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Full text of "Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales"

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COMPTES RENDUS HEBDOMADATRES 


SEANCES ET MEMOIRES 
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TOME PREMIER — HUITIÈME SÉRIE 


ANNÉE 1884 


TRENTE-SIXIÈME DE LA COLLECTION 


Avec figures 


PARIS 
G. MASSON, ÉDITEUR 


LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 


1884 


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MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


MM. 


LISTE 


DES 


EN 18584 


COMPOSITION DU BUREAU 


Président perpétuel. ..... M. Paul Bert. 

à Re M. François-Franck. 
Vice-présidents.......... M Matin Duval. 
Secrétaire général....... M. Dumontpallier. 
Secrétaire généraladjoint. M. Straus. 

M. Mégnin. 

M. Quinquaud. 
Secrétaires ordinaires.... 

M. Henneguy. 

M. Larcher. 
Trésorier ...,.,:.::::...: M. Chatin (J.). 
Archiviste..............,. M. Hardy. 

MEMBRES HONORAIRES 

Chevreul. MM. Milne-Edwards. 
Dumas. Pasteur. 
Gosselin. De Quatrefages. 


Gueneau de Mussy (H.). Wurtz. 


MEMBRES TITULAIRES HONORAIRES (1889) 


MM. Balbiani. 
Ball. 
Bert (Paul). 
Berthelot. 
Blot. 
Bouchereau. 
Bouchut. 
Bouley (Henri). 
Brown-Séquard. 
Carville. 
Charcot. 
Chatin. 
Cornil. 
Duguet. 
Gallois. 
Goubaux. 
Gréhant. 
Hamy. 
. Hanot. 
Hardy. 
Hayem. 
Hallopeau. 
Javal. 
Joffroy. 
Laborde. ; 


= MEMBRES TITULAIRES 


MM. Beauregard. 
Blanchard. 
Bloch. 
Bochefontaine. 
Bouchard. 
Bourneville. 
Budin. A HE au 
Chamberland.  - 
Chatin (J.): "1001 | 
Cotard. sr 


ot. Laboulbène. 
_ Lancereaux. 


Magnan.: ner can 


_ Ranvier. 


Leblanc. 
Le Bret. 
Leven. ÊK 
Luys. 


Mavitpr- LACLES 
Malassez. 
Marey. 

Michon. 
Milne-Edwards as 
Oilivier. 
Onimus. 
Pouchet. 
Rabuteau. 


Raymond. 
Robin (Charles). 


Sappéyé #43 1e + 
Trasbot. 


à < Vaillant. #%516524"508 


Verneuil. 74 
Vidal. FR SPC 
Nulpianimsntss ets -enal 


MM. D'Arsonval. +500 


Dastre. 

Déjerine. 
Dumontpallier. 
Duval (Mathias). 
Franck Guen 
Galippe. 

Geilé. 

Grancher. Hu 
Grimaux:4 0h méme 


MM. Henneguy. 


MM. Poncet. 
Henninger. Quinquaud. 
Hénocque. Regnard. 
Kunckel. | Richet. 
Landouzy. | Robin (Albert). 
Larcher. Sinéty (de). 
Liouville. SITAUS. 
Mégnin. | Vignal. 
Nepveu. 
MEMBRES ASSOCIÉS 
MM. Chauveau. MM. Lortet. 
Beale. Ludwig. 
Bowman. Ollier. 
Carpenter. Owen (Richard), 
Darwin. Panum. 
Donders. Paget (James). 
Guérin (Jules). Siebold. 
Gurlt (Ernst-Friedrich). Valentin. 


Huxley. 
Jones (Wharton). 
Leroy de Méricourt. | 


Van Beneden. 
Vogt. 


MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX 


MM Arlomes"..s04buel.8."..:, à Lyon 
Baréty -. - sponbabil:É--cc à Nice. 
Beaunis 21 %ehued.6::.:: 4, Nancy: 
Beyvlard ei: aenatnere. e à Paris. 
Ghaussat 2, sono: #2 20 à Aubusson. 
CONTI 7 MONO 2.0 à Rio-de-Janeiro. 
DOME ne LU à Bordeaux. 
DANCE NS OMERS à Menton. 
Dress ee eee à à Paris. 
DU CÉRROSEPEET TPE FORCE à Lyon. 
Déseranges .:. -niduufl. fe. à Lyon. 
Dufour (Gustave)............ à Toulouse. 
D LEE CPAM D PER au Mexique. 
DO din e:. à Lille. 
RTE à 20 D ATP TN PPT 


à Montpellier. 


MM. Gimbert ...... 


Jobert.., ANIME EE 
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Letadre "cn IL TEL ES : 
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Leudet (Émile). ........... 

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MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS 


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au Havre. 


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Cannes. 
Dijon. TR 
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Lyon. 
Rouen. RES 
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Marseille. 

Bordeaux. 

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Libourne. UN 
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Bordeaux. 
Bordeaux. | sai 
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Paris. | 
Montpellier. 


Grande-Bretagne. 
MM. Berkeley (M.-J.)..... ……... à Kings-Clif. 
Maclisecr sente RTE à Londres. 
Marcet......... MM AM SN Londres: 
Redfern 5.1.2." #Mf Mere à Aberdeen. 
Simon (John)...... SA etes à Londres. 
> Thomson (Allen) 260000 à Glasgow. 
Toynbee... Hem RE MD ONUres. 
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Allemagne. 
MM. Brücke (Ernst) ....:........ à Vienne. 
Dubois-Reymond............ à Berlin. 
Helmholtz..: 2AN0HHLR 2 a Berne 20 
Hernies. .:..... à Gœttingen. | 
Hermes ME ASSET 
Hoffmeister URR ROLE Mn AbeIpris 


MM: AVE 0 à Vienne. 
RER Riel à Würzbourg. 
MARRANT ARR er PU ie à Munich. 
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à Rio-de-Janeiro. 


COMPTES RENDUS 


HEBDOMADAIRES 


DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


SÉANCE DU 5 JANVIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


SUR QUELQUES INCOMPATIBILITÉS ET CONTRE-INDICATIONS MÉDICAMENTEUSES. 
Note de M. RABUTEAU. 


1° Incompatibilité de l’iodure de potassium et du sulfate de quinine. — 
On sait que l’iodure de potassium pur est généralement très bien toléré aux 
doses ordinaires, et qu’il en est de même du sulfate de quinine. Or j'ai re- 
connu que, lorsqu'on administre ces deux médicaments en même temps, ou 
à des intervalles peu éloignés, même à des doses faibles ou moyennes telles 
que celles de 1 gramme d’iodure de potassium et de 50 centigrammes de 
sulfate de quinine, il se produit une intolérance assez remarquablé. Cette 
intolérance est marquée par des troubles du côté du tube digestif et par 
divers accidents généraux. Les troubles du côté du tube digestif consistent 
dans l’anorexie, des nausées, des vomissements même, des douleurs épigas- 
triques, des coliques. Les troubles généraux consistent en une anxiété, un 
malaise inexprimable, le ralentissement, la petitesse du pouls, la pâleur, 
une fatigue générale. 

Ces symptômes, plus ou moins prononcés, rappellent complètement ceux 
que l’on a signalés après l’ingestion de l’iode en nature (Orfila) ou de la 
teinture d’iode (Lasègue), lorsque cette teinture laisse précipiter de l’iode 
dans l’estomac, c’est-à-dire lorsqu'elle n’est pas administrée dans un véhi- 
cule tel que le vin, pouvant dissoudre l’iode qui se précipiterait. Ces mêmes 
accidents se produisent après l’ingestion d’un iodure de potassium impur 
contenant de l’iodate de potasse, ou après l’ingestion de ce sel, quise trans- 
forme plus ou moins complètement en iodure dans l'organisme, en donnant 
ainsi un mélange d’iodure et d’iodate qui peuvent se trouver simultanément 


dans l’estomac. 
BIOLOGIE. — 7° SÉRIE, T. V; N° 1. 1 


2 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


J'ai donné depuis plusieurs années déjà (4) l'explication de l’intolérance 
d'un mélange d’iodure et d’iodate de potassium. On sait que le mélange d’un 
iodate, sel oxygéné, et d’un iodure, sel non oxygéné, n’est point stable au 
contact d’un acide, c’est-à-dire qu’il donne immédiatement de liode libre. 
Or j'ai fait voir que ce même mélange laisse également précipiter de l’iode 
libre dans le suc gastrique, à cause de l'acidité de ce liquide. L’expérience 
devient plus saisissante, si, après avoir donné à un chien un peu de pain, on 
lui fait prendre un mélange d’iodure de potassium (1 gramme par exemple) 
et d’iodate de potasse (10 centigrammes par exemple) dissous dans Peau. Il 
vomit bientôt le pain, coloré en bleu violet par l’iode mis en liberté, tandis 
qu'il n’en serait rien s’il avait pris séparément l’iodure ou l’iodate. 

En rapprochant ces données de la similitude d'accidents succédant à l’in- 
gestion simultanée, ou rapprochée, de l’iodure de potassium ou du sulfate de 
quinine, j'ai pu donner l'explication de ces accidents. Elle est la même que 
la précédente. Le mélange d’iodure et de sulfate de quinine se décompose 
à la longue dans le tube digestif, non seulement dans l’estomac, mais dans 
l'intestin dont le suc est acide, contrairement à ce que l’on répète souvent. 
Il ya précipitation d’iode libre. La décomposition est beaucoup plus difficile 
que celle du mélange d’iodate et d’iodure, ce qui explique la durée assez 
considérable, un jour au moins, du malaise consécutif à l’ingestion. Cette 
durée correspond au temps employé pour l'élimination de la majeure partie 
des sels ingérés, lors même qu'ils auraient pénétré totalement par absorption 
dans le torrent circulatoire. En effet, à cause des phénomènes de diffusion 
et d’osmose qui se produisent dans l’organisme, les sels ingérés reviennent 
en petite quantité dans le tube digeslif par un processus de sécrétion et de 
réabsorption successives, jusqu’à ce que l'élimination en soit complète. 

2° Contre-indication du quinquina et de la quinine chez la femme aux 
périodes menstruelles. —: L'homme, à quelque époque que ce soit de sa 
vie, peut prendre sans danger la quinine en tenant compte des indications 
et des doses. Il n’en est pas de même chez la femme, aux époques mens- 
truelles. J’ai été témoin d'accidents terribles et menaçant la vie chez une 
jeune dame qui, sujette à des accès de fièvre, ou plutôt de mouvements 
fébriles avec rougeur de la face (elle avait eu jadis des fièvres intermittentes), 
prenait parfois, dans la prévision ou au moment de l’arrivée des mouve- 
ments fébriles, tantôt du vin de quinquina, tantôt une pincée de 30 à 50 cen- 
tigrammes de sulfate de quinine dans un peu de vin. Dans trois circon- 
stances, où cette dame avait ses règles, une fois l’ingestion du quinquina 
et deux autres fois l’ingestion du sulfate de quinine furent suivies de très 
graves accidents. Ces accidents consistèrent dans une douleur subite et 
extrêmement violente à l’hypogastre, d'angoisse, de défaillance, d'abandon 
absolu de la vie. Les battements cardiaques étaient devenus rares et imper- 
ceptibles. — Le sulfate de quinine ne fut point abandonné ultérieurement 


(1) Comptes rendus de la Société de biologie, 1869, p. 17. 


SÉANCE DU 9 JANVIER. o 


pour cela, mais & ne fut jamais ingéré à la période menstruelle, et les 
accidents ne se reproduisirent plus. 

J'ai appris, d'autre part, qu'une jeune personne avait succombé presque 
subitement après avoir pris une petite quantité de sulfate de quinine. Cette 
personne avait ses règles à ce moment. 

Comment expliquer ces accidents si terribles? Nous savons que la qui- 
nine, agent névro-musculaire, modifie la contractilité des fibres lisses. Nous 
savons, d'autre part, que l’utérus est essentiellement formé de ces fibres 
lisses. Il est donc rationnel d’admettre que les douleurs violentes produites 
par la quinine, à l’époque menstruelle, proviennent des contractions qu’elle 
détermine dans l’utérus qui se trouve alors dans une situation temporai- 
rement exceptionnelle. 

Cette explication me paraît d'autant plus rationnelle, qu’elle se trouve 
complètement d'accord avec celle qu'un médecin de Coimbre, le docteur 
Sousa Refoios (1) a donné des accidents qu’il avait observés consécutive- 
ment à l’ingestion du quassia amara pendant l’époque menstruelle. 

Une dame de sa famille prenait, pendant des périodes consécutives de 
quatre à cinq jours, une tasse d’infusion de quassia avant le déjeuner, pour 
cause de dyspepsie. Jamais elle n'avait été incommodée de cette ingestion. 
Mais un jour qu’elle avait ses règles et qu’elle reprenait son traitement, 
elle ressentit bientôt après l’ingestion du médicament, de violentes douleurs 
utérines qu’elle compara aux douleurs de l’enfantement (cette dame était 
multipare). | 

Pour expliquer ce fait insolite, notre confrère de Coimbre dut rejeter 
d’abord l'hypothèse d’une idiosynerasie, puis celle de rhumatismes et de 
névralgies utérines, de dysménorrhée, dont cette dame n’avait jamais souf- 
fert, et admit, en fin de cause, que les douleurs survenues après l’ingestion 
du quassia devaient être attribuées à des contractions utérines produites 
par ce médicament. 

Cette manière de voir est d'autant plus acceptable que la quassine, prin- 
cipe amer du quassia, semble déjà pouvoir être distraite du groupe artifi- 
ciel des Amers, pour être placée parmi les agents modificateurs de l’inner- 
vation et de la myotilité. Cette substance peut, en effet, provoquer des 
convulsions. 

La conclusion naturelle de ces faits, c’est que l’on devra également éviter 
de prescrire le quassia aux femmes à l’époque des règles. On devra, par 
conséquent, leur interdire l’usage des bières actuelles, dont l’amertume est 
produite par des substances et ingrédients de toute sorte, notamment l'usage 
de la bière de Surinam, ainsi désignée parce que le houblon s’y trouve 
remplacé par le quassia que l’on appelle également, dans les officines, bois 
de Surinam. 


(1) Sousa Refoios, À medicacäo tlonica e su interprelaçäo physiologica. 
Coimbre, 1879. 


4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


DE LA PRÉSENCE DE GALETS DANS L'ESTOMAC DES OTARIES (OTARIA JUBATA), 
par le docteur Haxx. 


Le 17 janvier, nous avons lrouvé échoués sur la plage de la baie Lort, 
au sud de l’île Hoste, trois otaries mâles et adultes. En découpant les vis- 
cères de ces animaux pour en conserver des fragments dans la liqueur 
de Müller, nous constatèmes qu’ils avaient une quantité considérable de 
valets dans l’estomac. Le plus gros des trois était porteur de vingt-cinq ga- 
lets de toutes dimensions et pesant ensemble 8K5,500. Les échantillons 
rapportés proviennent de cel animal. Les deux autres n’avaient chacun que 
dix cailloux qui n’ont pas été pesés. La plupart de ces cailloux étaient polis 
et arrondis, mais quelques-uns en granit étaient anguleux; les plus petits 
avaient les dimensions d’un œuf de poule. 

Les otaries femelles, qui ont été tués sur un ilot de la baie Edwards, 
dans la partie occidentale des Malouines, et qui à cette époque de l’année 
allaitaient leurs jeunes, n’avaient dans leur estomac que des becs cornés de 
céphalopodes et des helminthes. Un mâle adulte tué au bord de la mer et 
dans la même localité portait sept cailloux. 

Plus tard deux autres otaries furent tués au bord de la mer dans les îles 
de la Terre-de-Feu; le plus jeune avait un seul galet dans l’estomae, le plus 
gros en avait sept du poids de 2k5,500. 

Nous avons encore constaté que tous les otaries (lions de mer ou phoques 
à fourrure) coulaient à pic, quand ils étaient tués à la mer. 

Il nous est donc peut-être permis de supposer que l’otarie avale des 
galets pour se lester à la mer et qu'il les rend quand il descend à terre 
pour y demeurer pendant quelque temps. 


SUR LES SYMPATHIES DOULOUREUSES OU SYNALGIES, 
par MM. Mathias Duvaz et G. FROMENTEL. 


La Société de biologie n’a pas oublié les communications du professeur 
Gubler sur ce qu'il appelait les douleurs répercutées ou en écho, et l’expli- 
cation hasardée qu’il donnait de ces phénomènes en invoquant une sorte 
de sensibilité réflexe (voy. Comptes rendus de la Société, décembre 1876). 
Le docteur H. Gourdon Fromentel s’étant trouvé dans des conditions parti- 
culièrement favorables pour observer ces phénomènes (lui, son père et une 
autre personne de sa famille, étant très sujets à ces sensations bizarres, ont 
été les sujets mêmes de ses observations), voulut bien me consulter sur 
l’intérêt physiologique des faits qu’il était à même de recueillir en les ana 
lysant minutieusement, et, sur mon conseil, il choisit comme sujet de thèse 
inaugurale l’étude de ces phénomènes de sensibilité, en adoptant, pour les 
expliquer, la théorie que je lui avais proposée. C’est sur ce travail (Des sym- 


SÉANCE DU 9 JANVIER. 5 


pathies douloureuses ou synalgies, Thèse de Naney, 1883, n° 172) que je 
voudrais appeler l’attention de la Société. 

Le type des phénomènes en question est le cas suivant : Lorsque, dit l’au- 
teur, J’écorche avec l’ongle un petit bouton sur la moitié interne du tiers 
inféro-postérieur du bras gauche, j'éprouve une douleur vive, piquante ou 
pinçante, au niveau de la ceinture, et du même côté, plutôt en arrière du 
tronc et latéralement qu’en avant; c’est donc dans la région lombaire qu’est 
le point sympathique de la région brachiale directement irritée. L'auteur a 
observé plus de soixante-dix synalgésies de ce genre, qu’il résume à la fois 
dans une série de tableaux, et par des figures où, sur une silhouette du 
corps humain, chaque point sympathique est rattaché par une ligne courbe 
à son point irrité correspondant. Les excitations mécaniques proprement 
dites sont les plus aptes à donner naissance à une association douloureuse : 
tels sont l’écorchement d’un bouton, le tiraillement et arrachement d’un 
poil, et même la piqûre avec une pointe d’épingle, à condition que cette 
pointe soit enfoncée perpendiculairement et de manière à produire une 
douleur vive ; le pincement de la peau peut aussi suffire; mais l’excitation 
électrique n’a jamais produit d'effet synalgésique, peut-être parce que cette 
excitation se localise moins bien qu’une irritation purement mécanique. 

Au même point irrité correspond toujours le même point sympathique, 
stabilité de rapports que Gubler avait déjà signalée; de plus ces rapports 
sont tels, qu'une excitation dirigée sur une région de la surface cutanée où 
fut perçue une douleur sympathique peut en déterminer une autre dans la 
région du point irrité primitif. Enfin, autant que l’auteur a pu étendre ses 
observations sur différents sujets, il est amené à conclure que chez les di- 
verses personnes des points sympathiques très voisins répondent à des 
points irrités très voisins, de telle sorte qu’une synalgie éprouvée par l’une 
d'elles sera, à peu de chose près, ressentie par les autres. Une synalgésie 
est donc non seulement un phénomène stable chez le même sujet, mais pré- 
sente encore une assez grande stabilité d’un individu à un autre. 

Ce sont là des données expérimentales qui doivent indiquer la voie pour 
tuute hypothèse explicative. Cette hypothèse, nous avons cru devoir la 
chercher exclusivement dans des rapports anatomiques entre les centres 
correspondant aux divers territoires de la sensibilité cutanée. Après avoir 
examiné et rejeté toute théorie qui attribuerait un rôle, soit aux anasto- 
moses périphériques des nerfs, soit aux ganglions nerveux, soit à la moelle 
épinière, M. G. Fromentel, développant une hypothèse dont nous lui avions 
seulement indiqué les points principaux, montre que dans tous ces cas il 
s’agit sans doute d’excitations propagées d’un centre cérébral à un centre 
voisin, lequel, en vertu de l’extérioration des sensations, rapporte aux par- 
ties périphériques, avec lesquelles il est normalement en rapport, tous les 
ébranlements dont il est le siège. C’est ce qu’il appelle la théorie centrale 
des synalgésies. Nous pensons que cette théorie pourra ne pas rester à l'état 
d’hypothèse stérile, c’est-à-dire que, lorsque les observations auront été 


6 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


multipliées encore et qu'on aura comblé les nombreuses lacunes de la topo- 
graphie des synalgésies, il ne sera pas impossible de tirer, des faits natu- 
rellement groupés, des inductions sur les rapports anatomiques probables 
entre les centres sensitifs cérébraux. | 

Comme appendice à ces sensations associées, M. G. Fromentel donne 
encore, et ce n’est pas la partie la moins curieuse de sa monographie, 
l’histoire d’un sujet chez lequel les mouvements des doigts étaient, de l’une 
à l’autre main, liés par une sorte d'association fatale. De cette observation, 
il nous suffira d'extraire le détail suivant, pour montrer tout son intérêt : 
« Je plaçai sur une table une feuille de papier que je fixai devant le sujet 
assis et tenant un crayon de chaque main, puis je le priai d'écrire. Je pus 
constater que la main gauche avait tracé, de droite à gauche (en sens inverse 
de notre écriture ordinaire), des caractères semblables à ceux figurés par 
la main droite et fort lisibles, ce dont on pouvait d’ailleurs s’assurer facile- 
ment en retournant la feuille et regardant par transparence. » 


M. À. OLzivier : Je profite de l’occasion qui n’est offerte par la commu- 
nication de M. Duval, pour revendiquer en faveur d’un de nos compatriotes, 
M. Chassaignac, la découverte d’un fait physiologique curieux, qui a été 
attribuée à Werir Mitchel, je veux parler de la rétraction du testicule à la 
suite du pincement de la peau du scrotum. Lorsque le pincement est léger, 
la rétraction se produit du côté de l’excitation ; lorsqu'il est fort, elle a lieu 
des deux côtés à la fois. —Je me rappelle avoir entendu, en 1862, Chassai- 
gnac appeler sur ce fait l’attention de ses élèves. 

J’ajouterai que la connaissance des faits étudiés par M. Fromentel, 


dans sa thèse inaugurale, peut rendre de réels services au clinicien : elle 


lui permettra de comprendre certains phénomènes pathologiques, qui, sans 
cela, resteraient inexplicables, et, dans certains cas, elle lui fournira d’im- 
portantes imdications thérapeutiques. — Il serait très utile de connaître la 
topographie exacte de toutes les parties du corps dont l’excitation peut faire 
naître, dans une région plus ou moins éloignée, soit des mouvements, soit 
des impressions sensitives. Il semble même exister une certaine constance 
dans la production de ces phénomènes. Comme exemple d'association de 
sensations douloureuses, je rappellerai le fait de névralgie réflexe, que j'ai 
rapporté à la Société, il y a dix ans. Il s’agissait d’une femme qui avait 
reçu de sa fille en pleine crise d’hystérie un violent coup de poing dans la 
région du sein. Elle ressentit à ce niveau une vive douleur et quelques 
jours après elle présenta tous les symptômes de la névralgie cubitale. Depuis 


cette époque, J'ai observé la même névralgie chez deux dames qui s'étaient 


heurté le sein contre une clef, en voulant ouvrir une porte de cave. 


_— 


SÉANCE DU 9 JANVIER. 7 


APPLICATION A L'HOMME DE LA MÉTHODE D'ANESTHÉSIE CHLOROFORMIQUE 
PAR LES MÉLANGES TITRÉS (1), par M. Paul Bert. 


Je rappelle que cette méthode consiste à faire respirer au patient un 
mélange de 8 grammes de chloroforme, vaporisés dans 100 litres d’air. 

Jusqu'à ce jour, seize grandes opérations ont été faites dans le service de. 
M. le docteur Péan à l'hôpital Saint-Louis. Elles ont élé faites sur les 
sujets les plus divers par l’âge (enfants de dix-sept mois, de quatre ans, de 
sept ans, adultes, vieillards), par les conditions générales (hommes vigou- 
reux, femme extraordinairement nerveuse et eraintive, adolescents épuisés 
par une longue suppuration, alcooliques avérés, etc.). Toutes ont donné 
des résultats excellents, et tellement concordants, que malgré leur petit 
nombre il est permis de les résumer en quelques propositions affirmatives. 


I. Le mélange de 8 grammes de chloroforme avec 100 litres d’air n’est 
pas désagréable à respirer; quelques malades même le trouvent bon. 

Il en résulte qu’on n’a jamais sous les yeux le spectacle des efforts, qui 
donnent quelquefois naissance à une véritable lutte, que fait trop:souvent le 
patient pour écarter de sa bouche la compresse imbibée de chloroforme ; 
car l'air chargé d’un excès de vapeurs irrite les maqueuses nasale et laryn- 
vée et amène des toux, des suffocations, des arrêts respiratoires, avéc. 
congestion de la face, et toute la série des accidents bien connus. 

II. La phase dite d’excitation, qui n’est autre chose, comme je l'ai dé- 
montré en 1866, qu'un délire dû aux troubles sensitifs qui précèdent l’a- 
nesthésie complète, est toujours très médiocre et très courte. Même chez 
les alcooliques, elle n’a jamais amené de lutte ; un seul aide suffisait aisé- 
ment pour maintenir les jambes et les bras ; elle n’a duré au plus que trois 
ou quatre minutes. Chez les autres personnes elle est très faible et ne 
dépasse pas deux minutes; et même dans plusieurs cas, chez des adultes, 
elle n’a pas existé, le malade étant arrivé sans aucun mouvement à l’anes- 
thésie et à la résolution musculaire. 

III. L’insensibilité absolue arrive en six ou huit minutes. Elle se maintient 
très régulière pendant toute la durée de la respiration du mélange anes- 
thésique, qui a été jusqu’à ce jour de trente-sept minutes au maximum (2). 

Le pouls, qui s’est un peu accéléré généralement au moment de la période 
d’excitation,, redevient tout à fait calme et régulier pendant le sommeil. La 
section de la peau ou des troncs nerveux, le sciage des os, en un mot les 
temps les plus douloureux des opérations ne réagissent pas sur lui. 

La respiration se comporte comme la circulation. Les adultes ronflent 


(1) Deuxième communication. Voy. la séance du 22 décembre. 

(2) Depuis la présentation de cette note, une ovariotomie a été pratiquée. 
L'insensibilité est arrivée en trois minutes, sans phase d’excitation. L'anesthésie 
a été entretenue pendant cinq quarts d'heure. Calme complet; pas de vomisse- 
ments : 50 grammes de chloroforme dépensés. 


8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


quelquefois, comme ils le font du reste dans le sommeil normal. Les exci- 
tations douloureuses accélèrent légèrement les mouvements respiratoires. 

La pupille se contracte le plus souvent au moment de l’anesthésie, et 
l’œil se retourne en dehors et en haut; cependant deux ou trois fois cette 
contraction n’a pas été sensible. Au réveil, la pupille se dilate. 

Il n’y a jamais eu, pendant l’anesthésie, de nausées ni de vomissements. 
La salivation est très faible. 

La température n’est pas sensiblement modifiée. Après trente-sept 
minutes d’anesthésie, elle s'était abaissée de moins d’un demi-degré. 
(Résultat bien différent de ce que j'avais observé sur les chiens où la tempé- 
rature s’abaisse rapidement.) 

En un mot, à aucun moment de l’anesthésie, le chirurgien n’éprouve 
aucune inquiétude sur l’état du malade, qui dort et respire avec le plus 
grand calme. 

IV. Lorsque l'embouchure par laquelle arrive le mélange anesthésique 
a été enlevée, on observe toujours une prolongation considérable de l’état 
d'insensibilité. Cette prolongation paraît être en rapport avec le temps pen- 
dant lequel on a fait respirer le mélange; on comprend qu’il faudra de très 
nombreuses observations pour permettre d'établir une loi. 

Cette anesthésie de retour a permis d'exécuter, sans que les malades 
souffrissent, des opérations sur Ja face, dont quelques-unes (deux résections 
du maxillaire inférieur, une résection des deux maxillaires supérieurs), 
ont été longues et pénibles. Chez un malade extraordinairement anémié et 
épuisé, auquel on devait amputer la jambe au-dessous du genou, dans des 
conditions assez difficiles, j'ai enlevé l'embouchure après la section de la 
peau. L’insensibilité a persisté pendant tout le temps de opération, la liga- 
ture des artères et le pansement!définitif, c’est-à-dire pendant vingt-deux 
minutes. À la dix-huitième minute, le malade ouvrit les yeux et put ré- 
pondre à mes questions. 

Replacés sur le brancard, et reportés dans leur lit, les malades conti- 
nuent à dormir pendant un temps variable. Trois fois seulement, il y eut des 
nausées légères. Le réveil est fort calme; les malades n’accusent ni 
malaises, ni maux de tête; quelques-uns même semblent joyeusement 
excités. 

V. La marche de l’appareil de M. le docteur Saint-Martin, que j’ai employé 
dans ces essais, ne laisse rien à désirer. Rien de plus simple que le manie- 
ment de ces deux gazomètres, dont on remplit l’un pendant que le malade 
consomme l’autre. Un aïde suffit pour exécuter la manœuvre ; un autre pour 
maintenir l'embouchure de caoutchouc. 

J'ai commandé un modèle plus petit, qui ne devra pas coûter plus de 
200 francs, et pourra être emporté sur un fiacre. Deux hommes le monte- 
ront aisément dans les escaliers, et il suffit d’un seau d’eau pour mettre les 
gazomètres en état de fonctionner. 


Les vapeurs que respire le malade étant très diluées, leur proportion 


SÉANCE DU 9 JANVIER. 9 


dans l’air ambiant devient extrêmement faible, et l’odeur de chloroforme 
ne peut arriver à gêner l'opérateur et les assistants. 

Enfin la dépense en chloroforme est ainsi réduite à son minimum. Elle 
paraît être en moyenne de 1 gramme de chloroforme par minute. 

VI. En résumé : pas de période répulsive ; période de délire toujours faible, 
même chez les alcooliques, quelquefois nulle, même chez les adultes; insen- 
sibilité absolue et régulière, obtenue en six ou huit minutes ; sommeil calme, 
respiration, circulation, température normales; pas de nausées; aspect nor- 
mal et tout à fait tranquillisant du malade qui dort; anesthésie de retour, 
constante et souvent très prolongée; réveil calme, bien être consécutif, 
rarement quelques nausées très faibles ; maniement de l’appareil des plus 
faciles ; bas prix de cet appareil ; notable économie sur la dépense en chlo- 
roforme. 


SUR UNE AUTRE MÉTHODE D'ANESTHÉSIE CHLOROFORMIQUE, 
par M. Paul BERT. 


La méthode que je viens de décrire, me paraît, je le dis sans autre pré- 
caution de langage, résoudre complètement le problème de la chloroformi- 
sation. Elle joint l’innocuité à la simplicité, et j’ai la ferme espérance de la 
voir bientôt adopter dans tous les hôpitaux et par tous les chirurgiens des 
villes, et je me fais fort de démontrer que la chirurgie militaire elle-même 
trouvera dans son emploi une grande économie de temps, d’aides et de 
chloroforme, ce qui n’est pas à dédaigner. 

Il n’est guère possible d’espérer cependant que les médecins qui exer- 
cent au fond des campagnes, et qui sont appelés de temps à autre à employer 
le chloroforme pour des luxations, des hernies étranglées et d’autres acci- 
dents qui exigent une intervention immédiate et sur place, puissent acheter 
un appareil de 200 francs et le conserver toujours en bon état de service. 

Ils resteraient donc livrés à l’emploi de la compresse imbibée de chloro- 
forme. Or, si ce procédé élémentaire exige de la part de nos plus éminents 
chirurgiens une surveillance de tous les instants, et souvent excite leur 
inquiétude, chacun sait avec quelle anxiété, quelquefois même avec quelle 
terreur, l'emploient les praticiens peu expérimentés. 

Aussi, une fois résolu le problème de la chloroformisation par les mé- 
langes titrés, je suis revenu à des recherches momentanément abandonnées, 
et qui avaient pour but de remplacer la compresse. 

Je viens aujourd’hui rendre compte du résultat de mes tentatives, qui ne 
sont pas encore terminées. 

Lorsque, dans le courant de cette année, MM. Gréhant et Quinquaud 
entretinrent la Société d’un procédé qui consistait à faire respirer aux ani- 
maux un mélange d’alcool et de chloroforme, M. le docteur Dubois vint 


10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


déclarer que des essais analogues avaient déjà été faits dans mon labora- 
toire. 

Il ne s'agissait en aucune façon d’une réclamation de priorité. Il est bien 
incontestable que nos collègues et amis n'avaient rien su de nos tentatives; 
de plus, nous ne les avions pas poursuivies, et elles étaient restées à la 
phase de tàätonnements; enfin ce n’était pas l’alcool que nous avions employé 
(à cause de la complication de ses vapeurs), mais l’eau, la glycérine, des 
matières grasses solides et liquides. Nous avions du reste laissé momenta- 
nément de côté ces recherches, parce qu’elle nous paraissaient tout à fait 
empiriques et qu'il fallait avant tout établir scientifiquement les conditions 
d'action des vapeurs anesthésiques. 

De plus, cette étude des mélanges se présentait à moi comme beaucoup plus 
compliquée qu'on ne semblait l’imaginer. Il y a en effet à tenir compte : 
1° de la proportion entre l’agent anesthésique et le véhicule destiné à dimi- 
nuer la tension de ses vapeurs; 2° de la quantité absolue de cet anesthé- 
sique ; 3° de la température ambiante; 4° de la surface d’évaporation ; 5° du 
volume du vase clos où est contenu le mélange; 6° de l'agitation de ce mé- 
lange — toutes conditions qui dépendent de l'installation instrumentale, et 
dont or peut être le maître après étude suffisante —; 7° de la rapidité et du 
volume des respirations de Panimal, qui doivent faire varier la rapidité du 
détitrage du mélange, — condition dont on n’est pas le maitre. 

Car, — et ce peut être là, suivant l’usage qu’on en fait et le but qu’on se 
propose, un avantage ou un inconvénient de la méthode — il est bien 
évident que le mélange est de moins en moins riche en chloroforme au 
fur et à mesure que l’expérience marche, et que par suite la tension de 
vapeurs anesthésiques est de moins en moins forte dans l’air inspiré. Il 
élait donc nécessaire, sous peine de rester dans l’empirisme, de se rendre 
compte tout d’abord de l’influence de ces tensions diverses. 

Aujourd'hui que cette question fondamentale est étudiée et que l’appli- 
cation à l’homme a corroboré ce que m’avaient montré les expériences faites 
sur les animaux, je suis revenu aux anciennes expériences et j’ai obtenu des 
résultats très curieux et très encourageants. 

Voici, pour fixer les idées, le récit d’une expérience : 


Chienne pesant 10 kilogrammes; trachéotomie. Température extérieure, 17 degrés: 
Au fond d’un flacon à deux tubulures, mesurant 1 litre de capacité, on introduit un, 
mélange de 50 centigrammes de chloroforme dans 100 grammes d’huile d'olives. 
Par une des tubulures arrive le tube plongeant qui fera barboter l'air; par l’autre, 
le tube qui communique avec la trachée. Un jeu de soupapes empêche le reflux 
de l’air expiré. | 

- L'animal s’endort en cinq ou six minutes, presque sans agitation. Le sommeil est 
calme, l’anesthésie bonne, mais moins régulière qu'avec les mélanges titrés. Sa 
température baisse comme dans les anciennes expériences. 

Le niveau du mélange s’abaisse lentement; sa température est de 13 degrés. 

Au bout de deux heures et demie, l’animal redevient sensible, puis se réveille com- 


SÉANCE DU D JANVIER. 11 


plètement. Il n’y a plus à ce moment que 10 grammes de chloroforme dans le 
mélange. La température de l’animal a baissé de 5 degrés. 


Cette proportion (1 de chloroforme et 2 d’huile) paraît bonne, dans les 
conditions précitées de l’expérience. Elle endort rapidement et ne menace 
pas la vie. 

J’appelle l'attention sur ce fait intéressant : l’épuisement du chloroforme 
dans le mélange et par suite le réveil au bout de deux heures et demie. Il est 
clair que, si le même animal avait respiré un mélange moitié moins riche, 
soit 29 grammes de chloroforme dans 50 grammes d'huile, il eût dormi 
moitié moins de temps. Et de même un animal deux fois plus gros aurait 
épuisé son mélange en moitié moins de temps. 

J'espère pouvoir obtenir, en multipliant les expériences, un certain rap- 
port entre la composition des mélanges et la durée de l’anesthésie. Ceci fait 
chez les animaux et étudié bien à fond, je serai autorisé à faire des essais 
sur l’homme. Et si mes prévisions se réalisent, il sera possible de déter- 
miner la composition d’un mélange qui devra, chez un enfant, un adolescent, 
un adulte, produire et entretenir l’anesthésie pendant un temps déterminé. 

Mais quand même on ne pourrait arriver sous ce rapport à un degré suf- 
fisant de précision, ce sera quelque chose que d’indiquer au praticien le 
mélange liquide qu’il pourra faire respirer avec efficacité et sans danger. 

Cela ne vaudra jamais les gazomètres et les mélanges gazeux titrés. Mais 
cela vaudra infiniment mieux que la compresse. Et du reste l'outillage se 
réduira à un flacon, deux tubes de verre, un tuyau de caoutchouc et une 
embouchure à soupapes, instrumentation qui est à la portée de toutes les 
bourses. 

On peut appeler ce procédé procédé de campagne, en opposition avec 
l’autre qui est procédé de ville. | 


M. À. Ozrivier : Au cours de son intéressante communication, M. Bert 
nous a dit que dans le sommeil provoqué par le protoxyde d'azote, le malade 
présentait souvent une forme de rêve caractérisée par la sensation d’une 
chute dans un abîme. 

Il semblerait, d’après quelques faits bien établis, qu’à certaines intoxiea- 
tions correspondent des rêves spéciaux. Pour ne citer qu’un exemple, je 
rappellerai les rêves des individus qui abusent des boissons alcooliques. 
Ces individus voient dans leur sommeil des animaux immondes ramper sur 
leur lit ; ils rêvent à leur profession, ou bien, en temps d’agitation politi- 
que, ils croient y prendre une part active. Cette forme de rêve constitue 
un véritable signe diagnostique de l’intoxication alcoolique. On pourrait peut- 
être arriver à des conclusions analogues pour les autres intoxications. 


12 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


PRÉSENTATION D'OPUSCULE, par M. BOCHEFONTAINE. 


J'ai honneur d'offrir à la Société de biologie un exemplaire d’un petit 
opuseule portant le titre : Étude expérimentale sur l’action microbicide 
du sulfate de cuivre. 

Je lirai seulement le dernier article (VIIT) de cette note qui est extraite 
du Journal de pharmacie et de chimie, du mois de novembre 1883. 

« Cette étude, si incomplète qu’elle soit, prouve cependant que : 

» 4° Les spores des mucédinées peuvent se développer dans des solutions 
de sulfate de cuivre à 1 pour 100; 

» 2° Les vibrioniens de la putréfaction pullulent au milieu des solutions 
cupriques à 1 pour 1000: 

» 3° La proportion de sulfate de cuivre nécessaire pour arrêter le déve- 
loppement des vibrioniens est au moins quatre fois plus forte que celle qui 
tue les cobayes, et dix fois plus grande que celle qui peut amener la mort 
du chien; 

» 4° La bactériémie expérimentale se produit également chez les animaux 
soumis ou non à l’action du sulfate de cuivre injecté sous la peau, à dose non 
mortelle ; 

» 9° Les bactéries se développent dans le sang des animaux qui succom- 
bent aux effets du sulfate de cuivre, introduit seul sous la peau ou dans la 
circulation sanguine. 

» De pareils faits, transportés dans le champ de la pathologie humaine, 
ne permettent-ils pas de conclure que, si le sulfate de cuivre possède une 
action prophylactique de la fièvre typhoïde, du choléra, ou d’autres maladies, 
on est à peu près certain que l'élément contagieux sur lequel il exerce son 
pouvoir préventif n’est pas constitué par des germes microbiques. 

» Si l’on arrivait à reconnaître que le choléra, ou d’autres maladies infec- 
tieuses, sont produites par des vibrioniens, il faudrait done, pour s’en pré- 
server ou s’en guérir, s'adresser à un médicament autre que le sulfate de 
cuivre. 

» Ces conclusions s’appliquent à fortiori aux spores de mucédinées, d’al- 
gues, aux corpuscules microbiques qui résistent au sulfate de cuivre en 
solution plus ou moins concentrée, et même, comme on le sait, à des désor- 
ganisateurs puissants tels que les acides chlorhydrique, sulfurique, etc. De 
sorte que, si l’on émettait l’idée que le germe du choléra réside dans des 
spores de champignons, et que le cuivre préserve ou guérit du choléra en 
détruisant des sporules de mucédinées, cette hypothèse, qui rappellerait celle 
de Salisbury pour l’intoxication palustre, serait dès à présent très difficile à 
soutenir. 

» Les infusoires au contraire sont tués par des doses de sulfate de cuivre 
que l’on peut injecter dans le sang des animaux sans compromettre leur 
existence. Mais les infusoires ne paraissent pas pouvoir vivre dans le sang, 
et, si l’on reportait aux germes de ces organismes l’opinion émise pour les 


SÉANCE DU D JANVIER. 13 


spores de champignons et les vibrioniens, on concevrait une théorie des plus 
hypothétiques. » 

Les conclusions qui viennent d’être lues ont été communiquées à l’Aca- 
démie de médecine par M. Ball, dans la séance du 18 septembre 18883. 
La mention de cette date, antérieure à la mort de l’un des membres do 
ia Commission française envoyée en Égypte pour y étudier la pathogénie 
du choléra, prouve que je n’ai pas pu vouloir profiter d’un si malheureux 
événement. C’est là pourtant ce que M. Burq tend à insinuer dans le 
deuxième paragraphe d’une communication qu'il a faite à la Société en 
séance du 15 décembre 1883, page 699, lignes 6 à 16. 

La même communication renferme encore une insinuation regrettable, 
page 660, au sujet de ma communication du 18 septembre à l’Académie de 
médeeine : « La Gazette des hôpitaux a fait connaître, dans son numéro du 
27 septembre, la réponse qui fut faite par M. Miquel, dès la séance suivante, 
par la bouche de M. le professeur Bouley. Je vous y renvoie. » 

Je vous renvoie, non pas à la Gazette des hôpitaux, mais au Bulletin de 
l’Académie de médecine, séance du 25 septembre 1882, où vous trouverez, 
page 1113, la Note de M. Miquel sur l’Asepticité des sels de cuivre. Vous 
verrez que dans cette note il n’est pas question des expériences dont j’a- 
vais entretenu l’Académie dans la séance précédente. M. Miquel parle de 
ceux qui jugent « de la bonté d’un antiseptique à l'égard des bactéries, par 
son indifférence à s'opposer au développement d’un mycélium de moisis- 
sure vulgaire... » 

Or, comme vous venez de le voir, mes expériences, qui ont été faites en 
partie au laboratoire de M. Vulpian, en partie au laboratoire de l’Hôtel-Dieu, 
ont principalement et particulièrement pour objet l’action du cuivre sur les 
bactériens. 

D'ailleurs, afin de rendre impossible toute confusion sur ce point, j’at 
adressé à M. le Président de l’Académie de médecine une lettre qui se 
trouve au Bulletin de l’assemblée, séance du 2 octobre 1883. Il ne pourra 
rester aucun doute dans l'esprit de ceux qui consulteront cette publication 
ou bien encore la Semaine médicale, où se trouve insérée également la 
lettre publiée par l’Académie de médecine. 


MALADIES ÉPIDÉMIQUES DIVERSES CHEZ LES CUIVRIERS DE VILLEDIEU, 
par M. BOCHEFONTAINE. 


La note de M. Burq, contenue dans les Comptes rendus de la séance 
du 15 décembre 1883, m'a engagé encore à communiquer à la Société un 
certain nombre de documents dus à l'initiative de M. A. Ygouf, qui les a 
recueillis pendant les vacances dernières à Villedieu même, où il possède 
une partie de sa famille. 

Pour éviter toute hypothèse sur « l’esprit qui a présidé à ces vecher- 


14 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ches (1) », je me hâte de dire que M. Ygouf, auquel la métalloscopie est 
absolument indifférente, a été guidé par la curiosité scientifique seulement. 
Peu lui importait que le cuivre, plutôt qu’un autre agent, eût la vertu de 
préserver du choléra. Il a donc cet avantage incontestable de n’être pas 
naturellement porté à soutenir quand même une théorie personnelle. 

Les documents relatifs aux maladies épidémiques observées à Villedieu 
ont été en partie COMTAUNQUES à l’Académie des sciences et à l'Académie 
de médecine, l’autre partie n’a pas été publiée. 

Les rues et les ruisseaux de Villedieu exhalent une odeur de cuivre qui 
par moments est assez intense pour incommoder les étrangers. Mais il n’est 
pas permis d’invoquer comme cause de cette odeur des émanations prove- 
nant d’égouts plus ou moins bien entretenus. Il n’y a pas un seul égout à 
Villedieu : tous les ruisseaux sont à ciel ouvert. Dans un seul point de la 
ville, le ruisseau d’un côté de la rue passe à travers une gargouille pour se 
déverser dans le ruisseau de l’autre côté, sans qu’il y ait stagnation des 
eaux dans la gargouille. 

Un assez grand nombre d’habitants, même parmi les plus aisés, font 
constamment usage d’ustensiles de ménage en cuivre fabriqués dans la 
‘localité : cuillers, fourehettes, assiettes, buies, fontaines, poëles, casseroles, 
chaudrons, robinets, tout est en cuivre. 

_ Les hommes aux cheveux verts, ou dont la peau présente des taches 
vertes, ne sont pas rares dans la ville. 

Les ouvriers qui se livrent à la fonte du cuivre ont souvent des envies de 
vomir, des coliques et même de la diarrhée. Les médecins considèrent ces 
symptômes comme caractéristiques d’un empoisonnement pe le cuivre et 
font prendre du lait aux malades. 

On connaît des fabricants d’objets en cuivre qui, s’étant réservé le soin 
de fondre le métal nécessaire à leur commerce, étaient pris de coliques de 
cuivre à chaque fonte. [ls ont renoncé à faire eux-mêmes cette opération 
et, depuis, ils n’ont plus ressenti de symptômes d'intoxication cuivrique. 

Ce n’est pas seulement chez les fondeurs de cuivre que l’on observe les 
accidents gastro-intestinaux qui précèdent; on retrouve encore ces troubles 
caractéristiques chez les individus qui sont exposés aux poussières des 
magasins de cuivre. Les négociants ne conservent guère les cuivres en 
magasin : ils font un inventaire et se débarrassent des vieilles marchan- 
dises. Or ils sont quelquefois forcés de renoncer à faire eux-mêmes leur 
inventaire parce qu'ils sont malades exactement comme les fondeurs. Un 
négociant en cuivre, dont je pourrais dire le nom, fut pris, il n’y a pas bien 
longtemps, de coliques et de diarrhée dans les conditions que je viens 
d'indiquer : dès l’apparition des accidents, il fut traité pour un empoisonne- 
ment par les poussières de cuivre. Peu à peu l’affection se modifia et se 
termina par une fièvre typhoïde. 


(1) Loco citato, p. 660, lignes 27 et suivantes. 


SÉANCE DU 9 JANVIER. 15 


Parmi les particularités qui ont attiré notre attention, je signale celle-ci : 
certains ouvriers ne peuvent pas travailler le cuivre rouge sans se trouver 
incommodés, tandis que le cuivre jaune est sans action sur eux. 

Les habitants de Villedieu, dont le nombre était de 3595 lors du dernier 
recensement, et particulièrement les ouvriers en cuivre, sont donc saturés 
de cuivre autant qu’il est possible de l’être dans les conditions normales de 
la vie. Par conséquent, si ce métal confère une immunité contre la conta- 
gion des maladies épidémiques, les cuivriers seront à l'abri de ces 
affections. 

Les faits recueillis par M. A. Ygouf, faits consignés par des personnes 
des plus honorables, instruites, qui parlent de visu, ne sont pas conformes 
à cette présomption. 

En 1849, on a observé à Villedieu neuf cas de mort par le choléra ; une 

partie comprend des ouvriérs en cuivre ou des membres de leurs familles. 
Si la même épidémie avait exercé des ravages sur une population aussi 
considérable que celle de Paris, elle aurait fait 5700 victimes. 

La moyenne des décès par an à Villedieu est de 90. 

En 1870, par suite de l'épidémie de variole, la mortalité a été de 110; en 
1871, pour la même cause, elle a atteint le chiffre de 208. 

En 1882, la fièvre typhoïde élève le nombre des morts à 118. On compte 
une centaine de typhiques parmi lesquels 20 succombent. 

Afin que la Société de biologie puisse avoir sous les yeux tous les docu- 
ments plus ou moins en contradiction avec la théorie exposée devant elle, 
je transcris ici la lettre du maire de Villedieu, M. J. Tétrel, qui est relative 

au choléra, à la variole et à la fièvre typhoïde : 


Villedieu, le 18 novembre 1883 
Monsieur, 


Il y a deux jours je répondais à votre honorable collègue, M. le docteur Burq, 
sur la question que vous daignez également m'indiquer aujourd’hui. J’ignorais 
l'article publié par le Journal des connaissances médicales, le 15 de ce mois, et 
M. le docteur Burq n’ayant fait allusion qu’au choléra et à la fièvre typhoïde, j'ai 
borné mes observations à ce qui faisait l’unique objet de sa lettre. 

Une opinion généralement répandue dans notre ville est que le travail si nom- 
breux du cuivre, s’opérant dans nos ateliers, rend les cas de choléra plus rares 
que partout ailleurs. Depuis 1852, cette épidémie n’a pas été signalée parmi nous, 
et lesobservations transmises par M. Ygouf ne se rapportent qu'à une époque an- 
térieure. Il est incontestable que plusieurs ouvriers, « continuellement en contact 
avec le cuivre, ont été en 1848-49 atteints par le choléra, mais on cite ces faits 
comme des cas tout à fait exceptionnels ». 

Quant à la variole, à la fièvre typhoïde, nul doute n’est possible. Cette année 
encore une violente épidémie de fièvre typhoïde a régné à Villedieu. Ce sont les 
quartiers occupés par les ateliers de fonderie, de chaudronnerie qui ont le plus 
souffert. Variole et fièvre typhoïde atteignent les ouvriers de l’industrie locale 
comme les autres habitants. Si les quartiers où s’exercent d’autres industries ont 


16 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


été relativement épargnés, il faut reconnaître que la population y est moins dense, 
et que les habitations sont meilleures comme conditions hygiéniques. 

En 1870, nous avons eu une épidémie de variole des plus violentes, et qui a oc- 
casionné de nombreux décès. Elle a été produite et entretenue par les variolés, 
insuffisamment guéris, qui se trouvaient forcés d’évacuer les hôpitaux de Cher- 
bourg pour recevoir les blessés qui leur étaient envoyés. J'avais alors l’honneur 
d’être à la tête de administration municipale de Villedieu, et je puis vous affirmer 
que notre hospice communal a dû déclarer à l’administration militaire trois mille 
huit cents journées de maladie de militaires de passage. Nous avions des salles 
spéciales pour les variolés. « Près de la moitié de la population s’est trouvée 
atteinte alors par l’épidémie, et les ouvriers cuivriers n’ont pas été plus indemnes 
que les autres. » 

Ces renseignements sont fort exacts. Les livres de l’état civil n’ayant jamais 
indiqué la cause d’un décès, je me suis informé, avant de vous répondre, auprès 
des membres du corps médical les plus anciens en exercice, qui ont confirmé ces 
renseignements. 

Daignez, etc. Signé : JULES TÉTREL. 


Voici un fait intéressant au point de vue de l’action microbicide du 
cuivre dans l’organisme humain. 

Un négociant, fondeur en tuivre, en contact permanent avec le cuivre, 
prend le charbon, en 1865, et meurt dans l’espace de quelques jours. Il 
est incontestable que, dans ce cas, l’action du cuivre sur le développement 
de la bactéridie charbonneuse a été absolument nulle. Ce résultat est 
conforme aux résultats expérimentaux dont j’entretenais la Société il y a 
un instant. 

Chaque année, on constate un nombre assez considérable de cas de scar- 
latine et de rougeole chez les enfants de Villedieu. 

Enfin, tous les ans, la diphthérie fait dans cette ville une ou deux victimes. 


Nota. — Voici d’autres indications concernant les ouvriers en cuivre de 
Paris. Les apprentis ciseleurs en cuivre rouge ou jaune prennent des 
crampes d'estomac et des coliques. Pour les préserver ou les guérir de ces 
accidents on leur fait boire du lait. 

Les ouvriers ciseleurs sont aussi de temps en temps affectés des mêmes 
troubles digestifs. Ils sont exposés aux paralysies de l’avant-bras (peut-être 
à des paralysies radiales?). Vers l’âge de cinquante-six ans, les ciseleurs sur 
cuivre sont finis; ils sont pour la plupart atteints de paralysie générale. 
Cette maladie attaque même les travailleurs qui n’ont pas atteint la qua- 
rantaine. Dans un atelier de quatorze ciseleurs, il y a eu l’an dernier un 
cas de fièvre typhoïde qui a été traité et guéri à l’hôpital Tenon. 

Les facultés intellectuelles du malade qui a fourni ces renseignements, 
et qui se trouve à l’Hôtel-Dieu, ne paraissent pas altérées. 


BOURLOTON.— Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


SÉANCE DU 12 JANVIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


MM. Pasteur et Wurrz remercient la Société de biologie de les avoir élus 
membres honoraires. 


MM. CHauver, Jules GuéRiN, Le Roy ne MÉRricourT, LORTET et OLLIER, 
récemment élus membres associés, accusent réception des diplômes qui 
leur ont été envoyés et remercient la Société. 


MM. Beaunis et Morez, élus membres correspondants, remercient la 
Société. 


ÉLECTION D'UN MEMBRE TITULAIRE 


Nombre des votants, 99. 


M. le docteur Gellé obtient. : à: .':. : : 94 voix. 
MNetdpcteue Minas Dee cdot 
MAeNdoc eur Dé Iérure EAP ARENENSENE 
MAle docteureBlanchar (ie eme es Eee 


M. GELLÉ, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, est élu membre 
titulaire de la Société de biologie. 


ÊPIDÉMIE DE TRICHINOSE EN ALLEMAGNE, par M. GRANCHER. 


Messieurs, sur la bienveillante invitation de M. le président, je vais vous 
entretenir le plus brièvement possible de l'épidémie de trichinose que j'ai 
récemment observée avec M. Brouardel en Allemagne. 


Je manquerais à un devoir de courtoisie, si je ne remerciais publique- 
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T, [°", N° 2. 2 


18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ment nos confrères d'Allemagne, qui nous ont facilité la tâche confiée à 
M. Brouardel par M. le ministre du commerce. 

M. le professeur Virchow s’est montré particulièrement bienveillant en 
mettant à notre service son expérience du sujet et sa haute influence scien- 
tifique. 

Quand nous arrivames au cours de la septième semaine de l'épidémie à 
Emersleben, nous trouvàmes un grand nombre de malades encore très gra- 
vement atteints. 

Ceux qui ne pouvaient quitter le lit avaient tous la même physionomie 
morbide, et cette uniformité des symptômes nous parut tout à fait expres- 
sive. Immobilisés dans le décubitus dorsal par un œdème colossal des 
membres inférieurs, de l'abdomen et quelquefois des membres supérieurs, 
le visage maigre, l’œil terne et la voix brisée, quelques-uns étaient mou- 
rants et deux succombaient en effet, pendant notre séjour à Emersleben, 
selon le modeordinaire à cette période, c’est-à-dire à une asphyxie rapide par 
congestion pulmonaire ou pneumonie ultime. D’autres moins gravement 
touchés pouvaient faire quelques mouvements et sentaient l'appétit renaître ; 
on espérait les sauver. 

L’œdème des membres et du tronc est päle, mou, gardant fortement 
l'empreinte du doigt, mais si considérable que, par placès, la peau rougit et 
se fendille, laissant échapper une sérosité limpide; enfin des eschares se 
forment aux points déclives et comprimés. La fièvre est nulle, la langue 
nette et propre et les malades ne se plaignent que de faiblesse et d’essouf- 
flement. L’auscultation des poumons laisse entendre des ràles muqueux 
dispersés aux deux bases, le cœur est sain, le pouls normal. 

Nous avons examiné le sang de deux malades et constaté une augmenta- 
tion notable des globules blancs qu’on peut estimer, à défaut d'hématimètre, 
au double ou triple du chiffre physiologique. Les globules rouges paraissent 
sains. 


Messieurs, les malades que nous avons vus à Emersleben étaient bien et 
dûment atteints de trichinose, et la question de diagnostic ne se posait pas 
pour nous; mais, à supposer que nous eussions ignoré et la nature du mal 
et les antécédents des malades, nous n’eussions pu songer qu'à une cachexie 
cardiaque ou albuminurique. 

La prédominance accentuée de l’œdème aux membres inférieurs plaidait 
en faveur d’une affection cardiaque, mais l’auscultation du cœur et des vais- 
seaux ne révélait aucun bruit pathologique, aucune lésion ; le pouls était 
normal. 

La diffusion de l’ædème aux membres et au tronc pouvait faire penser à 
une néphrite, mais l'examen des urines, au dire de nos confrères, ne déce- 
lait aucune trace d’albumine. 

Orle médecin ne se trouve jamais dans'des conditions aussi défectueuses 
que celles que nous supposons; les commémoratifs d’une part et la con- 


SÉANCE DU 12 JANVIER. 19 


fluence des malades dans un même village d'autre part, suffiraient pour 
rendre l’erreur impossible. 

Nous croyons done pouvoir conclure que, si le diagnostic d’un cas isolé 
de trichinose est quelquefois difficile, celui d’une épidémie ne saurait être 
longtemps incertain. 


Pronostic. — Le pronostic de la trichinose nous a paru dépendre, toutes 
choses égales d’ailleurs, de la quantité de viande consommée, de son degré 
de pureté et de fraicheur. 

La servante de M. Heine, qui n’a fait que goûter à la saucisse crue, n'a pas 
été gravement malade. Tous les auteurs, du reste, sont d'accord sur ce point 
que le danger croît avec le nombre de trichines ingérées. M. Brouardel a 
mis en relief tout ce qui concerne l'influence du mélange et de la conserva- 
tion prolongée de la viande trichineuse, et M. Colin a dit quelle part impor- 
tante la salaison du hachis avait à ses yeux, sur son innocuité. 

Les deux autopsies que nous avons faites pendant notre séjour à Emers- 
leben nous ont permis de constater la présence de la trichine dans presque 
tous les muscles de l’économie. Cependant le diaphragme et les intercostaux 
en contenaient plus que les muscles des bras et de la jambe, autant du 
moins qu'on peut en juger très approximativement sur une série de prépa- 
rations. 

Les trichines n’ont laissé dans l’intestin et ses parois, non plus que dans 
le péritoine, aucune trace de leur passage, et l'examen microscopique n’a 
révélé aucune altération des membranes de l'intestin. Les muscles sont 
rouges et fermes, et l’on sait qu'avant leur enkystement et surtout avant 
l’imprégnation calcaire des parois du kyste, celui-ci reste invisible; plus 
tard au contraire, et surtout au voisinage des tendons, comme l’a si bien in- 
diqué M. Virchow, on voit la surface du muscle semée d’une foule de 
points blanes un peu ovoïdes qui ne sont autres que des kystes calcifiés. 

Sur des préparations faites avec des muscles frais dont on dissocie les 
faisceaux à l'aiguille et qu’on colore au picro-carmin, on peut suivre la 
marche de la trichine depuis son arrivée dans le muscle jusqu’à son enkys- 
tement. L'action de l'acide picrique et les préparations après durcissement 
dans l’alcool fournissent les renseignements complémentaires. 

En nous aidant de ces divers moyens, nous avons constaté des altérations 
du périmysium, du myolemme et des faisceaux primitifs avant et après l’appa- 
riüon de la trichine en un point. 

Le périmysium subit une irritation diffuse, qui se traduit par une abon- 
dante multiplication de ses noyaux, prédominante autour des vaisseaux 
sanguins. 

Le myolemme de la plupart des faisceaux primitifs reste tout à fait sain, 
ainsi que la substance musculaire qu’il contient ; celui de beaucoup d’autres 
faisceaux subit la néoformation nucléaire sans modification sensible de la 
striation et des qualités physiques du muscle; ailleurs, le myolemme et sa 


20 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


fibre primitive présentent des altérations profondes qui préparent le nid 
où la trichine va se fixer, grandir et s’enkyster. 

Ainsi la trichine ne s’arrête pas dans le tissu conjonctifinter-musculaire ; 
elle pénètre à travers le myolemme ramolli et transformé en une gaine cel- 
lulaire, jusqu’à la fibre primitive dont elle fait son aliment. 

Virchow et surtout Gerlach avaient déjà vu et décrit cette pérégrination 
du nématode ; notre observation vient confirmer la leur, et contredire celle 
des auteurs qui placent le kyste dans le périmysium et décrivent les dégé- 
nérescences musculaires comme une altération de voisinage. 

Les altérations biologiques de la fibre emprisonnée se révèlent par les 
réactifs colorants. Tandis que les fibres restées saines ont gardé leur affi- 
nité pour le carmin, les faisceaux malades absorbent de préférence l'acide 
picrique, qui colore également le protoplasma des cellules. Le tout appa- 
raît dans la préparation comme un petit bloc ovoide jaunâtre sur le fond 
rose des fibres intactes. 

L’acide osmique colore en brun foncé et le nid de cellules, et la fibre al- 
térée, tandis que les parties saines du muscle prennent une teinte sépia 
claire. 

Cette double réaction micro-chimique indique l’altération profonde de la 
fibre musculaire, qui tend à descendre au rang des substances ternaires. 

La trichine apparait alors dans ce milieu préparé pour la recevoir ; d'a- 
bord mince et allongée, elle grossit et se replie légèrement sur elle-même 
à l’une de ses extrémités, puis, continuant de grandir, elle s’enroule finale- 
ment et désormais reste immobile. 

Parallèlement, la membrane extérieure du kyste se forme aux dépens de 
la couche la plus externe des cellules qui infiltrent le myolemme. D’abord 
très mince et fasciculée, elle s’épaissit et devient homogène et transparente. 
Ses lames profondes se rejoignent peu à peu aux deux pôles du nid de la 
trichine, s'unissent et ferment le kyste en ce point, achevant ainsi sa sépara- 
tion d'avec les deux extrémités supérieure et inférieure de la fibre muscu-. 
laire. 

Celle-ci tantôt reste altérée dans une grande longueur, emprisonnée dans 
une gaine de cellules et s’atrophie. Tantôt elle reprend, à quelques milli- 
mètres au-dessus et au-dessous du kyste, sa striation et ses qualités phy- 
siologiques. Le myolemme qui l’enfoure se continue directement avec la 
couche la plus profonde de la membrane kystique. 

Il est intéressant de constater que dans Le voisinage immédiat d’un kyste, 
les faisceaux musculaires dont la trichine n’a pas besoin restent intacts ; ils 
subissent un refoulement mécanique et se déforment par compression, mais 
ils gardent leurs stries, sans, traces de dégénérescence cireuse ou granu- 
leuse. | | 

Il reste à expliquer, Messieurs, comment ces lésions cadrent avec les 
symptômes de la trichinose. La première période diarrhéique ou cholé- 
riforme s'explique aisément par le séjour des trichines dans l'intestin, leur 


SÉANCE DE 412 JANVIER, 21 


fécondation et leur ponte; mais après sept ou huit jours les trichines mères 
sont éliminées avec les excréments, pendant que les jeunes commencent à 
cheminer à travers les tissus. 

La phase dite musculaire qui commence à ce moment s'explique tout aussi 
bien, car les crampes, les fourmillements, les raideurs tétaniques, etc., 
sont des symptômes directs de l’irritation musculaire. 

L'état typhique dans lequel les malades tombent assez promptement au 
cours du septième septénaire et dans lequel ils succombent quelquefois, 
est moins facile à comprendre. Il en est de même de l’état cachectique 
qui le suit. 

Si les reins et le foie du premier cadavre étaient gras et scléreux, ainsi 
que l’examen histologique est venu le confirmer, ceux du second étaient 
sains. D'autre part, l’état du cœur et des vaisseaux ne saurait expliquer 
l’ædème colossal des membres inférieurs. Nous en sommes réduits à invo- 
quer, sans pouvoir dire en quoi elle consiste, une cachexie humorale qui 
révélerait directement des désordres que provoquent les trichines dans le 
tissu musculaire. 


NOTE SUR UN APPAREIL MÉDICAL POUR L'ANESTHÉSIE PAR LES MÉLANGES D'AIR 
ET DE CHLOROFORME, par le docteur R. DuBors. 


Ayant été chargé par M. Le professeur Paul Bert des premiers essais sur 
l’homme de la méthode anesthésique par les mélanges titrés d'air et de 
chloroforme, j'ai pu constater, le premier, les inconvénients que présente 
dans la pratique l'emploi des gazomètres télescopiques disposés d’après les 
indications de M. le docteur de Saint-Martin. Les modifications importantes 
apportées par M. le docteur de Saint-Martin à l’appareil primitif de Dulong 
constituent, ainsi que nous l’avons indiqué à diverses reprises, un progrès 
très réel, incontestable, mais à notre sens encore fort insuffisant. 

Les reproches que nous lui adressons sont les suivants : 

1° Il ne faut pas moins de deux personnes très attentives et déjà habi- 
tuées à cet appareil pour en assurer le bon fonctionnement. 

2° Son grand développement et la forme cylindrique des gazomètres 
nécessite un espace trop considérable par rapport à l'étendue ordinaire des 
salles d'opération. 

3° IT est impossible de lui faire subir le moindre déplacement sans être 
forcé de le démonter en partie. 

4 Les organes en saillie, tubes, robinets, contrepoids, récipients à 
chloroforme, peuvent être brisés ou déplacés par les assistants ou les aides 
et constituent un danger permanent. 


#0) SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


9° La circulation de l'air est assurée par le jeu de cinq robinets éloignés 
les uns des autres, ce qui nécessite une surveillance de tous les instants. 

6° Le récipient à chloroforme construit en verre mince, à ouverture trop 
faible, est d’une fragilité très grande et susceptible de se coucher facilement ; 
sa construction est coûteuse et son nettoyage difficile. 

1° La présence de quatre contrepoids à pièces multiples, d'autant de 
poulies et de montants, nécessite la‘ présence d’une personne qui se déplace 
à chaque instant et constitue un exercice véritablement pénible au bout d’un 
certain temps. 

8° La masse d’eau employée (18 à 29 litres par cylindre) pour faire plon- 
ger les gazomètres, bien que très réduite, est encore trop considérable ; en 
outre, ces gazomètres sont flottants et l’adhérence des parois des cylindres 
rend souvent leur ascension ou leur descente difficile. 

9% L'appareil n'étant protégé par aucune enveloppe résistante, le transport 
en est difficile, dangereux et coûteux. 


Le gazomètre médical dont nous présentons le plan, offre l'avantage de 
faire disparaître à peu près complètement tous les inconvénients contre 
lesquels nous avons eu à lutter jusqu’à présent. 

Il se compose de deux gazomètres télescopiques de forme parallépipé- 

dique d’une capacité de 100 litres chacun, contenus dans une caisse de 
bois susceptible de fermer au moyen d’un couvercle. La hauteur de l’appa- 
reil fermé ne dépasse pas 60 centimètres, il a la même étendue en profon- 
deur : sa longueur est d'environ À mètre. 

L'appareil développé mesure environ 1", 20 à 1",30 de hauteur. 

Il n'existe aucun organe en saillie sur les côtés de la caisse. 

Une seule personne suffit pour le faire fonctionner. 

Le nombre des robinets est réduit à deux, et de plus, ils sont mis simul- 
tanément en mouvement par une seule poignée placée au milieu de Pappa- 
reil. 

Le récipient à chloroforme est situé au sommet des gazomètres, et réduit 
à une simple éprouvette graduée, recouverte d’une petite cloche mobile 
munie d’un tube plongeur. 

Un seul contrepoids qu’il suffit de placer alternativement sur un cylindre 
et sur l’autre, deux poulies, un seul montant mobile portant une règle gra- 
duée, constituent autant de simplifications très importantes. 

La quantité d’eau peut être très réduite ainsi que le frottement grâce à 
la forme parallépipédique des gazomètres, dont deux arêtes seulement 
sont guidées par deux glissières placées aux extrémités de la diagonale du 
plan de section horizontale. 

Les gazomètres construits en tôle plombée sont moins coûteux et plus so- 
lides que ceux de zinc. 

La grande simplicité des organes, le peu de volume et la mobilité de ce 
nouvel appareil, en font un instrument suffisant pour la pratique médicale 


SÉANCE DU 12 JANVIER. 93 


et bien supérieur sous ce rapport à tous ceux qui ont été jusqu'à présent 
employés. 

M. l'ingénieur Tatin, qui poursuit en ce moment la recherche d’un appa- 
reil à titrage sans gazomètre, d’après nos indications, a bien voulu nous 
aider de ses conseils et de ses connaissances spéciales pour la construction 
de cet appareil médical; c’est lui qui nous a communiqué le plan-eroquis 
que nous joignons à cette Note sommaire. 


SUR LA CONTRACTURE DANS LA CATALEPSIE HYPNOTIQUE. 
Note de M. BRÉMAGD. 


Le docteur Brémaud, en étudiant les différents états hypnotiques provo- 
qués chez des sujets sains, à signalé précédemment la concordance et la 
similitude de certains de ces états avec les états analogues développés chez 
les hystéro-épileptiques. Il semble cependant que cette similitude cesse 
dans l’état cataleptique. Ainsi MM. Charcot et Richer disent formellement 
que la contracture ne se manifeste point chez leurs malades placées dans 
l’état de catalepsie. Sur les nombreux sujets, chez lesquels j'ai pu étudier 
ces phénomènes hypnotiques, la catalepsie ne m’a point semblé un obstacle 
à la production des contractures. Ainsi sur un sujet mis en catalepsie par 
la fixation prolongée d’un point brillant et sur lequel on constate une dila- 
tation exagérée des pupilles, le ralentissement de la respiration, la légèreté 
particulière des membres et leur tendance à garder indéfiniment la situation 
dans laquelle on les place, il suffit d’un choc léger pour contracturer 
immédiatement les masses musculaires ainsi frappées, le reste du corps 
conservant sa souplesse et la propriété de garder la position où on le met. 

Dans les mêmes conditions de catalepsie, un choc brusque, agissant à la 
partie supérieure de la colonne vertébrale et ébranlant tout le corps, déter- 
mine une contracture générale rendant le corps rigide et susceptible d’être 
déplacé en masse et tout d’une pièce. 

Enfin un courant d’air dirigé sur telle partie du corps détermine une 


contraction locale, un courant d’air dirigé sur la nuque détermine une con- 
tracture générale. 


M. P. Berr. {Cet état de contracture cataleptique s’obtient-il instan- 


tanément et peut-on la produire en agissant à grande distance du sujet en 
expérience ? 


M. Brémaun. Les sujets entrainés par de nombreuses expériences 
peuvent acquérir une impressionnabilité telle, que le choc de l'air déplacé 


9% SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par un éventail agité derrière eux, à quelques mètres de distance, peut 
suffire pour déterminer une contracture générale. Des magnétiseurs, 
connaissant cette particularité, s’en sont souvent servis dans des spectacles 
publics, où des phénomènes d’une réalité incontestable peuvent se trouver 
entourés de fraudes formant un mélange difficile à analyser. 


BOURLOTON.— Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


SÉANCE DU 19 JANVIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


M. Sécuin (de New-York) est élu membre correspondant de la Société 
de biologie. 


M. le docteur G. BURDET fait hommage à la Société de son Traité élémen- 
taire et pratique d'électricité médicale. 


A MONSIEUR LE SECRÉTAIRE ET A MESSIEURS LES MEMBRES 
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Monsieur le Secrétaire, 


J'ai pris connaissance, dans le Progrès médical, de la Note lue à la 
Société de biologie par M. le docteur Dubois, dans la séance du samedi 
29 décembre dernier. | 

Involontairement, mon excellent confrère commet une erreur manifeste 
en attribuant à M. Bert le procédé d’anesthésie employé avec succès dans 
le service de M. Péan. 

En effet, c’est avec l'appareil même que j'ai imaginé, c’est en suivant à 
la lettre, sans y rien changer, les indications que j'ai données dans le 
Bulletin de thérapeutique du 30 octobre 1882, pour la préparation de l’air 
rigoureusement titré en chloroforme, qu'ont été observés les résultats 
remarquables dont on a entretenu la Société de biologie, et jusqu’à présent 
M. Paul Bert n’a pas encore trouvé, que je sache, un procédé de préparation 
pouvant remplacer le mien. 

Si l’idée de la méthode, je me hàte de Le proclamer, revient au Président 
perpétuel de l1 Société, la solulion pratique me revient, et j'ai le droit de 
le dire, sans mes recherches ce qu’on appelle la méthode de M. Paul Bert 
en serait encore à l’état de conception théorique. 

Je regrette d’être obligé de faire cette rectification , mais la part légitime 
qui me revient dans cette application nouvelle me parait trop diminuée 


par mon éminent collaborateur. 
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 3. b 


26 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


Je vous prie de donner lecture de cette lettre à la Société et de vouloir 
bien la faire insérer au procès-verbal. 

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l’assurance de ma respectueuse 
considération. 


D' DE SAINT-MARTIN. 
Ris-Orangis, 17 janvier 188%. 


RÉPONSE DE M. PAUL BERT A LA LETTRE PRÉCÉDENTE. 


Je prie la Société, de vouloir bien autoriser l’insertion de la lettre dont 
elle vient d'entendre la lecture. La réponse, elle le sait bien, ne m'embar- 
rassera pas, et il serait presque inutile d’en faire une devant elle. 

La Société sait, en effet, que je m'occupe depuis bien longtemps des ques: 
tions d’anesthésie, et comment j'ai été amené à démontrer que l’action des 
anesthésiques dépend non de la quantité qu'on en emploie, mais de la 
tension de leurs vapeurs dans l'air inspiré. 

Or mes expériences, entreprises avec les appareils grossiers qu'on a 
d'ordinaire pour les recherches de laboratoire, étaient déjà fort avancées 
et avaient fait l’objet de ma Note du 14 novembre 1881 à l’Académie des 
sciences, lorsque j'ai appris par M. le docteur Paul Regnard que M. le 
docteur de Saint-Martin avait construit un appareil fort commode et plus 
présentable que ceux dont nous nous servions. Notre confrère le mettant à 
ma disposition, je le fis acheter pour le laboratoire, où il a servi non seule- 
ment à mes expériences, mais à celles d’autres personnes. 

La description qu’en avait déjà donnée M. de Saint-Martin dans le Bul: 
letin de thérapeutique commence par ces mots caractéristiques : € J'ai fait 
» récemment construire quelques gazomètres propres à obtenir l’anesthésie 
» chirurgicale, au moyen d'un air rigoureusement titré en chloroforme selon 
» les indications données par M. P. Bert le 14 novembre 1881. » 

L'appareil consiste tout simplement en deux gazomètres, dont l’un se rem- 
plit pendant que l’animal ou l’homme en expérience épuise l’autre. Ce 
n’est pas, comme on le voit, un dispositif bien difficile à inventer ! II est 
vrai que ces gazomètres sont d’une forme spéciale et que notre confrère 
croit, à grand tort me dit-on, nouvelle et imaginée par lui. Mais cette com- 
plication elle-même est inutile, et de simples gazomètres ordinaires à cuve 
avec flotteurs sont suffisants. 

Quoi qu'il en soit, trouvant cet appareil tout construit, je fus très heureux 
de m'en servir, au lieu de perdre mon temps avec les fabricants. Aussi 
W’ai-je pas manqué une occasion, ici et ailleurs, de dire que je l’utilisais et 
de rendre justice à son inventeur. 

Le 25 juin 1883, en présentant une nouvelle Note à l’Institut, je disais : 
« Mes expériences ont été faites à l’aide de l'appareil, décrit par M. le docteur 
» de Saint-Martin dans la séance du 18 décembre 1882. Cet appareil composé 
» de deux gazomètres qui agissent alternativement, est des plus commodes à 


SÉANCE DU 19 JANVIER. 97 


» employer, et il est appelé à rendre les plus grands services dans toutes les 
» questions relatives à la respiration. » 

Le 14 janvier dernier, j’ai reproduit à peu près les mêmes paroles : 
« L'appareil imaginé et construit par M. le docteur de Saint-Martin, que 
» j'ai mis en usage dans ces essais comme dans mes dernières expériences 
» sur les animaux, est simple, peu encombrant, assez commode à manier et 
» d’un prix modéré. Il consiste en deux gazomètres cylindriques à réservoir 
» annulaire de 150 litres chacun, dont, par le jeu de contre poids, l’un se 
» remplit pendant que le malade épuise l’autre. L’air, en entrant dans le 
» gazomètre, traverse un petit flacon contenant la dose voulue de chloroforme 
» et la réduit en vapeurs. » 

J'ai done fait tout ce qui m'était commandé par la justice et la délicatesse 
en donnant à M. de Saint-Martin la part de mérite qui lui revient, celle d’un 
constructeur ingénieux, dont l’instrument m’a rendu de réels services. J’ai 
même été au delà, en m’abstenant d'apporter à cet appareil les modifica- 
tions, les améliorations dont l’usage nous avait montré l'utilité, en refusant 
même d'essayer des appareils basés sur des principes tout différents, que 
m'avaient proposés d’habiles constructeurs. Je trouvais juste que le nom de 
M. de Saint-Martin füt associé dans la mesure indiquée plus haut, aux pre 
miers succès de la méthode. La Société comprendra que je me sens aujour- 
d’hui absolument dégagé, et je lui présenterai avant peu des appareils bien 
autrement originaux, et en même temps moins volumineux et plus faciles à 
manier. 

Elle jugera maintenant si M. Dubois a, comme le déclare M. de Saint- 
Martin, « commis une erreur manifeste en attribuant à M. Bert le procédé 
» d’anesthésie employé avec succès dans leservice de M. Péan ». 

Et quant à prétendre, toujours avec M. de Saint-Martin, que « sans ses 
» recherches, ce qu’on appelle la méthode de M. P. Bert en serait encore à 
» l’état de conception théorique», c’est vraiment un comble. Autant dire que 
Je n'aurais pas été capable de faire venir le ferblantier du laboratoire et de 
lui commander des gazomètres, ou que les amis qui m’entourent et qui 
m'aident n'auraient pas eu la charité de me donner cet ingénieux conseil. 


ACTION PARALYSANTE DE L'ATROPINE SUR LA FONCTION MODÉRATRICE DU CŒUR. 


APPLICATION A L'ÉTUDE DU POULS LENT PERMANENT, par M. FRANÇoIs- 
FRANCK. 


L'influence bien connue de l’atropine sur la fonction modératrice que les 
preumogastriques exercent sur le cœur a été attribuée à la perte d'activité 
des appareils ganglionnaires modérateurs intra-cardiaques : on a pensé que 
si le bout périphérique du pneumogastrique cessait de produire l'arrêt du 
cœur sous l'influence d’une atropinisation suffisante, c’est que les organes 
terminaux du nerf avaient été atteints par le poison paralysant et cessaient 


28 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


dès lors de réagir par une incitation modératrice, bien que la conductibilité 
du nerf demeurât intacte. De la même façon a été interprétée l’expérience 
de Stannius, la ligature du sinus veineux qui cesse de produire l’arrêt car- 
diaque, si le cœur a été soumis à l’action de l’atropine. 

Cependant cette théorie nerveuse, bien que généralement acceptée, n'a 
pas paru satisfaisante à quelques physiologistes : récemment, par exemple, 
M. Gaskell, au cours de son travail sur l’innervation du cœur de la tortue 
(Journal of Physiol., Cambridge, 1883, p. 114), invoquait un tout autre 
mécanisme pour expliquer les effets indiqués plus haut : c’est à une exagé- 
ration de l’activité rythmique du muscle cardiaque sous l'influence de 
l’atropine que serait due la résistance apportée par le cœur aux influences 
qui tendent à en suspendre le fonctionnement rythmique (excitation du 
pneumogastrique, ligature de Stannius). 

Que l’on admette l’action ganglionnaire ou musculaire de l’atropine, les 
résultats de expérience suivante restent inexplicables : 

Alors que les fortes excitations induites du bout périphérique du pneumo- 
gastrique sont devenues absolument inefficaces sur un chien atropinisé, les 
excitations mécaniques, produites à la face interne du cœur, avec un valvu- 
jotome, continuent à déterminer, si elles sont assez intenses, des temps 
d'arrêt, tout aussi prompts à se produire et tout aussi durables qu'avant 
l’atropinisation. 

S'il s'agissait, comme on le pense, d’une paralysie des appareils ganglion- 
naires modérateurs intra-cardiaques ou d’une suractivité fonctionnelle du 
muscle compensant les influences fmodératrices, pas plus dans un cas que 
dans l’autre, la conservation des effets inhibitoires des excitations trauma- 
tiques intra-cardiaques ne devrait être observée. 

Il faut donc admettre que le poison cardiaque agit autrement qu’on ne 
le croit pour produire ses effets paralysants sur la fonction modératrice. 

Dans notre expérience le cœur se comporte exactement comme si les 
pneumogastriques avaient été coupés ; il réagit aux irritations intérieures de 
la même façon : cette remarque conduit à supposer que l’atropine, respec- 
tant les appareils ganglionnaires intra-cardiaques, supprime seulement 
la relation fonctionnelle entre les nerfs extrinsèques modérateurs et ces 
organes terminaux ; elle agit à la façon d’une double section des pneumo- 
gastriques ; elle opère la section physiologique de ces nerfs et son influence 
pourrait être comparée à celle du curare sur les nerfs moteurs ordi- 
naires. ie 

D'autant mieux que, comme on le sait, le curare, à dose suffisante, pro- 
duit sur la fonction modératrice des nerfs vagues les mêmes effets sus- 
pensifs que l’atropine à petites doses : cette dernière substance agirait donc 
comme un curare des nerfs cardiaques modérateurs. 

S'il en est ainsi, et que les organes ganglionnaires modérateurs soient 
respectés par le poison qui supprime seulement l’activité des nerfs afférents, 
il est possible d'utiliser à quelques points de vue pratiques l’action particu- 


SÉANCE DU 19 JANVIER. 29 


lière de l’atropine : par exemple, quand, dans un cas de pouls lent perma- 
nent, il s’agit de déterminer la provenance cardiaque ou centrale (bulbaire 
directe ou réflexe) du ralentissement anormal du cœur. La théorie indique 
que, si les appareils nerveux bulbaires sont le point de départ du ralentis- 
sement, une atropinisation suffisante, séparant fonctionnellement le cœur des 
centres nerveux modérateurs, permettra au rythme cardiaque de reprendre 
sa fréquence ou tout au moins de manifester une tendance à l'accélération. 

Comme, en pratique, on ne saurait sans danger pousser l’atropinisation à 
un degré suffisant pour produire la paralysie absolue des terminaisons 
du pneumogastriqne, c’est évidemment l’atténuation seule du ralentissement 
et non la restitution complète du rythme normal que l’on devra rechercher. 
Dans les tentatives déjà faites sur l’homme avec les préparations bellado- 
nées, on s’est seulement préoccupé de provoquer l'accélération du cœur, 
sans chercher à tirer parti, au point de vue de la provenance du ralentisse- 
ment, des particularités que je viens de signaler. Il me paraît logique 
d'attendre de l'emploi raisonné de l’atropine quelques éclaircissements à 
cet égard, et j’aieu moi-même l’occasion d'utiliser récemment ces notions 
dans un cas de vrai pouls lent permanent (1) : la provenance centrale de 
cette modification du rythme a pu ainsi être admise, sans que le résultat 
négatif de l’atropinisation puisse du reste fixer sur la nature réflexe ou 
directe du ralentissement anormal du cœur. 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. FRANGOIS-FRANCK SUR LE MÉCANISME 
PHYSIOLOGIQUE DE L'ACTION DE L'ATROPINE. Note de M. LABORDE. 


Je suis d'autant plus porté à appuyer la conclusion de M. Franck relati- 
vement au mode d’action de l’atropine sur le fonctionnement du cœur par 
l'intermédiaire du vago-sympathique, et particulièrement du système mo- 
dérateur, que j'ai moi-même implicitement admis et démontré depuis 
longtemps l’action de l’atropine sur la conductibilité motrice des vagues, 
assimilable à l’action du curare, dans les conditions expérimentales sui- 
vantes : 

4 Étant donnée une substance, l’aconitine, dont l’influence sur le 
fonctionnement cardiaque se traduit par des modifications constantes et 
toujours identiques, fixées neltement par les tracés cardiographiques, et qui 
sont de leur nature de celles qui appartiennent à l’action centrifuge des 
vagues, si l’on administre préalablement le curare, les effets pour ainsi dire 
spécifiques de l’aconitine sur le cœur ne se produisent plus. 

Il en est exactement de même lorsque, au lieu de curare, on administre 


(1) J'appelle vrai pouls lent permanent celui qui résulte de la succession 
ralentie des systoles ventriculaires et non de la production d’une systole 
avortée sur deux, comme cela paraît être le cas dans les faits actuellement 
publiés par M. Tripier dans la Revue de médecine. 


30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


préalablement de l’atropine. Dans l’un comme dans l’autre cas, la fonction 
des vagues a été complètement annihilée et de la même façon, de telle sorte 
que l'intermédiaire entre l’influence centrale bulbaire et le cœur se trouvant 
ainsi éliminée, les modifications produites sur le centre fonctionnel par le 
toxique (ici l’aconitine) ne peuvent plus se faire sentir, n’ayant plus d’émis- 
saire, sur le fonctionnement cardiaque. 

L'identité du résultat implique évidemment, en ce cas, l’identité du 
mode d'action. 

J'ajoute — ce qui n’est pas indifférent à la démonstration — que les tracés 
cardiographiques du curare et de l’atropine offrent, chez la grenouille, un 
type qui les rapproche singulièrement. 


2° Une autre preuve, également expérimentale, de l’action prédominante 
de l’atropine sur la motricité des vagues, à la façon du curare, pendant que 
l’appareil nerveux intra-cardiaque conserve, relativement au moins, ses 
propriétés et son Jeu fonctionnel, est la suivante : 

Un animal, même mammifère, un chien ayant reçu une dose massive 
d’atropine, jusqu’à 6, 8, et même 10 centigrammes (doses parfaitement 
tolérées surtout quand la morphine, également à dose élevée, est simulta- 
nément administrée), et les vagues étant alors dans un état d’inexcitabilité 
absolue, notamment dans leurs bouts périphériques (après section àla région 
cervicale), le cœur continue à fonctionner avec un rythme parfait, étranger 
et comme indifférent à toute excitation soit centrale, soit périphérique. 

Or il est difficile d’imaginer la possibilité et la réalité d’un fonctionne- 
ment aussi normal, aussi peu troublé, sans la conservation à peu près inté- 
grale des propriétés fonctionnelles du système nerveux intra cardiaque, 
lequel jouit, d’ailleurs, d'autant mieux de sa fonction autonome et ryth- 
mique, qu'il est affranchi de toute influence extrinsèque par le fait de 
Pinexcitabilité complète des intermédiaires ou vago-sympathiques. Il est, en 
conséquence, bien difficile d’admettre en pareil cas, en la justifiant, l'opinion 
des auteurs qui veulent que l’action de l’atropine s’exerce sur les ganglions 
intra-cardiaques, lesquels auraient perdu leur réceptivité à l'influence 
modératrice ou accélératrice des vago-sympathiques. 

Une autre preuve, du reste, que ces appareils ganglionnaires, pas plus 
que la contractilité de la fibre musculaire cardiaque n’ont été sensiblement 
touchés par latropine physiologiquement absorbée et véhiculisée par le 
sang en circulation, c’est que, si l’on applique directement la substance 
sur l’organe, de façon à l’en imprégner peu à peu, on ne tarde pas à pro- 
duire son arrêt, après une série de modifications fonctionnelles, qui témoi- 
gnent d’une action directe de la substance chimique sur ses éléments orga- 
niques. 

On est donc forcément amené à la conclusion que les nouvelles données 
de M. Franck viennent corroborer encore, à savoir qu’une des modalités 
de l’action physiologique de l’atropine s'exprime par les modifications et la 


SÉANCE DU 19 JANVIER. 31 


perte de l’excitabilité motrice des vagues, et que sous ce rapport, tout au 
moins, l’action de l’atropine est assimilable à celle du curare. 


J'essayerai de montrer prochainement que ce mode d'action fournit une 
explication très satisfaisante de ce qui a été récemment observé, notamment 
par MM. Dastre et Morat, et par M. Paul Bert, relativement à la résistance 
à l’action toxique du chloroforme, lorsqu'on a préalablement administré 
soit l’atropine seule, soit simultanément la morphine et l’atropine. 


EXPÉRIENCES SUR LES SENSATIONS DE CONTRACTION MUSCULAIRE 
par M. A. M. BLocx. 


Les expériences que je vais avoir l’honneur de soumettre à la Société de 
biologie, sont relatives aux sensations de contractions musculaires. 

La dénomination de sens musculaire, généralement employée pour dési- 
gner ces phénomènes sensoriels, me semble défectueuse. En effet, non seule- 
ment il n'existe pas d'appareil spécial justifiant l’expression de sens, mais 
encore nous sommes très peu avertis, par nos sensations, des muscles que 
nous faisons agir. Si je fléchis les doigts, par exemple, les sensations que 
j'éprouve sont localisées à la paume de la main et non à l’avant-bras. Nous 
ignorons si les muscles viennent en aide à ceux que nous voulons contracter 
pour assurer un mouvement et, par exemple, lorsque nous étendons la jambe 
sur la cuisse, nous ne nous rendons pas compte de la contraction auxiliaire 
des gastro-cnémiens. 

Voici des graphiques représentant quelques exemples de ces contractions 
musculaires synergiques. On y voit un retard du début de l’auxiliaire sur le 
début de la contraction principale : soit, dans l'exemple choisi, un retard 
des jumeaux sur le triceps crural. Je me propose de revenir sur ces phéno- 
mènes, dans une communication ultérieure. 

Je divise mon travail en deux parties : la première, comprenant la re- 
cherche des mouvements musculaires, dans les mouvements actifs; la 
seconde, établie sur l'étude des sensations qui résultent de la résistance 
musculaire à des charges variables. 

I. Voici le dispositif que j'ai employé : 

Je me place devant un paravent à deux feuilles, plié à 90 degrés environ 
et couvert de papier divisé en carrés de 5 centimètres de côté. 

Je cherche à poser les deux mains symétriquement sur les papiers qua- 
drillés et je marque au fusain les points qui me semblent correspondants. 

Reportant tous ces points sur une feuille quadrillée aux deux cinquièmes 
de la réalité, j’observe des écarts variés, qui sont de 1 à 2 centimètres dans 
les régions voisines du corps et situées à la hauteur du visage et de la poi- 
trine. Les erreurs sont de 5 à 7 centimètres dans les zones éloignées du 
corps, nécessitant, par conséquent, une extension plus ou moins grande des 
membres supérieurs. 


23 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Cela posé, je recommence l’expérience en me faisant soutenir le bras par 
un aide, tandis que, en même temps, je place librement mon autre bras 
dans une situation qui me paraisse symétrique avec celle du membre passif. 

Les tracés sont semblables aux premiers. J'en conclus que la sensation 
musculaire est de peu d’effet dans la conscience des mouvements que nos 
membres exécutent et que les modifications des articulations, de la peau, ete., 
suffisent à nous indiquer la position d’une partie du corps, sans que la 
contraction musculaire nous aide dans la connaissance de cette notion. 

Je présente à la Société deux graphiques, montrant l’un, comment en pas- 
sant un poignet dans une anse de caoutchouc, on a encore la même symétrie, 
malgré les efforts que les muscles du bras suspendu sont forcés de faire. 

L'autre tracé établit une variété de phénomènes, à savoir que la simul- 
tanéité des deux mouvements est une des conditions de leur symétrie et 
que, lorsqu'ils sont exécutés successivement, les écarts sont considérables. 

Je complète cette première partie en exposant des expériences faites au 
moyen d’un volume dont il s’agit de prendre, entre le pouce et l’index de 
chaque main, un certain nombre égal de pages. 

Les erreurs commises n’augmentent pas sensiblement, lorsque les doigts 
d’une main sont tirés en sens inverse par deux bandes de caoutchouc. 

Ici encore la sensation musculaire joue un rôle absolument effacé. 

II. Les sensations de résistance sont étudiées, soit en. suspendant aux 
deux index des charges variées, jusqu’à ce qu’on sente la différence de 
poids, soit en augmentant un poids suspendu à un doigt, jusqu’à ce qu'on 
sente cet accroissement. 

L'effet sensoriel est dû à deux facteurs : la pression à la peau et la con- 
traction de résistance du doigt. 

Cet effet se manifeste par une constante proportionnelle que estime à 
un huitième du poids total. C'est-à-dire que l’augmentation de la charge 
devient sensible au doigt, lorsqu'elle atteint un huitième du poids primitif. 

Il s’agit d'étudier séparément chacun des éléments physiologiques qui 
constituent ce degré de sensibilité. 

Pour éliminer la contraction musculaire, je place le doigt sur un anneau 
rigide et fixe. Le poids suspendu n’agit plus que sur la sensation de pression 
cutanée. 

La constante proportionnelle devient alors un tiers ou un quart du poids 
total. 

Pour n’avoir plus à estimer que la contraction musculaire seule, je serre 
le doigt dans les tours d’un fil de caoutchouc qui annihile la faible pression 
des charges graduelles. J’emploie ensuite un autre procédé. 

Tenant un poids d’une main, je suspends à l’autre bras un poids égal au 
premier et je cherche à évaluer à quel point du second bras il faut glisser 
la charge pour que la différence sensoriale se manifeste. Le second bras 
devient ainsi un levier à longueur variable et la charge est proportionnelle 
de ce côté à la longueur du levier. 


SÉANCE DU 19 JANVIER. 35 


Dans ce cas, comme dans celui du fil de caoutchouc, je trouve d’un tiers 
à un quart du poids total comme constante proportionnelle. 

Je crois pouvoir conclure ainsi : 

Dans les mouvements actifs, les sensations musculaires sont tellement 
voilées par les autres sensations de déplacement, que la notion musculaire 
nous échappe. 

Dans les contractions de résistance à une charge suspendue, les diffé- 
rences de poids perceptibles se présentent comme constante proportionnelle 
équivalant à un quart du poids tolal, fraction sensiblement égale à celle que 
la pression cutanée manifeste. 

Dans Pacte ordinaire qui consiste à soulever des poids variables, les deux 
modes de sensations cutanées et musculaires s'ajoutent ; la constante pro- 
portionnelle n’est plus alors qu'un huitième du poids soulevé. 


CONTRIBUTION A LA PRÉSERVATION CUPRIQUE DANS LES MALADIES 
INFECTIEUSES ; ENQUÊTE DE ViLLenteu, par le docteur V. Buro. 


Dans l’avant-dernière séance de la Société de biologie, M. Bochefontaine 
a reproduit les arguments, que M. le professeur Vulpian avait déjà exposés 
en son nom à l'Académie de médecine et à l’Académie des sciences, contre 
la préservation cuprique dans les maladies infectieusse. 2 

Sur les expériences de laboratoire de notre savant confrère, nous n'avons 
personnellement rien à répondre, n’en ayant, de notre côté, fait aucune, et 
nous laisserons à qui de droit le soin de les réfuter, comme l’a déjà si bien 
fait le docteur Miquel dans la Note lue en son nom à l’Académie de méde- 
cine par M. le professeur Bouley. Mais, sur les faits contradictoires que 
M. Bochefontaine a signalés pour Villedieu, nous sommes aujourd'hui en 
mesure de lui donner la réplique, grâce à de minutieuses recherches qui 
viennent d’être faites dans cette localité par l’autorité et à un rapport de 
M. Boscher, pharmacien inspecteur et membre du Conseil d'hygiène de 
l'arrondissement d’Avranches. 

D’après notre honorable contradicteur, il ressortirait des faits observés à 
Villedieu ce qui suit : 

A. Que les habitants y font un usage tout spécial d’ustensiles en cuivre 
de loute sorte et que dans toutes les rues de Villedieu on sent le cuivre à 
plein nez, d’où «une saturation cuprique, au plus haut degré, générale » ; 

B. Que la colique de cuivre y est fréquemment observée parmi les ouvriers 
chaudronniers ; 


C. Que le choléra a régné à Villedieu en 1848-49, et que « neuf cas de 
mort furent observés, en partie chez des ouvriers en cuivre ou dans leurs 
familles » ; | 

D. Qu'en 1870, il y eut à Villedieu une épidémie sévère de variole qu 
sévitsurles ouvriers tout autant que sur les autres habitants,si ce n’estplus ; 


34 SOCIÈTE DE BIOLOGIE. 


E. Qu’en 1882, la fièvre typhoïde y fit encore de nombreuses victimes, et 
que les quartiers qui furent le plus atteints étaient précisément ceux occupés 
par l’industrie locale ; 

F. Qu’enfin Cun chaudronnier aussi imprégné de cuivre qu’il est possible, 
est mort du charbon en 1865, et, par conséquent, que la bactérie charbon- 
neuse n’est pas non plus arrêtée par le cuivre ». 

Sur tous ces points voici notre réponse : 

A’. QILest inexact, nous écrivait M. Tétrel, maire de Villedieu, à la date 
du 20 décembre, que dans la plupart des rues de Villedieu on sente mani- 
festement le cuivre, comme l’indiquent les Comptes rendus de l’Académie 
des sciences ; deux rues seulement peuvent donner lieu à cette observation, 
la rue Haute et la rue Basse, c’est-à-dire celles où s'opère le travail du 
EULVRE=Ee 

» Il est faux, complètement faux (sic) que le plus grand nombre des 
habitants fasse un usage spécial d’ustensiles en cuivre. Fourchettes, cuillers 
et plats en cuivre sont inconnus ici et n’existent que dans l’imagination 
d’un correspondant insuffisamment renseigné. Autrefois on se servait de 
marmites en métal de cloches; depuis de longues années pas une seule n’a 
été fondue dans nos ateliers, et fort rares sont celles qui ont survécu à un 
usage quotidien. » 

«B'. Autrefois, dit M. Boscher dans son rapport, parmi les fondeurs surtout, 
alors très nombreux, régnaient des coliques plus ou moins fortes, qu'on 
expliquait par les vapeurs de mauvais cuivres, provenant d’ustensiles brisés 
qui avaient élé étamés dans le temps avec des étains mélangés de plomb... 
Mais aujourd’hui que Villedieu tire de Paris le cuivre rouge et jaune tout 
laminé, nos ouvriers chaudronniers n’ont jamais de coliques. Ils accusent 
seulement des nausées... » 

C’. Le 15 octobre 1852, nous recevions de M. Lepelletier, témoin oculaire 
des faits qui avaient pu se passer en 1832 et 1849 parmi ses administrés, la 
déclaration suivante : 

€ 390 individus, au moins, travaillent le cuivre. Pas un seul n'a été 
atteint du choléra ni en 1832, ni en 1849. 

» On a attribué à ce fléau la mort de deux ou trois personnes en 1849, 
Mais je ne considère pas le fait comme indubitable. Je crois plus vrai de 
dire que notre ville n’a point été frappée par le choléra. » (LEPÉLLETIER, 
maire de Villedieu.) 

Voici maintenant une déclaration non moins topique de M. Tétrel : 

« L’assertion de neuf cas de mort par le choléra est légèrement produite. 
Le nombre des décès a été, en 1848 de 98, en 1850 de 99, en 1851 de 
96 et en 1849 de 8T seulement. Vous voyez que la mortalité a été moins 
grande cette année-là. Dix ouvriers chaudronniers sont décédés en 1849 
et, parmi eux, un seul, le sieur Châtel, fondeur (en cuivre jaune) est indu- 
bitablement mort du choléra. On pense que le sieur Lepetit, parcheminier, 


SÉANCE DU 19 JANVIER. 35 


et les dames Bénard, coquetière, Lepelletier, journalière, et Cornudet, sans 
profession (cinq personnes en tout, dont quatre sans aucun rapport avec la 
chaudronnerie, même de par le mariage) ont succombé à la même ma- 
ladie. En interrogeant nombre de personnes, je n’ai pu arriver à établir 
qu'il y ait eu d’autres décès imputables à l’épidémie. » 

Dans une lettre précédente (du 16 novembre), le même M. Tétrel nous 
écrivait : 

« Si, avant 1852, quelques cas isolés de choléra ont été fort rarement et 
par exception constatés, dans notre ville, depuis cette époque, aucune épi- 
démie n’a eu lieu parmi nous; je n’ai pas eu à enregistrer wn seul décès 
cholérique comme officier de l'etat civil. » 

Si le choléra a réellement pénétré dans Villedieu en 1849, n'est-il point 
remarquable, au premier chef, qu'il n’y ait fait que cinq victimes sur une 
population d'environ 4000 âmes? Mais poursuivons. 

D’. Il est vrai qu'en 1870 la variole a régné à Villedieu et sévi violem- 
ment sur les ouvriers chaudronniers eux-mêmes. Mais ce qui n’a point été 
suffisamment mis en lumière, c’est que « l’épidémie fut produite et entre- 
tenue » par une avalanche de contages apportés du dehors par « des vario- 
leux insuffisamment guéris » en tel nombre qu’ils donnèrent, à eux seuls, 
« 3800 journées de maladie » et, ce qui n’a point été dit par M. Bochefon- 
taine, c’est que, sans parler de la profonde dépression morale qu’avaient dû 
subir, en 1870, les habitants de Villedieu aussi bien que le reste de la 
France, et des influences hygiéniques dont il va être question à propos de 
la fièvre typhoïde, à ce moment il y avait une interruption de travail dans 
les ateliers », si bien que, pour remédier à la poignante misère des ouvriers, 
la municipalité dut aller jusqu’à « organiser des ateliers d'extraction et de 
cassage de pierres » (Tétrel), et ce qui valait assurément la peine d’être 
relevé c’est que, comme les statistiques que nous avons reçues en font foi, 
les cas de variole ont été augmentant précisément au fur et à mesure que 
l'imprégnation cuprique allait s’atténuant par le chômage. 

L’. Il est encore très vrai qu'il y a deux ans les ouvriers de Villedieu ont 
présenté un certain nombre de cas de fièvre typhoïde, mais ce qu’il impor- 
tait également de dire, aussi bien pour l'épidémie de 1882 que pour tous 
les cas de fièvre typhoïde, de variole, ou autres maladies épidémiques qui 
ont pu être observées à Villedieu à d’autres époques, c’est d’abord que les 
ouvriers chaudronniers, au nombre de 400 environ, y sont disséminés 
« dans quarante ou cinquante ateliers et qu’un grand nombre travaillent 
seuls » (Boscher), d’où une imprégnation cuprique bien moindre que 
lorsque de nombreux ouvriers travaillent en commun, ainsi que cela a lieu 
à Paris dans la plupart des ateliers de chaudronnerie ; c’est, ensuite, que 
les conditions hygiéniques de ces chaudronniers sont très près de celles qui 
furent si néfastes aux ouvriers de l’usine de Bornel. Voici, en effet, ce que 
déclare encore M. Tétrel : 

« La maladie à été circonscrite dans une partie bien distincte de la ville. 


30 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Ce sont les maisons et cours entourées de constructions rapprochées de 
canaux ou bouches d'égout, et où la population est très dense, qui surtout 
se sont trouvées atteintes. Nous avons pris les mesures les plus énergiques 
pour maintenir la propreté partout » 

F’. Après avoir confirmé les dires de M. Tétrel sur la question du choléra, 
M. Boscher s’est exprimé sur le sixième point de la façon suivante : 

« Relativement au cas de charbon, voici ce que l’on raconte. Un patron 
eut plusieurs clous au visage. Il en avait un surtout très gros près d’une 
oreille. Forcé alors de se mettre en voyage, il fut pris de fièvre intense au 
bout de quelques jours et mourut à l’hôtel où il s'était arrêté (en Bour- 
gogne). Le médecin du lieu dit que la mort était la suite d’un anthrax. » 


Conclusions. — Toutes les assertions de M. Bochefontaine sur Les faits 
qui se seraient passés à Villedieu en opposition de la préservation cuprique 
sont donc, les unes grandement erronées et les autres incomplètes. Ges 
dernières témoignent seulement que la loi de la préservation a ses exi- 
vences, comme toutes les lois, et ses limites de résistance aussi bien que le 
blindage d’un navire, par exemple. Est-ce à dire qu'il ne se soit point pro- 
duit de par ailleurs des faits exceptionnels qui puissent justifier, dans une 
certaine mesure, l’appoint que notre honorable confrère est venu donner à 
la thèse contradictoire soutenue avant lui par M. Bailly? Les réserves 
expresses que nous avons faites sur toutes les questions autres que celles 
de la préservation des ouvriers en cuivre dans le choléra ; le soin que nous 
avons pris {oujours de dire que ces questions sont encore à l'étude, témoi- 
guent que nous savons aussi mettre en pratique la maxime du doute. 


D'autre part, des recherches que nous faisons en ce moment même du 


côté de Durfort, centre d’une industrie similaire à celle de Villedieu, et 
dans les grandes usines de grosse horlogerie du département du Doubs, 
afin de répondre aux objections qui pourraient également nous être faites 
de par les observations de fièvre typhoïde du docteur Duperron sur les 
ouvriers horlogers de Besançon, qui ne font, eux, que la montre, démon- 
trent aussi, du reste, que loin de fuir la lumière, nous nous efforçons 
de la faire par tous les moyens en notre pouvoir. Seulement ce que nous 
demandons à nos contradicteurs, non sans droit, ce nous semble, c’est 
d'apporter dans leurs observations la même rigueur, le même sens critique, 
et de ne point se hâter de se fier aux apparences, si, comme nous, ils ne 
visent réellement que la vérité. L 

Lorsque nous aurons obtenu les renseignements que nous attendons sur 
les chaudronniers de Durfort et les horlogers du Doubs, si la Société veut 
bien nous le permettre, nous viendrons lui dire notre dernier mot sur la 
préservation professionnelle conférée par le cuivre. 


BouRLoTON.— Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


SÉANCE DU 26 JANVIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


SUR LE MODE D'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ATROPINE ET SUR L'INFLUENCE 
QUE CE MODE D'ACTION, SOIT SEUL, SOIT ASSOCIÉ A CELUI DE LA MORPHINE, 
EXERCE SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET TOXIQUES DU CHLOROFORME, 
par M. LABORDE. 


En revenant aujourd’hui sur la question soulevée par M. François-Franck 
du mode d'action de l’atropine sur le fonctionnement du cœur (voy. les 
Comptes rendus de cette année, p. 27, 28, 29 et 30), je me propose d’in- 
sister à nouveau et un peu plus qu'il ne m’a été permis de le faire dans ma 
précédente Note, sur le mécanisme de cette action, et'en second lieu de 
montrer comment ce mécanisme donne la raison physiologique de la rapi- 
dité d'action du chloroforme et de son innocuité relative, dans le cas où l’on 
administre, au préalable, soit l’atropine seule, soit Se QUE 
pine et la morphine. 


I. — Les preuves expérimentales que j'ai eru pouvoir donner, en plus 
et à l’appui de celle apportée par M: F. Franck, de l’action paralysante 
de l’atropine sur la fonction Jose du cœur à la du curare, 
sont les suivantes : 

1° Les tracés cardiographiques de l Marie et du curare offrent, chez 
la grenouille, un type qui les rapproche singulièrement ; 

2° Les effets caractéristiques de l'influence d’une troisième substance, 
l’aconitine, sur le fonctionnement du cœur, sont complètement annulés 
par l'administration préalable soit de l’atropine, soit du curare; les choses 
se passent, dans ce cas, comme à la suite de la section des pneumogas- 
triques. 

C’est ce que montrent d’une façon péremptoire les graphiques que je mets 
sous les yeux de mes collègues, et qui ont été reproduits dans mon travail 
sur les Aconits et l’aconitine (p. 120, 121 et 122); 


3° Le rythme cardiaque n’est pas sensiblement modifié après labolition 
BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. I, N° 4. 4 


38 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


complète de l’excitabilité motrice des vagues par atropinisation, d'où il 
semble résulter que l’action de l’atropine a respecté, en majeure partie au 
moins, l'intervention fonctionnelle des appareils ganglionnaires intra-car- 
diaques. Car il est difficile, ainsi que je le disais dans ma dernière Note, de 
concevoir la possibilité et la réalité d’un fonctionnement aussi peu troublé 
que l’est celui du cœur, en cette condition expérimentale, sans la conser- 
valion à peu près intégrale des propriétés fonctionnelles du système ner- 
veux intra-cardiaque. 

C’est, d’ailleurs, une des questions les plus difficiles à résoudre et à 
juger par des preuves expérimentales directes que celle de l'influence 
réelle exercée par une substance chimique, sur les ganglions intra-car- 
diaques. Profondément placés et comme cachés dans une enveloppe cellulo- 
adipeuse, ces petits appareils se trouvent ainsi soustraits à l’influence 
même directe et immédiate des toxiques les plus actifs, car la résistance, 
par exemple,-du cœur d’un animal à sang froid, détaché de l'animal, à 
l’action d’une solution concentrée d’aconitine (substance d’une grande acti 
vité toxique) dans laquelle on le plonge ou dont on l’imprègne peu à peu, 
cette résistance, dis-je, est énorme et telle qu’elle peut durer plus de vingt- 
quatre heures (1). 

Pour ce qui est de l’atropine, il semble résulter de l'observation des 
effets consécutifs sur le rythme cardiaque que, dans le cas d'absorption 
physiologique générale, c’est-à-dire par transport circulatoire, les appareils 
ganglionnaires dont il s’agit échappent à son action. 

Comme il en est de même de la contractilité propre de la fibre muscu- 
laire du cœur (car s’il y a, en réalité, de ce côté, un certain degré d’excita- 
tion au début, :on ne saurait l’invoquer, ainsi que l’a fait récemment M. Gas- 
kell, comme la cause efficiente du maintien et de la persistance du rythme 
cardiaque sous l’influence de l’atropine), il reste, en dernière analyse, 
l’action sur la conductibilité motrice des vago-sympathiques, et en ue 
lier sur leur fonction modératrice. 

La fonction modératrice est, en effet, celle qui est touchée d’une 
facon prédominante, et en ce cas élective, par l’atropine, bien qu'il 
puisse y avoir aussi, dès le début de son action, et selon la dose, une 
influence sur les accélérateurs, ainsi que le rappelait M. Dastre, en citant 
le récent travail, sur ce sujet, de son collaborateur M. Morat. Mais cette 
influence n’est que passagère, elle marque une période de l’action définitive 
et dominante, et elle est une expression de la grande loi indiquéé par 
GI. Bernard, et que je me suis efforcé de confirmer et de généraliser, savoir 
que toute substance médicamenteuse ou toxique dont l'effet physiologique 
propre est d’atténuer ou d’annihiler momentanément telle ou telle propriété 
fonctionnelle, commence par l’exciter, cette excitation étant le signe du 


A) es. à ce sujet les Aconits et l’aconitine, par Laborde et Düquésel 
p. 192, 153. 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 39 


premier contact effectif de la substance avce l'élément organique qui con- 
stitue le substratum fonctionnel en question (exemples : les analgésiants et 
anesthésiques, les paralyso-moteurs, etc., chloroforme, éther, opium, bro- 
mure de potassium, etc.). 
= Mais il est un autre facteur dont il importe, selon moi, de tenir 
compte dans cette appréciation de l'action de l’atropine ou du curare 
sur les effets modérateurs cardiaques : c’est, en dehors de la conduc- 
“tibilité motrice du nerf (iei le vago-sympathique), la possibilité d’une 
action sur les expansions terminales du nerf dans leur relation immédiate 
et intime avec la fibre musculaire, c’est-à-dire et, en vrais termes, sur les 
plaques terminales de Rouget et de Kühne ; possibilité signalée et étudiée, 
pour les nerfs moteurs, en général, et, à propos du curare, par Otto 
Füncke, de Bezold, et surtout par Vulpian. 
- Ce qui semblerait prouver que ce facteur mérite tout au moins d’entrer 
en ligne de compte dans une interprétation suffisamment motivée du mode 
d'action de l’atropine, c’est le résultat expérimental ci-après sommairement 
résumé : 

À un chien vigoureux, on administre simultanément du chlorhydrate de 
morphine, du sulfate neutre d’atropine et du chloral (en injection intra- 
veineuse) à doses suffisantes (1) pour réaliser la double condition d’une 
insensibilisation générale absolue, et d’une complète inexcitabilité motrice 
des vagues. Cette inexcitabilité est constatée à la suite de la section de l’un 
ou des deux pneumogastriques, à l’aide d’excitations électriques d'intensité 
progressive, avec inscriptions cardiographiques des résultats. Ces résultats 
sont les suivants : 

Effet absolument négatif de l’excitation du bout périphérique des vagues ; 
en d’autres termes effet nul de modération ou d’arrestation cardiaque. 

Au contraire, effet positif de l’excitation (même par un courant mi- 
uimum) du bout central, se traduisant par un arrêt respiratoire. Ce der- 
nier résultat n’aurait rien d’inattendu, et rentrerait dans la règle, puisque 
Vexcitation agit ici sur les fibres centripètes ou sensitives du vague, si nous 
w’étions dans cette condition expérimentale préalable qu’il ne faut pas 
perdre de vue : c’est que, par le fait de l'intervention simultanée de doses 
massives de morphine et de chloral (à supposer même que l’atropine, à dose 
massive aussi, n’ait pas d’action de cette espèce), tous les appareils de sen- 
sibilité générale et spéciale sont dépossédés de leur fonction à ce point que 
toute excitation périphérique et même profonde (l’enfoncement de la lame 
d’un scalpel jusqu’au contact du tronc du sciatique, par exemple), la provoca- 
tion de fout réflexe par attouchement ou excitation des muqueuses accessi- 
bles, et de la conjonctive oculaire, restent absolument sans effet appréciable, 


(1) Dans un de ces types d’expériences nous avons donné : chlorhydrate de 
morphine, 50 centigrammes; sulfate d’atropine, 8 centigrammes; chloral, 
4 grammes. 


40 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


la pupille restant elle-même immobile dans une fixité mydriatique. En cet état, 
d'animal est réduit à l'apparence d’une masse inerte, incapable de toute 
réaction aux excitants extérieurs et chez laquelle s’accomplit, par une sorte 
d’automatisme fonctionnel, les deux fonctions uniques et mécaniques de 
respiration et de circulation. Il est donc rationnel de supposer que, dans de 
telles conditions, la fonction de conductibilité centripète ou sensitive des 
vagues est perdue au même titre que la conductibilité motrice, el comme 
cela a lieu dans tous les nerfs mixtes; d’où il suit que si, par l’effet de 
l'excitation électrique du bout central, il se produit un effet arrestateur des 
mouvements respirateurs thoraciques, c’est que le courant électrique (non 
plus le courant nerveux ou sensitif), porté par le tronçon de nerf au centre 
respiratoire bulbaire, dont l’excitabilité fonctionnelle est toujours persis- 
tante, a mis en jeu cette excitabilité de façon à donner lieu, par les nerfs 
moteurs conservés de la mécanique respiratoire, à un phénomène Lin 
du côté de celle-cr. 

En d’autres termes, il semble qu'en ce cas le nerf pneumogastrique 
n’agit plus en tant que nerf, par sa fonction propre, motrice ou sensitivé, 
par sa neurilité, mais uniquement comme conducteur d’un courant de 
pile : il serait, en un mot, réduit à l’état de simple fil ous d'un 
€<ourant Hébiquel extérieur et étranger à lui. 

Et cette propriété conductrice est bien réelle, ainsi que le PERS lexpé- 
æience suivante : 

Prenez ce bout périphérique du vague qui ne répond plus à lexcitation 
électrique, détachez-en une suffisante longueur pour constituer deux frag- 
ments adaptés à deux isolateurs, fermez le circuit et faites passer le courant 
de pile qui tout à l’heure était inefficace pour déterminer le moindre effet 
modérateur ou d'arrêt; et si vous prenez en même temps entre deux de vos 
doigts les extrémités respectives de ces deux fragments, vous recevrez l’im- 
pression plus ou moins vive, témoignant du transfert du courant électrique: 

Et si, réalisant un autre dispositif, vous mettez lés deux bouts du nerf 
au contact des gastrocnémiens d’une grenouille, vous provoquerez, à chaque 
passage du courant # à cheque interruption, de violentes CONFAESS mus- 
<ulaires. Si {u 

Donc le cordon nerveux qui n’agissait plus, sous l’excitation densie 
en tant que nerf moteur, reste pourtant un conducteur efficace du courant, 
tout à fait assimilable à nos fils conducteurs ordinaires. ù 

Faut-il voir dans ce fait très simple d’ailleurs, et dont la détnbastr #0 
est des plus faciles, une preuve qu'entre la netion propre du nerf et le 
courant électrique qui la mettrait en jeu, au même titre que tout autre 
excitant artificiel, il n’y a pas l’analogie que l’on est encore aujourd’hui, 
d’après certains travaux d’outre-Rhin, disposé à y voir ? C’est une question 
qu’il n’est pas ici le lieu d'examiner. LÀ 

Mais, à ne considérer que le résultat en lui-même, il montre clairement, 
de son côté, que le courant excitateur étant réellement conduit à travers 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 48 


le cordon nerveux, s’il ne produit: pas sur la fibre musculaire cardiaque 
l'effet habituel, c’est qu’il éprouve au point d'arrivée une barrière infran- 
chissable, ce qui ne peut être attribué qu’à l’effet du toxique, ici l’atropine. 
Or, comme d’une part, la contractilité musculaire est respectée, et que, de 
l’autre, les appareils ganglionnaires intra-cardiaques semblent, d’après les 
raisons sus-mentionnées, être aussi indemnes, il y a lieu, comme on voit, 
d’invoquer en dernière analyse, et tout au moins dans une certaine mesure, 
l’action de la substance sur les plaques nerveuses terminales. 


Quoi qu’il en soit de ce mécanisme intime dont les éléments, on a pus’em 
convaincre, sont très complexes, il n’en reste pas moins le fait capital et 
- incontestable de la paralysie des effets modérateurs ou arrestateurs car- 
diaques, et c’est ce fait que nous allons maintenant examiner au point de 
vue de l’action du chloroforme combinée avec l’action concomitante de 
l’atropine. 


NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ACHOLIE, par M. V. Haxor, 
agrégé de la Faculté, médecin de Tenon. 


Dans la séance de la Société de biologie du 23 avril 1881, je rapportais 
un cas d’oblitération du canal cholédoque sans ictère. Chez un malade 
atteint de sclérose stomacale j'avais trouvé à l’autopsie une transformation 
fibréuse concomitante du hile du foie; sur des coupes microscopiques le 
canal cholédoque et le canal cystique apparaissaient complètement obli- 
térés ; 1l en était de même pour l’artère hépatique et les branches qu’elle 
fournit dans le hile. L’oblitération de la veine porte n’était pas complète, mais 
la lumière de ce vaisseau présentait un rétrécissement très notable. Pour 
expliquer l’absence d’ictère avec cette oblitération complète du canal cholé- 
doque, une seule hypothèse m’avait paru légitime : en vertu de l’oblitération 
complète de l’artère hépatique et de l’oblitération incomplète de la veine 
porte, la sécrétion biliaire s’était, sinon totalement, du moins presque tota- 
lement abolie et, en pareille occurrence, l’oblitération du canal cholédoque- 
ne pouvait déterminer la production de l’ictère, la résorption de la bile ne 
pouvant s’effectuer, puisque le foie ne produisait plus de bile. 

Il y avait donc eu acholie dans le sens littéral du mot, et cette acholie- 
rendait parfaitement compte de l’absence de l’ictère malgré l'oblitération 
complète du canal cholédoque. 

Je faisais remarquer, d’ailleurs, que l’atrésie des vaisseaux du hile, et 
partant l’acholie consécutive, ne s’était effectuée que progressivement et 
qu'il était difficile, dans l’histoire clinique du malade, de faire la part de 
ce qui revenait à l’acholie elle-même. 

J'observe en ce moment, dans mon service dé l'hôpital Tenon, un malade 


ren 
LS 


SOCIÉTÉ .DE BIOLOGIE. 


qui présente quelques particularités cliniques que je puis rapprocher de ce , 
que je viens de dire relativement à l’acholie. IL s’agit d’un homme âgé de 
quarante-six ans qui, depuis près de trois ans, est atteint d'affection chro- 
nique du foie, sur la nature intime de laquelle je n’ai point à me prononcer 
ici. Il a été soigné déjà par plusieurs de mes collègues des hôpitaux et 
aujourd’hui, comme chaque fois qu’il a dû entrer à l'hôpital, on constate 
une hypertrophie du foie et de la rate, un tympanisme considérable sans 
ascite, une décoloration complète des matières fécales sans le moindre 
ictère. 

Cette fois, comme à chaque crise nouvelle, le malade est affaibli et amai- 
gri; cependant l’appétit est resté bon et le facies est loin d’indiquer. une 
altération profonde de l’organisme. Le malade n’est point leucémique. Il 
n’a jamais eu de coliques hépatiques, jamais d’ictère, et rien ne permet de 
supposer qu'il y ait une gêne à l’écoulement de la bile dans lintestin. Et 
cependant, je le répète, les matières fécales sont constamment décolorées, 
argileuses comme on dit. Ici encore, je ne vois qu’une hypothèse plausible : 
la lésion hépatique a retenti sur la sécrétion biliaire et l’a plus ou moins 
complètement tarie; de là acholie avec décoloration des matières fécales 
sans ictère. Ainsi donc, de même que le protoplasma de la cellule hépa- 
tique, en vertu de conditions pathogéniques plus ou moins bien déterminées, 
crée tantôt plus, tantôt moins de matière glycogène qu’à l’état normal; de 
même, il sécrète tantôt plus, tantôt moins de bile que dans les circonstances 
ordinaires. À côté de la polycholie il y a l’oligocholie, sinon l’acholie com- 
plète. 

Encore une fois la pathogénie de cette dernière reste obscure ; quoi qu’il 
en soit, elle seule peut rendre compte de ces deux particularités cliniques 
paradoxales : l’oblitération du canal cholédoque sans ictère ; la décolora- 
tion. des matières fécales sans ictère, les voies biliaires étant perméables. 

S'il était permis de juger sur un seul cas, il semblerait, d’après notre obser- 
vation deuxième, que cette acholie par suppression de fonction soit compa- 
tible avec une survie assez longue; il me paraît également rationnel de 
subordonner à cette acholie, chez le même malade, le tympanisme consi- 
dérable qu’il présente, en le déduisant des propriétés antiputrescibles si 
connues de la bile. 

Il me paraît supposable également que le tympanisme, qui entre dans la 
phénoménologie de certaines cirrhoses, ressortit à un certain degré d’acholie, 
facile à concevoir en de pareils processus. 


PRÉSENTATION D'UN PSEUDO-HERMAPHRODITE MALE, par le docteur S. Pozzu, 
agrégé, chirurgien de l’hôpital de Lourcine. 


Louise Bavet, âgée de vingt-sept ans, mécanicienne, grande, bien pro- 
portionnée, porte les habits de femme et passe pour telle. Aspect masculin 


SÉANCE DU-26 JANVIER, 43 


du visage, barbe peu fournie sur la joue, moustache très rare, aucun déve- 
loppement des seins. Conformation masculine du bassin, pas de mont de 
Vénus, système pileux disposé comme chez l’homme, assez abondant sur le 
pubis et formant une traînée remontant jusqu’à l’ombilic. L'aspect des grandes 
lèvres est différent suivant que le sujet est debout ou couché. Lorsqu'il est 
couché, la grande lèvre du côté gauche est tout à fait effacée et forme une 
très faible saillie. Celle du côté droit offre une bosselure à la partie supé- 
rieure. À la palpation on reconnaît qu’elle est due à la présence du testi- 
cule. Lorsque le sujet est debout, la saillie supérieure des grandes lèvres 
augmente considérablement surtout à droite. Le testicule qui, dans la 
position horizontale, remonte jusque dans l’anneau, descend alors jusqu’à la 
partie supérieure de la grande lèvre. À droite, la saillie déjà signalée du 
testicule s’augmente considérablement par l’afflux d’une eertaine quantité 
de liquide (hydrocèle péritonéo-vaginale). Lorsque le sujet est debout, la 
double saillie testiculaire jointe à la juxtaposition des grandes lèvres donne 
à la fente pseudo-vulvaire un aspect absolument scrotal, et la verge qui la 
surmonte ajoute encore à l’apparence masculine; au contraire, lorsque le 
sujet est couché, que les grandes lèvres sont écartées et qu’on relève la 
verge, l'apparence féminine est frappante. 

Nous décrirons successivement :,1° la verge; ® l’orifice de l’urèthre ou 
méat urinaire; æ la fente vulvaire. 

1° Verge. — Dans l’état de flaccidité, sa longueur, prise en appuyant sur 
le pubis et la redressant légèrement, est d’environ 5 centimètres; son volume 
est très légèrement au-dessous de la normale. Le fourreau de la verge 
forme supérieurement un prépuce bien conformé ; inférieurement il est 
remplacé sur la ligne médiane par la forte saillie d’une bride médiane très 
légèrement creusée en rainure. Cette bride part du sommet imperforé 
du gland, et arrive en bas jusqu’à la racine de la verge où elle se 
divise pour passer de chaque côté de l’orifice de l’urèthre. Sa longueur 
totale est de 3 centimètres. Elle maintient la verge fixée inférieurement et 
provoque pendant l'érection une forte courbure à concavité inférieure qui 
est assez douloureuse. En saisissant cette bride avec les doigts, on la 
détache des parties profondes et elle paraît dépendre uniquement des tégu- 
ments; lorsqu'on fait relever la verge et qu’on écarte les grande lèvres, on 
observe de chaque côté à leur face interne deux petits replis cutanés d’une 
extrême finesse, qui partent du prépuce et viennent se rejoindre inférieu- 
rement à 3 centimètres en avant de l’anus en formant une véritable four- 
chette. Ces deux replis cutanés sont les analogues des petites lèvres. 

2° Méat urinaire. — 11 s'ouvre à 2 1/2 centimètres en bas et en arrière 
de la racine de la verge, dont il est ainsi séparé par une véritable fosse 
naviculaire. I estcaché profondément au fond de la fente pseudo-vulvaire et 
n’est nullement apparent quand on n’écarte pas les grandes lèvres. Il a tout 
à fait l’aspect du méat urinaire féminin. Ainsi qu’il a été dit, la bride qui 
part du sommet imperforé du gland, où elle occupe la situation du frein du 


44 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


prépuce, Se continue jusqu’au niveau du méat urinaire et se divise pour 
l’embrasser dans une sorte de boucle. Au-dessous de l’urèthre et masquant 
le fond de la dépression vulvaire, on voit une autre petite saillie annulaire 
qui ressemble absolument à un petit kymen. En se continuant supérieure- 
ment avec la boucle précédemment décrite autour du méat, cette saillie 
forme une sorte de 8 de chiffre. 

3° Vulve. — L'ouverture pseudo-vulvaire modérément écartée mesure 
2 centimètres entre le méat urinaire et la fourchette; elle a à peu près 
1 centimètre de profondeur ; sa face interne a un aspect muqueux et on y 
remarque de fines arborisations vasculaires. Le fond, occupé par le repli 
hyméniforme déjà décrit, ne s’enfonce pas à plus de 2 ou 3 millimètres au 
delà de la petite corolle membraneuse formée par ce repli. On y remarque 
souvent une sécrétion muqueuse. 

Le toucher rectal ne donne aucune sensation nette de prostate. [Il semble 
cependant qu’il existe une légère saillie à la partie médiane et la pression 
y est un peu douloureuse. Du reste, l’attouchement de toute la surface vul- 
vaire et en parliculier du méat urinaire est très difficilement supporté par 
le sujet. Aucun trouble du côté de la miction. Le cathétérisme n’a pu être 
encore pratiqué. 

Les testicules offrent un assez petit volume; le gauche est manifestement 
atrophié et on peut le faire rentrer dans le trajet inguinal. Le droit offre 
une grosseur à peu près normale, il est toujours situé en dehors de l’an- 
neau. Les testicules ne sont descendus qu’à l’âge de seize ans et sont 
apparus dans un effort (violent éclat de rire); le sujet s’est trouvé mal de 
douleur. 


Le système pileux génital s’est développé à quatorze ans; la verge a 


commencé à grossir à seize ans. Les érections se sont montrées à ce mo- 
ment. Elles deviennent rapidement douloureuses par suite de la traction de 
la bride inférieure. L’éjaculation a-t-elle lieu par le méat urinaire ou plutôt 
dans le fond de la dépression pseudo-vulvaire? Ce point n’a pu être élu- 
cidé ; elle se fait en jet d’une certaine force. Il y a souvent des pollutions 
nocturnes. 

Le sujet est très porté vers le sexe féminin. Il y a eu plusieurs tentatives 
de coït. Celui-ci se pratique le sujet étant debout et la femme couchée 
sur le bord du lit. 

L'examen du sperme n’a donné aucun spermatozoïde. 

Il n’y a jamais eu de moindre écoulement sanguin par les voies géni- 
tales. 

Je me propose de revenir dans une prochaine séance sur divers points 
de cette observation. Je compte notamment rechercher devant vous la véri- 
table valeur des faits d’hermaphrodisme qui existent dans la science. — Le 
nom de « pseudo-hermaphrodite mâle » que j'ai inscrit en tête de cette 
Note, indique déjà ma pensée à cet égard : à proprement parler il n’y a pas 
dans l’espèce humaine de vrais hermaphrodites. 


- mit: tm. se té éd 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 45 


Un point spécial que je désire dès aujourd’hui signaler, quoique devant 
en faire bientôt l’objet d’une nouvelle présentation, est le suivant : Nous 
-voyons ici qu’il n'existe pas de vagin ; il y a pourtant un ymen annexé à 
une œulve. Faut-il voir dans ce fait un argument en faveur de l’origine 
externe de l’hymen, de son développement aux dépens du sillon uro-génital 
plutôt que des canaux de Müller? En un mot, conformément à l'opinion 
ancienne, l’hymen serait-il une dépendance de la vulve, et non une dépen- 
dance du vagin comme l’a brillamment soutenu devant vous M. Budin? Je 
me borne à poser la question. Je discuterai plus tard les réponses qu’elle 
comporte. 


NOTE SUR LES MODIFICATIONS DES MILIEUX RÉFRINGENTS DE L’ŒIL ET SUR 
LA SÉCRÉTION LACTÉE DANS LES ANESTHÉSIES A LONGUE DURÉE PAR LE 
 CHLOROFORME, par R. Dupois. 


En examinant à l’ophthalmoscope des sujets anesthésiés par le chloroforme, 
j'ai constaté qu'à un certain moment, les milieux transparents de l'œil 
présentaient des troubles qui allaient en augmentant progressivement 
jusqu’à ce que l’image du fond de l’œil devienne très irrégulière et parfois 
même impossible à distinguer. Nous avons remarqué principalement des 
reflets moirés qui, après un examen attentif, nous ont paru produits par 
une altération particulière de la cornée, que l’on peut mettre en évidence 
au moyen de l’astigmoscope à disque. Il est facile de reconnaître, par ce 
procédé, l’existence d’un astigmatisme irrégulier des plus prononcés. Jai 
voulu savoir si ce défaut de régularité de la surface cornéenne ne tenait 
pas à des mucosités déposées à la surface de l’œil, mais en lavant celui-ci 
avec soin au moyen d’un jet d’eau légèrement salée, il a été impossible de 
faire disparaître cet asligmatisme. Ces observations ont été faites chez le 
chien. 

Dans un cas observé sur un homme en état d’anesthésie à longue durée, 
par la méthode Paul Bert, dans le service du docteur Péan, cet astigma- 
tisme irrégulier était si prononcé, qu'il pouvait être observé à l’œil nu : la 
pulpe du doigt, très légèrement promenée à la surface de la cornée, montrait 
qu'il n’était pas produit par des sécrétions. Cette déformation de la surface 
cornéenne s'accompagne en général d’une diminution de tension trèsnotable 
du globe de l’œil. D’autres modifications importantes surviennent égale- 
ment, après abolition du réflexe pupillaire, du côté des milieux réfringents 
plus profonds de l'œil. Dans un cas, M. le docteur Bertrand et moi, nous 
avons constaté, à l'examen ophthalmoscopique à l’image droite, le développe- 
ment d’une hypermétropie de cinq à six dioptries. D’autres phénomènes in- 
téressants et qui feront l’objet d’une communication ultérieure ont été égale- 
ment observés. 

Chez une chienne en état de lactation, dont les mamelles étaient très 


46 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sonflées, nous avons constaté les mêmes modifications et de plus les ma- 
melles étaient devenues absolument flasques. Cette chienne présentait en 
outre cette particularité qu’elle avait abondamment uriné à la fin de l’anes- 
thésie, alors que, dans la généralité des cas, la vessie est vide quand le 
sommeil a été prolongé très longtemps. 

Ces faits, par leur rapprochement, pourront peut-être intéresser ceux qui 
nn l’œil comme une glande ; pour nous toute explication physiolo 
sique paraît au moins prématurée et nous nous bornons à signaler ces faits 
déjà assez intéressants par eux-mêmes. 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'UTÉRUS ET DU VAGIN, ET PARTICULIÈRE- 
MENT DU MUSEAU DE TANCHE CHEZ LE FŒTUS HUMAIN, par MM. F. TOURNEUX 
et Ch. LEGAY, présentée par M. Poucner. 


Cette Note a pour but d'indiquer les modifications que présente le conduit 
utéro-vaginal, dans le cours de son développement, depuis le troisième 
mois de la vie intra-utérine jusqu’à la naissance, et surtout de préciser le 
mode de formation de la partie vaginale du col de l’utérus. On sait depuis 
les recherches de Dohrn (Zur HER der Müller’schen Gänge und ihrer 
Verschmelzung, Marburg. Gesellschaft, 1871) que sur des embryons hu- 
mains de 35 millimètres, c’est-à-dire à la fin du deuxième mois, les conduits 
de Müller sont fusionnés dans toute l’étendue du cordon génital. A cette 
époque, le conduit utéro-vaginal ou conduit génital (Leuckart) résultant de 
cette fusion ne montre encore aucune trace de division en portion utérine 
et vaginale : il est tapissé dans toute sa longueur par l’épithélium prisma- 
tique stratifié des conduits de Müller. Comment se fait, spécialement chez 
l’homme, au cours du troisième mois, l’apparition d’un épithélium pavi- 
menteux stratifié dans l’extrémité vestibulaire du conduit génital ? S’agit-1l 
d’un envahissement de lépithélium du sinus uro-génital qui refoulerait 
sraduellement l’épithélium primitif du conduit génital, ou au contraire 
sommes-nous en ürésence d’une transformation locale d’un épithélium 
prismatique en épithélium pavimenteux stratifié ? C’est ce que la compa- 
raison des différentes études embryonnaires du troisième mois, qui nous 
ont fait défaut, pourrait seule nous apprendre (1). Toujours est-il que cette 


(1) La persistance chez quelques animaux (vache, truie) des conduits de Wolft 
sous le nom de conduits de Gärtner, logés dans la paroi antérieure du vagin, et 
venant s'ouvrir à son extrémité antérieure, certaines malformations résultant 
d’un arrêt de développement, comme la duplicité du vagin, montrent toutefois, 
contrairement à l’opinion de Rathke, que le vagin envisagé comme organe ne 
résulte pas d’un bourgeonnement de la partie postérieure du sinus uro-génital, 


mais doit être considéré comme une dépendance des conduits de Müller. 


, 
H 
| 
| 
; 
} 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 47 


transformation ou substitution épithéliale débute par l'extrémité inférieure 
du conduit génital et s’élève ensuite progressivement jusqu’à la région qui 
répondra au futur museau de tanche. 

Sur un fœtus humain de 7°%,5/10°,5 (fin du troisième mois lu- 
naire)(1), dont l’extrémité inférieure, sur une hauteur de 8 millimètres, a 
été décomposée en 265 coupes transversales, le conduit génital possède un 
revêtement épithélial pavimenteux stratifié sur une hauteur de 10 coupes à 
partir de son extrémité vestibulaire. Le conduit uro-génital ou canal vesti- 
bulaire (2), à l'extrémité supérieure duquel s’ouvrent en arrière le conduit 
sénital et en avant le canal de l’urèthre, a été intéressé sur 90 coupes, c’est- 
à-dire mesure une longueur de 2° ,7. Le conduit génital occupe une série 
de 156 coupes : sa longueur est par suite de 4%,6. Un fait qui nous a frappé 
tout d’abord dans l’examen des coupes sériées, et que nous retrouverons 
plus aceusé dans les stades suivants, est l’absence de toute lumière dans 
l'extrémité inférieure du conduit génital. L’épithélium pavimenteux stratifié 
comble entièrement la cavité génitale sur une hauteur de 10 coupes à partir 
du vestibule (3), puis la lumière du conduit, d’abord petite et circulaire, 


(1) Le numérateur de ce rapport indique la longueur du vertex au coceyx, le 
dénominateur celle du vertex au talon. je 

(2) Il importe de bien préciser la valeur des termes sinus uro-genitalis et 
canalis uro-genitalis employés par les auteurs dans des acceptions souvent 
uu peu différentes. J. Müller dans son grand travail sur le développement des 
organes génitaux (1830) désigna sous le nom de sinus uwro-genitalis la portion 
antérieure du cloaque détachée sous forme de conduit tubuleux de l'intestin pos- 
térieur, et recevant par son extrémité supérieure, et à une faible distance les 
uns des autres, les conduits suivants : uretères, conduits de Wolff et conduits 
de Müller. En 1835, Valentin proposa de remplacer la désignation de sinus uro- 
genitalis par celle plus conforme à la réalité de canalis uro-genitalis, désignation 
employée depuis indifféremment par les auteurs avec celle de sinus uro-genitalis 
(voy. Rathke, 1871). Avec le développement, 1a forme du sinus uro-génital se mo- 
difie sensiblement; la portion de ce sinus comprise entre l’abouchement des ure- 
tères et celui des conduits génitaux, s’allonge et devient chez l’homme la 
portion prostatique du canal de l’urèthre, et chez la femme l’urèthre en entier. 
C’est à la portion inférieure du sinus uro-génital de J. Müller et de Valentin, 
commune à l’urèthre et au conduit génital chez la femme, que Küllicker et ses 
élèves réservent la dénomination de sinus uro-génital. Nous pensons qu’il serai 
peut-être préférable, pour éviter toute confusion, de désigner cette portion infé- 
rieure, aux dépens de laquelle se formera le vestibule, sous le nom de conduit 
uro-génital (ductus uro-genitalis) employé déjà par J. Müller, ou encore sous celui 
de canal vestibulaire. 

(3) L'absence de lumière dans la partie inférieure du conduit génital a été si- 
gnalée récemment par Geigel (Ueber Variabilitat in der Entwicklung der Ges- 
chlechtsorgane beim Menschen, 1883). Geigel compare la soudure des parois 
épithéliales opposées du vagin à celles des paupières et du prépuce dans les 
deux sexes, qui se produisent à la même époque. 


48 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


augmente progressivement en largeur, et se présente bientôt sous la forme 
d’une fissure transversale mesurant vers la quarantième coupe une longueur 
de 260 ». Les diamètres transversal et antéro-postérieur du vagin sont à 
cette hauteur de 900 et de 770 . L’épithélium, d’une épaisseur de 30 y, 
paraît formé d’un mélange de cellules prismatiques et de cellules pavimen- 
teuses ou polyédriques; c’est une sorte d’épithélium mixte dont l'élément 
pavimenteux augmente vers le vestibule, et dont l'élément prismatique pré- 
domine, au contraire, dans les parties supérieures. Ce fait semble devoir 
être invoqué en faveur d’une transformation sur place de l’épithélium pri- 
mitif du conduit génital, qui inférieurement formerait l’épithélium pavi- 
menteux stratifié du vagin et supérieurement deviendrait l’épithélium pris- 
matique de l’utérus. Nous ne pensons pas toutefois que le stade qui nous 
occupe soit suffisant pour trancher définitivement la question. 
Vers la soixante-dixième coupe l’épithélium se rapproche assez nettement 
de la forme prismatique : il a en même temps augmenté d’épaisseur (50 y). 
Vers la cent-vingtième coupe, le conduit génital régulièrement cylin- 
drique mesure 1 millimètre de diamètre. Sa lumière, légèrement contournée 
en forme d’S couchée transversalement, possède une longueur de 140 y. 
Vers la cent-trentième coupe, le conduit utéro-vaginal commence à 
s’aplatir d'avant en arrière; sa lumière participe également à cet aplatisse- 
ment qui devient de plus en plus prononcé jusqu’à l’orifice des trompes. 
Nous signalons, en passant, la persistance sur une longueur de 57,2 
(110 coupes) à partir de l'extrémité vestibulaire, des. deux conduits de 
Wolff avec une interruption de la trentième à la quarante-huitième coupe 
pour celui du côté gauche. Ces deux conduits, cheminant dans les parois 


latérales du tube utéro-vaginal, viennent s’ouvrir à l’extrémité supérieure 


du canal vestibulaire, en arrière de l’urèthre, et de chaque eôté du cylindre 
épithélial solide qui comble la lumière du vagin. 

Un second embryon de la même largeur (17°,5/10°",5) nous pré- 
sente un stade légèrement plus avancé que le précédent. 

Le segment inférieur du tube utéro-vaginal est tapissé par un épithélium 
franchement pavimenteux stratifié, d’une épaisseur de 20», qui remplit 

entièrement la lumière du conduit, au voisinage de sa terminaison vestibu- 
laire. Supérieurement l’épithélium est prismatique, d’une hauteur de 35 
à 40 y. 

La section transversale du cordon épithélial, à l’origine inférieure du 
conduit génital est assez régulièrement cireulaire, puis elle prend la forme 
d’un T à branche verticale dirigée en arrière. La section s’étire ensuite 
transversalement, en même temps que la branche verticale du T disparaît, 
et qu’une faible lumière se montre au centre du cordon épithélal. Plus haut 
la coupe du conduit épithélial est celle d’un croissant à concavité dirigée en 
avant : à ce niveau s’opère la transition graduelle de l’éphitélium pavimen- 
teux en épithélium prismatique. 

Supérieurement la lumière du conduit génital se contourne en forme d'S 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 49 


couchée transversalement : les deux épaississements longitudinaux des pa- 
rois antérieure et postérieure qui déterminent cette incurvation, repré- 
sentent les rachis du futur arbre de vie du col de l'utérus. Enfin, tout au 
sommet de l’organe, la lumière est rectiligne, aplatie d’avant en arrière. 

Un fœtus plus avancé de 10°",5/14°%,5 (début du cinquième mois 
lunaire) nous fournit les mensurations suivantes : La longueur totale du 
conduit génital mesurée sur des coupes longitudinales sagittales, atteint 
11 millimètres dont 1"",5 est occupé par l’épithélium prismatique et 
6"®,5 par l’épithélium pavimenteux stratifié : la transition est graduelle 
entre ces épithéliums. Sur une étendue de 1,8 à partir du vestibule, les 
parois épithéliales antérieure et postérieure sont intimement soudées entre 
elles, sans trace de lumière centrale. La lame épithéliale résultant de cette 
fusion mesure d’abord une épaisseur de 50 y, puis on la voit se renfler en 
arrière, à 1 millimètre environ du vestibule, et atteindre une épaisseur de 
300 ». Ce renflement postérieur répond à la branche verticale du T que nous 
avons signalée chez l'embryon précédent, sur la coupe transversale. 

 Fœtus de 12%,5/17 centimètres (milieu du cinquième mois lu- 

naire). — Le conduit génital possède une longueur de 13 millimètres. A 
6 millimètres environ du fond de l’organe on remarque un léger renflement 
de la paroi, au niveau duquel se fait la transition encore graduelle de l’épi- 
thélium pavimenteux stratifié. Ce dernier remplit entièrement la cavité du 
conduit sur une hauteur de 2"%,5 à partir du vestibule. 

Sur cet embryon nous voyons apparaître pour la première fois les sillons 
de l'arbre de vie sous forme de légères dépressions de la face interne du. 
conduit utéro-vaginal. Ces dépressions, qui commencent à une petite dis- 
tance au-dessus de la transition es s'étendent sur une longueur de 
2 millimètres. 

Fœtus de 16 centimètres/23 centimètres (Début du sixième mois lu- 
naire). — Nous assistons chez cet embryon au début de la formation du 
museau de tanche. Au niveau du renflement cylindrique qui dessine l’extré- 
mité inférieure du col de l’utérus, l’épithélium pavimenteux stratifié, qui 
comble dans toute sa longueur la cavité du vagin, s’involue dans le tissu 
sous-jacent sous forme d’une lame cellulaire mince, disposée en capsule 
dont la concavité regarde en haut. Ainsi se trouve délimité un mamelon 
conique continu par sa base avec le col de l’utérus, et à sommet inférieur : 
ce mamelon représente la portion vaginale du col de lutérus. L’épithélium 
pavimenteux stratifié du vagin s’enfonce à une faible distance dans la cavité 
du col dont la lumière se termine en s’effilant vers l’extrémité du museau 
de tanche : la transition épithéliale est toujours graduelle. 

En ce qui concerne l’époque à laquelle se développe la partie vaginale 
du col de lutérus, nos recherches concordent avec celles de Dohrn, qui 
place le début de la formation du museau de tanche de la dix-neuvième à 
la vingtième semaine (Marburg Gesellschaft, 1815). 

Nous mentionnerons encore sur cet embryvn les points les plus intéres- 


50 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sants suivants : la longueur de l’utérus est de 11 millimètres, celle du 
vagin de 10"%,5 ; les parois ne se laissent pas encore décomposer en tu- 
niques distinctes. Les sillons de l’arbre de vie, plus nombreux et plus déve- 
loppés que dans le stade précédent, couvrent une étendue de 5millimètres. 
Les plis du vagin sont dessinés par des involutions épithéliales en forme de 
lames transversales dans le tissu sous-jacent. 

Fœtus de 20 centimètres/31 centimètres (septième mois Are — 
La longueur totale de l’utérus est de 14 millimètres, dont 5 pour letcorps 
et 9 pour le col. L’épithélium du vagin remplit encore complètement la 
cavité de cet organe, seulement les cellules les plus centrales se dissocient 
et se détachent sur la coupe. 

La muqueuse du corps de l’utérus est tapissée par un épithélium prisma- 
tique sans cils vibratiles d’une hauteur de 20 à 30 ; qui se poursuit sans 
modification dans la cavité du col. Les sillons de l’arbre de vie, de plus en 
plus accusés à mesure qu’on se rapproche du museau de tanche, atteignent 
pour les plus développés, une profondeur de 500 à 600 4; ils disparaissent 
à une distance de 1,5 à 2 millimètres de l'extrémité du museau. Les sil- 
lons les plus inférieurs présentent sur leurs parois des dépressions alvéo- 
laires simples ou divisées, dans lesquelles s'enfonce sans changement 
appréciable l’épithélium légèrement épaissi des sillons. 

La saillie du museau de tanche mesure une longueur de près de 1 milli- 
mètre. L’épithélium pavimenteux stratifié qui en revêt la surface vaginale, 
s'engage dans la cavité du col à une profondeur de 1°", 3, puis il diminue 
.d’épaisseur, el se continue ensuite par une transition graduélle avec l’épi- 
thélium prismatique de l’utérus. 

La muqueuse de l’utérus distincte à ce stade, de la tunique niusculeuse 
possède une épaisseur de 300 à 4004. La tunique musculeuse atteint 0,7 16 
au niveau du corps et 1,04 à la partie inférieure de l'utérus. 

Fœtus de ‘29 centimètres/44 centimètres (neuvième mois lunaire). — 
L'utérus mesure une longueur de 23 millimètres dont 5"",5, pour le corps 
et 17%%,5 pour le col. Le museau de tanche nettement accusé possède à sa 
base un diamètre de 10 millimètres; toutefois la quantité dont il proémine 
dans la cavité du vagin, c’est-à-dire la longueur de la portion vaginale du 
col de l'utérus, ne dépasse guère 1,5 à 2 millimètres. 

L’épaisseur de la muqueuse du corps de l’utérus varie entre 600 et 700 y. 
Au niveau du col, l'épaisseur de la muqueuse, mesurée assez exactement 
par la profondeur des sillons de l’arbre de vie, est comprise entre 600 et 
- 900 ». 

Le passage de l’épithélium prismatique de l’utérus à l’épithélium pavi- 
- menteux stratifié du museau de tänche s'opère brusquement à une distance 
de 15 millimètres de l’extrémité du museau. Dans une étendue de 2 milli- 
mètres environ au-dessus de cette transition, l’épithélium prismatique (15 à 
254 de hauteur) de la cavité du col, a subilatransformation dite muqueuse. 
Les cellules qui le composent ont augmenté de hauteur (35 à 40 «) en même 


SÉANCE DU 26 JANVIER. 51 


temps que leur corps cellulaire est devenu transparent, et entièrement 
réfractaire à l’action des réactifs colorants. D'autre part on constate dans 
toute la région occupée par cet épithélium transparent, aussi bien à la sur- 
face des plis de l’arbre de vie que dans les sillons qui les limitent, la produc- 
tion d’involutions épithéliales en forme de tubes généralement simples, dont 
la profondeur varie de 50 à 200 4 : ces formations anatomiques représentent 
les glandes du col de l’utérus. Les variétés de forme signalées par les auteurs 
nous paraissent tenir à ceci : que les unes s'ouvrent librement à la surface 
des plis de l'arbre de vie, tandis que les autres viennent déboucher au fond 
des sillons, sur leurs parois, ou encore dans les dépressions alvéolaires que 
nous avons signalées précédemment. (Comp. Cornil, Journal de l'anatomie, 
1864.) 

Ajoutons qu’un bouchon muqueux occupe toute la portion du col répon- 
dant à l’épithélium muqueux. 

Fœtus à terme.— Chez le fœtus à terme, la transformation muqueuse de 
lépithélium prismatique, dont il est facile de se rendre compte, aussi bien 
sur les pièces traitées par le liquide de Müller, que sur celles fixées par 
l’alcool, s’est étendue à toute la cavité du col, ainsi que le développement 
des follicules glandulaires : le bouchon muqueux remplit le col dans toute 
sa longueur. 

Les sillons de l'arbre de vie (1%, 5 à 2 millimètres de profondeur), avec 
leurs nombreux follicules glandulaires se rapprochent beaucoup sur la 
coupe de l’aspect qu'ils présentent chez l’adulte. 

Dans la cavité du col de l’utérus, on ne trouve encore aucune involution- 
épithéliale méritant le nom de glandes de l’utérus. Quelques sillons seuls 
serpentent le long de la face interne de la muqueuse. 

Sur tous les fœtus à terme que nous avons examinés, l’épithélium prisma- 
tique de l’utérus, aussi bien du corps que du col, était entièrement dépourvu 
de cils vibratiles. 

Nous rappellerons que M. de Sinéty (Société de biologie, 1875) avait déjà 
signalé l'absence de cellules ciliées dans l’utérus à la naissance, sauf toute- 
fois au voisinage des orifices tubaires. 


DEUXIÈME NOTE SUR LA DIFFUSION, par M. L. CHaBry, présentée 
par M. Poucxer. 


J'ai fait connaître, dans une précédente communication à la Société de bio- 
logie, la loi suivante concernant la diffusion de l’acide sulfurique, en contact 
avec l’eau distillée : 

Un vase cylindrique vertical empli d'eau distillée, étant en contact par 
son extrémité inférieure avec une couche acide de composition constante, 


22 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


la hauteur verticale à laquelle l'acide s'élève par diffusion, au bout d’un 
temps donné, est en raison directe de la racine carrée du temps considéré. 
J’appelle cette relation la loi des hauteurs de diffusion. De nouvelles expé- 
riences, faites dans les mêmes conditions, m'ont montré que les quantités to- 
tales d'acide diffusées dans levase après un temps donné sont également pro- 
portionnelles à la racine carrée de ce temps. F’appelle cette seconde rela- 
tion la. _... quantités diffusées. Il résulte du rapprochement de ces deux 
lois que les quantités d’acide diffusées, dans un même vase cylindrique. 
croissent proportionnellement au chemin parcouru par l’acide (la quantité . 
diffusée est double lorsque l’acide est parvenu à une hauteur double, etc.). 
Ces deux lois sont-elles rigoureusement exactes, ou, comme la plupart des 
lois physiques, ne sont-elles applicables que dans certaines limites et avec 
une certaine approximation? J’ai éprouvé la loi des hauteurs dans des li- 
mites comprises entre une minute et quarante-sept heures et le rapport des 
hauteurs calculées aux hauteurs observées n’a jamais excédé 100/106‘; la 
première loi, si elle n’est rigoureusement exacte, est donc approximée à 
1/20° environ. Il m'est difficile, pour le moment, de juger si les erreurs 
d'observation peuvent atteindre ce chiffre. En ce qui concerne la seconde 
loi, je l’ai contrôlée dans des limites de temps comprises entre dix minutes 
et cinq jours, et le rapport des quantités calculées aux quantités observées 
n’a pas excédé 100/110°. La seconde loi, si elle n’est exacte, est donc 
approximée à 1/10° et j'ignore si les erreurs d'observation ne peuvent 
atteindre ce chiffre. | bc wÂi É 

Il n’est pas inutile d'observer que si l’une de ces lois était rigoureuse- 
ment vraie, il en résulterait que les lois de la diffusion sont celles que Fou- 
rier a assignées à la propagation de la chaleur, et la seconde loi serait aussi 
rigoureuse que la première, car l’analyse mathématique démontre qu’elles 
ne sont que des expressions différentes d’un même fait. L'hypothèse d’une 
semblable analogie entre les lois de la diffusion et celles de la propagation 
de la chaleur avait déjà été émise par Fick en 1855; mais les «expériences 
de vérification faites par cet auteur sont peu concluantes, car le rapport 
entre les chiffres calculés et observés s’élève parfois à 1/2. Postérieurement, 
Matteucci, en 1862, remarqua qu’une loi analogue régissait l’imbibition 
des tissus végétaux par l’eau. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2; Paris. 


93 


SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 


La parole est donnée à M. le professeur LABOuLBÈNE pour lire la notice 
qu’il a rédigée sur Davaine, membre titulaire-honoraire de la Société de 
biologie. 

Cette notice sera publiée ultérieurement et en tête du volume de 1884. 


M. Paul BerT, président, remercie au nom de la Société M. le professeur 
Laboulbène de l'éloge qu’il vient de lire de notre regretté et savant col- 
lègue. 


— À titre d'hommage rendu à la mémoire de Davaine, la séance est 
levée. 


M. le professeur W. B. CARPENTER adresse une lettre de remerciements 
pour sa nomination de membre associé de la Société de biologie. Il adresse 
en même temps, comme hommage à la Société, un grand mémoire intitulé : 
The Zoology of the Voyage of H. M. S. « Challenger ». Report on the 
genus Orbtiolites. — M. HENNEGUY veut bien se charger de rendre compte 
de cet important travail. 


BIOLOGIE. — 8° SÉRIE, T. L°, N° 6. a) 


ot 
tre 


SÉANCE DU 9 FÉVRIER 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


— Hommage fait à la Société de biologie de l’ouvrage suivant : Swr Les 
déformations cräniennes artificielles des squelettes trouvés dans les 
fouilles de Szaged-ŒEthalom (Die Ausgrabungen zu Szaged-(Œthalom in 
Ungarn). In-quarto de 251 pages, avec VIIT planches, Budapest, 1884 ; 
par Joseph von LENHOSSEK. 


À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTE DE BIOLOGIE. 


Ù . 
Paris, le 8 février 1884. 


J’ai l'honneur de faire hommage à la Société d’un exemplaire du Rapport 
qui vient d’être fait à l'Académie royale de médecine de Bruxelles (séance 
du 29 décembre), par M. le docteur Desguin, membre titulaire, sur mon 
travail : Les origines de la métallothérapie. La Société y trouvera la consé- 
cration de ses si précieux suffrages concernant cette nouvelle méthode de 
traitement qui a reçu le nom de Burquisme, et la justification de la bien- 
veillance avec laquelle ses honorables membres ont bien voulu accueillir 
l’histoire de sa découverte. 

Veuillez agréer, monsieur le Président, l’expression de mes sentiments 


profondément respectueux. 
D' V. Buro. 


SUR LE PLACENTA DES OISEAUX, par M. Mathias DuvaL. 


Dès le 22 mai 1880, j'avais l'honneur de communiquer à la Société de 
‘biologie quelques observations sur le mode d'extension de l’allantoïde chez 
les oiseaux, et je signalais la présence, vers le pôle inférieur de la sphère 
vitelline, de formations allantoïdiennes d'apparence énigmatique, lesquelles, 
-sous forme de replis membraneux, se détacheraient de la sphère vitelline, 


_SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 59 


a ——— a — 


pour ailer envelopper la masse albumineuse accumulée au petit bout de 
l’œuf. Ces dispositions étaient énigmatiques en ce qu’elles nous montraient 
J’allantoïide abandonnant la cavité pleuro-péritonéale ou cœlome externe 
pour aller donner naissance à une formation dont aucun embryologiste 
n’avait encore signalé l'existence. 

Depuis cette époque nous avons poursuivi cette étude, ba sans Succès, 
parce quenous ne nousadressions qu’à des œufs de no dontles dimensions 
sont trop considérables pour permettre de dureir en masse et de débiter en 
coupes fines la totalité des parties que renferme l’œuf; et cependant nous 
nous étions convaincu que C'était là le seul mode de recherche qui pût nous 
donner des résultats satisfaisants, c’est-à-dire nous faire reconnaitre les 
rapports et connexions des parties, rapports et connexions que nous avions 
en vain essayé de déterminer par la SEAT même, en opérant sous 
l’eau. 

Nous étions sur le point de renoncer à rare ce problème, lorsque, au 
mois de mai dernier, par le fait de circonstances particulières, nous fûmes 
à même de nous procurer un grand nombre d'œufs de fauvette, à toutes les 
périodes de l’incubation, œufs qui, grâce à leur petit volume, purent être 
dureis (emploi du liquide de Kleinenberg et de l’alcool) puis débités au 
rasoir en minces coupes. Dès lors il nous fut possible, sur les préparations 
ainsi obtenues, de suivre le trajet et les: connexions des. membranes et de 
constater les faits suivants : 

Suivant le schéma classique, l’allantoïde se glisse et s'étend dans la 
fente pleuro-péritonéale des parties extra-embryonnaires du blastoderme, 
envahit ainsi successivement tout l'hémisphère supérieur de la sphère vitel- 
line, atteint et dépasse l’équateur de cette sphère. Mais lorsque l’allantoïde 
est arrivée vers l'hémisphère inférieur, cette vésicule cesse de s’étendre 
dans la fente pleuro-péritonéale ; elle repousse.au-devant d'elle le chorion 
(feuillet fibro-cutané doublé de l’ectoderme) et se porte ainsi en bas, aban- 
donnant la sphère vitelline, pour suivre la face interne de la membrane 
coquillière, en se dirigeant vers le petit bout de l’œuf; elle forme ainsi 
une sorte de sac qui circonserit la'masse albumineuse (blanc d'œuf), et, à 
mesure que l’allantoïde approche du petit bout de l'œuf et l’atteint, ce sac 
se ferme comme une bourse dont on tire les cordons. Alors l’albumine est 
renfermée dans un sac clos et formé par l’allantoïde revêtue du chorion. 

C’est alors, ou déjà un peu auparavant, qu’apparaissent des formations 
qui vont donner à ce sac une signification précise : sa face interne (en contact 
avec la masse albumineuse) se couvre de villosités, longues et vasculaires, 
qui plongent dans l’albumine et président à son absorption; et en effet 
l'absorption de cette albumine se fait dès lors très rapidement. 

Nous avons donc là un organe dont les parties essentielles sont repré- 
sentées par des villosités choriales, empruntant leurs vaisseaux à l’allan- 
Loïde ; à un organe de ce genre tout embryologiste donnera le nom de 
placenta. 


96 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Les oiseaux possèdent donc un organe annexe analogue au placenta des 
mammifères : au lieu que les villosités de ce placenta pénètrent dans le 
terrain maternel et y puisent les sucs nutritifs, ainsi que cela a lieu chez 
les mammifères, ces villosités, chez l’embryon d'oiseau, plongent dans 
l’albumine que les organes de la mère ont déposée, comme provision nutri- 
tive, dans l’espace que circonscrit la coquille calcaire de l’œuf. C’est la pré- 
sence de cette coquille qui détermine le placenta à prendre la forme de sac 
avec villosités à la face interne, au lieu de s’étaler en surface avec villo- 
sités externes. Mais on comprend facilement que chez des ovo-vivipares, à 
coquille mince et membraneuse, comme chez les reptiles, on pourra trouver 
des espèces chez lesquelles, la coquille se résorbant, le placenta, que nous 
venons de voir prendre la forme de sac chez l'oiseau, s’étalera sur la surface 
interne des oviductes et s’y greffera par ses. villosités. 

Le placenta des oiseaux nous offre donc une forme élémentaire qui a pu 
être l’origine du placenta des mammifères, c’est à dire que nous trouvons 
ainsi de nouvelles formes de transitions et de nouvelles affinités entre les 
vertébrés allantoïdiens munis d’un placenta et ceux qui jusqu’à présent ont 
été considérés comme aplacentaires. 

Remarquons encore que si le placenta des oiseaux est un organe d’ab- 
sorption nutritive par sa surface intérieure, il est un organe d'échanges. 
respiratoires par sa surface extérieure, c'est-à-dire qu'ici se trouvent 
réparties en deux régions différentes les fonctions qui, dans le placenta des 
mammifères, s’accomplissent simultanément en un seul et même lieu. 

Dans une prochaine communication nous reviendrons sur certaines 
parties de ce placenta des oiseaux, et montrerons que sa partie supérieure 
n’est pas allantoïdienne, mais purement ombilicale, c’est-à-dire qu’à certains 
égards il se rattache à ce qu’on a pu considérer comme un placenta ombi- 
lical chez certains poissons plagiostomes. 


SUR LE MODE D'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L'ATROPINE ET SUR L'INFLUENCE 
QUE CE MODE D'ACTION, SOIT SEUL, SOIT ASSOCIÉ À CELUI DE LA MORPHINE, 
EXERCE SUR LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET TOXIQUES DU CHLOROFORME. 
Deuxième Note de M. LABORDE. 


Quel que soit, disais-je dans la première partie de cette Note (Comptes 
Rendus, p. 37, 1884), le mécanisme intime de l’action physiologique de 
l’atropine sur le fonctionnement du cœur, le fait capital que cette action 
s’exerce, d’une façon prédominante, et en ce sens élective, sur les effets 
modérateurs ou arrestateurs du cœur demeure démontré et incontestable. 
Or ce fait, joint au suivant, dont j'ai donné aussi une démonstration expé- 
rimentale péremptoire, savoir que le centre respiratoire bulbaire est doué 
d’une résistance fonctionnelle et d’une survie exceptionnelles, ce fait, dis-je, 


SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 57 


fournit la raison physiologique de l’immunité relative contre l’action du 
chloroforme, dans le cas où l’atropine a été préalablement administrée et 
a produit ses effets, soit seule, soit en compagnie de la morphine. 

Quel est, effectivement, le résultat essentiel de l’administration préalable 
de l’atropine? C’est de réduire à néant ou, tout au moins, d’atténuer consi- 
dérablement l'influence modératrice ou arrestatrice que le bulbe exerce, par 
l'intermédiaire des vagues, sur le cœur; les choses se passent en ce cas, 
comme si l’on avait opéré la section des vagues ; et il s'ensuit que le cœur, 
soustrait de la sorte à cette influence dominatrice, se trouve comme indi- 
vidualisé en son fonctionnement; il a conquis et il garde toute son auto- 
nomie fonctionnelle, rythmique, et il est ainsi, par ce fait même, hors des 
atteintes qui peuvent lui venir de l'influence centrale. 

Or, un des effets les plus graves de cette influence, c’est l'effet suspensif 
des battements du cœur, autrement dit la syncope cardiaque. Cest là pré- 
cisément ce qui constitue le danger imminent de la chloroformisation au 
début, et le danger se trouve, en conséquence, écarté ou singulièrement 
atténué par les conditions fonctionnelles réalisées, gràce à l’action préa- 
lable de l’atropine. 

La théorie physiologique est, d’ailleurs, en parfait accord avec l’observa- 
tion clinique et expérimentale, ainsi que cela résulte des expériences de 
MM. Dastre et Morat, confirmées sur le terrain clinique par M. le docteur 
Aubert(de Lyon)et par ses élèves, MM. Brinon et Hortolès, et des expériences 
plus récentes de M. Paul Bert. 

On peut s'assurer encore, par un procédé expérimental des plus 
simples et des plus faciles, de cette immunité et de cette résistance 
particulière aux effets nocifs du chloroforme, conférés par l’atropinisa- 
tion préalable : il suffit d'opérer sur la grenouille, que l’on sait être si 
sensible à l’action des vapeurs chloroformiques. Voici un type de dispositif 
d'expérience à ce sujet : 

Prenez deux grenouilles aussi semblables que possible ; l’une est destinée 
à servir de témoin; l’autre reçoit, au préalable, en injection hypodermique, 
une dose suffisante de sulfate neutre d’atropine (cette dose peut et doit, 
selon la vigueur du sujet, être poussée jusqu’à 5 ou 6 milligrammes). 

Les deux animaux sont ensuite simultanément soumis à l’action de va- 
peurs chloroformiques, ou, selon le procédé habituel applicable à la gre- 
nouille, elles sont plongées dans de l’eau chloroformée, jusqu’à ce qu’elles 
offrent l’état objectif bien connu de résolution complète, qui donne l’aspect 
de mort apparente. 

Une observation attentive permet d’abord de constater, dans la plupart des 
cas, que les effets du chloroforme se produisent plus rapidement sur la gre- 
nouille préalablement atropinisée. En second lieu, si l’on ouvre rapidement 
la poitrine, on voit qu’en général les contractions cardiaques persistent, 
quoique très lentes et très affaiblies, chez l'animal qui a reçu l’atropine, 
pendant qu’elles sont totatement suspendues chez l’autre, Mais— fait con- 


DS SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


stant— si à raison des conditions d'absorption, qui sont ici spéciales, se 
faisant par toute la surface cutanée, les effets du chloroforme arrivent à 
amener de part et d'autre la suspension des battements du cœur, la re- 
prise et le retour de ces battements commencent toujours chez la grenouille 
atropinisée, et chez elle le cœur a récupéré l'énergie et le rythme premiers 
de ses contractions, bien avant que celui du témoin ait repris son fonction- 
nement normal. 

Si l’on pousse, dans ces conditions respéctivés, la chloroformisation jus- 
qu'aux effets extrêmes, on constate une ténacité et une résistance relatives 
tout à fait imprévues du côté de la grenouille atropinisée : nous avons vu . 
dans un de ces cas, un de ces animaux qui avait reçu 6 milligrammes d’atro- 
pine, et soumis ensuite à l’action du chloroforme jusqu’à la mort apparente, 
présenter la persistance et la continuation des battements du cœur (mis à 
nu) deux jours environ après l’expérience, alors que chez le témoin le cœur 
avait été incapasle de récupérer définitivement sa fonction, à la suite de la 
chloroformisation. 

Ces résultats expérimentaux peuvent, du reste, être fixés, dans leurs dé- 
tails les plus délicats, par la méthode cardiographique, ainsi qu'en témoi- 
gnent les tracés que je vous présente. 


Mais il est possible de réaliser plus complètement encore ces conditions 
d’immunité, de résistance à l’action nocive du chloroforme, cela en asso- 
ciant à l’action de l’atropine celle de la morphine. La théorie physiologique, 
basée sur les résultats positifs de l’expérimentation, explique fort bien aussi 
cette simultanéité d’action, en vue de préserver des accidents possibles et 
les plus imminents de la chloroformisation. 

En effet, pendant que l’atropine met le cœur à labri des influences 
d'arrêt, partant de la syncope cardiaque, par son action paralysante de la 
conduction motrice des vagues, la morphine, de son côté, par son action 
analgésiante généralisée, prévient et empêche les effets des impressions 
sensitives, soit générales, soit surtout localisées aux muqueuses des pre- 
mières voies, qui constituent, au début de la chloroformisation, le point 
de départ des phénomènes d’excitation et d'arrêt cardiaque; de telle 
sorte que les deux substances, atropine et morphine, se prêtent, par 
leur action réciproque, un mutuel appui pour parer au même et essentiel 
danger : l’arrêt cardiaque d’emblée et du début. 

Cest là, en effet, le danger véritablement grave, par son imminence 
presque es comme par sa nature fonctionnelle, de la chloroformisation ; 
voici pourquoi : 

En dehors de lune des EN enthalités. d’ailleurs nombreuses, mais 
étrangères à l’action physiologique propre du chloroforme en inhalation, 
qui peuvent intervenir comme cause de mort pendant la chloroformisation 
empirique, le vrai, le seul mécanisme de la mort par cette substance, c’est 
l'arrêt primitif et persistant de la fonction respiratoire : c’est là un fait qui 


SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 59 


ne saurait être contesté, croyons-nous, aujourd’hui, par aucun physiologiste 
autorisé. Or, tant que le cœur continue à battre, l’arrêt respiratoire peut 
presque toujours et facilement être vaincu par une intervention appropriée, 
soit d’excitation électrique, soit et surtout de respiration artificielle; tandis 
que si le cœur se trouve en état d'arrêt, quelque peu persistant, les diffi- 
cultés de ramener, chez l’homme surtout, ses contractions, sont telles qu’il 
n’est pas téméraire de dire que, dans les conditions dont il s’agit, il y a à 
cela une impossibilité insurmontable : d’où l’asphyxie respiratoire et géné- 
ralisée consécutives, et la mort irrémédiable. 

. C’est pourquoi les moyens préventifs de la syncope cardiaque primitive 
—et tels sont, nous venons dele démontrer, l’atropine et la morphine asso- 
eiées — sont de nature à atténuer, autant que faire se peut, et même à 
éviter le danger essentiel et toujours imminent de la chloroformisation. 
Aussi, pensé-je qu’en attendant la mise en pratique et la vulgarisation pos- 
sible de la méthode de l’anesthésiation par les mélanges titrés de chloro- 
forme et d’air, il y aurait lieu et il serait physiologiquement rationnel 
de recourir à l’emploi préventif du mélange d’atropine et de morphine 
préconisé, après une sérieuse expérience clinique, par M. le docteur Aubert 
(de Lyon). | 

Il est vrai que l’on appréhende, en général, d’user d’une substance aussi 
active et aussi dangereuse que l’atropine ; et cette appréhension n’est pas 
sans fondement, lorsqu'on n’est pas sûr de la pureté chimique du produit : 
mais lorsqu'on est autorisé à avoir confiance en cette pureté — ce qui est 
facile — et lorsque, d’un autre côté, intervient l’action simultanée et anta- 
goniste de la morphine, on peut, sans crainte, recourir à l’atropine, surtout 
dans la limite de l’effet préventif qu’il s’agit seulement d’obtenir, en ce 
cas. 

Cette question de la pureté du produit chimique a, d’ailleurs, une impor- 
tance dont on ne se fait généralement pas une juste idée, et elle tient à un 
certain nombre d'éléments dont on ne se douterait guère à priori; c’est 
pourquoi je me propose d’y revenir prochainement en ce qui concerne par- 
ticulièrement l’atropine, et à propos du procédé de chloroformisation que 
me portent, en attendant mieux, à préconiser les données expérimentales. 


DE L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUE DU SANG ET DE DIVERSES SUBSTANCES COLORÉES, 
AU MOYEN DE LA LUMIÈRE BLANCHE DIFFUSE, RÉFLÉCHIE PAR LA PORCELAINE. 
APPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES, TOXICOLOGIQUES ET MÉDICO-LÉGALES, par 
M. le docteur À. HÉNOCQUE. 


Je signale à la Société un procédé qui simplifie l'observation des bandes 
d'absorption des divers liquides colorés et en particulier du sang et des 
humeurs; je me crois autorisé à le présenter comme nouveau, parce que je 


60 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


n'ai rencontré dans les traités d'analyse spectrale aucune indication du 
même genre. Ce procédé consiste à examiner avec un spectroscope à vision 
directe de construction très simple le sang ou les liquides colorés déposés 
sur une plaque de porcelaine blanche, et éclairés par la lumière solaire ou 
par une source lumineuse quelconque, par exemple une simple bougie. 

Les substances qui présentent des bandes d'absorption lorsqu'on les 
examine par transparence offrent ces mêmes bandes si on les examine par 
un éclairage direct, réfléchi sur une surface blanche polie, soit le papier 
glacé blanc, soit la porcelaine ou une lame de verre émaillé blanc. 

La lumière solaire montre déjà nettement les raies du spectre, lorsqu'elle 
est réfléchie par la surface plane, concave ou convexe d’un morceau de 
porcelaine, mais si l’on examine sur la porcelaine des substances offrant 
des bandes d'absorption, celles-ci apparaissent plus nettement que si on 
les observait par transparence dans les mêmes conditions de lumière et 
«’épaisseur. | 

Ce phénomène est des plus prononcés avec la lumière solaire, il se pro- 
duit avec les autres sources de lumière, telles que le gaz, le pétrole et tout 
simplement une bougie. 

J'ai choisi quelques exemples dont je vais faire la démonstration à ceux 
de nos collègues que ces études peuvent intéresser. 


Une série de tubes soumise à votre examen, ayant 1 centimètre de dia- 
mètre, renferme des substances qui présentent des bandes d'absorption, 
les dilutions sont déterminées de manière que certaines bandes appa- 
raissent à peine si on les examine par transparence à la lumière d’une 
bougie; si, au contraire, ces tubes sont:posés sur une plaque de porcelaine | 
et exposés à la même lumière, mais directement, c’est-à-dire placés au- 
dessous de la flamme: et inclinés de façon à réfléchir la lumière, on voit les 
bandes apparaître plus nettement, et l’on en peut constater d'autres qui 
n'étaient pas visibles. 

1° Une solution de sulfate de didyme au deux-centième examinée par 
transparence ne montre pas de bandes d’absorption nette, mais si le tube 
est placé sur une plaque de porcelaine, on peut distinguer à la lumière 
d’une bougie une bande à droite de la raie D, dans le jaune, et même une 
seconde bande dans le vert. 

2° Une solution de chlorure de didyme dans laquelle on distingue à 
peine les deux bandes caractéristiques du chlorure de didyme, les montre 
très nettement si l’on examine le tube sur la porcelaine. 

3° Une solution de picro-carminate d’ammoniaque au trois-centième montre 
deux bandes caractéristiques à droite de D, c’est-à-dire dans le jaune vert 
et le vert, si on l’examine sur la porcelaine, les deux bandes sont réunies 
et ne laissent plus voir de vert comme dans les solutions concentrées. 

4° Du sang humain, conservé dans l’hyposulfite de soude, a été dilué de 
façon à présenter une teinte rose très pàle; examiné par transparence, il 


SÉANCE DU ® FÉVRIER. 61 


ne présente aucune bande caractéristique ; mais, vu sur la porcelaine, il 
montre la bande large caractéristique de l’hémoglobine réduite. 

5° Le liquide plasmatique ou sang de la larve du Chironomus étendu 
d’eau montre par transparence les deux bandes de l’oxyhémoglobine ; vu sur 
du papier porcelaine (papier du sphygmographe), il montre ces deux bandes 
plus larges, à peine séparées par un espace vert sombre. 

5° De la teinture de cantharides montre, par transparence, une bande 
très nette dans le rouge ; en l’examinant sur la porcelaine on distingue 
une seconde bande dans l’orange à gauche de la raie D : les raies sont 
caractéristiques de la chlorophylle. 

1° De l'essence de violettes présente par transparence une bande dans le 
sang, et sur la porcelaine, deux autres bandes dans l’oranger et près du 
bleu. | 

Il est inutile de multiplier ces exemples pour démontrer que la lumière 
blanche réfléchie agit sur les solutions de substances colorées en augmen- 
tant l’intensité des bandes d'absorption, comme si la solution était plus 
concentrée, ou comme si l’épaisseur du liquide observé était plus considé- 
rable. | 

J’ai cherché à déterminer la valeur de cette augmentation, mais je n’ai 

pu jusqu'à présent l’évaluer que d’une manière approximative; il m'est 
démontré cependant que pour le sang, pour les solutions de sel de didyme, 
l'épaisseur de la couche observée sur la porcelaine, à la lumière solaire, 
donne des bandes d’absorption aussi nettes que les mêmes solutions obser- 
vées par transparence et ayant une épaisseur double, triple et même quin- 
tuple. 
C’est ainsi que six gouttes d’une solution d’hémoglobine au centième, 
diluées dans un centimètre cube d’eau, donnent, par l’éclairage de la por- 
celaine, deux bandes aussi nettes qu’une dilution de douze gouttes de cette 
solution dans un centimètre cube d’eau. 

Cette relation varie suivant la concentration des matières colorantes et 
suivant des conditions qui ne sont pas encore nettement déterminées. 

Les applications de ces phénomènes à l'analyse spectroscopique sont 
très importantes, puisque l’examen direct sur la porcelaine est rapide, et 
en quelque sorte instantané, et n’exige qu’une très petite quantité de 
substance. En physiologie et en toxicologie, j'ai déjà pu démontrer les 
avantages de cet examen sur la porcelaine dans les recherches que j'ai 
présentées à la Société, sur la durée de l’absorption et de l’élimination du 
nitrite de sodium et du nitrite d’amyle, et qui reposent sur l'examen spec- 
troscopique du sang des animaux intoxiqués par les nitrites, répété à quel- 
ques minutes d'intervalle. 

Enfin, dans l’étude médico-légale des taches de sang ou d’autres 
substances colorées sur du linge, sur du bois, des tentures, il y aura avan- 
tage à procéder de la manière suivante : Une portion du tissu présentant la 
tache de sang, que ce soit du linge ou même une lamelle de bois, est collée 


62 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sur un godet de porcelaine, puis humectée d’eau; on l’examine alors avec 
le spectroscope à vision directe, et l’on peut faire agir sur la tache les 
réactifs caractéristiques de l’hémoglobine : on a ainsi l'avantage d'éviter 
la séparation de la tache et du tissu, et une dilution qui fait disparaître la 
substance colorante, c’est-à-dire la preuve matérielle. 


NOTE SUR LE SQUELETTE CARTILAGINEUX PRIMITIF DE LA FACE, 
par M. Georges HERVÉ. 


Presque tous les anatomistes ont décrit et décrivent encore le développe- 
ment du squelette facial comme s’effectuant suivant un mode spécial, en- 
tièrement différent du processus ostéogénique qui, chez les vertébrés 
supérieurs, donne naissance au crâne basilaire. Les os de la face se dépo- 
seraient directement entre des membranes, sans être précédés de cartilage, 
comme se développent les os de revêtement de la voûte du cräne (ossifica- 
tion intermembraneuse ou périéstéale). La base du crâne, au contraire, est 
préformée à l’état cartilagineux, et c’est aux dépens de ce cartilage primor- 
dial, ou, pour mieux dire, par son intermédiaire et en se substituant à lui, 
que se forme la substance osseuse, l’os se déposant ici dans l’épaisseur 
même du cartilage (ossification intracartilagineuse ou enchondrale). 

J’ai l’honneur de soumettre à l'examen de la Société un certain nombre 
de coupes microscopiques qui m'ont permis de constater, relativement au 
mode d’ossification de la face, des faits en complète opposition avec la 
théorie que je viens de rappeler. Je ne prétends pas, toutefois, revendiquer 
la priorité de la découverte de ces faits : ils ont été vus avant moi par 
Dursy d’abord, puis, plus récemment, par Hannover, qui les à parfaite- 
ment décrits dans son important mémoire sur «le cartilage primordial et 
son ossification dans le crâne humain » (pages 45 à 50). Mes observations 
ne font que confirmer les leurs; elles étendent, en outre, à quelques mam- 
mifères (chat, mouton) les résultats auxquels ils sont arrivés pour l’homme. 

Il ressort de cet ensemble de recherches que le prétendu dualisme évo- 
lutif que l’on a voulu établir entre la base du crâne et la face, au point de 
vue de l’ostéogenèse, que ce dualisme n’existe réellement pas. Le squelette 
facial tout entier est primitivement cartilagineux. Le cartilage primitifde # 
la face est en continuité de substance avec le chondrocräne, dont il repré- 
sente une simple dépendance; il prolonge directement le cartilage de 
l’ethmoïde. C’est en dehors de ce massif cartilagineux, dans les parties 
membraneuses qui l'entourent, qu’apparaît ultérieurement la substance 
osseuse qui constituera le squelette définitif. L’os, au moment de son appa- 
rition, vient doubler extérieurement le cartilage, avec lequel il coexiste pen- 
dant quelque temps. Ce mode de développement, les relations des deux 


: 
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édit 


PILE 


SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 63 


substances, ainsi que les dispositions morphologiques affectées par le car- 
tilage facial, apparaissent très clairement sur les coupes que voici, faites 
sur des têtes d’embryons de chat de 5 1/2 centimètres de long. 

L'ossification progressant, le cartilage disparaît par une atrophie dont 
la marche et le mécanisme ne sont pas encore parfaitement connus. Il y a 
là matière à nouvelles recherches. 

On a pu déjà reconnaître l'identité de ce processus et de celui que les 
beaux travaux de MM. Robin et Magitot ont depuis longtemps mis en 
lumière pour le développement du maxillaire inférieur. On se rappelle que 
ces auteurs ont montré qu'il n’y a pas ossification directe du cartilage de 
Meckel, mais que l’os se forme en dehors de l’arc mandibulaire cartilagi- 
neux; celui-ci est destiné à disparaître par atrophie, son rôle étant celui 
d’un simple support d'attente. Ce fait, qui constituait une apparente excep- 
tion à la loi générale du développement de la face osseuse, aurait dû déjà 
attirer l’attention des observateurs, en les portant à vérifier d’un peu plus 
près ce que cette loi pouvait avoir de fondé. Une autre observation, due à : 
M. le professeur Sappey, venait bientôt apporter un nouveau démenti à la 
théorie du développement achondral. M. Sappey montrait, en effet, que le 
vomer est formé au début de deux lames osseuses enfermant dans leur inter- 
valle un prolongement émané du cartilage de la cloison du nez; il avait 
vu, en même temps, que l’os ne se développe pas aux dépens de ce carti- 
lage, mais en dehors de lui, et il avait suivi la résorption graduelle du car- 
tilage intra-vomérien à partir de la naissance jusqu’à l’âge adulte. M. Sap- 
pey, ouvrant ainsi la voie aux recherches des embryologistes, constatait 
enfin que « pendant toute la première moitié de la vie. fœtale, la cloison des 
fosses nasales est exclusivement constituée par un cartilage qui s'étend de 
leur paroi supérieure à l’inférieure, et de leur ouverture antérieure à la 
postérieure. » (Traité d'Anat. descript, t. I, p. 213, 2° éd.) 

Ce grand septum cartilagineux, dont il ne reste plus chez l’adulte que le 
cartilage dit de la cloison, occupe chez l'embryon tout l'emplacement où se 
formeront plus tard la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer. 
Mais ce septum n’est lui-même qu’une partie d’une masse cartilagineuse 
beaucoup plus étendue qui comprend toute la face. Sur des coupes orientées 
en direction frontale, c’est-à-dire pratiquées suivant un plan vertical et 
transversal, et se succédant d’avant en arrière, on voit, sur les plus recu- 
lées, la cloison en question se rattacher en haut au cartilage de la base du 
crâne. Sur des coupes passant plus en avant, le septum se divise à sa partie 
supérieure en deux lames, qui s’incurvent à concavité inférieure pour for- 
mer le plafond des cavités nasales, puis qui se reploient de chaque côté de 
haut en bas, en limitant la paroi externe de ces cavités. Ces lames cartila- 
gineuses latérales, qui prolongent en avant les masses latérales de l’eth- 
moïde, constituent de véritables maxillaires supérieurs cartilagineux. 
Tapissées à leur face interne par la pituitaire, elles envoient dans l’inté- 
rieur des fosses nasales des prolongements (les cornets cartilagineux), qui 


64 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


circonserivent les méats et les sinus. Le cartilage entoure ainsi de toutes 
parts les cavités et arrière-cavités nasales. Le sinus maxillaire notamment, 
reconnaissable sur les coupes à ses glandes en épi, offre à ce moment des 
parois entièrement cartilagineuses. Quant à los, il apparaît déjà sous la 
forme de points isolés, présentant l'aspect réticulaire bien connu des os de 
membrane en voie de développement. Ces points osseux se constituent 
extérieurement au cartilage. On aperçoit très nettement de chaque côté 
deux centres d’ossification : l’un, supérieur, qui, de la région fronto-nasale, 
descend entre l’œil et la paroi externe des fosses nasales; l’autre, infé- 
rieur, qui rayonne d’une part vers le précédent, et s’étend d’autre part 
dans F voûte palatine. 

Tels sont les faits. [ls montrent, en résumé, que le PT de la base 
du cràne et le squelette facial se développe suivant le même mode, et que 
l’un et l’autre sont primitivement constitués par la substance cartilagi- 
neuse. La seule différence est que, dans le premier cas, l’os se dépose à 
l’intérieur du cartilage, et dans le second à sa surface. 

Je signalerai en terminant une application que l’on peut faire de ces faits 
embryologiques à la pathologie. Les fosses nasales et leurs sinus sont par- 
fois, chez les jeunes sujets surtout, le siège de tumeurs cartilagineuses. 
L'origine de ces tumeurs ne laissait pas que d’être embarrassante avec la 
théorie ostéogénique généralement admise; elle s'explique, au contraire, 
très aisément par l'existence d’un squelette cartilagineux précédant le 
squelette osseux. J’ajoute que la composition de ces tumeurs, qui renfer- 
ment, ainsi que l’a montré Broca, un mélange en proportion variable de 
tissu cartilagineux et de tissu osseux (ostéochondromes), se trouve égale- 
ment expliquée par la coexistence, à une certaine période du développe- 
ment, de l’os et du cartilage. 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA LUTIDINE DU GOUDRON DE HOUILLE. Deuxième 
Note, par MM. Œcasner DE ConiINcK et Piner. (Travail du laboratoire de 
M. M en présenté par M. BOCHEFONTAINE.) 


Dans nos précédentes notes (séances des 24 novembre et 1* décem- 
bre 1883), nous avons déterminé la dose de lutidine du goudron de houille 
qui amène la mort chez le chien. 

Nous avons étudié depuis l’action physiologique de cette substance au 
moyen de doses plus faibles. 


ExPÉR. VIII. — Chien mâtiné pesant 18 kilogrammes; l’animal est jeune et 
vigoureux. Injection intra-veineuse de la solution suivante : lutidine, 3 grammes; 
eau, 16 grammes. ; 


à aie r 
= Luc «of OR tee bb br 


SÉANCE DU 9 FÉVRIER. 65 


1 h. 30. Injection de 5 centimètres cubes. Au bout de quatre minutes, saliva- 
tion ; l'animal est agité. 

1 h. 35. Injection de la même quantité; salivation abondante; l’haleine de 
l'animal exhale fortement l’odeur de la base. Vive agitation; respiration pro- 
fonde, difficile, saccadée. Les mouvements du cœur sont précipités, le cœur bat 
65 au quart. 

1 h. 40. Injection de la même quantité. L’animal est pris de tremblements 
généralisés et est affaibli. 

4 h. 45. Nouvelle injection de la même quantité. Au bout de trois minutes, 
l'animal est plus engourdi, il reste couché sur le côté, affaissé sur son train 
postérieur. On observe quelques mouvements spontanés de la tête et des membres 
antérieurs; pas la moindre sensibilité de la cornée, pupilles très dilatées. 
L’anima! réagit faiblement contre les pincements; pas de cris de douleur. 

3 h. 10. L’animal est moins engourdi, et il peut faire spontanément quelques 
pas; les tremblements généralisés continuent. 

Le lendemain l’animal est revenu à l’état normal. 


ExpEr. IX. — Chien griffon pesant 12 kilogrammes. Injection intra-veineuse 
d’une solution contenant : lutidine, 37,4; eau, 16 grammes. 

3 heures. Injection de 5 centimètres cubes; au bout de quelques minutes, 
salivation. 

3 h. 5. Nouvelle injection de 5 centimètres cubes; salivation abondante; 
l'animal se débat et crie. 

3 h. 10. Injection de la même quantité. Le cœur qui, avant l’expérience, battait 
18 au quart, bat 42. L'animal est pris de tremblements généralisés. Température 
rectale : avant l'expérience, 39,9; à 3 h. 15 elle est descendue à 38°,5. La respi- 
ration est profonde et pénible; 7 mouvements respiratoires au quart. 

3 h. 16. Injection de la même quantité. Même état. 

3 h. 20. L'animal est affaibli; il réagit peu lorsqu'on le frappe. Il ne crie pas, 
mais l'introduction du thermomètre dans le rectum détermine des mouvements 
violents généralisés et des cris de douleur; la sensibililé réflexe de la cornée est 
extrêmement diminuée. 

3 h. 30. La température rectale est de 380,4; la respiration est de 6 au quart. 
Faiblesse extrême ; l’animal s’affaise sur le ventre et reste quelque temps immo- 
bile. Cependant, au bout de vingt minutes environ, l’animal fait quelques mou- 
vements spontanés, mais il ne peut se tenir sur son train postérieur. 

Le lendemain il se meut avec moins de difticulté et est encore abattu. 

Le surlendemain l’animal est mieux. 

Au bout de quatre jours, il est bien revenu à l’état normal. 


La lutidine du goudron de houille agit donc sur les centres nerveux; 
elle produit d’abord des phénomènes d’excitation auxquels succèdent 
bientôt la diminution, puis l'abolition de la sensibilité et de la motricité. 
Les battements du cœur sont accélérés, puis deviennent sensiblement moins 
nombreux. La température est abaissée de 1 à 2 degrés par les doses que 
nous avons employées. La respiration qui est, au début, fréquente, profonde, 
irrégulière, ne tarde pas à se ralentir tout en demeurant irrégulière. Pour 


66 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ce qui est de la salivation, si l’on considère que la lutidine du goudron 
se comporte vis-à-vis du système nerveux central comme la picoline, nous 
sommes conduits à admettre que cette base agit sur les glandes salivaires 
par le même mécanisme que la picoline, sis D par l’intermédiaire 
du système nerveux central. 

Depuis que nous avons eu l’honneur de présenter à la Société de biologie 
notre première Note, nous avons eu connaissance du Mémoire dans lequel 
MM. Waters et Williams ont étudié les propriétés physiologiques de la 
B-lutidine (dérivée de la cinchonine). D’après ces auteurs, cette base est 
antagoniste de la strychnine dont elle arrête les convulsions. Sans doute, 
notre lutidine possède la même propriété, puisqu'elle se comporte vis-à-vis 
du système nerveux central de la même façon que son isomère. C’est ce que 
nous avons d’ailleurs l'intention de vérifier. 

En terminant, nous nous faisons un devoir de remercier M. le docteur 
Bochefontaine, qui nous a guidés de ses conseils. 


NOTE POUR SERVIR A L'HYBRIDITÉ CHEZ LES ANIMAUX, par M. Emile THreRRY, 
professeur de zootechnie et directeur de lEcole d’Agricullure de 
l'Yonne. 


Le 7 mai 1883, M. Fourrey, de Venisy (Yonne), fit don à l’École pratique 

d'Agriculture de l'Yonne d’un jeune verrat âgé de quatre mois, né dans les 
premiers jours de janvier. Cet animal est le produit d’un sanglier, pris tout 
jeune au bois au milieu d’une suite dont la mère venait d’être tuée, et d’une 
truie de la variété du Bourbonnaiïs (variété de la race bressane). À l’époque 
où le sanglier, père de celui qui a été donné à l’École, à été surpris, il 
pouvait être âgé de deux mois environ; car il portait encore la livrée qui n’a 
disparu que deux mois après sa capture. 
. C’est à l’âge d’un an environ qu’on lui a donné une truie. De cet accou- 
plement sont nés quatre marcassins : trois femelles et un màle. C’est préci- 
sément ce màle que nous possédons à l’École de La Brosse. Il a des caractères 
très accusés du sanglier : tête effilée et très allongée; oreilles droites mais 
un peu plus longues et plus larges que celles du père; dos et reins très 
courts ; la croupe, très avalée, fait que le train postérieur paraît être beau- 
coup plus bas que le train antérieur; les soies sont raides et absolument 
semblables sur l’encolure, le garrot et le dos à celles du sanglier. L'animal 
est pie, c’est-à-dire qu'il a une partie de la croupe et du ventre garnie de 
soies blanches moins rigides que les soies de sanglier. 

Il est extrêmement doux et pas sauvage avec les élèves qui le soignent. 

Il a été placé avec une jeune truie, de même race et de même variété 
que sa mère, àgée de deux mois. Le 12 novembre 1883 cette bête a donné 


PRE 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER. 


(er) 
el 


naissance à cinq petits. Elle était à peine âgée de quatre à cinq mois quand 
elle a été fécondée par notre hybride. Sur les cinq petits, il y avait quatre 
femelles et un mäle. Deux des petits sont morts quelques heures après la 
naissance, les trois autres — deux femelles et le mâle — vivent et sont très 
vigoureux. Les deux femelles, à part quelques taches noires, ressemblent 
beaucoup à la mère. Le mâle tient plus du père. Cependant il ale corps allongé 
et un peu aplati d’un côté à l’autre, comme le sanglier ; la croupe est moins 
avalée, mais la tête se rapproche encore davantage de celle du père. Cepen- 
dant les oreilles sont déjà un peu plus larges et un peu plus tombantes. Il 
porte sur toute la croupe, mais plus à droite qu’à gauche, une large tache 
de soies de sanglier. Cette tache, pendant deux mois, avait l'aspect complet 
de la livrée du marcassin. Aujourd’hui, à quatre-vingt jours, elle ressemble, 
quant aux soies, au pelage du sanglier de quatre mois qu’on appelle : bête 
rousse; Mais elle est d’un aspect “re pàle que le pelage ordinaire de l’a- 
nimal sauvage de quatre mois. 

L’hybride né d’une truie et d’un sanglier n’est donc pas en ER 
Ce n’est pas un mulet. 

Je n’ai pas la prétention de donner une démonstration ; mais je désire 
simplement signaler ce fait qui l’a d’ailleurs été déjà par les zoologistes. 

J’ai intention de poursuivre l’expérience dans les conditions suivantes : 

L’hybride primitivement amené à La Brosse couvrira encore la truie qui 
nous a donné les trois porcelets ; il couvrira en outre une des jeunes truies 
qui descendent déjà de lui. Il sera ensuite châtré et livré à la consommation. 
Je m’assurerai alors du nombre exact des vertèbres lombaires, ainsi que du 
nombre de ces mêmes vertèbres chez les descendants que nous ne vendrons 
pas. 

Je tiendrai la Société de biologie au courant de cette observation, que je 
poursuivrai aussi loin que possible pour étudier le retour en arrière. 

Je serais heureux si la Société voulait bien me faire quelques réflexions 
ou me donner des conseils relativement à une direction particulière qu’elle 
croirait devoir donner à cette recherche expérimentale. 


NOUVELLE SÉRIE D'EXPÉRIENCES SUR LES VIANDES TRICHINÉES D'AMÉRIQUE, 
par M. Duprez, vétérinaire inspecteur de la boucherie de Paris. 


Le 14 janvier, quatre rats (variété albinos) sont isolés dans des cages en 
fer, disposées d’ailleurs de façon que ces animaux se trouvent dans des 
conditions de propreté favorables. Ces quatre rats sont divisés en deux sé- 
ries : numéros À et3, numéros 2 et 4 

Les numéros 1 et 3 reçoivent tous les jours 10 grammes de salaison tri- 
chinée, 20 grammes de pain et un peu d’eau. Les numéros 2 et 4 reçoivent 


GS SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par tête et par jour 15 grammes de salaison trichinée et de l’eau. Les salai- 
sons sont un morceau d'épaule et un morceau de poitrine provenant des 
saisies effectuées dans des salaisons américaines par le service d’inspection 
de la boucherie de Paris. Ces morceaux sont les seuls qu’on ait pu alors se 
procurer. Les préparations microscopiques montrent en effet que ces viandes 
contiennent une quantité notable de trichines (un kyste par préparation 
environ pour l'épaule, un kyste par deux préparations environ pour la poi- 
trine). 

Le 15 et le 16 janvier rien d’anormal ; les animaux paraissent seulement 
très altérés. 

Les 18, 19 et 20, les animaux laissent un peu de nourriture ; légère 
diarrhée. On attribue le peu d’intensité de celle-ci pour les animaux soumis 
au régime exclusif de la salaison, à ce qu’on leur donne en même temps de 
l’eau en abondance. 

Les 24 et 26, retour complet à la santé. Les excréments sont fermes. 

Les 27 et 28, même état. Toutefois le rat numéro 1, nourri au pain et à 
la viande, paraît avoir un peu maigri. 

Les 29, 30 et 31, rien de particulier. 

Le 1° et le 2 Fier les rats numéros 1 et 3 sont mis au régime du pain 
seul; la viande est supprimée. Pour les numéros 2 et 4, continuation du 
régime par la viande exclusivement et l’eau. 

Les 5, 4, 9, 6 et 7, rien de particulier. 

Le 8, les quatre rats sont mis au régime du pain; ils sont en par- 
fait état de santé. Un fragment des muscles de la cuisse, prélevé sur 
chacun d’eux, ne montre ni jeunes trichines, ni trichines en cours d’enkys- 
tement. 


Ces expériences ont été faites dans le laboratoire de MM. Robin et Pouchet, 
sous la direction de M. Pouchet, qui en accepte la responsabilité, comme 
l’avaient été celles publiées antérieurement par M. Rebourgeon. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


M. E. C. SÉcuix, professeur au Collège des médecins et des chirurgiens 
de New-York, fait hommage à la Société de son ouvrage : Opera minora 
(A collection of essays, articles, lectures and addresses from 1866 to 1882 
inclusive. New-York, 1884). 


M. Ch. Ricuer dépose sur le bureau et donne une analyse verbale de son 
livre sur l’homme et l'intelligence (Paris, 1884). 


M. Haxor fait hommage, au nom du traducteur et commentateur, M. le 
docteur P. Hermet, de l’ouvrage de Jonathan Hutchinson sur les maladies 
de l'œil et de l'oreille consécutives à la syphilis héréditaire (Paris, 1884). 


M. le docteur Pozzi fait une communication sur la bride masculine du 
vestibule chez la femme et sur l’origine de l'hymen, à propos d’une jeune 
fille dépourvue de vagin, d'utérus et d’ovaires, travail faisant suite à sa pré- 
sentation précédente du 26 janvier 1884, d’un pseudo-hermaphrodite mâle. 
Ce travail sera inséré dans les Mémoires de la Société de biologie. 


SUR LA COAGULATION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES, 
par M. Edouard GrImaux (1). 


Diverses matières albuminoïdes, et surtout l’albumine de l’œuf et du 
sérum, possèdent la propriété de se coaguler par l’action de la chaleur et 
de se transformer en substances insolubles. La cause de la coagulation, la 
nature de la modification chimique que subit l’albuminoïde en se coagulant 
sont absolument inconnues, et il n’est pas d’autre colloïde d’origine orga- 
nique qui présente cette réaction. Malgré les nombreuses recherches entre- 


(1) Cette communication a été faite dans la séance du 12 janvier 1854. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS: — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 6 


10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


prises sur les albuminoïdes, on n’est pas parvenu à déterminer, dans le 
phénomène de la coagulation, le rôle du sel et des gaz qui les accompagnent 
dans les liquides de l'organisme : aucun procédé ne permet d'obtenir l’al- 
bumine à l’état de pureté absolue, la dialyse laisse toujours une quantité 
de sel s’élevant de 4 à 8 millièmes; ou, si elle est débarrassée de sub- 
stances fixes, comme dans le procédé de M. Wurtz, elle retient une cer- 
taine quantité d'acide acétique combiné. 

Ces propriétés spéciales des albuminoïdes, ainsi que leur facile transfor- 
mation en corps analogues, sous l'influence des réactifs, en ont fait un 
groupe spécial dans la série des corps organiques, ne présentant d’ana- 
logies avec aucun d’entre eux. 

Pour apporter quelques documents nouveaux à cette importante question, 
il m'a semblé qu’on devait suivre une voie nouvelle ; au lieu de reprendre 
l'étude des albuminoïdes dont la molécule est si complexe et sur lesquels 
on à fait tant de travaux remarquables, il fallait s’efforcer d'obtenir un 
corps d’une structure relativement simple, un colloïde azoté présentant les 
propriétés physiques des albuminoïdes et donnant comme eux des solutions 
coagulables par la chaleur. 

Mes premières recherches sur un colloïde azoté dérivé de l'acide aspar— 
tique, l'étude de la coagulation de l’hydrate ferrique soluble et de la silice 
soluble m'ont amené à préparer un colloïde azoté dont les solutions se coa- 
gulent par la chaleur, dans des conditions déterminées, et l’on peut obtenir 
le phénomène de la coagulation, dans les mêmes conditions, avec des solu- 
tions ammoniacales de caséine. Ce parallélisme entre les réactions du corps 
de synthèse et celles de la caséine montrent l’analogie parfaite de ce corps 
avec les albuminoïdes naturels. | 

On obtient ce colloïde au moyen de l'acide amidobenzoïque ordinaire 
(acide métaamidobenzoïque) ; on le chauffe pendant une heure avec une 
fois et demie son poids de perchlorure de phosphore, puis on traite la masse 
par l’eau bouillante, jusqu’à ce que le résidu insoluble présente l'aspect 
d'une poudre blanche et friable. Cette poudre, qui paraît être un anhydride 
provenant de l’union, avec perte d’eau, de plusieurs molécules d'acide amido- 
benzoïque, est arrosée d’ammoniaque ; elle s’y gonfle, puis s’y dissout lente- 
ment en ne laissant qu’une trace de produit insoluble à froid, mais se 
dissolvant par une légère élévation de température. 

Cette solution ammoniacale filtre très lentement; après filtration, elle est 
évaporée dans le vide, à froid. Elle s'épaissit d’abord en une gelée diaphane, 
puis se dessèche en plaques translucides, jaunâtres, inodores, insipides, 
ressemblant absolument à l’albumine du sérum. 

Le colloïde ainsi préparé se gonfle dans l’eau froide, puis s’y dissout peu 
à peu; il est facilement soluble dans l’eau chaude, et ses solutions peuvent 
être portées à l’ébullition sans altération. Si l’on évapore cette solution au 
bain-marie, le résidu présente le même aspect que la substance primitive, 
mais il est devenu insoluble dans l’eau. Au contraire, après avoir été dessé- 


SÉANCE DU [6 FÉVRIER. 71 


ché dans le vide, il peut être chauffé à 100 degrés sans perdre sa solubilité 
dans l’eau. On sait que ce caractère appartient à l’albumine, comme la 
montré M. Chevreul en 1821. 

Le colloïde amidobenzoïque, devenu insoluble dans l’eau par évaporation 
à chaud de la solution aqueuse, se dissout dans l’ammoniaque, dans la 
soude et dans le phosphate de soude comme la caséine sèche. 

L'action des réactifs sur le colloïde amidobenzoïque a été étudiée avec 
des solutions à 2 pour 100 : cette recherche montre que, comme l’indiquent 
les faits suivants, cette solution acquiert, sous l'influence de divers sels, 
la propriété de se coaguler par la chaleur, et qu’elle se comporte comme 
les colloïdes azotés fournis par les organismes vivants. 

Elle est précipitée par les acides chlorhydrique, azotique, acétique, tar- 
trique et oxalique. L’acide acétique en excès redissout le précipité qu'il 
a formé et la solution dépose alors des flocons par l’addition de ferrocya- 
nure de potassium. L’acide azotique dissout à chaud le colloïde en le colo- 
rant en jaune ; la potasse, la soude et l’ammoniaque augmentent la colora- 
tion jaune. Un excès d’eau de chaux donne immédiatement un précipité; 
si l’on ajoute seulement un vingtième d’eau de chaux, la liqueur reste 
limpide ou présente à peine une faible opalescence : maïs elle a acquis alors 
la propriété de se coaguler en une gelée épaisse par l’action de la cha- 
leur. Le chlorure de sodium en solution saturée, le chlorhydrate d’ammo- 
niaque même très étendu, le sulfate de magnésie à 1 pour 100, le sulfate de 
strontiane, les chlorures de potassium, de baryum, se comportent comme 
l’eau de chaux; ajoutés à la solution du colloïde en quantité insuffisante 
pour le troubler à froid, ils lui communiquent la propriété de se coaguler à 
chaud. La coagulation commence vers 50 degrés, le liquide devient opales- 
cent, puis laiteux, et le coagulum se forme entre 70 et 80 degrés. La tem- 
pérature de coagulation varie avec la quantité de sel ajouté. 

Il faut de très petites quantités de sels pour amener la coagulation : ainsi 
pour 2 centimètres cubes de la solution à 2 pour 100, il faut 5 à 6 gouttes 
de sulfate de chaux ou de sulfate de strontiane, ou de la solution saturée de 
chlorure de sodium ; 1 centimètre cube de la solution de sulfate de ma- 
gnésie à 1 pour 100. 

Parmi les causes qui retardent ou empêchent la coagulation, une des 
plus importantes est la dilution : ainsi quelle que soit la quantité de chlo- 
rure de sodium en solution à 10 pour 100, la coagulation n’aura pas lieu, 
quoique la proportion de sel ajouté soit beaucoup plus grande qu'avec 
quelques gouttes d’une solution saturée. Le sulfate de soude, l’azotate de 
potasse, l’acétate de soude entravent l’action du coagulant; ainsi, par l’ad- 
dition de 1 centimètre cube d’une solution de sulfate de soude à 4 centi- 
mètre cube de colloïde, l’action du sulfate de chaux est tellement contra- 
riée que pour donner à 2 centimètres de la solution du colloïde amidoben- 
zoïque la propriété de se coaguler par la chaleur, il faut, non plus 5 à 
6 gouttes de sulfate de chaux, mais 4 à 5 centimètres cubes. 


79 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


On peut ajouter le sel coagulant en quantité insuffisante pour déterminer 
la coagulation, même à l’ébuilition, mais si l’on fait passer dans le liquide 
un courant d'acide carbonique après ou avant l'addition du sel, elle devient 
coagulable par la chaleur. L’acide carbonique, qui seul est sans action, 
permet d'employer une plus faible quantité de sel. 

Ce fait est à rapprocher des expériences si intéressantes de MM. Mathieu 
et Urbain (Bulletin de la Société chimique, 1874, t. XXI, p. 181, t. XXII, 
p. 484) qui ont fait jouer un rôle à l’acide carbonique dans le phénomène 
de la coagulation de l’albumine; seulement l'acide carbonique n’est pas le 
seul agent de cette coagulation, et il est nécessaire de tenir compte de la 
présence des sels que renferment les albuminoïdes naturels. 

L’acide carbonique détermine à froid la précipitation du colloïde amido- 
benzoïque en présence du sulfate de soude, de l’azotate de potasse, du 
chlorure de sodium étendu, qui seuls sont sans action, même à lébullition. 

La solution de phosphate de chaux tlans l’acide carbonique coagule 
à chaud le colloïde, comme le font le sulfate de chaux et les autres sels 
coagulants. L’alun, le sublimé corrosif, l’azotate mercuriel, le tannin, 
donnent à froid des précipités volumineux : avec le sulfate de cuivre, le 
coagulum est verdàtre, et se dissout dans un excès de potasse en prenant 
une couleur bleue violacée mais qui n’a pas la teinte rose produite par les 
albuminoïdes ou par l’anhydride aspartique. 

Les coagulums formés par l’action des sels alcalins ou des acides sont 
solubles dans l’ammoniaque; ceux que produisent les sels de chaux, de 
baryte et de magnésie y sont insolubles. 

Enfin la présure liquide coagule la solution du colloïde amidobenzoïque 
dans les mêmes conditions que la caséine. 

Les expériences précédentes montrent que la solubilité des albuminoïdes 
est modifiée par la présence des sels et de l'acide carbonique qui les accom- 
pagnent dans les liquides de l’organisme : mais il faut remarquer de plus 
que le phénomène de la coagulation ne dépend pas seulement du rapport 
en poids de l’agent coagulant et de la substance coagulable, il est en outre 
fonction de la dilution. Schècle a montré le premier que le blanc d'œuf, 
étendu d’eau, ne se coagule pas par la chaleur. Le fait a été confirmé par de 
nombreux observateurs, entre autres par MM. Mathieu et Urbain, et par 
M. Aronstein; les premiers lui ont restitué la propriété de se coaguler par 
l’action de l'acide carbonique; le second opérait avec de l’albumine 
dialysée, et ajoutait du chlorure de sodium. M. Gauthier à également vu 
que de l’albumine évaporée à basse température donnait des solutions coa- 
sulables par la chaleur seulement après le passage de l'acide carbonique, 
et M. Monnier a obtenu des solutions de blanc d'œuf incoagulables par la 
chaleur, mais devenant coagulables après addition d'acide tartrique et 
d'acide acétique. 

J'ai constaté aussi que, dans les solutions d’albumine à 1 pour 100, la 
solution annule l’action coagulable des sels, mais que la propriété de se 


1 
C9 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 


coaguler est rendue au liquide, soit par l’acide carbonique, soit par les sels 
qui agissent sur Le colloïide amidobenzoïque. La solution ammoniacale de 
caséine à à pour 100 se comporte de même. 

Cet effet de la dilution est confirmé par la réaction du chlorure de sodium 
à 10 pour 100 qui ne rend pas coagulable la solution du colloïde amidoben- 
zoïque, tandis que quelques gouttes d’une solution concentrée de sel marin 
lui communiquent cette propriété. Dans les nombreuses recherches qui ont 
été faites sur les albuminoïdes naturels, acidalbumine, paraglobuline, 
syntonine, etc., on n'a pas assez tenu compte de la richesse des liquides 
en matière solide ; il me semble qu'on doit attribuer à cette cause les con- 
tradictions nombreuses que présente l’histoire des albuminoïdes, puisque 
la dilution suffit pour changer les caractères d’une même espèce chimique, 
comme le montre l'étude du colloïde amidobenzoïque. 

On voit que les conditions dans lesquelles a fieu le phénomène de la coa- 
gulation sont les mêmes avec ce corps de synthèse et les substances aïbu- 
minoïdes, celles-ci n'ont donc plus rien de spécial, de mystérieux dans 
leurs propriétés; ce sont des espèces chimiques ou des mélanges d'espèces 
chimiques qui, une fois sorties de l’organisme vivant, obéissent aux lois 
physico-chimiques. 

Parmi les nombreuses recherches qui doivent suivre ces premiers résul- 
tats, je m'occuperai d'abord de déterminer, avec le colloïde amidobenzoïque, 
la nature de la transformation chimique qu'il subit dans les diverses con- 
ditions qui le font passer de l’état soluble à l’état insoluble et coagulé. 


INFLUENCE DE FAIBLES TRACES D'ACIDE NITRIQUE SUR LA RECHERCHE DE 
L’ALBUMINE DANS L’URINE, par M. Albert ROBERT. 


Dans sa communication si pleine d'intérêt, M. Grimaux a soulevé plu- 
sieurs idées qui peuvent être immédiatement utilisées pour expliquer un 
fait d'apparence très singulier, non encore connu et que j'ai observé à 
maintes reprises depuis quelques années. 

Voici une urine qui contient une quantité notable d’albumine ; chauffée 
dans un tube d’essai, elle fournit un coagulum abondant et si on l’additionne 
d'acide nitrique, on observe la même réaction : cette albumine se coagule 
donc par la chaleur et par l'acide nitrique employés isolément. 

Et maintenant je prends un autre tube d’essai, que je lave avec de l'acide 
nitrique, en ayant soin de le vider et même de le secouer avec force, de 
laçon à ce qu'il ne paraisse pas rester trace d’acide sur ses parois. Si l’on 
remplit alors le tube avec l’urine albumineuse de tout à l'heure et qu’on 
chauffe, rien ne se coagulera : à peine, au début de la chauffe, observera-t-on 


74 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


produire qu’un louche léger au lieu du coagulum opaque que l’on attendait. 
Dans un grand nombre de cas même l'urine restera absolument trans- 
parente. { 

Je crois qu’on a prétendu autrefois qu’en ajoutant une certaine quantité 
d’un acide fort à l’urine on pouvait empêcher la coagulation de l’albumine, 
parce que l’acide en question mettait en liberté de l'acide phosphorique qui 
s’opposait à la réaction; ne serait-il pas plus rationnel d'admettre, d’après 
les faits si curieux que vient de nous révéler M. Grimaux, que les traces 
infinitésimales d’acide adhérentes à la paroi interne du tube ont modifié, 
dans une mesure que nous ne connaissons pas, les matériaux salins fixés 
sur l’albumine ? 

L'influence de la dilution apparaît manifeste aussi puisqu’une quantité 
tangible d'acide nitrique, si minime qu’elle soit, aurait immédiatement pro- 
duit un coagulum. 

Les idées de M. Grimaux pourraient servir peut-être encore à éclairer 
le phénomène curieux de la rétractibilité et de la non-rétractibilité de 
l’albumine. 

En effet, puisque les conditions de teneur saline et de dilution influent 
d’une manière si puissante sur la coagulation, rien n'empêche plus de se 
ranger à l’opinion de M. Lépine, qui attribue le phénomène en question aux 
conditions du milieu dans lequel la coagulation a lieu, conditions dont les 

principales sont le degré d’acidité et celui de concentration saline. Ainsi se 
trouverait vérifiée l’assertion de KE. Brücke d’après qui les caractères phy- 
siques de leurs précipités albumineux ne peuvent nullement servir à diffé- 
rencier les diverses albumines. 


DES DIASTASES CHEZ LES poissons, Note de M. Ch. RicHer. 


Dans un travail antérieur (1), j'ai étudié l’action diastasique de quelques 
tissus et de quelques liquides chez les poissons cartilagineux. J’ai montré 
que, chez les squales, le suc gastrique n’a pas d’action saccharifiante sur 
l’amidon, que la lymphe péritonéale d’une part, et d’autre part la glande 
pancréatique, ont une action saccharifiante évidente sur l’amidon en 
empois. Le liquide céphalo-rachidien, analogue à la lymphe, et qui contient 
des albumines coagulables par la chaleur, peut aussi quelquefois saccha- 
rifier l’amidon. 

Sur les poissons osseux, chez la carpe et la tanche, j'ai cherché à étudier 


l’action diastasique des mêmes liquides et des divers tissus qui font. 


partie du tube digestif. 


(1) De quelques faits relatifs à la digestion chez les poissons (Archives de 


physiologie, 1882, p. 536-558). 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER, UT LE 


Si l’on prend quelques gouttes @e la sérosité péritonéale d’une carpe, 
liquide riche en petits cristaux miçroscopiques et parfois aussi en bactéries, 
et qu’on les mélange à de l’empois d’amidon, en quatre ou cinq minutes on 
obtient une formation abondante de sucre. Chez les carpes et les tanches, 
comme chez les squales, la lymphe péritonéale est donc fortement diasta- 
sique. 

La muqueuse stomacale et la muqueuse intestinale sont aussi pourvues 
de cette même action saccharifiante, et, en quelques minutes, une par- 
celle de ces muqueuses peut, avec l’empois d’amidon, donner d’assez 
notables quantités de sucre. Il faut remarquer cette diastase de l’estomac 
de la carpe, poisson herbivore, alors que, chez les squales qui sont carni- 
vores, l'estomac est absolument dépourvu de toute puissance diastasique (1). 

On sait que chez les vertébrés supérieurs la bile n’a que des propriétés 
diastasiques très faibles. Il n’en est pas de même chez les poissons. Il 
suffit qu'une ou deux gouttes de bile soient chauffées à 40 degrés pendant 
quelques minutes avec l’empois d’amidon pour qu’on puisse aussitôt con- 
stater du sucre. Ce résultat très net dans certains cas, ne me paraît pas être 
consfant. 

Quelques expériences ont été faites par Claude Bernard, par M. Kruken- 
berg, sur le pancréas des sélaciens qui constitue une glande distincte, par- 
faitement délimitée. Mais, chez les poissons osseux, le pancréas est très 
difficile à voir; le plus souvent il est à l’état de tubes disséminés dans le 
mésentère (tubes pancréatiques de Legouis). J’ai constaté que les replis 
mésentériques, qu'ils contiennent ou non des glandes pancréatiformes, sont 
pourvus dune puissance diastasique surprenante. Une portion du mésen- 
tère pesant à peine quelques milligrammes peut en moins de trois minutes 
saccharifier quelques centimètres cubes d’amidon. A cet égard le mésen- 
tère des carpes et des tanches — car je ne voudrais pas généraliser les 
résultats obtenus — se comporte, vis-à-vis de l’empois d’amidon, aussi 
énergiquement que le tissu pancréatique des vertébrés supérieurs (2). 

Il ne s’agit assurément pas de ferments organisés; d’abord, parce que 
l’action est presque instantanée, et que je ne regarde comme diastasiques 
que les tissus qui donnent du sucre en quelques minutes; ensuite, parce 
‘jue, dans des expériences de contrôle, j’ajoutais tantôt du salicylate de 
soude, tantôt du cyanure de potassium, ce qui entrave tout développement 
dl’organismes. 

En terminant je noterai l’inefficacité diastasique absolue de la glande 


(1) M. Luchau (Centralbl. f. d. med. Wiss., 1877, p. 497) et M. Homburger 
(Jbid., p. 561) avaient noté le fait: etils en ont conclu que l’estomac des carpes 
est analogue au pancréas. Mais leurs expériences ont porté surtout sur la diges- 
tion de la fibrine. ' 

(2) M. Krukenberg nie que ces replis mésentériques des poissons osseux puis- 
sent être assimilés au pancréas (Untersuch. aus dem physiol. Institute Heidel- 
berg, 1878, t. I, fasc. 4, p. 338). 


70 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


palatine des carpes et des tanches. Chez les cyprins, existe, comme on 
sait, à la voûte palatine, un organe volumineux, de consistance molle, 
rouge, peu étudié, à ce qu’il paraît, par les histologistes. Cette masse spon- 
vieuse, que je pensais à priori très riche en diastase, par suite de quelque 
homologie possible avec les glandes salivaires, a été, au contraire, sans 
action sur l’amidon, comme je l’ai constaté à plusieurs reprises (1). 


NOTE SUR UN CURARE CURARISANT ET PRODUISANT EN MÊME TEMPS 
L'ARRÊT SYSTOLIQUE DU CŒUR, par M. BOCHEFONTAINE. 


Il y a quelques années, j'ai eu l’occasion d’acheter, pour le laboratoire de 
l’'Hôtel-Dieu, une certaine quantité de curare provenant de l’exposition d’un 
fabricant de produits chimiques à la dernière exposition universelle de 
Paris. 

J'avais d’abord essayé sur la grenouille un échantillon de ce curare et 
constaté qu'il engourdissait en empêchant les excitations des fibres ner- 
veuses motrices d'arriver jusqu'aux muscles, qu’il ne troublait pas sensible- 
ment le cœur, qu'il ne déterminait pas de convulsions, et que l'animal 
paralysé revenait peu à peu à l’état normal, après avoir éliminé son poison. 
L'aspect de cet échantillon était d’ailleurs celui d’un curare de bonne 
qualité (bonne au point de vue de la physiologie expérimentale bien 
entendu). 

Celui qui nous a été livré ensuite est plus noir et quelques fragments | 
sont poussiéreux au lieu d’avoir une cassure métallique. Je ne tardai pas à 


(1) M. Krukenberg (loc. cit., t. II, p. 44) est arrivé à un résultat tout à fait 
différent, mais il y a tant de contradictions dans ses recherches mêmes que je 
ne puis m’étonner de ce désaccord. 

Afin de fixer les idées par des chiffres, voici le résultat d'une expérience dans 
laquelle j'ai mis en contact, pendant vingt-quatre heures, à une température de 
12 degrés environ, de petites portions de tissu d’un poisson avec de l’empois 
d’amidon. 

Voici les quantités de sucre trouvées finalement, par la liqueur de Fehling, 
évaluées par rapport à { gramme de tissu ou de liquide : 


Replisimésentériques 1 CANNES 6sr,9 de sucre. 
Vésicule bihaire (vide) PRE PEMMENSENTE 
Intestin: MAN LIIRNENRPAANRRENNRERIMeNTe 1,6: 
ESTOMAC RE CE DE TOR 0,5. 
ROLE MS CPE ANA SOA Bou sic 0,51 
Dile eee SUN Re AMEN NSP 0,04 


Glandes sfranes ou palatines. . . . traces faibles. 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 


—! 
— 


voir que celte provision de curare n'avait pas les mêmes propriétés que 
celles de l’échantillon. 

Les solutions aqueuses filtrées ou non ressemblent à celles du curare ordi- 
naire. Mais elles tuent les grenouilles, pourvu que la dose qui leur est admi- 
nistrée sous la peau soit capable de déterminer la paralysie curarique. Et 
si l’on cherche la cause de la mort, on voit que, la contractilité musculaire 
étant conservée et l’excito-motricité persistant dans un membre dont l'artère 
principale a été liée, les battements du cœur s’affaiblissent progressivement, 
par diminution graduelle des diastoles auriculaires et ventriculaires, 
jusqu’à ce que l’organe extrêmement resserré, en systole, cesse de se 
contracter. 

Chez le chien, l’entretien de la respiration artificielle n'empêche pas la 
mort par arrêt du cœur. Comme chez la grenouille, du moment où la quan- 
tité de substance injectée dans le tissu cellulaire sous-cutané peut produire 
l’action curarisante, l’animal est condamné. C’est en vain que l’on prend 
la précaution de le tenir au chaud, de l’envelopper de couvertures afin 
d'éviter le refroidissement produit par l’insufflation pulmonaire, la mort 
arrive au bout de cinq, six ou sept heures. Par l'exploration de la paroi 
précordiale, ainsi qu’en tätant le pouls à l’artère fémorale, on constate que 
les battements du cœur et les pulsations artérielles s’atténuent peu à peu, 
jusqu’à devenir imperceptibles. Cependant l’animal est par instants agité 
par des secousses convulsives légères. 

On sait qu'il suffit d’une quantité très faible de curare injectée dans les 
veines pour déterminer l’engourdissement curarique. D'autre part, j'ai 
constaté que le curare (ainsi que d’autres substances) mêlé au sang veineux 
est beaucoup plus rapidement éliminé que lorsqu'il est introduit sous la 
peau. Il résulte de là que la décurarisation arrive promptement, et que, 
si l’on doit faire une recherche plus ou moins longue, on est forcé de 
renouveler à diverses reprises l’injection intra-veineuse de curare. Ces 
données m'ont conduit naturellement à faire, en injectant le curare dans 
les veines, une nouvelle série d’expériences dans lesquelles les animaux 
subissaient pendant le moins de temps possible l’action de la quantité 
minimum de substance curarisante. Les résultats ont été les mêmes que 
dans les cas où l’on avait recours aux injections sous-cutanées : les ani- 
maux ont eu des secousses convulsives légères, les battements du cœur se 
sont affaiblis peu à peu, puis arrêtés. 

Pour mieux étudier l’action de ce curare sur le cœur, M. Lesage a pris 
des tracés hémodynamométriques dans l'artère carotide, sur plusieurs 
chiens vigoureux, avant la curarisation et depuis le début de la curarisation 
jusqu’au moment de la mort. 

Il a vu ainsi que le premier effet cardiaque du poison consiste dans une 
courte période, quelques minutes au plus, d’irrégularités des systoles 
cardiaques ; il y a ralentissement avec des pulsations relativement faibles 
suivies de véritables bonds de la colonne de mercure de l’hémodynamo- 


18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


mètre. Cette période est suivie d'une autre dans laquelle les systoles régu- 
lières sont accélérées et de plus en plus faibles. La pression moyenne 
artérielle est alors diminuée. Les pulsations artérielles sont plus fortes au 
moment où chaque insufflation pulmonaire atteint son maximum ; l’accélé- 
ration semble ne plus exister, mais les contractions ventriculaires diminuent 
d'énergie et finissent par s'arrêter, sans que le nombre de ces contractions 
ait sensiblement diminué. 

Ces résultats conduisaient à penser que notre curare était composé de 
deux substances douées de propriétés différentes, l’une possédant l’action 
propre du curare, l’autre agissant sur le cœur pour Paffaiblir par degrés 
insensibles et finalement l’arrêter. 

Afin de vérifier cette hypothèse, M. Calmels essaya d’isoler la curarine 
de ce curare en employant le procédé de Preyer. Il a réussi parfaitement. 
Le produit qu’il a retiré du curare brut a toutes les propriétés du bon 
curare; il n'arrête pas le cœur et ne produit pas de convulsions. J’ai 
engourdi des grenouilles avec ce curare et constaté qu’au moment où 
l’animal est entièrement paralysé le cœur conserve sa régularité et son 
énergie. Enfin ces batraciens reviennent complètement à l’état normal le 
deuxième ou le troisième jour après la curarisation. Chez les mammifères 
tels que le chien, on peut prendre des tracés hémodynamométriques comme 

avec le curare classique. 

Maintenant il faut chercher quelle est la substance cardiaque qui se 
trouve mêlée avec Le curare ? 

Je ne suspecterai certainement pas notre fournisseur d’avoir falsifié la 
substance qu’il nous a livrée. Ce fabricant qui a reçu une récompense 
comme témoignage de la valeur des produits qu'il avait exposés, avait 
acquis une assez grande quantité de curare, non pas pour le débiter à Pétat 
brut, mais pour tenter d’en extraire en grand la curarine cristallisée, par 
le procédé de Preyer ou autrement : il n’a pas perdu son temps à addi- 
tionner un agent cardiaque à son curare. 

Mais les indigènes qui l’ont préparé ont pu, avec intention, joindre aux 
strychnos toxifera, triplinervia, Gubleri, Crevauxii,etc., avec lesquels ils 
confectionnent leurs extraits, d’autres plantes toxiques capables d’agir sur 
le cœur. L'examen attentif du cœur chez les grenouilles empoisonnées avec 
notre mauvais curare éloignerait de cette idée, parce que l’on ne voit pas le 
ventricule cardiaque éprouver ces contractions irrégulières caractéristiques 
de l’action des plantes qui arrêtent le cœur de la grenouille en systole : la 
digitale, l’inée, l’upas-antiar, Verythrophlæum guineense, le muguet, 
l’adonis vernalis. 

Les voyageurs ont rapporté que les sauvages de certaines tribus du Brésil 
font entrer le venin des serpents, du crapaud, etc., dans la préparation de 
leur curare. On sait encore que les Indiens, à certaines époques de l’année, 
vont à la chasse des crapauds, dont ils conservent le venin dans des pots, 
pour empoisonner leurs flèches. [l est bien certain, ainsi que M. Vulpian en 


PRE COR PR 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 


a fait la remarque, que le curare dont se servent les physiologistes ne ren- 
ferme pas de venin du crapaud, puisque ce venin est un poison systolique 
du cœur des plus énergiques et que le curare usuel n’a pas d'action notable 
sur l'appareil central de la circulation. Or justement notre curare est un 
agent toxique violent et qui arrête le cœur de la grenouille en systole. Il est 
done possible qu'il contienne une substance d’origine animale comme le 
venin du crapaud, et que les récits des voyageurs fassent allusion à des 
curares possédant une composition de ce genre. 

M. Calmels, qui vient d'isoler le principe actif du venin du crapaud, 
pourra appliquer son procédé d'extraction à la recherche du même prin- 
cipe dans le curare cardiaque. S’il obtient ainsi la carbylamine, il ne 
restera plus de doute sur la présence du venin du crapaud dans notre 
curare. SU 6 

Cet agent, impropre aux usages des laboratoires, constitue pour les sau- 
vages qui l’emploient une arme plus dangereuse que celui que nous 
recherchons pour nos expériences. Les flèches enduites d’un double poison, 
l’un qui paralyse les mouvements généraux, l’autre qui arrête le cœur, ces 
flèches doivent agir avec plus d'énergie que celles qui sont trempées dans 
le curare ordinaire puisque, dans toutes les expériences auxquelles je viens 
de faire allusion, les animaux ont fatalement succombé alors qu’on les 
plaçait dans des conditions qui leur permettaient de revenir de la curari- 
sation. 


CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'ACTION DU CUIVRE SUR LES PERSONNES QUI 
SONT EN CONTACT PERMANENT AVEC CE MÉTAL, par M. BOCHEFONTAINE. 


Le compte rendu de la séance du 19 janvier 1884, p. 33, lig. 22 et 23, 
reproduit une affirmation déjà émise ici le 15 décembre 1883, par M. Burq, 
relativement à mes recherches sur le pouvoir microbicide du sulfate de 
cuivre. Il suffit de rappeler que, le 5 janvier dernier, la Société de biolo- 
sie, après vérification des textes, a constaté l’inexactitude de cette affir- 
mation. 

Aussi je ne serais pas revenu sur ce point, si la même Note du 19 janvier 
ne renfermait le passage suivant : «€ Il est faux, complètement faux que le 
» plus grand nombre des habitants (de Villedieu) fasse un usage spécial 
» d’ustensiles en cuivre. Fourchettes, cuillers et plats en cuivre sont incon- 
» nus et n'existent que dans l'imagination d’un correspondant insuffisam- 
» ment renseigné. » 

À ces allégations j’opposerais seulement un formel démenti si je ne 
tenais pas à vous prouver combien elles sont gratuites. 

J'ai dit que : € un assez grand nombre d'habitants, même parmi les plus 
» aisés, font constamment usage d’ustensiles en cuivre fabriqués dans la 


SU SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


» localité : cuillers, fourchettes, buires, fontaines, poêles, casseroles, 
» chaudrons, robinets, tout en cuivre. » Je maintiens mon dire et je le 
prouve par un exemple dont la signification, au point de vue de laction 
préservatrice du cuivre, ne vous échappera pas. Deux tantes de M. Aug. 
Ygouf, mortes de la variole, à Villedieu, lors de l’épidémie de 1870-71, ont 
toute leur vie fait usage des objets qui viennent d'être énumérés, ainsi que 
de plats et d’assiettes en cuivre. Ces faits sont affirmés par M. Ygouf et par 
son fils, M. Aug. Ygouf, c’est-à-dire par le frère et le neveu des défuntes. 
Or M. Ygouf père est né à Villedieu; il y a passé sa jeunesse, et chaque 
année il y séjourne avec sa famille une partie des vacances. Leur témoi- 
gnage ne peut pas laisser le moindre doute. 

D'ailleurs je mets sous les yeux de mes collègues les preuves matérielles 
de ce que j'ai avancé : des cuillers, une fourchette, un plat, une écumoire 
en cuivre jaune et en cuivre rouge qui viennent tous de Villedieu. Plusieurs 
de ces objets ont servi; les autres sortent de chez les marchands, et voici les 
factures imprimées des ustensiles neufs. Le prix d’un co uvert ordinaire en 
cuivre rouge est de 2 fr. 80. Les cuillers, fourchettes et plats en cuivre sont 
donc bien connus à Villedieu. 

Puisque les circonstances m’amènent encore à parler du cuivre, il n’est 
peut-être pas sans intérêt de continuer l’énumération des articles fabriqués 
avec ce métal. Vous jugerez ainsi combien l’usage du cuivre est répandu à 
Villedieu et l'importance de l’industrie du cuivre dans cette petite ville. 

On fait avec le cuivre des alambies, des bouilloires, des cafetières em 
repoussé, des moules à charlottes, des petits poëlons qui servent à cuire la 
bouillie de froment avec laquelle on élève en partie les petits enfants, 
des poëlons d'office, des tourneresses à galette. Les canes ou buires à lait, 
c’est-à-dire les grands vases dans lesquels on trait les vaches deux et trois 
fois par jour, sont également en cuivre, de même que les couloirs à lait, les 
pompes à eau, à cidre, à bière, et les canelles que l’on fixe à demeure pen- 
dant des mois aux tonneaux pour tirer le cidre nécessaire à la boisson de 
chaque jour. Ces robinets à clef, dont voici un échantillon, ont une répu- 
tation de supériorité dans la robinetterie de France et de l’étranger. Parmi 
les objets en cuivre que l’on expose à un feu ardent, il faut noter les 
réchauds et les bassinoires d’où peuvent se dégager des émanations cui- 
vreuses, le calumet, petite couverture trouée qui s'adapte sur les bords du 
fourneau de la vulgaire pipe en terre et qui est retenu au tuyau par 
une chaïînette. Citons encore les chaufferettes ow boîtes que l’on remplit 
d’eau chaude pour mettre sous les pieds, les chandeliers, Les petites lampes 
à huile, les fiches et les charnières. On trouve même des vases de nuit en 
cuivre. 

J’ai parlé d’une personne en contact journalier avec le cuivre et qui a suc- 
combé à la pustule charbonneuse trois jours après avoir été piquée par une 
mouche : cette personne, pour satisfaire une fantaisie, s'était fait un cha- 
peau et une paire de sabots en cuivre repoussé. 


SÉANCE DU [6 FÉVRIER. S1 


Les clefs en cuivre n’existent pas dans le commerce; mais, si quelqu'un 
a perdu sa clef en acier, il la remplace volontiers par une clef en cuivre que 
l’on fabrique dans la localité. 

En un mot, l'emploi des ustensiles de ménage en cuivre chez les sourdins 
(c’est ainsi qu'on nomme dans la Manche les habitants de Villedieu) est de 
notoriété publique. Il y a même à ce sujet une légende. 

Après l'invasion de 1815, des détachements de troupes ennemies furent 
répartis dans beaucoup de communes de la France. A Villedieu on envoya 
des Russes, qui furent très étonnés à la vue des tabliers rouges de poussière 
de cuivre portés par les chaudronniers et de la vaisselle de cuivre reluisante 
des ménagères : «Gomme ils sont riches dans ce pays, disaient-ils, ils ont 
des tabliers en cuivre, et 1ls mangent dans des plats en or avec des 
cuillers en or. » 

Le commerce du cuivre à Villedieu est évalué à deux millions par an; il 
a pour débouchés la France et l'Angleterre, mais surtout Paris, la Norman- 
die, la Bretagne et Jersey. On conçoit que la manipulation d’une pareille 
quantité de cuivre permette le dégagement de l'odeur cuivreuse. Cette 
odeur du cuivre dont J'ai déjà parlé est particulièrement manifeste dans les 
rues et places suivantes : Haute-Rue, place et rue de la Perrière,rue Jacob 
et rue des Moulins, Basse-Rue, les quais, rues Lucette, aux Mières, des 
Cohues, du Pussoir-Fidèle, de la Planche-Blondel, du Pavé, aux Cornes, 
place du Marché-aux-Cercles. 

L’odeur du cuivre est frappante avant que l’on soit entré dans la ville, 
quand on arrive par la route de Saint-Lô ou par celle de Pont-Farcy. 

C'est du reste dans les cours autour desquelles les maisons sont groupées 
comme dans certaines de nos cités que l’on sent davantage le cuivre et que 
les épidémies sévissent de préférence. 

Dans d’autres rues l’odeur du cuivre semble masquée par la puanteur des 
tanneries ou mégisseries voisines, notamment rue du Pont-Chignon. A ce 
sujet, je voudrais rappeler que M. Tétrel, dans la réunion de l'Association 
normande de Pannée 1876, a soutenu l’idée que ces établissements pré- 
servent de certaines maladies épidémiques. On venait de réfuter la pré- 
tendue immunité créée par le cuivre ; cependant il ne parla pas du cuivre 
cette époque. 

Avant d'aller plusloin, il fautremarquer que cette odeur cuivreuse, que cet 
emploi journalier de nombreux ustensiles de ménage en cuivre n’ont aucune 
action fächeuse sur la santé des habitants de Villedieu. La Société n’a pas 
oublié que les nombreuses expériences de M. Galippe ont conduit leur 
auteur à une conclusion pareille. 


Un second point me paraît aussi bien démontré, à savoir que l'action 
prophylactique qui devrait être la conséquence de cet emploi du cuivre et 
de ces odeurs cuivreuses est absolument imaginaire. Pour le prouver 
j'ajoute les faits suivants à ceux que j'ai déjà rapportés. 


82 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


L'annuaire publié par l'Association normande dit que le choléra, avant 
1849, c’est-à-dire en 1832 et 1834, a marqué son passage à Villedieu 
comme dans le reste du département de la Manche. On sait que, d’après 
les statistiques relevées en Angleterre, le choléra a fait plus de ravages 
parmi les travailleurs du cuivre que parmi les autres ouvriers. Enfin l’on 
sait encore que ces conclusions sont conformes à celles de M. Bailly, de 
MM. A. Houlès et de Piétra-Santa et à celles de notre collègue M. Mégnin. 

Antérieurement à 1870, la variole est venue à Villedieu, et, parmi ceux 
qu’elle a frappés, je citerai M. Boscher, le même pharmacien-inspecteur 
dont il est question dans le compte rendu de la séance du 19 janvier 
dernier. 

Actuellement, la rougeole sévit à Villedieu, au point qu’elle a nécessité 
la fermeture de l’asile. On compte dans la ville un certain nombre de cas 
de fièvre typhoïde et plusieurs cas d’angine diphthéritique. Je dois ces nou- 
veaux renseignements à MM. Ygouf. Afin de vous prouver que je ne m’abrite 
pas derrière des personnages supposés, j'ai prié MM. Ygouf de se rendre 
à la Société, ce à quoi ils ont consenti. Je vous demande donc de leur 
permettre d'affirmer l’exactitude des faits que j'ai avancés dans le cas où 
ces faits vous inspireraient des doutes. 

Cette constatation bien établie, je n’aurai plus à discuter des citations 
dénaturées, des statistiques fantaisistes toujours réfutées et que l’on remet 
quand même en avant, pour la défense d’une vue puérile de lesprit! 


Maintenant recherchons les effets du cuivre sur les ouvriers cuivriers. 

L'annuaire de l’Association normande reconnaît que « les émanations 
» cuivreuses sont bien cause, chez les fondeurs de cuivre au creuset, de 
» dyspnée, d’embarras gastrique et de diarrhée ». Il contient encore cette 
phrase : « Il est incontestable que les émanations métalliques ont une 
» influence notoire sur la santé des habitants. Nos poëliers contractent 
» avant l’âge de la vieillesse des infirmités graves », qui ne sont peut-être 
pas dues en totalité à l’action du cuivre. 

Afin de compléter ma communication précédente, je rapporte encore 
quelques faits recueillis à Paris chez des fabricants de bronze que je con- 
nais depuis plus de vingt ans, et qui, soit dit en passant, sont convaincus que 
le cuivre ne préserve d'aucune maladie. 

Les macules vertes des dents, la teinte verte des cheveux et du tronc, 
l’'irritation des gencives, la salivation, la soif, les nausées, Les coliques de 
cuivre s’observeraient surtout chez les ciseleurs en cuivre qui donnent de 
ce fàcheux privilège l’explication suivante : « Pour finir les ciselures, c’est- 
» à-dire pour enlever les aspérités, les bavures que les pièces de cuivre 
» présentent au sortir de la fonte, on se sert d’un foret à main que l’on 
» active avec un archet. La pointe du foret s’échauffe rapidement et ne 
» mord plus bien dans le bronze; alors l’ouvrier porte l’instrument dans sa 
» bouche et le mouille avec sa salive. Or le foret est chargé d’une petite 


DER EEESREROE 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 83 


» quantité de poussière de cuivre qui est retenue par les lèvres. Comme 
» cette manœuvre est répétée très souvent, la quantité de poussière qui 
» reste dans la bouche et qui est avalée représente à,la fin de la journée une 
» masse relativement considérable, de sorte que les accidents cupriques 
» ne tardent pas à se manifester. » 

Un fabricant de bronzes a des alternatives remarquables de constipation 
et de diarrhée chaque fois que, pressé par ses affaires, il tourne ses pièces 
de cuivre. Lorsqu'il s'occupe seulement de la partie commerciale de sa 
maison, ou bien lorsqu'il prend quelque repos à la campagne, ces troubles 
disparaissent et la digestion intestinale est régulière. 

Chez trois personnes qui travaillent le cuivre il est survenu à différentes 
reprises un ensemble de symptômes qui ont donné de grandes inquiétudes : 
amaigrissement, pàleur de la face, perte d’appétit, affaiblissement consi- 
dérable, fièvre le soir, insomnie, sueurs nocturnes, murmure respiratoire 
très affaibli, respiration entrecoupée, toux sèche, quelques râles sous- 
crépitants, constipation qui cédait à l’usage du lait. Les malades cessaient 
tout travail volontairement ou non, et, au bout de quelques semaines, ils 
étaient parfaitement rétablis. 

J'ai mentionné la paralysie générale des ciseleurs en faisant allusion à 
des cas où il semble qu’il n’y a pas lieu de faire intervenir l'influence de 
l'alcoolisme. Il faut savoir aussi que l’alcoolisme est fréquent chez ces 
ouvriers. Les ciseleurs et même les ajusteurs font souvent un tel abus d’ab- 
sinthe, qu'ils deviennent incapables de se servir de leurs mains et sont 
obligés de renoncer à leur métier. 

Si nos collègues, médecins des hôpitaux, avaient l’occasion de pratiquer 
la nécropsie d’un cuivreux paralytique général ou non, il serait intéressant 
de rechercher quelle est la proportion de cuivre contenue dans les différents 
organes. La comparaison des chiffres obtenus chez les cuivreux avec ceux 
que les auteurs, et notamment M. Galippe, ont indiqués dans l’état normal, 
fournirait sans doute une relation entre les symptômes observés pendant 
la vie et la quantité de cuivre contenue dans les organes des malades. 

Quoi qu'il en soit, on doit retenir les troubles gastro-intestinaux produits 
par le cuivre chez les cuivriers, d'autant plus que l’expérimentation déter- 
mine chez les animaux des phénomènes du même ordre. Par conséquent, 
lorsque le médecin se trouvera en présence de maladies telles que Le choléra 
ou la fièvre tvphoïde dans lesquelles l'appareil digestif peut être si grave- 
ment atteint, il devra se garder de prescrire des préparations cuivrées à 
titre de médication préventive aussi bien que curative. 

Cette pratique réservée est d'autant plus recommandable, que les mala- 
dies épidémiques, loin de s'arrêter devant la saturation et même l’intoxi- 
cation cuivreuse des ouvriers en cuivre, semble sévir davantage parmi ces 

travailleurs. 


SL SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


— ——————————— ——————— =_——— — - 


PERKINISME ET MÉTALLOTHÉRAPIE ; RÉSUMÉ HISTORIQUE ET EXPLICATIF, 
par M. RABUTEAU. 


La métallothérapie a été l’objet de communications et de discussions 
nombreuses devant la Société de biologie. Beaucoup de points me parais- 
sent peu établis. D’un autre côté, la question historique m’a paru fort incom- 
plète et a élé, de ma part, le motif d'observations qui n’ont point fait l’objet 
d’une publication. J'ai pensé qu'il serait peut-être utile d'exposer l’histo- 
rique et l'explication de la question tel que je l’ai compris, en commençant 
par le perkinisme, méthode qui à devancé fa métallothérapie. 


PERKINISME. — Celte méthode tire son nom du docteur Perkins (1), qui 
exerçait à Plainfeld, dans l'Amérique septentrionale. Elle eut jadis une 
vogue immense et se pratiquait de la manière suivante : 

On exerçait un attouchement sur les parties souffrantes, ou dans le voi- 
sinage de ces parties, avec deux aiguilles appellées tractors, longues de 
10 centimètres, composées chacune d’un métal différent, de laiton et de fer. 
L'une était terminée en pointe et l’autre était arrondie à son extrémité 
large de 7 millimètres. Ces deux aiguilles étaient réunies par la base. On 
s’en servait surtout dans le but de provoquer de l’analgésie, de calmer les 
migraines, l’odontalgie, les douleurs rhumatismales, goulteuses, ostéocopes. 
S’agissait-il d’une céphalalgie, on promenait l’appareil sur la région fron- 
tale, sur la région temporale, ou bien de l’occiput à la nuque après avoir 
soigneusement nettoyé la tête du malade. Dans les rhumatismes des mem- 
bres, c’était le long de l’humérus, du radius, du fémur, qu’on pratiquait la 
même opération. | 

Le procédé de Perkins fut bientôt connu en Europe, dans le Danemark 
d’abord, où il fut apporté par une femme de ce pays qui en avait observé 
les résultats en Amérique. Les succès attribués à ce procédé, le caractère 
de singularité qu'il offrait le mirent bientôt à [a mode. On fabriqua des 
aiguilles d'argent, de cuivre, de plomb, d’ébène, d'ivoire, etc.; les dames 
en portaient toujours avec elles. « Partout on préconisait, on idolâtrait 
Perkins, comme on avait préconisé et idolätré Mesmer. » 

Les principaux effets du perkinisme consistent en une excitation momen- 
lanée de la douleur sur les points où l’on applique les tracteurs; puis cette 


(1) Perkins (Elisha), mort à New-York, en 1779, n’a pas laissé d’éerits, mais 
son fils (Benjamin-Douglas) en a laissé plusieurs qui ont été publiés à Londres. 
et qui sont cités dans le Schriftsteller-Lexicon de Callisen : 

The influence of the metallic tractors on the human body, 1796, in-8. — 
Experiments with the metallic tractors, 1799, in-8. — Cases of sucessful pra- 
tice with Perkins patent metallic tractors, 1801, in-8. — The efficacy of Perkins 
metallic tractors in topical diseases on the human body and animals, 1801, m-8. 


_._.——tt mm tt mit Sn onto di tue de NÉ MRÉRR 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. 8) 


douleur artificielle est suivie d’un soulagement et parfois de la cessation 
des symptômes auxquels on se proposait de remédier. Les médecins de 
Copenhague seraient parvenus ainsi à calmer les douleurs vagues résultant 
de la goutte et du rhumatisme, ainsi que des hémicràänies, des odontalgies. 

Pour expliquer les effets du perkinisme, on peut admettre qu'il se pro- 
duit des actions chimiques, par conséquent de l'électricité, lorsque les 
aiguilles métalliques sont appliquées sur la peau qui est toujours plus ou 
moins humide. En effet, on trouve, dans les écrits sur la question, que les 
aiguilles faites de substances non métalliques, d’ardoise, de bois, d'os, 
d'ivoire par exemple, étaient inactives (1). 

D'autre part, on avait remarqué que la pointe des aiguilles ou tracteurs 
de Perkins avait une saveur acide et métallique, qu’elle déterminait une 
sorte de fourmillement lorsqu'on l’approchait de la joue. 

Cette explication par des actions électro-chimiques repose d’ailleurs sur 
des faits de physique générale. 

Si l’on plonge dans un vase de verre V contenant de l'acide chlorhy- 


drique, deux lames en platine pur @ et b, et si l’on met ces lames en 
communication avec un galvanomètre g, on remarque que l'aiguille reste 
au repos. Îl n’y a pas d'action chimique, par conséquent aucune production 
d'électricité. Mais, si l’on vient à faire couler le long d’une des lames de 
platine une goutte d’acide azotique, cette goutte, arrivant au contact de 
l'acide chlorhydrique, forme de l’eau régale qui attaque le platine, et l’on 
voit aussitôt l'aiguille du galvanomètre se dévier avec rapidité. Les mêmes 
résultats s’observent lorsqu'on se sert d’or pur au lieu de platine pur. Au 
contraire, lorsqu'on introduit dans le vase V une lame d’un métal inatta- 
quable par l'acide chlorhydrique, tel que le platine ou l’or pur, et une 
autre lame formée d’un métal plus ou moins attaquable, tels que le fer, le 


(4) Alibert, Nouveaux éléments de thérapeutique et de matière médicale, Paris, 
1808, 2° édit., p. 481. 
Schwilgué, Trailé de matière médicale, t. I, 3° édition, revue par Nysten, 
1818, p. 221. 
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I, N° 7. 7 


86 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


zine, il y a production d'électricité et l’aiguille du galvanomètre est forte- 
ment déviée. 

Si, au lieu de métaux, on employait des lames ou des tiges de substances 
telles que l’ardoise, l’alumine, le bois, l’ivoire, on n'aurait pas d’action 
chimique, par conséquent pas d'action électrique, ce qui explique l’absence 
des résultats physiologiques et thérapeutiques à la suite d'applications d’ai- 
suilles ou de tracteurs non métalliques. 

J'ai cité les affections dans lesquelles Perkins employait ses tracteurs: Il 
faudrait en ajouter plusieurs autres : affections inflammatoires, chroniques, 
locales, etc. Perkins était de bonne foi dans ses exagérations et ses erreurs; 
il périt, dit-on, victime de la confiance que ses tracteurs lui avaient inspirée 
comme moyen préservatif de la fièvre jaune. 


MérTALLOTHÉRAPIE. — La métallothérapie consiste dans l’application de 
pièces métalliques sur diverses parties du corps dans un but thérapeutique. 
Elle diffère du perkinisme en ce que les deux métaux des tracteurs se 
trouvent remplacés par un seul métal. 

Cette pratique thérapeutique remonte à l’antiquité. Aristote recomman- 
dait l'emploi des plaques de cuivre sur la tête dans le cas de migraines. 
Elle s’est continuée plus tard. Un usage populaire consiste à recouvrir la 
tête d’un chaudron en cuivre, à l’entourer de lames de cuivre et à appli- 
quer des plaques de métal sur les points douloureux. Mais ce n’est qu'au 
commencement de ce siècle que cette pratique devint l’objet d’une attention 
spéciale. Ch. Despine, qui exerçait la médecine en Savoie, publia en 1838 
un ouvrage où sont relatés de nombreux essais faits, à dater de 1820, sur 
l'application des métaux à la cure des maladies nerveuses (1). 

Sa méthode n’était pas exclusive. Il employait concurremment les appli- 
cations métalliques, les aimants et l’électricité. Il reconnut, sans toutefois 
la pouvoir démontrer, une certaine corrélation entre les phénomènes métal- 
liques et les phénomènes électriques. De plus, il s’aperçut de l’influence 
manifestement différente qu’avaient sur ses malades, l’or, le cuivre jaune, 
le zinc, le fer aimanté. Il s’appliqua à traiter surtout certaines formes 
convulsives des affections nerveuses d’origine hystérique, les paralysies, les 
névralgies, les contractures. 

La question en était restée où l’avait laissée Despine, lorsque M. Burq 
la rappela en 1848. Il répéta ce que son prédécesseur avait déjà dit : que 
es malades présentaient des idiosyncrasies pour les métaux, que les uns 
étaient sensibles à l’or, au zinc, les autres au cuivre, etc., et, de plus, il 
prétendit que les métaux agissaient aussi bien à l’intérieur qu’à l'extérieur. 


(1) Charles-Auguste Despine, Observations de médecine pratique aux eaux 
d'Aix en Savoie, Annecy, 1838. 

Monard, La métallothérapie en 1820, Lyon medical, 1880, n° 29. — Consultez 
galement la Gazette médicale de Paris, 30 juin 1877. 


SÉANCE DU 16 FÉVRIER. S1 


Il y avait, par conséquent, une métallothérapie externe et une métallothé- 
rapie interne. 

Les premières publications de M. Burq datent de 1851 (1); les dernières 
ont été linsérées dans les Comptes rendus et Mémoires de la Société de 
biologie qui les a acceptées, à mon avis, avec une bienveillance souvent 
excessive (2). 

M. Burq avait reconnu que l’application de plaques métalliques faisait cesser 
lhémianesthésie des hystériques. C'était le fait capital qui fut vérifié par 
M. Charcot à la Salpêtrière et fut cité devant la Société de biologie, en 
1871. Il s'agissait d'interpréter ce fait. Je rappelai alors le perkinisme, les 
phénomènes électriques qui se produisent au contact des métaux avec un 
liquide capable de les attaquer (fig. ci-dessus), par conséquent avec la peau 
qui est toujours plus ou moins humide, et je traçai une sorte de pro- 
gramme expérimental, en annonçant qu'avec l'or pur et le platine pur les 
résultats seraient négatifs. Ce programme fut exécuté par M. Regnard, qui 
appliqua sur la peau des malades divers métaux mis en communication 
avec un rhéomètre multiplicateur. L’aiguille fut déviée quand il s'agissait 
de cuivre, de zinc, de fer ou d’autres métaux facilement attaquables par 
les acides; elle ne fut point déviée lorsqu'il s’agissait de platine et d’or 
chimiquement purs, non de l’or des monnaies ou des doreurs, lequel con- 
tient toujours du cuivre. 

M. Burgq ne voulut point accepter cette explication. Il s’en itint à l’idio- 
syncrasie, à la sensibilité spéciale pour certains métaux, en un mot, à 
quelque chose de vague et de mystérieux. Il ne sut pas remarquer le 
phénomène dit de transfert. 

Ce phénomène, qui a été signalé par M. Gellé, consiste en ce que l’insen- 
sibilité qui a disparu chez une personne hémianesthésique, s’est transportée 
de l’autre côté où la sensibilité était naguère intacte. Le transfert n’a pas 
lieu uniquement par l’application des métaux, qui ne sont pas d’ailleurs les 
seuls agents æsthésiogènes (Charcot et Regnard). On l’obtient également 
avec les solénoïdes, les aimants. Toutefois, dans l’application directe d’un 
aimant, il y a double effet, l’aimant agissant comme métal proprement dit 
et comme solénoïde. Enfin toute irritation, telle que celle que produit la 
moutarde noire, exalte la sensibilité aux points d'application, tandis 
qu’elle la diminue aux points symétriques situés de l’autre côté (Adam- 
kiewicz, Westphal, S. Adler). 

En résumé, la métallothérapie, de même que le perkinisme, n’est qu’une 
méthode de traitement par une très faible quantité d'électricité développée 
au contact des métaux avec la surface cutanée. 


(1) , Thèse de Paris, 1851. 
(2) Société de biologie, années 1877 à 1883. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


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89 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


M. RaguTeau fait hommage à la Société de biologie de la quatrième 
édition de son Traité de thérapeutique (Paris, Ad. Delahaye et Lecrosnier, 
1884). 


DE LA FOLIE DES ANTIVIVISECTIONNISTES, par M. MAGNAN. 


Depuis quelques années, un sentiment, une idée, d’ailleurs fort respec- 
tables, l'amour et la défense des animaux contre des brutalités ou des 
sévices inutiles, sont devenus le point de départ de la formation de Sociétés 
dites protectrices des animaux. Dans ces milieux, éminement zoophiles, on 
oublie volontiers ce qui, dans notre état social, reste encore à faire au 
point de vue philanthropique ; aussi ne craint-on pas de présenter des pro- 
positions telles que la création de caisses de retraite pour les animaux vieux 
et infirmes. Dans ce courant d’idées qui les captive, des âmes trop sensibles, 
des cerveaux mal équilibrés, des dégénérés trouvent de nombreux thèmes 
dont ils s'emparent, qu’ils exagèrent et qui finalement deviennent chez eux 
un véritable délire. C’est ainsi, nous allons le voir, qu’est engendrée la 
folie des antivivisectionnistes, dont je désire vous entretenir un instant. 

Tout d’abord, il va sans dire qu’il ne s’agit pas d’une espèce pathologique 
nouvelle, c’est simplement un syndrome épisodique, une des manifestations 
variées par lesquelles se traduit la folie héréditaire. C’est, si vous le voulez, 
au point de vue intellectuel, un des sfigmates psychiques de la folie héré- 
ditaire. 

À côté des antivivisectionistes, il faut placer des végétariens d’une espèce 
particulière, ceux qui poussent à l’alimentation exclusivement végétale, 
non point par mesure d'hygiène, mais uniquement pour éviter le sacrifice 
ou l’abatage des animaux. Un exemple de ce genre nous sera fourni par 
une malade entrée à l’asile Sainte-Anne à la suite d’un scandale aux 
abattoirs de la Villette. 

C’est une fille de trente-sept ans, dont la grand’mère paternelle est 
morte à Charenton et dont la mère, âgée de soixante ans, atteinte de délire 


chronique, a successivement traversé les périodes d’inquiétude, de persé- 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 8. ë 


90 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


cution et commence à entrer dans la phase ambitieuse qui aboutira vrai- 
semblablement à la démence, la maladie ne s’arrêtant guère à la troisième 
période. L’hérédité vésanique est donc convergente chez cette fille, aussi 
les dispositions maladives se sont-elles montrées de bonne heure. Toujours 
scrupuleuse, toujours méticuleuse, un incident assez important de sa vie, 
une rupture de mariage, est venu donner à ces tendances une activité plus 
grande : elle est persuadée que son fiancé n'ayant pas pu l’épouser, va se 
tuer ; elle en est très affectée, très émue et s'attend, à chaque instant, à 
recevoir la fatale nouvelle; elle se reproche d’être la cause de cette mort. 

Elle est, en outre, très superstitieuse et s’alarme à la vue d’un peu de 
sel ou de poivre répandu sur la table : c’est signe de malheur, il va se pro- 
duire quelque catastrophe. De même l’apparition d’une araignée la trouble 
et la remplit, toute la journée, de crainte. 

Une période plus active de délire se produit ensuite; pendant quelque 
temps surviennent des hallucinations avec des idées de persécution, des 
craintes, des frayeurs : des individus la surveillent, l’observent, se cachent 
dans la cave, l’écoutent. Après une courte période d’excitation, elle se 
calme, mais bientôt apparaissent des phénomènes d’un autre ordre. 

Depuis six mois elle refuse de manger de la viande et s’en tient à une 
nourriture végétale. Elle voudrait s’opposer à l’abatage des animaux; elle 
veut également prendre soin des plus malheureux et elle sort chaque jour 
avec un panier renfermant des provisions qu’elle distribue aux chiens vaga- 
bonds les plus maigres qu’elle rencontre. Elle se rend également dans les 
abattoirs, où elle exhorte les garçons bouchers à cesser leur cruelle tuerie: 
«Nous n'avons pas le droit de tuer les animaux, leur dit-elle; les animaux 
sont des frères qu’il faut protéger. » Elle est allée dans plusieurs établisse- 
ments poursuivre sa croisade etelle a été arrêtée aux abattoirs de la Villette 
dans le feu même de ses discours. | 

Entrée à Sainte-Anne, elle refusait absolument de manger, elle préten- 
dait que la sainte Vierge l’inspirait, et elle a dû quelque temps être nourrie 
à la sonde. Elle s’est améliorée assez promptement et elle a été rendue à 
sa famille, beaucoup plus tranquille, mais non guérie. 

La seconde malade, l’antivivisectionniste, avait demandé des conseils à 
M. Charcot qui, avec son obligeance habituelle, a bien voulu me l’adresser 
en la signalant à mon attention. 

Elle est âgée de quarante ans, et malgré l’absence de renseignements 
précis sur les antécédents héréditaires, elle a été toute sa vie si émotive, si 
nerveuse, si impressionnable, que les troubles morbides qui se sont déve- 
loppés depuis cinq ans ne sont que la traduction plus active de ses disposi- 
tions natives. | 

Sa sollicitude pour les animaux est tellement grande, que quand il pleut, 
la nuit, elle ne dort pas, songeant aux fatigues des chevaux sur un sol glis- 
sant et aux mauvais traitements que, dans certaines circonstances, leur 
infligent les cochers. 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 94 


Le bruit d’un coup de fouet l’émotionne à un tel point, qu’elle tremble de 
tous ses membres, pensant à la malheureuse bête qui a reçu le coup. Un 
jour, dans la rue Drouot, voyant frapper un cheval, elle s’est évanouie et 
serait tombée sans le secours d’un passant. 

L'idée seule d’une expérience de physiologie, d’une vivisection, comme 
elle dit, lui arrache des larmés, la jette dans un état d’angoisse extrême; 
elle ne voudrait pas, pour sauver sa vié ou la prolonger, que l’on fit la plus 
petite expérience sur un animal, et elle donnerait, dit-elle, de grand cœur 
son existence, non pas demain, mais à l’instant même, si en échange on 
lui promettait qu’il n'y aurait plus jamais un animal sacrifié. 

Cette disposition d'esprit, cette préoccupation incessante rend sa vie 
insupportable, la pousse parfois aux actes les plus extravagants et les plus 
ridicules pour éviter une fatigue ou un mal quelconque à un animal, chien, 
cheval, chat, grenouille, tortue, etc. À peine dans la rue, son œuvre de 
protection commence : elle ramasse les morceaux de verre, de crainte qu’un 
cheval dans sa chute ne vienne à se blesser. Un jour, elle a passé, elle, en 
toilette de dame, plus d’une demi-heure à ce travail de chiffonnière. 

Demeurant à la banlieue dans une localité où l'on se propose d'élever de 
nouvelles constructions à côté de sa maison, elle voulait faire empierrer le 
chemin pour empêcher les lourdes charrettes chargées de matériaux de 
s’embourber dans les temps de pluie et éviter ainsi les coups de collier inu- 
tiles; mais elle s’est décidée, au dernier moment, à déménager, ne se sen- 
tant ni la force ni le courage d’entendre les cris, les jurons et les coups de 
fouet des charretiers. 

Arrivée à une station de voitures, elle fait de vives Rae aus à toute 
personne qui prend un fiacre à laqueue de la file, parce que le cheval récem- 
ment arrivé est encore fatigué; elle ne peut s'empêcher de récriminer 
lorsqu'elle voit choisir également un fiacre dont le cheval mange lavoine. 


Un matin, tandis qu’elle passait devant la boutique d’un charbonnier, 
elle aperçoit cet homme rudoyant un vieux cheval qui ne veut pas entrer 
dans les brancards de la charrette; elle le supplie de ne plus frapper 
animal; puis elle s’approche elle-même de la rosse, lui parle doucement, 
la caresse, l’embrasse, et finit par l'installer dans les brancards. Avant de 
se retirer, elle demande au charbonnier l'heure où il attelle et Le lende- 
main, à l'heure indiquée, elle est là, demandant la faveur de s’occuper de 
la bête; sa requête est accueillie en riant par le charbonnier. Elle revient 
plusieurs jours de suite, jusqu’à ce que l’animal plus docile se laisse atteler 
sans résistance. 

N'ayant nul souci des témoins ni du lieu où elle se trouve, elle invective 
les cochers qui frappent leurs chevaux : « Je préférerais, dit-elle, recevoir le 
coup, que de le voir donner à un animal. » 

Si elle voit tomber un cheval, elle accourt aussitôt et force le conducteur 
à dételer l’animal pour qu'il puisse se redresser plus facilement. Si l’on 


92 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


refuse, elle s’assied sur la bête, prévenant qu’elle ne bougera pas avant que 
l’on ait dételé. 

Lorsqu'elle aperçoit un cheval grièvement blessé, elle s’empresse de lui 
porter secours : «Je ne me rends compte, dit-elle, de rien, je ne vois 
même pas la foule qui m’entoure, qui souvent m'est hostile. Je ne reste pas 
inactive, ajoute-t-elle, je vais chercher à l’animal de l’avoine, des carottes, 
de la luzerne, de l’eau ; je lui donne à boire moi-même, je lui soulève la tête 
je lui lave les naseaux avec mon mouchoir, je lui mets de la paille sous 
sa pauvre tête, je fais tout ce que je peux pour adoucir ses derniers mo- 
ments, et je le protège contre les foules làches et cruelles. La pauvre bête 
a, à ses derniers moments, ce qui lui a manqué toute sa vie, un ami! » : 

Un jour elle offrait mille francs pour qu’on achevät sur place et qu’on ne 
fit pas souffrir en le transportant chez l’équarrisseur, un cheval qui avait 
une patte cassée. Elle achète une autre fois cent cinquante francs unwieux 
cheval exténué, elle le place en pension moyennant soixante-dix-huit francs 
par mois et parvient ainsi, dit-elle, à prolonger son existence de cinq 
mois. 

Un jour encore, elle se trouve mal après avoir relevé un chien dont la 
patte venait d’être écrasée par une roue de voiture. Elle recueille les chiens 
misérables qu’elle rencontre dans la rue, elle les emmène chez elle ou les 
place dans une infirmerie. 

Elle fait un testament en faveur de cinq ou six chiens qu’elle soigne à sa 
maison. Elle a légué à chacun vingt-cinq francs par mois, mais craignant 
que cette somme ne soit insuffisante, elle se propose de l’augmenter. Elle 
m'a raconté, avec de grands éloges, qu’une dame protectrice avait, plusieurs 
jours de suite aux Halles, acheté toutes les grenouilles pour les enlever aux 
vivisecteurs. 

Sous les instigations d’une autre malade dont nous allons parler, elle a éerit 
à différents journaux contre MM. Paul Bert, Brown-Séquard, Laborde, etc. 
Mais voici le passage d’une lettre qu’elle m'a adressée le 7 décembre 
dernier et qui montre une fois de plus sa nature compatissante : « Il neige, 
il fait froid, le pavé est gelé. Un surcroît de souffrance pour les pauvres 
chevaux ! Vous ne pouvez pas vous faire une idée de ce que je souffre en 
pensant aux souffrances de ces malheureuses bêtes. ; 

» Je vous en prie, je vous en supplie, si vous avez de l'influence sur 
M. Laborde et autres vivisecteurs, employez-la en faveur des chevaux. Un 
animal qui rend tant de services à l'humanité, a droit à notre pitié. »: 

En dehors de cet amour pour les animaux les plus malheureux, qui la 
tient constamment en émoi, elle présente, fait important à noter au point 
de vue des stigmates psychiques de la folie héréditaire, elle présente des 
bizarreries d’un autre ordre. Ce sont des craintes du contact decertains ob- 
jets, craintes analogues à celles que M.J. Falret a associées à cette forme de 
folie désignée sous le nom de folie du doute et qui n’est, après tout, qu’un 
syndrome épisodique de la folie héréditaire. Notre malade ne peut supporter 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 93 


——_—_—_—_—_— a ———— — 


la moindre poussière sur un meuble et elle essuie tous les objets après sa 
domestique; elle passe elle-même à l’eau, avant de s’en servir, la vaisselle 
déjà lavée; elle ne se sert jamais d’une serviette revenue du “nee 
sans l'avoir préalablement trempée dans l’eau et fait sécher. « Je ne me 
laverai jamais la figure, dit-elle, avec une serviette qui revient du blanchis- 
sage, sans la passer à l’eau ; et cependant je pose sans le moindre dégoût 
mon visage sur le museau d’un cheval; je panse les plaies des animaux 
même les plus malpropres, sans la moindre répugnance. » 

Elle se lave plus de vingt fois par jour; elle est, sans cesse, en mouve- 
ment chez elle, et dans l’appartement elle craint constamment de manquer 
d'air. Elle a une hyperesthésie des sens et plus particulièrement de l’ouïe; 
elle ne peut supporter le pas des domestiques ; elle les oblige à quitter les 
souliers et à prendre des chaussures qui ne fassent aucun bruit. 

Tel est l’antivivisectionniste triste, modeste, bon, qui n’a qu’un but : faire 
du bien aux animaux malheureux. Un autre exemple va nous montrer l’anti- 
vivisectionniste ambitieux, batailleur, pour qui l'amour des animaux n’est 
qu’un prétexte à démonstrations bruyantes. 

Il s’agit d’une dame âgée de trente-huit ans, dont la mère, atteinte de 
délire chronique, est morte au bout de vingt ans dans la démence. Cette 
antivivisectionniste est très remuante, très agressive, c’est, en un mot, la 
véritable héroïne du genre. Comme beaucoup d’héréditaires mal équilibrés, 
elle n’est pas dénuée d’esprit; elle m'avait adressé ces quelques mots avant de 
venir me trouver : «Je ne pense pas, Monsieur, que ce soit à titre de simple cas 
pathologique que j'aurai l’honneur de me présenter devant vous. Néanmoins, 
je ne m'en trouverais nullement humiliée, les toqués et les fous, à notre 
époque, me paraissant à peu près les seules personnes dignes d’estime. » 

Elle éprouve une certaine satisfaction à raconter la part active qu’elle 
prend dans la campagne contre la physiologie expérimentale. Elle a, dit-elle, 
l'esprit de l’avenir, elle est le Progrès, la Lumière, elle ne tient pas à appar- 
tenir à un milieu bien pondéré, à avoir une intelligence d’un niveau moyen, 
un esprit égal : on ne peut rien faire dans ces conditions. Elle ne tient pas 
à garder les réserves de son sexe, elle s’affranchit de toutes ces conventions 
ridicules, et au besoin elle ne craint pas de jurer et de recourir à un lan- 
gage un peu épicé. Elle a du courage, elle ne redoute pas la lutte, elle veut 
soutenir les faibles. Les peines physiques la touchent peu, elle marche en 
avant, elle hait l'humanité qui est méchante, et elle aime les bêtes. 

Une expérience sur un animal devrait sauver, dit-elle, son fils, qu’elle 
s’y opposerait formellement, ne voulant pas devoir la vie de son fils à la vie 
d’un animal. Du reste, la douleur humaine la touche peu, tandis qu’elle 
s’émeut à la vue et à l’idée de la souffrance des animaux. Elle trouve plaisir 
à raconter qu'elle est entièrement détachée des affections humaines ; elle 
aime son fils parce qu’elle le tient sous la main, qu’elle le domine et qu’elle 
espère l’élever dans la haine de l’humanité et l’amour des animaux. Elle 
estime son mari, elle le considère comme un ami, comme un camarade, et, 


ü4 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


=. — ——_———_———_—_—_—_——— 


si elle éprouve un autre sentiment pour lui, e’est, sans doute, le résultat de 
l'habitude. 

Il y a quelques années, elle avait recueilli chez elle douze chats; mais 
comme elle occupait 5n appartement dans une des dépendances d’une grande 
administration, elle avait été invitée à se débarrasser de tous ces animaux ; 
elle décida son mari à abandonner une situation avantageuse plutôt que de 
sé séparer de sés chats. Aujourd’hui elle n’en a plus que cinq ou six; elle 
en prend d’ailleurs grand soin, elle les baigne de temps à autre; parfois 
ils la griffent, mais ça ne l’arrête point; elle les laisse une heure dans une 
couverture de laine pour les bien sécher ; elle les surveille attentivement et 
se lève la nuit pour jeter leurs ordures et les tenir très proprement. 

Cé contraste étrange entre cette préoccupatiou incessante pour l'animal 
et l’indifférence pour l’homme est une anomalie qui aurait lieu de sur 
prendre avec la lucidité d'esprit que présentent ces malades, mais qui 
devient cliniquement un fait vulgaire, quand on se reporte aux bizarreries 
et aux Singularités des AER ere tete intellectuelles. 

Je dois encore rappeler un fait. Lors du congrès de Norwich, en 1874, au 
inoment où je me disposais à répéter les expériences sur Patton compara- 
tive de l'alcool et de absinthe, la salle fut envahie par plusieurs individus, 
à la tête desquels se trouvait un véritable énergumène qui, l’œilétincelant, 
le visage injecté, vint avec un Couteau couper le lien qui retenait l’uné des 
pattes d’un chien. Il se disposait à continuer, quand je l’écartai doucement 
et priai deux assistants de le maintenir, absolument comme j'ai l’habitude 
de faire pour certains aliénés agités. Je poursuivis ensuite ma démons- 
tration, J’ai le regret de n’avoir pu obtenir de renseignements sur les anté- 
cédents de cet impulsif, mais à coup sûr on eût trouvé une tare originelle 
expliquant cet étrange accès de fureur. 7 

Eu résumé, ces faits nous montrent une fois de ÿTee combien peuvent 
être variées les couleurs sous lesquelles se manifeste la folie héréditaire. 
Chez les dégénérés tout devient, en effet, occasion de délire, et grâce à leur 
puissante prédisposition ces malades n’ont pas besoin pour arriver à la 
systématisation de passer par les étapes lentes et progressives que par- 
courent méthodiquement les délirants chroniques. 


EXPÉRIENCES SUR LES FERMENTS DIASTASIQUES DU SANG ET DES TISSUS, 
par MM. Prenoz et Ch. Ricuer. 


Nous publions ici, uniquement afin de prendre date, le résumé somiaire 
de quelques expériences sur les diastases. ; 
Si l’on introduit dans le système circulatoire d’un chien, par injection 
veineuse, de notables quantités d’empois d’amidon, on ne voit survenir, 
contrairement à ce qu’on aurait supposé d’abord, aucun accident grave. Au 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 95 


bout d’une demi-heure le sang contient de très grandes quantités de SAVEAES 
Néanmoins, la sécrétion urinaire ne nous à pas paru augmentée. 

Si l’on met en contact du sang de chien sortant de l’artère avec de l’em- 
pois d’amidon et qu’on expose le mélange à l’étuve pendant quarante-huit 
heures, on ne retrouve plus ni amidon ni glycose. L’amidon a été saccha- 
rifié par la diastase du sang, et la glycose ainsi formée a été détruite par 
les organismes figurés qui se sont développés en abondance. 

Ce qui le prouve, c’est que l’addition de salicylate de soude neutre, à la 
dose de 30 grammes par litre, permet de retrouver la glycose. [n’y a plus 
d’empois, car la diastase du sang l’a saccharifié ; mais le salicylate, qui est 
avtiseptique, a empêché la transformation ultérieure de la glycose. . 

Le sang mêlé au salicylate de soude se coagule d’abord, puis se hani 
et reste ainsi liquéfié pendant très longtemps. 

Les autres tissus de l'organisme peuvent aussi transformer l’amidon en 
glycose. Il nous a semblé que c'était surtout le rein (et en partiguliar le 
rein du porc) qui contenait le ferment diastasique. 

(Travail du laboratoire de :physialnsie de la Faculté de médecine Fe 
Paris.) 


[NFLUENCE DE L'ÉTAT DU SANG SUR L'APPAREIL NERVEUX DE LA CIRCULATION, 
par MM. DasrRe et Morar. 


Nous faisons hommage à la Société de biologie d’un mémoire récemment 
paru dans les Archives de physiologie. Ge travail coordonne, résume et 
complète quelques-uns des résultats que nous avons obtenus déjà ancienne- 
ment (1877-1878-1880) et que nous avons exposés ici même à diverses 
reprises (Comptes rendus de la Société de biologie, p. 810, 1879; p. 107, 
1880, etc.). Nous voudrions, arrivés au terme de nos études, en donner une 
analyse succincte. 

Il y a une relation'entre l’état du sang insuffisamment hématosé, dys- 
pnéique, asphyxique, et l’état des vaisseaux. Cette relation est très remar- 
quable en elle-même; de plus, elle nous a fourni un moyen précieux 
d'investigation dans la pétHérehe des nerfs vaso-moteurs. 

L'historique de la question est court. Nous signalerons seulement trois 
points dans ses antécédents : 

1° On a d’abord connu l'action du sang asphyxique sur lappareil 
moteur. Lés convulsions générales de l’asphyxie ont été aperçues à toute 
époque ; les crampes etles contractions du train postérieur chez les ani- 
maux auxquels on lie l'aorte abdominale avaient été vues déjà au temps de 
Haller. On a su dépuis lors que l'excitation portait sur les noyaux d’ori- 
gine des nerfs moteurs. 

20 On à connu ensuite Paction Stimulatrice du sang asphyxique sur les 


96 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


centres nerveux respiratoires. Lorsque l'hématose est insuffisante, les mou- 
vements inspiratoires s’accélèrent : il y a dyspnée; lorsque l’oxygène s’ac- 
croît, les inspirations se ralentissent; elles peuvent se suspendre : il y a 
apnée. On à expliqué l’alternance des mouvements respiratoires par l’al- 
ternance qui se produit dans la composition des gaz du sang, et par l’exci- 
tation périodique que le sang pauvre en oxygène exerce sur les centres in- 
spiratoires. Nous n'avons pas à juger cette théorie; nous voulions seule- 
ment rappeler le fait positif qui lui sert de base. Cette notion de ?’excita- 
tion des centres nerveux par le sang asphyxique a été étendue par 
Luchsinger aux centres médullaires qui sont les noyaux d’origine des nerfs 
sudoripares. Brown-Séquard, antérieurement, avait professé que la pro- 
priété d’être stimulé par le sang asphyxique était une propriété générale, 
appartenant à tous les tissus. 

3° Le troisième point est précisément relatif à l’action du sang asphyxique 
sur la circulation. — Après des recherches nombreuses, les physiologistes 
étaient arrivés par deux voies différentes à cette conclusion que ; Le sang 
dyspnéique élève la pression générale. Ce résultat, d’ailleurs inconstant, 
donnait lieu à des contradictions; de plus il était peu suggestif. 

Il y avait à cela une raison très simple. L'étude de la pression générale est 
un mauvais moyen de connaître l’état des vaisseaux : elle donne toujours 
un résultat brut, total; inutile le plus souvent ou au moins peu suggestif et 
capable quelquefois de conduire à l'erreur, comme il est arrivé, dans le cas 
présent aux auteurs, qui ont vu à tort dans l’élévation de la pression artérielle 
par l’asphyxie, la preuve d’une contraction universelle des vaisseaux de 
l'organisme. — Il fallait donc analyser les phénomènes vasculaires de 
Vasphyxie ; les étudier dans les différents organes. Heidenhain et Grutzner, 
Asp et Loven, Zuntz enfin, sont entrés avec plus ou moins de succès dans 
cette voie. C’est ce que nous avons fait nous-mêmes en poussant nos re- 
cherches aussi loin que possible. 

Nous avons étudié d’abord le cœur, puis les vaisseaux. 


ÏJ. — PHÉNOMÈNES DU CÔTÉ DU CŒUR. ARRÊT ASPHYXIQUE. 


Les perturbations exercées par l’asphyxie sur le cœur présentent deux 
phases : une phase ataxique de début, traduite par des irrégularités, des 
intermittences, des battements par série, due à l’intervention des causes 
mécaniques ; une seconde phase de déclin, improprement appelée paraly- 
tique et se traduisant par le ralentissement et l’arrêt du cœur :.ce phéno- 
mène, dû à l'influence véritablement toxique du sang noir, est la cause pro- 
chaine de la mort. L’asphyxie arrête le cœur. Cette syncope mortelle était 
aux yeux de nos prédécesseurs le fait le plus saisissant de l’asphyxie. 

1° Quelle est la cause de cet arrêt ? — Pour Bichat, c'était une impuis- 
sance vraie du cœur paralysé par le sang noir. 

L'expérience contredit absolument cette vue. L'arrêt du cœur, au lieu 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 97 


d’être un fait de paralysie, est au contraire un phénomène d’activité ner- 
veuse. Le ralentissement et la syncope finale sont dus à l’excitation du 
noyau pneumogastrique. La preuve expérimentale en a été donnée par 
Luchsinger et par nous-mêmes. Au moment de la syncope cardiaque immi- 
nente ou même réalisée, il suffit de couper les deux pneumogastriques : les 
battements reprennent avec une grande vitesse. 

2% Quel est le rôle de cette action spéciale du sang asphyxique sur les 
nerfs pneumogastriques ? — Gette extrême excitabilité du vague pour le sang 
noir est la source du principal danger de l’asphyxie rapide. Mais on peut 
dire aussi qu'elle en est, à un certain point de vue, le remède. En effet, si 
l’excitabilité actuelle du vague n’est pas déjà extrême, si l’asphyxie au lieu 
d’être brusque est graduée, le résultat de l’excitation du vague est seule- 
ment de ralentir le cœur, par conséquent d’épargner son travail et de le 
répartir sur une durée plus longue. Zuntz a insisté sur ce rôle de pré- 
voyance. Il a vu et nous avons vérifié que l’animal qui a les vagues coupés 
résiste moins longtemps à l’asphyxie : la mort arrive plus rapidement et 
par un autre mécanisme. En résumé, l'intégrité des vagues, suivant les 
conditions, peut être la cause de la syncope mortelle, ou la eause de la ré- 
sistance à la mort. 

3° L'action du sang noir est-elle vraiment élective pour le noyau modé- 
rateur ? — On est amené à se demander si le centre bulbaire des pneumo- 
gastriques est seul excité parmi les autres centres nerveux. L’expérience 
répond négativement. Elle prouve que l’action excitante du sang noir porte 
aussi sur le système accélérateur. 

Nous l’avons montré par trois ordres de preuves : 

a. En pratiquant l’asphyxie sur un animal dont les vagues viennent d’être 
sectionnés et en constatant une accélération du cœur ; 

b. En observant la même sur-accélération plusieurs jours après la sec- 
tion des vagues, lorsque le cœur s’étant un peu ralenti, l'accroissement de 
vitesse est devenu plus facile à constater ; 

c. En pratiquant l’asphyxie chez un animal atropinisé. La mort se 
produit alors plus tardivement, sans ralentissement, par diminution suc- 
cessive de la force des contractions. 

Trois conséquences ressortent de ces expériences : 

1° Le sang noir exerce une action générale sur les centres nerveux, mé- 
dullaires comme bulbaires, sur le système accélérateur comme sur le sys- 
tème modérateur. — C’est là une démonstration particulière de la loi géné- 
rale de l’action excitatrice du sang noir sur les centres nerveux. 

2° À égalité d’excitation pour le cœur, la prédominance reste au système 
modérateur. Le cœur sollicité au même moment à s’accélérer et à se ra- 
lentir, se ralentit en effet. La même loi est vraie pour le tégument. L’effet 
est inverse sur les viscères. Dans le premier cas c’est le système modérateur 
ou dilatateur qui l'emporte ; dans le dernier cas c’est le système constric- 
teur dont l’excitation prédomine. 


98 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


&æ L'action excitante du sang noir porte d’abord sur lappareil nerveux 
extracardiaque. Elle atteint en second lieu l’appareil intracardiaque. Ge 
second effet est rendu évident lorsque le premier a été écarté par la section 
des vagues ou l’action de l’atropine. — M. Ch. Richet à montré l’action 
excitante du sang asphyxique sur les terminaisons nerveuses intracar- 
diaques en appliquant au vague coupé un courant un peu inférieur au cou- 
rant minimum. Cette excitation sans effet, devient efficace, lorsque Pon 
pratique l’asphyxie. Enfin, après le système cérébro-spinal et le système 
intracardiaque, l'appareil musculaire lui-même pourra être atteint par 
l'excitant asphyxique ; mais cette action est tardive, obscure, et n'intervient 
que pour une bien faible part dans les phénomènes que l’on observe chez le 
vivant. 


II. — ACTION DU SANG ASPHYXIQUE SUR LES VAISSEAUX. 


Il faut observer la manière d’être des différents organes tégumentaires et 


viscéraux sous l’action du sang noir. — On produira l’asphyxie par diffé- 
rents procédés : 
4° Action sur la circulation de l'oreille (lapin). — Le meilleur pro- 


cédé d’asphyxie consistera à soumettre l'animal à la dépression sans cou- 
rant d'air. C’est la forme la plus pure d’asphyxie : elle est progressive ; elle 
n’introduit ni troubles mécaniques, ni irritations nerveuses ; elle se produit 
dans un milieu toujours identique. - 

On remarque que précisément au moment où la pression atteint la valeur 


de 40 à 42 centimètres de mercure, l’artère auriculaire se dilate brusque- 


ment. Le phénomène disparaît si la pression s'élève ; il reparaît dès qu’elle 
retombe à ce niveau. L’intensité de la dilatation, sa précision, sa brusquerie 
sont faites pour frapper vivement l'observateur. 

Les circonstances de l’expérience peuvent s'expliquer facilement. 

a. En premier lieu, c’est précisément aux environs de 40 centimètres de 
dépression que la composition du sang commence à éprouver un change- 
ment notable. Jusque-là il peut se faire une compensation par la rapidité 
ou l'ampleur des respirations. Mais à ce point l’oscillation physiologique 
extrême est dépassée et l'effet toxique du sang désoxygéné peut se Mmani- 
fester. 

b. En second lieu, le phénomène reconnaît pour cause une excitation des 
nerfs vaso-dilatateurs de l’oreille que nous avons fait connaître dans une autre 
publication. A défaut de ceux-ci, la dilatation ne pourrait s'expliquer que 
par une paralysie des constricteurs. Mais l'expérience montre que ceux-ci, 
loin d’être paralysés, sont au contraire excités; car une stimulation directe 
sur eux ou sur leurs terminaisons, c’est-à-dire sur le vaisseau, est plus effi- 
cace que dans l’état normal. 6 

2 Action sur la circulation bucco-faciale (chien). — On observe encorè 
une dilatation asphyxique considérable. Cette dilatation est due principale- 


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1 
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3 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 99 


L 


ment à l'excitation des centres médullaires vaso-dilatateurs (voy. notre 
Mémoire sur le nerf sympathique vaso-dilatateur). Les centres ganglion- 
naires périphériques ont une part très restreinte dans le phénomène. 

% Action sur la circulation des membres. — La congestion du tégu- 
ment cutané des membres peut s’observer au même moment que celle de 
. l'oreille et de la région bucco-faciale, soit par la méthode des débits san- 
euins, soit par la méthode coloriscopique. 

En résumé, le sang noir ‘excite simultanément le système vaso-constric- 
teur et vaso-dilatateur du tégument, L'effet sur le système vaso-dilatateur 
est prédominant : d’où la congestion asphyxique de la peau. 


Action du sang noir sur les viscères. — Nous avons étudié ensuite l’ac- 
tion du sang noir sur la circulation des viscéres. 

4° Intestin. — Il faut recourir à des procédés convenables pour observer 
la circulation intestinale sans la troubler : on peut employer notre procédé 
d'inspection rapide, ou celui des bains de chlorure de sodium à 6/1000° 
(Zuntz). 

Au moment même où le tégument est congestionné, on constate l'effet 
inverse sur l'intestin. Il est anémié : les artérioles sont resserrées, à peine 
visibles. : 

2° Rate. — Nous avions annoncé dès nos premières recherches que les 
principaux viscères se comportaient comme l'intestin. — L’inspection di- 
recte le prouve, en ce qui concerne la rate. Ch. Roy l’a vérifié au moyen de 
son instrument. Nous l’avons constaté à nouveau en enregistrant le volume 
de la rate avant et pendant l’asphvyxie au moyen de l'instrument de Ch. Roy 
légèrement modifié. 

9° Rein, uretère, vessie. — Nous avons fait les mêmes constatations en 
ce qui concerne le rein, soit par l’examen coloriscopique, soit par emploi 
de l’appareil volumétrique de Roy. — Pour la vessie, l’inspection directe 
suffit. 

4 Utérus: — Mèmes constatations 

9° Foie. — La même constatation n’a pas été possible pour le foie. 

Lun de nous (1877-1878, De la glycémie asphyxique) a constaté l’hy- 
pérglycémie sous l'influence du sang noir dans l’asphyxie brusque. Mais il 
n’en faudrait pas conclure avec assurance à une dilatation vasculaire. — 
Mêmes réserves pour le poumon. 

Sous le bénéfice de ces réserves, il est permis de dire que Le sang noir 
qui dilate les vaisseaux de la peau contracte ceux des viscères. L’expli- 
cation reste la même. On doit admettre que les deux systèmes dilatateur 
et constricteur sont mis en jeu par l’excitant asphyxique, mais qu'ici 
l'avantage ou la prédominance reste au système constricteur. 

Comparaison des résultats. — Dans le cas de l’asphyxie, l'équilibre na- 
turel des deux systèmes nerveux vaso-contricteur et vaso-dilatateur se 
trouve rompu d’une manière différente pour la peau et pour l'intestin, 1 y 


100 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


, 
a prédominance du modérateur du côté de la peau, prédominance du 
en du côté des viscères. 
C’est un mécanisme préétabli qui règle ces conditions. Il remplit un 
rôle de prévoyance pour compenser les effets pernicieux de l’asphyxie : le 
cœur ménageant ses mouvements à mesure que l'oxygène tend à lui 


manquer ; le sang chassé de l'intestin par la contraction des artères, . 


tendant à se répandre près de l'air vivifiant dans les vaisseaux dilatés 
de la peau. 

Balancement entre la circulation cutanée et la circulation intestinale. 
— L'étude de l’asphyxie nous a donc révélé une loi importante dans le jeu 
des mécanismes circulatoires, c’est la division de cet appareil en deux sec- 
tions qui marchent ensemble et d’une manière inverse l’une de l’autre. — 
Il y a balancement entre la circulation tégumentaire et la circulation viscé- 
rale. — Les variations de la composition du sang sont l’excitant initial qui 
met en jeu ces mécanismes. 

Ce balancement est encore manifesté dans deux circonstances qui en 
montrent bien le caractère général. 

1° L’excitation forte des nerfs de sensibilité générale affecte la circulation 
comme l’asphyxie même. Elle contracte les vaisseaux des viscères ; d’autre 
part, elle dilate les vaisseaux du tégument. 

2° Ce même balancement s’observe par l’excitation du dépresseur car- 
diaque de Ludwig et Cyon. Nous avons constaté qu’il y avait constriction 
cutanée, en même temps que dilatation viscérale. 

Les Di exposés dans le cours de ce travail contribuent ainsi à nous 
faire connaître une partie du mécanisme compliqué qui préside à la régu- 
larisation des fonctions cireulatoires. 


CALCUL SALIVAIRE, DE TAILLE EXTRAORDINAIRE, EXTRAIT DU CANAL 
DE STÉNON D'UN CHEVAL, présenté par M. MÉGnin. 


J'ai l’honneur de présenter à la Société un calcul de taille bien remar- 
quable ; il a été extrait du. canal parotidien d’un cheval, il y a quatre ans, 
par un de mes confrères du Pas-de-Calais, M. Parmentier. 

Ge calcul pesait 290 grammes en 1879, époque de lopération; il pèse 
encore 282 grammes, car un petit fragment de la surface s’en est détaché 
et la dessiccation a bien pu lui faire perdre quelques grammes. Ce calcul 
était mobile dans le conduit considérablement dilaté ; il existait une fistule 
laissant écouler un liquide infect. Il a fallu détruire Partère et la lier. Le 
cheval avait été vendu pour être sacrifié; il a rapidement guéri après l’opé- 
ration et mon confrère a pu le voir, deux ans après, travailler à la culture. 

Ce calcul est de forme ovoïde, du volume d’un gros œuf de poule, un peu 
aplati sur une face; il mesure 95 millimètres de long, 52 millimètres de 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. : 401 


large et 48 millimètres d'épaisseur ; il est fortement rugueux vers sa grosse 
extrémité et plus ou moins lisse dans le reste de son étendue. Îl a encore, 
malgré le long temps qui s’est écoulé depuis son extraction, l'odeur carac- 
téristique de salive altérée. 

C’est le plus gros calcul de ce genre que nous connaissions, au moins en 
France, car ceux qui se trouvent dans les collections de nos écoles vétéri- 
‘ naires sont loin d’atteindre son volume. Verheyen, dans son remarquable 
article Cazcuz du Nouveau Dictionnaire vétérinaire, en cite un qui existe 
à Berlin et qui pèse 600 grammes. 

Les calculs salivaires du cheval sont généralement provoqués par un 
corps étranger, comme un grain d'avoine, une barbule d’orge, ou de brome, 
qui pénètre dans le canal de Sténon, s’y arrête et devient le centre d’un 
dépôt des sels de la salive qui se précipitent couche par couche en formant 
des stratifications concentriques. La section de celui-ci, pratiquée avec une 
scie et suivant son grand diamètre, montre au centre une parcelle végétale 
que j’ai reconnue, à l'examen microscopique, avoir appartenu à un fétu de 
paille. 

Notre collègue M. Galippe m'ayant demandé de faire l’analyse de ce 
calcul, je me suis empressé d’acquiescer à son désir en lui envoyant la 
sciure obtenue par le sectionnement du calcul en deux moitiés, ainsi que 
tous les éclats qui s'étaient détachés de la surface. Voici les résultats de 
l’analyse faite par notre collègue, d’après la note qu’il m'a adressée et que 
je transcris textuellement : 

« Analyse d’un calcul salivaire de -cheval (Laboratoire de la clinique 


d'accouchement) : 
1° Partie interne du calcul. 


gr. 
DE LA AM LAEN BAS qu ST ON DIU .... 0,009 
Matièresigrasses UN En, RL OEIORE MATRA 0,015 
Matières organiques solubles dans l’eau ............ 0,027 
Matières organiques non solubles...... L Hans et À 0,075 
Matières minérales solubles...:....... Wed LEE AA ATACeS 
Chaux totale....... FD R Et PTS RCE RE PTT D DER re 050 
Acide phosphorique. ...... AL nd ere 0,041 
Mapnésie ct suites re"... ARR A traces 
Acide carbonique........ PO SAR ED 0,997 

2 Partie corticale du calcul. 
or 

eu ui phub eue ul nt Annette tirée 0,010 
Mhières grassesri. 4 iushiends 4h RAA are 0,016 
Matières organiques solubles dans l’eau ...... sable 0,028 
Matières organiques non solubles .................. 0,078 
Matières minérales solubles....................... traces 
Aide HHpsphorique ....,...4........:. Ne 0,062 
MASÉSIEMEMISILICE : . 2. 0. 1e cesse oem e Ai here À traces 
Chagetotuen:..:... A en TR ALLO RE TARIE 0,489 


Acide carbonique......... à PAROI GARE y A nue tte) 0,329 


102 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


» La partie interne et la partie corticale du calcul présentent une compo- 
sition très voisine. 

» Les chiffres correspondent à 1 gramme de calcul analysé, 

» L’acide carbonique et la chaux ont été dosés sur des échantillons 
séparés. 

» Claude Bernard à appelé l'attention (Leçons de physiologie expérimen- 
tale appliquée à la médecine, t. IT, p. 60) sur la quantité considérable 
d’acidec arbonique contenue dans la salive parotidienne, et le calcul analysé 
est surtout riche en carbonate de chaux. » 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE (1), par PAUL Gipier. 


Dans une Note présentée à l’Académie des sciences, le 11 juin 1883, 
j'exposais les résultats d’un certain nombre d'expériences sur la rage; expé- 
riences dans lesquelles j'avais étudié le mode d’inoculation, la transmissi- 
bilité de la rage par hérédité maternelle, la valeur de la présence des 
corps étrangers dans l’estomac des chiens au point de vue du diagnostic de 
la rage, l’atténuation du virus rabique et enfin le parasite de la rage. 

Dans une prochaine communication je me propose de développer quel- 
ques-uns de ces points, notamment celui qui a trait au microbe de la rage. 
Aujourd’hui je me contenterai d'indiquer les résultats de nouvelles recher- 
ches concernant l’hérédité de la rage et l’action du froïd sur son virus. 


Après avoir vu succomber brusquement, au bout de quarante jours, des 


animaux à qui j'avais inoculé de la matière cérébrale de fœtus trouvés à 
l’autopsie d’une lapine morte de rage expérimentale, ma première idée fut 
que ces animaux pouvaient avoir eu la rage. Cette opinion était, en outre, 
corroborée par ce fait qu'à deux reprises différentes j'avais vu mourir avec 
des phénomènes convulsifs, un mois environ après leur naissance, de jeunes 
animaux ayant survécu à leur mère inoculée pendant la gestation. 
L’inoculation et l'examen ultérieur négatifs de la substance cérébrale de 
ces sujets et de nouvelles recherches me disposent à croire que, si leur 
mort est due à la rage, ce doit être indirectement. En d’autres termes, 
contrairement à ce que j'étais porté à croire en principe, la rage ne se 
transmet pas héréditairement. Cependant dans quelques cas elle agit peut- 
être sur le système nerveux des descendants à l'instar d’une névrose. Il y 
aurait là un chapitre de pathologie nerveuse fort intéressant à étudier. 
Quant à ce qui est de l’action du froid sur le virus rabique, elle est 
extrêmement intéressante. D’après mes observations le froid pourra sans 
doute rendre de grands services au point de vue de l’atténuation des virus 


(1) Travail du laboratoire dé pathologie comyaréc du Muséüm de Paris: 


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dite SR At" Rs 


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RVRCIR ORNE 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. : 103 


que l’on n’est pas encore parvenu à cultiver, en se plaçant dans certaines 
conditions que j’exposerai un jour. 

L’incubation de la rage a été beaucoup plus longue chez des animaux ino- 
culés avec le virus soumis pendant plusieurs heures à une température de 
40 degrés au-dessous de zéro, et un chien inoculé directement sur le cer- 
veau avec du virus soumis à un froid de —45 degrés, après avoir présenté 
un certain malaise pendant quelques jours, se remit et n’était pas mort au 
bout de neuf mois. Une nouvelle inoculation fut pratiquée, il y a un mois, 
chez cet animal, qui mourut le quatorzième jour avec les symptômes de la 
rage furieuse. La première inoculation ne l’avait donc pas préservé. Si l’on 
pouvait s’en tenir à une seule expérience, on pourrait admettre que le virus 
rabique est détruit par un froid de — 45 degrés. C’est un point que j’étudie 
en ce moment. 

Mais si au moyen du froid je n’ai pas réussi encore à atténuer le virus de 
la rage de manière à en faire un vaccin pour employer l’expression admise, 
je suis parvenu, en me servant de cet agent, à conserver ce même virus pen- 
dant un temps très long et qui me reste encore à déterminer. Ainsi, j'ai 
maintenu, dans l’appareil frigorigène que j'ai présenté à la Société de bio- 
logie (1), des fragments de cervelle de chien enragé à une température 
de -— 9 degrés pendant trente-deux jours. Au bout de ce temps, tous les ani- 
maux inoculés avec cette substance périrent après avoir présenté les sym- 
ptômes caractéristiques de la rage et dans les mêmes délais que leurs con- 
génères contaminés par le virus frais. | 


ANESTHÉSIE PROLONGÉE OBTENUE AVEC LE PROTOXYDÉ D'AZOTE À LA PRESSION 
NORMALE, par M. le docteur À. AUBEAU. 


Dans la séance de la Société de biologie du 12 mai 1883, M. P. Bert 
démontra que l’on peut obtenir l’anesthésie prolongée avec le protoxyde 
d'azote, à la pression normale, en administrant alternativement du pro- 
toxyde d’azote pur, puis un mélange de protoxyde d’azote et d’oxygène, 
dans des proportions voisines de celles où se trouvent dans l’air l’azote et 
l'oxygène. 

En anesthésiant d’abord l’animal par le protoxyde d’azote pur, puis en 
lui faisant respirer le mélange susdit de façon à prolonger l’insensibilité 
pendant plusieurs minutes, en redonnant ensuite le protoxyde d'azote pur, 
puis le mélange, M. P. Bert à pu maintenir un chien insensible pendant 
une demi-heure. 

Appelé à pratiquer quotidiennement, depuis plusieurs années, anesthésie 
proto-azotée et frappé des avantages de cette anesthésie, j’ai été conduit à 


(1) Société dé biologie, 16 juin 1583. 


104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


faire une série d'expériences dont les résultats viennent confirmer et en 
quelque sorte compléter les observations de M. P. Bert. 

Voici de quelle façon je m'étais d’abord posé le problème : 

Existe-t-il un mélange de protoxyde d’azote et d'oxygène anesthésique 
d'emblée, et permettant, sans danger, de prolonger l’anesthésie pendant 
une période suffisante pour pratiquer la majorité des opérations chirur- 
gicales ? 

L'expérience m’a démontré qu’il existe bien des mélanges anesthésiques 
d'emblée, mais que ces mélanges sont dangereux parce qu’ils contiennent 
une proportion d'oxygène trop faible pour entretenir la vie au delà de vingt 
à trente minutes. 

Je me suis alors proposé de résoudre cette autre question. 

L’anesthésie avec le protoxyde d’azote pur étant obtenue, combien de 
temps se prolongera le sommeil chirurgical, si l’on administre un mélange 
donné de protoxyde d’azote et d’oxygène ? 

J'ai obtenu dans ce sens des résultats remarquables. Le résumé de mes 
expériences, qui seront publiées in extenso, établira nettement, je pense, 
ce que l’on peut espérer de l’anesthésie proto-azotée. 

À. Expériences sur les animaux. — L'action du protoxyde d'azote est 
moins rapide et moins intense sur le chien que sur l’homme. Il suffit de 
deux minutes au plus pour obtenir chez l’homme l’anesthésie avec le pro- 
toxyde d’azote pur; d’autre part, l’insensibilité va jusqu’à l'abolition du 
réflexe palpébral; on peut toucher la conjonctive et la cornée sans provo- 
quer le moindre clignement des paupières. C’est même sur l'observation du 
réflexe palpébral que je me guide, en dernier ressort, chez l’homme, pour 
reconnaître la période d’anesthésie confirmée. 


Chez le chien, l’anesthésie n’est obtenue qu’au bout de trois et quatre 


minutes, le réflexe palpébral persiste alors qu’on peut traverser un pli de la 
peau avec un trocart, pincer l'oreille, appliquer le fer rouge dans les régions 
les plus sensibles sans éveiller la sensibilité. 

L’anesthésie se prolonge, après qu’on a cessé les inhalations, pendant 
quarante à soixante secondes, aussi bien chez le chien que chez l’homme. 

Si l’on continue les inhalations de protoxyde pur au delà de la période 
d’anesthésie confirmée, le chien meurt en moins de dix minutes. La mort 
est précédée de convulsions tétaniques; la respiration se suspend, puis le 
cœur cesse de battre. 

L’autopsie démontre que les poumons sont affaissés, rétractés, conges- 
tionnés; qu'il existe des ecchymoses sous-pleurales et que le cœur volumi- 
neux et comme dilaté est rempli de sang fluide et rouge. Si l’on anesthésie 
Panimal avec le protoxyde pur et que, sans écarter l’inhalateur, on admi- 
nistre ensuite un mélange de protoxyde d’azote et d'oxygène, la prolongation 
de l’anesthésie est, toutes choses égales d’ailleurs, inversement proportion- 
nelle à la richesse du mélange en oxygène. 

Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 40 litres 


- 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 103 


d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant trois minutes; elle est peu 
profonde. 

Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 20 litres 
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant six minutes. 

Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d'azote et 10 litres 
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant douze minutes. 

Avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 5 litres 
d'oxygène, l’anesthésie se prolonge pendant vingt-quatre minutes. 

Le rapport qui existe dans les expériences précédentes entre la progres- 
sion croissante de la durée de l’anesthésie et la progression décroissante de 
la richesse du mélange en oxygène constitue une véritable loi. 

Bien que le mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 5 litres 
d'oxygène fût déjà ia de réaliser des conditions favorables à l’hématose, 
je résolus d’administrer un mélange contenant 100 litres de protoxyde 
d'azote et seulement 2 litres et demi d'oxygène. L’un des chiens mourut de 
syncope respiratoire au bout de vingt-cinq minutes. 

Dans les derniers moments la respiration se faisait avec efforts, les côtes 
devenaient saillantes, les espaces intercostaux se déprimaient comme si le 
vide se fût fait dans la cavité thoracique. Le tableau de la mort fut d'ailleurs 
le même que dans les cas où l’on tue l’animal avec du protoxyde d’azote 
pur. L’autopsie révéla des lésions identiques, avec cette particularité que la 
rétraction des poumons était plus grande, que les vésicules pulmonaires 
étaient presque complètement vides de gaz et que le cœur était plus volu- 
mineux. 

Ïl existait de même de nombreuses ecchymoses sous-pleurales. 

IL importe de faire quelques réserves sur ce cas, l’animal ayant subi trois 
expériences fatigantes dans la même journée. 

. À l’aide du même mélange contenant 100 litres de protoxyde et 2 litres 
et demi d’oxygène, je maintiens un chien anesthésié pendant quarante- 
quatre minutes. Mais au cours de cette anesthésie, il se fit, à un quar 
d'heure d'intervalle, deux syncopes respiratoires qui m’obligèrent à prati- 
quer la respiration artificielle. Je dus en outre par prudence et dans la 
crainte du même accident, écarter l’inhalateur à trois reprises différentes 
afin de permettre chaque fois 7 à 8 inspirations d’air pur. 

L'animal resta haletant et anéanti pendant près d’un quart d'heure et 
dévora alors sa pâtée. 

En résumé, si l’on anesthésie un chien avec le protoxyde d’azote pur et 
que lon administre ensuite un mélange contenant du protoxyde d’azote 
d'oxygène, l’anesthésie se prolongera pendant trois, six, douze et vingt- 
quatre mnilifes, suivant que le mélange Tenir 40, 20, 10 ou 5 litres 
d'oxygène et 100 litres de protoxyde. 

Les premières inhalations sont suivies chez les animaux d’une période 
d’excitation de courte durée, due à la peur. 

Un fait intéressant qui nous a frappé dans chacune de nos expériences, 

3IOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N°8. y 


106 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


c’est qu’au moment où l’on cesse les inhalations de protoxyde pur pour 
administrer le mélange, la respiration se ralentit et se suspend même pen- 
dant quelques secondes pour redevenir bientôt calme et régulière. Le 
même phénomène se reproduit toutes les fois qu’on change les proportions 
du mélange. L’anesthésie prolongée est assez profonde, dans tous les cas, 
pour que l’on puisse piquer l'animal, le brûler au fer rouge dans les régions 
les plus sensibles, telles que le pourtour de l’anus, le scrotum, les oreilles, 
lui traverser un pli de la peau avec un trocart, le frapper avec une corde, 
sans obtenir le moindre signe de sensibilité. 

Le réveil survient spontanément, même lorsqu'on prolonge les inhala- 
tions, et cela dans les limites, variables avec chaque mélange, que nous 
avons précédemment indiquées. Il est instantané et l’animal dresse la tête 
dès qu’on écarte l’inhalateur. 

Bientôt même il fait des efforts pour se débarrasser de ses liens. 

Il reste pendant quelques minutes dans un état caractérisé par de l’hébé- 
tude, par de la parésie du train postérieur et par une marche continue, 
comme s’il était en quête de quelque gibier; puis il se précipite sur les 
aliments qu’on lui présente et qu’il avait d’abord refusés. 

Ces phénomènes se prolongent d'autant moins que le mélange est plus 
riche en oxygène. 

Les mélanges contenant 100 litres de protoxyde et 40, 20 ou 10 litres 
d'oxygène, ainsi que les mélanges intermédiaires, sont inoffensifs chez le 
chien. | 

Le mélange contenant 100 litres de protoxyde et 5 litres d'oxygène a 
pu être employé sans danger, mais son emploi exige déjà une grande sur- 
veillance. 

Aucun des mélanges précédents n’est anesthésique d'emblée pour le 
chien. 

Les mélanges contenant 100 litres de protoxyde et 4, 3, 2 122 litres 
d'oxygène sont anesthésiques d’emblée pour cet animal, mais ils sont dan- 
gereux. 

Tous les accidents que j’ai observés étaient dus à la syncope respi- 
ratoire. 

Les battements du cœur sont encore perceptibles pendant quelques 
secondes après la suppression de la respiration. 

La syncope respiratoire est toujours précédée de convulsions pe 
plus marquées du côté des membres antérieurs. 

On prévient l’accident en permettant des inhalations d'air pur dès le 
début de ces phénomènes convulsifs. 

À. Expérience sur le lapin. — Un lapin soumis d’abord à Paction du 
protoxyde d'azote pur a été anesthésié au bout d’une minute et demie ; il a 
inhalé ensuite un mélange contenant 6 litres d’oxygène et 100: litres de 
protoxyde et est resté anesthésié pendant trente-sept minutes ; à ce Den | 
il a donné des signes de sensibilité. 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 107 


B. Observations sur l’homme. — Mes observations sur l’homme sont 
trop peu nombreuses et trop peu concluantes pour que j'essaye d’en tirer 
des déductions. Telles quelles cependant elles ont beaucoup d’analogie avec 
celles que j'ai faites sur les animaux, et sont par conséquent assez encou- 
rageantes pour m’engager à les poursuivre. Ce sont elles qui m’ont décidé 
à faire cette communication, De nombreuses expériences m'ont appris 
qu'un homme ne peut, d’une façon générale, absorber plus de 35 à 45 litres 
de protoxyde pur sans danger. 

Je rappelle que l’anesthésie se produit au bout de deux minutes et qu’elle 
dure pendant quarante à soixante secondes. 

J'ai été anesthésié par MM. Heymen et Ronnet, mes aides, avec le pro- 
toxyde pur, puis avec un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote 
et 40 litres d'oxygène. 

L’anesthésie avec le protoxyde pur a été obtenue au bout de deux minutes 
et s’est prolongée, avec le mélange, pendant deux minutes. Le réveil a été 
spontané, bien qu’on ait continué les inhalations pendant huit minutes. 

Au réveil, état nauséeux pendant deux minutes. Je venais de déjeuner. 

J'ai anesthésié MM. Simon et Charles Diffoth, àgés l’un de vingt-quatre 
ans, le second de trente-six, avec le protoxyde pur. 

L’anesthésie a été obtenue au bout de deux minutes. 

J'ai continué les inhalations avec le mélange contenant 100 litres de 
protoxyde d’azote et 40 litres d'oxygène. L’anesthésie s’est prolongée pen- 
dant deux minutes et demie chez l’un, trois minutes chez l’autre. 

Le réveil a été spontané, bien que j'aie continué les inhalations. 

J’ai respiré 80 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde 
d’azote et 6 litres d'oxygène. J’ai été anesthésié d’emblée au bout de quatre 
minutes. 

Mes aides ont enlevé Pinhalateur une minute et demie plus tard. 

J'ai respiré 70 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde 
d'azote et 5 litres d'oxygène. J’ai été anesthésié d’emblée au bout de trois 
minutes et demie. 

M. Heymen a té anesthésié au bout de deux minutes et demie avec 
90 litres d’un mélange contenant 100 litres de protoxyde d’azote et 4 litres 
d'oxygène. Ce mélange est anesthésique d'emblée. 


Ces expériences démontrent : 

1° Que dans les seules expériences complètes qui ont été faites chez 
l’homme avec des mélanges riches en oxygène (40 litres d'oxygène pour 
100 litres de protoxyde d’azote), la prolongation de l’anesthésie est sensi- 
blement égale à celle qu’on observe chez le chien; 

2° Que les mélanges contenant 6, 5, 4 litres d’oxygène pour 100 litres 
de protoxyde d'azote sont anesthésiques d'emblée pour l’homme, alors que 
le dernier seul est anesthésique d'emblée chez le chien. 

L'anesthésie se produit plus lentement qu'avec le protoxyde d’azote pur. 


108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


D'autre part, ces faits prouvent une fois de plus que l’action du protoxyde 
d'azote est plus marquée sur l’homme que sur le chien. 

J'espère compléter mes observations et apporter prochainement des con- 
clusions pratiques, qui actuellement seraient prématurées. 

Toutefois on peut dire dès à présent: 

1° Que pour les opérations de courte et de moyenne durée l’on peut 
avoir recours au protoxyde d'azote pur, puis à l’un des mélanges précédem- 
ment étudiés ; 

% Que pour les opérations de longue durée Le protoxyde d'azote à la 
pression normale peut encore suffire, mais à la condition de recourir au 
procédé indiqué par M. P. Bert, c’est-à-dire à l’emploi alternatif du pro- 
toxyde pur et de l’un de ces mélanges. 

Toutes mes expériences ont été faites au laboratoire de l’école dentaire 
de la rue Richer, en présence de MM. Heymen, Ronnet et Viau, et avec leur 
concours. 

Je me suis servi des petits gazomètres gradués du docteur Telchow et de 
deux gazomètres d’une capacité plus grande, divisés'en litres et construits 
par M. Heymen-Billard. 

Un détail opératoire qu’il importe de signaler est le suivant : si l’on pré- 
pare une grande quantité de mélange et qu'on l’emploie séance tenante, 
l’anesthésie devient moins profonde lorsque le sujet en expérience inhale 
le contenu de la partie supérieure du gazomètre. 

L’anesthésie reprend dès qu'on donne à l’animal le contenu d’un second 
gazomètre renfermant exactement les proportions d'oxygène et de pro- 
toxyde d'azote. Le mélange est donc plus riche en oxygène dans les forces 
les plus élevées. 

Les deux gaz oxygène et protoxyde d’azote n’offrent pas de densités assez 
différentes pour échapper d’une façon générale à la loi des mélanges des 
gaz et pour se superposer par ordre de densité comme l'acide carbonique et 
l'air, par exemple. Dans la grotte du Chien, à Pouzzoles, j'ai cherché la raï- 
son de l’anomalie que j’observais et j’en ai trouvé l'explication dans le fait 
suivant. D'une part le protoxyde qui nous est livré à l’état’ liquide dans des 
bouteilles de fonte est comprimé à la pression de 70 atmosphères, tandis que 
l'oxygène n’est comprimé qu’à 50 atmosphères. 

Lorsque les gaz se dégagent et passent des bouteilles qui les contiennent 
dans le gazomètre, il existe en eux par conséquent une différence de pres- 
sion égale à 20 atmosphères. D'autre part, si l’on introduit la boule d’un 
thermomètre dans le courant de protoxyde d’azote au voisinage de son point 
de dégagement, l’instrument maïque en quelques secondes un abaissement 
de température égal à 18 degrés au-dessous de zéro, tandis qu'un thermo- 
mètre placé au milieu du courant d'oxygène dans les mêmes conditions reste 
à 10 degrés au-dessus de zC_0. 

Il existe donc entre les deux gaz au moment de leur CCS une 
äifférence de température égale à 28 degrés. 


# 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 109 


Il me parait évident que ces différences de température et de pression 
s'opposent au mélange des deux gaz et que leur diffusion ne peut s’opérer 
qu’au bout d’un certain temps. 

Pour obvier à ces inconvénients il suffirait de préparer le mélange à l’avance 
afin que la diffusion des gaz ait le temps de s’effectuer. 

Mais, comme dans la pratique on emploie le mélange séance tenante, je 
pense qu'on obtiendra également de bons résultats en faisant le mélange 
dans des réservoirs petits et compressibles, tels que des sacs en caoutchouc 
qui permettent de malaxer les gaz. 

La question du transport et du maniement des appareils est résolue. 

Il suffit, en effet, ainsi que l’a dit M. P. Bert, d'employer des ballons en 
caoutchouc. M. Heymen Billard a construit, sur mes indications, un appa- 
reil composé de deux sacs, dont chacun communique d’une part avec les 
bouteilles d'oxygène et protoxyde d’azote, et d’autre part avec l’inhalateur. 

On peut interposer sur le trajet des tuyaux qui conduisent les gaz des 
bouteilles dans les deux ballons, soit un sac plus petit de capacité connue 
(1 litre, par exemple), soit un compteur à gaz marquant les litres. On fait 
arriver dans lPun des ballons du protoxyde pur. On remplit l’autre avec le 
mélange. Quand le malade est anesthésié, on administre le mélange et l’on 
remplit un ballon pendant que le patient vide l’autre. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA MIGRAINE. Note par MM. Nicart et RoBiouis. 


Le but de cette Note est d'établir qu’il existe non seulement une migraine 
ophtalmique, mais aussi une migraine auditive, une migraine olfactive, 
une migraine gustative, et que, bien plus, il n’est pas pour ainsi dire de 
fonction cérébrale que la migraine ne puisse intéresser. M. Robiolis a fait 
de ce point l’objet d’une thèse (Contribution à l'étude de la migraine dite 
ophtalmique et de ses diverses manifestations. Thèse de Montpellier, 1884), 
récemment soutenue à Montpellier; nous y renvoyons ceux que le détail 
des faits intéresse, et nous nous bornerons à un exposé suceinct de la 
question, pour ne nous arrêter avec quelque détail que sur les troubles 
sensoriels. 


. L Troubles de la sensibilité spéciale. — Phénomènes oculaires. — 
Il faut distinguer le scotome des phénomènes photoptiques ou, si l’on veut, 
trois variétés de scotomes : 1°Île scofome simple ou obscur, qui n’est point 
une tache noire apparente, mais simplement un point où la vue fait défaut, 
comme dans la tache aveugle de Mariotte. Sa situation est symétrique aux 
deux yeux, il peut occuper deux moitiés entières du champ et constituer 
ainsi une véritable hémianopie; 2° le scotome obscur à bords lumineux 


110 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ou scotome scintillant des auteurs, lorsque la limite périphérique ou laté- 
rale (par opposition à la limite centrale ou médiane) est lumineuse, figu- 
rant ces zigzags irisés dont on a publié des dessins; 3° le scotome l'umi- 
neux, lorsque le champ visuel s’éclaire d’uné lueur étendue apparaissant 
et disparaissant à de courts intervalles. Le fait est rare (Thèse de Dianoux 
et observation personnelle). Obscurité et lumière, scotome et photopsie 
semblent être deux degrés d’un même trouble physiologique et correspondre 
celle-ci à un état d’excitation, celle-là à un état de dépression. Si la migraine 
est produite comme il semble probable par un défaut d'irrigation dans la 
substance cérébrale, il faut supposer que dans le scotome scintillant le 
centre obscur correspond au centre d’un cône d'irrigation et le bord sein- 
tillant à la périphérie du même cône près des anastomoses vasculaires. 

Phénomènes auditifs. — Is ont été signalés pour la première fois par 
Airy. Nous avons constaté des sifflements d'oreille, ailleurs un bruissement 
analogue à celui que l’on entend quand les oreilles sont remplies d’eau à la 
sortie d’un bain, ailleurs encore comme celui que produit une coquille 
creuse appliquée sur l’oreille. Ce symptôme s’est manifesté subitement dans 
un des cas en même temps que le siège de la douleur passait du front à la 
région pariétale et occipitale. 

Phénomènes olfactifs. — Ceux-ci n’ont pas encore été signalés; nous 
devons indiquer l’apparition d’une odeur d’acide osmique très carac- 
téristique. 

Phénomènes qustatifs. — C’est un goût comparable à celui que produit 
un courant électrique passant à travers les deux joues. Le fait nous est 

personnel. 


IT. — Les troubles de la sensibilité générale sont : la douleur céphalique, 
les fourmillements dans les membres et de l’anesthésie. 


IT. — Les troubles vaso-moteurs sont : de l’anémie des extrémités avec 
sensation de froid (observation de Féré, Revue de médecine, 1883, et obser- 
vation personnelle). On doit en rapprocher la dilatation pupillaire signalée 
par Du Bois-Reymond, la chute de la paupière que nous avons rencontrée 
dans une de nos observations (paralysie du muscle à fibres lisses de 
Müller). 


IV. — Les troubles des fonctions motrices sont : du tremblement, du 
spasme musculaire, de la parésie et même de la paralysie (Aiïry, Charcot, 
Féré, Parinaud). 


V. — Parmi les troubles d'ordre psychique plus élevé on rencontre de 
laphasie, de l’amnésie verbale (Féré, Charcot). Dans une de nos obser- 
vations nous avons constaté de l’insomnie et du délire ; peut-être même 
faudrait-il ranger ici certains faits de folie passagère. 


ñ 
| 


SÉANCE DU 23 FÉVRIER. 411 


Ce qui précède établit du reste la participation possible de toutes les 
fonctions cérébrales aux accès de migraine. Un de ces symptômes peut 
constituer à lui seul un accès; celui qui en a l’expérience personnelle ne 
saurait s’y tromper, soit à cause des circonstances qui l’ont précédée ou pro- 
voquée, soit pour avoir éprouvé les mêmes troubles dans des accès complets 
avec céphalalgie et vomissements. 


— M. Raphaël BLancHarp a été élu membre titulaire de la Société de 
biologie dans la séance du 16 février 1884. 


3OURLOTON. — [Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


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113 


SÉANCE DU 1° MARS (1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


NOTE SUR LES PHÉNOMÈNES D'ARRÊT, par M. BEAUNIS, professeur 
à la Faculté de médecine de Nancy. 


Les phénomènes d’arrêt ou d’inhibition qui se passent dans le système 
nerveux peuvent se rattacher aux catégories suivantes, pour ce qui con- 
cerne les fonctions motrices : 

1° Il peut y avoir interruption d'un mouvement commencé ou en cours 
d'exécution, que ce mouvement soit volontaire, automatique ou réflexe. 
Les faits de ce genre sont aujourd'hui classiques. 

2 Le mouvement en cours d'exécution peut, au lieu d’être interrompu 
tout à fait, être simplement affaibli dans son intensité, sa vitesse ou sa 
durée. Ce cas rentre en réalité dans le précédent, il n’y a qu’une différence 
de degré. 

3° Le mouvement n'est pas empêché, mais \ peul être simplement 
retardé dans son apparition. Xci il peut se présenter deux cas : 

À. Ou bien le mouvement se produit pendant que l'excitation qui l’a 
déterminé continue encore à se faire. Habituellement ce cas se combine 
avec le précédent, en ce sens que la contraction en même temps qu’elle est 
retardée se trouve aussi affaiblie. Quelquefois cependant il arrive que les 
contractions sont d'autant plus violentes, que leur retard est plus pro- 
noncé. 

B. Ou bien le mouvement se produit après la cessation de l'excitation. 
Dans ce cas, qui se présente fréquemment, la contraction consécutive peut 
facilement être prise pour une contraction volontaire ou spontanée, et la 
confusion a été faite plus d’une fois. 

4 Les actions d'arrêt peuvent empécher un mouvement de se produire. 
Il est évident que dans ces cas il faut se mettre en garde contre les causes 
d'erreur tenant soit à la diminution d’excitabilité de la substance nerveuse, 
soit à des conditions expérimentales particulières. 

9° Les actions d'arrêt peuvent modifier la forme de la contraction. C’est 
ainsi que les formes variables de la contraction réflexe s'expliquent par 
l'influence des actions d'arrêt qui s’exercent dans les centres nerveux. 

6° Les actions d’arrét peuvent diminuer l’excitabilité de la substance 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. IL, N° 9. 10 


114 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


nerveuse. Ainsi la préparation des nerfs d’une patte chez la grenouille peut 
diminuer l’excitabilité de la moitié correspondante de la moelle. 

To Il peut se produire, au lieu d’un raccourcissement, un allongement 
du muscle sous l’influence d’une excitation. Get allongement, que j'ai 
observé plusieurs fois, ne doit pas être confondu avec l'allongement admis 
par Gad au début de la contraction musculaire et qui est un phénomène 
d’un tout autre ordre. Dans les cas dont je parle, il s’agissait d’un phéno- 
mène réflexe. 

L’excitation qui détermine les actions d'arrêt peut avoir pour point de 
départ, soit les centres nerveux eux-mêmes, soit les nerfs périphériques. 
C'est le second cas qui se réalise habituellement dans Îes conditions phy- 
siologiques ordinaires. Toute excitation sensitive peut, sous certaines condi- 
tions, déterminer des actions d'arrêt. 

Les phénomènes d’arrêt se montrent non seulement dans les centres 
nerveux, mais on les rencontre aussi dans les nerfs périphériques, quoi- 

qu'ils y aient une bien moindre intensité. 
© L'opinion classique, qui admet dans l’axe nerveux cérébro-spinal des 
centres moteurs et des centres d’arrêt distincts et indépendants, doit être 
revisée. Il est très probable en effet que les actions motrices et les actions 
d'arrêt se passent dans les mêmes éléments, dans la même substance. 

Dans cette hypothèse, toute excitation détermine dans l'élément nerveux 
excité deux modifications de sens contraire, une modification positive qui 
. peut agir à son tour comme excitant sur la substance nerveuse voisine et 
ainsi de proche en proche jusqu’au muscle, et une modification négative 
qui tend à détruire ou à annuler la première, et, suivant que l’une ou l’autre 
de ces modifications prédominera, on aura ou bien un mouvement ou bien 
un affaiblissement (ou un arrêt) de ce mouvement. Le mouvement qui 
succède à une excitation n’est que la résultante d’une lutte entre ces deux 
tendances. 

L'existence de ces actions d’arrêt explique les variations que présentent 
les expériences d’excitation du cerveau et les effets différents qu'on obtient 
d’un moment à l’autre dans le cours d’une expérience. 

Les actions d’arrêt ne se montrent pas exclusivement dans les fonctions 
motrices et le phénomène doit être envisagé à un point de vue beaucoup 
plus général. Ainsi les sécrétions, par exemple, sont soumises aux mêmes 
influences d'arrêt que les mouvements, et les faits de ce genre sont connus 
de tous les expérimentateurs. En un mot, si, comme les faits tendent à 
établir, toute stimulation détermine à la fois dans la substance nerveuse 
des phénomènes d’excitation et des phénomènes d'arrêt, cet arrêt pourra 
s'exercer sur toute manifestation, quelle qu’elle soit, de l’activité nerveuse. 
À un point de vue tout à fait général, l'arrêt est donc un fait fondamental 
d’innervation. À toute excitation rerveuse correspondent deux tendances 
contraires, une tendance à l’activité d’une part et une tendance à l’arrêt de 
cette activité d'autre part, et la manifestation, quelle qu’elle soit, mouve- 


SÉANCE DU 1° MARS. 115 


ment, sécrétion, etc., qui suit l’excitation n’est que la résultante de ces 
deux actions contraires. Si l'arrêt est une loi générale de l’innervation, les 
éléments nerveux dont l’activité accompagne les processus psychiques ne 
doivent pas échapper à cette nécessité. On est donc forcé d’admettre l’inter- 
vention des actions d’arrêt dans les fonctions psychiques comme dans les 
fonctions sécrétoires ou motrices. 

Tout processus psychique est la résultante de deux actions contraires, 
une action impulsive, une action d'arrêt. Cette dualité se retrouve au fond 
de toute manifestation psychique, mouvement volontaire, passion, déter- 
mination, pensée, et notre vie intellectuelle n’est qu’une lutte perpétuelle 
entre ces deux tendances : impulsion et arrêt, homo duplex. La prédo- 
minance relative de l’impulsion ou de l’arrêt détermine chez l’homme le 
caractère. 

Les actions d’arrêt jouent certainement un rôle important en pathologie, 
et il importe que l'attention des eliniciens soit éveillée sur ce point. C’est 
ainsi qu'il peut y avoir des paralysies par exagération des actions d'arrêt et 
des contractures par abolition de ces mêmes actions, paralysies et contrac- 
tures qui doivent être distinguées avec soin des paralysies et des contrac- 
tures ordinaires. | 


DE L’ACHOLIE PIGMENTAIRE (1), par M. Albert Ropin. 


Dans la séance de la Société de biologie du 26 janvier 1884, M. Hanot a 
présenté une Note fort importante relative à un cas de suppression de la 
fonction biliaire du foie. Mon éminent collègue a bien voulu me confier 
l'examen des urines de son malade, et je viens communiquer aujourd’hui 
les résultats de mon étude. Ces résultats, assez inattendus, me paraissent 
devoir éclairer un peu la question encore si obscure de l’acholie, en gui- . 
dant les médecins dans la découverte des signes capables de constituer les 
formes cliniques dont nos recherches font soupçonner l'existence. 

Voici quels étaient les principaux caractères physiques et chimiques de 
ces urines : 

Caractères physiques. 


Quantité de 24 heures...... rl ic tr cree Mot 2e 3000. 
MÉTIER E RUN Eten 2 et das de As AE Et 1012 

Couleur..... AA rte ML OR IC Jaune très pale. 
DHARE UE NO Roues ve OT EMEA AE Urineuse très faible. 
Aspect.2....1Mi0/iLAN, Um PARLE LUE EU DIRES LUIER Assez trouble. 
Sédiment 1.614. DAT RNA RAM . Assez abondant, 


blanc jaunâtre, cristalloïde, essentiellement formé de cristaux carac- 
téristiques de phosphate ammoniaco-magnésien et de quelques 
amas de phosphate de chaux. 


(1) Étude urologique faite à propos d’un cas d'acholie pigmentaire observé 
o Ï Le] 
par M. Hanot. 


116 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Caractères chimiques. 


Matériaux solides......... RARE SU El M Ar 822" ,88. 
Urée se trite 52 CG 2 IMIEN PER & Li ARMES 21er ,87. 
Ghlorures: 7.22 PRE. . +. IT ENARE 17er ,40. 
Acide phosphorique totale": 42:00 gr ,25. 
Acide sulfurique des sulfates .................. 287 ,283. 
Acide sulfurique sulfoconjugué ........ MARS Oer ,227. 
soufre facilement Oxydable.. "eee Osr ,441. 
— difficilement oxydable..... de CN 18.503. 
ACIJE SUINDIQUELD PA IEEPEETR ARR NEA D Ar ,454. 
POtASSe AM LEE LE de on E ET sr 697. 
PHÉNOR MERS ETES PAUL rte: ee CLR Indosable. 
AlDUmMINCAER UE À ESS MAS GS Pis Bi PP 1 Ho Le à Ge à 0. 
Glucose tee RARE TRE AANNTEEEE LT sa IOROS 
Inosite ere re RSR AA ve APN TTL SE DL HOMDE 
Pismenténilioire FER CER EAP A TT 0. 
Pigments urinaires anormaux.................. 0. 
DrDRE MATIN E CARPE RENE AR re Ce Considérable. 


Traitée par l'acide nitrique, l’urine très pâle prend une coloration 
rouge-hyacinthe des plus intenses. 


Étant donnée cette analyse, peut-on en tirer quelques indications sur 
l’état de la fonction biliaire chez le malade de M. Hanot ? 

Un fait est incontestable, c’est que cette sécrétion s’accomplit au moins 
d’une manière anormale, et que, d’après l’observation clinique, il paraît y 
avoir une acholie complète. Or l’examen des urines ne conduit pas à une 
conclusion aussi absolue, et je vais démontrer que l’acholie reconnaît pro- 
bablement plusieurs variétés, dont l’un des types est représenté par le 
malade de M. Hanot. 

Les éléments essentiels de la bile étant les pigments et les acides biliaires, 
il en résulte qu’en cas d’acholie totale et absolue il ne se forme dans le 
foie ni pigments ni acides biliaires, et que l'analyse chimique, par consé- 
quent, ne saurait déceler nulle part dans l’organisme, ni pigments, ni acides 
biliaires, non plus que les éléments qui pourraient résulter de leur décom- 
position. 

Or il n’en est pas ainsi chez le malade de M. Hanot. 

En effet, une étude minutieuse des différents états sous lesquels le soufre 
est éliminé par les urines, nous apprend que sur une quantité totale d’acide 
sulfurique de 45,454, l'acide sulfurique des sulfates entre pour 25,283, 
l'acide sulfurique sulfoconjugué pour 03r,227, soit en tout 25,510 d’acide 
sulfurique préformé. 

D'autre part, le soufre facilement oxydable atteint le chiffre de Osr,447, 


SÉANCE DU 1°’ MARS. 417 


———————————————————————— 


le soufre difficilement oxydable (1) celui de 15,503, soit un total de 15",944 
de soufre incomplètement oxydé. Geci équivaut à dire, en somme, que 
43,6 pour 100 du soufre total de l’urine sont éliminés sous forme de soufre 
incomplètement oxydé. 

Or on sait, depuis les recherches de M. Lépine et de Zuelzer (2), qu’il 
existe un rapport constant entre la sécrétion de la bile et le soufre incom- 
plètement oxydé de l'urine; celui-ci provenant de la taurine ou de corps 
sulfurés de même ordre, résorbés soit dans le foie, soit dans l'intestin, après 
le dédoublement de l'acide taurocholique de la bile. 

Done, pour qu'il y ait dans l'urine du soufre incomplètement oxydé, il 
est indispensable qu’il se soit formé préalablement des corps sulfurés 
dans l’organisme. Et comme jusqu’à présent on considère le foie comme 
le seul organe capable de fabriquer ces corps sulfurés dont l’acide tauro- 
cholique et secondairement la taurine peuvent être considérés comme les 
types; comme d’un autre côté, cet acide taurocholique est un des principes 
essentiels de la bile, il s’ensuit que chez le malade de M. Hanot, la fonction 
biliaire ne paraît pas atteinte dans tous ses termes, puisque la cellule hépa- 
tique est encore capable de sécréter un des éléments capitaux de la bile. 

Nécessairement on doit admettre cette dernière conclusion, à moins 
qu'on ne suppose que la taurine ou les corps sulfurés dont il s’agit, 
puissent être fabriqués dans un autre organe que le foie. Mais, jusqu’à 
présent, 1l est peu de faits qui viennent donner créance à cette manière de 
voir. Je ne pense pas, en effet, qu’elle puisse être étayée sur des faits aussi 
vagues que ceux de E. Etti, de Fréderieq et de Sotnitschewsky, qui signa- 
lent la présence de traces de taurine dans les muscles d’un vieux cheval 
maigre, dans ceux des céphalopodes, ainsi que dans le poumon frappé de 
pneumonie croupale (3). 

Une objection plus sérieuse, quoique encore peu précise, pourrait être 
fondée sur cette assertion de M. Lépine, que l’on peut, dans certains cas, 


(1) Le soufre est calculé en H?SOf. J'entends par soufre facilement oxydable 
celui qui correspond à l’acide sulfurique obtenu quand on traite l’urine par le 
chlorate de potasse et l’acide chlorhydrique. Pour doser le soufre difficilement 
oxydable, j’emploie la méthode de M. Lépine (azotate de potasse). 

(2) Voyez pour l'historique de la question : Lépine, Revue de médecine, 1881, 
p. 27 et 911. — Lépine et Guérin, Note sur le soufre incomplètement oxydé dans 
l'urine, Communications faites à la Société des sciences médicales de Lyon pen- 
dant le deuxième semestre de 1882. Lyon, 1883. -— Lépine et Guérin, Revue de 
médecine, 1881, p. 1001. — Zuelzer, Untersuchungen über die Semiologie des 
Harns, Berlin, 1884. 

(3) E. Etti, OEsterr, Vierteljarsch. ,. wissensch. Veterinärkunde, 1871, Bd 
XXXVI, Heft L. — Frédericq, Bulletin de l’Académie de médecine de Belgique, 
2e série, t. XLVI, 1878. — Sotnitschewsky, Zeilschrift fur phys. Chemie, t. IV, 
p. 217, 1880. — Cloetta dit aussi avoir trouvé des traces de taurine dans les 
poumons et dans les reins, et Cloëz dans les capsules surrénales. 


118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


trouver dans l’urine du soufre difficilement oxydable, sans que celui-ci pro- 
vienne de la taurine ou de ses dérivés. Mais, s’il en était ainsi, il faudrait 
encore prouver que les éléments sulfurés originels prennent naissance ail- 
leurs que dans le foie (1). 

Certes, personne ne pensera à baser un argument contradictoire sur la 
quantité de soufre incomplètement oxydé trouvé dans lurine du malade, 
puisqu'il est acquis, depuis les dosages de M. Lépine, que dans l’urine nor- 
male la proportion de soufre non oxydé atteint 10 à 12 pour 100, au plus 
20 pour 100 de la quantité totale du soufre urinaire : dans le cas actuel, je 
trouve la proportion de 43,6 pour 100. Et d'autre part, tandis que dans 
l’état normal le rapport du soufre total est à l’azote de l’urine comme 20 
est à 100, ce rapport s’élève ici à 43,7 pour 100! Voilà une proportion énorme, 
supérieure même aux chiffres les plus élevés qu’ait obtenus M. Lépine dans 
ses recherches sur l’homme, puisque son maximum n’a pas dépassé 41,9. 

Il n’y à donc pas acholie absolue dans le cas qui nous occupe, puisque le 
foie fabrique encore des acides biliaires ou des corps sulfurés dont on 
trouve les produits de décomposition dans l’urine ; ce foie sécrète donc un 
liquide biliaire, mais c’est une bile incomplète, dans laquelle fait défaut 
l'un des éléments primordiaux de ce liquide, à savoir le pigment. L’uro- 
logie me conduit donc à cette conclusion qu’il s’agit très probablement ici 
d’une acholie que, suivant l’heureuse expression de M. Hanot, on peut 
qualifier de pigmentaire. 

Mais, si l'existence de cette,variété d’acholie est présumable, n’est-on pas 
en droit de supposer qu’il peut exister aussi une acholie des acides biliaires 
et enfin une acholie totale, soit trois formes d’acholie? Nous ne connais- 
sons que la première de ces variétés, dont le type serait fourni par lobser- 
vation de M. Hanot; nul doute qu’en étudiant de près des malades de même 
ordre, on n'arrive à découvrir les autres et à fixer les caractères cliniques 
qui leur correspondent. 

On pourrait se demander maintenant ce que devient l’hémoglobine des 
globules rouges du sang qui se détruisent dans l’organisme de ce malade; 
on sait qu'à l’état normal cette hémoglobine est l’origine du pigment 
biliaire. Sans résoudre la question d’une manière définitive, je tends à ad- 
mettre que cette hémoglobine, au lieu de faire du pigment biliaire ou de 
l’hémaphéine, donne naissance au chromatogène urohématine qu’on trouve 
dans l’urine en quantité vraiment colossale. 

Cette étude urologique faite à propos de lobservation capitale de 


(1) Si l’on opposait que le soufre incomplètement oxydé provenait, dans le cas 
actuel, de la cystine, je puis répondre encore que Marowsky (Deutsch. Archo., 
t. IV, p. 449, 1867) admet un rapport entre la eystinurie et la sécrétion bihaire. 
D'ailleurs, avec la quantité de cystine qui correspondrait au poids du soufre 
incomplètement oxydé que j’ai dosé, on eût trouvé un sédiment de cystine, ou 
tout au moins l’urine eût précipité par l’acide acétique, ce qui n’a pas eu lieu. 


SÉANCE DU 1° MARS. 119 


M. Hanot, ouvre largement le champ des théories sur la fonction biliaire. 
En effet, si les sécrétions du pigment et des acides ou corps sulfurés bi- 
liaires, peuvent avoir lieu indépendamment l’une de l’autre, c’est ou bien 
parce que ces deux sécrétions s’accomplissent à l’aide de matériaux dis- 
semblables, ou bien parce qu’elles ont leur siège dans des protoplasmas 
différents. Voilà une voie nouvelle qui se dégage de mon analyse : je ne 
fais que l’énoncer aujourd’hui, car avec ce seul cas pour point d'appui, 
elle ne saurait être actuellement discutée. 

Mais il reste une difficulté à écarter. Dans les observations de M. Lépineet 
de Zuelzer, le soufre incomplètement oxydé éliminé par l’urine est d'autant 
plus abondant, qu’il existe un obstacle plus marqué à l’écoulement de la 
bile : c’est quand on a lié le canal cholédoque sur les animaux, ou quand il 
existe chez l’homme de l’ictère par rétention, que l’on trouve des rapports 
dépassant 20 pour 100 du soufre total. Il faudrait donc admettre que, chez 
le malade de M. Hanot, la bile ne s’écoule pas dans l'intestin. Mais M. Hanot, 
au nom de la clinique, repousse absolument cette manière de voir; pour 
lui, le canal cholédoque de son malade est perméable. 

Si donc la bile est versée dans lintestin, il est nécessaire d'admettre 
que sa résorption intestinale a été très active, puisque le soufre d’origine 
biliaire forme près de la moitié du soufre total de l’urine, au lieu d'en 
former un cinquième seulement, comme il arrive chez un individu à résor- 
ption intestinale normale. 


En résumé, si l’on se croit en droit, malgré les arguments précédents, de 
repousser l’idée d’une acholie simplement pigmentaire, et d'admettre par 
conséquent une acholie totale, la conclusion qui ressortirait alors de mes 
recherches, c’est que la taurine ou les corps sulfurés analogues peuvent 
être fabriqués ailleurs que dans le foie, puisqu'on trouve dans l'urine 
une proportion de soufre incomplètement oxydé qui indique la présence 
d’une notable quantité desdits éléments dans ce liquide. 

Mais pour ma part, la première opinion me paraît bien plus conforme à 
la vérité, et la quantité inappréciable de phénol existant dans cette urine 
vient encore l’appuyer. Car, si les acides biliaires à qui la bile doit ses pro- 
priétés antiputrescibles, ne passaient pas dans l'intestin, celui-ci serait le 
siège de putréfactions dont le phénol est l’un des produits constants. 
M. Hanot a noté, il est vrai, un tympanisme considérable chez son malade ; 
mais le développement de gaz n'implique pas fatalement des putréfactions 
intestinales ; il peut résulter de fermentations de tout autre ordre. 

L'analyse de cette intéressante observation soulève encore bien des 
points dignes de remarque ; mais pour l’instant je me bornerai à en signaler 
un seul, c’est le rapport entre l’azote des ingesta et l’azote de lurée. 
Comme M. Hanot à fait soigneusement peser les aliments pris par son ma- 
lade, ce rapport est facile à établir. 

La quantité d’albumine contenue dans les aliments des vingt-quatre 


120 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


heures peut être évaluée à 1225r,10 (1), soit 19sr,29 d’azote. Or la quantité 
d'azote qui répond à l’urée de vingt-quatre heures est de 405,19, soit 52,5 
pour 100 seulement de l’azote ingéré. Si l’on admet avec Lehmann que 
l’on retrouve dans l’urine sous forme d’urée 82,5 pour 100 de l’azote in- 
géré, il s'ensuit que le malade de M. Hanot présente un déficit assez 
notable de 30 pour 100. 

Evidemment, les partisans de la doctrine qui place dans le foie la source 
de l’urée, chercheront dans ce fait un appui pour leur théorie. Je ne nie 
pas que l'argument puisse être employé, mais il est loin d’être probant, 
puisqu'on peut objecter qu'avec ce foie aux fonctions abolies, ou tout au 
moins très ralenties, l'organisme a pu fabriquer encore 215r,87 d’urée, soit 
un chiffre très normal. Quant au déficit azoté de 30 pour 100, il y a, pour 
le justifier, des hypothèses aussi plausibles que celle de l'inactivité hépa- 
tique; ne peut-on supposer qu'une partie de cet'azote s’est fixée dans l’orga- 
nisme, ou qu'une fraction des albumines ingérées n’a pas été utilisée dans 
le tube digestif? Tout ce qu’on pourrait concéder, c’est qu’une petite por- 
tion du déficit azoté représenterait la part qui revient au foie dans la for- 
mation de l’urée. 

Mais tout ceci rentre déjà dans la spéculation pure et m’écarterait du 
but de cette étude, dont l’objet principal était de fixer l'attention des méde- 
cins sur l’existence possible de plusieurs variétés d’acholie eten particulier 
_de l’acholie pigmentaire. 


SUR LES MÉLANGES TITRÉS D'ÉTHER ET D’AIR, par M. Paul BERT. 


J’ai répété avec l’éther les expériences que j'avais faites avec le chloro- 
forme, et en voici les résultats obtenus chez les chiens trachéotomisés : 


1° 20 grammes d’éther vaporisés dans 100 litres d'air. Chien pesant 
3k8,8; température rectale, 37°,5; température extérieure, 16 degrés. 

Pendant six minutes, agitation violente. 

Après vingt minutes, la cornée est sensible, les pattes insensibles. 

Après trente minutes, insensibilité cornéale. 

Mort après deux heures vingt-cinq minutes. 

La température est progressivement descendue à 27 degrés. Les mouve- 
ments respiratoires ont passé de 100 à la minute à 20; ceux du cœur de 
180 à 72. La respiration s’est arrêtée une minute avant la circulation. 

L'animal a respiré 862 litres du mélange, contenant 172 grammes 
d’éther. 


2° 25 grammes d’éther dans 100 litres d'air. Chien de 4K5,3; température 
rectale, 39 degrés ; température extérieure, 17 degrés. 


(1) Calcul d’après les tables de Kœnig et de Zuelzer. 


SÉANCE DU 1° MARS. 121 


Agitation vive pendant cinq minutes. 

Insensibilité en trente minutes. 

Mort en deux heures quinze minutes, avec 31°,5. 

L'animal a respiré 700 litres d'air, contenant 175 grammes d’éther. 


3° 30 grammes d’éther. Chien de 8k5,45; température rectale, 38 degrés; 
température extérieure, 18 degrés. 

Agitation assez vive pendant quatre minutes. 

Anesthésie complète en dix-huit minutes. Mort en une heure quarante- 
trois minutes; température, 55 degrés. 

L'animal a respiré 190 litres d’air contenant 225 grammes d’éther. 


4° 40 grammes d’éther. Chien de 6ks,2 ; température rectale, 39 degrés ; 
température extérieure, 18 degrés. 

Vive agitation pendant cinq minutes. [nsensibilité complète en douze 
minutes. Mort en une heure cinq minutes; température rectale, 34°,8. 

L'animal a respiré 500 litres contenant 200 grammes d’éther. 


9° 50 grammes d’éther. Chien de 11K5,3; température rectale, 38°,5; 
température extérieure, 18 degrés. 

Anesthésie complète en douze miuutes. Mort en trente-huit minutes. 
Température rectale, 37 degrés. 

A respiré 400 litres de mélange contenant 200 grammes d’éther. 


Résumé. 


Avee 20 grammes, mort en 2,25. 


ARR PTE RE TE 
RO UT NA US 
re (1 Men pee Liber 

MEUOB SO AE PNORPUNES 


On ne peut faire de mélanges plus riches à cause de la forte tension de 
l’éther qui soulève les gazomètres. 

La respiration a toujours lentement diminué de nombre et d'amplitude, 
et s’est toujours arrêtée avant la circulation. 

Le nombre des battements du cœur n’a pas changé d’une manière notable, 
hormis dans la première expérience, quand la température n’a plus été que 
de 30 degrés. 

La phase d’agitation — chez des animaux trachéotomisés — a toujours 
été assez vive pendant cinq minules environ. 

La quantité d’éther employé n’a que peu varié. 


122 SOCIÉËTÉ DE BIOLOGIE. 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. POZZI SUR L'ORIGINE DE L’HYMEN, 
par M. le docteur P. Bupix. 


Mon savant confrère M. Pozzi a fait à la Société de biologie une commu- 
nication importante sur l’origine de l’hymen. Je ne veux pas discuter les 
opinions scientifiques qu’il a émises et auxquelles MM. de Sinéty et Mathias 
Duval ont fait des objections; je désire seulement relever quelques passages 
de son mémoire où sa plume a probablement trahi sa pensée. 

M. Pozzi a écrit (Mémoires de la Société de biologie, p. 23): « Voici le 
résumé des conclusions auxquelles M. Budin, a été amené par la dissec- 
tion d’une petite fille et l’étude d’un fœtus de quatre mois. » Et plus 
loin (p. 24): « Je ferai également grâce à M. Budin de toute querelle sur 
la valeur douteuse de la solidarité grossière entre l’hymen et le vagin 
décelée par la dissection qui a été, l’origine de son mémoire. En ana- 
tomie philosophique rien n’est trompeur comme le scalpel. » 

Les expressions dont s’est servi mon collègue pourraient donner lieu à 
des interprétations erronées sur les documents dont J'ai fait usage. Je ne 
me suis pas borné à la dissection d’une petite fille et à l'étude d’un fœtus 
de quatre mois. | 

En ce qui concerne les enfants à terme, j'avais écrit dans mon mémoire 
(p. 8): « Nous avons essayé bien des fois de faire cette préparation sur des 
cadavres de petites filles et toujours nous avons retrouvé la même disposi- 
tion. » Les membres de la Société peuvent se rappeler que, le jour où j'ai 
fait ma communication, je leur ai présenté un certain nombre de pièces. 

Pour les fœtus avant terme, il est facile de voir que ma description s’ap- 
plique à ce qui a été vu chez plusieurs, puisque j'ai écrit (p. 11): «Nous 
avons cependant observé, à plusieurs reprises, un fait qui nous semble 
jeter quelque lumière sur les rapports de la vulve et du vagin. » 

Comme dans les recherches scientifiques il faut toujours être sévère et 
défiant envers soi-même, j'avais prié mon ami, P. Segond, qui était alors 


prosecteur de la Faculté, de vouloir bien s’assurer si mes assertions étaient 


exactes. Il m'a fait, à l’époque, plusieurs belles préparations, une surtout 
sur un fœtus de quatre mois : ces préparations ont été présentées à la 
Société. Un prosecteur de la Faculté de Lyon, M. le docteur Duchamp, m'a 
aussi apporté en 1880 une préparation qu'il avait faite sur une femme 
adulte et vierge. 

Il y a donc eu de très nombreuses préparations faites non seulement par 
moi, mais encore par des anatomistes dont personne ne saurait nier la 
compétence. 

Plusieurs accoucheurs étrangers m'ont, du reste, annoncé qu’ils avaient 
absolument obtenu les mêmes résultats que moi. 

M. Pozzi trouve qu’en anatomie philosophique, rien n’est trompeur comme 
le scalpel. Il à peut-être raison au point de vue général, mais je ne me suis 


SÉANCE DU 1° MARS. 193 


pas uniquement fondé sur mes dissections, j'ai apporté d’autres preuves. 
J'ai montré que les colonnes antérieure et postérieure et les rides du vagin 
venaient se continuer sur la face interne et jusque sur le bord libre de la 
membrane hymen. J’ai encore invoqué les remarquables préparations his- 
tologiques qui avaient été faites pour moi par M. le docteur de Sinéty. 

Ces quelques remarques faites, je ne saurais trop remercier mon excel- 
lent collègue des termes élogieux qu’il a employés en d’autres passages pour 
qualifier mon modeste travail. La question de l’origine de l’hymen était 
déjà à l'étude depuis quelques années, M. Pozzi la pose en des termes nou- 
veaux et intéressants : espérons qu’elle sera prochainement résolue. 


L 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE (1). (1° Les oiseaux contractent 
la rage; ? ils quérissent spontanément.) PREUVES EXPÉRIMENTALES, par 
M. Paul Gierer, aide-naturaliste de pathologie comparée au Muséum de 
Paris. 


Malgré quelques cas rapportés dans la science, cas très discutables il est 
vrai, on n’admet pas aujourd'hui que les oiseaux puissent contracter la 
rage. 

Si l’on s’en tient à l'observation superficielle des phénomènes, l’inocula- 
tion de la rage chez les oiseaux ne paraît être suivie d'aucun résultat fâcheux 
pour ceux-ci, c’est à peine si une ou deux semaines après l'opération ces 
animaux présentent quelques symptômes anormaux; souvent ils n'offrent 
rien d’appréciable. Cependant il m'est arrivé d'observer parmi les oiseaux 
que j'ai inoculés, une poule qui fut atteinte quinze jours après l’inoculation, 
d’une paralysie ou plutôt d’une parésie des membres inférieurs et des 
muscles extenseurs du cou. Lorsqu'on la mettait hors de sa cage et qu'on 
l’effrayait, cette poule cherchait à se sauver, mais ne pouvait se tenir 
sur ses pattes devenues presque inertes, et se trainait sur le sol, en s’aidant 
des ailes. Dans sa ca ge, elle demeuraitimmobile et semblait ne pas pouvoir 
supporter sa tête, qu’elle laissait tomber lentement en avant jusqu’à ce que 
son bec eüt rencontré le sol; à ce moment elle relevait brusquement la tête 
pour la laisser retomber sans cesse, Ces symptômes persistèrent pendant 
plusieurs jours. Cette poule ne prenait qu’une quantité insuffisante d’ali- 
ments et je m'attendais à la voir mourir, lorsqu'un matin, en entrant au 
laboratoire, je la trouvai guérie de sa paralysie et en train de manger. Elle 
continue de vivre depuis sept mois. Ge fait m'inspira l’idée que les oi- 
seaux contractent peut-être la rage, mais que, en raison de l’insensibilité 
relative bien connue de leur système cérébro-spinal, ou par une autre cause 


(1) Travail du laboratoire de pathologie comparée du Muséum de Paris. 


124 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


à rechercher, le microbe de la rage peut évoluer, subir toutes ses phases 
dans la substance nerveuse de ces animaux et être éliminé avant d’avoir. 
produit des troubles incompatibles avec la vie. Une de mes poules en expé- 
rience s'était donc montrée plus sensible que les autres et avait été frappée 
de paralysie. 

Voilà l'hypothèse, voici les faits : 


J'inoculai à l’aide d’une seringue de Pravaz, à travers les paroïs du crâne, 
un coq et un pigeon avec une goutte d’eau distillée, récemment bouillie, 
tenant en suspension de la matière cérébrale rabique. Les symptômes patho- 
logiques qui suivirent cette inoculation furent peu accentués, surtout chez 
le coq, et ils auraient pu passer inaperçus pour un œil non prévenu. 

Au bout de douze jours, après avoir fait une incision sur le crâne du pi- 
geon, j'enlevai à l’aide du scalpel une petite lame osseuse et j'excisai un 
fragment du lobe cérébral droit de la grosseur d’une lentille. 

L'examen microscopique de la portion excisée m’y fit constater l’existence 
du micrococcus que j'ai signalé et décrit dans ma communication du mois 
de juin 1883 à l’Académie des sciences. Bien que dès ce moment je n’eusse 
aucun doute sur l’existence de la rage chez ce pigeon, le petit fragment de 
substance nerveuse fut délayé et inoculé à trois rats. Le rat présente un 
ensemble symptomatique tellement spécial, tellement caractéristique, que 
je n’hésite pas à considérer cet animal comme un véritable réactif pour 
l'étude de la rage. 

Les trois rats inoculés de cette façon périrent de la rage, l’un (le plus 
jeune) au bout de dix jours, les deux autres le onzième jour. Ces animaux 
servirent à inoculer quatre autres sujets, qui présentèrent les mêmes sym- 
ptômes et moururent. 

Au bout de vingt jours, j'inoculai trois rats et un cochon d'Inde avec une 
parcelle du cerveau du coq obtenue par le même procédé. L'examen mi- 
croscopique y démontra l’existence du même microbe que chez le pigeon, 
mais plus abondant et disposé en certains points par groupes de dix à quinze 
granulations. Les rats inoculés périrent avec les mêmes signes et dans les 
mêmes délais que les précédents et que tous les rats inoculés par moi de la 
rage et dont le nombre s’élève aujourd’hui à près de 200. 

Le cochon d'Inde mourut le treizième jour après avoir présenté des troubles 
semblables à ceux des rats; ces animaux servirent également à inoculer la 
rage à d’autres. 

Quant aux volatiles à qui j'ai fait subir ces opérations, leur santé ne s’en 
est pas trouvée altérée ; ils vivent encore et vont me servir à déterminer le 
moment où la virulence disparaîtra de leur cerveau, c’est-à-dire où ils seront 
guéris de la rage. J'ai pu constater déjà que la virulence était éteinte vingt- 
huit jours après l’inoculation chez le pigeon qui a servi dans la première 
expérience citée plus haut. La matière cérébrale d’un pigeon inoculé sept 
mois auparavant à trois reprises différentes ne produisit aucun symptôme 


SÉANCE DU 4% MARS. 195 


chez deux cobayes et quatre rats, qui reçurent une injection intra-crànienne 
de cette substance délayée dans de l’eau distillée stérilisée. J’aurai à recher- 
cher encore si les oiseaux peuvent contracter plusieurs fois la rage, si cette 
maladie peut être transmise de l'oiseau à l'oiseau, et quelles modifications 
peut apporter au virus l’acclimatement chez ces animaux, etc. 


Les observations détaillées de ces expériences seront publiées prochaine- 
ment dans un mémoire que j'aurai l’honneur de présenter à la Société. 

Ainsi done, voilà des expériences qui témoignent qu’une maladie jusqu’à 
présent réputée incurable, peut guérir spontanément chez une classe d’ani- 
maux. N’a-t-on pas le droit d'espérer que, si l’on parvient à saisir le déter- 
minisme de ce fait dont on comprendra toute l'importance, on ne soit con- 
duit un jour à une thérapeutique rationnelle de la rage et à sa guérison. 
C’est une induction qui me paraît légitime. 


SENSIBILITÉ CUTANÉE ET SENS MUSCULAIRE CHEZ LES HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUES, 
par M. P. Macnin. 


Dans une précédente communication, j'ai attiré l’attention de la Société 
de biologie sur ce fait que, chez les hystéro-épileptiques qne j'ai eu occasion 
d'observer dans le service de mon maître, M. Dumontpallier, il a toujours 
paru exister une relation étroite entre les zones cutanées sensibles et 
les départements musculaires dont il était possible de provoquer la con- 
tracture par excitation périphérique. 

Dans ces conditions, l’examen du sens musculaire pouvait présenter 
quelque intérêt. Nos nombreuses expériences ont porté sur des hystéro-épi- 
leptiques franchement hémianesthésiques. Je n’en rapporterai qu'une 
seule. 

Ma malade est hémiancesthésique gauche, sensible du côté droit. Dans 
cet état, on lui cache les yeux de telle façon que sa volonté ne puisse inter- 
venir en aucune manière dans les renseignements qu’elle va donner. 
Toutes précautions convenablement prises, on constate que la malade à 
conservé la notion de position de son membre supérieur droit, par exemple 
qWelle peut, avec ce membre, exécuter sans hésitation tel ou tel mouve- 
ment; que du côté droit, enfin, les mouvements soit spontanés, soit commu- 
niqués donnent lieu à une contracture intense des muscles qui sont mis en 
action. 

Rien de semblable de l’autre côté. Si l’on place la main gauche de la 
malade derrière son dos, elle n’a nulle notion de la position qu'on lui a 
communiquée ; elle est incapable d'exécuter un mouvement précis avec ce 


126 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


membre, enfin point de contractures par mouvements soit spontanés soit 
communiqués. 

Cela étant, nous faisons un pli à la peau de la face palmaire de l’avant- 
bras gauche dans la région qui correspond exactement au long fléchisseur 
propre du pouce. Sur le sommet de ce pli, nous appliquons pendant un 
instant une plaque métallique (l'or, dans le cas particulier). Cet agent 
æsthésiogène ramène la sensibilité dans une zone cutanée très limitée. 
Nous constatons alors les faits suivants : La malade n’a notion que de la 
position occupée par son pouce. L’invite-t-on à se toucher l'oreille gauche 
avec ses quatre derniers doigts : elle est incapable de le faire et sa main se 
porte sur un autre point du visage. Au contraire, l’engage-t-on à faire le 
même mouvement avec son pouce : elle porte sans aucune hésitation la 
pulpe de ce doigt à l’endroit désigné; enfin les mouvements d’extension 
soit spontanés, soit communiqués du pouce ne sont suivis d'aucun effet par- 
ticulier, tandis que les mouvements de flexion déterminent immédiatement 
la contracture intense du long fléchisseur propre de ce doigt, avec crampe 
très douloureuse le long du trajet de ce muscle. 

Examine-t-on à ce moment le membre supérieur droit :on constate les 
phénomènes précisément inverses. La sensibilité cutanée a disparu de ce 
côté dans le point symétrique de l’application du métal à gauche et en même 
temps les sensations musculaires font nettement défaut dans le fléchisseur 
propre du pouce de ce côté. On a en somme, en apparence au moins, pro- 
duit en même temps que le transfert local de la sensibilité cutanée, le 
transfert local aussi du sens musculaire dans le muscle sous-jacent à la zone 
cutanée rendue sensible. 

Le parallélisme entre l’état de la sensibilité cutanée et l'aptitude des 
muscles à la contracture a toujours été net chez nos malades. Il est peut- 
être intéressant à constater au point de vue du transfert des contractures. 
Sur notre malade, par exemple, hémianesthésique gauche, nous détermi- 
nons la contracture du court abducteur du petit doigt du côté droit sensible 
par excitation légère de la zone cutanée qui lui correspond. La contracture 
produite, voulons-nous la transférer à gauche : quel que soit l’agent æsthé- 
siogène employé, l’examen attentif permet de constater le transfert de la 
sensibilité cutanée précédant celui de la contracture. Celle-ci n’apparaît 
qu’au moment où la malade accuse du côté primitivement anesthésique la 
sensation de l’excitant. 

De par le fait que les mouvements spontanés ou communiqués peuvent 
déterminer la contracture des muscles mis en action, et que Le sens mus- 
culaire semble conservé dans ces muscles, il ne faudrait pas conclure que 
les excitations périphériques agiront nécessairement sur leurs nerfs sen- 
sitifs. Le point de départ de la contracture peut être néanmoins superficiel. 
C’est le cas pour la malade que nous avons citée. L'observation suivante le 
prouve : 


9 


D ht dt. 


SÉANCE DU 1% MARS. 197 


La malade étant sensible de tout le corps, et le sens musculaire ainsi 
que l’aptitude à la contracture existant également des deux côtés, la pres- 
sion, la malaxation pratiquées avec le doigt à droite restent sans effet. 
Pratiquées à gauche, dans les mêmes conditions, elles déterminent une 
contracture intense. On en pourrait conclure que la malade est hyperexci- 
table à gauche et ne l’est pas à droite. Mais, si l’on vient à répéter l’expé- 
rience en se servant du manche d’un porte-plume, par exemple, au lieu 
du doigt, la contracture apparaît à droite, elle ne se produit plus à gauche. 
Ce résultat, constaté seul, conduirait à une conclusion opposée. La réalité 
est que, dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas la percussion, la 
malaxation qui agissent, mais bien la température des corps dont on se sert. 
La malade sent le froid du porte-plume à droite, la chaleur du doigt à 
gauche. Ce résultat, en apparence paradoxal, s'explique par ce fait que le 
membre droit est sans cesse à une température de 4 à 5 degrés supérieure 
à celle du membre gauche. Les résultats sont très nets lorsqu'on cherche à 
produire la griffe cubitale. Le plus léger attouchement de la peau avec 
le doigt au niveau du nerf du côté gauche, dans la gouttière olécra- 
nienne, donne lieu à une contracture intense, tandis que‘la malaxation 
énergique de ce nerf au même niveau avec un porte-plume n’est suivie 
d'aucun effet. Résultats inverses si l’on agit sur le côté droit. La malade 
se lave-t-elle les mains avec de l’eau chaude : sa main gauche entre en 
contracture. Les plonge-t-elle dans de l’eau froide : c’est alors la main 
droite qui est intéressée. En résumé, et bien qu’à premier examen les 
apparences puissent tromper, le point de départ de la contracture n’est 
pas profond, mais au contraire très nettement superficiel. 


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SÉANCE DU 8 MARS 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


NOTE SUR UNE PROLIFÉRATION EXTRAORDINAIRE DE CORPUSCULES CALCAIRES 
DANS LE TISSU MUSCULAIRE D'UN CHEVAL, par M. P. MÉGNIN. 


Dans la séance de l’Académie de médecine du 7 septembre 1880, 
M. Bouley, au nom de M. Vittu, médecin-vétérinaire et inspecteur de la 
salubrité à Lille, communiquait la relation d’un fait de tumeurs muscu- 
laires multiples extrêmement abondantes, chacune ayant la forme et le 
volume d’un grain de seigle observé chez un cheval présenté à l’abattoir. Il 
se demandait si ces tumeurs, d’une consistance calcaire, ne seraient pas le 
produit d’une calcification qui se serait opérée dans les poches kystiques 
dues à la présence d’un parasite tel que la trichine. 

Cette communication, avec les pièces à l'appui, fut renvoyée à l’examen 
d’une commission composée de MM. Lancereaux, Planchon et Bouley: 

Toujours à l’affüt de faits nouveaux de parasitisme, cette communication 
me frappa et je m'adressai directement à M. Vittu pour avoir des échantil- 
lons de ces muscles de cheval farcis de ces kystes parasitaires calcifiés 
supposés, et je reçus de mon confrère les pièces que je présente à la 
Société. 

Ces échantillons se sont décolorés, depuis quatre ans qu’ils sont dans 
l'alcool, mais on peut voir le nombre considérable de corpuscules qui 
existent dans chaque morceau, sur la couleur jaunàtre desquels ils tranchent 
par leur blancheur; ils sont si abondants dans certains points, qu’ils se 
touchent. Ces corpuscules sont tous allongés dans le sens des fibres et irré- 
gulièrement cylindro-fusiformes, bosselés et arrondis à leurs extrémités; ils 
ne ressemblent, comme on voit, que très imparfaitement à des grains de 
seigle et sont loin d’être uniformes et de même taille : les plus grands ont de 
9 à 6 millimètres de long sur 2 à 3 millimètres d'épaisseur, les plus petits 
ressemblent à des points blancs ayant moins de 1 millimètre de diamètre; 
entre ces deux dimensions extrêmes, il y a tous les intermédiaires possibles. 
J'ai fait des préparations microscopiques de quelques-uns d’entre eux en 
les usant sur une pierre à repasser jusqu’à pellicule et je vous présente ces 

B1OLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°, N° 10. 11 


130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


préparations et le dessin de l’une d’elles grossi 25 fois ; comme on voit, il y 
a des sortes d’ilots grenus irréguliers servant de centre à des stratifications 
concentriques, et chaque grand corpuscule paraît être le résultat de la 
réunion de plusieurs petits corpuscules microscopiques voisins, plus ou 
moins réunis en chapelet et englobés ensuite dans une gangue calcaire stra- 
tifiée. Est-ce là un exemple d’une dégénérescence spéciale des fibres mus- 
culaires autour de laquelle se serait formé un dépôt calcaire ? je le pense; 
dans tous les cas il n’y a aucune trace de l’existence antérieure d’un para- 
site, et ces corpuscules, même les plus petits, ne ressemblent en rien aux 
kystes calcifiés laissés par des trichines mortes. 

J'ai remis quelques-uns de ces corpuscules à notre collègue M. Galippe, 
qui a eu la bonté d’en faire l’analyse qualitative, et il Les a trouvés com- 
posés de carbonate et de phosphate de chaux et de magnésie avec traces de 
sulfates et de fer. 

Cette sorte de lésion n’a pas encore été observée, que je sache, chez les 
animaux. D’après M. le professeur Ch. Robin, à qui j’ai montré ces pièces, 
on aurait rencontré, mais.bien rarement, des corpuscules semblables dans 
les fibres musculaires de l’utérus chez des vieilles femmes, mais jamais 
dans de semblables proportions. | 


NOTE SUR L'ACTION DE CERTAINES SUBSTANCES ORGANIQUES SUR L’AMIDON, 
par M. P. Recnanp. 


Dans une de nos dernières séances, notre collègue M. Richet présentait 
à la Société quelques remarques à propos de l’action de certains tissus des 
animaux sur l’amidon cuit. Cette communication me rappela quelques 
expériences que j'avais faites autrefois, que je viens de recommencer, et 
que je voudrais présenter en peu de mots. 

Je cherchais si les poissons, bien qu’on ne connaisse pas anatomique- 
ment leurs glandes salivaires, ne posséderaient pas néanmoins de la salive. 
Une expérience de physiologie pouvait seule décider la question. 

À priori, cela n’était guère probable ; le poisson d’abord ne mäche pas 
sa proie ; il l’avale d’un seul coup et n’aurait guère le temps de l’insaliver. 
Ensuite il est difficile de comprendre comment la salive pourrait demeurer 
dans la bouche de l'animal parcourue par le courant d’eau perpétuel de La 
respiration. 

Pour juger expérimentalement la question, je pris deux vases semblables, 
dans lesquels je mis une solution étendue d’amidon cuit. J’abandonnaï l’un 
à lui-même, dans l’autre je plaçai un cyprin doré qui, pour les besoins de 
sa respiration, faisait sans cesse passer l’eau amidonnée dans sa bouche. 

Au bout de quatre jours l’eau où se trouvait le poisson avait perdu sa 


SÉANCE DU S MARS. 151 


teinte louche, elle ne donnait plus la moindre réaction par l’iode et, au con- 
traire, la liqueur de Fehling la montrait remplie de sucre. L’eau amidonnée 
témoin n’avait pas varié. 

Ii aurait donc semblé que le poisson avait, par sa salive, transformé 
l’amidon en sucre Mais en faisant la critique de l'expérience, on remarque 
que l'animal était plongé tout entier dans l’amidon et que plusieurs causes 
pouvaient intervenir, Les poissons sont recouverts d’un épais mucus qui 
pouvait avoir son action. Je recommençai mon expérience en mettant dans 
l’eau amidonnée, non plus un poisson, mais du mucus enlevé soigneuse- 
ment par le raclage de la peau d’une anguille vivante. Au bout de six jours 
tout l’amidon était transformé en sucre. En faisant l’expérience à 30 degrés, 
il ne fallait plus que deux jours environ. 

Ainsi l’expérience primitive ne signifiait rien, elle ne prouvait nullement 
que les poissons eussent de la salive. La vérité est que beaucoup de liquides 
organiques transforment l’amidon en sucre et en particulier cette mucosité 
répandue sur le corps des animaux immergés. 


SUR LES VÉSICULES SÉMINALES DU MARA, par MM. Maruias Duvaz 
et G. HERvÉ. 


Dans le courant de l’année dernière, à propos de l’innervation de l’utérus, 
une courte discussion s’engagea devant la Société sur la signification mor- 
phologique des longs tubes qui, chez le cochon d'Inde, jouent un rôle ana- 
logue à celui des vésicules séminales. Ces tubes sont-ils les restes des 
tubes de Müller, et par conséquent homologues de l'utérus et de l’utricule 
prostatique, ou bien sont-ce des appendices du canal déférent (du eanal de 
Wolff de l’embryon) et par suite de véritables vésicules séminales, compa- 
rables à celles de l’homme ? Cette question ne peut être tranchée que par 
lembryologie et l’anatomie comparée. Nous avons commencé les recherches 
d’embryologie à cet égard ; mais pour lemomentnousne voulonsinvoquer qu’un 
fait d'anatomie comparée. Il s’agit d’un mara (Dolichotis patagonica),ron- 
geur qui, malgré le nom de lièvre de Patagonie qu’on lui a aussi donné, et 
malgré ses mœurs assez semblables à celles du lapin, est assez voisin de lape- 
rea du Paraguay, souche de notre cochon d'Inde. Ce mara esi d’une taille 
relativement grande (50 centimètres de longueur), de sorte que ses organes, 
par leurs dimensions, se prêtent bien à la dissection. Il possède, derrière la 
«vessie, deux tubes qui rappellent ceux du cochon d'Inde, mais sont plus 
courts, moins régulièrement calibrés et se rapprochent ainsi de l'aspect 
de vraies vésicules séminales. Et en effet ces tubes ou vésicules viennent 
s'ouvrir, sur la paroi postérieure du canal de l’urèthre, de chaque côté d’un 
petit verumontanum, par un conduit qui est commun à leur partie termi- 
nale et à la partie terminale du canal déférent. Quelque significatifs que 


132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


soient ces détails, ils ne seraient peut-être pas suffisants pour élucider la 
question, s’il n'existait encore la disposition suivante : sur le sommet du 
verumontanum est un orifice médian, qui conduit dans un utricule prosta- 
tique. Donc, puisque nous avons là l’uterus masculinus, les restes des ca- 
naux de Müller, il n’est pas possible de considérer les vésicules séminales 
de ce même animal comme des canaux de Müller; ces vésicules doivent 
être des diverticules développés secondairement sur chaque canal de Wolff; 
l’embryologie, en nous montrant l’époque et le mode de leur apparition, 
confirmera et précisera la conclusion précédente. 

M. G. Hervé, qui a disséqué les autres organes de ce mara, s’est assuré 
que cet animal, conformément à sa parenté sus-indiquée avec le cobaye, ne 
possède, de même que le cobaye, qu'une seule veine cave supérieure 
située à droite, tandis que la plupart des autres rongeurs, le lapin par 
exemple, en ont deux, une droite et une gauche. 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DU POISON DES Moïs, par M. BOCHEFONTAINE. 


Grâce à l’obligeande de M. Mocquin-Tandon, directeur de l’Institut bota- 


nique de France à Saïgon, M. le docteur Lejemble, du tribunal de cette 
ville, a pu m'envoyer le poison que je mets sous les yeux de la Société. Cette 
matière, d’après la lettre de M. Lejemble, consiste dans « une substance 
» visqueuse, semi-liquide à la température de ce pays, avec laquelle les 
» Mois, peuplade à demi sauvage, habitant le nord-est de la Cochinchine, 


» empoisonnent les flèches dont ils se servent, à la guerre ou à la chasse. 


» Il a été très difficile de se procurer même cette faible quantité. 

» Voici, d’après renseignements que j'ai pu recueillir», continue M. Le- 
jemble, « les effets produits par la flèche suivant la puissance de l’animal 
» atteint : si c’est un co-nai, animal possédant à peu près la taille d’un fort 
» cerf de France, quand l'engin s’est enfoncé dans le corps de quelques 
» centimètres (2 ou 8), il peut encore exécuter quelques sauts; puis 1l tom- 
» berait subitement mort. L’éléphant, qui présente une force de résistance 
» beaucoup plus considérable, peut faire encore environ un kilomètre avec 
» la flèche dans le flanc; il est pris d’un tremblement considérable, chan- 
» celle sur ses membres, tombe lourdement à terre et meurt. 

» Les Moïs gardent sur la fabrication de cette substance le secret le 
» plus absolu; jamais ils ne consentent à donner la recette aux étran- 
» gers; ils ne font pas, paraît-il, trop de difficultés pour vous préparer 
» une ou plusieurs flèches empoisonnées ; mais ils ne vous confieraient, 
» sous aucun prétexte ni pour le plus grand prix, la substance toxique 
» elle-même. Je pense, avec M. Moquin-Tandon, que l’Annamite n’a pu 
se procurer que par un vol le contenu d’un bambou qu’il a pu rapporter 
à Saïgon, et que vous recevrez pour partie dans quelques jours. 


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PPT 


SÉANCE DU S MARS. 152 


» Pourtant il paraîtrait, d’après la relation du jardinier chef du gou- 
» vernement qui a fait une excursion dans le pays, que des plantes de la 
» famille des Strychnées et le Strophantus concourent à la composition de 
» cetle matière, qui ne serait que la réunion des sues de ces différentes 
» plantes. 

» Un fait certain c’est que la viande des animaux empoisonnés par ce 
» moyen ne possède aucun effet toxique et peut sans inconvénient entrer 
» dans l'alimentation. Je me propose d’expérimenter, sur moi-même, dans 
» la journée d’après-demain dimanche, qne j'aurai à peu près libre. » 


Les cjrconstances n’ont pas permis à M. Lejemble de faire l’expérience 
qu'il projetait. D'autre part, le porteur n’ayant pas remis au destinataire le 
flacon qui lui avait été confié, M. Lejemble m'a expédié la seconde moitié 
du produit pris par M. Moquin-Tandon dans sa collection. 


Comme on le voit, l’extrait, brun foncé, en partie desséché, s’est recou- 
vert de moisissures dans quelques points de sa surface. 


L’extrait mis dans l’eau distillée se dissout incomplètement. 

On à fait ainsi un mélange trouble dosé de manière qu’une division de la 
seringue de Pravaz ordinaire, divisée en quarante parties, contient À milli- 
gramme de substance ; puis on a injecté sous la peau du tarse d’une gre- 
nouille, 2 milligrammes d’extrait, sur une autre grenouille, 4 milligrammes, 
enfin, sur une troisième, 6 milligrammes. 

Cinquante minutes plus tard, les grenouilles sont affaissées sur le ventre, 
incapables de reprendre leur attitude normale; elles n’ont plus que de 
rares et faibles mouvements spontanés. Les mouvements réflexes provo- 
qués par le pincement d’un orteil ne sont guère affaiblis. 

La muqueuse buccale est exsangue. 

Le cœur est mis à nu et l’on constate que ses mouvements sont entière- 
ment arrêtés ; le ventricule est pâle, contracté, vide, les oreillettes semblent 
revenues aussi sur elles-mêmes, mais non complètement vides de sang. 

On attend que les mouvements réflexes soient abolis, et l’on constate 
alors que l’excito-motricité du nerf sciatique n’est pas entièrement disparue 
et que la contractilité musculaire persiste. 

Ces trois expériences indiquent déjà que lextrait des Moïs tue le cœur 
de la grenouille, alors qu'il n’a pas aboli les mouvements spontanés ou 
provoqués, l’excito-motricité nerveuse, la contractilité musculaire, etc. 


Pour être certain que cette substance est réellement un poison cardiaque, 
les expériences précédentes ont été répétées sur trois autres grenouilles 
dont le cœur avait été mis préalablement à découvert. 

Cinq à six minutes après l'injection les battements du cœur sont devenus 
irréguliers; le ventricule, pâle, contracté par places, était rouge etdistendu 
dans d’autres endroits, tantôt à la pointe, tantôt à la base. Le nombre des 
systoles est peu à peu tombé de 35 à 16 par minute. 


134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Un quart d'heure après l'injection hypodermique le ventricule est entiè- 
rement arrêté, pale, en systole; les oreillettes très distendues par le sang 
continuent à se contracter régulièrement. 

Vinet-cinq minutes après l'opération les oreillettes toujours distendues 
sont arrêtées entièrement à leur tour. 

À ce moment les grenouilles sautent et nagent comme si elles n’avaient 
pas été empoisonnées. 


On a encore répété la même expérience sur deux grenouilles vigoureuses, 
récemment apportées au laboratoire, mais auxquelles on a injecté sous la 
peau 1 milligramme seulement d'extrait. 

Sept minutes plus tard le cœur est devenu irrégulier. 

Treize minutes après l’injection le ventricule s’est arrêté en systole. 

Sept minutes plus tard, c’est-à-dire vingt minutes après le début de l’ex- 
périence, les oreillettes se sont arrêtées à leur tour, maïs en diastole. 

Les deux animaux avaient alors conservé leurs mouvements spontanés et 
réflexes, sautant et nageant à peu près comme dans leur état normal. 

Chez quelques grenouilles l'extrait a été inséré sous la peau à l’état brut, 
la dose employée avait le volume d’une tête de grosse épingle. 

Six minutes se sont à peine écoulées avant que le ventricule cardiaque 
füt arrêté en systole. | 


La même quantité d'extrait mise directement sur le cœur découvert a 
arrêté le ventricule au bout d’une minute et demie. 

Immédiatement après l'application du poison sur le cœur, les battements 
de cet organe se sont arrêtés. Après quelques secondes les mouvements 
sontrevenus parfaitement réguliers ; enfin les irrégularités caractéristiques, : 
puis l’arrêtée, sont produites à leur tour. 

Trois gouttelettes du poison dilué dans l’eau, ont ralenti le cœur, 
puis arrêté le ventricule en systole au bout de quinze minutes. Au bout de 
vingt-cinq minutes les oreillettes se sont arrêtées en diastole. 

Dans ces expériences comme dans celles où la substance avait été mise 
sous la peau, les grenouilles avaient conservé leurs mouvements spontanés 
plusieurs minutes après l’abolition des battements du cœur. 

Il n’a pas été possible dans aucun cas de rappeler les contractions du 
ventricule au moyen de l’atropiné ou de l’électricité. 


On est donc autorisé à conclure que le poison des flèches des Moïs est un 
toxique extrêmement énergique qui arrête le cœur de la grenouille en sys- 
tole et doit être classé parmi les poisons du muscle cardiaque, avec la digi- 
tale, le muguet, l’adonis cernalis, etc. 

Je me suis empressé d'écrire ce résultat à M. Lejemble pour qu’il fût 
averti du danger auquel il s’exposerait s’il mettait à exécution son projet 
d'expérimenter le poison des Moïs sur lui-même. 

Quelle peut être la plante avec laquelle les indigènes préparent leur 
extrait? M. Baillon, auquel je me suis adressé pour avoir quelques rensei- 


SÉANCE DU 8 MARS. 135 


gnements sur ce sujet, pense que cette plante n’est pas une Strychnée ni le 
Strophantus hispidus, c’est-à-dire l’Inée du Gabon sur la côte occidentale 
de l’Afrique tropicale. Il suppose plutôt qu'elle est l’'Upas-antiar qui croît 
à Java, non loin de la Cochinchine. Le pouvoir toxique de l’Upas-antiar, 
poison systolique du cœur, employé par les Pahouins, n’est pas moins consi- 
dérable que celui des Moïs, par conséquent l'hypothèse de M. Baillon est des 
plus rationnelles. 

En terminant, remarquons que cette puissance toxique n’a pas empé- 
ché les moisissures de croître sur l'extrait contenu dans ce flacon. D’autre 
part, la fructification des champignons n’a rien enlevé à l’activité de la 
substance, car les expériences faites avec la partie de l’extrait recouvert de 
mycélium ont donné les mêmes résultats que celles pour lesquelles on 
avait pris la matière intacte, visqueuse encore ou desséchée. 

Pour que cette Note fût moins incomplète, il faudrait qu’elle indiquât le 
nom de la plante et ses propriétés bien reconnues. Mais la guerre actuelle 
ne permettra peut-être de longtemps à M. Moquin-Tandon de se livrer à 
cette recherche. Il me sera peut-être donné de compléter plus tard cette 
communication préalable. 


NoTE suR LE JEQUIRITY, par M. E. Harpy. 


Les graines de Jequirity (Abrus precatorius) ont été dans ces derniers 
temps l’objet de nombreuses recherches. Leur étude chimique n’est point 
faite. Hilger dit y avoir constaté la présence d’un alcaloïde, sans action phy- 
siologique. Salomonsen (1) a extrait le principe actif en épuisant les graines 
par l’eau ou la glycérine et en précipitant par l’alcool ; il a reconnu dans la 
substance qui se dépose les propriétés des matières albuminoïdes et en a 
conclu que ce ne peut être un ferment diastasique ni un ferment pepto- 
nique. Wanneman (2) obtint la même substance et la considéra comme un 
ferment soluble. 

En étudiant la composition de cette substance après l'avoir convenable- 
ment purifiée, on reconnait facilement qu’elle a les propriétés des gluco- 
sides. Sous l'influence des acides dilués à l’ébullition, elle se transforme en 
sucre et en alcaloïde particulier. La solution en effet réduit la liqueur de 
Fehling et donne des précipités avec tous les réactifs des alcaloïdes, iodure 
de mercure et de potassium, iodure de potassium ioduré, etc. 

Ce mélange neutralisé et versé sur la conjonctive d’un lapin n’amène la 
production d'aucune inflammation. 

On extrait l’alcaloïde en évaporant à sec, et en reprenant par l'alcool, qui 
dissout seulement l’alcaloïde. 

Nous proposons pour la glucoside contenue dans le Jequirity, le nom 
d'abrine, qui rappelle son origine. 


(1) Fortschritte der Medecin de Friedlænder, 
(2) Semaine médicale, 1884. 


136 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE POUR SERVIR À L'ÉTUDE (DES VARIATIONS D’EXCITABILITÉ DES APPA- 
REILS SUDORAUX PÉRIPHÉRIQUES », par M. le docteur KAUFMANN, aide- 
major au 31° d’artillerie (Le Mans), présentée par M. FrANÇors-FrANCK. 


M. Straus, pour démontrer l’action suspensive du froid local sur l’excita- 
bilité des glandes sudoripares, s’est servi de l’appareil de Richardson. Il 
abaissait la température d’une portion circonscrite des téguments, puis, 
faisant une injection hypodermique de pilocarpine, il déterminait une 
sueur généralisée, sauf à l'endroit où avait été projetée la pulvérisation. 

J'ai consfaté les mêmes effets de sudation générale, avec absence de 
sudation locale, en agissant non plus sur des parties artificiellement refroi- 
dies, mais sur des portions de la peau devenues malades à la suite d’un 
refroidissement antérieur, sur des engelures. 

J’ai établi trois expériences consécutives sur un sujet qui présentait de 
l’éphidrose du côté droit, éphidrose se produisant sous l'influence de cer- 
taines causes (émotions, chaleur du milieu ambiant, névralgies, etc.). Je 
pensai que l’injection de pilocarpine devait exagérer cet état. 

Cet individu était porteur d’engelures au niveau de l'articulation méta- 

tarso-phalangienne des deux gros orteils. Ces engelures ont deux mois 
d'existence. 
… Première expérience. — La température approximative des deux pieds 
est de 32 à 33 degrés. Il y a une hyperesthésie notable de la partie erythé- 
mateuse; à ce niveau la température est aussi plus élevée. Avant l’expé- 
rience je prescris un bain local de 37 degrés pour élever la température du 
membre droit. La durée du bain fut de quinze minutes. La température 
s’est élevée. Immédiatement après, injection de 1 centigramme et demi 
de pilocarpine, au niveau de l’engelure du côté droit. Au bout de deux 
minutes la sudation commence. Le côté droit du corps surtout est en 
sueur. À À centimètre en arrière de la surface érythémateuse, il y a une 
sudation locale abondante. A la loupe, on aperçoit de grosses gouttelettes 
de sueur. Cette sudation existe aussi en avant sur le gros orteil; elle est 
moins prononcée et commence à un demi-centimètre environ de Péry- 
thème. Mais la portion atteinte d’engelure est restée sèche durant toute la 
durée de l’expérience. Du moins l’examen à la loupe ne nous a pas révélé 
l'existence de la sudation locale. Peut-être le papier argentique eût été 
plus sensible. En tout cas, il n’aurait certainement décelé que des traces 
très légères de sueur. 

Le pied gauche ne fut pas examiné. 

Deuxième expérience. — Le lendemain, croyant ne pas avoir injecté une 
quantité suffisante de pilocarpine, je recommençai l’expérience avec 2 cen- 
tigrammes d’alcaloïde. T1 n’y eut pas de bain préalable. Le membre se trou- 
vait dans les mêmes conditions que la veille, au point de vue de la tempé- 
rature et de la sensibilité. Les mêmes phénomènes furent observés. Il y eut 
une sudation excessivement abondante du côté droit du corps, mais les 


SÉANCE DU 8 MARS. i 137 


engelures restèrent sèches. L’injection fut pratiquée au même orteil et sur 
le bord même de l’engelure. 

Troisième expérience pratiquée le troisième jour. — 2 centigrammes 
et demi de pilocarpine, toujours à droite. Mêmes symptômes que précé- 
demment. De plus, l'examen du pied gauche fut fait ce jour-là. Ce membre 
était aussi en sueur, sauf l’endroit occupé par l’érythème. 

Ces expériences me paraissent montrer que les troubles d’innervation, 
qui causent les modifications circulatoires propres à l’engelure, s’accom- 
pagnent d’altérations fonctionnelles de l’innervation sudorale. Or ces der- 
nières perturbalions étant bien évidemment de nature paralytique, au 
moins temporaire (puisque, comme après les dégénérations nerveuses, la 
pilocarpine ne produit plus la sudation), on est amené, par assimilation, à 
considérer comme passifs les troubles de la circulation. Ils résulteraient, 
eux aussi, d’une suspension d'action nerveuse, produite par le froid local, 
et les phénomènes congestifs de l’engelure ne devraient pas être rattachés 
à des phénomènes de vaso-dilatation active. 

Ces mêmes expériences confirment aussi à nouveau le fait, déjà établi 
sur d’autres preuves, que la sudation n’affecte aucun rapport nécessaire 
avec la congestion cutanée. 

Nous voyons encore que, si le froid jocal est capable de suspendre, pen- 
dant qu’il exerce son influence en tant’ qu'agent de réfrigération, comme 
dans les expériences de M. Straus, l’activité sudoripare, il peut être aussi 
le point de départ de troubles d’innervation prolongés, survivant à la 
cause productrice, et atteignant, entre autres fonctions, l’activité sudorale. 


NOTE SUR UN CAS DE SIALORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE, par MM. GiLces 
* DE LA TOURETTE et BoTrTEy, internes des hôpitaux. 


L’hypersécrétion de la salive n’est pas un phénomène rare chez les indi- 
vidus qui souffrent d’une affection nerveuse : on a pu l’observer dans cer- 
tains cas de lésions cérébrales, mais il est de notoriété commune qu’elle se 
montre assez fréquemment, dans les maladies qui intéressent le bulbe — 
l’ataxie locomotrice, la paralysie labio-glosso-laryngée — pour occuper une 
place notable dans leur symptomatologie. Dans la grande majorité de ces 
cas, toutes les glandes salivaires participent à cette hypersécrétion, et il 
est rare que le liquide recueilli vienne assez particuliérement d’une glande à 
l'exclusion d’une autre pour que son examen puisse permettre de déterminer 
avec précision la composition du liquide parotidien ou sublingual par 


exemple. Il en est de même, lorsque par l'emploi d'agents thérapeutiques, 


et parmi ceux-ci le jaborandi, on détermine une sialorrhée à laquelle parti- 
cipent loutes les glandes salivaires. Le cas que nous rapportons nous a paru 
réaliser, au point de vue particulier de la parotide, l'expérience bien connue 
de Claude Bernard sur la glande sous-maxillaire du chien : l'impossibilité 


138 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


dans laquelle on se trouve de déterminer expérimentalement chez l'homme 
de tels effets physiologiques, nous a engagé à en publier la relation. 

Il s’agit, dans la circonstance, d’un homme àgé de vingt-six ans, exerçant 
la profession de garçon boucher, de constitution vigoureuse, ne présentant 
pas d’antécédents pathologiques héréditaires. [l n’est ni syphilitique ni 
alcoolique et n’a jamais souffert que de rares maux de tête survenant à 
intervalles éloignés. Vers le mois de novembre 1883 il a été envahi par une 
loquacité insurmontable. Depuis cette époque, sans cause appréciable, il 
parle tout haut ou à voix basse, disant tout ce qui lui vient à l’idée et accom- 
pagnant ses actes d’un verbiage continuel. Bien que ses actes soient toujours 
sensés, cette loquacité est devenue tellement désagréable, qu’il ne trouve plus 
à s’employer dans le métier qu'il pratique. 

Cette bizarre affection le conduit à l’hospice de la Salpêtrière le 14 fé- 
vrier 1884, et bien que, suivant lui, son état se soit amélioré, il est facile, les 
jours suivants, de l'entendre parler seul d’une façon plus ou moins compré- 
hensible. Les facultés intellectuelles sont du reste intactes, de même qu'il 
n'existe aucun trouble de la sensibilité ou de la motilité. 

Le 18 février, à six heures du soir, sans que le malade se soit exposé au 
froid, sans cause provocatrice d’aucune sorte, surviennent subitement des 
douleurs très vives, à caractère lancinant, dans la région parotidienne 
droite, irradiant dans toute la partie droite de la face et jusque dans l’o- 
reille du même côté. Ces douleurs sont si vives, qu’il est obligé de se tenir 
la tête sous un courant constant d’eau froide. Presque aussi subitement la 
bouche se remplit de salive, et pendant que la partie droite de la face est 
couverte de compresses imbibées d’eau froide, le malade tient sous sa 
bouche un crachoir, qui est bientôt rempli de liquide salivaire qui s'écoule 
constamment le long de la commissure labiale. Il est facile de constater que 
la région parotidienne est le siège d’une notable augmentation de volume, 
qu’il existe un peu de rougeur de la peau sans empâtement, et que la tem- 
pérature locale y est légèrement augmentée. Les autres glandes salivaires 
sont entièrement indemnes de tout phénomène particulier. Il n'existe aucun 
trouble du goût, de l’ouïe, de l’odorat ou de la vue. Vers dix heures du soir 
les phénomènes douloureux disparaissent subitement, la sialorrhée s'arrête 
et le malade s’endort : la région parotidienne reprend son volume normal. 

Le lendemain matin 19 février, à huit heures, réapparition de phénomènes 
identiques qui durent jusqu'à une heure de l'après-midi. La quantité de 
salive excrétée dans ces deux accès s’élève en totalité à 1200 grammes, 

Interrogé sur ces accidents si spéciaux, le malade raconte que c’est, depuis 
un mois, la troisième fois qu’il est atteint de cette sialorrhée douloureuse, 

et que les deux premiers accës avaient duré environ quatre ou cinq heures, 
s'étaient montrés et avaient disparu dans des conditions analogues à celles 
que nous venions d'observer. 

L'interprétation de Ces phénomènes ne laisse pas que d’être ässez corn- 
plexe. Gette sialorrhéé doit-elle être rapportée à une névraigie de la 


26 nid 


SÉANCE DU 8 MARS. 139 


branche auriculo-temporale du maxillaire inférieur qui donne des filets à la 
parotide, produisant des troubles analogues à ceux que l’on observe dans 
les affections douloureuses de la branche sous-orbitaire qui s’accompagnent 
d’un écoulement de larmes. Ou bien plutôt, en présence des troubles céré- 
braux que nous avons signalés, doit-on assigner à ces symptômes une cause 
centrale. Il est difficile de répondre : cependant nous nous croyons auto- 
risés à conclure, vu le début subit et la cessation rapide des douleurs s’ac- 
compagnant de sialorrhée qui ne rersiste jamais après leur disparition, 
que le flux salivaire est ici nettement lié à des phénomènes nouveaux, mal 
déterminés il est vrai, mais non douteux toutefois. 

- Nous avons dit que la parotide seule était atteinte ; l’exploration des 
autres glandes salivaires ne laisse en effet aucun doute à ce sujet. Nous 
nous trouvions donc en possession de 1200 grammes d’un liquide frais, 
non altéré, presque entièrement parotidien, les autres glandes n'ayant sé- 
crété que normalement, partant dans des conditions excellentes d'examen 
de la salive parotidienne. * 

Ce liquide examiné dès les premiers accès, à la sortie même de la bouche 
du malade, était filant et visqueux, sans odeur. Placé dans un verre à expé- 
rience, légèrement troublé dès l’abord, il ne tardait pas à se séparer en 
deux parties, une supérieure très considérable, formée d’un liquide transpa- 
rent, une inférieure, blanchâätre, composée de liquide et de solide. M. Londe, 
chef du laboratoire de chimie de M. le professeur Charcot, fit l'examen 
chimique du liquide recueilli (les deux parties simultanément) ; il constata 
qu’il était neutre, riche en phosphate et carbonates, riche en mucine et que 
les réactifs révélaient à peine des traces de ptyaline et de sulfocyanure de 
potassium, tous caractères ordinaires de la salive parolidienne. 

L'examen microscopique de cettesalive parotidienne, qui, commeonlesait, 
est presque exclusivement muqueuse, devenait des plus importants. On se 
trouvait en effet dans les mêmes conditions, au point de vue de la parotide, 
que lors de l'excitation prolongée de la corde du tympan, agissant pendant 
plusieurs heures pour produire l’hypersécrétion de la glande sous-maxillaire. 
Il nous était permis d'ajouter un fait de plus, cette fois-ci observé chez 
l’homme, aux expériences si concluantes de M. le professeur Ranvier, qui a 
bien voulu contrôler le résultat de ces recherches. 

On sait en effet qu'en 1869 Heidenhain, répétant les expériences cé- 
lëbres de Ludwig et de Claude Bernard sur l’excitation prolongée de la corde 
du tympan, analysa le liquide sécrété par la glande sous-maxillaire du chien 
adulte et le trouva constitué par des cellules granuleuses, se colorant forte- 
ment par le carmin et plus petites que les cellules muqueuses normales. fl 
en conclut, après avoir comparé ce liquide avec celui que sécrétait la 
glande salivaire du côté opposé, seulement soumise à l’excitation physiolo< 
gique, que les cellules muqueuses qui tapissent les acini de cette glande 
parlaient en masse pour former le liquide de sécrétion. C'était déjà une 
restriction apportée à la théorie qui soutenait que la sécrétion phystiole- 


140 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


gique de la salive s’accompagnait de la chute constante de l’épithélium qui 
formait le liquide sécrété. Ces idées furent combattues en 1869 par M. Ran- 
vier, qui fit nettement voir que, lorsqu'on soumet la glande sous-maxillaire 
du chien à une excitation prolongée, ses cellules muqueuses ne se détachent 
pas, mais bien au contraire restent en place et subissent les modifications 
suivantes : le noyau de ces cellules situé normalement du côté de la mem- 
brane propre, à la périphérie, gagne le centre du corps cellulaire, et, à 
mesure que le protoplasma s'accroît dans des proportions considérables, le 
mucus chassé tombe dans la lumière du vaisseau et est excrété. Depuis cette 
époque, M. Ranvier, observant à l’état vivant les cellules caliciformes qui 
tapissent la muqueuse que revêt le suc lymphatique rétro-lingual de la 
grenouille, a pénétré le mécanisme intime de la sécrétion salivaire. Il a vu 
que ces cellules muqueuses possédaient des vacuoles remplies d’un liquide 
moins réfringent que le protoplasma, que sous l’influence de l'excitation ces 
vacuoles augmentaient de volume, qu'il s’en formait de nouvelles, et que 
leur contenu se substituait au mucus chassé en dehors de la cellule qui ne 
quittait jamais la paroi. 

Le liquide parotidien que nous avons examiné dans ses régions supé- 
rieures ou intérieures, ou simultanément à la sortie de la bouche, contenait 
deux éléments cellullaires de nature différente. On y voyait de nombreuses 
cellules épithéliales pavimenteuses, venues du revêtement de la muqueuse 
buccale, avec noyau central se colorant fortement par le carmin : mais 
jamais dans les très nombreuses préparations que nous avons faites, il ne 
nous à été donné de constater la présence d’une seule cellule caliciforme, 
dont les caractères morphologiques diffèrent si complètement de ceux de la 
cellulle pavimenteuse. Après une excitation de cinq heures et à deux re- 
prises différentes et rapprochées, les cellules muqueuses de la parotide 
n'avaient donc pas quitté leur paroi d'implantation. 

Il existait en outre dans le liquide d’examen de petits éléments à gros 
noyau granuleux en forme de haricot, fortement colorés par le carmin, 
entourés d’une légère zone de protoplasma, dans lesquels il était facile de 
reconnaitre des corpuscules salivaires qui ne sont autre chose, comme on 
le sait, que des cellules Ilymphatiques en migration normale et constante à 
travers toutes les muqueuses et les organes glandulaires. Ces éléments 
étaient en outre beaucoup plus nombreux qu’à l’état normal, ce qui se pro- 
duit du reste lorsqu'on soumet une glande à une excitation prolongée. 
Claude Bernard a en effet démontré que les petits vaisseaux des glandes se 
dilatent au moment où se produit la sécrétion, de telle sorte que la pression 
sanguine s’y trouve notablement augmentée. Cetteaugmentation de pression, 
beaucoup plus considérable dans les hypersécrétions, pourrait peut-être 
nous donner l'interprétation de la légère rougeur des tissus que nous avions 
notée et de l'augmentation légère de la température de la région paroti- 
dienne. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, ruée Mignon, 92, Pafis, 


SÉANCE DU 15 MARS 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


NOUVELLES CONTRIBUTIONS A L'HISTOIRE DU SANG DES CRUSTACÉS, par 
M. Poucxer (1). 


J'ai déjà signalé à plusieurs reprises diverses particularités relatives au 
sang des Crustacés (Société de biologie, mars 1881; Journal de l'A- 
natomie, mars-avril 1882). Les faits que j'ai à signaler aujourd’hui sont 
les faits suivants : 

Dans trois vases, du sang de langouste, d’écrevisse, de homard, a été 
recueilli le 24 novembre 1883 avec toutes les précautions nécessaires pour 
éliminer les germes atmosphériques. Ces sangs étaient recueillis au-dessous 
d'huile d’olive ordinaire. Ces sangs se sont coagulés et, gardés à la tempé- 
rature de la chambre depuis cette époque, sont restés sans aucun change- 
ment apparent. Le sang de l’écrevisse est hyalin, transparent comme au 
premier jour, formant une gelée à un état de coagulation par conséquent 
différent de celui de la coagulation du sang des mammifères, due à la pré- 
sence d’un réseau fibrillaire au milieu d’un liquide en excès. 

Le sang de langouste a présenté pendant plusieurs semaines son di- 
chroïsme caractéristique. Au voisinage de la surface en contact avec l'huile, : 
ce dichroïsme a disparu, mais la masse est restée coagulée, rosée, opaline 
par la présence de leucocytes comme au premier jour. 

À la surface de ces sangs il s’est produit d’abondantes végétations de 
myceliums. Ces myceliums ont fructifié (Penicilium glaucum), ont reversé 
dans l’huile une quantité notable d’eau. Aujourd’hui à ces myceliums ont 
succédé ou s'ajoutent des masses zoogléiques. 

Les cas de végétation dans les huiles ont été découverts et étudiés par 
M. Van Tieghem il y a quatre ans. Le point sur lequel nous voulons attirer 
l'attention est que ces huiles, abondamment chargées des germes de divers 
myceliums, de productions zoogléiques, tout en leur fournissant une atmo- 
sphère favorable, ne paraissent pas leur laisser exercer leur action sur la 
matière putrescible immédiatement placée au-dessous d’elles. 


(1) Communication faite à la Société dans la séance du 8 mars. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. [°7, N° 11. 12 


142 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


UN MOT SUR LA PARALDÉHYDE, par M. Ch. E. Quinouaup. 


Au mois d'août dernier, dans le service du professeur Fournier, nous 
avons administré la paraldéhyde dans des cas d’insomnie, la dose était de 
50 centigrammes à 3 grammes, dans un véhicule aromatisé ; tantôt elle 
provoquait du dégoût, parfois elle était prise facilement; après un temps 
variable il survenait un sommeil tranquille, calme, mais le degré d’activité 
semblait diminuer avec le temps, car il fallait augmenter les doses pour 
produire le même effet. C’est avant tout un hypnotique qui peut trouver 
ses indications dans les cas d’insomnie, surtout chez des sujets qui ne pré- 
sentent pas de grosses lésions organiques. Get agent nous a même rendu 
des services pour atténuer et pour prévenir le morphinisme. 

Pour déterminer son action physiologique nous avons institué, en juillet 
1885, au Muséum et aux Ménages, diverses expériences, desquelles il ré- 
Suite 

1° Que la paraldéhyde agit d’abord sur les lobes cérébraux et secondaire- 
ment, suivant les doses, sur le bulbe et sur la moelle épinière; 

2° Elle n’est point un anesthésique vrai, bien que l’anesthésie puisse sur- 
venir avec de fortes doses, qui sont dangereuses ; 

9° Cet agent peut produire la mort avec arrêt respiratoire, le cœur conti- 
nuant à battre. À doses faibles la tension artérielle est peu modifiée, mais 
elle diminue avec une forte dose, le cœur se ralentit; 

4 Les inhalations faites pendant une heure, soit à parties égales d'alcool 
et de paraldéhyde, seit de paraldéhyde pure, n’ont pas produit le sommeil ; 

9° L'apparition de la méthémoglobine est un des effets de son action sur 
le sang ; 

6° La paraldéhyde détermine un abaissement de la température, une di- 
minution de l'acide carbonique exhalé par les poumons. Immédiatement 
après l’injection de la paraldéhyde dans les veines le sang devient noir dans 
les artères : ce n’est pas du sang asphyxique. 

Voici quelques expériences à l’appui de ces propositions : 


a. Sur un chien on injecte dans les veines 8 centimètres cubes de paral- 
déhyde. Avant l'expérience, l’animal exhale, en 12 minutes, 58°,5 CO?, la 
température est de 38°,5. Trois quarts d'heure après l'injection, l’élimina- 
tion pulmonaire de CO? descend à 15r,96. 

b. Sur un autre on injecte dans l’estomac 10 centimètres cubes de la 
substance : avant l'injection, le rejet de CO? est 15r,88 en dix minutes, tan- 
dis que trois heures après on trouve 18r,52. 

c. On injecte sous la peau et dans les veines 15 centimètres cubes de pa- 
raldéhyde. Avant l'expérience, l’exhalation de CO? est de 2%r,10, la tempéra- 
ture de 38°,8; deux heures et quart après, la balance donne 18r,74 de COË. 


SÉANCE DU 15 MARS. 143 


d. On injecte 21 centimètres cubes de paraldéhyde dans l'estomac et sous 
la peau d’un autre chien. Avant l'expérience, l'animal exhale 45,20 CO° en 
dix minutes; quatre heures après l’exhalation est descendue à 15,52 et le 
lendemain la fonction tend à se rétablir, la quantité de CO? exhalé est de 
2sr,16. 


UN DEUXIÈME CAS DE TUMEUR CAUSÉE PAR UNE LARVE D'ŒSTRIDE 
OBSERVÉ EN FRANCE CHEZ L'HOMME, par M. Méanin. 


Dans le cas très intéressant de tumeur cutanée causée par une larve 
d'Œstride, observé à Paris, chez une dame qui était arrivée depuis peu 
d'Amérique, et que vous à rapporté M. Albert Robin, notre collègue pen- 
sait que c'était le premier et l’unique cas de cette curieuse affection observé 
en France chez l’homme. Si c’est le premier cas, ce n’est pas l’unique, 
car à peu près dans le même temps qu’il observait l'affection parasitaire 
en question, sur une dame, M. le docteur Jousseaume en constatait un 
semblable chez un homme récemment débarqué aussi d'Amérique, et je 
vous présente la larve d’Œstride que m'a gracieusement remise M. Jous- 
seaume pour en faire l’étude et pour compléter ma collection d'Œstrides. 

L'homme qui a présenté le cas observé par M. Jousseaume est M. Fois- 
sardey, qui remplissait au Guatemala les fonctions de garde-mine, et 
c’est sur la partie moyenne et externe de la cuisse gauche que s’était déve- 
loppée une sorte de furonele dont il ignorait complètement la cause. La 
tumeur mesurait 6 centimètres de diamètre, présentait une certaine éléva- 
tion, était de couleur rougeàtre violacée, et son centre présentait une sorte 
de petit bouton percéà son centre, d’où s’écoulait de temps en temps un peu de 
liquide sanieux. Au mois de décembre dernier M. Foissardey, agacé par 
les élancements que provoquait le furoncle en question et dont il suivait 
le développement depuis plus de quarante jours, s’avisa un jour de le 
presser fortement de la périphérie au centre, et il en fit sortir le ver en 
forme de petite bouteille que je présente; il était blanc, mais il a pris une 
couleur noirätre et il s’est desséché et racorni dans l’alcool, mais il mesure 
encore 9 millimètres de long sur 5 de large. 

On voit qu’il se compose d’une partie renflée et d’une partie rétrécie en 
forme de col et incurvée ; à l’extrémité de la partie renflée, se trouve la 
bouche armée d’une paire de forts crochets; les anneaux qui constituent la 
partie renflée, et qui sont au nombre de six, sont armés de rangées circu- 
laires de piquants plus nombreux sur la face dorsale; l'extrémité opposée, 
rétrécie, se termine par un petit renflement et porte une paire de stigmates 
analogues à ceux de tous les Muscides; c’est cette extrémité qui est con- 
Stimment en rapport avec l'ouverture cutanée, et cela était nécessaire afin 
que la larve puisse respirer. 

Cette larve a été rencontrée assez fréquemment dans l'Amérique centrale 


144 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par les voyageurs naturalistes et a été reconnue pour être une larve d’Œs- 
tride que Justin Goudot avait nommée Cuterebra noxialis ; Brauer ayant 
distrait du genre CUTEREBRA de Bracy-Clack quelques espèces différentes 
du type du genre pour en former le genre DermarogrA, l’Œstride de Goudot 
est devenue la Dermatobia noxialis. D’autres voyageurs naturalistes, entre 
autres MM. Coquerel et Sallé, ont aussi observé cette larve, mais sous le 
nom de ver macaque, ver moyoquil que lui donnent les indigènes. On 
l’a même regardée comme particulière à l’homme, sous le nom d’ŒÆstrus 
hominis ; mais depuis on l’a retrouvée sous la peau des bestiaux, des chiens 
et même des chats sauvages, ce qui prouve qu’elle n’est pas spéciale à une 
espèce de mammifère. 

La mouche qui produit cette larve est longue de 15 millimètres, elle a la 
tête jaunàtre, le corselet cendré et tacheté régulièrement, et l’abdomen 
bleu d’acier. 

Quand la larve a la forme de bouteille comme celle que je présente, et 
que j'ai dessinée figure 2 de la planche que je présente, elle n’est qu’à son 
deuxième stade, suivant Brauer ; quand elle est plus âgée, la partie rétrécie 
se dilate et la larve a une forme d’ove allongé; cela indique que la larve 
recueillie par M. Albert Robin, qui ne porte pas le rétrécissement carac- 
téristique du deuxième âge, était plus âgée que la mienne. 

Les phénomènes présentés par M. Foissardey, pendant le temps qu’il 
nourrissait ce parasite, ont été beaucoup moins graves que ceux observés 


sur la dame dont M. À. Robin a raconté l’histoire ; cette différence dans les 


symptômes a-t-elle pour cause la différence sexuelle ou une idiosyncrasie 
spéciale? Ou bien dépend-elle de la région occupée par le parasite? C’est 
ce qu'il est difficile de dire. 

Nous avons en France plusieurs espèces d’Œstrides dont les larves vivent 
dans ou sur le corps de nos animaux domestiques, et même de quelques 
ruminants sauvages ; mais aucune ne s'attaque à l’homme. Je vous présente 
des spécimens de ces différentes espèces : 

Trois d’entre elles vivent à l’état de larve dans l’estomac du cheval, ce 
sont : la Gastrophilus equi, la Gastrophilus hemorrhoïidalis et la Gastro- 
philus pecorum; : 

Une autre, dont la larve vit dans les sinus frontaux et maxillaires du 
mouton, c’est l’OŒEstrus ovis ; 

Une cinquième, dont la larve vit dans les poches pharyngiennes du cerf, 
c’est la Pharyngomyia picta ; 

Enfin, une sixième, dont la larve vit sous la peau des bœufs, c’est l’Hypo- 
derma bovis. 

Cette dernière seule a des mœurs analogues à la Dermatobia noxialis de 
Goudot; comme elle, sa jeune larve, en sortant de l’œuf, pénètre sous la 
peau, se constitue une loge qui augmente de capacité à mesure qu'elle 
grandit et dont les parois sécrètent une matière purulente dont elle vit, car 


elle agit comme un véritable cautère. Cette larve, d’abord fusiforme et an- 


SÉANCE DU 15 MARS. 145 


nelée et blanche, devient grosse, courte, mamelonnée et noire; puis, après 
un séjour de neuf à dix mois dans sa prison hypodermique, elle en sort dans 
les grattages auxquels se livre le bœuf qui la nourrit, tombe à terre ou sur 
le fumier, s’y cache et s’y transforme en nymphe; puis, six semaines après, 
éclôt sous forme d’une grosse mouche velue qui vit tout juste le temps de 
se livrer à la reproduction de l’espèce, c’est-à-dire pendant cinq à six jours, 
après quoi elle meurt sans avoir pris un atome de nourriture, n’ayant qu’un 
rudiment de bouche et des organes digestifs atrophiés. 

Les bœufs qui nourrissent des larves d’hypoderme ont souvent la peau 
du dos couverte de nombreux mamelons, dont chacun loge une larve. Ils ne 
s'en tourmentent nullement et même sont souvent dans un état très floris- 
sant d'embonpoint. Les engraisseurs de bœufs de la Franche-Comté choi- 
sissent même, au marché, les bœufs maigres qui ont des larves d’'Œstrides 
sous la peau, parce qu'ils ont remarqué que ces bœufs s’engraissent mieux 
que les autres; et, en effet, ce sont toujours des bœufs à peau très fine que 
la mouche choisit d’instinct pour loger sa progéniture, afin que sa jeune 
larve ait moins de peine pour arriver à son but. Or on sait que les animaux 
à peau fine sont ceux qui s’engraissent le plus facilement, de là le choix que 
Von fait des bœufs à tumeurs d’(ŒÆstrides. 


Du TRAITEMENT DU RÉTRÉCISSEMENT DE LA TROMPE D'EUSTACHE PAP LA 
MÉTHODE DE L'ÉLECTROLYSE, par M. GELLÉ. 


Je ne pensais pas exposer de sitôt les résultats de ma pratique au sujet 
de l’application de lélectrolyse à la cure des rétrécissements tubaires ; 
mais M. le docteur Mercié vient de lire à l’Académie un travail sur ce 
sujet; et je publie en ce moment (voici le placard-épreuve daté du 
28 février courant que je mets sous yeux de la Société) un Traité d’oto- 
logie où ce traitement par l’électrolyse se trouve indiqué et jugé sur quelques 
faits de ma pratique. J’aurais donc, quand paraîtra ce livre, l’air d’un 
plagiaire si je ne me hâtais de montrer que j'ai travaillé et décrit le même 
mode de traitement, comme ce placard en fait foi. 

Du sujet, je ne puis donner ici que les résultats; ils ont été en somme 
satisfaisants, surtout en tant qu'action topique exercée sur la stricture; 
car, on le sait, l'amélioration de l’ouie est subordonnée à bien d’autres 
conditions anatomo-pathologiques, dont la valeur n'apparaît clairement 
qu'après le rétrécissement franchi, tels sont l’état des fenêtres, la mo- 
bilité de la chaîne, l’élasticité du tympan, etc. Dans quatre cas où j'ai pu 
suivre et étudier l'effet de la méthode par l’électrolyse, j'ai vu la stricture 
céder en tout ou en partie, et la circulation de l’air redevenir possible par 
l’opération de Politzer, mais non par la déglutition. 

Dans tous les cas l’état antécédent de la caisse du tympan a paru influen- 


146 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


cer les résultats, au point de vue de l'audition, bien plus que celui de 
la trompe. J'avais choisi, à dessein, des rétrécissements liés à d'anciennes 
otites scléreuses qui avaient résisté à l’action des moyens ordinaires du 
traitement. Peut-être, en face de lésions de la caisse moins accusées, les 
suites seront-eiles plus encourageantes, cependant il ne faut pas oublier 
que le traitement par l’électrolyse s'adresse surtout à ces cas de strictures 
fibreuses, cicatricielles ou autres, rebelles à la dilatation aidée de topiques 
modificateurs variés. 


DE L'INFLUENCE DE LA PARALDÉHYDE SUR LA CALORIFICATION, SUR L'OXYGÉ- 
NATION DE L'HÉMOGLOBINE, ET SUR LES PHÉNOMÈNES D'ÉCHANGES, par 
M. A. HÉNOCQUE. 


Ayant pratiqué une série de dix expériences dans le but d'étudier l’action 
de la paraldéhyde, j'ai obtenu certains résultats que Je veux signaler, parce 
qu'ils mettent en relief des particularités qui n’ont pas été exposées avec 
une précision suffisante par les expérimentateurs qui ont publié le résultat 
de leurs recherches sur la paraldéhyde et que, en outre, J'ai à faire con- 
naître des faits entièrement nouveaux. 

Sans insister sur l’action hypnotique de la paraldéhyde ni sur la dimi- 
nution de la sensibilité à l’excitation électro-magnétique qui accompagne 
le sommeil produit par l’injection sous la peau de quantités de paraldéhyde. 
variant entre 40 centigrammes et 1 gramme chez des cobayes, et de 1 à 
% grammes chez le lapin, me contentant de rappeler que cette injection 
excite une douleur vive, et est rapidement suivie de salivation ; j’exposerai 
avec quelques détails les faits qui m'ont démontré que la paraldéhyde amène. 
une diminution considérable dans les phénomènes d’échanges dans les 
tissus, correspondant à l’abaissement de la température, au ralentissement 
dela respiration, à la diminution de l’oxyhémoglobine contenue dansle sang. 
Enfin l’étude de ces phénomènes permet d'expliquer comment la paraldé- 
hyde peut retarder et même arrêter l’action de certains poisons, tels que 
le nitrite‘de sodium, ainsi que je l’ai observé, ou la strychnine, ainsi que Va 
signalé M. Dujardin-Beaumetz, et cela sans qu’il soit nécessaire de consi= 
dérer ces poisons comme véritables antagonistes, ainsi qu'on l’a fait à 
propos de la strychnine. 

L’abaissement de température peut atteindre 8 degrés sans amener 
la mort; chez un cobaye, il a été de 5 degrés, c’est-à-dire que la tempéra=M 
ture rectale étant de 39,4, s’est abaissée à 34°,2 en l’espace de trois 
heures. 

Chez un lapin soumis à quelques jours d'intervalle à deux expériences, 
la température rectale est descendue une première fois de 40°,4 à 32°,4en 
l’espace de six heures, de 40°,2 à 32°,2 en l’espace de trois heures. 


SÉANCE DU 195 MARS. 147 


———————————— 


La durée de cet abaissement considérable de la température a varié de 
deux heures à six chez deux cobayes, et sur le lapin, dans un premier cas, 
la température rectale est descendue à 36°,5 à six heures du soir, c’est-à- 
dire trois heures après l'injection de 5 grammes de paraldéhyde (il pesait 
2400 grammes); elle à continué à descendre jusqu'à 33 degrés à sept 

heures du soir, et à minuit et demi, elle était au-dessous de 32 degrés 
centigrades. Enfin, le lendemain, à sept heures du matin, le thermomètre 
ne remontait encore qu’à 3» degrés, l’animal étant tout à fait réveillé. 
En somme, chez ce lapin, la température rectale est restée au-dessous de 
36 degrés pendant douze heures environ, et au-dessous de 32 degrés pen- 
dant plus de quatre heures. Je dois ajouter que dans cette période de 
temps, la respiration élait devenue stertoreuse, l’animal était dans un coma 
comparable à celui de l'ivresse la plus extrême, et j'ai dû, à plusieurs 
reprises, l’exciter avec des courants induits les plus violents (appareil à 
chariot avec la bobine à fond) pour rétablir la respiration. 

Dans tous les autres cas, celle-ci a été ralentie très notablement; l’état 
du cœur ne nous a pas présenté de résultats précis, en dehors d’un ralen- 
tissement (de 180 à 144 chez le lapin). 

La couleur du sang varie sous l'influence de la paraldéhyde; elle devien 
d’un rouge plus vif même dans les veines ; le sang de ces deux ordres de 
vaisseaux offre une teinte presque analogue, carminée, mais plus claire 
que celle du sang veineux. L’examen spectroscopique, pratiqué suivant un 
procédé qui me permet une évaluation relative de l’oxyhémoglobine, m'a 
montré une diminution notable de l’oxyhémoglobine , et pouvant arriver à 
ce point qu’on ne perçoit plus que la bande de l’oxyhémoglobine réduite, 
c’est-à-dire de l’hémoglobine. 

A ces fails, il convient d’ajouter que la salivation a été constamment 
observée au début des expérimentations, et que chez les cobayes, comme 
chez les lapins, il y a eu une véritable constipation et absence prolongée 
d'émission d'urine. 

J'ai voulu rechercher si dans ces conditions qui démontrent une diminu- 
lion considérable ou au moins un trouble profond dans les échanges qui 
s’opèrent dans le sang et dans les poumons, et dans le tissu cellulaire sous- 
cutané, l’action du nitrite de sodium sur le sang serait modifiée. J’ai 
établi dans des expériences antécédentes, dont les résultats ont été commu- 
niqués à la Société de biologie, le 22 décembre 1883, que la transformation 
de l’hémoglobine en méthémogiobine sous l’influence de l’injection sous- 
cutanée du nitrite de sodium, présente des effets constants qui peuvent per- 
mettre d'apprécier la rapidité de l’absorption et de l'élimination des 
nitrites. J’ai pratiqué alors les expériences suivantes : 

Sur ce même lapin, chez lequel une première fois j'avais étudié la pro- 
duction de la méthémoglobine dans le sang, par le nitrite de sodium, et 
constaté que la bande caractéristique apparaissait en vingt-cinq minutes 
pour une quantité de 20 centigrammes de nitrite par kilogramme du poids 


148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


_— = em 


de l'animal, j'ai injecté une dose de paraldéhyde égale à 4 centimètres 
cubes, et quatre minutes plus tard 2 grammes de nitrite de sodium, soit la 
dose énorme de 80 centigrammes de nitrite par kilogramme du poids de 
l'animal. Or, chez ce lapin, qui a présenté un abaissement de la température 
de 40 à 320 9. un sommeil comateux, et qui à été observé de trois heures et 
demie à onze heures et demie du soir, l’examen spectroscopique n’a jamais 
montré la bande de la méthémoglobine, même après le réveil ; la période 
comateuse proprement dite a duré de sept heures à dix heures du soir. 

L'injection de paraldéhyde avait done déterminé chez ce lapin un état qui 
a empêché l’action spéciale du nitrite de sodium sur le sang. 

Ce fait singulier et unique nous a amené à répéter et varier ces expé- 
riences. Nous avons constaté que, si l’on injecte la paraldéhyde après l’in- 
jection de nitrite de sodium, les cobayes ou les lapins meurent avec la colo- 
ralion brune du sang, et chez d’autres, un lapin et deux cobayes, l'injection 
de paraldéhyde, pratiquée après l’injection du nitrite de sodium, n’a pas 
empêché la mort, mais dans ces cas mêmes, le sang était bien moins brun, 
la die était incomplète. 

Ces divergences dans les résultats montrent qu'il n’y a pas dans l’action 
de la paraldéhyde un arrêt complet des échanges, mais une diminution, ou 
peut-être même une certaine localisation de cet arrêt dans diverses parties 
des organes; cette diminution peut-elle même être variable ? Dans tous les 
cas, je crois qu’il faut en tenir grand compte avant d'accepter un antago- 
nisme entre la paraldéhyde et la strychnine basé sur des faits dans lesquels 
il a fallu donner des doses de strychnine considérables, pour déterminer le 
strychnisme chez des animaux préalablement soumis à l’influence de la 
paraldéhyde, 

Enfin la diminution de température que nous avons observée, permet de 
supposer qu’on pourra, en clinique, employer avec succès la paraldéhyde 
dans les cas d’hyperthermie. 


EXPÉRIENCES SUR LE RALENTISSEMENT DES MOUVEMENTS DU CŒUR CHEZ 
L'HOMME, PROVOQUÉ PAR UNE EXCITATION PÉRIPHÉRIQUE DOULOUREUSE, 
par M. A. M. Brocn. 


On sait que les excitations périphériques douloureuses pratiquées sur 
les animaux produisent un ralentissement des mouvements du cœur. 

Cette question a été traitée par un grand nombre de physiologistes : les 
uns, comme Dogiel, Hering, Holmgren, Rutherford, appliquaient aux 
narines de l’animal des liquides irritants, ou, comme François-Franck, 
excitaient les branches sensibles afférentes au pneumogastrique, les autres, 
comme Brown-Séquard, Claude Bernard, Goltz, Bernstein, Biffi, se servaient 


SÉANCE DU 19 MARS. 149 


de l’irritation des ganglions ou nerfs abdominaux ou, comme Tarchanoff, 
d’attouchements sur le péritoine préalablement enflammé. 

Je ne sache pas que le ralentissement du rythme cardiaque ait été jusqu’à 
ce jour étudié expérimentalement sur l’homme, à propos des excitations 
douloureuses. 

Le résultat était à prévoir d’ailleurs par induction, tirée des expériences 
sur les animaux. 

De plus, il est de connaissance vulgaire que les douleurs violentes ou 
les poignantes émotions amènent la syncope par arrêt du cœur. 

Mais il me semblait intéressant de rechercher si une douleur modérée, 
si une émotion peu vive pouvait ralentir le cœur chez l’homme. J'ai obtenu 
cet effet, voici par quel procédé. 

Je me suis servi des cautérisations que l’on a coutume de pratiquer sur 
certains malades, les tuberculeux, par exemple, à l’aide du thermo- 
cautère de Paquelin. 

Je place sur le cœur du patient un cardiographe fixé au moyen d’une 
ceinture. À côté de la plume qui marque sur le cylindre le tracé du cœur, 
j'installe un second style inscripteur en communication avec un tambour 
dont la membrane, peu tendue, porte à son centre une petite balle de 
plomb fixée par une goutte de cire à cacheter. 

Ce tambour est dans ma main, avec le thermocautère. 

Les mouvements de percussion, que la cautérisation va nécessiter, suffi- 
sent pour que la balle de plomb, par son inertie, secoue la membrane sur 
laquelle elle est collée. 

Le cylindre tournant, j'aurai donc deux lignes d’inseription : l’une qui 
marque les mouvements du cœur, l’autre qui fait une ligne droite avant 
l’opération et une série de crochets correspondant aux mouvements du 
thermo cautère pendant les cautérisations. 

Les pointes de feu sont faites sur le devant du thorax. 

Je les commence lorsque le cœur a inserit un certain nombre de ses 
mouvements, pour être assuré du rythme, et après les avoir faites, Je saisse 
le cœur revenir à ce rythme avant d’enlever l'appareil. 

Les repères sont faciles à prendre et l’on voit exactement à quel instant 
de la révolution cardiaque ont débuté les trois ou quatre chocs du thermo- 
cautére. 

Cela posé, on observe toujours un ralentissement du cœur et, chose qui 
me paraît intéressante, ce ralentissement précède la première cautéri- 
sation. 

L’appréhension du patient qui voit arriver l'instrument près de sa poi- 
trine ralentit son cœur. Les palpitation s qui suivent sont également ralen- 
ties plus ou moins, selon l’impressionnabilité du sujet, puis le système or- 
dinaire se rétablit. 


Jai l'honneur de présenter à la Société deux graphiques montrant ces 


150 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


résultats. Le premier, très net, contient deux séries de quelques pointes 
de feu. 

La première a donné 1/20 de seconde de ralentissement, avant et pen- 
dant la cautérisation ; la seconde série, 1/10 de seconde. Il s'agissait d’un 
jeune homme habitué au traitement. 

Le second cardiogramme est relatif à une jeune fille très effrayée et 
très excitable. 

Le ralentissement est plus prononcé que dans le premier exemple, il 
atteint presque 1/3 de seconde. 

Ici encore, le ralentissement a précédé le choc du thermocautère, l’émo- 
tion a suffi pour le provoquer. 

Je vais au-devant d’une objection que l’on pourrait me faire. 

Il ne s’agit pas, dans ces résultats, d’influences dues à la respiration 
des sujets. 

Dans les nombreuses expérience que j'ai faites, et dans des tracés qui 
montraient avec le cœur, les courbes respiratoires, j'ai observé les ralen- 
tissements aussi bien dans l'expiration que dans l'inspiration, à toutes les 
phases de la courbe respiratoire. 

En général, l'effet de la douleur se manifeste par une brusque inspira- 
tion soutenue un moment et terminée par une respiralion incomplète d’une 
certaine durée. 

J'ai imité ce phénomène, recueillant sur moi-même, soit le cœur, soit 
le pouls radial. 

Au lieu d’un ralentissement j'ai obtenu une accélération du rythme 
cardiaque dans ces circonstances et voici un graphique qui le montre clai- 
rement. 

Le ralentissement que j'ai signalé dans mes expériences sur des sujets 
cautérisés en est d'autant plus caractéristique et s'accorde entièrement 
avec ce que l’on observe chez les animaux. | 


SUR LA FUSION DES CONDUITS DE MULLER CHEZ L'HOMME ET SUR LE 
DÉVELOPPEMENT DE L’HYMEN, par MM. F. Tourneux et E. WERr- 
THEIMER. 


Dans une des dernières séances de la Société de biologie, M. Pozzi a 
posé en termes précis la question de l’origine de l’hymen. Déjà en 1878, 
dans une réunion des médecins allemands à Cassel, cette question avait 
fait l’objet d’une longue discussion à laquelle prirent part Dohrr, Hoffmann 
Freund, etc., mais qui n’aboutit à aucune solution définitive (voy. Ctbl. f. 
Gynækologie, 1878). Bien que nos recherches sur le développement 
des organes génito-urinaires soient encore loin d’être complètes, en 
raison surtout de la difficulté de se procurer des embryons humains 


SÉANCE DU 19 MARS. 451 


pendant les trois premiers mois de la gestation, nous croyons cependant 
devoir indiquer dès maintenant les principaux résultats auxquels nous 
sommes arrivés, espérant que ces données pourront contribuer dans une 
certaine mesure à élucider le mode de formation de l’hymen. 

Livius Fürst (Monatschrift f. Geburth, 1867, n° 36) et Dohrn (Marburg. 
Gesellschaft, 1871) ont montré les premiers que la fusion des deux 
conduits de Müller en un canal unique (génital de Leuckart), débutait 
vers le tiers inférieur du cordon génital, puis progressait à la fois en haut 
et en bas. Un point sur lequel ne paraissent pas insister les auteurs les 
plus récents, bien qu'il se trouve déjà nettement indiqué par Fürst et par 
Külliker, c’est que leurs extrémités inférieures se fusionnent en dernier 
lieu (1). Cette fusion tardive résulte de l’écartement notable des segments 
terminaux des conduits de Müller, qui vont s'ouvrir en divergeant sur les 
parois latérales d’une sorte de crête ou saillie longitudinale que présente à 
ce niveau la paroi postérieure du sinus urogénital. 

Sur un embryon de porc Q long de 67 millimètres, la distance entre les 
deux points d’abouchement des conduits de Müller dans le sinus urogénital 
est de 300 p. Ces conduits convergent ensuite l’un vers l’autre sur la ligne 
médiane, et ne tardent pas à s'y fusionner (quatrième coupe), la fusion est 
complète dans toute l’étendue du cordon génital (60 coupes). 

Voici, d'autre part, ce que nous avons pu constater sur des embryons 
bumains; sur un embryon de 19 millimètres, les conduits de Müller n’ont 
pas encore atteint l'extrémité inférieure du corps de Wolff. 

Sur un embryon & de #2 centimètres dont le cordon génital, mesurant 
une longueur de 1"",6, a été décomposé en 50 coupes, les rapports des 
conduits de Müller sont les suivants de bas en haut: 


Séparés pendant 6 coupes. 


Accolés — 4 coupes. 
Fusionnés — 24 coupes. 
Accolés — 12 coupes. 
Séparés  — 4 coupes. 


90 coupes — 1,6. 


Sur un fœtus ® de Z- centimètres, les conduits de Müller fusionnés 
dans toute la hauteur du cordon génital divergent encore par leurs extré- 
mités inférieures (3 coupes). La cloison qui les sépare, toujours appré- 
ciable sur un fœtus @ de = centimètres, a complètement disparu sur un 
fœtus de ## centimètres. On peut donc dire d’une façon générale que chez 


(1) « Inférieurement la cloison persiste jusqu’à la fin de la douzième semaine, 
si bien que les conduits de Müller fusionnés dans les deux tiers supérieurs du 
cordon génital, doubles dans le tiers inférieur, s’abouchent par deux orifices 
distincts dans le sinus urogénital. » (Fürst, loc. cit., p. 106.) 


152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l’homme la fusion des extrémités inférieures des conduits de Müller s’ef- 
fectue tardivement, au commencement du cinquième mois lunaire. 

Il est probable que les extrémités des conduits de Wolff qui s'ouvrent 
primitivement à une faible distance des conduits de Müller dans le sinus 
urogénital se fusionnent avec ces derniers pour constituer le segment in- 
férieur ou hyménial du vagin (comp. Hoffmann, Ctbl. f. Gynækologie, 1878). 
C’est du moins ce que tend à démontrer ce fait que chez le fœtus de 
nous trouvons parmi les cellules épithéliales qui remplissent l’orifice du 
vagin, deux trainées latérales de courtes aiguilles jaunâtres, comme il en 
existe dans les conduits de Wolff en voie de disparition, chez le fœtus de 
%>. On sait, d’autre part, que chez la vache adulte les conduits de Wolff, 
persistant partiellement comme conduits de Gartner, ne s'ouvrent plus 
directement dans le sinus urogénital, mais à l’intérieur même du vagin, et 
à une distance de 1 centimètre environ de orifice vaginal. Il paraît ra- 
tionnel d’admettre que les extrémités des canaux de Wolff ont disparu 
dans cette étendue pour prendre part à laformation de l’orifice vaginal. 

Aïnsi que l’ont signalé tous les observateurs (Merkel, Valentin, Külliker, 
Dohrn, etc.), l’hymen ne s’accuse que dans la seconde moitié de la gros- 
sesse (dix-neuvième semaine, d’après Dohrn). Cette membrane est une trans- 
tormation du renflement primitif sur les parois duquel les conduits génitaux 
s'ouvrent dans le vestibule (voy. Külliker). La saillie hyméniale ne devient 
réellement proéminente dans le canal vulvaire (Budin) ou canal vestibu- 
laire (Tourneux et Legay) qu’au moment de la dilatation du vagin par 
accumulation des cellules épithéliales pavimenteuses. Cette dilatation se 
fait assez brusquement, entre les longueurs de 4 et © centimètres (sixième 
mois lunaire), alors que le diamètre transversal du vagin l'emporte de 
beaucoup sur celui de l’orifice hyménial. Les éléments de la lame épithé- 
liale qui comble à cette époque toute la lumière du vagin, se multiplient 
rapidement et distendent le conduit, en même temps qu'ils refoulent en bas 
la saillie hyméniale. C’est à la même époque et probablement sous l’in- 
fluence du même mécanisme, que les culs-de-sac de l’extrémité supé- 
rieure du vagin commencent à se délimiter. 

Sur un fœtus ® de 4 centimètres (fin du sixième mois lunaire), l’hymen 
mesure une largeur de 1%",5. Il a la forme d’une saillie conique aplatie 
transversalement, qui prolonge directement les parois du vagin dans le ves- 
tibule. C’est cette disposition que l’on peut facilement constater dans les 
derniers mois de la grossesse et à l’époque de la naissance qui a fait dire 
à plusieurs observateurs (Küllicer, Budin), que l’hymen représentait lex- 
trémité inférieure du vagin saillante dans le vestibule. Il importe de faire 
remarquer que bien que la saillie hyméniale soit en continuité avec toute 
l'épaisseur des parois du vagin, on trouve dans la constitution de ces parties 
des différences structurales assez sensibles. Nous nous contenterons d’in- 
diquer ici que l’hymen est entièrement dépourvu de fibres musculaires 
lisses. 


SÉANCE DU 15 MARS. 153 


Lorsque la fusion des extrémités inférieures des conduits de Müller ne 
s’est pas opérée, la saillie hyméniale présente deux orifices, donnant accès 
dans une cavité vaginale unique. 

L'étude comparative du. développement du sinus urogénital dans les 
deux sexes prouve que la saillie hyméniale de la femme répond entièrement 
au verumontanum du canal de l’urèthre chez l’homme. 


OBSERVATION RELATIVE A UNE NOTE DE M. BOCHEFONTAINE SUR L'ACTION 
PHYSIOLOGIQUE DU POISON DES Moïs, par M. HENNEGuY (1). 


Dans son intéressante communication sur le poison des Moïs, faite dans 
la dernière séance de la Société, M. Bochefontaine a établi que cette 
substance est un poison cardiaque, qui arrête le cœur en systole avant l’abo- 
lition des mouvements spontanés. Je désire rappeler que, déjà en 1875, 
j'avais fait connaître les propriétés physiologiques du poison des Moïs (2). 
Ce poison m'avait été remis par M. le professeur Rouget, qui le tenait lui- 
même de M. Mothe, chirurgien de marine. J’ai expérimenté cette substance. 
non seulement sur des grenouilles, mais aussi sur des pigeons et de jeunes 
chats. Dans tous les cas, j'ai vu les mouvements volontaires persister chez 
les animaux à sang chaud, jusqu’au moment de la mort, qui arrive brus- 
quement au milieu d’une syncope. Les battements du cœur étaient d’abord 
très accélérés, puis il se produisait, quelques minutes avant la mort, un 
véritable tétanos du cœur, les ventricules étant fortement contractés et les 
oreillettes distendues. Chez ces mêmes animaux, j'avais constaté quelques 
mouvements convulsifs vers la fin de l’empoisonnement. 

Mes expériences sur les grenouilles m’avaient montré que les mouvements 
volontaires ne disparaissaient que quelque temps après l’arrêt définitif du 
cœur et que les différents systèmes perdaient ensuite leurs propriétés 
comme dans la mort naturelle, seulement la contractilité musculaire s’étei- 
gnait rapidement. 

Je suis heureux que les expériences de M. Bochefontaine viennent con- 
firmer les résultats auxquels j'étais arrivé moi-même il y a quelques années. 


(1) Communication faite à la séance du 8 mars 1884. 


(2) Étude physiologique sur l’action des poisons, p. 156 et suivantes. Mont- 
pellier, 1875. 


BOURLOTON, — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


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157 


SÉANCE DU 22 MARS 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


NOTE RELATIVE A QUELQUES EXPÉRIENCES SUR LA PARALDÉHYDE, à propos du 
procès-verbal, présentée par M. BocHEFONTAINE. 


Dans la dernière séance, à l’occasion de la communication de M. Hé- 
nocque et des remarques de M. Quinquaud sur la paraldéhyde, j'ai men- 
tionné les résultats généraux de quelques expériences faites sur la demande 
de M. Vulpian dans son laboratoire. La Semaine médicale, en donnant son 
résumé des Comptes rendus de la Société, m'attribue à tort cette recherche, 
qui appartient à M. Vulpian, et en même temps elle change le sens des 
remarques que j'ai faites. 

Sans revenir autrement sur ce sujet, qui fera sans doute l’objet d’un tra- 
vail de M. Vulpian, je suis autorisé à dire que les effets physiologiques de 
la paraldéhyde sont notablement moins marqués que ceux du chloral, 
puisque le lapin, qui ne résiste pas toujours à 1 gramme de chloral 
hydraté, résiste fort bien à 3 grammes de paraldéhyde. 

D'autre part, M. Vulpian m’a prié de répéter avec la paraldéhyde les 
expériences de M. Brown-Séquard et les siennes avec le chloral introduit 
dans l'oreille du lapin. Ces expériences n'ont donné aucun résultat même 


après lintroduction de 3 centimètres cubes de paraldéhyde pure dans 
l'oreille du lapin. 


M. Mercié, à propos de la note déposée par M. Gellé sur l’électrolyse de 
la trompe d’Eustache, adresse la lettre suivante : 


Paris, 18 mars 1884. 


Monsieur le Président, je lis dans les Comptes rendus de la Société de 
biologie, séance du 16 mars, une Note de M. le docteur Gellé sur l'emploi 
de l’électrolyse dans les rétrécissements de la trompe d’'Eustache au sujet de 
la communication que nous avons faite à l'Académie de médecine le 
1limars. Je dois vous dire que ce mode de traitement est employé depuis 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. Lt, N° 12. 13 


158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


———________—_____—__——_—__———_—_———@ 


un certain temps à la clinique du docteur Garrigou-Desarène:. Nous en 
avons déjà parlé, après quelques expériences, dans la Revue de thérapeu- 
tique médico-chirurgicale du 1% octobre 1882 et dans le journal le Pra- 
ticien, 4 décembre 1882. 

Nous n’en avons fait l’objet d’une communication à l’Académie de méde- 
cine qu'après avoir pendant longtemps, près de deux ans, expérimenté ce 
nouveau mode de traitement sur un grand nombre de malades de la cli- 
nique et avoir pu en juger les excellents résultats. 

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée. 


J. MERGIÉ, 
chef de la clinique otologique du docteur Garrigou-Desarènes. 


— M. GELLÉ répond qu'il n’a nullement entendu soulever une question 
de priorité, mais montrer qu'il n’a pas été inspiré par la Note présentée par 
M. Mercié. 


— M. Marassez présente un livre de M. Laveran sur les Fièvres inter- 
mittentes, en insistant sur la valeur des recherches de l’auteur relatives à 
la nature parasitaire de la malaria. 


CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DU CHLOROFORME ET DU CHLORURE DE MÉTHY- 
LÈNE (GH?C?), SOUS LE RAPPORT PHYSIOLOGIQUE, par MM. J. ReNAuLD 
et VILLEJEAN. | ù 


Dans un mémoire intitulé : Recherches pharmacologiques sur le chlorure 
de méthylène (4), nous avons démontré que le produit livré sous ce nom 
aux chirurgiens est souvent, sinon toujours, un simple mélange de chloro- 
forme et d'alcool méthylique. Il est inutile de revenir sur les essais analy- 
tiques qui nous ont permis d'établir ce résultat curieux. 

Nous avons dû, pour l’appuyer sur des preuves irrécusables, comparer 
les matières suspectes au chlorure de méthylène GH°CFE préparé et purifié 
complètement par nous-mêmes à l’aide d’un procédé décrit dans notre pre- 
mier travail. 

Après de longues et laborieuses manipulations, le chlorure de méthylène 
absolument pur a été recueilli en quantité suffisante pour nous permettre 
de comparer les propriétés anesthésiques de cet agent à celles du chloro- 
forme. Mais avant de nous soumettre à ces inhalations ou de les appliquer à 
des anesthésies chirurgicales, il nous a semblé prudent de tenter quelques 
essais sur les animaux. Le résumé succinct de nos observations montre 


(1) Bulletin de l'Académie de médecine, 2° série, t. XIE, p. 568. 


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> Len Sabre MS mn DR ai 


SÉANCE DU 22 MARS. 159 


surabondamment la convenance et même la nécessité de cette mesure 
préventive. 

L'installation provisoire de notre laboratoire ne permettant pas d'opérer 
sur de grands animaux, nous avons dû recourir successivement à l’obligeance 
de MM. les professeurs Vulpian, Paul Bert et en dernier lieu de M. le doc- 
teur Laborde, chef des travaux physiologiques à la Faculté de médecine. 
C’est grâce à l’hospitalité de ces savants que nous avons pu entreprendre 
ces travaux et que nous avons l’espoir de les mener à leur terme. 

Nos inhalations de chloroforme et de chlorure de méthylène ont été 
presque exclusivement pratiquées sur des chiens, au moyen de l’appareil 
de Junker recommandé par M. Spencer Wells(1) dans l’administration du 
chlorure de méthylène pendant l’ovariotomie. Une seule fois nous avons 
mis à profit, pour le chlorure de méthylène GH°CF, les gazomètres usités 
par M. P. Bert pour le titrage de l’air et des vapeurs du chloroforme. Mais 
la consommation du produit est tellement grande dans ce système, quand 
on veut étudier la série entière des phénomènes anesthésiques, depuis le 
début jusqu’au refroidissement et à la mort de l’animal, que notre provision 
épuisée en une seule séance nous a obligés à renoncer temporairement à 
ces intéressants essais. 

La relation minutiéuse de nos observations sera exposée dans un mé- 
moire étendu. Comme il s’agit, quant à présent, d'établir des faits nouveaux 
constatés d’une façon irrécusable, nous nous bornerons à citer le nombre 
des expériences et à noter la succession régulière des phénomènes ob- 
servés pendant et après l’inhalation du chloroforme et du chlorure de mé- 
thylène. 

La marche de l’anesthésie provoquée par le chloroforme s'étant montrée 
entièrement conforme aux descriptions classiques, nous n’avons exécuté 
que cinq expériences. Points de repère utiles pour enregistrer les modifi- 
cations physiologiques produites sur les mêmes réactifs vivants par un agent 
appliqué à l’aide d'appareils absolument identiques. 

Nos chiens étaient de forte taille (poids : 15 à 20 kilogrammes), bien 
portants, vigoureux. En négligeant des différences insignifiantes dans la 
durée des phases, le chloroforme a donné lieu dans nos cinq expériences aux 
observations suivantes : 


Marche générale avec le chloroforme. — Après 1/2 minute d’inhalation 
au moyen de l'appareil de Junker, début de l'agitation. 

1 m.— Agitation, dilatation pupillaire atteignant rapidement le maxi- 
num. 

4 m. 1/2. — Abolition du réflexe cornéen et presque simultanément du 
réflexe palpébral. 

2 m. 1/2. — Anesthésie générale et résolution complète. Les mouve- 


(1) Spencer Wells, trad. P. Rodet (1883), p. 222. 


160 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ments respiratoires et les battements du cœur ne sont pas sensiblemen 
modifiés. j 

L'inhalation est continuée pendant 4/2 minute ; persistance des mêmes 
phénomènes, cessation de l’inhalation. 

L'animal insensible, immobile et dans un état de résolution, est détaché 
et mis en liberté. 

11 m. après le début des inhalations. — Période de retour ; léger cligne- 
ment des paupières, salivation abondante. 

13 m. — L'animal couché fait quelques tentatives pour se redresser ; état 
d’ébriété, titubation. 

Aucune trace de contracture dans les mâchoires, ni dans le cou. Aucun 
mouvement clonique dans le train antérieur ou dans le train postérieur. 
Peu à peu, les symptômes d’ébriété et la titubation diminuent. 

15 m. — Retour presque complet à l’état normal, l’animal obéit à l’appel 
de son gardien. 


Marche générale avec le chlorure de méthylène GH?CE. — Quinze expé- 
riences réalisées avec le chlorure de méthylène pur ont fourni des résultats 
dont le tableau suivant peut être considéré comme le résumé exact et 
typique. 

Les seules différences méritant d’être notées ne portent nullement sur 
la nature des phénomènes, elles touchent seulement à la rapidité plus ou 
moins grande de leur apparition et de leur durée. Ces dernières conditions 
paraissent influencées, non par l’impression de l’agent anesthésique lui- 
même, mais par la dose plus ou moins grande absorbée par l’animal suivant 
l'énergie et la fréquence de ses mouvements respiratoires ou de {a propulsion 
produite à l’aide des sphères de caoutchouc annexées à l’inhalateur. 

Après 1/2 minute d'inhalation. — Début de l'agitation; le chien pousse 
de légers cris. 

4 m. 1/2. — Milatation purs commencement d'insensibilité cor- 
néenne ; nystagmus. 

2 m. — Abolition des réflexes cornéens et palpébraux ; insensibilité géné- 
rale ; nystagmus persistant. 


3 m.— Mouvements cloniques, simulant la marche ou mieux la natation ! 


les quatre membres et la queue elle-même y prennent part. 

4 m.— Les mêmes phénomènes continuent ; fin de l’inhalation. L'animal 
est détaché et abandonné à lui-même. Malgré l’insensibilité, les mouvements 
cloniques dans les muscles des membres, de la face, de la région pré- 
pharyngienne et même du diaphragme continuent. 

6 m. — Commencement de la période de retour ; le réflexe cornéen repa- 
rail; contracture persistante des màchoires; l’anesthésie n’a pas cessé. 

1m. — Attaque épileptiforme ou choréiforme. 

9 m.— Le chien présente encore de la contracture, surtout dans les 
muscles des mächoires et dans ceux du cou. 


+ es 


LES AE 


SÉANCE DU 22 MARS. 461 


41 m.— Les phénomènes diminuent d'intensité. L'animal essaye de se 
redresser, mais ses pattes s’arc-boutent à peu près comme dans l’intoxication 
strychnique. 

20 m. — Contracture des muscles de la nuque. 

29 m. — L'animal ne peut encore ouvrir les mâchoires; il est atteint 
d’un strabismé convergent. 

29 à 30 m. — Les symptômes d'intoxication diminuent jusqu’au retour 
presque complet de l’état normal. Cependant, après ce temps, le chien, dont 
les mâchoires peuvent être desserrées, tient obstinément la tête baissée, ne 
répond pas à l’appel de son gardien et semble sous l'influence d’une sorte 


d'hallucination. 


Telest, avec de légères variantes, le tableau que nous ont offert Les chiens 
dans les quinze expériences d’inhalation pratiquées avec le chlorure de 
méthylène. 

La comparaison de ces phénomènes avec ceux que présentent les mêmes 
animaux chloroformisés manifeste un contraste frappant dans l’ensemble 
des symptômes autres que l’insensibilité. 

Tandis que l'influence du chloroforme amène avec l’anesthésie générale 
un état de résolution précieux à tous les points de vue pour les applications 
de cet agent aux opérations chirurgicales, le chlorure de méthylène pro- 
duit au contraire un état de contracture permanent ou temporaire, ressem- 
blant par moments à du tétanos alternant avec des crises épileptiformes ou 
choréiques. 

L'ensemble des symptômes est tellement inquiétant, que nous avons re- 
douté la mort des chiens, en poussant l’inhalation assez loin pour voir si, 
en augmentant les doses, nous arriverions au terme des mouvements désor- 
donnés et à la résolution. 

Dans les cas où nous avons tenté ces essais, les troubles cardiaques et la 
suspension des mouvements respiratoires conduisent le chien à un point si 
rapproché de la mort, que nous avons été obligés, sans que la contracture 
cessät, de rappeler les mouvements respiratoires par la respiration artifi- 
cielle et même par l’emploi des courants faradiques. 

Sans entrer ici dans des développements qui trouveront place dans un 
travail complet sur les anesthésiques dérivés du méthane €H, nous croyons 
devoir ajouter que des résultats différentiels entre le chloroforme et le 
chlorure de méthylène, résultats absolument concordants, ont été observés 
par nous sur divers animaux (grenouilles, lapins). Pour les premières, 
les expériences ont été faites tantôt par l'immersion dans l’eau chloroformée 
diluée, suivant la méthode de CI. Bernard, ou par la diffusion des vapeurs 
de chloroforme (ou de chlorure de méthylène) dans une vaste cloche pleine 
. d'air. 

Si nous faisons pour un instant un retour vers l’origine de ce travail, 
nous ajouterons que des expériences nombreuses, exécutées au moyen de 


162 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l'appareil de Junker et des gazomètres à titrage de M. P. Bert, prouvent 
que le prétendu chlorure de méthylène d’origine anglaise et le mé- 
lange synthétique de chloroforme et d'alcool méthylique dont nous avons 
donné la composition, agissent sur les animaux exactement comme le chlo- 
roforme et diffèrent autant du composé GH°C par leurs propriétés physio- 
logiques que par leurs caractères physiques et leur constitution chimique. 

En résumé, nous tirons de ces recherches les conclusions suivantes : 

1° Les chlorures de méthylène que nous avons étudiés et qui ont été livrés 
par l’industrie aux chirurgiens n’ont de commun que le nom avec le corps 
CH°CP; ce sont de simples mélanges empruntant leurs propriétés au chlo- 
roforme seul. 

2° L’action physiologique du chlorure de méthylène GC est différente 
de celle du chloroforme. Dans l’ensemble symptomatique, ces deux corps 
ne se ressemblent que par la production de l’insensibilité. 

9° Les symptômes résultant de l’inhalation du chlorure de méthylène 
GH°CE (contracture, mouvements cloniques, crises épileptiformes, cho- 
réiques), sont constants et de nature si effrayante, qu’il est impossible de 
penser à employer cet agent dans la thérapeutique chirurgicale. 

4° Tandis que le chloroforme, en même temps qu’il anesthésie, pro- 
duif, comme phénomène concomitant, une résolution musculaire aussi 
précieuse pour les opérations que rassurante pour le chirurgien, les mou- 
vements désordonnés qui accompagnent et suivent l'anesthésie méthylénique 
constituent un obstacle matériel et moral à son emploi. 

9° En présence de ces faits, n’est-il pas permis de se demander si jamais 
le chlorure de méthylène €H2CP a été administré en chirurgie. 


SUR LA DISTRIBUTION DE L'URÉE DANS LE SANG, par MM. GRÉHANT 
et QUINQUAUD. 


Nous avons cherché à déterminer avec exactitude s’il existe dans le sang, . 


pris en divers points de l'appareil circulatoire, quelque différence quant au 


contenu de l’urée et s’il est possible de démontrer directement où se forme. 


cetle substance; cette démonstration est fort importante à faire, puisque 
Hoppe Seyler a pu écrire récemment : « ni le lieu, ni le mode de formation 
de l’urée ne sont encore déterminés avec une précision suffisante. » 

Nous avons l'honneur de communiquer à la Société de biologie les pre- 
miers résultats que nous avons obtenus. Nous nous sommes attachés tout 
d'abord à recueillir chez l'animal vivant le sang des veines sus-hépatiques 
qui a circulé dans le foie, dans l'intestin et dans plusieurs viscères abdo- 
minaux, notamment dans la rate. 


Le procédé que nous avons employé pour obtenir le sang des veines sus-. 


hépatiques est celui de Claude Bernard légèrement modifié : on introduit 
par la veine jugulaire gauche jusque dans la veine cave inférieure, une 


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SÉANCE DU 22 MARS. 163 


longue sonde en étain, dont le pavillon est fermé par un tube de caoutchouc 
et une baguette de verre; pour s'assurer que la sonde a bien pénétré dans 
la veine cave inférieure, on fait une incision immédiatement au-dessous des 
fausses côtes à droite ; en insinuant le doigt entre le rein droit et le foie on 
tombe sur la veine et on sent l’extrémité de la sonde. On aspire alors au 
niveau de la veine jugulaire à l’aide d’une seringue après avoir comprimé 
la veine cave inférieure; le sang ne pénètre pas dans la seringue, parce 
que la paroi de la veine s’applique contre l’ouverture latérale de la sonde; 
on retire peu à peu celle-ci et il arrive un moment où le sang se précipite 
instantanément dans la seringue; ce fait coïncide avec le moment où l’ex- 
trémité de la sonde arrive en face des veines sus-hépatiques ; le sang aspiré 
est injecté dans un flacon à l’émeri, qui a été taré, il est défibriné par 
l'agitation, pesé et additionné d’une quantité d'alcool double de son poids. 
On prend ensuite dans un second vaisseau, dans l'artère carotide, par 
exemple, un autre échantillon de sang, qui servira à fournir un terme de 
comparaison. 

Nous n'avons pas besoin de décrire ici le procédé de dosage de l’urée de 
Gréhant par l’acide azoteux et la pompe à mercure, nous ferons remarquer 
seulement que le sang coagulé par l’alcooi depuis vingt-quatre heures au 
moirs est filtré sur un morceau de loile de lin, est soumis à la presse, et que 
l'extrait alcoolique évaporé au bain-marie repris par l’eau est introduit 
directement dans l’appareil à réaction. Nous avons reconnu qu'il est néces- 
saire de faire parvenir par aspiration dans cet appareil, non seulement la 
solution, mais les parcelles solides détachées du fond de la capsule et qui 
retiennent un peu d’urée. Les volumes de gaz corrigés exprimés en centi- 
mètres cubes donnent 2"»r,683 d’urée par centimètre cube d’acide car- 
bonique. 

Voici les premiers résultats rapportés tous à 100 grammes de sang que 


nous avons obtenus chez des chiens : 
Milligrammes. 


PAreremiemonale. PE EE ST NS NET 33  d'urée 
Veine fémorale........ Pr le DS EN Me 91 —— 
Veine jugulaire, bout périphérique. ...... 31 — 
Ne CAVEISUDETIEULE A PACE EIRE +. 99 — 

IPAPATETENCATO Ne EN ECINMORNECENERREEE 92 — 
Veines sus-hépatiques........1.:.,..2139. .. 59 — 

PAT er er tarde 0 RE ReC RER 9830 — 
Veine splénique.......... LÉRÉR OC: 91,1 = 
Veines sus-hépatiques....... DRE OURE .. 99,1 = 

HR Ariére CALE. Le 220 tetes SRE 57 = 
Veines sus-hépatiques........... CSS 66 — 

V-OWATIELE Carotide., :.:.. Se A CE re be 40 — 
Veimes sus-hépatiques:.4. 2, 070000 44 — 

VI. Artère carotide..... PR PE Ne Eu A PA ES 92,4 — 
Vemesteushépatiques. #0 0000 s. 140,201 — 


Veine splémiquenr. Ame ... 99,4 = 


164 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


—————————_—_———__]__]——]_]_]—_—— 


De ces résultats qui ont été constants nous pouvons conclure : 4° que le 
sang qui revient des membres ou de la tête contient autant d’urée que le 
sang artériel qui se rend dans ces organes, d’où il suit que l’urée qui se 
forme peut-être à la périphérie est amenée probablement par la lymphe au 
centre circulatoire ; 2 que le sang qui a circulé à travers la rate et lé foie 
est toujours plus riche en urée que le sang artériel, et la différence est 
encore plus marquée chez l'animal en digestion que chez l'animal à jeun ; 
elle peut s'élever à 9 milligrammes (expérience IV) dans 100 centimètres 
cubes de sang. Une pareille différence est loin d’être négligeable, en effet, 
si nous supposons que 100 grammes de sang sortent du foie en une minute 
et emportent 9 milligrammes d’urée en plus, cela ferait 540 milligrammes 
en une heure ou 13 grammes en vingt-quatre heures. Si le poids d’urée 
déversé par le sang des veinessus-hépatiques en une minute était, comme dans 
l'expérience IT (animal à jeun), égale à 3 milligrammes, 100 grammes de 
sang donneraient en mille quatre cent quarante minutes ou vingt-quatre 
heures 45,32 d’urée. 

Nos recherches, qui ont été faites au Muséum d'histoire naturelle dans le 
laboratoire de physiologie générale, dirigé par M. le professeur Rouget, 
démontrent done qu'à l’état physiologique l’urée se forme en certaine 
quantité dans les viscères abdominaux. ï 


NOTE SUR LES CONDITIONS DE LA VIE DANS LES PROFONDEURS DE LA MER 
par M. P. REGNaRD. 


L'observation faite par les naturalistes de quelque nouveau phénomène 
entraîne logiquement un certain nombre de recherches de laboratoire, 
d'expériences s’y rapportant. 

Tout le monde aujourd’hui est frappé des merveilleuses découvertes 
faites par les membres de la commission des dragages; ils ont donné la 
preuve qu’à des profondeurs où la vie ne semblait pas pouvoir exister, elle 
était représentée par des types singuliers, mais en réalité fort nombreux. 

Le physiologiste n’a donc plus à rechercher si, sous ces pressions 
énormes de plus de 600 atmosphères que supporte le fond de l'Océan, la 
vie existe; il doit maintenant essayer de déterminer dans quelles conditions 
elle peut se produire. 

En lisant les comptes rendus destravaux de la Commission du Talisman 
on est frappé de ce fait, que la faune abyssale est totalement différente de la 
faune de la surface; qu’il n’y a pas mélange, que jamais les animaux du 
fond ne viennent en haut, que jamais les animaux de la surface ne se ren- 
contrent profondément. 

Il y à pourtant une zone d'environ 2500 à 3000 mètres dans laquelle les 


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* SÉANCE DU 22 MARS. 165 


animaux de la surface peuvent pénétrer, mais ils ne sauraient aller beau- 
coup plus bas. | 

Le premier problème qui s'impose donc à l’expérimentation est de 
rechercher la cause de ce fait. 

Pour y arriver, nous nous sommes servis de l’ingénieuse pompe dont se 
sert M. Cailletet pour la liquéfaction des gaz. On sait que cet appareil 
permet d'obtenir dans un milieu purement aquatique des pressions de plus 
de 1000 atmosphères, correspondant par conséquent à des fonds d'environ 
12 000 mètres. C’est beaucoup plus qu’il n’est besoin. 

Notre intention était de ne faire connaître nos résultats qu'après qu’ils for- 
meraient un corps de doctrine complet. Mais, M. Certes, dans la dernière 
séance de l’Académie des sciences, ayant annoncé qu'il allait se servir de la 
même méthode pour l’étude des fermentations, force nous est de prendre 
date aujourd’hui, puisque nous avons trouvé depuis plusieurs semaines une 
partie de ce qu'il se propose de rechercher. 

Il est évident que nous nous sommes adressé tout d’abord aux ‘êtres les 
plus simples, aux ferments. 

Les animaux qui existent au fond de la mer présentent tous les phéno- 
mèênes de la vie, il était évident qu'en eux les ferments solubles devaient ne 
pas agir comme chez ceux de la surface. Nous avons pu constater qu’à une 
pression de 1000 atmosphères, la salive continuait à transformer l’amidon 
en sucre. | | 

Mais en serait-il de même des ferments figurés? Nous avons tout d’abord 
placé de la levure de bière à une pression de 1000 atmosphères pendant 
une heure, puis nous l’avons mise en contact avec de l’eau sucrée dans les 
conditions voulues. Elle a été longue à commencer la fermentation, elle 
était comme endormie, mais elle a néanmoins fourni cette fermentation. 
Notre appareil enregistreur nous a permis de voir que cette fermentation 
était très ralentie. 

Dans une deuxième série d’expériences nous avons placé de la levure 
dans de l’eau sucrée à une pression de 600 atmosphères dans les conditions 
abyssales. 

Un témoin était placé à côté. Au bout d’une demi-heure le témoin était 
en pleine fermentation. Au bout de sept heures la levure enfermée dans 
l'appareil n'avait encore fourni aucune trace d'alcool. Mais retirée de l’ap- 
pareil, elle se réveilla en quelque sorte et la fermentation se mit en train. 
Le résultat est assez d'accord avec l'observation des membres de la Com- 
mission du Talisman, qui n’ont jamais ramené de substances putréfiées du 
fond de la mer. 

Les infusoires vivant à la surface des eaux ont été placés par nous à 
600 atmosphères. Nous avons pris pour cela un tube plein d’eau croupie, 
absolument remplie de ces êtres. 

Après une demi-heure de ce traitement, les infusoires nous ont semblé 
endormis, ralentis dans leurs mouvements, mais tous étaient vivants. 


166 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


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Les mollusques ont des mouvements si obscurs, que sur eux observation 
devient très difficile; néanmoins nous avons pu voir qu'à 600 atmosphères 
ils ne perdaient pas toute vitalité ; ils tombent dans une sorte de vie iatente, 
qui persiste plusieurs heures après qu’on les a retirés de l'appareil. Puis 
ils se réveillent et ne semblent plus autrement incommodés. 

Les annélides nous ont présenté le même phénomène, mais avec une 
intensité très grande. 

Nous avons mis une sangsue sous 600 atmosphères. Elle est sortie de 
l'appareil rétractée et en état de mort apparente. Au bout de deux heures, 
elle faisait quelques mouvements. Le lendemain elle était réveillée et très 
vivante. 

La même chose se voit sur les crustacés. Nous mettons dans notre appa- 
reil des gammarus, des daphnies, des cypris, des écrevisses même. Puis 
nous foulons 600 atmosphères. 

Les animaux tombent instantanément endormis. Miel retirés du tube, ils 
se réveillent après quelques minutes et reprennent tous leurs mouvements. 

Il semblerait donc que la pression intense a amené chez eux la vie latente, 
qui cesserait dès que les conditions seraient devenues normales. 

Si de ces animaux inférieurs nous passons aux poissons, tout s’accentue. 

Il faut, bien entendu, éliminer route action de la vessie natatoire. Sinon 
les gaz de cette vessie se dissolvent dans le sang, et au moment de la 
décompression amènent la mort du poisson par leur dégagement subit dans 
les vaisseaux. La chose est facile à voir, on trouve alors le cœur rempli de 
gaz. 

Prenons done un eyprin doré, dont nous avons vidé la vessie en le 
plaçant une minute sous la cloche d’une machine pneumatique. 


Mettons-le ensuite sous 100 atmosphères (1000 mètres environ), il en 


sort sans le moindre accident. A 200 atmosphères il sort comme endormi, 


mais il se remet. À 300 atmosphères il est mort. À 400 atmosphères il est 
mort et absolument rigide. 


Cette expérience nous donne l'explication de la zone où, dans l'Océan, 
les poissons de la surface peuvent se rendre, où le mélange des faunes peut 
en quelque sorte avoir lieu. 

C’est en effet entre la surface et une limite de 2500 à 3000 mètres que les 
poissons que nous pêchons d'ordinaire se rencontrent en abondance. 

Ce qui est le plus frappant dans notre expérience, c’est cette rigidité 
considérable de l’animal qui a été porté à 400 atmosphères. 

C’est probablement là qu’est l’explication de sa mort. 

Pour bien étudier ce phénomène, nous avons pris des animaux sur 
lesquels il est plus facile d’expérimenter que sur les poissons. Nous nous 
sommes servis de grenouilles, dont nous avions soigneusement vidé les 
poumons sous la machine pneumatique. 


Sur ces animaux nous avons retrouvé les mêmes phénomènes que sur les 


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au. F 


2 


SÉANCE DU 22 MARS. 167 


poissons, nous avons de plus enregistré la contraction du muscle et noté 
son excitabilité. 

À 100 atmosphères le muscle semblait à peine atteint, sa contraction et 
son excitabilité étaient presque normales. | 

A 200 atmosphères le muscle avait déjà perdu de son exeitabilité, la 
contraction était plus lente, plus durable, mais moins énergique. 

À 300 atmosphères c’est à peine si le muscle se montrait excitable. Le 
tracé de la contraction est à peine saillant. 

À 400 atmosphères plus rien, le muscle est absolument rigide et inexci- 
table, tellement dur qu’on casse plutôt animal en deux que de faire plier 
une articulation. 4 

En analysant ce phénomène, on voit qu'en devenant rigide le muscle a 
augmenté de poids : des cuisses de grenouille, qui avant d'entrer dans l’ap- 
pareil pesaient 15 grammes, pesaient 17 grammes en en sortant et après y 
avoir séjourné dix minutes. 

Une grenouille témoin placée dans un vase d’eau à côté n’avait nullement 
changé de poids. Il semblerait done que sous l'influence de l'énorme 
pression de 400 à 600 atmosphères l’eau pénètre subitement dans les tissus 
et devienne une sorte de poison pour le muscle devenu dès lors rigide 
et inexcitable.” 

Il y aurait là quelque chose de comparable à l’action de l’oxygène, qui, 
sans action à la pression normale, devient un poison tétanisant à la pression 
de 7 à 8 atmosphères. 

La pression semble avoir aussi une certaine influence sur la circulation. 
Quand on met un poisson à la pression de 600 atmosphères, ne füt-ce qu’une 
minute, on trouve son cœur arrêté et la circulation totalement suspendue. 
En recherchant sous le microscope la circulation de la patte d’une gre- 
nouille ainsi comprimée, on voit tous les globules tassés, arrêtés, immobiles. 
Cet effet est-il le résultat de la contracture musculaire excessive qui com- 
primerait tous les vaisseaux ? 

Peut-être est-ce une action propre sur le muscle cardiaque. 

Quand on n’a pas pris soin de bien vider la vessie natatoire, nous l’avons 
déjà dit, on trouve le cœur et les branchies remplis de bulles gazeuses. 
C'est qu’alors en effet les gaz de la vessie, sous l’action &e l’énorme pres- 
sion qu’ils subissent, se dissolvent dans le sang, et, au moment de la décom- 
pression, se dégagent subitement, de manière à former cette mousse sanguine 
que l’on observe dans la maladie des plongeurs (Paul Bert). 

Nous avons voulu étendre notre étude sur la vie abyssale aux végétaux 
eux-mêmes. Nous avons soumis à une pression de 600 atmosphères des 
algues d’eau douce pendant plusieurs heures. A la sortie de l'appareil elles 
ont été mises au soleil et elles ont continué à décomposer l'acide carbo- 
nique et à former de l'oxygène. Mais quelques jours après elles étaient 
jaunes, mortes et tombaient en décomposition. 

Des graines de cresson alénois, portées à 1000 atmosphères pendant dix 


168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


minutes, sont sorties de l'appareil gonflées d’eau. Semées dans un pot, elles 
n’ont commencé à germer qu'au bout d'une semaine, tandis que dès le 
troisième jour les graines témoins germaient activement. 

Nous continuons au Havre ces expériences sur les végétaux, non plus au 
point de vue de la pression, mais au point de vue de la lumière. Des ballons 
remplis d'algues sont suspendus à diverses hauteurs à une chaîne retenue 
par une ancre et une bouée. Dans ces ballons sont placées des algues dé- 
composant l’acide carbonique ou des graines germant. Les expériences de 
Soret, démontrant que c’est le rouge du spectre qui est absorbé par l’eau, et 
d'autre part les recherches de M. Paul Bert et les nôtres démontrant que ce 
sont les rayons rouges qui sont utiles pour la fabrication de la chlorophylle, 
il est probable que nous allons trouver là la cause de l’absence des végétaux 
dans les régions abvssales. Nous nous contentons de prendre date au- 
Jourd’hui pour cette recherche. 

En résumé, chez les plantes et les animaux inférieurs, jusqu’à ceux qui ont 
du sang rouge, l'excès de pression amène une sorte de vie latente résultant 
probablement de la pénétration d'une certaine quantité d’eau dans les tissus. 
Chez les animaux aquatiques supérieurs, la mort est amenée par la tétani- 
sation du musele sous l'influence d’une pénétration d’eau. Chez les animaux 
qui vivent normalement au fond des abîmes, les tissus doivent être modifiés 
définitivement par l’accoutumance lentement acquise, et la mort doit être 
instantanée quand on les ramène à la surface par un mécanisme exactement 
inverse de celui que nous avons étudié. C’est en effet ce qui résulterait des 
observations des membres de la Commission du Talisman, puisque ces 
savants affirment n'avoir jamais eu un poisson des profondeurs vivant, et 
puisque en arrivant à la surface les tissus de ces animaux leur ont apparu. 
mous, friables et par conséquent dans un état exactement inverse de celui 
que nous avons obtenu par la pression. 


NOTE SUR LE JÉQUIRITY, par M. E. Harpy. 


La substance qui se précipite quand on traite les graines de jéquirily 


par l’eau et que l’on ajoute de l'alcool, est une matière blanche qu'il est 


difficile d'obtenir pureet complètement exempte de produits étrangers. Ilest 
particulièrement difficile de la séparer d’une matière qui se colore par 
l'iode, probablement de la dextrine. 

La solution se trouble par la chaleur, ce qui la rapproche des matières 
albuminoïdes. Elle agit énergiquement sur la conjonctive de l’œil d’un 
lapin et produit une inflammation intense. Portée à l’ébullition un temps 
suffisant, elle perd cette propriété et devient inactive. 

Elle se dédouble sous l'influence de l’acide sulfurique en donnant de la 
glucose et une substance qui précipite par les réactifs des alcaloïdes. Cette 
dernière réaction peut s'expliquer par la formation de peptones, qui se pro-" 


4 
à 


tes. 27 2722 


SÉANCE DU 22 MARS. 169 


duisent pendant l’ébullition avec l’acide. On s’en assure en ajoutant de la 
potasse et du sulfate de cuivre, on obtient la réaction dite du biuret, carac- 
téristique des peptones. La présence du sucre s’explique par la transfor- 
mation de la dextrine. 

La matière active contenue dans [a graine de jéquirity a done quelques- 
uns des caractères des ferments non figurés, comme l’a déjà dit M. Wan- 
nemar, mais pour être sûr que ce soit un ferment, il resterait encore à 
déterminer et à isoler la substance qu'il serait apte à dédoubler. 


NOTE SUR L'ÉTAT DE FASCINATION DANS LA SÉRIE HYPNOTIQUE, 
par M. P. BRÉMAUD. 


Dans de précédentes communications sur cet état de fascination, le pre- 
mier de la série hypnotique, j'ai fait remarquer que cet état n'avait point 
été obtenu sur les femmes hystériques hypnotisables, leur système nerveux, 
probablement trop impressionnable pour la fixation de l’état initial, les 
amenant d'emblée à l’état cataleptique, plus avancé dans la série. 

Continuant mes recherches à ce sujet, je constate que, sur des femmes en 
excellent état apparent de santé et hypnotisables, l’état de fascination, carac- 
térisé par la dilatation pupillaire, l'élévation du pouls, la parésie de la 
volonté, l’imitation automatique ne peut être établi; l’état provoqué d’em- 
blée sur toutes étant la catalepsie avec sa symptomatologie habituelle. 

En ce qui concerne l’état de fascination développé sur des sujets mascu- 
lins, les signes caractéristiques sont d'autant plus nets et plus tranchés, que 
la provocation première de l’état est plus récente; quand les expériences 
sont multipliées, à mesure que l’impressionnabilité du sujet s'accroît, la 
période de fascination disparaît graduellement, puis finit par ne plus appa- 
raître ; l’état qui s'établit d'emblée est la catalepsie. 

Les sujets sur lesquels j’expérimente depuis plusieurs mois, ne peuvent 
plus être fixés dans l’état initial, et voici ce qui s’est passé pour tous sans 
exception. À un moment donné, étant en fascination depuis une ou deux 
minutes, et en pleine période d'imitation par gestes ou paroles, ils s’arrê- 
tent brusquement, le pouls redevient à peu près normal, l’état cataleptique 
s’est établi instantanément. 

Aux expériences subséquentes la fascination s'établit encore, mais pour 
un laps de temps de plus en plus court, jusqu’au moment où la catalepsie 
s'établit nettement d'emblée. La léthargie et le somnambulisme peuvent 
être déterminés chez les mêmes sujets. 


170 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE SUR LES CONDITIONS FAVORABLES À LA PRODUCTION DE L'HYPNOTISME, 
par M. P. Brémaun. 


L’hypnotisme, dans ses différentsstades, peut être facilement provoqué sur 
un si grand nombre de sujets sains, etla connaissance des éléments qui'cau- 
sent l’impressionnabilité à l’hypnotisme estsi imparfaite, qu’il n’est pas sans 
intérêt d'établir les influences de diverses natures qui augmentent ou dimi- 
nuent la résistance du système nerveux à l’action des agents hypnogènes. 

À ce titre les observations suivantes peuvent avoir un certain intérêt. 

Deux jeunes gens, l’un de vingt et un, l’autre de vingt-cinq ans, étaient, 
en décembre 1883, hypnotisables avec la plus grande facilité et présentaient la 
série complète : fascination, catalepsie, léthargie, somnambulisme. Ils se pré- 
taient facilement aux expériences les plus diverses, un peu honteux cepen- 
dant de ce qu’ils regardaient comme une infirmité. Interrogés sur leur ma- 
nière de vivre, ils avouaient facilement un usage quotidien et exagéré de 
boissons alcooliques et surtout d’absinthe. Effrayés bientôt de leur grande 
susceptibilité hypnotique et désireux de s’en guérir, ils s’abstinrent sur 
mes conseils, sinon de toute liqueur alcoolique, du moins d’absinthe, e 
prirent des habitudes plus sobres. Examinés, en février 1884, toutes les 
tentatives d’'hypnotisation, pratiquées plusieurs Jours de suite, ont échoué à 
leur grand contentement. 

Il est difficile de ne pas en conclure à une action de l’alcool sur la facilité 
de production des phénomènes hypnotiques. 

L’expérience serait plus concluante si l’hypnotisme réapparaissait après 
la reprise des habitudes alcooliques, et les deux jeunes gens dont il est 
question offrirent spontanément de refaire en ce sens particulier une expé- 
rience que je n'ai pu approuver du reste. L'influence alcoolique n’est pas la 
seule que j'ai pu constater. Un jeune homme de vingt-cinq ans, se prêtan 
pour la première fois à mes expériences, fut promptement hypnotisé, et 
passa par les états de fascination, catalepsie et léthargie, sans que le som- 
nambulisme ait pu être provoqué. 

Le surlendemain et les jours suivants, pendant une semaine, toutes les 
tentatives d’hypnotisation restèrent sans résultat. Le sujet indiqua alors que 
des excès vénériens avaient précédé de fort peu la première expérimenta- 
tion, et qu'il était à ce moment dans un état d’énervement particulier dû à 
ces excès. 

Il est permis d’en conclure que pour un certain nombre de personnes, les 
habitudes alcooliques et l’énervement qui suit les excès vénériens peuvent 
constituer une excitabilité temporaire spéciale du système nerveux, qui faci- 
lite la provocation des phénomènes hypnotiques. 


SÉANCE DU 22 MARS. 171 


DES SUGGESTIONS PROVOQUÉES A L'ÉTAT DE VEILLE CHEZ LES HYSTÉRIQUES 
ET CHEZ LES SUJETS SAINS HYPNOTIQUES (1), par M. F. BoTTEY, interne 
des hôpilaux. 


Tous les médecins qui s'occupent d’hypnotisme savent que rien n’est plus 
facile que de provoquer, pendant l’état somnambulique, des suggestions de 
toute sorte, que l’on peut faire persister une fois que le sujet est réveillé. 
Mais on n'avait pas signalé jusqu'alors la possibilité de provoquer ces mêmes 
suggestions à l’état de veille. . 

Chez toutes les malades hystéro-épileptiques que j'ai eu l’occasion 
d'observer, dans le service de M. le docteur Luys (Salpêtrière), j’ai pu déter- 
miner ces suggestions à l’état de veille ; j'ai pu également les déterminer 
chez des sujets absolument sains, chez des infirmières du service, n'ayant 
jamais présenté aucune affection nerveuse dans leurs antécédents, soit per- 
sonnels, soit héréditaires. Il faut que ces sujets soient hypnotisables, mais 
cette condition n’est cependant pas indispensable, car nous les avons éga- 
lement obtenues chez certains qui n'avaient jamais pu être endormis. 

J'ai l'honneur de présenter devant la Société trois sujets, une malade 
hystéro-épileptique et deux jeunes filles absolument saines, infirmières à la 
Salpètrière, chez lesquelles nous pouvons déterminer toutes les suggestions 
possibles à l’état de veille. À la volonté de l’expérimentateur (dont la per- 
sonnalité, du reste, n’a rien à faire ici), on détermine avec la plus grande 
facilité, soit des hallucinations sensorielles, soit des paralysies sensitivo- 
sensorielles et motrices de toutes sortes. 

Par la simple affirmation ou par linjonction, on peut les rendre muettes, 
aveugles, les priver de l’odorat, etc...; on peut leur donner des contractures 
des membres, des anesthésies cutanées ou des paralysies motrices. Ces 
paralysies offrent lous les caractères des paralysies corticales et présentent 
du reste les mêmes symptômes que ceux qui ont été signalés par M. le pro- 
fesseur Charcot dans les paralysies psychiques déterminées dans le somnam- 
bulisme (exagération des réflexes tendineux, abolition du sens muscu- 
faire, etc….). 

Au moment de faire cette communication, on nous donne connaissance 
d’une brochure toute récente publiée par M. le professeur Benheim (de 
Nancy), qui a également observé ces suggestions à l’état de veille. Nous 
ignorions cette publication lorsque nous avons fait nos expériences, qui, de 
la sorte, se corroborent réciproquement avec celles de ce dernier observa- 
teur. 

Dans les paralysies motrices, les contractures, les anesthésies, déter- 
minées par suggestion, soit pendant le somnambulisme, soit à l’état de veille; 
nous avons toujours pu provoquer le transfert en appliquant un aimant du 


(1) Communication faite à la séance du 15 mars 1884. 


172 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. . #23 


côté opposé. Cet effet du transfert est pour nous absolument démontré, car 
nous nous sommes entouré, pour le produire, de toutes les conditions de : 
garantie possibles. Pour le transfert qui se fait pendant le somnambulisme, 
le sujet, ayant les veux fermés, ignore qu’il y a un aimant à côté de lui, et 
il n'y a donc pas là à craindre l'effet de l’expectant attention. À l’état de 
veille, nous avons expérimenté, d’abord avec un aimant véritable, puis avec 
une imilalion d’aimant en bois, tous les deux enveloppés à chaque expé- 
rience dans une serviette : dans le premier cas nous avons eu le transfert, 
dans le second cas nous n’avons pas pu le provoquer, ce qui semble absolu- 
ment concluant. 


LD 


BOURLOYON. — Jinprimeries réunies, A, rue Miguon, > Paris. 


SÉANCE DU 29 MARS 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


M. TrasBor présente des pièces provenant d’un cheval mort de rhuma- 
thisme articulaire. Ce sont les articulations fémoro-tibiale et rotulienne de 
l'articulation du jarret. Il y a imbibition profonde, coloration foncée du 
cartilage articulaire et destruction partielle de cet élément anatomique. 
Le cheval avait cinq ans. Il n’y a pas eu de complication du côté du cœur, 
bien que ce soit la règle en pareil cas, peut-être parce que la mort a surtout 
été hâtée par le décubitus prolongé. 


À PROPOS DE LA DISCUSSION SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES, 
par M. Macrror. 


Dans la dernière séance, à laquelle j'ai le regret de n’avoir pu assister, 
M. Malassez est revenu sur la discussion qui s'était élevée entre nous à 
l’occasion de l’origine des kystes des màchoires. 

Cette nouvelle argumentation appellerait de ma part une réplique que je 
suis forcé d’ajourner, désirant présenter à l’appui de ma manière de voir 
des pièces anatomiques et anatomo-pathologiques que je rassemble en ce 
moment. 

Je ne rentre donc pas dans le fond du débat, mais je ne puis laisser sans 
réponse l'affirmation de M. Malassez quand il dit : «Je ne me rallie pas à 
l’opinion de MM. Verneuil et Nepveu, l’époque à laquelle j'ai fait mes 
recherches ayant précédé les travaux de M. Verneuil sur cette question. » 

Or je crois devoir rappeler, au point de vue de la vérité historique, 
quelles sont les phases successives par lesquelles a passé cette polémique 
déjà ancienne et toujours renaissante de la pathogénie des kystes des 
mächoires. 

C'est en 1874 que M. Verneuil, s’inspirant de recherches publiées l’année 
précédente (1873) par Charles Legros et par moi sur l’évolution folliculaire, 
émit cette théorie, notablement différente de la mienne (voy. Mémoire sur 
les kystes des màchoires, Archives de médecine, 1872), que les kystes de la 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°*, N° 13. 


174 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


variété périostique aussi bien que certains épithéliomas avaient pour point 
d'origine les débris épithéliaux du cordon ou de la paroi folliculaire elle- 
même. 

Cette manière de voir fut professée publiquement dès cette époque dans 
les cliniques de la Pitié, et M. Pozzi, alors interne du service, pourrait au 
besoin l’attester. 

En 1875, une présentation faite par M. Verneuil à l’Académie de méde- 
cine sur un cas de polygnathie et mes Mémoires sur la polygnathie 
(Annales de génécologie, août et septembre 1875) furent l’occasion de discus- 
sions à la Société de chirurgie, discussions reprises en 1878, séance du 
3 juillet, dans laquelle M. Verneuil et moi nous exposàmes nos idées per- 
sonnelles. 

Enfin, en 1876, un travail de M. Reclus, communiqué au congrès de 
l'Association française à Clermont (Progrès médical, n° 4T et 49), tendait 
à confirmer encore la doctrine de M. Verneuil. 

Tel est l'historique de la question, telle est la part de chacun dans l’étude 
de ce problème de pathogénie. M. Malassez revendique une priorité. Je 
me borne à lui demander sur quels textes il appuie cette revendication? 


SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES. Note de M. Macrror. 


Je regrette de n’être point de l’avis de M. Nepveu lorsqu'il cherche à 
expliquer la production des kystes des mâchoires, développés autour des 
racines des dents par un processus pathologique ayant pour origine un des 


débris épithéliaux du follicule et non le périoste ou la membrane qui revêt 


la surface de la racine. Je sais aussi que cette théorie est celle qu’a acceptée 
et défendue notre commun maître, le professeur Verneuil. 

En la combattant de nouveau aujourd’hui, j'invoquerai des raisons cli- 
niques et des raisons anatomo-pathologiques. 

Comme raisons cliniques, je dirai que ces kystes se produisent constam- 
ment’au sommet d’une racine de dent toujours frappée d’un état patholo- 
gique grave : carie profonde avec ou sans suintement purulent et fétide, 
périostite du sommet à signes parfaitement définis, destruction de l’organe 
réduit parfois à l’état de débris. Le sommet radiculaire occupe ainsi inva- 
riablement le centre du foyer kystique, de telle sorte qu’à l'ouverture de la 
poche, le doigt rencontre toujours ce sommet dénudé et rugueux qui a été 
le point d’origine du mal. Dans aucun cas on n’a rencontré un kyste de cette 
variété qui n'offre ces conditions caractéristiques. Or en serait-il de même 
si un kyste se développait aux dépens de débris épithéliaux, qui n’ont parfois 
aucun rapport immédiat avec les dents ? 

Je sais bien qu'onainvoqué contre notre explication la présence d’une couche 
épithéliale tapissant la paroi de ces kystes, circonstance que la pathogénie, 


SÉANCE DU 29 MARS. 475 


aux dépens du périoste, expliquerait difficilement. J'espère cependant, tout 
à l'heure, pouvoir donner de ce fait une explication satisfaisante. 

En ce qui concerne les raisons anatomo-pathologiques, je rappellerai 
tout d’abord que, d’après une doctrine que j'ai défendue à plusieurs reprises, 
la formation du kyste en général, la maladie kystique si l’on veut, exige, 
pour condition préalable de son développement, l'existence d’une cavité ou 
tout au moins d’une paroi préexistante : tels les kystes des glandes sébacées, 
salivaires, dont l’orifice excréteur s’oblitère accidentellement; tels les 
kystes des bourses séreuses, de l’épididyme, etc. ; dans tous les cas de kystes 
bien déterminés, il y a donc préexistence d’une cavité devenant le siège du 

-mal kystique. 

Or, pour ce qui concerne les kystes des mâchoires, j'ai soutenu, d’une 
façon qui fut trouvée d’abord bien absolue et qui paraît depuis assez géné- 
ralement acceptée, que ces kystes obéissaient invariablemént à l’un des 
deux processus suivants : 

1° Le follicule dentaire devient kystique, c’est-à-dire que sa paroi, disten- 
due par un liquide de formation nouvelle, acquiert parfois un développe- 
ment considérable et se double, dans son mouvement d’extension, d’une 
paroi osseuse empruntée au maxillaire. Ces kystes sont bien connus des 
chirurgiens. Ils ont été maintes fois décrits : ce sont ceux au fond desquels 
on retrouve constamment une couronne de dent incluse: dentigerous cyst, 
des auteurs anglais, kystes folliculaires, en un mot. 

«2 Dans la seconde variété, le périoste qui revêt la racine d’une dent, se 
soulève par l’accumulation d’un produitinflammatoire, résultat d’une périos- 
Lite initiale. ei se présentent deux courbes pathologiques : si le processus 
inflammatoire est brusque, aigu, on assiste à l’évolution d’un abcès qui 
s'ouvre sur la gencive ou sur la peau, dont la paroi est le périoste lui- 
même et dont le centre, l’épine si l’on veut, est le sommet radiculaire par- 
faitement perceptible à l’exploration directe. Si le processus est lent, le 
liquide soulevant et distendant le périoste reste séreux ou visqueux; le tra- 
vail progressif se prolonge pendant des mois ou des années. C’est la forma- 
tion kystique qui se produit, c’est-à-dire le kyste périostique. 

En dehors de ces deux mécanismes, nous ne saurions admeltre aucune 
autre pathogénie aux kystes des màchoires. 


J'arrive maintenant à l’objection tirée de la présence d’un épithélium à 
la face profonde d’un kyste périostique. La plupart des anatomistes se 
refusent à accepter la genèse d'emblée d’un revêtement épithélial, en dépit 
de certains faits bien établis de productions d’endothélium dans certaines 
bourses muqueuses accidentelles ou autour de corps étrangers. Nous n’invo- 
querons donc pas ce dernier mécanisme. Nous rappellerons seulement que 
dans l’évolution folliculaire, alors que la couronne entièrement formée com- 
mence son éruption, la paroi du follicule, doublée de son épithélium, vient 
se fixer au niveau du collet de la dent, s’étale à la surface de la racine el 


476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


: 


constitue par la suite le périoste alvéolaire. 1 n’est plus étonnant, dès lors, 
que ce périoste, dans la formation d’un kyste dont il devient la paroï, soit 
en même temps le siège d’une prolifération épithéliale. 

M. Malassez se rallie à l'opinion de MM. Verneuil et Nepveu et il s’appuie, 
pour expliquer la génération d’un kyste dans un groupe d’éléments épithé- 
liaux, d’abord sur la présence de ces éléments dans les kystes et ensuite sur 
une raison qui serait bien plus grave, sur la non-existence d’un périoste 
dentaire. 

J'ai répondu à la première objection; quant à la seconde, je dirai que, si 
mince que soit à l’état normal le périoste d’une dent, il est toutefois impos- 
sible, suivant moi, d’en nier l’existence. Son étude histologique y a montré 
la présence de fibres du tissu conjonctif, de fibres élastiques, de vaisseaux, 
de nerfs et de beaucoup d’autres éléments accessoires. Puis, s’il est difficile 
à percevoir et à isoler à l’état physiologique, les moindres inflammations, 
et elles sont fréquentes, l’épaississent, le congestionnent et en rendent la dis- 
section et la séparation très faciles. Cet épaississement devient considérable 
dans les kystes ou les abcès sous-périostiques. Mais je ne saurais, en vérité, 
refuser le nom de périoste à une lame fibreuse que tapisse une couche 
osseuse, le cément, qui participe à tous les phénomènes morbides du périoste 
ordinaire et qui devient même le siège de néoplasmes, dans lesquels se 
retrouvent les éléments les plus divers, fibreux, fibro-plastiques, myélo- 
plaxes, épithéliums, etc. 

Cette hypothèse serait acceptable si l’on observait des kystes au voisinage 
de dents saines et sans contact immédiat avec elles; maisil n’en est jamais 
ainsi. Toujours, en pareil cas, la dent, en rapport avec le kyste, est le siège 
d’un état morbide, une périostite soit spontanée, soit consécutive à une 
autre maladie. Il ne saurait donc être mis en doute que la périostite du 
sommet soit le phénomène initial d’un développement kystique. Il n’est pas 
moins constant de rencontrer le sommet dénudé d’une racine dans toute 
cavité kystique. 


NOTE SUR LA PATHOGÉNIE DES KYSTES MAXILLAIRES, DITS PÉRIOSTIQUES 
DENTAIRES, par M. L. MALASSEZ. 


J'ai eu l’occasion d'étudier, grâce à MM. Reclus, Terrillon, Rigal, un 
certain nombre de ces très petits kystes que l’on trouve parfois appendus à 
l'extrémité des racines des dents et que l’on peut considérer comme étant 
l’origine de ces kystes plus volumineux dans lesquels plongent les racines 
des dents et que M. Magitot a désignés sous le nom de kystes périostiques ; 
tel était le kyste que nous a présenté M. Nepveu à la séance du 8 mars der- 
nier. D’une façon générale ces kystes répondaient assez bien à la descrip- 


ÿ 


SÉANCE DU 29 MARS. M1 


tion qu’en a donnée M. Magitot ; ils étaient constitués par une paroi fibreuse 
tapissée intérieurement d’un épithélium pavimenteux. Cependant on y pou- 
vait observer certains faits qui me semblent jeter quelques clartés sur la 
pathogénie de ces kystes, et sur lesquels il me paraît bon d’appeler l’at- 
tention. 

Le premier que je signalerai, c’est que la plupart de ces kystes pré- 
senfaient des traces d’inflammation plus ou moins vive. Dans l'épaisseur 
des parois, principalement le long des vaisseaux, il y avait une accumula- 
tion de petites cellules rondes comprises dans une substance conjonctive peu 
ou pas fibrillaire, ne se colorant pas en rose par le picrocarmin comme le 
fait le tissu fibreux; dans certains kystes les cellules étaient par places si 
serrées les unes contre les autres, qu’on croyait voir de petits abcès au 
début. À la surface interne des kystes, on retrouvait aussi du tissu conjonctit 
embryonnaire formant parfois une couche sous-épithéliale ; c’est lui qui 
constituait ces petiles végétations, myxomateuses ou sarcomateuses, qui font 
si fréquemment saillie dans la cavité kystique et sont également revêtus 
d'épithélium pavimenteux. 

Dans l’un de nos kystes ce processus inflammatoire était très développé, 
les couches internes des parois avaient l’aspect d’un tissu de bourgeons 
charnus, le revêtement épithélial avait en majeure partie disparu; si bien 
qu'à un examen superficiel, on aurait pu le prendre, non pour un kyste 
enflammé, mais pour un abcès en voie d’enkystement, et voir là un exemple 
de transformation d’un abcès en kyste épithélial; hypothèse inadmissible, 
parce qu'avec nos connaissances actuelles on ne peut concevoir une généra- 
tion spontanée d’épithélium : on voit bien des corps étrangers s’entourer 
dans les tissus de cellules -conjonctives ou endothéliales, mais jamais de 
cellules épithéliales proprement dites, et encore cela ne se produit-il que 
s’il n’y a pas eu de suppuration. 

Le développement des végétations intrakystiques, la disparition du revê- 
tement épithélial nous permet de soupçonner un mode de guérison pour ces 
kystes : la cavité se comblerait peu à peu, puis disparaîtrait complètement, 
ne laissant après elle qu’une masse conjonctive. C’est d’ailleurs ce que l’on 
peut observer, à l’état normal, dans certains follicules de de Graaf, qui 
s’atrésient, à l’état pathologique, dans bon nombre de conduits épithéliaux 
enflammés qui s’oblitèrent. 

Dans unautre kyste que j’aiexaminé, le squelette fibreux était bien le même 
que dans les précédents, mais, à la place des fovers inflammatoires situés 
dans l'épaisseur des parois, à la place des végétations internes et de leur 
revêtement épithélial, à la place même du contenu kystique, on ne voyait 
qu'une masse de granulations et de corps réfringents d'apparence grais- 
seuse, au milieu desquels on ne distinguait que par places, ici quelques 
cellules rondes, là quelques cellules épithéliales à-peine reconnaissables. 
Ceci montre que les kystes peuvent, à un moment donné, subir une dégé- 
nérescence graisseuse dans tous leurs éléments cellulaires; ce qui est peut- 


178 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


être encore un mode de guérison, comparable à celui des tubercules qui 
s’enkystent et se caséifient. 

Un autre détail, intéressant à noter, consiste en l’existence dans l’épaisseur 
des parois, principalement dans les couches les plus externes, de petits 
corps arrondis, dont les plus gros sont manifestement de nature osseuse et 
de formation récente. Peut-être est-ce là le début d’un processus concourant 
à la formation de la coque osseuse qui enveloppe les gros kystes et que 
l’on ne peut attribuer toujours et uniquement à la simple distension du 
maxillaire . 

J'arrive maintenant au fait le plus important que j'aie vu. N’admettant pas 
qu'un kyste à revêtement épithélial puisse provenir d’un abcès, ou se déve- 
lopper spontanément en plein tissu conjonctif ou osseux, supposant qu’il 
pouvait être resté dans les tissus quelque débris épithélial fœtal, ou y être 
arrivé quelque bourgeon épithélial provenant d’un tissu épithélial voisin, 
du rebord gingival par exemple, j'avais fait etexaminé un très grand nombre 
de coupes de quelques-uns de ces kystes, afin de voir sije n’y trouverais pas 
quelques traces de ces débris fætaux ou de ce processus épithélial. Or voici 
ce que j'ai observé sur l’un de ceux qui m'ont été apportés en 1876, par 
M. Reclus. 

Sur l’une des coupes, dans l’épaisseur de la paroi, il existait une masse 
épithéliale très allongée en forme de boyau, de cordon, et qui était consti- 
tuée par des cellules pavimenteuses du type malpighien. Son extrémité 
interne était creuse, tubulée et s’ouvrait en entonnoir dans la cavité kys- 
tique ; l’épithélium qui tapissait cette portion était également pavimenteux, 
il se continuait d’une part avec l’épithélinm plein du cordon épithélial et 
de l’autre avec le revêtement épithélial de la cavité kystique. L’autre extré- 
mité se dirigeait du côté de la surface externe du kyste, se bifurquait, et là 
se trouvait coupée obliquement. J’ai pu la retrouver sur des coupes voi- 
sines, et voir qu’elle se ramifiait en plusieurs branches, lesquelles étaient 
toujours formées de cellules pavimenteuses du type malpighien comme les 
parties précédentes. Quelques-unes se terminaient en cul-de-sac, maïs il 
en est d’autres que je n'ai pu suivre. 

J'ai retrouvé des formations analogues dans les parois de presque tous 
les autres kystes que j'ai examinés, même sur celui dont j’ai parlé précé- 
demment et qui avait subi cette dégénérescence graisseuse complète. 
Cependant, soit que les coupes n’aient pas été faites en nombre suffisant 
(et c’est arrivé pour quelques-uns, je l’avoue), soit que ces productions 
aient été vraiment moins développées, je n’en ai pas observé d’aussi éten- 
dues que dans le cas précédent. C’étaient chez la plupart de simples bour- 
geons épithéliaux pleins, partant de la surface kystique et s’enfonçant peu 
dans l’épaisseur de la paroi. Quelques-uns m'ont paru réellement se 
terminer là, en sorte qu’on pourrait les considérer comme des formations 
épithéliales encore peu développées et représentant les premières phases 
de développement des grands cordons ramifiés sus-décrits. Sur une autre 


SÉANCE DU 29 MARS. 179 
Re me en |. 
pièce, les productions Rene au lieu d’être pleines et massives, étaient 
creuses. 

Je dois Be ici une cause d erreur qu'il n’est pas toujours facile 
d'éviter; j'ai dit que la surface interne présentait souvent des végétations 
revêtues d’épithélium, or il ne faudrait pas prendre pour des bourgeonne- 
ments d’épithélium les espaces situés entre deux végétations voisines, les- 
quels, étant limités par l’épithélium des végétations, ont parfois sur les 
coupes l’aspect de tubes ou de cordons coupés dans leur longueur. 

Dans les divers kystes, l’épithélium constituant les bourgeons épithéliaux 
n’avait pas toujours le type malpighien aussi prononcé que dans le premier 
cas ; il était formé parfois de cellules simplement polyédriques compa- 
rables à celles qui composent les ligaments des dents temporaires ou per- 
manentes. Mais, et c’est encore là un détail très intéressant, il y en avait 
qui présentaient une disposition plus ou moins étoilée, comparable à celle 
des cellules centrales de l’organe de l’émail, ou à celle des cellules de la 
couche intermédiaire. 

Que sont ces formations épithéliales? Les rapports de voisinage et de 
continuité, les ressemblances de tissu qu’elles présentent avec les kystes, 
prouvent évidemment qu'il y a entre eux une parenté intime: mais dans 
quel sens est-elle ? — 1° Les cordons épithéliaux sont-ils des productions 
de nouvelle formation, parties de la muqueuse gingivale pour s’enfoncer 
entre l’alvéole et la dent jusqu’à l'extrémité de celle-ci et se développer là 
en cavité kystique ? — 2 Sont-ce des débris épithéliaux de la vie fœtale, 
d'origine gingivale ou dentaire, dontune portion serait devenue kystique? — 
3° On pourrait enfin se demander si parmi eux il n’en est pas qui seraient 
de simples bourgeonnements de la paroi kystique, quelle que soit d’ailleurs 
l’origine du kyste. 

Je passe sur cette troisième hypothèse, très vraisemblable d’ailleurs, parce 
qu’elle est accessoire et ne résout pas le problème pathogénique posé ; 
restent donc les deux hypothèses précédentes. 

La première est évidemment très possible ; il se produirait chez l’adulte 
quelque chose d’analogue à ce qui se passe à l’état normal chez le fœtus ; 
seulement, au lieu d'aboutir à la formation d’une dent (une dent de troisième 
dentition), ce serait un kyste qui serait produit. On pourrait encore com- 
parer ce processus à ces bourgeons pleins ou tubulés que de Sinéty et moi 
avons trouvés dans les ovaires kystiques, lesquels partent de la surface 
ovarienne et s’enfoncent plus ou moins profondément dans le stroma 
ovarien pour y former des kystes. Cependant, et quoique ce soit là comme 
un souvenir d’un processus fœtal normal, il paraîtra peut-être étrange 
qu’un bourgeon épithélial de nouvelle formation puisse suivre un trajet 
si long, si spécial, sans arrêt intermédiaire, pour ne prendre son dévelop- 
pement final qu’une fois arrivé à l'extrémité de la racine de la dent. 

La seconde hypothèse expliquerait mieux ce siège si spécial, tout en se 
rapprochant également de processus déjà connus. Les débris épithéliaux 


180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


fœtaux qui peuvent persister chez l’adulte (et l’on peut s’en rendre bien 
compte en examinant des fœtus de cinq à six mois({), sont les suivants : 
1° des bourgeons partis de la face profonde de la muqueuse principale- 
ment au niveau des sillons ; 2° les ligaments des dents temporaires et 
permanentes, lesquels présentent souvent aussi des bourgeonneme nts; 
peut-être y en a-t-il parmi eux qui sont des tentatives d’une troisième 
dentition; 3° le feuillet externe de l'organe adamantin qui donne de 
nombreux bourgeons, principalement dans la région le plus proche du 
bord gingival; cependant on en trouve parfois au voisinage du point où ce 
feuillet, se repliant, se continue avec le feuillet interne ; 4° ce feuillet 
interne qui, on le sait, persiste toute la vie chez les dents à développ ement 
continu, comme le sont par exemple les incisives des rongeurs; peut-être 
persiste-t-il plus ou moins atrophié chez les dents qui ne poussent plus, 
MM. Pouchet et Chabry auraient vu de ces faits. 

Il serait très important de savoir,et c’est un point actuellement à l’étude, 
s’il en est parmi tous les produits épithéliaux sus-indiqués qui persistent 
normalement chez l’adulte. Chez les fœtus de cinq à six mois, on peut déjà 
voir des masses épithéliales qui semblent complètement isolées et qui sont, 
soit d’origine gingivale, soit d’origine dentaire, leur siège l’indique parfois. 
Il en est qui se présentent sous forme d’épithélium pavimenteux avec ou 
sans globes épidermiques, d’autres sous forme de cordons d’épithélium 
pavimenteux ou polyédrique; quelques-uns présentent une couche d’épithé- 
lium cylindrique, et une sorte de lumière centrale. J’en ai vu de ces der- 
nières autour desquelles le tissu conjonctif s'était condensé et formait une 
sorte de paroi, c'était comme un kyste en miniature. 

En attendant le résultat des recherches dont je parlais, supposons que 
ces débris fœlaux puissent persister chez l’adulte et voyons quels sont 
parmi eux ceux qui pourraient donner lieu aux kystes périostiques. Pour 
les mêmes raisons qui nous ont fait douter de notre première hypothèse, 
on peut éliminer les bourgeons gingivaux, les ligaments dentaires, et les 
parties des feuillets externe et interne de l’organe adamantin les plus 
voisines de la gencive. Mais il n’en est plus de même pour les parties les plus 
profondes de ces feuillets, ainsi que pour les bourgeons profonds du feuillet 
externe, lesquels, une fois la dent poussée, doivent se trouver au voisinage 
de la racine. Ce seraient donc plutôt ces parties fœtales qui seraient l’ori- 
gine des kystes périostiques et des cordons épithéliaux que j’y ai rencontrés. 

Du reste, que le point de départ de ces petits kystes périostiques soit une 
production épithéliale récente ou fœtale, qu’il soit d’origine gingivale ou 
dentaire (ce qui est, après tout, peu différent, puisque ce sont les gencives 
qui sont le point de départ des formations dentaires), il n’en reste pas 
moins acquis ce fait, important à mon avis, à savoir que dans les parois de 


(1) Voyez aussiles planches du mémoire de Legros et Magitot dansle Journ al 


- d'anatomie, 1873. 


SÉANCE DU 29 MARS. 481 


ces kystes on trouve des masses épithéliales rappelant les formations fœtales 
dentaires. Or l’existence de telles masses dans cette région suffit pour nous 
expliquer, ce qui serait incompréhensible sans cela, le développement au 
milieu d’un tissu mésodermique, comme est le maxillaire, de néoforma- 
tions épithéliales, quel que soit d’ailleurs le type que revêtent ces néofor- 
mations : que ce soient de simples kystes uniloculaires comme les kystes 
qui font le sujet de cette étude, que ce soient des kystes prolifères et par 
conséquent multiloculaires, que ce soient des épithéliomas adénoïdes ou 
carcinoïdes. Je n’insiste pas sur ces possibilités, qui rentrent d’ailleurs 
dans la loi des néoformations épithéliales en général. 

J’ajouterai seulement que cette théorie générale peut s’appliquer égale- 
ment aux kystes dentigères ou folliculaires, que M . Magitot considère comme 
dus à la simple dilatation de l’organe de l’émail. Supposons en effet qu'un 
de ces débris épithéliaux que l’on rencontre entre la gencive et le follicule 
dentaire persiste et soit Le point de départ d’un kyste; la dent, en se déve- 
loppant, va rencontrer devant elle la paroi kystique et percer dans le kyste 
comme elle aurait percé dans la bouche. Ainsi donc, tandis que le kyste 
dit périostique serait le kyste tardif des formations épithéliales inférieures 
à la dent, le kyste dit folliculaire serait Le kyste hà tif des formations épithé- 
liales supérieures. En tout cas, cette théorie des kystes folliculaires nous 
explique pourquoi la ou les dents implantées à leur intérieur ont un émail 
si parfaitement régulier, ce qui me semble difficile à comprendre si l’on 
admet que l’organe de l’émail est devenu le siège d’un développement kvs- 
tique, car un tel développement devrait singulière ment altérer ses fonctions. 
Je crois qu’il faut réserver l'hypothèse de la transformation kystique de 
l'organe de l’émail pour les kystes que Broca et M. Magitot ont désignés 
sous le nom de kystes folliculaires de la période embryoplastique;' et 
encore ? 


Je dois maintenant répondre aux objections cliniques et anatomiques que 
M. Magitot à faites (1) à la théorie de l’origine épithéliale des kystes périos- 
tiques. Elles sont au nombre de trois : 1° les kystes sont toujours consé- 
cutifs à un état pathologique grave de la dent ; 2° les racines des dents font 
saillie au centre des kystes; 3° les kystes résultent toujours du dévelop- 
pement d’une cavité pré existante. 

Ilest facile de répondre à ces objections : 1° Il n’existe pas toujours d’af- 
fections antérieures de la dent, M. Magitot le dit lui-même dans ses travaux 
antérieurs. Mais, quand bien même ilen existerait toujours une, en quoi cela 
renverserait-il la théorie épithéliale? Cela donnerait au contraire la raison 
de la prolifération de ces épithéliums restés stériles jusqu'a lors; ne sait- 
on pas que des irritations de la peau peuvent amener des épithéliomas ? Tels 
sont ceux que l’on voitsuccéder aux cautères, tel est le cancer des ramoneurs. 


(1) Gazette des hôpitaux du 11 mars 1884, p. 235. 


182 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Je dirai même que ce qu'il y a d'étonnant, c’est de ne pas rencontrer un 
plus grand nombre de ces néoformations épithéliales du maxillaire, avec la 
grande quantité de débris épithéliaux qui s’y voient chez le fœtus, avec la 
grande fréquence des périostites qu’on observe chez les adultes. 

2 Le siège à l'extrémité de la dent est en effet quelque peu difficile à 
comprendre, si l’on admet que le kyste a pour point de départ un bourgeon 
parti de la gencive; quoique, à vrai dire, nous voyons le bourgeon de la dent 
permanente faire un long trajet et venir se placer au-dessous de la dent tem- 
poraire, et l’on pourrait, ainsi que nous l’avons dit, considérer notre bour- 
geon épithélial et son kyste comme un essai avorté d’une troisième évolution 
dentaire. Mais ce siège s'explique tout naturellement quand on admet 
l’origine du kyste aux dépens d’un débris fœtal appartenant aux parties 
profondes de l’organe adamantin, car ces parties se trouvent correspondre 
à la racine de la dent lorsque celle-ci a terminé sa croissance. Enfin on 
conçoit que le kyste lui-même, se développant, vienne se percer contre la 
racine immobile. | 

3° Quant à dire que les kystes résultent toujours du développement d’une 
cavité préexistante, c’est ne tenir compte que des kystes dits par rétention 
et laisser de côté les kystes par néoformation, et ils sont nombreux. Du reste, 
cette objection se retournerait contre M. Magitot, car il n’a pas décrit, que 
je sache, de cavité préexistante dans cette suture, ce ligament alvéolo-den- 
taire qu’on appelle à tort périoste, ainsi que l’a fait remarquer M. Ranvier 
dans son cours au Collège de France. 

Je ferai remarquer aussi qu’en combattant lathéorie épithéliale, M. Magitot 
se combat lui-même. Autrefois, pour expliquer avec sa théorie l'apparition 
d'un revêtement épithélial à la surface d’un abcès périostique, il admettait 
une genèse épithéliale spontanée. Aujourd’hui il a abandonné, et avec juste 
raison, cette hypothèse, qui nous paraît bien singulière maintenant; mais 
il admet (ce qu’il niait autrefois) que la paroi folliculaire qui doit former. 
le périoste a pu rester doublée d’une partie de l’épithélium adamantin, 
et que c’est cet épithélium qui serait le point de départ du revêtement 
épithélial du kyste périostique. Or n’est-ce pas là rentrer dans une des 
hypothèses de la théorie épithéliale que je soutiens et que combat M. Magitot ? 


La théorie de l’origine épithéliale des kystes dits périostiques a été 
attribuée en France à M. Verneuil par quelques personnes, à moi par 
d’autres. Les premières ont raison, les secondes n’ont pas tort; en voici 
l'explication qui m’a été demandée d’ailleurs, non par M. Verneuil, mais 
par M. Magitot dans une lettre adressée au président de la Société de bio- 
logie. Si l’on s’en tient uniquement à ce qui se trouve écrit et imprimé, 
M. Verneuil a certainement la priorité puisque ses idées ont été publiées 
en 1876 par M. Reclus (1), et les miennes, ou plutôt une partie des miennes 


(1) Progrès médical, 18 novembre et 2 décembre 1876. 


SÉANCE DU 29 MARS. 183 


en 1881 seulement, par M. Charvot (1). Mais si. nous recherchons ce qu’on 
pourrait appeler la priorité orale, les rôles sont renversés, je crois. Nous 
voyons en effet qu’en 1875, M. Verneuil n’était pas encore en possession de 
cette théorie pour les kystes périostiques (2), ou du moins ne l’avait pas 
professée, puisqu'il n’en est pas fait mention dans une thèse passée cette 
même année 1875, par un de ses élèves, M. Jacquelin, thèse, dit l’auteur, 
faite sous l'inspiration et d’après les indications de M. Verneuil. Or, à cette 
époque, conduit par les examens que j'avais faits de diverses tumeurs 
épithéliales du maxillaire, et surtout par des recherches que j'avais com- 
mencées depuis un an sur des embryons humains, afin de savoir quels 
débris épithéliaux pouvaient être le point de départ de ces tumeurs, j'étais 
arrivé déjà à cette théorie et je l’avais exposée dans ces conversations fami- 
lières qui s’établissent dans un laboratoire, à côté du microscope, à propos 
de l'examen de préparations. C’est ce qui m’est arrivé en 1876 avec M. Re- 
clus, qui, s’occupant des épithéliomas du maxillaire, m’'apporta justement 
plusieurs des kystes périostiques dont j'ai parlé plus haut et chez lesquels, 
guidé par mes idées, je découvris ces boyaux épithéliaux si intéressants. 
. C’est encore ce qui m'est arrivé-plus tard avec M. Charvot alors qu'il pré- 
parait son travail sur les kystes périostiques et dans lequel il me fit l’hon- 
neur de citer mon opinion. Comme cela n’avait pas encore été fait, que je 
sache, c’est là le seul témoignage écrit que je puisse invoquer, témoignage 
bien tardif et ne portant que sur une partie de la théorie, sur celle qui à 
trait à l’origine des kystes périostiques. 

Que si nous nous reportons maintenant aux travaux publiés à l’étran- 
ger (3), nous voyons la théorie épithéliale apparaître vers la même époque 


(1) Archives générales de médecine, avril et mai 1881. 

(2) Il Pavait admise, et avec réserve, pour expliquer une tumeur congénitale 
polykystique du maxillaire inférieur (Bulletin de l'Académie de médecine, 1875, 
p. 644). 

(3) Je citerai à titre d’exemple quelques-uns des travaux récents qui sont 
venus à Ma Connaissance : 

1874. Brosike : Deux cas de tumeurs kystiques de la mâchoire; elles provien- 
draient d’un développement anormal de l'organe de l'émail. — 1876. Heath : Trois 
cas de maladie kystique de la mâchoire inférieure; ils auraient pour point de 
départ les glandes des gencives. — 1876. Busch : Trois épithéliomas kystiques de 
la mâchoire inférieure ; l’origine en serait dans un enfoncement hétérotopique du 
tégument externe pendant la période fœtale. — 1876. Mikulicz : Tumeur dite 
dermoïde de la mâchoire inférieure; elle résulterait d’une dégénérescence de l’or- 
gane de l’émail.— 1877. Kolaczek : Adénome kystique de la mâchoire inférieure ; 
l’épithélium gingival aurait donné lieu pendant la vie fœtale à une formation glan- 
dulaire du type muqueux, origine de la tumeur actuelle. — 1879. Falkson : 
Tumeur kystique de la mâchoire ; on peut la considérer comme un kyste prolifère 
parti de l'organe de l’émail. L'auteur propose de l’appeler : eystome prolifère folli; 
culaire, etc., etc. | 


184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


et de divers côtés à la fois. De telles éclosions s’observent habituellement 
pour toutes les questions qui se trouvent à un moment donné « dans l’air », 
et c’est ce qui rend souvent ces questions de priorité aussi difficiles à établir 
exactement que vraiment peu importantes. Et si j'ai cru devoir revenir sur 
cette question si discutée de la pathogénie des kystes périostiques, ce n’est 
pas pour faire acte de revendication, mais c’est, ainsi que je le disais au 
commencement de ce travail, pour préciser cette pathogénie en appelant 
l'attention sur quelques faits encore inaperçus ou laissés de côté, c’est 
encore pour insister sur les liens de parenté remarquables qui existent 
entre les différentes néoformations épithéliales des maxillaires: kystes 
périostiques, folliculaires ou dentigères, kystes multiloculaires, épithé- 
liomas divers ; toutes néoformations dont l'aspect est si différent au pre- 
mier abord, qu’on les range habituellement dans des classes à part, les 
supposant d’origine et de nature toute différente. | 


NOTE SUR LA PATHOGÉNIE DES KYSTES DES MACHOIRES, par M. le docteur 
AGUILHON DE SARRAN. 


La question de la pathogénie des kystes des màchoires vient d’être soule- 
vée de nouveau devant la Société de biologie, et ne semble pas encore ré- 
solue. J’ai pensé qu'il serait utile de faire connaître quelques détails anato- 
miques qui apporteront peut-être quelque lumière dans ce débat. 

Deux théories sont en présence : l’une, défendue par MM. Verneuil, Ma- 
lassez, Nepveu, attribue la formation des kystes à la présence de débris 
épithéliaux inclus dans le maxillaire, et provenant du follicule dentaire. 
D’après la seconde, soutenue par M. Magitot, le kyste est formé aux dépens 
du périoste alvéolo-dentaire, et porte pour ce motif le nom de kyste périos- 
tique; une altération de la dent est, dans ce dernier cas, le phénomène 
initial, déterminant, de la production kystique. 

Avant de rechercher quelle est la plus vraisemblable de ces deux hypo- 
thèses, il est absolument nécessaire de comparer les kystes des mâchoires 
avec ceux des autres régions. 

Or, partout où il y a une production kystique (1), on peut être assuré 
qu’elle s’est développée autour d’un corps étranger introduit à l’intérieur de 
nos tissus, que ce corps provienne de l’extérieur, comme un morceau de 
métal, une balle par exemple, ou bien qu’il soit formé d’un fragment de 
tissu mortifié et devenu ainsi un corps étranger à l'organisme; ou enfin 
qu'il consiste dans l’accumulation, en un point, d'organismes inférieurs. 
Exemple : les kystes hydatiques. [1 semble, en résumé, que le kyste soit 


(1) Je laisse de côté les faux kystes, qui ne sont autre chose qu’une glande dis- 
tendue par son produit, comme‘les kystes sébacés, par exemple. 


SÉANCE DU 29 MARS. 185 


créé par la nature dans le but d'isoler un corps qui occupe dans notre orga- 
nisme une place anormale, à la condition qu'il ne soit pas suffisamment 
irritant pour produire une inflammation. 

Ces diverses conditions se rencontrent-elles dans les deux théories en 
présence ? Évidemment dans l’une et l’autre on retrouve le corps étranger, 
qu'il soit un débris épithélial ou une racine mortifiée. Je n’ai jamais eu 
l’occasion de voir des kystes formés en dehors de la présence d’une dent 
malade, mais je ne doute point qu’il puisse s’en produire. 

Jusqu'ici l'accord semble complet. Mais ce qui prolonge le débat depuis 
si longtemps, c’est que la théorie de M. Magitot n’est basée que sur un mot, 
l'adjectif périostique, qui n’explique en aucune façon la structure de la 
membrane kystique et qui a surtout le grand inconvénient d’être inexact. 
Il n’y a pas de périoste alvéolo-dentaire. Le tissu mou qui unit la racine à 
l’alvéole n'est point du tissu lamineux, mais bien du tissu fibreux analogue 
à celui de tous les ligaments. Je me sers à dessein de cette distinction des 
tissus conjonctifs établie par M. le professeur Robin, et, bien qu’elle ne soit 
pas admise par tous les histologistes, parce qu’elle exprime clairement ma 
pensée sans plus de détails. 

Depuis plusieurs années, j’étudie la structure de ce prétendu périoste, et 
plus je cherche dans toute la série animale, plus je vois qu’il n’y a aucune 
analogie ni anatomique, ni physiologique entre cette membrane et le pé- 
rioste. 

En attendant qu’il me soit possible de fournir ici même les preuves de 
cette assertion, je puis dire qu’au point de vue anatomique le tissu qui 
unit la racine à l’alvéole est formé de faisceux fibreux très réguliers, très 
denses, maintenus par des fibres élastiques extrêmement fines, et qui re- 
çoivent des vaisseaux et des nerfs très fins et extrêmement rares. Les élé- 
ments cellulaires conjonctifs font presque complètement défaut. Ces fais- 
ceaux fibreux sont parallèles, très réguliers et perpendiculaires aux surfaces 
dures, de manière à unir directement l’os alvéolaire au cément. Ce qui a 
pu faire douter de la nature purement fibreuse de ce tissu et m’a arrêté 
longtemps moi-même, c’est la présence d’un grand nombre de vaisseaux et 
de nerfs. Mais je suis parvenu à obtenir des préparations qui montrent clai- 
rement que ces vaisseaux et nerfs ne sont point destinés au tissu de la mem- 
brane, et qu’ils ne font que la traverser pour se rendre soit à l’os maxil- 
laire, soit à la face profonde de la gencive. 

Au point de vue physiologique, ce tissu fixe la dent au maxillaire comme 
un simple ligament, et dans la série animale, chez certains poissons en par- 
ticulier dont les dents sont mobiles, on le voit servir de point d’attache à 
des muscles. Ce court résumé suffit à démontrer que sa structure n’a pas 
d’analogie avec celle du périoste, et que ses fonctions sont bien différentes, 
le périoste ne servant jamais à unir deux portions osseuses, mais disparais- 
sant au contraire pour faire place aux ligaments. 

Le terme de kyste périostique est donc impropre, d’abord parce qu'il n’y 


486 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


a pas de périoste, et ensuite parce qu'il est difficile de se figurer un liga- 
ment passant à l’état d’enveloppe kystique. 

Il reste maintenant à expliquer l’origine de Pépithélium qui tapisse l’in- 
térieur de l'enveloppe. Je crois pouvoir jusqu’à un certain point en indiquer 
le point de départ par un fait anatomique que j'ai signalé ici même, il ya 
trois ans, et qui n’était point encore connu avant cette époque. 

J'ai montré à la Société des préparations sur lesquelles on voit d’une 
façon très nette qu’il existe au sommet des racines dentaires de l’homme, 
sur une hauteur de 4 à 5 millimètres, trente à quarante vaisseaux sanguins 
qui traversent le cément et l’ivoire pour se rendre à la pulpe dentaire; ils 
prennent naissance sur une branche de la maxillaire qui envoie d'autre 
part un grand nombre de vaisseaux dans l’os qui forme la paroi alvéolaire. 
Il en résulte que le maxillaire et la pulpe dentaire sont en communication 
directe. 

Supposons maintenant que la pulpe dentaire ait perdu sa vitalité, ce qui 
arrive très fréquemment par suite de carie ou de toute autre cause. Deux 
états pathologiques peuvent survenir : Si la pulpe se putréfie, ce qui est le 
cas le plus fréquent, quelques parcelles de son tissu mortifié sont refou- 
lées facilement à travers les canaux creusés dans l’ivoire où se trou- 
vaient les vaisseaux dont je viens de parler, et vont atteindre l’os maxillaire ; 
il en résulte une inflammation, une ostéite, et l’on se trouve en présence 
de l’abcès dit dentaire. Dans d’autres cas, beaucoup plus rares, la pulpe 
subit une sorte de mortification et ne détermine point d’inflammation par sa 
présence; mais elle est devenue un corps étranger, ainsi que les petits vais- 
seaux sanguins décrits ci-dessus. Que l’on se figure une pointe de racine 
d’où émergent trente à quarante petits vaisseaux desséchés, comme les 
poils d’un pinceau, et on ne sera pas étonné qu’elle agisse comme un corps 
étranger, dont la surface est, somme toute, assez étendue. Je crois que c'est 
là la véritable origine des kystes développés autour des dents malades. 

En effet, jamais l'insertion de la paroi kystique ne dépasse sur la racine 
la hauteur à laquelle on trouve encore des vaisseaux sanguins. Si réelle- 
ment le soi-disant périoste formait cette paroi, il n’y aurait pas de raison 
pour qu'il n’y contribuât dans sa totalité, c’est-à-dire jusqu'au bord gin- 
gival. 

Enfin ce fait anatomique suffit, il me semble, à expliquer la présence de 
l'épithélium signalé par M. Nepveu, car la tunique interne des vaisseaux 
peut en fournir en abondance. 


En résumé : 
1° Les kystes des maxillaires sont analogues aux autres kystes observés 
dans les différents tissus. 


20 Ils se développent autour de corps étrangers non irritants, et les 
isolent. 


3 Ces corps étrangers peuvent être apportés de l'extérieur (kystes signa. 


SÉANCE DU 29 MARS. * “487 


a 


lés par Broca) ou bien être constitués par un fragment de tissu animal mor- 
tifié ou occupant une place anormale. 

4° Les fragments de tissus occupant une place anormale sont les débris 
épithéliaux provenant de l'organe adamantin, et inclus dans la substance 
osseuse du maxillaire. Les fragments mortifiés sont la pulpe dentaire, et 
les vaisseaux qui s’y rendent en traversant le cément et l’ivoire de la pointe 
radiculaire. 

9° L’épithélium observé sur la paroi kystique peut être fourni par la tu- 
nique interne de ces vaisseaux. 

6° Le terme de kyste périostique est impropre, et doit être remplacé par 
ceux de kyste épithélial et kyste radiculaire des mâchoires, suivant les 
cas. 


NOTE RELATIVE A L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR QUELQUES PHÉNO- 
MÈNES VITAUX (MOUVEMENT DES CILS VIBRATILES, FERMENTATION), par 
M. P. REGNanr. 


Dans la dernière séance, nous avons communiqué à la Société un cer- 
tain nombre d’expériences se rapportant à l’action des hautes pressions sur 
les conditions de la vie. Nous voudrions aujourd’hui compléter ce que nous 
avons dit sur ce point. Quand on comprime jusqu’à 600 ou 700 atmosphères 
des infusoires, on remarque que ces animaux sont beaucoup plus résistants 
que les êtres plus complexes en organisation. Nous avons opéré sur des 
paramécies, des kolpodes et des vorticelles. Il faut pour les faire tomber 
en état de vie latente, plus de pression et plus de temps qu’il n’en est 
nécessaire pour les autres animaux ; on y arrive néanmoins. 

Quand on agit sur des infusoires ciliés, comme les vorticelles, on remar- 
que que, en dix minutes et avec une pression de 600 atmosphères,on arrête 
complètement les cils vibratiles ; l’action du long pédicule spiral de l’ani- 
mal est elle-même annihilée et le plus souvent il demeure allongé. 

Il faut une heure environ pour que l’animal délivré remette en mouve- 
ment ses cils et pour que le mouvement du fil spiral recommence. 

En résumé, nous affirmons done de nouveau que les infusoires de la sur- 
face de la mer ne sauraient, sauf acclimatement lent, vivre dans les profon- 
deurs et que pour ces êtres il doit, comme pour tous les autres, exister une 
faune abyssale. 

Nous avons encore essayé la pression sur des êtres en voie de développe- 
ment. Des tétards de grenouille soumis à 400 atmosphères se sont endor- 
mis profondément, ils ont mis plus de quatre heures à se réveiller : à 100, 
200, 300 atmosphères, ils ont semblé ne rien éprouver. Ces animaux sont 
donc, eux aussi, assez réfractaires à l’action, de la pression, puisque, à 
400 atmosphères, les grenouilles sont rigides et tuées. Les tritons, même 


188 : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


adultes, ont pu résister à 400 atmosphères et ne sont morts qu’à 600 :.ils 
nous semblent aussi avoir une plus grande résistance. 

Nous avons essayé l’action de la pression sur presque tous les ferments 
solubles. Ils ne sont nullement entravés. La salive, le suc pancréatique, le 
ferment inversif agissent aussi bien à 600 atmosphères qu’à la pression 
normale. 


DE L'EXCRÉTION DES CARBONATES PAR LES BRANCHIES, par M. P. REGNARD. 


Quand on abandonne dans un vase rempli d’eau et bien ventilé par un 
barbottage d’air, un certain nombre de poissons, on voit que l’eau où ils 
étaient placés, se charge rapidement de carbonates. Après avoir dégagé 
tous les gaz dissous dans cette eau par le vide absolu et l’action de la cha- 
leur, on produit encore un abondant dégagement de bulles gazeuses si on 
ajoute quelques gouttes d’acide. 

Ce fait nous avait déjà vivement frappés il y a six ans, M. le professeur 
Jolzet et moi, au cours d’un long travail sur la respiration des animaux 
aquatiques. 

J’ai depuis cherché par où ces sels pourraient bien sortir de l’organisme 
du poisson et j’ai pensé que peut-être il se faisait une excrétion de carbo- 
nates, par diffusion, à travers la paroi si fine des branchies. 

Pour voir ce qu’il en était, pour savoir si cette excrétion de carbonates 
était un acte respiratoire, j'ai d’abord cherché si elle variait en même 
temps que la respiration. 

Pour cela, j'ai élevé lentement la température de l’eau et par conséquent 
celle de l’animal. On sait, par nos expériences antérieures, que, dans ces 
conditions, les phénomènes respiratoires augmentent rapidement. 

Un poisson, qui, à 10 degrés, excrétait en vingt-quatre heures 840 eenti- 
mètres cubes d’acide carbonique libre, excrétait en même temps 30 centi- 
mètres cubes d’acide carbonique combiné. À 25 degrés il excrétait 1440 cen- 
timètres cubes d'acide libre et 218 eentimètres cubes d’acide combiné. A 
30 degrés il excrétait 2664 centimètres cubes d’acide libre et 880 d’aside 
combiné. [l s'agissait donc bien d’un phénomène respiratoire puisqu'il pro- 
gressait ou diminuait en même temps que les combustions respiratoires 
elles-mêmes. 

Mais nous avons voulu en donner une preuve plus complète encore. Nous 
avons essayé de placer dans un vase les branchies d’un animal, pendant bue 
le reste de son corps serait dans un autre vase. Pour cela nous avons mis 
une anguille dans un tube en U renversé. La tête de l’anguille plongeait 
seule dans un vase d’eau, le reste du corps et l’anus étaient dans un autre 
vase : on ne pouvait donc pas ineriminer l'intervention des déjections intes- 
tinales ou cutanées. 

Dans ces conditions,nous avons vu 172 centimètres cubes d’acide carbo- 


SÉANCE DU 29 MARS. 189 


nique sortir, à l’état de carbonate, de la branchie. En sorte que nous pouvons 
dire que, à côté de la respiration branchiale gazeuse, il existe une vraie 
respiration solide par la sortie, par diffusion des carbonates contenus dans 
le sang. 

Nous rapproehons notre étude de celle de Fréderieq (de Liège), qui dé- 
montre qu’un courant inverse peut exister, de sorte que, par diffusion et 
à travers la branchie, les sels du sang se mettent en harmonie avec ceux 
de l’eau où baigne le poisson, si bien qu’on peut faire apparaitre tel ou tel 
sel dans le sang d’un poisson,simplement en mettant ce sel dans l’eau où on 
le fait vivre. 


LA FIÈVRE TRAUMATIQUE NERVEUSE ET L'INFLUENCE DES LÉSIONS DU CERVEAU 
SUR LA TEMPÉRATURE GÉNÉRALE. Note de M. Charles RICHET. 


L'influence des lésions du cerveau sur la température générale du corps 
n’est pas connue. On sait que les lésions de la moelle (faits cliniques de 
Brodie, Billroth, Fischer, Quincke, Frerichs, expériences de Tscheschichin, 
Quincke, Naunyn, Brück et Günter, Schreiber, etc.) portant sur la moelle 
cervicale, le bulbe ou la moelle allongée, déterminent quelquefois une aug- 
mentation rapide de la température générale du corps. Dans toutes ces ex- 
périences, il ne s’agit pas du cerveau, mais de la moelle allongée ou de la 
moelle cervicale, dont l’influence sur la chaleur est incontestée. 

Les expériences de MM. Enlenburg et Landois ont prouvé que l’excitation 
d’un lobe cérébral produit dans le membre du côté opposé dilatations para- 
lytiques des vaso-constricteurs, et élévation notable de la température de ce 
membre. Mais ils ne parlent pas de la température générale, 

Or l’excitation du cerveau et des régions les plus superficielles du cer- 
veau produit une fièvre traumatique nerveuse, et en quelques heures la 
température générale monte de 1, 2 et 3 degrés (1). 


Les expériences dont je vais donner ici succinctement les résultats, por- 
tent sur des lapins. Elles ont été faites au laboratoire de physiologie de la 
Faculté, avec l’aide de MM. Gley et Rondeau, que je tiens à remercier de 
leur obligeante assistance. Toutes les températures ont été prises dans le 
rectum, avec des thermomètres dont l’exactitude a été vérifiée. 


(1) Chez un lapin enveloppé d’ouate, la température extérieure étant de 29,4, 
M. Schreiber (Archives de Pflüger, t. VI, p. 591) a vu, après la destruction du 
cerveau (lobes antérieurs), la température générale d’un lapin monter de 38°,7 à 
41,3 en six heures. Mais, comme trois autres expériences analogues ne lui avaient 
donné qu’un résultat négatif, et que d’ailleurs ses recherches portaient sur un 
tout autre sujet, il n’a pas porté son attention sur ce fait remarquable. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 13. 15 


190 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Par un hasard heureux, c’est ma première expérience qui a été la plus, 
décisive, Elle est d’une netteté remarquable et peut servir de type. 


il À 3h., Température : 390,5. 
Piqüre du cerveau droit par une épingle d’acier qui perfore le crâne. 
A 5h. 45, Température : 40°,4. 


Le lendemain à 2 h. 40, Température : 39,2. 
Nouvelle piqûre au même endroit. 


À 3 h. 15, Température : 42°,8. 
A 4 h. 15, Température : 42,2. 
A 5 h. 50, Température : 42,5. 

Le lapin mange, ne présente aucun phénomène morbide; mais, dans la nuit, il 
meurt, probablement d’hyperthermie, car les lésions cérébrales, trouvées à 
l’autopsie, étaient insuffisantes pour expliquer la mort. La piqûre avait respecté 
les couches optiques et les corps striés, se trouvant à 3 ou 4 millimètres en avant 
du corps strié. 


Ainsi, dans cette expérience, la piqûre des lobes antérieurs a déterminé 
en quarante-cinq minutes une élévation de température de 3°,6. 

C’est un exemple tout à fait typique de fièvre traumatique nerveuse. 

Voici maintenant,d’autres expériences, faites encore par simple piqûre. 


HE A 2 h. 30, Température : 39°,6. 

Piqüre du cerveau gauche pour la première fois. 
A 5 h. 30, Température : 40°,7. 

L'animal est encore vivant aujourd'hui et très bien portant. 
Alh., : Température : 39°,7. »" 


III. Piqûre du cerveau droit, en un point qui avait déjà été piqué les jours 
précédents (deux fois). 
À 2 h. 30, Température : 40°,4. 
An Température : 40,6. 
A 5h, Température : 41,2. 
L'animal a conservé toute son intelligence; il mange, se lèche, court, etc. Il est 
très bien portant aujourd’hui encore. 


IV. AS {Oh ATEmpérature ao 
Piqûre du cerveau droit en un point qui avait été déjà piqué les jours précé- 
dents (trois fois). 
A.i1h., Température : 400,1. 
À 3h. 15, Température : 40,8. 
A 5h., Température : 39,9. 
Le lendemain, Température : 39,3. 


Ces expériences, et d’autres encore, sur lesquelles je ne puis insister, 
nous prouvent que la piqûre du cerveau (lobes antérieurs droit ou gauche) 


SÉANCE DU 29 MARS, : | 191 


peuvent élever énormément la température: cette fièvre traumatique ner- 
veuse disparaît plus ou moins rapidement, ce qui exclut toute hypothèse 
d'infection générale par les microbes. D'ailleurs, on ne comprendrait pas 
qu’en une heure ou deux, la septicémie se soit manifestée par une Hiper 
thermie si complète. 

D'ailleurs, pour juger l’influence du traumatisme sur les DATES quelques 
expériences ont été faites. 


v A2h., Température : 39,9 
Mise à nu et dilacération du nerf ce. 
A 30) Température : 390,1. 


A5 h.,10, Température : 40,1. 
A 5h. 30, Température : 40,0. 


VE À 10h.,, Température : 39,7 
(Plaie faite à la cuisse, avec dilacération et a des muscles). 
À 1 h. 30, Température : 40,0. 
A 3 h. 30, Température : 39,7. 
Le lendemain, Température : 39,8. 


Si l’on met à nu le cerveau, et qu'on le cautérise largement, soit avec le 
thermo-cautère, soit avec des substances chimiques caustiques, on voit le 
mêmes phénomènes se produire. 


VIL. À 5 h., cautérisation de la surface du cerveau avec le perchlorure de 
fer. Température : 39°,4 

Le lendemain à 3 h., Température : 42,25. 

On touche de nouveau le cerveau ; et alors, à partir de ce moment, l’animal 
meurt rapidement en se refroidissant avec une rapidité extrême. 


A 3 h. 20, Température : 419,5. 
3 h. 50, Température : 41,55. 
A 3 h. 40, Température : 41,15. 
A 3 h. 50, Température : 40,09. 
A &h., Température : 40,4. 
A 6h. 25, Température : 38,8. 


VIIL. Lapin avant l’opération. Température : 390,7. 
Lapin attaché pendant une heure. Température : 38 degrés. 
À 5 h., le cerveau est mis à nu et cautérisé avec de l’acide phénique. 


A Gh. 25, Température : 400,2 
Le lendemain à 9h., Température : 41,2. 


Cautérisation nouvelle. : 
À 10 h. 50, Température : 41°,7. 
A 1h. 30, Température : 41,9. 
A 4h.,. Température : 41,6. 


192 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Six lapins sont pris comme termes de comparaison, traités deux à deux 
de la même manière; trois d’entre eux sont opérés avec des précautions 


antiseptiques. 


IX. — XIV. A. 
A'. 
B. 


Incision de la peau du crâne sans antiseptiques. 

Incision de la peau du crâne avec antiseptiques. 

Incision de la peau du crâne et mise à nu du cerveau sans 
antiseptiques. 

Incision de la peau du crâne et mise à nu du cerveau avec 
antiseptiques. 

Incision de la peau du crâne, mise à nu et cautérisation du 
cerveau sans antiseptiques. 

Incision de la peau du crâne, mise à nu et cautérisatien du 
cerveau avec antiseptiques. 


L'opération est faite simultanément pour les six lapins à 1 h. 


A° 


AV 


C. 


Température avant l’opération : 39°,6. 


Température à 4 h. : 39,6. 
Température avant l’opération : 39,5. 
Température à 4 h. HD 0e 


Température avant l’opération : 39,3. 
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,9. 
Température à 4h. : 40,2. 
Température à 5 h. : 29,8. 
Température avant l’opération : 39,0. 
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,8. 
Température à 4 h. : 39,8. 
Température à 9 h. : 39,6. 
Température avant l’opération : 39,0. 
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,2. 
Température à 3 h. : 39,5. 
Température à 4 h. : 99,1: 
Température avant l’opération : 39,0. 
Temp. quand l’opérat. est finie : 38,5. 
Température à 3 h. : 48,1. 
Température à 4 h. : 41,8. 


Le lendemain, tous les lapins paraissent assez bien portants. 


Température À : (?). 

Température A! : 40°,0. 
Température B : 40,5. 
Température B' : 40,2. 
Température C : 39,8. 
Température C' : 40,2. 


(1) Ilest probable que dans cette expérience, comme dans la suivante, ile cer- 
veau a été légèrement blessé lors de l’enlèvement de la voûte crâänienne. 


ce pu 29 Mars. 193 


Cette expérience nous prouve, d’une part, que le traumatisme chez un 
la pin (avec ou sans précautions antiseptiques) ne détermine pas d’élévation 
notable de la température, tandis que les lésions cérébrales produisent 
ra pidement une hyperthermie extrême ; mais dans quelques cas seulement. 


Il nous reste à déterminer — et c’est ce que nous étudions en ce moment 
— quels sont les points du cerveau qui agissent le plus énergiquement sur 
la production exagérée de chaleur. 


Sur un canard, l’action hyperthermique du cerveau a été observée. Il est 
vrai que la cautérisation très profonde du cerveau avec du phénol et du 
per chlorure de fer a gagné les corps opto-striés, mais le bulbe et la protu- 
bérance, comme l’autopsie l’a démontré, étaient intacts. 


XV. A 2h., Température : 41°,8. 
Mise à nu du cerveau. 
| A 5h., Température : 41°,0. 
: Le lendemain, cautérisation du cerveau. 


À 4h. 30, Température : 41°,5. 
A Gh., Température : 42,9. 


Sur les chiens, comme sur les lapins, l’excitation du cerveau fait monter 
la température générale. 

Sur un chien dont la température était de 38°,4, la cautérisation avec du 
perchlorure de fer et du phénol de la surface du lobe occipital gauche à 
fait monter en cinq heures la température à 39°,4. 

Le lendemain, la température était à 40 degrés. Mais, malgré les précau- 
tions antiseptiques prises, nous ne pouvons être assuré qu'il n’y avait pas 
un certain degré d'infection. 


Sur un autre chien le cerveau est mis à nu et cautérisé. La température 
est de 38°,46. (Nous mesurons cette température avec un thermomètre très 
sensible, gradué en cinquantièmes de degré.) 

À 4h. 40, cautérisation du lobe occipital. 

La température, de 4 h. 40 à 5 h. 50, monte de 38°,46 à 38°,82, quoique 
l'animal, d’une douceur extraordinaire, n’ait fait aucun effort pour se déta- 
cher, et n’ait pas réagi à l'opération. 


Sur un autre chien la température est à 2 heures de 39°,52. 

On l’attache, on incise la peau, on met à nu le cerveau du côté gauche, et 
on constate, à 3 h. 45, un abaissement considérable. La température est 
_ de 38°,58. 

Des excitations électriques aux circonvolutions rolandiques et en divers 
points de l’écorce font monter la température, qui baisse ensuite et qui est 


194 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


à 9 h. 25 de 38°,50. À ce moment (après cautérisation du gyrus) on canté- 
rise les circonv olutions occipitales. | 


À 5h. 25, Température : 380,50. 
A 6h., Température : 38,50. 
A 6h. 10, Température : 38,70. 
A 6 h. 30, Température : 38,86. 
A Gh. 55, Température : 38,94. 


Ces faits, quoique encore incomplètement déterminés, semblent prouver 
que, sur les chiens comme sur les lapins, le même effet thermique général 
s’observe par l’excitation du cerveau en certaines parties de l'écorce. : : 

Que de points sont encore à étudier? S’agit-il d’une production plus 
erande, ou d’une déperdition moindre de chaleur ? Est-ce,une excitation 
de l’écorce cérébrale, ou une suppression d’action (1)? Faut-il assimiler 
cette fièvre cérébrale traumatique à la fièvre que détermine parfois lexci- 
tation d’un nerf périphérique ? Bien des questions se: posent, et nous nous 
proposons, MM. Gley, Rondeau et moi, d’en.poursuivre la recherche, afin de 
pénétrer, si c’est possible, plus profondément dans, cette question intéres- 
sante. \ 

Mais les explications doivent venir après l’exposé du fait, et il nous suffira 
aujourd'hui d’avoir montré que l’excitation de l’écorce du cerveau déter- 
mine une fièvre traumatique nerveuse et de l’hyperthermie centrale. : 


M. Ocuivier. Je demanderai à M. Richet s’il a pris immédiatement après 
chaque expérience, la température des animaux sur lésquels il opéraït'et 
s’il a constaté, dans ce cas, un abaissement de températuré comparable à 
celui qu'ont one chez l'Homme: à la suite d'hémorrhagies cérébrales, 
M. Charcot et son ancien élève M. Bodies abaissement qui peut aller 
jusqu’à 36 degrés et même à 35°,4. Dans un-cas d’hémorrhagie cérébrale 
que j'ai observé à l’hospice d’Ivry, la température rectale est descendue à 
34 degrés. À cet abaissement succède une réaction en sens inversé, qui 
varie suivant que le malade doit survivre ou succomber. Dans le premier 
cas, la température revient graduellement à son chiffre normal, autour 
duquel elle oscille avant de s’y maintenir ; dans le second, elle s’élève rapi- 
dement à 40 degrés et peut atteindre 41 et même 42 degrés. C’est là un signe 
pronostique d’une très grande valeur. 
Je demanderai également à M. Richet si dans ses expériences il a porté 
son attention sur l’état des urines et s’il a constaté les phénomènes que j’ai 
signalés chez l’homme, après l’hémorrhagie cérébrale, à savoir de la 


(1) IL est à remarquer qu’en général les lapins, malgré leur hyperthermie 
centrale, ont les oreilles froides, ce qui semble indiquer, contrairement à l’opi- 
nion de MM. Eulenburg et Landois, une constriction plutôt qu’une vaso-dilatation 
périphérique. 


SÉANCE DU 29 MARS. 195 


mr + 


‘polyurie, de l’albuminurie et de la glycosurie, phénomènes de même ordre 
que l’abaissement de température et qui semblent dus à une compression 
‘de la base de l’encéphale lorsque l’épanchement sanguin est abondant ou, 
dans le cas contraire, à une excitation à distance sur la moelle allongée. 

- Il n’est point nécessaire que l’hémorrhagie siège dans les parties profondes 
du cerveau pour que ces phénomènes se produisent. Je les ai observés, à 
l'exception de la glycosurie, dans un cas d’hémorrhagie dans la partie 
moyenne de la circonvolution frontale ascendante droite. 


SUR UN POINT DE LA PATHOGÉNIE DE L'ENDARTÉRITE DES PETITES 
ARTÈRES, par MM. LÉPINE et BLANC. 


Les travaux modernes, parmi lesquels il convient de citer particulière- 
ment ceux de M. H. Martin (1), ont montré l'importance pathogénique de 
l’endartériolite ; mais la pathogénie de cette dernière n’a pas encore été 
suffisamment élucidée. Sans vouloir réduire le rôle de la dyscrasie (2), 
nous croyons qu'il convient de se préoccuper, plus qu’on ne fait d'habitude, 
d’un facteur mécanique, le tiraillement de l’artériole (3). 

- La prédilection au niveau des courbures aortiques de l’athérôme, qui 
reconnait, comme on sait, pour cause l’endartérite des vasa vasorum, les 
différences que présentent, sous le rapport de, l'intensité de l’endartérite, 
les artérioles de différents organes inégalement extensibles, paraissent 
démontrer l'influence de ce facteur. A cet égard nous pouvons encore citer 
un fait où l’endartérite était beaucoup plus prononcée dans les piliers du 
ventricule droit dilaté que dans ceux du ventricule gauche. 

En général, les artérioles du rein ne présentent pas un épaississement 
de l’endartère, comparable à celui que l’on peut observer dans celles 
des piliers du cœur. Serait-ce parce que les modifications de volume du 
rein, bien étudiées par MM. Cohnheim et Roy, ne sont pas, le plus souvent, 
suffisantes pour tirailler notablement les artérioles ? 

Bien que relativement peu commune, l’endartériolite bien prononcée des 
artérioles du rein s’observe cependant quelquefois, elle donne alors au rein 
un aspect un peu particulier. La surface de l’organe est parsemée de dépres- 
sions, de forme irrégulières, bien visibles quand on a détaché la capsule, 
et dont chacune correspond à la terminaison d’une artériole corticale inter- 


(1) Revue de médecine, 1881. 

(2) Voyez à cet égard les Annotations à la traduction du Traité des maladies 
des reins de Bartels. 

3) L'un de nous (Compte rentlu de la Société de biologie, 1869) a expliqué 
par le tiraillement de l’endocarde de l'oreillette le siège de prédilection de l’en- 
docardite auriculaire dans certains cas. 


196 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


lobulaire, ainsi qu'on peut s’en convaincre par l'examen microscopique 
d’une coupe suivant l’axe de la pyramide. Une bande de sclérose plus 
ou moins régulière existe parallèlement à l'artère rétrécie, qui présente 
également à un degré variable de la périartérite. Telle est sommairement 
la disposition de cette sclérose d’origine artérielle, signalée depuis M. Lan- 
cereaux par un certain nombre d’observateurs, mais qui n’est peut-être pas 
encore suffisamment décrite. 

Au point de vue du diagnostic de la lésion sur une coupe microscopique, 
nous insistons sur le fait que cette sclérose s’étend toujours jusque sous la 
capsule du rein, où elle forme de petits foyers, de dimension variable, 
simulant ainsi, sous ce rapport, une autre forme anatomique de sclérose 
rénale, la sclérose sous-capsulaire diffuse, sur laquelle nous nous propo- 
sons de revenir ultérieurement. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LE SOMMEIL, par M. Henri STAssANO. 


Les études physiologiques sur le sommeil sont encore très peu avancées, 
aussi je crois bien faire en communiquant, par cette note, les résultats gé- 
_ néraux que j'ai obtenus en recherchant les causes qui peuvent modifier 
l’heure à laquelle les animaux s’endorment. 

Mes expériences ont été faites sur des oiseaux parce que, chez ces ani- 
maux, il est plus facile de déterminer le moment précis où arrive le som- 
meil. L'appareil qui a servi à mes expériences était une caisse, hermétique- 
ment close, d’une contenance de 18 litres environ. Deux ouvertures, munies 
de glaces, étaient pratiquées sur les côtés, permettant de voir à l’intérieur. 

En enfermant ces oiseaux une heure, une heure et demie, deux heures, 
trois heures, quatre heures, etc., avant le coucher du soleil, j'ai observé 
que ces animaux s’endormaient de plus en plus tôt. J’ai cru en trouver la 
raison dans la quantité de plus en plus grande de gaz carbonique que les 
oiseaux exhalaient avant de s’endormir. C’est ce gaz carbonique qui, réagis- 
sant sur eux, amenait un sommeil plus hâtif. 

J’entrepris alors une série de recherches méthodiques sur l’influence 
qu’exerce sur le sommeil l’acide carbonique, mélangé à l'air en petites 
proportions. 

Des serins furent introduits dans la caisse, chaque jour, à la même heure. 
Mais une quantité variable de gaz carbonique était mélangée à l’air de la 
caisse. Pour cela, il suffisait de décomposer, par l’acide sulfurique, du car- 
bonate de soude, soigneusement pesé, dans un ballon, mis en communica- 
tion par un tube avec la caisse. La quantité de carbonate de soude 
employée a varié de 1 à 14 centigrammes. 

On voit qu’à ces faibles doses l’acide carbonique ne pouvait guère agir 
que physiquement. 


SÉANCE DU 29 MARS. 197 


Or je constatai que le sommeil arrivait plus tôt chez les serins soumis à 
l'expérience, lorsqu'ils respiraient un air plus chargé de gaz carbonique. 

À un certain moment les animaux, avant de s’endormir, commençaient 
à manifester une certaine gêne de la respiration, des mouvements 
dyspnéiques. | 

Cette gêne et ces mouvements se manifestent chez les animaux, lorsque 
le sang se trouve surchargé d’acide carbonique. Dans le cas actuel, l’accu- 
mulation de gaz carbonique est le résultat d’une moindre exhalation de 
gaz carbonique, produit dans les tissus. On sait, en effet, que l’exhalation 
de l’acide carbonique diminue sensiblement quand augmente la proportion 
du gaz carbonique dans l'air. 

Il faut bien noter que dans ces expériences l’acide carbonique n’agissait 
que physiquement, comme ferait l’augmentation de la pression baromé- 
trique. M. Paul Bert a démontré qu’en augmentant la pression de l’air, 
l’exhalation du gaz carbonique diminue. 

J'ai expérimenté aussi cette influence de la pression sur le sommeil. Je 
n’ai fait que deux expériences; dans la première la pression était augmentée 
de 40 centièmes, et dans la seconde de 50 centièmes d’atmosphère. Le 
sommeil fut ralenti. 

Ainsi les influences qui diminuent l’exhalation de l’acide carbonique 
avancent l'heure du sommeil. | 

J’ai observé, au contraire, qu’en favorisant l’exhalation du gaz carbonique 
on retarde le moment auquel les oiseaux s’endorment. Pour retarder sen- 
siblement l’heure du sommeil chez les serins, il a suffi de fixer l’acide car- 
bonique, exhalé par les oiseaux, au moyen de morceaux de chaux sodée, 
placés au fond de la caisse, et de permettre à l’air de se renouveler, en 
passant dans un ballon, où il y avait aussi de la chaux sodée. Le retard 
observé dans cette expérience, répétée nombre de fois, fut de cinq minutes 
environ. 

En introduisant artificiellement dans la caisse de l’oxygène libre, jai pu 
obtenir un retard maximum de trois heures et quarante minutes. D'une 
façon générale, le sommeil venait d'autant plus tard, que la quantité d’oxy- 
gène employée était plus forte. 

Mes expériences sur le sommeil forment donc deux séries. Dans la pre- 
mière, j’ai cherché à diminuer l’exhalation du gaz carbonique, soit en 
augmentant la proportion de ce gaz dans l’atmosphère respirable, soit en 
augmentant la pression ordinaire de l’air. Le résultat fut une avance dans 
le sommeil. 

Dans la deuxième série d'expériences, j'ai cherché au contraire à faciliter 
l’exhalation du gaz carbonique chez ces mêmes animaux, soit en enlevant 
ce gaz au fur et à mesure de sa production, soit en introduisant directement 
de l’oxygène libre. Le résultat a été un sommeil plus tardif. 


198 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SUR LES CARACTÈRES CLINIQUES DES PARALYSIES PSYCHIQUES EXPÉRIMENTALES 
(PARALYSIES PAR SUGGESTION). — Note de MM. P. RicHer et GILLES DE 
LA TOURETTE. | 


En 1869, Russel Reynolds (1) attirait l'attention sur une forme de para- 
lysie survenant en dehors de lhypnotisme chez des sujets sains ou tout au 
moins paraissant l'être, paralysie suggestive, « dependent on idea, » sui- 
vant l'expression de l’auteur anglais. En 1878, Erb (2), commentant le 
mémoire de Reynolds, donnait le résumé de nouveaux faits empruntés à sa 
pratique personnelle. Cette question vient d’être reprise et soigneusement 
étudiée par M. Bernheim (3), professeur à la Faculté de médecine de 
Nancy; elle a été également l’objet d’une intéressante communication de 
M. Battey à la Société de biologie (4). 

IL semble, ainsi que l’a fait remarquer M. Charcot (5), que tous ces 
auteurs, étudiant ces paralysies suggestives, soil pendant la période som- 
nambulique ou cataleptique de l’hypnotisme, soit à l’état de veille, aient eu 
pour but unique de rechercher les conditions nécessaires à leur production. 
Ils ont, en effet, complètement laissé dans l’ombre les phénomènes cliniques 
qui ont pour siège le membre paralysé. 

À l’instigation de M. Charcot et suivant la méthode qu’il a depuis long- 
temps préconisée, nous avons, pour combler cette lacune, recherché, une 
fois la paralysie produite, quels étaient les signes qui pouvaient permettre 
d’en affirmer l’existence, et surtout de la différencier des autres paralysies 
dites organiques (6). | 

Avant d'entrer dans l’étude des signes cliniques fournis par ces para- 
lysies, il est utile, afin d’éviter toute erreur et de bien préciser la question, 
de dire qu’elles peuvent être produites par suggestion, dans la période 
somnambulique ou cataleptique de l’hypnotisme ; — persister à l’état de 
veille chez les individus hypnotisables; — être suggérées à l’état de veille 
chez ces mêmes sujets hypnotisables, hystériques ou non ; — être suggérées 
à l’état de veille chez les sujets non hypnotisables. Elles peuvent, en outre, 


(1) Russel Reynolds, Remarks on paralysis and others disorders of motion 
and sensation dependent on idea. In British med. Journal, 1869, Nov. 6. 

(2) Erb, Handbuch der Krankheiten des Nervensystem. An Ziemssen, 
11° vol., 2 partie, p. 827, 1878. L 

(3) Bernheim, De la. suggestion dans l’état hypnotique et dans létat de 
veille. Paris, 1884. 

(4) Communication faite le 15 mars à la Société de biologie. 

(5) Charcot. — Leçon du 7 mars faite à l'hôpital de la Salpétrière. 

(6) La plupart des phénomènes que nous rapportons ont du reste été observés 
par l’un de nous, en 1883, et consignés dans un mémoire qui pour des raisons 
spéciales n’a pu être encore publié. 


SÉANCE DU, 29 Mars. 199 


affecter, sous l’influence de la suggestion, deux modalités différentes, entre 
lesquelles se placent tous les intermédiaires ae le membre pes 
lysé peut être flasque ou contracturé. 

Si, dans la circonstance, nous nous proposons d'examiner les signes cli- 
niques fournis par ces paralysies dans tous les étatset chez tous les sujets, 
nous devons dire que nous nous bornerons à étudier leur symptomatologie 
en dehors de tout état de contracture dans l’état de flaceidité qui sé produit 
d'emblée sous l'influence de l’injonction, type qué nous allons rapporter. 

Lorsque, dans lhypnotisme, ou à l’état de veille, on dit au sujet en 
expérience, hypnotisable, ou non: « Vous ne pouvez plus remuer votre 
bras, ilest inerte et retombe le long du corps, » on constate bientôt une 
paralysie de la motilité et de la sensibilité. On peut, à la vérité, dissocier 
par une injonction appropriée la motilité et la sensibilité, mais les phéno- 
mènes qui vontsuivre restént les mêmes lorsque la sénsibilité est conser- 
vée; toutefois la réciproque n’est pas vraie. Ces phénomènes sont de la 
plus haute importance, ce sont : 

1° La flaccidité complète du membre qui, siulavke retombe comme une 
masse inerte; l’abolition complète de la motilité et D la sensibilité. 

2 L’exagération considérable des réflexes tendineux, facilement consta- 
table par les procédés de recherche les plus élémentaires. À cet égard, les 
tracés obtenus par comparaison avec le myographe de Marey, sont des plus 
instructifs. Après avoir pris le tracé du réflexe rotulien (le myographe 
étant placé sur le droit antérieur de la cuisse), chez un sujet-type à l’état 
de veille et pendant la période somnambulique de l’hypnotisme, le membre 
n'étant pas paralysé, on reproduit, sans changer le tambour myographique 
deplace, letracé du réflexe dans l’état même de paralysie par suggestion. On 
voit alors que le nombre des secousses, l'excitation restant la même, est en 
moyenne triplé, et que la ligne de secousse dans l’état de paralysie est éga- 
lement plus que triplée en hauteur. 

3° Comme corollaire, il existe de la érépidation spirale, toujours plus 
. appréciable au membre inférieur, mais qu’on peut également obtenir dans 
le membre supérieur par l'extension forcée de la main. Les tracés myogra- 
phiques ne diffèrent pas à cet égard de ceux qu’on obtient dans le cas de 
paralysies organiques. 

4 Le sens musculaire est complètement aboli dans le membre paralysé; 
le sujet en expérience est incapable de retrouver avec sa main droite libre, 
sa main gauche paralysée. 

9° Nous avons entrepris quelques expériences relatives à la forme de la 
secousse musculaire (électricité faradique, 10 degrés, Dubois-Reymond), 
à l’aide de la méthode graphique de Marey. Il nous a été donné de constater 
que, pendant la période paralytique, la hauteur de la secousse augmentait 
et que sa descente prolongée simulait une sorte de tétanos incomplet. 

La secousse qalvanique, étudiée par les mêmes procédés d’enregistre- 
ment, nous à fourni des résultats analogues et encore plus satisfaisants et 


200 , SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


démonstratifs. L’excitation était faite avec le pôle négatif et à la fermeture 
du courant. Pendant l’état paralytique, la secousse atteignait une hauteur 
double de celle qu’elle avait avant ou après la paralysie. De plus, elle était 
très prolongée, et son sommet, remplacé par un plateau plus ou moins acci- 
denté, se terminait brusquement par une descente rapide. 

Ces derniers résultats obtenus par le choc galvanique nous ont paru 
d'autant plus probants, que nous avions eu soin d’interposer un galvano- 
mètre dans le circuit et de faire les excitations avant, pendant ou après la 
paralysie, avec la même intensité de courant (7 à 8 milli-ampères). 

Disons encore que la secousse électrique, parfaitement sentie avant la 
suggestion paralytique, ne l’est plus lorsque le membre est paralysé. 

6° Troubles vaso-moteurs. Sensation de froid subjectiveet objective dans 
le membre paralysé. Zone de rougeur diffuse autour de la plus légère 
piqûre d’épingle. En étudiant tous ces symptômes, on remarquera de suite 
combien ils se rapprochent de ceux que l’on observe dans les paralysies de 
cause organique, si bien que, si la notion d’étiologie faisait défaut, la diffé- 
renciation serait des plus difficiles à établir. À ce titre, ainsi que l’a fait 
remarquer M. Charcot dans sa leçon du 7 mars 1884, dans laquelle il a 
reproduit ces paralysies par suggestion devant un grand nombre d’audi- 
teurs, ces caractères méritent donc d’atlirer l’attention de tous ceux qui, 
de près ou de loin, s'intéressent à la pathologie nerveuse. 


UN DERNIER MOT SUR LES ANTÉRIORITÉS DE LA MÉTALLOTHÉRAPIE ET SUR 
LA PRÉSERVATION CUPRIQUE DANS LES MALADIES INFECTIEUSES, par M. le 
docteur V. Bura. 


Dans la séance du 12 février, nous avons eu l’honneur d’une double mise 
en cause. : 

La première a eu pour auteur M. Rabuteau, un adversaire de la dernière 
heure de la métallothérapie, qui paraît tenir à faire preuve qu’il ne peut 
se pardonner non seulement d’avoir voté, avec l’unanimité de ses honorables 
collègues, la première récompense que nous aient value plus de trente années 
de travaux, mais d’avoir baptisé, le premier, la nouvelle méthode thérapeu- 
tique du nom de Burquisme. Revenant sur une tentative malheureuse de 
revendications déjà faite dans la séance du 15 juillet 1882, — malheureuse 
à cause de la réplique si topique qu'il s’était attirée de la part de MM. les 
professeurs Bouley et Grimaux, — M. Rabuteau est parti d’Aristote et a 
fini par Perkins et Despine pour essayer encore d'établir que la métallo- 
thérapie n'est nouvelle ni en fait, ni en principe. 

Comme nous n'avons, nous, aucun goût pour les redites et que, tenant 
par-dessus tout à continuer de justifier la bienveillance que M. Rabuteau a 


SÉANCE DU 29 MARS. 201 


reprochée à la Société, nous devons ne pas distraire ses moments si pré- 
cieux pour des questions. oiseuses, nous renverrons l’infatigable prôneur 
de cette métallothérapie d'aventure, la Ferromanie, dans laquelle tant de 
nos néo-alchimistes ont su trouver la solution pratique du problème de la 
transmutation des métaux, à la réponse de MM. Bouley et Grimaux dans la 
séance précitée, à celle que nous lui fimes nous-même dansle Bulletin qui 
suivit, p. 913 et suivantes, sous ce titre : le Burquisme et le Perkinisme, 
à notre récent traité : les Origines de la métallothérapie, et dût son 
amour-propre en pâtir, nous dirons que M. Rabuteau n’a même pas la pri- 
meur de ses revendications. En effet, laquestion desantériorités de la métallo- 
thérapie avait déjà fait l’objet d’une thèse, en 1877, par M.Jenning’s, et nous 
lavions nous-même longuement débattue avec MM. Despine (neveu), dans la 
Gazette médicale de 1877, et Monard, dans le Lyon médical de 1880. 
Afin que la Société de biologie puisse, au besoin, achever de s’édifier sur les 
raisons décisives qui firent que ces deux honorables confrères eurent, eux, 
le bon goût de ne point revenir sur un sujet épuisé, nous avons l’honneur 
de lui faire hommage d’un exemplaire du tirage à part des articles qui clà 
turèrent le début. 


Abordons maintenant le sujet pour lequel nous avons demandé surtout 
la faveur d’être entendu. 

Le docteur Baïlly a fait école. Quoique nous eussions démontré, par 
des enquêtes qui défient tout contrôle, que ses arguments contre la préser- 
vation cuprique professionnelle trouvaient leur explication dans les déplo- 
 rables conditions hygiéniques des ouvriers de Bornel, conditions contre les- 
quelles il n’y a point de préservation cuprique qui tienne et qui, d’ailleurs, 
tombent en présence de ce fait indéniable que les ouvriers d’une usine 
rivale voisine, celle d’Ercuis, et ceux mêmes de la succursale, à Paris, de 
l'usine de Bornel, qui ne sont point soumis à ces mêmes conditions, ont 
joui d’une immunité à peu près absolue, aussi bien que les centaines d’ou- 
vriers des maisons Christofle, Desclars, Caylar, Veyrat, etc., qui font les 
mêmes articles; bien que, d’autre part, nous eussions également prouvé 
que chaudronniers, fabricants de bronzes, fondeurs en cuivre, etc., de 
Paris et d’ailleurs, ont été préservés de même dans les différentes épidé- 
mies, la campagne anticuprique à repris de plus belle. 

Parmi les nouveaux combattants, M. Bochefontaine s’est fait distinguer 
par une ardeur sans égale. Après avoir fait, avec l’aide de M. Ygouf, 
les trouvailles que l’on sait du côté de Villedieu, M. Bochefontaine a com- 
battu le bon combat itérativement devant l’Académie de médecine et l’Aca- 
démie des sciences, où, plus heureux que nous, il a, lui, toujours trouvé des 
oreilles pour l'entendre ou quelqu'un pour les faire s'ouvrir. Non content 
de prendre à partie la préservation professionnelle, il a attaqué les expé- 
riences, aussi bien conduites que probantes, de MM.Miquel et Chamberland 
sur l’antisepticité des sels de cuivre, et celawprécisément au moment même 
où M. Charpentier mettait cette antisepticité hors de doute cliniquement, 


202 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


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par les expériences remarquables dont il a entretenu l’Académie, dans la 
séance du 4 mars dernier, Puis, un beau jour, le 16 février, le lieutenant 
de M. le professeur Vulpian est venu, dans cette enceinte, reproduire les 
mêmes arguments, nous voulons dire les mêmes assertions sans preuves, 
les mêmes inexactitudes ou les mêmes portions de vérité seulement; il a 
renouvelé devant la Société cette exhibition de plats, de cuillers, de four- 
chettes, d’écumoires, de cannelles, etc., en cuivre, avec factures et acheteurs 
d’icelles à l'appui, et, comme si ce n’était point déjà assez de pareilles pué- 
rilités, il a parlé d’alambies, de chaufferettes, de chapeaux, de sabots, de 
calumets, et même de vases de nuit en cuivre, pour montrer comment les 
Sourdins, qui sans doute ne connaissent point l’étamage et ne lavent 
jamais leur vaisselle, déjà imprégnés de cuivre par Pair des rues, achèvent 
des’en «saturer autant qu’il est possible ». 

Après cet argument et d’autres de même valeur, après la présentation 
de ses deux témoins, M. Ygouf, chaudronnier, et son fils, mandés tout 
exprès de Villedieu, pour certifier quoi? qu’on y fabrique pour deux millions 
d'objets en cuivre de toute sorte et qu’on peut y en acheter, M. Bochefon- 
taine, usant d’un procédé bien connu, s’est comme exclamé : € Gette consta- 
tation faite, je n’aurai plus: à discuter des citations dénaiurées, des 
statistiques fantaisistes, toujours réfutées, et que l’on remet quand même 
en avant pour la défense d’une vue puérile de l'esprit. » 

N’étaient les égards que l’on se doit entre collègues, on pourrait légitime= 
ment se demander pourquoi aucun des chimistes émérites de la Société et, 
surtout M. Galippe n’a demandé la parole pour adresser à M. Bochefon- 
taine l’une ou l’autre de ces deux questions : | | 

1° À supposer qu’à Villedieu, on fasse une sorte de débauche du cuivre, 
contrairement à cetle asserlion de M. Tétrel : « Il est faux, complètement: 
faux, que le plus grand nombre des habitants fasse un usage spécial 
d’ustensiles en cuivre; fourehettes, cuillers et plats en cuivre n’existent que. 
dans l’imagination d’un correspondant insuffisamment renseigné » ; à sup- 
poser qu’on y pousse le culte pour le cuivre jusqu’à ne vouloir vider letrop 
plein nocturne de sa vessie que dans un pot de chambre de ce métal, l’éta- 
mage n’est point aussi inconnu qu'il l'était partout au commencement du 
siècle et qu’il l’est encore dans tout l'Orient, et alors comment peut-il se faire: 
qu'ils s’imprègnent de cuivre plus que ne le faisaient nos pères, doût la bat- 
terie de cuisine, veuve encore de cette. couche d’étain plombique qui a eu 
pour résultat de créer un danger très réel à la place d’un péril imaginaire, 
brillait d’un éclat si vif sur leurs crédences ? 

2° Quel est donc le composé cuprique assez volatil et à odeur assez pé- 
nétrante pour affecter les organes olfactifs avant même que l’on soit entré 
à Villedieu ? | | 

Ces questions, nous les avons posées implicitement à M. Bochefontaine 
dans trois lettres, dont une spéciale à l'effet de savoir dans quel volume de 
l'Annuaire de l’association normande avait été puisée cette citation : 


SÉANCE DU 29 MARS. 203 


«qu'avant 1849, en 1832 et 1834, le choléra avait marqué son passage à 
Villedieu comme dans le reste du département de la Manche. » Mais 
M. Bochefontaine s’est renfermé dans le silence le plus dédaigneux, et 
lorsque nous l'avons avisé, en janvier, de ce que nous devions dire dans la 
séance du 19 nous avons eu aussi le regret de ne point le voir à la séance ! 
Comme il nous fallait pourtant connaître l’opinion d’un homme compé- 
tent, nous avons pris le parti de recourir encore une fois à l’obligeance de 
M. Boscher et de lui demander un éclaircissement, sur la première ques- 
tion ? c'était inutile après la déclaration si topique de M. Tétrel, mais une 
réponse. sur.la deuxième, celle des odeurs, plus le contrôle de la citation 
faite par M. Bochefontaine. Le 2 mars, nous recevions la lettre qui suit : 


« Affirmer et prétendre qu’à Villedieu l'air soit saturé d’émanations cupriques 
etqu'on y sente le cuivre à plein nez! c’est trop fort, en vérité. Si les ateliers 
et les ouvriers cuivriers dégagent une odeur sui generis (surtout, sans doute, 
quand ces derniers ont mangé de l’ail ou de l'oignon, pour lesquels les chau- 
dronniers, comme beaucoup d’autres ouvriers, nous ont paru avoir un goût très 
marqué), cette odeur est tellement faible, qu’à un mètre de distance on ne la 
peut sentir. Avancer alors qu’elle est forte au point qu’on en est frappé quand 
on entre en ville par les routes de Saint-Lô ou de Pontfarcy, c’est préter à rire : 
de même en prétendant que cette odeur existe dans ces rues signalées. 

» J'avoue que parfois, et à certains moments seulement, il peut se produire 
une odeur désagréable dans certaines rues. Lorsqu'on vide en effet le baquet où 
s'opère le décapage des objets fabriqués, les matières organiques des ruisseaux, 
sous l'influence de l'acide contenu dans les eaux de décapage, peuvent dégager 
de l'acide sulfhydrique, qui n’a rien de commun, que je sache, avec le cuivre. 

» Je n’ai jamais entendu parler que le choléra ait existé à Villedieu en 1832 et 
en 1834. (On sait que M. Lepelletier, ancien maire, et, de plus, témoin oculaire, 
le niait absolument en l’année 1853.) 

» Quant aux dires tirés de l'Annuaire de l'Association normande, je n’ai pu 
les contrôler. Je crains bien qu'ils n’aient été inspirés par un passage du Diction- 
naire géographique, de Laurent Eschard, publié à Paris en 1790. (Suit la cita- 
tion de ce passage.) — BOSCHER. »: 


Ennemi des redites, nous l’avons dit, nous fermerons ici le débat avec 
M. Bochefontaine et nous renverrons le lecteur à la note publiée dans les 
comptes rendus de la séance du 19 janvier, p. 33 et suiv., de laquelle nous 
déclarons ne point avoir une seule ligne à retrancher, aux différents ar- 
ticles qui l’ont précédée, soit dans le Bulletin même, soit dans la Gazette 
des hôpitaux, et à un travail sur le cuivre en cours de publication. Nous 
ajouterons seulement que quant aux phrases, aussi ambiguës qu’écourtées 
du compte rendu de la séance du 16 février, où il est parlé « d’inexacti- 
tudes relevées par la Société... de vérification des textes.…, de fabricants 
de bronzes de Paris, qui, soit dit en passant, sont convaincus que le cuivre 
ne préserve d'aucune maladie, etc., » nous mettons au défi M. Boche- 
fontaine de les justifier comme nous défions ses deux collaborateurs, 


204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


— 


MM. Yeouf père et fils, d'ajouter un nom de cuivrier de plus à celui de 
Châtel (fondeur) retrouvé seulement par la municipalité et M. Boscher dans 
les cinq décès cholériques, et non pas neuf, qui eurent lieu en 1849 à 
Villedieu. 

Enquête sur les chaudronniers de Durfort. — MM. de Pietra-Santa et 
l'abbé Houlès, dans un travail publié par le Journal d'hygiène sous Île 
titre : Action du cuivre sur l’économie, ont pris part à la croisade cupri- 
cide. Ne trouvant dans l’histoire de leur village aucune preuve, nous en 
avons vainement demandé aux deux auteurs. Edifié déjà par ce silence, 
nous nous sommes adressé à des médecins de Sorrèze — à Durfort il n’y en a 
point — dont un, M. le docteur Cros, natif de cette ville, avait été précisé- 
ment cité plusieurs fois par l'abbé Houlès, et voici leurs réponses : 


Docteur Rossienoz, 1° février. — « On n’a souvenir dans le pays que d’une 
épidémie de choléra, celle de 1854. Deux cas seulement sont signalés pour Dur- 
fort, un mortel chez un terrassier et un qui s’est terminé par la guérison chez 
un ouvrier qui travaillait le cuivre. 

» À Revel, distant de 5 kilomètres de Durfort, il mourut jusqu'à 28 per- 
sonnes par jour, sur une population de 4000 habitants. 

» La fièvre typhoïde, de mémoire d'homme, n’a point régné épidémiquement à 
Durfort. J’en ai observé quelques cas isolés chez de jeunes sujets, mais aucun 
sur des ouvriers en cuivre. 

» En 1856, il y eut à Durfort une épidémie de variole, des ouvriers en cuivre 
en furent atteints, mais il ne mourut que quelques femmes enceintes. En 1870 
il n’y en a eu qu’un seul cas, c’était chez une femme nourrice. » 

Docteur Cros, 19 mars. — « Je n’ai jamais eu connaissance ni d’un chaudron- 
nier, ni d’un martineur, mort du choléra, de fièvre typhoïde ou de variole, mais 
j'affirme avoir vu une épidémie de variole grave (la même sans doute dont parle 
le docteur Rossignol). 

» Pour ma part, je crois que les émanations de cuivre, résultant dotsaéions 


diverses, sont un préservatif sans conteste des affections dont vous cherchez 
le mode de propagation et la genèse. » 


Pour en finir avec la question des chaudronniers, nous dirons qu'étant 
allé non loin d'ici, dans la petite rue des Bernardins, qui certainement ne 
le cède en rien aux rues les moins favorisées de Villedieu, où est situé 
l'important établissement de chaudronnerie de M. Charles, bien connu de 
tous les médecins hydropathes de France, afin d'essayer encore d'y perce- 
voir la fameuse odeur cuprique, nous ne sommes parvenu qu’à en rappor- 
ter ce précieux document, qui est à ajouter à tant d’autres. 


M. CHaRLes, le 13 mars. — « En réponse à vos questions, voici ce que je puis 
vous affirmer : 

» Je n’ai jamais eu connaissance d'aucun cas de mort causé par le choléra, 
par la fièvre typhoïde, ni par la variole parmi les nombreux ouvriers que j'ai em- 
ployés depuis 1847, époque à laquelle je me suis établi rue de Bièvre, n° 20. 

» C’est dans cette maison que j'habitais lorsque le choléra de 1849 a éclaté et 


SÉANCE DU 29 MARS. 205 


aucune personne travaillant dans mes ateliers, ni même aucun habitant de la 
maison n’a été atteint. 

» En 1854, j'habitais le n° 8 et employais alors une trentaine d'ouvriers. Per- 
sonne n’a été atteint parmi eux, et il en a été de même des locataires habitant 
ma maison, tandis que chaque maison voisine avait trois, quatre et même cinq 
victimes à enregistrer. 

» Du reste c’est un fait acquis pou: tous les chaudronniers que, grâce à leur 
état, ils peuvent être sans craintes pendant les temps d'épidémies. » 


Enquête sur les horlogers du Haut-Rhin et du Doubs. — Dans la séance 
du 19 janvier, l’honorable M. Mégnin a dit que le choléra avait, en 1854, 
exercé de grands ravages à Beaucourt et dans les localités voisines, et que 
les horlogers, qui y sont en grand nombre, avaient payé leur tribut à l’épi- 
démie comme les autres. 

La première partie de cette assertion est fondée. Beaucourt fut, en effet, 
presque décimé —188 décès, dont 180 cholériques environ sur 2400 habi- 
tants, en trois mois — mais, sur la deuxième, M. Mégnin a été très mal 
servi par ses souvenirs. 

A notre requête, MM. Japy ont ordonné une enquête dans leurs impor- 
tantes usines du Haut-Rhin et du Doubs. MM. les docteurs Lorber et Borne, 
qui en sont les médecins, y ont procédé, pour leur part, avec un soin et une 
habileté qui leur font le plus grand honneur. 

Voici sèchement ce qui résulte d’une correspondance très active avec ces 
deux honorables confrères : 


Docteur LoRBER. — « 11 décès cholériques chez les horlogers de Beaucourt 
(toutes proportions gardées ils auraient dû en avoir de 60 à 70), dont 5 seule- 
ment de cuivreux authentiques — suivent les noms et l’âge —; les autresétaient 
des pivoteurs, façonnant des pièces de fer ou d’acier, ou bien des femmes qui 
ne travaillaient que d’une manière intermittente. 

» Vous pouvez faire des réserves pour Ridez qui était un buveur et Bouteiller 
(dix-sept ans) qui n’était occupé que depuis quelques mois, et tous les cinq étaient 
repasseurs d’ébauches de roues de montre.— Pas un par conséquent ne travaillait 
dans la grosse horlogerie, pendules et réveils. 

» À Darles, il y a eu 6 décès cholériques, mais pas un horloger n’a été atteint; 
à Vaudoncourt rien, à Dampierre et à Badevel, — 430 ouvriers ne font actuelle- 
ment dans ce dernier centre que de la grosse horlogerie — il n’y a eu que des 
cas sporadiques n’intéressant pas les horlogers. 

» En résumé, si l’on tient compte du rapport du chiffre de la population en 
général, il est incontestable que, dans notre rayon, les horlogers ont été relati- 
vement épargnés par le choléra. » 


Parlant ensuite des autres maladies épidémiques, le docteur Lorber s’ex- 
prime ainsi : 
« Fièvre typhoïide. — J'en ai observé des cas chez des horlogers, mais en 
petit nombre et qui ne pouvaient pas être considérés comme des cuivreux. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 68° SÉRIE, T. 1°, N° 45, 16 


206 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


» Variole. -— Je ne me rappelle pas avoir soigné un seul ouvrier horloger 
varioleux. 
» Charbon. — Je n’en ai jamais vu. 


» Colique de cuivre. — Elle n'existe pas à Beaucourt. » 


Docteur BORNE. — « À Seloncourt la population (2400 habitants) est en bonne 
moité horlogère. Cette commune comprend la section de Berne, qui constitue le 
groupe ouvrier très important de la maison L.-E.-P. Japy, qui, de très longue 
date, fabrique le gros volume. (Cette maison est distincte de celle de Beaucourt.) 
Il n'y eut aucun cas de choléra, ni de suette dans ce groupe ouvrier. À Selon- 
court (village), Jaune frappa plus de 200 personnes. à 

» En 1882-83, j'ai pu suivre l’évolution d’une épidémie de fièvre typhoïde de 
Seloncourt à Merlière — suit une statistique de laquelle il appert que pas un 
horloger cuivreux ne fut atteint, — et cependant l'épidémie en question fut 


suffisamment accentuée pour qu’elle eût pu sévir sur tous les ouvriers. — M. Borne. 


ne parle point de la variole — 

» On peut done très bien nee que l'opportunité morbide fut très diffé- 
rente suivant les sujets, et je serais très disposé à faire jouer un rôle. tres 
important à l'influence de l’imprégnation cuprique, dans cette non-réceptivité 
des ouvriers qui travaillent le laiton, voire même de leur milieu, deleur famille. » 


Nous nous bornerons à ajouter, pour tous commentaires de témoignages 
si formels, que ceux qui, comme certains journaux, s'étaient tant hâtés de 
recueillir celui de M. Mégnin et d’avoir l’air de dire : la cause est en- 
tendue, auraient sagement fait, ce nous semble, d’attendre les résultats de 
l'enquête que nous avions annoncée. 

Nous aurions bien voulu réfuter aussi cette objection, la mort de Thuillier, 


«qui s’étail cuivré à fond », a-t-on dif, comme si, à supposer que les 6à 


1 grammes, au plus, de bioxyde de cuivre que l’infortuné a pris au cours 
de deux mois (renseignement de M. Nocard), ce fût assez pour autoriser un 
tel langage, un fait isolé pouvait prouver ici davantage que les cas, qui ne 
se comptent plus, d'individus bien vaccinés qui contractent encore la va- 
riole. Mais, tout au plus, nous reste-t-il encore assez de place pour dire: 
qu'ayant assez de ce rôle de Sisyphe que, depuis plus de trente années, nous 
remplissons sur la question du cuivre, et croyant avoir assez accumulé de 
preuves pour fournir aux hommes de bonne volonté des éléments de convic- 


tion suffisants pour les encourager à nous suivre dans la même étude, nous: 
sommes bien décidé à laisser dire désormais ceux qui persisteront à nier 


ici ce qui, pour nous, est l’évidence même. 


AT 2 ee 


ed Am 


SÉANCE DU 29 MARS. 907 


A PROPOS DU RÔLE DU CUIVRE COMME ANTAGONISTE DU CHOLÉRA, 
par M. MÉGNnx. 


Comme preuve à l’appui de sa théorie relative au pouvoir préservatif 
qu’aurait le cuivre à l’égard du choléra, M. Burq est venu vous apporter, 
dans une des précédentes séances, un exemple de l’immunité, qui aurait été 
constatée chez les ouvriers horlogers, si nombreux dans le pays de Monthé- 
liard, et particulièrement chez ceux des usines de la maison Japy frères 
de Beaucourt, lors de l’épidémie de choléra en 1854. Je me suis vivement 
élevé contre cette assertion, car, originaire du pays cité par M. Burq, je m'y 
trouvais, précisément au moment même de cette terrible épidémie et jy 
remplissais Le rôle de suppléant des médecins, — dont le nombre était devenu 
insuffisant, — concurremment avec des étudiants de Strasbourg envoyés par 
la Faculté pour remplir le même rôle, et j'avais vu, de mes yeux vu, de 
nombreux ouvriers horlogers mourir du choléra. 

Ce témoignage n’a pas suffi à M. Burq; il est venu avec des statistiques, 
prétendues officielles, dressées trente ans après les événements, par des 
correspondants, certainement très honorables, mais qui, n'étant pas dans 
le pays au moment de l'épidémie, n'ayant rien vu de leurs yeux, n’ont pu 
récolter que des on-dit, les registres de l'état civil dans les campagnes ne 
signalant pas les causes de la mort et désignant seulement la profession 
du décédé par les termes généraux d’ouvrier de fabrique, cultivateur, etc. 
C’est sur ce témoignage, opposé au mien, que M. Burq vient nous dire que 
ouaTRe horlogers seulement sont morts du choléra à Beaucourt en 1854! 

Puisque mon témoignage a si peu de valeur aux yeux de M. Burq, je veux 
lui en fournir un autre, qu’il ne récusera pas, celui-là : c’est celui du méde- 
- cin des épidémies du pays de Montbéliard, M. le docteur Tuefferdit fils, qui, 
à la suite du choléra de 1854, rédigea un mémoire spécial sur cette 
affection, et je lis dans ce travail, page 10 : 

« Si l’on en croit un praticien de Paris, qui fait grand bruit de la métal- 
» lothérapie, les personnes qui travaillent le cuivre jouiraient d’une incon- 
» testable immunité. Mais cette illusion n’était pas possible dans le pays où 
» nous avons vu succomber des ouvriers qui passaient leur vie dans une 
» fabrique d’horlogerie à Montbéliard, et le nombre de ceux qui ont été 
» frappés dans des conditions analogues a été fort grand à Beaucourt (Haut- 
» Rhin). » 

Ce mémoire date de 1854! Ne dirait-on pas que c’est écrit d'hier ? 

La malheureuse expérience de Thuillier aurait dû clore tout débat sur le 
prétendu rôle préservatif du cuivre vis-à-vis du choléra, mais, puisqu'on 
persiste à nous en parler, je veux encore citer les lignes suivantes, qu'on lit 
à la page 262 du dernier numéro paru de la Revue d'hygiène de M. Vallin 
(n° 3, 1884): 


208$ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


« Dans une lettre que M. le docteur Ghaumery, notre médecin sanitaire 


à Alexandrie, nous écrivait dernièrement, nous croyons devoir relever le 
passage suivant qui a trait au prétendu antagonisme entre le cuivre et le 
choléra : 


« En lisant avec intérêt, dans le n° 9 de la Revue d'hygiène, le passage 
relatif au rôle préservatif du cuivre vis-à-vis du choléra, je me proposai 
de me livrer au Caire à une petite enquête à ce sujet et de vous en trans- 
mettre le résultat. 

» Il y a au Caire, comme à Constantinople, mais sur un plan plus réduit, 
une toute petite ville dans la grande, qui s’appelle le Khan Khabil, ou plus 
vulgairement le bazar : là, dans des ruelles étroites, qui s’enchevêtrent 
les unes dans les autres, existent des dépôts de toute sorte de marchan- 
dises et des ateliers où tous les corps de métiers sont représentés : une de 
ces ruelles est occupée exclusivement par les ouvriers qui travaillent le 
cuivre et qui, comme leurs confrères de Damas et de la Perse, burinent 
et cisèlent ces plateaux, ces aiguières, ces vases de cuivre si en vogue à 
Paris depuis quelque temps. 

» Je connaissais un Persan qui est le chef d’un de ces principaux ateliers 
et qui possède les meilleurs ouvriers en cuivre du bazar. Je me rendis à 
son magasin dès que j'eus quelques heures à dépenser, et pour amorcer 
la causerie, je marchandai un plateau, dont il me demanda d’abord 
des sommes folles et qu'il finit par me laisser à 25 francs. Pendant ces 
pourparlers j’eus le temps de le questionner et d'apprendre qu’un assez 
grand nombre d'ouvriers qui travaillaient le cuivre avaient été frappés par 
le choléra, soit chez lui, soit chez ses voisins : € Dans cette boutique, me 


disait-il, le patron est mort ainsi que deux ouvriers; dans cette autre, trois 


sont morts sur cinq; moi-même j'ai perdu mon meilleur artiste, un Persan, 
qui n’avait pas son pareil dans tout le Caire, et le plateau que je viens de 
te donner est le dernier sorti de ses mains. » 

» En somme, tous renseignements recueillis avec le plus d’exactitude 
possible, j'ai pu n’assurer que sur 3 à 400 ouvriers qui travaillent le 
cuivre au Khan Khabil, une trentaine avaient eu le choléra et que treize ou 
quatorze en étaient morts. [ei donc le cuivre n’a pas eu d'action préven- 
tive. Je vous livre mon observation sans commentaires, car jusqu'à pré- 
sent, dans la bataille que se livrent les partisans et les adversaires du 
cuivre, chaque parti n’a eu qu’à enterrer ses morts. » 


BoURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


Ba 7e Rrl og (és 


‘209 


SÉANCE DU 5 AVRIL 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


DE L'ACTION DU CERVEAU SUR LA TEMPÉRATURE (Addition à la Note 
du 25 mars), par M. Ch. RIcHer. 


Aux faits indiqués plus haut, je voudrais ajouter le récit d’une expérience 
confirmative. 

Sur un chien dont la température était de 38,7, l'opération (mise à nu de 
la dure-mère) a porté la température de 38°,7 à 38°,4 de 10 h. 10 à 12 h. 35. 
Ce qui représente par dix minutes un abaissement de — 0°,02. 

À 12 h. 35, la dure-mère est incisée, le cerveau est mis à nu, ce qui 
équivaut à une excitation, l’action de l’air sur les circonvolutions détermine 
toujours, comme on sait, une certaine congestion. 

De 12 h. 35 à 3 h. 55 la température monte de 38,4 à 39 degrés, soit de 
— 0°,6 en trois heures vingt-cinq minutes, soit par dix minutes une ascen- 
sion de + 0°,05. 

On cautérise à 3 h. 55 les circonvolutions occipitales avec le thermo-cau- 
têre, et on observe, sans que l’animal se soit débattu, étant d’une extrême 
docilité, les températures suivantes : 


A 4h. 01, Température : 39°,1. 
A 4h. 03, Température : 39,2. 
À 4h. 06, Température : 39,3. 
À 4h. 17, Température : 39,4. 
A 4h. 28, Température : 39,5. 


Ce qui en trente-trois minutes est une ascension de 0°,5, représentant 
donc une ascension de 0°,15 par dix minutes. À partir de ce moment la 
température monte encore, mais plus lentement, pour baisser ensuite, ayant 
atteint son fastigium. 


À 4h. 55, Température : 390,6. 
À 5 h. 25, Température : 39,65. 
À 5 h. 55, Température : 39,6. 
À 6 h. 05, Température : 39,55. 
A 6 h.10, Température : 39,45. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°", N° 14. 17 


910 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Nou pouvons résumer ainsi ces faits : 
Par dix minutes. 


De 40:h. à 12 h. 1/2. Chien’attaché et opéré. ..-.............. . — 0°,02. 
De 12h.1/2 à 4 h.  Excitation du cerveau par l'exposition àl’air. + 09,05. 
De 4h.à 4h. 1/2. Effets de la caütérisation............... + 00,15. 


Il est à remarquer que la température (individuelle) des chiens est peu 
variable. Quoique les divers chiens, d’après des mensurations (plus de 480) 
que j’ai faites, oscillent entre 38°,2 et 40°,1, comme température normale, 
chaque chien a à peu près une température invariable (1), les conditions phy- 
siologiques restant les mêmes. Or la condition d’un chien attaché et quine 
se débat pas, c’est que sa température baisse lentement, mais constamment. 

Pour répondre aux remarques que m’adressait M. Olivier, je ne saurais 
dire s’il y a un peu d’hypothermie après l’excitation du cerveau chez les 
lapins. Quant à la polyurie, j'ai observé une fois après l'opération, émission 
d’une urine abondante et limpide. En tous cas on ne peut guère assimiler 
la piqûre des lobes cérébraux à une hémorrhagie cérébrale dans laquelle il 
existe des phénomènes de compression (2). 


NOTE COMPLÉMENTAIRE DES COMMUNICATIONS PRÉCÉDENTES RELATIVES 
AU SULFATE DE CUIVRE, par M. BOCHEFONTAINE. 


Le 16 février dernier, j’ai apporté à la Société les preuves matérielles de 
l’usage très répandu à Villedieu d’ustensiles de ménage en cuivre non 
étamé. D’autres objets sont vendus étamés légèrement; ils se détament au 
bout de quelques semaines de service et on s’en sert ensuite indéfiniment 
jusqu’à l’usure, sans les faire étamer. Pendant ma jeunesse, j'ai mangé 
bien souvent, avec une cuiller en cuivre, de la bouillie de sarrasin cuite dans 
un chaudron en cuivre : cuiller et chaudron provenaient de Villedieu et 
n'avaient jamais été étamés. | 

Sans tenir compte de cette démonstration irréfutable, M. Burq est venu, 
samedi dernier, répéter ses dénégations habituelles. À la demande du 
bureau, je ne me placerai pas sur le terrain où mon contradicteur veut m'’at- 
tirer, je me contenterai de compléter mes communications antérieures en 
relevant les erreurs contenues dans sa dernière Note. 


(1) Ce fait résulte aussi des observations de M. Anrep (Archives de Pflüger, 
1881, t. XXI, p. 194), qui a fait sur le même chien 135 observations et a trouvé 
comme minimum 38°,9 et comme maximum 39°,4 (sauf une fois 390,8). 

(2) Errata de la Note précédente : Page 190, ligne 24, lire Expér. IL. À 1 heure, 
piqûre du cerveau droit. Température : 39,7; page 191, ligne 29, lire À 3 h. 50, 
température : 40°,09; page 192, ligne 33, lire Température : À 3 h. 40°,1. 


SÉANCE DU 9 AVRIL. 211 


I. Je répète que ces communications reposent à peu près complètement 
sur les documents de M. Ygouf père, qui habite Paris et n’a jamais été chau- 
dronnier, et de son fils, M. Aug. Ygouf, étudiant en médecine, externe des 
hôpitaux et élève du laboratoire de l'Hôtel-Dieu. J’ai été heureux d'apporter 
ici les faits rassemblés par M. Aug. Ygouf pendant ses dernières vacances, 
au milieu de sa famille. Pourquoi donc vouloir attribuer à unautre 
homme, si considérable qu'il soit, ce qui appartient exclusivement à M. Aug. 

Ygouf ? 


Il. À deux reprises différentes j’ai demandé à M. le Président de 
vouloir bien entendre M. Ygouf. M.le Président n’a pas jugé à propos d’ac- 
céder à ce désir, pour des raisons de convenance qui se comprennent faci- 
lement. Mais M. Ygouf a pensé qu’il pouvait adresser à la Société la lettre 
suivante, qu’il m'a autorisé à transcrire ici : | 


Monsieur le Président, 


Dans plusieurs séances de la Société de biologie, j'ai entendu M. Burq quali- 
fier d’inexacts ou de faux les faits relatifs à Villedieu et consignés par M. Boche- 
fontaine, d’après mes indications. Samedi dernier, les mêmes attestations ont 
été répétées et vous avez refusé d'entendre mes affirmations, alors que vous 
acceptiez celles de mon contradicteur. 

Je prends donc le parti d'adresser par écrit à la Société la rectification sui- 
vante : 

Tous les faits en question, je les ai constatés par moi-même ou recueillis à 
Villedieu au milieu de ma famille, qui habite depuis longtemps cette localité; 
certains d’entre eux concernent même plusieurs de mes parents. 

Par conséquent, toutes les dénégations contraires doivent être considérées 
comme nulles. 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations. 


Signé : Auguste YGOUF, 


4 1 Externe des hôpitaux de Paris. 
Paris, le 4 avril 1884. 


HT. L’odeur du cuivre à l’entrée de Villedieu et dans plusieurs rues de la 
ville est celle que tout le monde connaît, celle qui reste aux doigts quand 
ils ont frotté un morceau de cuivre ou une vieille pièce de monnaie en 
cuivre, On sent le cuivre dans les rues de Villedieu, c’est là un fait de 
notoriété publique. Les femmes des poëliers ou chaudronniers ont souvent 
de la peine à s’accoutumer à l’odeur de cuivre exhalée par leurs maris : 
elles ne confondent pas cette odeur avec celle de l’ail ou de l'oignon. 
Ceux-là mêmes qui ne sont pas allés à Villedieu, savent que les cuivriers de 
Villedieu sentent le cuivre. Sur le champ de foire de Saint-Lô, quand on 
passe auprès d’un individu qui sent le cuivre, on dit : « C’est un sourdin », 
c’est-à-dire un chaudronnier de Villedieu. Sur ce même champ de foire, on 


242 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


vend l’oignon par centaines de sacs; on y vend aussi de lail, et personne 
ne confond l’odeur du cuivre avec celle de l’ail ou de l'oignon. | 

On ne confond pas non plus avec l’odeur du cuivre, celle de l’acide 
sulfureux ni de l’acide sulfhydrique. M. Boscher est donc dans l’erreur 
quand il suppose que cette confusion peut exister. Mais il est vrai, comme 
l’établit M. Boscher, que les rues de Villedieu sont très malpropres, dégagent 
de l'acide sulfhydrique, et que les habitants se plaignent depuis longtemps, 
mais en vain, de la négligence que la municipalité apporte au nettoyage des 
rues. Plusieurs petites villes de la Manche, dans lesquelles l’industrie du 
cuivre n'existe pas, n’ont point, que je sache, éprouvé les atteintes du cho- 
léra : elles sont propres. Peut-être le défaut de propreté à Villedieu est-il 
une des causes de l’action du choléra dans cette localité. 


IV. Une des premières, sinon la première victime de l’épidémie de choléra 
de 1849 à Villedieu, fut un poëlier, c’est-à-dire un travailleur particulière- 
ment exposé à l’action du cuivre, dont le nom ne se trouve pas dans la 
liste qui a été communiquée à la Société et dont le fils, docteur en méde- 
cine des plus honorables, exerce actuellement dans sa ville natale. 


V. Je rappelle que, d’après les recherches de M. Axel Lamm, l’application 
de plaques de cuivre sur la région épigastrique n’a pas préservé du choléra. 
En revanche, elle a produit des eschares de la peau avec laquelle les plaques 
demeuraient en contact. M. Mégnin rapporte, dans le dernier numéro de nos 
Comptes Rendus, les faits qu’il a vus par lui-même et ceux qui ont été vus 
par M. le docteur Tuefferdt et parM. le docteur Chaumery : tous ces faits, 
comme ceux de Villedieu, sont en contradiction formelle avec ceux de mon 
contradicteur. 


VI. J’ai parlé d’une personne en contact journalier avec le cuivre qui a 
succombé rapidement aux suites d’une piqûre de mouche. Il ne peut y avoir 
le moindre doute sur la nature de la maladie à laquelle cette personne a 
succombé : c’est un anthrax malin ou charbon. Le malade était le beau- 
frère de M. Ygouf. Le diagnostic charbon, ou anthrax malin, a été nette- 
ment affirmé par les médecins à M. Ygouf père en même temps qu’à un 
frère du défunt : le malade même avait eu parfaitement conscience de la 
nature et de la gravité de sa piqûre. 


VIT. Voici maintenant deux ordres de faits qui doivent nous engager à 
quelques réserves sur l’innocuité du cuivre. 

La mère d’un docteur de Villedieu, après avoir retiré des confitures 
d’une poêle en cuivre où elle les avait fait cuire, eut l’idée de goûter avec 
le gratin adhérent au fond du vase. Bientôt après elle mourait à la suite 
de symptômes d’empoisonnement aigu, que les médecins attribuèrent au 
cuivre (sans autopsie et sans analyse chimique). Il convient de remarquer 
que l’habitude de cuire les confitures de groseille dans les poêles ou bas- 


SÉANCE DU 9 AVRIL. 213 


—_—— 


sines en cuivre est très répandu dans le département dela Manche, comme 
ailleurs,et que l’on n’a jamais noté, que je sache, un cas d'intoxication par 
les confitures. 

On peut rapprocher de ce fait la Note de M. Audouard, sur le danger des 
clefs en laiton avec lesquelles on tire le vin, publiée par la Revue d'hygiène 
et les Connaissances médicales. 


VIII. Il ne m'était pas venu à l'esprit d'apporter ici le volume de l’An- 
nuaire de l’Association normande où j'ai puisé les textes contenus dans 
ma dernière Note (1). Je répare cet oubli. Voici les textes cités ou men- 
tionnés marqués au crayon rouge; M. le Président n’a qu’à les comparer 
avec ceux de notre Compte rendu, pour voir qu'ils ont été reproduits avec 
exactitude et avec le sens qui leur est attribué dans l’original. 


IX. La signification des expériences sur le pouvoir microbicide du sulfate 
de cuivre dont j’aientretenu la Société, ayant été contestée, je suis heureux 
d’avoir à mentionner, pour les appuyer, la thèse inaugurale de M.J. Marry (2). 

Ce travail, fait sous la direction de M. Doléris, qui a contrôlé les examens 
microscopiques de l’auteur, loin de les contredire, confirme les résultatsque 
j'ai obtenus. Dans ses expériences avec des morceaux de placenta, 
M. J. Marry constate (p. 13), que le sulfate de cuivre n’est réellement 
microbicide qu'en solution au centième. C’est la conclusion à laquelle 
j'avais été conduit, ainsi que M. Marry le constate lui-même, (p. 19 et 20). 
On ne saurait donc comparer cette action à celle d’agents antiseptiques 
puissants, comme le sublimé, etc. Aussi la première conclusion de 
M. J. Marry préconise-t-elle le sulfate de cuivre « dans Le cas où une raison 
quelconque milite contre l’emploi du sublimé » (p. 57). 

Le travail de M. Charpentier (1), dans le service duquel le sulfate de cuivre 
a été employé comme topique en solution au centième, est la démonstration 
clinique des faits acquis par les expériences de MM. Doléris et Massyet et 
par celles de M. Marry. Par conséquent, je suis en parfait accord avec 
M. Charpentier comme avec ces auteurs et en désaccord complet avec 
les théories de M. Burq. 

En dehors de l’organisme animal, dans la thérapeutique externe, obsté- 
tricale ou chirurgicale, les solutions de sulfate de cuivre au centième 
tuent les bactéries et vibrions de la putréfaction, tout le monde est d’accord 
sur ce point, M. Miquel, M. Chamberland, ainsi que les auteurs qui pré- 
cèdent. Mais il n’en résulte pas que la quantité de sulfate de cuivre qui peut 
être introduite dans notre organisme sans danger pour lui, par voie d’absor- 


(1) L'année de cette publication est indiquée, page 81, ligne 31, des Comptes 
rendus, 1884. 

(2) De l’action antiseptique du sulfate de cuivre en obstétrique, Paris, 1884, 
p. 13, 19, 20, 23 et suiv., 37 et suiv., 57. 

(3) Bulletin de l'Académie de médecine, n° 10, séance du 4 mars 1884. 


914 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tion stomacale ou autre qui ‘puisse exercer une action quelconque sur des 
bactéries développées, ou en voie de développement dans l’économie ani- 
male. Il n’en résulte pas, en un mot, que le sulfate de cuivre soit antisepti- 
cémique ou antibactériémique. 

C'est justement dans le but d'étudier cette question que j'ai soumis ‘au 
plus haut degré possible à l’action du cuivre un certain nombre de cobayes. 
Chez ces cobayes on produisait ensuite la bactériémie mortelle, absolument 
comme s'ils avaient été dans l’état normal, c’est-à-dire comme si on ne 
leur avait pas donné de cuivre. 

Les résultats négatifs obtenus dans toutes ces expériences ont none 
que le sulfate de cuivre, à peine absorbable, ne peut pas être introduit dans 
l’économie animale en proportion suffisante pour exercer chez elle son pou- 
voir microbicide, et que la thérapeutique interne ne peut pas retirer de 
l'usage du sulfate de cuivre les mêmes avantages que la thérapeutique 
externe. Par conséquent, dans le cas où les contages cholérique, typhique, 
variolique, etc., etc., résideraient dans des corpuscules-germes, des ba- 
cilles, des mycrozymas, ete., le sulfate de cuivre serait absolument impuis- 
sant contre lui. En un mot, le pouvoir microbicide assez médiocre du 
sulfate de cuivre ne lui confère aucune action antisepticémique ou anti- 
bactériémique. 


X. En résumé, il n’y a pas un seul fait contradictoire relatif à mes 
communications qui, malgré les attestations de M. Boscher et de M. Tétrel, 
ne soit manifestement erroné, et, par conséquent, M. Burq n’a apporté dans 
sa dernière communication aucun argument nouveau. 

Je suis donc en droit d'affirmer de rechef que l’opinion de M. Burq, sur 
l’action préservatrice du cuivre contre les maladies infectieuses, et notam- 
ment le choléra, ne repose, jusqu’à présent, sur aucun fondement sérieux. 


SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE. Note de M. BERNHEIM. 


M. le professeur Bernheim a envoyé à la Société, à la fin de février, un 
mémoire Sur la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille. 
A l’occasion de la communication de MM. Gilles de la Tourette et P. Richer, 
il soumet à la Société de biologie les remarques suivantes : 

«1° Reynolds et Erb n’ont parlé dans leur mémoire quedes paralysies qui 
peuvent survenir spontanément à la suite d'émotions morales ou par le fait 
de l'imagination ; ils n’ont pas parlé des paralysies suggérées soit à l’état 
de veille, soit à l'état hypnotique. 

» Tandis qne M. Bernheim a établi, ainsi que cela est rapporté dans la 
brochure qu’il a antérieurement adressée à la Société de biologie, qu'on 


SÉANCE DU D AVRIL. 215 


peut chez certains sujets, à l’état de veille, par simple affimation, provoquer 
et faire disparaître instantanément, expérimentalement, des paralysies, des 
anesthésies, des contractures, des illusions sensorielles et même des hallu- 
cinations complexes. 

» 2 Quant aux caractères cliniques que MM. Gilles de la Tourette et P. Ri- 
cher ont exposés, M. Bernheim pense qu’ils ne sont pas constants, et, à 
l'appui de cette remarque, M. Bernheim rapporte qu’il a dans son service 
d'hôpital deux sujets, chez lesquels il a suggéré une paralysie et chez les- 
quels il n’existe pas de réflexe tendineux, ni phénomène du genou, ni phé- 
nomène du pied. De plus labolition du sens musculaire existe si on la 
suggère spécialement, mais peut manquer si on ne la suggère pas.» 


SUR UN MOYEN TRÈS SIMPLE POUR CONSERVER LES CADAVRES, 
par M. PHILIPPEAUX. 


J'ai l’honneur de présenter à la Société de biologie un moyen très simple 
pour conserver les cadavres sans odeur et sans empêcher la putréfaction de 
se faire. 

Ce moyen consiste à mettre le mort en bière, de le recouvrir de son ou 
de sciure de bois, puis de remplir la bière de charbon de bois concassé. 

Je conserve depuis vingt mois, des chiens morts, dans des caisses en bois 
de sapin et qui ne donnent aucune odeur, et cependant un de ces chiens a 
été trouvé réduit à l’état de squelette en quinze mois. 


SUR L'ACTION DE LA PARALDÉHYDE, par Ch. E. Quinquaur. 


4° La paraldéhyde diminue l’exhalation pulmonaire de l’acide carbonique 
(dans toutes les expériences rapportées plus loin, la paraldéhyde a été 
donnée en injection intraveineuse). Par exemple, un chien qui avant 
Padministration exhalait 2 grammes de C0? en huit minutes, en exhale 
seulement 1 gramme, dix-huit minutes après l'injection. 

2° Pendant le sommeil paraldéhydique, l’acide carbonique du sang di- 
minue plus rapidement que l’oxygène, la quantité de ce dernier reste nor- 
male ou peu diminuée. Il en résulte que la paraldéhyde produit un ralen- 
tissement extrême de la nutrition, les éléments anatomiques ne travaillent 
plus ou peu. | 

3° Le mécanisme de la mort s'explique par l’arrêt nutritif et par l’altéra- 
tion graduelle et progressive de l’hémoglobine transformée en méthémo- 
globine; sur l’animal vivant cette lésion n’est pas considérable, les ani- 
maux succormbent par cessation des mouvements respiratoires. 


916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


0000 


4 La capacité respiratoire du sang reste longtemps normale : pour 
diminuer un peu avant la mort. 
Nous rapportons à l'appui de ces propositions, les tableaux suivants : 


État normal avant l'injection intraveineuse de paraldéhyde. 


oO, 


Nombre Co: ANALYSES DES GAZ 
POIDS de fans contenus 
£ d S . rsprati È dans i 
DATES des T.R. {resp Faute 50 litres d'air des SAONE RE, 
CHIENS SE | 


minute expirés Vol. total CO: 0 


19 mars 1884 11%8,200 | 39,8 20 2 gr. 15cc,8 &cc,9 | 4cc,3 


26h 13k8,100 | 39,6 | 20 | 2,36 | 216,9 | 43cc,0 | Gce,2 
aTAMÉE 9% 800 | 390,6 | 19 | 18,70 | 22,6 | 450,8 | 5cc,0 
4e avril 19%e,900 | 390,0 | 22 | 4e,40 | 22,0 | 44c0,6 | 60,5 
Ur 16 kilog. | 40,4 | 30 1gec,0 | 106,3 | Gce,7 
PRES 7ke,550 | 390,3 | 21 | 4e,98 | 43,1 | 43cc,1 | 4ec,5 


Après l'injection intraveineuse de paraldéhyde. 


ELLE el 


Quantités qui s’est écoulé depu.s de dans CHENE | 
; ; T. R. |respirations| 50 litres |35 centigram. de sang 
injectées le début par d’air IS SAT ES 
de l'injection minute |expirés|ya. totall CO2 | O 
19mars 
bec 18" [390,8 36 |18r,02/12cc,8|7cc,8]4cc,3 
26 mars 13 
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31 mars 
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début. 
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ES ERP PE PP SES 


SÉANCE DU 9 AVRIL, 917 


RECHERCHE DES MICROBES DANS UNE NODOSITÉ XANTHÉLASMIQUE. — RÉSULTAT 
NÉGATIF, par M. le docteur V. Hanor, agrégé de la Faculté, médecin 
de Tenon. 


Il y a en ce moment, dans notre service, une femme atteinte de lithiase 
biliaire, avec ictère noir depuis dix-huit mois et qui présente depuis cinq 
mois une éruption xanthélasmique abondante, soit sous forme de plaques, 
soit sous forme de nodosités. Quelques-unes de ces nodosités sont presque 
pédiculées ; aussi avons-nous pu en détacher une très aisément, sans faire 
souffrir la malade, dans le but de rechercher si ces productions xanté- 
lasmiques contenaient des microbes comme l’ont avancé plusieurs auteurs : 
M. Balzer, M. Korab entre autres. 

Les recherches ont été faites aussi méthodiquement que possible. Voici 
comment on a procédé : les coupes ont été pratiquées à l’état frais, au 
moyen du microtome à congélation de Verick. 

Plusieurs procédés de coloration ont été employées; nous citerons 
particulièrement les suivants : 

4° Un certain nombre de coupes ont été colorées par le violet de mé- 
thyle 5 B, la fuschine et la vésuvine en solution aqueuse 1/100°, décolorées 
par l’alcool, éclaircies à l'essence de girofle et montées dans le baume de 
Canada ; 

2° Après avoir été colorées et décolorées par le procédé précédent, 
quelques coupes ont été recolorées par le picro-carmin (procédé de Wei- 
gert), traitées par l’alcool, éclaircies et montées comme précédemment ; 

3° Quelques coupes ont été colorées par l’éosine ou l’éosine hématoxylique, 
examinées sans décoloration ou après décoloration; 

4 Nous avons enfin coloré quelques coupes par la glycérine héma- 
toxylique ; elles ont été décolorées par l'acide acétique dilué, éclaircies et 
montées par les procédés habituels. 

On voit que la nodosité xanthélasmique se compose de tissu fibreux à 
gros faisceaux entre-croisés dans tous les sens et comprenant entre eux, çà 
et là, des cellules adipeuses. 

Or sur aucune préparation on n’aperçoit de microbes de quelque forme 
que ce soit, n1 dans les amas de cellules adipeuses, ni entre les faisceaux 
fibreux, ni dans les cellules de tissu conjonctif hypertrophiées accolées à ces 
faisceaux, ni à l’intérieur ni au pourtour des vaisseaux. 

Ce n’est là, après tout, qu'un seul fait et un fait négatif. Néanmoins, 
comme la question de la nature parasitaire du xanthélasma est à l’ordre 
du jour, nous avons cru devoir publier notre observation à titre de simple 
document. 

D'ailleurs on pourrait nous objecter que l'absence de microbes dans nos 
préparations ne prouve pas définitivement que le xanthélasma de notre 
malade est indépendant de tout parasite, qu’on y trouvera peut-être un 


218 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


micro-organisme à une autre période de son évolution, que peut-être aussi 
il s’agit là d’un œanthélasma déshabité, les microbes s'étant éliminés, 
comme ils peuvent s’éliminer dans le charbon, le choléra des poules, la tu- 
berculose après avoir provoqué des lésions qui leur survivent et qui évo- 
luent ensuite pour leur compte. 

On pourrait nous cbjecter aussi qu’en employant d’autres procédés de 
coloration nous aurions trouvé le parasite qui nous a échappé. Nous recon- 
naissons la valeur de ces objections, et, encore une fois, nous ne donnons 
notre observation que pour ce qu’elle vaut. 


DE LA COLCHICINE CRISTALLISÉE, par M. A. Houpé, pharmacien. 
(Note présentée par M. LABORDE.) 


1° Propriétés. — La colchicine cristallisée, principe immédiat du col- 
chique d’automne (Colchicum autumnale), se présente sous forme de ma- 
melons cristallisés, incolores, et constitués par une infinité de cristaux qui 
sont autant de prismes à base rectangulaire ou hexagonale, le plus souvent 
modifiés sur leurs angles. 

La colchicine est peu soluble dans l’eau, la glycérine, l’éther et la ben- 
zine, mais elle l’est complètement dans l’alcool et le chloroforme. 

D’une saveur et d’une réaction alcaline, elle dégage de l’ammoniaque 
lorsqu'on la chauffe dans un tube avec de la potasse caustique. — de plus 
elle se combine facilement avec quelques acides organiques pour former 
des sels cristallisés. 

Mais, afin de nous assurer que ce principe immédiat était une espèce 
chimique distincte et toujours identique à elle-même, nous avons cherché 
son point de fusion, en opérant sur de la colchicine provenant de cristalli- 
sation différente et même sur de la colchicine régénérée de ses combinai- 
sons salines : dans tous nos essais — à la température de 156 degrés nous 
avons observé un état pâteux, et à 162 degrés la fusion complète — le liquide 
obtenu, étant légèrement coloré en jaune et d'apparence huileuse, ne chan- 
geait pas d'aspect si on élevait la température jusqu’à 210 degrés. 


2° Mode de préparation. — Notre mode de préparation de la colchicine 
cristallisée n’emprunte rien aux procédés antérieurs, et repose sur les prin- 
cipes suivants : 

1° Extraction de la colchicine en traitant la plante par l’alcool fort qu’on 
élimine par distillation ; 

2° Dissolution de l’extrait dans une solution d’acide tartrique, et agitation 
avec le chloroforme, qui sépare la colchicine du tartrate primitif et qui, par 
évaporation, abandonne les cristaux que j'ai l'honneur de présenter à la 
Société, 


SÉANCE DU 9 AVRIL. 219 
RE Te 

Voici les détails de l'opération. 

Nous prenons 34 kilogrammes de semences de colchique que nous épui- 
sons par lixiviation au moyen de 100 kilogrammes d’alcool fort à 96 degrés. 

Les liqueurs réunies et filtrées sont distillées à la plus basse température 
possible afin de retirer la totalité de l’alcool. 

L’extrait obtenu est agité à plusieurs reprises avec son volume d’une 
solution d’acide tartrique au vingtième, opération qui a pour but de sé- 
parer les matières grasses des huileuses; cependant les liqueurs acides en 
retiennent encore une notable quantité, qu’on enlève par des agitations ré- 
pétées avec de l’éther à 62 degrés, lavé à l’eau. 

On filtre et on agile ces liqueurs contenant toute la colchicine à l’état de 
tartrate avec du chloroforme qui, s’emparant de l’alcaloïde seulement (l’a- 
cide tartrique restant dans la solution aqueuse) l’abandonne par évapora- 
tion à l’état cristallisé. 

De la sorte, on obtient un produit encore impur et imprégné de matière 
colorante; on le reprend par un mélange de chloroforme, d'alcool et de 
benzine et, peu à peu, on arrive à isoler les cristaux incolores constituant 
la colchicine à l’état de pureté. 

Cette méthode nous permet de retirer des semences de colchicine une 
quantité de principe immédiat qui n’est pas inférieur à 3 grammes par kilo- 
gramme. 


3° Réactions de la colchicine cristallisée. — 1° Les acides sulfurique, 
chlorhydrique, phosphorique, forts ou dilués, dissolvent la colchicine et la 
colorent en jaune-citron; 

2° L’acide azotique lui communique une coloration violacée non persis- 
tante ; 

3° La potasse et la soude ne la précipitent qu’en solution acide et sous 
l’action de la chaleur ; 

4 Par le tannin, il se produit un précipité blanc cailleboté ; 

9° Par le bichlorure de platine, il y a formation d’un précipité abon- 
dant, de couleur rouge et d’aspect cristallisé ; 

6° L’eau iodée donne un précipité brun ; 

1° Par l’iodure double de mercure et de potassium, il se forme un pré- 
cipité jaune, mais en solution acide seulement ; 

8° Enfin l’iodure de potassium ioduré y détermine un précipité jaune- 
marron. 


Cette Note n’est que le prélude d’un travail ultérieur qui comprendra 
l’étude complète de la colchicine cristallisée, au double point de vue chi- 
mique et physiologique. 


M. Lagonpe. Je n'ai pu faire encore avec ce nouveau produit qu’un cer- 
tain nombre d'expériences d'ensemble, qui ne me permettent pas d’entrer 
aujourd’hui dans les détails de son mode d’action physiologique. Il résulte, 


9290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


toutefois, de ces premiers essais, et je puis dire dès à présent que l’activité 
de cet alcaloïde ne se manifeste, d’une façon appréciable, qu'à des doses 
relativement élevées. Il rentre, à cet égard, dans la catégorie des principes 
immédiats qui demandent à être dosés par centigrammes et non par milli- 
grammes. Ainsi sur des cobayes du poids moyen de 450 grammes, la dose 
physiologique est de 2 à 3 centigrammes, et la dose toxique de 6 centi- 
grammes (dose toxique amenant la mort en une heure environ). Un état de 
collapsus, ou stupeur, est le principal effet général de son action. Le fonc- 
tionnement du cœur et les phénomènes respiratoires mécaniques sont no- 
tablement modifiés sous son influence. Je reviendrai prochainement, je le 
répète, sur ces modifications, mon intervention ayant surtout pour objet 
aujourd’hui de sauvegarder la priorité de la recherche chimique. 


NOTE RELATIVE A L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA VITALITÉ DES 
MIGRO-ORGANISMES D'EAU DOUCE ET D'EAU DE MER, par M. CERTES. 


J’ai l’honneur de présenter à la Société de biologie la Note que j'ai 
déposée à l’Académie, dans la séance du 17 mars dernier, sur les cul- 
tures à l'abri des germes, des eaux et des sédiments du Travailleur et du 
Talisman (1). À celte occasion, je demande la permission d’exposer briève- 
ment le résultat des nouvelles expériences que j'ai faites sur divers organismes 
microscopiques, en les soumettant à de hautes pressions pendant un temps 
qui à varié de sept heures à sept jours pleins. Cette communication, je 
l'espère, aura pour effet d’atténuer, sinon de faire disparaître entièrement, 
les divergences plus apparentes que réelles que M. le docteur Regnard vous 
a signalées dans la dernière séance entre les conclusions de ses expériences 
et les miennes. C’est ainsi que je partage entièrement cette opinion de 
M. Regnard, « que les infusoires de la surface de la mer ne sauraient, sauf 
acclimatement lent, vivre dans les profondeurs, et que pour ces êtres 
il doit, comme pour tous les autres, exister une faune abyssale ». 

Il n’en est pas moins vrai que nos expériences diffèrent et par Le but que 
nous poursuivons et par les conditions dans lesquelles elles sont exécutées, 

En ce qui me touche, je me suis proposé de rechercher par quels pro- 
cédés, dans les grands fonds de la mer, la matière organique était ramenée 
à l’état inorganique. À la suite de l'expédition du Travailleur, en 1881, 
j'ai d’abord cherchéles microbes directement, par l’examen microscopique, 
dans les sédiments fixés par l’acide osmique et traités par les réactifs colo- 
rants. Ne trouvant rien de ce côté, j'ai eu recours à la méthode des cultures; 
mais dès le début, je n’ignorais pas qu'il ne suffirait pas d'obtenir des 


(1) Comptes rendus, n° 11, p. 690. 


SÉANCE DU 5 AVRIL. 9291 


microbes authentiques des grands fonds, comme ceux obtenus avec les 
matériaux recueillis, sur ma demande, par le Talisman, et qu’il me fau- 
drait encore replacer ces microbes dans leurs conditions normales d’acti- 
vité physiologique. Ces conditions sont difficiles à réaliser et, ne füt-ce qu’à 
titre d'essai, j'ai dû tout d’abord rechercher quel est l'effet des hautes 
pressions sur les organismes unicellulaires, infusoires et microbes, que 
nous trouvons à la superficie. J’ai dû aussi me préoccuper d'éviter les 
compressions et les décompressions brusques qui, bien évidemment, ne se 
rencontrent qu'à l’état d'accident dans la nature. 

Sur ma demande et sur les indications obligeantes de M. Cailletet, 
M. Ducretet a légèrement modifié le dispositif des appareils de l’éminent 
physicien. Dans les appareils dont je me sers, il y a deux récipients et deux 
manomètres au lieu d’un. Les récipients sont isolés ou mis en communi- 
cation, à volonté, à l’aide d’un robinet, ce qui permet d’emmagasiner la 
pression ou d'opérer la décompression sans trop de précautions, dans le 
premier récipient. On peut ensuite, à l’aide du robinet, transmettre l’effet 
obtenu, d’un récipient à l’autre, aussi lentement qu'on le veut. C’est ainsi 
que dans toutes mes expériences, sauf en cas de fausse manœuvre, j'ai 
mis près d’une demi-heure pour passer de 0 à 500 atmosphères et réci- 
proquement. 

M'inspirant des mêmes préoccupations, je n’ai jamais cherché à 
dépasser 400 à 500 atmosphères, qui représentent la pression moyenne des 
profondeurs relevées par les expéditions sous-marines. 

Si j'ai bien compris les diverses communications de M. le docteur 
Regnard, ces conditions, sauf en ce qui touche l’expérience dont il vous a 
rendu compte dans la dernière séance, diffèrent sensiblement de celles 
dans lesquelles il s’est placé. Il n’y à donc rien d'étonnant à ce que les 
résultats auxquels je suis arrivé diffèrent des siens. 

En opérant comme je viens de le dire, et après avoir toujours eu soin 
de déterminer à l’avance les espèces d’infusoires ou de micro-organismes 
que je mettais sous pression, j'ai constaté ce qui suit. 

A 100 et 300 atmosphères maintenus pendant 7, 24, 48 et 72 heures, cer- 
tains organismes sont tués; d’autres sortent de l’appareïil aussi vivaces 
qu'ils y étaient entrés ; d’autres enfin tombent dans cette vie latente dont 
nous a parlé M. le docteur Regnard. 

À 450 et 500 atmosphères, le nombre des organismes vivants diminue, 
celui des organismes tués ou tombés en vie latente augmente. Dans la pre- 
mière expérience, — dont j'ai déjà rendu compte à l’Académie, — les 
Chlamydococcus pluvialis soumis pendant sept heures à une pression de 
100 à 300 atmosphères étaient tous sortis de l’appareil aussi vivaces qu’en y 
entrant. La plupart des autres infusoires étaient morts. Dans une seconde 
expérience prolongée pendant quarante-huit heures, à 300 atmosphères, 
les infusoires d’eau douce : Paramecium colpoda et Vorticelles, étaient 
tombés en vie latente; d’autres étaient morts. Au contraire des Euplotes 


299 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


charon, des Euplotes patella et des Pleuronema marina, infusoires ma- 
rins, étaient restés mobiles. D’autres espèces et notamment des Holosticha 
flava et des Actinophys étaient mortes. 

Dans la dernière expérience que j’ai faite, des organismes d’eau douce ont 
été maintenus pendant trente-six heures à la pression de 520 atmosphères. 
A la sortie de l'appareil, la plupart des Chlamydococcus paraissaient être 
en vie latente; quelques-uns même étaient tués; d’autres étaient encore 
mobiles; mais les individus complètement verts avaient résisté en plus 
erand nombre que ceux dont la chlorophylle commençait à prendre la cou- 
leur rouge. Dans ces mêmes tubes, j’ai pu montrer à deux de vos collègues, 
un quart d'heure après la sortie de l’appareil, des Rotifères en pleine acti- 
vité. Les Tardigrades qui élaient tombés dans ” vie latente, se sont réveillés 
plus tardivement. 

Enfin dans toutes ses expériences, certains microbes, très abondants dans 
les tubes mis sous pression, disparaissent; d’autres se meuvent dès leur 
sortie de l'appareil. 

Il semble donc que, dans les conditions où je me suis placé, l’effet des 
hautes pressions varie non seulement d'espèce à espèce, mais aussi, dans la 
même espèce, d’individu à individu. Il semble surtout qu’il n’est pas indif- 
férent de produire la compression ou la décompression plus ou moins ra- 
pidement. Il n’est donc pas impossible qu'avec des pressions plus fortes, 
prolongées pendant plus longtemps, aucun des organismes de la superficie 
ne résiste et que tous indistinctement ne soient tués. C’est une expérience 
à faire. 

Je ne saurais passer sous silence l'effet des hautes pressions sur la bac- 


téridie charbonneuse. Avec M. Roux, nous avons soumis du sang charbon- 


neux à une pression de 600 atmosphères pendant vingt-quatre heures. Ge 
sang a conservé toute sa virulence et les cultures qui en ont été Hate ont 
pleinement réussi. 

Dans aucune de ces expériences, on le voit, je n’ai encore abordé le pro- 
blème de la fermentation ni celui de la putréfaction. Les résultats obtenus 
par M. le docteur Regnard avec la levure me paraissent d’ailleurs concorder 
avec ce que l’on savait déjà du sommeil des cellules mycodermiques qui se 
rencontrent dans les vins mousseux et sucrés. À un moment donné, ces cel- 
lules ne décomposent plus le sucre, soit qu’elles subissent l’action paraly- 
sante de l’acide carbonique, soit que la nourriture leur fasse défaut, soit 
enfin, comme semble le confirmer l’expérience de M. le docteur Regnard, 
que la pression produite par la tension du gaz fasse obstacle à la fermenta- 
tion. Mais on peut encore se demander si d’autres ferments, et notamment 
ceux des grands fonds, n’obéissent pas à d’autres lois. C’est la question que 
je me suis posée et que j'essaye de résoudre en ce moment. 


Se ME a le sr 


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s'éacaal 


SÉANCE DU 9 AVRIL. :223 


SUR L'ORIGINE DU SUCRE DU LAIT, par M. Paul BERT. 


Pendant la période de lactation, la glande mammaire produit des quan- 
tités considérables de lactose. D’où vient ce sucre? Deux hypothèses peuvent 
être faites sur son origine. 

Suivant l’une, il serait formé sur place, dans la glande même, aux 
dépens de quelque matière lactogène plus ou moins analogue au glyco- 
gène hépatique découvert par Claude Bernard. Suivant l’autre, il serait 
apporté par le sang, et la glande ne ferait que l’exeréter; 1l faudrait alors 
supposer que le sucre se forme en excès dans l’organisme après l’accouche- 
ment, et qu'il est emmagasiné dans les mamelles. 

Pour juger cette dernière hypothèse, j'ai eu l’idée d'enlever les glandes 
mammaires avant la gestation, et d’examiner les urines après l’accouche- 
ment. Si le sucre est formé en excès dans l’organisme, il devra être excrété 
aussitôt par les reins, et l’animal deviendra pour un certain temps glyco- 
surique. 

Je fis cette expérience en 1878 sur une femelle de cochon d'Inde, dont 
les urines ne montrèrent pas trace de sucre; j’appris alors que M. de Sinéty 
avait déjà fait la même opération, mais dans un autre but, et qu’elle lui 
avait donné également chez une femelle de cobaye le même résultat. 

Je me mis alors à la recherche d’une matière glycogénique dans le tissu 
même de la mamelle. Je traitai ce tissu comme Claude Bernard l’avait 
fait pour celui du foie, par l’emploi alternatif de l’eau bouillante comme 
dissolvant et de l’alcool comme précipitant du lactogène cherché. Des ana- 
lyses multiples m’ayant donné des résultats singuliers et peu concordants, 
j'eus recours à M. Schützenberger qui voulut bien m'aider dans cette étude 
de ses conseils si autorisés. 

Un grand nombre de mamelles de vaches et de chèvres furent examinées 
par lui; il parvint à extraire de quelques-unes d’entre elles, et particuliè- 
rement de celles qui n'étaient pas en état delactation, de très petites quan- 
tités d’une matière que l’acide sulfurique transformait en sucre, sans que 
la salive, la diastase ou le suc pancréatique pussent en faire autant. 

* Il est bien évident que cette matière ne peut jouer un rôle important dans 
la production du sucre du lait, et je fus conduit à revenir à l’autre hypo- 
thèse et à refaire mon expérience première. 

Cette fois, au lieu de femelles de cochon d'Inde, animaux de petite taille 
et d’une puissance lactogène très faible, j'opérai sur une chèvre qui, les 
mamelles enlevées, et bien guérie de l'opération, fut conduite au bouc en 
même temps qu’une autre chèvre laissée dans l’état normal. 

Les deux animaux mirent bas le même jour (14 mars 1883). Or, tandis 
que l’urine de la chèvre non opérée ne contenait pas trace de sucre, on en 
trouva en abondance dans celle de la chèvre sans mamelles, les deux ani- 


294 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


maux étant nourris et soignés de même. Malheureusement, les effets de 
succion faits par le petit chevreau sur les mamelons, amenèrent dès le 
troisième jour une inflammation locale suivie d’un phlegmon, et tout natu- 
rellement Le sucre disparut dès le début des accidents inflammatoires. 

Je crus devoir en conséquence, avant de rien publier, recommencer 
l'expérience. Le 22 mars de cette année, une autre chèvre à laquelle j'avais 
enlevé les mamelles et les mamelons mit bas, et ses urines qui pendant la 
durée de la gestation ne contenaient pas trace de sucre, se montrèrent 
aussitôt après l’accouchement capables de réduire avec énergie la liqueur 
cupro-potassique. La proportion de sucre se maintint très forte pendant trois 
à quatre jours, puis elle diminua, et, le 31 mars, le sucre avait presque en- 
tièrement disparu. 


Ces deux expériences très nettes et très concordantes m’autorisent donc à 
conclure que le sucre du lait est produit par l’excrétion mammaire du 
sucre fabriqué en excès par l'organisme après la parturition. 

Où se forme ce sucre? Très vraisemblablement dans le foie. Y apparaît- 
il de suite à l’état de lactose, ou bien à l’état habituel de glycose, la trans- 
formation en lactose se faisant dans la mamelle? (C’est une question 
qu’aidera à résoudre l’analyse soignée des urines sucrées, mais que je wai 
pu aborder encore. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


A ST 


#8 


SÉANCE DU 5 AVRIL 1884 


(Suite. ) 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


DE QUELQUES FONCTIONS MÉDULLAIRES CHEZ LE CHIEN, par le docteur Coury 
(de Rio-de-Janeiro). Note présentée par M. BOCHEFONTAINE. 


J’ai commencé depuis cinq mois des expériences sur la moelle, et dans 
un sujet aussi vaste et aussi difficile à considérer dans son ensemble, je 
crois bon de donner des résultats provisoires qui peuvent servir de point 
de départ pour d’autres, comme ils le sont pour moi. 

Je les classerai d’après l’ordre dans lequel je les ai recherchés, sans” 
m'occuper aujourd’hui de leur liaisons réciproques ou de leur comparaison 
avec de nombreux fails déjà connus. 

Mes premières constatations sont relatives au mécanismedes mouvements 
produits par les excitations périphériques ; elles ont comme les autres porté 
sur des chiens. On pincelégèrement les orteils d’un animal normal, il retire 
la patte ; on électrise son sciatique avec un courant faible, il fléchit le mem- 
bre. Ces deux contractions sont considérées partout comme analogues, et 
on les confond sous le nom de réflexes ; cependant leurs caractères physio- 
logiques présentent de grandes différences. Pour le montrer, il suffit de 
chloraliser un chien de moyenne taille, vigoureux et en bon état, l'animal 
perd d’abord ses mouvements volontaires, il tombe et reste étendu, conti- 
nuant à respirer. [Il a reçu par exemple trois grammes de chloral par la 
veine saphène. On pince, on presse, on pique une de ses paltes, il ne retire 
pas le membre, les mouvements périphériques d'origine cutanée sont sup- 
primés comme les mouvements volontaires. Alors on découvre le nerf scia- 
tique, on lélectrise, et la cuisse se fléchit comme à l’état normal, on élec- 
(rise avec un courant plus fort, et, si la dose w’est pas trop forte, l’antmal 
pousse encore de pelits cris aphones. 

La quantité d’anesthésique qui est suflisante pour supprimer les mouve- 
ments appelés volontaires et les mouvements ‘consécutifs aux excitations 


(1) Communication faite dans la séance du 29 mars 1884. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 15. (RE) 


9296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


cutanées sensorielles, a donc laissé persister pendant un certain temps les 
réactions douloureuses et d’une façon durable les réflexes produits par 
l'excitation du sciatique, et comme il est facile de s’en convaincre en met- 
tant à nu le cerveau, elle n’a pas supprimé non plus l’excitabilité électrique 
des circonvolutions du gyrus. 

Il faudra des doses de chloral beaucoup plus fortes, huit, dix grammes au 
lieu de trois, pour faire cesser à peu près en même temps les contractions 
produites par lélectrisation du cerveau et par celle du sciatique, comme 
aussi pour arrêter la respiration spontanée. 

Cette résistance plus grande des réflexes produits par les exeilations des 
nerfs correspond bien à des différences du mécanisme physiologique. Si 
on lie la moelle, au niveau du dos, sur un chien normal et que l’on com- 
pare les mouvements d’origine cérébrale du train antérieur aux mouvements 
d’origine périphérique qui restent seuls possibles dans le train postérieur, 
on constate qu'il suffit de faibles doses de chloral pour faire disparaitre les 
mouvements volontaires dans le train antérieur etles mouvements produits 
par l'excitation des pattes dans le train postérieur, tandis qu'il faudra em- 
ployer des doses deux ou trois fois plus fortes pour que Pélectrisation du 
cerveau ou du boul central du sciatique n’agisse plus sur les muscles. 

Ces observations de dissociation des divers ordres de contractions peu- 
vent être répétées avec quelques variantes, dans divers états loxiques : 
curarisation, alcoolisation, strychnisation, et surtout dans divers étais 
pathologiques expérimentaux ; et leurs résultats doivent être considérés 
comme absolument certains. 

Au lieu de continuer à diviser les mouvements suivant leur origine céré- 
brale ou périphérique, nous devons les distinguer par leur mécanisme 
médullaire plus ou moins compliqué ; et, tout en admettant toutes les for- 
mes de transition possible, entre les mouvements volontaires et le réflexe 
par excitation du nerf, nous pouvons opposer les contractions associées, Sin 
ples, en quelque sorte élémentaires, produites par l’électrisation du cerveau 
ou par celle du sciatique, aux mouvements compliqués, utiles, consécutils 
aux fonctionnements normaux du cerveau ou des organes sensoriels péri- 
phériques. 

Après avoir ainsi rapproché physiologiquement par leur rôle dans les 
mouvements deux ordres d'appareils que l'anatomie a justement séparés, 
j'ai cherché si toutes les excitations périphériques se comportaient de la 
même façon par rapport aux fonctions motrices de la moelle, du bulbe, et 
j'ai obtenu des résultats encore plus inattendus. 

Ce chien est debout ou couché, je touche, je presse légèrement ses orteils 


ou l'extrémité des pattes, il retire ou il remue le membre correspondant, 


et ilreste partout ailleurs complètement immobile. Je pinee plus fort; 
l'animal tourne la tête; je pince plus fort, il crie. Ayant constaté cette 


succession de divers ordres de mouvements, locaux et généralisés, je cher- 


che à en produire d’analogues en excitant d’autres parties dela peau,et je ne 


ne PRES, a 2 Ru 


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SÉANCE DU 9 AVRIL. 99] 


a a — 


peux pas les obtenir. Je pince ou je presse la peau de la cuisse ou celle de 
l’aine, le chien relève bien le membre, mais en même temps il tourne la 
tête et il ere, je pince la peau du cou, je pince celle du ventre, le chien 
crie où agite l’ensemble du corps sans mouvement local; je pince dans la 
région du dos, et je produis, pour certaines races, un mouvement local de 
la peau ; mais pour d’autres, les cris et l’agitation générale sont aussi la 
réponse unique et immédiate. 

La conclusion de ces faits est facile à poser. La distinction des mouve- 
ments réflexes locaux et des réactions générales n’est possible sur le chien 
que pour des régions cutanées étroites. La plupart des excitations de la 
peau, si bien graduées soient-elles, déterminent d'emblée, si elles sont sui- 
vies d'effet des réactions motrices généralisées plus ou moins douloureuses, 
et, comme le prouvent d’autres faits que je fournirai plus tard, la sensi- 
bilité de toute la surface du corps, au moins sur le chien est obtuse, et peu 
développée ; les pattes peuvent seules être considérées commes des appa- 
reils sensoriels, capables de déterminer à la façon du cerveau des mouve- 
ments médullaires compliqués. 

Après avoir subdivisé les contractions dites réflexes en deux classes, mou- 
vements compliqués plus ou moins analogues aux mouvements volontaires. 
et contractions simples plus ou moins analogues aux contractions produites 
par l’électrisation du cerveau ; après avoir limité la production des mouve- 
ments sensoriels compliqués à certaines zones nerveuses très étroites pour 
ie chien, l'extrémité des pattes et obscurément le dos, j'ai cherché à étudier 
leurs conditions diverses ; et je n’ai pas eu de peine à me convaincre de l’in- 
suffisance des lois déduites de l'étude de la grenouille ou fout au moins de 
l'impossibilité de les appliquer à toutes les espèces. 

Ainsi, sur des chiens j'ai excité comparativement deux nerfs des membres 
antérieurs el postérieurs, ef voici Ce que j'ai vu : 

Je prends d’abord un sciatique, le droit par exemple: j’excite un bout 
central à 56, courant du chariot du Bois-Reymond, aucune contraction ; à 
94, léger mouvement de la patte ; à 52, tout le membre se fléchit ; à 50, 48, 
mème mouvement, et en plus quelquefois léger mouvement du membre 
antérieur du même côté ou de la tête, d’autres fois, cris légers ; à 46 ou à 
4%, 42, l'animal fléchit le membre droit et en même temps crie et agite tout 
le corps. 

Jai répété cet examen sur plus de vingl animaux et je n'ai jamais pu 
obtenir de contractions limitées aux deux membrés postérieurs en exci- 
tant un seul des nerfs sciatiques : la loi de Pirradiation transversale ne: 
s'applique donc pas au chien, ou du moins à la partie dorso-lombaire de sx 
moelle. 

Etudions maintenant le bout central du nerf médian, qui est d'ordinaire 
un peu plus sensible. Le courant 58 ou 60 sera suffisant pour faire contrac- 
ter légèrement les orteils ; à 56, le membre aura un mouvement d'ensemble; 
à 53 ou 92, le membre antérieur opposé entrera lui aussi en contraction; 


228 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


à 48 ou 46, l’animal poussera des cris, en même temps qu'il remuera tous 
les membres. 

Sans entrer dans l’examen des variations individuelles, qui peuvent être 
très grandes, et sans perdre de temps à indiquer les petits moyens néces- 
saires pour bien examiner ces faits, nous voyons que l'influence du sciati- 
que en se généralisant s'exerce longitudinalement ; tandis que l'influence 
du médian et aussi des autres nerfs brachiaux s'exerce transversalement. 
Ainsi, les règles de l’irradiation ne sont pas les mêmes pour les deux ré- 
sions antérieure et postérieure de la moelle; et, au moins sur le chien, l'or- 
gane spinal présente dans ses diverses parties un fonctionnement et des 
relations spéciales. 

Cependant au milieu de ces variations, les phénomènes produits par 
l’électrisation des nerfs des membres, les seuls que nous étudiions main- 
tenant, présentent une marche semblable: ces excitations déterminent 
d’abord des mouvements locaux par l'intermédiaire de la partie de moelle 
en rapport avec les nerfs, plus tard des mouvements généraux d’agitation 
et de douleur par l'intermédiaire d'organes plus éloignés, et cette sueces- 
sion constante fournit un moyen de mesurer ces fonctions réflexes motrices 
aropres à la moelle; puisqu'une simple section de cet organe permet 
«e les isoler. 

A l’état normal, le bout central du sciatique aura besoin du courant 54 
pour déterminer une contraction des orteils, et du courant 47 pour déter- 
miner des cris et de l'agitation. Me servant d’un mot qui n’engage en rien 
la nature des phénomènes, je dirai que 54 mesure l’excito-motricité de la 
moelle dorso-lombaire, et 46 l’excito-motricité généralisée ; et j’appellerai 


zone des réactions locales médullaires la distance d’excitation comprise entre. 


o4et 46. Cette différence des courants minimum et maximum capables 
d'agir sur l’organe spinal pour modifier les autres est donc égale, pour cet 
animal, à 8 divisions du chariot ; comme nous allons le voir, les variations 
de cette zone sufliront à nous renseigner sur la nature des divers troubles 
médullaires. | 

Je ne dirai rien des différences souvent fort grandes que ces réactions 
locales peuvent présenter d’un animal à l’autre ou même d’un moment à 
l’autre d’une même expérience, sous l'influence de conditions diverses, du 
reste analvsables ; et je passe à l’étude des variations plus durables pro- 
duites par des états pathologiques absolument vulgaires. 

Quel est, par exemple, l’état des réactions de la moelle dans la partie 
qui correspond à un membre contracturé, en quoi se différencie-t-il de 
l’état normal ou de l’état paralytique ; comment séparer physiologiquement 
l'anesthésie de l’hyperesthésie ; autant de questions que j'ai pu facilement 
poser et résoudre en partie. 

J'ai fait environ cinquante expériences de lésions de la moelle, soit en 
découvrant complètement l'organe, soit en allant simplement le piquer à 
travers une perforation des vertèbres, lautopsie indiquant ensuite la 


LE nl os 


A 


EL 


SÉANCE DU 9 AVRIL. .. 299 


valeur de la lésion, et j’ai pu examiner des troubles fort divers. Je n’ai 
jamais observé que l’excitabilité du nerf correspondant à la moelle lésée 
pût devenir plus grande que l’excitabilité d’un nerf sain ; et, hormis les cas 
de section complète de la moelle, — où l’on constate quelquefois, mais non 
toujours, une augmentation légère de l’excitabilité des nerfs centripètes 
situés en arrière de la lésion, sans que cependant cette excitabilité s’élève 
jamais au-dessus de chiffres que l’on peut obtenir à l’état normal, — j'ai tou- 
jours vu les lésions de la moelle diminuer plus ou moins la sensibilité de 
l'organe et sa facilité à répondre aux excitants divers. 

Dans les cas plus simples et plus probants, où les phénomènes de 
contracture, de tremblement ou de paralysie sont unilatéraux et permettent 
de comparer le même nerf des deux côtés, j'ai toujours vu le bout central 
du nerf sciatique ou celui du médian être moins excitables du côté troublé 
que du côté sain, quelle que fût la forme du phénomène moteur. J'en ai 
conclu que la vieille distinction des troubles d’excitation et de paralysie 
était inexacte, puisque les contractures ou les tremblements s’accompa- 
gnaient, eux aussi, d’une diminution de la sensibilité de la moelle aux 
divers excitants. 

Alors, poussant plus loin lPanalyse, j'ai étudié spécialement certaines 
formes pathologiques ; et pour plus de facilité j’en distinguerai trois qui 
sont depuis longtemps décrites : la contracture constante ou par accès avec 
hyperesthésie, qui est la réaction ordinaire immédiate des piqüres unilaté- 
rales de la moelle; la contracture moins marquée avec anesthésie commen- 
çante ;: enfin, la paralysie avec anesthésie, qui est l’aboutissant commun 
des lésions de la moelle assez durables et assez étendues. 

Je prends un chien dont la moelle a été piquée à gauche, comme le 
montrera l’autopsie. L’instrument perforant ayant fait une plaie extérieure 
très petite, l’animal est en bon état, mais son membre postérieur gauche 
est gêné dans les mouvements et de loin paraît paralysé ; il reste tendu en 
en arrière dans la marche ou traîné sur le dos de la patte. En le saisissant, 
je constate d'ordinaire qu'il est raide, résistant aux pressions, en un mot 
plus ou moins contracturé. J’étudie la sensibilité ; mais chaque fois que je 
touche la patte assez fort pour être senti, l'animal, au lieu de retirer le 
membre, pousse des cris perçants et cherche à se défendre; ce côté est donc 
hyperesthésié, comme on l’a depuis longtemps indiqué. 

Alors je découvre les deux sciatiques et je compare leur bout central. 
Le nerf droit, le nerf du membre sain, est sensible à 48, le nert gauche, du 
membre contracturé, est sensible à 48, 46 ou 44 : la différence de mini- 
mum est donc légère et inconstante ; mais si elle existe, ce qui est l’ordi- 
naire, elle indique une diminution de la sensibilité de la moelle du côté 
lésé. 

L’hyperesthésie n’est donc qu’apparente, ou plus exactement elle est 
produite par une perturbation et non par une augmentation de fonction. 
Voici en quoi consiste la perturbation, 


230, : SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


À droite le bout central du sciatique détermine des mouvements du 
membre si on l’excite à 48, mais il faut employer 36 ou même 34 pour 
produire des signes de douleur : la zone des réactions locales de la moelle 
est donc conservée ; assez souvent même elle est un peu augmentée, ce qui 
explique la diminution apparente de sensibilité de la patte. Au contraire, à 
gauche du côté hyperesthésié, le même courant minimum produit à la fois 
un mouvement local et des cris répétés ; et si, par exemple, 46 fait remuer 
le membre, 45 ou 44, quelquefois même 47 ou 48 seront suffisants pour 
faire: crier l’animal. 

L’hyperesthésie n’est donc pas déterminée par une plus grande sensibi- 
lité de la moelle ou du nerf, mais par une facilité plus grande de la conduc- 
lion des excitations vers les organes éloignés de la douleur ou des cris ; 
l’action isolée de l'appareil spinal est diminuée ou supprimée dans la 
partie correspondante au membre hyperesthésié, el cette diminution de la 
fonction locale indique, évidemment, une diminution de la fonction 
normale. 

De plus, tandis que, dans les conditions physiologiques, les excitations 
légères produisent une contraction, si les membres sont contracturés, les 
excitations font cesser la contracture et mettent les membres en relàche- 
ment, Si bien que le nerf sensitif excito-moteur est devenu un nerf d'arrêt. 

Voilà pour l’hyperesthésie : les autres formes de trouble par lésions de 
la moelle sont aussi faciles à comprendre. 

Un membre est paralysé avec accès de contracture passagère et en même 
temps il est peu sensible. On compare Les deux nerfs; dans le membre sain, 
le bout central du sciatique sera sensible à 50 et il faudra employer 4% 
ou 42 pour changer la position du membre et 36 pour obtenir un eri; les 
deux excito-motricités locale et générale sont légèrement abaissées, et la 
zone des réactions purement médullaires est peu modifiée. 

Enfin, dans les cas de myélite unilatérale un peu étendue, avec paralysie 
plus complète qui porte à la fois sur les mouvements et sur la sensibilité, 
les différences des deux côtés de la moelle deviennent encore plus grandes. 

Alors les nerfs des membres sains déterminent ds mouvements réflexes 
si on les excite à 52 ou 50 ou 48, tandis qu'il faut employer 38, 36 ou 34 sur 
les nerfs des membres paralysés, et les courants 28, 25 et même 20 seront 
nécessaires pour produire des signes légers de douleur. 

Je pourrais analyser longuement ces résultats, mais je préfère les fournir 
tels que je les ai obtenus, me réservant de déduire leurs conséquences 
lorsqu'ils auront été complétés et aussi vérifiés par d’autres expérimenta- 
teurs. Je dirai simplement que l’on peut réaliser, avec les intoxications, 
des troubles analogues. 

La strychnine, je lai déjà publié, agit comme les contractions hvper- 
esthésiques. R 

Si l’on opère, ce qui est indispensable, avec des précautions suffisantes, 
en prenant un chien normal, sans chloral ou sans autre agent d’immobilisa- 


Ms 


SÉANCE DU D AVRIL. 231 


tion; si on laisse reposer l’animal après la mise à nu du nerf, pour bien 
constater, comme point de départ, l’état normal et non un premier état 
d’épuisement, on observe que pour les doses de strychnine petites ou 
moyennes, l'excitabilité minimum du nerf n’est pas augmentée, et qu’elle est 
diminuée pour les doses fortes ou pour les petites doses répétées. 

Pendant que le minimum d’exeitation reste fixe ou s’abaisse, la forme 
des réactions est modifiée, et la zone d'action isolée de la moelle est dimi- 
nuée ou supprimée ; à l'état normal, le courant 52 par exemple produisait 
un réflexe et le courant 42 un eri et de l’agitation généralisée ; après la 
strychnine, le courant 50 ou 46 sera seul senti, mais il produira une se- 
cousse ou une convulsion d'ensemble. 

A l’opposé de la strychnine nous pouvons placer le chloral. Ce poison, qui 
permet de dissocier les mouvements compliqués produits par les excitations 
des pattes ou par les incitations volontaires, agit sur les fonctions de la 
moelle comme les lésions paralysantes. Presque dès le début de son action, 
il diminue l’excito-motricité locale et il diminue encore plus l’excito-motri- 
cité générale, si bien que la zone de fonctionnement de la moelle parait 
agrandie. Puis bientôt les réactions générales disparaissent entièrement, et 
les contractions réflexes isolées persistent seules, même pour des doses 
beaucoup plus fortes. / 


Je n’insiste pas davantage; on voit que ces constatations précises, faciles 
à répéter, offrent une base nouvelle aux études sur les fonctions de la 
moelle et du bulbe, et j'espère pouvoir montrer, par des recherches déjà 
commencées, que ce point de départ peut ainsi se résumer : On doit cher- 
cher dans les organes spinaux le mécanisme et le point de départ de tous 
les phénomènes moteurs ou sensitifs, conscients ou inconscients, en lais- 
sant au cerveau le monopole des phénomènes compliqués appelés psychiques 
ou intellectuels, suivant le point de vue où l’on voudra se placer. 


À PROPOS DU TÉTRACHLORURE DE CARBONE, par M. DASTRE. 


On est revenu à plusieurs reprises, dans les dernières séances, sur le 
rôle du tétrachlorure de carbone. La plupart des faits que l’on a indiqués 
étaient connus depuis assez longtemps ; je n’ai qu'à rappeler les indications 
que j'ai fournies dans mon travail sur les anesthésiques (1880-1881), 
p. 39: 

« Le tétrachlorure de carbone a été signalé par Morel (1876) comme un 
» anesthésique plus énergique que le chloroforme. Son étude a été reprise 
» par M. Laffont, dans sa thèse inaugurale (1877). Les expériences faites 
» sur les animaux montrent une première période d’excitation extrêmement 


232 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


» vive, marquée par des convulsions toniques et cloniques qui éclatent, dès 
» les premières inhalations, d’une façon presque instantanée. La pupille est 
» dilatée. — Lorsque, dans la seconde période, l’insensibilité survient, le 
» cœur est rapide et la pression baisse : l’action du vague sur le cœur serait 
» atténuée ou même annulée. Enfin, si lon pousse linhalation plus loin 
» encore, il y a collapsus, et la mort survient peu après comme dans l’in- 
» foxication profonde. 

» Cette substance n’a pas été essayée sur l’homme : ses effets connus ne 
» semblent autoriser aucune application à la chirurgie. » 


SUR L'ORIGINE DES KYSTES DES MACHOIRES DITS € PÉRIOSTIQUES ), 
par M. MaGiror. 


Je ne pensais pas devoir reprendre, aujourd’hui, la parole devant la So- 
ciété sur la question de l’origine des kystes des mâchoires de la variété 
périostique. Mais la communication de M. Malassez a pris un développement 
et une importance si considérables, que je crois devoir y revenir une der- 
uière fois afin de mieux préciser et de mieux faire comprendre ma manière 
de voir. 

Je dirai d’abord quelques mots de la question anatomique : 

M. Malassez refuse d'accepter pour cette couche de tissu qui tapisse la 
racine des dents, le nom de périoste, ne lui reconnaissant pas la compo- 
sition et la structure du périoste osseux nocival. 

Je ne serais pas loin de m’entendre à cet égard avec M. Malassez, car je 
n'ai jamais établi de mon côté de rapprochement complet entre le périoste 
osseux et le périoste dentaire. Jai décrit ce dernier comme une couche 
non disséquable à l’état normal, composée d'éléments divers, fibres de tissu 
conjonctif, éléments élastiques, vaisseaux, nerfs, etc., d’une épaisseur de 
O"",4 au maximum, c’est-à-dire à peine visible à l’œil nu, et voici entre des 
plaques de verre des lambeaux que j’ai détachés, sans grande difficulté, sur 
une dent saine. 

Cest donc pour me conformer à un vieil usage que j'ai conservé le nom 
de périoste, trouvant d’ailleurs le terme de ligament difficilement compa- 
tible avec toutes les questions de nosologie que soulèvent les maladies 
variées de ce Lissu. 

Mais si ce prétendu périoste est difficilement perceptible à l’œil nu dans 
l’état physiologique, il peut très rapidement, en quelques heures, sous l’in- 
fluence d'un traumatisme, par le fait d’une inflammation même légère, 
changer complètement d'aspect. Il se gonfle, s’épaissit, s’injecte et peut 
alors être aisément détaché, par les pinces, en lambeaux membraniformes. 


SÉANCE DU 9 AVRIL. 9233 


C’est au sommet d’une racine affectée de périostite chronique ou d’une 
de ces petites poches kystiques bien connues qu'il faut observer ces méta- 
morphoses : la mince couche fibreuse est devenue prodigieusement épaisse ; 
elle est le siège de proliférations multiples, fibroïdes, épithéliales et autres. 
Les divers éléments de sa constitution anatomique semblent y être devenus 
le siège d’hypertrophie ou d’hypergenèse, tandis que, d’autre part, la cavité 
qu’elles forment est occupée par le sommet radiculaire dénudé, résorbé, 
rugueux et que le point d'implantation de la poche se retrouve non loin du 
sommet sur une sorte de petite collerette d'insertion. 

A cet état en quelque sorte hypertrophique d’un kyste suceède bientôt la 
période d’amineissement lorsque le développement de la poche doit trouver 
ses moyens de distension dans les parois fibroïdes antérieures. 

Quoi qu’il en soit, c'est dans les petites poches kystiques du sommet des 
racines que M. Malassez a rencontré les productions épithéliales en forme 
de boyaux, cordons, globes épidermiques,végétations diverses qui ont attiré 
son attention. 

Mais alors, puisque les petits kystes ne sont, ainsi que tout le monde en 
convient, que l’état moins avancé des grands, comment se fait-il qu’au lieu 
de trouver, évidente et palpable, dans les petites poches, la démonstration 
de l'origine de nos kystes, M. Malassez et avec lui MM. Verneuil, Reclus, 
Nepveu sont allés la chercher dans les débris de bourgeons épithéliaux 
épars dans les mächoires comme trace de l’évolution folliculaire anté- 
rieure ? 

C’est substituer, en vérité, à une théorie très simple, une explication bien 
confuse et difficile. Mais ce n’est pas tout, et aucun fait ne vient donner 
créance à la théorie de ces messieurs, bien au contraire. Les faits observés, 
tous les faits el ils sont nombreux, restent conformes à l'explication que 
nous donnons. 

Voici quatre pièces que je mets sous les yeux de la Société et au moyen 
desquelles on assiste à l’évolution complète d’un kyste périostique. 


Première pièce. — Poche fibroïde épaisse coiffant le sommet d’une ra- 
cine — déchirée pendant l'extraction — fait très commun. 


Deuxième et troisième pièces. — Maxillaire supérieur d’un adulte, 
trouvé par M. Kirmisson, et contenant in situ deux kystes : l’un, gros comme 
un pois, développé du sein du tissu osseux et coiffant comme le précédent 
le sommet d’une racine dentaire ; l’autre, ayant pour point d’origine la ra- 
cine, et formant dans la fosse comme une cavité du volume et de la forme 
d'un œuf de pigeon. Au fond du kyste se retrouve le sommet rugueux de la 
racine dénudée jusqu'à la collerette d’où s'étale la paroi kystique. 


Quatrième pièce. — Maxillaire supérieur adulte, trouvé par M. Farabeuf, 
et dans le tissu duquel fait saillie une poche kystique à paroi ostéofibreuse 


934 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


et dont le point d’origine apparaît évident au sommet de la racine postéro- 
externe d’une molaire cariée et brisée. 


Quelle objection peut-on faire à des faits aussi démonstralifs? L'évolution 
tout entière d’un kyste périostique est là sous nos veux, palpable et évi- 
dente. 

Nous ne voulons pas, bien entendu, revenir sur la question de l’épithé- 
lium, dont la présence dans les kystes dits périostiques a conduit M. Malassez 
à chercher bien loin une explication qui était si près de lui. Ma réponse 
est dans ce fait anatomique que le périoste dentaire a lui-même pour ori- 
gine la paroi du follicule, laquelle est tapissée à sa face profonde par une 
couche épithéliale continue. 

C’est donc cet épithélium qui, dans la membrane devenue périoste, pro- 
lifère avec beaucoup d’autres éléments, et forme ces villosités, ces lam- 
beaux épithéliaux qui flottent dans les kystes. 

Comme conclusions dernières, je me résumerai de la manière suivante : 

1° Le développement d’un kyste dit périostique des mâchoires a pour 
unique processus le soulèvement du périoste au sommet d’une racine de 
dent. 

2° Tout développement d’un kyste périostique implique dans son origine 
un degré plus ou moins intense de périostite, de sorte qu’il serait exact de 
dire que la formation kystique n’est que l’une des terminaisons finales de la 
périostite. 

3° [1 n'existe, à ma connaissance, aucun cas de kyste périostique indé- 
pendant de tout rapport avec le sommet radiculaire d’une dent. 


4° Tout kyste périostique présente à l’examen direct les traits earacté- 


ristiques suivants : 

a. Siège constant au sommet d’une extrémité radiculaire ; 

b. Paroi empruntée au périoste, lequel, après s'être épaissi au début, 
s’amineit et se distend par le développement. 

ce. Le sommet radiculaire est dénudé, rugueux, résorbé et plonge dans la 
poche; 

d. Point d'implantation dans la poche kystique sur un niveau voisin du 
sommet et en manière de collerette circulaire. 


DE LA PÉNÉTRATION DU SUC GASTRIQUE DANS L’ALBUMINE COAGULÉE 
SÉJOURNANT DANS L’ESTOMAC, par M. À. HERZEN. 


Le travail de M. Ch. Richet (1) sur la diffusibilité de l’acide chlorhydro- 
peptique m'a vivement intéressé, car je m'occupe, depuis quelque temps, 
d’un sujet fort analogue. Le domestique de mon laboratoire est un jeune 


(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1884’, 21 mars. 


PRE EE 


SÉANCE DU 9 AVRIL. 235 


homme porteur d’une fistule gastrique ; la description de ce cas, au point 
de vue clinique, et de mes premières observations préliminaires sur sa 
digestion, se trouve dans la Revue médicale de la Suisse Romande, 15 jan- 
vier 1884. Cet hiver, j'ai entrepris, en collaboration avec M. le docteur 
Roux (de Lausanne), une série d'expériences destinées à constater, sur 
notre patient, l’influence (découverte par M. Schiff et si souvent constatée 
sur les animaux) exercée par certaines substances alimentaires sur la pro- 
duction ou sur la sécrétion de la pepsine. A celte occasion j'ai été conduit 
par le hasard à entreprendre une étude collatérale dont les résultats me 
paraissent avoir un certain intérêt, et qui ne manque pas d’affinité avec le 
travail de M. Ch. Richet sur la diffusion comparée de acide chlorhydrique 
seul et de ce même acide combiné à la pepsine ; de plus, mes résultats con- 
firment indirectement les siens. 

Afin qu’un liquide peptique digère, il ne suffit pas qu’il contienne de la 
pepsine, ni même de l'acide chlorhydropeptique; il faut qu’il contienne en 
outre une certaine proportion d'acide chlorhydrique libre. La présence de 
cet excès d'acide dans le suc gastrique est mise hors de doute par la magni- 
fique réaction violette qu'il donne avec une solution aqueuse de tropéo- 
line O0; ie souligne ces mots, car e’est là la manière la plus défectueuse, 
la moins sensible, d'employer ce précieux réactif; à plus forte raison, 
lorsque la réaction se manifeste, la preuve est certaine ; si au contraire 
elle ne réussit pas, on ne peut pas conclure à l'absence de l'excès d'acide, 
car la présence d’une certaine proportion de corps albumineux, qui ne 
manquent jamais dans le sue gastrique, suffit pour empêcher la réaction (1). 

Cela posé, voici mes observations : 


|. - Afin de constater la marche normale de la digestion et les modifica- 
lions qu’elle subirait sous les influences expérimentales que nous ferions 
successivement agir, nous introduisions dans l’estomac trois petits sacs en 
fil de soie à larges mailles, contenant chacun le même nombre de cubes 
d’albumine fraichement coagulée, du volume de 125 millimètres cubes 
environ, et un flocon de fibrine de sang de bœuf, du volume d’à peu près 
{ centimètre cube; les sachets en question étaient destinés à être retirés 


(1) Pour se convaincre de ce fait, il suffit de faire la réaction en versant quel- 
ques gouttes de tropéoline dans 1 centimètre cube d'HCI au 1 pour 1000 et d’y 
ajouter ensuite 1 centimètre cube de salive. La réaction disparaît. Cela montre 
de plus que pour l'empêcher il n’est pas nécessaire que l’acide soit combiné au 
corps albuminoïde présent: en effet, si la salive contenait 1 pour 100 de matières 
solides, ce qui est rare, si toutes ces matières étaient des albuminoïdes, ce qui 
w’arrive jamais, et si enfin ces albuminoïdes avaient la propriété de lier 10 
pour 100 d'HCI, ce qui est énorme, on devrait en ajoutant quelques nouvelles 
gouttes d'acide, obtenir la réaction sans retard; or on ne lobtient qu'en en 
ajoutant en excès relativement considérable. C’est donc la présence mène des 
corps albuminoïdes qui Pempêche. 


936 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


de l'estomac au bout d’une heure, de deux heures et de trois heures. La 
fibrine jouait le rèle d’un réactif très sensible, devant indiquer, par sa 
disparition, la présence d’un suc gastrique peptique, actif dès le commen- 
cement de l'expérience, ou bien l'absence du ferment peplonisant par sa 
conservation. L'état des cubes d’albumine devait indiquer la rapidité de la 
digestion. Sauf quelques cas exceptionnels, nous les avons vus décroître 
rapidement, surtout dans le deuxième et le troisième sachet. Afin de con- 
server un document objectif de nos résultats, nous mellions ces cubes, 
après les avoir bien rincés dans de l’eau distillée, dans de petites éprou- 
vettes remplies de glycérine mélangée avec son volume de solution saturée 
d'acide borique. 

Or il nous est arrivé assez souvent de trouver le contenu du premier 
sachet absolument intact, albumine et fibrine; et quelquefois, même dans le 
second sachet, il y avait encore un reste de fibrine et l’albumine n’était que 
superficiellementattaquée. Nous avons cru d’abord que dansces cas la pepsine 
avait été absente pendant la première heure après le repas et n’avait com- 
mencé à être sécrétée que dans le courant de la deuxième heure. Mais il 
n'en était pas ainsi: en effet, nous nous aperçümes bientôt que la fibrine 
se dissolvait dans le mélange giveéroborique, et que, la fibrine une fois 
dissoute, les cubes d’albumine commençaient, eux aussi, à prendre l'aspect 
caractéristique de cubes semblables en train d’être digérés; dans les 
éprouvettes qui n'avaient point contenu de fibrine, ils semblaient se con- 
server beaucoup mieux. Évidemment, la fibrine (et peut-être aussi l’albu- 
mine) s'était imbue de ferment, sans se dissoudre. Je résolus alors de sa- 
crifier toute notre collection afin de m’assurer de l’état des choses. Le mé- 
lange glycérique fut décanté et remplacé par de l’acide chlorhydrique à 2 
pour 1000 ; les éprouvettes furent mises à l’étuve, à 40 degrés. Le lendemain 
elles ne contenaient plus qu’un liquide limpide; toute l’albumine était dis- 
soute. [l n’y avait plus à douter du fait que même l’albumine coagulée 
absorbe et fixe une certaine quantité de ferment, quantité en tous cas suf- 
fisante pour sa propre dissolution. Je voulus alors voir combien de ferment 
elle fixait ainsi; dans ce but, je mis dans chacune des éprouvettes (elles 
étaient une quarantaine) un morceau d’albumine ; à ma grande surprise, 
il ne fut nullement attaqué, même au bout de plusieurs jours d’étuve; — 
sauf les quelques éprouvettes qui avaient contenu de la fibrine ; — à toutes 
celles où il resta intact, j'ajoutai alors un petit flocon de fibrine pour 
m'assurer si réellement il n’y avait plus une trace de pepsine; ce flocon, 
gonflé par l'acide, se maintint parfaitement entier pendant deux jours 
d’étuve. 

La conclusion qui ressort de ces faits est assez singulière : il y a des eir- 
constances (indéterminées) où l’albumine peut séjourner dans l'estomac 
une heure, et même deux heures, sans être visiblement attaquée, malgré la 
présence d’un ferment dont elle s’imprègne; les morceaux d’albumine re- 
tiennent, dans ces cas, juste la quantité de ferment requise pour leur 


SÉANCE DU 9 AVRIL. DST 


propre dissolution. Conséquence relative à la méthode de telles recherches : 
la non-dissolution, dans l’intérieur de l’estomac, de l’albumine et quelque- 
lois même de la fibrine, pendant une ou deux heures, ne peut plus être con- 
sidérée comme une preuve suffisante de l’absence du ferment — ou plutôt 
d’un ferment — gastrique (1). 


IL. — J'ai fait une série d'expériences assez nombreuses pour constater 
la rapidité de cette pénétration du suc gastrique dans la profondeur des 
morceaux d’albumine coagulée. Dans ce but, j'ai introduit dans chacun de 
mes sachets un gros cube d'albumine, ayant de 10 à 12 millimètres de 
côté, afin de pouvoir l’examiner couche par couche. Voici mes résultats : 

Au bout d'une heure : Aspect intact, ou bien premier commencement de 
la digestion; dans ce dernier cas, angles très légèrement émoussés, surfaces 
moins unies, d'apparence un peu grenue. Je coupe le cube en deux, et j'ap- 
plique la surface de section sur une plaque poreuse imbue de teinture de 
tournesol neutre, elle y laisse l'empreinte d’un carré dont le contour est 
nettement dessiné par un trait rouge de l’épaisseur d’un millimètre environ, 
qui encadre une surface carrée bleuâtre. J’enlève avec un scalpel les six 
tranches extérieures, acides, du cube; je les mets à l’étuve avec un peu 
d'acide chlorhydrique au 2000"; elles s’y digèrent rapidement. 

Au bout de deux heures : Angles arrondis, surfaces semblables à celles 
du marbre rongé par un acide, un peu ramollies, volume visiblement 
diminué, réduit d'environ un tiers; le cube, coupé en deux, et appliqué 
sur la tablette à tournesol, y fait l'empreinte d’un carré rouge dont le con- 
tour, nettement dessiné, a une largeur d'environ 3 millimètres, et embrasse 
une tache centrale bleue, ayant encore quatre côtés à peu près droits, 
mais les angles très arrondis. J’enlève d’abord les six tranches extérieures 
du cube, d'un millimètre environ d'épaisseur, et puis les six tranches 
suivantes ; les unes et les autres sont mise à l’étuve dans deux éprou- 
vettes, avec un peu d'acide chlorhydrique au 2000‘; les premières se 
digèrent rapidement, les deuxièmes restent absolument intactes pendant 
plusieurs jours. Je n’essaye même pas la digestion du morceau central, 
qui a conservé la légère alcalinité propre de lalbumine. 

Au bout de trois heures : Volume réduit à environ un tiers, surfaces 


(1) Je n'ai certes pas Fintention de soutenir qu'il doive {oujours en être 
eæaclement ainsi; il est très probable que dans les cas d’excessine pauvreté ou 
d’excessive richesse du suc gastrique en pepsine, les morceaux d’albumine pour- 
ront, à un moment donné, contenir moins de pepsine ou plus de pepsine qu'il 
n’en faut pour les dissoudre; j'ai même vu quelques cas semblables, mais, vis-à- 
vis du nombre total de mes observations, ils sont si peu nombreux, que je puis 
les considérer comme exceptionnels, tandis que Ia très grande majorité des cas, 
du moins dans cette première série d'observations, indique que généralement, 
el avec un contenu moyen de pepsine dans le suc gastrique, on obtient les résul- 
Lats que j'ai exposés. 


238 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


très ramollies, se désagrégeant au moindre contact; le cube, coupé en deux, 
imprime sur la tablette une tache irrégulièrement carrée, rouge dans toute 
son extension; encore une fois, ce sont seulement les tranches extérieures 
qui se digèrent à Pétuve; le reste, le morceau central, bien qu'il soit acide, 
y demeure intact pendant un temps illimité. 


Ces observalions me paraissent démontrer deux choses, — et c'est ici 
qu’elles se rencontrent avec celles de M. Ch. Richet : À 

1° Le suc gastrique pénètre dans la profondeur des cubes dalbumine à 
raison d'environ À millimètre pendant la première heure, 3 millimètres 
pendant la deuxième heure; 

2 L’acide précède la pepsine et accélère, beaucoup plus qu'elle, sa 
marche vers le centre des cubes. — 11 s'ensuit qu'il y à dans le suc gastrique 
actif de l'acide chlorhydrique libre, outre celui qui forme avec la pepsine 
l'acide chlorhydropeptique, et qu'il est plus diffusible que ce dernier. 

Cependant, j'ai hâte de le dire, l'acide libre n’est pas un précurseur 
indispensable de lagent peptonisant; pour m'en assurer, jai utilisé le suc 
vastrique naturel et pur, tel qu'il était offert par la fistule, toutes les fois 
que nous l'avons trouvé spontanément neutre, ce qui arrive de temps en 
temps; mais, comme ce cas est, en somme, assez rare, J'ai fait des essais 
avec du sue gastrique ayant son acidité normale, que je neutralisais ad hoc 
avec un peu de soude. J'ai pu me convaincre ainsi qu’au bout d'une ou de 
deux heures, la pepsine pénétrait tout de même dans la couche superficielle 
des cubes, — mais l'imbibition m'a paru plus lente et moins profonde; les 
tranches extérieures de ces cubes, mises à l’étuve dans de l’acide chlorhy- 


drique au 2000, se dissolvaient quelquefois très lentement, mais enfin com- 


plètement, les morceaux centraux ne se dissolvaent jamais. — La pepsine 
pénètre donc dans les morceaux d’albumine, même en l'absence de Pacide. 

L’inverse, — c’est-à-dire que l'acide pénètre en absence de la pepsive, 
—— va de soi, mais il était intéressant de voir si les morceaux d’albumine qui 
ont séjourné dans un liquide peptique acide de concentration moyenne, tel 
à peu près que le suc gastrique qui m'a fourni tous les résultats indiqués 
jusqu'à présent, absorbent aussi une quantité d'acide suffisante pour leur 
propre digestion. Je n'ai qu'un petit nombre d'observations relativement 
à cette question, mais elles parlent bien nettement en faveur de la réponse 
affirmative ; j'ai vu plusieurs fois des morceaux d’albumine se dissoudre 
complètement lorsque, après les avoir retirés de l'estomac et bien rincés, 
je les mettais à l’étuve dans une très petite quantité d’eau; mais il faut que 
cette quantité soit très petite, car autrement elle dilue trop l'acide présent 
et la digestion ne se fait pas. 

Enfin, en vue de ces résultats, je me suis demandé si des cubes d’albu- 
mine ayant séjourné une ou deux heures dans le suc gastrique ne contien- 
draient pas, par hasard, fout ce qu’il leur faut pour leur propre digestion : 
pepsine, acide et eau; j’ai mis de tels cubes à l'étude après les avoir recou- 


SÉANCE DU D AVRIL. 239 


verts d’une épaisse couche d'huile d'olive, qui en empêchait lessiccation, 
sans se mêler avec eux. Au bout d’un temps assez long, de quarante-huit 
heures au minimum, les morceaux d’albumine, blancs, opaques et résistants, 
se transformaient en une gelée délicate, parfaitement diaphane et soluble 
dans l’eau. 

Cependant, ne nous hàtons pas de conclure, d'après le simple fuit de 
cette modification de lalbumine, ni même d'après sa dissolution complète, 
plus ou moins rapide, à une véritable digestion de cette substance, c’est-à- 
dire à sa transformation en peptone. En effet, dans beaucoup de cas, j'ai 
observé que la peptonisation était très imparfaite et que la plus grande. 
partie de l’albumine se trouvait dans la phase intermédiaire appelée para- 
peptone. Je ne sais pas à quoi il faut attribuer ce fait; mais il me semble 
que si, d’une part, dans l'acide chlorhydrique au 2000° Palbumine cuite ne 
se dissout point (ou excessivement peu) et si, sous l'influence de la pepsine, 
elle se peptonise en se dissolvant, nous pouvons admettre que dans les cas 
où elle se dissout rapidement sans se peptoniser, nous avons affaire à un 
troisième agent de la digestion stomacale, à un agent dissolrant, non 
peplonisant, el tout au plus parapeptonisant. 

Tels sont les faits principaux que je tenais à communiquer à la Société de 
biologie. Nous continuons nos recherches sur la pepsinogénie et nous 
avons déjà des résultats très nets, tout à fait concordants avee ceux de 
M. Schilf, qui a découvert, il y vingt ans déjà, que le présence, dans le sang 
en circulation, de certaines substances, par lui nommées peptogènes, accé- 
lère et augmente considérablement la production ou la sécrétion de [a 
pepsine. 


DBOURLOTON. — Jinprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris 


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SÉANCE DU 19 AVRIL 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


SUR L'EXISTENCE DE MASSES ÉPITHÉLIALES DANS LE LIGAMENT ALVÉOLO- 
DENTAIRE CHEZ L'HOMME ADULTE ET À L'ÉTAT NORMAL, par L. Marassez. 


Pour expliquer l'apparition de tumeurs épithéliales au sein des maxil- 
laires, loin de tout tissu épithélial préexistant tel que glande ou muqueuse, 
on a supposé (1), entre autres hypothèses, que ces tumeurs devaient avoir pour 
point de départ une quelconque de ces productions épithéliales qui accom- 
pagnent la formation des dents, productions qui auraient persisté une fois 
la dentition achevée. 

Ce n’est évidemment là qu’une hypothèse ne reposant, que je sache, sur 
aucune constatation anatomique précise, venant même à l’encontre du dire 
d’observateurs très recommandables, qui prétendent que toutes ces produc- 
tions épithéliales finissent par disparaître complètement. Cependant elle 
rend si bien compte des faits observés, il est d’ailleurs si difficile de s’as- 
surer exactement de la disparition complète de toutes ces productions, qu’il 
m'a paru utile de vérifier si cette disparition était bien réelle. 

Mes premières recherches avaient porté uniquement sur la paroi des 
petits kystes que l’on rencontre parfois appendus à l’extrémité de dents 
cariées et jy avais découvert, ainsi que je l’ai dit dans une communication 
précédente (p. 176) des cordons épithéliaux, que l’on pouvait justement 
considérer comme de tels débris. Entre temps, j'avais aussi observé plu- 
sieurs fois sur des coupes de gencives, assez loin de la surface muqueuse, 
de petites masses épithéliales (les prétendues glandes du tartre proba- 
blement) que l’on pouvait encore ranger dans la même catégorie de 
faits. 

Mais ces observations ne constituaient pas encore une preuve suffisante, 
les cordons épithéliaux des parois kystiques pouvant être considérés comme 
des bourgeonnements du revêtement épithélial de ces parois, ceux des gen- 
cives comme des bourgeonnements de la muqueuse, Il fallait que la consta- 


(1) Voy. l'historique, p. 182 de ces Comptes Rendus. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T, I, N° 16. 19 


242 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tation se fit, non pas seulement dans des états pathologiques, mais encore 
à l’état normal, c’est-à-dire sur des maxillaires d'adultes parfaitement 
sains. Or c’est ce que j'ai pu faire dans ces derniers temps, grâce au con- 
cours de M. Galippe, qui a bien voulu me procurer un tel maxillaire et 
m'aider à le préparer. 

Une deuxième petite molaire inférieure, ayant été décalcifiée (1) avec les 
parties adjacentes du maxillaire, fut débitée complètement au microtome 
en coupes longitudinales de 1/100 et de 1/50 de millimètre d'épaisseur; 
toutes ces coupes furent colorées, puis patiemment examinées l’une après 
l’autre. Or, dans ce grand nombre, il s’en trouva plus d’une vingtaine où 
je pus facilement constater dans l’épaisseur du ligament ou périoste alvéolo- 
dentaire, de petites masses cellulaires nettement distinctes du tissu fibreux 
qui les entourait. 

Ces masses siègent généralement. au voisinage de la dent, quelques-unes 
cependant se trouvent dans la partie la plus externe du ligament, à côté du 
maxillaire et de ses espaces médullaires (il ne faut pas confondre ces 
dernières avec les myéloplaxes ou cellules géantes multinueléées que l’on 
rencontre dans cette même région). Il en existe dans toute la hauteur du 
ligament; les plus superficielles même s'étendent jusque dans l’épaisseur 
du bord gingival, elles dépassent donc le niveau du collet de la dent ; ce 
sont elles que j'avais vues autrefois et qu'on avait déjà décrites comme 
glandes du tartre. Les plus profondes vont jusqu’à l'extrémité de la racine, 
mes préparations ne m'ont pas permis de voir si elles la dépassaient, en 
tout cas elles sont là beaucoup plus rares. C’est au-dessous du collet, au 
niveau de la partie supérieure de la racine, qu’elles m'ont Basn les plus 
nombreuses et les plus développées. 

Pour me rendre compte de leur disposition dans leur ensemble j'ai Ru 
siné, à la chambre claire et à un faible grossissement, toutes celles que j'ai 
trouvées dans douze de mes préparations les plus heureuses; puis je les ai 
réunies sur un même dessin en prenant comme points de repère, dans le 
sens vertical, le bord Supérieur du eément qui était très net, et dans le'sens 
transversal le bord même de la dent. Elles se sont trouvées alors, formant 
comme une longue traînée cellulaire verticale, interrompue par places, 
légèrement sinueuse et munie de courtes ramificalions latérales. 

La forme de ces masses cellulaires est très variée; il en est de parfaite- 
ment circulaires et qui correspondent soit à des coupes d’amas sphériques, 
soit à des coupes transversales d’amas cylindriques; il en est d’ovaless; il 


(1) Pour décalcifier, j’ai essayé différents liquides; celui qui m'a le mieux réussi 
jusqu’à présent c’est un mélange d’acide picrique et d’acide azotique, dans la pro- 
“portion de 2 à 3 parties d'acide azotique ordinaire du commerce pour 100 de solu- 
“tion concentrée d’acide picrique à la température ordinaire; ce mélange agit plus 

rapidement que l’acide picrique seul, ou que l’acide chromique au 100, et : ne 
nuit pas aux colorations futures. 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 243 


en est de très allongées en forme de cordons plus:ou moins réguliers; ilien 
est aussi.qui sont ramifiées ; on croirait parfois avoir affaire à des frag- 
ments glandulaires.'" Il. est à remarquer que: les formes allongées n’ont 
généralement pas la même direction que celle des faisceaux du ligament 
alvéolo-dentaire; ceux-ci, allant presque directement du maxillaire à da 
dent (le point d'insertion dentaire se trouve séulement à un niveau un peu 
plus profond que le point d'insertion maxillaire), ont une direction-à! peu 
près perpendiculaire à l’axe de la dent; tandis que nos masses cellulaires 
sont plutôt parallèles à cet axe, comme le sont aussi les vaisseauxet:les 
nerfs de la région. On les rencontre assez souvent d’ailleurs côte à côte 
dans la même gaine conjonctive, mais souvent aussi elles sont comes 
ment isolées avec ou sans gaine SENTE propre. 

Cés masses sont pleines, je n’en ai pas réncontré qui RER En, de 
cavité bien nette. Les cellules qui les composent sont généralement polyé- 
driques et assez petites ; cependant, dans les plus gros amas circulaires, Les 
cellules périphériques sont parfois cylindriques ‘et implantées perpendicu- 
Jairement à la surface externe; tandis que dans les amas les plus ‘effilés, 
elles sont toutes plus ou moins allongées dans le sens même de l’amas. 
Elles possèdent un noyau relativement volumineux; tandis que le proto- 
plasma est assez réduit. Je n’ai pu distinguer si ces cellules étaient simple- 
ment opposées l’une à l’autre, ou si elles étaient réunies par des filaments 
à la façon des cellules épithéliales du type malpighien ; en tout cas je n’ai 
jamais observé d'espaces intercellulaires, comme en JrésEtie l’épithélium 
central de l'organe de l'émail. ie 8 

Que sont ces masses cellulaires? Quand on les compare aux productions 
épithéliales bien connues que l’on rencontre autour des dents qui se déve- 
loppent, on est frappé des ressemblances extrêmes qui existent entre elles. 
Il en est même qui, vues isolément, ne sauraient être distinguées. Ces ressem- 
blances, les analogies de siège, portent à penser que ce sont des produc- 
tions de même nature et.que.les masses cellulaires que j'ai trouvées dans 
le ligament alvéolo-dentaire: de cette petite molaire d’adulte, proviennent 
de quelques-unes des formations épithéliales qui accompagnent la dentition 
et qui auraient persisté chez l’adulte : bourgeons partis de la face profonde 
de la muqueuse gingivale, ou des cordons des: dents temporaires ou per- 
manentes, ou du feuillet: externe de l’organe de l’émail ;, cette dernière 
origine est peut-être la plus vraisemblable, en raison de la dissémination 
de ces débris ; c’est d’ailleurs un point à étudier. 

On Ra de nombreux exemples de débris épithéliaux pe 
ayant persisté au sein de tissus adultes; mais il paraîtra peut-être extraor- 
dinaire qu'une telle persistance ait pu se produire dans une région 
que l’on suppose généralement devoir être le siège de compressions 
fréquentes et’ considérables. De telles, compressions existeraient sans 
doute s’il y avait un véritable périoste entre la dent et son alvéole; mais, 
comme le professait récemment M. Ranvier dans son cours, il n°y a là rien 


244 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


qui ressemble à un périoste; c’est bien plutôt, ainsi que le pensaient les 
anciens anatomistes, un ligament (1), qui, je le ferai remarquer, suspend 
pour ainsi dire la dent dans la cavité alvéolaire, et dont les faisceaux 
composants laissent entre eux des intervalles où il ne doit pas exister 
de pressions bien considérables, puisqu'il s’y trouve de nombreux nerfs qui 
ne sauraient les supporter, et de volumineux vaisseaux, de véritables sinus, 
qui les atténueraient singulièrement si elles tendaient à se produire. 

Je ne sais si ces masses épithéliales ont été déjà constatées et décrites; 
je n’en ai trouvé aucune trace dans les quelques auteurs que j'ai consultés 
à ce sujet. S’il en est ainsi, il serait utile de continuer ces recherches, afin 
de voir si on les retrouverait sur d’autres dents (2) et chez d’autres 
sujets; si, en un mot, nous avons affaire ici à un fait anatomique constant, 
ou à une simple anomalie. Peu importe d’ailleurs, pour le point de vue 
spécial auquel je me suis placé; du moment, en effet, que l’existence 
de telles masses est possible, cela suffit pour que l'apparition de tumeurs 
épithéliales au sein des maxillaires ne soit plus un fait incompréhensible, 
et pour que la théorie épithéliale que j'ai soutenue en reçoive, sinon une 
démonstration complète et définitive, du moins un très solide appui. 


v 
DES SYNERGIES FONCTIONNELLES BINAURICULAIRES ; DE L'ACCOMMODATION POUR 
L'AUDITION BINAURICULAIRE ; ÉTUDE DE CETTE ACCOMMODATION EN ACTION ; 


APPLICATIONS A LA SÉMÉIOLOGIE AURICULAIRE ET A LA CLINIQUE, par . 


M. GELLÉ. 


La séméiotique auriculaire possède aujourd’hui des méthodes d’observa- 
tion de premier ordre qui permettent aux cliniciens de constater l’aération 
des caisses tympaniques, la perméabilité des trompes d'Eustache, la mobi- 
lité, la tension, l’élasticité de la membrane du tympan, lejeu de la platine 
de l’étrier dans la fenêtre ovale, elc., mais dans toutes ces explorations, 
l'organe de l’ouïe est étudié uniquement à l’état statique, ou simplement et 
mécaniquement müû par les divers procédés d’insufflation d’air ou sous 
l'influence des pressions centripètes. Aucune méthode d'exploration cli- 
nique ne saisit l’'accommodation en activité et ne fournit le moyen d’en 
apprécier l'effort, ni de constater son incapacité ou sa perte même. Chacun 


(1) On ne saurait objecter à cette manière de voir que les ligaments ne pos- 
sèdent jamais une richesse vasculaire aussi grande que celui-ci, il suffirait de 
citer le ligament inter-articulaire de l’articulation coxo-fémorale. 

(2) J’en ai encore trouvé sur la première grosse molaire de ce même 
maxillaire. l 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 245 


comprend cependant combien il serait important de pouvoir juger des 
capacités fonctionnelles de laccommodation des oreilles aux intensités 
sonores et aux distances, comme on analyse l’accommodation oculaire. 

Ce n’est pas que le rôle des moteurs de la chaîne dans l’adaptation de 
l'oreille ait été négligé ; je ne rappellerai pas ici les travaux et expériences 
devenus classiques de Politzer, Lucæ, Flick, Moos, Pilcher, etc., ete., 
pour ne nommer que les plus récents. 

L’accommodation de l'oreille aux tons, aux intensités et aux distances, 
admise d’abord par analogie avec l'organe de la vue, est aujourd’hui 
démontrée expérimentalement. Les traités classiques la décrivent en détail 
(Beaunis, Béclard, M. Duval). Une des dernières expériences instituées pour 
rendre cette fonction d’accommodation manifeste est celle de Wolf. Wolf 
fait entendre à l'oreille un appeau, à une grande distance; puis le même, 
tout auprès de l'oreille. Or il constate que le deuxième son présente une 
élévation d’un demi-ton sur le premier. [l y a là, au dire de Wolf, un effet 
évident de la contraction réflexe du tenseur tympanique. 

Si je viens à mon tour étudier l’accommodation auriculaire, c’est avec 
une méthode tout autre, en me basant sur un fait expérimental neuf; enfin 
j'espère pouvoir en faire l'application à la clinique au grand profit de la 
séméiolique auriculaire. 

En résumé, j'ai à produire devant vous : 1° un phénomène physiologique 
expérimental; 2° son interprétation et ses preuves de plusieurs ordres ; 
3° son application à l'étude clinique de l’accommodation auriculaire. Voici 
le fait, base de ce travail : 

Expérience : Un diapason la 3 est emmanché à l’extrémité d’un tube 
de caoutchouc, qui est fixé hermétiquement à l'oreille droite par l’autre 
bout. Le tube est tenu à la main; le diapason pend librement et vibre. A 
l'oreille gauche un tube-caoutchouc fixé hermétiquement transmet les 
pressions d’une poire à insufflation de Politzer ordinaire. 

Le sujet indique alors que à chaque pression douce effectuée sur la poire 
à gauche, le son perçu à droite s’atténue légèrement, et cela à volonté. Donc 
en agissant sur une oreille, on modifie l’audition de l'oreille opposée. 
L'expérience peut être simplifiée : on fait vibrer le diapason à 3 ou 4 centi- 
mètres du méat auditif droit, la poire toujours adaptée à gauche, et l’on 
constate absolument le même résultat. C’est le procédé clinique, simple et 
rapide. 

Comment expliquer cette action d’une oreille sur l’autre? Comment agit 
la pression faite à gauche pour modifier l'audition à droite, à l'opposé ? 

Quand, il y a trois mois, je vins exposer ce fait devant la Société de bio- 
logie, la plupart des avis furent qu’il y avait probablement là une action 
sur le centre sensoriel; d’autres pensèrent à une excitation réflexe; bref, 
le sujet resta à l'étude. J’apporte aujourd’hui l'interprétation de ce phéno- 
mène constant à l’état sain. 

Les deux oreilles, comme les deux veux, sont associées dans leurs mou- 


9246 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


vements pour l'audition binauriculaire. À ce moment, les deux organes 
conducteurs du son possèdent la même tension, et leur accommodation 
est la même pour le même ton. Si les oreilles sont successivement frappées 
et non pas à la fois par le même son, il faut croire également que le même 
effort d’accommodation a lieu de chaque côté, la sensation restant iden- 
tique. Il semble que cela ne puisse être discuté. Il existe, il est vrai, pour 
chaque oreille une sphère d’activité latérale bien distincte, qui permet 
l'orientation; mais il faut admettre aussi laccommodation synergique des 
deux organes dans l’audition binauriculaire. 

Or je pense que dans l’expérience des pressions, quand j’agis sur l’appa- 
reil de l’accommodation d’umcôté, je provoque synergiquement une action 
analogue de l’appareil transmetteur de autre côté. 

Ceci n’est encore qu’une induction, mais voici les preuves que je crois 
démonstratives dela vérité de l'interprétation que je donne. Voyons 
d’abord les preuves cliniques. En général, les affections de l’oreillemoyenne 
modifient profondément la capacité fonctionnelle d’accommodation. et la 
réaction dans l’épreuve décrite plus haut. 

Tantôt, c’est la réplétion de la cavité par la prolifération de la muqueuse 
enflammée (première période de l’otite aiguë), tantôt une collection intra- 
tympanique, qui arrêtent totalement les mouvements de la chaine des 
osselets. D’autres fois, c’est une sclérose ancienne; ailleurs une tension 
tympanique causée par l’oblitération des trompes, etc. Dans certaines 
observations, l'affection auriculaire ne nuit pas à la production du phéno- 
mène significatif, c’est-à-dire à l’atténuation du son à droite, si la pres- 
sion a lieu à gauche, ou vice versd. Cela est en général d’un excellent 
pronostic, de même que la réapparition du signe après son entière dispa- 
rition. 

On observe quelquefois une action exagérée des pressions, c’est-à-dire 
que, au lieu d’une atténuation du son, elles causent son extinction passagère 
et la section nette de la sensation du son continu du diapason; je Vai 
observée dans certains cas de large perforation et de ramollissement extrême 
avec relächement du tympan. 

En général, il suffit d’une lésion unilatérale grave, immobilisant l’appa- 
reil conducteur (réplétion, sclérose, oblitération tubaire) pour que l'épreuve 
soit négative, puisqu'aucun mouvement ne peut être ou reçu ou transmis. 

Ces observations démontrent qu’il existe entre le phénomène de l’atté- 
nuation du son (obtenue à droite quand une pression est faite à l'oreille 
gauche) et les lésions de l’oreille moyenne, un étroit rapport. En effet, si 
Von contrôle ces résultats par l’épreuve dite des pressions centripètes, qui 
donne la mesure de la mobilité de l’organe conducteur, on trouve qu'il y a 
accord parfait, c’est-à-dire que toujours avec une épreuve despressions cen- 
-tripètes négative, l'atténuation manque dans notre épreuve dite des syner- 
gies fonctionnelles. Donc, quand aucun mouvement n’a lieu, aucune 
modification n'étant imprimée à l’organe qui subit la pression de la poire à 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 247 


air, rien ne se produit à l'opposé. La mobilité de l’appareil est, on le voit, 
une.condition de la genèse-du phénomène auditif observé, et c’est bien une 
excitation de mouvement à distance qui s'opère dans notre expérience. 

Or j'apporte à cette conclusion l'appui d’une preuve que je crois sans 
réplique; la voici : pour les diverses épreuves précédentes, c’est la sensa- 
tion des patients (je les ai choisis intelligents, et quelques-uns sont des 
docteurs en médecine) et leur dire que j'ai dû enregistrer, mais voici mieux : 
on peut, en auscultant, percevoir les atténuations du son annoncées par 
le sujet, ou constater leur absence alors que celui-ci ne les perçoit pas. 
Dès lors plus de doute! Sous l'influence d’une modification légère imprimée 
à une oreille, une égale modification de l'organe conducteur du son se pro- 
duit dans l'oreille opposée; plus de doute que ce soit l’organe de l’accom-- 
modation et de la transmission du son qui entre en jeu et produise l’atté- 
nuation du son observée. 

L'épreuve que j'indique nous montre donc un déplacement passif, méca- 
niquement imposé à l’appareil de la chaîne des osselets, se répétant syner- 
giquement à l’opposé, sous l’influence probable de la synergie fonctionnelle 
de l’accommodation. | 

Mais qui ne voit que du côté.synergiquement actionné, le mouvement, 
cause du phénomène acoustique, est actif et non plus passif comme de 
l’autre côté? C’est donc une mise en activité de l’appareil d’accommodation 
de l'oreille que je produis, et que le signe d’auscultation indiqué constate 
à chaque atténuation du son. annoncée par le sujet. 

C’est l'organe lui-même qui synergiquement sollicité fonctionne. 

J'ai donc ainsi dans la main le moyen de faire travailler l'appareil 
l’accommodation auriculaire, d’en étudier la capacité fonctionnelle et l’é- 
nergie accommodative ; c’est là une épreuve clinique de premier ordre, qui 
donne au praticien la possibilité d'explorer l’oreille et d'étudier son fonc- 
tionnement, comme on examine depuis longtemps les yeux et l’accommo- 
dation visuelle. 


Je laisse aujourd'hui de côté les applications nombreuses des données de 
ces épreuves de la synergie fonctionnelle d’accommodation binauriculaire à 
la clinique générale, à l'étude des surdités liées à l’hystérie, au tabes, etc.; 
et surtout je me contente de signaler ce fait clinique remarquable : la 
production de mouvements actifs, synergiques, d’accommodation ow de 
coordination, sous l'influence des déplacements passifs imprimés à des 
organes fonctionnellement associés. 


248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


EFFETS DE LA DESTRUCTION DE L'ÉCORCE CÉRÉBRALE SUR LES LAPINS. 
Note de M. Ch. Ricuer. 


En continuant, avec MM. Gley et Rondeau, nos expériences sur l’influence 
thermique de l'excitation ou de la cautérisation du cerveau, nous avons 
été frappé d’une conséquence singulière de la lésion cérébrale. 

Les lapins, dits de choux, qui servent à nos expériences, vivent en capti- 
vité dans une cage étroite. Lorsqu'on les prend pour les faire marcher ou 
courir, on remarque qu'ils se traînent à grand peine ; si on les pousse pour 
les faire marcher en avant, ils vont en tâtonnant, en hésitant, faisant à peine 
quelques pas, tournant la tête de côté et d’autre, et il faut plusieurs minutes 
pour leur faire franchir une distance de quelques mètres (1). Or, si, après 
avoir fait sur un lapin cette constatation, on lui met ä nu le cerveau, puis 
qu’on cautérise la surface, très légèrement, très superficiellement, avec le 
thermocautère, on verra ces allures hésitantes et paresseuses instantané- 
ment modifiées. 

Après quelques secondes de stupeur, le lapin est devenu agile et coureur. 
Il verra, entendra, tout aussi bien que précédemment. Mais, au lieu de se 
traîner sur le sol en rampant et en hésitant, il sera devenu apte à fournir 
une longue course, et, en quelques bonds, courant sans interruption, il fera 
le tour de la salle à deux ou trois reprises. 

Si l’on frappe des mains, il se sauvera rapidement, quelquefois avec une 
extrême brusquerie, lançant avec force les deux pieds de derrière contre le 
sol, sautant légèrement par-dessus les obstacles, qu'il distinguera très bien, 


et contre lesquels il ne butera pas s’ils ne sont pas trop élevés, et s’il peut 


les franchir. 

Mais, si l'obstacle est un mur, ou une planche un peu haute, il sera lancé 
avec une telle force, que souvent il se heurtera violemment la tête, n’étant 
plus capable de s’arrêter à temps. Ce n’est pas, je le répète, parce qu’il ne 
voit pas l’obstacle, attendu qu’il voit très bien des deux côtés, et qu’il évite 
parfaitement les obstacles latéraux. , 

C’est une expérience qui réussit toujours que de prendre un lapin 
d’allure très paresseuse, de lui cautériser la surface du cerveau, et de 
constater la transformation presque instantanée de son allure. Il est devenu 
excitable, farouche et coureur. 

J'avais déjà signalé le même phénomène sur des oiseaux, en particulier 
des canards, dont l'écorce cérébrale avait été détruite (Bulletin de la 
Société de biologie, 1883, p. 129). « Si on les effraye, disais-je alors, ils 


(1) Il va sans dire que cette allure n’est que passagère. Si l’on met des lapins, 
d’allure aussi bête, dans un endroit où ils puissent s’ébattre, en deux ou trois 
jours, et quelquefois moins de temps, ils deviennent agiles et alertes, presque 
autant que le lapin de garenne. 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 9249 


#— 


—— 


fuient, en se butant contre les objets du laboratoire, sans s’arrêter jusqu’à 
ce qu’ils aient rencontré un obstacle, comme un mur ou une planche, qui 
les arrête définitivement. Ils sont devenus très farouches, comme s’ils avaient 
perdu une certaine faculté d’inhibition, celle d’arrêter les mouvements 
instinctifs de la frayeur et de la fuite. » 

Cette explication me paraît être la plus vraisemblable qu’on puisse donner 
de ces phénomènes singuliers. La suppression de l’écorce cérébrale (ou de 
quelques régions de l’écorce) équivaut à la suppression des appareils d’in- 
hibition. L’action bulbaire s’exerce alors sans restriction : si à l’état normal 
un lapin ne court pas brusquement quand on l’effraye, c’est que certaines 
excitations, venues des régions corticales, l’arrêtent dans son mouvement. 
Cette zone cérébrale, qui préside à l’inhibition, étant détruite, alors une 
émotion, une excitation le font courir avec rapidilé, sans qu’il puisse s’ar- 
rêter. 

Peut-être y a-t-il quelque analogie entre ces phénomènes, et l'élévation 
thermique consécutive à la destruction de l'écorce. Si l’on suppose que l’in- 
hibition par l’écorce du cerveau ne s’exerce pas seulement sur les phéno- 
mènes du mouvement volontaire, mais encore sur les actions thermogéniques, 
il s'ensuit que les actions thermogéniques, après la suppression de l'écorce, 
vont s'exercer avec une puissance très grande. 

L'expérience suivante va donner une preuve de la simultanéité des deux 
phénomènes. 


26 mars. Lapin blanc. Température : 39,5. 
Incision de la peau du crâne. 
5 heures après l’opération. Température : 39°,9. 


27 mars. Mise à nu du cerveau, et cautérisation des lobes occipitaux. 


A 3h, Température : 40°,1. 
À 5h. 10, Température : 40°,0. 


L'animal se rétablit très bien, reprend les allures paresseuses et stupides du 
lapin de choux. 


7 avril. A 1h., Température : 40°,3. 
(Cette légère hyperthermie est due vraisemblablement à la suppuration de sa 
plaie.) 
De 1 heure à 1 h. 38, on agrandit la plaie, et on cautérise très superficielle- 
ment, mais sur une assez grande surface, l'écorce du cerveau. 
A 1 h.358, Température : 39,7. 


Le lapin prend aussitôt des allures toutes différentes. En quelques bonds, il 
traverse la pièce, saute au-dessus des objets épars dans le laboratoire, voit et 
entend très bien, est devenu très farouche. 


A 3h. 30. Température : 40°,95. 
À 5h. 15. Température : 40°,7. 
A Gh.25. Température : 40°,5. 


250 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


Il est très excitable, et crie bruyamment dès qu’on le touche. 


8 avril. Température : 400,5. 
9 avril. Température : 40°,1. 
12 avril. Température : 380,8. 


(Assez malade, quoique mangeant beaucoup.) 


Aujourd’hui 19 avril. Température : 38°,9, 


Il paraît à peu près rétabli, quoique avant des phénomènes de stupeur alter: 
nant avec une agilité très grande quand on l’excite. 


Ainsi on peut considérer, pensons-nous, l’écorce du cerveau comme un 
appareil d’inhibition, aussi bien pour les actions thermogéniques que pour 
les mouvements volontaires (1). On pourrait aussi supposer que ces phéno- 
mènes ne sont pas dus à l'absence d’inhibition, mais bien à une excitation. 
Entre ces deux hypothèses on peut préférer l’une ou l’autre. 


SUR LA STÉRILISATION DES LIQUIDES AU MOYEN DE LA MARMITE DE PAPIN. 
Note de M. le docteur L. HEYDENRFICH. 


Malgré les avantages que présente la marmite de Papin comme moyen de 
stérilisation des liquides nutritifs destinés à la culture des microbes, on a 
cessé, surtout en Allemagne, de l'utiliser pour cet usage à la suite d’expé- 
riences dans lesquelles MM. Koch, Gaffky, Loeffler (2) et Wolfhugel(3), etc., 
ont relevé des différences d’à peu près 40 degrés après une demi-heure de 
contact entre le liquide et le bain de vapeur dans lequel il était plongé. 

Le principe de Watt paraît pourtant devoir assurer une distillation régu- 


(1) Il est évident que ces phénomènes sont bien différents de ceux qu'ont 
observés divers auteurs, et en particulier M. Nothnagel, après l’excitation du 
noyau caudé du corps strié, noyau qu'il a appelé nodus cursorius. Dans toutes 
nos expériences, il n’y a eu que l’écorce cérébrale qui ait été touchée. Il nya 
pas non plus d’analogie à établir entre nos expériences et celles de Magendie 
sur le mouvement impulsif, irrésistible après section des corps striés et des 
pédoncules. 

Plusieurs des lapins opérés en février et en mars sont complètement rétablis : 
entre autres un lapin dont la température s’est élevée à 41°,9 en quelques heures. 
Je me réserve de revenir sur les faits relatifs aux ascensions thermiques consé- 
cutives et aux troubles de nutrition, qu’on voit sur les lapins anciennement 
piqués et rétablis. 

(2) Mittheil. d. Kaiserl. Gesundheitsamtes, 1881, Bd 1. 

(3) Ibid., 1884, Bd 2. 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 251 


lière de la partie chaude à la partie froide, et par conséquent l’uniformi- 
sation assez rapide des températures. Mais on sait qu'il n’est applicable 
qu’au milieu où la vapeur existe seule. Quand il y a de l'air, la seule con- 
dition d'équilibre à laquelle soit assujetti le mélange est que la tension de 
la vapeur en un point quelconque soit au plus égale à la tension maximum 
qui convient à la température de ce point. Dans un pareil mélange l’équi- 
libre des pressions, ne s’accompagnant pas nécessairement de l'égalité de 
la température, celle-ci peut théoriquement être très inégale dans les 
divers points. 

Ce raisonnement m'a conduit à penser que les résultats si singuliers 
obtenus par MM. Koch, Gaffky et Loeffler tenaient peut-être à ce que Pair 
n'avait pas été chassé de l’appareil de chauffage; et pour vérifier cette 
induction, j'ai fait les expériences suivantes. 

Dans une marmite de Papin, mesurant 35 centimètres de diamètre, 
45 de profondeur et renfermant 9 centimètres de hauteur d’eau, j'ai Ts 
duit un vase cylindrique de fer-blanc ouvert par le haut, fermé par le bas, 
dans lequel je mettais un ballon porté sur un valet de Pile et renfermant 
2 litres d’eau. La marmite étant fermée par son couvercle et chauffée à 120 de- 
orés, la chemise d’air comprise entre le ballon et les parois du vase en fer- 
blanc devait, en grande partie, rester en place, maintenue par sa densité, 
dans l’atmosphère plus riche en vapeur qui se formait au-dessus d’elle. Deux 
thermomètres maxima étaient placés dans des conditions aussi identiques 
que possible, à la même hauteur, l’un à l'extérieur du vase de fer-blane, 
l’autre au fond de ce vase à son intérieur ; un troisième thermomètre plon- 
geait dans l’eau du ballon. Or le premier étant à 120 degrés depuis un quart 
d'heure, le second ne marquait que 87°,5 et l’eau du ballon n’était pas 
encore montée à 90 degrés. 

En répétant la même expérience, après avoir ouvert pendant trois mi- 
nutes la soupape d'évacuation lorsque l’eau était en ébullition sous la pres- 
sion ordinaire, la température du liquide ne montait qu’à 60 degrés. 

On n'avait donc pas évacué complètement encore l’air du vase cylin- 
drique, qui ne pouvait disparaitre en effet que par l’entraînement latéral ; 
ce qui le prouve, c’est qu’en perçant six trous au fond du vase de façon à 
balayer l'air de bas en haut, l’eau du ballon est montée dans les mêmes 
conditions à 119°,8. 

Enfin, en Sétériant avec quelques doubles de papier les ouvertures 
faites, on transforme de nouveau le vase ouvert à ses deux extrémités de 
l'expérience précédente, en un vase fermé par le bas, où l’air reste stagnant, 
et la température de l’eau retombe à moins de 50 degrés après un quart 
d'heure à 120 degrés. 

Ces différences de température sont tout à fait analogues et même en cer- 
tains cas supérieures à celles qui ont été relevées dans les expériences que 
nous citions plus haut; c’est ce qu'expliquent suffisamment les différences 
dans les dispositifs adoptés. 


9592 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Dans tous les cas elles prouvent que dans le chauffage au moyen de la 
marmite de Papin, il est nécessaire d’évacuer tout l'air. 

10 expériences faites dans ces conditions m'ont conduit aux conclusions 
suivantes, dont l'importance pratique n’a pas besoin d’être démontrée. 

La marmite étant chauffée à 120 degrés, après expulsion de l'air, et la 
pression de la vapeur étant par conséquent dans tous les points de 2 atmo- 
sphères, il faut, pour porter à 120 degrés de l'eau introduite dans la 
marmite à la température ordinaire : 

Dix minutes, lorsque l’eau remplit un ballon de 1 litre; 

Cinq minutes, lorsque l’eau remplit un ballon de 1/2 litre; 

Deux minutes environ, loi rsque l’eau est en volume de moins de 200 cen- 
timètres cubes. 

En se tenant dans ces limites, on peut être sûr de l'égalité de température 
entre un liquide aqueux et une enceinte chauffée par la vapeur à 120 degrés, 
et la marmite de Papin devient, dans ces conditions, un appareil précieux, 
dont le fonctionnement est aussi rapide que sûr. 

(Ges recherches ont été faites dans le laboratoire de M. le professeur 
Duclaux.) 


NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LE RAPPORT QUI EXISTE ENTRE LES URINES 
SUCRÉES ET LA SÉCRÉTION MAMMAIRE, par M. DE SINÉTY. 


J'avais appelé, l’année dernière, l’attention de la Société sur Le cas assez 
curieux d’une chienne vierge, qui présentait une sécrétion lactée périodique, 
correspondant à l’époque de la parturition, si elle avait été fécondée, c’est- 
à-dire neuf semaines environ après chaque période de rut. 

Le phénomène continue à se produire dans les mêmes conditions. Ainsi 
cette chienne était en chaleur au commencement de février, et J'ai constaté, 
ces jours-ci, la présence du lait dans ses mamelles (1). J’ai voulu recher- 
cher si ses urines contenaient du sucre. Les examens répétés plusieurs fois 
ont toujours été négatifs ; il n’y avait pas de sucre dans l’urine. Ce fait est, 
du reste, en rapport _. ce que J'ai constaté dans d’autres circonstances. 
Quand la sécrétion mammaire est peu abondante, ou que la sécrétion et 
l’excrétion se compensent, le sucre n’apparaît pas dans l’urine. Lorsque, au 
contraire, la fonction mammaire étant active, l'élimination du lait est en- 
travée, le sucre se montre au bout de peu de temps et en ahondance dans 
l'urine, ainsi que je l’ai signalé depuis plus de dix ans (2). 


(1) Gette chienne, du reste bien portante et bien conformée, n’a jamais voulu 
subir les approches du mâle. Elle se défend, elle mord, et jusqu’à présent, malgré 
plusieurs tentatives, on n’a pu réussir à la Fe saillir. 

(2) 1° Recherches sur l'urine pendant la lactation (Mémoires de la Société de 
biologie, 1873). 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 253 


Puisque je suis revenu aujourd’hui sur ce chapitre de la lactosurie (1) 
des nourrices, je ferai quelques observations au sujet de la communication 
récente de notre président, M. Paul Bert, sur l’origine du sucre du lait (2). 

En expérimentant sur une femelle de cochon d'Inde, M. Bert a constaté, 
comme moi, qu'après la parturition les urines ne contenaient pas de sucre. 
Au contraire, chez deux chiennes privées de mamelles, les urines se mon- 
traient, aussitôt après l’accouchement, capables de réduire avec énergie la 
liqueur eupro-potassique. 

Nous sommes done en présence d’expériences contradictoires. D’après 
M. Bert, cette différence tiendrait à la petite taille et à la faible puissance 
lactogène du cobaye. Mais, dans ce cas, cette faible puissance lactogène ne 
se monfrerait pas seulement chez les animaux privés de mamelles. Or 
l'apparition du sucre dans l’urine est des plus manifestes chez le cobaye en 
lactation à l’état normal ; tandis qu’elle a toujours fait défaut sur ceux de 
ces animaux qui n'avaient plus de glandes mammaires. Mes expériences 
de 1873 et 1874 n'avaient pas porté sur un seul sujet, mais bien sur six 
femelles, dont j’ai conservé plusieurs au Collège de France pendant plus 
d'un an. Ces femelles ont eu une nombreuse progéniture, et jamais je nai 
trouvé de sucre, ni avant ni après la parturition, chez celles pour lesquelles 
l’ablation avait été totale. Chez deux d’entre elles, opérées au moment de 
la naissance, où l’ablation avait été incomplète, et où une portion des glandes 
avait été involontairement épargnée, j'ai constaté une légère réduction du 
liquide cupro-potassique dans un cas, et pas dans l’autre (3). 


d Effets consécutifs à l’ablation des mamelles (Comptes rendus de l'Acadé- 
mie des sciences et Société de biologie, 1873 et 1874). 

° Sur la mamelle et la sécrétion lactée de l'enfant nouveau-né (Société de 
biologie, 1875). 

4° Galactorrhée sans glycosurie (Société de biologie, 1877). 

o° Nouveaux faits relatifs à l’ablation des mamelles chez les cobayes 
(Académie des sciences, 1877). , 

6° De l’innervation de la mamelle (Société de biologie, 1879). 

(1) Depuis que Blot, en 1856, avait signalé la présence du sucre dans l'urine 
des femmes enceintes et des nourrices, on supposait que ce même sucre était de 
la glycose. Un chimiste allemand, Hofmeister, en 1877, a obtenu des cristaux de 
sucre de lait extrait de l’urine des nourrices, ce qui m'a engagé à remplacer le 
mot de glycosurie par celui de lactosurie. . 

(2) Sur l'origine du sucre du lait, par M. Paul Bert (Comptes rendus de l’Aca- 
démie des sciences, séance du 31 mars, et Société de biologie, séance du 5 avril 1884). 

(3) Pour toutes nos expériences, les animaux étaient placés isolément dans des 
boîtes en bois doublées de zinc et montées sur quatre pieds, dans une situation 
déclive. Un orifice pratiqué à la portion la plus déclive de la boite permettait à 
l'urine de s’écouler à mesure dans un récipient muni d’un filtre. On recueillait 
ainsi lPurine des vingt-quatre heures, dont la quantité était bien suffisante pour 
faire plusieurs analyses qualitatives. 


254 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Ces faits expérimentaux concordent avec les observations cliniques. Jai 
toujours vu, en effet, que la proportion du sucre dans l’urine était d'autant 
plus grande, au moment de la montée du lait, ou lorsqu'on supprimait l’allai- 
tement, que les femmes avaient des mamelles plus volumineuses. Ce rapport 
entre k quantité de sucre de l’urine et la richesse de la sécrétion mammaire 
a été bien établi par les travaux de Hempel (1). Les dosages pratiqués par 
cet auteur nous montrent aussi que ce n’est pas immédiatement après la 
parturition que le sucre commence à apparaître dans l’urine, mais du 
deuxième au troisième jour seulement. | 

Je rappellerai également ici quelques recherches que j'avais faites dans 
le laboratoire de Claude Bernard, en 1873 et 1876, sur la quantité de sucre 
contenu dans le sang des femelles en lactation, et que je n’avais pas pu- 
bliées à cette époque, ne les trouvant pas assez nombreuses ni assez con- 
cluantes. Je vous communique, aujourd’hui, les résultats, tels que je les 
avais consignés à mesure sur mon livre d'expériences. | 

Mes recherches ont porté sur six chiennes. Chez la première j’+ ’al dosé 
seulement le sang artériel; sur les cinq autres, simultanément, le sang 
artériel et veineux sortant de la glande. 

Première expérience. — Chienne en gestation. — Le 26 mars, l’urine recueillie 
par le cathétérisme ne contient pas de sucre. Le 27, parturition. Le 28, les ma- 
melles sont gonflées et contiennent du lait; pas de sucre dans l’urine. Le 3 avril, 
les petits tètent abondamment, pas de sucre dans l’urine. Le sang de l'artère 
crurale contient une quantité de sucre qui correspond à 1#',6 pour 1000 grammes 
de sang. Le 7, les petits meurent tous par un accident. Le 9, les mamelles sont 
gonflées, et l’urine réduit abondamment la liqueur de Fehling. 


Deuxième expérience. — Chienne ayant mis bas le vendredi 5 mai et allaité 
jusqu’au 9, jour où l’on supprime l'allaitement. Le 10, à deux heures, du lait existe 
en quantité dans les mamelles. L’urine réduit abondamment, soit avec la liqueur 
de Fehling, soit avec le réactif de Brücke. 

On prend du sang (40 grammes environ) dans la veine épigastrique, trés grosse 
et très apparente par l'effet de la lactation, veine qui reçoit le sang provenant 
de la mamelle. 

‘Immédiatement après la prise du sang veineux, on en retire une égale quan- 
tité de l’artère crurale. Ces deux sangs sont traités de la même facon par le pro- 
cédé classique employé alors au laboratoire de Claude Bernard, et nous trouvons, 
pour le sang artériel 3,2 de sucre pour 1000 grammes de sang, pour le sang 
veineux 21,9 pour 1000. 


Troisième expérience. — Chienne ayant mis bas depuis cinq jours, séparée de 
ses petits le lundi 22 mai. 
Le 23, les mamelles contiennent peu de lait et sont flasques. Du sang retiré 


(1) Hempel, Die Glycosurie im Wochenbetite (Archiv. für Gynækologie, t. NII, 
1875, p. 312). 


SÉANCE DU 19 AVRIL, 259 


dans les mêmes conditions que dans l’expérience précédente et traité de même 
donne : | 


Pour le sang de l’artère crurale..... 2,1 de sucre pour 1000. 
Pour le sang de la veine épigastrique. 15,9 se “! 


Quatrième expérience. — Chienne amenée de la fourrière, le 7 juin, avec du 
lait dans les mamelles, sans renseignements sur lépoque de la parturition et la 
durée de l’allaitement. 

Le 9 juin, à midi, les mamelles contiennent du lait en abondance et sont très 
gonflées. L’urine, dosée par la liqueur de Fehling et parle saccharimètre, donne 
6 grammes de sucre par litre d’urine. 

Le sang recueilli et traité dans les mêmes conditions donne 


Pour le sang de l'artère crurale..... 25,56 de sucre pour 1000. 
Pour le sang de la veine épigastrique. 21,50 — — 


Cinquième expérience. — Chienne de forte taille en lactation. Suppression de 
l'allaitement le 11 juin. 


Le 12 juin, à une heure, les deux sangs sont recueillis et traités et donnent : 


Pour lFartèreus 416 ARR TILONL 23 AR LREA Re LEE EU 
Pour la veine. ....... SLA ASIE 4 HAN. 26e ND 
Sixième expérience. — Chienne de petite taille en lactation, mise en expe 


rience au moment où elle vient d’allaiter. On ne peut pas obtenir d’urine par le 
cathétérisme. î 
Le sang recueilli et traité donne : 


Pour l’artère........ . 1,6 de sucre pour 1000. 
Pour la veine......:... 11,8 = tan) 


Ces expériences nous montrent que la quantité de sucre contenu dans le 
sang n’est pas plus considérable qu'à l’état normal, lorsque les animaux 
allaitent et qu'il n’y a pas de sucre dans l'urine. Ce chiffre augmente, au 
contraire, dès que l’allaitement est supprimé, et que, {la glande conti- 
nuant à fonctionner, le sucre apparait dans l’urine. 

Enfin la proportion entre le sucre contenu dans le sang artériel et vei- 
neux sortant de la mamelle reste à peu près la même, sauf dans la dernière 
expérience, où il y avait une légère augmentation en faveur du sang veineux ; 
mais une différence aussi minime est insignifianté, et se trouve dans la 
limite des erreurs possibles des procédés de dosage. 

L'ensemble des faits que je viens de rappeler ne me paraît pas en rapport 
avec l'hypothèse que le sucre du lait se forme dans le foie. 

D'abord M. Bert base cette opinion sur deux expériences faites sur des 
chèvres, sans tenir compte des résultats opposés obtenus par lui-même et 
par moi chez le cobaye. 

Ensuite il me paraît difficile de faire concorder ce rapport signalé par 


256 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tous les auteurs qui se sont occupés de la question, entre la richesse de la 
sécrétion mammaire et la présence du sucre dans Purine, avec l’idée de la 
lactogénie hépatique. Ou bien, alors, faudrait-il admettre un équilibre 
constant entre le fonctionnement du foie et des glandes lactées. 

Telles sont les quelques observations que je désirais soumettre à la So- 
ciété à propos de la dernière communication de M. Bert. 


PERSISTANCE DE LA PAROLE, DANS LE CHANT, DANS LES RÊVES ET DANS 
LE DÉLIRE, CHEZ DES APHASIQUES, par M. BROWN-SÉQUARD. 


J’ai lu quelque part que l’on a constaté quelquefois que des aphasiques 
atteints de délire, ont parlé comme le font les individus pris de délire sans 
avoir perdu la faculté du langage parlé. J’ai vu deux cas de cette espèce. 
L'un de ces malades, un pasteur d’Osborne (ile de Wight), m'a été adressé 
par sir William Jenner, en 1862. Il avait reçu un coup sur le front à gauche 
et était devenu incomplètement hémiplégique à droite, et absolument apha- 
sique, sans avoir perdu les mouvements de la langue. Il était aussi privé de 
la faculté d'exprimer ses idées par l'écriture, mais son agraphie n'allait pas 
jusqu’à l'empêcher d'écrire, car il pouvait copier ce que l’on avait écrit, sa 
main n'étant pas très paralysée. Atteint de symptômes de méningo-encé- 
phalite, il fut pris d’un délire assez violent, dans lequel il parla distincte 
ment, employant un grand nombre de mots pour exprimer ses idées 
délirantes. 

Quant à la possibilité de la parole dans les rêves chez les aphasiques, je 
ne sache pas que le fait ait été signalé. Je n’en connais qu’un cas, celui 
d’un médecin distingué de Cincinnati (États-Unis), atteint de ramollisse- 
ment cérébral, d’origine embolique. Plusieurs fois pendant son sommeil, 
dans sa longue maladie, il a fait entendre des phrases entières, qui variaient 
avec son rêve. [l avait conservé son intelligence et l’on a pu aisément en 
juger, car, bien qu’absolument aphasique, il avait conservé les facultés 
d'exprimer ses idées par le geste et par l'écriture, son bras droit n'étant 
pas complètement paralysé. 

Quant au chant, chez un aphasique, je ne puis en dire plus que ce que 
J'ai appris par une lettre du frère d’un malade, mort avant que j'aie pu le 
voir. Cet individu, atteint subitement de perte de la parole et réduit à 
n’employer que l’interjection : Oh ! pour exprimer toutes ses idées, était pa- 
ralysé incomplètement à la face et aux membres à droite. Bien que sa main, 
de ce côté, pût assez se mouvoir pour que l'écriture fût possible, il avait 
vainement fait des efforts pour écrire : son agraphie était complète. Les 
gestes lui restant, il a pu donner la preuve que son intelligence n’était 
pas perdue. À plusieurs reprises il put chanter presque aussi bien qu'avant 
son attaque, les mots de la chanson étant émis aussi facilement que jamais. 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 257 


La faculté d'exprimer intelligemment des idées par la parole, dans l'état 
de veille, peut donc disparaître, sans qu'il en soit ainsi de la faculté ou des 
facultés d’exprimer, par la parole, les idées confuses du rêve, celles 
du délire ou celles qui sont liées mnémotechniquement à un rythme 
musical. si 


NOTE SUR L'ÉTHÉRISATION ET LA CHLOROFORMISATION PAR LA VOIE RECTALE, 
par M. le docteur Ch. DEBIERRE, professeur agrégé à la Faculté de 
médecine de Lyon. 


Les premiers essais d’éthérisation par la voie rectale sont déjà anciens. 
Quoi qu'il en soit, c’est, à l’heure actuelle, une méthode à laquelle ont 
assez souvent recours les chirurgiens danois. | 

Au moment même où nous faisions nos expériences au laboratoire de 
M. Chauveau, cette méthode était employée à l’Hôtel-Dieu de Lyon par 
M. Daniel Mollière, à l’instigation d’un confrère danois, M. Axel Yversen. 

Dans cette étude, la première question qu’on doive se poser est celle-ci : 
l’éthérisation par la voie rectale est-elle possible? 

A cette question, on peut incontestablement répondre par l’affirmative. 

Un lapin adulte ordinaire entre en anesthésie confirmée (cornée insen- 
sible, résolution musculaire, etc.), après une période de temps qui varie 
de six à dix minutes. 

La seconde question que nous nous sommes posée a été la suivante : 
Cette anesthésie est-elle facilement obtenue chez tous les individus de même 
espèce ou non, et indistinctement ? 

Il est moins facile de répondre à cette question qu'à la première. C’est 
en vain, en effef, que nous avons fait passer à travers le tube intestinal 
d’une chienne du poids de 15 kilogrammes, et pendant un temps qui a varié 
de trente à quarante minutes, 40 à 50 grammes d’éther vaporisé et sous une 
pression de 4 à 5 centimètres de mercure : nous n’avons pu obtenir la pé- 
riode de résolution. Bien mieux, en employant la méthode mixte d’anes- 
thésie, c’est-à-dire en injectant à un chien, dix minutes avant l’essai d’éthé- 
risation rectale, 0,02 de chlorhydrate de morphine, je n’ai pu obtenir 
l’anesthésie confirmée. I] y a grand émoussement de la sensibilité, saliva- 
tion très abondante, mais l'animal conserve la conscience du monde exté- 
rieur, sa cornée est toujours sensible et il réagit aux piqüres profondes. 

Mais le chien, on le sait, est tout particulièrement réfractaire à l’éthéri- 
sation, L'homme l’est moins. M. Daniel Mollière aurait réussi à atteindre 
la période de résolution chez trois jeunes sujets (Lyon médical, 30 mars 1884). 
Pour notre compte, ce que nous avons pu voir dans le service de ce chi- 
rurgien, c’est que chez trois personnes âgées, qu'il opérait pour fumeurs 
de la face, la période de résolution de l’anesthésie chirurgicale n’a pu être 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 16. 20 


258 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


obtenue par l’éthérisation rectale seule. Mais ce que nous avons également 
vu, c’est que dans ces conditions il suffit de présenter, devant le nez du 
sujet, la compresse roulée ou le bonnet employés ordinairement pour l’éthé- 
risation par les voies aériennes, pour le voir tomber en un instant, une à 
deux minutes au maximum, en éthérisation confirmée, et sans période 
préalable d’excitation, fait important. Enfin, ce que l’on peut observer 
encore, c’est que, dans ces conditions, l’éthérisation par la voie rectale seule 
peut alors maintenir l’anesthésie autant qu’on le veut. 

Ce genre d’anesthésie peut-il provoquer des accidents ? 

Dans une expérience faite avec M. Kaufmann, chef des travaux de phy- 
siologie à l’École vétérinaire de Lyon, nous avons pu provoquer la mort 
d’un lapin en un quart d'heure. Au bout de deux à trois minutes, l’haleine 
de ce lapin sentait très fortement l’éther (comme dans toutes les expé- 
riences); au bout de six minutes, il en était à la période de résolution. Nous 
élevons alors la pression à 8 et 10 centimètres de mercure et empêchons, à 
l’aide d’un petit artifice, les vapeurs d’éther de rebrousser chemin et de 
s'échapper en jets bruyants par l’anus. Le ventre se ballonne énormément, 
la respiration se ralentit, elle s'arrête, le cœur n’a plus que quelques fré- 
missements : le lapin est mort. 

Nécropsie. — Le cœur est arrêté en diastole, il est gorgé de sang et 
encore excitable. Les intestins sont fortement congestionnés; les tuniques 
muqueuse et musculeuse du cæcum ont cédé en trois endroits : seule la 
tunique péritonéale a résisté. 

Ce résultat est important à retenir : il montre que dans l’éthérisation par 
la voie rectale, il ne faut pas non plus faire pénétrer les vapeurs dans l’in- 
testin sous trop forte pression. On peut arriver à ce résultat en employant 
un manomètre ou un tube avec soupape de süreté. Disons que la sortie 
bruyante, par l’anus, des vapeurs d’éther pendant l’éthérisation rectale, 
lorsque la pression intra-intestinale est trop forte et que les vapeurs d’éther 
arrivent plus vite qu’elles ne sont absorbées, est une soupape d’échappe- 
ment toute naturelle. 

Quel est l’avantage de l’éthérisation par la voie rectale? 

Si cette méthode était jugée digne d’entrer dans la pratique chirurgicale, 
elle aurait deux avantages incontestables : 1° celui de supprimer la période 
d’excitation; 2 celui de permettre les opérations sur la face, tout en 
maintenant l’anesthésie sans embarras pour les mains du chirurgien. 

Le manuel opératoire est des plus simples. Il suffit d’avoir à sa dispo- 
sition un flacon avec bouchon à deux tubulures. À l’une de ces tubulures, 
on adapte un tube en caoutchouc terminé par un embout qu'on enfonce 
dans le rectum, préalablement vidé par un lavement; à l'autre tube de 
verre on adapte un manomètre ou même on y adapte un tube en caoutchouc 
qu’on ferme avec une forte pince serre-fine. On peut ainsi ouvrir et fermer 
à volonté le tube et faire baisser ou hausser la pression de vapeurs anesthé- 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 9259 


- siantes. Le flacon est plongé dans un petit bassin à 40 ou 50 degrés centi- 
grades. L’éther ne tarde pas à bouillir et les vapeurs passent dans l’in- 
testin. 

Ajoutons, pour terminer, que le chloroforme ne nous a donné jusqu'ici 
que des résultats incertains. Il a un inconvénient que n’a point l’éther : son 
point d’ébullition est trop élevé. 


NOTE SUR LA PRÉSENCE DU CUIVRE DANS LES CONFITURES, 
par le D' V. GaLrppe. 


Dans la dernière communication de notre collègue, le docteur Bochefon- 
taine, j'ai été particulièrement frappé par l’énonciation d’un fait d’empoi- 
sonnement qui aurait été provoqué par le résidu de la cuisson de confitures 
dans un vase en cuivre. Cette attribution, il est vrai, comme le dit fort bien 
du reste M. Bochefontaine, ne s’appuie sur aucune preuve, attendu qu'il 
n'y a eu ni autopsie, ni analyse chimique, elle pourrait donc à bon droit 
ètre considérée comme nulle et non avenue. Toutefois, j'ai pensé qu'il était 
sagé de ne pas laisser entrer cette observation dans nos bulletins, sans une 
simple protestation. Tout-le monde sait que l’on fait les confitures dans des 
vases de cuivre et que c’est généralement le privilège des enfants de goûter 
« au gratin adhérent au fond du vase ». Il n’est peut-être personne de nous 
à qui pareil régal n’ait été permis sans provoquer du reste le moindre 
accident. 

Le fait rapporté par M. Bochefontaine m'a engagé à donner des dosages 
faits par moi, 1l y a plus de deux ans, et que je n'avais pas eu le loisir de 
publier. Ces dosages prouvent que les confitures contiennent une notable 
proportion de cuivre, et il suffirait de consulter les personnes qui font usage 
de cet aliment, pour se convaincre qu’il ne constitue pas un poison bien 
dangereux. C’est là une expérience chaque jour renouvelée par un nombre 
considérable d'individus occupant tous les degrés de l’échelle des âges, et 
elle constitue un argument sans réplique. 

Voici nos résultats : 


Cuivre. 
Groseilles, par kilogramme. ................. Os, 0272 
Cerises, EN a TENTE MA DT TAPIE PRPRAERE 0 0152 
Mirabelles, NT M RE EU Ie 0 0248 
Reine-Claude, EN Pie ÉCRAN 0 0160 
Coings, A 2 DORE AN 0 020 
Abricots, LE A à ends Ni 0 0176 
Fraises, = OL OR REPAS Lier O0 0112 
Poires, TR ae fe eu 208 0 0136 
Oranges, LR RS A nd: 0 0192 
Ananas, et Pc PMR EE O0 0224 (1) 


(4) Laboratoire de la Clinique d’accouchements. — J'ai été aidé dans ces dosages 
par M. Noël, alors interne en pharmacie à l'hôpital (1882). 


260 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION VESTIBULAIRE ET LES’ GLANDES 
VULVO-VAGINALES ET CLITORIDIENNE CHEZ LA FEMME, par MM. F. TourNEUx 
et E. WERTHEIMER. 


Nous continuerons à désigner sous le nom de conduit uro-génital (ductus 
uro-genitalis) la portion inférieure du sinus uro-génital de Joh. Müller, 
Valentin. et Rathke, située au-dessous de labouchement des conduits géni- 
taux, et s’ouvrant au dehors par une fente antéro-postérieure (fente ou 
fissure uro-génitale, aditus uro-genitalis). Au moment où s’accuse le 
tubercule génital, la fente uro-génitale se prolonge à sa face inférieure 
sous forme d’une gouttière (uréthrale), dont les bords limitent un triangle 
isocèle répondant par son sommet à la base du gland. 

Chez le fœtus femelle, on peut donner au ductus uro-genitalis, en raison 
de sa destinée, le nom d’entrée ou vestibule du vagin (Nalentin), 
canal vuloaire (Budin), ou encore de canal vestibulaire (Tourneux et 
Legay). 

Le conduit uro-génital ne s’accroit pas avec l’âge proportionnellement 
aux organes adjacents (urèthre et vagin). Nous notons, en effet, sur plusieurs 
sujets les longueurs suivantes : 


Longueur du conduit 
uro-génital. 


9 9 
Fœtus de = CeNTIMEIReS EU NN EEE 2 millimètres. 
4 
9 se 
Fæœtus Q de T centimètres (fin 4° mois lunaire)... 2,5. 
Fœtus ® de 9 centimètres (fin 6° mois lunaire)... 3 millimètres. 
AE dE POIs ER PRO CR RE NPA 5 millimètres. 


Pour ce dernier sujet la profondeur du vestibule a été mesurée de la 
base de l’hymen à l’origine des petites lèvres. 

L’épithélium qui tapisse au début le canal vestibulaire est un our 
pavimenteux stratifié qui, chez les jeunes embryons de mammifères (pore, 
mouton, veau), comble entièrement la lumière du conduit. Sur le fœtus 


3 9 
9 2,4 DL D van ans o nr . 
humain de RT centimètres, l’épithélium pavimenteux stratifié mesurait 


? 
e 


1,9 
une épaisseur variable de 30 à 45u. Sur le fœtus & de —— 10,5 centimètres 


(début du 4 mois funaire), l’épithélium est devenu eee stratifié 

contre la paroi antérieure du canal vestibulaire, ainsi que dans le fond de 
12,5 

la gouttière uréthrale. Sur le fœtus de Dre centimètres (milieu du 5° mois) 

lé vestibule possède dans toute sa profondeur un revêtement prismatique 


SÉANCE DU 19 AVRIL, 9261 


stratifié, jusqu’à la base de la saillie hyméniale, où commence l’épithélium 
pavimenteux stratifié du vagin. Ces modifications nous ont paru intéres- 
santes à signaler, surtout si l’on considère que chez la femme adulte lépi- 
thélium du vestibule et de la gouttière uréthrale (portion pré-uréthrale du 
vestibule) retourne à l’état pavimenteux stratifié, tandis que chez l’homme 
l’épithélium de ce même vestibule (portion membraneuse et bulbeuse du 
canal de l’urèthre) conserve pendant toute la vie les caractères d’épithé- 
lium prismatique stratifié. 


Glandes vulvo-vaginales. — Le début de la formation des glandes 
vulvo-vaginales répond à peu près au 3° mois de la vie intra-utérine. Nous 
n'avons pas observé ‘de fœtus femelle correspondant à ce stade; mais chez 


3,2 
le fœtus mâle de DE centimètres les glandes de Cowper, homologues des 


glandes vulvo-vaginales, sont déjà représentées par deux bourgeons pleins 
de l’épithélium du conduit uro-génital, mesurant une longueur de 400 & sur 
une épaisseur de 80 (16° coupe du conduit uro-génital décomposé de bas 
en haut en 64 coupes, à raison de 30 coupes par millimètre). Chez le fœtus 
. 1,9 : : 
femelle de TE , les glandes vulvo-vaginales figurent deux longs cylindres 
1 

épithéliaux pleins, avec quelques ramifications à leur extrémité profonde 
(de la 18° à la 29° coupe du vestibule décomposé de bas en haut en 90 coupes, 
à raison de 34 coupes par millimètre). 


12 
Chez le fœtus de _ centimètres, les glandes sont notablement plus 


développées. Les culs-de-sac glandulaires sont dessinés à l’état de bour- 
geons pleins, au nombre de !0 à 12 sur la coupe (de la 11° à la 24° coupe 
du vestibule décomposé en 40 coupes, à raison de 15 coupes par milli- 
mètre). 


19 ; 
Chez le fœtus de = centimètres, les glandes se rapprochent par leur 


structure de ce qu’elles sont à l’époque de la naissance. Les culs-de-sac 
possèdent une lumière centrale limitée par une couche de cellules cylin- 
driques claires, d’une hauteur de 20 à 30m; le diamètre des culs-de-sac 
varie de 60 à 90w. Les conduits excréteurs viennent déboucher dans le 
sillon qui sépare les petites lèvres et l’hymen déjà nettement accusés; leur 
épithélium est prismatique stratifié, ainsi que celui de la région correspon- 
dante du vestibule. 


Glande clitoridienne. — L'un de nous a décrit pour la première fois 
chez la femme, sous le nom de glande clitoridienne, une petite glande en 
grappe, située à la face inférieure du clitoris, et venant s’ouvrir sur la ligne 
médiane, dans la région pré-uréthrale du vestibule (Wertheimer, Journal 
de l’anatomie, 1883). Dans son complet développement, cette glande n’a 


262 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


été observée’ qu'une seule fois chez la femme adulte, mais on rencontre 
toujours, au point correspondant à l’abouchement du canal excréteur de 
cette glande, une dépression tubuleuse plus ou moins profonde suivant les 
sujets. Nous avons été assez heureux pour retrouver le bourgeon initial de 
eue glande ou de cette dépression tubuleuse sur les deux fœtus femelles 


9,5 12,5 
GT 5° es et de TE centimètres. Chez le premier, le bourgeor 
très ent e ne mesurait en longueur que l'épaisseur de deux coupes; 
12,5 

chez le fœtus de AT centimètres, il s’enfonçait profondément (près de 
1 millimètre) dans la direction des corps caverneux, au-dessous desquels on 
apercevait sa section circulaire sur une dizaine de coupes. Sur ces deux 
fœtus le bourgeon, émané de l’épithélium de la gouttière uréthrale, était 
entièrement plein et sans ramification à sa terminaison profonde. — Nous 
sommes persuadé que la méthode des coupes sériées permettra de mettre 
en évidence laglande elitoridienne dans nombre de cas où un examen super- 
ficiel ne l’avait pas d’abord fait soupçonner. 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES URETÈRES CHEZ L' EMBRYON DE SARIGUE 
AVEC QUELQUES REMARQUES CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT DES UTÉRUS 
BICORNES (CARNASSIERS, PACHYDERMES, RUMINANTS), AINSI QUE LE MODE 
D'ÉLARGISSEMENT DU FOND DE L’UTÉRUS CHEZ LE FŒTUS HUMAIN, pan 
M. F. TourNeux. 


On sait que chez les Marsupiaux les conduits de Müller ne se fusionnent 
pas dans le cordon génital, comme chez les autres mammifères, mais qu'ils 
évoluent isolément, et donnent naissance, chez la femelle, à deux utérus et 
à deux vagins, s’ouvrant par deux orifices distincts dans le vestibule. Un 
embryon de sarigue & (Didelphis virginiana), long de 32 millimètres, que 
nous devons à l’obligeance de M. Pouchet, nous a permis d'étudier la dis- 
position particulière des uretères qui, au lieu d’embrasser dans leur cour- 
bure le cordon génital, s’engagent au milieu de ce cordon, entre les conduits 
de Wolff et de Müller, et divisent en quelque sorte le cordon génital en deux 
moitiés latérales, contenant chacune un conduit de Müller et un canal de 
Wolff. Chez notre embryon, un espace médian d'environ un demi-millimètre 
sépare les conduits de Müller, ou plutôt les conduits utéro-vaginaux (ou 
génitaux) qui leur ont succédé. Chacun de ces conduits possède, en effet, en 
dehors de la couche épithéliale prismatique qui en tapisse la face interne, 
une tunique propre déjà nettement différenciée; l'épaisseur totale du con- 
duit atteint 200 y. 


Les conduits de Wolff réduits à l’état de minces cordons cellulaires 


ns S 


SÉANCE DU 19 AVRIL. 203 


(20 u. de diamètre), cheminent dans l’épaisseur même de la paroi postéro- 
externe des conduits génitaux, au voisinage de leur surface. [nférieure- 
ment ces cordons wolffiens se rapprochent de la lumière centrale, et se 
soudent à l’épithélium des conduits génitaux, à une faible distance au- 
dessus de leur embouchure. Cetle disposition vient à l'appui de l'opinion 
que nous avons émise précédemment au sujet du développement du segment 
terminal ou vestibulaire du vagin par fusion commune des extrémités infé- 
rieures des conduits de Müller et de Wolff (Tourneux et Wertheimer, Soc. 
de Biologie, 15 mars 1884). 

Chez les autres mammifères, les conduits de Müller se fusionnent dans 
toute l’étendue du cordon génital en un canal unique et médian. Les cornes 
de l'utérus (carnassiers, pachydermes, ruminants) se développent aux dépens 
des segments des conduits de Müller compris entre le sommet du cordon 
génital et les insertions wolffiennes des ligaments inguinaux (ronds). La 
division plus ou moins profonde de l’utérus suivant les groupes, résulte 
uniquement de ce fait que la séparation entre le vagin et l’utérus a remonté 
plus ou moins haut dans le cordon génital. Chez la femme, l'utérus est 
bicorne jusqu’à la fin du quatrième mois lunaire de la vie intra-utérine 


(Michel, Joh. Müller, etc.). Sur un fœtus de — (début du 4 mois lu- 


naire), la distance entre les insertions des ligaments ronds est de 4 milli- 
mètres, alors que la largeur du fond de l’utérus ne dépasse pas 2 milli- 
mètres. Peu à peu le fond de l’utérus empiète latéralement sur les cornes, 
qui disparaissent ainsi progressivement de dedans en dehors, pour fournir 


À 9 : 
à son élargissement. Chez un fœtus de TE (fin du 4° mois), les ligaments 
2 


ronds s’insèrent directèment sur les côtés de l'utérus, dont le fond mesure 
une largeur de 47" ,5. 


BOURLOTON. — [Imprimeries réunies, A, 


…, 


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265 


SÉANCE DU 26 AVRIL 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


DE L'INFLUENCE DU TRAVAIL INTELLECTUEL SUR LA TEMPÉRATURE GÉNÉRALE, 
par M. Eugène GLEy. 


À propos des recherches sur la chaleur animale dont M. Charles Richet a 
déjà entretenu la Société et qu’il poursuit avec mon collègue du laboratoire 
de physiologie de la Faculté de médecine, M. le docteur Rondeau, et avec 
moi, nous avons eu l’idée de faire construire un thermomètre tel que l’on 
puisse sur soi-même observer la température rectale et en suivre aisément les 
modifications sous diverses influences. Cet instrument, que j'ai l'honneur 
de présenter à la Société, a été réalisé d’une manière fort simple : c’est un 
thermomètre à mercure, dont la cuvette est assez grosse et dont la tige 
offre deux coudes; du second coude s’élève une branche montant assez 
haut et à l’extrémité de laquelle se trouve la graduation qui va de 35 à 
42 degrés. Et ainsi, une fois le thermomètre introduit dans le rectum, — 
et la direction du premier coude rend très aisée cette introduction — on 
peut faire soi-même les lectures sans déplacer aucunement l’instrument. 
Comme nous voulions celui-ci très sensible, chaque degré est divisé en 25. 
Ce thermomètre a été construit par M. Ducretet. M. Alvergniat nous en a 
construit un autre, de même forme, aussi commode à manier et que je pré- 
sente également à la Société. 

J'ai fait sur moi, avec ce thermomètre, un certain nombre d'observations 
pour voir si le travail intellectuel exerce quelque influence sur la tempéra- 
ture générale. C’est une question qui a été très peu étudiée. J'avais déjà 
obtenu la plupart de mes résultats lorsque quelques recherches bibliogra- 
phiques nous ont montré que John Davy s'était aussi occupé de mesurer les 
effets thermiques de l’activité psychique (1). Plus récemment, M. Spech, 
dans les Archiv. für experimentellen Pathologie (2), a publié un mémoire 
où il donne quelques températures prises sous cette influence. Mais ces 


(1) Davy, Physiological Researches, p. 18 et 51. London, 1865. 
(2) T. XV, 1882, p. 88. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I°", N° 17. 21 


266 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


deux observateurs se sont servis vraisemblablement de thermomètre à 
maximum; par conséquent ils ne pouvaient obtenir qu’un effet final, une 
résultante totale, alors qu'il est particulièrement intéressant, dans des 
expériences de ce genre, de suivre toutes les variations de la courbe ther- 
mique. Je dois dire, d’ailleurs, que, d’une façon générale, leurs chiffres 
concordent avec ceux que j'ai trouvés. 

Je diviserai mes expériences en deux séries, d’après les conditions dans 
lesquelles je me suis placé pour observer ma température. J'ai en effet 
surtout pris celle-ci, tantôt assis devant ma table de travail après-midi, 
tantôt au lit, le matin. Comme on va le voir, cette seule condition amène 
des résultats notablement différents, toutes les autres conditions, bien 
entendu, restant les mêmes : dans les deux cas, immobilité à peu près 
absolue, c’est-à-dire repos musculaire et travail analogue consistant le plus 
souvent dans la lecture d’articles de la Revue philosophique. Pour les 
expériences faites le malin, j'étais à jeun ; quant à celles de l’après-midi, le 
travail de la digestion était sans doute terminé, le déjeuner ayant eu lieu 
entre 11 heures et midi et les observations commençant à 4 ou à 5 heures. 
Dans les deux cas, la première température relevée n’a jamais été prise, 
inutile de le dire, que 1/4 d'heure après l'introduction du thermomètre 
dans le rectum; les températures étaient notées de 5 en 5 minutes. La 
durée des expériences que je relaterai plus particulièrement, variant entre 
3 heures et 1 heure, étaient, le plus souvent, de 2 heures ou de 4 h. 1/2. 

J'ai remarqué très vite que, dans la position assise, par suite de Pimmo- 
bilité, la température centrale s’abaisse assez rapidement. Le fait d’ailleurs 
est bien connu. Mais qu'intervienne alors l’activité psychique, on constate 


des modifications dans la courbe de la température, ainsi qu’on peut Île 
Ï ; 


voir sur les tracés que j'ai apportés ici; il se produit des arrêts, des pla- 
teaux, quelquefois de petites ascensions, en un mot des irrégularités. 
Je choisis, entre plusieurs autres, quelques expériences typiques à cet 
égard : 


Le 20 avril. Le 22 avril. Le 93 avril. 
Heures.  Degrés. | Heures.  Degrés. Heures. Degrés. 
AMD RS 2 A5,2510: 37,20 À 5,20 T : 31,24 
4,090 — 37,28 5,30 — 37,14 9,25 — 31,16 
4,95 — 317,26 5,929 — 37,10 9,90 — 31,10 
5 — 31,24 9,40 — 37,04 0,30 — 31,04 
A ce moment travail. b,45 — 36,18 0,10 — 36,98 
0, — 31,20 9,00 — 36,92 0,45 — 36,92 
5,10 — 37,20 0,09 — 36,88 9,00 — 36,90 
5,15 — 37,18 6 — 30,84 0,00 — 36,86 
5,20 — 37,16 6,9 — 36,80 6 — 930,84 
b,25 —- 37,10 6,10 — 36,76 A ce moment travail. 
5,30 — 37,08 6,15 — 36,72 6,5 — 36,90 
0,30 — 91,10 6,20 — 36,70 6,10 — 36,92 


Interruption du travail. 6,25 — 36,68 6,15 — 36,90 


} 
\ 
il 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 267 


TE —————"———"—————"—"——]————"—"—"—"—_ 


Le 20 avril. Le 22 avril. Le 23 avril. 

Heures.  Degrés. Heures.  Degrés. Heures.  Degrés. 

5,40"T : 37,04 6,30 T : 36,66 6,20 T : 36,92 

5,45 — 36,98 6,35 — 36,66 6,25 — 36,88 
Reprise du travail. 6,140 — 36,62 6,30 — 36,88 

5,50 — 37,00 6,45 — 36,60 Fin du travail. 

9,09 — 36,96 A ce moment travail. 6,35 — 36,86 

6 — 36,96 6,50 — 36,64 6,40 — 36,86 

6,5 —.36,92 6,55 — 36,68 6,45 — 36,84 

6,10 — 36,92 HUE 19668 6,50 — 36,84 

6,15 — 36,86 1,5 — 36,68. 6,55 — 36,82 

6,20 — 36,88 7,10 — 36,64 71 — 36,80 

6,25 — 36,84 1,15 — 36,68 

6,30 — 36,82 7,20 — 36,70 

6,3 — 36,82 7,25 — 36,70 

6,40 — 36,80 7,30 — 36,68 

6,45 — 36,76 

6,50 — 36,76 

6,55 — 36,76 

T — 36,80 

TRES 6 76 ; 

1,140 — 36,76 


Ainsi, dans l'expérience du 20 avril, en 1 h.25 detravail (de 5 h.45 à 7 h. 10) 
il y a eu une chute de température de 0°,23 (36°,98 à 36°,76); dans l’expé- 
rience du 22, en 1 h. 20 sans travail, la température baisse de 0°,60; dans 
l'expérience du 23, en { h. 40, mais alors qu’il n’y a que 30 minutes de tra- 
vail, la baisse est de 0°,44. Dans une expérience faite Le 6 avril, de 2 h. 50 à 
o h. 50, l'après-midi, c’est-à-dire d'une durée de 3 heures, et le travail 
ayant commencé à 3 h. 15 pour durer jusqu’à la fin de l’expérience sans 
autre interruption qu’une interruption de 10 minutes, la température n’a 
baissé que de 0°,44. Dans une autre observation, le 14 avril, le soir, de 
4 h. 20 (de 11 h. 10 à 12 h. 30), la baisse n’a été que de 0°,04. 

Nous pouvions déjà conclure de ces expériences, ce me semble, que 
l’activité psychique détermine une production de chaleur. Dans les condi- 
tions dans lesquelles je m'étais mis en observations, il y a, en effet, une 
cause qui amène une baisse de la température centrale, c’est l’immobilité, 
et cette chute a lieu d’une façon assez régulière. Il n’importe pas, pour le 
moment, que nous n’ayons pu encore déterminer jusqu’à quelles limites 
arrive cette chute. On sait, de plus, à quelle sensation de froid périphé- 
rique donne lieu le travail intellectuel. Il n’est personne peut-être qui, tra- 
vaillant immobile, ne sente, à un certain moment, ses extrémités se refroidir. 
Ce phénomène tient aussi en partie, je crois, à l’immobilité et, d’autre part, 
il est sans doute en quelque rapport avec la constriction des vaisseaux des 
membres qui se produit, Mosso l’a bien montré, lorsque le cerveau tra- 
vaille, Or, malgré cette grande cause de refroidissement, l’immobilité, dès 


268 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que l’activité psychique intervient, la température ne baisse plus aussi 
rapidement ou même par moment reste stationnaire. La production de 
chaleur, que détermine un pareil effet, doit donc être encore assez considé- 
rable, Si elle ne se traduit que faiblement sur les courbes, c’est que dans la 
plupart des expériences physiologiques on ne saisit que des résultantes, par 
suite de la complexité des causes qui sont en jeu. Voici, par exemple, deux 
causes antagonistes : l’une tend à faire monter la température, c’est lPacti- 
vité psychique, l’autre tend à la faire baisser, c’est l’immobilité : celle-ci 
est plus puissante, et alors Les effets de l’autre sont nécessairement atténués; 
ils n’en existent pas moins. 

Une seconde série d'expériences a été faite au lit, le matin, une heure 
environ après le réveil. Jai voulu éviter de cette façon l'influence hypother- 
mique de l’immobilité, en me plaçant dans un milieu de température sen- 
siblement constante. Il en a été ainsi et j’ai pu constater nettement l'effet 
thermique du travail intellectuel, dégagé de toute cause perturbatrice; les 
courbes que je présente à la Société le montrent bien. Voici d’ailleurs 
quelques-uns des résultats que j'ai obtenus. 


Le 20 avril. Le 23 avril. 
Heures. Degrés. Heures. Degrés. 
À 9,50 T : 36,36 À 9,55 T : 36,44 
Début du travail 9,40 — 36,44 


Le 24 avril. 
Heures.  Degrés. 
A 7,30 T : 36,32 
1,35 — 36,32 


Le 15 avril. 
Heures. Degrés. 
A 7,45 T : 36,32 

1,90 — 36,34 


A ce moment à 9h52: 9,45 — 36,48 7,40 — 36,32 
travail. 9,55 — 36,36 9,50 — 36,50 7,45 — 36,34 
1,55 — 36,32 10  — 36,38 9,55 — 36,50 7,90 — 36,32 
8 — 36,32 10,5 — 36,40 10. — 36,50 7,05 — 36,34 
8, b — 30,92 10,10 — 36,42 À cemomenttravail. 8  — 36,94 
8,10 — 36,22 10,15 — 36,44 10,5 — 36,50 À ce momenttravail. 
8,15 — 36,34 10,20 — 36,148 10,10 — 36,50 8,9 — 36,34 


10,15 — 36,52 
10,20 — 36,52 


8,10 — 36,36 


8,20 — 36,36 10,25 — 36,48 
8,15 — 36,40 


8,25 — 36,40 10,30 — 36,50 


8,30 — 36,40 
8,90 — 90,41 
Fin du travail. 


8,40 — 36,42 
8,45 — 36,49 
8,50 — 26,42 
8,55 — 36,40 
56,10 


9,5 ‘— 36,36 
9,10 — 36,36 


10,35 — 36,92 
À ce moment 
interruption. 

10,40 — 36,52 


© 10,45 — 96,52 


10,50 — 36,52 
10,55 — 36,52 
11 — 96,52 


Reprise du travail. 


11,5 — 36,52 
11,10 — 36,52 
11,15 — 36,54 
11,20 — 36,56 
Fin du travail. 
11525 -— 36,54 
11,30 — 36,54 


10,25 — 36,52 
10,30 — 36,52 
10,35 — 36,52 
10,40 — 36,54 
10,45 — 26,58 
10,50 — 36,58 


8,20 — 36,40 
8,20 — 36,49 
8,90 — 36,46 
Fin du travail. 


8,35 — 96,48 
8,40 — 36,48 
8,45 — 36,50 
8,50 — 36,50 
8,55 — 36,48 
9  — 36,48 


SÉANCE DU 20 AVRIL. 269 


Ainsi, par l'effet de l’activité psychique, en 45 minutes la température 
s’est élevée de 0°,10: en 1 h. 40, malgré une interruption de 25 minutes, 
elle a monté de 0°,20; en 50 minutes de 0°,08, et en 30 minutes de 0°,16. 
Dans trois autres expériences (28 mars, 3 avril, 18 avril), en 20 minutes, 
j'ai constaté des élévations de 0°,08, de 0°,08 et de 0°,12. En moyenne et 
toutes choses égales, on peut donc dire que, dans l’espace d’une heure envi- 
ron, la production de chaleur due au travail intellectuel est représentée par 
un peu plus d’un dixième de degré. 

Il convient maintenant de signaler quelques détails, assez intéressants 
peut-être, des courbes que j’ai obtenues. On remarquera tout d’abord que 
l’élévation de température ne se produit qu’un certain temps, 1/4 d’heure 
environ, après le début du travail. Le fait était à prévoir. Le travail fini, 
souvent la température continue à s’élever un peu ou bien demeure station- 
naire; en d’autres termes, lorsqu'il n’y a pas de causes de refroidissement, 
l'augmentation de température, résultant de l’activité psychique, reste pour 
ainsi dire acquise à l'organisme. — Tous ces faits ne prouvent-ils pas que 
les augmentations de température constatées tiennent bien à une combustion 
plus active? Telle paraît être en effet l’explication réelle du phénomène 
dont il s’agit. Le cerveau qui fonctionne brûle davantage. De là une pro- 
duction de chaleur ; de là l’élévation de la température centrale. Et ce phé- 
nomène prend naturellement sa place à côté des observations déjà faites, 
relatives aux modifications circulatoires et à l'élimination plus considérable 
de certaines substances pendant le travail intellectuel et à la suite de ce 
travail. 

Il n’est pas besoin, sans doute, d'ajouter que la différence est grande 
entre les expériences que je viens de rapporter et celles qui consistent 
à prendre, avec de petits thermomètres disposés en couronne, la tem- 
pérature crànienne; nous nous demandons toutefois, à propos de ces 
élévations de la température frontale, dont la cause et la signification sont 
encore bien discutées, si elles ne dépendraient pas tout simplement, étant 
donnée l’augmentation de la température centrale, de cette augmentation 
même. Nous réservons d’ailleurs, MM. Richet, Rondeau et moi, cette étude 
ainsi que l’étude de la température périphérique en général pendant l’acti- 
vité psychique. Il nous semble que les variations de cette température péri- 
phérique seraient intéressantes à observer, parallèlement à celles de la 
température rectale, données par un instrument précis comme celui que 
nous avons entre les mains. pi. 

Il nous reste maintenant à tirer une conclusion générale de mes expt- 
riences. On dira peut-être que les élévations de température que j'ai con- 
statées sont bien peu considérables. IT est vrai; mais il est vrai aussi que, 
normalement, les lobes frontaux ne doivent être qu’un petit foyer de cha- 
leur. La grande source de la chaleur animale, c’est le système musculaire. 
A toutes les preuves que l’on a de ce fait, on peut encore ajouter l'influence 
hypothermique de l’immobilité, dont jai parlé plus haut. Toujours est-il, 


970 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


néanmoins, que de l’exereice de la pensée résulte une production de cha- 
leur. C’est là une manière indirecte de voir, chez l’homme, une influence 
nerveuse élever la température générale et on ne laissera pas de remarquer 
le rapport de ce fait avec la fièvre nerveuse dont M. Ch. Richet entretenait 
tout récemment la Société. Il y a néanmoins une différence entre l’inter- 
prétation possible de ces deux ordres de phénomènes; car, tandis qu’on ne 
peut attribuer qu’à l'influence nerveuse les faits dont a parlé M. Richet, on 
pourrait sans doute, pour ceux que j'ai constatés, ne pas s’en tenir à 
l'explication que je propose et les rattacher à des actions vaso-motriees 
d’origine cérébrale, et vraisemblablement aussi périphérique. Ce point est 
à éclaireir. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES DIATOMÉES, par M. Poucuer. 


L'évolution complète des bacillariées ou diatomées est probablement 
encore inconnue. Leur multiplication par scissiparité, leur régénération 
par auxospores, étudiée en dernier lieu par Pfitzer (1882), ne semblent 
pas satisfaire à toutes les conditions de la reproduction des êtres vivants, 
et il était permis de supposer que de ce côté existaient de graves lacunes. 
Sans prétendre à les combler, je crois devoir faire connaître, en présentant 
ici les dessins originaux et en attendant la publication d’un travail plus 
étendu, quelques faits qui pourront aider à porter la lumière sur ce sujet 
encore fort obscur. Nos études ont porté sur des espèces marines. : 

On trouve sur le fond de la mer, en se plaçant dans les conditions favo- 
rables d'observation, des corps sarcodiques qui après une période d'activité 
et de mouvement s’arrêtent et s’étalent alors en expansions qui leur donnent 
parfois une apparence rappelant tout à fait celle d’un corps fibroplastique. 
Le cytoplasme est hyalin, légèrement bleuâtre, ou bien il peut être déjà 
coloré par la diatomine. Le noyau est à peu près sphérique avec un nueléole. 
Ce corps rameux grandit, les ramifications s’unissent et finalement dessi- 
nent un réseau plus ou moins étendu et dont l’aspect diffère selon les 
espèces. 

Ge réseau s’étend parfois extrêmement loin; puis à un moment donné les 
filaments font place à des corps biconiques plus ou moins espacés ou che- 
vauchant les uns sur les autres. Il est impossible de se méprendre sur la 
valeur de ceux-ci et on a bien sous les yeux des diatomées en formation. 
Parfois des filaments s’élargissent, et les élargissements traités par l’acide 
osmique, présentent un clivage qui les montre formés de diatomées nais- 
santes. Plus tard au milieu de chacune d’elles, quand elles commencent à 
être bien dessinées, on voit un petit point brillant. 

Ce réticulum d’origine a, dans les Nitszchia, une apparence toute spéciale. 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 271 


Le corps amiboïde d’où il provient, est communément caché sous des 
masses zoogléiques, d’où on le voit en quelque sorte s’échapper. Les filaments 
du réseau sont extraordinairement déliés, mesurant moins de 1 pouce, et 
présentent de place en place des renflements de substance eytoplasmique 
(les futures diatomées) mesurant 4 à 5 pouces, ayant un léger reflet 
bleuâtre avec une ou deux granulations foncées. On s’assure sans peine que 
ces renflements se déplacent le long des filaments avec une rapidité fort 
notable. Le phénomène est des plus faciles à vérifier. Nous avons pu suivre 
ainsi un de ces renflements arrivant à des embranchements et changeant de 
route presque à angle droit pour glisser le long du filament perpendiculaire 
à celui qu'il avait suivi jusque-là. 

Tantôt les filaments du réseau se rejoignent et se soudent sans aucune 
modification de leur diamètre et tantôt leur point de jonction présente un 
renflement qui prend, en raison de ces rapports, la forme triangulaire. En 
examinant la progression de ces renflements, on constate parfois qu’en 
arrière de lui, le filament présente un élargissement momentané, sur une 
étendue égale environ à deux fois la longueur du corps parcourant le fila- 
ment. Au delà, le filament reprend son diamètre primitif. 

Reste une question fort intéressante et qui appartient aussi bien à l’his- 
toire des diatomées, qu’à celle des péridiniens. Que devient le noyau? Les 
corps amiboïdes en possèdent un avec nucléole. Nous le retrouvons sur les 
mêmes corps devenus stationnaires et étalés en réseau. [l peut rester au 
contact d’un groupe de jeunes diatomées prenant naissance du cytoplasme 
qui l’environne immédiatement. Mais il est certain que les diatomées en 
formation se trouvent souvent fort éloignées de lui et poursuivent leurs évo- 
lutions indépendamment de lui. 

Enfin il conviendra de rechercher si la gaine à l’intérieur de laquelle se 
développent de nombreuses diatomées et qu’on regarde comme un produit 
de celles-ci, ne serait pas plutôt un dérivé du corps amiboïde originaire. 


SUR LE MÉCANISME DE LA MORT OU DES ACCIDENTS QUI SUCCÉDENT A L'IN- 
JECTION SOUS-CUTANÉE DU CHLOROFORME, à propos d'une Note de 
M. Bouchard sur le même sujet, par M. LABORDE. 


Dans une intéressante Note lue récemment à l’Académie de médecine et 
à la suite de nombreuses expériences poursuivies depuis 1881, notre col- 
lègue M. Bouchard a cherché à expliquer la mort inopinée et constante qui 
succéderait, d’après lui, à l'injection sous-cutanée de chloroforme. 

« Un fait qui n’a jamais manqué, dit-il, c’est le développement d’une 
albuminurie généralement intense et souvent accompagnée d'hématurie, qui 
se produit deux heures après l'injection, quelquefois plus tôt, quand la 


bo 
1 
bo 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dose a été plus considérable, et qui, malgré la conservation des signes exté- 


rieurs de la santé, persiste jusqu’à la mort. Cette albuminurie dure vingt- 
quatre heures, quarante-huit heures au plus, quand la dose a été plus 
faible et que la mort ne survient pas. 

» Chez les lapins mis en expérience, dont le poids moyen était de 1709 gram- 
mes, le chloroforme injecté sous la peau à la dose de 1 centimètre cube ou 
à une dose supérieure, a toujours provoqué l’albuminurie et a toujours 
amené la mort dans les délais et avec les phénomènes que j'ai indiqués. 

» À la dose de 3/4 de centimètre cube, l’albuminurie a été constante, la 
mort s’est produite dans les trois quarts des cas. 

» À la dose de 1/2 centimètre cube, l’albuminurie a été constante, sauf 
dans un cas; la mort est survenue dans les trois quarts des cas. L'animal 
chez lequel l’albuminurie n’a pas été constatée compte parmi les morts. 

» À la dose de 1/4 de centimètre cube, lalbuminurie n’a paru que dans la 
moitié des cas; quand elle s’est produite, elle a été suivie de mort; quand 
elle a manqué, les animaux ont survécu. Chez ces derniers, de nouvelles 
injections de 1/4 de centimètre cube pratiquées un, deux ou trois jours de 
suite ont suffi pour déterminer l’albuminurie et la mort. 

» À des doses moindres, de 1/5 à 1/10 de centimètre cube, l’albuminurie 
et la mort n’ont jamais été la conséquence d’une première injection ; mais 


elles ont toujours suivi les injections multiples pratiquées une fois seule 


ment par jour, et le nombre a varié entre deux et dix. 

» Chez le chien, l'injection de chloroforme à une dose représentant le 
millième du poids du corpsne produit ni la mort ni l’albuminurie. A la dose 
de 1 centimètre cube par kilogramme, elle produit une albuminurie légère 


qui n’est pas suivie de mort. À la dose de 2 centimètres cubes par kilo- 


gramme, elle détermine l’albuminurie et la mort. Comme chez le lapin, la 
mort survient tardivement chez le chien, après une période intermédiaire de 
santé apparente. » 


Il y a dans le travail de M. Bouchard une question de fait et une question 
d'interprétation. 

D’après des expériences anciennes et inédites, faites avec mon regretté 
collègue Muron, et que j'ai récemment reprises et répétées, le fait de la 
mort des animaux à la suite de l’injection sous-cutanée de chloroforme ne 
serait pas aussi constant que semblent le démontrer les résultats obtenus 
par M. Bouchard. Ce fait est évidemment soumis, en sa variabilité, à un 
certain nombre de conditions contingentes, notamment au poids et à la 
résistance individuelle des animaux, à la dose de la substance, aux condi- 
tions de son absorption et de sa dissémination dans l’organisme, et aussi au 
plus ou moins de pureté et d’activité du produit. 

J'ai vu survivre et jai encore sous les yeux un lapin qui a reçu itérative- 
ment et successivement à des intervalles de plusieurs jours, 1, 2 et 3 cen- 
timètres cubes de chloroforme en injection hypodermique ; il est vrai que ce 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 913 


lapin était du poids de 3 kilogrammes, bien supérieur, par conséquent, à 
celui des animaux de M. Bouchard. Mais il est à remarquer que la dose de 
chloroforme employée par nous était triple de celle avec laquelle notre col- 
lègue et ami a obtenu ses résultats. 

Un autre lapin, du poids également élevé de 3k5,500, après avoir résisté 
aussi à l'administration hypodermique de 1/2, 1 et 2 centimètres cubes de 
chloroforme, a succombé à la suite de l'injection de 3 centimètres cubes, 
mais seulement deux jours après. 

Enfin, un troisième lapin plus jeune, et du poids relativement inférieur 
de 1343 grammes, et par conséquent au-dessous des chiffres indiqués par 
M. Bouchard, après avoir reçu une première fois en injection sous-cutanée 
1 centimètre cube de chloroforme, et une seconde fois, cinq jours après, 
2 centimètres cubes, a survécu et se porte actuellement fort bien. 

Nous avons déjà observé, Muron et moi, des résultats de cette nature, 
avec plus ou moins de variabilité quant à l'accident mortel. 

Ce qui est constant, c’est l’état passager de narcose et d’incoordination 
ébrieuse, avec une dose suffisante, — et aussi l’albuminurie signalée par 
M. Bouchard. Je trouve aussi indiquée dans les notes de Muron la pré- 
sence de sucre (glycosurie) dans un certain nombre de cas ; mais, dans les 
expériences que j'ai récemment répétées, je n’ai pu constater qu’une seule 
fois, et cela dans des conditions particulières d’altérations nutritives (amai- 
grissement considérable, gangrène locale) la réaction glycosurique carac- 
téristique dans les urines. 

On voit, en effet, même dans les cas où ils résistent et survivent, les ani- 
maux présenter un amaigrissement rapide; de plus, lorsque l’injection a 
été faite, comme dans plusieurs de nos cas, à l’une des pattes postérieures, 
celle-ci devient constamment le siège d’une parésie plus ou moins accentuée 
et durable, à la fois motrice et sensitive, si bien que l'animal traîne la 
patte sans la pouvoir ramener en flexion, et qu’il peut lui advenir, ainsi 
que nous l’avons observé dans l’un des cas qui précèdent, de se laisser 
manger, par suite d’insensibilité, l’extrémité du pied par un de ses coha- 
bitants (lapin ou rats). 

Il convient de noter aussi que, si dans la plupart des cas il ne se montre 
pas, au lieu de linjection, d'accidents locaux très accentués, tels que abcès 
ou phlegmon gangreneux, il y a presque toujours un certain degré d’infil- 
tration séreuse avec aspect nacré et induration de la couche musculaire 
superficielle : témoignage de la réalité de l’action irritative locale de la 
substance. On observe particulièrement ces phénomènes locaux bien consta- 
tables à l’autopsie, lorsque l’injection a été poussée un peu profondément 
du côté des cuisses, jusqu’au voisinage ou au contact des couches muscu- 
laires. 

Ajoutons enfin — ce qui n’est pas une remarque indifférente — que le 
chloroforme dont nous nous servions provenait du fournisseur habituel du 
laboratoire, c’est-à-dire d’une de nos principales maisons de produits chi- 


274 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


miques, et que, si sa pureté n’était pas parfaite (elle est difficile à rencon- 
trer), son activité était certainement celle du chloroforme usuel. 

Il se peut, cependant, que cette activité fût inférieure à celle du produit 
employé par M. Bouchard; ce qui expliquerait les différences de degrés de 
nos résultats respectifs. Car en somme il ne s’agit pas de résultats contra- 
dictoires, mais simplement de degrés dans la production et la parité des 
accidents. 

Il y avait donc à rechercher le mécanisme pathogénique de ces accidents 
qui peuvent, en réalité, aboutir un peu plus tôt ou un peu plus tard, et 
moyennant la dose suffisante, à la mort. C’est ce qu'a fait notre savant ami, 
en examinant successivement et expérimentalement les conditions de possi- 
bilité suivantes. 

Il s’est d’abord demandé si l’albuminurie qu’il observait constamment 
n'avait pas de relations pathogéniques nécessaires avec les accidents mor- 
tels, lesquels seraient alors le résultat d’une néphrite avec intoxication 
urémique. Mais ni l'examen histologique du tissu rénal, où l’on ne trouve 
que de la congestion avec extravasation sanguine dans les canalicules, sans 
lésions épithéliales, ni l’analyse du sang, qui ne révèle qu'une quantité 
d’urée sensiblement égale à la normale, ne permettaient de s’arrêter à cette 
hypothèse. 

S'agit-il d’un réflexe suspensif provoqué par une irritation locale au siège 
de l’injection hypodermique ? 

_ Pour vérifier cette deuxième éventualité, M. Bouchard sectionne les nerfs 
sciatique et crural du même côté, laisse la plaie se cicatriser, et avant que 
la régénération nerveuse ait pu s’opérer, pratique l'injection habituelle de 
chloroforme ; l’albuminurie et la mort surviennent dans cette condition 
expérimentale comme précédemment. Qu'il nous soit permis de faire 
remarquer à M. Bouchard qu'à priori une pareille hypothèse n’était guère 
justifiée. Car la mort par un réflexe suspensif est un fait rapide, plus ou 
moins subit de sa nature, puisqu'il est constitué par une syncope soit car- 
diaque, soit respiratoire. Or dans l’espèce la mort n’arrive, après le retour 
d’une santé apparente, qu'au bout de vingt-quatre, quarante-huit heures, 
ou au delà. 

En troisième lieu, M. Bouchard est amené à se demander si les accidents 
observés ne seraient pas le résultat d’une entrave, par abaissement ther- 
mique, aux phénomènes d’osmose et de nutrition, et au développement 
consécutif d’un de ces états septicémiques constitués par une auto-inocula- 
tion de. germes fournis par le tube digestif. Sans doute cette infection 
n'expliquerait pas l’albuminurie qui est trop hâtive, mais elle pourrait 
fournir l’explication du retour apparent et momentané à la santé, et la mort 
après vingt-quatre ou trente-six heures. Or M. Bouchard a vainement 
cherché des microbes dans le sang et dans le tissu des animaux morts dans 
les conditions dont il s’agit, et il a inoculé sans résultat leur sang à des 
animaux sains. 


(ob | 


SÉANCE DU 26 AYRIL. 27 


Réduit alors et en dernière analyse, à la simple et naturelle hypothèse 
de la possibilité d’un empoisonnement dû à l’absorption du chloroforme, 
M. Bouchard étudie, dans une nouvelle série d'expériences, d’un côté les 
effets des inhalations du chloroforme à une dose ni anesthésique, ni mor- 
telle, et de l’autre, ces mêmes effets à la suite d’injections intraveineuses, 
et il observe constamment une albuminurie rapide avec hématurie intense, 
mais sans que la mort s’ensuive. 

D'où il semble résulter que c’est bien à l’empoisonnement qu'est due 
l’albuminurie des injections sous-cutanées du chloroforme, soit que le 
poison agisse directement sur les éléments des reins au moment de 
l'élimination, soit que, transporté dans le centre nerveux par le sang, 
il y influence les parties qui président à la nutrition ou à la circulation 
du rein. 

Mais si l’albuminurie, ajoute M. Bouchard, est aussi expliquée par lem- 
poisonnement, il n’en est pas de même de la mort qui vient des injections, 
puisque le chloroforme introduit dans le sang par l’inhalation ou par l’in- 
jection intraveineuse n’amène pas la mort, quoiqu'il ait produit la narcose 
et l’albuminurie. 

D'où cette conclusion définitive: « Le mécanisme de la mort après l’in- 
jection sous-cutanée de chloroforme est done encore inconnu. » 


Eh bien, dans la série des possibilités pathogéniques si bien analysées par 
lui, M. Bouchard a précisément omis celle qui pouvait et devait, à notre 
sens, lui fournir l'explication rationnelle qu’il cherchait; ou plutôt il ne l’a 
pas omise, à proprement parler, puisqu'il l’invoque implicitement quand il 
parle du transport par le sang de la substance toxique dans les centres 
nerveux, mais il ne l’invoque que pour se rendre compte de l’albuminurie, 
qu'il a trop exclusivement en vue, il s'arrête en chemin, pour ainsi dire, 
dans la recherche des conséquences complètes, totales, de ce transport au 
contact des centres nerveux. 

Et d’abord quels centres nerveux ou quelles parties de ces centres ? C'est 
ici qu'il convient de rappeler encore une fois le mécanisme de l’action phy- 
siologique ettoxique du chloroforme, et de voir les modifications que peuvent 
apporter à cette action les conditions spéciales dans lesquelles la substance 
est introduite dans l’organisme et offerte à l’absorption. 

Nous le savons aujourd’hui pertinemment, l’action physiologique du chlo- 
roforme s'exerce d’une façon prédominante sur Le système nerveux central, 
en impressionnant tout d’abord les éléments anatomiques de la sphère céré- 
brale, et ensuite successivement, et de haut en bas, ceux du myélaxe: les 
phénomènes d’hypnotisme et d’anesthésie plus ou moins complets consti- 
tuent la principale expression symptomatique, fonctionnelle de cette action, 
tant qu’elle ne dépasse pas la limite physiologique ; mais à la dose toxique, 
eten dehors, bien entendu, de toute condition intercurrente capable d'amener 
(ordinairement par un mécanisme suspensif) des accidents graves instan- 


976 © SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tanés ou la mort, condition qui n'implique pas l’action propre du chloro- 
forme, mais celle de toute substance irritante à l’égal de ce dernier, — à 
la dose toxique, disons-nous, le centre bulbaire, et particulièrement le 
centre organique qui préside aux mouvements et à la fonction respiratoires, 
qui a résisté jusqu'alors — il offre en effet d'habitude, en de pareilles 
conditions, la dernière résistance et durée fonctionnelle — est frappé à son 
tour, et la mort survient par cessation primitive des phénomènes méca- 
niques de la respiration. 

Nous parlons ici des mammifères et de l’homme, car, chez les animaux 
à sang froid, notamment chez les batraciens, la résistance à l'action 
toxique et mortelle du chloroforme est relativement plus grande, à raison 
de l’importance fonctionnelle de la respiration cutanée qui peut suppléer et 
même remplacer complètement la respiration thoraco-pulmonaire ; celle-ci 
n’en est pas moins primitivement suspendue par l'influence du chloroforme, 
à dose toxique, comme chez les mammifères, en sorte que le mécanisme 
physiologique vrai de la mort par le chloroforme est bien et toujours un 
arrêt respiratoire par action prédominante et définitive sur le centre bul- 
baire : ce fait ne saurait être, croyons-nous, légitimement contesté aujour- 
d’hui par aucun physiologiste autorisé, et il est permis d'ajouter que ce 
même mécanisme peut et doit être étendu à tous les anesthésiques agissant 
plus ou moins à la façon du chloroforme. 

Dans ce qui précède, nous avons eu exclusivement en vue le chloroforme 
administré en inhalation et agissant conséquemment, par les vapeurs intro- 
duites dans les poumons, au contact immédiat d’une large surface vaseu- 
laire d'absorption : d’où résultent des conditions particulières de rapidité et 
d'intensité d'action qui constituent précisément les avantages inappréciables 
de l'emploi de cette substance. 

Mais, si le mode d'administration et d'application de celle-ei est de nature 
à modifier son action en ce qui touche aux conditions dont il s’agit, il ne 
saurait modifier cette action dans sa nature propre, c’est-à-dire dans une 
expression physiologique: ainsi, et pour en arriver de suite à la question 
qui nous occupe, il est légitime de présumer, à priori, que l’action du chlo- 
roforme, en injection hypodermique, aboutira en somme aux mêmes phé- 
nomènes fonctionnels, aux mêmes effets sur les éléments organiques au 
contact desquels il aura été porté par l’absorption, partant au même méca- 
nisme physiologique et toxique que dans le cas d’inhalation, mais avec 
toutes les différences et modifications que comporte le mode d'absorption 
sous-cutané. 

Ces modifications portent expressément sur le temps relatif de la péné- 
tration dans le milieu circulatoire, laquelle se fait ici non plus avec la rapi- 
dité, la presque instantanéité de tout à l’heure, mais lentement, progressive- 
ment, ce qui amène la même lenteur dans les phénomènes d'élimination, 
et par suite un contact plus prolongé, plus notoire de la substance avec Les 
éléments des tissus qu’elle est appelée à traverser : d’où la gravité, après 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 971 
EN 5) 2 AU 


une période latente, des accidents consécutifs qui, comme dans la plupart 
des cas de M. Bouchard, et dans quelques-uns des nôtres, peuvent aboutir 
à la mort. Mais, à la modification près, tenant au mode d’administration de 
a substance, le mécanisme de la mort, mécanisme essentiellement respira- 
toire, est toujours le même, ainsi qu'en témoignent et l’observation clinique 
attentive du vivant de l’animal, et l'examen cadavérique de tous les organes. 

Il n’est pas difficile, en effet, de constater, du côté des phénomènes res- 
piratoires, les signes accusateurs d’allérations graves de cette fonction; ces 
signes, en ce qu ils ont d'objectif, sont surtout ceux d’une dyspnée plus ou 
moins intense, avec irrégularité du rythme. 

Si d’un autre côté, après la mort, on ne s’arrête pas à l’examen exclusif des 
reins, en vue de explication pathogénique de l’albuminurie seule, eton pra- 
tique attentivement et complètement l’autopsie des animaux qui ontsuccombé 
dans ces conditions, ce qui frappe surtout, ce sont les altérations des or- 
ganes respiratoires, nous parlons des poumons. Ces altérations, qui sont 
constantes dans leur existence et dans leur nature, au degré près d’inten- 
sité, sont essentiellement constituées par un état congestif généralisé, avec 
ecchymoses sous-pleurales, les unes ponctiformes, les autres plus larges et 
plus éter-lues, et de larges îlots d’'emphysème aux bords tranchants et aux 
bases. S1 l’on ajoute à cela la présence d’une grande quantité de sécrétion 
spumeuse dans tout l’arbre bronchique, et de liquide séro-sanguinolent in- 
filtrant les mailles intervésiculaires, on aura le tableau des lésions dont il 
s’agit, tableau qui, pour le dire de suite, se rapproche singulièrement de 
celui qui appartient aux effets consécutifs de la section expérimentale des 
pneumogastriques. 

Cette assimilation est d’ailleurs, jusqu’à un certain point, justifiée par la 
nature des symptômes morbides observés sur le vivant, au cours de la ma- 
ladie expérimentale, et sommairement signalés ci-dessus ; et aussi par un 
autre résultat de l’autopsie qui ne laisse pas d’avoir, en ce cas, de l’impor- 
tance : je veux parler de l’examen du bulbe rachidien. Une simple obser- 
vation à l’œil nu de la surface du plancher du quatrième ventricule, parti- 
culièrement dans la région des colonnes grises et du V de substance grise, 
c’est-à-dire au niveau des origines des vagues, permet la constatation d’un 
état d'infection vasculaire, de congestions animales, et l’examen microsco- 
pique sur des coupes pratiquées à cet endroit, après durcissement dans l’al- 
cool, confirme et complète la première observation. 

Ce point central de l’influence fonctionnelle du système nerveux sur les 
phénomènes respiratoires, semble bien être, en conséquence, le lieu orga- 
nique de l’action prépondérante et définitive du chloroforme, tant dans le 
cas d’inhalation que dans le cas d'absorption sous-cutanée, à la lenteur 
près de la production des accidents ; et en dehors même de l’existence et de 
la constatation possible d’une lésion organique de ce point central, l’impli- 
cation prépondérante des organes et de la fonction respiratoires dans le 
mécanisme pathogénique de la mort n’en serait pas moins clairement dé- 


278 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


montrée par les constantes altérations pulmonaires. L'état de congestion et 
d'infiltration des reins, auquel il convient d'ajouter un état à peu près sem- 
blable du foie, se rattache logiquement au même mécanisme pathogénique, 
soit que l’influence primitive sur le centre nerveux suffise à expliquer l’al- 
buminurie comme dans le cas de lésion expérimentale, soit qu’à cette 
influence réelle viennent se joindre les effets locaux d’une absorption et 
d’une élimination lente et successive sur des éléments organiques de la 
glande rénale. 

Quoi qu'ilen soit de ces détails qui ne feraient que corroborer le réstiint 
définitif de cette enquête expérimentale, ce résultat fournit les données 
positives du mécanisme, tant de la production de lalbuminurie, que des 
accidents plus ou moins graves, et parfois mortels, à la suite de l'injection 
sous-cutanée de chloroforme ; mécanisme qui ne diffère pas au fond, de celui 
de la mort à la suite de l’inhalation ou de l’injection intraveineuse. El n°v : 
a donc pas lieu de dire, avec M. Bouchard : « Le mécanisme de la mort 
après l’injection sous-cutanée de chloroforme est encore inconnu. » 


Mais notre conclusion contraire et positive n’en apporte que plus de 
raison et de force à celle dans laquelle notre savant ami avertit de la cir- 
conspection qu'il convient d’avoir à l’égard des injections de chloroforme à 
haute dose chez l’homme, et surtout à l'égard des injections réitérées, 3 ou 
4 centimètres injectés par jour, ne fût-ce que pendant trois jours, corres- 
pondant à des doses qui ont été mortelles chez le lapin. 

Il ne faut pas oublier, à ce propos — et c’est ce que M. Bouchard a for- 
mellement constaté, — que les inhalations de chloroforme poussées jusqu'à 
l’anesthésie sont suivies chez l’homme d’albuminurie transitoire, et qu'il 
serait, en conséquence, téméraire de penser que l’homme est à 1’ abri d’ac- 
Sn qui peuvent entrainer la mort chez l’animal. 

Il y a là, au point de vue pratique, un fait qui se recommande à l’atten- 
tion de nos confrères. 


ANESTHÉSIE DU CONDUIT AUDITIF ET DU TYMPAN, AU MOYEN D'UN JET DE 
GAZ ACIDE CARBONIQUE, par M. GELLÉ. 


Les expériences de Brown-Séquard sur l’anesthésie de la muqueuse de la 
gorge et du larynx par un jet rapide d'acide carbonique sont présentes à 
votre mémoire. J'ai tenté d'employer ce moyen comme calmant de la dou- 
leur dans l’otalgie et comme anesthésique de la peau du conduit et du 
tympan dans les opérations qui se pratiquent dans ces régions. 

Comme calmant, l'expérience a été très concluante, et entre autres le 
résultat a été et est chaque jour excellent dans un cas d’otalgie atroce, 
symptomatique d’une lésion ulcéreuse de la gorge et des piliers du voile, 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 9279 


La violence des aceès de douleur est rapidement calmée par l'injection d’un 
litre et demi à deux litres d'acide carbonique, contenu dans un sac de 
caoutchouc et porté au méat auditif par un tube de caoutchouc. Je me 
réserve de présenter dans quelque temps les résultats obtenus dans l'emploi 
du jet de gaz acide carbonique comme anesthésique dans les opérations. 


SUR L'ABOLITION DES SUGGESTIONS A L'ÉTAT DE VEILLE, CHEZ LES SUJETS 
HYPNOTISABLES, par M. le docteur BRÉMauD. — Note présentée par 
M. DuMonNTPALLIER. 


La détermination de certaines suggestions à l’état de veille paraît se 
relier étroitement à l'étude de l’hypnotisme puisque les sujets sur lesquels 
ces phénomènes se produisent sont tous hypnotisables et que d'autre part 
tous les sujets hypnotisables ont pu être soumis aux suggestions les plus 
variées. 

Cependant les phénomènes de suggestion à l’état de veille bien diffé- 
rents en cela des phénomènes analogues obtenus dans les états hypnotiques 
caractérisés, sont justiciables de la :volonté et de la raison du sujet lui- 
même, et tout individu hypnotisable, homme ou femme, sur lequel la sug= 
gestion a prise, à l'état de veille, y deviendra absolument rebelle, dans ce 
même état de veille, dès qu’on aura pu lui démontrer, chose facile du reste, 
la part que son imagination prenait à l’accomplissement des faits. 

Dans les états hypnotiques : fascination, catalepsie, somnambulisme, les 
facultés de l’imagination sont surexcitées en même temps que la volonté, le 
jugement, la raison, le moi sont dans un état de parésie manifeste, et à ce 
moment tout raisonnement, toute démonstration faite à l’individu hypnotisé 
ne seraient que le point de départ d’une nouvelle suggestion ou seraient 
méconnus. 

Il n’en est pas de même à l’état de veille. [lsemble que l’individu hypno- 
tisable attribue à celui qui l’hypnotise un pouvoir particulier contre lequel 
. il n’y a pas de résistance possible ; il accepte dès lors, à l’état de veille et 
dans, un certain ordre d’idées, comme absolument vrai tout ce que lui 
affirme ce dernier et agit en conséquence, ne pouvant ou n’osant mettre sa 
volonté propre en opposition avec la volonté de l’expérimentateur. 

Dans d’autres cas, sous l’empire d’une émotion qui se traduit par des 
troubles vaso=moteurs faciles à constater et qui viennent d’être mis en 
relief par M. le professeur Charcot, MM. Bottey, etc., etc., on peut provo- 
quer non seulement l'impuissance d'exécuter certains mouvements, mais 
encore des phénomènes de contracture, d’anesthésie, l’aberration de sensa- 
lions thermiques, gustatives, olfactives, etc. Mais, le sujet étant en état de 
veille et capable de suivre un raisonnement logique, si ‘on arrive par un 


280 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


artifice d'expérience à lui faire comprendre que son imagination seule est 
la cause des phénomènes dont il est le témoin actif, il semble qu’un charme 
soit rompu et dorénavant toutes les tentatives de suggestion resteront sans 
résultat. Il est nécessaire cependant, pour que la guérison soit complète, 
que l'individu sur lequel on opère ne soit pas absolument dénué de toute 
intelligence et de toute culture intellectuelle. 

Voici le résumé de diverses expériences qui mettent ces faits en pleine 
lumière : 


40 M. B..., vingt-trois ans, étudiant. — Ce jeune homme est hynoptisable et a 
été mis à différentes reprises en état de fascination. Catalepsie, léthargie, som- 
nambulisme. Il reconnaît éprouver un certain sentiment de crainte toutes les fois 
qu'il me rencontre, n'être jamais complètement à son aise vis-à-vis de moi, et 
éviter ma rencontre autant que possible, craignant toujours d’être hypnotisé par 
accident. 

S'étant décidé à se prêter à une nouvelle série d'expériences, il est invité à fer- 
mer les yeux. Sur l'affirmation qu’il ne peut plus ouvrir les paupières, M. B... reste 
les paupières closes, faisant des efforts musculaires se traduisant en grimaces, les 
paupières restant fermées quoique légèrement frémissantes. Vivement sollicité 
par Les assistants de ne point prolonger une comédie ridicule, il redouble d’ef- 
forts grimaçants et ne peut parvenir à ouvrir les yeux. Sur la permission solen- 
nellement formulée par l’expérimentateur, il les rouvre immédiatement et pro- 
teste avec énergie de sa bonne foi. 

Il est invité à étendre le bras droit horizontalement. On feint de lancer du 
fluide sur le bras étendu et on le met au défi de plier ce membre, qu’on lui dit 
paralysé. Il reste immobile et ne peut arriver malgré des efforts évidents à plier 
le bras. On reconnaît une contracture manifeste de tous les muscles brachiaux, 
les doigts sont convulsés, et le sujet déclare bientôt éprouver une douleur into- 
lérable. On l’avertit que la liberté de ses mouvements lui sera rendue dès qu’un 
des assistants qu’on lui désigne feindra de se moucher. Cet assistant, le docteur 
Baude, retire son mouchoir de sa poche et le porte lentement à sa figure; le sujet 
suit des yeux avec anxiété ; au moment précis où le docteur Baude se mouche, la 
contracture disparaît, le sujet plie Le bras, et le frictionne vivement pour calmer 
la douleur. 

Pendant ces expériences, le sujet n’a cessé de causer, de manifester son éton- 


nement et sollicite des explications qu’on lui promet s’il se prête à une dernière. 


expérience. 

On lui fait découvrir le bras gauche tout entier ; la sensibilité cutanée est re- 
connue normale. On fait le simulacre de lancer du fluide sur le bras mis à nu, 
et on affirme qu'il est devenu complètement insensible. Avec une forte épingle 
on pique et on transperce la peau sans que le sujet donne la moindre marque de 
sensibilité, il regarde, stupéfait, les piqûres qu’on lui pratique en grande quan- 
tité et émet l’avis que ce procédé est bien supérieur à la chloroformisation. On 
retire enfin les six épingles avec lesquelles on a fait la transfixion complète d’un 
repli cutané ; les piqûres donnent fort peu de sang. On remarque que les tégu- 
ments sont pâles, décolorés et légèrement refroidis. Le bras droit examiné au 
même moment offre la coloration et la température normales. Le sujet remue 


ner à 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 9281 


librement le bras anesthésié et reste insensible aux pincements énergiques que 
lui font divers assistants. 

Une passe, le long du bras, et l'affirmation de l’expérimentateur rendent la 
sensibilité au membre, et le sujet quelques secondes après dit ressentir vivement 
la douleur des piqûres qui lui ont été faites. 


2 M. Le G..., étudiant, a été hypnotisé à diverses reprises, et se trouve dans 
les mêmes conditions morales que le précédent sujet. Mis au défi par l’expéri- 
mentateur, après un simulacre de passes,de se lever de la chaise où il est assis, 
il se livre à des efforts désordonnés et violents. Après quelques tentatives sans 
résultat, il perd l'équilibre et tombe par terre en renversant sa chaise. Sur 
l'affirmation qu’il lui est impossible de se relever, il se débat, roule à plusieurs 
reprises sur lui-même et déclare bientôt qu'il en a assez, qu'il est temps que 
cette mystification cesse et qu’il ne veut plus être tourné en ridicule. 

On remet à chacun de ces deux jeunes gens une boîte soigneusement enve- 
loppée, et on leur déclare avec une grande apparence de conviction, comme pour 
prouver une action antimagnétique du contenu de ces boîtes, que, tant qu'ils au- 
ront ces objets sur eux, ils seront rebelles à toute influence magnétique, de 
quelque part qu’elle vienne. 

À partir de ce moment, toutes les tentatives de contracture, de paralysie et 
d'analgés'e restent sans résultat. Les sujets en expérience sollicitent vivement 
les explications promises et l’ouverture des boîtes, s’imaginant trouver dans une 
action métalloscopique l’explication de ces curieux phénomènes. Les boîtes sont 
ouvertes et au milicu de l’hilarité générale on constate qu’elles sont en carton 
et ne contiennent rien. 

L’expérimentateur explique que tous ces phénomènes de suggestion ne repo- 
sent que sur une exaltation particulière de l'imagination, avec déviation morbide 
de la volonté, que l’anesthésie est due à une paralysie spéciale naissant d’une 
modification des centres cérébraux, de nature émotive, et que la ferme convic- 
lion de l’impuissance personnelle de l’expérimentateur est pour le sujet un 
moyen infaillible de se soustraire à sa volonté. 

Immédiatement après, et depuis, à plusieurs reprises, diverses tentatives de 
suggestion faites sur les mêmes sujets ont complètement échoué. 


3° Anna T..., quarante ans. — Le sujet esthypnotisable et a été plusieurs fois 
déjà mis en état de catalepsie et de somnambulisme. 

On détermine facilement, le sujet étant en parfait état de veille, des phéno- 
mènes analogues à ceux décrits plus haut. 

À un moment donné, on annonce que, par le pouvoir du fluide magnétique, 
elle va ressentir une vive sensation de froid, et l’expérimentateur se met en de- 
voir de lui faire des passes embrassant tout le corps. Le sujet très incrédule rit 
à plusieurs reprises en déclarant que dans une atmosphère aussi chaude (l’appar- 
tement était fortement chauffé) avoir froid était impossible. Avec une grande ap- 
parence de conviction je redouble l'énergie des passes ; brusquement le sujet 
annonce ressentir une sensation de fraîcheur naissant à la nuque et s’irradiant 
dans toutes les parties du corps. La sensation de fraîcheur s’accentue de plus en 
plus et devient bientôt un froid intolérable. A ce moment la face est devenue 
pâle, les mains décolorées, on remarque sur les avant-bras le phénomène connu 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. 1°", N° 17. 22 


289 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sous le nom de chair de poule, les dents claquent avec violence, de rapides fris- 
sons parcourent tout le corps, le sujet demande grâce. 

On fait alors des passes en sens inverse des précédentes, destinées, dit-on, à 
ramener la chaleur : en quelques instants tous les phénomènes signalés plus haut 
disparaissent. 

Quelques minutes après, une plaisanterie dite par un assistant ayant provoqué 
l'hilarité du sujet, je déclare, en étendant les bras et faisant des passes, qu'il lui 
sera impossible de cesser de rire. Le rire, de franc et naturel qu'il était, se 
transforme immédiatement en explosions automatiques qui impressionnent vive- 
ment le sujet lui-même. 

La respiration est gênée, et la face s’empourpre. Le rire entraine une sensa- 
tion de douleur bien marquée et le sujet s’écrie à différentes reprises et avec 
angoisse : « Assez, j'ai mal. » 

Il suffit d’un geste de l’opérateur pour amener la cessation de cette manifes- 
tation nerveuse. 

On demande au sujet de prêter son mouchoir, et on fait sur le tissu des passes 
en différents sens, le mouchoir est remis au sujet et on lui affirme que la puis- 
sance magnétique conférée au mouchoir est telle qu’elle annihile momentané- 
ment le pouvoir de l’opérateur. Ce dernier agissant comme précédemment 
cherche à provoquer des contractures, la sensation du froid. Ces tentatives 
restent vaines. Le mouchoir est alors enlevé et les suggestions sont alors suivies 
d'effet. 

Afin de garder le sujet pour des expériences ultérieures, on ne lui donne aucune 
explication. 

Ces diverses expériences mettent, il me semble, suffisamment en évidence 
l'influence de l’imagination et les phénomènes matériels qui peuvent en résulter, 
la puissance de la foi et la façon dont peuvent agir en certaines circonstances 
les sachets, amulettes, philtres, etc. Elles montrent en outre l’origine probable 
de beaucoup de superstitions et la nécessité pour beaucoup de gens d’une véri- 
table éducation morale. 


NOTE SUR LE PASSAGE DE LA LÉTHARGIE AU SOMNAMBULISME DANS LA SÉRIE 
HYPNOTIQUE, par le docteur BRÉMAUD (présentée par M. DUMONTPALLIER). 


On sait qu'une friction légère d’un sujet en léthargie détermine un 
changement dans l’état hypnotique et le passage au somnambulisme. 

On sait encore que cette même friction sur le vertex fait revenir le sujet 
du somnambulisme à la léthargie suivant cette loi posée par M. Dumont- 
pallier : € La cause qui fait, défait. » 

Quel est l’effet réel de cette friction sur le vertex, et quelle est la nature 
de ce réflexe mystérieux dont les résultats immédiats paraissent aussi 
extraordinaires ? 

L’expérience suivante permet de répondre à cette question. 

Si sur un sujet en léthargie, paraissant complètement isolé du monde 


SÉANCE DU 26 AVRIL. 283 


extérieur, ne répondant à aucune sollicitation verbale, on contracture par la 

percussion le membre supérieur, le droit, par exemple, le sujet est toujours 
en léthargie et ne répond point, mais que l’expérimentateur touche le 
membre contracturé et en porte l’extrémité digitale presque à toucher ses 
lèvres, de façon que les vibrations sonores se communiquent par continuité 
d'organes solides, immédiatement le sujet perçoit les sons émanant de 

l’expérimentateur et répond à ses questions comme dans l’état de somnam- 
bulisme. Très souvent ce somnambulisme n’est que transitoire. 

Si l’on rompt la communication, le sujet ne perçoit plus, il retombe dans 
son isolement léthargique. Quelquefois le somnambulisme est au contraire 
définitivement établi, et persiste après la rupture des communications. 

Examinant tout d’abord le premier cas, celui où après la rupture des 
communications le sujetretombe dans l’isolementléthargique, on l'explique 
facilement par la propagation interrompue, puis rétablie, puis interrompue 
encore, des vibrations jusqu’à l'oreille interne. 

C’est un phénomène analogue à celui que l’on constate chez les individus 
dont le tympan est perforé. Les vibrations transmises par la voûte crànienne 
sont perçues facilement, tandis que les vibrations ou ondulations aériennes 
restent sans effet, ne pouvant ébranler le tympan. 

Le second cas, celui où le somnambulisme persiste après la rupture des 
communications, s'explique par la détermination de la contracture des 
muscles auriculaires par l’effet du léger ébranlement causé par les pre- 
mières paroles du sujet en expérience. 

Il s’ensuivrait done qu’il n’y aurait entre la léthargie et le somnambu- 
lisme aucune différence essentielle au point de vue du fonctionnement 
intellectuel, et de la mise en action de centres particuliers, puisque par un 
simple artifice d'expérience on peut se mettre en relation avec le léthar- 
sique comme avec le somnambule. 

Un des caractères de la léthargie est la résolution musculaire. Les 
muscles tenseurs du tympan, de la chaîne des osselets sont en résolution 
comme les muscles volontaires, et la membrane flasque ne vibrant plus, le 
sommeil n’est pas troublé par la perception des bruits extérieurs, et on ne 
peut se mettre par la parole en communication avec le sujet endormi. 

Mais de même que la percussion ou l’ébranlement d’une masse muscu - 
laire la fait entrer en contracture, l’ébranlement léger déterminé par la 
friction du vertex ou la percussion légère d’un point quelconque de la voûte 
cranienne détermine par contracture musculaire, la tension de la mem- 
brane tympan, de la chaîne des osselets, et par suite rend possible la trans- 
mission des sons. Dès lors, pouvant communiquer oralement avec le sujet, 
on peut agir par suggestion et développer tous les phénomènes du somnam- 
bulisme provoqué. 

« Mais l’action qui fait, défait. » 

La même friction ou percussion remet en résolution les muscles auricu- 
laires, les vibrations ne sont plus transmises ; le sujet est isolé du monde 


284 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


extérieur, il est en léthargie. Cette léthargie provoquée n’est qu’apparente 
et il suffit d’une tige métallique transmettant à la voûte crâänienne les vibra- 
tions sonores pour que les phénomènes du somnambulisme apparaissent de 
nouveau. 

C'est la connaissance incompiète de ce phénomène qui a fait uaître la 
croyance des magnétiseurs à la transposition du sens de l’ouie, car, si dans 
cet état de léthargie où le sujet ne perçoit plus par l’oreille, on lui parle de 
très près au creux de l’estomac ou à l’extrémité des orteils, après avoir 
déterminé la contracture, les vibrations sont communiquées, transmises, 
perç ues, et le sujet répond. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


KE £n 
et 


ENST RO à 


285 


SÉANCE DU 3 MAI 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA KAIRINE, par MM. BROUARDEL 
et Paul Love. 


Depuis les recherches de Fischer, de Filehne, de Riess et de Kussmaul, 
la kairine jouit en Allemagne d’une certaine vogue comme agent antipyré- 
tique et comme sueccédané de la quinine. En France, ce médicament a été. 
étudié par MM. Hallopeau et Girat : les observations de ces auteurs ont été 
consignées dans le Bulletin de la Société de biologie (1883, p. 293). 

Nous avons repris ces expériences au commencement de cette année dans 
le laboratoire de physiologie de la Sorbonne. Voici les résultats auxquels 
nous sommes arrivés. 

Après l'injection d’une certaine quantité de kairine à un chien, le pre- 
mier symptôme qui se manifeste est une cyanose très prononcée de la 
langue et des lèvres. Les vaisseaux, très dilatés, ont pris une teinte violacée. 
A ce moment, l'animal fait de nombreux mouvements d'inspiration, sem- 
blables à ceux d’un chien qui asphyxie. Nous examinerons plus loin les 
autres symptômes. 

Au bout d’un certain temps, l'animal meurt. On trouve à l’autopsie les 
poumons ratatinés et bleuûtres, les vaisseaux de l'intestin violacés, la rate 
cyanosée. Le sang est brun verdàtre : 11 se coagule très facilement. 

Tous ces caractères laissent à penser que c’est dans le sang que l’on doit 
rechercher l’action physiologique de la kairine. C’est cette étude que nous 
voulons exposer. 

[. Gaz du sang. — À un chien de 10 kilogrammes, on fait une saignée 
à l'artère crurale, le # avril, à quatre heures du soir. L'analyse à la pompe 
à mercure fournit pour 100 centimètres cubes de sang, 516,5 de gaz, ainsi 
composés : 

36,0 — CO? 


14 ,0 — O 
1 ,5 — Az 
51 ,5 


Immédiatement, on injecte dans les veines de l’animal 15',5 de kairine. 


On observe, après vingt minutes, la cyanose des lèvres et de la langue. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°", N° 18. 23 


286 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


————————— — rm 


Le lendemain, à onze heures, on fait une injection sous-cutanée de 15",5 
de kairine, L'animal meurt à midi et demi. Le sang pris un peu avant la 
mort donne à l’analyse 27 centimètres cubes de gaz : 


2w,9 — CO 


Pas 0) 
4,5 — Az 
2100 


Le 7 avril, à un chien de 3K8,700, on injecte sous la peau 15,5 de kaï- 
rine. L'animal meurt en une heure un quart : sa température est tombée 
dans cet intervalle de 36 à 50 degrés. 

Le sang de l'artère crurale analysé avant l'expérience, a donné pour 
100 centimètres cubes 992,4 de gaz : 


45°,6 — CO? 
12 3 20 

il 15 TV 
59 4 


Au moment de la mort, le sang ne content plus pour 100 que 21 centi- 
mètres cubes ainsi composés : 


1,5 — 0 
1 ,5 — Az 
PA Va) 


Nous constatons done dans ces deux expériences une diminution considé- 
_rable de l'oxygène et de l’acide carbonique du sang. L’acide carbonique a 
pu diffuser dans les tissus, ou être produit en moindre quantité. C'est la 
disparition de l’oxygène qu’il importe surtout de démontrer et d'expliquer. 


IT. Mesure de la capacité respiratoire du sang. — À un chien bien por- 
tant, on fait une saignée à l'artère crurale. La capacité respiratoire du sang 
recueilli est de 27ec,8 d'oxygène pour 100 centimètres cubes de liquide. 

Pans 100 centimètres cubes de ce sang, on ajoute 3 décigrammes de 
kairine. À mesure que la solution de kairine descend dans l’éprouvette con- 
tenant le sang, on voit celui-ci noircir profondément : il devient verdâtre 
par transinission. 

La capacité respiratoire de ce sang kaïrinisé analysée après un quart 
d'heure, n’a plus donné pour 100 centimètres cubes de liquide que 4,4 
d'oxygène. 

Sur du sang de cheval, dont la capacité respiratoire est de beaucoup 


SÉANCE DU 3 MAI. 281 


plus faible que celle du sang de chien, la quantité d’oxygène est tombée 
de 7cc,8 à 3°,6, après le mélange d’un peu de kairine au liquide sanguin. 

De toutes ces expériences, il résulte que c'est le globule du sang, que 
c’est l’oxyhémoglobine qui sont atteints par la kairine. 


IT. Analyse spectroscopique du sang. — Dans la cuve pleine d’eau du 
spectroscope, on ajoute une goutte de sang artériel. Les deux raies de l’oxy- 
hémoglobine sont très nettes. 

Peu à peu, avec une baguette de verre, on introduit dans le liquide de la 
kairine cristallisée. Au fur et à mesure que celle-ci se dissout, on voit la 
raie de droite s’atténuer ; bientôt la raie de gauche diminue également. 
Puis, toutes deux finissent par disparaître absolument. 

IT y a donc destruction complète de l’oxyhémoglobine, mais sans que l’on 
puisse saisir les phases intermédiaires de cette destruction. 

Cette étude de l’action physiologique de la kairine nous permet mainte- 
nant d'expliquer les symptômes qui suivent l’ingestion de ce médicament. 
Nous ne faisons que les énumérer, car les relations de cause à effet sont 
des plus faciles à établir. 

Les auteurs ont constaté l’abaissement de la température, la diminution 
de l’urée, l’hématurie, la cyanose des lèvres, l’affaiblissement de la respi- 
ration et de la circulation, la parésie, la diminution de la sensibilité, etc. 
Tous ces caractères sont expliqués par la destruction de l’oxyhémoglobine 
du sang. 

Peut-être ces résultats encourageront-ils moins nos voisins d’outre-Rhin 
à administrer la kairine dans la pneumonie, la fièvre typhoïde, la fièvre 
catarrhale, la scarlatine, l’érysipèle, la phthisie, la fièvre intermittente, ete. 
Il nous semble, en effet, que dans toutes ces maladies il y a une contre-in- 
dication absolue à l’ingestion de ce médicament. 


ne 
LIBRARYIZ 
Z = 
NOTE SUR L'ACTION DU CHLORHYDRATE DE KAIRINE 
2 
par M. Ch. E. Quinquaur. 


Il résulte de nos recherches que la kairine produit des phénomènes 
d’excitation, puis des signes de résolution musculaire, avec une sorte de 
coma, lorsqu'on fait une injection intraveineuse à dose suffisante. 

Après l’injection, la pression artérielle diminue considérablement ; le 
lendemain, Ja pression est normale (la dose étant insuffisante pour produire 
la mort) ; les veines deviennent bleuâtres ainsi que les artères. 

Les gaz totaux du sang diminuent de quantité très peu de temps après 


288 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l'injection, puis augmentent progressivement à mesure que se fait la répa- 
ration. Comme exemple, citons les analyses suivantes : 


Sang normal de l'artère carotide. 


Avant 48 heures 
l'injection. après l'injection. 
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. 11°,0 gcc 2 
CO? u9 ds 7 0 L 4 
0 ce Le 3 5 3 6 


Sang du cœur droit. 


Gaz totaux contenus dans 20°° de sang. 10,6 gcc 4 
CO? _- —_ 120 5 ,0 
0 — —- 2100 2 ,2 
Autre exemple : 
Sang carotidien. 
Avant 94 heures 
l'injection. après l'injection. : 

Gaz totaux contenus dans 20€ de sang. 07) 806,6 
C0? — — D ,9 4 ,8 
(9) _ ——- ZA (E RD 


Le pouvoir absorbant diminue, moins cependant qu'on le croirait en 
voyant le changement de couleur du sang, bien observé par Hallopeau et 


Girat. 
L'acide carbonique et l’oxygène diminuent également, 


Sang de la veine fémorale. 


Avant Apres 
: l'injection. l'injection. 
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. Acc, 4e 
CO? — eo — ee 3 ,9 
0 — = 18 , 0 ;,2 
Sang du cœur droit. 
Gaz totaux contenus dans 20 de sang. 10%,8 6c°,0 
CO? — — 15 2 ,9 
0 — — 3 ,0 0 ,8 
Sang carotidien. 
Gaz totaux contenus dans 20° de sang. NEA He 
CO? — _ Teil 3 ,0 
(9) — — 3 ,) D 7 
Le lendemain, le sang artériel renfermait : 
Gaz totaux contenus dans 20% de sang. T7 D 
CO? : — — 3 ,8 
(8) — — D 2 


On voit que la réparation du sang au point de vue de lPoxygène se fait 
graduellement. 


SÉANCE DU 9 MAI. 289 


Pendant la première phase il peut survenir un phénomène inconstant, 
c'est une légère asphyxie. 


Expérience sur un chien moyen. 


Avant Après 

l’injection. l'injection. 
Gaz totaux contenus dans 20° de sang. 8cc,9 gce,8 
CO? — — 9 ,0 1,5 
0 8: £ 2 6 1,5 


Chez cet animal, le pouvoir absorbant est à l’état normal de 3,5 pour 
20 centimètres cubes de sang et de 2,3 après l'injection au moment où la 
teinte est sépia. Les doses employées ont été de 23,20 pour un chien de 
24 kilogrammes, et de 03,60 pour un chien de 13 kilogrammes. 


RECHERCHES SUR LA CONSTITUTION PHYSIQUE ET CHIMIQUE DES DENTS 
A L'ÉTAT DE SANTÉ ET DE MALADIE, par le docteur V. GALIPPE. 


Résumé. — Quelle que soit l’idée que l’on se fasse des causes de la carie 
dentaire, il est une étude préalable qui domine toutes les théories, qu’elles 
soient chimiques ou parasitaires, c’est celle du terrain, c’est-à-dire de la 
dent elle-même envisagée au point de vue de sa constitution physique et 
chimique. Cette étude a été trop négligée jusqu’à ce jour, il nous paraît dif- 
ficile d’édifier quoi que ce soit de sérieux au point de vue de l’étiologie de 
la carie, si l’on ne détermine pas à l’avance les conditions qui précèdent 
généralement l'apparition de cette lésion. Ces conditions sont intimement 
liées à l’évolution de l'individu, à sa nutrition ainsi qu'aux modifications 
imprimées à l’état général par les états pathologiques acquis ou transmis. 

Les propriétés physiques, la constitution chimique des dents, constituent 
la résultante de ces influences diverses. 

La dent a en elle-même des éléments de résistance aux causes de des- 
truction, dont la valeur effective est subordonnée aux causes générales que 
nous venons d’énoncer succinctement. 

C’est ce que nous appellerons le coefficient de résistance. 

Quand on examine des appareils dentaires affectés de carie, on voit que 
la distribution de cette lésion, lorsqu'elle n’est pas généralisée, varie d’indi- 
vidu à individu, et que dans des circonstances susceptibles d’être compa- 
rées, ce ne sont point les mêmes dents qui sont frappées. 

Que l’on prenne des enfants en voie d'évolution, ou des femmes en état 
de gestation, des nourrices, elc., en un mot, des individus dont la nutrilion 
subit, pour une cause quelconque, des variations plus ou moins accustes, 


290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


on verra que les manifestations locales de ces troubles nutritifs varient 
d'individu à individu. 

En admettant pour un groupe d'individus placés dans les mêmes condi- 
tions pathologiques une cause initiale, unique, la localisation des effets 
sera variable eu égard à leur point d'application. l 

Chez les uns, telle dent sera frappée, chez les autres, telle autre sera 
atteinte. 

Quelle conclusion tirer de ces faits, si ce n’est que dans un même appa- 
reil dentaire, telle dent prise en particulier peut avoir un coefficient de 
résistance inférieur à sa voisine ou à sa similaire. 

Ce qui est vrai pour les dents constituant l’appareil dentaire d’un indi- 
vidu déterminé, l'est également pour l’ensemble des appareils dentaires 
envisagés chez des individus différents. De même que, dans une bouche 
prise isolément, il y a des dents, qui en vertu de leur composition n’otfriront 
point de résistance sérieuse à la carie, de même, si l’on détermine le coet- 
ficient de résistance de différents individus, ceux-ci se distingueront en supt- 
rieurs et en inférieurs. 

Le coefficient de résistance est donc variable, si on l’envisage dans les 
dents d’une même personne, el il diffère également d’individu à individu. 

C’est le coefficient de résistance exprimé par les propriétés physiques et 
la constitution chimique des dents-facteurs en relation intime avec l’état 
actuel de l’individu et généralement susceptibles d’être modifiées par Pali- 
mentation, l'hygiène et la thérapeutique, que je me suis proposé de déter- 
miner. 

Tout d’abord j'ai établi par analyses chimiques qu’il y avait un rapport 
constant entre les propriétés physiques des dents et leur constitution chi- 
mique. Ce point de départ étant acquis, je me suis mis en devoir de déter- 
miner d'abord une propriété physique importante des dents, les résumant 
toutes en quelque sorte, je veux parler de la densité. 

La méthode employée est celle connue dans les traités de physique sous 
le nom de méthode du flacon. Gette méthode est susceptible d’une grande 
précision ; les résultats qu’elle nous a donnés ont du reste été vérifiés par 
l'analyse chimique. Voiciles résultats fondamentaux auxquels nous sommes 
arrivés : 

La densité des dents croît depuis l'enfance jusqu'à l’âge adulte. 

Chez l’adulte elle est susceptible d’éprouver des variations, suivant les 
oscillations de la nutrition dans l’état de santé ou de maladie. 

La densité de la dent paraît être plus considérable chez l’homme que 
chez la femme. Toutefois le nombre des appareils dentaires examinés par 
nous n'est pas suffisant pour que nous ne fassions pas une réserve à cet 
égard. C’est ainsi que la densité la plus élevée que nous ayons rencontrée 
jusqu'ici: 2,24, appartient précisément à une femme, mais c’est là un fait 
exceptionnel. 

Par contre la densité la plus faible que nous ayons trouvée chez 


SÉANCE DU 3 MAI. 291 


ladulte : 2,09, nous est également fournie par une femme morte en 
couches. 

Cette dernière observation viendrait à l’appui de l’opinion en vertu de 
laquelle la carie accompagnerait généralement la grossesse, en raison de 
l'insuffisance de l'alimentation minérale des femmes enceintes ou nour- 
rices. 

En vertu de l'ascension de la courbe des densités, depuis l’enfance jus- 
qu’à l’âge mür, les dents de lait ont une densité inférieure à celle des 
dents permanentes. 

La détermination des densités vient à l'appui de l’opinion de M. Ranvier, 
qui a professé dans son cours du Collège de France que les dents présen- 
tant les espaces interglobulaires les plus nombreux et les plus considérables 
étaient précisément les plus exposées à la carie ; ce sont également celles 
qui ont une densité comparativement plus faible. 

La physique vient ainsi confirmer les données de l’anatomie mierosco- 
pique. 

Si l’on examine comparativement les densités des dents du côté droit et 
du côté gauche, on voit toujours que la densité est un peu plus considérable 
d’un côté que de l’autre. 

Cette différence nous a paru être moins marquée alors que le coefficient 
de résistance était plus élevé. 

La prédominance du côté droit sur le côté gauche nous paraît ressortir 
de nos déterminations. Ge fait est conforme aux lois établies par À. Milne- 
Edwards et de Luca sur la prédominance physique et chimique du système 
osseux droit sur le gauche. 

La dent est un organe complexe constitué par des tissus différents: sa 
densité n’est donc que la moyenne des densités de ces différents tissus. 

Toutefois, si l’on prend séparément la densité des couronnes et celle des 
racines, on voit que la densité des couronnes obéit aux lois que nous 
avons établies plus haut. 

Examinons par exemple un appareil dentaire dont la densité moyenne 
générale est égale à 2,1081. 

Nous voyons que la densité des dents du côté droit est égale à 2,11 et 
l'emporte sur la densité du côté gauche, dont la densité est seulement égale 
à 2,09. 

Si maintenant nous prenons la densité moyenne des couronnes, nous 
voyons qu'elle est considérable, puisqu'elle est égale à 2,3077, tandis que la 
densité moyenne des racines tombe à 4,97. 

En poursuivant l’analyse, nous voyons que la moyenne des densités des 
couronnes du côté droit est égale à 2,32, tandis que du côté gauche elle 
atteint seulement 2,28. 

La densité des racines dans cet exemple n’a pas varié. 

La constance de ces faits a été retrouvée pour les dents de lait et même 
pour les dents encore incluses dans le maxillaire. 


299 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Il me reste maintenant à montrer : 1° que la composition chimique de la 
dent suit les oscillations de la densité ; 

2° Que la répartition de la carie obéit à ces deux facteurs : propriétés 
physiques el constitution chimique ; 

3 À rechercher si les dents se carient plus fréquemment à gauche qu'à 
droite. 

Cest ce que je ferai dans une prochaine communication (1). 


MODE D'ACTION DU CURARE SUR LES CELLULES NERVEUSES DITES MOTRICES 
OU GROSSES CELLULES, par M. le docteur Jupe. 


Si, après avoir coupé le nerf sciatique d’une grenouille curarisée, vous 
excitez son bout périphérique, il vous est de toute impossibilité de déter- 
miner le plus léger mouvement dans la portion de la patte où se distribue. 
ce nerf. Seulement, en irritant son bout central, vous produisez immédia- 
tement des mouvements réflexes dans la patte du côté opposé. 

Si, maintenant, vous laissez plongé, même pendant un certain laps de 
temps, dans une solution de curare, le nerf sciatique d’une patte galva- 
noscopique de grenouille, lorsque vous venez à exciter ce nerf, vous voyez 
survenir, dans cette patte, des contractions. 

L'explication généralement admise de tous ces phénomènes est la sui- 
vante : Le curare agit de préférence sur les plaques motrices; celle que je 
donne de ces phénomènes est tout autre. 

Pour moi, le bout périphérique, comme le bout central d’un nerf de re- 
lation quelconque, du nerf sciatique par exemple, comporte au moins trois 
ordres de filets nerveux : des filets d'ordre moteur, d’autres d'ordre sensitif 
et enfin ceux d'ordre réflexe. 

L'action du curare sur la neurilité que transportent les filets moteurs est 
indiscutable, puisque on a beau, chez un animal curarisé, irriter le bout 
périphérique de ce nerf, on ne parvient jamais à déterminer le moindre 
mouvement dans la patte où il se rend. 

Par contre son action sur les filets sensitifs ou plutôt sur la neurilité sen- 
sitive qui les parcourt est nulle ; l’expérience classique de Claude Bernard 
sur une grenouille curarisée et préparée ad hoc le démontre péremptoire-: 
ment. 

Quant à la neurilité réflexe, elle n’est pas non plus atteinte par l’action 
du curare, puisqu’en agissant sur le bout central du nerf sciatique d’une 


(1) Laboratoire de la clinique d’accouchements. 


SÉANCE DU 3 MAI. 293 


grenouille préalablement curarisée on détermine des mouvements mani- 
festes dans la patte du côté opposé. 

En résumé, le curare n'aurait qu’une propriété, celle de détruire la neu- 
rilité motrice; elle ne porterail atteinte en aucune façon aux deux autres : 
la neurilité sensitive et réflexe. 

Mais une difficulté se présente ici; puisque l’action réflexe n’est pas dé- 
truite par le curare, comment se fait-il que l'irritation du bout périphé- 
rique du nerf sciatique d’un animal curarisé ne donne pas lieu à des phé- 
nomènes de contraction, ainsi que cela a lieu pour le nerf sciatique du côté 
opposé ? 

Quant à moi, je ne vois qu'un moyen d'expliquer ce phénomène, c’est 
d'admettre qu’à l'instar de la neurilité sensitive, la neurilité réflexe 
marche de la périphérie au centre, de sorte que sur les trois variétés prin- 
cipales de neurilité, deux seraient centripètes : la neurihté sensitive et 
réflexe; une seule serait centrifuge : la neurilité motrice. 

Il me reste à expliquer pourquoi, en laissant plongé, même pendant un 
certain temps, le nerf sciatique de la patte d’une grenouille dans une 
solution de curare, on continue à obtenir des mouvements dans cette patte, 
lorsqu'on vient à irriter ce nerf. D’après moi, le curare n’a pas d'action 
sur les filets nerveux en tant que filets nerveux, il n'en a réellement que 
sur l'appareil qui recèle cette neurilité, c’est-à-dire sur les centres nerveux 
moteurs, constitués dans le cas présent par ce qu’on désigne communément 
sous le nom de cellules motrices ou grosses cellules. 

Si donc nous résumons en quelques mots l’ensemble de nos remarques 
sur le mode d’action du eurare sur le système nerveux, nous arrivons en 
définitive aux conclusions suivantes : 

Le curarc est sans action sur la neurilité sensitive et réflexe ; il n’agit 
pas non plus sur les plaques motrices, comme on le croit généralement, 
mais bien sur les cellules motrices ou grosses cellules, dont il détruit la 
neurilité. 


DE L'ACTION DU GURARE, par M. DASTRE. 


Je répondrai très brièvement à l'invitation qui m'est faite par l'auteur de 
la Note précédente, d'exprimer une opinion sur le problème qu’il a voulu 
résoudre. 

D'abord, y a-t-il vraiment un problème à résoudre ? — Est-il nécessaire 
de remettre encore une fois sur le tapis une question si profondément étu- 
diée ? — Je me permets d’en douter.— Les faits principaux de l'empoison- 
nement curarique sont connus : on les enseigne, à bon droit, dans les cours 
classiques, et il est inutile d'essayer d’ébranler la confiance qu’ils méritent. 


204 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


— Ces tentatives vaines proviennent d’une confusion entre deux ordres de 
phénomènes qui apparaissent dans le cours de cet empoisonnement. Il y a 
en effet deux périodes : une période initiale ou de début, qui prête à des 
doutes, à des incertitudes, comme d’ailleurs les périodes de début de tous 
les empoisonnements ; et en second lieu une période confirmée, bien décrite 
et que tout le monde doit bien connaître. 


1. — La période d'empoisonnement confirmée est celle qui a donné lieu 
aux belles découvertes de CI. Bernard et aux études intéressantes de Kül- 
liker, Vulpian et de tant d’autres physiologistes. — Elle s'ouvre au moment 
où le nerf moteur excité artificiellement, commence à perdre son action sur 
le muscle, c’est-à-dire au moment de la paralysie expérimentale. 

Deux faits la caractérisent. — C’est d’abord quand la perte d’action du 
nerf coïncide avec la conservation de l’activité du muscle. Malgré ce qu’en a 
dit Rosenthal, malgré les expériences sur le retard de la contraction, il faut 
dire que le muscle est intact. — Les centres nerveux n’ont point perdu leur 
excitabilité ; les nerfs sensitifs ont conservé la leur. — Les recherches de 
von Bezold font penser que le nerf moteur lui-même n’a perdu n1 son exci- 
tabilité ni sa conductibilité. Il n’y aurait donc d’abolie que l’action des 
nerfs moteurs sur les museles : la continuité physiologique du nerf et du 
muscle seulement serait entravée ou rompue. Les choses se passeraient 
comme si un obstacle naissait entre le nerf moteur et la substance muscu- 
laire. — Où réside cet obstacle ? est-ce à la plaque de Rouget, est-ce au ni- 
veau des terminaisons ? Ce sont là des questions d'extrême détail qui ne 
seront de longtemps éclaircies, mais qui importent peu. 

Le second fait est relatif à k manière dont le nerf moteur arrive à perdre 
son action sur le muscle. — CI. Bernard a vu que l'excitation perdait son 
efficacité d’abord à la partie supérieure (c’est-à-dire médullaire du nerf) et 
successivement vers la périphérie. De telle sorte que l'excitation, inefficace 
loin du muscle, sera efficace près de celui-ci. — Voilà un fait très facile à 
vérifier : j'ajoute que toutes les fois que nous faisons l’essai d’un eurare, 
nous répétons, et toujours avec le même succès, cette expérience. 

Ces faits peuvent suffire au physiologiste expérimentateur. Laïssent-ils 
subsister quelque obseurité ? Oui. — Et voici laquelle : La difficulté est rela- 
tive à la condition du nerf moteur. — Avec Bezold, Vulpian, Cl. Bernard 
lui-même, nous avons admis que le nerf moteur avait conservé, dans son 
trajet, ses propriétés : et voici qu’il semble qu'il perde son excitabilité à 
partir de la moelle successivement jusqu’à la périphérie. C’est là un point 
obseur : Le nerf moteur est-il ou n'est-il pas empoisonné ? Les expériences 
de Fontana, de Külliker, de CI. Bernard, de Vulpian, ne résolvent pas la 
question. Ces expériences montrent que le nerf n’est empoisonné ni par ses 
attaches médullaires, ni sur son trajet, bien que la pénétration des sub- 
stances étrangères et spécialement du curare soit possible par les étrangle- 
ments annulaires. — Ces épreuves montrent donc seulement une alterna- 


SÉANCE DU 93 MAI. 295 


tive : ou bien le nerf n’est pas empoisonné, — et c’est cette hypothèse que 
l’on admet généralement — ou bien, s’il est empoisonné, il l’a été par la 
périphérie et le poison aurait agi sur lui en remontant. 

Ces deux alternatives, d’ailleurs, sont sujettes l’une et l’autre à une ob- 
jection. — Si le nerf n’est pas empoisonné, pourquoi paraît-il perdre son 
excitabilité (du haut vers Le bas)? L’explication de Vulpian, que nous ne 
rapportons pas ici, ne nous semble pas satisfaisante. 

Dans l’autre alternative, si le nerf a été empoisonné par le bas, pourquoi 
perd-il son excitabilité par le haut ? 

Voilà une réelle difficulté. Nous ne voyons pas de moyen de la résoudre 
actuellement. 

Ces difficultés permettent-elles de dire que l’on ne connaît point l’action 
du curare sur l’organisme et nous obligent-elles à rejeter cette question dans 
le domaine litigieux ?— Nous ne le croyons pas.— Autant vaudrait dire que 
l’on ne sait rien en physiologie, parce que l’on ne peut rien savoir à fond. 


IL. — La période initiale de l'empoisonnement curarique est mal connue 
et nous ne croyons pas qu’elle puisse faire l’objet d’un enseignement clas- 
sique. Cependant nous croyons que beaucoup des difficultés auxquelles elle 
a donné lieu s’expliqueraient en admettant cette loi générale d’après 
laquelle la perte des propriétés physiologiques est précédée d’un effet 
inverse d’exagération de ces mêmes propriétés. Quoi qu'il en soit, cette 
période est caractérisée par la perte des mouvements volontaires et ré- 
flexes et la conservation de la sensibilité. 

Or, à ce moment précis, l'excitation directe du nerf moteur est plus effi- 
cace (P. Bert, Cl. Bernard) qu’à l’état normal. Les choses se passent 
comme si (remarquons bien cette formule qu'il ne faut pas transformer en 
une réalité) l'excitation du nerf moteur était augmentée. De même encore 
les centres nerveux médullaires conservent leur action, car l'excitation di- 
recte de la moelle et des racines provoque des mouvements intenses. — 
Pourquoi l’excitation directe est-elle efficace et les excitations physiolo- 
giques fonctionnelles, inefficaces ? Voilà une réelle difficulté relative à cette 
période. 

Ces notions répondent en partie à la Note de M. Judée. J’ajouterai, pour 
mon compte, que je crois que le curare empoisonne réellement le nerf 
moteur, mais que cet empoisonnement n’est possible que par la périphérie. 
Cette opinion, qui est contraire à l’opinion régnante, est la seule qui, sans 
faire disparaître toute difficulté, n'implique, à mon sens, aucune contradic- 
tion. 


296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


TOPOGRAPHIE GÉNÉRALE DES APPAREILS NERVEUX OCULO-PUPILLAIRE ET 
ACCÉLÉRATEUR DU CŒUR. — APPLICATION SOMMAIRE DES DONNÉES PHY- 
SIOLOGIQUES A LA THÉORIE DU GOITRE EXOPHTHALMIQUE, par M. FrAN- 
cois-FRANCK. 


«L'ensemble des travaux exécutés depuis les premières recherches de 
Budge et Waller, de CI. Bernard et Brown-Séquard, etc., sur l’action des 
filets du sympathique se rendant aux muscles lisses de l'appareil oculaire 
(iris — muscle ciliaire — muscle orbitaire de Müller — fibres lisses des 
paupières), permet de concevoir la topographie de ce système d’une façon 
assez complète. Il en est de même pour d’autres départements nerveux 
dépendant du sympathique et notamment de l’appareil d’innervation accé- 
lératrice du cœur. Ce dernier, déterminé, du moins dans sa portion mé- 
dullaire, depuis les travaux de von Bezold, de Ludwig de Cyon, des frères 
Cyon, etc., présente une remarquable analogie avec le précédent : le 
parallèle des deux systèmes offre quelque intérêt au point de vue de l’ana- 
tomie physiologique et des applications cliniques. 

C’est sur cette comparaison que je désire attirer l’attention de la Société, 
en lui soumettant les résultats des expériences de contrôle que j’ai eu loc- 
casion de reprendre récemment sur ces sujets dont je l'ai déjà entretenue 
en 1878 et qui ont fait l’objet de différents mémoires publiés dans les 
Comptes rendus du laboratoire de M. Marey (1877-1878-1879). 


1° Appareil irido-dilatateur médullaire. — La région de la moelle qui 
donne naissance aux nerfs oculo-pupillaires doit être considérée comme 
beaucoup plus étendue que ne l’ont indiqué les physiologistes qui ont les 
premiers déterminé le «centre cilio-spinal ». En effet, de la cinquième 
paire cervicale à la cinquième paire dorsale, on trouve des rameaux com- 
muniquants qui renferment en proportion variable des filets destinés à 
l'appareil oculaire ; c’est dire que la région cilio-spinale comprendrait toute 
la portion de moelle comprise entre deux plans parallèles passant, le su- 
périeur au niveau de la cinquième cervicale, l’inférieur à la hauteur de la 
cinquième dorsale. Or tous les filets émanant de cette grande région con- 
vergent vers le premier ganglion thoracique en prenant des directions dif- 
férentes suivant le niveau considéré: le groupe supérieur ou descendant est 
formé par les filets du nerf vertébral qui unit les cinquième, sixième, sep- 
tième et huitième cervicales au premier ganglion thoracique ; le groupe 
moyen ou transversal comprend les rameaux communiquants des première 
et deuxième dorsales, les plus riches en nerfs irido-dilatateurs ; le groupe 
inférieur ou ascendant est constitué par les rameaux des troisième, qua- 
irième, cinquième paires dorsales, lesquels n’abordent pas directement le 


SÉANCE DU 3 MAI. * 297 


ganglion premier thoracique, mais s’engagent auparavant dans le cordon 
limité du sympathique en traversant les deuxième, troisième et quatrième 
ganglions de la chaîne dorsale. 

Ces trois groupes se réunissent dans le premier ganglion thoracique qui 
constitue un véritable centre de convergence etremplit, comme je l’ai in- 
diqué en 1878, le rôle de centre tonique pour les nerfs oculo-pupillaires 
qui le traversent, comparable en cela au ganglion cervical supérieur auquel 
Liégeois, M. Vulpian et plus récemment M. Tuwim ont reconnu une in- 
fluence propre sur les nerfs irido-moteurs. 

Du ganglion premier thoracique, les filets irido-dilatateurs gagnent le 
cordon cervical en se groupant surtout dans la branche antérieure de 
Panneau de Vieussens el traversent ensuite le ganglion cervical inférieur, 
qui ne parait pas remplir vis-à-vis d'eux le même rôle de centre tonique 
que le ganglion premier thoracique. 

Dans le cordon cervical on ne rencontre que d’une façon tout à fait excep- 
tionnelle la dissociation anatomiquement appréciable des nerfs irido-dila- 
tateurs et des nerfs vaso-moteurs, telle que l’a autrefois indiquée M. Schiff; 
d'autre part aucune expérience n'autorise à accepter comme réelle la dis- 
position superficielle des nerfs iriens dans ce cordon, comme l’ont admise 
Eulenbure et Guttmann. 

Au delà du ganglion cervical supérieur (qui ne me paraît recevoir aucun 
filet irido-dilatateur additionnel de la partie supérieure de la moelle cer- 
vicale), les nerfs oculo-pupillaires prennent une direction nouvelle. Ils se 
dissocient visiblement des vaso-moteurs carotidiens et suivent, comme J'ai 
cherché à létablir en 1878, un trajet indépendant : ils gagnent le ganglion 
de Gasser par l’anastomose importante qui unit ce ganglion au premier 
ganglion cervical. | 

Dans le trijumeau, ils s'associent aux filets de même nature que fournit 
le bulbe rachidien et tous ensemble vont gagner les nerfs ciliaires au ni- 
veau desquels on les retrouve plus ou moins complètement différenciés des 
nerfs irido-constricteurs fournis par le moteur oculaire commun. 

Si on laisse de côté. la portion véritablement périphérique de cet appa- 
reil, celle qui s’est détachée de la chaîne ganglionnaire et qu’on ne consi- 
dère que la portion médullaire, on peut remarquer sans difficulté la grande 
analogie de disposition qui existe entre l'appareil 1rido-dilatateur et l’ap- 
pareil accélérateur du cœur. 


2° Appareil cardiaque accélérateur. — Ce dernier émane aussi du 
tronçon de moelle compris entre la cinquième paire cervicale et la cin- 
quième paire dorsale ; les rameaux qui le constituent vont gagner le même 
centre de convergence, le ganglion premier thoracique, en suivant les 
mémes rameaux communiquants ; c’est seulement à partir de ce ganglion 
que s'effectue la dissociation anatomique, les nerfs accélérateurs du cœur 
se détachant soit à ce niveau, soit au niveau de l’anneau de Vieussens, soit 


298 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


surtout au niveau du ganglion cervical inférieur pour se rendre aux plexus 
cardiaques, tandis que les nerfs oculo-pupillaires suivent une marche 
ascendante. 

Si l’on ajoute que les vaso-moteurs céphaliques, ceux des membres supé- 
rieurs, ceux du poumon, ont également leur point de départ dans le même 
tronçon de moelle et prennent aussi les mêmes voies pour gagner le centre 
de convergence thoracique supérieur, on saisira sans peine la multiplicité 
des réactions auxquelles devra donner lieu une lésion irritalive, expéri- 
mentale ou accidentelle, intéressant soit la moelle cervico-dorsale, soit la 
chaîne ganglionnaire dans la région du premier ganglion thoracique ; une 
irritation même circonscrite pourra donner lieu à des troubles oculo-pupil- 
laires, cardiaques, pulmonaires, vasculaires, céphaliques, etc. 


3° Rapprochement des réactions obtenues expérimentalement et des 
symptômes du goitre exophthalmique. — On trouve réalisé en clinique le 
type le plus complet des troubles fonctionnels que pourrait provoquer théo- 
riquement l’altération dont il s’agit : dans le goitre exophthalmique com- 
plet les accidents oculo-pupillaires, cardiaques et vaso-moteurs présentent 
l'association des effets que nous pouvons produire isolément en excitant le 
sympathique cervical (troubles oculo-pupillaires), en excitant les nerfs car- 
diaques accélérateurs (palpitations actives), les vaso-moteurs pulmonaires 
(troubles dyspnéiques), les vaso-moteurs céphaliques (troubles circulatoires 
de la face, congeslion active, expansions artérielles thyroïdiennes), etc. Ces 
différents accidents sont groupés et coexistent dans l'affection bien carac- 
térisée par la triade symptomatique classique. À 

Nous pouvons reproduire d’une façon très frappante l’ensemble des acci- 
dents du goitre exophthalmique en portant uñe irritation soit sur le centre 
de convergence des différents appareils nerveux intéressés (sur le ganglion 
premier thoracique), soit sur la région cervico-dorsale de la moelle ; de là, 
cette induction que dans la maladie en question le point de départ peut être 
localisé soit dans la région ganglionnaire indiquée, soit dans la portion de 
moelle qui correspond à l’origine des nerfs oculo-pupillaires, cardiaques 
accélérateurs, vaso-moteurs céphaliques, etc. 

Mais quand on considère qu’en outre des troubles qui caractérisent à 
première vue le goitre exophthalmique et qu’on pourrait localiser dans la 
portion extramédullaire du sympathique, il en est d’autres de provenance 
évidemment médullaire (tel que le tremblement, récemment étudié par 
Marie), on est conduit à abandonner la localisation sympathique pour 
accepter, comme beaucoup plus conforme aux faits, la localisation mé- 
dullaire. 

Je ne voudrais pas entrer ici, à propos d’une question de topographie du 
sympathique, dans des considérations plus étendues, sur un point très 
étudié de physiologie pathologique ; il m’a semblé intéressant de rappro- 
cher des faits établis par la physiologie, les symptômes d’une affection ner- 


SÉANCE DU 3 MAI. 299 


veuse qui reproduit d’une manière si remarquable, à l’état permanent, les 
modifications que nous pouvons provoquer, à l’état transitoire, par les 
irritations de la région cervico-dorsale de la moelle. Je renvoie pour la 
discussion détaillée de la localisation sympathique du goitre exophthal- 
mique aux leçons de M. Vulpian sur les vaso-moteurs (TI, p. 647 et suiv.), 
ainsi qu'à l’ouvrage de M. Grasset sur les maladies du système nerveux 
(IL, p. 210). 


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301 


SÉANCE DU 10 MAI (884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


EXxISTENCE DE L'EXCITABILITÉ MOTRICE ET DE L'EXCITABILITÉ INHIBITOIRE 
DANS LES RÉGIONS OCCIPITALES ET SPHÉNOÏDALES DE L'ÉCORCE CÉRÉ- 
BRALE, par M. BRowN-SÉQuARD. 


On sait que, depuis la découverte de Fritsch et Hitzig, la surface céré- 
brale a été considérée comme composée de deux parties distinctes : une 
zone motrice et une autre bien plus considérable, non motrice. Ces diffé- 
rences ont fourni à la doctrine des localisations cérébrales, qui a cours 
maintenant, son premier fondement. 

De nombreux faits, que J'ai trouvés en 1875 et depuis lors, m'ont gra- 
duellement conduit à cette opinion, en apparence paradoxale, que, si la zone 
occipito-sphénoïdale du cervean ne semble pas motrice, c’est qu’elle est 
plus excitable que la zone dite motrice. L’exposé de quelques-uns de ces 
faits montrera l’exactitude de cette assertion. 

On sait que nombre de parties du système nerveux sont capables, sous 
l'influence d’une excitation, de produire soit un mouvement, soit une inhibi- 
tion. M. Ch. Rouget a montré que la production de l’une ou de l’autre de 
ces deux espèces d'effets dépend de la puissance d’excitabilité ou du de- 
gré de l'excitation de la partie qui leur donne origine. Il en est ainsi de 
certaines branches du nerf vague, dont l'excitation faible augmente les mou- 
vements respiratoires et dont l'excitation forte inhibe ces mouvements. Il 
n’en est pas tout à fait ainsi pour les parties dites non motrices de l'écorce 
cérébrale, dont l’excitabilité est si grande, qu’elle produit l’inhibition bien 
plus souvent que des mouvements. 

Ces parties ressemblent en cela au tronc du nerf vague, qui, chez les ani- 
maux vigoureux, inhibe souvent le cœur même pour une excitation peu 
forte et quelquefois, sous une excitation faible, ne produit aucune augmen- 
tation des mouvements de cet organe. Quoi qu’il en soit à cet égard, je vais 
faire voir que la zone corticale non motrice peut produire de linhibition ou 
des mouvements, suivant les circonstances de l’expérience. 

4° Chez les lapins il est très fréquent de trouver que la partie de l’écorce 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 19. 24 


302 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


formant une bande étroite le long de la scissure longitudinale, en arrière 
de la zone dite motrice, et s'étendant jusqu’au voisinage du cervelet, pro- 
duit des mouvements des deux membres du côté opposé, ou de l’un d’eux, 
lorsqu'on la galvanise. 

2 Chez le chien, ainsi que chez le lapin, j'ai vu assez souvent, depuis dix 
ans, que, si des sections superficielles sont faites en différents sens sur la 
zone corticale non motrice, les dernières de ces sections produisent des 
mouvements dans les membres du côté opposé. 

3° Chez des chiens et des lapins, pour diminuer l’excitabilité de la zone 
non motrice et de la base de l’encéphale (peut-être aussi de la moelle épi- 
nière), j'ai excité énergiquement l'écorce cérébrale, à l’aide de deux appa- 
reils Dubois-Reymond, les excitateurs de l’un d’eux étant appliqués au 
maximum d'intensité sur la partie occipitale de l'écorce cérébrale, ceux de 
l’autre, à un moindre degré de puissance, étant appliqués sur la zone mo- 
trice. Deux effets importants ont été observés un grand nombre de fois : le 
premier est que, pendant le passage des courants, qui a élé continué envi- 
ron vingt secondes, il y a eu dans le tronc et les quatre membres des mou- 
vements plus énergiques que ceux que je produisais lorsque les courants 
des deux piles étaient appliqués sur la zone motrice seulement; le second 
est qu'après le passage des courants dans les deux parties, la zone dite 
non motrice est devenue motrice. En la galvanisant faiblement (à 12 ou 
13 centimètres, avec un appareil Dubois-Reymond animé par une pile peu 
forte), j'ai vu et revu, à chaque excitation, des mouvements tout à fait sem- 
blables à ceux qui suivent l’application d’un courant de même intensité sur 
la zone motrice. Cette partie (circonvolutions occipitales et sphénoïdales, 
surtout les premières) devient donc tout aussi motrice que la partie de 
l'écorce, que l’on considère comme le siège des centres moteurs des 
membres. J’ajoute que la face, le cou, la queue se meuvent aussi dans 
ces circonstances par une excitation galvanique peu forte de l'écorce céré- 
brale occipitale. Ces expériences réussissent plus souvent chez le chien 
que chez le lapin. 

4° Jai déjà montré que la cautérisation d’un côté de la surface du cerveau, 
à l’aide d’un fer chauffé au rouge, sinon davantage, peut produire de la 
contracture, soit de l’un ou des deux membres du côté correspondant, soit 
de ceux du côté opposé, soit des quatre membres (1). La zone dite non 
motrice produit cet effet presque aussi souvent que la partie dite motrice. 
J'ai constaté aussi (en 1875) l’apparition de l’épilepsie avec zone épi- 
leptogène croisée à la suite de cautérisations des circonvolutions oecipi- 
tales. Tout récemment, Unverricht (2) a montré que la galvanisation de 
ces circonvolutions peut causer des convulsions. 


(1) Voy. Comptes Rendus de la Société de biologie pour 1875, p. 360 et 376, et 
Archives de physiologie normale et pathologique, 1875, p. 855. 
(2) Centralblatt für Nervenheilkunde, ete., Leipzig, 1883, p. 419. 


SÉANCE DU 10 Mai. 303 


9° Si je galvanise énergiquement la surface non motrice, et qu’ensuite 
j'examine ce qu'est devenue la puissance motrice dans la partie que l’on dit 
contenir les centres moteurs, Je trouve très souvent, surtout chez le chien, 
que cette partie a perdu complètement cette puissance. Dans d’autres cas, 
elle n’est que diminuée. Les circonvolutions excitées par le galvanisme 
dans cette expérience, ont donc réagi pour produire, non un mouvement, 
mais de l’inhibition. Où cette inhibition a-t-elle lieu? Est-ce dans la zone 
corticale, dans les fibres nerveuses qui l’unissent à la base de l’encéphale, 
dans cette base elle-même, dans la moelle épinière, dans les nerfs ou dans 
les muscles ? Je ne puis, dans le moment, rien dire de plus à ce sujet que 
ceci : j'ai constaté, dans cette expérience, la perte d’excitabilité de la sub- 
stance corticale et celle de la base de l’encéphale du même côté. — Au bout 
d’un temps assez court ( 2, 4, 10 minutes), l’excitabilité revient à la zone 
motrice. À plusieurs reprises (5 ou 6 fois) chez le même animal, j'ai pu 
ainsi faire disparaître l'excitabilité de la partie motrice et la voir repa- 
raitre. 

6° Déjà en 1875 (Comptes Rendus de la Société de biologie pour 1875, 
p. 146 et 560), j'ai signalé ce fait, que la cautérisation de la parlie occipi- 
tale de l'écorce cérébrale détermine des paralysies à siège variable. 

T Enfin, en 1874 et 1875 (Arch. de Physiologie, 1875, p. 855 et suiv.), j'ai 
trouvé que la cautérisation de la surface cérébrale, soit dans sa partie anté- 
rieure ou moyenne, soit dans sa partie postérieure, produit très souvent une 
paralysie du nerf grand sympathique cervical. 

Ces faits et nombre d’autres montrent clairement que la zone considérée 
comme non motrice à la surface du cerveau, loin d’être inexcitable, est, au 
contraire, plus excitable que la zone dite motrice. Comme cette dernière, 
elle peut, dans certaines circonstances, produire des mouvements dans les 
membres du côté opposé, mais ellé peut faire 'plus, c’est-à-dire produire de 
linhibition. 


NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'ANESTHÉSIE RECTALE, par R. DuBois. 


On a repris dans ces derniers temps l’étude de la question, déjà soulevée 
autrefois, de l’anesthésie rectale. 

L'agent anesthésique employé jusqu'à présent est l’éther. Ce liquide, 
bouillant à une température de 35 degrés environ; peut être injecté dans la 
partie terminale du tube intestinal sous forme de vapeurs. Administrées de 
cette façon, ces vapeurs peuvent déterminer une anesthésie, malheureuse- 
ment incomplète chez l’homme et tout à fait insuffisante chez le chien, l’éli- 
mination par le poumon étant probablement aussi rapide que l’absorption 
par l'intestin. 


304 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE, 


En raison de cette activité insuffisante des vapeurs d’éther, il eùt été très 
avantageux de pouvoir les remplacer par les vapeurs d’un liquide plus éner- 
gique, le chloroforme par exemple. 

Mais on sait que ce liquide bout à une température voisine de 60 degrés 
et que des vapeurs engendrées dans de semblables conditions peuvent déter- 
miner à l’intérieur de l’abdomen des accidents d’une gravité considérable. 
En outre, ces vapeurs formées à une température de 60 degrés seraient 
rapidement condensées dans l’intestin, dont la température ne dépasse pas 
38 à 39 degrés. Or on connaît l’action énergique que le chloroforme exerce 
sur les tissus en général et principalement sur ceux qui, comme la mu- 
queuse rectale, sont beaucoup plus riches en eau que lépiderme par exemple. 

Il ne fallait donc pas songer à introduire le chloroforme à l’état de va- 
peur au moyen de l’ébullition. IT restait à savoir si l'air saturé de vapeurs 
de chloroforme à une température égale ou inférieure à celle du corps 
pourrait être absorbé par le rectum, comme par le poumon. C’est dans ce 
but que nous avons, sur l'invitation de M. le professeur Bert, entrepris une 
série d'expériences dont voici le résumé : 

Un courant d’air était chassé, au moyen de la boule de caoutchouc d’un 
pulvérisateur, dans un flacon contenant le chloroforme ; l'air saturé de chlo= 
roforme dans ce flacon était conduit profondément dans le rectum au moyen 
d’une sonde à double courant, affectant une disposition spéciale. On pou- 
vait, en fermant ou en diminuant l’orifice extérieur de la sonde, modérer 
ou même empêcher la sortie de l’air chloroformé. 

Grèce à cet appareil, on a pu faire passer dans la partie terminale du 
tube digestif une quantité considérable d’air saturé sans qu’il ait été pos- 
sible, à aucun moment, de saisir les indices de son exerétion par les voies 
respiratoires, aucune modification de la sensibilité n’a été observée. Dans 
un cas, cependant, la quantité d'air injecté fut assez considérable pour 
déterminer un tympanisme très prononcé, dont l’apparition fut bientôt suivie 
d’un vomissement brusque de matières alimentaires accompagnées d’air 
chloroformé. 

Dans ces expériences l’air était saturé à la température ordinaire. 

Dans les expériences qui suivirent celle-ci, on se servit d’air saturé à la 
température de 35 degrés : Le résultat fut le même, c’est à peine si l’on put 
observer dans un cas quelques signes d'ivresse. Mais, dans tous les cas, 
malgré les précautions prises pour introduire, sans efforts, la sonde rectale, 
on à vu se produire un ténesme violent et persistant, et pendant l'injection 
de l'air chloroformé les animaux poussaient des gémissements. 

On est donc amené à penser, d’après ces expériences, que l’anesthésie 
rectale, par les vapeurs de chloroforme, est impossible, celle qui est pro- 
duite par les vapeurs d’éther restant d’ailleurs insuffisante. 

Elles montrent, en outre, que l'absorption de l'air chloroformé par l’in- 
testin est presque nulle. 

Ce résultat ne doit pas surprendre, car le tube digestif doit plutôt être 


SÉANCE DU 10 Mat. 305 


considéré comme un appareil d'excrétion du chloroforme. Les malades qui 
ont subi l’anesthésie chloroformique, par inhalation pulmonaire, vomissent 
souvent, plusieurs heures après, des mucosités incolores ayant le goût 
sucré et l'odeur caractéristique du chloroforme. Une des malades du ser- 
vice de M. le docteur Péan nous disait, il y a quelques jours, qu'elle avait 
vomi «son chloroforme » trois heures après l’opération. 

On sait cependant que le chloroforme, à l’état liquide, est absorbé par 
les voies digestives; aussi avons-nous également cherché à utiliser cette 
circonstance. Dans le but de diminuer la rapidité et de rendre plus grande la 
régularité de l'absorption et surtout pour éviter une action topique trop 
énergique, nous avons injecté dans le rectum un mélange d'huile et de 
chloroforme. Or nous n'avons pu obtenir, même avec un mélange conte- 
nant un quart de son poids de chioroforme, autre chose qu'une ivresse 
prolongée. Ici encore l'absorption semblait être à peu près égale à l’élimi- 
nation. 

Les voies respiratoires restent donc le lieu d'élection pour l'introduction 
des vapeurs anesthésiques dans l’économie, les progrès réalisés par lPappli- 
cation de la méthode des mélanges titrés de M. Paul Bert ayant d’ailleurs 
fait disparaitre presque complètement les inconvénients que présente l’in- 
halation pulmonaire de mélanges variables, de composition indéterminée. 


I. SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE OU LES EFFETS DE LA CONTRACTION DES 
MUSCLES INTERCOSTAUX INTERNES ET EXTERNES SUR LES MOUVEMENTS DES 
CÔTES ET DU THORAX, DANS LES DEUX ACTES FONCTIONNELS DE  L’INSPI- 
RATION ET DE L'EXPIRATION ; 


IT. DE LA PERSISTANCE ET DE LA DURÉE DE L'ÉLASTICITÉ DU TISSU PULMO- 
MONAIRE APRÈS LA MORT. 


(D’après les recherches faites sur le corps du dernier supplicié, dit Campi), 
par M. J.-V. Laporpe. 


I. Dans les recherches auxquelles j'ai eu l’occasion de me livrer sur les 
restes du dernier supplicié, Passassin anonyme Campi, je me suis appliqué 
à suivre rigoureusement un programme fixé et tracé d'avance, afin d'éviter, 
autant que possible, la moindre perte d’un temps précieux. Ce programme 
contenait surtout, on le présume, un certain nombre de questions de 
physiologie encore en discussion et qui attendent une solution définitive : 
telle est la fameuse question du rôle des muscles intercostaux internes et 
externes dans les actes mécaniques de la respiration; fameuse par les dis- 
cussions interminables et toujours renaissantes auxquelles elle a donné 

ieu, depuis la grande querelle de Haller et de Hamberger, qui avait par- 


306 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tagé en deux camps adverses les physiologistes de cette époque, comme elle 
partage encore aujourd’hui ceux de la nôtre, savoir d’un côté avec Haller : 
MM. Helmholtz, Budge, Merkel, Schomaker, Duchenne, etc.; de l’autre 
avec Hamberger : MM. Hutchinson, Donders, Sibson, Ludwig, Béclard, ete. 

Je n’avais garde de laisser échapper l’occasion que je guettais depuis long- 
temps, et qui s’offrait ici particulièrement favorable, de reprendre l’étude 
de cette question; car les muscles étaient très développés, et grâce au peu 
de temps exceptionnellement écoulé entre le moment de la décapitation et 
l’arrivée du cadavre au laboratoire (une heure et quelques minutes 
environ) (1), la contractilité musculaire était dans un état de conservation 
et de puissance qui s’écartait peu de l’état normal. 

Afin de nous placer dans les meilleures conditions possibles d’observa- 
tion, nous avons sectionné les côtes du côté de leurs attaches antérieures, 
et enlevé le plastron sternal, de façon à les rendre très mobiles et à rendre 
en conséquence très appréciable leur locomotion. Puis, après avoir mis à nu 
par une rapide et d’ailleurs très facile dissection, les cinq ou six premiers 
espaces, avec leurs muscles intercostaux internes et externes, ayant immé- 
diatement et exactement sous nos yeux les attaches de ces muscles, nous 
les avons fait se contracter respectivement et individuellement, à l’aide d’un 
courant interrompu d'intensité moyenne, lequel suffisait à produire de 
magnifiques résultats : 


1° Du côté du muscle intercostal interne (extrémité antérieure ou ster- 
nale de la côte) chaque excitation électrique et chaque contraction muscu- 


laire consécutive à cette excitation amenait invariablement l’abaissement 


de la côte supérieure vers l’inférieure. 

Si l’on étendait le courant excitateur à plusieurs espaces intercostaux à 
la fois, toujours dans la sphère des muscles intercostaux internes, on voyait 
tout aussitôt se produire wn abaissement en masse des côtes et du thorax ; 


2 Du côté du muscle intercostal externe (région costo-vertébrale moyenne 
et postérieure), la même excitation amenait constamment avec la contraction 
musculaire qui suivait, l’élévation de la côte inférieure vers la supérieure, 
celle-ci étant légèrement tenue immobile du bout des doigts. 

Et lorsque fixant dans l’immobilité la première côte, comme elle l’est en 
l’état physiologique, par le muscle scalène en particulier dans les actes fonc- 
tionnels dont il s’agit, on faisait passer le courant bien isolé dans plusieurs 
espaces à la fois, au niveau des intercostaux externes, on voyait se faire une 
élévation synergique en masse des côtes et du thorax. 

Pour nous mettre à l'abri de toute cause de confusion et d'erreur dans 


(1) Le cadavre a été, selon l’usage encore en vigueur, transporté au Champ de 
navets, mais nous avons soigneusement pris les précautions nécessaires pour 
qu’il fût perdu le moins de temps possible dans la réalisation de cette formalité 
stupide. 


SÉANCE DU 10 Mar. 307 


cette appréciation de l’action réelle des intercostaux externes, nous avons 
porté les excilations en dedans de la poitrine, tout à fait à l'extrémité pos- 
térieure des espaces intercostaux, au voisinage de la colonne rachidienne, 
et par conséquent au véritable siège des. muscles intercostaux externes, 
où il n’y a plus possibilité de mélange de leurs fibres avec celles des inter- 
costaux internes (ceux-ci n’allant pas, on le sait, jusqu’au rachis). Or, dans 
ce cas, comme dans le précédent, l'élévation des côtes, soit individuellement, 
soit en totalité, a été le résultat constant des contractions musculaires pro- 
voquées. 

Ces résultats ont été reproduits un grand nombre de fois, toujours les 
mêmes, sans la moindre variation; ils ont été constatés par tous les assis- 
tants, nommément par le docteur Gley, un de nos préparateurs; ils ont 
pu être vérifiés par M. le professeur J. Béclard, même deux heures après le 
début des expériences, la contractilité des muscles de la vie de relation se 
maintenant encore à ce moment à un taux très sensible. En sorte que nous 
nous croyons autorisé à considérer et à présenter comme définitivement 
résolue cette question hier encore indécise et tant débattue. Cette solution 
est conforme à celle de Hamberger, et donne raison à ce-physiologiste, qui 
admettait — en le démontrant surtout par un schéma géométrique devenu 
classique — que les intercostaux internes sont abaisseurs des côtes, par 
conséquent expirateurs: les intercostaux externes, élévateurs des côtes, 
c'est-à-dire inspirateurs. 


Qu'il me soit permis d’ajouter, à ce propos et en passant, que depuis plus 
de quatre années déjà, j'avais fait devant mes élèves la démonstration expé- 
rimentale de l’action des intercostaux internes, grâce à un dispositif facile 
à réaliser, et qui ne me paraît pas laisser de doute sur le résultat objective- 
ment constatable. 

À un lapin préalablement chloralisé ou chloroformé on extirpe la totalité 
des lobes cérébraux, de façon à lui enlever toute possibilité de fonction 
volontaire : l’animal est réduit, de la sorte, à une.machine purement respi- 
ratoire, et la respiration s’accomplit alors dans les meilleures conditions de 
tranquillité passive, à l’abri de toute influence excitatrice venant de l'animal. 

On dénude avec soin deux ou trois espaces intercostaux supérieurs en 
dehors autant que possible de la sphère diaphragmatique, et de façon à avoir 
bien sous l’æœil les muscles intercostaux internes. 

En l’état de respiration calme et tranquille, où se trouve l'animal, 
comme dans un sommeil profond, c’est à peine si l’on voit les côtes (surtout 
les côtes supérieures) se mouvoir, et les espaces intercostaux varier. Mais 
il suffit de le placer dans les conditions de l’effort respiratoire, en faisant 
une petite plaie de poitrine du côté opposé à la dénudation des espaces, 
pour voir aussitôt les côtes se mettre en mouvement, les muscles que l’on a 
sous les yeux se contracter violemment, et dans chacune de ces contractions, 
les côtes s’abaisser individuellement ou en totalité, selon que l’on observe 


308 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


un seul ou plusieurs espaces à la fois; si bien que l’action des intercostaux 
internes paraît bien, dans ces conditions expérimentales, coïncider avec Pa- 
baissement des côtes, par conséquent avec l'expiration. 

Le phénomène peut être rendu plus sensible encore et plus évident lors- 


qu'à la plaie de poitrine on adjoint la compression simultanée de la. 


trachée, de manière à amener une asphyxie passagère, et par là de grands 
efforts respiratoires qui portent à leur sammum les mouvements des côtes 
et des espaces intercostaux. 

Ce dispositif permet, je le répète, une nette constatation de l’action des 
intercostaux internes, mais non pas de celle des intercostaux externes, à 
cause de la complexité des actions musculaires synergiques qui sont en jeu, 
et de la difficulté d'observer individuellement, en dehors et en arrière du 
thorax, la contraction de ces muscles sur l’animal vivant. 

Cest pourquoi l’observation réalisée sur le corps du supplicié en ques- 
io dans les conditions particulièrement favorables qui viennent d’être 
signalées, apporte, surtout en ce qui concerne les intercostaux externes, 
un complément précieux et définitif de démonstration. 


IT. Le tissu pulmonaire jouit d’une propriété remarquable d’élasticité, 
qui lui permet de se rétracter avec une grande puissance relative, pour 
chasser à chaque expiration l'air introduit par l'inspiration, et qui a subi 
l'acte des échanges respiratoires. Cette propriété fonctionnelle constitue, 
comme on sait, l’agent essentiel de lexpiration. On s’en est beaucoup 
occupé, principalement au point de vue de la mensuration manométrique, 
depuis Carson, qui à fourni les premiers chiffres à ce sujet, jusqu’à Donders 


et notre collègue M. d’Arsonval, qui a fait de cette question de physiologie 


l’objet de son excellente thèse inaugurale. 

Mais on n’a pas étudié jusqu’à présent, à notre connaissance du moins, 
cette propriété du tissu sous Le rappert de sa persistance et de la durée de 
la survie après sa mort. 

Or, depuis cinq années déjà, dans des recherches encore inédites, faites 
sur des poumons d'animaux, de chiens en particulier, arrachés de la poi- 
trine immédiatement après la mort, nous avions constaté que cette durée 
était d’une ténacité et d’une longueur exceptionnelles; et cela dans des con- 
ditions d'observation très favorables, grâce au dispositif suivant : 


Nous placions le poumon dans l’ingénieux appareïl de Woillez, dit le 
Spirophore, lequel étant muni d’un soufflet à la partie inférieure permet 
une imitation aussi exacte que possible des actes mécaniques de la respira- 
tion; et nous pouvions ainsi et à volonté, interroger l’état de l’élasticité 
après une inspiration plus ou moins forcée, mais s’accomplissant comme 
dans l’état physiologique, sous l'influence de la diminution de pression dans 
l'enceinte où étaient placés les organes. Or, dans ces conditions, les pou- 
mons de chien nous donnaient les résultats suivants : 


SÉANCE DU 10 Mai. 309 


Le huitième jour, la propriété de rétractilité était encore énergique; le 
neuvième, le dixième et le onzième, elle se manifestait encore avec une 
diminution sensible et progressive. Le douzième, c'est à peine si on en 
constatait des traces, et le freizième jour elle paraissait totalement perdue. 

Quand je dis qu’il en restait des traces, c’est que dans le dispositif dont il 
s’agit, il a été facile d’adjoindre à l'observation objective le procédé des 
oraphiques, de façon à enregistrer tous les jours le phénomène, et ses varia- 
tions progressivement décroissantes. 

Frappé de cette survie exceptionnelle, qui n'appartient certainement, à 
un pareil degré, à aucune autre propriété de tissu organique, j'attendais la 
première occasion qui s’offrirait, de vérifier le fait sur le poumon de 
homme; cette occasion, je viens de l’avoir dans de très favorables condi- 
tions, et je me suis empressé de la saisir. Les poumons de Campi étaient, 
il est vrai, dans un réel état pathologique, caractérisé par un emphysème 
généralisé, et un état congestif des régions postérieures et des bases; mais 
l’ampliation inspiratoire se faisait encore dans une assez grande étendue, 
pour qu’il füt possible d'apprécier la propriété de rétractilité. 

Or cette propriété était encore puissante, ainsi qu'il a été facile de s’en 
assurer par des graphiques, avec le dispositif de l'appareil de Woillez; 
graphiques qui donnaient à peu près l’amplitude normale. Je me suis dès 
lors appliqué à interroger journellement les modifications de la rétractilité 
de ces poumons, et j'ai pu constater que tout en présentant une diminution 
sensible et progressive, surtout à partir du quatrième jour, elle existait 
encore manifestement le septième et le huitième; mais elle nous a semblé 
avoir complètement disparu le neuvième jour. 


Je m'en tiens aujourd’hui à ces deux résultats, relatifs l’un à l’action des 
intercostaux internes et externes, l’autre à la persistance post-mortem de 
la propriété de rétractilité du tissu pulmonaire, me proposant de revenir 
prochainement sur les autres recherches de quelque intérêt qu’il nous a 
été permis de faire en cette circonstance. 

Pour ce qui est de la remarquable durée de cette propriété rétractile, 
sans vouloir discuter en ce moment l'opinion qui leur attribue comme une 
de ses raisons prochaines la contractilité des muscles bronchiques (museles 
de Reissesen), contractilité qui serait elle-même sous laction directe des 
nerfs vagues, il nous sera permis de remarquer que le bien fondé de cette 
opinion se trouve sérieusement compromis en présence du fait de la survie 
en question; car nous ne pensons pas que cette possibilité de survie soit 
attribuable à la contractilité musculaire, même à celle de la fibre lisse, et 
en tout cas, elle ne saurait s'appliquer à l'influence depuis longtemps 
perdue des nerfs pneumogastriques. 


310 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SUR LA CAUSE DE LA RIGIDITÉ DES MUSCLES SOUMIS AUX TRÈS HAUTES 
PRESSIONS, par M. P. REGNARD. 


La Société se souvient peut-être que quand, dans l’eau, on soumet des 
muscles à des pressions considérables (600 à 1000 atmosphères), on obtient 
presque instantanément une rigidité considérable, au point que, dans les 
expériences les mieux réussies, on casse plutôt les membres de lanimal 
que de les faire plier. 

On voit en même temps, en poussant plus loin les recherches, que les 
muscles superficiels sont les plus contractés, que certains muscles pro- 
fonds sont quelquefois tout à fait relàächés. Le cœur en particulier continue 
souvent de battre, alors que presque tous les muscles proprement dits sont 
contracturés. 

Il semblerait donc que la pression ne doit concourir en rien à la pro- 
duction du phénomène, puisque évidemment tous les muscles la supportent 
à un même degré. 

En revanche, il est possible que, sous les pressions énormes que nous 
produisons, l’eau puisse pénétrer subitement dans les tissus et produire la 
tétanisation que nous observons. 

S'il en est ainsi, nous connaissons la cause de cette tétanisation, et 
au moins une des causes de la mort des animaux portés aux grandes pro- 
fondeurs. 

Or plusieurs expériences nous permettent de penser que le processus 
est bien celui que nous venons d'indiquer. | 

1° Si on pèse soigneusement des pattes de grenouille avant et après 
l'expérience, on trouve une augmentation considérable, qui une fois a pu 
aller à un cinquième du poids total, tandis qu'un témoin placé dans l’eau 
à la pression normale n’a pas sensiblement jaugmenté de poids. 

2° Si on comprime des pattes de grenouille en les tenant à l'abri de 
l’eau, on n’observe plus la rigidité ni l’augmentation du poids. Pour réali- 
ser cette expérience, on renferme une grenouille dans un sac en caoutchouc 
mince, puis on enlève tout l’air par le vide et on lie le sac. On met le tout 
dans l’appareil et on comprime à 600 atmosphères. L'expérience est donc 
identique aux autres, sauf que les muscles ne sont pas au contact de l’eau. 
Eh bien, dans ces conditions, quand on retire la grenouille, elle n’a pas 
augmenté de poids et elle n’est nullement contracturée. Donc, pression 
égale dans les deux cas ; d’un côté, contact avec l’eau : contracture et aug- 
mentation de poids; de l’autre, absence de contact : absence de contracture, 
absence d'augmentation de poids. 

L'expérience peut être faite d’un coup en se servant d’un animal qui Sy 
prête fort bien. 


SÉANCE DU 10 Maï. o1l 


On prend un dytique. Cet animal est couvert d’un test chitineux 
extrêmement épais, difficile à traverser et qui protège les tissus sous-ja- 
cents contre l’imprégnation de l’eau. Comprimons à 600 atmosphères un de 
ces insectes dont nous aurons vidé autant que possible les trachées en le 
mettant dans le vide. 

Retirons-le au bout d’un quart d’heure, il est parfaitement vivant, tandis 
que le poisson placé à côté de lui est mort en quelques minutes. 

Il est certain que les tissus, autres que le muscle, plongés dans l'eau en 
pression, l’absorbent rapidement. Un bout de sciatique frais, qui pesait 
4 grammes, pesait 4,4 en sortant de l’appareil à 600 atmosphères : il 
était même sensiblement plus dur et plus rigide qu'avant. Un tronçon de 
moelle de chien pesait 12 grammes avant la pression et 13%, 2 après. [Il 
semble donc qu'il v,a là une loi générale, qui peut nous expliquer la mort 
des animaux portés à de grande profondeurs (1). 

L'eau en effet est un poison des tissus ; elle tue les cils vibratiles, les 
spermatozoïdes, la fibre musculaire et la cellule nerveuse. Chez les ani- 
maux à sang chaud cela est instantané, chez les animaux susceptibles de vie 
latente nous voyons que nous provoquons ce mode d’existence avant de 


provoquer la mort (2). 
Ainsi on savait que l'excès de chaleur comme son absence-amenait la vie 


latente (Bernard). 

On savait aussi que l'excès d'oxygène comme son défaut (P. Bert) cau- 
sait la maladie, puis la mort de la cellule. 

On savait que le manque d’eau dans les tissus provoquait la vie latente 
(animaux réviviscents), puis la mort. On ne savait rien sur l’action d’un 
excès de cet élément. Nous pouvons annoncer aujourd’hui qu’il en est de 
l’eau comme des autres éléments essentiels à la vie, son excès comme son 
défaut amène la mort ou même, au début, la vie latente, chez les êtres 
susceptibles de supporter ce mode d’existence. 


(1) Dans une prochaine communication, nous ferons connaître les lésions histo- 
logiques des tissus. 

(2) Depuis notre dernière communication, en nous servant de petites anguilles» 
nous avons réussi à endormir un de ces animaux pendant quatre heures. Par 
transparence, nous voyons battre son cœur. Après le réveil, l'animal était si vif 
qu'il à réussi à s'échapper de l’aquarium. 


S12 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE SUR DES FIGURES D'ANATOMIE REMONTANT A LA FIN 
DU QUATORZIÈME SIÈCLE, par M. G. Poucuer. 


Je pense être agréable à la Société en mettant sous ses yeux les plus 
anciennes figures d'anatomie humaine qui existent probablement au monde, 
car elles doivent dater des dernières années du quatorzième siècle. Elles 
illustrent un manuserit persan qu'a bien voulu me communiquer M. Scheffer, 
l’éminent directeur de l’École des langues orientales vivantes, et n’est pas le 
moindre joyau de ses magnifiques collections personnelles. C’est le Traité 
d'anatomie de Mansour-ben-Ahmed, dédié à Mirza pir Mohammed, petit-fils : 
de Tamerlan, et qui mourut en l’an 800 de l’hégyre (1406). 

L’exemplaire que je mets sous les yeux de la Société est ancien. Il existe 
une copie plus récente du même manuscrit à la Bibliothèque nationale 
(ancien fonds persan, n° CLI). Mais les figures en sont assez grossières et 
inexactement copiées. Il est décrit par Leclerc (Histoire de la médecine 
arabe, t. IT, p. 326). Le texte persan offre de très grandes difficultés et je 
n'ai pas jusqu'ici pu en faire entreprendre la traduction. Je dois me borner 
à l'interprétation des figures. Elles sont au nombre de six. 

Les deux premières figures représentent des sujets les jambes écartées, 
les genoux pliés, les mains sur les cuisses, face dorsale en avant (?). Elles 
sont en effet d’une interprétation difficile. fl semble que le sujet est plutôt 
vu par derrière, comme s’il était sur le ventre, avec le menton projeté en 
avant, le sinciput paraissant continuer la colonne vertébrale. 

Ces figures et les suivantes sont en partie faites à la règle et au compas 
avec une préoccupation évidente du dessin ornemental. De plus, certaines 
parties, telles que les veines, par exemple, qui correspondent à la face 
opposée à celle qui regarde le lecteur, sont dessinées en dehors du trait li- 
mitant la silhouette de l'individu. Un certain nombre d’artères et de veines 
se trouvent ainsi figurées en dehors du cerps. 


La première figure correspond au squelette. Les sutures crâniennes sont 
indiquées par de gros traits dentelés. Sept vertèbres au cou. Les côtes sont 
représentées par dix-neuf traits à droite et dix-huit à gauche en jolie couleur 
jaune, rectilignes, parallèles, obliques, diminuant du premier au dernier de 
chaque côté. De chaque côté également, les quatorze premiers traits sont 
unis deux à deux par un trait transversal à leur extrémité périphérique, 
allusion possible aux sept vraies côtes. Il reste ainsi du côté droit cinq 
fausses côtes et quatre du côté gauche, en raison sans doute de la création 
d’Eve. 


La deuxième figure, dans la même attitude que la précédente, est con- 
sacrée aux nerfs, figurés par des traits plumeux partant du rachis et s’éten- 


SÉANCE DU 10 Mai. 313 


dant dans la tête et les membres. Ils sont de toutes couleurs : noirs, rouges, 
jaunes, etc., pour l'agrément des veux. Dans la tête, quatre cercles au 
compas indiquent le cerveau. 


La troisième figure représente le sujet de face et est évidemment consa- 
crée à la description des parties extérieures. 


La quatrième est consacrée aux veines et aux viscères. Les veines sont 
figurées par un réseau de traits rouges plumeux à leur extrémité partout 
d’égal diamètre. La splanchnologie est la suivante. Canal intestinal : un 
tube droit aboutissant à un estomac piriforme à grand axe vertical se con- 
tinuant par un intestin allant à gauche, puis à droite deux fois, offrant alors 
un prolongement borgne, puis une circonvolution annulaire, sur laquelle 
vient se greffer l'intestin terminal finissant sur la ligne médiane au point 
correspondant à l'anus. Les noms sont ceux de l'antiquité : intestin de 
douze doigts, petit intestin, intestin à jeun, intestin aveugle, côlon, dont le 
nom est simplement transerit, intestin droit. Le foie, piriforme comme 
l'estomac, est appliqué à droite contre celui-ci, allongé par conséquent 
dans le sens vertical. Vésicule du fiel au milieu du foie, colorée en vert. 
Elle envoie des vaisseaux biliaires colorés en vert comme elle et dessinés 
par des traits plumeux, entre les circonvolutions intestinales, jusqu à l’in- 
testin. Une branche importante va directement à la rate (traditionnelle), 
d’autres à l'estomac et peut-être aux veines. Les reins sont placés très haut, 
allongés transversalement, appliqués contre l'intestin. Le droit est placé 
plus haut, d’après uné ancienne erreur remontant aux plus anciens anato- 
mistes grecs. Il n’y a aucune apparence d'organes génitaux externes ou 
internes sur aucune figure. Les poumons ne sont pas indiqués comme 
organes distincts et seulement par une teinte occupant la région de la 
poitrine. 

Aucune indicalion de diaphragme n1 de trachée. 


La cinquième figure est consacrée plus spécialement au cœur, aux artères 
et reproduit en partie la splanchnologie de la figure précédente. Les vais- 
seaux biliaires s'étendent sur l’estomac et le dépassent vers l’hyÿpochondre 
gauche, mais ne vont pu. toutefois jusqu’à la rate. Gelle-ei est unie au 
contraire à l’estomac par trois vaisseaux sanguins. Les artères des mem- 
bres sont figurées par des traits rameux occupant le milieu des membres. 

Le cœur est figuré par une masse ovoïde, flanquée de deux cavités plus 
petites, les oreillettes. 

Les poumons sont représentés comme à dessein par une teinte claire en 
occupant la place et sur laquelle se détachent le cœur, le foie et l’estomac. 
Au niveau supérieur de cette teinte claire représentant les poumons, au- 
dessus du cœur, est figurée une masse en rouge brun, de la même couleur 
que le cœur (larvnx ?), d’où partent en haut : 1° deux vaisseaux montant dans 


914 SOCIËÈTÉ DE BIOLOGIE. 


le cou à droite et à gauche; 2° en bas, des traits rouges plumeux se répan- 
dant dans le poumon (les vaisseaux pulmonaires) et des traits verts tout 
pareils qui sont évidemment les bronches. L'un des traits rouges paraît relié 
au cœur; 3° un trait rouge passant derrière le cœur et se trifurquant au- 
dessous de lui pour donner le vaisseau de la rate y arrivant par trois bran- 
ches, un grand vaisseau abdominal et un troisième se bifurquant en À dont 
les branches se continuent comme artère centrale du membre inférieur. 

Les artères du membre supérieur se continuent par un trait horizontal 
les reliant et passant entre le cœur et la masse brune que nous venons de 
décrire et qui semble représenter la masse des vaisseaux cardiaques immé- 
diatement au-dessus de leur origine. 


La sixième figure, un peu plus grossière que les précédentes el sans 
explications, termine le livre. Le diaphragme y est probablement figuré par 
des traits horizontaux occupant la moitié de l’espace représentant les pou- 
mons. De plus, l'utérus est figuré comme un ovoïde obliquement incliné en 
bas et à droite, et contenant un fœtus dans une attitude naturelle. 


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SÉANCE DU 10 Mai. 315 


SUR LE SPECTRE D'ABSORPTION PRODUIT PAR LE CHLORHYDRATE DE KAÏRINE 
SUR LE SANG, par Ch. E. Quinouaun. 


Voici les conditions dans lesquelles on voit se produire une bande d’ab- 
sorption : 

Dans une solution hématique au 1/50°, placée dans l’auge du spectro- 
scope, on ajoute douze à quatorze gouttes d’une solution de chlorhydrate de 
kairine (40 centigrammes pour 3 centimètres cubes d’eau distillée). On voit 
alors une bande apparaître dans le rouge, tandis que les deux bandes de 
l’hémoglobine s’atténuent pour disparaitre. 

Bientôt on voit nager dans le liquide des flocons albumineux résultant de 
Valtération des globules sanguins, la filtration enlève ces produits altérés, 
mais laisse subsister la substance, qui est la cause de la bande d'absorption. 
Cette bande se voit fort bien avec le prisme de flint, mieux encore avec le 
prisme de quartz ou de verre blanc; dans ces deux dernières circonstances 
le spectre est réduit, vu le faible pouvoir dispersif de ces deux substances. 

A l’aide du spectroscope Thollon et de la lumière solaire, on détermine 
très exactement que cette bande d'absorption est un peu plus réfrangible 
que la raie C de l'hydrogène, laquelle raie a été reconnue directement à 
l’aide de la bobine de Rumkorff. 


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911 


SÉANCE DU 17 MAI (884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


DE L'ACTION DES LIQUIDES NEUTRES SUR LA SUBSTANCE ORGANISÉE (SUITE), 
par M. R. Dugors. 


Depuis l’année 1870 jusqu’à celle qui vient de s’écouler, j'ai eu l'honneur 
à diverses reprises de communiquer à la Société les résultats des expé- 
riences que j'ai entreprises dans le but de connaître l’action intime des 
liquides neutres sur la substance organisée. 

J'ai, jusqu’à présent, étudié tout particulièrement le mode d’action de 
l'alcool, de l’éther, du chloroforme sur l’hydratation des tissus, c’est-à-dire 
les réactions réciproques que ces divers liquides neutres (inactifs sur la 
teinture de tournesol) peuvent exercer les uns sur les autres quand ils se 
trouvent en présence de Ia substance protoplasmique. 

Ces recherches devaient me conduire nécessairement à rechercher 
quelles pouvaient être les modifications imprimées aux tissus par la pro- 
portion d’eau qu’ils pouvaient contenir en plus ou en moins. 

L’eau en effet est de tous les liquides neutres celui qui semble posséder 
sur la marche des phénomènes biologiques, qu’ils soient d'ordre physiolo- 
sique ou pathologique, l’action prédominante. 

Son importance dynamique paraît être égale, sinon supérieure, à la place 
qu’elle occupe dans la constitution des tissus vivants, c’est-à-dire qu’elle 
dépasse de plus des quatre cinquièmes limportance de tous les matériaux 
employés par les êtres vivants non pas considérés isolément, mais bien pris 
dans leur ensemble. 

Etudier complètement l'intervention de l’eau dans les phénomènes de la 
vie serait faire l’histoire complète de la vie, car nul ne peut dire qu’un 
acte vital quelconque, physiologique ou pathologique, n’est pas constitué 
principalement par un mouvement de molécules d’eau. 

L'importance de cet agent, en apparence indifférent, n’a échappé à aucun 
biologiste. Aussi, dès la plus haute antiquité, lui a-t-on accordé le rang qu'il 
méritait d'occuper. 

Cependant on demeure frappé d’étonnement en voyant qu'aucune étude 

310LOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. [°, N° 20. 25 


318 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


d'ensemble n’a, jusqu’à présent, été entreprise, bien que de nombreux 
documents épars dans la science indiquent qu’une généralisation est déjà 
possible. | 

Ce n’est pas aujourd'hui cependant, que nous voulons tenter le succès 
d’une semblable entreprise : aussi, nous contenterons-nous de parler de 
l’action de l’eau sur les propriétés des fibres musculaires striées. 

Depuis longtemps déjà on sait que l’eau injectée dans les vaisseaux san- 
guins, où simplement appliquée à la surface des muscles striés peut pro 
voquer des contractions. Bien plus, on a pu localiser cette action dans la 
fibre musculaire, soit par des sections nerveuses, soit par l’emploi du cu- 
rare, et, en définitive, tous les physiologistes sont d'accord aujourd’hui pour 
reconnaître que l’eau est un excitant du muscle. 

Mais, comme l’a fort bien dit M. le professeur Charles Richet dans son 
excellent ouvrage sur la physiologie du muscle : « toutes les substances qui 
sont funestes à la vie du muscle sont des excitants du muscle. » Mais, à 
notre sens, le mot excitation » est de ceux qui doivent aller rejoindre, dans 
le domaine de l’histoire, l’irritabilité en physiologie, la force catalytique en 
chimie, et les idiosyncrasies en pathologie. 

Tel était l’état de la science lorsque nous avons cherché par de nou- 
velles expériences à faire faire un pas de plus à cette importante question. 

Pour cela nous avons injecté dans les vaisseaux d'animaux tués par sai- 
_gnée totale de l’eau à diverses températures comprises entre 10 et 45 de- 
rés, et nous avons remarqué que les contractions des muscles striés étaient 
parfois nulles, parfois lentes, parfois rapides et énergiques. L'opinion de 
plusieurs physiologistes qui assistaient à nos expériencés fut que l’action 
de la chaleur devait seule être mise en cause. 

Pourtant on sait, depuis les belles recherches de M. le docteur Calliburcès, 
que l’action de la chaleur sur la contraction des muscles striés est peu sen- 
sible, surtout quand les écarts de température sont progressifs et peu 
considérables; de là la division si remarquable des muscles en thermosys- 
taltiques et athermosystaltiques. 

Pour élucider ce point important, j'ai injecté comparativement de l’huile 
et du mercure à des températures correspondantes à celles auxquelles j'avais 
injecté la même quantité d’eau, et je n’ai plus observé les mêmes contrac- 
tions. 

On pouvait penser que la capacité calorifique de l’eau intervenait et que 
pour.une même quantité de liquide injecté à une même température, la 
quantité de calorique cédé n’était pas la même. 

Mais en injectant des masses plus grandes des liquides précités l'effet 
était le même. 

Il ne nous restait qu'une hypothèse possible pour expliquer les phéno- 
mènes dont nous étions témoins, la pénétration de l’eau dans la fibre mus- 
culaire, l’hydratation de l'élément anatomique. 


Cette explication nous paraissait d'autant plus admissible, que l'excitation . 


SÉANCE DU 171 Mal. 319 


augmentait en raison de l'élévation de la température de l’eau injectée, 
jusqu’à une certaine limite pourtant. 

Or on sait que le phénomène de l’imbibition des colloïdes suit précisé- 
ment la même loi. 

Il nous était donc permis d'avancer : 

1° Que, dans ces conditions, le phénomène de la contraction et aussi 
celui de la rigidité, qui semble n’être autre chose qu’un état permanent de 
la contraction musculaire, pouvait être déterminé par limbibition par 
l’eau de la fibre musculaire ; 

2 Que cette imbibition, conformément à la loi générale, croit avec l’élé- 
vation de la température, jusqu’à une certaine limite pourtant. 

En définitive, l’état de contractilité ou de rigidité nous paraissait fonc- 
tion de la proportion d’eau contenue à un moment donné dans la fibre 
musculaire striée. Aussi, lorsque M. le professeur Regnard, notre chef de 
laboratoire, nous fit part de la surprise qu’il éprouvait en voyant les muscles 
striés devenir rigides quand il les comprimait dans l’eau à plusieurs cen- 
taines d’atmosphères, nous nous crûmes autorisé à déclarer qu’il ne pou- 
vait être question, dans ce cas particulier, que d’un phénomène d’imbibition 
de la fibre musculaire. 

En vain, on nous objecta que les tissus gorgés d’eau ne pouvaient se 
laisser pénétrer par de l’eau, en raison de l’incompressibilité des liquides. 

Nous avons soutenu notre opinion première, et, les muscles, quiétaient 
devenus rigides sous l’influence des hautes pressions dans un milieu 
aqueux, ayant été pesés, l'expérience démontra l'exactitude de nos prévi- 
sions : les muscles avaient augmenté de poids, parfois dans une proportion 
considérable. 

Ces muscles reprenaient d’ailleurs leur élasticité normale quand on les 
mettait sous une cloche en présence de l’acide sulfurique. Il en était de 
même quand, avec quelques précautions, on les mettait en présence de sub= 
stances susceptibles de soustraire l’eau aux tissus. | 

Une grenouille rigide et absolument inerle, plongée dans un mélange 
d’eau et d'alcool au 1/10°, put même retrouver la possibilité d'exécuter des 
mouvements spontanés. 

Cependant la démonstration n’était pas suffisante et l’on pouvait croire 
que la pression seule était réellement l’agent principal dans la production 
de la rigidité. 

On eut alors l’idée d’envelopper les muscles dans des enveloppes 
imperméables de caoutchouc et de les soumettre à de hautes pressions. M. le 
professeur Regnard voulut bien se charger d'exécuter cette expérience au 
moyen de la pompe inventée par M. Cailletet. 

Entre les mains de l’habile expérimentateur, l'expérience réussit pleine- 
nent; les muscles soumis à de hautes pressions, mais mis à l'abri de la 
pénétration de l’eau, restèrent flexibles. 

Les circonstances nous ont conduit à publier d’une façon prématurée, 


320 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sans aucun doute, les résultats d'expériences préliminaires, simple prélude 
d'études que nous nous proposions de poursuivre quand nos occupations 
ordinaires nous le permettraient. 

Cependant, gràce à l'extrême complaisance de M. le professeur Regnard, 
qui à bien voulu nous permettre l'emploi de lappareil qui lui a été confié, 
nous espérons pouvoir faire connaître bientôt d’une façon plus complète 
l'influence de l’imbibition sur les tissus et étudier plus complètement le 
mécanisme physico-chimique de leur hydratation. 


FAITS MONTRANT QUE TOUTES OU PRESQUE TOUTES LES PARTIES DE L'ENCÉ- 
PHALE, CHEZ L'HOMME, PEUVENT DÉTERMINER CERTAINES INHIBITIONS, par 
M. BrowN-SÉQuARD. 


Dans des leçons que j'ai faites à Londres, au Collège des médecins, en 
1876, et dans un cours au Collège de France (pendant l'hiver 1878-79), j'ai 
essayé de montrer que toutes ou au moins presque toutes les parties de 
l’encéphale peuvent donner lieu à des paralysies des membres, et que ces 
pertes de mouvement volontaire proviennent le plus souvent, non d’une 
perte de fonction des parties lésées, mais d’une influence inhibitoire partant 
du siège de la lésion ou de son voisinage, et s’exerçant sur d’autres parties 
de l’encéphale et sur la moelle épinière, et peut-être même aussi sur les 
terminaisons des nerfs moteurs. Un des arguments que j'ai mentionnés à 


l'appui de ces idées a consisté à faire voir que des actes clairement inhibi= 


toires peuvent être produits par toutes ou presque toutes les parties de 
l’encéphale, et que ces inhibitions, comme les paralysies des membres, 
peuvent durer jusqu’à la mort. 

Prenant sans choisir dans une masse extrêmement considérable de faits 
cliniques, je vais donner des preuves que les diverses parties de l’encéphale 
peuvent, par inhibition, produire :-1° la paralysie des sphincters de la vessie 
ou de l'anus, ou de l’un seulement de ces sphincters ; 2° la perte de la déglu- 
tition ; 9° la perte de la facuité réflexe de la moelle épinière; 4° une longue 
persistance de diminution de force et de vitesse du cœur. 

1° Paralysie des sphincters de La vessie et de l'anus. — Je vais faire voir 
que les centres toniques et réflexes, siégeant dans le renflement dorso-lom- 
baire de la moelle épinière, et qui maintiennent ces sphincters dans leur 
état ordinaire de constriction, peuvent être inhibés par des lésions des di- 
verses parties de l’encéphale. 

Voici un certain nombre des faits que j'ai rassemblés. Je donne les uns 
à cause du siège, les autres à cause de la nature de la lésion. On voit par les 
variétés à l'égard de ces deux particularités que le phénomène produit n'est 
lié ni à une certaine partie de l’encéphale, ni à une certaine espèce de Ié- 


im tés de dé à 


SÉANCE DU 11 MAI. 394 


sion. Ceci est, du reste, confirmé par des faits qu'on observe tous les jours, 
montrant que toute espèce d’altération peut exister dans un point quelconque 
de l’encéphale sans qu'il y ait paralysie des sphincters. Pour me mettre à 
l'abri d’une cause d'erreur évidente, je ne rapporte que des faits dans les- 
quels l'intelligence était conservée. 


1. Cas de paralysie des sphincters due à une lésion de la base de l’en- 
céphale. — Obs. I. Hémorrhagie dans la partie antérieure de la protubé- 
rance, surtout à droite (Sénac, Bull. de la Soc. anat., 1856, p. 206). — 
Obs. IT. Hémorrhagie de la protubérance, suivie d’atrophie considérable 
(Cruveilhier, Anatomie pathol., 21° livraison, p. 3). — Obs. IL. Hémor- 
rhagie de la protubérance (Guéniot, Bull. de la Soc. anat., 1860, p. 321). 
— Obs. IV. Ramollissement du centre de la protubérance (J.-H. Bennett, 
Principles and practice of Medicine, 5 Edit, Edinburgh, 1868, p. 390.— 
Obs. V. Tubercule dans la protubérance et un aussi dans le cervelet (La- 
borde dans thèse d’Allo, 24 juin 1864, p. 32). — Obs. VI, VIE, VITE, IX, X 
et XI. Hémorrhagie, abcès ou tubercule dans le cervelet (Banks, Dublin 
Hosp. Gazette, 1856, p. 43; Bristowe, Trans. of the Pathol. Soc., t. XIE, 
p. 17; Duplay, Archives de médecine, nov. 1836, p. 262; Fauvelle, 2 cas 
in Gintrac, Cours théor..et clin. de pathol. interne, t. NVIL, p. 301 et 314; 
Archambault, Moniteur des hôpitaux, t. X, 1853, p. 129). 


Cas de lésion du corps strié ou de la couche optique. — Obs. XEE. Ra- 
mollissement des deux corps striés (Gintrae, loc. cit., &. IX, p. 360). — 
Obs. XITE, Gaillot dans le corps strié droit (R.-T. Moyo, London med. 
Gazette, t. XXXIX, 1847, p. 16). — Obs XIV. Inflammation du corps strié 
et du pédoncule cérébral (Abbot, Amer. Journal of medical Science, Phila- 
delphia, July 1853, p. 78).— Obs. XV. Hémorrhagie dans la couche optique 
(J.-H. Bennett, loc. cit., p. 26). — Obs. XVI. Ramollissement presque pu- 
rulent du corps strié gauche (Gintrae, loc. eit., VII, p. 329). | 


Cas de lésion d’un des lobes cérébraux. — Obs. XVII. Plusieurs tumeurs 
dans le lobe antérieur droit (Bright, Reports of Medical cases, London, 
t. [f, p. 355). — Obs. XVIIT. Quatre tumeurs sur le lobe antérieur gauche 
(Bayle et Kergaradec, in Lallemand, Recherches anat.-pathol. sur l'encé- 
phale, &. IT, p.25).— Obs. XIX. Inflammation d’une circonvolution du lobe 
antérieur droit à son bord inférieur et externe (Gendrin, in Fabre,, Biblio- 
thèque du médecin praticien, 1849, t. TX, p. 142). — Obs. XX. Tumeur 
hydatique du volume du poing dans le lobe droit (Faton, Bull. Soc. anat., 
1848, t. XXII, p. 344). — Obs. XXI. Ancien foyer hémorrhagique, lobe 
moyen droit (Andral, Clinique médicale, t. V, p. 312).— Obs. XXII. Abcès, 
lobe moyen droit (Goupil, Bull. Soc. anat., 1851, t. XXXI, p. 480). 


Cas de lésion des circonvolutions. — Obs. XXIIT. Ulcération de la sub- 
stance grise des lobes antérieurs (Lecorché, Comptes rendus de la Soc. de 


922 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Biol., 1856, p. 163). — Obs. XXIV. Ramollissement de la scissure de Syl- 
vius (Baréty, Mémoires de la Soc. de Biol., 1873, p. 148). — Obs. XXV. 
Méningite, parties antérieures (Legendre, Maladies de l'enfance, p. 58). 


Cas de lésion de plusieurs parties de l’encéphale, simultanément. — 
Obs. XXVI. Artère sylvienne droite obturée ; ramollissement du lobe frontal 
et du lobe sphénoïdal (Berger, Bull. Soc. anat., 1869, p. 148).—Obs. XX VIT. 
Ramollissement du lobe antérieur et d’une partie du lobe moyen, à droite 
(J. Burns, London medical Gazette, 1838,t. XXIT, p. 455).—Obs. XX VIT. 
Tubercules dans Le lobe antérieur droit, la couche optique gauche et le cerve- 
let (De Lignerolles, Bull. Soc. anat., 1866, p. 205.—Obs. XXIX. Compres- 
sion considérable par kyste séreux sur hémisphère gauche (Jacquet, in Gin- 
trac, loc. cit., t. VI, p. 694). — Obs. XXX. Abcès dans tout l'hémisphère 
gauche (Abercrombie, Pathol. and practical Researches on diseases of 
the brin, Edinburgh, 1845, p. 94). — Obs. XXXI. Grosse tumeur dans la 
partie postérieure du lobe moyen et dans le lobe occipital, à droite (Smith, 
The Lancet, January 1873, p. 49). — Obs. XXXII. Fracture du pariétal ; 
inflammation dure-mère ; abcès lobe moyen droit et effusion sanguine sous 
lobe antérieur gauche (De Morgan, Transactions Clinical Society, 1870, 
t. VIII, p. 17).— Obs. XXXIIT. Oblitération des artères cérébrales à droite 
(Van der Byl, Transact. Pathol. Soc., 1857, t. IX, p. 16).— Obs: XXXIV-: 
_ Caillot et ramollissement dans le lobe moyen gauche, s'étendant aux circon- 
volutions du lobe sphénoïdal et aux corps opto-striés (J.-F. Jackson, The 
Lancet, t. 11, 1866, p. 605).— Obs. XXXV. Sang épanché dans les circon- 
volutions frontales et autour du bulbe (Piéchaud, Lebec et Gauché, Bull. 
Soc. anat., 1878, p. 13). — Obs. XXXVI. Effusion sanguine dans quelques 
circonvolutions, petit caillot dans la corne postérieure du ventricule droit 
(Bright, loc. cit., t. I, p. 290).—0Obs. XXX VIT. Ramollissement hémorrha- 
gique du lobe antérieur et d’une partie du lobe moyen, à droite (Copeman, 
Collection of cases of apopleæy, 1845, p. 36). 


Un seul des deux sphincters peut être paralysé, comme le montrent les 
faits suivants : ; 


Cas de lésion de parties diverses de l’encéphale produisant une para- 
lysie du sphincter vésical. — Obs. XX XVIIT. Anévrysme de l’artère basilaire 
(Bright, The Lancet, 1829, p. 127). — Obs. XXXIX. Tumeur volume fève 
et ramollissement protubérance, à gauche (Coindet, in Lallemand, Loc. cit., 
IT, p. 92).— Obs. XL. Atrophie du bulbe et de la protubérance (Gintrac, 
loc. cit., IX, p. 275). — Obs. XLI. Kyste hématique du cervelet, à droite 
(Marcé, Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1861, p. 252). — Obs. XLII. 
Tumeur de couche optique et ramollissement partiel du pédoneule cérébral, 
à gauche (Fleischmann, in Bernhardt, Symptomatol. und diagnostik der 
hirngeschwülste, 1881, p. 151). — Obs. XLIIT. Tumeur couche optique et 


SÉANCE DU 11 MAI. 3923 


corps strié, à gauche (Barié, Bull. Soc. anat., 1874, p. 411). — Obs. XLIV. 
Sang épanché dans corps strié extraventriculaire (Gintrae, loc. cit., VI, 
p. 143).— Obs. XLV. Fracture du frontal, abcès des circonvolutions près de 
scissure de Rolando (Alexander, The Lancet, t. 11, 1848, p.426).—0Obs. XL VI, 
Tumeur volume grosse noix entre dure-mère et lobe frontal (Andral, loc. 

-cit., t. V, p. 1). — Obs. XLVIT. Fracture cràne, abcès lobe frontal (F. G. 
Reed, The Lancet, II, 184$, p. 173). — Obs. XLVIII. Hémorrhagie, lobe 
antérieur (Andral, loc. cit., t. V, p. 300). 


Cas de lésion de parties diverses de l’encéphale produisant une para- 


lysie du sphincter anal. — Obs. XLIX. Arières basilaire et vertébrale 
droite, obturées par un caillot (W. H. Dickinson, Saint-Georges Hospital 
Reports, 1866, p. 261). — Obs. L. Léger ramollissement en arrière du 


corps strié (Rilliet et Barthez, Maladies des enfants, t. If, p. 257). — 
Obs. LI. Ramollissement du lobe postérieur et un peu du lobe sphénoïdal, 
à gauche (Troisier, Comptes rendus de la Société de Biologie, 1873, p. 388). 
— Obs. LIT. Ramollissement du pédoncule cérébral gauche (Marrotte, 
Union médicale, 1853, p. 407). 


Dans quelques-uns des cas ei-dessus, il y avait fort peu de paralysie des 
membres, et dans un ou deux il n’y en avait pas trace. Dans plusieurs de 
ces cas, et en particulier dans les observations [, IT et XE, il n’y avait pas 
d’anesthésie. Dans deux ou trois cas, et spécialement dans les observations 
XIX et LI, le besoin de rendre les urines et les matières fécales se faisait 
sentir, mais il était impossible au malade d’en empêcher l’évacuation. 

Peut-on expliquer autrement que par une inhibition les paralysies des 
sphincters de l’anus et de la vessie dans les cas que j'ai rapportés? Certai- 
nement non. La physiologie et la clinique nous enseignent que les centres 
toniques et réflexes situés dans le renflement dorso-lombaire de la moelle 
épinière continuent de maintenir les sphineters anal et vésical dans un état 
de constriction suffisant pour empêcher l'issue continuelle des matières fé- 
cales et de l'urine, lorsque la moelle épinière est coupée au-dessus de ce 
renflement. [l est donc certain que ce n’est pas par suite de la perte de 
fonction de la partie lésée, dans l’encéphale, que la paralysie des sphincters 
a eu lieu dans les cas ci-dessus. Il faut conséquemment admettre que c’est 
à une irritation provenant des parties lésées ou de leur voisinage qu'est due 
cette paralysie, Quant au mécanisme à l’aide duquel cette perte de puissance 
se produit, il est évident que c’est celui de l’inhibition. En effet, comme je 
l'ai montré, ily a inhibition toutes les fois que se produit d'une manière 
purement dynamique une disparition immédiate ou presque immédiate, 
temporaire ou persistante, d'une fonction, d'une propriété ou d’une activité 
dans les tissus nerveux ou contractiles, sous l'influence de l’irritation 
d'une partie du système nerveux, à quelque distance au moins de l'organe 
ou du tissu où survient cette disparition. C’est donc à une inhibition des 


324 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


centres Loniques et réflexes qui, normalement, tiennent les sphincters con- 
tractés, que ces faisceaux de fibres musculaires doivent leur paralysie, dans 
les observations rapportées ci-dessus. 

Je continuerai l’exposé de ces recherches dans la séance prochaine. 


NOTE SUR UN CRITÈRE DE LA SENSIBILITÉ HYPNOTIQUE; L'HYPNOSCOPE; UNE 
NOUVELLE MÉTHODE DE DIAGNOSTIC, par M. J. Ocorowicz, présentée 
par M. Cu. Ricuer. 


J'ai l'honneur de présenter à la Société les résultats de mes recherches 
faites en 1880-1882 à l’université de Lemberg, à Cracovie, à Varsovie, dans 
les montagnes de Tatra et depuis deux ans à Paris. Comme je leur attribue 
une certaine valeur pratique, je vais les exposer brièvement avant de pou- 
voir publier les observations détaillées. — Il s’agit des avantages qu'on 
peut tirer en physiologie et en médecine de l’action physiologique de Pai- 
mant. Je sais bien que cette action est loin d’être acceptée par tout le 
monde; mais au point de vue empirique, où je me place en ce moment, je 
peux laisser au lecteur la liberté de considérer cette action comme pure- 
ment psychique ou suggestive — les résultats n’en seront pas moins vrais, 
ni moins importants. — La forme de l’aimant à laquelle je me suis arrêté 
définitivement comme la plus pratique, rappelle celle de l’électro-aimant 
Joule, avec cette différence que les lignes de force y sont dirigées en dedans 
et non en dehors dutube aimanté. Afin de distinguer cette forme des formes 
ordinaires, d'éviter les répétitions et d'indiquer le but de son application, 
je nommeraice petit appareil « l’hypnoscope ». J’espère qu’il trouvera bien- 
tôt sa place dans la pratique à côté de l’esthésiomètre de Weber. 

L'avantage de l'application de l’hypnoscope est double : 

19 Il nous donne le criterium de la sensibilité hypnotique, c’est-à-dire 
facilite de beaucoup les recherches sur les phénomènes de lhypnotisme ; 

2° Il fournit au médecin un moyen nouveau de diagnostic dans les ma- 
ladies nerveuses. 

Le mode de l’application est le suivant : on introduit l’index de la per- 
sonne soumise à l’épreuve dans le tube de lhypnoscope, de manière à tou- 
cher les deux pôles à la fois, et après deux minutes on le retire, en exami- 
nant les modifications qui ont pu se produire dans le doigt. 

Chez 70 personnes sur 100 prises au hasard, on n’observera aucun 
changement. Chez trente environ, on va constater les modifications de 
deux sortes : subjectives ou objectives. Les premières consistent en sensa- 
tions subjectives, dont voici les principales: un souffle froid ou chaud, 
fourmillements et picotements, sensation de gonflement dans la peau, d’en- 
gourdissement dans les muscles, de douleurs de différentes nuances, de 


SÉANCE DU 11 MAI. 325 


——— — 


lourdeur dans le doigt ou dans le bras entier, ete. (1). Les modifications 
objectives appartiennent à l’une des trois catégories suivantes : 

a. Mouvements involontaires, trépidation irrésistible dans l'index ou 
dans la main entière; 

b. Insensibilité plus ou moins prononcée, analgésie, anesthésie, surtout 
au bout du doigt, quelquefois dans tout le bras; 

c. Paralysie et contracture plus ou moins manifeste jusqu’à rigidité 
complète ; rigidité élastique (« doigt à ressort » de Nélaton). 

Les phénomènes provoqués disparaissent au bout de quelques minutes 
sous l'influence d’un massage très léger ; sans cela ils peuvent durer plu- 
sieurs minutes et même plusieurs heures. 

Il existe un parallélisme constant entre cette faculté d’être influencé par 
l’aimant et la sensibilité hypnotique. Toutes les personnes sensibles à Pai- 
mant sont hypnotisables ; toutes les autres sont absolument réfractaires. 

Le nombre et le degré des modifications subjectives et objectives corres- 
pondent au degré de la sensihilité hypnotique. Dès qu’il ya des phénomènes 
subjectifs et objectifs faciles à constater, on peat inférer une sensibilité 
supérieure; elle est faible, quand il n'y a qu'une seule des quatre catégories 
précitées, ou bien quand les modifications sont peu marquées. Enfin il 
faut se méfier des sensations purement accidentelles, provoquées par l’émc- 
tion ; la distinction n’en est pas du reste difficile, car les sensations véri- 
tables reviennent toujours, tandis que les sensations imaginaires disparai- 
tront ou changeront de caractère à une seconde épreuve. Les rares excep- 
tions de la règle générale sus mentionnée se laissent toujours réduire à des 
causes secondaires et confirment plutôt la règle. On sait par exemple que 
l’habitude d’être influencé par des stimulants d’un caractère déterminé 
accroît la sensibilité pour ce genre de stimulants, et alors il se peut qu’une 
personne souvent hypnotisée par une méthode donnée, ressentira relative- 
ment moins l’action de l’aimant à une première expérience; mais il suffit 
d'appliquer la même méthode par rapport à l’aimant pour reconstituer le 
parallélisme normal. Ce dernier est évident quand on pratique l'expérience 
hypnoscopique et ensuite l’hypnotisation pour la première fois. 

Je ferai observer encore que la sensibilité hypnotique d’une part et la 
sensibilité magnétique d’autre part peuvent être modifiées et même anéan- 
ties par suggestion en état de monoidéisme. Enfin il ne faut pas oublier 
que « sensibilité hypnotique » n’est pas synonyme de sommeil nerveux avec 
perte de souvenir. Ce dernier phénomène n’est possible que chez 15 sur 
100 personnes environ, tandis qu'avec 15 autres on obtient plusieurs 
phénomènes hypnotiques sans sommeil complet. 

Il arrive même qu’on découvre à l’aide de l’hypnoscope une sensibilité 
extréme, mais sewlement par rapport aux phénomènes inhibitoires des 
muscles, et alors le sujet sera facilement hypnotisable dans ce sens qu'on 


(1) Ces sensations sont détaillées dans la Revue scientifique du 3 mai. 


326 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pourra le tétaniser complètement, sans cependant pouvoir l’endormir. Plus 
rarement, on observe à l’hypnoscope l’insensibilité toute seule, et alors 
aussi le sommeil est difficile et les contractures impossibles. 

En somme, l’hypnoscope nous révèle une aptitude nerveuse spéciale, 
propre à un nombre relativement considérable de personnes bien por- 
tantes ou qui jouissent d’une santé apparente. Cette aptitude n’est pas 
synonyme de nervosité en général, car bon nombre de personnes extrême- 
ment nerveuses ne sont pas sensibles à lPaimant et à l’hypnotisation, tandis 
qu’on trouve des sujets excellents parmi les personnes qui ne sont pas ner- 
veuses dans le sens habituel du mot. Les femmes bien portantes sont géné- 
ralement moins sensibles que les hommes, tandis que parmi les malades 
c’est du côté des femmes qu’il y a une prépondérance marquée. Elle est 
quelquefois en proportion de 45 pour 100 pour les femmes et de 37 pour 100 
pour les hommes. Ce qui est certain cependant, c’est que les maladies ner- 
veuses favorisent la sensibilité hypnotique — ou inversement — et que 
parmi les hystériques il y a peu de malades réfractaires. 

Mais ni l’hystérie, ni l’épilepsie, ni la neurasthénie, et encore moins l’ané- 
mie ne doivent être confondues avec la sensibilité hypnotique, qui est une 
aptitude complexe, mais sui generis. Il est probable qu'elle dépend des 
relations réflexes particulières entre le système cérébro-spinal et le sys- 
tème ganglionnaire et surtout entre le cerveau et les nerfs vaso-moteurs. 

11 me reste à faire quelques remarques par rapport à l’application de 
l’aimant comme moyen de diagnostic. Déjà une simple expérience hypno- 
scopique nous donne à elle seule une vue profonde dans les mystères du 
système nerveux de la personne expérimentée. Au bout d’une minute de 
cette expérience, les points faibles de l’organisation nerveuse se manifes- 
tent un à un. Partout où il y a une anomalie fonctionnelle quelconque, des 
douleurs ou des convulsions momentanées surgissent; les anciennes mala- 
dies, qui depuis nombre d'années n’ont pas donné signe de vie, apparaissent 
momentanément en miniature ; les tendances de maladies naïssantes se 
découvrent ; les épileptiques ressentent un commencement d’attaque (mais 
l'attaque vraie est par cela méme éloignée et affaiblie) ; on distingue facile- 
ment une anesthésie ou une paralysie fonctionnelle d’une anesthésie ou 
d'une paralysie organique, car la première commence à disparaître sous 
l’aimant, et dans les cas d’origine évidemment organique il y a toujours 
espoir d'amélioration, si l’hypnoscope produit un effet quelconque. Dans 
plusieurs cas de paraplégie, on détermine exactement les limites de la lésion 
spinale en promenant un fort aimant le long de la colonne vertébrale. Dans 
certaines névralgies et parésies l’aimant provoque une chaleur d’un côté et 
un froid intense de l’autre en indiquant juste les rameaux des nerfs sensi- 
tifs ou moteurs atteints par la maladie, ete., eic. De sorte que ce serait une 
négligence impardonnable si l’on s’obstinait à repousser ce moyen inoffensif 
et tellement instructif, sous prétexte que l’influence physiologique de l’ai- 
mant n’est pas encore expliquée. Mon opinion personnelle va plus loin. Je 


PS 


SÉANCE DU 171 MAI. . 397 


vois dans les révélations de l’hypnoscope la nécessité d’un dédoublement de 
la thérapeutique. Il devient inutile et même imprudent, d'appliquer les 
mêmes remèdes à des personnes sensitives et non sensitives. Pour un grand 
nombre de malades hypnotisables tous les remèdes sont également bons ou 
également mauvais d’après les influences nerveuses particulières. On peut 
neutraliser les plus fortes doses des médicaments les plus typiques et re- 
produire leur effet d’une manière tout à fait positive par suggestion. Chez 
les personnes sensibles, on obtient une amélioration souvent instantanée, 
sous l'influence de divers moyens minimes que l’hypnotisme et le magné- 
tisme mettent à notre disposition. Voudra-t-on s’obstiner quand même à 
leur administrer les poisons qui nuisent, même en guérissant? 


SUR L’AIRE VITELLINE DU BLASTODERME DU POULET, par M. Mathias Duvaz. 


On sait que sur le blastoderme de l’œuf d'oiseau, à partir du troisième 
jour, c’est-à-dire lorsque l’aire vasculaire est bien délimitée, on trouve, en 
dehors de cette aire vasculaire (ou aire opaque), en examinant le blasto- 
derme en surface, à l’œil nu, une zone que Kælliker appelle, avec de Baer, 
aire vitelline, et sur laquelle il distingue une partie interne et une partie 
externe (zone interne et zone externe de l’aire vitelline, Kælliker, trad. fr., 
p. 91). D’après Kælliker, l'aire vitelline serait formée dans toute son éten- 
due par le feuillet externe et par le feuillet interne, ce dernier épaissi et 
formant le bourrelet entodermique; ce feuillet interne serait surtout épais 
dans la zone interne de l'aire vitelline, puis s’amincirait rapidement en 
passant dans la zone externe, où il finirait en même temps que l’ectoderme 
(op. cit., p. 121); etle même auteur donne une figure (p. 197, fig. 114) ou 
l’on voit, en effet, le bord de l’aire vitelline formé par la terminaison, au 
même niveau, de l’ectoderme et de l’entoderme.Or toutes nos préparations 
nous montrent que les choses sont disposées tout autrement, et notamment 
que l’entoderme ne double l’ectoderme que dans la zone interne de l’aire 
vitelline, la zone externe étant formée uniquement par l’ectoderme appliqué 
directement sur la masse vitelline. À ce prémier fait, topographique pour 
ainsi dire, s’en ajoutent d’autres relatifs à des détails de composition histo- 
logique des feuillets du blastoderme dans les deux zones de l'aire vitelline. 

En effet, si l’ectoderme recouvre toute l’aire vitelline et se termine à sa 
périphérie externe par un bord libre, légèrement épaissi, que nous appelons 
bourrelet ectodermique, il n’en est pas de même de l’entoderme; à cet 
égard, l'aire vitelline est différemment constituée dans sa zone interne el 
dans sa zone externe ; dans la première elle est formée par l’ectoderme et 
par l’entoderme ; dans la seconde elle n’est formée que par l’ectoderme. 


328 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Mais l’entoderme qui prend part à la formation de la première zone n’est 
pas composé de cellules différenciées, mais seulement d’une couche vitel- 
laire avec noyaux. Nous donnerons le nom d’entoderme vitellin à cette 
partie de l’entoderme pour rappeler et sa composition et ses rapports avec 
l'aire vitelline, et, par opposition, le nom d’entoderme cellulaire à l’autre 
partie de l’entoderme ou épithélium de la vésicule ombilicale, en faisant 
toutefois remarquer que l’entoderme vitellin existe déjà dans les régions 
externes de l’aire vasculaire, au voisinage du sinus terminal et du bour- 
relet mésodermique (épaississement par lequel se termine le bord libre du 
feuillet moyen). 

Il résulte de ces dispositions que chacun des trois feuillets du blasto- 
derme se termine, indépendamment les uns des autres, dans une région de 
l'aire viteiline : le feuillet moyen à l’origine de cette aire, par le bourrelet 
mésodermique ; le feuillet interne.dans la partie interne de cette aire, là où 
on cesse de trouver des noyaux dans la couche vitelline la plus superficielle; 
le feuillet externe à la limite externe de l’aire vitelline, par le bourrelet 
ectodermique. 

Tel est l’état du blastoderme étendu sur la sphère vitelline, aux troisième 
et quatrième jours de l’incubation, et la connaissance précise de ces dispo- 
sitions est indispensable pour comprendre comment le blastoderme, enve- 
loppant la masse du jaune, se ferme au niveau du pôle inférieur de ce 
jaune pour constituer une vésicule ombilicale close. Nous indiquerons, 
dans une prochaine communication, le résultat de nos études sur la ma- 
nière dont se fait cette occlusion. Mais avant d'examiner ce qu'il advient 
ultérieurement des diverses parties de la zone vitelline, nous devons dire 
un mot sur leurs états antérieurs. 


Au troisième jour nous assistons à l’extension des feuillets du blasto- 


derme et non plus à leur formation; or, comme nous le démontrerons pro- 
chainement dans un mémoire pour lequel toutes les préparations sont 
actuellement entre nos mains et déjà étudiées, l'extension des feuillets 
blastodermiques se fait d’une manière toute différente que leur production 
première, et les différences à cet égard portent essentiellement sur les 
rapports qu'affectent entre eux les bords des feuillets. 

Ainsi nous venons de voir qu’au troisième jour les trois feuillets se ter- 
minent, indépendamment les uns des autres, au commencement, au milieu 
ou à la limite externe de Paire vitelline. Mais il n’en est pas ainsi lors de 
leur formation, car alors l’entoderme et l’ectoderme se continuent l’un 
avec l’autre par un bord commun. Nous nous contentons pour le moment 
d’énoncer le fait, insistant sur ce que, si ces deux feuillets n’ont plus de 
connexions par leurs bords terminaux au troisième jour, cela n’est pas à 
dire que les choses aient toujours été ainsi antérieurement. 

D'autre part, nous avons vu que les parties les plus périphériques du 
feuillet interne sont formées par ce que nous avons appelé un entoderme 
vitellin, c’est-à-dire par une couche de substance vitelline avec nombreux 


SÉANCE DU 17 MAI. 329 


noyaux. Mais, quoique, dès le début, on trouve sous le germe segmenté une 
couche vitelline semée de noyaux, le feuillet interne en voie de formation 
n’a pas alors de connexions avec cette couche; ce n’est que plus tard, en 
se séparant de l’ectoderme, qu'il s'unit, à sa périphérie, avec cette couche, 
qui devient lectoderme vitellin, c’est-à-dire la zone d’accroissement et 
d'extension du feuillet interne. Quant à ces noyaux, qu’on peut appeler des 
noyaux libres, ajoutons qu'ils ne se produisent pas par genèse au sein de la 
couche vitelline qu'ils occupent, mais proviennent directement de la divi- 
sion des noyaux du germe lors de la segmentation. 

Ces indications rétrospectives, quelque brèves qu’elles soient, suffiront 
pour bien montrer que ce que nous avons décrit avec détail se rapporte non 
à la formation des feuillets, mais à leur extension, extension qui se fait 
d’une manière toute spéciale, par une adaptation en rapport avec l'immense 
étendue de la surface de jaune que le blastoderme doit recouvrir dans Pœuf 
d'oiseau. Pour les œufs de petite dimension, jusques et y compris l’œuf de la 
grenouille, formation et extension du blastoderme ne sont qu’une seule et 
même chose; pour les œufs (jaunes) volumineux, comme ceux des oiseaux, 
des reptiles (et probablement des poissons cartilagineux), formation et 
extension des feuillets sont choses distinctes et très différentes. 


UR LE MICRO-ORGANISME D'UNE SEPTICÉMIE OBSERVÉE CHEZ L'HOMME 
ET LE MOUTON, par M. Ch. DEcacny, cultivateur à Beauvois (Aisne). 


Au mois de mars 1883, un médecin des environs m’envoya à examiner 
du sang provenant d’un homme atteint d'accidents à forme charbonneuse. 
Cet homme, charron dans son village, s’était blessé à la main en arrangeant 
la voiture d’un boucher. Quelques heures plus tard, la main enflait, puis 
le bras, et la fièvre survenait. Le médecin avait songé au charbon, pensant 
que le boucher avait pu transporter soit des animaux, soit des peaux conta- 
minées. 

Le sang que l’on m’envoyait était dans de bonnes conditions de conser- 
valion. Je l’examinai à l’état frais, puis dans des préparations colorées par 
la fuchsine et montées dans le baume. Dans les deux cas j'y constatai, à 
côté de globules sanguins intacts, une énorme quantité d'organismes en 
huit de chiffre ou diplocoques. On n’avait donc pas affaire à une affection 
charbonneuse, mais plutôt à une forme particulière de septicémie. 

Quelques jours plus tard, le même médecin me prévenait que le charron 
était mort en présentant tous les symptômes décrits dans les cas de septicé- 
mie. [Il m'envoraiten même temps du sang provenant d’une femme àgée de 


330 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


cinquante ans. Cette personne, parente du charron, avait lavé le linge de 
celui-ci, en ayant à la main une légère égratignure. Elle fut prise de fris- 
sons, la main et le bras enflèrent et en peu d'heures elle offrait tous les 
symptômes qu'avait présentés son parent. 

J’examinai ce sang. Il contenait les mêmes micro-organismes en huit de 
chiffre. J’avertis le médecin en me permettant de lui suggérer Pidée 
d'employer énergiquement tous les moyens possibles d’oxydation, tels que 
l’eau oxygénée, l’eau de Rabel, etc. Le médecin employa de l’eau oxygénée 
en injections sous-cutanées, des parties de peau et de tissu cellulaire se 
gangrenèrent, s’éliminèrent sous forme d’eschares ,.et la malade guérit. 


Ces deux faits me paraissent d'autant plus intéressants qu’au mois de 
novembre 1882, c’est-à-dire quelques mois auparavant, j'avais eu l’occasion 
d'examiner du sang provenant de moutons malades, sang que m'apportait le 
vétérinaire du pays, M. Henri d’Athis. Les moutons appartenaient à un cul- 
üvateur des environs qui en avait perdu plusieurs en quelques jours, et de 
nouveaux accidents étaient à craindre. Les moutons en parfaite santé, en 
apparence, tombaient brusquement malades, et au bout d’une journée ou 
deux ils mouraient. Le vétérinaire croyait aussi avoir affaire à des cas de 
charbon, cependant il avait été surpris de trouver de nombreuses hémor- 
rhagies dans le foie et la cavité péritonéale. Quelques-uns avaient des 
douves dans le foie. 

Or j'avais également trouvé dans le sang de ces moutons des organismes 
en huit; puis, ayant fait durcir le foie, jy avais constaté des hémorrhagies, 
une hépatite interstitielle généralisée, et les mêmes micro-organismes en 
huit, disséminés en grand nombre et de tous côtés. 


Il existerait donc une forme de septicémie caractérisée par des micro- 


organismes en huit de chiffre ou diplocoques ; on pourrait constater ceux-ci 
dans le sang avant la mort, ils seraient capables d’occasionner des désordres 
inflammatoires considérables, leur développement serait arrêté par les oxy- 
dants : l’eau oxygénée employée par le médecin, l’eau de Rabel par le vété- 
rinaire. Enfin ces faits viennent prouver une fois de plus qu’il faut apporter 
la plus grande surveillance dans le trafic des animaux de boucherie. 


DE L'ACTION DU GURARE, par M. Onimus. 


Dans les communications faites à la Société de biologie par MM. Judée et 
Dastre, nos confrères ont oublié un fait important et qui doit dominer la 
discussion sur l’action du curare. 

Nous avons déjà indiqué cet élément de discussion dans une communi- 
cation à l’Académie de médecine, et il peut se résumer en ces deux propo- 
Sitions : 


* 
4 
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mnt D ds 


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SÉANCE DU 17 MAI. 9391 


Lorsque le système nerveux périphérique est complètement détruit, 
comme cela arrive à la suite de traumatismes, ou de paralysies, ou encore 
d’empoisonnements lents, etc.; en un mot, chaque fois que les filets mo- 
teurs sont sûrement et nettement altérés jusqu’à leur extrémité terminale, 
tandis que la fibre musculaire conserve encore sa contractilité par d’autres 
modes d’excitation, on n'obtient plus de contraction avec les courants in- 
duits. La conclusion, si paradoxale qu’elle paraït être, est forcément celle- 
cl: Les courants induits ne provoquent la contraction des fibres musculaires 
que lorsque les éléments nerveux en rapport direct avec le muscle sont 
excitables, et d’un autre côté chaque fois qu'avec ces courants on détermine 
la contraction, c’est que la fonction des nerfs est conservée. 

En second lieu, comme cette contractilité farado-musculaire est mani- 
feste après l’empoisonnement par le curare, il est certain que les plaques 
de Rouget, au moins, n’ont pas été atteintes par le poison. 

Les nerfs doivent donc être atteints uniquement dans leur conductibilité, 
et c’est surlout le tronc qui est empoisonné. Cela concorde parfaitement 
avec les expériences de Claude Bernard, de Bezold, de Vulpian. De plus, la 
rapidité avec laquelle Le poison cesse d’exercer son influence, la facilité de 
ramener les conditions physiologiques et le peu d’action sur les autres 
nerfs, doivent faire rejeter un empoisonnement d'éléments aussi résistants 
que les plaques terminales. 


En résumé, les faits pathologiques viennent éclairer ici les difficultés des 
théories physiologiques, et, quelle que soit l'explication que l’on préfère, il 
est un fait que le mode de contractilité met hors de toute contestation, c’est 
que lobstacle qui existe entre le système nerveux et le système musculaire 
dans l’empoisonnement par le curare, c’est que cet obstacle, dis-je, ne ré- 
side pas entre les extrémités des filets moteurs et la fibre musculaire. 


ADDITION AUX NOTES ANTÉRIEURES RELATIVES A QUELQUES PROPRIÉTÉS DU 
CUIVRE (TÉMOIGNAGE DE M. LECROSNIER), par M. BOCHEFONTAINE. 


Je désire ajouter, comme note additionnelle aux communications que j'ai 
faites dans ces derniers temps à la Société, le témoignage de M. Lecrosnier 
relativement à Villedieu. 

M. Lecrosnier, le libraire-éditeur que nous connaissons lous, a séjourné 
maintes fois à Villedieu, et chaque fois, sur la place du Marché notam- 
ment, il a été incommodé par l'odeur du cuivre. Les vêtements des cui- 


392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


vriers sentent le cuivre, et si ces travailleurs, de même que les autres habi- 
tants de la ville ne sont pas, comme les voyageurs, gênés par les émanations 
cupriques, c’est qu'ils y sont accoutumés. 

L’accoutumance toutefois ne va pas jusqu’à arrèter toute action du cuivre 
sur l'organisme, de sorte que la population de Villedieu subirait une cer- 
taine dégénérescence si elle n’était constamment rajeunie par l'apport des 
communes voisines. 

Jamais Villedieu n’a été préservé d'aucune épidémie. 

Les renseignements fournis par M. Lecrosnier expliquent comment 
M. Boscher, dont l’officine est située sur la place de Villedieu où l’odeur du 
cuivre est particulièrement désagréable, comment, dis-je, ce pharmacien a 
pu émettre les dénégalions qui ont été apportées à la Société. 


BOURLOTON. — lrapraneries réunies, À, rac Mignon, 2, l'ams. à 


JT 


333 


SÉANCE DU 24 MAI 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


OBsERvATION SUR LA NoTE DE M. LABORDE SUR L'ÉLASTICITÉ PULMONAIRE 
(séance du 10 mai 1884), par M. Paul Berr. 


Notre collègue, résumant ses expériences sur les poumons de l’assassin 
Campi, s'exprime ainsi : 

« Pour ce qui est de la remarquable durée de la propriété rétractile, 
» sans vouloir discuter en ce moment l’opinion qui leur attribue comme 
» une des raisons prochaines la contractilité des muscles bronchiques 
» (muscles de Reissensen), contractilité qui serait elle-même sous l’action 
» directe des nerfs vagues, il nous sera permis de remarquer que le bien- 
» fondé de cette opinion se trouve sérieusement compromis en présence du 
» fait de la survie en question ; car nous ne pensons pas que cette possibi- 
» lité de survie soit attribuable à la contractilité musculaire, même à celle 
» de la fibre lisse, et, en tout cas, elle ne saurait s’appliquer à l’influence 
» depuis longtemps perdue des nerfs pneumogastriques. » 


Je crois devoir faire observer que, dès 1868, dans les leçons que j'ai pro- 
fessées au Muséum (1), j'ai montré : 1° que la contractilité des bronches 
d’un poumon est sous l'influence du nerf pneumogastrique du même côté ; 
2° que, quatre à six Jours après la section de ce nerf, son bout périphérique 
cesse de pouvoir agir sur les fibres de Reisseissen ; 3° qu'après deux semaines 
de section, la contractilité bronchique elle-même a disparu ; # que ce 
poumon, ainsi privé de contractilité, demeure rétractile par élasticité, 
conserve ses cils vibratiles et paraît absolument sain. 

La contractilité pulmonaire est donc absolument distincte de la 
rétractilité. 


(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 330. Paris, 
J.-B. Baillière, 1870. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, [°", N° 21. 26 


394 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SUR L'ORIGINE DU MOT MAGNÉTISME ANIMAL, Note de M. Charles RiceT (1). 


J'ai eu l’occasion de trouver dans quelques ouvrages anciens des indica- 
tions sur les vertus médicales attribuées à l’aimant. Il n’est pas étonnant 
qu'un agent physique aussi puissant ait été, dès le début de la médecine, 
employé comme remède. Il convient d’ailleurs de remarquer que ce sont 
des opinions plutôt que des faits. 

Voici d’abord un passage de Cardan (2) : 

« Laurentius Guascus Cherascius, médecin empirique de Tours, avait 
» apporté ces jours derniers ceste pierre (un aymant) el promettoit pouvoir 
» pénétrer toute la chair sans douleur, s'il touchoit une aguille : laquelle 
» nous semblant ridicule, comme il est de raison, 1l certifia ceste chose par 
» expérience à mes compagnons. Finablement à fin que j’expérimentasse 
» cette chose incredible, j’ay mis en la peau de mon bras une aguille pre- 
» mièrement frottée à l’aimant, et premièrement j'ay apperceu une très 
» petite imagination de ponction : après, quand l’aguille pénétroit tout le 
» muscle, quasi droitement, lors je sentois l’aguille pénétrer jusqu’au pro- 
» fond en la part ou elle penetroit, mais je ne sentois aucune douleur. 
» Adone j’ay revelé à mes compagnons ce que j’avois expérimenté sus moy. 
» Je laissay l’aguille longtemps fléchissant le bras de çà et de là, je n'ay 
» rien senty qui me fust moleste et le sang uen est sorty; l’aguille tirée 
» hors, il n'est demouré aucun trou : seulement une demie goute de gros 
» sang est apparue, par laquelle on cognoissoït le vestige de la playe. Et celuy 
» qui estoit auteur de cecy ne vouloit observer le lieu des nerfs ou des 
» veines, afin que nous entendissions plainement grande vertu estre en cest 
» aymant. » 

Dans un autre livre plus ancien (3) : « Marcr ANTONIT ZIMARE, Antrum 
» magico medicum in quo. curationum magnelicarum ad omnes cor- 
» poris humani affectus curandos thesaurus locupletissimus. — Francfort, 
» 1525 à 1526,» on voit une indication, qui paraît être la première, de 
la puissance médicale de l’aimant. Mais j'ai vainement cherché dans cet 
ouvrage un fait précis, ou même une allusion à la vertu médicatrice de 
aimant, autre que celle qui est dans le texte. 

Basile Valentin, dans son Traité des choses naturelles et surnaturelles, 
explique que, l’aimant pouvant agir à distance, il n’y a rien d'étonnant à ce 

(1) Communicaticn faite à la séance du 17 mai. 

(2) Les livres de Hierosme Cardanus, médecin milannois, etc., traduit de la: 
tin en françois, par Richard Le Blanc, Paris, 1584 (le septiesme livre des pier- 
reries, p. 186, À et B). 

(3) Ge livre se trouve à la Bibliothèque nationale, réserve : Te 40, n°5, et à la 
Bibliothèque de la Faculté de médecine. 


SÉANCE DU 930 MAI. 339 


— — _—_ 


que sa faculté s'exerce, à distance aussi, sur les plaies. « Ce n’est pas là 
dit-il, une force diabolique, c'est une force attractive analogue à celle des 
dote (1). » 

Ce passage de Basile Valentin se trouve rapporté en allemand et en latin 
dans le livre de Rod. Goclenius, professeur à Marbourg, que intitulé : 
Synarthrosis magnetica, Marbourg, 1617, ps 246: 

Ce même auteur avait composé un autre ouvrage sur le même sujet, inti- 
tulé : Tractatus novus de magnetica vulnerum curatione, Francfort, 1613. 

Dans ces deux ouvrages, l’auteur assimile à l’aimant les médicaments 
quelconques, métalliques ou botaniques, qui agissent à distance sans un 
contact immédiat. Malheureusement, pour ce qui est de donner la preuve de 
ces actions, ilse contente de dire que sa puissance thérapeutique est incon- 
testable, prouvée par des raisonnements el des expériences assez pour 
qu’il soit inutile d’insister encore à ce sujet. [1 faut, dit-il, être un impu- 
dent ou un méchant homme, ou un Béotien, pour nier ces efets. DRE 
hujus curæ est certis experimentis patefactus. 

Ces traités de Goclenius ont suscité une réponse de Jean-Baptisle. Hel- 
montius (De magnetica vulnerum curatione, Paris, chez Le Roy, 1621). 
Dans tous ces ouvrages, remplis de stériles discussions et d’affirmations en- 
fantines, il ne m’a pas été possible de trouver un fait précis intéressant 
vraiment la science; c’est de la médecine astrologique ou alchimique, 
Papplication de lPaimant étant comparée à l'application des pierres et des 
anneaux magiques. 

Ce qui est intéressant, c’est de voir que dès le commencement du dix- 
septième siècle, le mot magnétique signifie action à distance, sans contact 
direct (2). 

Ainsi, lorsque Mesmer se servira du mot magnétisme pour son 
fluide, ce n’est pas parce qu'il lassimilera d’une manière spéciale à Fai- 
mant, c’est parce qu'il est entendu qu’une force qui s'exerce à distance, 
sans contact direct, est une force magnétique. 


(1) « On trouve beaucoup de substances en médecine qui agissent à distance 
et produisent des effets kyperphysiques ; c’est à la manière du magnétisme (ma- 
gneticd form) qu’elles opèrent; par une force spirituelle attractive à travers 
l'air : l'air est le milieu entre la substance médicatrice et la maladie. C’est de 
même que l’aimant se tourne en tout temps vers son étoile méridienne. » 

(2) Comme dans l'opuscule de Nicolas de Locques, médecin spagyrique, Des 
vertus magnétiques du sang, de son usage interne et externe pour la guérison 
des maladies, in-12, Paris, 166%, Gentil. — Malheureusement on ne trouve dans 
ce fatras que des a tons de Paracelse. « [1 ne faut pas, dit-il, se persuader 
que l’aimant animal soit l’aimant vulgaire. » 


330 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE L'ACHOLIE, par Victor HANOT, agrégé 
de la Faculté, médecin de l'hôpital Tenon. 


Dans une précédente séance, j'ai entretenu la Société d’une observation 
d’acholie que je comparais à un autre cas que j'ai publié dans nos Bulletins 
en 1882. 

Tandis que, dans le premier fait, l’acholie s’imposait comme une consé- 
quence indiscutable de l’oblitération des vaisseaux artériels et veineux du 
hile, dans l’autre observation, l’acholie était déduite pendant la vie de la 
décoloration des matières fécales sans ictère et de quelques symptômes tels 
qu'un tympanisme considérable, qui semblaient témoigner d’une sécrétion 
au moins incomplète de la bile. 

Ce qu'il y avait de particulièrement intéressant chez ce malade cachec- 
tique, c’est que l’examen ne révélait que ces deux signes de la décoloration 
des matières fécales sans ictère et du tympanisme qui permissent de 
remonter à la cause de l’évolution morbide. Seule la décoloration des ma- 
tières fécales indiquait une affection hépatique; point d'indice de lésion 
d'un autre organe; et cette affection hépatique, quelle qu’en fût la nature 
exacte, devait être considérée cliniquement comme relativement bénigne, 
puisqu'elle durait, à n’en pas douter, depuis plusieurs années, qu’elie pré- 
sentait des rémissions d’une durée assez considérable et que chaque recru- 
descence, en dehors du mauvais état général, ne déterminait guère d’autres 
symptômes que la décoloration des matières sans ictère, ni fièvre, ni acci- 
dents douloureux. Il s'agissait donc là d'une affection chronique du foie, 
réduite, pour ainsi dire, à sa plus grande simplicité et-s’accompagnant d’un 
trouble de la sécrétion biliaire. Il importait beaucoup d'établir s’il y avait 
abolition complète de la sécrétion biliaire ou simple modification. Notre 
collègue M. Robin conclut d’une étude chimique des urines du malade, 
que la bile était encore sécrétée, que les pigments seuls faisaient défaut, 
qu'il n’y avait, comme je lai dit, qu'une acholie pigmentaire. 

La marche ultérieure des choses a bien montré que tout au moins l’alté- 
ration du système biliaire était superficielle; bientôt l’état général s’amélio- 
rait, et en même temps le tympanisme disparaissait et les matières fécales 
reprenaient insensiblement leur coloration normale. 

La crise avait duré trois à quatre mois et toutes les crises précédentes, 
depuis trois ans, s'étaient présentées de la même manière. Pour le dire en 
passant, ce retour de la coloration des matières fécales prouve assez qu’on 
n'avait pas affaire à un individu présentant cette particularité de sécréter 
normalement une bile incolore. 

Ici donc l’acholie était un signe diagnostic de haute Th indenus. mais 
c'était une acholie pigmentaire et le pronostic en était moins sérieux. Au 
contraire, dans l'observation publiée en 1882, l’acholie était absolue. 


SÉANCE DU 30 Mal. 3931 


Dans le fait nouveau que je présente à la Société, l’acholie était encore 
complète. Chez un homme de trente et un ans, atteint de cancer de 
l'estomac et de cancer secondaire du foie, les matières fécales se décolo- 
rèrent complètement pendant les trois dernières semaines de la vie, bien 
que le malade, par exception, continuât à s’alimenter dans des proportions 
moyennes. Pendant cette même période, point d’ictère ; pàleur, décoloration : 
complète des muqueuses et du tégument externe. L’autopsie montra le 
cancer stomacal et le cancer hépatique secondaire, diagnostiqués pendant 
la vie. 

Les voies biliaires étaient complètement libres, revenues sur elles- 
mêmes, décolorées ; aucun calcul ni dans la vésicule ni dans les conduits. 
Quant à la vésicule elle-même, elle était vide, décolorée, recroquevillée, 
de telle sorte qu’elle n’aurait pas contenu plus de deux cuillerées à café de 
liquide, si on avait tenté de l’injecter. 

Ici la décoloration des matières fécales ne reconnaissait pas pour cause 
l’oblitération des canaux biliaires et il est plus que probable qu’elle était 
liée à une diminution, sinon à une abolition complète de la sécrétion bi- 
liaire. és 

Ce n’était plus simplement l’acholie pigmentaire, mais l’acholie vraie, 
complète ou incomplète, causée par un processus intime encore à dé- 
terminer. 


NOTE SUR L’EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE, 
par M. P. REGNarn. 


Les travaux qui ont été faits sur la fermentation due à la levure de bière 
sont innombrables. Mais tous les auteurs qui jusqu’à présent se sont oc- 
cupés de ce sujet intéressant ont seulement examiné les résultats ultimes 
donnés par la fermentation, ils n’ont pas étudié ce qui se passait pendant 
l’acte lui-même quant à sa marche et en fonction de temps. 

Ils mettaient du sucre et de la levure en présence, ils constataient un 
abondant dégagement de gaz, une production d’alcool, et, en dosant ces 
deux produits, ils avaient, en fin de compte, la mesure de la fermentation, 
mais 1ls n’en connaissaient pas la marche. 

La méthode graphique seule, enregistrant d’une manière continue les 
produits de l’action chimique sans l’influencer en rien, pouvaient satisfaire 
au desideratum que nous signalons. Grâce à l’appareil que nous avons au- 
trefois présenté à la Société (1882) et à la description duquel nous ren- 
voyous le lecteur, il est possible d'enregistrer un dégagement gazeux. Or, 
dans la fermentation alcoolique, le dégagement Wd’acide carbonique est pro- 
portionnel à la fermentation, il en donne la mesure ; en l’enregistrant sous 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


forme de courbe continue, on aura la courbe de la fermentation elle- 
même. 

Mais, avant d'étudier la courbe de la fermentation, examinons, comme 
terme de comparaison, celle d’une action chimique quelconque. Mettons 
par exemple dans notre appareil de la craie et de l’acide chlorhydrique et 
laissons-le fonctionner. L’acide carbonique se dégage, s’enregistre et nous 
obtenons la courbe représentée ci-dessous (fig. 1). 

On voit, enexaminant ce tracé direct donné par l’appareil, que l’attaque 


ae, 


| 


a 
CARRE EE ES 
PARTIE EN RCE 
RATE 


5 


\ 

DL 
ADIDDIN 
DIT 


FIG. 1. — Courbe représentant l’action d'une quantité donnée d’acide chlorhydrique 
sur un excès de carbonate de chaux. - 


est d’abord très vive, puis, l’acide s’appauvrissant peu à peu, la courbe s’al- 
longe au point d'arriver à une ligne horizontale au moment où tout l'acide 
a disparu. | | 

I suffit d'examiner cette courbe pour voir que l’action de l’acide sur le 
sel de chaux se fait suivant un mouvement uniformément ralenti et que la 
courbe obtenue est parabolique. Nous ne saurions multiplier ici les tracés, 
mais nous pouvons, après de nombreuses expériences, déclarer que toutes 
les actions chimiques que nous avons examinées donnaient une courbe iden- 
tique à celle-ci. Nous renvoyons d’ailleurs le lecteur au travail que nous 
avons publié en collaboration ayec M. Paul Bert (1883) : il y verra que la 
décomposition de l’eau oxygénée par la fibrine se fait, comme les combi- 
naisons que nous venons de citer, suivant une courbe parabolique. 


SÉANCE DU 30 Mal. 339 


Maintenant que nous connaissons la courbe des actions chimiques 
simples, mettons dans notre appareil une quantité connue d’eau, de glu- 
cose, de levure, laissons ces sustances fermenter à 35 degrés et recueillons 
la courbe du dégagement d’acide carbonique. Nous obtenons le tracé de la 
figure 2. 

En examinant cette courbe, nous remarquons une différence très no- 
table avec celle d’une action chimique pure (fig. 1). La fermentation ne 
commence pas immédiatement ; pendant les quinze premièrés minutes elle 
est très lente, et elle croît suivant une courbe parabolique peu développée. 
Il y a là une période très intéressante que nous avons appelée le temps perdu 


+ — 
SABEHOE M 
A 


F1G. 2, — Courbe représentant lPaetion de la levure de bière sur. la glucose. Les chiffres 
de la colonne verticale expriment des quantités égales d’acide carbonique; les chiffres 
de la colonne horizontale représentent le temps exprimé en heures. 


de la fermentation, pendant laquelle les deux substances sont en contact 
sans agir. L'étude détaillée de ce temps perdu et des conditions qui le font 
varier fera le sujet de notre prochaine communication. 

Après le temps perdu vient la fermentation dite tumultueuse (1). Elle est 
marquée par une ascension brusque de la courbe; elle se fait suivant un 
mouvement uniforme et se trouve représentée par une ligne droite. Au 
bout d’une heure et demie environ, dans notre expérience, la fermentation 
se ralentit, les produits mêmes de la fermentation (nous le démontrerons 
prochainement) viennent en entraver la marche et la production du gaz va 
en décroissant uniformément comme la courbe d'une action chimique 
simple. 

La figure 3 représente une fermentation où il y avait moins de sucre et 
de levure; elle dure deux fois plus, produit moins de gaz, mais tous les 
caractères de la première courbe s’y retrouvent. 

C’est pour montrer qu’en variant les proportions des matières fermen- 


(1) Dans toutes nos expériences, nous avons opéré à 35 degrés et employé de 
la levure haute, 


340 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tescibles, on modifie les éléments de la courbe sans changer sa forme gé- 
nérale, que nous publions la figure 4, fournie par une fermentation où il y 


RE 
A 
d| 

J 


FiG. 3. — Courbe représentant une fermentation alcoolique. 


avait moins de sucre et plus de levure que dans la première. La fermenta- 
lon a été plus rapide, mais elle a présenté tous ses éléments ; temps 
perdu, ligne droite, ligne parabolique, 


SÉANCE DU 90 MAI. 341 


En résumé, la méthode graphique nous montre qu'il y a une différence 
sensible entre une action chimique simple (fig. 1) comme celle qui ré- 
sulte de l’attaque d’un carbonate par un acide et l’action d'un ferment vi- 
vant dédoublant une espèce chimique. 

D'un côté, action uniformément retardée ; de l’autre, période de silence 


Fi6. 4. — Courbe représentant une fermentation alcoolique. 


(temps perdu), marche uniforme (période tumultueuse), marche para- 
bolique (période finale). 

Dans une prochaine communication nous dirons comment on peut expli- 
quer et modifier ces différents temps. 


INFLUENCE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE SUR LA COMPOSITION DU SANG 
ET SUR LA NUTRITION, par M. Ch. E. Quinouaun. 


CI. Bernard a montré que le sang veineux d’un musele devient rouge 
après la section de son nerf, et Brown-Séquard a signalé depuis 1869 Ia 
puissance que possède le système nerveux central d'arrêter plus ou moins 
subitement l’activité de la nutrition dans les différents tissus et organes. 

Malgré ces travaux de premier ordre, il reste encore des points obscurs ; 
par exemple, le problème suivant n’est pas résolu : à l’aide d’analyses 
physico-chimiques exactes, déterminer quelles sont les modifications du 
sang dans les divers points de l’arbre circulatoire et les troubles nutritifs 
après la section de la moelle épinière à la limite supérieure de la région 
dorsale? Dans ces circonstances, il se produit d’abord une diminution 
considérable de l’exhalation pulmonaire de CO? : voici un chien de moyenne 


342 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


taille qui exhale avant la section 11,82 de GO? dans 50 litres d’air en qua- 
torze minutes, tandis qu’une heure et trente-trois minutes après la section, 
le rejet n'est plus que de 01,70 en quinze minutes et dans 50 litres d'air; 
toutes les autres analyses sont dans le même sens. 

Après cette section, le sang subit des modifications dans les veines des 
membres inférieurs, dans les veines sus-hépatiques, dans le cœur droit et 
dans les artères. Voici dans quel sens il subit des changements : 


Sang des veines crurales. 


Dix à quinze minutes après la section médullaire, l’analyse des: gaz 
montre l’augmentation de l’oxygène et la diminution de CO. 
Exemple : | 


Avant Après 

la section. la section. 
Pour 100 de san ROSE Le) OO DAT FEES 
= RAD LE PMR tee 260,0: 20 


D'autres fois l'animal meurt par asphyxie, rapidement ou deux à trois 
heures après l’opération : dans ces cas, l'oxygène diminue. Le chien peut 
encore succomber à l’hypothermie, et dans ces conditions on trouve parfois 
que l’oxygène a peu diminué dans les artères, dans les veines périphériques 
et viscérales. 


Sang des veines sus-hépaliques. 
L'oxygène diminue d’une manière très nelte; dans les cas d’asphyxie 


cette diminution est considérable. 
Exemple sans asphyxie : 


Avant Apres 
la section. la section. 
Pour 00e Sans AD PPEE EEE 14c:0 46,0 
Le AUDE RNA Sr 45 ,0 94 ,0 
Exemple avec asphyxie : 
POULE SAN MU E EE PPETEEPEE 156,0 2,3 
_ COURTE Loi 0 GS MT) 38 ,0 
Sang du cœur droit. 
L’oxygène augmente en quantité. 
à Avant 1/4 d'heure 
la section, après la section. 
PourMO00cde sang MO 207 SEUuE cc, 0 AE 1) 


ai COR AMENER 13 ,0 30 0 


SÉANCE DU 930 MAI. 343 


D’autres fois l’oxygène diminue ou reste au même taux. 


Avant Après 

la section. la section. 
Pour 100€€ de sang. 0....:........ 17ec,0 41cc,0 
| w CUOE TA nm 290 END 
Pour 100€€ de sang. 0............. RATE ESS CT 
ta Rs scie 37 ,5 36 0 


Le sang artériel subit les mêmes modifications que le sang du cœur 
droil. 


Exemple : 
Avant Après 
la section. la section. 
Pour 100€c de sang. 0....4........ 21®,5 29,9 
— eee 12 ,5 38 5 
Exemple d’hypothermie : 
T. R, : 399,1 T. R: 210,5 
Avant A7 apres 98’ après 24 heures 
la section. - la section. la section. après la section. 
Pour 100€ de sang. 0..... 9ce 0 11cc,0 10ce,0 (SIA 1) 
me. CO 0} puegpe, AUS A mu9010 34 6 


De tous ces faits on peut conclure que la section de la moelle épinière 
vers la partie supérieure de la région dorsale produit l’artérialisation du 
sang veineux des membres postérieurs : cet effet s’atténue, mais reste cons- 
tatable dans le sang du cœur droit et dans le sang artériel. 

Par contre, le sang viscéral des veines sus-hépatiques se désoxygène plus 
ou moins; de là des varialions en quantité dans l’oxygène du sang du ven- 
tricule droit, et dans l’oxygène du sang artériel. 

Deux circonstances viennent troubler la loi générale établie plus haut. Ces 
inodificaltions hématiques sont : d’une part, lPasphyxie agissant sur les 
organes moteurs de la circulation, fait démontré par MM. Dastre et Morat, 
et sur le sang lui-même; d'autre part, l’hypothermie avec artérialisation 
du sang veineux. De ces effets combinés il résulte des altérations com- 
plexes, faciles à saisir. 


EXPÉRIENCES NOUVELLES SUR LA VITESSE DU COURANT NERVEUX SENSITIF, 
CHEZ L'HOMME, par M. À. M. BLocu. 


L'étude comparative des sensations auditives et tactiles m'a permis de 
déterminer la vitesse du courant nerveux sensitif. 
J'ai dit, dans un récent travail (novembre 1883), que la simultanéité 


344 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


de deux sensations résultant d’un bruit et d’un choc sur la main, se mani- 
feste lorsque le choc précède le bruit, et cela, depuis une avance de ;, de 
seconde, jusqu’à 5 de seconde. 

J'ai expliqué ce phénomène par les effets combinés des durées de trans- 
mission et des persistances des deux sensations soumises à l’examen. 

Lorsque l’on substitue le lobule du nez au doigt, les intervalles entre 
lesquels se produit le synchronisme apparent ne sont plus les mêmes. 

Il faut toujours que le choc soit jrénnier Ée la simultanéité se montre 
depuis 5 de seconde, en moyenne, jusqu'à 4? de seconde. 

Sans vouloir entrer dans de longues explications que j'ai développées 
précédemment (Journal de l'anatomie, janvier 1884), je conclus ainsi : 


5 3,6 é 1,4 
250 250 250 


représentent le temps nécessaire à la transmission centripète pour une lon- 
sueur de nerf égale à la différence des distances du doigt et du nez, res- 
ectivement, jusqu’au sensorium. 

Ce résultat donne 141 mètres par seconde et, si l’on tient compte des dif- 
férences de vitesse pour les nerfs et pour la moelle, ainsi que je lai fait 
dans mon premier mémoire sur le sujet, publié en 1875 dans les Archives 
de physiologie, on trouve en dernière analvse 137 mètres par seconde. 

J'avais trouvé 132, en 1875. | 

La seconde partie de l’expérience, l'intervalle 2 de seconde, nécessite 
la recherche d’un nouvel élément, la persistance du toucher sur le nez. 

Cette expérience est très difficile à réaliser, parce qu’on n’est jamais cer- 
tain de tenir la tête immobile pour prendre deux repères successifs 

Elle m’a fourni 93 mètres par seconde. 

La moyenne des deux parties de l’expérience est done 114 mètres Jia: 
seconde, en tenant compte des longueurs de nerfs et de moelle. 

Mais je maintiens mon chiffre de 1875, soit 132 mètres par seconde, 
d’abord, parce que l’intervalle minimum, partie la plus exacte de l’expé- 
rience, donne 137 mètres, chiffre presque égal, et, en second lieu, parce 
que mon outillage ancien avait une bien plus grande précision. 

En effet, les erreurs dans la prise des repères étaient de ,;! de seconde, 
pour un millimètre ; dans mes expériences actuelles, un millimètre repré- 
sente environ ,;, de seconde, c’est donc une approximation presque 20 fois 
moins grande. Mais il ne s’agissait pas spécialement de résultals numériques. 
Pour moi, l’essentiel était de retrouver, par un procédé tout différent du 
premier, des résultats analogues, montrant le bien-fondé des théories qui 
ont présidé à mes recherches anciennes, comme à celles que j'ai l'honneur 
de présenter à la Société aujourd’hui. 


SÉANCE DU 30 MAI. 349 


SUR LA TUBERCULOSE ZOOGLŒIQUE, ÉTUDE DU MIGRO-ORGANISME, par MM. L. 
MaLassez et W. ViGNaL. 


L’inoculation de certains produits tuberculeux peut donner lieu, ainsi 
que nous l’avons indiqué précédemment (1), à une affection ressemblant en 
tous points à une tuberculose bacillaire aiguë généralisée, sauf qu’on y 
trouve, au lieu et place des bacilles de Koch, des amas zooglœiques de mi- 
crocoques. Nous l'avons désignée sous le nom de’« tuberculose zooglæique », 
voulant simplement indiquer par là et les ressemblances de lésions et les 
différences de parasite qu'elle présente avec la tuberculose bacillaire, sans 
nous prononcer, les faits ne nous l’ayant pas permis, sur les rapports de 
nature qui peuvent exister entre ces deux affections, ainsi qu'entre les deux 
micro-organismes qui leur ont donné naissance. Pour arriver à élucider ce 
dernier point si important, nous avons pensé qu'il fallait trouver tout d’a- 
bord une technique qui permit de colorer nos zooglæées et de les recon- 
naître facilement, ce que nous n’avions pu faire encore. Et ce sont les résul- 
tats obtenus dans cette voie que nous allons brièvement résumer dans cette 
Note. 

Deux procédés de coloration peuvent être employés : l’un plus rapide, 
l’autre plus lent. 

Le procédé rapide comprend trois opérations, comme celui de Ehrlich pour 
les bacilles : la coloration en masse, la décoloration partielle, le montage. 
1° La coloration s’obtient en laissant plusieurs heures la coupe dans un 
bain formé de 9 centimètres cubes d’eau saturée d'huile d’aniline, et de 
L centimètre cube de solution alcoolique concentrée de bleu de méthylène. 
2° La décoloration voulue est donnée par une immersion dans un bain al- 
calin composé de deux volumes d'une solution de carbonate de soude à 
2 pour 100 et de 1 volume d'alcool absolu. On y agite la préparation, les 
zooglæées se décolorent moins vite que les noyaux et l’on s'arrête au moment 
où, les zooglæées étant encore vivement colorées, les noyaux ne possèdent 
plus qu'une teinte bleu pâle. 5° Pour le montage, on place d’abord et pen- 
dant quelques instants la coupe dans une assez grande quantité d’eau dis- 
lillée afin d'enlever toute trace de la solution alcaline; on déshydrate ensuite 
rapidement avec de l’alcool absolu ; puis on éclaircit avec de l’essence de 
girofle ou de térébenthine, et l’on monte enfin dans le baume de Canada ou 
la résine d’Ammar non dissous dans le chloroforme. 

Le procédé lent ne comprend que deux opérations, la coloration spéciale 
s’obtenant d'emblée et la décoloration se trouvant par conséquent suppri- 


(1) Voy. Société de biologie, séances des 12 et 19 mai, 9 juin 1883; Académie des 
sciences, séance du 5 novembre 1883; Archives de physiologie, n° du 15 no- 
vembre 1883. 


346 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


mée. La coupe, après avoir été lavée à l’eau distillée, est placée dans le bain 
suivant : 


Solution de carbonate de soude à 2 pour 100....... 10 volumes 
Eau saturée d'huile d’aniline et filtrée............ D. Me 
Alcool ahsnluee ee TL He Sonore 8 , — 


Solution de bleu de méthylène faite avec 9 volumes 
d’eau distillée et 1 volume de solution alcoolique 
CONCERNÉ EE CEE Ce de der EC te LAS — 


Ce mélange, qui est d’un beau bleu clair lorsqu'il vient d’être préparé, 
devient verdàtre au bout de quelque temps, se fonce et donne un précipité; 
mais cela n'altère en rien sa qualité, au contraire, il suffit de le filtrer. Les 
coupes y sont abandonnées de deux à trois jours au moins; leszooglæées se 
colorent alors en bleu franc et assez vif, tandis que le tissu de granulation 
est d’un bleu verdàtre très pâle et les noyaux des tissus sains d’un bleu peu 
intense. Pour conserver dans toute leur netteté ces différences de ton et de 
qualité de couleur, le montage demande quelques soins particuliers. La 
coupe, après avoir été bien lavée à l’eau distillée, doit être déshydratée 
avec de l'alcool absolu légèrement teinté par du bleu de méthylène, puis 
éclaircie, non avec de l’essence de girofle, mais avec de l’essence de berga- 
. mote ou de térébenthine. Quant au montage, il se fait comme précédem- 
ment, soit dans le baume de Canada, soit dans la résine d’Ammiar non dis- 
sous dans le chloroforme. 

Le premier de ces procédés est évidemment plus rapide et donne peut-être 
de plus belles préparations; mais la décoloration demande une certaine ha- 
bileté, une certaine habitude pour être arrêtée au moment opportun. Le 
second a évidemment l'inconvénient de demander beaucoup plus de temps, 
mais il a le grand avantage d’être d’une exécution bien plus facile. 

Si l’on examine, sur des préparations colorées comme il vient d’être dit, 
les points où existent de grosses zooglœées semblables à celles que nous 
avons décrites et figurées dans notre travail des Archives de physiologie, 
on est frappé de voir qu’elles se sont comportées d’une façon bien différente 
vis-à-vis du réactif colorant : les unes sont vivement colorées en bleu in- 
tense dans toute leur étendue; les autres ne sont colorées qu’à leur partie 
périphérique ou seulement dans une portion de cette périphérie, le reste 
étant incolore, et la teinte s’atténue assez rapidement quand on passe des 
parties colorées à celles qui ne le sont pas. Il en est enfin qui restent com- 
plètement incolores et se détachent en masses claires sur le fond bleuté de 
la préparation; elles font l'impression d’un négatif, les colorées représen- 
tant un positif. 

. La loi de ces différences saute rapidement aux yeux : les z0oglæées qui se 
colorent complètement sont les petites qui se trouvent isolées dans les pe- 
tites granulations au début, ou occupent la périphérie des amas 20oglœiques 


SÉANCE DU 30 MAI. 341 


que l’on rencontre dans les tubercules plus volumineux. Gelles dont la péri- 
phérie seule se colore sont les très grosses que l’on rencontre dans les 
mêmes conditions que les précédentes. Celles dont une portion seulement 
se colore, font toujours partie d’un groupe dont elles occupent la périphérie ; 
la portion qui se colore est toujours la portion extérieure, tandis que celle 
qui ne se colore pas est celle qui regarde le centre de l’amas. Enfin les 
zooglæées qui ne se colorent pas du tout sont celles qui occupent le centre 
des groupes zooglæiques, ou celles qui se trouvent dans des parties caséi- 
fiées. 

Or les petites zooglæées qui se trouvent dansla granulalion au début, ainsi 
que celles qui occupent la périphérie des groupes zooglæiques, sont évidem- 
ment d’origine plus récente, elles sont en plein développement et doivent se 
nourrir plus facilement; tandis que celles qui occupent le centre de ces 
groupes ou siègent au milieu des parties caséifiées sont certainement d’àge 
plus avancé, etse trouvent dans des conditions où leur nutrition doit être 
plus difficile ou même impossible. [1 semble done que le degré de colora- 
bilité de nos micro-organismes soit.eu rapport avec leur degré de vitalité, 
autrement dit : les zooglœées, ou portions de zooglæées, colorables seraient 
celles qui sont en pleine activité, tandis que les non colorables seraient 
celles qui sont mortes ou simplement à l’état de repos. Ge qui prouve en 
effet que celles-ci persistent à vivre un certain temps au moins, c’est que 
nous avons vu réussir l’inoculation de parties Complètement caséifiées, 
là où les zooglœæées devaient être incolorables. 


Pour étudier la structure des zooglæées, il est nécessaire de recourir à de 
puissants objectifs à immersion homogène et à de bons condensateurs de 
lumière. Nous nous sommes servis du 1/18 de Zeiss et du condensateur de 
Abbe. TH faut aussi que les préparations soient d’une grande finesse, qu’elles 
n'aient par exemple guère plus de 1/100° de millimètre d'épaisseur ; encore 
est-il bon de les comprimer quelque peu en les montant dans le baume afin 
de les amincir davantageet même de les dissocier légèrement. 

Si l’on examine les zooglæées ou parties de zooglæées les plus vivement 
colorées, on voit tout d’abord qu’elles sont composées de petits grains vive- 
ment colorés en bleu. Ces petits grains ne sont pas disposés au hasard et 
sans ordre, ils sont rangés en séries linéaires et forment des chapelets, ce 
que nous avions entrevu déjà (Arch. de physiologie, 1883,t. IT, p. 382). Ces 
séries s’entre-croisen£ sous divers angles, par places elles se trouvent côte 
à côle et parallèles ; on dirait un paquet de chapelets pelotonnés et entor- 
tillés. Les grains composants sont en général de forme allongée et mesurent 
de 0,6 & à 1 de long sur 0,3 y de large environ; les intervalles qui les 
séparent ont tantôt plus, tantôt moins de 0,4 y. On trouve aussi des grains 
un peu plus allongés qui sont légèrement étranglés vers leur partie moyenne 
et d’autres à peu près sphériques qui sont, groupés deux à deux. Ges diffé- 
rentes formes correspondent évidemment à des phases diverses de dévelop: 


248 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pement, puisqu'on les peut constater dans une même zooglæée, voire même 
sur un même chapelet. 

Si l’on passe maintenant aux parties peu colorables, l’aspect est changé. 
La disposition en chapelet ne s’observe plus qu’exceptionnellement. Les 
grains se trouvent plus éloignés les uns des autres et sans ordre apparent ; 
ils sont sphériques, plus volumineux, et mesurent de 0,5 à 0,6 x de diamè- 
tre. Quelques-uns, ceux qui présentent encore la disposition en chapelet, 
sont parfois assez bien colorés, mais la plupart sont à peine teintés en bleu 
pale, et il en est qu’on ne peut distinguer tant qu’ils se trouvent noyés dans 
la pleine lumière du foyer du condensateur ; il faut, pour les apercevoir, 
abaisser le condensateur et faire apparaître les différences de réfringence. 
Si l’on étudie enfin les parties qui restent complètement incolores, on ne 
distingue plus avec les immersions homogènes et dans la pleine lumière des 
condensateurs qu'un granulé vague et flou; mais là encore, en modifiant 
l'éclairage de façon à mettre en relief les parties de réfringence diffé- 
rente, on aperçoit des grains qui semblent être de même forme et de même 
volume que ceux des zooglæées peu colorées. 


Les formes zooglœiques colorables ou non colorables que nous venons 
d'étudier ne sont pas les seules que puisse prendre notre micro-organisme. 
Si l’on examine avec soin, dans des tubercules en voie d'extension, le tissu 
de granulation qui entoure les zooglæées ou les amas de zooglœées, on y 
pourra découvrir, même assez loin de celles-ci, de très petites zooglæées qui 
avaient échappé tout d’abord à l’observation. Elles sont composées, comme 
celles en activité,de chapelets de microcoquesallongés ettrès colorables ; mais 
leur pelotonnement est souvent très peu considérable et réduit à quel- 
ques anses; parfois même il n’y a pas de pelotonnement proprement dit, 
on trouve seulement çà et là des fragments de chapelets plus ou moins 
longs, plus ou moins ondulés. 

Il existe encore dans cette même région un état de développement moins 
avancé et des plus intéressants. Il consiste en très courts chapelets formés 
d’un très petit nombre de microcoques, trois ou quatre environ, et qui, s’ils 
sont vus à un grossissement moins considérable, ont l’aspect de bacilles. Ce 
qui les fait ressembler à ceux de Koch, lesquels apparaissent à de forts 
grossissements et à des colorations convenables (1) comme formés de petits 
grains. Cependant il y a entre ces deux micro-organismes des différences 
très notables : les petits grains des bacilles de Koch sont moins allongés 


(4) Pour bien voir cette disposition, les bacilles de Koch doivent êtres colorés 
en bleu ou en violet et non én rouge. Du reste, si on dispose sur le carreau d’une 
fenêtre une série de ronds bleus, et à côté une série exactement semblable de 
ronds rouges, et qu’on s'éloigne à une distance convenable, on pourra voir les 
ronds rouges confondus et formant un bâtonnet continu, alors que les ronds 
bleus seront encore distincts. 


SÉANCE DU 30 MAI. 349 


et plus petits ; ils ne se colorent pas ou du moins très mal par les méthodes 
qui colorent les nôtres, tandis que ces derniers ne se colorent pas du tout 
par la méthode de Ehrlich. Ces courts chapelets en forme de bacilles 
sont tantôt isolés, tantôt réunis en certain nombre; ils sont alors disposés 
parallèlement les uns aux autres ou sous des angles divers. Ils semblent 
parfois siéger à l’intérieur d’éléments, dans le noyau ou le protoplasma; 
mais cette apparence peut être due à ce qu'ils sont situés soit au-dessus, 
soit au-dessous de l’élément ; en tous cas, on en trouve qui siègent mani- 
festement entre les éléments. 

À côté de ces chapelets plus ou moins longs, il existe enfin des diplo- 
coques et des microcoques isolés qui ressemblent comme forme, volume et 
coloration aux grains des susdits chapelets ou bacilles; on peut les consi- 
dérer comme la forme la moins avancée de notre micro-organisme. 

Toutes les différentes formes que nous venons de passer en revue et que : 
l'on peut rencontrer dans le tissu de granulation qui constitue la zone péri- 
phérique de nos tubercules zooglæiques, doivent évidemment être considé- 
rées comme une sorte d'avant-garde envahissante, comme un semis de 
colonies futures, comme les premières formes de développement des 
volumineuses zooglœées précédemment décrites. 


Dans nos tuberculoses zooglϾiques, outre les granulations et tubercules 
à zooglœées bien nettes, nous en avions observé d’autres où il n'existait que 
de très petites zooglœæées, à peine visibles, et a’autres où nous n’en pouvions 
distinguer aucune. Cependant, comme dans ces dernières nous avions re- 
marqué entre les éléments des apparences de granulations et que là où ce 
granulé était le plus marqué, les préparations au picrocarminate prenaient 
une teinte plus jaunâtre, nous avions supposé que nos micro-organismes de- 
vaient encore être présents, mais qu'au lieu d’être réunis en zooglæées plus ou 
moins volumineuses et facilement visibles, ils se trouvaient disséminés dans 
le tissu tuberculeux. Notre hypothèse était fondée. Si, en effet, sur des pré- 
parations très fines et colorées par l’un des deux procédés sus-indiqués, l’on 
examine à un fort grossissement une de ces granulations sans zooglœées 
nettement apparentes, on y pourra trouver toutes les diverses variétés de 
formes que nous venons de décrire dans la zone périphérique des tuber- 
cules à grosses zooglœées : c’est-à-dire des microcoques et des diplocoques, 
des bacilles, des chapelets de petites zooglæées, tous ces organismes étant 
vivement colorés en bleu. De plus, on en peut rencontrer qui se colorent à 
peine ; nous avons même constaté de très petites zooglæées qui ne se colo- 
raient plus et dont les grains étaient devenus sphériques; enfin il nous à 
semblé voir des chapelets, des bacilles, des diplocoques et des microcoques 
également non colorés; nous disons il nous semble, parce qu’il est bien 
difficile de reconnaître avec certitude, au milieu des tissus, des corps si 
petits lorsqu'ils ne sont pas colorés. 


L'étude de ces granulations tuberculeuses sans zooglæées volumineuses et 
10LOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. fr, N° 91. 27 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


facilement visibles, nous prouve donc qu’elles aussi sont dues à la présence 
du même micro-organisme, mais moins développé ; elle nous montre que 
celui-ci peut sous cette forme perdre sa colorahilité comme ceux qui ont 
acquis tout leur développement, c’est-à-dire, d’après ce que nous avons vu 
précédemment, qu’il peut passer de l’état d'activité à l’état de repos; elle 
nous montre enfin combien il faut être réservé avant de nier l’existence de 
notre micro-organisme tant qu'on n'aura pas à sa disposition une technique 
capable de les colorer lorsqu'ils sont à l’état de repos, lorsqu'ils sont 
incolorables par les procédés que nous avons indiqués; on peut, en effet, 
avoir affaire à des granulations ou tubercules dont les micro-organismes 
sont justement à cet état de dissémination, de développement peu considé- 
rable et de non-colorabilité, auquel cas, et lorsque cette forme existe seule, 
il devient presque impossible de la reconnaître. Nous avons cherché une 
technique qui nous permit de les colorer lorsqu'ils sont à cet état, nous 
n'avons pas réussi jusqu’à présent. D’autres micro-organismes, le bacille 
de Koch entre autres, présentent peut-être aussi des formes de développe- 
ment pendant lesquelles ils seraient invisibles avec nos procédés actuels 
de coloration. 

Dans un travail, qui doit paraître dans un des prochains numéros des 
Archives de physiologie, on trouvera des figures représentant les différentes 
formes que nous venons de décrire. 


INHIBITION DE CERTAINES PUISSANCES RÉFLEXES DU BULBE RACHIDIEN ET 
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, SOUS L'INFLUENCE D'IRRITATIONS DE DIVERSES 
PARTIES DE L’ENCÉPHALE, par M. BRowN-SÉQuARD. 


Dans la précédente séance, j'ai montré (voy. Comptes rendus, n° 2, 
p. 320) que les centres d'action tonique et réflexe de la moelle épinière, 
qui maintiennent les sphincters de l’anus et de la vessie dans leur état 
normal de contraction, peuvent être inhibés par des lésions encéphaliques, 
très variées quant à leur siège et à leur nature. Je vais maintenant faire voir 
que diverses parties du cerveau peuvent aussi, par inhibition, rendre diffi- 
cile ou impossible l’acte réflexe de la déglutition. 

Que cet acte soit amoindri et annulé dans les cas de lésion intrabulbaire 
ou de compression du bulbe ou de ses nerfs par une tumeur siégeant dans 
les parties voisines, c’est là un fait tout simple de modification d’une fonc- 
tion par altération des éléments anatomiques qui l’accomplissent. Mais 
lorsque, sans altération organique de ces éléments, des lésions localisées à 
une distance plus ou moins grande du bulbe, produisent les mêmes effets, 
nous nous trouvons en présence de faits d’un tout autre ordre que ceux dans 
lesquels le bulbe ou ses nerfs sont lésés. Dans des cas de lésion à distance 


SÉANCE DU 30 MAI. 351 


de ce centre nerveux, comme ceux que je vais brièvement mentionner, il est 
clair que nous avons à étudier un phénomène dont les circonstances sont 
celles des actes d’inhibition (voyez la définition de l’inhibition, p. 323, nu- 
méro précédent). Voici un certain nombre de faits de cette espèce. F’en ai 
recueilli un bien plus grand nombre, mais je crois que les suivants suffisent. 

Cas de difficulté ou de perte de la déglutition, causée par une lésion 
d'une ou de plusieurs parties des lobes cérébraux. Des circonvolutions, 
soit dans la zone dite motrice, soit ailleurs, étaient les seules parties lésées 
dans des cas de Dussaussay (Bulletins de la Soc. anat., 1875, p. 213), de 
Bright (Reports of medical cases, t. IT, p.124), d’Abercrombie (Pathol. and 
pract. researches on diseases of the brain, 1845, 2 cas, p. T1 et p. 80), 
de Nivet (Bull. Soc. anat., 1836, p. 121), de Barlow (British medic. Jour- 
nal, 1877, t. II, p. 103). '— Les lobes antérieur ou moyen étaient le siège 
de la lésion dans des cas de Bright (Loc. cit., p. 352), d’Andral (Clinique 
médicale, t. V, p. 329), de Lallemand (Rech. anat.-path. sur l'encéphale, 
t. II, p. 407), d’Abercrombie (2 cas, loc. cit., p. 80 et p. 89), de Dussaus- 
say (Bull. Soc. an., 1876, p. 30), de Morrah (Medico-chir. Transactions, 
1811, p. 260), de Desgranges, de Raikem, de Ransford (tous trois cités par 
Gintrac, in Cours théor. et prat. de Pathol. interne, t. VIX, p. 174, 79 et 
671), de Quesneville (Thèse de Paris, 1834, n° 326, p. 91), de Romberg 
(Manual of nervous diseases, London, t. II, p. 429), de Charcot (thèse de 
Bricquebec, Paris, 1868, n° 64, p. 32). — Le corps strié, la couche optique, 
le pédoncule cérébral, ou deux de ces parties ensemble, étaient le siège de 
la lésion dans des cas de Charcot (thèse citée de Bricquebec, p. 16), de 
Bright (3 cas, loc. cit., p. 189, 296 et 299), de Gendrin (cité par Fabre, 
Bibliothèque du médecin praticien, t. IX, p. 61), de Todd (Clinical Lec- 
tures, edited by Beale, 1861, p. 729), de Raymond (3 cas, du service de 
Charcot, Etude anatomique, physiologique et clinique de l’hémichorée, 
l’hémianesthésie, etc., p. 38, 54, 63), de Dufau (cité par Gintrac, loc. cit., 
t. VILLE, p. 337), de Quinquaud (Bull. Soc. anat., 1868, p. 215), de Chrich- 
ton Browne (West Riding Lunatic Asyluin Reports, t. V, 1875, p. 292), 
de Gintrac (3 cas, loc. cit., t. VIL, p. 143 et 214, t. IX, p. 362), de Mar- 
rotte (Union médicale, 1853, p. 407), de Rae (Beale’s Archives of Medi- 
cine, t. I, p. 52), de Hervez de Chégoin (Journal hebd. de médec., 1831, 
t. IE, p. 389), de E.-C. Seguin (Quarterly Journal of Psychol. medic., 
t. IL, 1868, p.115), de Strambio (Journal des progrès des sciences médic., 
1829, t. XIIT, p. 231). 

Je pourrais montrer, par des cas de lésion du cervelet et de la protubé- 
rance, que ces parties peuvent aussi faire disparaitre la puissance de déglu- 
tition, mais bien que dans ces cas la lésion ne füt pas capable d’exercer une 
pression sur le bulbe, le doute pourrait exister. Je laisserai donc ces faits de 
côté. Ils ont cependant une grande valeur, surtout quand on les met en 
présence de cas de lésion considérable de la protubérance sans trouble de 
la déglutition, tels que ceux publiés par Gintrac (loc. cit., t. VIIT, p. 370), 


302 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 

par Guéniot (Bull. Soc. anat., 1860, p. 321), par sir W. Gull (Guy's Hos- 
pital Reports, 1859, p. 296), et par Lager (cité par Gintrac, loc. cit., € NI, 
p. 393). 

Il y a lieu de se demander quelle est la partie de l’arc réflexe qui cesse 
d'agir dans çes cas où la déglutition est rendue impossible par un acte inhi- 
bitoire. Est-ce la partie centripète, c’est-à-dire les fibres nerveuses inci- 
dentes ? Est-ce la partie centrale, le centre réflecto-moteur ? est-ce la partie 
centrifuge, c’est-à-dire les fibres nerveuses motrices ? ou enfin le tissu mus- 
culaire lui-même? Une inhibition étant possible dans chacune de ces par- 
ties, je ne puis dire quelle est celle qui est atteinte. Mais, comme, dans un 
crand nombre d’autres cas où des actes réflexes cessent par une influence 
inhibitoire, nous savons que c’est le centre réflecteur qui est affecté, il y a 
tout lieu de supposer que c’est cette partie qui l’est aussi lorsque la déglu- 
tition est rendue impossible par une irritation venant d’un point du cerveau, 
à quelque distance du bulbe. Les faits que j'ai rapportés montrent claire- 
ment que les circonvolutions dans la zone appelée motrice ou en dehors 
d'elle, les parties blanches des lobes moyen ou antérieur, la couche optique, 
les deux corps striés, la capsule interne, le pédoncule cérébral, sont capa- 
bles de faire cesser la puissance de déglutition par un acte inhibitoire. 

Les mouvements réflexes des membres peuvent aussi disparaître par 
suite d’un acte inhibitoire provenant de parties diverses de l’encéphale. Je 
me bornerai pour aujourd’hui à établir qu'une lésion limitée à une partie 
d’une moitié de l’encéphale peut faire perdre la puissance réflexe dans les 
deux côtés du corps. Voici un certain nombre des faits que j'ai recueillis à 
cet égard. Pour abréger, je ne fais que nommer les auteurs des observations 
et donner l'indication bibliographique : Sibson (The Lancet, t. 1, 1866, 
p. 621), Hersent (Bull. Soc. anat., 1845, p. 26), Gintrac (loc. cit., t. VIE, 
p. 193), Hamerton (The Lancet, t. I, 17, p. 346), Angelucci (cité par Char- 
cot et Pitres, Revue de médecine, 1883, obs. CLXXXIV), J.-W. Ogle 
(British and Foreign medical Review, oct. 1856, p. 498), Crichton Browne 
(West Riding Lun. Asyl. Reports, 1875, €. V, p. 241), J. Hutchinson 
(London Hospital Reports, t. IN, p. 17), Dussaussay (Bull. Soc. anat., 
1866, p. 30), Vigla (Gazette des Hôpitaux, 1845, p. 419), Barral et Mar- 
saux (cités par Gintrae, Loc. cit., t. VII, p. 12 et 195). 

Ces faits sont décisifs contre l’opinion d’après laquelle des centres d’in- 
hibition existent dans l’encéphale, un à droite, capable d'agir sur la moitié 
sauche de la moelle épinière, l’autre à gauche, agissant sur la moitié droite 
de cet organe. Les faits que je rapporterai dans la prochaine séance sont 
tout aussi décisifs contre les opinions d’après lesquelles il y aurait des 
centres d’inhibition de la puissance réflexe de la moelle épinière, soit dans 
les lobes antérieurs, soit dans la couche optique, soit enfin dans la pro- 
tubérance. 


BOURLOTON. — [mprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


993 


SÉANCE DU 31 MAI 1884 « 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


SUR QUELQUES RÉACTIONS DE L’ALBUMINE ET DU COLLOÏDE AMIDOBEN- 
zoïique, par M. Édouard Grimaux. Communication faite à la séance 
du 10 mai 1884. 


Dans un premier Mémoire (1), j’ai décrit la préparation d’une substance 
colloïdale obtenue au moyen de l’acide amidobenzoïque, et j'ai fait voir que 
les solutions de ce corps acquièrent, par l’action de petites quantités de 
sels, la propriété de se coaguler sous l’influence de la chaleur. La coagu- 
lation dépend tout à la fois de la proportion de l’agent coagulant et de la 
dilution du liquide. J’ai rapproché ces réactions de celles des solutions 
étendues d’albumine qui ne se coagulent pas par la chaleur et deviennent 
coagulables par l'addition de chlorure de sodium, de sulfate de chaux, de 
sulfate de magnésie, de chlorhydrate d’ammoniaque, etc., ou après avoir 
été saturées d’acide carbonique. 

C’est sur les réactions comparées des solutions diluées d’albumine et des 
solutions du celloïde amidobenzoïque que je reviendrai aujourd’hui, pour y 
ajouter quelques faits nouveaux. 

Scheele, comme je l’ai dit, est le premier qui ait constaté que le blanc 
d'œuf étendu d’eau ne se coagule pas par la chaleur (2), et le fait a été con- 
firmé en 1821 par M. Chevreul (3). Par cette addition à froid, l’albumine 
ne paraît pas avoir été altérée ; M. Chevreul a fait voir en effet que ces solu- 
tions étendues, évaporées dans le vide, de manière à être amenées à la 
même concentration que le blanc d’œuf, se coagulent comme lui par la 
chaleur. 

Si, au contraire, on chauffe ces solutions étendues, l’albumine est mo- 
difiée. 

Scheele a déjà observé cette transformation : « Si l’on mêle bien exacte- 


(1) Comptes Rendus de la Société de biologie, 1884, n° 7, 22 février, p. O7. 
(2) Mémoires de chimie de W. Schecle, Dijon, 1785, 2 partie, p. 59. 
(3) Annales de chimie, t. XIX, p. 46. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° Série, T. 1°, N° 22, 28 


304 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


» ment le blanc d'œuf avec 10 parties d’eau, dit-il, et que l’on fasse 
» bouillir ensuite le mélange, le blanc d’œuf restera dissous; mais, si lon 
» verse quelque acide, la dissolution se coagulera comme du lait. » 

M. Chevreul a vu, de son côté, que l’ébullition ou l’évaporation au bain- 
marie transforme l’albumine « en lui faisant éprouver, dit-il, un change- 
» ment qui la rend analogue à l’albumine coagulée ». 

Enfin M. Ch. Robin (1) a retrouvé le fait observé par Scheele et tombé 
dans l’oubli : « On chauffe une solution étendue de blanc d'œuf jusqu’à la 
température de la coagulation ; l’albumine ne se coagule pas et devient 
légèrement opaline. Si on laisse refroidir la liqueur et qu'on y ajoute une 
goutte d'acide acétique, il se formera un volumineux précipité d’albumine. . 
Un excès d’acide empêche le précipité et le redissout. L'action de la cha- 
leur a donc fait subir à l’albumine une modification. » 

En étudiant les modifications que l’action de la chaleur fait subir à Pal- 
bumine en solution étendue, j’ai reconnu qu'il se forme un corps possé- 
dant les propriétés des albuminates, si voisines de celles de la caséine. 

Des solutions d’albumine renfermant 1 pour 100 de matière sèche, por- 
tées à la température de 80 degrés, déposent à peine quelques flocons, et 
on peut porter à l’ébullition le liquide dilué sans qu’il se trouble; à peine 
devient-il rapidement opalin. 

Cette solution possède alors la propriété de donner avec l'acide acétique 
un précipité qui se dissout dans un excès d'acide et reparait par neutrali- 
sation exacte avec un alcali, pour disparaître de nouveau dans un excès 
d’alcali, Elle possède surtout la propriété curieuse de se coaguler entière- 
ment à froid par le passage d’un courant d'acide carbonique, et le coagu- 
lum se redissout quand on le fait traverser par un courant d'air. Il se dis- 
sout également quand on le met en suspension dans l’eau atrée après lavoir 
débarrassé de l’eau chargée d’acide carbonique, ou quand on place la masse 
coagulée dans le vide, au-dessus de la potasse. L’addition de phosphate de 
soude à la liqueur empêche la précipitation par l'acide carbonique, mais 
non par l’acide acétique, et la solution possède alors les caractères des 
solutions de caséine. Cette propriété de donner avec l'acide carbonique un 
précipité se redissolvant par l’action de l’air appartient aussi aux globu- 
lines, mais le produit de transformation de l’albumine s’en distingue en ce 
qu'il ne se dissout pas dans le sel marin. Bien entendu que ces solutions 
sont coagulables par la chaleur, quand on les additionne de petites quan- 
tités de sels, ou qu’on y a fait passer quelques bulles d’acide carbonique, 
insuffisantes pour amener la coagulation à froid. 

L’acide carbonique en agissant sur les solutions étendues d'albumine, 
modifiées par la chaleur, ne précipite pas toute la matière albuminoïde ; 
le liquide séparé du coagulum par filtration renferme une peptone, et si, au 
lieu de porter à 80 degrés la solution étendue d’albumine, on la fait 


Fe 


(1) Chimie physiologique de Robin et Verdeil, t. KE, p. 297. 


SÉANCE DU 91 MAI. 399 


bouillir pendant quelques heures, la quantité de substance précipitable par 
l'acide carbonique diminue, en même temps qu'augmente la proportion de 
peptone. 

La formation de peptone par l’action d’une température peu élevée sur 
la solution diluée d’albumine, fait mettre en doute l'existence des pep- 
tones dans le sang, admise par quelques physiologistes ; en effet, pour les y 
rechercher, après avoir défibriné le sang, on chauffe le sérum afin de coa- 
guler l'albumine : or il est possible que les peptones rencontrées dans le 
sang s’y forment simplement par l’action de la chaleur sur l’albumine. De 
même, Milton a isolé du lait, après en avoir retiré la caséine, puis l’albu- 
mine par l’action de la chaleur, une substance protéique qu’il a appelée 
lactoprotéine et qui présente les caractères d’une peptone : rien ne prouve 
qu’elle existe dans le lait et qu’elle ne prenne pas naissance par la trans- 
formation de l’albumine. 

On peut expliquer la modification que subit l’albumine en admettant que 
la dilution la dissocie en soude libre et en une substance albuminoïde, qui 
s’hydrate pour se convertir en albuminate, composé que fournissent les alcalis 
avec les matières protéiques ; une hydratation plus avancée donnerait une 
peptone. Quant à la précipitation de l’albuminate par l’acide carbonique, i] 
donnerait avec celui-ci une combinaison peu stable, qui se détruit par l’ac- 
tion d’un courant d’air ou par l’évaporation dans le vide. 

Ce qu'il y a de réellement intéressant, c’est que de telles réactions ne 
sont pas spéciales aux composés albuminoïdes; j’ai pu les reproduire avec 
le colloïde amidobenzoïque. En soumettant des solutions étendues à une 
ébullition de quelques minutes, on obtient, après filtration, un liquide lim- 
pide qui a acquis la propriété de donner à froid, par l'acide carbonique, 
un coagulum disparaissant sous l'influence d’un courant d'air. Ici, 
comme pour l’albumine, la présence du phosphate de soude empêche la 
précipitation par l’ 7 carbonique. 


Je résume dans le tableau suivant les réactions des solutions étendues 
d’albumine et du colloïde amidobenzoïque pour en faire resortir l’étroite 
analogie et prouver que les propriétés des albuminoïdes n’ont rien de spé- 
cial et dépendent de leur caractère colloïdal. 


Solution d'albumine à 1 pour 100. Solution du colloïde amidobenzvique. 


Ne coagule pas par l’ébullition: devient Ne coagule pas par l’ébullition, de- 
opalescent. vient trouble après quelques minutes 
d’ébullition. 
Précipite à chaud par l'addition de sel Idem. 
marin, de sulfate de chaux, de sulfate 
de magnésie, de chlorhydrate d’ammo- 
niaque. 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Coagule à chaud après saturation par Après addition d’une quantité insuf- 
un courant d'acide carbonique. fisante de chlorure de sodium pour 


coaguler, devient coagulable à chaud 
si on sature la solution d’acide carbo- 


nique. 

N'est pas précipitée par l'acide acé- Est précipitée par l'acide acétique, 
tique. 

Est précipitée à froid par l’acide azo- Idem. 
tique. 

Le précipité est soluble dans l’'ammo- Idem. 
niaque, insoluble dans le phosphate de 
soude. 


Est précipitée par le tannin, les sels Idem. 
de mercure. 

Avec le sulfate de cuivre donne un Idem, seulement la solution potas- 
précipité qui se redissout dans la potasse sique est plutôt bleue que violette. 
avec une couleur violette. 


Evaporée dans le vide, garde sa solu- Idem. 
bilité dans l’eau. 

Evaporée au bain-marie, devient inso- Idem. 
luble. 

Acide azotique à chaud colore le préci- Idem. 


pité en jaune. 
Caractères des solutions qui ont éle chauffees. 
Précipite à froid par l’acide acétique. Idem. 
Précipité franchement soluble dans un  Difficilement soluble. 
excès d'acide acétique. 


Précipite à froid par l'acide carbo- Idem. 
nique. 
Le précipité formé par l’acide carbo- Idem. 


nique à froid se redissout par l’action d’un 
courant d’air. 
La présence de phosphate de soude Idem. 
empêche la précipitation par l'acide car- 
bonique. 


NOTE SUR LES MICROCOCCI DE LA PNEUMONIE FRANCHE, par M. le docteur 
AFANASSIEW (de Saint-Pétershourg). Travail du laboratoire d'anatomie - 
pathologique de la Faculté de Paris. 


Les premières indications sur la présence de micrococei dans la pneu- 
monie franche ont été données par Klebs, Eberth et Koch. Depuis les tra- 
vaux publiés par Friedländer, cette question est entrée dans une nouvelle 
phase. Cet auteur, se basant sur un grand nombre d’autopsies, démontra 


SÉANCE DU 931 MAI. 291 


la présence constante de micrococci ovoïdes, d’une longueur d’à peu 
près 1 2, dans l’exsudat alvéolaire et dans les espaces lymphatiques. Plus 
tard Günther, et après lui Leyden, ont constaté la présence des microcoeci 
dans le suc du poumon malade pris à l'aide de la seringue de Pravaz chez 
l’homme vivant. 

Marchiafava, Cambria et Griffini trouvèrent ces micrococci dans le sang 
des sujets atteints de pneumonie franche. En même temps, les cliniciens 
cherchèrent ces coccus ovoïdes dans les crachats, el ils croient les avoir 
trouvés (Friedländer, Ziehl, Glies George, Matray, Mendelssohn, Lichtheim). 

Cependant tous les travaux que nous venons de citer laissaient à désirer, 
parce qu'on n'avait pas réussi à cultiver le microbe à l’état de pureté ni à 
reproduire la pneumonie par l’inoculation de cultures pures. Ces inocula- 
tions ont été faites et étudiées presque en même temps par Salviali et Zäs- 
-lein, Friedländer et Talamon. 

Les deux auteurs italiens ont publié une communication préliminaire 
dans le Centralblatt. Pour obtenir des cultures pures, ils ont pris la 
sérosité de vésicatoires et le sang des sujets atteints de pneumonie et les ont 
transportés dans du bouillon de bœuf ou de veau à la température de 
31 à 99 degrés cenligrades. [ls se sont aussi servis de gélatine de veau 
liquéfiée, d'extrait de viande liquide et du liquide de Pasteur. Dans ces cul- 
tures, ils trouveront des micrococei mobiles qu’ils inoculèrent à différents 
animaux. Ils n’ont pas indiqué le lieu choisi par eux pour faire leurs 
inoculations. Ces inoculations ont réussi en ce sens qu’elles auraient pro- 
duit la pneumonie chez différents animaux, entre autres le lapin. Friedländer 
se sert, pour ses cultures, de poumons hépatisés pris sur des cadavres 
humains et cultive les micro-organismes dans le milieu nutritif solide qui 
a rendu tant de services à Koch dans ses études sur Les bactéries patho- 
gènes. [Il se sert de la peptone-gélatine solide, du sérum gélatinisé du 
bœuf et enfin des pommes de terre bien stérilisées. Par ces procédés il obtient 
des micrococei ovoïdes, sans mouvements, qu’il injecte directement dans le 
poumon. Ces expériences réussissent au mieux sur les souris, assez bien 
sur les cohayes, moins bien sur les chiens et pas du tout sur les lapins. Sur 
cinq chiens, inoculés deux fois chacun, un seul tomba malade et succombha 
à une pneumonie croupeuse. L'inhalation des micrococei pulvérisés a été pra- 
tiquée sur des souris et donna des résultats positifs. Talamon a trouvé dans 
le suc du poumon pneumonique d’un cadavre, quelques heures après la 
mort, des micrococci en forme de grain de blé, de 1 à 1,54 de longueur et 
de 0,5 à 1 4 de largeur. Ces mièrobes, cultivés d’après la méthode de Pasteur, 
ont atteint 2,5 à 3p de longueur et 1,54 de largeur. L’inoculation directe 
de ces cultures dans le poumon détermine chez le lapin une pneumonie 
croupale terminée tantôt par la mort, tantôt'par la guérison. L’inoculation 
au chien n’a pas réussi. 

En présence de ces résultats contradictoires, des recherches de Salvioli 
et Zäslein, de Friedländer, de Talamon, vu la grande importance du sujet, 


398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


il était utile d'étudier à nouveau la production artificielle de la pneumonie, 
et c’est pourquoi nous avons, d’après les conseils de M. le professeur Cornil, 
vérifié quelques-unes des expériences de Friedländer. Ces dernières, en 
effet, nous ont paru les plus exactes et les plus circonstanciées. 

En même temps, nous avons étudié principalement les questions sui- 
vantes : 1° Ÿ a-t-il possibilité de produire la pneumonie franche par Pin- 
jection des micrococci dans le tissu pulmonaire sain, dans le tissu sous-cu- 
tané et enfin dans le sang de l’animal? 2° Existe-t-il un seul ou plusieurs 
micrococci pouvant déterminer la pneumonie ? 3° Si nous pouvons produire 
la pneumonie chez les tout petits animaux, comme les souris, les rats et les 
cobayes, ne peut-on pas aussi la donner à des animaux plus grands et plus 
rapprochés de l’homme, comme chez le chien? 

Nous nous sommes efforcé de suivre exactement la méthode indiquée par 
Friedländer, à l'exception cependant de la peptone-gélatine, que nous avons 
neutralisée et éclaircie par une solution de phosphate de potasse et non 
par le bicarbonate de soude. Ce sel précipite en effet les sels alcalins et 
par suite il éclaircit la peptone-gélatine, La stérilisation des appareils a été 
faite à la température de 200 à 250 degrés, la stérilisation des liquides 
dans la marmite de Papin à la température de 120 degrés centigrades. Nous 
avons coloré d’abord les microbes de la pneumonie par le violet de gentiane 
préparé d’après Ehrlich et nous les avons décolorés ensuite par le procédé 
inventé par Gram, procédé brièvement indiqué dans le travail de Friedlän- 
der. Cette méthode consiste à placer les coupes ou les lamelles colorées dans 
une solution d’iodure de potassium iodée et à chercher ensuite la décolo- 
ration par l'alcool absolu et l’essence de girofle. 

Comme cette méthode n’était pas décrite en détail dans l’article de Fried- 
länder, nous avons composé nous-même dans ce but le liquide suivant : 
lodure de potassium, 5; eau, 100 et une petite quantité d’iode, juste pour 
colorer le liquide en brun. Après l’apparition de Particle Gram, qui a paru 
récemment, nous avons appris qu'il préparait son liquide de la façon sui- 
vante : [ode, 1; iodure de potassium, 2 ; eau, 500. La préparation du li- 
quide d’après cette formule est impossible. Probablement il y a là une erreur 
d'impression. 


Cultures. — La mort remontait à vingt-quatre ou trente heures au mo- 
ment où nous avons recueilli les poumons. Comme nous avons fait ces 
examens en hiver (décembre-avril) et comme tout notre matériel anatomo- 
pathologique se trouvait ordinairement dans des pièces froides, il ne nous 
a pas été difficile de choisir des poumons qui ne montraient encore aucune 
trace de décomposition. Nous avons cultivé l’exsudat provenant de six faits 
de pneumonie. Nous n’avons obtenu qu’une seule fois une culture pure 
d'emblée, c’est-à-dire avec des cocci ovoïdes. Ordinairement il se déve- 
loppait dans les cultures de deux à quatre variétés de micrococer. Une fois 
ces cultures ont liquéfié notre peptone-gélatine. Le microscope révélait, 


SÉANCE DU 931 MAI. 399 


dans ce dernier cas, de petits micrococci ronds et immobiles. Ce micro- 
organisme était probablement la cause de la liquéfaction de la peptone-géla- 
tine. 

Dans les autres cultures, qui ne sont pas devenues liquides, nous avons 
trouvé trois sortes de microcci : 1° un micrococcus grand, rond de 1,5 à 
1,82 de diamètre; 2° un micrococeus très petit, rond de 0,5 à 0,9 y de dia- 
mètre, et enfin & un micrococeus ovale de 0,9 à 1: de longueur. Après avoir 
liquéfié la peptone-gélatine dans les tubes contenant les micrococci, nous 
avons versé le contenu sur une plaque de verre stérilisée et nous avons pu 
séparer les micrococei qui avaient commencé à végéter sous forme de taches 
différentes à l'œil nu. Nous les avons ensemencés et cultivés séparément 
dans des tubes spéciaux et nous avons réussi à produire des cultures pures 
des micrococci 1 et 3. C’est avec le micrococei 3 que nous avons générale- 
ment fait nos expériences, quoique quelquefois nous ayons pris la culture 1 
et la culture mélangée, composée principalement des micrococci 2. Il me 
fut impossible de séparer ces derniers du micrococeus 3. Le micrococcus 3 
ressemble beaucoup à celui de Friedländer. Il a la forme ovoïde et n’est 
pas doué de mouvements actifs. 

Sur les préparations des poumons sains , nous n’avons pas réussi à dé- 
montrer les capsules autour des on décrites par Friedländer. 
C’est seulement sur les préparations du sue pleurétique des cobayes et des 
rats que nous avons vu des capsules rondes, ovales, avec un ou deux micro- 
cocci, mais jamais des capsules longues, colorées et avec plusieurs miero- 
cocci, comme le décrit Friedländer. Il est vrai que nous avons observé quel- 
quefois des espaces clairs et incolores qui entouraïent les cocci en forme de 
capsules, mais il y a lieu de regarder ces capsules comme des produits 
artificiels. Le plus souvent nous avons vu des espaces clairs autour des 
cocci lorsque le liquide pleurétique était muqueux et épais. Pendant leur 
croissance, les micro-organismes forment à l’œil nu la disposition décrite 
par Friedländer, avec cette différence que, dans ces végétations en 
forme de clous, la partie représentant la tête ne dépassait pas de beaucoup 
la surface de la gélatine, de telle sorte qu’au lieu d’être hémisphériques les 
têtes étaient presque planes. Le micrococcus 2 avait un aspect macrosco- 
pique un peu différent, notamment à l’intérieur de la gélatine; les végéta- 
tions, disposées en long suivant la direction de la piqüre, étaient plus pàles 
et contenaient moins de granulations perlées; celles-ci étaient encore 
moindres que dans les végétations du micrococcus 3. 

Sur les coupes du tissu pulmonaire pneumonique, de même que sur les 
préparations desséchées de l’exsudat pneumonique de l’homme, nous avons 
toujours réussi à trouver des micrococei. Quelquefois nous les avons trouvés 
en grande quantité. Par la méthode de Gram ils se coloraient en bleu 
foncé, tandis que le tissu restait de couleur brune. Ces micrococci ont quel- 
quefois la forme ovale, ils sont en même temps moins nombreux et ordinai- 
rement unis par deux (diplococcus), par quatre en forme d’une chaïînette, 


300 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


et se trouvent principalement dans l’intérieur des globules blancs migra- 
teurs de l’exsudat alvéolaire ou entre les filaments de fibrine. Quelquefois 
ils sont ronds, très nombreux et se trouvent principalement isolés ou unis 
par deux, remplissant les globules blancs jusqu’à dix et davantage dans une 
cellule. La grandeur des cocei ovoïdes sur les coupes est à peu près de 
0,94 et la grandeur des petits microbes ronds est de 0,5 à 0,6%. Les deux 
variétés de cocci que je viens de décrire paraissent toujours plus grandes 
dans les cultures. Nous avons fait nos expériences sur quinze cobayes, six 
rats et six chiens. 


À. Expériences sur les cobayes. — I. Avec le micrococcus pneumonique 
preumonique n°3. 1° L’injection directe d’une macération des micrococei (1) 
(de 1 à 3 centimètres cubes) dans le tissu pulmonaire nous a donné tou- 
jours une pleurésie bilatérale. L’exsudat pleurétique était le plus souvent 
fibrineux, quelquefois séreux ou purulent. Les poumons ont toujours été 
très altérés. La portion du poumon voisine de la piqüre, tout le lobe corres- 
pondant et quelquefois le lobe voisin étaient frappés d’hépatisation grise. 
Les autres lobes du même poumon se trouvaient ou en hépatisation rouge 
ou congestionnés. Les lobes du poumon du côté opposé à la piqûre étaient 
le siège d’une hépatisation rouge ou d’une congestion. Rarement on trou- 
vait une péricardite séro-fibrineuse. Dans le sang pris à l’oreille, le second 
jour après l’inoculation, ‘on trouvait presque toujours des cocei, ordinai- 
rement en forme de diplococcus. La rate étail très souvent gonflée, le foie 
montrait quelquefois des signes macroscopiques de dégénérescence grais- 
seuse. j 

Comme la pneumonie croupeuse était surtout marquée autour du lieu 
injecté, on aurait pu incriminer le traumatisme. Pour répondre à une pa- 
reille objection, nous avons fait nos injections dans la plèvre. 

2° L’injection des cullures dans la plèvre droite donnait différents ré- 
sultats, selon que l’animal mourait le second jour ou vivait jusqu’au com- 
mencement du troisième jour. Dans le premier cas nous observions ordinai- 
rement une pleurésie bilatérale séro-fibrineuse et purulente. Les poumons 
gauche et droit montraient dans un lobe une hépatisation rouge et de Ja 
congestion dans les autres. Dans le second cas nous avons trouvé, même 
dans le poumon gauche où il n’y avait pas eu d’injection, des foyers d'hépa- 
tisation grise. D’où cette conclusion que le traumatisme Joue ici un rôle 
secondaire. La principale cause de cette pneumonie croupeuse doit done 
être cherchée dans les micrococci. 

3° L’injection des micrococci de la pneumonie croupeuse sous la peau ou 
dans la veine jugulaire donnait différents résultats, selon la quantité des 


(1) Le liquide à injection a été préparé avec un nombre de têtes de culture, 
macérées dans l'eau distillée stérilisée, suffisant pour donner à l’eau une appa- 
rence laiteuse. 


SÉANCE DU 31 MAI. 361 


microbes injectés. Après une injection de 4 à 3 centimètres cubes, l’ani- 
mal se rétablissait ordinairement ; il succombait à l'injection d’une plus 
forte dose. Une fois nous avons vu se développer une péritonite fibrineuse 
purulente. Dans l’exsudat, entre les globules blancs et dans leur intérieur, 
il y avait des micrococci absolument semblables à ceux que nous avions 
injectés. L’injection était faite dans le dos près de la paroi abdominale. Nous 
n'avons pas observé d’œdèmes ni d'inflammation du tissu cellulaire, ni 
abcès au point injecté. 

II. Les expériences avec le grand microbe rond n° 1 n’ont pas donné de 
maladies graves aux cobayes, quoique nous en ayons injecté une quantité 
plus considérable (de 0,5 à 1 centimètre cube). Au point injecté il y avait 
des cicatrices blanches, grandes comme un petit pois. 


B. — Les expériences faites sur six rats ont donné des résultats ana- 
logues à ce que nous venons de déerire chez les cobayes. Les rats succom- 
baient encore plus vite que les cobayes. 

C. Expériences sur des chiens. — T. Le liquide pleurétique d’un cobaye 
a été injecté à des chiens. 1° Un de ces animaux survécut à deux inoculations 
faites dans les poumons droit et gauche. Après chaque inoculation l’animal 
devint malade, resta couché, perdit l’appétit; la température monta jusqu'à 
40 degrés, cependant l’animal guérit. Ce chien fut sacrifié quelques semaines 
après, et on trouva simplement des cicatrices à l’endroit des piqüres inocu- 
latrices. En outre on a constaté du côté gauche des adhérences pleuro-pul- 
monaires. | d 

2° L’injection des cultures n° 3 mélangées avec le microbe n° 2 dans le 
poumon donnait le même résultat, seulement l'animal toussait ordinaire- 
ment. L’injection de la culture pure n° 3 (1c,5) dans la veine jugulaire ne 
produisit aucun effet nuisible. | 

3° L’injection de 1,5 à 2 centimètres cubes de culture pure dans le pou- 
mon du chien était suivie d’une affection caractérisée par différents sym- 
ptômes propres à l’inflammation croupeuse des poumons. Cependant le 
second ou le troisième jour, le chien se portait mieux, de sorte que nous 
avons pensé d’abord que les chiens étaient réfractaires à ce mierococeus. 
Une fois nous résolûmes, quoique le chien fût mieux portant, de le sacrifier 
et d'observer l’état de ses poumons. Nous trouvàmes alors une inflammation 
évidente du poumon, qui occupait tout un lobe, et qui était en pleine réso- 
lution. Chez un autre chien, auquel nous avons injecté 2 centimètres cubes, 
nous avons produit une maladie grave avec tous les symptômes de la pneu- 
monie franche (60 respirations à la minute, pouls 144, température 41 de- 
grés, malité tympanique dans le poumon droit, souffle tubaire, etc.). A la 
fin du second jour, le chien a commencé à se rétablir. Nous l’avons sacrifié 
et nous avons trouvé autour des deux piqüres inoculatrices une inflamma- 
tion évidente du poumon, qui occupait le lobe supérieur tout entier et une 
partie du lobe médian. 


362 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Ces deux dernières expériences nous montrent que les chiens se rétablis- 
saient très rapidement d'une pneumonie de faible intensité. Enfin, la cul- 
ture mélangée contenant les micrococei n° 2, et seulement en petite quan- 
tité les micrococei n° 3, produisait aussi la pneumonie croupeuse chez les 
chiens et les cobayes. Quant à la nature des micrococei n° 2 et 3, nous ne 
saurions dire s'ils représentent des variétés différentes, ou s’ils constituent 
simplement les différentes phases du développement du même mierococcus. 

Dans plusieurs de nos expériences, où nous avons ouvert l'animal mort 
ou tué, nous avons pris de suite un peu de l’exsudat pulmonaire ou pleuré- 
tique que nous avons déposé sur la peptone-gélatine. Nous avons alors 
obtenu des cultures, qui, à l’œil nu et sous le microscope, étaient absolu- 
ment semblables à celles que nous avions injectées. Les cultures faites avec 
des cobayes malades nous ont réussi le mieux ; ici nous pouvions suivre de 
près le mode du développement des micrococei ovoïdes. Nous avons souvent 
mis du liquide pleurétique provenant de cobayes dans des pipettes capil- 
laires stérilisées ; l’ayant conservé longtemps, nous avons suivi Le dévelop- 
pement et la multiplication de ces micrococei. 

Sur les coupes du poumon des cobayes et des chiens atteints d’hépatisa- 
tion grise, nous n'avons pas pu trouver de micrococei, tout en nous servant 
des indications de Gram; pourtant nous étions sûr que les micrococci 
devaient s’y trouver, puisque sur les préparations desséchées, faites avec le 
suc pleurétique et colorées par la solution aqueuse de gentiane, nous avons 
trouvé des diplococci, des chaïnettes composées de quatre microbes, et 
enfin un grand nombre de microbes isolés ou uniques, unis par deux one 
l’intérieur des globules blancs. Cependant nous avons réussi quelque- 
fois à trouver sur les coupes des micrococci dans l’intérieur des globules 
blancs de l’exsudat pulmonaire ou entre eux; mais ordinairement, peu de 
temps après, ces cocci, d’ailleurs peu nombreux, perdaient leur coloration. 
Aussi n’avons-nous pas pu obtenir de préparations durables. Il est difficile 
d'expliquer cette différence dans les résultats de la coloration des cocei de 
la pneumonie croupale de l’homme et des animaux, que Gram a constatée 
de son côté. 

Ainsi les résultats principaux de nos expériences sont les suivants : 
1° Dans la production de la pneumonie croupeuse les microcoeci jouent tou- 
jours un rôle actif. 2 En considérant que des expérimentateurs, agissant 
avec plusieurs micrococci, ont pu produire la pneumonie chez les animaux, 
en admettant l’existence de micrococci probablement différents, observés 
sur les coupes, et enfin en tenant compte de la différence de la coloration des 
microbes pneumoniques de l’homme et des animaux, nous pensons que la 
pneumonie résulte probablement de l’action de plusieurs microbes ; en tous 
cas ces micrococci sont très voisins par leur forme et leur grandeur. 3° Les 
propriétés pathogéniques du micrococcus de la pneumonie croupeuse ne sont 
pas très grandes, vu que les animaux inoculés peuvent quelquefois opposer 
une résistance très forte, et même souvent sortir vainqueurs dans cette lutte 


SÉANCE DU 91 MAI. - 806 


pour l'existence. 4° Le micrococeus atteint son maximum d'action si on l’in- 
troduit directement dans le poumon. Cependant, si le poumon est sain, il 
oppose une forte résistance à la prolifération du micrococcus. 5° Tout ca 
rend très possible l’hypothèse, d’après laquelle les différentes causes nocives 
qui affaiblissent l’organisme, comme le refroidissement, sont des circon- 
stances adjuvantes du développement du micrococcus de la pneumonie et par 
conséquent de la pneumonie croupeuse. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 


Klebs, Beiträge zur Kenntniss der pathogenen Schistomyceten (Arch. f. 
experim. Pathol., Bd 4, 1877, p. 418). 

Eberth, Zur Kenntniss der mykotischen Processe (Arch. f. klin. Med., Bd 28, 
1881, p. ! à 42). 

Koch, Mittheilung aus d. kais. Gesundheitsamt. Berlin, 1881. 

Friedländer, Ueber die Schizomyceten bei der acut. fibr. Pneumn (Virch. 
Arch., Bd 87). 

Günther, Sitzungsberich des Vereins f. inn. Med. Berlin, 20 novembre 1882. 

Leyden, ibid. 

Marchiafava, eité d’après Salvioli et Zäslein. 

Cambria et Griffini, ibid. 

Ziehl, Centralbl. f. die med. Wissensch., 1883, n° 25; 1884, n° 5%. 

Glies-George, Brit. med. Journ., 1883, n° 1175. 

Matray, Wiener medic. Presse, 1883, n°° 23 et 24. 

Mendelssohn, Zeitsch. f. kl. Med., 1884, VIT, p. 206. 

Lichtheim, Fortschr. der Med., 1884. Referat de l’article de M. Men- 
delssohn. 

Salviali et Zäslein, Ueber den Mikrokokkus und die Pathogenese der crouposer 
Pneumonie (Centr. f. die med. Wissensch., 1883, n° 41). 

Friedländer, Die Mikrokokhten der Pneumonie (Fortschritte der Medicine, 
1883, n° 22 et 14). 

Talons Communication à la Société anatomique de Paris, 1883. 

Gram, Ueber die isolirte Färbung der Schizomyceten in Schnitt und 
Trockenpräparaten (Fortsch. der Medic., 1884, n° 6). 

Babes, Journal des connaissances méd., 1884. 


364 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SUR LES ŒUFS DE LA BILHARZIE, par M. Joannes CHATIN. 


Dans un travail précédent (1), j'ai fait connaître le mode de développe- 
ment de l'embryon de la Bilharzie (Bilharzia hæmatobia Cobb., Disto- 
mum hæmatobium Sieb.), réservant certaines questions et particulièrement 
l'étude des variations qui peuvent s’observer dans la forme des œufs de 
cet helminthe. 

Le sujet ne laisse pas d'offrir quelque intérêt au point de vue zoologique 
et J'ai été très heureux de pouvoir récemment en reprendre l'examen, grâce 
à l’obligeant concours de M. le docteur Fouquet (du Caire), qui a bien voulu 
m'envoyer : 

1° Un fragment de vessie humaine contenant des œufs de Bilharzie; 

2% Trois petits tubes remplis d'urine sanguinolente contenant des œufs 
de la même espèce. 

Le fragment de vessie provient d’une autopsie pratiquée dans les environs 
de Minieh (Haute Egypte) ; il est conservé dans un mélange à parties égales 
d’eau, d'alcool et de glycérine. 

Blanchâtre et de consistance moyenne, il présente à la surface de la mu- 
queuse des petites taches d’un gris légèrement brunâtre et d'aspect granu- 
leux. 

En enlevant une parcelle de ces formations et l’examinant, après dilacé- 
ration, sous un faible grossissement, on constate qu’elle est constituée par 
des débris de la muqueuse, des globules sanguins altérés et enfin des œufs 
de Bilharzie. 

Ces œufs sont protégés par une coque épaisse et brunâtre qui n’est pas 
lisse comme on l’admet généralement : sous un fort grossissement on 
constate qu’elle offre de nombreuses gaufrures dont la section dessine de 
notables saillies sur la coupe parallèle au grand axe de l’ovule. 

Celui-ci se prolonge, vers l’un de ses pôles, en une pointe conique et 
effilée qui réclame au point de vue taxonomique une attention spéciale. 
Un des observateurs qui se sont le plus particulièrement occupés de l'étude 
du Bilharzia (2), n’a pas hésité à distinguer dans ce genre deux espèces 
caractérisées par la situation et la forme de ce prolongement qui, droit et 
exactement polaire dans l’un des types, eût présenté chez l’autre une forme 
courbe et une insertion latérale. Sonsino n’appuyait d’ailleurs d'aucun 
autre caractère cette distinction spécifique formellement contestée par 


(1) Joannes Chatin, Observations sur le développement et l’organisation du 
proscolex de la Bilharzie (Annales des sciences naturelles, 6° série, t. XI, 1881). 
(2) Sonsino, Della Bitharzia hϾmatobia, 1876. 


SÉANCE DU 91 Mal. 36 


divers helminthologistes et que, pour ma part, je ne saurais admettre, en 
présence des faits que j'ai pu observer. 

Non seulement les œufs à prolongement polaire et droit coexistaient, sur 
les mêmes points, avec les œufs à pointe courbe et latérale, mais on 
constatait tous les états intermédiaires entre ces formes considérées soit 
au point de vue de l’insertion du prolongement, soit au point de vue de 
son aspect général: tantôt la pointe s'élevait sur le pôle même de 
l’ovule, tantôt elle s’écartait à peine de ce pôle, tantôt elle était rejetée à 
une distance plus appréciable, tantôt enfin elle devenait franchement laté- 
rale. Rectiligne en certains cas, elle s’infléchissait parfois légèrement vers 
sa pointe pour accentuer ailleurs cette tendance et atteindre ainsi, par des 
modifications progressives, son maximum d’incurvation. Si l’on ajoute que 
ces divers degrés de courbure et d'insertion se combinent de manière à 
réaliser d'innombrables états secondaires formant une série parfaitement 
continue, on voit ce que devient la dualité spécifique établie par Sonsino 
sur la base singulièrement fragile que je rappelais plus haut. 

Dépossédé de l'importance zoologique qu’on s’était cru en droit de lui 
accorder à la suite d'observations trop rapides, le prolongement ovulaire de 
la Bilharzie n’en conserve pas moins une réelle valeur morphologique ; 1l 
montre, en effet, chez un distomien la première ébauche des filaments qui 
se développeront sur l'œuf de la plupart des polystomiens avec une con- 
stance assez grande pour représenter un des caractères les plus saillants 
de cette tribu des Trématodes. 

Les œufs contenus dans l’urine offraient des dispositions identiques à 
celles qui s’observaient sur les œufs recueillis à la surface de la muqueuse 
vésicale, Les dimensions de l’ovule, les caractères dé l'embryon ne subis- 
saient aucune modification, quelle que fût la forme du prolongement ou quel 
que füt son mode d'insertion. : 


À PROPOS DE LA SUGGESTION MENTALE. Note de M. Charles RICHET (1). 


On a pensé que les expériences de M. Stuart Cumberland avaient enfin 
donné la preuve de cette suggestion mentale qui avait été si souvent et si 
inutilement cherchée jusqu'ici. [l n’en est rien ; car l'expérience de M. Cum- 
berland réussit très bien, sans qu’on ait à invoquer le phénomène mystérieux 
de la transmission de la pensée, sans signe extérieur. 


(1) Communication faite à la Société dans la séance du 24 mai 1884. 


360 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Comme M. Ch. Garnier, comme d’autres personnes qui m'ont écrit ou 
parlé à ce sujet, j'ai pu facilement reproduire ces expériences. 

Je rappellerai en quoi consiste la principale expérience de M. Cumber- 
land. Il prend la main d’un individu qui a caché un objet ou qui pense 
à un objet quelconque, et, les yeux bandés, va directement vers l'objet 
caché ou pensé. 

Remarquons qu’il ne réussit pas avec tout le monde : ce qui s'explique 
facilement, si l’on admet que certains, à qui il recommande de penser forte- 
ment à l’objet caché, ne peuvent pas s'empêcher de faire avec la main 
quelques petits mouvements, qui, pour peu qu’on y prête quelque attention, 
sont des indices sûrs de la direction qu’il faut suivre ou, tout au moins, 
d’une direction à suivre. 

C’est ce qui a lieu, surtout si l’on presse fortement la main de l'individu 
qui a caché l’objet. Il se fait alors dans sa main de petites oscillations, 
des frémissements involontaires, qui trahissent sa pensée, et mettent sur la 
voie à suivre avec une précision qu'on ne soupçonnera jamais, tant qu'on 
n'aura pas fait cette petite expérience. 

Cela rentre dans le cadre des faits exposés par M. Chevreul avec tant de 
clarté, il y a près de trente-cinq ans (1). En tenant un anneau suspendu par 
une ficelle, on le fait dévier dans le sens qu’on veut, sans cependant faire 
de mouvement conscient. En réalité le fait de vouloir fortement détermine 
de petits mouvements inconscients. La différence entre l’expérience (le 
M. Cumberland et celle de M. Chevreul, c’est qu’au lieu d’avoir affaire à un 
anneau, on agit sur un individu qui perçoit les tremblements imperceptibles 
de la main. 

J'ai fait l'expérience sur sept personnes (2) (A, B, C, D, E, F, G) diffé- 
rentes qui toutes essayaient de ne pas faire de mouvements. 


A. — Échec. E. — Succes. 
À. — Succès. E. — id. 
EË. — id. 
B. — Succès. 
B. — id. F. — Échec. 
DS pour 
G. — Succès. 
C. — Échec. E— 
=  ü6 
D. — Succès. Cd: 
D. — Échec. 


Dans les cas où il y a eu succès, j'ai été absolument guidé par la personne 
dont je tenais la main, et cela, je le répète, avec une précision parfois extra- 


(1) Et aussi, depuis, par M. Hacke Tuke, dans un article important. 
(2) Fet G étaient des hommes. 


SÉANCE DU 31 MAI. 3067 


— 


ordinaire, sans qu'elle ait eu conscience qu’elle me guidait, croyant, au 
contraire, être guidée par moi. 

Si je rapporte ces expériences, c’est pour faire remarquer d’abord que 
la suggestion mentale, si tant est qu'elle existe, n’a pas encore été scienti- 
fiquement démontrée, c’est ensuite parce qu’elles prouvent l'importance 
extrême, dans un grand nombre de cas, des mouvements inconscients 
accomplis par nous. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


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909 


SÉANCE DU 7 JUIN 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


DE L'AUDITION DES SONS EN CONTACT ET DES SONS PAR INFLUENCE, ET 
DE L'ACTION DE LA TENSION DES MEMBRANES SUR LEUR PERCEPTION, 
par M. GELLÉ. 


Le tympan transmet non seulement des vibrations aériennes, ou par 
influence, mais aussi des vibrations solidiennes (cràäniennes ou autres), vi- 
brations au contact d’un corps sonore (montre, diapason, anévrysme, etc.). 

L'action affaiblissante des tensions exagérées de la membrane du tym- 
pan dans la perception des sons apportés par l'air ambiant est bien établie. 
Pour l’audition des sons crâniens, j’ai démontré que la loi posée par Savart 
et Wollaston la régit aussi; et j'ai prouvé expérimentalement (voy. Étude 
de La sensibilité acoustique au moyen du tube interauriculaire, Gellé, 
1876) que la tension artificielle du tympan par les divers procédés employés 
atténue également la sensation venue par la voie osseuse crànienne. 

Cependant, autant il est facile d’atténuer un son aérien, autant il est dif- 
ficile d’éteindre, par une tension forte des membranes, le son des corps 
sonores qu'on met à leur contact. 

L'expérience suivante le démontre : 


Au moyen d’un téléphone à ficelle, long de 50 centimètres, à peu près, 
écoutez le son d’un diapason {a ou de la montre posés à auelques centi- 
mètres en face du cornet récepteur, Tant que le fil reste mollement dé- 
tendu, l’audition est nulle ; rien ne passe. —— Mais tendez Pappareil par un 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I", N° 23. 29 


370 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


poids de 1 gramme posé sur le fil : aussitôt le son s'entend; avec l’addi- 
tion d’un poids de 5 grammes, le son est pur, sec, métallique et plus 
fort. 

Cependant, si l’on ajoute 15 à 20 grammes d’un coup sur le fil, le dia- 
pason cesse aussitôt d’être entendu : c’est le silence subit. 

Si, au lieu de placer le diapason à distance du cornet, nous le posons 
sur le cornet même, il deviendra presque impossible d’atténuer un tant 
soit peu la transmission, quelle que soit la charge accumulée sur le fil 
conducteur. | 

Il y a donc sous le rapport de la conduction du son une différence com- 
plète entre les sons aériens et ceux au contact. 

Ua faible excès de tension de la membrane $suffit à éteindre Les premiers, 
et les seconds persistent malgré des poids extrêmes. 

; | 

En présence de ces résultats expérimentaux, il est permis de se deman-. 
der comment il se fait que l'audition des sons cràäniens (la perception crà- 
nienne est l'audition des sons transmis par les os du crâne, tels que ceux 
de la montre et du diapason posés sur le front ou au vertex) peut être modi- 
fiée à volonté, en changeant la tension des membranes de l'oreille, soit par 
l'épreuve de Valsalva, soit par la déglutition effectuée le nez pincé, ou 
autrement. DM 

Il entre nécessairement ici un facteur nouveau, et il est clair qu’à l’action 
insuffisante de la tension de la membrane s’ajoute une action plus déci- 
sive. Le résultat différent doit être sûrement rapporté à l’action exercée sur 
le labyrinthe par les déplacements de la platine de l’étrier qui coïneident 
avec ceux de la cloison et se produisent sous l'influence des mêmes causes. 
L'atténuation du son crénien est due à l’enfonçure de la base de l'étrier 
vers le labyrinthe et supplée à l'effet insuffisant de la tension du 
tympan. 

Nous observons en clinique toutes ces modifications de perception, et les 
lésions des fenêtres labyrinthiques et de la base de l’étrier influencent 
d’abord la perception erânienne. 

On a vu que pour les sons de la montre et du diapason a; ordinaire 
(9 centimètres), l'apparition du son et son extinction correspondent à des 
différences minimes de tension des membranes. Il était intéressant de savoir 
comment l’audition de la voix et surtout de la parole, du langage articulé, 
était influencée par les diverses modifications de tension imprimées aux 
membranes du téléphone à ficelle, et de comparer les résultats aux précé- 
dents. 

Au moyen d’un téléphone à ficelle, d’une longueur de 6 à 8 mètres, dont 
les cornets étaient placés dans des chambres séparées et bien isolées, j'ai 
étudié les phénomènes de transmission de la voix, de la parole et de la 
voix chuchotée, sous des tensions diverses imprimées aux deux membranes 
par une traction simple. 


SÉANCE DU T JUIN. o1t 


Or j'ai ainsi constaté que, toutes proportions gardées (relativement 
à l’intensité sonore et à la longueur du fil conducteur), la voix était facile- 
ment perçue alors que le diapason ou la montre ne l’étaient point encore, 
quand le fil mou et courbé était à peine tendu, et que le même fait avait lieu 
pour peu que la tension füt un peu prononcée. Les autres sons s’éteignent 
avec trop comme avec trop peu de traction sur le fil ; la voix seule passe 
très nettement. La voix passe facilement vers l'oreille, le chuchotement éga- 
lement, et tous deux attirent vivement l'attention auditive : la parole est 
indistincte encore (fil non détendu), mais la voix éclate et s’entend forte- 
ment. Avec une tension très faible, mais surtout avec une tension moyenne 
(fil presque horizontal), la parole est claire, nette, bien articulée et 
nuancée ; avec une tension forte, le son de la parole est toujours bien frappé, 
l'articulation franche et très distincte, le timbre seul se modifie ; il devient 
aigre, aigu, nasillard. Il y a déjà longtemps que le diapason n’est plus 
entendu. 

La pénétration du son de la voix et de la parole chuchotée est donc 
supérieure, puis vient la transmission du langage articulé, qui est supé- 
rieure à celle de la montre et du diapason et persiste plus longtemps qu’elles ; 
elle résiste à des tensions de la membrane qui ont vite éteint ces dernières. 
Est-ce affaire d'intensité du son? Certainement l’intensité du son de la voix 
est plus forte; mais il y a aussi une énorme différence entre le son simple 
du diapason ou de la montre, dont l'audition exige un certain degré de 
tension bien limité, et l’ensemble de sons complexes, de tonalités, de 
timbre, d'intensité si divers qui constituent la parole et correspondent à des 
tensions les plus variées. N’y a-t-il pas aussi lieu d'admettre une impres- 
sionnabilité plus parfaite de l'organe de laudition et de ses membranes 
pour les sons émis par des membranes vibrantes (anches membraneuses)? 


Au cours de cette étude, j'ai pu constater aussi quelques phénomènes 
d’audition bien connus : 

Ainsi les intermittences de la sensation sonore et les silences interca- 
laires, dans l'audition des sons faibles ou à la limite de la perception et de 
la capacité auditive du sujet. 

J'ai noté la vigueur de la transmission de la parole chuchotée ; enfin j'ai 
pu observer linfluence d’une première sensation d'éveil sur la perception 
consécutive, On choisit Le point de tension du fil du téléphone qui anéantit 
la transmission du diapason {a ; par exemple ; puis on frappe vigoureuse- 
ment ce diapason sur le dos d’une chaise en bois tourné, ce qui fournit un 
la très sonore, et que l’observateur placé dans la chambre isolée perçoit 
cependant très néttement avec son intensité et sa force vive initiale ; aussitôt 
ce diapason est mis en face du cornet récepteur; or le son est perçu à ce 
moment. Certes l'intensité joue ici un grand rôle, mais il m'a paru cepen- 
dant qu’à intensité à peu près égale, l'audition n’avait pas lieu si le même 
son n'avait déjà impressionné le nerf acoustique de l’observateur. Ne serait- 


312 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ce pas que l'attention, et sans doute l’accommodation de l’organe de Pouie, 
sont mieux préparées pour l’audition renouvelée du même son, éveillées 
qu'elles sont déjà par une première impression ?: 

La clinique nous montre que l'oreille sourde excitée par un son for- 
tement donné, le perçoit ensuite facilement, bien qu’on l’émette plus fai- 
blement. 


L 
L 
| 
4 
: 


SÉANCE DU Î JUIN. VE Te 


LA SUGGESTION MAGNÉTIQUE, par M. Buro (1). 


L'étude que nous avons faite des phénomènes qui ressortissent à la sug- 
gestion, date déjà de l’année 1847, et c’est le résultat d’une dizaine d'ob- 
servations à Paris.et à Londres sur toute sorte de sujets que nous allons con- 
denser dans les propositions qui vont suivre. Seulement, faisons-le remarquer, 
nous ne visons ici que la suggestion magnétique, et nous en séparons celle 
qui peut s’obtenir dans l’état de veille par les procédés de Braïd qui, pour 
nous, nous l'avons dit, diffèrent en ce qu ils aboutissent à l’auto-magné- 
tisme. 


A. Dans quelles conditions peut-on obtenir la suggestion magnétique? 

Deux sont essentielles : 1° une grande impressionnabilité et un nervo- 
sisme soit en puissance, mais que les moyens employés pour mettre le sujet 
en état de condition seconde ne tarderont point à faire ressortir, soit patent, 
et caractérisé alors par des troubles de la sensibilité générale ou spéciale 
(anesthésie, analgésie, achromatopsie, etc.) et de la motilité (amyosthénie, 
parésie, etc.); 2° une réceptivité ou idiosyncrasie spéciale dont la sensibi- 
lité au cuivre et quelquefois aussi à l’or donne toujours la mesure, à moins 
que l’aptitude métallique ne soit momentanément effacée ou larvée, tandis 
que la sensibilité au fer en est la négation. 

L’entrainement vers la suggestion a encore pour conséquence fatale, qu’on 
le sache bien, d’aggraver de plus en plus l’état pathologique comme aussi 
d’exagérer la sensibilité métallique ; mais, en revanche, plus les troubles 
nerveux sont devenus prédominants, plus l’anesthésie et l’amyosthénie se 
sont généralisées et ont gagné en profondeur, mieux et à moins de frais 
s'obtient la suggestion. 


B. La suggestion, lorsque le sujet est bien entrainé, n’a besoin ni de la 
parole, ni du geste, ni d'aucun attouchement pour se produire. Alors la 
volonté seule suffit et peut même s’exercer à distance. Nous pourrions citer, 
par exemple, une expérience fameuse faite en 1847 à l'hôpital Beaujon, sur 
une malade, de Robert, dont l’éminent chirurgien avait seul réglé toutes 
les conditions, qui réussit parfaitement en tous ses détails à la seconde, 
montre en main, nous étant placé et fait garder à vue dans la salle de 
garde, tandis que la malade était couchée au deuxième étage de l’un des 
pavillons situés en arrière. Donc les raisons invoquées par MM. Janet, 


(1) Addition à la séance du 31 mai 1884. 


914 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


Ch. Richet, etc., pour expliquer de récentes expériences, ne sauraient 
avoir aucune valeur dans l'espèce. 


C. La suggestion peut s'exercer sans une grande fixité de la pensée, si le 
sujet est très clairvoyant et a été déjà entrainé. Mais, condition sine qua 
non, il ne faut chez l’expérimentateur aucune résistance consciente ou 
inconsciente à se laisser deviner, et, s’il n’y met point une certaine volonté, 
doit-il du moins rester entièrement passif ou neutre; au cas contraire, un 
échec est à peu près certain. C’est ce qui expliquerait pourquoi M. Cumber- 
land a probablement loujours le soin, pour toutes ses expériences publiques, 
de se précautionner de Liers déjà éprouvés, qui, après avoir reçu en dépôt 
la pensée d’un sceptique récalcitrant, le laissent lire en eux comme à livre 
ouvert, sans pourtant qu'on puisse les accuser d'aucune entente de super- 
cherie. Cette condition d'absence de toute résistance, volontaire ou non, 
rend, on le comprendra, toutes les démonstrations suggestives des plus 
chanceuses, si bien que, pour notre compte, il y a beau jour que nous avons 
renoncé à en faire aucune, sachant d’ailleurs très pertinemment que, quelle 
que puisse être la confiance que l’on accorde à l’initiateur, rien ne vaut ici 
autant que le plus petit fait qu’on a pu produire soi-même tout seul. 


D. La puissance de la suggestion n’a pas plus de limites dans l’ordre mo- 
ral, — il faut que les médecins légistes en restent bien convaincus, — que 
dans le domaine des sensations physiques. Pour rester sur ce dernier, nous 
dirons, par exemple, qu’à une malade mourante qui, dans son état ordi- 
naire, avait un dégoût extrême pour tous les aliments en général, mais en 
revanche les appétits les plus bizarres, nous pûmes toujours la faire man- 
ger convenablement lorsqu'elle se trouvait en état de condition seconde, et 
satisfaire alors à toutes ses fantaisies par la suggestion. 


E. La suggestion peut continuer ses effets hors de l’état de condition se- 
conde sans nouvelle intervention. Sorti de l’état somnambulique, le sujet 
exécute alors l’ordre qui lui avait été donné, conserve l’aititude et les senti- 
ments qui lui avaient été suggérés, et peut encore, malgré lui, commettre 
les actes les plus condamnables. 


F. Si des conditions toutes spéciales sont nécessaires pour qu’un sujet 
puisse subir l’influence de la suggestion, le premier venu, avec quelque 
expérience des procédés voulus, peut, lui, obtenir les mêmes effets que les 
opérateurs les plus habiles. 


G. La suggestion, ou, ce qui est tout comme, la transmission de pensée, 
donne la clef de la crédulité de tant de gens sensés dans Ja puissance du 
somnambulisme pour guérir, faire découvrir de prétendus trésors, retrouver 
des objets perdus, etc. 


SÉANCE DU 7 JUIN. D 1 


Elle peut servir avec non moins de succès à expliquer les prétendus 
succès des doses infinitésimales en homæopathie. Il y a bien longtemps 
qu'après avoir obtenu des cures merveilleuses pendant trois mois, toujours 
avec le même flacon de globules, nous éerivimes : € Le globule des homcæo- 
pathes n’est autre chose que la pointe des ciseaux des hypnotiseurs : l’un 
et l’autre se valent. » 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, ruc Mignon, 2, Paris. 


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ago à vit autre 400 Ut , anfents A HUUTE : g 


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C'ACOPATRER ETC Lu AJOUTE cn WE Pam en ti 
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311 


ADDITION À LA SÉANCE DU 7 JUIN 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


SUR L'ÉLASTICITÉ PULMONAIRE (RÉPONSE AUX OBSERVATIONS DE M. PAUL 
Berr), par M. LABORDE. 


M. Paul Bert présentait la Note suivante, à propos de nos recherches 
relatives à l’élasticité pulmonaire (Bulletin du 10 mai) : 


« Je crois devoir faire observer que dés 1868, dans les leçons que j'ai 
professées au Muséum (1), j'ai montré : 1° que la contractilité des bronches 
d’un poumon est sous l'influence du nerf pneumogastrique du même côté ; 
2° que quatre à six jours après la section de ce nerf, son bout périphérique 
cesse de pouvoir agir sur les fibres de Reisseissen ; 3° qu'après deux semaines 
de section, la contractilité bronchique elle-même a disparu; 4° que ce 
poumon, ainsi privé de contractilité, demeure rétractile par élasticité, con- 
serve ses cils vibratiles et paraît absolument sain. 


» La contractilité pulmonaire est donc absolument distincte de la rétrac- 
tilité. » 


Je ferai remarquer que cette conclusion ferme n’est nullement exprimée 
dans les leçons de M. Paul Bert, bien qu’elle soit implicitement contenue 
dans les résultats de ses expériences. Je n’ai pas mentionné ces expériences 
dans ma courte Note, parce que je n’y voulais pas, ainsi que je l’ai expres- 
sément dit, discuter la question dans ses détails. Mais dans l’exposé com- 
plet de mes recherches sur le supplicié Campi, qui va paraitre dans la 
Revue scientifique, voici ce que j'ai écrit à ce sujet, et qui peut être consi- 
déré, je crois, comme une réponse satisfaisante aux observations de mon 
éminent collègue : 


(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 330. Paris, 
J.-B. Baillière, 1870. | 
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°, N° 247 30 


318 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


« La constatation de cette longue persistance post moriem de la rétracti- 
lité du tissu pulmonaire a, en dehors du fait même, une autre importance : 
elle permet, par voie de déduction, une appréciation physiologique de 
l'opinion qui attribue à cette LL propriété d’élasticité comme une 
de ses causes prochaines la contractilité des muscles bronchiques (muscles 
de Reisseissen), contractilité qui serait elle-même sous la dépendance des 
nerfs pneumogastriques ; il paraît difficile, en effet, de justifier cette attri- 
bution en présence de la survie fonctionnelle en question, qui ne saurait 
appartenir à la contractilité musculaire proprement dite, pas même à celle 
de la fibre lisse et moins encore à l’influence, depuis longtemps perdue, des 
nerfs .pneumogastriques. 

» Dans ses remarquables leçons sur la respiration, professées au Muséum 
en 1868, M. Paul Bert, étudiant la contractilité des bronches, et son rôle 
dans les phénomènes respiratoires, a montré, par des expériences con- 
cluantes, qu’à la suite de la section de l’un des pneumogastriques, celui-ci 
perd son action sur le poumon à peu près en même temps que sur l’œso- 
phage et sur le cœur, c’est-à-dire du quatrième au sixième jour après la 
section ; que la contractilité pulmonaire a elle-même disparu au bout de 
trois semaines ; qu’elle n’est pas encore. revenue après qualre mois, même 
chez un jeune chien; et cependant le poumon reste sain, ne s’engorge nul- 
lement de mucosités, et conserve ses cils vibratiles (1). 

» Si, malgré la perte complète de sa contractilité, le poumon fonctionne 
encore normalement dans ces conditions, ainsi que l’a observé le savant 
professeur, c’est qu’il a conservé sa propriété de rétractilité nécessaire 
à l’accomplissement de l'acte expirateur ; d’où il suit que cette rétractilité 
n’est pas due à la contraction des muscles bronchiques, mais dépend essen- 
tiellement de l’élasticité du tissu pulmonaire, laquelle est, en conséquence, 
distincte et indépendante de la contractilité musculaire propre. Cette con- 
clusion est implicitement contenue, quoique non exprimée, dans le résultat 
expérimental de M. Paul Bert, et elle concorde parfaitement avec le résul- 
tat de notre étude post mortem. » 


L'EXCITABILITÉ DES CANAUX BILIAIRES. RECHERCHES SUR LE SUPPLICIÉ CAMPI, 
_ par M. Lagorpt. 

Parmi les questions que je n'avais eu garde d’oublier dans mon pro- 
gramme de recherches, et qui attend aussi une solution définitive, était 
celle de l’excitabilité des canaux biliaires. 

Bien qu’il. existe encore, en nosographie, un terme qui implique cette 


(1) Paul Bert, Leçons sur la physiologié comparée de la respiration, éte., 
p- 316-377 et 379-380. 


SÉANCE DU 7 JUIN. 319 


excitabilité, celui d’ictère spasmodique, la réalité du spasme dont il s’agit, 
sa possibilité même chez l’homme, sont loin d’être admises par la généra- 
lité des physiologistes et des cliniciens. Ce qui porte à ce doute ou à cette 
dénégation, c’est que l’on n’a pas jusqu’à présent démontré d’une façon 
absolument sûre, incontestable, la présence d'éléments contractiles, c’est-à- 
dire de fibres musculaires dans la paroi propre des canaux hépatique et 
cholédoque de l’homme, ou que tout au moins ces éléments n’y ont pas été 
trouvés en une suffisante proportion pour expliquer un état spasmodique de 
ces organes. Chez l'animal, au contraire, notamment chez le chien, ce 
spasme n’est pas douteux, je crois lavoir démontré, en ce qui me concerne, 
expérimentalement, de manière à ne pas laisser prise à une contestation 
sérieuse (1), et dans des recherches histologiques minutieuses, Ch. Legros 
a découvert et signalé, de son côté, de véritables éléments musculaires 
dans la paroi de ces mêmes canaux. D’après les résultats positifs de l’expé- 
rimentation et de la morphologie comparées, je suis très disposé, pour mon 
compte, à penser que les choses ne doivent pas se passer autrement à cet 
égard, à quelques nuances près, chez l’homme que chez le chien; et il y 
avait, conséquemment, un véritable intérêt à mes yeux, à faire la recherche 
dans les conditions qui m’étaient offertes. 

Je dois le dire de suite, cette recherche ne nous a pas fourni un résultat 
d’une cerlitude complète, relevant d’une constatation absolument évidente, 
dans laquelle le doute n’aurait aucune part; mais nous y avons puisé des 
présomptions qui ne sont pas sans valeur, dans des conditions où l’investi- 
gation présente de réelles difficultés. 

Ces difficultés, en effet, consistent à obtenir, un Crtain temps après la 
mort, des contractions bien nettes, bien Roue des organes à fibre 
musculaire lisse. C’est ainsi que, dans le cas de notre supplicié, nous ne 
sommes parvenus qu’à grand’peine à provoquer, à l’aide d’un courant 
maximum et à grand renfort d’interruptions, quelques plicatures à la sur- 
face externe de la paroi intestinale, dans les diverses régions du gros et du 
petit intestin. 

Du côté de l’appareil d’excrétion biliaire, mis rapidement à nu, et bien 
en vue, voici donc ce qu'il nous à été permis de constater. 

La vésicule biliaire était complètement vidée et aplatie sur elle-même. 
Sous l'influence d’un courant fort, il se formait, à sa surface, des rides très 
visibles de contraction, qui s’étendaient jusqu’à l'embouchure du canal 
cystique. 

Les excitateurs à pointe isolée étant ensuite appliqués, l’un non loin de 
la racine du canal hépatique, l’autre sur le’ canal cholédoque, à une cer- 
taine distance de son abouchement avec le duodénum (afin d’éviter autant 
que possible l’intervention des fibres duodénales), le condensateur à cha- 


(1) Étude expérimentale sur la contractililé et le spasme des canaux biliaires 
etc. (Tribune médicale, 1875-1876). 


380 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


riot étant d’ailleurs à son maximum, à la suite d'interruptions réitérées au 
point d'application du second rhéophore, nous avons cru apercevoir, M. Gley 
et moi, dont les yeux étaient simultanément et fixement attachés au point 
en question, comme un étranglement circulaire et lentement formé de la 
paroi du cholédoque. Comme j'étais mieux préparé que mon collaborateur, 
par mes études et mes observalions antécédentes de ce phénomène sur 
l'animal, à la constatation de la forme particulière de sa production, je 
serais peut-être plus porté que lui à l'affirmation ; mais ses doutes donnent 
précisément à ce résultat le juste caractère d’incertitude que j'entends lui 
conserver, en attendant une occasion plus opportune encore de le vérifier, 
c'est-à-dire les conditions d’un examen plus rapproché, aussi rapproché 
que possible du moment de la décapilation. 

Dans le cas actuel, d’ailleurs, il nous manque encore un élément d’appré- 
ciation, de nalure à relever la certitude de notre observation expérimentale : 
c’est le résultat de l'examen histologique, au point de vue de la présence 
réelle de fibres lisses dans les canaux biliaires, examen confié à M. le doc- 
teur Vignal, élève et préparateur du professeur Ranvier (1). 


LA LOCOMOTION DE L'ENCÉPHALE, D'APRÈS UNE EXPÉRIENCE FAITE SUR LA 
TÊTE DE CaMpi, par M. LABORDE. 


Comme nous avions praliqué sur le cräne du supplicié, à la région fron- 
tale, une fenêtre qui nous permettait de voir et d'examiner dans la cavité 
crânienne, nous en avons profité pour faire une constatation qui tire des 
conditions où elle a été faite une valeur particulière, et qui est relative à la 
question récemment soulevée par M. Luys d’une prétendue locomotion de 
la masse encéphalique, sous l'influence des atlitudes diverses du corps et 
de la tête. Grâce à notre fenêtre frontale, nous étions si bien en situation 
d'observer le phénomène dont il s’agit, qu’il nous a de suite et pour ainsi 
dire sauté aux yeux : la tête étant placée verticalement, et reposant sur la 
surface de section cervicale, nous apercevions distinctement entre la surface 
de substance cérébrale et la paroi interne de la boite crànienne un vide, 


(1) Il m'est permis d'annoncer que des éléments musculaires ont été positive- 
ment constatés par M. Vignal dans les parois des canaux hépatique et cholédoque 
de Campi. 

M. Grancher avait, d’ailleurs, antérieurement, signalé la présence de ces élé- 
ments chez l’homme : le résultat de ses recherches a été consigné dans une note 
de la Gazette médicale, qui m'a échappé, et il est également mentionné dans les 
leçons de M. le professeur Charcot sur l’anatomie pathologique de l'appareil 
biliaire. ù | 


SÉANCE DU 1 JUIN. 381 


— 


une distance relativement considérables d'au moins 5 millimètres; et 
lorsque, prenant cette tête à deux mains, on la renversait doucement dans 
le sens contraire, c’est-à-dire de façon à tourner en haut la base cervicale, 
et en bas le sommet cränien, sans jamais perdre de vue la petite fenêtre, 
on voyait mauifestement se rapprocher et comme tomber peu à peu la sur- 
face nerveuse, jusqu’au contact complet de la surface osseuse, de façon à 
boucher le ‘plan interne de notre fente. Il suffisait de recommencer le ren- 
versement inverse de la tête pour reproduire aussitôt le vide et l’éloigne- 
ment en question. L'expérience a pu être répétée à volonté, toujours avec 
les résultats invariables constatés par tous les assistants, notamment par le 
professeur Béclard. 

Le fait est donc, en lui-même, indéniable ; mais il a suffi, comme on le 
voit, pour qu'il se produisit, même au voisinage tout prochain de la mort, 
que le liquide céphalo-rachidien se fût complètement écoulé, et que les 
canaux vasculaires fussent vides : ce qui démontre que c’est bien là un fait 
extra-physiologique et absolument cadavérique. 


SUR LA SUGGESTION MENTALE. Note par M. H. DE VaRIGNy. 


Ayant fait depuis près d’un mois (1) cinq séries d'expériences à la ma- 
nière de M. Cumberland, je puis eiter dès maintenant un certain nombre de 
résultats. Mes expériences ont été faites sur neuf personnes différentes, en 
cinq séances, soit un total d'environ soixante ou soixante-dix expériences. 
Dans chacune de celles-ci, il s’agissait de trouver un objet quelconque 
caché dans une superficie d’environ 200 mètres carrés : la personne 
qui cherchait avait les yeux bandés. Parmi les neuf personnes, j'ai eu 
trois sujets donnant de bons résultats; toutes trois du sexe féminin, et 
de tempérament nerveux. Parmi ces trois personnes deux excellent à con- 
duire ; l’autre conduit et trouve également bien. 

Dans les expériences auxquelles jai participé moi-même, j'ai trouvé aisé- 
ment l’objet caché, à condition d’être accompagné d’une des trois personnes 
citées plus haut. 

Je mentionnerai notamment un fait où les phénomènes furent très nets. 
Après avoir fait une dizaine de mètres dans une direction, je changeai brus- 
quement, après avoir tâté la voie, et me dirigeai dans le sens perpendicu- 
laire à la première. Je me sentis alors en bonne voie et j’arrivai (les yeux 
bandés) vers une personne assise au bord d’une allée. Je la fouillai — rien. 
— Je voulus m'éloigner, tâtant encore la voie. Mais évidemment j'avais tort. 
Je cherchai encore en étendant les bras : il y avait une deuxième personne 


(1) Ma première expérience est du 11 mai, 


382 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


près de la première. L'objet n’était pas sur elle. Encore une fois, je voulus 
m'éloigner, mais je fus convaincu que l’objet était à côté de moi. Je finis 
par dire que sürement l’objet était là, et qu’il ne pouvait pas être ailleurs. 
En effet, il était sur une troisième personne dont la présence m'avait 
échappé, bien que je fusse aussi rapproché d'elle que des autres. 

N'ayant pris que très récemment connaissance des faits cités par M. Ch. 
Richet, je n’ai pas eu le temps de rassembler les différents résultats que j'ai 
obtenus de mon côté : jy reviendrai prochainement. En tous cas, l’explica- 
tion à accepter est certainement celle qui a été déjà proposée par diverses 
personnes : il n’y a pas là perception de la pensée, il y a simplement inter- 
prétation de différences dans la tension des museles et de mouvements 
inconscients et spontanés, très faibles. 


CONSTITUTION DE LA SUBSTANCE GRISE EMBRYONNAIRE DE LA MOELLE 
ÉPINIÈRE, par M. VIGNAL. 


Pour Kælliker et Hensen (1), la substance grise embryonnaire, avant que 
les cellules nerveuses ne fassent leur apparition, est formée par une double 
série des fibres très fines se croisant presque à angle droit et contenant des 
noyaux (avec les cellules y attenantes, dit Kæœlliker (2) avec un point d'inter- 
rogation), Renaut (3) pense que, lorsque les vaisseaux ont pénétré dans les 
couches d’épithélium qui formaient la moelle à son début, on voit « autour 
» des noyaux $e développer un protoplasma qui refoule à la périphérie le 
» protoplasma primitif, réduit à l’état d’exoplasme et comme desséché; 
» les noyaux eux-mêmes deviennent volumineux; l’élément semé à l’état de 
» graine par la prolifération épendymaire, tend progressivement en pré- 
» sence des vaisseaux à vivre de plus en plus activement en même temps 
» que sa différenciation s’accuse. » Pour cet auteur, cet exoplasme est ana- 
logue à celui qui constitue les pointes de Schultze et les longs filaments de 
Ranvier, dans la couche des cellules du corps muqueux de Malpighi. 

Nos recherches nous conduisent à envisager autrement que ces auteurs la 
structure de la substance grise embryonnaire ; en effet, si nous étudions sur 
un lapin âgé de dix à quatorze jours, ou d’un embryon de mammifère quel- 
conque, d’un âge correspondant, la substance grise de la moelle, après que 
celle-ci à été fixée par un mélange d’acide osmique et d’alcool, nous 


(1) Hensen, Entwickl. d. Kaninschens und Meirschweinchens (Zeitschrift f. 
Anat. und Entwickl., t. I, 1876). S 

(2) Kælliker, Traité d'embryogénie, trad. franç., Paris, 1889, p. 615. 

(3) Renaut, Recherches sur les centres nerveux amyéliniques (Arch. de Phy- 
siol. norm. et path., 1881, 2 série, vol. I, p. 593). 


SÉANCE DU 7 JUIN. 383 


voyons que cette substance est formée par des cellules ayant un proto- 
plasma émettant généralement plusieurs prolongements se dirigeant dans 
divers sens, mais suivant cependant deux directions principales : l’une 
d'elles est parallèle à la direction des fibres radiaires venant des cellules 
avoisinant le canal de l’épendyme, c’est-à-dire qu'elles ont une direction 
rayonnée, l’autre est dirigée de haut en bas et les fibres qui la suivent for- 
ment par leur réunion la commissure antérieure. Ce sont les fibres qui 
suivent cette direction qui sont la cause de la démarcation nette, qui existe 
entre les cellules épithéliales bordant le canal de l’épendyme et les cellules 
qui forment le rudiment de la substance grise, car les cellules qui touchent 
aux couches épithéliales vraies ont des prolongements se dirigeant en ma- 
jorité de haut en bas; celles qui se trouvent plus à la périphérie ont au con- 
traire des prolongements suivant de préférence une direction rayonnée. 

Les noyaux des cellules de la substance grise embryonnaire, sont au début 
de deux sortes: les uns se colorent vivement par le carmin et l’hématoxy- 
line, ils sont généralement petits et ne mesurent chez le mouton que 4à 5 u; 
les autres plus gros, ayant de 7 à 8 x, sont généralement sphériques, s’im- 
bibent peu par les matières colorantes et renferment des granulations. 

Je ne pense pas, comme l’a dit Boll (1), que cette différence dans les 
noyaux indique que les cellules possédant des noyaux d’une variété de- 
viendront des cellules nerveuses, les autres des cellules de la névroglie, 
car plus tard tous les noyaux seront semblables; mais je crois que 
cette différence dans les noyaux indique plutôt que les cellules à gros 
noyaux sont des cellules en voie de division. Du reste, le protoplasma de 
toutes les cellules est exactement semblable, il est mou, émet des prolon- 
gements de sa substance et ne possède pas de contours nets, comme c’est le 
propre de presque toutes les cellules embryonnaires. 

Ces cellules étendent petit à petit leur domaine, jusqu’à ce qu’elles occu- 
pent les deux côtés de l’épendyme et qu’elles le dépassent en haut et en 
bas. Ce sont elles qui se transformeront entre le deuxième et le cinquième 
mois de la vie utérine en cellules nerveuses et en cellules de la névroglie ; 
mais avant de subir cette transformation, la différence qui existe pendant la 
première période de ieur évolution entre leurs noyaux disparait. 

Je n’ai jamais vu aucune de ces cellules posséder l’exoplasme dont parle 
Renaut, et je pense que la différence qui existe entre ma description de la 
substance grise embryonnaire et celles de Kælliker, de Hensen et de 
Renaut tient à la méthode que j’ai employée; en effet, ces auteurs ont em- 
ployé l’acide osmique seul, et cet agent agissant seul sur les tissus a le 
grand inconvénient de les rendre si homogènes, qu’on ne distingue plus que 
les noyaux et les fibrilles. 

Ce n’est que beaucoup plus tard que les cellules de cette substance, 


(1) Boll, Die Histologie und Histeogenese d. nervüsen Centrat-organ. (Arch. 
[. Psichiatrie und Nervenkrankeit, Bd IV, 1874). 


384 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


- lorsqu'elles se seront transformées en cellules nerveuses et en cellules de 
la névroglie, présenteront des parties différenciées, et encore ces parties ne 
feront-elles leur apparition qu’à la fin de l’évolution de ces cellules, comme 
j'espère le montrer dans une prochaine communication. 


Ce travail a été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France. 


SUR LA FORMATION DE LA SUBSTANCE GRISE EMBRYONNAIRE DE LA MOELLE 
ÉPINIÈRE (DIVISION INDIRECTE DES CELLULES), par M. ViGNaL. 


De nos jours, malgré les travaux de Mayzel (1), Drasche (2), Fraisse (3), 
Brass (4) et quelques sages réserves de Flemming (5), on a une tendance 
manifeste à considérer comme la caractéristique d’une division cellulaire, 
sauf toutefois pour les globules blancs, les élégantes figures chromatiques 
qu’on obtient en colorant par des substances ayant une élection très grande 
pour les noyaux, des cellules en voie de division. Cependant quelques au- 
teurs reconnaissent que les figures chromatiques ne sont pas constantes, 
que souvent elles font défaut, mais qu’on rencontre toujours des figures 

achromatiques formées par les minces filaments incolores de l’aster. 
= Dans le cours de recherches que je termine en ce moment sur le déve- 
loppement des éléments de la moelle, j'ai été amené à m'occuper secondai- 
rement de cette question à propos de la formation de la substance grise 
embryonnaire. 

On sait qu'avant le neuvième jour chez le lapin, le quatrième chez le 
poulet, la moelle est formée uniquement de cellules embryonnaires allon- 
gées, toutes semblables entre elles; à partir de cette époque la substance 
grise se forme sur les côtes des rangées de cellules précédentes, sous la 
forme de nouvelles couches dont le grand diamètre n’est pas dirigé dans le 
même sens que ces dernières. La couche que forment ces cellules se pro- 
duit très rapidement ; de nombreux vaisseaux y pénètrent, de sorte qu’on 
est en droit de penser que les changements qui se produisent dans les 
cellules sont très actifs et que par conséquent, si les figures karyokiné- 
tiques sont aussi constantes qu’on le dit généralement, on devrait en ren- 
contrer un grand nombre. 

Telle avait été ma première idée, aussi ai-je été grandement étonné de 


(1) Mayzel, Regeneration d. Epithets. Arb. hist. Labarat. Varsovie, 1878. 

(2) Drasche, Zur. Frag. d. Regeneration Litzber (Wien. Acad., 1879). 

(3) Fraisse, Brass und d. Epithet regenerat. (Zool. Anzeig., 1883, p. 683). 

(4) Brass, Biologische Etud. Erst. Theil. Org. d. Thiere Zelle. Halle, 1883 et 
Chromat. substanz, etc. (Zool. Auzeig., 1883, p. 681). 

(5) Flemming, Zell substanz, kern und zelltheilung. Leipzig, 1882. 


SÉANCE DU 7 JUIN. 385 


ne pas en observer une seule, soit dans la substance grise se formant, soit à 
son voisinage immédiat, quoiqu’elles fussent très abondantes dans la pre- 
mière rangée de cellules qui bordent le canal de l’épendyme. Je me mis 
alors à la recherche des figures achromatiques; le résultat fut également 

négatif, il y en avait un grand nombre dans les points où on observe les 
figures achromatiques, mais nulle autre part ailleurs. 

En présence de ces faits, j'ai été amené à penser qu'il n’y a que deux 
hypothèses admissibles pour expliquer la formation de cette substance, car 
il faut rejeter d’une manière absolue, du moins chez les mammifères, l’hy- 
pothèse qu’elle peut être formée par des éléments venant du mésoderme 
ou de l’ectoderme ; aucun fait ne justifie cette manière de voir. 

La première, c’est que toutes les cellules de la moelle se forment surtout 
dans la première, quelques-unes dans la deuxième rangée des cellules qui 
bordent immédiatement le canal central, puis qu'elles émigrent de là vers 
la périphérie pour former la substance grise, ou bien que seules les cellules 
de la première rangée prolifèrent et repoussent les cellules situées der- 
rière elles et que celles-ci changent de forme à mesure qu’elles approchent 
de la périphérie. | RER 

Mais cette hypothèse me paraît difficilement admissible : du reste les 
cellules en voie de division sur les bords du canal de nets, s’expli- 
quent par le fait que ce canal s'agrandit considérablement pendant cette 
période, et cette augmentation ne peut se faire que parce que les cellules 
deviennent plus nombreuses. 

Ce qui me porte à penser que la division qu’on 1 observe dans ce point est 
destinée à augmenter le nombre des cellules qui bordent le canal de 
l’épendyme, c’est que, lorsque le fuseau se divise en deux portions, on voit 
que ces deux parties sont parallèles au bord du canal de l épendyme et-que 
la plaque équatoriale est perpendiculaire à ce bord, tandis que, si ces cel- 
lules se divisaient pour former de nouvelles couches, cette plaque devrait 
être parallèle à ce bord et l'axe des deux fragments du fuseau lui être per- 
pendiculaire. 

La seconde hypothèse et celle qui me paraît le plus probable est la sui- 
vante, c’est qu'il existe, pour les cellules formant la substance grise em- 
bryonnaire et les cellules qui l’avoisinent, un autre mode de division ou 
plutôt de reproduction que celui connu sous le nom de division indirecte ou 
de karyokinèse. 


Ce travail a été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France. 


386 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


DE LA POUSSÉE VERTICALE QUE L'HOMME EXERCE SUR LE SOL PENDANT SES 
MOUVEMENTS, par L. CHABry. Communication faite le 15 mars 1884. 


Pendant les mouvements du corps humain, le centre de gravité est à 
l’état de déplacement incessant, et décrit dans l’espace une courbe inconnue 
mais déterminée pour chaque espèce de mouvement. Menons un axe ver- 
tical OZ, projetons horizontalement sur cet axe le centre de gravité, et soit 
© G sa projection : 

Nous aurons ainsi sur OZ, un point mobile G, dont le mouvement lié à 
celui du centre de gravité sera connu, si on connaît le mouvement de celui- 
ci dans l’espace. Supposons, à un instant donné, l’accélération du point G 
égale à », je dis que la poussée exercée verticalement sur le sol sera à 


cet instant égale à y + TR #, expression dans laquelle est le poids du corps 


et 4 l’accélération due à la pesanteur. On sait, en effet, que les variations du 
mouvement du centre de gravité d’un système peuvent être considérées 
comme engendrées uniquement par les forces extérieures à ce système. 
Dans le cas considéré, les forces intérieures du système sont les contractions 
musculaires qui déterminent le mouvement des organes; les forces exté- 
rieures sont la pesanteur et la réaction du sol. Ces dernières sont les seules 
qui modifient le mouvement du centre de gravité ; si & est le poids du corps, 
æ la réaction du sol estimée verticalement (c’est-à-dire la composante verti- 
cale de cette réaction), ces deux forces produiront une accélération verticale 


totale — g + - æ. Du reste, cette quantité est supposée égale à #, on a 


done # — —g + : æ, d’où l’on tire æ — HE # (1). Nous avons supposé 


la réaction du sol et la pesanteur agissant en sens inverse l’une de l’autre, 
ce qui est dans le cas ordinaire; la formule (1) conviendra à tous les cas, si 
l’on convient : 1° d’affecter du signe positif la force x lorsqu'elle est dirigée 
de bas en haut et du signe négatif dans le cas contraire ; 2° de prendre # 
positivement lorsque le mouvement du point G est dirigé de bas en haut et 
qu'il est accéléré, ou de haut en bas et qu’il est désaccéléré ; de prendre © 
négativement lorsque le mouvement du point G est dirigé de haut en bas et 
qu’il est accéléré. Il résulte de cette convention que à chaque valeur de x, 
c’est-à-dire à chaque réaction donnée du sol, correspondent, d’après la for- 
mule, deux mouvements différents possibles du centre de gravité, l’un 
accéléré s’effectuant de bas en haut, l’autre désaccéléré s’effectuant de haut 
en bas ou inversement. 


SÉANCE DU T1 JUIN. 381 


La discussion de la formule (1) conduit aux propositions suivantes : 


a. — La pression æ est nulle pour — + — g, c'est-à-dire : 1° lorsque le 
centre de gravité descend avec une accélération » égale à g, ce qui est le cas 
d’une chute pure et simple ; 2° lorsque le centre de gravité s’élève avec une 
désaccélération % égale à g, ce qui est le cas de l’ascension libre contre la 
pesanteur, en vertu de la seule vitesse acquise, comme dans le saut après 
que les pieds ont quitté le sol. 


b. — La pression x est constante et égale au poids du corps pour # — 0, 
c'est-à-dire : {° lorsque le centre de gravité s’élève avec une vitesse con- 
stante ; 2° lorsqu'il descend dans les mêmes conditions. Le repos n’est qu’un 
cas particulier dans lequel la vitesse est nulle. 


€. — La pression x est constante et différente du poids du corps, lorsque 
4 est constant et différent de O et g et que le centre de gravité subit un 
mouvement uniformément accéléré ou retardé soit de haut en bas, soit de 
bas en haut. 


d. — La pression æ est positive : 1° lorsqu'on prend appui sur le sol pour 
soulever le centre de gravité; 2° lorsqu'on prend appui sur le sol pour 
retarder la chute du centre de gravité; les deux cas se présentent successi- 
vement dans le saut, au départ et à l’arrivée quand les pieds touchent le 
sol, 


e. — La pression æ est négative : 1° dans le cas d’une chute lorsque le 
précipité, non content de descendre avec l’accélération g, due à la pesan- 
teur, s’aide encore d’une traction sur le sol pour descendre plus vite; 
2° lorsqu'un homme animé d’un mouvement vertical ascendant modère sa 
vitesse ascensionnelle à l’aide d’une traction exercée sur le sol. Supposons 
un sauteur dont les pieds soient attachés au sol à l’aide d’un lien élastique, 
pendant la première partie du saut, l’élasticité du lien agira pour modérer 
la vitesse ascensionnelle et pendant la seconde partie du saut pour accélérer 
la chute; les pressions sur le sol sont négatives dans ces deux cas. 

Le déplacement du centre de gravité, d’où dépend à chaque instant la 
pression exercée sur le sol, mérite une étude spéciale. Je me bornerai à 
signaler ici les mouvements périodiques auquel ce centre est soumis. Tout 
déplacement d’une partie pesante, à l’intérieur du corps, détermine une 
variation de la position du centre de gravité. Celui-ci ne peut donc être 
situé au même point lorsque les cavités cardiaques sont pleines et lors- 
qu’elles sont vides ; lorsque le thorax est dilaté et lorsqu'il est contracté; il 
est dans une mobilité perpétuelle et subit à l’intérieur du corps de petits 
déplacements périodiques isochrones avec le déplacement périodique des 


388 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


viscères. La pression exercée sur le sol par un animal vivant, doit donc elle- 
même subir des variations périodiques. Pour vérifier expérimentalement 
cette conclusion, on peut placer un rat anesthésié dans le plateau d’une 
balance très sensible; les oscillations de la balance traduisent les variations 
de la pression verticale qu’exerce l’animal; elles sont très faibles à cause 
de la grande masse relative de tout le système. En plaçant le rat dans une 
corbeille légère suspendue à l'extrémité d’un fil de caoutchouc, on à un 
appareil plus léger et plus sensible dans lequel les élongations et les rac- 
courcissements du fil de caoutchouc sont nettement isochrones avec les 


mouvements respiratoires. 


TT 


SÉANCE DU 14 JUIN. 389 
Re A NE ER NN IT 


SÉANCE DU 14 JUIN 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


M. BocHEFONTAINE présente un travail de M. ArANAssIEw sur la transfu- 
sion du sang rendu coagulable par l'addition de peptone. (Renvoyé aux 
Mémoires.) 


d 


M. LABORDE présente un travail de M. Ferdinand Vicier sur le sulfo- 
carbol et son action antifermentescible. (Renvoyé aux Mémoires.) 


SUR L'EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. — ÉTUDE 
DU TÉMPS PERDU, par M. P. RecNann. 


Dans la dernière Note que nous avons eu l’honneur de soumettre à la 
Société, nous faisions remarquer que, si l’onmet en présence de la levure de 
bière et une solution sacrée, il se passait un certain temps, dix à vingt mi- 
nutes dans les conditions ordinaires de nos expériences, avant que la levure 
se mit à agir. Nous avons appelé temps perdu cette période, qui, sur nos 
courbes, se trouve représentée par une ligne horizontale d'abord, très légè- 
rement ascendante ensuite. 

Quelle est la cause de ce temps perdu ? C’est ce que nous voudrions 
rechercher aujourd’hui. 

Il est évident que dans l’acte de la fermentation, c’est le protoplasma de 
la cellule qui agit et qui détermine le dédoublement de la substance fer- 
mentante. Or, pour arriver au protoplasma, il est nécessaire que la substance 
en fermentation traverse les couches extérieures de la cellule; le temps 
perdu pourrait bien être précisément le temps utilisé à cette imbibition. 

Ce fut notre première pensée, et nous étions d'autant plus encouragé à 
penser de cette manière, qu'une expérience de chimie pure nous donnait 
un véritable schéma de la manière dont les choses devaient se passer. 

Si l’on met dans notre appareil une lame de zinc et une certaine quantité 


390 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


d’acide sulfurique, on voit les choses se passer de manière très différente 
suivant que la lame de zinc est décapée ou qu’elle est recouverte d’une 
couche d'oxyde. 

Si la lame a été décapée, elle est immédiatement attaquée par l'acide et 
donne un tracé A (fig. 1), pareil à tous les tracés chimiques purs, c’est-à- 
dire sans temps perdu. Si, au contraire, la lame est encore écrouie et recou- 
verte d’une couche d'oxyde dure, il faut à l’acide très étendu un certain 
temps pour pénétrer et détacher cette couche. Le dégagement d'hydrogène 


RE EI EN EL 
EN A EN A RS EC EE 
PET EE EE 
Ce MER ReITENIEIn) EAI 


FIG. i.— Action de l'acide sulfurique : À, sur une lame de zinc décapée ; 
B, sur la même lame encore recouverte d'oxyde. 


se fait lentement. d’abord et nous observons une courbe B, qui nous pré- 
sente au début un véritable temps perdu analogue à celui de la fermentation 
alcoolique. 

Si telle est l'explication, nous allons facilement le vérifier. Pour cela, 
faisons d’abord fermenter de la levure, puis au milieu même de son action, 
quand elle sera bien imbibée d’eau sucrée, retirons-la etmettons-la au contact 
d’une nouvelle solution sucrée. Celle-ci devra se mettre à fermenter de suite 
puisque la levure sera imbibée déjà et nous ne devrons pas avoir de temps 
perdu. 

En faisant l'expérience (fig. 2), on voit que les choses ne se passent pas 
du‘tout ainsi. La courbe inférieure représente une fermentation normale. 
La courbe supérieure a été fournie par de la levure retirée par un rapide 
filtrage au milieu d’une fermentation intense et jetée rapidement dans l’en- 


SÉANCE DU L4 JUIN. 391 


registreur. On voit que, dans les deux cas, que la levure ait été imbibée ou 
non, le temps perdu a été identique. 

Puisque notre première explication nous échappait, deux autres s'offraient 
à nous pour expliquer le temps perdu; notre appareil enregistre le déga- 


FIG. 2. — Graphique fourni par de la levure ordinaire et par de la levure préalablement 
imbibée d’eau sucrée. 


sement d'acide carbonique, il était possible que cet acide commençât à 
saturer l’eau contenue dans l’appareil et ne se dégageàt pas. A priori cela 
n’était pas probable, car on aurait dû alors trouver un temps perdu dans 
tous les cas où on aurait produit de l’acide carbonique, soit dans l'attaque 
de la craie par un acide; or dans une précédente Note nous avons dit qu’il 
n’en était rien. 

La levure, d'autre part, consomme l’oxygène dissous dans l’eau où s’opère 
la fermentation; il était possible que Le temps perdu füt celui où cette res- 
piration avait lieu et que la levure ne commençàt à attaquer le sucre qu’en 
commençant à manquer d'oxygène libre. 

On peut voir, en examinant la figure 3,que ces deux explications sont 
fausses également. 

Nous avons d’abord recueilli un tracé normal. Puis nous avons produit 
une fermentation dans de l’eau préalablement saturée d’acide carbonique. 
Si le temps perdu tenait à la dissolution de ce gaz, il ne devait plus se 
produire, puisque la dissolution était impossible. Or on voit que le temps 
perdu est resté identique. 

Nous avons produit une nouvelle fermentation dans de l’eau complète- 
ment privée d'oxygène par l’ébullition et le vide. Si le temps perdu était 
celui pendant lequel la levure consomme l’oxygène libre avant d'attaquer 


392 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


le sucre, là encore il ne devait pas exister. Or il s’est produif, et, comme 
la fermentation a été ralentie, il a lui-même été plus long. 


gène. 


ée d’oxy 


eau privée 


d’une fernrentation dans l’ 


NÉE 
do 


Fic. 8. — (Graphique d’une fermentation normale, d’une fermentation dans l’eau préalablement saturée de CO*, 


À quoi donc attribuer la période que nous étudions? Une eéxpérierce assez 
simple nous en donne la cause. Le temps perdu est en raison inverse de la 
concentration du liquide fermentant. Il semble qu’étant un être vivant, la 
de jevure ait besoin d’être excitée pour entrer en action, et que, de même 


SÉANCE DU 14 JUIN. 393 


que nos aliments excitent l’activité de nos cellules et la sécrétion de nos 
liquides digestifs, de même il faut pour qu’elles entrent de suite en activité, 


que les cellules de levure reçoivent l'excitation plus ou moins intense de son 
aliment, du sucre. 


Qu'on veuille bien regarder le tracé 4. On verra que, dans quatre fermen- 


F1G. 4. — Influence de la concentration du liquide sucré sur le temps perdu de la fermentation. 


tations différentes où les quantités de levure et de sucre étaient identiques, 
le temps perdu a été toujours inversement proportionnel à la quantité d’eau 
en présence (1). 

Dans le premier tracé pas de temps perdu, et au contraire augmentation 
progressive de ce dernier à mesure que la concentration diminue. 

Il semble même que la fermentation est d'autant plus incomplète, que la 


dilution du sucre est plus grande : c’est un point sur lequel nous aurons à 
revenir. 


(1) Pour que la capacité de l’appareil füt toujours la même, quand il y avait 
moins d’eau, nous mettions une quantité équivalente de grenaille de verre. 


BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 24. 


394. SOCIÉTÉ -DE BIOLOGIE. 


EFFET DES HAUTES PRESSIONS SUR LES ANIMAUX MARINS, par M. P. REGNARD: 


C'est toujours sur des animaux vivant dans l’eau douce que nous avons 
jusqu’à présent étudié l’action des hautes pressions (plus de 600 atmo- 
sphères). Nous venons de transporter tout notre matériel expérimental à la 
station physiologique du Havre, et nous avons pu étendre nos observations à 
toutes les classes d'êtres qui habitent les eaux. 

Comme il fallait s’y attendre, les lois que nous avions trouvées, à savoir 
la pénétration de l’eau dans les tissus, la vie latente consécutive, et finale- 
ment la mort, si on prolonge la compression plus ou moins longtemps, 
suivant les êtres, les lois, dis-je, que nous avions trouvées se sont vérifiées. 

Nous avons néanmoins observé quelques faits nouveaux assez intéressants 
pour être présentés à la Société. 

On trouve facilement dans la mer des poissons qui n’ont pas de vessie 
natatoire ; il est donc beaucoup plus facile d’expérimenter sur eux, que sur 
les poissons d'eau douce. | 

En soumettant pendant dix minutes, aux fortes pressions, de très petits 
poissons plats, nous avons réussi à les endormir pendant plusieurs heures, 
puis le réveil est survenu, et il n’a pas semblé que les animaux eussent 
éprouvé aucun dommage de cette expérience. En prolongeant une heure 
l'expérience, l'animal nous est revenu complètement mort. Nous n'avions 
encore pu obtenir sur les poissons d’eau douce la vie latente que sur l’an- 
guille de la montée. Chez tous les autres nous obtenions la mort d'emblée, 
la vessie natatoire (même vidée avec soin) renfermant toujours un peu de. 
gaz qui se dissout et vient produire des embolies gazeuses au moment de la 
décompression. 

Sur tous les crustacés que nous avons essayés, nous avons obtenu le même 
résultat que sur les crustacés d’eau douce, sommeil d’abord, même après 
une pression portée très haut (800 atmosphères), puis mort. La résistance 
plus grande des crustacés aux changements de pression tient à ce que leur 
carapace leur forme une véritable cuirasse protectrice. [Ils ne sont décou- 
verts qu’au niveau des branchies, mais, là, la pénétration d’eau se fait non 
pas au milieu des tissus, mais dans le sang lui-même, ce qui n’a pas une 
influence nocive comparable. 

La carapace néanmoins finit par se laisser traverser. Cela se voit fort bien 
sur les crevettes, très transparentes, comme chacun sait. Quand elles ont 
été soumises à 400 atmosphères, on voit leur carapace devenir louche, 
opaque, à la manière de la carapace des crevettes mortes et imbibées 
d’eau. 

La preuve que la carapace est bien la cause de la protection momen- 
tanée des crustacés, c’est qu’en soumettant à 600 atmosphères un crabe qui 


SÉANCE DU 44 JUIN. 395 


venait d'abandonner sa cuirasse et qui par conséquent était mou, nous 
l'avons tué, tandis que quelques jours auparavant, alors qu'il était encore 
muni de sa carapace, il avait résisté à une pression bien supérieure. 

Le Bernard l’'Ermite manque de carapace sur les anneaux postérieurs de 
son corps : il est donc mal protégé contre la pénétration de l’eau. Soumis 
à 600 atmosphères, il succombe vite, tandis qu’un crabe placé à côté de lui 
ne fait que s’endormir. 

Nous avons opéré sur des ascidies simples, sur des annélides (néréides, 
serpules), sur des mollusques (moules, buccins, cardiums, etc.). Dans tous 
les cas nous avons retrouvé ce que nous avaient fourni les animaux d’eau 
douce, la vie latente, puis la mort avec des différences individuelles dans 
la durée du premier phénomène. 

Mais les êtres qui nous ont fourni les résultats les plus singuliers sont les 
échinodermes et les actiniaires. En comprimant à 1000 atmosphères de 
petites astéries, on les retire de l’appareil jendormies et tellement gonflées 
d’eau, que leur estomac fait hernie au dehors et leur tissu semble une 
gelée gonflée d’eau. Dix à douze heures après, l'animal est dégonflé, il se 
réveille et le mouvement des ambulacres reparaît. Il faut longtemps pro- 
longer la pression pour amener la mort. 

Sur les alcyons, sur les actinies, le même processus se constate facile- 
ment. Leurs tissus qui se gonflent et se dégonflent d’eau si facilement 
semblent plus résistants à la mort par imbibition forcée. 


Je présente à la Société deux actinies qui, pendant trente minutes, ont 
supporté une pression de 1000 atmosphères, il y a quinze jours de cela, et 
elles sont parfaitement vivantes. Elles sont sorties de l'appareil en vie 
latente, elles ont mis quelque temps à se réveiller. Pour tuer ces cœlen- 
térés, il m’a fallu prolonger la compression pendant plusieurs heures. 

Je ne serais donc pas étonné si dans les dragages on rencontrait un 
jour des actiniaires dans les fonds, bien qu’on n’en observe aujourd’hui qu'à 
la surface des mers; les tissus de ces animaux, par leur nature même, sem- 
blant résister mieux que ceux des êtres supérieurs à l’action de la pénétra- 
tion de l’eau. 


396 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ANESTHÉSIE A L'AIDE D'UN MÉLANGE DE CHLOROFORME ET D’AIR EXACTE- 
MENT TITRÉ. MÉTHODE DE M. P. BERT. STATISTIQUE DES 115 PRE- 
MIÈRES OBSERVATIONS RECUEILLIES DANS LE SERVICE DE M. PÉAN 4 
L'HÔPITAL SAINT-Louis, par le docteur A. AUBEAU (1). 


M. P. Bert exposait dernièrement les résultats des premières anesthésies 
obtenues chez l’homme à l’aide de sa méthode de dosage de chloroforme et 
d'air. 

M. Péan a continué l'emploi de cette méthode pour les opérations de son 
service. 

Dans tous les cas, l’anesthésie a été conduite par M. le docteur Dubois, 
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne. 

Nous avons recueilli les observations dont nous désirons communiquer 
aujourd’hui la statistique. 

Elle porte sur 115 cas. Si ce nombre est trop restreint pour fournir les 
bases d’un jugement définitif, il est du moins suffisant pour permettre 
d'établir une comparaison entre les procédés ordinaires et la méthode des 
mélanges titrés. 

Nous n’avons pas à faire ici l’exposé de cette méthode, mais il importe 
de relater les résultats fournis par l’emploi des différents mélanges. 

Titres des mélanges. — La quantité de chloroforme contenue dans les 
mélanges a varié entre 7 et 10 pour 100. 

Le mélange à 8 pour 100 a été employé chez 103 malades sur 115, C'est 
lui qui donne les meilleurs résultats. En effet, le mélange à 7 pour 100 n’est 
suffisamment anesthésique que pour les très jeunes enfants. Le mélange à 
10 pour 100 ne fait que hâter la marche de l’anesthésie. 

La dose de 8 grammes de chloroforme pour 100 litres d’air représente 
la dose minima pour la moyenne des individus. 

L’äge, le sexe, le tempérament, n'ont qu’une influence secondaire et déjà 
connue. 

68 malades appartiennent au sexe masculin, 47 au sexe féminin. Les 
àges se répartissent entre six mois et soixante-seize ans ; les deux extrêmes 
de la vie. 

Des opérations de siège, de nature et de durée variables, ont été prati- 
quées chez ces malades. À savoir : 

14 amputations ; 

18 résections osseuses et évidements ; 

1 désarticulation de la hanche ; 

1 réduction de luxation de la hanche; 


(1) Les observations détaillées rapportées à l’appui des conclusions du pré- 
sent travail seront publiées dans les Mémoires de la Société pour l’année 1884. 


SÉANCE DU 14 JUIN. 397 


2 autres opérations sur les jointures : l’ablation d’une encéphalacèle et 
l’arrachement du nerf dentaire inférieur ; 

2 autoplasties de la face; 

9 débridements d’abcès froids fistuleux énormes, avec ablation des fon- 
gosités ; 

32 ablations de tumeurs de toute nature et de toutes régions ; 

4 opération du bec-de-lièvre ; 

1 ablation d’ongle mearné; 

5 opérations sur le rectum et l’anus; 

10 sur les organes génitaux urinaires de l’homme; 

16 sur ceux de la femme, dont une ovariotomie et une opération de 
fistule utéro-vésicale, etc., etc. 

Plusieurs malades présentaient des états pathologiques capables d’in- 
fluer sur la marche de l’anesthésie : laryngite, bronchite, phthisie, nervo- 
sisme, alcoolisme, anémie. L’hyperesthésie des muqueuses laryngienne et 
bronchique a provoqué de la toux. L’anémie à été favorable à la rapidité et 
à l'intensité de l’action anesthésique sans toutefois entraîner de dépression 
nerveuse inquiétante. 

L'opération a pu être conduite à bonne fin, même chez un malade atteint 
de cancer étendu du gros intestin qui subit dans la même séance l’opéra- 
tion de l’anus artificiel, d’abord par la méthode de Callisen, puis par celle 
de Littre, bien que tout concourût à engendrer chez ce patient une adyna- 
mie mortelle. 

L’anesthésie marcha très régulièrement chez un autre sujet très débilité, 
qui avait eu récemment plusieurs accès d’embolie pulmonaire, bien qu’on 
eût employé un mélange à 9 pour 100. 

L’alcoolisme a retardé la période d’anesthésie confirmée et a hâté le 
réveil. 


Phénomènes de l’anesthésie. — Nous n’avons jamais observé chez nos 
malades la répugnance qu'inspire le chloroforme administré par la méthode 
de la compresse. 

Sauf chez un jeune homme atteint de laryngite et un phthisique alcoo- 
lique, il n’y a eu, au début, ni toux, ni spasme de la glotte, ni hypersécré- 
tion glandulaire. 

La période d’excitation, si fréquente avec les procédés habituels, a fait 
complètement défaut dans plus de la moitié des cas. Elle a été insignifiante 
dans la plupart des autres et représentée seulement par quelques plaintes, 
des rêvasseries sans mouvements, de légères secousses convulsives dans les 
membres, un mouvement d’élévation du bras et de la jambe, le tout ne 
durant pas plus de deux secondes à deux minutes. 

Encore cette excitation légère était-elle provoquée, le plus souvent, par 
l'exploration de la région malade, le lavage des plaies, etc. 

En réalité 12 malades seulement sur 115 ont eu de l'excitation marquée 


398 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ou prolongée. Onze étaient alcooliques; chez le dernier, le masque n’appli- 
quait pas hermétiquement au visage. 

L’anesthésie confirmée a été obtenue, en moyenne, sept minutes après le 
début des ‘inhalations, elle a été en règle très générale parfaite, .e’est-à- 
dire régulière, calme, continue, profonde, et n’a pas présenté les alterna- 
tives de demi-réveil et de demie -collapsus qu'on observe si fréquemment 
avec les procédés ordinaires. 

Dans le cas d'opérations pratiquées sur les màchoires, la méthode des mé- 
langes a offert des avantages réels, en permettant de maintenir pendant 
toute la durée des manœuvres chirurgicales, l’anesthésie aussi profonde, 
en conduisant les vapeurs à l’entrée du larynx à l’aide d’un tuyau en cuivre 
recourbé, construit par M. Mathieu sur les indications de M. P. Bert. 


Trrégularités de l’anesthésie.—1 y a eu, pendant la période d’anesthésie 
confirmée, quelques incidents : de la toux chez quatre malades atteints de 
laryngite ou de bronchite, des nausées et un vomissement, pendant une 
suspension des inhalations. 

Un ralentissement inquiétant de la st chez un rhumatisant gout- 
teux, vingt minutes après le début des inhalations. 

Les soupapes de l’inhalateur fonctionnaient mal, mais néanmoins l’expli- 
cation de ce phénomène n’est pas des plus simples. Peut-être y a-t-il lieu 
d’accuser quelque réflexe encore peu connu, car, au moment où la respira- 
tion s’est modifiée, on opérait dans la profondeur du creux axillaire. 

Les recherches que nous faisons actuellement avec M. le docteur Dubois, 
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne, sur les réflexes provoqués 
par les manœuvres opératoires, pendant l’anesthésie, donnent une certaine 
valeur à cette interprétation. 

Il y eut enfin un certain degré d’adynamie chez le sujet atteint de rétré- 
cissement cancéreux du gros intestin. L’étendue de l'affection organique, 
la déchéance nutritive subie par le sujet, la gravité et la longue durée 
(quatre-vingt-deux minutes) des opérations, ont certainement joué dans ce 
cas un rôle plus important que le chloroforme. Enfin, comme nous l’avons 
dit, l'opération put être conduite à bonne fin, et l’on est en droit de se deman- 
der si l’on aurait eu un égal succès avee le procédé aventureux de la com- 
presse. 

À propos de ce malade, il est intéressant de remarquer que la méthode 
de l’anesthésie par la voie rectale n’est pas applicable à tous les cas. 

L'examen attentif des différents faits que nous venons de signaler, montre 
que les incidents de l’anesthésie confirmée ne sont nullement imputables à 
la méthode. 

La durée totale des anesthésies a varié entre huit et quatre-vingt-deux mi- 
nutes. 

Les quantités de mélange dépensées ont oscillé entre 80 et 1200 litres, 
suivant la durée de l’anesthésie. 


SÉANCE ‘DU 14 JUIN. 399 


-Le réveil s’est effectué, en moyenne, sept minutes après la cessation des 
inhalations, mais après le réveil l’insensibilité à la douleur a persisté pen- 
dant un temps variable. Quelques malades ont eu des vomissements au 
réveil et chez quelques-uns l’état nauséeux a persisté de trente-six à qua- 
rante-huit heures. 

Appréciation de la valeur de la méthode des mélanges titrés. — Des 
circonstances particulières nous ont entraîné à pratiquer l’anesthésie chlo- 
roformique presque quotidiennement depuis dix années et à étudier de près 
les phénomènes cliniques de l’anesthésie. Nous avons pu expérimenter et 
apprécier les divers procédés; disons de suite que notre impression géné- 
rale est toute en faveur de la méthode de M. P. Bert, qui donne à la con- 
duite de l’anesthésie une Précision, une régularité, une sécurité inconnues 
jusqu'alors. 

Mais, pour appuyer notre opinion sur des données précises, envisageons 
les inconvénients et les dangers de l’anesthésie chloroformique. 

Les inconvénients sont : la répugnance des malades et l’irritation des 
muqueuses buccale, nasale, pharyngienne et laryngienne au début des 
inhalations, d’où : toux, spasme de la glotte, suffocation et hypersécrétion 
glandulaire. 

Le danger, c’est la syncope respiratoire. Nous ne prétendons pas nier la 
possibilité d’une syncope cardiaque au cours de l’anesthésie, mais nous ne 
Vavons pas observée. 

Au contraire, tous les accidents qui ont évolué sous nos yeux étaient attri- 
buables à une syncope respiratoire. 

La syncope respiratoire revêt deux formes : forme convulsive, forme 
parésique ou adynamique. 

La forme convulsive apparaît soit tout à fait au début des inhalations, soit 
pendant la période d’agitation. 

Au début elle paraît due à la pénétration d’une dose massive de vapeurs 
chloroformiques dans les voies respiratoires, à un accès de suffocation. 

Plus tard elle fait suite à une respiration saccadée, pénible, convulsive; 
élle est souvent précédée de troubles vasculaires cutanés, sur lesquels nous 
avons autrefois attiré l'attention (Odontologie, t. II, n° D. 

La forme adynamique est le terme d’une dépression nerveuse excessive 
produite par le chloroforme. 

Ces données étant établies, nous posérons les conclusions suivantes : 

1° La dose de chloroforme 8 pour 100 étant une dose minima pour la 
majorité des individus ; les phénomènes d’irritation locale des muqueuses 
nasale, buccale, pharyngienne et laryngienne (toux, spasme, suffocation) 
faisant défaut avec l'emploi des mélanges titrés, la syncope convulsive du 
début ne nous semble plus à craindre; 

2° La période d’excitation étant supprimée ou considérablement atténuée, 
sauf chez les alcooliques, le danger de la syncope convulsive de la période 
d’excitation paraît écarté. 


400 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


3° L'emploi d'une dose maxima de chloroforme et l'absence dé dépres- 
sion nerveuse inquiétante doivent rassurer sur la probabilité d’une syncope 
adynamique. 

Toutefois, comme il est impossible de prévoir à l'avance jusqu'où ira la 
dépression nerveuse chloroformique chez certains sujets déjà débilités; 
comme cette dépression est variable suivant les individus; comme à cette 
dépression peut s'ajouter celle d’un choc chirurgical excessif, il importe de 
faire des réserves et de ne jamais s’écarter des obligations de prudence et de 
surveillance. 

Nous n’insistons pas sur les avantages d’ordre secondaire (entretien de 
l’anesthésie pendant les opérations qui se pratiquent sur la bouche et les 
fosses nasales, économie de chloroforme). 

Nous dirons seulement pour terminer que, si la méthode des mélanges ne 
donne pas une sécurité absolue, elle offre du moins sur les autres procédés 
d'immenses avantages. 

Les observations faites sur l’homme confirment de tous points les expé- 
riences faites sur les animaux. 

M. le docteur Dubois a fait construire un appareil transportable et d’un 
maniement facile. M. Péan se propose de poursuivre l’usage des mélanges 
titrés. Pour notre part, nous continuerons à recueillir avec soin les obser- 
vations des malades anesthésiés par cette méthode, parce qu’à notre sens 
on n’obtiendra de données sérieuses et pratiques sur l’anesthésie qu’en se 
_ plaçant toujours dans des conditions identiques, c’est-à-dire en employant 
des mélanges exactement titrés. 


MACHINE A ANESTHÉSIER DU DOCTEUR R. DuBois, CONSTRUITE PAR M. TATIN, 
POUR LA CHLOROFORMISATION PAR LA MÉTHODE DE M. PAUL BERT, par 
M. R. Dupois. 


& 


Ayant été chargé par mon maître M. le professeur Paul Bert d’appli- 
quer pour lanesthésie chirurgicale la méthode des mélanges titrés, à 
l’hôpital Saint-Louis, sous la savante direction de M. le docteur Péan, j'ai 
pu me rendre facilement compte des inconvénients que pouvait présenter 
dans la pratique l’emploi des gazomètres. 

Je ne reviendrai pas ici sur la critique détaillée des appareils qui ont 
servi aux premières expériences : elle a été présentée dans une Note anté- 
rieure. 

Je me bornerai seulement à rappeler que l’objection la plus sérieuse 
est basée sur ce fait, à savoir que l’emploi des gazomèêtres nécessite 


SÉANCE DU 14 JUIN. 401 


l'intervention d'un aide très attentif, familiarisé déjà avec le maniement 
compliqué de ces appareils. 

Le mesurage du chloroforme se faisant au moyen d’une Énbuette 
graduée, on peut craindre des erreurs de lecture de la part de celui qui est 
en même temps chargé de surveiller le jeu des robinets et celui des 
cylindres. 

En outre, le volume, le poids, la fragilité et le prix des gazomètres ne 
permettent guère leur emploi que dans les grands hôpitaux, où ils pour- 
raient rendre de véritables services, à la condition de leur donner la 
dimension, la forme et la disposition indiquées par M. le professeur Paul 
Bert (1). 

Pour la pratique courante, il élait au contraire important, nécessaire 
même, de réduire de beaucoup le poids et le volume. 

Depuis la découverte des liquides anesthésiques on n’a cessé de maîtriser 
l’activité merveilleuse, mais redoutable de ces puissants auxiliaires. 

Le nombre des appareils inventés dans ce but est considérable. Malheu- 
reusement on reconnait bien vite, en suivant avec aitention l'historique de 
cette question, que tous les inventeurs semblent avoir voulu appliquer une 
règle qu’ils ne connaissaient pas. 

Les premiers essais ont été, à tort, le plus souvent pratiqués d’ enbiée 
sur l’homme, et, malgré la Pre ee des chirurgiens mise plus d’une 
fois à contribution, on a dû renoncer à l'emploi d’appareils dont la 
construction ne reposait sur aucune donnée scientifique solide. 

Ces appareils ont, en général, pour but de déterminer le poids du chlo- 
roforme ou de l’éther employé dans un temps donné. On s’est efforcé 
surtout de modérer ou d'activer à volonté la volatilisation de l’agent anes- 
thésique par des robinets, des tubes, des orifices de grandeurs variables, 
sans tenir compte de la tension de la vapeur ainsi produite dans son 
mélange avec l'air. 

Cest cependant là le point essentiel, ainsi que cela a été établi par les 
nombreuses expériences de M. Paul Bert. 

Il fallait donc, pour se conformer aux indications de la méthode par les 
mélanges titrés, dans la construction d’une machine pratique à anesthésier, 
obtenir une mesure exacte des volumes d’air et de vapeur anesthésique, 
constituant un mélange homogène et titré immédiatement au gré de l’opé- 
rateur. 

Telles sont les raisons qui m'ont fait rechercher le moyen de remplacer 
les gazomètres par un corps de pompe et l’aide chargé de mesurer et de 
verser le chloroforme par une pièce mécanique. 

Mais cette conception serait probablement restée à l’état de vues théo- 


(1) M. Paul Bert pense qu’il y aurait avantage à avoir dans chaque hôpital un 
grand gazomètre simple à air chloroformé pouvant distribuer, au moyen de 
tuyaux en plomb, le mélange anesthésique dans chaque service de chirurgie. 


402 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


riques si je n'avais pu obtenir le concours de M. Tatin, bien connu déjà du 
monde savant par l’ingéniosité de ses travaux. 

Les recherches que nous avons faites en commun nous ont permis de 
construire la machine à anesthésier que je place sous les yeux de la Société 
et au moyen de laquelle six anesthésies ‘ont été pratiquées avec succès cette 
semaine à l’hôpital Saint-Louis. 

La machine à anesthésier se compose d’une pompe à air, rappelant la 
disposition connue en hydraulique sous le nom de « pompe des prêtres ». 
Une plaque circulaire horizontale supportant une membrane invaginante 
est mise en mouvement par l'intermédiaire d’une tige terminée à sa partie 
supérieure par une chaîne Vaucauson se réfléchissant sur une roue dentée 
et supportant à son extrémité libre un contrepoids. 

Cette roue dentée est mise en mouvement par un volant auquel on coms 
munique un mouvement circulaire alternatif et limité dans chaque sens.par 
un butoir commandant, à chaque fin de course, un tiroir de distribution 
analogue à celui des machines à vapeur; on évite ainsi l'emploi des sou- 
papes, dont la fonction est si souvent imparfaite et par conséquent inquié- 
tante. | 

Le jeu de ce premier groupe d'organes est invariablement lié à celui qui 
est chargé d'assurer le dosage du liquide anesthésique. 

A cet effet, un petit seau métallique, fonctionnant comme un godet 
de noria, va, à chaque course du piston, puiser la quantité voulue de 
Vanesthésique employé dans un récipient placé au-dessous de lui. 

Ce godet, arrivé au point culminant de sa course, déverse son contenu 
dans un barboteur, traversé par l’air appelé de l’extérieur par le jeu du 
piston. | 

Le volume d’air mesuré par la capacité du corps de pompe est toujours 
suffisant pour volatiliser complètement le liquide anesthésique, dont les 
vapeurs se mélangent intimement à lui, au moment du passage dans le 
barboteur. | 

La pompe à air étant à double effet, on peut ainsi charger l'appareil d’un 
côté du piston, tandis que le mélange préparé de l’autre côté est conduit 
jusqu'aux voies respiratoires du malade par un tube flexible auquel on 
adapte un masque d’un modèle spécial sans soupape, ou un tube destiné à 
injecter le mélange anesthésiqué dans l’arrière-bouche, selon les cas. 

Grâce aux dispositions de cet appareil, on peut le confier aux mains les 
plus inexpérimentées, sans avoir à craindre qu'il produise un autre 
mélange que celui indiqué par le godet employé. 

Son volume restreint, qui ne dépasse guère celui d’un seau ordinaire, son 
faible poids (15 kilogrammes), la simplicité de sa manipulation en font 
un appareil susceptible d'appliquer dans la pratiqué courante la méthodé 
d’anesthésie de M. Paul Bert, qui jusqu’à présent a donné de si brillants 
résultats. 


SÉANCE DU 44 JUIN. 403 


DES LÉSIONS QUE PRODUISENT SUR LES TISSUS ANIMAUX LES HAUTES 
PRESSIONS, par MM. P. ReGNarn et W. VicnaL. 


Dans une communication faite précédemment à la Société de: biologie, 
l’un de nous avait démontré, à l’aide d’une série de pesées, que les 
tissus des vertébrés soumis à une haute pression (600 atmosphères) absor- 
baient une quantité relativement considérable d’eau, et que c'était à la pré- 
sence de ce liquide que devaient être attribués les différents phénomènes 
qu’on observe dans les tissus, car, si on les mettait à l’abri de l’eau, tout en 
les soumettant à ces pressions, on n’observait plus ni l’augmentation du 
poids, ni les autres phénomènes. 

Depuis ce temps, nous avons étudié les lésions que les tissus subissent 
lorsqu'ils sont placés dans ces conditions. À cet effet, nous avons soumis à 
une pression de 600 atmosphères deux séries de tissus comprenant l’épithé- 
lium, les muscles, les nerfs et le tissu conjonctif. La première série ne fut 
maintenue sous la pression que pendant dix minutes, la seconde, dans 
laquelle nous avons voulu exagérer les phénomènes, pendant deux heures. 

4° Nous avons observé que toutes les cellules muqueuses (cellules-calici-. 
formes) d’un œsophage de grenouille étaient. brisées par cette pression, 
elles n’existaient plus que sous la forme d’un noyau entouré de proto- 
plasma , tandis que les cellules à cils vibratiles paraissent au premier abord 
intactes ; mais un examen plus soigné montre que l’eau a pénétré dans leur. 
intérieur et a refoulé le protoplasma au voisinage du plateau sous la forme 
de petits grains. 

2 Le tissu conjonctif lâche est plus ou moins distendu par l’eau, les 
faisceaux de fibrilles qui-le forment sont écartés les uns des autres. Lorsqu'il 
constitue la trame de soutien d’un organe, des muscles par exemple, les 
éléments propres de ce tissu sont écartés les uns des autres. Lorsqu'on 
observe le tissu conjonclif dans un tendon, les fibres tendineuses sont sépa- 
rées les unes des autres et baignent dans une atmosphére aqueuse. 

3° Le tissu musculaire présente des altérations de divers ordres. Lorsque 
la pression a duré seulement pendant dix minutes et qu'on examine des 
muscles profonds, on voit que la striation transversale est moins nette et 
que le sarcolemme ne se montre-plus à la surface du faisceau primitif, mais 
en est légèrement écarté. Les faisceaux sont en même temps devenus très 
friables et se brisent avec la plus grande facilité. 

Si l'examen porte sur des muscles superficiels ou si la pression a duré 
un certain temps, les lésions qu’on observe sont multiples. D'abord Le sarco- 
lemme est toujours plus ou moins soulevé, la substance striée présente des 
altérations dé divers ordres; la striation transversale n'existe que dans 
quelques rares endroits, là longitudinale est très irrégulière, généralement 
elle a complètement disparu, La substance striée est elle-même brisée, 


404 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


refoulée dans l’intérieur du sarcolemme et présente presque toujours des 
renflements et des amincissements considérables. | 

Sur des coupes transversales, outre les lésions du tissu conjonctif ambiant, 
que nous avons décrites, on voit que les fibrilles formant le faisceau primitif 
sont beaucoup plus écartées les unes des autres qu’à l’état normal; on 
dirait que la substance qui les sépare les unes des autres (le protoplasma) 
a augmenté de volume dans une proportion considérable. 

4 Les nerfs présentent eux aussi des lésions très notables; en effet, les 
fibres d’un nerf soumis seulement pendant dix minutes à la pression de 
600 atmosphères, ont des inscissures de Schmith beaucoup plus marquées 
qu’à l’état normal, et souvent la membrane de Schawnn n’est plus accolée à la 
couche de protoplasma qui se trouve au-dessus de la myéline, mais en est 
écartée plus ou moins. Lorsque la pression est maintenue plus longtemps, 
les inscissures deviennent encore plus marquées, et en même temps on voit 
qu’au niveau de chaque étranglement la myéline est refoulée des deux côtés 
sur une longueur plus ou moins considérable. 

9° Les globules sanguins sont toujours détruits dans les vaisseaux super- 
ficiels. 

Nous pouvons résumer nos observations en disant que, lorsque des tissus 
sont soumis à une haute pression, l’eau pénètre de force dans le plasma 
baignant les éléments et dans le protoplasma de ceux-ci, dont les parties 
différenciées sont brisées et refoulées. 

Les résultats de ces expériences fournissent quelques renseignements 
utiles sur la physiologie des éléments soumis aux expériences. 

Nous rappellerons ici que M. Ranvier avait supposé que les échanges se 
produisent dans les fibres nerveuses surtout au niveau des étranglements; 
nous avons vu, dans les fibres des nerfs soumis aux fortes pressions, que la 
lésion principale s’est produite au niveau des étranglements annulaires; 
c’est donc à ce niveau que la fibre nerveuse est le plus accessible à l’action 
des corps externes, et cela nous porte à penser que c’est aussi en ce point 
que se font les échanges nutritifs pendant la vie. 

Afin d’éviter les causes d’erreurs dans nos observations, nous avons exa- 
miné en même temps chez le même animal, les tissus après la compression 
et d’autres portions de ces mêmes tissus après un séjour de dix minutes et 
deux heures dans l’eau, et sur ces derniers qui n’avaient pas été comprimés 
nous n'avons observé aucune lésion. 


BOURLOTON. — lniprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


SÉANCE DU 21 JUIN 1884 


Présidence de M. Paul Bert. 


DE LA VARIABILITÉ DES NÉVRITES CUTANÉES DES TABÉTIQUES D'UN MALADE 
A L'AUTRE, ET CHEZ LE MÊME MALADE SUIVANT LES POINTS DE LA PEAU 
QUE L’ON EXAMINE, Dar M. J. DEJERINE (1). 


Dans des publications antérieures (2), étudiant les névrites cutanées des 
tabétiques observées par Westphal et par Pierret, j'ai démontré leur in- 
dépendance d'avec la lésion médullaire, et leur importance au point de 
vue de la physiologie pathologique des troubles de la sensibilité cutanée, et 
partant de l’incoordination motrice, dans la sclérose systématique des fais- 
ceaux postérieurs. 

Dans tous les cas que J'avais étudiés jusqu'ici à ce point de vue, l’altéra- 
tion des nerfs cutanés était toujours dans son développement, lLoutes choses 
égales d’ailleurs, moins prononcée que celle des racines correspondantes. 
Dans Le fait que je rapporte dans la Note actuelle, les névrites cutanées 
étaient beaucoup plus marquées que l’altération des racines postérieures, 
et correspondaient rigoureusement aux troubles de la sensibilité observés 
pendant la vie. Il s’agit d’un cas de sclérose combinée à évolution un peu 
spéciale, que j'ai eu l’occasion d'observer dans le service de mon mailre, 
M. le professeur Vulpian, qui a bien voulu m’autoriser à publier le résultat 
de mes recherches (3). Le malade qui fait le sujet de cette communication, 
àgé de quarante-cinq ans, entra dans le service de M. Vulpian le 24 no- 
vembre de l’année dernière. Les douleurs fulgurantes remontaient à six 
ans. Lors de son entrée dans le service, on constate de l’incoordination mo- 
lrice des membres inférieurs, arrivée à un degré très prononcé. Il 
existait en outre une faiblesse assez notable de la force musculaire de ces 
membres. Abolition du réflexe patellaire. Perte complète de la notion de 
position des membres. La sensibilité de la peau des membres inférieurs 


(1) Travail du laboratoire de M. le professeur Vulpian. 
(2) Société de Biologie, 1882, et Arch. de Phys. norm. el Pathol., 1883. 
(3) Je ne donne ici qu’un résumé succinet de cette observation, qui paraitra plus 
détaillée dans un prochain travail. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 25. 932 


406 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


était érès altérée. Plaques d’anesthésie et d’analgésie irrégulièrement dis- 
tribuées, avec retard dans la transmission des impressions. Pas de ther- 
mo-anesthésie. Les réflexes cutanés (plante du pied) sont conservés. À Ia 
face interne du genou droit, dans un espace correspondant à un carré 
irrégulier de cinq à sept centimètres de côté, la sensibilité cutanée est con- 
servée, peut-être même un peu plus exquise qu’à l’état physiologique. Le 
côté correspondant (gauche) est au contraire le siège d’une anesthésie et 
d’une analgésie très accusées. Membres supérieurs : à part quelques dou- 
leurs fulgurantes, rien de particulier, pas d’anesthésie, pas d’incoordina- 
tion. Intégrité des sens spéciaux. Albumine abondante dans l’urine. 

Diagnostic clinique : sclérose combinée (postérieure et latérale), né- 
vrites cutanées des membres inférieurs. Néphrite parenchymateuse. Régime 
lacté. 1 centigramme de morphine en injections. La paraplégie qui existait 
à l'entrée, progressa d’une façon très rapide et bientôt fut absolue. Crises 
gastriques, uréthrales et vésicales, avec dysurié et ténesme anal. Même 
état de la sensibilité des membres inférieurs, douleurs fulgurantes, per- 
sistance de la sensibilité de la peau de la face interne du genou droit, 
Abolition des réflexes cutanés (plante du pied). Aggravation de lPétat gé- 
néral, œdème des membresinférieurs, remontant sur la paroi abdominale. 
Eschare sacrée. Mort parsepticémie avec broncho-pneumonie, le 30 janvier 
à six heures du matin. Autopsie vingt-huit heures après la mort. Rigidité 
cadavérique peu prononcée. Broncho-pneumonie double. Néphrite parenchy- 
mateuse chronique. Méningite spinale postérieure. Atrophie des racines 
postérieures assez marquée dans les régions lombaire et dorsale inférieure, 
diminuant progressivement en remontan t. Sclérose postérieure dans toute la 
hauteur occupant la totalité de ces faisceaux, à la région lombaire. Dans cette 
région et dans la moitié inférieure de la région dorsale, sclérose latérale, 
occupant la partie postérieure des faisceaux latéraux. Les ganglions spinaux, 
huit à la région lombaire, trois à la région crurale, paraissent normaux à 
l'œil nu. L'examen histologique a été pratiqué, à l’état frais, sur les racines 
postérieures et les nerfs cutanés de la peau des membres inférieurs (acide 
osmique et picro-carmin) ; les ganglions spinaux oùt été examinés après dur- 
cissement. 

Racines postérieures : altérations assez notables à la région lombaire; 
environ un tiers des tubes est réduit à l’état de gaines vides. Quelques 
tubes en voie d’altération. Racines postérieures entre les ganglions et la 
coalescence : examen pratiqué par la même méthode, sur trois racines de 
la région lombaire; ces racines sont normales. Ganglions spinaux : 
rien de particulier au microscope, état normal. Verfs culanés examinés 
dans les régions suivantes : cuisse droite, région antérieure ; cuisse gauche, 
face interne ; jambe gauche, région antéro-externe ; jambe droite, région 
antéro-externe ; et face interne du genou droit, régions de la peau dans 
lesquelles, sauf dans la dernière, on avait noté pendant la vie des troubles 
très marqués de la sensibilité. Dans toutes les préparations des nerfs 


SÉANGE. DU 21 JUIN. 407 


— 


faites par la méthode habituelle (état frais, dissociation, acide osmique, 
picro-carmin, etc.), sauf dans les nerfs provenant de la face interne du 
genou droit, on trouve: une, névrite parenchymateuse que l’on peut sans 
exagération qualifier de colossale, car il n’existe pas un seul tube sain sur 
beaucoup de préparations, tous sont atteints de névrite à un degré assez 
avancé de son évolution, disparition du cylindre-axe, état moniliforme du 
tube nerveux, multiplication des noyaux, ete., etc. Les gaines vides 
sont en petit nombre. [Il en existe beaucoup moins que dans les racines 
postérieures correspondantes; ce qui domine de beaucoup dans chaque 
préparation, c’est le grand nombre de tubes arrivés au même degré d’alté- 
ration : ce qui démontre bien que; dans le cas actuel, on à affaire à un pro- 
cessus différant complètement, quant à l’évolution, de celui des racines 
postérieures. 

Dans la partie de la peau où l’on avait noté pendant la vie la conserva- 
tion de la sensibilité (face interne du genou droit), les nerfs cutanés sont 
beaucoups moins altérés et les tubes malades y sont en très petit nombre: 
c’est absolument l'inverse de ce que l’on observe dans les nerfs cutanés 
provenant des parties anesthésiées, et l'examen microscopique, dans le cas 
actuel, concorde pleinement avec l’analyse clinique. 

Le fait que je rapporte ici, me paraît avoir une certaine importance à 
différents points de vue. Tout d’abord il montre, une fois de plus, le rôle 
joué par les névrites cutanées dans les troubles de la sensibilité des tabé- 
tiques, car il rend compte des différences si grandes que l’on observe à 
lésion médullaire égale, d’un tabétique à l’autre. La démonstration est ici 
on ne peut plus nette, puisque ces névrites cutanées faisaient défaut ou à 
peu près, dans les points de la peau où la sensibilité était respectée, et 
c'est là, à ma connaissance du moins, la première fois que par l'examen 
histologique on est arrivé à montrer que les différences dans l’état de la 
sensibilité cutanée chez un même malade, suivant les points que l’on 
examine, sont dues à une variabilité très grande dans le degré de déve- 
loppement de ces névrites, degré qui peut être très différent dans des 
points de la peau très voisins cependant les uns des autres. La nature péri- 
phérique de ces névrites, que j'aie établie dans un travail antérieur, est ici 
encore parfaitement nette, étant donnée l'intégrité des ganglions spinaux. 
Je désire seulement insister sur le degré extraordinaire de développe- 
ment que ces névrites présentaient dans le cas actuel, et dont Je n’ai jamais 
vu approcher, à beaucoup près, les nerfs cutanés des ataxiques que j'ai 
examinés Jusqu'ici, Car, ainsi que Je l’ai consigné ailleurs, ecs névrites 
m’avaient toujours paru moins intenses que celles des racines poslérieures 
correspondantes. Dans le cas actuel, l’altération des nerfs cutanés était 
extrémement plus intense que celle des racines, et la possibilité pour un 
tabétique pur (ou combiné comme dans le cas actuel) de présenter des né- 
vrites périphériques beaucoup plus marquées que celles des racines posté- 
rieures, me paraît avoir une grande importance, au point de vue de la phy- 


408 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


siologie pathologique du tabès en général, et de la névrite périphérique 
en particulier, car il montre limportance de plus en plus grande qu'il 
faut accorder aux lésions des nerfs cutanés des ataxiques au point de vue 
de l'interprétation des phénomènes cliniques d’une part, et, d'autre part, 
il montre de plus, sije puis m’exprimer ainsi, l’autonomie des nerfs sensitifs 
périphériques dans le tabès, qui se prennent par eux-même, non seulement 
sans participation de leurs centres trophiques (ganglions spinaux), qui sont 
toujours respectés ainsi que je l'ai démontré, mais encore sans qu'il existe 
un rapport quelconque entre le degré d’altération qu'ils présentent et celui 
des racines postérieures, puisqu'ils peuvent être beaucoup plus altérés que 
ces dernières, comme dans le cas actuel. En d’autres termes, la névrite 
cutanée des labétiques peut être beaucoup plus intense que la névrite des 
racines postérieures correspondantes, c’est là un fait de la possibilité duquel 
il faudra désormais tenir compte. 


INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX. — HALLUCI - 
NATIONS BILATÉRALES SIMULTANÉES DANS L'{HYPNOTISME. — PERSISTANCE A 
L'ÉTAT DE VEILLE, par MM. DumonrpaLuier et KE. BÉRILLON. 


La Société n’a peut-être pas oublié qu’à diverses reprises, l’un de nous a 
déjà attiré l’attention de la Société sur les illusions, les hallucinations uni- 
latérales ou bilatérales provoquées chez les hystéro-épileptiques dans l'état 
d'hypnotisme (1). 

Dans les expériences précédentes, les hallucinations bilatérales du 
voût, de Podorat, de la vue, avaient été produites par l'intermédiaire de 
l'appareil auditif. 

Nous voulons aujourd'hui établir la possibilité de déterminer chez une 
hystéro-épileptique, en état de somniation provoquée, des hallucinations 
doubles de la vue, en agissant directement sur la rétine. 

* Un dispositif fort simple nous a conduits à ce résultat. 

Nous nous bornerons à citer une des expériences : 


Une malade hystérique, voyant également bien des deux veux, est mise. 
d'emblée en somnambulisme par pression légère sur le vertex. 

On fixe dans le plan vertical médian de la figure du sujet en expérience 
un écran disposé de telle façon que chacun de ses yeux ne puisse voir que 
les objets situés du côté correspondant de l'écran. 

Un des assistants place alors son visage dans le champ visuel de l'œil 


(1) Comptes rendus de la Société de biologie, séances des 3 juin 1882, p. 393; 
8 juillet 1882, p. 519; 16 décembre 1882, p. 786. 


SÉANCE DU 21 JUIN. 409 


droit du sujet; un autre en fait autant dans le champ visuel de l'œil 
gauche. 

L’expérimentateur, par un geste, simule alors une difformité ridicule 
sur le visage placé du côté droit, et une difformité repoussante sur le vi- 
sage placé du côté gauche. 

La face de la malade exprime à droite l’expression de la gaieté la plus 
franche, tandis qu’à gauche elle revêt l'expression d'une horreur profonde. 

On retire alors l'écran et on réveille la malade par une légère pression 
sur le vertex. 

Après le réveil, la double expression faciale persiste. De plus il se pro- 
duit un mélange bizarre d’éclats de rire et de cris d'horreur qui se eon- 
fondent de telle sorte, qu’il n’est pas permis de douter qu’il existe, dans le 
cerveau du sujet réveillé, deux hallucinations de la vue, de nature diffé- 
rente, dont le point de départ a été une excitation rétinienne dans l’état 
d’hypnotisme et dont le siège appartient à un hémisphère cérébral diffé- 
rent. 

On presse de nouveau sur le vertex de la malade. Elle retombe en 
somnambulisme, et le début du sommeil provoqué est précisément marqué 

par la disparition de toute manifestation bruyante. L'expression faciale bi- 
latérale n’en persiste pas moins. 

Le dispositif étant rétabli tel qu’au début de l'expérience, il suffit de 
faire le geste d'effacer sur le visage des assistants la difformité qu’on y avait 
simulée, pour voir aussitôt la face du sujet devenir indifférente. L'halluci- 
nation disparaît avec l’image qui l’avait fait naître. 

La malade, de nouveau réveillée, ne garde aucun souvenir de ce qui s’est 
passé. 


SUR L'IDÉOPLASTIE; CLASSIFICATION DES FAITS. Note 
de M. le docteur Julien OcHorowicez. 


L’idéoplastie (1) veut dire : la réalisation physiologique d’une idée. Elle 
comprend tous les faits connus sous le nom de « suggestion » (vocale), mais 
aussi tous les faits analogues, déterminés sans participation d’une seconde 
personne, c’est-à-dire tous les faits d’auto-suggestion ou de suggestion 
spontanée. Il y aura donc idéoplastie partout où l’idée seule d’une modi- 
fication fonctionnelle quelconque suffit pour déterminer cette modification 
fonctionnelle. 

Les phénomènes de l’idéoplastie ne sont que des cas particuliers d'une 


(1) Ce mot a été employé pour la première fois par le docteur Philips (Durand 
de Gros). Voyez. son Cours théorique et pratique de Braidisme, Paris, 1860, 
p. 44 et suivantes, 


410 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


loi générale, à savoir de la loi de réversibilité. Toutes les transformations 
des forces sont réversibles. Si la chaleur peut produire un mouvement mé- 
canique, c'est que le mouvement mécanique peut produire de la chaleur. Si 
l'électricité provoque le magnétisme, c’est que, inversement, le magnétisme 
peut engendrer les courants. Si la voix peut produire les courants ondu- 
latoires, c’est que les courants ondulatoires peuvent reproduire la voix, ete. 
— Cette loi présente une importance philosophique de premier ordre, parce 
qu’elle nous permet de prévoir la transformation inverse, dès que la trans- 
formation directe est constatée; et il arrive souvent que la transformation de 
a en b est parfaitement connue, tandis que la transformation de b en a reste 
à découvrir. Exemple : Le phonautographe (le mouvement mécanique 
produit par la parole) a été connu depuis longtemps, sans qu’on soup- 
çconnât la possibilité d’une transformation inverse, c’est-à-dire la repro- 
duction de la parole par un mouvement mécanique (le phonographe). 
L'idéoplastie est donc un cas particulier de cette loi générale de la nature 
D’ordinaire c’est la sensation qui provoque l’idée ; dans l’idéoplastie, c’est 
l’idée qui provoque la sensation. On nomme cette transformation inverse 
une hallucination, quand elle est spontanée ; et on s’est habitué à nommer 
une suggestion l'hallucination provoquée. C’est toujours ‘une édéoplastier 
des sensations ou idéoplastie passive. Elle peut être positive ou négative. 
Elle est positive, lorsqu'elle détermine la perception d’un exeitant ‘qui 
n'existe pas; elle est négative, lorsqu'elle rend impossible la perception 
d’un agent réel. La première classe de ces phénomènes est bien connue, 
l'autre l’est moins, mais je me suis convaincu maintes fois qu'il est possible 
par exemple de rendre 2nvisible, même à l’état de veille, ‘une personne, un 
objet ou une partie d’une personne ou d’un objet; de sorte que la rétine du 
sujet hypnotisable, même réveillé, restera absolument insensible à la vue 
d’un objet déterminé. Et si, par exemple, on rend invisible une personne 
qui fume une cigarette, la personne, la cigarette et la fumée resteront in- 
visibles pour le sujet; mais, si cette personne allume une seconde ciga- 
rette qui n'avait pas été ensorcelée par l’idéoplastie négative, le sujet sera 
épouvanté par la vue d’une cigarette qui se promène en l’air, en brülant. 
À côté de l’idéoplastie des sensations, 1l ÿ a une seconde. catégorie que : 
nous appellerons l’idéoplastie des mouvements: ou l’idéoplastie active: De 
même que la précédente, elle peut être positive ou négative: Exemples : 
4° L'idée d’un bâillement provoque le bäillement lui-même ; on suggèresau 
sujet un mouvement quelconque et il lui est impossible de se soustraire à 
ce mouvement. On peut de la sorte commander, par exemple, l'écriture d’un 
acte d’aceusation, d’un legs testamentaire, ou bien un meurtre, un suicide 
même. Dans l’état de monoïdéisme complet, lob'et de la suggestion est 
indifférent, faute de la possibilité d’une opposition quelconque. Ces faits ont, 
du reste, été mis hors de doute par des expériences récentes. 2° On peut de 
même empêcher la production de certains mouvements volontaires. Vous 
tracez, par exemple, une ligne imaginaire, et il devient impossible au sujet 


SÉANCE DU 21 JUIN. 41 


—— 


de la franchir, non à cause d’une paralysie momentanée des muscles, qui 
peuvent rester souples, mais à cause d’une amnésie momentanée des mou- 
vements au moment donné, car 1l y a des amnésies psychiques de la marche, 
comme il y des amnésies verbales. Mais c’est toujours l’idée de l’impossibi- 
lité, qui rend les mouvements impossibles : c’est donc une idéoplastie 
active négative. J 

Les deux catégories précitées n’épuisent pas le cadre des phénomènes 
idéoplastiques. Il en existe encore une troisième, qui embrasse les faits les 
plus surprenants, et que nous nomimnerons l’idéoplastie matérielle. Il ne 
s'agit plus d’une modification subjective sensivo-motrice, mais d’un chan- 
gement réel, objectif des fonctions vitales et des fonctions végétatives en par- 
ticulier. L'idéoplastie matérielle, elle aussi, peut être positive et négative. 
C’est un fait commun qu'après s’être brülé la peau, on se représente men- 
talement la douleur d’une brûlure, mais est-ce possible qu’une idée de 
brülure puisse provoquer une inflammation locale réelle? Si invraisem- 
blable que puisse paraître ce phénomène, il n’en est pas moins vrai. En 
prolongeant l’idéoplastie passive, on peut quelquefois produire une inflam- 
mation locale, une enflure même. Et inversement, je suis arrivé une fois à 
faire disparaître par suggestion, dans l’état hypnotique, une fluxion den- 
taire très marquée, qui durait depuis deux jours. Après avoir commencé 
par l'idéoplastie passive hallucinatrice, je suis parvenu à obtenir la 
disparition complète de l’enflure au bout de vingt-cinq minutes. Pour 
pouvoir eroire à un fait si étrange, il faut se rappeler les enflures hysté- 
riques, qui, comme on sait, s’accentuent et disparaissent très vite. Ces 
expériences nous expliquent les cas extraordinaires des stigmates, et elles 
méritent d’être répétées par d’autres expérimentateurs. De même on peut, 
en prolongeant la suggestion, provoquer non seulement les sensations du 
chaud ou du froid, mais aussi une augmentation réelle de la température 
périphérique. Dans un cas, j'avais obtenu la diminution de la fièvre de 0°,9, 
diminution qui durait plusieurs heures. De même encore, on peut dimi- 
nuer ou augmenter la fréquence du pouls, les sécrétions de toutes sortes, 
et l’échange des matières en général. On peut provoquer une faim atroce 
et rassasier le malade pour plusieurs heures. On peut déterminer à volonté, 
et exactement, la durée du sommeil naturel et guérir les insomnies. On 
peut enfin changer les besoins et le caractère moral d’un sujet pour plu- 
sieurs semaines. Îl m'est impossible de citer ici tous les faits qui ont été 
constatés par moi, mais ceux-là suffiront, j'espère, pour attirer l'attention 
des physiologistes. 2° De même qu’on provoque des modifications maté- 
rielles dans les fonctions du sujet, on peut aussi le préserver des influences 
qui sans cela auraient nécessairement produit certaines modifications 
fonctionnelles. Ce sont les cas de l’idéoplastie matérielle négative. Il est 
possible, par exemple, par une simple suggestion à l’état de monoïdéisme, 
de rendre le sujet complètement réfractaire à une forte dose d’alcool, 
d'opium, de morphine, etc. Jose même supposer qu'une dose mortelle de 


4192 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


poison pourrait être tout au moins atténuée, et il serait désirable d'essayer 
cette méthode d’inoculation psychique dans les cas de rage et de choléra 
chez des personnes hypnotisables. 

En général, dans toutes les trois catégories de l’idéoplastie, s’il est pos- 
sible de produire certains changements fonctionnels pathologiques, il est 
de même souvent possible de les faire disparaître, quand ils se sont produits 
spontanément, sous forme de maladies. (C’est en quoi consiste la médecine 
mentale, injustement négligée. 

Toutes les personnes sensibles aux influences idéoplastiques sont nette- 
ment sensibles à l’hypnoscope (1). 

- Je réserve pour une communication ultérieure l’esquisse d’une théorie 
psycho-physiologique de l’idéoplastie. 


ACTION DE L'ACIDE SALICYLIQUE SUR LA RESPIRATION CHEZ L'ANIMAL SAIN 
ET PARTICULIÈREMENT CHEZ L'HOMME ATTEINT DE FIÈVRE TYPHOÏDE, par 
M. BOCHEFONTAINE. 


On sait que les effets hypothermiques ou antipyrétiques du salicylate de 
soude sont douteux pour beaucoup d'auteurs. Deux élèves du service de 
M. G. Sée ont pu prendre par jour dix grammes de ce médicament sans 
constater chez eux une modification appréciable de la température. D’après 
les expériences que J'ai faites avec M. Blanchier, on peut donner aux chiens, 
par la voie stomacale, jusqu'à 12 granimes de salieylate sans provoquer 
autre chose qu’un abaissement de la température centrale de 3 ou 4 dixièmes 
de degré. Encore cette diminution de la température est-elle inconstante. 
Et, lorsqu'elle se produit, elle est suivie d’un retour à l’état normal et 
même d’une hyperthermie de 2 ou 3 dixièmes de degré. 

L'action antipyrétique de l’acide salicylique chez les malades atteints de 
fièvre typhoïde est au contraire des plus évidentes, ainsi que le prouvent 
les faits cliniques nombreux observés par M. Vulpian. 

Un certain nombre d'expériences déjà anciennes m'ont permis de con- 
stater, tant au laboratoire de l’Hôtel-Dieu qu’au laboratoire de pathologie 
expérimentale et comparée, que l’action déprimante de la température 
sous l'influence de l’acide salicylique s’observe sur l’animal sain comme 
sur l’homme malade. 

‘Voici le résumé de neuf expériences sur des chiens auxquels on a donné 
soit par l'estomac, soit par les veines, de 90 centigrammes à 1 gramme 
d'acide salicylique. 


(1) Voyez ma première communication, n° 20 des Comptes rendus. 


SÉANCE DU 21 JUIN. 413 


Température rectale. 


Avant i’expérience. 2 h. 30 après l'expérience. 

DR onUl € 0 00 al Minheriquen Ru Pr on 
Rens onu élan ui. 970,9 
ARR Le se RSR A OL 4: «LS 380 

DENT NN RTL PRET EEE SERRE 380,4 
DOUÉ RU ME et RO RnRREe 38,9 
SUD ne Le LAN 3 RERO ETES 38c,9 
CD Me ONE RESTE 
PTE EL RUE PNR Rene 990,2 
AT NN ss hpieteh aan ions 


Je n'ai eu qu’une fois l’occasion de noter la température normale de 40°,1. 
La physiologie nous enseigne en effet que la température normale varie 
chez le chien, suivant les individus, entre 38 et 40 degrés centigrades. 

Ainsi des doses d’acide salicylique qui ne produisent chez le chien aucun 
trouble toxique appréciable, suffisent pour amener un abaissement de la 
température, variable entre 1 degré et 4 dixièmes de degré. 

Les différents auteurs qui se sont occupés des effets de l’acide salicylique 
sur la respiration, et dont les noms se trouvent rassemblés dans le travail 
de M. Blanchier (1879), ces auteurs n’ont pas observé d’action bien appré- 
ciable, quand ils ont donné aux animaux ou à l’homme des doses non 
toxiques de médicament. 

Il m’a donc paru intéressant de rechercher de nouveau si l’on n’observe- 
rait pas chez l'animal sin et chez l’homme atteint de fièvre typhoïde des mo- 
difications de la respiration correspondantes à celles de La température (1). 

Chez le chien, lorsque l’on introduit dans l'estomac ou dans une veine 
une dose de 50 centigrammes à 1 gramme d’acide salicylique convenable- 
ment dissous, c’est-à-dire une dose non toxique de ce médicament, on ob- 
tient une diminution du nombre des respirations de 3 à 9 par minute. Ainsi, 
au lieu de 20 respirations par minute, on n’en compte plus que 17,16, 15 dans 
le même temps, une demi-heure après le début de l'expérience. En même 
temps, il se produit un autre changement dans les mouvements respiratoires, 
lequel se traduit comme il suit sur les tracés pneumographiques : chaque 
courbe respiratrice est plus haute que dans l’état normal; le thorax s’ar- 


(1) Je me suis servi pour cette recherche d'un appareil construit sur mes indi- 
cations par M. Verdin. Cet appareil consiste dans un tambour de M. Marey 
mobile sur une tige horizontale, laquelle se fixe sur un pied-support solide. On 
peut ainsi prendre facilement des tracés pneumographiques chez des malades 
qu’il serait imprudent de remuer dans leur lit, en appliquant le tambour sur un 
côté du thorax. Ce procédé permet encore d'inscrire séparément les mouvements 
respiratoires de l’un ou de l’autre côté du thorax et de comparer la différence 
qu'ils présentent dans certains cas de pneumonie, de pleurésie, etc. 


414 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. . 


rête à peine en état d'affaissement, d'expiration; le mouvement d'expiration 
est aussitôt suivi d’un mouvement de dilatation du thorax; le thorax arrivé 
à son maximum de distension demeure un instant en inspiration, de sorte 
que, à ce moment, la ligne respiratoire, plus ou moins longue, droite, forme 
un plateau inspiratoire; les mouvements respiratoires sont parfaitement 
réguliers. 

On peut obtenir le même résultat avec le salicylate de soude, à la condi- 
Lion de donner aux animaux une dose de cet agent deux ou trois fois plus 
considérable que la quantité d'acide salicylique que je viens d'indiquer. 
Chez l’homme atteint de fièvre typhoïde, j'ai constaté plusieurs fois, notam- 
ment dans le service de M. Vulpian à l’Hôtel-Dieu, une sorte de dyspnée 
typhique caractérisée principalement par la diminution, le peu de durée, 
et quelquefois l’irrégularité de l’amplitude des mouvements d'inspiration. 
Il n’est pas inutile de dire que ces malades ne présentaient pas de compli- 
cations pulmonaires particulières. Le tracé pneumographique dans ces 
cas portait de 25 à 41 et 48 mouvements respiratoires, c'est-à-dire un 
nombre à peu près normal ou bien à un chiffre très élevé de respirations, 
suivant la gravité des cas observés. Chaque respiration, au lieu d’être repré- 
sentée par une ligne courbe, va jusqu’à former un angle aigu, dont le som- 
met correspond à la fin de l’ampliation thoracique et au commencement 
de sa déplétion. D'autre part, ces angles diffèrent considérablement de 

hauteur : quelques-uns ont 30 millimètres et d’autres 10 et même 5 milli- 
mètres. En un mot, les inspirations sont courtes, fréquentes et quelquefois 
très irrégulières. 

Cet état saccadé de la respiration étant constaté, le malade est soumis 
au traitement par l'acide salicylique en ingestion intrastomacale, à la dose 
de 5 à 6 grammes par jour, par fractions de 1 gramme. 

Vingt-quatre heures après le commencement du traitement, on enregistre 
de nouveau les mouvements respiratoires et l’on constate que chaque ondu- 
lation respiratoire représente une courbe dont la hauteur à de 30 à 35 mil- 
limètres, et dont le sommet figure un petit plateau irrégulier. Les respi- 
rations sont régulières et généralement au nombre de 18 à 20 ou 25 par 
minute. | 

Chez certains typhiques, plus sensibles sans doute à l’action de l'acide 
salicylique, le nombre des respirations reste élevé à 28 par minule; mais 
le rythme respiratoire est parfaitement régulier. 

Chez un malade observé dans la clinique de M. G. Sée, l'administration 
de l’acide salicylique a été suivie de délire avec une certaine agitation. Ges 
symptômes cérébraux sont, comme on le sait, fréquents dans la fièvre 
typhoïde : ils peuvent donc être attribués à la maladie elle-même tout aussi 
bien au moins qu’à une action de l’acide salicylique sur le cerveau. Quoi qu'il 
en soit, il est remarquable que l’action du médicament sur l’appareilres- 
piratoire s’est énergiquement manifestée. Les mouvements respiratoires 
sont devenus amples, réguliers, non saccadés, mais leur nombre est de- 


SÉANCE DU 21 JUIN. . 415 


meuré à trente et même à trente-cinq par minute, pour revenir ensuite 
progressivement et assez vite au chiffre normal. 

Chez différents malades traités à la clinique de M. Sée par le salicylate 
de soude pour des accidents rhumatismaux, j'ai constaté encore que le sali- 
cylate de soude produit des effets du même genre que ceux de l'acide sali- 
cylique sur la respiration; mais, comme chez les animaux, il doit alors être 
administré à doses beaucoup plus considérables que l'acide salicylique. 


L’acide salicylique modifie done très heureusement la respiration des 
malades atteints de fièvre typhoïde, puisqu'il rend aux mouvements respi- 
ratoires leur amplitude et leur régularité et permet ainsi à l’hématose affai- 
blie de reprendre son activité physiologique. 

Tl'existe par conséquent une corrélation entre le prolongement des inspi- 
rations pulmonaires et- l’abaissement de la chaleur centrale produits chez 
l'animal sain par Pacide salieylique. Le même rapportse retrouve chez les 
malades atteints de fièvre typhoïde et traités par l'acide salicylique à la 
dose de 5 à 6 grammes, puisque la température de ces’individus. tombe 
rapidement, en même temps que les inspirations brèves font place à des 
mouvements normaux d'inspiration pulmonaire. 

L'action de l’acide salicylique sur lappareil respiratoire, chez les 
malades atteints de fièvretyphoïde, ne peut guère être attribuée à une modi- 
fication du sang par ce médicament. L'expérience à démontré en effet que 
la quantité d'acide salicylique qui pénètre dans l’économie par voie d’ab- 
sorption stomacale ne peut exercer sur le sang aucune action de ce genre. 

Le cœur n’est pas atteint par l’acide salicylique ou par le salieylate de 
soude, car, dans les expériences sur les animaux avec des doses toxiques 
mortelles, on constate (Bochefontaine, Chabbert (1877), Blanchier, etc.) 
que cet organe conserve encore ses mouvements alors que les propriétés 
des centres nerveux et des muscles sont abolies et que la rigidité cadavé- 
rique à commencé. 

D'autre part, les expériences sur les animaux à l’état sain ont démontré, 
il y a plusieurs années, que l'acide salicylique à dose non toxique agit sur 
lès centres nerveux. Jai avalé à différentes reprises 3 grammes d'acide sali- 
cylique en deux fois, à midi et le soir. J’ai ressenti, après chaque expérience, 
une grande fatigué qui m'empêchait de marcher. Assis, je n’éprouvais au- 
cune gêne; tous les mouvements étaient libres ét les fonctions cérébrales 
intactes ainsi que la sensibilité. Les premiers efféts dé l'acide salicylique à 
doses médicamenteuses portent done, chez lhôomine comme chez les ani- 
maux, sur le céntre nerveux bulbo- ONE Par conséquent, on est en 
droit dé conclure que la régularisation de la respiration chez les malades 
atteints de fièvre typhoïde est le résultat d'une ‘action de l'acide salicy- 
lique sur l'appareil respiratoire central du bulbe rachidien. 


416 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DES CELLULES NERVEUSES DE LA MOELLE 
ÉPINIÈRE, par M. VW. ViGNa. 


Les cellules nerveuses ne font dans l’embryon de la brebis leur appari- 
tion, d’une façon nette et absolument certaine, qu’à l’époque qui correspond 
à la dixième semaine de la vie utérine de l'embryon humain; elles pro- 
viennent d’une transformalion des cellules qui forment la substance grise 
embryonnaire, et que nous avons décrites dans une communication précé- 
dente. Les cellules nerveuses apparaissent simultanément dans cette sub- 
stance dans deux groupes principaux : l’un est situé au bas de la corne 
antérieure, l’autre plus haut et sur le côté externe de cette corne. Ces deux 
groupes correspondent respectivement dans la moelle dorsale (la seule 
portion sur laquelle portent nos descriptions) au groupe antérieur et au 
groupe de la corne latérale ; quelques autres cellules disséminées irrégulié- 
rement se voient encore dans la corne antérieure. 

Lorsqu'on examine ces cellules dans une préparation obtenue par disso- 
ciation, on voit qu'elles sont des cellules plus grandes que celles qui les envi- 
ronnent; leur forme est très variable, irrégulière ; elles ont de longs prolon- 
gements très grêles, qui quelquelois se divisent; leur noyau est toujours 
volumineux, à un contour fort net; il renferme, outre des granulations peu 
distinctes, un ou deux nucléoles ; leur protoplasma ainsi que leurs prolonge- 
ments, qui en sont formés, se colorent faiblement par l’osmium ; il est peu 
dense, rappelle comme aspect une émulsion d’albumine légèrement teintée 
en brun; il renferme souvent de nombreuses vacuoles quelquefois très 
petites, tantôt assez volumineuses; ces vacuoles ne se trouvent jamais 
dans les prolongements. 

Entre cette forme, qui est la plus avancée, et les cellules embryonnaires, 
qui constituent à cel âge la masse sine nel de la substance grise de la 
moelle, on rencontre toute une série d’intermédiaires. 

Dans un embryon de mouton, long de 10 centimètres et correspondant 
comme âge à un fœtus humain de trois mois et demi, on voit encore dans la 
corne antérieure quelques cellules qui présentent le même aspect que celles 
que nous venons de décrire; mais généralement elles sont plus volumi- 
neuses, ont de nombreux prolongements, qui se ramifient souvent; leur noyau 
est volumineux, nettement délimité, renferme un ou deux nueléoles brillants ; 
leur protoplasma se colore en frun clair par l'acide osmique, il renferme 
de grosses granulations peu réfringentes, qui ne sont jamais nettement déli- 
mitées, mais qui se confondent plus ou moins avec la masse générale qui 
les enveloppe. 

Les prolongements des cellules nerveuses ont le même aspect que le pro- 
toplasma, ils se ramifient souvent; dans les cellules les plus développées on 


SÉANCE DU 21 JUIN. 417 


aperçoit généralement un prolongement plus grêle que les autres; comme 
jamais il ne se ramifie et qu’il paraît être formé par une substance homo- 
scène, nous avons tout lieu de croire que c’est le prolongement de 
Deithers. 

Les cellules de la colonne de Clarke font leur apparition dans lembryon 
de brebis lorsque celui-ci n’a que 17 centimètres de longueur, et qu’il cor- 
respond comme àge à un fœtus humain de quatre mois. 

Jusqu'à ce que les embryons de moutons aient atteint une longueur de 
25 centimètres, ce qui correspond environ au cinquième mois et demi de 
la vie utérine de l'embryon humain, le protoplasma des cellules nerveuses 
des cornes antérieures ne change pas sensiblement d'aspect; il devient seu - 
lement plus ferme, et les prolongements augmentent de volume ; il est alors 
plus facile de les voir se diviser, mais la structure de la cellule reste la 
même ; c’est à cette époque qu'apparaissent les cellules des cornes posté- 
rieures. 

À l’époque qui correspond au sixième mois de l’embryon humain et à 
cette époque chez celui-ci, on voit que dans quelques cellules des cornes 
antérieures la surface du protoplasma, formani le corps cellulaire, prend 
une apparence vaguement striée ; cette apparence est due à ce que les gra- 
nulations de protoplasmaldevenues plus fines se rangent en séries linéaires, 
mais de fibrilles proprement dites on n’en découvre pas la moindre trace ; 
cet arrangement des granulations n’existe généralement pas dans tout le 
protoplasma d’une cellule, mais seulement dans une partie, il ne s’étend 
jamais dans les prolongements. | 

Au septième mois, la majorité des cellules des cornes postérieures pré- 
sentent dans le protoplasma entourant le noyau, soit dans toute son étendue, 
soit seulement dans une partie, une différenciation fort nette, sous la forme 
de fibrilles excessivement grêles, entre lesquelles se trouvent Les granula- 
tions protoplasmiques, 

Au huitième mois, presque toutes les cellules des cornes antérieures 
possèdent une véritable structure fibrillaire; celle-ci s’étend même souvent 
dans les prolongements, tandis que dans celles des cornes postérieures la 
fibrillation n’est pas encore distincte. 

Enfin, à la naissance, il est rare de voir des cellules qui ne soient pas 
striées, cependant on en rencontre toujours quelques-unes sur un certain 
nombre de préparations. Les cellules nerveuses sont à cette époque tout à 
fait semblables à celles de la moelle adulte, sauf en ce que leur volume est 
moindre et en ce qu’elles ne renferment jamais de granulations pigmen- 
(aires. 

Avant de terminer ce que j'ai à dire sur le développement des cellules 
nerveuses, je rappellerai que quelques auteurs d'anatomie comparée ont 
émis lopinion qu'à un certain moment de son développement la moelle est 
formée d’une série de ganglions soudés bout à bout, et qu’elle représente 
alors là chaîne nerveuse de certains invertébrés. Les (travaux des embryogé 


418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


nistes ont fait justice jusqu'à un certain point de cette supposition, en 
démontrant que la moelle ne présente pas une série de renflements et de 
rétrécissements. 

Il restait à savoir si, lorsque les cellules se forment, elles ne sont pas réu- 
nies par petits groupes, de façon à constituer des ganglions dissimulés. À 
l’aide de coupes transversales faites en série et de coupes longitudinales, je 
me suis assur 6 qu'à aucun moment du développement les cellules ne for- 
ment des groupes qu’on püt assimiler à des ganglions, elles s'étendent 
sous forme de col onnes presque régulières dans toute la longueur de la 
moelle. 

(Ge travail a été fait au laboratoire d'histologie du Collège de France.) 


À PROPOS DE L'ACTION ANTICOAGULANTE DES PEPTONES SUR LE SANG, 
par M. le docteur E. GLey. 


À propos de la communication de M. le docteur Afanassiew, présentée 
par M. Bochefontaine dans la dernière séance de la Société de biologie, et 
à propos de la discussion qui a suivi, je désire rapporter quelques expé- 
riences que j'ai faites durant cet hiver. 

Pour étudier les effets des excitations sensorielles et des émotions sur la 
circulation du sang chez le chien, j’enregistrais, au moyen du manomètre 
double à mercure de M. François-Francek, les variations de la pression san- 
guine à la fois dans le bout central et dans le bout périphérique de la caro- 
tide. Il m'importait naturellement beaucoup d'empêcher la formation des 
caillots dans les canules dont on se sert d'habitude pour mettre une artère 
en communication avec le manomètre, et ces caillots étaient d'autant plus 
à craindre que la durée de mes expériences était plus longue (deux heures 
en moyenne). 

Je pensai alors à employer le moyen signalé par plusieurs physiologistes 
allemands, comme M. François-Franck l’a rappelé dans la dernière séance 
de la Société, et à faire des injections intraveineuses de peptones pour 
prévenir la coagulation du sang. M. Franck m’encouragea d’ailleurs en me 
disant qu'il avait quelquefois obtenu d’assez bons effets de cette pratique 
dans des expériences sur la pression sanguine. 

Afin d'éviter le léger ennui de chercher des peptones, et d’abord 
de quelle provenance je les prendrais, et puis pour ne pas perdre de 
temps, je recourus à un autre procédé, usité par M. Ch. Richet, pour 
l'étude du suc gastrique. Il s’agit d’une opération chimique très simple : 
on prend un estomac frais de porc, on louvre et on le lave ‘avec 
un courant d’eau; puis on sépare la tunique muqueuse, on la divise en 


co 


SÉANCE DU 21 JUIN. 41 


petits morceaux et on broie ceux-ci avec du sable. On ajoute 1 litre d’une 
solution contenant 37,5 ou 4 grammes de HCI. On laisse à une température 
de 25 degrés environ pendant vingt-quatre heures, on décante, on filtre sur 
du papier Chardin et on additionne alors le liquide filtré d’une quantité 
minima de carbonate de soude, de manière à le rendre amphotérique et 
même plutôt alcalin. On filtre de nouveau. — On à ainsi un liquide qui con- 
tient de grandes quantités de pepsine, de peptones et des substances consti- 
tutives de la muqueuse stomacale. 

C'est ce liquide complexe que j’ai injecté dans la veine saphène de plu- 
sieurs chiens expérimentés cet hiver (trois). J’en injectais environ 300 cen- 
timètres cubes dans l’espace d’une demi-heure. Il n’est jamais survenu 
d'accidents dans le cours de ces injections. 

Or, grâce à l’emploi de ce moyen, J'ai pu enregistrer la pression sanguine 
pendant une heure et demie et même deux heures, sans que des caillots 
vinssent interrompre et gêner mes expériences. Et il faut remarquer qu'il 
n’arrivait, pendant ces expériences, de suspendre de temps en temps le 
cours du sang dans les deux bouts de l’artère : ce qui d'ordinaire facilite 
encore la formation des caillots. J’ai fait constater ce résultat à M. Laborde 
et à mon collègue du laboratoire de physiologie de la Faculté, M. le doc- 
teur Rondeau. 

Assurément l’action, qui m’a bien paru anticoagulante, du liquide dont je 
me suis servi, demanderait à être analysée. L'effet est-il dû aux peptones qu'il 
contient ? ou à la pepsine? ou au mélange même de ces substances di- 
verses ? D'autre part, quelle est la quantité nécessaire de ce liquide pour 
obtenir l'effet utile ? Au bout de combien de temps cette action anticoagu- 
lante se produit-elle? Autant de questions à examiner. — Toujours est-il 
que le fait m’a semblé intéressant au point de vue physiologique et qu'il 
était sans doute bon de le rapprocher des résultats obtenus par M. Afanas- 
sieW. 


Je dois ajouter que, dans une première expérience, j'avais fait une injec- 
. 2 2 


tion intraveineuse de peptones de provenance allemande, et que cette 
injection n'avait pas empêché la coagulation du sang. 


BOURLOTON. — hnprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris, 


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SÉANCE DU 28 JUIN (884 


Présidence de M. Paul Bert. 


NOTE SUR LE CŒUR ET LE LARYNX DU CACHALOT, par M. BEAUREGARD (1). 


Parmi différents viscères d’un cachalot mâle, reçus par M. le professeur 
Pouchet, figurent le cœur et le larynx. Je résume dans le tableau suivant les 
dimensions du cœur et des orifices des principaux vaisseaux : 


Le cœur mesure dans sa plus grande largeur........... 94 centimètres. 
Sa hauteur au niveau de l’artère pulmonaire est de.... 48 — 
Ventricule gauche. Plus grand diamètre transversal... 43 — 
— — longitudinal.... 50 — 
Ventricule droit. — transversal. .... 45 — 
— —— longitudinal.... 48 — 
Oreillette gauche. — transversal ..... An — 
_ — antéro-postér... 20 — 
Oreillette droite. — transversal... 40 — 
aéé — antéro-postér... 26 — 
Orifice de l’artère pulmonaire. Diamétre.............. - - A) — 
— Épaisseur des parois... ( _ 
Orifcerde laorlemDiametteecPN RE EN Re 15 — 
_ Épaisseuridelsamparoi eee ee 2 2 


Le cœur est globuleux, plus semblable dans sa forme générale au cœur 
des Balœnides qu'à celui des Cétodontes. Son sommet est arrondi, sa base 
très large. La surface des ventricules est lisse et parcourue par de nom- 
breux vaisseaux qui émanent de troncs coronaires considérables. Les oreil- 
lettes ont une surface bosselée relativement peu vasculaire, 

Les ventricules, presque égaux entre eux en capacité, offrent une disposi- 
tion toute particulière de leurs colonnes charnues. Celles-ci, au nombre de 
deux principales, dans chaque ventricule, sout fixées à la paroi ventriculaire 
par une de leurs faces ; cette face toutefois n’est pas complètement adhé- 


(1) Communication faite dans la séance du 21 juin 1884. 
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [%, N° 26, 33 


499 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


“ 
rente. La face libre donne insertion aux cordages tendineux des valvules 


auriculo-ventriculaires. Il existe dans chaque ventricule deux de ces 
colonnes charnues fixées, l’une à la paroi antérieure, l’autre, à la paroi 
postérieure ; chacune d'elles est formée d’un corps central aplati polygonal, 
des angles duquel partent de fortes branches qui se divisent bientôt ; leurs 
ramifications, de plus en plus petites, s’anastomosent et déterminent des 
aréoles plus particulièrement nombreuses vers le sommet des ventricules. 

Les valvules auriculo-ventriculaires sont formées à gauche d’un repli cir- 
culaire divisé en quatre lambeaux d’inégale longueur (deux plus grands et 
deux plus petits); à droite le repli membraneux se divise en trois lambeaux 
seulement, un antérieur, un interne et un externe. 

Les oreillettes offrent dans leur région postérieure une structure aroé- 
laire très compliquée, résultant de l’entre-croisement de nombreuses 
colonnes charnues. 

Larynx. — Nous ne possédons à vrai dire que l’épiglotte et l'extrémité 
antérieure des cartilages aryténoïdes. Ces parties toutefois suffisent à dis- 
tinguer le larynx du cachalot non seulement de celui des Balænides, mais 
encore de celui des autres Cétodontes. 

La forme du cartilage de lépiglotte est tout à fait caractéristique. Très 
épais en arrière, où il est comparable à une quille de bateau, il s’évase et 
s’aplatit en avant pour prendre la forme d’une large gouttière dont les bords 
sont réfléchis en dehors. Cette gouttière reçoit les extrémités des cartilages 
aryténoïdes. Ceux-ci sont cylindriques en arrière, mais en avant s’étalent 
en une lame un peu incurvée. 

L'ensemble de ces cartilages est recouvert d’une muqueuse à épithélium 
très épais, et l’orifice glottique est transversal, à extrémités recourbées en 
arrière. 

Ces études ont été faites au laboratoire d'anatomie comparée du Muséum; 
avec M. Boulart, préparateur, nous avons réussi à injecter les vaisseaux du 
cœur, Ce qui nous à permis de faire faire un moulage intéressant. 


OBSERVATIONS À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. AUBEAU, RELATIVE 
AUX MÉLANGES TITRÉS DE CHLOROFORME ET D’AIR, par M. Paul BErr. 


M. Aubeau a présenté, dans la dernière séance, les résultats de ses 
observations sur les applications de ma méthode anesthésique. J’ai été très 
heureux de voir que son appréciation très autorisée était tout à fait favo- 
rable à l’emploi des mélanges titrés. Je veux aujourd’hui, à ce propos, faire 
deux observations. : 

La première, c'est que ces 115 observations ont été faites à l’aide des ga 
zomètres. Dorénavant, je ne me servirai plus que de l’appareil de M. Dubois 


SÉANCE DU 28 JUIN. 493 


—— 


construit par M. Tatin. Cet appareil réalise en effet les conditions que j'avais 
indiquées : titrage exact du mélange, changements faciles de ce titrage, 
marche automatique, n’exigeant aucune éducation première et presque 
aucune attention, impossibilité de tout accident, hormis la respiration d'air 
non chloroformé. Les nombreux essais faits sur le chien nous ont permis 
d'essayer chez l’homme, et les résultats ont été plus satisfaisants encore 
qu'avec les gazomètres. 

La seconde observation, c’est que je crois bon de renoncer à la conti- 
nuité de la respiration du mélange à 8 grammes pour 100 litres d'air, 
lorsque l’opération doit durer très longtemps. Je commence par la dose de 
8 grammes, ou même de 10 grammes; puis l’anesthésie bien confirmée, 
c’est-à-dire après une dizaine de minutes, j'entretiens avec le mélange à 
6 grammes. 

Les avantages de cette modification sont les suivants. Le mélange à 
8 grammes semble correspondre par ses effets sur l’homme au mélange à 
10 grammes chez le chien. On peut en inférer que celui à 6 grammes chez 
l’homme correspondra à celui à 8 grammes chez Le chien. Or, avec 10 gram- 
mes, la mort arrive chez le chien dans le courant de la troisième heure; 
avec 8 grammes seulement dans celui de la sixième heure. On voit que le 
mélange à 6 grammes donnerait au chirurgien un temps infiniment supé- 
rieur à celui des opérations les plus longues. 

Dans les accouchements, j’emploierais le mélange à 8 grammes, lorsqu'il 
s’agit de douleurs assez éloignées, avec intermittences espacées. Dans les 
derniers moments, je donnerais le mélange à 6 grammes d’une manière 
continue. C’est là un nouveau champ d’essai pour la méthode. 


Du RÔLE DE CERTAINES INFLUENCES DYNAMOGGÉNIQUES RÉFLEXES DANS DES CAS 
DE SUTURE DE NERFS RÉCEMMENT PUBLIÉS, par M. BROWN-SÉQUARD. 


Des expériences extrêmement nombreuses m'ont conduit à cette conclu- 
sion, qu'il est impossible d’irriter un peu fortement une partie quelconque 
du système nerveux à action centripète, sans produire un changement plus 
ou moins notable dans les centres nerveux, les nerfs sensitifs et moteurs et 
les tissus contractiles, dans l’organisme tout entier. Dans plusieurs commu- 
nications à la Société, j’ai montré que les irritations causées par la section 
du nerf sciatique ou par l'application de chloroforme sur une portion de 
peau, peut changer l’état dynamique de l’encéphale, de la moelle épinière, 
des nerfs et des tissus contractiles, de telle façon que certaines de ces par- 
ties gagnent en force alors que les autres, au contraire, perdent de leur 
puissance. [l y a alors, en effet, dynamogénie dans certains points, inhibi- 
tion dans d’autres. 


494 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


Avant de publier les résultats expérimentaux nouveaux que j'ai trouvés 
depuis mon dernier travail sur ce sujet, je crois utile de montrer que la con- 
naissance des influences dynamogéniques que j'ai constalées comme effets de 
Pirritation d’un ou de plusieurs nerfs, peut servir à expliquer les faits si inté- 
ressants sur lesquels M. Tillaux vient d'appeler l'attention. On sait que cet 
habile chirurgien, dans deux cas de section ancienne du nerf médian, a vu 
reparaitre le mouvement volontaire et la sensibilité dans les parties para- 
lysées, quelques jours après avoir pratiqué la suture des bouts de ces nerfs. 
M. Ranvier ayant constaté que le bout périphérique du nerf médian, dans 
ces deux cas, était complètement altéré, on se demande comment les fonc- 
tions perdues ont pu se rétablir. [l est clair que ce n’est pas la réunion d’un 
bout de nerf mort à un bout de nerf vivant qui a permis à la sensibilité et 
au mouvement de revenir aussi promptement dans ces deux cas. Sans doute 
la suture vient en aide à la régénération des nerfs, mais il faut toujours un 
temps assez long pour obtenir cet effet. Des expériences nombreuses m'ont 
donné une complète confirmation des résultats obtenus par MM. Vulpian et 
Philipeaux, qui disent que la fonction des nerfs coupés, non suturés, revient 
d'ordinaire en quatre ou cinq semaines, tandis qu'après la suture elle a pu 
revenir en dix-sept jours. Cela suffit pour montrer qu'il n’y avait pas eu 
possibilité de régénération, chez les opérés de M. Tillaux, au moment où 
les fonctions perdues ont été recouvrées. 

Les cas sont si nombreux, maintenant, de section d'un ou même de deux 
nerfs du bras (et surtout du médian)sans qu’il y ait eu perte de fonction, qu'il 
n’est pas douteux que chaque muscle, chaque partie de la peau de la main et 
de l’avant-bras reçoivent des ramifications de plusieurs nerfs. C’est ce que les 
belles recherches de MM. Arloing et Tripier ont bien établi. Tant que les nerfs 
sont à leur état normal, leur énergie peut être insuffisante pour qu'après la 
section de l’un d’eux, la sensibilité et les mouvements volontaires persistent 
à un degré très notable dans les parties innervées, principalement par le 
nerf coupé. Mais si, par la suture, ou, pour parler plus exactement, par 
une irritation du bout central du nerf sectionné, on vient à augmenter (par 
influence dynamogénique réflexe) la puissance d'action des filets nerveux 
intacts provenant de troncs non lésés et se distribuant à [a partie para- 
lysée, il est tout simple que la sensibilité et les mouvements volontaires re- 
paraissent. C’est là, très probablement, ce qui a eu lieu dans les cas de 
M. Tillaux et c’est aussi ce qui a eu lieu dans les cas de Laugier, de Houël 
et d’autres chirurgiens, où la suture a été faile très promptement après 
la blessure et où les fonctions perdues ont été rétablies le jour même de 
l'opération. 

Les expériences que j'ai faites montrent que souvent, après une irritalion 
du nerf sciatique ou d’un des nerfs du plexus brachial, les autres nerfs du 
membre, soumis à l'opération, gagnent en force d’une matière notable. Jai 
trouvé aussi qu'une section de la peau, même peu considérable, ou son irri- 
tation par du chloroforme ou par un vésicatoire, etc., suffisent quelquefois 


19 
(OL 


SÉANCE DU 28 JUIN. 4 


pour augmenter notablement la sensibilité et l’excitabilité motrice de tous 
les nerfs d’un membre. Il y a donc lieu de croire que dans les cas si 
curieux de M. Tillaux, c’est l’irritation due à l’opération qui a fait dispa- 
raitre la paralysie et l’anesthésie. IT est probable que, sans la suture, une 
autre irritation du bout central du nerf médian ou même l'application d’un 
vésicaloire ou d’un autre moyen d’irritation de l’avant-bras, auraient donné 
un résultat tont aussi favorable que celui de l'opération qui a été faite. 


ACTION DE LA CINCHONIDINE ET DE LA CINCHONINE SUR LA CIRC:£ATION DES 
MAMMIFÈRES SUPÉRIEURS, AU MOMENT OU CES ALCALOÏDES PRODUISENT LEURS 
EFFETS CONVULSIVANTS, par M. BOCHEFONTAINE. 


Les expériences faites par M. Vulpian dans ces dernières années ont 
prouvé que l’appareil cardio-vasculaire du chien participe à la tétanisation 
sénérale des muscles de l’économie, au moment des accès convulsifs pro- 
duits par la strychnine. Ce fait est démontré au moyen de lhémodyna- 
momètre à mercure mis en rapport avec la carotide chez un chien 
auquel on injecte une quantité suffisante de sulfate ou de chlorbhydrate 
de strychnine. 

Au moment où survient l’accès convulsif, la colonne de mercure s'élève 
rapidement, brusquement, dans l’hémodynamomètre. Par exemple, de 
16 centimètres de mercure, la pression moyenne va jusqu’à 30 centimètres. 
Arrivée à ce degré, elle reste à peu près stationnaire pendant la durée de 
l'accès; mais alors les battements du cœur sont accélérés, énergiques, en 
un mot {étaniformes. 

Il était intéressant de rechercher si la pression sanguine et les batte- 
ments du cœur subiraient les mêmes modifications sous l'influence de la 
cinchonidine et de la cinchonine, au moment où ces alecalcïles du quin- 
quina déterminent les convulsions générales décrites par Briquet, MM. Bou- 
chardat, Delondre et Girault, MM. Chirone et Curci, M. Labozde, ete., etc. 

Cette recherche a été faite d’abord sur des chiens curarisés dont on in - 
scrivait la circulation intracarotidienne. Puis, pendant que le tracé se 
dessinait sur l'appareil enregistreur, on injectait dans une veine du pied 
10, 20, 30, 40 centigrammes de sulfate de cinchonine ou de cinchonidine, 
suivant la taille des animaux. 

Les phénomènes constamment observés dans ces expériences sont un 
abaissement rapide, mais progressif de la pression sanguine intracaroli- 
dienne, puis un certain degré de ralentissement des systoles. Toujours les 
battements du cœur sont restés parfaitement réguliers. Quelquelois, lorsque 
l’on a injecté tout d’un coup 30 à 40 centigrammes de sulfate de cincho- 


426 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


nidine ou de sulfate de cinchonine, il s’est produit pendant quelques se- 
condes un certain degré d'accélération du cœur. 

Pour éviter toute objection basée sur l’action vaso-dilatatrice que possède 
le curare, les mêmes expériences ont été répétées sur des animaux absolu- 
ment à l’état normal, c’est-à-dire non curarisés, non anesthésiés par le 
chloral, l’éther, etc., etc. Les résultats de l’injection intraveineuse ont été 
absolument les mêmes. Toujours le cœur est resté régulier, même au mo- 
ment où l’animal a été pris d’un attaque convulsive des plus caractéris- 
tiques, soit après l'introduction de la cinchonidine, soit après l'introduction 
de la cinchonine. Alors, chez ce chien à l’état normal comme chez ceux qui 
avaient été curarisés, la pression sanguine a diminué progressivement, 
dans un quart de minute environ, de 3 à 4 centimètres de mercure. Au 
bout de ce quart de minute les pulsations cardiaques se ralentissent-et par- 
fois deviennent plus amples qu'avant l'injection. En introduisant chaque 
fois dans la veine du pied de 10 à 15 centigrammes de sulfate de cinchoni- 
dine ou de sulfate de cinchonine, on peut reproduire cinq à six fois, sur le 
même animal, les phénomènes qui viennent d’être décrits. Le retour à la 
pression normale se fait, mais non pas complètement, une minute et demie : 
environ après chaque injection, et si l’on ne dépasse pas ces doses sur un 
individu de moyenne taille, l’animal survit et revient entièrement à l’état 
normal. 

On observe donc avec la cinchonidine et la cinchonine, au point de vue 
de la diminution de la tension intra-artérielle et de la régularité des bat- 
tements du cœur, des modifications analogues à celles qui sont déterminées 
par la quinine. Ces phénomènes sont plus accusés avec la quinine qu’avec 
la cinchonidine et plus marqués avec la cinchonine qu'avec la cinchonidine. 
Il convient de remarquer que le pouvoir convulsivant doit être classé dans 
un ordre inverse : la cinchonine occupant le premier rang, la cinchonidine 
le second, et la quinine le troisième. Il faut rappeler ici que les convulsions 
déterminées par la quinine ne s’observent pas constamment chez le chien. 

Mais le point sur lequel je désire appeler particulièrement l'attention de 
la Société, c’est l’abaissement de la pression sanguine même pendant les 
convulsions dues à l’influence de la cinchonine et de la cinchonidine, tandis 
que sous l’influence de la strychnine on constate au contraire une élévation 
considérable de la tension intracarotidienne. 

I résulte de ce fait que le mécanisme de l’action de la strychnine sur 
l’appareil circulatoire diffère de celui de la cinchonine et de la cinchoni- 
dine sur ce même appareil. 

MM. Chirone et Curci, sans faire d’ailleurs de comparaison entre la 
strychnine et les deux alcaloïdes des quinquinas, sont conduits à la même 
conclusion par d’autres expériences avec la cinchonidine. Après avoir 
enlevé les centres psycho-moteurs du cerveau, chez le chien, ils n’ont plus 
constaté la production des accidents convulsifs qui surviennent sous l’in- 
fluence de la cinchonidine chez ces animaux à l’état normal. Ils ont done 


SÉANCE DU 28 JUIN. 497 


pensé que la cinchonidine (et sans doute aussi la cinchonine) exerce son 
action sur la substance corticale du cerveau, tandis que la strychnine agit 
surtout sur la substance grise bulbo-médullaire. 

Dans le but de répéter les expériences de MM. Chirone et Curei, j'ai en- 
levé les centres moteurs des membres d’un côté chez six chiens chloralisés. 
J'avais déterminé avec soin, sur le gyrus sigmoïde d’un côté, les points 
moteurs des membres du côté opposé, puis, ces parties une fois enlevées 
largement et profondément avec le bistouri, l’animal était gardé en obser- 
vation. Quarante-huit heures après l’abrasion de l'écorce cérébrale, les 
animaux, complètement revenus de la chloralisation, ont présenté de 
l’affaiblissement des membres du côté opposé à la lésion, tantôt plus 
marqué en avant, tantôt plus aceusé en arrière. Mais la paralysie n’a ja- 
mais été assez considérable pour supprimer complètement les mouvements 
spontanés de ces membres, ni les mouvements convulsifs produits par 
l’agent convulsivant. 

Une autre série d'expériences différentes a donné des résultats plus nets. 

J'ai injecté sous la peau de plusieurs chiens, nés depuis quatre jours ou 
trois jours, des doses toxiques de sulfate de cinchonidine variant entre 
10 et 20 centigrammes de substances. Le sel a été introduit, tantôt dans le 
péritoine, tantôt sous la peau. Les animaux sont morts au bout d’un temps 
variable (de une demi-heure à une heure suivant le poids de Panimal) et 
aucun d’eux n’a eu de convulsions : il y a eu de l’affaiblissement général 
progressif, du coma, du ralentissement dans la respiration, qui s’est arrêtée 
complètement ; le cœur a continué de battre régulièrement, puis il s’est 
arrêté à son tour, et les petits chiens sont morts sans avoir présenté la 
moindre convulsion, absolument de la même manière que les batraciens 
(grenouilles) soumis à la même intoxication. 

La même expérience a été répétée sur deux chats nés depuis deux jours. 
A l’un on a injecté 5 centigrammes de sulfate de cinchonidine sous la peau. 
L'autre a reçu la même dose dans la cavité péritonéale. Les deux petits ani- 
maux ont succomhé de la même manière que les jeunes chiens, sans pré- 
senter la moindre convulsion. 

On sait que la strychnine détermine des convulsions tétaniformes chez les 
jeunes des mammifères supérieurs, chien ou chat, comme ces animaux 
adultes. D'autre part, la physiologie nous enseigne que les fonctions du 
cerveau ne s’exercent pas chez les jeunes mammifères âgés de trois à 
quatre jours seulement. L'opinion de MM. Chirone et Gurci semble donc 
vérifiée par ces dernières expériences. On peut admettre que les jeunes 
chiens et les jeunes chats ne présentent pas de convulsions parce que 
leur substance grise corticale n’est pas encore en activité fonctionnelle. 
Par conséquent on peut conclure que la cinchonidine à doses toxiques (de 
même sans doute que la cinchonine) provoque des convulsions chez les 
mammifères adultes, par suite d’une action sur l’écorce du cerveau. II 
n’est donc pas possible de classer la cinchonidine, et même la cinchonine 


498 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


parmi les agents convulsivants tels que la strychnine, la brucine, le hoang- 
nan, etc.; ces dernières substances agissent en effet avec énergie sur les 
batraciens et sur les jeunes des mammifères supérieurs aussi bien que sur 
ces mammifères adultes. La cinchonidine, la quinine et la cinchonine 
exercent au contraire leur pouvoir convulsivant sur les mammifères adultes 
seulement et produisent chez la grenouille, les chats et les chiens nés depuis 
quelques jours des phénomènes de collapsus et de coma. 


ÉTUDE DE DIVERS MICRO-ORGANISMES A L'AIDE DE SOLUTIONS ALCALINES, 
par M. Ch. DEGAGNY. 


Dans la coloration des microphytes, j'ai toujours été frappé de trouver 
que soit les bacilles, soit les microcoques que j'examinais, semblaient plus 
gros, étant colorés que non colorés. D’un autre côté, j'avais fait quelques 
essais sur le bacille de Koch, et ces recherches m’'avaient porté à croire 
qu'en effet les couleurs d’aniline colorent, autour des microphytes, une zone 
qui les rend sensiblement plus gros que lorsqu'ils sont examinés sans être 
colorés. Afin d'arriver à me faire une idée plus nette sur ‘ce sujet, j'ai or- 
ganisé une série d'expériences, à l’aide de divers procédés que je vais dé- 
erire el qui m'ont conduit à des résultats intéressants. 

Premier procédé. Soit, par exemple, une coupe de foie ou de poumon. Je 
la place pendant cinq minutes dans une dissolution de potasse à 5 pour 100, 
puis, après l’avoir lavée, je la pose sur une lamelle et la laisse dessécher à 
l’air. Cette coupe est alors mise sur un bain colorant de fuchsine ou de violet, 
pendant une heure. Je décolore ensuite par l’eau acétifiée, déshydrate par 
l'alcool absolu, et monte dans le baume après éclaireissement par l'essence 
de térébenthine. Sous l'influence de la solution alcaline, les tissus se sont 
fortement étendus et fondus, pour ainsi dire, en un tout à peu près homo- 
gène. Les effets de diffraction causés par les bords des cellules et des divers 
éléments et par des substances d'indice de réfraction différent n'existent plus. 
Les microphytes respectés par la solution alcaline sont plus visibles et se 
détachent mieux. 

Par un second procédé, je fais dissoudre les mêmes tissus à l’étuve 
à 90 degrés, dans une solution de potasse à 15 pour 100 pendant vingt- 
quatre heures. Je lave les dépôts obtenus à l’eau distillée, et j'obtiens ainsi 
à l’état d'isolement les microphytes contenus dans les tissus ; ils sont d’ail- 
leurs exactement semblables à ceux des coupes, lesquels servent de témoins. 

Par un troisième procédé, je laisse macérer pendant six mois une partie 
des dépôts obtenus soit dans de l’eau distillée, soit dans du bouillon de 
bœuf ou d’autres milieux fermentescibles divers. Les dépôts ont été traités 
dans certains cas de deux manières différentes : tantôt je leur avais fait 


SÉANCE DU 28 JUIN. 429 


subir un lessivage léger par la potasse ; tantôt au contraire un lessivage pro- 
longé, et j'ai obtenu ainsi des résultats différents. 


Bacille de la tuberculose. — Des coupes de poumons tubereuleux sont 
traitées les unes par le procédé Erlich-Weigen, les autres sont colorées par 
le violet ordinaire après macération dans la potasse. 

D'un autre côté, je fais dissoudre une certaine quantité soit de poumon, 
soit de erachats tuberculeux, dans une dissolution de potasse à 15 pour 100, 
comme il est dit plus haut ; j'obtiens ainsi un dépôt contenant des bacilles, 
et je les prépare sur une lamelle comme s'il s'agissait de diatomées; 
je dilue le dépôt dans une gouttelette d’eau placée sur un couvre-objet 
et je dessèche sur la lampe à alcool; les bacilles se trouvent ainsi ré- 
partis d’une façon uniforme sur ja lamelle. Je. colore alors par le procédé 
d’Erlich et décolore par Pacide. Tous les bacilles se trouvent décolorés 
par ce procédé ; mais, si je colore par le violet ordinaire, mes bacilles sont 
colorés ; ils ont bien la forme, l’aspect spécial du bacille de Koch ; seule- 
ment le tube cellulosique du bacille est peu coloré, tandis que les spores le 
sont fortement. Ainsi après lessivage dans la potasse, ke bacille de la tuber- 
eulose se laisse colorer par les procédés ordinaires, mais il se laisse déco- 
lorer par l'acide; l’acide peut pénétrer le bacille après qu'il a été lavé dans 
la potasse, tandis qu’il ne le peut sans cette préparation préalable. Enfin je 
remarque que les bacilles lavés à la potasse et colorés sont très sensible- 
ment plus fins que ceux préparés par les méthodes ordinaires. 

Je mets dans de l’eau distillée, stérilisée, une partie du dépôt obtenu après 
un premier lessivage ; ce dépôt a une teinte verdàtre foncé. Je place dans 
d’autres tubes une autre portion de dépôt lessivé plus complètement et 
dont la couleur est à peu près blanche. Au bout d’un an, j’examine les 
dépôts : les verdàtres sont composés de quelques bacilles et d’une immense 
quantité de spores, tandis que ceux qui ont été plus complètement lavés et 
dépouillés de la substance verdàtre fournissent les bacilles intacts, avec leurs 
spores bien reconnaissables. Le lessivage prolongé à la potasse a donc 
dépouillé le bacille de Koch d’une substance colorée verdàtre, substance 
qui est impénétrable aux acides, et pénétrable aux couleurs ordinaires, sur- 
tout aux couleurs alcalinisées, substance produisant dans des conditions 
déterminées la dissolution du tube cellulosique du bacille, mettant ainsi 
les spores en liberté et servant à leur dissémination. 

Bacillus anthracis. — Je prends une coupe du foie d’un lapin imoculé ; 
foie mis à durcir aussitôt après la mort. Je monte après macération dans la 
potasse, comme il est dit plus haut. La coupe estfortement étendue : les ba- 
cilles dans le plasma des vaisseaux sont bien séparés, bien nets, mais moins 
colorés que par les procédés ordinaires. On voit mieux leur intérieur, où lon 
distingue parfaitement les spores, qui se forment par conséquent dans les 
vaisseaux, à l’intérieur des bacilles, pendant la vie. Le Bacillus anthracis 
extrait du sang immédiatement après la mort ne laisse pas voir les spores 


430 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dans son intérieur. Il est enveloppé d’une couche très fortement réfringente, 
qui empêche de voir son intérieur. 

Je fais dissoudre dans la potasse à 15 pour 100, à 50 degrés, dans une 
étuve, pendant vingt-quatre heures, du sang charbonneux de mon lapin 
inoculé. Je fais deux portions du dépôt, je lessive de nouveau lune des 
portions, Je la mets à macérer pendant six mois. Au bout de ce temps, dans 
la portion complètement lessivée, les bacilles sont intacts, tandis que dans la 
portion moins lessivée, les trois quarts ont disparu; je ne trouve plus que 
des spores et quelques rares bacilles. Enfin je remarque encore que, traités 
par les couleurs, les bacilles lessivés sont plus petits et moins colorés. 


Bacille de la putréfaction, microcoques du rouget, etc. — J'obtiens un 
abondant dépôt blanchâtre du Bacillus putredinis, en mettant à l'air pendant 
quelques jours du bouillon de bœuf. Je traite le dépôt par le lessivage à la 
potasse, puis je mets à macérer des parties non lessivées,'des parties légère- 
ment lessivées, et des parties lessivées plus complètement. Les portions non 
lessivées ne me fournissent que des spores au bout de trois mois. Les ba- 
cilles lessivés sont intacts au bout d’un an. Les premiers, traités par les cou- 
leurs, sont plus gros, plus colorés; on ne voit pas les spores à l’intérieur. Les 
seconds sont plus petits, moins colorés; on voit les spores à l’intérieur. 

Je traite également des tissus et du sang, dans le rouget, dans la sear- 
latine, dans la septicémie, et, suivant les cas, j'obtiens, ou des microcoques, 
ou des diplocoques, toujours moins gros et moins colorables après lessivage 
par la potasse, tous semblables et dans les coupes et dans les tissus dissous. 

Les solutions alcalines, en agissant sur les microphytes, les débarrasse- 
raient d’une substance placée à leur surface, substance éminemment colo- 
rable par les couleurs d’aniline. 

Cette substance étant enlevée par les solutions alcalines, les mierophytes 
se conservent intacts dans les milieux les plus variés; mais, si elle n’a pas 
été enlevée par les solutions alcalines, les microphytes perdent au bout d’un 
certain temps leur paroi cellulosique, les spores sont mises en liberté, comme 
si la substance avait servi de moyen de dissémination pour les spores. 

Cette substance, soluble dans les solutions alcalines, le serait aussi en 
partie dans le sang, et lui communiquerait, suivant les cas, des propriétés 
spéciales. Modifiée, enfin, dans des milieux artificiels où les microphytes ne 
vivent pas actuellement, la même substance perdrait une partie de.ses pro- 
priétés dissolvantes destinées à la dissémination et une par!ie de sa viru- 
lence, effet particulier de son développement dans les milieux normaux. On 
s’expliquerait ainsi les phénomènes d'atténuation par les cultures dans cer- 
taines conditions. 


SÉANCE DU 28 JUIN. 431 


CISELEURS EN CUIVRE ET HORLOGERS. — Note rectificative sur les prétendus 
dangers qu'offre la profession de ciseleur en cuivre, et sur les nombreux 
cas de choléra qu’auraient offerts les horlogers cuivreux dans les fabriques 
du Doubs en 1854, — par M. le docteur V. BurQ. 


Dans les séances du 5 janvier et du 16 février, M. Bochefontaine a pro- 
noncé une sorte de réquisitoire professionnel contre les ciseleurs en cuivre 
et en bronze. Si l’on en croyait notre honorable contradicteur, ces ouvriers, 
non moins malheureux que les cérusiers, seraient assiégés par toute sorte 
de maux : par la colique de cuivre, bien entendu, par des troubles digestifs, 
par des paralysies de l’avant-bras, par la paralysie générale, voire même 
par la phthisie plus que personne; ils seraient finis vers l’âge de cinquante- 
six ans et souvent même avant que d'avoir atteint la quarantaine, et 
tout cela parce que le ciseleur ferait usage d’un foret pour enlever les 
bavures et les aspérités des pièces fondues, et qu’il porterait fréquemment à 
sa bouche ledit foret plus ou moins chargé de particules de cuivre, pour le 
faire mieux mordre. 

Comme la profession incriminée par M. Bochefontaine est l’honneur d’une 
industrie qui tient à Paris une des premières places, et que nous savions 
pertinemment que ses assertions étaient absolument inexactes; comme, 
d'autre part, ce n’est pas le moment de faire accroire que la déglutition d’une 
petite quantité de limaille, voire d’oxyde de cuivre, peut devenir le point de 
départ d'accidents sérieux, nous avons entrepris de réfuter les nouveaux 
dires de M. Bochefontaine autrement que par ce que nous avions appris per- 
sonnellement en fréquentant depuis de plus de trente années les ateliers 
parisiens. 

Nous avons donc ouvert encore ici une enquête et voiei ce qui en ressort, 


1° Foret des ciseleurs. — MM. Thiébault frères nous écrivaient le 12 mai 
dernier : « Les ciseleurs ne se servent pas de foret ; ee sont les monteurs » ; 
et cette déclaration, parfaitement inutile pour ceux qui sont inaccessibles à 
cette idée bizarre que, pour enlever des bavures et des aspérités d’une 
pièce de bronze au sortir de la fonte, le meilleur moyen est de la cribler 
de trous, a été confirmée par le sourire de M. Barbedienne et d’autres 
fabricants. 

Les seuls outils dont se serve le ciseleur, sont le ciseau, le rifloir ou la 
lime et un petit marteau, de sorte que non seulement il n’y a aucun apport 
de limaille dans sa bouche par un foret imaginaire, mais la paralysie radiale 
n'est même point possible par compression, les mains n'ayant, l’une qu’à 
tenir et conduire le ciseau, et l’autre qu’à frapper dessus à petits coups. 

2° Accidents cupriques. — « I] arrive, ont écrit encore MM. Thiébault, 
que les apprentis qui débutent sont atteints de coliques; mais ce sont 


432 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


des exceptions et, dans tous les cas, après quelques mois de travail. les 
accidents cessent. » 

Quant à la colique de cuivre chez les ouvriers faits, les ciseleurs comme 
les monteurs et les tourneurs, voiei l'extrait d’un document, que nous avans 
publié dans le temps, qui en fera bonne justice. 

La Société du Bon Accord, exclusivement composée d'ouvriers en bronze, 
dont nous parlons souvent parce que c’est toujours vers elle qu’il faut porter 
ses regards quand il s’agit d’une question soit de cette nature, soit relative 
à la prophylaxie des affections zymotiques, fut fondée en l’année 1819, Il y 
a dix-septans, en 1867, nous fimes le relevé de tous les cas de coliques sur 
ses registres médicaux, qui sont parfaitement tenus, et nous arrivämes à ce 
résultat que la Société avait payé 66 jours de maladie depuis sa fondation, 
pour colique de cuivre ou autres, soit une journée un quart environ par 
année ! 


Durée des ciseleurs. — Nous possédions un annuaire de la Société pré- 
citée pour l’année 1865, nous nous sommes procuré celui de 1884, et le 
dépouillement de ces deux documents irrécusables et si distants lun de 
l’autre a donné les résultats suivants : 


1865. — Socielaires actifs : 348. 
CO à 40 ans, 40à 55ans. 55 à 69 ans. 
CiSeleUrS MN EL MARIE 99 64 1900200 
Monteurs. Met. $ 48 10 MS 
MOUPNEULTSRER TEEN ERR ES 23 11 J1— MON 
Totaux. 170 115 63 — "208 


Pensionnaires : 37, dont 31 de 65 à 79 ans et 6 de 75 à 90 ans. 


1884. —- Societaires actifs : 271. 
90 à 40 ans. 40 à 55 ans. 55 à 65 ans. 
se leEUTS ER 49 53 29 = MSI 
Monteurs remet 44 90 Ar = 90 
DOULEURS EAP 18 19 RU | 
: TUNER RÉ, LS, y UE 
Totaux El 109 Sr) 97 


Pensionnaires : 54, dont 44 de 65 à 75 ans et 10 de 75 à 93 ans. 


34 sont d'anciens ciseleurs, et pas un des 54 pensionnaires n'est atteint 
d’une paralysie quelconque, ainsi qu'il est facile de s’en assurer au siège 
social, 8, rue Saint-Claude (Marais), chez M. Prétot, secrétaire-trésorier 
et lui-même ciseleur-façonnier. 

On voit, d’après tout ce qui précède, ce qu'il faut penser encore de ces 
accidents cupriques, de ces paralysies diverses, de ces terminaisons à bref 
délai, ete., dont M. Bochefontaine a gratifié si libéralement les ouvriers 
en bronze en général, et les ciseleurs en particulier. 


SÉANCE DU 28 JUIN. 433 


Nous aurions d’autres points à relever, notamment la citation em- 
pruntée à l'Annuaire de l’Association normande de 1876, d’après 
lequel « Le choléra aurait marqué son passage, en 1832, à Villedieu 
comme dans le reste du département de la Manche », citation aussi inexacte 
dans la lettre que dans son esprit, car le passage visé se borne à ces douze 
mots prononcés incidemment par M. Besnou : « En 1832, 1834 et 1849, Le 
choléra y & à peine paru », qui, à raison de ce qui les précède et de ce qui 
les suit, avaient précisément une signification toute contraire à celle que 
leur a prêtée M. Bochefontaine. Mais nous ne voulons pas rouvrir le débat 
sur Villedieu, et ceux que la question intéresse trouveront amplement de 
quoi se satisfaire dans un ouvrage qui sera publié presque en même temps 
que cette Note. 


ENQUÊTE SUR LES HORLOGERS DE MONTBÉLIARD. 


Dans une Note annexée à la communication que nous avions eu l'honneur 
de faire à la Société dans la séance du 29 mars, M. Mégnin, réfuté sur la 
question des horlogers du Haut-Rhin, s’est rejeté sur ceux du Doubs, et, de 
plus, nous a renvoyé au Caire. Nous y sommes allé sur les ailes de la poste, 
bien entendu, et comme l'Égypte n’est pas tout proche, nous n’en sommes 
pas encore revenu. Mais en revanche nous avons fait de si bonne besogne 
à Montbéliard, que nous ne voulons pas en priver plus longtemps la 
Société. 

La Société se souvient que deux honorables confrères, MM. les docteurs 
Lorber et Borne, qui exercent depuis nombre d'années, l’un à Beaucourt, 
et l’autre à Hérimoncourt, ont établi par une enquête aussi sévère que 
minutieuse, contresignée moralement, sinon effectivement, par les chefs des 
grandes usines de ces localités, MM. Jappy frères et P. Jappy, qui l'avaient 
sollicitée, qu'à Beaucourt, Badevel, Darles, Dampierre et Berne, qui sont 
peuplés d’horlogers, pas un ouvrier dans l'horlogerie de gros volume (pen- 
dules et réveils) n’est mort dans cette effroyable épidémie de choléra de 
1854 qui enleva à Beaucourt un treizième de sa population, et que succom- 
bèrent seulement cinq horlogers (dont un apprenti de dix-sept ans), qui ne 
faisaient que la montre, plus des ouvriers pivoteurs, fabricants de vis, etc., 
qualifiés aussi d’horlogers, mais qui ne touchaient point au cuivre. 

Sur l'invitation d’abord de M. Goguel, maire, puis de son successeur 
M. le docteur Beuuier, une enquête a été faite à Montbéliard et dans une 
commune voisine, Béthencourt, et cette enquête conduite par qui? par le 
propre fils de M. Tuefferdt, qui était naturellement désigné pour l’entre- 
prendre parce qu'il est le médecin des épidémies de la région, a abouti à 
ce résul(at : 


« Ainsi, dans les deux communes, dont la population était de 7000 âmes 
à celle époque et où deux usines de grosse horlogerie réunissaient 


434 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


1000 ouvriers, il n'y a eu que cinq décès d'ouvriers en horlogerie, et 
aucun des cinq ne travaillait le cuivre. 
» Frédéric TuErFERD. 
» Montbéliard, 30 mai 1884. » 


Que reste-t-il après cela et après les enquêtes de Beaucourt de cette cita- 
tion aux termes si peu explicites : 


« Cette illusion (la préservation des ouvriers en cuivre) n’était pas pos- 
sible dans le pays où nous avons vu succomber des ouvriers qui passaient 
leur vie dans une fabrique d’horlogerie à Montbéliard, et le nombre de ceux 
qui ont été frappés dans des conditions analogues a été fort grand à 
Beaucourt. 

» TUEFFERD père. » 


Ne nous est-il pas permis de penser que, si M. Tuefferd père avait un 
peu moiis partagé les préventions qui, à l’époque surtout où il s’exprimait 
«le la sorte, régnaient contre la métallothérapie et tout ce qui pouvait en 
dériver, son fils n'aurait point eu à faire très honorablement acte de 
réparation ? 

Reste maintenant à vider laffaire, non du malheureux Thuillier, sur 
laquelle nous pensions nous être suffisamment expliqué pour espérer qu'un 
membre de la Société de biologie, à l'esprit aussi éclairé que celui de 
M. Mégnin, ne reviendrait pas, mais celle des chaudronniers du Caire. 

D’après l’article envoyé par M. le docteur Chaumery à la Revue d'hygiène : 
«Sur 3 à 400 ouvriers qui travailllent au Khan-Kabil, une trentaine 
auraient eu (l'an dernier) le choléra et treize ou quatorze en seraient 
morts. » 

Le docteur Darogagna-Bey, qui exerce au Caire, nous avait promis des 
informations précises, mais nous n'avons encore rien reçu. En attendant, 
nous avons Les déclarations diamétralement opposées, pour toutes Les épidé- 
mies antérieures : 1° de M. Maroque disant : « Pendant deux époques où le 
choléra sévissait en Égypte — en 1850 et 1865 — le quartier arabe au 
Caire, où se fabriquent les ustensiles de cuivre, fut exempt du fléau. C’est 
un fait incontestable, que tout Européen né, comme moi, en Egypte peut 
certifier. À. MAROQUE » ; — 2 de M. Tédesco pour le bazar des chaudron- 
mers de Constantinople ; — 3° du R. P. Damien pour celui de Bagdad. 

Si les renseignements fournis au docteur Chaumery ne sont point le 
produit de quelque fumisterie, il ne faut point oublier, en effet, que les 
Fakirs sont légion en Orient; sans prétendre au rôle de prophète, nous 
croyons pouvoir dire d'avance au docteur Darogagna-Bey, qu’il trouvera 
que les ouvriers en cuivre du Caire, qui ont été atteints l’an dernier par le 
fléau, avaient été mis depuis longtemps en chômage d’abord par la révolte 


= 
Q2 
ot 


: SÉANCE DU 28 JUIN. 


d’Arabi, puis par la guerre des Anglais, comme les chaudronniers de Ville- 
dieu, qui contractèrent la variole en 1870-71, par la guerre franco-alle- 
mande. 

Du reste, pour montrer avec quelle facilité prennent vie Les faits les plus 
apocryphes et combien ils ont cette vie dure, pour peu que la passion s’en 
mêle, nous terminerons par la citation du fait qui suit. 

A peine M. Bailly était-il descendu, l’an dernier, de la tribune de lAca- 
démie, que M. le docteur V. Révillout voyait succomber entre ses mains, rue 
Vaneau, avec tous les symptômes du choléra le plus accentué, un ouvrier 
qui lui avait affirme dans ses derniers moments qu’il avait travaillé dans le 
cuivre tant et si bien que c'était là vraisemblablement la cause de tout son 
mal. M. Révillout communiqua le fait à différents confrères, et il le raconta 
avec détails et commenta dans certaine lettre dont il voulut bien nous 
donner la primeur. 

Dès le lendemain nous allions aux renseignements rue d’Assas, chez le 
mécanicien bien connu, M. Marinoni, où le décédé travaillait encore la 
veille de son alitement, et nous y apprenions, à notre grande stupéfaction, 
que jamais cet homme « étouffé par le cuivre » n'avait teuché à ce métal 
depuis plusieurs années qu'il travaillait dans l'usine, et l’on nous fit voir el 
toucher, à la place même qu’il avait toujours occupée, les pièces exclusive- 
ment en fer — espèces de tringles à boulons, — qu'il tournait et taraudait, 
et dont plusieurs étaient inachevées ! 

Nous avisämes des résultats de notre enquête le docteur Révillout. Notre 
cher confrère fit le silence sur la mystification dont il avait été la victime; 
mais il avait parlé, la bonne nouveile avait cireulé comme une traînée de 
poudre, si bien que, sans plus ample informé, la Gazette hebdomadaire 
l’insérait presque d'urgence et que non moins rapidement la même revue, 
qui a publié la communication de M. Chaumery, la servait aussi à ses 
lecteurs en ces termes : 


« Quelques jours plus tard (après la lecture de M. Bailly), à Paris, 
M. Révillout voyait succomber entre ses mains, avec les symptômes les 
plus marqués du choléra, un ouvrier tellement imprégné de cuivre, que le 
malade altribuait tous les accidents à l’empoisonnement par ce métal. 

» Ces faits ont paru à quelques-uns être écrasants contre la doctrine 
que soutient le docteur Burq. 


» VALLIN. » 


Ainsi done, voilà un homme qui meurt, non pas en Egypte, nou pas même 
dans quelque département lointain de la France, mais au centre de Paris, 
à quelques pas de l’Académie ; voilà un homme qui travaillait dans un grand 
atelier où rien n’était plus facile que de savoir au juste ce qu'il y faisait; et 
cet homme qui n'avait jamais tourné ou limé que du fer, des journaux 


436 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


graves l’ont servi à leurs lecteurs comme un exemple écrasant pour notre 
doctrine ! Ab uno disce omnes. 

En résumé, qu’on le sache bien, la prophylaxie cholérique par le cuivre 
est un fait contre lequel il n’y a point à cette heure un ensemble de preuves 
de la moindre valeur, tandis qu'il y en a des milliers pour. 


Errata. — Dans notre article sur la suggestion magnétique, page 373, 
2° ligne, bre : et c’est Le résultat d’une dizaine d'années d'observations. 


BOURLOTON. — lmprimeries réunies, À, ruc Mignon, 2, Paris. 


437 


SÉANCE DU 5 JUILLET 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


M. le docteur LARRIVÉ adresse une lettre sur les avantages probables de 
l'emploi de’l’eau oxygénée en injection et en lavement dans le traitement 
du choléra. 


M. Marey fait hommage à la Société de biologie du Supplément à la 
méthode graphique dans les sciences expérimentales. 


M. H. Beaunis offre à la Société un exemplaire deses Recherches expéri- 
mentales sur les conditions de l’activité cérébrale et sur la physvologie 
des nerfs. 


* M. Révizcour adresse à M. le président de la Société de biologie une 
longue lettre, dans laquelle il dit en substance que : surpris de voir 
M. Burq le mettre en cause et contredire publiquement le témoignage in- 
discutable d’un ouvrier mourant, il a ouvert, dans l’atelier où cet ouvrier 
travaillait, une contre-enquête dont les résultats sont diamétralement oppo- 
sés à ceux de l’enquête de M. Burq, et confirment sur tous les points les 
dires du malade en question. 


REMARQUE SUR LA PRÉSERVATION CUPRIQUE, par M. BOCHEFONTAINE. 


Le dernier numéro de nos Comptes rendus contient encore un long 
article dans lequel M. Burq vient affirmer, sans aucune preuve à l’appui, 
les assertions qu’il a déjà apportées à la Société et qui, chaque fois, ont 
été réfutées. 

Il serait donc inutile de rappeler que les théories de M. Burq sont 
entièrement dénuées de fondement, si, en présence de l’épidémie de Tou- 
lon, tout notre pays ne se sentait pas menacé par le choléra. 

Dans de pareilles conditions, il est regrettable que la Société de biologie 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. I, N° 26. 34 


438 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


serve d'appui à une réclame en faveur du sulfate de cuivre. Mais on pour- 
rait à la rigueur ne pas se préoccuper d’une question de ce genre. 

Il n’en est pas de même de l’action du cuivre sur l'appareil digestif. On 
sait que les sels de cuivre introduits dans l’estomac déterminent des vomis- 
sements, des coliques, de la diarrhée. On sait encore que les préparations 
de cuivre peuvent déterminer des perforations de l’estomac, de l’intestin et 
la mort. Je rappelle seulementà ce sujet les noms de MM. À. Richet, Vulpian, 
Trasbot, Rabuteau, Laborde, Galippe, ete., etc. Par conséquent une sub- 
stance qui détermine nécessairement des accidents de ce genre ne peut pas 
être conseillée comme un médicament prophylactique du choléra. 


RECHERCHES SUR L'ÉLIMINATION DE L'ACIDE PAOSPHORIQUE CHEZ L'HOMME 
SAIN, L'ALIÉNÉ, L'ÉPILEPTIQUE ET L'HYSTÉRIQUE, par M. Marrer. 


Je demande la permission d'indiquer brièvement le point de départ de 
ces recherches et les résultats auxquels elles m'ont conduit. Je diviserai 
cette communication en deux parties ayant trait, l’une à la physiologie, 
l’autre à la pathologie. 

Le point de départ de mes recherches a été la clinique. Lorsqu'on étudie 
les maladies du système nerveux qu’on désigne sous le nom de névroses, 
on ne tarde pas à s’apercevoir que nous sommes très pauvres en ce qui 
concerne leur physiologie pathologique, c’est-à-dire en ce qui concerne la 
connaissance des modifications biologiques dont elles sont l'expression ou 
qui les accompagnent. Cette pénurie se comprend, l’anatomie pathologique 
reste dans ces cas lettre morte, et ce n’est qu'en pénétrant dans l’intimité 
même de la nutrition et du fonctionnement du système nerveux qu’on peut 
arriver à connaître ces modifications. | 

Nous nous sommes demandé si celles-ci ne se trahissent pas du côté des 
excrétions et plus particulièrement du côté des urines, et dans cette direction 
notre altention s’est naturellement portée tout d’abord sur une substance, 
l'acide phosphorique, qui est intimement lite à la constitution du système 
nerveux. Nous avons donc étudié l’élimination de cet acide dans l’aliénation 
mentale, l’épilepsie et l’hystérie. Mais cette étude ne pouvait avoir quelque 
valeur qu’à la condition d’être rapprochée de ce qui se passe chez l’homme 
sain; seul ce rapprochement pouvait nous indiquer si les maladies qui 
précèdent modifient ou non l’excrétion des phosphates. Gela ne suffit pas 
encore pour le but que nous poursuivons dans ce travail, c’est-à-dire pour 
savoir si, sous l'influence des maladies fonctionnelles du système nerveux, 
les échanges qui se passent au sein de ce système sont modifiés. En effet, 
pour pouvoir conclure des modifications dans l’excrétion des phosphates 
aux modifications qui se passent dans la substance nerveuse, il faudrait que 


SÉANCE DU 9 JUILLET. 439 


l'acide phosphorique fût exclusivement lié à la nutrition et au fonctionne- 
ment de cette substance. Or, lorsqu'on étudie la constitution des différents 


| tissus de l’économie, on voit les phosphates entrer dans la constitution de 


tous nos tissus : ce qui fait supposer que ces sels ne se lient pas à la seule 
nutrition du système nerveux. En tous cas, c’est là un point nécessaire à 
élucider; car, si l’aliénation mentale, l'épilepsie et l’hystérie atteignent par- 
liculièrement ce dernier système, elles peuvent retentir sur d’autres 
organes, modifier par suite les échanges qui se passent dans ceux-ci et 
cnsécutivement l'élimination des phosphates. Par cela même, il était de 
toute nécessité pour nous de connaître dans son ensemble le rôle biolo- 
sique que joue l’acide phosphorique chez l’homme sain, de savoir quelles 
sont les différentes fonctions qui peuvent produire des modifications dans 
l'élimination de cet acide, et enfin de pouvoir distinguer ce qui, dans un 
cas donné, appartient au système nerveux dans les modifications produites 
d’avec ce qui appartient à d’autres systèmes. 

Pour résoudre ces différents points, nous avons recherché les rapports: 
qui existent entre les phosphales d’une part, le travail musculaire, le travail 
intellectuel et la nutrition générale d'autre part. De plus, nous ne nous 
sommes pas contenté d'étudier l'élimination de l'acide phosphorique total; 
nous n’aurions pas pu, par l'étude de cette seule substance, arriver au but 
que nous poursuivions; nous avons étudié l’élimination de l'acide phospho- 
rique uni aux terres, de l'acide phosphorique uni aux alcalis et de l’azote. 
Avant d'exposer les résultats que nous avons obtenus, disons encore que 
nous avons annulé l’influence de toutes les causes, telles que alimentation, 
sommeil, milieu, etc., qui peuvent agir sur l'élimination de l'acide phospho- 
rique, de manière que, si des modifications se produisent dans le rendement 
des phosphates sous l’influence des facteurs que nous mettions en jeu, ces 
modifications ne puissent être attribuées qu’à ces facteurs. 


A. Travail musculaire et acide phosphorique. — Un même travail mus- 
culaire peut, chez un même individu, modifier ou non l'élimination de 
l'acide phosphorique suivant la nature 1 l’alimentation. | 

Lorsque prenant un individu soumis à un régime mixte relativement peu 
reconstituant, nous le soumettons à un travail musculaire assez énergique, 
nous obtenons les modifications suivantes dans le rendement de l'acide 
phosphorique et de l’azote : augmentation de l'acide phosphorique uni aux 
alcalis et de l’azote, le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres reste 
normal. | 

Lorsque, prenant ce même individu, nous le soumettons à un régime 
végélal et à un travail musculaire semblable au précédent, les modifications 
qui précèdent s’accentuent ; une seule: différence se produit : le chiffre de 
l’acide phosphorique uni aux terres, qui restait fixe tout à l'heure, ä une lé- 
“ère tendance à diminuer dans le cas actuel. 

Lorsque, au contraire, ce même individu était soumis au même travail 


440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que précédemment, mais mangeait une nourriture exclusivement animale, 
aucune modification ne se produisait dans l'élimination de l'acide phospho- 
rique. 

D'un autre côté, nos recherches nous montrent que pour une même ali- 
mentation et chez un même individu, le travail musculaire marque ou non, 
suivant son intensité, son action sur l’excrétion des phosphates. Aussi, si, 
chez l'individu qui nous a servi aux recherches qui précèdent et qui est 
soumis au régime mixte que nous avons indiqué, nous diminuons l'intensité 
du travail musculaire, aucune modification ne se produit dans l’élimination 
de l'acide phospharique. Inversement, si, lorsque l’alimentation estriche, nous 
augmentons l'intensité du travail musculaire, nous voyons l'élimination de 
l'acide phosphorique et de l’azote subir les modifications que nous avons 
indiquées plus haut, alors qu’un travail moins intense ne produisait rien. 


Ces résultats en apparence contradictoires s'expliquent parfaitement et 
se confirment. [ls prouvent qu’il existe un rapport étroit entre le travail 
musculaire et l’alimentation ; lorsque celle-ci est suffisamment riche par 
rapport à l'intensité du travail, aucune modification ne se produit dans l’éli- 
mination de l’acide phosphorique, tandis que, lorsque l'intensité du travail 
musculaire dépasse la richesse de l’alimentation, ce travail marque nette- 
ment son action sur l'élimination de l’acide phosphorique et de l’azote : il 
augmente le rendement de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de 
l'azote, et laisse intacte ou diminue légèrement l’excrétion de l'acide nhos- 
phorique uni aux terres. L'alimentation peut done compenser les pertes 
en acide phosphorique que le travail musculaire fait subir à l’économie, 
mais il n’en est pas moins vrai que ce travail emploie pour se produire de 


l'acide phosphorique. En effet, l'augmentation dans le rendement de l'acide 


phosphorique que nous constatons sous l'influence du travail musculaire se 
rattache bien à une désassimilation plus intense et non à un défaut d’assi- 
milation; elle ne se produit pas lorsque l’alimentation est riche relative- 
ment à l'intensité du travail, ce qui serait si elle se rattachait à un défaut 
d’assimilation. De plus, des expériences faites sur les animaux nous per- 
mettent de dire que l'augmentation dans le chiffre de l'acide phosphorique 
rendu par les urines sous l'influence du travail musculaire, provient en 
majeure partie du moins, sinon en totalité, des muscles eux-mêmes. 
Quand on soumet un chien, à la diète depuis quarante-huit heures, à un 
travail musculaire énergique et lorsqu'on examine comparativement chez 
cet animal le sang de l’artère et celui de la veine fémorale, on voit que le 
sang veineux est plus riche en acide phosphorique que le sang artériel. 

Nous pouvons synthétiser ainsi les rapports qui existent entre le travail 
musculaire et l’acide phosphorique : 

4° L’acide phosphorique est lié à la nutrition et au fonctionnement des 
muscles ; 

2° Le travail musculaire marque son action sur l'acide phosphorique 


SÉANCE DU D JUILLET. 441 


éliminé par les urines, en augmentant le chiffre de l'acide phosphorique 
uni aux alcalis. 


B. Travail intellectuel et acide phosphorique. — Le travail intellectuel 
marque son action sur l'élimination de l'acide phosphorique dans un sens 
absolument opposé au travail musculaire : à augmente l’acidephosphorique 
uni aux terres et diminue le chiffre de l'acide phosphorique uni aux alcalis 
et de l'azote. Ges modifications dans l’excrétion urinaire, sous l’influence 
du travail intellectuel, n'apparaissent d’une manière complète que lorsqu'on 
tient compte de l'intensité du travail et de la richesse de l’alimentation. Si, 
en effet, la diminution de l’azote et de l’acide phosphorique uni aux alcalis 
se retrouve toujours, l'augmentation des phosphates terreux n’apparaît que 
lorsque le travail est intense, etelle est d'autant plus marquée que ce travail 
est plus intense et l’alimentation moins riche. Toutes nos recherches nous 
démontrent que cette augmentation dans l’acide phosphorique uni aux 
terres est due à une désassinilation plus active de la substance cérébrale et 
par suite que le travail intellectuel emploie pour se produire de l'acide 
phosphorique. Car mes recherches démontrent en outre que, si le cerveau 
en fonctionnant rend de l’acide phosphorique uni aux terres, il absorbe de 
l'acide phosphorique uni aux alcalis; cette absorption plus grande des 
phosphates alcalins par le cerveau en travail se traduit par une moindre 
élimination de ces sels. Toutefois la diminution de l’acide phosphorique uni 
aux alcalis, qui existe à la suite du travail intellectuel, reconnaît encore une 
autre origine, elle tient en partie au retentissement qu’exerce ce travail sur 
l’ensemble de la nutrition qu'il ralentit, ainsi que le prouve la diminution 
dans le chiffre de l’azote éliminé. 

Nous disons done : 

1° L'acide phosphorique est intimement lié à la nutrition et au fonc- 
hionnement du cerveau. Le cerveau, en fonctionnant, absorbe de l'acide 
phosphorique uni aux alcalis et rend de l'acide phosphorique uni aux 
terres. . 

20 Le travail intellectuel retentit sur la nutrition en général, qu'il ra- 
lentil. 

3° Le travail intellectuel modifie l'élimination de l'acide phosphorique 
par les urines; il diminue le chiffre de l'acide phosphorique uni aux 
alcalis, et augmente le chiffre de l'acide phosphorique uni aux terres. 


C. Nutrition générale et acide phosphorique. — L’acide phosphorique 
est lié à la nutrition générale; c’est ce qu’il est facile de démontrer 
lorsqu'on étudie chez un homme à l’état de repos l'élimination de cet acide 
aux différentes périodes de la journée, comparativement à l’élimination de 
l'azote. D'abord on voit le sommeil, en tant qu’état de repos, diminuer 
l’excrétion de ces deux substances ; ensuite, dans les autres périodes de la 
journée traduisant l’activité nutritive, on voit l'élimination de l'acide phos- 


449 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


phorique et de l'azote se faire dans un sens parallèle et cela pour les deux 
espèces de phosphates. Et comme chez l’homme à l’état de repos, la dé: 
composition des matières albuminoïdes, que reflète l'élimination de l'azote, 
n’est liée au fonctionnement d’aucun organe en particulier, mais seule- 
ment aux échanges nutritifs qui se passent dans nos différents tissus, c’est- 
à-dire à la nutrition générale, nous ne pouvons que rattacher à la même 
origine les variations qui se produisent aux différentes périodes du jour 
dans l'élimination de l’acide phosphorique. Nous sommes done amené à 
dire : 

L’acide phosphorique est lié à la nutrition générale; dans ce cas, l’éli- 
mination des phospuates, phosphates neutres et phosphates alcalins, suit 
une marche parallèle à la décomposition des matières albuminoïdes, c’est- 
à-dire à l'élimination de l'azote. 

Si maintenant nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur les résultats 
auxquels nous ont conduit nos recherches sur l'élimination de l'acide 
phosphorique chez l’homme sain, nous voyôns que cet acide est lié à Ja 
nutrition du muscle, du système nerveux et à la nutrition générale; en 
d’autres termes aux échanges nutritifs qui se passent dans l’ensemble de 
l’économie. Mais, si nos recherches nous montrent que l’acide phosphorique 
n’est propre à la nutrition d'aucun tissu en particulier, elles prouvent que 
la mise en activité de ces tissus peut se traduire d’une manière différente 
sur l'élimination des phosphates et que lorsqu'on étudie comparativement 
l’excrétion de l’acide phosphorique uni aux terres, de l'acide phospho- 
rique uni aux alcalis, et de l’azote, on peut arriver à dégager ce qui, dans 
un cas donné, revient au système nerveux, au système musculaire et à la 
nutrition générale dans les modifications imprimées à l’élimination des 


phosphates. Ces prémisses physiologiques établies, nous pourrons aborder la 


seconde partie de notre étude, celle qui a trait à la pathologie. 


NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU TRANSFERT CHEZ LES HYPNOTIQUES, 
par MM. Ch. FéÉRé et A. BIner. 


Le phénomène du transfert qui a été découvert par la Commission de la 
Société de biologie chargée d'étudier l’action des applications de métaux 
sur la surface cutanée chez les hystériques, consiste en une transposition 
de certains phénomènes pathologiques, sous l'influence de plusieurs agents; 
dits æstbésiogènes. Parmi ces agents, un des plus actifs et des plus com- 

modes à employer est l’aimant ; c’est à lui que nous avons eu recours dans 
la plupart de nos expériences. 

Disons tout de suite que, dans ces expériences faites à la Salpétrière dans 
le sérvice de M. Charcot, nous ne nous sommes occupés que du grand 


£. Ni 


SÉANCE DU D JUILLET. 443 


hypnotisme, dans lequel les phénomènes somatiques permettent de se tenir 
en toute circonstance à l’abri de la fraude. 


I. Il est à peine nécessaire’ de rappeler que le transfert des troubles 
spontanés nous a servi de point de départ. 

Parmi les troubles spontanés dont on peut obtenir la transposition chez 
les hystériques, il faut citer tout d’abord : 1° les troubles unilatéraux de la 
sensibilité se présentant soit sous forme d’hémianesthésie, soit sous forme 
d’hémidysesthésie; 2° les troubles unilatéraux de la motilité, paralysies 
flasques ou contractures, peuvent également être transférés dans un 
certain nombre de circonstances. Le phénomène est aujourd’hui bien 
connu, au moins dans ses manifestations extérieures ; nous n’y insistons 
pas davantage. 


IT. Nous nous arrêterons plus longtemps sur le transfert des troubles 
provoqués, des divers états de l’hypnotisme artificiel, pour lequel nous 
adoptons la classification établie par M. Charcot (1), auquel nous nous 
contentons de renvoyer, pour la définition des termes de léthargie, cata- 
lepsie, somnambulisme, que nous allons avoir à employer : 

4° Lorsqu'une hypnotique est plongée dans la léthargie totale, avec 
hyperexcitabilité, dite neuro-musculaire; si l’on ouvre l’œil gauche, le sujet 
devient cataleptique de ce côté, tout en restant léthargique du côté droit où 
l’œil reste fermé. Si dans ces conditions nous appliquons un aimant à quel- 
ques centimètres de l’avant-bras droit, au bout de deux minutes, nous 
voyons la main droite s’agiter d’un léger tremblement, puis prendre gra- 
duellement la consistance des membres cataleptiques et se placer peu à 
peu dans la position qu'occupait le bras gauche. Ce dernier, après avoir été 


animé de tremblements plus violents qui ont cessé tout à coup comme un 


accès d’épilepsie partielle pour laisser la main flasque, a pris tous les 
caractères de la léthargie. La catalepsie comprend maintenant le côté droit 
tout entier, tandis que le côté gauche, face, bras, jambe est léthargique 
et hyperexcitable. Le tran<fert de l’hémiléthargie et de l’hémicatalepsie 
a été complet sauf sur un point : l’œil est resté ouvert du côté gauche, qui 
est devenu léthargique et fermé du côté droit devenu cataleptique. Le 
transfert peut de même s’opérer en sens inverse. 

2° Lorsqu'un sujet est en léthargie ou en catalepsie, si l’on frotte légère- 
ment le vertex sur la ligne médiane, on détermine un troisième état : le 
somnambulisme. Lorsqu’au lieu de faire la friction sur le milieu de la tête, 
on la pratique un peu latéralement, le côté frictionné passe en état de som- 
nambulisme, tandis que le côté opposé reste dans l’état préexistant, léthargie 


(1) J. M. Charcot, Essai d’une distinction nosographique des divers états 
nerveux compris sous le nom d'hypnotisme (Comptes rendus de l'Académie des 
sciences, 1882). 


444 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ou catalepsie. L’hémisomnambulisme offre tous les caractères somatiques 
du somnambulisme total, absence d’hyperexcitabilité musculaire, et de 
plasticité cataleptique, hyperexcitabilité aux excitations légères de la peau, 
au souffle, ete. Si l’on donne une suggestion hallucinatoire, l’hallucination 
n'existe au réveil que du côté somnambulisé. 

Le sujet est capable de répondre quand l’hémisomnambulisme est com- 
biné à l’hémiléthargie; il ne fait en général que bredouiller quand il s’agit 
de l’hémicatalepsie. Que l’hémisomnambulisme soit associé à l’hémiléthargie 
ou à l’hémicatalepsie, il est susceptible de transfert tout comme ces deux 
derniers états combinés. 


III. Si les divers états dimidiés de l’hypnotisme sont transférables, il en 
est de même des différents phénomènes unilatéraux des trois états de 
l'hypnotisme : L° c’est ainsi que les contractures provoquées de la léthargie 
peuvent être transférées soit avant, soit après le réveil. Ce fait a été mis en 
lumière par MM. Charcot et Richer. 

2% Pour la catalepsie, l'aimant peut opérer le transfert des attitudes : 
W... est en catalepsie, les yeux largement ouverts, fixés et dirigés en 
haut; elle est assise sur un fauteuil, le côté droit contre la table ; le coude 
gauche repose sur le bras du fauteuil, l’avant-bras et la main sont relevés 
verticalement, le pouce et l’index sont étendus, les autres doigts sont dans 
la demi-flexion; l’avant-bras droit et la main sont étendus sur la table ; 
 l’aimant est sous un linge à 5 centimètres environ. Au bout de deux mi- 
nutes l'index droit commence à trembler et à se lever; à gauche, les doigts 
étendus se fléchissent, et la main reste un instant flasque. La main droite et 
l’avant-bras se lèvent et se placent dans la position où était primitivement 


la main gauche, qui s’étend sur le bras du fauteuil avec la mollesse cireuse : 


propre à l’état cataleptique. 

Cette expérience, ainsi que les précédentes, montre bien que l’aimant 
agit en dehors des états de conscience et que l’attention expectante ne joue 
aucun rôle dans le transfert. 

9° L’aimant a la même action sur les phénomènes unilatéraux du som- 
nambulisme, dont le transfert peut avoir lieu soit avant, soit après Le réveil, 
s’il s’agit de suggestion persistante. Parmi ces phénomènes, les uns sont 
moteurs, les autres sont sensitivo-sensoriels ; les uns et les autres peuvent 
résulter soit de suggestions excitatrices (spasmes, mouvements impulsifs, 
hallucinations), soit de suggestions inhibitives (paralysies, anesthésies 
générales ou systématisées) (1). | 4 

a. Motilité. — Nous ne citerons qu’un exemple de transfert de paralysie 
par suggestion : 


(1) Ch. Féré, La médecine d'imagination (Progrès médical, 1884, p. 309). — 
A. Binet et Ch. Féré, Les paralysies par suggestion (Revue scientifique, 
juillet 1884). 


SÉANCE DU 9 JUILLET. 445 


W... est dans le sommeil somnambulique; nous lui suggérons une para- 
lysie de la main gauche qu'elle gardera au réveil et nous la réveillons 
immédiatement. Au bout d’une minute la main gauche s’engorge, devient 
chaude, rouge, se couvre de sueur àsa face palmaire, elle estcomplètement im- 
mobile, les réflexes tendineux de lavant-bras sont exagérés. La main droite 
est allongée sur une table à 2 centimètres d’un aimant à cinq branches. 
Au bout d’une minute commence un tremblement très intense de la main 
droite, l’avant-bras et le bras s’agitent aussi de mouvements oscillatoires 
qui rappellent ceux de l’épilepsie partielle; puis tout à coup, au bout d’une 
minute et demie, la main s’arrête, elle est complètement inerte et flasque, 
et peu à peu elle s’engorge, tandis que la main gauche reprend progressi- 
vement ses mouvements, sa température et sa couleur normale. 

Les paralysies de mouvements adaptés, des mouvements d’articulation 
des mots par exemple, lorsqu'elles sont soumises à l’action de l’aimant, 
offrent certaines particularités sur lesquelles nous ne reviendrons pas 
ici (1). 

Le transfert s'effectue aussi pour les contractures, spasmes localisés, 
et enfin pour les mouvements impulsifs suggérés ; un des exemples les plus 
curieux est le suivant : 

Nous suggérons à notre malade l’idée de faire des chiffres; après son 
réveil elle se met à faire des chiffres de sa main droite comme de juste : 
mais un aimant est caché à proximité de sa main gauche. Quand elle a écrit 
jusqu’au nombre 12 sans s’interrompre, elle commence à hésiter, puis elle 
change sa plume de main, et se met à écrire de la main gauche. Les carac- 
tères qu’elle trace nous paraissent tout d’abord sans signification; mais en 
y regardant de près, nous constatons qu’elle a fait des chiffres qui, regardés 
au miroir, sont à peu près aussi corrects que ceux qu'elle a faits de la main 
droite, c’est-à-dire qu’elle à exécuté avec sa main gauche des mouvements 
absolument symétriques à ceux qu’elle est maintenant incapable de tracer 
de la main droite. 

L'expérience a réussi de la même manière pour d'autres mouvements 
impulsifs plus ou moins compliqués. 


‘b. Sensibilité. — Les anesthésies sensitives et sensorielles soit géné- 
rales, soit systématisées, sont susceptibles d’être transférées par l’aimant ; il 
en. est de même des dysesthésies, des hallucinations de l’odorat, de l’ouie, 
de la vue, du goût, du toucher. Pour le transfert des hallucinations, soit 
unilatérales, soit bilatérales différentes, il existe une période d’oscillations 
bien sentie par le sujet, qui éprouve pendant quelques instants des sensa- 
tions alternantes plus ou moins confuses. 

Une circonstance intéressante à noter, c’est que le transfert des phéno- 
mènes localisés, attitude d’un membre dans la catalepsie, paralysie, hallu- 


(1) Voy. Revue scientifique, loc. cit. 


440 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


cination, s'accompagne d'une douleur de tête localisée, débutant en général 
du côté de l’aimant, puis passant dans le point symétrique du côté opposé. 
Cette douleur, qui est quelquefois assez intense pour nécessiter l’inter- 
ruption de l’expérience, occupe un siège constant pour le même membre, 
pour le même sens. À l’aide des notions anatomiques précédemment éta- 
blies par l’un de nous (1), nous avons pu nous assurer que la douleur de 
transfert répond, dans la plupart des cas, aux centres corticaux que les 
recherches physiologiques et anatomo-cliniques ont mis en rapport avec 
certaines fonctions déterminées. C’est ainsi que le transfert des attitudes 
ou des paralysies du membre supérieur détermine une douleur qui siège au 
niveau du pied de la deuxième frontale et de la région correspondante de 
la frontale ascendante ; pour les mouvements d’articulation, elle siège au- 
dessous et en avant ; pour le membre inférieur, à la partie supérieure du 
sillon de Rolando; pour les hallucinations de la vue, dans la partie anté- 
rieure du lobule pariétal inférieur, dans la région où on a localisé l’hémi- 
anopsie et la cécité verbale ; pour les hailucinations de l’ouïe, dans la région 
antérieure du lobe sphénoïdal. : | 

Le transfert des troubles sensitifs paraît déterminer une douleur sié- 
geant à la fois dans la région du centre moteur et dans la partie posté- 
rieure du cerveau, où elle est diffuse ; le transfert des hallucinations du goût 
détermine une douleur siégeant au-dessus de la crête occipitale externe et 
à 2 centimètres en dehors de la ligne médiane; le transfert des hallu- 
_cinations de l’odorat, une douleur siégeant à 1 centimètre au-dessus et un 
peu en dedans. Ces deux derniers résultats sont en désaccord avec ceux des 
recherches expérimentales, et ils méritent d’être contrôlés. 

Le transfert des phénomènes que nous venons de passer en revue, 
s’accompagne de faits objectifs qui permettent de s’avancer avec assurance. 
Nous devons mettre plus de réserve lorsqu'il s’agit du transfert d’une 
attitude volontaire à l’état de veille chez les sujets hypnotisables. Nous 
avons observé quelques faits de ce genre qui n’ont laissé aucun doute 
dans notre esprit; mais nous désirons faire de nouvelles expériences avant 
d'entrer dans le détail. Notons toutefois que dans cette dernière circon- 
slance, comme dans le cas de transfert des hallucinations, il se produit des 
oscillations consécutives des plus nettes et en tout analogues à celles qui 
ont été signalées dans le transfert de l’anesthésie hystérique. 


(1) Ch. Féré, Note sur quelques points de la topographie du cerveau (Arch. 
de physiol. norm. et pathol., 1836, p. 247). — Nouvelles recherches sur la topo- 
graphie crânio-cérébrale (Revue d'anthropologie, 1881, p. 468), etc. 


DU: ? 


SÉANCE DU 9 JUILLET. - AA 


NOTE SUR LES TENSIONS DE DISSOCIATION DE L'EAU ET DES TISSUS, 
par M. R. Dupors. 


Nous avons autrefois présenté à la Société de petits mammifères qui 
s'étaient spontanément desséchés dans une atmosphère relativement 
humide et dans un espace de temps très court, après avoir séjourné pen- 
dant quelques heures dans de Pair assez chargé de vapeurs anesthésiques 
pour les tuer rapidement. 

Nous avions, d'autre part, observé que des tissus animaux et végétaux 
placés dans les mêmes conditions subissaient des modifications diverses 
que nous avons décrites, et qui favorisaient la séparation de l’eau des par- 
ties fixes. 

On était ainsi amené à se demander si des tissus appartenant à des êtres 
vivants, se conduiraient comme les tissus des animaux empoisonnés, en ce 
qui concerne la rapidité avec laquelle s'opère la déshydratation ou l’anhy- 
drisation, si l’on veut se servir de l’expression employée par Chossat. 

Dans le courant de l’année dernière, nous avions placé sous des cloches 
de verre contenant du chlorure de calcium, des animaux morts et des ani- 
maux vivants (crapauds). On pouvait supposer que les animaux se dessé- 
cheraient plus vite que les animaux morts en raison de la circulation péri- 
phérique, de la respiration et des diverses excrétions qui résultent -de 
l’activité biogénique. 

L'expérience nous a prouvé qu’il n’en est rien, et que les animaux morts mis 
en présence de substances avides d’eau, perdent dans le même temps plus 
d’eau que les animaux vivants placés dans les mêmes conditions. 

Ce fait est d’ailleurs bien connu des botanistes et des entomologistes. 
Lorsque l’on veut rapidement dessécher des Crassulacées, des Orchidées ou 
d’autres plantes riches de sucs aqueux, on doit arrêter leur vitalité soit par 
la chaleur, soit par un poison, le sublimé corrosif, par exemple, ou par 
tout autre moyen de destruction vitale. 

On doit agir de même pour beaucoup d’insectes qui peuvent résister pen- 
dant plusieurs jours à la mort et à la dessiccation, alors même qu’ils ont été 
fixés au moyen d’épingles et mis, de la sorte, dans l'impossibilité de se 
procurer des boissons ou des aliments. 

L'arrêt des échanges biogéniques diminue donc la faculté que possèdent 
les tissus de retenir l’eau qui fait partie de leur constitution. 

Cette modification importante paraît tenir à ce que les albuminoïdes qui 
composent nos tissus, perdent, au moment de la mort, la propriété de fixer 
de l’eau; cette explication théorique a besoin cependant d’être appuyée 
par de nouvelles recherches expérimentales. 

Mais, avant de pénétrer plus profondément dans cette étude, on devait 


418 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


se demander si la quantité d’eau, perdue par des animaux placés dans les 
mêmes conditions, était toujours égale, alors même que ces animaux 
auraient été tués par des procédés différents. 

Pour élucider cette question, nous avons placé, sous une cloche de verre 
_assez spacieuse, contenant une grande quantité de chlorure de calcium, des 
grenouilles du même poids et de même provenance, enfermées dans de 
petites cages de toile métallique. 

Les unes étaient vivantes, les autres avaient été tuées par divers pro- 
cédés : poisons, chaleur, congélation, électricité, dessiccation préalable. 

Toutes avaient séjourné vivantes dans une atmosphère sèche, assez long- 
temps pour que l’eau, contenue dans les cavités naturelles ou à la surface 
de la peau, ne püt entrer en ligne de compte. 

Le tableau suivant indique la proportion d’eau perdue en trois jours par 
chaque groupe de trois individus, chaque individu ayant été pesé séparé- 
ment : 


ADMAUXEVIVAES AS EL IE RENNES 15,30 pour 100. 
= (UÉSIDAMIEACUNATE CÉEEPEE PETER 14,20 = 
—  paniefroid HR NCRER SERA 14,64 — 
—= Dana is tnyehine Per FELEECr 15,31 — 
= An pDanlélectriciié CARPE ERMIONE — 
— — par la icsstae tion DES 17,78 = 
— — parnlerchlorctonme PE CPrreE 18,87 — 
— DA TODINE EE RERCE CET 19,160 
= — par la pilocarpine.......... 19,45 = 


L'expérience n’a pu durer plus de trois jours ; la température du labora- 
toire oscillant entre 18 et 22 degrés, des signes de décomposition se sont 
manifestés le troisième jour. Maisgräce à une disposition spéciale, nous 
pourrons dans quelques jours donner les courbes respectives de la marche de 
la déshydratation dans ces divers cas et dans d autres circonstances parti- 
culières pendant un temps plus long. 

On s’est toujours préoccupé de la proportion d’eau que pouvaient contenir 
les divers tissus. Volkmann, Bischoff et d’autres expérimentateurs ont fait 
à ce sujet des recherches d'ensemble; inalheureusement les procédés 
qu'ils ont employés ne sont pas à l’abri de toutes causes d'erreur. Mais 


l'étude complète de la rapidité plus ou moins grande avec laquelle se des. 


sèche un tissu, paraît avoir été complètement négligée, malgré les applica- 
tions importantes que les faits de cet ordre peuvent recevoir en biologie. 

Tandis qu’un muscle, par exemple, se dessèche très vite dans le vide 
sulfurique, un fragment de peau, placé dans des conditions identiques, ne 
perdra l’eau qu’il contient qu’au bout d’un temps beaucoup plus long, 
bien que ia proportion d’eau soit bien moins élevée pour la peau humaine 
que pour le muscle. 

On peut donc dire que la résistance de chaque tissu à la dessiceation 
n'est pas en rapport avec la proportion de l’eau qu’il contient. 


SÉANCE DU D JUILLET. 449 


La peau, pour laquelle la dessiceation est plus lente, constitue par ce fait 
un puissant obstacle à la dessiccation de l’organisme entier. Le poumon 
semble conserver pendant longtemps son élasticité en raison de propriétés 
d'ordre analogue. 

La quantité d’eau que contient un tissu ne semble pas diminuer, elle 
paraît plutôt exagérer la rapidité avec laquelle se fait sa dessiccation. 

Ce fait devient tout à fait frappant quand on dessèche comparativement 
des tissus normaux et des tissus pathologiques. 

Pour dessécher dans le vide sulfurique un morceau de muscle provenant 
d’une jambe amputée, il nous a fallu trois fois plus de temps que pour des- 
sécher deux échantillons de fibrômes utérins de même poids et de même 
surface, provenant de deux sujets différents. Cependant ce tissu, dans les 
deux cas, contenait 15 pour 100 d’eau, alors que le muscle, mélangé de 
quelques parties graisseuses, ne put perdre que 64 pour 100 de son poids 
d’eau. 

Il semble donc qu’il existe pour l’eau des tissus, ce que l’on observe pour 
l’eau des sels hydratés, des tensions de dissociation de l’eau et du principe 
fixe, variables avec chaque tissu comme avec chaque sel dans des condi- 
tions identiques et variables aussi pour un même tissu et un même sel avec 
les conditions du milieu. On serait ainsi conduit à admettre que les tissus, 
ou plutôt les albuminoïdes qui les composent, se comportent comme de 
véritables hydrates. 

Jusqu'à présent, les tissus pathologiques que nous avons examinés perdent 
plus facilement leur eau que les tissus sains, mais ils en contiennent davan- 
tage. Leur consistance n'indique rien; souvent ce sont les plus résistants 
qui contiennent le plus d’eau. 

Il y a lieu de rechercher également l’influence de l’âge, du sexe, etc., sur 
les tensions de dissociation de l’eau et des tissus. 

Actuellement nous savons simplement que la quantité d’eau est plus con- 
sidérable chez les individus jeunes, végétaux ou animaux, et qu’elle va en 
diminuant de la jeunesse à la vieillesse. Il ne nous paraît pas sans intérêt 
de rechercher les divers points de cette courbe de la vie en fonction de la 
quantité d’eau des tissus et de sa tension de dissociation. 


450. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. h 


SUR LES MOUVEMENTS MUSCULAIRES INCONSCIENTS EN RAPPORT AVEC LES 
IMAGES OU REPRÉSENTATIONS MENTALES, par M. E. GLEY, 


M. Ch. Richet a bien voulu, dans une discussion récente à la Société de 
biologie à propos de ses expériences sur un prétendu phénomène de sug- 
gestion mentale, mentionner les expériences que je faisais de mon côté à 
ce sujet; il a même annoncé que je cherchais à inscrire les mouvements 
musculaires par lesquels il a expliqué cette soi-disant perception de la 
pensée. Depuis lors j'ai poursuivi mes recherches et j'ai pu enregistrer les 
mouvements en question. Ce sont les tracés qui les représentent que j'ai 
l'honneur d'apporter à la Société. 

Mais je désirerais d’abord faire quelques remarques relatives aux condi- 
tions de mes expériences et aux sujets grâce auxquels j'ai pu les réaliser. 

On sait qu'il s’agit de trouver, les yeux fermés ou bandés, un objet caché 
par une personne dont on tient la main, cette main pressant assez forte- 
ment celle de l’expérimentateur ; il n’est pas nécessaire qu'il y ait un objet 
caché ; il suffit que la personne pense à un objet qui se trouve dans une ou 
plusieurs chambres convenues ou dans un lieu quelconque. — J'ai expéri- 
menté jusqu’à ce jour sur 25 personnes différentes, 9 du sexe féminin, 
. 16 du sexe masculin, de tempérament assez divers, la plupart ayant reçu 


une éducation libérale et d'esprit cultivé ; l’âge varie entre dix-huit ans 


(minimum) et quarante-cinq aus ; sur ces 25 personnes, 16 m'ont donné des 


résultats positifs, 1 des résultats indécis, et j'ai échoué avec les autres. 


J'ai pourtant lieu de croire que par l’exercice on pourrait réussir au moins 
sur quelques-unes de ces dernières, et les expériences se montent à une 
centaine (chiffre exact : 95 ou 96), presque toutes faites avec les sujets 
que j appellerai bons, car avec les autres, après deux ou trois expériences 
au plus, j’abandonnais la partie. Parmi les 16 sujets bons il y en a 7 du 
sexe féminin et 9 du sexe masculin. C'est sur ceux-ci que j'ai fait les plus 
longues séries d'expériences (jusqu’à 20 sur l’un d’eux, toutes réussissant 
à merveille). 

Quelle qu'ait été l’expérience — objet caché ou simplement pensé, 
comme il arrivait presque toujours, — j'ai été conduit vers l’objet qu'il s’a- 
gissait de trouver, guidé par de petits mouvements des muscles de la main 
du sujet, et cela, ainsique le disait M. Ch. Richet dans sa communication 
du 24 mai(l), Çavec une précision qu'on ne soupçonnera jamais, tant 
qu'on n'aura pas fait cette petite expérience ». Ce sontces mouvements que 
j'avais pensé tout d’abord à enregistrer et ce sont les tracés qui les révè- 
lent objectivement que j'ai l'honneur de présenter à la Société; ils ont été 


(1) Voy. le n° 22 (6 juin) du Compte rendu de la Société. 


TP OP 


SÉANCE DU 9 JUILLET. A51 


“pris sur une femme et sur trois hommes. Comme on peut le voir sur ces 
sraphiques, il se produit tout le temps de l’expérience dans la main du 
sujet des contractions fibrillaires, des petits mouvements de pression, etc., 
qui indiquent, on le comprend aisément, la direction à suivre et qui, en 
général, augmentent d'intensité quand on arrive devant l’objet. À ce mo- 
ment d’ailleurs on est encore renseigné par l’immobilité soudaine du 
sujet, par la cessation de tous mouvements dans sa main, et on éprouve 
même la sensation du relàchement qui survient dans ses Fc I ya là 
une sorte de phénomène d'arrêt, consécutif à l’état de tension continue, de 
tonicité exagérée, par lequel ses muscles viennent de passer.— Quant aux 
mouvements eux-mêmes, il est possible d’en distinguer de deux sortes, 
suivant les sujets : parmi ceux-ci en effet, les uns donnent les petits mou- 
vements de la main, les frémissements musculaires dont je viens de 
parler; chez les autres, il y a comme un mouvement de traction de toul le 
bras et de la main, et dans ce cas, on se sent quasi entrainé vers l’objet ; 
chez quelques-uns enfin on observe à la fois cette traction et les pressions 
de la main. D’autre part, 1l m'a semblé dans plusieurs expériences que les 
sujets qui présentent les mouvements de pression sont ceux dont la main se 
relâche, lorsqu'on est arrivé devant l'objet ; la main des autres, au con- 
traire, à ce moment reste contractée comme par une sorte de geste im- 
pératif. 

J'ai inscrit ces mouvements d’une manière très simple. Je place dans la 
paume de la main droite du sujet le tambour d’un cardiographe double ; 
ma propre main s'applique sur la face métallique de ce tambour, et sur le 
dos de ma main se voient les doigts du sujet. Ce petit appareil est mis en 
relalion avec un tambour dont le levier-style écrit sur un cylindre enregis- 
treur. Dans quelques expériences je me suis servi du myographe pour 
l’homme, placé sur les muscles fléchisseurs de l’avant-bras, et j’ai obtenu 
des tracés analogues. — Comme je ne pouvais pas augmenter démesuré- 
ment la longueur des tubes de caoutchouc transmetteurs, la recherche de 
l’objet ne s’est jamais faite que dans un rayon assez court, et par consé- 
quent ces expériences ont toujours eu peu de durée. 

Assurément l’analyse des mouvements obtenus de cette façon n’est pas 
très facile ; est-elle même possible ? car la forme de ces légères contrac- 
tions musculaires, fibrillaires si l’on veut, est peu distincte, ce qui tient 
sans doute au mode d'inscription que j'ai imaginé, dont je ne me dissimule 
pas les défauts. Mais j'ai cru que pour le moment, alors qu'on a essayé de 
parler de suggestion mentale, l’essentiel était de montrer la réalité des 
mouvements dont il s’agit et par conséquent d’en fournir une preuve objec- 
tive et véritable. 

Reste maintenant tout un côté, et non le moins important, de la question. 
Il est incontestable que, dans les conditions où ces expériences ont lieu, il 
y a des mouvements musculaires du sujet en expérience. Mais quelle est la 
cause de ces mouvements ? À quoi tiennent-ils ? Comment se produisent-ils ? 


452: SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


C'est dans une théorie psychologique qu'il faut chercher cette cause. 
M. Ch. Richet a très bien rappelé dans sa communication du 24 mai les 
faits étudiés par M. Chevreul il y a déjà longtemps et qui démontrent 
clairement l'existence de rapports étroits entre les volitions et des mou- 
vements inconscients. Or ce phénomène est très général : toute image est 
liée à des mouvements ; il en est de même des sentiments. C’est ce que 
Gratiolet a très bien vu (1), quand il remarque qu’une sensation est suivie 
d’une tendance au mouvement et que cette tendance nécessaire, étant d’une 
façon générale proportionnelle à l’excitation, détermine des actes affectifs ; il 
ajoute qu’une tendance pareille résulte des désirs de l'imagination. Gra- 
tiolet distinguait ces mouvements en mouvements symboliques et mouve- 
ments sympathiques. En ce qui concerne les expériences de M. Ch. Richet 
et les miennes (2), ne paraît-il pas évident, conformément à la théorie du 
rapport de l’image et du mouvement, que, après avoir caché un objet aus - 
sitôt que nous pensons à cet objet, nous avons l'idée et souvent même le 
désir d’aller le chercher? Alors s'organise un état cérébral duquel résul- 
tent des mouvements dans nos mains et un mouvement de direction géné- 
rale du bras. Il suffit même de penser à un objet, surtout avec force, comme 
dans les expériences dites de Cumberland, pour que ces mouvements se pro- 
duisent. N'est-ce pas d’ailleurs ce qui arrive en dehors de toute expérience 
quand nous avons, par exemple, l’idée d’un livre placé sur tel rayon de 
notre bibliothèque ? Involontairement le mouvement d'aller le prendre 
s’ébauche. 

Ces mouvements, bien entendu, augmentent d'intensité, quand une émo- 
tion s’ajoute. Chez un de mes sujets, aussitôt que j'approche de l'objet, il se 
produit une telle émotion, que la respiration s'accélère et prend ce rythme 
bien connu des personnes dites impressionnables ; en même temps lapres- 
sion de la main devient plus forte(3). Chez un autre de mes sujets le phé- 
nomène est encore plus remarquable. En effet, avec ce sujet je ne puis pas 
trouver les objets quelconques ; il faut, pour que les expériences réussissent, 
qu’il pense à un objet important pour lui, comme une lettre ou un papier 
l'intéressant beaucoup ou le touchant vivement. Et chez ce sujet, tout le 


(1) Anatomie comparée du système nerveux considere dans ses rapports avec 
l'intelligence. Gratiolet dit ailleurs (De la physionomie et des mouvements d'ex- 
pression) : «Il résulte de tous les faits que j'ai rappelés que les sens, l’imagina- 
tion et la pensée elle-mème, si élevée, si abstraite qu’on la suppose, ne peuvent 
s'exercer sans éveiller un sentiment corrélatif et que ce sentiment se traduit di- 
rectement, sympathiquement, symboliquement ou métaphoriquement dans toutes 
les sphères des organes extérieurs qui le racontent tous, suivant leur mode 
d'action propre, comme si chacun d’eux avait été directement affecté. » 

(2) Voy. aussi celles de M. de Varigny, Comptes rendus, n° 24. 

(3) J'ai noté cependant dans quelques expériences le fait inverse : la pression 
de la main diminuait, comme s’il s’établissait une compensation entre ces mou- 
vements et ceux de la respiration. 


SÉANCE DU D JUILLET 453 


temps que dure la recherche de l’objet et surtout au moment de la décou- 
verte, il se produit des modifications remarquables dans les mouvements du 
cœur. J’ai fait sur ces divers points plusieurs expériences ; je noterai seu- 
lement l’arrêt du cœur survenu plusieurs fois au moment où je trouve 
l’objet caché. Ce sont là des exemples de l'influence bien connue, depuis 
anecdote classique d’Antiochus et de Stralonice, des émotions sur les 
mouvements du cœur. Mais ces faits montrent clairement, ce me semble, 
le rapport qu'il y a entre l'intensité de l’image et les mouvements incon- 
scients. Ce rapport me paraît si étroit, que je pense qu’en en faisant varier 
un des termes, l’autre variera : en augmentant, au moyen du haschich par 
exemple (et nous songeons, M. Ch. Richet, qui me les a proposées, et moi, 
à réaliser ces expériences), la vivacité des images, on augmentera vraisem- 
blablement l’intensité des mouvements dont il s’agit. 

On a une autre preuve de la réalité de cette relation dans d’autres expé- 
riences que J'ai faites. Je comptais de 0 à 30, le sujet ayant pensé à un 
nombre compris entre ces deux extrêmes, et, tant à la vue du tracé que 
dans la perception des mouvements se passant dans sa main, je disais à 
quel nombre il avait pensé. Or ces expériences, si elles ont réussi chez un 
de mes sujets, ont échoué chez un autre. Et encore, chez le premier, j'ai 
obtenu des mouvements beaucoup plus faibles, comme on peut le voir sur 
les graphiques, que dans les expériences ordinaires. C’est que l’image d’un 
chiffre est déjà beaucoup moins une image sensible qu’une image abstraite; 
aussi la tendance motrice diminue-t-elle de force. 

Quant au caractère phsychologique de ces mouvements, c’est, on la 
remarqué, l’inconscience. Ceci n’est pas absolument exact. J’ai trouvé plu- 
sieurs sujets qui ont conscience des mouvements qu’ils exécutent, mais ils 
ne peuventpas ne pas les faire; cette conscience sans doute n’est pas précise 
comme celle d’un mouvement volontaire, mais enfin elle est encore assez 
nette. Chez les autres sujets, la grande majorité, il y a inconscience com- 
plète. Il convient done, ce me semble, de distinguer les mouvements en 
rapport avec les images en mouvements, tous involontaires, mais les uns 
inconscients, les autres conscients. 

Tous ces faits relatifs à l'intensité et à l’inconscience variables des mou- 
vements dont il s’agit démontrent, je crois, que ces mouvements ne résul- 
tent pas simplement d'associations habituelles entre le désir et l’idée de 
mouvoir un objet, d'aller le chercher, par exemple, et les mouvements né- 
cessaires pour prendre cet objet (1), mais qu’il entre dans la constitution 
même des images, qu’il y a en elles des éléments moteurs; de là dans le 
cerveau les courants centrifuges desquels résultent les mouvements en rap- 
port avec les diverses représentations. € Nos perceptions, dit M. Ribot, 
en particulier les plus importantes, celles de la vue et du toucher, impli- 


(1) C’est la théorie à laquelle Darwin semble s’ètre trop exclusivement attaché. 
Voy. L'expression des émotions, passim, et surtout p. 7. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 27. 35 


LA 


454 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


quent à titres d'éléments intégrants, des mouvements de l'œil où des 
membres (1). » Par conséquent, si dans la vision réelle le mouvement est un 
élément essentiel, il doit jouer le même rèle dans la vision purement men- 
tale, «idéale ». Il s'ensuit, comme le dit Hughling Jackson, € qu'il doit y 
avoir un élément moteur aussi bien qu’un élément sensoriel dans le sub- 
stratum anatomique dont la faible décharge correspond à ce que nous appe- 
lons penser à un objet (2) ». ‘ 

Je ne m’excuserai pas d’avoir été obligé de faire un peu de psychologie 
devant la Société ; la psychologie, devenant chaque jour une science plus po- 
sitive, ne tend-elle pas à rentrer de plusen plus, du moins pour une grande 
partie des questions dont elle s'occupe, dans le cadre des études physiolo- 
giques ? 


SUR LA NON-ACCUMULATION DU CHLOROFORME DANS L'ORGANISME 
APRÈS L'ANESTHÉSIE COMPLÈTE, par M. Paul BERT. 


J'ai montré, par des analyses chimiques dont j'ai communiqué les résul- 
tats à la Société, que, lorsqu'un animal respire un mélange titré d’air etde 
-chloroforme, il commence par consommer une certaine quantité de chloro- 
forme, pour arriver à l’anesthésie complète, et qu’à partir de ce moment 
il ne détitre plus le mélange qu’il respire, il n’absorbe plus de chloroforme. 
Il ne se fait done pas, comme on l'enseigne partout, d’emmagasinement 
_indéfini de chloroforme dans l’organisme; et si la mort survient au bout 
d’un certain temps, cela tient non pas à ce qu'il y a eu accumulation exces- 
sive de chloroforme, mais à ce que la vie des éléments anatomiques est 
incompatible avec la proportion nécessaire pour amener cet état d'anes- 
thésie complète. 

En d’autres termes, il y a saturation, à un certain mement, de l’organisme, 
qui ne peut plus prendre de chloroforme sous la tension où il se trouve 
dans le mélange titré. Si l’on augmente le titre de ce mélange, une nou- 
velle quantité de chloroforme entre dans l’organisme, jusqu’à saturation 
nouvelle, et la mort survient encore plus rapidement. 

L'expérience suivante met cette vérité en lumière sous une forme très 
saisissante. 

* Je fais respirer à un chien À, un mélange de 10 grammes de chloro- 
forme dans 100 litres d'air ; c’est le mélange limite, au-dessous duquel 


(1) Les maladies de la volonté, p. 7. Voy. aussi le remarquable article publié 
par M. Ribot dans le numéro d'octobre 1874 de la Revue philosophique sur Les 
mouvements et leur importance psychologique. 

(2) Clinical and physiological Researches on the nervous system, p. 18. 


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SÉANCE DU 9 JUILLET. 


l’anesthésie est très lente et imparfaite. Il devient insensible à la cornée au 
bout de quatre à cinq minutes. Un quart d'heure après, je fais respirer à 
un second chien B, l'air expiré par le premier. Or il s’anesthésie au bout de 
quatre minutes, et dort bientôt aussi profondément que son compagnon. 

Au bout d'une nouvelle demi-heure, je fais respirer à un troisième 
chien C, l’air qui a traversé les poumons des deux premiers. animaux. Il 
s’endort à son tour en quatre minutes, et reste parfaitement anesthésié. 

Je suis persuadé qu'on aurait pu ajouter à la chaîne une série indéfinie 
d'animaux, et qu'ils se seraient tous anesthésiés, si l’on avait pris la pré- 
caution de ne les mettre en place que de demi-heure en demi-heure. Mais il 
faut compter avec l’épuisement de l’air et les phénomènes de l’asphyxie. 

En tous cas, l’expérience démontre nettement que le mélange ne s’était 
pas détitré en traversant les poumons des deux premiers animaux. 

Mais il ne faudrait pas croire qu’au moment où un animal est devenu 
insensible, même à la cornée, il soit saturé de chloroforme en rapport avec 
la tension du mélange titré. Non, il continue à absorber encore du chloro- 
forme pendant un certain temps. En voici la preuve : 

Un chien est anesthésié en quatre minutes avec le mélange à 10 pour 100. 
Aussitôt je fais respirer à un second chien l’air expiré par le premier. Or 
celui-ci ne devient insensible qu’au bout de douze minutes, ce qui prouve 
bien évidemment qu'il ne respirait pas le mélange à 10 pour 100, mais un 


mélange détitré. 


Action de l'asphyxie. — Le chien C respirait un air déjà deux fois 
expiré, et par conséquent épuisé, asphyxique, ne contenant probablement 
guère que 13 à 14 pour 100 d'oxygène. Aussi sa muqueuse buccale était 
évidemment noirâtre. 

Or ce chien parfaitement anesthésié, même à la cornée, n’est resté 
tranquille à aucun moment de l'expérience. Sans cesse il était en trépida- 
tion, remuant les pattes, la mâchoire, les paupières, par des mouvements 
faibles et incoordonnés. Ces phénomènes étaient dus à l’asphyxie. 

J'ai montré en effet, dans un travail ancien, que, si l’on noie un animal 
bien anesthésié, il a des convulsions, moins fortes il est vrai que celles 
d’un animal sain. « Cela prouve, disais-je, que le pouvoir excito-moteur des 
centres nerveux est resté intact, la réceptivité de la moelle épinière ayant 
disparu; puis que l'excitation de la moelle par un sang privé d'oxygène a 
pour conséquence des mouvements (1). » 


Gône respiratoire. — Les deux chiens À et B m'ont donné un exemple 
bien saisissant de l'influence néfaste chez les animaux très profondément 
chloroformés, des gènes respiratoires. 


(1) Sur la prélendue periode d'excilalion dans l'empoisonnement par le 
chloroforme et l'éther (Acad. des sciences, 18 mars 1867). 


456 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Entre chaque chien, — car les trois animaux respiraient en chaine, 
grâce à un triple jeu de soupapes — j'avais placé un petit sac de caoutchouc 
destiné à éviter l'influence réciproque des rythmes respiratoires. Or, à la 
fin de l’expérience, un petit accident ayant maintenu gonflés ces deux sacs, 
qui opposaient ainsi une certaine résistance à l'expiration des deux chiens 
A et B, ceux-ci sont morts soudainement, et, comme toujours, par arrêt 
respiratoire. Ils étaient du reste très pris, et depuis longtemps les mouve- 
ments respiratoires des naseaux avaient cessé, ce qui indique que le bulbe 
ne fonctionnait plus régulièrement. 

Je ne saurais trop insister sur les dangers que fait courir à un malade 
profondément anesthésié le moindre obstacle au libre jeu de la respi- 

ration. 


SUR LA THÉORIE DE L'IDÉOPLASTIE. Note de M. le docteur J. Ocaorowiez (1). 


D’après la classification motivée dans ma précédente communication, il 
y à lieu de distinguer trois catégories de phénomènes idéoplastiques : 

° Idéoplastie des sensations : positive et négative. 

2° [déoplastie des mouvements : positive et négative. 

3° Idéoplastie matérielle ou trophique : positive et négative. 

Il nous reste l’explication des faits. Expliquer veut dire : réduire un fait 
* isolé à des conditions connues, suffisantes et nécessaires. Les conditions 
de l’idéoplastie sont doubles : psychiques et physiologiques. 


Conditions psychiques. — Les idées peuvent, jusqu'à un certain point, 
être considérées comme des forces. Elles s’enchainent par association et 
leur action ne se manifeste d'ordinaire qu'intérieurement. Pour qu’elles 
produisent un effet extérieur par rapport au cerveau, il faut, ou bien une 
excitation extérieure, ou bien un acte de volonté. Dans l’idéoplastie, il en est 
autrement : l’idée provoque un effet sans une excitation extérieure suffi- 
sante et indépendamment d’un acte de volonté, quelquefois même contrai- 
rement aux excitations et à la volonté. D'où provient cette autonomie de 
l’idée? Elle provient d’une augmentation d'intensité. L'idée d’une lumière, 
en augmentant d'intensité, se transforme en une sensation de lumière. La 
représentation d’un mouvement, en augmentant d'intensité, produit le 
mouvement, etc. Et quelle est la cause de cet accroissement d'intensité? 
La voici : Dans les conditions ordinaires une idée ne se présente jamais 
seule; elle est toujours associée à un groupe d’autres idées. Tout en pen- 
sant à un lion que je ne vois pas, je vois le papier sur lequel j'écris ces mots, 


(1) Communication faite à la séance du 28 juin 1884. 


SÉANCE DU D JUILLET. 457 


je vois ma main, la plume, l’écriture, je ressens la position de mes membres, 
j'entends les bruits de la rue, etc. Toutes ces idées, sensations, représenta- 
tions se dessinent dans mon esprit avec plus ou moins de netteté. Plus leur 
nombre est grand, moins elles sont nettes, car elles s’effacent, elles se para- 
lysent mutuellement. En concentrant ma pensée sur un bruit éloigné, je per- 
cois mieux ce bruit, mais en même temps je reste relativement sourd pour les 
autres bruits, et il arrive, quand nous attendons avec impatience un signe 
convenu, que nous le percevons par l’idéoplastie, avant qu'il se soit pro- 
duit réellement. C'est donc par un isolement de l'attention, par l’élimina- 
tion des idées étrangères, que l’idée dominante acquiert son intensité 
exceptionnelle. Elle est plus forte que d’habitude, parce qu’elle est seule, 
parce qu’elle n’a pas d'obstacles intérieurs. Je peux, tout en écrivant, me 
représenter un acte de bâillement et il restera dans mon esprit comme 
un simple souvenir d’un mouvement réflexe, contre-balancé par d’autres 
idées; mais si, sans avoir une préoccupation quelconque, je contemple pas- 
sivement une personne qui bâille, je commencerai à bâiller moi-même par 
l’idéoplastie imitative. Dans tous les cas d’idéoplastie, cette condition 
psychique est nécessaire : il y faut une tendance marquée vers le monoï- 
déisme, c’est-à-dire vers l'isolement de l’idée dominante. Autrement elle 
restera € à l’état faible » et ne pourra pas se traduire en une sensation ou 
en mouvement. L’idéoplastie matérielle dénote un état de monoïdéisme 
encore plus prononcé. Elle ne peut se produire que dans l’état hypnotique 
complet (ne serait-ce que momentanément) et par une action monoïdéistique 
forte et prolongée. C’est alors que l’idée arrive au maximum de se puis- 
sance; elle règne en souveraine. Toutes les sensations étrangères sont 
abolies et l’esprit est devenu une tabula rasa, sur laquelle l’idée suggérée 
se réfléchit avec une intensité inouïe. Elle gouverne alors le système ner- 
veux toutentier. Mais comment se fait-il que l’idée d’une hémorrhagie par 
exemple, qui est toujours quelque chose d’idéal, de subjectif, peut produire 
l’hémorrhagie elle-même, qui est un fait objectif et matériel? Pour le com- 
prendre, il faut avoir recours aux conditions physiologiques. 


Conditions physiologiques. — I n’est pas douteux que les changements 
trophiques de l’idéoplastie matérielle s’effectuent par l'intermédiaire des 
nerfs vaso-moteurs. Une surexcitation ou une paralysie de ces nerfs, diver- 
sement combinées, peuvent en rendre compte d’une manière plus ou moins 
complète. Mais comment une idée arrive-t-elle à influencer les aerfs vaso- 
moteurs? À la rigueur, ce n’est pas l’idée comme telle, qui détermine ces 
changements. Elle n’est que le point de départ d’une action et non pas 
l'agent proprement dit. Et c’est ici que je voudrais insister sur une caté- 
gorie des associations, fort importante, et très peu étudiée. Il ne faut pas 
s’imaginer que ce ne sont que des idées qui peuvent s’associer entre elles. 
Il y a aussi des associations psycho-physiques entre les idées d’une part et 
certains états organiques d'autre part. Ces états, qui sont des complexus 


458 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


physiologiques fort divers, n'arrivent jamais à la conscience : nous pouvons 
bien remuer un doigt, tel ou tel, quoique nous n’ayons aucune connaissance 
ni des nerfs, n1 des muscles, ni des courants nerveux qu'il faut mettre en 
action pour y arriver. C’est l’association idéo-organique qui se charge de 
l'exécution de notre volonté. Cette association est en partie héréditaire et 
en partie acquise, mais même en tant qu'acquise elle reste inconsciente; ce 
n'est que son premier anneau (l’idée) qui arrive à la conscience. Or, dans 
l’idéoplastie matérielle, nous avons affaire à des associations de ce genre. 
D'un côté, l’idée d’un changement ; de l’autre, un complexus organique, qui 
amène ce changement. Et comme dans la reproduction des idées, l’idée 
présente réveille une sensation ou un mouvement passé, de même ici 
l’idée dominante réveille un état organique particulier, avec lequel elle est 
en association inconsciente. C’en est aussi un genre de mémoire, mais 
d’une mémoire inconsciente et matérialisée. 

Et elle est bien puissante, cette mémoire ! Si, d’un côté, les états patho- 
logiques des organes peuvent déterminer des idées maladives dans le cer- 
veau ; de l’autre côté, à force de la loi de réversibilité, lés idées favorables 
ou défavorables à la santé peuvent améliorer ou empirer l’état général de 
l'organisme. L'influence est parfaitement mutuelle, parce qu’elle s’effectue 
entre deux anneaux d’une même association. Quelquefois un simple chan- 
gement de milieu suffit pour produire une amélioration ; parce que, dans un 
endroit donné, tous les objets, même indifférents, se sont associés d’une 
manière inconsciente à un certain état maladif et ‘le provoquent, le sou- 
tiennent, le favorisent machinalement, par l’association idéo-organique. 
Il y a des sujets (lexemple a été déjà cité par Boerhaave) chez lesquels 
l’idée d’une maladie, la représentation exacte de ses symptômes, suffit pour 
déterminer la maladie elle-même, une maladie bien réelle. Le cas est 
extrême, mais l’agent reste le même. Lorsqu'on nous parle d’une « chaleur 
étouffante », nous comprenons bien de quoi il s’agit, parce que l’idée de la 
chaleur réveille en nous d’une manière imperceptible l’état physiologique 
de l’échauffement. Supposez une sensibilité plus grande, une facilité 
exceptionnnelle des reproductions idéo-organiques, et vous aurez un 
échauffement palpable. S'il est vrai, comme l'avait très bien remarqué 
M. Brown-Séquard, que tous les phénomènes de l’hypnotisme ne sont que 
des manifestations d’inhibition ou de dynamogénie, les phénomènes d’idéo- 
plastie ne sont qu'une inhibition ou dynamogénie, conditionnées par une 
association idéo-organique, tandis que les autres cas d’inhibition et de 
dynamogénie dépendent des associations purement physiologiques : organo- 
organiques. Si, par exemple, l'excitation du nerf splanchnique arrête les 
mouvements de l’intestin, c’est que ces deux phénomènes relativement éloi- 
gnés : lirritation du nerf splanchnique et une parésie des muscles de l’in- 
testin, sont associés physiologiquement d’une manière plus ou moins 
inconnue, mais de même qu’un sentiment donné s'associe à certains 
mouvements d'expression. La théorie des associations organo-organiques et 


SÉANCE DU D JUILLET. 459 


idéo-organiques n’explique pas, il est vrai, ce qui reste malheureusement 
inexplicable dans l’état actuel de nos connaissances, à savoir les causes 
intimes de la plupart de ces associations; mais en tous cas, elle pourra con- 
tribuer, je l’espère, à subordonner des faits fort divers à un même prin- 
cipe et à un même mécanisme associationiste. La psychologie et la physio- 
logie se trouvent ainsi réunies et on pourra dès lors rechercher les lois des 
associations physiologiques, comme on a déjà étudié les lois des associa- 
tions psychiques. C'est en perdant ses associations psychiques dans l’état 
de monoïdéisme, que l’idée retrouve ses associations organiques, qu’elle 
s’enchaine à elles, qu’elle provoque des modifications dans les organes, avec 
une force d’autant plus décisive et irrésistible, qu’elle est elle-même puis- 
sante et irrésistible. Elle se confond pour ainsi dire avec l’état qu’elle re- 
présente, elle le réalise. On pourrait dire que les cas d'inhibition organo- 
organique sont pour la plupart des associations par contraste, où l’excita- 
tion de a s’associe à un arrêt de b, tandis que les dynamogénies sont des 
associations par similitude, lorsqu'une excitation & est suivie de l’excita- 
tion b. Et elles peuvent être causales, indissolubles ou seulement acciden- 
telles; car, de même qu'entre les idées, il y a des associations physiolo- 
giques par contigquité, c'est-à-dire des associations effectuées par un 
simple rapprochement dans le temps ou dans l’espace. L'état maladif « 
s'associe à un autre état maladif d par cette simple raison, que des causes 
accidentelles les ont produits simultanément ou l’un après l’autre. Dès lors, 
il suffit que l’état à se présente pour que l’état b soit ressuscité en même 
temps. Aussi il faut bien se méfier des associations idéo-organiques par 
contiguité, qu'on prend souvent pour des associations causales. On croit, 
par exemple, que « l’état somnambulique s'obtient par une pression sur le 
vertex », Landis qu'entre ces deux phénomènes il n’y a aucune relation de 
causalité. Le principe des associations idéo-organiques bien compris, tout 
en rendant compte des phénomènes d’idéoplastie motrice et matérielle, 
fera disparaître ces observations individuelles et artificielles qui gêne beau- 
coup l’étude indépendante et rigoureuse de ces phénomènes compliqués. 
Je n’ai pas eu, dans cette courte notice, d'autre intention que d’esquisser 
à grands traits les principes généraux d’une théorie de l’idéoplastie. Aussi 
j'ai omis à dessein l’analyse des conditions physiologiques particulières, et 
la confrontation de ces remarques générales avec les théories des phéno- 
mènes idéoplastiques qui ont été émises par Braid, Durand, Charpinion, 
Liébeault et Bernheim. Je me réserve cette tâche pour un ouvrage détaillé. 


BOURLOTON. — hüprimeries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. 


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461 


SÉANCE DU 12 JUILLET 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


RECHERCHES SUR L’ÉLIMINATION DE L'ACIDE PHOSPHORIQUE CHEZ L'HOMME 
SAIN, L'ALIÉNÉ, L'ÉPILEPTIQUE ET L'HYSTÉRIQUE (HERO communi- 
on) par M. MarRET. 


Dans la précédente séance, j'ai indiqué les résultats biologiques auxquels 
m'a conduit l’étude de l'élimination de l’acide phosphorique chez l’homme 
sain. Cet acide se lie à la nutrition du musele, du système nerveux et à la 
nutrition générale; mais ces facteurs influencent différemment l'élimination 
des phosphates. L'activité musculaire augmente l’excrétion de l’acide phos- 
phorique uni aux alcalis et de l’azote et laisse intact ou diminue le rende- 
ment de l'acide phosphorique uni aux terres; le travail intellectuel, au 
contraire, augmente l’excrétion des phosphates terreux et diminue lélimi- 
nation de lazote et de l’acide phosphorique uni aux alcalis; enfin la 
nutrition générale agit dans le même sens sur les deux espèces de phos- 
phates et sur l’azote. L'étude comparative de l’acide phosphorique uni aux 
terres, de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de l’azote permet donc de 
distinguer ce qui revient au système nerveux de ce qui revient au système 
musculaire et à la nutrition générale lorsque ces facteurs agissent simulta - 
nément. Rappelons encore, pour rendre plus facile cette distinction, que 
chez l’homme sain le rapport entre l’acide phosphorique uni aux terres et 
l'acide phosphorique uni aux alcalis est en moyenne comme 1 est à 5. 

Par suite, nos recherches physiologiques transportées dans le domaine 
de la pathologie nous permettront évidemment, si dès modifications se 
produisent dans le rendement de l'acide phosphorique sous l'influence des 
maladies fonctionnelles du système nerveux, de savoir si ces maladies 
modifient les échanges qui se passent au sein de Ja substance nerveuse. 
C’est sur les résultats que nous avons obtenus à cet égard dans l’aliénation 
mentale, Pépilepsie et lhystérie, que nous désirons attirer aujourd’hui 
l'attention de la Société, Mais tout d’abord il est nécessaire de savoir si ces 
maladies modifient, relativement à la normale, l'élimination de l'acide 
phosphorique. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 28. 46 


462 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


Pour cela, il faut encore comparer l’état pathologique à l’état physiolo- 
gique, et comme différents éléments peuvent modifier lélimination de 
l'acide phosphorique, il faut que l'élément maladie distingue seul l’homme 
malade de l’homme sain. Nous ne pouvons insister sur les conditions né- 
cessaires pour qu’il en soit ainsi, on les trouvera exposées en détail dans 
notre travail. Nous dirons seulement que la comparaison entre l’état de 
maladie et l’état de santé est possible au double point de vue de la quantité 
et de la qualité de l’acide phosphorique éliminé, et cela que la maladie 
soit curable et que par conséquent on puisse suivre le malade jusqu’à sa 
guérison et comparer ainsi chez lui l’état de maladie à l’état de santé; que 
la maladie soit incurable et qu’on doive comparer l’élimination de l’acide 
phosphorique chez le malade en observation avec ce qui existe chez l’homme 
sain en général; qu’on veuille enfin comparer chez un même individu deux 
périodes différentes d’une même maladie. 

Nous pouvons maintenant aborder l'étude de l’élimination de l'acide 
phosphorique chez l’aliéné, l’épileptique et l’hystérique. Toutefois, pour ne 
pas donner trop d'extension à cette communication, nous nous limiterons à 
l'étude de cette élimination dans la manie, la Iypémanie et Pépilepsie. 


Manie et acide phosphorique.— Nos recherches nous montrent que l’état 
maniaque peut être divisé relativement à l’influence qu’il exerce sur lélimi- 
nation de l’acide phosphorique et de l'azote en quatre périodes : agitation, 
dépression, rémission et convalescence, qui se comportent de la manière 
suivante : 


Acide Acide Acide 
Azote. phosphorique phosphorique phosphorique 
total. uni aux terres. uni aux alcalis. 
Agitation....... Augmenté. Augmenté. Augmenté. Augmenté. 
Dépression . .... | Diminué. Diminué. Augmenté. Diminué. 
Rémission...... Diminué. Diminué. Diminué. Diminué. 


Convalescence…. Diminué. Diminué. | Diminué. Diminué. 


Nous laisserons de côté ce qui à trait à la rémission et à la convales- 
cence pour ne nous occuper que des périodes d’agitation et de dépression. 

Pour que l'agitation marque son action sur l'acide phosphorique éliminé 
par les urines, il faut que cette agitation ait une certaine intensité, sinon 
aucune modification ne se produit. De plus à une agitation d'apparence 
extérieure semblable peuvent correspondre des modifications un peu diffé- 
rentes dans l'élimination de Pacide phosphorique, suivant qu’on considère 
la période d’état ou la période de déclin de Ia maladie. À la période d’éta, 


’ 


SÉANGE DU 12 JUILLET. 403 


le chiffre de l’acide phosphorique uni aux terres est plus augmenté qu’à la 
période de déclin, tandis que le chiffre de l’acide phosphorique uni aux 
alcalis reste le même dans les deux cas. Or, comme dans la période d’état, 
les troubles intellectuels sont plus marqués qu’à la période de déclin, on 
est amené, d’après ce que nous a appris la physiologie, à attribuer à ces 
troubles la plus grande augmentation constatée dans le rendement des 
phosphates terreux, tandis que l’augmentation des phosphates alcalins se 
rattacherait à l'élément agitation. Cette manière de voir s'impose lorsqu'on 
compare les périodes d’agitation et de dépression; dans cette dernière, en 
effet, les troubles psychiques persistent, l'augmentation de l’acide phospho- 
rique uni aux terres persiste, tandis que, l'agitation ayant disparu, le chiffre 
de l’acide phosphorique uni aux alcalis diminue. Nous pouvons donc dire 
que la manie dans les période d'agitation et de dépression augmente les 
échanges nutritifs qui se passent au sein de la substance nerveuse. Et 
comme l’augmentation de l’acide phosphorique uni aux alcalis est entière- 
ment liée à l’élément agitation, de même que l’augmentation de l’azote, et 
que nous avons vu le travail musculaire augmenter le chiffre de ces deux 
substances, 4 est naturel d'attribuer à la suractivité du système 
musculaire qui existe pendant l'agitation maniaque une.part.dans, l'aug- 
mentation de l'azote et de l'acide phosphorique uni aux alcalis. Nous 
disons une part; et, en effet, cette augmentation reconnaît encore une 
autre origine, elle est liée à une suractivité de la nutrition générale, 
suractivité qui n’existe plus dans la période de dépression; ici, en effet, la 
diminution dans le chiffre de Pazote et des phosphates alcalins prouve que 
la nutrition générale est ralentie. 

Nos recherches sur la manie nous conduisent donc aux conclusions 
suivantes : 

« 1° La manie modifie diversement, suivant les périodes, l'élimination 
par les urines de l’acide phosphorique et de l'azote. 

» 2° La manie modifie les échanges nutritifs qui se passent au sein de la 
substance nerveuse; elle les augmente. 

» 9° La manie retentit sur la nutrition générale, qu’elle suractive dans les 
périodes d’agitation et qu’elle ralentit dans les périodes de dépression. » 


Lypémanie et acide phosphorique. — La lypémanie, lorsqu'elle a une 
certaine intensité, augmente le chiffre de l'acide phosphorique uni aux 
terres et diminue le chiffre de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de 
l'azote. Elle modifie donc l'élimination de ces substances de la même ma- 
nière que le travail intellectuel et les modifications produites sont suscep- 
tibles dans les deux cas des mêmes interprétations, de sorte que nous 
pouvons dire : 

« 1° La lypémanie augmente les échanges en acide phosphorique qui se 
passent au sein de la substance cérébrale. 

» 2° La Jypémanie ralentit la nutrition générale. » 


404 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Le retentissement de la lypémanie sur la nutrition générale est une ques- 
tion intéressante à étudier dans son ensemble, nos recherches à ce sujetsont 
encore très incomplètes. Cependant des expériences faites sur la numéra- 
tion des globules du sang dans cette forme d’aliénation mentale, prouvent 
que la lypémanie a une grande influence sur l’hématopoièse; elle peut 
modifier dans des proportions parfois considérables les rapports entre les 
olobules blancs et les globules rouges. 


Épilepsie et acide phosphorique. — L’épilepsie, en dehors des attaques 
et de l’état de mal, ne modifie pas l'élimination de l’acide phosphorique et 
de l’azote. 

Les attaques d’épilepsie augmentent l'élimination de l'azote, de lacide 
phosphorique uni aux terres et de l'acide phosphorique uni aux alealis. 
L'augmentation de lacide phosphorique uni aux terres .est proportionnel- 
lement plus considérable que celle de l’acide phosphorique uni aux alcalis 
el de l’azote ; de plus l’augmentation des phosphates terreux se retrouve en 
dehors des attaques sous l'influence des vertiges, tandis que dans ces cas 
l'azote et les phosphates alcalins ne sont pas augmentés. Par conséquent, 
l'augmentation de l'acide phosphorique uni aux terres qu'on constate sous 
l'influence des attaques doit être attribuée, comme pour le travail intellec- 
tuel, à un déchet en acide phosphorique dû à une suractivité dans les 
échanges en cet acide qui se passent au sein de la substance nerveuse. 
Inversement, l’augmentation de l’acide phosphorique uni aux alcalis et de 
l'azote doit être recherchée ailleurs que dans le système nerveux; elle est 
due à la mise en activité du système musculaire qu’entrainent après elles 
les attaques. 


L’état de mal épileptique produit dans l'élimination de l’azote et de l'acide 


phosphorique des modifications de même ordre que celles auxquelles don- 
nent lieu les attaques et qui reconnaissent la même origine. 

Ces différents faits établis, nous pouvons résumer comme suit les rapports 
qui existent entre l° lee et l'acide phosphorique : 

« 1° Dans l’épilepsie, en dehors des attaques et de l’état de mal, l’élimi- 
nation de lazote et de l'acide phosphorique par les urines n’est pas mo- 
difiée 

» 20 Les attaques et lé lat de mal épileptique augmentent l'élimination de 
l’azote et de l'acide phosphorique; ils suractivent les échanges quise passent 
au sein du système nerveux. » 


En résumé, les recherches que nous avons faites montrent que les ma- 
ladies fonctionnelles du système nerveux modifient les échanges nutritifs 
qui se passent au sein de ce système et qu’on peut se rendre compte des 
modifications produites par l'examen des urines. C’est bien, en effet, à la 
nutrition qu'il faut altribuer les modifications que nous avons constatées 
dans Pélimination des phosphates ; ces modifications sont indépendantes de 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 465 


la forme que revêt l’activité nerveuse ; elles sont les mêmes lorsque celle-ci 
s'exprime par des troubles de l’idéation comme dans l’aliénation mentale 
ou par des troubles d’un autre ordre comme dans l’épilepsie ; elles sont les 
mêmes peu importe la forme que revêt l’idéation, on les retrouve en effet dans 
les deux formes les plus opposées de l’aliénation mentale, dans la manie et 
la lypémanie. Ces modifications nutritives, que produisent les maladies 
fonctionnelles du système nerveux et que mettent en relief nos recherches 
donnent lieu à des indications thérapeutiques sur lesquelles nous n’insis- 


terons pas ici et qu’on retrouvera dans notre travail. 


DE LA DÉMENCE ALCOOLIQUE, par M. MAIRET. 


Jé voudrais encore prier la Société d'accepter un autre travail se rap- 
portant comme le précédent aux maladies du système nerveux et intitulé : 
De la démence alcoolique, contribution à l'étude de la périencéphalite 
chronique localisée et à l'étude des localisations cérébrales d'ordre psy- 
chique. 

Ce travail, basé sur l'observation clinique, est tout différent de celui dont 
nous venons d'exposer la substance ; cependant il s’en rapproche peut-être 
par un point. Si nos recherches biologiques sur l’acide phosphorique nous 
ont permis de montrer que cet acide est intimement lié à la nutrition du 
cerveau, elles ne nous ont pas révélé le pourquoi de la différence que revêt 
la manifestation psychique; nous avons vu, en effet, les formes les plus 
opposées de cette manifestation modifier dans le même sens la nutrition du 
cerveau. Certes, il est possible que des recherches faites sur d’autres 
substances que l’acide phosphorique nous livrent le secret de ces différences 
dans l’expression du fonctionnement cérébral, mais peut-être aussi est-ce 
ailleurs qu’il faut chercher ce secret; c’est du moins une manière de voir 
vers laquelle nous portent les observations consignées dans notre travail 
sur la démence mélancolique. 

Dans ces observations dans lesquelles les troubles psychiques se tra- 
duisent pendant la vie par des idées de tristesse, nous rencontrons à l’au- 
topsie des lésions localisées dans des régions identiques du cerveau. Gette 
localisation des altérations anatomiques en des régions toujours les mêmes 
nous à naturellement amené à nous demander s’il n’existait pas une rela- 
tion de cause à effet entre elles et les idées de tristesse qui existaient pendant 
la vie. Différents témoignages sont venus nous affermir dans cette manière 
de voir. Ces témoignages, tirés de faits identiques aux nôtres et publiés 
par divers auteurs, d'observations de paralysie générale, de Pétat des ré- 
gions du cerveau, que nous soupçonnions être le siège des idées de tristesse, 
sous l’influence d’un fonctionnement exagéré, et enfin d'expériences faites 


466 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


| 
sur les animaux; ces témoignages, disons-nous, nous ont amené à nous 
demander : si les circonvolutions qui forment la lèvre inférieure de la 
scission de Sylvoius, et en arrière de cette lèvre et sur une étendue encore 
indéterminée, les circonvolutions temporales et surtout les circonvolu- 
tions sphénoïdales etles circonvolutions de l’'hippoccampe ne seraient pas 
le siège des idées de tristesse. 

Toutefois, hätons-nous de le dire, cette question de la localisation des 
idées de tristesse n’est que posée ; pour qu’elle passe dans le domaine de 
la science, il faut, comme nous le disons dans notre travail, qu’elle s’appuie 


sur des faits plus nombreux que ceux que nous avons pu réunir et surtout 


qu’elle soit confirmée par un grand nombre d’expérimentateurs. 

Mais ces données de physiologie pathologique ne sont qu’un des côtés de 
notre travail sur la démence méaneenine. Nous avons voulu surtout, dans 
celui-ci, dégager un type clinique jusqu'ici laissé dans l’ombre et qui nous 
paraît mériter une place dans le cadre nosologique. 

Ce type, caractérisé au point de vue symptomatique par un délire mélan- 
colique, un état d’affaiblissement radical de lintelligence, dont on retrouve 
souvent les traces dès les premières périodes de la maladie et qui par consé- 
quent n’est pas consécutif au délire, et par des troubles paralytiques locali- 
sés, présente, à l’autopsie, des lésions de même nature que celles qui existent 
dans la paralysie générale, mais qui, au lieu d’être diffuses, sont localisées. 

Ce type est donc à la paralysie générale ce qu’est une inflammation localisée 
à une inflammation diffuse, et comme trait d'union entre la démence mélan- 
colique et la paralysie générale, la clinique nous montre des faits dans les- 
quels la lésion d’abord localisée se généralise. 

La connaissance du type clinique que nous avons dégagé nous paraît 
avoir une réelle importance au point de vue du pronostic et du traitement; 
elle nous paraît avoir une importance non moins grande au point de vue de 
la pathologie générale, en ce sens qu’elle nous montre la périméningo-encé- 
phalite, que nous ne connaissions jusqu’à présent que comme une inflam- 
mation diffuse, suivre les lois qui régissent l’inflammation. 


PRÉPARATION DE PEPTONE DE FIBRINE POUVANT SERVIR D'ALIMENT, 
par M. GRÉHANT. 


Dans un Mémoire publié dans les Archives de Pfluger en 1875, 
MM. Plosz et Gyergyai (de Budapest) ont exposé les résultats qu'ils cu 
obtenus en nourrissant des chiens avec des solutions de peptone de fibrine : 
en six Jours, le poids d’un animal nourri de peptone, d’une solution de 
sucre et d’eau, s’accrut de 2ks,53 à 2ks,79 ou de 260 grammes. Ce travail 
m'a donné l’idée de proposer l’emploi de solutions de peptone de fibrine 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 467 


chez des malades ou des convalescents, et je crois que ce mode d’alimenta- 
tion peut rendre de grands services. 

La fibrine du sang, que l’on peut se procurer à bas prix dans les abattoirs, 
se dissout, comme on le sait, très facilement dans le suc gastrique naturel 
ou artificiel ; je me suis servi d’abord de suc gastrique du chien obtenu par 
une fistule, mais j'ai bientôt renoncé à ce moyen, qui fournissait trop peu de 
liquide et de peptore pour un emploi médical. 

Je compose un suc gastrique artificiel formé de : 


Pepsine amylacée du commerce ....... 2 grammes. 
Acide chlofbydriQue nur er 4 centimètres cubes. 
au PER ne de SARL 1 litre. 


En soumettant à l’action de ce liquide 100 grammes de fibrine du sang 
humide, lavée à plusieurs reprises dans l’eau qui enlève peu à peu les glo- 
bules du sang et décolore la fibrine et en chauffant dans l’étuve de 40 à 
45 degrés, on obtient au bout de vingt-quatre heures une solution à peu 
près complète. 

On filtre le liquide sur un linge, on le fait bouillir et on l’additionne de 
bicarbonate de soude jusqu’à ce qu'on obtienne une solution neutre ou 
légèrement alcaline, qui filtre rapidement sur du papier et qui est donnée 
au malade. 

Cette solution de peptone de fibrine précipite très abondamment par une 
solution de tannin. 

En été, la fibrine fraiche s’altérant assez vite, on peut, après l’avoir lavée 
à grande eau, la soumettre à la presse et la conserver dans l’alcool. 

Avant de faire agir sur la fibrine ainsi conservée le suc gastrique artifi- 
ciel, on exprime l’alcool à la presse et on lave à grande eau pour qu’il ne 
reste plus d'alcool; la solution de la fibrine ainsi conservée se fait aussi 
bien que celle de la fibrine fraiche. 

La préparation de plusieurs litres de peptone de fibrine peut se faire 
chaque jour, et n’exige qu’une demi-heure. 


À PROPOS DE LA COMMUNICATION DE M. GRÉHANT, par M. BoucHEREAU. 


L'alimentation des aliénés est un problème souvent difficile, non seule- 
ment parce que ces malades refusent toute nourriture sous l'influence de 
leurs conceptions délirantes, mais il arrive parfois qu’ils dépérissent tout en 
prenant une quantité de nourriture en apparence suffisante pour des indi- 
vidus du même âge et de la même constitution; ce fait, particulier à cer- 


468 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tains mélancoliques, résulte de ce que chez eux l'assimilation des aliments 
ne s'opère pas comme dans les conditions de la santé ordinaire : les 
régimes les plus substantiels ont souvent été prescrits sans succès. 

Dans le but d'arriver à alimenter certains aliénés mélancoliques, M. Bou- 
chereau a fait usage de fibrine préparée chaque jour par M. Quesneville, 
pharmacien de l'asile Sainte-Anne, suivant les indications et procédés que 
M. Gréhant à fait connaître : la fibrine a été donnée quotidiennement à la 
dose d’un litre, mélangée à du bouillon gras ou maigre, à du lait, à des 
substances aromatisées : elle a été presque toujours acceplée facilement : la 
fibrine n’a pas été donnée en général à l'exclusion de tout autre aliment, 
mais associée au régime de la maison. 

Parallèlement, d’autres aliénées mélancoliques se trouvant dans la même 
situation physique et mentale reçoivent les rations habituelles sans addition 
de fibrine : or on a vu les premières, qui recevaient de la fibrine, s’amé- 
liorer au point de vue mental et physique, tandis que les secondes n’ont 
éprouvé aucune amélioration, bien que soumises au régime alimentaire très 
réparateur de la maison : ces faits ont paru dignes d'attention. 


Une femme D..., âgée de vingt-huit ans, accouchée le 10 décembre 1883, 
entre le 12 janvier 1884: elle a de l’agitation maniaque, des. idées mélanco- 
liques ; son pouls varie de 110 à 120 pulsations, sa température oscille 
entre 38 et 39 degrés; elle doit garder le lit, car ses jambes ne peuvent la 
porter, elle pèse 34k5,600; sa stature est petite; après deux mois et demi 
du régime mixte avec fibrine, elle a gagné 45,300; le délire disparaît, les 
forces reviennent, elle peut marcher, travailler, reprendre ses occupations, 
et sort en apparence guérie. 

Une autre, âgée de trente-deux ans, entre pour la seconde fois : son 
intelligence à toujours été débile, mais elle a été atteinte de délire mélan- 
colique avec tendance au suicide; elle est petite, maigre, pèse 45ks,100 ; 
elle prend un litre de fibrine par jour, devient moins sombre, s'occupe, 
répond volontiers, montre de l'initiative; elle a gagné seulement 15,200 ; 
il y a amélioration sensible au point de vue mental et physique. 

Une troisième femme, ägée de trente-deux ans, entre le 23 septembre 1883: 
elle présente de l’affaiblissement intellectuel et de la mélancolie anxieuse ; 
elle avait éprouvé des chagrins et subi des privations, elle mangeait peu, 
dormait mal; sa faiblesse était très grande, elle restait’toute la journée au 
même endroit et se tenait difficilement debout; malgré le régime reconsti- 
tuant de l'asile, son état n'avait aucune tendance à s'améliorer ; au com- 
mencement de mars, elle pesait 55%:,400, et au 30 avril, elle: avait gagné 
2k5,800 : on avait ajouté un litre de fibrine à ses rations habituelles. Son 
intelligence était devenue plus lucide : elle s'était mise à marcher, à tra- 
vailler, les idées mélancoliques avaient disparu, et il restait seulement des 
signes de démence. 

L'alimentation par la fibrine, venant s’associer au régime habituel, a rendu 


SÉANCE DU Â12 JUILLET. 469 


de réels services chez les aliénés débilités : aux faits cités on pourrait en 
ajouter un certain nombre d’autres recueillis également par M. Vétault, mon 
interne, dans lesquels l’état physique seul s’est amélioré sans modifications 
pour les dispositions mentales antérieures. 


EXPÉRIENCES QUI DÉMONTRENT COMBIEN IL EST DANGEREUX DE RESPIRER 
DES VAPEURS NITREUSES, par MM. GRÉHANT et Quinouaup. 


On emploie actuellement les vapeurs nitreuses pour détruire les germes 
morbides qui peuvent être contenus dans les bagages des voyageurs: il 
paraît difficile que, dans l’usage de ces vapeurs d'acide hypoazotique, les 
voyageurs et les employés ne soient point exposés à en respirer. 

Nous nous sommes rappelé un fait, publié autrefois à la Société de biolo- 
gie par notre collègue M. Rabuteau : il s’agissait d’un ouvrier qui, ayant 
respiré des vapeurs nitreuses qui s'étaient échappées d’une chambre de plomb, 
avait quitté son travail, était retourné chez lui sans éprouver d'autre phé- 
nomène qu'une certaine oppression, puis mourait quelques heures plus 
tard ; nous avons voulu, par deux expériences faites sur des animaux, démon- 
trer de nouveau le danger que présente l no rene des vapeurs nitreuses 
dans les poumons. 


Première expérience. — Un chien fixé sur une gouttière reçoit sur la 
tête une muselière de caoutchouc bien appliquée, qui communique par un 
large tube de caoutchouc avec un tube de verre long de 1 mètre, large de 
4 centimètres environ, qui traverse un trou percé dans la fenêtre du labora- 
toire et s’ouvre au dehors; on fait pénétrer dans l'orifice de ce tube un 
long tube de verre uni à l’un des flacons muni d’un robinet, d’un appareil 
de MM. Deville et Debray servant de gazomètre, qui a été rempli d’abord 
de bioxyde d'azote; on ouvre légèrement le robinet et on fait passer à tra- 
vers un barboteur à eau le gaz qui pénètre bulle à bulle dans l’air que res- 
pire le chien, qui s’agite vivement ; au bout de dix minutes, on cesse l’expé- 
rience, l’animal détaché reste couché sur le flancet présente une respiration 
haletante ; on est obligé de le faire porter au chenil ; quarante-huit heures 
après, on répète la même expérience et dès les premières inspirations du 
mélange loxique, l'animal meurt par arrêt des mouvements respiratoires ; à 
l’autopsie, on trouve la trachée et les bronches remplies de mucosités con- 
tenant une foule de petites bulles d’air; la trachée' est ple et lépithélium 
vibratile ne présente plus le moindre nie, des cils. 


Deuxième expérience. — En répétant une seconde fois la même expé- 
rience, nous avons fait arriver le bioxyde d’azote plus lentement encore : 


470 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l'animal mourut au bout d’une demi-heure et on avait consommé de un à 
deux litres de bioxyde d’azote, qui était en partie rejeté au dehors par les: 
mouvements d'expiration; il y eut d’abord arrêt de la respiration, puis 
arrêt du cœur quelques instants plus tard. 


Nos expériences, faites au laboratoire de physiologie de M. Rouget, au 
Jardin des plantes, suffisent pour appeler de nouveau l'attention sur le 
danger extrême que présente l'introduction des vapeurs nitreuses dans les 
poumons. 


OBSERVATION DE M. RABUTEAU SUR LA COMMUNICATION PRÉCÉDENTE. 


La communication si intéressante et si opportune de MM. Gréhant et 
Quinquaud me donne l'occasion d’insister sur le danger des vapeurs 
nitreuses et de le préciser davantage. | 

Parmi les intoxications provoquées expérimentales, je n’en connais 
aucune qui se rapproche davantage du choléra. Mon opinion est fondée sur 
l'observation de symptômes graves dont j'ai été victime après l’absorption 
accidentelle de vapeurs nitreuses dans la préparation du nitrite d’amyle. 
J'ai vu d’autre part, chez les animaux, la cyanose, la réfrigération, des 
altérations graves du sang que j'ai indiquées et qui ont été rappelées par 
M. Hénocque. 

Je rappelleraï, en outre, que les vapeurs nitreuses et les nitrites sont des 
poisons excessivement traîtres, peut-être plus traîtres que le phosphore. 
Le sang devient peu à peu acide, comme il arrive dans le choléra, et la mort 
a lieu souvent plusieurs heures après l’intoxication nitreuse, alors qu’on 
aurait pu croire à une amélioration. 


NOTE SUR LES PEPTONES DE FIBRINE EN SOLUTION, 
par M. Ch. E. Quinquaur. 


Nous avons surtout étudié l’action de ces peptones sur le. poids, l’exhala- 
tion pulmonaire de CO° et sur l’urée de quelques malades, en choisissant 
des cas graves : 


Ogs. I. Diabète maigre. Anorexie profonde : en un mois et demi le poids avait 
diminué de 5 kilogrammes. 


SÉANCEt DU Â2 JUILLET. 471 


On donne chaque jour 120 grammes de peptone de fibrine et l’on voit survenir 
les modifications suivantes dans le poids et dans l’exhalation de CO?. 


Avant l'administration par voie stoma- 
cale des peptones le poids est de 62 kilogrammes. 


AETOUrS apres MAINS < FOSTER 63 — 
Enmoisiapres (Same of REGIIE 64 CE 
En moiset/demhaprèsi:s.te tenus: 65 — 


L’exhalation de C0? suit la même marche : 


Avant la prise des peptones en 6/20" 1sr,40 de CO? est exhalé. 
TH JOUESNANEES EP EEE CROATIE — 
Un mois aprés "ne" en 69 2 ,10 . 


Ors. IL. Ulcère simple de l’estomac avec hématémèse. Vomissements. Gas- 
tralgie très accusée. Amaigrissement ; cachexie. 
On donne chaque jour 110 grammes de peptone. 


Poids avant la prise des peptones..... 56 kilogrammes. 
Trois/Semames apres. 2h MeRMENE" 98 — 


Exhalation pulmonaire de CO® : 


Avant la prise de peptone en 7/5  1sr,25 de CO? est exhalé. 
Trois semaines après.... en 71 4,19 — 


Ogs. III. Cancer de l'estomac à la phase cachectique. Anorexie profonde, 
vomissements quotidiens. 

Administration journalière de 100 grammes de fibrino-peptone. 

Dans l’espace d’un mois le malade avait maigri de 5k5,400 et pesait 64 kilo- 
grammes avant l'alimentation avec les peptones. Un mois après, le malade avait 
conservé son même poids. 

L’exhalation pulmonaire de CO? avait augmenté. 


Avantla prise des peptones en 650”  15r,50 de CO? est exhalé. 
Un mois après." en 640 1 ,9%5 — 


Os. IV. Phthisie pulmonaire avec excavation au sommet gauche. Amaigrisse- 
ment profond. Fièvre hectique. Anorexie, vomissements. 

Avant le traitement le malade avait perdu en cinq semaines 4kg,600 de son 
poids, qui, la veille de l’alimentation par les peptones, était de 63 kilogrammes, 
est resté stationnaire un mois après, où l’on note 63kg,300. 

L’exhalation pulmonaire de CO? est plus considérable. 


Avant la prise des peptones en 6/ 15r,35 de CO? est exhalé. 


Trois semaines après..,. en 6/10” 1 ,85 — 


Dans tous ces cas les malades ont pris les fibrino-peptones par l’estomac ; 
nous les avons données également dans les autres phases de la phthisie, dans 


472 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


diverses dyspepsies, dans les cas de démence sénile, dans diverses affections 
de la vieillesse avec faiblesse excessive. 

Presque constamment nous avons vu survenir une amélioration très 
notable, des malades cachectiques ont pu reprendre de l’'embonpoint, et 
assez de force pour se lever et se promener, alors qu’ils ne le faisaient point 
depuis plusieurs mois ; les résultats ont été favorables dans les affections 
gastro-intestinales. L’urée a constamment augmenté ; l’accroissement a été 
de 4 à 12 grammes dans les vingt-quatre heures. | 

Chez 4 malades atteints de sténose stomacale et æsophagienne, nous avons 
administré par la voie rectale les peptones de fibrine en solution, à la dose 
de 140 grammes en solution très légèrement alcaline ; dans tous les cas 
l’urée s’est accrue de 5 à 9 grammes en vingt-quatre heures, l’exhalation 
pulmonaire de CO? a augmenté, seul le poids est resté stationnaire. 

Préparation des fibrino-peptones. — La méthode générale est celle que 
l’on emploie ordinairement et celle qu'a préconisée mon ami M. Gréhant; 
au cours de mes recherches, j'y ai introduit quelques modifications : 

On prend 200 à 250 grammes de fibrine bien lavée, alcoolisée en été 
surtout, on l’acidifie avec une solution très étendue de HCI, on lave, la 
fibrine se gonfle et l’on y ajoute 5 grammes de pepsine amylacée, 3 centi- 
mètres cubes d'acide chlorhydrique et 1 litre d’eau. Le tout est maintenu 
dans une étuve à la température de 40 degrés. La digestion artificielle est 
faite en quinze à seize heures; on passe à travers une toile de lin, on 
neutralise par le bicarbonate de soude, on filtre, puis on verse la solution 
de fibrino-peptone dans de petits flacons de 250 grammes préalablement 
portés à 200 ou à 100 degrés si les peptones y sont contenues, on ferme 
avec un bouchon de liège et on lute avec la parafine. 

De cette manière, la substance se conserve et l’on a ainsi des rations 
faciles à administrer en deux ou trois fois dans la matinée avec du bouillon 
maigre, du lait, du café, avec ou sans aromates. | 


RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA SypHilis, par MM. Marcus et de 
ToRNÉRY. Travail du laboratoire de M. Vulpian, présenté par M. Bocxx- 
FONTAINE. 


À Prague, il y a quelques années, M. Klebs a trouvé dans le pus du 
chancre induré des bätonnets semblables à ceux de la tuberculose et formant 
par leur réunion un feutrage épais. Il aurait même réussi à innoculer 
l'affection à un singe en se servant de morceaux de chancre infectant, 
plaque, ete., mais non à l’aide de microbes cultivés in vitro. 

Depuis, M. Aufrech a découvert dans le pus syphilitique des coccus se 
colorant facilement par la fuchsine. 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 4 


1 
CO 


En France, MM. Martineau et Hamonic ont constaté également dans le 
pus du chancre syphilitique la présence de bacilles. Nous avons donc cru 
intéressant de reprendre ces recherches, d'autant plus que toutes les inocu- 
lations jusqu'ici tentées ne l'avaient pas été avec des microbes provenant 
des cultures successives, mais bien avec des produits syphilitiques divers, 
tels que chancre, condylome, papules, ete. Ce sont ces cultures que nous 
nous sommes d'abord efforcés de réaliser, et voici la méthode à laquelle nous 
nous sommes arrêtés après de longs tàtonnements. 

On laisse séjourner dans l’eau distillée (250 grammes) placée dans un 
endroit frais, 250 grammes de viande maigre pendant vingt-quatre heures 
environ. On exprime ensuite la viande avec soin pour retirer le maximum de 
l’infusion. On ajoute 10 grammes de peptone non acide et dépourvue de mé- 
langes, 5 grammes de chlorure de sodium et 3 grammes de phosphate de 
potasse. On chauffe le tout jusqu'à ébullition et les matières albuminoïdes 
se coagulent en entier. On filtre et on obtient un liguide jaune clair auquel 
on ajoute un peu d’eau pour restituer à l’infusion la quantité d’eau primi- 
tive.On y mêle alors une solution de gélatine au cinquième, qu’on a chauffée 
à ébullition et à laquelle on fait traverser un entonnoir à filtration chaude. 
Puis on neutralise avec de la potasse et on chauffe à l’éballition jusqu’à 
120 degrés. On verse le résultat de ces diverses manipulations dans des 
tubes stérilisés à 100 degrés, qu'on ferme ensuite avec de la ouate égale- 
ment stérilisée, en ayant soin cependant de ne pas la laisser trop longtemps 
dans l’étuve, afin de ne pas obtenir des produits pyrogénés antiseptiques qui 
s’opposeraient au développement des germes. 

Nous avons recueilli de la sérosité de chancre infectant et de condylome 
lavés au préalable avec une solution mierobicide au moyen d’un fil de 
platine porté au rouge, et nous avons ensemencé un certain nombre de nos 
tubes avee ces produits syphilitiques. 

D’autres tubes renfermant la même solution refroidie furent conservés 
comme témoins ; les uns furent infectés avec du liquide septique, tandis 
que le reste ne reçut aucune espèce de germe. 

Tous les tubes furent exposés à une température de 35 degrés centi- 
grades. 

Au bout de peu de jours ceux qui renfermaient des germes septiques 
eurent leur terrain transformé en une bouillie infecte. Les tubes qui 
n'avaient rien reçu demeurèrent intacts et gardèrent leur transparence et 
leur solidité primitive. Ceux où nous avions introduit du virus syphilitique 
présentèrent au bout de trois jours une petite cupule opaque au point de 
l’inoculation et qui se développa peu à peu vers la profondeur. Au micro- 
scope ces trainées se révélèrent comme des colonies de coccus sur lesquelles 
nous reviendrons. 

Dans toutes ces recherches nous nous sommes servis de la méthode de 
Gram, de Copenhague (coloration avec violet de gentiane dissous dans de 
l’eau saturée d'huile d’aniline et décoloration avec une solution composée . 


474 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


d’eau, 300 grammes ; iodure de potassium, 2 grammes ; iodure métallique, 
1 gramme). 
La fuchsine nous a donné également de bons résultats, mais moins nets. 


Sans insister davantage sur les détails de ces recherches, ce qui dépas- 
serait peut-être de beaucoup les limites prescrites à cette note, nous résu- 
mons en quelques mots les résultats auxquels nous sommes arrivés, nous 
réservant de publier plus tard un travail plus complet sur ce sujet : 

1° On rencontre dans les produits syphilitiques, et dans les cultures que 
nous avons réussi à faire, des colonies de coccus faciles à colorer par les 
méthodes indiquées plus haut ; 

2 On y rencontre encore, mais en infime minorité, des bàtonnets déjà 
signalés par Birsch-Hirschfeld et Martineau, qui disparaissent au bout de 
la troisième culture et qui ne résistent pas à l’alcooi acidulé (3 pour 100); 

3° Aussi ces bâtonnets nous paraissent-ils accidentels et d’origine septi- 
cémique ; 

4 Ces bätonnets semblent souvent résulter de la juxtaposition de deux ou 
trois coccus ; 

9° Ces coceus sont faciles à cultiver dans l’infusion de viande de bœuf 
peptonisée, additionnée de gélatine et alcaliné ; 

6° Ils se retrouvent dans les chancres indurés et dans les ganglions syphi- 
litiques en employant les mêmes procédés de coloration-ou en traitant les 
coupes par des alcalis qui font ressortir les coccus. 

Ajoutons que pour ces recherches il est bon d’user de forts grossis- 
sements (immersion à l'huile de Verich n° 12 ou immersion K. de Zeiss) 
et se servir de l'éclairage Abbé, à diaphragmes ouverts. 


SUR UN PROCÉDÉ DE DOSAGE DE L'AZOTE TOTAL DE L'URINE, 
par M. A. HENNINGER. 


L’urée, le produit le plus abondant de la dénutrition des principes azotés 
de l’économie, peut jusqu’à un certain point donner la mesure de cette 
dénutrition. Mais, pour aborder le problème dans toute sa généralité, il faut 
tenir compte en outre des produits azotés accessoires, acide urique, créati- 
nine, acide hippurique et matières dites extractives de l’urine. À priori, en 
effet, il est fort peu probable qu’il existe un rapport constant entre la quan- 
tité d'azote excrétée sous forme d’urée et celle qui entre dans la composition 
de ces produits de cornbustion incomplète. 

Les expériences de Ghalvet font entrevoir, au contraire, que ce rapport, 
peu variable peut-être à l’état physiologique, change dans la maladie. Si 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 415 


—— 


néanmoins, dans l'immense majorité des cas, on s’est contenté de connaître 
la quantité d’urée, cela tient à la facilité des méthodes de dosage de ce corps, 
comparée à l'imperfection des procédés qui permettent de déterminer l’azote 
total de l’urine. Ceux-ci sont fondés sur la transformation de l'azote en am- 
moniaque par la calcination avec la chaux sodée (procédé de Seegen, diver- 
sement modifié), ammoniaque facile à doser par une liqueur titrée d'acide 
sulfurique. Mais d’un côté ces procédés sont longs et d'autre part ils laissent 
échapper une certaine proportion d'azote, qui passe à l’état de quinoléine ou 
d'autres bases. 

Or la méthode récemment proposée par M. Kjeldahl pour doser l’azote 
dans les composés organiques, peut être aisément appliquée à l’urine, et 
avec la modification que j'y ai apportée, elle devient d’une exécution facile. 
Le chimiste danois détruit les matières organiques par un grand excès 
d'acide sulfurique concentré, réactif maintes fois employé à cet effet et dont 
l'application, étudiée par M. A. Gautier et par M. Pouchel, a rendu si pré- 
cise la recherche des poisons minéraux. L’azote passe à l’état de sulfate 
d’ammonium et est dosé sous forme d’ammoniaque par un procédé aleali- 
métrique. 

Voici comment je procède pour doser l’azote total de l’urine : 20 centi- 
mètres cubes d'urine (10 centimètres cubes si elle est concentrée) sont 
évaporés avec 9 centimètres cubes d’acide sulfurique concentré, dans une 
fiole en verre résistant (verre à base de potasse). Le résidu noir est ensuite 
graduellement chauffé à feu nu jusque vers le point d’ébullition de l'acide 
sulfurique : il se dégage du gaz sulfureux et de l'acide carbonique, la masse 
devient de moins en moins foncée et finalement elle ne conserve qu’une 
teinte ambrée. [1 suffit de une heure et demie à deux heures pour atteindre 
ce résultat. On transvase alors le liquide dans une fiole jaugée de 50 centi- 
mètres cubes, en s’aidant de petites quantités d’eau, on le sursature par 
de la soude qu’on a soin d’ajouter peu à peu et en refroidissant pour éviter 
une perte d’ammoniaque, finalement on parfait avec de l’eau Le volume de 
90 centimètres cubes. Pour doser l’ammoniaque dans ce liquide, on pour- 
_rait, à l’exemple de Kjeldahl, en soumettre une partie à la distillation et 
recueillir les vapeurs dans une liqueur acide titrée. Mais il est beaucoup 
plus simple de décomposer l’ammoniaque par l’hypobromite de sodium et 
de mesurer l'azote dégagé. | 

A cet effet, on prélève 10 centimètres cubes de liquide alcalin, ce qui 
correspond à 4 ou 2 centimètres cubes d'urine primitive, on les introduit 
dans un uréomètre et on les traite par l’hypobromile. La quantité du 
liquide ammoniacal permet d’ailleurs de faire plusieurs déterminations 
de contrôle. 

Du volume de l'azote délayé, on déduit son poids, en tenant compte de la 
température et de la pression. Mais, pour éviter les calculs de réduction du 
volume à zéro et 160 millimètres, il est plus expéditif de décomposer dans 
le même appareil par l’hypobromite une quantité connue de sulfate d’am- 


À 
| VA: 
»" * 4 


476 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


monium (5 centimètres cubes d’une solution à 18,856 par litre contenant 
exactement 01,02 d'azote) et de mesurer le volume d’azote dégagé. Une 
simple proportion donne alors le poids de l’azote contenu dans 4 centimè- 
tres cubes ou 2 centimètres cubes d'urine. 

J'ai appliqué ce procédé de dosage à des urines sucrées, albumineuses, 
peptoniques, et toujours les résultats ont été satisfaisants. Il est seu- 
lement plus difficile d'obtenir, après l’action de l'acide sulfurique, un 
produit aussi peu coloré qu'avec l’urine normale. Dans ce cas, l'addition 
de quelques parcelles de permanganate de potassium au liquide sulfurique 
haud permet de décolorer le produit, mais elle n’est pas indispensable 
pour l’urine. M. Kjeldahl procède toujours ainsi et affirme que, malgré 


la réaction extrêmement violente qui se déclare, on ne perd pas d’ammonia- 


que, pourvu que l’on arrête naturellement l'addition du permanganate dès 
ia coloration verte du liquide. J’ai vérifié l'exactitude de ce fait. 

Parmi les nombreux uréomètres qui ont été décrits par MM. Heifner, 
Ivon, Bouchard, Esbach, Regnard, Blarez, etc., celui de M. Regnard se 
prête le mieux au cas actuel. Les résultats sont suffisamment exacts pour 
les besoins de la clinique. Pour des analyses très précises, j'ai construit un 
appareil spécial un peu plus grand, à laide duquel la mesure du volume 
d'azote se fait dans un appareil fondé sur le principe du manomètre mesu- 
reur de Regnault. Les résultats obtenus sont excellents et la méthode de 
M. Kjeldahl ainsi modifiée nous paraît constituer un procédé de dosage de 
l'azote à la fois rapide et susceptible de rendre des services multiples. Je 


compte l'appliquer au dosage des peptones dans les liquides de lorga- 
nisme. 


BOURLOTON. — liprimceries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. 


0 


ADDITION À LA SÉANCE DU 12 JUILLET (1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


SUR UNE FAUSSE NOCTILUQUE, par M. Poucaer. 


Tous les naturalistes sont à peu près d'accord aujourd’hui pour considérer 
les Noctiluques comme ayant une étroite parenté avec les Péridiniens, mais 
Jusqu'à ce jour aucun fait positif n'était venu démontrer cette parenté. 
Aucun Péridinien n’absorbe d'aliments solides, aucun ne présente de 
tentacule. Des considérations d’une morphologie presque subtile enga- 
geaient seules à rapprocher des êtres aussi différents en apparence. Les 
faits que nous produisons aujourd’hui, sans résoudre l’obscure question de 
l'origine des Noctiluques, semblent au moins démontrer d’une maniere 
irréfutable qu'elles ne sont qu’une transformation de quelque espèce ou de 
plusieurs espèces de Péridiniens. 

Cette année, jusqu’au moment présent 10 juillet, la mer à Concarneau 
s’est montrée absolument dépourvue de Noctiluques. C’est à peine si on en 
rencontre quelques-unes, non encore gonflées en ballons, dans les pêches au 
filet fin. Par contre, on y découvre un Péridinien, qui se présente sous 
plusieurs variétés d'aspect ou plusieurs éfats dont l'identité ne saurait être 
méconnue, soit qu'il s'agisse d’une espèce nouvelle, ce qui nous semble peu 
probable, soit qu'il s'agisse de véritables Noctiluques troublées dans leur 
évolution dès la forme antérieure par laquelle elles passent avant de se 
multiplier par les procédés connus et déjà décrits. 


Premier état. — Forme péridinienne nettement accusée, mesurant 100 à 
120 de long, se rapprochant de la forme ordinaire des Gymnodinium. 
L’être a toutefois une cuticule mince, résistante, comme celle des Noctilu- 
ques. Deux sillons caractéristiques, avec leurs flagellums. Cytoplasme 
Jjaunâtre, ne renfermant jamais de corps étranger, disposé en trabécules 
comme celui des Noctiluques, enveloppant un noyau sphérique comme celui 
des Noctiluques, avec des granulations d’un brun verdâtre, massées autour 
de ce noyau, des globes jaunâtres et enfin des grains de substance jaune 
vert, semblant être de la chlorophylle. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. Ie", N° 29. à 


{ 


478 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Cette constitution du cytoplasme se retrouve rigoureusement identique 
dans les autres états. 


Deuxième état. — Qu'on imagine l’être précédemment décrit gonflé par 
un excès d’eau dans les lacunes de son cytoplasme, on aura une sorte de 
petit ballon ovoïde, sur lequel se dessine encore nettement le sillon trans- 
versal entourant un des bouts de l’ovoïde à la manière d’un fichu dont les 
deux extrémités se rapprocheraient en pointe. 

Cet état paraît être un état ultime annonçant à plus ou moins longue 
échéance la fin de l’être. 


Troisième état. — On constate, en étudiant ceux de ces êtres qui ont 
encore nettement la forme péridinienne, qu’ils peuvent présenter des défor- 
mations dues à des rétractions locales de leur cuticule sous l'influence du 
cytoplasme contractile. Les Noctiluques offrent la même particularité. Ces 
déformations se traduisent le plus souvent en plis irréguliers longitudinaux. 
Mais elles ont aussi pour effet, chez certains, de rétracter la partie conique, 
qui fait alors une saillie de moins en moins prononcée au milieu du 
champ limité par le sillon transversal. 


Quatrième état. — Cest de beaucoup le plus intéressant, c’est en même 
. temps le plus commun. La portion conique est complètement rétractée et 
en quelque sorte retournée intérieurement. L’être est par suile à peu près 
cylindrique avec une de ses extrémités exeavées. Le bord de cette excavation 
est tracé par le sillon transversal dans lequel on peut voir le flagellum se 
mouvoir. Enfin, sur le milieu de la longueur de l'être, s’insère un tentacule, 
le plus souvent avorté et fort court, mais qui s’est présenté au moins une 
fois à nous avec des caractères de dimension et de forme générale rappelant 
exactement le tentacule des Noctiluques. Sa substance était remplie de 
petites granulations de grosseur uniforme, foncées ; il paraissait dénué de 
mouvements. 


SUR LA DILATATION DES TISSUS VIVANTS PAR LA CHALEUR, par L. CHABRY 
(présentée par M. Poucuer). 


Les nombreuses observations qui ont été faites dans ces derniers temps 
sur les effets que la pression extérieure exerce sur les animaux habitant les 
profondeurs de la mer, m'ont amené à étudier l’action de la chaleur sous 
un aspect où elle est comparable à une pression. 

Au point de vue mécanique, l’effet des pressions extérieures est de rap- 
procher les unes des autres toutes les molécules du corps de l’animal, pro- 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 419 


portionnellement à la pression exercée et aux coefficients de compressibilité 
des divers tissus. 

Or, si on ne considère que les variations de distance des molécules, on 
sait qu’une variation de température de quelques degrés amène de plus 
grands changements que plusieurs atmosphères de pression. Il était donc 
intéressant de vérifier (car la chose était probable à priori) que les 
corps vivants subissent comme le plus grand nombre des corps bruts une 
dilatation par la chaleur. J’ai étudié, à cet effet, différents vers et crustacés, 
et j'ai trouvé, en élevant de 10 degrés centigrades à 15 degrés la température 
de l’eau dans laquelle ils vivaient, que ces animaux subissaient une dilata- 
tion totale ou cubique, dont le coefficient était du même ordre de grandeur 
que celui de l’eau de mer. Les tissus vivants se dilatent donc, par la chaleur, 
à la manière des corps bruts, et ce seul fait démontre que la compression, 
par ses effets mécaniques, ne peut faire subir aucune atteinte à la vie, à la 
condition que les animaux ne renferment pas de gaz libres, facilement 
compressibles. 

Les effets de la pression, que je suis loin de nier, doivent donc être 
rapportés soit à la modification de certains pouvoirs physiques, comme la 
solubilité ou l’imbibition, soit à la variation de l’activité chimique. 

Quant aux changements de distance que la pression provoque entre les 
molécules des humeurs et des tissus, leur effet physiologique est nul, 
puisqu’une diminution de température d’un degré provoque entre ces mêmes 
molécules des variations de distance beaucoup plus considérables, sans que 
les phénomènes généraux de la vie en soient sensiblement troublés. 


NOTE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE L’ADONIS VERNALIS, par Ad. LESAGE, 
aide de clinique à l’'Hôtel-Dieu (présentée par M. BOcHEFONTAINE). 


L’Adonis vernalis est une plante de la famille des Renonculacées. Ses 
propriétés physiologiques et thérapeutiques ont été étudiées dans ces der- 
nières années, d’abord par M. Bubnow, en Russie, puis par M. Cervello, en 
Italie, puis tout récemment par différents auteurs en France et en Alle- 
magne. 

M. G. Sée, voulant l’employer dans son service de clinique, a désiré con- 
trôler auparavant les expériences des premiers de ces auteurs. C’est ainsi 
que j'ai été conduit à déterminer, avec le concours de M. Bochefontaine, au 
laboratoire des cliniques de l'Hôtel-Dieu, l’action physiologique de l’Adonis 
vernalis. 

On a employé, pour cette recherche, la plante tout entière ou les racines 
seules. Je mets sous les yeux de la Société un échantillon des différentes 
parties de la plante. 


480 __ SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


= —— 


Les animaux qui ont servi pour les expériences sont la grenouille, le 
cobaye et le chien. 

Chez la grenouille, on a eu recours d° abord à une macération hydro- 
alcoolique de. racines sèches d’Adonis vernalis préalablement pulvérisées. 
On a pris 33 grammes de ces racines, qu’on à laissé macérer-pendant un 
mois dans l’eau et l'alcool à parties égales (40 centimètres cubes de chaque). 
On a obtenu 75 centilitres de liquide après filtration. Chaque centimètre 
cube de ce liquide représente donc le principe actif d'environ 25,21 de 
racines sèches. 

Quelques gouttes de celte macération ont été instillées directement sur 
le cœur ou injectées sous la peau. 

L'application sur le cœur mis à nu de 2 gouttes de ce liquide FE les 
effets suivants. Immédiatement après, par l'effet de l'alcool, le cœur s’ar- 
rête un instant en diastole, puis se remet à battre d’une façon régulière. 
Pendant les quinze minutes qui suivent, les contractions ventriculaires 
vont toujours en diminuant de force et de nombre; en même temps les ven- 
tricules se distendent irrégulièrement et restent resserrés par places jus- 
qu'à l'arrêt complet du cœur. À ce moment le ventricule est exsangue, for- 
tement contracté. Les oreilles sont distendues et remplies de sang: 

Les injections sous-cutanées produisent les mêmes effets, à part l'arrêt 
momentané du cœur quisuit l'application directe du liquide chargé d'alcool. 

Sur une grenouille, vingt minutes après l'injection sous-cutanée de 
‘“juatre divisions de la seringue de Pravaz, le cœur, qui jusque-là avait 
battu régulièrement, commence à se contracter péniblement. Le ventricule 
devient exsangue et rigide par places ; en premier lieu le plus souvent à la 
pointe. Cette rigidité fait que les oreillettes ne peuvent plus verser leur 
contenu dans la cavité ventriculaire. Elles se remplissent et se distendent 
fortement, et ce n’est qu'après trois ou quatre systoles auriculaires que le 
sang g passe dans le ventricule, qui le chasse immédiatement par une con- 
D brusque. On observe cet état du cœur pendant dix minutes environ, 
puis l'arrêt du ventricule en systole arrive une demi-heure après l’injec- 
tion. aoû: 8155 Ja 

D’après'ées expériences, cette plante doit donc être placée au rang de 
celles qui “arrêtent le cœur en systole, comme la digitale, l’inée, le mu- 
“guet, été, ‘ét'éonsidérée comme un médicament cardiaque. 

Les injections intraveineuses chez le chien et les tracés 
tiques Yiefnénñt'éonfirmer les faits observés chez la grenouille. On a em- 
pores dans-céicais;inon plus la macération hydro-alcoolique de racines, mais 
Je piincipe actif de’ la pit isolé à l’état amorphe, par M. E. Hardy et 
‘pas M: Lahglébert/0: 

Sur un chien nas pesant 32 kilogrammes, on fait une injection dans 
la! véine Saphène d'untdemi-centigramme environ d’adonidine en solution 
“dans l’eauetlalcool à parties égales. La pression sanguine prise dans l’arière 
carotide avant l'injection était égale à 16 centimètres cubes de mercure. 


SÉANCE DU 12 JUILLET. 481 


Aussitôt après liniestion on observe une élévation subite de la pression, 
qui monte jusqu’à 36 centimètres cubes de mercure et se maintient ainsi 
élevée pendant vingt-cinq minutes. 

On note en même temps un ralentissement des battements du cœur ne 
de 107 tombent à 71 par minute. 

La section des deux nerfs pneumogastriques ne modifie pas l’état de la 
circulation. L’excitation électrique des deux bouts centraux céphaliques 
n’élève pas la pression sanguine; celle des deux bouts périphériques ne 
fait pas baisser cette pression et n'arrête pas les pulsations cardiaques. 

L'animal meurt au bout d’une demi-heure sans aucun mouvement con- 
vulsif. 

On a obtenu les mêmes résultats quand on s’est servi des extraits ou de 
l’adonidine cristallisée, mais incomplètement purifiée, préparés au labora- 
toire de chimie de l’'Hôtel-Dieu par M. Calmels avec des racines incom- 
plètement desséchées. 

Il en a été de même avec lPadonidine eristallisée, incolore, extraite au 
même laboratoire par M. Rasetti. C’est, je crois, la première fois que l’on 
ait étudié les propriétés de l’adonis, en se servant d’un produit chimique 
aussi nettement défini. M. Rasetti présentera d’ailleurs à la Société une 
Note relative à ses recherches. HE 

L'augmentation de la pression et le ralentissement du cœur sors 
encore l’action de l’Adonis vernalis de celle du muguet et des autres médi-. 
caments cardiaques, mais surtout de la digitale. Son action, plus tardive, 
tient sans doute à son peu de solubilité. 

I] convient de remarquer l'énorme augmentation de la pression sanguine 
intracarotidienne notée déjà par M. Cervello. Comme ce phénomène résulte 
sans doute d’une action tonique de l’adonis sur la fibre musculaire car- 
diaque, il conduit à penser que l’on pourrait conseiller l’emploi de l’Adonis 
vernalis en clinique dans les affections où le muscle cardiaque présente un 
certain degré d’atonie. 


NoTE SUR L’ADONIDINE, par M.G. RASETTI, présentée par M. Bochefontaine, 
Travail du laboratoire de M. le professeur G. Sée à l’Hôtel-Dieu. 


L’adonidine a été préparée par la méthode de Cervello, qui se résume 
ainsi : épuisement de la plante, l’Adonis vernalis, par un mélange d’eau et 
d'alcool à volumes égaux ; après concentration convenable de l'extrait, trai- 
tements successifs par l’acétate de plomb, le tannin et enfin l’oxyde de zinc 
en solution alcoolique absolue, à la température de l’ébullition. L’adonidine 
que l’on obtient ainsi possède la consistance et la couleur d’un caramel 
épais. 

974 


482 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


. Des traitements successifs par le noir animal, suivis de filtrations et dé: 
concentrations ménagées (le produit s’altérant facilement à une tempéra- 
ture peu élevée, voisine de 60 degrés), n'ont fourni un produit plus pur, 
très peu coloré en jaune pâle, se prenant en une masse cristalline, encore 
fortement souillée d’une matière visqueuse qui s'attache énergiquement aux 
parties cristallisées et dont il paraît difficile de les débarrasser, cette ma- 
tière accompagnant en presque totalité les cristaux dans les divers dissol- 
vants que j'ai pu employer pour les en séparer. Cependant, au moyen de 
traitements méthodiques par l’eau et l’alcool à différents degrés de concen- 
tration, j'ai pu isoler des cristaux à peu près purs, assez blancs et qu me 
paraissent népésenier toute l’activité de l’adonidine. 

D'un autre côté, j'ai constaté la présence dans mes produits d’autres 
cristaux, Ten différents des premiers : ces cristaux, qui se présen- 
tent sous forme de tables, paraissent se comporter avec les réactifs d° une 
manière différente des premiers (aiguilles prismatiques). 

De plus, des essais entrepris pour préparer l’adonidine par un nouveau 
mode d'extraction, m'ont amené à conclure à la nature éminemment com- 
plexe du produit la méthode de Cervello. 

Dans ces conditions, je me borne à consigner ces résultats, me réservant 
dans une prochaine communication de donner, avec la nature et les pro- 
priétés des divers cristaux, le détail des procédés employés pour leur ob- 
_tention. 


à 483 


SÉANCE DU 19 JUILLET 1884 


| Présidence de M. Paul Bert, président. 


À L'OCCASION DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 12 JuILLET 1884. 


A l’occasion de la communication de M. Gréhant qui démontre combien 
il est dangereux de respirer des vapeurs nitreuses, M. BOUCHEREAU a insisté 
sur la diversité des accidents qui peuvent se produire. 

Il en est d’immédiats, qui entrainent souvent une mort rapide par 

-asphyxie, comme MM. Gréhant et Quinquaud l’ont observé et M. Rabuteau 
avant eux ; il en est d’autres tardifs dans leur apparition et plus ou moins 
graves dans leurs manifestations suivant la quantité de vapeurs respirées et 
suivant le temps durant lequel un individu a été soumis à ces vapeurs 
nitreuses. 

Ges accidents se révèlent par des “hémonbnss divers, des troubles de la 
respiration, des altérations du sang se traduisant par des urines san- 
guinolentes et albumineuses, et une perturbation plus ou moins marquée 
dans l’organisme sain jusque-là : il y a donc urgence à proscrire le déga- 
gement de vapeurs nitreuses dans les établissements publics et privés, car 
elles peuvent causer un réel dommage à la santé. 


DES MOUVEMENTS DU CŒUR CHEZ LES INSECTES PENDANT LA MÉTAMOR- 
PHOSE, par M. KuNCkEL D'HERCULAïS. 


Les mouvements du cœur persistent-ils chez les nymphes; en d’autres 
termes, y a-t-il arrêt ou persistance de la circulation pendant la métamor- 
phose ? 

Hérold (1815) admet que chez les Lépidoptères, l’activité du vaisseau 
dorsal est incessante ; Newport (1837), observant la diminution du nombre 
des pulsations au moment de la métamorphose, présume que chez les 
Lépidoptères il y a arrêt pendant l’hibernation ; M. Weismann (1863) pense 


484 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que chez les Diptères (Muscides) à un moment déterminé aucune contrac- 
tion du cœur ne peut avoir lieu; Kunckel (1872) admet que chez les Dip- 
tères (Syrphides) les contractions rythmiques du vaisseau dorsal se conti- 
nuent sans interruplion, puis (1875) reconnait qu'il y a arrêt momentané ; 
Ganin (1876) se prononce en faveur du mouvement continu chez les Mus- 
cides. 

En présence de ces opinions contradictoires, il importait de faire de nou- 
velles observations, la connaissance exacte de ce point de physiologie 
devant permettre d'interpréter les phénomènes 1 EU qui accompa- 
gnent le développement postembryonnaire. 

Si les nymphes des Muscides ne se prêtent pas à l observation directe, il 
n’en est pas de même de celles des Syrphides. Pour corroborer les adhonies 
que j'avais faites antérieurement sur les nymphes des Volucelles, je me suis 
attaché ce printemps à suivre le développement d’un autre Diptère apparte- 
nant également à la famille des Syrphides, lEristalis æncus. 

Chez la Volucella zonaria, le développement postembryonnaire est rela- 
tivemient lent et peut, suivant la température, se faire en cinquante-deux? 
. quarante-six ou quarante-deux jours (temp. moy. 12°,1) ou bien en vingt- 
cinq ou vingt-quatre jours (temp. moy. 20°,1); chez l’Eristalis œæneus 
l’évolution postembryonnaire est plus rapide et s’effeclue généralement en: 
quatorze jours (temp. moy. 15 degrés). 18 

Lorsque les larves de ces Syrphides se sont immobilisées, à travers le 
iégument on aperçoit pendant quatre jours les battements du cœur, qui sont 
très réguliers. Quand le tégument se durcit pour constituer la pupe, le 
phénomène cesse d’être visible ; mais alors apparaissent les cornes stigma- 
tifères, du cinquième au sixième jour en moyenne chez la Volucelle, le 
quatrième jour chez l’Eristale, qui vont nous fournir un point d'appui pour 
retirer directement les nymphes de leurs pupes. Si l’on extrait adroitement 
ces nymphes sans les blesser, on peut, à travers leur enveloppe d’une 
grande minceur et d’une transparence parfaite, compter facilement les pul- 

_sations du vaisseau dorsal dans l’abdomen. 

On peut ainsi observer les mouvements rythmiques du cœur chez la 
Volucelle jusqu’au onzième jour; chez l’Eristale jusqu’au huitième jour; 
mais chez la première, quand arrive le douzième jour, chez la seconde, 
quand survient le neuvième jour, on constate que. les battements du cœur 
ont complètement cessé. 

Si l’on continue à ôter des nymphes de leurs pupes, on voit que chez 
une Volucelle du quinzième jour, du vingt-neuvième jour, du trente-sep- 
tième jour les pulsations ont repris leur régularité, que chez une Eristale 
du dixième jour les pulsations commencent à se manifester à nouveau, mais 
à intervalles très irréguliers; mais que du onzième au quatorzième jour, 
époque de l’éclosion, elles s’effectuent avec une grande régularité. 

Chez les nymphes, il y a done suspension temporaire des battements du 
cœur et par conséquent arrêt momentané de la circulation. C’est pendant 


SÉANCE DU 19 JUILLET. 485 


cette suspension de la fonction physiologique que s’effectuent dans le vais- 
seau dorsal les changements histologiques qui modifient sa forme, change- 
ments caractérisés principalement par la constitution d’une longue aorte 
traversant le thorax nouvellement constitué. 


QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES MŒURS ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA CAN- 
THARIDE (CANTHARIS VESICATORIA), par M. le docteur H, BEAUREGARD, 
aide-naturaliste au Muséum. 


Dans le courant de l’été 1883, j'ai entrepris l’éducation artificielle de 
la cantharide, dont le mode de développement à l’état de liberté est, comme 
on le sait, encore inconnu. Je me proposais de reprendre les expériences 
de M. Lichtenstein (de Montpellier) qui était parvenu à suivre toutes les 
phases du développement de l’insecte en nourrissant les jeunes larves avec 
du miel de Ceratina, hyménoptère qui nidifie dans les tiges du sureau. 

Ayant reçu d'Avignon un lot assez considérable de cantharides vivantes, 
je les plaçai dans de grandes cages à parois de toile métallique, dont le sol 
était couvert d’une couche de terre épaisse de 5 à 6 centimètres. 

Des petits lilas en pot que je disposais dans ces cages étaient bientôt 
dévorés par mes insectes, qui dans ces conditions ont vécu pendant plus 
de quinze jours sans paraître souffrir de leur caplivité. J’ai done pu les 
observer à loisir, et voici quelques-uns des faits dont j'ai été témoin. Je 
passe sous silence les détails de l’accouplement qui ont été décrits avec 
grand soin et j'arrive immédiatement à la ponte. 

Le 27 juin, vers deux heures de l’après-midi, j'aperçus une cantharide 
femelle en train de creuser un trou dans le sol assez compact. L'endroit 
qu’elle a choisi est voisin d’un bloc de terre durcie du volume d’une grosse 
noisette. À gauche de ce bloc elle a déjà fait une tranchée assez large et 
peu profonde, et elle est en ce moment occupée à pousser ses fouilles au- 
dessous du bloc de terre solide, qu’elle ne cherche pas à entamer. 

De ses mandibules, elle fouille la terre et la brise en menus grains que 
par le mouvement successif de ses trois paires de pattes elle rejette en 
arrière. À mesure qu’elle s'enfonce ainsi la fête en avant dans le sol, un 
petit monticule de terre s’amasse à l’orifice du trou qu’elle creuse; bientôt 
elle disparaît complètement. Voulant me rendre compte de ce qui s’est 
passé, je soulève le bloc durci sous lequel la cantharide a creusé et 
j'aperçois au fond d’une sorte de chambre que recouvre ce bloc, un orifice 
arrondi, régulier, d’où font saillie les antennes de l’insecte, animées de 
légers mouvements ou vibrations. L’insecte, après avoir creusé le conduit 
où il doit déposer ses œufs, s’est donc retourné. II ne me reste plus qu’à sur- 
veiller sa sortie. À quatre heures dix minutes, premiers mouvements, la tête 


486 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


et le corselet se dégagent de l’orifice. Bientôt de ses mandibules et de ses 
premières pattes il attire la terre et comble le conduit. Les tarses font 
l'office de ràteaux. Les petites pierres sont rejetées au loin; seule la terre 
meuble estemployée. Au bout de quelques minutes, le sol est nivelé et il 
serait impossible de retrouver l’endroit de la ponte si je n’avais eu soin de 
le marquer au moyen d’un petit pieu de hois. Pour m'assurer que j'avais 
assisté à la ponte, je fis après le départ de l’insecte une fouille dans la di- 
rection du conduit comblé de terre et je trouvai à 3 centimètres de pro- 
fondeur environ de petits paquets d’œufs que je recueillis pour en suivre le 
développement. L 

La ponte des cantharides dans la terre semble indiquer que les larves 
seront parasites d’hyménoptères souterrains. 

Lorsque j'eus obtenu les larves issues des œufs recueillis, je ne pus 
malheureusement me procurer du miel de Ceratina, comme l'avait fait 
M. Lichtenstein. Une excursion dans les carrières de Nanene me Pracuie 
quelques cellules de Mégachile. D’autre part, M. Fabre (d'Avignon) m’en- 
voya un certain nombre de tiges sèches de ronces renfermant des cellules 
d’Osmia tridentata. J'offris ces différente’ pâtures à mes larves et j’eus la 
satisfaction de voir qu’elles leur convenaient à merveille. 

Le miel de Mégachile en particulier fut attaqué sans hésitation. Elles 
parurent hésiter davantage en présence du miel d’'Osmie, mais faute de mieux 
_elles s’en contentèrent et je pus suivre les diverses phases de leur dévelop- 
pement. Sans entrer aujourd'hui dans les détails de ces diverses métamor- 
phoses, je dois dire que j'ai obtenu cette année, 31 mai, la cantharide à 
l’état d’insecte parfait. S 

Parmi les observations auxquelles donnent lieu ces expériences, je noterai 
ce fait que les larves paraissent pouvoir s’accommoder de diverses espèces 
de pâtures : ce qui présente un certain intérêt en démontrant que le jeune 
parasite montre une certaine indifférence relativement à l'espèce d’hymé- 
noptère pris pour hôte, du moment où la qualité de la nourriture est ren- 
contrée. D’autre part, dans aucun de mes essais je n’ai pu donner avec le 
miel l’œuf de l’hyménoptère, et le développement n’en a pas moins réussi. 
Ce n’est donc pas le même mode de nutrition que chez le Sitaris. Ainsi que 
Va établi M. Fabre, en effet, la première larve du Sitaris humeralis est 
carnassière et se repaît de l’œuf de l’Antophore. Cet œuf dévoré, la larve 
mue et devient apte à nager sur le miel, qu'elle absorbe avidement. 

Chez la cantharide il n’en est plus de même, l’œuf n’est pas nécessaire, Le 
miel suffit, mais à condition que ce miel ne soit pas liquide, car à aucune 
période de son développement la larve de cantharide n’est susceptible de 
surnager. J'ai maintes fois tenté de placer les première ou deuxième larves 
de cette espèce sur des miels liquides et je les ai toujours vues s’engluer et 
s’empêtrer au point qu LICS se seraient noyées si je ne leur avais piËé 
main-forte. 

Un autre point méritait d'attirer mon attention. Il y a M 


SÉANCE DU 19 JUILLET. . 48T 


(1871), M. Riley a fait connaître le mode de développement de certains 
genres (Epicauta, Macrobasis) d'insectes américains tellement voisins de la 
cantharide que là plupart des éntomologistes les réunissent tous sous le nom 
générique de Cantharis. Riley a vu que ces insectes se développent à l’état 
naturel dans les nids de certains Acridiens et que leurs larves dévorent les 
œufs de ces orthoptères. J’ai voulu, avant de rechercher dans les nids 
d’hyménoptères des larves de cantharide, savoir s’il n’y avait pas une 
autre piste à suivre et si je ne devrais pas également faire des fouilles dans 
les endroits où'les Acridiens déposent leurs œufs. J’avais précisément en 
même temps que des jeunes larves de cantharide écloses à la fin de juillet, 
divers individus d’un grand Acridien du Midi (Acridium peregrinum). 
L'un d'eux vint à pondre un paquet d'œufs considérable. Il m'était donc 
facile d'établir l’expérience. Le résultat fut négatif. Les jeunes larves de 
cantharide refusèrent obstinément ceite nourriture, et celles que j'avais 
mises en présence des œufs en question moururent au bout d’une quinzaine 
de jours. Même résultat avec des œufs de Locusta viridissima. Il me pa- 
rait donc évident que la cantharide à l’état larvaire est bien mellivore, et 
que, si elle peut s’accommoder de diverses espèces de miel, elle ne saurait 
changer à ce point de régime, qu'elle pût se contenter aussi d'œufs d’or- 
thoptères. Une autre conclusion me paraît également ressortir de ces obser- 
vations. Quand le régime de deux individus est aussi dissemblable, ne 
peut-on en déduire une différence générique, et le mode de développement 
des larves ne vient-il pas confirmer l’opinion de ceux qui voient dans les 
Epicauta et les Cantharis deux genres différents ? 


NOTE SUR L’ÉPIDÉMIE DE CHOLÉRA DE 1854 A BEAUCOURT, 
par M. BOCHEFONTAINE. 


M. le docteur de Pietra-Santa, absent de Paris, m'a adressé hier les 
lignes suivantes : 

« Je vous envoie en communication l’intéressante lettre que je reçois du 
docteur Muston (de Monthéliard), auteur de l’Histoire d’un village, que nous 
ne connaissions pas, ni M. l'abbé Houlès, ni moi. 

» Je pense que vous voudrez bien la signaler à la Société de biologie. ». 

Je m’empresse de satisfaire au désir de M. de Pietra-Santa, et voici la 
lettre de M. le docteur Muston : 


« 12 juillet 1884. 
»'MES 


» ...….. Je prends la liberté de vous envoyer un exemplaire de mon ou- 
vrage qui a pour litre : Histoire d’un village. 


488 | SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


» Vous trouverez à la fin du second volume un chapitre intitulé : Gau 
series d’un vieux médecin de campagne. 

» Dans cette causerie se trouve l'épidémie de choléra qui a ravagé Beau- 
court et les environs en août, septembre et octobre 1854. né 

» Le choléra de 1854 est venu par Marseille et remontant le cours du 
Rhône, de la Saône et du Doubs, il a atteint Beaucourt dans Îles premiers 
jours d'août. Il s’est abattu avec une extrême violence sur ce village, où 
il ‘a fait 222 victimes. 

» Notez bien que la population de Beaucourt est composée des ouvriers 
de MM. Japy frères et Ci, qui tous travaillent le cuivre, le laiton, le fer et 
l'acier. 

» De tout le pays, c’est Beaucourt qui a été le plus éprouvé. Dans les 
villages agricoles environnants, le choléra a été beaucoup moins violent et 
a fait peu de victimes. 

» J'ai lu avec surprise que M. Burq a écrit que les ouvriers de MM. Japy 
travaillant sur le cuivre avaient été indemnes du choléra. 

» Cette assertion est complètement fausse, comme vous le verrez dans le 
récit que je donne de l’épidémie de 1854, récit exactement vrai, et qui 
prouve d’une manière péremptoire l’inefficacité du cuivre contre le cho- 
léra. 


» Agréez, elc. 
» D' MuüsTow, 
» de Monthéliard (Doubs), avenue des Fossés. » 


Les Comptes rendus de la Société contiennent déjà beaucoup de preuves 
que l’idée de l’immunité cuprique est une pure chimère. Cette lettre inté- 
ressante est une preuve de plus de l’inefficacité du cuivre contre le choléra; 
elle a sa place à la suite des autres dans les Bulletins de la Société. 

M. MÉGnin à la suite de cette lecture donne le renseignement suivant : 

€ M. le docteur Muston dont il est question ci-dessus, était, au moment 
du choléra de 1854, médecin en chef des mines de Beaucourt; il appartient 
à la grande famille Japy par M° Muston, qui était une demoiselle Japy. 
M. Muston, infirme depuis quelques années, se livre avec succès à la culture 
de la littérature, comme le prouve le petit livre qu’il vient de composer 
et qui est l’histoire même de Beaucourt et de son développement. » 


» 


SÉANCE DU 19 JUILLET 489 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CELLULES DE LA NÉVROGLIE DANS LA 
MOELLE DES MAMMIFÈRES, par M. W. VIGnaz. 


Les cellules de la névroglie de la moelle ne commencent à devenir dis- 
tinctes des cellules embryonnaires, formant alors la grande masse de la 
moelle, que lorsque l'embryon de la brebis a atteint une longueur de 
10 centimètres (il correspond alors à un fœtus humain de trois mois et 
demi). Elles se montrent alors sous la forme de masses granuleuses peu 
réfringentes, ayant quelques pointes d’exeroissance également granuleuses ; 
entre cette forme et les cellules embryonnaires à protoplasma presque 
homogène, on rencontre toute une série d’intermédiaires. 

Puis elles revêtent la forme de cellules ayant peu de protoplasma autour 
de leur noyau, mais possédant par contre de nombreux prolongements se 
ramifiant souvent ; leur protoplasma est homogène, transparent comme du 
verre, mais renferme de grosses granulations. 

Lorsque l'embryon du mouton a atteint 17 centimètres de long (quatrième 
mois de l'embryon humain), les cellules de la névroglie se présentent sous 
la forme de cellules renfermant un noyau volumineux, au milieu d’une 
masse de protoplasma transparente comme le verre, se colorant très fai- 
blement par l’osmium, émettant des prolongements grêles et souvent rami- 
fiés, qui présentent quelquefois une extrémité renflée, qui indique que le 
protoplasma qui les forme est mou, un peu élastique et qu'il est revenu 
sur lui-même, par suite des tiraillements que la cellule a subis pendant 
la dissociation; dans ce protoplasma on trouve généralement quelques fines 
granulations. 

Lorsque l'embryon 4 25 centimètres, ces cellules présentent un très 
grand développement, leurs prolongements sont très nombreux et se rami- 
fient souvent : ils ont la même constitution que le protoplasma périnu- 
cléaire. 

À partir de cet àge et pour se prolonger un peu au delà de la naissance 
chez le mouton et l'embryon humain, les cellules subissent les transfor- 
mations suivantes, pour prendre les caractères de cellules adultes. Ces 
transformations ne s’effectuent pas dans toutes les cellules à la fois, mais 
seulement dans certaines d’entre elles. 

D'abord les granulations qui sont dans le protoplasma de la cellule de- 
viennent moins réfringentes el se confondent avec lui, puis quelques-uns 
des prolongements prennent un aspect rigide ferme et homogène et de- 
viennent d'un volume égal dans toute leur longueur ; ils ne présentent plus 
trace de division; les autres prolongements gardent le même aspect que 
le protoplasma d’où ils viennent. 

Arrivée à cet état, la cellule peut s’acheminer vers son complet déve- 
loppement suivant l’un des deux modes suivants : ou bien toutes les fibres 


490 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


subissent la transformation rigide avant que le protoplasma entourant le 
noyau présente la moindre trace de différenciation, c’est-à-dire qu'il 
présente des côtes rigides qui sont dues aux fibres qui le traversent sans 
se confondre avec lui ou entre elles ; ou bien une, deux ou trois fibres tra- 
versent le protoplasma à l’état différencié, tandis que les autres prolonge- 
ments continuent à être des prolongements protoplasmiques. 

La cellule présente alors une partie adulte et une partie embryonnaire. 

Lorsque la cellule de la névroglie est sur le point d’avoir ses prolonge- 
ments différenciés, sa masse de protoplasma est considérable, elle diminue 
pendant cette différenciation, de sorte qu’on est porté à penser que le pro- 
toplasma se condense pour former la partie différenciée. 

Souvent, lorsque les cellules différenciées de la névroglie sont jeunes, 
on voit que l’extrémité de leurs prolongements est renflée, comme nous 
l'avons déjà vu dans les cellules à prolongements protoplasmiques; ce fait, 
joint à ce qu'il est très rare de voir des prolongements de cellules de la 
névroglie détachés des cellules dans une préparation par dissociation, me 
porte à penser que les cellules de la névroglie forment un immense réseau 
enfermant dans ses mailles tous les éléments nerveux de la moelle. 

S'il ne fait aucun doute que les cellules de la névroglie se trouvant dans 
la substance grise embryonnaire, se forment aux dépens de quelques-unes 
des cellules embryonnaires qui constituent au début cette substance, l’ori- 
gine de celles qui se trouvent dans la substance blanche est moins bien 
établie. Pour Eichhorst, elles viennent d’une transformation des globules 
lymphatiques; mais celte hypothèse me parait difficilement admissible, 
car on n'a jamais vu ces éléments se transformer en d’autres et surtout 
en cellules aussi différenciées que celles de la névroglie. Boll prétend que 
ces cellules forment au début une masse unique multinucléée, qui plus tard 
se fractionne en cellules, chaque noyau devenant le centre d’une cellule. 

Ïl est une autre hypothèse qu'on pourrait émettre, mais qui ne me parait 
pas plus vraie que celle qui fait provenir les cellules de la névroglie des 
globules blancs, c’est qu'elles se forment aux dépens des cellules connec- 
tives embryonnaires, qui pénétreraient par migration dans la substance 
blanche ; mais les caractères des cellules connectives sont si différents de 
ceux des cellules de la névroglie, que cette hypothèse doit être rejetée 
de suite. Quant à l'hypothèse de Kælliker qui suppose que ce sont des élé- 
ments propagés le long des vaisseaux, il est difficile de la discuter, car elle 
manque de précision. 

IL me parait plus probable qu elles viennent de cellules de la substance 
grise, qui pénètrent entre les fibres de la substance blanche; en effet, 
à l’état adulte, ainsi que durant tout le développement, les cellules de la 
névroglie, qu’elles proviennent de la substance blanche ou de la substance 
grise de la moelle, présentent exactement les mêmes caractères. Puis les 
différenciations qu’elles offrent ne se retrouvent que dans les cellules d’ori- 
gine épithéliale; ainsi on peut les comparer jusqu’à un certain point aux 


SÉANCE DU 19 JUILLET. 491 


cellules du corps muqueux de Malpighi (Renaut), aux cellules de soutène- 
ment de la tétine (Ranvier), aux cellules du tissu dit muqueux du sac 
dentaire, qui toutes sont, comme les cellules de la névroglie, d’origine blas- 
todermique. 

Le fait suivant milite fortement en faveur de cette manière de voir : 
lorsque des celiules commencent à se voir dans les cordons de la substance 
blanche, on observe une diminution considérable dans le nombre des élé- 
ments jeunes qui composent la ‘substance grise. On ne peut expliquer cette 
diminution qu'en admettant qu'un certain nombre de ces éléments ont 
émigré, car on n'observe pas la moindre trace de résorption, ni agrandisse- 
ment du volume de la substance grise comparativement à un âge plus 
Jeune, àge dans lequel il ne se trouvait pas d'éléments cellulaires dans la 
substance blanche. 


(Ge travail à été fait au laboratoire d’histologie du Collège de France.) 


NOTE SUR LE SOMNAMBULISME PARTIEL ET LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES, 
par MM. Ch. FÉRÉ et A. BIner. 


Dans une Note récente sur le transfert chez les hypnotiques communi- 
quée à la Société de biologie, nous avons appelé lattention sur ce fait que 
l’on peut provoquer chez les sujets léthargiques ou cataleptiques le somnam- 
bulisme d’une moitié du corps par la friction unilatérale du vertex. Nous 
avons montré en outre que le transfert de phénomènes moteurs, d’attitudes, 
de contractures, de paralysies limitées, etc., ou de phénomènes sensitifs, 
anesthésies, dysesthésies limitées, hallucinations, etc., détermine une dou- 
leur, douleur de transfert, qui est toujours la même pour le même mou- 
vement ou la même sensation, et que les notions acquises de topographie 
crânio-cérébrale permettent de localiser d’une manière précise. La loca- 
lisation de cette douleur nous a servi de guide dans une autre série 
d'expériences dont les résultats nous ont paru offrir quelque intérêt. 

Lorsqu'on fait, non plus une friction légère, mais une pression forte avec 
l'extrémité du doigt ou un corps mousse sur les points qui sont le siège de 
la douleur de transfert, on fait passer à l’état somnambulique le membre 
dont le centre est touché, et exclusivement ce membre, qui perd ses carac- 
tères cataleptiques ou léthargiques et offre tous les phénomènes propres à 
l’état de somnambulisme. On peut ainsi somnambuliser un membre isolé- 
ment, les deux membres homologues ou un bras d’un côté et une jambe de 
l’autre, ete., il est possible de déterminer des paraplégies léthargiques ou 
cataleptiques, des monoplégies croisées des membres, etc. La face peut être 
isolée des membres, on peut la laisser léthargique ou cataleptique, pendant 


4992 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que les membres sont dans l’état somnambulique. Il est un point intéres- 
sant à noter en ce qui concerne la face, c’est que l’on peut dissocier la par- 
tie supérieure et la partie inférieure; par une pression forte sur un point 
déterminé, situé en arrière d’une ligne verticale passant en arrière de 
l’apophyse mastoïde et au-dessus d’une autre ligne horizontale passant par 
l’arcade sourcilière, on fait disparaître, dans l’état léthargique, lhyperexcita- 
bilité dite neuro-musculaire des muscles frontaux palpébraux et zygoma- 
tiques, tandis que les muscles du menton, le peaucier, elc., restent hyper- 
excitables. L’un de nous a présenté à la Société de biologie, il y a huit 
ans (1), un sujet atteint d’un tic de l’orbiculaire des paupières et des zygo- 
matiques, consécutif à un traumatisme crânien occupant la même région; 
il semble donc que ce soit bien là le siège du centre cortical des mouve- 
ments de la partie supérieure de la face. Notons en passant que ces phéno- 
mènes de somnambulisme partiel sont transférables par l’aimant, etc. 
Lorsque, par une série de pressions sur les points psycho-moteurs, on a 
déterminé un état de somnambulisme partiel généralisé, le sujet n’est point 
aussi lucide que lorsque le somnambulisme a été provoqué de la façon ordi- 
naire par la friction étendue d'emblée à l’ensemble de la région du vertex. 
Il est susceptible de recevoir des hallucinations provoquées ; mais l’état 
somnambulique n’est pas complet : c’est ainsi qu'une de nos malades qui, 
dans l’état de somnambulisme vulgaire, a un point érogène sur la partie 
supérieure du sternum, ne présente point cette excitabilité spéciale dans 
l’état de somnambulisme partiel généralisé. Pour rendre à la région ster- 
nale sa sensibilité spéciale, il faut frictionner la partie occipitale du cer- 
veau. La friction sur ce point isolé peut d’ailleurs réveiller la zone érogène 
seule, tout le reste du corps restant dans l’état léthargique ou cataleptique. 
Ce fait nous montre au moins que l’opinion de Gall mérite d’être exami- 
née à nouveau. 


OBSERVATIONS DE M. DUMONTPALLIER A PROPOS DE LA COMMUNICATION 
PRÉCÉDENTE. 


Je demande la parole pour faire remarquer que certains points de la 
communication de M. Ch. Féré nous paraissent confirmatifs des faits que 
J'ai antérieurement exposés devant la Société. 

Je rappellerai entre autres expériences (2) celles qui ont été faites devant 
vous sur la nommée (G...... J'ai montré sur celte malade que des excita- 


(1) Ch. Féré, Tic non douloureux de la face consécutif à une : lésion probable 
du pli courbe (Bull. Soc. biot., 1876). 
(2) Dumontpallier, Comptes uns de la Société de biologie, 1882, p.11 et 32. 


SÉANCE DU 19 JUILLET. 493 


tions périphériques, exercées sur différentes régions du cuir chevelu, pou- 
vaient déterminer divers mouvements de la tête, des membres et du tronc. 
Ces mouvements étaient directs, croisés ou alternes croisés suivant le point 
du cuir chevelu sur lequel portait l’excitation. Ces expériences, répétées 
un grand nombre de fois sur différentes malades et dans les différentes pé- 
riodes de l’hypnotisme, ont donné des résultats constants. 

Les expériences de Heidenhein et de Grützner (1), celles de Berger (2) 
présentent une grande analogie avec nos expériences. De plus, le docteur 
Ladame (3) a constaté que l’excitation de différentes régions du cuir che- 
velu pouvait déterminer la contracture ou le relàchement des muscles des 
‘membres supérieurs et inférieurs. 

Il est de toute justice de rappeler, ainsi que je l’ai déjà fait antérieure- 
ment, que Braid, conduit par des vues théoriques qu'il avait empruntées à 
Gall, avait pratiqué sur le cuir chevelu des excitations qui avaient déter- 
miné des phénomènes semblables à ceux que nous venons d’exposer. 

J’ai aussi communiqué sommairement les mouvements provoqués sur 
nos malades par des excitâtions qui portaient sur la peau de la région rachi- 
dienne (4). 

J'ai de même démontré que la pression du cuir chevelu dans les régions 
temporale et frontale pouvait déterminer l’aphasie, la perte de la notion de 
l’usage des objets, la perte de la faculté du calcul, ete. Pour ce qui est de 
Paphasie en particulier, elle peut être produite par la pression.sur la région 
temporale droite ou gauche. Il y avait done dans ce cas action croisée sur 
l’hémisphère cérébral du côté opposé. 

Je rappellerai, en terminant, que M. Magnin et moi(5) nous avons 
montré qu'il est possible de localiser, et cela à volonté, les divers phéno- 
mènes hypnotiques à telle ou telle région du corps, de telle sorte que le 
sujet en expérience peut être divisé en deux moitiés égales, hémilatérales, 
et de plus en deux moitiés sus- et sous-ombilicales. Ces différentes parties 
du corps pouvaient, les unes, présenter, par exemple, les caractères de la 
léthargie, les autres étant au contraire en état cataleptique. Enfin il pouvait 
y avoir somnambulisme, catalepsie, léthargie alternes croisés. 

Il ressort de ces remarques que les expériences de M. Féré, à la Salpé- 
trière, viennent, comme je l’ai déjà dit, confirmer les expériences faites à 
l’hôpital de la Pitié, il y a deux ans. 


(1) Heidenhein (A.) et Grützner (P.), Breslauer Artzliche Zeitschrift, n° 4, 
28 februar 1880 (Mittheilung vom 16 februar 1880). 

(2) Berger, Hypnotische Zustaude und ihre Genese (Breslauer Artzliche Zeits- 
chrift, 1880). 

(3) Ladame (P.), La névrose hypnotique, 1881, p. 127. 

(4) Dumontpallier, Comptes rendus de la Société de biologie, 1882, p. 106. 

(5) Dumontpallier et Magnin, Comptes rendus de la Société de biologie, 1881, 
p. 309 et Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1882, p. 60. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. I‘, N° 29, 38 


494 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE SUR L'ACTION DE L'URÉE, par MM. GRÉHANT el QUINQUAUD.. - 


Nous avons entrepris une série d’expériences pour savoir si l’urée a une 
action nuisible sur l’économie animale : dans l’état actuel de la science, 
des pathologistes et des physiologistes de grand mérite, à la suite de 
Ségalas (1), soutiennent que l’urée n’est pas nuisible; cette opinion est 
celle qui est adoptée par la majorité des médecins; on a même proposé de 
supprimer le mot wrémie, comme introduisant dans la science une idée 
fausse. Les quelques expériences de Gallois et Picard, celles plus compli-: 
quées d’Hammond, démontrant que les injections d’urée peuvent produire 
des accidents graves et la mort, n’ont pas entrainé la conviction des obser- 
vateurs. 

Nous avons pensé que, dans ces conditions, il fallait apporter un déter- 

_ minisme rigoureux ; nous sommes restés convaincus, après la lecture de 
ces travaux, que les expérimentateurs ne s'étaient pas placés dans les 
mêmes conditions. 

Nos expériences ont été faites sur la grenouillé, le cobaye, le lapin et le 
‘chien. La solution d’urée pure est neutre, ne donnant pas trace d’AzH° 
par la distillation dans le vide à 40 degrés, rien par le nitrate d'argent, 

rien par les sels d’urane, rien par le sulfate ferreux; la baryte donne un 
‘précipité d'oxyde de fer, l’acétate de plomb donne un précipité blanc, lourd, 
insoluble dans AzOH, soluble dans HCI concentré et bouillant : il existe 
donc un peu de sulfate de fer dans l’urée. Les injections ont été faites STE 
‘la peau et quelques-unes dans les veines. 

Après une injection de 0,50 d’urée, une grenouille est prise de convul- 
sions analogues à celles qui sont ie par la strychnine, puis survient 
la flaccidité et la mort : le cœur s’arrête après la respiration. 

Un cobaye de 400 grammes est tué avec moins de 8 grammes durée, 
présentant des accidents convulsifs et meurt rapidement avec des phéno- 
mènes d’asphyxie. / 

Un lapin de 1200 grammes succombe avec des convulsions après une 
injection sous-cutanée de 15 grammes d’urée. 

Un jeune chien de 2 kilogrammes meurt rapidement à la suite d’une injec- 
tion sous-cutanée de 20 grammes d’urée. 

Un chien de 10 kilogrammes succombe en vingt-quatre heures, à une 
injection sous-cutanée de 90 grammes d’urée. 

Ces doses paraissent considérables : mais la dose toxique dans le sang 
est assez minime, et c’est là le fait important, elle n’est que de 05,39 
pour 100 de sang chez un cobaye, de 05",76 chez un lapin, de 0sr,60 chez 


(1) Lettre à M. Magendie (Journal de Magendie, 1822, p. 354), par Ségalas 
d’Etchepare. 


SÉANCE DU 19 JUILLET. 495 


un chien. Pour que la dose mortelle existe dans le sang, il faut injecter de 
fortes quantités, parce que l’urée est fixée par les tissus, dans lesquels on 
la retrouve par l’analyse chimique. 

Nous avons trouvé dans le sang des hommes atteints d’urémie des quan- 
tités d’urée correspondantes. 

La conclusion s'impose, l’urée peut produire la mort, à la condition 
expresse que la dose toxique existe dans le milieu intérieur. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA RAGE, par M. Paul GiBiEr. 


J'ai déjà eu l’honneur d'entretenir la Société de mes recherches sur la 
rage, et dans ma dernière communication (1) j'ai démontré que les oiseaux 
sont susceptibles de contracter la rage et qu'ils en guérissent spontanément. 
Je citais deux expériences où l’on voit un coq et un pigeon inoculés de la 
rage transmettre cette maladie à des mammifères qui en moururent, tandis 
que les oiseaux guérirent. J’ajouterai que leur guérison s’est maintenue et 
qu'aujourd'hui ces animaux vivent en état de parfaite santé. 

Je rappellerai que c’est en excisant un fragment du cerveau de ces oiseaux 
que j'ai constaté par l’inoculation et par l'examen microscopique le miero- 
coceus spécifique signalé et décrit pour la première fois par moi dans une 
note à l’Académie des sciences en juin 1883. 

J'ai promis à la Société de rechercher : 

4° Si les oiseaux peuvent contracter deux fois la rage; 

2° Si la rage peut se transmettre de l'oiseau à l'oiseau ; 

3° Quelles modifications le virus rabique subit en passant successivement 
dans plusieurs organismes d'oiseaux. 

J'ai tenu ma promesse et je suis en mesure de dire aujourd’hui : 

1° Que les oiseaux ne contractent pas deux fois la rage; 

2° Que l’oiseau enragé peut transmettre sa maladie à un autre oiseau; 

3° Et que d’après un certain nombre d’expériences le virus rabique en 
passant dans plusieurs organismes d’oiseaux paraît augmenter l'intensité 
de ses effets pour ceux-ci tandis qu’il semble que pour les chiens il s’at- 
ténue. Ces différentes propositions seront développées dans un mémoire que 
j'aurai l’honneur de présenter ‘prochainement à la Société. 

J'ai continué ces recherches et mes nouvelles expériences confirment 
pleinement les premières. Cependant j'ai observé à la suite de l’inoculation 
de la rage aux oiseaux quelques cas fort graves. Dans un cas un pigeon 
inoculé avec une quantité six fois plus grande que d’habitude eut des 


(1) Comptes rendus, n° 9, p. 123. 


496 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


convulsions et est mort; son cerveau était littéralement saturé de micro- 
phytes. 

J’ai également observé chez les poules des cas très graves et où la mort 
semblait imminente. Comme ces animaux ne mangeaient plus depuis en- 
viron quarante-huit heures, j’eus l’idée de les gaver. Les résultats furent 
réellement merveilleux. Ce fut une véritable résurrection ; après quelques 
jours de gavage la paralysie disparut et les animaux purent se remettre à 
manger seuls. Aujourd’hui ils sont hors de danger. | 

Avant de terminer cette communication je demanderai encore quelques 
instants à la Société pour exposer un procédé d’inoculation que j'ai imaginé 
et qui peut remplacer avec avantage la trépanation si on veut inoculer di- 
rectement le cerveau, surtout chez les petits animaux. Ge procédé consiste à 
perforer directement avec l’aiguille de Pravaz et, si la boîte cränienne est 
trop résistante, à faire un avant-trou avec un petit forel. | 

J’ai trouvé également un autre procédé qui, d’après les résultats obtenus 
jusqu’à présent, semble aussi sûr et aussi rapide que l’inoculation cérébrale. 
Ce moyen consiste tout simplement à pratiquer l’inoculation dans la chambre 
antérieure de l’œil avec de la substance cérébrale d’un animal enragé délayée 
dans de l’eau stérilisée. Les symptômes inflammatoires sont nuls et la com- 
motion cérébrale est évitée. 

Dans le mémoire auquel jai fait allusion plus haut, on trouvera un cer- 
tain nombre d’observations concluantes sur ce mode d’inoculation de la 
rage. | 


(Travail du Laboratoire de pathologie comparée du Muséum.) : 


r 


M. Déjerine est nommé membre titulaire par 23 voix sur 27. 


BOURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


497 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


M. le docteur Buro fait hommage à la Société de biologie de son livre : 


Sur le cuivre contre le choléra et la fièvre typhoïide (préservation et trai- 
tement), 1884. 


NERFS ÉJACULATEURS, par M. Ch. REMY, agrégé de la Faculté (1). 


Chez le cochon d'Inde on trouve sur la veine cave inférieure, au niveau 
des veines rénales, un petit ganglion plexiforme du volume d’une tête d’é- 
pingle ou plus petit, dont l’excitation détermine très rapidement l’éjacula- 
tion. 

Ce ganglion est facile à voir. Sa blancheur tranche sur la couleur rouge 
sombre de la veine. Il reçoit des filets radiculaires du plexus rénal et des 
ramicommunicantes de la région. Il émet quatre ou cinq branches de couleur 
blanche qui, suivant un long trajet, descendent parallèlement à la colonne 
vertébrale vers les organes génitaux internes et sont placées dans le mésen- 
tère inséré en cet endroit. On peut facilement charger ces rameaux sur un 
excitateur. 

Pour trouver Le ganglion, il faut sectionner la paroï abdominale du sternum 
au pubis, inciser crucialement sa partie droite, rejeter à gauche tout le 
paquet intestinal pour découvrir l'embouchure des veines rénales, suivre 
les filets nerveux qui se dessinent sur la veine rénale droite. 

Pour trouver les filets efférents, il suffit de tendre le mésentère qui s’in- 
sère sur la colonne vertébrale depuis le rein jusque dans le petit bassin et 
de regarder par transparence. 

L’excitation électrique du ganglion ou des rameaux efférents est suivie de 
l’émission de sperme. Celle des racines du ganglion n’a pas d’effet. 

Aussitôt après l’application des électrodes, on voit se produire une con- 


(1) Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 19 juillet 1884. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 30.: 49 


498 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


traction énergique des longues vésicules séminales de l’animal. Elles se 
tordent et se tortillent d’un mouvement vermiforme. Il est remarquable 
que l'intervalle entre l’excitation et la contraction est très court. 

Puis il se produit un mouvement du côté de la verge et du périnée; 
l'animal a éjaculé dans son prépuce sans érection. 

Nouvelle excitation, nouvelle émission de sperme. Quand les excitations 
ont été reproduites à plusieurs reprises, il survient des phénomènes plus 
compliqués. 

L'animal entre en érection, les mouvements des muscles éjaculateurs sont 
plus prononcés et le gland se gonfle et se hérisse de papilles lors de l’écou- 
lement spermatique. 

Le sperme est d’abord formé de bouchons muqueux épais, plus tard il 
devient de plus en plus liquide. Mais on peut, dès la première éjaculation, 
constater les spermatozoïdes. 

Le courant nerveux est centrifuge, après section des nerfs. L’excitation 
du bout périphérique est suivie d’effet, mais l’excitation du bout central est 
sans résultat. | 

L’excitation s'accompagne quelquefois de légères manifestations de 
douleur. 

Quand le ganglion a été excité pendant quelque temps, on peut supprimer 
le courant électrique. Il suffira de toucher la verge avec un corps étranger 
. pour déterminer l’éjaculation. 

La vessie et le rectum ne subissent pas de contraction. 

J'ai nommé ces nerfs éjaculateurs parce que leur premier effet est de 
vider les vésicules séminales et de déterminer des mouvements dans les 
muscles du périnée. Les contractions des vésicules séminales et du périnée 
se produisent même après que tout le sperme est sorti au dehors. a 

Ce n’est que plus tard, par suite du passage du sperme dans le canal, que 
se produit l’érection. L’érection n’est jamais un phénomène de début, elle 
succède à plusieurs excitations séminales produites dans le canal. 

Je crois donc qu'il faut distinguer ces nerfs des nerfs érecteurs de 
Eckhart et leur conserver le nom d’éjaculateurs. 

J'ai répété ces expériences plusieurs fois et toujours avec le même succès 
devant les élèves de mon cours et devant la Société (4). 


(1) M.François-Franckm’asignalé une thèse de Loeb (Giessen,1866),dans laquelle 
l’auteur, étudiant les mouvements des canaux spermatiques et des vésicules sémi- 
nales, a constaté l’action éjaculatrice des filets du sympathiquese détachant du gan- 
glion mésentérique inférieur. J’ignorais l'existence de ce travail jusqu’au jour 
où j'ai présenté la note précédente, Loeb, du reste, ainsi que l’a noté M. Franck 
dans l’article GRAND SYMPATHIQUE dont il m'a communiqué les épreuves, ne donne 
pas de détails sur la topographie des nerfs éjaculateurs : on pourra combler cette 
lacune en se reportant à la description que j'ai présentée plus haut. 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 499 


SUR L’ACIDE PHOSPHORIQUE ET LE PHOSPHORE NON COMPLÈTEMENT OXYDÉ 
DANS L'URINE DES ÉPILEPTIQUES, par M. R. LÉPINE. 


Dans les Comptes rendus de la Société de biologie, séance du 12 juil- 
let 1884, p. 464, M. Mairet s'exprime de la manière suivante : 

« Les attaques d’épilepsie augmentent l'élimination de l’azote, de l'acide 
phosphorique uni aux terres et de l’acide phosphorique uni aux alcalis. 
L'augmentation de l’acide phosphorique uni aux terres est proportionnelle- 
ment plus considérable que celle de l’acide phosphorique uni aux alcalis 
et de l’azote; de plus l’augmentation des phosphates terreux se retrouve 
en dehors des attaques sous l'influence des vertiges, tandis que dans ces 
cas l’azote et les phosphates alcalins ne sont pas augmentés. » 

Or ces diverses propositions se trouvent exactement dans les mêmes 
termes, avec chiffres et graphiques à l'appui, dans le mémoire sur l’excré- 
tion de l’acide phosphorique que j'ai publié en 1879 dans la Revue men- 
suelle, en collaboration avec M. Jacquin, pages 719 et suivantes (1). 

M. Mairet dit, de plus, que l’épilepsie, en dehors des attaques et de 
l’état de mal, ne modifie pas l’élimination de l’acide phosphorique et de 
l’azote. Sans vouloir examiner si cette assertion est tout à fait exacte, je 
ferai remarquer que chez les divers épileptiques que nous avons étudiés à 
ce point de vue l’excrétion de l’acide phosphorique était, relativement à 
celle de l’azote, moins abondante que chez l’homme sain. 

Cette même anomalie se rencontre dans beaucoup d'états Ares 
et sa cause est assez complexe : M. Fleischer, qui l’a particulièrement étu- 
diée chez les malades atteints d'affection rénale, l’explique par la rétention 
des phosphates dans le sang. J’accepte volontiers, pour certains cas, cette 
manière de voir, en ajoutant, pour expliquer à mon tour cette rétention, 
que le phosphate de soude est un sel qui excite au minimum l’épithélium 
rénal, étant, à dose égale, bien moins diurétique que le chlorure de sodium. 
Si l’on considère, d'autre part, que la proportion des phosphates dans 
l'urine est notablement influencée par l’alimentation, on arrivera à conclure 
que l’excrétion des phosphates par l’urine ne donne que sous réserves des 
renseignements certains sur l’étendue des échanges nutritifs. 

Voilà pourquoi j’attache une importance relativement plus grande à la 
proportion de phosphore incomplètement oxydé contenue dans l’urine : dans 
une note présentée cette année à l’Institut, mes collaborateurs et moi nous 
montrons que ce phosphore, par rapport à l’azote et à l’acide phosphorique, 


(1) Pour éviter tout malentendu, je signale que dans le tableau graphique de 
la page 719, au lieu de : id. uni aux alcalis, il faut lire : id. uni aux terres, et 
qu’au lieu de : id. uni aux terres, il faut lire : uni aux alcalis. Les chiffres du 
bas de la page 719 et de la page 720 permettent d’ailleurs de rectifier cette faute 
du graveur, 


500 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


est susceptible d'augmenter beaucoup dans certains états nerveux, notam- 
ment après une attaque d’épilepsie (1). Ce n’est pas à dire pour cela que 
ce phosphore provienne du tissu nerveux exclusivement. Bien au contraire, 
nous terminons notre note par la remarque suivante : « L'augmentation 
de l’excrétion du phosphore incomplètement oxydé dans certains états ner- 
veux ne suppose pas nécessairement un grand accroissement de la désassi- 
milation de la substance nerveuse ; il se peut que la désassimilation des 
substances phosphorées disséminées dans divers tissus de l'organisme soit 
accrue par une action nerveuse, comme l’est celle de la matière glycogène, 


consécutivement à la piqüre du plancher du quatrième ventricule (2). » 


RECHERCHE DU BACILLE DE KOCH DANS LA TUBERCULOSE CALCIFIÉE, 
par M. J. DEJERINE (3). 


La transformation des masses tuberculeuses par calcification est connue 
depuis longtemps. Laennec, Andral, ont insisté sur ce mode de guérison 
des tubercules, et Rogée, en 1839 (4), a montré combien la tuberculose 
crétacée était fréquente, car cet auteur l’a rencontrée dans la proportion de 
51 pour 100 chez les vieilles femmes de la Salpêtrière ; c’est là un résultat 
qui paraît un peu extraordinaire au premier abord, mais qui n’a rien de 
bien excessif, car la tuberculose calcaire est plus commune qu’on ne le 
croit généralement, ainsi que le démontrent iles autopsies pratiquées dans 
les hospices de la vieillesse, lorsque l’on s’est proposé pour but de la 
rechercher. 

Appelé à suppléer pendant un an M. le docteur Liouville, à l’hospice de 
la Rochefoucauld, j'ai pu me convaincre de l’exactitude de la description. 
des auteurs précédents, et j'ai rencontré fréquemment la tuberculose pul- 
monaire, à l’état calcifié ou crétifié, chez des vieillards qui, en dehors de 
lésions pulmonaires d'ordre sénile (emphysème, pigmentation, dilatation 
des bronches, etc.), ne présentaient du côté du système pulmonaire, aucune 
altération tuberculeuse autre que des noyaux calcaires des sommets. 

Bien qu'aujourd'hui la manière dont nous comprenons la tuberculose dif- 
fère un peu de celle des auteurs précédents, la nature tuberculeuse de la 
grande majorité de ces lésions ne fait de doute pour personne, la calcifi- 
cation étant en effet un des modes de terminaison ordinaires des néoplasies 
à tendance caséeuse, et la clinique nous montrant que les produits caséeux 


(1) Sur La proportion du phosphore incomplètement oxydé, etc., par R. Lé- 
pine, Eymonnet et Aubert. Séance du 28 janvier. 

(2) Progrès médical, 1884, p. 91. 

(3) Travail du laboratoire du Professeur Vulpian. 

(4) Archives de médecine. 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 501 


des poumons relèvent presque toujours d’une origine tuberculeuse, et ne 
sont que très exceptionnellement la conséquence d’une autre maladie infec- 
tieuse à marche également chronique, la syphilis par exemple, pour ne 
pas parler de la lèpre, absolument rare dans nos climats. 

Les produits calcifiés des poumons sont donc presque constamment 
l’expression anatomique d’une tuberculose arrêtée dans son évolution, 
éteinte dans le sens clinique du mot, et il m’a paru intéressant de recher- 
cher si l’on pouvait encore y constater la présence de lagent infectieux 
cause de la tuberculose (bacillus tuberculosus de Koch). Ce sont les résul- 
tats de ces recherches, qui ont porté sur douze autopsies, que je me propose 
d'exposer dans la Note actuelle. 

Tout d’abord, j'ai éliminé soigneusement tous les cas dans lesquels, à 
côté de tubercules crétacés ou calcifiés, on trouvait des tubercules plus ou 
moins nombreux dans d’autres parties des poumons. On sait que cette éven- 
tualité n’est pas très rare, soit chez l’adulte, soit chez le vieillard: je n’ai 
recherché les bacilles que dans les cas de tuberculose calcifiée pure, dans 
lesquels un examen attentif à l'œil nu ne décelait, soit dans les poumons, 
soit dans les autres viscères, la présence d’aucune granulation tubercu- 
leuse. - 

Les petites masses crétifiées ou calcifiées ‘des poumons se rencontrent, 
comme on le sait, le plus souvent aux sommets, et sont en général superfi- 
cielles ; à leur niveau la plèvre est un peu épaissie et déprimée, et la palpa- 
tion fait constater la présence d’un noyau, en général de petit volume, variant 
de celui d’une tête d’épingle à celui d’une grosse lentille, plus rarement à 
celui d’un pois, formé d’une coque de pneumonie insterstitielle fortement 
pigmentée en noir, à l’intérieur de laquelle se trouve la petite masse, 
absolument enkystée. Ce noyau. est formé de couches de densité différente 
suivant l’époque à laquelle remonte sa formation ; tantôt la masse est aussi 
dure à la périphérie qu’au centre, tantôt et plus souvent peut-être, le 
centre seul est crétifié, et oppose au couteau un obstacle difficile à vaincre, 
la périphérie étant plus molle et simplement calcifiée, ou même caséo-cal- 
cifiée. 

La méthode employée dans ces recherches a varié suivant que l’on avait 
affaire à des masses calcifiées ou à des masses crétifiées; dans ce dernier 
cas, il a fallu recourir à la porphyrisation dans l’eau distillée ; dans le pre- 
mier cas, la masse était déposée sur la lamelle, desséchée et traitée par la 
méthode d’Ebrlich ou de Weigert. La coloration obtenue au bout d’un séjour 
de vingt-quatre heures dans la matière colorante, les préparations étaient 
traitées par les procédés de décoloration ordinaires, montées dans le baume 
après dlessiccation et éclaircissement, et examinées au microscope avec un 
10 ou un 12 homogène à immersion à huile, avec condensateur Abbé (1). 


(1) La nature calcaire de ces produits est facile à constater : en faisant passer 
sous la lamelle une goutte d'acide sulfurique, il se produit une effervescence, 


502 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


A ————————— 


Je donne ici le résumé des résultats que j’ai obtenus, me réservant de les 
compléter dans un travail ultérieur. 


Os. I. — Homme de soixante-quatorze ans. Mort d’insuffisance mitrale avec 
congestion pulmonaire. Noyau calcifié du sommet gauche avec coque scléreuse. 
Pas trace de granulations nulle part. Le noyau est incisé avec un couteau passé 
au feu, la masse porphyrisée et délayée dans de l’eau distillée stérilisée. Le 
liquide est examiné par ‘la méthode ordinaire, sur dix préparations : on constate 
sur deux seulement la présence de bacilles, en petit nombre du reste, cinq ou 
six par préparation, pas très nettement colorés, avec un aspect sporulé assez 
marqué. 


Ogs. II. — Hémorrhagie ventriculaire chez un homme de soixante et onze ans, 
petit tubercule crétifié (lentille) du sommet gauche, rien ailleurs, pas de granu- 
jations nulle part. Examen histologique, pas de bacilles. 


Os. III. — Asystolie chez une femme de soixante-cinq ans. Autopsie, insuffi- 
sance mitrale et aortique. Petit noyau calcifié du sommet droit, noyau semblable 
plus petit du sommet gauche. Pas de bacilles sur douze préparations. 


O8s. IV. — Pneumonie chez un homme de soixante-douze ans. Autopsie: 
pneumonie grise du lobe inférieur gauche. Noyau crétifié au centre, mou à la 
périphérie, siégeant au sommet gauche, du volume d’un petit pois. La partie 
centrale porphyrisée ne contient pas de bacilles; la partie périphérique plus 
molle, délayée dans de l’eau distillée et traitée par les procédés de coloration 
ordinaire, montre des bacilles dans chaque préparation, en petit nombre du 
reste, mais avec leurs caractères ordinaires, et un aspect sporulé assez accusé. 
Ils sont toutefois moins colorés que des bacilles de tuberculose récente, traités 
de la même façon. 


Os. V. — Cachexie sénile. Femme de soixante-dix-huit ans. Mort par bron- 


cho-pneumonie. Noyau calcifié de la partie moyenne du lobe supérieur gauche, 
du volume d’une lentille. Pas de bacilles sur huit préparations. 


Ons. VI. — Homme de soixante-deux ans. Mort par asystolie. Autopsie : insuf- 
fisance mitrale et aortique. Petit noyau caséo-calcifié, du volume d’une lentille, 
au sommet gauche. Pas trace de granulations tuberculeuses nulle part. Examen 
histologique. La partie centrale crétacée ne contient pas de bacilles ; la péri- 
phérie, molle, caséo-calcifiée, en contient un certain nombre, très nets sur 
chaque préparation. 


Os. VII. — Carcinome utérin. Femme de soixante-dix ans. Autopsie : noyau 
calcifié, sous-pleural, du volume d’un pois, siégeant à la partie antérieure du 
obe moyen du poumon droit. Pas de granulations nulle part. Pas de bacilles. 


Ogs. VIIL. — Hémiplégie ancienne, par hémorrhagie de la capsule interne chez 
un homme de quatre-vingt-neuf ans. Mort gâteux. Noyau crétacé du sommet 


eton voit apparaître en nombre considérable les cristaux aciculaires de sulfate 
de chaux. 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 503 


gauche, du volume d’une kentille. Pas dè granulations nulle part. Pas de bacilles 
sur Six préparations. 


Ogs. IX. — Carcinome de l’estomac, homme de soixante-dix ans. Noyau du vo- 
lume d’un pois, occupant le sommet droit, crétifié au centre, d’une consistance 
analogue à celle du mastic à la périphérie. Le centre crétifié ne présente pas de 
bacilles. La partie périphérique (mastie) en contient un certain nombre, une 
dizaine par préparation, très nettement colorés. Il n’existait dans aucun viscère 
de granulation tuberculeuse. 


Os. X. — Hémiplégie ancienne chez un homme de soixante et un ans. Mort par 
apoplexie. Autopsie. Hémorrhagie ventriculaire. Ancien foyer hémorrhagique 
dans la capsule interne gauche. Au sommet droit, on trouve deux petits noyaux 
calcifiés, l’un du volume d’une lentille, l’autre du volume d’un pois. Chacun de 
ces noyaux est crétifié au centre, mou et caséo-calcifié à la périphérie. Le centre 
crétacé de chacun de ces noyaux ne contient pas de bacilles. La périphérie en 
contient quelques-uns, présentant leurs caractères habituels, avec une apparence 
sporulée très nette. L’examen a porté sur sept préparations, qui en contenaient 
chacune, en petit nombre cependant, cinq à six en moyenne 


Ops. XI. — Noyau calcifié du sommet droit, chez une femme de soixante-cinq 
ans, morte de bronchite chronique et emphysème. Pas trace de granulations 
tuberculeuses. Pas de bacilles à l’examen histologique. 


Ors. XII. — Cette observation, provenant d’un malade du service de M. le pro- 
fesseur Vulpian, concerne un homme de quarante-neuf ans, mort par broncho- 
pneumonie septique, à la suite d’eschares survenues dans le cours d’une affection 
de la moelle épinière. Cet homme n’accusait aucune affection pulmonaire anté- 
rieure. À l’autopsie, faite le 31 janvier de cette année, l’examen à l’œil nu mon- 
tra l’existence d’une double broncho-pneumonie septicémique et d’une néphrite 
parenchymateuse. À la partie moyenne du lobe supérieur du poumon droit, 
on trouve un noyau caséo-crétacé, du volume d’une lentille, entouré d’une coque 
fibreuse gris de fer. L’examen je plus minutieux ne montra l'existence de granula- 
tions tuberculeuses dans aucun viscère. A l’examen histologique, le centre crétacé 
du volume d’une tête d’épingle ne contenait pas de bacilles. La zone périphérique, 
semblable à du mastic, en contenait au contraire en grand nombre, tous présen- 
taient leurs caractères ordinaires, avaient une apparence très nettement sporulée 
et se coloraient d’une façon intense, soit par la fuchsine, soit par la gentianine 
en solution anilinée. 


On peut voir, d’après le résumé précédent, que, sauf dans un seul cas(Obs. D), 
les bacilles ont toujours fait défaut dans la tuberculose crétacée, et que 
dans les cas où le noyau était à la fois crétacé au centre et calcifié ou caséo- 
calcifié à la périphérie, le centre ne présentait pas de bacilles. Ces derniers 
ne se rencontrent qu’à la périphérie, lorsque cette dernière n’est pas encore 
envahie par la crétification. On pourrait se demander toutefois si la por- 
phyrisation à laquelle sont soumises les parties crétacées n’est pas une mé- 
thode qui puisse les faire disparaître : la chose n’est pas probable, car cette 


504 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


porphyrisation n’est jamais complète, et au sein même des masses créti- 
fiées les plus dures, on voit que certaines parties résistent au broiement, et 
qui ne sont autres que des fragments de tissu pulmonaire, imprégnés de 
sels calcaires, mais dans lesquels la trame organique n’a pas complète- 
ment disparu, et qui se montrent assez souvent au microscope, Sous 
forme d’alvéoles à cavités singulièrement rétrécies par la pneumonie inter- 
stitielle, à parois hyalines et à bords nettement brisés. Ce sont sur ces parois 
ainsi modifiées, que l’on rencontrait des bacilles dans le seul cas de tuber- 
cules complètement crétifiés où je les ai constatés; dans les autres, je le 
répèle, ils faisaient absolument défaut. 

La persistance des bacilles dans les zones plus molles et périphériques 
paraît être fréquente, au contraire, si l’on en juge d’après les observa- 
tions précédentes, et la chose en elle-même présente un certain intérêt; 
toutefois, à cet égard, il ne faudrait pas trop généraliser, et le bacille de 
Koch peut, dans certains cas, disparaître avant toute crétification, témoin 
le fait suivant que j'ai eu l’occasion d’observer dans le service de mon 
maître M. le professeur Vulpian à l’Hôtel-Dieu, que je supplée actuellement. 
Il concerne un homme de quarante-cinq ans, entré dans le service le 
16 juillet au soir pour une pneumonie à laquelle le malade succomba la 
nuit de son entrée. À l’autopsie on trouve une pneumonie grise du poumon 
droit. Le poumon gauche présente des lésions remarquables, il contient 
une douzaine de masses caséeuses, disséminées dans son intérieur. Ces 
masses varient du volume d’un pois à celui d’une noisette, et sont entourées 
de coques fibreuses (pneumonie interstitielle) de coloration gris de fer, 
atteignant sur certains points l’épaisseur considérable de deux centimètres. 


Ces masses caséeuses sont dures, sèches, résistent à l’ongle, mais ne con- 


tiennent pas de sels calcaires. Pas trace de granulations tuberculeuses ni 
dans ce poumon, ni dans le poumon droit, qui ne présente que les lésions 
de la pneumonie suppurée. Pas de granulations dans aucun viscère. Pas de 
cicatrices du foie. À l’examen histologique, ces masses caséeuses ont une 
apparence amorphe et granuleuse. Pas de bacilles, pas de zooglées (méthode 
de Malassez et Vignal). Ici les bacilles avaient disparu avant la calcifica- 


tion, il est vrai qu’on peut se demander si ce n’est pas un cas de syphilis 


pulmonaire, bien qu’il ne soit pas dans l’habitude de cette dernière de se 
localiser sur le poumon, et surtout d’y produire des lésions aussi nombreuses 
que dans le cas actuel. On ne peut rejeter la nature tuberculeuse de ces 
produits dans le cas actuel, par le fait qu’ils ne contiennent ni bacilles, ni 
zooglées, et, si l’on songe à l’intensité de la pneumonie insterstitielle dans 
ce cas et à la rareté de la syphilis pulmonaire, il est plus logique, ce me 
semble, d'admettre que l’on s’est trouvé en présence d’une ancienne tuber- 
culose, d’une tuberculose guérie. 

Le résultat de mes recherches que j’expose ici d’une façon sommaire et 
que je compléterai par la suite, montre d’une part, que les noyaux cal- 
caires des poumons sont bien, comme l’indiquent les anciens médecins 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 505 


anatomistes, des productions tuberculeuses arrêtées dans leur développe- 
ment, et mes recherches montrent que ce sont bien des productions tuber- 
culeuses bacillaires, puisque l’on retrouve souvent le bacille à la périphérie, 
lorsque la calcification n’est pas encore totale. Lorsqu'elle est complète, 
le bacille a disparu, et le. processus est éteint, ainsi que le démontrent 
les inoculations faites, en s’entourant des précautions usitées en pareil 
cas, avec le lait de chaux obtenu par la porphyrisation des masses cré- 
tifiées. J’ai inoculé, il y a plusieurs mois, des séries de cobayes, avec les 
masses crétacées, broyées et étendues d’eau, provenant des malades des 
observations IT, III, V et VIIT ; certains animaux sont inoculés depuis plus 
de six mois, et ne présentent rien de particulier, leur état général est abso- 
lument normal. 

J’ai entrepris également des expériences d’inoculalion avec des tuber- 
cules incomplètement calcifiés; jusqu'ici je n’ai pas eu de résultat positif, 
c’est du reste un point de la question sur lequel j'aurai à revenir par la 
suite. 

En résumé, la nature tuberculeuse des productions crétacées des sommets 
me paraît confirmée par les recherches précédentes, et, si l’on songe à la fré- 
quence avec laquelle on les rencontre dans les hospices de vieillards 
(51 pour 100, Rogée), la curabilité de la tuberculose, et sa curabilité fré- 
quente, s'impose de plus en plus à l'esprit du médecin, quelle que soit du 
reste l’idée que l’on se fasse de la nature intime de la maladie parasitaire 
qui a nom tuberculose, que ce soit d'emblée une maladie générale, ou, 
ce qui paraît plus probable, que ce soit au début une affection locale suscep- 
tible de se généraliser. 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FIBRES DE LA SUBSTANCE BLANCHE 
DE LA MOELLE DES MAMMIFÈRES, par M. W. VIGNar. 


La substance blanche de la moelle se développe, d’après Eichhorst, aux 
dépens de cellules situées à la périphérie de la substance grise et qui pren- 
draient une direction parallèle au grand axe de la moelle en émettant à 
leurs deux pôles de fins prolongements; ces prolongements se souderaient 
avec ceux des cellules situées au-dessus et au-dessous de façon à former 
un chapelet variqueux, puis les noyaux deviendraient libres dans la sub- 
stance fondamentale se trouvant entre les cellules. 

Vers le quatrième mois de la vie utérine de l'embryon humain, la myé- 
line ferait son apparition dans la substance fondamentale interfibrillaire, 
sous la forme de fines granulations qui se souderaient les unes aux autres 
et recouvriraient chaque fibre d’un manteau de myéline. Le noyau s’appli- 
querait alors à la surface de la myéline. Ball soutient à peu près la même 
opinion, quant à la formation des fibres nerveuses, mais pour lui la myé- 


906 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


————— 


line à son origine dans des cellules venant de la substance grise, qui, après 
s'être infiltrées de graisse, entourent les fibres nerveuses. 

Pour His la substance blanche serait formée uniquement par des prolon- 
gements venant des cellules nerveuses formant la substance grise, ils au- 
raient d'abord la forme de fibres radiées. 

Mes recherches me conduisent à adopter complètement cette manière 
de voir, car d’abord on ne voit pas comment les fibres de la substance 
blanche, qui sont certainement en rapport avec des cellules nerveuses, 
pourraient naître sous la forme d'éléments distincts de celles-ci; puis on ne 
trouve nulle part trace d'éléments spéciaux chargés de les former. 

Quant à l’origine des cellules qui se rencontrent à partir du troisième 
mois et demi sur les fibres de la substance blanche de la moelle, on observe 
les faits suivants. 

Dans la substance blanche de la moelle d’embryons de mouton ayant entre 
10 et 25 centimètres de long, on trouve, outre les cellules de la névroglie 
que j'ai décrites dans une précédente communication (1), des cellules plus 
allongées suivant un sens que suivant les autres ; ces cellules ont un noyau 
ovalaire ; le protoplasma assez épais autour du noyau diminue de plus en 
plus d'épaisseur à mesure qu’on s’éloigne de celui-ci et se trouve bientôt 
réduit à une simple lame très mince. 

Il est assez rare de trouver des cellules de cette espèce isolées; généra- 
lement, elles sont intimement appliquées sur une fibre nerveuse et lui 

constituent un manchon. Ces celluies ne possèdent pas de membrane 
d’enveloppe, aussi est-il difficile de voir leurs limites, iorsqu’elles se trou- 
vent appliquées sur une fibre nerveuse. 

Lorsque ces cellules se trouvent appliquées sur les fibres, on voit, vers 
le cinquième mois, de la myéline se développer entre elles et les fibres ; 
quelquefois la myéline apparaît sous la forme de fines gouttelettes, mais 
plus souvent sous celle d’une mince lamelle, qui acquiert petit à petit une 
grande épaisseur en même temps qu’elle prend une coloration plus foncée 
par l’acide osmique; en un mot elle se développe autour des cylindres d’axe 
des fibres de la moelle, comme autour de ceux des nerfs périphériques. 

Dans les nerfs périphériques, les cellules qui entourent les cylindres 
d’axe viennent des cellules connectives périphériques ; celles qui se trou-. 
vent autour des fibres de la moelle ont, d’après mes recherches, une autre 
origine. Il me semble certainement, comme l’a dit Ball, qu’elles viennent 
des cellules de la substance grise ; en effet dans la moelle d’embryons ayant 
entre 10 et 15 centimètres de long, outre les cellules de la névroglie, on 
rencontre d’autres cellules qui paraissent n'être que de simples cellules 
embryonnaires et à leur voisinage d’autres cellules qui présentent entre ces 
dernières et les cellules de recouvrement des cylindres d’axe, toute une 
série de transitions. 


(1) Société de biologie, séance du 19 juillet 1884. 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 507 


Dans un travail que j’ai publié précédemment sur le développement des 
fibres nerveuses périphériques, j'ai dit que je pensais que la couche du 
protoplasma qui recouvre les cylindres d’axe devait jouer un certain rôle 
dans la formation de la myéline. Les recherches que j’ai faites sur le déve- 
loppement des éléments de la moelle me confirment dans cette opinion. En 
effet, il me semble qu'il est difficile d'admettre qu’une substance aussi spé- 
ciale que la myéline se développe dans deux cellules d’origine aussi diffé- 
rente que la cellule de revêtement des tubes nerveux périphériques et 
la cellule de revêtement des tubes de la substance blanche. Mais, si l’on 
admet que la substance qui les englobe d’abord, puis leur forme par la 
suite à chacune séparément une enveloppe et qui est de même origine dans 
les fibres centrales que dans les fibres périphériques, joue un rôle dans la 
formation de la myéline, l’origine de cette substance me paraît recevoir 
une explication rationnelle. 

La principale différence qui existe entre les tubes nerveux périphériques 
et les tubes nerveux centraux consiste en ce que les premiers ont une 
membrane d’enveloppe (la gaine de Schwann), tandis que les seconds n’en 
possèdent pas et que les noyaux des tubes périphériques sont logés dans 
une encoche de la myéline, tandis que ceux des fibres de la moelle sont 
logés durant le développement et à l’état adulte, à la surface de la couche 
de myéline; mais les noyaux de ces deux espèces de fibres sont toujours 
entourés de protoplasma. 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CEROCOMA SCHREBERI ET STENORIA 
APICALIS, par le docteur H. BEAUREGARD, aide-naturaliste au Muséum. 


L’an dernier, au mois d'octobre, je rapportais d’Aramon, petit village 
voisin d'Avignon, une pseudo-chrysalide dont les caractères extérieursétaient 
assez semblables à ceux de la pseudo-chrysalide de la cantharide pour me 
donner à espérer que j'avais enfin découvert le gîte où cet insecte se déve- : 
loppe à l’état de liberté. D'un jaune pâle, longue de 10 millimètres et 
large de 5,5, elle avait la forme d’une nacelle légèrement incurvée à ses 
deux extrémités. La tête, infléchie sur la face ventrale un peu concave, se 
distinguait toutefois de la tête de la pseudo-chrysalide de cantharide par 
des antennes un peu plus volumineuses, plus saillantes et plus foncées, et 
par un labre moins développé. Trois paires de pattes sous la forme de 
courts moignons de couleur brune se trouvaient en arrière de la tête. Enfin 
la division du corps en segments était bien apparente et ceux-ci portaient 
des stigmates rougeätres un peu saillants, en même nombre que chez les 
autres pseudo-chrysalides connues des Vésicants. On voyait en outre la 
mue de la forme larvaire précédente, encore adhérente à la face ventrale 
de la pseudo-chrysalide, tout à fait à l’extrémité postérieure du corps, sous 


508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


la forme d’une petite membrane plissée où les mandibules cornées, noires 
se faisaient remarquer par leur grosseur. 

J'avais découvert cette intéressante forme larvaire dans les couloirs d’un 
hyménoptère que j'ai pu déterminer il y a quelques jours à la suite d’éclo- 
sions, et qui est le Colletes signata (Kirby). Je ne saurais cependant affir- 
mer que ce Colletes était l'hôte de ma larve parasite, car une Osmie han- 
tait également ces mêmes couloirs et y avait construit de nombreuses . 
cellules. Il se peut fort bien d’ailleurs que le parasite se contente indiffé- 
remment de l’un ou l’autre des miels très semblables de ces hyménoptères, 
comme Je l’ai montré chez la cantharide en développement (voy. ‘notre 
précédente note). Quoi qu'il en soit, ma pseudo-chrysalide passa tout l'hiver 
sans subir aucune transformation, et ce n’est qu’au mois de mai de cette 
année (3 mai) que j'assistai à sa première évolution. Son enveloppe semi- 
cornée se fendit sur le dos, et livra passage à une belle larve blanche 
longue de 15 millimètres environ, munie de trois paires de petites pattes, 
courtes, incolores, avec antennes sous forme de gros moignons et pièces buc- 
cales un peu jaunâtres. Cette larve parut pendant trois ou quatre jours assez 
active, puis elle tomba dans une immobilité à peu près complète. 

En cet état, elle avait la plus grande ressemblance avec la troisième 
larve de la cantharide. 

Enfin, le 23 mai, soit vingt jours après son apparition, la mue eut lieu 

et me laissa en présence d’une nymphe dont les caractères parfaitement 
tranchés me permirent de reconnaître à quel genre d’insecte j'avais affaire. 
Longue de 11 millimètres environ, de couleur blanc jaunâtre, pattes et 
‘pièces buccales presque transparentes ; les antennes légèrement teintées de 
jaune sont remarquables par leur volume énorme et l’irrégularité des ar- 
ticles qui les composent. En outre, les jambes de la première paire de 
pattes sont très renflées, presque globuleuses, tandis que celles des autres 
paires sont grêles. — Sur le dos Les segments sont couverts de rangées de 
soies raides, peu serrées. — Ces caractères des antennes et des pattes sont 
ceux du cérocome. En effet, à partir de cette époque, je vis peu à peu la 
nymphe subir des changements notables. Tout d’abord les yeux se colorent 
en brun, puis en noir. Les mandibules acérées deviennent noires. Bientôt les 
antennes et les pattes prennent une coloration ambrée, puis le corselet, et 
la tête, sauf Le vertex, deviennent noirs.— Les deux derniers segments de 
l'abdomen se distinguent aussi au bout de quelques jours des autres seg- 
ments par leur coloration foncée. 

Enfin, au bout d’un mois (le 23 juin), l’insecte arrivait à l’état parfait, 
toutes les parties noires ayant acquis des reflets bleu métallique, et je pou- 
vais reconnaître aux caractères des antennes et des pattes le Cerocoma 
Schreberi. — Les Cerocomes :semblablement aux Melve, Sitaris et Zonitis 
subissent donc les transformations qui caractérisent l’hypermétamorphose, 
et comme chez ces derniers genres, les larves vivent en parasites dans les 
cellules de certains hyménoptères. J’ai des raisons de croire qu’elles choi- 


SÉANCE DU 26 JUILLET. 509 


sissent de préférence le miel du Colletes signata. J’ajouterai que la pseudo- 
chrysalide dont je viens d'exposer le mode d’évolution n’était pas isolée 
dans les couloirs de l’hyménoptère. Mon ami M. Nicolas, entomologiste distin- 
gué d'Avignon, a bien voulu continuer les fouilles que je n’avais pu terminer, 
et m'a envoyé à la suite de ses recherches un certain nombre de pseudo- 
chrysalides de même espèce, ainsi que des débris d’un individu parfait. 

Parmi les cellules de Colletes que j'avais recueillies ou qui me furent en- 
voyées, j'en trouvai bon nombre qui étaient occupées par une petite pseudo- 
chysalide, de couleur jaune-paille, enveloppée tout entière dans une pel- 
licule très mince, irisée, représentant la mue de la larve précédente. Ces 
pseudo-chrysalides m'ont donné cette année, au commencement de juin, des 
Stenoria apicalis, petite espèce de la tribu des Vésicants, ordinairement 
rangée dans le genre Sifaris. Les particularités que m'ont présentées les 
formes larvaires de cet insecte, m’engagent à lui restituer le nom de 
Stenoria que Mulsant lui avait donné, se fondant sur certains caractères 
anatomiques. 


NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PRINCIPE VÉSICANT CHEZ LA CANTHARIDE, 
par M. H. BEAUREGARD. 


Il résulterait des recherches de Neutwich, que le pouvoir vésicant des 
cantharides ne se développe que chez l’insecte adulte et seulement après 
l’accouplement. Le même auteur ajoute que les insectes petits ou de taille 
moyenne ne sont pas vésicants. Pour contrôler ces assertions, j'ai entrepris 
des recherches en employant les méthodes que j'ai indiquées dans une pré- 
cédente Note et voici les résultats auxquels je suis arrivé : les cantharides 
de petite taille sont vésicantes, comme les insectes de grande taille. Ceci 
n’a rien d’ailleurs qui doive nous étonner, car l’insecte parfait qui succède 
à l’état de nymphe, est à l’état adulte, et ne s’accroît plus d’une manière 
sensible. Ce qui détermine la taille d’un insecte, ce n’est pas le temps plus 
ou moins long qui s’est écoulé depuis son apparition, mais les conditions 
plus ou moins favorables qu’il a rencontrées dans le cours de son dévelop- 
pement. 

J'ai d’ailleurs pu constater que les premières larves de la cantharide 
sont vésicantes ; 24 de ces larves broyées et appliquées directement sur la 
peau ont déterminé la formation d’une ampoule. Enfin j'ai démontré 
ailleurs que les œufs ont un pouvoir épispastique très énergique. Mes expé- 
riences ne me laissent aucun doute sur ces faits. 


10 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


PERFECTIONNEMENT. APPORTÉ A LA CHAMBRE CLAIRE DE DOYÈRE 
ET Mizne-Epwanps, par L. MALASSEz. 


Depuis cinq à six ans je me sers pour faire mes dessins microscopiques 
d’une chambre claire de Doyère et Milne-Edwards que j'ai modifiée et qui, 
sous cette forme nouvelle, me paraît beaucoup plus commode ; aussi je crois 
utile de la faire connaître, d'autant mieux que cette modification peut pis 
pliquer à d’autres Charmbres claires. 

Pour en bien faire comprendre l’idée, supposons d’abord que nous ayons 
à dessiner un point très limité exactement situé au centre du champ 
microscopique, et considérons les deux rayons visuels qui partent l’un de 
ce point lui-même en suivant l’axe du microscope, l’autre du dessin de ce 
point. Ces deux rayons forment entre eux un angle que j'appellerai 
angle de la chambre claire, et qu’il importe de bien connaître, car c’est lui 
qui règle les positions respectives qu'il faut donner au microscope et au 
papier à dessin. 

Ainsi, dans les chambres claires de Sæmmering, Amici, Woliaston, etc., 
cet angle est de 90 degrés ; aussi faut-il dessiner sur un plan vertical si 
l’on veut laisser le microscope vertical; ou bien, ce qui est plus commode, 
renverser le microscope, le rendre horizontal et dessiner à plat. 

Dans les chambres claires de Chevalier, Doyère et Milne-Edwards, Na- 
chet, etc., cet angle est de 15 à 18 degrés environ; on peut alors laisser le 
microscope vertical, l’image microscopique se trouvant rejetée sur la table 
à côté du pied de l’instrument. Mais, ainsi que je l’ai montré autrefois({), 
il faut alors, pour avoir des dessins exacts, dessiner sur un plan ineliné for- 
mant avec l’horizon un angle égal à celui de la chambre claire, ou bien en- 
core incliner d'autant le microscope sur le côté et dessiner à plat sur la 
table. 

La modification que j’ai apportée à la chambre claire de Doyère et Milne- 
Edwards consiste uniquement à en agrandir l’angle, à lui donner une va- 
leur de 40 à 45 degrés, soit 45 degrés. L’avantage qui en résulte, c’est que, 
parmi les positions diverses que l’on péut donner au microscope et au 
papier à dessin, il en est une qui est on ne peut plus commode; c’est celle 
qui consiste à renverser. en arrière le microscope, de façon qu’il fasse avec 
la verticale un angle égal à celui de la chambre claire, un angle de 45 de- 
grés par exemple, à tourner la chambre claire de Foa que l’image miero- 
scopique soit projétée en arrière du microscope et à placer en ce point sur 
la table le papier à dessin. 

En effet, cette position du microscope est celle que l’on adopte tout 
naturellement lorsqu'on a de nombreuses préparations à examiner, ou des 


(1). Archives de physiologie, 1878, p. 406. 


SÉANCE DU 26 JUILLET. EAU 


dessins à faire sans chambre claire ; parce que, ayant à regarder sim- 
plement devant soi, la tête se trouve dans la position la plus naturelle et la 
moins fatigante ; on n’a pas à la fléchir et à la baisser comme on est forcé 
de le faire avec un microscope vertical: La position du papier sur la table 
en arrière du microscope est aussi la plus commode qui se puisse prendre 
pour la liberté des mouvements des mains. É 

Enfin les dessins seront nécessairement très exacts, si l’angle d’incli- 
naison du microscope est bien égal à celui de la chambre claire et si celle-ci 
a été tournée convenablement, de façon que l’image d’un point central soit 
reportée en arrière juste dans la ligne antéro-postérieure du microscope ; si, 
en un mot, le rayon visuel parti de ce point est exactement perpendicu- 
laire à la surface du dessin. Ge sont là (1) des précautions faciles à prendre : 
j'ai donné autrefois le moyen d'évaluer l’angle des chambres claires. 
Quant à l’inclinaison du microscope et à la position de la chambre claire, 
ce sont choses si faciles à mesurer, qu’il est inutile d’insister. Seulement, 
afin de n’avoir pas à recommencer le travail, il est bon d'inscrire sur la 
chambre claire la valeur de son angle, de prendre un point de repère 
pour l’inclinaison à donner au microscope et un autre pour la position à 
donner à la chambre claire. 
_ Les seuls cas dans lesquels les chambres claires à 45 degrés ne peuvent 
servir sont ceux dans lesquels on est obligé de dessiner en laissant le 
microscope vertical; quand on a affaire, par exemple, à une préparation non 
fermée ou à une préparation d'objets en suspension dans un liquide; il 
faut alors avoir recours à un autre instrument. On pourrait cependant, à 
l’aide d’un dispositif permettant de déplacer les prismes d’une quantité 
déterminée, changer à volonté leur angle et les employer soit avec un 
microscope incliné, soit avec un microscope vertical. 


(1) Archives de physiologie, loc. cit. 


DOURLOTON. —- hinpirimerics réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. 


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913 


SÉANCE DU 2 AOÛT (884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


GANGRÈNE MASSIVE ET SYMÉTRIQUE DES DEUX PIEDS, SURVENUE SPONTA- 
NÉMENT CHEZ UN SUJET ATTEINT D HYDROPISIE VENTRICULAIRE ET DE 
PÉRIENCÉPHALITE CHRONIQUE. ÎNTÉGRITÉ COMPLÈTE DU CŒUR, DES AR- 
TÈRES ET DES VEINES DES MEMBRES INFÉRIEURS AU-DESSUS DES PARTIES 
GANGRENÉES ; ALTÉRATIONS PROFONDES DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES DES 
DEUX JAMBES, par MM. A. Pitres et L. VarzranD (1). 


Clémence P..., âgée de vingt-quatre ans, est entrée à l’hôpital Saint-André, de 
Bordeaux, le 5 décembre 1883, pour une gangrène symétrique des deux pieds 
survenue spontanément dans le cours d’une affection chronique des centres ner- 
veux. 

Jusqu’à l’âge de dix-huit ans, Clémence avait joui d’une santé relativement 
bonne. Cependant son intelligence était peu développée, et, bien qu’elle vécüût à 
cette époque-là de la vie commune, elle n’avait jamais pu apprendre à lire ni à 
écrire. 

Vers l’âge de dix-huit ans elle fut prise d’hésitation de la parole, de tremble- 
ment des membres supérieurs, de faiblesse des membres inférieurs et de dé- 
mence progressive. Un an après le début de ces accidents, les membres inférieurs 
devinrent le siège de contracture permanente, et la malade, gâteuse et tout à fait 
impotente, fut condamnée à ne plus quitter le lit. 

Le 27 novembre 1883, ses parents s’aperçurent que ses deux pieds étaient 
froids, violacés et insensibles. La malade ne paraissait pas en souffrir. Cependant 
on était inquiet autour d’elle de l’apparition de ce symptôme nouveau et on se 
décida à la faire transporter à l'hôpital le 5 décembre 1883. 

État au moment de l'entrée à l'hôpital. — La malade reste ele 
ment étendue sur le lit dans le décubitus latéral gauche. Son visage, sans être 
très expressif, n’a pas cependant les apparences ordinaires de la démence. Elle 
comprend à peine ce qu’on lui dit et aux questions qu’on lui pose elle ne répond 
que par des monosyllabes ou par des grognements indistincts. Elle pousse de 


(1) Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 26 juillet 1884. 
BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 31. 40 


514 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


temps en temps, surtout la nuit, des gémissements plaintifs. I n’y à pas de sali- 
valion ni de crachotement. 

Lorsque la malade est assise sur son lit, on n'observe pas de tremblement de 
la tête. Les pupilles sont égales et contractiles. Il n’y a pas de paralysie appré- 
ciable des muscles de la face. Les mouvements des yeux sont normaux. La ma- 
lade peut tirer la langue hors de la bouche quand on le lui demande; mais, quand 
elle exécute ce mouvement, on remarque que la langue et les lèvres sont le siège 
de tressaillements musculaires irréguliers et très intenses. 

A l’état de repos, les membres supérieurs sont croisés sur l'abdomen et immo- 
biles. Ils ne présentent pas de contracture. Quand la malade veut s’en servir, 1ls 
sont agités d’un tremblement très notable, qui gène considérablement les mou- 
vements volontaires. 

Les membres inférieurs sont contracturés, fortement fléchis ; ils ne peuvent 
exécuter aucun mouvement volontaire. Les mouvements passifs sont eux-mêmes 
très limités et paraissent provoquer de vives douleurs. 

Les deux pieds sont déjà gangrenés. La peau qui les recouvre est violacée, 
soulevée çà et là par de larges phlyctènes à contenu noirâtre. On peut y enfoncer 
profondément des épingles sans que la malade paraisse s’en apercevoir. Leur 
température est basse, cadavérique. La gangrène s’étend sur la totalité des deux 
pieds, jusqu’au niveau des malléoles, où la peau reprend sa couleur, sa tempé- 
rature et sa sensibilité normales. Il n’y a pas d’œdème des jambes. Les batte- 
ments des artères crurales, au triangle de Scarpa, sont parfaitement percepti- 
bles. On n’arrive pas à sentir les pulsations des artères poplitées ; mais il faut 
dire que l'exploration de cette région est rendue très difficile par ia flexion per- 
manente et la rigidité des membres inférieurs. 

La sensibilité à la piqüre est très émoussée sur toutes les parties du corps 
(face, tronc, membres supérieurs et inférieurs). Cependant, quand on pique la 
malade, ou quand on la pince un peu énergiquement, elle pousse des gémisse- 
ments et se met à pleurer. 

Les urines retirées par la sonde sont foncées, non purulentes, et ne renferment. 
ni sucre ni albumine. 

La malade est gâteuse; depuis plusieurs années elle urine et défèque dans son 
lit sans demander le bassin. 

L'état général est assez bon: 1l n’y a pas de réaction fébrile ; l'appétit est 
conservé. 

Pendant les quelques semaines que la malade est restée à l'hôpital, la mortifi- 
cation des pieds a subi l’évolution de la gangrène sèche. Le 22 janvier, le pied 
gauche, complètement momifié, s’est séparé spontanément des parties vivantes 
et a été trouvé libre dans les pièces du pansement. Le pied droit, noir, flétri, 
complètement desséché, n’adhère plus à la jambe que par quelques filaments ; 
fibreux. Des eschares cutanées profondes se sont développées sur différents points 
du corps, particulièrement sur les régions sacrées, fessières, trochantériennes. 
Pendant les derniers jours, la fièvre s’est allumée et la mort est survenue le 
28 janvier 1884. 


Autopsie le 29. — Encéphale : Dilatation des ventricules latéraux par une 
abondante quantité de liquide séreux, sans épaississement ni état chagriné de 
l’épendyme ventriculaire. Adhérences générales de la pie-mère avec la substance 
grise des circonvolutions. Intégrité apparente des masses centrales, de la 


SÉANCE DU 2? AOUT. 19 


protubérance du bulbe et du cervelet. Les poumons, les reins, les organes 
génitaux paraissent normaux. Le foie est volumineux, jaunâtre, manifestement 
graisseux. 

Le muscle cardiaque et les appareils valvulaires du cœur sont sains. L’aorte 
n’est pas athéromateuse. Les artères des membres inférieurs, ouvertes dans 
toute leur longueur, sont tout à fait normales. Leurs parois sont flexibles, sans 
épaississement ni induration. Leur cavité ne renferme aucun caillot adhérent. Au 
niveau de leur arrivée dans le sillon d'élimination qui sépare les parties gan- 
grenées des parties saines, les artères tibiales antérieures et postérieures se 
terminent par un cul-de-sac cicatriciel sans caillot prolongé. Les veines des 
membres inférieurs paraissent également tout à fait saines. Elles contiennent 
du sang liquide avec quelques coagulations cruoriques, molles, non adhérentes, 
flottant librement dans l’intérieur de leur cavité. 

Des fragments nombreux des nerfs superficiels et profonds des deux membres 
inférieurs sont recueillis et plongés immédiatement dans des solutions au cen- 
tième d'acide osmique pour être soumis à l’examen microscopique. À l’œil nu, 
tous les nerfs paraissent sains. On ne constate pas de névromes au niveau de 
leur terminaison dans les sillons d'élimination des parties gangrenées. 

L’examen microscopique de la moelle et des nerfs a fourni les résultats 
‘suivants : 

Dans la moelle il existe une sclérose diffuse légère, occupant les deux cordons 
antéro-latéraux et les 4/5 antérieurs des cordons postérieurs. Les cornes de sub- 
stance grise ne présentent pas d’altérations grossières. 

Tous les fragments des nerfs des membres inférieurs, recueillis au-dessus des 
parties gangrenées, dans le tiers inférieur des jambes, sont profondément 
altérés. On n’y trouve plus une seule fibre nerveuse saine. Le tissu qui compose 
ces nerfs est composé par une grande quantité de gaines vides et par des masses 
de myéline isolées ou par des leucocytes gorgés de gouttelettes de myéline. Les 
gaines des tubes nerveux ne paraissent pas avoir été le siège d’une prolifération 
nucléaire active. 

Les fragments des nerfs tibial antérieur et tibial postérieur pris dans le tiers 
supérieur des jambes, sont incomparablement moins altérés. Ils renferment çà et 
là quelques fibres grêles, présentant de loin en loin de grosses varicosités rem- 
plies de protoplasme et de gouttelettes de myéline; mais la plupart des fibres 
sont normales. Les nerfs de [a cuisse, le sciatique, le crural, sont parfaitement 
sains. 

Quelques fragments des nerfs des membres supérieurs, conservés pour servir 
de contrôle aux examens, sont également tout à fait normaux. 

Plusieurs ganglions rachidiens provenant des régions sacro-lombaire et 
cervico-brachiale, examinés sur des coupes après l’action de l'acide osmique ou 
de bichromate d’ammoniaque, sont trouvés sains. Les cellules qu’ils renferment 
et les tubes nerveux qui les traversent ont leur aspect habituel. 


En résumé, dans le cours d’une affection chronique et diffuse des centres 
nerveux, une gangrène massive symétrique se développe aux deux pieds 
chez un sujet jeune, bien nourri, non diabélique et n'ayant subi aucun 
traumatisme. À lautopsie on trouve une dilatation notable des ventricules 
latéraux et une adhérence générale des méninges cérébrales avec la sub- 


916 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


stance corticale. La moelle est le siège d’une sclérose diffuse des cordons 
antéro-latéraux et postérieurs. Le cœur est normal ; les artères et les veines 
des membres inférieurs sont saines et ne renferment aucune concrétion 
sanguine adhérente. Les nerfs des deux membres inférieurs sont profondé- 
ment altérés au voisinage des sillons d'élimination des parties gangrenées. 
Plus haut, leurs altérations vont en diminuant d'intensité à mesure qu’on 
s'élève vers le genou, et dans la cuisse le sciatique et le crural sont tout à 
fait normaux. 

Cette observation nous paraît être un exemple de gangrène d’origine 
névritique. La symétrie exacte de la gangrène, l'absence des altérations 
cardio-vasculaires ou dyscrasiques qui déterminent &’ordinaire les gangrè- 
es spontanées, l'existence de lésions profondes dans les extrémités péri- 
phériques des nerfs des membres inférieurs, rendent au moins cette opinion 
très vraisemblable. 


DE LA SUGGESTION DANS L'ÉTAT HYPNOTIQUE, par M. le docteur BERNHEIM. 


La suggestion m’a paru être la clef de tous les phénomènes hypnotiques 
que j'ai observés. J'ai essayé de reproduire les expériences récentes de 
MM. Féré et Binet et je n'ai pas réussi, alors que la suggestion n’était pas 
en jeu. 

Voici ce que nous observons constamment, mes confrères et moi, à 
Nancy : 
Quand un sujet est hypnotisé, par n'importe quel procédé, fixation d’un 
objet brillant, des doigts ou des yeux de l'opérateur, passes, suggestion 
vocale, occlusion des paupières, etc., il arrive un moment où les yeux res- 
tent clos, et les bras tombent en résolution. Pour changer la résolution en 
catalepsie, il n’est pas nécessaire d'ouvrir les yeux du sujet : il suffit de 
lever sa main et de la laisser quelque temps en l’air pour qu'elle y reste. 
De même pour les autres membres. S'ils n’y restent pas, il suffit d'affirmer : 
« Le bras reste en l’air, la jambe reste en l’air. » La catalepsie suggestive 
est obtenue. Le fait d'ouvrir ou de fermer les yeux du sujet n’a pas modifié 

le phénomène. 

Pour mettre en évidence les caractères du somnambulisme chez les sujets 
aptes à les manifester, il n’est pas nécessaire de frictionner le vertex; ül 
suffit de parler au sujet, et celui-ci exécute l’acte ou réalise le phénomène 
suggéré, s’il est à un degré d’hypnotisation suffisant. 

À tous les degrés l’hypnotisé entend l’opérateur; il a l’attention et l’o- 
reille fixées sur lui; alors même qu’il reste immobile, insensible, La face 
inerte comme un masque, détaché en apparence du monde extérieur, il en- 


SÉANCE DU © AOUT. 917 


tend tout, soit que plus tard au réveil il en ait conservé le souvenir, soit 
qu'il l'ait perdu. La preuve, c’est que, sans le toucher, sans lui souffler sur 
les yeux, le simple mot: « Réveillez-vous », une ou plusieurs fois prononcé 
devant lui, le réveille. 

Sur aucun de mes sujets, je n’ai pu obtenir, sans suggestion, le transfert 
d’une contracture, d’une catalepsie, d’une anesthésie, d’une illusion senso- 
rielle, etc.; et j’ai essayé un très grand nombre de fois. 

Voici, par exemple, une expérience que j'ai faite avec mon excellent col- 
lègue et ami M. Beaunis. Nous endormons une infirmière du service, sus- 
ceptible d'entrer en somnambulisme, mais que je n’avais endormie encore 
qu’à de rares intervalles; elle n’avait jamais assisté ni comme témoin, ni 
comme actrice au genre d’expérimentations que je voulais faire sur elle. Je 
mets le membre supérieur gauche en catalepsie, horizontalement étendu, le 
pouce et l'index étendus, les autres doigts dans la flexion; le bras droit et 
la main restent en résolution. J’applique contre celle-ci, c’est-à-dire 
contre la main droite, un aimant, et je le laisse pendant huit minutes; 
aucun phénomène ne se produit. 

Alors, n’adressant à M. Beaunis, je dis : € Maintenant je vais faire une 
expérience : je vais appliquer l’aimant (par le bon côté!) contre la main 
droite, et au bout d’une minute, vous allez voir cette main se soulever avec 
le bras, prendre exactement l'attitude qu'a le membre supérieur gauche, 
tandis que celui-ci va se relàächer et tomber. ». | 

Je replace l’aimant exactement comme la première fois, et au bout d’une 
minute, le transfert (suggéré) se réalise avec une précision parfaite : la 
figure de l’hypnotisée reste impassible. 

Si alors, sans plus rien dire, je remets l’aimant contre la main gauche, 
au bout d’une minute, le transfert se reproduit en sens inverse, et ainsi de 
suite. 

Je provoque, chez la même personne, un torticolis par contracture des 
muscles d’un côté du cou: j’approche l’aimant du côté opposé, sans rien 
dire ; au bout d’une minute, la tête se tourne du côté de l’aimant, il se pro- 
duit un torticolis inverse; Le transfert est opéré. 

Il avait suffi que j’affirmasse une seule fois à M. Beaunis le phénomène 
du transfert devant le sujet en apparence inerte, pour qu’il se réalisât 
désormais toujours et pour toutes les attitudes, car l’idée du phénomène 
avait pénétré dans le cerveau du sujet. 

Je dis ensuite : € Je vais tourner l’aimant dans un autre sens et le trans- 
fert va se faire de la main à la jambe. » 

Au bout d’une minute, en effet, le bras tombe et la jambe se soulève. Je 
replace l’aimant contre la jambe, sans rien dire, et le transfert se reproduit 
de la jambe au bras. 

Si, sans rien dire au sujet, je remplace l’aimant par un couteau, un 
crayon, un flacon, un morceau de papier, le même phénomène se produit. 

Le lendemain je refais ces expériences sur une autre somnambule qui 


D18 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


avait assisté à celles de la veille, et sans rien lui dire, sans rien dire devant 
les personnes présentes : elles réussirent à merveille; l’idée du transfert 
avait été suggérée à son cerveau par le fait dont elle avait été témoin. 

De plus, après que j'eus répété ce transfert plusieurs fois d’un bras à 
l’autre, et cessant l'application alternative de l’aimant, le transfert continua 
spontanément à se faire deux fois encore (oscillations consécutives), cer- 
tainement par l’idée qu'avait la personne que lexpérience continuait. 
J'ajoute d’ailleurs que antérieurement j'avais déjà plusieurs fois essayé 
d'obtenir le transfert chez cette personne et cela sans résultat, tant que 
l’idée du phénomène n’avait pas pénétré dans son cerveau. 

Chez aucun de mes hypnotisés je n'ai vu le transfert s'accompagner spon- 
tanément d’une douleur de tête localisée. Mais chaque fois que j'annonçais 
qu'une douleur se produirait à tel ou tel point du cuir chevelu, le sujet la 
ressentait. Un second sujet hypnotisé la manifestait spontanément quand il 
avait vue exprimée par le premier. 

Je n’ai pu davantage, en dehors de la suggestion, déterminer aucun 
phénomène par pression exercée sur certains points du crâne. 

Voici, par exemple, une autre de mes somnambules endormie. Je presse 
le eràäne successivement en divers points : rien. 

Je dis : € Maintenant je vais toucher la région du eràne qui correspond 
aux mouvements du bras gauche et ce bras va entrer en convulsion. » Cela 
dit, je touche un point arbitraire du cuir chevelu à droite : aussitôt le bras 
gauche est agité de secousses. 

Je dis : « de presse plus fort et l’excitation fera place à fa paralysie; » le 
bras tombe inerte. 

Je provoque de même des convulsions localisées au côté gauche de la 
face. 

J'annonce que je vais produire de l’aphasie en touchant la région cor- 
respondant à la parole; je touche le pariétal ou l’occipital gauche et le 
sujet ne répond plus à mes questions ; il répond aussitôt que j'éloigne la 
main du crâne. Ceei fait, j'annonce que je vais toucher d’une autre façon, 
de manière à exciter au lieu de paralyser : la parole sera plus facile, et la 
personne alors de répondre à mes questions de la façon suivante : « Com- 
ment vous appelez-vous? — Marie, Marie, Marie, Marie. — Comment allez- 

vous ? — Bien, bien, bien, bien, Lions EE n'avez pas mal ? —— Du tout, 
du tout, du tout, du tout. » 

Chose remarquable ! Cette somnambule, suggestible à l’état de veille, n’a 
conservé à son réveil aucun souvenir conscient de ce qui s’est passé pen- 
dant son sommeil. Et cependant alors si, sans rien dire, je répète les ex- 
périences de transfert avec un aimant, ou avec un corps quelconque, 
papier, couteau, etc., les mêmes phénomènes de transfert se reproduisent, 
à son grand étonnement ! comme si le cerveau avait conservé le souvenir 
inconscient des phénomènes suggestifs réalisés dans l’état hypnotique, ce 
que d’autres expériences n'avaient déjà appris. 


SÉANCE DU ? AOUT. 519 


Je me borne à l'énoncé de ces faits : je ne prétends.pas interpréter par la 
suggestion les phénomènes constatés par d’autres observateurs. Je veux 
simplement signaler ce qu'à Nancy plusieurs de mes confrères et moi 
avons, d’un commun accord, observé. 


SUR DEUX PHÉNOMÈNES PRODUITS PENDANT LE SOMNAMBULISME PROVOQUÉ, 
par M. H. BEauniS, professeur de physiologie à la Faculté de médecine 
de Nancy. 


I. — Dans une série àe recherches entreprises dans ces derniers temps sur 
les caractères physiologiques du somnambulisme provoqué, j'ai observé un 
certain nombre de faits qui démontrent d’une façon irréfutable que la sug- 
gestion hypnotique peut agir sur les fonctions organiques. Le tracé que je 
présente à la Société montre que nous pouvons modifier par suggestion 
directe le rythme des mouvements du cœur chez les sujets hypnotisés. 

Ce tracé a été pris dans Les conditions suivantes sur une somnambule que 
M. Focachon, pharmacien à Charmes, a bien voulu amener à Nancy et 
conduire à mon laboratoire. J’applique sur l’artère radiale gauche le sphyg- 
mographe à transmission de Marey; une horloge électrique inscrit les 
secondes sur le même cylindre (1). Il est évident que le rythme du cœur 
pourrait être modifié en suggérant au sujet une émotion quelconque, 
crainte, douleur, etc. Mais pour être démonstrative l'expérience devait être 
conduite autrement. Le pouls est d’abord pris à l’état de veille, puis pen- 
dant le sommeil ; quelques moments après, on lui dit : Faites bien 'atten- 
tion ; votre cœur bat moins vite, moins vite, encore moins vite et l’on 
continue ainsi pendant un certain temps la suggestion du ralentissement 
en l’accentuant ; en deux points du tracé, au début et à la fin de la sugges- 
tion, l’accentuation plus énergique détermine une sorte d'arrêt du cœur 
bien visible sur le tracé; on voit en effet une pulsation manquer ou du 
moins c’est à peine si un léger crochet indique l’existence d’une pulsation. 
On laisse alors le pouls revenir à l’état normal, et au bout d’un certain 
temps on fait la suggestion de l’accélération, et l’accélération se produit. 
Le tableau suivant donne la marche de l'expérience par périodes de dix 
secondes : 


Avant le sommeil. Retour à l’état normal. 
1971 — 16,1 
- 15,1 — 16,8 
15,8 — 46,5 
— 17,0 — 17,8 
— Mouvements de la main. — 17,8 


— Jdem. 


(1) L'horloge n'étant pas réglée exactement, chaque division ne correspond 
pas tout à fait à une seconde; mais cela n’a aucune importance au point de vue 
qui nous occupe 1] 


520 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Sommeil. Accélération suggérée. 
2247 — 19,8 
— 16 — 19,8 
— 16 — 20 
— 16,5 — 19 
— 16,6 — 19 
— 18 
Suggestion du ralentissement. Retour à l’état normal. 
— 15,5 — 17,8 
— 15,6 — 17,5 
— 15,5 — 17,8 
— 15,7 — 15,5 
— 15,8 — 16,6 
— 15,9 — 16,5 
— 14,8 — 16 
— 14,5 — 16 


Je me contenterai d'exposer ce fait, auquel j'aurai plus tard occasion 
d’en ajouter d’autres qui ne pourront laisser le moindre doute sur l’in- 
fluence de la suggestion hypnotique sur les fonctions organiques. 

IL. — Si la suggestion permet d'interpréter presque tous les phénomènes 
qui se produisent pendant le somnambulisme provoqué, elle ne peut pas les 
interpréter tous. C’est ce que démontre le fait suivant que j'ai observé il y a 
quelques jours. 

Me H. A... et M'° À. E... ne sont pas parentes; mais elles sont amies 
et travaillent habituellement ensemble. Toutes les deux sont des sujets 
remarquables au point de vue du somnambulisme provoqué. Le 30 juillet 
dernier, M. Liébault endort Mme H. A... J’endors de mon côté Mile A. E... 
dans une pièce voisine, et une fois endormie, je lui dis : Vous vous réveil- 
lerez quand Mme H. A... se réveillera. M. Liébault, prévenu, dit à 
Me H. A... quelle se réveillera quand il lui mettra la main sur le front. 
Mie À. E... est placée de façon qu’elle ne peut voir ce qui se passe dans la 
pièce voisine. Au moment où M. Liébaut place la main sur le front de 
Mne I. À..., celle-ci se réveille et en même temps Mie A. KE... se réveille 
aussi. La même expérience fut répétée par moi le lendemain avec le même 
résultat. ° 

Mon absence de Nancy ne me permet pas &e suivre ces expériences, que 
je compte reprendre à mon retour ; mais la façon dont elles ont été con- 
duites ne me permet pas d'attribuer les phénomènes observés à la sugges- 
tion. Quant à l'interprétation des faits, je ne ferai aucune hypothèse; je me 
contente pour le moment de les enregistrer et d'appeler sur eux l’attention 
des expérimentateurs. | 


SÉANCE DU 2 AOUT. 521 


NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE ET LE TRAITEMENT DE L’OSTÉO-PÉRIOSTITE 
ALVÉOLO-DENTAIRE, par MM. MaLAssez et GALIPPE. 


Cette affection très répandue, décrite en 1760 par Fouchard et en 1778 
par Jourdain, sous le nom de suppuration conjointe des alvéoles, a été bien 
étudiée de nos jours (1867) par le docteur Magitot, qui lui a donné le nom 
que nous conservons quant à présent. 

Exactement décrite par cet auteur, au point de vue de sa marche et de 
ses lésions, l’ostéo-périostite alvéolo-dentaire était mal connue pour ce qui 
regarde son mécanisme et ses causes, et considérée généralement comme 
incurable. 

Il résulte de nos recherches que l’ostéo-périostite alvéolo-dentaire est, 
réserves faites pour l'influence du terrain, une maladie locale intérieure et 
parasitaire, ce qui explique le processus et donne de précieuses indications 
pour le traitement. 

Toute cause mécanique capable de détacher la gencive du collet de la 
dent, et la plus fréquente est le dépôt du tartre salivaire, permet aux micro- 
organismes de pénétrer entre le cément et la paroi alvéolaire. 

Ces organismes provoquent, soit par action directe, soit à la suite de 
l’inflammation qu'ils déterminent, la destruction des ligaments alvéolo-den- 
taires et du cément auquel s’attachent ces ligaments. 

Celui-ci présente à la fois des phénomènes de destruction et de néoforma- 
tion ; la dentine est érodée et mise à nu et recouverte par places de cément 
de nouvelle formation ; les micro-organismes pénètrent dans les canalicules 
et, à la longue, la dent peut être injectée dans toutes ses parties par ce pro- 
cédé. 

La pulpe est envahie et disparaît. 

À la période ultime de la maladie, les micro-organismes pénètrent lar- 
gement par le canal radiculaire dont le contenu a été détruit. 

Ces phénomènes s’accompagnent de suppuration, abondante, dans les 
produits de laquelle on trouve de nombreux micro-organismes, sur lesquels 
nous aurons à revenir. 

Le traitement doit être à la fois chirurgical et antiseptique. Il consiste 
dans la destruction de la muqueuse gingivale sur toute la hauteur où le 
rebord alvéolaire est résorbé, de façon à supprimer les clapiers dans les- 
quels vivent et se développent les micro-organismes et l’introduction dans 
ces clapiers d’antiseptiques comme le sublimé corrosif à 3 ou 4 pour 1000 
dans les cas ordinaires. 

Quand les fibres ligamenteuses du périoste ne sont point détruites en tota- 
lité et que la dent peut encore être maintenue assez solidement pour rem- 
plir ses fonctions, l'affection est curable; il n’en est plus de même quand 


529 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


le cément est détruit sur toute sa hauteur et que la dent est complètement 
infectée par le mécanisme décrit plus haut (1). 


SUR LA PRÉSENCE DE CORPUSCULES FALCIFORMES DANS LE PUS EXTRAIT DE 
LA CAVITÉ PLEURALE D'UN MALADE ATTEINT DE PLEURÉSIE CHRONIQUE 
LATENTE. Note de MM. J. Kunsrcer et A. Pirres, de Bordeaux, pré- - 
sentée par M. R. BLANCHARD. 


Les Psorospermies oviformes ou Coccidies (Leuckart) sont des êtres 
parasitaires du groupe des Sporozoaires, qui vivent souvent au sein des tissus 
des vertébrés. L’espèce la plus commune et la mieux étudiée, le Coccidium 
oviforme, se rencontre dans le foie du lapin. D’autres espèces ont été trou- 
vées chez le chien, le chat, le rat, la souris, le porc, le poulet, ete. Le 
développement rapide de ces parasites chez nos animaux de basse-cour 
peut donner lieu à des épizooties très meurtrières. Les lésions que provoque 
leur présence dans les tissus sont en général caractérisées par la forma- 
tion de petits abcès à contenu puriforme ou caséeux. Ces abcès peuvent se 
rencontrer dans presque tous les viscères. [ls ont été particulièrement étu- 
diés dans le foie, mais on peut les observer également dans les intestins, 
les reins, etc. Dans les poumons, les lésions psorospermiques ressemblent 
beaucoup aux lésions tubereuleuses : elles donnent lieu à la formation de 
tumeurs caséeuses disséminées dans le parenchyme pulmonaire et diffé- 
rant des masses tuberculeuses en ce que l'examen microscopique permet 
de retrouver dans leur intérieur les corpuseules oviformes. 

On a signalé quelquefois chez l’homme des affections d’origine psoro- 
spermique. Gübler a présenté, en 1858, à la Société de biologie (2) l’obser- 

vation d’un malade qui mourut dans son service à l’hôpital Beaujon, où 
il était entré pour une tumeur du foie. À l’autopsie, on trouva le foie 
hypertrophié et creusé d’une vingtaine de cavités remplies de liquide puru- 
lent ou de matière caséeuse. Ces cavités avaient en général le volume d’une 
noix ou d’un œuf; l’une d'elles était grosse comme la tête d’un fœtus de 
six mois. Dans le pus liquide ou caséeux qui remplissait leur intérieur, 
Gübler reconnut au microscope l’existence d’une grande quantité de 
corpuscules oviformes qu'il considéra comme des œufs de Distomes. La 
description détaillée qu’en donne Gübler permet aujourd’hui de reconnaître 


(1) Travail du Laboratoire d’histologie du Collège de France et du Labora- 
toire de la Clinique d'accouchement de la Faculté de médecine. 

(2) Gübler, Tumeur du foie déterminée pur des œufs ,d’Helminthes, observée 
chez l’homme (Bull. de la Soc. de biol., t. V, p. 61-71). 


SÉANCE DU 2 AOUT. 023 


qu'il s'agissait de Coccidies. Les naturalistes les plus autorisés, MM. Bal- 
biani (1), Leuckart (2), ne conservent aucun doute à cet égard. 

L'observation de Gübler n’est pas absolument isolée. Dressler (Prague), 
Kjellberg et Eimer ont retrouvé des Psorospermies dans le foie de l’homme. 
Rivolta et Grassi en ont rencontré dans les déjections de certains malades, 
Lindemann dans le rein, et il est probable, dit M. Balbiani, après avoir 
rappelé ces faits, que, si l'attention des savants était plus spécialement 
dirigée de ce côté, les observations de ce genre se multiplieraient de plus 
en plus. 

Nous avons trouvé récemment un nombre considérable de corpuseules 
falciformes, analogues à ceux qui constituent les corps reproducteurs des 
Psorospermies, dans le pus d’un abcès pleural qui s’était formé lentement et 
sans réaction fébrile chez un homme de vingt-sept ans, employé depuis plu- 
sieurs années à bord des paquebots qui font le service régulier de Bordeaux 
au Sénégal. Cet homme éprouvait depuis deux ans de l'oppression, de la pesan- 
teur dans le côté gauche de la poitrine, un peu de toux sans expectorations. 
Son état général était du reste excellent. Il n’avait jamais de fièvre, ni de 
frissons, ni de sueurs nocturnes. À plusieurs reprises, dans le cours des 
deux dernières années, il eut l’occasion de consulter des médecins, qui tous 
diagnostiquèrent une pleurésie gauche et engagèrent le malade à se soigner 
sérieusement. Mais celui-ci était si peu inquiet de son état, qu'il ne fit 
jamais aucun traitement sérieux. 

Le 16 mai 1884, M. le docteur Lartigue (de Bordeaux) appela l’un de 
nous en consultation auprès de ce malade. Il présentait alors les signes 
physiques les plus caractéristiques d’un épanchement liquide abondant 
dans la cavité pleurale gauche (voussure avec immobilité des fausses côtes, 
matité absolue, abolition des vibrations thoraciques, silence respiratoire 
dans les deux tiers inférieurs de l’hémithorax gauche; absence de souffle et 
d’égophonie ; pas de pectoriloquie aphone, pas d’œdème de la paroi thora- 
cique). La thoracocentèse fut décidée et pratiquée séance tenante. Elle 
donna issue à deux litres de pus blanc, opaque, d’une consistance huileuse, 
sans la moindre odeur désagréable. Quelques jours après la ponction, le 
malade, se sentant tout à fait bien, quitta Bordeaux, malgré les conseils 
qui lui furent prodigués. L’épanchement s'était en partie reproduit, sans 
qu'il y eût la moindre réaction fébrile, avant ou après l'opération. 

Examiné au microscope, sans l’addition d’aucun réactif, le pus extrait 
par la ponction renferme des quantités innombrables de granulations libres, 
réfringentes, de 1 à 4 ; de diamètre, beaucoup de leucocytes pàles, à pro- 
toplasma granuleux, quelques rares cellules plates, quelques hématies deve- 
nues sphériques et enfin un grand nombre de corpuscules ovoïdes ou fusi- 
formes, homogènes, d'apparence hyaline, nageant librement dans le liquide 


(1) Balbiani (G.), Leçons sur les Sporozoaires. Paris, 1884. 
(2) Leuckart (R.), Die Parasilen des Menesten. Leipzig, 1879. 


524 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


de la préparation ou renfermés au nombre de dix à vingt, ou plus, dans des 
vésicules claires, relativement volumineuses. 

Les corpuscules isolés mesurent en général de 18 à 20 » de longueur ; 
exceptionnellement on en trouve quelques-uns plus petits (8 à 10 y), ou 
beaucoup plus volumineux (60 à 100 y»). 

Ces petits corps rappellent entièrement l'aspect des corpuseules falci- 
formes des Psorospermies. Ils présentent une enveloppe mince, finement 
striée, et un contenu protoplasmique au centre duquel se voit quelquefois, 
mais non toujours, un noyau arrondi. 

Les vésicules renfermant les corpuscules falciformes sont formées parune 
membrane cuticulaire enveloppante, et à leur centre se trouve souvent une 
masse protoplasmique. Les petits fuseaux sont accumulés à la périphérie 
sous la membrane. Gette masse protoplasmique paraît être l’homologue du 
nucléus de reliquat des Sporozoaires. 

Quelques doutes subsistent encore dans notre esprit sur la véritable 
nature de ces corps. Cependant il nous semble vraisemblable que nous 
avons affaire à une Psorospermie vivant en parasite dans la cavité pleu- 
rale. 

La présence de ces Sporozoaires dans le liquide d’un vaste abcès pleural, 
chez l’homme, soulève plusieurs problèmes intéressant à la fois les natura- 
listes et les médecins. D’où provient ce parasite? Par quelle voie a-t-il 
pénétré jusque dans la cavité pleurale? Quel rôle a-t-il joué dans lPévolu- 
tion de la pleurésie? Doit-il être considéré comme la cause de la puru- 
lence de l’épanchement? Nous ne pouvons malheureusement donner à ces 
diverses questions une solution immédiate. 


CHLOROFORME imMPUR, par M. Paul Berr. 


On a, depuis longtemps et à diverses reprises, signalé l’existence de 
chloroformes impurs dans le commerce de la droguerie. La nature des 
allérations de ce produit a été bien étudiée; on en peut dire autant des 
causes qui les produisent et des moyens propres à les reconnaitre. Il ny a 
done pas lieu d’insister sur ces divers points. Mais il importe d’éveiller 
l'attention des praticiens, toutes les fois que l’occasion se présente, car 
l'existence de mauvais chloroforme, vendu sous le nom de chloroforme pur 
anesthésique, est peut-être plus fréquente qu’on ne le suppose généra- 
lement. | 

L’altération peut être poussée si loin que de semblables produits ne pour- 
raient être respirés quelques secondes sans déterminer des accidents 
graves. 

Dans l'échantillon que nous présentons à la Société et qui sort cependant 


PP OR CT 


SÉANCE DU 2 AOUT. 25 


d’une des plus importantes maisons de Paris, la quantité de chlore libre est 
si considérable, que le bouchon de liège qui ferme le flacon est profondé- 
ment corrodé. 

Quand on ouvre le flacon, une forte odeur de chlore se dégage aussitôt et, 
si l’on introduit une petite quantité. de ce produit dans un tube à essai 
contenant de l’eau distillée et un fragment de papier ozonoscopique, 
celui-ci bleuit fortement : les vapeurs seules suffisent à produire cet effet. 
Le chlore libre, en agissant sur l’iodure de potassium du papier ozonosco- 
pique, met l’iode en liberté et tandis qu'une partie de celui-ci colore en 
bleu l’amidon, l’autre communique au chloroforme qui tombe au fond du 
tube une belle teinte rouge violet. Ce papier réactif est d’un emploi facile 
et permet de déceler rapidement ce genre d’altération. D'ailleurs ce même 
chloroforme, traité par l’eau, donne avec le nitrate d’argent un abondant 
précipité de chlorure d’argent; il rougit le papier de tournesol et contient 
aussi bien certainement de l’acide chlorhydrique. 

Ce même chloroforme contient en outre d’autres impuretés, ear, si 
on le soumet à la distillation fractionnée, on remarque que les deux pre- 
miers passent à 61 degrés, tandis que le troisième ne passe plus qu’à 
69 degrés. Comparé à d’autres chloroformes de bonne qualité, il possède 
cependant la même densité; c’est done là un mauvais caractère, car ceux-ci 
passent complètement à 61 degrés. 

D’ailleurs peu de chloroformes du commerce sont absolument compa- 
rables. Souvent ils laissent après eux, quand on les fait évaporer dans la 
main, une mauvaise odeur ; si l’évaporation'se fait à une basse tempé- 
rature, comme cela se produit dans la machine à anesthésier du docteur 
Dubois, ces composés n'étant pas volatilisés par le courant d’air froid, 
il se fait une sorte de rectification, quin’est peut-être pas inutile, car on ne 
connait pas exactement la nature et les propriétés de ces produits lourds 
qui, par leur aspect oléagineux et leur teinte jaune verdàtre, ressem- 
blent beaucoup à l'huile des Hollandais. Il est probable que l'existence 
de ces produits dans le chloroforme du commerce tient à ce qu’on emploie 
pour sa ‘préparation industrielle des alcools mal rectifiés. 

On conçoit facilement que, en dehors des dangers inhérents à l'emploi 
du chloroforme, principalement en ce qui concerne les mélanges d’air et de 
chloroforme trop riches en vapeurs anesthésiques, le malade puisse en- 
core être exposé à des accidents très graves par l’inhalation de vapeurs 
analogues à celles qui se dégagent de l'échantillon que nous venons de 
présenter. 

Dans de semblables conditions tout titrage du mélange d’air et de 
liquide anesthésique devient illusoire, puisqu'il ne s’agit plus d’un chloro- 
forme pur, mais d’un mélange de composition indéterminée contenant des 
produits manifestement toxiques même à faible dose. 


526 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


INFLUENCE DU DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE SUR L'ÉTAT D HYDRATATION 
DES ŒUFS DE LA COULEUVRE A COLLIER, par M. R. Dugors. 


Une couleuvre à collier conservée depuis quelques jours dans le labora- 
toire de physiologie de la Sorbonne pondait alternativement des œufs qui 
présentaient un commencement de développement embryonnaire et d’autres 
qui ne présentaient pas trace d’embryon. Ces œufs ont été placés sous la 
cloche de la machine pneumatique en présence de l'acide sulfurique et de 
la potasse. Les œufs qui ne contenaient pas d’embryon ont perdu 57 pour 100. 
de leur poids d’eau, tandis que les autres ont perdu 74,74 pour 100. La 
couleuvre ayant été ouverte vivante, on trouva également dans l’oviducte 
des œufs fécondés et non fécondés placés alternativement. Les œufs non 
fécondés, mis dans les mêmes conditions que ci-dessus, ont perdu 62 pour 
100 de leur poids d’eau, tandis que les autres ont perdu 72,17 four 100 
d’eau. | ÿ 

Il semble donc que, pour ce cas particulier au moins, le développement 
de lembryon soit accompagné d’une fixation d’une proportion d’eau plus 
grande par les œufs fécondés. 

D'autre part, le contenu des œufs non fécondés était plus épais, plus 
visqueux et il a fallu pour les dessécher complètement quatre fois moins de 
temps que pour dessécher les œufs fécondés. Il est vrai que ceux-ci conte- 
naient une plus forte proportion d’eau, mais nous avons montré que par- 
fois la résistance au dessèchement était en raison inverse de la proportion 
de l’eau, par exemple dans le tissu des tumeurs fibreuses de l’utérus. [ei 
c’est le contraire qui s’est produit, ce que nous avons appelé la tension de 
dissociation de l’eau et destissus était plus grande pour les œufs non fé- 
condés contenant moins d’eau, plus grande également pour des tissus pa- 
thologiques contenant plus d’eau. La tension de dissociation paraît donc 
être, indépendamment de la quantité d’eau, plus faible pour les tissus ou 
les albuminoïdes dont la vitalité est plus énergique. 


NOTE SUR UNE SEPTICÉMIE, par M. CHARRIN, interne des hôpitaux. 


Sur le cadavre de lapins morts du charbon bactéridien, il peut se déve- 
lopper quelques heures après la mort un microbe particulier. 

Inoculé au lapin, il tue cet animal dans un espace de temps qui varie en 
moyenne de dix-huit à quarante-huit heures ; la survie, comme dans d’autres 
septicémies, est en raison inverse de la quantité de substance inoculée. Pen- 
dant la maladie, lalbumine apparaît dans les urines, la température du lapin 


SÉANCE DU Ÿ AOUT. 521 


s'élève de 1 à 2 degrés; la plus haute température est atteinte, en général, 
quatre ou cinq heures avant la mort; la respiration s'accélère, les convul- 
sions surviennent quelquefois dans les derniers moments. 

A l’autopsie, on trouve, au point inoculé, un œdème rougeàtre, si l’ino- 
culation a été faile dans le tissu cellulaire sous-cutané ; il y a le plus sou- 
vent peu d'urine dans la vessie; le foie, les reins, l’intestin sont congestion- 
nés, la rate est bleuàtre, augmentée de volume. 

Nous avons retrouvé l'organisme dans les viscères suivants : poumons, 
foie, reins, muscles, rate, myocarde, bulbe, moelle des os et enfin dans le 
sang. Dans le foie, il est très abondant, disposé en chapelets à grains très 
nombreux, pouvant atteindre le nombre de vingt. Son siège au sein des 
tissus est dans les vaisseaux ; son habitat naturel paraît être le sang; on en 
retrouve cependant dans l’œdème au voisinage du point inoculé. 

Recherché deux fois dans la cornée, l'humeur aqueuse, les cartilages, Le 
liquide du péricarde, nous ne l’avons pas rencontré; une fois il a pu être 
constaté dans la sérosité du péritoine. 

L'urine, les matières fécales dans un cas ont transmis la maladie; dans 
deux tentatives la bile et la salive n’ont donné aucun résultat. 

Les portes d'entrée de la maladie sont multiples : l’inoculation peut être 
faite avec succès par la voie veineuse, par le tissu cellulaire sous-cutané, 
par la trachée, le péritoine, le tube digestif. Si l’on se sert de cette dernière 
voie, on trouve, à l’autopsie, les ganglions mésentériques volumineux, rosés 
et contenant des microbes. 

La maladie se transmet au fœtus. Elle se transmet du lapin au lapin; 
elle se transmet aussi au moineau, quelquefois au rat. Le chien, la poule, 
le cobaye, la grenouille ont résisté. 

Le sang conservé à l’état pulvérulent dans un tube fermé garde sa viru- 
lence au moins pendant dix-huit jours. 

Ce microbe a une forme arrondie ou légèrement ovoïde, surtout dans les 
cultures ; 1l est ordinairement, comme nous l’avons dit, disposé en chape- 
let; il est aérobie ; il se cultive dans le bouillon de bœuf et de lapin: les 
cultures perdent rapidement leur virulence ; elles sont plus actives inocu- 
lées dans les veines que dans le tissu sous-cutané. L'organisme est légère- 
ment mobile dans les cultures; il fixe soit dans les liquides, soit dans les 
tissus durcis par l'alcool absolu, les réactifs habituels, couleur d’aniline, 
plus spécialement le violet de méthyl SB;-ses dimensions sont d'autant 
plus petites, que les grains qui composent les chapelets sont plus nombreux ; 
elles varient de 1 à 2u. Dans le sang et dans les cultures ceux qui sont 
ovoïdes, en s’accolant deux à deux, prennent l’aspect d’un petit bàâtonnet 
étranglé. Parmi les septicémies dont l'organisme a été nettement isolé, deux, 
à notre connaissance, se rapprochent de celle dont nous parlons. La pre- 
mière est celle de M. Gaffky, décrite dans le premier volume des Comptes 
rendus de Office sanitaire impérial de Berlin. Nous croyons qu’elle constitue 
toutefois une maladie différente, soit parce que le microbe décrit par l’auteur, 


528 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


allemand n’a pas la même forme, soit parce qu’il ne paraît pas se dévelop- 
per de préférence dans le foie, soit surtout parce qu'il tue la poule. 

La seconde maladie à rapprocher est celle décrite par M. Pasteur, en 
1880, à l'Académie de médecine. L'organisme découvert par M. Pasteur avait 
une tout autre origine, puisqu'il venait de la salive d’un enfant rabique, 
mais, comme le nôtre, il tuait le lapin, habitait le sang et ne tuait ni la 
poule, ni le cobaye. Toutefois nous n’avons pas trouvé à l’autopsie l’état | 
congestif, apoplectique des organes respiratoires, et inversement nous avons 
noté des lésions de la rate qui ne sont pas indiquées par M. Pasteur. Comme 
nous n'avons pas trouvé dans le mémoire de ce dernier auteur assez de 
détails pour poursuivre le parallèle, nous ne trancherous pas la question 
de différence ou d’identité. 


ErRarum. — Lire page 491, % ligne, rétine au lieu de fétine. 


BOURLOTON. — Imiprimeries réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. : | 


029 


SÉANCE DU 9 AOÛT 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


PRÉSENTATION DE PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES DU CHOLÉRA, 
par MM. Srraus et Roux. 


Nous avons l'honneur de présenter à la Société de biologie des prépara- 
tions provenant de cas de choléra observés à Toulon. Un certain nombre 
de ces préparations confirment les résultats que nous avons annoncés à la 
Société de biologie, à notre retour d'Égypte (1), d’autres de ces prépara- 
tions sont relatives au bacille en virgule, découvert par M. Koch et consi- 
déré par lui comme étant la cause du choléra. 

Les symptômes et les lésions macroscopiques du choléra sont de telle na- 
ture que c'est dans l'intestin que l’on est conduit à rechercher la cause de 
la maladie. En Égypte, nous nous étions efforcés de trouver dans les tuniques 
intestinales un microbe spécifique. La méthode que nous avons suivie dans 
cette recherche consistait à colorer dans une solution aqueuse de bleu de 
méthylène des coupes pratiquées sur des fragments d’intestin grêle durcis 
par l’alcool. Dans les nombreuses coupes ainsi traitées, nous avions constaté 
que, dans un certain nombre de cas, les parties superficielles de la mu- 
queuse, les conduits des glandes tubulées, la charpente des villosités et, par 
places la sous-muqueuse, renfermaient des micro-organismes divers et en 
nombre variable, selon la portion d’intestin examinée et selon la durée de 
la maladie. 

Cette entéromycose était surtout accusée dans la dernière portion de l’in- 
testin grêle. 

De ces constatations anatomiques, nous n’avions pas cru pouvoir tirer de 
conclusions positives sur la cause de la maladie. Une muqueuse dépouillée 
d’épithélium, comme celle de l’intestin dans le choléra, ne peut-elle pas 
être aisément envahie par les organismes contenus dans les liquides qui la 


(1) Comptes rendus de la Socièlé de biologie, séance du 10 novembre 1883 
p. 569. FE 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 97, N° 32. 41 l« 


,- 
/ 


530 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


baignent? La variété des microbes que l’on constatait dans les préparations 
devait éveiller au plus haut point le soupçon d’une invasion secondaire de 
l'intestin. « S'il existait réellement, disions-nous, entre l’un de ces microbes 
trouvés dans les tuniques intestinales et le choléra une relation de cause à 
effet, ce microbe devrait se rencontrer dans toutes les autopsies de cholé- 
riques. C’est ce qui ne s’est pas présenté dans nos recherches. Nous avons 
observé la présence, dans la muqueuse intestinale, de micro-organismes 
surtout dans les cas de choléra qui s'étaient prolongés et qui s’accompa- 
gnaient d’un piqueté hémorrhagique de l'intestin. Dans trois cas de choléra 
foudroyant, où les sujets avaient été emportés en dix à vingt heures et où 
l'intestin était plutôt pàle que congestionné, il nous a été impossible de 
constater, dans les tuniques intestinales, la présence appréciable de micro- 
organismes. Dans un autre cas suraigu, le nombre des bacilles était très 
faible et il fallait un grand nombre de coupes pour en déceler quelques-uns. 
Or c’est précisément dans ces cas suraigus, où la maladie revêt son inten- 
sité la plus grande, que Ia présence d’un microbe dans la muqueuse intes- 
tinale, si elle était réellement primitive et caractéristique, devrait aussi se 
ral avec le plus de netteté et d'intensité. 

À Toulon, nos investigations ont de nouveau porté sur la recherche d un 
organisme Sora dans les tuniques intestinales. Cette recherche s’im- 
posait à nous avec d'autant plus de soin que dans son premier rapport, daté 
d'Alexandrie, 17 septembre 1883, M. le docteur Koch annonçait que dans 
les tuniques intestinales des cholériques ‘il avait constamment trouvé un 
organisme qu'il incline à regarder comme étant spécifique du choléra. Se 
basant sur l’ensemble des coupes d’intestin grêle de dix cholériques, 
M. le docteur Koch arrive à cette conclusion que le choléra est caractérisé, 
n Égypte aussi bien que dans l’Inde, « par la présence constante, dans la 
muqueuse de l'intestin grêle, d’un bacille caractéristique, rappelant celui 
de la morve ». 

Les nouvelles observations que nous avons faites à Toulon confirment 
pleinement celles que nous avions faites en Égypte. Dans la muqueuse 
intestinale d’un certain nombre de cholériques, on rencontre les organismes 
les plus divers, surtout dans les cas où la maladie s’est prolongée. Mais 
dans les cas plus rapides, ils sont beaucoup moins nombreux, et dans les 
cas suraigus il est impossible de déceler leur présence. 

Ainsi sur les dix-huit intestins de cholériques que nous avons recueillis à 
Toulon, plus de la moitié (onze cas), malgré le nombre des coupes exami- 
nées, ne contenaient pas, d’une façon appréciable, de micro-organismes. . 

Nous pouvons donc maintenir que dans bon nombre de cas de choléra 
(et particulièrement dans les plus caractérisés, les plus rapides) on ne trouve 
pas de micro-organismes dans les tuniques intestinales. 

Dans ses cinquième et sixième rapports, datés de Calcutta (4), M. Koch 


(1) Voy. Fortschritte der Medicin, 1884, n° 5, p. 33 et n° 7, p. 49. 


SÉANCE DU 9 AOUT. 531 


donne des détails plus précis sur l'organisme qu’il regarde comme étant la 
cause du choléra; ce n’est plus sur les tuniques intestinales, mais sur le 
contenu même de l'intestin et sur les selles que doit porter l’investigation. 
« Le bacille du choléra, dit-il, n’est pas tout à fait droit, mais plus ou 
moins recourbé, parfois en forme. de virgule, parfois plus arqué en forme 
de demi-cercle. » : 

M. Koch, à Toulon, a bien voulu nous indiquer les méthodes auxquelles 

‘il a recours pour mettre ce microbe en évidence. [l n’emploie pas de procédé 
spécial de coloration : une parcelle de selles ou de mucus intestinal est 
étalée en couche mince et desséchée sur une lamelle à couvrir ; la prépara- 
tion ainsi obtenue est légèrement chauffée et colorée par une solution 
aqueuse assez concentrée de couleur basique d’aniline, de préférence par 
le bleu de méthylène. 

Lorsque, comme nous l’avons fait systématiquement à Toulon, on examine 
ainsi les selles caractéristiques des cholériques, on voit qu'elles renferment 
le plus souvent un grand nombre d'organismes microscopiques divers, et 
dans beaucoup de cas on n’y rencontre qu’un petit nombre d'organismes en 
virgule, alors même qu’elles ont l'aspect riziforme caractéristique. Le con- 
tenu inteslinal, prélevé dans les meilleures conditions sur le cadavre, 
montre aussi, dans la majorité des cas, des espèces variées de micro-orga- 
nismes, parmi lesquelles on trouve le bacille en virgule, sans que celui-ei 
semble prédominer sur les autres. 

Ainsi, dans treize cas, l'examen fait dans de bonnes conditions des selles 
caractéristiques ou du contenu de l'intestin grêle, nous a révélé trois fois 
un très grand nombre de virgules; dans quatre cas, on ne les trouvait qu’en 
petit nombre et dans ces cas elles faisaient défaut. Il est vrai que les con- 
ditions regardées par M. Koch comme particulièrement favorables à la mise 
en évidence du bacille en virgule sont assez fugaces; pour lui, les selles 
encore fécales du début, non plus que celles qui accompagnent la période 
de réaction ne sont convenables pour cette recherche; il recommande 
l'examen du contenu intestinal pris rapidement dans l'intestin grêle des su- 
jets ayant succombé pendant la période algide d’un choléra rapide. 

Dans un cas foudrovant dont l’autopsie a été faite avec M. Koch, nous 
avons trouvé l'intestin grêle tapissé par une sorte de mucus blanc grisâtre, 
filant, et dans une parcelle de ce mucus étalé en couche mince sur la la- 
melle à couvrir et traité par la matière colorante comme nous l’avons dit 
plus haut, on voyait, colorés en bleu, une grande quantité de bacilles en 
forme de virgule. Ils étaient, pour ainsi dire, comme en culture pure dans 
ce mucus ; c'est à peine si dans les préparations on rencontrait associés à 
eux quelques bâtonnets d'organismes communs. Sur les dix-huit autopsies 
que nous avons pratiquées, nous avons rencontré une autre fois, dans un 
cas où la mort était survenue très rapidement, le même aspect du contenu 
intestinal et la même abondance du microbe en virgule. 

Ces cas sont très saisissants, et conduisent à accorder dans le choléra un 


992 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


grand rôle à l'organisme en virgule ; cependant il en est d’autres où la va- 
riété des organismes que l’on trouve dans le contenu intestinal est si grande 


qu'aucun d’eux ne paraît prépondérant. Dans ces cas, M. Koch a recours à . 


la culture pour mettre en évidence l'organisme en virgule. 
Une parcelle du contenu intestinal est délayée dans quelques centimètres 
cubes de bouillon gélatiné que. l’on a fluidifié par une douce chaleur; on 


étend le liquide ainsi ensemencé sur une plaque de verre et la gélatine con- 


venablement refroidic fait prise de nouveau. Dans les îlots d'organismes 
qui se développent, il en est qui ont l’aspect de petites masses réfringentes; 
ils sont formés par des organismes en virgule qui fluidifient bientôt la géla- 
tine autour d’eux et se montrent alors sous le microscope animés de mou- 
vements rapides. Ces organismes, pendant leur végétation, restent parfois 
joints bout à bout et alors ils prennent une forme en S, ou la forme de spi- 
rilles. C’est cet aspect de la culture dans le bouillon gélatiné que M. Koch 
regarde comme caractéristique. L’organisme en virgule exige pour son 
développement un milieu alealin ; il pullule avec une extrême facilité dans 
la plupart des milieux alcalins, à une température variant entre 16 et 42 de- 
grés; dans les conditions où M. Koch l’a observé, il ne paraît pas donner 
de germes; une dessiccation de quelques heures suffirait pour le faire 
mourir. 

Il est donc certain qu'il existe souvent, dans les selles rizilormes et dans 
le contenu de l'intestin des cholériques, un bacille en forme de virgule et 
que, dans certains cas, on trouve ce bacille presque à l’état de pureté dans 
la matière muqueuse qui tapisse l'intestin. Est-on en droit d’en conclure 
que le microbe en virgule est l’organisme du choléra? Nous ne le pensons 
pas. Tant que par l'administration d’une culture pure de cet organisme on ne 
sera pas parvenu à donner le choléra, la preuve ne sera pas faite. C'est 
pourquoi toutes les tentatives pour donner le choléra aux animaux ont un 
si grand intérêt; jusqu’à ce qu’on soit arrivé à un résultat dans ce sens, la 
démonstration scientifique restera à faire. Il se pourrait en effet que l’orga- 
nisme en virgule ne füt prédominant dans l'intestin de certains cholériques 
que parce qu'il y trouve un milieu de culture favorable. 

A défaut de la preuve directe que fournirait l’inoculation du mierobe en 
virgule aux animaux, M. Koch s’est efforcé de montrer que l’organisme qu’il 
a décrit dans le choléra ne se rencontrait que dans l’intestin des cholériques 
et jamais chez l’homme en santé où chez l’homme atteint de maladies autres 
que le choléra. Pour qu’une semblable constatation ait de la valeur, il fau- 
drait qu’elle portàt sur un très grand nombre de cas, car il suffirait que 
l'organisme de M. Koch füt trouvé une seule fois en dehors d’un cas de 
choléra asiatique pour tout mettre en question. 

La forme en virgule ne peut, du reste, à elle seule caractériser l’orga- 
nisme du choléra. On trouve en effet des bacilles recourbés et de forme 
tout à fait semblable à celle de l’organisme de M. Koch dans des produits qui 
n'ont rien à voir avec le choléra. Le docteur Maddox, de Londres, a photo- 


; 
J 


SÉANCE DU 9 AOUT. FRE 


graphié un microbe en virgule qu’il a rencontré dans un réservoir d’eau. 
M. Malassez nous a montré dans une préparation de selles de dysenterie, 
au milieu de beaucoup d’autres organismes, quelques bacilles en forme de 
virgule bien caractérisés. Dans du mucus vaginal de femmes atteintes de 
leucorrhée, dans la sécrétion utérine muqueuse d’une femme ayant un épi- 
thélioma naissant du col, nous avons trouvé des formes de bacilles en vir- 
gule semblables à celles du choléra. 

La forme en virgule n’est done pas caractéristique par elle-même. Il est 
très important d'essayer, dans des cas analogues à ceux que nous venons de 
citer, d'isoler par la culture les microbes qui présentent une forme sem- 
blable à celle de l’organisme de M. Koch et de voir comment ils se com- 
portent dans les différents milieux de culture : c’est la seule manière de 
les caractériser. 

Si le bacille en virgule est la vraie cause du choléra, comme il ne réside 
que dans le contenu de l'intestin et que, dans les cas rapides du moins, il 
n’envahit même pas d’une façon appréciable la muqueuse intestinale, il faut 
admettre que, pour produire des effets aussi rapides et aussi intenses, il 
sécrète un ferment soluble, une ptomaïne, un poison quelconque, extrême- 
. ment énergique, qui, absorbé, provoque les symptômes du choléra. Il faut 
donc s'attacher à extraire des cultures pures dans lesquelles a vécu le ba- 
cille un poison soluble qui reproduirait chez les animaux des symptômes 
analogues à ceux que l’on observe chez les cholériques. 

Il y aura aussi un intérêt spécial à rechercher si, dans les cas de choléra 
uostras bien avérés, on rencontre le microbe en virgule. 


— Il nous reste à nous expliquer.sur un dernier point. Dans notre rap- 
port sur le choléra d'Égypte nous avons signalé la présence dans le sang 
des cholériques, de particules extrêmement fines affectant l’aspect d’orga- 
nismes. Toutefois, nous faisions toutes nos réserves, vu l’insuccès de nos 
tentatives de culture et de coloration. À Toulon la même altération du 
sang s’est présentée à nous dans beaucoup de cas, mais elle a fait défaut 
dans quelques-uns. Nous pensons que ces corpuscules sont dus à une altéra- 
tion spéciale de l’hémoglobine ; c’est aussi l’opinion à laquelle paraît se 
ranger notre ami M. Malassez qui, avec sa compétence si grande en héma- 
tologie, a examiné des échantillons de sang des cholériques d'Égypte et de 
Toulon. 


534 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


DESCRIPTION D'UN APPAREIL DE MM. P. ReGNarD ET PAUL LOYE, 
POUR L'ÉTUDE DE L'ABSORPTION PAR LES RACINES DES VÉGÉTAUX. 


L'appareil que nous avons l'honneur de présenter à la Société peut se 
ramener à un système de deux vases communicants. Dans l’un des vases 


plonge la plante que l’on veut soumettre à l’étude ; dans l’autre se meu un : 
flotteur portant une tigelle: à l’extrémité de cette dernière est fixée une 


plume qui vient écrire sur un appareil enregistreur mis en mouvement lui- 
même par le jeu d’une horloge. 


(1) Présentation faite dans la séance du 2 août 1884. 


SÉANCE DU 9 AOÛT. ‘535 


L’absorption du liquide contenu dans l’un des vases produit un abaisse- 
ment de la colonne liquide de l’autre vase. Le flotteur descend, et c’est ce 
mouvement de descente qui est enregistré. . 

Pour éviter l’évaporation, on étale une couche d’huile sur le liquide du 
vase qui contient la plante. On est alors bien certain que la diminution du 
volume et l’abaissement du flotteur sont uniquement dus à l'absorption par 
les racines du végétal. 

Cet appareil nous a donné déjà un assez grand nombre d'indications nou- 
velles : nous nous proposons de les réunir et de les présenter à la Société 
dans une de ses prochaines séances. 


SUR UN CAS DE PARALYSIE FACIALE PÉRIPHÉRIQUE, AVEC ALTÉRATION DE 
LA CORDE DU TYMPAN, SANS MODIFICATIONS DU GOUT ET SANS RÉACTION 
DE DÉGÉNÉRESCENCE, par M. J. DEJERINE (1). 


Les altérations subies par la fonction gustative, dans la paralysie faciale 
périphérique, sont connues depuis longtemps, et sont attribuées par la 
plupart des auteurs, à l’altération subie par la corde du tympan, dans son 
trajet à travers le rocher; le cas actuel, dans lequel il existait une altéra- 
tion très prononcée de ce filet nerveux, sa ns que le goût füt modifié d’une 
façon appréciable, me paraît intéressant à rapporter, et concerne un malade 
que j'ai eu l’occasion d'observer récemment à l'Hôtel-Dieu, dans le service 
de M. le professeur Vulpian, que je supplée actuellement. 


Le nommé X..., âgé de vingt-sept ans, est couché au n°29 de la salle Saint-Jean 
de Dieu, depuis le 20 février. C’est un tuberculeux vulgaire, dont l'affection pul- 
monaire remonte au mois de novembre 1882 ; en mars 1883, il fit une chute sur la 
tête, à la suite de laquelle se déclara un écoulement d’oreille, séro-purulent, 
d’abord intermittent, qui devint bientôt permanent, 

Lors de son entrée, on constate une caverne au sommet droit et du ramollis- 
sement au sommet gauche. Crachats nummulaires contenant de nombreux bacilles. 
Phthisie laryngée. Arrêt de développement avec malformation congénitale de la 
main gauche. Fièvre hectique. Diarrhée. 

Le 11 juin dernier, début d’une paralysie faciale droite (même côté que l’otite); 
d’abord peu accusée le premier jour, la paralysie augmente les jours suivants, 
et est très nette, quoique encore peu intense, le 14 juin, èt porte sur le facial 
supérieur et inférieur. Paralysie du frontal et du sourciliér, effacement des 
rides du front, déviation de la commissure Jlabiale, lagophthalmos très net. 


(1) Travail du laboratoire du professeur Vulpian. 


536 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Difficulté dans l’acte de souffler et de siffler. Pas de déviation de la langue, ni 
de la luette, voile du palais symétrique. 


Exumen électrique (troisième jour de la paralysie), appareil à chariot 
(méthode polaire). 


Côté sain. Minimum d’excitation du nerf............ TS 
— — des muscles........ 10° 

Côté paralysé. Minimum d’excitation du nerf........, 110,5 
— — des muscles. .... 10° 


État normal. 


Le 14 juillet, la paralysie a nettement augmenté, la face tout entière est 
déviée, le malade fume la pipe, pas d'atrophie musculaire appréciable, le côté 
droit de la face a perdu toute expression. 


, 1 
* 


Examen electrique (même méthode). 


Côté sain, Minimum d’excitation des musceles........ 110,5 
— — AU ATACIAIR EME PETER 12° 


Les muscles du côté paralysé ne répondent qu’à 10 divisions et le nerf à 11. 
Le surlendemain, ils ne répondent qu’à 9 divisions. 


Contractilité galvanique (appareil de Trouvé). à 


Côté paralysé. Côté sain. 
Muscles de la face.. NEC 15° 15° 
— PEC 15° 15 
— POC 15° 17e 
Nerf facial. NEC 158 120 
— PEC 15° 1120 
_ POC 470 15° 


Il y a donc une légère perturbation dans la formule de réaction, sans augmen- 
tation de la contractilité galvanique, en ce sens que le PFC s’obtient à droite avec 
le même nombre d'éléments que le NFC et le POC. Pour le nerf, au contraire, on 
observe, comme c'est la règle dans ces cas de paralysie, une diminution de la 
contractilité nerveuse, en ce sens que le nerf facial, au lieu d’être excitable à 
droite avec douze éléments de l’appareil Trouvé, ne l’est qu'avec quinze élé- 
ments. à 

16 juillet. — L’œil droit du côté paralysé est atteint de kérato-conjonctivite, 
avec ulcération de la cornée, pas d’hypopyon. Le lendemain, on note de l’inéga- 
lité pupillaire (myosis à droite, du côté paralysé). 

Examen du goût, pratiqué le même jour : on ne constate aucune différence 
dans la fonction gustative des deux côtés. L'examen est pratiqué à l’aide d’un pin- 
ceau au moyen de solutions diverses (sucre, chlorure de sodium, vinaigre, colo- 
quinte), le pinceau promené de chaque côté de la langue, le malade accuse la 
même sensation gustative des deux côtés. La coloration de la muqueuse linguale 
est la même des deux côtés, la langue et le voile du palais ne sont pas déviés. On 


SÉANCE DU 9 AOUT. 531 


essaye la pilocarpine (5 milligrammes en injection) sur chaque joue, la sudation 
paraît un peu plus abondante du côté paralysé, et se produit en même temps que 
celle du côté sain. 

Le malade succombe le 20 juillet. L’autopsie est faite le lendemain et montre 
du côté des poumons de l’infiltration tuberculeuse, et une caverne à chaque som- 
met. Les méninges sont très œdématiées; cerveau normal; la pariétale ascen- 
dante du côté droit est cependant plus mince que celle de l’autre côté. Sur une 
coupe faite à la scie, et passant parallèlement à l’axe du rocher au travers de 
l'oreille moyenne, on constate que la caisse est remplie d’un pus assez adhérent, 
et que sur ses parois existent des séquestres osseux, mous, friables, se détachant 
facilement par le lavage et par la pointe du scalpel. L’oreille moyenne est en 
communication directe avec le conduit auditif externe. 

La membrane du tympan a complètement disparu, il n'existe pas trace des 
osselets de l'ouie. Le promontoire est méconnaissable. La carie semble se 
prolonger du côté des cellules mastoïdes, car la substance osseuse se laisse 
facilement entamer par le scalpel à ce niveau. Il est facile de déterminer sur 
cetle coupe les rapports de la première et de la troisième portion du facial, mais 
il n'en est pas de même de eux de la deuxième, que l’on ne peut déterminer 
malgré la plus grande attention. Le facial dans ses première et troisième portions 
semble se terminer dans le foyer purulent, mais la chose ne peut être affirmée, 
la coupe ayant sectionné probablement le facial dans sa portion moyenne, et en 
outre, on ne peut affirmer que la carie ait atteint la deuxième portion du facial, 
car il existe encore une couche assez épaisse de substance osseuse entre le foyer 
de la carie, et la surface intracränienne du rocher à ce niveau (l'examen micro- 
scopique montre du reste que le facial n’était point très altéré). Une coupe faite 
perpendiculairement à l’axe du rocher, et parallèlement à la première portion du 
facial, touche le labyrinthe qui semble normal, en particulier le limaçon dont 
on voit très nettement la lame spirale et les ramifications du nerf cochléaire. 

Corde du tympan. — Prise avant son anastomose avec le lingual, en faisant 
la coupe du pharynx. Acide osmique et picro-carmin, Tous les tubes qui la com- 
posent sont très altérés, il n’y a pas un tube sain, tous sont profondément 
altérés. 

Facial. — Rameaux pris dans la parotide, très peu altérés, quelques-uns 
seulement par préparation, la plupart ont conservé leur apparence physiologique. 
Cet examen, comme le précédent, a été pratiqué aussitôt après l’autopsie, avec 
les méthodes ordinaires. La troisième portion du facial (rocher) examinée par la 
même méthode ne montre qu’un très petit nombre de fibres en voie de dégé- 
nération. 

L'examen à l’œil nu de la moelle épinière, à pârt un état un peu grêle des 
deux premières paires, ne présente rien de particulier à l’œil nu (1). 


Dans le cas actuel, il n’existait pas de modification appréciable du goût, 
bien que la corde du tympan fût dégénérée, et cependant dl’examen a été 
D y 5 ? P 
pratiqué avec toute la rigueur employée en pareil cas, le malade n’accusait 


(1) L'examen histologique (le malade ayant une atrophie congénitale de la 
main gauche) sera publié ultérieurement. 


538 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pas de différence sensible d’un côté à l’autre. Peut-être la différence était- 
elle trop minime pour qu'elle füt perçue par le malade, c’est là la seule 
explication possible du fait actuel, car les paralysies faciales périphériques 
s’accompagnent trop fréquemment d’une altération de la fonction gusta- 
tive, pour que le cas actuel puisse être considéré comme prouvant que la 
corde du tympan n’a rien à voir dans les fonctions de la gustation. Mais son 
-rôle en tous cas ne doit pas être considérable, si l’on en juge d’après le cas 
actuel, car ce nerf Ctait complètement dégénéré et la fonction gustative 
paraissait intacte. Les troubles du goût, dans les paralysies faciales péri- 
phériques, sont en général peu prononcés, et, dans l’observation que je 
rapporte, il est possible que, en raison de laffaiblissement général du 
malade, des différences, parfaitement appréciables chez l'homme sain, n’aïent 
pas été perçues; cela tendrait à montrer une fois de plus le rôle peu 
considérable joué par la corde du tympan dans les phénomènes de la 
gustalion. 

Le peu de modifications survenues dans l’état de la contractilité fara- 
dique, me paraît également intéressant à signaler dans le cas actuel. La 
paralysie faciale présentée par ce malade, complète dès les premiers jours, 
durait depuis plus d’un mois, sans que la contractilité musculaire et l’ex- 
cito-motricité du nerf fussent modifiées d’une façon un peu marquée; la 
différence entre le côté sain et le côté malade était minime, ainsi qu’on 
l'a vu plus haut, et nullement en rapport avec l'intensité de la paralysie 
* (qui, je le répète, était absolue) et avec la durée de ectte dernière. Au lieu 
de trouver la réaction de dégénérescence, on trouvait au contraire un étal 
presque normal de la contractilité faradique. 

L'examen histologique du nerf facial qui me permit de constater Pit 


grité de la grande majorité des tubes nerveux qui le constituent, rendait 


compte du peu d’altération de la contractilité électrique ; mais cet examen 
ne rend pas compte de l'intensité de la paralysie, du moins dans l’état 
actuel de nos connaissances sur ce point de physiologie pathologique. I 
est difficile, pour ne pas dire plus, de comprendre une paralysie faciale par 
compression, compression suffisante pour amener une paralysie complète 
et durable comme dans le cas actuel, persistant plus d’un mois (jusqu’à ia 
_ mort), sans que tous les faisceaux nerveux du nerf participent à la dégéné- 
ration. En d’autres termes, dans le cas actuel, le nerf facial était soumis à 
une compression suffisante pour empêcher la volonté de passer, mais cette 
compression était insuffisante pour amener la dégénérescence du nerf, et 
partant des troubles marqués dans l’état de la contractilité. Je le répète, à 
l'examen histologique, l'immense majorité des tubes nerveux du facial pré- 
sentait les caractères de l’état normal, et cependant la paralysie .était 
absolue. 

Le fait précédent tend donc à montrer qu’un nerf peut être comprimé 
suffisamment pour perdre la conductibilité volontaire, pendant un temps 
très long, sans que la dégénérescence de ce nerf en soit la conséquence 


COR 


SÉANCE DU 9 AOUT. 539 


forcée. C’est là un fait dont il faudra tenir compte, dans l'histoire de cer- 
taines paralysies par compression, dont la physiologie pathologique est 
encore, à beaucoup d’égards, d’une interprétation fort obscure. 


Du RÔLE JOUÉ PAR LA MÉNINGITE SPINALE, POSTÉRIEURE DANS LA PATHO- 
GÉNIE DES SCLÉROSES COMBINÉES, par M. J. DEJERINE. 


La participation des faisceaux latéraux dans certaines scléroses systéma- 
tiques des faisceaux postérieurs n’est pas très rare, et dans ces cas-là le 
tableau clinique présenté par les malades diffère singulièrement de celui 
du-tabès ordinaire. La sclérose latérale associée à la sclérose postérieure 
étudiée en 1879, par Westphal, peut s’observer dans diverses circon- 
stances. Tantôt, et c’est peut-être le cas le plus fréquent, elle apparaît en 
même temps que la sclérose postérieure, et dès le début, les symptômes de 
cette dernière affection sont modifiés, tantôt, au contraire, c’est dans le 
cours d’un tabès, évoluant depuis un temps plus ou moins long, que l’on 
voit survenir des symptômes indiquant que les faisceaux latéraux se 
prennent à leur tour. 

Dans ces différents cas de sclérose combinée, la selérose latérale n’a rien 
de systématique, c’est une sclérose corticale, occupant la partie la plus 
postérieure du cordon latéral, et n’ayant avec le faisceau pyramidal et le 
faisceau cérébelleux aucun rapport régulier, c’est une selérose asystéma- 
tique venant se greffer, pour ainsi dire, sur la moelle épinière d’un sujet 
atteint de sclérose fasciculée des cordons postérieurs. 

La présence de la sclérose latérale dans le cours de la sclérose posté- 
rieure, ses relations avec cette dernière, sa physiologie pathologique, en 
un mot, sont encore incomplètement élucidées, et jusqu'ici les différentes 
idées qui ont été émises à cet égard, sont loin d’être absolument démon- 
siratives. LEE 

Dans deux cas, que j’ai eu l’occasion d'observer récemment, la sclérose 
latérale qui venait compliquer des lésions du tabès ordinaire, me paraît 
devoir être le résultat d’une méningo-myélite corticale par propaga- 
tion. , 

On sait combien est fréquente, pour-ne pas dire constante, la méningite 
spinale postérieure des tabétiques (Vulpian), et l’on sait que cette dernière 
est en général proportionnelle, comme intensité, au degré de développement 
de la sclérose postérieure, On sait également que, pour que cette ménin- 
gite se produise, il n’est pas nécessaire que la sclérose postérieure devienne 
corticale, mais qu’elle se produit dès que les faisceaux de Burdach com- 
mencent à se prendre au niveau de leur partie moyenne, et ceci montre 


540 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


bien que cette méningite spinale ne se produit pas par contiguité, mais bien 
par un mécanisme de nature irritative, agissant à distance (Vulpian). | 

Dans l’immense majorité des cas, la méningite reste localisée dans le 
domaine des cordons postérieurs, et c’est ainsi que les choses se passent 
dans le tabès ordinaire. 

Mais, dans certains cas, la méningite s’étend de chaque côté des cor- 
dons postérieurs, et empiète plus ou moins sur le faisceau latéral corres- 
pondant, et, dans ces cas-là, on trouve une sclérose médullaire sous- 
jacente, marchant de la périphérie au centre, de forme triangulaire à base 
méningée, et le processus scléreux est d'autant plus intense, que l’on se 
rapproche davantage de la méninge altérée; les tractus fibreux de cette 
dernière, charpente de la névroglie à l’état normal, épaissis d’une façon 
notable, à vaisseaux scléreux, sont manifestement le point de départ de 
l’altération irritative aboutissant à la destruction des tubes nerveux. 

Dans les deux faits que j’ai eu l’occasion d’observer, et auxquels je fais 
allusion plus haut, les choses se sont passées de cette manière. Le premier 
concerne un malade du service de M. le professeur Vulpian, tabétique 
depuis plusieurs années, et chez lequel l'apparition d’une paraplégie à 
marche rapide, révéla pendant la vie l’altération des faisceaux latéraux. 
Dans le secend cas, observé à l’hospice la Rochefoucauld, où je suppléais 
M. le docteur Liouville, la marche clinique fut différente ; dès le début de 
l'affection, les cordons latéraux paraissent avoir élé pris, car la faiblesse 
motrice évolua parallèlement avec les douleurs fulgurantes. Dans ces deux 
faits, l'examen histologique de la moelle épinière montrait une sclérose 
des faisceaux postérieurs, avec méningite spinale chronique, s'étendant aux 
faisceaux latéraux (partie postérieure), dans les régions lombaire et dorsale 
inférieure; dans les points correspondants, il existait une selérose corticale 
de la partie postérieure des cordons latéraux, rigoureusement proportion- 
nelle comme étendue, siège, distribution et intensité de lésion, aux altéra-- 
tions de la méninge sus-jacente, et La sclérose était d'autant plus prononcée, 
que l’on examinait des parties du faisceau latéral plus rapprochées de la 
méninge. 

Il s’agit évidemment dans les cas que je rapporte ici, d’ane sclérose laté- 
rale par méningo-myélite extensive, partie de la méningite des cordons pos- 
térieurs ; dans un de ces faits, la marche de la sclérose latérale fut sub- 
aiguë, dans l’autre la marche fut chronique, et encore ici l'examen 
histologique confirma les données cliniques, car dans le premier cas la 
méninge recouvrant la partie postérieure des faisceaux latéraux et la 
moelle sous-jacente montraient des signes très nets d’irritation subaiguë 
(noyaux nombreux, etc.). 

Les différents cas de sclérose combinée publiés jusqu'ici sont-ils sus- 
ceptibles d’une interprétation analogue ? La chose me paraît probable, ainsi 
que l’on peut s’en convainere en lisant les observations des auteurs qui se 
sont occupés de ce sujet. Malheureusement, dans un certain nombre d’au- 


SÉANCE DU 9 AOUT. o41 


topsies, l’état de la pie-mère est passé sous silence, même à l’œil nu, et dans 
les observations où la méningite spinale postérieure est notée, l’examen 
histologique n’en fait pas mention. 

C'est du reste là un point spécial de la question, que je discuterai dans 
un prochain travail. 


PATHOLOGIE EXPÉRIMENTAL , CLINIQUE. NOTE SUR LA RÉTENTION D URINE, 
par M. Ch. E. Quinouaur. 


Ce travail a pour but de rechercher les altérations du sang, les modifica- 
tions de la température, de la pression artérielle, de l’exhalation pulmo- 
naire de CO?, après la ligature de l’urèthre chez les animaux, après une 
rétention d'urine chez les individus rétrécis ou chez les sujets prostatiques. 

1° Expérimentation. — Voici les résultats principaux : les chiens aux- 
quels on lie le canal uréthral succombent le quatrième jour à des accidents 
urémiques, exceptionnellement le troisième jour à une rupture de la vessie 
et à une péritonite. 

Ar autopsie on trouve dans tous les cas une disienion extrême de la 
vessie, qui est enflammée et souvent adhérente à l’épiploon contigu laissant 
voir des points purulents; l’uretère est un peu dilaté, les reins sont conges- 
lionnés et les poumons offrent des plaques d’hyperhémie ; le cœur est dis- 
tendu par des caillots gelée de groseille. 

Dans ces conditions, l’aceumulalion de l’urée dans le sang se manifeste 
nettement de la quarante-huitième à la soixante-douzième heure qui suit 
l'oblitération de l’urèthre, tandis que le même phénomène se produit immé- 
diatement après la néphrotomie et la ligature de l’uretère, comme l’ont 
montré divers auteurs, surtout M. Gréhant. Cette différence tient à ce 
que l’animal continue à uriner dans sa vessie, jusqu’à ce que la pression y 
soit suffisante pour entraver la fonction rénale. Au moment de la mort cette 
pression est d’un centimètre et demi de mercure. 


Expériences montrant l’augmentation de l’urée dans le sang, consécuti- 
vement à la ligature de l’urèthre : 


Poids durée contenu dans 100 grammes de sang. 


Aantiar Heatare: 232.7... |. 0sr,016 05r,025 
Après vingt-quatre heures....... 0 ,018 0 ,027 
—  quarante-huit heures...... 0 ,054 0 ,032 
—  soixante-douze heures..... 0 ,145 0 ,165 
— quatre-vingts heures...... » 0 ,189 


La température de l'animal ligaturé s'accroît pendant les deux jours qui 
suivent la petite opération, laquelle est faite par la méthode antiseptique ; 


DE BIOLOGIE. 


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SÉANCE DU 9 AOUT.. = 543 


mais la chaleur s’abaisse le quatrième jour, où elle tombe aux environs de 
31 degrés, parfois au-dessous. 

La pression artérielle diminue notablement après le troisième jour; 
ainsi de 14%,6, avant la ligature, elle descend quatre jours après à 
o centimètres. 

Notons ici l'absence d’hydrémie ou la présence d’une hydrémie très 
faible. 

L’exhalation pulmonaire de CO? diminue constamment à partir du troi- 
sième jour ; déjà vingt-quatre heures après la ligature, on note un léger 
abaissement suivi après vingt-quatre heures d’un peu d'augmentation. 
En voici un exemple : 


Poids de CO? exhalé en 9/20". 


Avant la ligature de l’urèthre..... SP MAN AERS 18,40 
Après vingt-quatre heures..... SE OU Dbooe 145 
—  quarante-huit heures........... OO Ébe 0 ,90. 
SOIT ANTE- DOUZE EURES. 2e 2-0 ee. secs 10168 


Tous ces faits s’expliquent par les lésions hématiques : l'acide carbonique 
diminue progressivement à mesure que l’urée s’accroît, la proportion d’oxy- 
gène reste longtemps la même, diminuant à la fin en raison STE" de 
Pasphyxie. 

La capacité nr du sang reste tout à fait normale, fait impor- 
tant au point de vue de l’histoire de l’urémie. Les tableaux ci-joints, I, Il 
et III, montrent toutes ces variations. te 


TABLEAU IL. — LICATURE DE L'ORÈTHRE. 


CON E dr 
DATES DES RÉCHÉRCHES | % 7 . 8 GAZ DU SANG Ha 
ea m & & |CONTENUS pans 15 PRIS) Z S 
— Æ , A 
SUR UN 2 5 ss E = £ DANS LE CŒUR DROIT = EE TOR 
BE S 2 CN PR. Sa [2] = 
ASUS Le EME =saA 
CHIEN DE 16 KILOGRAMMES. EN & = < C0:. 0. D © 
; S Si à totaux. à. 
13 juin (normales). .... HE02 EE ONG 2,9 »y |/390 
44 — (2%h.ap.ligat.). | 01,52 20 » » » DURS 00 
45 — (48h.ap.ligas.). | 01,75 | 19 » ) » » . 399,8 


— (72h.ap.ligat.)..| 0,49 | 29 | 6,9 | ,3,3 | 2,7, | 0,120 | 31°,4 


Mort dans la nuit du 46 au 47. 
À ñ 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


(ob L 
LL 
& 


TABLEAU HI. — LIGATURE DE L'URÉTHRE. 


I D AO 


DATES DES RECHERCHES RRNRMION : | NOMBRENDE PRESSION 
DE C0? RESPIRATIONS a À 
SUR UN CHIEN a M IUÈRS ARTÉRIELLE 
DANS 25 LITRES PAR 
DE 11 KILOGRAMMES. LEN 5 MINUTES. MINUTE. MARIE 
13 juin (normales)....... Our,93 17 399,2 18°,5 
— (24h. ap. ligat.).. 01,87 14 390,7 » 
45 — (48h. ap. ligat.).. Osr,92 15 280,9 » 
16 — (12h. ap. ligat:).. |. O0s,73 14 370,2 14°,2 


Mort dans la nuit du 16 au 17. 


% Clinique. — Chez l’homme les phénomènes principaux que nous 
venons d'étudier, sont absolument les mêmes ; cependant l’accumulation de 
l’urée se fait d’une manière lente ; aussi la vie se prolonge-t-elle plus long- 
temps chez l’homme que chez le chien. 


Observation. — Poids d’urée dans 100 grammes de sang chez un rétréci 
atteint de rétention complète d'urine : homme de trente-cinq ans, chez le- 
quel le cathétérisme réussit seulement le huitième jour de sa rétention : 


Avant: l'accident een Rennes tete ts . Ogr,015 
Après le troisième jour............. PE ed oo e 0 ,018 
Ie CINQUIÈMENDUR ECC CCC U 0 ,028 
— le huitième jour.......... de BR NOTE 0 ,035 


L’exhalation pulmonaire de C0°, qui était de 15,60 en sept minutes, 
tombe le septième jour à 05r,37 tout étant égal d’ailleurs. 

Chez des vieillards atteints d’hypertrophie de la prostate avec rétention 
d'urine, nous avons trouvé les mêmes faits. 

Dernière considération importante : lorsque chez l’animal on désobli- 
tère le canal avant que l’urée ait atteint 08,130 pour 100, l'animal survit; 
si le chiffre d’urée est supérieur, le chien succombe ordinairement. 

Nos analyses tendent à prouver que chez l’homme la dose AMENER un 
pronostic grave est de 05',067 pour 100. 

Mais si, au lieu d’avoir une rétention d'urine complète comme dans les 
cas rapportés plus haut, la rétention est incomplète, ou si le cathétérisme 
intervient, alors tous les phénomènes mentionnés diminuent nat cesser si 
l'évacuation est suffisante et si le chiffre d’urée dans le sang n’a pas atteint 
la dose mortelle pour les tissus. 


SÉANCE DU 9 AOUT. 049 


L’altération du sang ne suffit pas pour expliquer la mort : il existe une 
- autre cause : les éléments anatomiques sont peu à peu modifiés par les 
produits de rétention : l’activité de la respiration élémentaire diminue 
beaucoup, ainsi que nous l’avons souvent vérifié, en utilisant la méthode de 


notre illustre président P.-Bert ; dans un autre (ravail nous reviendrons sur 
ce point. 


ACTION PHYSIOLOGIQUE DES SUCS DE L'ARBRE Q XÉ » ET DE LA LIANE Q Voiï- 


Voï » QUI SERVENT A LA PRÉPARATION DES POISONS DES Moïs, par M. Bocxe- 
FONTAINE. 


Je viens ajouter quelques renseignements à la Note relative au poison 
des Moïs que j’ai communiquée il y a quelques semaines à la Société. 

Afin d'obtenir les plantes qui servent à la préparation de ce poison, 
M. Lejemble s’est adressé à M. Crupy, ancien sous-officier de spahis, resté 
en Cochinchine depuis 1861, et qui parcourt deux ou trois fois chaque 
année la contrée à moitié sauvage sur les confins de laquelle sont fixées les 
dernières tribus des Moïs. 

M. Crupy se fit donner un ordre du Phù invitant les notables Moïs 
à lui indiquer les plantes avec lesquelles ils fabriquent leur poison. 
« Peine inutile; pendant quinze jours, dit-il, on fabriqua devant moi un 
certain poison avec lequel on pourrait tuer une armée, et, après plu- 
sieurs expériences, j'étais forcé de reconnaître que l’on me trompait. » 

Heureusement le hasard lui vint en aide et il put se procurer les objets 
suivants, que je mets sous les yeux de la Société : 

1° Deux morceaux de bois. L’un, plus gros, est un fragment de la tige 
d’un arbre Xé de grosseur moyenne; l’autre, plus petit, provient d’une liane 
‘appelée Voï-Voï. Ces noms appartiennent à la langue quoè-ngù. 

2° Deux échantillons d'extraits préparés l’un avec l’arbre Xé, l’autre avec 
la liane Voi-Voï. | 

3° Une feuille müre de l'arbre X6, et une feuille jeune de la liane 
Voi-Voi. 

Le poison de l'arbre Xé est un suc naturel que l’on obtient en pratiquant 
une incision à l'écorce. II s'écoule de la plaie une matière gommeuse, sans 
odeur, qui a la teinte de l’eau miellée, s’épaissit en vieillissant et prend 
alors la couleur de l’acajou : en même temps le poison acquiert plus de force. 
Lorsqu'il est devenu trop dur pour que l’on puisse y tremper l’extrémité 
des flèches au moment où on devra les lancer, on lui rend sa consistance 
sirupeuse en ajoutant un peu d'alcool. M. Crupy, suivant l'habitude des 
indigènes, a essayé le poison Xé sur des caméléons, qui ont succombé assez 
rapidement. 


J'ai essayé ici le suc de l'arbre Xé et obtenu les mêmes effets que ceux 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [, N° 32, 42 


046 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


qui sont indiqués dans le travail de M. Henneguy, et dans ma précédente 
communication sur le poison des Moïs. Avec l'écorce ràpée de cet arbre on 
a fait un extrait hydro-alcoolique qui a donné les mêmes résultats. 

M. Baillon a reconnu que cet arbre Xé n’est pas autre chose que l'Antiaris 
toxicaria, comme il l’avait supposé du reste. Il n’est donc pas étonnant 
que l’on ait obtenu avec ce poison, sur la fibre musculaire cardiaque, 
l’action caractéristique des poisons systoliques du cœur, tels que la digitale, 
le muguet, elc. 

L’écorce de la liane Voï-Voï contient un liquide blanc, inodore, qui colle 
aux doigts. Le poison que l’on prépare avec elle ne s’affaiblit pas avec le 
temps. S’il est devenu trop épais ou dur au moment où l’on veut s’en servir, 
on lui rend sa consistance en le mélangeant avec du jus de tabac. 

Ce morceau de liane a servi à la préparation de l'extrait qui l'accompagne 
et voici comment M. Crupy décrit cette manipulation, qui a été faite devant 
lui : 


«On frappe sur la liane avec un morceau de bois pour en détacher 
l'écorce par petits morceaux ; on met dans un grand vase 1 kilogramme 
de cette écorce avec 11 litres d’eau; on fait bouillir pendant huit heures, 
on retire l’écorce pour ajouter environ 190 grammes de tabac et conti- 
nuer à faire bouillir pendant dix minutes. Le tabac est retiré et pressé 
dans la main pour en extraire le jus. On fait de nouveau bouillir pendant 
dix minutes, puis le vase est retiré du feu. On laisse refroidir le liquide, 
qui est be à une quantité d'un verre à bordeaux; cette composition a 
l'aspect et l’odeur de la mélasse. » 


La substance ainsi préparée a été essayée par M. Crupy sur des singes et 
des caméléons. On pratiquait une piqûre plus ou moins profonde à la cuisse 


au moyen d’un bambou effilé dont la pointe était enduite d'extrait de Voi- 


Voï : tous les. animaux ont succombé au bout de cinq à neuf minutes. 

Afin de reproduire les résultats obtenus par M. Crupy et d'étudier l’action 
physiologique du poison Voï-Voï, j'ai fait sur la grenouille et le chien un 
certain nombre d’éxpériences : 

1° Avec l'extrait sec adhérent aux parois du vase. 

On a mis un fragment de cet extrait gros comme une tête d’épingle . 
naire sous la peau de la jambe de trois grenouilles. Au bout de vingt minutes 
les grenouilles ont paru affaiblies, moins alertes, cependant elles nageaïent 
et elles avaient conservé leur réflectivité médullaire. À ce moment le cœur 
a été mis à nu sur une des grenouilles et on a vu le ventricule pâle, exsan- 
gue, petit, en systole, tandis que les oreillettes étaient rouges et distendues 
par le sang. Tout mouvement avait cessé dans les’ diverses parties du cœur: 

Pendant la durée de cet examen, les deux autres grenouilles s'étaient 
affaiblies et affaissées sur le ventre. On les a mises dans l’eau; elles n’ont 
pas fait de mouvement; on leur a pincé les orteils d’une patte postérieure 
et elles ont aussitôt exécuté quelques mouvements de natation. Le cœur 


SÉANCE DU 9 AOUT. 47 


immédiatement mis à découvert était arrêté comme celui de la première 
grenouille. 

On a répété l'expérience méthodiquement pour bien étudier le cœur et 
on s’est assuré que l’extrait de Voï-Voï contenu dans le vase envoyé de 
Cochinchine est un poison musculaire systolique du cœur, comme le suc de 
l'écorce de l’Upas-antiar. 

2 Avec le même extrait dilué dans l’eau dans la proportion de 10 centi- 
grammes par centimètre cube d’eau, on a fait sur un chien l’expérience 

Suivante, qui est suffisamment caractéristique pour n’avoir pas besoin d’être 
répétée. 

Ogs. — Chien terre-neuve mâtiné, poids 18 kilogrammes. 

2 h. 45. Injection sous-cutanée de 5 centigrammes d'extrait Voi-Voi dilués 


dans 1/2 centimètre cube d’eau. 
3 h. 5. Défécation, inquiétude, l’animal ne tient pas en place, anhélation. 
3 h. 15. Vomissement de matières alimentaires et de mucus spumeux. Cœur 


irrégulier. 
3 hi 28. Vomissements, cris de douleur, respiration difficile, battements du 


cœur irréguliers et arrêts du cœur. 

3 h. 30. Vomissements, cris de douleur, même état du cœur, diarrhée abon- 
dante. L’animal affaibli se couche sur le ventre, puis se relève. 

3 h. 40. Les vomissements se sont reproduits ainsi que les cris de douleur à 
plusieurs reprises ; les battements du cœur sont de plus en plus irréguliers et 
précipités avec des asystolies fréquentes. Tout d’un coup l’animal tombe sur le 
flanc et pousse un cri aigu de douleur. Le cœur est arrêté, l’animal est mort. 


3° On a râpé l’écorce de la liane et avec la poussière ainsi obtenue pesant 
5 grammes, On à fait un extrait hydro-alcoolique qui produit sur la gre- 
nouille l'arrêt systolique du cœur, alors que le système nerveux central, les 
nerfs, les muscles de l’animal conservent leurs propriétés physiologiques. 

Peu tous les muscles, le cœur seul à ce moment est incapable de se 
contracter sous F te de l'électricité ; enfin l’atropine est impuissante 

à lui rendre ses mouvements. 

Par conséquent, le principe actif de l’écorce de la liane Voï-Voi est un 
poison musculaire systolique du cœur, comme l’Upas-antiar, le Conval- 
laria maïalis, la digitale, l'Erytrophlæum quineense, V'Adonis verna- 
lis, etc. 

Quel est le nom scientifique de la liane Voï-Voï? Les parties de la plante 
qui sont jointes à l’extrait ne suffisent pas pour établir la place qu’elle 
occupe en botanique. Faut-il la classer parmi les Sérophantus ainsi que l’a 
pensé le jardinier en chef de l’Institut français de botanique à Saïgon ? Il 
n’est pas encore permis de le croire. Le Strophantus hispidus, ou Inée, 
étudié par MM. Carville et Polaillon, est un poison musculaire systolique 
du cœur des plus énergiques, comme la liane Voï-Voï. Mais, d’après les 
indications recueillies par M. Baillon, l’Inée ou Onaye, du Gabon, est un 
« arbuste sarmenteux élevé de 3 à 4 mètres » tandis, que le Voï- Voï est une 


D48 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


liane puissante qui peut étouffer les grands arbres autour desquels elle 
s’enroule. Il est probable qu’un nouvel envoi de Saïgon me fournira lês 
moyens de résoudre cette question. 

En résumé, on connaît aujourd’hui deux poisons des flèches des Moïs, l’un 
préparé avec l’Upas-antiar, l'autre avec la liane Voï-Voï encore indéter- 
minée. Or ces deux poisons onf la même action physiologique, qui consiste 
dans l’arrêt du muscle cardiaque en systole ventriculaire. 


DE LA RÉGULATION DE {LA CHALEUR CHEZ LE CHIEN PAR LA RESPIRATION. 
Note de M. Charles RicHer. 


On admet généralement, mais, ce semble, sans apporter de démonstra- 
tions ou d'expériences à l’appui, que la régulation de la chaleur se fait, 
quand la température extérieure s’élève, d’une manière différente chez 
l’homme et chez les animaux qui, comme le chien, n’ont pas de transpira- 
tion cutanée notable. Je viens apporter quelques expériences qui dévelop- 
pent et confirment cette donnée empirique plutôt qu'expérimentale. 

Pour étudier facilement les effets de la chaleur sur l'organisme, j'ai fait, 
avec M. Laborde, construire, au laboratoire de physiologie de la Faculté, 
une chambre qui a 1 mètre de largeur, 3 mètres de long et 2 mètres de 
hauteur, dans laquelle un régulateur est disposé de manière que la 
température soit constante. On a ainsi une étuve qu'on peut échauffer à la 
température voulue au moyen de tubes d’eau chaude circulant le long des 
parois. Il est à noter que dans les parties hautes la température est tou- 
jours plus élevée, de 3 ou 4 degrés, que dans les parties basses. 


A lafpartie moyenne, dans toutes mes expériences, la température de 


l’étuve était entre 37°,5 (minimum);et 41°,5 (maximum). 

Si l’on fait entrer un chien dans cette étuve, sa respiration devient hale- 
tante. Ce changement de rythme, sur lequel je reviendrai avec plus de dé- 
tails dans une prochaine communication, s’observe soit immédiatement, 
soit une ou deux minutes après que le chien est entré dans l’étuve. 

Bientôt la respiration devient très accélérée, et l’essoufflement de l’animal 
est tel, qu’il a parfois 300 respirations par minute. Cependant sa tempé- 
rature rectale ne s'élève pas sensiblement, ainsi que quelques expériences 
vont l’établir. 


Temps Température Différence 

passé dans l’étuve. à l'entrée. à la sortie. par heure. 

4° Un chien placé dans l’étuve.... 2 h. 30 38° 380,2 + 00,09 

Do Pas "ni 2 h. 39,1 388  — 015 

90 cs Æ 9 h. 30 390 1 39° 1 SET 

4° Même chien qu’à l’expérience.. 14 h. 380,0 38°,8 + 09,02 
5° — — 20h05 390,4 390,4 = 

6e _ # 1 h. 30 380,8 40° (1) + 0,9 

7° Même chien que l'expérience 6. 2 h. 30 40°,1 390,2 — 0°,6 


(1) La température de l’étuve est de 41°,5. 


r % 
DAT 


- SÉANCE DU 9 AOUT. 549 


Ainsi l’élévation de la température extérieure de 37 à 41 degrés ne fait 
croître que très faiblement, ou ne fait pas croître du tout, latempérature d’un 
chien dont le museau n’est pas attaché ; lequel peut, par conséquent, avoir 
une respiration anhélante. 

Il en est tout autrement quand il est muselé de manière que la respira- 
tion ne puisse se faire par la gueule ouverte. Voici les expériences qui le 
prouvent : | 


Temps Température Différence 

passé dans l’étuve. à l'entrée.  àla sortie. par heure. 

1° Chien de l'expérience 1........ nette 409,2 410,7 + 40,09 
Do . Re 0 h. 45 38.9 4325 LE 612 
go Er RUE 0 h. 50 39o,4 AB 408 
4° — ORALE 0 h. 10 990,9 409,8 + 70,8 
Autrenchien. PER re 1 h. 45 39°,6 410,7 + 102 


Ces chiffres montrent la netteté de cette expérience. Un chien dont le 
museau est attaché s’échauffe très rapidement dans l’étuve, parce que sa 
respiration ne peut pas être haletante, partant que le refroidissement par 
l’évaporation pulmonaire ne peut se faire. 

Pourquoi, lorsque la gueule est fermée, n’y a-t-il pas d’anhélation vio- 
lente? Je ne saurais en déterminer exactement la cause; il est possible 
que ce soit un fait simplement mécanique. Pour que la respiration soit 
extrêmement rapide, il faut que les mouvements de l'inspiration et de l’ex- 
piration s’opèrent sans avoir une résistance à surmonter. Quand la trachée 
ou quand la gueule est largement ouverte, de manière que l'inspiration et 
l'expiration se fassent librement et sans obstacle, le rythme est accéléré. 
Au contraire, dès que la pression augmente, le rythme se ralentit. 

C’est comme une machine actionnée par une force constante, la vitesse 
et le poids soulevé sont un produit constant. De sorte que, le poids augmen- 
tant, la vitesse diminue ; le poids diminuant, la vitesse augmente. 

Un chien, profondément chloralisé et échauffé, respire plus vite quand on 
lui ouvre largement la gueule que lorsqu'on lui ferme le museau. Toutes 
les fois qu'on lui tire la langue et qu’on lui ouvre la gueule, sa respiration 
s’accélère ; et il ne s’agit pas là d’un réflexe, mais simplement d’une condi- 
tion mécanique plus favorable, car tous les réflexes sont abolis. 

En augmentant la résistance qu'ont à vaincre l'inspiration ou l’expiration 
sur des chiens chloralisés, on ralentit énormément le rythme respiratoire. 
Au moyen d’un appareil très simple (large tube en verre plongeant dans 
une éprouvette de diamètre à’peu près égal et contenant un peu de mercure) 
on augmente la résistance respiratoire. On voit alors se ralentir aussitôt le 
rythme de la respiration, aussi bien sur des chiens profondément chloralisés 
que sur des chiens normaux; aussi bien sur des chiens dont la respiration 
est accélérée par la chaleur que sur des chiens dont la respiration n’est 
pas accélérée. 

Je me réserve, d’ailleurs, de reprendre ce point spécial, dans ses rela- 


550 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tions avec la dyspnée thermique. Car il y a tout une question chimique très 
importante, mais très difficile à résoudre, relative à linfluence de CO® sur 
le rythme respiratoire. 

L'action du chloral est aussi très intéressante à étudier sur les animaux 
mis dans l’étuve. A dose très forte, il empêche l’accélération respiratoire, 
et alors la température de l'animal s'élève, quoique le museau soit détaché 
ou que la trachée soit ouverte. C’est là un fait curieux qui montre, 
d’une part, que la régulation de la chaleur est un phénomène réflexe (Le 
chloral, supprimant les réflexes, empêche cette régulation de se faire). 
D'autre part, le chloral, empêchant l’évaporation pulmonaire, empêche le 
refroidissement. 

J’ajouterai une autre remarque : c’est que, lorsque la chloralisation est 
très profonde, la température du chien ne peut être élevée au-dessus de 
42 degrés. Vers 42 degrés (41°,9 dans un cas, 42°,3 dans un autre) l'animal 
meurt, et sa respiration s'arrête. Il est curieux de comparer ce fait à celui 
que j'ai indiqué à propos des poissons : que pour ces animaux la puissance 
toxique de divers poisons croit avec la température. 

L'action combinée du chloral et de la chaleur fait qu’une température 
de 42 degrés, qui n’est pas mortelle pour un chien (j’en ai conservé qui 
avaient eu, l’un 43°,7; un second, 48°,5; un troisième, 43°,4) devient mortelle 
pour un chien chloralisé. D’autre part, une dose de chloral, qui n’est pas 
mortelle pour un chien à 40 degrés, devient mortelle quand la température 
de ce même chien, sans dose nouvelle de chloral, s'élève à 42 degrés (1). 


Nous pouvons done émettre les conclusions suivantes : 

4° Les chiens se refroidissent par une respiration plus fréquente et par 
l’évaporation pulmonaire active qu’elle provoque. 

% Des chiens non muselés ne s’échauffent pas sensiblement dans une 
atmosphère de 38 à 40 degrés. Quelquefois même ils se refroidissent, quel- 
que paradoxal que paraisse ce phénomène, si le froid qu'amène une anhé- 
lation extrêmement rapide est, somme toute, plus important que la produc- 
tion de la chaleur, au même moment. 

3° Lorsqu'ils sont muselés, ce qui empêche l’anhélation et la respiration 
rapide, ils s’échauffent très promptement, soit de 5, 6,7, 8 degrés par heure. 

4 La non-accélération de la respiration chez les chiens muselés est un 
phénomène mécanique dû à ce que la gueule n’est pas ouverte de manière 
à rendre les voies aériennes largement béantes. 

5° Le chloral, à une dose qui supprime les réflexes, fait que l’animal 


(1) Comme l’ont vu M. Goldstein, M. Sihler et tous les auteurs qui ont étudié la 
dyspnée thermique, la section des deux pneumogastriques n'empêche pas lPan- 
hélation. J'ai conservé pendant deux semaines, du 19 juin au 2 août, un chien dont 
les deux pneumogastriques avaient été coupés le 19 juin. Mis dans l’étuve, il avait 
une respiration accélérée, qui devenait même régulière, de sorte qu'il ne sé- 
chauffait pas sensiblement plus que les chiens intacts. 


SÉANCE DU 9 AOUT. 551 


ne peut plus régler sa chaleur par la respiration, et que sa température 
augmente. 

6° L’action combinée du chloral et d’une température de 42 degrés déter- 
mine la mort chez le chien, alors qu’isolément ces deux actions sont in- 
suffisantes. 


Du PANSEMENT DES PLAIES EN GÉNÉRAL ET DES PLAIES CONTUSES EN PAR- 
TICULIER, AVEC LA DÉCOCTION DE PACINE DE VALÉRIANE, par M. le doc- 
teur H. ARRAGON, médecin stagiaire au Val-de-Grâce. 


Depuis une année environ, j'ai entrepris, suivant les conseils de M. le 
docteur Gréhant, des expériences sur l’emploi de la décoction de racine de 
valériane pour le pansement des plaies en général et plus particulièrement 
des plaies contuses. 

C'est grâce au bon vouloir de M. le médecin-chef de l'hôpital de Ver- 
sailles que je pus mettre en lumière la valeur réelle de ce pansement ; l’in- 
térêt qu'il y prit et ses bons conseils m’encouragèrent dans ce travail. 

Le liquide employé se formule de la façon suivante : 


Racine de valériane. ............ . 30 grammes. 
IE ARS CUP PO HAS TUE Het M UMIItES 


Faire bouillir pendant une demi-heure, passer et appliquer sur les plaies 
des compresses imbibées de cette décoction. Maintenir ces compresses tou- 
jours humides. 

Cette décoction peut au besoin se conserver plusieurs semaines. 

Je n'ai l'intention aujourd’hui que de signaler à la Société le résultat de 
mes recherches, me proposant de faire paraître d’iei peu un travail sur ce 
sujet avec observations à l’appui; travail que j'aurai l'honneur de vous 
offrir, si vous voulez bien me le permettre. 

Qu'il me suffise aujourd’hui de dire que j'ai près de 50 observations 
satisfaisantes contre 2 seulement sans résultat. Parmi ces 50 observa- 
tions, une désarticulation du poignet guérie en douze jours; des plaies 
contuses de la jambe par coups de pied de chevaux, plaies siégeant sur le 
tibia et d'ordinaire si longues à guérir (neuf, onze et dix-sept jours), plaies 
par arrachement, par écrasement, otites moyennes guéries par injections 
tièdes de la décoction. 

La guérison n’est pas plus rapide qu'avec les pansements aujourd’hui 
employés, telle n’est pas notre pensée, nous voulons seulement faire remar- 
quer que le symptôme douleur est complètement annihilé. 

Nous avons remarqué cependant que ce pansement était préférable dans 
les cas de plaies contuses, les résultats étant moins satisfaisants lorsque 
l’on avait à soigner des plaies avec trajets profonds (cas de résection du 
coude). Dans ces cas, pour que le résultat soit satisfaisant, il faudrait établir 
un courant continu du liquide dans le trajet, soit au moyen d’un bain local, 


552 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


soit en faisant usage d’une mèche longue trempée dans un vase renfermant 
de la décoction et qui agirait comme siphon. 

L'application de ce pansement calme aussitôt la douleur. Nous explique- 
rons ceci sans doute par une action de l’acide valérianique ou de quelque 
valérianate sur les terminaisons nerveuses; c’est ce que, nous l’espérons, la 
suite de nos recherches nous apprendra. 

En un mot, voici les avantages de ce pansement ignoré et qui cependant, 
comme pourra vous le dire M. le docteur Gréhant, a rendu de grands ser- 
vices à l’un de nos confrères membre de sa famille : Cessation de la douleur, 
rapidité de la cicatrisation, simplicité et excessif bon marché du pansement 
(chaque litre fait en certaine quantité revenant à 2 centimes environ). 


NOTE SUR L'EMPLOI DE LA DÉCOCTION DE VALÉRIANE COMME TOPIQUE, 
par M. GRÉHANT. 


Le point de départ de la communication de M. Arragon, c’est l'exposé que 
je lui ai fait d’une série nombreuse d’observations qui sont dues à mon 
beau-père, le docteur Landragin, d’Aubenton (Aisne), et qui ont montré 


combien est avantageux l’emploi d’une décoction de 30 grammes de racine : 


de valériane dans 1 litre d’eau, dans le traitement des plaies contuses avec 
ou sans fractures et dans le traitement de l’érysipèle. Parmi ces observa- 
tions qui m'ont été communiquées verbalement, il en est une qui m’a paru 
_ très intéressante : il s'agissait d’un ouvrier auxiliaire de la: Compagnie de 


l'Est, qui, élevant à l’aide d’une grue mobile une charge trop lourde. a été 
2 2 Ce) O 2 


renversé brusquement sur le sol par la chute de la grue et a’été frappé sur 
le pied par l'énorme contrepoids de la machine ; le pied, complètement 
écrasé et enfoncé dans le sol, n’a pu être dégagé qu’avec de grands efforts ; 


les médecins appelés furent d'avis de pratiquer aussitôt l’'amputation. Le 


docteur Landragin s’y est opposé et, en appliquant pendant plusieurs mois 
sur la plaie contuse, qui présentait un écrasement partiel des os du pied, 
des compresses souvent renouvelées de décoction de valériane, il vit la 
douleur disparaître et la guérison se faire, à tel point que le blessé marche 
aujourd’hui aussi bien qu'avant l’accident. 

Un fait très remarquable, au point de vue physiologique, est que, dès la 
première application de la compresse, la douleur disparaît aussitôt, 


Je suis d'avis qu’on ne peut trop vulgariser l'emploi d’un topique aussi 
précieux. ES 


ErRaATA. — Le tableau des pages 519 et 520 doit être lu dans l’ordre 
suivant : Avant le sommeil, Sommeil, Suggestion duralentissement, Retour 
à l’état normal, Accélération suggérée, Retour à l’état normal. 

— Page 521, ligne 10 (communication Malassez et ;Galippe), au lieu de 
intérieure : lire infectieuse. — Ligne 22, au lieu de énjectée, lire infectée. 


BOURLOTON. — liiprimeries réunies, A, rue Mignon, 9, Paris. 


993 


SÉANCE DU {{ OCTOBRE 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


M. Marmias DuvaL fait hommage à la Société, de la part de M. Enrico 
Stassano, du journal le Darwin, numéro unique, consacré à la mémoire 
du grand naturaliste. Ce recueil contient des articles rédigés, les uns en 
italien, les autres en français, et dus à MM. C. Vogt, Moleschott, Pala- 
dino, etc., ainsi qu'à deux membres de la Société dé biologie, MM. Marey 
(Sur l'hypothèse du transformisme) et Mathias Duval (Darwin et ses tra- 
vaux). 


M. LABORDE, en son nom et en celui de M. DuqQuEsNEL, fait une com- 
munication ayant pour titre : Les substances médicamenteuses au point de 
vue de la pureté chimique et de l'activité physiologique. La Digitaline. 

Cette communication comprenant un certain nombre de figures gravées, 
sera insérée prochainement dans les Mémoires de la Société. 


DE LA SUGGESTION SANS HYPNOTISME. Note de M. Charles RICHET. 


J'ai présenté, en 1882 (1), l’observation d’une personne, point du tout 
hystérique, qui, sans magnétisme et sans hypnotisme, offrait des symptômes 
remarquables de contracture et d’automatisme; chez qui, en un mot, les 
phénomènes de l’hypnotisme se présentaient sans hypnotisme. (’a été, je 
crois, le premier cas de suggestion observée dans ces conditions. 

Depuis lors de nombreuses expériences, de M. Liébault, de M. Bernheim, : 
d’autres médecins encore, et de moi-même (2), ont rendu le fait indiscu- 
table, et on a pu donner nombre d'exemples irrécusables de ce phénomène 


(1) Janvier 1882, Bulletin de la Sociélé de biologie, p. 21. 
(2) L'homme et l'intelligence, 1883, p. 524. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS.— 8° SÉRIE, T. J°", N° 53. 42 


554 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


étrange, qui, pour étrange qu'il soit, n’en est pas moins aujourd'hui bien 
constaté. 

Je serais même porté à croire que cette influence de la suggestion est 
bien plus fréquente qu’on le suppose, et je vais rapporter à ce propos deux 
expériences que J'ai faites récemment. 

Si l’on prend un petit objet, un petit canif, par exemple, ou une pièce 
de monnaie, et qu’on la mette dans la main de telle personne qu'on sup- 
pose sensible à l’influence de la suggestion ; en lui fermant la main et en 
la pressant un peu, puis en affirmant qu’il est impossible de la rouvrir, on 
assistera à un curieux spectacle. 

La main ne peut plus se rouvrir : la personne ainsi ensorcelée fait avec 
le bras et l’avant-bras toutes sortes de mouvements pour essayer de làcher 
l’objet qu’elle tient ; mais cela lui est impossible, et obstinément la main 
reste fermée. 


Cette expérience très simple me paraît intéressante à noter, car on aura 
ainsi, par un essai facile à faire et à répéter chez beaucoup de personnes, 
un moyen de connaître la sensibilité à la suggestion. Jamais, même les plus 
timorés ne se refusent à tenter l'expérience, et une fois qu'elle a réussi, 
on est assuré que les autres expériences de suggestion réussiront éga- 
lement. 

Sur sept à huit personnes j’ai fait l'expérience, et deux fois J'ai réussi à 
obtenir ainsi cette contracture (ou paralysie) par suggestion. 

Sur une de ces personnes, Mlle B°**, âgée de quarante-cinq ans environ, 
qui n’avait jamais été soumise ni au magnétisme n1 à l’hypnotisme, j'ai pu 
faire une série d'expériences curieuses. 

Je lui disais de se tenir debout en face de moi, et je faisais avec ia main 
le geste tantôt de la repousser, tantôt de l’attirer; malgré elle, elle se 
sentait repoussée en arrière, ou attirée en avant ; et elle ne pouvait garder 
son équilibre. De même je pouvais aussi, en portant la main soit à droite, 
soit à gauche, faire en sorte qu’elle se sentait attirée soit à droite, soit à 
gauche, et elle perdait encore son équilibre. 

Si je lui disais de balancer le bras, comme à la personne de l’observation 
rapportée par moi en 1882, elle faisait le mouvement de balancement sans 
pouvoir l'arrêter, et ce mouvement allait en s’exagérant. 

La suggestion pouvait exercer son influence sur des fonctions psychiques 
plus complexes. Aïnsi je lui montrais sa robe qui était noire, et je lui disais: 
« Elle est bleue ; » après l'avoir regardée attentivement, elle me disait : 
« Non, elle est noire; mais elle a des reflets bleus. » Puis comme j'insistais, 
elle ajoutait : « Comme toutes les étoffes noires, elle est bleue à la lumière. » 
De fait, cette robe, en drap noir, n’avait aucun reflet bleuâtre. Pour l’autre 
manche, ie lui disais : € Elle cst rouge. » Alors Ml B°°* se moquait de mot, 
disait que l’étoffe était noire; comme j’insistais, lui montrant obstinément 
le même point de sa inanche, comme rouge : € C’est noir, noir, noir; mais 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 559 


En 


vous me montrez précisément un point qui est défraichi, et l'étoile est usée 
à l’endroit que vous m’indiquez. » 

Je lui disais de compter jusqu’à vingt, en l’assurant qu’elle ne pourrait 
aller au delà de dix et, de fait, au chiffre onze, avant de le prononcer, elle 
s’arrêtait ; on aurait pu croire, à tort, à une sorte de spasme du larynx, si 
en même temps qu'elle ne pouvait prononcer le mot onze, elle n'avait pu 
parler comme précédemment. Ainsi, elle pouvait parler, dire tout ce qu’elle 
voulait dire, sauf la continuation de la numération à partir de onze. 

C’est là ce qui établit nettement le caractère tout à fait psychique de ces 
paralysies, ou si l’on veut de ces aphasies par suggestion. C’est une aphasie 
limitée à un mot, ou à un ordre de mots particuliers, et la différence est 
grande entre cette forme d’aphasie et les autres formes décrites. 

Un de nos amis, qu’elle connaît depuis son enfance, était présent à la 
scène. À Mie B*** alors je dis à plusieurs reprises, et avec autorité et déci- 
sion, qu’elle a oublié son nom de Gaston, et qu’il s’appelle Jules ; Mie B° 
me dit: « Ah ! cela, je vous en défie. — Soit, mais alors comment s’appelle- 
t-il? — Il s'appelle. il s'appelle. je sais bien son nom, je ne peux pas le 
dire, quoique je le connaisse bien ; en tout cas ce n’est pas celui que vous 
voulez me faire dire. — Soit, mais il s'appelle Jules. — Non. — Comment 
s’appelle-t-11? — Il s’appelle Ju... Ju... Non, je ne veux pas dire Jules, ce 
n’est pas son nom. » Je n’ai pas pu aller plus loin. 

Si je donne ainsi avec détail cette expérience, c’est pour montrer quelle 
sorte de lutte s'établit dans ce cas entre la personnalité antérieure con- 
sciente, et la personnalité nouvelle, automatique, dont la suggestion met 
en jeu les ressorts. 

J’ai aussi fait avec Mile B‘**, qui est bonne musicienne, l'expérience sui- 
vante, assez intéressante : « Vous allez vous mettre au piano, lui dis-je, et 
vous ne pourrez jouer que l’air : J’ai du bon tabac. » Elle se met alors 
au piano, commence à jouer une sonate quelconque, puis ses mains s’alour- 
dissent, dit-elle, et sans qu’elle le veuille, voilà que l’air J’ai du bon tabac 
revient sous ses doigts. Comme on lui fait des reproches de jouer ainsi de 
telles sottises, elle essaye à plusieurs reprises ; mais toujours au bout de 
quelques accords, revient l'air J’ai du bon tabac, joué dans les tons les 
plus divers, car elle essaye de mettre sa main en divers points du clavier 
pour se soustraire à cette obsession. Pendant plus de cinq minutes, elle a 
joué cet air sans pouvoir s'arrêter; et elle m'a prié de faire cesser cette 
suggestion, qui devenait insupportable pour elle et pour tout le monde. 

Il est certain que les cas analogues sont bien plus fréquents qu’on serait 
d’abord tenté de le croire. Mon ami le docteur Gley a répété chez quelques 
personnes, l’expérience du cauif tenu à la main, et dans un cas il a con- 
staté aussi une grande sensibilité à la suggestion. Il a aussi fait l'expérience 
de la couleur de la robe ; Mlle X°°°, avec qui il tentait l'expérience, s’est ex- 
primée dans les mêmes termes que Mie B***: « Non, disait-elle, la robe 
n’est pas rouge ; elle est fanée et défraichie, c’est vrai, elle n’est pas tout à 


296 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


fait noire, mais elle est noire cependant. » Ainsi, à des états psychiques 
analogues répondent des expressions tout à fait identiques. 


Je crois qu'on peut conclure de ces diverses observations que la sensi- 
bilité à la suggestion est en somme assez communément observable, et 
qu'il existe nombre de personnes qui en subissent facilement les effets. 
Chez nombre de personnes, l’automatisme psychique est tel qu’une parole 
affirmative, un ordre, une indication formelle et précise, ne rencontrent 
pas de résistance, et mettent en jeu, avec une force irrésistible, toute une 
série de conceptions et d'actions imposées. 


DE LA PUISSANCE INHIBITRICE ET DE LA PUISSANCE CONVULSIVANTE 
DE L’ACIDE CARBONIQUE, par M. BROWN-SÉQUARD. 


Depuis l’époque (1849) où j'ai montré que l’acide carbonique joue, dans 
_ l'organisme animal, un rôle considérable à l’état normal et dans d’autres 
conditions, et que c’est à lui que sont dues les contractions rythmiques du 
cœur et les mouvements respiratoires, ainsi que les premières contractions 
de l'utérus dans le travail de accouchement et les raideurs ou les secousses 
. convulsives de l’asphyxie et de l’agonie, de grandes discussions ont eu lieu et 
. Se continuent encore sur les points divers dont je m'étais occupé. Je n’exa- 
minerai aujourd’hui qu'un seul de ces points : il s’agit de la cause des con- 
vulsions dans l’asphyxie. On a maintenant complètement accepté l'opinion 
que j'ai émise, à savoir que c’est le sang, altéré par l'insuffisance de la 
respiration, qui alors produit les convulsions. Mais, si plusieurs physiolo- 
gistes sont d'accord avec moi à admettre que c’est l’acide carbonique qui 
est alors l’agent exçitateur des contractions spasmodiques, nombre d’autres, 
au contraire, soutiennent que c’est l’absence d’oxygène qui est la cause des 
convulsions. 

La question en était là, lorsque M. Paul Bert est venu la compliquer en 
faisant connaître des faits, en apparence décisifs, à la fois contre mon opi- 
nion et celle de mes contradicteurs. Il a trouvé (1) que, quelquefois, des 


chiens, ayant été soumis à l'influence de fortes doses d’acide carbonique, 


n’ont de convulsions toniques ou cloniques que lorsqu'on les laisse respirer 
de l’air atmosphérique pur. Il dit, par exemple, à propos d’une chienne qui, 
pendant près de deux heures, avait respiré un mélange de 20 pour 100 de 
CO?, de 60 pour 100 d'oxygène et de 20 pour 100 d’azote, sans avoir de 
convulsions : € Je détache l'animal, j’enlève la muselière (pour permettre la 
respiration d'air atmosphérique) et le mets à terre. Presque aussitôt, il est 


(1) La pression barométrique : recherches de physiologie expérimentale, 
Paris, 1878, p. 990 à 1015. 


"lù 
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L 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. Hay 


pris d’une grande attaque de convulsions toniques, puis cloniques » 
(p. 995). | 

Avant de montrer que, dans cette expérience, s’il n’y avait pas de con- 
vulsions tant que l'animal respirait de l'acide carbonique, c’était par suite 
d’une inhibition du pouvoir exeito-moteur de la moelle épinière, je vais rap- 
porter les résultats d'expériences que j’ai faites pour bien établir que l’inha- 
lation d'acide carbonique ou son insufflation dans les poumons peuvent ne 
donner lieu à des convulsions qu’au moment où l'animal commence à 
respirer de l’air pur ou peu de temps après. 

Dans de nombreuses expériences sur des singes, des chiens et des lapins, 
inhalant un mélange d'oxygène et d’acide carbonique (ce dernier gaz en 
proportions variées, mais toujours considérables), ou recevant soit ce 
mélange, soit de l'acide carbonique pur, par insufflation dans la tra- 
chée, j'ai constaté que le plus souvent, lorsque la production d'oxygène 
était faible ou faisait complètement défaut, les convulsions ou les raideurs 
convulsives ne se montraient qu'après le retour à la respiration d’air atmo- 
sphérique pur. Sur dix-sept animaux dans ces conditions (12 lapins, 
4 chiens, À singe) sept ont eu des convulsions au moment même où 
l'air pur a commencé à être respiré, un presque aussitôt après ce retour à la 
respiration normale, un, dix secondes après, deux, une demi-minute après, 
un, une minute après, deux, une minute et demie après, un, deux minutes 
après et enfin deux autres, pendant la seconde ou troisième minute 
après. 

Dans ces expériences, c’est donc à l’instant ou presque à l'instant où la 
quantité d'acide carbonique a commencé à diminuer dans le sang et dans 
les tissus, en même temps que la puissance vivificatrice de l’oxygène a 
commencé aussi à augmenter ou à reproduire l’excitabilité affaiblie ou per- 
due dans les centres nerveux et dans d’autres parties, que les convulsions 
ont eu lieu. 

Chez un assez grand nombre d'animaux, des convulsions ont été pro- 
duites pendant l’insufflation ou l’inhalation d’acide carbonique mêlé à de 
l'oxygène ou à de l’air atmosphérique ; chez d’autres, des convulsions ont eu 
lieu pendant un temps très court durant cette insufflation ou cette inhala- 
tion, et se sont montrées de nouveau après le retour à la respiration nor- 
male ; enfin chez un singe et un lapin j'ai vu des convulsions commencées 
pendant l’inhalation d'acide carbonique, se continuer après le retour à la 
respiration d'air atmosphérique. 

Je vais montrer qu’en admettant que l’acide carbonique, suivant les cir- 
constances, peut produire de l’inhibition ou des convulsions, il est très 
facile d'expliquer ce qui a lieu dans le fait découvert par M. Paul Bert et 
dans les expériences dont J'ai donné les résultats. 

C’est une règle très générale (mais ce n’est pas une loi sans exceptions) 
que l’acte inhibitoire réclame une puissance d’excitation plus énergique que 
acte producteur d’une contraction. Quant à la puissance d’une excitation, elle 


558 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


———_—_—_—_—_———_————— ro 


dépend de deux circonstances bien distinctes l’une de l’autre : la première 
est le degré de l’excitabilité des parties sur lesquelles va agir une excitation 
et la seconde l’énergie de cette excitation. Or l’acide carbonique est d’une 
énergie excitatrice extrêmement grande (ainsi que je vais le montrer), d'où 
il suit qu’il est tout simple que cet agent produise de l’inhibition, au lieu de 
produire des convulsions, lorsque sa quantité est considérable et que l’exei- 
tabilité des centres nerveux est suffisamment grande. 

Ainsi que je l’ai constaté, les choses peuvent aller si loin à cet égard, 
que l’acide carbonique peut produire partiellement, et même d’une manière 
complète, les phénomènes qu’engendre quelquefois la piqûre du bec au 
calamus. Il est extrêmement curieux de voir alors, ainsi que j'en ai été 
témoin trois fois chez des chiens, et deux fois sur un lapin et un cobaye, 
sous l'influence d’une injection de ce gaz par la trachée, dans les poumons, 
le sang devenir rouge ou rougeàtre dans les veines, au lieu de voir le sang 
artériel noircir. Chez ces cinq animaux, la mort a eu lieu par inhibition sou- 
daine de toutes les activités cérébrales, de la respiration, du cœur et des 
échanges entre les tissus et le sang. Une excitation des ramifications des 
nerfs vagues dans les poumons a ainsi produit subitement ces diverses 
inhibitions, avec toutes les particularités que j'ai signalées comme appar- 
tenant à la mort sans agonie ou avec arrêt des échanges. 

La puissance inhibitrice que possède l'acide carbonique s’est montrée 
encore dans nombre de circonstances, d’après ce que j'ai trouvé. Ainsi : 
4° un jet violent de ce gaz peut, en agissant sur la narine, inhiber l’activité 
morbide de certains nerfs donnant lieu aux douleurs de la migraine; 2° un 
jet de gaz sur la narine ou poussé de bas en haut de la trachée, dans le 
larynx, — un tube étant fixé au bout inférieur de la trachée coupée pour 


permettre à l’air d'entrer dans les poumons, — inhibe souvent d'emblée la 


respiration ; 3° un jet de ce gaz passant de la trachée dans le larynx peut 
inhiber le pouvoir excito-moteur de la moelle épinière, au point d’arrêter 
temporairement les convulsions dues à de la strychnine, à de l’acide phé- 
nique ou à deshémorrhagies; 4° un jet de ce gaz, à la condition qu’il soit 
très violent et qu'il arrive par un tube enfoncé dans la bouche jusqu’auprès 
de l’ouverture laryngienne, peut aussi inhiber d'emblée la puissance mor- 
bide du bulbe et de la moelle épinière, donnant lieu à une attaque d’épi- 
lepsie, chez le cobaye, à un moment quelconque de la durée de cette 
attaque ; 9° enfin une analgésie considérable peut être produite, par inhibi- 
tion, sous l’influence d’une excitation des nerfs laryngés, par de l’acide 
carbonique. 

Dans l'expérience de M. Bert, comme dans les miennes, il semble évident, 
d’après ce que je viens de dire de la puissance inhibitrice possédée par 
l’acide carbonique, que, lorsqu'il arrive que des convulsions n’aient pas lieu 
tant que la proportion de ce gaz dans le sang et les tissus est excessive, 
c’est qu’alors la puissance excito-motrice des centres nerveux est inhibée. 
I! est de plus évident que lorsque l’oxygène arrive donnant une vitalité nou- 


DÉdancns : 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 99 


velle aux centres nerveux, aux nerfs et aux muscles, en même temps que la 
proportion d’acide carbonique diminue, celui-ci n’étant plus en quantité 
suffisante pour agir avec toute sa puissance, donne lieu à des convulsions, 
au lieu de produire de Pinhibition. 

Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’opinion de mes contradicteurs depuis 
1849 — opinion d’après laquelle les convulsions de l’asphyxie dépendraient 
de l’absence ou de la diminution de la quantité d'oxygène dans le sang — 
reçoit, de l'expérience de M. Paul Bert et des miennes, un coup décisif, 
puisque c’est lorsque la quantité de ce gaz augmente dans l’organisme 
que les convulsions surviennent. 

Il est évident, conséquemment, que l’acide carbonique, suivant les cir- 
constances, peut ou inhiber la puissance excito-motrice des centres ner- 
veux, ou la mettre en jeu et produire ainsi des convulsions toniques ou 
cloniques. | 


FORMATION DE L’URÉE PENDANT LA DIGESTION DES ALIMENTS AZOTÉS, 
par M. E. Quinouaur. 


Nous avons institué des expériences pour étudier la nutrition élémen- 
taire dans des conditions très variées ; nous en exposerons lès résultats à 
la Société dans des communications ultérieures : aujourd’hui nous nous 
bornerons à montrer ce qui se passe dans les viscères abdominaux, pendant 
la digestion. 

Un grand nombre d’observateurs, Weiïgelin en particulier, ont fait voir, 
en notant heure par heure la quantité d’urée excrétée, que le maximum 
était atteint vers la sixième heure après le repas; mais on n’a pu 
tirer de ces recherches aucune donnée précise sur la formation de cette 
carbamide ; en effet, l’augmentation dans le rejet de l’urée tient-elle à 
une suractivité rénale, à une hypersécrétion ? Ou bien est-elle sous la dé- 
pendance d’une formation plus grande dans les tissus ? Les analyses portant 
sur l’urée de l’urine ne peuvent donner une solution à ces questions. 

Pour résoudre le problème, nous avons dosé d’après notre méthode 
(Quinquaud, Moniteur scientifique, 1880) l’urée dans le sang d'animaux 
soumis à une alimentation azotée. Parmi nos expériences, je n’en citerai 
qu’une seule comme type, les autres seront reproduites dans le Mémoire 
publié sur ce point : 

Expérience. — Le 2 octobre, à dix heures du matin, nous donnons à un 
chien, qui ne s’est pas alimenté depuis plusieurs jours, 1 kilogramme de 
viande crue ; l'animal avale gloutonnement 750 grammes de la viande, 

Préalablement on prend dans la veine jugulaire du sang qui donne 
pour 100 0,6 d'azote ou 0,011 milligrammes d’urée. 


560 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


À onze heures, on retire de la même veine du sang renfermant pour 400 
2 centimètres cubes d’azote ou 0sr,038. 

À midi, le sang contient pour 100 2ec,2 d’azote ou 0,044. 

À 12,59, c’est-à-dire 3",55 après le repas, il existe 3,3 d’azote ou 0,061 
d’urée dans 100 grammes de sang. 

A cinq heures, on trouve 2,2 d’azote ou 08,044 d’urée dans 100 grammes 
de sang. 

Le lendemain le sang ne contenait plus que 05,018 d’urée pour 100. 

Ainsi l’urée augmente dans le sang peu de temps après le repas, 
suit une courbe ascendante, atteint son maximum quatre heures environ 
après l’alimentation ; l’excrétion par les urines d’une plus grande quantité 
d’urée est en rapport direct avec un accroissement dans la quantité que 
renferme le sang. 

Mais cette augmentation d’urée tient-elle à une sorte de balayage des tis- 
sus, produit par une circulation plus active ? Ou bien existe-t-il un excès 
dans la formation? Pour résoudre la question, nous avons fait des analyses 
de tissus d'animaux placés dans les mêmes conditions pendant un cer- 
tain temps : des chiens à peu près de même poids ont été soumis au même 
régime pendant quelque temps, puis les uns ont été tués à jeun par sec- 
tion du bulbe et les autres ont été sacrifiés par le même procédé quatre 
heures après un repas de viande crue; on a dosé l’urée dans le foie, la 
_ rate et le cœur de ces animaux, et on a trouvé ce qui suit: 


Chiens à jeun (moyenne). Urée. Chiens en digestion. Urée. 
100 gr. de sang renferment.. 0,032 100 gr. de sang renferment. 0,067 
100 de fore en nne 0,021 100 — defoie.......... ... 0,026 
100 detrate ere 0,076 100 "de rate terre 0,158 
100 — de cœur........... . 0,048 100 — de cœur............ 0,102 


Ces analyses montrent donc qu’à jeun les tissus et le sang renferment de 
faibles proportions d’urée, laquelle s’accroît considérablement pendant la 
phase digestive ; la rate contient plus d’urée que le sang; ce fait s'explique 
puisque M. Gréhant et moi avons trouvé plus d’urée dans le sang jde la 
veine splénique que dans les divers sangs de l’organisme. 

De plus, les chiffres précédents démontrent que pendant la digestion 
surtout, les viscères sont un lieu de production très actif d’urée. 


LA PREMIÈRE LARVE DE L'EPICAUTA VERTICALIS (ILLIG), 
par M. BEAUREGARD. 


Ayant reçu à la fin de juillet (30 juillet) de cette année un certain nom- 
bre d’Epicauta verticalis bien vivants, j'ai pu en obtenir des pontes et 
observer pour la première fois la première larve éclose des œufs. Cette 
observation était d'autant plus intéressante pour moi, que le genre Épicauta 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 561 


n’est représenté en France que par cette espèce, sur le développement de 
laquelle on est sans renseignements, tandis qu’en Amérique les Épicanta 
sont nombreux en espèces et leurs mœurs curieuses ont été dévoilées assez 
récemment par un habile entomologiste américain, M. Riley, qui a montré 
que contrairement aux larves des autres Vésicants connus qui sont melli- 
vores, celles des Épicauta américains sont carnassières et se nourrissent 
d'œufs de Locuste. 

Les essais d'éducation que j'ai pu tenter sur mes larves écloses le 12 sep- 
tembre, c’est-à-dire plus d’un mois après la ponte qui avait eu lieu le 8 août, 
sont encore trop incomplets pour me permettre de faire une histoire com- 
plète de l’évolution de l’Epicauta verticalis. Je crois toutefois pouvoir en 
conclure dès maintenant que cette espèce a des mœurs très analogues à 
celles des espèces américaines. [1 est à remarquer d’ailleurs que tous les 
traits essentiels des larves d'Epicauta vittata, décrites par Riley, se retrou- 
vent chez la première larve de l’Epicauta verticalis que j'ai pu étudier. En 
voici la description succincte : 

Longueur, 3°",8 environ. Largeur, 1 millimètre. 

Tête à peu près sphérique, assez volumineuse , d’un brun marron, 
inclinée. 

Antennes de quatre articles, dont trois superposés, le quatrième, conique, 
hyalin, lisse, étant inséré à côté du troisième, qui est plus long et se ter- 
mine par un long poil, accompagné de plusieurs autres plus courts. 

Labre membraneux, velu. Mandibules fortes, cornées, dentées en scie 
sur la moitié antérieure du bord'interne. Mächoires membraneuses. Palpes 
maxillaires de trois articles, dont le dernier, plus long, irrégulièremen 
ovoïde, offre une large surface interne, couverte de petits poils tubuleux 
courts. 

Lèvre inférieure, échancrée au milieu de son bord antérieur. Palpes 
labiaux de deux articles, le dernier très long, cylindrique. 

Tous les segments du corps sont noirs et couverts de poils roux. Ces poils 
sur les sept premiers anneaux de l’abdomen sont pourvus chacun, à leur 
base, d’une épine courte et large. 

Le premier segment thoracique est au moins deux fois plus large que le 
second, qui lui-même est plus large que le troisième. 

Les pattes sont rousses, longues de 1 millimètre environ. Elles sont re- 
marquablement armées d’épines robustes en forme de dague, qui siègent 
principalement sur les hanches, les trochanters et les cuisses. Les tibias 
sont couverts de poils plus grêles et plus allongés, sauf à leur extrémité 
antérieure, qui est pourvue de trois épines. 

Enfin les ongles, au nombre detrois, consistent en un ongle médian, aigu, 
fort, et deux ongles latéraux plus grêles et moins allongés. 

Par tous ces caractères, le triongulin de l’Epicauta verticalis est ahsolu- 
ment semblable à ceux des Épicauta d'Amérique, et parmi les autres Vési- 
cants, se rapproche surtout du triongulin des Mylabres. 


562 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DU VARAIRE 
BLANC ET SUR LES MOYENS DE COMBATTRE SES EFFETS, par M. le docteur 
Courmin, chef de clinique chirurgicale de la Faculté de Bordeaux. 


Le Varaire blanc (Veratrum album), qui porte encore le nom d’Ellé- 


bore blanc, est une plante de la famille des Colchicacées. La racine, la seule 
partie que j’ai employée, est épaisse, fusiforme, un peu charnue, pourvue de 
radicules blanches, allongées et réunies en touffes. J'ai expérimenté cette 
substance sous deux formes pharmaceutiques différentes : l’extrait aqueux 
et la teinture alcoolique; voici les résultats que j’ai obtenus en usant des trois 
principales voies d'absorption : voies stomacale, sous-cutanée et intravei- 
neuse. 


VOIE STOMACALE 


Première expérience. — 27 octobre 1881.— Chien griffon du poids de 10 kilo- 
grammes; j'incorpore à une omelette 12 centigrammes d'extrait aqueux de varaire 
blanc. Vingt-cinq minutes après l’ingestion, l'animal vomit, les nausées persistent 
pendant vingt minutes ; après ce temps, le chien est pris d’un tremblement géné- 
ralisé. Pas de troubles respiratoires, pas d’urination, pas de diarrhée, aucune 
contracture musculaire. 

Quarante minutes après, l’animal reprend ses allures habituelles. 


Deuxième expérience. — 29 octobre 1881. — Jeune chien pesant 9 kilo- 
grammes. À 9 heures du matin, je lui fais avaler une omelkette contenant 
2 grammes d’extrait de varaire blanc; l’animal l’absorbe avec avidité. 

9 h. 7. Nausées, vomissements alimentaires et bilieux. 

9 h. 22. Diarrhée séreuse et urination abondante; les efforts dE vomissement 
continuent ; l’animal bave abondamment. 

9 h. 30. L’animal s’affaisse, ne répond plus à mes appels; je le frappe, il ne 
bouge pas, il ne peut se tenir debout, il faut le porter dans sa cage. 

La respiration est régulière, les vomissements persistent pendant quarante 
minutes. J’abandonne l’animal à 10 h. 30 et j'apprends du garçon de laboratoire 
qu'il est resté couché toute la journée dans sa cage et qu'il à beaucoup bavé. 

Le lendemain matin, il Sort de sa cage en titubant, refuse toute nourriture et 
boit beaucoup. 

Le soir, l'animal est complètement rétabli, il ne titube plus et prend de la 
nourriture; ni vomissements, ni diarrhée. 


Troisième expérience. — Jeune chien loulou du poids de 5 kilogrammes. 

1° novembre 1881. — Injection dans l'estomac, au moyen d’une sonde œsopha- 
gienne, de 30 grammes de teinture alcoolique de varaire blanc. Immédiatement 
l’animal vomit une grande partie de la teinture mélangée à des mucosités, l’ani- 
mal étant à jeun, la respiration se précipite ; j'arrive à ne plus pouvoir compter 
les inspirations. Urination abondante, les vomissements deviennent bilieux et 
noirâtres. Le chien s’est couché sur le flanc droit ; je ne peux le faire lever; je 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 563 


—— 


le saisis pour le porter dans sa cage, et je m'aperçois qu'il est atteint de con- 
tracture généralisée. Pendant une heure, les vomissements continuent, il bave 
abondamment, la respiration est très rapide; à certains intervalles il y a des 
arrêts brusques de l'inspiration et l’animal succombe deux heures après. 

La tête est fortement rejetée en arrière dans une attitude tétanique. 

Je pratique lautopsie le lendemain matin et voici ce que je constate : Tous les 
muscles sont tétanisés, ceux de la paroi abdominale et thoracique offrent une 
certaine résistance au bistouri. Les deux poumons sont très congestionnés, la 
muqueuse æœsophagienne est rougeâtre, enduite d'un mucus sanguinolent. Les 
intestins sont ratatinés, leur surface externe est rougeûtre; en certains points 
on observe par transparence des taches ecchymotiques, en d’autres points il y 
a des arhorisations capillaires anormales. J’incise l’estomac, il s’en écoule une 
grande quantité de liquide sanguinolent ; la muqueuse est réduite à l’état de 
bouillie hématique. De loin en loin, dans toute la longueur du tube digestif, on 
observe des plaques simulant celles du purpura. Les reins, la muqueuse de la 
vessie sont légèrement congestionnés. Rien du côté du cœur, rien du côté des 
centres nerveux. Aucune rupture, ni hémorrhagie musculaire. 


VOIE SOUS-CUTANÉE 


Cinquième expérience. — Cobaye; poids, 310 grammes. 

27 novembre 1881. — 10 heures. Injection sous-cutanée, avec la seringue de 
Pravaz, de 1 centigramme d’extrait aqueux de varaire blanc dans 1 gramme d’eau 
distillée. 

10 h. 2. Urination. 

10 h. 7. Nausées et vomissements alimentaires. 

10 h. 25. Urination abondante; l'animal est inquiet, il s’agite sur Hate: le 
rythme respiratoire est fréquent; j’essaye de le faire marcher sur la table d’expé- 
rience , titubation, il se couche, ne pouvant faire aucun mouvement. 

10 h. 30. L’animal rend des matières fécales, dures, moulées; il est pris de 
contractions violentes qui, commencant par les membres postérieurs, gagnent 
bientôt tout le corps; la respiration est très fréquente. 

10 h. 50. Les contractions continuent, agitant tout le corps, la respiration est 
toujours très fréquente. 

11 h. 30. Les contractions musculaires n’ont pas cessé, elles se reproduisent à 
des intervalles très rapprochés; j’abandonne l'animal, que je retrouve en parfait 
état trois heures après. L’injection pratiquée dans le tissu cellulaire de la région 
dorsale n’a produit aucune réaction. 


Sixième expérience. — 15 novembre 1881. — Chien griffon du poids de 
10 kilagrammes. Cet animal à fait un repas à 2 heures de l'après-midi. 

4 h. 20. Injection, sous la peau de la nuque, de 3 centigrammes d’extrait 
aqueux de varaire blanc dans 1 gramme d’eau distillée. L'animal pousse des cris; 
l'injection paraît très douloureuse, 

4 h. 40. Vomissements bilieux. 

 h. 30. Pas de diarrhée, pas d’urination, les vomissements ont cessé. L'animal 


marche en titubant pour rejoindre sa cage, une bave abondante s'écoule de sa 
bouche, respiration normale. 


564 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Le lendemain, je retrouve l’animal en parfait état, il n’y a pas trace de selles 
diarrhéiques sur sa paille. 

Je ne note, six jours après, aucune rougeur, aucune tuméfaction, aucune dou- 
leur au niveau du siège de l'injection. 


Septième expérience. — 24 novembre 1881. — Chien pesant 17 kilogrammes. 

9 h. 30. Injection au niveau de la région dorsale, de 12 centigrammes d’extrait 
aqueux de varaire blanc. L’animal pousse des cris; l’injection paraît très doulou- 
reuse. 

9 h. 40. Le chien témoigne une vive inquiétude. 

9 h. 50. Respiration embarrassée, contraction du diaphragme, vomissements, 
salivation. 

9 h. 55. Diarrhée séreuse, urination; raideur musculaire, l’animal titube en 
marchant ; je le rapporte dans sa cage, où il se couche; les efforts de vomisse- 
ment persistent toute la journée. 

Le lendemain matin, je le trouve dans sa cage, le corps couvert de bave; les 
mouvements ne sont pas assurés, la diarrhée séreuse continue. Pas de douleur au 
niveau de la piqûre; ces symptômes ne cessent que dans la soirée. 


VOIE INTRAVEINEUSE 


Huitième expérience. — 21 décembre 1881. — Chien griffon du poids de 


4 kilogrammes. 

À 4 heures, injection, dans la veine crurale gauche, de 25 centigrammes de 
teinture alcoolique de varaire blanc étendue de 12 grammes d’eau distillée. 

Je mets environ trente secondes pour faire pénétrer le liquide. Au bout de ce 
temps, vomissements bilieux, urination et diarrhée; la respiration s’embarrasse, 
elle s’arrête par moments, et je suis obligé de pratiquer la respiration artificieile. 
Les inspirations et les expirations sont très lentes et, malgré mes efforts pour 
le faire vivre, l'animal succombe une heure et demie après l’injection. 

L’autopsie révèle une forte hyperhémie de la muqueuse stomacale et duodé- 
nale, un peu d’hyperhémie de loin en loin sur la muqueuse de l'intestin grêle; les 


poumons sont congestionnés. Rien à noter du côté des reins, ni du côté de la 


vessie. Rien de particulier dans les centres nerveux. 


Neuvième expérience. — 26 décembre 1881. — Chien pesant 16 kilogrammes. 

Injection d’'hydrate de chloral dans la veine fémorale droite; anesthésie absolue, 
la cornée est insensible et la résolution musculaire complète. 

À ce moment-là, je note 15 inspirations et 132 pulsations cardiaques. Dans la 
même veine fémorale droite, j’injecte 10 centigrammes d’extrait de varaire étendus 
de 2 grammes d’eau distillée. 

Quelques secondes après l'introduction du liquide, angoisse respiratoire, 
efforts de vomissements, contractions énergiques des muscles inspirateurs, la 
respiration s’arrête, le cœur continue de battre. Respiration artificielle, je note 
36 inspirations par minute, j'injecte de nouveau 20 centigrammes d’extrait de 
varaire dans 4 grammes d’eau distillée. 

A ce moment la respiration se ralentit, il n’y a pas de vomissements, je 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 565 


n’observe plus que 4 ou 5 inspirations par minute, l’animal urine beaucoup et 
meurt. 

Je pratique l’autopsie trois heures après la mort : cœur en systole, poumons 
congestionnés, la muqueuse de l'estomac est saine, il n’en est pas de même de 
celle du duodénum qui est fortement hyperhémiée, rien dans le reste de l’in- 
testin, reins normaux, un peu d'urine dans la vessie, rien du côté des centres 
nerveux. 


Dixième expérience. — Chien griffon du poids de 4 kilogrammes. — 20 jan- 
vier 1882. 

Injection intraveineuse de chloral, veine crurale gauche; anesthésie absolue; 
à ce moment, je pousse, dans la même veine crurale, 15 grammes contenant 
25 centigrammes de teinture de varaire blanc. A peine ce liquide a-t-il pénétré 
dans la veine, que l’animal vomit, la respiration s’embarrasse ; je dois pratiquer 
la respiration artificielle pendant plusieurs heures; après trois heures, je suis 
obligé d'abandonner l’animal, que je trouve mort le lendémain matin. 

L’autopsie révèle de l’hyperhémie assez intense de la muqueuse stomacale et 
duodénale, ainsi qu’une légère congestion pulmonaire. 


Onzième expérience. — 18 février 1882. — Chien pesant 5 kilogrammes. 

5 heures. J’injecte 12 centigrammes de teinture de varaire blanc étendue de 
6 grammes d’eau distillée dans la veine crurale gauche. Avant de pratiquer l’in- 
jection, l’animal a 18 inspirations à la minute. Quelques secondes après l'injection, 
la respiration s’arrête; urination abondante, vomissements. Au bout d’une 
minute, l’animal n’a plus que 9 inspirations, un minute après, 6. 

J’injecte à ce moment-là, dans la même veine crurale, 10 centigrammes de 
chlorhydrate de morphine étendus de 5 grammes d’eau distillée, le sommeil 
s'établit, la respiration s’effectue plus facilement, j’observe 10 à 12 inspirations 
par minufe. : 

Nausées sans vomissements ; quelques contractions diaphragmatiques, érythème 
intense de la paroi abdominale. Je vois l’animal dans la soirée, il dort paisible- 
ment, il n’a plus de nausées, ni de contractions diaphragmatiques ; le lendemain 
il a recouvré ses allures normales. 


Douzième expérience. — 2 janvier 1884. — Jeune chienne de 7 kilogrammes. 

5 h. 30. J’ouvre la veine crurale droite et j'injecte 15 centigrammes de-chlor- 
hydrate de morphine dans 6 grammes d’eau distillée. Au bout de trois minutes, 
l’animal est complètement anesthésié. À ce moment, j'injecte 8 centigrammes de 
teinture de varaire blanc dans 4 grammes d’eau distillée. 

À peine l'injection est-elle terminée, que les contractions diaphragmatiques 
commencent, la respiration s’arrête; je pratique la respiration artificielle et 
immédiatement tout se rétablit dans l’ordre, les contractions diaphragmatiques 
continuent. Érythème de toute la peau de la paroi abdominale, érythème de la 
peau qui recouvre le creux axillaire, la chienne bave légèrement sans vomir, pas 
de diarrhée, pas d’urination. Je détache l'animal une demi-heure après l'injection, 
je le porte dans sa cage; à de longs intervalles, j’observe des contractions dia- 
phragmatiques, mais pas de vomissements et aucun trouble respiratoire. 

Le lendemain matin, l'animal est levé, le train postérieur et letrain antérieur sont 


566 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


© ————"———————" "et 


un peu raides, la démarche de l'animal est titubante, la paille de sa cage est re- 
couverte de matières fécales diarrhéiques, une diarrhée assez abondante persiste 
toute la journée, l’animal refuse toute nourriture ; ce n’est que le surlendemain 
qu'il accepte des aliments. 


Si l’on cherche à synthétiser la pluralité des symptômes observés chez 
l'animal après l'absorption de cette substance, on note que, quelle que soit la 
voie par laquelle elle ait été introduite, elle détermine des perturbations 
sur quatre appareils organiques distincts : 1° appareil digestif; 2° appareil 
respiratoire; 3° appareil urinaire; 4° appareil musculaire; 5° appareil 
cutané. 

1° Appareil digestif. — Nausées, vomissements, qui, d’abord alimen- 
taires, deviennent bilieux et dans un cas (hématémèse, troisième expérience) 
salivation très abondante, qui persiste fort longtemps après les derniers 
vomissements, diarrhée séreuse, tels sont les divers phénomènes observés 
du côté du tube digestif. 

Voici maintenant les lésions anatomiques qu’il m'a été donné d'observer 
du côté des diverses parties de cet appareil : muqueuse œsophagienne rou- 
geâtre, enduite d’un mucus sanguinolent. L’estomac est rempli de liquide 
hématique, l’épithélium de la muqueuse stomacale est détruit dans une 
grande partie de son étendue, il y a de loin en loin des plaques ecchymoti- 
ques noirâtres, extravasations sanguines dans le tissu cellulaire qui double 
la muqueuse; de loin en loin dans toute la longueur du tube digestif on 
rencontre des plaques ecchymotiques ressemblant à des plaques de purpura 
(troisièmé expérience). 

En injection intraveineuse, le varaire blanc administré à dose toxique a 
produit dans un cas une tie hyperhémie (sans extravasats sanguins) de la 
muqueuse stomacale et duodénale, ainsi que de la muqueuse de l'intestin 
grêle ; dans la neuvième EHRÉNENLE, c’est la muqueuse seule du duodénum 
qui était atteinte. À 

Ces lésions, comme on le voit, s’observent à la suite de l’ingestion sto- 
macale et des injections intraveineuses. Elles résultent par conséquent dans 
le premier cas d’une action directe, irritante, exercée sur la muqueuse 
gastro-intestinale, et, dans le second cas, d’une action indirecte ou réflexe. 

Pareils phénomènes ont été observés par M. Le professeur Oré, de Bordeaux, 
dans ses belles recherches sur l’action physiologique de l’agaric bulbeux; 
lui aussi a pu noter des hyperhémies, des ecchymoses en plaques et diffuses 
de la muqueuse gastro-intestinale, soit qu’il ait administré l’agaric bulbeux 
par la voie stomacale, ou par la voie intraveineuse. 

Que l’action irritante, caustique s’exerce directement lorsque le varaire 
blanc est administré par la voie stomacale, je l’admets sans conteste ; ceux 
qui ont manié cette substance n’ignorent pas que les poussières déterminent 
une irritation fort désagréable de la muqueuse nasale, amenant des éter- 
nuements et provoquant même dans quelques cas un léger épistaxis ; 1l n’est 


SÉANCE DU 11 OCTOBRE. 567 


donc pas étonnant de voir pareils désordres produits sur la muqueuse 
gastro-intestinale. Mais comment s’expliquer que semblables lésions s’ob- 
servent dans les cas où le varaire blanc a été administré en injections intra- 
veineuses ? Les contractions diaphragmatiques et les vomissements qui pré- 
cèdent la mort ne suffiraient-ils pas à produire ces désordres ? Je ne le crois 
pas, car dans certaines observations l’animal succombait une ou deux 
minutes après l’ingestion de la substance dans les veines ; or dans un inter- 
valle de temps aussi court, il me paraît bien difficile de pouvoir invoquer les 
contractions du diaphragme et de l’estomac comme cause des lésions éten- 
dues et profondes de la muqueuse gastro-duodénale. 

Que faut-il donc penser de cette action indirecte ? Le varaire blanc agit 
en cette circonstance sur le poumon excito-nerveux de la moelle épinière, 
et c’est ce poumon excito-nerveux qui agit en produisant ces lésions sur la 
muqueuse gastro-duodénale ; il faut donc faire entrer son action physiolo- 
gique dans le grand cadre des actes réflexes et lui donner droit de cité dans 
cet immense département. 


2 Appareil respiratoire. — Dans trois cas (huitième, neuvième et dixième 
expérience), la respiration s'arrête après l’absorption de la substance; il 
faut pratiquer la respiration artificielle dans un cas cependant; malgré 
toutes ces précautions, l’animal meurt (huitième expérience). À lPautopsie, 
les poumons sont congestionnés,'gorgés de sang ; il y a eu dans tous les cas 
de la congestion pulmonaire et les animaux ont succombé par suite de la 
contracture des muscles de la paroi thoracique et du diaphragme. 


9° Appareil urinaire. — Quel que soit le mode d'introduction du varaire 
blanc, quelle que soit la voie d'absorption de la substance, l’urination a été 
un des symptômes primordiaux de l’action physiologique du varaire blanc. 

Dans les diverses autopsies, je n’ai pu découvrir que dans un seul cas une 
légère congestion de la muqueuse des reins et de la vessie (troisième 
expérience). 


4 Appareil musculaire. — Contractures et paralysies, tels sont les deux 
symptômes présentés par l'absorption de cette substance. 

L'animal titube, il s’affaisse, puis, si la dose est toxique, la contracture 
généralisée se produit et dans la troisième expérience cette contracture 
avait persisté après la mort. 

Les lésions de paralysie et de contracture envahissent tous les groupes 
musculaires, mais en suivant toujours la même marche, les contractions 
diaphragmatiques ouvrent la scène, puis les paralysies et les contractures 
des muscles du train postérieur et antérieur apparaissent; enfin, à doses 
toxiques, on note ces mêmes phénomènes du côté des muscles de la région 
postérieure du cou. La bave ne se montrant que longtemps après l’ingestion 
de la substance, quelle que soit la voie d'absorption, je suis à me demander 


508 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


si elle n’est pas produite par la contraction des muscles masséter et des 
autres muscles qui environnent les glandes salivaires. 


os Appareil cutané. — Dans la douzième expérience, j'ai noté lappari- 
tion d’un érythème très intense qui aurait envahi toute la paroi abdominale 
et la peau du creux axillaire gauche; cet érythème s’accompagnait de 
chaleur, il avait déterminé une rougeur.sombre, qui a persisté durant un 
quart d'heure environ. 


Je dois dire que, dans aucun cas, je n’ai rien observé du côté de la 
pupille. 

N'ayant pu rien obtenir par l’anesthésie chloralique, j’eus l’idée, étant 
donnée l’analogie observée entre les symptômes produits par l'absorption du 
varaire blanc et ceux du choléra, d'employer le chlorhydrate de morphine à 
hautes doses. 

Comme on a pu le voir dans mes deux dernières expériences, la morphine 
dans le premier cas a arrêté les’ accidents; dans le second cas, elle les a 
atlénués sans les supprimer et a permis à l’animal d'éliminer son poison et 
d'échapper à une dose toxique. 


BOURLOTON. - lmprimeries réumies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


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909 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


M. François FRANK dépose un mémoire de M. BEAUNIS, membre corres- 
pondant, sur la justesse et la fausseté de la voix humaine, en en résumant 
brièvement les conclusions. 


NOTE SUR LE POULS DANS LE COURS, LA CONVALESCENCE ET LA RECHUTE DE LA 
FIÈVRE TYPHOÏDE, par le M. docteur Pierre Parisor, chef de clinique 


médicale à la Faculté de médecine de Naney (présentée par M. FrANçois- 
FRANCK). 


Toutes ces recherches ont été faites à l’aide du sphygmographe de 
Marey. 

Pendant la période d'état de la fièvre typhoïde, la fréquence du pouls 
n’est pas proportionnelle à la faiblesse de la tension artérielle. Il n’y a pas 
de rapport entre l’amplitude du dicrotisme et la gravité de la maladie. Au 
début comme au milieu de cette période, le pouls peut être tricrote ou 
même polycrote (polycrotisme fébrile); ce signe en lui-même ne doit pas 
être considéré comme l’indice d’une convalescence prochaine, ni par con- 
séquent regardé comme l’apanage de la convalescence. Le dicrotisme 
asymétrique est une des formes les plus caractéristiques de la pulsation de 
la fièvre typhoïde. Dans l’anacrotisme, on doit voir surtout le signe d’une 
très grande faiblesse de la tension artérielle (hémorrhagie intestinale). 

Pendant la période des oscillations descendantes, la forme du pouls n’a 
pas un cachet propre à ce stade de la maladie; dans le cas, cependant, de 
défervescence brusque et d'augmentation rapide de la tonicité artérielle 
(fièvres abortives), il peut se manifester quelques irrégularités du pouls. 
Expérimentalement, à la période d’état, il est facile d'augmenter d’une 
facon rapide la tonicité artérielle en refroidissant le malade à laide d’un 
matelas à eau par exemple; dans ce cas le pouls peut devenir irrégulier. Ce 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 197, N° 94. 14 


910 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


spasme vasculaire, par l’arythmie produite, met en évidence la faiblesse 
latente du cœur liée à sa dégénérescence granulo-graisseuse. Au moment 
de la convalescence, les irrégularités du pouls se rencontrent surtout après 
les défervescences rapides. Tous ces faits permettent d’invoquer, pour une 
très large part, dans la pathogénie des arythmies du pouls, l'augmentation 
de la tonicité artérielle. 

Pendant la convalescence, la fréquence ou mieux l’impressionnabilité du 
cœur est en rapport avec la faiblesse de la tension artérielle. La forme du 
pouls varie durant la convalescence suivant une règle : au début, c’est-à- 
dire au voisinage de la défervescence, la pulsation présente les signes d’une 
forte tonicité artérielle ; à une période plus avancée elle rappelle la forme 
du pouls fébrile, et revient, au bout d’un temps assez long, à la forme phy- 
siologique ; ces changements de forme de la pulsation sont en rapport avec 
l'état d’anémie du sujet. L’influence de cette anémie est masquée dans les 
premiers jours de la convalescence par l'augmentation de la tonicité arté- 
rielle qui accompagne la défervescence. Si la maladie n’a pas été longue et 
si le sujet est peu anémié, la pulsation offre au début de la convalescence 
les signes d’une tonicité artérielle exagérée, qui diminue dans la suite 
en rendant au pouls, presque aussitôt, l’aspect du pouls normal. 

Dans la fièvre typhoïde, autant qu’on peut juger des variations de la 
tension artérielle par les modifications de la forme de la pulsation radiale 
obtenue avec le sphygmographe de Marey, cette tension, faible pendant la 
période d'état, augmente insensiblement pendant le stade des oscillations 
descendantes ; elle passe par un maximum au moment de la défervescence 
complète, diminue ensuite et, au bout d’un temps très long chez les sujets 
anémiés, augmente de nouveau pour revenir à l’état physiologique. Pendant 
la période d'état et celle des oscillations descendantes de la fièvre typhoïde, 
le pouls et la température pris isolément donnant des renseignements dia- 
gnostiques et pronostiques insuffisants, il est indispensable de faire simul- 
tanément leur étude. Durant la convalescence, les indications fournies par 
le thermomètre ont plus de valeur que celles données par l’examen du 
pouls. 

Dans la rechute le pouls est plus fréquent, à gravité égale, que dans la 
première évolution typhoïde. 


SUR L’EXISTENCE D'ALTÉRATIONS PÉRIPHÉRIQUES DES NERFS MOTEURS DANS 
LES PARALYSIES OCULAIRES DES TABÉTIQUES, par M. J. DEJERINE (1). 


Les troubles oculaires du tabès sont connus depuis très longtemps, et 
l’on sait que la constatation de certains d’entre eux, du myosis en particu- 


(1) Travail du laboratoire de M. le professeur Vulpian. 


rh RE 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE. Sal 


lier (Argyll-Robertson), a une importance toute spéciale pour le diagnostic 
de cette affection. Il en est de même de la névrite optique et des paralysies 
(le la troisième et de la sixième paire. Ces dernières, en particulier, peu- 
vent se montrer à différentes périodes du tabès, au début ou à la période 
d'état : dans le premier cas, elles sont souvent passagères ; dans le second, 
permanentes. Ces paralysies ne sont pas toujours complètes, et, lorsqu'elles 
portent sur la troisième paire, il n’est pas rare d'observer une paralysie 
incomplète, quelques-uns des muscles énervés par ce nerf étant seuls tou- 
chés. La dissociation paralytique que l’on peut observer dans ces cas est 
assez variable ; une des plus communes est la paralysie du releveur de la 
paupière, soit d’un seul côté, soit des deux à la fois, comme dans l’obser- 
vation suivante, concernant une femme que j'ai eu l’occasion d'observer 
récemment dans le service de mon maître, M. le docteur Vulpian, que 
je supplée actuellement à l'Hôtel-Dieu. 


OBs. — Femme de trente-huit ans, tabétique depuis dix ans, ataxique depuis 
deux ans. Douleurs fulqurantes ; anesthesie plantaire ; abolition des réflexes 
tendineux. Pas de myosis. Pas de strabisme. Double paralysie du releveur de 
la paupière. Signe de Romberg. Troubles de la sensibilité peu accentués des 
membres inférieurs. Fièvre typhoïide. Mort subite pendant la convalescence. — 
Autopsie. Sclérose postérieure avec méningite spinale correspondante, ayant 
son maximum dans les régions lombaire et dorsale. Atrophie des racines posté- 
rieures. Névrite parenchymateuse très marquée des nerfs intramusculaires des 
releveurs ; intégrité des autres branches de la troisième paire. Atrophie très 
prononcée des fibres musculaires des releveurs (résumé). 

La nommée X.., âgée de trente-huit ans, venait régulièrement chaque 
semaine dans le service de M. Vulpian (dans lequel elle avait séjourné pendant 
plusieurs mois) pour l'affection dont elle était atteinte (tabès) et était traitée par 
des pointes de feu le long du rachis et de l’iodure de potassium à l’intérieur. 
C’était une femme de constitution assez vigoureuse, sans antécédents patholo- 
giques particuliers, et chez laquelle les douleurs fulgurantes avaient apparu 
pour ia première fois il y a dix ans, et l’incoordination assez prononcée dont 
elle était atteinte datait de deux ans. Pas de crises gastriques, pas de troubles 
génifo-urinaires. 

État actuel, le 12 août de cette année : Ataxie assez prononcée des membres 
inférieurs, la malade marche en talonnant fortement. Signe de Romberg. Dou- 
leurs fulgurantes et constrictives au niveau des cous-de-pied. Troubles de la sen- 
sibilité très peu marqués, anesthésie légère, presque pas d’anesthésie. Perte de la 
notion de position des membres. Membres supérieurs indemnes. Face : pas de 
douleurs fulgurantes, pupilles un peu dilatées, égales, réagissant sous l'influence 
de la lumière, mais lentement. Pas de strabisme. Chute des deux paupières supé- 
rieures tellement prononcée que les pupilles sont toujours couvertes à l’état 
normal, et que, lorsque le malade veut lire, elle est obligée de tenir ses pau- 
pières élevées à l’aide de ses mains. Cette paralysie des releveurs date de trois 
ans. Les autres muscles innervés par la troisième paire sont intacts ; intégrité de 
la sixième paire. Cette malade rentre dans le service de M. Vulpian vers le 
milieu de septembre pour une fièvre typhoïde contractée en ville, et meurt subi- 


HA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tement le 6 octobre, élant en pleine convalescence depuis plusieurs jours. 
A l’autopsie, on trouve, du côté de l'intestin grêle, les altérations de la fièvre 
typhoïde arrivées au stade de réparation à peu près complète. Le cœur est mou, 
flasque (myocardite); pas de lésions valvulaires, pas d’adhérence de l’aorte. 
Poumons congestionnés, avec un tubercule calcifié du sommet gauche. Reins 
normaux. Système nerveux, —encéphale : rien à noter du côté des méninges, cor- 
ticalité normale, ganglions cérébraux sains. Cervelet normal. Bulbe rachidien : 
rien de particulier à l’œil nu, les nerfs crâniens qui en émergent, la troisième 
paire, en particulier, ont leur volume et leur coloration nacrée habituels. Moelle 
épinière : méningite spinale postérieure dans toute la hauteur, atrophie des 
racines correspondantes, diminuant progressivement de bas en haut. Sclérose 
des cordons postérieurs, occupant toute leur étendue dans les régions lombaire 
et dorsale inférieure, diminuant en remontant vers la région cervicale. 

Les deux globes oculaires, ayant été énucléés avec les muscles de la cavité 
orbitaire, les nerfs intramusculaires de chaque releveur des paupières, pré- 
sentent après leur dissection un aspect grisätre caractéristique, tandis que 
les rameaux allant aux muscles droits paraissent sains. Après action de lacide 
osmique, et du picro-carmin, on constate au microscope des altérations très 
prononcées des rameaux nerveux des releveurs. Il n’existe pas un seul tube sain 
par préparation, ils sont réduits pour la plupart, à l’état de gaines vides, quel- 
ques-uns seulement sont encore en voie d’altération et présentent les lésions bien 
connues de la névrite parenchymateuse à différents degrés de son évolution. Les 
fibres musculaires de chaque releveur sont très atrophiées; elles sont réduites 
des trois quarts de leur volume, les noyaux sont multipliés et quelques-uns con- 
tiennent des granulations se colorant en noir par l'acide osmique et de nature 
vraisemblablement graisseuse. Les autres filets de la troisième paire se rendant 
aux muscles droits sont normaux; il en est de même de la sixième paire. 


La localisation de la paralysie et de l’atrophie dans les muscles releveurs 


des paupières, en conséquence de l’altération des rameaux nerveux cor- 
. respondants, m'a paru intéressante à signaler, car elle tend à démontrer 
que dans l’ataxie locomotrice il peut exister des paralysies musculaires, 
dépendant d’altérations périphériques des nerfs moteurs. Je dis altérations 
périphériques, car le tronc de la troisième paire n’était pas altéré, et bien 
que l'examen des noyaux des troisièmes paires n’ait pas encore été pratiqué, 
la dissociation de la paralysie, sa limitation aux releveurs durant un espace 
de trois années ne peuvent guère être sous la dépendance d’une lésion cen- 
trale (altérations nucléaires), car dans ce cas il faudrait admettre que les 
cellules destinées aux mouvements du releveur étaient seules prises, hypo- 
thèse fort peu vraisemblable pour ne pas dire plus, d’une part, et infirmée 
par l'intégrité du tronc de la troisième paire, d’autre part. 

L'existence de névrites musculaires périphériques chez les tabétiques me 
parait présenter un certain intérêt au point de vue de la physiologie patho- 
logique du tabès, et l'étude de ces névrites est appelée vraisemblablement à 
nous rendre comple de certaines paralysies que l’on rencontre quelquefois 
dans le cours de la sclérose postérieure. 


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c ; ANT 
LnËl 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 913 


DE L'OTITE EXTERNE PÉRIOSTIQUE CIRCONSCRITE, par M. GELLÉ. 


Depuis un certain temps on a publié dans la presse et lu aux Sociétés 
savantes, celle des hôpitaux entre autres, des observations curieuses de 
tumeur de nature arthritique, nées soit du derme, soit du périoste et con- 
tractées dans les régions où les os affleurentla peau. 

J'ai pu observer plusieurs fois l’évolution de tumeurs analogues dans le 
conduit auditif externe et je les décris dans mon livre (p.101) sous le titre 
d'otite externe périostique circonscrite, qui indique à la fois leur siège, leur 
nature et leur aspect. On trouvera dans ce chapitre les figures de ces pe- 
titles tumeurs à divers degrés de développement (p. 101). J’ai observé cinq 
fois ces lésions : deux fois avec le regretté Archambaud, un cas amené par 
le docteur E. Labbé, et les deux autres dans ma clientèle spéciale. 

. Dans tous les cas l’aspect de la lésion et l’allure de l’affection ont été 
absolument identiques, et la terminaison par résolution a été observée. 

Un des sujets avait dix ans; le deuxième, qualorze ans; l’autre trente- 
sept ans; un autre quarante-sept ans, et le dernier soixante ans. 

La lésion est limitée au fond du conduit, au niveau de sa portion osseuse. 
On aperçoit à l'examen au moyen du spéculum et d’un éclairage suffisant 
(lampe et miroir) une ou plusieurs petites tumeurs rosées, rondes, bien 
limitées, et bien isolées les unes des autres, circonscrites, qui font saillie 
dans la lumière du conduit. 

En se développant, ces éminences arrondies et colorées finissent par se 
toucher ;.elles soulèvent le méat, cachent le tympan et causent la surdité. 

En général, une douleur légère et à exacerbations nocturnes franches 
parfois se réveille dans les mouvements de la mâchoire et dans la dégluti- 
tion, mais surtout au contact du stylet, sans être jamais très vive. 

Le stylet donne la sensation d’une résistance ferme, mais non osseuse 
cependant; la petite tumeur plit à la pression de l'instrument sans se 
laisser déprimer d’une façon appréciable à la vue. 

Il peut se faire qu’il n’y ait qu'une seule tumeur et par son accroissement 
elle atteint l’autre face du conduit et arrive ainsi à le troubler et à causer 
de la surdité. (Voy. p. 101, de mon Précis des maladies de l'oreille, fig. 27.) 

Le conduit auditif n’est pas seul atteint par l’affection générale; et sou- 
vent le pharynx est atteint en même temps d’une inflammation sub-ædéma- 
teuse méconnue du sujet, vu qu’elle est indolore, et dont la marche est 
lente; dans un des cas que j'ai observés, une otite moyenne rhumatismale 
existait du côté opposé et une pharyngite subaiguë servait de trait d’union 
entre les lésions bi-auriculaires. 

Dans deux cas où il existait dans l’un des conduits des tumeurs multiples, 
il yen avait également dans l’autre conduit, placé à un degré différent de 
développement. 

Dans la plupart des cas les manifestations diathésiques locales sont ac- 


514 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


compagnées d’un état fébrile léger, à redoublement le soir et la nuit, avec 
sueurs le matin. Deux fois j’ai vu coïncider avec les accidents auriculaires 
et évoluer simultanément des arthrites du genou légères, et, au point de vue 
du diagnostic, c’est la douleur d’un côté de la tête, localisée quelquefois 
uniquement dans l'oreille, et surtout la surdité accentuée et progressive 
qui attirent l'attention du malade. 

Il est impossible de prendre cet ensemble pour un début de fièvre mu- 
queuse, malgré la lenteur d'évolution, le redoublement nocturne et le ma- 
laise, car il n’y a aucun phénomène du côté du tendon et rien de la pros- 
tration des forces qui caractérisent la fièvre continue. 

A l'inspection on ne peut prendre la tumeur pour un furoncle, dont la 
marche est rapide et cause une douleur des plus vives et une grande réac- 
tion. Le siège dans la portion osseuse, la multiplicité, la lenteur d'évolution, 
la résolution totale et la disparition sans suppuration différencient cette 
lésion nettement de toute autre lésion auriculaire. Le pronostic est bénin, 
mais au point de vue de la périostite circonscrite seule, car elle indique 
une évolution diathésique dont le pronostic général est tout autre. Enfin 
j'insisterai sur la présence de la pharyngite subaiguë qui tend à produire des 
lésions auditives bilatérales et à laquelle il faut s'attaquer énergiquement. 

Le traitement est simple, les fumigations aromatiques seront dirigées 
vers les méats ; des irrigations tièdes douces seront lancées dans les conduits 
et répétées plusieurs fois par jour, et le sulfate de quinine et le salicylate de 
soude s’adresseront à la fièvre rhumatismale ; plus tard l’iodure de potas- 
sium complétera la résolution de l’engorgement. On devra s'occuper de 
la pharyngite concomitante, et la traiter par des fumigations, des garga- 
rismes et des purgatifs répétés. 


SUR LES VAISSEAUX DE L'ALLANTOIDE DU POULET, par MATHIAS DuvaL. 


En faisant hommage à la Société de mon mémoire Sur les annexes des 
embryons d'oiseaux (extrait du Journal de l’anatomie de G. Pouchet et. 
Ch. Robin, 1884), où se trouvent consignées des recherches dont les points 
principaux ont été exposés ici sous la forme de notes préliminaires, je 
crois devoir compléter cette étude par quelques indications sur la manière 
dont se comportent les gros troncs vasculaires de l’allantoïde chez le 
poulet. 

A la suite de la communication (Bulletin de la Société, 15 février 1884, 
n° 20) où, à propos de la formation du sac placentoïde des oiseaux, j'avais 
décrit la manière dont l’allantoïde vient se fermer, comme une bourse 
dont on tire les cordons, au niveau du petit bout de l’œuf, un de nos col- 
lègues voulut bien me faire une objection, ou, pour mieux dire, une de- 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 919 


mande d’éclaircissement sur un point qui lui paraissait encore mal élucidé. 
J'ajouterai que la question prit aussitôt à mes yeux une double importance, 
et par elle-même, et par la compétence de celui qui la soulevait, puisque 
ce collègue était le professeur Dastre, dont la belle monographie sur l’al- 
lantoïde fait époque dans la science. « L’allantoïde étant une vésicule qui, 
en s'étendant à la face interne de la coquille, se trouve formée de deux 
feuillets, l’un interne, l’autre externe, comment se comportent les vaisseaux 
pour passer du feuillet interne sur le feuillet externe, alors que s’est faite 
vers le petit bout de l’œuf l’occlusion sus-indiquée, laquelle supprime ou au 
moins réduit au minimum les communications entre le feuillet interne et 
le feuillet externe ? » Telle est, réduite à sa forme la plus abrégée, la question 
qui me fut posée. 

Je viens y répondre aujourd’hui, en disant non pas que j’en ai trouvé la 
solution, mais que cette solution a été formulée de la manière la plus lar- 
sement explicite, il y a près de cinquante ans, par un embryologiste, 
français. 

Quand je voulus me mettre en mesure de répondre à cette question, 
j'examinai au point de vue spécial des vaisseaux les très nombreuses 
coupes d'œuf en totalité que j'avais faites pour étudier le sac placentoiïde. 
Je pensais constater au niveau de l’orifice où se forme la bourse allantoï- 
dienne, dans ce qu'on peut appeler l’ombilic allantoïdien, la présence de 
gros vaisseaux, se réfléchissant du feuillet interne sur le feuillet externe de 
l’allantoïde ; il n’en fut rien ; à ce niveau n’existent guère que des capil- 
laires. Par contre je constatai que les gros vaisseaux allantoïdiens parais- 
saient passer du feuillet interne sur le feuillet externe au niveau de l’es- 
pace qui sépare l’amnios de la vésicule ombilicale, comme si le pédicule 
de l’allantoïde se continuait ici aussi bien avec le feuillet externe qu'avec 
l’interne. Toutefois ces dispositions étaient peu nettes sur les coupes. Il 
fallait, pour les élucider, avoir recours à la dissection des membranes. 

Au moment où j'allais entreprendre ces dissections, je fus amené à relire, 
pour un autre objet, le mémoire de Dutrochet sur les Enveloppes du fœtus. 
Or je trouvai dans ce mémoire la question posée et clairement résolue. « On 
remarque, dit Dutrochet (1), au milieu dela vésicule ovo-urinaire (c’est le 
nom qu'il donne à l’allantoïde), un gros vaisseau qui semble être contenu 
dans son intérieur et qui se distribue à sa surface supérieure (feuillet ex- 
terne); ce fait paraît en contradiction avec l’observation faite les jours 
précédents, que les vaisseaux de la vessie ovo-urinaire sont contenus dans 
ses parois, mais un peu d'attention suffit pour voir que cela continue 
d’avoir lieu. La vessie ovo-urinaire, peu après son apparition et encore 
fort étroite, est devenue adhérente par son fond à la membrane propre du 
vitellus qui lemprisonne ; ses vaisseaux se trouvent par conséquent fixés par 


(1) Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des ami- 
maux el des végétaux, 1837, 1. I, p. 212. 


L 


516 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


leur extrémité et tendus comme des cordes, du col de cette vésicule à l’en- 
droit de l’adhérence ; et la vessie ovo-urinaire en se développant rapide- 
ment par l'effet de la distension qu'opère en elle le fluide abondamment 
versé dans son intérieur, rencontre un obstacle à son extension dans ce 
vaisseau principal, sur lequel elle se ploie de manière à lui former une sorte 
de mésentère.. » Une série de figures (pl. 23) servent à Dutrochet à faire 
comprendre cette disposition, sur laquelle il revient avec plus de détails 
à la page 221 de son mémoire. 

Ce que nous venons d’en citer suffira pour faire comprendre linterpré- 
tation de Dutrochet, qui, à la page 221, résume ainsi sa description : CII 
résulte de ces dispositions que les vaisseaux, sans cesser d’être contenus 
dans les parois de la vessie ovo-urinaire, sont cependant renfermés dans 
l’espace qui sépare l’endo-chorion de l’exo-chorion (le feuillet interne du 
feuillet externe de l’allantoïde); et que ce dernier reçoit ainsi des vais- 
seaux immédiatement, ce qui n'aurait pas lieu sans ce mécanisme partieu- 
lier. » Nous ajouterons que nous en avons trouvé la plus complète confir- 
mation dans les dissections que nous avons alors entreprises. 

Quel est l'ouvrage d’embryologie qui cite le nom de Dutrochet? Quelle 
est même la monographie sur l’allantoïde ou sur telle autre enveloppe fœ- 
tale où soient rappelées Les recherches de cet auteur? Et cependant le mé- 
moire que nous venons de citer se compose de quatre parties, qui sont 
autant de chefs-d’œuvre, traitant successivement des enveloppes de l’em- 
bryon d'oiseau, des enveloppes des embryons des reptiles, des enveloppes 
des embryons des mammifères, et enfin de l’œuf des batraciens. Mais lem- 
bryologie n’a en France que de rares adeptes; c’est dans les ouvrages des 
pays étrangers, où cette science est si largement cultivée, que nous cher- 
chons les indications bibliographiques ; et comme ces ouvrages sont sin- 
gulièrement sobres en citations de travaux français, il se trouve que nous 
ignorons précisément les découvertes qui ont été faites chez nous depuis 
un demi-siècle, et qu’il faut des circonstances fortuites pour nous mettre 
sur la voie de ces indications bibliographiques. 


À 


EXPÉRIENCES SUR LA CONTRACTION MUSCULAIRE PROVOQUÉE PAR UNE 
PERCUSSION DU MUSCLE CHEZ L'HOMME, par M. A.-M. BLocu. 


On connaît l’expérience d’Aeby, relative à la propagation de l’onde mus- 
culaire lorsqu'on excite l’extrémité d’un musele. Cette onde chemine avec 
une vitesse d’un mètre par seconde d’un bout à l’autre du faisceau contracté 
par une excitation directe. 

Lorsqu’au contraire l’excitation porte sur le nerf principal qui se rend au 


1 
| 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 7 


muscle, ce dernier se contracte simultanément dans tous les points de la 
masse. 

La percussion permet de répéter, chez l’homme, la première expérience 
d'Aeby, et, si l’on frappe en un point le vaste interne de la cuisse, par 
exemple, on provoque une contraction qui gagne de proche en proche et 
qu’on peut enregistrer en plaçant des tambours explorateurs à des distances 
déterminées du point où le choc est produit. Tel est le sujet des expériences 
dont j'ai l'honneur d'entretenir la Société, et voici des graphiques qui per- 
mettent de mesurer la vitesse de l’onde musculaire. 

Le moment du choc est exactement repéré. On voit sur les tracés un 
retard d'environ 1/25 de seconde pour un petit point situé à 5 centimè- 
tres de l’endroit percuté et un retard de 1/16 de seconde environ pour un 
point éloigné de 10 centimètres. 

La différence, soit 1/42 de seconde, mesure le temps nécessaire à la pro- 
pagation de la contraction musculaire dans 5 centimètres de muscle, 
d’où l’on peut conclure à une vitesse de 2 mètres par seconde. 

Si Aeby n’a trouvé qu’un mètre, il faut considérer qu’il expérimentait 
sur un muscle détaché de l'animal et la différence que je viens de relater 
dans mes résultats n'implique pas nécessairement que chez l’homme, la 
vitesse de l’onde soit double de celle des muscles de la grenouille. 

J'ai, comparativement, enregistré en deux points éloignés l’un de l’autre 
la contraction volontaire et la contraction provoquée par le choc sur Île 
tendon rotulien. Dans ces deux cas, le muscle, comme on devait s’y attendre, 
se contracle en même temps dans toute sa masse. Ce fait est un argument 
de plus en faveur de la théorie qui explique, par une action réflexe et non 
par une excitation musculaire directe, le phénomène du genou. 


DE LA DUALITÉ CHEZ LES MAMMIFÈRES. 
Note de M. le docteur PuaiciPpEaux, aide-naturaliste au Muséum. 


Tout le monde sait que la dualité existe chez tous les mammifères, c'est- 
à-dire que tous leurs organes sont doubles ou symétriques, placés de 
chaque côlé du corps, que ces organes jouissent des mêmes propriétés et 
des mêmes fonctions, et qu'ils peuvent se suppléer si Pun d’eux vient à 
manquer. 

Si, par exemple, on enlève à un animal vivant un de ses hémisphères 
cérébraux, l’animal vivra, pourvu que l’autre hémisphère vienne le sup- 
pléer ; il en sera de même si l’on pratique, chez un animal vivant, l'ablation 
d’un rein, l’autre viendra le suppléer, la fonction urinaire se fera et la vie 
continuera, comme je l'ai montré bien des fois. 


018 SOCIËÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Enliu il en séra de même si l’on coupe, toujours sur un animal vivant, 
un des nerfs pneumogastriques, Le droit, par exemple, le gauche viendra le 
suppléer et la vie continuera, comme cela a été souvent démontré. 

Flourens, célèbre physiologiste, pensait que la dualité existait même 
jusque dans le corps des vertèbres qui se développaient, d’après lui, par 
deux points d’ossification. 

Serres, célèbre anatomiste, professait la même opinion. M. Gervais, mon 
collègue au Muséum d'histoire naturelle, m’assure avoir vu ces deux 
points d’ossification chez l’homme et chez le veau. Pour moi, J'ai toujours 
pensé que ces naturalistes avaient raison et que j'aurais un jour la satis- 
faction de montrer cette dualité du corps de la vertèbre, ce qui m'arrive 
aujourd’hui. 

Dimanche dernier, en traversant la cour de la baleine, au Jardin des 
Plantes, j'ai aperçu, par le plus grand des hasards, une vertèbre isolée de 
baleine : c'était l’axis qui présentait admirablement les deux points d’ossifi- 
cation ; j'ai fait photographier cette pièce, qui montre la division en deux 
parties du corps de la vertèbre. Je conclus que la dualité est bien un fait 
certain dans le corps des vertèbres, que tous les organes sont doubles 
comme le cerveau et qu’ils ont tous les mêmes fonctions, qu’ils peuvent se 
suppléer si l’un vient à manquer et enfin qu'un de ces organes symétriques 
peut se reposer tandis que l’autre travaille. 


SUR LE SYSTÈME CIRCULATOIRE DES HOLOTHURIES, par M. Louis PErTir. 


Malgré les travaux de Tiedemann et de Semper, nos connaissances sur le 
système circulatoire des Holothuries sont encore bien insuffisantes. 

Comme chez les Oursins, on y distingue deux parties : 1° le système aqui- 
fère ; 2° le système vasculaire. Le premier est assez bien connu, mais on ne 
sait pas bien comment se termine le second ; on ignore notamment ses rela- 
tions avec le premier. Est-il oui ou non en connexion avec lui ? 

La finesse des vaisseaux et la contractilité bien connue des organes des 
Holothuries rendent l’étude de cette question assez difficile. Pour pratiquer 
de pareilles recherches, il est indispensable d’avoir des animaux vivants et 
de grande taille. Grâce aux ressources du laboratoire de Concarneau, j'ai 
pu étudier une espèce d’'Holothurie (Sfichopus Selenkæ), dont les individus 
atteignent fréquemment une longueur de 30 centimètres. 

Chez cet animal, comme chez les autres Holothuries, le système vascu= 
laire est composé d’un vaisseau ou d'un réseau externe accolé à l'intestin 
suivant la ligne d'insertion du mésentère ; 2° d’un vaisseau interne parallèle 
et diamétralement opposé au premier. 


SÉANCE DU 18 OCTOBRE. 19 


Chez le Stichôpus Selenkæ, le vaisseau externe est remplacé en grande 
partie par un riche réseau (rete mirabile) qui commence au début de Pin- 
testin proprement dit et se prolonge sur une portion de la deuxième bran- 
che descendante de l'intestin ; au delà il se continue probablement par un 
vaisseau. Mais en avant il se termine assez brusquement en général à la 
hauteur du sillon qui sépare l’estomac de l'intestin, quelquefois un peu en 
arrière; dans ce cas, il émet un petit vaisseau qui se prolonge jusqu’au 
sillon. En tout cas, la partie externe du système vasculaire paraît se ter- 
miner en avant à l’étranglement stomacal. 

Le vaisseau interne est appliqué sur la paroi de l'intestin, il ne forme pas 
de réseau, mais on constate presque toujours la présence d’une anastomose 
d’une longueur variable, qui relie la première branche descendante à la 
branche montante, Le vaisseau interne ne se termine pas comme l’externe 
à l’étranglement stomacal ; bien que son calibre diminue beaucoup à partir 
de cet endroit, on peut l’injecter jusqu’au canal péribuccal aquifère. 

Après plusieurs essais infructueux, j'ai réussi à pousser plus loin l'injec- 
tion et je suis parvenu, sans employer cependant de fortes pressions, à in- 
jecter un réseau qui vascularise l’anneau péribuccal. Ce réseau est formé 
d’un petit vaisseau placé à l’équateur de l’anneau péribuccal, et qui émet 
des deux côtés des branches ramifiées. Quelques-unes m'ont paru se pro- 
longer sur la vésicule de Poli. 

Il n'existe pas, au moins dans cette espèce, un deuxième anneau situé au- 
dessous du canal aquifère, ainsi que l’indiquent plusieurs auteurs et comme 
il est figuré notamment par Théel chez les Holothuries provenant des dra- 
gages du Challenger (1). 

La disposition que j’indique se rapproche davantage de celle qu'a con- 
statée Semper sans être absolument la même. Cet auteur signale un épais 
réseau de très fins vaisseaux, adossé à la paroi de l’anneau vasculaire ; ce 
réseau, dans certains cas, se plisse: de là le nom de fraise pharyngienne 
(Schlundkrause) que lui a donné Semper. 

Entre le vaisseau interne et le réseau externe, il existe une large et facile 
communication, grâce aux lacunes de la paroi de l’intestin. L'expérience 
montre que l’on peut injecter l’un d’eux en poussant l'injection dans 
l’autre, 


En terminant, je ferai remarquer l’analogie de la disposition du système 
vasculaire des Holothuries avec celle que M. Kœhler a décrite pour les 
Oursins; dans les deux, il existe un vaisseau externe et un vaisseau in- 
terne : le premier s'arrête avant d'atteindre le collier aquifère ; le second 
aboutit à un réseau circulaire (un canal chez les Oursins) en connexion avec 


(1) Report of the Sciéntifie Results of the Exploring Voyage of the Challen- 
ger, vol: IV, HozorTuuRiEs (pl. XL, fig. 2). 


SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


le cercle aquifère. Je n’ai pas, il est vrai, vu de commuiication 
système aquifère et le système vasculaire, bien qu “ayant injecté | È 
systèmes séparément; mais je dois ajouter que je n'ai pas us 
M. Kæhler, de fortes pol dont les résultats sont bien souven 


tables. 


BOURLOTON. — lmprimerics réunies, À, ruc Mignon, 2, Pari, 


981 


SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


VARIATIONS RYTHMIQUES DE LA COURBURE DE LA CORNÉE, par M. JAvAL. 


En août dernier, observant à l’ophthalmomètre un œil atteint de kératocône, 
j'ai été surpris de voir le rayon de courbure de la cornée varier, par saccades, 
d’une quantité égale à environ un cinquième de millimètre, et, saisissant le 
pouls de la malade, j'ai constaté que ces variations présentaient le synchro- 
nisme le plus parfait, avec les pulsations artérielles. De plus, la variation 
n'étant pas la même dans tous les méridiens, nous étions en présence de 
variations de l’astigmatisme. 

Je viens d'observer un cas analogue, mais moins accentué ; c’est égale- 
ment sur un œil affecté de kératocône, mais chez un homme de quarante 


et un ans, tandis que la première observation est relative à une jeune fille 
de vingt et un ans. 


SUR LE TUBE DIGESTIF DE QUELQUES POISSONS DE MER. 
Note de M. A. PrzzieT (présentée par M. R. BLancrarp) (1). 


Je veux indiquer brièvement quelques particularités que j'ai remarquées 
sur le tube digestif des poissons de mer que j’ai examinés au laboratoire de 
Concarneau. 

Chez tous, l’œsophage est identique et présente un corps de Malpighi 
stratifié, avec un grand nombre de cellules caliciformes, à la surface libre, 
sans aucune espèce de glandes. 

L’épithélium de lestomac, quand il existe, est toujours formé de cellules 
caliciformes allongées ; dans quelques cas, leur portion claire, muqueuse, 
est très réduite, la cellule se colore alors tout entière en brun par l’acide 
osmique. 

Les glandes répondant à l’estomac du fond des vertébrés supérieurs ne 
contiennent jamais qu'une seule sorte de cellules, granuleuses. Les glandes 


(1) Communication faite dans la séance du 11 octobre 1884. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, 1°, N° 35. 45 


582 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


répondant à l'estomac pylorique peuvent exister très netles, comme chez le 
congre, ou manquer absolument. 

Chez le Labrus Bergylta, ou Vieille, le Blennius Pholis, le Lepadogaster 
bimaculatus, le Syngnathus acus, le Callionymus Lyra, il n’y a pas traces 
de glandes stomacales. Ces poissons, très différents d’ailleurs les uns des 
autres, ont tous un tube digestif très court; l’œsophage s’abouche directe- 
ment avec l’intestin. Le syngnathe, le callionyme, présentent, entre le revête- 
ment stratifié de l’œsophage et les plis de l’intestin, une surface, recouverte 
d’un épithélium formé d’un seul rang de cellules cylindriques ou calici- 
formes allongées, répondant au revêtement stomacal des autres poissons, 
mais il n’y a pas de glandes au-dessous. 

Chez le Gobius niger, le Cottus scorpius, on voit des culs-de-sac glan- 
dulaires peu nombreux se montrer sous ce revêtement; l'estomac est là 
rudimentaire. 

Les appendices pyloriques, quand ils existent, ont la structure de la 
portion d’intestin sur laquelle ils s’insèrent. 

L'intestin présente des plis, simples ou composés, analogues à ceux qu'on 
voit chez les fœtus de mammifères ; ce qui domine, ce sont des plis à direc- 
tion longitudinale, qui peuvent exister seuls comme chez les Scomber 
Scombrus, ou être réunis par des anastomoses transversales (Labrus 
Bergylta). I peut être aussi composé uniquement de glandes cylindriques, 
comme chez la Motella tricirrata, ou uniquement de villosités, comme 
chez le Mugil capito. Les éléments en sont prismatiques, mêlés ie cellules 
caliciformes en quantité variable. 

Avant l’anus, l'intestin se dilate presque chez tous, et forme une petite 
ampoule, séparée du reste par un sphinecter musculaire tout à fait net, formé 
par la tunique interne, circulaire, des fibres lisses de l'intestin. La muqueuse 
de cette ampoule est plus épaisse que celle de l’intestin qui la précède. 
Elle n'en diffère pas sensiblement dans ses éléments. 


DE LA DÉSHYDRATATION DES TISSUS PAR LE CHLOROFORME, L'ÉTHER 
ET L'ALCOOL, par M. R. Dugors. 


Dans ses belles leçons sur les anesthésiques et l’asphyxie, après avoir 
parlé de l’action chimique exercée par l’oxyde de carbone sur le globule 
sanguin, Claude Bernard s'exprime ainsi: € Nous ne somines pas aussi 
avancés pour l’action des anesthésiques, mais nous pensons cependant qu'un 
certain nombre d'arguments empruntés à l'analyse exacte des faits peuvent 
nous permettre de concevoir d’une façon assez nelte l’action physico-chi- 
mique qu'ils exercent sur les éléments nerveux. À nos yeux, cette action 
consisterait en une semi-coagulation de la substance même de la cellule 
nerveuse, coagulation qui ne serait pas définitive, c’est-à-dire que la 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE. 2893 


substance de l’élément anatomique pourrait revenir à son état primitif 
normal après élimination de l’agent toxique (1). » 

Comme le dit lui-même le grand physiologiste, c’est là une conception 
logiquement déduite des faits observés ; mais quelle est la nature, le méca- 
nisme de cette semi-coagulation? De nouvelles expériences étaient indi- 
quées. 

Dès 1870 (2) nous avions été amenés, à la suite d'expériences failes dans 
le laboratoire de la clinique médicale de PHôtel-Dieu à admettre que 
l'alcool agissait sur l’organisme, lorsqu'il pénétrait en nature dans la circu- 
lation, par la perte d’eau qu'il faisait subir aux divers tissus en vertu d’une 
action exosmolique : un grand nombre de liquides neutres à chaleur spéci- 
fique peu élevée, agissaient, selon nous, par le même mécanisme. 

Depuis cette époque, nous avons multiplié les expériences et les résultats 
nouveaux sont venus confirmer l’exactitude de nos premiers essais. 

De récentes expériences faites au laboratoire de physiologie du Havre 
(station maritime), en présence de M. le professeur Charles Richet, sont 
plus démonstratives encore que celles qui ont été rapportées dans les com- 
munications antérieures. 

En opérant principalement sur des plantes de la famille des Crassulacées 
et du genre Echeveria (E. glabra) on a pu obtenir, par les vapeurs de chlo- 
roforme, une action déshydratante assez rapide pour que l'expérience puisse 
ètre répétée dans un cours et assez évidente pour que le résultat puisse êlre 
fixé par la photographie. 

L'épreuve que nous présentons à la Société montre deux individus de la 
même espèce et de la même provenance. L’un d’eux a été placé sous une 
cloche, au-dessus d’un cristallisoir contenant du chloroforme; l’autre sous 
une cloche d’égale dimension, ne contenant que de l'air. 

Au bout de peu de temps, des diverses parties de la plante soumise à 
l’action des vapeurs du chloroforme, on a vu sortir des gouttelettes compa- 
rables à celles de la rosée ; elles se sont d’abord montrées sur les feuilles 
occupant la partie inférieure de la tige. Le nombre et le volume de ces 
souttelettes allait en augmentant de plus en plus, et au fur et à mesure que 
l'eau sortait du tissu de la plante, chassée par la vapeur anesthésique, la 
feuille s’affaissait sur elle-même et s’inclinait, ainsi qu'il arrive après une 
nuit de gelée. 

On obtient des résultats tout à fait identiques avec les vapeurs d’éther et 
d'alcool, mais tandis que le chloroforme agit en une heure environ, et 
même moins si la plante est séparée de la terre, il faut attendre douze 
heures pour l’éther et vingt-quatre heures pour l'alcool. 

Les pesées nous ont montré que l’eau éliminée ainsi élait remplacée par 


(1) Claude Bernard, Leçons sur les anesthésiques et sur l'asphyæie, p. 103. 
Paris, 1875. 
(2) Bulletin de la Sociclé de biologie, 1870. 


D84 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


une certaine quantité de chloroforme, d’éther, et d'alcool, variable pour 
chaque agent, mais toujours de beaucoup inférieure à la quantité d’eau 
perdue. 

En réalité, le liquide ainsi excrété n’est pas de l’eau absolument pure, 
elle contient de très faibles proportions de divers matériaux solides que 
nous n'avons pas encore étudiés. [Il s'opère également, au sein des tissus, 
des modifications des produits gazeux, ainsi que nous l’avons indiqué autre . 
part, mais ces phénomènes corrélatifs de la perte de l’eau nous paraissent 
jouer un rôle secondaire. 

D'ailleurs, le seul fait de la déshydratation ne suffit-il pas pour expli- 
quer les phénomènes d'arrêt observés pendant la germination des graines, 
des spores, pendant les fermentations? Peut-on expliquer d’une manière 
plus satisfaisante l’action des anesthésiques sur la sensitive, puisqu'il est 
établi, depuis les belles expériences de M. Paul Bert sur ce sujet, que le 
mouvement est dû à un phénomène de l’hydratation ? 

On-trouverait encore dans la comparaison de l’élat d’anesthésie et de 
l’état de vie latente par dessiccation pure et simple de nombreux points 
communs. 

Dans l’action du chloroforme sur les tissus, il y a lieu de distinguer deux 
cas : ou bien les tissus ont été préalablement desséchés, et la présence d’un 
liquide. anesthésique entravera l’hydratation sans pénétrer lui-même les 
tissus; s’il s’agit d’une graine de moutarde bien sèche, elle ne germera 
pas, mais ne perdra rien non plus de sa faculté germinative ; ou bien les 
tissus sont déjà imbibés d’eau, et il s’établira entre l’eau et l’agent anesthé- 
sique des phénomènes de substitution, une faible quantité de celui-ci venant 
remplacer une forte proportion d’eau. 

Ce qui explique pourquoi les altérations produites par les anesthésiques 
dans l'intimité des tissus ont échappé à la plupart des observateurs, c’est 
que ces phénomènes de substitution peuvent s’opérer sans que l'aspect 
de la substance protoplasmique soit sensiblement modifié. 

Ainsi que me l’a fort obligeamment fait remarquer M. le professeur 
Grimaux, à propos des communications que j'ai faites à la Société, Graham 
a obtenu, en opérant sur des colloïdes minéraux, des résultats tout à fait 
comparables à ceux que j'ai vus se produire au sein des tissus végétaux et 
animaux. On peut, en effet, en plongeant dans l'alcool absolu, à plusieurs 
reprises, de l’hydrate d’acide silicique gélatineux, remplacer complète- 
ment l’eau par l'alcool sans que l’aspect colloïdal et le volume du com- 
posé soient sensiblement modifiés : ce qu'il appelle un hydrogèle devient 
alors un alcoogèle ; de même on peut déplacer l'alcool de l’alcoogèle par 
l’éther et obtenir un étherogèle et ainsi de suite pour une série de corps 
diffusibles entre eux. 

Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans ces combinaisons, c’est que 
l’alcoogèle, mis à son tour en présence d’une grande masse d’eau, peut 
perdre tout son alcool, qui serait remplacé par de l’eau, la forme colloïdale 


SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 585 


subsistant toujours : « De semblables changements, dit-il à ce propos, sont 
des exemples frappants de l'influence de la masse (1). » ; 

En soumettant des œufs de poule à l’action des vapeurs de chloroforme, 
nous avons vu lagent anesthésique traverser le blanc de l’œuf, qui n’en 
retenait qu'une faible proportion, pour aller s’accumuler dans le jaune, en 
vertu d’une faculté que nous ne connaissons - pas encore complètement. 
Ne peut-on admettre, par analogie, que le chloroforme entraîné pendant 
l’inhalation chloroformique par le sang, se fixe de préférence, comme le 
pensait Claude Bernard, sur le tissu nerveux ? Alors, dans cette hypothèse, 
l’inhalation étant suspendue, le sang se débarrasserait, par la respiration, 
du chloroforme qu’il contient et viendrait agir, par sa masse liquide, sur 
le système nerveux pour le débarrasser à son tour du poison, de la même 
maniêre qu'une masse d’eau enlève l’alcool à un alcoogèle. 


SUR LA SEGMENTATION SANS FÉCONDATION, par M. Mathias Duva. 


Pour étudier la cicatricule dans les stades qui précèdent l’état type du 
blastoderme de l’œuf fraîchement pondu, nous avons été amené à utiliser 
des matériaux autres que des œufs extraits de l’oviducte de poules sacri- 
fiées. On sait que, sur l’œuf de poule fraîchement pondu et non incubé, 
l’état du blastoderme est assez variable, et que, souvent, il est assez peu 
avancé pour permettre à peine la distinction des deux feuillets. Œllacher, 
qui à insisté sur ce fait, pense qu’il faut attribuer ces différences à ce qu’il 
appelle l’individualité de l’œuf, hypothèse fort admissible, mais qui se 
dérobe jusqu’à un certain point à la vérification expérimentale. En lisant le 
mémoire d'ŒÆllacher, nous nous sommes demandé si, à côté de l’individua- 
lité de l’œuf, il n’y aurait peut-être pas à tenir compte aussi de l’indivi- 
dualité des parents, surtout de la poule, hypothèse qui, vu les lois de 
l'hérédité, n’est en somme que l’hypothèse d’Œllacher retournée. Tout ce 
que nous voulons dire ici relativement à ce sujet, c’est que cette dernière 
supposition nous a amené à en faire une autre qui nous a mis sur une piste 
très fructueuse pour nos travaux. Si des poules peuvent, comme variétés 
individuelles, pondre des œufs plus ou moins avancés dans leur développe- 
ment, il est fort probable qu’en s'adressant à des oiseaux d’espèces diffé- 
rentes, on trouvera d'une espèce à l’autre des différences encore plus 
grandes dans l’état de formation du blastoderme au moment de la ponte. 
Et, en effet, en portant nos recherches sur des œufs de moineaux, de ros- 
signols, de serins, de perroquets (perruche ondulée, ces derniers oiseaux 
étant en cage, de sorte qu’il était facile de recueillir l’œuf et de le préparer 
aussitôt après la ponte), nous avons pu trouver des cicatricules qui n’étaient 


(1) Bulletin de la Société de chimie, 186%, t. Il, p. 178 et suiv. 


s 


a 


080 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


encore qu'aux premiers stades de la segmentation. Telle a été une première 
source des matériaux que nous avons employés pour l’étude de la formation 
du blastoderme des oiseaux. 

Une seconde source nous a été fournie dans des conditions sur la portée 
générale desquelles la présente note a pour but d'attirer l'attention. Nous 
possédions une poule qui, ayant antérieurement servi à des expériences, 


était conservée isolée, loin de tout coq, et pondait régulièrement ses œufs ; : 


en ayant préparé quelques-uns pour voir quel pourrait bien être Pétat de 
leur cicatricule, nous fûmes fort surpris de l'y trouver en pleine segmen- 
tation. Sur de semblables œufs de poule, sur de nombreux œufs non 
fécondés de serin, de colin, de perruche, que nous avons pu nous pro- 
curer chez des marchands d'oiseaux, nous avons toujours, sans exception, 
trouvé le germe en voie de développement, c’est-à-dire à des phases plus 
ou moins avancées de la segmentation. Telle a été la seconde source des 
matériaux que nous avons employés pour l’étude de la formation du blasto- 
derme, puisque les œufs non fécondés et fraîchement pondus représentent 
tous les stades que l’on trouve sur les œufs fécondés et récoltés dans l’ovi- 
ducte même de l’animal sacrifié. 
= Nous désirerions, pour aujourd’hui, insister seulement sur la généralité 
de ce fait, à savoir la segmentation, c’est-à-dire le commencement de déve- 
loppement d’un œuf non fécondé. D’après nos observations, ce développe- 
ment arrive à peine jusqu'à la production d’un double feuillet blastoder- 
_mique, mais il va jusqu’à la production d’une cavité de segmentation, et par 
suite à l’indication d'une première ligne äe séparation entre le feuille externe 
et le feuillet interne primitif. Or d’autres observations, très complètes, 
avaient déjà été faites, sur les œufs non fécondés des poules, par Œllacher, 
qui à consacré un important mémoire à ce sujet(l). Œllacher a constaté 
que le développement de ces œufs est la règle générale; que ce développe- 
ment ne dépasse pas les premiers stades, et qu’il s'arrête du reste au bout 
de peu d'heures lorsque ces œufs sont mis dans la couveuse. 

L'action du spermatozoïde n’est done pas indispensable pour déterminer 
la segmentation ; elle est seulement nécessaire pour faire que celte seg- 
mentation se poursuive jusqu’à production de feuillets blastodermiques, 
puis d'organes dérivés de ces feuillets. En tout cas, les faits de segmenta- 
tion d’ovules non fécondés montrent qu’il n’y a pas un abime séparant la 
reproduction par parthénogénèse de la reproduction sexuelle. 

Or ces faits sont très généraux, c’est-à-dire qu’en réunissant toutes les 
observations éparses sur ce sujet, on voit, chez les invertébrés et chez les 
vertébrés, ei dans ces derniers jusque dans l’espèce humaine, la segmen- 
tation pouvoir se produire en dehors de toute fécondation. 

Pour les invertébrés, aux faits, rappelés par Œllacher, de segmentation 


(1) J. Œllacher, Die Verænderungen des Unbefruchteten Keimes der Huh- 
nereier à Eïileiter (Leipzig, 1872). 


SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 581 


d'œuf de gastéropodes en dehors de toute fécondation (observations de 
Vogt, de De Quatrefages; voy. Œllacher, op. cit., p. 47), nous pouvons 
ajouter ceux observés par Baudelot et plus récemment par Pérez sur les 
Zonites ; les cas de Baudelot, sur le Zonites cellarius sont on ne peut plus 
explicites (1). Il va sans dire que, pour les invertébrés inférieurs, les faits 
sont plus nombreux encore, mais aussi d’une valeur moins frappante. 

Pour les vertébrés, il y a longtemps qu'Agassiz (Proceced. of the Boston 
Soc. of Nat. Hist., 1859) et Burnett (Proceed. of the Amer. Acad. of 
Se., 1857) ont constaté la possibilité d’un commencement de développe- 
ment pour des œufs de poissons nom imprégnés de sperme. Bischoff et 
Leuckart ont fait les mêmes observations pour l’œuf de la grenouille; plus 
récemment, M. Moquin-Tandon, ayant observé avec soin ce phénomène, a 
vu que les choses se passent alors aussi régulièrement qu'après la fécon- 
dation, sauf que le processus s’arrête bientôt; c’est-à-dire qu'il a vu «5e 
former nettement, d’après le rythme ordinaire, d’abord les deux grands 
cercles méridiens, puis le cercle équatorial »; mais à partir de la nais- 
sance du quatrième cercle méridien, parfois même avant, le fractionnement 
prend un caractère d'irrégularité très marquée, puis s’arrête (Gompt. rend. 
Acad. des sciences, 30 août 1875, p. 409). Chez les oiseaux, outre les 
observations d'Œllacher et les nôtres il faut encore citer celles de Matta- 
Maia sur les œufs non fécondés et fraichement pondus de tourterelles 
(Meitheilung. Embryol. Instit. im Wien., 1877, I, p. 85). 

Chez les mammifères, Bischoff a donné, pour la truie, un cas observé 
dans les conditions de la plus rigoureuse exactitude (Annales des sciences 
naturelles, août 1844; Mémoire sur la maturation et la chute périodique 
de l'œuf, p.134), et Hensen (Centralblatt, 1869, n° 26) a rapporté ce cas cu- 
rieux d’un grand nombre d’ovules accumulés, chez une lapine, dans un 
oviducte dont la lumière était oblitérée dans son trajet, ovules qui se pré- 
sentaient à toutes les phases successives de la segmentation, puis de la dé- 
générescence après segmentation. 

Mais ce n’est pas tout: un cas, plus significatif encore, a été observé 
pour l’espèce humaine; je dis plus significatif, parce que les conditions de 
l'observation sont telles, qu’il est impossible de soupçonner l’arrivée de la 
moindre trace de sperme jusqu’à l’ovule. Cette observation est due à notre 
regretté maître, le professeur Ch. Morel (de Nancy). [1 l’a publiée dans la 
première édition de son Traité d’histologie (1864), en laccompagnant 
d’une figure qui ne laisse aucun doute sur la justesse de son interprétation. 
Mais cette observation est demeurée complètement oubliée, inconnue; elle 
eût cependant singulièrement été précieuse à Œllacher et à Waldeyer lors- 
qu’ils ont émis l’hypothèse que les kystes dermoïdes de l'ovaire pourraient 
bien avoir pour origine un développement parthénogénétique d’ovules en- 


(1) Voy. Pérez, Act. Soc. Linn. de Bordeaux, 1877, et E. Dubreuil, Revue des 
sciences nalur., Montpellier, 1878, t. VII, p. 131. 


588 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


core contenus dans l'ovaire (voy. Œllacher, op. cit., 1872, p. 47). L’obser- 
vation si précieuse de Ch. Morel est donnée par lui dans les courts termes 
que voici (op. cit., p. 211): « En examinant des vésicules de Graaf hyper- 
trophiées, chez des femmes mortes de péritonite puerpérale, huit à dix 
jours après l'accouchement, nous avons rencontré plusieurs ovules dans 
lesquels la segmentation était aussi nettement dessinée que dans les œufs 
fécondés : seulement les cellules du pseudo-blastoderme subissaient déjà la 
métamorphose graisseuse.. La segmentation est donc possible sans fécon- 
dation préalable, ce qui n’a rien d’anormal en soi, car l’ovule n’est qu'une 
cellule. » Telle est précisément la conclusion à appliquer au germe de 
l’œuf d'oiseau, lequel germe, ou, pour mieux dire, la masse entière du 
jaune, n’est qu’une cellule, et peut, à ce titre, se segmenter sans l’inter- 
vention d’un autre élément cellulaire, d’un élément mâle. 


EXPÉRIENCES SUR LES VARIATIONS NYCTHÉMÉRALES DE LA TEMPÉRATURE 
NORMALE, par M. le docteur MAUREL, médecin en chef de la ma- 
rine (1). 


Conclusions. — 1° On peut à volonté déplacer le maximum de la tem- 
pérature nycthémérale et le faire passer du soir au matin et réciproque- 
ment. Il suffit pour cela de modifier les conditions d’existence de l’animal. 

2% Ce maximum de température varie de 5 à 9 degrés. 

3 Trois influences concourent à le produire : les repas, l'éclairage, le 
mouvement. 

% De ces trois influences, c’est celle des repas qui est la plus impor- 
tante. Elle l’est à ce point que, même opposée aux deux autres, elle n’en 
conserve pas moins la prépondérance. Elle se traduit par une différence 
de 0°,3 à 0°,5. 

5 L'influence de l'éclairage est manifeste, mais elle ne se traduit que 
par 0°,2 de différence. Cette influence elle-même, il faut l’avouer, est 
complexe. On peut se demander en effet, si, dans l’influence du jour, c’est 
celle de la lumière ou bien celle de la chaleur qui doit l'emporter. Les 
deux y concourent; mais, sans que je puisse être affirmatif, Je pense que 
c’est celle de la lumière qui emporte. À la Guadeloupe, en effet, les tem- 
pératures du jourget celles de la nuit ne diffèrent que de quelques degrés. 

6° L'influence du mouvement s’est traduite également dans mes expé- 
riences par 0,2 environ. Mais je la crois variable, et je pense qu'à 
l’état de pleine liberté, elle pourrait dépasser ces faibles proportions. 

1° Les autres influences que l’on pourrait invoquer pour expliquer 
l’exagération de la température normale, ne me paraissent jouer qu'un 
rôle tout à fait secondaire. 


(1) Pour les détails des expériences, voyez les Mémoires de la Société. 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE. 289 


DES ANASTOMOSES DE L'HYPOGLOSSE AVEC LES NERFS CERVICAUX : ORIGINE 
ET RÔLE DE SA BRANCHE DESCENDANTE, par M. le docteur E. WERTHEIMER. 


Chez l'homme, les anastomoses qui unissent les premiers nerfs cervicaux 
à la douzième paire, peuvent être divisées en deux classes: les unes, que 
nous appellerons les anastomoses directes, parce qu'elles vont se rendre au 
tronc même de l’hypoglosse, partent de l’arcade formée par les deux 
premiers nerfs rachidiens au niveau de l’apophyse transverse de l’atlas ; les 
autres, ou anastomoses indirectes, sont représentées par la branche descen- 
dante interne du plexus cervical, qui décrit avec la branche descendante de 
l'hypoglosse une anse plexiforme, dont les ramificatiofis sont destinées aux 
muscles sous-hyoïdiens. 

Quant aux anastomoses directes, elles comprennent deux ordres de filets : 
les premiers suivent une direction centripète et remontent vers l’origine de 
l’hypoglosse, qui leur emprunte, probablement, en partie, sa sensibilité ; les 
seconds, sur lesquels nous voulons surtout insister ici, se dirigent vers la 
périphérie et après un court trajet abandonnent le nerf pour entrer dans la- 
constitution de la branche descendante de l’hypoglosse. Il est facile, en effet, 
de s’assurer que chez certains sujets, ainsi que l’ont signalé la plupart des 
-anatomistes, ces derniers filets, au lieu de se fusionner, selon la règle, avec 
le tronc nerveux, lui sont simplement accolés, et se continuent directement 
dans la branche descendante : nous avons même vu la ligne de juxtaposition 
irès nettement marquée par un petit rameau vasculaire. Chez le fœtus et le 
nouveau-né, nous avons rencontré les mêmes variété individuelles que chez 
l'adulte, ce qui prouve que le simple accolement de l’anastomose n’est pas, 
comme on aurait pu le supposer, la disposition originelle, ni sa fusion avec 
le nerf un effet des progrès de l’âge. 

Mais le point qui fait plus particulièrement l’objet de cette note, et qui 
offre quelque intérêt pour l’anatomie et la physiologie comparées de la 
douzième paire est le suivant : la branche descendante de l’hypoglosse est- 
elle uniquement constituée par des fibres cervicales, et n’en contient-elle 
pas d’autres appartenant en propre au nerf crânien ; en d’autres termes, 
l’hypoglosse ne prend-il par lui-même aucune part à l’innervation des 
muscles de la région sous-hyoïdienne. Quoique la dissection puisse diffici- 
lement, à elle seule; résoudre la question, la plupart des anatomistes 
admettent d’une façon plus ou moins explicite la présence dans la branche 
descendante de fibres propres du nerf cränien. Cependant, dans ces derniers 
temps, Holl (Zeitschr. für Anat. Entwickl., Bd IT, $ 82) a prétendu que 
celle-ci ne renferme que des fibres cervicales, les unes descendantes, dont 
il a été question plus haut, les autres ascendantes, et venues, après s’être 
réfléchies en anse, de la branche descendante interne du plexus cervical. 

D'autre part, par la voie de l’expérimentation, Volkmann, dans des 
recherches déjà anciennes (Müllers Arch., 1840, p.502), arrive à conclure 


290 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


que l'hypoglosse ne donne à sa branche descendante que peu de fibres 
motrices, et à l’état normal, pour le muscle thyro-hyoïdien seulement. 

En reprenant cette étude des anastomoses de l’hypoglosse sur différents 
animaux que nous avons pu nous procurer, nous avons constaté que la dispo- 
sition anatomique n’était pas la même sur tous. Chez le singe (macaque), 
elle reproduit celle que l’on a décrite chez l’homme et l’on retrouve les 
deux ordres d’anastomose dont nous avons parlé. 

Chez le chien, le chat, le lapin, les fibres qui unissent dette tiens les 
nerfs cervicaux au tronc même de lhypoglosse n'existent pas : les anasto- 
moses sont indirectes et se font de rameau à rameau : ainsi chez le chien, 
qu’on peut prendre comme type, la première branche cervicale inférieure 
se dégage au niveau de lPapophyse transverse de l’atlas, passe en avant du 
pneumogastrique, et, avant de se perdre dans l’extrémité inférieure des 
muscles sous-hyoïdiens, elle donne une anse à la branche descendante de 
l’hypoglosse 

Le fait ons c’est que chez ces animaux, celle-ei se détache au tronc 
avant qu’il n'ait reçu de fibres anastomotiques cervicales ; or, chez le chien 
ou le lapin, vient-on à exécuter celte branche à l’aide dü courant faradique, 
on provoqüe immédiatement un abaissement de l’as hyoïde, dû aux contrac- 
tions des muscles sous-hyoïdiens. [l est à remarquer que l’on n'obtient pas 
le même effet en agissant sur le tronc même de l’hypoglosse, parce que 
l’action prédominante des muscles propres de la langue élève l’hyoïde ; c’est 
probablement ainsi qu'il faut s'expliquer les résultats obtenus par Volkmann, 
qui a expérimenté sur le tronc lui-même ou sur ses racines. 

Il fallait cependant démontrer que cette influence exercée par la branche 
descendante sur les muscles de la région sous-hyoïdienne n'est pas empruntée 
à l’anse anastomotique qu’elle reçoit de la première branche cervicale. 

Dans ce but, nous avons pratiqué, sur un certain nombre de chiens; l’ex- 
périence suivante, avec un résultat constant: après avoir sectionné ou 
arraché la première branche cervicale au niveau de l’atlas où elle se trouve 
facilement sous le ganglion qui recouvre le spinal, nous attendions Le temps 
nécessaire peur qu Pelle fût devenue inexcitable ; quand cette condition était 
remplie, avec un courant faible, nous obtenions encore, par l'excitation de 
la branche descendante de lhypoglosse, la contraction très nette non seule- 
ment du muscle thyro-hyoïdien, mais encore des faisceaux supérieurs du 
sterno-hvoïdien, et quelquefois de ses faisceaux inférieurs. L’excitation 
localisée aux filets nerveux, qui se distribuent dans ces muscles, donnait les 
mêmes résultats, avec cette différence que l’action isolée du thyro-hyoïdien 
produit plutôt l'élévation du larynx que labaissement de l’hyoïde. Le sterno- 
thyroïdien parait exelusivement innervé par les fibres cervicales ; quant à 
l’'omo-hyoïdien, on sait que chez le chien il fait défaut. 

Ce qui est donc hors de doute, c’est que chez le chien, le lapin, lhypo- 
glosse contribue à animer les muscies sous-hyoïdiens. 

Par analogie, nous pouvons en inférer qu’il en est de même chez l’homme, 


- SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 591 


surtout si l’on considère que le filet anastomotique cervical, alors même 
qu'il est simplement accolé à la douzième paire, reçoit certainement, au 
moment où il entre dans la branche descendante, quelques fibres nerveuses 
qui paraissent venir de l'hypoglosse lui-même. 

Enfin cette conclusion prend un caractère de généralité si on |’ appuie sur 
les notions fournies par l'anatomie comparée, dont elie reçoit une nouvelle 
confirmation. En effet, chez les poissons et les amphibies, l’hypoglosse 
n’existe pas en tant que nerf distinct: c’est le premier nerf rachidien qui 
fournit à la fois aux muscles hyoïdiens et à la langue ; mais, quand l'appareil 
musculaire de ce dernier organe acquiert plus d'importance, il se forme, 
pour le desservir, un nerf spinal, que l’on rattache, d'ordinaire, au groupe 
postérieur des nerfs cràniens, mais qu'on peut considérer, avec raison, 
comme produit par un dédoublement des racines motrices de la première 
paire rachidienne, en faisant abstraction de la petite racine ganglionnaire 
de l’hypoglosse, qu'ont signalée Meyer, de Bonn, et M. Vulpian, et dont 
l'existence n’est pas un fait général. Si les deux nerfs sortis de cette subdi- 
vision sont destinés plus spécialement, l’un aux muscles de la langue, 
l’autre, souvent renforcé par les nerfs cervicaux suivants, aux muscles 
abaisseurs de l’os hyoïde, il n’y a pas lieu cependant de s'étonner que leur 
champ de distribution ne soit pas limité d’une façon absolument rigoureuse, 
et que l’hypoglosse continue, comme nous croyons l'avoir démontré, à 
animer une partie des muscles sous-hyoïdiens, de même que quelques 
fibres cervicales concourent, comme la vu Volkmann, à donner le mouve- 
ment à la langue. 

Ce sont là des liens qui, avec quelques autres encore, que l’on pourrait 
citer dans la série animale, rappellent, chez les sntélnés supérieurs, la 
communauté d’origine de deux nerfs devenus distinets, mais primitivement 
confondus dans un tronc unique, chez les vertébrés inférieurs. 

(Ge travail était terminé, quand nous eûmes connaissance d’une note de 
M. Laffont, publiée dans l'Année médicale (1883), sur l’origine de la branche 
descendante de l’hypoglosse, qui proviendrait, d’après ce physiologiste, du 
pneumogastrique ou plutôt du spinal. Ces recherches, faites du reste dans 
un but et par des procédés différents des nôtres, ont été exposées par leur 
auteur d’une façon trop sommaire, pour que nous puissions faire autre 
chose que les mentionner.) 


ALLOCUTION DE M. PAUL BERT, Président perpétuel. 
Messieurs, 
L'ordre du jour est épuisé. Mais avant de lever la séance, je dois faire 
à la Société une communication pour moi fort intéressante. 
Lorsque vous m'avez fait l’honneur insigne de m'appeler à remplacer 
à ce fauteuil notre illustre maître Claude Bernard, jai dû, suivant la 


592 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


lettre de nos Statuts, de notre Constitution pratiquement irrévisable, ac- 
cepter le titre de Président perpétuel. Mais en vous remerciant, j'ai dé- 
claré que je n'étais pas partisan de ces mandats viagers donnés à un 
homme, de ces vœux perpétuels contractés par une assemblée, de ces 
inamovibilités qui suppriment les responsabilités. Et j'ai annoncé qu'un 
jour je vous appellerais à vous prononcer à nouveau, et vous rendrais 
toute votre liberté. \ 

Ce jour me paraît arrivé, au début de cette année nouvelle. Je viens 
donc vous donner ma démission de Président perpétuel. C’est là une nou- 
velle manière de vous témoigner le prix que j’attache à la libre posses- 
sion d’un titre si justement honoré. 

Car ce n’est pas un mince honneur que de présider une Société à la- 
quelle sont apportées les prémices de toutes les découvertes qui se font 
en ce pays dans l’histoire des êtres vivants. Cet honneur, j'ai essayé de le 
reconnaître non seulement par le respect des opinions de tous et la direc- 


tion impartiale de vos discussions, mais par mon assiduité au fauteuil. Et 


quelques-uns de vous se rappellent peut-être qu'après un intervalle d’ab- 
sence commandé par les nécessités de la politique, rendu à la liberté le 
26 janvier 1882, je revenais le 28 reprendre possession de la présidence 
effective. 

Il me semble que vous comprenez assez ce que j'éprouve en ce moment 
pour qu'il soit inutile d'exprimer par de longues paroles mon émotion et 
ma gratitude. Elles sont également sincères et profondes. Et, pour tout 
dire en un mot, en résignant ici la perpétuité de ma présidence, je vous 
assure, quoi qu'il arrive, de la perpétuité de ma reconnaissance. 


BOURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


L NE 


ADDITION À LA SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


D'UN ŒIL VÉRITABLE CHEZ LES PROTOZOAIRES, par G. POUCHET. 


Les Protozoaires groupés sous le nom de Péridiniens peuvent présenter 
soit une tache dite oculaire, soitun appareil beaucoup plus compliquérappe- 
lant comme structure les yeux les plus simples qu’on trouve chezles Métazoai- 
res. Cette tache oculaire quand elle existe n’est formée que d’une gouttelette 
rouge transparente et qui semble de consistance oléagineuse, au lieu d’être 
formée par un amas de fines granulations comme chez d’autres infusoires, 
Cette gouttelette est alors unique, nettement limitée, sphérique (Glenod. 
obliquum, Pouchet), ou claviforme, un peu recourbée comme nous le con- 
statons dans Perid. tabulatum Ehr. Elle varie de volume. Elle tranche par 
sa coloration sur la diatomine (Glen. obliqu., Perid. tabulatum Ehr.) ou la 
chlorophylle (Protoperidinium viride Pouch.) du cytoplasme. Chez ce der- 
nier être elle a d’ailleurs des limites moins nettes et de plus elle est cen- 
trale. Ce n’est que par exception qu’on en rencontre deux. Quand elle est 
unique, sa situation est invariable, elle est placée en avant, par rapport au 
mode de progression de l’être. Enfin dans aucune espèce l’existence de 
cette tache oculaire n’est constante. Parfois on peut voir à sa place une 
gouttelette d’un aspect très différent, comme teintée d’un léger lavis d'encre 
de Chine (Glenod. obliquum). D’autres fois rien n’en rappelle l'existence. 
Nous avons montré ailleurs que dans certaines années, à certaines époques, 
ces taches oculaires pouvaient être très rares ou exister chez presque tous 
les individus de l’espèce. Nous notons l’existence d’une belletache oculaire 
claviforme chez un seul Perid. tabulatum, fau milieu d’un grand nombre 
d’autres qui en sont dépourvus, dans une eau conservée depuis plusieurs 
mois. 

Cette tache ne paraît pas d’ailleurs avoir une influence appréciable sur 
l'entraînement de l’espèce à la lumière, On ne note sous ce rapport aucune 
différence entre les individus offrant ou non cette. gouttelette rouge (1). 


(1) Toutefois on n’a pas fait d'expériences permettant d’apprécier si les in- 
dividus pourvus ou non de tache oculaire étaient également sensibles. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — #° SÉRIE, T, 1, N° 36. 46 


594 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Certaines espèces allant énergiquement à la lumière (Glen. amphibium 
Pouch.) en sont toujours dépourvues. 

Néanmoins la situation constante de cette gouttelette, le fait qu on 
rement elle est unique, d’autres raisons encore et jusqu’à sa couleur ne 
permettent guère d'en interpréter l’existence comme un simple accident 
dans les réactions de la vie de la cellule où elle apparaît et nous enga- 
gent, quoiqu’elle ne soit pas constante, à y voir l’équivalent d’un œil 
rudimentaire. 

Une autre raison encore est que cet œil peut se présenter chez les Péri- 
diniens avec une complication beaucoup plus grande que chez aucun autre 
Prolozoaire, comme nous avons pu le constater sur des Péridiniens marins 
(voisins de Gymn. spirale Bergh. et Archimedis Pouch.). Les individus qui 
se présentaient à nous (août, septembre, 1883, 1884) étaient soit libres, 
soit enveloppés d’une membrane kystique très mince, de forme ovoïde et de 
taille variable, appartenant peut-être : à deux espèces. Le cytoplasme est 
légèrement rosé ou jaunâtre. On peut y trouver un globe volumineux de 
diatomine pàle en voie derésorption. Le noyau unique est volumineux, très 
visible, laissant bien voir les filaments nucléaires, comme cela est l’ordi- 
naire chez les Péridiniens. Vers le centre de l’être, apparaît plongée dans 
le cytoplasme transparent une masse pigmentaire noire, à-contours plus ou 
moins réguliers, très nets. Elle semble constituée par un groupement dense 
de fines granulations (1). 


Tout contre cette tache brille un corps hyalin, claviforme, semblant 


engagé par une de ses extrémités dans la masse pigmentaire. Ce corps 
rappelle complètement le globe réfringent des yeux de certains vers ; on 
peut le désigner comme cristallin. Il offre même parfois une complica- 
tion destructure encore plus grande. Il est alors sphérique, mesurant jusqu’à 
10 # et comme porté sur un large pédicule reposant lui-même sur amas 
de pigment. On distingue autour du pédicule une sorte de bourrelet ou de 
collerette qui peut déjà faire soupçonner l’existence d’une membrane. Le 
corps réfrangible est en effet composé de deux parties, l’une enveloppante, 
l’autre enveloppée, de densités à peu près égale. Il peut arriver qu’en exer- 
çant une légère pression sur l’être, le contenu du corps cristallin se trouve 
chassé à travers le pédicule et l’amas pigmentaire sous la forme d’un petit 
globe hyalin qui va se loger dans le voisinage au milieu du cytoplasme. 
En mêmetemps la membrane d’enveloppe vidée de son contenu s’est flétrie 
et ne laisse aucun doute sur la nature de la lésion qui vient de se produire, 
On pourrait donc à la rigueur considérer dans cet œil rudimentaire, mais 
plus complexe que ceux qui ont.été décrits jusqu'ici chez les Protozoaires, 
un corps pigmentaire ou choroïdien, une cornée et un cristallin. 

. La disposition de ces parties. par rapport à l’être mérite attention. Le 


(1) Le pigment mélanique n’a été signalé jusqu'ici que chez un très petit 
nombre d’infusoires, Ophryoglena atra, acuminata Ehr. L 


us 


[ 
È 
1 


SÉANCE DU 25 OCTOBRE. 595 


cristallin est constamment situé sur la face aborale de la tache pigmen- | 
taire, c’est-à-dire tourné en arrière et par conséquent du côté où progresse 
l'être, en sorte que, si cet œil était un organe de vision, il serait en réalité 
disposé le plus favorablement possible pour servir à diriger l’individu. 

Il n'est nullement certain que tous les organes que nous désignons ‘sous 
le nom d’yeux, d'yeux accessoires, de taches oculaires chez les Métazoaires 
et les Protozoaires aient la même signification physiologique que notre œil. 
Nous ignorons. jusqu'à ce jour et de la façon la plus absolue si les 
yeux accessoires de la ligne latérale des poissons en particulier, leur 
fournissent quelque sensation d’un ordre spécial comme le préten- 
dent certains physiologistes ou si ces organes jouent un rôle plutôt en 
rapport avec la vie de l'espèce qu'avec celle de l'individu. Dans le second 
cas ils seraient assimilables jusqu’à un certain point aux taches. pigmen- 
taires en forme d’yeux que présentent un grand nombre d'animaux. Quel 
que soit le mécanisme par .lequel ces taches aient pris naissance (méca- 
nisme sur lequel a insisté Darwin), qu’elles soient le produit d’une sélec- 
tion sexuelle ou naturelle, la forme ou plutôt le dessin de ces taches n’en 
reste pas moins spécial aux animaux et on peut dire plus : spécial à l’ha- 
bitus extérieur de leur corps ; car les organes internes ne présentent rien 
de pareil même alors qu’on y trouve comme chez les poissons, les. éléments 
de coloris (cellules pigmentaires et iridocytes) nécessaires pour constituer 
ces taches. Il faut y voir en définitive, croyons-nous, une image de l’œil 
des vertébrés ou des céphalopodes. C’est sur le marché de Trieste que 
nous avons été un jour vivement frappé de ces apparences. On y vendait 
principalement et en abondance de petites raies (Raja circularis) avec 
deux taches oculaires sur le dos, des squilles (Squilla mantis?) avec une 
tache oculaire bien nette sur les derniers anneaux de l’abdomen, et de 
petites Sèches dont les yeux semblaient répéter toutes ces taches oculaires. 

Si d'autre part on admettait que les yeux accessoires des poissons sont 
surtout des « semblants » d’yeux de vers ou de mollusques, il faudrait dès 
ors donner de l’œil comme organe une double définition, l’une en quelque 
sorte subjective, l’autre objective, selon que cet œil est destiné à produire 
chez l'individu qui le porte une perception ou à donner une sensation à 
d’autres êtres vivants. Ici se rangeraient à côté des yeux de la ligne laté- 
rale des poissons, les véritables taches oculaires que d’autres présentent 
(Zeus faber, Lepadogaster, etc.) tout à fait semblables à celles des 
oiseaux (Paon, Argus, etc.), des Papillons et même des mammifères 
(Ocelot). 

Même en admettant que l'organe compliqué décrit plus haut chez les Pro- 
tozoaires soit un organe de vision, c’est-à-dire un organe actif servant à 
la perception des vibrations calorifiques sous une forme quelconque, nous 
n’en saurions comprendre le rôle puisque des êtres tout voisins et dépour- 
vus des mêmes organes se dirigent délibérément à la lumière, ni le fonction- 
nement,qui n’est plus comparable à celui de l’œil des Métazoaires. Que les 


596 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


vibrations calorifiques agissent directement sur le cytoplasme chez les Pé- 
_ridiniens complètement dépourvus de taches oculaires ou indirectement 
par l’intermédiaire d’une lentille et d’un écran, le problème reste le même. 
On est en face d’une physiologie toute autre. Chez les Métazoaires nous 
concevons l’élément anatomique comme unité primordiale : par suite, 
l'œil, s’il est unique, devra, comme nous l’avons montré ailleurs, être com- 
posé d’au moins deux éléments (Nauplius, Copépodes). Les différences d’in- 
tensité lumineuse perçues dans deux directions différentes de l’espace diri- 
seront l'animal. Un seul élément rétinien ne donnerait que des impressions 
successives résultant des mouvements, loin de pouvoir les guider directe- 
ment (1). 

La cellule unique qui constitue le Protozoaire est à ja fois organe de sen- 
sibilité, organe de mouvement et organe délibérant ou nerveux, puisqu’elle 
se dirige. L 

Sous quelque forme que les vibrations calorifiques soient perçues par le 
cytoplasme d’un Péridinien, leur intensité relative dans chaque direction est 
directement appréciée par l’être unicellulaire absolument comme nous 
apprécions nous-mêmes l'éclairage des différents points du champ vréti- 
nien. 

Il serait peut-être curieux de rechercher si les êtres qui se dirigent 
ainsi à la lumière possèdent toujours au moins deux cils ou deux flagella 

qui, impressionnés différemment, fourniraient au corps cellulaire un élément 

de comparaison, mais ce ne serait que reculer de bien peu la difficulté. On 
pourrait encore admettre que les extrémités prodigieusement ténues de ces 
flagella sont directement influencées par l’état moléculaire de l’eau que 
traversent les rayons calorifiques et dirigent dès lors passivement le corps 
cellulaire dont ils dépendent, dans une direction donnée. En dehors de 
cette hypothèse, nous sommes forcés, dans l’état actuel des connaissances, 
d'imaginer dans le cytoplasme d’un Péridinien ou Anthérozoïde, certaines 
particules ou molécules déterminées jouant entre elles le rôle réciproque 
des éléments anatomiques des Métazoaires. 

Peut-être la physiologie n’a-t-elle pas assez tenu compte jusqu'ici de cette 
complication fonctionnelle dans une seule et même cellule. Peut-être 
pourrait-elle tirer quelque avantage de considérer chez les Métazoaures 
chaque élément anatomique comme susceptible de régler lui-même et 
dans une certaine mesure son propre fonctionnement. 


(1) Tout au moins faudrait-il supposer à l’animal un repère dans une situa- 
tion qu’il saurait reprendre et un calcul de déplacement lui permettant de syn- 


chroniser dans l'espace les variations d’intensité lumineuse successivement 


perçues autour de lui. 


BOURLOTON. — lmprineries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris, 


SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1884 


/ 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


SUR LA PRÉSENCE DES CELLULES DE B1ZZ0ZERO ET DES MÉDULLOCELLES DANS 
LE FOIE FŒTAL DES MAMMIFÈRES. Note par M. LAULANIÉ; présentée par 
M. MarTuias DuvaL. 


Quand on examine les éléments obtenus par dissociation sur des fragments 
du foie d’un fœtus de lapin ou de mouton, on découvre, à côté des cellules 
hépatiques, de grosses cellules dont le protoplasma se colore en jaune 
orangé par le picro-carminate d’ammoniaque et dont le noyau, très volumi- 
neux, émet un grand nombre de bourgeons qui lui donnent un aspect muri- 
forme. Ces singuliers éléments rappellent immédiatement les cellules que 
Bizzozero a découvertes dans la moelle rouge et que l’on connaît sous le 
nom de cellules de Bizzozero ou de cellules à noyau bourgeonnant. Si l'on 
examine comparativement des préparations de moelle rouge et de foie 
fœtal, il est impossible de saisir la moindre différence entre les cellules à 
noyau bourgeonnant que l’on trouve dans les deux séries de préparation. 
Des deux côtés, mêmes dimensions, mêmes réactions devant les matières 
colorantes, même disposition äu noyau. L'analogie entre les deux tissus 
s'affirme encore par la présence d’un grand nombre de petites cellules dans 
lesquelles le noyau sphérique prédomine au point de ne laisser subsister 
qu’une mince atmosphère de protoplasma. Ici encore, il n’est pas possible 
de constater une différence saisissable entre les médullocelles et les cellules 
obtenues par dissociation dans le foie fœtal d’un mammifère. On pourrait 
soutenir que ces derniers éléments sont des leucocytes, maisils s’en éloignent 
singulièrement par le diamètre, qui est beaucoup moindre, et par le noyau, 
qui n’affecte jamais les dispositions étranges présentées par celui des leu- 
cocytes. Si, après avoir étalé sur une lame porte-objet une certaine quantité 
de tissu hépatique obtenu par dissociation, on le soumet à une dessiccation 
rapide, la préparation colorée au sulfate de rosaniline laisse voir les élé- 
ments que nous discutons, avec le même noyau sphérique que les prépara- 
tions ordinaires avaient d’abord révélé. Et cependant, la technique qui 


précède est assurément la plus propre à montrer la disposition des noyaux 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 36. , 46 


598 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


en tire-bouchon des leucocytes. — Ainsi donc, le foie fœtal des mammifères 
contient, en dehors de ses éléments propres, les cellules de la moelle osseuse 
rouge, c’est-à-dire des cellules à noyau bourgeonnant et des médullocelles 
dans les proportions où on les trouve dans la moelle. J'ajoute que les mêmes 
recherches dirigées sur le foie fœtal des oiseaux ne laissent voir rien de sem- 
blable. Il s’agit done d’un détail tout à fait particulier aux mammifères. 

Cette constatation faite, il importait de saisir la place des cellules 
médullaires dans le foie fœtal et leurs rapports avec les éléments propres 
du tissu hépatique. Ces rapports deviennent évidents sur des coupes très 
minces après durcissement par l'alcool absolu. Sur les préparations 
provenant de foies de fœtus de mouton dont je dispose, la lobulation 
commence à se dessiner, les capillaires fortement ectasiés découpent 
dans les lobules des travées de cellules hépatiques qui sont nettement 
distinctes. Or c’est toujours en dehors de ces travées hépatiques, c'est-à- 
dire dans les espaces vasculaires, que l’on découvre les cellules de Bizzo- 
zero et les médullocelles. Les premières sont très rares et on trouve à 
peine une seule par champ du microscope ; les médullocelles sont, au con- 
traire, très abondants ; ils sont accumulés en amas nettement circonscrits, 
comme s'ils résidaient dans autant de cavités pourvues d’une paroi propre. 
Les globules sanguins, qui sont cependant étroitement pressés dans les 
capillaires, ne pénètrent jamais ces amas de méduilocelles, qui tout en 
paraissant siéger dans les vaisseaux forment des groupes indépendants. Je 
dois ajouter que, si l’on examine le sang d’un foie fœtal obtenu par des pres- 
sions bien ménagées, on n’y trouve jamais ni cellules à noyau bourgeonnant, 
ni médullocelles. On ne les trouve pas davantage ni dans la veine cave 
postérieure en avant du foie, ni dans la veine ombilicale ou la veine porte. 
On peut donc dire que la circulation hépatique du fœtus des mammifères 
est caractérisée par l’accumulation à l’intérieur des capillaires de cellules 
semblables à celles de la moelle osseuse et qui séjournent dans les vais- 
seaux sans dépasser le territoire sanguin du foie. 

En ce qui touche l’évolution des cellules à noyau bourgeonnant et des 
médullocelles hépatiques, voici ce que j'ai observé. Le développement du 
foie comporte deux grandes périodes dans lesquelles l'ordonnance générale 
des éléments est.très différente. Dans la première, il n’y a pas trace de lobu- 
lation ; les cellules forment des cordons anastomosés qui dessinent un 
réseau. Les mailles du réseau sont remplies par les capillaires. Dans la 
seconde, la lobulation s’affirme de plus en plus par l'orientation des trabé- 
cules hépatiques. Or l’évolution des cellules médullaires du foie parait 
dominée par la succession des deux périodes précédemment indiquées. Le 
foie réticulaire ne contient que des cellules à noyau bourgeonnant éparses 
dans Îles capillaires. Le foie Ilobulé contient en même temps les médullo- 
celles avec la disposition que j’ai déjà fait connaître. 

Quoi qu’il en soit, à un certain moment de son développement, le foie 
fœta, est pourvu de cellules de Bizzozero et de médullocelles qui occupent 


SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 299 


l’intérieur des capillaires. En présence de pareils faits, on ne peut se 
défendre d'établir un rapprochement entre la fonction hématopoiétique 
attribuée au foie fœtal et à la moelle rouge, et la présence des mêmes élé- 
ments dans ces deux tissus d’ailleurs si différents sous les autres rapports. 
En ce qui touche l’hématopoïèse hépatique et médullaire, je n’ai pas d’opi- 
nion personnelle, par la raison que j'ai toujours échoué dans la vérification 
des résultats affirmés sur ce point par les histologistes. Maïs, si ces résultats 
sont exacts, c’est-à-dire si la moelle rouge et le foie fœtal possèdent en 
commun la propriété de former des globules rouges, cette communauté de 
fonctions s’expliquerait très aisément par la présence dans l’un et l’autre 
tissu d'éléments absolument identiques. Je terminerai par une remarque 
relative à l’évolution des éléments médullaires dans le foie. On sait que 
l'apparition des médullocelles est liée à la lobulation hépatique. Ces cellules 
sort donc moins précoces que les cellules de Bizzozero qui se voient déjà 
dans le foie réticulaire. N’y aufait-il pas là une succession en rapport avec 
le rôle différent des deux sortes de cellules? Les médullocelles sont relative- 
ment tardifs ; ils apparaissent justement à une période où il n’y a plus dans 
le sang de globules nucléés et où l’hématopoïèse demande de nouveaux pro- 
cédés. Les médullocelles seraient précisément les agents de la fabrication 
nouvelle des globules rouges qui, en perdantleur noyau, ont en même temps 
perdu la faculté de se reproduire. 

Les cellules de Bizzozero ont une existence plus générale : on Les trouve à 
tous les moments du développement du foie, et cela permet de leur conserver 
des attributions très différentes de celles des médullocelies. J’incline à 
penser que les cellules à noyau bourgeonnant sont des cellules vaso-forma- 
trices arrêtées dans leur développement. Cette hypothèse se concilierait très 
bien avec cette circonstance qu'on les trouve à tous les moments du déve- 
loppement du foie et avec l’uniformité probable des procédés de la forma- 
tion des vaisseaux hépatiques. 


LES SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE DE LA 
PURETÉ CHIMIQUE ET DE L'ACTIVITÉ PHYSIOLOGIQUE ; LA DIGITALINE DES 
HÔPITAUX DE Paris, par M. le docteur LABORDE. 


Dans ma récente communication sur la pureté de composition chimique 
de la digitaline, appréciée au moyen de l’épreuve physiologique, après avoir 
montré la différence profonde qui existait, à cet égard, entre deux échan- 
tillons, dont lun — celui qui succombait entièrement sous la comparaison 
— venait de l'étranger, je faisais une allusion discrète aux produits que 
nos administrations hospitalières, plus soucieuses de leurs finances que de 
l'intérêt des malades, soumissionnent au rabais, étant assurées ainsi d’une 


600 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


infériorité de ces produits proportionnée, tout au moins, à leur bon marché 
relatif. 

J'avais des motifs sérieux de me permettre cette allusion, non pas seu- 
lement les motifs puisés dans le fait rétrospectif de la falsification du sul- 
fate de quinine, mais une raison nouvelle qui m'était fournie précisément 
par la substance actuellement soumise à notre examen : la digitaline. 

Je considère comme un devoir de divulguer les faits d’ordre purement 
scientifique qui m'ont été révélés à ce sujet par mes recherches. 


Si, à côté de l’échantillon-type par sa pureté d’origine et de composition 
chimique, et par son action physiologique, et de léchantillon venu de 
l'étranger, presque inerte relativement au premier, nous plaçons le troisième 
échantillon que voici, nous allons trouver des différences encore plus 
accentuées. D'abord il se distingue absolument des deux premiers par son 
aspect et sa couleur : tandis que ceux-là sont tout à fait décolorés et se 
présentent sous l'apparence d’une poudre fine et cristalline, celui-ci est de 
couleur jaunàtre orangé et offre l’aspect d’une poudre grossière. 

C'est à peine si on lui trouve des traces d’amertume à la dégustalion. 

Soumise après dissolution, d’ailleurs difficilement obtenue à la faveur 
de l'alcool, à la réaction du Codex, &’est-à-dire traitée par quelques gouttes 
d'acide chlorhydrique et chauffée, elle n’éprouve aucune modification de 
couleur, et ne prend pas la coloration vert-émeraude caractéristique. 

Enfin, traitée par le chloroforme, au lieu de s’y dissoudre complètement, 
elle laisse un abondant résidu. 


Ces premiers résultats fournis par l'épreuve chimique trouvent une écla- 
tante confirmation dans l’épreuve physiologique et expérimentale, en pre- 
nant, ainsi que nous l’avons fait précédemment avec les deux premiers 
échantillons, pour criterium, l’action typique de la digitaline pure sur le 
cœur, autrement dit l'épreuve cardiaque. 

En effet, soit que l’on suive objectivement sur le cœur mis à nu d'une 
grenouille les modifications fonctionnelles de l’organe sous l'influence de 
la dose relativement élevée de un demi-centigramme du produit, dose 
employée dans nos expériences antérieures et dans les mêmes conditions; 
soit que, pour plus d’exactitude dans les détails de l'observation, l’on 
s'adresse à la méthode cardiographique, on arrive au même résultat, qui est 
invariablement celui-ci : 

L'arrêt définitif du cœur ne se produit qu'au bout de dix-huit à vingt 
heures, alors que sur un animal témoin fixé et ayant le cœur dénudé, comme 
chez le précédent, les pulsations cardiaques sont réduites des deux tiers, 
rien que sous l'influence de la fatigue et de la condition expérimentale. 
Quant aux premières modifications fonctionnelles appréciables, elles n’ont 
guère lieu avant la troisième et la quatrième heure, et comme elles con- 
sistent surtout en un ralentissement progressif des pulsations ct en une 


nt SRie ns de Sn à 


SÉANCE DU S NOVEMBRE. 601 


diminution de leur amplitude, elles pourraient aussi, avec quelque droit, 
être mises sur le compte de la simple fatigue. 

Bref, il n’y a rien là de comparable aux effets rapides, sûrs, nets et 
caractéristiques d’un produit chimiquement pur et d’une activité physiolo- 
gique adéquate à cette pureté, tel que celui qui a servi de type à notre 
étude. 


Même résultat, plus frappant encore si c’est possible, sur un animal plus 
élevé dans la série, résultat bien mis en relief par l’essai typique suivant : 

A deux jeunes cobayes, du poids, l’un de 300 grammes, l’autre de 
330 grammes, nous adiministrons simultanément en injection sous la 
peau du dos : 

Au premier, 1/2 centigramme du produit en question ; 

Au second, 1 centigramme du même produit. Trois heures après ri injec- 
tion, ni l’un ni l’autre des deux animaux ne présente extérieurement aucune 
modification fonctionnelle. 

Ils sont laissés le soir en cet état. 

Ce n’est que dans la matinée du lendemain que les effets toxiques ont 
commencé à se manifester sur le second cobaye, celui qui a reçu la dose 
de 1 centigramme; il est mort vers deux heures et demie, par conséquent 
vingt-quatre heures après l’injection. Quant au premier, auquel il avait été 
administré 1/2 centigramme du produit, il n’a succombé que le deuxième 
jour, c’est-à-dire au bout de quarante-huit heures environ. 

On n’a pas oublié que la digitaline chimiquement pure et vraiment active 
produit, dans les mêmes conditions expérimentales, ses effets caractéris- 
tiques sur le cœur de la grenouille, c’est-à-dire l’arrêt définitif en systole 
avec forte rétraction ventriculaire en moins de cinq minutes, et sur le 
cobaye en moins d'une heure. Quand on compare ces résultats à ceux que 
nous venons de faire connaître, obtenus avec le nouvel échantillon de digi- 
taline, on voit que l'écart est considérable et que nous avons affaire à un 
produit d’une infériorité hors de pair. 


Eh bien, quel est cet échantillon de prétendue digitaline, et d’où vient-il? 
C’est un échantillon authentique de la digitaline des pren. de Paris. 
[l ne nous appartient pas de dire la provenance industrielle, n’ayant à nous 
occuper ici, comme nous nous le sommes promis, que de la question 
scientifique. 

Tont commentaire à des faits qui parlent d'eux-mêmes serait d’ailleurs 
superflu. Nous n’ajouterons qu’un mot, qui sera comme la conclusion morale 
de ces faits. 

Il résulte d’une enquête auprès d’un certain nombre de nos médecins des 
hôpitaux, dont quelques-uns sont ici mes collègues, m’entendent, et pour- 
ront au besoin confirmer mon dire, qu'ils n’emploient plus jamais, dans 
leurs services, la digitaline, quelle que soit l’opportunité de son indication 


602 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


thérapeutique, à cause de l’infidélité et surtout de l'entière nullité de ses 
effets. Ceux de ces médecins qui y ont encore parfois recours se servent, 
non de la digitaline fournie par l’hôpital, mais d’une digitaline qu'ils se 
procurent ailleurs, et en laquelle ils croient pouvoir mettre leur confiance. 

Un produit véritablement digne de cette confiance ne se rencontre pas, 
je me hàte de le dire, dans toutes les officines, et ce n’est pas seulement 
dans nos hôpitaux que l’on se trouve exposé, à cet égard, à la déception et 
à la déconvenue. Mais avec un peu d'attention et de vigilance de la part du 
médecin, qui y a tout intérêt pour lui comme pour son malade, il est pos- 
sible, facile même, de se procurer une substance due, nous ne saurions 
trop le répéter, en sa pureté chimique actuellement la plus parfaite, à un 
procédé tout français. 

Nous ne saurions admettre en tout cas que, sous prétexte de rabais, notre 
administration hospitalière continue à s’alimenter en médicaments à des 
sources aussi impures, et qui ont par surcroît le désavantage de couler de 
l'étranger. 

Nous n’en avons pas fini d’ailleurs avec cette étude des substances médi- 
camenteuses considérées au point de vue de ieur pureté de composition et 
de leur activité physiologique, étude qui n’a pas seulement pour but de 
dévoiler des pratiques administratives d’une gravité réelle eu égard aux 
devoirs et aux résultats de l’assistance médicale, mais qui vise, en outre, 
dans sa généralité, une question fondamentale : celle de la connaissance 
exacte de l’activité des substances médicamenteuses, basée sur la recherche 
expérimentale, seule capable de constituer une thérapeutique rationnelle 
et véritablement scientifique. 


SUR ELA LUMIÈRE DES PYROPHORES, par MM. Dupors et AUBERT. 


I. — Plusieurs observateurs ont déjà examiné au spectroscope la lu- 
mière émise par les insectes lumineux; celle du pyrophore à été étudiée 
par M. Pasteur (Compt. rend. de l’Ac. des sc., t. LIX, p. 109). Ayant eu 
à notre disposition un pyrophore, venu au Havre dans une cargaison de 
bois de teinture, nous l’avons observé à notre tour, et, après avoir vérifié les 
faits précédemment connus, nous sommes parvenus à des résultats nou- 
veaux et qui nous ont paru dignes d’être signalés. 

L'observation à été faite avec un spectroscope ordinaire à prisme de 
flint très réfringent, et muni d’un micromètre. Un petit prisme à réflexion 
totale permet d'observer simultanément deux sources lumineuses. 

Notre examen a porté sur les deux organes du prothorax; l’organe ven- 
tral, ne se découvrant que pendant le vol, lorsque l’insecte ouvre ses 
élythres, est plus difficile à étudier. L’insecte était placé dans un support 


SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 603 


devant le spectroscope. On augmentait l'éclat par une excitation méca- 
nique. 

Nous avons obtenu un spectre continu sans raie obscure ni lumineuse : 
résultat déjà obtenu par M. Pasteur. Nous avons pu en préciser les limites. 
Le spectre, fort beau quand l’animal est très lumineux, est assez étendu du 
côté du rouge et s’étend jusqu'aux premiers rayons bleus. On peut lui assi- 
sner comme limites approchées, d’un côté la raie B, de l’autre la raie F. 
Du côté du rouge, il s’étend un peu plus loin que la raie B ; du côté du bleu, 
les derniers rayons sont si pàles, que leur position ne peut être déterminée 
avec une grande exactitude. 

Au moyen du prisme à réflexion totale nous avons comparé ce spectre à 
celui d’une bougie et il nous a paru à peu près aussi étendu vers le rouge. 

Lorsque l'intensité de la lumière varie, sa composition change d'une 
manière assez remarquable. Quand l’éclat diminue, le spectre se raccourcit 
un peu du côté du bleu, mais beaucoup de l'autre côté, le rouge et l’orangé 
disparaissent complètement et les rayons qui persistent les derniers sont 
des rayons verts d’un indice un peu inférieur à celui de la raie E. C’est 
d’ailleurs cette région du spectre qui présente toujours le plus vif éelat. 
L’inverse se produit quand l’animal commence à être lumineux. Les rayons 
verts apparaissent d’abord et le rouge s’étend de plus en plus jusqu’à ce 
que l'intensité de la lumière ait atteint son maximum. 

Ce fait est digne de remarque, car nous ne croyons pas qu’on ait jamais 
observé rien de semblable relativement à l’ordre d'apparition des couleurs. 
Seul, le sulfure de strontium, phosphorescent par l’action de la lumière et 
d’une température croissante (Becquerel, La lumière, t. I, p. 387), donne 
un spectre dans lequel les rayons de moins en moins-réfrangibles apparais- 
sent à mesure que la température s'élève, mais en même temps les rayons 
plus réfrangibles disparaissent. 

L'appareil lumineux du pyrophore, considéré comme source de lumière, 
se comporte donc dans l’émission de la lumière d’une manière qui lui est 
propre, et ne peut, à ce point de vue, être rapproché d’aucune autre source 
lumineuse. Il est intéressant de rapprocher de cette étude les modifications 
qu’éprouve la source lumineuse pendant que l’intensité s'accroît. Il suffit 
d'examiner l’organe un peu attentivement pour constater que, lorsque la 
lumière commence à paraître, la partie centrale et intérieure seule est 
lumineuse. Ce n’est que lorsque la lumière est très vive, qu’elle gagne la 
couche périphérique dans laquelle MM. Robin et Laboulbène ont constaté 
la présence d’une multitude de fines gouttelettes graisseuses. Ces savants 
pensent que la couche périphérique ne fait que réfléchir la lumière pro- 
duite par la partie centrale de l'organe (Compt. rend. de l'Ac., 1873). 
Ilest curieux de remarquer que c’est seulement lorsque cette couche 
périphérique est éliminée, que les rayons rouges apparaissent. 


IT. — Bien que le spectre de cette lumière se fût montré peu étendu du 


604 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


côté du violet, nous avons voulu voir par un essai photographique si elle 
possédait quelque action chimique. 

Après quelques essais infructueux, nous avons opéré comme il suit : 

Un fragment de dentelle en papier noirci fut disposé devant une plaque 
au gélatino-bromure, dans un châssis à positif, et la plaque exposée à la 
lumière de l’un des organes lumineux ; l’autre organe envoyait ses rayons 
principaux à peu près parallèlement à la plaque, qu'il éclairait cependant 
un peu d’un côté. L’insecte était à environ deux centimètres de la plaque. 

Afin d'obtenir un résultat décisif, la plaque fut exposée pendant une 
heure à la lumière de l’insecte constamment excité; mais l’action fut si 
intense, qu'il nous parut évident qu’il suffirait d’une exposition beaucoup 
plus courte. En effet, nous avons pu réduire le temps de pose à vingt mi- 
nutes (cliché n° 1), puis à cinq minutes (cliché n° 2) et nous aurions 
certainement obtenu une action appréciable avec un temps plus couft, si la 
mort de l’insecte n'avait mis forcément fin à nos expériences. 

Nous joignons à cette note deux photographies faites au moyen des 
clichés n° 1 et n° 2. On y distingue la région (a) éclairée par le deuxième 
organe et l’ombre (b) due au corps de l’insecte. 

L'examen de ces photographies montre que la lumière du pyrophore 
a une action chimique très intense, si l’on tient compte de ce fait que les 
organes lumineux étant de petite dimension (1 millimètre 1/2 à 2 millimè- 
tres environ) la quantité de lumière qu’ils émettent est très faible, quoi- 
qu'ils soient très brillants. 

La lumière du pyrophore détermine la phosphorence du sulfure de cal- 
cium, la fluorescence de l’éosine et de l’azotate d’urane. On n’a rien obtenu 
avec le sulfate de quinine et la dissolution éthérée de chlorophylle. 


IT. — Nous avons cherché à mesurer l'intensité lumineuse. Mais cette 
intensité étant beaucoup plus faible que celle que nous pouvions prendre 
comme point de comparaison, les expériences présentent par ce fait une 
grande incertitude et ne peuvent être considérées comme définitives. 

En déterminant l’étendue et la forme de la surface éclairée sur des 
écrans placés dans diverses positions autour de l’insecte, nous nous som- 
mes assurés que la lumière est renvoyée surtout latéralement, vers le haut 
et plus en avant qu’en arrière. Les rayons principaux sont situés dans des 
plans faisant avec le plan médian de l’insecte des angles d'environ 45 
degrés. 


SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 609 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE COMME TOPIQUE SÉDATIF DE LA DÉCOCTION 
DE VALÉRIANE, par le docteur H. ARRAGON. 


Je n’ai demandé la parole que pour citer à l'appui de macommunication 
sur la valériane une observation {rès importante de M. le docteur Martel, 
chirurgien chef de l’hôpital de Saint-Malo et membre correspondant de la 
Société de chirurgie. Lui-même m’a prié de vous la faire connaitre, la voici 
donc telle qu’elle m’a été envoyée : 


Le 31 août au matin, est apporté dans mon service un homme dans la 
force de l’âge, qui la veille a été victime d’un accident de machine à battre 
le blé. Les deux mains et la partie inférieure des avant-bras ont été saisies 
dans un engrenage, et il en est résulté des deux côtés une vaste plaie con- 
tuse avec arrachement presque total de la plaie de la région. — Les tendons 
des extenseurs sont à nu par places. — Il n’y a pas de fièvre, mais la dou- 
leur est extrêmement intense, arrachant des cris au blessé, qui se montre 
cependant plein de courage. 

Les premiers médecins qui l’ont vu ont cru l’amputation nécessaire, 
d’un côté au moins, sinon des. deux. 
__ Je ne partage pas cette opinion, dit toujours le docteur ur et plus 
confiant dans les ressources de la nature et des pansements antiseptiques, 
je recouvre les parties blessées d’un pansement humide phéniqué et je 
prescris aussitôt que ce sera possible de remplacer l’eau du RÉsenent par 
la décoction suivante : 


Racine de valériane.. 40 grammes (au lieu de 30 que j'avais indiqués). 
DEN BREVET REPARER 1 litre. 


Faire bouillir une demi-heure, passer et ajouter 10 pour 100 de la solution phé- 
niquée à 1/20°. 


Immédiatement après l'application de cette décoction imbibant les 
compresses la douleur à disparu. Ce pansement est continué jusqu’à ce 
jour. 

La plaie se on par l'élimination des eschares. Il n’y a pas de fièvre 
et pas d'autre douleur que celle qui est le résultat de l’inflammation secon- 
daire, qui, sauf la nuit, est très modérée. 

L'effet rapide et puissant du pansement sédatif a frappé le malade lui- 
même et tout le personnel du service. 

Telle est l'observation de M. Martel. L’adjonction d’eau phéniquée cor- 
rige quelque peu l'odeur plus désagréable encore de la décoction simple, et 
sa présence est utile aussi comme antiseptique, condition que la décoction 
seule ne remplirait pas. En effet, elle peut être conservée huit à dix jours 
en vase clos, mais à parür du douzième jour des champignons commencent 
à se former à la surface. 


606 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Permettez-moi d'ajouter que l'emploi de cette décoction est plus répandu 
qu'on ne Le croit parmi les populations rurales. J'ai rencontré à Argenteuil 
des femmes cultivant et faisant sécher la valériane et qui m'ont dit avoir 
elles-mêmes appliqué notre décoction avec succès dans des cas de plaies 
contuses et pour calmer les douleurs causées par les fractures au moment 
de l’accident. J’ai appris aussi que cette même décoction était employée 
dans plusieurs pays de Normandie par les nombreuses bonnes vieilles qui 
dans ce pays font souvent l'office de médecin, et cela depuis fort longtemps. 


DE L'EXTIRPATION DES CORPS THYROÏDES DES CHIENS, 
par M. le docteur PHiLiPEAUx. 


J'ai montré, il y a quinze ans environ, que l’on peut, sur des rats albinos, 
enlever les corps thyroïdes sans produire aucun trouble consécutif de la 
santé. 

J'avais donc été en droit de conclure que le corps thyroïde n’est pas plus 
nécessaire à la vie des animaux et à l’accomplissement de leurs fonctions 
que la rate et les capsules surrénales, puisque lon peut enlever ces organes 
complètement sans déterminer la moindre perturbation fonctionnelle. 

Un physiologiste bien connu, M. Schïff, vient de publier une note dans 
laquelle il dit que les animaux auxquels on extirpe les corps thyroïdes ne 
survivent pas à cette opération; je viens à cette occasion de répéter mes 
expériences, mais cette fois sur des chiens, et elles m'ont donné les mêmes 
résultats. | | 

Le 1* septembre, j'ai extirpé, sur quatre chiens âgés d’un an, le corps 
thyroïde droit ; pour cela, on a fait sur la face antérieure du cou une inci- 
sion longue de 6 centimètres à partir du cartilage thyroïde, puis on a con- 
duit sous le corps thyroïde deux fils à l’aide desquels on a lié le üssu cel- 
lulaire sur lequel il s'appuie et les vaisseaux compris dans ce tissu 
cellulaire ; on a excisé ensuite l’organe et l’on a fait un point de suture à la 
plaie cutanée ; les animaux, bien soignés, ont guéri et aujourd’hui ilsse por- 
tent bien. Quinze jours après, j'ai refait la même expérience sur quatre autres 
chiens du même âge et par le même procédé opératoire ; mais cette deuxième 
fois j'ai extirpé le corps thyroïde des deux côtés et j'ai obtenu les mêmes 
résultats. Les chiens ont supporté celte opération sans qu'on ait observé le 
plus léger accident particulier; ils sont guéris et très bien portanfs. 

On voit que l’extirpation des corps thyroïdes ne met pas plus en danger la 
vie des chiens que celle des rats albinos, et par conséquent je ne puis m'em- 
pêcher de croire que, si M. Schiff a vu la mort être la conséquence presque 
constante de cette vivisection, ce résultat a eu sans doute pour cause, dans 
ses expériences, non l’absence des corps thyroïdes, maïs l'intervention de 
complications opératoires qui ont passé inaperçues. 


SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. 607 


PRÉSENTATION DE L'OZONÉINE A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 
par M. le docteur Onimus. 


Je présente à la Société de Biologie un liquide trouvé par M. Braud, 
fabriqué par M. Beck. 

Ce liquide doit ses vertus, qu’il conserve indéfiniment, à l’ozone dont il 
est saturé. su 

Je me fais un devoir de vous soumettre ce produit ; car il y a quelques 
semaines à peine, je prétendais avec plusieurs chimistes qu’il est impos- 
sible de condenser l’ozone ou de le dissoudre dans l’eau par la raison qu'il 
se transforme aussitôt en oxygène ordinaire. 

Il y a trois semaines, M. Beck nous a apporté ce liquide, et il nous a 
montré la coloration très prononcée qu’il déterminait sur le papier ozono- 
métrique. 

Nous avons néanmoins manifesté quelques doutes, d'autant plus que 
d’autres corps déterminent cette coloration, entre autres l’essence de téré- 
benthine, qui, comme vous pouvez vous en assurer par l'odeur, entre dans 
la préparation de ce liquide. 

Nous avons donc tenu, avant tout, à faire et à expérimenter nous-même, 
les autres réactifs de l'ozone, et ces recherches ont été concluantes; car 
ce liquide donne toutes les réactions du gaz ozone avec la papier Schæen- 
bein, avec le papier Houzeau; de plus il noircit l’argent métallique, et il 
transforme l’arsénite de potasse en arséniate de potasse. 

J’ai fait quelques expériences sur le pouvoir désinfectant de ce liquide, 
et, si l’action n’est pas aussi prompte que celle de l’ozone à l’état de gaz, je 
dois reconnaître qu’elle est tout aussi manifeste. 

Les flacons que je vous présente renferment l’un, de la viande qui a été 
dans un état d’altération très avancée, l’autre, des œufs pourris. 

Tous deux en présence de l’ozonéine ont perdu leur odeur et leur aspect 
de putréfaction. 

Ce produit a été expérimenté par M. Braud, avec un remarquable succès, 
à Toulon dans les salles de cholériques et de varioleux; et nos confrères 
MM. les docteurs Guiol, Long, Peyrremond, Rey-Escudier, en ont, d’après 
les rapports que j’ai lus, constaté l'excellence. 

Nous n'avons pas besoin d’insister sur les grands avantages de ce produit. 
Ils sont trop utiles pour que nous n’ayons pas désiré vous les signaler im- 
médiatement. 


608 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


NOTE SUR UN CHEVAL A CORNES, par M. Emile Tarerry. 
Présentée par M. MÉGnin. 


J'ai eu l’occasion d'observer tout récemment un fait, trop peu important 
pour être classé parmi les observations tératologistes, mais qui a cependant 
attiré mon attention. 

Il s’agit d’un cheval de trente mois, de race morvandelle, sous poil gris, 
devant devenir gris clair ou même blanc. Cet animal présente dans la 
région frontale deux tumeurs symétriques, du volume d’un bon œuf de 
pigeon, plus larges à la base qu’au sommet, et ayant un peu plus de 2 cen- 
timètres de longueur. Le diamètre de la base, qui est bien régulièrement 
circulaire, est d'environ 3 centimètres; car la circonférence de la tumeur, 
prise au même point, mesure près de 7 centimètres. 

Ces deux appendices que, à tort ou à raison, je considère comme des 
cornes rudimentaires, ont pour base anatomique le frontal, et sont situées 
à 4 centimètres en dedans et un peu au-dessus des trous sourciliers. Elles 
sont distantes l’une de l’autre de 5 à 6 centimètres. 

Une note analogue a déjà été présentée à la Société de biologie, en 1852, 
par M. Armand Goubaux. 

MM. Goubaux et Barrier signalent également ces anomalies, sans les 
décrire, dans leur Traité de l'extérieur du cheval, publié en 1882. 

Nulle part ailleurs je n’ai trouvé indiqués ces appendices qui donnent à 
la physionomie du cheval un aspect tout particulier. Mais je me contente 
d'enregistrer. 


BOURLOTON. — linprimeries réunics, À, rue Mignon, 2, Paris. 


609 


SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1884 


- Présidence de M. Paul Bert, président. 


Dans la séance du 8 novembre 1884, M. Pau Berr a été réélu Président 
perpétuel de la Société de biologie. FRE 

— Dans la même séance, conformément à l’article 9 des statuts de la 
Société, il.a été procédé à l’élection du Secrétaire général: M. Dumonr- 
PALLIER a été réélu Secrétaire général pour cinq années. 


DISCOURS DE M. PAUL BERT. 


Mes chers collègues, 


C’est un devoir pour moi, et un devoir bien doux à remplir, que de vous 
remercier des suffrages quasi unanimes qui m'ont renouvelé le mandat 
présidentiel que vous m’aviez confié après la mort de notre illustre maitre, 
Claude Bernard. Cette réélection a pour moi un prix infini, car elle donne 
aux yeux de tous sa juste valeur à une démission qui n’était que l’accom- 
plissément d’un engagement oublié peut-être de plusieurs d’entre vous. 

Mais les conséquences de cette démission restent entières. Il n’y a plus 
désormais ici de perpétuité, malgré la lettre de nos irrevisables statuts. 
Régulièrement, à des époques qu'il sera expédient, je crois, de faire coïn- 
cider avec la réélection de notre Secrétaire général, vous serez appelés à 
choisir celui d’entre vous qu’il vous paraîtra utile, pour le bien de la So- 
ciété, d'appeler à la présidence. 

J'aurais désiré, pour répondre plus dignement à la marque nouvelle de 
confiance et d'estime que vous m’avez donnée, faire devant vous un résumé 
de l’ensemble des travaux de notre Société pendant la première période de 
ma présidence. Mais, en me reportant à nos Mémoires et à nos Comptes 
rendus, j'ai constaté, non sans orgueil, que cette tâche était impossible. 
Faire l’histoire de nos travaux, ce serait faire l’histoire des progrès des 
sciences biologiques en France, car il n’est pas de découvertes dont nous 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°, N° 37, 47 


610 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


———_—_——————…—.—_—_—_—— ete 


n’ayons eu ici la communication. Et la nature de nos publications, l'allure 
de nos séances, l'absence de prétention à l’érudition ou à la rhétorique, qui 
caractérisent notre Société, font que ces découvertes se sont le plus souvent 
présentées devant elles à l’état de primeurs, avec la saveur et la naïveté de 
débutantes sur la scène du monde. 

En effet, mes chers collègues, rien de plus simple et de plus libre que 
notre manière de contribuer aux progrès de la Science. Nous apportons ici, 
sans préparation et sans précautions oratoires, les faits tels que le laboratoire 
vient de les révéler à notre observation. Du reste, clinique ou vivisection, 
il nous importe peu; nous ne nous inquiétons guère des querelles de pré- 
séance entre les divérs moyens que l’esprit humain emploie pour la re- 
cherche de la vérité. Tout chemin mène à la vérité, disons-nous en modi- 
fiant quelque peu le proverbe, pourvu qu’on le parcoure d’un pas sûr et 
suffisamment rapide, guidé par un œil sagace et vigilant. 

Cettte simplicité dans notre manière d'exposer ici nos découvertes à 
pour corollaire la simplicité des discussions dont elles sont souvent l’occa- 
sion. Bien que vives parfois, leur courtoisie est une règle que n’ont pas eu 
hesoin de confirmer des exceptions. Et toujours elles sont précises, claires, 
courtes, de premier jet, comme les communications elles-mêmes. Nous 
cherchons à nous instruire les uns les autres, serrant la vérité « au plus 
près », comme disent les marins; et chez nous les recherches et les afféteries 
de l’art de bien dire n’ont jamais servi à dissimuler ou à consoler 
l'erreur. ; à 

Il en résulte des séances remplies de faits, des volumes qui semblent, 
malgré leurs dimensions, n’être, tant les articles sont brefs, que des tables 
analytiques de matières. Les vouloir résumer, quelques artifices qu'on y 
emploie, m’a paru tâche impossible. 

Mais ce que les faits accumulés pendant cinq ans n’ont pas permis de 
faire, sera, je crois, praticable, réduit à une seule année. J’essayerai donc 
dorénavant, au début de nos sessions annuelles, de tracer devant vous un 
tableau rapide des progrès réalisés pendant l’année écoulée. Ce sera pour 
nous tous une satisfaction légitime ; pour notre Société, une occasion d’a- 
grandir encore le cercle de son influence ; pour votre président, la meilleure 
manière de reconnaître l’honneur que vous lui avez fait en l'appelant à 
présider à de tels débats. 

Je finis, mes chers collègues, comme j'ai commencé, en vous assurant de 
ma reconnaissance. J’ai mandat de joindre à mes remerciments ceux de 
notre Secrétaire général, que vous avez réélu en même temps que moi. 

Je suis certain que j’accomplis aussi un mandat que vous me donnez 
tacitement, en rendant à notre excellent et savant collègue témoignage en 
votre nom, pour l’exquise bonne grâce et le zèle infatigable qu’il a toujours 
mis dans l’accomplissement de ses délicates fonctions. 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 611 


DISCOURS DE M. ÉDOUARD GRIMAUX 


A] 


Messieurs, j'ai le triste devoir d'annoncer à la Société de biologie la 
mort d’un de ses membres les plus distingués. M. Henninger a succomhé 
samedi dernier à une affection cérébrale; il était à peine àgé de trente- 
quatre ans. 

D'une intelligence d'élite, d’une érudition sans pareille, d’une incompa- 
rable puissance de travail, il était tout à la fois un esprit encyclopédique, à 
qui rien n’était étranger, et un chimiste éminent, qui laissera dans la science 
la trace de son passage. Sa courte existence fut bien remplie ; malgré le 
temps consacré à ses examens de doctorat, à son concours d’agrégation, à la 
direction du laboratoire de M. Wurtz, il trouva encore le moyen de Publier 
d'importants Mémoires de chimie générale où se marquent sa justesse d'ob- 
servation et son habileté d’expérimentateur; pendant plusieurs années, il 
rédigea le Bulletin de la Société chimique, et fut chargé par M. Wurtz de 
surveiller la publication du Dictionnaire de chimie, auquel il fournit de 
nombreux et remarquables articles. 

Pour la Société de biologie, c’est une perte immense ; nul ne connaissait 
comme lui l’état de la chimie biologique, il s’y était distingué par ses 
recherches sur les peptones, sur la méthoglobine, ete., et il l'avait professée 
à la Faculté de médecine avec un brillant succès, quand il fut appelé à 
suppléer M. Wurtz. 

Tous ceux qui l’ont approché ont pu apprécier Fes hautes qualités de son 
caractère, sa serviabilité, son dévouement, et les élèves qu'il a guidés dans 
le laboratoire de la Faculté garderont de leur jeune maïtre un ineffaçable 
souvenir. 

J'ai voulu aujourd’hui, Messieurs, mesurer seulement en quelques mots 
la grandeur de la perte que fait la Société de biologie; j'aurai le pieux 
devoir d’exposer plus tard les travaux et la vie de mon regretté et cher ami 
Arthur Henninger. 


SUR L'EXPRESSION GRAPHIQUE DE LA FERMENTATION. — DEUXIÈME 
ET TROISIÈME TEMPS, par M. P. REGNARD (1). 


Dans deux Notes précédentes, nous avons fait connaître la forme 
qu'affectait la marche d’une fermentation normale. Nous avons vu qu'après 
une première périodé appelée le temps perdu, pendant laquelle la levure 
était d’abord inactive, puis attaquait progressivement la liqueur sucrée, 


(1) Communication faite à la Société de biologie dans sa séance du 8 no- AI 
vembre 1884. FR\UTE 


612 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


il en survenait une seconde, pendant laquelle le dégagement d'acide carbo- 
nique était constant, malgré l’affaiblissement de la quantité de sucre con- 


su 
Ÿ 
A. 


al 
al | 


Fermentalion normale. -- Aux poins + et ++ on a fait des pesées et constaté qu'il n'y avait 
plus de soufre 


tenue dans la liqueur, et enfin une troisième période pendant laquelle la 
fermentation ne se fait plus que suivant un mouvement régulièrement 


SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 613 


retardé. La deuxième période est représentée sur la courbe par une droite, 
la troisième par une courbe parabolique. 

En réalité, c’est, nous allons le voir, le deuxième temps seul qui repré- 
sente la fermentation, les cellules de levure font l’attaque proportionnelle- 
ment à leur propre poids et non en proportion de la quotité de sucre qui 
va naturellement sans cesse en décroissant dans la liqueur en fermentation. 
C’est donc là quelque chose qui ne ressemble pas à une réaction chimique 
ordinaire. Dans celles-ci, la réaction va en diminuant à mesure que les 
substances réagissantes se combinent; le résultat final est une couche para- 
bolique. Ici rien de pareil, les cellules travaillent comme des ouvriers 
faisant sans cesse le même ouvrage dans le même temps, que cet ouvrage 
soit à peine commencé ou près de finir. Le résultat graphique est une 
droite. 

Mais que se passe-t-il dans la troisième période au moment où commence 
la courbe parabolique, preuve du mouvement uniformément retardé? Une 
expérience simple va nous l’apprendre. Faisons une prise dans la liqueur 
fermentante au moment où se produit la courbe parabolique (+ et ++ sur 
la figure), nous constatons, par l’analyse, qu’il n’y a plus trace de sucre 
dans la liqueur, et pourtant le dégagement d’acide carbonique continue. 
Il n’y a certainement plus fermentation, puisqu'il n’y a plus de matière 
fermentante : le dégagement de CO? est alors un phénomène de respiration. 
La levure, même sans oxygène, continue à rendre de l’acide carbonique 
comme toute cellule, ou même tout être inférieur tenu dans un milieu 
asphyxique. Cette respiration (véritable autophagie de la levure) se fait aux 
dépens des réserves que vient d’accumuler la levure et diminue en même 
temps que ces réserves mêmes. De là le mouvement THE diminué 
et la forme de la courbe obtenue. 

En résumé : 1° temps: inaction (temps perdu); 2° temps : fermentation 
proprement dite, travail nutritif de la cellule, mouvement uniforme, ligne 
droite ; 3° temps : respiration de la cellule, usure des matériaux de réserve, 
mouvement uniformément retardé, parabole; tels sont les trois expressions 
graphiques d’une fermentation alcoolique normale. 


LE MICROBE DE LA FIÈVRE JAUNE. Communication de M. REBOURGEON (1) 


«En 1880, le docteur Domingos Freire, professeur de biologie à la Faculté 
de médecine de Rio-de-Janeiro, dans un Mémoire paru sur ses travaux 
scientifiques, publiait déjà le résultat de ses premières découvertes sur le 
microbe de la fièvre jaune et sur l’emploi du salicylate de soude, comme 
moyen curatif. 

» Depuis ce moment, M. Freire n’a cessé d'étudier la question, mais alors, 


(1) Note communiquée dans la séance du 8 novembre 1881. 


614 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


en l’envisageant sous son véritable point de vue, c’est-à-dire celui. de la 
nature microbienne de cette fièvre, de la culture possible de son microbe 
et de ses transformations physiologiques et chimiques et enfin de son atté- 
nuation. Aujourd’hui, après une expérimentation rigoureuse, à l’abri de 
tout reproche, M. Freire donne les preuves de la contagion et démontre 
chez les malades de la fièvre jaune l'existence d’une ptomaïne dont ilindique 
les caractères. La culture du micro-organisme et la reproduction artificielle 
de la matière noirâtre des vomissements, la nature infecto-contagieuse de 
la maladie et enfin l’inoculation préventive à l’aide d’un liquide de FRE 
atténué ont été l’objet de ses recherches. 

_ » Quand on examine le sang d’un sujet récemment mort de la Fr 
jaune, ou mieux encore le sang d’un animal inoculé et sur le point de 
mourir du même mal, on remarque sous le champ du microscope: 1° une 
quantité cmt le de microcoques extrêmement petits, d'apparence 
hyaline; 2 des corps d'apparence cellulaire n’atteignant que le quart du 
volume d’un globule du sang ; 3° ces mêmes corps cellulaires, plus gros et 
plus opaques ; 4° de grosses cellules affectant la forme d’une cellule épithé- 
liale, d'aspect noirâtre, montrant leur tunique d’enveloppe déchirée, et 
laissant échapper une quantité des microcoques signalés plus haut. | 

» D’un autre côté, si, dans un bouillon de culture approprié, en s ’entou- 
rant des précautions sonne, on cherche à cultiver le microcoque trouvé 
dans le sang, à la température de 38 ou 39 degrés, on le voit successivement 
se transformer en quelques heures et passer par tous les états que nous 
venons d'indiquer. Si on laisse le liquide en repos, la partie inférieure est 
entièrement noirâtre, et l'observation microscopique démontre que ce 
dépôt n’est formé que des enveloppes cellulaires du micro-organisme arrivé 
à sa dernière période d’action. L'analyse chimique démontre, en outre, que 
cette enveloppe cellulaire s’est transformée en ptomaïne. Il est donc facile 
de déduire de cette série d'observations que la fièvre jaune est déterminée 
par la présence dans le sang d’un eryptocoque, qui suit rapidement toute 
sa phase d'évolution et que la matière noirâtre du vomissement ou des 
déjections des malades n’est formée que par les débris de ce même crypto- 
coque, devenu toxique par leur transformation en ptomaïne, et non par des 
globules du sang, déposés sous forme hémorrhagique, comme on l’a cru 
pendant longtemps. 

» Encouragé par ces découvertes successives, et procédant toujours avec 
la rigueur expérimentale nécessaire, M. Freire est arrivé à atténuer le virus 
de la fièvre dans son liquide de culture et à le transformer en un virus 
bénin ou vaccinal. Au mois de novembre dernier, l'Empereur du Brésil, cet 
illustre Mécène de la science, assisté du ministre de l'Empire et des princi- 
paux membres de la Faculté de médecine, a voulu consacrer l’œuvre de 
M. Freire, et l’autorisation a été donnée de commencer les vaccinations dans 
l'espèce humaine. L'exemple donné par nous n’a pas tardé à produire des 
résultats, et en quatre mois le chiffre des vaccinés a dépassé 400. 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 615 


» Les phénomènes observés à la suite de la vaccination ne sont autres 
que ceux que l’on remarque dans la fièvre jaune très bénigne : douleurs 
intra-orbitaires et sous-orbiculaires, céphalalgie peu intense, perte d’appétit, 
élévation de la température, lassitude dans les membres. Mais tous ces 
symptômes cessent au bout de deux ou trois jours au plus, et le sujet 
recouvre la santé. Si l’on examine le sang des vaccinés, quelques heures 
après l’inoculation, on retrouve le microcoque de la fièvre jaune, mais il ne 
transforme plus sa tunique d’enveloppe en ptomaïne, il n’est par conséquent 
plus toxique, se résorbe peu à peu et finit par disparaître, 

» L’expérimentation n’a pu encore démontrer combien de temps peut 
durer l’immunité conférée par cette inoculation préventive; mais cette 
immunité, au début, est absolument certaine, positive, et les exemples les 
plus frappants nous l’ont démontrée. Parmi nos inoculés, un grand nombre 
ont pu vivre dans des milieux absolument contaminés, voyant tous les jours, 
autour d’eux, la fièvre jaune éclaircir leurs rangs, sans ressentir la moindre 
atteinte du mal. Nous avons vu également, dans le cours de nos expériences, 
alors que, sous l'influence des hautes températures de ces régions, les labo- 
ratoires étaient littéralement envahis par le microbe, les animaux nouvel- 
lement achetés comme sujets d'expérience mourir spontanément et en 
quelques heures de la fièvre jaune, tandis que des centaines d’autres, 
inoculés préventivement, ont parfaitement résisté, donnant tous les signes 
d’une parfaite santé. 

» Je termine en demandant d'établir pour M. Freire la question de 
priorité et en promettant de donner très prochainement de nouveaux détails, 
appuyés toujours, du reste, sur l’expérimentation. » 


ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA CONSERVATION DU CHLOROFORME, 
par M. Jules REGNAuULD. 


Résumé et conclusions. — 1° Les expériences ont porté simultanément 
sur deux types de chloroforme pur et rigoureusement privé de chloral : l’un 
obtenu par le procédé classique de Soubeiran, l’autre provenant de la 
réaction d’une solution de soude sur l’hydrate de chloral. 

Dans les deux cas, les dernières traces d’alcool et d’eau ont été éliminées 
à l’aide de rectifications sur le sodium métallique. 

Les produits ultimes distillés dans l’obseurité n’ont pas reçu un seul 
instant l’impression de la lumière avant d’être mis en présence. 

2° Ce chloroforme, exposé à la lumière du soleil, tantôt directe, tantôt 
diffuse, a donné les premiers indices de décomposition (C1,C°0°CE,CIH), 
après deux jours, pendant les températures élevées et sous l'influence des 
radiations intenses du mois de juillet, après cinq jours, en décembre. 


616 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


3° Le même chloroforme s’est conservé pur au contact de l'air pendant 
plus de quinze mots, à la condition d’être ser ‘upuleusement soustrait à la 
radiation solaire. 

4 Le même chloroforme exposé alternativement à la lumière solaire 
directe ou diffuse s’est conservé pendant plus de quinze mois, à la condi- 
tion de rester en contact avec une atmosphère d'azote complètement privé 
d'oxygène. 

9° Le chloral ne joue donc aucun rôle dans la destruction de la molécule 
du chloroforme : l'oxygène de l'air est suffisant pour la déterminer lorsque 
le mélange des vapeurs et du gaz est soumis à l’insolation. 

6° Nous avons vu avec M. E. Roux que l’insolation peut être remplacée 
dans cette réaction par l’effluve. 

1° Ces expériences précisent et complètent, par leur durée et leur rigueur 
minutieuse, les résultats obtenus en Amérique et en Allemagne, touchant 
l'influence de l'air et de la lumière sur l’altération du chloroforme. 

8° L'action préservatrice de l’alcool éthylique C#HSO® sur le chloroforme 
CHOC énoncée par M. Rump (1868) est confirmée par une série d'essais 
comprenant des mélanges à 1/100°, 1/500°, 1/1000°. Ceux-ci n’ont éprouvé 
aucune altération, bien qu’ils aient été soumis à l’influence simultanée de 
l’air et de la lumière depuis le 21 juillet 1883 jusqu’au 15 novembre 1884. 

9 Les expériences subséquentés démontrent que cette action protectrice 
n'est pas l’apanage exclusif de l’alcool éthylique. 

10° Le pouvoir préservateur des homologues C?*H?**?0? inférieur et supé- 
rieur (alcool méthylique C°H‘0°, alcool amylique CH:20?) n’est pas égal 
à celui de C*Hf0?. Il peut approximativement être évalué à un dizième. 

11° Dans le groupe des alcools monoatomiques (C?*H?*0°) appartenant à 
la série acétylique, nous avons pu expérimenter, grâce à l’obligeance de 
notre savant el regretté collègue Henninger, l'alcool allylique CSHSO? à 
l’état de pureté. Malgré la différence des constitutions, l’action préserva- 
trice de cet alcool s’est montrée égale à celle de CHSO® à la dose de 1/1000°. 
Il est bien entendu que le produit est trop rare pour qu'il s'agisse ici de 
pratique. 

12° Parmi les dérivés alcooliques dont l'intervention peut être parfaite 
ment utilisée, je citerai l’éther ordinaire C$H!°0?, qui, à la dose de 1/1000°, 
a suspendu l’action de l'oxygène et de la lumière pendant une période de 
plusieurs mois (du 4 avril 1884 au 15 novembre 1884). 

13° Deux carbures de la série benzénique (C?*H?-"5), la benzine CHF et 
le toluène CHF, ont fourni des résultats singuliers. Tandis que le carbure 
CH associé au chloroforme dans le rapport de 1/1000° ne possède aucune 
influence préservatrice, l’homologue supérieur le plus voisin C'#H$ a protégé 
le chloroforme contre toute action de l’oxygène et des radiations solaires 
depuis Île 21 juillet 1883 jusqu’au 15 novembre 1884. Le premier (benzine) 
est done inerte, le second (foluène) exerce une influence dont l'intensité est 
au moins égale et peut-être supérieure à celle de l’alcool éthylique. 


SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 617 


Les recherches que j'ai entreprises avec M. Villejean sur les propriétés 
physiques des dérivés chlorés du formène C°H nous ont fourni des résullats 
curieux, qui, nous l’espérons, établiront un lien théorique entre les phéno- 
mènes que je viens d'exposer et expliqueront d’apparentes anomalies. 


TUBERCULOSE ET DIPHTHÉRIE DES GALLINACÉS, par MM. V. Cornit. 
et P. MÉGnin. 

TUBERCULOSE DES GALLINACÉS. — La tuberculose est très commune chez 
les Gallinacés, la poule, la dinde, le faisan, la perdrix, etc., et chez le 
pigeon. Elle à pour siège d’élection le foie, la rate et le péritoine. Elle a 
été décrite, au point de vue histologique et bacillaire, par Ribbert(Deutsche 
Med. Woch., 1883, n° 413), par Koch (Gesammt. Abhandl., 1884), Babes 
(Journal des connaissances médicales, 1884). 

En France on a généralement rapporté à la diphthérie les lésions du foie 
et des organes internes, les nodules que nous avons étudiés dans ces der- 
niers temps et qui sont manifestement de nature tuberculeuse. Ces nodules 
coexistent souvent en effet avec de la diphthérie des premières voies et 
même des sacs aériens. Aussi regardait-on les lésions du foie, par exemple, 
comme appartenant à la diphthérie et survenant dans une période chro- 
nique de cetle dernière affection. 

Nous avons examiné des tubercules du foie, de la rate et du péritoine, 
les uns récents, les autres chroniques, chez six animaux : un pigeon, deux 
poules, une dinde et deux faisans. 

Les lésions observées étaient partout les mêmes, sauf les différences pro- 
venant de léur ancienneté, et toutes étaient constamment très remarquables 
par la quantité considérables de bacilles de la tuberculose. 


Tubercules récents. — Nous les avons étudiés dans le foie d’un faisan 
et d’une poule. Les îlots malades tranchaient à la surface du foie et dans 
son parenchyme par une teinte demi-transparente, grisâtre, jaunâtre, homo- 
sène ou parsemée de grains très fins et ayant une certaine opacité. Ces îlots 
sont tantôt arrondis et peu visibles à l’œil nu, ou du diamètre d’un grain de 
chènevis ou davantage, tantôt disposés en couches épaisses plus où moins 
régulières à la surface du foie sous la capsule de Glisson. Lorsqu'ils sont 
nombreux, le volume du foie est énorme. A un grossissement de 20 dia- 
mètres environ on voit sur les coupes de l’organe des masses relativement 
transparentes, lobulées, parsemées de petits points opaques. En outre de ces 
. grandes masses 1l existe de petits points semi-transparents qui entourent 
comme de petites zones les vaisseaux interlobulaires du foie. Avec un plus 
fort grossissement (200 diamètres) on voit que le tissu nouveau est formé 


618 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par des fibrilles qui se colorent mal par les réactifs colorants, et qui res- 
semblent à une sorte de fibrine feutrée, réticulée ; les fibrilles sont séparées 
par des cellules rondes dont les noyaux ne se colorent pas nettement ou même 
nese colorent pas du tout. Au milieu de ce tissu on constate des vacuoles etdes 
travées canaliculées qui appartiennent à des vaisseaux dont les parois sont re- 
connaissables bien qu’altérées et transformées, leurs cellules propres ayant 
subi la même décoloration que le tissu voisin ; dans leur intérieur on voit 
des cellules rondes ou épithélioïdes plus ou moins volumineuses ; il n° di a 
pas vestige de cellules hépatiques. 

Les préparations colorées avec le violet de Bâle simple ou en solution 
d'Ehrlich, puistraîñées pendant quelques minutes avec la solution d’iodure de 
potassium iodé, ou par le bichlorure de mercure, puis décolorées par l'alcool 
et l'essence et montées dans le baume, nous ont montré une quantité consi- 
dérable de bacilles allongés, minces, que nous avons rapportés dans les pre- 
miers examens aux bacilles de la diphthérie; mais les mêmes préparations, 
colorées de la même manière, puis décolorées avec l’acide nitrique au tiers, 
nous ont montré les mêmes ee d’où nous avons conclu qu'il s Mi 
de la tuberculose et non de la diphthérie. 

La disposition et le siège de ces bacilles dans les cellules était dalleur 
tout à fait en rapport avec les lésions de la tuberculose. En effet, su 
les coupes obtenues après la coloration au violet d'Ehrlich décolorées e 
l'acide nitrique, puis colorées par le picro-carmin pour avoir une double 
coloration, traitées ensuite par l’alcool et l’essence de girofle, montées dans 
le baume, nous avons vu que les bacilles étaient le plus souvent situés 
dans des cellules rondes ou ovoïdes ou sphéroïdales. Ces cellules en conte- 


naient un plus ou moins grand nombre. Elles constituaient ordinairement 


de petits amas de trois ou quatre cellules, soit situées très manifestement 
dans un vaisseau, soit dans le tissu réticulé. Ces cellules, du volume de 40 
à 12 ou 15 y, ne possédaient généralement qu'un seul noyau, ais il yen 
avait quelquefois deux. Dans les tubercules récents d’une de nos poules il 


n’y avait que deux, trois ou quatre bacilles par cellule. Ces bacilles sont 


presque tous grenus ; ils présentaient de petits grains colorés, quelquefois 
plus gros que les bâtonnets mêmes ; on voit aussi parfois un grain isolé ou 
deux grains isolés comme des diplococci. Ces grains sont colorés absolu- 
ment de la même façon que les bacilles et assurément de la même nature. 
Il ya GES cellules plus volumineuses qui renferment plusieurs noyaux 
et qu'on, peut assimiler aux cellules géantes de la tuberculose humaine. 
Elles en diffèrent cependant parce que les noyaux ne sont pas aussi réguliè- 
rement disposés que dans cette dernière. 

Le foie du faisan que nous avons examiné était farci partout de tuber- 
cules semi-transparents. Ces tubercules offraient la même structure, à 
cette différence près que toutes les cellules des îlots tuberculeux étaient 
remplies par une quantité considérable de bacilles : les cellules volumineuses 
se présentent comme couvertes et bordées de bacilles longs, disposés en 


SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. | 619 


touffes épaisses, leurs extrémités plus ou moins régulières, droites ou con- 
tournées, dépassant le bord de la cellule comme une couronne. 

Ces bacilles examinés à un plus fort grossissement présentent aussi des 
grains dans leur intérieur. 

Ces grosses cellules hérissées de touffes de bacilles ne possèdent généra- 
lement qu'un noyau. Elles ressemblent au premier abord aux cellules de la 
lèpre, mais elles contiennent plus de bacilles encore que lesicellules lé- 
preuses. Elles différent évidemment des cellules géantes de la tuberculose 
humaine, parce qu’elles ont plus de bacilles et qu’elles n’offrent d'habitude 
qu’un seu] noyau. Il y a aussi des bacilles libres dans le tissu voisin. 


Tuberculose chronique. — A l’œil nu les lésions de la tuberculose du 
foie, de la rate, du péritoine que nous avons observées montrent des grains 
calcaires jaunâtres plus ou moins grands. Nous avons fait des coupes de la 
tuberculose chronique de la poule, qui, colorées doublement par le violet 
d'Ehrlich et la safranine, présentaient des lésions tellement nettes et pro- 
noncées, qu'il était ae de reconnaître la couleur des bacilles à l’œil nu 
ou à un grossissement de 10 à 20 diamètres. 

Sur ces coupes à un faible grossissement, les bacilles étant très bien CO- 
Jorés en violet, on voit des taches arrondies soit à la partie centrale d’un 
tubercule calcaire, soit à la fois au centre et dans des zones corticales ou 
des stries violettes. Les bacilles ainsi colorés paraissent situés dans des 
fentes du tissu ou dans l’intérieur des vaisseaux. Autour des stries et des 
cavités, on observe une zone colorée en brun foncé par la surcharge du violet 
et de la safranine. C’est la portion calcaire de la masse tuberculeuse qui 
forme toujours une seconde zone autour des bactéries. A la périphérie de 
cette zone calcifiée, on a un tissu inflammatoire, comme au pourtour de 
toute tumeur. D’autres fois, à la partie centrale de la masse tuberculeuse, 
ayant le volume d’un grain de chènevis ou davantage, on trouve un tissu 
mortifié qui ne se colore plus et qui tient à peine au tissu qui l’entoure. Ce 
dernier montre des taches violettes ou des stries dues à la présence des 
bacilles, puis à la périphérie le tissu calcifié et en dehors enfin le tissu 
enflammé. 

Les grosses masses tuberculeuses sont entourées par de plus petits tuber- 
cules, tantôt plus récents, tantôt entourés eux-mêmes d’une zone calcifiée, 
Ces petits tubercules sont très réguliers; leur centre constitue une zone 
violette qui nous a souvent semblé située dans un vaisseau dont les parois 
étaient modifiées; la zone périphérique est simplement enflammée ou 
calcifiée, 

Avec de plus forts grossissements, nous avons vu les bacilles de la tuber- 
culose qui sont accumulés au milieu des tubercules calcaires comme dans 
une culture, en amas irréguliers, en contact les uns des autres en si grand 
nombre que, des fentes ou scissures du tissu dans lesquelles on les trouve, 
ils sortent et deviennent libres au bord de la coupe, où ils sont entraînés 


620 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par les manipulations nécessaires à la coloration et au montage des prépa- 
rations. Ils sont là, aux bords de la préparation, isolés ou accolés en touffes, 
sans qu’on voie de cellules à côté d’eux. De même dans les fentes du tissu, 
sur les coupes, ils sont accumulés suivant des figures irrégulières, tantôt se 
rapprochant de la forme ovoïde ou circulaire, tantôt en bandes, rarement en 
forme d'S comme cela a lieu dans les cultures où ils se développent en 
liberté sur le sérum gélatinisé de Koch, par exemple. Ces bacilles ne sont 
pas compris dans des cellules. Il est probable qu’ils se sont primitivement 
développés dans des cellules, mais que les cellules ont été détruites et ne 
sont plus visibles. Ils sont agglomérés en nombre tellement considérable, 
qu'ils sont difficiles à voir isolés au milieu des masses colorées qu'ils 
forment. Ils sont tous bien colorés par le violet d'Ehrlich. | 
Le tissu calcifié qui se trouve autour des fentes contenant les bacilles est 
très fortement coloré par le violet seul, et la couleur devient brun violet 
foncé quand on a teinté le pinceau avec la safranine. Ce tissu est aréolaire, 
formé de faisceaux ou fibres transparentes hyalines très fortement colorées 
par le violet et la safranine, ayant une apparence réticulée. Dans les espaces 
que laissent entre eux ces faisceaux on trouve souvent des boules hyalines colo- 
rées de la même façon. Sur les préparations minces ces boules hyalins sortent 
parfois de leur loge et se trouvent au bord de la préparation. Elles sont de 
_volume variable pouvant atteindre à 8 ou 10 4 et régulièrement sphériques. 
Il n’y a pas un seul noyau ni une cellule ayant conservé sa vitalité et sus- 
ceptible de se colorer dans toute cette zone calcifiée. 
DIPHTHÉRIE DES OISEAUX. — Comme nous ne savions pas au début ce qui 
appartenait à la tuberculose et à la diphthérie, nous avons étudié à la fois 
ces deux maladies chez les oiseaux. 


La diphthérie des oiseaux la plus caractéristique est celle qui siège sur la 


langue, les fosses nasales et le larynx. Telle est la diphthérie des poules et 
nas qui est vulgairement désignée sous le nom de pépie. Elle se 
caractérise par de fausses membranes qui couvrent le larynx ou ses bords, 
la muqueuse buccale, nasale, laryngienne et qui remplissent les sacs aériens, 
en particulier les sacs aériens du ventre. Mais de plus la diphthérie des 
oiseaux envahit parfois le tissu conjonctif de l'orbite; elle se localise à la 
peau sous la forme de tumeurs plus ou moins profondes ; elle s'étend aussi 
parfois sur la muqueuse de l’intestin, ainsi que cela se voit chez le faisan et 
la perdrix. 

Nous avons étudié les diverses localisations. Nous avons vu dans les 
fausses membranes diphthéritiques des micrococci et des bacilles; on sait 
.que Klebs a décrit des bacilles dans la diphthérie en outre des mierococci 
autrement connus et Lüfler a cultivé en cultures isolées les bactéries et les 
microcoques. Ce dernier a analysé les lésions diphthéritiques de diverses 
espèces animales, des ‘pigeons, des poules, du veau. Il a montré que les 
bacilles, différents du reste chez les gallinacés et chez le veau, ont seuls la 
propriété de reproduire la maladie et ce sont, d’après Lüfler, les baeilles qui 


Ji 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 621 


sont les plus importants à considérer dans la diphthérie (1). L'un de nous a 
fait des examens de diphthérie de la peau de la vulve venue à la suite de la 
diphthérie pharyngienne de l’homme et reconnu que les bacilles y sont tout 
à fait prédominants (2). Les bacilles que nous y avons vus sont tout à fait 
semblables au cas de Lôüfler. 

Nous avons retrouvé des bactéries analogues dans tous les faits de 
diphthérie des oiseaux que noùs avons examinés, que leur siège fût sur les 
membranes muqueuses ou sur la peau. 

M. Geoffroy Saint-Hilaire a mis à notre disposition des poules du Jardin 
d’acclimatation, et nous en avons reçu aussi de plusieurs éleveurs. Les ba- 
cilles siègent surtout à la surface et dans l’intérieur des fausses membranes 
sous forme d’amas de bactéries en ilots zoogléiques ou isolés. Le Lissu con- 
jonctif enflammé de la peau malade était le plus ordinairement mortifié ; les 
cellules et les noyaux avaient perdu la faculté de se colorer. 

Nous avons examiné un fait de diphthérie de la muqueuse intestinale du 
faisan. La fausse membrane assez épaisse, formée de couches de fibrine, 
adhérait par places à la muqueuse intestinale. Celle-ci était mortifiée dans 
sa presque totalité ; mais on pouvait cependant y reconnaître la figure des 
glandes en tube et des villosités intestinales. Le tissu conjonctif profond de 
la muqueuse était infiltré de sang. La musculeuse était normale. Les bacilles 
de la diphthérie mêlés à quelques microcoques existaient à la surface des 
fausses membranes, à la surface des villosités et dans le conduit des glandes 
en tube. Ces conduits présentent un canal limité par des cellules épithé- 
liales nécrosées. Dans leur intérieur on voit des bacilles disposés en séries 
linéaires dirigées dans le sens longitudinal. C’est le seul endroit de la mu- 
queuse elle-même où on les trouve, car il n’y en a pas dans le tissu con- 
jonctif autour des glandes ni dans le tissu plus profondément situé. 

Dans les nodules diphthéritiques de la peau, on trouve, sur les coupes, 
dans le tissu conjonctif de la peau une infiltration pâr des cellules et de la 
fibrine. De grandes masses de ce tissu inflammatoire sont nécrosées et lais- 
sent entre elles des fentes. Les bâtonnets existent surtout dans ces fentes et 
dans les parties nécrosées voisines des fentes précédentes. Ils sont là assez 
nombreux et ils constituent de petits amas où ils sont enchevêtrés. 


(1) Voy. l'analyse du travail de Lôfler dans le Journal des connaissances me- 
dicales, 1884. 
(2) Cornil et Ranvier, Manuel d'hist. path., t. I. 


622 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


DÉGÉNÉRESCENCE FIBRO-PLASTIQUE DU LOBE MOYEN DU FOIE D'UN CHEVAL 
SOUS L'INFLUENCE D'UNE ÉMIGRATION DE Q Sclerostoma armatum Rud. », 
par M. P: MÉGnin. 


La pièce que je présente est une portion du lobe moyen d’un cheval qui 
est tranformé en une véritable tumeur fibro-plastique dans laquelle le tissu 
propre du foie a complètement disparu ; elle est parcourue dans sa longueur 
par la veine porte ; son tissu, très dense et très serré dans certains points, est 
plus mou et comme colloïde dans: d’autres ; il est parsemé dans toute son 
étendue par de petits.kystes sanguins contenant tous chacun un helminthe 
replié sur lui-même; des vaisseaux qui parcourent cette tumeur on retire 
aussi des helminthes semblables à différents degrés de développement ; 
quelques-uns des plus grands kystes ne contiennent plus qu'un putri- 
lage couleur chocolat où l’helminthe qui l’habitait est sans doute mort et 
décomposé ; les plus petits de ces kystes ne contiennent pas de sang, mais un 
embryon de la même espèce d’helminthe enroulé sur lui-même. En exami- 
nant ces helminthes, qui sont presque tous colorés en rouge. sanguin, on 
reconnait facilement, au microscope, qu'ils appartiennent à une espèce de 
strongylien à bouche munie d’une cupule coriace dont le bord est frangé de 
pointes fines, c’est-à-dire au Sclerostoma armatum de Rudolphi. Dans les 
plus grands on distingue des mâles et des femelles, les premiers ayant 
2 à 3 centimètres de long et les secondes de 3 à 4, mais dans aucune de 
celles-ci nous n'avons trouvé d’œufs complètement développés, mais des 
ovules non fécondés, ce qui s'explique par l’état d'isolement dans lequel se 
trouvaient les individus adultes des deux sexes : leur taille indique qu'ils 


appartiennent à la grande variété de l'espèce Sclerostoma armatum qui vit = 


d'habitude sur la muqueuse du gros côlon et du cæcum et nullement, à celle 
qui vit dans des anévrysmes de l’artère mésentérique. C’est la première fois 
qu'on voit cet helminthe vivre et se développer dans le tissu du foie et 
causer la transformation du tissu de cet organe ; il y avait déjà été vu dans 
le pancréas et même dans la tunique du testicule. 


DEUX FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES FACULTÉS INTELLECTUELLES 
DES ANIMAUX. Note de M. EuiLe THIERRY, présentée par M. Méanin. 


Depuis quelque temps, la Revue scientifique enregistre des faits quiten- 
dent à prouver que l'intelligence est beaucoup plus développée chez les 
animaux qu'on n était disposé à le croire. Mon illustre maître, M. H. Bouley, 
a, lui aussi, publié quelques observations d'animaux qui lui avaient té- 


- SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 6923 


moigné de la reconnaissance des bons soins qu’il leur avait donnés. Il 
n’en a pas été de même pour moi. 

En juin 1862, je suis appelé à donner mes soins à un mulet âgé de 
dix ans, ayant, à la suite d’un coup de corne, un abcès énorme en arrière 
de l’épaule gauche — région scapulaire ; — je ponctionne et débride cet 
abcès sans que l'animal, muni d’un tord-nez, ait manifesté de la douleur 
par une réaction sensible. Le propriétaire fait les pansements jusqu'à 
guérison, et il n’a jamais eu besoin d'employer le tord-nez. 

Le 26 mars 1864, je suis appelé pour le même animal, qui, mis en 
contact avec une jeune jument, contracta une angine gourmeuse. Il me fut 
impossible de l’approcher. Il éloignait même son propriétaire, à coups de 
pied, tant que j'étais dans l'écurie. : 

En 1869, au mois d'octobre, l’animal avait alors dix-sept ans, il est 
atteint d’une nerf-férure du membre antérieur droit. Il m'est présenté 
chez moi, attelé en limon. Je n’ai pu l’approcher. Néanmoins je donnai 
rendez-vous pour aller lui faire une application de feu sur le tendon ma- 
lade. Je chargeai un futur confrère qui m'accompagnait, M. Bavois, au- 
jourd'hui vétérinaire aux Riceys, d'aller examiner l'animal à l'écurie. 
Celui-ci se laissa toucher. Je fis alors mettre le mulet dehors. Aussitôt qu'il 

_m’aperçut, il témoigna l'horreur que je lui inspirais par une intention ma- 

nifeste de rentrer à l’écurie et cherchait même à mordre le domestique 
qui le tenait. Cet homme, ancien soldat du train des équipages, eut l’idée 
de le garnir de ses harnais et de le mettre dans les brancards d’une 
lourde charrette, mais à l’envers, c’est-à-dire que l’animal fut attelé la tête 
placée à l’endroit où se trouve d'ordinaire la queue. Je pus alors explorer 
la région malade. Le domestique me donna alors le conseil de faire mon 
opération dans ces conditions. Je m’y décidai, non sans de sérieuses appré- 
hensions. Le tord-nez fut même inutile, et je pus mettre un feu en pointes 
pénétrantes avec la plus absolue sécurité. Je n’eus plus occasion d’appro- 
cher cet animal, qui mourut l’année suivante d’un second coup de corne 
de vache dans l’abdomen. 

Evidemment ce mulet a raisonné. — Evidemment pendant près de dix 
ans il s’est souvenu que je lui avais fait mal au mois de juin 1862. Et je 
suis porté à croire qu'il se serait vengé s’il avait pu me rencontrer à la 
portée de ses atteintes. J'avoue d’ailleurs ne. pas m'expliquer l’action 
morale produite par le mode d’attelage à l’envers. 

Au mois de mars 1867, un de mes amis, M. Berty jeune, boucher à 
Ervy (Aube), parait des côtelettes de mouton pour un de ses clients qui 
les attendait. Son chien d’arrêt, du nom de Negro, ramassait à côté de 
lui les bribes qui tombaient. M. Berty se servait, pour son opération, d’un 
instrument tranchant appelé feuille, qui, lui échappant de la main, alla 
couper le néz de son chien à environ 1 centimètre et demi du bout, qui; 
détaché presque entièrement, n’était plus retenu que par le bord très mince 
de la lèvre supérieure, En un mot le bout du nez pendait, Le sang coulait 


‘ 


024 SOCIËÈTÉ DE BIOLOGIE. 


abondamment. Appelé aussitôt — j'étais presque son voisin — je pus 
constater l’état que je viens de décrire. Je fis immédiatement une suture à 
surjet. L'hémorrhagie s'arrêta. La cicatrice se fit par première intention ; 
au bout de quelques ‘ours l'animal était guéri. 

À partir de cet instant, il ne me fut plus possible d’entrer chez 
M. Berty, si le chien était à la maison. On était obligé de l’enfermer et 
de l’attacher. Et tant qu’il m’entendait, il manifestait sa... reconnaissance 
par des grognements significatifs. 

Quand je le rencontrais dans la rue, il s’éloignait en grognant. Et pen- 
dant cinq ans, jusqu’en 1872, année de sa mort, ce chien a prouvé qu'il 
se souvenait de la douleur que je lui avais fait endurer pour le guérir. 

Je crois que bien évidemment ce mulet et ce chien avaient beaucoup de 
mémoire; mais je crois aussi qu'ils ne s'étaient pas rendu compte que 
mon action chirurgicale n’était que bienveillante à leur égard. 

Il ya cependant, pour le chien, une particularité que J'ai omis de 
signaler. C’est que j'étais propriétaire d’une chienne qui, au moment du 
rul, accordait de ‘préférence ses faveurs à Negro. Or, pendant toute la 
durée de ces chaleurs, le chien venait chez moi, mais il prenait les voies 
détournées et se cachait dès qu’il me voyait ou qu’il m’entendait. Lorsque 
Je chassais avec son maitre, il était assez aimable. 


J'ai honneur de communiquer à la Société de biologie ces deux faits 


pour ce qu'ils valent. Peut-être serviront-ils, un jour, à l'étude des fouc- 
tions cérébrales chez les animaux. 


SUR LE RENFLEMENT ÉRECTILE TERMINAL DE L'ARTÈRE SPERMATIQUE DANS 
LE FŒTUS, par M. LauLanié. Note présentée par M. Mathias DuvaL. 


Quand on dissèque l'appareil d’un fœtus mâle de brebis ou de vache, on 
constate que l'artère spermatique (grande testiculaire), au lieu d'offrir les 
flexuosités si remarquables qu'on lui trouve chez l’adulte, se termine sim- 
plement par un renflement rougeàtre, qui est d'autant plus saillant que 
l'artère elle-même présente chez le fœtus une gracilité extrême. 

Quand je rencontrai ce fait pour la première fois, je erus d’abord à un 
accident, à une anomalie particulière. Mais je l’ai constamment retrouvé sur 
une douzaine de fœtus de brebis ou de vache. Il s’agissait donc d’une dis- 
position constante, et dont il importait de déterminer la nature par les pro- 
cédés de l’histologie. Pour cela, le testicule est enlevé avec l’artère testi- 
culaire, suspendu pendant une heure dans les vapeurs d’acide osmique 
au 100°, et immergé pendant vingt-quatre heures dans l’alcool absolu. Le 


SÉANCE DU 19 NOVEMBRE. 25 


durcissement par l'alcool, la gomme et l’alcool convient particulièrement 
aux organes des fœtus âgés; mais l'acide osmique est indispensable pour 
les organes de petites dimensions, sur lesquels il m'a semblé que l'alcool 
r’exerçait qu’une action incomplète et incertaine. 

Les coupes très minces pratiquées à partir de la tête de l’épididyme ne 
tardent pas à atteindre le renflement terminal de l'artère spermatique, 
dans lequel on découvre tous les caractères du tissu érectile vasculaire (1). 
La masse vasculaire circonscrite par des contours elliptiques est enveloppée 
d’une couche fibreuse embryonnaire, dont la face interne jette à l’intérieur 
de l’organe les éléments du stroma. Celui-ci soutient un réseau très riche 
de capillaires anastomosés et renflés par des dilatations irrégulières. Un ne 
peut méconnaitre leur nature, qui se dénonce par la présence d’un revête- 
ment épithélial indiscutable et surtout des globules sanguins qui, en 
certains points, remplissent les cavités des capillaires ectasiés. Sur cer- 
taines coupes particulièrement heureuses, on peut surprendre l'artère 
spermatique elle-même et constater qu’elle développe à l’intérieur de la 
masse érectile ses flexuosités habituelles, quoique fort peu nombreuses. 
Les coupes qui montrent ces divers détails intéressent en même temps la 
tête de l’épididyme et même l’épididyme tout entier ; on peut alors constater, 
sur la partie moyenne de cet organe et dans le globus minor, des ilots érec- 
tiles isolés les uns des autres, quoique probablement placés sous la dépen- 
dance du même vaisseau, à moins que l'artère petite testiculaire ne parti- 
cipe aussi à leur formation, ce qu’il m’a été impossible de voir. 

Quel est le degré de généralité de cette disposition? Quel est son rôle ? 
Quelle est la durée de sa persistance chez les jeunes animaux? Ge sont 
autant de questions qui demandent une étude particulière, dont je ferai 
connaitre plus tard les résultats. 

Pour le moment, je me borne à affirmer que le renflement érectile ter- 
minal de l'artère grande testiculaire est constant dans les fœtus de brebis 
et de vache, qu’il apparait d’assez bonne heure sur les fœtus de 0,08 à 
0,10 sous la forme d’une ébauche que le microscope seul peut rendre sai- 
sissable, et qu’il atteint tout son développement sur les fœtus à terme. 

Quant au rôle du renflement érectile, on ne peut faire à cet égard que 
des hypothèses. II se pourrait qu’il fût destiné à suppléer provisoirement 
les flexuosités encore insuffisantes de l’artère spermatique et à ménager 
dans la circulation du testicule des résistances qui amoindrissent la pres- 
sion sanguine et qui paraissent indispensables à la nutrition de lorgane, 
Je ne sache pas qu’on ait essayé d'interpréter à ce point de vue les flexuo- 


(1) On sait que dans son étude magistrale sur les tissus érectiles, M. Ercolani 
distingue trois formes de tissus érectiles : 1° le tissu érectile vasculaire ; 20 les 
organes érecteurs musculaires; 3° le tissu érectile musculo-vasculaire (Des 
tissus et des organes érectiles, par le professeur Ercolani, résumé par le docteur 
Luciani in Journal de l'anatomie et de la physiologie, 1869). 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 37. 38 


626 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sités de l'artère spermatique. Mais n’y aurait-il pas dans cette disposition 
un artifice comparable à celui qui domine la circulation des centres nerveux, 
et qui, par la diffusion du sang dans les réseaux de la pie-mère, amoindrit 
la violence dé son accès, qui devient ainsi tolérable pour le tissu si délicat 
de l’axe cérébro-spinal ? À 

Si ce rapprochement est légitime, on conçoit qu’en attendant que l'artère 
grande testiculaire ait pris une longueur suffisante pour décrire les nom- 
breuses flexuosités qu’on lui voit chez l'adulte, il se forme sur son trajet, 
et au moment de sa pénétration dans l'organe, un réseau érectile où s’é- 
puise la pression du sang. Il y a là une conjecture qui me paraît accep- 
table, mais qu'il importe de vérifier par une étude méthodique. ; 


SUR LA DISPOSITION DES PAPILLES FOLIÉES DANS LA LANGUE DES SINGES. 
Note de MM. R. BouLarT et A. PILLIET; présentée par M. R. Bzan- 
CHARD. 


Chez les singes, l'organe folié coïncide avec des papilles filiformes, fungi- 
formes et cratériformes. Il consiste en un nombre variable de petites 
lamelles séparées par des dépressions ellipsoïdes, en général profondes. 
Cette série de lamelles, située, comme on sait, à la partie latérale de la base 
de la langue, commence, chez les anthropoïdes, en avant d’un plan trans- 
versal, qui couperait la langue au niveau du trou borgne et se prolonge en 
avant jusqu’à la dernière papille cratériforme du V lingual. Chez l’orang. 
les lames sont dirigées obliquement de bas en haut et se rapprochent ainsi 
de la face supérieure de la langue. Elles occupent une longueur d'environ 
1 centimètre sur 1 à 1 1/2 millimètre de hauteur. Les crêtes de l’organe 
folié vont s’amoindrissant en avant et en arrière et finissent par se confondre 
avec de simples plis de la muqueuse. Quelques-unes s’anastomosent entre 
elles. Il y a, chez l’orang, douze de ces lames de chaque côté, elles 
coexistent avec un V lingual net, présentant sur chaque branche cinq 
papilles cratériformes, ce qui donnerait à penser qu’au point de vue physio- 
logique ces papilles et l'organe folié ne se suppléent pas. 

Chez le chimpanzé, même nombre de crêtes, elles dépassent seulement 
un peu le V lingual en arrière. Du trou borgne part une rangée 
médiane de quatre papilles .cratériformes, dirigée dans l’axe longitu- 
dinal de la langue, disposition rare. Chez les papions, les macaques, les 
semnopithèques, les sajous, les ouistitis, le V lingual est réduit en général 
à deux papilles cratériformes antérieures et une postérieure. L’organe folié 
est très développé, tel que nous l’avons décrit plus haut, et commence en 


du 2 rés. a 


SÉANCE DU 15 NOVEMBRE. 627 


avant du V lingual. Chez les guenons et les cynocéphales, il n’y a rien à 
dire de l’organe folié, que signaler son existence. 

Le nombre des papilles foliées varie d’une espèce à l’autre; il nous a 
même paru ne pas être constant dans la même espèce. Nous en comptons 
quatre sur le ouistiti, sept sur le sajou, dix à douze chez le macaque 
Maïman, onze chez le macaque Rhésus, etc. 

Comme structure, l’organe folié du singe rappelle entièrement ceux du 
lapin, de l’écureuil, de la taupe. Chaque crête est divisée en trois papilles 
secondaires. Elle est souvent bilobée par un léger sillon. Les bourgeons du 
goût présentent leurs cellules spéciales et les mêmes réactions; ils sont 
seulement beaucoup plus nombreux en général que chez le lapin, et 
descendent jusqu'au fond des cupules interpapillaires, où débouchent les 
nombreuses glandes de la base de la langue à ce niveau. Ceux qu’on trouve 
sur chaque bord du sillon des papilles cratériformes sont tout à fait sem- 
blables à ceux des papilles foliées. 


SOURLOTON. — [mprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


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629 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


NOTE SUR LA COLORATION DES TISSUS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL 
AU MOYEN DE LA SAFRANINE, par M. le professeur Albert ADAMKIEWICz. 


A la précédente séance, M. le président me fit l'honneur de me prier de 
vouloir bien faire part à la Société de la méthode nouvelle de coloration que 
j'ai appliquée à l’étude des tissus du système nerveux central et publiée dans 
les Comptes rendus de l'Académie des sciences de Vienne(t. LXXXIX, 1884). 
Je me fais un plaisir d'accéder à cette demande et de faire connaître cette 
méthode en quelques mots. 

La safranine est une des nombreuses couleurs dérivées de l’aniline. J'ai 
l'habitude de la conserver en solution aqueuse à 1 pour 60. Au moment de 
l’'employer pour la coloration des préparations histologiques, il importe de 
filtrer quelques gouttes de cette solution, puis de les laisser tomber dans un 
récipient contenant de l’eau distillée ; le mélange peut être employé dès qu'il 
a pris à peu près la teinte du vin de Bourgogne. On y place alors les coupes 
obtenues avec des tissus bien durcis (la coloration dépend du durcissement 
préalable). Ces coupes ont été d’abord lavées soigneusement à l’eau distillée ; 
on les laisse dans la solution de safranine de trois à six heures; quelquefois 
même un séjour de vingt-quatre heures est nécessaire. 

Quand la coloration est suffisante, on procède à la décoloration, qui 
est la partie la plus importante de la méthode, et à laquelle il faut accorder 
la plus grande attention. Elle se fait soit avec de l'alcool auquel on a ajouté. 
des traces d'acide nitrique, soit avec de l'alcool absolu. 

Dans le premier cas, la substance grise se décolore, ainsi que les septa qui 
rayonnent à travers la substance blanche et qui, comme je l’ai précédem- 
ment fait voir, renferment tous les vaisseaux de la substance blanche. Si le: 
durcissement du tissu s’est fait dans les sels de chrome, la substance 
blanche tout entière conserve une belle teinte de cuivre rouge. Si le tissu a 
été durei par l’alcool, cette même substance présente une teinte orangée ; 


on constate, en outre, que certaines parties qui avoisinent la substance 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [, N° 38. 49 


ue 


630 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


crise fixent plus fortement la matière colorante que la périphérie. Ces 
parties se rencontrent symétriquement disposées dans tous les cordons et 
ont la forme suivante : dans le cordon antérieur, c’est une circonférence 
située aux confins de la commissure et du fond du sillon antérieur de la 
moelle; dans le cordon postérieur, elles remplissent l’espace compris entre 
la commissure, le sillon postérieur etle sommet de la corne; dans le cordon 
latéral, elles occupent l’angle situé à l'union de la corne antérieure et de 
la corne postérieure. Quelquefois, les parties que nous venons de décrire 
sommairement présentent, dans les cordons antérieurs et postérieurs, l'aspect 
de cornes qui s'appliquent plus ou moins intimement contre la substance 
crise ; il est particulièrement intéressant de voir que quelquefois encore ces 
parties ne s’appliquent pas aussi intimement à la substance grise, mais en 
sont séparées par des lacunes très nettes qui, dans le cordon postérieur, 
ont parfois la forme d’un croissant. 

Quand la décoloration se fait au moyen de l'alcool pur et non acidulé, on 
voit, au bout d’un certain temps, se produire une double teinte. En outr 
de la coloration que nous avons signalée déjà, on constate que la substance 
crise, les septa de la substance blanche et le tissu conjonctif de la pie-mère, 
que la méthode précédente laissait incolores, prennent une coloration particu- 
lière. Si la pièce a été durcie dans lalcool, la teinte de ces parties est rouge ; 
si le durcissement s’est fait dans des chromates, elle est violette. 

Il importe de rechercher maintenant quels éléments se sont colorés. 

Voyons d’abord la substance blanche. Les méthodes usitées jusqu'à ce jour 
(carmin, hématoxyline) coloraient seulement les cylindres-axes; la safranine 
les laisse incolores, mais se fixe sur une substance qui est contenue dans la 
myéline, dont elle n’est qu'une partie, et qui se présente sous l’aspect d’un 
croissant ou d'un cercle. | 

La coloration rouge ou violette se rencontre dans les noyaux du tissu con- 
jonctif, dans ceux de la névroglie et dans les cellules nerveuses. Cette teinte 
commune à trois éléments histologiques différents montre entre ceux-ci une 
certaine parenté au point de vue chimique, constatation qui est d'autant plus 
intéressante que M. le professeur Ranvier a fait l’importante découverte de 
leur identité morphologique. 

Tandis que les parties que nous avons signalées dans la myéline peuvent 
facilement être décolorées, même quand on traite sans précautions suffi- 

santes les préparations, on voit les parties qui se teignent en rouge ou en 
violet présenter une résistance considérable : on peut aïnsi obtenir des pré- 
parations qui n’ont plus que cette dernière teinte et qui offrent la plus 
grande ressemblance avec des préparations au carmin, à cela près que les 
cylindres-axes restent incolores. 


En terminant, je ferai remarquer que les fibres du réseau de Gerlach, 
considérées comme dépourvues de myéline, présentent la substance qui se 
colore en orangé. J'ai appliqué la méthode ci-dessus à l’étude de moelles 


ART 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 031 


pathologiques ; bien que mes recherches ne soient pas encore terminées, je 
puis pourtant annoncer qu’elles m'ont conduit à des résultats qui me sem- 
blent intéressants et nouveaux. 


NOTE PRÉLIMINAIRE SUR L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAÏNE 
ET DE SES SELS, par M. le docteur LABORDE. 


Il se fait beaucoup de bruit depuis quelque temps autour et à propos 
d’un produit médicamenteux qui paraît appelé à rendre de grands services 
en ophthalmologie, et qui, selon nous, est destiné à jouer un rôle bien plus 
étendu et bien plus important en thérapeutique générale : j'ai nommé la 
cocaine. 

Ce n’est pas seulement parce qu'il s’agit d’une question d'actualité, et 
pour cela digne de l'intérêt de la Société, que je viens, à mon tour, dire 
quelques mots de cette substance; c’est aussi, et surtout, parce que j'ai à 
produire, sur ce sujet, quelques résultats nouveaux d’études déjà anciennes, 
faites dans notre laboratoire, avec des produits chimiques obtenus et pré- 
parés, de première main, par M. Duquesnel, dont l’existence, la composition 
et les effets physiologiques attendaient, pour être divulgués, l’achèvement 
un peu retardé de ces recherches. 

Il y a deux années déjà qu’elles ont été commencées, époque à laquelle 
nous avaient été remis les produits en question, ainsi qu’en font foi les 
lignes suivantes d’un article de Revue de physiologie appliquée à la 
thérapeutique, ayant pour titre : la Coca et la cocaïne, lignes qu'il n’est 
pas inutile, comme on va le voir, de reproduire (1). 

Après avoir rappelé les indications et les usages, jusqu'alors plus ou 
moins empiriques de la coca, nous ajoutions : « Puis, donnant les conclu- 
sions d’un travail du docteur B. von Aureso, inséré dans lo Spirimentale de 
1880 (fase. V, p. 512), nous disions en propres termes : 

« Nous reproduisons ces conclusions, sans commentaires, l’occasion de- 
vant bientôt se présenter à nous de faire, sur ce sujet, des recherches per- 
sonnelles dans les conditions désirables dont nous parlions plus haut, grâce 
à un produit nouveau dû à notre collaborateur M. Duquesnel, produit qui, 
_ si l’on en juge par ses propriétés physico-chimiques et sa belle cristallisa- 
tion, constitue un principe immédiat réel d’une pureté jusqu'ici inconnue. » 

Je vous présente ce produit et deux autres qui l’accompagnent, extraits 
comme lui de la feuille de coca et dont les caractères essentiels avaient été, 
dès cette époque (1* juillet 1882), sommairement décrits dans la note sui- 
vante, qui nous avait été remise par M. Duquesnel, en même temps que 
ces substances : 


(1) Tribune médicale du 27 octobre 1882, n° 732, p. 414. 


632 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


La feuille de coca contient trois principes distincts jouant le rôle 
d’alcaloïdes : 

1° Cocaïne proprement dite (échantillon déjà remis). — Alcaloïde cris- 
tallisé en aiguilles blanches, inodores, de saveur un peu amère. Peu so- 
luble, de réaction fortement alcaline, surtout lorsqu'on le dissout dans 
l’eau légèrement alcoolisée. 

il sature bien les acides, donne des sels solubles, difficilement cristalli- 
sables. 


2° Cocaïne dite neutre.— Alcaloïde cristallisé, ainsi nommé parce qu’il n’a 
pas d'action sensible sur le papier de tournesol. Il paraît se combiner aux 
acides et donner des sels cristallisables. Peu abondant dans la feuille. Il 
est peu soluble dans l’eau. 


3° Cocaïne liquide. — Produit sirupeux, contenant peut-être encore 
quelques aiguilles de cocaïne n° 1. Soluble dans l’eau, de réaction alcaline 
très énergique, presque caustique sur la langue. 

Il sature bien les acides. Sels non étudiés. 

Ces trois principes existent dans la feuille de coca ins les proportions 
suivantes : 

Cocaïne vraie, environ 3 pour 1000. 

Cocaïne dite neutre, environ 0,5 pour 1000. 

Cocaïne liquide, environ 2 pour 1000. 

« Comme vous le voyez, ajoutait M. Duquesnel, la coca, par sa composi- 
tion, suit une règle qui est à peu près générale, c’est-à-dire que les plantes 
actives contiennent presque toujours une base principale cristallisée, une 
base amorphe, et souvent une base liquide, produit de transformation ou 
d’altération. » 


Ces trois produits ont été expérimentalement essayés par MM. Rondot 
et Gley, nos préparateurs, auxquels j'en avais confié l’étude; et, bien que 
cette étude laisse encore à désirer, les résultats en sont assez intéressants 
pour mériter d’être connus. 

J'y ajouterai ceux de la recherche personnelle que j'ai faite d’un sel de 
cocaïne neutre, le sulfate, le seul que nous ayons tenu jusqu’à présent de 
M. Duquesnel, et qui possède une action très caractéristique. 

Mais, avant de consigner ces résultats, 1l importe de rappeler rapidement 
les premiers motifs qui ont déterminé ces recherches et l’état de la question 
physiologique. 

M. le docteur Coupard nous avait entretenu, à maintes reprises, des 
remarquables propriétés anesthésiques des préparations de coca, s’exer- 
çant surtout sur les muqueuses nasale, pharyngée et laryngée; propriétés 
qu'il mettait depuis longtemps à profit ss sa pratique spéciale des affec- 
tions du larynx; si bien que tout en nous suggérant le désir d'étudier, au 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 633 


point de vue physiologique, des préparations bien déterminées de la coca 
(ce qui nous avait porté à provoquer l’intervention nécessaire d’un chimiste 
compétent), M. Coupard avait bien voulu, à notre demande et en attendant, 
nous communiquer la formule d'application pratique, qui fut insérée dans 
le même numéro ci-dessus de la Tribune médicale, sous la rubrique et 
dans les propres termes suivants : 


FORMULES ET PRESCRIPTIONS. 


La coca dans les affections douloureuses du pharynx et du larynx. 

Faire une macération alcoolique de feuilles de coca. 

Puis évaporer l'alcool au bain-marie jusqu’à une consistance du maceratum, 
qui se rapproche de la consistance sirupeuse. 

S’emploie en badigeonnages, ou en pulvérisation (avec addition, dans ce dernier 
cas, de 1/10 d’eau), dans les pharyngites douloureuses chroniques et même sub- 
aiguës ; dans la phthisie laryngée douloureuse ; dans DERERES toux convulsives: 
réussit quelquefois dans le spasme randurneere 

Si la préparation est employée pour attouchements laryngiens, s’en servir telle 
qu’elle est indiquée ci-dessus ; si c’est pour attouchements pharyngiens, y ajouter 
un sixième de son poids de glycérine neutre. 


Il convient d’ajouter que le docteur Ch. Fauvel, dont M. le docteur Cou- 
pard était chef de clinique, faisait également usage, dans le même but, 
des mêmes préparations, à sa clinique spéciale, ainsi qu’en fait foi une note 
que nous trouvons dans une publication spéciale de 1878 (1). 

Quoi qu’il en soit, en 1880, M. Coupard avait entrepris avec un de ses 
amis, qui fut aussi notre élève, et malheureusement enlevé par une mort 
prématurée, le docteur Bordereau, des expériences physiologiques à l’aide 
d’un sel de cocaïne préparé par eux-mêmes, le chlorhydrate. 

Nous possédons le résumé brut d’une de ces expériences, qui mérite d’au- 
tant plus d’être reproduite, que ses résultats sont tout à fait caractéristiques 
de l’action physiologique des sels de cocaïne, et qu’ils offrent une complète 
analogie avec ceux que nous a donnés depuis, à un degré supérieur d’in- 
tensité, il est vrai, le sulfate de cocaïne. | 


Il s’agit d'un cobaye du poids d’environ 320 grammes auquel ont été 
injectés sous la peau 3 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne. 

Dix minutes après l’injection, ont commencé à se produire des phéno- 
mènes convulsifs généralisés, surtout cloniques, avec opisthotonos, reve- 
nant par accès. 

On note ensuite successivement : 

La perte complète du réflexe oculaire ; 


(1) « Le docteur Ch. Fauvel, y est-il dit, utilise son action anesthésique sur la 
gorge dans l’angine granuleuse, où elle (la coca) remplace admirablement les 
badigeonnages et les cautérisations, qui sont souvent si nuisibles, etc. » 


- 


634 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


L'insensibilisation à la piqûre et aux pincements, alors qu’un cha- 
touillement léger, la simple action de souffler sur l’animal provoquent des 
réflexes ; 

Une dilatation pupillaire très accusée ; 

Parésie motrice du train postérieur à la suite des accès convulsifs, que 
l’on provoque facilement par les excitations périphériques. 

Malgré le retour du réflexe oculaire au bout d’une heure environ, la ces- 
sation de la mydriase et le retour à la station normale, mais avec persistance 
notable de l’insensibilité générale, l'animal a succombé dans la nuit. 


On le voit, les phénomènes d’anesthésie généralisée, et spécialement 
d’insensibilité oculo-conjonctivale sont clairement notés dans cette obser- 
vation expérimentale, de même que la mydriase pupillaire. 

Quant aux phénomènes convulsifs, nous allons les retrouver comme ma- 


nifestation constante de l’action, à dose toxique, soit de la cocaïne, soit de 


ses sels. 

Des essais de MM. Rondot et Gley, il résulte que des trois produits ci- 
dessus mentionnés, la cocaïne cristallisée et le produit liquide sont doués 
d’une activité sensiblement supérieure à celle de la cocaïne neutre. Mais 
c'est la cocaïne cristallisée qui tient, à cet égard, le premier rang. Les 
phénomènes principaux et constants qu’elle détermine, soit chez les ani- 
maux à sang froid (grenouilles), soit chez les mammifères (lapin, cobaye), 
et qui sont toujours et clairement notés dans les observations expérimen- 
tales dont il s’agit sont les suivants : 


La diminution de la sensibilité générale ; 

La dilatation pupillaire ; 

Des secousses convulsives, alternativement toniques et cloniques, et 
impliquant d’une façon prédominante le train antérieur, et la tête qui se 
renverse en opisthotonos ; 

Finalement accidents asphyxiques. 

MM. Gley et Rondot avaient également réalisé quelques essais cardio- 
graphiques dans le but de déterminer et de fixer les modifications fonction- 
nelles du cœur sous l'influence de la cocaïne. Ces tracés que je présente, 
obtenus surtout avec la cocaïne neutre, seront bientôt utilisés dans l’étude 
analytique des effets de la cocaïne sur le fonctionnement du cœur et les 
phénomènes respiratoires. 


J'ai repris, moi-même, ainsi que je l’ai précédemment annoncé, cette 
étude avec le sulfate neutre de cocaïne.Les résultats que j'ai obtenus et 
que je vais résumer présentent un réel intérêt, et tout en confirmant cer- 
taines notions déjà acquises, au sujet de l’action physiologique d’un sel actif 
de cocaïne, ils révèlent quelques points nouveaux ou qui n’avaient pas été 
suffisamment déterminés. 


ns. ds 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 635 


Nos essais ont été faits avec une solution parfaitement limpide de sulfate 
neutre de cocaïne, dosée au 1/100°, c’est-à-dire à 1 centigramme de prin- 
cipe actif pour { centimètre cube de véhicule. 

Elles ont porté sur les animaux à sang froid (grenouilles), et les mammi- 
fères (cobaye, lapin, chien), l'administration de la substance étant faite, soit 
en injections sous-cutanées, soit en injections intra-veineuses, soit en 


applications locales. 


Je laisseraiï, pour l’instant, de côté, me proposant d'y revenir ultérieure- 
ment pour l’étude du mécanisme de l’action de la substance, les effets sur l’a- 
nimal à sang froid, pour ne m'occuper que des phénomènes observés sur les 
mammifères, qui, d’ailleurs, sont de beaucoup les plus intéressants. 

4° Chez le cobaye, du poids moyen de 470 grammes, À centigramme de 
sulfate de cocaïne injecté sous la peau du dos, donne lieu à une hyperexci- 
tabilité générale qui pousse l’animal, soit spontanément, soit au moindre 
bruit, et sans la plus légère excitation périphérique, à se mettre en mouve- 
ment avec une brusquerie, une violence comme irrésistibles ; et cependant 
_on constate en même temps, à cette dose, un degré notable d’analgésie 
commençante, aux extrémités des pattes, surtout des pattes postérieures. 

Si, au bout de quelques minutes (dix minutes environ), on pratique une 
nouvelle injection de 1 centigramme, les phénomènes ne tardent pas à s’ac- 
centuer et à prendre l'intensité et l'allure des effets toxiques, sans aller ce- 
pendant et nécessairement jusqu’à la mort. 

D'abord, cette sorte d’excitabilité et d’impulsion motrices devient extrême ; 
l'animal, inquiet, le regard fixe, s’élance subitement en avant, et fuit d’une 
course rapide et comme affolée. 

L’analgésie se généralise et devient complète sur le tégument externe, 
mais surtout aux pattes ; on peut la constater sur la muqueuse nasale; tou- 
tefois la sensibilité persiste, peut-être un peu atténuée, à la conjonctive 
oculaire ; les pupilles sont dilatées en mydriase. Et tandis que la sensibilité. 
consciente semble presque complètement abolie, les phénomènes d’excito- 
motricité sont non seulement conservés, mais manifestement augmentés. 

Bientôt, en effet, l'animal est pris d'accès convulsifs, auxquels prennent 
une part prédominante le tronc antérieur et la tête; accès caractérisés par 
Popisthotonos, des convulsions alternativement toniques et cliniques des 
pattes antérieures, grimacement de la face et des lèvres, spasmes palpé- 
braux, rejet par la bouche de petites quantités de liquide verdâtre, rejet 
répété des urines. 

Ces accès, d’aspect épileptiforme, se renouvellent à des intervalles de plus. 
en plus éloignés, laissant, dans les intervalles des rémissions, l’animal couché 
sur le flanc, en état de parésie motrice consécutive. 

Puis, s’il résiste — ce qui peut arriver dans les conditions de poids et de 
dose dont il s’agit — aux accidents asphyxiques compliquant l’état convulsif, 
on voit diminuer ce dernier, qui n’a plus que la forme clonique, et l’animal 


636 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


se relève, ne conservant plus que l’analgésie généralisée, persistante, com- 
plète et absolue du côté des extrémités. | 

Fait remarquable, et sur lequel j’insiste, j'ai vu cette analgésie persister 
plus de quarante-huit heures après son apparition, alors que l’animal a 
recouvré toutes les autres fonctions normales. 

Tel est le tableau symptomatique des effets physiologiques du sulfate de 
cocaïne sur le cobaye. J'ai tenu à le reproduire dans ses détails essentiels, 
parce qu’il est typique et qu’il montre dans toute’sa netteté le remarquable 
contraste, qui semble caractériser l’action de la cocaïne, entre l’énorme 
hyperexcitabilité excito-motrice allant jusqu'aux secousses tétaniques et 
épileptiformes et l’abolition persistante des phénomènes de sensibilité perçue 
et consciente. 

Ce tableau est sensiblement le même.chez le lapin, dans les mêmes condi- 
tions expérimentales, etil ne varie guère que dans quelques détails relevant 
du degré relatif d’impressionnabilité individuelle. 


2° Mais il prend, chezle chien, un intérêt nouveau et une importance plus 


grande, grâce à la forme et au développement remarquables que révèle, chez 


cet animal, l’action excitatrice de la cocaïne. 

En effet, soit que l’on administre en injection hypodermique, ou en injec- 
tion intra-veineuse, notre sulfate de cocaïne à un chien, à dose suffisante — 
et cette dose est en moyenne de 6 à 8 centigrammes pour un chien de 
8 à 9 kilogrammes, — on observe constamment, à la rapidité de production 
près, les phénomènes suivants : 

L'animal, s’il est à l’attache, commence à piétiner sur place, tournant 
tantôt à droite, tantôt à gauche, comme préoccupé et inquiet. S'il est en 
liberté, il marche précipitamment en tous sens avec des mouvements de 
tête effarés, tantôt tournant sur lui-même dans une sorte de mouvement de 
manège, tantôt courant droit devant lui, sans jamais s’arrêler, sans un in- 
stant de repos, qu’il semble chercher sans jamais pouvoir le trouver. En 
cet état, l’animal paraît avoir conservé toute son intelligence, il répond à 
l'appel, il répond aux caresses, qu’il recherche même, mais auxquelles il se 
soustrait bien vite, forcé qu’il est d’obéir à l'impulsion motrice irrésistible 
qui l’entraîne. 

En même temps qu’il se meut ainsi d’une façon incessante, il présente, 
entre autres phénomènes, un degré notable d’analgésie généralisée, avec 
prédominance aux extrémités des pattes, et s’étendant aux muqueuses 
nasale, buccale et pharyngée, mais non, d’une façon appréciable, à la con- 
jonctive oculaire, bien que les effets de dilatation pupillaire soient accen- 
tués. 

Nous avons assisté hier encore au curieux spectacle donné simultanément 
par deux jeunes chiens : —l’un ayant reçu 6 centigrammes de sulfate de 
cocaïne en injection hypodermique, l’autre 5 centigrammes en injection 
intra-veineuse par fractions successives de 1 centigramme à la fois, — au 


Ë 
Ê 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 637 


curieux spectacle, dis-je, de cette sorte de mouvement perpétuel, durant plus 
de deux heures, et nous avons pu en rendre témoin notre collègue M. Ch. 
Richet. Je me propose de le reproduire devant mes collègues de la Société. 

Une particularité qu’il importe de retenir, c’est que, dans ces conditions 
expérimentales d'administration de la substance et de dose, l’anesthésie 
conjonctivale ne se produit pas d’une façon appréciable ; il faut, pour cela, 
pousser la dose jusqu'aux effets toxiques ou à leur limite pour la déterminer, 
ainsi que paraît lavoir fait le professeur Vulpian avec le chlorhydrate de 
cocaïne en injection intra-veineuse (1). 

Mais il suffit d’instiller dans l'œil de l’animal de cinq à dix gouttes de la 
solution à 1 pour 100 de sulfate neutre de cocaïne, pour voir se produire en 
l’espace de quatre à cinq minutes l’anesthésie cornéale commençante, 
laquelle devient complète et générale vers la dixième minute. Elle dure 
de vingt-cinq à trente minutes, pour décroître et cesser ensuite. Mais on 
peut l’alimenter et la faire persister en renouvelant les instillations. 

Le fait peut être facilement constaté sur le lapin que je mets sous les yeux 
de mes collègues de la Société. 

Un état mydriatique accompagne constamment cette anesthésie localisée. 

Cette action locale, signalée en Allemagne pour le chlorhydrate de cocaïne, 
par MM. Koller d’abord, puis par MM. Koningstein, Reuss et Hock, confirmée 
à Londres, par Harley et Clifford Allbutt, à Paris par le professeur Pa- 
nas (2), etc... appartient donc aussi nettement à notre sulfate neutre de 
cocaïne. 3 

Cette action, d’ailleurs, n’est qu’un épisode de l’action générale de la 
cocaïne, et notamment de son influence anesthésiante sur les muqueuses 
naso-bucco-pharyngée et laryngée, connue, ainsi que nous venons de le 
démontrer, antérieurement aux travaux allemands. 

Au surplus, ce n’est pas là une action propre à la cocaïne, et je montrerai 
prochainement que d’autres substances actives, notamment un produit 
extrait du Boldo, et une gelsémine chimiquement pure, jouissent des mêmes 
propriétés d’anesthésiation de la conjonctive oculaire. C’est même là un fait 
qui semble s'étendre à un certain nombre de principes immédiats que je 
ferai incessamment connaître, à ce point de vue. 


Il résulte, en tout cas, de ce qui précède et de ces premiers faits expéri- 
mentaux — que les effets d’anesthésiation générale, et surtout d’analgésie, 
sont l’une des caractéristiques essentielles de laction physiologique des 
sels actifs de cocaïne; que l’anesthésie localisée des muqueuses bucco-pha- 
ryngée, laryngée, nasale, cornéo-conjonctivale n’est qu’un épisode, ou plu- 
tôt une portion de l’action générale; 

Que les effets d’anesthésie partielle et localisée avaient été découverts 


(1) Communication à l’Académie des sciences. 
(2) Communication à l’Académie de médecine, séance du 17 novembre 1884. 


638 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


© © ——————————————_—]_—_ | —] 


et étaient connus bien avant les travaux récents, qui, toutefois, il est juste 
de le dire, ont mieux précisé l’action locale sur la conjonctive oculaire, 
de façon à en tirer les conséquences d'application à l’ophthalmologie opéra- 
toire ; 

Mais que — et c’est le point sur lequel nous tenons à insister particuliè- 
rement — il y a dans la connaissance mieux approfondie de l’action physio- 
logique totale et générale de cette substance, des indications d’application 
d’une portée beaucoup plus étendue et plus importante ; — indications dont 
cette note préliminaire à déjà pu donner un aperçu, et qui vont mieux se 
dégager de la seconde partie de notre étude. 


EXPÉRIENCES SUR L’OZONÉINE, par M. le decteur Onimus. 


Dans la séance du 8 novembre je vous ai présenté le liquide appelé 
ozonéine et dont j'ai signalé l’action analogue au gaz ozone. Après avoir 
expérimenté ce liquide sur des substances organiques altérées, j'ai depuis 
cette communication fait des recherches sur son influence sur les animaux. 
La première des choses, et la plus importante, était de savoir si ce corps 
avait une action toxique, et si son emploi thérapeutique pouvait présenter 
des dangers. 

J'ai commencé par faire des injections sous-cutanées sur des cochons 
d'Inde et sur des lapins, et je n’ai pu obtenir aucun phénomène d’empoison- 
nement. Sur un lapin, après avoir injecté neuf seringues de Pravaz, c’est à 
peine s’il y a eu une tendance à la parésie des membres postérieurs. Chez 
le cochon d'Inde il en a été de même. Chez des grenouilles que j'ai main- 
tenues dans ce liquide, j'ai obtenu au bout de quelques minutes un ralen- 
tissement considérable dans les mouvements, une diminution de la sensi- 
bilité et de l’action réflexe, et finalement l’arrêt de la respiration. Le cœur 
continue à battre, et cela encore une heure après que la grenouille ne donne 
plus aucun signe de vie, mais l’excitabilité de la moelle, comme celle des 
nerfs et des muscles, est presque complètement abolie. 

Si au moment où les phénomènes d’empoisonnement se manifestent, alors 
même que l’animal a perdu l’usage de ses membres, on remplace l’ozonéine 
par de l’eau ordinaire, peu à peu la respiration revient, et la grenouille au 
bout d’un temps plus ou moins long recouvre ses mouvements et sa sensibi- 
lité, mais elle reste très longtemps à reprendre sa vivacité primitive. 

Nous avons nous-même avalé quelques grammes de ce liquide, et à l’ex- 
ception d’une légère sensation de plénitude de La tête, nous n’avons éprouvé 
aucun effet, le pouls est resté le même, et la respiration n’a pas changé. Notre 
confrère, le docteur Médard, a sur lui-même fait des expériences plus nom- 
breuses, car non seulement il a avalé un grand verre à Bordeaux de ce 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 639 


liquide, mais il s’est fait des injections hypodermiques. Il n’a constaté 
aucun changement appréciable sous le rapport de la respiration et de la 
circulation. C’est à peine si les battements artériels ont paru plus pleins. 
Enfin, du côté du système nerveux, 1l n’a éprouvé qu’un très léger bourdonne- 
ment dans les oreilles. 

On voit donc que ce liquide n’a qu’une très faible action toxique. Sur les 
mammifères il faut des doses considérables pour produire un trouble fonc- 
tionnel, et sur les animaux inférieurs, s’il finit par tuer, c’est en agissant sur 
le système nerveux ; la circulation n’est que fort peu influencée. 

Au point de vue thérapeutique, l’ozonéine peut donc être non seulement 
employée comme médicament externe, comme cela a été fait à Toulon, et 
comme cela a lieu actuellement dans les services de M. Dujardin-Beaumetz 
et de M. Cuffer, mais on ne doit pas craindre de l’administrer à l’intérieur et 
même en injection intra-veineuse. 

Je ne veux point m'étendre sur les modes d’emploi de ce produit, mais je 
me contenterai de dire qu'à l'hôpital Beaujon, M. le docteur Gombault à 
bien voulu nous autoriser à l’employer en injections hypodermiques sur des 
cholériques. La première fois, chez un malade dont le pronostic était des 
plus graves, l’interne, M. Crespin, fit coup sur coup deux injections hypo- 
dermiques ; le malade est aujourd’hui hors de danger; chez un autre cholé- 
rique, qui agonisait, les mêmes injections ramenaient chaque fois un peu de 
vitalité, mais le malade finit par succomber. Il eût été peut-être préférable, 
dans ce cas, d’injecter directement le liquide dans la veine. 

Nous eroyons devoir ajouter que ce liquide est formé d’un mélange d’eau 
et d'essence de térébenthine qui renferme par litre 9 milligrammes de gaz 
ozone, car il transforme en acide arsénique (As,0°) 55 centigrammes d’a- 
cide arsénieux (As, 0°). 


ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA VITALITÉ DE LA LEVURE ET SUR LES 
PHÉNOMÈNES DE LA FERMENTATION, par À. CERTES et D. Cocxin. 


Les recherches que nous avons entreprises sur la «fermentation sous 
pression » exigeant pour être menées à bonne fin plus de temps que nous 
ne l’avions prévu tout d’abord, nous avons l’honneur de faire connaître à la 
Société les résultats qui nous paraissent définitivement acquis à la suite 
d'une première série d'expériences. 

I. La vitalité de la levure n’est pas détruite par des pressions de 300 à 
400 atmosphères, maintenues pendant plusieurs jours à l’aide de l’appareil 
Cailletet. 

A l’examen microscopique on ne constate aucune altération sensible dans 
la forme et l’aspect des cellules de levure, et, lorsqu’on les sème ultérieure- 


640 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ment, à l’air libre, dans un moût sucré, elles se multiplient et se compor- 
tent comme la levure cultivée dans des conditions normales. 

Ce premier résultat n’est pas absolument nouveau. M. le docteur Melsens, 
de l’Académie royale de Belgique, dès 1870 (1), et, cette année même, M. le 
docteur Regnard ont constaté des faits analogues. 


IT. Sous des pressions de 300 à 400 atmosphères, la fermentation 
alcoolique se produit toujours uu bout d’un certain temps. 


IT. Dans la fermentation sous pression, le dégagement du gaz acide car- 
bonique paraît s’opérer dans des conditions spéciales d'équilibre molécu- 
laire. Presque toujours on n’aperçoit que quelques bulles de gaz dans les 
tubes que l’on retire avec précaution de l’appareil; quelquefois même ces 
bulles font absolument défaut; mais ce n’est qu’une apparence et, au pre- 
mier choc, le dégagement d’acide carbonique se produit immédiatement 
en abondance et si tumultueux que les tubes se vident en quelques secondes 
comme un siphon d’eau de Seltz. 

Nous nous réservons de faire connaître ultérieurement notre opinion sur 
la nature de ce phénomène, dont nous poursuivons actuellement l’étude. 

Dans toutes nos expériences nous avons procédé aussi lentement que pos- 
sible à la compression et à la décompression du liquide. | 

Grâce à la perfection des appareils construits par M. Ducretet, la pression 
maintenue pendant cinq, sept et huit jours, n’est jamais descendue au- 
dessous de 100 atmosphères et, dans les dernières expériences, la déperdi- 
tion n’a pas dépassé 20 atmosphères par vingt-quatre heures. Les appareils 
étaient d’ailleurs visités deux fois par jour et ramenés chaque fois à la 
pression initiale (2). 


(1) M. le docteur Melsens, en 1870, a adressé à l’Académie des sciences 
(Comptes rendus, t. LXX, p. 629) une Note fort intéressante « sur la vitalité de 
la levure de bière ». Dans cette communication il annonce notamment que « la 
fermentation alcoolique est arrêtée, lorsqu'on opère en vase clos, quand l’acide 
carbonique produit exerce une pression d'environ 25 atmosphères. Dans ce cas, 
ajoute-t-il, la levure est tuée ». Nous ne pensons pas qu’il y ait nécessairement 
contradiction, comme on pourrait le supposer à priori, entre ces expériences et 
les nôtres. Nous aurons d'ailleurs occasion de revenir ultérieurement sur cette 
question. 

(2) Ces recherches, comme les précédentes, ont été faites dans le laboratoire de 
M. Pasteur. 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 641 


| SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU, 
par M. I. Srraus. 


Depuis les recherches de M. Ricord (1), on admet deux variétés dans les 
bubons qui accompagnent le chancre mou, le bubon sympathique et le 
bubon symptomatique. Le pus du bubon sympathique n’est pas inocu- 
lable ; celui du bubon symptomatique est virulent ; quand on l’inocule, on 
reproduit une pustule chancreuse caractéristique ; souvent, après l’incision, 
les lèvres de la plaie deviennent chancreuses, ce qui lui a fait donner le 
nom de bubon chancreux. Cette distinction est demeurée classique. 

Aujourd'hui la virulence implique nécessairement l’idée de microbe; 
aussi ai-je cherché à mettre en évidence celui du chancre mou. Pour éviter 
les organismes d'impureté qui se trouvent à la surface ulcérée et à décou- 
vert du chancre mou, j'ai fait porter mes investigations sur le pus du bubon 
non encore ouvert. 

Mes recherches ont été faites sur 42 cas de bubons consécutifs au chan- 
ere mou, à tous les stades d'évolution, les uns naïssants, les autres plus 
avancés en date, d’autres sur le point de s'ouvrir. Toutes les précautions 
exigées par la rigueur expérimentale étaient prises; la peau était lavée 
avant l’incision, le bistouri flambé. Des échantillons de pus furent prélevés, 
non seulement sur les premières portions s’écoulant à l’incision, mais sur 
le pus profond exprimé par une forte pression ou aspiré à l’aide d’un tube 
effilé. Les particules de pus, desséchées en couches très minces sur des 
lamelles, furent traitées par les procédés de coloration actuellement en 
usage; dans aucun des 42 cas, il ne me fut possible de déceler dans ie pus 
la présence de micro-organismes. Dans quelques cas, on procèda à l’exci- 
sion, au moment de l’ouverture, d’un fragment de paroi de l’abcès ; sur 
des coupes de ces fragments durcis dans l’alcool absolu, les tentatives de 
coloration furent également sans résultat. 

Un peu de pus fut chaque fois, au moment de l’incision, semé dans des 
milieux de culture variables (bouillons de Pasteur, bouillon de gélatine 
peptonisé, bouillon peptonisé rendu solide par l’agar-agar); les cultures, 
placées soil à l’étuve à 32 degrés, soit à la température ordinaire du labo- 
ratoires, demeurèrent stériles, sauf quelques-unes qui se troublèrent par 
des organismes d’impureté. 

En présence de ces tentatives infructueuses de coloration et de culture, 
j'ai été conduit à rechercher si Le pus du bubon avait, en réalité, la virulence 
du chancre lui-même. Je procédai donc à l’inoculation du pus, au moment 


(1) Traité pratique des maladies vénériennes ou sur l’inoculation appliquée à 
l'étude de ces maladies. Paris, 1838. — Leçons sur le chancre, rédigées par 
A. Fournier, 2° édition. Paris, 1860. 


642 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


de l’incision du bubon. L’inoculation était faite, avec toutes les précautions 
nécessaires, soit sur la peau du ventre, dans le voisinage de l’ombilie, soit 
au bras; le point d’inoculation était ensuite protégé par un verre de montre 
fixé par du diachylum, quelquefois par une couche de coton flambé (moins 
génante au bras). Or, dans les 42 cas, l’inoculation n’a jamais donné lieu à 
une pustule chancreuse (1). 

Souvent on inoculait en même temps sur l’autre côté de l’abdomen ou 
à l’autre bras, la sécrétion du chancre, avec les mêmes précautions. Alors 
que l’inoculation de la sécrétion chancreuse était toujours positive, celle 
du pus du bubon était toujours restée stérile. 

Dans ses expériences, faites de 1831 à 1837, M. Ricord a obtenu 
271 fois un résultat positif à la suite de l’inoculation du pus du bubon; 
42 fois seulement le pus du bubon, inoculé le jour de l’ouverture, se 
montra virulent ; les 229 autres résultats positifs ont été obtenus par l’inocu- 
lation du pus pris un ou plusieurs jours après l’ouverture du bubon; dans 
ces 229 cas, l’inoculation faite Le jour de l’ouverture avait été inefficace. 

Pour M. Ricord, ces résultats semblent établir que le pus du bubon 
chancreux est souvent virulent ; qu'il n'est pas toujours virulent au mo- 
ment de l’ouverture, mais qu'il le devient dans la suite. 

Pour expliquer cette particularité surprenante, M. Ricord avait ima- 
giné que la virulence réside dans le pus profond, intra-ganglionnaire, tan- 
dis que le pus superficiel, périganglionnaire en est destitué. 

Il pouvait déjà paraître étonnant que le 'chancre mou caractéristique 
s’accompagnât tantôt d’une variété de bubon, tantôt d’une autre; mais il est 
bien plus surprenant encore de voir, dans un même bubon, le pus, inof- 
fensif Le premier jour, devenir virulent les jours suivants. 

Pour ce qui est de la virulence au moment de l’ouverture du bubon, nous 
ne l’avons pas plus rencontrée dans le pus profond que dans le pus super- 
ficiel. Nous avons, dans quelques cas, puisé au moyen d’un tube de verre 
effilé le liquide issu du ganglion lui-même incisé; ce liquide inoculé de- 
meurait stérile. 

Toutes les inoculations faites par nos devanciers au moment de l’ouver- 
ture auraient donc été stériles comme celles que nous avons pratiquées 
nous-même, si, au lieu'de laisser la piqûre d’inoculation exposée aux 
souillures des produits du chancre, transportées soit par la main, soit par 
la chemise, le linge de pansement, etc., ils l'avaient soigneusement proté- 
gée par un verre de montre ou autrement. Même sans cette précaution, le 
chiffre des résultats positifs aurait été diminué si seulement, au lieu d’ino- 
culer à la cuisse (comme faisait Ricord), ils avaient inoculé à toute autre 
région plus éloignée du chancre. 


(1) Dans deux cas seulement, on constate une fausse pustule, se distinguantde la 
pustule caractéristique par son évolution plus lente, l’absence de bords taillés 
à pic, de fond grisâtre, la guérison rapide et spontanée, la non-réinoculabilité. 


SÉANCE DU 22 NOVEMBRE. 643 


Il n’est pas besoin d’invoquer la virulence d’un pus profond ne venant à 
la surface que quelquesjours après l’ouverture de l’abcès pour expliquer les 
résultats des expériences de M. Ricord. Si, dans ces expériences, la viru- 
lence du pus au moment de l’ouverture est exceptionnelle, c’est que la 
plaie du bubon n’a pas encore été souillée par la sécrétion du chancre. Si 
le pus se montre virulent dans la suite, c’est qu’il l’est devenu par le trans- 
port sur la plaie de la matière virulente du chancre lui-même. On sait 
en effet avec quelle facilité chez un individu porteur de chancre, toute plaie 
faite à la peau peut devenir consécutivement chancreuse. 

Dans nos expériences, nous n’avons jamais vu, dans les jours qui ont 
suivi l’incision du bubon, le pus devenir virulent ni les bords de la plaie 
prendre l'apparence chancreuse. Pour cela, il nous suffisait de protéger, 
après l’incision, la plaie contre toute contamination possible par la sécrétion 
du chancre, à l’aide d’un simple pansement occlusif, consistant en une 
couche de coton flambé. 

L'examen anatomique, les résultats des cultures ainsi que des inocula- 
tions concordent donc et la conclusion qui s'impose est celle-ci : ; 
Il n’y a pas deux espèces de bubons accompagnant le chancre mou; il n’y 

a que « le bubon du chancre mou ». 

Le bubon du chancre mou n’est jamais originellement virulent ; il ne 
devient virulent et chancreux que par inoculation secondaire, après l’ouver- 
ture (1). 


(1j Ces recherches ont été faites à l'hôpital de Midi, dans le service de mon 
maître et ami M. le docteur Mauriac, qui m'a généreusement ouvert ses salles; 
j'adresse aussi mes remerciements àl’interne de M. Mauriac, M. Le Roy, qui m'a 
prêté son concours le plus dévoué. 


BOURLOTON, — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


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SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 1884 


Présidence de M. Mathias Duval. 


La cocaïne ET ses sELs. Note complémentaire, par M. LABORDE. 

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de mes collègues de la Société, 
ainsi que Je m'y étais engagé dans la dernière séance, outre les produits 
extraits par M. Duquesnel de la feuille de coca, notamment de beaux 
cristaux de Cocaïne pure et du chlorhydrate de cocaïne, un sel nouveau de 
la même base, le bromhydrate. | 

Je tenais d'autant plus à montrer ces produits, dont la pureté chimique 
peut être absolument garantie, que, depuis que la question de la cocaïne 
est à l’ordre du jour, on a paru croire de divers côtés, on a même affirmé 
que l’on ne trouvait qu’en Allemagne des produits de cette nature vérita- 
blement actifs. \LuTS 

C’est là une erreur, une sorte de légende, qu'il est temps et qu’il im- 
porte d'autant plus de faire disparaitre, que l’on sait, ici surtout, à quoi 
s’en tenir sur cette prétendue pureté, en ce qui concerne des substances 
de premier ordre et d’un usage très répandu en thérapeutique. 

Pour ce qui est de la cocaïne et de ses sels, je suis heureux de vous ap- 
porter le témoignage que les produits français que je vous montre non: 
seulement ne le cèdent en rien aux produits allemands, mais, je ne crains 
pas de l’affirmer, qu'ils offrent de plus des garanties supérieures. 

J'ajouterai, en passant, que le bromhydrate de cocaïne, dont j'ai com- 
mencé à faire l’essai comparativement avec le chlorhydrate, offre, à un haut 
degré, peut-être même à un degré supérieur, les propriétés physiologiques 
sénérales de sels actifs de cocaïne, notamment la propriété analgésiante. 

Enlin, et c’est le dernier renseignement complémentaire de ma première 
Note, on peut constater sur l’animal (cobaye) que je montre ici, la remar- 
quable persistance de l’analgésie périphérique dont j'ai déjà parlé, car 
il y a plus de vingt-quatre heures qu’il a reçu, en injection sous-cu- 
tanée, 2 centigrammes de chlorhydrate de cocaïne, et vous le voyez 
encore complètement sans réaction perçue ou consciente sous l'influence de 
fortes excitations périphériques. 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1%, N° 40, 50 


646 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


DE L'INFLUENCE D'UN RÉGIME FORTEMENT AZOTÉ CHEZ LES HERBIVORES SUR 
L'AUGMENTATION DU VOLUME DU FOIE, par le docteur MaAurELz, médecin de 
1° classe de la marine (1). 


L'observation clinique ayant semblé me démontrer qu'une alimentation 
richement azotée jouait un rôle important dans le développement des affec- 
tions du foie, je me suis décidé à soumettre cette question à l'expérimenta- 
tion et ce sont les résultats que j’ai obtenus que je viens vous exposer. 

Ces expériences ont simplement consisté à soumettre des animaux à un 
régime fortement azoté, tandis que d’autres étaient nourris avec de l'herbe. 
Pour exagérer les conditions de l’expérience, ce sont des lapins, c’est-à-dire 
des herbivores, que j’ai choisis. 

La première expérience, qui a élé poursuivie pendant dix mois, ne com- 
prenait que deux animaux. La seconde a porté sur quatre ânimaux, mais 
a été interrompue au bout de six mois. Après quelques tàtonnements c’est 
avec du fromage que j’ai nourri les animaux. À la condition de leur donner 
à boire, ils s’y habituent assez facilement. 


ERA 1 POIDS TOTAL jreie RAPPORT 
se Ù ‘POS D’ORI RC 
NUMÉROS D'ORDRE RER ns TE DR O TSE 
DES EXPÉ- Sa Dace DU 
baie se < AU POIDS TOTAL 
RIENCES RD can L'EXPÉ- | L'EXPÉ- | FOIE A LA FIN. 


RIENCE RIENCE D ; L'EXPÉRIENCE 


—————— | ——— | 


gr. gr. gr. 
1re expé-(N° 1. Régime végétal...... 680 | 1210 31. | 32,7 
rience.{N° 2. Régime du fromage. | o80 1780 86 | 20,69 
| 
& 3-D pu ss ( 629 | 1160 33 | 9,15} 
à. ape FRE ime vég ie pie Te 880 sn | 4272 28,93 
| 
mine: ne >) 467 | 1365 | 48 |28,44), 
gi romage.. 44 
Ne 6. Régime du fromage | 565 | 1270 55 | 204 29,44 
| ; 


Ces expériences, comme on peut le voir par le tableau suivant, semblent 
avoir pleinement justifié mes prévisions. 

Dans la première expérience, en effet, au moment où j'ai sacrifié is 
animaux, le lapin qui avait continué sa nourriture ordinaire pesait 
1210 grammes et le foie 37 grammes seulement, c'est-à-dire que le poids 
de cet organe était environ la trente-troisième partie du poids total. Pour 
le lapin nourri avec du fromage au contraire, le poids total était de 
1780 grammes etle poids du foie de 86 grammes, ce qui donne comme 


(1) Communication à l’Académie de médecine, séance du 22 novembre 1884. 


SÉANCE DU 29 NOVEMPRE. 047 


proportion 20,69; c’est une différence de plus d’un tiers. Maïs de plus le 
foie avait perdu sa consistance normale; il était dur, résistant, granité et 
ne s’affaissait nullement quand on le déposait sur une table. 

Quoique le résultat de cette expérience füt des plus nets, comme elle 
n'avait porté que sur deux animaux, j'ai voulu la recommencer, et cette fois 
je la fis porter sur quatre lapins, dont deux restèrent au régime ordinaire 
et dont les deux autres furent mis au régime du fromage. Cette expérience 
n’a duré que six mois; mais, quoique moins accentués, les résultats ne me 
paraissent pas moins probants. | 

Le rapport du poids du foie à celui de l'animal a été de 39 grammes en- 
viron pour le lapin soumis au régime végétal et de 30 grammes environ 
pour ceux qui ont suivi le régime azoté. Or, je le répète, cette expérience 
n’a duré que six mois. 

Quoique ces expériences soient peu nombreuses, la différence a été si 
marquée, que Je pense que l’influence du régime azoté sur l’exagération du 
volume du foie est au moins très probable. 

Outre ce fait, dont la démonstration était le but principal de mes recher- 
ches, ces expériences en ont mis un autre en relief, et d’une manière tout 
aussi évidente : c'est le développement plus considérable de lanimal sous 
l'influence du régime azolé. 

Dans la première expérience, les animaux étaient de la même portée, et 
J'ai eu soin de choisir celui qui pesait le moins pour le soumettre au régime 
azoté. Or, malgré une infériorité de poids assez marquée au début 
de l’expérience, ce lapin a pris dans la suite un développement tel qu'il 
dépassait l’autre de près d’un tiers : 1210 grammes pour le premier et 
1780 grammes pour le second. 

Dans la seconde série d'expériences, trois animaux seulement étaient de 
la même portée, le n° 4 n’en faisait pas partie. lei également parmi ces 
trois, j'ai choisi pour le régime végétal ceiui qui était le plus avancé: 
629 grammes au lieu de 467 et 565 grammes. Or à la fin de l'expérience 
de beaucoup c'était lui qui pesait le moins : 1100 grammes contre 1865 
et 1370 grammes. 

Enfin pour cette seconde expérience, je me suis livré à quelques recher- 
ches hématimétriques, et, quoique l’on ne puisse pas leur accorder une 
grande importance, parce qu’elles sont peu nombreuses, je pense cepen- 
dant qu'elles présentent assez d'intérêt pour mériter d’être consignées 
ICI. 

Le sang pris à la base de l'oreille a donné pour le lapin n° 4 nourri avec 
de l'herbe : 

2084000 globules rouges, et pour les deux autres : 6572000 et 
6 107 000. 

Iline parait donc résulter de ces expériences : 

l° Que sous l'influence d'un régime fortement azoté le foie des animaux 
herbivores augmenterait considérablement de volume ; 


048 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


2° Que sous cette même influence, le développement total de l'animal est 
également augmenté : L 

9° Que le sang est peu riche en globules rouges ; 

4° Enfin, sans qu'on puisse conclure d'une manière complète de ces 
expériences à ce qui se passe chez l'homme, méme en tenant compte de 


ce qu'elles ont d'exagéré, je pense cependant qu'elles rendent probable que 


l'influence d'un régime trop azoté, au moins dans les pays chauds, doit 
tendre à augmenter le volume du foie. 


NOTE SUR LES FIBRES ARCIFORMES SUPERFICIELLES DU BULBE RACHIDIEN, 
par M. Cu. FéRé. 


Les descriptions des fibres arciformes superficielles du bulbe rachidien 
sont des plus variées et leurs connexions sont encore en litige. Certains au- 
teurs les décrivent comme se dirigeant transversalement sur la face anté- 
rieure du bulbe en passant au-devant du sillon médian, où elles formeraient 
une sorte d’avant-pont. Plus souvent on les fait sortir du sillon médian pour 
se diriger vers la partie inférieure des olives, qu’elles recouvrent quelque- 
fois et enfin se porter en arrière, en dehors des corps restiformes, vers les 
cordons cuneatus et gracilis. Depuis les travaux de Deiters, de Clarke, de 
Meynert, on admet généralement que cesfibres arciformes superficielles ont 


un trajet analogue et les mêmes connexions surles fibres arciformes profon-. 


des, c’est-à-dire que, parties des faisceaux gracilis et cunéiforme d’un côté, 
elles se portent, en affectant des rapports plus ou moins étroits avec l’olive 
correspondante, vers la ligne médiane, dans le sillon antérieur qu’elles tra- 
versent; et que de là, après avoir traversé l’autre olive, elles se confondent 
après un entre-croisement complet avec les fibres du corps restiforme du 
côté opposé. Souvent les fibres arciformes superficielles ont dans la région 


antérieure une direction parallèle à celle de la pyramide antérieure et ne 


paraissent avoir aucun rapport avec le sillon médian. 

La pièce dont il s’agit nous paraît propre à aider à l’élucidation de cette 
question. On voit, en effet, sur la partie postérieure du bulbe, l'extrémité 
supérieure du faisceau grêle dévier ses fibres les plus superficielles pour 
constituer un faisceau récurrent, qui, né au-dessus du renflement de la pyra- 
mide postérieure, se dirige en bas et en avant pour contourner l’olive, puis 
remonter de nouveau sur la face antérieure du bulbe. Dans son trajet ascen- 
dant, ce faisceau se place sur le bord externe de la pyramide et conserve 
cette position jusqu'à la limite de la protubérance en restant distinct dans 
toute son étendue. 

Cette pièce semble donc indiquer que l’entre-croisement des fibres ar- 
ciformes n’est pas tout à fait celui que l’on décrit, et qu’elles n’ont pas de 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 649 


connexions nécessaires ni avec le sillon médian ni avec l’olive du côté 
opposé. Nous espérons que l'étude histologique de la pièce nous permettra 
de découvrir l’entre-croisement dans la protubérance, et pourra guider dans 
la recherche des dégénérations ascendantes du faisceau de Goll. 


OBSERVATIONS SUR UN HELMINTHE DU Fou DE BassAN, par M. L. FOuRMENT. 


En disséquant un Fou de Bassan (Sula bassana), M. le professeur Alph. 
Milne-Edwards trouva quelques Nématodes épars à la surface de l’intes- 
tin, dont l’incision mit à découvert un amas de ces Vers qui, réunis au même 
point, avaient perforé les membranes intestinales et s’y trouvaient fortement 
engagés. 

M. le professeur Alph. Milne-Edward$ voulut bien me remettre ces Hel- 
minthes, et c’est à sa bienveillante obligeance que je dois d’avoir pu les 
étudier 

Ces Vers présentent la forme ordinaire des Nématodes. Le corps est 
blanchätre, assez long, effilé à ses deux extrémités; la partie céphalique, 
légèrement tronquée, porte une bouche garnie de trois lèvres nettement 
définies et l’une d’elles est armée d’un aiguillon pointu; un faible renfle- 
ment se montre de chaque côté de la tête; l’œsophage rectiligne et strié 
parallèlement vient aboutir dans un estomac cylindrique et légèrement 
dilaté ; un peu au-dessus du point de jonction de celui-ci avec l’œsophage 
s’insère un cæcum qui s'étend contre l'intestin, sur une longueur équiva- 
lant environ au sixième de celle de ce canal; l’intestin, sensiblement cylin- 
drique, parcourt à peu près en ligne droite tout le corps et vient se terminer 
un peu en avant de la partie caudale par un anus étroit et invaginé, autour 
duquel se voient plusieurs glandes bien délimitées ainsi que deux masses 
triangulaires qui l'entourent étroitementet paraïssent jouer le rôle de sphine-. 
ters; enfin la partie caudale, faiblement obtuse, se termine par une petite 
pointe conique. 

Je n’ai trouvé aucune trace d'organes de reproduction. Il est donc assez 
difficile de déterminer rigoureusement ce Nématode ; néanmoins la division 
trilabiale de la bouche, le cæcum œsophago-stomacal et la disposition de 
l’anus permettent de le rapprocher du genre Ascaris. L'existence des glan- 
des anales bien caractérisées présente un intérêt particulier; on sait que 
ces mêmes organes se trouvent auprès du rectum de l’Ascaris megaloce- 
phala et que Macalister (1) a signalé chez quelques Nématodes des glandes 
anales qu'il a considérées comme représentant les tubes malpighiens des 
insectes ; mais d’une façon générale ces glandes sont assez rares pour qu’on 
leur accorde une attention spéciale. 


(1) Macalister, Annals and Mag. of nat. History, 1865. 


650 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


L'aiguillon acéré qui arme une des divisions labiales explique parfaite- 
ment la perforation de l’intestin et la pénétration de cet Helminthe larvaire 
dans la cavité péritonéale où il a été trouvé à l’état libre. 

Ce Nématode offre les plus grands points de ressemblance avec l’Agamo- 
nema commune, dont jai donné dans un travail antérieur (1) une descrip- 
tion détaillée ; cependant je ne pense pas qu'il puisse prendre place dans ce 
genre Agamonema, créé par Diesing (2), pour v classer les Helminthes 
agames eæclusivement endoparasites des poissons. 

Ces Nématodes avaient été jusqu'alors désignés sous les noms de Gor- 
dius marinus (3), de Filarid piscium (4), de Filocapsularia commu- 
mis (5), etc., etc. 

La présence d’un Agamonema chez un oiseau serait la négation même 
du principe quiavait guidé Diesing dans la création du genre. 

D'un autre côté, de nombreux observateurs : Gmelin (6), Schrank (7), 
Rudolphi (8), Bellingham (9), Dujardin (10), Mollin (11) ont décrit sous les 
noms d’Ascaris marina, d'Ascaris harengum, d’'Ascaris halecis, d'Asca- 
ris constricta, d'Ascaris capsularia, ete., etc., des Helminthes agames et 
endoparasites des poissons. 

En rapprochant les synonymies de ces Ascaris et Agamonema, il est 
facile de reconnaître qu'ils ont été constamment confondus. De plus, en 
comparant les diagnoses que les helminthologistes distingués que je viens 
de citer ont données de ces Nématodes, j’ai pu me convaincre qu’elles n’of- 
frent que des différences légères et sans importance; enfin par de très nom- 
breuses observations faites sur ces divers Nématodes recueillis vivants dans 
les poissons qui les hébergent, j'ai constaté que les détails anatomiques les 
plus essentiels (parties céphalique et caudale, tube digestif avec son cæ- 
cum, glandes anales, papilles, ete.) sont absolument identiques. 


(1) L. Fourment, Observations sur l’'Agamonemu commune (Société de bio- 
logie, séance du 23 décembre 1882). 

(2) Diesing, Systema Helminthum, I, 116. : 

(3) Linné, Syst. nat. ad., XII, 1075, 4 partim. — Muller, Prodrom. verm., 
N. 2578. — Fabricius, Faun. Groenland, 266. d 

(4) Rudolphi, Entoz. hist., I, 74-75. -— Ej. Synops., 10, 218. — Siebold, 
in Wiegmann’s Archiv, 1838, 1, 305, 312. — Créplin, 5bid., 373. — Dujardin, 
Hist. nat. des Helminthes, 60. — Créplin, in Ersch et Grub Encyclop., 1846, 
Sect. I, XLIV, 166-167. 

(3) Deslongschamps, in Encyclop. meth. (Zoophyt.), IT, 399. 

(6) Gmelin, Syst. nat., 3035-3037. 

(7) Schrank, Verz., 9. 

(8) Rudolphi, Entoz. hist., 11, 143, 179. — Ej. Synops., 39, 50, 270, in 
Wiegmanns Archiv, Il, 27. 

(9) Bellingham, in Annals of hist. nat., XIII, 169. 

(10) Dujardin, Hist. nat. des Helminthes, 187, 203. 

(11) Mollin, Sitzungsb. d. k. Akad, XXXNIII, 23: 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 651 


On est ainsi conduit à penser que les nombreux Nématodes agames et 
endoparasites des poissons doivent être vraisemblablement rapportés au 
seul genre Ascaris ; on ne saurait admettre les innombrables types hàlive- 
ment créés à la suite d'observations incomplètes et portant sur des individus 
larvaires. Des recherches ultérieures fourniront sans doute des éléments 
suffisants pour élucider complètement le cyele évolutif deces Nématodes. 

A cet égard, il est intéressant de signaler leur présence chez un oiseau 
essentiellement piseivore. 


NOUVELLE MÉTHODE CALORIMÉTRIQUE APPLICABLE A L'HOMME, 
par M. A. D'ARSONVAL. 


+ 


A plusieurs reprises, depuis 1875, j'ai entretenu la Société de différents 
appareils que j'ai combinés en vue de mesurer et d'enregistrer la quantité 
de chaleur dégagée par un être vivant. Je rappellerai simplement que 
toutes les dispositions que j'ai décrites jusqu’à ce jour obéissent aux trois 
conditions fondamentales ci-dessous : 

1° Le calorimètre conserve toujours la même température; 

2° IL est plongé dans un milieu qui a la même température que lui; 

3° Le calorimètre règle automatiquement sa température en agissant 
sur une source frigorifique compensatrice qui donne la mesure de la 
chaleur dégagée. 

Cette méthode donne des résultats irréprochables au point de vue de 
l'exactitude tant physique que physiologique ; mais, comme il est nécessaire 
de maintenir l’invariabilité de la température du calorimètre, il faut dis- 
poser d’une source de froid compensatrice. 

Pour de petits appareils, la chose estrelativement facile : mais, lorsqu'on 
doit faire de la calorimétrie sur de grands animaux ou sur l” Route. il faut 
autant que possible simplifier l’appareil instrumental. C’est pour atteindre 
ce but que vers la fin de l’année passée (1883), j'ai essayé une autre mé- 
thode, d’une installation simple et d’une exactitude néanmoins très suffisante 
pour ce genre de recherches. C’est une variante de la méthode calorimé- 
trique par rayonnement, à laquelle j'ai apporté plusieurs perfectionnements 
qui en rendent l’usage très pratique (1). 

Pour les animaux de petite taille (lapin, cobaye, chien), le calorimètre 
proprement dit est le même que celui que j’ai décrit déjà pour la méthode 
compensatrice ; c’est un grand thermomètre creux, dans lequet est renfermé 


(1) J'ai décrit cette méthode déjà, mais pour d’autres usages, dans le journal 
La lumière électrique du 18 octobre 1884, qui a bien voulu me prêter ses 
clichés pour la présente Note. 


652 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l'animal ; dans la première méthode le corps dilatable du thermomètre est 
un liquide, dans la méthode actuelle ce corps est un gaz (de l'air). 

L'appareil destiné à la calorimétrie humaine ou aux grands animaux ne 
diffère du précédent que par ses dimensions et sa situation qui est verti- 
cale au lieu d’être horizontale. 

Le calorimètre proprement dit se compose de deux cylindres métalliques 
concentriques limitant deux cavités : la première (1), annulaire, herméti- 
quement close et communiquant seulement par le tube (3) avec un mano- 


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mètre à eau (4), dont on verra tout à l'heure l’usage. Cette cavité est pleine 
d'air. La seconde cavité (2) constitue l’intérieur du calorimètre, dans 
lequel est placée la source de chaleur (un homme dans la figure 1). Le 
calorimètre est suspendu au plafond par une double poulie (6) et équilibré 
par un poids (7), sa base repose sur un socle (8) muni (‘une rainure cir- 
culaire pleine de glycérine ou d'huile faisant fermelui:e parfaitement 
étanche. : 

Pour pénétrer dans l'instrument, on le soulève au-dessus du sol et on 
le laisse retomber dans la rainure une fois en place. Cette manœuvre ne 
présente aucune difficullé, grâce à la suspension de l'instrument. Au- 
dessous du socle débouche un tuyau (9) de 6 à 8 centimètres de diamètre, 
qui passe à travers la cloison de la pièce où se trouve l’instrument. 

La ventilation a lieu simplement par l'appel de la cheminée (9), dans 
laquelle brüle un bec de gaz à débit constant. L'air extérieur arrive en 
10 par le haut du calorimètre, et, comme la ventilation se fait de haut 


en bas, la température est bien uniforme dans l'intérieur de l'appareil. 
; | N 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 658 


Supposons maintenant l'instrument relié à un manomètre simple par le 
tube 3; si une source de chaleur est placée en 2, elle échauffe l'air 
de 1 et la température monte jusqu'à ce que La perte par rayonnement 
soit égale à la production. La loi de Newton nous apprend d’autre part 
que la perte de chaleur est proportionnelle à l'excès de la température du 
corps rayonnant sur celle du milieu ambiant. | 

Cette augmentation de température se traduit à l'extérieur par le mou- 
vement de la colonne du manomètre qui en donne la mesure. Si on veut 
l'enregistrer directement, on peut munir la branche libre du manomètre 
d’un petit flotteur, ou mieux supprimer le manomètre et le remplacer par 
un tambour à levier de Marey. Dans ce cas l’appareil est d’une sensibilité 
excessive, qui est fonction du volume d'air enfermé dans le thermomètre, 
tandis qu’elle en est indépendante avec le manomètre (dilatation sous pres- 
sion variable). 

Ce calorimètre n’est autre chose, comme on le voit, qu'un grand fhermo- 
mètre à air creux, dans la cavité duquel la source de chaleur se trouve 
enfermée. On reconnait aisément dans ce dispositif le principe de mes 
régulateurs directs décrits autrefois, et on comprend, sans que j’insiste, 
les avantages de ce dispositif, qu'on retrouve dans tous mes instruments 
(calorimètres ou régulateurs de température), depuis que j'en ai montré 
l'importance en 1875. 

D'après la loi de Newton, la quantité de chaleur rayonnée (et par consé- 
quent produite) en un temps donné est proportionnelle à l’excès de tempéra- 
ture du calorimètre sur le milieu ambiant pour des différences inférieures 
à 90 degrés. 

Si l’on fait une expérience de courte durée, on peut employer soit le ma- 
nomètre à air libre, soit le tambour à levier, pour enregistrer l’échauffe- 
ment de la cavité 1; dans le cas contraire, les variations barométriques 
et thermométriques du milieu ambiant fausseraient tous les résultats ou 
nécessiteraient des corrections pénibles enlevant à la méthode sa plusgrande 
qualité : la simplicité. Pour éliminer à la fois ces deux corrections, je relie 
la seconde branche du manomètre à un grand réservoir (5), qui se trouve 
placé dans la même pièce que le calorimètre, et qui subit par conséquent 
les mêmes variations externes. 

Avec cetle disposition le manomètre indique constamment la différence 
de température du calorimétre et du milieu ambiant, c'est-à-dire précisé- 
ment la quantité à mesurer. 

L'ensemble de l’appareil constitue un thermomètre différentiel à air, 
analogue, aux dimensions et aux usages près, à l'appareil classique de 
Leslie. 

[ faut à présent graduer l'instrument expérimentalement pour en faire 
un appareil de mesure. Cette graduation est des plus simples. Je place 
dans l’appareil une source constante de chaleur, dont l'intensité est connue 
à l’avance et j'observe lPindication correspondante du manomètre. Je 


654 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


prends comme source de chaleur soit un bec de gaz hydrogène dont la 
chaleur de combustion est exactement connue, soit une spirale de platine 
chauffé par un courant, soit un simple jet de vapeur à 100 degrés. 

Je n'insiste pas sur les détails de cette opération, n'ayant besoin ici que 
d’en faire connaître le principe. 

Celte graduation une fois terminée, la simple lecture du manomètre fail 
connaître à chaque instant la chaleur produite par l’être en expérience. 

Pour inscrire les indications de l'appareil ainsi modifié sous forme de 
courbe continue, j'ai employé plusieurs dispositifs; je ne décrirai que le 
suivant, dont j'ai emprunté l’idée au loch enregistreur de Marey (fig. 2). 


FIG. 2. 


Les deux branches du manomèêtre (4 et 5) sont terminées chacune par 
une capsule métallique que clôt une membrane élastique (1 et 2). Ces deux 
membranes sont reliées entre elles par une traverse rigide (3), qui fait mou- 
voir un levier (6), dont la pointe vient tracer une courbe en 7 sur le cylin- 
dre enregistreur. Comme les membranes 1 et 2 ont la même surface, 
aucun mouvement ne se produit si on exerce des pressions égales en 4 et 5. 
L'appareil n’est donc influencé que par les différences de pression à me- 
surer. Pour augmenter la sensibilité, on peut ne pas mettre de liquide dans 
le manomètre, mais il est préférable d’allonger le levier inscripteur. 

J'ai établi sur ce principe d’autres appareils pouvant rendre de grands 
services dans la thermo-chimie organique, je les décrirai ultérieurement à 
la Société. 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 635 


D’UNE NOUVELLE MÉTHODE CALORIMÉTRIQUE. Note de M. CHARLES RICHET. 


Ayant eu l’occasion, dans le courant de cette année (Bulletin de la So- 
-:ciété de biologie, 29 mars 188%), d'établir que la piqüre de la partie super- 
ficielle du cerveau détermine presque immédiatement une hyperthermie 
remarquable, je me suis demandé s’il s'agissait là d’un effet vaso- moteur 
ou d’une excitation nerveuse ayant produit un excès de chaleur. 

Les méthodes calorimétriques pouvant seules résoudre la question, j'ai 
dû faire des essais dans ce sèns ; et c'est le dispositif instrumental que je 
viens soumettre aujourd’hui à la Société de biologie, me réservant, dans 
une séance prochaine, de donner les résultats principaux oblenus. 

On sait que notre ingénieux confrère, M. d’Arsonval, a imaginé un calo- 
rimètre dont il a étudié, avec beaucoup de soin, les conditions (1). 

L'appareil que nous avons employé, s’il ne donne pas en calories un 
chiffre précis, a l’avantage de mesurer facilement, et avec une extrême 
sensibilité, la radiation extérieure, le rayonnement de tel ou tel animal, 
dans des conditions tout à fait physiologiques. C’est donc plutôt un thermo- 
mètre périphérique total qu'un calorimètre (2). 

Avec cet appareil on peut mesurer à l’aide de quelques expériences très 
simples la quantité de chaleur qui rayonne d’un animal,et, au bout d’un 
temps très court, soit une demi-heure à peu près, on a déjà une mesure 
très suffisamment exacte. 

La figure ci-jointe explique micux que toute cuescripion l'appareil em- 
ployé. 

Soit un animal enfermé dans une enceinte à double paroi, la chaleur 
rayonnante émise par lui va échauffer la double paroi qui l’entoure. Alors 
l'air qui yest contenu va s’échauffer, et par conséquent se dilater, de sorte 
que, pour mesurer la chaleur rayonnante émise, il suffira de mesurer la 
dilatation de l’air contenu dans la double enceinte. 

Si l’on adapte un manomètre à l'enceinte qui entoure l'animal, par suite 
de la dilatation, la pression croîtra, et cet accroissement de pression fera 
monter le liquide du tube manométrique. On pourrait donc simplement 
mesurer la hauteur de la colonne liquide manométrique; mais, comme les 
volumes sont en raison inverse des pressions, la pression croît tellement 
vite, que l'élévation de la colonne liquide devient bientôt très faible et que 


quelques millimètres répondent à une élévation de température très 
notable. 


(1) Travaux du Laboratoire de M. Marey, t. V, et La Lumière électrique, 
1884, n° 36, 37, 38 et 39, p. 261 et suivantes. 

(2) Nous en avons établi le principe au mois de juillet 4884, au cours de phy- 
siologie de la Faculté de médecine. 


656 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Pour tourner la difficulté, nous avons mis en usage l’artifice suivant : 

Si l'air, en se dilatant, est amené à la surface d’un grand vase herméti- 
quement clos, rempli de liquide, avec un siphon amorcé, la moindre aug- 
mentation de pression fera écouler l’eau du siphon; et la quantité d’eau qui 
tombera sera précisément égale en volume à la dilatation de l'air. 

Pour avoir une pression tout à fait nulle, le liquide du vase clos est en . 
communication avec un tube en verre recourbé, à air libre, disposé en 


forme de siphon, et monté sur une crémaillère graduée en millimètres. On 
établit le niveau exact, de telle sorte que l’eau ne coule pas, mais que la 
moindre augmentation de pression la fasse couler. 

Si l’on recueille dans une éprouvette graduée l’eau qui s'écoule, on me- 
sure ainsi exactement la dilatation de l'air, dilatation qui est égale à la 
quantité d’eau qui est tombée. | 

La sensibilité de l’appareil est extrême, puisque une allumette, en brülant 
au centre de la boule, dégage assez de chaleur, c’est-à-dire dilate suffisam- 
ment l'air de l’enceinte, pour qu'il s'écoule 5 à 6 centimètres cubes. 
Un lapin, en une demi-heure, fait tomber de 100 à 200 centimètres cubes. 
On conçoit l'avantage qu’il y a à employer une mesure aussi commode que 
celle d’un volume d’eau, et avec des quantités aussi considérables. 

Mais, si le siphon reste au même point, comme, par suite de la chute d’une 
certaine quantité d’eau, le niveau n’est pas lout à fait le même, l'appareil 
travaille avec une certaine pression. Il faut donc, de toute nécessité, pour 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 


> 
(D 
— 1 


que la pression soit toujours égale à zéro, ramener le siphon au même point: 
ce qui est très facile quand on connaît à quelle quantité d’eau répond une 
différence de pression d’un millimètre. Cette quantité dépend évidemment 
des dimensions du vase; dans mes appareils, la chute de 30 centimètres 
cubes d’eau répondait à une diminution de niveau d’un millimètre; par 
conséquent, pour régler l’appareñ, il suffit pour un écoulement d’eau de 
30 centimètres cubes d’abaisser le siphon ai un millimètre, ce qui se fait ie 
moyen de la vis à crémaillère. 

Il faut tenir compte aussi des changements de la température extérieure 
qui agit sur l’air de l'enceinte ; un thermomètre gradué en 1/25 de degré, 
est suspendu à côté du calorimètre, et permet de faire les corrections né- 
cessaires. [l faut aussi, naturellement, corriger la pression, quoique cette 
correction, pour les espaces de temps d’une demi-heure et une heure, soit 
bien moins importante que celle de La température. 

Quant à l'appareil récepteur, ou calorimètre proprement dit, je me suis 
servi tantôt de la couveuse de M. d’Arsonval, tantôt, et avec plus d'avantages, 
d’un appareil plus petit, construit sur mes indications par M. Wiesnegg, 
d’un serpentin tubulaire en cuivre, disposé en forme d’un double hémi- 
sphère, au milieu duquel on place l'animal. 


Les résultats obtenus par cette méthode si simple confirment les idées 
théoriques classiques en la plupart des points. 
J'aurai l’occasion prochainement d’en donner les résultats. 


SUR UN PHÉNOMÈNE OBSERVÉ CHEZ DES ANIMAUX SOUMIS A L'ACTION DE COU- 
RANTS ÉLECTRIQUES INTENSES, par MM. BROUARDEL, GARIEL et GRANGE. 


Nous exécutons en ce moment une série de recherches sur les con- 
ditions dans lesquelles la mort peut être le résultat de l’action de courants 
électriques intenses : nous aurons l'honneur de présenter ultérieurement 
les conclusions auxquelles nous aurons été conduits. Nous désirons vous 
faire connaître seulement aujourd'hui un fait que nous avons observé el 
qui, à ce que nous croyons, n’a pas encore élé signalé. 

Nos expériences portent actuellement sur des chiens que nous soumet- 
tons à l’action de courants, tantôt continus et lantôt alternatifs, correspon- 
dant à des différences de potentiel qui peuvent atteindre 300 volts environ, 
qui, suivant les conditions, peuvent amener ou non la mort. 

Lorsqu'un chien a été soumis à l’action d’un courant électrique qui n’est 
pas mortel, pendant un temps qui peut ne pas excéder 15 secondes, l'animal 
étant placé dans une goutlière ordinaire en bois, qui doit être assez bon 


6o8 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


isolant, si l’on vient à toucher l'animal après la cessation du passage du 
courant, on éprouve une sensation très nette, qui montre que l’animal est 
Électhisé d’une manière notable, la sensation pouvant arriver à être dange- 
reuse. Cette sensation ne semble pas générale, elle apparaît particulière- 
ment, comme cela doit être, sur les parties présentant des pointes, les parties 
où il existe des poils dressés, les ongles, le museau. Dans certains cas l'effet 
était identique à celui qu’aurait produit une bobine d’induction; de plus, 
cet effet n’a pas paru toujours appréciable immédiatement après la cessation 
du courant, mais seulement quelques secondes après. Nous ajouterons que 
l'effet a paru le même, soit que le courant employé fût continu, soit qu'il 
fût alternatif. Enfin, et si le fait se trouvait général, il présenterait une 
grande importance; ce phénomène ne peut être perçu, bien que nous 
l’'ayons recherché lorsque l’animal avait succombé à l’action du courant; 
rien ne put être observé, soit que l’animal eût succombé après une longue 
expérience dans laquelle il avait été épuisé par l’action du courant, soit que 
la mort eût suivi immédiatement le premier passage du courant. Le phéno- 
mène a été incontestable dans les expériences et nous allons recher- 
cher s’il se produit dans des conditions différentes et pour d’autres animaux. 
Il est à peine nécessaire d'indiquer l'intérêt que présenterait ce phénomène 
sila différence que nous venons de signaler entre les animaux morts et vi- 


vants était générale : ce pourrait être un moyen de reconnaître la mort 
réelle. 


SUR UNE PSEUDO-TUBERCULOSE CUTANÉE DU CHIEN, PROVOQUÉE PAR LE 
DEMODEX FOLLICULORUM (Owen). Note par M. LAULANIÉ, présentée par 
M. Marxias DuvaL. 


‘On sait que le Demodex folliculorum (Owen), qui reste inoffensif chez 
l’homme, détermine chez certaines espèces domestiques, et en particulier 
chez le chien, une gale extrêmement opiniètre pouvant même amener la 
consomption et la mort. | 

L’anatomie pathologique de cette affeclion contient des faits précieux qui 
intéressent au plus haut degré la pathologie générale. A côté des lésions 
banales qui avaient déjà frappé les observateurs en raison de leur caractère 
bruyant, j'ai trouvé, en effet, une forme de tuberculose locale qui se rat- 
tache très évidemment à l'influence irritante des Demodex et sur laquelle 
je vais donner quelques détails. 

Les fragments de peau malade ont été dureis dans l’alcool absolu, et les 
préparations ont été faites en deux séries et dans deux directions par des 
coupes transversales et tangentielles. 

Dans presque toute l'étendue des parties que j'ai observées, la galé est 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. 699 


déjà assez avancée pour avoir amené la chute des poils. Ce phénomène a 
entrainé à sa suite l’atrophie et même la disparition complète de toute la 
partie des follicules située au-dessous de l'insertion des glandes sébacées. 
Au-dessus de ce point le follicule a persisté et la gaine externe de la racine 
circonscrit un canal régulier, occupé autrefois par le poil et devenu au- 
jourd’hui le canal exeréteur commun de toutes les glandes sébacées an- 
nexées à chaque follicule. Je dois ajouter que, par une compensation tout à 
fait inattendue, toules les portions de l'appareil pileux, qui persistent après 
là chute du poil, ont subi une hypertrophie manifeste. Ce détail se voit 
bien sur les coupes tangentielles où la cavité circonserite par la gaine 
-externe de la racine est devenue trois ou quatre fois plus considérable qu'à 
l'état normal avant la chute des poils. D'autre part, les glandes sébacées se 
sont multipliées et ont augmenté de volume. 

Les parasites sont distribués dans la peau d’une façon qui ne rent pas 
entièrement aux descriptions données par les auteurs. Ils occupent, il est 
vrai, l’intérieur du follicule, associés aux débris de la gaine interne, ou 
bien, là où les poils sont tombés, ils remplissent les canaux excréteurs des 
glandes sébacées ; mais je ne les ai jamais surpris à l’intérieur des culs -de- 
sac glandulaires, dont l’épithélium est parfaitement intact. Par contre, les 
Demodex se répandent bientôt en dehors de leur habitat primitif et vont 
déterminer dans le derme les produits de nouvelle formation qui font l’ob- 
Jet principal de cette note. 

On trouve en effet sous l'étage occupé par les glandes sébacées une zone 
limitée en bas par les glomérules des glandes sudoripares et qui contient 
des ilots jaunâtres, bosselés, et formés par un tissu de granulation. Ces 
masses granuleuses sont allongées et occupent la place des anciens folli- 
cules dont elles ont la direction. Cette ordonnance particulière du tissu de 

-nouvelle formation etsa subordination évidente à l’orientation même des 
follicules, fait naître immédiatenent l’idée que chacun des îlots tubercu - 
leux s’est produit sous l'influence des Demodex issus du follicule corres- 
pondant et donne ainsi la mesure de la sphère d'action de ces parasites. 

Quand on examine à de forts grossissements le tissu de nouvelle forma- 
tion, il se laisse résoudre en petits groupes cellulaires qui ont la composi- 
tion générale des follieules de Koster de la tuberculose. On y découvre en 
effet : 1° une cellule géante centrale revêtant parfois la forme d’un dia- 
phragme dont le contour interne embrasse un fragment de Demodex; 
2° une couronne compacte de cellules épithélioïdes colorées en jaune 
orangé par le picro-carminate d’ammoniaque, et affectant, en certains cas, 
une disposition radiée très nette ; 3° une ceinture périphérique embryon- 
naire qui d’ailleurs n’est pas constante. 

La présence fréquente d’un Demodex au centre de ces formations dé- 
nonce suffisamment leur origine et montre qu’elles sont le produit spécial 
de l'inflammation provoquée par les parasites. 

Ce fait est en tous points comparable à celui que j'ai observé autrefois 


660 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dans le poumon d’un chien (1) qui, sous l'influence des œufs du Strongy- 
lus vasorum (Baillet), est envahi par une granulie histologiquement sem - 
blable à celle que je décris aujourd’hui. On voit donc une fois de plus que 
sous l’action irritante de parasites vulgaires il peut se former dans les tis- 
sus vivants des produits inflammatoires, qui par la nature de leurs élé- 
ments et leur arrangement spécial sont identiques aux tubercules élémen- 
taires vrais. 

Il y a là, semble-t-il, un ordre de documents qui doivent particulière- 
ment intéresser ceux d’entre les médecins qui doutent encore du rôle 
pathogénique du bacille de Koch et qui voient dans le tubercule un produit 
anatomiquement spécifique, développé sous l'influence d’une diathèse in-. 
saisissable. Les fausses tuberculoses parasitaires que j'ai fait connaître me 
paraissent plaider indirectement contre l’ancienne doctrine et déposer en 
faveur de la nouvelle. 

Ce qui donne ici aux produits inflammatoires des apparences inaccoulu- 
mées et leur imprime cette note particulière caractérisée par la formation 
de cellules épithélioïdes et de cellules géantes, c’est assurément l'énergie 
propre de la cause'irritante qui développe son influence avec une certaine 
discrétion. On conçoit donc que, si l’action irritante dépasse cette mesure 
où elle amène la formation des pseudo-follicules, elle pourra se traduire 
par des phénomènes inflammatoires bruyants et vulgaires. J’en ai la preuve 
ici même dans les effets du Demodeæ folliculorum (Owen), qui, par une 
lente progression, aboutissent à la formation de ces abcès et de ces pustu- 
les qui avaient seuls frappé les pathologistes vétérinaires dans la gale ul 
chien. 

Soit que l’action irritante des parasites trouve dans sa continuité même 
une cause d’exacerbation, soit que les Demodex abandonnant la forme lar- 
vaire pour passer à l’état adulte deviennent plus actifs, les produits mor- 
bides ne tardent pas à subir le contre-coup de cet accroissement d'énergie 
et leur physionomie se transforme, la suppuration intervient; mais il ne 
faut pas oublier qu’elle constitue seulement le phénomène ultime d’un 
processus inflammatoire dont les termes divers s ‘aperçoivent très aisément 
dans mes préparations. 

Il est en effet très rare que les pseudo-follicules que j'ai décrits plus 
haut se présentent avec une pureté de composition tout à fait parfaite. Cela 
arrive en certains points là où l’énergie propre des parasites s’est contenue 
dans les limites qui répondent à cette forme anatomique. Mais le plus sou- 
vent on voit intervenir au centre des pseudo-follicules des globules puru- 
lents qui impriment un remaniement plus ou moins étendu à la formation. 
La cellule géante centrale perd alors ses connexions avec la ceinture épi- 


(1) Sur une tuberculose parasitaire du chien et sur la pathogénie du follicule 
tuberculeux. Note par M. Laulanié, présentée à l’Académie des sciences, par 
M. Bouley, 2 janvier 1882. 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE, 661 


thélioïde, elle se disloque et se fragmente à des degrés divers. Les glo- 
bules purulents, en se multipliant, amènent la transformation complète du 
pseudo-follicule en un abcès miliaire. Quand ces phénomènes se produisent 
au centre d’un ilot tuberculeux, la lésion prend alors une physionomie inté- 
ressante : elle affecte la forme d’un abcès plus ou moins étendu, dont les 
parois sont formées par du tissu de granulations. Mais ces parois elles- 
mêmes sont progressivement entamées par la suppuration et il ne reste 
plus rien de ces formations préliminaires qui répondaient à la première mo- 
dalité de la cause irritante. 

Ainsi l’action phlogogène des Demodex folliculorum (Owen) donne lieu 
à deux formations inflammatoires qui se substituent l’une à l’autre et se dé- 
roulent dans deux périodes distinctes. Dans la première, les produits 
pathologiques reproduisent les caractères histologiques des tubercules élé- 
menlaires vrais; dans la seconde, les leucocytes font irruption dans les 
pseudo-tubercules et la suppuration s’installe pour progresser ensuite et 
donner lieu à des abcès plus ou moins étendus. Ce phénomène n’est pas 
isolé. On peut le rapprocher de ce que les Allemands nous ont fait connaître 
sur l’actinomycose, dont les lésions affectent la forme nodulaire et la forme 
purulente. Il y a probablement entre ces deux formes le même rapport de 
succession que celui que j'ai rencontré pour les produits inflammatoires de 
la gale de Demodex. 


NOTE SUR LA PHYSIOLOGIE DES PYROPHORES, par M. R. Dupors. 


En poursuivant l'étude de la production de la lumière par les êtres 
vivants, j'ai été frappé du nombre comparativement très restreint d’obser- 
vations et d'expériences physiologiques connues concernant les pyrophores. 

On sait que, contrairement à l’opinion émise par Brown et combattue par 
Lacordaire, toutes les parties de l’insecte ne sont pas phosphorescentes, 
mais que la production de la lumière est localisée dans des organes spé- 
ciaux..Ce dernier observateur à également remarqué que l'organe lumi- 
neux séparé du corps de l’animal continue à briller pendant un certain 
temps pour s’éteindre ensuite peu à peu; il ajoute que l’on peut ramener 
la phosphorescence, après qu’elle a disparu, au moyen de l’eau bouil- 
lante. 

Enfin M. Marey a bien voulu nous faire savoir qu'il avait pu faire re- 
paraître la lumière, au moyen de l'excitation électrique, dans des organes 
éteints et séparés de l'animal. Ce fait doit être rapproché d’une ancienne 
observation de de Humboldt, rapportée par Phipson, d’après laquelle on 
aurait pu faire reparaître la lumière, dans les organes spéciaux d’un pyro- 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° Série, T. IT, N° 04. b1 


662 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


phore mort, par application sur les ganglions antérieurs d’une pièce de 
zinc et d’une pièce d'argent. 

On s’est principalement occupé des mœurs, des caractères morphologi- 
ques et de la structure de l’organe lumineux des pyrophores. 

Cependant ces insectes sont beaucoup plus maniables que les autres 
animaux lumineux et leur organisation se prête admirablement à l’étude des 


relations des diverses fonctions avec la production de la lumière : inver- 


sement, l'observation attentive du mécanisme de ce phénomène peut aider 
à éclaircir certains points importants de la physiologie des insectes, enve- 
loppée encore aujourd’hui d’une obscurité profonde. 

L'existence d’un seul individu (une femelle), que nous avons pu con- 
server pendant près de trois semaines au laboratoire du Havre, nous a 
permis de faire un certain nombre d'observations suivies : les expériences 
auxquelles l’insecte a pu se prêter sont assez nombreuses, bien que 
nous ayons été limité par la nécessité de nous placer toujours dans des 
conditions compatibles avec la vie. 


Nos observations peuvent se diviser en deux groupes : 

1° Modifications subies par la fonction lumineuse sous l’influence des 
agents physiques ; | 

2° Modifications produites par les agents chimiques. 


] 


Action de l’excitation mécanique. — Un choc, une chute de l’animal sur 
un corps dur, le frottement déterminé au moyen d’un pinceau ou d’une 
plume excitent la production de la lumière. Les poils dont les téguments 
de l’animal sont recouverts, même à la surface des plaques lumineuses, pa- 
raissent jouer le rôle d'appareils tactiles : ils sont susceptibles sous ‘cer- 
taines incidences de prendre une belle teinte bleuâtre, mais ce sont là des 
phénomènes dus à la décomposition de la lumière extérieure et qu'il ne 


faut pas confondre, comme semblent l’avoir fait les anciens observateurs, . 
2 2 


avec la lumière propre de l’animal. 

Quand on l’excite fortement, l’insecte paraît impuissant à arrêter la pro- 
duction de la lumière, et, s’il est fixé pendant que l’excitation mécanique 
est exercée, il se met à frapper à la manière des autres taupins, et la lu- 
mière brille avec d'autant plus d'intensité, dans les plaques du prothorax, 
que le mouvement devient plus rapide et plus violent : l’animal s’excite 
lui-même; il en est de même, paraît-il, pour la plaque ventrale, quand le 
vol est rapide. Ce point mériterait d’être vérifié, mais d’une manière géné- 
rale on peut affirmer que l’activité musculaire qui suit une excitation 
accroît l'intensité lumineuse. C’est ce qui a fait supposer à Morren que l’in- 
tensité lumineuse était en rapport direct avec l’activité respiratoire et 
qu’elle augmentait ou diminuait selon le jeu des stigmates placés sous la 
volonté de l’insecte. 


SÉANCE DU 29 NOVEMBRE. | 663 


Tous les points du corps sont excitables, mais le phénomène lumineux 
apparaît plus vite quand on excite les bords latéraux de l’abdomen ainsi 
que les points situés au niveau des articulations : les plaques lumineuses 
elles-mêmes sont directement excitables mécaniquement. 


Excitation électrique. — L'’excitation électrique par les courants réduits 
est également plus efficace dans les points ci-dessus désignés et, en géné- 
ral, là où les téguments ont la moindre épaisseur. Avec une pile de 
moyenne force au bichromate de potasse et le n° 10 du chariot de Du Bois- 
Raymond on peut provoquer l’apparition de la lumière par une excitation 
portée sur un point quelconque du corps. Le temps qui s’écoule entre 
l'excitation de la partie terminale de l’abdomen et la production de la 
lumière dans les plaques du prothorax est d'environ une ou deux secondes. 
Nous n’avons trouvé aucun point dont l’excitation, même avec un courant 
puissant, ait été susceptible de faire disparaître la lumière. 

L’excitation directe des plaques ne modifie en aucune façon l'intensité 
maxima obtenue par un autre moyen. En excitant un côté seulement de 
l’animal, la lumière parait simultanément aussi brillante dans les deux 
plaques prothoraciques. 

L'animal peut spontanément produire de la lumière, elle se montre or- 
dinairement quand il se met en mouvement dans l’obscurité, mais au 
repos absolu les plaques ne brillent pas ou parfois très faiblement. 

Dans certaines conditions indiquées plus loin, lalumière peut se produire 
alors que de fortes excitations ne donnent lieu à aucune manifestation ap- 
préciable : elle peut'aussi disparaître quand l'animal semble jouir de toutes 
ses autres facultés, mais dans les conditions normales l’extinction de la 
lumière serait aussi difficile à obtenir que le serait le sommeil pendant 
une violente excitation. 


Action de la lumière. — Le séjour prolongé ne modifie pas la faculté 
éclairante. 

Si l’on empêche la lumière de pénétrer dans un œil en obturant celui-ci 
avec une boulette de cire, l’intensité n’en est pas moins vive et pas moins 
persistante : elle augmente si l’on obture à la fois les deux yeux; mais 
l'animal s’arrête et ne cherche plus à fuir. 

Si l’on applique sur une des plaques lumineuses du prothorax, 
animal étant dans l’obscurité, une boulette de cire, la démarche, qui 
est ordinairement rectiligne, devient incertaine, puis l’animal s'arrête 
et l’autre plaque s'éteint; on peut dans ces conditions ranimer la lu- 
mière par lexcitation des élytres, mais elle ne tarde pas à faiblir et à dis- 
paraître. 

La lumière se produit spontanément vers le soir, qui est la période 
d'activité de l’animal ; alors même que l’animal est depuis plusieurs jours 
dans l'obscurité complète et continue, la même périodicité existe. 


L 


664 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 

Action de la chaleur. — En élevant progressivement la température 
d’une étuve humide dans laquelle linsecte à été placé à 36 degrés, on voit 
la faculté photogène disparaître vers 46 à 47 degrés, alors que les mouve- 
ments spontanés et la sensibilité persistent. 


Action du froid. — Au bout de huit minutes dans un milieu dont la 
température n’est que de H 1 degré centigrade, toute trace de sensibilité et 
de mouvements disparait alors que la propriété photogénique subsiste 
encore. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


48 
…. jo 


665 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TOXICITÉ DES URINES NORMALES, 
par Ch. Boucxarp. 


En août 1882, j'ai communiqué à la Société de biologie le résultat des 
recherches que j'avais entreprises sur certaines substances toxiques qui, au 
cours des maladies infectieuses, me semblaient être preduites par les agents 
infectieux. J’ai montré que les urines de la fièvre typhoïde, de la pneumonie, 
de la pleurésie infectieuse, de lictère infectieux, renfermaient des alca- 
loïdes en plus grande quantité que les urines normales. 

En octobre de la même année, dans une note insérée dans la Revue de 
médecine, j'ai montré que, même les alcaloïdes normaux des urines dont 
la découverte est due à M. G. Pouchet, sont en grande partie, sinon en 
totalité, élaborés par des organismes végétaux, que leur source est dans 
l'intestin et qu'ils sont le produit des putréfactions intestinales qui s’opèrent 
même dans l’état de santé. J’ai montré que certains alcaloïdes extraits des 
urines peuvent exercer une action physiologique, dilatation de la pupille, 
accélération des battements du cœur. Jai montré d’autre part que les ma- 
tières intestinales, même normales, sontéminemment toxiques et que, pour 
déterminer la mort du lapin, il suffit de l’extrait de 17 grammes de matière, 
débarrassé des sels minéraux, de l’ammoniaque et des acides biliaires. J'en 
avais conclu que, si les substances toxiques formées dans l'intestin ne pro- 
duisent pas l’intoxication, c’est parce que le rein élimine ces produits au fur 
et à mesure de leur pénétration dans le sang. 

Comme corollaire de cette manière de voir, il fallait admettre la toxicité * 
des urines. C’est l’idée traditionnelle, contemporaine de celle qui fait du 
rein un émonctoire. C’est sur cette toxicité hypothétique des urines que 
reposent les principales théories de l’urémie. Cette conception s’est engagée 
dans la voie de la démonstration expérimentale avec Frerichs et CI. Bernard. 

Après l’urée et l’ammoniaque, on a accusé les autres matières organiques, 

BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°', N° 41. 92 


Us 


666 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


les malières colorantes, même les matières minérales et en particulier la 
potasse, de donner aux urines leur toxicité. Mais cette toxicité de l’urine 
normale qu’on prétendait expliquer, on ne l'avait pas démontrée expérimen- 
talement ; en effet, je n’avais obtenu les effets comparables à ceux de l’atro- 
pine signalés plus haut, qu'avec des alcaloïdes extraits des urines patholo- 
giques. 

Cette démonstration a été donnée dans une note du Centralblatt, 
23 décembre 1882, par le docteur Bocci. [l résulte de ses expériences que 
l'urine humaine normale injectée sous la peau des grenouilles peut produire 
la paralysie et même la mort. Chez le rat, le cochon d'Inde et le lapin, cette 
action toxique de l’urine serait beaucoup plus faible et très passagère. 

Le 9 avril 1883, le docteur Schiffer a communiqué à la Société de médecine 
interne de Berlin, des recherches analogues. [1 tue une grenouille en injec- 
tant sous la peau l'extrait de 16 à 25 grammes d'urine. [] lui faut l’extrait 
d’un litre et demi d'urine pour luer un lapin. Il n’a pas réussi à isoler la 
substance toxique. 

Les recherches de M. Dupard entreprises sous la direction du professeur 
Lépine et celles plus complètes de MM. Lépine et Guérin, en 1883 et 1884, 
sont intéressantes surtout au point de vue de la toxicité des urines patholo- 
giques et des différences que présentent les matières toxiques suivant les 
maladies. 

Dans tous ces travaux, la matière qui a servi aux expériences a été surtout 
‘un extrait, soit alcoolique, soit éthéré de l'urine, on n’a fait qu’ex- 
ceptionnellement usage de l’urine en nature. Les injections sous-cutanées 
d'urine autre que les urines fermentées des cystites avaient laissé croire que 
l'urine normale n’est pas toxique ; c’est au moins ce qu’on pourrait conclure 
des expériences de Muron. 

Pour la détermination de ce que j'appelle l'équivalent thérapeutique des 
médicaments, je me suis servi, comme voie d'introduction, de l’injection 
intraveineuse. Cette méthode qui, au point de vue opératoire, est presque 
aussi facile et expéditive que l’injection sous-cutanée, paraît au premier 
abord être moins avantageuse pour l’étude analytique des divers phénomènes 
toxiques ; elle est, en tout cas, infiniment supérieure pour la détermination 
‘exacte de la quantité de substance médicamenteuse ou toxique nécessaire 
pour provoquer, dans l’unité de poids d'animal, un effet physiologique 
déterminé. L’injection intraveineuse, en dehors de quelques circonstances 
exceptionnelles, doit être actuellement interdite chez l’homme ; elle peut 
être, en raison de sa précision et de sa rigueur, préférée à toute autre 
méthode pour l’expérimentation chez les animaux. 

J'ai employé l'injection intraveineuse pour l’étude de la toxicité de l’urine 
en nature, ce qui, à ma connaissance, n'avait pas encore été lenté. Je com- 
munique aujourd'hui les principales conclusions de mes essais sur les urines 
normales. Ces conclusions ne portent que sur les expériences faites avec 
l'urine exactement neutralisée par le bicarbonate de soude ; mais j'ai acquis 


SÉANCE DU G DÉCEMBRE. 667 


la conviction que lacidité normale de lurine n’augmente pas d’une façon 
très notable l’action nuisible de ce liquide introduit directement dans le 
sang. Toutes mes expériences ont été faites sur le lapin. 

Les effets de l'injection intraveineuse d’urine normale sont les suivants : 

la pupille se contracte au point de devenir punctiforme ; la respiration d’abord 
accélérée devient faible ; l’animal se meut difficilement ; sa tête tombe ; il 
devient somnolent ; la sécrétion urinaire est augmentée, ainsi que l’excrétion ; 
la température baisse rapidement ; les réflexes palpébraux et cornéens dis- 
paraissent ; la respiration s’arrête ; l’animal meurt sans convulsions, le cœur 
continuant à battre, les muscles striés et les muscles lisses continuant à se 
contracter ou à être capables d’entrer en contraction. 

Quand on ne continue pas l'injection jusqu’à production de la mort, l'animal, 
quoique profondément assoupi, couché sur le flanc, en résolution complète, 
avec une respiration très faible, survit toujours ; cependant la température 
continue à baisser ; les urines continuent à être sécrétées en abondance. Au 
bout de quelques minutes, animal sort de sa torpeur, la respiration reprend 
son amplitude, peu à peu les mouvements volontaires et les réflexes repa- 
raissent, la pupille revient à ses dimensions normales, la température cesse 
de baisser. Au bout d’une demi-heure, l’animal est bien portant et reste 
définitivement bien portant ; ses urines sont rarement et, en tout cas, très 
faiblement albumineuses. 

Ces effets sont produits par des quantités d’urine qui sont très variables 
suivant les individus qui les fournissent et suivant l’état de ces individus. 

La mort est produite en moyenne par l’injection de 40 à 60 centimètres . 
cubes par kilogramme de lapin, la pupille commençant à se contracter du 
dixième au quinzième centimètre cube. Certains hommes, à l’état de santé 
parfaite, fournissent des urines, qui à la dose de 84 centimètres cubes, de 
97 centimètres cubes produisent seulement le myosis, la polyurie, l’hypo- 
thermie ; et ces mêmes hommes pris d’un malaise insignifiant, d’un rhume, 
d’une courbature, donnent des urines qui tuent à la dose de 12 centimètres 
cubes par kilogramme d'animal. 

Il est à remarquer que, lorsque l’urine tue à faible dose, elle ne produit 
qu'une contraction pupillaire légère ou nulle, ce qui permet déjà de supposer 
que les effets physiologiques produits par l’urine dépendent de matières 
multiples, une matière toxique pouvant se trouver en excès sans que la 
substance qui produit le myosis se trouve augmentée. 

On pourrait supposer que la mort ou les divers troubles physiologiques 
sont le résultat d’une action mécanique sur le système vasculaire ou d’une 
action physique ou chimique sur le sang, produites par la masse du liquide 
injecté. Il n’en est rien, car si pour une même urine les accidents sont pro- 
portionnels à la masse injectée, pour des urines différentes ils dépendent 
surtout de la qualité de ces urines. D’autre part, on sait que les injections 
intraveineuses sont infiniment mieux tolérées qu'on ne le croyait autrefois. 
J'ai établi, par des expériences dont les résultats ont été communiqués au 


668 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Congrès médical de Copenhague (août 1884), qu’on peut, sans provoquer le 
moindre trouble, injecter chez le lapin 90 centimètres cubes d’eau par kilo- 
oramme, ce qui équivaut à 117 grammes d’eau pour 100 grammes de sang, 
et que, pour provoquer la mort, il faut au moins 122 centimètres cubes d’eau 
par kilogramme, ce qui équivaut à 157 grammes d’eau pour 100 grammes 
de sang. Les expériences récentes faites chez l’homme confirment cette 
manière de voir. 

Si l’urine injectée dans le sang ne produit pas les accidents ou la mort 
par la masse d’eau qu’elle contient, on pourrait incriminer l’urée. Il résulte 
de mes expériences que les solutions aqueuses d’urée n’arrivent à produire 
la mort, par injection intraveineuse, que lorsqu'on à injecté 68,46 d’urée 
par kilogramme d'animal, soit 84 grammes d’urée par kilogramme de sang. 
Or j'ai produit la mort par injection intraveineuse d'urine dans des cas où 
l'urine injectée n’avait introduit avec elle que 24 centigrammes durée par 
kilogramme d'animal; et, en aucun cas, il ne m'est arrivé d'introduire 
même le cinquième de la quantité d’urée nécessaire pour produire la 
mort. £ 

Pas plus que l’urée, l'acide urique ne saurait être accusé. Jai injecté 
dans les veines du lapin, par kilogramme d’animal, 30 centigrammes d'acide 
urique pur, dissous dans l’eau, à l’aide de la soude, et j'ai au préalable 
neutralisé la solution par un courant d'acide carbonique. Les accidents et 
la mort ne surviennent qu’au delà de cette dose et sont imputables au car- 
bonate de soude, ainsi que j’ai pu m'en assurer par une expérience de con- 
trôle dans laquelle j'ai injecté la quantité de bicarbonate de soude pur qui 
avait été employée, dans la première expérience, pour dissoudre l'acide 
urique. Or, si 30 centigrammes d'acide urique sont inoffensifs, je ferai 
remarquer que j'ai produit la mort avec des quantités d’urine qui n’intro- 
duisaient dans le sang que 6 milligrammes et qui n’ont jamais apporté avec 
elles même la dixième partie de la quantité que je sais n’être pas toxique. 

Je n’ai pas recherché personnellement si la toxicité des urines peut être 
attribuée à la créatinine ; mais les expériences de Ranke et celles beaucoup 
plus récentes de Schiffer rendaient cette recherche superflue. Ce n’est pas 
par la créatinine que l’urine est toxique. 

Je me suis demandé si l’on devait accuser les matières minérales des 
urines, et j'ai reconnu que les matières minérales obtenues par carbonisation 
de quantités d’urine doubles de celles qui avaient produit la mort, ne déter- 
minaient aucun accident chez les animaux auxquels on les injectait. Cepen- 
dant ces matières sont toxiques, les sels de potasse surtout, mais à des doses 
beaucoup plus élevées, et la mort se produit avec de violentes convulsions 
toniques, tandis que la mort par l’urine arrive sans convulsion. L’ammoniaque 
détermine aussi de violents spasmes toniques, mais à la dose élevée de 
96 centigrammes par kilogramme. Quand on l’injecte à dose suffisante pour 
produire la mort, mais insuffisante pour provoquer les convulsions, à 18 cen- 
tigrammes par kilogramme, la mort arrive tardivement, au bout de plusieurs 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 669 
ee 
heures, et avec une hypothermie considérable.Lesaccidents non immédiate- 
ment mortels des injections d'urine normale se dissipent rapidement et ne 
sont pas tardivement mortels. 

Les matières minérales des urines sont donc toxiques; mais ce n'est pas 
à leur toxicité qu’est due la mort par injection intraveineuse d’urine. 

Ce n’est pas aux matières volatiles que les urines doivent leur toxicité. 
Après une longue ébullition, l’urine, ramenée à son poids primitif par 
addition d’eau distillée, est toxique à la même dose que la même urine non 
bouillie. 

Je devais me demander si, comme l’a pensé Thudichum, les urines sont 
toxiques par le fait des matières colorantes. 

La raison qui me déterminait à tenter cette nouvelle épreuve, c'est que 
les urines des urémiques sont généralement fort peu colorées. J’ai injecté 
comparativement deux échantillons d’une même urine, dont l’un avait été 
décoloré par le noir animal. Cette expérience m'a toujours donné des 
résultats saisissants : l’urine décolorée ne produit qu’un malaise insignifiant, 
sans hypothermie et sans contraction de la pupille, quand on l’injecte à dose 
double de la quantité d’urine non décolorée qui tue avec hypothermie con- 
sidérable un autre animal du même poids. Je ne prétend pas que ces accidents 
sont dus aux matières colorantes ; mais je suis en droit de dire qu'une 
partie des matières toxiques, celle en particulier qui contracte la pupille, 
ont cetté propriété de se fixer sur le charbon, à la façon des matières 
colorantes. 

J'ai évaporé à siccité des urines dont j'avais éprouvé la toxicité ; j’ai traité 
le résidu sec par des lavages répétés à l’alcool absolu ; les liquides alcooli- 
ques filtrés ont été évaporés à siccité et le résidu repris par l’eau distillée 
représentait les matières solubles dans l’alcool. La partie de l'urine évaporée 
que l’alcool n'avait pu dissoudre a été redissoute dans l’eau distillée ; cette 
seconde solution représentait les matières insolubles dans Palcool. J’ai expé- 
rimenté comparativement ces deux solutions. Elles sont toxiques toutes deux, 
mais chacune d’elles est moins toxique que la quantité correspondante d'urine 
totale. 

Les matières insolubles dans l’alcool sont un peu moins toxiques que les 
matières solubles dans l’alcool. Ces dernières provoquent le coma sans con- 
vulsion ; les matières insolubles tuent à la suite de convulsions toniques 
violentes. 

Indépendamment des dissemblances que présentent les accidents termi- 
naux, j'ai à signaler d’autres différences dans les effets physiologiques des 
deux substances. 

L’extrait soluble dans l'alcool, avant de produire le coma, provoque une 
sécrétion salivaire abondante, semblable à la salivation intense persistant 
pendant plus de trois quarts d'heure que j’ai vue survenir constamment à 
la suite des injections intraveineuses d’extraits alcooliques de sang, de 
muscles, et surtout de foie, particularité qui me fait dire que, si le bouillon 


670 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


est peptogène, il est aussi et surtout sialogène. Ces matières des urines qui 
sont solubles dans l'alcool m'ont paru aussi activer la sécrétion urinaire. 
Elles n’ont produit la contraction de la pupille que d’une façon exceptionnelle 
et à un faible degré. 

L’extrait insoluble dans l'alcool, avant de provoquer les convulsions, 
produit, comme l'urine totale et avec une égale énergie, la contraction 
pupillaire. 

Ces dernières expériences démontrent encore clairement que les matières 
toxiques des urines sont multiples et que ces diverses matières ont des effets 
physiologiques différents. De ce qu’on peut, avec l'urine, contracter la 
pupille et provoquer la salivation, on pourrait croire que l’urine contient une 
matière, alcaloïde ou autre, comparable à la muscarine ; mais il se trouve 
que la salivation est produite par une matière totalement soluble dans 
l'alcool, tandis que le myosis est provoqué par une autre matière presque 
insoluble dans l'alcool. En raison de cette circonstance, il est très peu pro- 
bable que cette dernière matière soit un alcaloïde. 

Je ne me dissimule pas que cette analyse bien longue et pourtant bien 
incomplète de la toxicité de l’urine normale n’apporte pas une solution; mais 
Je pense qu’elle est un acheminement vers la solution. Elle apporte quelques 
clartés à la physiologie pathologique de l’urémne ; elle prouve qu’il est chi- 
mérique de chercher le poison urémique. Cette chimère était déjà condamnée 
par la clinique. Quand les matériaux qui doivent constituer l’urine sont 
retenus dans le sang, si l’intoxication était produite par une seule substance, 
on ne comprendrait pas que l’urémie füt tantôt comateuse, tantôt convulsive. 
On comprend, au contraire, que si l’obstacle à Félimination porte principa- 
lement sur les matières solubles dans l’alcool, l’intoxication ait la forme 
comateuse ; que si les substances insolubles dans l'alcool ont plus de peine 
à s éliminer, l’empoisonnement se présente avec la forme convulsive ; que 
si la rétention est générale, le coma s'accompagne d’accidents convulsifs. 

Je n’affirme pas que les matières minérales soient un facteur négligeable 
dans la pathogénie des accidents urémiques ; je ne contredis pas complète- 
ment les vues de MM. Feltz et Ritter, touchant le rôle des sels de potasse ; 
mais, si ces sels ont un rôle dans l’urémie, c’est seulement dans l’urémie 
convulsive ; encore ce rôle est-il accessoire. L’extrait insoluble dans l'alcool 
contient les matières minérales, moins une partie de la potasse. Cet extrait 
produit la mort par convulsion. Or, si l’on prend la totalité des matières 
minérales d’une quantité d’urine double de celle qui a fourni cet extrait, on 
ne produit ni les convulsions, ni la mort. Il y a donc dans cet extrait, à côté 
des matières minérales convulsivantes, quelque chose qui est plus convul- 
sivant et plus toxique qu’elles, et ce quelque chose est de nature organique. 
Au nombre de ces matières organiques, insolubles dans l’alcool et convulsi- 
vantes, se trouve la matière qui contracte la pupille. Or la contraction 
pupillaire est notée parmi les signes de l’urémie. 

- L’hypothermie aussi est un phénomène contingent de l’urémie ; or l’hypo- 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 671 


thermie est produite par une substance qui, comme celle qui provoque le 
myosis, a la propriété de se fixer sur le charbon. Cette substance n’est donc 
pas l’ammoniaque, bien que l’ammoniaque aussi produise l’hypothermie. 
À quantité égale et à température égale, l’eau, les solutions durée, les 
solutions d'extrait alcoolique d'urine peuvent abaisser la température comme 
l’urine totale, mais à un moindre degré. Seule l’urine diminue la calorifi- 
cation ; les autres liquides, tout en abaissant la température de l’animal, 
augmentent sa calorification. 

La quantité de calories perdue par un animal auquel on injecte de l’eau 
froide est moindre que la quantité de calories exigée par l’eau froide, pour 
se mettre en équilibre de température avec l’animal. L’injection d’eau froide, 
à la façon du bain froid, provoque donc, dela part de l’animal, la production, 
dans un temps donné, d’un plus grand nombre de calories qu'à l’état 
normal. 

La quantité de calories perdue par un animal auquel on injecte de l’urine 
dans les veines est plus grande que la quantité de calories exigée par cette 
urine pour se mettre en équilibre de température avec l’animal. L’injection 
d'urine fait donc que l’animal produit, dans un temps donné, moins de 
calories qu’à l’état normal. L’urine doit cette propriété hypothermisante à 
l’une des matières capables de se fixer sur le charbon. Suivant les cas, cette 
matière peut être retenue dans le sang, chez les urémiques, ou ne l’être 
pas. 

Ainsi l’analyse physiologique démontre dans les urines normales cinq ou 
six ordres de matières toxiques que l’analyse chimique devra déterminer. 


ÉTUDE SPECTROSCOPIQUE DU SANG A LA SURFACE SOUS-UNGUÉALE DU POUCE, 
par M. A. HénocquE, directeur-adjoint du laboratoire de médecine des 
Hautes-Etudes, au Collège de France. 


Je présente à la Société les résultats de recherches que j’ai entreprises 
dans le but d'appliquer à la pratique clinique journalière, la propriété que 
présentent les téguments de permettre l’observation spectroscopique du 
sing, chez l’être vivant. 

Les essais tentés dans cette voie par divers auteurs et notamment par 
Stofmann, Stroganoff, Fumouze, Mac-Munn et les recherches très multi- 
_pliées de Vierordt, n’ont pas jusqu'à présent trouvé de nombreux imita- 
teurs. J’ai contrôlé ces recherches et tout en en appréciant les difficultés, 
j'en ai reconnu les causes d’erreur, et j'espère avoir accompli un si réel 
progrès dans cette voie, que je me crois autorisé, dès maintenant, à expo- 
ser les résultats de mes études. 


672 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Lorsqu'on examine à la lumière du jour la surface de l’ongle du pouce, 
avec un spectroscope à vision directe, on aperçoit la première bande d’ab- 
sorption du sang, masquant le jaune, et s'étendant à droite de la raie D; 
quelquefois on reconnaît aussi un peu plus loin vers la raie E, dans le jaune 
vert, la seconde bande, mais plus étroite et moins foncée. En style spectro- 
graphique, la première bande s’étend ordinairement entre 570 et 590 mal- 
lionimètres en longueurs d'onde, la seconde entre 545 et555 millionimètres ; 
ces chiffres sont des moyennes qui peuvent varier suivant les individus. Si 
l’on applique autour de la première phalange du pouce une forte ligature 
avec un tube de caoutchouc, et que l’on observe l’ongle avec le spectroscope, 
on voit, au bout de quelques secondes, la deuxième bande pâlir et dispa- 
raître, puis après un temps de 25 à 35 secondes, on voit apparaître le jaune, 
la première bande pàlit peu à peu et finil par disparaître, de sorte qu’on 
voit le spectre complet, quoique présentant assez longtemps une légère 
teinte sombre entre D et E. Ces phénomènes se succèdent en un temps 
variable, entre 50 et 80 secondes. J’appelle virage le moment d’appari- 
tion du jaune, et durée de la réduction tout le temps qui sépare l’appli- 
cation de la ligature de la disparition complète de la bande principale (&), 
la seule dont on ait à se préoccuper. 

Aussitôt qu’on enlève la ligature, on voit réapparaître cette bande et elle 
offre même une plus grande intensité qu'avant la ligature. 

Ces phénomènes s'expliquent facilement; en effet la ligature concentre 
dans le pouce une certaine quantité de sang artérialisé et de sang vei- 
neux, l’on perçoit pendant quelque temps les bandes de l’hémoglobine oxy- 
génée, puis la réduction par les échanges interstitiels se fait, l'oxygène est 
consommé, et l’hémoglobine réduite ne présentant pas de bande d’absorption 
assez intense pour être perçue à travers l’ongle, le spectre réapparaît inin- 
terrompu. 

J’ai cherché à déterminer si la réduction était complète, lorsque la bande 
caractéristique à disparu, et j'ai constaté, en examinant le sang du pouce 
après laréduction en 50 secondes environ, que lesang était veineux, très foncé, 
mais qu'en maintenant la ligature pendant deux minutes la coloration du sang 
était encore plus foncée. Je pense donc, quant à présent, que dans mes 
observations je constate la durée de la réduction de l’oxy-hémoglobine dans 
le riche réseau vasculaire sous-unguéal. C’est cette phase de la réduction 
que je crois pouvoir délimiter et apprécier dans sa durée avec la précision 
uécessaire pour les recherches de physiologie et pour l'examen clinique. 

Dans le but d'éviter les causes d’erreur et de rendre les résultats com- 

arables, il faut procéder méthodiquement dans l’examen spectroscopique 
du pouce; j'emploie un spectroscope à vision directe permettant de mesurer. 
la largeur des bandes (je me suis également servi du micro-spectroscope 
de poche de Brownirg qui convient à cet usage, j'ai utilisé aussi le micro- 
spectroscope de Zeiss, enfin je fais construire un instrument qui pré- 
sentera sous une forme simple les conditions nécessaires). A l’aide d’une 


2 don tit RE 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 673 


montre à seconde, je note l'instant précis de la ligature, et, pour faire celle- 
ci instantanément, je me suis arrêté, après divers essais, à l'emploi d’un 
tube de caoutchouc rouge que j’enroule plusieurs fois autour de la première 
phalange du pouce, j’examine alors avec le spectroscope, et je constate le 
moment de l’apparition du jaune et enfin la durée de la réduction. De plus, 
afin d'ajouter à cette recherche une plus grande précision, je note avant la 
ligature la largeur de la bande principale, la présence de la seconde bande 
s’il y a lieu, de plus, l'intensité relative de la bande, et diverses particula- 
rités de coloration, de pigmentation de la peau; enfin il est utile de noter 
la longueur de la phalange du pouce à partir de la ligature. 

Je reviendrai dans des communications ultérieures sur les particularités 
techniques, et je me borne aujourd’hui à indiquer les résultats généraux 
que m'ont présentés des recherches poursuivies depuis le commencement 
de cette année, et qui comprennent plus de trois cents observations pra- 
tiquées sur cent individus de différents âges, dans divers états de santé, et 
parmi eux Je compte un nègre. 

Le premier tableau que je présente montre la durée de la réduction sui- 
vant les âges et les sexes; on voit que d’une manière générale la durée varie 
entre 45 et 85 secondes, dans les 130 notations se rapportant à 63 individus; 
il y en a 80 entre 55 et 15 secondes, 12 au-dessus de 80 secondes, 9 au- 
dessous de 40 secondes, enfin dans la zone moyenne étendue entre 55 et 
65 secondes il y a près de 40 notations, on peut donc considérer comme 
moyenne ordinaire des observations une durée de réduction de 55 à 65 se- 
condes. Je reviendrai plus tard sur les variations extrêmes dont la plupart 

“sont en rapport avec des états pathologiques. 

Le second tableau montre les variations individuelles d’un homme de 
44 ans, prises à diverses époques, de février à décembre; on voit que les oscilla- 
tions moyennes varient entre 40 et65 secondes, et que sous l’influence d’un sé- 
jour à la campagne en août, la moyenne remonte de façon à se rapprocher de 
65 en septembre, la courbefléchit en octobre et remonte en novembre sous 
l'influence d’un régime tonique et de la médication ferrée; enfin elle reste au- 
dessus de 50 secondes et dépasse 65 secondes, et les premiers jours de 
décembre, une partie de cette courbe montre une élévation à 90 secondes, 
sous l'influence d’un accès fébrile et un abaissement à 35 secondes, sous 
l'influence d’un purgatif. Les variations diurnes chez un même individu 
semblent correspondre à l'influence de l’état de diète, des efforts physiques et 
intellectuels ; dans exemple présenté lon note les chiffres suivants : à 7 #30, 
à jeun, 57 secondes ; à 8h 1/2, après un premier déjeuner, 55 secondes; puis 
à 10h45, 64 secondes; enfin à midi après le second déjeuner la durée est de 
65 secondes ; elle descend à 60 vers 3 heures pour remonter à 68 secondes 
à 3h1/2 après une collation: il y aeu dans ce cas une élévation progressive 
de 7 à 4 heures, sauf un abaissement à 9 heures et un abaissement vers 
3 heures. De nombreuses causes amènent des variations chez le même in- 
d ividu, de sorte qu’il importe dans les observations de multiplier les nota- 


674 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tions, et d'indiquer l'heure, afin d'établir chez l'individu uñe sorte de carac- 
téristique, car les variations de la durée des réductions sont plus étendues 
que celle de la température et du pouls. 

L'influence des états pathologiques sur la durée de la réduction est 
considérable ; elle produit les notations les plus extrêmes, par exemple la 
durée peut s’abaisser au-dessous de 30, et même être nulle, c’est-à-dire 
qu'on ne perçoit pas la bande caractéristique après la ligature ou même 
avant. Le zéro seconde a été observé chez des cancéreux, dans la convales- 
cence de la dysenterie de Cochinchine ; dans les états cachectiques, elle 
annonce la terminaison prochaine, mais dans le cas de dysenterie la guéri- 
son à eu lieu. 

L’anémie par perte de sang rapide ou par pertes répétées présente les 
chiffres bas de 30 à 40 ; dans un exemple de métrorrhagie abondante, par 
fausse couche, je trouve le deuxième jour 30 secondes, puis le troisième 
jour 35 secondes, et enfin six semaines plus tard la durée est de 80 secondes; 
les pertes avaient cessé le quatrième Jour. 

D'autre part, chez un homme robuste, âgé de quarante-six ans, des épis- 
taxis répétées ont amené un nisissement É à 30 secondes. 

Je pourrais multiplier les exemples, qui prouvent l'influence de la diète ou. 
de certaines médications. Je me borne à montrer les courbes comparatives 
de la température du pouls et de La durée de réduction observées chez un jeune 
homme de dix-huit ans, atteint de congestion pulmonaire avec erachats 
rouillés, hémoptoïques, souffle et räles crépitants. On voit, en même temps 
que le pouls et la température s’abaissent, la durée de réduction descendre 
de 80 secondes (début de la fièvre, température 39°,6, pouls 104) à 50 se- 
condes, osciller entre 50 et 55 secondes, avec le pouls à 60, 56, 64, et la 
température de 36 degrés; enfin sous l’influence de la RTS de la médica- 
tion par le sulfate de quinine, et aussi des pertes de sang, la température 
s’abaisse à 35°,8, le pouls à 56 et la durée de réduction à 40 secondes. Le 
neuvième jour on commence l’alimentation et le lendemain la durée de 
réduction monte à 68 secondes, avec un pouls à 70, pour osciller ensuite 
entre 60 et 65 secondes avec un pouls de 70 à 82. Toutes ces observations 
étaient prises entre 81/2 et 9 heures du matin. - 

Les maladies chroniques ou aiguës, les états diathésiques ont une in- 
fluence, non seulement sur la durée de réduction, mais aussi sur la largeur 
de la bande caractéristique et sur son intensité ; dans les cas d’ictère spas- 
modique et même d’état subictérique, la bande est moins intense et même 
avant la ligature on peut voir le jaune. 


En définitive il importe de tenir compte de toutes les particularités que pré- 
sente le spectre observé à l’ongle du pouce, et la caractéristique de la mé- 
thode, dont je poursuis les applications à l’expérimentation physiologique et 
à la clinique, ne consiste pas seulement dans le choix de l’ongle du pouce, 
mais aussi dans l’étude de la largeur et de l’intensité des bandes d’absor- 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 679 


—— 


ption ; de plus, elle se rattache à un autre moyen d'examen spectroscopique 
du sang que je ferai connaître prochainement. 


NOTE SUR L'ACTION DES HAUTES PRESSIONS SUR LA FONCTION PHOTOGÉNIQUE 
Du LamPyre, par R. Dupois et P. REGNARD. 


Dans les grandes profondeurs les animaux lumineux paraissent être plus 
nombreux encore que dans les zones superficielles, dont la faune en ren- 
ferme cependant un grand nombre d’espèces. 

Les recherches de Panceri sur les organes lumineux des pyrosomes et 
l'examen, par le P. Secchi, du spectre de ia lumière qu'ils émettent, semblent 
indiquer qu'il existe, sous le rapport de la fonction photogénique, une très 
grande analogie entre les animaux marins et les animaux terrestres phos- 
phorescents. 

Il y avait donc intérêt à rechercher si ces derniers pouvaient conserver la 
propriété d'émettre de la lumière après avoir été soumis à de hautes pres- 
sions. 

Les animaux terrestres lumineux étant fort rares à l’époque (octobre) où 
nous avons fait nos expériences, il nous a été impossible de les multiplier ; 
mais les faits que nous avons observés nous ont paru assez intéressants 
pour que nous ayons cru utile de les faire connaître dès à présent. 

Dans une première expérience, un Lampyre (L. noctilucus) a été im- 
mergé, étant phosphorescent, dans un tube rempli d’eau et plongé aussitôt 
dans le réservoir de la pompe Cailletet : il a été maintenu pendant dix mi- 
nutes à une pression de 600 atmosphères ; au bout de ce temps, l’insecte 
sorti du réservoir de la pompe était encore lumineux et resta lumineux 
bien que faiblement pendant quelques instants, mais il était d’ailleurs 
absolument inerte : on put cependant à plusieurs reprises faire reparaître 
de faibles lueurs au moyen des courants induits. 

Ce Lampyre, abandonné à lui-même dans une boîte avec un insecte de la 
même espèce tué par un autre procédé, fut trouvé au bout de vingt-deux 
jours absolument mou et flexible, alors que le second s'était complètement 
desséché : les organes phosphogènes possédaient la même apparence en 
tant que forme, consistance et couleur que pendant la vie, tandis que ceux 
de son compagnon étaient ridés et brunis; les tissus de l’animal avaient 
très vraisemblablement subi le phénomène d'hydratation, qui se produit 
dans ces conditions ainsi que l’ont établi antérieurement les auteurs de 
cette communication. 

Pensant que l’insecte était en état de vie latente et qu’en lui faisant per- 
dre l'excès d’eau qui le maintenait en cet état, on pourrait ranimer la vie 
et la lumière, il fut placé sous la cloche de la machine pneumatique, au- 


676 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dessus du chlorure de calcium. Examiné au bout de douze heures, l’animal 
présentait une phosphorescence très manifeste bien qu’assez faible : il était 
d’ailleurs absolument inerte, même sous l’influence de l'excitation électri- 
que. Il fut abandonné sous une cloche en présence du chlorure de cal- 
cium, à la pression normale : la phosphorescence s’éteignit peu à peu et le 
desséchement continuant, l’insecte devint rigide sans avoir retrouvé Île 
mouvement et la sensibilité. 

Un autre Lampyre, qui avait été comme le premier immergé, mais qui 
avait été placé, avec le tube qui le contenait, sous la cloche de la machine 
pneumatique, perdit rapidement sa phosphorescence. Introduit aussitôt dans 
le réservoir de la pompe Cailletet et laissé pendant dix minutes sous une 
pression de 600 atmosphères, il sortit non lumineux, mais absolument inerte 
comme le premier : on ne put faire reparaître la lumière par l'excitation 
électrique. Il resta pendant trois jours en état de vie latente et complè- 
tement éteint. Le troisième jour, en ouvrant la boîte qui le contenait, on le 
trouva très vivace et très lumineux. 

Les auteurs de cette communication se proposent de poursuivre l'étude 
de l’influence des hautes pressions sur les êtres phosphorescents dès que 
les circonstances le permettront. 


DES MICROBES EN BATONNETS DE LA DIARRHÉE INFANTILE, 
par MM. DamascaiNo et CLapo. 


Les recherches dont nous présentons un court résumé, ont été faites sur 
des enfants à la mamelle atteints de diarrhée. On sait que cet état mor- 
bide est fréquent chez les babys du premier âge : il affecte principalement 
les sujets dont l’alimentation a été défectueuse et constitue l’un des princi- 
paux symptômes de l’athrepsie. Nous avons eu également l’occasion de 
l’observer à titre de phénomène secondaire, survenu dans le cours ou à la 
suite d’une autre maladie, notamment de la rougeole. 

Dans ces conditions, les matières diarrhéiques, de réaction toujours 
acide, présentent tantôt d'emblée la coloration verte au moment même où 
elles viennent d’être rendues, c’est la forme la plus sérieuse ; tantôt au 
contraire, l'évacuation, d’abord jaunâtre, prend rapidement à l’air une teinte 
verdâtre d'intensité variable. Cette dernière forme est de beaucoup la moins 
grave ; mais, quand elle est négligée, elle aboutit facilement à la précé- 
dente, laquelle n’est que le prélude de la diarrhée cholériforme infantile. 
Il est bon de noter (et c’est un point sur lequel nous ne saurions trop insis- 
ter) que nos recherches ont été commencées dès les premiers mois de l’an- 
née 1883, à une époque où il n’était nullement question de l’épidémie cho- 
lérique actuelle ; elles ont été régulièrement poursuivies depuis lors, même 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 671 


pendant le mois de novembre 1884, et il nous a été facile de nous assurer, 
par une comparaison fréquemment répétée, que les micro-organismes con- 
statés par nous dans les évacuations sont essentiellement différents dans l’un 
et l’autre état morbide. Lorsque l’on examine au microscope, après les avoir 
préalablement colorées au bleu de méthylène, des lamelles sur lesquelles 
ont été étendues les matières vertes immédiatement rendues par les enfants 
atteints de diarrhée, on y constate une quantité prodigieuse de bacilles en 
bâtonnet. Ces bacilles, de forme et de dimensions caractéristiques, existent 
presque seuls dans les cas graves et semblent être en quantité proportion- 
nelle à l’intensité de l'affection diarrhéique. Dans les formes les plus légè- 
res on les retrouve en faible proportion mélangés aux nombreux microbes 
qui existent dans les selles. 

Les bacilles de la diarrhée verte sont très allongés et proportionnelle- 
ment gros : on peut se rendre compte de leurs dimensions en les comparant 
à ceux de la tuberculose, qui mesurent à peine le tiers de leur longueur. Il 
en résulte que l'étude en est assez facile : on Les aperçoit très distinete- 
ment avec l'objectif n° 7 et même l’objectif n° 6 de Verick(oculaire 2) ; mais 
il est préférable d'employer le 12 homogène à l’huile avec l'éclairage 
Abbe. 

Dans la diarrhée’verte, ces microbes sont en quantité innombrable, à tel 
point que les selles paraissent en être presque exclusivement composées. 
Dans certains endroits, on les trouve isolés et on peut en conséquence les 
étudier aisément; mais la plupart du temps ils sont réunis en groupes 
quelquefois assez considérables. 

D'une façon générale, ils offrent à peu près tous la même direction pa- 
rallèle, en certains endroits cependant ils s’entre-croisent : ces sortes de 
colonies sont excessivement nombreuses sous le champ du microscope. 


Conformation du bacille. — Il est allongé, à peu près six fois plus long 
que large, beaucoup plus volumineux que celui de la tuberculose et que 
celui du choléra. Il est, en général, plus ou moins recourbé, soit légère- 
ment, soit en croissant, plus exceptionnellement en demi-cercle, quelque- 
fois il présente la forme d’une s italique. Ses deux extrémités ne sont pas 
taillées à pic, comme pour certains microbes des selles de diarrhéiques; 
mais elles sont arrondies. Ce bacille est d’une largeur uniforme et ne pré- 
sente pas de renflement le long de son corps; parfois cependant, lorsqu'il 
est coudé, on observe du côté convexe une petite voussure. 

Les préparations faites avec le bleu de méthylène dissous dans l’eau pré- 
sentent, lorsque la lamelle n’a pas séjourné plus d’un quart d'heure dans la 
matière colorante, une particularité intéressante à noter. Dans ce cas, en 
effet, la partie moyenne du microbe reste fortement colorée et les extré- 
mités sont moins teintées. Cette différence de coloration est-elle due à une 
condensation plus considérable du protoplasma qui réagit différemment en 
présence de la matière colorante, ou bien existe-t-il une structure parti- 


078 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


culière de la partie centrale du microbe en rapport avec un état de sporu- 
lation ? les cultures seules pourront permeltre de se prononcer à cet 
égard. 

Nous avons déjà dit que les hacilles étaient en nombre considérable et 
qu'ils semblaient parfois constituer la totalité des selles; cependant ils 
affectent aussi avec les éléments cellulaires et les détritus des selles certains 
rapports qu’il importe de noter. Ces microbes, en effet, ne se rencontrent 
pas dans l’intérieur des cellules, mais seulement autour d’elles, et, lorsqu'il 
existe des amas épithéliaux, les bacilles se trouvent dans les interstices des 
cellules et à la périphérie des amas. 

Dans certaines de nos préparations, les microbes semblent englobés par 
une matière albuminoïde et forment ainsi des sortes de groupes séparés les 
uns des autres par des espaces clairs. Dans d’autres ils constituent des amas 
réunis autour des détritus de la digestion. 

Observés à l’état frais dans une goutte d’eau distillée, ces bacilles appa- 
raissent relativement transparents, doués de mouvements rapides; on peut 
néanmoins les suivre en faisant varier la vis micrométrique. Les mouve- 
ments semblent avoir pour centre la partie majeure du microbe. 

Indépendamment d’un assez grand nombre de faits où la constatation 
du microbe a été faite par nous, il nous a été donné d’éfudier complètement 
les évacuations des dix enfants dont l’observation a été très soigneusement 
recueillie. Chez deux de ces malades, le microbe que nous venons de dé- 
crire s’est présenté avec une pureté vraiment exceptionnelle. La culture 
la mieux réussie ne saurait donner de meilleurs résultats. Aujourd'hui 
nous en observons un troisième cas à peu près analogue. Chez les autres 
sujets, les bacilles en bâtonnet offraient une prédominance exceptionnelle 
relativement aux autres microbes des selles. 


Dans tous ces faits il a été intéressant de voir, à mesure que la guérison 


s’avançait, le microbe disparaître ; de telle sorte qu’à la fin de la diarrhée, 
ce bacille se rencontrait, mais il fallait le chercher, perdu qu’il était au 
milieu des autres microbes. 

Lorsque les selles, de vertes, deviennent jaunâtres, les microbes dimi- 
nuent, au point que du jour au lendemain on est étonné de voir la quantité 
de ces bacilles se modifier avec une aussi grande rapidité; le bacille 
persiste cependant, quoique en très petit nombre, quand les évacuations 
redeviennent jaunes. 

Nous avons examiné comparativement des selles vertes et des matières 
provenant d'une diarrhée primitivement et toujours jaunes; aucune res- 
semblance n’existe entre les deux ; elles diffèrent tout autant qu’une culture 
de microcoques et une culture de charbon. 

Tels sont les faits qu’il nous a été possible de constater dans de nombreux 
examens. Nous répétons encore une fois que les microbes en bâtonnet 
existent avec une singulière abondance dans les évacuations vertes de la 
diarrhée infantile ; que dans certains cas ils semblent constituer à peu près 


SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 679 


exclusivement les éléments morphologiques de ces évacuations et au mi- 
croscope ils se montrent sous l’aspect d’une culture pure. Nous nous bor- 
nons aujourd'hui à cette seule constatation, en appelant l'attention des 
observateurs ; nous poursuivons des expériences de culture dont les résul- 
tats positifs ou négatifs doivent être attendus avant qu’il soit possible de 
tirer du fait observé les conséquences qu’il comporte. 


HOMOLOGIES DU PEIGNE DES OISEAUX ET DU CORPS VITRÉ EMBRYONNAIRE 
DES MAMMIFÈRES, par MM. Mathias DuvaL et J. Réar. 


Quand on étudie parallèlement chez des embryons d'oiseaux et chez des 
embryons de mammifères les processus qui se produisent au niveau de la 
fente rétinienne (dite fente fœtale), on est frappé de la manière différente 
dont se comportent à ce niveau le mésoderme chez ces deux classes de ver- 
tébrés. 

Chez les uns comme chez les autres le mésoderme vasculaire, qui entoure 
la vésicule oculaire secondaire, pénètre dans la fente rétinienne et se pro- 
longe dans la cavité de la vésicule secondaire en y faisant saillie sous forme 
d’un bouchon à extrémité interne libre et plus ou moins arrondie. C’est à 
partir de ce moment que commence la différence. 1° Chez l'embryon des 
mammifères le bouchon mésodermique vasculaire en question s’agrandit, 
s’épanouit, s'étale et remplit toute la cavité de la vésicule oculaire secon- 
daire ; à lui se joignent les éléments mésodermiques qui ont pénétré dans 
cette cavité, soit avec le cristallin, soit en passant entre les bords du cris- 
tallin et les bords de la vésicule oculaire (1); ainsi se trouve constitué le 
corps vitré embryonnaire des mammifères. 2° Chez l'embryon de poulet, au 
contraire, le bouchon en question reste longtemps dans son état primitif, 
ce n’est que tardivement qu'il se prolonge un peu dans la cavité de la vési- 
cule oculaire; mais jamais il ne s’y étale; jamais il ne remplit la cavité de 
la vésicule oculaire secondaire ; il y forme seulement un prolongement vas- 
culaire qui, plus tard, se charge de cellules pigmentaires; en un mot, il 
donne naissance à la formation connue sous le nom de peigne. Ajoutons 
que dans le vésicule oculaire du poulet aucun autre élément mésodermique 
ne pénètre, soit en même temps que le cristallin, soit en passant entre les 
bords du cristallin et ceux de la vésicule oculaire. 

De ces faits on peut déduire, en les exprimant pour ainsi dire sous une 


(1) Pour nous, ces éléments mésodermique, s’engageant entre les bords du cris- 
tallin etles bords de la vésicule oculaire secondaire, sont essentiellement de nature 
vasculaire; cependant nous sommes forcés d'admettre que des cellules mésoder- 
miques sont entraînées par ce réseau vasculaire au moment de l’invagination du 
cristallin. Mais nous considérons l’élément asculaire comme pont à lui seul le 
principal rôle, comme étant l’élément essentiel. 


680 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


forme condensée, que le peigne du poulet est l’'homoloque du corps vitré 
embryonnaire des mammifères, puisque ce peigne est la seule masse vas- 
culaire mésodermique qui pénètre dans la cavité oculaire du poulet. 

En se reportant aux beaux travaux de Beauregard sur le peigne et sur les 
réseaux vasculaires du fond de l'œil, on voit que cet anatomiste arrive en 
partie à concevoir l’homologie que nous venons d'indiquer, mais il ne nous 
parait pas trancher la question d’une façon aussi absolue que nous nous 
croyons autorisés à le faire, puisqu'il considère le peigne comme l’homo- 
logue à la fois et du corps vitré embryonnaire et des réseaux rétiniens. 
€ On peut donc considérer, dit-il (Réseaux vasculaires du fond de l’œil, 
p. 61), le peigne des oiseaux comme un réseau hyaloïdien persistant après 
la vie fœtale. Cependant, outre ce réseau hyaloïdien, certains vaisseaux qui 
appartiennent au peigne me semblent devoir être considérés comme ana- 
logues aux vaisseaux rétiniens des mammifères. » 

Cette dernière partie des conclusions de Beauregard a pour origine le 
résultat de ses recherches sur les rapports du peigne embryonnaire avee la 
membrane hyaloïde. Dans la figure 23 de son mémoire (Réseaux vasculaires 
du fond de l’œil) on verra qu’il représente le peigne embryonnaire comme 
situé en dehors de la membrane hyaloïde, qu'il refoule devant lui à me- 
sure qu'il s’avance dans la cavité oculaire (sur des poulets du sixième et 
du huitième jour). 

Or sur cette question nos préparations sont d’une signification on ne peut 
plus décisive : la membrane qu’on désigne sous le nom d’hyaloïde chez le 
poulet à l’âge sus-indiqué ne passe pas au-dessus du peigne; même sur des 
poulets beaucoup plus âgés (même chez les poulets à terme), cette membrane, 
doublant la face interne de la rétine et s’en détachant plus ou moins sur les 
pièces durcies, vient sur les bords de la fente rétinienne, et les contourne 
pour passer sur la face externe du feuillet proximal de la vésicule oculaire 
secondaire ; la façon dont se comporte cette membrane au niveau du colo- 
boma rétinien est identique aux rapports qu’elle affecte avec le bord de la 
vésicule oculaire tout autour du cristallin. En ceci nous sommes parfaite- 
ment d'accord avec Külliker, qui, tout en admettant que cette membrane, 
soi-disant hyaloïde, contourne les bords de la vésicule oculaire secon- 
daire, déclare qu’elle cesse d’être démontrable à la surface externe de la 
vésicule par suite de la présence du tissu mésodermique ; mais nous pou- 
vons ajouter que, s’il est vrai qu’on ne puisse pas la distinguer au premier 
abord dans ces régions mésodermiques, on peut cependant constater que le 
feuillet proximal de la vésicule oculaire secondaire est séparé du tissu mé- 
sodermique qui l'enveloppe par une ligne très fine formant du bord parfai- 
tement tranché. 

De ce qui précède, nous voyons que cette membrane laisse passer libre- 
ment le peigne à travers la fente fœtale pour entrer dans la cavité de l'œil. 
Plus tard les vaisseaux rétiniens s’insinuent entre cette membrane et la ré- 
tine, c’est-à-dire qu’ils sont alors en dehors de la cavité eirconserite par 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 681 


cette membrane ; tandis que le peigne est en dedans, comme l’est du reste 
le corps vitré des oiseaux. 

Tels sont les faits d’après lesquels nous pensons devoir conclure que le 
peigne est l’homologue du corps vitré, et qu’il faut repousser toute idée 
d’homologie entre le peigne et le réseau rétinien. 2. 

Mais il reste encore une question : cette membrane hyaloïde, et d’une 
manière générale, la membrane qui enveloppe le corps vitré chez les em- 
bryons des mammmifères comme chez ceux des oiseaux, mérite-t-elle le 
nom d'hyaloïde ? 

Henle, le premier, considéra l’hyaloïde comme appartenant à la rétine et 
lui donna le nom de limitante interne, manière de voir qui fut adoptée par 
Ivanoff et Kessler et combattue par Arnold, Balfour, et plus récemment par 
Beauregard. Balfour et Beauregard (Étude du corps vitré, in Journal de 
l'anatomie de Ch. Robin, 1880, p. 270) ont fait valoir contre l’opinion de 
Henle cette objection que chez les oiseaux la membrane hyaloïde n’est pas 
interrompue au niveau du péigne, mais qu’elle recouvre celui-ci sur toute 
sa surface. Kessler répond que l’hyaloïde manque sur la fente rétinienne et 
sur le peigne jusqu’au sixième jour et que ce qui apparaît sur le peigne ulté- 
rieurement n’est plus l’hyaloïde vraie. Par ce qui précède on a vu que 
nous nous rattachons entièrement à cette manière de voir de Kessler; il 
est évident pour nous que l’hyaloïde de l’œil de l'embryon est une mem- 
brane cuticulaire produite par la rétine, une limitante interne en un mot. 
Se forme-t-il plus tard chez les mammifères une seconde hyaloïde par 
condensation des parties périphériques du corps vitré ? Se forme-t-il quelque 
chose d’analogue à la surface du peigne de l’oiseau? C’estune question que 
nous n’abordons pas ici et qui recevra lous ses développements dans un 
travail complet dont nous n’avons voulu détacher dans cette note prélimi- 
naire que les faits relatifs à l’'homologie du peigne des oiseaux avec Le corps 
vitré embryonnaire des mammiféeres et seulement avec ce corps vitré (pas 
avec le réseau rétinien). 


NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION CHEZ LES VÉGÉTAUX; SON 
ACTION SUR LES DEUX SYNERGIDES ET SUR LE NOYAU SECONDAIRE DU SAC 
EMBRYONNAIRE, par M. CH. DEGAGNY. 


Les travaux de Hoffmeister (1857-1860), de Strassburger (1877) sur la 
fécondation, ont fait connaître les détails de l’entrée du tube pollinique 
dans le sac embryonnaire, et les changements qu’il détermine dans l’une des 
synergides et de là dans l’oosphère. 

D'un autre côté, les travaux de M. Guinard sur le sac embryonnaire 


(Annales, 1882) sont venus compléter, en partie, quelques points mal déter- 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. [°, N° 41. DJ 


682 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE, 


minés des diverses opérations, division, fusion des noyaux polaires, ete., 
qui s’accomplissent dans le sac et achèvent son organisation. 

Dans tous ces travaux, et quelques-uns analogues et plus récents tou- 
chant de plus ou moins loin au même sujet, un point très important, con- 
cernant les phénomènes propres au noyau secondaire et à l’une des syner- 
gides, avant, pendant et après la fécondation, n’a pas été résolu. 
Cependant, tous les auteurs le reconnaissent, les fonctions et par conséquent 
les destinées du noyau secondaire sont de la plus haute importance. C’est 
lui qui est le point de départ de l’albumen. 

Strassburger a fait le jour assez complètement sur les rapports qui s’éta 
blissent entre le tube pollinique d’une part, l’une des synergides d'autre 
part, et par là sur l’œuf. Ses observations et sa démonstration, en grande 
partie, ont été faites sur un sujet d'étude (Monotropa hypopites), bien dis- 
posé réellement pour laisser voir le phénomène et quelques-unes de ses 
phases. 

Mais l’arrivée du tube pollinique détermine subitement l’accomplisse- 
ment de plusieurs autres phénomènes sur les autres membres de lPappareil 
femelle, se passant avec une rapidité telle qu'il est difficile de les surpren- 
dre. Tout ce qui a été décrit sur ces phénomènes le prouve. On voit pendant 
un temps considérable, des semaines, des mois, l'appareil présentant le même 
aspect; le gros noyau secondaire au centre, puis la fécondation accomplie, 
ce noyau divisé en un certain nombre formant la couche pariétale endo- 
spermique. Des phénomènes intermédiaires à ces deux états on a surpris 
peu de chose, sinon que le noyau secondaire, suivant les cas, est situé 
tantôt plus loin, tantôt plus près de l’appareïl supérieur. 

Les observations suivantes, appuyées sur des préparations dontje vais par- 


ler et sur des dessins faits à la chambre claire, aideront, je l'espère, à com- 


bler quelques lacunes d’un sujet important, qui est loin d’être épuisé. 

Après une multitude de comparaisons faites entre les dessins les descriptions 
écrites de divers auteurs, et de nombreuses préparations que j'avais faites 
sur des plantes de divers groupes, j'avais été conduit à constater que le 
noyau secondaire, figuré tantôt au centre du sac, tantôt plus bas, tantôt 
plus haut, devait accomplir une marche déterminée au sein du sac, entre 
les deux appareils. J'étais, d’un autre côté, en présence de certaines images 
fournies par mes préparations, et que je ne trouvais nulle part dans les 
descriptions données jusqu'ici. Je fus donc porté à penser que je me trou- 
vais en présence de phénomènes intermédiaires, non surpris, se succédant 
avec une rapidité telle qu’ils n'avaient pas été constatés. Espérant trouver 
quelques lacunes, et les liaisons intermédiaires des divers aspects que j'avais 
sous les yeux, je me décidai à scruter un nombre considérable de saés em- 
bryonnaires. | 

J'avais examiné des renonculacées, des violacées, des liliacées, ete. Je 
choïsis pour sujet spécial l’Helleborus niger qui fournit des conditions par- 
ticulières où se trouvent réalisées des dispositions anatomiques et physiolo- 


a 


ISÉANCE DU Ü DÉCEMBRE. 683 


siques, absolument favorables aux observations et d’une réalisation très rare 
sur la même plante: Le sac embryonnaire est spacieux, les variations et 
changements des divers appareils y sont plus sensibles. La fécondation S'y 
fait dans des conditions atmosphériques bien faites pour suspendre ou 
retarder la rapidité d'évolution des phénomènes que l’on veut rencontrer, et 
que provoque l'intervention du tube pollinique. 

J'ai coupé environ six cents ovules provenant de pistils de même âge, de 
même forme et de même aspect extérieur, qui n’ont fourni à peu près deux 
cents coupes bien réussies, donnant des aspects compris entre le noyau 
secondaire situé au centre du sac, et le noyau secondaire divisé: en noyaux 
formant couche endospermique. 

Je choisis huit préparations que j'ai dessinées ; elles représentent les deux 
situations extrêmes citées plus haut et ses intermédiaires. 

N° 1. Le noyau secondaire est au centre, le protoplasma émet quel- 
ques traînées qui le relient à la paroi et aux appareils. 

N° 2. Le noyau secondaire est toujours au centre. Le protoplasma 
(contracté par l’alcool absolu) est plus abondant entre l’appareil supérieur 
et le noyau ; la traînée plus épaisse. 

-N° 3. Le noyau secondaire s’est approché de l’appareil supérieur ; une 
anastomose bien visible de protoplasma condensé l’unit à la face inférieure 
de l’oosphère, à gauche; à droite, à la face inférieure de la synergide 
gauche. 

N° 4. Le noyau secondaire s’est rapproché tout contre l’appareil su- 
périeur dans l’anfractuosité comprise entre la paroi du sac et l’appareil 
supérieur. La couche interposée de protoplasma s’est encore condensée en 
bourrelet uni intimement à l'appareil supérieur. 

De la synergide gauche des filaments, droits, incolores, de nature pro- 
toplasmique existent entre le noyau de cette synergide et le noyau secon- 
daire, résultant de l’action des deux éléments l’un sur l’autre, et montrant 
que le noyau de la synergide en se retirant a dû entraîner avec lui le pro- 
toplasma de la synergide qui était venu se condenser en face du protoplasma 
du noyau secondaire. 

De la synergide droite des filaments protoplasmiques analogues, bien 
visibles (objectif 1/16 de pouce immersion, Prazmowski), vont du noyau 
de cette synergide vers l’oosphère et sont les vestiges d’une union du proto- 
plasma entre les deux éléments. 

L'une des synergides servirait donc d’intermédiaire à la matière élabo- 
rée par l’arrivée du tube pollinique, vers l’œuf; l’autre synergide, d’inter- 
médiaire analogue vers le noyau secondaire. Noyau secondaire et oosphère 
recevraient la substance fécondante par la voie des synergides. 

N°5. La fécondation est faite, un bout de boyau dépasse en haut. Le 
noyau secondaire est rompu en une masse de noyaux séparés à nucléoles 
bien visibles et très réfringents. La masse des noyaux présente la forme 
d’un bouquet descendant dans le sac. 


684 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


N° 6. L'une des phases de 5. 

N° 7. Autre phase de 5 : le bouquet se disjoint, les noyaux commencent 
à se séparer. Ils n’ont pas encore l'aspect des noyaux libres endospermi- 
ques. Ils se rendent à la paroi. 

No 8. Après la dislocation du bouquet, bipartition des noyaux dans la 
couche endospermique primaire. 

En résumé, les phénomènes peuvent, jusqu’à nouvel ordre, être établis de 
la manière suivante : 

Avant la fécondation, le noyau secondaire, dans le sac embryonnaire, 
s’approche'de l'appareil sexuel femelle, auquel il vient s'unir intime- 
ment. 

Le noyau secondaire participe à la fécondation par l'intermédiaire de l’une 
des synergides, comme il est établi que l’œuf y participe par l’intermédiaire 
de l’autre synergide. 

Aussitôt la fécondation opérée, le noyau secondaire sedivise en une quan- 
tité considérable de noyaux réunis en forme de bouquet très serré ; le bou- 
quet se disjoint et chaque noyau va à la paroi pour digérer le nucelle, 
préparer la place de l’albumen et le former plus tard. 


ACTION DE L’ATROPINE SUR LE SYSTÈME NERVEUX, par M. JuDÉE. 


L’excitation du bulbe par un fort courant d’induction détermine un arrêt 


du cœur. On n’a pas encore précisé exactement l'endroit du bulbe qu’il faut 
exciter pour produire ce phénomène, mais le fait en lui-même est indiscu- 
table. L’irritation des bouts périphériques des pneumogastriques sectionnés 
produit aussi un arrêt du cœur. Par contre leur simple section détermine 
une accélération des battements du cœur. 

La conclusion à tirer des résultats obtenus dans ces trois expériences est 
incontestablement la suivante. Il existe dans le bulbe un centre d’inhibi- 
tion cardiaque dont les pneumogastriques sont les fils conducteurs ou mieux 
dont les fils conducteurs font partie des pneumogastriques. 

Maintenant vous administrez à un animal de l’atropine et vous voyez Les 
battements du cœur s’accélérer, comme après la section des pneumogas- 
triques vous obtenez, comme l’a très bien dit M. le professeur Franck, la 
section physiologique de ces deux nerfs et l’influence de ce poison peut 
être comparée à celle du curare sur les nerfs moteurs. 

En présence de ces nouveaux faits, je me crois en droit de dire : les 
phénomènes d’inhibition cardiaque dont le point de départ est un centre 
nerveux silué dans le bulbe, sont annihilés par l’action de l’atropine sur 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 685 


le système nerveux comme déjà, d’après moi, ceux propres aux centres 
moteurs le sont par le curare. 

Quant aux centres réflexes proprement dits, l’atropine, comme le curare, 
n’a aucune action sur eux, puisqu'on peut en administrer impunément à un 
animal, sans jamais voir aucun trouble se produire du côté des phénomènes 
respiratoires. Comme on sait déjà que la vitalité de la sensibilité générale 
est annihilée par l’action du chloroforme ou bien de ses dérivés, à l’heure 
présente il ne resterait donc en définitive qu’à trouver le poison suscep- 
tible de porter atteinte à la neuralité réflexe pour connaître tous les poisons 
jouissant de la propriété de détruire plus ou moins complètement l’action 
des principales neuralités admises jusqu'à ce jour, soit d’origine centrifuge, 
soit d’origine centripète. 


NOTE SUR LES ALTÉRATIONS HISTOLOGIQUES DU FOIE DANS LE CHOLÉRA, 
par V. HANoT et A. GILBERT. 


Nos recherches ont porté sur quatre sujets morts à l'hôpital Tenon, soit 
dans le service de M. Gaillard-Lacombe, soit dans notre propre service. 

Sur ces quatre sujets, deux étaient du sexe masculin, et deux du sexe 
féminin. Tous quatre avaient succombé dans l’algidité, en moins d’un jour et 
demi de maladie. 

Nous avions supposé qu’en limitant notre étude à des faits comparables 
par leur évolution clinique, nous obtiendrions par l’examen microscopique 
des résultats comparables, sinon identiques. Nos prévisions ne se sont 
qu’en partie vérifiées, ainsi qu'il ressort des détails suivants : 


Premier cas (homme mort en dix-sept heures). — Les lobules hépati- 
ques n’offrent rien d’anormal dans leur disposition générale. Les travées 
hépatiques ont conservé leur direction radiée. Les cellules hépatiques qui 
sont situées à la partie centrale des lobules sont fortement pigmentées, 
celles qui sont placées à la périphérie le sont, au contraire, faiblement. 
Un grand nombre de cellules hépatiques, disséminées au hasard, possèdent 
deux noyaux de dimension ordinaire, ou plus souvent un seul noyau hyper- 
trophié, ainsi que M. Straus l’a déjà signalé. Les noyaux hypertrophiés 
atteignent jusqu’à 12 et 15 » de diamètre; ils gardent la forme cir- 
culaire normale, ou quelquefois deviennent ovalaires; ils se montrent 
assez souvent un peu plus vivement colorés par le carmin que les noyaux 
normaux ; ils contiennent pour la plupart des granulations et un nucléole 
nettement distincts. Les veines sus-hépatiques, les veines intralobulaires 
etles capillaires qui occupent la partie centrale des lobules sont conges- 
tionnés. Par places, ces derniers vaisseaux renferment un grand nombre de 


686 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


leucocytes. Les voies biliaires sont saines. Le tissu conjonctif des espaces 
portes est infiltré de petites cellules rondes. 


Deuxième cas (homme mort en vingt-quatre heures). — Les cellules 
hépatiques situées à la partie centrale des lobules prennent une coloration 
rouge brun par le picro-carmin; elles contiennent de fines granulations 
protéiques qui en rendent le noyau peu distinct; un grand nombre d’entre 
elles renferment en outre de petites gouttelettes graisseuses. L’infiltration 
graisseuse augmente progressivement de la partie centrale à la partie péri- 
phérique des lobules, si bien que celle-ci paraît uniquement constituée par 
des boules de graisse de dimensions variables. Les veines centrales des 
lobules sont congestionnées. Les voies biliaires sont saines. Le tissu con- 
Jonctif des espaces portes est criblé de cellules embryonnaires. 


Troisième et quatrième cas (femmes mortes, l’une en trente etune 
heures, l’autre en trente-deux heures). — Dans ces deux faits nous avons 
retrouvé les lésions que nous avons signalées dans le premier cas. Nous 
avons noté, de plus, d’autres altérations que, jusqu’à ce jour, nous n’avons 
observées que”dans le choléra. 


Examinées avec un faible grossissement, les coupes du foie permettent de 


A en ON > 
reconnaître, dans ces troisième et quatrième cas, que, par places, le paren- 


chyme hépatique ne s’est pas laissé colorer par les réactifs; en sorte que, 
de distance en distance, apparaissent au sein des lobules des zones inco- 
 lores, d'ordinaire arrondies ou ovalaires, dont les dimensions sont très 
variables. À un fort grossissement, les zones incolores se montrent consti- 
tuées par des cellules hépatiques en état de fuméfaction transparente. 
C’est la désignation qui nous paraît convenir à cette alternative. Transpa- 


rentes comme du cristal, ces cellules ont des contours très nets et pos 


sèdent souvent deux noyaux de dimension habituelle ou un seul noyau 
hypertrophié, normalement colorés par le carmin et l’hématoxyline. Tumé- 
fiées, elles se compriment mutuellement ou compriment les cellules avoisi- 
nantes, et oblitèrent la lumière des capillaires radiés, si bien que, dans les 
zones incolores, la disposition trabéculaire a complètement disparu. Les. 
zones transparentes n’offrent pas toutes un égal degré de décoloration, et La 
tuméfaction transparente n’atteint pas à un égal degré les éléments cel- 
lulaires ; il est donc possible d'étudier dans une même préparation toutes 
les phases que parcourt la cellule hépatique depuis l’état normal jusqu’à 
l’état morbide complet. 


SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 687 


THÉRAPEUTIQUE EXPÉRIMENTALE ET CLINIQUE. LES INHALATIONS D'OXYGÈNE 
DANS L'ATMOSPHÈRE NORMALE, par M. Ch.-E. Quinouaup (1). 


En expérimentant, d’après les procédés cliniques ordinaires (c’est-à-dire 
en faisant respirer 9, 6, 1, 8 et 10 litres d’oxygène, répétées deux ou trois 
fois dans la journée), les inhalations d’oxygène chez l'homme dans les cas 
d’anémie, nous n’avons pu obtenir aucun résultat dûment imputable à 
l'oxygène; nous nous sommes demandé pourquoi. 

Il fallait résoudre un premier problème en se plaçant dans les mêmes 
conditions que les cliniciens : quels sont les effets physiologiques des inha- 
lations d'oxygène chez les animaux et chez l’homme ? 

Lavoisier et Seguin, en faisant respirer de l’oxygène pur, n’ont constaté 
aucun changement dans les produits de la respiration. Voici ce qu’ils di- 
saient : € Il se consume dans un temps donné beaucoup plus de charbon que 
de lout autre combustible dans l’air vital que dans l’air de l’atmosphère. On 
avait toujours pensé qu’il en était de même de la respiration, qu’elle devait 
s’accélérer dans l’air vital; mais l'expérience détruit toutes ces opinions : 
soit que les animaux respirent dans l’air pur, soit qu’ils respirent dans ce 
même air mélangé avec une proportion ptus ou moins considérable de gaz 
azote, la quantité d'air vital qu’ils consomment est toujours la même... La 
respiration et la circulation ne paraissaient pas sensiblement ni accélérées 
ni retardées, la chaleur était égale dans la respiration dans l'air vital pur 
ou dans le mélange de 15 parties de gaz azote et de À d’air vital (2). » 

Regnault et Reiset (3) ont écrit : 

« La consommation d'oxygène par heure a été exactement la méme dans 
l'atmosphère normale et dans l'atmosphère oxygénée. » 

Plus bas, ils ajoutent : « Le rapport entre le poids de l’oxygène contenu 
dans l ue carbonique ef celui de l’oxygène consommé a été trouvé un peu 
plus fort dans l’expérience 89, où l'animal se trouvait dans une atmosphère 
plus riche en oxygène ; il est probable que cela tient au régime féculent. » 

Page 496, les mêmes auteurs concluent que « la respiration des animaux 
n'est aucunement influencée par la proportion d'oxygène de l’atmosphère 
dans laquelle ils vivent, pourvu que cette proportion soit suffisante pour 
entretenir la vie. Dans une atmosphère renfermant deux ou trois fois plus 
d'oxygène que notre atmosphère terrestre, les animaux n’éprouvent aucun 


(1) Communication faite dans la séance du 29 novembre 1884. 

(2) Lavoisier et Seguin, Mémoires de l'Académie des sciences de Paris, 1789, 
P. 59: 

(3) Recherches chimiques sur "1 respiration des animaux des diverses classes, 
par MM. V. Regnault et J. Reiset (p. 299, Ann. de chimie et de physique, 3° série, 
t. XXVI, 1849). 


688 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


malaise et les produits de leur respiration sont absolument les mêmes que 
lorsqu'ils se trouvent dans l'atmosphère normale. » 
Plus tard notre savant physiologiste P. Bert (1) a montré qu’il survient 


une suroxygénation du sang lorsque l’animal respire dans une cloche 
renfermant 6 à 7 litres d'oxygène. 


Voici les expériences que nous avons instituées sur des chiens pour con- 
naître les effets physiologiques des inhalations d'oxygène dans l’atmosphère 
normale. 


0 


Première expérience. —- Inspiration dans un ballon plein d’oxygène, 


expiration à l'air libre. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration. 
Température. 


Le chien inhale environ 100 litres d'oxygène en treize minutes. 


Avantl'inhalation. Aprèsl'inhalation. Diminution. Augmentation. 


Remprmectale mere 38°, 31°,8 0v,3 
POUSSE ARE MALE) 120 90 30 
Respiration....... oc 19 10 9 
Oxygène contenu dans 100 : 

de sang artériel...... se OGM 28,8 DAT. 


La capacité respiratoire de ce sang était de 32 centimètres cubes pour 100, 
c’est-à-dire qu'après l’inhalation le sang n’avait pas encore acquis son maxi- 
mum d'absorption. 

Pourquoi n’arrive-t-on pas dans ces inhalations au maximum d’absorp- 
tion? C’est qu’il existe dans les conditions respiratoires ordinaires une 
certaine'quantité d’hémoglobine qui échappe à la suroxygénation par inha- 
lation d'oxygène (on peut faire circuler 200 litres d'oxygène pur et plus à 
travers les poumons d'un chien sans jamais attejndre le maximum d’ab- 
sorption que l’on obtient en agitant le liquide sanguin à l’air libre), c’est là 
un fait analogue à celui que Gréhant avait vu et que nous avons vérifié dans 
lintoxication par l’oxyde de carbone, une quantité à peu près égale d’héma- 
tocristalline échappe à l’action du gaz toxique, qui a cependant une si forte 


affinité pour l’hémoglobine. Il y a là des faits similaires dont la cause intime 
nous échappe encore. | 


Deuxième expérience. — Inspiration dans un ballon en caoutchouc 
rempli d’exygène, expiration à l’air libre. Gaz du sang artériel. Pouls. Res- 
piration. Température. 


L'animal met vingt minutes à inspirer 100 litres d'oxygène. 


(1) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, p. 126. 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 689 


Avant l'inhalation. Aprèsl'inhalation. DPiminution. Augmentation. 


Temp. rectale.......... AVES CHAINE 28° 0°,5 
POUSSE RER, 96 16 20 
. Respiration: ............. 14 S 6 
Gaz contenu dans 100‘) CO*. 39,2 39 °,2 » 
de sang artériel...\Ox.. 17,6 19,8 2,9 


La suroxygénation est également manifeste dans le sang du cœur droit, 
en voici la démonstration : 


Troisième expérience. — Inspiration dans un ballon d'oxygène, expira- 
tion à l’air libre. Oxygène du sang du cœur droit. 

Le chien inspire environ 100 litres d'oxygène en quinze minutes. 

Avant l’inhalation, il y a 8,5 d'oxygène dans 100 centimètres cubes de 
sang pris dans le cœur droit; immédiatement après l’inhalation on en 
trouve 10°°,1, ce qui fait une augmentation de 1°°,6. 


Dans une quatrième expérience faite encore dans les mêmes conditions, 
nous avons obtenu après l’inhalation de 100 litres d'oxygène 192,5 d’oxy- 
gène dans 100 centimètres cubes de sang artériel au lieu de 18‘°,1, chiffre 
normal, ce qui fait une augmentation de 1°°,4. 

Nous avons encore varié les conditions en faisant inspirer et expirer l’ani- 
mal dans une cloche renfermant 16 litres d’oxygène pur ou dans un sac de: 
caoutchouc renfermant 50 litres d'oxygène pur. Dans ces conditions, la 
suroxygénation a été également nette, mais un peu plus accentuée. 


Quatrième expérience. — Inspiration et expiration dans une, cloche 
contenant 16 litres d'oxygène. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration. 
Température. 

L'animal respire pendant quinze minutes dans une cloche placée sur la 
cuve à eau et contenant 16 litres d'oxygène. On extrait le sang de l’artère 
au bout des quinze minutes pendant que le chien respire encore dans 
l’oxygène. 


ÆAvantlinhalation. Aprèsl'inhalation. Diminulion. Augmentation. 


PORC ae CAD 90 94 
Teniprectale 2, 1:21. 39°,5 980,7 0°,8 
Respiration. ........ tant) 12 7l 
Oxygène dans 100* de sang 

artériel.,.... RITES 16° 19 5 


Cinquième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon rem- 
pli d'oxygène. Oxygène du sang artériel. Pouls. Respiration. Température. 


690 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Le chien respire pendant dix minutes dans un sac qui contient 50 litres 
d'oxygène. 


Avantlinhalation. Aprèsl’inhalation. Diminution, Augmentation. 
Ï $ 


Meraprectale Re ENE EDS SPA 00,6 
POUSSE RER AE 114 100 14 
RESDIRAHONE ERP EECTES 16 12 À 
Oxygène dans 100 de sang 

actériehe sn epe 7e 207 923$ DS 


Sixième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon conte- 
nant de l'oxygène. Oxygène du sang artériel. 

L'animal pendant dix minutes dans le ballon qui contient 40 litres d’oxy- 
gène. 
Avant l’inhalation on trouve 21,7 d'oxygène dans 100 centimètres cubes 
de sang extrait de l’artère fémorale et immédiatement après on en mesure 
230,6; il y a donc une augmentation de 1°°,9. 

Dans les deux expériences qui suivent nous avons en outre dosé l'acide 
carbonique dans Pair expiré par l'animal. 


Septième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon ren- 
fermant de l'oxygène. Oxygène du sang artériel. Analyse de l’acide carbo- 
nique dans l’air expiré. d’après la méthode de Gréhant et Quinquaud. 
Pouls. Respiration. Température. 

Le chien respire dans un sac fermé contenant 50 litres d'oxygène. Au 
bout de quinze minutes d’inhalation on extrait le sang pour l'analyse, et au 


bout de vingt minutes on recueille l’air expiré pour y doser l’acide carbo- 


nique. 
Avantl’inhalation. Après l'inhalation. Diminution. Augmentalion- 

lemprérectale rene DONS 910,4 00,1 
DOUIS ER AU RES RER 106 eS0 26 
RESPIrAONAR ERP EEE EE 19 8 4 
Oxygène dans 100* de sang 

artériel PRE SEE A) 1 21 (PA 
CO? dans 95 litres d’air ex- 

DIRES ASSURER tr, 41 191,04 Üsr, 31 


Huitième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon d’oxy- 
gène. Oxygène du sang artériel. Acide carbonique de l'air expiré. Pouls. 
Respiration. Température. 

L'animal respire dans un sac contenant 50 litres d'oxygène ; dix minutes 
après le début de linhalation on prend le sang dans l’artère fémorale et 
dix-huit minutes après on recueille l'air expiré. 


« 


SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. 691 


de) 


Avantlinhalation. Aprèsl'inhalation. Diminution. Augmentation 


Temp rectale eee 91,71 310,6 Oo,1 
Pouls# LS SEE Morin 142 92 20 
Respiration PESTE 4 17 12 5 
Oxygène dans 100* de sang 
ACER Te die 18:,5 20° I 
CO? dans 95 litres d’air ex- 
pIFES en AO... .... 157,96 Teil Our,05 


Dans l'expérience qui va suivre, nous avons fait un mélange d’air et d’Oxy- 
gène pur. 


Neuvième expérience. — Inspiration et expiration dans un ballon conte- 
nant 39 litres d'oxygène et 16 litres d'air. Oxygène du sang artériel. Pouls. 


Respiration. Température. 


Avantl’inhalation. Abprèslinhalation. Diminution. Augmentation. 


Remp-yrectale:tt 528 1.0 GOT 31,1 
RETIRE FERMER 100 89 19 
RESDILAIEONE RE 14 ” 
Oxygène dans 100‘ de sang 
ATÉMOR ND Re TO 18 °,6 1220 


Le sang a été extrait de l’artère treize minutes après le début de l’inha- 
lation. 

En résumé, l’inhalation de l’oxygène dans une cloche ou dans un ballon, 
c'est-à-dire dans une atmosphère fermée, produit une suroxygénation un 
peu plus accentuée que dans les cas où l’animal inspire dans un ballon et 
expire à l’air libre. Afin de faciliter la suroxydation du sang, il est fort utile 
que les orifices et les tubes des ballons et des soupapes soon très courts 
et aient un diamètre supérieur à celui de la trachée de l'animal sur lequel 
on opère, sinon il se fait une accumulatiof de CO? qui entrave plus ou moins 
la suroxydation. 


Ces expériences variées démontrent : 

1° La possibilité de suroxygéner faiblement le sang en faisant respirer 
l'animal dans une atmosphère fermée ou inspirer dans un ballon plein 
d'oxygène avec expiration à l'air libre; 

2° Un ralentissement du pouls qui est évident dans toutes nos expériences. 
En même temps l'agitation de l'animal cesse, l'oxygène est done un sédatif 
au lieu d’être un excitant; 

9° Un ralentissement de la respiration net, mais un peu moins marqué; 
4° Un faible abaissement de la température: 


692 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


o° Une très légère diminution dans l’exhalation pulmonaire de l'acide 
carbonique. 

Ces modifications diverses sont analogues, quoique moins accentuées, à 
celles qui ont été si bien étudiées par M. P. Bert (1). 

Ces mêmes phénomènes se présentent en physiologie humaine ; dans 
un cas nous avons pu observer ces faits bien nettement chez une femme qui 
réclamait avec instance une saignée. Avant l’inhalation, le sang veineux 
contenait 12 centimètres cubes pour 100 d’oxygène; après l’inhalation de 
60 litres d'oxygène, le sang en contenait 14°°,5 pour 100. 

Tout semble donc prouver qu'il y a un ralentissement d’oxydation ; néan- 
moins, vu la complexité du problème, nous avons cherché un moyen pour 
apprécier d’une manière exacte ce qui se passe au niveau des capillaires 
dans l’intimité des tissus. 

Pour résoudre cette question de physiologie générale, nous nous servons 
depuis quelque temps du procédé suivant : 


Mesure du degré d’oxydation par le rapport des gaz du sang artériel 
aux gaz du sang veineux. — I] suffit d’avoir à sa disposition deux pompes 
à mercure pour opérer l'extraction des gaz du sang simultanément : on 
prend le sang à l’aide de deux aspirateurs parfaitement jaugés; l'extraction 
proprement dite des gaz, les analyses gazeuses, toutes les manœuvres sont 
faites en même temps et dans les mêmes conditions de température ; un peu 
d'habitude suffit pour exécuter les divers temps de l’opération avec la {plus 
parfaite simultanéité. : 

Quant à la signification de la grandeur du rapport, elle est facile à saisir : 
lorsque ce rapport est plus grand qu’à l’état normal, cela signifie que l’oxy- 
dation a été plus forte; s’il est plus petit, cela veut dire que l'oxydation a. 
été inférieure. 

Prenons des exemples : dans des expériences sur les inhalations de 
l'oxygène, faites avec l’aide du docteur Butte, nous faisons en même temps 
l'extraction des gaz du sang veineux et du sang artériel avant et après 
l’inhalation. F 


Le sang veineux contient avant linhalation 15* pour 100 d'oxygène. 


— — aprés — 17,9 — — 
Le sang artériel contient avant l’inhalation 22*,45 — . — 
— — après — 23°°,45 — — 


Donc, avant l’inhalation, il disparaissait dans les capillaires 22°€,45 — 15 
centimètres cubes, c’est-à-dire 7°,45 d'oxygène qui servaient à l’oxydation. 
Après l’inhalation, il n'en disparaissait plus que 23°,45 — 172,5, c’est-à- 


(1) P. Bert, Pression barométrique, 1877, p. 802. 


SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE. 693 


dire 5°°,95 ou 1%,5 en moins, c’est-à-dire un cinquième en moins de la 
consommation normale. 

- On peut encore exprimer ce ent par le rapport des sangs veineux 
aux sangs artériels, ce qui donnera 


c’est-à-dire que le second rapport étant plus petit que ie premier, cela veut 
dire qu’à l’état normal, avant l’inhalation d'oxygène, la consommation de 
ce dernier, les oxydations interstitielles sont plus intenses qu'après les 
inhalations d'oxygène, qui ralentissent au contraire les mouvements d’oxy- 
dation organique. 

En voici un autre exemple : avant l’inhalation, le sang artériel renferme 
15 centimètres cubes d'oxygène; au même moment le sang veineux en 
contient 9 centimètres cubes; cela veut dire que 6 centimètres cubes d’oxy- 
gène ont disparu en produisant des oxydations. 

Après l’inhalation, le sang artériel contient 15°%,5 d'oxygène, le sang 
veineux en renferme 11 centimètres cubes, c’est-à-dire que 4,5 d’oxygène 
ont disparu dans les oxydations, ce qui fait 1,5 ou un quart en moins qu’à 
l’état normal. 

Ou encore, avant l’inhalation, le rapport de l’oxygène du sang artériel à 
celui du sang veineux est de 1,66, tandis qu'après l’inhalation il est de 
1,40; il est plus faible et par conséquent les oxydations sont plus lentes. 

Dans une autre expérience faite dans les mêmes conditions que les pré- 
cédentes, avant l’inhalation d'oxygène, les SANT au niveau des capil- 
laires sont représentées par 5,15, ends qu'après les inhalations ces oxy- 
dations ne sont évaluées qu’à 3,90. 

On peut donc conclure que les inhalations d’oxygène, au lieu de bruler 
l'organisme, ralentissent les combustions organiques. 

Ce ralentissement des oxydations a été tel dans quelques-unes de nos 
expériences, que la différence d’oxygène employé en moins après les inhala- 
tions a été un tiers de l’oxygène brülé à l’état normal. 

Une dernière question : les inhaiations telles qu’on les fait chez l’homme, 
à la dose de 5 à 6 litres d'oxygène répétées deux ou trois fois par jour, 
produisent-elles des effets physiologiques ? 

Mes expériences, bien des fois répétées, ne m'ont fait découvrir aucun 
des faits décrits au début de ce travail. Pour obtenir des effets sensibles, 
il faut se servir d’un mélange composé de 1/3 d’oxygène et de 2/3 d’air, 
par exemple 33 litres d'oxygène et 66 litres d’air que l’on fait circuler à 
travers les poumons à l’aide d’un appareil à soupape, ou encore 20 litres 
d'oxygène et 40 litres d’air. 

Avec des doses inférieures, on peut bien obtenir quelques effets, mais, 
au bout de dix minutes, un quart d'heure, tout a disparu. On peut donc 


694 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dire que la méthode ordinaire des cliniciens est insuffisante. La clef du 
problème est de faire respirer un mélange au tiers pendant vingt minutes 
ou une demi-heure. Pour avoir des effets physiologiques durables, il faut 
que l’inhalation ait une durée de 20 minutes à une demi-heure et même 
plus si c’est possible. * 

On ne doit pas craindre les inhalations d'oxygène dans les cas de tuber- 
culose ; elles ne produisent pas d’hémoptysies. 


BOURLOTON. — imprimeries réunies,‘ A, rue Mignon, 2, Paris, 


697 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE 1884 


Présidence de M. Paul Bert, président. 


M. le docteur BEAGREGARD a été élu me mbre titulaire de la Société de 
biologie dans la séance du 6 décembre. 


NOTE SUR LA SPECTROSCOPIE DES TISSUS VIVANTS, 
par MM. Albert RoBin et [. STRAUS. 


Dans la dernière séance de la Société de biologie, M. Hénocque a com- 
muniqué un travail des plus intéressants sur la spectroscopie des tissus 
vivants. Ce sujet avait été étudié précédemment par Vierordt, puis par Fi- 
lehne, et après avoir eu connaissance de leurs recherches, nous avons nous- 
même, en 1880, institué une série d'expériences de contrôle qui nous ont 
conduits à des résultats un peu différents de ceux qu’ils avaient obtenus. 
Aussi, comparant nos observations avec celles de nos prédécesseurs et celles 
récemment publiées par notre savant collègue, nous croyons avoir recueilli 
un certain nombre de faits qui peuvent servir à la critique de la méthode et 
sont de nature à inspirer quelques réserves sur sa valeur actuelle comme 
moyen d'exploration clinique. - 

Vierordt examinait la pulpe du doigt après avoir lié celui-ci avec une 
mince bande de caoutchouc; il utilisait la lumière réfléchie et particulière- 
ment la lumière solaire diffuse; enfin il se servit successivement des spec- 
troscopes à vision directe de Browning, de Schmidt et Hans, de Seibert et 
Krafft, en accordant la préférence à ce dernier instrument. 

Nous essayämes d’abord la lumière transmise; mais quelle que füt la 
source lumineuse employée, nos tentatives restèrent infructueuses ; à peine 
nous fut-il possible de déterminer les raies de l’oxyhémoglobine avec la 
lumière fournie par une bougie Jablochkoff du plus gros modèle, et en nous 
servant du grand spectroscope de Dubosq et du spectroscope à vision directe 
de Browning. 


Comme Vierordt recommandait spécialement le spectroscope de Seibert 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [#, N° 42, D4 


698 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


et Krafft de Wetzlar, nous fimes fabriquer par ces constructeurs un instru- 
ment qui nous permit de faire nos recherches dans les mêmes conditions 
que le savant allemand, et en employant comme lui la lumière solaire dif- 
fuse réfléchie. 

Mais après d’assez nombreuses expériences, nous avons pu nous con- 
vaincre que les procédés actuels de spectroscopie des tissus vivants n’avaient 
point encore un degré de précision suffisant pour légitimer leur entrée dans 
la pratique. Et ceci pour les motifs suivants : 

1° Il est extrêmement difficile d'apprécier exactement le moment où dis- 
paraît la première bande de l’oxyhémoglobine, et deux expérimentateurs 
différents obtiennent pour une même observation des chiffres dissemblables, 
l’un d’eux affirmant la réapparition du jaune, tandis que l’autre perçoit en- 
core la bande de réduction. Il y a là une erreur personnelle considérable 
qui rend les chiffres donnés par tel ou tel auteur assez divergents pour qu'il 
soit difficile d'établir entre eux une comparaison. Aïnsi, entre les obser- 
vations des auteurs de cette Note, il y a eu des dissemblances qui se sont 
élevées parfois jusqu’à 30 pour 100. D'un autre côté, la moyenne physiolo- 
gique de Vierordt, de M. Hénocque et les nôtres diffèrent notablement. En 
effet, sur 201 observations, Vierordt en note 42 de 40 à 74 secondes, 110 de 
75 à 150 secondes et 49 au-dessus de 150 secondes, de sorte que les chiffres 
de 75 à 150 secondes peuvent être considérés comme la moyenne physio- 
logique pour Vierordt. Or M. Hénocque trouve comme moyenne 59 à 65 se- 
condes ; nous-mêmes avons trouvé de 80 à 110 secondes. 

2% Pour un même observateur, l'instant précis où disparaît la bande 
d'absorption est d’une constatation des plus difficiles, car cette bande s’atté- 
nue graduellement et avec une lenteur qui n’est pas toujours la même, de 
sorte qu'entre le moment où elle palit et celui où elle s’efface, il y aune 
période d’indécision assez variable et qu’augmente encore l'incertitude vi- 
suelle causée par la tension prolongée du regard. Quand on croit avoir vu 
disparaître la bande, il suffit de fermer l’œil pendant une à deux secondes, 
puis de le rouvrir pour apercevoir encore sa trace. Peu à peu, la teinte de- 
vient si vague, quoique encore perceptible, que la constatation de sa totale 
disparition exige des tàtonnements peu compatibles avec une mensuration 
exacte. Et nous ne confondons pas ici les derniers linéaments de la bande 
avec la teinte sombre très légère et très diffuse qui représente à la fin de 
l’expérience la bande de l’hémoglobine réduite. 

3 L’échelle des variations physiologiques est assez étendue pour qu’on 
soit en droit de demander si celle des variations pathologiques est assez 
grande pour la dépasser. M. Hénocque donne les limites de 45 à 85 se- 
condes ; mais Vierordt a observé sur lui-même des variations de 40 à 
330 secondes ; nous-mêmes avons obtenu comme extrêmes de 45 observations 
sur le même individu 30 et 120 secondes. Après le repas du soir, l’un de 
nous observait successivement sur l’index droit 30 et 38 secondes, tandis 
que l’autre notait sur lui-même et avec le même doigt 140 et 150 secondes. 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 699 


Or ce chiffre de 30 secondes est celui déterminé par M. Hénocque dans 


l’anémie par perte de sang. 

4 L'examen successif des divers doigts de la main donne des chiffres 
qui ne concordent pas, soit que l’on opère sur les doigts de la même main, 
soit sur ceux des deux mains. Voici deux expériences à l’appui de cette as- 


sertion : 


BRAIN TaAUCHe +. eee 104 secondes 
InAESAANOIL- PRE ie. To — 
Médius gauche......... Te — 
Médius droit....... PNR OD nu 
Exp. IL Index gauche .......... (CORRE 
= Médius gauche....... PASSE 
Index droit ARR Ee Pere 30 — 


La conséquence qui s'impose, c’est qu’en cas d'incertitude dans l’appré- 
ciation de la réduction de l’hémoglobine, incertitude si fréquente comme 
nous l’avons exposé plus haut, on ne pourra répéter l’observation sur un 
autre doigt. 

5°Malheureusement, s’il y a le moindre doute sur le chiffre trouvé, il faudra 
cependant se contenter de cette unique observation, puisque d’un côté celle- 
ci ne peut être répétée sur un doigt différent, et que d’un autre côté nous 
allons prouver que des mensurations consécutives effectuées sur le même 
doigt fournissent aussi des chiffres discordants. Les trois expériences sui- 
vantes le démontrent. 


17e obs. 2e obs. 3° obs. 4e obs. 

Exe. Il. Index gauche... To SE” 100” 80" 

Médius ....... 65" 102" 90" 15" 

Annulaire .... 15"! 103" 83" 90" 
Exp. IV. Index gauche . 53/! SA til 
Exp. V.  Médius gauche. 85" 110" 

Index droit ..… 82" 94" 

Médius droit .. 90" ou 

Index gauche . ITU 105" 


6° Les mêmes conditions physiologiques chez le même sujet n’engendrent 
pas Loujours des variations dans le même sens. La digestion, entre autres, 
tantôt augmente le temps nécessaire à la réduction, tantôt elle le diminue, 
et cela dans des conditions de régime et de Santé absolument identiques. 
En voici des exemples : 


Exp. VI. Avant le déjeuner. Index gauche. Moy. de 3 obs. 110” 
2 h. après le déjeuner. — — à — 87/ 
Exp. VIL. Avant le déjeuner, —. —  93— 72!! 


2 h. après le déjeuner. — — 3 — 104" 


700 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


En résumé, la méthode de spectroscopie des tissus vivants due à Vierordt 
est passible de six ordres d’objections, telle que l'erreur personnelle et par 
conséquent le défaut de concordance entre les observateurs; la difficulté 
d'apprécier la disparition de la bande, l’étendue des variations physiologi- 
ques, la variabilité de la réduction dans les divers doigts de la main, la 
discordance d'examens successifs faits sur un même doigt, la dissemblance 
des chiffres obtenus pour des états physiologiques semblables. Donc, avant 
de tenter l'introduction de ce nouveau moyen d'exploration, dans la physio- 
logie et dans la clinique, il importe de modifier, s’il est possible, sa tech- 
nique, de façon à éliminer les causes d'erreur fondamentales que nous venons 
de signaler. 


ETUDE SPECTROSCOPIQUE DU SANG A LA SURFACE UNGUÉALE DU POUCE. 
Notes complémentaires, par M. A. HÉNocQuE. 


Je présente à la Société des détails complémentaires sur diverses parti- 
cularités que présente l’examen spectroscopique du sang à travers l’ongle, 
parce qu'ils feront comprendre la nécessité de procéder méthodiquement à 
cet examen, suivant les précautions que j'ai indiquées, si l’on veut éviter 
les causes d’erreur qu'ont présentées les modes d'exploration appliqués par 
divers expérimentateurs, ‘et dont je ne saurais accepter la responsabilité 
puisque, bien que eux et moi nous ayons examiné la même matière, c’est-à- 
dire le sang à travers les tissus, les moyens employés sont tout à fait diffé- 
rents. J’insiste sur la nécessité de tenir compte, non seulement de la 
largeur de la bande principale, mais aussi de sa position dans les diverses 
phases du phénomène et enfin de son intensité. 

I. — Pour démontrer l’importance de la position de la bande et de l’é- 
tude des autres particularités de l’image spectrale, je présente une planche 
coloriée que j'ai établie d’après nature pour démontrer les diverses phases 
du phénomène de réduction. 

C’est ainsi que l’on voit avant la ligature la bande + occupant l’espace 
de 510 à 559,5 en millionimètres, c’est-à-dire dépassant la bande D sur la 
gauche en l’espace de 30” environ, il se produit le phénomène de virage, 
c’est-à-dire que la bande passe à droite de D et laisse voir le jaune, puis 
le spectre se dégage en même temps que la bande s’affaiblit et disparait ; 
de sorte que vers 55”, le’spectre semble ininterrompu: c’est la phase 
de réduction de l’oxyhémoglobine à la surface sous-unguéale, et c’est celle 
dont je note la durée; mais, si je laisse la ligature en place, je constate 
alors de nouveaux phénomènes, la région jaune et jaune verdàtre s’as- 
sombrit, et peu à peu il semble que la bande réapparaisse ; mais elle est 
bien moins intense que la première, plus diffuse, et elle s'étend à gauche 
de D au dela même de 560. Or à ce moment, qui peut correspondre 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 701 


à 120", 150", 180/, on peut confondre cette bande de l’hémoglobine ré- 
duite avec la bande primitive du sang oxygéné, si on ne tient pas compte de 
sa position et de sa largeur. Le phénomène s’accentue et atteint son maxi- 
mur en 240", mais en même temps le rouge s’assombrit et il y a obscurité 
du spectre dans la région rouge, s'étendant d’abord à 650 à gauche de C, puis 
dépassant C jusqu'à 630, de plus toute la région jaune vert est assombrie, 
et au delà de E toute la partie est noire. En même temps le sang, qui a 
l’aspect veineux foncé si on l’extrait dans la période de réduction, a pris 
une couleur brunâtre laquée, enfin la phalange unguéale offre une teinte 
livide ou cyanosée, d’où le nom de période de cyanose sous lequel je la 
désigne. La ligature est devenue douloureuse, et produit des fourmillements 
qui obligent à ne pas en prolonger l’application. 

Il résulte de ce fait qu’il ne faut pas interrompre l’examen dans la pé- 
riode qui s’étend entre 30/' et 80’ pour ne pas laisser inaperçue la période 
de réduction. 

II. — J'ai choisi le pouce de préférence à tout autre doigt parce qu’en 
outre de la facilité d'application instantanée de la ligature, il offre cet avan- 
tage de présenter une phalangette facile à isoler et une lunule sous- 
unguéale plus développée que sur les autres doigts. 

L'expérience suivante que j'ai répétée 7 fois et sur 4 individus diffé- 
rents prouve en effet qu’il faut tenir grand compte de la quantité de tissus 
et surtout de tissu osseux qui sépare la ligature, de l’ongle observé. En effet, 
appliquant une ligature de caoutchouc au poignet, au-dessous des apo- 
physes styloïides radiale et cubitale, j’ai comparé pour chaque ongle la durée 
de la réduction. Or j'ai trouvé toujours la durée la moindre au pouce, puis 
à l’annulaire, ladurée plus grande au médius, et pour l'index et l’annulaire 
une durée intermédiaire. Les diagrammes que je présente montrent d’une 
manière évidente cette relation directe entre la durée de réduction et la 
distance de l’ongle à la ligature. L’explication de ce fait me semble facile à 
donner. 

Au moment de la ligature on isole un large territoire vasculaire dans 
lequel les échanges ne sont pas absolument identiques, il se fait des 
sortes de réserves dans le tissu osseux, et probablement des communica- 
tions entre les territoires divers, comme on le voit quand on examine au 
microscope la circulation dans la membrane natatoire de la grenouille; en 
définitive, il semble que plus il y a de substance osseuse entre la ligature 
et l’ongle, plus longue est la durée de la réduction. 

La conclusion à tirer de ces expériences est qu’il importe de tenir compte 
dans les observations de la distance de la ligature à l'extrémité de la pha- 

lange du pouce, ce qui est bien facile, car il n’y a qu'à la comparer à la 
longueur du pouce de l'observateur, qui peut d'avance facilement déterminer 
la distance de tous les plis de l'articulation de la phalangette de son propre 
pouce à l’extrémité de ce doigt. 

IL. — S'il estimportant, dans l'examen spectroscopique de l’ongle, de ne 


CONTE eee 


nt a” 


702 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pas se laisser distraire et de ne pas l’interrompre, il ÿ a moyen de faire 
varier les impressions rétiniennes de façon à les renouveler pour ainsi dire; 
c’est pourquoi l’on doit examiner, par de légers déplacements du spectro- 
scope, l’ongle de long en large, puis l’ongle, la lunule et le rebord cutané 
qui l'entoure : on voit ainsi que la disparition de la bande se fait d’abord 
dans la lunule, puis quelques secondes plus tard dans l’ongle, mais elle per- 
siste encore pendant quelques secondes à la peau ; or à un certain moment 
le phénomène de réduction est complet dans ces trois régions, et c’est alors 
que je note la phase de réduction; ces détails semblent bien délicats, ce- 
pendant ils constituent un moyen de préciser l’examen très facile à acquérir 
par la pratique. 

IV. — Il ne faudrait pas conclure de ce que j'ai indiqué des variations 
entre 0’’ et 100", chez des individus différents, que celles-ci peuvent être 
observées à l’état normal. En effet, sur 130 notations, il y en a 80 entre 59” 
et 19/! secondes, mais il y en a aussi 25 entre 55” et 60”, et, d'autre part, il 
n’y en a que 6 au-dessous de 38’ et 6 au-dessus de 85//; or l'examen du 
pouls ou de la température présenterait des variations comparables. 

De plus, j'ai souvent trouvé le même chiffre à plusieurs jours d’inter- 
valle, à plusieurs mois même, lorsque j'observais à la même période de la 
journée; c’est ainsi que dans 62 observations prises à diverses époques en 
six mois, j'ai trouvé 25 fois la durée de la réduction variant de 40!’ à 50”, 
et 7 fois elle a été égale à 50/', 6 fois à 45", enfin 9 fois entre 45/ et 47. 

Enfin, sur le même individu, si l’on examine le pouce après quelques 
minutes d'intervalle, on trouve bien une différence de 5 secondes, quelque- 
fois davantage, mais, s’il s’agit de variations ou de chiffres extrêmes, comme 
dans les cas pathologiques, cette différence n’a plus grande importance, et 
au contraire il est bon de renouveler l’examen toutes les fois qu'on aura 
obtenu un premier chiffre exceptionnel. 

Pour conclure, j'ai la conviction que, si l’on pratique méthodiquement cet 
examen, on obtiendra des résultats importants; avec l’habitude, l'erreur 
personnelle diminuera, et d’ailleurs j'indiquerai bientôt les moyens de 
contrôle qui permettront de vulgariser la méthode dont je n'ai encore 
exposé que le premier procédé. 


DE LA LIGNE PRIMITIVE DES POISSONS OSSEUX, par M. L. F. [ENNEGUY. 


Depuis que Dursy, en 1866, a établi nettement la distinction entre la 
ligne primitive et le sillon médullaire dans embryon du poulet, l'attention 
des embryogénistes a été attirée sur ce point et on a cherché à retrouver la 
même disposition dans les embryons des autres vertébrés. Chez les mam- 
-mifères, une ligne primitive identique à celle des oiseaux et présentant avec 


fr 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 703 


l'embryon les mêmes rapports que chez ces animaux a été observée par 
Hensen, Külliker, Lieberkühn, Rauber, etc.; Balfour, Strahl ont aussi 
découvert un rudiment de cet organe chez les reptiles. Seuls les vertébrés 
anallantoïdiens ont paru jusqu'à présent ne pas avoir de ligne primi- 
tive. 

Dans un travail récent en cours de publication, Kupffer (1) a décrit et 
figuré une ligne primitive apparaissant dans le blastoderme de la truite et 
du brochet avant la formation de l’embryon. Kupffer regarde comme erro- 
nées les descriptions des premiers développements de l’embryon données 
par ses devanciers. Suivant lui, au huitième jour de l’incubation, le blas- 
toderme présente en un point de sa circonférence une petite saillie proémi- 
nente, qui est le bourgeon caudal d’Œllacher; en avant de celui-ci, se 
trouve un épaississement blastodermique que tous les auteurs ont considéré 
jusqu'ici comme l’écusson embryonnaire. Au stade suivant, il se produit en 
avant du bourgeon caudal, sur la ligne médiane de l’écusson, une invagina- 
tion sous forme d’un sillon longitudinal. Ce sillon, que tous les. auteurs ont 
décrit, que Baer, Vogt, Lereboullet et Stricker regardaient comme une gout- 
tière médullaire, mais que les embryologistes modernes, Œllacher, His, etc., 
considèrent comme une simple dépression superficielle, est pour Kupffer 
une véritable invagination ectodermique. Bientôt apparaît un autre sillon 
perpendiculaire au premier, mais dont l'existence est temporaire et il ne 
reste plus que le sillon longitudinal (gouttière primitive, Primitivrinne), 
qui s’allonge en même temps que l’écusson embryonnaire. Les bords de la 
gouttière primitive se réunissent en avant du bourgeon caudal et forment un 
cordon axial médian que l’auteur considère comme une ligne primitive 
(Axenstreif oder Primitivstreif). Vers le commencement du premier jour, 
la gouttière primitive a disparu et la bandelette axiale, qui s’est élargie 
à sa partie antérieure, occupe la ligne médiane de l’écusson. La dispari- 
tion de la gouttière primitive coïncide avec le moment où la moitié du vi- 
tellus est recouverte par le blastoderme. 

Il y aurait donc dans le développement de la truite, un moment où toute 
irace extérieure d’invagination a disparu, sans qu'il y ait encore formation 
d’embryon. Ce stade serait caractéristique pour les téléostéens. 

Pour Kupffer, embryon se forme d’une manière indépendante de ce qu’il 
considère comme la ligne primitive ; la tête apparaît d’abord en avant de 
l’extrémité antérieure de la bandelette axiale : elle consiste dans le rudi- 
ment du cerveau, des yeux et d’une paire d’arcs branchiaux : elle se conti- 
nue avec la bandelette axiale, dont elle est séparée par une constriction. Les 
protovertèbres, qui apparaissent ensuite, se développent en dehors de la 
bandelette axiale; la moelle au contraire se forme dans cette bandelelette et 
est en continuité avec le cerveau. 


104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Kupffer n’a pas encore figuré ni décrit les coupes qu’il a faites des em- 
bryons qu’il a étudiés, mais ayant pratiqué moi-même un grand nombre 
de coupes transversales et longitudinales d’embryons des stades indiqués 
par Kupffer, comme possédant une ligne primitive, je crois pouvoir dès à 
présent contredire les assertions de cet auteur. 

Sur tous les œufs de truite que j’ai examinés, depuis le commencement 
de l’apparition de l’écusson embryonnaire jusqu’à la fermeture du blasto- 
derme, je n'ai jamais pu découvrir trace d’invagination. Le sillon longitu- 
dinal, qui occupe d’abord l’axe de l’embryon, est tout à fait superficiel 
comme on peut s’en convaincre en examinant les embryons à la lumière 
réfléchie. Mais ce sont surtout les coupes transversales et longitudinales qui 
montrent bien, par la disposition des cellules dans l’ectoderme, qu’il n’y a 
pas d’invagination à une époque quelconque du développement. 

Sur ces mêmes coupes on constate que, dès le début de la formation de 
l'embryon, celui-ci commence immédiatement en avant du bourgeon caudal 
d'Œllacher. C’est en ce point, comme je l’ai déjà montré, que se différen- 
cient la corde dorsale et les lames mésodermiques. La partie antérieure de 
l’écusson embryonnaire est constituée par un épaississement de l’ectoderme, 
correspondant au cerveau, ainsi que l’a très bien vu, le premier, Œllacher. 
Si le sillon longitudinal représentait une ligne primitive, comme le prétend 
Kupffer, on ne trouverait pas à ce niveau la corde dorsale. On sait, en effet, 
que, chez les vertébrés supérieurs, la corde dorsale ne se forme qu’en avant 
_de la ligne primitive. 

Le sillon longitudinal, qui apparaît à la surface de l'embryon sur la ligne 
médiane, correspond bien à la gouttière nerveuse des autres vertébrés ; mais 
chez les téléostéens cette gouttière disparaît de bonne heure par un pro- 
cessus spécial. Les bords du sillon ne se rapprochent pas par leur partie 
supérieure pour former un canal, ni par leur face interne pour constituer 
une fente linéaire, comme l’a dit Calberla: ils se rapprochent par leur partie 
profonde, de sorte que le fond de la gouttière est soulevé et arrive finale- 
ment au même niveau que les bords; il y a donc là plutôt évagination 
qu'invagination. Pour comprendre ce phénomène, on peut comparer les 
bords du sillon à deux vagues qui, poussées l’une contre l’autre, se fusion- 
nent par leurs bases, sans déferler, pour constituer une vague unique. La 
vague résultant ainsi de la fusion des deux autres est l’axe nerveux, dans 
lequel se forme plus tard une cavité par un processus que j'ai déjà indiqué 
dans une Note précédente. Gette explication de la disparition du sillon mé- 
dullaire primitif n’est pas une simple vue de l'esprit; elle est fondée sur 
l’examen en surface des embryons et sur l’étude des coupes transversales. 

Lorsque le sillon longitudinal apparaît, il a la forme d’un V dont la 
pointe est en contact avec le bourgeon caudal, comme Ziegler (1) l'a très 


(1) Ziegler, Die embryonale Entwickelung vor Salmo Salar, Freiburg in-Br., 
1882. 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 105 


bien représenté (pl. IT, fig. 4). Peu à peu ses bords se rapprochent, devien- 
nent parallèles et se fusionnent à la partie antérieure de l’embryon, puis le 
sillon devient de moins en moins profond et disparaît de la partie caudale 
à la partie céphalique de l'embryon. Les coupes transversales de ces 
différents stades montrent également bien le rapprochement des bords du 
sillon et l’épaississement progressif de l’ectoderme sur la ligne médiane. 
Elles montrent en outre que les rangées de cellules ectodermiques disposées 
primitivement suivant des courbes à convexité inférieure, se redressent de 
la profondeur vers la surface et finissent par former des courbes à convexité 
supérieure. 

Le sillon transversal, qui croise à un certain moment le sillon longitudinal 
vers son tiers antérieur, et les fossettes qui apparaissent sur le trajet de ce 
dernier représentent, comme l’admettent la plupart des auteurs, les vési- 
cules cérébrales primaires; ces dépressions superficielles s’effacent par un 
processus identique à celui qui fait disparaitre le sillon longitudinal. 

Si les faits que je viens d’exposer ne suffisent pas pour prouver que le 
sillon longitudinal ne peut être considéré comme une ligne primitive, je 
donnerai une preuve encore plus démonstrative de l'erreur d'interprétation 
dans laquelle Kupffer est tombé. Sur un embryon d'environ deux millimè- 
tres, intermédiaire à ceux que Kupffer a figurés pl. I, fig. 9 et 10, il existe 
déjà trois protovertèbres de chaque côté de la ligne médiane vers la région 
moyenne, là où le sillon longitudinal a complètement disparu. Ces proto- 
vertèbres se voient nettement, soit sur des coupes longitudinales, soit 
encore mieux sur l'embryon entier, vu par transparence, après avoir été 
coloré et monté dans le baume de Canada. Il est donc bien évident qu'il ne 
saurait être question de ligne primitive au niveau de ces protovertèbres et 
à fortiori en avant. Il en est de même de la partie située en arrière Jusqu'au 
bourgeon caudal, puisque, comme je l’ai déjà dit, la corde dorsale est bien 
délimitée dans cette région. 

A la partie postérieure de la corde dorsale, se trouve, chez de très jeunes 
embryons de truite, une vésicule provenant d’une invagination endoder- 
mique et que j'ai désignée sous le nom de vésicule de Kupffer, la considé- 
rant comme identique à celle que cet auteur a fait connaître chez l'épinoche 
et qui a été vue depuis dans un très grand nombre d’embryons de téléostéens. 

Cette vésicule, située immédiatement en avant du bourgeon caudal, apparaît 
de très bonne heure, dès que commencent à se différencier l’axe nerveux, 
la corde dorsale et les lames mésodermiques. Sur les coupes transversales 
faites à son niveau, on voit que la partie supérieure de la vésicule est en 
contact immédiat avec l’axe nerveux. Lorsqu'on compare ces coupes à des 
coupes pratiquées à travers la partie postérieure d’un jeune embryon d'oiseau 
(oie, perroquet) ou de reptile (lézard), dans la région du canalneurentérique, 
on est frappé de la ressemblance qui existe dans la disposition des feuillets 
blastodermiques. On ne trouve plus en ce point de limite nette entre l’ectoderme 
et l’endoderme, et la seule différence qui existe entre les téléostéens et les 


706 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sauropsides c’est que chez ces derniers il y a communication entre le tube di- 
gestif et le canal médullaire, tandis que chez les poissons osseux, l’axe ner- 
veux étant primitivement solide, il ne s'établit entre cet axe et l'intestin 
qu'une simple relation de contact. La vésicule de Kupffer est, en effet, le 
premier vestige de l'intestin postérieur, et, en suivant son évolution, on la. 
voit s'étendre en avant et devenir la partie postérieure du tube digestif. 

Chez le brochet et l’éperlan, Kupffer a vu la vésicule provenir d’une inva- 
gination ectodermique ; il existe alors un canal qui va de l’endoderme à la 
face dorsale de l'embryon. Chez la truite, je n’ai jamais pu constater une 
semblable invagination ; mais l’existence de ce canal chez d’autres poissons 
me semble une raison majeure pour admettre l’homologie de cette région 
avec celle du canal neurentérique, puisque chez ces animaux le canal d’in- 
vagination met en rapport l'intestin primordial avec le sillon médullaire 
primitif non encore oblitéré. | 

Dans le bourgeon caudal, situé en arrière de la vésicule de Kupffer, les 
feuillets sont confondus. La structure de cette partie de l'embryon est iden- 
tique à celle de la tête de la ligne primitive des vertébrés supérieurs. De 
par sa situation et sa constitution histologique, le bourgeon caudal me 
paraît donc correspondre à la ligne primitive. Ce bourgeon, comme la 
ligne primitive, apparaît de très bonne heure avant l'embryon proprement 
dit et persiste avec la même structure jusqu'à la fermeture du blasto- 
derme, dont les bords viennent se réunir à lui pour constituer la partie 
postérieure de l’embryon. 

Enfin, comme l’ont vu la plupart des auteurs qui se sont occupés du 
développement des poissons osseux, l'extrémité postérieure de l’axe em- 
bryonnaire se bifurque en avant du bourgeon caudal, et les deux branches 
de la bifurcation embrassent le bourgeon et viennent se confondre avec 
le bourrelet blastodermique. Kupffer rapproche cette bifurcation de celle 
qui se voit à la partie postérieure de la ligne primitive des oiseaux et 
des reptiles ; il me semble plus naturel de l’assimiler à la disposition qui 
existe à la partie postérieure des embryons des mammifères et des oiseaux, 
chez lesquels l'extrémité du sillon médullaire embrasse la tête de la ligne 
primitive. 

Je crois donc, avec Kupffer, que l’embryon des téléostéens possède une 
ligne primitive ; mais, tandis que Kupffer regarde le sillon longitudinal 
comme représentant cette ligne, pour moi, ce n’est que le bourgeon caudal 
qui peut être assimilé à cet organe primaire. La ligne primitive des téléos- 
téens est rudimentaire et présente une grande analogie avec celle des 
reptiles. Kupffer a figuré, en effet, à la partie postérieure de l'embryon du 
Lacerta agilis un bourgeon qui me paraît identique à celui des téléos- 
téens. Bien que cet auteur regarde les reptiles comme dépourvus de ligne 
primitive, je me range entièrement à l’opinion de Balfour et de Strabl, qui 
considèrent ce bourgeon comme une ligne primitive. 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 707 


LE CALORIMÈTRE A SIPHON ET LA PRODUCTION DE CHALEUR. 
Note de M. Cu. Ricner (1). 


Nous avons, dans une précédente communication, indiqué les conditions 
techniques de l’expérience qui consiste à mesurer la chaleur par la dilata- 
tion de l'air ambiant et à mesurer la dilatation de l’air ambiant par le vo- 
lume d’eau qui s'écoule d’un siphon exactement amorcé. 

Ce calorimètre a certains avantages et certains inconvénients. 

Ses avantages sont : la simplicité, la rapidité de l’expérience, et enfin 

l'extrême sensibilité. Les appareils à manomètre ne peuvent évidemment, 
à aucun de ces points de vue, lui être comparés. En outre, le débit d’eau 
est tellement considérable, que son inscription par la méthode graphique 
est très facile. 
_ Comme inconvénient, il a une sensibilité peut-être exagérée, en ce sens 
que les variations barométriques, et surtout celles de la température am- 
biante, agissent d’une manière assez puissante, et qu'il faut faire des eor- 
rections toujours délicates. En effet, ce vaste thermomètre à air, qui est la 
double enceinte entourant l’animal, a des oscillations moins rapides que 
celles du thermomètre à mercure, de sorte qu'il est difficile de juger si 
1/25° de degré du thermomètre à mercure correspond simultanément à 1/25° 
de degré pour le thermomètre à air. En second lieu, dans l’enceinte où il 
est enfermé, l’animal n’est plus à la même température que le milieu 
ambiant ; il a échauffé le milieu ambiant d’une quantité de chaleur très 
appréciable. L'appareil imaginé il y a longtemps par.M. d’Arsonval est le 
seul qui réponde à cette indication de maintenir l’animal à une température 
constante. Enfin, par suite de la nature même de la mesure (écoulement 
d’un débit d’eau), la quantité de chaleur ne se peut apprécier que dans un 
sens positif. S'il y a des oscillations dans la production de chaleur de 
animal, ces oscillations ne peuvent être connues. C’est toujours une pro- 
duction de chaleur qu’enregistre l’appareil, avec augmentation, diminution 
ou cessation, mais sans pouvoir rétrograder. Ainsi un animal qui, après 
avoir donné beaucoup de chaleur, n’en donne plus du tout, fournira la 
même courbe qu'un animal ayant HOT beaucoup de chaleur, et conti- 
nuant à en produire. 

En somme, malgré ces légers inconvénients, ce nouveau procédé calori- 
métrique nous semble d’un usage facile et très exact, pouvant donner en 


moins d’une heure des indications précises-sur la quantité de chaleur émise 
par tel ou tel animal. 


(1) Voyez les Bulletins de la séance du 30 novembre, p. 655. 


7108 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Au bout d’un certain temps la dilatation de l'air s’arrête, et l'écoulement 


d’eau, qui a été très fort dès la seconde ou troisième minute, à partir de ce 


moment, tend à devenir de plus en plus lent. En général, au bout de qua- 
rante minutes environ, il cesse ou se ralentit beaucoup, de sorte que le 
maximum de dilatation est atteint en moins d’uneheure, 

Geci peut s’expliquer d’une manière fort simple : l’enceinte qui entoure 
l'animal est soumise à la fois au réchauffement par l'animal et au refroidis- 
sement par l'air ambiant. Ces deux phénomènes étant opposés l’un à 
l’autre, un certain équilibre s'établit : le gain par la chaleur de l'animal 
étant égal à la perte de chaleur de l’enceinte de cuivre qui rayonne dans 
l'atmosphère. 

Aussi, d’une manière générale, la courbe obtenue en inscrivant les débits 
d’eau est-elle toujours une parabole, ou du moins presque toujours ; car, le 
gain restant constamment le même, la déperdition est d'autant plus grande, 
que plus grande est la différence de température entre l'enceinte métallique 
et l’air extérieur. 

Cette considération est importante, car elle permet de limiter à un très 
court espace de temps la durée de l’expérience. Au bout de quarante minutes 
environ, on peut arrêter la mesure de l’eau qui s’écoule, car l’expérience 
est à peu près terminée, et les variations de la température extérieure 
exerceront plus d'influence que la chaleur gagnée par le fait de l’animal 
enfermé dans l’enceinte. 


Nous nous contenterons pour aujourd’hui d'établir les trois propositions 
suivantes : 


1° La radiation extérieure, autrement dit la perte de chaleur, autrement 


dit encore, puisque l’animal reste à une température invariable, la produc- 
tion de chaleur, est, avant tout, fonction du volume de l'animal. Les con- 
ditions physiologiques diverses exerçant une moindre influence que cette 
condition primordiale de la taille. 

Nous vérifions ainsi, par l'expérience directe, les faits si bien exposés par 
Regnault et Reiset dans leur mémoire classique sur la respiration des ani- 
maux. | 

En effet, on démontre en physique que le refroidissement — ou la radia- 
tion — est proportionnel à la surface ; or la surface ne croît pas aussi vite 
que le volume. Si l’on suppose les animaux comme des sphères de volume 
inégal, les volumes respectifs sont entre eux comme les tubes des rayons, 
tandis que les surfaces respectives sont entre elles comme les carrés des 
rayons (1). : 


(1) Soit R le rayon d’une sphère, son volume sera 4/3 + R? ; et sa surface, 4 x R?; 
ou bien, en chiffres, 4,2 R, et 12,6 R2. On trouve alors, en comparant des vo- 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 109 


Ces considérations s’appliquent aux animaux vivants; et, quoique leurs 
formes soient tout à faitirrégulières, comparées à celle d’une sphère parfaite, 
on peut approximativement leur appliquer ces faits géométriques. Nous 
pouvons supposer aussi, ce qui est très proche de la vérité, que leur densité 
est homogène, et que leur poids et leur volume sont absolument corrélatifs. 

Il suit alors de là qu’un animal de 113 kilogrammes a une surface 100 fois 
plus forte que celle d’un animal qui pèse 113 grammes; cependant son 
poids est 1000 fois plus fort, de sorte que 100 petits animaux, pesant chacun 
113 grammes, et, par conséquent, pesant en tout 11,300, ne dégageront 
pas moins de chaleur qu’un animal pesant 113 kilogrammes. 

Appliquons ces données à nos expériences. 

Nous avons expérimenté, à ce point de vue, avec des lapins pesant 3 kilo- 
grammes en moyenne; des cobayes pesant 650 grammes en moyenne; des 
pigeons de 350 grammes; de petits cobayes pesant 150 grammes, et des 
moineaux pesant 20 grammes. 

En supposant ces cinq groupes d'animaux des sphères parfaites, leurs 
volumes seront respectivement à peu près : 


Volume. Surface. 
LADINS RSA More 3000 1000 
Gros cobayes..... Re 650 300 
BIO CONS ER Sc CE tee 300 240 
BeHISICODANESE 7 TENTE O0 120 
MOMEAEEPREEEE EEE EE es 20 30 

Et les rapports des surfaces seront : 

lapins ner SSD CS Le 80 
Gros icobayess PAT Re RONA 30 
BÉCÉONSE ES AR ee een SRE 20 
DEMÉSRCODANES ER er Ce coboneocea 10 
MOIREAUXS 2. ee Er ETES de 9 


lumes différents, les surfaces corrélatives suivantes pout des sphères dont le rayon 
varie. 


VOLUMES. | SURFACES. 
113,000 11,300 
4,200 1,260 
3,060 1,010 
2,150 806 
699 981 
389 255 
269 201 
180 154 
113 
99 50 


20 96 


710 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Tandis que les rapports des poids seront: 


Lapins" FSRÈReE Mt... LR COR ET . 150,00 
GrosicobDayes RE ec EN ACREn CT 92,00 
Pigepnst. SSP... ORNE 17,00 . 
Petits cODAVES SERRE. CORP ERU LE 7,9 
Moineaux-SÉeRPRRPEN. OP Pre 1 


Or, pour 1 kilogramme d’animal, les quantités de chaleur produite ont 
été, en moyenne, si nous représentons la chaleur produite par la quantité 
d’eau qui s’est écoulée pendant une heure du calorimètre : 


‘ 


PA AS RE eee en an SULS 
GTOSACODANES Eee cer CCE 82 
PIRCONSE 7 MR AS Re AA tr me 112 
PetilsiCobayes. 11. 6rr MU TI RE RRRETE 150 
Moinéauxt. 484 OR MEN RRE 450 


Pour éliminer les considérations de poids, nous devons multiplier ces 
chiffres par les rapports respectifs des poids, et nous trouvons alors : 


LAPINS RS ERA EnEE 31 X 150—5550 


GEDSICOAVES REP PEN PEER 82X 32—2624 
LISeONS Eee DM Tee HS T=AOUA 
Betis tenhaves tee" Rrere 150X 7,5—1125 
Moineaux sans er enton res 4150 MAS 


Telles sont, à peu près, les quantités de chaleur produite par L'anioel 
indépendamment du poids et de la surface. 

Mais, si nous rapportons ces quantités à une unité de surface arbitraire, 
telle par exemple que le tiers de la surface d’un moineau, nous avons: 


LANINSS 66 Moto oc EEE 69cc 
GROSICODAVES A LE ER ere ene 87 
PIS CONS SERRE AR RUE 95 
PetItSKCODAVES EEE AS AE US ne re 112 
Moineaux er mate ect pans 150 


Ces quantités sont bien plus voisines l’une de l’autre que les quantités de 
chaleur calculées par rapport au poids. 

Cependant nous ne trouvons pas encore de proportionnalité parfaite : cela 
tient en grande partie à ce que les animaux ne sont pas des sphères régu- 
lières, mais présentent des irrégularités de surface qui rendent le dévelop- 
pement de la surface beaucoup plus considérable pour les petits animaux que 
pour les grands. Les irrégularités d’une petite sphère étant, relativement 
à son volume total, bien plus importantes que celles d’une grande sphère. 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 711 


Nous pouvons donc formuler autrement cette loi, en disant que la pro- 
duction de chaleur d’un animal est fonction, non de son poids, mais de sa 
surface. | 

Au point de vue de la physiologie générale, c’est un fait bien remarquable 
que l’activité chimique des tissus, qui produit de la chaleur, soit à ce point 
dépendante dela taille. Il y a là un caractère extérieur qui, à première vue, 
parait secondaire, alors qu’en réalité il domine la fonction chimique de tous 
les tissus. 

Dans toutes nos expériences, nous avons constamment trouvé que les 
petits animaux produisent, relativement au poids, beaucoup plus de chaleur 
que les gros, et que des animaux de même poids, autrement dit de même 
volume, produisent, à très peu de chose près, des quantités de chaleur 
égales. 

Je donnerai prochainement quelques courbes graphiques, indiquant la 
netteté de cette loi. En voici une qui suffira pour démontrer la netteté de 
l'expérience (voy. p. 112). 


Voici en outre quelques chiffres : 


Production de chaleur 
en une heure pour 1 kilogramme. 


RAS EMI OO EEE PAR een 40 
Dern MORE RE LE qe 40 
(DIT GES GE RER een RE UE 


Ainsi trois animaux de même poids, aussi différents zoologiquement qu’un 
chat, une oïe et un lapin, ont produit tous les trois la même quantité de 
chaleur, et leur courbe est tout à fait identique. 

Dans un autre appareil récepteur (couveuse de M. d’Arsonval), disposée 
comme un cCalorimètre à siphon), nous avons trouvé les chiffres suivants, 
qui, par suite de la différence des appareils, ne sont pas comparables aux 
précédents, mais sont comparables entre eux : 


CHAT AE ON ÉTIOSTAMINEST ee» à à See due se sen a Ne esta on AE 
Lapins de 3 kilogrammes (moyenne de 13 expériences)... 67 
Cobayes de 600 grammes (moyenne de 4 expériences)... 90 
Pigeons de 350 grammes (moyenne de 3 expériences).... 150 


Nous avons même pu établir une sorte d’analogie physique entre la radia- 
tion des animaux et celle d’un corps inerte. 

Plaçant dans le calorimètre un litre d’eau, dans un flacon, nous avons 
constaté un débit bien inférieur à ce que donne un litre d’eau à la même 
température (41 degrés), placé dans cinq flacons. 

En résumé, de ce premier fait ressort en toute évidence que la production 
de chaleur est fonction de la surface et non du poids. 

On remarquera que les mammifères vivant dans l’eau, et, soumis par 


7119 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


En bas, sur l’ordonnée horizontale, sont indiquées les minutes. À gauche, sur lordonnée 
verticale, sont.les quantités d’eau tombées, exprimées en centimètres cubes et rappor- 
tées à 1 kilogramme du poids de l'animal. Les courbes indiquent done le déhit de 
l’eau qui s’écoule en une heure du calorimètre, pour 1 kilogramme d’animal. 


Eau B. — 1 kilogramme d’eau à 41 degrés, placée dans un flacon. 
Eau A. — 1 kilogramme d’eau à 41 degrés, placée dans cinq flacons de 200 grammes chacun. 
Lapins D. — Moyenne de six expériences sur des lapins normaux pesant de 3000 à 
3291) grammes. 
Gros cobayes. — Quatre expériences différentes : 
H. Cobayes de 775 grammes chacun en moyenne. 
E. — AOL 2 
L. —  — 645 — — 
M. —  — 530 — — 


Petits cobayes C (de 146 grammes). — F (de 141 grammes). 
Les points qui interrompent les courbes sont les moments où la mesure de l’eau a été faite 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 149 


conséquent à une déperdition de chaleur considérable, sont tous d’énorme 
dimension ; s’ils étaient petits, ils ne pourraient suffire à la déperdition pro- 
duite par le milieu liquide. 


Le second fait est le suivant: 

La production de chaleur est fonction du téqument. 

Ayant montré précédemment que des lapins rasés consomment une quan- 
tité énorme d'aliments, perdent de leur poids cependant et ont une tempé- 
rature un peu plus basse que la normale, nous avons voulu étudier la radia- 
tion de lapins rasés. Comme on pouvait s’y attendre, nous avons constaté 
qu'ils produisent une radiation extrême. Alors que la radiation normale 
d’un lapin est de 37 centimètres cubes par heure, celle d’un lapin rasé 
(moyenne de quatre expériences) a été de 58 centimètres cubes (66-49- 
92-56). : 

S1 nous trouvons identité pour la production de chaleur d'animaux de 
même volume, mammifères ou oiseaux, cela tient à ce qu’en somme le 
tégument des oiseaux et le tégument des mammifères sont également bons 
protecteurs de la chaleur interne. 

En recouvrant de flanelle 3 litres d’eau à 41 degrés, nous avons eu une 
radiation bien moindre qu’en laissant ces 3 litres dans le flacon non recouvert 
de flanelle. C’est une sorte de grossière synthèse de l’expérience du lapin 
rasé comparé au lapin que protège son tégument naturel. 

11 sera intéressant de voir, dans les expériences de calorimétrie que nous 
projetons de faire sur l’homme, quelle sera l’influence des divers vêtements. 

En enduisant d'huile la peau d’un lapin, on augmente énormément sa 
radiation calorique. Un lapin complètement enduit d'huile avait, deux heures 
après cette opération, une température de 56°,8 ; mais, malgré cette basse 
température, sa radiation calorique fut de 56€, c’est-à-dire bien supé- 
rieure à celle des lapins normaux. 


Troisièmement, enfin, la radiation extérieure est fonction du système 
nerveux. 

Cela se démontre de la manière la plus formelle par l'expérience de la 
piqüre du cerveau. 

Pour cela, il est bon de faire la piqûre deux ou trois fois de suite au même 
endroit à quelques heures de distance. Dans ce cas, on voit survenir une 
hyperthermie extrême, comme je l’ai indiqué dans un travail antérieur. 
Cette fièvre nerveuse survient surtout quand on pique les portions les plus 
antérieures, en avant des corps optostriés et même sans toucher les corps 
optostriés, presque dans les bulbes olfactifs. Sur un lapin, dont la tempé- 
rature a monté en trois heures de 39°,8 à 41°,8, l’autopsie vient de me 
montrer que les régions tout à fait antérieures du cerveau avaient seules été 
atteintes. 


Les lapins piqués, quoiqu’ils ne présentent pas toujours d’hyperthermie, 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. [°, N° 492, 95 


714 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


m'ont paru donner une radiation calorifique plus intense que les lapins 
normaux, comme le prouvent les chiffres suivants : 


Lapins normaux (moyenne de six expériences). 37° 


Lapin PIQUE SE PPRPERR EL. CCE see 42 
Lapin AA tee A eV A OUR 44 
Lapin == Mur ARE PA Son on c où 46 
DE be dot à 2 MOOD. DA e ob 46 
Lapin WE 6 bo pe RE DS 


Il s’agit évidemment d'animaux de même poids, et les quantités de chaleur 
trouvées sont rapportées à 1 kilogramme. 
A cet égard, l'expérience suivante est très instructive 


Unlapin piqué une première fois donne.. 41e 
Le même piqué une deuxième fois donne... 49 
Le même piqué une troisième fois donne.. 59 


Dans une autre série d'expériences, j'ai cautérisé superficiellement le 
cerveau d’un lapin avec du nitrate de mercure. 


Immédiatement après la cautérisation............. GOcc 
Le lendemain, première piqûre et cautérisation. .... A2 
SECONEMIQUrE ATEN She e are MINTEL ES ÉERENERS > ONE 
Droisièmepiquee rer. RME OR 0 do 99 
Deuxqjoursaprès sans piqure. "AC RR NE RER 39 
Trois jours après, sans piqüre ................... 99 
Cindqgours apres Sans ipiqurer CRE EPP ERP PET EPERE 40 


Ainsi la production de chaleur dépend en partie du système nerveux, 
puisque, en excitant le système nerveux, on provoque non seulement une 
augmentation de la température centrale, comme je l’ai indiqué il y a 
quelques mois, mais encore une augmentation du rayonnement périphérique, 
comme l° tiarene les chiffres eu précèdent. 

Donc la fièvre nerveuse qu’on observe après l’excitation du système 
nerveux, n’est pas due à une moindre déperdition de chaleur, puisque au 
contraire la déperdition de chaleur est plus considérable; comme la déper- 
dition de chaleur plus grande coïncide avec une élévation thermométrique 
du corps même de l’animal, il s’ensuit que c’est la production de chaleur 
qui est augmentée. Donc l’excitation du système nerveux produit une activité 
exagérée des actions chimiques qui dégagent de la chaleur. 

Inversement, en diminuant l’activité des éléments nerveux, par exemple 
par une injection sous-cutanée de 2 grammes de chloroforme, on ralentit 
énormément la radiation extérieure, et cependant la température interne 
s’abaisse. Un lapin chloroformé m’a donné une chaleur de 20 centimètres 


pers 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 715 


cubes, alors que, dans le même temps, les lapins normaux produisent 
31 centimètres cubes. 


Il faut donc, pensons-nous, ne pas attribuer, au point de vue de la cha- 
leur produite, trop d'importance aux effets vaso-moteurs. Dans le chloro- 
forme, quand la température baisse, la radiation calorique diminue, et, 
dans la fièvre nerveuse, quand la température monte, la radiation calorique 
augmente. Ge qui règle la température organique, c’est plutôt la production 
de chaleur que la déperdition de chaleur. 


Il nous reste encore à étudier, avec cette nouvelle méthode calorimétrique, 
bien des points intéressants ; entre autres, l'influence de la température 
extérieure ; celle de l'alimentation ; celle des actions musculaires ; celle des 
poisons. C’est ce que nous nous proposons de faire et de communiquer pro- 
chainement à la Société (1). 


ETUDE SUR LE VIRUS DES CHANCRES ET BUBONS VÉNÉRIENS NON SYPHILI- 
TIQUES, par le docteur Paul GiBier. 


Les vénéréologistes admettent en général que les bubons qui compliquent 
les chancrelles ou chancres mous peuvent être ou simplement inflamma- 
toires ou virulents, c’est-à-dire qu’ils renferment dans ce dernier cas, même 
avant leur ouverture, l’élément contagieux du chancre mou, lequel élément 
peut parfois ne se révéler qu’au bout d’un certain temps après lincision 
du bubon (Ricord). 

Dans une récente communication M. Straus a exposé les résultats fournis 
par quarante-quatre expériences très intéressantes en ce sens qu’elles ont 
toutes été négatives. M. Straus en a conclu que l’on a tort de considérer 
les bubons vénériens comme primitivement virulents et qu'ils ne le de- 
viennent après leur ouverture qu'à la suite d’inoculations accidentelles. 

Je laisse à d’autres le soin de signaler les conséquences que peut en- 
traîner une semblable doctrine, dans la pratique. Je désire seulementattirer 
l'attention de la Société sur un certain nombre de faits de mon observation 
personnelle, qui sont en contradiction avec les conclusions de M. le docteur 
Straus. 

Pendant mon passage comme interne à l’hôpital du Midi, j’ai eu souvent 
l'occasion d’inoculer du pus provenant d’un bubon immédiatement après 
lincision, Le point d’inoculation était recouvert d’un verre de montre 
maintenu à laide d’une plaque de diachylon et d’un bandage de corps. 


(1) Travail du laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine. 


716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Cette pratique est celle de mon maître le docteur Horteloup, qui a fait bien 
longtemps avant moi les mêmes observations. Que se passait-il? L’inocula- 
tion exploratrice était tantôt positive et tantôt négative. J’ai observé aussi, 
comme l’a signalé M. Ricord, que tel bubon non virulent aujourd’hui pou- 
vait l’être demain. Cette modification est-elle toujours due au transport 
dans l’abcès d’une particule provenant du chancre”? Je ne le pense pas. 

Je n’ai pas cru devoir conserver toutes ces observations, la question ne 
me semble pas pouvoir devenir litigieuse; mais, depuis, à l’occasion de 
recherches entreprises sur le microbe de cette affection, recherches sur 
lesquelles j’espère revenir un jour, jai fait deux expériences qui me sem- 
blent devoir donner à réfléchir avant de faire table rase de faits établis par 
tant et tant d’observateurs pour adopter une opinion nouvelle. 

Ces expériences ont été faites sur deux malades admis en même temps, 
le 1° janvier 1883, dans le service de mon cher maître le professeur Cornil, 
salle Rostan, lits n°s 13 et 24. Ces deux malades, atteints d’adénites ingui- 
nales survenues à la suite de chancres simples, étaient presque guéris de 
leurs ulcérations. Leurs bubons n'étaient pas ouverts, mais la fluctuation 
était très manifeste. Après avoir cautérisé assez profondément le point 
culminant des abcès avec le fer rouge, je plongeai dans leur cavité une 
pipette Pasteur flambée et j’aspirai une partie du contenu. Avec le pus 
ainsi recueilli je fis une inoculation à la lancette sur l'abdomen du sujet à 
droite de l’ombilic et à peu près sur la même ligne. Le point inoculé fut 
préalablement lavé à l'alcool et gratté. Les malades venaient de revêtir une 
chemise propre et le point inoculé fut protégé par un verre de montre 
fixé par une large plaque de diachylon et un bandage de corps. Un chancre 
caractéristique et qui mit beaucoup de temps à guérir malgré les panse- 
ments, fut la conséquence de cette inoculation. Une deuxième inocu- 
lation faite avec les produits de ces premiers chancres sur le point 


correspondant du tégument abdominal fut non moins positive que la 
précédente. 


Résumons ces deux observations. 


Ogs. I. — Le nommé R... (Emile), dix-huit ans, couvreur, entre le 1° fé- 
‘ vrier 1883, salle Rostan, n° 13, hôpital de la Pitié, dans le service du professeur 
Cornil. 

Il y à quinze jours, apparition de deux chancres dans le sillon balano-prépu- 
tial, quatre jours après le dernier coït. Depuis huit jours adénite inguinale 
gauche, douloureuse. La peau est rouge, amincie. Chancres de la verge en bonne 
voie de cicatrisation. Opération et inoculation exploratrice comme il est dit plus 
haut, puis incision de l’abcès au bistouri. 

Le 3 février, le bubon a l'aspect chancreux (bords déchiquetés, fond gra- 
nuleux, etc.). La piqüre d’inoculation a l’aspect d’un petit chancre mou. Examen 
à la loupe très net. 

Le 4, ulcération à bords décollés au niveau de la piqüre. Application de 
ehlorure de zinc en solution saturée. 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. Qi 


Le 5, le chancre abdominal s'agrandit. Le bubon a très mauvais aspect. 
Les chancres péniens sont guéris. 

Le 6, même état. Deuxième inoculation faite avec le pus du premier chancre 
abdominal sur la partie opposée de l'abdomen. 

Le 8, petit chancre au niveau de la deuxième inoculation. 

Le 9, la deuxième inoculation est tout à fait caractéristique. 

Les chancres abdominaux mirent plusieurs semaines à guérir et le malade 
sortit le 23 mars après cinquante jours de présence à l’hôpital. 

Ogs. IL. — Le nommé B... (Alexandre), vingt-huit ans, bijoutier, entre le 
1er février 1883, salle Rostan, n° 24. 

Il y a environ trois semaines, le malade a eu avec une femme des relations 
qui furent suivies, au bout de trois jours, de l'apparition de plusieurs petits 
chancres péniens. Ces chancres sont à peine visibles aujourd’hui, ils sont à peu 
près cicatrises. 

Il y a douze jours, douleurs dans l’aine gauche, adénite. 

La suite de l'observation est identique à la précédente. 

Le malade sortit au bout de cinquante-sept jours, le 30 mars, avant la gué- 
rison complète de son bubon inguinal. | 


On remarquera, nous l’espérons, la rigueur avec laquelle ces expériences 
ont été faites ; il nous semble difficile, après cela, de nier la virulence propre 
du bubon. 

Signalons encore ce point intéressant de la deuxième observation, à 
savoir que les chancres initiaux étaient à peu près cicatrisés avant l’ouver- 
ture du bubon. 

Du reste, nous avons observé et nous pouvons dire que tous les syphilio- 
graphes ont pu observer comme nous des bubons virulents — comme on 
les appelle — survenant après la disparition complète des chancres. 

Et puis enfin — et nous terminerons par là — comment pourrait-on ex- 
pliquer (si le bubon n’était susceptible d’aucune virulence propre) les 
longues discussions qui ont été soulevées à propos du bubon d'emblée, ainsi 
qu'on nomme certaines adénites survenant en dehors de tout chancre 
appréciable et dont l’inoculation du pus aboutit à la formation du chancre 
mou si caractéristique ? 

Nous concluons donc que si, dans un certain nombre de cas, des adénites 
non chancreuses, simplement inflammatoires, peuvent survenir en com- 
plication d’un chancre mou, ce ne saurait être la règle ; et nous ne dou- 
tons pas que des expériences entreprises en plus grand nombre ne viennent 
appuyer notre opinion. 


718 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


———————————————————…———.——…—…………—……—…….…….…___û—…——…—_—…—…— 


RECHERCHES SUR LA PRÉSENCE DE BACTÉRIES DANS LES VISCÈRES DES 
CHOLÉRIQUES, par E. Doyen, Interne des hôpitaux. 


Nous avons examiné, durant la récente épidémie, le contenu intestinal 
et les viscères d’un certain nombre de cholériques. 

Les pièces ont été recueillies peu de temps après la mort. 

Dans toutes nos autopsies nous avons trouvé, dans le contenu et les tuni- 
ques de l’intestin, des bacilles-virgules. 

Ces bacilles, dans les cas foudroyants, existaient, à l’état de culture pure, 
dans le duodénum et la partie supérieure du jéjunum. Dans les cas lents, 
nous ne les trouvions que dans l’iléon, mêlés à d’autres bactéries. Nous 
noterons cette migration des bacilles-virgules de haut en bas le long du 
tube digestif. 

Notre attention fut attirée spécialement sur l'examen du foie, du rein, de 
la rate. Le poumon doit être écarté, comme pouvant donner lieu à trop de 
causes d'erreur. 

Les petits fragments de ces viscères, provenant de trois sujets différents, 
furent inoculés dans la gélatine. Dans ces trois cas, nous avons obtenu des 
résultats positifs. Mais les cultures présentaient à la fois plusieurs espèces 
de bactéries : des bacilles-virgules, des diplocoques, des microcoques en 
chaîinettes, et des bàtonnets volumineux. D’autres tubes, où nous avions 
déposé des fragments de viscères sains, restaient stériles. 

Nous avons alors recherché si nous pouvions découvrir, sur les coupes, 
les divers microbes que nous présentaient les cultures. 

Dans les sept cas que nous avons examinés, nous avons observé, sur les 
coupes du foie et du rein, diverses bactéries se rapportant à quatre types 
distincts : 1° des bàätonnets volumineux, 2° des diplocoques formés par la 
réunion de deux éléments ovalaires; 3° des microcoques en chainettes; 
4 des bacilles droits ou plus souvent contournés en C, en S ou entire-bou- 
chon, présentant les mêmes caractères que les bacilles-virgules, dans les 
coupes de l'intestin. 

La rate se prête moins bien que le rein et le foie à cette investigation. 

Ces diverses bactéries se rencontrent dans l’intérieur des vaisseaux, 
c’est-à-dire dans le sang : soit à l’état libre, entre les globules rouges, soit 
plus souvent, au milieu d’amas de leucocytes, et dans l’épaisseur de ces 
derniers. Nous les avons aussi observés dans les capillaires. 

L'examen comparatif des coupes et des cultures du rein et du foie dé- 
montre l’identité des microbes observés dans ces deux cas. La température 
froide de la saison, le peu d'intervalle qui séparait l’autopsie de la mort, la 
présence des bactéries dans l’épaisseur des leucocytes, permettent de re- 
jeter leur origine cadavérique. D’ailleurs ces bactéries sont les mêmes que 


\ 


SÉANCE DU 13 DÉCEMBRE. 7119 


celles qu’on rencontre dans le mucus intestinal et dans les coupes de l’in- 
testin. De là à leur pénétration dans les vaisseaux, il n’y a qu’un pas. 

Nous déduirons donc des faits que nous venons de signaler l’existence, 
dans le choléra, d’une septicémie complexe, d’origine intestinale, développée 
par suite de la chute de l’épithélium. Toutes les bactéries contenues dans 
l'intestin peuvent pénétrer dans l'épaisseur de ses tuniques, durant la vie, 
et de là dans le sang. 

C’est ainsi que nous avons rencontré, chez les cholériques, dans les vis- 
cères où les bactéries s'accumulent de préférence au cours des septicémies 
pathologiques et expérimentales, des bacilles-virgules, mêlés à des bacilles 
variés et à des microcoques. 

L'existence de ces bactéries dans le sang nous semble un fait capital et 
de nature à éclairer la marche du choléra et certains symptômes inexplica- 
bles par la présence exclusive des bactéries dans l'intestin. 

Nous ajouterons qu'après M. H. Koch et Nicati nous avons réussi à déter- 
miner le choléra chez le cobaye et le chien. 

La culture du foie, du rein, de la rate d’un de ces animaux, mort le 
11 décembre dernier, a déterminé sur la gélatine le développement de 
nombreux bacilles-virgules et de quelques autres bactéries. Nous continuons 
actuellement ces expériences, et nous reviendrons sur ces derniers faits, 
que nous n'avons d’ailleurs constatés qu'après la séance du 13 décembre (1). 


(1) Travail du laborotoire de M. Cornil. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies. À, rue Mignon, 9, Parris. 


AS ri 


SA 4 Ris af AT FE ee: Enr if: MA (2e 
end Hu Hi AU MU: JF RLuE aa 
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ie no! CUAPCLETER EEE UN LE ue me 
PATO IT PONT FaLS rit EE MA ITA CUT EN 


MS HOT sa tpih) ka fe US 
F4 2 10 rt Gus A 


121 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


XECHERCHES DE CALORIMÉTRIE ANIMALE. Note de M. A. D'Arsonvaz (1). 


La calorimétrie animale était presque complètement délaissée par les 
physiologistes, malgré son importance, jusqu’au moment où J'ai fait con- 
naître une méthode nouvelle, spécialement applicable à la physiologie. 

Mon but, en imaginant cette méthode, était, ainsi que je l’ai dit dans un 
premier mémoire paru en 1878, d'étudier quelles sont les conditions phy- 
siques et pathologiques qui font varier la production de chaleur chez les 
êtres vivants. 

J'ai passé plusieurs années à perfectionner la méthode, de façon à pouvoir 
donner exactement en calories la production de chaleur de tel ou tel 
animal, ainsi que les phases de cette production, de façon à avoir les résul- 
tats dont l'exactitude tant physique que physiologique fût irréprochable. 

Si j'ai passé un temps si long à perfectionner la méthode de mesure, c’est 
parce qu’il m'est impossible de partager l’opinion de certains physiologistes 
qui professent qu'une méthode approximative est toujours suffisamment 
exacte pour les besoins de la physiologie. À 

Pour moi, cette science est déjà assez compliquée par elle-même, pour 
qu'on évite soigneusement de l’encombrer encore d'expériences sur l’exacti- 
lude physique desquelles on puisse élever des doutes légitimes. 

Une fois bien fixé sur la rigueur de la méthode, je n’avais plus qu’à suivre 
e plan d'expériences que je n'étais tracé ; c'était la partie la plus facile de 
ma tâche. Je rappellerai en quelques mots ce plan, dont on trouvera l’énoncé 
dans mon premier Mémoire (2). 

J'ai trouvé commode pour mes recherches d'adopter la division des phéno- 
mènes vitaux proposée par CI. Bernard, en: 

1° Phénomènes de synthèse ou de nutrilion ; 

2° Phénomènes de destruction ou de fonctionnement. 

C’est là une division qui convient particulièrement aux études calorimé- 


({) Communication faite dans la séance du 29 novembre 1884. 
(2) Recherches sur la chaleur animale, in Travaux du laboratoire de M. Marey, 
1878. 


BIOLOGIE, COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. 1, N° 43. 56 


—1 
Lo 
1Q 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tiques, puisque les phénomènes du premier ordre absorbent de la chaleur, 
tandis que ceux du second en dégagent au contraire. 

Pour faire varier la production chez un même animal, je modifie tantôt 
les-conditions physiques, tantôt les conditions physiologiques. 

Pour faire varier les conditions physiques, j'ai modifié le milieu cosmique 
ou extérieur ; je me suis adressé au milieu sanguin ou intérieur pour mo- 
difier les conditions physiologiques. 

Je vais exposer en quelques mots seulement les résultats des expériences 
très nombreuses que j'ai exécutées depuis six années, résultats que j'ai 
déjà en partie signalés dans différentes publications, mais sans suite. Je 
donnerai le détail et le tracé graphique de chaque expérience dans le 
mémoire détaillé que je suis en train de rédiger pour la Société. 

J’ai à exposer successivement les modifications calorifiques dues aux varia- 
tions du milieu ambiant par les changements : 

1° De la température ; 

2° De la pression; 

3° De la composition gazeuse de ce milieu: et les modifications dues aux 
variations du milieu intérieur : 

1° Par l’état de jeûne ou de digestion ; 

20 Par le repos ou Pactivité musculaire ; 

3° Par la nature de l’alimentation ; 

° Parles poisons et les maladies provoquées, telles que fièvre, septicémie, 
charbon, etc. 

Tel était, en effet, le programme des expériences que je m'étais imposé 
dans mon Mémoire de 1878 et que n'importe quel expérimentateur peut 
réaliser une fois en possession de la méthode : 


‘ 


4° Influence du poids et de la taille. — Je passe rapidement sur cette : 


série, mes expériences confirmant simplement les connaissances classiques 
sur ce point, Savoir. 

Que la chaleur produite par un même poids d'animal est d’autant plus 
grande que la surface est elle-même plus considérable (1). D'où on conclut 
que la chaleur perdue, c’est-à-dire produite par un kilogramme d'animal 
quelconque, dépend seulement de sa surface. 


2% Influence de la température du milieu ambiant. — Ma méthode calo- 
rimétrique étant basée précisément sur l’invariabilité de température du 
milieu ambiant d’une part, et permettant d'autre part de changer cette tem- 
pérature d’une expérience à. l’autre, cette méthode, nr permet seule 
d’élucider ce problème important. 

Voici en quelques mots les conclusions qui ressortent de mes expériences: 

Pour un même animal la production de chaleur varie en général propor- 
tionnellement à l’abaissement de température dans les limites comprises 


(1) Voy. Gavarret, De la chaleur produite par les êtres vivants, p. 285. 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 123 


entre zéro et 15 degrés centigrades. Plus la température du calorimètre est 
basse, plus l'animal qui s’y trouve enfermé fabrique de chaleur. Néanmoins 
on constate sur les graphiques fournis par l’instrument que cette proportion- 
nalité n’est pas rigoureuse. Aux températures basses, l'animal produit pro- 
portionnellement moins qu'entre +- 15 et + 10 degrés, par exemple. Cela 
tient évidemment à ce que la surface rayonnante physiologique de l'animal 
n’est pas constante comme sa surface physique. Aux basses températures, 

le phénomène se complique d’une constriction vasculaire périphérique, qui 
restreint considérablement le pouvoir rayonnant de l'animal à égalité de 
surface physique. Gela montre que la connaissance de la surface géométrique 
d’un animal est insuffisante pour qu’on en puisse déduire la perte par 
rayonnement ; il faut encore tenir compte de l’état de la circulation périphé- 
rique. De cette première série d'expériences, on peut conclure que, pour 
lutter contre le froid, l’animal ne se borne pas à diminuer les pertes dues 
au rayonnement, son système nerveux agit pour augmenter l'intensité des 
combustions organiques. 

Au-dessus de 20 degrés centigrades environ, il n’en est pas ainsi: 0n 
constate que la production de chaleur augmente avec la température du 
milieu ambiant. 

Au-dessus de 20 degrés, l’animal n’est plus maître de régler sa produc- 
tion ; pour lutter contre la chaleur, il n’a plus qu’un moyen: augmenter la 
perte par dilatation vasculaire périphérique et par évaporation. 

La température extérieure a une grande influence sur la quantité de 
chaleur produite par un animal, comme on peut le voir par l’expérience 
suivante que j’extrais de mon registre : 

10 juin 1881. Lapin pesant 1K5,700. Température ambiante, 12 degrés 
(dans les caves du Collège de Fr ae) 

L’animal dégage 9,5 calories à l'heure à 17 degrés Me du labo- 
ratoire) ; la roman n’est plus que 6,5 calories à l'heure. 

Enfin le lendemain, l’animal étant placé dans le calorimètre refroidi à 
—+ 9 degrés, il dégage environ 12 calories à l'heure. On voit donc que la pro- 
duction, pour un animal resté identique, a varié de 6,5 à 12 calories à 
l'heure, c’est-à-dire du simple au double, pour un changement de tempéra- 
ture ambiante, variant entre 5 et 17, c’est-à-dire pour 12 degrés d'écart. 

J'ai pu depuis faire varier graduellement la température de + 4 
—+- 39 degrés centigrades dans l’espace de quelques heures, sans 2. 
l'animal de l'instrument ; la courbe est encore plus D 

On voit par conséquent combien il est important, pour avoir des résultats 
comparables, d'opérer toujours à la même température. Cest pourquoi j'ai 
installé mes appareils dans une des caves du Collège de France, où la tem- 
pérature reste presque invariable durant des semaines. 


3 Influence de la pression barométrique. — Mon calorimètre est construit 
de façon à pouvoir résister au vide ou à une pression de deux atmosphères. 


/ 


724 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Comme je n'étais pas outillé mécaniquement pour assurer la ventilation 
sous dépression ou sous pression, je me suis servi pour la dépression d’une 
trompe en verre qui, en ventilant suffisamment pour éviter l’asphyxie de 
l'animal, réduisait graduellement la pression de 75 à 50 centimètres de 
mercure. 

Dans ces conditions, je n’ai observé aucune variation notable dans la pro- 
duction. Pour la raison ci-dessus, j'ai dû jusqu’à présent remplacer la 
pression par une plus grande richesse en oxygène du milieu ambiant. En 
faisant respirer l’animal dans l’oxygène pur, j'ai constamment constaté une 
diminution marquée dans la production de chaleur au début de l'expérience. 
Je reviendrai plus tard sur ce phénomène, que je n’ai encore observé que 
d’une façon insuffisante. 


4° Influence de la composition gazeuse du milieu ambiant. — J'ai 
constaté que l’asphyxie produite par l’acide carbonique augmente la pro- 
duction de chaleur comme elle augmente la température centrale, ainsi que 
mon maître, M. Brown-Séquard, l’a signalé depuis longtemps. 

Cette augmentation n’est pas due à l’asphyxie, c’est-à-dire à la privation 
d'oxygène, mais bien à l’action excitante de l’acide carbonique. En effet, en 
faisant respirer à l'animal un mélange non asphyxiant d'acide carbonique 
et d'oxygène purs, cetle augmentation dans la production de chaleur se 
montre de la même manière. Je reviendrai également sur cette intéressante 
expérience, qui confirme les idées émises par M. Brown-Séquard, sur le 
rôle de CO? dans l’économie. 


o° Influence de la digestion. — Chez les animaux que j'ai expérimentés 
(chiens, lapins, cobayes, pigeons, poule), la production de chaleur a 
augmenté notablement pendant les deux premières heures environ qui suivent 
l’ingestion des aliments. Cette augmentation a été une fois de plus de moitié 
chez un chien à jeundepuis vingt-quatre heures. 


6° Influence du jeûne. — Je n'ai pas poussé les expériences au delà de 
vingt-quatre heures. Au bout de douze heures environ, la production a nota- 
blement diminué chez une poule et des pigeons ; après trente-six heures, la 
production chez la poule était tombée de près de moitié. Chez un chien, la 
production après trente-six heures avait diminué d’un cinquième environ. 
Chez quatre cobayes, au contraire, la production est restée la même pendant 
les quarante-huit heures. 


1° Influence de la lumière. — J'ai nettement constaté, mais chez les 
oiseaux seulement jusqu’à présent, une diminution dans la production de 
chaleur, en plongeant ces animaux dans l'obscurité complète. Cela tient 
probablement à ce que ces animaux cessent tout mouvement aussitôt qu'ils 
n’y voient plus clair, ce qui n’a pas lieu en général pour les mammifères. 


8° Influence des enduits et vernis appliqués sur la peau. — J'ai signalé 
depuis longtemps déjà qu’on augmente considérablement le rayonnement 


SÉANCE DU 2Ù DÉCEMBRE. 125 


—_— 


d’un animal en l’enduisant d'huile de glycérine ou même d’eau (1), comme 
le prouvent les nombres ci-dessous : 

Première expérience : 2 avril 1880. Lapin en digestion. Poids — 255,725, 

Intact, l'animal produit 18 calories à l'heure. 

On le frotte d'huile d’olive, aussitôt après l’animal produit 35 calories à 
l'heure. 

Deuxième expérience : 26 mars 1880. Lapin pesant 1ks,900. 

Intact, l'animal produit 10 calories à l'heure. 

Frotté d'huile de lin, il dégage 28 calories à l’heure. 

Troisième expérience : Cobaye pesant 750 grammes. 

Intact, l'animal produit 5,5 calories à l’heure. 

Frotté de glycérine, il dégage 11,5 calories à l’heure. 

L'animal rayonne ainsi pendant vingt-quatre heures sans en souffrir. 

Quatrième expérience : 9 janvier 1881. Lapin glycériné dans un calori- 
mètre à 12 degrés. 

L'animal dégage normalement 8,5 calories à l’heure après glvcérine et 
pendant dix heures il dégage 18 calories. 

On peut constater par ces diverses expériences que l'huile de lin a un 
pouvoir rayonnant de beaucoup supérieur à celui de l’huile d'olive et de la 
glycérine. 


9% Variations du pouvoir émissif de la peau humaine. — Une même 
surface dont la différence de température avec le milieu ambiant reste 
constante, perd par unité de temps une même quantité de chaleur. C’est un 
fait évident quand on considère une surface inanimée quelconque. J'ai 
constaté qu'il en était autrement pour la peau humaine vivante. 

Pour cela, j’ai mesuré à la fois la température locale de la peau de l'avant- 
bras et la quantité de chaleur rayonnée par un cercle de 5 centimètres de 
diamètre de cette peau au moyen du petit calorimètre local que j'ai fait con- 
naître antérieurement à la Société. Or j'ai obtenu dans les mêmes conditions 
physiques des variations allant du simple au double. Ce fait ne peut s’expli- 
quer qu’en admettant que la sécrétion cutanée modifie beaucoup le pouvoir 
émissif de la peau. Une conséquence importante à tirer de ce fait, c’est qu’on 
ne peut pas absolument affirmer qu’il y a augmentation de la calorification 
chez l’homme même quand on constate une augmentation de la température 
à la fois centrale et périphérique, car cette double augmentation peut 
néanmoins s'accompagner d’une perte moindre (c’est-à-dire d’une produc- 
tion moindre) si le pouvoir émissif de la peau a subi un changement en sens 
inverse. 


Cette expérience montre une fois de plus combien la thermométrie est 
insuffisante pour nous renseigner sur les variations dans la production de 


(1) Rapports sur l'Ecole pratique des hautes études et Société de biologie. 


726 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


chaleur ; le thermomètre nous renseigne exclusivement sur la répartilion de 
la chaleur. 

Pour ne pas allonger indéfiniment cette Note, j'arrête ici l’'énumération des 
expériences dont je désire encore signaler les résultats à la Société. 


SUR LA NON-VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU, 
par M. I. SrTraus. 


Dans la séance du 22 novembre dernier, j'ai communiqué à la Société de 
biologie, et le 24 novembre à l’Académie des sciences, mes recherches sur 
quarante-deux cas de bubons suppurés accompagnant le chancre mou. Dans 
ces quarante-deux cas, le pus examiné au moment de l’ouverture et traité 
par les méthodes de coloration actuellement en usage, ne révéla la pré- 
sence d'aucun micro-organisme; semé dans divers milieux de culture, 
ce pus ne donna naissance à aucun développement. 

Enfin, et c’est là le fait capital, dans ces quarante-deux cas successifs, 
le pus inoculé au moment méme de l'ouverture du bubon, ainsi que les 
jours suivants, ne reproduisit pas la pustule chancreuse caractéristi- 
que. 

On avait eu soin de protéger soigneusement la piqûre d’inoculation et la 
plaie du bubon lui-même, à l’aide d’un pansement ocelusif; on évitait ainsi 
que la piqûre d’inoculation et la plaie du bubon incisé ne fussent contami- 
nées par la sécrétion du chancre, par la chemise, les linges, les objets de 
pansement souillés de cette sécrétion chancreuse fraîche ou desséchée (1), 
soit enfin par les mains du malade ou des infirmiers. 

Depuis cette première Note j’ai continué, dans le service de M. Mauriac, 
avec l’aide dévouée de son interne, M. Le Roy, mes recherches. Seize nou- 
veaux cas de chancres mous avec bubons suppurés se sont présentés. 

Le pus, dans ces seize nouveaux cas, s’est montré privé de virulence, 
tant au moment de l'ouverture du bubon, que dans les jours qui ont suivi.Le 
bubon incisé et protégé par un pansement ouaté n’est jamais devenu chan- 
creux et a guéri comme un abcès simple. 

Aïnsi, depuis le début de mes recherches, c’est-à-dire depuis le mois de 
mai dernier jJusqu'aujourd'hui, j'ai eu à ma disposition tous les bubons 
suppurés consécutifs à des chancres mous qui sont entrés dans un des ser- 
vices de l’hôpital du Midi; ces bubons, actuellement au nombre de cin- 
quante-huit, ont tous été reconnus non virulents, aussi bien au moment 
de l’ouverture que les jours suivants. 


Si l’on consulte les auteurs classiques, on trouve les données statistiques 


(1) Ricord et Spérino ont montré que du pus de chancre mou desséché pouvait : 
conserver sa virulence pendant sept mois. 


SÉANCE DU 2) DÉCEMBRE. ni 


suivantes : pour M. Ricord, les bubons simples et les bubons chancreux 
seraient à peu près en nombre égal. Pour M. Rollet, « les bubons suppurés 
sympathiques, c’est-à-dire non virulents, forment le tiers environ, et les 
bubons virulents, réinoculables, les deux tiers environ du nombre 
total (1) ». 

M. le professeur Fournier se prononce avec plus de réserve : « La fré- 
quence relative des deux espèces de bubons, dit-il, serait très curieuse à 
déterminer. Malheureusement, la science est loin d’être fixée sur ce point, 
et nous ne pouvons que citer cette lacune à l'attention des observa- 
teurs (2). » 

Rallions-n ous au chiffre le plus modeste et supposons que la moitié des 
bubons accompagnant le chanere mou soient des bubons chancreux. Est-il 
admissible, dans cette hypothèse, que nous soyons tombé sur une série 
ininterrompue de cinquante-huit cas de bubons simples, sans interposition 
d'un seul cas de bubon virulent? 

Les conclusions auxquelles je suis arrivé blessaient trop les idées reçues 
pour ne pas provoquer des protestations. 

Dans la dernière séance de la Société de biologie, M. P. Gibier nous a 
dit qu’en 1883 il a fait entrer dans le service de M. Cornil deux malades 
porteurs de chancres avec bubons suppurés. Le même jour, il inocule le 
pus de ces bubons, au moment de l’ouverture, et l’inoculation, dans les deux 
cas, aurait été positive. 

Ces faits sont surprenants, étant donnée, de l’aveu même de Ricord et de 
ses successeurs, la rareté de la virulence du bubon au moment de l’ouver- 
ture. En effet, dans toutes les inoculations, au nombre de plus de cinq 
cents, que Ricord a pratiquées pendant six ans, de 1831 à 1837, sur deux 
cents soixan£e et onze inoculations positives, quarante-deux fois seulement 
le pus se montra virulent le jour de l'ouverture du bubon. M. Gibier dispose 
de deux bubons, qu’il ouvre le même jour, et dans les deux cas, il tombe 
sur la virulence initiale, si rare cependant! 

M. le docteur Horteloup, dans la dernière séance de la Société de chirur- 
gle, a communiqué le résultat d’une expérience d’inoculation faite par lui, 
depuis la publication de ma Note, et qui lui a donné un résultat contradic= 
toire aux miens. Un bubon développé à la suite d’un chancre mou est incisé 
et le pus inoculé au moment de l’ouverture ne donne rien; mais du pus 
repris sur le bubon deux jours après l'ouverture produisit par l’moculation 
la pustule chancreuse caractéristique. M. Horteloup déclare avoir pris 
toutes les précautions pour éviter la contamination de la piqüre d’inocula- 
tion aussi bien que de la plaie du bubon par la sécrétion du chancre; et 
cette assurance, donnée par un chirurgien de lhabileté et de la haute 


(1) Rollet, Traité des maladies vénériennes, Paris, 1875, p. 161. 
(2) Fournier, art. Bugon, Nouv. dict. de méd. et de chir. pratiques, 1. V 
p. 764, 


2? 


128 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


compétence de M. Horteloup est faite pour inspirer pleinement confiance. 
Cependant il se pourrait qu'une erreur se soit glissée dans cette expé- 
rience unique invoquée par M. Horteloup : qui nous dit que le verre de 
montre protecteur ou surtout le pansement du bubon n’a pas été dérangé 
par le malade, et que l’infection ne se soit pas ainsi produite à l’insu et 
malgré toutes les précautions du chirurgien ? 

M. Horteloup me reproche d’avoir trop peu de faits à lappui de ma 
thèse (ces faits n’étaient encore qu’au nombre de quarante-deux au moment 
où il parlait), et il pense que j'ai eu affaire à une «série heureuse ». Le 
fait qu’il avance est unique, il est vrai, mais il est positif. 

La situation qui m'est faite est assez embarrassante et rappelle un peu, 
si la comparaison n’était trop ambitieuse et s’il est permis d’assimiler les 
petites choses aux grandes, ce qui s’est passé au sujet de la génération 
spontanée. Là aussi les faits qu’on opposait à M. Pasteur étaient, en appa- 
rence, des faits positifs ; et, dans ma cause comme dans la sienne, toute 
erreur d'expérience commise par mes adversaires leur profite et se tourne 
contre moi. La situation est d'autant plus délicate, que les faits qu’on in’op- 
pose sont des faits accomplis, et pour lesquels le contrôle rétrospectif est 
impossible. 

La meilleure solution, c’est de multiplier les expériences et de les pro- 
duire en nombre tel que toute objection de « série heureuse » ne soit plus 
possible. Il importe en outre que ces expériences soient faites par d’autres 
. Que moi-même, compétents et non intéressés dans le débat. 

M. le docteur Humbert, récemment nommé chirurgien de l’hôpital du 
Midi, et M. Du Castel, médecin du même hôpital, ont bien voulu me pro- 
mettre de vérifier dans leurs services les faits que j'ai avancés et d’en faire 
connaître les résultats ; d'autre part, M. Mauriac continue à me permettre 
libéralement de travailler dans son service. Ainsi le contrôle de mes asser- 
tions pourra se faire sur tous les cas de bubons qui vont être admis à 
l’hôpital du Midi, exclusivement réservé à ces sortes de maladies. La ques- 
tion pourra donc être, dans peu de temps, définitivement jugée, l’on verra 
si c’est à tort ou avec raison que je conclus à la non-virulence du bubon qui 
accompagne le chancre mou. 


INOCULATIONS NÉGATIVES DE PUS PROVENANT DE BUBONS, 
par M. Albert Rogin. 


Pour vérifier les faits annoncés par M. Straus dans son intéressante com- 
munication, j'ai fait à l'hôpital du Midi des inoculations de pus bubonique 
qui m'ont donné les résultats ci-dessous énoncés. 

Dans trois cas, après avoir ouvertles bubons avec les précautions d'usage, 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 


— 1 
19 
æ) 


j'ai immédiatement inoculé le pus sur l'abdomen et sur la cuisse droite. Les 
piqûres protégées par du diachylon n’ont donné aucun résultat. 

Trois jours après l'ouverture du bubon soigneusement protégé, j'ai fait 
sur ces trois malades une seconde inoculation. Deux fois le résultat a été 
nul. Dans le troisième cas, il survint au lieu de la piqûre, une petite bulle 
pemphigoïde pleine de sérosité roussâtre et qui guérit en quelques jours 
(fausse pustule de Straus). Dans un quatrième cas, le chancre était guéri 
quand j'ouvris le bubon ; l’invculation immédiate et l’inoculation secondaire 
demeurèrent également infructueuses. 

Enfin, dans un cinquième cas, j'ai fait seulement une inoculation le 
jour de louverture de l’abcès : elle n’a pas plus abouti que les précé- 
dentes. 


SUR LA MÉTHODE DES INJECTIONS INTRAVEINEUSES ET SUR L'APPLICATION 
DE CETTE MÉTHODE A L'ÉTUDE DE QUELQUES EFFETS DE L'EAU, DE L'ALCOOL, 
DE LA GLYCÉRINE, DE LA CRÉOSOTE, DE LA RÉSORCINE ET DE L'ANTIPYRYNE, 
par M. Ch. Boucranp. 


Pour déterminer les équivalents thérapeutiques des médicaments, j’ai eu 
recours à la méthode des injections intraveineuses (Congrès médical de 
Copenhague, août 1884); j'ai adopté la même méthode pour l’étude analy- 
tique de la toxicité des urines normales (Société de biologie, 9 décembre 
1884). Cette méthode, pour l'étude physiologique des substances toxiques 
et surtout pour l'estimation du poids de chaque substance qui, par kilo- 
gramme d’animal, peut produire, soit la mort, soit un trouble fonctionnel 
déterminé, est extrêmement précieuse ; elle me semble être trop négligée 
et mériterait, à mon sens, d’être employée non comme méthode unique, 
mais comme moyen général de recherche et de contrôle. J'ai toujours eu 
soin de le dire et je le répète avec insistance : cette méthode des injections 
intraveineuses n’est pas actuellement applicable à la thérapeutique; il 
serait prématuré et téméraire de l’employer chez l’homme, sauf dans des 
cas exceptionnels. Chez les animaux, dans un but d’expérimentation, elle à 
une supériorité incontestable. Elle est, au point de vue opératoire, presque 
aussi facile et expéditive que la méthode sous-cutanée ; elle est infiniment 
plus précise et plus rigoureuse ; elle est plus inoffensive et moins doulou- 
reuse ; on gradue ses effets à volonté et on produit immédiatement le degré 
d'intoxication que l’on veut obtenir. 

Tout ce qui a été dit à l’avantage des injections sous-cutanées comparées 
à l’ingestion par le tube digestif, peut être répété au profit des injections 
intraveineuses, quand on les compare aux injections sous-cutanées. La 
lenteur de l’absorption des matières même dissoutes, quand elles sont in- 
troduites dans le tissu cellulaire, fait que cette absorption est parfois com- 


7130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pensée par l’émonction rénale et que les phénomènes physiologiques n’ap- 
paraissent pas avec des doses qui, introduites directement dans le sang, 
auraient déterminé une action évidente. Tout effet physiologique peut éga- 
lement faire défaut quand la substance injectée sous la peau peut être 
graduellement transformée ou détruite dans l'organisme. La même dose de 
la même substance poussée dans les veines produira des effets immédiats 
bien que passagers. Quand l’injection sous-cutanée est suivie de troubles: 
fonctionnels, on ne peut pas estimer la quantité de matière toxique qui est 
actuellement agissante, parce qu’on ignore quelle quantité est déjà absorbée, 
quelle quantité est déjà éliminée. Sans être absolument rigoureuse, l’injec- 
tion intraveineuse serre la vérité de plus près. On sait par là quelle quan- 
tité doitêtre présente dans le sang pour qu’un effet déterminé se produise. 
Mais je me hâte de reconnaitre que ce n'est pas le poison qui est dans le 
sang, auquel on doit attribuer le plus souvent les accidents; ces accidents 
dépendent de la quantité de poison que le sang a déjà livrée aux cellules. 
L’injection intraveineuse se rapproche donc de la rigueur idéale sans at- 
teindre ses dernières limites. 


Les injections intraveineuses, contre toute apparence, sont plus inoffen- 
sives que les injections sous-cutanées. II est fréquent qu’une injection sous- 
cutanée de 4 centimètres cubes produise l’albuminurie chez le lapin ; il est 
rare qu'une injection intraveineuse dix ou quinze fois plus considérable 
produise le même effet chez le même animal. L’innocuité des injections 
sous-cutanées telles qu’on les pratique chez l’homme n’infirme en rien cette 
proposition : car, toute proportion gardée, l’injection d’un centimètre cube, 
sans action chez l’homme, ne représente que la cent soixantième partie de 
l'injection sous-cutanée qui se montre souvent nuisible chez le lapin. 

L’injection sous-cutanée esl très souvent suivie d’accidents septiques lo- 
caux ou généraux; ce fait était déjà surabondamment démontré par la clini- 
que humaine ; l’injection intraveineuse met presque toujours à labri des 
accidents septiques. Le sang neutralise l’action non seulement des anaéro- 
bies, mais d’un bon nombre de microbes aérobies. À part quelquesespèces 
pathogènes, les bactéries peuvent, en général, être injectées dans le sang 
sans produire d'accidents. J’ai injecté dans les veines d’un lapin, à la dose 
de 60 centimètres cubes par kilogramme, une urine fermentée rendue 
opalescente par l’abondance des microbes et n’ai provoqué aucune mani- 
festation morbide immédiate ou tardive. De semblables urines, fermentées 
mais non ammoniacales, peuvent être injectées sans inconvénient sérieux 
sous la peau, à la dose de 1 à 16 centimètres cubes; mais, si l’on pousse 
dans le tissu cellulaire des quantités plus élevées de liquide fermentes- 
cible, même s'il n’est pas en fermentation, même sil’on a eu soin de 
détruire les germes par l’ébullition, on provoque au bout de vingt-quatre 
heures la mort par septicémie. Quelque microbe, introduit à la faveur de 
quelque imperfection de l’opération ou apporté par le sang, se multiplie et 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 7131 


pullule au point de déterminer la mort, même sans avoir produit localement 
ni suppuration, ni gangrène. 

Deux expériences comparatives que je choisis parmi beaucoup d’autres 
viennent à l’appui de plusieurs des assertions qui précèdent. 

Une urine de diabétique renfermant 60 grammes de sucre par litre est 
injectée à deux lapins : chez l’un dans les veines, chez l’autre sous la peau. 
L’urine acide, d’abord neutralisée par le bicarbonate de soude, puis filtrée, 
a été introduite dans les veines à la dose de 81 centimètres cubes par kilo- 
eramme d'animal, ce qui à introduit dans le corps du lapin 45",85 de sucre 
par kilogramme, soit une proportion de 63 grammes de sucre pour 
1000 grammes de sang. La même urine bouillie et ramenée à son poids 
primitif par addition d’eau distillée est injectée, après filtration, sous la peau, 
à la dose de 36 centimètres cubes par kilogramme. On n’a ainsi introduit 
dans le corps de l’animal que 25",2 de sucre par kilogramme. Le premier 
animal devient immédiatement polyurique ; trois minutes après le début de 
l'injection, ses urines contiennent déjà une forte proportion de glycose qui 
va rapidement en augmentant; la glycosurie dure cinquante heures, l’ani- 
mal n’a jamais paru malade, et quinze jours après l’expérience, ilest encore 
bien portant. Le second animal, qui a reçu sous la peau l’urine bouillie en 
bien moindre proportion, n’a jamais eu de sucre dans les urines, il est de- 
venu albuminurique et est mort au bout de vingt-quatre heures. Le tissu 
cellulaire, qui paraissait seulement œdémateux, sans emphysème, sans 
gangrène, sans pus, laissait sourdre par expression un liquide où fourmil- 
laient en nombre prodigieux des bactéries bacillaires mobiles. Une goutte 
de ce liquide recueillie au moment précis de la mort, inoculée à un lapin et 
à un cobaye, a déterminé chez ces animaux une maladie quiles a également 
tués en vingt-quaire heures avec présence des mêmes bactéries dans le tissu 
cellulaire; et les inoculations continuées en série ont toujours donné le 
même résultat. Des enseignements multiples de ces deux expériences, 
je ne reliens que deux conclusions : dans les injections sous-cutanées, la 
lenteur de l'absorption peut permettre à l'organisme de détruire une sub- 
stance, qui, introduite directement dans le sang, fait apparaître des troubles 
physiologiques qui ne s’observent pas quand l'introduction est faite sous 
la peau ; l'injection sous-cutanée est plus dangereuse que l'injection intra- 
veineuse, même poussée en quantité beaucoup plus considérable. 

Je suis donc en droit de dire que, à certains points de vue et pour certains 
objets, l’injection intraveineuse peut.être préférée à l’injection sous-cuta- 
tanée dans les recherches expérimentales sur les animaux. 

Pour appliquer l'injection intraveineuse à l’étude des substances toxi- 
ques, il faut savoir, au préalable, ce que peuventproduire les liquides dans 
lesquels les médicaments ou les poisons seront tenus en dissolution et fixer 
les quantités de ces excipients qui peuvent être introduites dans les veines 
sans provoquer aucun accident. Les dissolvants les plus habituels pour ce 
mode de recherches sont l’eau, l'alcool, la glycérine. 


132 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


L’eau distillée, injectée dans les veines du lapin à la dose de 90 centi- 
mètres cubes par kilogramme, est inoffensive; cette dose représente 117 
d’eau pour 100 de sang. Au delà on voit survenir des secousses muscu- 
laires. À partir de 122 centimètres cubes d’eau par kilogramme la mort 
survient; cette dose mortelle représente 157 d’eau pour 100 de sang. 

L'injection intraveineuse d’alcool est infiniment moins douloureuse et 
beaucoup moins dangereuse que l'injection sous-cutanée. On peut injecter 
dans les veines de l’alcool absolu dans la proportion de 0,6 par kilo- 
oramme ; le magma produit par le contact de l’alcool se dissolvant immé- 
diatement dans le sang des autres veines, il ne se produit pas d’embolie 
pulmonaire. À mesure que l’on ajoute de l’eau à l'alcool absolu, on peut 
introduire dans les veines des quantités d’alcool de plus en plus fortes. Les 
solutions aqueuses d'alcool contenant en volume 20 pour 100 d’alcool ab- 
solu, ou moins, sont celles qui permettent d'introduire la plus forte pro- 
portion. Avec ces solutions, il faut 1°,45 d’alcool absolu par kilogramme 
pour produire la narcose, soit en volume 1,9 d’alcool absolu pour 100 de 
sang. Au delà de 3 centimètres cubes d’alcool absolu par kilogramme, la 
mort survient, ee qui représente 3,9 d'alcool absolu pour 100 de sang. En 


raison de sa viscosité, la glycérine ne peut pas être injectée pure; même à 


faible dose elle produirait ce que j'ai appelé l’embolie visqueuse. Les mé- 
langes de glycérine et d’eau par parties égales ou toute solution aqueuse 
contenant moins de 50 pour 100 de glycérine peuvent être employées sans 
inconvénient. Mais à partir de 5 centimètres cubes de glycérine par kilo- 
oramme, on voit survenir des trémulations; à 14 centimètres cubes par 
kilogramme la mort survient avec rigidité cadavérique immédiate ; la rigi- 
dité commence même avant que la mort soit complète. 

Pour les essais d’injections intraveineuses de substances toxiques, on 
devra donc dissoudre ces substances, pour 1 kilogramme d’animal, dans 
moins de 90 centimètres cubes d’eau, moins de 1°*,45 d’alcool absolu, 
moins de » centimètres cubes de glycérine. 

Parmi les nombreuses substances dont j'ai déjà fait l’étude suivant cette 
méthode, je signalerai seulement quelques médicaments en raison d'effets 
physiologiques nouveaux que ce mode d'administration m’a permis de 
constater. 

La créosote, à partir de 4 centigrammes par kilogramme, produit la len- 
teur respiratoire; à 12 centigrammes on observe des pauses de quatre à 
huit secondes et en dehors de ces arrêts la fréquence des mouvements res- 
piratoires n’est que de seize par minute au lieu de cinquante-quatre. 

La résorcine, à partir de 4 centigrammes par kilogramme, produit des 
convulsions vibratoires, partielles d’abord, puis universelles, et la mort sur- 
vient quand l'animal a reçu 41 centigrammes par kilogramme. 

L’antipyrine à partir de 7 centigrammes provoque un état singulier des 
muscles, une rigidité universelle qui a été vue partiellement par M. Hénoc- 
que et comparée par lui à l’état cataleptique. Cette rigidité permet aux 


7°" Ye 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 133 


mouvements respiratoires et aux mouvements volontaires de s’exécuter en 
toute liberté. Dès que la volonté actionne un muscle, la rigidité disparait 
pour recommencer dès que le mouvement volontaire a été exécuté. Cette 
raideur musculaire est due à l’action de l’antipyrine sur le système nerveux 
et non sur le système musculaire. Sur un animal auquel on a sectionné le 
sciatique et le crural de même côté, tous les muscles sont rigides à l’excep- 
tion des muscles du membre énervé. 


SUR LA COMMUNICATION DIRECTE PLACENTAIRE DE LA MÈRE AU FŒTUS, 
par M. Eugène Curie (1). 


J'ai à vous soumettre quelques pièces injectées qui me paraissent démon- 
trer qu’une communication directe existe entre les vaisseaux de la mère et 
ceux du fœtus. 

Cette communication, Je le sais, n’est pas admise; on peut même dire 
qu’elle est presque universellement niée et l’on explique Ia nutrition du 
fœtus par une sorte d'absorption par imbibition. 

D’après la description des auteurs, les artères du fœtus se termineraient 
par des bourgeons vasculaires baignant dans les sinus veineux qui con- 
tiennent le sang provenant de la mère. Ce contact suffirait pour déterminer 
l'absorption des matériaux qui servent à la nutrition du fœtus. 

La nutrition par imbibition est certainement celle du début de la vie 
fœtale, il ne saurait en être autrement. D'ailleurs, à ce moment, elle est 
facile à comprendre quand le corps du fœtus est peu épais et se réduit à 
quelques membranes. Mais plus tard, quand il est bien séparé des tissus 
de la mère et qu'il ne communique que par le placenta, à travers un long 
cordon contenant des vaisseaux, alors cette manière de se nourrir est plus 
difficile à comprendre. La disposition même des soi-disant bourgeons ter- 
minaux et leurs rapports avec les sinus veineux ne me paraissent pas faits 
pour favoriser l'absorption. 

En effet, la terminaison des artères en vaisseaux fins n’est en contact 
avec les sinus que par une surface courbe, sur laquelle les vaisseaux vien- 
nent s'implanter normalement, en sorte qu'ils sont loin d’être dans une 
bonne condition pour baigner leurs parois. 

Enfin le mode de rapport admis entre la mère et le fœtus n’explique pas 
les transmissions des germes morbides, ni les vaccinations intra-utérines. 

Si, au contraire, on vient à démontrer la communication directe entre 


(1) Communication faite dans Ja séance du 13% décembre 1884. 


7134 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


les deux circulations, tous ces faits reçoivent une explication des plus 
simples. + VER 

Voici ce que j'ai constaté sur les lapins et les cochons d'Inde : chez ces 
animaux on peut faire pénétrer des injections colorées, des vaisseaux de la 
mère dans ceux du fœtus et réciproquement. 


Je me suis servi, pour ces injections, de solutions aqueuses de gélatine. 


et de solutions alcooliques de gomme-laque. Les deux réussissent. Je n’em- 
ploie pas la seringue pour pousser l’injection, parce que le mouvement est 
trop brusque et ne dure pas assez longtemps. Il faut que l'injection traverse 
les capillaires les plus fins du placenta et elle ne saurait le faire rapide- 
ment. Je me sers d’un flacon à deux tubulures et d’une pression à air par 
une poire double en caoutchouc. 

Les injections poussées de la mère au fœtus réussissent plus facilement 
chez le lapin. Chez cet animal l'injection pénètre jusqu’au cœur du fœtus 
et en sens inverse reflue dans les veines crurales. 

Chez le cobaye elles pénètrent moins loin et ne dépassent pas la veine 


ombilicale ; mais la signification scientifique est la même, il y a pénétration 


de la mère à l'enfant. 

Pour injecter du fœtus à la mère, il faut se servir du cochon d'Inde 
parce que cet animal porte plus longtemps que le lapin, et, le petit arrivant 
à un degré plus avancé de développement, l'injection est plus facile à 
faire. 

Ce dernier mode d’injection est vraiment caractéristique et celui qui 
l’aura exécuté aura de la peine à n’être pas convaincu de la communi- 
cation. 

Cette pénétration réciproque des injections n’est pas douteuse. Mais 
quelle est sa valeur, doit-on [a considérer comme normale ou peut- -on 
l'expliquer par des ruptures et des extravasations ? 

Je répondrai à celte objection, d’abord qu’on n’a à ma connaissance in- 
jecté que des vaisseaux lymphatiques par ce procédé ou cet accident ; qu'il 
faudrait donc admettre, ce qui n’est pas impossible, mais ce qui est pure- 
ment hypothétique, que ce serait une disposition particulière au placenta. 
Il faudrait encore admettre que la même rupture se fait toujours, puisque 
ces mêmes injections réussissent constamment, et après il resterait encore 
à expliquer comment il se fait que l'injection poussée par les vaisseaux de 
la mère passe dans la veine ombilicale du fœtus ; tandis que l'injection 
poussée par les artères du cordon va se rendre dans les veines utéro-abdo- 
minales. Ce serait une spécialisation bien réussie pour de simples ruptures. 

Enfin je soumets à votre observation ce fait particulièrement intéressant, 
c’est que l’injection poussée ainsi par le fœtus arrive dans les vaisseaux 
abdominaux et reflue même dans les placentas des fœtus voisins. Cela ne 
donne-t-il pas l’image d’une injection des plus normales ? 

J'arrive maintenant à l’objection qui a été considérée comme péremp- 
toire et qui me paraît facile à résoudre. Comment se fait-il que le fœtus 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 73 


(by 


conserve les globules du sang qui lui sont propres s’il y a abouchement dés 
vaisseaux des deux systèmes ? 

D'abord il faut considérer que la communication, si elle a lieu, comme je 
le pense, a lieu par les vaisseaux les plus fins du placenta. On peut en 
avoir une certaine preuve par la manière dont se font les injections, quand 
on procède dans la direction du fœtus vers la mère. On voit d’abord le 
placenta se colorer un peu, puis l'injection reflue vers la veine du cordon; 
cependant le placenta continue à se remplir et ce n’est qu'après qu’il est 
bien injecté que les veines de l’utérus commencent à s’injecter à leur tour. 

Ainsi la communication se fait par des vaisseaux fins. Dans ce cas il 
suffit que les globules sanguins du fœtus, qui sont plus gros que ceux de la 
mère, soient aussi d'un diamètre plus gros que celui des vaisseaux commu- 
nicants, pour que le fœtus les conserve. Cette disposition me paraît en effet 
exister, ainsi que semblent le montrer les examens sous le microscope. 

Mais il y a encore une disposition dont il faut tenir compte et qui con- 
tribue pour sa part à limiter le mélange des sangs. C’est la différence de 
pression qui peut exister entre les deux circulations. Si la pression de la 
mère l’emporte, le fœtus doit plutôt recevoir que donner; et il parait assez 
rationnel d'admettre que cette pression est plus forte au moins au moment 
de la pulsation des artères chez la mère. 

À cela se rattache sans doute une disposition intéressante des artères du 


_ fœtus, je veux parler de la présence des valvules dans ces artères, disposi- 


lion dont la nécessité s'explique dans la supposition de la communication 
directe. Sans ces valvules la pression supérieure du côté de la mère refou- 
lerait le sang dans le cœur du fœtus et interromprait la circulation dans 
son corps à son grand préjudice. 

Grâce à ces valvules, au moment de la systole maternelle, la pression 
supérieure de son côté pourra arrêter la circulation fœtale dans le pla- 
centa, mais dans le placenta seulement, et laissera intacte la circulation 
dans le corps même du fœtus. Puis les pulsations fœtales étant plus nom- 
breuses que les pulsations maternelles, un certain nombre d’entre elles 
correspondront à la diastole chez la mère, moment de pression diminuée 
chez elle. À ce moment, sans doute, l'équilibre de la pression dans le pla- 
centa se rétablit en faveur du fœtus et sa circulation placentaire recom- 
mence. | 

Je ne chercherai pas pour le moment à déduire les conséquences patho- 
logiques de cet état de choses, en cas de troubles de circulation chez la 
mère ; cela serait trop long et je me résume ainsi. 


Pour conclure avec certitude à une communication directe entre les vais- 
seaux de la mère et ceux du fœtus, il faudrait compléter ma Note par la des- 
criplion anatomique de cette communication. Je ne suis pas en état de le 
faire pour le moment, mais je pense que je puis me permettre d'affirmer 
qu'il y a présomption en sa faveur et tout au moins que la question pour le 


130 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


moment résolue dans le sens de non-communication mérite un nouvel 
examen. 


NOUVELLES REMARQUES SUR LES COMMUNICATIONS VASCULAIRES DE LA MÈRE 
AU FŒTUS DANS LE PLACENTA DES RONGEURS, par M. CURIE. 


Dans la dernière séance, j’ai présenté des pièces injectées tendant à dé- 
montrer une communication entre les circulations de la mère et du fœtus 
chez le lapin et le cochon d'Inde. 

Ces injections ont été faites avec une pression variant de 6 centimètres 
(minimum) à 10 centimètres (maximum), la pression faite à l’aide d’une 
poire en caoutchouc n'étant pas constante. 

On à fait une LRJECUON à la valeur démonstrative de ces injections; elle 
est fondée sur ce que j'aurais employé une pression exagérée. 

Mais est-il possible de considérer comme exagérée pour une injection la 
pression normale du sang pendant la vie? Je ne le pense pas. 

Or chez le lapin j'ai trouvé dans la carotide une pression égale à 10 cen- 
limètres et je puis mettre ce chiffre sous la garantie d’une autorité incon- 
testable. Claude Bernard, dans ses Leçons sur les liquides de lorganisme, 
p. 172, donne les nombres suivants pour la pression dans la carotide du 
lapin : minimum, 9 millimètres ; maximum, 100 millimètres, le maximum 
correspondant à la pression du cœur. Ainsi 10 centimètres étant le chiffre 
de la pression maximum chez le lapin, mes injections doivent être considé- 
rées comme ayant élé faites sous une pression normale. Sans doute il 
vaudrait mieux les avoir faites à une plus basse pression. Mais est-ce 
possible ? 

Je ne pense pas, pour ma part, qu’elles puissent réussir avec des pressions 
différant sensiblement de la pression normale du sang chez l’animal vivant. 
Il me semble qu'il doit y avoir concordance entre la constitution et la 
fonction. La fonction ne doit avoir lieu que dans des conditions dont les 
limites sont peu étendues ; elle doit être troublée quand ces limites sont 
dépassées en plus ou en ‘moins. [ei la fonction, c’est la pénétration du sang 
de la mère dans le fœtus. 

Cette pénétration ne doit pas se faire trop facilement ; il y aurait danger 
évident pour le fœtus. Les conditions dans lesquelles elle est possible doivent 
être très limitées, et une de ces conditions c’est la résistance à la pression. 

Il est donc fort probable que le passage ne doit avoir lieu qu’à une 
pression dont les limites ne doivent guère être en dessous de la pression 
normale du sang. 

Il serait d’ailleurs important de mesurer ces limites, au point de vue de 
la physiologie et de la pathologie de la grossesse, si la communication se 
confirme. 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 3 731 


À cet égard, j'ai commencé une série d'expériences sous le contrôle de 
M. Mathias Duval, qui a eu l’obligeance de me prêter une place à son labo- 
ratoire. 

Or une première expérience nous a démontré qu’à une pression de 
| mètre d’eau, soit environ 7 centimètres de mercure, l'injection ne passe 
pas du fœtus à la mère chez le cobaye. 

À ce moment, si on élève la pression à 10 centimètres, le passage s’établit 
dans les veines utéro-abdominales, toujours avec la lenteur habituelle que 
j'ai signalée. 

Mes expériences ont toujours été faites sur des animaux tués par hémo- 
rrhagie. Condition qui diminue la tension des vaisseaux sanguins. 

J'ajouterai aujourd’hui un fait qui a encore une certaine importance au 
point de vue qui nous occupe et que je réservais pour une étude ultérieure. 
C’est qu’une injection (de solution alcoolique de gomme laque), poussée avec 
pression exagérée pour la veine ombilicale du fœtus, en sens rétrograde 
vers la mère, donne une belle injection des lymphatiques qui entourent 
comme des grappes les vaisseaux sanguins utéro-abdominaux. 

Ainsi les injections poussées avec une pression normale donnent des 
trajets croisés suivant leur direction de la mère au fœtus ou réciproquement, 
el l’injection poussée avec une pression exagérée dans la veine ombilicale, 
en sens rétrograde, remplit les lymphatiques de la mère. 

Ces conditions variées dans lesquelles se présentent mes expériences et 
leur constance me paraissent avoir une certaine valeur démonstrative. 


PROVOCATION DU SOMNAMBULISME D'EMBLÉE (LES YEUX OUVERTS). 
Note de M. BRÉMau». 


On distingue dans le somnambulisme provoqué deux variétés PA 
suivant que le sujet a les yeux clos ou ouverts. 

L'ouverture des paupières en permettant l’exercice fonctionnel de la vue, 
donne au somnambulisme un caractère plus actif. 

Les impressions visuelles deviennent l’occasion d'illusions spontanées ; le 
sujet rêve, met son rêve en action, et peut associer, dans une certaine 
mesure, les événements réels qui l’entourent, avec les événements 1llusoires 
de son rêve. ; 

Cet état de somnambulisme est donc très intéressant à étudier et à con- 
naître. On sait que cette forme de somnambulisme se présente quelquefois 
spontanément ; la malade Félida du docteur Azam, — l’homme qui, lors de 
la catastrophe de la rue François-Miron, fut subitement plongé en état de 


somnambulisme par le bruit de l'explosion, et ne se réveilla que plusieurs 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 1°", N° 45. 97 


138 ; SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


semaines après en [talie, — et bien d’autres encore, sont des exemples bien 
connus de cet état hypnotique. 

Les auteurs qui ont étudié l’hypnotisme provoqué, ne semblent avoir 
obtenu cet état que secondairement, et le docteur Bottey, dans une publica- 
tion récente, est tout à fait affirmatif. Le somnambulisme les yeux ouverts, . 
dit-il, n’est jamais primitif, et on l’observe toujours consécutivement à un 
état antérieur. 

Cette assertion a une certaine gravité ; il serait fächeux de méconnaitre 
l’authenticité de certains faits et d’en nier la possibilité. 

En effet, la provocation du somnambulisme les yeux ouverts peut se 
faire presque instantanément, et le sujet ainsi mis en somnambulisme ne 
présentant aucun signe extérieur, attirant évidemment l'attention, accessible 
aux suggestions, aux hallucinations, aux illusions les plus diverses, pourrait 
dans certains cas être victime de la malveillance d'autrui, comme il pourrait 
aussi constituer pour son entourage un danger d’autant ee grand qu'il serait 
méconnu. 

Il est donc nécessaire au médecin légiste d’être mis en garde contre " 
possibilité de faits de cette nature. 

Cet état de somnambulisme d'emblée les yeux ouverts a été provoqué chez 
un certain nombre de militaires hypnotisables, de se sont volontairement 
prêtés à ces épreuves. 

Une brusque interpellation,déterminant un mouvement de surprise, accom- 
pagnée immédiatement d’une suggestion hallueinante, a suffi pour déterminer 
chez trois sujets hypnotisables l’état somnambulique avec les phénomènes 
somatiques accoutumés : insensibilité destéguments, hyperexcitabilité neuro- 
musculaire, elc. 

Cet état, constaté par trois se de l'École de médecine navale de 
Brest, MM. Féris, Fontan, Bertrand, peut être suivi de somnambulisme les : 
yeux fermés, de léthargie, par simple ocelusion palpébrale. Le retour au 
réveil se fait plus facilement après la détermination d’un de ces états. 

Quant à la durée possible de cet élat de somnambulisme d'emblée, malgré 
tout l'intérêt que peut offrir une semblable constatation, je n’ai aucune 
donnée positive, parce que je n’ai pas cru devoir prolonger assez longtemps. 
de pareilles expériences. | 


= 


SÉANCE DU 20 DÈCEMBRE. 139 


ToxICOLOGIE EXPÉRIMENTALE. — ACTION, MESURÉE AU DYNAMOMÈTRE, DES 
POISONS DITS MUSCULAIRES SUR LES MUSCLES DE LA VIE DE RELATION, 
par M. Ch. E. QuiNquaup. : 


Claude Bernard, après avoir montré l’action du curare sur les nerfs mo- 
teurs, de la strychnine sur les nerfs sensitifs, se demanda s’il existait un 
toxique agissant sur les muscles eux-mêmes, et il crut trouver ce poison 
dans le sulfocyanure de potassium ; toutefois son opinion sur le mécanisme 
de l’action n’était pas encore arrêtée. « Nous allons passer, dit-il, à un 
agent qui semble porter ses effets sur Le système musculaire : ce poison est 
le sulfocyanure de potassium... » Plus loin, il ajoute : QIl ne produirait 
peut-être qu'un empoisonnement musculaire par contact, ce qui est néan- 
moins très intéressant (1).» 

À partir de cette époque, les physiologistes recherchèrent les poisons dits 
musculaires et nous trouvons dans un bon livre (2) de nombreuses expé- 
riences tendant à montrer que le nombre des poisons musculaires est con- 
sidérable. 

En Allemagne, les avis sont divisés; ainsi, pour ne citer qu’un exemple, 
Guttmann pense que les sels de potassium ont une faible action ur les mus- 
cles, même injectés à dose énorme dans une veine. 

Dès 1864, M. Vulpian élève des doutes sur certains poisons dits muscu- 
laires. « Je ne sais pas s’il existe un seul sel métallique qui mérite d’être 
appelé poison musculaire, qui agisse par conséquent sur les muscles d’une 
façon spéciale, par l’intermédiaire de la circulation (3). » 

Plus tard, M. Laborde, dans un excellent trauail sur le sulfocyanure, 
arrive à démontrer que cet agent ne saurait être considéré comme un 
poison musculaire et cardiaque dans la véritable acception physiologique 
du mot (4). 

On a objecté qu’en excitant un muscle ou le nerf qui s’y rend, on peut 
bien reconnaitre si l’excitabilité musculaire est abolie, mais qu'il est bien 
difficile, sinon impossible, d'en reconnaitre les divers degrés de diminu- 
tion, puisqu'on n’a pas de mesure du phénomène. 

C’est dans le but de répondre à cette objection que nous avons institué 
une série d'expériences sur le sulfocyanure de potassium, le nitrate de 
plomb, le chlorure de baryum, la vératrine ei le venin de crapaud. 


(1) Leçons sur Les effets des substances toxiques et médicamenteuses, par CI. 
Bernard, 1857, 24° leçon, p. 354 et 355. 

(2) Eléments de toxicologie, par A. Rabuteau, 1874, p. 489 et suivantes. 

(3) Leçons sur la physiologie générale et comparée du système nerveux, 
p. 446 et suivantes. 

(4) Les poisons dits musculaires et le sulfocyanure de potassium (Comptes 
rendus et mémoires de la Société de biologie, 1879, p. 149). 


740 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


Pour mesurer la force musculaire, nous avons eu recours au procédé un 
peu modifié de Gréhant et Quinquaud (1), procédé qui consiste à mesurer 
au dynamomètre l'effort exercé par un muscle lorsqu'on excite son nerf à 
laide d’un courant ayant à peu près la même intensité. On scie le calca- 
néum, auquel ce tendon reste adhérent; on passe le fil de fer près de l’in- 
sertion du tendon à l'os: de cette manière le fil de fer ne glisse plus sous 
l'influence de la contraction musculaire. De plus, nous ne sectiounons le 
nerf qu'au moment de la mort par le toxique. La mesure est faite avant 
l’'empoisonnement et après, surtout au moment même où la mort survient 
produite par le toxique. ‘ 


À. — Sulfocyanure de potassium. 


Première expérience du 9 septembre. Sur un chien de 15 kilogrammes, à 
4 h. 40 on mesure la force musculaire au dynamomètre, sa température rectale 
est de 390,2. 


Tension 2 — 12 — 10 force dynamométrique normale. 
— Dot ATK — , — 
== DA Er — ess 


4 h. 50, injection intraveineuse de 50 centigrammes de sulfocyanure de 
potassium. 5 h.5, de nouveau 50 centigrammes. 5 h. 13, température rectale, 38°,6. 
5 h. 18, injection de 50 centigrammes ; l’animal est un peu agité au moment de 
l’injection. 5 h. 28, injection de 50 centigrammes ; à 5 h. 30, le chien aboïe, puis 
est pris de convulsions toniques et meurt. 


A5h: 35, tension CM MON PRE NO 
NET A0 AD EE ES 


Le nerf sciatique droit que l'on excite est découvert depuis 4 h. 40. 
À 5 h. 45, on excite le sciatique gauche pour la première fois. 


Tension 2 20415 — (1 
_ IA 2 A2 TP 1 


Ce chien est mort avec 2? grammes de sulfocyanure en injection intravei- 
neuse (12 centigrammes et demi par kilogramme). 

®% expérience du 6 décembre, faite sur un chien de 7k$,800; à 11 heures du 
matin, on prend la force musculaire. 


Tension 2 — 10 — 8 force normale. 
— D — 10 =. — 


À 11 h. 3, injection sous-cutanée de 1 gramme de sulfocyanure ; 11 h. 26, de 


(1) Gréhant et Quinquaud, Journal de l'anatomie et de la physiologie, publié 
par Ch. Robin et G. Pouchet, p. 399, novembre 1884. 


LS 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. 7141 


nouveau 4 gramme; 11 h. 32, 1 gramme; 11 h.34, 1 gramme; 11 h. 39, { gr; 
11 h. 46, 1 gramme; 11 b. 56, injection intraveineuse de 60 centigrammes ; 
au bout de quelques minutes, on voit apparaître des mouvements convulsifs et 


la mort. 
Cinq minutes après la dernière respiration on a : 


Tension 2e AO 228 
_ D = 0 =. 
— DITS 


3e exæpérience du 8 décembre faite surun chien de moyenne taille; de 9 h. 45 
à 10 h. 45 on injecte sous la peau 5 grammes de sulfocyanure ; et de 11 heures 
à 11 h. 53 on injecte 26 grammes du même sel (en tout 31 grammes); une 
dose de 50 centigrammes en injection intraveineuse suffit pour amener la 
mort avec des convulsions tétaniformes; immédiatement après on excite le 
nerf sciatique et on a: 


Tension 2 — 1 = Ÿ 
_ MP Oo? 
— DE 206 0112 


4° expérience, du 19 décembre, faite sur un chien de 12kg,100, température 
rectale, 38,4: de 9 h. 55 à 11 heures on injecte sous la peau 84 grammes de 
sulfocyanure; à 11 h.5, de nouveau 12 grammes ; à11 h. 15, température rectale, 
98 degrés, salivation abondante, gémissements; à midi 30, température rectaile, 
312 ; à 2 heures de l'après-midi, injection sous-cutanée de 20 grammes du 
même toxique (en tout 116 grammes c’est-à-dire 95r,60 par kilogramme); 2 h. 1/2, 
R— 12 à 13 par minute; plus d’agitation, demi-somnolence, respiration lente et 
calme ; 3 h. 10, température rectale, 35°,7. 

A3 h. 1/2, R — 18; pendant l’assoupissement, quelques petites secousses dans 
les muscles du cou. A 3 h. 40, l'animal est pris d’une convulsion tonique téta- 
niforme et succombe à 3 h. 43. Immédiatement après la mort on excite le-nerf 
sciatique : 


Tension 3 — 11 — 8 force musculaire. 
— DID 19 —- 

La force physiologique était de 9 : il est donc ainsi exactement prouvé que 
la force n’a pas été modifiée. 


B. — Nitrate de plomb. 


Première expérience, du 15 décembre, sur un chien de 14kg,900, ayant une 
température normale de 38°,3; de 10h. 40 à 11h. 22, on injecte peu à peu 
21 grammes de nitrate de plomb sous la peau; de 11 h. 22 à midi 35, injection 
sous-cutanéef de 70 grammes du même sel; température rectale, 37°,1 (en tout 
91 grammes); midi 40, injection intraveineuse de 1 gramme de ce toxique; 
immédiatement accélération des mouvements respiratoires, puis arrêt. On ex- 
cite le sciatique. 


742 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


A12h./44, tension 3 — 131/2 —  10kg,1/2 comme force musculaire. 
42h. 45 = 4192— 12192 — 11 kil. 
12h. 50  — 2. — 43 SpA Il 


2e expérience, du 17 septembre, sur un chien pesant 10k,200 : température 
rectale, 38 degrés ; force musculaire normale, 10. De 10 h. 30 à 11 h.5, injection | 
sous-cutanée de 50 grammes de nitrate, température rectale, 37°,8 ; de 11 h.10 
à 11 h. 25 on injecte 2 grammes du même sel dans la saphène ; de 11 h. 25 à | 
midi 10, on injecte dans la veine 25r,30, la respiration se ralentit, présente des 
arrêts, puis reprend pour s’arrêter définitivement à midi 16. 


A midi 17, on excite le sciatique : Tension 2 — 1112 — 91 
midi 25 — 2 — 13 =" MIPRIT 
midi 39 -- 3 — 11 = HOMO 
midi 45 — 212 — 9 —"  6kg1/2, 
midi 53 — 0 — 0 — 


L’excitabilité a donc été efficace pendant 37 minutes; la force musculaire 
après la mort était normale. 


C. — Chlorure de baryum. 


Première expérience, du 11 décembre, sur un chien de 8k£,800 : température 
rectale, 38°,95, force normale, 7 kilogrammes; de 10 heures à 10 h. 45, oninjecte 
sous la peau 58r,50 de chlorure de baryum : cris violents survenant par accès, 
agitation, salive abondante, nausées et vomissement, diarrhée, température r'ec- 
tale, 37°,9. À 10 h. 55, arrêts respiratoires; 11 heures, température rectale, 
31 degrés. 11 h. 5, quelques secousses musculaires; à 11 h. 10, dernier arrêt 
respiratoire, le cœur battant encore. 


À 11 h. 12, on excite le sciatique : Tension 2 8 Mb 
11 h. 18 — — —- 22 NON AE 
11 h. 25 — — — DNS VTC 
11 h.55 -- — — ro M) 
11h. 50 — — — (| ET 1) 


L’excitation a été efficace pendant au moins vingt-cinq minutes. 


D. — Vératrine. 


Expérience du 10 décembre, sur un chien de 15 kilogrammes, température 
rectale, 38,7; force musculaire normale, 10kg,1/2. A 11 h. 15, injection sous- 
cutanée de # centigrammes de vératrine; de 11 h. 20 à 11 h. 40, injection de 

‘9 centigrammes ; (salive et défécation, légère diarrhée ; de 11 h. 40 à midi, in- 


SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE. | 143 


jection de 4 centigrammes: nausées, vomissements bilieux, température rectale, 
38°,1, état nauséeux de midi à midi 20, injection de 31 centigrammes (en tout 
44 centigrammes). 

Mort à midi 30, avec une température de 39°2, 

L’excitation du sciatique à midi 35 donne : 


Tension 2 — 1112 — 9kg,1/2 
A midi45 — 212 — 11192 — 9 
1 heure — 0 — 0 — (1) 


Après la mort la force musculaire était donc à peu près normale. 


E. — Venin du crapaud commun. 


Expérience du 16 décembre, sur un chien de moyenne taille : température 
rectale, 383 ; force musculaire normale, 14 kilogrammes. A 11 h. 30 on injecte 
lentement dans Ja saphène du venin de crapaud datant de 1857, en solution 
dans l’eau tiède; pendant l’injection l’animal s’agite, pousse des cris, accélère 
sa respiration. À 11 h. 50, température rectale, 38°,2; quelques minutes après la 
fin de l’injection, l’animal succombe. 


A 11 h.5f, on excite le sciatique : Tension 3 ROUEN 182 
11 h. 55 — — — 21/2 — 16 —1 199, 


La force musculaire n’a donc pas sensiblement varié. 


Durée de l'efficacité de l’excitabilité neuro-musculaire après une section 
du bulbe. 


Expérience du 24 décembre sur un chien de 9 kilogrammes. Section du bulbe 


11h17. 
Excitation du sciatipue et mesure de la force musculaire. 


A (4 h. 21, tension 1 4012410942 
41 h. 23 — 2 O2 AM? 
41 h. 39 — 24/2 — 15 — 12412 
11 h. 45 — 212 — 8 — 194) 


{1 h. 50 L’excitation du nerf détermine encore la contraction muscu- 
l aire; mais celle-ci n’est pas efficace pour agir sur le dynamomètre : l’aiguille 
accuse à peine 1/4 de kilogramme. 


La conclusion de toutes ces expériences s’impose : tous ces poisons, re- 
gardés comme des toxiques agissant pour atténuer ou éteindre la force mus- 
culaire, n’ont pas, dans l’empoisonnement aigu, une action nette sur cette 


force musculaire, mesurée au dynamomètre. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, vue Mignon, 2, Paris. 


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145 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE (884 


Présidence de M. François-Franck, vice-président. 


PRÉSENTATION D'OUVRAGE. MorT DE Louis Coury. 
Note de M. A. n’ArsonvaL (1). 


Messieurs, en déposant sur le bureau de la Société le présent volume 
intitulé : Ébauches sociologiques, le Brésil en 1884, j'ai le profond chagrin 
de vous annoncer la mort de son auteur, M. le docteur Louis Couty, pro- 
fesseur à l’École polytechnique et au Muséum de Rio-de-Janeiro. Cest une 
perte que je ressens cruellement, et la Société tout entière s’associera, j'en 
suis certain, aux regrets que je manifeste, car elle perd en Couty un de ses 
correspondants les plus éminents. Notre infortuné collègue est mort le 
23 novembre dernier à Rio, à l’âge de trente ans, en pleine production 
scientifique, épuisé, on peut le dire, par le labeur incessant et surhumain 
qu'il s'était imposé. 

Fils d’un pauvre instituteur limousin qui avait eu l’honneur d’être 
proscrit par l’Empire, Louis Couty devait tout à son intelligence et au 
travail. 

En 1872, il rentrait comme interne à l’hôpital de Limoges. C’est là où je 
lai connu et où se sont établis entre nous ces liens d’étroite amitié que la 
mort seule pouvait rompre. En 1874, il est nommé sixième sur quatre cents 
candidats au Val-de-Grâce. 

En 1875, à l’âge de vingtans, il est reçu docteur en médecine de la Faculté 
de Paris et sa thèse inaugurale est couronnée. En 1876, il est nommé chef 
de clinique au Val-de-Grâce, il en sort le deuxième en 1877, et enfin en 1878, 
il est nommé au concours agrégé à la Faculté de médecine de Lyon; il 
n'avait pas encore vingt-quatre ans. Aussi généreux qu’il était intelligent, 
notre collègue, pour venir en aide à sa famille, accepta, non sans regrets, 
les propositions avantageuses qui lui étaient faites par le gouvernement 
brésilien. Depuis six ans, il était à Rio-de-Janeiro, tenant haut et ferme le 
drapeau de la science française. Un de ses collègues, M. Gorceix, vous 
dira dans la Revue scientifique ce que Couty a fait pour le Brésil. Chargé 


(1) Communication faite à la séance du 20 décembre 1884. 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS, — 8° Série, T. 1°, N° 44. 28 


746 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


par le gouvernement brésilien d’une mission importante, notre collègue 
était attendu ces jours derniers en France, où il amenait la jeune compagne 
qu'il s'était choisie depuis un an à peine. 

Nous attendions impatiemment son arrivée par le paquebot même qui 
nous apporte aujourd’hui la nouvelle de sa mort. 

L'œuvre scientifique de Couty est considérable par son étendue et sa 
variété, Tous ses travaux sont empreints de ce cachet d'originalité qui est 
propre aux intelligences d'élite. 

Les Bulletins de’ notre Société contiennent à eux seuls près de quarante 
Notes ou Mémoires sur des sujets nouveaux, qui lui ont été fournis par notre 
recretté collègue. Couty a publié à dix-neuf ans son premier travail scien- 
tifique, qui se rapporte à l'étude expérimentale de l’entrée de l'air dans les 
veines. 

Les Comptes rendus de l’Académie des sciences contiennent trente-quatre 
Notes de sa main. D’autres recueils scientifiques importants ont également 
tenu à honneur de publier les travaux de Couty; tels sont la Gazette 
hebdomadaire, les Archives de physiologie, la Fe scientifique, le journal 
l’Encéphale, la Revue d'hygiène, etc. 

Ses publications sociologiques comprennent plusieurs volumes ou bro- 
chures. Je cite au hasard : 

L’'Esclavage au Brési ; les Études expérimentales au Brésil ; le Maté et 
les conserves de viande ; l'Alimentation au Brésil ; Rapport sur la culture 
du café ; Étude de biologie industrielle, et enfin le Brésil en 1884, sa 
dernière publication. 

Pour resserrer les liens qui unissent la France au Brésil, Couty avait 
fondé récemment deux journaux, rédigés en langue française et en langue 
portugaise. 

D'un patriotisme ardent, il était l’âme de la colonie française au Brésil. 

Mais son œuvre la plus importante n’a pas vu le jour. C’est un grand 
ouvrage sur le cerveau, qui doit être entièrement écrit, et qui pourrait com- 
prendre 800 pages d'impression. 

Mon ami m'avait chargé de m’entendre avec un éditeur parisien pour sa 
publication. Le professeur Charpentier et moi avons reçu les confidences de 
cet esprit d'élite au sujet du plan et du contenu de cette publication. 

Il y a là un travail énorme que nous ne laisserons pas inutile. J'espère 
que nous pourrons avoir ce manuscrit, ainsi que les Notes scientifiques de 
notre ami commun. Nous devons à l’amitié, nous vous devons, Messieurs, 
ainsi qu’à la science, de ne pas laisser se perdre ces richesses ; nous ferons 
notre devoir. 


SÉANCE DU 271 DÉCEMBRE. 141 


ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DE LA COCAÏNE 
ET DE SES SELS. Deuxième Note, par M. J.-V. Laporpe (1). 


Dans une première communication (Comptes rendus du 29 novembre 1884), 
j'ai essayé de tracer le tableau général de l’action physiologique de la 
cocaïne et de ses sels, en insistant sur deux manifestations saillantes, 
essentielles de cette action, savoir : 1° l’analgésiation périphérique géné- 

ralisée, et d’une persistance exceptionnelle chez certains animaux, notam- 
ment chez la grenouille et chez le cobaye; 

2% L’hyperexcitabilité motrice excessive qui met les ms notamment 
le chien, dans un état de motilité incessante, irrésistible et irréfrénable, 
durant des heures entières. 

Aujourd’hui, et pour compléter cette étude générale, je me propose d’en- 
trer dans les détails de l’analyse expérimentale, en passant en revue les 
modifications imprimées par l’action de la substance aux principales fonc- 
tio ns, respiration, circulation, calorification, sécrétions, et en essayant de 
pénétrer le mode ou le mécanisme de son action physiologique, notam- 
ment en ce qui concerne la dissociation et le contraste si remarquables, 
entre les effets analgésiques et les effets d’excito-motricité ; en déterminant 
enfin les doses toxiques. 

Afin de limiter cette Note aux exigences de nos Comptes rendus, je résu- 
merai, autant que possible, les points essentiels de mes recherches. 


I. — FONCTIONS RESPIRATOIRE ET CIRCULATOIRE. 


L'action, soit simultanée et solidaire sur la respiration et sur le cœur, 
soit séparée et individuelle sur les mouvements respiratoires d’un côté, sur 
les mouvements du cœur de l’autre, se trouve exprimée dans les graphiques 
que je présente, tant à la phase purement physiologique, que dans la phase 
toxique. 

À doses fractionnées et successives de Î centigramme, chez le cobaye, on 
assiste à des modifications du fonctionnement respiratoire et cardiaque, 
s'exprimant par des alternatives d’augment et de dépression, d’agitation avec 
irrégularités, de calme et d’irrégularités passagers. 

Ce sont les phénomènes d’irrégularité, d’incohérence fonctionnelles qui 
dominent, ainsi que le démontrent bien nos deux premiers tableaux gra- 
phiques; et ces phénomènes s’accentuent à mesure que l’on approche de la 
période d’excitation motrice, et surtout de la période convulsive, dans 
laquelle les tracés prennent un caractère d’irrégularité, qui témoigne d’un 
trouble profond des fonctions respiratoire et circulatoire. 


(1) Communication faite dans la séance du 27 décembre {884. 


7148 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Les grands efforts respiratoires exprimés par l'amplitude relative des 
lignes du tracé, les intermittences et les arrêts marquent un état as- 
phyxique, qui précède et amène la mort, à la dose toxique. 

Lorsque cette dose est administrée d'emblée (en injection hypodermique) 
chez le même animal, par exemple 5 centigrammes, pour un poids de 
350 à 400 grammes, les modifications fonctionnelles dont il s’agit sont plus 
rapides, et partant plus saisissables dans leur ensemble, comme l'indique 
bien le tracé suivant, qui résume le tableau complet d’une intoxication par 
le chlorhydrate de cocaïne. 

On y voit, en effet, à la suite des lignes représentant la respiration nor- 
male, et le fonctionnement également normal du cœur, les modifications 
qui se produisent immédiatement après l'injection de la dose massive et toxi- 
que de la substance : ces modifications sont exprimées, surtout du côté de la 
respiration, d’abord par un ralentissement momentané, desirrégularités et 
des intermittences, que précèdent une accélération du rythme avec une 
certaine régularisation passagère. Puis, bientôt, au bout de huit à dix mi- 
nutes, survient la phase d’agitation où l’on voit les lignes du tracé prendre 
une amplitude relativement énorme, avec accélération, irrégularités crois- 

santes, grands efforts asphyxiques. Finalement une forte et rapide attaque 

convulsive, rappelant le strychnisme, se produit, très bien exprimée par la 
derniè-e ligne du graphique; la respiration s’arrête, et l’on voit, sur le tracé, 
le cœur continuer encore pendant une minute et ibn ses pulsations régu- 
* lières, mais faibles et espacées. 

Le mécanisme de la mort paraît donc être un mécanisme asphyxique, à 
la suite de phénomènes convulsifs, et les constatations nécropsiques directes 
s'accordent avec la réalité de ce processus : on trouve, en effet, à la surface 
des poumons des ecchymoses caractéristiques, soit ponctiformes, soit 


plus étendues, et le cœur est distendu en diastole, contenant du sang noir | 


dans ses cavités. 

Nous avons essayé de fixer aussi par des graphiques l’état du fonctionne- 
mentcardio-respiratoire chez le chien, qui est sous l'influence de la dose de 
cocaïne nécessaire pour produire les Danone si remarquables d’excito- 
motricité que j'ai signalés et décrits. On retrouve, en ce cas, expression 
craphique des irrégularités respiratoires, avec influence excitatrice et 
accélération, qui semblent caractériser cette phase d’action de la substance. 
Cette expression répond, d’ailleurs, à l’état d’anhélation de l’animal, à la 
suite de sa course incessante el irrésistible. 

Les mêmes modifications fonctionnelles se produisent et s’observent dans 
les mêmes conditions expérimentales sur le lapin, à la différence près des 
doses supérieures exigées pour la taille et le poids de lanimal, doses 
variant de 15 à 29 centimètres cubes (en injection hypodermique) pour le 
poids de 1K5,500 à 2k6,500. 

Mais, chez le lapin, à part les phénomènes généralisés d’hyperexcitabilité 
réflexe qui dominent et aboutissent rapidement à la période convulsive, avec 


14 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 149 


dilatation pupillaire excessive, troubles cardio-respiratoires de l'asphyxie, 
etc., on observe une anémiation remarquable et constante des vaisseaux auri- 
culaires. Cette constatation n’est pas sans importance pour l'interprétation du 
mécanisme de l’action de la substance. 


PRESSION SANGUINE. — Je rapprocherai des résultats qui précèdent ceux 
qui concernent l'influence de la cocaïne sur la pression sanguine. 

Il résulte des recherches précises faites à l’aide du double manomètre de 
Franck, qu’à la dose de 10 centigrammes de chlorhydrate ou debromhydrate 
de cocaïne introduit en injection intraveineuse, sur un chien du poids 
moyen de 12 kilogrammes, la pression s'élève d’une quantité double en 
moyenne de la pression initiale, tant dans le bout central ou cardiaque de la 
carotide,que dans le bout périphérique. Cette élévation se produit rapidement, 
puisqu'elle commence pendant l’introduction même de la substance,etaussitôt 
que la moitié de la dose (5 centigrammes) a été injectée; elle se maintient 
et peut même être accrue sensiblement de nouveau, par l’introduction de 
nouvelles doses fractionnées de 3 à 5 centigrammes ; nous n’avons pas ob- 
servé, dans ces conditions, comme l’a fait M. le professeur Vulpian, dans ses 
expériences sur le même sujet (Comptes rendus de l’Académie des sciences 
du 24 novembre 1884), un abaissement préalable et momentané de la pres- 
sion, ce qui tient peut-être à ce que nous agissions sur un animal non cura- 
risé; mais nos résultats s'accordent relativement à l’élevation constante et 
très marquée de la pression intra-artérielle, qui semble caractériser, de ce 
côté fonctionnel, l’action de la cocaïne. 

Au moment de cetteélévation et pendant sa durée constante, les oscilla- 
tions de l'inscription manométrique, traduisant les pulsations cardiaques, 
subissent une variation très sensible, consistant en un ralentissement avec 
augmentation de l’amplitude, qui porte aussi manifestement sur les oscilla- 
tions respiratoires. 

La ligne du graphique traduisant la pression dans le bout périphérique 
de l’artère, suitassez exactement, dans ses oscillations, les variations données 
par le bout central, et il semble que ces variations soient surtout sous l’in- 
fluence des modifications imprimées au fonctionnement du moteur central, 
c’est-à-dire du cœur. À 


État de l’excitabilité du pneumogastrique. — Dans cette étude hémo- 
manométrique avec inscription graphique, où nous avons été efficacement 
secondé par notre préparateur M. E. Gley, nous avons cherché à apprécier 
l’état d’excitabilité du bout cardiaque du pneumogastrique, sous l'influence 
d’une dose suffisamment élevée de bromhydrate de cocaïne : 10 centimètres 
cubes de la solution au 1/100. 

Or la grande diminution des oscillations oc combinée avec l’aug- 
mentation presque doublée de leur amplitude, a témoigné en ce cas, non seule- 
ment de la persistance de l’excitabilité motrice du pneumogastrique, mais 


750 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


encore, d’après la comparaison avec l'effet initial du courant excilateur 
témoin, d’une augmentation de cette excitabilité. 

Ce résultat semble concorder avec l'observation des phénomènes si re- 
marquables d’'hyperexcitabilité motrice généralisée, et nous aurons bientôt à 
le rapprocher des effets locaux que nous allons constater sur la fonction 
motrice d’un nerf mixte ordinaire. 

Pour compléter observation des modifications fonctionnelles du côté des 
phénomènes mécaniques respiratoires et cardio-musculaires, il me reste à 
signaler ce fait, que je ne fais qu'énoncer : 

C’est que chez la grenouille, les mouvements du flanc etles mouvements de 
déglutition sont rapidement suspendus, sous l'influence de la cocaïne, tandis 
que le cœur continue à battre dans l’état même de mort apparente, à la dose 
toxique d’emblée (1/2 à 1 centimètre cube de la solution de l’un des sels 
au 1/100), mais alors avec une lenteur progressive, et des modifications que 
l'étude cardiographique directe montre être des modifications consécutives 
avec effets de collapsus paralytique et d’épuisement fonctionnel. 

L'arrêt définitif du cœur se fait d'ordinaire en dilatation passive des 
cavités avec accumulation de sang noir. C’est le même processus fondamen- 
tal que chez le cobaye. 


IT. — TEMPÉRATURE. 


Les modifications de la température générale et centrale sont des plus 
remarquables. 

Chez l’un de nos chiens, auquel il suffit d’administrer en injection sous- 
cutanée de 5 à 6 centigrammes de chlorhydrate ou de bromhydrate de | 
cocaïne pour déterminer une hyperexcitabilité motrice excessive, la tem- 
pérature initiale du rectum (thermomètre bien maintenu enfoncé), étant 
39 degrés centigrades, monte dans l’espace de vingt-cinq à trente minutes, 
en pleine période de mouvement et de course irrésistibles et inces- 
sants, à 40°,95, c’est-à-dire qu’elle augmente de plus de 1 degré. 

Chez le cobaye au repos, soumis à l'influence d’une dose de 2 à 5 centi- 
grammes des mêmes sels de cocaïne, la montée de la température est sur- 
tout sensible (de 1/2 à 1 degré en moyenne) à la période convulsive. Mais 
elle baisse rapidement si la dose est toxique, et au moment où, à la suite des 
accès convulsiformes répétés, se prononcent les phénomènes asphyxiques 
et s'arrête la respiration. ÿ 

Ces modifications thermiques sont bien en rapport avec les phénomènes 
d’hyperexcitation motrice sur lesquels nous insistons, comme étant les 
plus remarquables et les plus curieux de ceux qui appartiennent à l’action 
de la cocaïne; et il n’est pas téméraire, croyons-nous, d'attribuer cette élé- 
vation du taux thermique à une production momentanément exagérée de 
la chaleur engendrée par Panimal. 


SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE. 751 


1IL. — SÉCRÉTIONS. 


Les fonctions de secrétion, en général, ne paraissent pas recevoir de la 
cocaïne une influence marquée; seule la sécrétion salivaire semble subir 
une augmentation réelle. Nos constatations, à ce sujet, concordent parfai- 
tement avec celles de M. le professeur Vulpian. 

Quant à la sécrétion de l’urine, non seulement elle ne parait pas subir 
d’accroissement notable, mais elle est comme suspendue, et en tout cas, 
très diminuée, car elle n’est pas habituellement excrétée, même à la période 
d’excilation motrice. Chez le cobaye, nous n’avons guère vu la miction se 
faire qu'à la période asphyxique extrême ; et chez un chien ayant suc- 
combé en pleine période convulsivante et asphyxique, à l'administration 
d’une dose élevée et toxique (18 centigrammes en injection intraveineuse), 
la vessie, recueillie avec soin et avec ligature préalable de l’urèthre, a été 
trouvée rétractée, revenue sur elle-même et contenant à peine quelques 
gouttes d'urine. 

Cela nous a porté à présumer que l’urine ne devait pas être la princi- 
pale voie d'élimination de la cocaïne, et que, en tout cas, si cette élimina- 
tion avait lieu par cet émonctoire, ce devait être en très minime propor- 
tion. Cependant l’instillation réitérée dans l'œil d’un lapin de gouttes de 
l’urine rendue par un cobaye à la période asphyxique ultime de l’intoxica- 
tion par la cocaïne, a amené une mydriase manifeste et persistante, mais 
sans anesthésie réflexe caractérisée. Ce résultat indique des recherches à 
poursuivre à propos de l’élimination de la substance, non seulement du 
côté de l’urine, mais surtout du côté de la salive : c’est ce que nous som- 
mes en train de faire, tant au point de vue physiologique que chimique. 

Du côté de l’appareil biliaire, il ne semble pas y avoir non plus d’in- 
fluence hypersécrétoire notable, si ce n’est aux doses et à la période des 
accidents toxiques, où il se fait, mais alors consécutivement, une conges- 
tion hépatique intense avec écoulement biliaire abondant, dont témoignent 
et la distension de la vésicule, et la présence du liquide colorant dans la 
première portion de l'intestin grêle. 


IV. — DosE TOXIQUE. 


Les effets toxiques, mortels, de la cocaïne et de ses sels sont implicite- 
ment contenus et décrits dans ce qui précède. Nous ajouterons ici que, de 
même que chez le cobaye et chez le lapin, les effets convulsivants, avec vio- 
lentes décharges tétaniformes, se produisent chez le chien ;et que chez ce 
dernier, comme chez les précédents, le processus asphyxique avec suspen- 
sion de la respiration et persistance très momentanée des pulsations car- 
diaques considérablement ralenties et affaiblies, constitue et caractérise la 
phase terminale et mortelle. 


7152 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Il résulte de nos recherches que le chiffre de la dose toxique d'emblée, 
ramené à l’unité de poids de l’animal, est de 18 milligrammes, c’est-à-dire 
en nombre rond de À centigramme environ. 

On voit par là que la dose physiologique et thérapeutique peut être 
assez élevée chez l’homme. 


V. — MODE ET MÉCANISME PHYSIOLOGIQUES DE L'ACTION DE LA COCAINE. 


Sans vouloir, dès à présent, tirer de l’étude qui précède, une systémati- 
sation complète et définitive, relative au mode d'action physiologique de la 
cocaïne, nous croyons pouvoir à l’aide des DES que contient cette étude, 
faire au moins une tentative justifiée. 

Le fait assurément le plus important, le plus curieux, en tout cas, et qui 
domine l’étude physiologique de la cocaïne, c’est le contraste entre les 
phénomènes d’hyperexcitabilité neuro-musculaire et les phénomènes 
d’analgésie, c’est-à-dire d'atténuation et de perte momentanée et même per- 
sistante de la sensibilité perçue ou consciente; il y a là comme une dissocia- 
tion fonctionnelle, qui constitue, en apparence, un fait paradoxal. 

Toutefois, et à priori, le paradoxe est moins réel, et tend à disparaitre, 
lorsque évoquant des faits analogiques qui constituent, à cet égard, comme 
une loi de physiologie pathologique, l’on considère que rien n’est plus près 
des effets d’excitabilité fonctionnelle extrême que les effets d'atténuation ou 
de perte de la même fonction : témoin l’analgésie ou l’anesthésie succédant 
aux hyperalgies ou aux hyperesthésies, ou même coïncidant avec elles ; témoin 
encore les paralysie motrices succédant aux contractures ou coïncidant avec 
ces dernières. N'est-ce pas encore une loi physiologique, que les substances 
médicamenteuses ou toxiques, qui ont pour action dominante et définitive 
d’abaisser le taux d’une fonction, ou d’anéantir momentanément cette fonc- 
tion, commencent par l’exciter et même l’exalter ? 

Il ne paraît pas douteux que c’est par une influence directe, re 
nante et élective sur les éléments excito-moteurs centraux et périphériques 
du système nerveux, que la cocaïne produit, à la période d’état de son action 
physiologique, ses effets si remarquables d’hyperexcitabilité motrice. 

L'action sur les éléments centraux, myélétiques, et même bulbaires, à une 
certaine période, ne semble pas contestable, puisque les phénomènes en 
question aboutissent aux effets convulsivants les mieux caractérisés. Mais 
cette action porte aussi sur le système nerveux périphérique de l’innervation 
motrice, puisque, en plus de la persistance et de l’exagération des réflexes, 
nous avons cru dûment constater une surélévation de l’excitabilité motrice 
du nerf sciatique (chez le chien), et même, comme nous l'avons montré plus 
haut, du nerf vague. 

Mais n’y at-il pas aussi, surtout dans l’irrésistibilité de l'impulsion mo- 
trice, une participation des éléments psycho-moteurs de la sphère cérébrale? 
Nous sommes d'autant plus tenté de le croire que, à part les caractères et 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 199 


[a nature même du phénomène, les centres percepteurs cérébraux parais- 
sent, ainsi que nous allons le voir, jouer un rôle non douteux dans le mé- 
canisme physiologique de la production de l’analgésie. 

En effet, cette analgésie généralisée ne peut tenir qu’à deux causes, ou 
modifications fonctionnelles : ou bien au défaut de conductibilité centripète 
du nerf sensitif, — ou bien au défaut de perception de l'impression trans- 
mise. 

Or la conductibilité centripète est intacte, puisque le réflexe persiste, et de 
plus cette conductibilité persiste dans toute la hauteur du myélaxe, puisque 
le réflexe continue à se manifester sous des excitations suffisantes, dans toutes 
les régions motrices qui répondent au départ de cette excitation. C’est donc 
l'élaboration perceptive ou réceptive qui manque, en d’autres termes, l’éla- 
boration consciente qui constitue la sensation perçue, dont le témoignage 
chez l'animal est la manifestation douloureuse. On peut, et nous avons pu, 
chez le chien, pousser cette démonstration, pour ainsi dire, à l'extrême, en 
suscitant sur le bout central du nerf lui-même (sciatique), à l’aide d'un 
courant d’induction déterminé d'avance, en son action minima, des réactions 
généralisées, exclusivement réflexes, sans aboutir à la réaction consciente, 
douloureuse. C’est aussi dans cette condition expérimentale que nous 
avons, par contraste, observé une élévation marquée de l’excitation périphé- 
rique ou motrice du même nerf. 

Nous ne parlons ici, bien entendu, que des effets consécutifs à l'absorption 
générale de la substance, soit en injection sous-cutanée, soit surtout en 
injection intraveineuse; car les effets locaux, suite de l'application locale 
in situ, sont d’un autre ordre, en cesens que l’imprégnation des tissus, des 
éléments anatomiques, par la substance amènent des effets paralytiques 
beaucoup plus complets, et portant, à la fois, notamment chez lagrenouille,sur 
les éléments nerveux et musculaires : ainsi les muscles de la cuisse touchés 
directement par la solution au 1/100 de bromhydrate de cocaïne, en quantité 
suffisante (1/2 à 1 centimètre cube) nerépondent pas plus que le nerf, à un cer- 
tain moment, aux excitations électriques directes. Cela explique, très pro- 
bablement, l’action anesthésiante locale et superficielle de la cocaïne, sur 
certaines extrémités nerveuses très accessibles, comme celles de la peau ou 
de la conjonctive. 

Le tissu musculaire participe-t-il pour une certaine part à l’hyperexcita- 
bilité fonctionnelle en question ? Cela est possible; mais, pour préciser la 
réponse, il s’agit de faire des recherches directes, auxquelles nous n'avons 
pas encore pu nous livrer. 

Il nous suffira de rappeler ici que le mécanisme de la mort toxique est 
le processus asphyxique par arrêt des phénomènes mécaniques respira- 
toires, précédant l’arrêt du cœur. Ce processus est, par ses caractères 
physiologiques, de ceux qui ont leur point de départ dans une influence 
bulbaire. 


Reste à savoir si le sang reçoit lui-même, en ses éléments constitutifs, du 


7194 SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


contact et de l’action de la substance, quelques modifications, et quelles 
modifications : c’est un point qu’il appartient à des recherches ultérieures 
de déterminer. 

Bien qu’elle ne semble pas être prédominante, la participation du sym- 
pathique à certains effets fonctionnels de la cocaïne n’est pas douteuse: 
les phénomènes oculo-papillaires (mydriase), les phénomènes vaso-moteurs 
nettement indiqués par l’anémiation auriculaire du lapin, et par les mo- 
difications de la pression sanguine périphérique, sont autant de témoignages 
de cette participation. Nous y ajouterons les effets sur la contractilité des 
fibres intestinales s'exprimant par des défécations multiples, que nous 
avons bien observées sur le chien, à la suite de l'administration, en injec- 
tion intraveineuse, d’une dose voisine de la dose toxique. C’est aussi très 
probablement par son action excitante sur les fibres motrices du sympa- 
thique que la cocaïne produit les effets ci-dessus dans ce département du 
système nerveux. 

On pourrait dire, pour résumer en une formule de comparaison, et 
faire bien comprendre le mode d’action de la cocaïne, que cette action est 
le contraire de celle du curare, celui-ci frappant pour l’anéantir la con- 
ductibilité nerveuse motrice, et respectant, dans la suhordination des 
phénomènes, la conductibilité sensitive ; celle-là respectant et même exal- 
tant la propriété motrice périphérique et centrale, et s’attaquant, pour 
Vatténuer ou l’anéantir momentanément, à la sensibilité, mais de préfé- 
rence à la sensibilité perçue ou consciente. 

Il se pourrait, du reste, que dans ce contraste, que nous ne faisons qu’in- 
voquer ici comme simple moyen d’explication, il y eût le fond d’un véri- 
table antagonisme physiologique entre les deux substances. Nous nous pro- 
posons de poursuivre expérimentalement cette idée. 


Un mot en terminant sur quelques applications pratiques, dont l’indica- 
tion peut être puisée dans l’étude physiologique. 

L’action excito-motrice, neuro-musculaire, de la cocaïne, véritable action 
dynamogénique, et très probablement thermogène, indique son emploi effi- 
cace dans le cadre des maladies à collapsus paralytique, dans les amyo- 
trophies, dans les longues et difficiles convalescences, en un mot dans tout 
cas morbide où domine un état dépressif, atonique du système nerveux. 

Son action analgésiante, soit généralisée, soit localisée, pourra en faire, 
sans doute, un précieux médicament dans un grand nombre d’affections 
douloureuses, notamment dans les névralgies superficielles, contre les- 
quelles permettra d'agir directement la possibilité d’injecter sous les lissus 
sous-cutanés, sans crainte d'accidents, une assez haute dose (de 10 à 20 et 
25 centigrammes) de l’un des sels actifs de cocaïne. 

Un hasärd expérimental nous permet, à ce propos, de citer un résultat 
des plus encourageants relativement à l'emploi de la cocaïne dans les ma- 
ladies cutanées douloureuses ou prurigineuses, ou dans les simples der- 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 755 


malgies : Un de nos chiens, habituellement soumis à l'administration 
de l’un des sels de cocaïne, en injection sous-cutanée, pour en démontrer 
les effets excilo-moteurs, s’est trouvé être atteint de gale canine, et il se 
gratte constamment, dans l’état ordinaire. Mais, aussitôt qu'il est sous 
l'influence de la cocaïne, et en pleine période excito-motrice, avec un 
certain degré constant d’analgésie périphérique, il cesse complètement tout 
grattage; et la reprise de cet exercice obligé est, pour nous, le signe de 
l'épuisement prochain de la substance. 


Enfin, en ce qui concerne l’anesthésiation locale, notamment celle de la 
conjonctive oculaire, qui, on le sait, est toujours très superficielle et peu 
durable à la suite de simples instillations intrapalpébrales, il résulte d’un 
certain nombre d'essais qu’en injectant, sous la conjonctive scléroticale, à 
la partie supérieure, en arrière du globe oculaire, de 1/2 à À centigramme 
de chlorhydrate ou de bromhydrate de cocaïne, on obtient rapidement une 
insensibilisation complète, profonde, telle en un mot, qu’on peut piquer, 
tailler, couper dans l’œil entier, le presser, le malaxer, enfin l’extirper 
sans la moindre manifestation douloureuse, ni sensation quelconque de la 


part de l’animal. 


L’injection peut d’ailleurs être réalisée facilement sous un pli de la con- 
jonctive, sans incision préalable, comme l’a fait Koller, de la capsule de 
Tenon; elle ne provoque pas d’accident et ne laisse pas de trace, ainsi 
qu’en témoignent des lapins qui l'ont subie, et que nous avons conservés 
en respectant leurs veux. Nous signalons ce procédé aux ophthalmologistes, 
comme pouvant constituer et devenir une ressource précieuse dans les 
opérations profondes de lœil. 


NOTE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES POLYPES HYDRAIRES, 
par M. A. DE VARENNE. 


Les travaux de L. Agassiz, Hœckel, O. et R. Hertwig, Korotneff et 
d’autres encore, nous ont fait connaître le système nerveux chez des Cælen- 
térés voisins des Hydraires et chez les Méduses. M. Rouget a démontré l’exis- 
tence de cellules nerveuses et de plexus nerveux chez l’Hydre d’eau douce, 
et en Allemagne quelques auteurs ont décrit des cellules nerveuses dans 
les tentacules et dans leur voisinage chez des Hydraires marins. À part ces 
travaux, nous ne savons que fort peu de chose sur le système nerveux des 
Polypes Hydraires proprement dits. 

Voici les résultats des recherches que j'ai faites : 

En faisant des dissociations délicates, j'ai trouvé chez la Campanularia 
flezuosa, Y Hydratinia echinata, la Podocoryne carnea et la Clava mul- 


796 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ticornis un plexus, un réseau à mailles assez larges constitué par des cel- 
lules nerveuses le plus souvent bipolaires ou tripolaires. Ce réseau, qui 
existe non seulement dans les tentacules et dans l'individu nourricier, mais 
aussi dans tout le cœnosare, est situé au-dessous de l’ectoderme. Les pro- « 
longements des cellules nerveuses les relient les unes aux autres de façon à 
constituer un véritable plexus ou bien les mettent en rapport avec les « 
organes des sens d’une part et les fibrilles musculaires contractiles de l’ec- 
toderme d’autre part. 

Sur certaines préparations, on peut voir le schéma absolument réalisé du 
réflexe décrit dans tous les traités de physiologie. Une cellule nerveuse 
envoie un de ses prolongements polaires à une cellule tactile (palpocil ou 
nématociste) et par l’autre prolongement elle est en rapport avec une 
fibrille musculaire d’une cellule de l’ectoderme. 


SUR LA SEGMENTATION, LA CAVITÉ DE SEGMENTATION ET LES NOYAUX LIBRES 
DU JAUNE (ŒUF D'OISEAU), par M. Mathias Duvaz. 


Il n’y a pas, avant comme pendant la segmentation, de limite absolue entre 
le germe proprement dit et le vitellus blanc, pas plus qu'iln'y enaentrele © 
vitellus blanc et le vitellus jaune. On ne peut pas même, pour établir une 
distinction de ce genre, dire que tout ce qui prend part à la segmentation 
est le vitellus de formation (ou germe) et que ce qui n’y prend pas part est 
Je vitellus de nutrition, car, après que le blastoderme a été constitué, une 
segmentation secondaire se poursuit dans le reste du vitellus, sur le plancher 
et sur les bords de la cavité sous-germinale, et il nous est actuellement 
impossible de dire où s’arrête exactement cette segmentation secondaire. : 

La segmentation est excentrique, c’est-à-dire commence en un point qui 
ne correspond pas au centre du futur disque blastodermique (à l’axe du 
noyau de Pander), et elle se poursuit plus activement dans cette région 
excentrique où elle a commencé. 

Cette dernière remarque (position excentrique du point de début, et 
moindre volume des segments dans cette région, alors que la segmentation 
s’est étendue) a déjà élé très nettement formulée par Kælliker ; nous y ajou- 
ons seulement le complément suivant: ce point, où commence et où se 
poursuit plus activement la segmentation, correspond à la future région pos- 
térieure du blastoderme ; il est donc, dès le aébut, possible de reconnaitre 
quelle partie du germe correspondra à la région postérieure, quelle partie 
à la région antérieure de l’embryon. 

Pendant la segmentation, l’œuf d’oiseau présente, comme celui des verté- 
brés inférieurs, une véritable cavité de segmentation, affectant la forme de 
fente, souvent difficile à reconnaître, et qui marque dès lors la séparation 
de l’ectoderme d’avec les éléments sous-jacents. La constatation de cette cavité 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 7151 


de segmentation est très importante pour expliquer et confirmer le fait, du 
reste bien observé par nombre d’auteurs, de l'existence très précoce d’un 
feuillet externe bien défini: c’est pour n'avoir pas observé cette cavité ou 
fente, que récemment W. Wolff est venu remettre en question le mode de 
séparation et d’accroissement de ce feuillet externe (W. Wolff, Arch. für 
Mikroskop. Anat., 1882, t. XXI, p. 46). 

En progressant en profondeur au-dessous de la cavité de segmentation, la 
segmentation entame des couches de vitellus qui doivent être considérées 
comme du vitellus blanc ; puis, lorsqu'elle est arrivée à une certaine pro- 
fondeur dans ce vitellus blanc, elle semble s’arrêter ; mais en réalité il y a 
simplement modification de son processus, de son rythme, c’est-à-dire que 
les derniers sillons horizontaux, isolant les sphères de segmentation les plus 
profondes, formées en dernier lieu, confluent en une fente au-dessus de 
laquelle est une masse de sphères de segmentation (masse blastodermique 
proprement dite) et au-dessous une masse de vitellus parsemé de noyaux 
libres. Cette fente est la cavité sous-germinale, qui se produit d’arrière en 
avant, et qui est l’homologue de la cavité intestinale primitive de l’œuf des 
batraciens, c’est-à-dire représente la cavité d’invagination gastruléenne des 
vertébrés inférieurs. Chez les oiseaux, cette formation de la cavité gastru- 
léenne (cavité sous-germinale) se trouve donc ainsi intimement mêlée au 
phénomène de la segmentation, de sorte qu’il est arrivé qu’on a parfois 
donné, par abus de mots et contrairement à toutes les homologies, le nom 
de cavité de segmentation à la cavité sous-germinale (Dansky, Kostenitsh, 
W. Wolf). 

Après formation de la cavité sous-germinale, on trouve, dans le vitellus 
qui forme le plancher de cette cavité, de nombreux noyaux libres ; ces noyaux 
proviennent de noyaux qui, pendant la formation de la cavité sous-germi- 
nale, se sont divisés chacun en deux moitiés, dont l’une est restée dans 
l’une des sphères les plus profondes du blastoderme, dont l’autre est de- 
meurée dans le plancher de la cavité de segmentation. Autour de ces noyaux 
se produit dès lors une segmentation secondaire, d’abord très peu active, et 
donnant naissance à des éléments dont quelques-uns sont les homologues 
des globules du bouchon de Ecker chez les batraciens ; plus tard, cette 
segmentation secondaire devient très active, sur les bords du plancher de la 
cavité sous-germinale, pour donner lieu à une formation que nous appelons 
bourrelet entodermo-vitellin ; en même temps, en dehors de ce bourrelet, 
s’étend de plus en plus la zone de vitellus à noyaux libres, qui donne lieu 
à la production de l’entoderme vitellin. Voyez à cet égard notre Note sur 
l’entoderme vitellin (Comptes rendus de la Société de biologie, mai 1884), 
note qui, dans l’ordre naturel des faits, représente la suite de la présente 
communication. 

Pour insister ici spécialement sur ces noyaux libres du plancher de la 
cavité sous-germinale, nous dirons que leur importance, leur origine et leur 
signification ont été très diversement interprétées. C’est en somme Gaœtte 


158 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


qui, dans ses recherches relativement anciennes déjà, a fourni à cet égard 
les observations les plus précises et les vues les plus exactes. Comme nous, 
il considère chacun de ces noyaux comme provenant de la division d’un 
noyau primitif dont l’autre moitié est restée dans une sphère de segmentation 
du germe. Et en effet il n’est plus guère possible aujourd’hui d'admettre une 
formation nouvelle (spontanée) de noyaux dans le vitellus, surtout depuis 
que nous savons que, dans l'œuf de batracien à segmentation totale, la 
segmentation, très active au pôle supérieur, ne se poursuit que très lente- 
ment vers le pôle inférieur, et que cette lenteur dans la marche des sillons 
est en rapport avec le volume considérable des segments qu'ils circonseri- 
vent, de sorte que sur les gros œufs méroblastiques la segmentation doit 
devenir extrêmement lente à mesure qu’elle atteint la masse dite de vitellus 
nutritif. À ce moment il est donc tout naturel de trouver des noyaux libres 
dans les couches sous-jacentes aux zones complètement segmentées, c’est- 
à-dire, en un mot, au-dessous de la cavité de segmentation. Il ne faut pas 
oublier, du reste, qu’on trouve souvent deux et même quatre noyaux dans 
les gros segments des batraciens, ce qui, comme l’a fait remarquer Gætte, 
est en rapport avec ce fait bien connu que la division du noyau précède celle 
de la cellule, de sorte qu’en définitive le vitellus à noyau libre représente 
des parties où les noyaux se sont divisés, mais où le vitellus qui les entoure 
n'est pas encore segmenté. 


ACTION LOCALE DU CHLORHYDRATE DE COCAÏNE SUR LES FONCTIONS CÉRÉ- 
BRALES, par M. Aug. CHARPENTIER, professeur à la Faculté de Naney. 


L'action anesthésique locale du chlorhydrate de cocaïne sur les terminai- 
sons sensitives m'a donné l’idée de rechercher si cette même substance, 
portée au contact de la surface cérébrale mise à découvert, n’abolirait pas 
momentanément les fonctions du cerveau, de manière à pouvoir servir de 
base à une méthode générale d'étude de la physiologie de cet organe, con- 
sidéré soit dans son ensemble, soit dans quelques-unes de ses parties. 

L'expérience n’a pu être faite jusqu'ici que sur la grenouille, mais elle a 
répondu à mon attente. Le cerveau ayant été mis à nu sur cet animal, on 
attend que l’hémorrhagie soit arrêtée, puis on prend un petit fragment 
d’éponge ou de papier à filtre, imbibé d’une solution de chlorhydrate de 
cocaïne à 5 pour 100, et on le maintient pendant deux à trois minutes au 
contact de la surface des hémisphères cérébraux, en prenant soin de ne pas 
toucher les parties voisines. Au bout d’un temps très court, on voit 
l’animal rester complètement immobile dans l'attitude normale et ne plus 
faire de mouvement spontané. La respiration n’est pas modifiée, chose bien 
différente &e ce qui a lieu quand la substance est introduite dans la circula- 
tion. La sensibilité est intacte, et même plutôt légèrement augmentée; 


SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE. 159 


lorsqu'on presse un doigt de la patte antérieure, cette patte est retirée brus- 
quement et revient de suite dans la position primitive. De même pour la 
patte postérieure, qui réagit aussi par un seul et brusque mouvement aux 
excitations que l’on fait porter sur elle. Quand l'excitation est trop forte, il 
peut y avoir un saut, mais jamais suivi d’un second ; l’animal reste figé, 
pour ainsi dire, dans son attitude normale, qu’il ne quitte pas à moins d’une 
seconde excitation. Tout essai fait pour modifier cette attitude est combattu 
vigoureusement. Cherche-t-on à étendre l’une des pattes, elle est immédia- 
tement retirée et repliée avec force. Veut-on mettre la grenouille sur le 
dos, elle lutte, et se replace vivement sur le ventre dès qu’on cesse d’exercer 
l'effort nécessaire pour la maintenir. 

En un mot, l’on observe dans toute leur pureté les phénomènes classiques 
par lesquels Flourens, Vulpian, ont montré que les hémisphères cérébraux 
sont le siège de la volition. Mais ce qu'il y a d’important, c’est qu'on n’a 
plus à faire subir aux centres nerveux la plus petite mutilation, et que 
Panimal survit à l’expérience. La cocaïne exerce seulement une action sus- 
pensive sur le fonctionnement de la partie touchée. 

De plus, animal peut lui-même servir à la contre-expérience, car, au 
fur et à mesure que la cocaïne s’élimine de la substance cérébrale, les 
fonctions de cette dernière redeviennent progressivement normales. Au bout 
de trois ou quatre jours, le retour est complet, et l’expérience peut être 
recommencée. 

Pendant les quelques jours que met la cocaïne à s’éliminer et l’animal à 
reprendre sa liberté d’allures ou, comme ondit, sa spontanéité, on n’observe 
d'autre phénomène secondaire qu’une très légère diminution de la sensibilité 
ou peut-être seulement de la puissance réflexe ; quant à la respiration et à 
la circulation, elles ne sont pas autrement troublées. 

Ces faits, qui seront répétés dans des conditions variées sur des animaux 
à sang chaud, montrent que l’on pourra abolir le fonctionnement de tout ou 
partie du cerveau, dont on étudiera les propriétés sans autre trouble secon- 
daire. Cette méthode devra servir à résoudre définitivement plusieurs 
questions de physiologie cérébrale, telles que celle des points appelés 
psycho-moteurs, celle de l’excitabilité de la substance grise, etc. (1). 

Jajoute que le contact de la cocaïne en solution assez concentrée affecte 
également et temporairement l’excitabilité du nerf moteur, du muscle, et en 
général de tout protoplasma, comme je l’ai indiqué le 24 décembre dernier 
à la Société de médecine de Nancy et comme je le développerai dans une 
prochaine Note. 


(1) M. François-Franck, dans une précédente séance, a déjà exposé les résultats 
des expériences qu’il poursuit sur les mammifères, en appliquant localement les 
sels de cocaïne sur la zone motrice et en en circonscrivant l’action à l’aide d’un 
dispositif spécial. Il à annoncé que jusqu'ici il n’avait point obtenu de modifica- 
tions de l’excitabilité corticale ; mais, se réservant de donner de plus amples 
détails quand ses recherches auraient été suffisamment répétées, il n’a pas remis 


760 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


DE L'EXAMEN SPECTROSCOPIQUE COMPARATIF DE LA SURFACE SOUS-UNGUÉALE 
DANS LES DEUX POUCES, par M. À. HÉNOCQUE. 


J'emploie comme moyen de contrôle de appréciation de la durée de 
réduction de l’oxyhémoglobine, l’examen comparatif et simultané des deux 
pouces, placés l’un à côté de l’autre et examinés alternativement avec le 
spectroscope. 

En résumant les observations dans lesquelles j'ai netans l'examen des 
deux pouces l’un après l’autre ou en même temps, et quelques-unes d’entre 
elles remontent à plusieurs mois, je trouve les notations suivantes : sur dix- 
huit de ces observations, dans cinq cas la durée a été égale pour les 
deux pouces, dans sept cas il y a eu une différence de deux à cinq 
secondes, dans cinq cas une différence de dix secondes, dans un seul 
cas une différence de vingt secondes, et dans ce dernier fait j'avais noté que 
l'examen était très difficile à cause de la défectuosité de l'éclairage. IL 
résulte en outre de ces faits que la durée de la réduction a été plus longue 
dans le pouce droit, treize fois sur dix-huit, et deux fois seulement sur le 
pouce gauche ; or dans ces deux cas on avait fait la ligature du pouce gauche 
la première, et celle du droit dix secondes plus tard; c’est pourquoi en 
commençant par le pouce droit on atténuera la différence. 

En effet, si d’une part la durée est un peu plus longue dans le pouce 
droit parce qu’il est plus volumineux ordinairement, la durée de réduction 
dans le pouce gauche est un peu augmentée par le fait même de la ligature 
pratiquée antérieurement sur l’autre doigt ; telle est du moins l’hypothèse 
qui se présente, et je me réserve d’en vérifier l’exactitude par des observa- 
tions muitipliées. 

L'examen comparatif des deux pouces offre de grands avantages, mais 
plus on avancera dans la pratique de ces études et plus on reconnaîtra que 
le meilleur moyen de diminuer l’erreur personnelle est de procéder métho- 
diquement suivant les règles que j'ai déjà exposées. 

Des différences de quelques secondes sont insignifiantes ; si la différence 
de la durée relative dans les deux pouces dépasse dix secondes, il est utile 
de pratiquer plusieurs examens, surtout si les notations sont extrêmes, par 
exemple au-dessous de trente secondes ou au delà de quatre-vingts secondes. 
Le second examen devra être pratiqué au moins dix minutes après le 
premier afin d’éviter l’augmentation dans la durée de la réduction qui est 


constante lorsqu'on pratique deux ligatures à deux ou trois minutes d’inter- 
valle. 


de Note officielle. Les journaux qui rendent compte de la Société ont seuls 
indiqué les faits qu’il avait énoncés, et il n’est pas étonnant que M. Charpentier 
ait pu penser qu'il avait eu le premier l’idée d’appliquer à l’étude des fonctions 
cérébrales les propriétés anesthésiantes locales des sels de cocaïne. 

. (François-Franck.) 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 161 


SUR LA SPECTROSCOPIE DES TISSUS VIVANTS. Deuxième Note, 
par M. Albert RoBin. 


Nous avons adressé, M. Straus et moi, au procédé actuel de spectroscopie 
des tissus vivants, des objections qui nous paraissent subsister encore pour la 
plus grande partie, malgré la réponse de notre honorable collègue. En effet, 
nous n’avons jamais confondu la bande primitive du sang oxygéné avec la 
bande de l’hémoglobine réduite, ainsi qu’on peut s’en convaincre en lisant 
l'exposé de notre deuxième objection. Vierordi, d’ailleurs, avait parfaitement 
décrit cette bande diffuse de réduction. Quant aux limites des variations 
physiologiques chez les différents individus, nous persistons à déclarer 
qu’elles sont très étendues, puisque les observations les plus nombreuses de 
M. Hénocque varient entre 55 et 15 secondes, tandis que celles de Vierordt 
s'étendent de 75 à 150 secondes, et les nôtres de 30 à 110 secondes. 

Pour ce qui a trait aux autres divergences entre M. Hénocque et nous, 
celui-ci répond que nous étant placés dans des conditions expérimentales 
différentes des siennes, nos résultats sont difficilement comparables aux 
siens. Il recommande, en effet, l’examen de la surface unguéale du pouce, 
tandis que Vierordt, Filehne, et nous, avions observé la pulpe de l'index, du 
médius et de l’annulaire. 

Or, dans une nouvelle série d'expériences faites ces jours derniers sur la 
surface unguéale du pouce, j'ai obtenu les chiffres que je condense dans le 
tableau ci-dessous : à y 


SEXE ET AGE DOIGTS A B C D 


DES SUJETS OBSERVÉS Are oBSERV.|2® OBSERV.|3€ OBSERV. | 42 OBSERv. 


NUMÉROS 
DES 
EXPÉRIENCES 


Homme, 37 ans | pouce D 
1 heure pouce G 
4 heures pouce G 
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BIOLOGIE, COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T, 1°", N° 44. 59 


7162 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


L'expérience I donne des résultats assez concordants pour la première 
observation (A), puisque le maximum d'écart a été de 16 pour 100. 

Dans l'expérience IT, les écarts de la première observation (A) ont été de 
° et 38 pour 100. Ils se sont élevés à 20 et 18 pour 100 dans les expériences 
IIT et IV. 

D'un autre côté, les écarts entre la première et la deuxième observation 
(A et B) ont varié de 4 à 116 pour 100. 

En présence de ces résultats, nous maintenons les objections générales 
que nous avons formulées dans la dernière séance. 

L'idée de Vierordt mérite d'attirer sérieusement l'attention et peut 
conduire à d'importantes applications ; mais sa technique actuelle, même 
avec l’ingénieuse modification apportée par M. Hénocque, me semble encore 
trop indécise pour que les chiffres qu’elle fournit aient une indiscutable 
valeur. 


EXAMEN SPECTROSCOPIQUE DU SANG, PRATIQUÉ COMPARATIVEMENT 
DANS LES DEUX POUCES, par M. A. HÉNOCQUE. 


M. Hénocque a employé comme moyen de contrôle de l’appréciation de 
la durée de la réduction de l’hémoglobine, l’examen simultané des deux 
pouces. Dans dix-huit observations faites sur les deux pouces, il a constaté 
dans cinq cas une durée égale, dans sept cas une différence de deux à cinq 
secondes, dans cinq cas une différence de dix secondes et dans un seul eas, 
la différence a été de vingt secondes, mais l’éclairage était défavorable. 

La durée de la réduction est ordinairement plus longue dans le pouce. 
droit que dans le gauche, et elle varie d’ailléurs suivant qu'on a lié un. 
pouce l’un avant l’autre. M. Hénocque conclut de ses recherches que dans. 
l'examen simultané des deux pouces, des différences de zéro à cinq secondes! 
sont négligeables; lorsque la différence est de dix secondes, il est utile de, 
faire plusieurs examens si les notations sont extrêmes, sn. au-dessous de, 
trente secondes ou au delà de quatre-vingts ns. Enfin, lorsque la: 
différence est de vingt secondes, il existe une condition d’erreur nécessitant 
un nouvel examen, et celui-ci doit être pratiqué au moins dix minutes après, 
le précédent, afin d éviter l’augmentation de la durée de réduction qui est 
constante lorsqu'on pratique des ligatures consécutives. 


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(3e 
ET 


DC 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 163 


RECHERCHES DE CALORIMÉTRIE ANIMALE. Note de M. A. D'ARSONVAL. 


Dans une communication précédente (séance du 29 novembre 1884), j'ai 
décrit à la Société une nouvelle méthode de calorimétrie qui offre certains 
avantages de simplicité instrumentale, surtout en vue de son application 
à la calorimétrie humaine. Chaque fois qu’on introduit dans la science une 
nouvelle méthode, et surtout lorsqu'il s’agit d’une méthode de mesure, un 
devoir impérieux s'impose à l’expérimentateur : celui d'en contrôler préa- 
lablement l'exactitude. Ce que j'avais fait pour ma première méthode de 
calorimétrie (1), par compensation je l'ai répété pour la méthode par 
rayonnement en employant des moyens appropriés que je vais décrire 
brièvement. 

Pour que l'instrument soit exact, 0! faut et il suffit qu'il donne toujours 
la même indication quand on met dans son intérieur une source de cha- 
leur d'intensité constante, la température ambiante restant la même. 

Pour réaliser simplement une source de chaleur d'intensité constante, 
je place dans l’intérieur du calorimètre un ballon de verre à travers lequel 
circule un courant de vapeur d’eau qui en maintient les parois à une tem- 
pérature constante de 100 degrés centigrades. Ce ballon rayonne dans le 
calorimètre comme le ferait un animal et ne touche pas la paroi. 

Pour avoir une température ambiante également constante, j'opère dans 
une cave du Collège de France. 

Causes d'erreur de la méthode; leur suppression.— Dans ces conditions, 
et en employant le vase compensateur représenté en 5 dans ma Note du 


29 novembre, les causes d’erreur ne peuvent évidemment provenir, ni des 


variations thermométriques, ni des variations barométriques du milieu 
ambiant. 

Par conséquent, sile manomètre ne fournit pas toujours la même indica- 
tion, la cause d'erreur tient au calorimètre lui-même et ne peut provenir 
que d’une modification survenue dans son pouvoir émissif. 

C’est en effet ce qui a lieu quand on prend un calorimètre métallique, 
La hauteur du manomètre varie avec l’état de la surface extérieure du 
calorimètre, et aussi un peu ‘avec l’état de sa surface intérieure, toutes 
choses égales d'ailleurs. 

Les oscillations du manomètre sont considérables et peuvent varier de 
plus du double de leur valeur primitive. C’est là, on le comprend, une 
grosse cause d'erreur qui enlèverait toute valeur à la méthode, si l’on n’y 
pouvait porter remède. 

La cause en est très simple ; elle tient à l’altération des surfaces du calo- 
rimètre. On sait en effet que les métaux ternis rayonnent beaucoup plus que 
les métaux brillants, qui sont les corps doués du plus faible pouvoir émissif. 
Pour que l'instrument restàt comparable à lui-même, il faudrait par con- 


(1) Voyez la figure 123, p. 404, in Travaux du laboratoire de Marey, 1. N. 


7104 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


séquent que le degré de poli de sa surface restât toujours le même, ce qui 


est pratiquement impossible. Mais l'oxydation du métal n’est peut-être pas 
la cause d'erreur la plus importante : le dépôt de poussières sur le métal 
modifie encore plus son pouvoir émissif. : 

Pour éliminer cette double cause d’erreur, je couvre le calorimètre d’un 
enduit tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Celui qui m'a le mieux réussi est 
une simple couche de peinture à la céruse dont le pouvoir émissif est 
presque aussi grand que celui du noir de fumée. La poussière n’a plus 
alors d'influence, car elle rayonne à très peu près comme la céruse. 

Cette couche de peinture diminue la sensibilité de l'instrument, l'éléva- 
tion du manomètre étant d'autant plus grande, évidemment, pour une même 
source de chaleur, que l’instrument rayonne moins; mais c’est là un avan- 
tage au point de vue physiologique, car la température du milieu où est 
plongé l'animal se rapproche ainsi davantage de celle du milieu ambiant. 

D'ailleurs il est facile de rendre le manomètre 10, 20, 100 fois plus 
sensible même que ne l’est le manomètre à eau, en employant l’artifice 
imaginé par Kretz et Mondésir. Pour cela on termine chaque branche du 
manomètre par un renflement cylindrique ayant 10, 20, 100 fois la sec- 
tion du tube composant cette branche. On remplit alors l'instrument avec 
deux liquides non miscibles ayant des densités très voisines (eau colorée et 
pétrole par exemple), de façon que les niveaux arrivent à peu près au 
milieu des renflements du manomètre. Les liquides se superposent dans la 
petite section du manomètre, et on observe le mouvement de leur surface 


de séparation. Il est facile de voir qu'une démivellation d’un mullimètre. 
par exemple dans les renflements déplacera la surface de séparation des 
deux liquides de 10 centimètres dans le petit tube, si ce tube a une section 


400 fois moindre que celle des renflements, et dans l’hypothèse que les 
deux liquides ont sensiblement la même densité. 

En ne permettant ainsi à l’animal par cet artifice que d’échauffer très 
peu le milieu où il est enfermé, on se rapproche des conditions de ma pre- 
mière méthode et les indications de l’instrument sont rigoureusement 
proportionnelles. 

Il est préférable d'opérer toujours à la même température, d’abord 
parce que la température ambiante à une grande influence sur la pro- 
duction de la chaleur animale, ainsi que je lai montré dans une commu- 
nication antérieure (1), et secondement parce que les variations de la tem- 


pérature ambiante durant le cours d’une expérience en faussent complète=. 
ment les résultats, les corrections étant absolument illusoires, bien que 


très pénibles. | 
C’est pourquoi j'installe mon appareil dans une cave. On ne peut néan- 
moins réaliser toujours cette condition, qui compromet d’ailleurs parfois la 


santé de l’expérimentateur. Pour éviter cette correction, j’ai muni, comme 


(1) Comptes rendus de la Société de biologie, 1884, n° 43. 


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SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. | | 165 


on l’a vu, mon calorimètre d’un vase compensateur, qui le transforme en 
thermomètre différentiel. | 

Pour les variations lentes de température, ce vase compensateur peut 
avoir un volume quelconque, et être fait en verre ou en métal. J’ai reconnu 
depuis qu’il n’en est pas de même pour les variations brusques que l’on 
provoque par exemple en allumant un poêle dans la pièce où est le calori- 
mètre. Pour que le manomètre reste au repos, il faut que le vase compenñsa- 
teur soit identique au calorimètre ; ce qui se comprend aisément, puisque 
dans ces conditions la chaleur se transmet dans des conditions identiques 
à chaque réservoir du thermomètre différentiel. Cette disposition a d’ailleurs 
un autre avantage très précieux pour la physiologie : elle permet de com- 
parer simultanément les quantités de chaleur dégagées par deux animaux 
différents ou par les parties différentes d’un même animal (par exemple en 
enfermant un animal dans un des calorimètres et en le faisant respirer 
dans l’autre, on a immédiatement ce que j'appelle le coefficient de partage 
thermique, dont je parlerai plus bas). 

Une autre condition importante à remplir est de bien ventiler le calori- 
mètre; on a vu en effet par ma dernière communication combien l'acide 
carbonique modifie la thermogénèse. Le moyen de ventilation le plus simple 
est celui qui est figuré dans ma Note du 29 novembre; on en varie la dispo- 
sition suivant les circonstances. 

Comme calorimètre je donne la préférence au double cylindre couché 
horizontalement comme dans mon premier appareil. Dans le cas actuel 
il y à avantage à le faire en métal très mince; quand la cheminée d’appel 
est amorcée, la chaleur produite par l’animal suffit même pour entretenir 
le tirage et la ventilation. 

Ces différentes causes d’erreur étant successivement reconnues et écartées, 
la méthode manométrique différentielle de calorimétrie que je propose 
devient extrêmement simple et son exactitude est suffisante dans la plupart 
des cas. | 

Il me reste à réfuter certaines critiques indirectes qui lui ont été adres- 
sées par M. Richet, dans sa Note du 13 décembre 1884. Après avoir décrit 
le moyen de mesure qui constitue la principale différence entre nos deux 
méthodes, notre collègue éerit : « Ses avantages (de la méthode par écoule- 
ment) sont : la simplicité, la rapidité et enfin l’extrême sensibilité. Les ap- 


* pareils à manomètre ne peuvent évidemment, à aucun de ces points de 


vue, lui étre comparés.» D’après ce qu’on vient de lire, il est facile de 
voir que la méthode manométrique est aussi simple, aussi rapide et qu’elle 
peut être rendue plus sensible encore que la méthode à écoulement par 
l'emploi du manomètre à deux liquides. 

Elle constitue en outre une méthode calorimétrique traduisant assez 
exactement en calories la chaleur produite par un être vivant après les 
causes d'erreur que j'en ai successivement écartées. Ce résultat est impor- 
tant quand on veut comparer, comme je le fais, la méthode chimique à la 


766 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


méthode physique. Le calorimètre à siphon ne peut être qu’un caloriscope, 
puisque ses indications n’ont rien d’absolu, et qu’on doit d’ailleurs y ap- 
vorter de nombreuses corrections nécessitées par le manque de DOTOESE 
sation. 

La méthode manométrique a l’avantage également de fournir des indica- 
tions continues traduisant les phases de la thermogénèse, ce que ne peut 
faire la méthode par écoulement, qui ne peut rétrograder, ainsi d’ailleurs 
que le fait observer son auteur lui-même. 

Quant aux fpéienes relatées par M. Richet, elles sont en BERCNES 
d'accord avec celles que j’ai publiées antérieurement : 

1° Sur l'influence de la surface ; 

2 Sur l'influence du tégument; 

3° Sur l’influence des enduits et vernis appliqués sur Fi peau, et dont 
j'ai donné le résumé dans ma Note du 29 novembre. 


J'ai montré aussi qu'à égalité de poids, c’est-à-dire de surface, les 


mammifères et les oiseaux dégagent à peu près la même quantité de cha- 
leur (1); il y a même une légère infériorité du côté des oiseaux. M. Richet 
retrouve le même fait en comparant un lapin, une oïe et un chat sensible- 
ment de même poids (Joie pesait un peu plus que le chat et dégageait 
pourtant moins de chaleur). Mon collègue conclut que cette égalité dans la 
production tient 4 ce que en somme le tégument des oiseaux et le téqu- 
ment des mammifères sont également bons protecteurs de la chaleur 
interne. J'ai tiré de ce fait une conclusion précisément inverse, savoir que 
la plume protège mieux que le poil. Cela est évident, puisque les oiseaux, 
quoique plus chauds de 4 ou 5 degrés que lesmammifères, rayonnent pour- 
tant un peu moins de chaleur que ces derniers à égalité de surface. 


Influence du froid et des irritations cutanées sur la thermogénèse.— 
J'avais tenté ces expériences en 1882, surtout en vue d’étudier l’action de 
l’hydrothérapie. Ne pouvant opérer avec ma première méthode que sur des 
animaux de petite taille, j'ai l’intention de reprendre cette étude dans de 
meilleures conditions sur l’homme lui-même. Quoi qu'il en soit, voici 
quels sont les faits que j'avais observés alors : 

Un lapin pesant 1k5,950 est mis dansle calorimètre à 42 degrés, il dégage 
normalement 9 re à l’heure environ. Je le trempe rapidement et 


pendant quelques secondes seulement dans un bain d’eau glacée; l'animal 


est ensuite bien essuyé et reporté presque immédiatement dans le calori= 
mètre. 


Pendant un quart d'heure ou vingt minutes l’animal rayonne moins qu’à 


l’état normal (de 6 à 8 calories à l’heure). Après ce laps de temps là. 


thermogénèse augmente et monte graduellement à 120415 à l’heure, puis 
persiste pendant deux heures environ. 


(1) Voy. la figure 124, des Travaux du laboratoire de Marey, 1878-79. 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 767 
SSSR 
Le lendemain je répète la même expérience, mais en trempant dans 
‘eau glacée seulement les pattes postérieures : l’abaissement dans la pro- 
duction existe à peine au début, mais l'augmentation se montre comme 
ci-dessus et est tout aussi marquée et persistante. 

Pour éviter la cause d’erreur provenant de l’imbibition des poils, j'ai 
versé de l’éther sur le dos d’un lapin en activant l’évaporation par agita- 
tion de lVair. Dans ces conditions l’animal est resté fort longtemps à 
rayonner moins, et l'augmentation dans la production était à peine mar- 
quée au bout d’une heure. Le résultat est donc différent de celui obtenu 
par immersion dans l’eau glacée. Cette différence tenait-elle à l’action 
même de l’éther sur la peau, ou l’animal avait-il été en partie anesthésié? 
Je n’ai pas élucidé ce point. 

À un autre lapin en partie rasé, je donne sur le dos une douche de 
sable chaud projeté avec une grande violence par un courant d'air com- 
primé ; je constate après cette opération une augmentation considérable 
dans le rayonnement. Comptant les reprendre sur l’homme dans un éta- 


blissement d’hydrothérapie je n’avais pas poursuivi ces expériences qui 


m'avaient montré néanmoins que l’érritation d’un point limité du tégu- 
ment externe suffit pour troubler la calorification générale. Depuis cette 
époque, les belles expériences de M. Brown-Séquard sur les effets tout à 
fait inattendus produits par l’application locale sur la peau d'irritants 
divers ont considérablement agrandi le champ de ces recherches. Je me 
propose de les continuer au point de vue de la calorification quand mon 
maître sera de retour et pourra lui-même les diriger. 

Coefficient de partage thermique. — La chaleur cédée par l'animal au 
calorimètre provient de deux sources différentes, savoir : la peau et le pou- 
mon. La peau perd par rayonnement, par contact direct et par évapora- 
tion ; le poumon seulement par contact et par évaporation. 

J’appelle coefficient de partage thermique le rapport entre la quantité 
de chaleur perdue par le poumon et la quantité de chaleur perdue par la 
peau dans le même temps. 

On w’a jamais mesuré directement ce coefficient. J’ai entrepris l'étude 
de cette question qui m’a donné déjà des résultats très intéressants, que Je 
ferai connaître à la Société dans une prochaine communication. 


DANGERS DES GÉNÉRATEURS ÉLECTRO-MÉCANIQUES ET MOYEN DE LES ÉVITER. 
Note de M. À. D'ARSONVAL. 


L'emploi de plus en plus général des puissants générateurs électriques a 
causé plusieurs accidents ayant entraîné mort d'homme. Aussi cherche- 
t-on en ce moment à réglementer lPemploi de Pélectricité, et à déterminer 


7168 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


expérimentalement quelle est, pour le courant électrique, la tension et lin- 
tensité dangereuses. x 

Le problème ainsi posé est mal posé et n’est susceptible d'aucune solu- 
tion ainsi que la présente communication a pour objet de le montrer. 

Et d’abord, ce n’est pas en général quand le courant électrique a atteint 
un régime permanent qu'il est dangereux : presque toujours les accidents se 
produisent au moment de la rupture ou de l'établissement du circuit élec- 
trique. Dans ces conditions, c’est le corps de l’expérimentateur qui rétablit 
la continuité du circuit rompu pendant un temps plus ou moins long. Il 
est facile de montrer que, à ce moment, les dangers que court l'opérateur 
ne dépendent nullement de la tension et de l'intensité du courant primitif, 
comme on le croit généralement, mais se trouvent sous la dépendance d’un 
facteur tout autre, qu’on ne peut calculer par la seule connaissance de la 
tension et de l’intensité du courant primitif. 


Proposition [. — Une pile et une machine donnant dans un circuit rec- 
tiligne deux courants ayant même tension et même intensité n’offrent pas 
les mêmes dangers. 

En effet, si l’on rompt le circuit en un point quelconque, en tenant dans 
chaque main un bout de fil non isolé, on constate que, si la pile donne une 
faible secousse, la machine en donne une beaucoup plus considérable, qui 


peut même être mortelle en certains cas. À quoi tient cette différence? 


uniquement à ce fait que la pile, dans un circuit rectiligne, ne peut pas 
donner d’extra-courant, tandis que la machine, par le fait même de sa 
construction, en donne un dont la puissance varie avec la longueur et le 
mode d’enroulement de son circuit et aussi avec la quantité de fer qui forme 
sa carcasse. 


Le danger réside donc uniquement dans la puissance de l’extra-courant 


résultant de la self-induction du générateur d'électricité. 
De ces considérations très simples on déduit immédiatement les propo- 
sitions suivantes : 


Proposition II. — Deux machines donnant des courants ayant même 


intensité et même tension dans un circuit semblable peuvent étre inégale- 
ment dangereuses. 

Car leurs coefficients de self-induction et RE conséquent leurs extra- 
courants peuvent être différents. 


Proposition IT. — Un même courant non dangereux dans un circuit 
peut l’être dans un autre. 

Il suffit, en effet, de donner au circuit une self-induction par un moyen 
maleerae (par Paenestn d’un puissantélectro-aimant, par exemple). 

J'ai vérifié expérimentalement ces déductions de la théorie, en opérant 
sur des cobayes au moyen d’une machine Gramme de laboratoire et d’accu- 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE. 769 


mulateurs Gadot. La tension des courants employés a varié seulement de 
9 à 20 volts et l'intensité de 1 à 30 ampères. Malgré la faiblesse des moyens 
employés, j'ai néanmoins réussi à tuer des cobayes. On voit par con- 
séquent que, si l’on veut supprimer tout danger dans l’emploi de l'électricité, 
on arrive fatalement à cette conclusion absurde qu'il faut supprimer l’élec- 
tricité elle-même. 

J'ai cherché un remède à cet état de choses, en voici nn qui est abso- 
lument efficace dans tous les cas. Pour éviter tout danger, que faut-il en 
somme”? uniquement empêcher que l'extra-courant puisse passer par le 
corps de l’expérimentateur. Il n’y a pour cela qu'à lui ouvrir un passage 
beaucoup moins résistant que le corps humain. Pour atteindre le but, je 
place en dérivation sur les bornes de la machine une série de voltamètres à 
lames de plomb et à eau acidulée en nombre suffisant pour que leur résis- 
tance au passage, ou, plus exactement, leur force électro-motrice de pola- 
risation soit supérieure à la force électromotrice que la machine est capable 
de donner en marche normale. 

Cette dérivation est absolument infranchissable pour le courant dérect de 
la machine, mais il n’en est pas demême pour l’extra-courant, dontlatension 
est des milliers de fois plus considérable que celle du courant direct. Au 
moment de la rupture, l’extra-courant passe à travers les voltamètres, et le 
corps humain est absolument garanti. C’est là une méthode générale très 
simple pour la suppression des extra-courants. Elle est susceptible dans 
l’industrie d’applications nombreuses qui commencent déjà à se réaliser et 
que je n’ai pas à énumérer ici. J'ai voulu simplement donner à la Société 
la primeur de cette invention, à laquelle j'ai été amené surtout par des 
considérations d'ordre physiologique, montrant bien que toutes les sciences 
s’enchainent et marchent de plus en plus vers l’unité. 


SUR LA VIRULENCE DU BUBON QUI ACCOMPAGNE LE CHANCRE MOU, 
par M. Paul GIBIER. 


Dans le compte rendu de la dernière séance, rappelant les deux observa- 
tions que j'ai communiquées antérieurement, M. I. Straus a écrit ce qui 
suit : 

«.… M. P. Gibier nous a dit qu’en 1883 il a fait entrer dans le service de 
M. Cornil deux malades porteurs de chancres avec bubons suppurés. Le 
même jour, il inocule le pus de ces bubons, au moment de l'ouverture, et 
l’inoculation, dans les deux cas, aurait été positive. 

» Ces faits sont surprenants, étant donnée, de l’aveu de M. Ricord et de 
ses successeurs, la rareté de la virulence du bubon au moment de l’ouver- 
ture. En effet, dans toutes les inoculations, au nombre de plus de cinq cents 
que Ricord à pratiquées pendant six ans, de 1831 à 1837, sur deux cent 


710 SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


soixante et onze inoculations positives, quarante-deux fois seulement le pus 
se montra virulent le jour de l'ouverture du bubon. M. Gibier dispose ‘de 
deux bubons, qu’il ouvre le même jour, et dans les deux cas il tombe, sur 
la virulence initiale, si rare cependant ! » 

Je ne m’arrêterai pas à ce que cette argumentation présente d’insolite ; je 
veux seulement constater qu’elle ne renferme aucune objection scientifique 
et que par conséquent mes observations conservent toute leur valeur. 


PARASITES DE L'APTÉRIX, par M. JOANNES CHATIN. 


Je dois à l’obligeance de M. le docteur H. Filhol d’avoir pu étudier deux 
Helminthes trouvés dans lintestin de l’Apteryx. On sait que ce type 
(A. Mantelli) devient de plus en plus rare; négligée jusqu'ici, l’histoire de 
ses parasites offre donc d'autant plus d'intérêt qu’elle sera bientôt impos- 
sible à poursuivre. 

I. Ascaris Aplerycis Nob. — Long de 17 millimètres, cet Ascaride 
offre une coloration jaune des plus éclatantes, teinte rare chez un Néma- 
tode. 

La tête est entourée de trois lobules labiaux portant de petites saillies 
_papilloïdes. L’extrémité caudale est courte, faiblement conique. 

L’enveloppe musculo-cutanée présente la structure qui la caractérise 
chez les Vers du même groupe : sous une cuticule finement striée se succè- 
dent plusieurs plans musculaires dont l’ensemble forme une épaisseur assez 
considérable, aussi la cavité somatique est-elle fort réduite. 

Le tube digestif commence par un œsophage étroit dont le diamètre reste 
assez constamment uniforme; vient ensuite une région moyenne qui ne tarde 
pas à s’élargir, sans acquérir toutefois la valeur d’un bulbe gastrique; 
l'intestin se rétrécit progressivement vers sa terminaison. L’orifice anal se 
trouve en avant de l’extrémité caudale. 

L'appareil génital offre les dispositions caractéristiques du genre. À cet 
égard, l’Ascaris Apterycis ne saurait être mieux comparé qu'à l’ Ascari is 
eee Rud. 

IL Tœnia Apterycis Nob. — Cette espèce est représentée par deux 
exemplaires offrant sensiblement la même taille (11 millimètres). 

De couleur brunâtre, le strobile porteune « tête » dont l'étude est rendue 
d'autant plus difficile que cette région est presque complètement invagmée. 
En incisant avec soin les parties voisines, on parvient cependant à dégager 
le scolex et à constater que, dépourvu de erochets, il porte quatre ventouses 
symétriquement disposées. Observées sous un faible grossissement, ces 
ventouses se montrent finement crénelées sur leurs bords. 

Teintés en gris par un pigment assez abondant, les proglottis se recou- 


den tie ar Fe 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE, 771 


vrent légèrement et l’on reconnaît que leur taille s’amplifie rapidement à 
mesure qu’on les observe à une distance plus éloignée du scolex. 

Irrégulièrement alternes, les pores génitaux sont ovalaires et presque de 
même diamètre ; le cirrhe est cylindrique. 

Conservés dans l'alcool faible, ces Ténias ne peuvent être que difficile- 
ment étudiés au point de vue de leur constitution interne. Cependant en 
faisant usage du compresseur et en combinant la méthode des coupes avec 
l'emploi des réactifs colorants, on peut y reconnaître des dispositions assez 
semblables à celles qui caractérisent le Tænia pyriformis, dont le Tœnia 
Apterycis se différencie nettement par sa faille, la conformation de son 
scolex, l’absence de crochets, etc. 


ERRATUM. 


P. 739, au lieu de: dès 1864, M. Vulpian élève des doutes sur certains …; 
lisez : dès 1864, M. Vulpian le premier démontre que le sulfocyanure de 
potassium, les sels solubles de mercure, etc., agissent en altérant chimi- 
quement les muscles d’une façon directe, et non par l'intermédiaire de la 
circulation. En 1867, le même savant fait de nouvelles expériences et 
conclut dans le même sens. Enfin en 1875, dans ses leçons publiées dans 
l'École de médecine, p. 454, M. Vulpian résume comme il suit ses nom- 
breuses recherches : « On peut conclure des expériences faites à l’aide de ce 
sel (sulfocyanure) sur les Mammifères que, lorsqu'il est absorbé par ces 
animaux, il n’est pour eux ni un poison des muscles, ni un poison du cœur. » 


ÉLECTIONS DU BUREAU POUR L'ANNÉE 1889 : 


Vice-Présidents : MM. Haxor, D'ARSONVAL. 

Secrétaires annuels : MM. HENNEGUY, LARCHER, BLANCHARD, VIGNAL. 
Trésorier : M. J. CHATIN. 

Archiviste : M. E. Haroy. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. 


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TABLE DES MÉMOIRES 


LS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


AFANASSIEW. Méthode particulière de transfusion................. FRE SR edert 61 


ARSONVAL (D). Circulation abdominale, antagonisme du pneumo-gastrique et du 


SNMIDALMAUE eee te eee ee aan Ses crue SR en meer 101 
BERNHEIM. Guérison de troubles choréiques par suggestion hypnotique.............. 89 
 GALIPPE. Système dentaire du supplicié C.......... Re ne nee ee RSS RS 81 
Hyaves et GALrPpE. Système dentaire des Fuégiens............... STE SAOOR SEE AU) 
LABORDE et DUQUESNEL. Digitaline Josadec ronosdassiuois eo bete ob A sec 93 
PABOUPRENE NO lICe SURIDAVAIME Se se mere rene cemcitelecs Toit 4 
Pozzt. Bride masculine du vestibule.................. DR DU Se ete et Rep ol 
Roux (F.). Étude sur la nue, BR A RE RQNTE SA EMRTEUS. .E le -."2 33 
VIGIER. Sulfo-carbol, ses propriétés antiseptiques..... Se Re etes (ele de dire 53 


Augrau. Anesthésie obtenue à l’aide d’un mélange titré de chloroforme et d’air 
(Méthode de M. Paul Bert.).....:...... tee A ne ee 117 


0] 


Drvavesxez. De la cocaïne et de ses sels. Mode de préparation. — Caractères. 133 


FIN DE LA TABLE DES MÉMOIRES. 


Bi0LOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. 17. 60 


ALLO 


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CONTENUES 


DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES 


DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


PENDANT L'ANNÉE 1884 (1) 


A 

C. R. M. 
Abdominale (Circulation), par d’Arsonval (mém.).......,,.....,....,,.... » 110 
Absorption (Étude de l’) par les racines, par Regnard et Loye.............. 9934 » 
Acholie (Note pour servir à l’histoire de l’), par Hanot............. A et 336 » 
— pigmentaire, par Alb. Robin....................... Dodo bon onde ane 115 » 
Adonidine par Rasetti.n an ve deu die re da nn tata ete AU 481 » 
Adonis vernalis (Action physiologique de l’), par Lesage................ 419 » 

Albumine dans l'urine (Influence de faibles traces d’acide nitrique sur la re- 
cherche ded?)>#par AID /ROID APE AE LE CE MEME ler 13 » 
(Quelques réactions de L)HpanGrIMauX PEER EL AIN ENL RC MRNNE 393 » 
Albuminoïdes (Coagulation des matières), par Grimaux.................... 60 » 
Alcoolique (Expression graphique de la fermentation), par Regnard. 337 et 389 » 
Allantoïde (Vaisseaux de l’) du poulet, par Duval...........,.,... 20 PAUETE n 
PAHOCHbION, Pan Bert ec Eee Cru SNL an. DUAL SRE AE 591 » 
Amidon (Action de certaines substances organiques sur L’), par Regnard..... 130 » 

Anesthésie chloroformique (Application à l’homme de l’) par les mélanges 
fitrés, nor PME nat hours state ant Cao nier 7 » 
(ue rauiremethoded par PL Bert di de en cneee dents 9 » 
— dutympan et du conduit'auditif, par Gellé,...:.........:0/°2.. MC 278 » 
— rectale, par Dubois. 4.1. etre dd: SH RE AU RENE PASSENT 303 » 
— parila méthode! de Bert, par;Aubeau. 4,5. aie 24 euienlutsse na 396 » 
Animaux (Facultés intellectuelles des), par Thierry........................ 622 ) 
ÆAptérix (Parasites del); par:Ghatin,. 40h Budabie ani MONA ON 177 ) 
Arciformes (Fibres) superficielles du bulbe, par Féré.........,.. AA BEGU ME 648 » 
Arrêt (Phénomènes d’), par Beaunis....... AOC ÉADS TE CHENE SE 113 » 
Atropine (Action de l’) sur le système nerveux, par André................. 684 » 
— (Mode d’actionide l’), par Laborde.... Haut et Men Se Ci 31 » 
— (Mode d’actionide l’), 2° note, par! Laborde..,.....2eu4uRe Ur a An 56 » 
Audition des sons.en, contact, par Gellé.5. int enl 20e 40 ul ao Me 369 » 
Azote total de: l’urine,.par Henninger te. l, sumrun. s ot Mure dia 475 » 


(1) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (C. R.) et des Mé- 
moires (M.). 


716 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


B 

C.R. 
Bacïille de Koch dans la tuberculose calcifiée, par Déjerine............,,... 900 
Bilharzie (OEuts de la) par (Chatin ere re. -rere-rece-LLc 2-0 364 
Biliaires (Excitabilité des canaux), par Laborde........................... 318 
Binauriculaires (Synergies fonctionnelles), par Gellé...............,..... 244 
Bizzozero (Cellules de) dans le foie fœtal, par Laulanié.................... 597 
Branchies (Excrétion des carbonates par les), par Regnard................. 188 


Bubon (Sur la virulence du) qui accompagne le chancre mou, par Straus. 641 et 726 


C 

Gachalot (Cœur et larynx du), par Beauregard............................ 421 
Gadavres (Moyen simple de conserver les), par Philippeaux................ 215 

Galcaires (Prolifération de corpuscules) dans le tissu musculaire d’un cheval, 
EN No das dote bouton seb ten n0eo de 00 00 00 0 0 à 129 
Galorimétrie à siphon, par Richet.........,....... PR Ro « c 707 
animale pard ATSONVAl RES Lee e-c-eerrecre CLP UC 121 et 763 
Galorimétrique (Nouvelle méthode), par d’Arsonval...................... 651 
—(Nouvellemméthote) par Richet Fe rERTE EE EN ERCE CREER EMEENRE 655 
Gantharide (Développement du principe vésicant chez la), par Beauregard... 509 
- (Mœurs et développement de la}, par Beauregard. ..... MAO OA tac 484 
Garbonique (Puissance inhibitrice de l’acide), par Brown-Séquard......... 596 


Gérébrale (Effets de la destruction de l'écorce) sur les lapins, par Richet.... 248 
Cérébraux (Indépendance fonctionnelle des hémisphères), par Dumontpallier 


ELABÉTILION: Sahel share dater ipetes er de NN RONA EC ER N S 408 
Gerocoma Schreberi (Développement des), par Beauregard. ............... 907 
Gerveau (Action du) sur la température, par Richet. ............ 3 ANNE 209 
Chambre claire (Perfectionnement de la), par Malassez................... 510 
Chancres (Virus des) et bubons non syphilitiques, par Gibier.............. 715 
Gheval a cornes, par Thierry. 22h LE LE EAIR EN MORNNP ARE 608 
Ghloroforme (Conservation du), par Regnauld........................., .. 615 

— et chlorure de méthylène ; leurs caractères différentiels au point de vue phy- 

siologique, par Regnauld et Villejean ............,..................... 158 

— (Mécanisme de la mort ou des accidents succédant à l’injection sous-cuta- 
née) de) MparLabordere 24e ANR INR METIERS 271 

— (Non accumulation du) dans l’organisme après l’anesthésie complète, par 
ETES Neal ctelietonete a late etat at SMART AR A ERREURS 454 
— IMPUL PAT BEL: Re ee clans se aies cie sel e ee A M SE IT RAI CESSE 924 
Chloroformisation (Machine pour la) par la méthode de Bert, par R. Dubois. 400 
Gholéra (Altérations histologiques du foie dans le), par Hanot et Gilbert... 685 
— (Préparations microscopiques de), par Straus et Roux.................... 919 
Gholériques (Bactéries dans les viscères des), par Doyen.................. 718 

Ghoréiques (Guérison de troubles) par suggestion hypnotique, par Bernheim 

(mém.)....... D ARC PH DE DRE BAR Iad Le HbaN D ÉGEU boon d 20 #6 » 
Cinchonidine et cinchonine; leur action sur la circulation, par Bochefontaine. 425 
Ciseleurs en cuivre et horlogers, par, Burq.....24%101500% 40 ORNE 431 
Gocaïne et ses sels, par Laborde.:........:.4, 4462440000. 631, 645 et 747 

— (Action locale de la) sur les fonctions cérébrales, par Charpentier........, 158 
Cœur (Ralentissement des mouvements du) chez l’homme par une excitation 

douloureuse par Bloch. erreur emeneen ee .... 148 

Golchicine/cristallisée, parHoudé. "Le eee. choc -LueRe 218 


Colombine (Étude sur la), par F. Roux (mém.)..............,....,........ » 


M. 


TABLE DES MATIÈRES. 


Conduits de Müller (Fusion des) chez l’homme, par Tourneux et Wertheimer. 150 


Coubyt(Noticesun} Part ArSOnvale AA Re SNS RENTE 745 
Crustacés (Contributions à l’histoire du sang des), par Pouchet............. 141 
- Cuivre (Action du) sur les personnes en contact permanent avec ce métal, par 
Bochetontaine:-..:......2:..% Doccose 26 DEEE Dan DAC Rare nee ete JC LITE) 
— comme antagoniste du choléra, par Mégnin............................ 207 
Ie S can tures par GAlIpRO MER Rene reins ce 259 
Guivriers de Villedieu (Maladies épidémiques chez les), par Bochefontaine.. 13 
Gaprique (Préservation), par Bachefontaine ets. een... 437 
pnrare fACHON AU) par DAS SR er ne nie den osletaen les Fe Au 293 
A CA CÉLONRUU) 2 PATIONIMUSS 214 00 RE MR A En MAMAN Ut 3 330 
— (Action du) sur les cellules motrices, par Judée................,....,... 292 
— produisant l'arrêt systolique du cœur, par Bochefontainc................. 16 
D 
Davaine (Notice sur), par Laboulbène (mém.)..... SALAM ere NRA LUS RE » 
Démence alcoolique, par Mairet ............,.....,... Re 200 0RO BAD ... 465 
Dentaire (Système) du supplicié C..., par Galippe ee Jo Dee Sn Hu eee » 
Dents (Constitution des) à l’état sain . malade, par Galippe................ 289 
Déshydratation des tissus par le chloroforme, etc., par Dubois. ........... 582 
Diarrhée infantile (Microbes en bâtonnets de la), par Damaschino et Clado. . 676 
Diastases chez les poissons, par Alb. Robin:.............. sine HéTe ie © cho 14 
Diatomées (Sur le développement des), par Pouchet............,..:....... 270 
PHÉEUSTON IDAROGN ANNE EEE CEE A RER S A ET EI D 20 OS Pr dd 51 
Digitaline des hôpitaux de Paris, par Laborde. ...,......,...,..,.... te LMAOUO 
— par Laborde et Duquesnel (mém.)....... Ooo0ooa oc come onoasovos bocooce » 
Dualité chez les mammifères, par Philippeaux....................... 000 51.1 
Dynamogènes (Influences) réflexes dans des cas de suture des nerfs, par 
BrOWN=SÉAUART ARE. AA CLE MERE AS PAIE PROS D PRISE PR OT D EM 423 
E 
Biaculatenrs|(Nents) pan Remy 220 ete cn... Pcone loin 497 
Electro-magnétiques (Dangers des générateurs), par d’Arsonval.......... 767 
Endartérite des petites artères, par Lépine et Blanc........ AS Pate Déhe c 195 
Epicanta verticalis (Larve de l’), par Beauregard........................ 960 
—_ (remnere larve de l);-par Beauresardi ee... Hbc» 1) 
Epithéliales (Masses) dans le ligament alvéolo-dentaire, par Te HS bR ES 241 
Ether et aïr (Mélanges titrés d’), par P. Bert.....,.......... bodboc HN UL20 
Ethérisation et chloroformisation par la voie rectale, par Debierre.......... 257 
Eustache (Traitement du rétrécissement de la trompe d’) par l’électrolyse, par 
Gellé........ COMTE CEE PCR map A dore RE 145 
Excitabilité motrice et inhibitoire des régions occipitales et sphénoïdales de 
l'écorce cérébrale, par Brown-Séquard:..............,... 50600 bétodonest 301 
E 
Falciformes (Corpuscules) dans le pus de la plèvre, par Kunstler et Pitres... 522 
Fascination (État de) dans la série hypnotique, par Brémaud. ............ . 169 
Fécondation chez les végétaux, par Degagny .... ... AA AN MN MN SEE 681 


Fermentation (Expression graphique de la), par Regnard................. 611 


GC. R. 


1177 


M. 


118 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 
C.R. 
Figures d'anatomie remontant au quatorzième siècle, par Pouchet.,......... 312 
Fou de Bassan (Helminthe du), par Fourment................,...,........: 649 
Fuégiens (Système dentaire des), par Hyades et Galippe (mém.).…........... » 
G 
Galets dans l'estomat'des/otaries, parHabn.: °°"... PCR 4 
Gangrène symétrique des deux pieds, par Pitres et Vaillard......,......... 513 
H 
Henninger (Éloge de), par Grimaux. seau. ce sesecesses 0 0e ETC TUE 611 
Hermaphrodite (Pseudo-) mâle, par Pozzi...........,..,..,... PRE 3 - 42 
Holothuries (Système circulatoire des), par Petit.......................... 018 
Hybriditétcnez les animaux, pan MhIerny...--2. eee OCR 66 
Hydratation des "œufs à collier, Par) Dubois... 0... 2.0. CURE 926 
EYPROSCOpPE PAT OCHOTOMICZ ee eee eee ce ec LL CET 224 
Hypnotisme (Conditions favorables à la production de l’), par Brémaud.....…. 170 


Hypoglosse (Anastomose de l’) avec les nerfs cervicaux, par Wertheimer.... 589 


] 
Idéoplastie, par Ochorowicz. ......... ane SU a Le en FA SON DODEERE 409 
— (Fhéorie del); PA OChOTOWICZE APP EN A EEE CEE EEE REEE 456 
Incompatibilités et contre-indications médicamenteuses, par Rabuteau..... 1 
Inhibition de certaines puissances du bulbe et de la moelle, par Brown- 
RENE 16 A A A LA D 300 
— (Toutes les parties de l’encéphale peuvent déterminer des), par Brown- 

RS ME EC EL A pt A A  dn 320 
Intellectuel (Influence du travail) sur la température, par Gley............ 265 
Intercostaux (Action des muscles) externes et internes, par Laborde........ 305 

J 
Jaune (Microbe de la fièvre), par Rebourgeon........................... 613 : 
JéQUITICYA DAT HAT SA EEE PERRET NO CORRE R AC 135 et 168 
K 
Kairine (Action physiologique de la), par Brouardel et Loye................ 285 
— (Spectre d'absorption par le chlorhydrate de) sur le sang, par Quinquaud.. 315 
Kystes (Origine des) des mâchoires dits périostiques, par Magitot............ 232 
L 
Léthargie (Passage de la) au somnambulisme, par Brémaud. .............. 282 
Ligne primitive des poissons osseux, par Henneguy...................... 702 
Eocomotion\ de l'encéphale par Laborde. 20028 0 NME TUNER 380 
Lutidine du goudron de houille, par OEchsner de Coninck et Pinet.......... 64 
M 
Mâchoires (Origine des kystes des), par Magitot.......................... 173 


— (Pathogénie des kystes des), par Aguilhon de Sabran.......,,,.......... 184 


TABLE DES MATIÈRES. 119 

G.R. M. 

Magnétisme animal (Origine du mot), par Richet............... HD, 9 334 » 

Mammaire (Rapport entre les urines sucrées et la sécrétion), par de Sinéty. 9252 » 

Maxillaires (Pathogénie des kystes), par Malassez........................ 176 » 

Médullaires (Quelques fonctions) chez le chien, par Couty.............,... 225 x 

Méningite spinale postérieure et scléroses combinées, par Déjerine......... 539 » 

Métallothérapie et préservation cuprique, par Burg...:.................. 200 ) 
Métamorphose (Mouvements du cœur chez les insectes pendant la), par 

RunCkediHerCHAIS RC aeeeiee ee NNeNRREEARtUAN 483 » 
Micrococci de la pneumonie franche, par Afanassiew....,.......... ÉHioc 306 1 
Migraine, par Nicati et Robioles........... US A SU LR re AE ADER A 109 » 
Moelle (Développement des fibres blanches de la), par Vignal........... °... 609 » 
— épinière (Développement des cellules nerveuses de la), par Vignal......... 416 5 
— épinière (Formation de la substance grise embryon naire de la), par Vignal. 384 ) 
— épinière (Influence de la) sur le sang et la nutrition, par Quinquaud..... 341 » 
— épinière (Substance grise embryonnaire dela), par Vignal................ 382 » 
Moïs (Poison des), par Bochefontaine.................................... 132 » 
Moteurs (Altérations des nerfs) dans les paralysies oculaires tabétiques, par 

Déjerine-nerahe ae RTS ER RUNAUE. AIS UE EUR LS ASIE RON EE 570 » 
Musculaire (Contraction) provoquée par une percussion, par Bloch......... 576 » 
Musculaires (Action des poisons) sur les muscles, par Quinquaud.......... 139 °» 

N 
Névrites cutanées des tabétiques ; leur variabilité, par Déjerine.....,....... 405 » 
Névroglie (Développement des cellules de la), par Vignal............ entre 489 » 
Nitreuses (Danger de respirer des vapeurs), par Gréhant et Quinquaud....... 467 » 
Nautique) (Fausse), parPouchet RL encre 411 > 
(e) 
Oculo-papillaires (Topographie des appareils nerveux) et accélération. du 

CŒUL, PAT ETANCOIS-FrANnCKe eee ssesee ne Dovootoondoocoboodnoe 296 » 
Œil véritable chez les protozoaires, par Pouchet............................ 993 » 
Œstride (Tumeur causée par une larve d’), par Mégnin.................... 143 » 
Organisée (Action des liquides neutres sur la substance), par Dubois....... 317 ) 
Ostéo-périostite alvéolo-dentaire, par Malassez et Galippe................ . 921 » 
Oxygène (Inhalations d°’) dans l'atmosphère normale, par Quinquaud........ 687 » 
CAO HAL ONMMIUSEE eee ee a use tte ere ty oie ets etes A Dale den ne 607 et 638 

P 
Papilles foliées dans la langue des singes, par Boulart et Pilliet............ 626 » 
Paraidéhyde;-pir Bochefontaines Pts Ne RES TR ER 157 » 
DA D INQUAU TE AS ee are ele ele ele ete er cle le ose 1e lue) al afele ele Ne 00 Sa à 147 » 
SE CACtIOn NU 147: Dar” OUIMMAUd ee us eeaie ae miale soie ele ai lerele Sataie DU 0 0e 215 » 
— (Action de la) sur la calorification, etc., par Hénocque.................... 146 » 
Paralysies psychiques expérimentales (par suggestion), par Richer et Gilles 

de la Tourette.......... PM PAP CE EE SE 0 CHAODEÉE Ho bDA BE 198 » 
Parole (Persistance de la) dans le chant, etc., chez les aphasiques, par Brown- 

NÉ NT Le A AT ST ER Re Dee da e do ae aso.€ + à 9 256 » 
Peigne des oiseaux, par Duval et Réal......,...,... die ODA EEE 679 à 
Peptone de fibrine comme aliment, par Gréhant............... DR CE 467 » 

en JC IDTINE ENNÉSOIUTION Var! QUITQUAUTR ee en ae se ee olnie ete q 0 die aies 2e à 471 » 
— (Action anticoagulante des) sur le sang, par Gley....,....,......,.,.... 4$ » 


7180 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Perkinisme et métallothérapie, par Rabuteau.........., RO DR x 
Phosphorique (Élimination de l'acide), par Mairet................. 438 et 
— (Acide) et phosphore dans l'urine des épileptiques, par Lépine. ...... NE 
Placenta des oiseaux, par Duval..... Pots à st 
Placentaire (Communication) directe de la mère au fœtus, par Currie. 738 et 
Poissons (Tube digestif de quelques) de mer, par Pilliet...... Lens SCENE 
Polypes hydraires (Système nerveux des), par de Varenne............., Fatals y 
Pouls dans la fièvre typhoïde, par Parisot........ mis 18 jous ka lase date TS LL P LIENS 
Poussée exercée par l’homme sur le sol, par Chabry.................... ASE 
Pressions (Action des hautes) sur la fonction photogénique, par Dubois et 
Regnard sl eme eee Let RUN AR ACER 254 

— (Action des hautes) sur la vitalité de la levure et la fermentation, par Certes 
etACOChIN EE LPC ee DDUPT OU 17 COMICS 7 000 SOA DUAL ALTO . 

— Lésions produites sur les tissus animaux par les hautes), par Regnard et 
Mona ET EC CCC CCC LTÉE Coco H Do 0 6 SE SOIT TRE E 

— (Effet des hautes) sur les animaux marins, par Regnard 
— (Rigidité des muscles soumis aux très hautes), par Regnard............ 66 
— (Action des hautes) sur Ja vitalité des micro-organismes d’eau douce et 
d'eautde mer, (pariCertes- HR BC ARR PC ELT POELE RIRE Lt 

— (Action des hautes) sur quelques phénomènes vitaux, par Regnard 


Protoxyde d’azote (Anesthésie prolongée obteriue par le), par Aubeau...... 
Pulmonaire (Élasticité) par Laborde. 42... 20 CCC CURE Va 
— (Sur l'élasticité), par Bert... "00e DES pitio A RE DO Et 0 oc 
Pyrophores (Physiologie des), par Dubois...................... RE 2e 
— (Lumière des) ‘par Dubois et AUDERL RENE MEN MEN ER 
R . 
Rage (Recherches expérimentales sur la), par Gibier................ 102 et 
Régulation de la chaleur par la respiration, par Richet..... ........,.... 
Rétention d'urine; par QuiInquAnd AE CPR ARE MORE “A 
S 


Safranine (Coloration du système nerveux par la), par Adamkiewicz.. ....... 
Salicylique (Action de l’acide) sur la respiration, par Bochefontaine. ........ 
Sclérostoma armatum (Dégénérescence fibro-plastique du foie sous l’in- 


fluence du), par Mégnin................... RAA ARR Ge on 0 0 
Segmentation du jaune chez les oiseaux, par Duval...... Cocboodbanpoooac 
— Sans fécondation, par Duval..... J0ApU0 do 1160000008 poodooun OHorsonc Do 
Sensibilité cutanée et sens musculaire chez les hystéro-épileptiques, par 
MAÉ NIN Eee CEE AE Le nd lo Er feet care DOS 0 Afnonéonodnon. À 


Sensitif (Vitesse du courant nerveux), par Bloch........,..........,....... 
Septicémie (Micro-organisme d’une) observée chez l’homme et le mouton, 


par Decagny......... D9Ssoso0 euro did 0 0 Ga à 6 dOPHpogusa Ode iaondoegcoc 

— (Note sur une), par Charrin....... Dal Bppsogoicons DHOOSE TG INC 
Sialorrhée d’origine nerveuse, par Gilles de la Tourette et Bottey...-... Bob 
Sommeil (Recherches sur le), par Stassano.............. AOC BDA ASE co r 52 
Somnambulisme d’emblée, par Brémaud..... .....,..... CHE : Le 
DANIEL DAT RELEIELIBINE EE EE ECC CIE D d0 Rte PRE Edo 
— provoqué, par Beaunis ............. A ae A RE GARE OU DE e à de 
Spectroscopie des tissus vivants, par Robin et Straus.......... RTS 0 


Sort e eos ssroscoessetsee 


— des tissus vivants, par Robin...,,.,,,,.,,., 


TABLE DES MATIÈRES. 


Vie dans les profondeurs de la mer, par Regnard....,..................,,., 164 


181 
LU Rd on Rtaie Ce 
CRM 
Spectroscopique (Étude) du sang à la surface sous-unguéale du pouce, par 
Hénocque ...... ne nes dos hrete Je SE ae ion HSRHDEE 671 et 700 » 
— (Examen) du sang, par Hénocque......... DOBIDE OU He oc he ela9 » 
— (Examen) du sang sur les deux pouces, par Hénocque... ........... He MIO 
Spermatique (Renflement érectile terminal de l'artère), par Laulanié....... 624 ) 
Squelette cartilagineux primitif de la face, par Hervé............. ssl 62 » 
Stérilisation des liquides par la marmite de Papin, par Heydenreich........ 950 » 
Suc gastrique (Pénétration du) dans l’albumine coagulée dans l'estomac, par 
HEADER CAE PCR + CH ES BEA car Bandes rot 234 » 
Énsre delaiti(Origine-du) par Bert tnnesittcees is 2e SMRPMNENNO AE 99 8, 
Suggestions (Abolition des) à l'état de veille, par Brémaud................ TON 
— à l’état de veille, par Bernheim,.......... bec cooue OR NS A POUR UE DA) 
— à l’état de veille chez les hystériques, etc., par Bottoy.................... 171 » 
— dans l’état hypnotique, par Bernheim...........,.. NE NE EE RAS 516 » 
— magnétique, par Burqg.............................. SAR er tre 313 » 
mentale. Par RICHEL Re eee sereecce DORE TE DUO RENE Dacopo 369 » 
— mentale, par de Varigny. ..... RE SAR DR RER RE Xe ae 381 » 
SAIS TR YPUO NS MENMPATÉRICHEL- SERRE Eee sc eeoec-cee 551 et 553 » 
Sulfo-carbol, par Vigier (mém.).................... PARU ET eee au Din ES) 
Syphilis (Microbe de la), par Marcus et Tornéry........................... 472 nn 
T 
Tension de dissociation de l’eau des tissus, par Dubois......... PTS res 447 » 
Tétrachlorure de carbone, par Dastre....................,............. 231 » 
Thyroïdes (Extirpation des corps) des chiens, par Philippeaux............. 606 » 
Transfert chez les hypnotiques, par Féré et Binet...............,......... 447 » 
Transfusion (Méthode particulière de), par Afanassiew (mém.)............. JO 
Traumatique (Fièvre) nerveuse, par Ch. Richet.......................... 189 » 
Trichinées (Expériences sur les viandes) d’Amérique...................... 67 » 
Tuberculose (Pseudo-), du chien, par Laulanié........................... 658 » 
— et diphthérie des gallinacés, par Cornil et Mégnin.............,..,...... (HYERES 
U 
Urée (Distribution de l’), dans le sang, par Gréhant et Quinquaud........... 162 » 
— (Formation de l') pendant la digestion des aliments azotés, par Quinquaud. 559 » 
Uretère (Développement de l’) chez l'embryon de sarigue, par Tourneux..... 262 » 
Urines (Toxicité des) normales, par Bouchard.............................. 665 » 
Utérus (Développement de l’) et du vagin chez le fœtus humain, par Tourneux 
HE eo Rando noter cor ronsades de umIne leon once dt 46 » 
V 
Valériane comme topique, par Gréhant.................,..........,..., 552 » 
— (Décoction de) comme topique, par Arragon...............,............. 605 » 
— (Pansement des plaies par la racine de), par Arragon................. . M | » 
Veineuses (Méthode des injections intra), par Bouchard........... tasse 129 » 
Vésicules séminales du mara, par Duval et Hervé......................... ALU 
Vestibule (Bride masculine du), par Pozzi (mém.)........................ DO 


Vo blane, par Courtin....... ............ HART N HA LUE 
 Vitelline (Aire) du blastoderme du poulet, par M. Duval... SAT TRE 
Vulvo-vaginales (Développement des glandes) et Li FRE stib: 


chez la Roue par Tourneux et Wertheimer. . MU HOUR REC 


th"! 
NI AE 


Xé (Arbre), AR A en 


Er 
nt : CLEA ES [5e 1 13 QU 1 | MAS ERAEON tt EA 
on 4r . ! Pt) 


HOREENIES (hbereen étude du micro-organisme, par Malassez 


h 11 
: Lt 1 


Re ab e 0e ACC RL M LÉ O An LRTC RPA GÉOR | LR GC Ac SRG N EE QE 
Æ #* [l à : sr ’ » 


TABLE DES MATIÈRES 


PAR NOMS D'AUTEURS 


A 
G. R. M. 
ADAMKIEWICZ .... Coloration du système nerveux par la safranine ..... SÉRo ue 629 
AFANASSIEW..... Micrococci de la pneumonie franche....................... 391 
AGUILHON DE SABRAN. Pathogénie des kystes des mâchoires.................. 184 
ARRAGON. -...-. Décoction de valériane comme topique..................., 605 
— Pansement des plaies par la racine de valériane........... 901 
ARSONVAL (D’).... Danger des générateurs électro-mécaniques................ 167 
— Calorimétrie animale................ DS ARABE RO SOMMAIRE 163 
— Calorimétrie animale......... Spa a 2 A AIN sn PRE 121 
— Nouvelle méthode calorimétrique applicable à l’homme... ... 651 
AUBEAUL- 6.0 Anesthésie prolongée obtenue avec le protoxyde d’azote.... 103 
— Anesthésie avec un mélange de chloroforme et d’air exacte- 
DTA AA A RO NE EME SRE RARES PE ER ER OA en nn 396 
AUBERT =, Les Voy. Dubois. 
B 
BEAUNIS......... Phénomènes d’arrêt. .... bone dec nt era r ot cele D le 
— Somnambulisme provoqué................... Dnbvéoscooces Gil 
BEAUREGARD..... Cœurtettlayneaureachalots 2 RE ent cop ee 421 
— Mœæurs et développement de la cantharide........ PRE 484 
— Développement des Cerocoma Schreberi................. 507 
— Développement du principe vésicant chez la cantharide.... 509 
— Première larve de l’Epicanta verticalis......... .. Dh38060 560 
— Epicanta verticalis............ DÉÉLRSEP OO Poe LOTO 0 be 560 
BERNHEIM.,..... Suggestion dans l’état hypnotique............... dobocosonc 916 
— Suggestion à l’état de veille.............. Doc aE T0 Doobabe -. 219 
BÉRILLON........ {Voy. Dumontpallier. 
IEP NS DRE Application à l'homme de l’anesthésie chloroformique par les 
MEN RS Le h0o oo dec orne oédordvos dos 7 
— Une autre méthode d'’anesthésie chloroformique...... DE CCE 9 
— Mélanges titrés d’éther et d’air...... Den brocor ne AUS 120 
— Origine du sucre de lait.......... OP RO POSE DEL MEEE 223 
— Sur l’élasticité pulmonaire. ......... CRE DO E 0 UE DE MEEE 333 


— Observations sur les mélanges titrés de chloroforme et d’air.. 422 
— Non-accumulation du chloroforme dans l’organisme après l’a- 


TeSIMÉSIENCOMPIÈLE-r-rrr nee iC es Ne ae ee 454 
— Allocution.......... rade das dau and . da AS 594104 
== CHIOTOOEMIE IMPUT: LL: 24 AMP Aer te nec 140022 
— DisCour sd asbr 2e one tde estoine:: to reieter 609 


BINET......,.., Voy. Féré. 


7184 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


—— ——_—_—_—_— 0 1 


BEDGH Re Ralentissement des mouvements du cœur chez l’homme par 
une ‘excitation AOUIOUTEUSE. Mere Tee 

— Vitesse du courant nerveux sensitif........,........... din e 

-— Contraction musculaire provoquée par une percussion...... 
BOCHEFONTAINE. Curare curarisant et produisant l'arrêt systolique du cœur... 
— Action du cuivre sur les personnes en contact permanent avec 


CEE ER PERRET eeepc CRTC LOL CRE GONE 0 
-- Paraldéhyde "rer ce A SE e Duo bo 0 
_ Maladies épidémiques chez les cuivriers de Villedieu........ 
— Poisontdes MOIS eee. Cer cr CPLee ere 
— Note complémentaire sur le sulfate de cuivre..,............ 
— Action de l’acide salicylique sur la respiration....... ddoodce 
— Cinchonidine et cinchonine; leur action sur la circulation des 
mammifères......... Dre c Oo Dép ble Eds dobdoe dE 
= Préservation Cuprique................ Ab aie a 5 0 SE 
= Sues de l’arbre « Xé » et de la liane « Voi-voï »........... 
BONDENCEEER EE" Suggestions à l’état de veille chez les hystériques, etc....... 
== Voy. Gilles de La Tourette. 
BOUCHARD....... Toxicité destunnesnormales ete "ECO EEE PCE CRE CETTE 
BoucxARD (Ch.).. Méthode des injections intraveineuses et son application aux 
effets de l’eau, de l’alcool, etc............. M co do 0 
BOUCHEREAU..... À propos de la communication de M. Gréhant....... Sogooc 
BouLaRT et PILLIET. Papilles foliées dans la langue des singes............ ee 
BRÉMAUD....... Etat de fascination dans la série hypnotique.............. .. 
— Conditions favorables à l’hypnotisme......... Gbpocodonooc à . 
— Abolition des suggestions à l’état de veille.......... Do oo 0 
— Passage de la léthargie au somnambulisme........... avsod 
— Somnambulismeld'emblées. 22000 ere CL CRETE + 
BROUARDEL, GARIEL et GRANCHER. Phénomène observé chez les animaux soumis 
à des courants électriques intenses....,.........,.. Séuéoa 
BROUARDEL et Loye. Action physiologique de la kairine..................... 
BROWN-SÉQUARD. Persistance de la parole, dans le chant, les rêves et le délire 
chez les aphasiques................... MARS 0 2 
— Excitabilité motrice et inhibitoire des régions occipitales et 
sphénoïdales de l'écorce... ......................... Douo a 
— Toutes les parties de l’encéphale peuvent déterminer des inhi- 
bitions........... AADRE 0 d'A DB OS De0.0 0 da do RAM AE ES D . 


— Inhibition de certaines portions du bulbe et de la moelle... 
— Influences dynamogènes réflexes dans des cas de suture des 


LATE ONE A ENS Pre A ONE EN MO SSSR RE E E Gino o na o à 
= Puissance inhibitrice de l'acide carbonique................. 
BUDINS 0 A propos de la communication de M. Pozzi sur l’origine de 
Pninen dodesshontonenboeane JDE BSob Dao co bG5o0 0 
BUROPERE rec Métallothérapie et préservation cuprique........... dan do ù De 
— Suggestion magnétique....... tee LC CCE ECEELE 
= Ciseleurs en cuivre et horlogers......... MAI ape à 6 

C 
CERTES........ Action des hautes pressions sur la vitalité des micro-organis- 
mes d’eau douce et d’eau de mer........................ 


— et Cocin. Action des hautes pressions sur la vitalité de la levure et la 
fermentation, "RCA RTE da ee AAA RNCS Poe 


148 


220 


639 


TABLE PAR NOMS D'AUTEUR. 185 
CHR MS 
SHABRV- 1: SUR AUSION A ee eee ARR de tloc €: EI o1 » 
— Poussée verticale exercée par l’homme sur le sol............ 386 » 
— Dilatation des tissus vivants par la chaleur.. ............. 478 » 
CHARPENTIER. . Action locale de la cocaïne sur les fonctions cérébrales. ..... 758 n 
CHARRIN....... Note sur une septicémie......:............... HAE LEE doc 526 » 
GHATIN.-. 06 . OEufs de la Bilharzie............. RME PANNE ARE 364 » 
— Parasites (dé LPAPEETIX 2-02 MAIL ENER NOR RTE 770 » 
GTADOEU =... Voy. Damaschino. 
CHANT... Voy. Certes. 
CorNiz et MÉGNIN. Tuberculose et diphthérie des gallinacés,........... ..... 617 ) 
COURTIN.. ..... ACtIonRdUAvITAIrERDIAN EEE Le CeL eee rc UE 962 » 
GOURNE =. Quelques fonctions médullaires chez le chien. ............ 225 » 
CURRIEE =... Communication placentaire directe de la mère au fœtus. 733 et 736 » 
D 
MASERE 0. Tétrachlorure de carbone.......... ART roue Line Fe ce nel 231 ) 
— Action) dufcurare "2-70 aient. Noé 0e be ac 293 » 
DamaAscxiNo et CLADO. Microbes en bâtonnets de la diarrhée infantile......... 676 » 
DEBIERRE....... Ethérisation et chloroformisation par la voie rectale..... lo) » 
DECAGNY........ Micro-organisme d’une septicémie de l’homme et du mouton. 329 ) 
— Fécondation chez les végétaux............................. 681 ) 
DÉJERINE....... Névrites cutanées des tabétiques; leur variabilité. .......... 405 » 
— Bacille de Koch dans la tuberculose calcifiée..... HoSéocococ 500 ) 
— Méningite spinale postérieure et sclérose combinées.......... 939 ) 
— Altération des nerfs moteurs dans les paralysies oculaires ta— 
Détiques CPC Pr ere TON FLO EM B EE 970 ) 
DOVEN---- 7... Bactéries dans les viscères des cholériques................ 718 » 
DuBois......... Anesthésie rectale...... . An ER ET Lie D 303 » 
— Action des liquides neutres sur la substance organisée...... 317 » 
— Machine à chloroformisation par la méthode de Bert...._... 400 ) 
— Tension de dissociation de l’eau des tissus...... tre ye see ON AA » 
— Hydratation des œufs à collier......... nee ler tel ete . 926 » 
— Déshydratation des tissus par le chloroforme, l’éther et l'alcool. 582 » 
— Physiologie des pyrophores........ SAS ENES DC ES 661 » 
EL ATBERT LUMIETe ES PYTODOrESS ee = ele eeseeieee-ielaileeioice d'atste MODS » 
— et REGNARD. Action des hautes pressions sur la fonction ae . 679 » 
BHBOIS Lee. Modification des milieux réfringents de l’œil et sur la sécré- 
tion lactée dans les anesthésies à longue durée par le chlo- 
FOOUMe Pere che see 45 » 
DUMONTPALLIER.. À propos de la note de MM. Féré CLR RINET: coneetmelstersrefetelele 480 » 
— et BÉRILLON. Indépendance fonctionnelle des hémisphères céré- 
TE PSE ME PET Do e0Ec DOTE DB U ABOD DUO OU E DNONIE 408 » 
DDPREZ 0 Expériences sur les viandes trichinées d’Amérique.......... 67 » 
DuvaL....,.... Segmentalion du jaune chez les oiseaux................ ae 00 » 
— Vaisseaux de l’allantoïde du poulet. ..... PPT 0 60 AS OP 074 ) 
— Segmentation sans fécondation............. SEC C 0000 AP OOUbE 989 ) 
— Placenta des oiseaux ....... PIN IC LOT DE DÜcibo 2 OOOIDOE o4 » 
— Aire vitelline du blastoderme du poulet............... ram 327 » 
— et FROMENTAL. Sympathies douloureuses. .... FVboer nn PIRE OR se «9 914 4 ) 
— et HERVÉ... Vésicules séminales du mara............................., 131 » 


— et RÉAL... Peigne des oiseaux et corps vitré embryonnaire des mammi- 
féres: leur homologiez:1. 20e its @laleideeponr eee 679 


186 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


F 
G. R. 
FÉRÉ......... .. Fibres arcitormes superficielle du bulbe .........,.... s'ees ee CADAR 
— et:Biner... Transfert .cheziles/hypnotiques 23.47.60. ERP 0e OCR 442 
— — Somnambulisme partiel..." "HER ELLE ARE rR CES Sen 
FRANGoIs-FRANCK. Topographie générale des appareils nerveux 1 
et accélérateur du cœur.................4..22, SARA Eee 18208 
FOURMENT...... Helminthe du fou de Bassan............... REMISES RS 649 
FROMENTEL. .... Voy. Duval. 
G 
GALIPPE...:..….. Cuivre dans les confitures... ..... 24000000 Fr002250 


— Constitution des dents à l’état de santé êt de maladie.....,.. 289 
— Voy. Hyades. 
— Voy. Malassez. 


CARTER ER Voy. Brouardel. 
GELLÉ. ........ Traitement du rétrécissement de la trompe d'Eustache par 
l’électrolyse... FOUÉ GOUT CRE CE bande DD DC Somooec 145 
— Synergies fonctionnelles binauriculaires................... .. 244 
— Anesthésie du conduit auditif et du tympan par un jet d'acide 
carbonique. ....... dust etats baie SE et et A CEE . 2 
— Audition des sons en contact, etc........................... 369 
GIBIER (P.)..... . Recherches expérimentales sur la rage............, 102 et 123 
— Virus des chancres et bubons non syphilitiques.......... D el 
GILBERT........ Voy. Hanot. 
GILLES DE LA TOURETTE et BoTTEY. Sialorrhée d’origine nerveuse............. 137 
— Voy. Richer. 
GLEN PP C ECC Influence du travail intellectuel sur la température. ......... 265 
— Action anticoagulante des peptones sur le sang....... Pat ue 418 
— Mouvements musculaires inconscients..... Rat IT) 
GRANCHER...... Voy. Brouardel. 
GRÉHANT....... Peptone de fibrine comme aliment..... Ft DO 0 466 
— Valériane comme topique........................... MAS 502 
— et QuiNquAUD. Distribution de l’urée dans le sang...... Éd ope JE dd 0 0 AL 
— — Danger de respirer des vapeurs nitreuses.................. 369 
GRIMAUX ....... Coagulation des matières albuminoïdes.............. dose se RUE 
— Quelques réactions de l’albumine et du colloïde amido-ben- 
ADR obbbbo bases PR APPEL Aie SÉGTe ES 353 
— Élogeñde Henningerse et Le re E e  CLCUEE RU 
H 
HAHNE ES Galets dans l’estomac des otaries...... Cobol Aa done ODss ac 4 
HANOT......... Note pour servir à l’histoire de l’acholie........ Hagoooocoooc 41 


— Microbes dans une nodosité xanthélasmique ; résultat négatif. 217 
— Note pour servir à l’histoire de l’acholie.....,.,..........,. 336 
— et GILBERT. Altérations histologiques du foie dans le choléra......,,...,. 685 


HARDY (E.)..... Jequirity............ eee ele MSIE MM 
HENNEGUY...... Observation sur une note de M. Bochefontaine sur l’action qu 
poison des Moïs :.... I ANR AA SRE PER ERRIEE 


— Ligne primitive des poissons osseux... ..,.... À RAR. RE 


M. 


TABLE PAR NOMS D'AUTEUR. 181 

4 GR 

— HENNINGER.... Azote total de l'urine. iii. eue. PE NPA IL UE - M DATA 41 RS 
À HÉNOGQUE...... Examen spectroscopique du sang au moyen de la lumière 

} blanche diffuse, réfléchie par la porcelaine...... Ssroccecae 99 » 

| = Action de la paraldéhyde sur la calorification, etc..... HS 146 » 
4 _ Étude spectroscopique du sang à la surface sous-unguéale du 

* ROUGES LEE CCE ea bte NÉE 671 et 700 » 

— Examen spectroscopique du sang sur les deux pouces........ 162 » 

HERVÉ. ........ Squelette cartilagineux primitif de la face............... SAR 62 » 


= Voy. Duval. 
HERZEN......... Pénétration du suc gastrique dans l’albumine coagulée séjour- 


nant dans l'estomac. ..... SUD Cas se SNS .… 234 » 

HEYDENREICH.... Stérilisation des liquides au moyen de la marmite de Papin. 250 » 

HOuDÉ. ........ Colchicine cristallisée............ et Er Ta ARE a 260 11248 » 
J 

JUDÉE...... .... Action du curare sur les cellules motrices................,., 292 » 


— Action de l’atropine sur le système nerveux................ 684 » 


; K 
KUNCKEL D'HERCULAIS. Mouvements du cœur chez les insectes pendant la méta- 
INOPDROS Eee seleniee serment ss rase TR ANS » 
KuNSTLER et PITRES. Corpuscules falciformes dans le pus de la plèvre..... 022 » 
L 
LABORDE ....... Mode d’action de latropine. .................., aa die ae AN » 


— Action physiologique de l’atropine (2 note)................. 56 » 
— Mécanisme de la mort ou des accidents succédant à l'injection 


sous-cutanée de chloroforme ..-.,........4..:........... 271 » 
— Action des muscles intercostaux externes et internes...... 49305 » 
= Elasticité pulmonaire. ............. coin nb): PR ET RU D) 
— Excitabilité des canaux biliaires ....…. HATR RARE LR RT INR 318 » 
— Locomotion de l’encéphale....... sida BB. 15 80 » 
— Digitaline des hôpitaux de Paris....,...................... 599 » 
— Action de la cocaïne et de ses sels....,..... RE CC EE sc G91 » 
—_ Lalcocainelet'ses sels enter t ae tee ee nat Mesa ... 645 » 
— Cocaïne et ses sels........... RUE PO UE e PME DL PTS 747 » 


LAULANIÉ. ..... Cellules de Bizzozero dans le foie fœtal..:..........,..,.... 597 » 
— Renflement érectile terminal de l'artère spermatique......... 624 » 


— Pseudo-tuberculose cutanée du chien ....... AURA ALE 2 BMP ON 0 658 » 
LEGAY., ........ Voy. Tourneux. 
LÉPINE......... Acide phosphorique et phosphore dans l'urine des épileptiques. 499 ) 
— et BLANC. Endartérite des petites artères..............144,.40,, Loge or 195 » 
DESAGE.... ..... Action de l’Adonis. vernalis. 4.1. 2e SA T1. RARES n AAA 
BOYE 27-00 . Voy. Brouardel. 
— Voy. Regnard. 
M 
MAGITOT. ..,.. . Origine des kystes des mächoires.,...,,,.,.......,....... A1 » 
— Origine des kystes des mâchoires dits périostiques...... So Lo 2) 
MAGNIN. ....... Sensibilité cutanée et sous-musculaire chez les hystéro-épi- 
leptiques......, Mara POLE ae tertete A 25 » 


188 SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


MAIRET....... .. Elimination de l'acide phosphorique chez l’homme sain, 
l'aliénéretcsi urTURe, | +, LHBTARTAUTS +, MAR 438 et 

— Démence alcoolique ....,....... MERE RL QE Ed 
MALASSEZ. .,,... Pathogénie des kystes maxillaires, dits périostiques dentaires. 


— Masses épithéliales dans le ligament alvéolo-dentaire chez 


l'adulte, à l’état normal... ..4010% oi HOT Di tre 

_ Perfectionnement de la chambre claire............ RATE A na à 

— et GALIPPE.. Ostéo-périostite alvéolo-dentaire................ Dci EVE 1 0 à 
— et VIGNAL... Tuberculose zooglœæïque, étude du micro-organisme......... 
Marcus et TORNERY. Microbes de la syphilis..............,...... DOG 9 cn 
MAUREL. ....... Influence du régime azoté sur l’augmentation du volume du 
OIC MARNE MEENERMEONT LR, LOLAARIE SAN Abo un c 

— Variations nycthémérales de la température normale.......: 
MÉGNIN......... Prolifération de corpuscules calcaires dans le tissu musculaire 
diuntehevali ere crc ce Do0bObAoogdoodooc ADD en 0 

— Tumeur causée par une larve d’œstride......,.. Ronan c 

= Cuivre comme antagoniste du choléra..... SAAB Bo an à à ce 


— Dégénérescence fibro-plastique du foie d’un cheval sous l’in- 
fluence du Sclerostoma armatum........................ 
= Voy. Cornil. 


N 
NICATIMELNROBIOTIS- Mie raine eee CC CT REC Cr Ce CCC CCE CTP 
(0) 
OcHOROWICZ.. .. Critère de la sensibilité hypnotique ; — hypnoscope....... 3ù 
— Idéoplastie........ M etae dot diet HUE Le CET A HOBU Mob Oo 
— Théorie der l'idéoplastie CÉREA MAIRE ER ERP PER ENT AL 
OECHSNER DE CONINCK et VINET. Action physiologique de la lutidine du goudron 
de houille............ D AA LEON A le ho Gi 0 0 
ONIMUS-----+. ACEION dUCULArE Le REC RP EE EL ON AERRERE Jodoûoe 
— OZonÉine EE CRETE CU LLC CTP 607 et 
P 
PARISOT........ Pouls dans la fièvre typhoïde.........,.........:.1,4..... : 
PET) PÈRE Système circulatoire des holothuries...........,........... 
PHILIPPEAUX..,. Moyen simple de conserver les cadavres.......... HAE MOD 
— Dualité chez les mammifères. ......,..............:....... 5 
— Extirpation des corps thyroïdes des chiens............... 2e 
PIEPIE De ee . Tube digestif de quelques poissons de mer................., 
= Voy. Boulart. 
PINET.......... Voy. OEchsner. 
Pr Voy. Kunstler. 
PITRES et VAILLARD. Gangrène massive et symétrique he deux pieds.......... 
POUCHET. ...... Contribution à l’histoire du sang des crustacés......:........ 
_— Développement des diatomees LPEEe EM ELPTEN A ERP "E - 
— Figures d'anatomie remontant au quatorzième siècle......... 
— Fausse noctiluque........ SA D oO UE JBL So bcov et . 
— OŒil chez les protozoaires......... CEA RAA MALE ANT ETES PRO 


POZZMe Rec RRe Pseudo-hermaphrodite mâle............,...... D DIE 


109 


324 


409 
456 


64 


330 
638 


569 
518 
215 
577 
606 
581 


513 


141 
270 
312 
477 
993 

42 


+2 PORC NT PR OS L 5 
TABLE PAR NOMS D'AUTEUR. 
Q 
CR: 
QUINQUAUD...... LR GO 0 ORPI So din n onda ere 142 
— Action detfaparaldéhydensr. 200.2: 200 me AM. soc 215 
— Spectre d'absorption par le chlorhydrate de kairine sur le sang. 315. 
— Influence de la moelle épinière sur la composition du sang et 
la nutrition........ et Loodogooptvs Dotobao Ten oEn 341 
— Peptones de fibrine en solution.......,............. ÉRUEe 470 
; — Rétention d’urine........... HG SLR AE SANS Ets Etiete 541 
— Formation de l’urée pendant la digestion des aliments azotés. 559 
— Inhalations d'oxygène dans l'atmosphère normale........... 687 
— Action mesurée au dynamomètre des poisons musculaires sur 
leSRQUSCIeS Eee à ele Me RMS NE ne nt à 129 
— Voy. Gréhant. 
R 
RABUTEAU...... Incompatibilités et contre-indications médicamenteuses. ..... Î 
— Perkinisme et métallothérapie...... RATS RENTE Do 00. LU 
RASETTI. ....... Sumladonidine "2.7 itiL cbr ue OPA 481 
HET ARR RRCHE Voy. Duval. 
REBOURGEON.... Microbe de la fièvre jaune.............. RAR SE EAP AA LEE 613 
REGNARD (P.)... Action de certaines substances organiques sur l’amidon...... 130 
—— Conditions de la vie dans les profondeurs de la mer......... 164 
— Action des hautes pressions sur quelques phénomènes vitaux.. 187 
— Excrétion des carbonates par les branchies................. 188 
== Rigidité des muscles soumis aux très hautes pressions......, 310 
— Expression graphique de la fermentation alcoolique.. 337 et 389 
— Effet des hautes pressions sur les animaux marins........... 394 
— Expression graphique de la fermentation.......,............ 611 
= Voy. Dubois. : 
— et Loye.... Appareil pour l'étude de l'absorption par les racines. ........ 534 
— et VIGNAL. . Lésions produites sur les tissus par les hautes pressions... 403 
REGNAULD...... Conservationidutchlonofonme terre Creer creme 010 
— et VILLEJEAN. Caractères différentiels du chloroforme et du chlorure de 
méthylène sous le rapport physiologique.................. 158 
RÉ eeCe ou NOT GMA IEEE oo ccocnobooaoneotéaocorqoiboonsmec . 497 
RICHER et GILLES DF LA TOURETTE. Paralysies psychiques expérimentales. ..... 198 
rene (One) Diastases Chez ICSIPDISSONS-2- 2er cesser sbiactoe 74 
— Fièvre traumatique nerveuse et influence des lésions du cerveau 
sur la température générale... .:...:..,..:2 ha... 189 
— Action du cerveau sur la température........ OPA ED HO OC DONS 209 
— Effets de la destruction de l'écorce cérébrale sur les lapins... 248 
= Origine du mot magnétisme animal................,....... 334 
= Sugoestion mentale... 1.0....220- nee secsesnleeeseesscuie 365 
= Régulation de la chaleur chez le chien par la respiration. .... 948 
= Suggestion sans hypnotisme...…..,...,.... so 0 ae 551 et 593 
— Nouvelle méthode calorimétrique..............,.....,.....: 659 
| — CHOUMEITe A SIDHON.. 0e PP EP RE TEA mette des 707 
> RomiN (ALe.)... Influences de faibles traces d'acide nitrique sur la recherche 
de lalbumine dans l'urine... eue... Abo 
— Acholietpigmentatre. 2,04, 022000770" PR ei ere rte slelas ii 
— Inoculations négatives de pus de bubons. .................. 128 
BIOLOGIE. COMPTES RENDUS. — 8° SÉRIE, T. [°, 61 


scnntine dt l'théatn nié sit 


M. 


‘189 


190 


ROBIN (ALB.)... 

— et STRAUS.. 
ROBIOLIS. ...... 
ROUX EC rere 


SINÉTY (DE)..... 
STASSANO....... 
D'TRANS EU eme ele 


THIERRY (E.)... 


TOURNEUX...... 
— et LEGAY... 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


SPECITOSCOPIE TES MHISSUSAVIVAN ES ee ec rer eee 
SPECETOSCOpIe HESISSUS VIVantS eee, ere CT 
Voy. Nicati. 
Voy. Straus. 


S 


Rapport entre les urines sucrées et la sécrétion mammaire... 
Recherches curale/sommeil:""""""""-cete-ceceete ee 
Sur la virulence du bubon qui accompague le chancre mou. 
Non-virulence du bubon qui accompagne le chancre mou..... 


. Préparations microscopiques de choléra. ......,.. Has 2040 bo 


Voy. Robin (Alb.). 
T 


Hybridité chez les animaux............ Doovacadac ADP 00 000 
Cheval à cornes.................... AU NUIVAN ERA EECERE 
Facultés intellectuelles des animaux. ....................... 
Développement des uretères chez l'embryon de sarigue....... 
Développement de l'utérus et du vagin chez le fœtus humain. 


— et WERTHEIMER. Fusion des conduits de Müller chez l’homme............ 


VARENNE (DE)... 
VARIGNY (DE)... 
VIGNAL......... 


VILLEJEAN...... 


WERTHEIMER. ... 


Développement de la région vestibulaire et des glandes vulvo- 
vaginales et clitoridiennes chez la femme................ 


V 


Polypesthydnaires- PERLE ccree ter CT CEE CE EE CCE 
Suggestion mentale.......... WIPO PET nboonoc oo: so0c 
Substance grise embryonnaire de la moelle épinière.......... 
Formation.de la substance grise embryonnaire de la moelle... 
Développement des cellules nerveuses de la moelle épinière... 
Développement des cellules de la névroglie dans la moelle, ... 
Développement des fibres de la substance blanche de la moelle. 
Voy. Malassez. 

Voy. Regnauld. 


W 


Anastomoses de l’hypoglosse avec les nerfs cervicaux...... se 
Voy. Tourneux. 


FIN DES TABLES. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


252 
196 
641 
126 
529 


66 
608 
622 
262 

AG 
150 


260 


155 
381 
382 
384 
16 
489 
909 


58) 


NOTICE 


SUR 


G.rJ. D'AVAINE 


MEMBRE TITULAIRE-HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Lue à la séance de la Société de biologie du 2 février 1334 


PAR 


Le Professeur A. LABOULBÈNE 


Membre titulaire-honoraire de la Société de biologie, Membre de l’Académie de médecine, 
Médecin de l'hôpital de la Charité. 


MESSIEURS, 


À une époque mémorable et chère pour notre Société, au mois de 
mai 1848, plusieurs médecins et naturalistes se sont réunis pour étudier, 
par l’observation et l’expérimentation, la science de la vie, la biologie, tant 
normale que pathologique. Ce temps est déjà lointain et plusieurs d’entre 
vous ne le connaissent que par ouï-dire. Toutefois, celui qui vous parle ne 


saurait oublier qu'il fut le plus jeune de vos fondateurs. Vous l’avez chargé 


de retracer la vie si bien remplie de Davaine, l’élève, l'ami de Rayer et de 
Claude Bernard ; il a rassemblé ses souvenirs et vous lui permettrez de vous 
rappeler, en même temps que notre regretté collègue, quelques-uns des 
travailleurs de la première heure, qui ont si bien mérité de la biologie. 
Ceci n’est point un éloge académique, mais un hommage rendu à un homme 
de cœur et de talent. 


Casimir-Joseph DAvaINE est né à Saint-Amand-les-Eaux (Nord) le 
19 mars 1812 ; il était le sixième des neuf enfants de Benjamin-Joseph 
Davaine et il perdait sa mère, à peine âgé de neuf ans. Son père resté seul, 
peu fortuné, avec le lourd fardeau d’une famille nombreuse et d’une 
industrie à diriger, ne faiblit pas sous cette tâche; il s’appliqua au prix de 
grands sacrifices à donner à ses fils une éducation libérale. Ce n’était pas 

B10LOGIE, MÉMOIRES.— 8° SÉRIE, T. I. Î 


2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


chose facile dans une petite localité, offrant péu de ressources au point de 
vue de l'instruction; il dut se résoudre à se séparer de ses fils. Casimir 
Davaine fut envoyé au collège de Tournai, en 1826, puis il acheva ses 
études à Lille. Enfin, vers la fin de l’année 1830, il arrive à Paris, au 
moment où s’ouvrait une ère nouvelle. Calme, résolu, d’un naturel bon, d’un 
sens droit, Davaine n’hésita pas dans le choix d’une carrière, il s’inserivit 
comme étudiant à l'Ecole de médecine. 

Les études furent pour Davaine chose sérieuse ; sa vie était rude, occupée; 
il lutiait de bonne heure, il avait hàte de faire son chemin. Ayant concouru 
pour l’externat, il entre, le 1% janvier 1835, dans le service de Rayer, à la 
Charité. Qui de vous, Messieurs, n’a été frappé de l’influence extraordinaire 
et parfois décisive que peut avoir le chef de service sur l'élève qui lui est 
envoyé? Rayer, qui possédait au plus haut degré l’appréciation rapide des 
hommes ainsi que des aptitude de chacun d'eux, remarqua bien vite Davaine. 
Il se l’attacha, le chargea de recueillir des observations, de faire des 
dessins et des recherches microscopiques. Le service de Rayer, où se succé- 
daient Moissenet, Henri Roger, Tardieu, Claude Bernard, Gubler, ete., était 
pour Davaine un milieu des plus favorables. Il se lia étroitement avec 
Claude Bernard et leur amitié ne se démentit jamais. Rayer employa 
Davaine pour son Traité des maladies des reins, pour ses travaux sur la 
morve, pour collaborer aux Archives de médecine comparée. 

En 1837, sans attendre l’internat, Davaine soutint sa thèse de docteur. 
Je dois vous le faire remarquer ; la aissertation inaugurale ne figure pas 
dans les Titres scientifiques de Davaine, où nous trouvons une si riche 
moisson de faits et d'idées. Est-ce modestie? Est-ce oubli? Je croirais plutôt 
à la première supposition. Quoi qu’il en soit, cette thèse sur l’Hématocèle 
de la tunique vaginale (n° 428, 13 décembre 1837), passée sous la prési- 
dence de Velpeau et dédiée à son père seulement, peut encore être con- 
sultée avec fruit; l’historique de la question est soigné ainsi que l’anatomie 
pathologique. 

Rayer avait dit à Davaine, comme à Claude Bernard « La seience est 
votre affaire », mais la science seule ne fait pas vivre le débutant inconnu 
et Davaine fut obligé de s’occuper de clientèle; son urbanité et sa 
discrétion lui assuraient la réussite; ses premiers malades devenaient ses 
amis fidèles. Il en accompagna quelques-uns pendant d’instructifs voyages, 
conservant son indépendance, ne recherchant que les moyens de se pro- 
curer des livres, de satisfaire ses goûts scientifiques et artistiques. 


Je vous lai dit, Messieurs, c’est en 1848 que notre Société s’est fondée. 
Elle répondait à un besoin réel, elle venait à l'heure favorable, elle pro- 
mettait les résultats les plus utiles. Quelle sève au début et quels fruits 
aujourd’hui! En considérant l'étendue et la valeur du bagage scientifique 
accumulé, vous devinez les commencements. Rayer fut choisi à l’unanimité 
pour président perpétuel ; Claude Bernard et Charles Robin pour vice-pré- 


C. DAVAINE. o 


sidents. Les premiers secrétaires ont été Lebert et Follin, auxquels on 
adjoignit bientôt Brown-Séquard et Segond. Huette, qui venait de colla- 
borer avec Claude Bernard pour un Préeis iconographique de médecine 
opératoire et d'anatomie chirurgicale, fut le premier trésorier-arehiviste. 

Rayer, pour assurer la valeur des séances, déployait une activité infati- 
sable, appelant de tous côtés les travaux sérieux, stimulant le zèle des fon- 
-dateurs, provoquant une discussion, la prolongeant au besoin, assurant, par 
la présence d’un maître étranger, l'intérêt qui de temps à autre aurait pu 
faiblir. Tout le service médical de Rayer, ceux de ses collègues de la Cha- 
rité, ceux de ses amis, et ils étaient nombreux, étaient mis à contribution. 
On apportait des pièces rares venant des hôpitaux, du Jardin des Plantes, 
de l'École d’Alfort. Aussi, avec ces éléments d'étude, la Société, qui ne pre- 
nait pas de vacances, n’a cessé de siéger tous les samedis et bientôt elle 
publia les Comptes Rendus de ses travaux et de précieux Mémoires. 

Dès le mois de novembre 1849, Davaine fut élu membre titulaire ; il rem- 
plaça bientôt Huette, qui allait à Montargis. La Société ne pouvait avoir un 
meilleur trésorier-archiviste. 

Nos publications par fascicules mensuels, nos Mémoires qui ont frappé 
l'attention, témoignèrent du zèle des secrétaires, de l’ardeur des membres 
de la jeune Société de biologie. Les premières planches furent en majeure 
partie dessinées par Davaine ainsi que celles du Mémoire de Rayer sur la 
pilimiction. Pour vous exposer les travaux de Davaine, je n'aurai souvent 
qu'à suivre nos volumes parus tour à tour. 


La première description faite par Davaine a pour sujet un parasite; ses 
notices du début sont anatomiques, physiologiques et tératologiques. C’est 
un Hæmaätopinus, causant un phthiriasis spécial chez espèce bovine, que 
je dois vous signaler tout d’abord (Archives de médecine comparée, de 
Rayer, p.243, pl. IX, 1843). Les continuateurs du grand ouvrage de Bour- 
gery et Jacob ont donné, d’après des préparations de Davaine, les figures du 
développement du cerveau humain depuis cinq semaines jusqu’à sept 
mois (Traité complet de l’anatomie de l’homme, t. VIII, pl. X bis, 23 fi- 
gures, 1844). 


Le premier volume des publications de notre Société renferme un grand 
nombre de travaux de Davaine pour l’année 1849 : Sur l’os thyro-hyoïdien 
des Batraciens anoures (Comptes Rendus, p. 150).— Sur la mutabilité de 
la coloration des rainettes (ibid., p. 153). — Sur un cerveau formant une 
tumeur à l'extérieur du crâne, avec atrophie d'un côté de la face (hyper- 
encéphalie), chez un embryon de poulet (p.123). — Sur un cas de rhino- 
céphalie chez un lapin (p. 167 et pl. IV, fig. 5, 6, 7). — Observation 
de cyclocéphalie chez un fœtus de cochon (en commun avec Chaussat, 
p. 198 et pl. IV, fig. 1-4). — Absence de la plupart des vertèbres 
caudales chez le chien (p. 123). — Sur un cas de scissure de la voûte 
palatine et de la lèvre supérieure (queule de loup) avec déformation 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


pS 


du cerveau chez un fœtus humain (p. 124). — Observations pour servir 
à l'histoire de quelques monstruosités de la face (en commun avec Charles 
Robin, Mémoires, p. 43 et pl. IT). — Cas d’atrophie partielle de la 
moelle épinière, au niveau de son renflement lombaire coincidant avec une 
atrophie des racines antérieures correspondantes et avec une paralysie 
du mouvement volontaire dans les membres postérieurs, observé chez un 
jeune agneau (G. R.,p. 120) ;— Cas d'hydronéphrose observé chez le chien 
(p. 119).— Œufs doubles de paludine vivipare(p.88).— Recherches sur la 
génération de l’huître (Ostrea edulis) (en commun avee Chaussat, p. 98). 

Cet ensemble montre déjà chez Davaine un esprit observateur et cher- 
cheur. Dans les 2°, 3° et 4° volumes de nos publications, on continue à 
trouver d’intéressantes Notes et Mémoires : Deux cas de fusion des dents, 
lune d'une incisive surnuméraire avec une incisive normale chez un 
enfant, l'autre de deux molaires chez un adulte, avec des remarques sur 
ce vice de conformation (t. IT, p. 16). — De l'absence congénitale du ra- 
dius chez l'homme (t. IL, p. 39). — Quelques remarques sur la cyclopie 
(t. IT, p. 57). — Remarques sur un fœtus anencéphale (t. IT, p. 108). — 
Description du squelette d’un poulet double monocéphalien (t. IT, p. 13). 
— Duplicité de la face chez les oiseaux (t. IT, Mémoires, p. 97). — Cas de 
compression de la portion thoracique de l’œsophage par une masse tuber- 
culeuse développée dans les ganglions du médiastin postérieur, ayant 
occasionné la mort chez un sajou ordinaire (Simia capucina)(t. IE, G. R., 
p. 90). — Note sur une tumeur indéterminée des os maxillaires du bœuf 
(t. IT, p. 119). — Sur la nature et les fonctions de l'organe palatin des 
Cyprins (t. Il, p. 181). — Recherches sur les globules blancs du sang 
(t. II, Mémoires, p. 103). — Sur des larves rendues par les selles (t. HT, 
p. 112 et pl. 1). — Larves rendues avec les selles par un homme dgé de 
trente-neuf ans (t. IV, p. 96). — Cas de Cysticerque du tissu cellulaire 
intermusculaire observé chez l’homme (en commun avec Follin, t. IV, 
p. 19). — Recherches sur la génération des huîtres (t. IV, Mémoires, p.297 
et pl. Let IT). 

Ces divers essais |constituent souvent des jalons pour des travaux ulté- 
rieurs. Remarquez les Cysticerques de l’homme, les larves rendues qui 
prendront place dans le Traité des Entozoaires. Un des premiers, Davaine 
avait observé les prolongements amiboïdes des globules blancs du sang. 


Je dois vous indiquer plusieurs travaux se rattachant plus spécialement 
à la pathologie humaine : Examen d'une main et de la moitié inférieure 
de l’avant-bras affectés d’éléphantiasis des Arabes (en commun avec 
Rayer, Mémoires, t. IT, p.67). — Note sur des kystes séreux du foie formés 
par la dilatation des conduits biliaires ou des cryptes de ces conduits 
(t. IV, p. 54). — Sur des granulations graisseuses du rein (t. UT, p. 151). 
— Description d’un kyste pileux de l'ovaire droit (en commun avec 
Schnepp, t. IV, p. 36). — Note sur un kyste pileux de l'ovaire (t. IV, 


C. DAVAINE. D 


p. 127). — Examen microscopique de deux cataractes lenticulaires 
(t. IV, p. 163). — Mémoire sur la paralysie générale ou partielle des 
deux nerfs de la septième paire (t. IV, Mémoires, p. 137). 

Le laborieux auteur avait reçu à deux reprises la haute approbation de 
l'Académie des sciences : une récompense en 1852 pour ses Recherches 
sur la paralysie des deux nerfs de la septième paire, puis, en 1854, le prix 
de physiologie expérimentale pour ses Recherches sur la génération des 
huîtres. On aimait à trouver chez Davaine des connaissances étendues en 
biologie, à le savoir occupé d’investigations aussi ingénieuses que sérieuses, 
sans exubérance, sans profusion de ces conclusions hâtives ou par à peu 
près, nécessairement frappées de stérilité, nous prouvant que le temps ne 
respecte pas ce qu’on fait sans lui. Quant aux rares honneurs qui sont venus 
chercher Davaine : la croix de chevalier de la Légion d'honneur lui fut 
donnée en 1855, l’Académie de médecine ne lui ouvrit ses portes qu’en 
1868. 


Reprenons la série des travaux de notre collègue. Vous trouverez dans 
divers volumes de nos Comptes Rendus et Mémoires : Un cas de gan- 
grène de l’amygdale dans la scarlatine (2° série, t. I, p. 49, 1855). — 
Remarques sur les corpuscules du sang de la lamproiïe et sur ceux des 
animaux en général (2° série, t. IT, p. 54, 1855). — Description de deux 
productions polypiformes du col de l’utérus, constituées par une simple ex- 
tension des éléments de cet organe (en commun avec Laboulbène, 2° série, 
t. II, p.142, 1855). — Mémoire sur les anomalies de l'œuf (3° série, t. IT, 
p. 183, avec deux planches, 1860). 

J’abrège, car j'ai hâte d'arriver au livre de Davaine sur l’Helminthologie 
humaine et comparée. Cet ouvrage devenu classique et dont je vais bientôt 
vous parler avec quelques détails a été précédé par des études longues et 
consciencieuses; de même, il a été suivi de documents qui restaient à exa- 
miner après la publication. 

Je mentionne les recherches suivantes : Sur l’anatoinie d’un Mermis 
(Annales de la Société entomologique de France, 2° série, Bulletin, t. IX, 
p. ex, 1891).— Examen d’une concrétion sanguine extraite de la veine 
saphène et regardée comme un hématozoaire (Comptes Rendus, t. IV, 
p. 127, 1852). — Recherches sur les vers des vaisseaux pulmonaires 
et des bronches chez le Marsouin (GC. R., 2 série, t. I, p. 117, pl. II, 
1854). — Sur des animalcules infusoires trouvés dans les selles de malades 
atteints du choléra et d'autres affections (CG. R., série, t. [, p.129, 1854). 
— Sur des urcéolaires parasites dans la vessie urinaire des Tritons 
(C. R., 2° série, t. [, p. 170, pl. I, pb, 1854). — Note sur une tumeur sin- 
gulière contenant une quantité prodigieuse d'œufs d’helminthe, observée 
sur un poisson nommé Aigle-Bar (2° série, t. [, p.141, pl. [, c, 1854). — 
Recherches sur les Hydatides, les Echinocoques et le Cœnure et sur leur 
développement (Mémoires, 2° série, t. IT, p. 157, 1855). — Kyste hyda- 


(E MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


lique du foie ayant subi une transformation athéromateuse chez l'homme 
(G. R., t. IV, p. 6, 1852). — Note sur un cas de kystes hydatiques mul- 
tiples (en commun avec Charcot; Mémoires, 2° série, t. IV, p. 103, 1850). 
— De l'action du Cœnure sur le cerveau, Tournis (Mémoires, 2° série, 
1. IV, p. 117, 1857).—Sur le diagnostic de la présence des vers dans l'an- 
testin par l'inspection microscopique des matières expulsées (G. R., 2° sé- 
rie, t. IV, p. 188, 1857). — Recherches sur le développement de l'œuf du 
Trichocéphale de l’homme et de l’Ascaride lombricoïide (G.R., 2° série, t. W, 
p. 405, 1858 et C. R. des séances de l’Académie des sciences, t. XLVE, 
p. 1217, 1858). 


Le Traité des Entozoaires et des maladies vermineuses de l'homme et 
des animaux domestiques, paru en 1860, couronné par l'Institut et par 


l'Académie de médecine, forme un volume in-8°, avec figures sur bois, inter- 


calées dans le texte. Il a eu, en 1877, une nouvelle édition; il a été traduit 
en anglais par W. Abbotts Smith. Dans son livre, si connu et si apprécié, 
le plus savant et le plus complet sur ce sujet difficile, Davaine a eu con- 
stamment en vue la zoologie et la pathologie. La démonstration de faits 


zoologiques importants l’a conduit à des déductionsutiies en médecine. Ses. 


recherches sur les œufs du Trichocéphale et de l’Ascaride lui ont montré que 


ces œufs pondus dans l'intestin de l’homme ne s’y développent pas, qu'ils. 


sont expulsés au dehors et que l'embryon ne se forme que plusieurs mois 
après. Le nombre immense de ces œufs permet d'en constater La présence: 
dans une parcelle de matières alvines et d’assurer le diagnostic. L’histoire 
de chaque ver est une sorte de monographie, comprenant la réparütion de 
l'animal, son apparition, la recherche des circonstances qui favorisent sa 
transmission et son développement, la description des accidents qu’il déter- 
mine, enfin les moyens de le combattre. Le Traité des Entozoaires offre 
un mérite scientifique et une valeur pratique incontestables, de 1à son 
succès. AL ER 
Voici les suites du Traité des Entozoaires : Recherches sur le frémisse- 
ment hydatique (Mémoires, 3° série, t. IT, p. 189, 1861). — Hydatides. 
développées dans le poumon et suivies de quérison (C. R., 3° série, &. II, 
p. 271, 1861). — Hydatides du cerveau et du cœur (en commun avec 


Charcot; G. R., 3 série, t. LIT, p. 273, 1861). — Nouvelles recherches sur 


le développement et la propagation de l'Ascaride lombricoïde et du Tricho- 


céphale de l’homme (Mémoires, 3° série, t. IV,p. 261,1862). — Sur la con- 


stitutionde l’œufde certains entozoaires et sur la propriété dese développer 


à sec (Mémoires, 3 série, t. IV, p: 273, 1862). — Sur un mode de dissémi- 


nation des œufs chez les entozoaires des voies respiratoires (Mémoires, 
3° série, t. IN, p. 267, 1862). — Faits et considérations sur da Trichine 
(Mémoires, 3: série, t. IV, p. 117, 1862, et Revue des Deux Mondes, 4° mar 
1866)'et encore : Les Trichines et la Trichinose (Bulletin de l’Académie 


de médecine, 2 série, t. X, p.249, 1881). — Sur une Liquie (Ligula ani 


C+ DAVAINE. 1 


nuta Davaine) de la truite du lac de Genève (G.R., 4° série, t. I, p. 87, 1864). 
— Rapport sur deux mémoires de P. Mégnin relatifs à des parasites du 
chat et du cheval (Bulletin de l’Académie de médecine, t. XXXV, p. 55,1870). 
— Examen d’un Tœnia nouveau de l’homme recueilli à Mayotte (Comores) 
(Archives de médecine navale, t. XIIT, p.137, avec planche, 1870). — Plu- 
sieurs articles de Davaine dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences 
médicales sont d’un grand intérêt : Cestoïdes, Cystiques, Cysticerques, 
Lombrics, Monadiens, Parasites (posthume), et encore d’autres tels que 
Bactérie, Bactéridie, dont il sera question plus tard. 


Le nom de Davaine restera, dans l’avenir, attaché aux questions du Para- 
siisme. Avant de poursuivre avec tant de soin et de succès ses études sur 
les parasites des animaux vertébrés, il avait observé ceux d'organismes 
moins compliqués, c’est-à-dire des végétaux. Il avait pu constater qu'un 
très petit ver nématoïde, une Anguillule, produit sur le blé Paltération con- 
nue sous le nom de Nielle; de plus, il avait déterminé les conditions de 
vitalité de ce ver, qui possède la singulière propriété de reprendre le mou- 
sement et la vie après avoir été desséché, laissé même pendant longtemps 
dans un état de mort apparente. Davaine découvrit ce fait décisif : que la 
faculté de reprendre vie est le privilège exclusif des larves d’Anguillule 
dépourvues d'organes génitaux, et qu’elles le perdent dès qu’arrivées dans 
le blé, elles acquièrent l’état sexué ou adulte. Il à patiemment soumis ces 
Anguillules, larves et adultes, à diverses influences, telles que celles de 
l’eau, du froid, du vide, etc.; toujours les larves résistent, tandis que les 
adultes périssent rapidement. Enfin il arrivait à un résultat pratique très 
intéressant : c’est que la morphine, l’atropine, la strychnine, le curare n’ont 
pas d'action sur la vitalité des Anguillules, tandis que les composés pou- 
sant agir chimiquement sur leurs tissus par une matière acide ou alcaline, 
mème très faible, détruisent aussitôt et pour toujours la vitalité de ces 
larves. 


Les Recherches physiologiques sur la maladie du blé connue sous le 
nom de Nielle et sur les helminthes qui occasionnent cette maladie ont 
d’abord été communiquées à l’Académie des sciences (C. R. des séances, 
t. XLI, 1855), ainsi que de nouvelles Recherches expérimentales sur la 
vitalité des Anguillules du blé niellé à l'état de larve et à l’état adulte 
(G. R.,t. XLITI, 1856). Le beau mémoire intitulé : Recherches sur l'An- 
quillule du blé niellé considéré au point de vue de l'histoire naturelle et 
de Pagriculture à paru dans nos Mémoires, t. HI, 2° série, p. 201, avec 
trois planches, en 1856 ; il a obtenu le prix de Physiologie expérimentale 
de l’fnstitut et la médaille d’or d'Olivier de Serres. 

Poursuivant après Spallanzani l'étude de cette étrange faculté de recou- 
vrer les manifestations de la vie après les avoir perdues par un dessèche- 
ment plus ou moins complet, Davaine lui donna le nom de r'éviviscence et 


8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


il la constata chez huit espèces nouvelles de protozoaires et chez plusieurs 
plantes inférieures. Ses Recherches sur la vie latente chez quelques ami- 
maux et quelques plantes sont insérées dans nos Comptes Rendus, de 
l'année 1856, p. 225. De nouvelles Recherches sur les conditions de l’exis- 
tence ou de lanon-existence de la réviviscence chez les espèces appartenant 
au méêémegenre, ont paru dans les Comptes Rendus de l’Académie des 
sciences (t. XLVIIT,p. 1067), en 1859. 

Une Anguillule abondante dans le vinaigre avait fourni un argument 
à la génération spontanée, puisque cette espèce de ver ayant été observée 
exclusivement dans le vinaigre, on pouvait croire qu’elle y était apparue 
après l’invention de ce liquide. Davaine, par ses Recherches sur les Anguil- 
lules du vinaigre (Rhabditis aceti Dujardin) (C. R., 4 série, t. [, p. 88, 1864 


et G. R. de PAcad. des sciences, t. LXI, p. 259, 1865), a constaté que cette 


Anguillule vit dans les liquide srenfermant une matière sucrée ou amylacée, 
aussi bien que dans le vinaigre, qu’elle se propage dans les fruits et les lé- 
gumes. Il en a conclu rigoureusement que dans la nature, l’Anguillule du 
vinaigre habite les fruits qui tombent à la surface du sol, qu’elle se perpétue 
en passant de l’un à l’autre et qu’elle arrive dans le vinaigre après avoir 
pénétré dans une grappe de raisin en contact avec le sol. 


Pendant qu'il cherchait à élucider ces questions d’un ordre si élevé, 
Davaine publiait quelques faits nouveaux sur les maladies de l’homme, des 
animaux et des plantes. Il ne négligeait pas les observations d'anatomie 


pathologique ou de tératologie. Nos Comptes Rendus contiennent : Note sur 


un Cas de pied-bot coincidant avec un spina-bifida chez un veau(CG.R.,p.186, 
1862). — Membrane muqueuse utérine semblable à une caduque ex pul- 


sée pendant la menstruation (G. R., p. 161, 1865). — Atrophie congéni- 


tale de l'ovaire chez une poule; principe du balancement des organes 
(CG. R., p.156, 1865). — Maladie des ovaires avec ascite chez la Dorade 
de la Chine (Cyprinus auratus) (G. R., p.186, 1865).— Articles Monstres, 
Monstruosilé, dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médi- 
cales. 

Je vous signale en pathologie végétale : Une Conferve parasite sur le Cy- 
prinus carpio (CG. R., t. TE, p. 82, 1851). — Sur une maladie de la Balsa- 
nine des jardins (Impatiens balsamina) (G. R., 2° série, t. IV, p. 131, 
1897).— Sur une nouvelle espèce de Sarcine commune chez la poule. — 
Sur la coloration vineuse d’une infusion par le développement de mo- 
nades rouges. Ces dernières publications, faites à la Société en 1863, n’ont 
pas été publiées, à ma connaissance. 


Nous touchons, Messieurs, à la période la plus belle de la vie de Davaine, 
au moment où il faitune découverte dont on a vainement cherché à lui ravir 
la priorité. 

Comme Claude Bernard annonçant à la Société la fonction glycogénique 


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C. DAVAINE. { 


du foie et l’action émulsive du sue pancréatique sur les graisses, comme 
Berthelot vous apportant, pour la première fois, de l’essence de moutarde 
préparée par synthèse avec des corps inorganiques, Davaine en 1850, et puis 
en 1863, est venu montrer à la Société de biologie un organisme inférieur, 
un infusoire comme il l’avait d’abord appelé, allongé, immobile, et qu’il 
avait aperçu dans le sang des animaux succombant à la maladie charbon- 
neuse connue sous le nom de sang de rate. Ce corps microscopique, auquel 
il donna plus tard le nom de Bactéridie, a été le sujet de controverses pas- 
sionnées, mais le fait constaté par Davaine reste acquis, et c’est justice de 
désigner, comme l’a fait M. Pasteur, le Bacille du charbon sous le nom de 
Bactéridie de Davaine. 

Vous trouverez dans nos Comptes Rendus et Mémoires la relation de cette 
découverte : Recherches sur les infusoires dusang dans la maladie connue 
sous le nom de sang de rate (G.R., 3° série, t. V, p.149, 1863, et Mémoires, 
p. 193, et aussi dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences, t. LVIT, 
p. 220, 351, 386, 1863). Davaine, avec son esprit droit, ne voulait pas sans 
preuves trop attribuer au vibrionien du sang de rate. Il multipliait les expé- 
riences, puis 1l faisait connaître de Nouvelles recherches sur la nature 
de la maladie charbonneuse connue sous le nom de sang de rate (CG. R. de 
l’Académie des sciences, t. LIX, p. 393, 1864). Avec Raimbert (de Chà- 
teaudun), il communiquait une Note sur la présence des Bactéridies dans la 
pustule maligne chez l’homme (CG. R. de l'Académie des Sciences, t. LIX, 
p. 429, 1864). Il venait insister devant la Société Sur l'existence et la re- 
cherche des Bactéridies dans la pustule maligne (G. R., 4 série, €. I, p. 93, 
1864). 


Vous le savez, Messieurs, la vérité ne pénètre pas du premier coup dans 
les esprits; les expériences de Davaine, répétées comme elles méritaient de 
être, semblaient confirmées et admises, lorsque deux expérimentateurs, 
Leplat et Jaillard, annoncèrent qu’ils n’avaient pas trouvé la Bactéridie chez 
des vaches qui étaient mortes du charbon inoculé. J’ai assisté aux expé- 
riences de Davaine, j'ai partagé ses perplexités. S’était-il trompé ? Il n'avait 
avancé que lentement, pas à pas, et à coup sûr ! Aussi, analysant les sym- 
ptômes morbides des animaux observés par ses contradicteurs, et se rendant 
compte des conditions où ces derniers s’étaient placés, de la manière dont 
ils avaient procédé, Davaine reconnut que ce n’était pas d’une maladie 
réellement charbonneuse qu’avaient été atteints les animaux. Il n’hésita pas 
à dire qu'ils avaient succombé à une maladie septique et différente. Entré 
dans cette voie nouvelle, qui devait l’amener à séparer nettement le charbon 
de la septicémie expérimentale, notre collègue fit paraître rapidement: Des 
recherches sur la nature et la constitution de la pustule maligne (C. R. 
de l’Académie des sciences, t. LX, p. 1296, 1865). — Examen du sang et 
des organes d’un homme mort d'œdème malin ou charbonneux des pau- 
pières (Archives de médecine, 6° série, t. VI, p. 407, 1865). — Sur la pré; ACAL La ; 
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10 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


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sence des Bactéridies dans les animaux affectés de la maladie charbon- 
neuse.— Recherches Sur une maladie septique de la vache regardée comme 
de nature charbonneuse.— Note en réponse à une communication de Leplat 
et Jaillard sur la maladie charbonneuse (G. R.; 4° série, t. IL, p.152, 
1865, et G. R. de l’Académie des sciences, t. LXI, p. 334; t. LX, p. 1134, 
ett. LXI, p. 334, 368, 523, 1865). 


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Résumons ce qu'avait fait Davaine. En étudiant au microscope le sang 
des animaux atteints du charbon, il y avait constaté la présence de vibrio- 
niens, dépourvus de mouvements spontanés, qu’il avait nommés Bactéridies 
et qu’il avait soigneusement distingués d’autres vibrioniens, analogues pour 
la forme, qui se développent dans les matières animales en putréfaction. Le 
caractère distinctif des Bactéridies était de se former pendant la vie de 
l’animal malade et de disparaître par la putréfaction après la mort. Pour 
Davaine, les Bactéridies jouaient un rôle capital dans la transmission des 
maladies charbonneuses, soit entre les animaux, soit des animaux à l’homme. 
Le sang frais, contenant des Bactéridies et inoculé aux petits mammifères tels 
que lapins, cobayes, rats et souris, transmettait la maladie charbonneuse, 
mais il perdait cette propriété dès que la putréfaction faisait disparaître les 
Bactéridies. Comme contre-épreuve, Davaine avait vu que pendant la vie, 
le sang de l’animal malade ne devient capable de transmettre le charbon 
que du moment où les Bactéridies s’y sont montrées. Cette transmission 
paraît indéfinie tant que le sang contient des Bactéridies. 

Davaine concluait que les Bactéridies sont l’agent de transmission de la 
maladie charbonneuse et que ces corpuscules sont en rapport constant avec 
son inoculation et son développement. Chez les femelles pleines, les Bacté- 
ridies ne se développent que dans le sang de la mère et non dans celui du 
fœtus. Chez les animaux réfractaires à la transmission du charbon, chiens, 
oiseaux, etc., le sang inoculé, quoique pourvu de Bactéridies, n’en développe 
pas dans le sang de ces animaux. 

Davaine prouvait, de plus, que la pustule maligne de l’homme est une 
variété de la maladie charbonneuse, car elle renferme la Bactéridie et pro- 
duit par inoculation le sang de rate chez les animaux. [1 en est de même 
pour l’œdème malin des paupières. 

Remarquez la netteté, la valeur et en même temps la mesure de ces 
conclusions. Vous connaissez tous les progrès accomplis depuis ces pre- 
miers points acquis à la science : les cultures de la Bactéridie et de ses 
spores, les oiseaux prenant avec M. Pasteur le charbon dès que leur tempé- 
rature est abaissée, mais Davaine avait entrevu les difficultés principales ; 
il a été, comme le disait notre collègue, le professeur Henri Bouley, un 
véritable initiateur. En présence de ces résultats, éclairant d’un jour nou- 
veau l’étiologie et le mode contagieux des maladies charbonneuses des 
animaux à l’homme, l’Institut décernait à Davaine le prix Bréant. 

Au moment de la découverte des Bactéridies du sang charbonneux, la 


tel nb doses 


GC: DAVAINE. * 4 


place de ces petits êtres dans la classification n’était pas rigoureusement 
déterminée. Persuadé que la présence de ces Microbes, suivant l'expression 
de Sédillot, n’était pas un fait isolé, Davaine entreprit d’étudier la famille 
des Vibrioniens pour apprécier leur génération, ainsi que leurs propriétés 
diverses. Il communiquait ses résultats à l’Académie des sciences : 
Recherches sur les Vibrioniens (CG. R., t. LIX, p. 629, 1864) et les consi- 
gnait dans l’article Bactérie, Bactéridie, du Dictionnaire encyclopédique 
des sciences médicales. Les Vibrioniens avaient été regardés comme des 
animaux, Davaine montra qu'ils ont plus de rapport avec les végétaux et 
qu'ils doivent prendre place auprès des conferves. De plus, il reconnut 
l'influence des milieux sur la vie de ces êtres et il disait : dans les milieux 
différents, les Vibrioniens sont différents, quoique nous ne parvenions pas 
à les distinguer ou à les différencier entre eux, à cause de leur extrême 
petitesse. Leurs espèces, encore non caractérisées, ne peuvent se substituer 
les unes aux autres. Pour obtenir de ces petits êtres quelque modification 
dans un milieu, modification qui, dans l’économie animale, se traduit par 
une maladie, il faut que l’espèce de Vibrionien introduite puisse s’y déve- 
lopper. « Il faut, ajoutait Davaine, si l’on peut s'exprimer ainsi, qu’elle soit 
normale à ce milieu »; nous dirions actuellement : il faut qu’elle trouve 
un milieu de culture. 


Ces données appliquées aux végétaux ont été fécondes. Davaine a reconnu 
qu'une véritable maladie contagieuse pour les plantes grasses, telles que 
les Mesembrianthemum,; Sempervirum, Stapelia, était déterminée par 
les moisissures vulgaires, les Mucédinées qui se propagent sur les plantes 
vivantes et les altèrent. Or les phénomènes morbides qu’elles provoquent, 
désignés sous le nom général de Pourriture, tiennent à une véritable 
maladie contagieuse. La maladie des Mucédinées se communique d’une 
plante à l’autre, d’un fruit à un autre fruit, au contact par le mycélium, 
sorte de virus fixe, et sans contact par les spores, sorte de virus volatil. La 
plante ou le fruit sont préservés par l’épiderme; dès que celui-ci est 
altéré ou enlevé, le champignon pénètre dans les tissus et détermine la Pour- 
riture : Recherches sur la pourriture des fruits (G. R. de l'Académie des 
sciences, t. LXIIT, p. 276).— Recherches sur la pourriture des fruits et 
des autres parties des végétaux vivants (CG. R., t. LXIIE, p. 344, 1866). 

La Pourriture végétale est variable dans ses caractères suivant la Mucé- 
dinée qui la détermine. Jai vu Davaine produire, à ma demande et sans se 
tromper, la pourriture blanche, où jaune, ou orangée, ou noire des fruits. 
Il connaissait de longue date la coloration des petites masses de mycélium 
et de spores; il insérait en toute connaissance de cause telle ou telle Mucé- 
dinée, par inoculation véritable. En outre, il savait que telle ou telle espèce 
était plus vorace que telle autre, et il substituait une pourriture jaune ou 
noire à une pourriture blanche, sachant que par son développement rapide, 
la Mucédinée nouvellement inoculée détruirait la première et envahirait 


12 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Fensemble du fruit. Vous comprenez, sans que jy insiste, tout l'intérêt de 
ces expériences et le jour qu’elles projettent sur les affections virulentes des 
animaux et de l’homme. Sur nous-mêmes et sur les vertébrés supérieurs, les 
troubles consécutifs du système nerveux, la dissémination rapide des Bac- 
téries et des spores au moyen de la grande circulation, rendaient l'étude ex- 
périmentale difficile ou incertaine. Chez les végétaux dépourvus de système 
nerveux et d’une circulation active, les altérations organiques élémentaires 
sont plus facilement appréciables, ainsi que l’établit Davaine dans ses 
Recherches physiologiques et pathologiques sur les Bactéries (G. R. de lAca- 
démie des sciences, t. LXVI, p. 499, 1868). Il y démontre qu’une espèce de 
Bactérie produit une maladie contagieuse sur les Opuntia, Aloe, Stapelia ; 
il précise le mode de génération de cette Bactérie qui ne peut être distinguée 
que par ses propriétés physiologiques et dont les spores moléculaires 
seraient, dit-il, des germes. 


Vous vous rappelez, Messieurs, les discussions “qui ont eu lieu à l'Aca- 
démie de médecine au sujet des maladies charbonneuses, lorsque Davaine 
faisait part de ses observations sur l’inoculation des Bactéries. Jusqu'à lui, 
les expérimentateurs s'étaient servis d’un instrument coupant qui, entre 
autres inconvénients, ne permettait pas d'apprécier la quantité de virus 
introduite dans les tissus. La seringue de Pravaz a permis de doser exacte- 
ment cette quantité, en étendant la substance virulente avec une proportion 
bien connue d’un liquide approprié. 

Davaine prenait part au débat par ses communications nombreuses Su: 
la nature des maladies charbonneuses (Archives générales de médecine, 
6° série, t. Il, p. 253, 1868). — Rapport sur des recherches de Raiïmbert, 
relatives à la constitution et au diagnostic de la pustule maligne. — Re- 
production expérimentale de la pustule maligne chez les animaux (Bulle- 
tin de l’Académie de médecine, t. XXXIII, p. 703, 721, 1868). La Société 
de biologie avait la primeur d’Expériences ayant pour but de prouver que 
les Bactéridies constituent seules le virus charbonneux (G. R., 5° série, 
t. I, p. 88, 27 février 1869). 

Davaine mélait du sang charbonneux avec une grande quantité d’eau 
placée dans une longue éprouvette. Après un repos suffisant, il observait 
au fond de l’éprouvette un dépôt de Bactéridies. Prenant alors, avec une 
pipette, de ce liquide à des hauteurs différentes et l’inoculant à des co- 
bayes, il constatait que les couches inférieures seules, où se trouvent les 
Bactéridies, étaient aussi les seules qui donnaient le charbon. M. Pasteur 
contrôlait ce résultat en filtrant le sang charbonneux sur du plâtre, ou bien 
en éliminant par des cultures successives tous les éléments du sang virulent 
autres que les Bactéridies. 

Les Expériences relatives à la durée de l’incubation des maladies char- 
bonneuses et à la quantité de virus nécessaire à la transmission de la 
maladie (Bulletin de l’Académie de médecine, t. XXXIII, p. 816, 1868) 


{ 


CG. DAVAINE. 119) 


avaient montré que pour tuer un cobaye, il suffit d’un millionième de goutte 
de sang infecté par les Bactéridies et que la durée de l’incubation, c’est-à- 
dire l'intervalle de temps qui existe entre le moment de linoculation et 
celui de l'apparition des phénomènes morbides, est en rapport avec la 
quantité de virus inoculé. 


L'année 1870, l’année terrible, venait d'arriver; elle ne ralentissait pas 
l’ardeur de notre collègue. Il lisait à l’Académie de médecine un Rapport 
sur un travail de Raimbert intitulé, Recherches sur la constitution et 
le diagnostic de l’œdème malin (Bulletin de l’Académie de médecine, 
t. XXXV, p. 50, 1870); il faisait part à la Compagnie de ses Etudes sur la 
contagion du charbon chez les animaux domestiques. — Sur la genèse et 
La propagation du charbon (Bulletin de l’Acad. de méd., t. XXXV, p.215 et 
411, 1870), où il montrait que la contagion du charbon dans les troupeaux 
peut avoir lieu par les Mouches. Ces insectes puisent le sang charbonneux 
sur un animal malade et le transportent à un autre. Le suçoir des Taons et 
même celui des Mouches ordinaires se chargent d’une quantité de virus 
suffisante et le gardent assez longtemps pour que que deux ou même trois 
jours après 1l puisse encore communiquer le charbon. 

La variole faisait des ravages dans Paris encombré et allant être investi, 
Davaine s’occupa d'Expériences relatives à un moyen de multiplier le 
virus vaccinal (Bulletin de l’Acad. de méd., t, XXXV, p. 145, 1870). 

Pendant le siège de Paris, Davaine devint médecin d’ambulances ; toute 
recherche suivie fut suspendue, il n'avait plus à taire de la science expéri- 
mentale, mais à soigner malades et blessés. Ne croyez pas que notre collègue 
fût devenu absolument inactif et que le soir, ou plutôt la nuit, il soit resté 
sans écrire. Mais vous allez être surpris, comme je l’ai été moi-même, en 
apprenant qu'il avait composé, au milieu des calamités publiques, un ou- 
vrage philosophique. Voici ce livre qu'il m'a donné et qui est connu d’un 
bien petit nombre ; il a pour titre : Les éléments du bonheur (in-12, 143 
pages, Grassart, Paris, 1871). Je connaissais mon ami comme médecin, 
comme naturaliste, je ne le connaissais pas entièrement. 


Davaine à voulu, conmme par antithèse,en ces temps malheureux, mettre 
en lumière des questions trop généralement dédaignées ou ignorées. Il ap- 
pelle la méditation sur les grands problèmes de la nature, sur les vérités 
par lesquelles l’homme apprend à se connaître et à se conduire. L’homme, 
dit-il, veut être heureux et n’est jamais satisfait de son sort. Qu'est-ce donc 
que le bonheur auquel il aspire et qui le fuit toujours? On ne le reconnait 
trop souvent qu'après l'avoir perdu. Quelles sont les conditions de ce bon- 
heur? Celles qui ne feront pas regretter le passé, toutes celles qui assure- 
ront notre avenir. 

Vous connaissez, Messieurs, le tableau des misères humaines tracé par 
Pline le naturaliste : «Il est permis de douter si la nature est pour l’homme 


14 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


une bonne mère où un marâtre impitoyable. Seul parmi les animaux, le 
jour de sa naissance, elle le jette nu sur la terre nue, le livrant aussitôt aux 
vagissements et aux pleurs... Se trainer sur les genoux et sur les mains est 
chez lui le premier indice de force, le premier bienfait du temps. Quand ce 
débile quadrupède aura-t-il la marche d’un homme”? Quand en aura-t-illa 
voix? Quand sa bouche pourra-t-elle broyer des aliments? Guidés par leurs 
instincts, les animaux courent, volent ou nagent; l’homme ne sait rien sans 
l’apprendre, ni parler, ni marcher, ni se nourrir, en un mot il ne sait rien 
spontanément que pleurer ; aussi beaucoup ont-ils pensé que le mieux était 
de ne pas naître ou d’être anéanti au plus tôt. » 

« À l'homme, seul entre les animaux, a été donné le deuil, à lui le luxe, 
à lui l’ambition, à lui l’avarice, à lui le désir immense de vivre, à lui la su- 
perstition, à lui le soin de la sépulture et le souci même de ce qui sera après 
lui! » Et cependant l’homme prétend au bonheur et le réclame comme 
un droit. La vérité est qu'aucun ne l’a reçu en partage, il est l’œuvre de 
chacun. 

Davaine a examiné d’une manière élevée l’importance relative des con- 
ditions du bonheur qui en sont en quelque sorte les éléments. Et d’abord, 
de la santé, car la maladie entraîne l'incapacité et la souffrance. Les hommes 
se sont toujours appliqués à éloigner la douleur ; de là l’origine de la mé- 
decine. 

Le nécessaire qui entretient la vie et la santé est indispensable au bon- 
heur que ne donne pas la satisfaction de besoins factices, venus de l’éduca- 
tion, des habitudes, des appétits particuliers. Le nécessaire s’acquiert par 
letravail, qui est le plus noble emploi de nos facultés; c’est par le travail 
que l’homme est devenu le conquérant du monde physique. Le nécessaire 
se conserve par l’économie qui en perpétue les bienfaits à l'égard de l’indi- 
vidu, de la famille et de la société. | 

La sécurité est la garantie du bonheur. On ne peut être heureux si l’on 
est dans l’inquiétude pour soi, pour sa famille ou pour son avenir. Qui tra- 
vaillera, qui formera l’épargne, qui pratiquera les vertus domestiques et 
sociales, si le fruit du labeur et de l’accomplissement des devoirs peut être 
ravi d’un instant à l’autre? L'homme ne peut vivre isolé; si l’union fait la 
force, elle fait aussi lasécurité. L'association des hommes entre eux a donné 
la civilisation qui repose sur la notion des droits et des devoirs et que cou- 
ronne la liberté. Un peuple qui veut être libre doit prendre le devoir pour base 
de ses institutions. Pour avoir le benheur que nul ne peut accaparer, mais 
que chacun pourrait presque toujours posséder ou donner, il faut élever notre 
esprit au-dessus de l’égoïsme et savoir que dans la lutte pour existence, il 
y a souffrance nécessaire. Finalement, Davaine répond à Pline : « La na- 
ture n’est point pour l’homme une marâtre impitoyable. Au jour de sa nais- 
sance, jeté nu sur la terre, il est reçu par sa mère qui le protège, ses vagis- 
sements sont un langage qu’il adresse à celle qui lui a donné le jour... À 
l’homme seul, entre les animaux, a été donnée la reconnaissance filiale, à lui 


re 


C. DAVAINE. 15 


la noblesse des sentiments, à lui l'enthousiasme, à lui la générosité, à lui 
la science, à lui le respect des aïeux et l'espérance de la vie future ! » 

Je ne vous ai donné qu’une päle esquisse des pensées fortes, des expres- 
sions justes, des sentiments délicats renfermés dans ce petit livre. Celui qui 
s’exprimait si bien devait plaire par sa bonté, sa droiture, le charme de ses 
relations. J’ai eu sous les yeux la correspondance de Davaine et j’en détache 
quelques fragments pour vous montrer ce que lui écrivaient Rayer, Claude 
Bernard et Pasteur. 


Mon cher Davaine, nous avons des floriceps très curieux; les dessinateurs 
sont en campagne. Si vous avez des yeux, du temps et un crayon, venez. 


À vous, RAYER. 


Mon cher ami, il me hâte de vous serrer la main et de vous embrasser 
pour vous remercier de la bonne affection que vous avez pour moi et que je 
vous rends bien, je vous assure. 

Tout à vous, RAYER. 


Mon cher ami, j'ai reçu vos Éléments du bonheur, je vous en remercie 
et je suis content de voir que vous possédez votre sujet, c’est-à-dire que 
vous êtes heureux, je voudrais pouvoir en dire autant. Mes amitiés à vous et 
aux vôtres. 

CLAUDE BERNARD. 
Saint-Julien, 18 octobre 1871. 


Mon cher collègue, si je ne partais pas demain pour la campagne et sice 
départ ne m’avait beaucoup occupé cette semaine, j'aurais été vous voir et 
causer de nos communes études. L'occasion s’en représentera. En attendant, 


Je me félicite d’avoir été si souvent le continuateur de vos savantes re- 


cherches. Tout à vous de sincère amitié. 


L. PASTEUR. 
Paris, le 23 juillet 1879. 


Le siège de Paris terminé, chacun s’empressa de réparer les pertes 
subies. Davaine, qui possédait une petite propriété sur les hauteurs de 
Garches, près de la Celle-Saint-Cloud, la trouvait bouleversée par l’ennemi. 
Le terrain disposé en pente renfermait de grands arbres; les principaux 
avaient été abattus sur le point culminant pour établir une batterie prus- 
sienne, car de là on apercevait Paris et même plus au loin, les collines de 
l'Ouest. Davaine, ne pouvant remplacer les beaux arbres, fit bâtir sa maison 
sur l'emplacement de la batterie, puis dans un endroit bien exposé il planta 
une grande quantité de rosiers, qui prospérèrent d’une manière remar- 
quable. 


46 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BRIOLOGIE 


Davaine s’échappait de Paris pour aller à Garches, y restant le plus pos- 
sible, occupé de physiologie végétale, insensible à un soleil trop ardent ou 
à une pluie pénétrante. Il avait la passion des rosiers et de leurs fleurs, 
dont il avait réuni plusieurs centaines de variétés. [l les dirigeait lui-même 
parce que les jardiniers les plus renommés les taillaient, disait-il, d’une 
manière trop uniforme, sans se rendre un compte suffisant de leur végéta- 
tion différente. Davaine arriva finalement à un résultat si complet, que plu- 
sieurs jardiniers, d’abord incrédules, lui avouèrent n’avoir vu que rarement 
dans les expositions horticoles des fleurs pareilles aux siennes et jamais de 
plus belles, Et lorsqu'on demandait à Davaine comment il s’y était pris 
pour faire mieux que les spécialistes émérites, il répondait avec son fin 
sourire : J’ai observé. 

C’est à Garches que Davaine expérimentait sur les plantes. A Paris, il 
avait des lapins et des cobayes placés dans des caisses sous le vestibule de 
l’hôtel d’un excellent ami, M. Adolphe d’'Eichthal. Que de fois nous avons 
regretté ensemble un laboratoire bien outillé, bien pourvu. 


Davaine avait repris ses travaux de prédilection. Ayant reconnu que le 
sang charbonneux ne perd pas son pouvoir virulent lorsqu'il est étendu dans 
une grande quantité d’eau, il étudia les propriétés des Bactéridies placées 
dans des liquides qui ne peuvent plus être troublés, ni par la chaleur, ni 
par les acides : Recherches relatives à l’action de la chaleur sur le virus 
charbonneux (C. R. de l’Académie des sciences, t. LXVIT, p. 726, 1873). 
D'autre part, il cherchait à déterminer quelle est la quantité d’une substance 
antiseptique suffisante pour détruire le virus charbonneux dans un espace 
donné : Recherches relatives à l’action des substances dites antiseptiques 
sur le virus charbonneux (G. R. de l’Académie des sciences, t. EXVIT, 
p. 821, 1875). L’ammoniaque est l’antiseptique reconnu le plus faible, et 
l’iode, au contraire, le plus fort. Il applique ces données au traitement des 
maladies charbonneuses. Rapport sur un mémoire de M. Raimbert, inti- 
tulé : Du traitement du charbon chez l’homme par l'injection sous-cutanée: 
de liquides antivirulents (Bulletin de l’Académie de médecine, 2° série, 
t. IV, 1875); dans ses Recherches sur le traitement des maladies char- 
bonneuses chez l’homme (Bulletin de l’Académie de médecine, 2° série, 
t. IX, p. 757, 1880), il rapporte un grand nombre de faits de pustules ma- 
lignes guéries par les injections sous-cutanées d’une solution d’iode, et 
plusieurs cas d’œdème malin des paupières guéris de même, quoique cette 
dernière maladie soit réputée toujours mortelle. 

Davaine croyait fermement à la Bactéridie charbonneuse et à des Bacté- 
ries diverses, comme agents virulents. Il avait si souvent observé que le 
sang charbonnenx n’est actif que s’il renferme la Bactéridie ! En 1869, il 
avait déjà examiné à ce sujet le sang de plus de six cents animaux. Mais 
comment ces Bactéries agissent-elles ? Est-ce en se recouvrant, en se ver- 
nissant pour ainsi dire, d’une humeur putride, comme le ferait toute autre 


C. DAVAINE. 417 


parcelle organique, et comme l’a si bien établi notre collègue, le profes- 
seur Charles Robin, dans un travail «sur les états de virulence et de putridité 
de la matière organisée » publié dans nos Mémoires de l’année 1863 
(Mémoires, 3° série, t. V, p. 95)? 

A mes questions pressantes sur ce sujet, Davaine répondait toujours en 
attribuant aux Bactéries un rôle prépondérant, soit en s’emparant de 
l'oxygène ou d’un autre corps du milieu où elles vivent, soit en sécré- 
tant, en produisant une substance particulière nuisible. Il me rappelait 
ce que j'avais vu moi-même au sujet des galles végétales causées par 
des mycéliums ou par des larves d'insectes et dont la forme peut se modifier 
quand le producteur est tué par un parasite (Mémoires, 4° série, t. V, 
p. 217, 1869). Les Bactéries connues et à découvrir lui paraïssaient déter- 
miner, par leur pénétration et leur multiplication chez les animaux et les 
plantes, des maladies spéciales. 


Depuis longtemps Davaine s’attachait à éclaircir la difficile question de 
la septicémie, à l’aide des septicémies expérimentales. Déjà, dans ses 
études de pathologie comparée, 1l avait fait l’examen anatomique et micro- 
scopique de bestiauxet d’unaurochs morts du typhus contagieux : Recherches 
sur le typhus contagieux des bêtes à cornes (Mémoire lu en 1866, à la 
Société de biologie, et resté inédit). Dans les Remarques relatives aux 
recherches de M. Sanson sur les maladies charbonneuses (C. R. de lAca- 
démie des sciences, t. LXVIIE, p. 271, 1869), il établissait que, si le sang 
charbonneux frais, inoculé à certains animaux, leur communique constam- 
ment le charbon, ce même sang conservé perd plus ou moins rapidement 
la faculté de transmettre la maladie. Cette différence tient à la putréfaction 
qui détruit le virus charbonneux. Mais, en inoculant le sang charbonneux 
putréfié, on détermine souvent une maladie rapide, virulente, très analogue 
au charbon, quoique réellement différente, car elle ne s'accompagne jamais 
de Bactéridies. Les expérimentateurs, ne connaïssant point les effets du 
sang putréfié, ont souvent obtenu dans leurs expériences la septicémie 
putride au lieu du charbon. Ai-je besoin de vous rappeler les résultats 
anciens de Leplat et de Jaillard, et ceux plus récents des expérimentateurs 
de Turin? Dans ses Recherches sur la septicémie et sur les caractères qui 
la distinguent de la maladie charbonneuse (C. R. de l’Académie des 
sciences, t. LXVIIT, p. 193, 1869), on trouve nettement tracés tous les 
caractères qui séparent d’une manière certaine le charbon de la Septi 
cémie. 

Avec une activité infatigable, Davaine publia ses Recherches sur quel- 
ques questions relatives à la septicémie (Bulletin de l’Académie de méde- 
cine, 2° série, t. [, p. 907, 1872).— Suite des recherches sur quelques 
questions relatives à la septicémie (ibid., €. I, p. 976, 1872). — Cas de 
mort d'une vache par septicémie (ibid., t. 1, p. 1058, 1872). — Rapport 
sur un mémoire de M. Onimus, relatif à l'influence qu'exercent les orga- 

BI0LOG1E, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [, 9 


18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


nismes inférieurs développés pendant la putréfaction sur l'empoisonne- 
ment putride des animaux (ibid., t. IT, p. 464, 1873). — Observations sur 
la septicémie chez l'homme (ibid., t. I, p. 124, 1873).— Suite des re- 
cherches sur quelques questions relatives à la septicémie (Gibid., t. IE, 
p. 487 et1272, 1873). Il montre l’augmentation de la virulence des matières 
putrides après qu’elles ont été injectées à un animal vivant. 

Cette augmentation vraiment extraordinaire de la virulence ne tient point 
à quelque condition de l'organisme animal, car du sang normal, frais, 
étant placé dans une étuve, à la température du corps des mammifères, 
acquiert dans l’espace de quatorze à vingt-quatre heures une septicité égale 
à celle du sang septicémique. La virulence du sang putréfié et celle du 
sang septicémique n’augmentent pas par une putréfaction plus grande ou 
plus longtemps prolongée. Elles s’atténuent, au contraire, et finissent 
même par disparaître complètement après plusieurs mois. 

La septicémie n’est autre chose, dit Davaine, qu'une putréfaction qui 
s’accomplit dans l’organisme d’un animal vivant; son virus est une des 
Bactéries qui se développent dans les substances qui se putréfient à l'air 
libre. 


L’empoisonnement par la saumure ayant été discuté à l’Académie de 
médecine, Davaine, prenant part au débat, reconnaît que les accidents 
survenant chez des animaux à la suite de l’ingestion de saumure dans leur 
estomac étaient dus au virus septique renfermé dans cette saumure. Re- 
cherches sur la nature de l’empoisonnement par la saumure (Bulletin de 
l’Académie de médecine, 2° série, t. I, p. 1051, 1879). 


Enfin dans un dernier travail, Recherches sur quelques-unes des con- 
ditions qui favorisent ou qui empéchent le développement de la septi- 
cémie (Bulletin de l’Académie de médecine, 2 série, t. VIIL, p. 121, 1879), 
Davaine prouve que la température atmosphérique ayant une influence 
certaine sur le développement de la septicémie, il faut de moindres doses 
de virus, par une température élevée, pour produire la maladie chez le 
cobaye, et de plus grandes dans le cas contraire. Dans les fortes chaleurs 
de l’été, la septicémie devient contagieuse chez les lapins par le simple fait 
de la cohabitation, ce qui n’arrive jamais dans la saison froide. Les animaux 
qui semblent réfractaires à la septicémie peuvent prendre cette maladie 
dans des conditions particulières ; le renard ne la contracte ni par l’ingestion 
dans le tube digestif de substances septiques, ni par des injections sous- 
cutanées, il la prend par l'introduction du virus dans le péritoine. 

Nous trouvons ici toute la pensée de Davaine. Les connaissances acquises 
sur la septicémie peuvent, affirme-t-il, donner des conceptions nouvelles 
sur la formation de certaines maladies épidémiques et contagieuses. Le 
virus de la septicémie, l’un des ferments de la putréfaction, existe en dehors 
de l’économie animale, à la surface du sol ou dans les matières qui se 


C. DAVAINE. 49 


putréfient. Dans certaines conditions, une température élevée par exemple, 
il prend une activité plus grande, ets’il pénètre à l’intérieur d’un organisme 
animal apte à le recevoir, il s’y propage rapidement et le détruit. 

On peut concevoir, de même, que le virus du typhus contagieux des bêtes 
à cornes, celui de la peste, celui de la fièvre jaune, se reproduisant dans 
certains terrains particuliers à la surface du sol, trouvent parfois par l’effet 
de la saison, du climat, de l'humidité, des conditions qui lui donnent une 
grande activité et le propagent chez les animaux ou chez l’homme. Ainsi, 
conclut Davaine, pourraient apparaître dans certains climats les grandes 
épidémies de ces maladies. 


L'Académie des sciences décernait à Davaine, en 1879, le prix de phy- 
siologie fondé par Lacaze, et le professeur Charles Robin, rapporteur, faisait 
ressortir le mérite de l’ensembie des travaux couronnés. Toutes les re- 
cherches, même de date ancienne, et « sources de tant d’autres sur la septi- 
cémie et les maladies charbonneuses, partent d’observations et d’expé- 
riences physiologiques conduites avec une méthode qui ne laisse guère 
place à la critique; elles rappellent celles de son maître et ami le toujours 
regretté Claude Bernard ». Pendant cette même année 1879, la Société 
nationale d'agriculture de France donnait à Davaine, sur le rapport du 
professeur Henri Bouley, le prix fondé par M. de Béhague. 


Depuis peu de temps seulement je connais, grâce à M. l’inspecteur 
général Gavarret, l’opinion émise par un maître éminent sur Davaine, et je 
tiens à vous la dire. Un mardi matin, à l’hôpital de la Charité, Andral 
s’exprimait à peu près en ces termes : J’ai entendu hier, à l’Académie, 
une communication qui m’a frappé. L’auteur, un des élèves de Rayer, est 
aux prises avec une grosse question. Il ouvre une voie au bout de laquelle 
seront des applications importantes pour la pathologie comparée et peut- 
être humaine ; il éclaire singulièrement l’étiologie des maladies charbon- 
neuses. Je pense à refaire sur les sujets traités par Davaine mon éducation 
médicale. Après un moment de silence, Andral ajouta : Les Bactéries 
amèneront un jour Davaine à l’Institut. 

Messieurs, la prédiction d’Andral a été près de se réaliser. Un de nos 
membres, le professeur Gosselin, avait fait ressortir le mérite de Davaine, 
du savant qui à fait faire des progrès à la médecine, en utilisant pour l’étude 
des maladies et de leur traitement les connaissances qu’il avait acquises en 
anatomie et en zoologie, de celui qui était arrivé à une découverte qui à 
illustré son nom. Il caractérisait bien ce travailleur si modeste, qui n’a 
recherché ni les places, ni les distinctions, mais qui a consacré sa vie à des 
travaux scientifiques, n’ambitionnant d’autre honneur que celui de bien 
faire et d’être utile. Quelques voix seulement ont manqué à Davaine pour 
qu'arrivant à l’Institut, il occupât le siège de Bouillaud. Mais il avait marqué 
sa place, et son heureux compétiteur, notre Président, car la lutte se passait 


20 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


entre membres de la Société de biologie, ne nous a pas laissé de doutes 
sur un résultat favorable, définitif. Vous vous rappelez en quels termes 
dignes et affectueux le professeur Paul Bert s’est exprimé sur Davaine 
quelque temps après la lutte, en faisant part à la Société de la perte qu’elle 
venait d’éprouver. Il aurait certainement aidé le vaincu de la veille pour 
en faire le vainqueur du lendemain. 


La santé de Davaine, très bonne jusqu'alors, avait été atteinte tout à 
coup et profondément. Un néoplasme abdominal s’était manifesté. Davaine 
supporta son mal avecun calme stoïque ; il consolait sa femme et lessiens, 
s’abandonnant parfois aux effusions d’une tendresse ordinairement con- 
tenue, et qui rendaient la séparation encore plus cruelle. Il succomba le 
14 octobre 1882, à Garches, dans les bras de son fils et de son neveu. 


Davaine était de taille moyenne, maigre, avec le visage allongé, encadré 
d’un collier de barbe et de longs cheveux bruns; les mains longues et 
adroites. Le teint était coloré, le front haut, le nez droit. La bouche, fine 
et prête à sourire, surmontait un menton proéminent, signe de fermeté. 
Ses yeux bons regardaient fixement et franchement. Tel je l’avais connu à 
la Charité, dans le service de Rayer, tel il était resté toujours, très soigneux 


de sa personne, simple et distingué; ses cheveux seulement avaient un peu 
blanchi. 


Arrivé à la fin de ma tâche, je suis sûr, Messieurs, que vous avez partagé 
mon émotion quand j'ai essayé de rendre un hommage mérité à la mémoire 
de Davaine. J'ai beaucoup appris de lui et je m’estime heureux d’avoir pu 
lui servir d'aide pour plusieurs de ses expériences. Je sais d’ailleurs que, 
dans notre Société de biologie, le nom de Davaine sera toujours accueilli 
par le regret affectionné des anciens, le respect des nouveaux et, dans le 
monde savant, par la sympathie universelle. 


DE LA 


BRIDE MANCULINE DE VENTIBULE CHEZ LA FEMME 


ET DE 


L'ORIGINE DE L’HYMEN 


A PROPOS D'UN CAS D'ABSENCE DU VAGIN, DE L'UTÉRUS ET DES OVAIRES 
CHEZ UNE JEUNE FILLE, ET D'UN PSEUDO-HERMAPHRODITE MALE 


Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 16 février 1884 


Par le docteur S. POZZI 


Agrégé, Chirurgien de l'hôpital de Lourcine. 


Je me suis engagé, dans une précédente séance (26 janvier), en vous présen- 
tant un pseudo-hermaphrodite mâle (voy. le Bulletin, p. 42) à revenir sur 
quelques points intéressants soulevés par l’étude de ce curieux sujet (1). Je 


(1) Depuis cette présentation, a paru dans la Gazette des hôpitaux du 2 février 
une leçon clinique sur ce même individu. Elle contient, au point de vue de l’ob- 
servation, quelques légères inexactitudes que je dois signaler pour tirer d’em- 
barras ceux qu’elle aurait frappés : 

1° Il existe un prépuce très caractérisé, bien qu’ouvert inférieurement pour 
livrer passage à la bride. Cela lui donne sur les côtés l’aspect d’un capuchon, 
mais en haut rien ne le distingue d'un prépuce normal. 

2° La surface vestibulaire ne m'a présenté, à un examen réitéré, aucun orifice 
glandulaire. 

3° J1 m’a été impossible de savoir si c’est par le méat urinaire que s’écoule le 
sperme; le sujet ne peut rien affirmer, il faudrait un examen direct au moment 
de l’éjaculation. Toutefois ce que l’on sait par l'étude de cas analogues permet 
presque d'affirmer que l’émission du liquide spermatique se fait au fond de la 
dépression pseudo-vulvaire où s’ouvrent sans doute à la fois l’utricule pros- 
tatique et les conduits éjaculateurs. On sait qu'ici elle est masquée par un 
hymen. 

4° Dans la leçon que je cite, il est parlé d’un examen du sperme fait dans le 
laboratoire du professeur Robin et qui, en outre de nombreux « granules muqueux» 
et « cellules testiculaires » aurait présenté pour une dizaine de préparations 
« deux spermatozoïdes immobiles, mais bien conformés, munis d’un renflement 
« céphalique et de dimensions normales ». Une seule constatation positive suffirait, 
quoique bien surprenante dans un cas analogue à la cryptorchidie, comme 
celui-ci. Voici la Note que M. le professeur Robin a bien voulu me remettre 


29 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


désire aujourd’hui poser devant vous la question de l’originede l'hymen, en 
appuyant les considérations que je vais vous soumettre sur l’examen d’un 
nouveau cas tératologique placé sous vos yeux. En voici, tout d’abord, la 
rapide description : 


OBs. — Jeanne B..., âgée de dix-neuf ans, domestique, est entrée dans mon 
service à Lourcine, atteinte à la fois d’uréthrite blennorrhagique et d'accidents. 
syphilitiques (plaques muqueuses). Il est cependant facile de se convaincre à une 
première exploration, qu’elle possède une membrane hymen intacte et qu’elle 
n’a pas de vagin. Des tentatives de coîït répétées sont restées infructueuses et 
n’ont eu d’autre effet que de la rendre doublement malade. 

Je vais donner successivement le résultat de l’examen : 1° pour les parties. 
génitales externes, 2° pour les parties internes. 

1° Bassin bien conformé, largeur normale.Les seins sont assez volumineux. 
Toutes les parties génitales externes présentent leur développement ordinaire. 
Mont de Vénus accusé, système pileux développé. Les petites lèvres sont un 
peu exubérantes et se terminent sur un capuchon long et flasque (il y a des. 
habitudes avouées de masturbation). Clitoris un peu au-dessus de l’ordinaire et 
sensiblement bifide. La bandelette que nous décrirons plus loin sous le nom de 


à la suite d’un examen qu'il a pratiqué sur le sperme une heure après son 


émission : 
« Produit de l’éjaculation de l’hypospade. — Il est entièrement composé : 


» 1° Des gouttes de substance demi-liquide que j'ai décrites (Leçons sur les. 


humeurs, 2° édition, p. 443 et 458) réfractant assez fortement la lumière, avec 
reflets roses ou légèrement jaunâtres ; elles sont remarquables ici par la manière 


dont elles s’étirent diversement sans se souder les unes aux autres, bien qu’elles. 
se touchent en minces et longs filaments, épais de 0",01 et même moins, alors que. 
la plupart sont régulièrement sphériques ou ovoïdes, plus ou moins allongées 


en changeant de dimensions selon les manières dont elles se pressent dans la 
préparation. 


» 2 Ces gouttes, représentant les 9/10 environ du liquide éjaculé, sont mêlées. 


de quelques filaments plus ou moins larges, striés de mucus, que l’acide acétique. 
rend plus striés encore et tenaces. 

» 3° On trouve de plus rares leucocytes peu ou pas granuleux. 

» Il n'existe pas de spermatozoïdes. 


» Par le refroidissement, il ne s’y est pas formé de cristaux de phosphate de- 


magnésie et de chaux. 
» J'ajoute que le sperme était peu abondant et à peine visqueux. » 


5° Notre sujet est très intelligent, son état mental ne présente rien de spécial: 


vauf une grande vivacité d’allures et d'impression. Il a un léger clignement ner- 


seux qui s'accentue sous l'influence de l'émotion, mais sans prendre les propor- 
tions d’un véritable tic. Sa moralité parait aussi avoir été caractérisée trop sévè- 
rement. Il n’a fait de tentative de coït qu'avec une seule femme, et il est épris. 
d’une jeune fille pour le bon motif : c’est même le désir de l’épouser qui le pousse- 


à demander la rectification de son état civil. IL n’a nulle incontinence de sperme, 
mais seulement des pollutions nocturnes qui ne paraissent avoir rien d’excessif.. 


SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 93 


bride vestibulaire est très manifeste et offre une légère encoche sur la partie 
latérale droite, comme si elle était décollée ou déchirée en ce point. Méat uri- 
naire saillant; sur ses parties latérales viennent se terminer les extrémités d’une 
membrane hymen, parfaitement intacte, et dont les bords offrent une hauteur 
d’à peu près 1/2 centimètre. En les écartant fortement on aperçoit le fond imper- 
foré du canal vulvaire, qui présente un aspect blanc nacré et réticulé. Le stylet 
promené sur toute cette surface, ne pénètre dans aucun orifice. Fourchette nor- 
male. Périnée idem. 

2 Organes génitaux internes. — Le toucher rectal ne montre aucun vestige 
d’utérus. Le doigt poussé le plus haut possible et ramené en avant, arrive direc- 
tement sur le pubis. Cet examen répété avec le cathétérisme, donne un résultat 
conforme; le doigt placé dans le rectum, perçoit partout le bec de la sonde. Les 
apparences de la puberté (développement des parties génitales externes, des seins 
et des poils) sont apparues à l’âge de douze ans. Il n’y a jamais eu le moindre 
écoulement sanguin par la vulve, ni aucun des phénomènes réflexes concomitants 
de l’ovulation. Il ne paraît donc pas y avoir d’ovaires. 


Les faits d'absence d’utérus et de vagin sont nombreux dans la science. 
Il est péremptoirément établi qu’ils sont dus à l’arrêt de développement 
des conduits de Müller. Je ne veux pas revenir sur un sujet aussi rebattu. 

Je ne désire retenir de cette observation qu’un point qui n’a pas jusqu'ici 
été mis en lumière et qui me paraît capital. C’est l’existence d’une mem- 
brane hymen parfaitement conformée et offrant ses dimensions normales, 
coïncidant avec le développement régulier de la vulve et l’absence du 
vagin. 

Pour bien vous montrer l'intérêt de cette observation, il est indispensable 
que je vous rappelle les discussions récentes auxquelles a donné lieu lori 
gine de cette membrane. 

Il faut avouer que cette question n’avait pas été très agitée jusqu’à ces 
derniers temps ; les auteurs admettaient généralement que l’hymen était dû 
à un repli de la muqueuse vaginale, soit qu’il était formé par l’adossement 
de la muqueuse vaginale et de la muqueuse vulvaire (1), et ne s’expli- 
quaient pas plus nettement sur ce petit point d’embryogénie. M. Budin, 
dont l'opinion paraît concorder avec celle de Henle, est venu lui donner 
une grande précision par les recherches originales qu’il vous a com- 
muniquées il y a quatre ans (2). Voici le résumé des conclusions aux- 
quelles il a été amené par la dissection d’une petite fille et l’étude d’un 
fœtus de quatre mois : € On pouvait donc, dit-il, considérer le vagin comme 
un véritable doigt de gant, présentant à son extrémité antérieure un orifice 
circulaire, et c’est l'extrémité perforée de ce doigt de gant qui, venant s’in- 
sinuer et sortir entre les petites lèvres, constituait ce qu’on appelle l’hy- 


(1) Courty, Trailé pratique des maladies de l'utérus, 3 édition, Paris, 1881, 
p. 64. 

(2) Budin, Recherches sur l’hymen et l'orifice vaginal (Soc. de biol., Progrès 
médical et Tirage à part, Delahaye, 1879). 


[Ro] 
CS 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


men. » Et ailleurs: «Ainsi donc l’hymen, en tant que membrane propre, 
spéciale, distincte, indépendante, n'existe pas. La membrane qui apparaît 
sous les yeux lorsqu'on examine les organes génitaux, et qu'on a décorée du 
nom d'hymen, n’est autre chose que l’extrémité antérieure du vagin faisant 
saillie sur la muqueuse vulvaire entre les petites lèvres. [Il résulte de cette 
disposition que la définition de l’orifice vaginal doit être modifiée. On ne 
peut donc plus dire que € la circonférence externe ou circonférence d’in- 
» sertion de l’hymen constitue la limite exacte du vagin, le pourtour de l’ori- 
» fice vaginal » (Math. Duncan). C’est plus en avant, au niveau de la cir- 
couférence interne de l’hymen, qu'il faut reporter l’orifice du vagin. L’orifice 
vaginal n’est autre chose que l’orifice hyménéal lui-même. » Plus loin, à 
propos du développement, M. Budin s'exprime ainsi: « Au fur et à mesure 
que le fœtus se développe et avance en âge, l’orifice vaginal se rapproche de 
l’orifice vulvaire limité par les petites lèvres ; il arrive bientôt à son niveau 
etarrive même à le dépasser. On pourrait presque comparer la façon dont 
l'extrémité antérieure du vagin pénètre dans le canal vulvaire à la saillie 
que fait Le col de l’utérus dans le vagin. Le vagin entraine avec lui l’urèthre 
qui lui est adhérent. C’est lorsque le vagin s’est ainsi avancé à travers l’ori- 
fice limité par le bord interne des petites lèvres que l’hymen devient appa- 
rent, et plus le vagin fait saillie, plus il semble développer ce qu’on appelle 
la membrane hymen. » 

Les citations précédentes présentent avec une grande lucidité la concep- 
tion séduisante de l'auteur. Je ne m'arrêterai pas à discuter ce que cer- 
taines de ses assertions ont de contestable, notamment l'erreur relative 
à la solidarité embryologique de l’urèthre et du vagin, «celui-ci entrai- 
nant celui-là qui lui est adhérent (1). » Je ferai grâce également à 


M. Budin de toute querelle sur la valeur douteuse de la solidarité gros- 
sière entre l’hymen et le vagin, décelée par la dissection qui a été l’origine 


de son mémoire. En anatomie philosophique, rien n’est trompeur comme 
le scalpel. Je n’ai pas non plus l'intention, dans cette note, de me baser 
sur le résutat d'observations embryologiques. Il ne m’a pas encore été pos- 
sible de poursuivre assez loin celles que j’ai commencées pour pourvoir 
démontrer ainsi, comme j'espère pouvoir le faire, la distinction pri- 
mitive, originelle, entre l’hymen, dépendance des bords du sillon uro- 
génital, et le vagin, formé par la fusion et le développement des conduits de 
Müller, l’un provenant de la formation qu’on a appelée extérieure, l'autre 
de la formation intermédiaire. C’est sur un autre ordre de faits que je vais 
me baser, c’est sur un autre terrain que je vais porter la question. Aussi 
bien, n’est-ce pas celui dont Geoffroy Saint-Hilaire a montré la valeur pré- 
dominante dans les recherches de cet ordre ? — Je tàcherai aujourd’hui 


(1) L’urèthre en entier chez la femme, la portion prostatique du canal de lu- 
rèthre chez l’homme, se développent aux dépens du sinus uro-genitalis. Le 
vagin, il est inutile de le rappeler, se développe aux dépens des conduits de Müller. 


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L. 
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SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 95 


d'interpréter devant vous les dispositions normales avec le seul aide de 
certaines variations tératologiques. 

Dans l’observation actuelle il y a eu manifestement avortement complet 
de la formation intermédiaire (vagin) et développement intégral de la for- 
mation extérieure (vulve); or nous trouvons un hymen normal. N'est-ce 
pas une forte présomption, pour ne pas dire plus, en faveur de l’origine 
extérieure de l’hymen ? Pour échapper à cette conclusion naturelle, il faut 
faire la supposition peu admissible que, tandis que tout le vagin avortait 
supérieurement, il se développait juste assez en bas pour donner lieu à la 
dépression légère que nous avons signalée en arrière de l’hymen, et à cette 
membrane elle-même. Mais ce fait est formellement en désaccord avec ce 
que nous savons de l’évolution de la cavité vaginale aux dépens des conduits 
de Müller, qui procède toujours de haut en bas (1). Si donc une portion de 
ces conduits avait échappé à l’atrophie, c’eüt été plutôt la partie supérieure 
que l’inférieure. — L’explication suivante est bien plus légitime : le petit 
infundibulum qui occupe, chez cette femme, l’entrée de la vulve, est produit 
par le sinus uro-genitalis que Valentin avait si justement proposé d'appeler 
canal (canalis) wrogénital, que S. Müller appelait conduit (ductus) et 
que MM. Tourneux et Legay désigneraient volontiers sous le nom de canal 
vestibulaire. Toutes ces dénominations prouvent surabondamment qu’il y a 
dans le sinus plus qu’une fente — une véritable cavité, — dont nous ren- 
controns ici le vestige. 

J'insiste sur cette particularité capitale, méconnue par les anatomistes, 
qui ont trop fortement réagi contre l'opinion fausse de Rathke, pour lequel, 
on le sait, toutle vagin résultait d’un bourgeonnement du sinus uro-génital. 
11 ne faut pas tomber dans l'excès contraire et refuser au sinus uro-génital 
en avant, pour le vagin, le rôle qu’on lui accorde sans conteste en arrière 
pour le rectum, dont tout le monde admet la formation mixte par abouche- 
ment d’un canal anal avec le canal rectal proprement dit (les malformations 
congénitales mettent ce fait hors de doute). Au point de vue du mode de 
formation et par suite en anatomie philosophique, il paraît aussi indispen- 
sable de distinguer deux régions dans le vagin: l’une, supérieure; qui consti- 
tue la totalité de l’organe ainsi nommé en anatomie descriptive, c’est le 
vagin supérieur ou #ullérien, si l’on me permet cette expression; l’autre, 
région inférieure, presque insignifiante au point de vue de ses dimensions, 
confondue dans la description ordinaire avec la vulve dont elle constitue le 
vestibule, la fosse naviculaire et le pourtour; c’est en réalité un véritable 
vagin inférieur ou uro-génital que ce canal vulvaire, véritable homologue 


(1) Cf. Richard Geigel, Uber Variabilität in der Entwicklung der Geschlechts 
organe (Verhandl. der phys. med. Gesellschaft zu Wurzburg, N. F., XVII Bd), — 
F. Tourneux et Ch. Legay, Note sur le développement de l'utérus et du vagin 
{Comptes rendus Soc. de biologie, 1884, 26 janvier, p. 46). 


. 26 MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


de la portion membraneuse de l’urèthre de l’homme, et dont la distinction 
éclaire d’un jour singulier la comparaison des organes des deux sexes. 
Seul il existe chez notre femme. D’après la définition que je viens d’en 
donner, on voit que ce n’est que la partie cavitaire de la vulve : il n’y a 
pas chez elle le moindre vagin, au sens ordinaire du mot, mais seulement 
une vulve à laquelle l’hymen est annexé. 

C’est ici le lieu de revenir quelque peu, en la rapprochant de la précé- 
dente, sur la disposition des parties génitales externes chez notre pseudo- 
hermaphrodite précédemment présenté devant vous. Ces deux sujets 
sont absolument comparables au double point de vue de l’absence de déve- 
loppement des conduits de Müller (remplacés chez lui par le développement 
des canaux de Wolff), et de l’arrét de développement en type féminin du 
sinus uro-génital. — (En effet, pour le dire en passant, la femme, au point 
de vue de ses organes génitaux externes, n’est-elle pas une véritable hypo- 
spade ?) — L’argument est le même que dans le fait précédent, mais offre 
une force plus grande encore : pas de développement des canaux de Müller, 
pas de vagin chez cet homme, et pourtant un hymen, bordant la vulve, 
qu'il a gardé comme un legs de sa vie embryonnaire. Qu'est-ce à dire, 
sinon que l’hymen n’a rien à faire avec le vagin proprement dit ? 

Mais là ne va pas s'arrêter l’enseignement de ce fait instructif : Nous 
avons vu par Jui ce que l’hymen n’était pas; il va faire plus, et nous mon- 
trer ce qu'il est. 

Etudions en effet chez cet hypospade les connexions de la membrane 
hymen. — Après avoir formé un anneau complet autour de l’orifice vulvaire, 
elle se continue manifestement avec deux bandelettes charnues qui entou- 
rent le méat urinaire d’une sorte de boucle formant un 8 de chiffre avec 
celle que figure l’hymen ; au-dessus de l’urêthre, ces bandelettes se juxta- 
posent et se continuent sous la forme d’une bride saillante et légèrement 
cannelée en son milieu, qui correspond manifestement à la paroi supérieure 
de la portion pénienne de l’urèthre, non développée. La bride se termine au 
niveau du sommet imperforé du gland, et sa rainure médiane présente en 
ce point un léger évasement, qui correspond à :a fosse naviculaire absente. 
Cette bride, qui a souvent sollicité l'intervention des chirurgiens par la gêne 
qu’elle apporte à l'érection et par :es matériaux qu’elle offre pour la re- 
constitution d’un canal pénien, a pour cette raison été souvent figurée et 
décrite; aucun auteur ne s’est mépris sur sa signification évidente; elle est 
le vestige du corps spongieux arrêté dans son développement anatomique 
et histologique, ne s’étant pas constitué en canal et n’étant pas devenu 
érectile. On sait effectivement qu’à l’état fœtal les deux bords du sillon 
uro-génital qui seront les futurs corps spongieux, ne renferment pas de 
üssu érectile; tout récemment encore Wertheimer (1) a vérifié ce fait 
sur des fœtus de quatre à cinq mois. | 

(1) E. Wertheimer, Recherches sur la structure et le développement des. 


organes génitaux externes de la femme (Journal de l'anatomie de Ch. Robin, 
1883, p. 551). 


SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 97 


Or, nous l’avons vu chez notre hypospade, la bride se divise au niveau du 
méat urinaire pour se reconstituer au-dessous de lui en formant l’anneau 
membraneux de l’hymen. li est difficile d'échapper à cette déduction, tirée 
de connexions aussi manifestes : si la bride est le vestige des corpsspongieux, 
l’hymen est le vestige de leur renflement postérieur, c’est-à-dire du bulbe 
où le tissu érectile ne s’est pas, non plus, formé par suite du même arrêt de 
développement. 

Est-il possible de retrouver chez la femme vierge l'indice de ces con- 
nexions qui nous sont présentées grossies pour ainsi dire, ou plutôt, pour me 
servir d’une expression technique, grandies, chez cet hypospade, lequel, au 
point de vue de ses organes génitaux externes, est un véritable embryon 
démesuré ? 

J’ai recherché soigneusement le fait sur des enfants nouveau-nés et deux 
jeunes filles vierges actuellement dans mes salles. Cette recherche m’a 
amené à la découverte d’une particularité anatomique non encore signalée, 
je crois, et qui n’est pas dépourvue d’intérêt. 

Si l’on examine les organes génitaux externes de la femme en écartant 
très légèrement et sans traction les petites lèvres, et relevant le mont de 
Vénus de façon à tendre modérément le vestibule, on voit à un bon éclairage 
se dessiner nettement, entre le clitoris et le méat urinaire, un petit organe 
qui rappelle d’une façon frappante la bride de l’hypospadias. On dirait une 
mince bandelette, à fleur de peau, succédant aux deux petites colonnes 
charnues qui circonscrivent latéralement le méat urinaire. Sa largeur est 
de 4 à 6 millimètres; son épaisseur est trop minime pour pouvoir être 
appréciée; elle paraît si bien incrustée dans le derme de la région vestibu- 
laire, qu’elle ne produit pas le moindre relief. Elle s’y distingue pourtant 
aisément chez presque toutes les femmes, surtout chez celles dont la vulve 
n’a pas été déformée par de nombreux accouchements. On la reconnait sur- 
tout par sa teinte un peu plus blanche que celle des tissus avoisinants et 
par la netteté rectiligne des bords qui la limitent, bien différents des sillons 
irréguliers produits par le plissemeut de la muqueuse. — Sur l'enfant 
nouveau-né elle offre une netteté remarquable et un certain relief; c’est 
là que je conseille de la rechercher tout d’abord. — Ses rapports avec le 
méat urinaire ne sont pas moins importants que ceux qu'elle affecte avec 
l’orifice vulvaire. [ls rendent compte de la solidarité depuis longtemps 
signalée et non interprétée entre l’hymen et le méat : ainsi s'expliquent les 
franges du méat coïncidant avec la disposition frangée de l’hymen (voy. la 
figure de Luschka dans les Leçons cliniques sur les maladies des femmes, 
T. Gallard, Paris, 1879, p. 113 ; celle du cas de Ledru dans Courty, loc. 
cil., p.112). Ainsi s'expliquent aussi les faits d’oblitération du méat par une 
membrane dépendant de l’hymen (voy. article MemBRanE du Dict. de 
Nysten dans toutes les éditions rédigées par Littré et Robin depuis 1855). 

Afin de désigner cette disposition par un mot qui rappelle à la fois sa 
situation et sa signification morphologique, je propose de l’appeler bride 


28 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


masculine du vestibule. Je sais bien toutes les critiques qu’on peut adres- 
ser à cette épithète de masculine: elle a, du moins, le mérite de rappeler 
clairement l’homologie de ce petit vestige avec ce qui constitue chez 
l’homme une si importante portion des organes génitaux externes. 


F1G. 1.— Organes génitaux externes d’un homme hypospade (pseudo-hermaphrodite mâle). 
gl, gland. — yl, grandes lèvres. — pl, petites lèvres. — mu, méat urinaire. 


ov, ouverture vulvaire. — hy, hymen. — f, fourchette. — b, bride. 


Chez la vierge, les connexions de cette bride masculine avec l’'hymen sont 
exactement celles de la grosse bride de notre hypospade. Il est impossible 


:° 2". de les méconnaître. La bride se divise à la manière des branches d’un Y 


SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 20 


renversé au niveau du méat urinaire, formant autour de lui un relief qui 
renforce le tubercule de l’urèthre et qui se continue directement en bas 
avec la partie supérieure de l’hymen. 

Il est intéressant de comparer à ce point de vue spécial l’hypospade et 
la jeune fille imperforée. Ghez elle aussi, en arrière de l’hymen, on trouve 


NA 


1) 
UE 


= 


FIG. 2. — Organes génitaux d’une jeune fille privée de vagin, d’utérus et d’ovaires 
gl, grandes lèvres. — pl, petites lèvres. — mu, méat urinaire. — ov, ouverture 
vulvaire. — hy, hymen. — f, fourchette. — b, bride. 


uu petit cul-de-sac, vestige du sinus uro-génital. Mais, tandis que tout ce 
qui est situé au-dessous du méat urinaire, chez notre temme, représente 
les mêmes parties de notre homme, vues pour ainsi dire avec un verre 
rossissant, la proportion est inverse pour ce qui est situé au-dessus du 
méat, bride et clitoris minuscules comparés à la bride et à la verge clilori- 


30 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dienne de l’hypospade. Les connexions amplifiées chez l’un n’en sont pas 
moins reconnaissables chez l’autre. 

Pour compléter mes études sur ce sujet, j’ai entrepris une double série 
de recherches anatomiques : 

1° Sur l'embryon, pour déterminer par des coupes l’indépendance de la 
formation de l’hymen et de celle de l’évolution terminale des canaux de 
Müller ; 

2° Sur des enfants et des adultes, pour disséquer la bride masculine du 
vestibule et montrer ses rapports avec l’hymen. 

Ces recherches ne sont pas encore assez avancées pour que je puisse vous 
en communiquer le résultat complet aujourd’hui. Cependant sur ces pièces, 
obligeamment préparées par M. Poirier, prosecteur de la Faculté, vous 
pouvez prendre une bonne idée de la bride vestibulaire chez l'adulte. — Sur 
ce fœtus nouveau-né elle est des plus visibles sans dissection. 


Si j'ai cru devoir devancer la fin de mes recherches pour vous les sou- 
mettre, c’est d’abord pour ne pas mettre un espace exagéré entre deux 
présentations connexes, ensuite parce que J'ai désiré vous donner la pri- 
meur de leurs résultats et m’assurer la priorité pour ce qu’elles peuvent 
avoir de nouveau. 

Je résumerai rapidement les résultats auxquels elles m'ont conduit : 

1° L’hymen est une dépendance de la vulve et non du vagin ; cette mem- 
brane est formée aux dépens du sinus uro-génital, qui forme aussi le court 
canal vestibulaire qui constitue le seuil du canal vaginal. Nous observons 
l’hymen et le canal vestibulaire chez notre femme et chez notre hypospade 
dépourvus l’un et l’autre de vagin et d’utérus. 

2 C’est par suite d’une fausse homologie qu’on a donné le nom de bulbe 
du vagin à la partie inférieure et renflée du riche plexus vasculaire qui 
occupe toute la hauteur de ce canal, ainsi que l’a démontré Kobelt (1) et 
vérifié M. Rouget. Il n’y a pas lieu de distinguer là un organe distinct et on 
ne saurait l’assimiler au bulbe de l’urèthre de homme. 

Les corps spongieux de l’urèthre (homme) ne sont pas davantage com- 
parables aux petites lèvres (femme) (2). En effet, chez notre hypospade, il 
existe à la fois des petites lèvres parfaitement caractérisées et des corps 


(1) Kobelt, Die männlichen und weiblichen Wollustorgane, Freiburgi B, 
1884. 

(2) Opinion qui semblerait résulter de cette phrase du récent article de M. Wer- 
theimer : «Les deux bords du sillon génital, on le sait, deviennent le corps spon- 
gieux de l’homme, et les petites lèvres de la femme » (Recherches sur les organes 
génitaux externes de la femme in Journal de l'anatomie, décembre 1883, 
19 année, p. 564). Peut-être l’auteur a-t-il simplement voulu dire que ces 
organes se développent au même point sans vouloir spécifier une homologie 
réelle : en ce cas la védaction prête à confusion. 


sante mt honte Été be Cond ot de EURE ain ant dede re dMlé lS 


mbaéhitant. 


pe 


SUR L'ORIGINE DE L'HYMEN. 31 


spongieux très marqués, quoique atrophiés sous forme de bride. Les corps 
spongieux sont le résultat d’une formation spéciale le long du bord du 
sinus uro-génital, bord dont le revêtement externe se développe en grande 
lèvre et le revêtement interne en petite lèvre chez la femme (ou l’hypo- 
pade); tandis que par sa soudure il constitue chez l’homme le raphé médian 
et la cloison des bourses. 

3° Un examen attentif décèle dans la région vestibulaire de la femme, 
entre le clitoris et le méat, une petite bride large chez l'adulte d’un demi- 
centimètre, reconnaissable à la netteté rectiligne de ses bords, marquée 
d’une rainure médiane et divisée inférieurement pour entourer le méat 
urinaire. Quand lhymen existe, elle paraît se continuer manifestement avec 
cette membrane. Je propose d'appeler cette bandelette décrite ici pour la 
première fois, bride masculine du vestibule pour indiquer ses homolo- 
gies. 

4° L’étude de la bride balano-uréthrale signalée dans les cas d’hypo- 
spadias et en particulier celle du cas qui vous a été soumis, révèle des con- 
nexions identiques pour cette grosse bride et pour la bride atrophiée du 
vestibule féminin. Elle montre en particulier sa bifidité évidente au niveau 
du méat urinaire et sa continuité avec l’hymen qui ourle ici l'orifice-pseudo- 
vulvaire. Or, chez l’hypospade, il est clair jusqu’à l'évidence que la bride 
est un vestige du corps spongieux resté à l’état embryonnaire (où il est 
dépourvu de tissu érectile). Donc l’hymen de l’hypospade, dépendance de 
la bride, est une dépendance du corps spongieux, il en est la partie ter- 
minale et renflée, le bulbe. Cette conclusion peut être rigoureusement 
appliquée à la femme en suivant pas à pas les connexions similaires. En 
conséquence, l’hymen chez la femme est l’analogue du bulbe de l’urèthre 
chez l’homme : c’est le bulbe resté à l’état embryonnaire, non érectile et 
membraniforme, à l'entrée du canal vestibulaire vestige du canal uro- 
génital. 

Les connexions de la glande de Bartholin (chez la femme) comparées à 
celles de la glande de Mery ou de Cowper (chez l’homme) peuvent être 
aisément assimilées. L’allongement considérable du canal excréteur pour 
les glandes masculines, comparé à leur brièveté relative pour les féminines, 

doit être particulièrement considéré. 

Il permet l’ouverture de ce conduit très en avant de la région membra- 
neuse, à une certaine distance en avant de la partie postérieure du bulbe, 
c’est-à-dire dans un point exactement symétrique de celui qui occupe l’ou- 
verture du conduit de Bartholin, en avant de l’hymen, à une certaine dis- 
tance de la fourchette. L’ouverture de la glande de Bartholin dans la 

portion pré-hyménéale de la vulve est l’origine de cet allongement sin- 
gulier du conduit de Cowper. Ce n’est que si la glande de Bartholin 
s'était ouverteen arrière de l’hymen que le conduit de Cowper aurait pu 
être court; mais alors il aurait dû aboucher dans la portion membraneuse 


32 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


—_————————————Z— 


de l’urèthre, homologue du canal vestibulaire rétro-hyménéale de la 
femme. | pu. 
5° La bride masculine du vestibule, chez la femme, est le vestige de la 
portion antérieure ou cylindroïde des corps spongieux, de même que 
l’hymen est le vestige de leur portion postérieure ou ovoïde. 1e 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE 


(PRINCIPE ACTIF DU COLOMBO) 


Lecture faite à la Société de biologie dans la séance du 16 février 1884 


Par le docteur F. ROUX 


Bien que le colombo ait beaucoup perdu de la vogue qu’il avait obtenue 
au moment de son introduction dans la thérapeutique, son usage n’en est 
pas moins fréquent dans certaines affections du tube digestif. Dans les pays 
chauds, on l’emploie quelquefois avec de bons résultats dans les diarrhées 
chroniques qui succèdent si souvent aux attaques de dysenterie. Au Ben- 
gale notamment, où je suis resté pendant plus de deux ans comme médecin 
du gouvernement, j'ai pu constater chez quelques malades les bons effets 
produits par une poudre que donnent des médecins indiens dans certains 
cas de diarrhée bilieuse. La partie active de cette poudre est la racine de 
colombo. 

D'un autre côté, depuis la découverte des alcaloïdes, on est porté à rem- 
placer dans la pratique les médicaments d’origine végétale par leur prin- 
cipe actif. Le fait est trop connu pour qu’il soit nécessaire de citer des 
exemples. 

Ces raisons m'ont poussé à chercher : 1° le principe actif du colombo ; 
2 à examiner les effets produits par ce principe actif. 

Je n’ai pas été le premier à entrer dans cette voie. Ainsi Buchner a tué 
des lapins en leur administrant de l’extrait de colombo. Je n’ai pas de 
détails sur la manière dont il a opéré. Falck et Schraff ont étudié l’action 
physiologique du principe actif du colombo et de la berbérine qui se trouve 
dans cette plante. Ils ont conclu que la première substance (colombine) 
était inoffensive chez l’homme et que la berbérine au contraire était toxique 
chez les animaux. 

Je suis arrivé à des conclusions tout autres et, me basant sur les résultats 
qu’on trouvera décrits plus loin, je suis porté à croire que les auteurs ci- 
dessus désignés ont opéré avec un produit absolument différent de celui 
qui m'a servi dans mes expériences et qui pourrait bien n'être pas d’une 
pureté parfaite. 

Du reste, comme le dit M. Dujardin-Beaumetz dans son Dictionnaire de 
thérapeutique (article CoLompo, fase. V[, p. T0), ces études sont peu pré- 


cises, et l’auteur français ajoute : « On n’est guère en droit d’affirmer que 
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. I. p) 


34 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ces produits amers jouissent de propriétés séparées et différentes de celles 
de la racine elle-même: » On verra que, dans toutes nos expériences, la 
colombine s’est comportée d’une tout autre manière que ne le prévoyait 
M. Dujardin-Beaumetz. Il doit en être de même pour beaucoup d’autres 
principes actifs tirés des médicaments d’origine végétale, et c’est là une 
étude que j'ai l'intention de poursuivre. 

Ce court travail est divisé de la façon suivante : 

1° Étude sommaire du colombo. Modes de préparation de la colombine. 
Principaux caractères de cette substance. 

2 Expériences sur les animaux : Autopsies. Anatomie pathologique. 

3° Discussion et conclusion. 


1. — Du colombo et de la colombine. 


Le colombo, indigène des forêts de l’Afrique orientale, appartient à la 
famille des Ménispermacées. Sa partie utilisée est la racine qui contient 
de la colombine, de la berbérine et de l'acide colombique. On y trouve en 
outre de l’amidon, de là pectine, de la gomme et du nitrate de potasse. 

La colombine, découverte par Witstock, a été étudiée par Row et Liebig. 
Elle a été obtenue ainsi : on a traité par l’éther dans un appareil à dépla- 
cement la racine de colombo réduite en petits fragments. L’éther aban- 
donne une substance cristallisée, légèrement colorée en jaune, qu’on lave 
avec de l’éther froid pour enlever les substances grasses et la matière 
jaune, puis on fait bouillir dans l’alcool. Par le refroidissement, la solu- 
tion alcoolique donne des prismes très nets, incolores, fusibles à 182 de- 
grés. La formule de la colombine est C#H?07(Poggiale, Journal de phar- 
macie, t. XXX, p. 80). , 

Pour être certain d'opérer avec de la colombine bien pure, je me suis 
adressé à M. Duquesnel, le préparateur de l’aconitine. Ce chimiste a mis 
son savoir à ma disposition avec la plus grande complaisance. Après 
plusieurs essais, il s’est arrêté à un procédé qui a l’avantage de ne pas 
exiger de grandes quantités d’éther, d’un maniement toujours dangereux 
quand on opère sur de grandes masses de colombo. 


Procédé Duquesnel. — Prenez de la racine de colombo bien divisée. 
Épuisez à froid par déplacement avec de l’alcool à 75 degrés. Distillez la 
liqueur. Évaporez en consistance d’extrait légèrement sirupeux. Agitez 
cet extrait avec du chloroforme en quantité suffisante pour l’épuiser conve- 
nablement. Distillez la liqueur chloroformique à siccité. Le résidu est 
débarrassé par l’éther de pétrole d’une matière grasse jaune qu’il contient, 
puis, bien desséché et pulvérisé, il est traité par l’éther bouillant à diffé- 
rentes reprises, Jusqu'à ce que ce dernier n’entraîne plus de prineipe 
actif. | 

Les liqueurs éthérées sont réunies, puis distillées et réduites à un petit 


hill", 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 35 


volume. On laisse alors refroidir et la cristallisation s'opère. On obtient un 
produit coloré, qu’on reprend plusieurs fois par l’éther bouillant comme 
ci-dessus, jusqu’à ce que le produit cristallisé, qui est la colombine, soit 
incolore. 

Par ce procédé, on avait une certaine peine à se débarrasser de la ma- 
tière colorante. Frappé de cette difficulté, M. Duquesnel a apporté à son 
procédé primitif la modification suivante. ñ lieu d'employer léther pour 
extraire la colombine, il reprend l’extrait chloroformiqué par l’alcool froid 
à 10 degrés, qui s'empare de la matière colorante et laisse la colombine non 
dissoute. On purifie cette dernière par cristallisation dans l’alcool fort et 
on décolore à l’aide du charbon animal. 

Ce procédé permet d'obtenir de 35",50 à 4 grammes de colombine pour 
4 kilogramme de racine de colombo. D’après l’article du Dictionnaire 
encyclopédique, Witstock aurait retiré 18,50 de colombine pour 
100 grammes de colombo, soit 15 grammes par kilogramme. Comme on le 
voit, la différence de résultats fournis par les deux procédés est considé- 
rable. 

Elle expliquerait les effets observés par Falck et Schraff, qui sont en si 
grand désaccord avec ceux que j'ai obtenus. Si la quantité de colombine 
que Witstock a trouvée dans le colombo était en aussi forte proportion dans 
la plante, lPadministration du médicament amènerait fréquemment des 
vomissements et des accidents plus graves. 

Le produit obtenu par le procédé Duquesnel se présente sous forme de 
cristaux brillants. M. Wurtz attribue aux cristaux de colombine la forme 
de prismes orthorhombiques » avec des modifications g/, k! a'.— mm— 
125° 30! : a' h! —129° 39 .La saveur de ces cristaux est excessivement 
amère, beaucoup plus que celle du sulfate de quinine, par exemple. En 
mettant quelques cristaux sur la langue, leur amertume ne se développe 
pas sur-le-champ complètement, mais au bout d’une demi-minute environ. 
Par contre, la saveur est très persistaute et dure souvent une heure. 

Si l’on met sur le doigt une petite quantité de colombine et qu’on la 
mouille légèrement avec de l'alcool à 70 degrés, la saveur est bien plus 
forte et dure bien plus longtemps. Le goût de la substance est plus désa- 
gréable que celui de la quassine et surtout beaucoup plus persistant. 

La solubilité de ces cristaux est faible. Ils sont très peu solubles dans 
Veau froide et bouillante. 25 grammes d’eau distillée froide ne dissolvent 
qu'environ À centigramme de colombine. Ils sont peu solubles dans la gly- 
cérine et l'alcool. Si, dans une éprouvette, on met 9 centigrammes de 
colombine et 1 centimètre d’alcool à 70 degrés et qu’on chauffe, il se 
dissout les trois quarts environ des cristaux, mais ceux-ci se précipitent 
en grand nombre par le refroidissement. 

Les cristaux sont solubles dans le chloroforme, dans un excès de ben- 
zine et d’essence de térébenthine, un peu moins cependant dans cette der- 
nière. [ls sont insolubles dans l’eau aiguisée d’acide sulfurique. 


30 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Les réactions avec les différents acides sont à peu près nulles. On n’ob- 
tient rien avec les acides chlorhydrique, azotique, acétique. Plusieurs au- 
teurs disent que la colombine sur laquelle on laisse tomber quelques 
gouttes d'acide sulfurique se colore en rouge. Dans toutes les expériences 
faites dans le laboratoire de M. Duquesnel, on n’a pas constaté cette colo- 
ration rouge, mais bien une belle coloration marron semblable à la couleur 
du laudanum. 

Cette réaction est un caractère différentiel de la colombine et de la quas- 
sine. Cette dernière, en effet, ne donne rien avec l'acide sulfurique. I y a 
du reste bien d’autres différences entre les deux substances. La forme des 
cristaux : octaédrique pour la quassine, prismatique pour la colombine. Le 
goût : l’'amertume de la colombine est bien plus forte et surtout bien plus 
durable que celle de la quassine. La solubilité : bien plus grande pour la 
quassine que pour la colombine. 

Cette différence dans les caractères chimiques se maintiendra dans les 
effets physiologiques. 


IT. — Expériences sur les animaux. Autopsies. Examen histologique. 


Avant d'examiner les effets de la colombine sur l’homme, il était indis- 
pensable de les étudier chez les animaux. Mais pour arriver à obtenir des 
résultats précis, il fallait surmonter quelques difficultés. En raison de 
l'extrême amertume du produit, il était presque impossible de le faire ab- 
sorber aux animaux avec leurs aliments. Quant aux injections hypoder- 
Hits, elles étaient très difficiles à employer, la colombine n'ayant 
qu'une solubilité très faible dans les divers liquides propres à ces injec- 
tions. 


Dans un premier essai, j'ai injecté dans le tissu cellulaire de la cuisse 


d’un cobaye 5 centigrammes de colombine finement pulvérisée, dissoute ou, 
pour mieux dire, tenue en suspension dans 4 centimètres cubes d'alcool à 
10 degrés. Au bout de deux minutes l’animal tombait dans le sommeil de 
l'ivresse ; mais aucun autre effet n’était obtenu. Le lendemain matin l’ani- 
mal ne présentait aucun symptôme particulier. 

On pouvait aussi songer à introduire la colombine dans l’estomac des 
cobayes au moyen de la sonde œsophagienne. Cette opération est sans 
doute possible, mais elle a quelques inconvénients. Si la sonde est d’un 
très faible calibre, le liquide de l'injection, qui a une consistance pâteuse, 
ne passe pas facilement. Si la sonde est grosse, on peut voir l'animal suc- 
comber à l’asphyxie. Dans tous les cas, il se perd du liquide et, comme il 
est difficile d'évaluer exactement la quantité du produit perdue, les résul- 
tats de l'expérience sont moins précis. 

Pour toutes ces raisons, j’ai eu recours aux poules, chez qui le cathété- 
risme œsophagien est excessivement facile. 

Dans toutes mes expériences, je me suis servi pour tenir en suspension 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 31 


la colombine d’un mélange que m'a conseillé M. Duquesnel et qui est ainsi 
composé : Trois quarts d’eau, un quart de glycérine et une petite quantité 
de gomme arabique. La colombine était toujours finement pulvérisée. J'ai 
renoncé à l’usage de l'alcool pour n'avoir pas à tenir compte des effets 
qu'aurait pu produire ce liquide. Certaines expériences en effet se conti- 
nuaient pendant plusieurs jours et, au bout de ce temps, l'alcool ingéré 
aurait été en assez grande proportion. 

La quantité de liquide à injecter était toujours aussi faible que possible 
pour que les résultats ne pussent être attribués à autre chose qu’au médi- 


cament en essai. 

Pendant toute la durée des expériences, les poules ont été soumises à la 
même nourriture, grains et verdure. Les poules sur lesquelles les essais 
ont été faits ont toutes été prises au hasard dans une basse-cour : aucune 
n'avait été soumise préalablement à l’engraissement. 

Tout ce qui a trait à l’histologie qu’on trouvera plus loin est dû à la 
plume autorisée de M. le docteur Armand Siredey, chef du laboratoire 
d’histologie à l’amphithéâtre des hôpitaux. Je tiens à lui lémoigner ma 
reconnaissance pour le soin qu’il a mis à examiner les pièces que Je 
l'avais prié d'étudier et pour les utiles conseils qu'il m’a donnés. 


Pouce N° 1.— Dans l’estomac d’une poule pesant 750 grammes, j'introduisis 
50 centigrammes de colombine. L’injection est faite à quatre heures et demie du 
soir. À six heures, cette poule, qui était très sauvage et ne se laissait pas ap- 
procher, sc laisse prendre plus facilement. Elle refuse de manger les grains 
placés devant elle. 

Le lendemain, cet état continue en s’accentuant. Si on s’approche de la poule, 
au lieu de fuir comme elle le faisait auparavant, elle va assez lentement à une 
faible distance et arrivée là elle reprend la position qu’elle avait avant qu’on ait 
essayé de s’en emparer. Elle continue à ne pas manger; elle boit seulement à 
différentes reprises. 

Le surlendemain matin, on peut la toucher sans qu’elle essaye de fuir. Il y à 
de l’horripilation : ses plumes sont hérissées. Elle se tient à peine sur ses pattes. 
À onze heures du matin, on la trouve morte dans un coin. 

Autopsie. — Elle est faite douze heures après la mort. On constate une odeur 
de putréfaction excessivement forte, beaucoup plus marquée que celle qu’on 
observe chez une poule morte depuis le même laps de temps. La peau est cou- 
leur lie de vin. Il y a une teinte jaunâtre des conjonctives. 

A l'ouverture de l’abdomen, on constate une congestion intense des organes 
digestifs. — Le foie est mou, livide : il se laisse écraser facilement sous le doigt. 
Il a l’aspect qu’on observe chez les animaux morts de maladie infectieuse. La vé- 
sicule biliaire est remplie de bile. Cette bile est plus épaisse qu’à l’ordinaire : 
elle est également plus visqueuse. 

L’estomac renferme des grains non digérés. Une légère coloration jaune clair 
est répandue à sa surface. Il n’offre rien autre chose à noter. 

L’intestin renferme des matières fécales et une certaine quantité de liquide 
visqueux gris clair. 

Rien aux poumons. 


38 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


POULE N° 2. — Poule de S90 grammes. Injection dans l'estomac de 20 centi- 
grammes de colombine à quatre heures et demie du soir. Un quart d’heure après, 
il y à un abattement marqué. La poule reste longtemps à la même place. Elle 
n’avale pas les grains qu’elle a devant elle. Une demi-heure après l'opération, les 
excréments sont rendus en grande quantité. Avant l'injection, ils étaient d’une 
teinte vert foncé. Ils sont maintenant jaune clair, tout à fait semblables comme 
couleur aux excréments d’un très jeune enfant bien portant. 

On a eu soin de mettre dans des capsules différentes les exeréments de la poule 
avant et après l’opération, ainsi que ceux de deux poules prises au hasard dans 
la même basse-cour. Ces matières diluées dans un peu d’eau distillée sont exa- 
minées. Les excréments rendus avant l’opération et ceux des autres poules ne 
renferment pas de bile appréciable avec les réactifs. Les autres au contraire ont 
eu leur partie liquide concentrée par évaporation. Ce liquide, traité par l'acide 
sulfurique et le sucre, donne une coloration pourpre, réaction fournie par la pré- 
sence de la bile. 

Le lendemain de l'opération, la poule mange, mais avec moins d’avidité qu’une 
poute ordinaire : elle est beaucoup moins vive. On peut approcher d’elle sans 
qu’elle se sauve au loin. Elle se contente d’aller à une faible distance. Le surlen- 
demain, cet abattement s’accentue : l'animal a peine à se tenir sur ses pattes. 
Elle refuse de manger les grains qui sont à sa portée. A la fin, elle succombe 
sans avoir présenté d’autres symptômes qu'une diarrhée abondante. 

Autopsie.—Faite trois heures après la mort. Pas d’odeur de putréfaction. Le foie 
est mou. [1 présente sur ses bords et sur sa face inférieure une coloration gris 
foncé. Cette coloration est moins étendue sur sa face supérieure que sur sa face 
inférieure. Sur le petit lobe, elle n’est que superficielle, mais, sur le grand lobe, 
elle pénètre dans la profondeur du tissu hépatique. À une simple inspection, le 
reste du foie paraît sain. 

La vésicule est distendue par un liquide très visqueux, légèrement jaunûtre. 

L’estomac est rempli de grains non digérés. La muqueuse est jaune clair: 
cette coloration est à peu près uniformément répandue sur toute sa surface. L’in- 
testin est pléin de matière visqueuse : il est d’une couleur gris cendré. 

Rien aux poumons ni au cerveau. Pas d’abcès, pas d’infarctus. 


Examen histologique. — Foie. — Le foie était déjà conservé dans l'alcool de- 
puis plusieurs jours lorsqu'il à été apporté au laboratoire. Cependant on distingue 
encore une teinte jaune d’ocre généralisée. Sur des coupes colorées au picro-car- 
min, on constate les lésions suivantes : 

Rien d'appréciable du côté des espaces portes et des fissures. On ne constate 


pas de distension des vaisseaux, pas de développement exagéré, pas de multipli-. 


cation des canaux biliaires dont l’épithélium est parfaitement intact sur quelques 
points. Les lobules sont profondément altérés. Au lieu des rangées régulières 
que forment les cellules, celles-ci sont disposées sans ordre, pressées les unes 
contre les autres. Elles sont d’ailleurs notablement moditiées. Plus volumineuses 
qu’à l’état normal, les cellules sont troubles, granuleuses. Elles présentent une 
teinte jaunâtre uniforme dans laquelle on ne distingue pas les granulations pig- 
mentaires normales. Les noyaux sont peu distincts. 

On ne voit pas de vésicules graisseuses nettes. Il n'y a pas de leucocytes en 
excès dans les espaces intercellulaires, qui d’ailleurs sont plutôt dimimués 
qu'agrandis. 


PC 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 39 


En résumé, on voit que les lésions de ce foie consistent en une altération 
portant à peu près sur la totalité des cellules hépatiques. Celles-ci sont tumé- 
fiées, irrégulières, troubles, sans présenter de vésicules graisseuses nettes, sans 
offrir sous l’influence de l’acide osmique les réactions caractéristiques de la dé- 
générescence graisseuse. 


POULE N° 3. — Pour qu’on puisse mieux suivre la marche des effets produits 
par la colombine et en même temps pour avoir des lésions plus nettes à l'examen 
histologique, j'ai pris soin dans cette expérience de donner la colombine à des 

-doses progressives. 

Poule de 895 grammes. — Le 18 septembre, on injecte dans l'estomac de cette 
poule 10 centigrammes de colombine. L’injection est répétée le 19 et Le 20. Pen- 
dant ces trois jours, la poule semble être dans son état normal, sauf l’appétit 

-qui paraît un peu moins vif. Mais la vivacité de la poule reste la même. Il n’y a 
de changement que sur la quantité des excréments, qui sont rendus en plus 
grande abondance et plus fréquemment. 

Leur couleur a également subi une modification considérable. Au lieu d’être 
brun verdätre, comme ceux des poules de la basse-cour qui n’ont pas pris de 
colombine, ils sont d’une belle couleur jaune clair identique à celle que présentent 
les garde-robes d’un très jeune enfant bien portant. On peut évaluer leur quan- 
tité au double environ des matières que rend une poule saine. Ils sont aussi 
plus liquides. On constate fréquemment à leur surface la présence d’une matière 
visqueuse comme du blanc d'œuf. Cette matière est très claire. 

Le quatrième et le cinquième jour, l’injection est continuée à la même dose. 
L'état de la poule reste le même. Le sixième jour, injection de 20 centigrammes 

-et le septième jour de 50 centigrammes de colombine. 

Le huitième jour au matin, l’état de la poule s’est considérablement modifié. 
Auparavant elle fuvait quand on s’approchait d'elle, maintenant elle se laisse 
prendre sans difficulté. Elle boit toujours, mais ne touche pas aux grains placés 

- devant elle. Il y à de lhorripilation, ses plumes sont hérissées. La poule est 
abattue ; elle reste à la même place tant qu’on ne vient pas tout près d’elle, La 
tête et le cou sont ramenés sur le thorax. Elle se tient encore assez bien sur ses 
pattes. Les excréments continuent à être abondants. 

Il y a de l’ictère facile à constater sur les conjonctives. 

Le neuvième jour au matin, l’état précédent est bien plus accentué. La poule 
est couchée à terre. Elle ne fait aucun mouvement. À quatre heures du soir, elle 
est blottie dans un coin, les plumes hérissées, la tête sous l’aile. On peut la tou- 
cher sans qu’elle bouge. Il faut pincer très fortement la peau de la cuisse pour 
ue la poule fasse un léger mouvement. On la croirait morte si, de temps à autre, 
1 n’y avait quelques rares mouvements respiratoires très faibles. 

Par instants, la poule ouvre le bec comme si elle bâillait, et on voit alors dans 
le fond de la cavité buccale un liquide visqueux jaune clair. A la main, la tempé- 
rature de la peau semble très abaïssée. Les membres inférieurs, ramenés sur le 
corps, sont raides : on les écarte avec un certain effort et ils ne reviennent que 
lentement sur eux-mêmes. 

Au moment où la poule n'offre plus que quelques signes de vie, on lui coupe 
le cou. Le sang qui s’en échappe est vermeil. Au microscope, les globules ne pré- 
sentent aucune altération de forme. 

Autopsie. — Elle est faite immédiatement après la mort. La peau est livide. 


40 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Le foie est gros, mou, se laissant écraser facilement sous le doigt. Par places, 
on remarque une coloration café au lait clair. Cette coloration n’est pas uni- 
forme : elle se détache sur un fond jaunâtre plus ou moins orangé. Cette colora- 
tion jaunâtre peut être comparée à celle de la rhubarbe. 

A la surface du foie, on remarque trois taches noirätres de la largeur d’une 
lentille au moins et qui ont l’aspect de foyers hémorrhagiques. 

À la coupe, on sent que le foie a diminué de consistance ; l’apparence lobulée 
du foie n’est pas aussi bien marquée qu’à l’état physiologique. C’est plutôt une 
masse jaunâtre dont la coloration est plus ou moins foncée. 

En somme, on peut trouver un grand degré de ressemblance macroscopique 
entre ce foie et ceux qu’on observe dans l’ictère grave et aussi dans la fièvre 
jaune telle que j'ai pu l’observer. 

La vésicule biliaire est plus volumineuse qu’à l’état normal. Elle est remplie 
d’un liquide brunâtre, visqueux, ayant les mêmes caractères que ceux assignés 
par Jaccoud à la bile ancienne (art. FIÈVRE JAUNE, Pathologie interne). 

Les intestins sont gonflés. Ils sont remplis d’une matière visqueuse d’une colo- 
ration jaune clair. Cette matière est très abondante et se trouve dans toute l’éten- 
due de l'intestin. Il y a aussi quelques matières fécales, mais en petite quantité. 

L’estomac est rempli de grains non digérés. Cependant la poule n’a absolument 
rien mangé depuis plus de trente-six heures. Les grains sont parfaitement intacts. 
Il est certain que la poule n’a pas mangé depuis longtemps, car elle a été attenti- 
vement surveillée. 

On remarque à la surface de la muqueuse stomacale une coloration jaune clair. 
Cette coloration a résisté à un lavage à l’eau froide. Elle est uniformément répan- 
due sur toute la surface de l’estomac, plus marquée peut-être au fond des plis que: 
forme la muqueuse. 

Rien aux poumons ni au cerveau. 


Examen histologique. — Foie. — D’aspect jaunâtre, mou, se laissant écraser 
sous le doigt, ce foie présente par places de petits nodules brunâtres qui ont 
manifestement l’aspect de petits foyers hémorrhagiques. 

Les coupes faites en divers points montrent les lésions suivantes : 

À un faible grossissement. — Délimitation des glandes très difficile à eause 
de l’arrangement irrégulier des cellules. Les travées rayonnées ont complète- 
ment disparu et les cellules sont groupées sans ordre autour des orifices béants. 
des vaisseaux sanguins. Il n’existe pas de lésions appréciables des espaces portes. 
et des fissures : pas d’épaississement des vaisseaux sanguins, pas de multiplica- 
tion des canaux biliaires. 

Les lésions sont localisées au sein même des lobules. Elles ont leur siège dans 
les espaces intercellulaires et dans les cellules hépatiques 

Les premières consistent en des foyers hémorrhagiques plus ou moins volu- 
mineux (quelques-uns avaient été déjà reconnus à l’œil nu). Ces foyers n'ont 
pas une disposition absolument régulière. Ils n’ont pas l'aspect cunéiforme des 
infarctus. Ils se rencontrent en divers points, tantôt vers la périphérie du foie, 
tantôt dans la profondeur. On distingue d’ailleurs au sein des lobules de petits 
amas de globules rouges refoulant quelquefois les cellules hépatiques et consti- 
tuant des foyers hémorrhagiques rudimentaires. 

Sur aucun des gros vaisseaux on ne constate d’oblitération Sipréoble 

Il existe en outre de nombreux leucocytes, tantôt disposés en séries régulières. 


| 


ES 
ns 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 


autour des cellules, tantôt réunis par groupes de cinq ou six, ou même davantage. 
Cependant on ne constate pas d’abcès véritables. 

A un fort grossissement (objectif 6 et 7 de Verick) on peut confirmer ce qui 
avait été dit des foyers hémorrhagiques. On distingue très nettement des globules 
rouges très peu altérés, qui forment des amas volumineux ayant refoulé ou dé- 
truit autour d’eux les cellules hépatiques. 

Les cellules sont profondément altérées : elles sont troubles et ne présentent 
plus les granulations pigmentaires normales. Sur des préparations soumises à 
des vapeurs d’acide osmique, on voit des gouttelettes graisseuses irrégulièrement 
disséminées dans les cellules et colorées en noir foncé. Mais ces réactions man- 
quent sur beaucoup de cellules. Quelques-unes semblent vidées de leur contenu: 
il ne reste autour du noyau que des espaces clairs, réfractaires à l’acide osmique 
et également rebelles aux diverses matières colorantes. Ces cellules semblent 
creusées de vacuoles qui donnent à la région l’aspect d’un véritable tissu 
réticulé. 


POULE N° 4. — Poule de 800 grammes.— L'expérience est commencée le 10 oc 
tobre. On donne chaque jour à la même heure 10 centigrammes de colombine. 
Le premier jour on ne note rien d’appréciable : la poule est aussi vive et mange 
avec le même appétit. 

Le deuxième jour, dans la soirée, l’appétit semble se ralentir. La poule mange 
sensiblement moins qu’une autre qui est enfermée avec elle. Le troisième jour, 
elle commence à être abattue. Elle se tient dans un coin et refuse toute nour- 
riture. Elle ne se dérange par instants que pour boire et reprend la position 
qu’elle avait auparavant. 

Le quatrième jour, elle se tient dans un coin. Elle ne touche pas aux grains qur 
sont dans la cage. Ses plumes sont hérissées ; la tête et le cou sont ramenés sur 
le thorax. Elle ne fuit pas si on essaye de la prendre. Dans la soirée, ces symptômes 
continuent et elle meurt le soir. 

Autopsie. — Elle est faite un quart d'heure après la mort. La peau est rouge. 
Les conjonctives sont jaunâtres. L’intestin est rempli de matière visqueuse jaune 
clair : on y trouve aussi des matières fécales en petite quantité. 

Le foie est brun rougeâtre, mou, se laissant écraser sous le doigt. En le etieast 
de l'abdomen, il se laisse déchirer facilement. La vésicule biliaire a sensiblement 
son volume normal. En l’ouvrant, on y constate la présence d’un liquide muqueux, 
légèrement brunâtre, filant comme du blanc d'œuf. 

L’estomac est rempli de grains intacts. Cependant la poule n’a pas mangé de- 
puis vingt-quatre heures au moins, à moins qu’elle n'ait mangé la nuit, ce qui est 
peu probable. La muqueuse présente à sa surface une coloration jaune clair uni- 
forme. Cette coloration résiste au lavage comme chez la poule n° 8. 

Examen histologique. — De tous les foies de la série, c’est celui qui présente 
les altérations les moins appréciables. La disposition générale du lobule n’est pas 
modifiée d’une facon sensible. 

On distingue nettement les travées régulières des cellules hépatiques : les es- 
paces intercellulaires ne sont pas agrandis. Aucune lésion appréciable des es- 
paces portes. Pas de multiplication des canaux biliaires. Sur quelques points, on 
constate de petites trainées rouges que l’on reconnaît, à un fort grossissement, 
être constituées par des leucocytes qui forment des chapelets irréguliers au- 


42 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


tour des cellules. Encore cette lésion est-elle vague et très irrégulière dans sa 
distribution. 

Il existe en certains endroits de petits amas de leucocytes tout à fait isolés, 
mais il n’y à pas d’abcès véritable. Les cellules hépatiques sont complètement 
saines sur un grand nombre de points. Sur d’autres, elles sont un peu troubles et 


présentent quelques fines gouttelettes brillantes indiquant un très léger degré de, 


dégénérescence granulo-graisseuse. Mais ces diverses altérations sont, pour ainsi 
dire, rudimentaires. 


Estomac. — La muqueuse est recouverte d’une couche épaisse de mucus qui 
présente une coloration jaune intense. L’épaisseur de cet enduit muqueux est au 
moins aussi considérable que celle de la muqueuse elle-même. On reconnaît dans 
la couche profonde de ce mucus, au point d’adhérence avec la muqueuse, de 
petits fragments de cellules épithéliales tuméfiées et ayant perdu leurs noyaux. 

Il n’existe pas de lésions profondes des tuniques de l’estomac. Les fibres mus- 
culaires sont nettes et franchement colorées : elles ne sont pas infiltrées de leu- 
cocytes. 

Quant aux lésions interglaneulaires, elles sont assez difficiles à apprécier, 
l’écartement des glandes présentant de très grandes variations à l’état normal. 
(Des études comparatives ont été faites sur quatre gésiers sains : il existait de 
grandes différences au point de vue du tissu interstitiel.) 


Mais, quoique les glandes soient séparées par des bandelettes conjonctives 


assez épaisses, ne dépassant pas toutefois l’épaisseur que l’on a rencontrée sur 
les muqueuses saines, on ne peut conclure à l’existence d’une inflammation inter- 
stitielle de la muqueuse gastrique, parce qu’il n’y a pas d'infiltration appréciable 
de cellules lymphatiques entre ces diverses glandes. On ne rencontre pas dayan- 
tage de cellules de nouvelle formation dans la couche profonde de la muqueuse. 

Les glandes présentent un aspect variable : quelques-unes d’entre elles sont 
légèrement dilatées et remplies d’un enduit muqueux qui se continue avec le 
mucus de la superficie. | 

Les cellules de la partie profonde ne sont pas sensiblement altérées. Elles sont 
nettement colorées et conservent leurs caractères normaux. Les cellules qui se 
trouvent au niveau des orifices glandulaires sont moins nettes. Quelques-unes 
ont disparu, d’autres sont tuméfiées, transparentes et ont subi la dégénérescence 
muqueuse. 

Des pièces préparées à l'acide osmique ne montrent aucune trace de dégéné- 


rescence graisseuse des éléments épithéliaux. On rencontre, en outre, dans la. 


partie profonde de l’enduit muqueux et dans le mucus qui remplit les glandes 
dilatées, de petits faisceaux de cristaux allongés, ayant la forme de paillettes fines 
et légèrement colorées en jaune. Ces cristaux offrent une grande ressemblance 


avec des cristanx de cholestérine, mais des cristaux de colombine finement 


pulvérisés prennent sensiblement un aspect analogue. Il est donc difficile de 
conclure nettement à cet égard. 


Intestin. — Pas de lésions appréciables des tubes glandulaires. Les cellules 
cylindriques des glandes de Lieberkühn sont nettes et franchement colorées. 
Mais il existe une infiltration assez prononcée des cellules lymphatiques (leu- 
cocytes) autour des glandes et dans la couche profonde de la muqueuse. Nulle 
part d’abcès véritable, mais ‘une infiltration généralisée indiquant un certain 
degré d’inflammation interstitielle de la muqueuse. 


- Sp 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 43 


Rein. — Diverses coupes du rein préparées par les procédés ordinaires ne font 
pas constater de lésions nettes. Les tubes sont franchement colorés et les cellules 
épithéliales des tubes contournés, comme celles des tubes droits, se reconnais- 
sent facilement avec tous leurs caractères normaux. Il n’existe pas de cylindres 
protéiques dans les tubes, pas de transformation vacuolaire des cellules épi- 
théliales. 

Rien d’appréciable du côté des glomérules et de leurs capsules. On remarque 
seulement autour de quelques tubes une infiltration de leucocytes qui, sur aucun 
point, ne constitue de foyers véritables. 


PouLE N° 5. — Dans cette expérience j'ai donné tous les jours de faibles doses 
de colombine, et j'ai sacrifié l’animal sans attendre sa mort naturelle. 

L'expérience est commencée le 15 octobre. On donne chaque jour à la même 
heure 4 centigrammes de colombine. Pendant toute la durée de l'expérience 
l'animal conserve sa vivacité habituelle. Au début, son appétit reste normal : il 
semble un peu moins fort au bout de quelque temps, mais néanmoins la poule 
mange les grains placés devant elle. Les excréments sont peut-être plus abon- 
dants que chez une poule à l’état normal, mais ils n’ont pas la teinte jaune clair 
signalée plus haut. 

Le 5 novembre, c’est-à-dire vingt et un jours après le début de l’expérience, 
on tue l'animal par la section du bulbe. 

Autopsie. — On constate une coloration jaunâtre des conjonctives. 

La teinte brun rougeâtre du foie qu’on avait trouvée aux autres autopsies est 
ici beaucoup moins accentuée. Le ramollissement de la glande est aussi moins 
prononcé. Le foie ne s’affaisse pas sur la table, ne se laisse pas écraser facile- 
ment sous le doigt. La vésicule biliaire offre le volume normal : on y trouve 
un liquide visqueux jaune clair. 

L’intestin est rempli de la même matière visqueuse jaune clair, signalée plus 
haut, mais cette matière est moins visqueuse el moins abondante que dans les 
cas précédents. 

L’estomac n'offre rien autre chose à signaler qu’une coloration jaune clair de 
la muqueuse. 

Examen histologique. — Foie. — Bien que l'attention se soit portée très spé- 
cialement sur les espaces portes, on n’y découvre aucune lésion appréciable. Pas 
de prolifération conjonctive, pas d’épaississement des vaisseaux, pas de multipli- 
cation des canaux biliaires. L’arrangement des lobules est moins profondément 
modifié que dans les foies précédents. Les cellules sont disposées en tyavées 
régulières, qui convergent à la facon de rayons vers les veines centrales. On ne 
rencontre en aucun point de foyers hémorrhagiques ou de petits abcès miliaires. 
Cependant les capillaires contiennent de nombreux leucocytes. 

Les cellules du foie présentent des altérations très nettes. Sur des pièces im- 
prégnées par l'acide osmique, on voit un grand nombre de petits points noirs 
répandus comme une fine poussière sur toute la surface de la cellule. On ne voit 
en aucun point de grosses gouttes de graisse ou la transformation vacuolaire qui 
a été signalée plus haut. 

Le noyau reste net et franchement coloré par les réactifs. Sur les pièces qui 
n’ont pas été soumises à l’acide osmique, on constate au milieu des cellules de 
petits points brillants très réfringents qui dénotent, comme la poussière no re 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ES 
re 


obtenue par l'acide osmique, une dégénérescence granulo-graisseuse de la cel- 
lule hépatique. 

Sur quelques préparations, les lésions sont un peu plus avancées, mais elles 
n’atteignent jamais le même degré que dans les foies n° 2 et n° 3 

Estomac. — Lésions assez analogues à celles observées chez la poule précé- 
dente. Pas de lésions des tuniques profondes, ni des espaces interglandulaires, 
des tissus sous-muqueux. Mucus abondant et adhérent. Dégénérescence muqueuse 
des cellules de la partie superficielle des glandes. Intégrité des cellules pro- 
fondes. 

Intestin. — Aspect normal. Rien du côté des glandes et des cellules épithé- 
liales. Pas d'infiltration appréciable des espaces interglandulaires et sous-mu- 
queux. 

Rein. — Ce qui a été dit pour le rein de la poule précédente peut être répété 
ici. Aspect normal des cellules. Légère infiltration de leucocytes dans les espaces 
intertubulaires. 


On voit, en résumé, que les lésions trouvées dans le foie appartiennent à | 
divers degrés à la dégénérescence granulo-graisseuse de la glande. Dans 
le foie n°4, cette dégénérescence est à son degré le plus faible. Les cellules 
hépatiques sont complètement saines sur beaucoup de points. On ne trouve 
que quelques fines gouttelettes brillantes, signe d’un a très faible de 
dégénérescence graisseuse. 

Dans le foie n°5, la lésion encore faible s’accentue néanmoins. Le foie 
a bien conservé sa consistance normale : la disposition des lobules est peu 
ou pas modifiée. Mais on constate des lésions dans les cellules hépatiques. 
On trouve dans leur milieu de petits points noirs très réfringents. Sur les 
pièces soumises à l'acide osmique, on rencontre également sur toute la 
surface de la cellule un très grand nombre de petits points noirs répandus 
comme une fine poussière. | 

Dans le foie n° 2, les rangées des lobules ne sont plus régulières, maïs 
disposées sans ordre. Les cellules sont troubles, granuleuses. On n’y dé- 
couvre pas de vésicules graisseuses nettes. 

Enfin, dans le foie n°3, les travées rayonnées ont complètement disparu ; 
les cellules sont disposées sans ordre. On trouve des foyers hémorrhagiques. 
Sur les préparations scumises à l’acide osmique, on voit des gouttelettes 
graisseuses. Dans certains points, les cellules sont presque complètement 
détruites. 

Dans aucun cas on n’a constaté d’abcès véritable du foie, bien qu’on 
ait signalé à diverses reprises la présence de nombreux leucocytes, tantôt 
réunis par petits groupes, tantôt disposés en séries régulières autour des 
cellules. 

Les lésions aboutissent donc à une destruction à peu près complète des 
éléments cellulaires de la glande hépatique par un processus analogue à 
celui de l’atrophie jaune aiguë. 


eh 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 45 


III. — Discussion et conclusion. 


En résumé, on voit que la colombine, même à faible dose, a produit chez 
es poules saines auparavant, des accidents graves qui ont entrainé la 
mort. Ces accidents ont offert les mêmes caractères à des degrés variables. 
On a d’abord observé un abattement plus ou moins marqué, puis des 
troubles digestifs : appétit diminué et même supprimé, évacuations plus 
fréquentes et changées dans leur composition. Dans tous les cas on a noté 
de l’ictère. Enfin l'abattement du début a augmenté d'intensité, puis est 
survenu le coma, etenfin l’animal a succombé. 

Ces accidents peuvent être rapprochés de ceux que produit l’ictère grave. 
Il y a des points de ressemblance et par contre quelques différences que 
nous allons passer rapidement en revue. 

Les malades atteints d’ictère grave présentent presque toujours les 
symptômes d’un catarrhe gastro-intestinal. Ce catarrhe est souvent très 
marqué. On se rappelle qu’à l’autopsie des poules on a toujours trouvé un 
vatarrhe abondant de l’estomac et de l’intestin. On aurait d’abord pu 
penser, en retrouvant à la surface de l’estomac d’une des poules des cris- 
taux ressemblant à ceux de colombine, que celle-ci agissait comme corps 
étranger irritant. À cela je répondrai par deux séries d'observations. 

D'abord, la colombine n’a pas d’action irritante locale. En effet le cobaye 
sur lequel on avait fait une injection hypodermique n’a pas eu d’abcès. 
L'endroit où avait été faite la piqüre n’a jamais paru plus sensible que le 
point symétrique. Des cristaux de colombine introduits entre les paupières 
du même animal, n’ont pas amené de rougeur de la conjonctive. 

Ensuite j'ai injecté pendant plusieurs jours dans l’estomac d’une poule, 
du verre pilé en poudre excessivement fine et bien plus capable, par son 
mince volume, de pénétrer dans les glandes stomacales que des cristaux de 
colombine. La poule n’a pas souffert. 

Ce catarrhe gastrique et intestinal résulte donc d’une action propre à la 
colombine, action qui explique plusieurs faits que nous retrouverons plus 
loin. 

Mais ce qui est à noter et ce qui constitue un point de ressemblance avec 
l'ictère grave, ce sont les symptômes offerts par les poules un temps plus 
ou moins long après l'injection. L’horripilation, l'abattement complet qu’on 
a observé, le peu de souffrance que l’animal semble accuser, son dégoût 
absolu pour toute espèce de nourriture, ce sont bien là des symptômes qui 
ont été observés chez les malades atteints d’ictère grave et, à un degré plus 
avancé, chez ceux atteints de fièvre jaune. La manière dont survient la mort, 
sans convulsions, sans agonie bruyante est la même dans les deux maladies. 
Dans les deux cas enfin, on observe de l’ictère plus ou moins marqué, mais 
toujours appréciable. 

Dans l’empoisonnement par la colombine, il survient des évacuations 


46 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


alvines fréquentes : ce fait n’a pas été noté comme constant dans lictère 
grave. D’après Frerichs, il y aurait même plus souvent tendance à la consti- 
pation. En outre, dans l’ictère grave, les garde-robes sont décolorées et 
d'apparence argileuse. Il n’en est pas de même chez nos poules. 

Nous n’avons pas noté chez nos animaux d'accidents convulsifs comme on 
en trouve parfois dans l’ictère grave, mais la période de dépression et les 
symptômes nauséeux ont été aussi marqués que dans cette maladie. 

Nous n’avons jamais observé d’hémorrhagies à la surface de la peau ni 


dans le tissu cellulaire. Pas de suffusions sanguines sur les muqueuses. Les 


seules hémorrhagies notées se sont produites à la surface et dans l’intérieur 
du foie. 

Pour ce qui regarde l’anatomie pathologique, le volume du foie est une 
chose à faire remarquer. Nous l’avons trouvé soit normal, soit plus ou 
moins augmenté de volume. Du reste, ce volume du foie n’a, dans le cas 
actuel, qu'une importance peu considérable. Depuis longtemps en effet, 
M. Robin a prouvé que des foies peuvent avoir un volume normal et être 
sains en apparence, mais que l’altération des cellules n’en existe pas moins. 
(Robin, Mémoire sur l’état anat.-path. du foie dans l’ictère grave. — 
Mémoires de la Société de biologie, 1857, p. 9.) 

Cependant dans l’ictère grave, le foie est souvent diminué de volume et 
surtout, fait important, la capsule de Glisson est làche et ridée. Mais il faut 
ajouter que ces lésions ne se produisent que lorsque la maladie a eu une 
certaine durée. Îl en est de même de la fièvre jaune. 

Quant à la coloration du foie, elle est sensiblement la même chez les 
malades atteints d’ictère grave et chez les poules de nos expériences. Nous 
avons noté ja couleur safranée par places de certains foies : cette coloration 
n’occupe pas toute la surface du foie, mais se détache sur un fond plus ou 
moins rougeàtre. | 

Nous avons constaté la diminution de consistance du foie qui existe aussi 
toujours dans l’ictère grave. Presque tous les foies que nous avons observés 
s’affaissaient sur la table et se laissaient écraser facilement sous le doigt. 

. La dégénérescence granulo-graisseuse de l’organe hépatique a été con- 
statée à des degrés divers par M. le docteur Armand Siredey. Mais, fait 
important à noter, il n’y a jamais eu de multiplication des canaux biliaires. 
Ce fait a été relevé avec soin, car il est en désaccord avec ce qu’on trouve 
généralement dans la dégénérescence graisseuse du foie, depuis que Cornil 
a attiré l'attention sur ce point important. 

Dans l’ictère grave, la bile est sécrétée en moins grande quantité, et 
même sa sécrétion est complètement suspendue. Dans les expériences sur 
la colombine, au contraire, il y a polycholie en même temps qu’altération 
grave du foie. Le premier de ces accidents se produit au début de l’expé- 
rience. L’altération du foie vient ensuite. L’existence de ces deux phéno- 
mènes et l’ordre dans lequel ils se produisent rentreraient dans la:théorie 
qui a été donnée par Hénoch et Rokitansky pour expliquer l’état du foie dans 


—1 


rs 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE 


lictère grave. En effet, pour le dernier de ces auteurs, les matériaux de ia 
bile apportés en excès au foie par le sang de la veine porte imbiberaient 
les cellules de la glande et à la fin les détruiraient. Pour Hénoch (et ce que 
nous avons observé concorderait bien avec cette théorie), la bile serait sé- 
crétée en trop grande abondance, ce qui distendrait les canaux biliaires et 
amènerait la destruction des cellules du foie. 

Cette théorie a été également défendue par Dusch, qui a en outre admis 
une paralysie des fins rameaux biliaires et des vaisseaux lymphatiques. 

Dans l’ictère grave, il y a deux lésions cellulaires. Il y a en effet une 
infiltration graisseuse à des degrés divers, il y a aussi une destruction 
souvent complète de la cellule. C’est ce qui a été également noté dans les 
examens histologiques faits par M. Armand Siredey. 

Quant à la vésicule biliaire, dans lictère grave elle a été trouvée vide ou 
remplie d’un liquide muqueux gris jaunâtre. Dans la fièvre jaune, on y 
trouve souvent un liquide épais, noiràtre, ressemblant à de la bile an- 
cienne. Chez nos poules, la vésicule était presque toujours plus volumi- 
neuse qu'à l’état normal et remplie d’un liquide visqueux d’une coloration 
plus ou moins foncée. 

Une chose digne de remarque, c’est que, dans l’ictère grave, le rein a 
presque toujours été trouvé malade. Frerishs avait noté la dégénérescence 
graisseuse de ses cellules. Depuis on a signalé leur état granuleux, et Burkart 
et Winiwarter les ont trouvées infiltrées de graisse et parfois réduites à 
un détritus granulo-graisseux. Mann prétend que les lésions rénales sont 
aussi marquées que celles du foie. 

Chez nos poules, le rein a été trouvé à peu près normal. Sur l’un d’eux 
il y avait bien autour de quelques tubes une infiltration de leucocytes, 
mais sur aucun point ces leucocytes ne formaient de foyers véritables. 

L’intestin et l'estomac présentent peu de lésions dans l’ictère grave. Il y 
a parfois des ecchymoses : nous n’en avons jamais observé dans nos expé- 
riences. Nous n'avons noté qu’une dilatation plus ou moins prononcée des 
glandes et une dégénérescence HN enEe des cellules de la partie super- 
ficielle de ces glandes. 

On voit donc qu’il y a entre l’ictère et l’empoisonnement par la colom- 
bine de nombreux points de ressemblance. Si on constate quelques diffé- 
rences, elles sont peu importantes. Les symptômes sont à peu près sem- 
blables et les deux maladies aboutissent en définitive à l’atrophie jaune 
aiguë du foie. 

La théorie proposée par Hénoch me semble pouvoir rendre compte d’une 
façon satisfaisante de ce que nous avons observé chez nos poules. Il y a eu 
certainement chez elles de la polycholie. La bile a-t-elle été en outre mo- 
difiée dans sa composition ? Je l’ignore, les recherches nécessaires n'ayant 
pas été faites. 

En somme, d’après les expériences décrites plus haut on voit que la co- 
lombine semble porter son action sur le tube digestif. Elle augmente la 


48 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


sécrétion de la bile, elle excite la sécrétion des glandes stomacales et in- 
testinales. À un degré plus avancé les sécrétions glandulaires sont modi- 
Jiées et on trouve à l’autopsie les matières visqueuses décrites précédem- 
ment. Cela pourrait servir à expliquer un fait qui a déjà été signalé. 

Chez beaucoup de malades qui prennent du vin de colombo, l’appétit 
est d'abord augmenté d’une façon notable pendant les premiers jours. Puis 
il survient plus ou moins vite un moment où cet appétit disparaît et où il 
se manifeste des symptômes d’embarras gastrique. Ce fait est surtout ob- 
servé chez les dyspeptiques qui vomissent le matin de grandes quantités 
«le mucosités. Cette action nocive du vin de colombo est moins marquée 
si on prend celui-ci au milieu des repas, mais presque toujours elle se 
manifeste plus tard. Il est vrai que dans le vin de colombo, il faut faire la 
part du médicament et celle du véhicule alcoolique. Néanmoins le fait dont 
je parle se montre plus vite avec le vin de colombo qu'avec d’autres vins 
médicamenteux, celui de quinquina par exemple. 

Delioux de Savignac (Dictionnaire encyclopédique des sciences méd., 
art. CocomBo) donne comme action principale du colombo « qu’il combat 
les flux intestinaux non par astringence, mais en tonifiant la muqueuse 
intestinale et en combattant l’exosmose passive qui laisse affluer les liquides 
en excès dans le canal intestinal. Il tarit surtout le flux bilieux, de même 
que, du côté de l'estomac, il réprime particulièrement les vomissements 
de cette nature, ce qui suppose une action spéciale sur le foie, sur les 
excès et les viciations de la sécrétion biliaire ».. 

La colombine à certainement une action considérable sur le foie, mais, 
AV’après ce qu’on a vu plus haut, son action serait opposée à celle que 
Delioux de Savignac donne au colombo, surtout en ce qui concerne les 
sécrétions stomacales et intestinales. Quant à son action sur les fibres 
musculaires de l’estomac et de l'intestin, je n’ai aucune donnée à ce 
sujet. 

On peut s'expliquer aussi maintenant pourquoi le colombo diffère de 
beaucoup d’autres toniques amers en ce qu’il facilite la digestion sans 
constiper. L'action de la colombine intervient sans doute pour augmenter 
les sécrétions du tube digestif et du foie et faciliter ainsi les garde-robes. 

En voyant l’action si énergique de la colombine, on pourrait s'étonner 
de ne voir que rarement le colombo produire quelques accidents comme 
vomissements et diarrhée. Cela tient à deux causes : d’abord à ce que la 
colombine n’est contenue qu’en très faible proportion dans la poudre de 
colombo (4 grammes environ par kilogramme). On donne rarement plus 
de 4 à 6 grammes de poudre de colombo en vingt-quatre heures. À la dose 
excessivement faible à laquelle la colombine est absorbée, et vu son peu 
de solubilité, elle ne doit agir que faiblement. . 

Ensuite son action est probablement entravée par les autres substances 
que contient la racine de colombo, principalement par la matière gluti- 
neuse abondante qu’elle contient et qui est en si grande quantité, « qu'elle 


ÉTUDE SUR LA COLOMBINE. 49 


rend son extrail plastique au point de l'empêcher d’adhérer aux vases dans 
lesquels on la prépare » (Dorvault). 

En outre, il est très difficile de se procurer du colombo de bonne qua- 
lité. Celui qu'on trouve dans la plupart des pharmacies est souvent piqué 
et, dans les cas où la plante est altérée, la colombine se trouve peut-être 
en moins grande quantité. 


Conclusions. 


En somme, en présence des résultats obtenus chez les animaux, on est 
en droit de se demander si la colombine peut être introduite avec avantage 
dans la thérapeutique. 

On pourra sans doute l’administrer, mais à deux conditions. Nous avons 
vu qu'une poule a résisté pendant longtemps tout en prenant chaque jour 
4 centigrammes de colombine. Il faudra donc chez l’homme débuter par 
une très faible dose, 1 centigramme et même moins. 

Il faudra ensuite surveiller avec la plus grande attention les effets pro- 
duits par le médicament et songer toujours au foie pour éviter d'y pro- 
duire de dangereuses lésions. 

La poudre de colombo sera donc dans tous les cas préférable aux 
extraits alcoolique et éthéré qui avaient déjà amené quelques accidents. 

Ce que nous disons de la colombine doit-il s’étendre au colombo? Evi- 
demment non; car d’une part, ce médicament est employé depuis longtemps 
sans que des auteurs attentifs aient constaté des accidents lors de son 
emploi. D'autre part, il n’y a pas que de la colombine dans le colombo. Il 
s’y trouve bien d’autres substances qui, comme la matière glutineuse si- 
gnalée plus haut, peuvent fort bien s'opposer à l’action de la colombine. 

On est cependant en droit de conclure que l’administration du colombo 
à haute dose ou pendant un temps trop long peut avoir des inconvé- 
mients. Je pense donc qu'il faut être prudent dans l’emploi de ce médi- 
cament amer. On fera bien de n’employer que de faibles doses en s’arrê- 
tant de temps à autre. 


B10LOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 1. N 4 


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SUR LE SULFO-CARBOL 


(ACIDE ORTHOXYPHÉNYLSULFUREUX ) 


SES PROPRIÉTÉS ANTIFERMENTESCIBLES ET ANTISEPTIQUES 


Communication faite à la séance du 14 juin 1884 


Par M. F. VIGIER 


En ce moment, où tous les jours on découvre de nouveaux microbes mor- 
bides, alors que l’on voit presque partout des maladies d’origine parasi- 
taire, produites par des microbes venus du dehors et même par des mi- 
crobes venus du dedans, il est intéressant de signaler toutes les substances 
antiseptiques et désinfectantes qui peuvent détruire ces germes, sans que 
leur emploi donne aux médecins la moindre crainte de nuire à leurs ma- 
lades. 

Tel est l’acide orthoxyphénylsulfureux, sur lequel je me permettrai 
aujourd’hui d’attirer l'attention en signalant au corps médical ses propriétés 
antiseptiques, antiputrides et antifermentescibles. 


I 


Pour plus de facilité de langage, j'appellerai ce corps sulfo-carbol, nom 
qui indique très bien qu’il est le résultat de la combinaison de l’acide 
sulfurique et de l’acide carbolique. 

Laurent est le premier qui, en 4841, indiqua que les acides sulfurique et 
phénique, en se combinant, donnent un acide sulfoconjugué. Depuis, un 
grand nombre de chimistes, Berthelot, Kekulé, Bardy et Dusart, Solomma- 
noff, Menzner, Gondard, etc., se sont occupés de cette question et ont 
montré qu'il existe trois acides sulfoconjugués du phénol; ces trois isomères 
(ortho, méta, para) ne jouent pas le même rôle et ne possèdent pas les 
mêmes propriétés. 

Il existe plusieurs procédés pour préparer l’acide oxyphénylsulfureux, 
ceux de Omar Guy, Prescott, Menzner, Solommanoff, Creuse, etc. Dans cha- 
cun, les proportions d'acide sulfurique et d’acide phénique sont différentes. 
Aussi quand on les emploie, faut-il avoir soin de saturer tout l’acide sulfu- 
rique resté libre et également ne pas avoir un excès d’acide phénique. 

Des trois acides oxyphénylsulfureux (ortho, méta, para), an seul, l’ortho, 
jouit de propriétés antiseptiques, désinfectantes remarquables et tout à fait 
supérieures. 

Soluble dans l’eau en toute proportion, il n’est ni caustique, ni toxique 

BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [. 


94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


comme l'acide phénique, ainsi que nous allons le montrer. Cet acide, main- 
tenu quelque temps au-dessus de 100 degrés, se transforme presque entiè- 
rement en acide para, lequel est inerte comme antiseptique. 

Or les chimistes Omar Guy, Menzner, Prescott, etc.,-ont conjugué le 
phénol et l'acide sulfurique entre 100 et 140 degrés. Il n’est donc pas sur- 
prenant qu'aucun de ces expérimentateurs n'ait soupçonné les puissantes 
qualités antiseptiques exclusives à la modification ortho. 

Pour obtenir le sulfo-carbol, c’est-à-dire l’acide ortho, il faut donc 
empêcher l’élévation de la température. Pour cela on mélange à froid équi- 
valents égaux d’acide sulfurique concentré et d'acide phénique, on sature 
l'excès d’acide par le carbonate de baryte, de telle façon.que la liqueur 
filtrée ne précipite ni par l’eau de baryte, ni par l’acide sulfurique, et on 
concentre à basse température ou mieux dans le vide. On évite ainsi la for- 
mation de la modification para et on a de l’acide ortho très actif. 

Solommanoff considère l’acide oxyphénylsulfureux comme un éther de 
l'acide sulfureux et lui attribue la formule 


| SSH 


12H74 
CH 1102 


On peut assimiler le sulfo-carbol à de l’acide salicylique devenu soluble ; 
c’est en quelque sorte un succédané de cet acide, et il est d'autant plus 
intéressant de le mettre en lumière que la théorie ne prévoit pas d’autre 
monophénol acide et soluble dérivant de la benzine bisubstituée. 

L’acide salicylique n’est autre que l’acide ortho-oxybenzoïque; or ses 
isomères, les aciaes méta et para-oxybenzoïques, ne différant de l'acide 
salicylique que par la position de CO,OH vis-à-vis de OH phénolique, n’ont 
qu’une énergie antiseptique presque nulle. 

Si, dans les modifications précédentes, on substitue SO?,O0H à CO,0H, on 
a les trois acides oxyphénylsulfureux. 

Gerhardt, et -après lui Naquet, ont démontré la parfaite analogie des 
corps dans lesquels le radical sulfuryle SO? remplace le radical carbo- 
nyle CO. De plus, ces savants ont considéré l’acide orthoxyphénylsulfureux 
comme un acide salicylique dans lequel SO? est substitué à CO. 

La formule atomique de l’acide salicylique étant : 


CSH#,0H(!),C0,O0H(°), 
celle du sulfo-carbol sera : ( 
CSH£,0H(:),S0°,0H(°). 


Cet acide se comporte en effet, en face des réactifs, exactement comme 
de l'acide salicylique ; le perchlorure de fer donne la même réaction. Il est 
aussi un antiseptique plus énergique, sans doute à cause de sa grande solu- 
bilité. 

Le sulfo-carbol, à la température ordinaire, est un liquide sirupeux (den- 


SUR LE SULFO-CARBOL. 55 


sité 1,400), d’une teinte rose-œillet; d’une odeur piquante, mais non désa- 
gréable comme celle du phénol et qui disparaît presque complètement en 
solution; vers 8 à 10 degrés au-dessus de zéro il cristallise en aiguilles et 
forme une masse compacte qui se liquéfie à une légère chaleur; chauffé 
avec précaution sur une plaque, dans un vase au bain-marie ou dans de 
l’eau bouillante, il se volatilise et peut servir en fumigations ; si on élève la 
température, il distille vers 130 degrés, puis se décompose, et il reste du 
charbon. Il forme des sels cristallisés avec un grand nombre de corps : 
la potasse, la soude, la chaux, le mercure, le fer, le plomb, le bismuth, etc. 
Fondu avec un excès de potasse ou de soude, il se produit de la pyroca- 
téchine identique à celle du cachou;'avec la chaux on a des sulfones ana- 
logues aux acétones. . 


IT 


Malgré des études préliminaires sur l'urine, la levure de bière, des expé- 
riences faites sur nous-mêmes et sur quelques personnes de notre entou- 
rage, nous avons tenu, avant de proposer l'application du sulfo-carbol à la 
médecine humaine, à nous rendre compte de ses elfets sur les animaux. 
Depuis quelques mois, sous la direction de M. le docteur Laborde, nous 
avons fait dans son laboratoire, qu’il met toujours si gracieusement à notre 
disposition, une série d'expériences sur des chiens, des lapins, des cobayes, 
des grenouilles, d’une part, et de l’autre, au point de vue antiputride, anti- 
septique et antifermentescible, sur des urines, de la levure de bière, du 
sang, des muscles d'animaux, des grenouilles mortes, etc. 

Il résulte de nos expériences que, par la voie stomacale, nous avons pu 
administrer, dans l’espace d’une demi-heure, en solution de 5 grammes 
pour 100 centimètres cubes d’eau, jusqu’à 10 grammes de sulfo-carbol 
à un chien pesant 16 kilogrammes, et 71,50 à un chien de 7 kilogrammes, 
sans que ces animaux aient éprouvé ni convulsions, ni malaise appréciable. 
A l’autopsie la muqueuse de l’estomac du premier chien ne présentait rien 
de particulier, quoiqu’on lui ait donné plusieurs jours de suite du sulfo- 
carbol. Cette dose peut être augmentée à la condition d'étendre les liqueurs; 
autrement des vomissements, à bave coagulée, peuvent se produire; on 
connait, il est vrai, avec quelle facilité le chien vomit. Ainsi un chien, du 
poids de 10 kilogrammes, qui venait de manger de la viande et auquel nous 
avons donné 10 gramnres de sulfo-carbol dans 100 centimètres cubes d’eau, 
a eu, au bout d’une demi-heure, des vomissements de bave, puis d'aliments 
à aspect blanchàtre. La digestion a été entravée par la propriété coagulante 
de cet acide ; quelques instants après, le chien avait repris son allure ordi- 
naire. 

Dans tous les cas, malgré des doses élevées, on ne voit aucun change- 
ment appréciable dans leur état de santé, leur vie habituelle, leur appé- 
tit, etc. 

Enfin nous avons pris nous-même sous forme de limonade, dans un litre 


0 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


d’eau, différentes doses de sulfo-carbol; nous en avons absorbé ainsi, par 
petites fractions, jusqu’à 10 grammes par jour, sans éprouver aucun incon- 
vénient. Nous ajouterons même qu’à la dose de 5 à 6 grammes par litre on 
a une limonade agréable. 

Il en est bien autrement si l’on administre dans les mêmes conditions de 
l'acide phénique. On connaît, d’après les travaux de M. P. Bert, les désor- 
dres produits par cette substance qui, à la dose de 3grammes pour 50 d’eau, 
introduite dans l'estomac, produit des convulsions violentes, de forme clo- 
nique, avec troubles respiratoires graves, rapidement suivis de mort. 

Avec le sulfo-carbol rien de semblable : pas de convulsions, les urines 

“restent limpides et le perchlorure de fer décèle la présence de cet acide, 


même lorsqu'il a été pris à faible dose, 50 centigrammes à 4 gramme. Nous 


ajouterons que les urines se conservent bien et que l’acide urique se dépose 
rapidement. 

Dans le but de rechercher la dose et les effets toxiques, nous avons intro- 
duit immédiatement la substance dans le sang, au moyen dé linjection 
intraveineuse. Afin d'éviter l’action coagulante, nous-nous sommes servis, 
en premier lieu, d’une solution très étendue à 1 pour 100. 

Or, sur un petit chien du poids de 7 kilogrammes, celui-là précisément 
qui a pu absorber par l'estomac, sans présenter le moindre trouble appré- 
ciable, 75°,90 de notre produit, nous avons introduit par la veine, dans 


l’espace de trois quarts d'heure environ, en injections successives de : 


1,3et9 centimètres cubes à la fois, jusqu’à 15 centigrammes de sulfo-carbol, 
sans produire d’autres phénomènes qu'un peu d’agitation et d'accélération 
des battements du cœur, à la suite de chaque injection. 

L'animal est demeuré bien portant après cette première épreuve. Recom- 
mencée deux jours après, le même chien est resté réfractaire à l’injection 
intraveineuse, répétée à un quart d'heure de distance, de 10 centimètres 
cubes à la fois de la même solution à 4 pour 100, c RO à 20 centi- 
grammes du produit, introduits presque d’emblée ion la veine. 
k’,Essayant alors une solution plus concentrée à 2 pour 100, laquelle exerce 
une action coagulatrice manifeste sur le sang hors de ses vaisseaux, nous 
avons poussé, toujours dans la veine et d'emblée, 6 centimètres cubes de la 
solution, ce qui portait à 12 centigrammes la dose du principe actif, et, à 
part l'agitation habituelle et les accélérations passagères de la respiration et 
des battements du cœur, nous n’avons observé aucun accident fonctionnel 
notable. 

Enfin, poussant l’essai plus loin, nous nous sommes adressés à une solu- 
tion plus concentrée de 20 grammes pour 100; de telle sorte que 1 centi- 
mètre cube représentait 20 centigrammes de principe actif. Or linjection 
intraveineuse pratiquée sur un chien du poids de 15 kilogrammes à pu 
être poussée, en l’espace de 40 minutes environ, jusqu’à la dose de 10 cen- 
timètres cubes, soit 2 grammes de sulfo-carbol, sans donner lieu à d'autres 
accidents que les phènomènes fonctionnels jusqu’à présent observés et 


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SUR LE SULFO-CARBOL. 


signalés par nous, savoir : agitation accompagnée de cris plaintifs, accélé- 
ration et irrégularités des battements du cœur et des mouvements respira- 
toires, salivation abondante et spumeuse, etc., tous phénomènes qui pre- 
naient, à la vérité, une intensité croissante, à chaque augmentation de la 
dose injectée. 

Ce n’est que lorsque cette dose a atteint le chiffre de 14 centimètres cubes, 
soit 22,80 de produit actif, que, l’animal raidissant tout à coup ses pattes et 
la colonne cervicale en arrière, poussant un violent cri de détresse, nous 
avons vu se faire l'arrêt des mouvements respiratoires du thorax et du cœur, 
qui n’a repris, un instant, que quelques contractions trémulatoires ultimes : 
les urines se sont écoulées en abondance et parfaitement limpides (leur 
odeur décelait nettement la présence du sulfo-carbol); la pupille s’est lar- 
gement dilatée. L'animal était mort. 

Les caillots volumineux et étendus quiremplissaient les cavités du cœur, 
surtout les cavités droites, les veines caves et pulmonaires, ne permettaient 
aucun doute relativement à la véritable cause de la mort : l’influence coa- 
gulatrice des doses concentrées de la substance. Nous avions vu, durant 
l’expérience, cette influence se manifester à l’embouchure de la canule 
introduite dans la veine, car 1l nous fallait, à tout instant, débarrasser cette 
canule des coagula qui l’obstruaient. 

Il était intéressant d'étudier aussi les effets de l’injection sous-cutanée. 
Chez un jeune chien de 2 kilogrammes, une injection sous-cutanée de 
24 centigrammes dans 3 centimètres cubes d’eau, faite à la région lombaire, 
a déterminé une espèce de poche, l’absorption n'ayant pas eu lieu, gràce à 
la propriété que possède le sulfo-carbol de coaguler les principes albumi- 
noïdes. Au troisième jour, la peau s’est détachée comme si elle avait été 
découpée à l’emporte-pièce; la plaie, très belle, a rapidement guéri sans 
suppuration. — En dehors de l’eschare, le chien n’a rien éprouvé. — Re- 
marquons, en passant, que cette propriété de coagulation pourra peut-être 
être utilisée dans les cas de pustule maligne, morsure de vipère ou de chien 
enragé, afin d'empêcher l'absorption du virus. 

Chez un cobaye de 457 grammes, 1 centigramme dans 3 centimètres 
cubes d’eau : les injections faites à chaque cuisse postérieure n’ont produit 
aucun effet. 

De: zrenouilles ont été placées dans un peu d’eau renfermant 1 pour 100 
de sul:o-carbol; la déglutition pouvait se faire facilement hors du liquide ; 
seulement de temps en temps on agitait le vase afin de mouiller la surface 
de leur corps; voici alors ce qui se passe : la peau devient de plus en plus 
blanchätre, comme si elle se recouvrait d’une mince pellicule; l’animal 
cherche d’abord à se retirer, la déglutition se fait de moins en moins, même 
lorsqu'il est placé hors de l’eau, les forces diminuent, la sensibilité dispa- 
rait et la mort arrive au bout d’une demi-heure, 

Dans une solution à 0,50 pour 100, le même phénomère se produit, 
seulement la mort est plus lente; elle arrive environ dans une heure. 


D8 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


À l’autopsie, les poumons sont remplis d'air, le cœur bat longtemps, mais 
les diverses parties du corps, les extrémités surtout sont décolorées et ne 
renferment presque plus de sang. -— Dans ces expériences, on voit que le 
sulfo-carbol, en coagulant les principes albumineux de la surface de la 
peau, empêche la respiration culanée nécessaire à la vie de la grenouille. 

Ajoutons que quelques gouttes de la solution à 1 pour 100 placées à la 
surface de la membrane interdigitale de la grenouille disposée pour l’obser- 
vation microscopique, y déterminent du côté des vaisseaux et de la circulation 
capillaires la série des phénomènes déjà observés et décrits par M. Laborde 
avec la plupart des antiseptiques : constriction primitive des vaisseaux, à 
laquelle succèdent bientôt une dilatation lente et progressive, le ralentisse- 
ment du cours du sang réduit à quelques mouvements oscillatoires, et fina- 
lement l'arrêt complet et la coagulation intramusculaire. 

Du sang, de la salive, mis au contact d’une solution renfermant de 1à2 
pour 100 de heal sont immédiatement coagulés, et deviennent blan- 
châtres. En général, pour toutes les matières albumineuses, cette même 
réaction se produit. 


ITI 


Les faits suivants mettent hors de doute son action antiputride. 

Des grenouilles mortes, du sang, des muscles de chien, des débris d’ani- 
maux, etc., mis à l’étuve (température 35 degrés), dans une solution à 
0,9 pour 100, se conservent pendant plusieurs jours; à 1 pour 100, on peut. 
ie qu'ils se conservent presque indéfiniment. 

De la macération de poissons pilés, liquide extrêmement putrescible, avec 
0,7 à 1 pour 100 de sulfo-carbol, placée dans les mêmes conditions, n'a pas 
di de fermentation putride. 

L’acide ortho peut remplacer le tannin, il one la peau et les mu- 
queuses ; ainsi : 

La peau fraîche d’un animal mise en macération avec une solution con- 
centrée à 10 pour 100 donne un cuir qui semble posséder toutes les pro- 
priétés des cuirs obtenus avec le tannin. Avec l’acide phénique on obtient 
un mauvais résultat. 

En solution étendue de 1 à 5 pour 100 et plus sur la muqueuse buccale, 
il est facilement supporté. Sa causticité est assez faible pour que, même pur, 
si l’on a soin de n’en mettre qu’une petite quantité sur la langue, on n’éprouve 
aucun sentiment de brülure. Si on enduit légèrement de sulfo-carbol, ainsi 
que nous l'avons fait nous-mêmes, une partie de la langue, les lèvres exté- 
rieurement et intérieurement, et qu’on ne se lave pas de suite, on éprouve 
un petit picotement, un goût astringent très marqué, la muqueuse devient 
blanchâtre et le lendemain l’épiderme se détache-en pellicule mince, très 
peu sur les lèvres et davantage sur la langue et les muqueuses. À part cela, 
nous n’avons eu aucune douleur, aucune difficulté pour parler et manger. 


SUR LE SULFO-CARBOL. 9 


Mais, je le répète, nous avons agi avec le produit pur et nous n’avons pas 
lavé, la salive seule avait suffi. 

Extérieurement, sur la peau, on peut s’enduire complètement les mains de 
sulfo-carbol pur sans aucun danger; on ressent un peu de chaleur, et quel- 
ques minutes après, les mains redeviennent sèches et à leur état naturel. 


Un grand nombre de plaies sur différents animaux, plaies récentes, avec 
bourgeons, suppuration, des abcès, etc., ont été trailés par des solutions 
renfermant jusqu’à 10 pour 100. La surface de la plaie devient plus ou 
moins blanchätre, puis reprend bientôt un bel aspect. Les bourgeons se mo- 
difient, la suppuration cesse et la plaie ne tarde pas à se fermer. Le fétor 
lui-même des cancers ulcérés, si pénible aux malades, disparaît ; on sait 
combien, dans ce cas, les agents de la thérapeutique antiseptique sont 
insuffisants. Nous avons poussé l’expérience plus loin. Nous sommes allés 
jusqu’à mettre sur un muscle de la jambe d’un chien du sulfo-carbol pur. 
La plaie a blanchi, une coagulation complète de la surface s’est produite et 
le lendemain elle était d’un aspect magnifique. Cette application a été 
répétée plusieurs fois sans que le chien ait paru éprouver la moindre 
souffrance. En aucun cas nous n'avons constaté d'accidents par suite de 
l'absorption du médicament. Même après la mort des animaux, et à une cer- 
taine distance de cette mort (vingt-quatre à quarante-huit heures après), les 
plaies ne présentent pas d’odeur appréciable, malgré l’état de cadavérisation. 


IT nous est impossible de reproduire toutes nos expériences; cependant, 
pour bien démontrer l’action antiseptique, antiputride et antifermentescible 
du sulfo-carbol, nous citerons encore celles faites sur les urines et sur la 
levure de bière: 

On sait, par les belles expériences de Müntz et de Mesculus, que l’acide 
phénique est absolument sans action sur les fermentations d’ordre diasta- 
sique, et qu'il n'empêche pas l’urée de se décomposer en acide carbonique 
et en ammoniaque. Le sulfo-carbol empêche cette décomposition. Nous 
conservons, depuis plusieurs mois, à la température ordinaire, de l’urine 
renfermant 0,25 pour 100; à 35 degrés elle se conserve plusieurs semaines, 
et, à la dose de 0,50 à 1 pour 100, on peut dire indéfiniment. De l'urine neu- 
tralisée, puis peptonisée, placée dans les mêmes conditions, ne s’altère pas. 

Avec la levure de bière : Expérience I. — 10 kilogrammes de glucose, 
1 hectolitre d’eau, 35 grammes de sulfo-carbol. 

1 gramme de levure est tué; avec 2 grammes de levure, la fermentation 
commence. 

Expérience 11. — 10 kilogrammes ‘de glucose, 1 hectolitre d’eau, 
10 grammes de sulfo-carbol. 

10 grammes de levure sont tués ; avec 15 grammes de levure, fermentation. 

Expérience III. — 10 kilogrammes de glucose, 1 hectolitre d’eau, 
100 grammes de sulfo-carbol. 


60 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


40 grammes de levure sont tués ; avec 60grammes, la fermentation a lieu. 

Ainsi, dans un même milieu fermentescible, si l'on triple la proportion 
(soit, au lieu de 0,35, 1 gramme pour 1000), on stérilise quarante fois plus de 
ferments. On ne saurait donc trop recommander, puisque le sulfo-carbol est 
soluble en toute proportion, contrairement à l'acide salicylique, inoffensif 
et non caustique par rapport à l’acide phénique, de l’employer à 1, 2, 3,5 
pour 100, proportions qui entravent toute espèce de fermentations alcoo- 
liques, figurées ou diastasiques. 


Tout ce qui précède se rapporte spécialement au sulfo-carbol ; nous ferons 
plus tard l’étude de ses sels, les orthoxyphénylsulfites. Nous ajouterons 
cependant que, sur les indications de M. Ch. Richet, nous avons commencé 
une série d'expériences avec le sel de soude. Nous avons pu ainsi injecter, 
dans la veine d’un chien de 9 kilogrammes, 3 grammes de ce sel dans 
60 centimètres cubes d’eau. La température de lPanimal n’a pas sensible- 
ment varié : de 39°,3 elle est descendue à 58°,62, puis, le chien étant libre, 
elle est remontée à 39°,9. Aucun changement n’est survenu dans son état. 

Le sel de soude conserve aussi les matières putrescibles : muscles, urines 
peptonisées, ete. Le sang ne se coagule pas comme avec l’acide et se con- 
serve aussi. Nous n’avons pas encore pu établir les proportions nécessaires 
de son action, mais il les faut supérieures à celles de Pacide. 


On voit tout l'avantage que l’on peut retirer de l'emploi du sulfo-carbol 
dans la médecine et la chirurgie humaine sans avoir à redouter aucun effet 
toxique. Aussi nos expériences nous autorisent-elles à espérer que les appli- 
cations faites dans les hôpitaux par MM. Dujardin-Beaumetz et Blum dans le 
service de M. Perier viendront confirmer que cette substance peut rem- 
placer les acides phénique et salicylique dans les pansements ordinaires 
des plaies à la dose de 1 à 5 pour 100; qu’elle sera un puissant désinfectant 
et un topique modificateur dans les maladies du vagin et l'utérus (de ! à 
10 pour 100), de l’urèthre à 1/2 pour 100, des ulcères cancéreux, abeës . 
tides, ete. (4 à 10 pour 100 et plus). 

Dans l’obstétrique, on n’aura pas à craindre d'absorption toxique, ni les 
accidents redoutables signalés encore dernièrement par M. le professeur 
agrégé Charpentier par l'emploi de l’acide phénique et du sublimé : « Odeur 
désagréable, érythèmes, lésions vulvaires et vaginales si douloureuses, 
éruption, voire même gingivite. » 

Contre les fièvres éruptives, les maladies parasitaires de la peau : teigne, 
dermatoses, etc., de 1 à 10 pour 100. 

Le degré de Concentr ation des solutions devra résulter de l'appréciation 
des médecins, selon les cas et la susceptibilité des malades. En règle géné- 
rale, on peut suivre les doses indiquées pour l’acide phénique, les doubler 
et É tripler au besoin, le sulfo- carbol n'étant pas caustique ni toxique 
comme le phénol. 


NOTE 


SUR UNE 


MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION 


AU MOYEN DE SANG AYANT SUBI L'ACTION DE LA PEPTONE 
Par M. AFANASSIEW 
(de Saint-Pétersbourg) 


Travail du laboratoire de M. Vulpian, présenté par M. BOCHEFONTAINE, dans la séance 
du 14 juin 1884. 


L'histoire de la transfusion du sang est assez longue et plus ou moins 
connue. Nous n'avons donc pas l'intention de la faire dans cette communi- 
cation. Nous dirons seulement que, malgré de nombreux travaux, la 
transfusion du sang directe ou indirecte n’a pas encore reçu ses droits de 
cité dans la pratique médicale. 

Grâce aux travaux de ces dix dernières années, elle perd chaque jour 
du terrain et des défenseurs, même pour le cas où elle serait prati- 
quée directement et avec du sang provenant d’un individu de la même 
espèce. La raison de ce fait paraît être la suivante : la transfusion du sang 
défibriné (transfusion indirecte) ne donne pas les résultats voulus, par cela 
même qu'il n’est plus normal. L'acte de la défibrination prive le sang non 
seulement de quelques éléments intégrants de sa conslitution (tous les 
hématoblastes de Hayem, la fibrine, beaucoup de globules blancs et rouges), 
mais encore porte une atteinte grave à la vitalité de tout ce qui reste. 

L'organisme animal qui subit l'injection d’un sang pareil se comporte 
envers lui comme il se comporterait envers tout autre liquide étranger à 
sa constitution. Ne pouvant tirer de lui aucun profit, il s’en débarrasse 
comme d’un produit en excès. Tôt ou tard, ce sang quitte l'organisme sous 
forme d'hémoglobine en solution, ou sous forme de produits de transforma- 
tions propres aux corps albuminoïdes en général. [I se peut encore que ce 
sang dénaturé se métamorphose en produits sécrétoires, ou qu'il serve 
même à la production de nouvelles hématies. 

Nous ne pouvons pas considérer plus favorablement la transfusion au 
moyen du sang pur (transfusion directe). Toutes les méthodes de transfu- 
sion de sang pur à l’homme, même les plus nouvelles et Les plus ingénieuses 
(les méthodes de Roussel (1), de Dieulafoy (2), etc.), présentent ce grave 


(1) Roussel, Transfusion directe du sang vivant. Paris, 1882. 
(2) Dieulafoy, Transfuseur. et transfusion (Progrès médical, 1884, n°5, 
p. 100). 


62 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


inconvénient que, plus ou moins vite, le sang se coagule dans les appareils 
et rend ainsi impossible la marche de l'opération. Il y a plus : bien avant le 
commencement de la coagulation complète et générale qui entrave la trans- 
fusion, il est établi que le sang commence à se coaguler en différents 
endroits faciles à trouver sous le microscope. On voit là de petits points 
particuliers, qui ne sont autre chose que des amas d’hématoblastes de 
Hayem (1) ultérieurement décrits sous le nom de plaquettes de sang 
(Blutplätichen), par Bizzozero (2), petits points très altérés et entourés 
d’une zone fibrino-granuleuse. Or c’est là, d’après ces auteurs, le premier 
stade de la coagulation générale du sang. 

Ainsi, pendant la transfusion du sang pur, nous devons nous garder d’in- 
troduire dans l’économie des coagula, qui seraient le point de départ de 
la formation d’embolies et de thrombus. Certainement d’autres éléments 
constituants du sang, maltraités mécaniquement dans les appareils, entrent 
dans l'organisme tellement modifiés, qu’ils y doivent périr aussitôt, si déjà 
ils n’ont pas été détruits dans les appareils eux-mêmes, et augmentent 
ainsi la charge dont nos appareils doivent se débarrasser. Il est très pro- 
bable que beaucoup de globules rouges injectés continuent à vivre dans le 
réseau circulatoire, mais leur utilité n’est réellementpas en rapport avec les 
inconvénients et les dangers que la transfusion du sang pur peut produire 
et sur lesquels nous venons d’insister. 

On comprend donc que la transfusion du sang tende à disparaître de la 
pratique médicale, surtout dans les cas où il s’agit de combattre les ané- 
mies graves, et qu’elle cède la place à l'injection de chlorure de sodium. 
Les partisans de cette infusion (Kronecker et Sander (3), Jolyet et 
Laffond (4), Schwarz (5), Ott (6)), se basent sur l'hypothèse de Golz (7), 


(1) Hayem, Recherches sur l’évolution des hématies duns le sang de l’homme 
etdes vertébrés (Arch. de physiol. norm. et path., 1878 et 1879).— Leçons sur les 
modifications du sang sous l'influence des agents médicamenteux et des pra- 
tiques thérapeutiques. Paris, 1882. 

(2) Bizzozero, Ueber den dritten Formbestandtheil des Lbutes und ihre Bezie- 
hung zur Blutgerinnung und Thrombose (Virch. Arch., XC, 1882). 

(3) Kronecker et Sander, Bemerkungen über lebensrettende Transfusion mit 
unorganischen Salzlosungen bei Hunden (Berl. klin. Woch., 1879, p. 768). 

(4) Jolyet et Laffond, Sur les effets des injections d’eau salée dans le système 
circulatoire des animaux exsangques (Soc. de biol., Gazet. méd. de Paris, 1819, 
p- 101). 

(5) E. Schwarz, Ueber den Werth der Infusion alkalischer Kochsalzlosung in 
das Gefässsystem bei acuter Anümie (Habilitationsschrift. Halle, 1881). 

(6) Ott, Ueber den Einfluss der Kochsalzinfusion auf den verblutelen Orga- 
nismus im Vergleich mit anderen zur Transfusion verwendeten Flüssigkeiten 
(Virch. Arch., Bd 93, 1883, p. 114). 

(7) Golz, Ueber den Tonus des Gefässe und seine Bedeutung für die Blutbe- 
wegung (Arch. f. path. Anat. und Phys., Bd XXIX). 


MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION. 63 


d’après laquelle l'animal atteint d’une anémie aiguë périt, non pas à cause 
de la diminution des globules rouges, mais par suite du défaut de liquide 
dans les vaisseaux : la circulation du sang s’arrête parce que le système 
vasculaire n’est pas rempli de liquide. Remplissez-le avec un liquide quel- 
conque, indifférent, par exemple avec une solution physiologique neutre ou 
un peu alcaline de chlorure de sodium (de 0,6 à 0,75 pour 100), et l'animal 
sera sauvé. M. Ott, qui a pratiqué aux chiens ayant perdu la moitié et même 
les deux tiers de leur sang l’injection de cette même quantité d’une solution 
de chlorure de sodium, a trouvé que les animaux, après cette opération, 
paraissaient très bien portants et se rétablissaient plus vite qu'après l’in- 
troduction du sang pur ou défibriné. Il est vrai que ces animaux deviennent 
pour quelque temps très hydrémiques. 

Nous sommes prêts à donner toute notre approbation à la conclusion 
de M. Ott, surtout quand nous pensons à toutes les méthodes qui ont été 
recommandées jusqu'ici pour la transfusion sanguine y compris celles dont 
s’est servi ce docteur. Mais nous ne pouvons pas admettre avec M. Ott, que 
le transfert du sang en général n’est pas possible. Si la transplantation de 
morceaux d’épiderme et même du derme d’un sujet à l’autre est possible, 
si ces fragments continuent de vivre sur un autre sujet, pourquoi le même 
résultat ne serait-il pas admissible pour le sang? Si pendant la transfusion 
du sang pur ou défibriné plusieurs des globules rouges injectés périssent, 
cela ne veut pas dire que tous les globules injectés périssent de suite, ou 
après l’opération. Ce dernier fait n’est jusqu'ici prouvé par personne, et 
voici pourquoi nous pensons que de nouvelles recherches de méthodes plus 
perfectionnées de la transfusion du sang sont encore à faire. 

Avant d'entrer au cœur du sujet, je dois encore mentionner qu'au mo- 
ment où nous finissions ce travail, nous avons eu connaissance d’une com- 
munication préliminaire de M. le docteur Maydl (1), de Vienne, d’après 
laquelle la transfusion du sang défibriné a sauvé des animaux, dont l’ané- 
mie était due à la perte de plus de deux tiers de la quantité du sang de 
l’animal chez lesquels l’infusion de chlorure de sodium était restée sans 
aucun effet, et dont la mort était certaine. Ainsi la communication du 
locteur Maydl prouve bien que la transfusion du sang défibriné, en dehors 
de son influence fàcheuse sur l’organisme, laquelle est certaine, peut pro- 
duire de bons effets, qui surpassent quelquefois les mauvais. 

Je dois aussi remercier M. le professeur Vulpian du bon accueil qu'il m'a 
fait et des encouragements et des conseils dont il m'a honoré pendant le 
cours de ce travail. 

Le but de mes recherches a été de répondre à la question suivante : 
s’il est impossible de transfuser le sang tel quel, d’un animal à l’autre, ne 
pourrait-on pas trouver un liquide qui ne fût pas nuisible à l'organisme, 


(1) Maydl, Die In und Transfusion als Retlungsmiltel bei acutler Anämie 
{Wiener medic. Wochensch., 1884, n° 13). 


64 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dans lequel le sang normal, retiré directement des vaisseaux, conserverait 
ses caractères physiologiques, et qui serait alors employé pour la transfusion ? 
On pourrait alors unir l'influence heureuse de l'introduction des liquides 
indifférents à l’effet salutaire des éléments figurés du sang non altérés, si 
ce dernier effet salutaire existe en réalité. 

En 1881, Schmidt-Mülheim (1) (du laboratoire du professeur Ludwig, à 
Leipzig), travaillant dans un but tout à fait différent, a trouvé que la 
peptone en solution, injectée dans le sang de l’animal dans la proportion de 
30 à 60 centigrammes par kilogramme d’animal, arrête la coagulation. 
Get état du sang de l’animal dure plus ou moins longtemps, selon la quan- 
tité de peptone injectée. Ce qui est remarquable, c’est qu’aussitôt après l’in- 
Jection la peptone ne se retrouve plus dans le sang par aucune réaction. 
Cependant Schmidt-Mülheim n’a pas réussi à empêcher la coagulation du 
sang, quand il le laissait couler de lartère dans la solution peptonique. 

En répétant les expériences de cet auteur, je me suis assuré que : 4° Pin- 
jJection de fortes doses de peptone (30 à 60 centigrammes par kilogramme 
d'animal) dans les veines n’est pas suivie de symptômes toxiques; quelque- 
fois on observe une faible influence narcotique ; 2° le sang obtenu par la 
saignée chez un animal peptonisé, conserve la facullé de ne pas se coaguler 
depuis quelques minutes jusqu’à vingt-quatre heures et même davantage ; 
9° dans un pareil sang peptonisé tous les éléments figurés, comme les glo- 
bules rouges, les globules blancs, les hématoblastes d’Hayem, se conservent 
très longtemps sans aucune altération microscopique; 4° les propriétés 
physiques du sang, sa couleur, sa manière de se comporter envers l’oxy- 
gène, ses facultés spectroscopiqnes (deux raies d'absorption) sont les mêmes 
que dans le sang normal ; 5° si on laisse couler le sang des artères ou des 
veines, directement dans une solution de peptone d’une certaine concen- 
tration et d’une température de 40 degrés centigrades, sans laisser péné- 
trer l’air, on peut préserver le sang de la coagulation pour un temps plus 
ou moins long. Dans ce cas le sang ne montre aucune des altérations que 
décèlent toutes nos méthodes d'examen, excepté une : la perte de la faculté 
de la coagulation. Mais encore cette faculté de la coagulation reparaît au 
bout de quelque temps, c’est-à-dire que le sang commence alors à’ se coa- 
guler, mais incomplètement et d’une manière moins subite que le sang 
normal. Ù 

Ayant nettement constaté tous les points que je viens d’énumérer, j'ai 
pensé à employer la transfusion du sang peptonisé dans les cas d’anémies 
expérimentales considérables chez les chiens (la perte du sang n’était pas 
moins des deux tiers de la totalité du sang). 

L'expérience a été faite de la manière suivante : on prend un volume 
de la solution de 60 centigrammes de chlorure de sodium dans 100 parties 


(1) Schmidt-Mülheim, Arch. für Anat. und Physiol. von Dubois-Reymond 
Physiol. Abtht., 1880). 


MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION. 65 


d’eau égal au tiers du sang de l’animal (en admettant que le poids du sang 
correspond au treizième du poids du chien). Dans cette solution on dissout 
autant de fois 60 centigrammes de peptone qu’il y a de kilogrammes d’ani- 
mal. Cette solution est chauffée jusqu’à ébullition ; s’il était nécessaire, on 
la neutraliserait avec le bicarbonate de soude. Le tout filtré est mis dans un 
vase gradué à deux tubulures, dont l’une s’ouvre à la partie supérieure, et 
l’autre en bas sur le pourtour près du fond du flacon. Les deux ouvertures 
sont pourvues de bouchons en caoutchouc, contenant des tubes en verre qui 
peuvent communiquer avec les vaisseaux au moyen de tuyaux en caout- 
chouc et de canules en verre. Sur les tubes en caoutchouc se trouvent des 
pinces à pression continue. La canule d’en bas, remplie d'avance avec la 
solution salée de peptone, est introduite dans l’artère (ordinairement la 
carotide, quelquefois la crurale), d’où on laisse couler un tiers du sang de 
l’animal dans le flacon jusqu'à une hauteur marquée d'avance. Avant d’in- 
troduire du sang dans la solution salée de peptone, il faut ramener cette 
dernière à 40 degrés centigrades. On fait couler un autre tiers du sang 
dans un cylindre gradué, et il ne reste ainsi à l’animal qu’un tiers de son 
sang. Ceci fait, on pratique la transfusion du sang peptonisé. 

On retourne le flacon décrit plus haut, et le sang peptonisé, par consé- 
quent non coagulé, commence à couler le long du tuyau en caoutchoue de 
la partie supérieure du flacon (il suffit d’enlever la serre-fine À, et le bou- 
chon B de la tubulure inférieure). Ce dernier est fixé aussitôt sur la canule 
en verre qui est introduite d'avance dans la veine jugulaire ou dans la 
crurale, et remplie aussi avec la solution salée de peptone. 

La transfusion commence et peut aller plus ou moins vite, selon l’éléva- 
tion plus ou moins grande du flacon, que l’on tient à la main. La transfusion 
terminée, on lie l'artère et la veine, et on laisse l'animal en liberté. L’opéra- 
tion de la transfusion dure à peu près cinq minutes. Il est facile de concevoir 
les conditions dans lesquelles on devra se placer, si l’on veut pratiquer la 
transfusion du sang peptonisé d’un chien normal sur un autre chien rendu 
anémique. 

Si la transfusion du sang peptonisé est faite trop vite, l’animal a quelque- 
lois des nausées. Après l'opération il se trouve quelquefois dans un état 
d’affaissement, qui disparaît très rapidement. L'animal semble se porter très 
bien, mais l’appétit ne reparaît ordinairement qu’au second jour. Pendant 
le rétablissement de l’animal, j'ai examiné plusieurs fois l’état microsco- 
pique du sang en vue de rechercher si ces éléments présentent quelque 
altération. On sait que les globules rouges, sous l'influence de différents 
agents chimiques ou physiques, s'allèrent assez facilement et présentent dans 
ce cas Les formes diverses de leur destruction (1). 


(1) AÏ. Afanassiew, Ueber Icterus und Häimoylobinurie hervorgerufen durch 
Toluylendiamin und andere Blutkôrperchen gestürende Agentien (Zeiütschr. f. 
klin. Med., 1883, Bd V). — Ucber Hämoglobintmie und ire Folgen (Verhand- 


66 : MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Ce sont d’abord : 1° les microcvtes de Masius et Vanlair (1), c’est-à-dire 
des petits éléments ronds aux contours très marqués et de couleur plus 
foncée, brunâtre, en quoi ils diffèrent des vrais globules, grands et petits ; 
% de très petits fragments d'hématies de forme et grandeur différentes, 
d’une couleur plus foncée que les hématies; 3° des globules rouges ayant 
perdu un huitième, un quart, la moitié, et les trois quarts de leur substance 
colorante de manière qu'ils laissent voir le stroma décoloré, attenant au 
reste du globule coloré ; 4° des stromas de globules rouges tout à fait trans- 
parents, non grenus et quelquefois pourvus de petits points colorés. 

Aucune de ces productions pathologiques du globule rouge n’a pu être 
observée dans le sang des chiens ayant subi la transfusion du sang peptonisé. 
Cependant dans deux cas de transfusion de sang défibriné, j'ai trouvé un ou 
deux jours après l’opération des formes de globules rouges altérés décrits à 
l'article 3, et qui, d’après mes expériences, doivent certainement périr. 

Avant de relater les cas dans lesquels j'ai appliqué la transfusion du 
sang peptonisé chez des chiens, qui avaient perdu des deux tiers aux trois 
quarts de leur sang, je dois dire un mot des qualités de la peptone que 
j'ai employée. [l'est clair que la peptone ne doit pas être trop acide ni con- 
tenir des produits d’adultérations nuisibles. Sur les quatre espèces de pep- 
tones, dont j'ai pu me servir à Paris, une seule a répondu à peu près aux 
exigences de mes recherches. C’est la peptone, préparée avec de la viande 
soumise à la digestion par la pepsine pure et privée d’acide chlorhydrique 
par la dialyse. Cette peptone contient, d’après les indications qui n'ont été 
données par M. Hottot : 1 pour 100 à peu près de chlorure de sodium et 
presque 4 pour 100 de sels de chaux (sulfates et phosphates). Les deux 
autres sortes de peptones étaient toxiques, l’une par l’acide chlorhydrique 
et l’autre par les sels de baryum qu’elles contenaient en trop grande quan- 
tité. La troisième peptone n’était pas toxique, mais elle était mélangée avec 
une poudre blanche insoluble dans l’eau, facile à retirer par la filtration. 
Voilà pourquoi cette dernière peptone était assez faible dans ses effets et 
pourquoi le sang peptonisé par elle se coagulait quelquefois avant la fin 
de la transfusion. Toutefois les coagula formés pouvaient être reconnus et 
séparés du reste du liquide. 

Avec de fortes solutions.de peptone j'aurais réussi à éviter cette coagula- 
tion, mais au commencement de mes recherches, n'ayant qu'une mauvaise 
peptone à ma disposition, j hésitais à me servir des doses fortes que j'ai em- 
ployées ultérieurement avec la peptone pure, préparée pour mes nouvelles 
solutions. Une solution de 1 à 1,5 pour 100 de cette dernière peptone pour 


tungen des 11 med. Congresses in Wiesbaden, 1883). — Sur le troisième élément 
du sang dans les conditions normales et pathologiques el son rapport avec la 
régénération du sang (Wraisch, 1884; n°° 16-19) (russe). 

(1) Masius et Vanlair, De la microcythémie (Bull. de l'Acad. de méd. de Bel- 
gique, 1871, p. 515). 


MÉTHODE PARTICULIÈRE DE TRANSFUSION, 67 


le mélange entier (sang et eau salée) devant servir à la transfusion, est 
suffisante pour empêcher toute trace dé coagulation pendant l’opération. 

C’est cette peptone qui a servi pour les expériences ultérieures, c’est-à- 
dire pour les animaux qui ont perdu des deux tiers aux trois quarts de leur 
sang. Six expériences, entreprises dans cette direction, ont réussi malgré 
quelques accès de dyspnée, raideur des membres et même cessaiion de la 
respiration. Le pouls n’était plus sensible et les réflexes presque dis- 
parus, etc. Après la transfusion, l'animal s’est rétabli assez vite. Le sang, 
qui tous les jours était examiné n’a révélé aucun changement qui aurait 
démontré quelque destruction des hématies. 


Avant de songer à appliquer ces données expérimentales de la transfu- 
sion du sang peptonisé à la thérapeutique, il faut démontrer par l’analyse 
microscopique et chimique si une certaine partie du sang injecté est assi- 
milée par l'organisme, c’est-à-dire si le sang restaure l'organisme, non 
pas comme un liquide indifférent, mais comme un liquide qui nourrit 
parce qu'il contient une certaine quantité d'éléments figurés chargés de 
l’hématose, etc. En tous cas, il ne faut pas perdre de vue le rôle de la 
peptone, comme substance nutritive. 

L'application de la transfusion du sang peptonisé à la thérapeutique me 
parait d’ailleurs facile. On n’a qu'à modifier un peu l’appareil de Roussel ou 
de Dieulafoy. Près de la canule, introduite dans le vaisseau du sujet, qui 
fournit le sang, on met dans le caoutchouc un autre tube en caoutchouc, qui 
est en communication avec la solution de peptone convenablement con- 
centrée. Pendant que l’aspiration du sang se fait, l’aspiration de la peptone 
se fait également, et on évite de cette manière la coagulation du sang pen- 
dant la transfusion. Si avec lPappareil de Roussel on réussit à introduire 
une quantité assez grande de sang, c'est, selon nous, grâce à l’eau chaude, 
avec laquelle son appareil doit être rempli avant la transfusion. Mais on 
sait quelle influence nuisible l’eau chaude produit sur le sang, bien que, 
en empêchant un peu la coagulation du sang, elle agisse d’une façon favo- 
rable. Ainsi à cause de cette influence nuisible de l’eau chaude sur le 
sang on ne doit pas se permettre d'employer ce liquide dans un but pareil. 

Avec les modifications que je signale, je suis parvenu à injecter beau- 
coup plus de sang, et du sang qui n’est pas altéré. Dans trois expériences 
sur les chiens, j'ai introduit facilement avec l'appareil de M. Roussel, d’un 
animal à l’autre, plus de 400 centimètres cubes de sang peptonisé (à peu 
près 100 centimètres cubes de peptone en solution et 300 centimètres 
cubes de sang). 

Certainement dans la pratique de la transfusion de sang préalablement 
soumis à l’influence de la peptone, il serait bien de se servir de peptone 
tout à fait pure, c’est-à-dire débarrassée de tout sel minéral, ce qui jusqu’à 
présent ne m’a pas été possible. On conçoit qu'avec une telle peptone les 
résultats soient encore plus satisfaisants. En outre, la quantité de peptone 


68 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


nécessaire pour la transfusion du sang doit être moindre proportionnellement 
au poids du corps du sujet, chez l’homme que chez le chien, si lon fait la 
transfusion avec les appareils de MM. Roussel, Dieulafoy, etc., modifiés 
comme je viens de l'indiquer, lesquels sont assurément supérieurs à l’appa- 
reil primilif que j'ai décrit plus haut. Avec ces appareils perfectionnés on 
n’est pas d’ailleurs forcé d'employer des doses aussi considérables de pep- 
tone, et, par conséquent, l'opérateur n’a pas à craindre une influence 
toxique de la peptone sur l'organisme humain, dans le cas où cette in- 
fluence pourrait exister. 


PR 


PR RES 


Re OR 


CRE PTS 


A LS 


OBSERVATIONS 


SUR LE 


SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS 


(Communication faite à la Société de biologie, dans la séance du 21 juin 1884) 


PAR MM. LES DOCTEURS 


HYADES et V. GALIPPE 


Le docteur Hyades a rapporté un assez grand nombre d'empreintes des 
arcades dentaires prises chez les Fuëgiens. Le manque de porte-empreintes 
rendait cette opération particulièrement difficile. Quoique la plupart des 
difficultés aient été surmontées par M. Hyades, en retirant de la bouche 
l'empreinte des arcades dentaires, la forme de celles-ci a été légèrement 
modifiée et ne saurait donner une idée exacte de l'original. Bien que très 
précieuses à d’autres titres, ces empreintes ne pourraient donc nous fournir 
des renseignements précis sur la forme et le développement des sos 
dentaires des Fuégiens. 

Nous avons dü recourir à des moulages pris sur des crânes rapportés par 
l'expédition. L’inspection de ces moulages permet de voir que les arcades 
dentaires ont un développement très considérable, très régulier. Dans 
exemple que nous avons sous les yeux, bien que les grosses molaires soient 
d’un volume considérable, le maxillaire supérieur offre encore, en arrière 
des dents de sagesse, un espace libre de près de À centimètre. La distance 
qui sépare les deux grosses molaires de sagesse, calculée du bord libre de 
la face interne de la couronne au bord libre de la face interne de la dent 
correspondante, est de 61 millimètres. Si l’on fait passer une ligne horizon- 
tale, par la face postérieure des troisièmes grosses molaires, et que l’on cal- 
cule la distance qui sépare le point médian de cette ligne de l’angle externe 
des incisives centrales, on voit qu’elle est égale à 68 millimètres. Diver- 
gentes au niveau des dernières grosses molaires, les deux branches consti- 
tuant l’arcade maxillaire supérieure se rapprochent lentement, de façon à 


(1) M. le docteur Hyades, pendant un long séjour fait par lui à la Terre de 
Feu a dirigé ses observations sur une foule de points intéressants. Le système 
dentaire des Fuégiens ne pouvait échapper à ses nombreuses investigations. Il a 
bien voulu me permettre d'étudier avec lui les différentes pièces qu’il a rappor- 
tées et c’est le résuitat de ces recherches que nous exposons aujourd’hui. 

(V. GALIPPE.) 
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. L. 6 


710 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


constituer une sorte de plein cintre régulier et d’une forme harmonieuse ; 
la distance qui sépare le bord interne ou lingual de la surface triturante 
d’une canine à l’autre est encore de 45 millimètres. Si l’on ajoute à cela que 
les dents sont implantées obliquement, et forment avec l'axe de l’arcade 
maxillaire un angle très ouvert, on voit que le développement de l’arcade 
dentaire supérieure est très considérable. 

Le maxillaire inférieur est également très développé et d’une façon très 
régulière. La distance qui sépare le bord libre de la face interne de la troi- 
sième grosse molaire d’un côté, au bord libre de la face interne de la dent 
correspondante, est égale à 58 millimètres. Si l’on mesure la longueur d’une 
ligne passant par le bord interne des incisives centrales inférieures et 
allant rencontrer en son milieu, comme ci-dessus, une ligne horizontale 
passant par la face postérieure des troisièmes grosses molaires, on voit 
qu’elle est égale à 64 millimètres. La distance qui sépare le bord interne 
des canines inférieures, mesurée au sommet, est égale à 40 millunètres. Ces 
mesures ont été prises sur des moulages des arcades dentaires d'un crâne, 
ayant appartenu à un homme adulte. L’usure des dents est assez sensible 
surtout au niveau des canines, des petites et des grosses molaires. 

Les mêmes mensurations faites sur les moulages obtenus à laide du 
crâne d’une jeune femme de vingt-cinq ans nous ont donné les résultats 
suivants : Maxillaire supérieur. — La distance séparant le bord libre de la 
face interne des deux dents de sagesse est égale à 58 millimètres. Ges 
deux dents sont atrophiées. Si comme précédemment on fait passer une 
ligne horizontale par la face postérieure des molaires de sagesse et que l’on 
mesure la distance qui sépare cette ligne de l’angle interne des incisives 
centrales, on voit qu’elle est égale à 58 millimètres. La distance qui sépare 
le bord interne d’une canine du bord interne de la canine correspondante 
est égale à 44 millimètres. La forme de l’arcade dentaire est très régulière 
et rappelle dans ses lignes principales celle que nous avons étudiée plus 
haut. 

L'arcade dentaire inférieure est également régulière ; toutefois, ainsi qu'à 
la mâchoire supérieure, les dents ne sont pas rangées d’une façon irrépro- 
-chable. De même que les incisives centrales supérieures sont un peu ren- 
trées et interrompent en ce point l’harmonie de la courbe décrite par les 
dents, de même aussi les incisives centrales inférieures présentent cette 
légère irrégularité et sont un peu rentrées. Nous devons ajouter que les 
troisièmes grosses molaires ont au maxillaire inférieur un développement 
considérable. 

La distance d’une dent de sagesse à l’autre mesurée comme précédem- 
ment, est égale à 53 millimètres. La distance séparant le bord interne des 
incisives centrales de la ligne horizontale passant par la face postérieure 
des troisièmes molaires est égale à 61 millimètres. Enfin, la distance qui 
sépare les deux canines est égale à 37 millimètres. 

Les dents sont implantées obliquement, l’axe des alvéoles forme avec 


SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 71 


l'axe du maxillaire un angle très ouvert, ce qui augmente le prognathisme. 
Les dents du maxillaire inférieur ont le même mode d'implantation et sont 
obliques en sens inverse, suivant l’expression de Broca ; il y a donc progna- 
thisme naturel dans ce cas, comme dans l’exemple précédent. 

Ce prognathisme alvéolo-dentaire n’est pas constant et nous ne le retrou- 
vons pas dans le plus grand nombre de moulages pris sur le vivant par le doc- 
teur Hyades, où les dents sont verticales. De telle sorte que le progna- 
thisme, peu considérable du reste, présenté par les Fuégiens, si l’on en juge 
par les photographies et les moulages obtenus par le docteur Hyades, est 
plutôt dû au développement considérable du maxillaire supérieur et de 
l’inférieur qu’au mode d'implantation des dents. 

Nous devons ajouter que la voûte palatine est horizontale et n’est point 
concave, comme cela se voit si souvent dans notre race, chez les individus 
qui présentent une forme d'arcade dentaire supérieure, s’éloignant du plein 
cintre pour se rapprocher de l’ogive. 

John Wilson, le chirurgien du Beagle, dit que « la bouche des Fuégiens 


est largement fendue ; fermée, elle a la forme d’une ligne droite; ouverte, 


elle a la forme d’une ellipse ». 

Le docteur Hyades à constaté que les indigènes de l'archipel du cap 
Horn avaient, au contraire, la bouche sinueuse, et souvent bien dessinée ; 
elle est habituellement grande et les Fuégiens la tiennent souvent ouverte, 
quand ils sont au repos, mais non pendant le sommeil. 

Il faut noter cependant que les Fuégiens ne présentent pas ordinaire- 
ment des lèvres aussi sinueuses que les Européens ; cela tient peut-être à ce 
qu'ils ne font que rarement usage dans leur langue des consonnes labiales et 
surtout des p, b, f, du moins à l’état de sons purs. En outre, on peut dire 
qu'on ne rencontre pas chez eux l'expression de la bouche ou des lèvres. 
Ces organes ne sont jamais mis en jeu pour traduire leurs sentiments ou 
leurs impressions. 

Les Fuégiens ne connaissent pas le baiser, bien que leur langue renferme 
plusieurs mots exprimant l’idée de caresse. La Fuégienne dont l’enfant est 
complètement nu, le protège contre les intempéries, par la seule chaleur 
de son corps; elle se tient accroupie et le place entre ses cuisses, le serrant 
contre son ventre et sa poitrine ; plus tard elle le porte sur le dos, mais bien 
que le sentiment de la maternité soit très vif chez elle, jamais elle n’em- 
brasse son enfant. 

Les dents des Fuégiens sont, d’après les spécimens que nous avons étu- 
diés, longues et fortes, d’une forme assez élégante : les canines ont un déve- 
loppement en rapport avec celui des autres dents. La surface triturante des 
grosses molaires est large et va en décroissant de la première à la troisième 
grosse molaire. La présence de tubercules supplémentaires n’est pas très 
fréquente. Dans un exemple que nous avons sous les yeux (jeune femme de 
vingt-cinq ans), les dents de sagesse du maxillaire supérieur sont atteintes 


de naïisme. Les racines des grosses molaires sont fortes et divergentes au 


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12 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


maxillaire supérieur, elles sont également très solidement implantées au 
maxillaire inférieur. Les dents de sagesse, quoique très solides, ont géné- 
ralement des racines convergentes. 

D’après Darwin, les dents de sagesse manqueraient fréquemment dans la 
race blanche, tandis que leur présence serait la règle dans les races infé- 
rieures. À 

Mantegazza et Broca ont adopté cette opinion, qui nous parait, comme au 
docteur Magitot, un peu trop absolue. S'il est vrai que, dans les races supé- 
rieures, la dent de sagesse est un organe en voie de régression, en ce qui 
regarde le maillaire supérieur, il n’en est pas moins vrai que des races 
considérées jusqu'à ce jour comme inférieures, les Fuégiens, par exemple, 
présentent cette diminution de la dent de sagesse à la mâchoire supérieure. 

Il est curieux de mettre en regard de l'opinion de Darwin, sur l’évo- 
lution de la dent de sagesse, l’appréciation, du reste inexacte, qu'il avait 
formulée, après un examen insuffisant, sur les peuplades étudiées par le 
docteur Hyades. (Voyage d’un naturaliste, trad. E. Barbier, Paris, 1875, 
p. 228) : 


QUn jour, dit Darwin, que nous nous rendions à Lerre auprès de l’ile de 


Wollaston (cette île est voisine de la baie Orange), nous rencontràämes un 
canot contenant six Fuégiens. Je n’avais certainement Jamais vu créatures 
plus abjectes et plus misérables... Quand on voit ces hommes, c’est à peine 
si l’on peut croire que ce soient des créatures humaines, des habitants du 
même monde que le nôtre. On se demande souvent quelles jouissances peut 
procurer la vie à quelques-uns des animaux inférieurs : on pourrait se faire 
la même question, et avec beaucoup plus de raison relativement à ces sau- 
vages ! La nuit, cinq ou six de ces êtres humains, nus, à peine protégés 
contre la pluie et le vent de ce terrible pays, couchent sur le sol humide, 
serrés les contre les autres et repliés sur eux-mêmes comme des ani- 
maux. » 

On retrouve souvent dans les récits des auteurs anglais une appréciation 
aussi rigoureuse. Elle est due sans doute à ce que ces voyageurs, ne séjour- 
nant pas assez longtemps dans le pays pour bien connaître la peuplade 
fuégienne, se sont bornés à décrire leur première impression à la vue des 
indigènes. 

Nous avons étudié les propriétés physiques des dents par la méthode que 
nous avons récemment fait connaître à la Société de biologie (1). 

C’est ainsi qu'ayant déterminé la densité des dents d’une petite fille fué- 
gienne nous avons obtenu les résultats suivants (2). Nous devons ajouter 


(1) Ces déterminations ont été faites au laboratoire de la Clinique d’accouche- 
ment. 

(2) La densité des dents varie avec leur mode de préparation. Il est bien évi- 
dent que des dents sèches ou macérées n’ont pas la même densité que des dents 
fraiches, possédant leur pulpe. Dans le cas actuel, les dents avaient été séparées 
du maxillaire par macération et étaient sèches. 


û 
: 


SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 13 


que d’après les déterminations du docteur Hyades, cette petite fille devait 
avoir huit ans environ. Les Fuëgiens n’ont pas d'idée exacte sur leur âge, 
et l’époque d'apparition des dents paraît être plus précoce chez eux que 
dans notre race. 

La densité moyenne générale des dents s’applique au système dentaire 
envisagé dans son ensemble et comprenant aussi bien les dents caduques 
que les dents permanentes. 


Densité moyenne générale................ Da bete Le. 2,0865 
— de l’arcade dentaire supérieure........ 2,092 
— — IN ÉRIeUTE ECS 2,081 
— des dents du coté droit. 6-20 en 2,11 
— duicoté sauche FE CR-cMe21000 
La densité moyenne des dents du maxillaire supérieur étant égale à 2,092 
La densité moyenne du côté droit est égale à........ LCR RAR PER 2,125 
Tandis que la densité moyenne du côté gauche n’atteint que...... 2,059 
La densité moyenne des dents du maxillaire inférieur étant égale à 2,081 
La densité moyenne du côté droit est égale à................... 2,095 
Hhceletduschoté saucherégale 4: 342 NS ARE RAM ARR SARA .. 2,067 
La densité moyenne des incisives centrales supérieures. ......... 2,17 
Celle des incisives inférieures est égale à................. SP MEETS 2,145 
La densité moyenne des incisives latérales supérieures est égale à 2,11 
deeudes inlérientesnAtICIntiQUe LE Ce 2,055 
La densité moyenne des canines (caduques) supérieures est égale à 1,95 
Cellendes inférieuressestésale 4-6... D HORE Hocéonto aan ee 


D’après les déterminations qui précèdent, on voit, que conformément à la 
loi qui a déjà été exposée à la Société de biologie, les dents du côté droit 
ont une densité plus considérable que celle du côté gauche. Nous revien- 
drons ultérieurement sur la signification des autres chiffres. 

Pour le moment, nous nous bornerons à appeler l'attention sur la densité 
relativement considérable des dents de cette petite fille, bien qu’elle ait 
succombé à la tuberculose (1), puisque nous retrouvons cette densité, 2,08, 


(1) Cette fillette fuégienne, âgée de huit ans, est morte à la mission anglaise 
du canal du Beagle, à Ouchouaya. 

L’autopsie a été pratiquée le 13 novembre 1882, à Ouchouaya, trois jours après 
le décès, pour rechercher les causes de la mort attribuée à une maladie épidé- 
mique de nature inconnue pour les missionnaires et qui décimait depuis six à 
huit mois les Fuégiens établis à Ouchouaya. 

L’autopsie fit constater l’existence d’une tuberculose généralisée, au plus haut 
degré de développement. 

Cette fillette était née à Ouchouaya, d’un père et d’une mère morts le même 
jour, il y a environ six ans (sans autres renseignements). 

Cest sur les pièces pathologiques de ce jeune sujet, conservé dans l’alcool, que 
le professeur Cornil a constaté très nettement à Paris, l’existence des bacilles de 
la tuberculose. 


14 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


chez une femme adulte de notre race, ayant, il est vrai, succombé à des 
accidents puerpéraux et que, d'autre part, chez une petite fille de onze ans, 
morte à l'hôpital, la densité moyenne n’était égale qu'à 2,07, et que chez 
un enfant de sept ans, la densité moyenne des dents n’était égale qu'à 1,017; 
nous pouvons conclure que la densité moyenne des dents de cette fillette 
fuégienne est notablement supérieure à la densité présentée par des indi- 
vidus de même àge appartenant à notre race. 

Nous avons également déterminé la densité des dents d’une jeune femme 


fuégienne, âgée de vingt-cinq ans et ayant succombé à des accidents puer- 
péraux (1). 


Densité moyenne générale ............ PDT ON M rs à de 2,189 

Densité moyenne des dents supérieures ................... 2,206 
_ — InféHéTest tee LE ie: SC NMOMSR 
— supérieure. droites 12-001 MON MNMENTRNVe + _2,1875 
— — gauche de EN MERE 1 . _2,1905 


Pour notre race cette densité moyenne, 2,189, serait encore considérable, 
bien que dans nos déterminations elle ait été souvent dépassée. Toutefois il 
faut tenir compte de l'accouchement très récent de cette femme et cette 
circonstance a dû suivant nos observations diminuer la densité moyenne des 
dents. 

Nous ferons en outre observer que cette femme, bien que les Fuégiens 
soient droitiers, présente une exception à la règle, en ce qui concerne la 
prédominance du côté droit sur le côté gauche, puisque la moyenne géné- 
rale du côté gauche l’emporte sur le côté droit; c’est du reste la seule 
exception que nous ayons rencontrée. 

Chez un autre adulte fuégien : 


Densité moyenne générale. ......... Re ee ND AU 
_ des dents du côté droit............ 2,2004 
— — du côté gauche.......... 2,2000 


c’est: à-dire presque identique (2). 


(1) Cette femme était âgée de vingt à vingt-cinq ans. L'’autopsie a eu lieu six 
jours environ après le décès : elle a permis de constater l'intégrité des poumons, 
- quelques altérations pathologivues sur la séreuse des poumons et sur l’enveloppe 
du foie, nulle part de traces d’abcès. L’utérus fortement dilaté, comme pour un 


produit de trois mois environ, était vide; la mort a paru avoir été occasionnée. 


par une hémorrhagie du col utérin. Le coccyx était très mobile sur le sacrum, 
et les deux dernières vertèbres coccygiennes extrêmement mobiles l’une sur 
l’autre. 

Cette femme était bien musclée, et pourvue d’un tissu graisseux assez abon- 
dant. 


(2) L'appareil dentaire de ce sujet n’était pas complet, il manquait quatre 
dents. 


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SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 75 


——_———— — ——— 


Chez une femme adulte, dont l’appareil dentaire était très incomplet, les 
dents présentaient une densité variant entre 2,22 et 2,17. La densité des 
quelques dents du côté droit qui avaient leurs similaires du eôté gauche, 
était supérieure. 

La densité moyenne de l’appareil dentaire d’un Fuégien adulte, ne com- 
prenant que dix-neuf dents, était égale à 2,194. 

Nous compléterons ces recherches sur d’autres spécimens dont nous espé- 
rons bientôt disposer. 

Quoi qu’il en soit, en tenant compte de la vie misérable que mènent les 
Fuégiens, nous estimons que la densité moyenne générale de leurs dents 
doit être supérieure à celle des individus de notre race. 

Nous n’avons pas encore pu faire l’examen histologique des dents des 
Fuégiens, mais, comme nous l’exposions récemment à la Société de biologie, 
nous estimons que les espaces interglobulaires seront d'autant plus petits 
et d'autant plus rares que la densité des dents sera plus considérable. M. le 
docteur Spencer Bate a constaté des faits analogues, dans les dents des 
Esquimaux, des Indiens Peaux-Rouges et des naturels d’Ashantee, où il n’a 
pas trouvé d’espaces interglobulaires. Cet observateur a rencontré cette 
même particularité dans des dents provenant d'anciennes sépultures 
anglaises. 

Bien que le développement considérable des arcs maxillaires des Fuégiens 
permette aux dents de se placer régulièrement, il arrive cependant quelque- 
fois qu’en raison du volume considérable des dents, celles-ci sont légère- 


ment déviées de leur position naturelle. 


De plus, nous avons constaté dans les moulages pris par M. le docteur 
Hyades que la canine de lait persistait assez fréquemment à la mâchoire 
supérieure, de telle sorte que la canine permanente, trouvant sa place occu- 
pée, évoluait en dehors de l’arcade dentaire au niveau des deux petites 
molaires. 

L’usure des dents est souvent très prononcée chez les Fuégiens, même 
très jeunes. Cela provient très probablement des différences de constitution 
individuelle des dents, et de la loi en vertu de laquelle, de plusieurs appa- 
reils dentaires soumis aux mêmes fatigues, c’est le moins solide qui s’use 
le plus vite. 

On doit également faire intervenir la spécialisation de quelques individus, 
employant fréquemment leurs dents à des usages mécaniques comme le 
montrent les photographies prises par M. le docteur Hyades. 

En septembre 1881, un groupe de Fuëgiens, Alikoulip, fut examiné à 
Paris au Jardin d’acclimatation. Voici, au sujet de la dentition, ce que dit 
M. L. Manouvrier, qui a étudié ces individus avec le plus grand soin (Bulle- 
tins de la Société d'anthropologie de Paris, 1881, p. 764) : « Leurs dents 
étaient très belles et bien rangées, mais extrêmement usées, même chez 
les jeunes gens, et l’un de ceux-ci, bien qu’à peine adulte, avait déjà 
ses dents de sagesse entiérement sorties. Nous n’avons constaté l’usure des 


1 
[ær) 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


dents à un tel degré et aussi précoce, que sur des crànes californiens de la 
collection de M. de Gessac, au Muséum, et ce voyageur attribue cette usure 
à la présence d’une assez grande quantité de sable dans les moules qui 
constituent la principale nourriture des Californiens de la côte. Or on sait 
que les Fuégiens consomment aussi une grande quantité de moules, et nous 
avons pu voir qu’ils les mangent crues : ils ne les mettent un instant sur le 
feu que pour les faire ouvrir, et ils ne prennent point la peine de les net- 
toyer: » F 

Pendant l’année de séjour de la mission française à la Baie-Orange, 
M. Hyades n’a pu prendre que deux observations anthropologiques com- 
plètes sur des femmes appartenant à cette peuplade Alikoulip (Alakalouf 
actuelle). Ces deux femmes, âgées de trente-cinq à quarante ans, présen- 
taient des incisives et des canines très uséés sur une surface horizontale. 
(Chez l’une de ces femmes la première petite molaire droite inférieure 
manquait.) 

Chez les Fuégiens Tékinikas (Yahganes actuels), que M. Hyades a spécia- 
lement observés, l’usure des dents se présente habituellement, fortement 
accusée, lorsque les individus sont très âgés. M. Hyades a vu un cas où 
toutes les dents étaient usées presque jusqu’au niveau des gencives. Cepen- 
dant ce sujet ne paraissait pas avoir plus de quarante-cinq ans; ce qui 
prouve que l’usure des dents chez les Fuégiens de l’archipel du cap Horn 
ne saurait servir à la détermination de l’âge. En effet, chez les adultes, 
l’usure des dents peut être très prononcée, ou bien manquer complètement, 
et elle a été constatée au moins pour les canines et pour les incisives chez 
des enfants (garçons et filles àgés d’environ six ans). 1 

Nous ne saurions donc accepter l'opinion d’après laquelle cette usure 


serait un caractère de race, pas plus que l’explication d’une usure dentaire 


occasionnée par le sable contenu dans les moules qui entrent pour une 
large part dans l’alimentation fuégienne. D'abord ces moules ne contien- 
nent pas de sable, mais de très petites perles qui peuvent bien heurter 
désasréablement ls molaires d’Européens occupés à mâcher ces mollus- 


ques, mais doivent passer inaperçues pour les Fuégiens avalant cet aliment 
sans aucune mastication. 


Il est à remarquer que, lorsque l’usure existe, elle brie d’abord les . 


canines, puis les incisives, ensuite les petites us, et en dernier lieu 


les grosses molaires. Une de ses causes doit être l’habitude de tous les 


Fuégiens de se servir de leurs mâchoires comme d’un étau pour travailler 
la peau de phoque en lanière, pour tresser les fibres de tendons de phoque 
ou de baleine, ou le jonc qui sert à faire les paniers (ces deux dernières 
occupations spéciales aux femmes : chez celles-ci l’usure est, toutes choses 
égales, moins prononcée que chez les hommes). 

Il est intéressant de reproduire ici les remarques de John Wilson, chi- 
rurgien du Beagle de 1828 à 1830 : 

« Chez un Fuégien » dont il a fait l’autopsie, âgé de moins de quarante 


Le 


SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 71 


ans, d’après Fitz-Roy, «les dents étaient parfaites, en nombre ordinaire ; 
les incisives étaient plates et manifestement usées en bas; j'ai vu d’autres 
cas de cette particularité. [Il est donc probable qu’elles sont quelquefois 
employées comme des molaires.. Les dents des Fuégiens sont en général 
saines, belles et bien plantées ; elles proviennent d’une organisation qui, 
selon toute probabilité, est exempte de n'importe quelle tare constitu- 
tionnelle. | 

» Sur un second Fuégien, les dents étaient complètes, mais les incisives 
n’étaient pas usées par le bas comme chez le précédent. La régularité et la 
bonne disposition des dents étaient dues en grande partie à la dimension 
de la mâchoire, et par suite à l’espace laissé libre pour la croissance et 
l’expansion des organes dentaires. Chez les personnes qui ont un visage 
effilé, où les deux côtés de la face se rencontrent à un angle aigu, les dents 
sont souvent petites. Si, par hasard, elles sont grandes, elles se recouvrent 
l’une l’autre par défaut de place, ou s’expulsent mutuellement de leur posi- 
tion normale. La largeur de la face — qui existe toujours chez les Fuégiens 
+ est due à la largeur de la base du crâne, laquelle entraine la forme des 
os de la face. » 

L'évolution dentaire se fait plutôt chez les Fuégiens que dans notre race. 
Cest ainsi que chez une petite fille de sept à huit ans, nous voyons à la 
mâchoire supérieure, de chaque côté, deux grosses molaires permanentes, 
deux petites molaires, une canine permanente, une grande et une petite 
incisive permanentes. 

A la mâchoire supérieure au contraire, bien que les deux grosses mo- 
laires permanentes aient fait leur évolution, du côté droit la deuxième 
grosse molaire de lait a persisté : il y a une seule petite molaire, une canine 
permanente. Du côté gauche, au contraire, la canine de lait et les deux 
grosses molaires ont persisté, bien que les deux grosses molaires perma- 
nentes soient entièrement poussées (1). 

La dent de sagesse pousse plutôt chez les Fuégiens que dans notre race. 

D'accord avec les missionnaires anglais, établis depuis vingt ans à la 
Terre de Feu, le docteur Hyades a constaté la précocité de l’apparition de 
la dent de sagesse chez les Fuégiens. Il pense qu’on pourrait attribuer cette 


_précocité au développement des os maxillaires et au fonctionnement des 


dents comme étau. 

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, il a constaté la présence des dents 
de sagesse chez une fillette de douze à treize ans qui n’était pas réglée 
(Parouroumaonigou-Kipa : 15 dents en haut, où la dernière molaire droite 


(1) Fillette de sept à huit ans (Kappouchmakour Kipa). Taille : 1,246. 
Angle f. : 74. Bouche grande. Dents légèrement inclinées en avant, grandes, au 
nombre de quatorze à chaque mâchoire. 

Le 4 octobre 1882, les incisives percaient seulement les gencives ; le moulage 
des dents de ce sujet a été pris environ six mois plus tard. 


18 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


n’est pas sortie, 16 dents en bas; incisives usées horizontalement, dents 
petites saines; usure des dents plus prononcée à gauche qu’à droite: les 
Fuégiens sont droitiers en règle générale). 

Pour l'apparition des dents permanentes, le docteur Hyades a recueilli 
les détails suivants : 


Enfant de neuf ans. (Lagouténtsis). Sortie des deuxièmes petites mo- 
Jlaires supérieures. 
— huit ans et demi. (Amachtinéntsis). Sortie de la canine inférieure 


gauche. 

— cinq ans. (Oumakamoune Kipa). Apparition de lincisive 
méd. droite. 

— cinq ans et demi. (Liouchka Kipa). Chute des incisives centrales 
supérieures. 


Les Fuégiens tirent de leurs dents tout le parti que l’on peut obtenir 
d'organes aussi solides et qui doivent précisément une partie de leurs quæ 
lités exceptionnelles à l’activité et à l'énergie de leurs fonctions physiolo- 
giques. 

1° Mécaniquement, les appareils dentaires servent chez les Fuégiens pour 
déchirer la chair des oiseaux et pour mâcher la viande de phoque, qui est 
aussi dure que du cuir: aussi avalent-ils cette viande sans l’avoir complè- 
tement mastiquée. Pour les poissons, les mollusques, les zoophytes (our- 
sins) qu'ils mangent en grandes quantités, les Fuégiens se servent peu de 
la mécanique dentaire. Mais nous savons que dans leur industrie ils uti- 
lisent beaucoup leurs mâchoires soit pour triturer les substances dures 
(cuir, tendons, etc.), soit pour tirer ou retenir des matières qu'ils travail- 
lent avec leurs mains : écorces pour attacher les diverses parties de la pi- 
rogue, etc. i £ 

% Au point de vue nutritif, l’alimentation des Fuégiens ne se composant 
que de matières animales : chair et graisse de baleine ou de phoque, pois- 
sons, oiseaux, coquillages, oursins, sans aucun condiment, sans addition 
d’aucuns végétaux, exige, pour être complète, l’absorption d’une grande 
quantité de ces aliments aussi riches en azote que pauvres en carbone. 
Aussi les indigènes font-ils des repas très copieux. Le docteur Hyades 
estime, par exemple, qu’on peut évaluer à 3 kilogrammes la quantité de 
poisson qu’un Fuégien absorbe journellement. Cette nourriture, puisqu'elle 
est bien assimilée, serait suffisamment nutritive, mais il faut observer que 
les Fuégiens ne faisant pas de provisions, les jours de disette sont fré- 
quents pour eux. Pendant l’hiver surtout le poisson manque, les coquillages 
sont plus rares, la chasse des oiseaux ou des phoques plus difficile, Si les 
indigènes n’ont pas la chance de découvrir alors quelque épave de baleine 
dont ils dévoreront la graisse et la chair jusqu’au dernier morceau, ils sont 
astreints au jeûne forcé, quelquefois pendant plusieurs jours. Dans ces con- 


À Er 
… ét 


FOUT Ts OT OR ET 


SYSTÈME DENTAIRE DES FUÉGIENS. 19 


ditions, leur alimentation est manifestement insuffisante, et se borne, pour 
ainsi dire, à tromper leur faim. 

On sait qu’ils ne boivent que de l'eau ; c’est aussi avec de l’eau pure qu’ils 
se lavent la bouche et se nettoient sommairement les dents après le repas, 
en s’aidant alors quelquefois de frictions avec la pulpe des doigts ou les 

ongles. Le tartre dentaire n’est commun que chez les enfants. 

La carie dentaire, comme on pouvait le prévoir, est rare chez les Fué- 
giens, toutefois elle n’est pas inconnue et les individus plus faibles qui ré- 
sistent difficilement aux fatigues de cette vie errante, présentent dans la 
bouche des lésions locales comme ils pourraient en présenter dans d’autres 
organes. 

Nous avons observé ces lésions dans un moulage rapporté par le docteur 
Hyades ; elles affectent la première et la seconde grosse molaire supérieure 
du côté droit; la première grosse molaire du côté gauche avait disparu (1). 
- Pendant son séjour à la Terre de Feu, M. le docteur Hyades a eu l’occa- 
sion d’arracher quelques dents légèrement cariées et qui ne provoquaient 
que des douleurs tolérables. L’extraction de ces dents a été assez pénible en 
raison de la solidité de leur implantation et les indigènes n’ont accusé 
qu’une douleur modérée. 

Le docteur Hyades n’a jamais observé de périostite, de fluxion. 


OBSERVATIONS. — Homme de vingt ans (Ouayanakandjis). Taille : 1",492. Angle 
f. : 71. Bouche petite. Dents verticales. Les canines sont usées au niveau des 
autres dents. Plusieurs points noirâtres sur les molaires : ces points indiquent pro- 
bablement de la carie dentaire. 

Homme de seize ans (Ouarououayéntsis). Taille : 1",440. Angle f. : 74. Bouche 
grande. Dents verticales. 

Les canines de lait ayant persisté à la mâchoire supérieure, les canines per- 
manentes se sont développées en dehors de l’arcade dentaire et ont acquis leur 
volume normal. 

Homme de trente ans (Céïlapaténdjis dit Jonathan). Taille : 1",556. Angle f. : 79. 
Bouche grande. Dents verticales, présentant de l’usure (surtout les dents infé- 
rieures). La feuille d'observation ne constate pas d’anomalie dans le nombre des 
dents. 

Homme de trenteans (Lapouchounéntsis, n° 12). Taille : 1",585. Angle f. : 73. 
Bouche grande, dents verticales présentant du tartre. Les deux canines sont 
usées au niveau des autres dents. 

Homme de vingt-cinq ans (Yakaïf, dit Bill William, n° 42). Taille + 1,580. 
Angle f. : 72. Bouche petite, dents verticales, petites, ne présentant ni tartre ni 
usure. La bouche est bien dessinée, et tenue habituellement fermée. 

Homme de quarante-cinq ans (Tayachapoundjis). Taille : 1",565. Bouche 


(1) Homme de vingt-cinq ans (Ayamaçaskéntsis). Taille : 4",650. Angle f. : 73. 
Bouche grande. Dents verticales, grandes, présentant du tartre dentaire et un 
commencement d’usure sur les canines. 

La tête a été moulée. 


80 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


grande. Dents verticales, de taille assez petite, commençant à présenter un léger 
degré d’usure. La deuxième incisive gauche a disparu. 

Femme de vingt-cinq à trente ans (Mayachka Kipa). Taille : 1",453. Angle f. : 
72,5, Bouche grande. Dents verticales. Canine supérieure gauche développée 
en dehors de l’alvéole dentaire, par suite de la permanence de la canine de lait. 
La première petite molaire inférieure gauche a disparu. Pas d'usure des cou- 
ronnes ; canines dépassant les autres dents. 

Cette femme, mariée à Tayachapoundjis, mère de deux enfants dont un qu’elle 
” allaitait (âgé de un an), était très active, et occupée très souvent à fabriquer des 
paniers, opération qui exige une longue mastication du jonc avec lequel on les 
tresse. Cependant ses dents n'étaient pas usées. 


Largeur de la bouche chez les Fuéëgiens. 


Millimètres. 


Fillette de sept à huit ans (Kapouchmakour Kipa)......... 50 
Homme de vingt-cinq ans (Lapouchounéntsis)............ 99 
— vingt-cinq ans (Ayamacaskéntsis) . ..... RARE 55 

— trente ans (Céilapaténdiis)""""""PERREE"EECE 54 

—- vingt ans (Ouayanakandjis.................... A7 

— vingt-cinq ans (Yakaïf dit Bill William)........ , ol 
— seize ans (Ouarououayéntsis)..-..... 55 

- quarante-cinq ans (Tayachapoundjis).......... 51 
Femme de vingt-cinq ans (Mayachka Kipa)........... TE 


La largeur de la bouche à été mesurée entre les deux commissures, la bouche 
étant fermée. Pour les petits enfants (mâles) elle est ordinairement voisine de 
45 millimètres ; elle est aux environs de 40 millimètres pour les petites filles (la 
largeur de 50 millimètres pour la fillette ci-dessus est exceptionnelle); et pour 
les adultes des deux sexes elle varie habituellement entre 50 et 55 millimètres. 


NOTE 


SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C... 


(Communication faite à la Société de biologie dans la séance du 9 août 1884) 


PAR 


M. le docteur V. GALIPPE 


Chef de laboratoire à la Faculté de médecine 


Ayant eu l’occasion de mouler les arcades dentaires du supplicié CG... et 
d'étudier les particularités qu’elles présentaient, j’ai fait un certain nombre 
d'observations intéressantes que je crois pouvoir communiquer à la Société. 

Examen de la bouche. — Maxillaire supérieur : Ce qui frappe tout 
d’abord au premier examen c’est le développement considérable et régulier 
de l’arcade dentaire dont nous donnons ci-après les mensurations. Les 
dents sont régulières, courtes, très épaisses au niveau du collet et implan- 
tées avec une telle solidité, qu'à moins de briser le rebord alvéolaire, ii eût 
été presque impossible de les arracher. On a dû recourir à la macération pour 
les détacher et encore, pour ce qui regarde les grosses molaires, en raison 
de la divergence et de la forme des racines, l'extraction a été très pénible. 

La première petite molaire supérieure droite manque, elle a dû être arra- 
chée probablement à la suite de carie. Il est permis de supposer que cette 
extraction était de date relativement récente parce que l’espace compris 
entre la deuxième petite molaire et la canine était resté aussi considérable 
que si la dent existait encore. Or on sait que généralement, lorsque dans 
une bouche ou les dents sont fortes et serrées les unes contre les autres, on 
vient à arracher une dent, après un temps variable, l’espace resté libre, par 
l'extraction, tend à diminuer, en vertu du rapprochement des deux dents 
voisines qui, obéissant à une poussée latérale, semblent se desserrer. 

L’incisive latérale supérieure droite est beaucoup plus petite que sa sy- 
métrique du côté gauche. Ce fait est intéressant en lui-même, puisqu'il 
donne à cette arcade dentaire un caractère très particulier. Toutelois je 
n’y attache pas une valeur considérable, bien qu'il ait été noté chez un cri- 
minel par le docteur Dumur (obs. IX, p. 45), parce que cette particularité 
est assez fréquente surtout dans les bouches eù les incisives centrales par- 
ticulièrement ainsi que les autres dents ont un développement considérable. 
Je mets sous les yeux de la Société de biologie le moulage d’une bouche 
dont les dents ont un volume supérieur à la moyenne, et qui appartient à un 
homme, né en Alsace, d’une taille élevée et ayant un crâne très développé 


82 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


(c’est un professeur) ; les deux incisives latérales sont frappées de nanisme. 
Parmi les enfants de cet homme il yen a qui n’ont pas d’incisives latérales, 
mais dont les incisives centrales sont extrêmement développées. 

Voici encore un moulage intéressant qui montre l’absence d’incisive laté- 
rale du côté gauche et le nanisme de l’incisive latérale correspondante. 

Les canines ont un développement considérable, celle du côté gauche a 
son bord tranchant intact et sa pointe dépasse notablement le niveau des 
autres dents. Du côté droit, au contraire, nous voyons que le bord tran- 
chant est usé et présente une sorte de dépression régulière partant du bord 
de l’incisive latérale, usée également en ce point et s’arrêtant environ vers 
le milieu du bord tranchant de la canine. 

Si nous regardons maintenant la canine inférieure droite correspon- 
dante, nous retrouvons une usure très accusée du bord tranchant, ainsi 
que du bord contigu de la première petite molaire inférieure. Gette usure 
pourrait à la rigueur avoir été produite par le mode d’articulation des 
dents; mais, comme elle n’existe que d’un côté, je suis tenté de croire 
qu'elle a pu être produite par l'application prolongée d’un corps dur, de 
forme cylindrique, probablement un tuyau de pipe (1). 

Les premières grosses molaires ont un volume considérable, elles ne pré- 
sentent pas de tubercule supplémentaire, leur surface triturante est très 
large. 

Les secondes grosses molaires semblent avoir été comprimées et le grand 
axe de leur surface triturante est oblique d'avant en arrière. Elles sont 
notablement plus petites que les premières grosses molaires. 

Les troisièmes grosses molaires ont une forme régulière. Les tubereules 
sont peu accusés; la surface triturante est régulièrement concave et beau- 
coup plus petite que celle des deuxièmes molaires. 

Les racines des grosses molaires, surtout celles des dents de sagesse, pré- 
sentent des particularités indiquées dans le tableau joint à ce travail. 

À propos des canines, Lombroso (2) a attiré l’attention sur la fréquence 
du développement exagéré de la canine chez les criminels et a noté cette 
particularité quatre fois, sur 100 individus examinés; six fois les dents 
présentaient d’autres irrégularités, telles qu’absence des incisives, direc- 
tion vicieuse ou petitesse extraordinaire des canines (3). 

Le docteur Dumur a contrôlé les faits avancés par Lombroso. Sur 16 têtes 
qui n’ont peut-être pas toutes appartenu à des criminels avérés, Çil semble, 


(1) Je me suis en effet adressé, après la rédaction de ce travail, à M. le direc- 
teur du dépôt des condamnés, pour savoir si l’individu qui fait le sujet de cette 
observation fumait habituellement la pipe et s’il était droitier. [1 m'a été répondu 
que le supplicié famait habituellement la pipe, qu'il chiquait continuellement et 
qu'il était droitier. 

(2) Lombroso, l’Uomo delinquante. 

(3) Dumur, Thèse de Lyon, p. 41. 


SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C... 83 


dit le docteur Dumur, que le grand volume des canines est, comme l’in- 
dique Lombroso, un caractère assez fréquent. Puis viendraient la largeur 
des incisives, leur projection et la forte saillie produite par leurs racines. » 

Bien que M. Dumur n’émette cette opinion qu'avec réserve, je crois qu'il 
n’y a pas lieu d'attribuer aux observations de Lombroso plus d'importance 
qu'il ne convient et je suis d’avis que, si l’on a trouvé chez des eriminels des 
canines d’un volume considérable, ce fait était en relation directe avec le 
développement également remarquable des autres dents. Il est en dehors 
de toute criminalité, des personnes qui, en vertu de leur origine, ont un 
système dentaire admirablement constitué comme force et comme régula- 
rité des dents, comme développement des maxillaires et qui ont des ca- 
nines très fortes et plus longues que les autres dents. C’est là un fait normal 
et physiologique et justiciable de l’anatomie comparée. 

Maxillaire inférieur. — La forme est également régulière. Toutefois, 
en raison de la compression exercée par les dents les unes sur les autres, 
la canine supérieure gauche est légèrement rentrée. Elle présente, sur sa 
face externe, ainsi que la première petite molaire, une facette produite 
par le frottement de la canine supérieure. Cette usure n'intéresse pas le 
bord tranchant de la canine. 

La canine droite, au contraire, ainsi que nous l’avons signalé plus haut, 
est usée sur son bord tranchant. Nous n’avons rien vu d’important à si- 
gnaler à la mâchoire inférieure. 

La surface triturante des grosses molaires inférieures, très considérable 
pour les premières, va en diminuant jusqu'aux troisièmes. 

Comme cela se voit du reste presque toujours, la surface triturante des 
molaires de sagesse inférieures est plus grande que celle des dents simi- 
laires du maxillaire supérieur. 

L’articulation du maxillaire supérieur avec l’inférieur était normale. 

Presque toutes les dents portaient à leur collet une couronne de tartre 
salivaire, très dure et très adhérente. L'examen microscopique de ce tartre 
n’a pas encore été fait, mais il est peu probable qu’il fournisse des parti- 
cularités intéressantes. 

En examinant la tête du supplicié C..., on était frappé par le développe- 
ment considérable de la face en général et du front en particulier, dans le 
sens horizontal. 

M. Chudzinski, l’infatigable anatomiste du laboratoire d'anthropologie, 
auquel on doit des travaux si remarquables, a montré par ses dissections 
que cette apparence était due surtout au développement considérable des 
museles temporaux.Les masséters, chez cet homme, formaient aussi un relief 
tout à fait exceptionnel. Il en était de même des muscles servant à l’expres- 
sion des lèvres. 

Ainsi que j'ai pu le constater avec M. Chadzinski, le maxillaire inférieur 
est asymétrique et cette malformation affecte le côté gauche. Cette ano- 
malie n’a pas été la seule que lobservation anatomique ait permis de 


84 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


signaler, et M. Chudzinski a présenté à la Société d'anthropologie des 
anomalies musculaires très importantes, mais qui sont en dehors de mon 
sujet. | 

Dimension de l'arcade supérieure mesurée sur le moulage. — La forme 
du maxillaire supérieur rappelle absolument le plein cintre dont elle a les 
caractères géométriques. C’est à ce point de vue un type parfait. 

Distance séparant le bord interne des troisièmes grosses molaires du 
côté droit et du côté gauche D transversal — 49 millimètres. 

Distance séparant le tubercule interne des secondes petites molaires du 
côté droit et du côté gauche D transversal — 40 millimètres. 

Longueur d’une ligne passant par le bord interne des incisives centrales 
et le milieu d’une autre ligne passant par la face postérieure des troisièmes 
grosses molaires — 51 millimètres. 

Dimension de l’'arcade dentaire inférieure. — Distance séparant le bord 
interne des troisièmes grosses molaires du côté droit et du côté gauche 
D transversal — 44"",3. 

Distance séparant le tubercule interne des secondes petites molaires du 
côté droit et du côté gauche = 33 millimètres. 

Longueur d’une ligne passant par le bord interne des incisives centrales 
inférieures et le milieu d’une autre ligne tangente à la face pos des 
troisièmes grosses molaires — 46"",9, 

La voûte palatine est régulière; elle forme une cavité assez accusée dont 
la profondeur va en diminuant depuis les grosses molaires jusqu'aux inci- 
sives ; elle est symétrique et ne présente pas d'anomalies. 

Examen des caractères physiques des dents. — Les dents, ainsi que je 
l'ai déjà dit, n’ont pu être détachées du maxillaire que par le pro- 
cédé anatomique appelé macération. On sait combien sont actives les réac- 
tions chimiques qui se passent pendant cette putréfaction, de telle sorte 
que, en ne tenant même pas compte de la destruction de la pulpe, la dent 
a pu subir dans sa constitution chimique des modifications dont je ne puis 
quant à présent apprécier ni l’intensité ni la nature. Mais, si l’on veut bien 
remarquer que, toutes les dents ayant été placées, pendant le même temps, 
dans un même liquide, elles ont dù subir des modifications comparables 
entre elles, les résultats suivants ne seront pas dépourvus de valeur. 

La densité moyenne générale est assez faible, outre les conditions défa- 
vorables énumérées ci-dessus. [l faut encore tenir compte de l’état de 
déchéance physique dans laquelle devait se trouver cet individu pendant sa 
détention ; cette déchéance, se manifestant localement par quelques caries 
commençantes, tend à prouver que la constitution chimique des dents 
avait subi une modification assez profonde. 

La densité moyenne générale est ijébale à 2,14. Elle est plus considérable 
à droite qu'à gauche : 


Densité moyenne vénérale droite Eee cc TER — 92,145 
— — D'ATCHE SAME MEL PIRE —102150 


SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C... 89 


La densité moyenne générale des dents du maxillaire supérieur est égale 
à 2,148 ; celle des dents inférieures n’atteint que 2,136. 

Si l’on prend la densité moyenne des dents du côté droit du maxillaire 
supérieur, on voit qu'elle est égale à 2,150, tandis que la densité moyenne 
des dents du côté gauche est seulement égale à 2,146. 

On retrouve ces rapports au maxillaire inférieur. 

La densité moyenne générale des dents du maxillaire inférieur est égale 
à 2,136. 

La densité moyenne des dents du côté droit est égale à 2,140, celle du 
côté gauche n’atteint que 2,133. 

La densité moyenne des incisives centrales supérieures est égale à 2,14, 
celle des incisives centrales inférieures n’atteint que 2,055. 


Densité moyenne des incisives latérales supérieures. — 2,13 
— — inférieures... — 2,10 
— des canines supérieures........... 1915 
_ — INFÉPIEUTES. 5. À 


On voit par ces chiffres que la densité moyenne des dents du côté droit 
est supérieure à la densité gauche. Le supplicié, comme nous l’avons dit 
plus haut, était droitier. 

Les autres déterminations obéissent à la loi que nous nous proposons 
d'exposer bientôt à la Société de biologie et que nous n’avons fait qu’indi- 
quer dans une précédente communication. 

Nous allons passer rapidement en revue les caractères particuliers pré- 
sentés par quelques-unes des dents examinées individuellement par nous. 

L’incisive centrale supérieure droite pesait plus que la gauche, son vo- 
lume était également plus considérable. 


Incisive centrale supérieure droite......... REV —t0cc 630 
= = DAUCHE mener V — 0cc,615 


La longueur de l’incisive centrale supérieure droite était égale à 247,9, 
tandis que la hauteur de l’incisive centrale gauche n’atteignait que 24 mil- 
limètres. | : 

L’épaisseur de la dent mesurée au collet était pour l’incisive centrale 
supérieure droite égale à 7°",3, tandis que pour la gauche elle n’était 
égale qu'à T millimètres. 

Le bord tranchant présentait une longueur de 9"%,9 pour l’incisive supé- 
rieure droite ; l’incisive centrale supérieure gauche avait un bord tranchant 
dont le développement était égal au précédent. 

J'ai pris ces dimensions pour toutes les dents, mais ce serait étendre 
inutilement ce travail que de donner ici toutes ces mensurations. 

La canine supérieure droite avait une longueur égale à 28"",5, son 

BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. I. 7 


86 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


épaisseur au niveau du collet était de 9 millimètres. La racine présentait 
un étranglement vers son tiers supérieur. 

Du côté gauche, la canine avait une longueur égale à 28 millimètres. Son 
épaisseur au niveau du collet était égale à 7"",7. La racine était déviée de 
gauche à droite vers son tiers supérieur. 

Le volume de la canine supérieure droite était égal à 615 millimètres et 
le volume de la canine supérieure gauche égal à 580 millimètres. 

La canine inférieure droite avait une longueur égale à 25"",6, son épais- 
seur au collet était égale à 7 millimètres. À son extrémité la racine était 
déviée en forme de crochet. 

La canine inférieure gauche avait une longueur égale à 26 millimètres. 
Son épaisseur au collet était égale à 7 millimètres. Comme ei-dessus la ra- 
cine se terminait en forme de crochet. 


Ganinetinfemeuretdnoite MEME EEE TEEN V — Occ,545 
— SAUCHE JABN EME ARTE . NV = Gcc,525 


Ainsi que je l’ai dit la troisième grosse molaire supérieure droite avait 
quatre racines divergentes, particularité assez rare. 

Voiei le volume respectif des trois grosses molaires du maxillaire supé- 
rieur droit : 


re grosse molaire supérieure droite... ...: 0 he MSc ADS 
2e grosse molaire supérieure droite........... V — 0cc,930 
3e grosse molaire supérieure droite.... ... .. V — Occ,690 


La troisième grosse molaire du côté gauche présentait aussi quatre ra- 
cines divergentes. 

Voici également pour ce côté le volume respectif des trois grosses mo- 
laires : 


ire orosse molaire supérieure gauche.......... V:— Ac2180 
2e grosse molaire supérieure gauche.......... V — Occ,845 
Je grosse molaire supérieure gauche... .. .. V — Oc,730 


Les grosses molaires du maxillaire inférieur avaient des racines très fortes 
et divergentes. Leur volume allait également en décroissant de la première 
à la troisième. 


re grosse molaire inférieure droile........... V — 1cc,055 
2e grosse molaire inférieure droite. .......... V — Occ,9S0 
3e grosse molaire inférieure droite. .: ....... V'— 06/8715 
ireorosse molaire inférieure gauche... ......... V — 1cc,060 
2° grosse molaire inférieure gauche....,...... V — Occ,975 


3° grosse molaire inférieure gauche........... V — 0cc,850 


SYSTÈME DENTAIRE DU SUPPLICIÉ C.….. SI 


La deuxième petite molaire supérieure gauche avait deux racines diver- 


gentes. La longueur totale était égale à 24,5. 
La dent correspondante du côté droit n’avait qu’une racine unique. 


2e petite molaire supérieure gauche. ......... V — Occ,540 
2e petite molaire supérieure droite. .......... V — Occ,470 


Comme nous l’avons signalé, les deux incisives latérales supérieures 
avaient un volume très différent. 


Incisive latérale supérieure droite..... ....... MUC 285 
— Sauche te AUTRE … NV = (0c,330 


Deux dents commençaient à se carier; c’étaient la première petite mo- 
laire supérieure droite sur l’une de ses faces el la première grosse molaire 
inférieure droite; l’altération portait sur les sillons de la surface tritu- 
rante. 

Si l’on rapproche des caries commençantes dont nous avons noté l’exis- 
tence, l’état du poumon observé par M. le docteur Laborde, les granula- 
tions tuberculeuses rencontrées dans le foie par M. le docteur Hanot, la 
faible densité relative des dents, réserve faite pour les altérations qu’elles 
ont pu subir pendant la macération, on est autorisé à conclure qu’au mo- 
ment de son exécution le supplicié avait un organisme en voie de déchéance. 

Cette observation montre la multiplicité des renseignements que l’on peut 
retirer de l’examen de la bouche et des arcades dentaires au point de vue 
de lidentité d’un individu jusqu’à un certain point de ses habitudes. 

Au point de vue de la médecine légale, il peut y avoir un grand intérêt à 
déterminer l'identité d’une personne quelconque. Cette détermination prend 
une importance encore plus considérable quand 1l s’agit de criminels. On 
sait que l’administration de la police prend le soin de faire photographier 
les individus coupables de délits ou de crimes, afin de pouvoir les recon- 
naître ultérieurement, si, pour une raison quelconque,ces mêmes individus 
venaient à être l’objet de nouvelles recherches judiciaires, Certainement la 
photographie rend et rendra toujours d'excellents services, au point de vue 
de laspect général de la physionomie et du corps. Mais on sait aussi com- 
bien sont fréquentes les causes capables de modifier profondément la phy- 
sionomie d’un individu. L'absence ou la présence de cheveux, de barbe; des 
mutilations volontaires ou involontaires, peuvent imprimer à la figure un 
aspect tout à fait différent de celui qu’elle présentait quand elle a été photo- 
graphiée. Je sais que dans ce cas on peut recourir à d’autres points de re- 
père, à des mensurations, etc. Mais, néanmoins, je crois devoir appeler 
l'attention sur la méthode suivante qui me paraît susceptible de rendre 
quelques services. Je veux parler du moulage des arcades dentaires. 
I est bien certain que si uu individu peut, s’il possède quelque habileté, 


88 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


modifier complètement l'aspect de sa physionomie, il lui sera beaucoup 
plus difficile, pour ne pas dire impossible, de changer la forme de son 
maxillaire. Si, nous prenons pour exemple un individu possédant son sys- 
tème dentaire complet, il se peut que pendant un laps de temps déterminé, 
il perde un certain nombre de dents, ou que celles-ci, par suite d'affection 
alvéolaire, changent de plan, par rapport au maxillaire, mais néanmoins 
les dents qui auront persisté pourront conserver des caractères capables de 
les faire reconnaître. En supposant même que toutes les dents aient dis- 
paru, que le bord alvéolaire se soit affaissé, la forme générale du maxil- 
laire supérieur et de l’inférieur pourront encore fournir des indications 
précieuses, qui, jointes à d’autres, viendront les corroborer. En admettant 
toutefois que ces cas extrêmes présentent de grandes difficultés, on mac- 
cordera que, grâce au moulage des arcades dentaires, dans les cas où il 
serait nécessaire de déterminer l'identité d’une personne ou d’un crâne, les 
caractères présentés à la fois par les dents, qu’elles soient normales ou 
anormales comme forme, comme direction, saines ou malades, obturées 
(amalgame, or, etc.) ou non, pourront fournir des caractères extrêmement 
précieux. 

En ce qui concerne les dents, M. le docteur Dumur (4) a appelé l’atten- 
tion sur les renseignements que l’on peut tirer de leur examen au point de 
vue de la médecine légale. 

Cette intéressante monographie renferme des observations curieuses qui 
viennent à l’appui des raisons que j'ai données pour montrer combien il 
serait intéressant de mouler les arcades dentaires des individus, dont on 
peut avoir intérêt à constater ultérieurement l'identité. 

En résumé, pour ce qui concerne la bouche du supplicié qui fait l’objet 


de cette étude, et sans vouloir diminuer en rien la valeur des anomalies si- 


onalées dans le maxillaire inférieur et dans les muscles, je ne crois pas que 
l’en puisse voir autre chose dans la bouche de cet homme qu'un appareil 
admirablement disposé pour la fonction qu’il devait remplir. Il est bien 
certain que l’ensemble des faits particuliers que nous avons relevés, montre 
que, pour ce qui a trait à la vie végétative, cet homme était parfaitement 
armé. Au point de vue moral et intellectuel, c'était un inférieur, mais au 


point de vue purement animal et masticateur, il était supérieurement 


doué (2). 


(1) Thèse de Lyon, 1882, p. 53 et suivantes. 
(2) Travail du Laboratoire de la clinique d'accouchement. 


tn al 


SP EE PE PEER EU 


TE 


TROIS CAS DE GUÉRISON 


DE TROUBLES CHORÉIQUES DES MOUVEMENTS DE L'ÉCRITURE 


OBTENUE PAR SUGGESTION HYPNOTIQUE 


PAR 


M. le Docteur BERNHEIM 


(DE NANCY) 


La suggestion dans l’état hypnotique peut réaliser de la paralysie, de la 
contracture, de l’anesthésie, des troubles fonctionnels divers. Il était na- 
turel de se demander si cette même suggestion ne pourrait pas faire dispa- 
raître par un mécanisme analogue des troubles fonctionnels existants, dans 
les cas où la lésion organique ne rend pas cette disparition impossible. 

Il existe en effet une thérapeutique suggestive qui donne des résultats 
incontestables, souvent rapides et surprenants dans un grand nombre de 
cas. M. le docteur Liébeault (de Nancy) s’est fait, depuis vingt-quatre ans, 
l’apôtre de cette thérapeutique. Depuis plus de deux ans que je l’expéri- 
mente, quand l’occasion se présente et que mes loisirs le permettent, j'ai 
obtenu un grand nombre d’efféts thérapeutiques, et souvent de guérisons, 
par la méthode suggestive de M. Liébeault, qui consiste tout simplement, 
pendant le sommeil provoqué, à affirmer la disparition des différents sym- 
ptômes subjectifs ressentis par le malade, à suggérer la guérison. Le cer- 
veau, docile à cette suggestion vigoureuse et répétée, fait ce qu'il peut 
pour neutraliser (par inhibition, dynamogénie, ete.) les symptômes exis- 
tants, pour restaurer la sensibilité, pour annihiler une douleur, pour sti- 
muler un nerf moteur engourdi, pour corriger en un mot tous les troubles 
dynamiques, et ils sont nombreux, qui se greffent sur la lésion et consti- 
tuent quelquefois toute la maladie ou ce qui survit de la maladie. 

Parmi mes nombreuses observations, j'en choisis actuellement deux qui 
me paraissent établir d’une façon péremptoire la réalité de la thérapeu- 
tique suggestivé ; je choisis ces cas, parce que la maladie et la guérison sont 
enregistrées par le malade lui-même, et inscrites en traits irréfutables. Au- 
cune part ne peut être faite, comme on a voulu le dire, à Pimagination du 
médecin. 


Os. [.— Grosse (Heuri), àgé de seize ans, de Hayange (Lorraine annexée), vient 
avec sa mère me consulter le 5 juin 1884. Voici son histoire : À l’âge de dix ans 
il eut une première atteinte de chorée qui le tint pendant quatre mois. A douze 
ans et demi il en eut une seconde qui dura trois mois, généralisée, violente, agi- 
tant les membres, le tronc, la face, la langue, avec impossibilité de parler. Cette 


9Ù MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


atteinte avait été précédée pendant un mois d’un rhumatisme articulaire aigu, dont il 
ne se rappelle pas les détails. — A quatorze ans nouveau rhumatisme poly-arti- 
culaire fébrile occupant toutes les jointures, pendant six mois, y compris celles 
du cou, qui est resté un peu raide depuis lors; il eut en même temps de l’oppres, 
sion avec battements de cœur. 

En février dernier, il fut repris de chorée; pendant un mois, agitation désor- 
donnée très grande limitée aux membres supérieurs. Depuis le mois de mars, ces 
mouvements choréiques diminuèrent graduellement d'intensité et disparurent de- 
puis ; mais il ne peut plus écrire depuis, il a été obligé d'interrompre ses études, 
et c’est pour cela qu'il vient me consulter. 

Il a subi divers traitements; pendant le mois de fevrier il prit du bromure pen- 
dant trois semaines, puis du sirop de chloral qui a calmé l’agitation. Durant le 
mois de mars, il prit du tartre stibié, qui n’améliora pas son état. Plus tard il prit 
de l’arsenic pendant trois semaines. Pendant les mois d'avril et mai, des pulvéri- 
sations d’éther furent faites consciencieusement deux fois par jour pendant deux 
mois. Rien n’y fit : l’agitation choréique avait cessé; mais les mains restèrent 
maladroites pour les choses un peu délicates ; il ne peut ni écrire, ni arranger son 
nœud de cravate. 

Actuellement, 5 juin, c’est un garçon lymphatique, assez grand, timide, parlant 
peu, l’intelligence est cependant nette ; il mange et dort bien; on ne surprend 
aucun mouvement choréique, à peine de légers soubresauts dans la main. Les 
mouvements de rotation de la nuque sont un peu douloureux; souffle doux à la 
pointe du cœur, qui fonctionne bien et n’est pas hypertrophié. Je le fais écrire au 
crayon, après l'avoir mis à son aise. Voici le décalque de son écriture (voyez spé- 
cimen 1). Lisez : Grosse Henri, à la Fenderie Hayange Grosse. 

Je propose à sa mére d’'hypnotiser son enfant ; elle y consent. Le premier essai 
ne réussit pas ; il fronce les sourcils, cligne des paupières, prétend qu’il ne peut 
dormir. Alors j'endors sa mère, qui s’y prête facilement devant lui. La voyant dor- 


mir d’un sommeil calme, il se laisse aller facilement et en trois minutes est en ré- 


solution ; ses membres restent en catalepsie si je les soulève. Je lui suggère alors 
verbalement qu'il est guéri, que sa main ne tremble plus, qu'il va très bien 
écrire; je répète cette suggestion à plusieurs reprises (suivant la méthode de 
M. Liébeault). Au bout de dix minutes je le réveille et je le fais écrire. 


Voici le résultat : il n’est pas encore brillant (voyez spécimen 2). 

Je constate que l’enfant avait été en sommeil profond ou somnambulisme, c’est- 
à-dire qu'il n'avait conservé à son réveil aucun souvenir de ce que je lui avais dit 
pendant son sommeil. Sachant que dans ce sommeil profond, on obtient quelquefois 
des résultats immédiats frappants, je lui propose de l’endormir une seconde fois 
et je le remets rapidement en une minute en somnambulisme. Alors je répète et 
J'accentue davantage l'affirmation qu’il va écrire très bien; et pour rendre cette 
suggestion plus efficace, je lui donne un crayon en main, je lui dis: « Voici un 
crayon; vous le tenez très bien, d’une main sûre et solide. » Je place un papier 
devant son crayon, et je le fais écrire son nom pendant le sommeil (voyez spé- 
cimen 3). Il écrit d’abord son nom Grosse (troisième ligne du spécimen); je dis: 
« Vous écrivez mieux votre prénom; » il écrit Henri (quatrième ligne); je dis: 
« Encore mieux ; » il écrit Hayange (première ligne). Je dis: «Encore mieux: cal- 
ligraphie ; » il écrit Grosse (deuxième ligne). Tout cela est écrit les veux fermés. 
Je lui affirme qu’à son réveil il écrira encore mieux, je lui fais dire à lui-même 


te 


NS 


DES MOUVEMENTS DE L'ÉCRITURE. 91 


qu'il est et restera guéri ; que sa main conduira la plume sans hésitation. Au bout 
de douze minutes environ, je le réveille; il ne se souvenait de rien. Et voici ce 
qu'il écrit à son réveil (voyez spécimen 4). 

Le soir même il écrit, d’une main assurée, une longue lettre à son père. 

Je le revois le lendemain 6 juin. La guérison s’est maintenue. 

Voici son écriture avant toute nouvelle hypnotisation. Je l’endors une dernière 
fois. La guérison ne s’est pas démentie. Le 9 juillet je reçois une lettre de lui où 
il me remercie de sa plus belle écriture digne d’un professeur de calligraphie. 


Cette observation n’est pas unique. Mon collègue M. Beaunis, ayant vu 
à la consultation de M. Liébeault une jeune fille atteinte d’hémichorée, eut 
l’idée d'enregistrer aussi les mouvements de l'écriture, avant, pendant et 
après la séance hypnotique ; peu de séances suffirent à rétablir l’écriture 
normale et à corriger les mouvements choréiques. L'observation à été 
publiée dans la Gazette médicale de Paris. 
_ Voici enfin un troisième fait que j’ai pu recueillir récemment. 


OBs. II. — Claudine Datel, âgée de quinze ans, m’a été amenée, le 21 juillet, 
par deux de ses amies, ouvrières du même atelier, et que je venais de débar- 
rasser en quelques séances par suggestion hypnotique de secousses choréiques. 

Habituellement bien portante, Claudine Dutel, qui ne paraît pas nerveuse outre 
mesure, fut prise, en février 1884, de chorée par imitation, la quatrième de l’ate- 
lier. Cette chorée généralisée occupait tête, tronc et membres; la malade se 
mordait la langue. Au bout de six semaines, après avoir pris quinze bains sul- 
fureux, elle fut complètement guérie. 

Il y a quinze jours elle fut reprise de chorée généralisée. Depuis huit jours elle 
n’a plus qu’un tremblement incessant latéral rhytmique, occupant la main, le bras 
et l'épaule gauche. Plus on veut arrêter ce tremblement, plus il s’exagère. 

Sauf cela, santé parfaite ; la force musculaire est conservée ; la malade pousse 
le dynamomètre à 28 de la main gauche, à 31 de la main droite. 

Elle écrit très bien de la main droite (voyez tracé 1). 

De la main gauche, si elle veut écrire son nom, elle ne fait qu’un enchevètre- 
ment de traits inextricable. Le tracé d’une ligne fait de cette main enregistre son 
tremblement. 

Je l’hypnotise, après avoir endormi ses deux amies devant elle; elle n'arrive 
qu'au second degré du sommeil hypnotique (c’est-à-dire résolution, catalepsie 
suggestive incomplète, pas de mouvements automatiques, souvenir parfait au ré- 
veil). J’affirme que le tremblement va disparaître, que la main gauche fonctionne 
comme la droite ; je fais quelques frictions sur la main. 

Le tremblement persiste d'abord, et je ne pense pas obtenir un résultat immé- 
diat ; mais, au bout de quelques minutes, le tremblement commence à diminuer ; 
il est remplacé successivement par des secousses de plus en plus éloignées, puis 
disparaît. Je fais écrire à la malade son nom et je lui fais tracer une ligne pen- 
dant son sommeil les yeux fermés, et elle y réussit très bien (voyez tracé I. Nom 
écrit de la main gauche pendant le sommeil. Ligne tracée pendant le sommeil). 

Je la réveille au bout de douze minutes environ. Elle écrit très bien son nom 
de la main gauche, et trace bien une ligne après son réveil (voyez tracé 1). Au bout 


992 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


de trois minutes, une nouvelle ligne tracée commence déjà un peu à trembler 
(voyez tracé 1). Aussitôt après le réveil le tremblement avait disparu; mais à peine 
dans la rue, nous dit-elle le lendemain, le tremblement a reparu comme avant. 

Le 22 juillet, lendemain, Claudine revient. Le tremblement existait de nouveau 
aussi marqué qu'avant. Elle ne peut plus écrire de la main gauche (voyez tracé II. 
Nom écrit de la main gauche et ligne tracée avant la seconde séance). Elle écrit 
très bien de la main droite (voyez tracé). 

Je l’hypnotise de nouveau, en présence des élèves à l’hôpital; je lui suggère 
énergiquement que le tremblement va s’arrêter et qu’elle va très bien écrire. 

En quelques minutes le tremblement disparaît de nouveau comme la veille; et 
je la fais écrire pendant son sommeil les yeux fermés (voyez tracé IT. Écriture de 
la main gauche pendant le sommeil. Ligne tracée pendant le sommeil). On voit 
sur ce tracé que le tremblement a totalement disparu, je la laisse dormir un quart 
d'heure, lui affirmant que le tremblement ne reviendra pas, que sa main est sûre 
d'elle-même, etc. 

À son réveil, plus le moindre tremblement ; écriture et ligne tracées nettement, 
(voyez tracé IL. Écriture de la main gauche et ligne tracée après le réveil). 

La guérison s’est maintenue après cette seconde séance jusqu’à ce jour (1° août). 
Voici encore, le 23 juillet, le spécimen de son écriture avant et après la troisième 
hypnotisation (voyez tracé IT). 

La jeune malade est encore venue trois fois, sur ma demande, à l'hôpital se 
faire hypnotiser, et l'écriture de la main gauche est devenue encore plus belle. 


BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


LES 


SUBSTANCES MÉDICAMENTEUSES 


CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE DE LA PURETÉ CHIMIQUE 


ET DE L'ACTIVITÉ PHYSIOLOGIQUE 


LA DIGITALINE 


Par MM. LABORDE et DUQUESNEL 


La pureté chimique d’une substance médicamenteuse constitue la pre- 
mière et essentielle garantie de son action physiologique, et conséquemment 
de son efficacité thérapeutique. 

C’est là une vérité, on pourrait dire un axiome, dont on ne se préoc- 
cupe pas suffisamment dans la pratique, et dont la négligence est la cause 
habituelle, soit des déceptions et des insuccès si fréquents en thérapie 
usuelle, soit des dangers et des accidents, auxquels on ne s’attendait pas, 
d’après les notions acquises sur l’activité toxique du médicament. L'exemple 
récent de la quinine employée dans nos hôpitaux, exemple dont il convient 
de faire honneur à l’investigation expérimentale, témoigne de toute l’impor- 
tance de cette préoccupation, laquelle grandit encore quand il s’agit de 
principes immédiats fournis par le règne végétal, d’une activité physiolo- 
gique beaucoup plus puissante que celle de la quinine ou de ses prétendus 
succédanés ; médicaments précieux, parfois héroïques, grâce à cette activité 
même; mais aussi des plus infidèles et des plus dangereux, selon leur 
composition et leur origine chimiques. 

C’est ce que nous nous proposons de démontrer aujourd’hui, M. Der enel 
et moi, pour un produit qui tient un des premiers rangs parmi les principes 
immédiats médicamenteux, dont les indications thérapeutiques appartien- 
nent surtout au cadre nosologique des cardiopathies, où il rend de grands 
services, et où il en rendrait de plus grands encore, s’il répondait toujours, 
par sa pureté et son identité de composition, à ce que l’on attend de lui: 
nous avons nommé la digitaline. 


Longtemps on a pu donner, sous le nom de digitaline — comme cela se 


pratique encore malheureusement pour un grand nombre d’autres substances 
BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. [. 8 


94 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


— un produit qui, sous le rapport de la constitution chimique, ne répondait 
nullement à cette dénomination. Combien de ces pseudo-digitalines, pro 
duits les plus divers, ont circulé et circulent encore dans l'industrie phar- 
maceutique, usurpant le vrai titre, c’est ce que nous n’essayerons pas et 
qu'il serait d’ailleurs difficile de ire, 

Mais depuis que, gràce aux progrès introduits par M. NATIVELLE dans les 
procédés d'extraction et de préparation de ce principe immédiat, nous 
sommes, quoi qu'on en ait dit, en possession d’un produit qui peut et doit 
toujours être identique à lui-même, en sa constitution chimique, comme en 
son activité physiologique, il n’est plus permis, du moins il ne devrait plus 
être permis de fausser la garantie que le médecin est en droit d'attendre de 
la préparation de ce médicament, et de tromper sa confiance, qui est aussi 
celle du malade. 

Mais c’est aussi, c’est surtout au médecin à veiller et à se tenir en garde, 
et c’est pour l'y aider, que nous lui apportons les résultats de l'enquête 
suivante. 


Voici deux échantillons de digitaline : l’un porte.la marque authentique 
d’une fabrique étrangère, de grand renom, dont les produits, sur la foi d’une 
réputation acquise, et aussi de prix. bu très rabaissés, sont fort 
recherchés et répandus en Europe et ailleurs ; 

L'autre est de la digitaline préparée par l’un de nous, par le Poe 
Nativelle. 

À la seule inspection objective des caractères physiques, extérieurs, il 
serait difficile de déceler la moindre différence entre les deux produits. 

Mais, si l’on vient à les soumettre respectivement à l’épreuve ci-après de 
réaction chimique caractéristique, indiquée par le Codex, voici ce que l’on 
observe : HR 

En présence d’une petite quantité d'acide chlorhydrique, et sous l'in- 
fluence d’une légère élévation de la température, la digitaline prend une 
coloration vert-émeraude. 

De plus, elle se dissout facilement dans le chloroforme. 

Or l’échantillon de digitaline venant de l'étranger, et que nous désigne- 
rons par la lettre À, ne présente pas de trace de la première réaction ; sa 
coloration ne crea pas. HAE 

En second lieu, traitée par le chloroforme, elle laisse un résidu abon 
dant. PR 

Au contraire, la digitaline française, obtenue par le procédé Nativelle, et 
que nous désignerons par la lettre D, présente la coloration caractéristique 
sous l'influence de quelques g nes d'acide chlorhydrique, et légèrement 
‘chauffée. 

De plus, elle se dissout entièrement, sans résidu, dans le chloroforme. 

Ces résultats respectifs peuvent être facilement constatés, à la suite des 
deux opérations que nous répétons devant la Société. 


LA DIGITALINE. 95 


Enfin, autre caractère différentiel, au point de vue organoleptique : 
La digitaline D est fortement amère, tandis que la digitaline A l’est à 
peine. 


Ces résultats dénoncent une différence réelle et même profonde, aù point 
de vue chimique, entre les deux produits ; et ils permettent d'en présumer 
une corrélative dans l'activité physiologique. 

L'épreuve expérimentale va pleinement justifier cette présomption et 
achever la démonstration. | j 

L'action caractéristique de la digitaline sur le cœur permet, en effet, à 
cet égard, une observation facilement comparable : c’est ce qu’on peut 
appeler l'épreuve cardiaque. 

Nous la réalisons, d’abord, sur deux grenouilles tout à fait semblables 
(Rana temporaria) et de même volume, chez lesquelles le cœur est mis 
à nu. 

Une solution aqueuse des deux produits a été respectivement préparée 
dans la proportion exacte de 1 centigramme par 2 centimètres cubes. Quel- 
ques gouttes seulement d’alcoo!l y ont été ajoutées pour faciliter la solution, 
qui, de part et d’autre, se trouble légèrement par le refroidissement, mais 
qu'il suffit de chauffer pour lui restituer toute sa clarté. | 
Pour rendre la démonstration plus saisissante, nous procédons par une 
-haute dose d'emblée : 

A l’une des grenouilles, nous injectons aux pattes postérieures À centi- 
mètre cube — 5 milligrammes de la solution du produit étranger que nous 
appelons A ; 

A l’autre, même injection de 4 centimètre cube — 5 milligrammes du 
produit français que nous désignons par D. 

L’injection simultanée est faite à 2 h. 20. 

A 2h. 23 (trois minutes’ après l'injection) commencent à se produire des 
modifications très sensibles dans le fonctionnement du cœur D; il s’accélère, 
se contracte avec une énergie qui tend à la rétraction des parois ventricu- 
laires, avec une difficulté croissante des diastoles. 

A 2h. 24, il y a déjà de longues intermittences, l’arrêt du cœur est 
imminent. 

A 2h. 25, l'arrêt est définitif en systole forece. Le cœur est revenu sur 
lui-même, rapetissé et fortement ridé, complètement vide de sang. 


Pendant ce temps, le cœur A continue à battre à peu près normalement. 

Ce n’est que vers 2 h. 45, c’est-à-dire vingt-cinq minutes environ après 
l’injection, que se manifeste une tendance à la rétraction systolique. Mais 
la régularité des battements continue à être parfaite. 

Près de trois heures après, à 5 h. 1/2, les contractions sont devenues plus 
lentes, elles ont perdu de leur amplitude, mais elles s’accomplissent 
toujours avec régularité, sans intermittences appréciables. 


96 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


A 5h. 1/2, les battements sont réduits à 14 par minute, mais réguliers 
dans leur lenteur ; des rides se prononcent à la surface ventriculaire. 

À six heures, même état. 

Sept heures. Le cœur bat encore, dans ces conditions, avecune régularité 
qui ne semble pas annoncer son arrêt prochain. 

L'animal est laissé, en cet état, dans un cristallisoir humide. 

Le lendemain matin, le cœur est trouvé arrêté en forte rétraction systo- 
lique ; mais l'animal réagit encore aux excitations périphériques. 


Ainsi, tandis que, en cinq minutes à peine, la digitaline D a produit ses 
effets physiologiques, caractéristiques et définitifs, ce n’est qu'après quatre 
heures que la digitaline À a commencé à manifester faiblement son action, 
laquelle n’est achevée que bien plus tard, ainsi que nous allons le montrer 
plus exactement et plus clairement encore. 

L'enregistrement graphique des battements du cœur permet, en effet, à, 
cet égard, une constatation qui, tout en rendant saisissables les moindres 
détails des modifications provoquées dans le fonetionnement cardiaque, 
donne, en quelque sorte, la mesure exacte de l’écart considérable existant 
dans l’activité eue des deux produits. 

Le premier graphique ci-après donne l'expression écrite de l'action sur 
le cœur de la grenouille, de la digitaline D, à la même dose que précédem- 
. ment, depuis le moment de l'injection jusqu’à la cessation complète et défi- 
nitive des battements cardiaques. 

L'analyse de ce tracé montre, en effet, que dès la troisième minute après 
l'injection, se produisent déjà des modifications très nettes dans le fonc- 
tionnement cardiaque, et que l’arrêt systolique du cœur ventriculaire est 
effectué à la cinquième minute. 

Si, maintenant, nous mettons en regard de ce tracé le second tableau 
graphique, qui représente l’action de la digitaline À, exactement dans les 
mêmes condititions expérimentales et de dose, que voyons-nous ? 

Dans une série successive de tracés qui, en fonction de temps, ne repré- 
sentent pas moins de trois heures de cardiographie, c'est à peine si l'on 
arrive à quelques modifications exprimant plutôt la fatigue de lorgane 
sous l'influence de ce long travail, sans que la régularité et le rythme 
des contractions du cœur paraissent, du reste, troublés. Il est facile de 
présumer qu’il continuera ainsi à fonctionner de longues heures encore, et 
nous jugeons inutile de prolonger l'épreuve cardiographique, suffisamment 
démonstrative. (Ne pouvant reproduire ia longue série de tracés recueillis 
en ce cas, nous nous bornons au premier et au dernier, qui fournissent les 
termes de comparaison.) 


Dans le but de rendre plus saisissante encore, si possible, la démonstra- 
tion, nous avons répété l’épreuve cardiographique, dans les conditions sui- 
vantes de doses respectives : 


F16. 1, — Digitaline D (française), 5 milligrammes. — 1, tracé normal, avant l'injection 
2, 3, 4, immédiatement après l'injection; 5, arrêt complet à la 5° minute. 


l.6. 2. — Digitaline A (étrangère), à milligrammes. — 1, tracé normal, avant l’injection; 
après l'injection, 15° minute; 3, après l’injection, 1" heure; 4, après l'injection, 
* heure; », après l'injection, 3° heure. 


Disilunuc D  f'auuçuise), 2 1/2 quuligrauues. Wacé uurial, avant 
l'injection; 2, 3, 4, 5, 6, 7, après l'injection, 1°, 2°, 5 


98 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


1,2 centimètre cube — 2 1/2 milligrammes de digitaline D ; 

2 centimètres cubes — 1 centigramme de digitaline A. 

Or voici les résultats graphiques de l’expérience comparative : 

Dans le premier cas, les modifications caractéristiques et arrêt définitif 
du cœur se Fine dans un laps de six à huit minutes. 

Dans le second cas, ce n’est que vers la vingtième minute que commence 
le ralentissement, et plus d’une heure après, il ne s’est pas encore produit 
de nouvelle modification sensible. - 


l'iu. 4. — Digilaline A (étrangère), 1 ventigramme. — 1, tracé Pornal avant linjecuou: 
2, huit minutes après l'injection; 3, dix-huit minutes après l'injection; 4, cinquante 
minutes après l'injection. ; 


On peut tirer, de la démonstration qui précède, la conclusion que lacti- 
vité physiologique de la digitaline D est quatre fois supérieure, pour Île 
moins, à celle de la digitaline À, puisqu'à une dose quatre fois plus forte, 
celle-ci arrive à peine à produire quelques effets sensibles. Mais cette appré- 
ciation est encore loin de la réalité, si l’on juge de cette activité compa- 
parative par les effets extrêmes et définitifs, dont le critère est l'arrêt du 
cœur. 


Cette démonstration pouvait suffire à notre but; mais, afin de lui donner 
tous les caractères d’une généralisation applicable, nous avons cru devoir 
l’étendre à des animaux plus élevés : pour le dire de suite, les résultats de 
cette nouvelle épreuve ont été, comme il était permis de s’y attendre, abso- 
lument confirmatifs de la première. 

C’est ce que va montrer la simple relation d’une expérience faite sur le 
cobaye : 


Il s’agit de deux jeunes cobayes de la même famille, du même àge, et, on 
peut dire de même poids, car l’un pèse 272 grammes, et l’autre 270. 
Au premier, celui de 272 grammes, nous injectons à la cuisse gauche, à 


LA DIGITALINE. 1199 


3 h. 20, 1 centimètre cube de la solution de digitaline D, représentant 
» milligrammes de principe actif. 

Au second, pesant 270 grammes, nous injectons presque simultanément, 
à une minute d'intervalle (3 h. 21), exactement la même dose de ae 
line A. 

A 3 h. 50, le premier cobaye est sur le flanc, en proie à des phénomènes 
convulsiformes et asphyxiques, il urine abondamment et par jets saccadés 
comme à la suite de contractions spasmodiques de la vessie (1); les batte- 
ments du cœur sont à peine perceptibles à travers la paroi thoracique. 

A 3h. 55, il est en état de mort apparente, les mouvements respira- 
toires sont réduits aux derniers efforts asphyxiques. 

A 4 h. 11, le thorax.est rapidement ouvert : le cœur apparaît battant 
encore, mais avec des contractions lentes, des intermittences de plus en 
plus prolongées, tendance à la rétraction et à l’arrêt, lequel est complet, 
après une période de ralentissement progressif, à 4 h. 25 ; ecchymoses 
ponctiformes à la surface des poumons. 


Pendant ce temps, le second cobaye, compagnon d’expérience de celui 
qui précède, conserve toutes les apparences de l’état normal. 

Trois heures après l'injection, il ne présente pas la moindre modification 
fonctionnelle, objectivement-appréciable. 

IL est her en cet état. 

Le lendemain matin, à dix heures, il est trouvé en collapsus, couché et 
aplati sur le ventre, respirant difficilement, et ne réagissant pas aux exci- 
tations extérieures — les battements du cœur sont difficilement sentis à 
travers la paroi thoracique. 

À deux heures, il était mort. La rigidité cadavérique s’est rapidement 
établie. 

Le cœur, à l'ouverture du thorax, a été trouvé arrêté en systole, fortement 
rétracté. Les poumons étaient semés de nombreuses et larges ecchymoses. 


Le contraste est frappant, et le même que celui que nous avons constaté 
chez la grenouille ; tandis qu'avec la digitaline D, les effets physiologiques 
sont presque au maximum en moins de trente minutes, et les effets définitifs 
et caractéristiques accomplis en moins d’une heure, il faut presque vingt- 
quatre heures pour que le même résultat se produise avec la digitaline A. 


Il y a, en conséquence et en dernière analyse, une différence relative- 
ment considérable entre les deux produits de même nom, eu égard à 
leur activité physiologique, et partant à leur pureté de composition chi- 
mique. 


(1) Notons, en passant, que l'urine recueillie, et injectée, en nature, à la dose 
de 1 centimètre cube, à une grenouille, a provoqué, du côté du cœur, des mo- 
difications caractéristiques qui ont abouti, mais très tardivement, à l’arrèt. 


ANA ES ALAN 


400 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Une différence corrélative doit, on le comprend, exister au point de vue 
des effets thérapeutiques; car, bien que l’on ne puisse pas dire qu’il s'agisse, 
en ce cas, d’un produit absolument inerte, puisqu'il manifeste, à longue 
échéance, une activité réelle, il est permis de le considérer, cependant, 
comme à peu près inactif et, conséquemment, trompeur, étant donnés 
l'espèce dont il s’agit et le dosage qu’elle commande. 

La digitaline appartient, en effet, au groupe de substances qui se prescri- 
vent et doivent se prescrire avec prudence, presque avec méfiance, avec le 
dosage par fractions de milligramme ; cela, parce que l’on compte sur son 
activité et sa puissance d'action. Or, nous le demandons, quelle confiance 
est-il permis au médecin d’avoir, avec ce dosage obligé en principe, en un 
produit semblable à la digitaline A, qui a tant de peine à produire ses effets, 
à dose massive, sur des animaux de quelques grammes ? il ne peut y avoir 
là que matière à déception thérapeutique ; et nous ne doutons pas que ce ne 
soit la source réelle des infidélités médicamenteuses d’une substance ainsi 
compromise par l’état de la matière première, et en laquelle on finit, non sans 
raison, par ne plus mettre sa confiance. 


La conclusion pratique qui se dégage de cette étude est simple et claire: 
se tenir en garde au sujet de la pureté de composition chimique dés sub- 
stances médicamenteuses, surtout quand il s’agit de produits réputés très. 
actifs. 

Pour ce qui est de la digitaline, que nous venons de soumettre à une 
épreuve comparative, il ne nous reste qu’à ajouter, sans indication plus 
précise, dont on voudra bien nous dispenser, qu’elle vient de l’Allemagne, 
ce pourquoi nous l’avons désignée par la lettre A. 

Ce n’est pas, tant s’en faut, le seul produit... suspect qui nous revienne 
de là, heureux quand il n’en vient pas officiellement, ou plutôt administra- 
tivement, par la fatale voie des soumissions au rabais. 

Or il serait temps de s’apercevoir que les produits, si supérieurs par leur 
pureté de composition et leur activité physiologique, que celui que nous 
avons pris aujourd’hui pour terme de comparaison, sont obtenus chez nous 
par notre industrie nationale, par des procédés tout français ; et que c’est 
là une raison de plus, nullement à dédaigner, puisqu’elie est patriotique, 
de leur accorder la confiance qu’ils méritent d’un autre côté : celui qui 
touche aux intérêts du malade et aux devoirs du médecin. 


BOURLOTON. — limprimeries réunics, À, rue Mignon, 2, Paris. 


TE ee PONTS Se CR ONE 


CIRCULATION ABDOMINALE 


ANTAGONISME DU SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE 


Par M. D'ARSONVAL 


NOTES POUR UNE LECON INÉDITE DE CLAUDE BERNARD ({). 


L'action du grand sympathique est-elle la même sur les surfaces cutanées 
internes que sur le tégument externe ? 

A priori, on doit penser que non, parce que la température des organes 
extérieurs ne peut s'élever au-dessus de celle des organes profonds, qui, 
elle-même, ne peut dépasser certaines limites. Si l’élévation de température : 


(1) Passant en revue, quelque temps après la mort de Claude Bernard, le con- 
tenu du tiroir où je rangeais les notes à utiliser pour la publication ou la prépa- 
ration de ses leçons, je découvris une chemise portant ce titre : Circulation 
ubdominale; antagonisme du sympathique et du pneumogastrique. 

Il s'agissait là de notes pour une leçon qui n’avait pas élé faite au temps de ma 
collaboration aux travaux du maître (1854-1863), mais qui aurait pu l'être plus 
tard, entière ou par fragments. Déjà, en 1862, quelques-unes des idées qui s’y 
trouvent exprimées avaient été au moins indiquées dans les leçons publiées. 
Aussi, avant de jeter ces feuillets au feu, fis-je des recherches dans les volumes 
de l’œuvre de Bernard parus après 1863 et dans la Table analytique de ses 
travaux publiés par le docteur Roger de la Coudraie. Je n’y trouvai rien qui 
répondit à l’idée fondamentale exprimée dans le titre de ces notes, ébauches 
d'étude que d’autres préoccupations avaient pu faire ajourner ou perdre de vue. 

Pour expliquer ce développement d’une leçon qui n’a pas été faite etle mélange 
de vue inédites avec des choses publiées ou devant l’être à quelque autre occasion, 
je dois indiquer comment se faisait le travail auquel j’ai eu la bonne fortune d’être 
associé pendant huit années. 

Les données qui me servaient à la publication des leçons de Claude Bernard 
provenaient de plusieurs sources. La plus importante fut, jusqu’en 1859, le dé- 
pouillement des cahiers d'expériences accumulés pendant près de vingt ans d’un 
travail de laboratoire incessant. De ces relevés d’expériences, plusieurs parts 
étaient faites : l’une réservée pour être jointe aux travaux à venir ; une seconde 
devant fournir des pièces justificatives à l’enseignement pendant; une troisième, 
enfin, destinée à combler des lacunes ou réparer des omissions dans les leçons 
déjà professées, mais non encore publiées. 

Au cours de ce dépouillement, surgissaient des vues théoriques, des idées de 

BIOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. N. y 


102 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


qu’on observe quelquefois à l’intérieur se produisait aussi dans les organes 
externes, le degré de chaleur compatible avec la vie se trouverait dépassé, 
et l’animal mourrait par élévation de sa température. Les résultats de 
l’expérimentation sur la portion du grand sympathique qui se distribue aux 
organes splanchniques, dans lesquels le sang n’éprouve pas directement un 
abaissement de température en rapport avec son excès de chaleur sur le 
milieu environnant, ne seront donc guère comparables à ceux obtenus quand 
nous avons expérimenté sur les filets du sympathique qui se rendent à la 
périphérie. 

Mais, avant de rechercher les accidents de température des organes pro- 
fonds en rapport avec des lésions du grand sympathique, nous examinerons 


forme nouvelle à donner à certains exposés, enfin des projets de recherches. 
Bernard me dictait ces feuillets, qui étaient soumis au même classement que les 
notes d'expériences et arrivaient quelquefois à constituer des projets de leçons. C’est 
surtout des notes de cet ordre qu’on trouvera dans les pages qui suivent. 

Quant aux notes prises au cours des leçons, il en était d’elles comme de celles 
dictées dans le cabinet : les unes restaient à leur place ; d’autres étaient remontées 
aux lecons antérieures; d’autres, enfin, étaient mises en réserve, Ce classement 
m'était abandonné, Bernard se réservant la revision d’une rédaction qui était 
d'ordinaire définitive. 

Ici il ne s’agit que d’un projet. Des chiffres marqués sur quelques feuillets 
indiquent qu'il devait, à l’époque où il a été arrêté, fournir matière à plusieurs 
leçons. Quelques-unes des vues qui s’y trouvent émises ont été rappelées dans les 
leçons sur la Chaleur animale, données en 1876 avec le concours de MM. Dastre 
et Mathias Duval; mais je n’ai pas retrouvé exprimée autre part l’idée fondamen- 
tale indiquée dans le titre et poursuivie dans quelques-uns des développements. 
Or cette vue de l’antagonisme des appareils nerveux abdominaux et la détermi- 
nation de quelques-unes des conditions de cet antagonisme m’ont paru mériter 
d’être publiées. 

Ici je me suis trouvé quelque peu embarrassé. 

Du vivant de Bernard, j'eusse, comme je l’avais fait maintes fois pour la publi- 
cation de leçons qui ne devaient être jointes que plus tard à l’édition de son 
œuvre, remanié et condensé la rédaction, de façon à lui faire rendre de mon 
mieux l’idée mère de l’article. Bernard mort, je ne me suis plus cru cette liberté 
permise. Ces pages lui ayant été soumises, ainsi qu’en témoignent quelques 
annotations faites sous sa dictée à une époque postérieure à celle de la première 
version, je n’y ai rien changé. Des blancs répondent seulement aux coupures qui 
se trouvent dans les notes, aux points qui attendaient soit des développements, 
soit des raccords, soit des intercalations à faire après les leçons prononcées. 

Cette ébauche est postérieure à 1857, date de la remise aux éditeurs du ma- 
nuscrit des Leçons sur le système nerveux. Elle doit être de 1859 ou de 1860; à 
partir de cette dernière date, les dictées dont j'ai parlé plus haut ne portèrent 

plus que sur les matériaux de l’Introduction à létude de la médecine expérimen- 
tale. Quant aux expériences, non datées, je les crois échelonnées entre 1845 et 
1853 ; les destructions de ganglions seraient de 1845. ie 
A. TRIPIER. 


CIRCULATION ABDOMINALE. 103 


quels sont, dans les conditions normales, les rapports de température des 
différentes portions du canal intestinal. 

La partie la plus chaude du canal intestinal est le duodénum, et dans 
celui-ci la partie la plus rapprochée du pylore. La température y est, en 
outre, bien plus élevée chez l'animal à jeun que chez l'animal en digestion. 
Voici des chiffres qui confirment cette assertion : 


Duodénum. — Chien à jeun........... 419,1 
AuTe Sion de milogead. 410,1 

IMUD HMS SE MR THRPRMO RE 410,2 

ANDRE ee bide eure cadets 419,0 

Rectum. — Chien à jeun......... o 290,8 
ALTO. :: 2e Fes eR ete 40°,9 


Dans le cæcum, -on trouve des températures intermédiaires. 
Chez les animaux en digestion, on trouve des températures infé-- 
rieures. 


ARTE: Loin vu Se de .. A0/00 


Chez ces animaux, la température du duodénum est plus élevée que la 
température du sang de la veine porte, pe Ra est elle-même plus élevée 
que celle de l’aorte. 

Le sang s’échauffe donc en traversant l'intestin. Nous savons qu'il s’é- 
chauffe encore en traversant le foie. 

La température de l’intestin plus élevée que celle du sang montre que le 
sang s’échauffe au confact des tissus et non par lui-même. La température 
du sang ne s'élève que dans les vaisseaux capillaires; c’est au contact des 
tissus qu'a lieu le phénomène chimique qui échauffe les tissus. C’est ce 
que nous avons observé sur l’oreille du cheval quand nous l’avons bien pro- 
tégée contre le refroidissement; c’est encore ce que nous observons dans le 
canal intestinal, où cette condition de protection contre la déperdition de 
calorique est naturellement bien remplie. 

Quels changements peuvent apporter dans ces conditions générales de 
température les variations de l’action du grand sympathique ? C’est ce qui 
nous reste à examiner. 


Dans les organes intérieurs, les effets observés à la suite de la section 
du sympathique sont tout autres qu’à la peau. 

Nous avons autrefois détruit les rapports normaux de l'intestin avec les 
centres nerveux, soit en coupant les nerfs, soit en enlevant les ganglions 
semi-lunaires. Ces lésions produisent, comme celles des rameaux du sympa- 
thique destinés à la périphérie, des effets immédiats; mais ces effets sont 
tout différents. 

Il se produit une véritable inflammation, une vascularisation extraordi- 


104 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


naire du péritoine, de la muqueuse, vascularisation bientôt accompagnée 
de la formation de fausse membranes et de pus. Quand la lésion est un 
peu étendue, la mort en est constamment la conséquence. 


Nous avons insisté sur les différences que doivent présenter au point de 
vue de l'observation thermométrique les parties périphériques et les orga- 
nes splanchniques, différences qui tiennent à des conditions toutes physi- 
ques de protection contre le refroidissement. Il est toutefois -une partie de 
l'appareil digestif sur laquelle il devait paraître plus facile d’instituer des 
expériences comparatives avec celles faites sur la tête : c’est le rectum. Dans 
des conditions données, le rectum présente une température assez fixe; de 
plus il peut plus facilement que les autres parties de l'intestin ressentir 
les influences extérieures. 

Or, quand on coupe les nerfs du sympathique qui se rendent au rectum, 
on voit une vascularisation plus grande s’y produire. Si l’on prend la tem- 
pérature de la partie avant et après l’opération, on trouve qu’elle a con- 
stamment diminué. Derrière le rectum se trouve un ganglion nerveux d’où 
part un rameau qui en suit la partie postérieure. En détruisant ce ganglion 
etle rameau qui en émane, on observe un refroidissement de 1 degré à 2°,5. 
Il y a en même temps vascularisation et production de la série des phéno- 
mènes qui caractérisent l’inflammation. 

Cinq expériences nous ont constamment donné le même résultat. Nous 
n'avons pas recherché si à une certaine période du processus inflammatoire 
la température s’élève. 

_ Relativement aux autres parties de l'intestin, nous avons vu simplement 
qu’alors qu’elles sont tirées hors de l’abdomen, les parties dont on a détruit 
les nerfs se refroidissent plus vite. 

Y a-il dans ces cas augmentation de la rapidité du courant circulatoire ? 
de la pression ? Nous n’avons pas fait d'expériences pour mesurer les varia- 
tions possibles de la pression; mais nous avons pu constater que la rapidité 
de la circulation était diminuée. | | 

Pour faire ces expériences, on tire dehors, par une incision faite sur la 
ligne blanche, une anse d’intestin. A l’aide d’un petit crochet, on rompt les 
nerfs qui se distribuent à une moitié de cette anse intestinale : presque 
aussitôt on voit, du côté lésé, les artères donner des pulsations moindres. 
On reconnait que l'impulsion de ces pulsations est moins forte à ce qu’elles 
ne redressent pas les anses artérielles. De plus, si l’on incise l'intestin 
comparativement dans la partie privée de ses nerfs, on voit que du côté 
lésé l’hémorrhagie est moindre et que le sang s’écoule en bavant. 


L'influence du sympathique ne paraît donc pas être la même sur tous les 


organes ; aussi est-il important de l’étudier dans chacun d’eux. 

Le plan des expériences à faire peut être arrêté dès à présent d’une ma- 
nière générale : elles devront être calquées sur celles faites au cou. 

Non seulement nous couperons les nerfs, mais encore nous: devrons les 


blé |. 


CIRCULATION ABDOMINALE. 105 


—_——————_—_—______]_-——— —— —] —  — —————————— —— 


galvaniser (1). Il y sera aussi utile de prendre la température du sang et 
° d'examiner sa constitution. 


Expériences. — Sur un chien, nous avons tiré, par une plaie de la ligne 
blanche, une assez grande quantité d’intestin grêle. On a ensuite cherché 
les nerfs qui accompagnent l'artère mésentérique, et on a cassé ceux de 
ces nerfs qui se rendaient à une moitié de l’anse intestinale sortie de l’ab- 
domen. Immédiatement, on n’a rien vu. Au bout de cinq jours, la plaie 
n’était pas encore cicatrisée ; le chien mangeait et digérait fort bien. 

Lorsque nous avions l'intestin sous les yeux, nous n'avons rien vu. On a 
cru pouvoir noter une légère diminution des pulsations, mais trop peu sen- 
sible pour pouvoir être affirmée. La galvanisation des bouts périphériques 
des nerfs rompus n’a absolument rien produit. 

On n’a jamais vu chez l'animal vivant, le sang circulant librement et la 
moelle étant intacte, se produire de mouvements péristaltiques. La section 
du sympathique ou sa galvanisation n’en déterminent pas l'apparition. La 
galvanisation directe de l'intestin ne donne qu'une contraction locale. Tou- 
tefois il est probable qu’à cet égard toutes les parties du nerf sympathique 
n’agissent pas de même. En effet, nous avons pu isoler chez un lapin le 
filet qui va au rectum : nous n’avons pas vu quels effets produit sa section; 
mais, après cette section, la galvanisation de son bout périphérique excite 
des contractions violentes du rectum et de la vessie. 

Le chien de l’expérience ci-dessus, sur lequel rien de particulier n'avait 
pu être noté d’abord, rendit bientôt des excréments à moitié diarrhéiques 
mêlés de sang. Il n’y avait pas eu de péritonite et l’état général paraissait 
bon. Quinze jours après l’opération, l’animal succomba aux suites d’une 
nouvelle opération, de l’ablation du ganglion premier thoracique, qui est 
constamment mortelle. 

A l’autopsie, on ne rencontra pas d’inflammation intestinale; il n’y en 
avait pas non plus dans le péritoine, qui présentait quelques adhérences 
peu étendues, mais sans trace de péritonite. 

En examinant l’intérieur de l'intestin, on vit que, dans la portion répon- 
dant aux nerfs rompus, le mucus présentait une teinte rougetre sanguino- 
lente notablement différente de l’exsudation des parties voisines. IT y avait 
là une exsudation sanguine sans inflammation. La section des nerfs avait 
donc évidemment agi sur la circulation capillaire et sur la manière dont le 
sang se comporte dans la muqueuse; et cette expérience donna, comme 


(1) Là où il est question de galvanisation, c’est de faradisation qu'il s’agit. 
Cette rectification est à faire à peu près partout dans l’œuvre de Bernard. Jamais 
il n’a eu recours à la galvanisation proprement dite. Lorsqu'il recourait à la 
vollaisation, c'était presque toujours à la voltaïsation discontinue; il était fait 
alors mention de l'instrument employé. 


106 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


résultat de la section du sympathique qui se distribue à une anse intesti- 
nale, une exsudation sanguinolente à la surface de Ia muqueuse. 

Jusqu'ici nous n’avons obtenu que ce résultat; c’est une observation à 
poursuivre. 

Nous avons fait une autre expérience sur la partie du sympathique abdo- 
minal qui se rend au rectum. 

Nous avions déjà cherché à détruire les nerfs de l'intestin, et nos expé- 
riences nous avaient déjà montré que non seulement ces nerfs différaient, 
quant à leur rôle et àleurs propriétés, du sympathique qui se rend à Ja tête, 
mais que ces propriétés se montraient encore différentes lorsqu'on les exa- 
minait dans les diverses parties du canal intestinal. J'avais déjà vu la gal- 
vanisation des nerfs du rectum y déterminer des contractions, tandis que 
Ja galvanisation des nerfs de l'intestin grêle n’en produit aucune. 

Le rectum reçoit deux ordres de nerfs. Un ganglion latéral, dépendant 
du plexus lombo-aorlique, donne un filet assez fort qui accompagne une 
artère hémorrhoïdale, et un autre, fort aussi, quoiqu'il le soit moins, quise 
rend à la vessie. Ce ganglion communique, comme tous les autres, avec 
les paires rachidiennes. On trouve de plus, au rectum, des nerfs qui, ve- 
nant du plexus solaire, plexus central, suivent les veines. 

L'expérience qui va suivre a été faite sur les Ris rectaux venant du No 
lombo-aortique. 

Nous nous proposions de faire des observations comparatives de la tem- 
pérature du rectum, mais la présence dans cet intestin d’une assez grande 
quantité de matières stercorales n’a pas permis d’effectuer convenablement 
cette partie de l’expérience. 

On a pris le nerf qui, d’un ganglion latéral du plexus lombo-aortique, se 


rend au rectum; on l’a isolé avec un crochet, lié, puis coupé. On a fait en- 


suite la suture de la plaie de l’abdomen en tirant le nerf au dehors par un 
coin de la plaie. On observait l’anus. 

Après la section de ce nerf, l’anus est resté béant, et l’on voyait Ja mu- 
queuse du rectum. On a galvanisé le nerf, et sous l’influence du galvanisme, 
l’anus s'est refermé lentement, est resté fermé tant qu'a duré la galvani- 
sation, et s’est rouvert quand on a cessé, pour se refermer sous l'influence 
d’une seconde galvanisation. 

Il est intéressant de comparer ces phénomènes à ceux que les mêmes lé- 
sions produisent du côté de la tête. Les résultats sont tout à fait inverses. 

Quand on a coupé le sympathique au cou, tous les sphincters de la face 
sont resserrés. Le contraire a lieu au rectum. À la tête, la galvanisation 
élargit les ouvertures ; au rectum, elle les rétrécit. 

Après la section du filet qui, du plexus lombo-aortique se rend au rectum, 
Vanus conserve parfaitement sa sensibilité, au point que, chez l’animal sur 
lequel nous opérions, le moindre attouchement provoquait un resserrement 
énergique de l’anus. S’agissait-il d’une excitation réflexe ou d’une action 
directe sur le sphineter? 


CIRCULATION ABDOMINALE. 107 


' IT 


Malpighi est le premier qui ait étudié la circulation capillaire chez les ani- 
maux vivants; ses observations ont été faites sur des animaux à sang froid. 
Mais ces observations devaient être faites sur des animaux à sang chaud ; 
M. Lebert les a entreprises, 1l y a quelques années, sur des lapins et des 
cobayes. Pour cela, ila pris de jeunes animaux qu’on éthérisait, et chez 
lesquels l’éthérisation était continuée pendant longtemps. Une plaie était 
faite à l'abdomen, qu’on lavait avec précaution ; ensuite on ouvrait l’intes- 
tin en un point de sa surface diamétralement opposé à celui par lequel 
pénètrent les vaisseaux; on passait sur la coupe un fil de fer rougi ou un 
crayon de nitrate d'argent, pour arrêter l’hémorrhagie; puis on portait sous 
le microscope. Il fallait maintenir les parties humides ; pour y arriver, on 
essaya de les humecter avec de l’eau, mais celle-ci était absorbée avec une 
rapidité telle, que les vaisseaux se montraient à peine colorés. Pour éviter 
cette absorption, on dut employer de l’eau sucrée ou salée : les phénomènes 
devinrent alors observables, 

Dans l’estomac, on voit les glandules stomacales, confluentes dans la ré- 
gion pylorique, entourées de mailles vasculaires, formant, en général, un 
collier à chaque glande. Lorsque la circulation est en pleine activité, on voit 
passer des globules sanguins dans ces vaisseaux extrêmement ténus; mais 
ces globules se meuvent avec une rapidité beaucoup moins grande que dans 
les vaisseaux plus volumineux. Pendant l’abstinence, ces capillaires diminuent 
de volume et sont parcourus lentement par des globules rares. 

Dans l'intestin grêle, la circulation se fait différemment. Au lieu de glan- 
dules, on a des villosités dont le collet est entouré par une maille vasculaire 
et à l’intérieur desquelles le sang circule plus lentement. L'existence des 
villosités de l’intestin grêle est propre aux:mammifères. 

Dans le gros intestin, on a observé une disposition analogue. La circula- 
tion y ressemble toutefois davantage à ce qu'elle est dans l’estomac, parce 
que les glandes du gros intestin sont des follicules analogues à ceux de l’es- 
tomac. 

Dans l’estomac, la fente qui représente l’orifice des follicules est ordi- 
nairement fermée complètement. Quelquelois elle s'ouvre spontanément ; 
mais on peut en provoquer l'ouverture par le contact de l'acide acétique 
étendu. Il y a donc là une contractilité particulière. 

Ce que je vous ai dit d’une manière générale de l’existence dans tous les 
organes d’une circulation double, a été observé dans la circulation intesti- 
nale. On a noté, dans l'intestin, une circulation muqueuse et une circulation 
sous-muqueuse. La vraie circulation capillaire se fait dans la muqueuse ; 
au-dessous d’elle se fait une autre circulation, qui n’est pas, à proprement 
parler, une circulation capillaire. Il est des modifications qui affectent très 
différemment ces deux circulations. 


108 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Au-dessus de la tunique musculeuse, est une première couche muqueuse 
à circulation large, de laquelle partent des capillaires plus fins, qui donnent 
eux-mêmes naissance à des capillaires plus fins encore. 

Or, chez l'animal à jeun, on voit que la circulation ne se fait que dans le 
réseau sous-muqueux. Une excitation de la muqueuse détermine immédia- 
tement l’apparition du mouvement circulatoire dans le réseau muqueux et 
dans les villosités. Si on laisse se dessécher l’anse intestinale sur laquelle 
on observe, ilse produit un certain degré de congestion, d’inflammation : 
on voit les capillaires s’engorger; ils deviennent le siège de pulsations tenant 
sans doute à l'obstacle apporté au cours du sang; petit à petit, le mouve- 
ment cesse complètement ; mais toutefois la circulation continue dans le ré- 
seau Sous-Mmuqueux. 


Après avoir fait ces observations sur des mammifères vivants, il serait 
très intéressant de voir quelles sont les modifications que l’influence ner- 
veuse peut apporter dans cette circulation capillaire. 

Il est toutefois des phénomènes qu'il serait difficile d'expliquer par l’in- 
fluence directe des nerfs. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’admettre que 
le système nerveux doive se distribuer forcément dans un organe qui se 
meut. Le système nerveux se distribue aux vaisseaux; mais, lorsque nous 
arrivons à l’extrémité du système vasculaire, le système nerveux peut pro- 
voquer l’ouverture et la constriction des vaisseaux sans s’y distribuer. 
M. Calliburcès a vu que certaines conditions de température produisent des 
contractions dans des poches hydatiques dépourvues de nerfs. On conçoit que 
le système nerveux puisse avoir ainsi une influence indirecte accélérant la 
circulation, d’où élévation de température, d’où dilatation. Je comprendrais 
que le nerf n’eût aucune action immédiate sur les mouvements des glan- 
dules stomacales ou cutanées, qu’il agît simplement sur la circulation pour 
produire la dilatation ou le resserrement de ces organes par modification de 
leur température. Nous en sommes réduits à ces hypothèses, relativement 
aux phénomènes circulatoires dans les organes sécréteurs, parce qu'on n’a 
pas aujourd’hui la moindre idée de la distribution du système nerveux dans 
les glandes. ï 


Relativement à l’influence des nerfs, il y a toujours lieu de se demander 
si les différences observées dans les effets de leur section sont liées à la na- 
ture spéciale de ces nerfs, ou si elles ne tiendraient pas plutôt à ce que ces 
nerfs, doués de propriétés identiques, se distribuent à des organes dont 
les propriétés seraient différentes. Les deux cas sont possibles. 

Cependant le nerf, toutes les fois que son action a pu être étudiée, s’est 
montré capable seulement d’exciter la manifestation des propriétés des 
organes. 

Or, dans l'intestin, ces propriétés sont très différentes ; et quels que soient 
les rapprochements qu’on a cherché à établir entre les fibres musculaires 


CIRCULATION ABDOMINALE. 109 


de la vie organique et celles de la vie animale, on trouve entre elles de no- 
tables distinctions à établir. Les mouvements péristaltiques sont des mouve- 
ments de contraction successifs de l’intestin. Dans l’état normal, on ne voit 
pas ces mouvements péristaltiques, vermiculaires. Aussi est-il des physiolo- 
gistes qui les ont regardés comme des mouvements pathologiques, bien que 
l'intestin présente une enveloppe musculeuse. Lorsque, chez un animal bien 
portant, on tire l’intestin au dehors en ayant soin que la circulation ne soit 
pas gênée, on ne voit aucun mouvement se produire. On peut cependant 
faire naître ces mouvements à volonté, el j'indiquerai quelques-unes des 
conditions dans lesquelles s’obtient ce résultat. 

Chez un chien, on fait, entre la dixième et la onzième côte, une ouver- 
ture par laquelle on introduit le doigt; à gauche du rachis, on suit l'aorte. 
Si, l'animal étant étendu sur le dos, on comprime l'aorte, il se produira 
immédiatement des mouvements péristaltiques violents. Lorsqu'on cesse 
la compression, les mouvements cessent; si l’on comprime de nouveau, les 
mouvements péristaltiques recommencent. 

Tout le monde sait que ces mouvements s’observent encore lorsque, après 
avoir tué un animal, on vient à lui ouvrir l’abdomen. Les mouvements 
péristaltiques sont donc occasionnés par l’absence du sang. 

Très souvent, en faisant chez des chiens dont le bulbe rachidien venait 
d’être coupé, la ligature de la veine porte par une petite ouverture de Pab- 
domen, on voyait, en ouvrant ensuite largement l’abdomen, l'intestin noi- 
râtre et immobile. Lorsque alors on faisait une incision à la veine porte, le 
sang s’écoulait et les mouvements péristaltiques apparaissaient, déterminés 
par l’absence du sang dans l'intestin. 

Or il est d’autres cas particuliers dans lesquels on les produit. 

Si l’on pique la moelle au-dessous des nerfs phréniques, au niveau envi- 
ron du ganglion premier thoracique, on produit une paralysie de tout le 
train postérieur. L’animal ne respire plus que par le diaphragme. Bientôt 
après surviennent des mouvements péristaltiques très actifs, mouvements 
visibles à travers la peau, et accompagnés d’une expulsion continue des 
excréments. Or il est remarquable que la lésion nerveuse a diminué consi- 
dérablement la pression dans les artères. Déjà Legallois avait désigné cette 
partie de la moelle comme un centre circulatoire. En le lésant, on sup- 
prime l’influence de la moelle sur le cœur dont les battements vont dimi- 
nuant de plus en plus : une pression moindre du sang, puis des mouve- 
ments péristaltiques en sont la conséquence. Ces mouvements durent 
jusqu’à la mort, qui arrive par refroidissement, sous l'influence de cette 
diminution de la circulation. 


Un fait intéressant, et qui a rapport aux mouvements péristaltiques, s’est 
offert à mon observation durant une expérience instituée dans un autre but. 
Pour étudier l'influence de la section des nerfs sur la température, 
j'avais amené au dehors de l’abdomen une portion de l'intestin grêle d’un 


110 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


animal. Les nerfs de cette portion d’intestin ayant été coupés, on la rentra 
dans l’abdomen, et la plaie fut recousue. On avait eu soin toutefois de 
passer un fil sous l’anse intestinale, au niveau du point qui séparait la 
partie privée de ses nerfs de celle qui les avait conservés. Mon but ne fut 
pas atteint, et cette expérience ne m’apprit rien relativement à la tempéra- 
ture des deux parties de l'intestin. Mais je vis que, tandis que la partie qui 
avait conservé ses nerfs restait immobile, celle où ils étaient coupés deve- 
nait le siège de mouvements péristaltiques très prononcés. Je dois noter 
toutefois que, dans cette expérience, la section des nerfs avait amené une 
diminution dans l’activité de la circulation intestinale. 


Un autre ordre de faits doit être rapproché de ceux qui précèdent. 

Lorsqu'on à coupé la moelle épinière, et amené ainsi une paralysie des 
parties situées au-dessous, si on lie l’aorte, ou si on fait périr animal par 
hémorrhagie, on voit, au moment où les membres ne reçoivent plus de 
sang, des convulsions s’y manifester. Si la moelle n’était pas coupée, ces 
convulsions ne se produiraient pas. 

Ces mouvements sont-ils sous l'influence dibette des nerfs, où Honr 
ils des conditions déterminées par l’état des nerfs? 

Je pencherais vers cette dernière supposition, et beaucoup de faits 
viendront l’appuyer de leur autorité, montrant que les nerfs agissent sur 
la circulation, qui, à son tour, agit sur les mouvements. 


JTE 


Lorsqu'on expérimente sur la partie intra-abdominale du grand sympa- 


thique, on ne peut se mettre à l'abri du reproche de produire directement 
les lésions qu’en faisant des opérations sous-cutanées ou en instituant des 
expériences comparatives dans lesquelles on produit les mêmes lésions, 
moins celle dont on étudie les effets. C’est dans ces conditions qu'ont été 
faites les expériences dont je vais avoir à vous entretenir, 

Il me semble d’abord que la section du nerf principal au-dessus d’un 
ganglion ne produisait pas d'effet fâcheux sur les parties auxquelles se dis- 
tribuent les nerfs qui émanent de ce ganglion. Mais en faisant la section 
entre le ganglion et la périphérie, en détruisant le ganglion, on produisait 
des effets tout différents. 

Pour priver entièrement l'intestin de nerfs, le moyen le plus commode 
est d'enlever les ganglions semi-lunaires, de détruire le plexus solaires 
c’est ce que nous avons fait chez des chiens et des lapins. 

Aussitôt après l’ablation des ganglions, il survient une diarrhée très abon- 
dante ; l’intestin se remplit immédiatement de liquide. D’autres observa- 
teurs ont déjà constaté ces phénomènes. M. Budye, qui les avait vus, en 
avait conclu que le choléra était une affection des ganglions semi-lunaires. 


d, 


. 
1 
| 
(| 


CIRCULATION ABDOMINALE. 1114: 


Il faut noter cependant que cette diarrhée, produite par la destruction des 
ganglions semi-lunaires, est toujours sanguinolente. 

J'ai fait deux fois cette expérience comparativement chez deux chiens. On 
ouvre l'abdomen dans le flanc droit ; on écarte l’estomac et la rate. Chez le 
chien et le lapin, les ganglions sont alors faciles à enlever. Chez les chiens 
destinés à l’épreuve comparative, j'ai cherché les ganglions et enlevé le 
péritoine qui les recouvrait; dans les deux cas, les animaux n’ont pas 
mangé le lendemain de l’opération; ils n’ont pas été pris de diarrhée; 
sacrifiés au bout de huit jours, ils ont été trouvés sains. 

Ceux des animaux qui, à la suite de l’ablation des ganglions, ont été pris 
de diarrhée, ont présenté, en outre, une péritonite telle, que tout le péri- 
toine formait une membrane rouge offrant le type des injections les plus 
pénétrantes. Il y avait, en outre, du pus dans le péritoine. 

L'expérience nous montre donc, du côté de l'intestin, consécutivement 
à l’ablation des ganglions semi-lunaires, des effets fort différents de ceux 
qui suivent les ablations de ganglions ou les sections de nerfs faites dans la 
poitrine ou dans l’abdomen, mais n'intéressant pas le plexus solaire. 


Autre caractère remarquable : la vascularisation de l’oreille consécutive 
à la section du sympathique au cou, cesse après la mort; il n’en est pas de 
même pour l'injection péritonéale produite par l’ablation des ganglions 
semi-lunaires. 

Lorsqu'on fait la section des nerfs au-dessus des ganglions, on ne pro- 
duit pas ces phénomènes. 

Quels sont les nerfs d’origine du plexus solaire ? — Les grand et petit 
splanchniques et le pneumogastrique. Chez le chien, on voit le pneumogas- 
trique et les splanchniques se jeter dans les ganglions. 

Il s'agissait de savoir si la section de ces nerfs produirait quelque effet 
sur l'intestin. Pour pratiquer cette section, j'ai fait faire un crochet piquant 
et à concavité tranchante; cet instrument, introduit entre la colonne verté- 
brale et le nerf, est ensuite ramené en dehors et permet de faire une section 
sous-cutanée. 

Les deux chiens sur lesquels j'ai fait cette opération avaient été préala- 
blement anesthésiés au moyen du chloroforme. Après l’opération, on n’a 
rien observé, ni immédiatement, ni au réveil des animaux. Tous deux ont 
continué à manger et à digérer comme à l’ordinaire. [ls ont été observés, 
un pendant quatre, l’autre pendant six jours, sans qu’on ait, chez eux, 
rien noté d'anormal. 

À l’autopsie, j'ai constaté, chez le premier chien, que les deux nerfs 
étaient coupés et commençaient même à se cicatriser. Rien d’apparent ne 
se voyait dans les intestins. Je ne prétends pas que l’opération n'ait été 
suivie d'aucun trouble; mais mon attention n’était dirigée que sur les ano- 
malies de sécrétion de l'intestin, et je n’ai rien vu. 

Chez l’autre chien, le nerf n’était coupé que d’un seul côté : ici encore, 


112 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


je n’ai rien vu. Tous les nerfs n'avaient pas été complètement coupés et un 
ou deux filets des dernières paires dorsales ou des premières lombaires 
tenaient encore aux ganglions. Les nerfs splanchniques étaient parfaitement 
coupés. 


Pour couper le pneumogastrique, on introduit, à gauche, le doigt entre 
les dernières côtes; là on sent les nerfs sous le doigt, au-dessous du pou- 
mon, comme deux ficelles tendues, et on les coupe avec le crochet introduit 
le long du doigt. 

Les animaux n’ont pas succombé à l’opération. On n’a observé nila para- 
lysie de l’estomac, ni aucun des effets notés après l’ablation des ganglions 
du plexus solaire. 


Telles sont les données que nous possédons actuellement relativement à 
l’ablation des ganglions. Ces expériences devront être répétées et leurs effets 
observés à des points de vue différents. 

Il faudra étudier l’action du sympathique sur les autres organes abdomi- 
naux, sur les glandes, le foie, la rate, le pancréas, le rein, etc. 

Relativement au rein, nous avons déjà cité l’expérience de Marchand, 
répétée par M. Armand Moreau, expérience qui montre la mort par fonte 
putride du rein survenant constamment après la section des nerfs de l’or- 
gane, tandis qu'un animal survit à l’ablation d’un rein. Après cette section 
des nerfs du rein, l’urine devient d’abord albumineuse, puis sanguinolente; 
enfin la sécrétion cesse entièrement. 

Cette curieuse expérience permet de se demander s’il ne pourrait y avoir 
une paralysie spontanée, incomplète, des nerfs du rein. La maladie de 
Bright ne serait-elle pas due à une lésion de ce genre? Et ne devrait-on pas 
attribuer à la matière provenant de la désorganisation du rein les accidents 
décrits sous le nom d’urémie et attribués à la présence de l’urée dans le 
sang ? | 

La section des filets du petit splanchnique qui se rendent au plexus rénal 
n’est pas suivie de ces accidents. 


Pensant que le rein n’était peut-être pas seul dans ce cas, j'ai tenté l’ex- 
périence sur un autre organe, la rate, qu’on peut aussi enlever sans pro- 
duire d'accidents. 

Dupuytren avait enlevé quatre-vingts rates sur des chiens mâles et 
femelles; ces animaux avaient survécu et pullulé. 

La destruction des nerfs de la rate est facile. On prend un chien à jeun. 
Par une incision faite dans le flanc gauche, on saisit les nerfs sur un cro- 
chet. L’excitation des nerfs de la rate, au moment où on les enlève, produit 
une contraction énergique de l’organe. On a essayé de la galvanisation 
directe ; elle donne des contractions énergiques et locales. 


CIRCULATION ABDOMINALE. 113 


Nous avons fait cette opération au mois de septembre dernier (?), sur un 
chien qui a aujourd’hui toutes les apparences de la santé. 


L’année dernière, j’ai coupé, sur deux animaux, les filets du grand sym- 
pathique qui s’introduisent dans le foie par le hile. Aucun phénomène 
remarquable n’a suivi cette opération. Je m'étais demandé si, en coupant 
les nerfs du foie, je n’accélérerais pas la circulation d’une manière perma- 
nente et si je ne produirais pas un diabète persistant. L’expérience n’a pas 
confirmé cette supposition : au bout de douze ou quinze jours, l’animal bien 
guéri fut sacrifié; on ne trouva rien d’anormal dans son foie, qui contenait 
du sucre, de la matière glycogène et de la bile. 

Le rein paraît donc constituer une exception. 


Comment se fait-il que la section du sympathique semble produire, dans 
l'abdomen, des effets différents de ceux produits par la section du filet cer- 
vical ? 

Lorsque nous coupons un nerf qui va à l’intestin, nous ne produisons pas 
de changement notable. Il en est de même lorsque nous galvanisons le bout 
périphérique du nerf coupé. Il semble donc que dans l’abdomen le sympa- 
thique ne soit pas un nerf moteur ; car nous avons employé en vain, pour 
l’exciter, des courants de toute intensité. 

Faut-il conclure de là que le sympathique abdominal est doué, vis-à-vis 
de l’excitation électrique, d’une résistance particulière ; ou bien doit-on 
admettre qu’il y a d’autres nerfs vaso-moteurs ? 

Des expériences faites ces jours derniers nous montrent que des mouve- 
ments peuvent s’effectuer par un autre mécanisme. 

Nous avons, en agissant sur le nerf grand sympathique, exercé par méca- 
nisme réflexe une action sur les mouvements intestinaux et sur les vais- 
seaux. 

Lorsqu'on coupe un filet nerveux appartenant au sympathique et qu'on 
galvanise le bout périphérique, on ne produit rien. Mais si on galvanise le 
bout central, on voit se produire des mouvements intestinaux, non dans la 
portion à laquelle se distribue le bout périphérique, mais dans d’autres 
parties inconscrites. 

Lorsqu'on remonte au-dessus du plexus solaire et qu’on s'adresse aux 
nerfs splanchniques, on n'obtient rien, après leur section, de la galvanisa- 
tion du bout périphérique. M. Pfluge a même dit que, si des mouvements 
intestinaux existaient alors, la galvanisation les arrêtait. Mais si, au lieu de 
salvaniser le bout périphérique, on galvanise le bout supérieur, on obtient 
des convulsions violentes de l'intestin. Galvanisant plus haut, on obtient les 
mêmes effets. Remontant jusqu’au ganglion premier thoracique, qui se 
confond avec le ganglion cervical inférieur, on produit la même chose : la 
alvanisation du ganglion détermine des convulsions de l'estomac et de 


: 


4t4 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


l'intestin grêle. Ces convulsions ont toujours lieu par mécanisme réflexe, 
comme on peut le voir en coupant le ganglion. 

C’est alors par le pneumogastrique que revient cette excitation motrice, 
car, si on galvanise le pneumogastrique dans la poitrine et dans l’abdomen, 


au-dessous du diaphragme, on ne produit aucun effet en agissant sur le. 


bout central, tandis que la galvanisation du bout périphérique donne des 
contractions de tout l'intestin grêle et de l'estomac. Le sympathique agit 
donc ici comme nerf de sensibilité, et le pneumogastrique comme nérf 
moteur, agissant par mécanisme réflexe. 


D'intéressantes expériences devront être faites pour compléter et varier 
les résultats que J'ai obtenus de celles qui vienneut d’être rapportées. Il 
faudra rechercher par quel mécanisme agissent certaines substances que 


nous savons capables de modifier la circulation intestinaie ; comment, par. 


exemple, agit l’éther qui produit une vascularisation de l'intestin extrême- 
ment remarquable. Sous l'influence de l’éther, il n’y a pas seulement accé- 
lération de la circulation, mais encore excitation des fonctions des organes 
glandulaires annexes de l’intestin, des fonctions sécrétoires. 

_ Nos expériences donneraïent à penser que cette action motrice se fait par 
le pneumogastrique, par mécanisme réflexe. Le pneumogastrique est-il 
done le nerf moteur de l'intestin? ou le nerf moteur des vaisseaux artériels ? 

Ici se présente une sérieuse difficulté. 

Si, dans cette région (ear au cou il n'en est pas de même),de pneumo- 
gastrique est le nerf moteur, comment se fait-il que ce nerf moteur perde 
ses propriétés lorsqu'il a passé au-dessous des ganglions solaires? — II 
m'est impossible de résoudre actuellement cette difficulté; quant au fait, il 
est évident. 

Le sympathique a donc une influence sur les mouvements de l'intestin, 
influence qui ne se manifeste pas jpar action directe du nerf, mais par 
mécanisme réflexe. Cette action du grand sympathique porte à la fois, et 
sur les phénomènes de mouvement et sur ceux de vascularisation. 


Le pneumogastrique et les splanchniques n’agissent que sur lintestin 
grêle et sur l’estomac,. 

Si l’on prend le sympathique plus bas, dans le plexus lombo-aortique, on 
produit au contraire des mouvements violents du gros intestin et de Pintes- 
tin grêle. Mais là encore c’est par voie réflexe que se produisent ces mou- 
vements, qui se manifestent, non par l'excitation du bout périphérique, 
mais par l'excitation du bout central. 


Nous avons vu, opérant sur la glande salivaire, que l’excitation de la 
corde du tympan produit les mêmes effets de vascularisation exagérée que 
la section du sympathique. 

Si donc nous devons reconnaître que l’exagération de la circulation peut 


CIRCULATION ABDOMINALE. 415 


paraitre un phénomène passif, pouvant être occasionné par la suppression 
d’une influence nerveuse, on peut la voir survenir comme phénomène 
actif, par suite de l'excitation d’un autre nerf. Nous sommes conduit par là 
à regarder le phénomène qui, au premier abord, nous semblait passif, 
comme dû à l’action exagérée du nerf qui intervient activement pour le 
produire. 

Arrivé à ce point, il nous est difficile de ne pas faire une hypothèse, de 
ne pas nous demander si, à la glande salivaire, l’action du sympathique 
n’est pas supprimée par l’action de la corde du tympan. 


Or l’action antagoniste du sympathique et de la corde du tympan n’est 
pas le seul fait de ce genre qui se présente dans l’expérimentation. 

L’exagération des phénomènes circulatoires produite dans l'oreille et 
dans la face par la section du sympathique peut être produite encore par 
la galvanisation d’une anastomose auriculo-faciale, qui unit la septième 
paire à la cinquième. — Un filet mylo-hyoïdien du facial est dans le même 
cas. 

Comment comprendre cette activité imprimée à la circulation? — Nous 
ne pouvons comprendre mécaniquement une dilatation active des vais- 
seaux ; il nous semble nécessaire d’admettre plutôt une action sur le grand 
sympathique. 

Si en excitant le sympathique on diminue l’activité des phénomènes cir- 
culatoires, sk en excitant les nerfs antagonistes, on augmente, au contraire, 
cette activité, il est clair que l’action simultanée des deux nerfs produira 
l’activité moyenne des phénomènes qui répond à l’état de repos des 
organes. Cet état moyen s'obtient d’ailleurs par la galvanisation simultanée 
des deux nerfs. 

Je crois que cette neutralisation de deux nerfs l’un par l’autre va nous 
permettre de nous rendre compte des faits, en apparence contradictoires, 
que nous avons observés relativement à l'influence du sympathique sur l’in- 
testin. 

L’intestin reçoit ses nerfs de deux sources : nous y trouvons les deux 
ordres de nerfs antagonistes. Le système sympathique y est représenté par 
les quatre nerfs splanchniques. Déjà Pfluge avait noté que la galvanisation 
de ces nerfs arrête les mouvements de l'intestin ; j'ai vu qu’en même temps 
la circulation se ralentit. 

Lorsque au contraire on galvanise les filets du pneumogastrique qui se 
rendent au plexus solaire, on voit des mouvements violents se produire 
dans tout l'intestin grêle : la circulation y devient plus active ainsi que 
dans les deux reins. Si, à ce moment, on galvanise les ganglions, on voit 
immédiatement les mouvements de lintestin cesser et la circulation se 
ralentir. 

Ces expériences nous ont porté à voir dans le pneumogastrique le nerf 
antagoniste du grand sympathique dans l’abdomen. 


116 ._ MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ne gg LE 

Qu’on prenne ensuite un filet du sympathique, au-dessous du ganglion, 
sa galvanisation ne donnera rien. 

S'il nous est permis de rattacher par une hypothèse ce résultat à ceux 
qui précèdent, nous nous demanderons si la galvanisation qui, au-dessus 
du ganglion, nous donnait les résultats isolés de l’activité fonctionnelle des 
deux nerfs, ne porte pas, maintenant qu’ils sont réunis, sur tous deux à la 
fois. Nous examinerons si ce dernier résultat ne s’obtiendrait pas en galva- 
nisant ensemble le pneumogastrique et le sympathique pris au-dessus du 
ganglion. 

Il est encore possible, pour expliquer ces faits, de recourir à une autre 
hypothèse, et d'admettre que, dans ce cas, les nerfs agiraient non pas sur 
les organes, mais l’un sur l’autre. Les organes ont une activité propre qui 
leur est spéciale; cette activité est mise en jeu par le sang qui leur arrive. 
Dans le cas où aucune force intérieure n'intervient, on est en droit d’ac- 
corder à l'organe une activité spontanée. Quant au système nerveux qui 
accompagne les ramifications vasculaires, il empêche le fonctionnement des 
organes en mettant obstacle au cours du sang qui vient s’y distribuer. 

Le sympathique est un frein; il tend à opérer une constriction perma- 
mente des vaisseaux, constriction qui cesse cependant au moment où doi- 
vent s’accomplir les fonctions, parce que cette action permanente du sym- 
pathique est temporairement suspendue par l'intervention passagère d’un 
autre nerf en rapport avec les excitations extérieures. 

Partant de cette hypothèse qui fait agir l’un des nerfs sur celui que l’ex- 
périence montre son antagoniste, on peut dire que le pneumogastrique agit 
sur les ganglions pour paralyser le sympathique. 

Quant aux fonctions de l'intestin, nous les voyons sous la dépendance de 


deux ordres de nerfs antagonistes, déterminant leur plus ou moins grande 


activité en agissant sur la circulation. L'activité des organes est spontanée, 
ou du moins en rapport avec l’afflux plus ou moins considérable du sang. 

Cette action antagoniste de deux nerfs, qui est nulle quand on excite les 
deux nerfs à la fois, ne se rencontre pas seulement dans l’intestin : des 
observations faites isolément nous montrent qu’elle existe aussi dans d’au- 
tres organes. C’est ainsi qu'on peut arrêter ou accélérer les mouvements 
du cœur. 

A l’état physiologique, une certaine harmonie existe entre les mouve- 
ments du cœur et les mouvements respiratoires qui s’accélèrent et se ralen- 
tissent ensemble. Or on peut, agissant sur les nerfs du cœur, rompre cette 
harmonie. Lorsqu'on coupe le pneumogastrique dans la région du cou, les 
mouvements du cœur augmentent de fréquence; cette section du nerf, loin 
de produire uue paralysie, a donc amené, au contraire, une accélération des 
mouvements. 

Le contraire a lieu si l’on vient à galvaniser le pneumogastrique : on pro- 
duit ainsi l’arrêt du cœur comme l’arrêt des mouvements péristaltiques. 


ANESTHÉSIE OBTENUE 


A L'AIDE D'UN 


MÉLANGE TITRÉ DE CHLOROFORME ET D’AIR 


(Méthode de M. P. Bert) 


STATISTIQUE DES CENT QUINZE PREMIÈRES OBSERVATIONS RECUEILLIES 
DANS LE SERVICE DE M. PÉAN, A L'HÔPITAL SAINT-LOU S 


Par le docteur À. AUBEAU 


M. P. Bert exposait récemment les résultats des premières anesthésies 
obtenues chez l’homme, à l’aide de sa méthode des mélanges titrés de chlo- 
- roforme et d’air. 

M. Péan a continué l’emploi de cette méthode, à l'hôpital Saint-Louis, 
pour les opérations de son service, et en ville, pour une ovariotomie. 

L’anesthésie a été conduite, dans tous ces cas, par M. le docteur Dubois, 
du laboratoire de physiologie de la Sorbonne. 

Nous avons recueilli les observations des malades soumis aux inhalations 
des mélanges, et c’est la statistique de ces observations que nous désirons 
communiquer aujourd’hui. 

Elle porte sur cent quinze cas. Si ce nombre est trop restreint pour 
fournir les bases d’un jugement définitif, il est du moins suffisant pour 
permettre d'établir une comparaison entre les procédés habituels d’anes- 
thésie et la méthode des mélanges titrés. 

Nous n'avons pas à revenir sur l’exposé de la méthode, qui a été fait par 
son auteur avec une si grande compétence; mais il n’est pas sans impor- 
tance de relater ici les résultats fournis par l’emploi des différents mélanges. 

Titres des mélanges. — La quantité de chloroforme contenue dans les 
mélanges a varié entre 7 et 10 pour 100, c’est-à-dire que dans 100 litres 
d’air ont été vaporisés de 7 à 10 grammes de chloroforme. 

1 pour 100, pour deux enfants de quatre ans et demi et de sept ans. 

1 pour 100 au début, puis 8 pour 100, pour un alcoolique de soixante- 
trois ans. , 

8 pour 100 au début, puis 6 pour 400, pour une femme de trente-six ans. 

8 pour 100 au début, puis 7 et demi et 7 pour 100, pour un enfant de 
onze mois,et une femme de quarante-neuf ans. 

8 pour 100 au début, puis 7, puis 8 pour 100, etc., pour une femme de 
vingt-deux ans. 

; 3IOLOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 10 


118 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


8 pour 100, pour cent trois malades. 

9 pour 100, pour deux autres. 

8, puis 10, puis 8 pour 100, pour trois patients. 

L'observation démontre que le mélange à 7 pour 100 donne de bons 
résultats chez les enfants, mais que d’une façon générale son action n’est 
pas suffisante pour les adultes. 

Si chez l'adulte on commence l’anesthésie avec le mélange à 7 pour 100, 
le sommeil chirurgical tarde à se produire. Au contraire, si l’on commence 
l’anesthésie avec le mélange à 8 pour 100, on peut la continuer avec le 
mélange à 7, à la condition que l'opération ne soit pas de longue durée. 

En effet, chez la femme qui a subi l'opération d’ovariotomie et qui a 
été maintenue anesthésiée pendant soixante-dix minutes, on a d’abord 
obtenu le sommeil avec le mélange à 8 pour 100 et l’on a tenté de prolonger 
l’anesthésie avec le mélange à 7 pour 100; mais, au bout de vingt minutes, 
l’insensibilité n’était plus assez profonde, il fallut reprendre le mélange 
à 8 pour 100. 

En somme, dans les opérations de longue durée, on peut, l’anesthésie . 
étant obtenue avec le mélange à 8 pour 100, continuer en administrant 
alternativement le mélange à 7 pour 100 et à 8 pour 100 de quart d'heure 
en quart d'heure, par exemple. 

En règle générale, le mélange à 8 pour 100 est celui qui convient le 
mieux, parce qu'une proportion moindre de chloroforme (7 pour 100) n’est 
suffisamment anesthésique que pour les enfants et qu'une proportion plus 
forte (9 ou 10 pour 400) ne fait que hâter la marche de l’anesthésie. 

La dose de 8 grammes de chloroforme pour 100 litres d'air suffit à 
tous les cas et c’est (pour les jeunes enfants exceptés) la dose minima. 

AGE, SEXE, TEMPÉRAMENT. — Les conditions de sexe, d'âge et de tem-. 
pérament ne soulèvent que des questions d'ordre secondaire et déjà 
connues, à savoir que les enfants, les vieillards, les femmes, les sujets 
débilités subissent plus rapidement et plus profondément l'influence des 
vapeurs anesthésiques. 

Sur 115 malades, 68 appartiennent au sexe masculin, 471 au sexe 
féminin. 

Les àges se répartissent entre onze mois et soixante-seize ans, en quel- 
que sorte les deux extrêmes de la vie. 


2 enfants ont l’un onze, l’autre dix-sept mois. 
3 autres, l’un deux ans, l’un quatre ans et demi, l’autre sept ans. 
20 malades ont de 10 à 20 ans. 


19 _ — 20 à 30 — 
24 _ _ 30 à 40 — 
20 _ == HDPMSUEE 
12 — —— HORANODE 


12 —— — 60 à 70 — 
J —— — 10 à 80 — 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 119 


NATURE DES OPÉRATIONS. — On a pratiqué, sans distinction, pendant ces 
anesthésies, des opérations de siège, de nature et de durée variables : 


1° Pluies par arme à feu de la main, 1 cas. 


2° Amputations, 14 cas : 


Amputation du bras........ ant ee Ut ro 


Î cas. 
— de l’avant-bras ....... TAPER SAN NAERS RES DES 
— dela cuisses. 42 it RO EI te x Gr 
— de la jambe ...... D EE ER EAN PE TUE 4 — 
° Maladies des os. — Résections et évidements, 18 cas : 

Du maxillaire supérieure et des os de la fage. 2 — 

Du maxillaire inférieur ......... MR le 2 — 

De la clavicule (et Bo: de eue 1 — 

DES FCOLES RE De OR EE A Acte SPRL 2 — 
Duncoude 7393701 SAS Que eo bosoi 1  — 
Delelécrane rome RASE, ARTE À SE 1 — 

Du cinquième métacarpien ....... DEtLEE Date LL — 

LA ot OO AR AT EP ER EURE de 1  — 
PAIN ERA SERRES SERRE CHOICE TRE EN d  — 
Durperone Pere NE dant are ie Lt  — 
MOASCEROAl ES A Re ie tee nl à 4 — 

Du métatarsien du gros orteil ............ 1  — 


4 Maladies des articulations. — Opérations diverses, 4 cas : 


Réduction d’une luxation de la hanche à l’aide de 


Fame Tan CE REC RECU EEE EE 1 — 
Ionipuneinre TARN SRÉCÉL HOT Eat es 1  — 
Ouverture de l'articulation de genou, etc. Drainage. 1  — 
Des articulations de la hanche .......... Ps PAPA L  — 
9° Maladies des muscles et des tendons, 1 cas : 

Ténotomie des extenseurs des orteils . ...…. ERA R 1 — 
6° Maladies du système nerveux. — Opérations, 2 cas : 

Ablation d’une encéphalocèle:.r. :...:...:.......... 1  — 

Arrachement du nerf dentaire inférieur à son entrée 

dans le canal :::..:. RE Cr ORAN ES She 1  — 

7° Maladies des téguments. — Opérations, 2 cas : 

Autoplastie de la paupière inférieure, ......:....,.. 1 — 


Autoplastie de la lèvre supérieure....,...,.,...... (ANSE 


120 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE: 


8 Traitement des abcès, 9 cas : 


Abcès froids volumineux de la fesse, de la hanche, 
du bassin; débridement des fistules, à l’aide du 
thermo-cautère, ablation des fongosités.......... 

Abcès froid entourant le cubitus; débridement, dis- 
section des parois, ete................:......... 

Abcèsfroid du coude. nee neNE FRE HR 


9% Tuineurs. — Opérations, 32 cas : 


DEN parotide Re re ne 
Des régions temporale et génienne........ 
De la joueet des ganglions sous-maxillaires 


De la commissure labiale et de la joue... . 


De la face interne de la joue............. 
Du plancher de la bouche...... L'EPACES 
De la fosse canine ...... ETES don d p 
Du sinus maxillaire (ouverture, drainage). 


Del’amygdale du pharynxetdu voile du palais. 


Deltmuquers HAE r tr CERTA EEC RTE 
D'RCOUS EEE REA Re re 
De l’aisselle .......".. APR Re LEE 
Detla main RE RC ER CR EE 
Duiseineenre RSR NS LT AP OR LS A AE en 


De la paroi thoracique. ......... AE HO 
DeAlOMbINC EEE RP PErELre ODA che 0 
De JATCUISSE PP CPE CE RE PTE ECELEEE 36 


10° Opérations sur les lèvres. — Bec-de-lièvre, 1 cas. 


Ablations d’hémorrhoïdes, par M. le professeur Richet, 

1 cas; par M. Péan, 1 cas —........... da0 a bac 
Débridement d’une fistule anfractueuse à l’anus ..... 
Débridement de fistules et divulsion de rétrécissements 


EGINye 5550000000 ne NAT dede Le ER CLOS - 
Opération de l'anus artificiel, d'abord par la AO 
de Callisen, puis par celle de IDE AS do 


12 Opérations sur les organes génito-urinaires : 


À. — De l’homme, 10 cas : 


Hypospadias congénital, autoplastie .............. : 
Ponction et injection iodée. Ho cee enkystée 45 
CordonN ee ee AA AA RARE AO Ve CE A 


Des À 2 19 


SE CCC ES 


11° Opérations sur l'anus et l'intestin. — Opérations, 9 cas 


2 


ee 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 121 


Epithélioma du gland, ablation.............,.... Le 1 cas. 
Opération de: varicoc le nes AA Ne de 1 — 
Castration ...... de cire ne TOP MED ae ee D — 
Moulage d’une exstrophie de la vessie. ............. 04 1 — 

B. — De la femme, 16 cas : 
Ablation d’un polype de l’urèthre..... do ccit mot ee DURE 
= ct l'utérus ..... 20000 8 — 
Ablation de tumeurs du col......... MERE AE bo DIRE 
Evidement conoïde du col hypertrophié............. 2 — 
Fistuletmiére-vésicale a ere DA SRETL IE quite 
Ovariotomie...... SANS NA Me dal ieeashe Bad 1 — 
13° Opérations sur les ongles. — Ongle incarné... Dr = 


ÉTATS PATHOLOGIQUES POUVANT INFLUER SUR LA MARCHE DE L'ANESTHÉSIE. 
— Plusieurs malades présentaient des états pathologiques capables d’in- 
fluer sur la marche de l’anesthésie. Nous avons noté : Laryngite, 3 cas; — 
Bronchite, À cas; — Phthisie, { cas; — [ntoxicalion stercorale, 1 cas; — 
Alcoolisme, 28 cas; — Nervosisme, 1 cas; — Anémie avancée et débilité, 
17 cas. Nous reviendrons sur les troubles apportés à la marche de l’anes- 
thésie, du fait de ces divers états, mais nous pouvons dire dès à présent 
que chez trois malades atteints de laryngite ou de bronchite, les muqueuses 
hyperesthésiées ont été moins tolérantes que chez les autres malades. Chez 
un quatrième, il existait un rétrécissement syphilitique du larynx occasion- 
nant de la dyspnée et du cornage. 

Les sujets débilités par l’anémie ont, d’une façon générale, été plus sen- 
sibles à l’action du mélange; l’anesthésie a été obtenue plus rapidement, 
elle s’est prolongée davantage. Néanmoins nous n’avons pas observé de 
dépression inquiétante. 

Il se produisit, il est vrai, un certain degré de faiblesse, chez un sujet 
atteint de rétrécissement très étendu du gros intestin; mais nous verrons 
plus loin que l’anesthésie jouait dans ces phénomènes un rôle accessoire. 

L'état général d’un autre anémique, qui avait eu des embolies pulmo- 
naires, était tellement grave, que M. Péan n'aurait pas consenti à le sou- 
mettre à l’anesthésie, par le procédé de la compresse. 

Avec la méthode des mélanges titrés, les choses se passèrent très simple- 
ment, bien qu’on eût employé un mélange à 9 pour 100. 

Chez les alcooliques la période d’anesthésie confirmée a été, au contraire, 
longue à atteindre ; elle a été précédée d’une période d’excitation, le plus 
souvent assez marquée ou de plus longue durée. Le réveil à été plus 
rapide, 


199 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


Phénomènes de l’anesthésie, 


Pour bien comprendre les avantages de la méthode de M. P. Bert, il im- 
porte d'entrer dans le détail des phénomènes de l’anesthésie et de comparer 
le tableau du malade soumis aux inhalations des mélanges titrés au tableau 
du malade soumis aux émanations de la compresse ou du jet pulvérisateur, 

Tous les auteurs qui ont traité le chapitre anesthésie, décrivent au début 
des inhalations, comme présentant une certaine fréquence, les phénomènes 
suivants : 

Le contact des vapeurs chloroformiques avec les muqueuses nasale, buc- 
cale, pharyngienne et laryngienne, produit une sensation désagréable et 
provoque de la part du patient des mouvements instinctifs de répulsion et 
de fuite. Il cherche à écarter l'appareil et à se soustraire aux inhalations. 
En outre, l’irritation des filets nerveux si riches et si sensibles de ces 
régions entraîne des réactions fonctionnelles excessives, qui se traduisent 
par de l’hypersécrétion glandulaire et par des contractions convulsives des 
muscles, du spasme. Il en résulte, en définitive, une sensation de suffocation 
imminente, de la toux et fréquemment l’accumulation de mucosités dans le 
larynx. 

Cet orage initial se calme seulement lorsque les muqueuses sont anes- 
thésiées. 

Les cent quinze patients soumis à la méthode des mélanges titrés ont 
accepté les vapeurs sans la moindre répulsion. Les patients les plus effrayés 
en montant sur le lit d'opération (enfants de quatre ans et demi et de dix- 
sept mois ; jeunes filles de quinze et de dix-sept ans) se sont calmés rapide- 
ment après l’application du masque. 

Nous n'avons à faire d'exceptions que pour un jeune homme de dix-huit ans, 
atteint de laryngite, qui toussa trois fois au début des inhalations, et pour 
un tailleur de pierre atteint de phthisie siliceuse et alcoolique, qui dès la 
première inhalation s’écria : (J’étouffe », et qui néanmoins supporta le mé- 
lange. Chez les autres malades, nous n’avons pas observé les phénomènes 
d'irritation locale des muqueuses nasale, buccale, pharyngienne et laryn- 
gienne, c’est-à-dire qu’il n’y a eu ni toux, ni suffocation, ni obstruction du 
larynx par les mucosités. 

Période d’excitation. — En dehors de ces incidents du début, on con- 
sidère, dans la succession des phénomènes de l’anesthésie, deux Périodes. 
lune d’excitation, l’autre de dépression. 

Avec les de ordinaires, la période d’exeitation est fréquente, elle 
est plus ou moins mouvementée ; avec la méthode des mélanges titrés, elle 
est au contraire rare et, lorsqu'elle se produit, elle est insignifiante et de 
courte durée, sauf chez les alcooliques. 

: Elle a fait complètement défaut chez soixante-trois malades. Dans trente- 
huit cas, elle à été insignifiante et n’a pas duré plus de deux secondes à 


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és code. nn 4 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 193 


———__——_— "00 


deux minutes. C’est afin de rester dans l’exactitude la plus rigoureuse, que 
nous notons chez ces trente-huit patients, comme période d'excitation : quel- 
ques plaintes, des rêvasseries sans mouvements, de légères et passagères 
secousses convulsives dans les membres, un mouvement d’élévation et 
d’abaissement du bras ou de la jambe. 

Encore ces phénomènes étaient-ils provoqués, le plus souvent, par des 
manœuvres intempestives : exploration de la région malade, lavage des 
plaies, courant d’air froid passant sur le patient, au moment de l’ouverture 
d’une porte, etc. 

En réalité nous n’avons observé d’excitation marquée que chez treize 
sujets (sur cent neuf) dont douze étaient alcooliques. Chez le douzième, le 
masque ne s’appliquait pas au visage. 


Période d’anesthésie confirmée. — Cette période a été obtenue, en 
moyenne, au bout de sept à huit minutes; elle a été calme, régulière, con- 
tinue et DRE 

Elle n’a pas présenté cette alternative de demi-réveil et de bone 
sus entre lesquels flotte le plus souvent le malade, lorsqu'on emploie les 
procédés ordinaires. | 

Le pouls et la respiration n’ont pas subi d’oscillations DrusquEs mais 
ont toujours conservé une moyenne rassurante. 

Le facies a toujours été excellent, d’une coloration rosée, sans lividité 
comme sans cyanose. 

Chez la majorité des sujets, la température s’est abaïssée seulement de 
quelques dixièmes de degré. Le refroidissement est d’autant plus marqué, 
toutes choses égales d’ailleurs, que l’anesthésie se prolonge davantage. 

Chez la femme qui a subi l’ovariotomie, la température s’est abaissée 
d’un degré et demi centigrade, en soixante-dix minutes. 

La température reprend rapidement son point physiologique après qu’on 
a cessé les inhalations. 

En un mot, l’anesthésie a été parfaite. Elle a, dans les cas d'opérations 
pratiquées sur la face et particulièrement sur les maxillaires, un avantage 
qu'apprécieront bien ceux qui ont l'habitude d’assister à de semblables 
opéralions. 

Voici comme les choses se passent habituellement, lorsque la période 
d’anesthésie confirmée est obtenue : on écarte la compresse ou le masque 
du pulvérisateur, afin de ne pas gêner l'opérateur, et l’on continue l’anes- 
thésie en plaçant devant la bouche ou les narines (toutes les fois que les 
manœuvres opératoires le permettent) une éponge montée sur des pinces 
et imbibée de chloroforme. D'une part, le chirurgien respire autant de va- 
peurs que le malade; d'autre part, anesthésie est tout à fait insuffisante, 
le patient se réveille, souffre, se plaint, s’agite et l’opération se termine 
péniblement. 

Avec la méthode des mélanges, les choses se passent tout différemment. 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 


Dès que l'opération commence, on introduit soit dans la bouche, soit dans 
les fosses nasales, un tuyau coudé; en cuivre, construit par M. Mathieu sur 
les indications de M. P. Bert, et destiné à conduire les vapeurs anesthésiques 
dans la direction du larynx. 

Le chirurgien n’est plus soumis directement aux émanations chlorofor- 
miques et, d'autre part, le malade continue à respirer le mélange. L’anesthé- 
sie se poursuit calme et régulière pendant toute la durée de l'opération, le 
malade n’entrave pas les manœuvres chirurgicales par des mouvements 
malencontreux, et, chose importante, il ne souffre pas une seconde. 


Irrégularités de l'anesthésie. — Quelques incidents se sont produits au 
cours de l’anesthésie confirmée : des nausées et des vomissements, dans 
quelques cas; des secousses de toux, dans trois cas; un ralentissement 
inquiétant de la respiration dans deux cas; un certain degré d'adynamie 
chez un dernier malade. 

a. Nausées. — Les nausées et les vomissements sont survenus pendant 
une suspension des inhalations, le plus souvent chez des sujets qui avaient 
déjeuné avant l'opération; il a suffi de replacer le masque devant le visage 
du malade pour les faire cesser aussitôt. 

b. Toux. — Les secousses de toux se sont produites dans un ças, chez 
un garçon de dix-huit ans atteint de bronchite; dans un cas,.chez une femme 

atteinte de laryngite; dans l’autre, chez un malade atteint de carie costale, 
au moment où l’on opérait profondément au-dessous de la côte. 

c. Ralentissement de la respiration. — Le ralentissement de la respi- 
ration s’est produit, d’une part, chez un phthisique alcoolique pendant la 
période d’excitation, en revêtant la forme convulsive; d’autre part, il est 
survenu, vingt-deux minutes après le début, des inhalations d’un mélange à 
8 pour 100, chez un rhumatisant-goutteux de quarante-cinq ans, alors qu’on 
opérait dans la profondeur du creux axillaire. 

Ce fait doit nous arrêter un instant. L’anesthésie était des plus régulières, 
lorsque tout à coup M. le docteur Dubois, qui dirigeait les inhalations, 
nous fit remarquer que la respiration se précipitait. Au même moment 
l’aide chargé du maniement du gazomèlre nous appelait pour nous dire : 
«Les soupapes de l’inhalateur ne doivent pas fonctionner, le gazomètre ne 
se vide pas, la cloche descend et remonte, prévenez M. Dubois. » 

En nous retournant pour transmettre cet avis, nous constatämes, non 
sans surprise, que l’on abaïssait la tête du malade et que l’on stimulait le 
diaphragme en faisant des pressions méthodiques à la base du thorax. 

Une demi-minute plus tard, la respiration s’effectuait normalement et 
l’on achevait l'opération, sans toutefois redonner de chloroforme. 

M. Dubois nous apprit alors que la respiration, après s’être précipitée, 
s'était ralentie, et que finalement, les inspirations ne se produisant qu’à des 
intervalles de plus en plus longs, il avait écarté le masque. C’est alors 
qu'on avait abaissé la tête et stimulé le diaphragme. 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT, 195 


Il y a eu, de fait, plutôt crainte d'accident que menace. Cependant à 
l'accélération de la respiration, correspondait un certain degré de conges- 
tion de la face, qui n’a pas tardé à disparaître, pour faire place à une 
päleur relative, coïncidant avec le ralentissement de la respiration. La 
température n’était pas sensiblement abaissée, et de l'avis de tous il est 
difficile de dire si la respiration s’est réellement suspendue. 

Doit-on attribuer cette anomalie au mauvais fonctionnement évident de 
la soupape, ou à une perturbation brusque de la circulation ou de l’état 
nerveux ? C'est ce qu'il nous est difficile de décider dans l’état actuel de la 
question. 

Toutefois les observations que nous faisons avec M. le docteur Dubois 
nous porteraient à attribuer une certaine influence aux réflexes provoqués 
par les manœuvres opératoires. 

Nous avons nettement constaté, à plusieurs reprises, que le premier coup 
de bistouri ou le premier contact du fer rouge provoque des mouvements 
réflexes plus ou moins étendus, même lorsque l’anesthésie confirmée est 
obtenue. Nous, avons de même remarqué qu’au plus fort du sommeil anes- 
thésique certaines manœuvres, le délabrement ou le sacrifice chirurgical 
de cerlains organes, entraînent une accélération de la respiration et de la 
circulation. En même temps que le pouls se précipite, il devient plus petit. 
Aux phénomènes d’excitation succède toujours une dépression équivalente ; 
_de nouvelles recherches dans ce sens ne peuvent manquer d’amener des 
découvertes intéressantes. 


d. Adynamie. — Le malade atteint. de rétrécissement cancéreux très 
étendu de l'intestin, présenta à la fin de l’opération une faiblesse marquée 
de la respiration et de la circulation, en même temps que le visage était le 
siège d’une päleur inaccoutumée. On dut suspendre les inhalations dans 
Ja crainte de voir cet état s'accentuer et aboutir au collapsus. : 

Si l’on tient compte que ce malade était menacé d'intoxication stercorale, 
par suite d’une constipation opiniàtre et de la suppression absolue des 
garde-robes depuis quatorze jours ; qu’il était dans un état de déchéance 
nutritive avancée par suite des progrès de l’affection organique de l'intestin, 
qu'il avait subi dans la même séance deux opérations graves (Anus artifi- 
ciel d’abord, par la méthode de Callisen, puis par la méthode de Littré) et 
de longue durée (quatre-vingt-deux minutes); que d’autre part, l’ouverture de 
Pabdomen modifie nécessairement le type de la respiration, on admettra 
facilement que l’anesthésie n’intervenait que secondairement dans les 
phénomènes adynamiques observés. 

Bien plus, nous sommes en droit de nous demander si l’on aurait pu 
mener l'opération à bonne fin, avec le procédé aventureux de la compresse. 

Notons en passant que, chez ce malade, il eût été impossible de recourir 
à l’anesthésie par la voie rectale. 

Il nous semble ressortir de ces diverses considérations que les incidents 


196 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


survenus au cours de l’anesthésie confirmée ne sauraient en aucune façon 
être impulés à la méthode. 

Durée totale des inhalations. — Les anesthésies, en comptant depuis 
le début jusqu’à la cessation des inhalations, ont duré de six à quatre-vingt- 
deux minutes : 


De 6 à 10 minutes dans 4 cas. 


— 40 à 45 — 24 — 
— 15 à 20 — 29 — 
— 20 à 25 — 26 — 
— 25 à 30 — SI 
— 930 à 95 — 6 — 
— 939 à 40 — D, — 
— 40 à 45 —— 2 — 
— 45 à 90 — ON 
— 50 à 60 — 2 — 
— 60 à 75 — Eù = 

75 — 1 — 

82 — 1 — 


Quantités de mélange dépensées. — Les quantités de mélange dépensées 
ont varié de 80 à 1610 litres, suivant la durée des inhalations et suivant 
l'amplitude individuelle des inspirations. 

La malade opérée d’un kyste de l'ovaire a respiré 45 grammes de 

chloroforme en soixante-dix minutes. 

Un malade inhale en moyenne 20 à 30 litres de mélange par minute, ou, 
ce qui revient au même, 100 à 150 litres en six minutes. 

On ne peut pas, bien entendu, considérer, comme étant consommée par 
le patient, la quantité totale dépensée, dans les cas oùle masque n’applique 
pas bien au visage, et dans ceux où les vapeurs sont administrées à l’aide 
d’un tuyau placé dans la bouche ou sous les narines. 

Les termes de comparaison nous manquent pour établir, même approxi- | 
mativement, l’économie de chloroforme réalisée par l'emploi des mélanges 
titrés; mais, si l’on songe à l’évaporation qui se produit lorsqu’on verse le 
liquide sur la compresse, on comprendra que cette économie est notable. 


Prolongation de l’anesthésie après la cessation des inhalations. — À 
partir du moment où l’on cesse les inhalations, l’anesthésie absolue se 
prolonge, en moyenne, pendant sept minutes. 

On ne saurait, il est vrai, élever cette proposition à la hauteur d’une loi, car 
des considérations de différent ordre doivent entrer iei en ligne de compte. 

Le sommeil se prolonge en raison directe de la durée des inhalations; 
en raison directe de la faiblesse et de la jeunesse du sujet. 

Le réveil est plus prompt chez les alcooliques. Il est hâté par la prolon- 
gation des manœuvres chirurgicales après la cessation des inhalations. 

Ces règles comportent d’ailleurs de nombreuses exceptions. 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 197 


Nous avons vu l’anesthésie se prolonger pendant douze, quinze, dix-neuf, 
vingt, vingt-six, vingt-huit minutes chez certains sujets, et dans plusieurs 
cas l’individualité seule pouvait expliquer cette persistance. 

Analgésie après le réveil. — Chez la plupart des malades, l’insensibilité 
à la douleur persiste pendant un certain temps après le réveil. Le patient 
parle, exécute les mouvements qu’on lui commande, se rend compte des 
manœuvres qu’on exerce sur lui (sensibilité tactile), mais ne souffre pas. 

L’analgésie a persisté de cinq à vingt-deux minutes, chez nos malades, et 
l’on a pu faire, pendant ces périodes, les sutures et les pansements. 


Terminaison.— Le retour à la sensibilité s’effectue normalement et n'offre 
pas de particularités notables. Nous devons seulement constater que plu- 
sieurs de nos malades ont eu des vomissements quelques minutes après le 
réveil. Les vomissements se sont répétés pendant trente-six et quarante- 
huit heures, chez quelques-uns. 

Notons que chez la plupart des sujets qui ont vo mi, il existait quelque 
cause prédisposante, telle que : pharyngite glanduleuse avec hypersécré- 
tion, dilatation de l'estomac, ingestion d’aliments avant l'opération, etc. 

Il est, en outre, intéressant de remarquer que le vomissement est un phé- 
nomène de réveil. Il ne se produit jamais pendant les inhalations. On le 
voit survenir au cours de l’anesthésie, pendant une suspension des inhala- 
tions, ou bien au réveil, après la cessation des inhalations. 

D’après l'opinion de N. le docteur Dubois, ce phénomène doit être ee 
parmi ceux qui appartiennent à cet état particulier qu’il a décrit sous le 
nom d’empoisonnement de retour. 

Il semble qu’il ne se produirait pas, si l’on administrait sans interruption 
brusque les vapeurs anesthésiques. Dans piusieurs cas, où l’on avait donné 
le mélange en écartant le masque du visage, de plus en plus, à la fin de 
l’anesthésie, de façon à obtenir le réveil en présence d’un air de moins en 
moins dersé de chloroforme, les nausées du réveil ont fait absolument 
défaut. 


Appréciation de la méthode des mélanges titrés. 


Depuis dix ans, les circonstances nous ont entraîné à étudier particuliè- 
rement l’anesthésie. Presque quotidiennement nous pratiquons l’anesthésie 
_chloroformique. 

Nous avons pu juger, en connaissance de cause, les procédés habituels et 
c'est en nous basant sur une expérience et des vues personnelles que nous 
apprécierons la valeur relative de l’anesthésie par les mélanges titrés, au 
point de vue clinique. 

Hätons-nous de dire que l'impression générale est toute en faveur de la 
méthode de M. P. Bert, qui donne à la conduite de l’anesthésie une préci- 
sion, une régularité, une sécurité inconnues jusqu'alors. 


198 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE PRIOLOGIE. 


C’est en nous plaçant au point de vue des inconvénients et des dangers 
de l’anesthésie chloroformique que nous espérons établir les avantages de 
cette méthode. 

Les inconvénients du chloroforme consistent en : répugnance du malade 
à accepter les premières inhalations; irritation locale des muqueuses et 
par suite: toux, spasme, hypersécrétion glandulaire, suffocation. 

Le danger, c’est la syncope respiratoire. Nous ne prétendons pas nier la 
possibilité de la syncope cardiaque pendant l’anesthésie chloroformique, 
mais nous ne l’avons pas observée. 

Au contraire, bien que personnellement nous n’ayons jamais eu à dé- 
plorer d’accidents mortels au cours de l’anesthésie, nous en avons malheu- 
reusement vu plusieurs cas se produire sous nos yeux et nous avons eu à 
combattre quelquefois des dangers imminents. Toujours en pareille cir- 
constance nous avons vu la suspension de la respiration précéder l'arrêt du 
cœur. 

La syncope respiratoire peut revêtir deux formes : une forme M 
une forme parésique ou adynamique. 

Il importe, à notre avis, d'établir une grande distinction entre ces deux 
formes, parce que l’une d” élles, la forme convulsive, lorsqu'elle se produit 
un certain temps après le début des inhalations, est précédée de prodromes, 
qu’elle peut être prévue, et par conséquent évitée: tandis que l’autre, la 
forme parésique, est insidieuse, qu’elle déjoue plus facilement toute pru- 
dence et qu’elle surprend souvent l’anesthésiste inexpérimenté au moment 
où il s’y attend le moins. 

La forme convulsive, proprement dite, plus fréquente avec les procédés 
habituels, se produit, soit dès les premières inhalations, soit pendant la 
période d’excitation. On ne l’observe pas pendant la période d’anesthésie 
confirmée, par la raison toute simple, qu’il ne saurait y avoir (nous faisons 
des réserves pour les réflexes) de phénomènes convulsifs proprement dits, 
pendant la résolution musculaire complète. 

La forme parésique, plus rare, survient toujours un certain temps après 
le début des inhalations, soit avant la période d’anesthésie confirmée, soit 
pendant cette période. 

Elle peut survenir chez des sujets qui ont eu une période d’excitation, 
mais jamais elle n’accompagne cette période parce qu’elle est le terme d’une 
dépression nerveuse continue et progressive due à l’action du chloroforme, 
et exagérée souvent par le choc chirurgical. 

Rappelons en quelques mots le tableau de chacune de ces formes. 


Syncope respiratoire convuilsive du début. — On vient de placer la 
compresse imbibée de chloroforme, devant la bouche et les narines du 
patient. Il fait une ou deux inspirations qui le suffoquent, se raïidit dans 
une secousse convulsive, étend le bras pour repousser la compresse et 


Là 


tombe foudroyé. 


ce at dut À dde tes = MR, 0 LS 


ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 199 


Il semble que l’on ait affaire à un accès de suffocation dû probablement 
à un spasme tétanique de la glotte et causé certainement par la pénétration 
d'une dose massive de vapeurs chloroformiques dans les voies respira- 
toires. 

Nous savons que le procédé qui consiste à sidérer le malade, en lui ad- 
ministrant, dès le début, des doses massives de chloroforme, réussit à 
plusieurs opérateurs; mais nous savons aussi que la syncope respiratoire 
du début n’est pas un mythe et nous n’oserions jamais recourir au procédé 
de sidération. 

Syncope respiratoire convulsive de la période d’excitation. — Quelques 
minutes après le début des inhalations, est survenue une période d’excita- 
tion ; le malade très agité, bavarde, chante, crie, lance à droite et à gauche 
les bras et les jambes. La face devient vultueuse, les veines du cou sont 
turgescentes, certains troubles vasculaires se dessinent du côté de la peau. 
D’autre part, la respiration se fait péniblement, convulsivement, par sac- 
cade; plusieurs inspirations profondes et précipitées sont suivies d’une expi- 
ration tellement prolongée, que l’anesthésiste se demande avec inquiétude 
si cette expiration n’est pas la dernière. 

Puis la respiration se suspend brusquement, le malade retombe inerte 
sur le lit d'opération et le cœur cesse de battre. 

Cette variété de syncope ne se produit que s’il y a une période d’agita- 
tion, nous avons dit qu’elle peut être prévue. 

‘ En effet, le type convulsif de la respiration, la congestion de la face, la 
turgescence des veines, sont des signes qui doivent tenir en éveil. 

Mais, en outre, nous avons observé du côté de la peau des troubles vascu- 
laires auxquels nous attachons une grande importance et que nous avons 
déjà signalés (1). Nous ne pouvons affirmer qu’ils précèdent toujours le 
danger ; mais, chaque fois que ces troubles se sont produits, il est survenu 
un accident ou au moins une alerte. 

Au cours de la période d’excitation on voit apparaître dans les régions 
génienne, parotidienne, cervicale latérale, cléido-mammaire ou abdominale, 
un pointillé rouge vif des téguments qui donne l’idée d’un exanthème. Il 
semble que le sommet de chaque papille soit fortement congestionné. 
Bientôt les points s’élargissent, se transforment en macules qui s’étalent 
et arrivent à se confondre par leurs bords, en dessinant les réseaux capil- 
laires de la peau. À ce moment la coloration des tissus injectés est rouge, 
érythémateuse ; bientôt elle devient lie de vin, puis violette. Au milieu de 
cette teinte générale, on distingue nettement des marbrures plus 
foncées. 

Nous avons vu dernièrement, chez une femme hémophilique, ces phéno- 
mènes congestifs aller jusqu'à l’hémorrhagie punctiforme et persister à 
l’état de taches ecchymotiques. 


(1) Odontlologie, L. HE, n° 5. 


130 MÉMOIRES DE LA SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE. 


Nous n'insistons pas sur ces phénomènes, leur apparition n’est pas un 
fait banal, il doit éveiller toute la sollicitude de l’anesthésiste, car il le 
prévient de l’imminence d’un danger. 

Syncope respiratoire parésique ou adynamique. — Ici le tableau est 
tout différent de celui que nous venons d'exposer. L’anesthésie semble 
marcher très régulièrement; il n’y a pas d’excitation ou l'excitation est 
tombée ; le visage est plutôt pàle que congestionné. Un seul fait attire l’at- 
tention, c’est que la respiration est paresseuse, lente, superficielle. Les 
mouvements d’abaissement et d’élévation des côtés sont presque impercep- 
tibles. La main placée devant la bouche et les narines du patient perçoit à 
peine le souffle. Si la période d’anesthésie confirmée n’est pas encore ob- 
tenue et que l’on dise au malade de respirer, il fait une ou deux inspira- 
tions volontaires et retombe dans son état parésique, ou même vous répond : 
« Mais je ne puis pas respirer.» Ce qui indique bien l’état de dépression 
dans lequel se trouvent les puissances respiratoires. 

Les choses vont ainsi pendant un certain temps, puis, tout à coup, sans 
autre manifestation extérieure, la respiration se suspend définitivement. 

En pareil cas, le type parésique de la respiration est le seul pro- 
drome. L’accident paraît dû à la dépression continue et progressive exercée 
sur le système nerveux par le chloroforme. 

Cette variété de syncope s’observe, de préférence, chez les sujets ané- 
miques, épuisés, cachectiques ou impressionnables et terrorisés ‘par l’idée 
de l’opération. Dans certains cas, où elle survient au cours de l’anesthésie 
confirmée, il est difficile de dire quelle part revient dans sa production 
à la dépression chloroformique, et quelle part au choc chirurgical. Il est 
bien certain que certaines opérations graves, et qui se prolongent pendant 
plusieurs heures consécutives, entraînent une dépression suffisante pour 
amener la mort, sans qu'il y ait lieu de tenir compte, autrement que 
d’une façon accessoire, de l’action du chloroforme. 


Ces données étant établies, revenons à nos observations chez les ma- 
lades anesthésiés par la méthode Paul Bert. 

1° L'irritation des muqueuses nasale, buccale, laryngienne et pharyn- 
sienne ne s’est pas produite. [l n’y a eu ni spasme de la glotte, ni accès de 
suffocation, même chez les sujets atteints de laryngite aiguë ou chronique. 
Nous devons faire une exception pour le malade atteint de phthisie sili- 
ceuse. 

En conséquence, il nous semble qu'avec la méthode des mélanges, ten 
ayant soin d'employer la dose de chloroforme minima (8 pour 100 en 
moyenne), la syncope respiratoire convulsive du début n’est plus à 
redouter. 

2° La période d’excitation a été supprimée ou considérablement atténuée ; 
nous n'avons observé ni la respiration convulsive,; ni les troubles conges- 
tifs persistants du côté de la peau. 


. ANESTHÉSIE PAR LA MÉTHODE DE M. P. BERT. 131 


Il nous semble encore que le danger de la syncope convulsive de la pé- 
riode d’excitation est écarté, avec l’emploi de la même méthode. 

3° Il importe de faire des réserves au sujet des alcooliques. Chez eux, en 
effet, la résistance est toujours plus considérable et la période d’agitation 
plus prolongée, surtout dans les cas où ces malades ont été privés depuis 
plusieurs jours de leur dose habituelle d'alcool. 

4 Nous n’avons pas observé la dépression nerveuse inquiétante qui pré- 
cède la syncope respiratoire adynamique. Dans le cas où un certain degré 
de dépression s’est produit, il y avait lieu d’invoquer d’autres causes que 
l’action du chloroforme. D’autre part, les expériences faites à propos de la 
quantité de chloroforme contenue dans le mélange démontrent que la pro- 
portion de 8 pour 100 est une quantité minima pour la moyenne des indi- 
vidus. Nous croyons donc que cette variété de syncope est moins à redouter 
avec la méthode de M. P. Bert qu'avec les autres procédés. 

Mais, comme il est impossible de calculer à l'avance jusqu'où ira la dépres- 
sion produite sur le système nerveux par le chloroforme, comme cette dé- 
pression est variable suivant les individus, comme elle peut être exagérée 
par la gravité ou la longue durée de l’opération, nous pensons que l’anes- 
thésiste devra toujours exercer la plus grande surveillance, chez les sujets 
faibles, débilités, anémiques, terrorisés, excitables et par conséquent dé- 
pressibles. 

0° A côté de ces avantages de premier ordre, la méthode des mélanges 
rend de réels services dans les opérations qui se pratiquent sur les mà- 
choires, en permettant de conduire les vapeurs anesthésiques dans la direc- 
tion du larynx et de maintenir l’insensibilité pendant toute la durée des 
manœuvres chirurgicales : ce qu'on n'obtient que très imparfaitement avec 
les autres procédés. 

6° La méthode des mélanges permet de réaliser une économie de chloro- 
forme qui n’est pas à dédaigner pour les hôpitaux. 

1° Les nausées et les vomissements provoqués chez certains sujets par 
l'absorption du chloroforme ne sont pas supprimés par la méthode des 
mélanges : ce qu'il était facile de prévoir. Toutefois, comme ces accidents 
se produisent toujours pendant une suspension brusque des inhalations, il 
est possible de les éviter, au cours de l’opération, en laissant le masque 
devant le visage du patient et, après l'opération, en écartant progressive 
ment l’inhalateur. 


En résumé, nos observations établissent nettement que, si la méthode des 
mélanges ne dégage pas l’anesthésiste des obligations de science et de pru- 
dence, elle a du moins sur les procédés habituels une supériorité incontes- 
table; qu’elle offre au chirurgien beaucoup de sécurité, et qu’en définitive 
l'observation clinique vient absolument à l'appui des conclusions formulées 
par M. P. Bert, dans sa communication à l’Institut. 

M. Péan, satisfait des premiers résultats, se propose de continuer l’em- 


132 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


ploi des mélanges titrés (1) et comme (sur les indications de M. le docteur 
Dubois) un appareil portatif et d’un maniement facile a été construit, les 
observations ne tarderont pas à se multiplier. | 

En ce qui nous concerne, nous nous proposons de poursuivre attentive- 
ment l'examen des faits fournis par la clinique, parce qu’il n’est possible 
d'obtenir, à notre sens, de résultats comparables et susceptibles, par consé- 
quent, de donner lieu à des conclusions sérieuses et réellement pratiques, 
qu'en se plaçant dans des conditions toujours identiques, à savoir en pré- 
sence d’un mélange toujours rigoureusement titré. 


(1) Au moment où paraît ce mémoire, le nombre des opérations faites par 
M. Péan avec les mélanges titrés s'élève à deux cents environ. Les résultats ont 
été les mêmes que dans celles que nous venons de rapporter. 


DE LA COCAINE ET DE SES SELS 


MODE DE PRÉPARATION — CARACTÈRES 


Par M. H. DUQUESNEL 


L’alcaloïde principal de la feuille de Coca, la cocaïne, nommé égale- 
ment parfquelques chimistes érythroxyline, est connu depuis un certain 
temps; mais les études récentes dont elle a été l’objet et les applications 
nouvelles qui viennent d’en être faites comme anesthésique local, l'étude 
physiologique générale qu’en a publiée M. le docteur Laborde avec les pro- 
duits quelnous avons préparés, lui ont redonné une actualité qui nous à 
engagé à faire connaître, avec quelques détails, le produit d’où on l'extrait, 
son meilleur mode de préparation et ses caractères. 

La Coca ou Cuca chez les Indiens (Erythroxylon Coca, famille des Ery- 
throxylées) est un arbrisseau qui croît au Pérou et dans la Bolivie. —Ses 
feuilles, qui sont récoltées en mars, juillet et novembre, ont une certaine 
analogie avec celles du thé et présentent une odeur aromatique agréable, 
se rapprochant de ces dernières. — Elles sont courtement pétiolées, minces, 
fragiles, ovales, aiguës, longues de 4 centimètres environ sur 2 à 3 de 
largeur, généralement d’un vert sombre, quelquefois brunâtres suivant leur 
état de conservation. Certaines espèces, principalement celles de prove- 
nance bolivienne, sont plus vertes, plus minces et quelquefois de dimensions 
plus petites. 

Leur nervation est particulière et permet de les distinguer. Elle est 
composée d’une nervure médiane donnant de nombreuses ramifications qui 
s’anastomosent en réseau, à un demi-centimètre environ de cette nervure, 
et de chaque côté part une ligne en arc qui est quelquefois peu accusée et 
ressemble beaucoup plus à un pli longitudinal qu’à une véritable nervure 
(G. Planchon). Ces deux nervures partent de la base de la nervure mé- 
diane et aboutissent à son sommet. 

Les feuilles de Coca, si appréciées des habitants de l’Amérique du Sud, 
qui en font usage”"en infusion ou plutôt encore en les mâchant mêlées avec de 
la chaux, sont constituées par un nombre d’espèces et de variétés assez con- 
sidérable. Aussi n'est-il pas surprenant de trouver des variations assez 
grandes dans leur qualité et leur valeur commerciale. 


Pour en extraire la cocaïne, on les pulvérise grossièrement et on les 
épuise dans un appareil à déplacement par de lalcool à 85 degrés. 
B10LOGIE, MÉMOIRES. — 8° SÉRIE, T. 1. 11 


134 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 


On distille les liqueurs alcooliques de façon à en retirer tout l'alcool et 
on additionne le résidu de la distillation d’une petite quantité d’acide tar- 
trique (1 partie pour 100 de la plante employée). 

On mélange intimement l’acide, dissous au préalable dans une petite 


quantité d’eau, avec l’extrait. On ajoute ensuite de l'eau distillée jusqu'à 


cessalion de trouble pour précipiter la chlorophylle et les substances rési- 
neuses et grasses. On filtre et on évapore à une douce chaleur le produit 
de la filtration en consistance de sirop clair. Le produit obtenu renferme 
la cocaïne à l’état de tartrate soluble. On l’agite alors avec de l’éther rectifié 
etlavé pour lui enlever encore des substances résineuses ou colorantes, 
ainsi qu’une substance blanche, cristalline, paraissant de nature acide, 
soluble dans les alcalis avec coloration jaune et que nous étudierons ulté- 
rieurement. Puis on l’additionne d’un léger excès d’ammoniaque et on 
l’agite à nouveau avec de l’éther rectifié, qui s'empare des alcaloïdes. 

On répète plusieurs fois cette opération. Par la distillation l’éther aban- 
donne un résidu sirupeux, que l’on verse dans une capsule, où il ne tarde 
pas à crislalliser en grande partie. 

Lorsque les cristaux ne paraissent plus augmenter, on exprime le résidu 
sur une toile pour en séparer un liquide sirupeux très alcalin. La toile re- 
tient une masse cristalline, que l’on obtient facilement en beaux cristaux 
d’une solution alcoolique, additionnée de noir animal, et filtrée, puis éva- 
porée à une douce chaleur. } 

Ces cristaux, que les fabricants considèrent généralement comme la 
cocaïne pure, ne contiennent cependant pas toujours cet alcaloïde à l’état 
de pureté. Nous avons pu en isoler en effet en les dissolvant à saturation 
exacte dans un acide dilué, une substance neutre cristalline, peu soluble à 


froid, paraissant inerte, analogue à la narcotine de lopium par la ma-. 


nière dont elle se comporte avec les réactifs et dont la présence ne parait 
pas avoir été signalée Jusqu'ici. 

Cest à cette substance que nous avons donné, par opposition avec la 
véritable cocaïne basique qui est le véritable principe actif de la Coca, le 
nom de cocaïne neulre ou mieux de pseudo-cocaïine. 

La présence de la cocaïne neutre ne paraît pas constante, ni sa propor- 
tion régulière, dans les feuilles de Coca ; mais elle peut expliquer parfaite- 
ment la différence de solubilité et même d’action des produits commer- 
ciaux vendus comme cocaïne ou comme sels de cette base. 

Les feuilles de Coca, comme nous le disions dans une Note publiée au 
mois de juillet 1882, dans ce même recueil, suivent donc par leur compo- 
sition une règle qui est à peu près générale, c’est-à-dire que les plantes 
actives contiennent presque toujours, à côté d’une base principale cristallisée, 
une base amorphe souvent liquide, qui est un produit de transformation ou 
d’altération. 

On trouve dans les auteurs d’autres procédés qui nous paraissent 
moins avantageux pour la préparation de la cocaïne. Ils ont l’inconvénient 


ar 
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! 


DE LA COCAÏNE ET DE SES SELS, 139 


d'introduire la chaux ou le plomb dans les opérations et d'augmenter en 
outre notablement le volume des liquides à évaporer, et la durée de ces 


évaporations. 


Ainsi les feuilles de Coca contiennent : 

1° La cocaïne cristallisée vraie ; 

2° La pseudo-cocaïne, produit cristallisé, incolore, neutre au papier de 
tournesol, même en solution alcoolique ; 

3° Un alcaloïde amorphe, sirupeux, jaunâtre, Mais pouvant être déco- 
loré par le charbon. 

Ce dernier alcaloïde, bien qu’il soit fixe à la tempéraure ordinaire et 
ne répande pas de Hées blanches en présence des acides volatils, parait 
avoir une certaine analogie avec l'hygrine, alcaloïde liquide en retiré 
des feuilles de Coca par Wœhler et étudié par Losseu. L’hygrine est obtenue 
en effet en traitant à chaud, soit les eaux mères de cocaïne, soit l’extra 
même, ou les feuilles de Coca par un lait de chaux ou par une lessive de 
soude caustique. 

Bien que l’alcaloïde amorphe sirupeux et le produit neutre offrent un 
certain intérêt et puissent donner lieu ultérieurement à des travaux inté- 
ressants, nous ne dirons que quelques mots de ce dernier, la pseudo- 
cocaïne, dont nous nous proposons de poursuivre l'étude. 

Peu soluble dans l’eau: froide, très soluble à chaud et cristallisant par 
le refroidissement, ce corps se dissout également avec facilité dans lalcool 
et sans communiquer à la solution, avons-nous dit plus haut, la propriété 
de bleuir, comme la cocaïne vraie, le papier rouge de tournesol. 

Il se dissout toutefois dans l’eau acidulée et la solution précipite en 
blanc par l’iodure double de mercure et de potassium. 

Lorsqu'on le chauffe dans un petit tube fermé d’un bout, il se dissout 
d'abord dans l’eau qu'il retient, puis reprend sa forme cristalline pour 
ne fondre réellement que vers la température de 190 degrés, point de fu- 
sion bien différent de celui de la cocaïne vraie, qui est, d’après les auteurs 
et nos propres expériences, de 98 degrés, aussi bien pour la cocaïne extraite 
par nous de la Coca du Pérou, que pour celle obtenue des espèces de pro- 
venance bolivienne. 

Tous ces caractères ne semblent-ils pas indiquer une analogie réelle de 
la cocaïne neutre avec la caféine, et n’en serait-elle pas un homologue? 

Disons cependant qu’en élevant la température au-dessus de son point 
de fusion, elle se colore et brunit sans paraître se volatiliser comme la 
caféine et qu’elle ne donne pas avec l'acide azotique ou le chlore la colo- 
ration caractéristique de muraxide que donne cette dernière substance. 

Nous occupant actuellement surtout de la cocaïne vraie, nous pouvons 
dire, en faisant connaître ses caractères, qu’elle possède au maximum 
d'action les propriétés de la feuille de Coca et n’expose pas les praticiens 
aux insuccès et aux mécomptes déjà constatés aussi bien en France qu'à 


136 MÉMOIRES DE LA SOCIËTÉ DE BIOLOGIE. 


l'étranger, d’après des renseignements qui nous sont parvenus, avec cer- 
tains produits commerciaux. 


La cocaïne a été découverte. d’après différents auteurs, en 1859 par 
Niemann, élève de Wæœhler, et le docteur Schroff aurait mentionné en 1862, 
dans une communication faite devant la Société de médecine de Vienne 
la propriété qu’elle possède d’anesthésier, par des applications locales, la 
muqueuse linguale. Cependant, d'après des documents que nous emprun- 
tons à l’intéressante Revue clinique d’oculistique publiée par M. le docteur 
Armaignac (de Bordeaux), qui donne de très utiles indications sur cette 
question, un Américain, le docteur Samuel R. Percy (de New-York), reven- 
dique pour lui-même la priorité de ces deux découvertes. En effet en 1857, 
c’est-à-dire deux années avant la découverte de Niemann, ce savant aurait 
présenté à l’Académie de médecine de New-York un mémoire sur la feuille 
de l’Erythroxylon Coca, sur son étude chimique et sur son principe actif 
nommé plus scientifiquement par lui érythroxyline au lieu de cocaïne, 
dont le nom a été plus généralement adopté jusqu'ici. A la suite d’un cer- 
tain nombre d'expériences le docteur Samuel R. Percy établissait que le 
chlorhydrate d’érythroxyline possédait la propriété singulière d’émousser 
et même de paralyser la sensibilité de la langue à la façon de l’aconitine, 
mais d’une manière moins persistante. 

Nous devons ajouter qu’il y a plus de deux ans, à la demande de M. La- 


borde, qui désirait étudier l’action physiologique de la cocaïne avec un pro- . 


duit chimiquement pur, à la suite des résullats remarquables chtenus 


avec les préparations officinales de Coca dans les affections douloureuses 


du pharynx et du larynx par M. le docteur Conpard, nous avons obtenu les 


produits ci-dessus, qui ont servi dès cette époque aux recherches faites au 


laboratoire de physiologie (voy. Tribune médicale, 1882. Formules et pres- 
criptions, et Revue de thérapeutique). 

Disons enfin, en puisant encore à la même source de renseignements, 
que le docteur Knapp (de New-York) attribue dans un article du Medical 
Record, du 25 octobre 1884, la découverte de la cocaïne à Gardeke, qui 
l'aurait isolée pour la première fois en 1855 sous le même nom d’érythro- 
xyline. 


La cocaïne se montre sous forme de prismes, souvent volumineux, à 
4 ou 6 pans, incolores, inodores, de saveur légèrement amère et àcre, 


produisant comme réaction organoleptique caractéristique, une insensibi- 


lité passagère de la partie de la langue sur laquelle on la dépose. 


La cocaïne a une réaction alcaline énergique, qui se manifeste surtout 


avec intensite dans une solution aqueuse légèrement alcoolisée. 

Elle est peu soluble dans l’eau, plus soluble dans l’alcool et surtout 
dans l’éther et le chloroforme. ; 

Elle n’est pas volatile, mais fond en un liquide transparent lorsqu'on la 


DE LA COCAÏNE ET DE SES SELS. 137 


chauffe à une température de 98 degrés et cristallise de nouveau par le 
refroidissement. 

La cocaïne cristallisée pure forme avec les acides des sels neutres très 
solubles dans l'eau, facilement cristallisables pour la plupart, mais se mon- 
trant au contraire sous forme d’une masse sirupeuse difficilement cristal- 
lisable lorsque l’alcaloïde contient une certaine proportion des autres 
produits qui accompagnent dans la plante. Parmi ces sels et bien qu’on 
fasse surtout emploi en ce moment du chlorhydrate, qui a l'inconvénient 
d’être hygrométrique et d’être livré par le commerce sous forme d’une 
poudre blanchätre un peu humide, nous devons une mention particulière 
au bromhydrate qui cristallise en longues aiguilles incolores et qui, avan- 
tage considérable, paraît inaltérable à l’air. Ce sel, du reste, d’après des 
expériences nouvelles et encore peu connues, possède à un degré non 
moins grand, les propriétés physiologiques du chlorhydrate; peut-être 
même exercerait-il une action moins irritante sur les muqueuses. 

La cocaïne vraie, à l’état d’alcaloïde ou de sel, possède la plupart des 
réactions chimiques communes aux alcaloïdes, soit en présence des alca- 
lis, des carbonates alcalins, soit avec les réactifs particuliers tels que 
tannin, acide picrique, iodure double de mercure et de potassium, iodure 
de potassium ioduré. Ses réactions caractéristiques font jusqu’à présent 
défaut. 

L’analogie qu’elle présente, en dilatant la pupille, avec les alcaloïdes 
mydriatiques des Solanées, nous à fait chercher une réaction qui permette 
de l’en distinguer. Nous proposons le caractère négatif qu’elle a de ne pas 
donner, comme l’atropine, la daturine, l'hyoseyamine cristallisée, traitées 
par l’acide azotique à chaud, puis la potasse caustique alcoolique, la co- 
loration violette caractéristique que donnent des traces de ces derniers 
alcaloïdes. 

En raison de la transformation facile de la cocaïne sous l’action de 
acide chlorhydrique en une base nouvelle, l’ecgonine, et en acide ben- 
zoïique, nous nous proposons encore de rechercher si l’on ne pourrait pas 
la caractériser par la formation de l’éther benzoïque du méthylène, produit 
ayant une odeur prononcée d'amandes amères et qui se forme lorsqu'on 
chauffe peu à peu une partie d'esprit de bois, une partie d’acide sulfurique 
et deux parties d’acide benzoïque. 

La réaction qui donne lieu à la formation de l’ecgonine présente une 
grande ressemblance avec celle qui se produit dans la formation de l’apo- 
morphine, cet émétique précieux pour les injections hypodermiques et qui 
dérive de la morphine. 

On l’obtient, d’après Wæœbler, en chauffant dans un tube scellé la cocaïne 
à 100 degrés avec de l’acide chlorhydrique concentré. L’ecgonine, qui se 
présente sous forme de prismes rhomboïdaux obliques incolores et bril- 
lants, possède les propriétés physiques inverses de la cocaïne, c’est-à- 
dire grande solubilité dans l’eau, solubilité moindre dans l’alcool et sur- 


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RS 138 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ De BIOLOGIE. 


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Coca, matière première si recherchée et si rare en F moment, “ 
nue plus abondante. 


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“48 FIN DES MÉMOIRES. | 


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BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. 


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