lablement l'exactitude. Ce que j'avais fait pour ma première méthode de
calorimétrie (1), par compensation je l'ai répété pour la méthode par
rayonnement en employant des moyens appropriés que je vais décrire
brièvement.
Pour que l'instrument soit exact, 0! faut et il suffit qu'il donne toujours
la même indication quand on met dans son intérieur une source de cha-
leur d'intensité constante, la température ambiante restant la même.
Pour réaliser simplement une source de chaleur d'intensité constante,
je place dans l’intérieur du calorimètre un ballon de verre à travers lequel
circule un courant de vapeur d’eau qui en maintient les parois à une tem-
pérature constante de 100 degrés centigrades. Ce ballon rayonne dans le
calorimètre comme le ferait un animal et ne touche pas la paroi.
Pour avoir une température ambiante également constante, j'opère dans
une cave du Collège de France.
Causes d'erreur de la méthode; leur suppression.— Dans ces conditions,
et en employant le vase compensateur représenté en 5 dans ma Note du
29 novembre, les causes d’erreur ne peuvent évidemment provenir, ni des
variations thermométriques, ni des variations barométriques du milieu
ambiant.
Par conséquent, sile manomètre ne fournit pas toujours la même indica-
tion, la cause d'erreur tient au calorimètre lui-même et ne peut provenir
que d’une modification survenue dans son pouvoir émissif.
C’est en effet ce qui a lieu quand on prend un calorimètre métallique,
La hauteur du manomètre varie avec l’état de la surface extérieure du
calorimètre, et aussi un peu ‘avec l’état de sa surface intérieure, toutes
choses égales d'ailleurs.
Les oscillations du manomètre sont considérables et peuvent varier de
plus du double de leur valeur primitive. C’est là, on le comprend, une
grosse cause d'erreur qui enlèverait toute valeur à la méthode, si l’on n’y
pouvait porter remède.
La cause en est très simple ; elle tient à l’altération des surfaces du calo-
rimètre. On sait en effet que les métaux ternis rayonnent beaucoup plus que
les métaux brillants, qui sont les corps doués du plus faible pouvoir émissif.
Pour que l'instrument restàt comparable à lui-même, il faudrait par con-
(1) Voyez la figure 123, p. 404, in Travaux du laboratoire de Marey, 1. N.
7104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
séquent que le degré de poli de sa surface restât toujours le même, ce qui
est pratiquement impossible. Mais l'oxydation du métal n’est peut-être pas
la cause d'erreur la plus importante : le dépôt de poussières sur le métal
modifie encore plus son pouvoir émissif. :
Pour éliminer cette double cause d’erreur, je couvre le calorimètre d’un
enduit tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Celui qui m'a le mieux réussi est
une simple couche de peinture à la céruse dont le pouvoir émissif est
presque aussi grand que celui du noir de fumée. La poussière n’a plus
alors d'influence, car elle rayonne à très peu près comme la céruse.
Cette couche de peinture diminue la sensibilité de l'instrument, l'éléva-
tion du manomètre étant d'autant plus grande, évidemment, pour une même
source de chaleur, que l’instrument rayonne moins; mais c’est là un avan-
tage au point de vue physiologique, car la température du milieu où est
plongé l'animal se rapproche ainsi davantage de celle du milieu ambiant.
D'ailleurs il est facile de rendre le manomètre 10, 20, 100 fois plus
sensible même que ne l’est le manomètre à eau, en employant l’artifice
imaginé par Kretz et Mondésir. Pour cela on termine chaque branche du
manomètre par un renflement cylindrique ayant 10, 20, 100 fois la sec-
tion du tube composant cette branche. On remplit alors l'instrument avec
deux liquides non miscibles ayant des densités très voisines (eau colorée et
pétrole par exemple), de façon que les niveaux arrivent à peu près au
milieu des renflements du manomètre. Les liquides se superposent dans la
petite section du manomètre, et on observe le mouvement de leur surface
de séparation. Il est facile de voir qu'une démivellation d’un mullimètre.
par exemple dans les renflements déplacera la surface de séparation des
deux liquides de 10 centimètres dans le petit tube, si ce tube a une section
400 fois moindre que celle des renflements, et dans l’hypothèse que les
deux liquides ont sensiblement la même densité.
En ne permettant ainsi à l’animal par cet artifice que d’échauffer très
peu le milieu où il est enfermé, on se rapproche des conditions de ma pre-
mière méthode et les indications de l’instrument sont rigoureusement
proportionnelles.
Il est préférable d'opérer toujours à la même température, d’abord
parce que la température ambiante à une grande influence sur la pro-
duction de la chaleur animale, ainsi que je lai montré dans une commu-
nication antérieure (1), et secondement parce que les variations de la tem-
pérature ambiante durant le cours d’une expérience en faussent complète=.
ment les résultats, les corrections étant absolument illusoires, bien que
très pénibles. |
C’est pourquoi j'installe mon appareil dans une cave. On ne peut néan-
moins réaliser toujours cette condition, qui compromet d’ailleurs parfois la
santé de l’expérimentateur. Pour éviter cette correction, j’ai muni, comme
(1) Comptes rendus de la Société de biologie, 1884, n° 43.
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SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. | | 165
on l’a vu, mon calorimètre d’un vase compensateur, qui le transforme en
thermomètre différentiel. |
Pour les variations lentes de température, ce vase compensateur peut
avoir un volume quelconque, et être fait en verre ou en métal. J’ai reconnu
depuis qu’il n’en est pas de même pour les variations brusques que l’on
provoque par exemple en allumant un poêle dans la pièce où est le calori-
mètre. Pour que le manomètre reste au repos, il faut que le vase compenñsa-
teur soit identique au calorimètre ; ce qui se comprend aisément, puisque
dans ces conditions la chaleur se transmet dans des conditions identiques
à chaque réservoir du thermomètre différentiel. Cette disposition a d’ailleurs
un autre avantage très précieux pour la physiologie : elle permet de com-
parer simultanément les quantités de chaleur dégagées par deux animaux
différents ou par les parties différentes d’un même animal (par exemple en
enfermant un animal dans un des calorimètres et en le faisant respirer
dans l’autre, on a immédiatement ce que j'appelle le coefficient de partage
thermique, dont je parlerai plus bas).
Une autre condition importante à remplir est de bien ventiler le calori-
mètre; on a vu en effet par ma dernière communication combien l'acide
carbonique modifie la thermogénèse. Le moyen de ventilation le plus simple
est celui qui est figuré dans ma Note du 29 novembre; on en varie la dispo-
sition suivant les circonstances.
Comme calorimètre je donne la préférence au double cylindre couché
horizontalement comme dans mon premier appareil. Dans le cas actuel
il y à avantage à le faire en métal très mince; quand la cheminée d’appel
est amorcée, la chaleur produite par l’animal suffit même pour entretenir
le tirage et la ventilation.
Ces différentes causes d’erreur étant successivement reconnues et écartées,
la méthode manométrique différentielle de calorimétrie que je propose
devient extrêmement simple et son exactitude est suffisante dans la plupart
des cas. |
Il me reste à réfuter certaines critiques indirectes qui lui ont été adres-
sées par M. Richet, dans sa Note du 13 décembre 1884. Après avoir décrit
le moyen de mesure qui constitue la principale différence entre nos deux
méthodes, notre collègue éerit : « Ses avantages (de la méthode par écoule-
ment) sont : la simplicité, la rapidité et enfin l’extrême sensibilité. Les ap-
* pareils à manomètre ne peuvent évidemment, à aucun de ces points de
vue, lui étre comparés.» D’après ce qu’on vient de lire, il est facile de
voir que la méthode manométrique est aussi simple, aussi rapide et qu’elle
peut être rendue plus sensible encore que la méthode à écoulement par
l'emploi du manomètre à deux liquides.
Elle constitue en outre une méthode calorimétrique traduisant assez
exactement en calories la chaleur produite par un être vivant après les
causes d'erreur que j'en ai successivement écartées. Ce résultat est impor-
tant quand on veut comparer, comme je le fais, la méthode chimique à la
766 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
méthode physique. Le calorimètre à siphon ne peut être qu’un caloriscope,
puisque ses indications n’ont rien d’absolu, et qu’on doit d’ailleurs y ap-
vorter de nombreuses corrections nécessitées par le manque de DOTOESE
sation.
La méthode manométrique a l’avantage également de fournir des indica-
tions continues traduisant les phases de la thermogénèse, ce que ne peut
faire la méthode par écoulement, qui ne peut rétrograder, ainsi d’ailleurs
que le fait observer son auteur lui-même.
Quant aux fpéienes relatées par M. Richet, elles sont en BERCNES
d'accord avec celles que j’ai publiées antérieurement :
1° Sur l'influence de la surface ;
2 Sur l'influence du tégument;
3° Sur l’influence des enduits et vernis appliqués sur Fi peau, et dont
j'ai donné le résumé dans ma Note du 29 novembre.
J'ai montré aussi qu'à égalité de poids, c’est-à-dire de surface, les
mammifères et les oiseaux dégagent à peu près la même quantité de cha-
leur (1); il y a même une légère infériorité du côté des oiseaux. M. Richet
retrouve le même fait en comparant un lapin, une oïe et un chat sensible-
ment de même poids (Joie pesait un peu plus que le chat et dégageait
pourtant moins de chaleur). Mon collègue conclut que cette égalité dans la
production tient 4 ce que en somme le tégument des oiseaux et le téqu-
ment des mammifères sont également bons protecteurs de la chaleur
interne. J'ai tiré de ce fait une conclusion précisément inverse, savoir que
la plume protège mieux que le poil. Cela est évident, puisque les oiseaux,
quoique plus chauds de 4 ou 5 degrés que lesmammifères, rayonnent pour-
tant un peu moins de chaleur que ces derniers à égalité de surface.
Influence du froid et des irritations cutanées sur la thermogénèse.—
J'avais tenté ces expériences en 1882, surtout en vue d’étudier l’action de
l’hydrothérapie. Ne pouvant opérer avec ma première méthode que sur des
animaux de petite taille, j'ai l’intention de reprendre cette étude dans de
meilleures conditions sur l’homme lui-même. Quoi qu'il en soit, voici
quels sont les faits que j'avais observés alors :
Un lapin pesant 1k5,950 est mis dansle calorimètre à 42 degrés, il dégage
normalement 9 re à l’heure environ. Je le trempe rapidement et
pendant quelques secondes seulement dans un bain d’eau glacée; l'animal
est ensuite bien essuyé et reporté presque immédiatement dans le calori=
mètre.
Pendant un quart d'heure ou vingt minutes l’animal rayonne moins qu’à
l’état normal (de 6 à 8 calories à l’heure). Après ce laps de temps là.
thermogénèse augmente et monte graduellement à 120415 à l’heure, puis
persiste pendant deux heures environ.
(1) Voy. la figure 124, des Travaux du laboratoire de Marey, 1878-79.
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 767
SSSR
Le lendemain je répète la même expérience, mais en trempant dans
‘eau glacée seulement les pattes postérieures : l’abaissement dans la pro-
duction existe à peine au début, mais l'augmentation se montre comme
ci-dessus et est tout aussi marquée et persistante.
Pour éviter la cause d’erreur provenant de l’imbibition des poils, j'ai
versé de l’éther sur le dos d’un lapin en activant l’évaporation par agita-
tion de lVair. Dans ces conditions l’animal est resté fort longtemps à
rayonner moins, et l'augmentation dans la production était à peine mar-
quée au bout d’une heure. Le résultat est donc différent de celui obtenu
par immersion dans l’eau glacée. Cette différence tenait-elle à l’action
même de l’éther sur la peau, ou l’animal avait-il été en partie anesthésié?
Je n’ai pas élucidé ce point.
À un autre lapin en partie rasé, je donne sur le dos une douche de
sable chaud projeté avec une grande violence par un courant d'air com-
primé ; je constate après cette opération une augmentation considérable
dans le rayonnement. Comptant les reprendre sur l’homme dans un éta-
blissement d’hydrothérapie je n’avais pas poursuivi ces expériences qui
m'avaient montré néanmoins que l’érritation d’un point limité du tégu-
ment externe suffit pour troubler la calorification générale. Depuis cette
époque, les belles expériences de M. Brown-Séquard sur les effets tout à
fait inattendus produits par l’application locale sur la peau d'irritants
divers ont considérablement agrandi le champ de ces recherches. Je me
propose de les continuer au point de vue de la calorification quand mon
maître sera de retour et pourra lui-même les diriger.
Coefficient de partage thermique. — La chaleur cédée par l'animal au
calorimètre provient de deux sources différentes, savoir : la peau et le pou-
mon. La peau perd par rayonnement, par contact direct et par évapora-
tion ; le poumon seulement par contact et par évaporation.
J’appelle coefficient de partage thermique le rapport entre la quantité
de chaleur perdue par le poumon et la quantité de chaleur perdue par la
peau dans le même temps.
On w’a jamais mesuré directement ce coefficient. J’ai entrepris l'étude
de cette question qui m’a donné déjà des résultats très intéressants, que Je
ferai connaître à la Société dans une prochaine communication.
DANGERS DES GÉNÉRATEURS ÉLECTRO-MÉCANIQUES ET MOYEN DE LES ÉVITER.
Note de M. À. D'ARSONVAL.
L'emploi de plus en plus général des puissants générateurs électriques a
causé plusieurs accidents ayant entraîné mort d'homme. Aussi cherche-
t-on en ce moment à réglementer lPemploi de Pélectricité, et à déterminer
7168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
expérimentalement quelle est, pour le courant électrique, la tension et lin-
tensité dangereuses. x
Le problème ainsi posé est mal posé et n’est susceptible d'aucune solu-
tion ainsi que la présente communication a pour objet de le montrer.
Et d’abord, ce n’est pas en général quand le courant électrique a atteint
un régime permanent qu'il est dangereux : presque toujours les accidents se
produisent au moment de la rupture ou de l'établissement du circuit élec-
trique. Dans ces conditions, c’est le corps de l’expérimentateur qui rétablit
la continuité du circuit rompu pendant un temps plus ou moins long. Il
est facile de montrer que, à ce moment, les dangers que court l'opérateur
ne dépendent nullement de la tension et de l'intensité du courant primitif,
comme on le croit généralement, mais se trouvent sous la dépendance d’un
facteur tout autre, qu’on ne peut calculer par la seule connaissance de la
tension et de l’intensité du courant primitif.
Proposition [. — Une pile et une machine donnant dans un circuit rec-
tiligne deux courants ayant même tension et même intensité n’offrent pas
les mêmes dangers.
En effet, si l’on rompt le circuit en un point quelconque, en tenant dans
chaque main un bout de fil non isolé, on constate que, si la pile donne une
faible secousse, la machine en donne une beaucoup plus considérable, qui
peut même être mortelle en certains cas. À quoi tient cette différence?
uniquement à ce fait que la pile, dans un circuit rectiligne, ne peut pas
donner d’extra-courant, tandis que la machine, par le fait même de sa
construction, en donne un dont la puissance varie avec la longueur et le
mode d’enroulement de son circuit et aussi avec la quantité de fer qui forme
sa carcasse.
Le danger réside donc uniquement dans la puissance de l’extra-courant
résultant de la self-induction du générateur d'électricité.
De ces considérations très simples on déduit immédiatement les propo-
sitions suivantes :
Proposition II. — Deux machines donnant des courants ayant même
intensité et même tension dans un circuit semblable peuvent étre inégale-
ment dangereuses.
Car leurs coefficients de self-induction et RE conséquent leurs extra-
courants peuvent être différents.
Proposition IT. — Un même courant non dangereux dans un circuit
peut l’être dans un autre.
Il suffit, en effet, de donner au circuit une self-induction par un moyen
maleerae (par Paenestn d’un puissantélectro-aimant, par exemple).
J'ai vérifié expérimentalement ces déductions de la théorie, en opérant
sur des cobayes au moyen d’une machine Gramme de laboratoire et d’accu-
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 769
mulateurs Gadot. La tension des courants employés a varié seulement de
9 à 20 volts et l'intensité de 1 à 30 ampères. Malgré la faiblesse des moyens
employés, j'ai néanmoins réussi à tuer des cobayes. On voit par con-
séquent que, si l’on veut supprimer tout danger dans l’emploi de l'électricité,
on arrive fatalement à cette conclusion absurde qu'il faut supprimer l’élec-
tricité elle-même.
J'ai cherché un remède à cet état de choses, en voici nn qui est abso-
lument efficace dans tous les cas. Pour éviter tout danger, que faut-il en
somme”? uniquement empêcher que l'extra-courant puisse passer par le
corps de l’expérimentateur. Il n’y a pour cela qu'à lui ouvrir un passage
beaucoup moins résistant que le corps humain. Pour atteindre le but, je
place en dérivation sur les bornes de la machine une série de voltamètres à
lames de plomb et à eau acidulée en nombre suffisant pour que leur résis-
tance au passage, ou, plus exactement, leur force électro-motrice de pola-
risation soit supérieure à la force électromotrice que la machine est capable
de donner en marche normale.
Cette dérivation est absolument infranchissable pour le courant dérect de
la machine, mais il n’en est pas demême pour l’extra-courant, dontlatension
est des milliers de fois plus considérable que celle du courant direct. Au
moment de la rupture, l’extra-courant passe à travers les voltamètres, et le
corps humain est absolument garanti. C’est là une méthode générale très
simple pour la suppression des extra-courants. Elle est susceptible dans
l’industrie d’applications nombreuses qui commencent déjà à se réaliser et
que je n’ai pas à énumérer ici. J'ai voulu simplement donner à la Société
la primeur de cette invention, à laquelle j'ai été amené surtout par des
considérations d'ordre physiologique, montrant bien que toutes les sciences
s’enchainent et marchent de plus en plus vers l’unité.
SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU,
par M. Paul GIBIER.
Dans le compte rendu de la dernière séance, rappelant les deux observa-
tions que j'ai communiquées antérieurement, M. I. Straus a écrit ce qui
suit :
«.… M. P. Gibier nous a dit qu’en 1883 il a fait entrer dans le service de
M. Cornil deux malades porteurs de chancres avec bubons suppurés. Le
même jour, il inocule le pus de ces bubons, au moment de l'ouverture, et
l’inoculation, dans les deux cas, aurait été positive.
» Ces faits sont surprenants, étant donnée, de l’aveu de M. Ricord et de
ses successeurs, la rareté de la virulence du bubon au moment de l’ouver-
ture. En effet, dans toutes les inoculations, au nombre de plus de cinq cents
que Ricord à pratiquées pendant six ans, de 1831 à 1837, sur deux cent
710 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
soixante et onze inoculations positives, quarante-deux fois seulement le pus
se montra virulent le jour de l'ouverture du bubon. M. Gibier dispose ‘de
deux bubons, qu’il ouvre le même jour, et dans les deux cas il tombe, sur
la virulence initiale, si rare cependant ! »
Je ne m’arrêterai pas à ce que cette argumentation présente d’insolite ; je
veux seulement constater qu’elle ne renferme aucune objection scientifique
et que par conséquent mes observations conservent toute leur valeur.
PARASITES DE L'APTÉRIX, par M. JOANNES CHATIN.
Je dois à l’obligeance de M. le docteur H. Filhol d’avoir pu étudier deux
Helminthes trouvés dans lintestin de l’Apteryx. On sait que ce type
(A. Mantelli) devient de plus en plus rare; négligée jusqu'ici, l’histoire de
ses parasites offre donc d'autant plus d'intérêt qu’elle sera bientôt impos-
sible à poursuivre.
I. Ascaris Aplerycis Nob. — Long de 17 millimètres, cet Ascaride
offre une coloration jaune des plus éclatantes, teinte rare chez un Néma-
tode.
La tête est entourée de trois lobules labiaux portant de petites saillies
_papilloïdes. L’extrémité caudale est courte, faiblement conique.
L’enveloppe musculo-cutanée présente la structure qui la caractérise
chez les Vers du même groupe : sous une cuticule finement striée se succè-
dent plusieurs plans musculaires dont l’ensemble forme une épaisseur assez
considérable, aussi la cavité somatique est-elle fort réduite.
Le tube digestif commence par un œsophage étroit dont le diamètre reste
assez constamment uniforme; vient ensuite une région moyenne qui ne tarde
pas à s’élargir, sans acquérir toutefois la valeur d’un bulbe gastrique;
l'intestin se rétrécit progressivement vers sa terminaison. L’orifice anal se
trouve en avant de l’extrémité caudale.
L'appareil génital offre les dispositions caractéristiques du genre. À cet
égard, l’Ascaris Apterycis ne saurait être mieux comparé qu'à l’ Ascari is
eee Rud.
IL Tœnia Apterycis Nob. — Cette espèce est représentée par deux
exemplaires offrant sensiblement la même taille (11 millimètres).
De couleur brunâtre, le strobile porteune « tête » dont l'étude est rendue
d'autant plus difficile que cette région est presque complètement invagmée.
En incisant avec soin les parties voisines, on parvient cependant à dégager
le scolex et à constater que, dépourvu de erochets, il porte quatre ventouses
symétriquement disposées. Observées sous un faible grossissement, ces
ventouses se montrent finement crénelées sur leurs bords.
Teintés en gris par un pigment assez abondant, les proglottis se recou-
den tie ar Fe
SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE, 771
vrent légèrement et l’on reconnaît que leur taille s’amplifie rapidement à
mesure qu’on les observe à une distance plus éloignée du scolex.
Irrégulièrement alternes, les pores génitaux sont ovalaires et presque de
même diamètre ; le cirrhe est cylindrique.
Conservés dans l'alcool faible, ces Ténias ne peuvent être que difficile-
ment étudiés au point de vue de leur constitution interne. Cependant en
faisant usage du compresseur et en combinant la méthode des coupes avec
l'emploi des réactifs colorants, on peut y reconnaître des dispositions assez
semblables à celles qui caractérisent le Tænia pyriformis, dont le Tœnia
Apterycis se différencie nettement par sa faille, la conformation de son
scolex, l’absence de crochets, etc.
ERRATUM.
P. 739, au lieu de: dès 1864, M. Vulpian élève des doutes sur certains …;
lisez : dès 1864, M. Vulpian le premier démontre que le sulfocyanure de
potassium, les sels solubles de mercure, etc., agissent en altérant chimi-
quement les muscles d’une façon directe, et non par l'intermédiaire de la
circulation. En 1867, le même savant fait de nouvelles expériences et
conclut dans le même sens. Enfin en 1875, dans ses leçons publiées dans
l'École de médecine, p. 454, M. Vulpian résume comme il suit ses nom-
breuses recherches : « On peut conclure des expériences faites à l’aide de ce
sel (sulfocyanure) sur les Mammifères que, lorsqu'il est absorbé par ces
animaux, il n’est pour eux ni un poison des muscles, ni un poison du cœur. »
ÉLECTIONS DU BUREAU POUR L'ANNÉE 1889 :
Vice-Présidents : MM. Haxor, D'ARSONVAL.
Secrétaires annuels : MM. HENNEGUY, LARCHER, BLANCHARD, VIGNAL.
Trésorier : M. J. CHATIN.
Archiviste : M. E. Haroy.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris.
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TABLE DES MÉMOIRES
LS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
AFANASSIEW. Méthode particulière de transfusion................. FRE SR edert 61
ARSONVAL (D). Circulation abdominale, antagonisme du pneumo-gastrique et du
SNMIDALMAUE eee te eee ee aan Ses crue SR en meer 101
BERNHEIM. Guérison de troubles choréiques par suggestion hypnotique.............. 89
GALIPPE. Système dentaire du supplicié C.......... Re ne nee ee RSS RS 81
Hyaves et GALrPpE. Système dentaire des Fuégiens............... STE SAOOR SEE AU)
LABORDE et DUQUESNEL. Digitaline Josadec ronosdassiuois eo bete ob A sec 93
PABOUPRENE NO lICe SURIDAVAIME Se se mere rene cemcitelecs Toit 4
Pozzt. Bride masculine du vestibule.................. DR DU Se ete et Rep ol
Roux (F.). Étude sur la nue, BR A RE RQNTE SA EMRTEUS. .E le -."2 33
VIGIER. Sulfo-carbol, ses propriétés antiseptiques..... Se Re etes (ele de dire 53
Augrau. Anesthésie obtenue à l’aide d’un mélange titré de chloroforme et d’air
(Méthode de M. Paul Bert.).....:...... tee A ne ee 117
0]
Drvavesxez. De la cocaïne et de ses sels. Mode de préparation. — Caractères. 133
FIN DE LA TABLE DES MÉMOIRES.
Bi0LOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 17. 60
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CONTENUES
DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNÉE 1884 (1)
A
C. R. M.
Abdominale (Circulation), par d’Arsonval (mém.).......,,.....,....,,.... » 110
Absorption (Étude de l’) par les racines, par Regnard et Loye.............. 9934 »
Acholie (Note pour servir à l’histoire de l’), par Hanot............. A et 336 »
— pigmentaire, par Alb. Robin....................... Dodo bon onde ane 115 »
Adonidine par Rasetti.n an ve deu die re da nn tata ete AU 481 »
Adonis vernalis (Action physiologique de l’), par Lesage................ 419 »
Albumine dans l'urine (Influence de faibles traces d’acide nitrique sur la re-
cherche ded?)>#par AID /ROID APE AE LE CE MEME ler 13 »
(Quelques réactions de L)HpanGrIMauX PEER EL AIN ENL RC MRNNE 393 »
Albuminoïdes (Coagulation des matières), par Grimaux.................... 60 »
Alcoolique (Expression graphique de la fermentation), par Regnard. 337 et 389 »
Allantoïde (Vaisseaux de l’) du poulet, par Duval...........,.,... 20 PAUETE n
PAHOCHbION, Pan Bert ec Eee Cru SNL an. DUAL SRE AE 591 »
Amidon (Action de certaines substances organiques sur L’), par Regnard..... 130 »
Anesthésie chloroformique (Application à l’homme de l’) par les mélanges
fitrés, nor PME nat hours state ant Cao nier 7 »
(ue rauiremethoded par PL Bert di de en cneee dents 9 »
— dutympan et du conduit'auditif, par Gellé,...:.........:0/°2.. MC 278 »
— rectale, par Dubois. 4.1. etre dd: SH RE AU RENE PASSENT 303 »
— parila méthode! de Bert, par;Aubeau. 4,5. aie 24 euienlutsse na 396 »
Animaux (Facultés intellectuelles des), par Thierry........................ 622 )
ÆAptérix (Parasites del); par:Ghatin,. 40h Budabie ani MONA ON 177 )
Arciformes (Fibres) superficielles du bulbe, par Féré.........,.. AA BEGU ME 648 »
Arrêt (Phénomènes d’), par Beaunis....... AOC ÉADS TE CHENE SE 113 »
Atropine (Action de l’) sur le système nerveux, par André................. 684 »
— (Mode d’actionide l’), par Laborde.... Haut et Men Se Ci 31 »
— (Mode d’actionide l’), 2° note, par! Laborde..,.....2eu4uRe Ur a An 56 »
Audition des sons.en, contact, par Gellé.5. int enl 20e 40 ul ao Me 369 »
Azote total de: l’urine,.par Henninger te. l, sumrun. s ot Mure dia 475 »
(1) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (C. R.) et des Mé-
moires (M.).
716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
B
C.R.
Bacïille de Koch dans la tuberculose calcifiée, par Déjerine............,,... 900
Bilharzie (OEuts de la) par (Chatin ere re. -rere-rece-LLc 2-0 364
Biliaires (Excitabilité des canaux), par Laborde........................... 318
Binauriculaires (Synergies fonctionnelles), par Gellé...............,..... 244
Bizzozero (Cellules de) dans le foie fœtal, par Laulanié.................... 597
Branchies (Excrétion des carbonates par les), par Regnard................. 188
Bubon (Sur la virulence du) qui accompagne le chancre mou, par Straus. 641 et 726
C
Gachalot (Cœur et larynx du), par Beauregard............................ 421
Gadavres (Moyen simple de conserver les), par Philippeaux................ 215
Galcaires (Prolifération de corpuscules) dans le tissu musculaire d’un cheval,
EN No das dote bouton seb ten n0eo de 00 00 00 0 0 à 129
Galorimétrie à siphon, par Richet.........,....... PR Ro « c 707
animale pard ATSONVAl RES Lee e-c-eerrecre CLP UC 121 et 763
Galorimétrique (Nouvelle méthode), par d’Arsonval...................... 651
—(Nouvellemméthote) par Richet Fe rERTE EE EN ERCE CREER EMEENRE 655
Gantharide (Développement du principe vésicant chez la), par Beauregard... 509
- (Mœurs et développement de la}, par Beauregard. ..... MAO OA tac 484
Garbonique (Puissance inhibitrice de l’acide), par Brown-Séquard......... 596
Gérébrale (Effets de la destruction de l'écorce) sur les lapins, par Richet.... 248
Cérébraux (Indépendance fonctionnelle des hémisphères), par Dumontpallier
ELABÉTILION: Sahel share dater ipetes er de NN RONA EC ER N S 408
Gerocoma Schreberi (Développement des), par Beauregard. ............... 907
Gerveau (Action du) sur la température, par Richet. ............ 3 ANNE 209
Chambre claire (Perfectionnement de la), par Malassez................... 510
Chancres (Virus des) et bubons non syphilitiques, par Gibier.............. 715
Gheval a cornes, par Thierry. 22h LE LE EAIR EN MORNNP ARE 608
Ghloroforme (Conservation du), par Regnauld........................., .. 615
— et chlorure de méthylène ; leurs caractères différentiels au point de vue phy-
siologique, par Regnauld et Villejean ............,..................... 158
— (Mécanisme de la mort ou des accidents succédant à l’injection sous-cuta-
née) de) MparLabordere 24e ANR INR METIERS 271
— (Non accumulation du) dans l’organisme après l’anesthésie complète, par
ETES Neal ctelietonete a late etat at SMART AR A ERREURS 454
— IMPUL PAT BEL: Re ee clans se aies cie sel e ee A M SE IT RAI CESSE 924
Chloroformisation (Machine pour la) par la méthode de Bert, par R. Dubois. 400
Gholéra (Altérations histologiques du foie dans le), par Hanot et Gilbert... 685
— (Préparations microscopiques de), par Straus et Roux.................... 919
Gholériques (Bactéries dans les viscères des), par Doyen.................. 718
Ghoréiques (Guérison de troubles) par suggestion hypnotique, par Bernheim
(mém.)....... D ARC PH DE DRE BAR Iad Le HbaN D ÉGEU boon d 20 #6 »
Cinchonidine et cinchonine; leur action sur la circulation, par Bochefontaine. 425
Ciseleurs en cuivre et horlogers, par, Burq.....24%101500% 40 ORNE 431
Gocaïne et ses sels, par Laborde.:........:.4, 4462440000. 631, 645 et 747
— (Action locale de la) sur les fonctions cérébrales, par Charpentier........, 158
Cœur (Ralentissement des mouvements du) chez l’homme par une excitation
douloureuse par Bloch. erreur emeneen ee .... 148
Golchicine/cristallisée, parHoudé. "Le eee. choc -LueRe 218
Colombine (Étude sur la), par F. Roux (mém.)..............,....,........ »
M.
TABLE DES MATIÈRES.
Conduits de Müller (Fusion des) chez l’homme, par Tourneux et Wertheimer. 150
Coubyt(Noticesun} Part ArSOnvale AA Re SNS RENTE 745
Crustacés (Contributions à l’histoire du sang des), par Pouchet............. 141
- Cuivre (Action du) sur les personnes en contact permanent avec ce métal, par
Bochetontaine:-..:......2:..% Doccose 26 DEEE Dan DAC Rare nee ete JC LITE)
— comme antagoniste du choléra, par Mégnin............................ 207
Ie S can tures par GAlIpRO MER Rene reins ce 259
Guivriers de Villedieu (Maladies épidémiques chez les), par Bochefontaine.. 13
Gaprique (Préservation), par Bachefontaine ets. een... 437
pnrare fACHON AU) par DAS SR er ne nie den osletaen les Fe Au 293
A CA CÉLONRUU) 2 PATIONIMUSS 214 00 RE MR A En MAMAN Ut 3 330
— (Action du) sur les cellules motrices, par Judée................,....,... 292
— produisant l'arrêt systolique du cœur, par Bochefontainc................. 16
D
Davaine (Notice sur), par Laboulbène (mém.)..... SALAM ere NRA LUS RE »
Démence alcoolique, par Mairet ............,.....,... Re 200 0RO BAD ... 465
Dentaire (Système) du supplicié C..., par Galippe ee Jo Dee Sn Hu eee »
Dents (Constitution des) à l’état sain . malade, par Galippe................ 289
Déshydratation des tissus par le chloroforme, etc., par Dubois. ........... 582
Diarrhée infantile (Microbes en bâtonnets de la), par Damaschino et Clado. . 676
Diastases chez les poissons, par Alb. Robin:.............. sine HéTe ie © cho 14
Diatomées (Sur le développement des), par Pouchet............,..:....... 270
PHÉEUSTON IDAROGN ANNE EEE CEE A RER S A ET EI D 20 OS Pr dd 51
Digitaline des hôpitaux de Paris, par Laborde. ...,......,...,..,.... te LMAOUO
— par Laborde et Duquesnel (mém.)....... Ooo0ooa oc come onoasovos bocooce »
Dualité chez les mammifères, par Philippeaux....................... 000 51.1
Dynamogènes (Influences) réflexes dans des cas de suture des nerfs, par
BrOWN=SÉAUART ARE. AA CLE MERE AS PAIE PROS D PRISE PR OT D EM 423
E
Biaculatenrs|(Nents) pan Remy 220 ete cn... Pcone loin 497
Electro-magnétiques (Dangers des générateurs), par d’Arsonval.......... 767
Endartérite des petites artères, par Lépine et Blanc........ AS Pate Déhe c 195
Epicanta verticalis (Larve de l’), par Beauregard........................ 960
—_ (remnere larve de l);-par Beauresardi ee... Hbc» 1)
Epithéliales (Masses) dans le ligament alvéolo-dentaire, par Te HS bR ES 241
Ether et aïr (Mélanges titrés d’), par P. Bert.....,.......... bodboc HN UL20
Ethérisation et chloroformisation par la voie rectale, par Debierre.......... 257
Eustache (Traitement du rétrécissement de la trompe d’) par l’électrolyse, par
Gellé........ COMTE CEE PCR map A dore RE 145
Excitabilité motrice et inhibitoire des régions occipitales et sphénoïdales de
l'écorce cérébrale, par Brown-Séquard:..............,... 50600 bétodonest 301
E
Falciformes (Corpuscules) dans le pus de la plèvre, par Kunstler et Pitres... 522
Fascination (État de) dans la série hypnotique, par Brémaud. ............ . 169
Fécondation chez les végétaux, par Degagny .... ... AA AN MN MN SEE 681
Fermentation (Expression graphique de la), par Regnard................. 611
GC. R.
1177
M.
118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
C.R.
Figures d'anatomie remontant au quatorzième siècle, par Pouchet.,......... 312
Fou de Bassan (Helminthe du), par Fourment................,...,........: 649
Fuégiens (Système dentaire des), par Hyades et Galippe (mém.).…........... »
G
Galets dans l'estomat'des/otaries, parHabn.: °°"... PCR 4
Gangrène symétrique des deux pieds, par Pitres et Vaillard......,......... 513
H
Henninger (Éloge de), par Grimaux. seau. ce sesecesses 0 0e ETC TUE 611
Hermaphrodite (Pseudo-) mâle, par Pozzi...........,..,..,... PRE 3 - 42
Holothuries (Système circulatoire des), par Petit.......................... 018
Hybriditétcnez les animaux, pan MhIerny...--2. eee OCR 66
Hydratation des "œufs à collier, Par) Dubois... 0... 2.0. CURE 926
EYPROSCOpPE PAT OCHOTOMICZ ee eee eee ce ec LL CET 224
Hypnotisme (Conditions favorables à la production de l’), par Brémaud.....…. 170
Hypoglosse (Anastomose de l’) avec les nerfs cervicaux, par Wertheimer.... 589
]
Idéoplastie, par Ochorowicz. ......... ane SU a Le en FA SON DODEERE 409
— (Fhéorie del); PA OChOTOWICZE APP EN A EEE CEE EEE REEE 456
Incompatibilités et contre-indications médicamenteuses, par Rabuteau..... 1
Inhibition de certaines puissances du bulbe et de la moelle, par Brown-
RENE 16 A A A LA D 300
— (Toutes les parties de l’encéphale peuvent déterminer des), par Brown-
RS ME EC EL A pt A A dn 320
Intellectuel (Influence du travail) sur la température, par Gley............ 265
Intercostaux (Action des muscles) externes et internes, par Laborde........ 305
J
Jaune (Microbe de la fièvre), par Rebourgeon........................... 613 :
JéQUITICYA DAT HAT SA EEE PERRET NO CORRE R AC 135 et 168
K
Kairine (Action physiologique de la), par Brouardel et Loye................ 285
— (Spectre d'absorption par le chlorhydrate de) sur le sang, par Quinquaud.. 315
Kystes (Origine des) des mâchoires dits périostiques, par Magitot............ 232
L
Léthargie (Passage de la) au somnambulisme, par Brémaud. .............. 282
Ligne primitive des poissons osseux, par Henneguy...................... 702
Eocomotion\ de l'encéphale par Laborde. 20028 0 NME TUNER 380
Lutidine du goudron de houille, par OEchsner de Coninck et Pinet.......... 64
M
Mâchoires (Origine des kystes des), par Magitot.......................... 173
— (Pathogénie des kystes des), par Aguilhon de Sabran.......,,,.......... 184
TABLE DES MATIÈRES. 119
G.R. M.
Magnétisme animal (Origine du mot), par Richet............... HD, 9 334 »
Mammaire (Rapport entre les urines sucrées et la sécrétion), par de Sinéty. 9252 »
Maxillaires (Pathogénie des kystes), par Malassez........................ 176 »
Médullaires (Quelques fonctions) chez le chien, par Couty.............,... 225 x
Méningite spinale postérieure et scléroses combinées, par Déjerine......... 539 »
Métallothérapie et préservation cuprique, par Burg...:.................. 200 )
Métamorphose (Mouvements du cœur chez les insectes pendant la), par
RunCkediHerCHAIS RC aeeeiee ee NNeNRREEARtUAN 483 »
Micrococci de la pneumonie franche, par Afanassiew....,.......... ÉHioc 306 1
Migraine, par Nicati et Robioles........... US A SU LR re AE ADER A 109 »
Moelle (Développement des fibres blanches de la), par Vignal........... °... 609 »
— épinière (Développement des cellules nerveuses de la), par Vignal......... 416 5
— épinière (Formation de la substance grise embryon naire de la), par Vignal. 384 )
— épinière (Influence de la) sur le sang et la nutrition, par Quinquaud..... 341 »
— épinière (Substance grise embryonnaire dela), par Vignal................ 382 »
Moïs (Poison des), par Bochefontaine.................................... 132 »
Moteurs (Altérations des nerfs) dans les paralysies oculaires tabétiques, par
Déjerine-nerahe ae RTS ER RUNAUE. AIS UE EUR LS ASIE RON EE 570 »
Musculaire (Contraction) provoquée par une percussion, par Bloch......... 576 »
Musculaires (Action des poisons) sur les muscles, par Quinquaud.......... 139 °»
N
Névrites cutanées des tabétiques ; leur variabilité, par Déjerine.....,....... 405 »
Névroglie (Développement des cellules de la), par Vignal............ entre 489 »
Nitreuses (Danger de respirer des vapeurs), par Gréhant et Quinquaud....... 467 »
Nautique) (Fausse), parPouchet RL encre 411 >
(e)
Oculo-papillaires (Topographie des appareils nerveux) et accélération. du
CŒUL, PAT ETANCOIS-FrANnCKe eee ssesee ne Dovootoondoocoboodnoe 296 »
Œil véritable chez les protozoaires, par Pouchet............................ 993 »
Œstride (Tumeur causée par une larve d’), par Mégnin.................... 143 »
Organisée (Action des liquides neutres sur la substance), par Dubois....... 317 )
Ostéo-périostite alvéolo-dentaire, par Malassez et Galippe................ . 921 »
Oxygène (Inhalations d°’) dans l'atmosphère normale, par Quinquaud........ 687 »
CAO HAL ONMMIUSEE eee ee a use tte ere ty oie ets etes A Dale den ne 607 et 638
P
Papilles foliées dans la langue des singes, par Boulart et Pilliet............ 626 »
Paraidéhyde;-pir Bochefontaines Pts Ne RES TR ER 157 »
DA D INQUAU TE AS ee are ele ele ele ete er cle le ose 1e lue) al afele ele Ne 00 Sa à 147 »
SE CACtIOn NU 147: Dar” OUIMMAUd ee us eeaie ae miale soie ele ai lerele Sataie DU 0 0e 215 »
— (Action de la) sur la calorification, etc., par Hénocque.................... 146 »
Paralysies psychiques expérimentales (par suggestion), par Richer et Gilles
de la Tourette.......... PM PAP CE EE SE 0 CHAODEÉE Ho bDA BE 198 »
Parole (Persistance de la) dans le chant, etc., chez les aphasiques, par Brown-
NÉ NT Le A AT ST ER Re Dee da e do ae aso.€ + à 9 256 »
Peigne des oiseaux, par Duval et Réal......,...,... die ODA EEE 679 à
Peptone de fibrine comme aliment, par Gréhant............... DR CE 467 »
en JC IDTINE ENNÉSOIUTION Var! QUITQUAUTR ee en ae se ee olnie ete q 0 die aies 2e à 471 »
— (Action anticoagulante des) sur le sang, par Gley....,....,......,.,.... 4$ »
7180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Perkinisme et métallothérapie, par Rabuteau.........., RO DR x
Phosphorique (Élimination de l'acide), par Mairet................. 438 et
— (Acide) et phosphore dans l'urine des épileptiques, par Lépine. ...... NE
Placenta des oiseaux, par Duval..... Pots à st
Placentaire (Communication) directe de la mère au fœtus, par Currie. 738 et
Poissons (Tube digestif de quelques) de mer, par Pilliet...... Lens SCENE
Polypes hydraires (Système nerveux des), par de Varenne............., Fatals y
Pouls dans la fièvre typhoïde, par Parisot........ mis 18 jous ka lase date TS LL P LIENS
Poussée exercée par l’homme sur le sol, par Chabry.................... ASE
Pressions (Action des hautes) sur la fonction photogénique, par Dubois et
Regnard sl eme eee Let RUN AR ACER 254
— (Action des hautes) sur la vitalité de la levure et la fermentation, par Certes
etACOChIN EE LPC ee DDUPT OU 17 COMICS 7 000 SOA DUAL ALTO .
— Lésions produites sur les tissus animaux par les hautes), par Regnard et
Mona ET EC CCC CCC LTÉE Coco H Do 0 6 SE SOIT TRE E
— (Effet des hautes) sur les animaux marins, par Regnard
— (Rigidité des muscles soumis aux très hautes), par Regnard............ 66
— (Action des hautes) sur Ja vitalité des micro-organismes d’eau douce et
d'eautde mer, (pariCertes- HR BC ARR PC ELT POELE RIRE Lt
— (Action des hautes) sur quelques phénomènes vitaux, par Regnard
Protoxyde d’azote (Anesthésie prolongée obteriue par le), par Aubeau......
Pulmonaire (Élasticité) par Laborde. 42... 20 CCC CURE Va
— (Sur l'élasticité), par Bert... "00e DES pitio A RE DO Et 0 oc
Pyrophores (Physiologie des), par Dubois...................... RE 2e
— (Lumière des) ‘par Dubois et AUDERL RENE MEN MEN ER
R .
Rage (Recherches expérimentales sur la), par Gibier................ 102 et
Régulation de la chaleur par la respiration, par Richet..... ........,....
Rétention d'urine; par QuiInquAnd AE CPR ARE MORE “A
S
Safranine (Coloration du système nerveux par la), par Adamkiewicz.. .......
Salicylique (Action de l’acide) sur la respiration, par Bochefontaine. ........
Sclérostoma armatum (Dégénérescence fibro-plastique du foie sous l’in-
fluence du), par Mégnin................... RAA ARR Ge on 0 0
Segmentation du jaune chez les oiseaux, par Duval...... Cocboodbanpoooac
— Sans fécondation, par Duval..... J0ApU0 do 1160000008 poodooun OHorsonc Do
Sensibilité cutanée et sens musculaire chez les hystéro-épileptiques, par
MAÉ NIN Eee CEE AE Le nd lo Er feet care DOS 0 Afnonéonodnon. À
Sensitif (Vitesse du courant nerveux), par Bloch........,..........,.......
Septicémie (Micro-organisme d’une) observée chez l’homme et le mouton,
par Decagny......... D9Ssoso0 euro did 0 0 Ga à 6 dOPHpogusa Ode iaondoegcoc
— (Note sur une), par Charrin....... Dal Bppsogoicons DHOOSE TG INC
Sialorrhée d’origine nerveuse, par Gilles de la Tourette et Bottey...-... Bob
Sommeil (Recherches sur le), par Stassano.............. AOC BDA ASE co r 52
Somnambulisme d’emblée, par Brémaud..... .....,..... CHE : Le
DANIEL DAT RELEIELIBINE EE EE ECC CIE D d0 Rte PRE Edo
— provoqué, par Beaunis ............. A ae A RE GARE OU DE e à de
Spectroscopie des tissus vivants, par Robin et Straus.......... RTS 0
Sort e eos ssroscoessetsee
— des tissus vivants, par Robin...,,.,,,,.,,.,
TABLE DES MATIÈRES.
Vie dans les profondeurs de la mer, par Regnard....,..................,,., 164
181
LU Rd on Rtaie Ce
CRM
Spectroscopique (Étude) du sang à la surface sous-unguéale du pouce, par
Hénocque ...... ne nes dos hrete Je SE ae ion HSRHDEE 671 et 700 »
— (Examen) du sang, par Hénocque......... DOBIDE OU He oc he ela9 »
— (Examen) du sang sur les deux pouces, par Hénocque... ........... He MIO
Spermatique (Renflement érectile terminal de l'artère), par Laulanié....... 624 )
Squelette cartilagineux primitif de la face, par Hervé............. ssl 62 »
Stérilisation des liquides par la marmite de Papin, par Heydenreich........ 950 »
Suc gastrique (Pénétration du) dans l’albumine coagulée dans l'estomac, par
HEADER CAE PCR + CH ES BEA car Bandes rot 234 »
Énsre delaiti(Origine-du) par Bert tnnesittcees is 2e SMRPMNENNO AE 99 8,
Suggestions (Abolition des) à l'état de veille, par Brémaud................ TON
— à l’état de veille, par Bernheim,.......... bec cooue OR NS A POUR UE DA)
— à l’état de veille chez les hystériques, etc., par Bottoy.................... 171 »
— dans l’état hypnotique, par Bernheim...........,.. NE NE EE RAS 516 »
— magnétique, par Burqg.............................. SAR er tre 313 »
mentale. Par RICHEL Re eee sereecce DORE TE DUO RENE Dacopo 369 »
— mentale, par de Varigny. ..... RE SAR DR RER RE Xe ae 381 »
SAIS TR YPUO NS MENMPATÉRICHEL- SERRE Eee sc eeoec-cee 551 et 553 »
Sulfo-carbol, par Vigier (mém.).................... PARU ET eee au Din ES)
Syphilis (Microbe de la), par Marcus et Tornéry........................... 472 nn
T
Tension de dissociation de l’eau des tissus, par Dubois......... PTS res 447 »
Tétrachlorure de carbone, par Dastre....................,............. 231 »
Thyroïdes (Extirpation des corps) des chiens, par Philippeaux............. 606 »
Transfert chez les hypnotiques, par Féré et Binet...............,......... 447 »
Transfusion (Méthode particulière de), par Afanassiew (mém.)............. JO
Traumatique (Fièvre) nerveuse, par Ch. Richet.......................... 189 »
Trichinées (Expériences sur les viandes) d’Amérique...................... 67 »
Tuberculose (Pseudo-), du chien, par Laulanié........................... 658 »
— et diphthérie des gallinacés, par Cornil et Mégnin.............,..,...... (HYERES
U
Urée (Distribution de l’), dans le sang, par Gréhant et Quinquaud........... 162 »
— (Formation de l') pendant la digestion des aliments azotés, par Quinquaud. 559 »
Uretère (Développement de l’) chez l'embryon de sarigue, par Tourneux..... 262 »
Urines (Toxicité des) normales, par Bouchard.............................. 665 »
Utérus (Développement de l’) et du vagin chez le fœtus humain, par Tourneux
HE eo Rando noter cor ronsades de umIne leon once dt 46 »
V
Valériane comme topique, par Gréhant.................,..........,..., 552 »
— (Décoction de) comme topique, par Arragon...............,............. 605 »
— (Pansement des plaies par la racine de), par Arragon................. . M | »
Veineuses (Méthode des injections intra), par Bouchard........... tasse 129 »
Vésicules séminales du mara, par Duval et Hervé......................... ALU
Vestibule (Bride masculine du), par Pozzi (mém.)........................ DO
Vo blane, par Courtin....... ............ HART N HA LUE
Vitelline (Aire) du blastoderme du poulet, par M. Duval... SAT TRE
Vulvo-vaginales (Développement des glandes) et Li FRE stib:
chez la Roue par Tourneux et Wertheimer. . MU HOUR REC
th"!
NI AE
Xé (Arbre), AR A en
Er
nt : CLEA ES [5e 1 13 QU 1 | MAS ERAEON tt EA
on 4r . ! Pt)
HOREENIES (hbereen étude du micro-organisme, par Malassez
h 11
: Lt 1
Re ab e 0e ACC RL M LÉ O An LRTC RPA GÉOR | LR GC Ac SRG N EE QE
Æ #* [l à : sr ’ »
TABLE DES MATIÈRES
PAR NOMS D'AUTEURS
A
G. R. M.
ADAMKIEWICZ .... Coloration du système nerveux par la safranine ..... SÉRo ue 629
AFANASSIEW..... Micrococci de la pneumonie franche....................... 391
AGUILHON DE SABRAN. Pathogénie des kystes des mâchoires.................. 184
ARRAGON. -...-. Décoction de valériane comme topique..................., 605
— Pansement des plaies par la racine de valériane........... 901
ARSONVAL (D’).... Danger des générateurs électro-mécaniques................ 167
— Calorimétrie animale................ DS ARABE RO SOMMAIRE 163
— Calorimétrie animale......... Spa a 2 A AIN sn PRE 121
— Nouvelle méthode calorimétrique applicable à l’homme... ... 651
AUBEAUL- 6.0 Anesthésie prolongée obtenue avec le protoxyde d’azote.... 103
— Anesthésie avec un mélange de chloroforme et d’air exacte-
DTA AA A RO NE EME SRE RARES PE ER ER OA en nn 396
AUBERT =, Les Voy. Dubois.
B
BEAUNIS......... Phénomènes d’arrêt. .... bone dec nt era r ot cele D le
— Somnambulisme provoqué................... Dnbvéoscooces Gil
BEAUREGARD..... Cœurtettlayneaureachalots 2 RE ent cop ee 421
— Mœæurs et développement de la cantharide........ PRE 484
— Développement des Cerocoma Schreberi................. 507
— Développement du principe vésicant chez la cantharide.... 509
— Première larve de l’Epicanta verticalis......... .. Dh38060 560
— Epicanta verticalis............ DÉÉLRSEP OO Poe LOTO 0 be 560
BERNHEIM.,..... Suggestion dans l’état hypnotique............... dobocosonc 916
— Suggestion à l’état de veille.............. Doc aE T0 Doobabe -. 219
BÉRILLON........ {Voy. Dumontpallier.
IEP NS DRE Application à l'homme de l’anesthésie chloroformique par les
MEN RS Le h0o oo dec orne oédordvos dos 7
— Une autre méthode d'’anesthésie chloroformique...... DE CCE 9
— Mélanges titrés d’éther et d’air...... Den brocor ne AUS 120
— Origine du sucre de lait.......... OP RO POSE DEL MEEE 223
— Sur l’élasticité pulmonaire. ......... CRE DO E 0 UE DE MEEE 333
— Observations sur les mélanges titrés de chloroforme et d’air.. 422
— Non-accumulation du chloroforme dans l’organisme après l’a-
TeSIMÉSIENCOMPIÈLE-r-rrr nee iC es Ne ae ee 454
— Allocution.......... rade das dau and . da AS 594104
== CHIOTOOEMIE IMPUT: LL: 24 AMP Aer te nec 140022
— DisCour sd asbr 2e one tde estoine:: to reieter 609
BINET......,.., Voy. Féré.
7184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
—— ——_—_—_—_— 0 1
BEDGH Re Ralentissement des mouvements du cœur chez l’homme par
une ‘excitation AOUIOUTEUSE. Mere Tee
— Vitesse du courant nerveux sensitif........,........... din e
-— Contraction musculaire provoquée par une percussion......
BOCHEFONTAINE. Curare curarisant et produisant l'arrêt systolique du cœur...
— Action du cuivre sur les personnes en contact permanent avec
CEE ER PERRET eeepc CRTC LOL CRE GONE 0
-- Paraldéhyde "rer ce A SE e Duo bo 0
_ Maladies épidémiques chez les cuivriers de Villedieu........
— Poisontdes MOIS eee. Cer cr CPLee ere
— Note complémentaire sur le sulfate de cuivre..,............
— Action de l’acide salicylique sur la respiration....... ddoodce
— Cinchonidine et cinchonine; leur action sur la circulation des
mammifères......... Dre c Oo Dép ble Eds dobdoe dE
= Préservation Cuprique................ Ab aie a 5 0 SE
= Sues de l’arbre « Xé » et de la liane « Voi-voï »...........
BONDENCEEER EE" Suggestions à l’état de veille chez les hystériques, etc.......
== Voy. Gilles de La Tourette.
BOUCHARD....... Toxicité destunnesnormales ete "ECO EEE PCE CRE CETTE
BoucxARD (Ch.).. Méthode des injections intraveineuses et son application aux
effets de l’eau, de l’alcool, etc............. M co do 0
BOUCHEREAU..... À propos de la communication de M. Gréhant....... Sogooc
BouLaRT et PILLIET. Papilles foliées dans la langue des singes............ ee
BRÉMAUD....... Etat de fascination dans la série hypnotique.............. ..
— Conditions favorables à l’hypnotisme......... Gbpocodonooc à .
— Abolition des suggestions à l’état de veille.......... Do oo 0
— Passage de la léthargie au somnambulisme........... avsod
— Somnambulismeld'emblées. 22000 ere CL CRETE +
BROUARDEL, GARIEL et GRANCHER. Phénomène observé chez les animaux soumis
à des courants électriques intenses....,.........,.. Séuéoa
BROUARDEL et Loye. Action physiologique de la kairine.....................
BROWN-SÉQUARD. Persistance de la parole, dans le chant, les rêves et le délire
chez les aphasiques................... MARS 0 2
— Excitabilité motrice et inhibitoire des régions occipitales et
sphénoïdales de l'écorce... ......................... Douo a
— Toutes les parties de l’encéphale peuvent déterminer des inhi-
bitions........... AADRE 0 d'A DB OS De0.0 0 da do RAM AE ES D .
— Inhibition de certaines portions du bulbe et de la moelle...
— Influences dynamogènes réflexes dans des cas de suture des
LATE ONE A ENS Pre A ONE EN MO SSSR RE E E Gino o na o à
= Puissance inhibitrice de l'acide carbonique.................
BUDINS 0 A propos de la communication de M. Pozzi sur l’origine de
Pninen dodesshontonenboeane JDE BSob Dao co bG5o0 0
BUROPERE rec Métallothérapie et préservation cuprique........... dan do ù De
— Suggestion magnétique....... tee LC CCE ECEELE
= Ciseleurs en cuivre et horlogers......... MAI ape à 6
C
CERTES........ Action des hautes pressions sur la vitalité des micro-organis-
mes d’eau douce et d’eau de mer........................
— et Cocin. Action des hautes pressions sur la vitalité de la levure et la
fermentation, "RCA RTE da ee AAA RNCS Poe
148
220
639
TABLE PAR NOMS D'AUTEUR. 185
CHR MS
SHABRV- 1: SUR AUSION A ee eee ARR de tloc €: EI o1 »
— Poussée verticale exercée par l’homme sur le sol............ 386 »
— Dilatation des tissus vivants par la chaleur.. ............. 478 »
CHARPENTIER. . Action locale de la cocaïne sur les fonctions cérébrales. ..... 758 n
CHARRIN....... Note sur une septicémie......:............... HAE LEE doc 526 »
GHATIN.-. 06 . OEufs de la Bilharzie............. RME PANNE ARE 364 »
— Parasites (dé LPAPEETIX 2-02 MAIL ENER NOR RTE 770 »
GTADOEU =... Voy. Damaschino.
CHANT... Voy. Certes.
CorNiz et MÉGNIN. Tuberculose et diphthérie des gallinacés,........... ..... 617 )
COURTIN.. ..... ACtIonRdUAvITAIrERDIAN EEE Le CeL eee rc UE 962 »
GOURNE =. Quelques fonctions médullaires chez le chien. ............ 225 »
CURRIEE =... Communication placentaire directe de la mère au fœtus. 733 et 736 »
D
MASERE 0. Tétrachlorure de carbone.......... ART roue Line Fe ce nel 231 )
— Action) dufcurare "2-70 aient. Noé 0e be ac 293 »
DamaAscxiNo et CLADO. Microbes en bâtonnets de la diarrhée infantile......... 676 »
DEBIERRE....... Ethérisation et chloroformisation par la voie rectale..... lo) »
DECAGNY........ Micro-organisme d’une septicémie de l’homme et du mouton. 329 )
— Fécondation chez les végétaux............................. 681 )
DÉJERINE....... Névrites cutanées des tabétiques; leur variabilité. .......... 405 »
— Bacille de Koch dans la tuberculose calcifiée..... HoSéocococ 500 )
— Méningite spinale postérieure et sclérose combinées.......... 939 )
— Altération des nerfs moteurs dans les paralysies oculaires ta—
Détiques CPC Pr ere TON FLO EM B EE 970 )
DOVEN---- 7... Bactéries dans les viscères des cholériques................ 718 »
DuBois......... Anesthésie rectale...... . An ER ET Lie D 303 »
— Action des liquides neutres sur la substance organisée...... 317 »
— Machine à chloroformisation par la méthode de Bert...._... 400 )
— Tension de dissociation de l’eau des tissus...... tre ye see ON AA »
— Hydratation des œufs à collier......... nee ler tel ete . 926 »
— Déshydratation des tissus par le chloroforme, l’éther et l'alcool. 582 »
— Physiologie des pyrophores........ SAS ENES DC ES 661 »
EL ATBERT LUMIETe ES PYTODOrESS ee = ele eeseeieee-ielaileeioice d'atste MODS »
— et REGNARD. Action des hautes pressions sur la fonction ae . 679 »
BHBOIS Lee. Modification des milieux réfringents de l’œil et sur la sécré-
tion lactée dans les anesthésies à longue durée par le chlo-
FOOUMe Pere che see 45 »
DUMONTPALLIER.. À propos de la note de MM. Féré CLR RINET: coneetmelstersrefetelele 480 »
— et BÉRILLON. Indépendance fonctionnelle des hémisphères céré-
TE PSE ME PET Do e0Ec DOTE DB U ABOD DUO OU E DNONIE 408 »
DDPREZ 0 Expériences sur les viandes trichinées d’Amérique.......... 67 »
DuvaL....,.... Segmentalion du jaune chez les oiseaux................ ae 00 »
— Vaisseaux de l’allantoïde du poulet. ..... PPT 0 60 AS OP 074 )
— Segmentation sans fécondation............. SEC C 0000 AP OOUbE 989 )
— Placenta des oiseaux ....... PIN IC LOT DE DÜcibo 2 OOOIDOE o4 »
— Aire vitelline du blastoderme du poulet............... ram 327 »
— et FROMENTAL. Sympathies douloureuses. .... FVboer nn PIRE OR se «9 914 4 )
— et HERVÉ... Vésicules séminales du mara............................., 131 »
— et RÉAL... Peigne des oiseaux et corps vitré embryonnaire des mammi-
féres: leur homologiez:1. 20e its @laleideeponr eee 679
186 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
F
G. R.
FÉRÉ......... .. Fibres arcitormes superficielle du bulbe .........,.... s'ees ee CADAR
— et:Biner... Transfert .cheziles/hypnotiques 23.47.60. ERP 0e OCR 442
— — Somnambulisme partiel..." "HER ELLE ARE rR CES Sen
FRANGoIs-FRANCK. Topographie générale des appareils nerveux 1
et accélérateur du cœur.................4..22, SARA Eee 18208
FOURMENT...... Helminthe du fou de Bassan............... REMISES RS 649
FROMENTEL. .... Voy. Duval.
G
GALIPPE...:..….. Cuivre dans les confitures... ..... 24000000 Fr002250
— Constitution des dents à l’état de santé êt de maladie.....,.. 289
— Voy. Hyades.
— Voy. Malassez.
CARTER ER Voy. Brouardel.
GELLÉ. ........ Traitement du rétrécissement de la trompe d'Eustache par
l’électrolyse... FOUÉ GOUT CRE CE bande DD DC Somooec 145
— Synergies fonctionnelles binauriculaires................... .. 244
— Anesthésie du conduit auditif et du tympan par un jet d'acide
carbonique. ....... dust etats baie SE et et A CEE . 2
— Audition des sons en contact, etc........................... 369
GIBIER (P.)..... . Recherches expérimentales sur la rage............, 102 et 123
— Virus des chancres et bubons non syphilitiques.......... D el
GILBERT........ Voy. Hanot.
GILLES DE LA TOURETTE et BoTTEY. Sialorrhée d’origine nerveuse............. 137
— Voy. Richer.
GLEN PP C ECC Influence du travail intellectuel sur la température. ......... 265
— Action anticoagulante des peptones sur le sang....... Pat ue 418
— Mouvements musculaires inconscients..... Rat IT)
GRANCHER...... Voy. Brouardel.
GRÉHANT....... Peptone de fibrine comme aliment..... Ft DO 0 466
— Valériane comme topique........................... MAS 502
— et QuiNquAUD. Distribution de l’urée dans le sang...... Éd ope JE dd 0 0 AL
— — Danger de respirer des vapeurs nitreuses.................. 369
GRIMAUX ....... Coagulation des matières albuminoïdes.............. dose se RUE
— Quelques réactions de l’albumine et du colloïde amido-ben-
ADR obbbbo bases PR APPEL Aie SÉGTe ES 353
— Élogeñde Henningerse et Le re E e CLCUEE RU
H
HAHNE ES Galets dans l’estomac des otaries...... Cobol Aa done ODss ac 4
HANOT......... Note pour servir à l’histoire de l’acholie........ Hagoooocoooc 41
— Microbes dans une nodosité xanthélasmique ; résultat négatif. 217
— Note pour servir à l’histoire de l’acholie.....,.,..........,. 336
— et GILBERT. Altérations histologiques du foie dans le choléra......,,...,. 685
HARDY (E.)..... Jequirity............ eee ele MSIE MM
HENNEGUY...... Observation sur une note de M. Bochefontaine sur l’action qu
poison des Moïs :.... I ANR AA SRE PER ERRIEE
— Ligne primitive des poissons osseux... ..,.... À RAR. RE
M.
TABLE PAR NOMS D'AUTEUR. 181
4 GR
— HENNINGER.... Azote total de l'urine. iii. eue. PE NPA IL UE - M DATA 41 RS
À HÉNOGQUE...... Examen spectroscopique du sang au moyen de la lumière
} blanche diffuse, réfléchie par la porcelaine...... Ssroccecae 99 »
| = Action de la paraldéhyde sur la calorification, etc..... HS 146 »
4 _ Étude spectroscopique du sang à la surface sous-unguéale du
* ROUGES LEE CCE ea bte NÉE 671 et 700 »
— Examen spectroscopique du sang sur les deux pouces........ 162 »
HERVÉ. ........ Squelette cartilagineux primitif de la face............... SAR 62 »
= Voy. Duval.
HERZEN......... Pénétration du suc gastrique dans l’albumine coagulée séjour-
nant dans l'estomac. ..... SUD Cas se SNS .… 234 »
HEYDENREICH.... Stérilisation des liquides au moyen de la marmite de Papin. 250 »
HOuDÉ. ........ Colchicine cristallisée............ et Er Ta ARE a 260 11248 »
J
JUDÉE...... .... Action du curare sur les cellules motrices................,., 292 »
— Action de l’atropine sur le système nerveux................ 684 »
; K
KUNCKEL D'HERCULAIS. Mouvements du cœur chez les insectes pendant la méta-
INOPDROS Eee seleniee serment ss rase TR ANS »
KuNSTLER et PITRES. Corpuscules falciformes dans le pus de la plèvre..... 022 »
L
LABORDE ....... Mode d’action de latropine. .................., aa die ae AN »
— Action physiologique de l’atropine (2 note)................. 56 »
— Mécanisme de la mort ou des accidents succédant à l'injection
sous-cutanée de chloroforme ..-.,........4..:........... 271 »
— Action des muscles intercostaux externes et internes...... 49305 »
= Elasticité pulmonaire. ............. coin nb): PR ET RU D)
— Excitabilité des canaux biliaires ....…. HATR RARE LR RT INR 318 »
— Locomotion de l’encéphale....... sida BB. 15 80 »
— Digitaline des hôpitaux de Paris....,...................... 599 »
— Action de la cocaïne et de ses sels....,..... RE CC EE sc G91 »
—_ Lalcocainelet'ses sels enter t ae tee ee nat Mesa ... 645 »
— Cocaïne et ses sels........... RUE PO UE e PME DL PTS 747 »
LAULANIÉ. ..... Cellules de Bizzozero dans le foie fœtal..:..........,..,.... 597 »
— Renflement érectile terminal de l'artère spermatique......... 624 »
— Pseudo-tuberculose cutanée du chien ....... AURA ALE 2 BMP ON 0 658 »
LEGAY., ........ Voy. Tourneux.
LÉPINE......... Acide phosphorique et phosphore dans l'urine des épileptiques. 499 )
— et BLANC. Endartérite des petites artères..............144,.40,, Loge or 195 »
DESAGE.... ..... Action de l’Adonis. vernalis. 4.1. 2e SA T1. RARES n AAA
BOYE 27-00 . Voy. Brouardel.
— Voy. Regnard.
M
MAGITOT. ..,.. . Origine des kystes des mächoires.,...,,,.,.......,....... A1 »
— Origine des kystes des mâchoires dits périostiques...... So Lo 2)
MAGNIN. ....... Sensibilité cutanée et sous-musculaire chez les hystéro-épi-
leptiques......, Mara POLE ae tertete A 25 »
188 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
MAIRET....... .. Elimination de l'acide phosphorique chez l’homme sain,
l'aliénéretcsi urTURe, | +, LHBTARTAUTS +, MAR 438 et
— Démence alcoolique ....,....... MERE RL QE Ed
MALASSEZ. .,,... Pathogénie des kystes maxillaires, dits périostiques dentaires.
— Masses épithéliales dans le ligament alvéolo-dentaire chez
l'adulte, à l’état normal... ..4010% oi HOT Di tre
_ Perfectionnement de la chambre claire............ RATE A na à
— et GALIPPE.. Ostéo-périostite alvéolo-dentaire................ Dci EVE 1 0 à
— et VIGNAL... Tuberculose zooglœæïque, étude du micro-organisme.........
Marcus et TORNERY. Microbes de la syphilis..............,...... DOG 9 cn
MAUREL. ....... Influence du régime azoté sur l’augmentation du volume du
OIC MARNE MEENERMEONT LR, LOLAARIE SAN Abo un c
— Variations nycthémérales de la température normale.......:
MÉGNIN......... Prolifération de corpuscules calcaires dans le tissu musculaire
diuntehevali ere crc ce Do0bObAoogdoodooc ADD en 0
— Tumeur causée par une larve d’œstride......,.. Ronan c
= Cuivre comme antagoniste du choléra..... SAAB Bo an à à ce
— Dégénérescence fibro-plastique du foie d’un cheval sous l’in-
fluence du Sclerostoma armatum........................
= Voy. Cornil.
N
NICATIMELNROBIOTIS- Mie raine eee CC CT REC Cr Ce CCC CCE CTP
(0)
OcHOROWICZ.. .. Critère de la sensibilité hypnotique ; — hypnoscope....... 3ù
— Idéoplastie........ M etae dot diet HUE Le CET A HOBU Mob Oo
— Théorie der l'idéoplastie CÉREA MAIRE ER ERP PER ENT AL
OECHSNER DE CONINCK et VINET. Action physiologique de la lutidine du goudron
de houille............ D AA LEON A le ho Gi 0 0
ONIMUS-----+. ACEION dUCULArE Le REC RP EE EL ON AERRERE Jodoûoe
— OZonÉine EE CRETE CU LLC CTP 607 et
P
PARISOT........ Pouls dans la fièvre typhoïde.........,.........:.1,4..... :
PET) PÈRE Système circulatoire des holothuries...........,...........
PHILIPPEAUX..,. Moyen simple de conserver les cadavres.......... HAE MOD
— Dualité chez les mammifères. ......,..............:....... 5
— Extirpation des corps thyroïdes des chiens............... 2e
PIEPIE De ee . Tube digestif de quelques poissons de mer.................,
= Voy. Boulart.
PINET.......... Voy. OEchsner.
Pr Voy. Kunstler.
PITRES et VAILLARD. Gangrène massive et symétrique he deux pieds..........
POUCHET. ...... Contribution à l’histoire du sang des crustacés......:........
_— Développement des diatomees LPEEe EM ELPTEN A ERP "E -
— Figures d'anatomie remontant au quatorzième siècle.........
— Fausse noctiluque........ SA D oO UE JBL So bcov et .
— OŒil chez les protozoaires......... CEA RAA MALE ANT ETES PRO
POZZMe Rec RRe Pseudo-hermaphrodite mâle............,...... D DIE
109
324
409
456
64
330
638
569
518
215
577
606
581
513
141
270
312
477
993
42
+2 PORC NT PR OS L 5
TABLE PAR NOMS D'AUTEUR.
Q
CR:
QUINQUAUD...... LR GO 0 ORPI So din n onda ere 142
— Action detfaparaldéhydensr. 200.2: 200 me AM. soc 215
— Spectre d'absorption par le chlorhydrate de kairine sur le sang. 315.
— Influence de la moelle épinière sur la composition du sang et
la nutrition........ et Loodogooptvs Dotobao Ten oEn 341
— Peptones de fibrine en solution.......,............. ÉRUEe 470
; — Rétention d’urine........... HG SLR AE SANS Ets Etiete 541
— Formation de l’urée pendant la digestion des aliments azotés. 559
— Inhalations d'oxygène dans l'atmosphère normale........... 687
— Action mesurée au dynamomètre des poisons musculaires sur
leSRQUSCIeS Eee à ele Me RMS NE ne nt à 129
— Voy. Gréhant.
R
RABUTEAU...... Incompatibilités et contre-indications médicamenteuses. ..... Î
— Perkinisme et métallothérapie...... RATS RENTE Do 00. LU
RASETTI. ....... Sumladonidine "2.7 itiL cbr ue OPA 481
HET ARR RRCHE Voy. Duval.
REBOURGEON.... Microbe de la fièvre jaune.............. RAR SE EAP AA LEE 613
REGNARD (P.)... Action de certaines substances organiques sur l’amidon...... 130
—— Conditions de la vie dans les profondeurs de la mer......... 164
— Action des hautes pressions sur quelques phénomènes vitaux.. 187
— Excrétion des carbonates par les branchies................. 188
== Rigidité des muscles soumis aux très hautes pressions......, 310
— Expression graphique de la fermentation alcoolique.. 337 et 389
— Effet des hautes pressions sur les animaux marins........... 394
— Expression graphique de la fermentation.......,............ 611
= Voy. Dubois. :
— et Loye.... Appareil pour l'étude de l'absorption par les racines. ........ 534
— et VIGNAL. . Lésions produites sur les tissus par les hautes pressions... 403
REGNAULD...... Conservationidutchlonofonme terre Creer creme 010
— et VILLEJEAN. Caractères différentiels du chloroforme et du chlorure de
méthylène sous le rapport physiologique.................. 158
RÉ eeCe ou NOT GMA IEEE oo ccocnobooaoneotéaocorqoiboonsmec . 497
RICHER et GILLES DF LA TOURETTE. Paralysies psychiques expérimentales. ..... 198
rene (One) Diastases Chez ICSIPDISSONS-2- 2er cesser sbiactoe 74
— Fièvre traumatique nerveuse et influence des lésions du cerveau
sur la température générale... .:...:..,..:2 ha... 189
— Action du cerveau sur la température........ OPA ED HO OC DONS 209
— Effets de la destruction de l'écorce cérébrale sur les lapins... 248
= Origine du mot magnétisme animal................,....... 334
= Sugoestion mentale... 1.0....220- nee secsesnleeeseesscuie 365
= Régulation de la chaleur chez le chien par la respiration. .... 948
= Suggestion sans hypnotisme...…..,...,.... so 0 ae 551 et 593
— Nouvelle méthode calorimétrique..............,.....,.....: 659
| — CHOUMEITe A SIDHON.. 0e PP EP RE TEA mette des 707
> RomiN (ALe.)... Influences de faibles traces d'acide nitrique sur la recherche
de lalbumine dans l'urine... eue... Abo
— Acholietpigmentatre. 2,04, 022000770" PR ei ere rte slelas ii
— Inoculations négatives de pus de bubons. .................. 128
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°, 61
scnntine dt l'théatn nié sit
M.
‘189
190
ROBIN (ALB.)...
— et STRAUS..
ROBIOLIS. ......
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SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
SPECITOSCOPIE TES MHISSUSAVIVAN ES ee ec rer eee
SPECETOSCOpIe HESISSUS VIVantS eee, ere CT
Voy. Nicati.
Voy. Straus.
S
Rapport entre les urines sucrées et la sécrétion mammaire...
Recherches curale/sommeil:""""""""-cete-ceceete ee
Sur la virulence du bubon qui accompague le chancre mou.
Non-virulence du bubon qui accompagne le chancre mou.....
. Préparations microscopiques de choléra. ......,.. Has 2040 bo
Voy. Robin (Alb.).
T
Hybridité chez les animaux............ Doovacadac ADP 00 000
Cheval à cornes.................... AU NUIVAN ERA EECERE
Facultés intellectuelles des animaux. .......................
Développement des uretères chez l'embryon de sarigue.......
Développement de l'utérus et du vagin chez le fœtus humain.
— et WERTHEIMER. Fusion des conduits de Müller chez l’homme............
VARENNE (DE)...
VARIGNY (DE)...
VIGNAL.........
VILLEJEAN......
WERTHEIMER. ...
Développement de la région vestibulaire et des glandes vulvo-
vaginales et clitoridiennes chez la femme................
V
Polypesthydnaires- PERLE ccree ter CT CEE CE EE CCE
Suggestion mentale.......... WIPO PET nboonoc oo: so0c
Substance grise embryonnaire de la moelle épinière..........
Formation.de la substance grise embryonnaire de la moelle...
Développement des cellules nerveuses de la moelle épinière...
Développement des cellules de la névroglie dans la moelle, ...
Développement des fibres de la substance blanche de la moelle.
Voy. Malassez.
Voy. Regnauld.
W
Anastomoses de l’hypoglosse avec les nerfs cervicaux...... se
Voy. Tourneux.
FIN DES TABLES.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
252
196
641
126
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58)
NOTICE
SUR
G.rJ. D'AVAINE
MEMBRE TITULAIRE-HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
Lue à la séance de la Société de biologie du 2 février 1334
PAR
Le Professeur A. LABOULBÈNE
Membre titulaire-honoraire de la Société de biologie, Membre de l’Académie de médecine,
Médecin de l'hôpital de la Charité.
MESSIEURS,
À une époque mémorable et chère pour notre Société, au mois de
mai 1848, plusieurs médecins et naturalistes se sont réunis pour étudier,
par l’observation et l’expérimentation, la science de la vie, la biologie, tant
normale que pathologique. Ce temps est déjà lointain et plusieurs d’entre
vous ne le connaissent que par ouï-dire. Toutefois, celui qui vous parle ne
saurait oublier qu'il fut le plus jeune de vos fondateurs. Vous l’avez chargé
de retracer la vie si bien remplie de Davaine, l’élève, l'ami de Rayer et de
Claude Bernard ; il a rassemblé ses souvenirs et vous lui permettrez de vous
rappeler, en même temps que notre regretté collègue, quelques-uns des
travailleurs de la première heure, qui ont si bien mérité de la biologie.
Ceci n’est point un éloge académique, mais un hommage rendu à un homme
de cœur et de talent.
Casimir-Joseph DAvaINE est né à Saint-Amand-les-Eaux (Nord) le
19 mars 1812 ; il était le sixième des neuf enfants de Benjamin-Joseph
Davaine et il perdait sa mère, à peine âgé de neuf ans. Son père resté seul,
peu fortuné, avec le lourd fardeau d’une famille nombreuse et d’une
industrie à diriger, ne faiblit pas sous cette tâche; il s’appliqua au prix de
grands sacrifices à donner à ses fils une éducation libérale. Ce n’était pas
B10LOGIE, MÉMOIRES.— 8° SÉRIE, T. I. Î
2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
chose facile dans une petite localité, offrant péu de ressources au point de
vue de l'instruction; il dut se résoudre à se séparer de ses fils. Casimir
Davaine fut envoyé au collège de Tournai, en 1826, puis il acheva ses
études à Lille. Enfin, vers la fin de l’année 1830, il arrive à Paris, au
moment où s’ouvrait une ère nouvelle. Calme, résolu, d’un naturel bon, d’un
sens droit, Davaine n’hésita pas dans le choix d’une carrière, il s’inserivit
comme étudiant à l'Ecole de médecine.
Les études furent pour Davaine chose sérieuse ; sa vie était rude, occupée;
il lutiait de bonne heure, il avait hàte de faire son chemin. Ayant concouru
pour l’externat, il entre, le 1% janvier 1835, dans le service de Rayer, à la
Charité. Qui de vous, Messieurs, n’a été frappé de l’influence extraordinaire
et parfois décisive que peut avoir le chef de service sur l'élève qui lui est
envoyé? Rayer, qui possédait au plus haut degré l’appréciation rapide des
hommes ainsi que des aptitude de chacun d'eux, remarqua bien vite Davaine.
Il se l’attacha, le chargea de recueillir des observations, de faire des
dessins et des recherches microscopiques. Le service de Rayer, où se succé-
daient Moissenet, Henri Roger, Tardieu, Claude Bernard, Gubler, ete., était
pour Davaine un milieu des plus favorables. Il se lia étroitement avec
Claude Bernard et leur amitié ne se démentit jamais. Rayer employa
Davaine pour son Traité des maladies des reins, pour ses travaux sur la
morve, pour collaborer aux Archives de médecine comparée.
En 1837, sans attendre l’internat, Davaine soutint sa thèse de docteur.
Je dois vous le faire remarquer ; la aissertation inaugurale ne figure pas
dans les Titres scientifiques de Davaine, où nous trouvons une si riche
moisson de faits et d'idées. Est-ce modestie? Est-ce oubli? Je croirais plutôt
à la première supposition. Quoi qu’il en soit, cette thèse sur l’Hématocèle
de la tunique vaginale (n° 428, 13 décembre 1837), passée sous la prési-
dence de Velpeau et dédiée à son père seulement, peut encore être con-
sultée avec fruit; l’historique de la question est soigné ainsi que l’anatomie
pathologique.
Rayer avait dit à Davaine, comme à Claude Bernard « La seience est
votre affaire », mais la science seule ne fait pas vivre le débutant inconnu
et Davaine fut obligé de s’occuper de clientèle; son urbanité et sa
discrétion lui assuraient la réussite; ses premiers malades devenaient ses
amis fidèles. Il en accompagna quelques-uns pendant d’instructifs voyages,
conservant son indépendance, ne recherchant que les moyens de se pro-
curer des livres, de satisfaire ses goûts scientifiques et artistiques.
Je vous lai dit, Messieurs, c’est en 1848 que notre Société s’est fondée.
Elle répondait à un besoin réel, elle venait à l'heure favorable, elle pro-
mettait les résultats les plus utiles. Quelle sève au début et quels fruits
aujourd’hui! En considérant l'étendue et la valeur du bagage scientifique
accumulé, vous devinez les commencements. Rayer fut choisi à l’unanimité
pour président perpétuel ; Claude Bernard et Charles Robin pour vice-pré-
C. DAVAINE. o
sidents. Les premiers secrétaires ont été Lebert et Follin, auxquels on
adjoignit bientôt Brown-Séquard et Segond. Huette, qui venait de colla-
borer avec Claude Bernard pour un Préeis iconographique de médecine
opératoire et d'anatomie chirurgicale, fut le premier trésorier-arehiviste.
Rayer, pour assurer la valeur des séances, déployait une activité infati-
sable, appelant de tous côtés les travaux sérieux, stimulant le zèle des fon-
-dateurs, provoquant une discussion, la prolongeant au besoin, assurant, par
la présence d’un maître étranger, l'intérêt qui de temps à autre aurait pu
faiblir. Tout le service médical de Rayer, ceux de ses collègues de la Cha-
rité, ceux de ses amis, et ils étaient nombreux, étaient mis à contribution.
On apportait des pièces rares venant des hôpitaux, du Jardin des Plantes,
de l'École d’Alfort. Aussi, avec ces éléments d'étude, la Société, qui ne pre-
nait pas de vacances, n’a cessé de siéger tous les samedis et bientôt elle
publia les Comptes Rendus de ses travaux et de précieux Mémoires.
Dès le mois de novembre 1849, Davaine fut élu membre titulaire ; il rem-
plaça bientôt Huette, qui allait à Montargis. La Société ne pouvait avoir un
meilleur trésorier-archiviste.
Nos publications par fascicules mensuels, nos Mémoires qui ont frappé
l'attention, témoignèrent du zèle des secrétaires, de l’ardeur des membres
de la jeune Société de biologie. Les premières planches furent en majeure
partie dessinées par Davaine ainsi que celles du Mémoire de Rayer sur la
pilimiction. Pour vous exposer les travaux de Davaine, je n'aurai souvent
qu'à suivre nos volumes parus tour à tour.
La première description faite par Davaine a pour sujet un parasite; ses
notices du début sont anatomiques, physiologiques et tératologiques. C’est
un Hæmaätopinus, causant un phthiriasis spécial chez espèce bovine, que
je dois vous signaler tout d’abord (Archives de médecine comparée, de
Rayer, p.243, pl. IX, 1843). Les continuateurs du grand ouvrage de Bour-
gery et Jacob ont donné, d’après des préparations de Davaine, les figures du
développement du cerveau humain depuis cinq semaines jusqu’à sept
mois (Traité complet de l’anatomie de l’homme, t. VIII, pl. X bis, 23 fi-
gures, 1844).
Le premier volume des publications de notre Société renferme un grand
nombre de travaux de Davaine pour l’année 1849 : Sur l’os thyro-hyoïdien
des Batraciens anoures (Comptes Rendus, p. 150).— Sur la mutabilité de
la coloration des rainettes (ibid., p. 153). — Sur un cerveau formant une
tumeur à l'extérieur du crâne, avec atrophie d'un côté de la face (hyper-
encéphalie), chez un embryon de poulet (p.123). — Sur un cas de rhino-
céphalie chez un lapin (p. 167 et pl. IV, fig. 5, 6, 7). — Observation
de cyclocéphalie chez un fœtus de cochon (en commun avec Chaussat,
p. 198 et pl. IV, fig. 1-4). — Absence de la plupart des vertèbres
caudales chez le chien (p. 123). — Sur un cas de scissure de la voûte
palatine et de la lèvre supérieure (queule de loup) avec déformation
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
pS
du cerveau chez un fœtus humain (p. 124). — Observations pour servir
à l'histoire de quelques monstruosités de la face (en commun avec Charles
Robin, Mémoires, p. 43 et pl. IT). — Cas d’atrophie partielle de la
moelle épinière, au niveau de son renflement lombaire coincidant avec une
atrophie des racines antérieures correspondantes et avec une paralysie
du mouvement volontaire dans les membres postérieurs, observé chez un
jeune agneau (G. R.,p. 120) ;— Cas d'hydronéphrose observé chez le chien
(p. 119).— Œufs doubles de paludine vivipare(p.88).— Recherches sur la
génération de l’huître (Ostrea edulis) (en commun avee Chaussat, p. 98).
Cet ensemble montre déjà chez Davaine un esprit observateur et cher-
cheur. Dans les 2°, 3° et 4° volumes de nos publications, on continue à
trouver d’intéressantes Notes et Mémoires : Deux cas de fusion des dents,
lune d'une incisive surnuméraire avec une incisive normale chez un
enfant, l'autre de deux molaires chez un adulte, avec des remarques sur
ce vice de conformation (t. IT, p. 16). — De l'absence congénitale du ra-
dius chez l'homme (t. IL, p. 39). — Quelques remarques sur la cyclopie
(t. IT, p. 57). — Remarques sur un fœtus anencéphale (t. IT, p. 108). —
Description du squelette d’un poulet double monocéphalien (t. IT, p. 13).
— Duplicité de la face chez les oiseaux (t. IT, Mémoires, p. 97). — Cas de
compression de la portion thoracique de l’œsophage par une masse tuber-
culeuse développée dans les ganglions du médiastin postérieur, ayant
occasionné la mort chez un sajou ordinaire (Simia capucina)(t. IE, G. R.,
p. 90). — Note sur une tumeur indéterminée des os maxillaires du bœuf
(t. IT, p. 119). — Sur la nature et les fonctions de l'organe palatin des
Cyprins (t. Il, p. 181). — Recherches sur les globules blancs du sang
(t. II, Mémoires, p. 103). — Sur des larves rendues par les selles (t. HT,
p. 112 et pl. 1). — Larves rendues avec les selles par un homme dgé de
trente-neuf ans (t. IV, p. 96). — Cas de Cysticerque du tissu cellulaire
intermusculaire observé chez l’homme (en commun avec Follin, t. IV,
p. 19). — Recherches sur la génération des huîtres (t. IV, Mémoires, p.297
et pl. Let IT).
Ces divers essais |constituent souvent des jalons pour des travaux ulté-
rieurs. Remarquez les Cysticerques de l’homme, les larves rendues qui
prendront place dans le Traité des Entozoaires. Un des premiers, Davaine
avait observé les prolongements amiboïdes des globules blancs du sang.
Je dois vous indiquer plusieurs travaux se rattachant plus spécialement
à la pathologie humaine : Examen d'une main et de la moitié inférieure
de l’avant-bras affectés d’éléphantiasis des Arabes (en commun avec
Rayer, Mémoires, t. IT, p.67). — Note sur des kystes séreux du foie formés
par la dilatation des conduits biliaires ou des cryptes de ces conduits
(t. IV, p. 54). — Sur des granulations graisseuses du rein (t. UT, p. 151).
— Description d’un kyste pileux de l'ovaire droit (en commun avec
Schnepp, t. IV, p. 36). — Note sur un kyste pileux de l'ovaire (t. IV,
C. DAVAINE. D
p. 127). — Examen microscopique de deux cataractes lenticulaires
(t. IV, p. 163). — Mémoire sur la paralysie générale ou partielle des
deux nerfs de la septième paire (t. IV, Mémoires, p. 137).
Le laborieux auteur avait reçu à deux reprises la haute approbation de
l'Académie des sciences : une récompense en 1852 pour ses Recherches
sur la paralysie des deux nerfs de la septième paire, puis, en 1854, le prix
de physiologie expérimentale pour ses Recherches sur la génération des
huîtres. On aimait à trouver chez Davaine des connaissances étendues en
biologie, à le savoir occupé d’investigations aussi ingénieuses que sérieuses,
sans exubérance, sans profusion de ces conclusions hâtives ou par à peu
près, nécessairement frappées de stérilité, nous prouvant que le temps ne
respecte pas ce qu’on fait sans lui. Quant aux rares honneurs qui sont venus
chercher Davaine : la croix de chevalier de la Légion d'honneur lui fut
donnée en 1855, l’Académie de médecine ne lui ouvrit ses portes qu’en
1868.
Reprenons la série des travaux de notre collègue. Vous trouverez dans
divers volumes de nos Comptes Rendus et Mémoires : Un cas de gan-
grène de l’amygdale dans la scarlatine (2° série, t. I, p. 49, 1855). —
Remarques sur les corpuscules du sang de la lamproiïe et sur ceux des
animaux en général (2° série, t. IT, p. 54, 1855). — Description de deux
productions polypiformes du col de l’utérus, constituées par une simple ex-
tension des éléments de cet organe (en commun avec Laboulbène, 2° série,
t. II, p.142, 1855). — Mémoire sur les anomalies de l'œuf (3° série, t. IT,
p. 183, avec deux planches, 1860).
J’abrège, car j'ai hâte d'arriver au livre de Davaine sur l’Helminthologie
humaine et comparée. Cet ouvrage devenu classique et dont je vais bientôt
vous parler avec quelques détails a été précédé par des études longues et
consciencieuses; de même, il a été suivi de documents qui restaient à exa-
miner après la publication.
Je mentionne les recherches suivantes : Sur l’anatoinie d’un Mermis
(Annales de la Société entomologique de France, 2° série, Bulletin, t. IX,
p. ex, 1891).— Examen d’une concrétion sanguine extraite de la veine
saphène et regardée comme un hématozoaire (Comptes Rendus, t. IV,
p. 127, 1852). — Recherches sur les vers des vaisseaux pulmonaires
et des bronches chez le Marsouin (GC. R., 2 série, t. I, p. 117, pl. II,
1854). — Sur des animalcules infusoires trouvés dans les selles de malades
atteints du choléra et d'autres affections (CG. R., série, t. [, p.129, 1854).
— Sur des urcéolaires parasites dans la vessie urinaire des Tritons
(C. R., 2° série, t. [, p. 170, pl. I, pb, 1854). — Note sur une tumeur sin-
gulière contenant une quantité prodigieuse d'œufs d’helminthe, observée
sur un poisson nommé Aigle-Bar (2° série, t. [, p.141, pl. [, c, 1854). —
Recherches sur les Hydatides, les Echinocoques et le Cœnure et sur leur
développement (Mémoires, 2° série, t. IT, p. 157, 1855). — Kyste hyda-
(E MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
lique du foie ayant subi une transformation athéromateuse chez l'homme
(G. R., t. IV, p. 6, 1852). — Note sur un cas de kystes hydatiques mul-
tiples (en commun avec Charcot; Mémoires, 2° série, t. IV, p. 103, 1850).
— De l'action du Cœnure sur le cerveau, Tournis (Mémoires, 2° série,
1. IV, p. 117, 1857).—Sur le diagnostic de la présence des vers dans l'an-
testin par l'inspection microscopique des matières expulsées (G. R., 2° sé-
rie, t. IV, p. 188, 1857). — Recherches sur le développement de l'œuf du
Trichocéphale de l’homme et de l’Ascaride lombricoïide (G.R., 2° série, t. W,
p. 405, 1858 et C. R. des séances de l’Académie des sciences, t. XLVE,
p. 1217, 1858).
Le Traité des Entozoaires et des maladies vermineuses de l'homme et
des animaux domestiques, paru en 1860, couronné par l'Institut et par
l'Académie de médecine, forme un volume in-8°, avec figures sur bois, inter-
calées dans le texte. Il a eu, en 1877, une nouvelle édition; il a été traduit
en anglais par W. Abbotts Smith. Dans son livre, si connu et si apprécié,
le plus savant et le plus complet sur ce sujet difficile, Davaine a eu con-
stamment en vue la zoologie et la pathologie. La démonstration de faits
zoologiques importants l’a conduit à des déductionsutiies en médecine. Ses.
recherches sur les œufs du Trichocéphale et de l’Ascaride lui ont montré que
ces œufs pondus dans l'intestin de l’homme ne s’y développent pas, qu'ils.
sont expulsés au dehors et que l'embryon ne se forme que plusieurs mois
après. Le nombre immense de ces œufs permet d'en constater La présence:
dans une parcelle de matières alvines et d’assurer le diagnostic. L’histoire
de chaque ver est une sorte de monographie, comprenant la réparütion de
l'animal, son apparition, la recherche des circonstances qui favorisent sa
transmission et son développement, la description des accidents qu’il déter-
mine, enfin les moyens de le combattre. Le Traité des Entozoaires offre
un mérite scientifique et une valeur pratique incontestables, de 1à son
succès. AL ER
Voici les suites du Traité des Entozoaires : Recherches sur le frémisse-
ment hydatique (Mémoires, 3° série, t. IT, p. 189, 1861). — Hydatides.
développées dans le poumon et suivies de quérison (C. R., 3° série, &. II,
p. 271, 1861). — Hydatides du cerveau et du cœur (en commun avec
Charcot; G. R., 3 série, t. LIT, p. 273, 1861). — Nouvelles recherches sur
le développement et la propagation de l'Ascaride lombricoïde et du Tricho-
céphale de l’homme (Mémoires, 3° série, t. IV,p. 261,1862). — Sur la con-
stitutionde l’œufde certains entozoaires et sur la propriété dese développer
à sec (Mémoires, 3 série, t. IV, p: 273, 1862). — Sur un mode de dissémi-
nation des œufs chez les entozoaires des voies respiratoires (Mémoires,
3° série, t. IN, p. 267, 1862). — Faits et considérations sur da Trichine
(Mémoires, 3: série, t. IV, p. 117, 1862, et Revue des Deux Mondes, 4° mar
1866)'et encore : Les Trichines et la Trichinose (Bulletin de l’Académie
de médecine, 2 série, t. X, p.249, 1881). — Sur une Liquie (Ligula ani
C+ DAVAINE. 1
nuta Davaine) de la truite du lac de Genève (G.R., 4° série, t. I, p. 87, 1864).
— Rapport sur deux mémoires de P. Mégnin relatifs à des parasites du
chat et du cheval (Bulletin de l’Académie de médecine, t. XXXV, p. 55,1870).
— Examen d’un Tœnia nouveau de l’homme recueilli à Mayotte (Comores)
(Archives de médecine navale, t. XIIT, p.137, avec planche, 1870). — Plu-
sieurs articles de Davaine dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences
médicales sont d’un grand intérêt : Cestoïdes, Cystiques, Cysticerques,
Lombrics, Monadiens, Parasites (posthume), et encore d’autres tels que
Bactérie, Bactéridie, dont il sera question plus tard.
Le nom de Davaine restera, dans l’avenir, attaché aux questions du Para-
siisme. Avant de poursuivre avec tant de soin et de succès ses études sur
les parasites des animaux vertébrés, il avait observé ceux d'organismes
moins compliqués, c’est-à-dire des végétaux. Il avait pu constater qu'un
très petit ver nématoïde, une Anguillule, produit sur le blé Paltération con-
nue sous le nom de Nielle; de plus, il avait déterminé les conditions de
vitalité de ce ver, qui possède la singulière propriété de reprendre le mou-
sement et la vie après avoir été desséché, laissé même pendant longtemps
dans un état de mort apparente. Davaine découvrit ce fait décisif : que la
faculté de reprendre vie est le privilège exclusif des larves d’Anguillule
dépourvues d'organes génitaux, et qu’elles le perdent dès qu’arrivées dans
le blé, elles acquièrent l’état sexué ou adulte. Il à patiemment soumis ces
Anguillules, larves et adultes, à diverses influences, telles que celles de
l’eau, du froid, du vide, etc.; toujours les larves résistent, tandis que les
adultes périssent rapidement. Enfin il arrivait à un résultat pratique très
intéressant : c’est que la morphine, l’atropine, la strychnine, le curare n’ont
pas d'action sur la vitalité des Anguillules, tandis que les composés pou-
sant agir chimiquement sur leurs tissus par une matière acide ou alcaline,
mème très faible, détruisent aussitôt et pour toujours la vitalité de ces
larves.
Les Recherches physiologiques sur la maladie du blé connue sous le
nom de Nielle et sur les helminthes qui occasionnent cette maladie ont
d’abord été communiquées à l’Académie des sciences (C. R. des séances,
t. XLI, 1855), ainsi que de nouvelles Recherches expérimentales sur la
vitalité des Anguillules du blé niellé à l'état de larve et à l’état adulte
(G. R.,t. XLITI, 1856). Le beau mémoire intitulé : Recherches sur l'An-
quillule du blé niellé considéré au point de vue de l'histoire naturelle et
de Pagriculture à paru dans nos Mémoires, t. HI, 2° série, p. 201, avec
trois planches, en 1856 ; il a obtenu le prix de Physiologie expérimentale
de l’fnstitut et la médaille d’or d'Olivier de Serres.
Poursuivant après Spallanzani l'étude de cette étrange faculté de recou-
vrer les manifestations de la vie après les avoir perdues par un dessèche-
ment plus ou moins complet, Davaine lui donna le nom de r'éviviscence et
8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
il la constata chez huit espèces nouvelles de protozoaires et chez plusieurs
plantes inférieures. Ses Recherches sur la vie latente chez quelques ami-
maux et quelques plantes sont insérées dans nos Comptes Rendus, de
l'année 1856, p. 225. De nouvelles Recherches sur les conditions de l’exis-
tence ou de lanon-existence de la réviviscence chez les espèces appartenant
au méêémegenre, ont paru dans les Comptes Rendus de l’Académie des
sciences (t. XLVIIT,p. 1067), en 1859.
Une Anguillule abondante dans le vinaigre avait fourni un argument
à la génération spontanée, puisque cette espèce de ver ayant été observée
exclusivement dans le vinaigre, on pouvait croire qu’elle y était apparue
après l’invention de ce liquide. Davaine, par ses Recherches sur les Anguil-
lules du vinaigre (Rhabditis aceti Dujardin) (C. R., 4 série, t. [, p. 88, 1864
et G. R. de PAcad. des sciences, t. LXI, p. 259, 1865), a constaté que cette
Anguillule vit dans les liquide srenfermant une matière sucrée ou amylacée,
aussi bien que dans le vinaigre, qu’elle se propage dans les fruits et les lé-
gumes. Il en a conclu rigoureusement que dans la nature, l’Anguillule du
vinaigre habite les fruits qui tombent à la surface du sol, qu’elle se perpétue
en passant de l’un à l’autre et qu’elle arrive dans le vinaigre après avoir
pénétré dans une grappe de raisin en contact avec le sol.
Pendant qu'il cherchait à élucider ces questions d’un ordre si élevé,
Davaine publiait quelques faits nouveaux sur les maladies de l’homme, des
animaux et des plantes. Il ne négligeait pas les observations d'anatomie
pathologique ou de tératologie. Nos Comptes Rendus contiennent : Note sur
un Cas de pied-bot coincidant avec un spina-bifida chez un veau(CG.R.,p.186,
1862). — Membrane muqueuse utérine semblable à une caduque ex pul-
sée pendant la menstruation (G. R., p. 161, 1865). — Atrophie congéni-
tale de l'ovaire chez une poule; principe du balancement des organes
(CG. R., p.156, 1865). — Maladie des ovaires avec ascite chez la Dorade
de la Chine (Cyprinus auratus) (G. R., p.186, 1865).— Articles Monstres,
Monstruosilé, dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médi-
cales.
Je vous signale en pathologie végétale : Une Conferve parasite sur le Cy-
prinus carpio (CG. R., t. TE, p. 82, 1851). — Sur une maladie de la Balsa-
nine des jardins (Impatiens balsamina) (G. R., 2° série, t. IV, p. 131,
1897).— Sur une nouvelle espèce de Sarcine commune chez la poule. —
Sur la coloration vineuse d’une infusion par le développement de mo-
nades rouges. Ces dernières publications, faites à la Société en 1863, n’ont
pas été publiées, à ma connaissance.
Nous touchons, Messieurs, à la période la plus belle de la vie de Davaine,
au moment où il faitune découverte dont on a vainement cherché à lui ravir
la priorité.
Comme Claude Bernard annonçant à la Société la fonction glycogénique
RE , ,
C. DAVAINE. {
du foie et l’action émulsive du sue pancréatique sur les graisses, comme
Berthelot vous apportant, pour la première fois, de l’essence de moutarde
préparée par synthèse avec des corps inorganiques, Davaine en 1850, et puis
en 1863, est venu montrer à la Société de biologie un organisme inférieur,
un infusoire comme il l’avait d’abord appelé, allongé, immobile, et qu’il
avait aperçu dans le sang des animaux succombant à la maladie charbon-
neuse connue sous le nom de sang de rate. Ce corps microscopique, auquel
il donna plus tard le nom de Bactéridie, a été le sujet de controverses pas-
sionnées, mais le fait constaté par Davaine reste acquis, et c’est justice de
désigner, comme l’a fait M. Pasteur, le Bacille du charbon sous le nom de
Bactéridie de Davaine.
Vous trouverez dans nos Comptes Rendus et Mémoires la relation de cette
découverte : Recherches sur les infusoires dusang dans la maladie connue
sous le nom de sang de rate (G.R., 3° série, t. V, p.149, 1863, et Mémoires,
p. 193, et aussi dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences, t. LVIT,
p. 220, 351, 386, 1863). Davaine, avec son esprit droit, ne voulait pas sans
preuves trop attribuer au vibrionien du sang de rate. Il multipliait les expé-
riences, puis 1l faisait connaître de Nouvelles recherches sur la nature
de la maladie charbonneuse connue sous le nom de sang de rate (CG. R. de
l’Académie des sciences, t. LIX, p. 393, 1864). Avec Raimbert (de Chà-
teaudun), il communiquait une Note sur la présence des Bactéridies dans la
pustule maligne chez l’homme (CG. R. de l'Académie des Sciences, t. LIX,
p. 429, 1864). Il venait insister devant la Société Sur l'existence et la re-
cherche des Bactéridies dans la pustule maligne (G. R., 4 série, €. I, p. 93,
1864).
Vous le savez, Messieurs, la vérité ne pénètre pas du premier coup dans
les esprits; les expériences de Davaine, répétées comme elles méritaient de
être, semblaient confirmées et admises, lorsque deux expérimentateurs,
Leplat et Jaillard, annoncèrent qu’ils n’avaient pas trouvé la Bactéridie chez
des vaches qui étaient mortes du charbon inoculé. J’ai assisté aux expé-
riences de Davaine, j'ai partagé ses perplexités. S’était-il trompé ? Il n'avait
avancé que lentement, pas à pas, et à coup sûr ! Aussi, analysant les sym-
ptômes morbides des animaux observés par ses contradicteurs, et se rendant
compte des conditions où ces derniers s’étaient placés, de la manière dont
ils avaient procédé, Davaine reconnut que ce n’était pas d’une maladie
réellement charbonneuse qu’avaient été atteints les animaux. Il n’hésita pas
à dire qu'ils avaient succombé à une maladie septique et différente. Entré
dans cette voie nouvelle, qui devait l’amener à séparer nettement le charbon
de la septicémie expérimentale, notre collègue fit paraître rapidement: Des
recherches sur la nature et la constitution de la pustule maligne (C. R.
de l’Académie des sciences, t. LX, p. 1296, 1865). — Examen du sang et
des organes d’un homme mort d'œdème malin ou charbonneux des pau-
pières (Archives de médecine, 6° série, t. VI, p. 407, 1865). — Sur la pré; ACAL La ;
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10 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
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sence des Bactéridies dans les animaux affectés de la maladie charbon-
neuse.— Recherches Sur une maladie septique de la vache regardée comme
de nature charbonneuse.— Note en réponse à une communication de Leplat
et Jaillard sur la maladie charbonneuse (G. R.; 4° série, t. IL, p.152,
1865, et G. R. de l’Académie des sciences, t. LXI, p. 334; t. LX, p. 1134,
ett. LXI, p. 334, 368, 523, 1865).
|
|
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;
Résumons ce qu'avait fait Davaine. En étudiant au microscope le sang
des animaux atteints du charbon, il y avait constaté la présence de vibrio-
niens, dépourvus de mouvements spontanés, qu’il avait nommés Bactéridies
et qu’il avait soigneusement distingués d’autres vibrioniens, analogues pour
la forme, qui se développent dans les matières animales en putréfaction. Le
caractère distinctif des Bactéridies était de se former pendant la vie de
l’animal malade et de disparaître par la putréfaction après la mort. Pour
Davaine, les Bactéridies jouaient un rôle capital dans la transmission des
maladies charbonneuses, soit entre les animaux, soit des animaux à l’homme.
Le sang frais, contenant des Bactéridies et inoculé aux petits mammifères tels
que lapins, cobayes, rats et souris, transmettait la maladie charbonneuse,
mais il perdait cette propriété dès que la putréfaction faisait disparaître les
Bactéridies. Comme contre-épreuve, Davaine avait vu que pendant la vie,
le sang de l’animal malade ne devient capable de transmettre le charbon
que du moment où les Bactéridies s’y sont montrées. Cette transmission
paraît indéfinie tant que le sang contient des Bactéridies.
Davaine concluait que les Bactéridies sont l’agent de transmission de la
maladie charbonneuse et que ces corpuscules sont en rapport constant avec
son inoculation et son développement. Chez les femelles pleines, les Bacté-
ridies ne se développent que dans le sang de la mère et non dans celui du
fœtus. Chez les animaux réfractaires à la transmission du charbon, chiens,
oiseaux, etc., le sang inoculé, quoique pourvu de Bactéridies, n’en développe
pas dans le sang de ces animaux.
Davaine prouvait, de plus, que la pustule maligne de l’homme est une
variété de la maladie charbonneuse, car elle renferme la Bactéridie et pro-
duit par inoculation le sang de rate chez les animaux. [1 en est de même
pour l’œdème malin des paupières.
Remarquez la netteté, la valeur et en même temps la mesure de ces
conclusions. Vous connaissez tous les progrès accomplis depuis ces pre-
miers points acquis à la science : les cultures de la Bactéridie et de ses
spores, les oiseaux prenant avec M. Pasteur le charbon dès que leur tempé-
rature est abaissée, mais Davaine avait entrevu les difficultés principales ;
il a été, comme le disait notre collègue, le professeur Henri Bouley, un
véritable initiateur. En présence de ces résultats, éclairant d’un jour nou-
veau l’étiologie et le mode contagieux des maladies charbonneuses des
animaux à l’homme, l’Institut décernait à Davaine le prix Bréant.
Au moment de la découverte des Bactéridies du sang charbonneux, la
tel nb doses
GC: DAVAINE. * 4
place de ces petits êtres dans la classification n’était pas rigoureusement
déterminée. Persuadé que la présence de ces Microbes, suivant l'expression
de Sédillot, n’était pas un fait isolé, Davaine entreprit d’étudier la famille
des Vibrioniens pour apprécier leur génération, ainsi que leurs propriétés
diverses. Il communiquait ses résultats à l’Académie des sciences :
Recherches sur les Vibrioniens (CG. R., t. LIX, p. 629, 1864) et les consi-
gnait dans l’article Bactérie, Bactéridie, du Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales. Les Vibrioniens avaient été regardés comme des
animaux, Davaine montra qu'ils ont plus de rapport avec les végétaux et
qu'ils doivent prendre place auprès des conferves. De plus, il reconnut
l'influence des milieux sur la vie de ces êtres et il disait : dans les milieux
différents, les Vibrioniens sont différents, quoique nous ne parvenions pas
à les distinguer ou à les différencier entre eux, à cause de leur extrême
petitesse. Leurs espèces, encore non caractérisées, ne peuvent se substituer
les unes aux autres. Pour obtenir de ces petits êtres quelque modification
dans un milieu, modification qui, dans l’économie animale, se traduit par
une maladie, il faut que l’espèce de Vibrionien introduite puisse s’y déve-
lopper. « Il faut, ajoutait Davaine, si l’on peut s'exprimer ainsi, qu’elle soit
normale à ce milieu »; nous dirions actuellement : il faut qu’elle trouve
un milieu de culture.
Ces données appliquées aux végétaux ont été fécondes. Davaine a reconnu
qu'une véritable maladie contagieuse pour les plantes grasses, telles que
les Mesembrianthemum,; Sempervirum, Stapelia, était déterminée par
les moisissures vulgaires, les Mucédinées qui se propagent sur les plantes
vivantes et les altèrent. Or les phénomènes morbides qu’elles provoquent,
désignés sous le nom général de Pourriture, tiennent à une véritable
maladie contagieuse. La maladie des Mucédinées se communique d’une
plante à l’autre, d’un fruit à un autre fruit, au contact par le mycélium,
sorte de virus fixe, et sans contact par les spores, sorte de virus volatil. La
plante ou le fruit sont préservés par l’épiderme; dès que celui-ci est
altéré ou enlevé, le champignon pénètre dans les tissus et détermine la Pour-
riture : Recherches sur la pourriture des fruits (G. R. de l'Académie des
sciences, t. LXIIT, p. 276).— Recherches sur la pourriture des fruits et
des autres parties des végétaux vivants (CG. R., t. LXIIE, p. 344, 1866).
La Pourriture végétale est variable dans ses caractères suivant la Mucé-
dinée qui la détermine. Jai vu Davaine produire, à ma demande et sans se
tromper, la pourriture blanche, où jaune, ou orangée, ou noire des fruits.
Il connaissait de longue date la coloration des petites masses de mycélium
et de spores; il insérait en toute connaissance de cause telle ou telle Mucé-
dinée, par inoculation véritable. En outre, il savait que telle ou telle espèce
était plus vorace que telle autre, et il substituait une pourriture jaune ou
noire à une pourriture blanche, sachant que par son développement rapide,
la Mucédinée nouvellement inoculée détruirait la première et envahirait
12 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Fensemble du fruit. Vous comprenez, sans que jy insiste, tout l'intérêt de
ces expériences et le jour qu’elles projettent sur les affections virulentes des
animaux et de l’homme. Sur nous-mêmes et sur les vertébrés supérieurs, les
troubles consécutifs du système nerveux, la dissémination rapide des Bac-
téries et des spores au moyen de la grande circulation, rendaient l'étude ex-
périmentale difficile ou incertaine. Chez les végétaux dépourvus de système
nerveux et d’une circulation active, les altérations organiques élémentaires
sont plus facilement appréciables, ainsi que l’établit Davaine dans ses
Recherches physiologiques et pathologiques sur les Bactéries (G. R. de lAca-
démie des sciences, t. LXVI, p. 499, 1868). Il y démontre qu’une espèce de
Bactérie produit une maladie contagieuse sur les Opuntia, Aloe, Stapelia ;
il précise le mode de génération de cette Bactérie qui ne peut être distinguée
que par ses propriétés physiologiques et dont les spores moléculaires
seraient, dit-il, des germes.
Vous vous rappelez, Messieurs, les discussions “qui ont eu lieu à l'Aca-
démie de médecine au sujet des maladies charbonneuses, lorsque Davaine
faisait part de ses observations sur l’inoculation des Bactéries. Jusqu'à lui,
les expérimentateurs s'étaient servis d’un instrument coupant qui, entre
autres inconvénients, ne permettait pas d'apprécier la quantité de virus
introduite dans les tissus. La seringue de Pravaz a permis de doser exacte-
ment cette quantité, en étendant la substance virulente avec une proportion
bien connue d’un liquide approprié.
Davaine prenait part au débat par ses communications nombreuses Su:
la nature des maladies charbonneuses (Archives générales de médecine,
6° série, t. Il, p. 253, 1868). — Rapport sur des recherches de Raiïmbert,
relatives à la constitution et au diagnostic de la pustule maligne. — Re-
production expérimentale de la pustule maligne chez les animaux (Bulle-
tin de l’Académie de médecine, t. XXXIII, p. 703, 721, 1868). La Société
de biologie avait la primeur d’Expériences ayant pour but de prouver que
les Bactéridies constituent seules le virus charbonneux (G. R., 5° série,
t. I, p. 88, 27 février 1869).
Davaine mélait du sang charbonneux avec une grande quantité d’eau
placée dans une longue éprouvette. Après un repos suffisant, il observait
au fond de l’éprouvette un dépôt de Bactéridies. Prenant alors, avec une
pipette, de ce liquide à des hauteurs différentes et l’inoculant à des co-
bayes, il constatait que les couches inférieures seules, où se trouvent les
Bactéridies, étaient aussi les seules qui donnaient le charbon. M. Pasteur
contrôlait ce résultat en filtrant le sang charbonneux sur du plâtre, ou bien
en éliminant par des cultures successives tous les éléments du sang virulent
autres que les Bactéridies.
Les Expériences relatives à la durée de l’incubation des maladies char-
bonneuses et à la quantité de virus nécessaire à la transmission de la
maladie (Bulletin de l’Académie de médecine, t. XXXIII, p. 816, 1868)
{
CG. DAVAINE. 119)
avaient montré que pour tuer un cobaye, il suffit d’un millionième de goutte
de sang infecté par les Bactéridies et que la durée de l’incubation, c’est-à-
dire l'intervalle de temps qui existe entre le moment de linoculation et
celui de l'apparition des phénomènes morbides, est en rapport avec la
quantité de virus inoculé.
L'année 1870, l’année terrible, venait d'arriver; elle ne ralentissait pas
l’ardeur de notre collègue. Il lisait à l’Académie de médecine un Rapport
sur un travail de Raimbert intitulé, Recherches sur la constitution et
le diagnostic de l’œdème malin (Bulletin de l’Académie de médecine,
t. XXXV, p. 50, 1870); il faisait part à la Compagnie de ses Etudes sur la
contagion du charbon chez les animaux domestiques. — Sur la genèse et
La propagation du charbon (Bulletin de l’Acad. de méd., t. XXXV, p.215 et
411, 1870), où il montrait que la contagion du charbon dans les troupeaux
peut avoir lieu par les Mouches. Ces insectes puisent le sang charbonneux
sur un animal malade et le transportent à un autre. Le suçoir des Taons et
même celui des Mouches ordinaires se chargent d’une quantité de virus
suffisante et le gardent assez longtemps pour que que deux ou même trois
jours après 1l puisse encore communiquer le charbon.
La variole faisait des ravages dans Paris encombré et allant être investi,
Davaine s’occupa d'Expériences relatives à un moyen de multiplier le
virus vaccinal (Bulletin de l’Acad. de méd., t, XXXV, p. 145, 1870).
Pendant le siège de Paris, Davaine devint médecin d’ambulances ; toute
recherche suivie fut suspendue, il n'avait plus à taire de la science expéri-
mentale, mais à soigner malades et blessés. Ne croyez pas que notre collègue
fût devenu absolument inactif et que le soir, ou plutôt la nuit, il soit resté
sans écrire. Mais vous allez être surpris, comme je l’ai été moi-même, en
apprenant qu'il avait composé, au milieu des calamités publiques, un ou-
vrage philosophique. Voici ce livre qu'il m'a donné et qui est connu d’un
bien petit nombre ; il a pour titre : Les éléments du bonheur (in-12, 143
pages, Grassart, Paris, 1871). Je connaissais mon ami comme médecin,
comme naturaliste, je ne le connaissais pas entièrement.
Davaine à voulu, conmme par antithèse,en ces temps malheureux, mettre
en lumière des questions trop généralement dédaignées ou ignorées. Il ap-
pelle la méditation sur les grands problèmes de la nature, sur les vérités
par lesquelles l’homme apprend à se connaître et à se conduire. L’homme,
dit-il, veut être heureux et n’est jamais satisfait de son sort. Qu'est-ce donc
que le bonheur auquel il aspire et qui le fuit toujours? On ne le reconnait
trop souvent qu'après l'avoir perdu. Quelles sont les conditions de ce bon-
heur? Celles qui ne feront pas regretter le passé, toutes celles qui assure-
ront notre avenir.
Vous connaissez, Messieurs, le tableau des misères humaines tracé par
Pline le naturaliste : «Il est permis de douter si la nature est pour l’homme
14 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
une bonne mère où un marâtre impitoyable. Seul parmi les animaux, le
jour de sa naissance, elle le jette nu sur la terre nue, le livrant aussitôt aux
vagissements et aux pleurs... Se trainer sur les genoux et sur les mains est
chez lui le premier indice de force, le premier bienfait du temps. Quand ce
débile quadrupède aura-t-il la marche d’un homme”? Quand en aura-t-illa
voix? Quand sa bouche pourra-t-elle broyer des aliments? Guidés par leurs
instincts, les animaux courent, volent ou nagent; l’homme ne sait rien sans
l’apprendre, ni parler, ni marcher, ni se nourrir, en un mot il ne sait rien
spontanément que pleurer ; aussi beaucoup ont-ils pensé que le mieux était
de ne pas naître ou d’être anéanti au plus tôt. »
« À l'homme, seul entre les animaux, a été donné le deuil, à lui le luxe,
à lui l’ambition, à lui l’avarice, à lui le désir immense de vivre, à lui la su-
perstition, à lui le soin de la sépulture et le souci même de ce qui sera après
lui! » Et cependant l’homme prétend au bonheur et le réclame comme
un droit. La vérité est qu'aucun ne l’a reçu en partage, il est l’œuvre de
chacun.
Davaine a examiné d’une manière élevée l’importance relative des con-
ditions du bonheur qui en sont en quelque sorte les éléments. Et d’abord,
de la santé, car la maladie entraîne l'incapacité et la souffrance. Les hommes
se sont toujours appliqués à éloigner la douleur ; de là l’origine de la mé-
decine.
Le nécessaire qui entretient la vie et la santé est indispensable au bon-
heur que ne donne pas la satisfaction de besoins factices, venus de l’éduca-
tion, des habitudes, des appétits particuliers. Le nécessaire s’acquiert par
letravail, qui est le plus noble emploi de nos facultés; c’est par le travail
que l’homme est devenu le conquérant du monde physique. Le nécessaire
se conserve par l’économie qui en perpétue les bienfaits à l'égard de l’indi-
vidu, de la famille et de la société. |
La sécurité est la garantie du bonheur. On ne peut être heureux si l’on
est dans l’inquiétude pour soi, pour sa famille ou pour son avenir. Qui tra-
vaillera, qui formera l’épargne, qui pratiquera les vertus domestiques et
sociales, si le fruit du labeur et de l’accomplissement des devoirs peut être
ravi d’un instant à l’autre? L'homme ne peut vivre isolé; si l’union fait la
force, elle fait aussi lasécurité. L'association des hommes entre eux a donné
la civilisation qui repose sur la notion des droits et des devoirs et que cou-
ronne la liberté. Un peuple qui veut être libre doit prendre le devoir pour base
de ses institutions. Pour avoir le benheur que nul ne peut accaparer, mais
que chacun pourrait presque toujours posséder ou donner, il faut élever notre
esprit au-dessus de l’égoïsme et savoir que dans la lutte pour existence, il
y a souffrance nécessaire. Finalement, Davaine répond à Pline : « La na-
ture n’est point pour l’homme une marâtre impitoyable. Au jour de sa nais-
sance, jeté nu sur la terre, il est reçu par sa mère qui le protège, ses vagis-
sements sont un langage qu’il adresse à celle qui lui a donné le jour... À
l’homme seul, entre les animaux, a été donnée la reconnaissance filiale, à lui
re
C. DAVAINE. 15
la noblesse des sentiments, à lui l'enthousiasme, à lui la générosité, à lui
la science, à lui le respect des aïeux et l'espérance de la vie future ! »
Je ne vous ai donné qu’une päle esquisse des pensées fortes, des expres-
sions justes, des sentiments délicats renfermés dans ce petit livre. Celui qui
s’exprimait si bien devait plaire par sa bonté, sa droiture, le charme de ses
relations. J’ai eu sous les yeux la correspondance de Davaine et j’en détache
quelques fragments pour vous montrer ce que lui écrivaient Rayer, Claude
Bernard et Pasteur.
Mon cher Davaine, nous avons des floriceps très curieux; les dessinateurs
sont en campagne. Si vous avez des yeux, du temps et un crayon, venez.
À vous, RAYER.
Mon cher ami, il me hâte de vous serrer la main et de vous embrasser
pour vous remercier de la bonne affection que vous avez pour moi et que je
vous rends bien, je vous assure.
Tout à vous, RAYER.
Mon cher ami, j'ai reçu vos Éléments du bonheur, je vous en remercie
et je suis content de voir que vous possédez votre sujet, c’est-à-dire que
vous êtes heureux, je voudrais pouvoir en dire autant. Mes amitiés à vous et
aux vôtres.
CLAUDE BERNARD.
Saint-Julien, 18 octobre 1871.
Mon cher collègue, si je ne partais pas demain pour la campagne et sice
départ ne m’avait beaucoup occupé cette semaine, j'aurais été vous voir et
causer de nos communes études. L'occasion s’en représentera. En attendant,
Je me félicite d’avoir été si souvent le continuateur de vos savantes re-
cherches. Tout à vous de sincère amitié.
L. PASTEUR.
Paris, le 23 juillet 1879.
Le siège de Paris terminé, chacun s’empressa de réparer les pertes
subies. Davaine, qui possédait une petite propriété sur les hauteurs de
Garches, près de la Celle-Saint-Cloud, la trouvait bouleversée par l’ennemi.
Le terrain disposé en pente renfermait de grands arbres; les principaux
avaient été abattus sur le point culminant pour établir une batterie prus-
sienne, car de là on apercevait Paris et même plus au loin, les collines de
l'Ouest. Davaine, ne pouvant remplacer les beaux arbres, fit bâtir sa maison
sur l'emplacement de la batterie, puis dans un endroit bien exposé il planta
une grande quantité de rosiers, qui prospérèrent d’une manière remar-
quable.
46 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BRIOLOGIE
Davaine s’échappait de Paris pour aller à Garches, y restant le plus pos-
sible, occupé de physiologie végétale, insensible à un soleil trop ardent ou
à une pluie pénétrante. Il avait la passion des rosiers et de leurs fleurs,
dont il avait réuni plusieurs centaines de variétés. [l les dirigeait lui-même
parce que les jardiniers les plus renommés les taillaient, disait-il, d’une
manière trop uniforme, sans se rendre un compte suffisant de leur végéta-
tion différente. Davaine arriva finalement à un résultat si complet, que plu-
sieurs jardiniers, d’abord incrédules, lui avouèrent n’avoir vu que rarement
dans les expositions horticoles des fleurs pareilles aux siennes et jamais de
plus belles, Et lorsqu'on demandait à Davaine comment il s’y était pris
pour faire mieux que les spécialistes émérites, il répondait avec son fin
sourire : J’ai observé.
C’est à Garches que Davaine expérimentait sur les plantes. A Paris, il
avait des lapins et des cobayes placés dans des caisses sous le vestibule de
l’hôtel d’un excellent ami, M. Adolphe d’'Eichthal. Que de fois nous avons
regretté ensemble un laboratoire bien outillé, bien pourvu.
Davaine avait repris ses travaux de prédilection. Ayant reconnu que le
sang charbonneux ne perd pas son pouvoir virulent lorsqu'il est étendu dans
une grande quantité d’eau, il étudia les propriétés des Bactéridies placées
dans des liquides qui ne peuvent plus être troublés, ni par la chaleur, ni
par les acides : Recherches relatives à l’action de la chaleur sur le virus
charbonneux (C. R. de l’Académie des sciences, t. LXVIT, p. 726, 1873).
D'autre part, il cherchait à déterminer quelle est la quantité d’une substance
antiseptique suffisante pour détruire le virus charbonneux dans un espace
donné : Recherches relatives à l’action des substances dites antiseptiques
sur le virus charbonneux (G. R. de l’Académie des sciences, t. EXVIT,
p. 821, 1875). L’ammoniaque est l’antiseptique reconnu le plus faible, et
l’iode, au contraire, le plus fort. Il applique ces données au traitement des
maladies charbonneuses. Rapport sur un mémoire de M. Raimbert, inti-
tulé : Du traitement du charbon chez l’homme par l'injection sous-cutanée:
de liquides antivirulents (Bulletin de l’Académie de médecine, 2° série,
t. IV, 1875); dans ses Recherches sur le traitement des maladies char-
bonneuses chez l’homme (Bulletin de l’Académie de médecine, 2° série,
t. IX, p. 757, 1880), il rapporte un grand nombre de faits de pustules ma-
lignes guéries par les injections sous-cutanées d’une solution d’iode, et
plusieurs cas d’œdème malin des paupières guéris de même, quoique cette
dernière maladie soit réputée toujours mortelle.
Davaine croyait fermement à la Bactéridie charbonneuse et à des Bacté-
ries diverses, comme agents virulents. Il avait si souvent observé que le
sang charbonnenx n’est actif que s’il renferme la Bactéridie ! En 1869, il
avait déjà examiné à ce sujet le sang de plus de six cents animaux. Mais
comment ces Bactéries agissent-elles ? Est-ce en se recouvrant, en se ver-
nissant pour ainsi dire, d’une humeur putride, comme le ferait toute autre
C. DAVAINE. 417
parcelle organique, et comme l’a si bien établi notre collègue, le profes-
seur Charles Robin, dans un travail «sur les états de virulence et de putridité
de la matière organisée » publié dans nos Mémoires de l’année 1863
(Mémoires, 3° série, t. V, p. 95)?
A mes questions pressantes sur ce sujet, Davaine répondait toujours en
attribuant aux Bactéries un rôle prépondérant, soit en s’emparant de
l'oxygène ou d’un autre corps du milieu où elles vivent, soit en sécré-
tant, en produisant une substance particulière nuisible. Il me rappelait
ce que j'avais vu moi-même au sujet des galles végétales causées par
des mycéliums ou par des larves d'insectes et dont la forme peut se modifier
quand le producteur est tué par un parasite (Mémoires, 4° série, t. V,
p. 217, 1869). Les Bactéries connues et à découvrir lui paraïssaient déter-
miner, par leur pénétration et leur multiplication chez les animaux et les
plantes, des maladies spéciales.
Depuis longtemps Davaine s’attachait à éclaircir la difficile question de
la septicémie, à l’aide des septicémies expérimentales. Déjà, dans ses
études de pathologie comparée, 1l avait fait l’examen anatomique et micro-
scopique de bestiauxet d’unaurochs morts du typhus contagieux : Recherches
sur le typhus contagieux des bêtes à cornes (Mémoire lu en 1866, à la
Société de biologie, et resté inédit). Dans les Remarques relatives aux
recherches de M. Sanson sur les maladies charbonneuses (C. R. de lAca-
démie des sciences, t. LXVIIE, p. 271, 1869), il établissait que, si le sang
charbonneux frais, inoculé à certains animaux, leur communique constam-
ment le charbon, ce même sang conservé perd plus ou moins rapidement
la faculté de transmettre la maladie. Cette différence tient à la putréfaction
qui détruit le virus charbonneux. Mais, en inoculant le sang charbonneux
putréfié, on détermine souvent une maladie rapide, virulente, très analogue
au charbon, quoique réellement différente, car elle ne s'accompagne jamais
de Bactéridies. Les expérimentateurs, ne connaïssant point les effets du
sang putréfié, ont souvent obtenu dans leurs expériences la septicémie
putride au lieu du charbon. Ai-je besoin de vous rappeler les résultats
anciens de Leplat et de Jaillard, et ceux plus récents des expérimentateurs
de Turin? Dans ses Recherches sur la septicémie et sur les caractères qui
la distinguent de la maladie charbonneuse (C. R. de l’Académie des
sciences, t. LXVIIT, p. 193, 1869), on trouve nettement tracés tous les
caractères qui séparent d’une manière certaine le charbon de la Septi
cémie.
Avec une activité infatigable, Davaine publia ses Recherches sur quel-
ques questions relatives à la septicémie (Bulletin de l’Académie de méde-
cine, 2° série, t. [, p. 907, 1872).— Suite des recherches sur quelques
questions relatives à la septicémie (ibid., €. I, p. 976, 1872). — Cas de
mort d'une vache par septicémie (ibid., t. 1, p. 1058, 1872). — Rapport
sur un mémoire de M. Onimus, relatif à l'influence qu'exercent les orga-
BI0LOG1E, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [, 9
18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
nismes inférieurs développés pendant la putréfaction sur l'empoisonne-
ment putride des animaux (ibid., t. IT, p. 464, 1873). — Observations sur
la septicémie chez l'homme (ibid., t. I, p. 124, 1873).— Suite des re-
cherches sur quelques questions relatives à la septicémie (Gibid., t. IE,
p. 487 et1272, 1873). Il montre l’augmentation de la virulence des matières
putrides après qu’elles ont été injectées à un animal vivant.
Cette augmentation vraiment extraordinaire de la virulence ne tient point
à quelque condition de l'organisme animal, car du sang normal, frais,
étant placé dans une étuve, à la température du corps des mammifères,
acquiert dans l’espace de quatorze à vingt-quatre heures une septicité égale
à celle du sang septicémique. La virulence du sang putréfié et celle du
sang septicémique n’augmentent pas par une putréfaction plus grande ou
plus longtemps prolongée. Elles s’atténuent, au contraire, et finissent
même par disparaître complètement après plusieurs mois.
La septicémie n’est autre chose, dit Davaine, qu'une putréfaction qui
s’accomplit dans l’organisme d’un animal vivant; son virus est une des
Bactéries qui se développent dans les substances qui se putréfient à l'air
libre.
L’empoisonnement par la saumure ayant été discuté à l’Académie de
médecine, Davaine, prenant part au débat, reconnaît que les accidents
survenant chez des animaux à la suite de l’ingestion de saumure dans leur
estomac étaient dus au virus septique renfermé dans cette saumure. Re-
cherches sur la nature de l’empoisonnement par la saumure (Bulletin de
l’Académie de médecine, 2° série, t. I, p. 1051, 1879).
Enfin dans un dernier travail, Recherches sur quelques-unes des con-
ditions qui favorisent ou qui empéchent le développement de la septi-
cémie (Bulletin de l’Académie de médecine, 2 série, t. VIIL, p. 121, 1879),
Davaine prouve que la température atmosphérique ayant une influence
certaine sur le développement de la septicémie, il faut de moindres doses
de virus, par une température élevée, pour produire la maladie chez le
cobaye, et de plus grandes dans le cas contraire. Dans les fortes chaleurs
de l’été, la septicémie devient contagieuse chez les lapins par le simple fait
de la cohabitation, ce qui n’arrive jamais dans la saison froide. Les animaux
qui semblent réfractaires à la septicémie peuvent prendre cette maladie
dans des conditions particulières ; le renard ne la contracte ni par l’ingestion
dans le tube digestif de substances septiques, ni par des injections sous-
cutanées, il la prend par l'introduction du virus dans le péritoine.
Nous trouvons ici toute la pensée de Davaine. Les connaissances acquises
sur la septicémie peuvent, affirme-t-il, donner des conceptions nouvelles
sur la formation de certaines maladies épidémiques et contagieuses. Le
virus de la septicémie, l’un des ferments de la putréfaction, existe en dehors
de l’économie animale, à la surface du sol ou dans les matières qui se
C. DAVAINE. 49
putréfient. Dans certaines conditions, une température élevée par exemple,
il prend une activité plus grande, ets’il pénètre à l’intérieur d’un organisme
animal apte à le recevoir, il s’y propage rapidement et le détruit.
On peut concevoir, de même, que le virus du typhus contagieux des bêtes
à cornes, celui de la peste, celui de la fièvre jaune, se reproduisant dans
certains terrains particuliers à la surface du sol, trouvent parfois par l’effet
de la saison, du climat, de l'humidité, des conditions qui lui donnent une
grande activité et le propagent chez les animaux ou chez l’homme. Ainsi,
conclut Davaine, pourraient apparaître dans certains climats les grandes
épidémies de ces maladies.
L'Académie des sciences décernait à Davaine, en 1879, le prix de phy-
siologie fondé par Lacaze, et le professeur Charles Robin, rapporteur, faisait
ressortir le mérite de l’ensembie des travaux couronnés. Toutes les re-
cherches, même de date ancienne, et « sources de tant d’autres sur la septi-
cémie et les maladies charbonneuses, partent d’observations et d’expé-
riences physiologiques conduites avec une méthode qui ne laisse guère
place à la critique; elles rappellent celles de son maître et ami le toujours
regretté Claude Bernard ». Pendant cette même année 1879, la Société
nationale d'agriculture de France donnait à Davaine, sur le rapport du
professeur Henri Bouley, le prix fondé par M. de Béhague.
Depuis peu de temps seulement je connais, grâce à M. l’inspecteur
général Gavarret, l’opinion émise par un maître éminent sur Davaine, et je
tiens à vous la dire. Un mardi matin, à l’hôpital de la Charité, Andral
s’exprimait à peu près en ces termes : J’ai entendu hier, à l’Académie,
une communication qui m’a frappé. L’auteur, un des élèves de Rayer, est
aux prises avec une grosse question. Il ouvre une voie au bout de laquelle
seront des applications importantes pour la pathologie comparée et peut-
être humaine ; il éclaire singulièrement l’étiologie des maladies charbon-
neuses. Je pense à refaire sur les sujets traités par Davaine mon éducation
médicale. Après un moment de silence, Andral ajouta : Les Bactéries
amèneront un jour Davaine à l’Institut.
Messieurs, la prédiction d’Andral a été près de se réaliser. Un de nos
membres, le professeur Gosselin, avait fait ressortir le mérite de Davaine,
du savant qui à fait faire des progrès à la médecine, en utilisant pour l’étude
des maladies et de leur traitement les connaissances qu’il avait acquises en
anatomie et en zoologie, de celui qui était arrivé à une découverte qui à
illustré son nom. Il caractérisait bien ce travailleur si modeste, qui n’a
recherché ni les places, ni les distinctions, mais qui a consacré sa vie à des
travaux scientifiques, n’ambitionnant d’autre honneur que celui de bien
faire et d’être utile. Quelques voix seulement ont manqué à Davaine pour
qu'arrivant à l’Institut, il occupât le siège de Bouillaud. Mais il avait marqué
sa place, et son heureux compétiteur, notre Président, car la lutte se passait
20 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
entre membres de la Société de biologie, ne nous a pas laissé de doutes
sur un résultat favorable, définitif. Vous vous rappelez en quels termes
dignes et affectueux le professeur Paul Bert s’est exprimé sur Davaine
quelque temps après la lutte, en faisant part à la Société de la perte qu’elle
venait d’éprouver. Il aurait certainement aidé le vaincu de la veille pour
en faire le vainqueur du lendemain.
La santé de Davaine, très bonne jusqu'alors, avait été atteinte tout à
coup et profondément. Un néoplasme abdominal s’était manifesté. Davaine
supporta son mal avecun calme stoïque ; il consolait sa femme et lessiens,
s’abandonnant parfois aux effusions d’une tendresse ordinairement con-
tenue, et qui rendaient la séparation encore plus cruelle. Il succomba le
14 octobre 1882, à Garches, dans les bras de son fils et de son neveu.
Davaine était de taille moyenne, maigre, avec le visage allongé, encadré
d’un collier de barbe et de longs cheveux bruns; les mains longues et
adroites. Le teint était coloré, le front haut, le nez droit. La bouche, fine
et prête à sourire, surmontait un menton proéminent, signe de fermeté.
Ses yeux bons regardaient fixement et franchement. Tel je l’avais connu à
la Charité, dans le service de Rayer, tel il était resté toujours, très soigneux
de sa personne, simple et distingué; ses cheveux seulement avaient un peu
blanchi.
Arrivé à la fin de ma tâche, je suis sûr, Messieurs, que vous avez partagé
mon émotion quand j'ai essayé de rendre un hommage mérité à la mémoire
de Davaine. J'ai beaucoup appris de lui et je m’estime heureux d’avoir pu
lui servir d'aide pour plusieurs de ses expériences. Je sais d’ailleurs que,
dans notre Société de biologie, le nom de Davaine sera toujours accueilli
par le regret affectionné des anciens, le respect des nouveaux et, dans le
monde savant, par la sympathie universelle.
DE LA
BRIDE MANCULINE DE VENTIBULE CHEZ LA FEMME
ET DE
L'ORIGINE DE L’HYMEN
A PROPOS D'UN CAS D'ABSENCE DU VAGIN, DE L'UTÉRUS ET DES OVAIRES
CHEZ UNE JEUNE FILLE, ET D'UN PSEUDO-HERMAPHRODITE MALE
Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 16 février 1884
Par le docteur S. POZZI
Agrégé, Chirurgien de l'hôpital de Lourcine.
Je me suis engagé, dans une précédente séance (26 janvier), en vous présen-
tant un pseudo-hermaphrodite mâle (voy. le Bulletin, p. 42) à revenir sur
quelques points intéressants soulevés par l’étude de ce curieux sujet (1). Je
(1) Depuis cette présentation, a paru dans la Gazette des hôpitaux du 2 février
une leçon clinique sur ce même individu. Elle contient, au point de vue de l’ob-
servation, quelques légères inexactitudes que je dois signaler pour tirer d’em-
barras ceux qu’elle aurait frappés :
1° Il existe un prépuce très caractérisé, bien qu’ouvert inférieurement pour
livrer passage à la bride. Cela lui donne sur les côtés l’aspect d’un capuchon,
mais en haut rien ne le distingue d'un prépuce normal.
2° La surface vestibulaire ne m'a présenté, à un examen réitéré, aucun orifice
glandulaire.
3° J1 m’a été impossible de savoir si c’est par le méat urinaire que s’écoule le
sperme; le sujet ne peut rien affirmer, il faudrait un examen direct au moment
de l’éjaculation. Toutefois ce que l’on sait par l'étude de cas analogues permet
presque d'affirmer que l’émission du liquide spermatique se fait au fond de la
dépression pseudo-vulvaire où s’ouvrent sans doute à la fois l’utricule pros-
tatique et les conduits éjaculateurs. On sait qu'ici elle est masquée par un
hymen.
4° Dans la leçon que je cite, il est parlé d’un examen du sperme fait dans le
laboratoire du professeur Robin et qui, en outre de nombreux « granules muqueux»
et « cellules testiculaires » aurait présenté pour une dizaine de préparations
« deux spermatozoïdes immobiles, mais bien conformés, munis d’un renflement
« céphalique et de dimensions normales ». Une seule constatation positive suffirait,
quoique bien surprenante dans un cas analogue à la cryptorchidie, comme
celui-ci. Voici la Note que M. le professeur Robin a bien voulu me remettre
29 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
désire aujourd’hui poser devant vous la question de l’originede l'hymen, en
appuyant les considérations que je vais vous soumettre sur l’examen d’un
nouveau cas tératologique placé sous vos yeux. En voici, tout d’abord, la
rapide description :
OBs. — Jeanne B..., âgée de dix-neuf ans, domestique, est entrée dans mon
service à Lourcine, atteinte à la fois d’uréthrite blennorrhagique et d'accidents.
syphilitiques (plaques muqueuses). Il est cependant facile de se convaincre à une
première exploration, qu’elle possède une membrane hymen intacte et qu’elle
n’a pas de vagin. Des tentatives de coîït répétées sont restées infructueuses et
n’ont eu d’autre effet que de la rendre doublement malade.
Je vais donner successivement le résultat de l’examen : 1° pour les parties.
génitales externes, 2° pour les parties internes.
1° Bassin bien conformé, largeur normale.Les seins sont assez volumineux.
Toutes les parties génitales externes présentent leur développement ordinaire.
Mont de Vénus accusé, système pileux développé. Les petites lèvres sont un
peu exubérantes et se terminent sur un capuchon long et flasque (il y a des.
habitudes avouées de masturbation). Clitoris un peu au-dessus de l’ordinaire et
sensiblement bifide. La bandelette que nous décrirons plus loin sous le nom de
à la suite d’un examen qu'il a pratiqué sur le sperme une heure après son
émission :
« Produit de l’éjaculation de l’hypospade. — Il est entièrement composé :
» 1° Des gouttes de substance demi-liquide que j'ai décrites (Leçons sur les.
humeurs, 2° édition, p. 443 et 458) réfractant assez fortement la lumière, avec
reflets roses ou légèrement jaunâtres ; elles sont remarquables ici par la manière
dont elles s’étirent diversement sans se souder les unes aux autres, bien qu’elles.
se touchent en minces et longs filaments, épais de 0",01 et même moins, alors que.
la plupart sont régulièrement sphériques ou ovoïdes, plus ou moins allongées
en changeant de dimensions selon les manières dont elles se pressent dans la
préparation.
» 2 Ces gouttes, représentant les 9/10 environ du liquide éjaculé, sont mêlées.
de quelques filaments plus ou moins larges, striés de mucus, que l’acide acétique.
rend plus striés encore et tenaces.
» 3° On trouve de plus rares leucocytes peu ou pas granuleux.
» Il n'existe pas de spermatozoïdes.
» Par le refroidissement, il ne s’y est pas formé de cristaux de phosphate de-
magnésie et de chaux.
» J'ajoute que le sperme était peu abondant et à peine visqueux. »
5° Notre sujet est très intelligent, son état mental ne présente rien de spécial:
vauf une grande vivacité d’allures et d'impression. Il a un léger clignement ner-
seux qui s'accentue sous l'influence de l'émotion, mais sans prendre les propor-
tions d’un véritable tic. Sa moralité parait aussi avoir été caractérisée trop sévè-
rement. Il n’a fait de tentative de coït qu'avec une seule femme, et il est épris.
d’une jeune fille pour le bon motif : c’est même le désir de l’épouser qui le pousse-
à demander la rectification de son état civil. IL n’a nulle incontinence de sperme,
mais seulement des pollutions nocturnes qui ne paraissent avoir rien d’excessif..
SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 93
bride vestibulaire est très manifeste et offre une légère encoche sur la partie
latérale droite, comme si elle était décollée ou déchirée en ce point. Méat uri-
naire saillant; sur ses parties latérales viennent se terminer les extrémités d’une
membrane hymen, parfaitement intacte, et dont les bords offrent une hauteur
d’à peu près 1/2 centimètre. En les écartant fortement on aperçoit le fond imper-
foré du canal vulvaire, qui présente un aspect blanc nacré et réticulé. Le stylet
promené sur toute cette surface, ne pénètre dans aucun orifice. Fourchette nor-
male. Périnée idem.
2 Organes génitaux internes. — Le toucher rectal ne montre aucun vestige
d’utérus. Le doigt poussé le plus haut possible et ramené en avant, arrive direc-
tement sur le pubis. Cet examen répété avec le cathétérisme, donne un résultat
conforme; le doigt placé dans le rectum, perçoit partout le bec de la sonde. Les
apparences de la puberté (développement des parties génitales externes, des seins
et des poils) sont apparues à l’âge de douze ans. Il n’y a jamais eu le moindre
écoulement sanguin par la vulve, ni aucun des phénomènes réflexes concomitants
de l’ovulation. Il ne paraît donc pas y avoir d’ovaires.
Les faits d'absence d’utérus et de vagin sont nombreux dans la science.
Il est péremptoirément établi qu’ils sont dus à l’arrêt de développement
des conduits de Müller. Je ne veux pas revenir sur un sujet aussi rebattu.
Je ne désire retenir de cette observation qu’un point qui n’a pas jusqu'ici
été mis en lumière et qui me paraît capital. C’est l’existence d’une mem-
brane hymen parfaitement conformée et offrant ses dimensions normales,
coïncidant avec le développement régulier de la vulve et l’absence du
vagin.
Pour bien vous montrer l'intérêt de cette observation, il est indispensable
que je vous rappelle les discussions récentes auxquelles a donné lieu lori
gine de cette membrane.
Il faut avouer que cette question n’avait pas été très agitée jusqu’à ces
derniers temps ; les auteurs admettaient généralement que l’hymen était dû
à un repli de la muqueuse vaginale, soit qu’il était formé par l’adossement
de la muqueuse vaginale et de la muqueuse vulvaire (1), et ne s’expli-
quaient pas plus nettement sur ce petit point d’embryogénie. M. Budin,
dont l'opinion paraît concorder avec celle de Henle, est venu lui donner
une grande précision par les recherches originales qu’il vous a com-
muniquées il y a quatre ans (2). Voici le résumé des conclusions aux-
quelles il a été amené par la dissection d’une petite fille et l’étude d’un
fœtus de quatre mois : € On pouvait donc, dit-il, considérer le vagin comme
un véritable doigt de gant, présentant à son extrémité antérieure un orifice
circulaire, et c’est l'extrémité perforée de ce doigt de gant qui, venant s’in-
sinuer et sortir entre les petites lèvres, constituait ce qu’on appelle l’hy-
(1) Courty, Trailé pratique des maladies de l'utérus, 3 édition, Paris, 1881,
p. 64.
(2) Budin, Recherches sur l’hymen et l'orifice vaginal (Soc. de biol., Progrès
médical et Tirage à part, Delahaye, 1879).
[Ro]
CS
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
men. » Et ailleurs: «Ainsi donc l’hymen, en tant que membrane propre,
spéciale, distincte, indépendante, n'existe pas. La membrane qui apparaît
sous les yeux lorsqu'on examine les organes génitaux, et qu'on a décorée du
nom d'hymen, n’est autre chose que l’extrémité antérieure du vagin faisant
saillie sur la muqueuse vulvaire entre les petites lèvres. [Il résulte de cette
disposition que la définition de l’orifice vaginal doit être modifiée. On ne
peut donc plus dire que € la circonférence externe ou circonférence d’in-
» sertion de l’hymen constitue la limite exacte du vagin, le pourtour de l’ori-
» fice vaginal » (Math. Duncan). C’est plus en avant, au niveau de la cir-
couférence interne de l’hymen, qu'il faut reporter l’orifice du vagin. L’orifice
vaginal n’est autre chose que l’orifice hyménéal lui-même. » Plus loin, à
propos du développement, M. Budin s'exprime ainsi: « Au fur et à mesure
que le fœtus se développe et avance en âge, l’orifice vaginal se rapproche de
l’orifice vulvaire limité par les petites lèvres ; il arrive bientôt à son niveau
etarrive même à le dépasser. On pourrait presque comparer la façon dont
l'extrémité antérieure du vagin pénètre dans le canal vulvaire à la saillie
que fait Le col de l’utérus dans le vagin. Le vagin entraine avec lui l’urèthre
qui lui est adhérent. C’est lorsque le vagin s’est ainsi avancé à travers l’ori-
fice limité par le bord interne des petites lèvres que l’hymen devient appa-
rent, et plus le vagin fait saillie, plus il semble développer ce qu’on appelle
la membrane hymen. »
Les citations précédentes présentent avec une grande lucidité la concep-
tion séduisante de l'auteur. Je ne m'arrêterai pas à discuter ce que cer-
taines de ses assertions ont de contestable, notamment l'erreur relative
à la solidarité embryologique de l’urèthre et du vagin, «celui-ci entrai-
nant celui-là qui lui est adhérent (1). » Je ferai grâce également à
M. Budin de toute querelle sur la valeur douteuse de la solidarité gros-
sière entre l’hymen et le vagin, décelée par la dissection qui a été l’origine
de son mémoire. En anatomie philosophique, rien n’est trompeur comme
le scalpel. Je n’ai pas non plus l'intention, dans cette note, de me baser
sur le résutat d'observations embryologiques. Il ne m’a pas encore été pos-
sible de poursuivre assez loin celles que j’ai commencées pour pourvoir
démontrer ainsi, comme j'espère pouvoir le faire, la distinction pri-
mitive, originelle, entre l’hymen, dépendance des bords du sillon uro-
génital, et le vagin, formé par la fusion et le développement des conduits de
Müller, l’un provenant de la formation qu’on a appelée extérieure, l'autre
de la formation intermédiaire. C’est sur un autre ordre de faits que je vais
me baser, c’est sur un autre terrain que je vais porter la question. Aussi
bien, n’est-ce pas celui dont Geoffroy Saint-Hilaire a montré la valeur pré-
dominante dans les recherches de cet ordre ? — Je tàcherai aujourd’hui
(1) L’urèthre en entier chez la femme, la portion prostatique du canal de lu-
rèthre chez l’homme, se développent aux dépens du sinus uro-genitalis. Le
vagin, il est inutile de le rappeler, se développe aux dépens des conduits de Müller.
s
L
L.
L
|
È
SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 95
d'interpréter devant vous les dispositions normales avec le seul aide de
certaines variations tératologiques.
Dans l’observation actuelle il y a eu manifestement avortement complet
de la formation intermédiaire (vagin) et développement intégral de la for-
mation extérieure (vulve); or nous trouvons un hymen normal. N'est-ce
pas une forte présomption, pour ne pas dire plus, en faveur de l’origine
extérieure de l’hymen ? Pour échapper à cette conclusion naturelle, il faut
faire la supposition peu admissible que, tandis que tout le vagin avortait
supérieurement, il se développait juste assez en bas pour donner lieu à la
dépression légère que nous avons signalée en arrière de l’hymen, et à cette
membrane elle-même. Mais ce fait est formellement en désaccord avec ce
que nous savons de l’évolution de la cavité vaginale aux dépens des conduits
de Müller, qui procède toujours de haut en bas (1). Si donc une portion de
ces conduits avait échappé à l’atrophie, c’eüt été plutôt la partie supérieure
que l’inférieure. — L’explication suivante est bien plus légitime : le petit
infundibulum qui occupe, chez cette femme, l’entrée de la vulve, est produit
par le sinus uro-genitalis que Valentin avait si justement proposé d'appeler
canal (canalis) wrogénital, que S. Müller appelait conduit (ductus) et
que MM. Tourneux et Legay désigneraient volontiers sous le nom de canal
vestibulaire. Toutes ces dénominations prouvent surabondamment qu’il y a
dans le sinus plus qu’une fente — une véritable cavité, — dont nous ren-
controns ici le vestige.
J'insiste sur cette particularité capitale, méconnue par les anatomistes,
qui ont trop fortement réagi contre l'opinion fausse de Rathke, pour lequel,
on le sait, toutle vagin résultait d’un bourgeonnement du sinus uro-génital.
11 ne faut pas tomber dans l'excès contraire et refuser au sinus uro-génital
en avant, pour le vagin, le rôle qu’on lui accorde sans conteste en arrière
pour le rectum, dont tout le monde admet la formation mixte par abouche-
ment d’un canal anal avec le canal rectal proprement dit (les malformations
congénitales mettent ce fait hors de doute). Au point de vue du mode de
formation et par suite en anatomie philosophique, il paraît aussi indispen-
sable de distinguer deux régions dans le vagin: l’une, supérieure; qui consti-
tue la totalité de l’organe ainsi nommé en anatomie descriptive, c’est le
vagin supérieur ou #ullérien, si l’on me permet cette expression; l’autre,
région inférieure, presque insignifiante au point de vue de ses dimensions,
confondue dans la description ordinaire avec la vulve dont elle constitue le
vestibule, la fosse naviculaire et le pourtour; c’est en réalité un véritable
vagin inférieur ou uro-génital que ce canal vulvaire, véritable homologue
(1) Cf. Richard Geigel, Uber Variabilität in der Entwicklung der Geschlechts
organe (Verhandl. der phys. med. Gesellschaft zu Wurzburg, N. F., XVII Bd), —
F. Tourneux et Ch. Legay, Note sur le développement de l'utérus et du vagin
{Comptes rendus Soc. de biologie, 1884, 26 janvier, p. 46).
. 26 MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
de la portion membraneuse de l’urèthre de l’homme, et dont la distinction
éclaire d’un jour singulier la comparaison des organes des deux sexes.
Seul il existe chez notre femme. D’après la définition que je viens d’en
donner, on voit que ce n’est que la partie cavitaire de la vulve : il n’y a
pas chez elle le moindre vagin, au sens ordinaire du mot, mais seulement
une vulve à laquelle l’hymen est annexé.
C’est ici le lieu de revenir quelque peu, en la rapprochant de la précé-
dente, sur la disposition des parties génitales externes chez notre pseudo-
hermaphrodite précédemment présenté devant vous. Ces deux sujets
sont absolument comparables au double point de vue de l’absence de déve-
loppement des conduits de Müller (remplacés chez lui par le développement
des canaux de Wolff), et de l’arrét de développement en type féminin du
sinus uro-génital. — (En effet, pour le dire en passant, la femme, au point
de vue de ses organes génitaux externes, n’est-elle pas une véritable hypo-
spade ?) — L’argument est le même que dans le fait précédent, mais offre
une force plus grande encore : pas de développement des canaux de Müller,
pas de vagin chez cet homme, et pourtant un hymen, bordant la vulve,
qu'il a gardé comme un legs de sa vie embryonnaire. Qu'est-ce à dire,
sinon que l’hymen n’a rien à faire avec le vagin proprement dit ?
Mais là ne va pas s'arrêter l’enseignement de ce fait instructif : Nous
avons vu par Jui ce que l’hymen n’était pas; il va faire plus, et nous mon-
trer ce qu'il est.
Etudions en effet chez cet hypospade les connexions de la membrane
hymen. — Après avoir formé un anneau complet autour de l’orifice vulvaire,
elle se continue manifestement avec deux bandelettes charnues qui entou-
rent le méat urinaire d’une sorte de boucle formant un 8 de chiffre avec
celle que figure l’hymen ; au-dessus de l’urêthre, ces bandelettes se juxta-
posent et se continuent sous la forme d’une bride saillante et légèrement
cannelée en son milieu, qui correspond manifestement à la paroi supérieure
de la portion pénienne de l’urèthre, non développée. La bride se termine au
niveau du sommet imperforé du gland, et sa rainure médiane présente en
ce point un léger évasement, qui correspond à :a fosse naviculaire absente.
Cette bride, qui a souvent sollicité l'intervention des chirurgiens par la gêne
qu’elle apporte à l'érection et par :es matériaux qu’elle offre pour la re-
constitution d’un canal pénien, a pour cette raison été souvent figurée et
décrite; aucun auteur ne s’est mépris sur sa signification évidente; elle est
le vestige du corps spongieux arrêté dans son développement anatomique
et histologique, ne s’étant pas constitué en canal et n’étant pas devenu
érectile. On sait effectivement qu’à l’état fœtal les deux bords du sillon
uro-génital qui seront les futurs corps spongieux, ne renferment pas de
üssu érectile; tout récemment encore Wertheimer (1) a vérifié ce fait
sur des fœtus de quatre à cinq mois. |
(1) E. Wertheimer, Recherches sur la structure et le développement des.
organes génitaux externes de la femme (Journal de l'anatomie de Ch. Robin,
1883, p. 551).
SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 97
Or, nous l’avons vu chez notre hypospade, la bride se divise au niveau du
méat urinaire pour se reconstituer au-dessous de lui en formant l’anneau
membraneux de l’hymen. li est difficile d'échapper à cette déduction, tirée
de connexions aussi manifestes : si la bride est le vestige des corpsspongieux,
l’hymen est le vestige de leur renflement postérieur, c’est-à-dire du bulbe
où le tissu érectile ne s’est pas, non plus, formé par suite du même arrêt de
développement.
Est-il possible de retrouver chez la femme vierge l'indice de ces con-
nexions qui nous sont présentées grossies pour ainsi dire, ou plutôt, pour me
servir d’une expression technique, grandies, chez cet hypospade, lequel, au
point de vue de ses organes génitaux externes, est un véritable embryon
démesuré ?
J’ai recherché soigneusement le fait sur des enfants nouveau-nés et deux
jeunes filles vierges actuellement dans mes salles. Cette recherche m’a
amené à la découverte d’une particularité anatomique non encore signalée,
je crois, et qui n’est pas dépourvue d’intérêt.
Si l’on examine les organes génitaux externes de la femme en écartant
très légèrement et sans traction les petites lèvres, et relevant le mont de
Vénus de façon à tendre modérément le vestibule, on voit à un bon éclairage
se dessiner nettement, entre le clitoris et le méat urinaire, un petit organe
qui rappelle d’une façon frappante la bride de l’hypospadias. On dirait une
mince bandelette, à fleur de peau, succédant aux deux petites colonnes
charnues qui circonscrivent latéralement le méat urinaire. Sa largeur est
de 4 à 6 millimètres; son épaisseur est trop minime pour pouvoir être
appréciée; elle paraît si bien incrustée dans le derme de la région vestibu-
laire, qu’elle ne produit pas le moindre relief. Elle s’y distingue pourtant
aisément chez presque toutes les femmes, surtout chez celles dont la vulve
n’a pas été déformée par de nombreux accouchements. On la reconnait sur-
tout par sa teinte un peu plus blanche que celle des tissus avoisinants et
par la netteté rectiligne des bords qui la limitent, bien différents des sillons
irréguliers produits par le plissemeut de la muqueuse. — Sur l'enfant
nouveau-né elle offre une netteté remarquable et un certain relief; c’est
là que je conseille de la rechercher tout d’abord. — Ses rapports avec le
méat urinaire ne sont pas moins importants que ceux qu'elle affecte avec
l’orifice vulvaire. [ls rendent compte de la solidarité depuis longtemps
signalée et non interprétée entre l’hymen et le méat : ainsi s'expliquent les
franges du méat coïncidant avec la disposition frangée de l’hymen (voy. la
figure de Luschka dans les Leçons cliniques sur les maladies des femmes,
T. Gallard, Paris, 1879, p. 113 ; celle du cas de Ledru dans Courty, loc.
cil., p.112). Ainsi s'expliquent aussi les faits d’oblitération du méat par une
membrane dépendant de l’hymen (voy. article MemBRanE du Dict. de
Nysten dans toutes les éditions rédigées par Littré et Robin depuis 1855).
Afin de désigner cette disposition par un mot qui rappelle à la fois sa
situation et sa signification morphologique, je propose de l’appeler bride
28 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
masculine du vestibule. Je sais bien toutes les critiques qu’on peut adres-
ser à cette épithète de masculine: elle a, du moins, le mérite de rappeler
clairement l’homologie de ce petit vestige avec ce qui constitue chez
l’homme une si importante portion des organes génitaux externes.
F1G. 1.— Organes génitaux externes d’un homme hypospade (pseudo-hermaphrodite mâle).
gl, gland. — yl, grandes lèvres. — pl, petites lèvres. — mu, méat urinaire.
ov, ouverture vulvaire. — hy, hymen. — f, fourchette. — b, bride.
Chez la vierge, les connexions de cette bride masculine avec l’'hymen sont
exactement celles de la grosse bride de notre hypospade. Il est impossible
:° 2". de les méconnaître. La bride se divise à la manière des branches d’un Y
SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 20
renversé au niveau du méat urinaire, formant autour de lui un relief qui
renforce le tubercule de l’urèthre et qui se continue directement en bas
avec la partie supérieure de l’hymen.
Il est intéressant de comparer à ce point de vue spécial l’hypospade et
la jeune fille imperforée. Ghez elle aussi, en arrière de l’hymen, on trouve
NA
1)
UE
=
FIG. 2. — Organes génitaux d’une jeune fille privée de vagin, d’utérus et d’ovaires
gl, grandes lèvres. — pl, petites lèvres. — mu, méat urinaire. — ov, ouverture
vulvaire. — hy, hymen. — f, fourchette. — b, bride.
uu petit cul-de-sac, vestige du sinus uro-génital. Mais, tandis que tout ce
qui est situé au-dessous du méat urinaire, chez notre temme, représente
les mêmes parties de notre homme, vues pour ainsi dire avec un verre
rossissant, la proportion est inverse pour ce qui est situé au-dessus du
méat, bride et clitoris minuscules comparés à la bride et à la verge clilori-
30 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dienne de l’hypospade. Les connexions amplifiées chez l’un n’en sont pas
moins reconnaissables chez l’autre.
Pour compléter mes études sur ce sujet, j’ai entrepris une double série
de recherches anatomiques :
1° Sur l'embryon, pour déterminer par des coupes l’indépendance de la
formation de l’hymen et de celle de l’évolution terminale des canaux de
Müller ;
2° Sur des enfants et des adultes, pour disséquer la bride masculine du
vestibule et montrer ses rapports avec l’hymen.
Ces recherches ne sont pas encore assez avancées pour que je puisse vous
en communiquer le résultat complet aujourd’hui. Cependant sur ces pièces,
obligeamment préparées par M. Poirier, prosecteur de la Faculté, vous
pouvez prendre une bonne idée de la bride vestibulaire chez l'adulte. — Sur
ce fœtus nouveau-né elle est des plus visibles sans dissection.
Si j'ai cru devoir devancer la fin de mes recherches pour vous les sou-
mettre, c’est d’abord pour ne pas mettre un espace exagéré entre deux
présentations connexes, ensuite parce que J'ai désiré vous donner la pri-
meur de leurs résultats et m’assurer la priorité pour ce qu’elles peuvent
avoir de nouveau.
Je résumerai rapidement les résultats auxquels elles m'ont conduit :
1° L’hymen est une dépendance de la vulve et non du vagin ; cette mem-
brane est formée aux dépens du sinus uro-génital, qui forme aussi le court
canal vestibulaire qui constitue le seuil du canal vaginal. Nous observons
l’hymen et le canal vestibulaire chez notre femme et chez notre hypospade
dépourvus l’un et l’autre de vagin et d’utérus.
2 C’est par suite d’une fausse homologie qu’on a donné le nom de bulbe
du vagin à la partie inférieure et renflée du riche plexus vasculaire qui
occupe toute la hauteur de ce canal, ainsi que l’a démontré Kobelt (1) et
vérifié M. Rouget. Il n’y a pas lieu de distinguer là un organe distinct et on
ne saurait l’assimiler au bulbe de l’urèthre de homme.
Les corps spongieux de l’urèthre (homme) ne sont pas davantage com-
parables aux petites lèvres (femme) (2). En effet, chez notre hypospade, il
existe à la fois des petites lèvres parfaitement caractérisées et des corps
(1) Kobelt, Die männlichen und weiblichen Wollustorgane, Freiburgi B,
1884.
(2) Opinion qui semblerait résulter de cette phrase du récent article de M. Wer-
theimer : «Les deux bords du sillon génital, on le sait, deviennent le corps spon-
gieux de l’homme, et les petites lèvres de la femme » (Recherches sur les organes
génitaux externes de la femme in Journal de l'anatomie, décembre 1883,
19 année, p. 564). Peut-être l’auteur a-t-il simplement voulu dire que ces
organes se développent au même point sans vouloir spécifier une homologie
réelle : en ce cas la védaction prête à confusion.
sante mt honte Été be Cond ot de EURE ain ant dede re dMlé lS
mbaéhitant.
pe
SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 31
spongieux très marqués, quoique atrophiés sous forme de bride. Les corps
spongieux sont le résultat d’une formation spéciale le long du bord du
sinus uro-génital, bord dont le revêtement externe se développe en grande
lèvre et le revêtement interne en petite lèvre chez la femme (ou l’hypo-
pade); tandis que par sa soudure il constitue chez l’homme le raphé médian
et la cloison des bourses.
3° Un examen attentif décèle dans la région vestibulaire de la femme,
entre le clitoris et le méat, une petite bride large chez l'adulte d’un demi-
centimètre, reconnaissable à la netteté rectiligne de ses bords, marquée
d’une rainure médiane et divisée inférieurement pour entourer le méat
urinaire. Quand lhymen existe, elle paraît se continuer manifestement avec
cette membrane. Je propose d'appeler cette bandelette décrite ici pour la
première fois, bride masculine du vestibule pour indiquer ses homolo-
gies.
4° L’étude de la bride balano-uréthrale signalée dans les cas d’hypo-
spadias et en particulier celle du cas qui vous a été soumis, révèle des con-
nexions identiques pour cette grosse bride et pour la bride atrophiée du
vestibule féminin. Elle montre en particulier sa bifidité évidente au niveau
du méat urinaire et sa continuité avec l’hymen qui ourle ici l'orifice-pseudo-
vulvaire. Or, chez l’hypospade, il est clair jusqu’à l'évidence que la bride
est un vestige du corps spongieux resté à l’état embryonnaire (où il est
dépourvu de tissu érectile). Donc l’hymen de l’hypospade, dépendance de
la bride, est une dépendance du corps spongieux, il en est la partie ter-
minale et renflée, le bulbe. Cette conclusion peut être rigoureusement
appliquée à la femme en suivant pas à pas les connexions similaires. En
conséquence, l’hymen chez la femme est l’analogue du bulbe de l’urèthre
chez l’homme : c’est le bulbe resté à l’état embryonnaire, non érectile et
membraniforme, à l'entrée du canal vestibulaire vestige du canal uro-
génital.
Les connexions de la glande de Bartholin (chez la femme) comparées à
celles de la glande de Mery ou de Cowper (chez l’homme) peuvent être
aisément assimilées. L’allongement considérable du canal excréteur pour
les glandes masculines, comparé à leur brièveté relative pour les féminines,
doit être particulièrement considéré.
Il permet l’ouverture de ce conduit très en avant de la région membra-
neuse, à une certaine distance en avant de la partie postérieure du bulbe,
c’est-à-dire dans un point exactement symétrique de celui qui occupe l’ou-
verture du conduit de Bartholin, en avant de l’hymen, à une certaine dis-
tance de la fourchette. L’ouverture de la glande de Bartholin dans la
portion pré-hyménéale de la vulve est l’origine de cet allongement sin-
gulier du conduit de Cowper. Ce n’est que si la glande de Bartholin
s'était ouverteen arrière de l’hymen que le conduit de Cowper aurait pu
être court; mais alors il aurait dû aboucher dans la portion membraneuse
32 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
—_————————————Z—
de l’urèthre, homologue du canal vestibulaire rétro-hyménéale de la
femme. | pu.
5° La bride masculine du vestibule, chez la femme, est le vestige de la
portion antérieure ou cylindroïde des corps spongieux, de même que
l’hymen est le vestige de leur portion postérieure ou ovoïde. 1e
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE
(PRINCIPE ACTIF DU COLOMBO)
Lecture faite à la Société de biologie dans la séance du 16 février 1884
Par le docteur F. ROUX
Bien que le colombo ait beaucoup perdu de la vogue qu’il avait obtenue
au moment de son introduction dans la thérapeutique, son usage n’en est
pas moins fréquent dans certaines affections du tube digestif. Dans les pays
chauds, on l’emploie quelquefois avec de bons résultats dans les diarrhées
chroniques qui succèdent si souvent aux attaques de dysenterie. Au Ben-
gale notamment, où je suis resté pendant plus de deux ans comme médecin
du gouvernement, j'ai pu constater chez quelques malades les bons effets
produits par une poudre que donnent des médecins indiens dans certains
cas de diarrhée bilieuse. La partie active de cette poudre est la racine de
colombo.
D'un autre côté, depuis la découverte des alcaloïdes, on est porté à rem-
placer dans la pratique les médicaments d’origine végétale par leur prin-
cipe actif. Le fait est trop connu pour qu’il soit nécessaire de citer des
exemples.
Ces raisons m'ont poussé à chercher : 1° le principe actif du colombo ;
2 à examiner les effets produits par ce principe actif.
Je n’ai pas été le premier à entrer dans cette voie. Ainsi Buchner a tué
des lapins en leur administrant de l’extrait de colombo. Je n’ai pas de
détails sur la manière dont il a opéré. Falck et Schraff ont étudié l’action
physiologique du principe actif du colombo et de la berbérine qui se trouve
dans cette plante. Ils ont conclu que la première substance (colombine)
était inoffensive chez l’homme et que la berbérine au contraire était toxique
chez les animaux.
Je suis arrivé à des conclusions tout autres et, me basant sur les résultats
qu’on trouvera décrits plus loin, je suis porté à croire que les auteurs ci-
dessus désignés ont opéré avec un produit absolument différent de celui
qui m'a servi dans mes expériences et qui pourrait bien n'être pas d’une
pureté parfaite.
Du reste, comme le dit M. Dujardin-Beaumetz dans son Dictionnaire de
thérapeutique (article CoLompo, fase. V[, p. T0), ces études sont peu pré-
cises, et l’auteur français ajoute : « On n’est guère en droit d’affirmer que
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. I. p)
34 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ces produits amers jouissent de propriétés séparées et différentes de celles
de la racine elle-même: » On verra que, dans toutes nos expériences, la
colombine s’est comportée d’une tout autre manière que ne le prévoyait
M. Dujardin-Beaumetz. Il doit en être de même pour beaucoup d’autres
principes actifs tirés des médicaments d’origine végétale, et c’est là une
étude que j'ai l'intention de poursuivre.
Ce court travail est divisé de la façon suivante :
1° Étude sommaire du colombo. Modes de préparation de la colombine.
Principaux caractères de cette substance.
2 Expériences sur les animaux : Autopsies. Anatomie pathologique.
3° Discussion et conclusion.
1. — Du colombo et de la colombine.
Le colombo, indigène des forêts de l’Afrique orientale, appartient à la
famille des Ménispermacées. Sa partie utilisée est la racine qui contient
de la colombine, de la berbérine et de l'acide colombique. On y trouve en
outre de l’amidon, de là pectine, de la gomme et du nitrate de potasse.
La colombine, découverte par Witstock, a été étudiée par Row et Liebig.
Elle a été obtenue ainsi : on a traité par l’éther dans un appareil à dépla-
cement la racine de colombo réduite en petits fragments. L’éther aban-
donne une substance cristallisée, légèrement colorée en jaune, qu’on lave
avec de l’éther froid pour enlever les substances grasses et la matière
jaune, puis on fait bouillir dans l’alcool. Par le refroidissement, la solu-
tion alcoolique donne des prismes très nets, incolores, fusibles à 182 de-
grés. La formule de la colombine est C#H?07(Poggiale, Journal de phar-
macie, t. XXX, p. 80). ,
Pour être certain d'opérer avec de la colombine bien pure, je me suis
adressé à M. Duquesnel, le préparateur de l’aconitine. Ce chimiste a mis
son savoir à ma disposition avec la plus grande complaisance. Après
plusieurs essais, il s’est arrêté à un procédé qui a l’avantage de ne pas
exiger de grandes quantités d’éther, d’un maniement toujours dangereux
quand on opère sur de grandes masses de colombo.
Procédé Duquesnel. — Prenez de la racine de colombo bien divisée.
Épuisez à froid par déplacement avec de l’alcool à 75 degrés. Distillez la
liqueur. Évaporez en consistance d’extrait légèrement sirupeux. Agitez
cet extrait avec du chloroforme en quantité suffisante pour l’épuiser conve-
nablement. Distillez la liqueur chloroformique à siccité. Le résidu est
débarrassé par l’éther de pétrole d’une matière grasse jaune qu’il contient,
puis, bien desséché et pulvérisé, il est traité par l’éther bouillant à diffé-
rentes reprises, Jusqu'à ce que ce dernier n’entraîne plus de prineipe
actif. |
Les liqueurs éthérées sont réunies, puis distillées et réduites à un petit
hill",
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 35
volume. On laisse alors refroidir et la cristallisation s'opère. On obtient un
produit coloré, qu’on reprend plusieurs fois par l’éther bouillant comme
ci-dessus, jusqu’à ce que le produit cristallisé, qui est la colombine, soit
incolore.
Par ce procédé, on avait une certaine peine à se débarrasser de la ma-
tière colorante. Frappé de cette difficulté, M. Duquesnel a apporté à son
procédé primitif la modification suivante. ñ lieu d'employer léther pour
extraire la colombine, il reprend l’extrait chloroformiqué par l’alcool froid
à 10 degrés, qui s'empare de la matière colorante et laisse la colombine non
dissoute. On purifie cette dernière par cristallisation dans l’alcool fort et
on décolore à l’aide du charbon animal.
Ce procédé permet d'obtenir de 35",50 à 4 grammes de colombine pour
4 kilogramme de racine de colombo. D’après l’article du Dictionnaire
encyclopédique, Witstock aurait retiré 18,50 de colombine pour
100 grammes de colombo, soit 15 grammes par kilogramme. Comme on le
voit, la différence de résultats fournis par les deux procédés est considé-
rable.
Elle expliquerait les effets observés par Falck et Schraff, qui sont en si
grand désaccord avec ceux que j'ai obtenus. Si la quantité de colombine
que Witstock a trouvée dans le colombo était en aussi forte proportion dans
la plante, lPadministration du médicament amènerait fréquemment des
vomissements et des accidents plus graves.
Le produit obtenu par le procédé Duquesnel se présente sous forme de
cristaux brillants. M. Wurtz attribue aux cristaux de colombine la forme
de prismes orthorhombiques » avec des modifications g/, k! a'.— mm—
125° 30! : a' h! —129° 39 .La saveur de ces cristaux est excessivement
amère, beaucoup plus que celle du sulfate de quinine, par exemple. En
mettant quelques cristaux sur la langue, leur amertume ne se développe
pas sur-le-champ complètement, mais au bout d’une demi-minute environ.
Par contre, la saveur est très persistaute et dure souvent une heure.
Si l’on met sur le doigt une petite quantité de colombine et qu’on la
mouille légèrement avec de l'alcool à 70 degrés, la saveur est bien plus
forte et dure bien plus longtemps. Le goût de la substance est plus désa-
gréable que celui de la quassine et surtout beaucoup plus persistant.
La solubilité de ces cristaux est faible. Ils sont très peu solubles dans
Veau froide et bouillante. 25 grammes d’eau distillée froide ne dissolvent
qu'environ À centigramme de colombine. Ils sont peu solubles dans la gly-
cérine et l'alcool. Si, dans une éprouvette, on met 9 centigrammes de
colombine et 1 centimètre d’alcool à 70 degrés et qu’on chauffe, il se
dissout les trois quarts environ des cristaux, mais ceux-ci se précipitent
en grand nombre par le refroidissement.
Les cristaux sont solubles dans le chloroforme, dans un excès de ben-
zine et d’essence de térébenthine, un peu moins cependant dans cette der-
nière. [ls sont insolubles dans l’eau aiguisée d’acide sulfurique.
30 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Les réactions avec les différents acides sont à peu près nulles. On n’ob-
tient rien avec les acides chlorhydrique, azotique, acétique. Plusieurs au-
teurs disent que la colombine sur laquelle on laisse tomber quelques
gouttes d'acide sulfurique se colore en rouge. Dans toutes les expériences
faites dans le laboratoire de M. Duquesnel, on n’a pas constaté cette colo-
ration rouge, mais bien une belle coloration marron semblable à la couleur
du laudanum.
Cette réaction est un caractère différentiel de la colombine et de la quas-
sine. Cette dernière, en effet, ne donne rien avec l'acide sulfurique. I y a
du reste bien d’autres différences entre les deux substances. La forme des
cristaux : octaédrique pour la quassine, prismatique pour la colombine. Le
goût : l’'amertume de la colombine est bien plus forte et surtout bien plus
durable que celle de la quassine. La solubilité : bien plus grande pour la
quassine que pour la colombine.
Cette différence dans les caractères chimiques se maintiendra dans les
effets physiologiques.
IT. — Expériences sur les animaux. Autopsies. Examen histologique.
Avant d'examiner les effets de la colombine sur l’homme, il était indis-
pensable de les étudier chez les animaux. Mais pour arriver à obtenir des
résultats précis, il fallait surmonter quelques difficultés. En raison de
l'extrême amertume du produit, il était presque impossible de le faire ab-
sorber aux animaux avec leurs aliments. Quant aux injections hypoder-
Hits, elles étaient très difficiles à employer, la colombine n'ayant
qu'une solubilité très faible dans les divers liquides propres à ces injec-
tions.
Dans un premier essai, j'ai injecté dans le tissu cellulaire de la cuisse
d’un cobaye 5 centigrammes de colombine finement pulvérisée, dissoute ou,
pour mieux dire, tenue en suspension dans 4 centimètres cubes d'alcool à
10 degrés. Au bout de deux minutes l’animal tombait dans le sommeil de
l'ivresse ; mais aucun autre effet n’était obtenu. Le lendemain matin l’ani-
mal ne présentait aucun symptôme particulier.
On pouvait aussi songer à introduire la colombine dans l’estomac des
cobayes au moyen de la sonde œsophagienne. Cette opération est sans
doute possible, mais elle a quelques inconvénients. Si la sonde est d’un
très faible calibre, le liquide de l'injection, qui a une consistance pâteuse,
ne passe pas facilement. Si la sonde est grosse, on peut voir l'animal suc-
comber à l’asphyxie. Dans tous les cas, il se perd du liquide et, comme il
est difficile d'évaluer exactement la quantité du produit perdue, les résul-
tats de l'expérience sont moins précis.
Pour toutes ces raisons, j’ai eu recours aux poules, chez qui le cathété-
risme œsophagien est excessivement facile.
Dans toutes mes expériences, je me suis servi pour tenir en suspension
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 31
la colombine d’un mélange que m'a conseillé M. Duquesnel et qui est ainsi
composé : Trois quarts d’eau, un quart de glycérine et une petite quantité
de gomme arabique. La colombine était toujours finement pulvérisée. J'ai
renoncé à l’usage de l'alcool pour n'avoir pas à tenir compte des effets
qu'aurait pu produire ce liquide. Certaines expériences en effet se conti-
nuaient pendant plusieurs jours et, au bout de ce temps, l'alcool ingéré
aurait été en assez grande proportion.
La quantité de liquide à injecter était toujours aussi faible que possible
pour que les résultats ne pussent être attribués à autre chose qu’au médi-
cament en essai.
Pendant toute la durée des expériences, les poules ont été soumises à la
même nourriture, grains et verdure. Les poules sur lesquelles les essais
ont été faits ont toutes été prises au hasard dans une basse-cour : aucune
n'avait été soumise préalablement à l’engraissement.
Tout ce qui a trait à l’histologie qu’on trouvera plus loin est dû à la
plume autorisée de M. le docteur Armand Siredey, chef du laboratoire
d’histologie à l’amphithéâtre des hôpitaux. Je tiens à lui lémoigner ma
reconnaissance pour le soin qu’il a mis à examiner les pièces que Je
l'avais prié d'étudier et pour les utiles conseils qu'il m’a donnés.
Pouce N° 1.— Dans l’estomac d’une poule pesant 750 grammes, j'introduisis
50 centigrammes de colombine. L’injection est faite à quatre heures et demie du
soir. À six heures, cette poule, qui était très sauvage et ne se laissait pas ap-
procher, sc laisse prendre plus facilement. Elle refuse de manger les grains
placés devant elle.
Le lendemain, cet état continue en s’accentuant. Si on s’approche de la poule,
au lieu de fuir comme elle le faisait auparavant, elle va assez lentement à une
faible distance et arrivée là elle reprend la position qu’elle avait avant qu’on ait
essayé de s’en emparer. Elle continue à ne pas manger; elle boit seulement à
différentes reprises.
Le surlendemain matin, on peut la toucher sans qu’elle essaye de fuir. Il y à
de l’horripilation : ses plumes sont hérissées. Elle se tient à peine sur ses pattes.
À onze heures du matin, on la trouve morte dans un coin.
Autopsie. — Elle est faite douze heures après la mort. On constate une odeur
de putréfaction excessivement forte, beaucoup plus marquée que celle qu’on
observe chez une poule morte depuis le même laps de temps. La peau est cou-
leur lie de vin. Il y a une teinte jaunâtre des conjonctives.
A l'ouverture de l’abdomen, on constate une congestion intense des organes
digestifs. — Le foie est mou, livide : il se laisse écraser facilement sous le doigt.
Il a l’aspect qu’on observe chez les animaux morts de maladie infectieuse. La vé-
sicule biliaire est remplie de bile. Cette bile est plus épaisse qu’à l’ordinaire :
elle est également plus visqueuse.
L’estomac renferme des grains non digérés. Une légère coloration jaune clair
est répandue à sa surface. Il n’offre rien autre chose à noter.
L’intestin renferme des matières fécales et une certaine quantité de liquide
visqueux gris clair.
Rien aux poumons.
38 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
POULE N° 2. — Poule de S90 grammes. Injection dans l'estomac de 20 centi-
grammes de colombine à quatre heures et demie du soir. Un quart d’heure après,
il y à un abattement marqué. La poule reste longtemps à la même place. Elle
n’avale pas les grains qu’elle a devant elle. Une demi-heure après l'opération, les
excréments sont rendus en grande quantité. Avant l'injection, ils étaient d’une
teinte vert foncé. Ils sont maintenant jaune clair, tout à fait semblables comme
couleur aux excréments d’un très jeune enfant bien portant.
On a eu soin de mettre dans des capsules différentes les exeréments de la poule
avant et après l’opération, ainsi que ceux de deux poules prises au hasard dans
la même basse-cour. Ces matières diluées dans un peu d’eau distillée sont exa-
minées. Les excréments rendus avant l’opération et ceux des autres poules ne
renferment pas de bile appréciable avec les réactifs. Les autres au contraire ont
eu leur partie liquide concentrée par évaporation. Ce liquide, traité par l'acide
sulfurique et le sucre, donne une coloration pourpre, réaction fournie par la pré-
sence de la bile.
Le lendemain de l'opération, la poule mange, mais avec moins d’avidité qu’une
poute ordinaire : elle est beaucoup moins vive. On peut approcher d’elle sans
qu’elle se sauve au loin. Elle se contente d’aller à une faible distance. Le surlen-
demain, cet abattement s’accentue : l'animal a peine à se tenir sur ses pattes.
Elle refuse de manger les grains qui sont à sa portée. A la fin, elle succombe
sans avoir présenté d’autres symptômes qu'une diarrhée abondante.
Autopsie.—Faite trois heures après la mort. Pas d’odeur de putréfaction. Le foie
est mou. [1 présente sur ses bords et sur sa face inférieure une coloration gris
foncé. Cette coloration est moins étendue sur sa face supérieure que sur sa face
inférieure. Sur le petit lobe, elle n’est que superficielle, mais, sur le grand lobe,
elle pénètre dans la profondeur du tissu hépatique. À une simple inspection, le
reste du foie paraît sain.
La vésicule est distendue par un liquide très visqueux, légèrement jaunûtre.
L’estomac est rempli de grains non digérés. La muqueuse est jaune clair:
cette coloration est à peu près uniformément répandue sur toute sa surface. L’in-
testin est pléin de matière visqueuse : il est d’une couleur gris cendré.
Rien aux poumons ni au cerveau. Pas d’abcès, pas d’infarctus.
Examen histologique. — Foie. — Le foie était déjà conservé dans l'alcool de-
puis plusieurs jours lorsqu'il à été apporté au laboratoire. Cependant on distingue
encore une teinte jaune d’ocre généralisée. Sur des coupes colorées au picro-car-
min, on constate les lésions suivantes :
Rien d'appréciable du côté des espaces portes et des fissures. On ne constate
pas de distension des vaisseaux, pas de développement exagéré, pas de multipli-.
cation des canaux biliaires dont l’épithélium est parfaitement intact sur quelques
points. Les lobules sont profondément altérés. Au lieu des rangées régulières
que forment les cellules, celles-ci sont disposées sans ordre, pressées les unes
contre les autres. Elles sont d’ailleurs notablement moditiées. Plus volumineuses
qu’à l’état normal, les cellules sont troubles, granuleuses. Elles présentent une
teinte jaunâtre uniforme dans laquelle on ne distingue pas les granulations pig-
mentaires normales. Les noyaux sont peu distincts.
On ne voit pas de vésicules graisseuses nettes. Il n'y a pas de leucocytes en
excès dans les espaces intercellulaires, qui d’ailleurs sont plutôt dimimués
qu'agrandis.
PC
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 39
En résumé, on voit que les lésions de ce foie consistent en une altération
portant à peu près sur la totalité des cellules hépatiques. Celles-ci sont tumé-
fiées, irrégulières, troubles, sans présenter de vésicules graisseuses nettes, sans
offrir sous l’influence de l’acide osmique les réactions caractéristiques de la dé-
générescence graisseuse.
POULE N° 3. — Pour qu’on puisse mieux suivre la marche des effets produits
par la colombine et en même temps pour avoir des lésions plus nettes à l'examen
histologique, j'ai pris soin dans cette expérience de donner la colombine à des
-doses progressives.
Poule de 895 grammes. — Le 18 septembre, on injecte dans l'estomac de cette
poule 10 centigrammes de colombine. L’injection est répétée le 19 et Le 20. Pen-
dant ces trois jours, la poule semble être dans son état normal, sauf l’appétit
-qui paraît un peu moins vif. Mais la vivacité de la poule reste la même. Il n’y a
de changement que sur la quantité des excréments, qui sont rendus en plus
grande abondance et plus fréquemment.
Leur couleur a également subi une modification considérable. Au lieu d’être
brun verdätre, comme ceux des poules de la basse-cour qui n’ont pas pris de
colombine, ils sont d’une belle couleur jaune clair identique à celle que présentent
les garde-robes d’un très jeune enfant bien portant. On peut évaluer leur quan-
tité au double environ des matières que rend une poule saine. Ils sont aussi
plus liquides. On constate fréquemment à leur surface la présence d’une matière
visqueuse comme du blanc d'œuf. Cette matière est très claire.
Le quatrième et le cinquième jour, l’injection est continuée à la même dose.
L'état de la poule reste le même. Le sixième jour, injection de 20 centigrammes
-et le septième jour de 50 centigrammes de colombine.
Le huitième jour au matin, l’état de la poule s’est considérablement modifié.
Auparavant elle fuvait quand on s’approchait d'elle, maintenant elle se laisse
prendre sans difficulté. Elle boit toujours, mais ne touche pas aux grains placés
- devant elle. Il y à de lhorripilation, ses plumes sont hérissées. La poule est
abattue ; elle reste à la même place tant qu’on ne vient pas tout près d’elle, La
tête et le cou sont ramenés sur le thorax. Elle se tient encore assez bien sur ses
pattes. Les excréments continuent à être abondants.
Il y a de l’ictère facile à constater sur les conjonctives.
Le neuvième jour au matin, l’état précédent est bien plus accentué. La poule
est couchée à terre. Elle ne fait aucun mouvement. À quatre heures du soir, elle
est blottie dans un coin, les plumes hérissées, la tête sous l’aile. On peut la tou-
cher sans qu’elle bouge. Il faut pincer très fortement la peau de la cuisse pour
ue la poule fasse un léger mouvement. On la croirait morte si, de temps à autre,
1 n’y avait quelques rares mouvements respiratoires très faibles.
Par instants, la poule ouvre le bec comme si elle bâillait, et on voit alors dans
le fond de la cavité buccale un liquide visqueux jaune clair. A la main, la tempé-
rature de la peau semble très abaïssée. Les membres inférieurs, ramenés sur le
corps, sont raides : on les écarte avec un certain effort et ils ne reviennent que
lentement sur eux-mêmes.
Au moment où la poule n'offre plus que quelques signes de vie, on lui coupe
le cou. Le sang qui s’en échappe est vermeil. Au microscope, les globules ne pré-
sentent aucune altération de forme.
Autopsie. — Elle est faite immédiatement après la mort. La peau est livide.
40 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Le foie est gros, mou, se laissant écraser facilement sous le doigt. Par places,
on remarque une coloration café au lait clair. Cette coloration n’est pas uni-
forme : elle se détache sur un fond jaunâtre plus ou moins orangé. Cette colora-
tion jaunâtre peut être comparée à celle de la rhubarbe.
A la surface du foie, on remarque trois taches noirätres de la largeur d’une
lentille au moins et qui ont l’aspect de foyers hémorrhagiques.
À la coupe, on sent que le foie a diminué de consistance ; l’apparence lobulée
du foie n’est pas aussi bien marquée qu’à l’état physiologique. C’est plutôt une
masse jaunâtre dont la coloration est plus ou moins foncée.
En somme, on peut trouver un grand degré de ressemblance macroscopique
entre ce foie et ceux qu’on observe dans l’ictère grave et aussi dans la fièvre
jaune telle que j'ai pu l’observer.
La vésicule biliaire est plus volumineuse qu’à l’état normal. Elle est remplie
d’un liquide brunâtre, visqueux, ayant les mêmes caractères que ceux assignés
par Jaccoud à la bile ancienne (art. FIÈVRE JAUNE, Pathologie interne).
Les intestins sont gonflés. Ils sont remplis d’une matière visqueuse d’une colo-
ration jaune clair. Cette matière est très abondante et se trouve dans toute l’éten-
due de l'intestin. Il y a aussi quelques matières fécales, mais en petite quantité.
L’estomac est rempli de grains non digérés. Cependant la poule n’a absolument
rien mangé depuis plus de trente-six heures. Les grains sont parfaitement intacts.
Il est certain que la poule n’a pas mangé depuis longtemps, car elle a été attenti-
vement surveillée.
On remarque à la surface de la muqueuse stomacale une coloration jaune clair.
Cette coloration a résisté à un lavage à l’eau froide. Elle est uniformément répan-
due sur toute la surface de l’estomac, plus marquée peut-être au fond des plis que:
forme la muqueuse.
Rien aux poumons ni au cerveau.
Examen histologique. — Foie. — D’aspect jaunâtre, mou, se laissant écraser
sous le doigt, ce foie présente par places de petits nodules brunâtres qui ont
manifestement l’aspect de petits foyers hémorrhagiques.
Les coupes faites en divers points montrent les lésions suivantes :
À un faible grossissement. — Délimitation des glandes très difficile à eause
de l’arrangement irrégulier des cellules. Les travées rayonnées ont complète-
ment disparu et les cellules sont groupées sans ordre autour des orifices béants.
des vaisseaux sanguins. Il n’existe pas de lésions appréciables des espaces portes.
et des fissures : pas d’épaississement des vaisseaux sanguins, pas de multiplica-
tion des canaux biliaires.
Les lésions sont localisées au sein même des lobules. Elles ont leur siège dans
les espaces intercellulaires et dans les cellules hépatiques
Les premières consistent en des foyers hémorrhagiques plus ou moins volu-
mineux (quelques-uns avaient été déjà reconnus à l’œil nu). Ces foyers n'ont
pas une disposition absolument régulière. Ils n’ont pas l'aspect cunéiforme des
infarctus. Ils se rencontrent en divers points, tantôt vers la périphérie du foie,
tantôt dans la profondeur. On distingue d’ailleurs au sein des lobules de petits
amas de globules rouges refoulant quelquefois les cellules hépatiques et consti-
tuant des foyers hémorrhagiques rudimentaires.
Sur aucun des gros vaisseaux on ne constate d’oblitération Sipréoble
Il existe en outre de nombreux leucocytes, tantôt disposés en séries régulières.
|
ES
ns
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE.
autour des cellules, tantôt réunis par groupes de cinq ou six, ou même davantage.
Cependant on ne constate pas d’abcès véritables.
A un fort grossissement (objectif 6 et 7 de Verick) on peut confirmer ce qui
avait été dit des foyers hémorrhagiques. On distingue très nettement des globules
rouges très peu altérés, qui forment des amas volumineux ayant refoulé ou dé-
truit autour d’eux les cellules hépatiques.
Les cellules sont profondément altérées : elles sont troubles et ne présentent
plus les granulations pigmentaires normales. Sur des préparations soumises à
des vapeurs d’acide osmique, on voit des gouttelettes graisseuses irrégulièrement
disséminées dans les cellules et colorées en noir foncé. Mais ces réactions man-
quent sur beaucoup de cellules. Quelques-unes semblent vidées de leur contenu:
il ne reste autour du noyau que des espaces clairs, réfractaires à l’acide osmique
et également rebelles aux diverses matières colorantes. Ces cellules semblent
creusées de vacuoles qui donnent à la région l’aspect d’un véritable tissu
réticulé.
POULE N° 4. — Poule de 800 grammes.— L'expérience est commencée le 10 oc
tobre. On donne chaque jour à la même heure 10 centigrammes de colombine.
Le premier jour on ne note rien d’appréciable : la poule est aussi vive et mange
avec le même appétit.
Le deuxième jour, dans la soirée, l’appétit semble se ralentir. La poule mange
sensiblement moins qu’une autre qui est enfermée avec elle. Le troisième jour,
elle commence à être abattue. Elle se tient dans un coin et refuse toute nour-
riture. Elle ne se dérange par instants que pour boire et reprend la position
qu’elle avait auparavant.
Le quatrième jour, elle se tient dans un coin. Elle ne touche pas aux grains qur
sont dans la cage. Ses plumes sont hérissées ; la tête et le cou sont ramenés sur
le thorax. Elle ne fuit pas si on essaye de la prendre. Dans la soirée, ces symptômes
continuent et elle meurt le soir.
Autopsie. — Elle est faite un quart d'heure après la mort. La peau est rouge.
Les conjonctives sont jaunâtres. L’intestin est rempli de matière visqueuse jaune
clair : on y trouve aussi des matières fécales en petite quantité.
Le foie est brun rougeâtre, mou, se laissant écraser sous le doigt. En le etieast
de l'abdomen, il se laisse déchirer facilement. La vésicule biliaire a sensiblement
son volume normal. En l’ouvrant, on y constate la présence d’un liquide muqueux,
légèrement brunâtre, filant comme du blanc d'œuf.
L’estomac est rempli de grains intacts. Cependant la poule n’a pas mangé de-
puis vingt-quatre heures au moins, à moins qu’elle n'ait mangé la nuit, ce qui est
peu probable. La muqueuse présente à sa surface une coloration jaune clair uni-
forme. Cette coloration résiste au lavage comme chez la poule n° 8.
Examen histologique. — De tous les foies de la série, c’est celui qui présente
les altérations les moins appréciables. La disposition générale du lobule n’est pas
modifiée d’une facon sensible.
On distingue nettement les travées régulières des cellules hépatiques : les es-
paces intercellulaires ne sont pas agrandis. Aucune lésion appréciable des es-
paces portes. Pas de multiplication des canaux biliaires. Sur quelques points, on
constate de petites trainées rouges que l’on reconnaît, à un fort grossissement,
être constituées par des leucocytes qui forment des chapelets irréguliers au-
42 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
tour des cellules. Encore cette lésion est-elle vague et très irrégulière dans sa
distribution.
Il existe en certains endroits de petits amas de leucocytes tout à fait isolés,
mais il n’y à pas d’abcès véritable. Les cellules hépatiques sont complètement
saines sur un grand nombre de points. Sur d’autres, elles sont un peu troubles et
présentent quelques fines gouttelettes brillantes indiquant un très léger degré de,
dégénérescence granulo-graisseuse. Mais ces diverses altérations sont, pour ainsi
dire, rudimentaires.
Estomac. — La muqueuse est recouverte d’une couche épaisse de mucus qui
présente une coloration jaune intense. L’épaisseur de cet enduit muqueux est au
moins aussi considérable que celle de la muqueuse elle-même. On reconnaît dans
la couche profonde de ce mucus, au point d’adhérence avec la muqueuse, de
petits fragments de cellules épithéliales tuméfiées et ayant perdu leurs noyaux.
Il n’existe pas de lésions profondes des tuniques de l’estomac. Les fibres mus-
culaires sont nettes et franchement colorées : elles ne sont pas infiltrées de leu-
cocytes.
Quant aux lésions interglaneulaires, elles sont assez difficiles à apprécier,
l’écartement des glandes présentant de très grandes variations à l’état normal.
(Des études comparatives ont été faites sur quatre gésiers sains : il existait de
grandes différences au point de vue du tissu interstitiel.)
Mais, quoique les glandes soient séparées par des bandelettes conjonctives
assez épaisses, ne dépassant pas toutefois l’épaisseur que l’on a rencontrée sur
les muqueuses saines, on ne peut conclure à l’existence d’une inflammation inter-
stitielle de la muqueuse gastrique, parce qu’il n’y a pas d'infiltration appréciable
de cellules lymphatiques entre ces diverses glandes. On ne rencontre pas dayan-
tage de cellules de nouvelle formation dans la couche profonde de la muqueuse.
Les glandes présentent un aspect variable : quelques-unes d’entre elles sont
légèrement dilatées et remplies d’un enduit muqueux qui se continue avec le
mucus de la superficie. |
Les cellules de la partie profonde ne sont pas sensiblement altérées. Elles sont
nettement colorées et conservent leurs caractères normaux. Les cellules qui se
trouvent au niveau des orifices glandulaires sont moins nettes. Quelques-unes
ont disparu, d’autres sont tuméfiées, transparentes et ont subi la dégénérescence
muqueuse.
Des pièces préparées à l'acide osmique ne montrent aucune trace de dégéné-
rescence graisseuse des éléments épithéliaux. On rencontre, en outre, dans la.
partie profonde de l’enduit muqueux et dans le mucus qui remplit les glandes
dilatées, de petits faisceaux de cristaux allongés, ayant la forme de paillettes fines
et légèrement colorées en jaune. Ces cristaux offrent une grande ressemblance
avec des cristanx de cholestérine, mais des cristaux de colombine finement
pulvérisés prennent sensiblement un aspect analogue. Il est donc difficile de
conclure nettement à cet égard.
Intestin. — Pas de lésions appréciables des tubes glandulaires. Les cellules
cylindriques des glandes de Lieberkühn sont nettes et franchement colorées.
Mais il existe une infiltration assez prononcée des cellules lymphatiques (leu-
cocytes) autour des glandes et dans la couche profonde de la muqueuse. Nulle
part d’abcès véritable, mais ‘une infiltration généralisée indiquant un certain
degré d’inflammation interstitielle de la muqueuse.
- Sp
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 43
Rein. — Diverses coupes du rein préparées par les procédés ordinaires ne font
pas constater de lésions nettes. Les tubes sont franchement colorés et les cellules
épithéliales des tubes contournés, comme celles des tubes droits, se reconnais-
sent facilement avec tous leurs caractères normaux. Il n’existe pas de cylindres
protéiques dans les tubes, pas de transformation vacuolaire des cellules épi-
théliales.
Rien d’appréciable du côté des glomérules et de leurs capsules. On remarque
seulement autour de quelques tubes une infiltration de leucocytes qui, sur aucun
point, ne constitue de foyers véritables.
PouLE N° 5. — Dans cette expérience j'ai donné tous les jours de faibles doses
de colombine, et j'ai sacrifié l’animal sans attendre sa mort naturelle.
L'expérience est commencée le 15 octobre. On donne chaque jour à la même
heure 4 centigrammes de colombine. Pendant toute la durée de l'expérience
l'animal conserve sa vivacité habituelle. Au début, son appétit reste normal : il
semble un peu moins fort au bout de quelque temps, mais néanmoins la poule
mange les grains placés devant elle. Les excréments sont peut-être plus abon-
dants que chez une poule à l’état normal, mais ils n’ont pas la teinte jaune clair
signalée plus haut.
Le 5 novembre, c’est-à-dire vingt et un jours après le début de l’expérience,
on tue l'animal par la section du bulbe.
Autopsie. — On constate une coloration jaunâtre des conjonctives.
La teinte brun rougeâtre du foie qu’on avait trouvée aux autres autopsies est
ici beaucoup moins accentuée. Le ramollissement de la glande est aussi moins
prononcé. Le foie ne s’affaisse pas sur la table, ne se laisse pas écraser facile-
ment sous le doigt. La vésicule biliaire offre le volume normal : on y trouve
un liquide visqueux jaune clair.
L’intestin est rempli de la même matière visqueuse jaune clair, signalée plus
haut, mais cette matière est moins visqueuse el moins abondante que dans les
cas précédents.
L’estomac n'offre rien autre chose à signaler qu’une coloration jaune clair de
la muqueuse.
Examen histologique. — Foie. — Bien que l'attention se soit portée très spé-
cialement sur les espaces portes, on n’y découvre aucune lésion appréciable. Pas
de prolifération conjonctive, pas d’épaississement des vaisseaux, pas de multipli-
cation des canaux biliaires. L’arrangement des lobules est moins profondément
modifié que dans les foies précédents. Les cellules sont disposées en tyavées
régulières, qui convergent à la facon de rayons vers les veines centrales. On ne
rencontre en aucun point de foyers hémorrhagiques ou de petits abcès miliaires.
Cependant les capillaires contiennent de nombreux leucocytes.
Les cellules du foie présentent des altérations très nettes. Sur des pièces im-
prégnées par l'acide osmique, on voit un grand nombre de petits points noirs
répandus comme une fine poussière sur toute la surface de la cellule. On ne voit
en aucun point de grosses gouttes de graisse ou la transformation vacuolaire qui
a été signalée plus haut.
Le noyau reste net et franchement coloré par les réactifs. Sur les pièces qui
n’ont pas été soumises à l’acide osmique, on constate au milieu des cellules de
petits points brillants très réfringents qui dénotent, comme la poussière no re
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ES
re
obtenue par l'acide osmique, une dégénérescence granulo-graisseuse de la cel-
lule hépatique.
Sur quelques préparations, les lésions sont un peu plus avancées, mais elles
n’atteignent jamais le même degré que dans les foies n° 2 et n° 3
Estomac. — Lésions assez analogues à celles observées chez la poule précé-
dente. Pas de lésions des tuniques profondes, ni des espaces interglandulaires,
des tissus sous-muqueux. Mucus abondant et adhérent. Dégénérescence muqueuse
des cellules de la partie superficielle des glandes. Intégrité des cellules pro-
fondes.
Intestin. — Aspect normal. Rien du côté des glandes et des cellules épithé-
liales. Pas d'infiltration appréciable des espaces interglandulaires et sous-mu-
queux.
Rein. — Ce qui a été dit pour le rein de la poule précédente peut être répété
ici. Aspect normal des cellules. Légère infiltration de leucocytes dans les espaces
intertubulaires.
On voit, en résumé, que les lésions trouvées dans le foie appartiennent à |
divers degrés à la dégénérescence granulo-graisseuse de la glande. Dans
le foie n°4, cette dégénérescence est à son degré le plus faible. Les cellules
hépatiques sont complètement saines sur beaucoup de points. On ne trouve
que quelques fines gouttelettes brillantes, signe d’un a très faible de
dégénérescence graisseuse.
Dans le foie n°5, la lésion encore faible s’accentue néanmoins. Le foie
a bien conservé sa consistance normale : la disposition des lobules est peu
ou pas modifiée. Mais on constate des lésions dans les cellules hépatiques.
On trouve dans leur milieu de petits points noirs très réfringents. Sur les
pièces soumises à l'acide osmique, on rencontre également sur toute la
surface de la cellule un très grand nombre de petits points noirs répandus
comme une fine poussière. |
Dans le foie n° 2, les rangées des lobules ne sont plus régulières, maïs
disposées sans ordre. Les cellules sont troubles, granuleuses. On n’y dé-
couvre pas de vésicules graisseuses nettes.
Enfin, dans le foie n°3, les travées rayonnées ont complètement disparu ;
les cellules sont disposées sans ordre. On trouve des foyers hémorrhagiques.
Sur les préparations scumises à l’acide osmique, on voit des gouttelettes
graisseuses. Dans certains points, les cellules sont presque complètement
détruites.
Dans aucun cas on n’a constaté d’abcès véritable du foie, bien qu’on
ait signalé à diverses reprises la présence de nombreux leucocytes, tantôt
réunis par petits groupes, tantôt disposés en séries régulières autour des
cellules.
Les lésions aboutissent donc à une destruction à peu près complète des
éléments cellulaires de la glande hépatique par un processus analogue à
celui de l’atrophie jaune aiguë.
eh
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 45
III. — Discussion et conclusion.
En résumé, on voit que la colombine, même à faible dose, a produit chez
es poules saines auparavant, des accidents graves qui ont entrainé la
mort. Ces accidents ont offert les mêmes caractères à des degrés variables.
On a d’abord observé un abattement plus ou moins marqué, puis des
troubles digestifs : appétit diminué et même supprimé, évacuations plus
fréquentes et changées dans leur composition. Dans tous les cas on a noté
de l’ictère. Enfin l'abattement du début a augmenté d'intensité, puis est
survenu le coma, etenfin l’animal a succombé.
Ces accidents peuvent être rapprochés de ceux que produit l’ictère grave.
Il y a des points de ressemblance et par contre quelques différences que
nous allons passer rapidement en revue.
Les malades atteints d’ictère grave présentent presque toujours les
symptômes d’un catarrhe gastro-intestinal. Ce catarrhe est souvent très
marqué. On se rappelle qu’à l’autopsie des poules on a toujours trouvé un
vatarrhe abondant de l’estomac et de l’intestin. On aurait d’abord pu
penser, en retrouvant à la surface de l’estomac d’une des poules des cris-
taux ressemblant à ceux de colombine, que celle-ci agissait comme corps
étranger irritant. À cela je répondrai par deux séries d'observations.
D'abord, la colombine n’a pas d’action irritante locale. En effet le cobaye
sur lequel on avait fait une injection hypodermique n’a pas eu d’abcès.
L'endroit où avait été faite la piqüre n’a jamais paru plus sensible que le
point symétrique. Des cristaux de colombine introduits entre les paupières
du même animal, n’ont pas amené de rougeur de la conjonctive.
Ensuite j'ai injecté pendant plusieurs jours dans l’estomac d’une poule,
du verre pilé en poudre excessivement fine et bien plus capable, par son
mince volume, de pénétrer dans les glandes stomacales que des cristaux de
colombine. La poule n’a pas souffert.
Ce catarrhe gastrique et intestinal résulte donc d’une action propre à la
colombine, action qui explique plusieurs faits que nous retrouverons plus
loin.
Mais ce qui est à noter et ce qui constitue un point de ressemblance avec
l'ictère grave, ce sont les symptômes offerts par les poules un temps plus
ou moins long après l'injection. L’horripilation, l'abattement complet qu’on
a observé, le peu de souffrance que l’animal semble accuser, son dégoût
absolu pour toute espèce de nourriture, ce sont bien là des symptômes qui
ont été observés chez les malades atteints d’ictère grave et, à un degré plus
avancé, chez ceux atteints de fièvre jaune. La manière dont survient la mort,
sans convulsions, sans agonie bruyante est la même dans les deux maladies.
Dans les deux cas enfin, on observe de l’ictère plus ou moins marqué, mais
toujours appréciable.
Dans l’empoisonnement par la colombine, il survient des évacuations
46 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
alvines fréquentes : ce fait n’a pas été noté comme constant dans lictère
grave. D’après Frerichs, il y aurait même plus souvent tendance à la consti-
pation. En outre, dans l’ictère grave, les garde-robes sont décolorées et
d'apparence argileuse. Il n’en est pas de même chez nos poules.
Nous n’avons pas noté chez nos animaux d'accidents convulsifs comme on
en trouve parfois dans l’ictère grave, mais la période de dépression et les
symptômes nauséeux ont été aussi marqués que dans cette maladie.
Nous n’avons jamais observé d’hémorrhagies à la surface de la peau ni
dans le tissu cellulaire. Pas de suffusions sanguines sur les muqueuses. Les
seules hémorrhagies notées se sont produites à la surface et dans l’intérieur
du foie.
Pour ce qui regarde l’anatomie pathologique, le volume du foie est une
chose à faire remarquer. Nous l’avons trouvé soit normal, soit plus ou
moins augmenté de volume. Du reste, ce volume du foie n’a, dans le cas
actuel, qu'une importance peu considérable. Depuis longtemps en effet,
M. Robin a prouvé que des foies peuvent avoir un volume normal et être
sains en apparence, mais que l’altération des cellules n’en existe pas moins.
(Robin, Mémoire sur l’état anat.-path. du foie dans l’ictère grave. —
Mémoires de la Société de biologie, 1857, p. 9.)
Cependant dans l’ictère grave, le foie est souvent diminué de volume et
surtout, fait important, la capsule de Glisson est làche et ridée. Mais il faut
ajouter que ces lésions ne se produisent que lorsque la maladie a eu une
certaine durée. Îl en est de même de la fièvre jaune.
Quant à la coloration du foie, elle est sensiblement la même chez les
malades atteints d’ictère grave et chez les poules de nos expériences. Nous
avons noté ja couleur safranée par places de certains foies : cette coloration
n’occupe pas toute la surface du foie, mais se détache sur un fond plus ou
moins rougeàtre. |
Nous avons constaté la diminution de consistance du foie qui existe aussi
toujours dans l’ictère grave. Presque tous les foies que nous avons observés
s’affaissaient sur la table et se laissaient écraser facilement sous le doigt.
. La dégénérescence granulo-graisseuse de l’organe hépatique a été con-
statée à des degrés divers par M. le docteur Armand Siredey. Mais, fait
important à noter, il n’y a jamais eu de multiplication des canaux biliaires.
Ce fait a été relevé avec soin, car il est en désaccord avec ce qu’on trouve
généralement dans la dégénérescence graisseuse du foie, depuis que Cornil
a attiré l'attention sur ce point important.
Dans l’ictère grave, la bile est sécrétée en moins grande quantité, et
même sa sécrétion est complètement suspendue. Dans les expériences sur
la colombine, au contraire, il y a polycholie en même temps qu’altération
grave du foie. Le premier de ces accidents se produit au début de l’expé-
rience. L’altération du foie vient ensuite. L’existence de ces deux phéno-
mènes et l’ordre dans lequel ils se produisent rentreraient dans la:théorie
qui a été donnée par Hénoch et Rokitansky pour expliquer l’état du foie dans
—1
rs
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE
lictère grave. En effet, pour le dernier de ces auteurs, les matériaux de ia
bile apportés en excès au foie par le sang de la veine porte imbiberaient
les cellules de la glande et à la fin les détruiraient. Pour Hénoch (et ce que
nous avons observé concorderait bien avec cette théorie), la bile serait sé-
crétée en trop grande abondance, ce qui distendrait les canaux biliaires et
amènerait la destruction des cellules du foie.
Cette théorie a été également défendue par Dusch, qui a en outre admis
une paralysie des fins rameaux biliaires et des vaisseaux lymphatiques.
Dans l’ictère grave, il y a deux lésions cellulaires. Il y a en effet une
infiltration graisseuse à des degrés divers, il y a aussi une destruction
souvent complète de la cellule. C’est ce qui a été également noté dans les
examens histologiques faits par M. Armand Siredey.
Quant à la vésicule biliaire, dans lictère grave elle a été trouvée vide ou
remplie d’un liquide muqueux gris jaunâtre. Dans la fièvre jaune, on y
trouve souvent un liquide épais, noiràtre, ressemblant à de la bile an-
cienne. Chez nos poules, la vésicule était presque toujours plus volumi-
neuse qu'à l’état normal et remplie d’un liquide visqueux d’une coloration
plus ou moins foncée.
Une chose digne de remarque, c’est que, dans l’ictère grave, le rein a
presque toujours été trouvé malade. Frerishs avait noté la dégénérescence
graisseuse de ses cellules. Depuis on a signalé leur état granuleux, et Burkart
et Winiwarter les ont trouvées infiltrées de graisse et parfois réduites à
un détritus granulo-graisseux. Mann prétend que les lésions rénales sont
aussi marquées que celles du foie.
Chez nos poules, le rein a été trouvé à peu près normal. Sur l’un d’eux
il y avait bien autour de quelques tubes une infiltration de leucocytes,
mais sur aucun point ces leucocytes ne formaient de foyers véritables.
L’intestin et l'estomac présentent peu de lésions dans l’ictère grave. Il y
a parfois des ecchymoses : nous n’en avons jamais observé dans nos expé-
riences. Nous n'avons noté qu’une dilatation plus ou moins prononcée des
glandes et une dégénérescence HN enEe des cellules de la partie super-
ficielle de ces glandes.
On voit donc qu’il y a entre l’ictère et l’empoisonnement par la colom-
bine de nombreux points de ressemblance. Si on constate quelques diffé-
rences, elles sont peu importantes. Les symptômes sont à peu près sem-
blables et les deux maladies aboutissent en définitive à l’atrophie jaune
aiguë du foie.
La théorie proposée par Hénoch me semble pouvoir rendre compte d’une
façon satisfaisante de ce que nous avons observé chez nos poules. Il y a eu
certainement chez elles de la polycholie. La bile a-t-elle été en outre mo-
difiée dans sa composition ? Je l’ignore, les recherches nécessaires n'ayant
pas été faites.
En somme, d’après les expériences décrites plus haut on voit que la co-
lombine semble porter son action sur le tube digestif. Elle augmente la
48 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
sécrétion de la bile, elle excite la sécrétion des glandes stomacales et in-
testinales. À un degré plus avancé les sécrétions glandulaires sont modi-
Jiées et on trouve à l’autopsie les matières visqueuses décrites précédem-
ment. Cela pourrait servir à expliquer un fait qui a déjà été signalé.
Chez beaucoup de malades qui prennent du vin de colombo, l’appétit
est d'abord augmenté d’une façon notable pendant les premiers jours. Puis
il survient plus ou moins vite un moment où cet appétit disparaît et où il
se manifeste des symptômes d’embarras gastrique. Ce fait est surtout ob-
servé chez les dyspeptiques qui vomissent le matin de grandes quantités
«le mucosités. Cette action nocive du vin de colombo est moins marquée
si on prend celui-ci au milieu des repas, mais presque toujours elle se
manifeste plus tard. Il est vrai que dans le vin de colombo, il faut faire la
part du médicament et celle du véhicule alcoolique. Néanmoins le fait dont
je parle se montre plus vite avec le vin de colombo qu'avec d’autres vins
médicamenteux, celui de quinquina par exemple.
Delioux de Savignac (Dictionnaire encyclopédique des sciences méd.,
art. CocomBo) donne comme action principale du colombo « qu’il combat
les flux intestinaux non par astringence, mais en tonifiant la muqueuse
intestinale et en combattant l’exosmose passive qui laisse affluer les liquides
en excès dans le canal intestinal. Il tarit surtout le flux bilieux, de même
que, du côté de l'estomac, il réprime particulièrement les vomissements
de cette nature, ce qui suppose une action spéciale sur le foie, sur les
excès et les viciations de la sécrétion biliaire »..
La colombine à certainement une action considérable sur le foie, mais,
AV’après ce qu’on a vu plus haut, son action serait opposée à celle que
Delioux de Savignac donne au colombo, surtout en ce qui concerne les
sécrétions stomacales et intestinales. Quant à son action sur les fibres
musculaires de l’estomac et de l'intestin, je n’ai aucune donnée à ce
sujet.
On peut s'expliquer aussi maintenant pourquoi le colombo diffère de
beaucoup d’autres toniques amers en ce qu’il facilite la digestion sans
constiper. L'action de la colombine intervient sans doute pour augmenter
les sécrétions du tube digestif et du foie et faciliter ainsi les garde-robes.
En voyant l’action si énergique de la colombine, on pourrait s'étonner
de ne voir que rarement le colombo produire quelques accidents comme
vomissements et diarrhée. Cela tient à deux causes : d’abord à ce que la
colombine n’est contenue qu’en très faible proportion dans la poudre de
colombo (4 grammes environ par kilogramme). On donne rarement plus
de 4 à 6 grammes de poudre de colombo en vingt-quatre heures. À la dose
excessivement faible à laquelle la colombine est absorbée, et vu son peu
de solubilité, elle ne doit agir que faiblement. .
Ensuite son action est probablement entravée par les autres substances
que contient la racine de colombo, principalement par la matière gluti-
neuse abondante qu’elle contient et qui est en si grande quantité, « qu'elle
ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 49
rend son extrail plastique au point de l'empêcher d’adhérer aux vases dans
lesquels on la prépare » (Dorvault).
En outre, il est très difficile de se procurer du colombo de bonne qua-
lité. Celui qu'on trouve dans la plupart des pharmacies est souvent piqué
et, dans les cas où la plante est altérée, la colombine se trouve peut-être
en moins grande quantité.
Conclusions.
En somme, en présence des résultats obtenus chez les animaux, on est
en droit de se demander si la colombine peut être introduite avec avantage
dans la thérapeutique.
On pourra sans doute l’administrer, mais à deux conditions. Nous avons
vu qu'une poule a résisté pendant longtemps tout en prenant chaque jour
4 centigrammes de colombine. Il faudra donc chez l’homme débuter par
une très faible dose, 1 centigramme et même moins.
Il faudra ensuite surveiller avec la plus grande attention les effets pro-
duits par le médicament et songer toujours au foie pour éviter d'y pro-
duire de dangereuses lésions.
La poudre de colombo sera donc dans tous les cas préférable aux
extraits alcoolique et éthéré qui avaient déjà amené quelques accidents.
Ce que nous disons de la colombine doit-il s’étendre au colombo? Evi-
demment non; car d’une part, ce médicament est employé depuis longtemps
sans que des auteurs attentifs aient constaté des accidents lors de son
emploi. D'autre part, il n’y a pas que de la colombine dans le colombo. Il
s’y trouve bien d’autres substances qui, comme la matière glutineuse si-
gnalée plus haut, peuvent fort bien s'opposer à l’action de la colombine.
On est cependant en droit de conclure que l’administration du colombo
à haute dose ou pendant un temps trop long peut avoir des inconvé-
mients. Je pense donc qu'il faut être prudent dans l’emploi de ce médi-
cament amer. On fera bien de n’employer que de faibles doses en s’arrê-
tant de temps à autre.
B10LOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 1. N 4
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SUR LE SULFO-CARBOL
(ACIDE ORTHOXYPHÉNYLSULFUREUX )
SES PROPRIÉTÉS ANTIFERMENTESCIBLES ET ANTISEPTIQUES
Communication faite à la séance du 14 juin 1884
Par M. F. VIGIER
En ce moment, où tous les jours on découvre de nouveaux microbes mor-
bides, alors que l’on voit presque partout des maladies d’origine parasi-
taire, produites par des microbes venus du dehors et même par des mi-
crobes venus du dedans, il est intéressant de signaler toutes les substances
antiseptiques et désinfectantes qui peuvent détruire ces germes, sans que
leur emploi donne aux médecins la moindre crainte de nuire à leurs ma-
lades.
Tel est l’acide orthoxyphénylsulfureux, sur lequel je me permettrai
aujourd’hui d’attirer l'attention en signalant au corps médical ses propriétés
antiseptiques, antiputrides et antifermentescibles.
I
Pour plus de facilité de langage, j'appellerai ce corps sulfo-carbol, nom
qui indique très bien qu’il est le résultat de la combinaison de l’acide
sulfurique et de l’acide carbolique.
Laurent est le premier qui, en 4841, indiqua que les acides sulfurique et
phénique, en se combinant, donnent un acide sulfoconjugué. Depuis, un
grand nombre de chimistes, Berthelot, Kekulé, Bardy et Dusart, Solomma-
noff, Menzner, Gondard, etc., se sont occupés de cette question et ont
montré qu'il existe trois acides sulfoconjugués du phénol; ces trois isomères
(ortho, méta, para) ne jouent pas le même rôle et ne possèdent pas les
mêmes propriétés.
Il existe plusieurs procédés pour préparer l’acide oxyphénylsulfureux,
ceux de Omar Guy, Prescott, Menzner, Solommanoff, Creuse, etc. Dans cha-
cun, les proportions d'acide sulfurique et d’acide phénique sont différentes.
Aussi quand on les emploie, faut-il avoir soin de saturer tout l’acide sulfu-
rique resté libre et également ne pas avoir un excès d’acide phénique.
Des trois acides oxyphénylsulfureux (ortho, méta, para), an seul, l’ortho,
jouit de propriétés antiseptiques, désinfectantes remarquables et tout à fait
supérieures.
Soluble dans l’eau en toute proportion, il n’est ni caustique, ni toxique
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [.
94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
comme l'acide phénique, ainsi que nous allons le montrer. Cet acide, main-
tenu quelque temps au-dessus de 100 degrés, se transforme presque entiè-
rement en acide para, lequel est inerte comme antiseptique.
Or les chimistes Omar Guy, Menzner, Prescott, etc.,-ont conjugué le
phénol et l'acide sulfurique entre 100 et 140 degrés. Il n’est donc pas sur-
prenant qu'aucun de ces expérimentateurs n'ait soupçonné les puissantes
qualités antiseptiques exclusives à la modification ortho.
Pour obtenir le sulfo-carbol, c’est-à-dire l’acide ortho, il faut donc
empêcher l’élévation de la température. Pour cela on mélange à froid équi-
valents égaux d’acide sulfurique concentré et d'acide phénique, on sature
l'excès d’acide par le carbonate de baryte, de telle façon.que la liqueur
filtrée ne précipite ni par l’eau de baryte, ni par l’acide sulfurique, et on
concentre à basse température ou mieux dans le vide. On évite ainsi la for-
mation de la modification para et on a de l’acide ortho très actif.
Solommanoff considère l’acide oxyphénylsulfureux comme un éther de
l'acide sulfureux et lui attribue la formule
| SSH
12H74
CH 1102
On peut assimiler le sulfo-carbol à de l’acide salicylique devenu soluble ;
c’est en quelque sorte un succédané de cet acide, et il est d'autant plus
intéressant de le mettre en lumière que la théorie ne prévoit pas d’autre
monophénol acide et soluble dérivant de la benzine bisubstituée.
L’acide salicylique n’est autre que l’acide ortho-oxybenzoïque; or ses
isomères, les aciaes méta et para-oxybenzoïques, ne différant de l'acide
salicylique que par la position de CO,OH vis-à-vis de OH phénolique, n’ont
qu’une énergie antiseptique presque nulle.
Si, dans les modifications précédentes, on substitue SO?,O0H à CO,0H, on
a les trois acides oxyphénylsulfureux.
Gerhardt, et -après lui Naquet, ont démontré la parfaite analogie des
corps dans lesquels le radical sulfuryle SO? remplace le radical carbo-
nyle CO. De plus, ces savants ont considéré l’acide orthoxyphénylsulfureux
comme un acide salicylique dans lequel SO? est substitué à CO.
La formule atomique de l’acide salicylique étant :
CSH#,0H(!),C0,O0H(°),
celle du sulfo-carbol sera : (
CSH£,0H(:),S0°,0H(°).
Cet acide se comporte en effet, en face des réactifs, exactement comme
de l'acide salicylique ; le perchlorure de fer donne la même réaction. Il est
aussi un antiseptique plus énergique, sans doute à cause de sa grande solu-
bilité.
Le sulfo-carbol, à la température ordinaire, est un liquide sirupeux (den-
SUR LE SULFO-CARBOL. 55
sité 1,400), d’une teinte rose-œillet; d’une odeur piquante, mais non désa-
gréable comme celle du phénol et qui disparaît presque complètement en
solution; vers 8 à 10 degrés au-dessus de zéro il cristallise en aiguilles et
forme une masse compacte qui se liquéfie à une légère chaleur; chauffé
avec précaution sur une plaque, dans un vase au bain-marie ou dans de
l’eau bouillante, il se volatilise et peut servir en fumigations ; si on élève la
température, il distille vers 130 degrés, puis se décompose, et il reste du
charbon. Il forme des sels cristallisés avec un grand nombre de corps :
la potasse, la soude, la chaux, le mercure, le fer, le plomb, le bismuth, etc.
Fondu avec un excès de potasse ou de soude, il se produit de la pyroca-
téchine identique à celle du cachou;'avec la chaux on a des sulfones ana-
logues aux acétones. .
IT
Malgré des études préliminaires sur l'urine, la levure de bière, des expé-
riences faites sur nous-mêmes et sur quelques personnes de notre entou-
rage, nous avons tenu, avant de proposer l'application du sulfo-carbol à la
médecine humaine, à nous rendre compte de ses elfets sur les animaux.
Depuis quelques mois, sous la direction de M. le docteur Laborde, nous
avons fait dans son laboratoire, qu’il met toujours si gracieusement à notre
disposition, une série d'expériences sur des chiens, des lapins, des cobayes,
des grenouilles, d’une part, et de l’autre, au point de vue antiputride, anti-
septique et antifermentescible, sur des urines, de la levure de bière, du
sang, des muscles d'animaux, des grenouilles mortes, etc.
Il résulte de nos expériences que, par la voie stomacale, nous avons pu
administrer, dans l’espace d’une demi-heure, en solution de 5 grammes
pour 100 centimètres cubes d’eau, jusqu’à 10 grammes de sulfo-carbol
à un chien pesant 16 kilogrammes, et 71,50 à un chien de 7 kilogrammes,
sans que ces animaux aient éprouvé ni convulsions, ni malaise appréciable.
A l’autopsie la muqueuse de l’estomac du premier chien ne présentait rien
de particulier, quoiqu’on lui ait donné plusieurs jours de suite du sulfo-
carbol. Cette dose peut être augmentée à la condition d'étendre les liqueurs;
autrement des vomissements, à bave coagulée, peuvent se produire; on
connait, il est vrai, avec quelle facilité le chien vomit. Ainsi un chien, du
poids de 10 kilogrammes, qui venait de manger de la viande et auquel nous
avons donné 10 gramnres de sulfo-carbol dans 100 centimètres cubes d’eau,
a eu, au bout d’une demi-heure, des vomissements de bave, puis d'aliments
à aspect blanchàtre. La digestion a été entravée par la propriété coagulante
de cet acide ; quelques instants après, le chien avait repris son allure ordi-
naire.
Dans tous les cas, malgré des doses élevées, on ne voit aucun change-
ment appréciable dans leur état de santé, leur vie habituelle, leur appé-
tit, etc.
Enfin nous avons pris nous-même sous forme de limonade, dans un litre
0 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
d’eau, différentes doses de sulfo-carbol; nous en avons absorbé ainsi, par
petites fractions, jusqu’à 10 grammes par jour, sans éprouver aucun incon-
vénient. Nous ajouterons même qu’à la dose de 5 à 6 grammes par litre on
a une limonade agréable.
Il en est bien autrement si l’on administre dans les mêmes conditions de
l'acide phénique. On connaît, d’après les travaux de M. P. Bert, les désor-
dres produits par cette substance qui, à la dose de 3grammes pour 50 d’eau,
introduite dans l'estomac, produit des convulsions violentes, de forme clo-
nique, avec troubles respiratoires graves, rapidement suivis de mort.
Avec le sulfo-carbol rien de semblable : pas de convulsions, les urines
“restent limpides et le perchlorure de fer décèle la présence de cet acide,
même lorsqu'il a été pris à faible dose, 50 centigrammes à 4 gramme. Nous
ajouterons que les urines se conservent bien et que l’acide urique se dépose
rapidement.
Dans le but de rechercher la dose et les effets toxiques, nous avons intro-
duit immédiatement la substance dans le sang, au moyen dé linjection
intraveineuse. Afin d'éviter l’action coagulante, nous-nous sommes servis,
en premier lieu, d’une solution très étendue à 1 pour 100.
Or, sur un petit chien du poids de 7 kilogrammes, celui-là précisément
qui a pu absorber par l'estomac, sans présenter le moindre trouble appré-
ciable, 75°,90 de notre produit, nous avons introduit par la veine, dans
l’espace de trois quarts d'heure environ, en injections successives de :
1,3et9 centimètres cubes à la fois, jusqu’à 15 centigrammes de sulfo-carbol,
sans produire d’autres phénomènes qu'un peu d’agitation et d'accélération
des battements du cœur, à la suite de chaque injection.
L'animal est demeuré bien portant après cette première épreuve. Recom-
mencée deux jours après, le même chien est resté réfractaire à l’injection
intraveineuse, répétée à un quart d'heure de distance, de 10 centimètres
cubes à la fois de la même solution à 4 pour 100, c RO à 20 centi-
grammes du produit, introduits presque d’emblée ion la veine.
k’,Essayant alors une solution plus concentrée à 2 pour 100, laquelle exerce
une action coagulatrice manifeste sur le sang hors de ses vaisseaux, nous
avons poussé, toujours dans la veine et d'emblée, 6 centimètres cubes de la
solution, ce qui portait à 12 centigrammes la dose du principe actif, et, à
part l'agitation habituelle et les accélérations passagères de la respiration et
des battements du cœur, nous n’avons observé aucun accident fonctionnel
notable.
Enfin, poussant l’essai plus loin, nous nous sommes adressés à une solu-
tion plus concentrée de 20 grammes pour 100; de telle sorte que 1 centi-
mètre cube représentait 20 centigrammes de principe actif. Or linjection
intraveineuse pratiquée sur un chien du poids de 15 kilogrammes à pu
être poussée, en l’espace de 40 minutes environ, jusqu’à la dose de 10 cen-
timètres cubes, soit 2 grammes de sulfo-carbol, sans donner lieu à d'autres
accidents que les phènomènes fonctionnels jusqu’à présent observés et
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SUR LE SULFO-CARBOL.
signalés par nous, savoir : agitation accompagnée de cris plaintifs, accélé-
ration et irrégularités des battements du cœur et des mouvements respira-
toires, salivation abondante et spumeuse, etc., tous phénomènes qui pre-
naient, à la vérité, une intensité croissante, à chaque augmentation de la
dose injectée.
Ce n’est que lorsque cette dose a atteint le chiffre de 14 centimètres cubes,
soit 22,80 de produit actif, que, l’animal raidissant tout à coup ses pattes et
la colonne cervicale en arrière, poussant un violent cri de détresse, nous
avons vu se faire l'arrêt des mouvements respiratoires du thorax et du cœur,
qui n’a repris, un instant, que quelques contractions trémulatoires ultimes :
les urines se sont écoulées en abondance et parfaitement limpides (leur
odeur décelait nettement la présence du sulfo-carbol); la pupille s’est lar-
gement dilatée. L'animal était mort.
Les caillots volumineux et étendus quiremplissaient les cavités du cœur,
surtout les cavités droites, les veines caves et pulmonaires, ne permettaient
aucun doute relativement à la véritable cause de la mort : l’influence coa-
gulatrice des doses concentrées de la substance. Nous avions vu, durant
l’expérience, cette influence se manifester à l’embouchure de la canule
introduite dans la veine, car 1l nous fallait, à tout instant, débarrasser cette
canule des coagula qui l’obstruaient.
Il était intéressant d'étudier aussi les effets de l’injection sous-cutanée.
Chez un jeune chien de 2 kilogrammes, une injection sous-cutanée de
24 centigrammes dans 3 centimètres cubes d’eau, faite à la région lombaire,
a déterminé une espèce de poche, l’absorption n'ayant pas eu lieu, gràce à
la propriété que possède le sulfo-carbol de coaguler les principes albumi-
noïdes. Au troisième jour, la peau s’est détachée comme si elle avait été
découpée à l’emporte-pièce; la plaie, très belle, a rapidement guéri sans
suppuration. — En dehors de l’eschare, le chien n’a rien éprouvé. — Re-
marquons, en passant, que cette propriété de coagulation pourra peut-être
être utilisée dans les cas de pustule maligne, morsure de vipère ou de chien
enragé, afin d'empêcher l'absorption du virus.
Chez un cobaye de 457 grammes, 1 centigramme dans 3 centimètres
cubes d’eau : les injections faites à chaque cuisse postérieure n’ont produit
aucun effet.
De: zrenouilles ont été placées dans un peu d’eau renfermant 1 pour 100
de sul:o-carbol; la déglutition pouvait se faire facilement hors du liquide ;
seulement de temps en temps on agitait le vase afin de mouiller la surface
de leur corps; voici alors ce qui se passe : la peau devient de plus en plus
blanchätre, comme si elle se recouvrait d’une mince pellicule; l’animal
cherche d’abord à se retirer, la déglutition se fait de moins en moins, même
lorsqu'il est placé hors de l’eau, les forces diminuent, la sensibilité dispa-
rait et la mort arrive au bout d’une demi-heure,
Dans une solution à 0,50 pour 100, le même phénomère se produit,
seulement la mort est plus lente; elle arrive environ dans une heure.
D8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
À l’autopsie, les poumons sont remplis d'air, le cœur bat longtemps, mais
les diverses parties du corps, les extrémités surtout sont décolorées et ne
renferment presque plus de sang. -— Dans ces expériences, on voit que le
sulfo-carbol, en coagulant les principes albumineux de la surface de la
peau, empêche la respiration culanée nécessaire à la vie de la grenouille.
Ajoutons que quelques gouttes de la solution à 1 pour 100 placées à la
surface de la membrane interdigitale de la grenouille disposée pour l’obser-
vation microscopique, y déterminent du côté des vaisseaux et de la circulation
capillaires la série des phénomènes déjà observés et décrits par M. Laborde
avec la plupart des antiseptiques : constriction primitive des vaisseaux, à
laquelle succèdent bientôt une dilatation lente et progressive, le ralentisse-
ment du cours du sang réduit à quelques mouvements oscillatoires, et fina-
lement l'arrêt complet et la coagulation intramusculaire.
Du sang, de la salive, mis au contact d’une solution renfermant de 1à2
pour 100 de heal sont immédiatement coagulés, et deviennent blan-
châtres. En général, pour toutes les matières albumineuses, cette même
réaction se produit.
ITI
Les faits suivants mettent hors de doute son action antiputride.
Des grenouilles mortes, du sang, des muscles de chien, des débris d’ani-
maux, etc., mis à l’étuve (température 35 degrés), dans une solution à
0,9 pour 100, se conservent pendant plusieurs jours; à 1 pour 100, on peut.
ie qu'ils se conservent presque indéfiniment.
De la macération de poissons pilés, liquide extrêmement putrescible, avec
0,7 à 1 pour 100 de sulfo-carbol, placée dans les mêmes conditions, n'a pas
di de fermentation putride.
L’acide ortho peut remplacer le tannin, il one la peau et les mu-
queuses ; ainsi :
La peau fraîche d’un animal mise en macération avec une solution con-
centrée à 10 pour 100 donne un cuir qui semble posséder toutes les pro-
priétés des cuirs obtenus avec le tannin. Avec l’acide phénique on obtient
un mauvais résultat.
En solution étendue de 1 à 5 pour 100 et plus sur la muqueuse buccale,
il est facilement supporté. Sa causticité est assez faible pour que, même pur,
si l’on a soin de n’en mettre qu’une petite quantité sur la langue, on n’éprouve
aucun sentiment de brülure. Si on enduit légèrement de sulfo-carbol, ainsi
que nous l'avons fait nous-mêmes, une partie de la langue, les lèvres exté-
rieurement et intérieurement, et qu’on ne se lave pas de suite, on éprouve
un petit picotement, un goût astringent très marqué, la muqueuse devient
blanchâtre et le lendemain l’épiderme se détache-en pellicule mince, très
peu sur les lèvres et davantage sur la langue et les muqueuses. À part cela,
nous n’avons eu aucune douleur, aucune difficulté pour parler et manger.
SUR LE SULFO-CARBOL. 9
Mais, je le répète, nous avons agi avec le produit pur et nous n’avons pas
lavé, la salive seule avait suffi.
Extérieurement, sur la peau, on peut s’enduire complètement les mains de
sulfo-carbol pur sans aucun danger; on ressent un peu de chaleur, et quel-
ques minutes après, les mains redeviennent sèches et à leur état naturel.
Un grand nombre de plaies sur différents animaux, plaies récentes, avec
bourgeons, suppuration, des abcès, etc., ont été trailés par des solutions
renfermant jusqu’à 10 pour 100. La surface de la plaie devient plus ou
moins blanchätre, puis reprend bientôt un bel aspect. Les bourgeons se mo-
difient, la suppuration cesse et la plaie ne tarde pas à se fermer. Le fétor
lui-même des cancers ulcérés, si pénible aux malades, disparaît ; on sait
combien, dans ce cas, les agents de la thérapeutique antiseptique sont
insuffisants. Nous avons poussé l’expérience plus loin. Nous sommes allés
jusqu’à mettre sur un muscle de la jambe d’un chien du sulfo-carbol pur.
La plaie a blanchi, une coagulation complète de la surface s’est produite et
le lendemain elle était d’un aspect magnifique. Cette application a été
répétée plusieurs fois sans que le chien ait paru éprouver la moindre
souffrance. En aucun cas nous n'avons constaté d'accidents par suite de
l'absorption du médicament. Même après la mort des animaux, et à une cer-
taine distance de cette mort (vingt-quatre à quarante-huit heures après), les
plaies ne présentent pas d’odeur appréciable, malgré l’état de cadavérisation.
IT nous est impossible de reproduire toutes nos expériences; cependant,
pour bien démontrer l’action antiseptique, antiputride et antifermentescible
du sulfo-carbol, nous citerons encore celles faites sur les urines et sur la
levure de bière:
On sait, par les belles expériences de Müntz et de Mesculus, que l’acide
phénique est absolument sans action sur les fermentations d’ordre diasta-
sique, et qu'il n'empêche pas l’urée de se décomposer en acide carbonique
et en ammoniaque. Le sulfo-carbol empêche cette décomposition. Nous
conservons, depuis plusieurs mois, à la température ordinaire, de l’urine
renfermant 0,25 pour 100; à 35 degrés elle se conserve plusieurs semaines,
et, à la dose de 0,50 à 1 pour 100, on peut dire indéfiniment. De l'urine neu-
tralisée, puis peptonisée, placée dans les mêmes conditions, ne s’altère pas.
Avec la levure de bière : Expérience I. — 10 kilogrammes de glucose,
1 hectolitre d’eau, 35 grammes de sulfo-carbol.
1 gramme de levure est tué; avec 2 grammes de levure, la fermentation
commence.
Expérience 11. — 10 kilogrammes ‘de glucose, 1 hectolitre d’eau,
10 grammes de sulfo-carbol.
10 grammes de levure sont tués ; avec 15 grammes de levure, fermentation.
Expérience III. — 10 kilogrammes de glucose, 1 hectolitre d’eau,
100 grammes de sulfo-carbol.
60 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
40 grammes de levure sont tués ; avec 60grammes, la fermentation a lieu.
Ainsi, dans un même milieu fermentescible, si l'on triple la proportion
(soit, au lieu de 0,35, 1 gramme pour 1000), on stérilise quarante fois plus de
ferments. On ne saurait donc trop recommander, puisque le sulfo-carbol est
soluble en toute proportion, contrairement à l'acide salicylique, inoffensif
et non caustique par rapport à l’acide phénique, de l’employer à 1, 2, 3,5
pour 100, proportions qui entravent toute espèce de fermentations alcoo-
liques, figurées ou diastasiques.
Tout ce qui précède se rapporte spécialement au sulfo-carbol ; nous ferons
plus tard l’étude de ses sels, les orthoxyphénylsulfites. Nous ajouterons
cependant que, sur les indications de M. Ch. Richet, nous avons commencé
une série d'expériences avec le sel de soude. Nous avons pu ainsi injecter,
dans la veine d’un chien de 9 kilogrammes, 3 grammes de ce sel dans
60 centimètres cubes d’eau. La température de lPanimal n’a pas sensible-
ment varié : de 39°,3 elle est descendue à 58°,62, puis, le chien étant libre,
elle est remontée à 39°,9. Aucun changement n’est survenu dans son état.
Le sel de soude conserve aussi les matières putrescibles : muscles, urines
peptonisées, ete. Le sang ne se coagule pas comme avec l’acide et se con-
serve aussi. Nous n’avons pas encore pu établir les proportions nécessaires
de son action, mais il les faut supérieures à celles de Pacide.
On voit tout l'avantage que l’on peut retirer de l'emploi du sulfo-carbol
dans la médecine et la chirurgie humaine sans avoir à redouter aucun effet
toxique. Aussi nos expériences nous autorisent-elles à espérer que les appli-
cations faites dans les hôpitaux par MM. Dujardin-Beaumetz et Blum dans le
service de M. Perier viendront confirmer que cette substance peut rem-
placer les acides phénique et salicylique dans les pansements ordinaires
des plaies à la dose de 1 à 5 pour 100; qu’elle sera un puissant désinfectant
et un topique modificateur dans les maladies du vagin et l'utérus (de ! à
10 pour 100), de l’urèthre à 1/2 pour 100, des ulcères cancéreux, abeës .
tides, ete. (4 à 10 pour 100 et plus).
Dans l’obstétrique, on n’aura pas à craindre d'absorption toxique, ni les
accidents redoutables signalés encore dernièrement par M. le professeur
agrégé Charpentier par l'emploi de l’acide phénique et du sublimé : « Odeur
désagréable, érythèmes, lésions vulvaires et vaginales si douloureuses,
éruption, voire même gingivite. »
Contre les fièvres éruptives, les maladies parasitaires de la peau : teigne,
dermatoses, etc., de 1 à 10 pour 100.
Le degré de Concentr ation des solutions devra résulter de l'appréciation
des médecins, selon les cas et la susceptibilité des malades. En règle géné-
rale, on peut suivre les doses indiquées pour l’acide phénique, les doubler
et É tripler au besoin, le sulfo- carbol n'étant pas caustique ni toxique
comme le phénol.
NOTE
SUR UNE
MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION
AU MOYEN DE SANG AYANT SUBI L'ACTION DE LA PEPTONE
Par M. AFANASSIEW
(de Saint-Pétersbourg)
Travail du laboratoire de M. Vulpian, présenté par M. BOCHEFONTAINE, dans la séance
du 14 juin 1884.
L'histoire de la transfusion du sang est assez longue et plus ou moins
connue. Nous n'avons donc pas l'intention de la faire dans cette communi-
cation. Nous dirons seulement que, malgré de nombreux travaux, la
transfusion du sang directe ou indirecte n’a pas encore reçu ses droits de
cité dans la pratique médicale.
Grâce aux travaux de ces dix dernières années, elle perd chaque jour
du terrain et des défenseurs, même pour le cas où elle serait prati-
quée directement et avec du sang provenant d’un individu de la même
espèce. La raison de ce fait paraît être la suivante : la transfusion du sang
défibriné (transfusion indirecte) ne donne pas les résultats voulus, par cela
même qu'il n’est plus normal. L'acte de la défibrination prive le sang non
seulement de quelques éléments intégrants de sa conslitution (tous les
hématoblastes de Hayem, la fibrine, beaucoup de globules blancs et rouges),
mais encore porte une atteinte grave à la vitalité de tout ce qui reste.
L'organisme animal qui subit l'injection d’un sang pareil se comporte
envers lui comme il se comporterait envers tout autre liquide étranger à
sa constitution. Ne pouvant tirer de lui aucun profit, il s’en débarrasse
comme d’un produit en excès. Tôt ou tard, ce sang quitte l'organisme sous
forme d'hémoglobine en solution, ou sous forme de produits de transforma-
tions propres aux corps albuminoïdes en général. [I se peut encore que ce
sang dénaturé se métamorphose en produits sécrétoires, ou qu'il serve
même à la production de nouvelles hématies.
Nous ne pouvons pas considérer plus favorablement la transfusion au
moyen du sang pur (transfusion directe). Toutes les méthodes de transfu-
sion de sang pur à l’homme, même les plus nouvelles et Les plus ingénieuses
(les méthodes de Roussel (1), de Dieulafoy (2), etc.), présentent ce grave
(1) Roussel, Transfusion directe du sang vivant. Paris, 1882.
(2) Dieulafoy, Transfuseur. et transfusion (Progrès médical, 1884, n°5,
p. 100).
62 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
inconvénient que, plus ou moins vite, le sang se coagule dans les appareils
et rend ainsi impossible la marche de l'opération. Il y a plus : bien avant le
commencement de la coagulation complète et générale qui entrave la trans-
fusion, il est établi que le sang commence à se coaguler en différents
endroits faciles à trouver sous le microscope. On voit là de petits points
particuliers, qui ne sont autre chose que des amas d’hématoblastes de
Hayem (1) ultérieurement décrits sous le nom de plaquettes de sang
(Blutplätichen), par Bizzozero (2), petits points très altérés et entourés
d’une zone fibrino-granuleuse. Or c’est là, d’après ces auteurs, le premier
stade de la coagulation générale du sang.
Ainsi, pendant la transfusion du sang pur, nous devons nous garder d’in-
troduire dans l’économie des coagula, qui seraient le point de départ de
la formation d’embolies et de thrombus. Certainement d’autres éléments
constituants du sang, maltraités mécaniquement dans les appareils, entrent
dans l'organisme tellement modifiés, qu’ils y doivent périr aussitôt, si déjà
ils n’ont pas été détruits dans les appareils eux-mêmes, et augmentent
ainsi la charge dont nos appareils doivent se débarrasser. Il est très pro-
bable que beaucoup de globules rouges injectés continuent à vivre dans le
réseau circulatoire, mais leur utilité n’est réellementpas en rapport avec les
inconvénients et les dangers que la transfusion du sang pur peut produire
et sur lesquels nous venons d’insister.
On comprend donc que la transfusion du sang tende à disparaître de la
pratique médicale, surtout dans les cas où il s’agit de combattre les ané-
mies graves, et qu’elle cède la place à l'injection de chlorure de sodium.
Les partisans de cette infusion (Kronecker et Sander (3), Jolyet et
Laffond (4), Schwarz (5), Ott (6)), se basent sur l'hypothèse de Golz (7),
(1) Hayem, Recherches sur l’évolution des hématies duns le sang de l’homme
etdes vertébrés (Arch. de physiol. norm. et path., 1878 et 1879).— Leçons sur les
modifications du sang sous l'influence des agents médicamenteux et des pra-
tiques thérapeutiques. Paris, 1882.
(2) Bizzozero, Ueber den dritten Formbestandtheil des Lbutes und ihre Bezie-
hung zur Blutgerinnung und Thrombose (Virch. Arch., XC, 1882).
(3) Kronecker et Sander, Bemerkungen über lebensrettende Transfusion mit
unorganischen Salzlosungen bei Hunden (Berl. klin. Woch., 1879, p. 768).
(4) Jolyet et Laffond, Sur les effets des injections d’eau salée dans le système
circulatoire des animaux exsangques (Soc. de biol., Gazet. méd. de Paris, 1819,
p- 101).
(5) E. Schwarz, Ueber den Werth der Infusion alkalischer Kochsalzlosung in
das Gefässsystem bei acuter Anümie (Habilitationsschrift. Halle, 1881).
(6) Ott, Ueber den Einfluss der Kochsalzinfusion auf den verblutelen Orga-
nismus im Vergleich mit anderen zur Transfusion verwendeten Flüssigkeiten
(Virch. Arch., Bd 93, 1883, p. 114).
(7) Golz, Ueber den Tonus des Gefässe und seine Bedeutung für die Blutbe-
wegung (Arch. f. path. Anat. und Phys., Bd XXIX).
MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION. 63
d’après laquelle l'animal atteint d’une anémie aiguë périt, non pas à cause
de la diminution des globules rouges, mais par suite du défaut de liquide
dans les vaisseaux : la circulation du sang s’arrête parce que le système
vasculaire n’est pas rempli de liquide. Remplissez-le avec un liquide quel-
conque, indifférent, par exemple avec une solution physiologique neutre ou
un peu alcaline de chlorure de sodium (de 0,6 à 0,75 pour 100), et l'animal
sera sauvé. M. Ott, qui a pratiqué aux chiens ayant perdu la moitié et même
les deux tiers de leur sang l’injection de cette même quantité d’une solution
de chlorure de sodium, a trouvé que les animaux, après cette opération,
paraissaient très bien portants et se rétablissaient plus vite qu'après l’in-
troduction du sang pur ou défibriné. Il est vrai que ces animaux deviennent
pour quelque temps très hydrémiques.
Nous sommes prêts à donner toute notre approbation à la conclusion
de M. Ott, surtout quand nous pensons à toutes les méthodes qui ont été
recommandées jusqu'ici pour la transfusion sanguine y compris celles dont
s’est servi ce docteur. Mais nous ne pouvons pas admettre avec M. Ott, que
le transfert du sang en général n’est pas possible. Si la transplantation de
morceaux d’épiderme et même du derme d’un sujet à l’autre est possible,
si ces fragments continuent de vivre sur un autre sujet, pourquoi le même
résultat ne serait-il pas admissible pour le sang? Si pendant la transfusion
du sang pur ou défibriné plusieurs des globules rouges injectés périssent,
cela ne veut pas dire que tous les globules injectés périssent de suite, ou
après l’opération. Ce dernier fait n’est jusqu'ici prouvé par personne, et
voici pourquoi nous pensons que de nouvelles recherches de méthodes plus
perfectionnées de la transfusion du sang sont encore à faire.
Avant d'entrer au cœur du sujet, je dois encore mentionner qu'au mo-
ment où nous finissions ce travail, nous avons eu connaissance d’une com-
munication préliminaire de M. le docteur Maydl (1), de Vienne, d’après
laquelle la transfusion du sang défibriné a sauvé des animaux, dont l’ané-
mie était due à la perte de plus de deux tiers de la quantité du sang de
l’animal chez lesquels l’infusion de chlorure de sodium était restée sans
aucun effet, et dont la mort était certaine. Ainsi la communication du
locteur Maydl prouve bien que la transfusion du sang défibriné, en dehors
de son influence fàcheuse sur l’organisme, laquelle est certaine, peut pro-
duire de bons effets, qui surpassent quelquefois les mauvais.
Je dois aussi remercier M. le professeur Vulpian du bon accueil qu'il m'a
fait et des encouragements et des conseils dont il m'a honoré pendant le
cours de ce travail.
Le but de mes recherches a été de répondre à la question suivante :
s’il est impossible de transfuser le sang tel quel, d’un animal à l’autre, ne
pourrait-on pas trouver un liquide qui ne fût pas nuisible à l'organisme,
(1) Maydl, Die In und Transfusion als Retlungsmiltel bei acutler Anämie
{Wiener medic. Wochensch., 1884, n° 13).
64 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dans lequel le sang normal, retiré directement des vaisseaux, conserverait
ses caractères physiologiques, et qui serait alors employé pour la transfusion ?
On pourrait alors unir l'influence heureuse de l'introduction des liquides
indifférents à l’effet salutaire des éléments figurés du sang non altérés, si
ce dernier effet salutaire existe en réalité.
En 1881, Schmidt-Mülheim (1) (du laboratoire du professeur Ludwig, à
Leipzig), travaillant dans un but tout à fait différent, a trouvé que la
peptone en solution, injectée dans le sang de l’animal dans la proportion de
30 à 60 centigrammes par kilogramme d’animal, arrête la coagulation.
Get état du sang de l’animal dure plus ou moins longtemps, selon la quan-
tité de peptone injectée. Ce qui est remarquable, c’est qu’aussitôt après l’in-
Jection la peptone ne se retrouve plus dans le sang par aucune réaction.
Cependant Schmidt-Mülheim n’a pas réussi à empêcher la coagulation du
sang, quand il le laissait couler de lartère dans la solution peptonique.
En répétant les expériences de cet auteur, je me suis assuré que : 4° Pin-
jJection de fortes doses de peptone (30 à 60 centigrammes par kilogramme
d'animal) dans les veines n’est pas suivie de symptômes toxiques; quelque-
fois on observe une faible influence narcotique ; 2° le sang obtenu par la
saignée chez un animal peptonisé, conserve la facullé de ne pas se coaguler
depuis quelques minutes jusqu’à vingt-quatre heures et même davantage ;
9° dans un pareil sang peptonisé tous les éléments figurés, comme les glo-
bules rouges, les globules blancs, les hématoblastes d’Hayem, se conservent
très longtemps sans aucune altération microscopique; 4° les propriétés
physiques du sang, sa couleur, sa manière de se comporter envers l’oxy-
gène, ses facultés spectroscopiqnes (deux raies d'absorption) sont les mêmes
que dans le sang normal ; 5° si on laisse couler le sang des artères ou des
veines, directement dans une solution de peptone d’une certaine concen-
tration et d’une température de 40 degrés centigrades, sans laisser péné-
trer l’air, on peut préserver le sang de la coagulation pour un temps plus
ou moins long. Dans ce cas le sang ne montre aucune des altérations que
décèlent toutes nos méthodes d'examen, excepté une : la perte de la faculté
de la coagulation. Mais encore cette faculté de la coagulation reparaît au
bout de quelque temps, c’est-à-dire que le sang commence alors à’ se coa-
guler, mais incomplètement et d’une manière moins subite que le sang
normal. Ù
Ayant nettement constaté tous les points que je viens d’énumérer, j'ai
pensé à employer la transfusion du sang peptonisé dans les cas d’anémies
expérimentales considérables chez les chiens (la perte du sang n’était pas
moins des deux tiers de la totalité du sang).
L'expérience a été faite de la manière suivante : on prend un volume
de la solution de 60 centigrammes de chlorure de sodium dans 100 parties
(1) Schmidt-Mülheim, Arch. für Anat. und Physiol. von Dubois-Reymond
Physiol. Abtht., 1880).
MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION. 65
d’eau égal au tiers du sang de l’animal (en admettant que le poids du sang
correspond au treizième du poids du chien). Dans cette solution on dissout
autant de fois 60 centigrammes de peptone qu’il y a de kilogrammes d’ani-
mal. Cette solution est chauffée jusqu’à ébullition ; s’il était nécessaire, on
la neutraliserait avec le bicarbonate de soude. Le tout filtré est mis dans un
vase gradué à deux tubulures, dont l’une s’ouvre à la partie supérieure, et
l’autre en bas sur le pourtour près du fond du flacon. Les deux ouvertures
sont pourvues de bouchons en caoutchouc, contenant des tubes en verre qui
peuvent communiquer avec les vaisseaux au moyen de tuyaux en caout-
chouc et de canules en verre. Sur les tubes en caoutchouc se trouvent des
pinces à pression continue. La canule d’en bas, remplie d'avance avec la
solution salée de peptone, est introduite dans l’artère (ordinairement la
carotide, quelquefois la crurale), d’où on laisse couler un tiers du sang de
l’animal dans le flacon jusqu'à une hauteur marquée d'avance. Avant d’in-
troduire du sang dans la solution salée de peptone, il faut ramener cette
dernière à 40 degrés centigrades. On fait couler un autre tiers du sang
dans un cylindre gradué, et il ne reste ainsi à l’animal qu’un tiers de son
sang. Ceci fait, on pratique la transfusion du sang peptonisé.
On retourne le flacon décrit plus haut, et le sang peptonisé, par consé-
quent non coagulé, commence à couler le long du tuyau en caoutchoue de
la partie supérieure du flacon (il suffit d’enlever la serre-fine À, et le bou-
chon B de la tubulure inférieure). Ce dernier est fixé aussitôt sur la canule
en verre qui est introduite d'avance dans la veine jugulaire ou dans la
crurale, et remplie aussi avec la solution salée de peptone.
La transfusion commence et peut aller plus ou moins vite, selon l’éléva-
tion plus ou moins grande du flacon, que l’on tient à la main. La transfusion
terminée, on lie l'artère et la veine, et on laisse l'animal en liberté. L’opéra-
tion de la transfusion dure à peu près cinq minutes. Il est facile de concevoir
les conditions dans lesquelles on devra se placer, si l’on veut pratiquer la
transfusion du sang peptonisé d’un chien normal sur un autre chien rendu
anémique.
Si la transfusion du sang peptonisé est faite trop vite, l’animal a quelque-
lois des nausées. Après l'opération il se trouve quelquefois dans un état
d’affaissement, qui disparaît très rapidement. L'animal semble se porter très
bien, mais l’appétit ne reparaît ordinairement qu’au second jour. Pendant
le rétablissement de l’animal, j'ai examiné plusieurs fois l’état microsco-
pique du sang en vue de rechercher si ces éléments présentent quelque
altération. On sait que les globules rouges, sous l'influence de différents
agents chimiques ou physiques, s'allèrent assez facilement et présentent dans
ce cas Les formes diverses de leur destruction (1).
(1) AÏ. Afanassiew, Ueber Icterus und Häimoylobinurie hervorgerufen durch
Toluylendiamin und andere Blutkôrperchen gestürende Agentien (Zeiütschr. f.
klin. Med., 1883, Bd V). — Ucber Hämoglobintmie und ire Folgen (Verhand-
66 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Ce sont d’abord : 1° les microcvtes de Masius et Vanlair (1), c’est-à-dire
des petits éléments ronds aux contours très marqués et de couleur plus
foncée, brunâtre, en quoi ils diffèrent des vrais globules, grands et petits ;
% de très petits fragments d'hématies de forme et grandeur différentes,
d’une couleur plus foncée que les hématies; 3° des globules rouges ayant
perdu un huitième, un quart, la moitié, et les trois quarts de leur substance
colorante de manière qu'ils laissent voir le stroma décoloré, attenant au
reste du globule coloré ; 4° des stromas de globules rouges tout à fait trans-
parents, non grenus et quelquefois pourvus de petits points colorés.
Aucune de ces productions pathologiques du globule rouge n’a pu être
observée dans le sang des chiens ayant subi la transfusion du sang peptonisé.
Cependant dans deux cas de transfusion de sang défibriné, j'ai trouvé un ou
deux jours après l’opération des formes de globules rouges altérés décrits à
l'article 3, et qui, d’après mes expériences, doivent certainement périr.
Avant de relater les cas dans lesquels j'ai appliqué la transfusion du
sang peptonisé chez des chiens, qui avaient perdu des deux tiers aux trois
quarts de leur sang, je dois dire un mot des qualités de la peptone que
j'ai employée. [l'est clair que la peptone ne doit pas être trop acide ni con-
tenir des produits d’adultérations nuisibles. Sur les quatre espèces de pep-
tones, dont j'ai pu me servir à Paris, une seule a répondu à peu près aux
exigences de mes recherches. C’est la peptone, préparée avec de la viande
soumise à la digestion par la pepsine pure et privée d’acide chlorhydrique
par la dialyse. Cette peptone contient, d’après les indications qui n'ont été
données par M. Hottot : 1 pour 100 à peu près de chlorure de sodium et
presque 4 pour 100 de sels de chaux (sulfates et phosphates). Les deux
autres sortes de peptones étaient toxiques, l’une par l’acide chlorhydrique
et l’autre par les sels de baryum qu’elles contenaient en trop grande quan-
tité. La troisième peptone n’était pas toxique, mais elle était mélangée avec
une poudre blanche insoluble dans l’eau, facile à retirer par la filtration.
Voilà pourquoi cette dernière peptone était assez faible dans ses effets et
pourquoi le sang peptonisé par elle se coagulait quelquefois avant la fin
de la transfusion. Toutefois les coagula formés pouvaient être reconnus et
séparés du reste du liquide.
Avec de fortes solutions.de peptone j'aurais réussi à éviter cette coagula-
tion, mais au commencement de mes recherches, n'ayant qu'une mauvaise
peptone à ma disposition, j hésitais à me servir des doses fortes que j'ai em-
ployées ultérieurement avec la peptone pure, préparée pour mes nouvelles
solutions. Une solution de 1 à 1,5 pour 100 de cette dernière peptone pour
tungen des 11 med. Congresses in Wiesbaden, 1883). — Sur le troisième élément
du sang dans les conditions normales et pathologiques el son rapport avec la
régénération du sang (Wraisch, 1884; n°° 16-19) (russe).
(1) Masius et Vanlair, De la microcythémie (Bull. de l'Acad. de méd. de Bel-
gique, 1871, p. 515).
MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION, 67
le mélange entier (sang et eau salée) devant servir à la transfusion, est
suffisante pour empêcher toute trace dé coagulation pendant l’opération.
C’est cette peptone qui a servi pour les expériences ultérieures, c’est-à-
dire pour les animaux qui ont perdu des deux tiers aux trois quarts de leur
sang. Six expériences, entreprises dans cette direction, ont réussi malgré
quelques accès de dyspnée, raideur des membres et même cessaiion de la
respiration. Le pouls n’était plus sensible et les réflexes presque dis-
parus, etc. Après la transfusion, l'animal s’est rétabli assez vite. Le sang,
qui tous les jours était examiné n’a révélé aucun changement qui aurait
démontré quelque destruction des hématies.
Avant de songer à appliquer ces données expérimentales de la transfu-
sion du sang peptonisé à la thérapeutique, il faut démontrer par l’analyse
microscopique et chimique si une certaine partie du sang injecté est assi-
milée par l'organisme, c’est-à-dire si le sang restaure l'organisme, non
pas comme un liquide indifférent, mais comme un liquide qui nourrit
parce qu'il contient une certaine quantité d'éléments figurés chargés de
l’hématose, etc. En tous cas, il ne faut pas perdre de vue le rôle de la
peptone, comme substance nutritive.
L'application de la transfusion du sang peptonisé à la thérapeutique me
parait d’ailleurs facile. On n’a qu'à modifier un peu l’appareil de Roussel ou
de Dieulafoy. Près de la canule, introduite dans le vaisseau du sujet, qui
fournit le sang, on met dans le caoutchouc un autre tube en caoutchouc, qui
est en communication avec la solution de peptone convenablement con-
centrée. Pendant que l’aspiration du sang se fait, l’aspiration de la peptone
se fait également, et on évite de cette manière la coagulation du sang pen-
dant la transfusion. Si avec lPappareil de Roussel on réussit à introduire
une quantité assez grande de sang, c'est, selon nous, grâce à l’eau chaude,
avec laquelle son appareil doit être rempli avant la transfusion. Mais on
sait quelle influence nuisible l’eau chaude produit sur le sang, bien que,
en empêchant un peu la coagulation du sang, elle agisse d’une façon favo-
rable. Ainsi à cause de cette influence nuisible de l’eau chaude sur le
sang on ne doit pas se permettre d'employer ce liquide dans un but pareil.
Avec les modifications que je signale, je suis parvenu à injecter beau-
coup plus de sang, et du sang qui n’est pas altéré. Dans trois expériences
sur les chiens, j'ai introduit facilement avec l'appareil de M. Roussel, d’un
animal à l’autre, plus de 400 centimètres cubes de sang peptonisé (à peu
près 100 centimètres cubes de peptone en solution et 300 centimètres
cubes de sang).
Certainement dans la pratique de la transfusion de sang préalablement
soumis à l’influence de la peptone, il serait bien de se servir de peptone
tout à fait pure, c’est-à-dire débarrassée de tout sel minéral, ce qui jusqu’à
présent ne m’a pas été possible. On conçoit qu'avec une telle peptone les
résultats soient encore plus satisfaisants. En outre, la quantité de peptone
68 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
nécessaire pour la transfusion du sang doit être moindre proportionnellement
au poids du corps du sujet, chez l’homme que chez le chien, si lon fait la
transfusion avec les appareils de MM. Roussel, Dieulafoy, etc., modifiés
comme je viens de l'indiquer, lesquels sont assurément supérieurs à l’appa-
reil primilif que j'ai décrit plus haut. Avec ces appareils perfectionnés on
n’est pas d’ailleurs forcé d'employer des doses aussi considérables de pep-
tone, et, par conséquent, l'opérateur n’a pas à craindre une influence
toxique de la peptone sur l'organisme humain, dans le cas où cette in-
fluence pourrait exister.
PR
PR RES
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OBSERVATIONS
SUR LE
SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS
(Communication faite à la Société de biologie, dans la séance du 21 juin 1884)
PAR MM. LES DOCTEURS
HYADES et V. GALIPPE
Le docteur Hyades a rapporté un assez grand nombre d'empreintes des
arcades dentaires prises chez les Fuëgiens. Le manque de porte-empreintes
rendait cette opération particulièrement difficile. Quoique la plupart des
difficultés aient été surmontées par M. Hyades, en retirant de la bouche
l'empreinte des arcades dentaires, la forme de celles-ci a été légèrement
modifiée et ne saurait donner une idée exacte de l'original. Bien que très
précieuses à d’autres titres, ces empreintes ne pourraient donc nous fournir
des renseignements précis sur la forme et le développement des sos
dentaires des Fuégiens.
Nous avons dü recourir à des moulages pris sur des crânes rapportés par
l'expédition. L’inspection de ces moulages permet de voir que les arcades
dentaires ont un développement très considérable, très régulier. Dans
exemple que nous avons sous les yeux, bien que les grosses molaires soient
d’un volume considérable, le maxillaire supérieur offre encore, en arrière
des dents de sagesse, un espace libre de près de À centimètre. La distance
qui sépare les deux grosses molaires de sagesse, calculée du bord libre de
la face interne de la couronne au bord libre de la face interne de la dent
correspondante, est de 61 millimètres. Si l’on fait passer une ligne horizon-
tale, par la face postérieure des troisièmes grosses molaires, et que l’on cal-
cule la distance qui sépare le point médian de cette ligne de l’angle externe
des incisives centrales, on voit qu’elle est égale à 68 millimètres. Diver-
gentes au niveau des dernières grosses molaires, les deux branches consti-
tuant l’arcade maxillaire supérieure se rapprochent lentement, de façon à
(1) M. le docteur Hyades, pendant un long séjour fait par lui à la Terre de
Feu a dirigé ses observations sur une foule de points intéressants. Le système
dentaire des Fuégiens ne pouvait échapper à ses nombreuses investigations. Il a
bien voulu me permettre d'étudier avec lui les différentes pièces qu’il a rappor-
tées et c’est le résuitat de ces recherches que nous exposons aujourd’hui.
(V. GALIPPE.)
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. L. 6
710 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
constituer une sorte de plein cintre régulier et d’une forme harmonieuse ;
la distance qui sépare le bord interne ou lingual de la surface triturante
d’une canine à l’autre est encore de 45 millimètres. Si l’on ajoute à cela que
les dents sont implantées obliquement, et forment avec l'axe de l’arcade
maxillaire un angle très ouvert, on voit que le développement de l’arcade
dentaire supérieure est très considérable.
Le maxillaire inférieur est également très développé et d’une façon très
régulière. La distance qui sépare le bord libre de la face interne de la troi-
sième grosse molaire d’un côté, au bord libre de la face interne de la dent
correspondante, est égale à 58 millimètres. Si l’on mesure la longueur d’une
ligne passant par le bord interne des incisives centrales inférieures et
allant rencontrer en son milieu, comme ci-dessus, une ligne horizontale
passant par la face postérieure des troisièmes grosses molaires, on voit
qu’elle est égale à 64 millimètres. La distance qui sépare le bord interne
des canines inférieures, mesurée au sommet, est égale à 40 millunètres. Ces
mesures ont été prises sur des moulages des arcades dentaires d'un crâne,
ayant appartenu à un homme adulte. L’usure des dents est assez sensible
surtout au niveau des canines, des petites et des grosses molaires.
Les mêmes mensurations faites sur les moulages obtenus à laide du
crâne d’une jeune femme de vingt-cinq ans nous ont donné les résultats
suivants : Maxillaire supérieur. — La distance séparant le bord libre de la
face interne des deux dents de sagesse est égale à 58 millimètres. Ges
deux dents sont atrophiées. Si comme précédemment on fait passer une
ligne horizontale par la face postérieure des molaires de sagesse et que l’on
mesure la distance qui sépare cette ligne de l’angle interne des incisives
centrales, on voit qu’elle est égale à 58 millimètres. La distance qui sépare
le bord interne d’une canine du bord interne de la canine correspondante
est égale à 44 millimètres. La forme de l’arcade dentaire est très régulière
et rappelle dans ses lignes principales celle que nous avons étudiée plus
haut.
L'arcade dentaire inférieure est également régulière ; toutefois, ainsi qu'à
la mâchoire supérieure, les dents ne sont pas rangées d’une façon irrépro-
-chable. De même que les incisives centrales supérieures sont un peu ren-
trées et interrompent en ce point l’harmonie de la courbe décrite par les
dents, de même aussi les incisives centrales inférieures présentent cette
légère irrégularité et sont un peu rentrées. Nous devons ajouter que les
troisièmes grosses molaires ont au maxillaire inférieur un développement
considérable.
La distance d’une dent de sagesse à l’autre mesurée comme précédem-
ment, est égale à 53 millimètres. La distance séparant le bord interne des
incisives centrales de la ligne horizontale passant par la face postérieure
des troisièmes molaires est égale à 61 millimètres. Enfin, la distance qui
sépare les deux canines est égale à 37 millimètres.
Les dents sont implantées obliquement, l’axe des alvéoles forme avec
SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 71
l'axe du maxillaire un angle très ouvert, ce qui augmente le prognathisme.
Les dents du maxillaire inférieur ont le même mode d'implantation et sont
obliques en sens inverse, suivant l’expression de Broca ; il y a donc progna-
thisme naturel dans ce cas, comme dans l’exemple précédent.
Ce prognathisme alvéolo-dentaire n’est pas constant et nous ne le retrou-
vons pas dans le plus grand nombre de moulages pris sur le vivant par le doc-
teur Hyades, où les dents sont verticales. De telle sorte que le progna-
thisme, peu considérable du reste, présenté par les Fuégiens, si l’on en juge
par les photographies et les moulages obtenus par le docteur Hyades, est
plutôt dû au développement considérable du maxillaire supérieur et de
l’inférieur qu’au mode d'implantation des dents.
Nous devons ajouter que la voûte palatine est horizontale et n’est point
concave, comme cela se voit si souvent dans notre race, chez les individus
qui présentent une forme d'arcade dentaire supérieure, s’éloignant du plein
cintre pour se rapprocher de l’ogive.
John Wilson, le chirurgien du Beagle, dit que « la bouche des Fuégiens
est largement fendue ; fermée, elle a la forme d’une ligne droite; ouverte,
elle a la forme d’une ellipse ».
Le docteur Hyades à constaté que les indigènes de l'archipel du cap
Horn avaient, au contraire, la bouche sinueuse, et souvent bien dessinée ;
elle est habituellement grande et les Fuégiens la tiennent souvent ouverte,
quand ils sont au repos, mais non pendant le sommeil.
Il faut noter cependant que les Fuégiens ne présentent pas ordinaire-
ment des lèvres aussi sinueuses que les Européens ; cela tient peut-être à ce
qu'ils ne font que rarement usage dans leur langue des consonnes labiales et
surtout des p, b, f, du moins à l’état de sons purs. En outre, on peut dire
qu'on ne rencontre pas chez eux l'expression de la bouche ou des lèvres.
Ces organes ne sont jamais mis en jeu pour traduire leurs sentiments ou
leurs impressions.
Les Fuégiens ne connaissent pas le baiser, bien que leur langue renferme
plusieurs mots exprimant l’idée de caresse. La Fuégienne dont l’enfant est
complètement nu, le protège contre les intempéries, par la seule chaleur
de son corps; elle se tient accroupie et le place entre ses cuisses, le serrant
contre son ventre et sa poitrine ; plus tard elle le porte sur le dos, mais bien
que le sentiment de la maternité soit très vif chez elle, jamais elle n’em-
brasse son enfant.
Les dents des Fuégiens sont, d’après les spécimens que nous avons étu-
diés, longues et fortes, d’une forme assez élégante : les canines ont un déve-
loppement en rapport avec celui des autres dents. La surface triturante des
grosses molaires est large et va en décroissant de la première à la troisième
grosse molaire. La présence de tubercules supplémentaires n’est pas très
fréquente. Dans un exemple que nous avons sous les yeux (jeune femme de
vingt-cinq ans), les dents de sagesse du maxillaire supérieur sont atteintes
de naïisme. Les racines des grosses molaires sont fortes et divergentes au
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12 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
maxillaire supérieur, elles sont également très solidement implantées au
maxillaire inférieur. Les dents de sagesse, quoique très solides, ont géné-
ralement des racines convergentes.
D’après Darwin, les dents de sagesse manqueraient fréquemment dans la
race blanche, tandis que leur présence serait la règle dans les races infé-
rieures. À
Mantegazza et Broca ont adopté cette opinion, qui nous parait, comme au
docteur Magitot, un peu trop absolue. S'il est vrai que, dans les races supé-
rieures, la dent de sagesse est un organe en voie de régression, en ce qui
regarde le maillaire supérieur, il n’en est pas moins vrai que des races
considérées jusqu'à ce jour comme inférieures, les Fuégiens, par exemple,
présentent cette diminution de la dent de sagesse à la mâchoire supérieure.
Il est curieux de mettre en regard de l'opinion de Darwin, sur l’évo-
lution de la dent de sagesse, l’appréciation, du reste inexacte, qu'il avait
formulée, après un examen insuffisant, sur les peuplades étudiées par le
docteur Hyades. (Voyage d’un naturaliste, trad. E. Barbier, Paris, 1875,
p. 228) :
QUn jour, dit Darwin, que nous nous rendions à Lerre auprès de l’ile de
Wollaston (cette île est voisine de la baie Orange), nous rencontràämes un
canot contenant six Fuégiens. Je n’avais certainement Jamais vu créatures
plus abjectes et plus misérables... Quand on voit ces hommes, c’est à peine
si l’on peut croire que ce soient des créatures humaines, des habitants du
même monde que le nôtre. On se demande souvent quelles jouissances peut
procurer la vie à quelques-uns des animaux inférieurs : on pourrait se faire
la même question, et avec beaucoup plus de raison relativement à ces sau-
vages ! La nuit, cinq ou six de ces êtres humains, nus, à peine protégés
contre la pluie et le vent de ce terrible pays, couchent sur le sol humide,
serrés les contre les autres et repliés sur eux-mêmes comme des ani-
maux. »
On retrouve souvent dans les récits des auteurs anglais une appréciation
aussi rigoureuse. Elle est due sans doute à ce que ces voyageurs, ne séjour-
nant pas assez longtemps dans le pays pour bien connaître la peuplade
fuégienne, se sont bornés à décrire leur première impression à la vue des
indigènes.
Nous avons étudié les propriétés physiques des dents par la méthode que
nous avons récemment fait connaître à la Société de biologie (1).
C’est ainsi qu'ayant déterminé la densité des dents d’une petite fille fué-
gienne nous avons obtenu les résultats suivants (2). Nous devons ajouter
(1) Ces déterminations ont été faites au laboratoire de la Clinique d’accouche-
ment.
(2) La densité des dents varie avec leur mode de préparation. Il est bien évi-
dent que des dents sèches ou macérées n’ont pas la même densité que des dents
fraiches, possédant leur pulpe. Dans le cas actuel, les dents avaient été séparées
du maxillaire par macération et étaient sèches.
û
:
SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 13
que d’après les déterminations du docteur Hyades, cette petite fille devait
avoir huit ans environ. Les Fuëgiens n’ont pas d'idée exacte sur leur âge,
et l’époque d'apparition des dents paraît être plus précoce chez eux que
dans notre race.
La densité moyenne générale des dents s’applique au système dentaire
envisagé dans son ensemble et comprenant aussi bien les dents caduques
que les dents permanentes.
Densité moyenne générale................ Da bete Le. 2,0865
— de l’arcade dentaire supérieure........ 2,092
— — IN ÉRIeUTE ECS 2,081
— des dents du coté droit. 6-20 en 2,11
— duicoté sauche FE CR-cMe21000
La densité moyenne des dents du maxillaire supérieur étant égale à 2,092
La densité moyenne du côté droit est égale à........ LCR RAR PER 2,125
Tandis que la densité moyenne du côté gauche n’atteint que...... 2,059
La densité moyenne des dents du maxillaire inférieur étant égale à 2,081
La densité moyenne du côté droit est égale à................... 2,095
Hhceletduschoté saucherégale 4: 342 NS ARE RAM ARR SARA .. 2,067
La densité moyenne des incisives centrales supérieures. ......... 2,17
Celle des incisives inférieures est égale à................. SP MEETS 2,145
La densité moyenne des incisives latérales supérieures est égale à 2,11
deeudes inlérientesnAtICIntiQUe LE Ce 2,055
La densité moyenne des canines (caduques) supérieures est égale à 1,95
Cellendes inférieuressestésale 4-6... D HORE Hocéonto aan ee
D’après les déterminations qui précèdent, on voit, que conformément à la
loi qui a déjà été exposée à la Société de biologie, les dents du côté droit
ont une densité plus considérable que celle du côté gauche. Nous revien-
drons ultérieurement sur la signification des autres chiffres.
Pour le moment, nous nous bornerons à appeler l'attention sur la densité
relativement considérable des dents de cette petite fille, bien qu’elle ait
succombé à la tuberculose (1), puisque nous retrouvons cette densité, 2,08,
(1) Cette fillette fuégienne, âgée de huit ans, est morte à la mission anglaise
du canal du Beagle, à Ouchouaya.
L’autopsie a été pratiquée le 13 novembre 1882, à Ouchouaya, trois jours après
le décès, pour rechercher les causes de la mort attribuée à une maladie épidé-
mique de nature inconnue pour les missionnaires et qui décimait depuis six à
huit mois les Fuégiens établis à Ouchouaya.
L’autopsie fit constater l’existence d’une tuberculose généralisée, au plus haut
degré de développement.
Cette fillette était née à Ouchouaya, d’un père et d’une mère morts le même
jour, il y a environ six ans (sans autres renseignements).
Cest sur les pièces pathologiques de ce jeune sujet, conservé dans l’alcool, que
le professeur Cornil a constaté très nettement à Paris, l’existence des bacilles de
la tuberculose.
14 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
chez une femme adulte de notre race, ayant, il est vrai, succombé à des
accidents puerpéraux et que, d'autre part, chez une petite fille de onze ans,
morte à l'hôpital, la densité moyenne n’était égale qu'à 2,07, et que chez
un enfant de sept ans, la densité moyenne des dents n’était égale qu'à 1,017;
nous pouvons conclure que la densité moyenne des dents de cette fillette
fuégienne est notablement supérieure à la densité présentée par des indi-
vidus de même àge appartenant à notre race.
Nous avons également déterminé la densité des dents d’une jeune femme
fuégienne, âgée de vingt-cinq ans et ayant succombé à des accidents puer-
péraux (1).
Densité moyenne générale ............ PDT ON M rs à de 2,189
Densité moyenne des dents supérieures ................... 2,206
_ — InféHéTest tee LE ie: SC NMOMSR
— supérieure. droites 12-001 MON MNMENTRNVe + _2,1875
— — gauche de EN MERE 1 . _2,1905
Pour notre race cette densité moyenne, 2,189, serait encore considérable,
bien que dans nos déterminations elle ait été souvent dépassée. Toutefois il
faut tenir compte de l'accouchement très récent de cette femme et cette
circonstance a dû suivant nos observations diminuer la densité moyenne des
dents.
Nous ferons en outre observer que cette femme, bien que les Fuégiens
soient droitiers, présente une exception à la règle, en ce qui concerne la
prédominance du côté droit sur le côté gauche, puisque la moyenne géné-
rale du côté gauche l’emporte sur le côté droit; c’est du reste la seule
exception que nous ayons rencontrée.
Chez un autre adulte fuégien :
Densité moyenne générale. ......... Re ee ND AU
_ des dents du côté droit............ 2,2004
— — du côté gauche.......... 2,2000
c’est: à-dire presque identique (2).
(1) Cette femme était âgée de vingt à vingt-cinq ans. L'’autopsie a eu lieu six
jours environ après le décès : elle a permis de constater l'intégrité des poumons,
- quelques altérations pathologivues sur la séreuse des poumons et sur l’enveloppe
du foie, nulle part de traces d’abcès. L’utérus fortement dilaté, comme pour un
produit de trois mois environ, était vide; la mort a paru avoir été occasionnée.
par une hémorrhagie du col utérin. Le coccyx était très mobile sur le sacrum,
et les deux dernières vertèbres coccygiennes extrêmement mobiles l’une sur
l’autre.
Cette femme était bien musclée, et pourvue d’un tissu graisseux assez abon-
dant.
(2) L'appareil dentaire de ce sujet n’était pas complet, il manquait quatre
dents.
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SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 75
——_———— — ———
Chez une femme adulte, dont l’appareil dentaire était très incomplet, les
dents présentaient une densité variant entre 2,22 et 2,17. La densité des
quelques dents du côté droit qui avaient leurs similaires du eôté gauche,
était supérieure.
La densité moyenne de l’appareil dentaire d’un Fuégien adulte, ne com-
prenant que dix-neuf dents, était égale à 2,194.
Nous compléterons ces recherches sur d’autres spécimens dont nous espé-
rons bientôt disposer.
Quoi qu’il en soit, en tenant compte de la vie misérable que mènent les
Fuégiens, nous estimons que la densité moyenne générale de leurs dents
doit être supérieure à celle des individus de notre race.
Nous n’avons pas encore pu faire l’examen histologique des dents des
Fuégiens, mais, comme nous l’exposions récemment à la Société de biologie,
nous estimons que les espaces interglobulaires seront d'autant plus petits
et d'autant plus rares que la densité des dents sera plus considérable. M. le
docteur Spencer Bate a constaté des faits analogues, dans les dents des
Esquimaux, des Indiens Peaux-Rouges et des naturels d’Ashantee, où il n’a
pas trouvé d’espaces interglobulaires. Cet observateur a rencontré cette
même particularité dans des dents provenant d'anciennes sépultures
anglaises.
Bien que le développement considérable des arcs maxillaires des Fuégiens
permette aux dents de se placer régulièrement, il arrive cependant quelque-
fois qu’en raison du volume considérable des dents, celles-ci sont légère-
ment déviées de leur position naturelle.
De plus, nous avons constaté dans les moulages pris par M. le docteur
Hyades que la canine de lait persistait assez fréquemment à la mâchoire
supérieure, de telle sorte que la canine permanente, trouvant sa place occu-
pée, évoluait en dehors de l’arcade dentaire au niveau des deux petites
molaires.
L’usure des dents est souvent très prononcée chez les Fuégiens, même
très jeunes. Cela provient très probablement des différences de constitution
individuelle des dents, et de la loi en vertu de laquelle, de plusieurs appa-
reils dentaires soumis aux mêmes fatigues, c’est le moins solide qui s’use
le plus vite.
On doit également faire intervenir la spécialisation de quelques individus,
employant fréquemment leurs dents à des usages mécaniques comme le
montrent les photographies prises par M. le docteur Hyades.
En septembre 1881, un groupe de Fuëgiens, Alikoulip, fut examiné à
Paris au Jardin d’acclimatation. Voici, au sujet de la dentition, ce que dit
M. L. Manouvrier, qui a étudié ces individus avec le plus grand soin (Bulle-
tins de la Société d'anthropologie de Paris, 1881, p. 764) : « Leurs dents
étaient très belles et bien rangées, mais extrêmement usées, même chez
les jeunes gens, et l’un de ceux-ci, bien qu’à peine adulte, avait déjà
ses dents de sagesse entiérement sorties. Nous n’avons constaté l’usure des
1
[ær)
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
dents à un tel degré et aussi précoce, que sur des crànes californiens de la
collection de M. de Gessac, au Muséum, et ce voyageur attribue cette usure
à la présence d’une assez grande quantité de sable dans les moules qui
constituent la principale nourriture des Californiens de la côte. Or on sait
que les Fuégiens consomment aussi une grande quantité de moules, et nous
avons pu voir qu’ils les mangent crues : ils ne les mettent un instant sur le
feu que pour les faire ouvrir, et ils ne prennent point la peine de les net-
toyer: » F
Pendant l’année de séjour de la mission française à la Baie-Orange,
M. Hyades n’a pu prendre que deux observations anthropologiques com-
plètes sur des femmes appartenant à cette peuplade Alikoulip (Alakalouf
actuelle). Ces deux femmes, âgées de trente-cinq à quarante ans, présen-
taient des incisives et des canines très uséés sur une surface horizontale.
(Chez l’une de ces femmes la première petite molaire droite inférieure
manquait.)
Chez les Fuégiens Tékinikas (Yahganes actuels), que M. Hyades a spécia-
lement observés, l’usure des dents se présente habituellement, fortement
accusée, lorsque les individus sont très âgés. M. Hyades a vu un cas où
toutes les dents étaient usées presque jusqu’au niveau des gencives. Cepen-
dant ce sujet ne paraissait pas avoir plus de quarante-cinq ans; ce qui
prouve que l’usure des dents chez les Fuégiens de l’archipel du cap Horn
ne saurait servir à la détermination de l’âge. En effet, chez les adultes,
l’usure des dents peut être très prononcée, ou bien manquer complètement,
et elle a été constatée au moins pour les canines et pour les incisives chez
des enfants (garçons et filles àgés d’environ six ans). 1
Nous ne saurions donc accepter l'opinion d’après laquelle cette usure
serait un caractère de race, pas plus que l’explication d’une usure dentaire
occasionnée par le sable contenu dans les moules qui entrent pour une
large part dans l’alimentation fuégienne. D'abord ces moules ne contien-
nent pas de sable, mais de très petites perles qui peuvent bien heurter
désasréablement ls molaires d’Européens occupés à mâcher ces mollus-
ques, mais doivent passer inaperçues pour les Fuégiens avalant cet aliment
sans aucune mastication.
Il est à remarquer que, lorsque l’usure existe, elle brie d’abord les .
canines, puis les incisives, ensuite les petites us, et en dernier lieu
les grosses molaires. Une de ses causes doit être l’habitude de tous les
Fuégiens de se servir de leurs mâchoires comme d’un étau pour travailler
la peau de phoque en lanière, pour tresser les fibres de tendons de phoque
ou de baleine, ou le jonc qui sert à faire les paniers (ces deux dernières
occupations spéciales aux femmes : chez celles-ci l’usure est, toutes choses
égales, moins prononcée que chez les hommes).
Il est intéressant de reproduire ici les remarques de John Wilson, chi-
rurgien du Beagle de 1828 à 1830 :
« Chez un Fuégien » dont il a fait l’autopsie, âgé de moins de quarante
Le
SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 71
ans, d’après Fitz-Roy, «les dents étaient parfaites, en nombre ordinaire ;
les incisives étaient plates et manifestement usées en bas; j'ai vu d’autres
cas de cette particularité. [Il est donc probable qu’elles sont quelquefois
employées comme des molaires.. Les dents des Fuégiens sont en général
saines, belles et bien plantées ; elles proviennent d’une organisation qui,
selon toute probabilité, est exempte de n'importe quelle tare constitu-
tionnelle. |
» Sur un second Fuégien, les dents étaient complètes, mais les incisives
n’étaient pas usées par le bas comme chez le précédent. La régularité et la
bonne disposition des dents étaient dues en grande partie à la dimension
de la mâchoire, et par suite à l’espace laissé libre pour la croissance et
l’expansion des organes dentaires. Chez les personnes qui ont un visage
effilé, où les deux côtés de la face se rencontrent à un angle aigu, les dents
sont souvent petites. Si, par hasard, elles sont grandes, elles se recouvrent
l’une l’autre par défaut de place, ou s’expulsent mutuellement de leur posi-
tion normale. La largeur de la face — qui existe toujours chez les Fuégiens
+ est due à la largeur de la base du crâne, laquelle entraine la forme des
os de la face. »
L'évolution dentaire se fait plutôt chez les Fuégiens que dans notre race.
Cest ainsi que chez une petite fille de sept à huit ans, nous voyons à la
mâchoire supérieure, de chaque côté, deux grosses molaires permanentes,
deux petites molaires, une canine permanente, une grande et une petite
incisive permanentes.
A la mâchoire supérieure au contraire, bien que les deux grosses mo-
laires permanentes aient fait leur évolution, du côté droit la deuxième
grosse molaire de lait a persisté : il y a une seule petite molaire, une canine
permanente. Du côté gauche, au contraire, la canine de lait et les deux
grosses molaires ont persisté, bien que les deux grosses molaires perma-
nentes soient entièrement poussées (1).
La dent de sagesse pousse plutôt chez les Fuégiens que dans notre race.
D'accord avec les missionnaires anglais, établis depuis vingt ans à la
Terre de Feu, le docteur Hyades a constaté la précocité de l’apparition de
la dent de sagesse chez les Fuégiens. Il pense qu’on pourrait attribuer cette
_précocité au développement des os maxillaires et au fonctionnement des
dents comme étau.
Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, il a constaté la présence des dents
de sagesse chez une fillette de douze à treize ans qui n’était pas réglée
(Parouroumaonigou-Kipa : 15 dents en haut, où la dernière molaire droite
(1) Fillette de sept à huit ans (Kappouchmakour Kipa). Taille : 1,246.
Angle f. : 74. Bouche grande. Dents légèrement inclinées en avant, grandes, au
nombre de quatorze à chaque mâchoire.
Le 4 octobre 1882, les incisives percaient seulement les gencives ; le moulage
des dents de ce sujet a été pris environ six mois plus tard.
18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
n’est pas sortie, 16 dents en bas; incisives usées horizontalement, dents
petites saines; usure des dents plus prononcée à gauche qu’à droite: les
Fuégiens sont droitiers en règle générale).
Pour l'apparition des dents permanentes, le docteur Hyades a recueilli
les détails suivants :
Enfant de neuf ans. (Lagouténtsis). Sortie des deuxièmes petites mo-
Jlaires supérieures.
— huit ans et demi. (Amachtinéntsis). Sortie de la canine inférieure
gauche.
— cinq ans. (Oumakamoune Kipa). Apparition de lincisive
méd. droite.
— cinq ans et demi. (Liouchka Kipa). Chute des incisives centrales
supérieures.
Les Fuégiens tirent de leurs dents tout le parti que l’on peut obtenir
d'organes aussi solides et qui doivent précisément une partie de leurs quæ
lités exceptionnelles à l’activité et à l'énergie de leurs fonctions physiolo-
giques.
1° Mécaniquement, les appareils dentaires servent chez les Fuégiens pour
déchirer la chair des oiseaux et pour mâcher la viande de phoque, qui est
aussi dure que du cuir: aussi avalent-ils cette viande sans l’avoir complè-
tement mastiquée. Pour les poissons, les mollusques, les zoophytes (our-
sins) qu'ils mangent en grandes quantités, les Fuégiens se servent peu de
la mécanique dentaire. Mais nous savons que dans leur industrie ils uti-
lisent beaucoup leurs mâchoires soit pour triturer les substances dures
(cuir, tendons, etc.), soit pour tirer ou retenir des matières qu'ils travail-
lent avec leurs mains : écorces pour attacher les diverses parties de la pi-
rogue, etc. i £
% Au point de vue nutritif, l’alimentation des Fuégiens ne se composant
que de matières animales : chair et graisse de baleine ou de phoque, pois-
sons, oiseaux, coquillages, oursins, sans aucun condiment, sans addition
d’aucuns végétaux, exige, pour être complète, l’absorption d’une grande
quantité de ces aliments aussi riches en azote que pauvres en carbone.
Aussi les indigènes font-ils des repas très copieux. Le docteur Hyades
estime, par exemple, qu’on peut évaluer à 3 kilogrammes la quantité de
poisson qu’un Fuégien absorbe journellement. Cette nourriture, puisqu'elle
est bien assimilée, serait suffisamment nutritive, mais il faut observer que
les Fuégiens ne faisant pas de provisions, les jours de disette sont fré-
quents pour eux. Pendant l’hiver surtout le poisson manque, les coquillages
sont plus rares, la chasse des oiseaux ou des phoques plus difficile, Si les
indigènes n’ont pas la chance de découvrir alors quelque épave de baleine
dont ils dévoreront la graisse et la chair jusqu’au dernier morceau, ils sont
astreints au jeûne forcé, quelquefois pendant plusieurs jours. Dans ces con-
À Er
… ét
FOUT Ts OT OR ET
SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 19
ditions, leur alimentation est manifestement insuffisante, et se borne, pour
ainsi dire, à tromper leur faim.
On sait qu’ils ne boivent que de l'eau ; c’est aussi avec de l’eau pure qu’ils
se lavent la bouche et se nettoient sommairement les dents après le repas,
en s’aidant alors quelquefois de frictions avec la pulpe des doigts ou les
ongles. Le tartre dentaire n’est commun que chez les enfants.
La carie dentaire, comme on pouvait le prévoir, est rare chez les Fué-
giens, toutefois elle n’est pas inconnue et les individus plus faibles qui ré-
sistent difficilement aux fatigues de cette vie errante, présentent dans la
bouche des lésions locales comme ils pourraient en présenter dans d’autres
organes.
Nous avons observé ces lésions dans un moulage rapporté par le docteur
Hyades ; elles affectent la première et la seconde grosse molaire supérieure
du côté droit; la première grosse molaire du côté gauche avait disparu (1).
- Pendant son séjour à la Terre de Feu, M. le docteur Hyades a eu l’occa-
sion d’arracher quelques dents légèrement cariées et qui ne provoquaient
que des douleurs tolérables. L’extraction de ces dents a été assez pénible en
raison de la solidité de leur implantation et les indigènes n’ont accusé
qu’une douleur modérée.
Le docteur Hyades n’a jamais observé de périostite, de fluxion.
OBSERVATIONS. — Homme de vingt ans (Ouayanakandjis). Taille : 1",492. Angle
f. : 71. Bouche petite. Dents verticales. Les canines sont usées au niveau des
autres dents. Plusieurs points noirâtres sur les molaires : ces points indiquent pro-
bablement de la carie dentaire.
Homme de seize ans (Ouarououayéntsis). Taille : 1",440. Angle f. : 74. Bouche
grande. Dents verticales.
Les canines de lait ayant persisté à la mâchoire supérieure, les canines per-
manentes se sont développées en dehors de l’arcade dentaire et ont acquis leur
volume normal.
Homme de trente ans (Céïlapaténdjis dit Jonathan). Taille : 1",556. Angle f. : 79.
Bouche grande. Dents verticales, présentant de l’usure (surtout les dents infé-
rieures). La feuille d'observation ne constate pas d’anomalie dans le nombre des
dents.
Homme de trenteans (Lapouchounéntsis, n° 12). Taille : 1",585. Angle f. : 73.
Bouche grande, dents verticales présentant du tartre. Les deux canines sont
usées au niveau des autres dents.
Homme de vingt-cinq ans (Yakaïf, dit Bill William, n° 42). Taille + 1,580.
Angle f. : 72. Bouche petite, dents verticales, petites, ne présentant ni tartre ni
usure. La bouche est bien dessinée, et tenue habituellement fermée.
Homme de quarante-cinq ans (Tayachapoundjis). Taille : 1",565. Bouche
(1) Homme de vingt-cinq ans (Ayamaçaskéntsis). Taille : 4",650. Angle f. : 73.
Bouche grande. Dents verticales, grandes, présentant du tartre dentaire et un
commencement d’usure sur les canines.
La tête a été moulée.
80 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
grande. Dents verticales, de taille assez petite, commençant à présenter un léger
degré d’usure. La deuxième incisive gauche a disparu.
Femme de vingt-cinq à trente ans (Mayachka Kipa). Taille : 1",453. Angle f. :
72,5, Bouche grande. Dents verticales. Canine supérieure gauche développée
en dehors de l’alvéole dentaire, par suite de la permanence de la canine de lait.
La première petite molaire inférieure gauche a disparu. Pas d'usure des cou-
ronnes ; canines dépassant les autres dents.
Cette femme, mariée à Tayachapoundjis, mère de deux enfants dont un qu’elle
” allaitait (âgé de un an), était très active, et occupée très souvent à fabriquer des
paniers, opération qui exige une longue mastication du jonc avec lequel on les
tresse. Cependant ses dents n'étaient pas usées.
Largeur de la bouche chez les Fuéëgiens.
Millimètres.
Fillette de sept à huit ans (Kapouchmakour Kipa)......... 50
Homme de vingt-cinq ans (Lapouchounéntsis)............ 99
— vingt-cinq ans (Ayamacaskéntsis) . ..... RARE 55
— trente ans (Céilapaténdiis)""""""PERREE"EECE 54
—- vingt ans (Ouayanakandjis.................... A7
— vingt-cinq ans (Yakaïf dit Bill William)........ , ol
— seize ans (Ouarououayéntsis)..-..... 55
- quarante-cinq ans (Tayachapoundjis).......... 51
Femme de vingt-cinq ans (Mayachka Kipa)........... TE
La largeur de la bouche à été mesurée entre les deux commissures, la bouche
étant fermée. Pour les petits enfants (mâles) elle est ordinairement voisine de
45 millimètres ; elle est aux environs de 40 millimètres pour les petites filles (la
largeur de 50 millimètres pour la fillette ci-dessus est exceptionnelle); et pour
les adultes des deux sexes elle varie habituellement entre 50 et 55 millimètres.
NOTE
SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C...
(Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 9 août 1884)
PAR
M. le docteur V. GALIPPE
Chef de laboratoire à la Faculté de médecine
Ayant eu l’occasion de mouler les arcades dentaires du supplicié CG... et
d'étudier les particularités qu’elles présentaient, j’ai fait un certain nombre
d'observations intéressantes que je crois pouvoir communiquer à la Société.
Examen de la bouche. — Maxillaire supérieur : Ce qui frappe tout
d’abord au premier examen c’est le développement considérable et régulier
de l’arcade dentaire dont nous donnons ci-après les mensurations. Les
dents sont régulières, courtes, très épaisses au niveau du collet et implan-
tées avec une telle solidité, qu'à moins de briser le rebord alvéolaire, ii eût
été presque impossible de les arracher. On a dû recourir à la macération pour
les détacher et encore, pour ce qui regarde les grosses molaires, en raison
de la divergence et de la forme des racines, l'extraction a été très pénible.
La première petite molaire supérieure droite manque, elle a dû être arra-
chée probablement à la suite de carie. Il est permis de supposer que cette
extraction était de date relativement récente parce que l’espace compris
entre la deuxième petite molaire et la canine était resté aussi considérable
que si la dent existait encore. Or on sait que généralement, lorsque dans
une bouche ou les dents sont fortes et serrées les unes contre les autres, on
vient à arracher une dent, après un temps variable, l’espace resté libre, par
l'extraction, tend à diminuer, en vertu du rapprochement des deux dents
voisines qui, obéissant à une poussée latérale, semblent se desserrer.
L’incisive latérale supérieure droite est beaucoup plus petite que sa sy-
métrique du côté gauche. Ce fait est intéressant en lui-même, puisqu'il
donne à cette arcade dentaire un caractère très particulier. Toutelois je
n’y attache pas une valeur considérable, bien qu'il ait été noté chez un cri-
minel par le docteur Dumur (obs. IX, p. 45), parce que cette particularité
est assez fréquente surtout dans les bouches eù les incisives centrales par-
ticulièrement ainsi que les autres dents ont un développement considérable.
Je mets sous les yeux de la Société de biologie le moulage d’une bouche
dont les dents ont un volume supérieur à la moyenne, et qui appartient à un
homme, né en Alsace, d’une taille élevée et ayant un crâne très développé
82 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
(c’est un professeur) ; les deux incisives latérales sont frappées de nanisme.
Parmi les enfants de cet homme il yen a qui n’ont pas d’incisives latérales,
mais dont les incisives centrales sont extrêmement développées.
Voici encore un moulage intéressant qui montre l’absence d’incisive laté-
rale du côté gauche et le nanisme de l’incisive latérale correspondante.
Les canines ont un développement considérable, celle du côté gauche a
son bord tranchant intact et sa pointe dépasse notablement le niveau des
autres dents. Du côté droit, au contraire, nous voyons que le bord tran-
chant est usé et présente une sorte de dépression régulière partant du bord
de l’incisive latérale, usée également en ce point et s’arrêtant environ vers
le milieu du bord tranchant de la canine.
Si nous regardons maintenant la canine inférieure droite correspon-
dante, nous retrouvons une usure très accusée du bord tranchant, ainsi
que du bord contigu de la première petite molaire inférieure. Gette usure
pourrait à la rigueur avoir été produite par le mode d’articulation des
dents; mais, comme elle n’existe que d’un côté, je suis tenté de croire
qu'elle a pu être produite par l'application prolongée d’un corps dur, de
forme cylindrique, probablement un tuyau de pipe (1).
Les premières grosses molaires ont un volume considérable, elles ne pré-
sentent pas de tubercule supplémentaire, leur surface triturante est très
large.
Les secondes grosses molaires semblent avoir été comprimées et le grand
axe de leur surface triturante est oblique d'avant en arrière. Elles sont
notablement plus petites que les premières grosses molaires.
Les troisièmes grosses molaires ont une forme régulière. Les tubereules
sont peu accusés; la surface triturante est régulièrement concave et beau-
coup plus petite que celle des deuxièmes molaires.
Les racines des grosses molaires, surtout celles des dents de sagesse, pré-
sentent des particularités indiquées dans le tableau joint à ce travail.
À propos des canines, Lombroso (2) a attiré l’attention sur la fréquence
du développement exagéré de la canine chez les criminels et a noté cette
particularité quatre fois, sur 100 individus examinés; six fois les dents
présentaient d’autres irrégularités, telles qu’absence des incisives, direc-
tion vicieuse ou petitesse extraordinaire des canines (3).
Le docteur Dumur a contrôlé les faits avancés par Lombroso. Sur 16 têtes
qui n’ont peut-être pas toutes appartenu à des criminels avérés, Çil semble,
(1) Je me suis en effet adressé, après la rédaction de ce travail, à M. le direc-
teur du dépôt des condamnés, pour savoir si l’individu qui fait le sujet de cette
observation fumait habituellement la pipe et s’il était droitier. [1 m'a été répondu
que le supplicié famait habituellement la pipe, qu'il chiquait continuellement et
qu'il était droitier.
(2) Lombroso, l’Uomo delinquante.
(3) Dumur, Thèse de Lyon, p. 41.
SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C... 83
dit le docteur Dumur, que le grand volume des canines est, comme l’in-
dique Lombroso, un caractère assez fréquent. Puis viendraient la largeur
des incisives, leur projection et la forte saillie produite par leurs racines. »
Bien que M. Dumur n’émette cette opinion qu'avec réserve, je crois qu'il
n’y a pas lieu d'attribuer aux observations de Lombroso plus d'importance
qu'il ne convient et je suis d’avis que, si l’on a trouvé chez des eriminels des
canines d’un volume considérable, ce fait était en relation directe avec le
développement également remarquable des autres dents. Il est en dehors
de toute criminalité, des personnes qui, en vertu de leur origine, ont un
système dentaire admirablement constitué comme force et comme régula-
rité des dents, comme développement des maxillaires et qui ont des ca-
nines très fortes et plus longues que les autres dents. C’est là un fait normal
et physiologique et justiciable de l’anatomie comparée.
Maxillaire inférieur. — La forme est également régulière. Toutefois,
en raison de la compression exercée par les dents les unes sur les autres,
la canine supérieure gauche est légèrement rentrée. Elle présente, sur sa
face externe, ainsi que la première petite molaire, une facette produite
par le frottement de la canine supérieure. Cette usure n'intéresse pas le
bord tranchant de la canine.
La canine droite, au contraire, ainsi que nous l’avons signalé plus haut,
est usée sur son bord tranchant. Nous n’avons rien vu d’important à si-
gnaler à la mâchoire inférieure.
La surface triturante des grosses molaires inférieures, très considérable
pour les premières, va en diminuant jusqu'aux troisièmes.
Comme cela se voit du reste presque toujours, la surface triturante des
molaires de sagesse inférieures est plus grande que celle des dents simi-
laires du maxillaire supérieur.
L’articulation du maxillaire supérieur avec l’inférieur était normale.
Presque toutes les dents portaient à leur collet une couronne de tartre
salivaire, très dure et très adhérente. L'examen microscopique de ce tartre
n’a pas encore été fait, mais il est peu probable qu’il fournisse des parti-
cularités intéressantes.
En examinant la tête du supplicié C..., on était frappé par le développe-
ment considérable de la face en général et du front en particulier, dans le
sens horizontal.
M. Chudzinski, l’infatigable anatomiste du laboratoire d'anthropologie,
auquel on doit des travaux si remarquables, a montré par ses dissections
que cette apparence était due surtout au développement considérable des
museles temporaux.Les masséters, chez cet homme, formaient aussi un relief
tout à fait exceptionnel. Il en était de même des muscles servant à l’expres-
sion des lèvres.
Ainsi que j'ai pu le constater avec M. Chadzinski, le maxillaire inférieur
est asymétrique et cette malformation affecte le côté gauche. Cette ano-
malie n’a pas été la seule que lobservation anatomique ait permis de
84 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
signaler, et M. Chudzinski a présenté à la Société d'anthropologie des
anomalies musculaires très importantes, mais qui sont en dehors de mon
sujet. |
Dimension de l'arcade supérieure mesurée sur le moulage. — La forme
du maxillaire supérieur rappelle absolument le plein cintre dont elle a les
caractères géométriques. C’est à ce point de vue un type parfait.
Distance séparant le bord interne des troisièmes grosses molaires du
côté droit et du côté gauche D transversal — 49 millimètres.
Distance séparant le tubercule interne des secondes petites molaires du
côté droit et du côté gauche D transversal — 40 millimètres.
Longueur d’une ligne passant par le bord interne des incisives centrales
et le milieu d’une autre ligne passant par la face postérieure des troisièmes
grosses molaires — 51 millimètres.
Dimension de l’'arcade dentaire inférieure. — Distance séparant le bord
interne des troisièmes grosses molaires du côté droit et du côté gauche
D transversal — 44"",3.
Distance séparant le tubercule interne des secondes petites molaires du
côté droit et du côté gauche = 33 millimètres.
Longueur d’une ligne passant par le bord interne des incisives centrales
inférieures et le milieu d’une autre ligne tangente à la face pos des
troisièmes grosses molaires — 46"",9,
La voûte palatine est régulière; elle forme une cavité assez accusée dont
la profondeur va en diminuant depuis les grosses molaires jusqu'aux inci-
sives ; elle est symétrique et ne présente pas d'anomalies.
Examen des caractères physiques des dents. — Les dents, ainsi que je
l'ai déjà dit, n’ont pu être détachées du maxillaire que par le pro-
cédé anatomique appelé macération. On sait combien sont actives les réac-
tions chimiques qui se passent pendant cette putréfaction, de telle sorte
que, en ne tenant même pas compte de la destruction de la pulpe, la dent
a pu subir dans sa constitution chimique des modifications dont je ne puis
quant à présent apprécier ni l’intensité ni la nature. Mais, si l’on veut bien
remarquer que, toutes les dents ayant été placées, pendant le même temps,
dans un même liquide, elles ont dù subir des modifications comparables
entre elles, les résultats suivants ne seront pas dépourvus de valeur.
La densité moyenne générale est assez faible, outre les conditions défa-
vorables énumérées ci-dessus. [l faut encore tenir compte de l’état de
déchéance physique dans laquelle devait se trouver cet individu pendant sa
détention ; cette déchéance, se manifestant localement par quelques caries
commençantes, tend à prouver que la constitution chimique des dents
avait subi une modification assez profonde.
La densité moyenne générale est ijébale à 2,14. Elle est plus considérable
à droite qu'à gauche :
Densité moyenne vénérale droite Eee cc TER — 92,145
— — D'ATCHE SAME MEL PIRE —102150
SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C... 89
La densité moyenne générale des dents du maxillaire supérieur est égale
à 2,148 ; celle des dents inférieures n’atteint que 2,136.
Si l’on prend la densité moyenne des dents du côté droit du maxillaire
supérieur, on voit qu'elle est égale à 2,150, tandis que la densité moyenne
des dents du côté gauche est seulement égale à 2,146.
On retrouve ces rapports au maxillaire inférieur.
La densité moyenne générale des dents du maxillaire inférieur est égale
à 2,136.
La densité moyenne des dents du côté droit est égale à 2,140, celle du
côté gauche n’atteint que 2,133.
La densité moyenne des incisives centrales supérieures est égale à 2,14,
celle des incisives centrales inférieures n’atteint que 2,055.
Densité moyenne des incisives latérales supérieures. — 2,13
— — inférieures... — 2,10
— des canines supérieures........... 1915
_ — INFÉPIEUTES. 5. À
On voit par ces chiffres que la densité moyenne des dents du côté droit
est supérieure à la densité gauche. Le supplicié, comme nous l’avons dit
plus haut, était droitier.
Les autres déterminations obéissent à la loi que nous nous proposons
d'exposer bientôt à la Société de biologie et que nous n’avons fait qu’indi-
quer dans une précédente communication.
Nous allons passer rapidement en revue les caractères particuliers pré-
sentés par quelques-unes des dents examinées individuellement par nous.
L’incisive centrale supérieure droite pesait plus que la gauche, son vo-
lume était également plus considérable.
Incisive centrale supérieure droite......... REV —t0cc 630
= = DAUCHE mener V — 0cc,615
La longueur de l’incisive centrale supérieure droite était égale à 247,9,
tandis que la hauteur de l’incisive centrale gauche n’atteignait que 24 mil-
limètres. | :
L’épaisseur de la dent mesurée au collet était pour l’incisive centrale
supérieure droite égale à 7°",3, tandis que pour la gauche elle n’était
égale qu'à T millimètres.
Le bord tranchant présentait une longueur de 9"%,9 pour l’incisive supé-
rieure droite ; l’incisive centrale supérieure gauche avait un bord tranchant
dont le développement était égal au précédent.
J'ai pris ces dimensions pour toutes les dents, mais ce serait étendre
inutilement ce travail que de donner ici toutes ces mensurations.
La canine supérieure droite avait une longueur égale à 28"",5, son
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. I. 7
86 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
épaisseur au niveau du collet était de 9 millimètres. La racine présentait
un étranglement vers son tiers supérieur.
Du côté gauche, la canine avait une longueur égale à 28 millimètres. Son
épaisseur au niveau du collet était égale à 7"",7. La racine était déviée de
gauche à droite vers son tiers supérieur.
Le volume de la canine supérieure droite était égal à 615 millimètres et
le volume de la canine supérieure gauche égal à 580 millimètres.
La canine inférieure droite avait une longueur égale à 25"",6, son épais-
seur au collet était égale à 7 millimètres. À son extrémité la racine était
déviée en forme de crochet.
La canine inférieure gauche avait une longueur égale à 26 millimètres.
Son épaisseur au collet était égale à 7 millimètres. Comme ei-dessus la ra-
cine se terminait en forme de crochet.
Ganinetinfemeuretdnoite MEME EEE TEEN V — Occ,545
— SAUCHE JABN EME ARTE . NV = Gcc,525
Ainsi que je l’ai dit la troisième grosse molaire supérieure droite avait
quatre racines divergentes, particularité assez rare.
Voiei le volume respectif des trois grosses molaires du maxillaire supé-
rieur droit :
re grosse molaire supérieure droite... ...: 0 he MSc ADS
2e grosse molaire supérieure droite........... V — 0cc,930
3e grosse molaire supérieure droite.... ... .. V — Occ,690
La troisième grosse molaire du côté gauche présentait aussi quatre ra-
cines divergentes.
Voici également pour ce côté le volume respectif des trois grosses mo-
laires :
ire orosse molaire supérieure gauche.......... V:— Ac2180
2e grosse molaire supérieure gauche.......... V — Occ,845
Je grosse molaire supérieure gauche... .. .. V — Oc,730
Les grosses molaires du maxillaire inférieur avaient des racines très fortes
et divergentes. Leur volume allait également en décroissant de la première
à la troisième.
re grosse molaire inférieure droile........... V — 1cc,055
2e grosse molaire inférieure droite. .......... V — Occ,9S0
3e grosse molaire inférieure droite. .: ....... V'— 06/8715
ireorosse molaire inférieure gauche... ......... V — 1cc,060
2° grosse molaire inférieure gauche....,...... V — Occ,975
3° grosse molaire inférieure gauche........... V — 0cc,850
SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C.….. SI
La deuxième petite molaire supérieure gauche avait deux racines diver-
gentes. La longueur totale était égale à 24,5.
La dent correspondante du côté droit n’avait qu’une racine unique.
2e petite molaire supérieure gauche. ......... V — Occ,540
2e petite molaire supérieure droite. .......... V — Occ,470
Comme nous l’avons signalé, les deux incisives latérales supérieures
avaient un volume très différent.
Incisive latérale supérieure droite..... ....... MUC 285
— Sauche te AUTRE … NV = (0c,330
Deux dents commençaient à se carier; c’étaient la première petite mo-
laire supérieure droite sur l’une de ses faces el la première grosse molaire
inférieure droite; l’altération portait sur les sillons de la surface tritu-
rante.
Si l’on rapproche des caries commençantes dont nous avons noté l’exis-
tence, l’état du poumon observé par M. le docteur Laborde, les granula-
tions tuberculeuses rencontrées dans le foie par M. le docteur Hanot, la
faible densité relative des dents, réserve faite pour les altérations qu’elles
ont pu subir pendant la macération, on est autorisé à conclure qu’au mo-
ment de son exécution le supplicié avait un organisme en voie de déchéance.
Cette observation montre la multiplicité des renseignements que l’on peut
retirer de l’examen de la bouche et des arcades dentaires au point de vue
de lidentité d’un individu jusqu’à un certain point de ses habitudes.
Au point de vue de la médecine légale, il peut y avoir un grand intérêt à
déterminer l'identité d’une personne quelconque. Cette détermination prend
une importance encore plus considérable quand 1l s’agit de criminels. On
sait que l’administration de la police prend le soin de faire photographier
les individus coupables de délits ou de crimes, afin de pouvoir les recon-
naître ultérieurement, si, pour une raison quelconque,ces mêmes individus
venaient à être l’objet de nouvelles recherches judiciaires, Certainement la
photographie rend et rendra toujours d'excellents services, au point de vue
de laspect général de la physionomie et du corps. Mais on sait aussi com-
bien sont fréquentes les causes capables de modifier profondément la phy-
sionomie d’un individu. L'absence ou la présence de cheveux, de barbe; des
mutilations volontaires ou involontaires, peuvent imprimer à la figure un
aspect tout à fait différent de celui qu’elle présentait quand elle a été photo-
graphiée. Je sais que dans ce cas on peut recourir à d’autres points de re-
père, à des mensurations, etc. Mais, néanmoins, je crois devoir appeler
l'attention sur la méthode suivante qui me paraît susceptible de rendre
quelques services. Je veux parler du moulage des arcades dentaires.
I est bien certain que si uu individu peut, s’il possède quelque habileté,
88 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
modifier complètement l'aspect de sa physionomie, il lui sera beaucoup
plus difficile, pour ne pas dire impossible, de changer la forme de son
maxillaire. Si, nous prenons pour exemple un individu possédant son sys-
tème dentaire complet, il se peut que pendant un laps de temps déterminé,
il perde un certain nombre de dents, ou que celles-ci, par suite d'affection
alvéolaire, changent de plan, par rapport au maxillaire, mais néanmoins
les dents qui auront persisté pourront conserver des caractères capables de
les faire reconnaître. En supposant même que toutes les dents aient dis-
paru, que le bord alvéolaire se soit affaissé, la forme générale du maxil-
laire supérieur et de l’inférieur pourront encore fournir des indications
précieuses, qui, jointes à d’autres, viendront les corroborer. En admettant
toutefois que ces cas extrêmes présentent de grandes difficultés, on mac-
cordera que, grâce au moulage des arcades dentaires, dans les cas où il
serait nécessaire de déterminer l'identité d’une personne ou d’un crâne, les
caractères présentés à la fois par les dents, qu’elles soient normales ou
anormales comme forme, comme direction, saines ou malades, obturées
(amalgame, or, etc.) ou non, pourront fournir des caractères extrêmement
précieux.
En ce qui concerne les dents, M. le docteur Dumur (4) a appelé l’atten-
tion sur les renseignements que l’on peut tirer de leur examen au point de
vue de la médecine légale.
Cette intéressante monographie renferme des observations curieuses qui
viennent à l’appui des raisons que j'ai données pour montrer combien il
serait intéressant de mouler les arcades dentaires des individus, dont on
peut avoir intérêt à constater ultérieurement l'identité.
En résumé, pour ce qui concerne la bouche du supplicié qui fait l’objet
de cette étude, et sans vouloir diminuer en rien la valeur des anomalies si-
onalées dans le maxillaire inférieur et dans les muscles, je ne crois pas que
l’en puisse voir autre chose dans la bouche de cet homme qu'un appareil
admirablement disposé pour la fonction qu’il devait remplir. Il est bien
certain que l’ensemble des faits particuliers que nous avons relevés, montre
que, pour ce qui a trait à la vie végétative, cet homme était parfaitement
armé. Au point de vue moral et intellectuel, c'était un inférieur, mais au
point de vue purement animal et masticateur, il était supérieurement
doué (2).
(1) Thèse de Lyon, 1882, p. 53 et suivantes.
(2) Travail du Laboratoire de la clinique d'accouchement.
tn al
SP EE PE PEER EU
TE
TROIS CAS DE GUÉRISON
DE TROUBLES CHORÉIQUES DES MOUVEMENTS DE L'ÉCRITURE
OBTENUE PAR SUGGESTION HYPNOTIQUE
PAR
M. le Docteur BERNHEIM
(DE NANCY)
La suggestion dans l’état hypnotique peut réaliser de la paralysie, de la
contracture, de l’anesthésie, des troubles fonctionnels divers. Il était na-
turel de se demander si cette même suggestion ne pourrait pas faire dispa-
raître par un mécanisme analogue des troubles fonctionnels existants, dans
les cas où la lésion organique ne rend pas cette disparition impossible.
Il existe en effet une thérapeutique suggestive qui donne des résultats
incontestables, souvent rapides et surprenants dans un grand nombre de
cas. M. le docteur Liébeault (de Nancy) s’est fait, depuis vingt-quatre ans,
l’apôtre de cette thérapeutique. Depuis plus de deux ans que je l’expéri-
mente, quand l’occasion se présente et que mes loisirs le permettent, j'ai
obtenu un grand nombre d’efféts thérapeutiques, et souvent de guérisons,
par la méthode suggestive de M. Liébeault, qui consiste tout simplement,
pendant le sommeil provoqué, à affirmer la disparition des différents sym-
ptômes subjectifs ressentis par le malade, à suggérer la guérison. Le cer-
veau, docile à cette suggestion vigoureuse et répétée, fait ce qu'il peut
pour neutraliser (par inhibition, dynamogénie, ete.) les symptômes exis-
tants, pour restaurer la sensibilité, pour annihiler une douleur, pour sti-
muler un nerf moteur engourdi, pour corriger en un mot tous les troubles
dynamiques, et ils sont nombreux, qui se greffent sur la lésion et consti-
tuent quelquefois toute la maladie ou ce qui survit de la maladie.
Parmi mes nombreuses observations, j'en choisis actuellement deux qui
me paraissent établir d’une façon péremptoire la réalité de la thérapeu-
tique suggestivé ; je choisis ces cas, parce que la maladie et la guérison sont
enregistrées par le malade lui-même, et inscrites en traits irréfutables. Au-
cune part ne peut être faite, comme on a voulu le dire, à Pimagination du
médecin.
Os. [.— Grosse (Heuri), àgé de seize ans, de Hayange (Lorraine annexée), vient
avec sa mère me consulter le 5 juin 1884. Voici son histoire : À l’âge de dix ans
il eut une première atteinte de chorée qui le tint pendant quatre mois. A douze
ans et demi il en eut une seconde qui dura trois mois, généralisée, violente, agi-
tant les membres, le tronc, la face, la langue, avec impossibilité de parler. Cette
9Ù MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
atteinte avait été précédée pendant un mois d’un rhumatisme articulaire aigu, dont il
ne se rappelle pas les détails. — A quatorze ans nouveau rhumatisme poly-arti-
culaire fébrile occupant toutes les jointures, pendant six mois, y compris celles
du cou, qui est resté un peu raide depuis lors; il eut en même temps de l’oppres,
sion avec battements de cœur.
En février dernier, il fut repris de chorée; pendant un mois, agitation désor-
donnée très grande limitée aux membres supérieurs. Depuis le mois de mars, ces
mouvements choréiques diminuèrent graduellement d'intensité et disparurent de-
puis ; mais il ne peut plus écrire depuis, il a été obligé d'interrompre ses études,
et c’est pour cela qu'il vient me consulter.
Il a subi divers traitements; pendant le mois de fevrier il prit du bromure pen-
dant trois semaines, puis du sirop de chloral qui a calmé l’agitation. Durant le
mois de mars, il prit du tartre stibié, qui n’améliora pas son état. Plus tard il prit
de l’arsenic pendant trois semaines. Pendant les mois d'avril et mai, des pulvéri-
sations d’éther furent faites consciencieusement deux fois par jour pendant deux
mois. Rien n’y fit : l’agitation choréique avait cessé; mais les mains restèrent
maladroites pour les choses un peu délicates ; il ne peut ni écrire, ni arranger son
nœud de cravate.
Actuellement, 5 juin, c’est un garçon lymphatique, assez grand, timide, parlant
peu, l’intelligence est cependant nette ; il mange et dort bien; on ne surprend
aucun mouvement choréique, à peine de légers soubresauts dans la main. Les
mouvements de rotation de la nuque sont un peu douloureux; souffle doux à la
pointe du cœur, qui fonctionne bien et n’est pas hypertrophié. Je le fais écrire au
crayon, après l'avoir mis à son aise. Voici le décalque de son écriture (voyez spé-
cimen 1). Lisez : Grosse Henri, à la Fenderie Hayange Grosse.
Je propose à sa mére d’'hypnotiser son enfant ; elle y consent. Le premier essai
ne réussit pas ; il fronce les sourcils, cligne des paupières, prétend qu’il ne peut
dormir. Alors j'endors sa mère, qui s’y prête facilement devant lui. La voyant dor-
mir d’un sommeil calme, il se laisse aller facilement et en trois minutes est en ré-
solution ; ses membres restent en catalepsie si je les soulève. Je lui suggère alors
verbalement qu'il est guéri, que sa main ne tremble plus, qu'il va très bien
écrire; je répète cette suggestion à plusieurs reprises (suivant la méthode de
M. Liébeault). Au bout de dix minutes je le réveille et je le fais écrire.
Voici le résultat : il n’est pas encore brillant (voyez spécimen 2).
Je constate que l’enfant avait été en sommeil profond ou somnambulisme, c’est-
à-dire qu'il n'avait conservé à son réveil aucun souvenir de ce que je lui avais dit
pendant son sommeil. Sachant que dans ce sommeil profond, on obtient quelquefois
des résultats immédiats frappants, je lui propose de l’endormir une seconde fois
et je le remets rapidement en une minute en somnambulisme. Alors je répète et
J'accentue davantage l'affirmation qu’il va écrire très bien; et pour rendre cette
suggestion plus efficace, je lui donne un crayon en main, je lui dis: « Voici un
crayon; vous le tenez très bien, d’une main sûre et solide. » Je place un papier
devant son crayon, et je le fais écrire son nom pendant le sommeil (voyez spé-
cimen 3). Il écrit d’abord son nom Grosse (troisième ligne du spécimen); je dis:
« Vous écrivez mieux votre prénom; » il écrit Henri (quatrième ligne); je dis:
« Encore mieux ; » il écrit Hayange (première ligne). Je dis: «Encore mieux: cal-
ligraphie ; » il écrit Grosse (deuxième ligne). Tout cela est écrit les veux fermés.
Je lui affirme qu’à son réveil il écrira encore mieux, je lui fais dire à lui-même
te
NS
DES MOUVEMENTS DE L'ÉCRITURE. 91
qu'il est et restera guéri ; que sa main conduira la plume sans hésitation. Au bout
de douze minutes environ, je le réveille; il ne se souvenait de rien. Et voici ce
qu'il écrit à son réveil (voyez spécimen 4).
Le soir même il écrit, d’une main assurée, une longue lettre à son père.
Je le revois le lendemain 6 juin. La guérison s’est maintenue.
Voici son écriture avant toute nouvelle hypnotisation. Je l’endors une dernière
fois. La guérison ne s’est pas démentie. Le 9 juillet je reçois une lettre de lui où
il me remercie de sa plus belle écriture digne d’un professeur de calligraphie.
Cette observation n’est pas unique. Mon collègue M. Beaunis, ayant vu
à la consultation de M. Liébeault une jeune fille atteinte d’hémichorée, eut
l’idée d'enregistrer aussi les mouvements de l'écriture, avant, pendant et
après la séance hypnotique ; peu de séances suffirent à rétablir l’écriture
normale et à corriger les mouvements choréiques. L'observation à été
publiée dans la Gazette médicale de Paris.
_ Voici enfin un troisième fait que j’ai pu recueillir récemment.
OBs. II. — Claudine Datel, âgée de quinze ans, m’a été amenée, le 21 juillet,
par deux de ses amies, ouvrières du même atelier, et que je venais de débar-
rasser en quelques séances par suggestion hypnotique de secousses choréiques.
Habituellement bien portante, Claudine Dutel, qui ne paraît pas nerveuse outre
mesure, fut prise, en février 1884, de chorée par imitation, la quatrième de l’ate-
lier. Cette chorée généralisée occupait tête, tronc et membres; la malade se
mordait la langue. Au bout de six semaines, après avoir pris quinze bains sul-
fureux, elle fut complètement guérie.
Il y a quinze jours elle fut reprise de chorée généralisée. Depuis huit jours elle
n’a plus qu’un tremblement incessant latéral rhytmique, occupant la main, le bras
et l'épaule gauche. Plus on veut arrêter ce tremblement, plus il s’exagère.
Sauf cela, santé parfaite ; la force musculaire est conservée ; la malade pousse
le dynamomètre à 28 de la main gauche, à 31 de la main droite.
Elle écrit très bien de la main droite (voyez tracé 1).
De la main gauche, si elle veut écrire son nom, elle ne fait qu’un enchevètre-
ment de traits inextricable. Le tracé d’une ligne fait de cette main enregistre son
tremblement.
Je l’hypnotise, après avoir endormi ses deux amies devant elle; elle n'arrive
qu'au second degré du sommeil hypnotique (c’est-à-dire résolution, catalepsie
suggestive incomplète, pas de mouvements automatiques, souvenir parfait au ré-
veil). J’affirme que le tremblement va disparaître, que la main gauche fonctionne
comme la droite ; je fais quelques frictions sur la main.
Le tremblement persiste d'abord, et je ne pense pas obtenir un résultat immé-
diat ; mais, au bout de quelques minutes, le tremblement commence à diminuer ;
il est remplacé successivement par des secousses de plus en plus éloignées, puis
disparaît. Je fais écrire à la malade son nom et je lui fais tracer une ligne pen-
dant son sommeil les yeux fermés, et elle y réussit très bien (voyez tracé I. Nom
écrit de la main gauche pendant le sommeil. Ligne tracée pendant le sommeil).
Je la réveille au bout de douze minutes environ. Elle écrit très bien son nom
de la main gauche, et trace bien une ligne après son réveil (voyez tracé 1). Au bout
992 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
de trois minutes, une nouvelle ligne tracée commence déjà un peu à trembler
(voyez tracé 1). Aussitôt après le réveil le tremblement avait disparu; mais à peine
dans la rue, nous dit-elle le lendemain, le tremblement a reparu comme avant.
Le 22 juillet, lendemain, Claudine revient. Le tremblement existait de nouveau
aussi marqué qu'avant. Elle ne peut plus écrire de la main gauche (voyez tracé II.
Nom écrit de la main gauche et ligne tracée avant la seconde séance). Elle écrit
très bien de la main droite (voyez tracé).
Je l’hypnotise de nouveau, en présence des élèves à l’hôpital; je lui suggère
énergiquement que le tremblement va s’arrêter et qu’elle va très bien écrire.
En quelques minutes le tremblement disparaît de nouveau comme la veille; et
je la fais écrire pendant son sommeil les yeux fermés (voyez tracé IT. Écriture de
la main gauche pendant le sommeil. Ligne tracée pendant le sommeil). On voit
sur ce tracé que le tremblement a totalement disparu, je la laisse dormir un quart
d'heure, lui affirmant que le tremblement ne reviendra pas, que sa main est sûre
d'elle-même, etc.
À son réveil, plus le moindre tremblement ; écriture et ligne tracées nettement,
(voyez tracé IL. Écriture de la main gauche et ligne tracée après le réveil).
La guérison s’est maintenue après cette seconde séance jusqu’à ce jour (1° août).
Voici encore, le 23 juillet, le spécimen de son écriture avant et après la troisième
hypnotisation (voyez tracé IT).
La jeune malade est encore venue trois fois, sur ma demande, à l'hôpital se
faire hypnotiser, et l'écriture de la main gauche est devenue encore plus belle.
BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
LES
SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES
CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE DE LA PURETÉ CHIMIQUE
ET DE L'ACTIVITÉ PHYSIOLOGIQUE
LA DIGITALINE
Par MM. LABORDE et DUQUESNEL
La pureté chimique d’une substance médicamenteuse constitue la pre-
mière et essentielle garantie de son action physiologique, et conséquemment
de son efficacité thérapeutique.
C’est là une vérité, on pourrait dire un axiome, dont on ne se préoc-
cupe pas suffisamment dans la pratique, et dont la négligence est la cause
habituelle, soit des déceptions et des insuccès si fréquents en thérapie
usuelle, soit des dangers et des accidents, auxquels on ne s’attendait pas,
d’après les notions acquises sur l’activité toxique du médicament. L'exemple
récent de la quinine employée dans nos hôpitaux, exemple dont il convient
de faire honneur à l’investigation expérimentale, témoigne de toute l’impor-
tance de cette préoccupation, laquelle grandit encore quand il s’agit de
principes immédiats fournis par le règne végétal, d’une activité physiolo-
gique beaucoup plus puissante que celle de la quinine ou de ses prétendus
succédanés ; médicaments précieux, parfois héroïques, grâce à cette activité
même; mais aussi des plus infidèles et des plus dangereux, selon leur
composition et leur origine chimiques.
C’est ce que nous nous proposons de démontrer aujourd’hui, M. Der enel
et moi, pour un produit qui tient un des premiers rangs parmi les principes
immédiats médicamenteux, dont les indications thérapeutiques appartien-
nent surtout au cadre nosologique des cardiopathies, où il rend de grands
services, et où il en rendrait de plus grands encore, s’il répondait toujours,
par sa pureté et son identité de composition, à ce que l’on attend de lui:
nous avons nommé la digitaline.
Longtemps on a pu donner, sous le nom de digitaline — comme cela se
pratique encore malheureusement pour un grand nombre d’autres substances
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [. 8
94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
— un produit qui, sous le rapport de la constitution chimique, ne répondait
nullement à cette dénomination. Combien de ces pseudo-digitalines, pro
duits les plus divers, ont circulé et circulent encore dans l'industrie phar-
maceutique, usurpant le vrai titre, c’est ce que nous n’essayerons pas et
qu'il serait d’ailleurs difficile de ire,
Mais depuis que, gràce aux progrès introduits par M. NATIVELLE dans les
procédés d'extraction et de préparation de ce principe immédiat, nous
sommes, quoi qu'on en ait dit, en possession d’un produit qui peut et doit
toujours être identique à lui-même, en sa constitution chimique, comme en
son activité physiologique, il n’est plus permis, du moins il ne devrait plus
être permis de fausser la garantie que le médecin est en droit d'attendre de
la préparation de ce médicament, et de tromper sa confiance, qui est aussi
celle du malade.
Mais c’est aussi, c’est surtout au médecin à veiller et à se tenir en garde,
et c’est pour l'y aider, que nous lui apportons les résultats de l'enquête
suivante.
Voici deux échantillons de digitaline : l’un porte.la marque authentique
d’une fabrique étrangère, de grand renom, dont les produits, sur la foi d’une
réputation acquise, et aussi de prix. bu très rabaissés, sont fort
recherchés et répandus en Europe et ailleurs ;
L'autre est de la digitaline préparée par l’un de nous, par le Poe
Nativelle.
À la seule inspection objective des caractères physiques, extérieurs, il
serait difficile de déceler la moindre différence entre les deux produits.
Mais, si l’on vient à les soumettre respectivement à l’épreuve ci-après de
réaction chimique caractéristique, indiquée par le Codex, voici ce que l’on
observe : HR
En présence d’une petite quantité d'acide chlorhydrique, et sous l'in-
fluence d’une légère élévation de la température, la digitaline prend une
coloration vert-émeraude.
De plus, elle se dissout facilement dans le chloroforme.
Or l’échantillon de digitaline venant de l'étranger, et que nous désigne-
rons par la lettre À, ne présente pas de trace de la première réaction ; sa
coloration ne crea pas. HAE
En second lieu, traitée par le chloroforme, elle laisse un résidu abon
dant. PR
Au contraire, la digitaline française, obtenue par le procédé Nativelle, et
que nous désignerons par la lettre D, présente la coloration caractéristique
sous l'influence de quelques g nes d'acide chlorhydrique, et légèrement
‘chauffée.
De plus, elle se dissout entièrement, sans résidu, dans le chloroforme.
Ces résultats respectifs peuvent être facilement constatés, à la suite des
deux opérations que nous répétons devant la Société.
LA DIGITALINE. 95
Enfin, autre caractère différentiel, au point de vue organoleptique :
La digitaline D est fortement amère, tandis que la digitaline A l’est à
peine.
Ces résultats dénoncent une différence réelle et même profonde, aù point
de vue chimique, entre les deux produits ; et ils permettent d'en présumer
une corrélative dans l'activité physiologique.
L'épreuve expérimentale va pleinement justifier cette présomption et
achever la démonstration. | j
L'action caractéristique de la digitaline sur le cœur permet, en effet, à
cet égard, une observation facilement comparable : c’est ce qu’on peut
appeler l'épreuve cardiaque.
Nous la réalisons, d’abord, sur deux grenouilles tout à fait semblables
(Rana temporaria) et de même volume, chez lesquelles le cœur est mis
à nu.
Une solution aqueuse des deux produits a été respectivement préparée
dans la proportion exacte de 1 centigramme par 2 centimètres cubes. Quel-
ques gouttes seulement d’alcoo!l y ont été ajoutées pour faciliter la solution,
qui, de part et d’autre, se trouble légèrement par le refroidissement, mais
qu'il suffit de chauffer pour lui restituer toute sa clarté. |
Pour rendre la démonstration plus saisissante, nous procédons par une
-haute dose d'emblée :
A l’une des grenouilles, nous injectons aux pattes postérieures À centi-
mètre cube — 5 milligrammes de la solution du produit étranger que nous
appelons A ;
A l’autre, même injection de 4 centimètre cube — 5 milligrammes du
produit français que nous désignons par D.
L’injection simultanée est faite à 2 h. 20.
A 2h. 23 (trois minutes’ après l'injection) commencent à se produire des
modifications très sensibles dans le fonctionnement du cœur D; il s’accélère,
se contracte avec une énergie qui tend à la rétraction des parois ventricu-
laires, avec une difficulté croissante des diastoles.
A 2h. 24, il y a déjà de longues intermittences, l’arrêt du cœur est
imminent.
A 2h. 25, l'arrêt est définitif en systole forece. Le cœur est revenu sur
lui-même, rapetissé et fortement ridé, complètement vide de sang.
Pendant ce temps, le cœur A continue à battre à peu près normalement.
Ce n’est que vers 2 h. 45, c’est-à-dire vingt-cinq minutes environ après
l’injection, que se manifeste une tendance à la rétraction systolique. Mais
la régularité des battements continue à être parfaite.
Près de trois heures après, à 5 h. 1/2, les contractions sont devenues plus
lentes, elles ont perdu de leur amplitude, mais elles s’accomplissent
toujours avec régularité, sans intermittences appréciables.
96 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
A 5h. 1/2, les battements sont réduits à 14 par minute, mais réguliers
dans leur lenteur ; des rides se prononcent à la surface ventriculaire.
À six heures, même état.
Sept heures. Le cœur bat encore, dans ces conditions, avecune régularité
qui ne semble pas annoncer son arrêt prochain.
L'animal est laissé, en cet état, dans un cristallisoir humide.
Le lendemain matin, le cœur est trouvé arrêté en forte rétraction systo-
lique ; mais l'animal réagit encore aux excitations périphériques.
Ainsi, tandis que, en cinq minutes à peine, la digitaline D a produit ses
effets physiologiques, caractéristiques et définitifs, ce n’est qu'après quatre
heures que la digitaline À a commencé à manifester faiblement son action,
laquelle n’est achevée que bien plus tard, ainsi que nous allons le montrer
plus exactement et plus clairement encore.
L'enregistrement graphique des battements du cœur permet, en effet, à,
cet égard, une constatation qui, tout en rendant saisissables les moindres
détails des modifications provoquées dans le fonetionnement cardiaque,
donne, en quelque sorte, la mesure exacte de l’écart considérable existant
dans l’activité eue des deux produits.
Le premier graphique ci-après donne l'expression écrite de l'action sur
le cœur de la grenouille, de la digitaline D, à la même dose que précédem-
. ment, depuis le moment de l'injection jusqu’à la cessation complète et défi-
nitive des battements cardiaques.
L'analyse de ce tracé montre, en effet, que dès la troisième minute après
l'injection, se produisent déjà des modifications très nettes dans le fonc-
tionnement cardiaque, et que l’arrêt systolique du cœur ventriculaire est
effectué à la cinquième minute.
Si, maintenant, nous mettons en regard de ce tracé le second tableau
graphique, qui représente l’action de la digitaline À, exactement dans les
mêmes condititions expérimentales et de dose, que voyons-nous ?
Dans une série successive de tracés qui, en fonction de temps, ne repré-
sentent pas moins de trois heures de cardiographie, c'est à peine si l'on
arrive à quelques modifications exprimant plutôt la fatigue de lorgane
sous l'influence de ce long travail, sans que la régularité et le rythme
des contractions du cœur paraissent, du reste, troublés. Il est facile de
présumer qu’il continuera ainsi à fonctionner de longues heures encore, et
nous jugeons inutile de prolonger l'épreuve cardiographique, suffisamment
démonstrative. (Ne pouvant reproduire ia longue série de tracés recueillis
en ce cas, nous nous bornons au premier et au dernier, qui fournissent les
termes de comparaison.)
Dans le but de rendre plus saisissante encore, si possible, la démonstra-
tion, nous avons répété l’épreuve cardiographique, dans les conditions sui-
vantes de doses respectives :
F16. 1, — Digitaline D (française), 5 milligrammes. — 1, tracé normal, avant l'injection
2, 3, 4, immédiatement après l'injection; 5, arrêt complet à la 5° minute.
l.6. 2. — Digitaline A (étrangère), à milligrammes. — 1, tracé normal, avant l’injection;
après l'injection, 15° minute; 3, après l’injection, 1" heure; 4, après l'injection,
* heure; », après l'injection, 3° heure.
Disilunuc D f'auuçuise), 2 1/2 quuligrauues. Wacé uurial, avant
l'injection; 2, 3, 4, 5, 6, 7, après l'injection, 1°, 2°, 5
98 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
1,2 centimètre cube — 2 1/2 milligrammes de digitaline D ;
2 centimètres cubes — 1 centigramme de digitaline A.
Or voici les résultats graphiques de l’expérience comparative :
Dans le premier cas, les modifications caractéristiques et arrêt définitif
du cœur se Fine dans un laps de six à huit minutes.
Dans le second cas, ce n’est que vers la vingtième minute que commence
le ralentissement, et plus d’une heure après, il ne s’est pas encore produit
de nouvelle modification sensible. -
l'iu. 4. — Digilaline A (étrangère), 1 ventigramme. — 1, tracé Pornal avant linjecuou:
2, huit minutes après l'injection; 3, dix-huit minutes après l'injection; 4, cinquante
minutes après l'injection. ;
On peut tirer, de la démonstration qui précède, la conclusion que lacti-
vité physiologique de la digitaline D est quatre fois supérieure, pour Île
moins, à celle de la digitaline À, puisqu'à une dose quatre fois plus forte,
celle-ci arrive à peine à produire quelques effets sensibles. Mais cette appré-
ciation est encore loin de la réalité, si l’on juge de cette activité compa-
parative par les effets extrêmes et définitifs, dont le critère est l'arrêt du
cœur.
Cette démonstration pouvait suffire à notre but; mais, afin de lui donner
tous les caractères d’une généralisation applicable, nous avons cru devoir
l’étendre à des animaux plus élevés : pour le dire de suite, les résultats de
cette nouvelle épreuve ont été, comme il était permis de s’y attendre, abso-
lument confirmatifs de la première.
C’est ce que va montrer la simple relation d’une expérience faite sur le
cobaye :
Il s’agit de deux jeunes cobayes de la même famille, du même àge, et, on
peut dire de même poids, car l’un pèse 272 grammes, et l’autre 270.
Au premier, celui de 272 grammes, nous injectons à la cuisse gauche, à
LA DIGITALINE. 1199
3 h. 20, 1 centimètre cube de la solution de digitaline D, représentant
» milligrammes de principe actif.
Au second, pesant 270 grammes, nous injectons presque simultanément,
à une minute d'intervalle (3 h. 21), exactement la même dose de ae
line A.
A 3 h. 50, le premier cobaye est sur le flanc, en proie à des phénomènes
convulsiformes et asphyxiques, il urine abondamment et par jets saccadés
comme à la suite de contractions spasmodiques de la vessie (1); les batte-
ments du cœur sont à peine perceptibles à travers la paroi thoracique.
A 3h. 55, il est en état de mort apparente, les mouvements respira-
toires sont réduits aux derniers efforts asphyxiques.
A 4 h. 11, le thorax.est rapidement ouvert : le cœur apparaît battant
encore, mais avec des contractions lentes, des intermittences de plus en
plus prolongées, tendance à la rétraction et à l’arrêt, lequel est complet,
après une période de ralentissement progressif, à 4 h. 25 ; ecchymoses
ponctiformes à la surface des poumons.
Pendant ce temps, le second cobaye, compagnon d’expérience de celui
qui précède, conserve toutes les apparences de l’état normal.
Trois heures après l'injection, il ne présente pas la moindre modification
fonctionnelle, objectivement-appréciable.
IL est her en cet état.
Le lendemain matin, à dix heures, il est trouvé en collapsus, couché et
aplati sur le ventre, respirant difficilement, et ne réagissant pas aux exci-
tations extérieures — les battements du cœur sont difficilement sentis à
travers la paroi thoracique.
À deux heures, il était mort. La rigidité cadavérique s’est rapidement
établie.
Le cœur, à l'ouverture du thorax, a été trouvé arrêté en systole, fortement
rétracté. Les poumons étaient semés de nombreuses et larges ecchymoses.
Le contraste est frappant, et le même que celui que nous avons constaté
chez la grenouille ; tandis qu'avec la digitaline D, les effets physiologiques
sont presque au maximum en moins de trente minutes, et les effets définitifs
et caractéristiques accomplis en moins d’une heure, il faut presque vingt-
quatre heures pour que le même résultat se produise avec la digitaline A.
Il y a, en conséquence et en dernière analyse, une différence relative-
ment considérable entre les deux produits de même nom, eu égard à
leur activité physiologique, et partant à leur pureté de composition chi-
mique.
(1) Notons, en passant, que l'urine recueillie, et injectée, en nature, à la dose
de 1 centimètre cube, à une grenouille, a provoqué, du côté du cœur, des mo-
difications caractéristiques qui ont abouti, mais très tardivement, à l’arrèt.
ANA ES ALAN
400 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Une différence corrélative doit, on le comprend, exister au point de vue
des effets thérapeutiques; car, bien que l’on ne puisse pas dire qu’il s'agisse,
en ce cas, d’un produit absolument inerte, puisqu'il manifeste, à longue
échéance, une activité réelle, il est permis de le considérer, cependant,
comme à peu près inactif et, conséquemment, trompeur, étant donnés
l'espèce dont il s’agit et le dosage qu’elle commande.
La digitaline appartient, en effet, au groupe de substances qui se prescri-
vent et doivent se prescrire avec prudence, presque avec méfiance, avec le
dosage par fractions de milligramme ; cela, parce que l’on compte sur son
activité et sa puissance d'action. Or, nous le demandons, quelle confiance
est-il permis au médecin d’avoir, avec ce dosage obligé en principe, en un
produit semblable à la digitaline A, qui a tant de peine à produire ses effets,
à dose massive, sur des animaux de quelques grammes ? il ne peut y avoir
là que matière à déception thérapeutique ; et nous ne doutons pas que ce ne
soit la source réelle des infidélités médicamenteuses d’une substance ainsi
compromise par l’état de la matière première, et en laquelle on finit, non sans
raison, par ne plus mettre sa confiance.
La conclusion pratique qui se dégage de cette étude est simple et claire:
se tenir en garde au sujet de la pureté de composition chimique dés sub-
stances médicamenteuses, surtout quand il s’agit de produits réputés très.
actifs.
Pour ce qui est de la digitaline, que nous venons de soumettre à une
épreuve comparative, il ne nous reste qu’à ajouter, sans indication plus
précise, dont on voudra bien nous dispenser, qu’elle vient de l’Allemagne,
ce pourquoi nous l’avons désignée par la lettre A.
Ce n’est pas, tant s’en faut, le seul produit... suspect qui nous revienne
de là, heureux quand il n’en vient pas officiellement, ou plutôt administra-
tivement, par la fatale voie des soumissions au rabais.
Or il serait temps de s’apercevoir que les produits, si supérieurs par leur
pureté de composition et leur activité physiologique, que celui que nous
avons pris aujourd’hui pour terme de comparaison, sont obtenus chez nous
par notre industrie nationale, par des procédés tout français ; et que c’est
là une raison de plus, nullement à dédaigner, puisqu’elie est patriotique,
de leur accorder la confiance qu’ils méritent d’un autre côté : celui qui
touche aux intérêts du malade et aux devoirs du médecin.
BOURLOTON. — limprimeries réunics, À, rue Mignon, 2, Paris.
TE ee PONTS Se CR ONE
CIRCULATION ABDOMINALE
ANTAGONISME DU SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE
Par M. D'ARSONVAL
NOTES POUR UNE LECON INÉDITE DE CLAUDE BERNARD ({).
L'action du grand sympathique est-elle la même sur les surfaces cutanées
internes que sur le tégument externe ?
A priori, on doit penser que non, parce que la température des organes
extérieurs ne peut s'élever au-dessus de celle des organes profonds, qui,
elle-même, ne peut dépasser certaines limites. Si l’élévation de température :
(1) Passant en revue, quelque temps après la mort de Claude Bernard, le con-
tenu du tiroir où je rangeais les notes à utiliser pour la publication ou la prépa-
ration de ses leçons, je découvris une chemise portant ce titre : Circulation
ubdominale; antagonisme du sympathique et du pneumogastrique.
Il s'agissait là de notes pour une leçon qui n’avait pas élé faite au temps de ma
collaboration aux travaux du maître (1854-1863), mais qui aurait pu l'être plus
tard, entière ou par fragments. Déjà, en 1862, quelques-unes des idées qui s’y
trouvent exprimées avaient été au moins indiquées dans les leçons publiées.
Aussi, avant de jeter ces feuillets au feu, fis-je des recherches dans les volumes
de l’œuvre de Bernard parus après 1863 et dans la Table analytique de ses
travaux publiés par le docteur Roger de la Coudraie. Je n’y trouvai rien qui
répondit à l’idée fondamentale exprimée dans le titre de ces notes, ébauches
d'étude que d’autres préoccupations avaient pu faire ajourner ou perdre de vue.
Pour expliquer ce développement d’une leçon qui n’a pas été faite etle mélange
de vue inédites avec des choses publiées ou devant l’être à quelque autre occasion,
je dois indiquer comment se faisait le travail auquel j’ai eu la bonne fortune d’être
associé pendant huit années.
Les données qui me servaient à la publication des leçons de Claude Bernard
provenaient de plusieurs sources. La plus importante fut, jusqu’en 1859, le dé-
pouillement des cahiers d'expériences accumulés pendant près de vingt ans d’un
travail de laboratoire incessant. De ces relevés d’expériences, plusieurs parts
étaient faites : l’une réservée pour être jointe aux travaux à venir ; une seconde
devant fournir des pièces justificatives à l’enseignement pendant; une troisième,
enfin, destinée à combler des lacunes ou réparer des omissions dans les leçons
déjà professées, mais non encore publiées.
Au cours de ce dépouillement, surgissaient des vues théoriques, des idées de
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. N. y
102 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
qu’on observe quelquefois à l’intérieur se produisait aussi dans les organes
externes, le degré de chaleur compatible avec la vie se trouverait dépassé,
et l’animal mourrait par élévation de sa température. Les résultats de
l’expérimentation sur la portion du grand sympathique qui se distribue aux
organes splanchniques, dans lesquels le sang n’éprouve pas directement un
abaissement de température en rapport avec son excès de chaleur sur le
milieu environnant, ne seront donc guère comparables à ceux obtenus quand
nous avons expérimenté sur les filets du sympathique qui se rendent à la
périphérie.
Mais, avant de rechercher les accidents de température des organes pro-
fonds en rapport avec des lésions du grand sympathique, nous examinerons
forme nouvelle à donner à certains exposés, enfin des projets de recherches.
Bernard me dictait ces feuillets, qui étaient soumis au même classement que les
notes d'expériences et arrivaient quelquefois à constituer des projets de leçons. C’est
surtout des notes de cet ordre qu’on trouvera dans les pages qui suivent.
Quant aux notes prises au cours des leçons, il en était d’elles comme de celles
dictées dans le cabinet : les unes restaient à leur place ; d’autres étaient remontées
aux lecons antérieures; d’autres, enfin, étaient mises en réserve, Ce classement
m'était abandonné, Bernard se réservant la revision d’une rédaction qui était
d'ordinaire définitive.
Ici il ne s’agit que d’un projet. Des chiffres marqués sur quelques feuillets
indiquent qu'il devait, à l’époque où il a été arrêté, fournir matière à plusieurs
leçons. Quelques-unes des vues qui s’y trouvent émises ont été rappelées dans les
leçons sur la Chaleur animale, données en 1876 avec le concours de MM. Dastre
et Mathias Duval; mais je n’ai pas retrouvé exprimée autre part l’idée fondamen-
tale indiquée dans le titre et poursuivie dans quelques-uns des développements.
Or cette vue de l’antagonisme des appareils nerveux abdominaux et la détermi-
nation de quelques-unes des conditions de cet antagonisme m’ont paru mériter
d’être publiées.
Ici je me suis trouvé quelque peu embarrassé.
Du vivant de Bernard, j'eusse, comme je l’avais fait maintes fois pour la publi-
cation de leçons qui ne devaient être jointes que plus tard à l’édition de son
œuvre, remanié et condensé la rédaction, de façon à lui faire rendre de mon
mieux l’idée mère de l’article. Bernard mort, je ne me suis plus cru cette liberté
permise. Ces pages lui ayant été soumises, ainsi qu’en témoignent quelques
annotations faites sous sa dictée à une époque postérieure à celle de la première
version, je n’y ai rien changé. Des blancs répondent seulement aux coupures qui
se trouvent dans les notes, aux points qui attendaient soit des développements,
soit des raccords, soit des intercalations à faire après les leçons prononcées.
Cette ébauche est postérieure à 1857, date de la remise aux éditeurs du ma-
nuscrit des Leçons sur le système nerveux. Elle doit être de 1859 ou de 1860; à
partir de cette dernière date, les dictées dont j'ai parlé plus haut ne portèrent
plus que sur les matériaux de l’Introduction à létude de la médecine expérimen-
tale. Quant aux expériences, non datées, je les crois échelonnées entre 1845 et
1853 ; les destructions de ganglions seraient de 1845. ie
A. TRIPIER.
CIRCULATION ABDOMINALE. 103
quels sont, dans les conditions normales, les rapports de température des
différentes portions du canal intestinal.
La partie la plus chaude du canal intestinal est le duodénum, et dans
celui-ci la partie la plus rapprochée du pylore. La température y est, en
outre, bien plus élevée chez l'animal à jeun que chez l'animal en digestion.
Voici des chiffres qui confirment cette assertion :
Duodénum. — Chien à jeun........... 419,1
AuTe Sion de milogead. 410,1
IMUD HMS SE MR THRPRMO RE 410,2
ANDRE ee bide eure cadets 419,0
Rectum. — Chien à jeun......... o 290,8
ALTO. :: 2e Fes eR ete 40°,9
Dans le cæcum, -on trouve des températures intermédiaires.
Chez les animaux en digestion, on trouve des températures infé--
rieures.
ARTE: Loin vu Se de .. A0/00
Chez ces animaux, la température du duodénum est plus élevée que la
température du sang de la veine porte, pe Ra est elle-même plus élevée
que celle de l’aorte.
Le sang s’échauffe donc en traversant l'intestin. Nous savons qu'il s’é-
chauffe encore en traversant le foie.
La température de l’intestin plus élevée que celle du sang montre que le
sang s’échauffe au confact des tissus et non par lui-même. La température
du sang ne s'élève que dans les vaisseaux capillaires; c’est au contact des
tissus qu'a lieu le phénomène chimique qui échauffe les tissus. C’est ce
que nous avons observé sur l’oreille du cheval quand nous l’avons bien pro-
tégée contre le refroidissement; c’est encore ce que nous observons dans le
canal intestinal, où cette condition de protection contre la déperdition de
calorique est naturellement bien remplie.
Quels changements peuvent apporter dans ces conditions générales de
température les variations de l’action du grand sympathique ? C’est ce qui
nous reste à examiner.
Dans les organes intérieurs, les effets observés à la suite de la section
du sympathique sont tout autres qu’à la peau.
Nous avons autrefois détruit les rapports normaux de l'intestin avec les
centres nerveux, soit en coupant les nerfs, soit en enlevant les ganglions
semi-lunaires. Ces lésions produisent, comme celles des rameaux du sympa-
thique destinés à la périphérie, des effets immédiats; mais ces effets sont
tout différents.
Il se produit une véritable inflammation, une vascularisation extraordi-
104 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
naire du péritoine, de la muqueuse, vascularisation bientôt accompagnée
de la formation de fausse membranes et de pus. Quand la lésion est un
peu étendue, la mort en est constamment la conséquence.
Nous avons insisté sur les différences que doivent présenter au point de
vue de l'observation thermométrique les parties périphériques et les orga-
nes splanchniques, différences qui tiennent à des conditions toutes physi-
ques de protection contre le refroidissement. Il est toutefois -une partie de
l'appareil digestif sur laquelle il devait paraître plus facile d’instituer des
expériences comparatives avec celles faites sur la tête : c’est le rectum. Dans
des conditions données, le rectum présente une température assez fixe; de
plus il peut plus facilement que les autres parties de l'intestin ressentir
les influences extérieures.
Or, quand on coupe les nerfs du sympathique qui se rendent au rectum,
on voit une vascularisation plus grande s’y produire. Si l’on prend la tem-
pérature de la partie avant et après l’opération, on trouve qu’elle a con-
stamment diminué. Derrière le rectum se trouve un ganglion nerveux d’où
part un rameau qui en suit la partie postérieure. En détruisant ce ganglion
etle rameau qui en émane, on observe un refroidissement de 1 degré à 2°,5.
Il y a en même temps vascularisation et production de la série des phéno-
mènes qui caractérisent l’inflammation.
Cinq expériences nous ont constamment donné le même résultat. Nous
n'avons pas recherché si à une certaine période du processus inflammatoire
la température s’élève.
_ Relativement aux autres parties de l'intestin, nous avons vu simplement
qu’alors qu’elles sont tirées hors de l’abdomen, les parties dont on a détruit
les nerfs se refroidissent plus vite.
Y a-il dans ces cas augmentation de la rapidité du courant circulatoire ?
de la pression ? Nous n’avons pas fait d'expériences pour mesurer les varia-
tions possibles de la pression; mais nous avons pu constater que la rapidité
de la circulation était diminuée. | |
Pour faire ces expériences, on tire dehors, par une incision faite sur la
ligne blanche, une anse d’intestin. A l’aide d’un petit crochet, on rompt les
nerfs qui se distribuent à une moitié de cette anse intestinale : presque
aussitôt on voit, du côté lésé, les artères donner des pulsations moindres.
On reconnait que l'impulsion de ces pulsations est moins forte à ce qu’elles
ne redressent pas les anses artérielles. De plus, si l’on incise l'intestin
comparativement dans la partie privée de ses nerfs, on voit que du côté
lésé l’hémorrhagie est moindre et que le sang s’écoule en bavant.
L'influence du sympathique ne paraît donc pas être la même sur tous les
organes ; aussi est-il important de l’étudier dans chacun d’eux.
Le plan des expériences à faire peut être arrêté dès à présent d’une ma-
nière générale : elles devront être calquées sur celles faites au cou.
Non seulement nous couperons les nerfs, mais encore nous: devrons les
blé |.
CIRCULATION ABDOMINALE. 105
—_——————_—_—______]_-——— —— —] — — —————————— ——
galvaniser (1). Il y sera aussi utile de prendre la température du sang et
° d'examiner sa constitution.
Expériences. — Sur un chien, nous avons tiré, par une plaie de la ligne
blanche, une assez grande quantité d’intestin grêle. On a ensuite cherché
les nerfs qui accompagnent l'artère mésentérique, et on a cassé ceux de
ces nerfs qui se rendaient à une moitié de l’anse intestinale sortie de l’ab-
domen. Immédiatement, on n’a rien vu. Au bout de cinq jours, la plaie
n’était pas encore cicatrisée ; le chien mangeait et digérait fort bien.
Lorsque nous avions l'intestin sous les yeux, nous n'avons rien vu. On a
cru pouvoir noter une légère diminution des pulsations, mais trop peu sen-
sible pour pouvoir être affirmée. La galvanisation des bouts périphériques
des nerfs rompus n’a absolument rien produit.
On n’a jamais vu chez l'animal vivant, le sang circulant librement et la
moelle étant intacte, se produire de mouvements péristaltiques. La section
du sympathique ou sa galvanisation n’en déterminent pas l'apparition. La
galvanisation directe de l'intestin ne donne qu'une contraction locale. Tou-
tefois il est probable qu’à cet égard toutes les parties du nerf sympathique
n’agissent pas de même. En effet, nous avons pu isoler chez un lapin le
filet qui va au rectum : nous n’avons pas vu quels effets produit sa section;
mais, après cette section, la galvanisation de son bout périphérique excite
des contractions violentes du rectum et de la vessie.
Le chien de l’expérience ci-dessus, sur lequel rien de particulier n'avait
pu être noté d’abord, rendit bientôt des excréments à moitié diarrhéiques
mêlés de sang. Il n’y avait pas eu de péritonite et l’état général paraissait
bon. Quinze jours après l’opération, l’animal succomba aux suites d’une
nouvelle opération, de l’ablation du ganglion premier thoracique, qui est
constamment mortelle.
A l’autopsie, on ne rencontra pas d’inflammation intestinale; il n’y en
avait pas non plus dans le péritoine, qui présentait quelques adhérences
peu étendues, mais sans trace de péritonite.
En examinant l’intérieur de l'intestin, on vit que, dans la portion répon-
dant aux nerfs rompus, le mucus présentait une teinte rougetre sanguino-
lente notablement différente de l’exsudation des parties voisines. IT y avait
là une exsudation sanguine sans inflammation. La section des nerfs avait
donc évidemment agi sur la circulation capillaire et sur la manière dont le
sang se comporte dans la muqueuse; et cette expérience donna, comme
(1) Là où il est question de galvanisation, c’est de faradisation qu'il s’agit.
Cette rectification est à faire à peu près partout dans l’œuvre de Bernard. Jamais
il n’a eu recours à la galvanisation proprement dite. Lorsqu'il recourait à la
vollaisation, c'était presque toujours à la voltaïsation discontinue; il était fait
alors mention de l'instrument employé.
106 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
résultat de la section du sympathique qui se distribue à une anse intesti-
nale, une exsudation sanguinolente à la surface de Ia muqueuse.
Jusqu'ici nous n’avons obtenu que ce résultat; c’est une observation à
poursuivre.
Nous avons fait une autre expérience sur la partie du sympathique abdo-
minal qui se rend au rectum.
Nous avions déjà cherché à détruire les nerfs de l'intestin, et nos expé-
riences nous avaient déjà montré que non seulement ces nerfs différaient,
quant à leur rôle et àleurs propriétés, du sympathique qui se rend à Ja tête,
mais que ces propriétés se montraient encore différentes lorsqu'on les exa-
minait dans les diverses parties du canal intestinal. J'avais déjà vu la gal-
vanisation des nerfs du rectum y déterminer des contractions, tandis que
Ja galvanisation des nerfs de l'intestin grêle n’en produit aucune.
Le rectum reçoit deux ordres de nerfs. Un ganglion latéral, dépendant
du plexus lombo-aorlique, donne un filet assez fort qui accompagne une
artère hémorrhoïdale, et un autre, fort aussi, quoiqu'il le soit moins, quise
rend à la vessie. Ce ganglion communique, comme tous les autres, avec
les paires rachidiennes. On trouve de plus, au rectum, des nerfs qui, ve-
nant du plexus solaire, plexus central, suivent les veines.
L'expérience qui va suivre a été faite sur les Ris rectaux venant du No
lombo-aortique.
Nous nous proposions de faire des observations comparatives de la tem-
pérature du rectum, mais la présence dans cet intestin d’une assez grande
quantité de matières stercorales n’a pas permis d’effectuer convenablement
cette partie de l’expérience.
On a pris le nerf qui, d’un ganglion latéral du plexus lombo-aortique, se
rend au rectum; on l’a isolé avec un crochet, lié, puis coupé. On a fait en-
suite la suture de la plaie de l’abdomen en tirant le nerf au dehors par un
coin de la plaie. On observait l’anus.
Après la section de ce nerf, l’anus est resté béant, et l’on voyait Ja mu-
queuse du rectum. On a galvanisé le nerf, et sous l’influence du galvanisme,
l’anus s'est refermé lentement, est resté fermé tant qu'a duré la galvani-
sation, et s’est rouvert quand on a cessé, pour se refermer sous l'influence
d’une seconde galvanisation.
Il est intéressant de comparer ces phénomènes à ceux que les mêmes lé-
sions produisent du côté de la tête. Les résultats sont tout à fait inverses.
Quand on a coupé le sympathique au cou, tous les sphincters de la face
sont resserrés. Le contraire a lieu au rectum. À la tête, la galvanisation
élargit les ouvertures ; au rectum, elle les rétrécit.
Après la section du filet qui, du plexus lombo-aortique se rend au rectum,
Vanus conserve parfaitement sa sensibilité, au point que, chez l’animal sur
lequel nous opérions, le moindre attouchement provoquait un resserrement
énergique de l’anus. S’agissait-il d’une excitation réflexe ou d’une action
directe sur le sphineter?
CIRCULATION ABDOMINALE. 107
' IT
Malpighi est le premier qui ait étudié la circulation capillaire chez les ani-
maux vivants; ses observations ont été faites sur des animaux à sang froid.
Mais ces observations devaient être faites sur des animaux à sang chaud ;
M. Lebert les a entreprises, 1l y a quelques années, sur des lapins et des
cobayes. Pour cela, ila pris de jeunes animaux qu’on éthérisait, et chez
lesquels l’éthérisation était continuée pendant longtemps. Une plaie était
faite à l'abdomen, qu’on lavait avec précaution ; ensuite on ouvrait l’intes-
tin en un point de sa surface diamétralement opposé à celui par lequel
pénètrent les vaisseaux; on passait sur la coupe un fil de fer rougi ou un
crayon de nitrate d'argent, pour arrêter l’hémorrhagie; puis on portait sous
le microscope. Il fallait maintenir les parties humides ; pour y arriver, on
essaya de les humecter avec de l’eau, mais celle-ci était absorbée avec une
rapidité telle, que les vaisseaux se montraient à peine colorés. Pour éviter
cette absorption, on dut employer de l’eau sucrée ou salée : les phénomènes
devinrent alors observables,
Dans l’estomac, on voit les glandules stomacales, confluentes dans la ré-
gion pylorique, entourées de mailles vasculaires, formant, en général, un
collier à chaque glande. Lorsque la circulation est en pleine activité, on voit
passer des globules sanguins dans ces vaisseaux extrêmement ténus; mais
ces globules se meuvent avec une rapidité beaucoup moins grande que dans
les vaisseaux plus volumineux. Pendant l’abstinence, ces capillaires diminuent
de volume et sont parcourus lentement par des globules rares.
Dans l'intestin grêle, la circulation se fait différemment. Au lieu de glan-
dules, on a des villosités dont le collet est entouré par une maille vasculaire
et à l’intérieur desquelles le sang circule plus lentement. L'existence des
villosités de l’intestin grêle est propre aux:mammifères.
Dans le gros intestin, on a observé une disposition analogue. La circula-
tion y ressemble toutefois davantage à ce qu'elle est dans l’estomac, parce
que les glandes du gros intestin sont des follicules analogues à ceux de l’es-
tomac.
Dans l’estomac, la fente qui représente l’orifice des follicules est ordi-
nairement fermée complètement. Quelquelois elle s'ouvre spontanément ;
mais on peut en provoquer l'ouverture par le contact de l'acide acétique
étendu. Il y a donc là une contractilité particulière.
Ce que je vous ai dit d’une manière générale de l’existence dans tous les
organes d’une circulation double, a été observé dans la circulation intesti-
nale. On a noté, dans l'intestin, une circulation muqueuse et une circulation
sous-muqueuse. La vraie circulation capillaire se fait dans la muqueuse ;
au-dessous d’elle se fait une autre circulation, qui n’est pas, à proprement
parler, une circulation capillaire. Il est des modifications qui affectent très
différemment ces deux circulations.
108 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Au-dessus de la tunique musculeuse, est une première couche muqueuse
à circulation large, de laquelle partent des capillaires plus fins, qui donnent
eux-mêmes naissance à des capillaires plus fins encore.
Or, chez l'animal à jeun, on voit que la circulation ne se fait que dans le
réseau sous-muqueux. Une excitation de la muqueuse détermine immédia-
tement l’apparition du mouvement circulatoire dans le réseau muqueux et
dans les villosités. Si on laisse se dessécher l’anse intestinale sur laquelle
on observe, ilse produit un certain degré de congestion, d’inflammation :
on voit les capillaires s’engorger; ils deviennent le siège de pulsations tenant
sans doute à l'obstacle apporté au cours du sang; petit à petit, le mouve-
ment cesse complètement ; mais toutefois la circulation continue dans le ré-
seau Sous-Mmuqueux.
Après avoir fait ces observations sur des mammifères vivants, il serait
très intéressant de voir quelles sont les modifications que l’influence ner-
veuse peut apporter dans cette circulation capillaire.
Il est toutefois des phénomènes qu'il serait difficile d'expliquer par l’in-
fluence directe des nerfs. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’admettre que
le système nerveux doive se distribuer forcément dans un organe qui se
meut. Le système nerveux se distribue aux vaisseaux; mais, lorsque nous
arrivons à l’extrémité du système vasculaire, le système nerveux peut pro-
voquer l’ouverture et la constriction des vaisseaux sans s’y distribuer.
M. Calliburcès a vu que certaines conditions de température produisent des
contractions dans des poches hydatiques dépourvues de nerfs. On conçoit que
le système nerveux puisse avoir ainsi une influence indirecte accélérant la
circulation, d’où élévation de température, d’où dilatation. Je comprendrais
que le nerf n’eût aucune action immédiate sur les mouvements des glan-
dules stomacales ou cutanées, qu’il agît simplement sur la circulation pour
produire la dilatation ou le resserrement de ces organes par modification de
leur température. Nous en sommes réduits à ces hypothèses, relativement
aux phénomènes circulatoires dans les organes sécréteurs, parce qu'on n’a
pas aujourd’hui la moindre idée de la distribution du système nerveux dans
les glandes. ï
Relativement à l’influence des nerfs, il y a toujours lieu de se demander
si les différences observées dans les effets de leur section sont liées à la na-
ture spéciale de ces nerfs, ou si elles ne tiendraient pas plutôt à ce que ces
nerfs, doués de propriétés identiques, se distribuent à des organes dont
les propriétés seraient différentes. Les deux cas sont possibles.
Cependant le nerf, toutes les fois que son action a pu être étudiée, s’est
montré capable seulement d’exciter la manifestation des propriétés des
organes.
Or, dans l'intestin, ces propriétés sont très différentes ; et quels que soient
les rapprochements qu’on a cherché à établir entre les fibres musculaires
CIRCULATION ABDOMINALE. 109
de la vie organique et celles de la vie animale, on trouve entre elles de no-
tables distinctions à établir. Les mouvements péristaltiques sont des mouve-
ments de contraction successifs de l’intestin. Dans l’état normal, on ne voit
pas ces mouvements péristaltiques, vermiculaires. Aussi est-il des physiolo-
gistes qui les ont regardés comme des mouvements pathologiques, bien que
l'intestin présente une enveloppe musculeuse. Lorsque, chez un animal bien
portant, on tire l’intestin au dehors en ayant soin que la circulation ne soit
pas gênée, on ne voit aucun mouvement se produire. On peut cependant
faire naître ces mouvements à volonté, el j'indiquerai quelques-unes des
conditions dans lesquelles s’obtient ce résultat.
Chez un chien, on fait, entre la dixième et la onzième côte, une ouver-
ture par laquelle on introduit le doigt; à gauche du rachis, on suit l'aorte.
Si, l'animal étant étendu sur le dos, on comprime l'aorte, il se produira
immédiatement des mouvements péristaltiques violents. Lorsqu'on cesse
la compression, les mouvements cessent; si l’on comprime de nouveau, les
mouvements péristaltiques recommencent.
Tout le monde sait que ces mouvements s’observent encore lorsque, après
avoir tué un animal, on vient à lui ouvrir l’abdomen. Les mouvements
péristaltiques sont donc occasionnés par l’absence du sang.
Très souvent, en faisant chez des chiens dont le bulbe rachidien venait
d’être coupé, la ligature de la veine porte par une petite ouverture de Pab-
domen, on voyait, en ouvrant ensuite largement l’abdomen, l'intestin noi-
râtre et immobile. Lorsque alors on faisait une incision à la veine porte, le
sang s’écoulait et les mouvements péristaltiques apparaissaient, déterminés
par l’absence du sang dans l'intestin.
Or il est d’autres cas particuliers dans lesquels on les produit.
Si l’on pique la moelle au-dessous des nerfs phréniques, au niveau envi-
ron du ganglion premier thoracique, on produit une paralysie de tout le
train postérieur. L’animal ne respire plus que par le diaphragme. Bientôt
après surviennent des mouvements péristaltiques très actifs, mouvements
visibles à travers la peau, et accompagnés d’une expulsion continue des
excréments. Or il est remarquable que la lésion nerveuse a diminué consi-
dérablement la pression dans les artères. Déjà Legallois avait désigné cette
partie de la moelle comme un centre circulatoire. En le lésant, on sup-
prime l’influence de la moelle sur le cœur dont les battements vont dimi-
nuant de plus en plus : une pression moindre du sang, puis des mouve-
ments péristaltiques en sont la conséquence. Ces mouvements durent
jusqu’à la mort, qui arrive par refroidissement, sous l'influence de cette
diminution de la circulation.
Un fait intéressant, et qui a rapport aux mouvements péristaltiques, s’est
offert à mon observation durant une expérience instituée dans un autre but.
Pour étudier l'influence de la section des nerfs sur la température,
j'avais amené au dehors de l’abdomen une portion de l'intestin grêle d’un
110 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
animal. Les nerfs de cette portion d’intestin ayant été coupés, on la rentra
dans l’abdomen, et la plaie fut recousue. On avait eu soin toutefois de
passer un fil sous l’anse intestinale, au niveau du point qui séparait la
partie privée de ses nerfs de celle qui les avait conservés. Mon but ne fut
pas atteint, et cette expérience ne m’apprit rien relativement à la tempéra-
ture des deux parties de l'intestin. Mais je vis que, tandis que la partie qui
avait conservé ses nerfs restait immobile, celle où ils étaient coupés deve-
nait le siège de mouvements péristaltiques très prononcés. Je dois noter
toutefois que, dans cette expérience, la section des nerfs avait amené une
diminution dans l’activité de la circulation intestinale.
Un autre ordre de faits doit être rapproché de ceux qui précèdent.
Lorsqu'on à coupé la moelle épinière, et amené ainsi une paralysie des
parties situées au-dessous, si on lie l’aorte, ou si on fait périr animal par
hémorrhagie, on voit, au moment où les membres ne reçoivent plus de
sang, des convulsions s’y manifester. Si la moelle n’était pas coupée, ces
convulsions ne se produiraient pas.
Ces mouvements sont-ils sous l'influence dibette des nerfs, où Honr
ils des conditions déterminées par l’état des nerfs?
Je pencherais vers cette dernière supposition, et beaucoup de faits
viendront l’appuyer de leur autorité, montrant que les nerfs agissent sur
la circulation, qui, à son tour, agit sur les mouvements.
JTE
Lorsqu'on expérimente sur la partie intra-abdominale du grand sympa-
thique, on ne peut se mettre à l'abri du reproche de produire directement
les lésions qu’en faisant des opérations sous-cutanées ou en instituant des
expériences comparatives dans lesquelles on produit les mêmes lésions,
moins celle dont on étudie les effets. C’est dans ces conditions qu'ont été
faites les expériences dont je vais avoir à vous entretenir,
Il me semble d’abord que la section du nerf principal au-dessus d’un
ganglion ne produisait pas d'effet fâcheux sur les parties auxquelles se dis-
tribuent les nerfs qui émanent de ce ganglion. Mais en faisant la section
entre le ganglion et la périphérie, en détruisant le ganglion, on produisait
des effets tout différents.
Pour priver entièrement l'intestin de nerfs, le moyen le plus commode
est d'enlever les ganglions semi-lunaires, de détruire le plexus solaires
c’est ce que nous avons fait chez des chiens et des lapins.
Aussitôt après l’ablation des ganglions, il survient une diarrhée très abon-
dante ; l’intestin se remplit immédiatement de liquide. D’autres observa-
teurs ont déjà constaté ces phénomènes. M. Budye, qui les avait vus, en
avait conclu que le choléra était une affection des ganglions semi-lunaires.
d,
.
1
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CIRCULATION ABDOMINALE. 1114:
Il faut noter cependant que cette diarrhée, produite par la destruction des
ganglions semi-lunaires, est toujours sanguinolente.
J'ai fait deux fois cette expérience comparativement chez deux chiens. On
ouvre l'abdomen dans le flanc droit ; on écarte l’estomac et la rate. Chez le
chien et le lapin, les ganglions sont alors faciles à enlever. Chez les chiens
destinés à l’épreuve comparative, j'ai cherché les ganglions et enlevé le
péritoine qui les recouvrait; dans les deux cas, les animaux n’ont pas
mangé le lendemain de l’opération; ils n’ont pas été pris de diarrhée;
sacrifiés au bout de huit jours, ils ont été trouvés sains.
Ceux des animaux qui, à la suite de l’ablation des ganglions, ont été pris
de diarrhée, ont présenté, en outre, une péritonite telle, que tout le péri-
toine formait une membrane rouge offrant le type des injections les plus
pénétrantes. Il y avait, en outre, du pus dans le péritoine.
L'expérience nous montre donc, du côté de l'intestin, consécutivement
à l’ablation des ganglions semi-lunaires, des effets fort différents de ceux
qui suivent les ablations de ganglions ou les sections de nerfs faites dans la
poitrine ou dans l’abdomen, mais n'intéressant pas le plexus solaire.
Autre caractère remarquable : la vascularisation de l’oreille consécutive
à la section du sympathique au cou, cesse après la mort; il n’en est pas de
même pour l'injection péritonéale produite par l’ablation des ganglions
semi-lunaires.
Lorsqu'on fait la section des nerfs au-dessus des ganglions, on ne pro-
duit pas ces phénomènes.
Quels sont les nerfs d’origine du plexus solaire ? — Les grand et petit
splanchniques et le pneumogastrique. Chez le chien, on voit le pneumogas-
trique et les splanchniques se jeter dans les ganglions.
Il s'agissait de savoir si la section de ces nerfs produirait quelque effet
sur l'intestin. Pour pratiquer cette section, j'ai fait faire un crochet piquant
et à concavité tranchante; cet instrument, introduit entre la colonne verté-
brale et le nerf, est ensuite ramené en dehors et permet de faire une section
sous-cutanée.
Les deux chiens sur lesquels j'ai fait cette opération avaient été préala-
blement anesthésiés au moyen du chloroforme. Après l’opération, on n’a
rien observé, ni immédiatement, ni au réveil des animaux. Tous deux ont
continué à manger et à digérer comme à l’ordinaire. [ls ont été observés,
un pendant quatre, l’autre pendant six jours, sans qu’on ait, chez eux,
rien noté d'anormal.
À l’autopsie, j'ai constaté, chez le premier chien, que les deux nerfs
étaient coupés et commençaient même à se cicatriser. Rien d’apparent ne
se voyait dans les intestins. Je ne prétends pas que l’opération n'ait été
suivie d'aucun trouble; mais mon attention n’était dirigée que sur les ano-
malies de sécrétion de l'intestin, et je n’ai rien vu.
Chez l’autre chien, le nerf n’était coupé que d’un seul côté : ici encore,
112 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
je n’ai rien vu. Tous les nerfs n'avaient pas été complètement coupés et un
ou deux filets des dernières paires dorsales ou des premières lombaires
tenaient encore aux ganglions. Les nerfs splanchniques étaient parfaitement
coupés.
Pour couper le pneumogastrique, on introduit, à gauche, le doigt entre
les dernières côtes; là on sent les nerfs sous le doigt, au-dessous du pou-
mon, comme deux ficelles tendues, et on les coupe avec le crochet introduit
le long du doigt.
Les animaux n’ont pas succombé à l’opération. On n’a observé nila para-
lysie de l’estomac, ni aucun des effets notés après l’ablation des ganglions
du plexus solaire.
Telles sont les données que nous possédons actuellement relativement à
l’ablation des ganglions. Ces expériences devront être répétées et leurs effets
observés à des points de vue différents.
Il faudra étudier l’action du sympathique sur les autres organes abdomi-
naux, sur les glandes, le foie, la rate, le pancréas, le rein, etc.
Relativement au rein, nous avons déjà cité l’expérience de Marchand,
répétée par M. Armand Moreau, expérience qui montre la mort par fonte
putride du rein survenant constamment après la section des nerfs de l’or-
gane, tandis qu'un animal survit à l’ablation d’un rein. Après cette section
des nerfs du rein, l’urine devient d’abord albumineuse, puis sanguinolente;
enfin la sécrétion cesse entièrement.
Cette curieuse expérience permet de se demander s’il ne pourrait y avoir
une paralysie spontanée, incomplète, des nerfs du rein. La maladie de
Bright ne serait-elle pas due à une lésion de ce genre? Et ne devrait-on pas
attribuer à la matière provenant de la désorganisation du rein les accidents
décrits sous le nom d’urémie et attribués à la présence de l’urée dans le
sang ? |
La section des filets du petit splanchnique qui se rendent au plexus rénal
n’est pas suivie de ces accidents.
Pensant que le rein n’était peut-être pas seul dans ce cas, j'ai tenté l’ex-
périence sur un autre organe, la rate, qu’on peut aussi enlever sans pro-
duire d'accidents.
Dupuytren avait enlevé quatre-vingts rates sur des chiens mâles et
femelles; ces animaux avaient survécu et pullulé.
La destruction des nerfs de la rate est facile. On prend un chien à jeun.
Par une incision faite dans le flanc gauche, on saisit les nerfs sur un cro-
chet. L’excitation des nerfs de la rate, au moment où on les enlève, produit
une contraction énergique de l’organe. On a essayé de la galvanisation
directe ; elle donne des contractions énergiques et locales.
CIRCULATION ABDOMINALE. 113
Nous avons fait cette opération au mois de septembre dernier (?), sur un
chien qui a aujourd’hui toutes les apparences de la santé.
L’année dernière, j’ai coupé, sur deux animaux, les filets du grand sym-
pathique qui s’introduisent dans le foie par le hile. Aucun phénomène
remarquable n’a suivi cette opération. Je m'étais demandé si, en coupant
les nerfs du foie, je n’accélérerais pas la circulation d’une manière perma-
nente et si je ne produirais pas un diabète persistant. L’expérience n’a pas
confirmé cette supposition : au bout de douze ou quinze jours, l’animal bien
guéri fut sacrifié; on ne trouva rien d’anormal dans son foie, qui contenait
du sucre, de la matière glycogène et de la bile.
Le rein paraît donc constituer une exception.
Comment se fait-il que la section du sympathique semble produire, dans
l'abdomen, des effets différents de ceux produits par la section du filet cer-
vical ?
Lorsque nous coupons un nerf qui va à l’intestin, nous ne produisons pas
de changement notable. Il en est de même lorsque nous galvanisons le bout
périphérique du nerf coupé. Il semble donc que dans l’abdomen le sympa-
thique ne soit pas un nerf moteur ; car nous avons employé en vain, pour
l’exciter, des courants de toute intensité.
Faut-il conclure de là que le sympathique abdominal est doué, vis-à-vis
de l’excitation électrique, d’une résistance particulière ; ou bien doit-on
admettre qu’il y a d’autres nerfs vaso-moteurs ?
Des expériences faites ces jours derniers nous montrent que des mouve-
ments peuvent s’effectuer par un autre mécanisme.
Nous avons, en agissant sur le nerf grand sympathique, exercé par méca-
nisme réflexe une action sur les mouvements intestinaux et sur les vais-
seaux.
Lorsqu'on coupe un filet nerveux appartenant au sympathique et qu'on
galvanise le bout périphérique, on ne produit rien. Mais si on galvanise le
bout central, on voit se produire des mouvements intestinaux, non dans la
portion à laquelle se distribue le bout périphérique, mais dans d’autres
parties inconscrites.
Lorsqu'on remonte au-dessus du plexus solaire et qu’on s'adresse aux
nerfs splanchniques, on n'obtient rien, après leur section, de la galvanisa-
tion du bout périphérique. M. Pfluge a même dit que, si des mouvements
intestinaux existaient alors, la galvanisation les arrêtait. Mais si, au lieu de
salvaniser le bout périphérique, on galvanise le bout supérieur, on obtient
des convulsions violentes de l'intestin. Galvanisant plus haut, on obtient les
mêmes effets. Remontant jusqu’au ganglion premier thoracique, qui se
confond avec le ganglion cervical inférieur, on produit la même chose : la
alvanisation du ganglion détermine des convulsions de l'estomac et de
:
4t4 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
l'intestin grêle. Ces convulsions ont toujours lieu par mécanisme réflexe,
comme on peut le voir en coupant le ganglion.
C’est alors par le pneumogastrique que revient cette excitation motrice,
car, si on galvanise le pneumogastrique dans la poitrine et dans l’abdomen,
au-dessous du diaphragme, on ne produit aucun effet en agissant sur le.
bout central, tandis que la galvanisation du bout périphérique donne des
contractions de tout l'intestin grêle et de l'estomac. Le sympathique agit
donc ici comme nerf de sensibilité, et le pneumogastrique comme nérf
moteur, agissant par mécanisme réflexe.
D'intéressantes expériences devront être faites pour compléter et varier
les résultats que J'ai obtenus de celles qui vienneut d’être rapportées. Il
faudra rechercher par quel mécanisme agissent certaines substances que
nous savons capables de modifier la circulation intestinaie ; comment, par.
exemple, agit l’éther qui produit une vascularisation de l'intestin extrême-
ment remarquable. Sous l'influence de l’éther, il n’y a pas seulement accé-
lération de la circulation, mais encore excitation des fonctions des organes
glandulaires annexes de l’intestin, des fonctions sécrétoires.
_ Nos expériences donneraïent à penser que cette action motrice se fait par
le pneumogastrique, par mécanisme réflexe. Le pneumogastrique est-il
done le nerf moteur de l'intestin? ou le nerf moteur des vaisseaux artériels ?
Ici se présente une sérieuse difficulté.
Si, dans cette région (ear au cou il n'en est pas de même),de pneumo-
gastrique est le nerf moteur, comment se fait-il que ce nerf moteur perde
ses propriétés lorsqu'il a passé au-dessous des ganglions solaires? — II
m'est impossible de résoudre actuellement cette difficulté; quant au fait, il
est évident.
Le sympathique a donc une influence sur les mouvements de l'intestin,
influence qui ne se manifeste pas jpar action directe du nerf, mais par
mécanisme réflexe. Cette action du grand sympathique porte à la fois, et
sur les phénomènes de mouvement et sur ceux de vascularisation.
Le pneumogastrique et les splanchniques n’agissent que sur lintestin
grêle et sur l’estomac,.
Si l’on prend le sympathique plus bas, dans le plexus lombo-aortique, on
produit au contraire des mouvements violents du gros intestin et de Pintes-
tin grêle. Mais là encore c’est par voie réflexe que se produisent ces mou-
vements, qui se manifestent, non par l'excitation du bout périphérique,
mais par l'excitation du bout central.
Nous avons vu, opérant sur la glande salivaire, que l’excitation de la
corde du tympan produit les mêmes effets de vascularisation exagérée que
la section du sympathique.
Si donc nous devons reconnaître que l’exagération de la circulation peut
CIRCULATION ABDOMINALE. 415
paraitre un phénomène passif, pouvant être occasionné par la suppression
d’une influence nerveuse, on peut la voir survenir comme phénomène
actif, par suite de l'excitation d’un autre nerf. Nous sommes conduit par là
à regarder le phénomène qui, au premier abord, nous semblait passif,
comme dû à l’action exagérée du nerf qui intervient activement pour le
produire.
Arrivé à ce point, il nous est difficile de ne pas faire une hypothèse, de
ne pas nous demander si, à la glande salivaire, l’action du sympathique
n’est pas supprimée par l’action de la corde du tympan.
Or l’action antagoniste du sympathique et de la corde du tympan n’est
pas le seul fait de ce genre qui se présente dans l’expérimentation.
L’exagération des phénomènes circulatoires produite dans l'oreille et
dans la face par la section du sympathique peut être produite encore par
la galvanisation d’une anastomose auriculo-faciale, qui unit la septième
paire à la cinquième. — Un filet mylo-hyoïdien du facial est dans le même
cas.
Comment comprendre cette activité imprimée à la circulation? — Nous
ne pouvons comprendre mécaniquement une dilatation active des vais-
seaux ; il nous semble nécessaire d’admettre plutôt une action sur le grand
sympathique.
Si en excitant le sympathique on diminue l’activité des phénomènes cir-
culatoires, sk en excitant les nerfs antagonistes, on augmente, au contraire,
cette activité, il est clair que l’action simultanée des deux nerfs produira
l’activité moyenne des phénomènes qui répond à l’état de repos des
organes. Cet état moyen s'obtient d’ailleurs par la galvanisation simultanée
des deux nerfs.
Je crois que cette neutralisation de deux nerfs l’un par l’autre va nous
permettre de nous rendre compte des faits, en apparence contradictoires,
que nous avons observés relativement à l'influence du sympathique sur l’in-
testin.
L’intestin reçoit ses nerfs de deux sources : nous y trouvons les deux
ordres de nerfs antagonistes. Le système sympathique y est représenté par
les quatre nerfs splanchniques. Déjà Pfluge avait noté que la galvanisation
de ces nerfs arrête les mouvements de l'intestin ; j'ai vu qu’en même temps
la circulation se ralentit.
Lorsque au contraire on galvanise les filets du pneumogastrique qui se
rendent au plexus solaire, on voit des mouvements violents se produire
dans tout l'intestin grêle : la circulation y devient plus active ainsi que
dans les deux reins. Si, à ce moment, on galvanise les ganglions, on voit
immédiatement les mouvements de lintestin cesser et la circulation se
ralentir.
Ces expériences nous ont porté à voir dans le pneumogastrique le nerf
antagoniste du grand sympathique dans l’abdomen.
116 ._ MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ne gg LE
Qu’on prenne ensuite un filet du sympathique, au-dessous du ganglion,
sa galvanisation ne donnera rien.
S'il nous est permis de rattacher par une hypothèse ce résultat à ceux
qui précèdent, nous nous demanderons si la galvanisation qui, au-dessus
du ganglion, nous donnait les résultats isolés de l’activité fonctionnelle des
deux nerfs, ne porte pas, maintenant qu’ils sont réunis, sur tous deux à la
fois. Nous examinerons si ce dernier résultat ne s’obtiendrait pas en galva-
nisant ensemble le pneumogastrique et le sympathique pris au-dessus du
ganglion.
Il est encore possible, pour expliquer ces faits, de recourir à une autre
hypothèse, et d'admettre que, dans ce cas, les nerfs agiraient non pas sur
les organes, mais l’un sur l’autre. Les organes ont une activité propre qui
leur est spéciale; cette activité est mise en jeu par le sang qui leur arrive.
Dans le cas où aucune force intérieure n'intervient, on est en droit d’ac-
corder à l'organe une activité spontanée. Quant au système nerveux qui
accompagne les ramifications vasculaires, il empêche le fonctionnement des
organes en mettant obstacle au cours du sang qui vient s’y distribuer.
Le sympathique est un frein; il tend à opérer une constriction perma-
mente des vaisseaux, constriction qui cesse cependant au moment où doi-
vent s’accomplir les fonctions, parce que cette action permanente du sym-
pathique est temporairement suspendue par l'intervention passagère d’un
autre nerf en rapport avec les excitations extérieures.
Partant de cette hypothèse qui fait agir l’un des nerfs sur celui que l’ex-
périence montre son antagoniste, on peut dire que le pneumogastrique agit
sur les ganglions pour paralyser le sympathique.
Quant aux fonctions de l'intestin, nous les voyons sous la dépendance de
deux ordres de nerfs antagonistes, déterminant leur plus ou moins grande
activité en agissant sur la circulation. L'activité des organes est spontanée,
ou du moins en rapport avec l’afflux plus ou moins considérable du sang.
Cette action antagoniste de deux nerfs, qui est nulle quand on excite les
deux nerfs à la fois, ne se rencontre pas seulement dans l’intestin : des
observations faites isolément nous montrent qu’elle existe aussi dans d’au-
tres organes. C’est ainsi qu'on peut arrêter ou accélérer les mouvements
du cœur.
A l’état physiologique, une certaine harmonie existe entre les mouve-
ments du cœur et les mouvements respiratoires qui s’accélèrent et se ralen-
tissent ensemble. Or on peut, agissant sur les nerfs du cœur, rompre cette
harmonie. Lorsqu'on coupe le pneumogastrique dans la région du cou, les
mouvements du cœur augmentent de fréquence; cette section du nerf, loin
de produire uue paralysie, a donc amené, au contraire, une accélération des
mouvements.
Le contraire a lieu si l’on vient à galvaniser le pneumogastrique : on pro-
duit ainsi l’arrêt du cœur comme l’arrêt des mouvements péristaltiques.
ANESTHÉSIE OBTENUE
A L'AIDE D'UN
MÉLANGE TITRÉ DE CHLOROFORME ET D’AIR
(Méthode de M. P. Bert)
STATISTIQUE DES CENT QUINZE PREMIÈRES OBSERVATIONS RECUEILLIES
DANS LE SERVICE DE M. PÉAN, A L'HÔPITAL SAINT-LOU S
Par le docteur À. AUBEAU
M. P. Bert exposait récemment les résultats des premières anesthésies
obtenues chez l’homme, à l’aide de sa méthode des mélanges titrés de chlo-
- roforme et d’air.
M. Péan a continué l’emploi de cette méthode, à l'hôpital Saint-Louis,
pour les opérations de son service, et en ville, pour une ovariotomie.
L’anesthésie a été conduite, dans tous ces cas, par M. le docteur Dubois,
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne.
Nous avons recueilli les observations des malades soumis aux inhalations
des mélanges, et c’est la statistique de ces observations que nous désirons
communiquer aujourd’hui.
Elle porte sur cent quinze cas. Si ce nombre est trop restreint pour
fournir les bases d’un jugement définitif, il est du moins suffisant pour
permettre d'établir une comparaison entre les procédés habituels d’anes-
thésie et la méthode des mélanges titrés.
Nous n'avons pas à revenir sur l’exposé de la méthode, qui a été fait par
son auteur avec une si grande compétence; mais il n’est pas sans impor-
tance de relater ici les résultats fournis par l’emploi des différents mélanges.
Titres des mélanges. — La quantité de chloroforme contenue dans les
mélanges a varié entre 7 et 10 pour 100, c’est-à-dire que dans 100 litres
d’air ont été vaporisés de 7 à 10 grammes de chloroforme.
1 pour 100, pour deux enfants de quatre ans et demi et de sept ans.
1 pour 100 au début, puis 8 pour 100, pour un alcoolique de soixante-
trois ans. ,
8 pour 100 au début, puis 6 pour 400, pour une femme de trente-six ans.
8 pour 100 au début, puis 7 et demi et 7 pour 100, pour un enfant de
onze mois,et une femme de quarante-neuf ans.
8 pour 100 au début, puis 7, puis 8 pour 100, etc., pour une femme de
vingt-deux ans.
; 3IOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 10
118 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
8 pour 100, pour cent trois malades.
9 pour 100, pour deux autres.
8, puis 10, puis 8 pour 100, pour trois patients.
L'observation démontre que le mélange à 7 pour 100 donne de bons
résultats chez les enfants, mais que d’une façon générale son action n’est
pas suffisante pour les adultes.
Si chez l'adulte on commence l’anesthésie avec le mélange à 7 pour 100,
le sommeil chirurgical tarde à se produire. Au contraire, si l’on commence
l’anesthésie avec le mélange à 8 pour 100, on peut la continuer avec le
mélange à 7, à la condition que l'opération ne soit pas de longue durée.
En effet, chez la femme qui a subi l'opération d’ovariotomie et qui a
été maintenue anesthésiée pendant soixante-dix minutes, on a d’abord
obtenu le sommeil avec le mélange à 8 pour 100 et l’on a tenté de prolonger
l’anesthésie avec le mélange à 7 pour 100; mais, au bout de vingt minutes,
l’insensibilité n’était plus assez profonde, il fallut reprendre le mélange
à 8 pour 100.
En somme, dans les opérations de longue durée, on peut, l’anesthésie .
étant obtenue avec le mélange à 8 pour 100, continuer en administrant
alternativement le mélange à 7 pour 100 et à 8 pour 100 de quart d'heure
en quart d'heure, par exemple.
En règle générale, le mélange à 8 pour 100 est celui qui convient le
mieux, parce qu'une proportion moindre de chloroforme (7 pour 100) n’est
suffisamment anesthésique que pour les enfants et qu'une proportion plus
forte (9 ou 10 pour 400) ne fait que hâter la marche de l’anesthésie.
La dose de 8 grammes de chloroforme pour 100 litres d'air suffit à
tous les cas et c’est (pour les jeunes enfants exceptés) la dose minima.
AGE, SEXE, TEMPÉRAMENT. — Les conditions de sexe, d'âge et de tem-.
pérament ne soulèvent que des questions d'ordre secondaire et déjà
connues, à savoir que les enfants, les vieillards, les femmes, les sujets
débilités subissent plus rapidement et plus profondément l'influence des
vapeurs anesthésiques.
Sur 115 malades, 68 appartiennent au sexe masculin, 471 au sexe
féminin.
Les àges se répartissent entre onze mois et soixante-seize ans, en quel-
que sorte les deux extrêmes de la vie.
2 enfants ont l’un onze, l’autre dix-sept mois.
3 autres, l’un deux ans, l’un quatre ans et demi, l’autre sept ans.
20 malades ont de 10 à 20 ans.
19 _ — 20 à 30 —
24 _ _ 30 à 40 —
20 _ == HDPMSUEE
12 — —— HORANODE
12 —— — 60 à 70 —
J —— — 10 à 80 —
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 119
NATURE DES OPÉRATIONS. — On a pratiqué, sans distinction, pendant ces
anesthésies, des opérations de siège, de nature et de durée variables :
1° Pluies par arme à feu de la main, 1 cas.
2° Amputations, 14 cas :
Amputation du bras........ ant ee Ut ro
Î cas.
— de l’avant-bras ....... TAPER SAN NAERS RES DES
— dela cuisses. 42 it RO EI te x Gr
— de la jambe ...... D EE ER EAN PE TUE 4 —
° Maladies des os. — Résections et évidements, 18 cas :
Du maxillaire supérieure et des os de la fage. 2 —
Du maxillaire inférieur ......... MR le 2 —
De la clavicule (et Bo: de eue 1 —
DES FCOLES RE De OR EE A Acte SPRL 2 —
Duncoude 7393701 SAS Que eo bosoi 1 —
Delelécrane rome RASE, ARTE À SE 1 —
Du cinquième métacarpien ....... DEtLEE Date LL —
LA ot OO AR AT EP ER EURE de 1 —
PAIN ERA SERRES SERRE CHOICE TRE EN d —
Durperone Pere NE dant are ie Lt —
MOASCEROAl ES A Re ie tee nl à 4 —
Du métatarsien du gros orteil ............ 1 —
4 Maladies des articulations. — Opérations diverses, 4 cas :
Réduction d’une luxation de la hanche à l’aide de
Fame Tan CE REC RECU EEE EE 1 —
Ionipuneinre TARN SRÉCÉL HOT Eat es 1 —
Ouverture de l'articulation de genou, etc. Drainage. 1 —
Des articulations de la hanche .......... Ps PAPA L —
9° Maladies des muscles et des tendons, 1 cas :
Ténotomie des extenseurs des orteils . ...…. ERA R 1 —
6° Maladies du système nerveux. — Opérations, 2 cas :
Ablation d’une encéphalocèle:.r. :...:...:.......... 1 —
Arrachement du nerf dentaire inférieur à son entrée
dans le canal :::..:. RE Cr ORAN ES She 1 —
7° Maladies des téguments. — Opérations, 2 cas :
Autoplastie de la paupière inférieure, ......:....,.. 1 —
Autoplastie de la lèvre supérieure....,...,.,...... (ANSE
120
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE:
8 Traitement des abcès, 9 cas :
Abcès froids volumineux de la fesse, de la hanche,
du bassin; débridement des fistules, à l’aide du
thermo-cautère, ablation des fongosités..........
Abcès froid entourant le cubitus; débridement, dis-
section des parois, ete................:.........
Abcèsfroid du coude. nee neNE FRE HR
9% Tuineurs. — Opérations, 32 cas :
DEN parotide Re re ne
Des régions temporale et génienne........
De la joueet des ganglions sous-maxillaires
De la commissure labiale et de la joue... .
De la face interne de la joue.............
Du plancher de la bouche...... L'EPACES
De la fosse canine ...... ETES don d p
Du sinus maxillaire (ouverture, drainage).
Del’amygdale du pharynxetdu voile du palais.
Deltmuquers HAE r tr CERTA EEC RTE
D'RCOUS EEE REA Re re
De l’aisselle .......".. APR Re LEE
Detla main RE RC ER CR EE
Duiseineenre RSR NS LT AP OR LS A AE en
De la paroi thoracique. ......... AE HO
DeAlOMbINC EEE RP PErELre ODA che 0
De JATCUISSE PP CPE CE RE PTE ECELEEE 36
10° Opérations sur les lèvres. — Bec-de-lièvre, 1 cas.
Ablations d’hémorrhoïdes, par M. le professeur Richet,
1 cas; par M. Péan, 1 cas —........... da0 a bac
Débridement d’une fistule anfractueuse à l’anus .....
Débridement de fistules et divulsion de rétrécissements
EGINye 5550000000 ne NAT dede Le ER CLOS -
Opération de l'anus artificiel, d'abord par la AO
de Callisen, puis par celle de IDE AS do
12 Opérations sur les organes génito-urinaires :
À. — De l’homme, 10 cas :
Hypospadias congénital, autoplastie .............. :
Ponction et injection iodée. Ho cee enkystée 45
CordonN ee ee AA AA RARE AO Ve CE A
Des À 2 19
SE CCC ES
11° Opérations sur l'anus et l'intestin. — Opérations, 9 cas
2
ee
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 121
Epithélioma du gland, ablation.............,.... Le 1 cas.
Opération de: varicoc le nes AA Ne de 1 —
Castration ...... de cire ne TOP MED ae ee D —
Moulage d’une exstrophie de la vessie. ............. 04 1 —
B. — De la femme, 16 cas :
Ablation d’un polype de l’urèthre..... do ccit mot ee DURE
= ct l'utérus ..... 20000 8 —
Ablation de tumeurs du col......... MERE AE bo DIRE
Evidement conoïde du col hypertrophié............. 2 —
Fistuletmiére-vésicale a ere DA SRETL IE quite
Ovariotomie...... SANS NA Me dal ieeashe Bad 1 —
13° Opérations sur les ongles. — Ongle incarné... Dr =
ÉTATS PATHOLOGIQUES POUVANT INFLUER SUR LA MARCHE DE L'ANESTHÉSIE.
— Plusieurs malades présentaient des états pathologiques capables d’in-
fluer sur la marche de l’anesthésie. Nous avons noté : Laryngite, 3 cas; —
Bronchite, À cas; — Phthisie, { cas; — [ntoxicalion stercorale, 1 cas; —
Alcoolisme, 28 cas; — Nervosisme, 1 cas; — Anémie avancée et débilité,
17 cas. Nous reviendrons sur les troubles apportés à la marche de l’anes-
thésie, du fait de ces divers états, mais nous pouvons dire dès à présent
que chez trois malades atteints de laryngite ou de bronchite, les muqueuses
hyperesthésiées ont été moins tolérantes que chez les autres malades. Chez
un quatrième, il existait un rétrécissement syphilitique du larynx occasion-
nant de la dyspnée et du cornage.
Les sujets débilités par l’anémie ont, d’une façon générale, été plus sen-
sibles à l’action du mélange; l’anesthésie a été obtenue plus rapidement,
elle s’est prolongée davantage. Néanmoins nous n’avons pas observé de
dépression inquiétante.
Il se produisit, il est vrai, un certain degré de faiblesse, chez un sujet
atteint de rétrécissement très étendu du gros intestin; mais nous verrons
plus loin que l’anesthésie jouait dans ces phénomènes un rôle accessoire.
L'état général d’un autre anémique, qui avait eu des embolies pulmo-
naires, était tellement grave, que M. Péan n'aurait pas consenti à le sou-
mettre à l’anesthésie, par le procédé de la compresse.
Avec la méthode des mélanges titrés, les choses se passèrent très simple-
ment, bien qu’on eût employé un mélange à 9 pour 100.
Chez les alcooliques la période d’anesthésie confirmée a été, au contraire,
longue à atteindre ; elle a été précédée d’une période d’excitation, le plus
souvent assez marquée ou de plus longue durée. Le réveil à été plus
rapide,
199 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
Phénomènes de l’anesthésie,
Pour bien comprendre les avantages de la méthode de M. P. Bert, il im-
porte d'entrer dans le détail des phénomènes de l’anesthésie et de comparer
le tableau du malade soumis aux inhalations des mélanges titrés au tableau
du malade soumis aux émanations de la compresse ou du jet pulvérisateur,
Tous les auteurs qui ont traité le chapitre anesthésie, décrivent au début
des inhalations, comme présentant une certaine fréquence, les phénomènes
suivants :
Le contact des vapeurs chloroformiques avec les muqueuses nasale, buc-
cale, pharyngienne et laryngienne, produit une sensation désagréable et
provoque de la part du patient des mouvements instinctifs de répulsion et
de fuite. Il cherche à écarter l'appareil et à se soustraire aux inhalations.
En outre, l’irritation des filets nerveux si riches et si sensibles de ces
régions entraîne des réactions fonctionnelles excessives, qui se traduisent
par de l’hypersécrétion glandulaire et par des contractions convulsives des
muscles, du spasme. Il en résulte, en définitive, une sensation de suffocation
imminente, de la toux et fréquemment l’accumulation de mucosités dans le
larynx.
Cet orage initial se calme seulement lorsque les muqueuses sont anes-
thésiées.
Les cent quinze patients soumis à la méthode des mélanges titrés ont
accepté les vapeurs sans la moindre répulsion. Les patients les plus effrayés
en montant sur le lit d'opération (enfants de quatre ans et demi et de dix-
sept mois ; jeunes filles de quinze et de dix-sept ans) se sont calmés rapide-
ment après l’application du masque.
Nous n'avons à faire d'exceptions que pour un jeune homme de dix-huit ans,
atteint de laryngite, qui toussa trois fois au début des inhalations, et pour
un tailleur de pierre atteint de phthisie siliceuse et alcoolique, qui dès la
première inhalation s’écria : (J’étouffe », et qui néanmoins supporta le mé-
lange. Chez les autres malades, nous n’avons pas observé les phénomènes
d'irritation locale des muqueuses nasale, buccale, pharyngienne et laryn-
gienne, c’est-à-dire qu’il n’y a eu ni toux, ni suffocation, ni obstruction du
larynx par les mucosités.
Période d’excitation. — En dehors de ces incidents du début, on con-
sidère, dans la succession des phénomènes de l’anesthésie, deux Périodes.
lune d’excitation, l’autre de dépression.
Avec les de ordinaires, la période d’exeitation est fréquente, elle
est plus ou moins mouvementée ; avec la méthode des mélanges titrés, elle
est au contraire rare et, lorsqu'elle se produit, elle est insignifiante et de
courte durée, sauf chez les alcooliques.
: Elle a fait complètement défaut chez soixante-trois malades. Dans trente-
huit cas, elle à été insignifiante et n’a pas duré plus de deux secondes à
PE
és code. nn 4
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 193
———__——_— "00
deux minutes. C’est afin de rester dans l’exactitude la plus rigoureuse, que
nous notons chez ces trente-huit patients, comme période d'excitation : quel-
ques plaintes, des rêvasseries sans mouvements, de légères et passagères
secousses convulsives dans les membres, un mouvement d’élévation et
d’abaissement du bras ou de la jambe.
Encore ces phénomènes étaient-ils provoqués, le plus souvent, par des
manœuvres intempestives : exploration de la région malade, lavage des
plaies, courant d’air froid passant sur le patient, au moment de l’ouverture
d’une porte, etc.
En réalité nous n’avons observé d’excitation marquée que chez treize
sujets (sur cent neuf) dont douze étaient alcooliques. Chez le douzième, le
masque ne s’appliquait pas au visage.
Période d’anesthésie confirmée. — Cette période a été obtenue, en
moyenne, au bout de sept à huit minutes; elle a été calme, régulière, con-
tinue et DRE
Elle n’a pas présenté cette alternative de demi-réveil et de bone
sus entre lesquels flotte le plus souvent le malade, lorsqu'on emploie les
procédés ordinaires. |
Le pouls et la respiration n’ont pas subi d’oscillations DrusquEs mais
ont toujours conservé une moyenne rassurante.
Le facies a toujours été excellent, d’une coloration rosée, sans lividité
comme sans cyanose.
Chez la majorité des sujets, la température s’est abaïssée seulement de
quelques dixièmes de degré. Le refroidissement est d’autant plus marqué,
toutes choses égales d’ailleurs, que l’anesthésie se prolonge davantage.
Chez la femme qui a subi l’ovariotomie, la température s’est abaissée
d’un degré et demi centigrade, en soixante-dix minutes.
La température reprend rapidement son point physiologique après qu’on
a cessé les inhalations.
En un mot, l’anesthésie a été parfaite. Elle a, dans les cas d'opérations
pratiquées sur la face et particulièrement sur les maxillaires, un avantage
qu'apprécieront bien ceux qui ont l'habitude d’assister à de semblables
opéralions.
Voici comme les choses se passent habituellement, lorsque la période
d’anesthésie confirmée est obtenue : on écarte la compresse ou le masque
du pulvérisateur, afin de ne pas gêner l'opérateur, et l’on continue l’anes-
thésie en plaçant devant la bouche ou les narines (toutes les fois que les
manœuvres opératoires le permettent) une éponge montée sur des pinces
et imbibée de chloroforme. D'une part, le chirurgien respire autant de va-
peurs que le malade; d'autre part, anesthésie est tout à fait insuffisante,
le patient se réveille, souffre, se plaint, s’agite et l’opération se termine
péniblement.
Avec la méthode des mélanges, les choses se passent tout différemment.
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
Dès que l'opération commence, on introduit soit dans la bouche, soit dans
les fosses nasales, un tuyau coudé; en cuivre, construit par M. Mathieu sur
les indications de M. P. Bert, et destiné à conduire les vapeurs anesthésiques
dans la direction du larynx.
Le chirurgien n’est plus soumis directement aux émanations chlorofor-
miques et, d'autre part, le malade continue à respirer le mélange. L’anesthé-
sie se poursuit calme et régulière pendant toute la durée de l'opération, le
malade n’entrave pas les manœuvres chirurgicales par des mouvements
malencontreux, et, chose importante, il ne souffre pas une seconde.
Irrégularités de l'anesthésie. — Quelques incidents se sont produits au
cours de l’anesthésie confirmée : des nausées et des vomissements, dans
quelques cas; des secousses de toux, dans trois cas; un ralentissement
inquiétant de la respiration dans deux cas; un certain degré d'adynamie
chez un dernier malade.
a. Nausées. — Les nausées et les vomissements sont survenus pendant
une suspension des inhalations, le plus souvent chez des sujets qui avaient
déjeuné avant l'opération; il a suffi de replacer le masque devant le visage
du malade pour les faire cesser aussitôt.
b. Toux. — Les secousses de toux se sont produites dans un ças, chez
un garçon de dix-huit ans atteint de bronchite; dans un cas,.chez une femme
atteinte de laryngite; dans l’autre, chez un malade atteint de carie costale,
au moment où l’on opérait profondément au-dessous de la côte.
c. Ralentissement de la respiration. — Le ralentissement de la respi-
ration s’est produit, d’une part, chez un phthisique alcoolique pendant la
période d’excitation, en revêtant la forme convulsive; d’autre part, il est
survenu, vingt-deux minutes après le début, des inhalations d’un mélange à
8 pour 100, chez un rhumatisant-goutteux de quarante-cinq ans, alors qu’on
opérait dans la profondeur du creux axillaire.
Ce fait doit nous arrêter un instant. L’anesthésie était des plus régulières,
lorsque tout à coup M. le docteur Dubois, qui dirigeait les inhalations,
nous fit remarquer que la respiration se précipitait. Au même moment
l’aide chargé du maniement du gazomèlre nous appelait pour nous dire :
«Les soupapes de l’inhalateur ne doivent pas fonctionner, le gazomètre ne
se vide pas, la cloche descend et remonte, prévenez M. Dubois. »
En nous retournant pour transmettre cet avis, nous constatämes, non
sans surprise, que l’on abaïssait la tête du malade et que l’on stimulait le
diaphragme en faisant des pressions méthodiques à la base du thorax.
Une demi-minute plus tard, la respiration s’effectuait normalement et
l’on achevait l'opération, sans toutefois redonner de chloroforme.
M. Dubois nous apprit alors que la respiration, après s’être précipitée,
s'était ralentie, et que finalement, les inspirations ne se produisant qu’à des
intervalles de plus en plus longs, il avait écarté le masque. C’est alors
qu'on avait abaissé la tête et stimulé le diaphragme.
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT, 195
Il y a eu, de fait, plutôt crainte d'accident que menace. Cependant à
l'accélération de la respiration, correspondait un certain degré de conges-
tion de la face, qui n’a pas tardé à disparaître, pour faire place à une
päleur relative, coïncidant avec le ralentissement de la respiration. La
température n’était pas sensiblement abaissée, et de l'avis de tous il est
difficile de dire si la respiration s’est réellement suspendue.
Doit-on attribuer cette anomalie au mauvais fonctionnement évident de
la soupape, ou à une perturbation brusque de la circulation ou de l’état
nerveux ? C'est ce qu'il nous est difficile de décider dans l’état actuel de la
question.
Toutefois les observations que nous faisons avec M. le docteur Dubois
nous porteraient à attribuer une certaine influence aux réflexes provoqués
par les manœuvres opératoires.
Nous avons nettement constaté, à plusieurs reprises, que le premier coup
de bistouri ou le premier contact du fer rouge provoque des mouvements
réflexes plus ou moins étendus, même lorsque l’anesthésie confirmée est
obtenue. Nous, avons de même remarqué qu’au plus fort du sommeil anes-
thésique certaines manœuvres, le délabrement ou le sacrifice chirurgical
de cerlains organes, entraînent une accélération de la respiration et de la
circulation. En même temps que le pouls se précipite, il devient plus petit.
Aux phénomènes d’excitation succède toujours une dépression équivalente ;
_de nouvelles recherches dans ce sens ne peuvent manquer d’amener des
découvertes intéressantes.
d. Adynamie. — Le malade atteint. de rétrécissement cancéreux très
étendu de l'intestin, présenta à la fin de l’opération une faiblesse marquée
de la respiration et de la circulation, en même temps que le visage était le
siège d’une päleur inaccoutumée. On dut suspendre les inhalations dans
Ja crainte de voir cet état s'accentuer et aboutir au collapsus. :
Si l’on tient compte que ce malade était menacé d'intoxication stercorale,
par suite d’une constipation opiniàtre et de la suppression absolue des
garde-robes depuis quatorze jours ; qu’il était dans un état de déchéance
nutritive avancée par suite des progrès de l’affection organique de l'intestin,
qu'il avait subi dans la même séance deux opérations graves (Anus artifi-
ciel d’abord, par la méthode de Callisen, puis par la méthode de Littré) et
de longue durée (quatre-vingt-deux minutes); que d’autre part, l’ouverture de
Pabdomen modifie nécessairement le type de la respiration, on admettra
facilement que l’anesthésie n’intervenait que secondairement dans les
phénomènes adynamiques observés.
Bien plus, nous sommes en droit de nous demander si l’on aurait pu
mener l'opération à bonne fin, avec le procédé aventureux de la compresse.
Notons en passant que, chez ce malade, il eût été impossible de recourir
à l’anesthésie par la voie rectale.
Il nous semble ressortir de ces diverses considérations que les incidents
196 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
survenus au cours de l’anesthésie confirmée ne sauraient en aucune façon
être impulés à la méthode.
Durée totale des inhalations. — Les anesthésies, en comptant depuis
le début jusqu’à la cessation des inhalations, ont duré de six à quatre-vingt-
deux minutes :
De 6 à 10 minutes dans 4 cas.
— 40 à 45 — 24 —
— 15 à 20 — 29 —
— 20 à 25 — 26 —
— 25 à 30 — SI
— 930 à 95 — 6 —
— 939 à 40 — D, —
— 40 à 45 —— 2 —
— 45 à 90 — ON
— 50 à 60 — 2 —
— 60 à 75 — Eù =
75 — 1 —
82 — 1 —
Quantités de mélange dépensées. — Les quantités de mélange dépensées
ont varié de 80 à 1610 litres, suivant la durée des inhalations et suivant
l'amplitude individuelle des inspirations.
La malade opérée d’un kyste de l'ovaire a respiré 45 grammes de
chloroforme en soixante-dix minutes.
Un malade inhale en moyenne 20 à 30 litres de mélange par minute, ou,
ce qui revient au même, 100 à 150 litres en six minutes.
On ne peut pas, bien entendu, considérer, comme étant consommée par
le patient, la quantité totale dépensée, dans les cas oùle masque n’applique
pas bien au visage, et dans ceux où les vapeurs sont administrées à l’aide
d’un tuyau placé dans la bouche ou sous les narines.
Les termes de comparaison nous manquent pour établir, même approxi- |
mativement, l’économie de chloroforme réalisée par l'emploi des mélanges
titrés; mais, si l’on songe à l’évaporation qui se produit lorsqu’on verse le
liquide sur la compresse, on comprendra que cette économie est notable.
Prolongation de l’anesthésie après la cessation des inhalations. — À
partir du moment où l’on cesse les inhalations, l’anesthésie absolue se
prolonge, en moyenne, pendant sept minutes.
On ne saurait, il est vrai, élever cette proposition à la hauteur d’une loi, car
des considérations de différent ordre doivent entrer iei en ligne de compte.
Le sommeil se prolonge en raison directe de la durée des inhalations;
en raison directe de la faiblesse et de la jeunesse du sujet.
Le réveil est plus prompt chez les alcooliques. Il est hâté par la prolon-
gation des manœuvres chirurgicales après la cessation des inhalations.
Ces règles comportent d’ailleurs de nombreuses exceptions.
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 197
Nous avons vu l’anesthésie se prolonger pendant douze, quinze, dix-neuf,
vingt, vingt-six, vingt-huit minutes chez certains sujets, et dans plusieurs
cas l’individualité seule pouvait expliquer cette persistance.
Analgésie après le réveil. — Chez la plupart des malades, l’insensibilité
à la douleur persiste pendant un certain temps après le réveil. Le patient
parle, exécute les mouvements qu’on lui commande, se rend compte des
manœuvres qu’on exerce sur lui (sensibilité tactile), mais ne souffre pas.
L’analgésie a persisté de cinq à vingt-deux minutes, chez nos malades, et
l’on a pu faire, pendant ces périodes, les sutures et les pansements.
Terminaison.— Le retour à la sensibilité s’effectue normalement et n'offre
pas de particularités notables. Nous devons seulement constater que plu-
sieurs de nos malades ont eu des vomissements quelques minutes après le
réveil. Les vomissements se sont répétés pendant trente-six et quarante-
huit heures, chez quelques-uns.
Notons que chez la plupart des sujets qui ont vo mi, il existait quelque
cause prédisposante, telle que : pharyngite glanduleuse avec hypersécré-
tion, dilatation de l'estomac, ingestion d’aliments avant l'opération, etc.
Il est, en outre, intéressant de remarquer que le vomissement est un phé-
nomène de réveil. Il ne se produit jamais pendant les inhalations. On le
voit survenir au cours de l’anesthésie, pendant une suspension des inhala-
tions, ou bien au réveil, après la cessation des inhalations.
D’après l'opinion de N. le docteur Dubois, ce phénomène doit être ee
parmi ceux qui appartiennent à cet état particulier qu’il a décrit sous le
nom d’empoisonnement de retour.
Il semble qu’il ne se produirait pas, si l’on administrait sans interruption
brusque les vapeurs anesthésiques. Dans piusieurs cas, où l’on avait donné
le mélange en écartant le masque du visage, de plus en plus, à la fin de
l’anesthésie, de façon à obtenir le réveil en présence d’un air de moins en
moins dersé de chloroforme, les nausées du réveil ont fait absolument
défaut.
Appréciation de la méthode des mélanges titrés.
Depuis dix ans, les circonstances nous ont entraîné à étudier particuliè-
rement l’anesthésie. Presque quotidiennement nous pratiquons l’anesthésie
_chloroformique.
Nous avons pu juger, en connaissance de cause, les procédés habituels et
c'est en nous basant sur une expérience et des vues personnelles que nous
apprécierons la valeur relative de l’anesthésie par les mélanges titrés, au
point de vue clinique.
Hätons-nous de dire que l'impression générale est toute en faveur de la
méthode de M. P. Bert, qui donne à la conduite de l’anesthésie une préci-
sion, une régularité, une sécurité inconnues jusqu'alors.
198 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE PRIOLOGIE.
C’est en nous plaçant au point de vue des inconvénients et des dangers
de l’anesthésie chloroformique que nous espérons établir les avantages de
cette méthode.
Les inconvénients du chloroforme consistent en : répugnance du malade
à accepter les premières inhalations; irritation locale des muqueuses et
par suite: toux, spasme, hypersécrétion glandulaire, suffocation.
Le danger, c’est la syncope respiratoire. Nous ne prétendons pas nier la
possibilité de la syncope cardiaque pendant l’anesthésie chloroformique,
mais nous ne l’avons pas observée.
Au contraire, bien que personnellement nous n’ayons jamais eu à dé-
plorer d’accidents mortels au cours de l’anesthésie, nous en avons malheu-
reusement vu plusieurs cas se produire sous nos yeux et nous avons eu à
combattre quelquefois des dangers imminents. Toujours en pareille cir-
constance nous avons vu la suspension de la respiration précéder l'arrêt du
cœur.
La syncope respiratoire peut revêtir deux formes : une forme M
une forme parésique ou adynamique.
Il importe, à notre avis, d'établir une grande distinction entre ces deux
formes, parce que l’une d” élles, la forme convulsive, lorsqu'elle se produit
un certain temps après le début des inhalations, est précédée de prodromes,
qu’elle peut être prévue, et par conséquent évitée: tandis que l’autre, la
forme parésique, est insidieuse, qu’elle déjoue plus facilement toute pru-
dence et qu’elle surprend souvent l’anesthésiste inexpérimenté au moment
où il s’y attend le moins.
La forme convulsive, proprement dite, plus fréquente avec les procédés
habituels, se produit, soit dès les premières inhalations, soit pendant la
période d’excitation. On ne l’observe pas pendant la période d’anesthésie
confirmée, par la raison toute simple, qu’il ne saurait y avoir (nous faisons
des réserves pour les réflexes) de phénomènes convulsifs proprement dits,
pendant la résolution musculaire complète.
La forme parésique, plus rare, survient toujours un certain temps après
le début des inhalations, soit avant la période d’anesthésie confirmée, soit
pendant cette période.
Elle peut survenir chez des sujets qui ont eu une période d’excitation,
mais jamais elle n’accompagne cette période parce qu’elle est le terme d’une
dépression nerveuse continue et progressive due à l’action du chloroforme,
et exagérée souvent par le choc chirurgical.
Rappelons en quelques mots le tableau de chacune de ces formes.
Syncope respiratoire convuilsive du début. — On vient de placer la
compresse imbibée de chloroforme, devant la bouche et les narines du
patient. Il fait une ou deux inspirations qui le suffoquent, se raïidit dans
une secousse convulsive, étend le bras pour repousser la compresse et
Là
tombe foudroyé.
ce at dut À dde tes = MR, 0 LS
ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 199
Il semble que l’on ait affaire à un accès de suffocation dû probablement
à un spasme tétanique de la glotte et causé certainement par la pénétration
d'une dose massive de vapeurs chloroformiques dans les voies respira-
toires.
Nous savons que le procédé qui consiste à sidérer le malade, en lui ad-
ministrant, dès le début, des doses massives de chloroforme, réussit à
plusieurs opérateurs; mais nous savons aussi que la syncope respiratoire
du début n’est pas un mythe et nous n’oserions jamais recourir au procédé
de sidération.
Syncope respiratoire convulsive de la période d’excitation. — Quelques
minutes après le début des inhalations, est survenue une période d’excita-
tion ; le malade très agité, bavarde, chante, crie, lance à droite et à gauche
les bras et les jambes. La face devient vultueuse, les veines du cou sont
turgescentes, certains troubles vasculaires se dessinent du côté de la peau.
D’autre part, la respiration se fait péniblement, convulsivement, par sac-
cade; plusieurs inspirations profondes et précipitées sont suivies d’une expi-
ration tellement prolongée, que l’anesthésiste se demande avec inquiétude
si cette expiration n’est pas la dernière.
Puis la respiration se suspend brusquement, le malade retombe inerte
sur le lit d'opération et le cœur cesse de battre.
Cette variété de syncope ne se produit que s’il y a une période d’agita-
tion, nous avons dit qu’elle peut être prévue.
‘ En effet, le type convulsif de la respiration, la congestion de la face, la
turgescence des veines, sont des signes qui doivent tenir en éveil.
Mais, en outre, nous avons observé du côté de la peau des troubles vascu-
laires auxquels nous attachons une grande importance et que nous avons
déjà signalés (1). Nous ne pouvons affirmer qu’ils précèdent toujours le
danger ; mais, chaque fois que ces troubles se sont produits, il est survenu
un accident ou au moins une alerte.
Au cours de la période d’excitation on voit apparaître dans les régions
génienne, parotidienne, cervicale latérale, cléido-mammaire ou abdominale,
un pointillé rouge vif des téguments qui donne l’idée d’un exanthème. Il
semble que le sommet de chaque papille soit fortement congestionné.
Bientôt les points s’élargissent, se transforment en macules qui s’étalent
et arrivent à se confondre par leurs bords, en dessinant les réseaux capil-
laires de la peau. À ce moment la coloration des tissus injectés est rouge,
érythémateuse ; bientôt elle devient lie de vin, puis violette. Au milieu de
cette teinte générale, on distingue nettement des marbrures plus
foncées.
Nous avons vu dernièrement, chez une femme hémophilique, ces phéno-
mènes congestifs aller jusqu'à l’hémorrhagie punctiforme et persister à
l’état de taches ecchymotiques.
(1) Odontlologie, L. HE, n° 5.
130 MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE.
Nous n'insistons pas sur ces phénomènes, leur apparition n’est pas un
fait banal, il doit éveiller toute la sollicitude de l’anesthésiste, car il le
prévient de l’imminence d’un danger.
Syncope respiratoire parésique ou adynamique. — Ici le tableau est
tout différent de celui que nous venons d'exposer. L’anesthésie semble
marcher très régulièrement; il n’y a pas d’excitation ou l'excitation est
tombée ; le visage est plutôt pàle que congestionné. Un seul fait attire l’at-
tention, c’est que la respiration est paresseuse, lente, superficielle. Les
mouvements d’abaissement et d’élévation des côtés sont presque impercep-
tibles. La main placée devant la bouche et les narines du patient perçoit à
peine le souffle. Si la période d’anesthésie confirmée n’est pas encore ob-
tenue et que l’on dise au malade de respirer, il fait une ou deux inspira-
tions volontaires et retombe dans son état parésique, ou même vous répond :
« Mais je ne puis pas respirer.» Ce qui indique bien l’état de dépression
dans lequel se trouvent les puissances respiratoires.
Les choses vont ainsi pendant un certain temps, puis, tout à coup, sans
autre manifestation extérieure, la respiration se suspend définitivement.
En pareil cas, le type parésique de la respiration est le seul pro-
drome. L’accident paraît dû à la dépression continue et progressive exercée
sur le système nerveux par le chloroforme.
Cette variété de syncope s’observe, de préférence, chez les sujets ané-
miques, épuisés, cachectiques ou impressionnables et terrorisés ‘par l’idée
de l’opération. Dans certains cas, où elle survient au cours de l’anesthésie
confirmée, il est difficile de dire quelle part revient dans sa production
à la dépression chloroformique, et quelle part au choc chirurgical. Il est
bien certain que certaines opérations graves, et qui se prolongent pendant
plusieurs heures consécutives, entraînent une dépression suffisante pour
amener la mort, sans qu'il y ait lieu de tenir compte, autrement que
d’une façon accessoire, de l’action du chloroforme.
Ces données étant établies, revenons à nos observations chez les ma-
lades anesthésiés par la méthode Paul Bert.
1° L'irritation des muqueuses nasale, buccale, laryngienne et pharyn-
sienne ne s’est pas produite. [l n’y a eu ni spasme de la glotte, ni accès de
suffocation, même chez les sujets atteints de laryngite aiguë ou chronique.
Nous devons faire une exception pour le malade atteint de phthisie sili-
ceuse.
En conséquence, il nous semble qu'avec la méthode des mélanges, ten
ayant soin d'employer la dose de chloroforme minima (8 pour 100 en
moyenne), la syncope respiratoire convulsive du début n’est plus à
redouter.
2° La période d’excitation a été supprimée ou considérablement atténuée ;
nous n'avons observé ni la respiration convulsive,; ni les troubles conges-
tifs persistants du côté de la peau.
. ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 131
Il nous semble encore que le danger de la syncope convulsive de la pé-
riode d’excitation est écarté, avec l’emploi de la même méthode.
3° Il importe de faire des réserves au sujet des alcooliques. Chez eux, en
effet, la résistance est toujours plus considérable et la période d’agitation
plus prolongée, surtout dans les cas où ces malades ont été privés depuis
plusieurs jours de leur dose habituelle d'alcool.
4 Nous n’avons pas observé la dépression nerveuse inquiétante qui pré-
cède la syncope respiratoire adynamique. Dans le cas où un certain degré
de dépression s’est produit, il y avait lieu d’invoquer d’autres causes que
l’action du chloroforme. D’autre part, les expériences faites à propos de la
quantité de chloroforme contenue dans le mélange démontrent que la pro-
portion de 8 pour 100 est une quantité minima pour la moyenne des indi-
vidus. Nous croyons donc que cette variété de syncope est moins à redouter
avec la méthode de M. P. Bert qu'avec les autres procédés.
Mais, comme il est impossible de calculer à l'avance jusqu'où ira la dépres-
sion produite sur le système nerveux par le chloroforme, comme cette dé-
pression est variable suivant les individus, comme elle peut être exagérée
par la gravité ou la longue durée de l’opération, nous pensons que l’anes-
thésiste devra toujours exercer la plus grande surveillance, chez les sujets
faibles, débilités, anémiques, terrorisés, excitables et par conséquent dé-
pressibles.
0° A côté de ces avantages de premier ordre, la méthode des mélanges
rend de réels services dans les opérations qui se pratiquent sur les mà-
choires, en permettant de conduire les vapeurs anesthésiques dans la direc-
tion du larynx et de maintenir l’insensibilité pendant toute la durée des
manœuvres chirurgicales : ce qu'on n'obtient que très imparfaitement avec
les autres procédés.
6° La méthode des mélanges permet de réaliser une économie de chloro-
forme qui n’est pas à dédaigner pour les hôpitaux.
1° Les nausées et les vomissements provoqués chez certains sujets par
l'absorption du chloroforme ne sont pas supprimés par la méthode des
mélanges : ce qu'il était facile de prévoir. Toutefois, comme ces accidents
se produisent toujours pendant une suspension brusque des inhalations, il
est possible de les éviter, au cours de l’opération, en laissant le masque
devant le visage du patient et, après l'opération, en écartant progressive
ment l’inhalateur.
En résumé, nos observations établissent nettement que, si la méthode des
mélanges ne dégage pas l’anesthésiste des obligations de science et de pru-
dence, elle a du moins sur les procédés habituels une supériorité incontes-
table; qu’elle offre au chirurgien beaucoup de sécurité, et qu’en définitive
l'observation clinique vient absolument à l'appui des conclusions formulées
par M. P. Bert, dans sa communication à l’Institut.
M. Péan, satisfait des premiers résultats, se propose de continuer l’em-
132 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
ploi des mélanges titrés (1) et comme (sur les indications de M. le docteur
Dubois) un appareil portatif et d’un maniement facile a été construit, les
observations ne tarderont pas à se multiplier. |
En ce qui nous concerne, nous nous proposons de poursuivre attentive-
ment l'examen des faits fournis par la clinique, parce qu’il n’est possible
d'obtenir, à notre sens, de résultats comparables et susceptibles, par consé-
quent, de donner lieu à des conclusions sérieuses et réellement pratiques,
qu'en se plaçant dans des conditions toujours identiques, à savoir en pré-
sence d’un mélange toujours rigoureusement titré.
(1) Au moment où paraît ce mémoire, le nombre des opérations faites par
M. Péan avec les mélanges titrés s'élève à deux cents environ. Les résultats ont
été les mêmes que dans celles que nous venons de rapporter.
DE LA COCAINE ET DE SES SELS
MODE DE PRÉPARATION — CARACTÈRES
Par M. H. DUQUESNEL
L’alcaloïde principal de la feuille de Coca, la cocaïne, nommé égale-
ment parfquelques chimistes érythroxyline, est connu depuis un certain
temps; mais les études récentes dont elle a été l’objet et les applications
nouvelles qui viennent d’en être faites comme anesthésique local, l'étude
physiologique générale qu’en a publiée M. le docteur Laborde avec les pro-
duits quelnous avons préparés, lui ont redonné une actualité qui nous à
engagé à faire connaître, avec quelques détails, le produit d’où on l'extrait,
son meilleur mode de préparation et ses caractères.
La Coca ou Cuca chez les Indiens (Erythroxylon Coca, famille des Ery-
throxylées) est un arbrisseau qui croît au Pérou et dans la Bolivie. —Ses
feuilles, qui sont récoltées en mars, juillet et novembre, ont une certaine
analogie avec celles du thé et présentent une odeur aromatique agréable,
se rapprochant de ces dernières. — Elles sont courtement pétiolées, minces,
fragiles, ovales, aiguës, longues de 4 centimètres environ sur 2 à 3 de
largeur, généralement d’un vert sombre, quelquefois brunâtres suivant leur
état de conservation. Certaines espèces, principalement celles de prove-
nance bolivienne, sont plus vertes, plus minces et quelquefois de dimensions
plus petites.
Leur nervation est particulière et permet de les distinguer. Elle est
composée d’une nervure médiane donnant de nombreuses ramifications qui
s’anastomosent en réseau, à un demi-centimètre environ de cette nervure,
et de chaque côté part une ligne en arc qui est quelquefois peu accusée et
ressemble beaucoup plus à un pli longitudinal qu’à une véritable nervure
(G. Planchon). Ces deux nervures partent de la base de la nervure mé-
diane et aboutissent à son sommet.
Les feuilles de Coca, si appréciées des habitants de l’Amérique du Sud,
qui en font usage”"en infusion ou plutôt encore en les mâchant mêlées avec de
la chaux, sont constituées par un nombre d’espèces et de variétés assez con-
sidérable. Aussi n'est-il pas surprenant de trouver des variations assez
grandes dans leur qualité et leur valeur commerciale.
Pour en extraire la cocaïne, on les pulvérise grossièrement et on les
épuise dans un appareil à déplacement par de lalcool à 85 degrés.
B10LOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 1. 11
134 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
On distille les liqueurs alcooliques de façon à en retirer tout l'alcool et
on additionne le résidu de la distillation d’une petite quantité d’acide tar-
trique (1 partie pour 100 de la plante employée).
On mélange intimement l’acide, dissous au préalable dans une petite
quantité d’eau, avec l’extrait. On ajoute ensuite de l'eau distillée jusqu'à
cessalion de trouble pour précipiter la chlorophylle et les substances rési-
neuses et grasses. On filtre et on évapore à une douce chaleur le produit
de la filtration en consistance de sirop clair. Le produit obtenu renferme
la cocaïne à l’état de tartrate soluble. On l’agite alors avec de l’éther rectifié
etlavé pour lui enlever encore des substances résineuses ou colorantes,
ainsi qu’une substance blanche, cristalline, paraissant de nature acide,
soluble dans les alcalis avec coloration jaune et que nous étudierons ulté-
rieurement. Puis on l’additionne d’un léger excès d’ammoniaque et on
l’agite à nouveau avec de l’éther rectifié, qui s'empare des alcaloïdes.
On répète plusieurs fois cette opération. Par la distillation l’éther aban-
donne un résidu sirupeux, que l’on verse dans une capsule, où il ne tarde
pas à crislalliser en grande partie.
Lorsque les cristaux ne paraissent plus augmenter, on exprime le résidu
sur une toile pour en séparer un liquide sirupeux très alcalin. La toile re-
tient une masse cristalline, que l’on obtient facilement en beaux cristaux
d’une solution alcoolique, additionnée de noir animal, et filtrée, puis éva-
porée à une douce chaleur. }
Ces cristaux, que les fabricants considèrent généralement comme la
cocaïne pure, ne contiennent cependant pas toujours cet alcaloïde à l’état
de pureté. Nous avons pu en isoler en effet en les dissolvant à saturation
exacte dans un acide dilué, une substance neutre cristalline, peu soluble à
froid, paraissant inerte, analogue à la narcotine de lopium par la ma-.
nière dont elle se comporte avec les réactifs et dont la présence ne parait
pas avoir été signalée Jusqu'ici.
Cest à cette substance que nous avons donné, par opposition avec la
véritable cocaïne basique qui est le véritable principe actif de la Coca, le
nom de cocaïne neulre ou mieux de pseudo-cocaïine.
La présence de la cocaïne neutre ne paraît pas constante, ni sa propor-
tion régulière, dans les feuilles de Coca ; mais elle peut expliquer parfaite-
ment la différence de solubilité et même d’action des produits commer-
ciaux vendus comme cocaïne ou comme sels de cette base.
Les feuilles de Coca, comme nous le disions dans une Note publiée au
mois de juillet 1882, dans ce même recueil, suivent donc par leur compo-
sition une règle qui est à peu près générale, c’est-à-dire que les plantes
actives contiennent presque toujours, à côté d’une base principale cristallisée,
une base amorphe souvent liquide, qui est un produit de transformation ou
d’altération.
On trouve dans les auteurs d’autres procédés qui nous paraissent
moins avantageux pour la préparation de la cocaïne. Ils ont l’inconvénient
ar
r
!
DE LA COCAÏNE ET DE SES SELS, 139
d'introduire la chaux ou le plomb dans les opérations et d'augmenter en
outre notablement le volume des liquides à évaporer, et la durée de ces
évaporations.
Ainsi les feuilles de Coca contiennent :
1° La cocaïne cristallisée vraie ;
2° La pseudo-cocaïne, produit cristallisé, incolore, neutre au papier de
tournesol, même en solution alcoolique ;
3° Un alcaloïde amorphe, sirupeux, jaunâtre, Mais pouvant être déco-
loré par le charbon.
Ce dernier alcaloïde, bien qu’il soit fixe à la tempéraure ordinaire et
ne répande pas de Hées blanches en présence des acides volatils, parait
avoir une certaine analogie avec l'hygrine, alcaloïde liquide en retiré
des feuilles de Coca par Wœhler et étudié par Losseu. L’hygrine est obtenue
en effet en traitant à chaud, soit les eaux mères de cocaïne, soit l’extra
même, ou les feuilles de Coca par un lait de chaux ou par une lessive de
soude caustique.
Bien que l’alcaloïde amorphe sirupeux et le produit neutre offrent un
certain intérêt et puissent donner lieu ultérieurement à des travaux inté-
ressants, nous ne dirons que quelques mots de ce dernier, la pseudo-
cocaïne, dont nous nous proposons de poursuivre l'étude.
Peu soluble dans l’eau: froide, très soluble à chaud et cristallisant par
le refroidissement, ce corps se dissout également avec facilité dans lalcool
et sans communiquer à la solution, avons-nous dit plus haut, la propriété
de bleuir, comme la cocaïne vraie, le papier rouge de tournesol.
Il se dissout toutefois dans l’eau acidulée et la solution précipite en
blanc par l’iodure double de mercure et de potassium.
Lorsqu'on le chauffe dans un petit tube fermé d’un bout, il se dissout
d'abord dans l’eau qu'il retient, puis reprend sa forme cristalline pour
ne fondre réellement que vers la température de 190 degrés, point de fu-
sion bien différent de celui de la cocaïne vraie, qui est, d’après les auteurs
et nos propres expériences, de 98 degrés, aussi bien pour la cocaïne extraite
par nous de la Coca du Pérou, que pour celle obtenue des espèces de pro-
venance bolivienne.
Tous ces caractères ne semblent-ils pas indiquer une analogie réelle de
la cocaïne neutre avec la caféine, et n’en serait-elle pas un homologue?
Disons cependant qu’en élevant la température au-dessus de son point
de fusion, elle se colore et brunit sans paraître se volatiliser comme la
caféine et qu’elle ne donne pas avec l'acide azotique ou le chlore la colo-
ration caractéristique de muraxide que donne cette dernière substance.
Nous occupant actuellement surtout de la cocaïne vraie, nous pouvons
dire, en faisant connaître ses caractères, qu’elle possède au maximum
d'action les propriétés de la feuille de Coca et n’expose pas les praticiens
aux insuccès et aux mécomptes déjà constatés aussi bien en France qu'à
136 MÉMOIRES DE LA SOCIËTÉ DE BIOLOGIE.
l'étranger, d’après des renseignements qui nous sont parvenus, avec cer-
tains produits commerciaux.
La cocaïne a été découverte. d’après différents auteurs, en 1859 par
Niemann, élève de Wæœhler, et le docteur Schroff aurait mentionné en 1862,
dans une communication faite devant la Société de médecine de Vienne
la propriété qu’elle possède d’anesthésier, par des applications locales, la
muqueuse linguale. Cependant, d'après des documents que nous emprun-
tons à l’intéressante Revue clinique d’oculistique publiée par M. le docteur
Armaignac (de Bordeaux), qui donne de très utiles indications sur cette
question, un Américain, le docteur Samuel R. Percy (de New-York), reven-
dique pour lui-même la priorité de ces deux découvertes. En effet en 1857,
c’est-à-dire deux années avant la découverte de Niemann, ce savant aurait
présenté à l’Académie de médecine de New-York un mémoire sur la feuille
de l’Erythroxylon Coca, sur son étude chimique et sur son principe actif
nommé plus scientifiquement par lui érythroxyline au lieu de cocaïne,
dont le nom a été plus généralement adopté jusqu'ici. A la suite d’un cer-
tain nombre d'expériences le docteur Samuel R. Percy établissait que le
chlorhydrate d’érythroxyline possédait la propriété singulière d’émousser
et même de paralyser la sensibilité de la langue à la façon de l’aconitine,
mais d’une manière moins persistante.
Nous devons ajouter qu’il y a plus de deux ans, à la demande de M. La-
borde, qui désirait étudier l’action physiologique de la cocaïne avec un pro- .
duit chimiquement pur, à la suite des résullats remarquables chtenus
avec les préparations officinales de Coca dans les affections douloureuses
du pharynx et du larynx par M. le docteur Conpard, nous avons obtenu les
produits ci-dessus, qui ont servi dès cette époque aux recherches faites au
laboratoire de physiologie (voy. Tribune médicale, 1882. Formules et pres-
criptions, et Revue de thérapeutique).
Disons enfin, en puisant encore à la même source de renseignements,
que le docteur Knapp (de New-York) attribue dans un article du Medical
Record, du 25 octobre 1884, la découverte de la cocaïne à Gardeke, qui
l'aurait isolée pour la première fois en 1855 sous le même nom d’érythro-
xyline.
La cocaïne se montre sous forme de prismes, souvent volumineux, à
4 ou 6 pans, incolores, inodores, de saveur légèrement amère et àcre,
produisant comme réaction organoleptique caractéristique, une insensibi-
lité passagère de la partie de la langue sur laquelle on la dépose.
La cocaïne a une réaction alcaline énergique, qui se manifeste surtout
avec intensite dans une solution aqueuse légèrement alcoolisée.
Elle est peu soluble dans l’eau, plus soluble dans l’alcool et surtout
dans l’éther et le chloroforme. ;
Elle n’est pas volatile, mais fond en un liquide transparent lorsqu'on la
DE LA COCAÏNE ET DE SES SELS. 137
chauffe à une température de 98 degrés et cristallise de nouveau par le
refroidissement.
La cocaïne cristallisée pure forme avec les acides des sels neutres très
solubles dans l'eau, facilement cristallisables pour la plupart, mais se mon-
trant au contraire sous forme d’une masse sirupeuse difficilement cristal-
lisable lorsque l’alcaloïde contient une certaine proportion des autres
produits qui accompagnent dans la plante. Parmi ces sels et bien qu’on
fasse surtout emploi en ce moment du chlorhydrate, qui a l'inconvénient
d’être hygrométrique et d’être livré par le commerce sous forme d’une
poudre blanchätre un peu humide, nous devons une mention particulière
au bromhydrate qui cristallise en longues aiguilles incolores et qui, avan-
tage considérable, paraît inaltérable à l’air. Ce sel, du reste, d’après des
expériences nouvelles et encore peu connues, possède à un degré non
moins grand, les propriétés physiologiques du chlorhydrate; peut-être
même exercerait-il une action moins irritante sur les muqueuses.
La cocaïne vraie, à l’état d’alcaloïde ou de sel, possède la plupart des
réactions chimiques communes aux alcaloïdes, soit en présence des alca-
lis, des carbonates alcalins, soit avec les réactifs particuliers tels que
tannin, acide picrique, iodure double de mercure et de potassium, iodure
de potassium ioduré. Ses réactions caractéristiques font jusqu’à présent
défaut.
L’analogie qu’elle présente, en dilatant la pupille, avec les alcaloïdes
mydriatiques des Solanées, nous à fait chercher une réaction qui permette
de l’en distinguer. Nous proposons le caractère négatif qu’elle a de ne pas
donner, comme l’atropine, la daturine, l'hyoseyamine cristallisée, traitées
par l’acide azotique à chaud, puis la potasse caustique alcoolique, la co-
loration violette caractéristique que donnent des traces de ces derniers
alcaloïdes.
En raison de la transformation facile de la cocaïne sous l’action de
acide chlorhydrique en une base nouvelle, l’ecgonine, et en acide ben-
zoïique, nous nous proposons encore de rechercher si l’on ne pourrait pas
la caractériser par la formation de l’éther benzoïque du méthylène, produit
ayant une odeur prononcée d'amandes amères et qui se forme lorsqu'on
chauffe peu à peu une partie d'esprit de bois, une partie d’acide sulfurique
et deux parties d’acide benzoïque.
La réaction qui donne lieu à la formation de l’ecgonine présente une
grande ressemblance avec celle qui se produit dans la formation de l’apo-
morphine, cet émétique précieux pour les injections hypodermiques et qui
dérive de la morphine.
On l’obtient, d’après Wæœbler, en chauffant dans un tube scellé la cocaïne
à 100 degrés avec de l’acide chlorhydrique concentré. L’ecgonine, qui se
présente sous forme de prismes rhomboïdaux obliques incolores et bril-
lants, possède les propriétés physiques inverses de la cocaïne, c’est-à-
dire grande solubilité dans l’eau, solubilité moindre dans l’alcool et sur-
A cd % ji
RS 138 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ De BIOLOGIE.
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Coca, matière première si recherchée et si rare en F moment, “
nue plus abondante.
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“48 FIN DES MÉMOIRES. |
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BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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