CONGRES
SCIENTIFIQUE
DE FRANCE
BLOIS, IMFRIMERIK DE FELIX JAHYER.
CONGRES
SGIENTIFIQUE
DE FRANCE.
TENUE A BX.OIS EM SEPTEMBRE 1836,
SE TROUVE :
BLOIS, CHEZ FELIX JAHYER, EDITEUR-PROPRIETAIRE ;
PARIS, CHE/ DERACBE, L1BRAIRE , HUE DU EOULOY , 7;
MET/, CHEZ LES TRINCirAUX LIBRAIRES.
M1JCCC XXXVII.
II I HCI
5.c Smton &u Con^rcs $'<ju»rtra a ^Ift} U 5 0eptembr^ 1837
tnuitjfcs bt bruit tnutcs Us pcr?onnc 6 qui out fait
partif J)<r0 prfcebcutfs rcuninns.
ARR£TE
FAR JLE CONGRES SCIENTIPIQUE DE FRANCE,
POUR LA TENUE
DE LA SESSION DE 1836.
LE Congres scientifique de France, dans sa 3,c session,
a arrete ce qui suit :
ART. Ler
La 4.e session du Congres scientifique de France aura
lieu dans la ville de Blois , departement de Loir et Cher.
ART. II.
Cette 4.e session s'ouvrira du her au 12 de septem-
bre 1836.
ART. III.
M. DE LA. SAUSSAYE , secretaire de la societe des scien-
ces et des lettres de la ville de Blois , est prie de vouloir
bien accepter les fonctions de secretaire general de la
4.e session du Gongres scientifique de France,
ART. IV.
M. le secretaire general de la 4.e session est charge :
1 ,° de prendre toutes les mesures qu'il jugera convena-
ble pour assurer la tenue de cette session} 2,° d'indiquer
los secretaires provisoires des sections j 3.° de rediger et
distribuer les lettres de convocation, ainsi que celles
qu'il devra prealablement ecrire aux societe's savantes du
royaume , pour leur demander 1'indication des questions
qu'elles desirent soumettre au Congres ; 4.° de s'enten-
dre avec la societe des sciences et des lettres de Blois ,
pour former un comite preparatoire charge de rediger ,
de concert avec lui , un reglement pour la tenue de la
session , et de faire un choix des questions qui lui seront
adressees.
Le president de la 3.e session ,
3igne DE LA FONTENELLE,
Le secretaire general ,
Signe L. DE GIVENGHY.
COMMISSION PREPARATOIRE
PAR LA SOCIETY DES SCIENCES ET DES LETTRES DE BLOIS ,
DE I/ORGANISATION
DE LA 4." SESSION
DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE.
MM.
BERGEVIN , president de la societe des sciences et des lettres de Blois ,
president du tribunal de premiere instance de la meme ville.
BERTHEREATJ DE LA GIRATJDIERE , president dc la societe royale d'agri-
culture de Loir-et-Cher.
CELLIEZ , docteur en medecinc , membre de la societe des sciences et
des lettres.
COUTEAU , maire de Blois, membre honoraire de la societe des sciences
et des lettres , titulaire de la societe royale d'agriculture..
Du PIESSIS , membre de la societe des sciences et des lettres.
GUERIN D'OGONNIERE , secretaire perpetuel de la societe royale d'agri-
culture.
LAURENT , membre de la societe des sciences et des lettres el de la so-
ciete royale d'agriculture , president du tribunal de commerce.
MARTN DESBROSSES , docteur en medecine , membre de la societe des
sciences et des leltres et de la societe royale d'agriculture.
V11J
MM.
NAUDIN , juge de paix , membrc dc la society des sciences et des iettres
et de la societe royale d'agriculture.
RENOU , membrc de la societe des sciences et des Iettres et de la societe
royale d'agriculture.
RIFFATJLT , adjoint au maire de la \ille de Blois , menibre de la commis-
sion administrative de la societe royale d'agriculture.
Arrete par la societe des sciences ct des Iettres de Blois , dans sa
seance de rcntree du 6 novembre 1835.
Le president de la societe,
Slgne BERGEVIN.
Le seer eta ire,
Slgne L. DE LA SAUSSAYE.
IX
$»•«••••••••«••»•••*•»•••••»««»••»*'•••»«»«*•••••»•«•<>«•• ••«•«••*«
CIRCULAIRE
DU SECRETAIRE GENERAL
DE LA 4.e SESSION
DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE.
« MONSIEUR,,
» Les membresde la 3.e session du Congres scientifique
de France, tenue a-Douai au mois de septembre dernier,
ent decide que la session de 1836 aurait lieu a Blois,
ville centrale, situee dans un pays riche de beautes na-
turelles comme de souvenirs et cle monuments histori-
ques, et dont la position intellectuelle se resume par les
noms de troisde ses enfants , membres du premier corps
savant de 1'Europe*.
»• L' institution des Congres , encore nouvelle parmi
nous, a produit deja des resultats heureux qui ne sau-
raient etre contestes. En transportant sur divers points
de la France des centres mobiles d' action scientifique ,
elle a excite une puissante emulation dans les contrees
qui 1'ont accueillier,et elie Fa communiquee a celles qui
avaient envoye des deputes a ces reunions. Les relations
etablies entre des personnes livrees aux memes etudes ,
* MM. Pa vdessus et Augusti n Thierry, de 1'academie des inscriptions ;
Amcdee Thierry, de 1'academie des sciences morales.
et qui ne se fussent peut-etre jamais rencontrees, lesonC
encouragees a fonder des institutions scientifiques nou-
velles, et leur ont permis d'entreprendre des publica-
tions litteraires independantes de la Capitale. Gelle-ci,
elle-meme, a etc represented au Congres par des hommes
genereux, venus pour applaudir a nos efforts, et tra-
vailler avec desinteressement a l'accomplissement de
notre oeuvre. La province s'est animee d'une vie litte-
raire inconnue jusqu'alors, et les bases de son emanci-
pation intellectuelle ont ete posees.
» Les mots emancipation et decentralisation, pronon-
ces par les Congres, ont semble a quelques esprits le cri-
d'armes d'une sorte de croisade provinciale centre la
suzerainete scientifique et litteraire de Paris. Tel n'a pas
ete le but des fondateurs de 1'institution. La province ne
pent pretendre a renverser cette suzerainete qui fait la
gloire de la France tout entiere , et elle lui paie chaque
jour son tribut en lui envoy ant 1'elite de ses hommes.
Mais cette suprematie reconnue a excite son emulation ;
elle 1'a portee , non a tenter une lutte impuissante , mais
a recbercher si elle ne pourrait se creer une activite qui
lui fut propre et qui fournit a ses travaux des avantages
de position particuliers. La province a pense qu'en lais-
sant a la capitale a resoudre les hautes questions des
sciences speculatives , a formuler les grandes theories
sociales ou politiques, il lui restait d'autres sujets d'e-
tudes qu'il lui appartenait de trailer avec succes. Ainsi ,
qui connaltra mieux que nous les moyens de repandre
dans nos villages les bienfaits de 1'education morale et
de 1'instruction primaire ? Ou seront mieux apprecies
qu'en province les besoins de notre agriculture , les in-
terets commerciaux de nos productions territoriales ?
Le geologue, le botaniste trouveront-ils dans 1'examen
cles echantillons des musees , des sources d' observations
comparables a celles que leur fourniront nos campagnes?
Ou notre histoire locale sera-t-elle mieux etudiee que
sur les monuments d'art epars autour de nous, sur les
manuscrits de nos bibliotheques , dans les chartes de nos
archives?- Que les Congres s'occupent specialement de
tout ce qui se r attache aux interets moraux et materiel s
des departements , et leur tache sera encore assez belle.
C'est la, nous le croyons, le but principal qu'ils devront
se proposer ; le choix des questions pour la session de
cette annee fait deja pressentir cette tendance particu-
liere de leurs travaux.
» Les Congres ont sans dbute encore des ecueils a evi-
t-er, des ameliorations a obtenir; mais ces conditions de
progres sont celles de toute institution nouvelle, et il
serait • injuste de leur demander aujourd'hui ee qui ne
peut etre pour eux que 1'oeuvre du temps, les resultals
de 1'experience. Profondement convaincu de 1'utilite de
Pinstitution , de son influence toute civilisatrice, je viens
aujourd'hui , Monsieur, solliciter avec confiance Tappui
de vos talents et de votre zele pour travailler avec nous
a faire acquerir aux Congres toute I'importance que
leurs debuts leur permettent d'esperer de 1'avenir.
» J'ai 1'Jionneur de vous adresser le programme de la
session de 1836r arrete par la commission d' organisa-
tion que les societes academiques de Blois ont choisie
parmi leurs membres. Je vous prierai de donner a ce pro-
gramme la plus grande publicite par la voie de la presse
locale , ou par les autres moyens qui seront a votre dis-
position»-
» Plusieurs societes savante^de France ont envoye des
questions pour etre soumises a 1'examen du Congres; la
commission en a ecarte ou modifie quelques lines , soit
X1J
parce qu'elles avaient ete traitees dans les sessions pre-
ceclentes, soit parce qu'elles rentraient dans des questions
deja admises. Plusieurs preambules , developpements ou
exemples , destines a faire bien saisir differentes ques-
tions , ont ete supprimes , afin de ne pas donner trop d'e-
tendue au programme; mais tous ces docoanents sont
conserves pour etre communiques aux sections.
» Les questions adoptees par la commission ne doivent
pas fournir exclusivement la matiere des travaux du Gon-
gres; chaque membrede 1'assemblee sera libre d'en pre-
senter de nouvelles , en se soumettant toutefois aux con-
ditions imposees par le reglement.
»Recevez, Monsieur, 1'assurance de ma consideration
la plus distinguee.
» L. DE LA SAUSSAYE. »
XI JJ
•»»*
PROGRAMME
DE LA 4.e SESSION.
Dispositions r&ylementaircs arretfes par le comit& ^organisation de la
4.e session du Congres scientifiyue.
1. La 4.e session du Congres scientifique de France s'ouvrira a Blois
le dimanche 11 septembre, a midi, dans la grande salle du Palais de
Justice.
2. La duree de la session sera de dix jours au plus.
3. conime dans les sessions precedentes , les travaux du Congres se-
ront repartis en six sections.
4. Dans la premiere seance , apres le discours d'ouverture du secre-
taire general , on nommcra le president et les deux vice-presidents du
Congres, qui , avec le secretaire general , composeront le bureau cen-
tral. Les Secretaires provisoires de section , choisis par le comite d'or-
ganisation , inscriront les norns des membres du Congres dans les
sections dontils desireront faire partie. Chacunpourra se faire inscrire
dans plusieurs sections a la fois.
5. II sera adjoint an bureau central un suppleant au secretaire gene-
ral, et un tresorier-archiviste charge dc la comptabilite de la 4.« ses-
sion et du depot des ouvrages dont il sera fait hommage a I'assemblee * .
6. Le president , le vice-president et les deux secretaires de chaque
section seront nommes par les sections memes le lendemain de 1'ou-
verture du Congres.
7. Les sections s'assembleront tons les matins et successivemenl pen-
dant une heure et deniie. L'ordre d'ouverture des seances seraindique
sur une carte particuliere , qui sera remise a chaque membre du Con-
gres.
8. Chaque jour, a trois heures apres midi, il y aura assemblee de
toutes les sections reunies. Le secretaire general lira le pieces verbal
* M. IJBROUX, membre de la societe des sciences et des lettres , a ete cliois? pour se-
cretaire-adjoint 5 et M. GODIN, membre de la menie societe, a etc cliargc des fonc-
tions de tresorier-arcliiviste.
XIV
4e la seance dela veille ; Ics secretaires des seclions donneront lecture
ties proces-verbaux des seances parliculieres lenues dans la matinee.
L'assemblee sera consultee sur les conclusions adoptees par lessee-
lions. On pourra cnsuite entendre des lectures el recevoir des commu-
nicalions verbales-ou autres.
9. Aucune leclure ne sera enlendue en seance generate , qu'elle n'ail
etc approuvee par les sections.
10. Le Congres pourra ordonner ,.. sur la proposilion des seclions
respeclivcs , 1'impression des memoires qui Ini scront presenles.
11. Oulre les queslions el propositions indiquces au programme du
Congres, lousles membres ont le droit de luf en presenter de nou-
velles; mais elles devront elre rormulcespar ecrit et deposees sur le
bureau du Congres , en seance generate. Elles seront examinees le soir
meme par une commission permanente qui jugera si elles peuvent
etre admises. Le resultal de la deliberation sera communique lelende-
niain aux seclions competentes.
12. La commission permanenlesera composee des membres du bu-
reau cenlral , du presidenl el d'un des secretaires de chaque seclion.
15. Pendanl la lenue du Congres , il sera fail des excursions scienti-
fiqncs , et il y aura un concours dfe charmes.
14. Nul ne sera admis a se faire inscrire parmiles membres du Con-
gres , s'il ne juslifie de sa leltve dfc convocation , et ne verse enlre les
mains du tresorier , ou de son delegue , une somme de dix francs. Cha-
que personne inscrite devra signer le reglement; cette adhesion lui
donnera droit a nne carle d'entree el au volume ou sera consigne le
comple-rendu des Irava-nx du Congres.
15. Ce volume sera pubUe par les soins du secrelaire general et des'
secretaires de section.
10. Les personnes qui ne pourraient pas se rendre au Congres sont
invilees «T y envoyer des ni6moires sur les diverses questions conlenucs
au programme.
17. sont convoques de droilau Congres les membres des societes sa-
vanles ,ceux du coypsunivei'silmre , les fonctionnaires superieurs dans
Tordre ecclesiastique , civil ou mililaire , el loutes les personnes qut
ont assiste aux sessions; precedcntes\
18. Avant de se separer, le Congres Gxera la date ct le lieu de la
8.® session , en nommera le secretaire general , et invitera les socicles
savanles de la ville designee a choisir le comile d'brganisalion de la
nouvelle reunion.
19. Toule difliculle , non prevue par les presentes dispositions, sera
portee au comile d'organisalion ou a la commission permanente qui
en decidera.
XV
QUESTIONS
PROPOSEES
POUR CHAQUE SECTION *.
PREMIERE SECTION1.
Jjtefotrt 'naturtlU.
Secretaire provisoire : M. RENOU, membre des societes des sciences et des
lettres et d'agriculture de Blois. **
1 .o Y a-t-il contemporaneite dans les depots de calcaire d'eau douce
posterieurs an calcaire grassier tertiaive , dans le bassin de la Loire ?
2.0 Rechercher s'il serait impossible de creer pour la minuralogie
une classification qui presenlat les avantages des methodes naturelles
suivies en zoologie et en botanique.
3.° Les geologues des provinces centrales de la France sont invites :
— a presenter au Congres de Blois un precis de la geologic du depar-
tement qu'ils babitent ; — a indiquer les decouvertes recentes qui y
ont ete faites , et a dire si parmr les Ibssiles rectieillis ifs'est trouve des
especes rares ou inedites; — a faire connaitre les tenlalives execulees
pour 1'etablissenient de puils artesiens , si elles ont ete couronnees de
succes , et , dans ce cas , quels phenomenes particuliers onl accompa-
gne le jaillissement de Teau.
4.° Existe-t-il dans les animauxun type primitif auquel se rapporteni
plus ou nioiiis toutes les creations de cette grande classe des etres
organises ?
5.0 Descirconstances exterieurespeuvent-elles modifier 1'organisalion
* I>es questions oat et6 cliois*ie!i par le coalite d 'organisation , parmi celles adreisees
par plusieurs societes savautes de France, en reponse a une circulaire du secretaire ge-
neiai , datee du niois de Janvier iu!36.
** Jjcs secretaires provisoires out ete noiunics par le coinilc d'organisation, dans sa
seance du6 aout i836.
XVJ
ties animaux ct des vegetaux an point de changer leuvs caractcres
specifiqucs et nu-ine generiques ?
O.o Est-il bien demontre que le tissu cellulaire des plantes offre un
systeme nerveux analogue a celui des animaux? — Indiquer en quoi
consiste cette analogic physiologique.
7.«'Ya-t-il transformation du tissti cellulaire des plantes en vais-
seanx ,ou les vaisseaux ont-ils, des le premier instant ou ils semani-
festent , une existence individuelle?
8. o Poser les bases ct les conditions d'nne bonne classification des
lichens.
9.° L'opinion des botanistes est-elle arretee sur le mode de forma-
tion des couches ligneuses dans les vegetaux dicotyledons ?
10.° Les exanthemes desvegelaux sont-ils des plantes , ct doivent-
ilsoccuper une place dans une classification naturelle?
11.0 Les bons resultals obtenus des diverses communications faites
aux Congres de Caen, Poitiers et Douai , par les botanistes de ces di-
verses localiles , font desirer qu'un catalogue des plantes propres a la
province au milieu de laquelle se tiendra le Congres, soil public dans
les proces verbaux de ces reunions. Les bolanistes de Blois sont invites a
apportcr a la session de 1836 les elements nccessaires au travail demande.
DEUXIEME SECTICN.
Sericulture, Unbustri* ct Commmr.
Secretaire provisoire : M. Eug. RIFFATJLT, de la societe royale d'agri*
culture de Loir-et-Gher.
1 .o Quels seraient les moyens de lirer le parti le plus avantageux
des terrains communaux ?
2.0 Quels sonl les changemenls opcres dans la sologne, depuis vingt
annees ,tant sous le rapport de la culture des terres que sous ceux de
la plantation des arbres , du detiichement des landes et de Fameliora-
lion des races elcvees dans le pays?
3.0 La prohibition du delriclicment des bois doit-elle etre posee
comme regie ou conime exception ?
4.° La carie des bles est-elle un champignon ou un developpement
morbide de 1'ovaire ? — Quels sont les rapports d'analogie et de dis-
semblance entre la carie , le charbon et la rouille ? — Quels sont les
modes de propagation de ces maladies ? — Quels moyens a-t-on indi-
ques et mis en usage pour les prevenir , ct quels sout les mcilleurs ?
— Quels sont les effets facheux de ces substances , soil sur Fagricttl-
ture , soil sur 1'economie animate ? — Quel est le meilleur moyen
de netoyer le froment tache de carie ?
5.0 Quelle est 1'influcnce de la culture presque exclusive de la vigne
sur les moeurs , les habitudes, la prosperite des habitants d'un pays ?
6.0 La greffe de la vigne est-elle pratiquee dans les vignoblcs dcs
bords dc la Loire ? — Quels avantages presente-t-ellc ?
XVlj
7." Quels developpementsa recus la plantation dcs muriers au nord
<le la chavente? — La soie recueillie entre cettc riviere et la Seine
cst-elle nne recolte qui presente un riche avenir ?
8.0 Des elablissements industrials peuvcnt-ils prosperer dans nn pays
dont la population est incessamment attachee an sol? — Les pays de
fabrique ne sont-ils pas en general des pays de grande culture ?
9.° Quelles sont les consequences de la protection exclusive donnee
par le gouvernemcnt francais, depuis I8i4,a Pindustrie et au com-
merce, au prejudice de I'agriculture qui supporte seule presque toutcs
les charges dc I'impot ?
10." L'iinporlance induslrielle et commerciale du bassin de la Loire
diminuechaquejour; quelles sont les causes de cette diminution, quels
sont les moyens de la faire disparaitre ?
TROISIEME SECTION*.
Sciences Jpljpaiques ft Mfoicaiea.
Secretaire provisoire : M. le docteur DESBROSSES, des societes des
sciences et des lettres et d'agrictilture de Blois.
i.o Quels sont les avantages et les inconvenients du deft ichement des
bois et du dessechement dcs marais sons le rapport de I'agriculture ,
de la metcorologie et de I'economie sociale ?
2.o Les irrigations des prairies onl-elles des inconvenients pour la
salubrite ? — La loi qu'on reclame sur cette matiere doit-elle contcnir
quelques dispositions propres a concilier les interets de 1'agricullnre
avec les exigences de 1'hygiene publique ?
3.° Etablir une classification des etablissements insalubres , plus ra-
lionnelle que celle qui existe.— Indiquer des bases Fixes pour leur auto.
lisa lion .
4.0 Quels seraient les moyens d'uti'iser , sans danger pour la salubrile
publique , les eaux des feculeries et des amidonneries?
5.° Quand on rcmplit entierement un flacon avec de 1'acide sulphy-
drique , qu'on le boucbe et qu'on 1'abandonne a lui ineme , on remar-
que , apres un laps dc temps plusou moinslong, qnele liquide estcom-
pletement inodore, et qu'il existe au fond du flacon un precipite blanc
et ccailleux. Rechercher la cause dc ce phenomene.
6.0 Rechercher si la similitude d'efi'ets chimiques entre les rayons
extremes du spectre solairc et les electricites , positive et negative , ne
pourrait pas conduire a admettre que la lumiere rayonnante n'est que
1'elTet produit par la neutralisation des deux fluides electriques
7.° La force des courants eleclriques qui s'elablissent dans les ac-
tions chimiques-, mesuree parle multiplicateur , ne pourrait-elle pas
devenir le moyen d'expliquer la raison des preferences alomiques,et
1'attraclion moleculaire ne pent elle pas etre rappoitce uniquemciit a
Vetat clectrique des corps qui se combinent ?
XVllj
8.0 La difference dc -capacity pour Ic caloriqne du sang arteriel ct
du sang veineux , la clialeur degagee par I'assimilation et celle pro-
duite par 1'absorplion du gaz oxigene dans 1'acte de la respiration ,
sont-elles les seules causes de la clialeur animale ?
9.o L'ergot d« scigle est-il un champignon , un developpement mor-
bide de 1'ovaire ou une dcgenercscence du grain ?— De quelle maniere
a.git-il sur I'economie animale , specialement pour determiner la gan-
grene des extremites ? — Quelle cst la nature de cette maladie et quel
traitement convient-il de lui opposer ? — Que peut-on faire pour la
prcvenir dans les pays qui , comme la Sologne , produisent beaucoup
d'crgot ?
10.° La march e suivie par le cholera , en France , nous a-t-elle suf-
[isammenl instruits de son mode de propagation , pour que Ton puisse
modifier les lois sanitaires en ce qui le concerne ?
n.° L'organisation du corps medical est-elle susceptible de refor-
me?— Dans le cas d'une reponse affirmative, indiquer sur quelles
bases une reorganisation doit etre etablie.
QUATRIEME SECTION.
ijiatoirc ct
Secretaire provisoire : M. Du PLESSIS , de la societe des sciences et des
lettres de Blois.
i.o La Gaule , avant la conquete des Romains , n'etait-elle pas beau-
coup plus peuplee , plus riche et plus civilisee qu'on ne le suppose ge-
neralement ?
2.° Indiquer les modifications successlves apportees dans les divi-
sions territoriales de la France , depuis les Gaulois jusqu^a nos jours. —
En rechercher les causes et en indiquer les consequences.
s.o Determiner la situation du lieu designe par Cesar comme etant
le siege de la grande assemblee annuelle des Druides.
4.0 Leslieux ou rontrouve le plus de monuments druidiques ne sont-
ils pas aussi ceux ou la religion chretienne a cu ses premiers etablisse-
ments?
5.0 Rechercher Torigine de la fcodaFite. — Determiner les causes et
les epoqucs de ses progres el desa decadence.
6.0 Inviter le congres a jeter les bases d'une statistique du moyen-
Age en France , en arretant une serie de questions qui embrasseraient
lout Fensemble de I'ordre religieux , teodal et communal , et qui pour-
raient etre traitees soil dans leur ensemble , soil par partie.
7.° Determiner la forme du gouvernement a laquelle rAquitaine fut
soumise pendant la domination des Anglais , et quelle fut 1'influence de
cc gouvernemenl sur Fetal social et scienlifique du pays.
8.° Les decouvertes de sepultures anciennes faites sur les bords de la
XIX
Loire ct flans les departemcnts voisins peuveril-elles jeter quelqucslti-
niiercs sur les divers modes d'inhiimalion usites en France depuis les
Gaulois jusqu'a la fin du moy en-age ?
9.° Indiquer les bases d'nn classement des monnaies gauloises sui-
vantl'ordre chronologique et les divisions gcographiqnes.— Recher-
cherle systeme monelaire des Gaulois ou les rapports de lews pieces
entre elles , selon les metaux et lespoids.
10.0 plusieurs fails semblenl prouver que les armees romaines
avaient a leur suite des ateliers monetaircs ambulants; rechercher les
fails nouveaux qui pourraient venira t'appui dc cette conjecture,
n.o A quelle epoque les r-ois de la premiere race ontils commence a
battre monnaie , soil avec leur nom , soil avec celui des monetaires ?
12.° Pourquoi trouve-t-on si pen de monnaies d'argent de la premere
race , et de monnaies d'or de la deuxieme ?
13.° Rechercher la signification du type particulier aux monnaies ba-
ronales du Pays-Chartrain.
14.0 Quelle cstla veritable signification du mot lesant dans notre his-
toire monetaire ? — Est-ce une monnaie speciale ou le nom generique
decertaines monnaies? — Quelle cst 1'origine de ce mot et la valeur
qu'il represente a diverses epoques?
4S.o Inviter le Gongres a provoquer la confection de bibliographies
locales et a donner 1'histoire 4e rimprimeiie dans les diverses localites.
CINQUIEME SECTION.
rts , Citteroture tt f
Secretaire provisoire : M. DE RECY , de la societe des sciences et des
lettres de Blois.
l.o Quelles cireonslances sont les plus favorablcs a 1'art , celui-ci
etant distingu6 du genie ? — Si on suppose que le genie est de tons les
temps , alors les differences remarquees enlre les oeuvres de diverses
epoques ne tiendraient-elles pas a I'etat plus ou moins florissant de
1'art ? Qu'est-cc qui constitue dans les oeuvres de 1 'esprit ce qu'on nom-
me art naissant , art florissant , art en decadence ?
2.0 En etudiant les diflerents edifices de la France , et tenant compte
des sieges divers qu'a eus en dilferents siecles la puissance soit royale ,
soitreligieuse , soitprinciere , ou provinciate, ne peut-on pas determi-
ner la marche des arts ?
3.0 En architecture , lequel/du style ogival , dit gothique flenri C 1^40
a 1497 ) , ou du style de la renaissance C de Louis Xil a Francois II ) ,
parait le plus propre a orner nos demeures soit urbaines , soit rurales ?
4.o Quels renseignements peut on tirer sur Tetat de I'instrumentation
aux differenls siecles du moyen-age , et surtout au Xll.e, des bas-reliefs
reprcsentant des instruments de musique dans les eglises de la France
XX
centrale ? — Lcs chroniques de la meme region donnent-elles quel-
ques lumieres sur 1'etat du chant a la meme epoque dans les abbaycs ?
5.o L'influence qu'excrca la chute de Constantinople, ail XV.e siecle,
n'a-t elle pas empeche le developpement de notre litterature nationale?
G.o Examiner les projets concus pour le soutien de notre scene dra-
matique. — Signaler leurs avantages et leurs inconvenients.
7.° Indiquer les bases de recherches methodiques sur les langues et
les patois , recherches a taire par zones ou rayons , de maniere a veri-
fier si Ton ne peutsuivre la transrormalion des langues de meme origine
dans les substitutions de lettres amenees par la prononciation.
8.° Determiner exactement les limites tcrritoviales de la Lanyue-
d'Oil etde laLanyue-d'Oc.
SIXIEME SECTION.
Sciences JRorolcs , (Eroitomtques et Cfgblatiors.
Secretaire provisoire : M. ALP. LAURENT , des societes des sciences et dcs
lettres et d'agriculture de Blois.
i .° Rechercher quelle fut , des les premiers siecles , Tinfluence du
Christianisme sur la condition des esclaves , et quelle part il a eu dans
I'abolilicn de 1'esclavage ?
2.° Quelle est 1'influence des voies de communication sur la civili-
sation des pen pies ?
3.° Qu'entend-on par libertt de I'enseigncmentl Cette liberte s'appli-
quc-t-elle aux hommes , aux doctrines on aux methodes?
4.0 Quels seraient les moyens de procurer a Tinstruction universi-
tairc de France la consideration dont jouit en Allemagne et en Angle-
tcrre le corps enseignant, et de la mettre en etatde rendre tous les ser-
vices qui sont dans sa nature ?
5.° Ne serait-il pas ulile d'etablir par Academic, dans les departe-
ments , des concours generaux semblables a ceux qui ont lieu entre Ics
eleves des colleges de Paris?
6.0 Quels inconvenients ont du determiner Tassemblee constituante
a 1'abolition de la venalitedes charges? — Quelles considerations
ontpu determiner en 1816, a ctablir cette venalite a 1'egard de cer-
taines charges ? — Dans quelle progression le prix de ces charges s'est-
il eleve ? — Quels inconvenients en resultent ils deja , et quels dans
1'avenir ? — La saine politique , ou en d'autres termes.la morale et
1'interet public, ne proscrivent-ils pas cette venalite ? — Par quelles me-
sures transiloires tenir compte dcs fails accomplis et des intcrels en-
gages ?
7.° Quelles sont les causes dc 1'augmentation progressive des enfants
exposes ? — Quels sont les remedes moraux a apporler a cette plaie
publique ?— Quels sont les moyens que la socicte peut tenter pour dimi-
nuer les depenses qu'ellc occasionne ?
xxj
8.0 Quels avnntages peuton retirer de 1'introduction du systemep6-
nitentiaire en France ? — Gette introduction devrait-elle etre faite d'un
seul trait , ou bien doit-elle etre progressive ?
9.° Peut-on citer un pays ou les colonies agricoles aient assez bien
reussi pour essay er ce moyen en France , avec 1'espoir d'y detruire la
mendicite ?
10." indiqner les moyens d'arrivcr a une egale repartition de Tim-
pot Ibncier entre tons les departements de la France?
ii.° La fixation de 1'interet de 1'argent doit-elle , a toutcs les epoques
de civilisation d'un peuple , etre abandonnee a la volonte de 1'emprun-
tcur ct du prOteur ? — La loi du 3 septembre 1807 , qui fixe 1'inleret de
1'argent a 5 p. 100 en maliere civile , et a 6 p. 100 en matiere commcr-
ciale , devrait-elle etre abrogee ?
12.0 Quels sont les vices du regime hypothecate etabli par le code
civil, litre xvin , livre 5? — Est-il urgent, dans 1'interet du credit,
d'y remedier? — Dans le cas ou cette question serait resolue affirmati-
vemenl , le Congres est invite aindiquer les ameliorations a introduire
dansle regime hypothecate.
I3.o mviterle Congres a s'occuper chaque annee d'une enquetesur
1'etat moral, seienlifique , industriel et commercial du pays ou se
tiendra la reunion. — Les membres du Congres, habitant le departe-
mentcle Loir-et-Gher et les six departements qui I'entourent, sont in-
vites a apporter a la session de 1836 les elements necessaires a 1'enquete
• demandee.
I4.o Apprecier I'influence qu'onl cue les resolutions adoptees dans
les Irois premieres sessions du Congres scientifique de France. — Jn-
diquer notamment les mesures prises par le gouvernement en confor-
mite d ?s voeux exprimes dans telle ou telle session.
XXlj
*®«
SEANCE D'OUVERTURE
DE LA 4.e SESSION
DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE.
LE dimanche 1 1 septembre 1 836 , amidi, plus de cent
personnes sont reunies dans la salle des assises du palais
de justice de Blois.
Sur le refus de M. Cauvin , le plus age des membres
presents, M Lair, conseiller de prefecture du Calvados,
secretaire perpetuel de la societe royale d'agriculture de
Caen , est appele a la presidence d'age. A ses cotes pren-
nent place MM. Jullien , de Paris, et le comtede Vibraye,
en qualite de scrutateurs. M. de la Saussaye, secretaire
general du Congres, M. A. Leroux, secretaire-adjoint, et
M. Godin, tresorier-archiviste , completent le bureau.
M. le president d'age , apres avoir declare la seance
ouverte, donne la parole a M. de la Saussaye , qui pro-
nonce 1'allocution suivante :
Messieurs ,
Blois, \ille de calme, de monuments et de souvenirs, a ete choisie
1'an dernier pour le siege de la 4.e session du Congres scientifique de
France. Seul representant de notre cite a la 3.e session , possesseur
des traditions des Congres precedents , je n'ai pu eviter d'etre appele a
preparer la reunion future. TJne resistance dans laquelle il n'entrait au-
cune arriere pensee , aucune fausse modestie , dut ceder aux instances
bienveillantes de mes collegues. J'aurais pourtant su resister a des prieres
xxiij
dictees par un sentiment (^indulgence toute particuliere , si je n'avais re-
flechi aux avantages qu'ofl'rirait une reunion, de la nature de la notre , dans
un pays a mocurs donees et polies, a reputation d'urbanite et de bon ac-
cueil; si je n' avals espere d'etre seconde par les societes savantes du Ble-
sois. Ce bon accueil, voi;s 1'avez accorde an Congres , j'ai obtenu le con-
cours et les conseils que je demandais et ils ont etc mes seuls guides. Je
dcvais commencer par en exprimer mes remerciements , et aussi par pre-
senter, en quelque sorte , mes excuses de la position qui m'a etc donnee.
Avant de remettre la direction de la session entre les mains du presi-
dent que \ous allcz elire , je dois chercher a faire connaitre 1'institution
des Congres dans le pays qui lui donne aujourd'hui 1'hospitalite , a indi-
quer le but de scs travaux,les rcsultats que la societe a le droit d'en atten-
<lre , ce que Ton doit esperer des personnes qui prendront part cette annee
a nos reunions. Je serai bref, ce que je veux dire ne doit point avoir la pre-
tention d'un discours, et ne cherchera nullement a depasser la portee d'une
simple allocution.
Depuis vingt annees la paix dont jouit la France a puissamment contn-
bue a repandre rinstruction et le gout de Petude parmi tons. La province,
long-temps rcstee en arriere, s'est eprise d'une noble emulation, et si les
travaux qu'elle a produils ont eu peu de reteutissemcnt , c'est qu'elle n'a
pu vaincre d'anciennes preventions , c'est que les hommes qui s'elevaient
n'etaient pas accueilhs par la capitate, seule en possession de decerner des
couronrtes, et force leur eiait done d'y aller chercher la reputation quileur
etait refusee. Les Congres parurcnt chez une nation voisine ; cette institu-
tion t'ut bientot developpee , fccondee chez nous par M. de Caumont , qui
vit de suite que si clle etait bien comprise, elle pouvait changer complete-
mcnt de face la position intellectuelle de la province.
En effet , les Congres , non seulement fournissent un public eclaire aux
hommes delettrcsdes departements, des encouragements a leurs productions ;
muis , en outre , ils font gouter les avantages de la science a une multitude de
personnes que leur education ou des etudes preliminaires mettent en etat de
la comprendre, mais qui ne s'en fussent peut-etre jamais occupees , si i'inleret
des discussions scientifiqties , r emulation qu'elles excitent en elles, ne leur
cut revele une aptitude et unmcrite qu'elles ne se rcronnaissaicnt pas elles-
XXIV
memes. Beaucoup de savants modestcs peuvent ainsi etrc connus , appre-
cies, qui fnsscnt rcstcs ignores a tcujonrs sans 1'institution des Congrcs.
Quel obstacle pour la production d'ouvrages importants , que 1'isolement
dans lequel se trouvent les uns des autres les hommes livres dans les
provinces aux memes etudes ? Eh ! bien , les Congrcs minis-sent ces hom-
mes , Icur procurent cet echange d'avis , de conseils, ces catiscries intimes
<jue ne pent remplacer la correspondance la plus suivie.
De nouvelles vocations sclent ifrques et litteraires surgissent du sein des
Congrcs, le nombre des persomies livrees a 1'etude s'augmente , le gout des
arts se repand; des bibliotheques, des musees , des academies doivent leur
fondation au passage d'un Congres. Ainsi se creent pour les savants de la
province cet ensemble de causes stimulantes auquel les Parisiens doivent
cet etat perpetuel d'exaltation , si favorable aux hommes qui selivrent aiix
travaux intellectuels.
Je pourrais parler de I'influence des resolutions du Congres sur des
mesures adoptees par le gouvernement, et qui sont trop bien d'accord avec
les vceux exprimes dans les sessions precedentes , pour ne pas croire qu'il
n'ait eut 1'intention d'y repondre. Car nul doute que toute vue genereuse,
toute amelioration utile, proclamce par des reunions d'hommes eelaires,
ri'aient assez de retentissement pour evciller 1'attenlion du pouvoir et en
obtenir satisfaction. Mais cetle question est 1'uiie de cellc a 1'ordre du jour
de la sixieme section; il lui appartient de la trailer completement par le
conconrs de tons les membres qui la composeront.
Un des bienfaits les plus grands de notre institution, et qui lui donne
line action vcritablement civilisatriee , c'est qu'elle reunit par les liens
d'une bicnveillante confraternite des hommes des opinions les plus oppo-
sces, qu'elle leur apprend a se connaitre, a s'estimer, a &'eclairer mutuel-
lement dans des discussions toutcs pacifiques, et qu'elle les amene a s'en-
tendre ensemble sur un terrain neutre , a se tcudre la main a 1'ombre
d'une banniere comnnme, celle de la science.
Serait-il permis d'esperer que de ce contact, de cefrottement d'opinions
diverses, conduisant a tant de concessions mutuelles dans les Congres, il
resullat un jour une bonne harmonic universelle qui amenat enfm a
mettre avant la cause des partis celle de la civilisation ? Tant dc bonheur
XXV
ne leur est pas reserve peut-etre ; mais une institution qui pourrait porter
do pareils fruits n'a-t-elle pas droit a quelques eloges? Ne les meriterait-elle
pas , quand meme de notre temps ou les passions politiques , les discus-
sions orageuses des theories gouvernementales , remplacent les discordes ci-
viles et les guerres continuelles du moyeu age , elle n'assurerait que mo-
mentanement des jours de paix et d'union qui enferaient une sortede Treve
de Dleu des temps modernes ?
C'est ce que nous devons attendre de vous, hommes d'opinions, de rangs
et de positions divers, reunis dans cette enceinte, ou ne seront reconnues
d'autres distinctions que celles qu'y donneront la puissance du merite ,
1'autorite de la science. Que le concours de chacun soil apporte a e viler
les questions irritantes , a ne pas oublier que tout doit etre ramene au
point de vue scientifique , Ihteraire , ou civilisatetir, seul nioyeu de faire
sortir quelque bien de la session qui nous rassemble.
LesCongres, encore nouveaux, ont besoin de graudir; lecalme, la bonne
foi dans les discussions, la bonne harmonic entre nous tous, soront les veri-
tables conditions du succcs ; et nous pourrous alors repondre par des faits
aux declamations de quelques esprits contre une institution qui n'a pu
encore etre jugee convenablement , faute d'etre bien connue. Ce but ne
pent meme etre completement atteint que lorsque les Congrcs auront port ;
leur action sur les divers points de la France entiere.
Felicitous notre pays d'avoir etc 1'un des premiers appeles a les rece-
voir, 1'un des premiers a les juger, a en apprccier ies resultals. Aujour-
d'hui la vieille ville aux Etats politiques , voit la science y tenir les siens ;
assemblee deliberative sans autre pouvoir executif que 1'opinion pour don-
ner force de loi a ses decisions , Etats tout de savoir ct de paix , reunis la
meme ou siegerent les assemblees a querelles sanglantes ; embleme de la
civilisation des temps modernes victorieuse de la barbaric du moyen age.
M. le secretaire general fait ensuite 1'appel nominal
des 149 membres inscrits ; 103 repondent a 1'appel.
M. le president d age annonce qu'on va proceder a la
nomination d'un president et de deux vice-presidents.
Cette nomination se fera au scrutin et a la majorite ab-
solue des suffrages.
XXVJ
On passe au scrutin pour 1'election du president. Du
depouillement des votes, 11 resulte que sur 103 votants,
M. de la Place, ancien premier president de la cour
royale d'Orleans , et president de la societe academique
de la meme ville, a obtenu 73 suffrages. Les autres voix
se sont reparties sur MM. de Caumont , Gaillard , le
prince de Chimay, et Jullien, de Paris.
M. de la Place est proclame president du Congres pour
la 4.e session.
On precede ensuite a la nomination des deux vice-
presidents; 107 personnes prennent part au scrutin.
M. Bergevin, president du tribunal civil de Blois et de
la societe academique de cette ville, obtient 55 suffra-
ges , M, Emm. Gaillard 43 ; d'autres voix sont partagees
entre MM. de Gaumont, Jullien, de Paris, Lair, le prince
de Chimay.
M. Bergevin a seul obtenu la majorite absolue ; il est
proclame premier vice-president du Congres.
M. Hunault de la Pelterie ( d' Angers) demande que
sans qu'il soit besoin de recourir a un nouveau tour de
scrutin , 1'assemblee confirme la majorite relative qu'a
obtenue M. Emm. Gaillard.
Cette proposition est adoptee, et M. Emm. Gaillard,
secretaire perpetuel de 1'academie de Rouen , est proclame
second vice-president.
M. le president d'age invite les membres du bureau
definitif a prendre place aux fauteuils.
M. de la Place adresse a 1'assemblee des remerciements
pour le temoignage de bienveillance qu'elle vient de lui
accorder. II avertit ensuite les membres du Congres
qu'ils aient a se faire inscrire dans celles des sections
qu il letir conviendra de choisir.
M. le docteur Hunault de la Pelterie demande, a cette
XXV1J
occasion , que Ton tlistraie de la troisieme section , elite
des sciences physiques et medicates, la partie relative aux
sciences physiques, pour la reporter a la premiere sec-
tion ( Histoire naturelle ).
Apres quelques explications de M. de la Saussaye,
cette proposition est adoptee.
MM. les secretaires provisoires de chaque section
precedent aux inscriptions respectives.
M. le secretaire general donne connaissance al'assem-
blee de 1'ordre du jour suivant :
ORDRE DU JOUR DES TRAVAUX DE LA SESSION.
Tous les jours , a partir du lundi , seance generale , a 3 heures , dans
la salle des assises.
Heures des seances des sections.
La I.rc SECTION, Histoire naturelle, tiendra ses seances partictilieres ,
de sept heures a huit heures et demie du matin, dans la salle du tribunal
de commerce.
La II. e SECTION, Agriculture, Industrie et Commerce, tiendra ses
seances, de neuf heures a dix heures et demie, dans la chambre des jures.
La III.6 SECTION, Sciences physiques et medicales, tiendra ses seances,
de midi et demi a deux heures, dans la chambre des jures.
La IV.e SECTION , Histoire et Archeologie , tiendra ses seances , de dix
heures et demie a midi , dans la salle des audiences chiles.
La V.e SECTION, Litterature , Beaux- Arts et Philologie, tiendra ses
seances , de onze heures et demie a une heure , dans la salle du tribunal
de commerce.
La YI.e SECTION, Sciences morales, economiques et legislatives, tien-
dra ses seances , de sept heures et demie du matiu a ncuf heures , dans la
salle des audiences civiles.
XXV11J
La seance publique de la Soclete des Sciences et des Lettres de Blots,
aura lieu le lundi 1 2 septembre , a une heure apres midi , dans la grande
salle de la Bibliotheque communale.
Une promenade archeologique aura lieu le mercredi , a une heure qui
sera determinee par la IV. e section.
La Societe Francaise pour la conservation et la description des monu-
ments historiques , tiendra ses seances annuelles les jeudi et vendredi , de
six heures du soir a dix heures , a la Bibliotheque communale.
Une excursion scientifique sera faite le samedi; 1'heure du depart et
Pitineraire seront indiques par la I.re section.
Le lundi, 19 septembre, aura lieu le concours de charrues et autres ins-
truments d'economie agricole, pres de la promenade des Alices, a sept
heures du matin.
TRAYAUX
DBS SECTIONS,
PREMIERE SECTION.
Jll)g$u)ue0 rt ttaturdlro.
Seance du lundi 12 septembre 1836.
Presidence de M. CAUVIN ( du Mans), doyen d'dge, et ensuite de
M, le docteur ROBERT ON (d'Edimlourg).
A sept heures et demie , la section des sciences physi-
ques et naturelles se reunit dans la salle du tribunal de
commerce. M. Cauvin , doyen d'age , occupe le fauteuil.
On precede immediatement a la nomination du bureau.
M. le docteur Roberton , ayant obteriu la majorite des
2 PREMIERE SECTION.
suffrages, est proclame president ; MM. le comte deMont-
livault (de Tours), et 1'abbe Lefrou, cure de Cour-Che-
verny, sont nommes vice-presidents ; M. Renou (de Blois),
secretaire provisoire, est maintenu par les membres de la
section ; M. le comte de Vibraye (de Cheverny) est nom-
me en la meme qualite.La reunion des sciences physiques
et des sciences naturelles ayant necessite la nomination
d'un troisieme secretaire, M. de Yilliers (de Chartres)
est designe par le scrutin comme devant en remplir les
fonctions.
Plusieurs questions du programme sont ajournees, la
section desirant attendre, pour les mettre en discussion,
1'arrivee de quelques membres absents qui ont annonce
1'intention de prendre part aux debats.
II est donne lecture de 1'article 1 1 du programe.
M.me Cairvin (du Mans) annonce a la premiere section
une cryptogame trouvee par elle dans le departement
de la Sarthe, et que, malgre Tanalogie des deux depar-
tements, celui de Loir-et-Gher ne possede pas, ou quidu
moins n'y a pas encore ete decouverte.
M. de Villiers observe que d'apres les articles 3 et 1 1 des
questions soumises a la 1 .re section, les geologues des pro-
vinces centrales de la France sont invites a presenter au
Congres de Blois un precis de la geologic du departement
qu'ilshabitent, et qu'un catalogue des plantes propres a
la province au milieu de laquelle se tient le Congres est
reclame des botanistes qui habitent ce departement. 11
reclame en faveur de 1'entomologie une mesure qu'il
desire voir s'etendre a toutes les branches de 1'histoire
PREMIERE SECTION. 3
naturelle. Nous n'avons, dit-il, en France, aucun ou-
vrage special embrassant avec quelque detail les pro-
ductions de la France tout entiere. Quelques departe-
ments font seuls exception. II serait a desirer que, durant
le cours de la prochaine session du Congres, chaque
province envoyat une nomenclature detaillee de toutes
les productions naturelles qu'elle renferme.
L'heure etant avancee , la seance est levee. La section
renvoie la discussion de la proposition a 1'une des pro-
chaines seances.
Seance du mardi 12 octobre 1836,
P residence de M. le docteur ROBERT ON.
La seance est ouverte par une reclamation deM. Emm.
Gaillard. II nuirait , dit-il , a la consideration du Con-
gres d'avancer un fait materiellement faux; tel serait
celui qui nierait 1'existence en France de materiaux pro-
pres a former une statistique complete des productions
naturelles de plusieurs d'entre nos departements. Pour
son compte, il pourrait citer plusieurs Flores dela Nor-
mandie, et 1'histoire naturelle de M. Cheinon, ouvrage
dont 1'academie de Rouen a su reconnaitre tout le me-
rite , puisqu'a son occasion elle s'est empressee d'en ad-
mettre 1'auteur au nombre de ses membres correspon-
dants.
M. le docteur Hunault delaPelterie (d' Angers) cite
une Faune de Maine-et-Loire , par M. Millet,- cet ouvrage
renferme des notes sur la zoologie de ce departememv
4 PREMIERE SECTION.
11 rnentionne egalement la Flore de M. Devaux, et la
Statistique publiee par 1' academic d' Angers , ou toutes
les branches de 1'histoire naturelle sont developpees.
M.me Cauvin rappelle les Flores de MM. Guepin , de
la Boulaye, de Bastard; les Herborisations de M. Merle ,
publiees a Angers par M. David Laroche, et enrichies de
notes sur la mineralogie par M. Mainard de la Croix.
L'ordre du jour appelle une question renvoyee par le
Congres de Douai, sur les moyens les plus propres a
etablir une sorte de Statistique agricole de la France.
M. de Caumont (de Caen) prend la parole :
Messieurs, dans les departements que j'ai le plus specialement observes,
les regions naturelles ou agronomiques correspondent toutes aux regions
naturelles et geologiques. L'on ne pourra jamais trouver de circonscriptions
exactes entre les regions , avant d' avoir trace sur une carte 1'etendue de
chacune des series de couches calcaires, argileuses, quartzeuses, etc.,
qui forment la base des terrains de telle ou telle region. Par exemple , les
departements du Calvados et de 1'Orne offrent quatre grandes regions na-
turelles tellement distinctes , tellement opposees d'aspect , que le voyageur
le plus indifferen* est frappe de leur dissemblance. Ces quatre grandes
regions recoivent des quatre grandes series de roches qui les composent
des proprietes distinctes. Ainsi, dans la craie, on trouve des cbamps plus
ou moins propres aux cereales , et lorsque raccumulation des silex brises
enlrave la culture , on y rencontre de& bois et des forets.
Dans la zone des marnes argileuses , appartenant aux terrains jurassi-
ques superieurs, on trouve des paturages. Les herbages si reputes de la
vallee d'Auge reposent sur ce sol.
Dans la grande oolithe, dans les couches calcaires et permeables, on
cultive les cereales presqu'exclusivement. II y a pen d'exemples de bois
dans ces formations. Dans la vaste region des roches a couches inclinees ,
au contraire , dans les granites , les schistes et les gres anciens , on observe
differents genres de culture et un grand nombre de parties boisees. Si Ton
compare les assolements usites dans chacune de ces regions , on remarqtie
leur identite dans les formations identiques, leur difference lorsque les
regions different. Aiusi , dans la zone argileusc , les amendemcuts calcaires
PREMIERE SECTION. 5
ou siliceux sont employes avec avantage; dans certaines regions calcaires
et arides , les amendements argileux , au contraire , produisent les plus
heureux effets. En un mot, les modes de culture etant subordonnes a la
nature du terrain , la nature du terrain dependant de la nature des ro-
chers , on ne pourra tracer exactement une geographic agricole , et par
suite une statistique agricole de la France , qu'apres avoir jete les bases
sur lesquelles on pourra fixer les limites exactes des regions naturelles ou
geologiques.
La discussion de cette importante question amene
M. Cauvin a parler de la carte geologique du departe-
ment de la Sarthe. M. de Caumont et lui s'accordent a
reconnaitre le talent remarquable qui preside a cette
publication de M. Trige. Trente-deux feuilles pour un
seul departement, c'est un modelede perfection. Tout y
est indique , j usque dans les plus minutieux details; une
maison , un arbre nierae , lorsqu'ils indiquent la limite
d'une formation , y sont reproduits.
M. Hunault de la Pelterie demande quel serait le plus
avantageux, d' avoir une carte generate telle qu'elle est
entreprise par le gouvernement , ou bien de posse'der une
carte speciale pour chaque departement ?
Le gouvernement, repond M. de Caumont, a deja
senti le besoin de ces cartes geologiques partielles. II
cite, d'apres M. Cordier, trente-deux cartes semblables
deja commencees par les ingenieurs, mais dont jusqu'a
present il n'existe que douze entierement achevees. II
faudrait, ajoute M. de Caumont, demander dans ce tra-
vail une application de la geologic agricole.
M. Chevereau ( d'Evreux ) cite 1'ouvrage de M. Passy ,
sur le departement de 1'Eure, comme redige dans ce but.
M. Hunault de la Pelterie presente a la l.re section et
6 PREMIERE SECTION.
soumet a son cxamen deux echantillons dim mineral
qu'il croit cle formation recente et comme instantanee ,
trouves dans les greves de la Loire , entre le Pont-de-Ce
et Sainte-Gemme ( Maine-et-Loire ). Apres avoir rend u
compte de la maniere dont s'opere cette formation sous
Faction des eaux du fleuve et du soleil , M. Hunault de
la Pelterie dit que 1'analyse chimique a fait connaitre
comme principes constituants de ce mineral, la silice,
des parties terreuses et solubles, le sable ferrugineux, le
titane , le mica et des sels de chaux appartenant a des
debris plus ou moins visibles de coquillages.
M. Hunault de la Pelterie a fait avec les parties ferru-
gineuses qu'ils renferment en assez grand nombre , en
les traitant par 1'hydrocianate de potasse, du bleu de
Prusse de la plus belle qualite, et en fragments assez
considerables. Cette formation, opere'e pour ainsi dire
sous ses yeux , lui semble de la plus baute importance
pour mettre sur la voie d'une foule de formations qu'on
pourrait croire aussi beaucoupplus anciennes qu'ellesne
le sont reellement.
3VI.me Cauvin presente un Essai sur la geographic des
plantes. Dans cet ouvrage, elle etablit la difference des
plantes qui vivent sur un sol priniitif , comme a Pontivy,
par exemple , et celles qui sont implantees sur le gres
vert, aux environs du Mans, qui en different essentiel-
lement j celles- ci se rencontrent, il est vrai, dans les re-
gions granitiques du Morbihan, voisines de 1'Ocean ;
mais elle attribue leur vegetation sur ce sol primitif ,
a la presence de la mer et aussi aux debris organiques
PREMIERE SECTION. 7
rejetes sur ses bords; M.me Gauvin depose son mernoire,
en invitant les botanistes presents a en prendre commu-
nication. Elle offre ensuite au Congres environ 1 200 cryp-
togames du departement de la Sarthe et 500 autres de
diverses localites. Parmi ces plantes on remarque :
Le Pelt aria alliaria , que Duby avait cm devoir suppri-
mer de la Flore francaise, n'etant originaire que du Pie-
mont. Gette plante est naturalisee depuis plus de 40 ans au
moins ; on la trouve sur un mur au tertre Saint-Laurent.
Le Peligonum laxijlorum n'est pas dans la Flore fran-
caise. II a ete trouve la premiere fois en Normandie , et
M. de Brebisson 1'a decrit dans sa Flore. M.me Cauvin Fa
recueilli au Mans, a Poitiers, a Tours, a Alencon,
M.me Cauvin appelle encore 1'attention des naturalistes
sur la premiere section du genre primula. M. de Can-
dolle en donne trois especes et une variete , M. Duby
supprime cette variete , la plus belle cle la section ( Var.
umbellifera du Primula grand/flora ). M.me Cauvin pre-
sente au Congres toutes ces varietes :
Le Primula grandiflora , commun dans les bois et les
pres entoures de bois.
La variete wnbellijera , commune au Mans parmi
1'espece a laquelle elle appartient.
Le Primula officinalis, commun dans le Maine et la
Normandie , inconnu en Basse-Bretagne.
Le Primula elatior, dont la corolle jaune pale est
egale a celle du Primula officinal is ; ses fleurs a pedicules
courts sont penches, les tubes de la corolle tres longs ,
le calice presque plisse et applique sur le tube.
8 PREMIERE SECTION.
M.me Cauvin presente encore clix especes d'Oroban-
che ; elle offre en outre , au nom de M. Diard, naturaliste
a Saint-Calais , \Anetum segetum ; il n'est pas mentionne
dans la Flore francaise, et cependant il croit spontane-
menta Saint-Calais.
M. Hunault de la Pelterie voudrait que le Congres
adressat a M. le maire de la ville de Blois une demande
afiii d'obtenir un local ou Ton put deposer les objets
d'histoire naturelle offerts au Congres, et devant servir
a fonder , pour la ville , le commencement d'un museum
d'histoire naturelle.
Une commission, composee de MM. Roberton, Pratt
(de Londres), de Caumont et de Vibraye , est chargee
d' examiner des echantillons mineralogiques et geologi-
ques deposes sur le bureau par M. Helie Dru ( de Par-
then ay), et d'en faire un rapport a la section. L'ordre
du jour est epuise, la seance est levee.
Seance du mercredi 14 septembre 1836.
P residence de M. le docteur ROBERTON.
M. le president communique a la section le catalogue
manuscrit des plantes observees dans le canton de
Saint- Aignan, et dont le nombre s'eleve a 915, par
MM. Alonzo Pean et Chariot.
M. Pean prend la parole et lit, au nom de M. Chariot,
ainsi qu'au sien propre , la notice qui precede ce catalo-
gue, et que nous reproduisons textuel lenient, d'apres le
voeu de la section.
PREMIERE SECTION. <K
£)»••••«»•»•««•«»*•*»••«»»• ** t««**««« •••«•••• «•»•»•»•»•»«••»«•• »• ««f)
NOTICE
SUR IX.
'
CANTON DE SAINT-AIGNAN ,
PAR
JttiJl. 3U0tt}0 |)fon, propwtatre, et Ctyattoi, pljarmarint.
LA nature geologique des terrains , le deboisement et certaines cir-
constances climatologiques exercant une grande influence sur la ve-
getation d'une contree ; d'un autre cote , 1'agriculture et Pindustrie horti-
cole naturalisant chaque jour une foule d'especes exotiques, nous avons
cru utile de faire preceder notre nomenclature d'une notice sur la nature
du pays que nous avons explore , et sur 1'ensemble de la vegetation. Ce
sera, nous aimons a le penser, un point de depart profitable pour la
science, un jalon ou, dans 1'avenir, ceux qui s'occuperont ici d'histoire
naturelle pourront, plus heureux que nous, reconnaitre les changements
amenes par le travail des hommes et par Faction continuelle des pheno-
menes de la nature. Nous avons etc, d'ailleurs, d'autant plus portes a
entreprendre ce travail , fruit de longues observations , qu'il devait nous
amener forcement a trailer quelques unes des questions dont la solution est
dernandee par le Congres ; et il est telle de ces questions , celle du deboi-
sement par exemple, qui interesse ati plus haul degre 1'aveuir de notre
pays.
CANTON DE SAUffT-AIGNABJ.
Le canton de Saint- Aignan , qui forme la limite meridionale du depar-
terneut de Loir-et-Cher, est traverse par le Cher de I'est a 1'ouest; il no
forme point une region naturelle; il doit, au contraire, a sa position ex-
treme de s'etendre sur trois regions distinctes : le Berry au midi, la
Sologne au nord, et la vallee du Cber au centre. Nous allons parcourir
successivement chacune de ces divisions de iiotre sol.
3
10 PREMIERE SECTION.
VALLEE DU CHER.
La vallee du Cher, bornce au sud et an nord par une chaiiie de colliries
calcaires, est un sol d'alluviou silico-argileux , arenace, mele, ca et la, de
debris calcaires. Abritee au nord par une ancienne foret, et largement
ouverte , vers 1'ouest , a 1'influence du climat maritime , elle jouit d'une
temperature moins variable que les deux autres regions du canton. Aussi
la vegetation s'y developpe-t-elle plus vigoureusemcnt et de meilleure
lieurc. Elle abonde en primeurs. Certaines plantes , filles d'une tempera-
ture plus meridionale, tendent a s'y aeclimater; d'autres , originaires de
cette zone, y prennent un accroissement extraordinaire. Le stachys pa-
InstriS) par exemple, y acquiert, en certains endroits , une telle vigueur,
que nous avons cru devoir en faire une variete particuliere. L'acacia, ro-
bln'ia pseudo-acacia; le buisson ardent, cratcegus pyracantha; le lilas ,
seringa wdgaris , s'y reproduisent naturellement au long de quelques che-
mins. Le cognassier , pyrus cydonia , y forme des baies entieres ; Yepilo-
Iriitm montanum, Y helianthcmum apenninum, le cystus guttatus , s'y
renoontrent frequemment. Dans les parties entierement sablonneuses , du
cote de Noyers , la vigne donne des produits estimes ; les pecbes sont un
objet d'exploitation lucrative , et les cerisiers , les amandiers et les noyers
se multiplient avec une prodigieuse facilite *.
La flore de cette vallee a aussi ses singularites. Ainsi la spiraea fili-
pendula s'y trouve circonscrite a un si petit espace de terrain , qu'il est a
craindre que le moindre defricbement ne la fasse disparaitre entierement ,
et F immense remuement de terres occasionne par le canal du Berry a fait
eclore tout-a-coup en abondance le sysimbrium trio et Vanthemis mixta,
la ou ils etaient inconnus auparavant.
SOZ.OGNE.
Notre portion de Sologne est formee presque partout d'un terrain ter-
tiaire , generalement sablonneux , reposant tantol sur une argile friable ,
tantot sur une marne argileuse , le plus souvent sur un calcaire d'eau douce
a Cbemery, marin a Belle-Roche et a VErmitage. Surleslimites de la vallee
du Cher, ce terrain, devemi mixte, voit quelquefois ses couches argileuses
alterner avec des banes irreguliers de gres faiblemeut homogenes. Les
" I! para'trait, d'apris -1'anc'en nom latin de Noyers, Nucetum } que le climat <le
cette comrmmy favorisee du ciel aiirait p«u change depnis I'epoque gallo-roraaine ,
dout elle fut un viciu popultiix.
PREMIERE SECTION. 11
vallees qui sillonnent en petit nombre cette region sont pen profondes:
une senle est arrosee par un cours d'eau asscz abondant. Dans les autres ,
de frequents barrages, on 1'absence de declivite, formcnt des etangs et
des marres an tour desquels verdissent , comme de fraiebes oasis, qnelques
prairies bumides. Le reste du pays n'est qu'une plaine aride, immense,
qne decoupent , ca et la , de maigres cultures de seigle et de sarrazin. De
grandes landcs y attrislent presque partout la vue , et de vieilles jacberes ,
nou moins tristes, ne s'y montrent couvertes que d'une berbe rase et
frele, surtout de globulana vulgaris, settle patitre d'une race chetive de
moutons.
11 y a cependant d'beureuses exceptions. La vigne , cullivee avec succes
sur les pentes qui bordent le Cber, fournit un des vim les plus renom-
mes de la cote; et d'abondantes moissons de froment et d'avoine, de ri-
ches prairies artificielles , se recoltent dans une partie des communes de
Couddes et de Cboussy *.
En egard a sa vaste eteadue , celte portion de la Sologne a peu de bois
de cbene. Ceux qui s'y trouvent, presque tous d'nn faible rapport , depe-
rissent generalement apres vingt-cinq ou trente ans. Gette epoque arrivee ,
ils veuleut etre abattus , et pour repousser avec un peu de vigueur, etre
recepes profondeinent. Il n'en est pas de meme des bois de pin , pinus
maritima, dont il a cte fait quelques semis, en petite quantite, depuis
environ un quart de siecle. Get arbre croit fort vite , acquiert de belles
dimensions, et peat, cultive en grand, etre d'une reelle utilite.
G'est a 1' ombre de ces bois , c'est la settlement que se retrouve la vie
vegetale , que la nature reprend toute son aclivite, II s'y abrite , comme
en un port assure , une foule de liliacees : I'asphodele rameuse , aspho-
delus ramosus; le perce-neigc, galanthns nivalis ; la pbalangere bicolore,
phalangium bicolor; la pbalangere rameuse, phalangium ramosum. A
cote, dans les clairieres, vegetent le lin de montagne, linum montanum;
la lobelie brulante , lobelia itrcns , la sabline de montagne , arenaria mon-
tana; et, parmi les vieux taillis, la silvie , anemone nemorosa , dont les
corolles forment de longs tapis d'une blancbeur eblouissante.
BERRY.
La scene prend un autre aspect dans le Berry. Le sol de cette contree,
remarquablement accidente, est un terrain de seconde formation, argi-
* Cet etat de clioses est di'i , en partie , aUx bonnes metlioJes de culture introduites ,
il y a quelques ami6es, dans ces com mimes , par d- uT agronomes distingu^s dont 1'iiu
Jiabit* encore uctre canton.
*2 PREMIERE SECTION.
leux, silico-femigineux, jete par grandes couches irregulieres sur im
bane de calcaire tendre, d'ime profondeur iuconnue, exploite en plusieurs
ondroits, egal et parfois supericur a celui de Bourre. De ces couches,
qtielqucs unes , cellcs qui avoisinent le calcaire , sont marneuses , mais
travel-sees en tous sens par des veines d'une argile jaune , singulierement
pulverulente. Parallelemcnt a cette marne, et dans ses milieux les plus
purs , courent onduleusement des banes de silex pyromaque , cclui-la
meme dont les produits, source de richesse pour line partie de notre
canton , jouissent d'une reputation europeenne. Les argiles superieures en
sont dcpourvues ; c'est un silex ferrugineux qui les occupe , tantot grenu ,
tantot en gros blocs anguleux : on a commence a 1'extraire pour les for-
ges de Lucay.
Notre Berry, formant le versant septentrional du plateau elevc qui
s'etend du Cher a 1'Indre , sert a 1'ecoulement d'une partie des eaux que
les orages ou la saison pluvieuse amassent sur les hauteurs. Aussi montre-
t-il dans sa configuration exterieure des traces multipliees d'un laborieux
bouleversement. La vue , de quelque cote qu'elle se porte , n'apercoit que
des vallees profondes, sinueuses, bordees de collines abruptes et souvent
depouillees de verdure, et des ravins sans fm, immenses crevasses ou se
montrent a nu , sous miile formes bizarres, les differentes couches du
terrain. Par intervalle, se deroulent quelques plaines d'une mediocre eten-
due , et dans le fond , sur les sommites extremes du plateau , des taillis et
de hautes landes dentclent an loin 1'horizon.
Ce n'est point cependant un pays denue de fertilitte : il y a de bonnes
prairies dans le fond des vallees , quoiqu'en general le sol y soil mareca-
geux et forme d'une matiere tourbeuse ; la vigne prospere vers le Cher,
sur les versants qui ont conserve de la terrc vegetale ; et le froment, le
seigle, 1'avoine , les differentes prairies artificielles , donnent, dans un
grand nombre de plaines, des rccoltes, sinon abondantes, du moiris assex
riches pour iudemniser le cultivateur de ses peines.
La flore est varice comme le pays. De magnifiques ancolies , aquilegia
vulgaris, s'elevent au bord des ruisseaux; la belle gentiane bleue , gen-
tiana pneunomanthe; la parnassie , parnassia palastris ; la valeriane dioi'que,
'valeriana dloica ; la pediculaire des marais , pedicularis palustrls , ornent
de leur email la verdure glauque des pres aqualiques. Lc genet angliean ,
genista anglica; le laitier d'Autriche, poly gala austriaca; le cytise cou-
che, cytisus supinus, nouveau-venu parmi ses freres, croissent entre les
rares bruyeres des pentes pierreuses ; et 1'ononis gluant , ononis natrix ,
se plait a suspendre ses grosses touffes jaunes aux argiles colorees des
PREMIERE SECTION. 15
Mais souveut,pour changer la face de la contree, pour ancantir plantes,
moissons, prairies, vignobles, tout ce qui fait la richesse et la beaute
des campagnes , il ne faut qu'une de ces pluies d'ovage , immenses et sou-
daines comme il s'en produit quelquefois en ete. Alors les eaux , debou-
chant en longs torrents de toutes les hauteurs, causent d'incalculables
dommages. Ici, elles elargissent le lit des vieux ravins, en detachant de
leurs parois perpendiculaires des pans entiers de terrain; la, elles se
creusent de nouvelles issues; ailleurs, en passant, elles deracinent les
arbres , mettent a nu le calcaire des collines, et couvrent an loiu de gra-
uer et d'infertiles debris les vallons et les plaines.
Nous pensons qu'il faut chercher la cause de tons ces desastres dans le
deboisement des pentes du pays. C'est une opinion que plusieurs annees
d'observation ont invariablement fixee dans notre esprit. Mais la dispari-
tion des bois n'a pas eu que cette consequence ; elle en a eu , suivant nous ,
uue plus funeste encore , le changement de la temperature et la diminu-
tion des sources. Nous aliens livrer a 1'appreciation du Congres les motifs
et les fails qui ont determine sur cette importante question notre maniere
d« voir.
DEBOISEMENT. — Les premiers defrichements de notre terre natale ne
remontent pas au-dela du x.e siecle, epoque de la fondation de Saint-
Aignan et de quelques paroisses voisines. Avant ce temps , le territoire de
cette ville n'etait, ainsi que 1'attestent la tradition et d'anciens litres,
qu'une vaste foret*. Tout porte a croire, la raison en esl facile a com-
prendre, que ce furent les plaines, les vallees, tous les terrains sans de-
clivite qui, les premiers ,,perdirent leurs ombrages seculaires. Puis, 1'aug-
mentation de la population et 1'extension que prenait de jour en jour la
culture de la vigne , rendant necessaires de nouveaux terrains cultivables ,
les habitants commencerent a porter la hache dans les futaies primitives
qui couvraient le versant des collines**. Il dut arriver que bcaucoup
de terres nouvelles furent abandonnees a cause de leur epuisement
premature , epuisement que nul , en ces siecles de culture inintelligente ,
* Saltus aganus ou asgardus f liistoire maiiuscrite de S^iiit - Aignan , par feu
M. 1'g.bbe Me tinier, 1787.
Un aveii et denombrement, que I'nn de nous a eu (juolque temps en sa possession,
et qui doit faire partie des litres de la maison do Saint-Aignan , contient cette citation
d'unc charte plus aiicieunu ; Ob dominiuin suum saltus agani , ou agar/ii.
** Ces derniors defric.liements, devenus presque tous des vignobles, ont fronsene
jnsqu'a nos jours les nonis sous lesquels , avant leur dcboisemeut , les desigiiaieat nos
a'ieux ; les Forets , les Onneaux , la Chanardcne t etc.
14 PREMIERE SECTION.
ne regardait com me possible de combaltre. Chaque proprictaire du sol
preterait se creer, en abattant d'autres bois , un terrain vierge qui , pour
prodiguer les moissons, n'eut besoin que de semence. Ce fut un grand
malheur : la phipart des friches , abandonnees a elles-memes , se couvrant
de bruyeres , se changerent en ces landes si communes dans nos contrees ;
dans les autres , oil les racines des arbres ne retenaient phis un terrain
naturellement friable, les torrents s'ouvrirent de larges chemins, et for-
merent , comme nous 1'avons dit plus haul , ce dedale inextricable de ra-
vins, de precipices et d'etroits vallons, qui sillonne la partie meridionale
du canton de Saint-Aignan.
II est probable que la diminution des sources ne se montra pas sensible
tant que les sommets des coteaux resterent boises; ce fut, nous le croyons,
lorsqu'ils commencerenl a se degarnir de leurs forets, que les eaux durent
ctre moins abondautes. Ainsi deja, dans le xv.e siecle, deux forges, celles
du Ferry, en Berry, et de VEtang-Lecomte, en Sologne, cessent de fonc-
tionner, le ruissoau qui faisait mouvoir la premiere ayant discontinue de
couler, et la petite riviere qui alimentait la seconde se trouvant reduite
aux proportions d'un faible ruisseau*. Deux siecles plus tard , 1'influence
toujours croissante du deboisement des hauteurs devient fatale au moulin
de Bachaud, en Berry, et a celui de Morlu, en Sologne. De nos jours ,
1'un des deux moulms qui ont succede, sur YEtang-Lecomte, aux puis-
santes forges, objet de I'admiration de nos peres, eprouve le meme sort.
D'autres, ceux de Beauregard, de Mesnes , de Boutechien , qui fonc-
tionnaient encore , il y a un denii-siecle , cinq a six heures par vingt-qua-
tre, en ete, sont maintenant presqu'entierement a sec dans cette saison.
Ce n'est pas tout. Nos vieux meuniers affirment, a 1'unanimite , rque le
volume des eaux courantes a diminue generalement , depuis vingt-cinq
aus, d'un huitieme en Berry, et d'un septieme en Sologne; resultat vrai-
ment effrayant , mais qui ne surprendra pas , si 1'on veut bien faire atten-
tion a I'enorme quantite de bois qui a disparu , depuis la revolution , de
tous les points culminants de notre territoire**.
* Mais , <lira-t-on, n'est-ce point le manque de bois lui-nieme qui a fait abandoimer
ces deux forges? Cette objection s'evanouit a 1'inspection des liens. Les seuls be is ini-
1'ortants qui rcstent dans notre canton , places precisement autour de ces deux vieilles
iisines , seraient encore suffisauts pour les faire marcher. Ce n'est pas non plus le riii-
nierai de fer qui leur a manque; il est toujours aussi abondant qu'au'ief'ois.
** Deux ruisseaux , ceux de Soubry el de Galenic , ne moutrcut pas de diminution
apparante. Cette opinion, qui semblerait coiistituer un fait destnittif de notre opinion,
la confirme au coritiaire. L'etat statiotinaire de ces deux cours d'eau titnt a la position
tie leurs principalei sources dan s les hauteurs encore boisees de dcus cantons limitroplics
du notre.
PREMIERE SECTION. f5
II s'est produit, il y a quelque temps, dans le moude savant, une opi-
nion qui tend a etablir que la masse entiere des eaux du globe eprouve
une diminution reelle, quoique fort pen sensible encore. Sans vouloir
prendre parti ni pour ni contre cette opinion , qui d'ailleurs a trouve d'il-
lustres contradicteurs , nous pensons qu'une cause locale puissante, telle
que le deboisement, peut, en alterant la temperature particuliere d'une
region, diminuer la somme de ses eaux. Les arbres n'ont point etc crecs
uniquement pour alimenter nos foyers , on pour devenir des solives ; ils
out leurs fonctions a remplir dans Peconomie generate. Ils absorbent ,
particulierement par leurs feuilles, de 1'acide carbonique; ils conservent
une humide fraicbeur sur le sol qu'ils abritent, meme durant les plus
grandes chaleurs ; places sur les lieux eleves , ils arretent les vapeurs char-
rices par les courants atmospheriques , empechent leur dissemination loin-
laine , et les forcent a se resoudre en pluie imperceptible sur les lerres
voisines ; comme conducteurs electriques enlre la terre et les images ,
ils servent, une foule d'expcriences 1'alteste, a maintenir, par des com-
munications frcquentes, Pequilibre entre les deux grands reservoirs d'e-
lectricite, consequemment , a assurer la regularile des phcnomenes de
Patmosphere. Ils exercent une autre action non moins puissante sur la
temperature. La fraicheur qu'ils entre tiennent sous leurs rameaux for-
cant a se condenser les coucbes d'air qui s'y precipitent sans cesse , dila-
tees sur les cimes par 1'action du soleil, determine la formation d'une
multitude de courants , actifs contre-poids de la cbaleur euvironuante. Ce
sont ces courants que nous nous plaisons a ressentir aux abords d'une
grande foret.
Que Pon suppose maintenant un pays dcpouille de ses bois , comme le
notre : les rayons solaires, constamment reverberes par des rocbers cal-
caires , par des terres silico-argileuses , sur une surface nue , illimitee , sans
abris , rarefieront Pair d'alentour, et dessecberont , a une grande profon-
deur, Pbumidite absorbce par les premieres couches du sol ; les vapeurs ,
ne rencontrant plus d' obstacles sur leur passage , repoussees d'ailleurs par
une atmospbere embrasee , iront distiller sur des regions plus beureuses
leurs rosees bienfaisantes ; la temperature perdra son equilibre, et Purne
des sources, en Pabsence de tout phenomene qui Palimenle, ne versera
plus qu'une eau rare dans les vallees*.
* Nous ponrrions citer, a 1'app-ii <le notre opinion, I'exemple des Etats-Unis et dn
Canada , OH le deboisenieut a produit', sur la temperature et sur les sources , des el'lets
analogues a ceux que nous avons observes. Tons les voyages coiitienpent , sur ce snjet,
d.'S details cuiietix. Voir, entre antres , Cinq Annees de sejour an Canada, par Talbot ,
tradiic-tion d'E\iit'8, Paris, Voullaud. Vol i, pages ja6 et suivantes.
*6 PREMIERE SECTION.
TEMPERATURE. — On voit par ce qui precede que notre temperature a
du, ainsi que nos sources, eprouver de nombreuses variations. Comme
celle de toute la Gaule , au temps de la conquete romaine , elle fut d'abord
troide , humide , chargee de brouillards ; ensuite , oscillant au gre des di-
verses modifications que la main des homines faisait siibir au sol, elle se
rapprocha insensiblement de son etat actuel. Nous n'avons point de don-
nees positives qui nous aident a constater le point de depart de chacune
de ses transformations successives ; tout ce que nous en ont appris nos
peres se reduit a ce fait, malheureuscment pen contestable, que la mar-
che des saisons etait , il y a soixante-dix ou quatre-vingts ans , plus regu-
liere que de nos jours.
Quoi qu'il en soit , le climat de notre canton montre en general , aujour-
d'hui , une grande tendance a la siccite. II n'admet , a proprement parler,
que deux saisons : 1'hiver et 1'ete. Le printemps , cette brillante epoque de
l'anneerjtant celebree par les poetes, n'apparait parmi nous qu'escorte de
frimats, de gelees et de brouillards. L'automne n'est plus qu'un etc pro-
longe. En hiver , le froid pen rigoureux fait rarement condenser le mercure
jusqu'a sept degres au-dessous de zero. En ete, le terme moyen des de-
gres [de chaleur est au moms de vingt-un degres au-dessus de zero , au
plus de vingt-sept. Mais , par intervalle , de brusques variations affectent
le thermometre : ainsi , vers la fin de 1'hiver, a un froid de deux a trois
degres au-dessous de zero succede tout-a-coup une chaleur de quinze a
dix-huit degres au-dessus ; et au commencement de 1'ete , dans une cha-
leur moyenne de seize a dix-neuf degres au-dessus de zero , 1'hiver a de
soudaines recrudescences d'un froid de deux a trois degres au-dessous.
Ges rapides changements de temperature, dus aux alternatives des
trois principaux vents qui se font sentir dans notre pays, ceux d'ouest,
de sud et de nord-est , ont de graves inconvenients : la vegetation , surtout
celle dont s'occupe I'horticulture , a beaucoup a souffrir des gelees tardives
et des chaleurs precoces qu'ils amenent. Sous leur pernicieuse influence se
developpe , chez les hommes et chez les animaux , une multitude de ma-
ladies, notamment, en Berry, celles des organes respiratoires.
COBTCLUSION.
Intimement convaincus que le deboisement pent influer defavorable-
ment sur la constitution geologique d'un pays , sur sa temperature , sur le
volume de ses eaux d'arrosement , nous pensons que la loi a intervenir
doit interdire la faculte d'arracher des bois , principalement dans les lieux
eleves , et laisser a 1'admiuistration la decision des cas exceptiomiels. Mais
PREMIERE SECTION. 17
nous pensons aussi que celte meme loi doit accorder une juste indemnite
a celui qu'elle force de garder une propriete peu productive, souvent
meme onereuse. Un degrevcment sur la contribution fonciere , propor-
tionnel a la perte annuellement eprouvee , nous parait propre a atteindre
ee but. D'un autre cote, il nous semblerait d'une bonne administration
d'encourager par 1'appat des recompenses la plantation des especes fores-
tieres qui disparaissent de jour en jour. Quelques parcelles du milliard ,
quelques centimes additionnels convertis en primes, exciteraient un grand
nombre de petits prpprietaires a reboiser les portions incultes de leurs
heritages. Aux riches il suffirait souvent d'une simple medaille, distribute
dans les solennites des corps scientiiiques.
M. le docteur Hunault approuve les conclusions des
auteurs, et pense qu'il faut, autant que possible, s'op-
poser aux deboisements.
M. de Montlivault lit, sur la Cosmologie, un me-
moire dont la section ordonne 1'impression a la suite du
compte-rendu des travaux.
M. Pratt lit une interessante notice sur la constitu-
tion geognostique des cotes de la Manche; mais il ne
peut qu'effleurer cette matiere, et ne saurait donner
communication de son memoire ecrit en anglais.
M. le docteur Hunault ajoute quelques developpe-
ments aux notes de M. Pratt, sur les bouleversements
des couches crayeuses, dans le departement de la
Manche.
M. de Villiers reclame sur 1'interpretation donnee par
M. Emm. GaillardasademandeauGongres: « Je connais
aussi bien, dit-il, que cet honorable membre,lesFlores
partielles et les ouvrages que des savants consciencieux
ont fait dans quelques departements ; mais je parle ici
des pretendues statisques departementales dont la presse
18 PREMIERE SECTION.
nous inonde chaque jour, et clont les erreurs trompent
si souvent ceux qui desirent connaitre les produits zoo-
logiques de notre pays. II existe d'excellentes monogra-
phies, des ouvrages speciaux pleins d'interet : rien
n'empeche de les faire servir a former une Flore fran-
caise bien complete. La science en sent le besoin ; tons
les naturalistes des provinces s'empresseront, je n*en
doute point , de reunir leurs efforts pour la completer ;
niais je renouvelle ma proposition, parce que je crois
qu'il appartient au Congres de donner cette impulsion
salutaire. »
M. de Boisrouvray (deChartres) fait connaitre, a
1'appui de la proposition, qu'il existe, dans le departe
ment de Loir-et-Cher , des especes que diverses mono-
graphics citent comme nese rencontrant qu'en Hongrie.
La section prend la proposition en consideration et la
renvoie a la seance generale du Congres.
M.de Villiers lit ensuite une notice relative a plusieurs
faits remarquables en botanique et en zoologie, ou il
cherche a prouver que les circonstances exterieures peu-
vent modifier 1'organisation des animaux et des vegetaux
au point de changer leurs caracteres specifiques. (Art. 3
tin Programme. )
M.me Cauvin cite, a 1'appui de 1'opinion emise par
M. de Villiers , avoir vu des lymnees elevees a Paris par
M. Rey, et nourries avec des pains a cacheter de diverses.
couleurs, et que les coquilles avaient pris ces differentes,
livrees.
PREMIERE SECTION. 19
Seance du jeudi 15 Septembre 1836.
P residence de M. I' abbe LEFROU.
M. de Caumont fait une communication; il ne pre-
tend point donner un travail complet sur le departement
de 1'Orne , MM. Desnoyers, Boblaye et plusieurs autres
s'etant occupes de la geologic de ce departement; ce sont
de simples notes sur quelques fails isoles.
Les roches, dit M. de Caumont, se trouvent, dans le departement de
1'Orne , a pcu prcs disposees gcograpliiquement comme dans le departement
du Calvados , elles out ete decrites il y a long-temps par Breon ; les plus mo-
dernes se trouvent vers 1'est ret les plus anciennes dans la partie occidentale.
Ainsi la craie et le gres vert, qni occupent les arrondissements de Pont-
FEveque et de Lizieux et le departement de 1'Eure presque tout entier, se
rencontrent dans les cantons de Gace , d'Exmes , de Yimoutiers , etc. Aux
environs de Laigle, dans l'arrondissement de Mortagne, etc., etc., ce
terrain s'avance vers le nord-ouest jusqu'au moiil Epinette de Montabar,
a deux lieues au sud de Falaise , apres avoir forme de ce cote un cap fort
alonge , passant par Sainte-Eugenie , Tertu et Savigny. Au-dessous du sa-
ble vert se montre a nu , sur plusieurs points , le gres ferrugineux (iron
sand), M. Boblaye pense que ce gres a fourni le mineral mis en oeuvre
dans les plus anciennes fabriques de fer, dont on retrouve les vestiges
dans le pays. L'argile de kimeridge existe probablement dans le departe-
ment de 1'Orne , mais il est tres difficile de la distinguer des aulres scries
argileuses des terrains oolitiques. Le coral-rag, depuis long-temps explore
et signale dans 1'Orne par M. J. Desnoyers , se trouve tres developpe aux
environs d'Ecbauffour et de Merlerault. \? oxford-clay occupe plus d'es-
pace que le coral-rag. Cette argile y forme, comme dans le Calvados , une
suite de coteaux assez eleves , reposant sur la grande oolithe , et se diri-
geant du nord-ouest au sud-sud-est. On peut 1'examiner dans les commu-
nes de la Cambe , Varry, Ecorcbes , Neaupbe , Somel , Villebadin , Cham-
paubert, Argentelles, Cbaufour, Ginay, Mesnil, Forger et dans plus de
quarante autres communes. La partie basse de Y oxford-clay contient des
couches subordonnees de calcaire argilenx , jaunatre ou bleuatre , suivant
la couleur de 1'argile qui les renferme, et conforuies a celles decrites
dans le Calvados par M. de Mugueville. IS oa- ford- clay se prolonge dans.
20 PREMIERE SECTION.
le departeinent Je la Sarthe , et repose en plusieurs points sur Yargile de
Bradfort. La grande oolithe occupe , comme dans le Calvados , le centre
dn departement de 1'Orne ; elle se lie a celle de la campagne de Falaise ,
et forme une large zone en se dirigeant par Argenton, Seez et Alencon.
Tantot les conches calcaires sont a tissn fin, d'une durete mediocre, avcc
ou sans oolithes; tantot elle* offrent la texture sublamellaire. Pres d' Alen-
^on ce calcaire contient une grande quantite de baryte sulfatee ; les co-
quilles memes sont quelqucfois completement transformees en baryte. La
grande oolithe fournit de belles pierres de taille pour les constructions , et
Ton en fait beaucoup de chaux. Pres d'Ecouche , ou les banes sont Ires
tendres , on les exploite pour marner les terres , et Ton porte ces marnes
assez loin dans le canton de Briouze. Les arkoses se composent de couches
alternatives de gres et de sables , que M. Triger regarde comme paralleles
au lias. Ces couches renferment aussi de la baryte sulfatee. Le bed-marie
ne s'est pas developpe dans 1'Orne comme dans le Calvados ; on remarque
seulement, dans quelques localites, une couche plus ou moins epaisse
d'argile et de galets routes , qui represente peut-ctre cette formation , puis-
qu'elle se trouve placee entre les sediments calcaires de 1'oolithe et les
roches ariciennes. Le gres quartzeux intermediaire qui forme , sur les
confins du Calvados , les eminences non cultivees de Vignats et de Brieux ,
se prolonge jnsqu'aupres du bourg de Chamboy. Cette eminence fort
ctroite , dirigee en sens inverse de ^eminence crayeuse qui se termine a
Montabar, forme , au milieu de la grande oolithe , une arrete assez remar-
quable. Le gres presente d'ailleurs, le long de cette chaine, les memes
a-aracteres que le gres du Calvados; a Bier il se trouve associe a des cou-
ches de marbre, qui font probablement suite a celles de Vignats. Dans
une autre partie de rarrondissement d' Argenton, au sud de cette ville, le
gres quartzeux intermediaire occupe un assez grand espace do terrain , et
forme les eminences , tantot plantees de hois , tanlot occupees par des
bruyeres qui s'etendent sur les communes de Francheville , Saint-Martin-
de Vrigny, Montmerrey, le Cercueil, la Belliere, Saint-Pierre, le Goult,
etc., etc. Le gi-es de cette partie du departement de 1'Orne se presente,
comme celui de Jurques et du Plessis-Grimoult, par couches souvent peu
epaisses et interslratifiees avec des argiles micacees jaunatres. On y voit
des productus dans la bruyere de Francheville ; entre Montmerrey et le
Cercueil les bruyeres sont jonchees de gros blocs de gres , et les couches
souterraines paraissent plus epaiss?s et plus quartzeuses que celles des
bruyeres de Francheville et de Vrigny. Cette chaine se prolonge, vers
1'est, jusqu'au moulin de la Roche , sur la commune de Conde-le-Butor, a
tvois quarts de lieue, au nord-oucst, de Seez, ou le gres tapisse visible-
PREMIERE SECTION. 21
nicnt les rives de la riviere de 1'Orne. Tout porte a croire que du cote de
1'ouest la chaine se rattachc a cellcs de Joue-du-Bois et de la Ferte-Mace ,
etc., etc., signalees comme le prolongement des gres de Domfront, qui
eux-memes se rattachent aux gres des environs de Mortain. Les phyllades
offrerit , dans 1'Orne , les memes varieles et les memes fails que dans le
Calvados ; ils sont tres developpes dans le canton de hriouze et dans une
partie de ceux d'Ecouche et de Putanges. On les trouve aussi sur quel-
ques points du canton de Drun et dans plusieurs cantons des arrondisse-
ments d'Alencon et de Domfront. Les micaschites et les gneiss avoisinent
les granites , et presentent les memes varietes que ceux de 1'arrondisse-
ment de Yire ( Calvados ). Le granite , apres avoir occupe une partie do
1'arrondissement de Domfront, se presente dans presque toutes les com-
munes du canton de Putanges, placees du cote gauche de 1'Orne: il s'a-
vance meme sur la rive droite de cette riviere. Ces granites , comme ceux
de Saint-Sever, se taillent assez bien et sont exploites avec avantage dans
plusieurs communes. Les roches granitoides se trouvent aussi sur plusieurs
points de 1'arrondissement d'Alencon, ou elles sont exploitees pour les
constructions. M. de la Foye a constate la presence de beaux cristaux
d'aigue marine dans le canton de Pont-Perce , pres d'Alencon.
M. de Caumont se livre ensuite a 1'examen cornparatif
des marbres intermediaires du Cotentin et de ceux des
environs de Namur, de Liege et d'Aix-la-Chapelle. II a
i-emarque que les fossiles de ces roches sont identiques
avec ceux qui se trouvent dans les marbres du Cotentin.
Apres avoir donne des details sur la direction des cou-
ches et leur stratification , 1'orateur fait remarquer que
les eaux chaudes d'Aix, de Borcette, de Ghaude-Fon-
taine, pres Liege, sortent de la meme roche, et donne
a ce sujet quelques explications. Les roches de Spa ont
aussi ete examinees par M. de Caumont : ce sont des
schistes phyllades, un pen micaces, tout-a-fait ressem-
blant a ceux de 1'arrondissement de Vire et du departe-
ment de la Manche. Ces phyllades sont reconverts , sur
quelques points, par des gres intermediaires, absolu-
22 PREMIERE SECTION.
ment. semblables a ceux qui siirmontent aussi les schis-
tes en Basse-Normandie. La source minerale elite de la
G. sort des couches de gres , ainsi que les au-
tres sources qui se rencontrent au meme niveau a tine
demi-heue de la ville de Spa. La source minerale, dite
de Pierre-le-Grand , sort des phyllades. M. de Caumont
donne aussi quelques details sur la succession des roches
entre Dinant et Mezieres.
M.me Cauvin signale un fait curieux, observe dans le
departement de la Sarthe. M. de Caumont ajoute quel-
ques developpements. Un soulevement de porphyre a
converti en dolomie les marbres en contact avec lui. A
ce sujel. , M. de Vibraye soumet une observation a la
section : le porphyre ne peut-il point, a tine haute tem-
perature, stiblimer une par tie de la magnesie du felds-
path, 1'une de ses parties constituantes essentielles, en
pe'netrer intimement le calcaire par voie de cementation ,
et , par ce moyen , le changer en dolomie ? M. de Cau-
mont observe encore, d'apres M. Boblaye, que partout
ou le gres remplace le calcaire, le porphyre n'a point de-
pose cle magnesie, mais que les gres ont subi une altera-
tion tres sensible ; ils ont perdu letir texture hyaline , et
se desagregent facilement. L'action du porphyre a ete
nulle sur les schistes.
M. Lefroti communique a la premiere section un cata-
logue des plantes du departement de Loir-et-Cher, qu'il
a recueillies de concert avec M. le docteur Blanchet, de
Menars ; il fait remarquer 1'identite frappante des pro-
ductions botaniques de Loir-et-Cher, de la Sarthe, du
PREMIERE SECTION. 23
Cher, de la Nievre , d'Indre-et-Loire. La section vote 1'in-
sertion de ce catalogue an proces-verbal , et, sur la pro-
position de M. de Caumont, vote des remercinients a
M. Lefrou pour le travail plein d'interet qu'il vient d'e
lui communiquer, travail si conforme an voeu exprime
par les Congres. — La se'ance est levee.
CATALOGUE
DES PLANTES
QUI CROISSENT SPONTANKMKNT DANS LE DEPARTEjaENT DE LOIR-ET-CHER
ET QUI Y ONT ETE RECUEILLIES JUSQu'A CE JOUR.
OBSERVATIONS. — Nous allons snivre 1'ordre et la nomenclature da£o-
tanicon yallicnm , et qnand nous nous en ecarterons , nous citerons les
auteurs que nous prendrons pourguides, Nous indiquerons les localites
ou se trouvent les plantes vares et Tepoq\ie ou elles sont en fleurs ou en
fructification ; nous nous contentcrons dc raarquer , presque I ou jours
par abreviation , le degie d'abondance des a litres plantes.
Pour abrcger , nous omettrons d'exprinier les grandes divisions de
classification , et nous nous bornerons a mettre seulenient le nom de
cbaque famille en tele deson groupe respectif.
On trouvera a la Bibliotheque publiqua de la ville de Blois des 6chan-
lillons des plantes indiquecs dans la lisle suivante et de celles qiie
nous decouvrirons encore a 1'avenir, quand elles seront susceptiblcs de
se conserve!* en herbier. nous y en avons deja depose plusieurs volumes.
CLEMATIS
vitalba. Com.
THALICTRUM
saxatile. A. R. Pres du moulln a
^vent de St-Gervais , coteau de
St-Victor,St-Aignan. Aout.
flavum. Com,
ANEMONE -
inilsatilla. Taillis dumoidinpreci-
te ; foret de Blois , pres de Sf-
Sulpice ; bols de Huisseau-en-
Beauce. Fin de mars.
nemorosa. T. C.
ADONIS
autumnalis. A. C. Moissons des
terres calc.
nestivalis. P. C. Moissons. Aver-
don, Filterable, etc. Ete.
MYOSURUS
minimus. R. Cour-Cheverny.
24
PREMIERE SECTION.
RANUNCULUS
hederaceus. C.
tripartitus. R. Commune de Tour.
Avril.
aquatilis heterophyllus. T. C.
— capillaceus. A. C.
— peucedanifolius. C.
choerophyllos. Pen rare en Cour-
Cheverny , Tour, Fontaines,
Souesmes , etc. Mai.
lingua. Peu commun. Etangs et
rivieres. Ete.
flammula. T. C.
auricomus. C. Les hales et les bols.
sceleratus. C. Marres , Fosses.
steveni , ANDRZ ; R. acris DE BULL. ,
etc., non LINNE. T. C.
sylvaticus. Peu rare.
lanuginosus. T. R. Vdledieu.
repens. T. C.
bulbosus. T. C.
philonotis. T. C.
— parvulus. P. R.
arvensis. T. C.
parviflorus. A. R. Cour-Cheverny,
Fontaines -en - Sologne , etc.
Mai et juin.
FICARIA
ranunculoides. T. C.
CALTHA
palustris. T. C.
HELLEBORUS
fcetidus. P. R.
ISOPYRUM
thalictroides. Plusluers endroits
des environs de Blois et de Fen-
dome. Avril.
NlGELLA
arvensis. C.
AQUILEGIA
vulgaris. P. C. Foret de Russy,
Tour-en-Sologne, etc. Ete.
DELPHINIUM
consolida. C.
POEONIA
corallina. T. R. en France, mais
abond. aux Montils. Avril.
BERBERIDEvE.
BERBERIS
vulgaris. C.
EriDEMIUM
alpinum. Nat. aux Montils.
NYMPHEACE^E.
alba. C.
lutea. T. C.
PAPAVERACE7E.
PAPAVER
argemone. P. C. Moissons. En
Vienne, aux Meta'uies. Ete.
dubium. R. Bourg de St-Gervais.
Mars , ete.
rhc-eas. T. C.
GLAUCIUM
flavum. R. en general; mais abond.
a Montigny et a Blois, pres
ou pen loin de la, Loire, Ete.
CHELIDONIUM
majus. T. C.
FUMARIACEvE.
CORIDALIS
bulbosa. P. C, Taillis de Saint-
PREMIERE SECTION.
25
ij, de Chailles, etc., et
environs dc Vendome. Avril.
FlJMARIA
media. C. a Cour-Cheverny, etc.
officinalis. T. C.
parviflora. Cot can de Saint-Vlc-
CRUCIFERJE.
CHEIRATTTHl'S
cheiri. Abond. sur Ics murs a
Blois.
NASTURTIUM
officinale. 6'.
sylvestre, flore luteo. C.
flore albo. A. R.
palustre. A. C.
pyrenaicum. P. C. Romoraulin,
Plmpeneau, 'Etc.
amphibium indivisiim. C.
— variifolium. C.
BARBAREA
vulgaris. Pas rare.
stricta. ( AXDRZ. ) Menars,
prsecox. C.
TURRITIS
glabra. A. C.
ARABIS
hirsuta. C. aumoulinde St.-Gcr-
vais.
thaliana. Ext. C.
CARDAMINE
pratensis. T. C.
hirsuta. C.
impatiens. T. R. mats abond. en
1827, ctu taillis des Bourbons^
pres de Bracieitx, Juin.
ALYSSUM
calycinum. T. C.
EROPHILA
vulgaris. Ext. C.
TuLAsrt
arvense. T. C.
perfoliatum. C.
TEXSDALIA
iberis. C. en Sologne.
IBERIS
amara. C. Moissons.
SlSYMBRIUM
officinale. T. C.
Irio. Pas R. a Blois, faubourg*.
sophia, A. C.
AT.LIARIA
officinalis. T. C.
ERYSIMUM
perfoliatum. A. R. Moissons ties
ter.calc. Cour-Cheverny, Mon-
tigny, etc. Etc.
NESMA
paniculata. A. C. Moissons. Me-
mes locality's et Vendomois. Et<>.
SENEBIERA.
coronopus. T. C. r .
GAPSELLA
bursa-pastoris. T. C.
LEPIDIUM
sativum. Hare. Moissons. Etc.
campestre. C.
latifolium. Fontaines-en-Sologne,
aux Aiigencs et an bois , oh il
a peut-etre ete seme ou plante.
iberis. Abond. a Blois.
ISATIS
tinctoria. Nat. au Gue-la-Guette,
aux Roches , au Gue-du-Loir,
a Troo , a Saint-Aignan.
MYAGRUM
perfoliatum. A.R. Cour-Cheverny,
Villerable, Huisseau-cn-B. Et.
4
PREMIERE SECTION.
BRASSICA
cheirantos. T. C. en Sologne.
SlNAPIS
nigra , var. torulosa. C.
arvcnsis. C.
retrohirsuta. (BESS.)
DIPLOTAXIS
muralis. C. Terr, pierreux.
RAPHAITITS
raphanistrum. T. C.
HELIANTHEMUM
umbellatum. T. R. mais abond.
dans le bois des Cotes-Noires ,
pres de Saumery, aPierrefitte.
Ete.
alyssoides. Souesmes , Salbris ,
Pierrefitte, Nouan-le-Fuselicr.
guttatum. T. C.
1'umaiia. T. R. Coteau du moulin-
a-vent de St.-Gervais. Juillet
et aout.
marifolium. (C^DEC. d 'apres quel-
ques-uns ; canum de DUKAL ,
suivant d' centres."} Jidn. Abond.
autour du moulin-a-vent de
St.-Gervais.
vulgare. C.
pulverulentum. Abond. autour du-
dit moulin et a Filterable. Juin.
VIOLARICvE.
VIOLA
hirta. Com.
odorata. C.
canina. T. C.
tricolor arvensis. T. 6'.
RESEDA
lutea. C.
luteola. A. C.
ASTROCARPUS
sesamoides. A. C. Sables. Pier-
refitte, Salbris.
DROSERACE^.
DROSERA
rotundifolia. A< C. Lieuxtourbeux*
intermedia. Meme station.
PARNASSIA
palustris. C. Pres tourbeitx.
POLIGALE^!.
POLYGALA
vulgaris. T, C.
amara austriaca. Moins comm,
Cheverny, St.-Gervais } etc.
serpyllacea. Souesmes.
GARYOPHYLLE^:.
GYPSOPHILA
muralis. A. d
DlANTHtJS
prolifer. T. C.
armeria. C.
carthusianorum. A. R., mais ricnl
a Chailles , Pezay, Saint-Ai-
gnan , etc. Ete.
caryophillus. T.R., mais abond.
sur les murs de Montrichard.
Ete.
SAPONARIA
vaccaria. A. Ct Moissonst
PREMIERE SECTION.
officinalis. T. C.
CUCUBALUS
hacciferus. A. C. Hales , troncs
des vieux saulcs.
SlLENE
iriflata. C.
ciliato latifolia. C. Savigny , efc.
conica. A. C. Cellettes, Pimpe-
neau , Saint-Gervais , etc.
gallica. C. dans quelques champs
de la Sologne.
hutans. Pare de Chambord. Etc,
armeria. Cellettes, Cour-Ckccer-
ny, Hidssean en Sologne, etc.
Ete.
LYCHNIS
viscaria. T. R. Sables des Ponts-
Chartrains. Ete.
dioi'ca. T. C.
flos-cuculli. T. C.
githago. T. €.
SAGINA.
procumbens. T. C.
apetala. C.
erecta. A. C. Chemins, Sologne.
ELATINE
alsinastrum. Pas com. Cheverny,
Tour. Ete.
HOLOSTEUM
umbellatum. T. C»
SPERGTJI.A
arvensis et pentandra. C.
subulata. Terrains humides et sa-
blonneux, Cheverny. Ete.
vulgaris. (BNNGH. REICH.) Champs
sablonneux.
STELLARIA
media. T, C.
holostea. T. C.
graminea. C.
glauca. T. R. Bords de la Cisse
a Chouzy. On la troiwait aussi
il y a quelques annees dans les
sables de Fienne, a I'O. de la
route. Ete*
ARENARIA.
segetalis. A. R. Cheverny, Cour-
Cheverny, Pezay. Moissons.
rubra. T. C. Sables.
tenuifolia. T. C.
montana. T. R. Bois de la Ferte-
Beauliarnais , Souesmes , Sal*
bris. Juin.
serpyllifolia. T. C.
trinervia. Extr. com.
CERASTIUM
Viscosum. (LINN. CHAUBARD.) C.
— - glomeratum^ (THUILLIER.) C.
vulgatum. (LINN. CHAUBARD.) C.
\isCOSUm.(SMITH.DEC.DUBY.) C.
semidecandrum. C.
aquaticum. Chouzy , Cour-Che-
verny.
arvense. C.
LlNUM
gallicum. A. C. Cour-Cheverny y
alle'e de Bury, Grand-Char-
don, pres de St^Aignan , etc,.
tenuifolium. T. C.
cathartfcum. C>.
RADIOLA
linoides. C.
MALYACE/E.
MALVA
23
PREMIERE SECTION.
alcea. Entre Blols et Nouan-sur-
Loire. Ete.
moschata. T. C.
sylvestris. T. C.
rotundifolia. T. C.
ALTHAEA
officinalis. Rives da Cosson , en
Coitr-Cheverny. Etc.
hirsuta. Hois da Rio a, en Tour ,
coteaa de Saint-Victor , buttc
de.s Capucins.
TILIACEvE,
TII.IA
microphylla. C. dans les bois.
platyphyllos. R. Bois. Ete.
HYPERICINE2E.
tetrapterum.. T. C*
humifusum. T. C.
perforatum. T, C.
elodes. C. Lienjc humides.
hirsutum. C. Lieux converts.
pulclmim. C. dans les bois.
ACERINEvE.
ACER
campestre. T. C.
GERANIACE^E.
GERANIUM
molle. P. R.
pusillum. A. C. Mars, Fonts-
Chart rains.
rotundifolium. T. C.
cohimbinum. C.
dissectum. C.
lucidum. De Salnt-Geivais a f'i-
nenil, le long da cotcait.
robertianum. T. C.
ERODIUM
cicutarium. T. C.
- -- pimpinella'folium. P. Jl.
OXALIDE^E.
OXAI.IS
stricta. C. Blois. Romorantin.
acetosella. R. Bois de Brion. Etc.
CELASTRINE^l.
curopa?us. Pas rare dans les liaics.
ILEX
aquifolium. C. Bois.
RHAMNE^E,
RHAMNUS
c.nth art icns. P. C. Les hales. Etc.
frangula. J. C,
.
ULEX
europseus. T. C. en Sologne.
nanus. Abond. Bois et latidcs.
GENISTA
anglica. T. C.
tinctoria. C.
sagittalis. A. C. Prcs montueux
pilosa. C. a Ivoy et dans les en •
virons , Sologne.
CYTISUS
PREMIERE SECTION.
29
scoparius. T. C.
supiuus. A une petite distance de
la Patte-d'Oie, da cote de Vi-
neuil. Juin et juillet.
nalrix. Pres de Saumery. T. C.
de St.-Aignan a Montrichard.
procurrens. T. C.
spinosa. T. C.
— flore albo. Arrlant. Ete.
columns. On ne I' a encore trouve
au'auprcs du moulin-a-vent de
St.-Gcrvais , oil il est extreme-
merit rare, Juillet.
ANTHYLLIS
vulneraria. Coteaux sees. A. C.
MEDIC AGO
lupuliua. A. C.
falcata. C.
saliva. Assez souvent spont.
orbicularis. P. C. Coteaux de St.-
Victor , les Ruaux en Chever-
ny, etc. Ete.
apiculata. A. C.
minima. T. C.
maculata. P. R.
gerardi. R. Levees de la Loire. Ete.
MELILOTUS
arvensis ( WAIAROTH. ) T. C.
officinalis. (WILD.) Gue-la-Guette,
Cour-Cheverny.
TRIFOLIUM
rubens. A. C.
incarnatum molinerii. T. C.
dans les pres de Clenord a
Arnant , Pimpeneau.
arvense. T. C.
gracile. C.
striatum. T. C. en Sologne.
scabrum. C.
ochroleucum. A. C. Hales et bois
medium. P. R.
pratense. C. Pres.
sativum. (MILT.ER.) Spontane.
— flore albo. P. C. Lanthe-
nay.
strictum En Cour-Cheverny, etc.
Juin et juillet.
repens. T. C.
michelianum. Cour-Cheverny, 2
endroltSy et Pimpeneau.Juin.
subterraneum. P. R.
fragiferum. T. C.
procumbens campestre. T. C.
nanum. T. C.
parisiense. C. Pres humldes.
filiforme, ej usque varietates. C.
LOTUS
angustissimus. Lieux sees et ari-
des de la Sologne.
corniculatus , arvensis. T. C.
major. Pres hum. C.
villosus. Com. aux
Ponts- Chartrains , etc.
tenuifolius. Cham-
bord , etc.
uliginosus. (HOFFM.)
Marais.
TETRAGONOLOBUS
siliquosus. Foret de Blois , MOH-
lin-Neuf en Seur. Juin.
GLYCYRHIZA
glabra. Nat. en plusieurs jardins.
ASTRAGALUS
glycypbyllos. C.
CORONILLA
varia. C. dans les lieux sees.
ASTROLOBIUM
ebracteatum. P. C. en Sologne.
ORNITHOPUS
30
PREMIERE SECTION.
(ompressus. Cellettes, Cour-Che-
verny. A. R.
perpusillus. C. en Sologne.
HlPPOCREPIS
comosa. C. Collines seches.
OHOBRYCHIS
sativa. Spontane. Lieux arides.
VroiA
oracca. T. C.
sativa. Nat. en plusieurs endroits.
lis. T. C.
heterophylla. (CUEVAI.LIER.) Les
bois. C.
lathyroides. T. C. Champs sablon-
neux.
lutea. P. R.
sepium. C.
ERVUM
hirsutum. C.
tetraspermum. A. C.
gracile. P. R.
LATHYRTJS
sylvestris. Au has du coteau de la
foret prc's de Chailles. Ete.
pratensis. C.
luherosus. C. Champs.
aphaca. P. R. Moissons.
nissoiia. A. C.
sphxricus. T. R. Dans les mois-
sons a Savigny.
augulatus. C.
hirsutus. C. Moissons.
OROBUS
nigor. Coteau de la foret pres de
Chailles. Ete.
tuberosus. T. C. Hales et bois.
LCPCOJS
reticulatus. ( DESVAUX. ) Isles et
bords de la Loire, a Ckouzy,
Qnzain , Cande , Chailles. Ete.
ROSACES.
PRUNCS
spinosa. C. partout.
CERASTJS
aviuni. Dans quelque.s bois.
ulmaria. C.
filipendula. R. Entre Romorantin
et Pruniers , St.-Aignan. Ete.
GEUM
urbanum. C. Hates.
RUBUS
ceesius. A. C. Lieux ombrages.
fruticosns. T. C.
FRAGARIA
vesca. C. Bois, coteaux.
tormentilla. C.
reptans. C.
verua. T. C.
\ argentea. A. R. Alices des bois. Ete.
anserina. T. C.
comarum. A. C. Marais et bords
des rivieres.
fragaria. C. Lieux sees.
AGRIMOJTIA
eupatoria. C.
AT.CHEMILLA
arvensis. C. dans les moissons.
SANGUISORBA
officinalis. C. dans les pres humi-
des de Pruniers, etc., RoniO'
rantinais.
POTERIUM
sanguisorba. C. Pres sees.
ROSA
arvensis vulgaris. C.
galliea. Bois et hales. Cheverny ,
Coitr-Clteverny, Font. -en-Sol.
PREMIERE SECTION. 31
canina. a. glabra. T. C. TRAPA
rubiginosa vulgaris. C. natans. Etangs de Sologne , Re-
umbellata. C. nayetla Ville-aux-Llercs dans
sepium. C. le Vendomols.
tomeutosa. Les Roches pres Mon-
toire. Etc. HALORAGEJE.
CRAT^IGUS
pyracautha. Les hales de Cherche- M Y:\IOPHYI.LUM
rel en Cour- Cheverny. Etc. spicatum. C.
oxyacantba vulgaris. T. C. verticillatum. P. R.
obtusata. P. R. CALLITRICHE
MESPILUS verna. C.
germanica sylvestris. C. . autumnalis. A. C.
PYRUS HIPPURIS
communis achrus. A. C. vulgaris. A.C.BorddesrulsseaUx.
pyraster. C.
acerba. C. CERATOPHYLLEJE. .
malus sylvestris. C.
tornainalis. C. CERATOPHYLLXJM
aucuparia. A. C. demersum. Le Loir a Fenddme ,
etc. C.
CUCURBITACE^:.
LYTHRARI^E.
BRYONIA
dioiica. T. C. LYTHRUM
salicaria. T. C.
ONAGRARLE. hyssopifolium. A. C.
PEPLIS
EPILOBIUM porlula. C.
montanum. Bois de la Borde en
Cour-Chevemy. Ete. PORTULACE^l.
hirsutum. C.
molle. C. PORTCLA
tetragonum. C. oleracea. T. C.
OEtfOTHERA MONTIA
biennis. C. dans Vancieii lit de la fontana. T. C. en Sologne.
Loire, a Blois.
CIRC^EA PARON1CHIE.E.
lutetiana. A. freq. dans les lleux
humides,tourbeiixetombragcs. CORRIGIOLA
32 PREMIERE
littoralis. C.
HERNIARIA
glabra. A. C.
hirsuta. C.
ILLECEBRUM
verticillatum. A. C. en Sologne.
SCLERANTHUS
animus. C.
GRASSULACEyE.
nuisccsa. P. R. en Sologne.
SEDUM
telephium. A, C.
ceprea. P. R.
album. A. C.
villosum. C.
rubens. T. C.
acre. T. C.
reflexum. A. C,
SEMPERVIVUM
tectoruui. P. R.
GROSSULARIEJE.
RlBES
uva-crispa , a. sylvestris. C.
rub,rum. Nat. en plus, endroits.
SAXIFRAGES.
SAXIFRAGA
tridactylites. T. C.
granulata. A. C.
liMBELLIFER^E.
(Ponrlesplantessuivantesjnsqu'aux
Dipsacees inclusivement , nous al-
SEGTION.
Ions suivre I'ordre et la nomencla-
ture du Prodromus de DECAS-
DOLLE.^I
HYDROCOTYLE
vulgaris. P. R.
SANICULA
europaea. T. C.
ERYNGIUM
campestre. T. C.
CICUTARIA
virosa. DansleBeitvron en Tour,
Juillet et aout. Cette plante ne
se trouve point dans les depar-
tements de la Seine, d'lndre-
et Loire , de Maine-et- Loire ;
est tres rare dans ceux de la
Rii>vre et du Cher, et nest in-
diqitee qu'avec doute dans ce~
lui du Loiret.
APITJM
graveolens. A. C.
HELOSCIADIUM
nodiflorum. T. C.
nan urn. C.
repens. Marais dePontijou.
inundatum. A. R. Mares. £te.
FALCARIA
rivini. Cellettes > cour du chateau
de Beauregard. Ete.
SlSON
amomum. T. C.
AMMI
majus. Cellettes, Mont-Rion, la
Gaignoterie , etc. Ete.
podagraria. Bois de Mont-Rion
en Cellettes , etc. Ete.
CARCM
verticillatum. T. C.
PlMPINELLA
PREMIERE SECTION.
33
magna. C.
dissecta. A. C.
saxifraga. A. C.
SIUM
angustifolium. C.
BUPLEVRUM
tenuissimum. A. C.
aristatnm. Collines de St. -Victor,
et taillis de Villeneuve en Huis-
seau. Juin et juillet. N'a pas
ete trouve ailleurs duns le de-
partement.
rotundifolium. T. C.
falcatum. T. R. A ete trouve aux
Ponts-Chartrains. £te.
OElfANTHE
iislulosa. C.
peucedanifolia. A. C.
pimpinelloides , a. chserophylloi-
des. Pare de Chambord. Ete.
phellandrium. T. C.
JETHUSA
cynapium. T- C.
SESELI
montanum, b. glaucum. C.
SO-ACS
pratensis. T. C,
parisiense. C.
cervaria. Sols de Vdlemalin entre
Filleromain et Vendome. A out.
oreoselinum. Herbault en Solo-
gne, pare de Chambord, etc.
Aout.
montanum. Le long du Beuvron,
surtout dans le marais de Neu-
ii. Aout.
PASTIHACA
saliva. C.
HERACI.ETJM
sphondyliura. C.
ORLAYA
grandiflora. A. C.
DAUCUS
carota. T. C.
— a. atrorubens. M. C.
CAUCAUS
daucoides. C.
TURGEITIA
latifolia. A. C.
TORILIS
anthriscus. P. R.
helvetica. Suites de Vendome, etc.
nodosa. C. dans les environs de.
Blois.
SCANDIX
pecten-veneris. T. C.
ANTHRISCUS
sylvestris. Hales des lignes des
Grouets. Juin.
vulgaris. Hales de Tour et du
Fienne.
CH.EROPHYLLXJM
temulum. T. C.
COICIUM
maculatum. T. C.
ARALIACE^.
ADOXA
moschatellina. Lieux frais et om-
brages. Mars. P. R.
HEDERA
helix. T. C.
CORNER.
CORNUS
sanguinea. T. C.
mas. Foret de Russy, non loin des
34
PREMIERE SECTION.
ponts Saint -Michel. Fleurit en
mars.
LORANTHACE^E.
VlSCUM
album. T. C.
CAPRIFOLlACEjE.
SAMBUCUS
ebulus. T. C.
nigra. f.
VIBURNUM
lantana. C.
opulus. C.
LONiCERA
periclymenum. C.
SHERARDIA
arvensis. A, C.
cynanchica. C.
RUBIA
peregrina. C. Rlols et Fienne.
lucida. Foret de Russy pres de
Cha'dles , Rochambeau , les
Roches, le Gue-du-Loir. Etc.
GALIUM
sylvestre. ( POI.LICH.) C.
ft. laevc. (THUILLIER.) C.
mollugo. T. C.
elatum. A. C.
palustre. T. C.
verum. C.
cruciata. A. C.
tricornc. C.
aparine. T. C.
VALERIANE,E,
VALERIANELLA
olitoria. C.
eriocarpa. En Cour-Cheverny siir
la butte du Carrol. Etc.
auricula. T. C.
carinata. C.
VALERIASA
dioica. C.
officinalis. C.
DIPSACE.E.
DlPSACUS
sylvestris. C.
pilosus. Azeetiillede Vendorne ,
les Montils. Etc.
KNAUTIA
arvensis. C.
SCABIOSA
columbaria. C.
succisa. T. C.
COMPOSITE.
( N'ayant pas encore le 5.e vol. du
Prodromus, nous sommes force
de revenir au But. gallic.
§ 1. _ CORYMBIFERA'.
EUPATORIUM
cannabinum. C.
TUSSILAGO
farfara. C.
jacobcea. C.
' — aquatic us. C.
cruca'folius. C.
PREMIERE SEGTION.
sylvaticus. A. C.
viscosus. C,
vulgaris. Extr. C.
ARNICA.
moiitana. Foretde Bracieux, Ivoy,
Pruniers. Juin.
ERIGEHON
canadense. T. C.
acre. T. C.
SOLIDAGO
graveolens. P. R. en Sologne.
virga aurea. T. C.
BELLIS
perennis. Extr. C.
CONYZA
squarrosa. C.
INULA
helenium. Cliambord, Cour-Che-
verny ; tres abond. a Pruniers.
britanica. C. Lit de la Loire.
salicina. P. R.
dysenterica. C
pulicaria. C.
GNAPHALIUM
luteo-album. C.
sylvaticum. A, C. Bois : allee de
Bury.
uliginosum. C.
arvense, C.
gallicum. C.
germanicum. C.
monlanum. C,
dioicum. Environs de Vendome ,
Sarge.
MlCROPUS
erectus. Vlneuil: lev. de la Loire.
CHRYSANTHEMUM
leucanthemum. C.
inodorum. C. Lieux cultives.
segelum. C.enqueltjucs localitcs.
MATRICARIA
chamomilla. R. Moissons. Ete.
ANTHEMIS
cotula. C.
mixta. T. C. en Sologne.
nobilis. C.
arvensis. T. C.
ACHILLEA
ptarmica. T. C.
millefoliurn.
ARTEMISIA
campestris. Sards de la Loire et
Pruniers. C*
vulgaris. C,
TANACETUM
vulgare. T. C. Sards de la Loire.
XANTHOJBI
macrocarpum. T. C. aux isles de
Chouzy.
strumarium. P. C.Memelocalite.
BIDENS
tripartita. C.
ccruua. C.
CALENDULA
arvensis. T. C.
§ 2. — CYNAROCEPHAL^E.
ECHINOPS
sphaerocephalus. Nat. a Mondou-
ttleau, aux environs du weux
chateau.
LAPPA
glabra minor. C.
— major. M. C.
ONOPORDUM
acanthium. T. C.
SlLYBUM
mariauum. Cour-Cheverny. Ete.
CARDUUS
36
PREMIERE SECTION.
nutans. T. C.
tenuiflorus. T. C. a Blois, etc. ,
a Trod.
SERRATULA
tinctoria. T. C.
CIRSIUM
palustre. C.
lanceolatum. T. C.
eriophorum. C.
arvense. T. C.
bulbosum. R., mais A. C. au
Gue-du-Vau en Cour-CJiever-
ny. Juillet.
anglicum. Extr. C.
— multiflorum. A. C.
acaule. T. C.
— flore albo. Vdledieu.
CENTATJREA
jacea. T. C.
nigra. A. R. Taillis de la None.
Etc.
cyanus. T. C.
maculosa. R. a On
la trouvait aussi en 1824 dans
les sables de Pienne , decant
V octroi. Ete.
scabiosa. C.
calcitrapa. T. C.
KENTROPHYLLCM
lanatum. T. C.
CAR i. ISA
vulgaris. T. C.
§ 3. — CHICORACE^:.
SCOLYMUS
hispanicus. Romorantin , Lanthe-
nay , Villeherviers , Gievres ,
Pruniers. Juillet et aoiit.
SOUCHBS
arvensis. C.
oleraceus laevis. C.
— asper. C.
LACTTJCA
virosa. C.
saligna. A. C.
perennis. C.
CHONDRILLA
muralis. P. R.
juncea. T. C.
LAMPSANA
communis. T. C.
minima. A. C.
BARKHACSIA
fretida. C.
taraxacifolia. C.
CREPIS
virens. A. C.
— diffusa. T. C.
TARAXACUM
palustre. A. C. Chitenay.
dens leonis. T. C.
PICRIS
hieracio'ides. C.
HIERACIUM
pilosella. T. C.
auricula , b. dubia. C.
umbellatum. C.
sylvaticum. C.
murorum. A. C.
ANDRYALA.
integrifolia. P. C. TaUlis. Ete,
HIPOCH.ERIS
radicata. T. C.
TRAGOPOGON
pratense. P. R.
LEONTODON
hispidum. T. C.
autumnale. C.
SCORZONERA
PREMIERE SECTION.
plantaginea. (SCHLEICH. ) T. C.
CICHORIUM
intybus. C.
LOBELIACEjE.
LOBELIA
urens. C.
CAMPANULACEyE.
JASIONE
montana kevis. C.
— hirsuta. T. C.
PRISMATOCARPUS
speculum. T. C.
CAMPANULA
glomerata. C.
trachelium. A. C.
rapunculoides. Vignes , jardins.
Ete.
rapunculus flore creruleo. C.
— flore albo. P. C.
patula. A. C.
rotundifolia. A. R. Fendome. Ete.
ERICINEvE.
ERICA
scoparia. Extr. C. en Sologne.
cinerea. T. C.
ciliaris. Foret de Blois pres de la
Picardieie, bois de Boulogne.
tetralix. C.
CALLUNA
erica. T. C.
JMONOTROPE./E.
MONOTROPA
hypopitys. Foret de Aussy, envi-
rons de Pnmiers, etc.
JASMINES.
LlGUSTRUM
vulgare. C.
JASMINUM
fruticans. Un des rochers de St,-
Victor en est convert. Ete.
Fa AX IN us
excelsior. C.
APOCINE.E.
ASCLEPIAS
syriaca. A. R. Nat. a Herbault
en Sologne. Juillet.
CYNANCHUM
vincetoxicum. A. C.
VlNCA
minor. T. C.
GENTIANEyE.
MENIANTHES
trifoliata. A. C.
VlLLARSIA
nymphoides. C. dans le Cher , it
Thezee. Ete.
ClILORA
perfoliala. A. C.
pneumonanthe. P. R.
cruciala. Lavardin et Rocliam-
beau.
centaurium. C.
pulchella, A. C.
EXACUM
38
PREMIERE SECTION.
randollii. Cour-Chcverny , pare
de Chambord. Ete.
filiforme. Memes local., Pierre/itte.
CONVOLVULACE^.
CONVOLVULUS
scpium. C.
arvensis. Extr. C.
CUSCUTA
major. C.
minor. T. C.
BORRAGINE^E,
HELIOTROPIUM
europaeum. C<
ECHIUM
vulgare. T. C.
LlTHOSPERMUM
purpureo-cceruleum. St.-Gervais,
Chailles, Menars, Mai.
officinale, C.
arvense. C,
PULMONARIA
officinalis. A. R. Mai.
angustifolia. T. C.
SYMPHYTUM
tuberosum. T. R., mats abond.
dans la foret de Russy, au bas
du coteau , non loin des ponts
Saint-Michel. Avril.
officinale. CV
LYCOPSIS
arvensisv Ct
AncnusA
italica. C.
BORRAGO
officinalis. C.
MYOSOTIS
lappula. Ponts-Chartrains. Tres
abond. depuis Saint-Aignan
jusqu'a Montrichard. Ete.
annua. T. C.
perennis. T. C,
CYNOGLOSSUM
officinale. T. C,
SOLANE^.
LYCIUM
europaeum. A. C*
SOLATIUM
ochroleucum. C,
nigrum. C.
dulcamara. A. C<
PHYSALIS
alkekengi. C.
DATURA
stramonium. C. en Sologne.
tatula. C. enlre Chouzy et Ort-
zain , $ur le bordde la Loire.
HYOSCYAMU*
niger. C.
VERBASCUM
tliapsus. C.
thapsiforme. C.
phlomoides. A. C.
blattaria. T C.
nigrum. C.
lychnttis flore luteo. A. C<
— flore albo. M. C.
floccosum et pulverulentum. C<
ANTIRRHINEvE.
GRATIOLA
officinalis* C
DIGITALIS
parviflora. Les Roches. Ete.
PREMIERE SECTION.
39
piirpurea. T. C.
ANARRHINUM
bellidifolium. Sols de la Remise.
Etc.
ANTIRRHINUM
orontium. C.
LlNARIA
minor. C.
cymbalaria. T. C. a Btois,
spuria. C.
elatine. C.
pelisseriana. P. C. Sologne et Fen-
domois. Etc.
striata. C.
vulgaris. T. C.
arvensis. Pare de Chambord. Ete.
SCORPHULARIA
aquatica. C
nodosa. P. R.
cunina. C. dans les emir, de Blols.
LIMOSELI.A
aquatica. Ponts-Chartrains. R,
OROBANCHEJE.
OROBANCHB
rapumi C.
ulicis. Romorantin.
epithymum. A. C. Coteau de St.-
rictor.
galii. Lavardin.
hederse. Pare de Chambord.
caerulea millefolii. ( REICH. ) C.
cruenta. (BERTELONI.) Celle, C>
picridis. ( WALLROTH. ) Baillou.
ramosa. C.
LATHR^A
squammaria. Foret de Rusy. Com-
mencement
RHINANTHACE^:,
MELAMPYRUM
arvense. T. C.
cristatum. P. C. Taillis.
pratense. T. C.
PEDICUT^ARIS
palustris. C1.
sylvatica. C
RHIITANTHUS
glabra. C.
BARTSIA
viscosa. C. en Sologne, Couture.
EUPHRASIA
officinalis. 6\
odontites. C.
— flore albo. (LAMR. diet. ) A
Murblin pres de C.-Ckeverny\
VERONICA
hederosfolia. T. C.
polita. (FRANKE. ) V. agrestis des
auteurs, non LIKNE. C.
arvensis. T. C.
triphyllos. C
acinifolia. C.
serpyllifolia. A. C.
officiiialis. C.
chamoedrys. T. C.
teucrium. C.
scutellata. C.
anagallis. C.
beccabunga. T. C.
LABIATE.
LYCOPUS
europaeus. C.
SALVIAi
pratensis. T. C.
sylvestris. Prise jc ne sais oh.
40
PREMIERE SECTION.
sclarea. A. C.
A JUG A.
chamjepitys. A. C.
reptans. C.
pyramidalis. A. C.
TEUCRIUM
scorodonia. T. C.
botrys. Chambord.
chamaedris. A. C.
scordium. P. R.
montanum. Rochambeau et St.-
Algnan.
HYSSOPUS
officinalis. Abond. en Vllledleu ,
pres d'un lieux chateau.
GALEOBDOLON
luteum. A. C.
LEONURTJS
cardiaca. P. R.
MARRUBIUM
vulgare. T. C.
BAIXOTA
fffitida. C.
BETONICA
officinalis. A. C.
stricta. (AITON.) C.
GALEOPSIS
tetrahit. A. C. .
ochroleuca. A. C.
la dun uni. C.
LAMIUM
album. A. C. .
maculatum. T. C.
purpureum. C.
hybridum. P. R.
amplexicaule. C,
GLECHOMA.
hederacea. T. C.
STACHYS
arvensis. C.
annua. T. C.
sideritis. C.
germanica. A. C.
lanata. Nat. dans la liaie du jar-
din du presbytere de Cour-
Cheverny.
sylvatica. C.
palustris. C.
NEPETA
cataria. A. C.
MENTUA
sylvestris.
rotundifolia. C.
viridis. P. C.
piperita. Dans la rampe de I'an-
cten jardln botanique de
Slots.
hirsuta. T. C.
arvensis. C.
pulegium. T. C.
THYMUS
serpyllum. T, C.
acynos. T. C.
calamintha. C.
MELISSA
officinalis. A. C.
MELITTIS
melissopliyllum. P. R.
CLINOPODIUM
vulgare. T. C.
ORIGANUM
vulgare. C.
BRUWELLA
vulgaris. T. C.
laciniata. T. C.
— flore albo. P. R.
SCUTELI.ARIA
hastifolia. Chambord , les Sanies
pres de Slots.
minor. C.
PREMIERE SECTION.
41
galericulata. A. C.
VERBENACE^:.
VERBENA
officinalis, C.
LENTIBULARIE^:.
PlNGUICUI.A
vulgaris. Marals. A. C.
lusitanica. Herbaulten Sologne.
UTRICULARIA
minor. Marals. P. C. Etangde la
Rousseliere. Chambord.
vulgaris. C.
PRIMULACEvE.
palustris. C.
LYSIMACHIA
vulgaris. C.
nummularia. C.
CENTUNCULUS
minimus. Abend, a la Plvrie prcs
le chateau fie Chambord; Pier-
refilte.
ANAGALLIS
phoenicea. ( LAMK. ) C.
— a ft. rouge a la gorge ,
blanche an reste. Etc.
Chambord.
cserulea. ( LAMK. ) C.
tenella. P. C.
ANDROSACE
maxima. Extr. abond. dans les
vignes , sur une grande eten-
due de terrain, au S.-O. de
Blois. Souv. <vers la fin de mars.
PRIMULA
officinalis. T. C.
grandiflora longistyla. C.
brevistyla. Lafleur de
cette 'vanete est plus pale.
SAMOLUS
valerandi. P. C. Lords du Beti-
vron , marais d'Huisseau-en-
Beauce , pare de Chambord.
GLOBULARIEjE,
GLOBULARIA
vulgaris. MouUn-a-^vent de Saint.
Gcrvais pres Blois ; Rocham-
beau , bois de F~illemalin} dans
le Trendomois. Etc.
PLUMB AGINEZE.
STATICE
plantaginea. C.
PLANTAGINE^:.
LlTTORELLA
lacustris. Abond. aux Mares, pres
la Croixdel'Ormeau , en Che-
<verny. Ete.
PLANTAGO
coronopus. T. C.
scrpentina. Environs de Salbris ,
Pierrefitte , Nouan-le-Fuselier.
arenaria. C.
lanceolata. A. C.
media. C.
major. C.
AMARANTHACE^.
AMARAKTHCS
sylvestris. C.
PREMIERE SECTION.
blitum. A. C. Romoraniin, Cour-
Cheverny, etc.
retroflexus. Abond. en Thezeeet
a Montrichard.
CHENOPODEvE,
POLYCNEMUM
arvense. Champ sd' Aver don etde
Huisseau-en-Sologne. Ete.
CHENOPODIUM
polyspermum. A. C.
vulvaria. C.
glaucum. A. C.
hybridum. C.
rubrum. P.C. Grevesde la Loire.
Ete.
album. ( LINN. ) T. C.
intermedium. (Kocaef MERTENS.)
P. C. Ete.
bonus henricus. P. R.
ATRIPLEX
microsperma. (WALDST. et KIT.)
A. C.
angustifolia. C.
POLYGONEjE.
RCMEX
palustris. C. Etangs des environs
de Rom o rant in.
pulcher. T. C.
obtusifolius. A. C.
nemolapathum. C.
crispus. T, C.
aquaticus. T. C.
acetosa. C.
acetosella. T. C.
scutatus. Vineuil, en plus. endr.
Por.YGONUM
dumetorum. A. C.
convolvulus. T. C.
amphibium aquaticum. C.
terrestre. A. C.
hydropiper. C.
persicaria. C.
incana. P. R.
pusillum. C.
riodosum. (PERSOON. ) A. C.
aviculare. T. C. Ejusque plures
varietates.
THYME LE^E.
STELLEKA
passerina. C.
DAPHNE
laureola. A. C.
SANTALACE^E.
THESIUM
linophyllum. C.
ARISTOLOCHI^:.
ARISTOLOCHIA
clematitis. A. C.
EUPHORBIACE^:.
Boxes
sempervirens. Coteaux de la Cisse
et Rochambeau. Abond.
EUPHORBIA
helioscopia. T. C.
platyphylla. C. dans les environs
de JBlois.
dulcis. C.
verrucosa. A. C.
esula. C.
PREMIERE SECTION.
43
salicifolia. Environs de Blois. C.
cyparissias. T. C.
exigua. T. C.
peplus. A. C.
lathyris. A. C.
sylvatica. T. C.
MERCURIALIS
perennis. P. T. C.
annua. T. C.
URTICEvE.
PARIETARIA
diffusa. (Koca ef MERT.) C.
URTICA
pilulifera. R.Decombres, a Onzain.
dioica. T. C.
ureas. T. C.
HUMULUS
lupulus. C.
AMENTACE.E.
UMMUS
campestris microphylla. C.
suberosa. A. C.
major. A. C.
BETULA
alba. T. C.
AiJTCS
glutinosa. T. C.
SALIX
capraea. C.
cinerea. T. C.
aurita. T. C.
repens. Au S.-O. cte notre de'par-
tement , Souesmes, Salbris.
viminalis. A. C. pres de Blois.
monandra. A. C.
triandra. C, en Vienne.
fragilis. C. aux Saules , pres de
Blois.
alba. T. C.
vitellina. A. C.
POPULUS
alba. C.
tremula. T. C.
nigra. C.
— nana. T. C.
FAGUS
sylvatica. C.
CASTANEA
vulgaris. T. C. en Sologne.
QUERCUS
cerris. Gaston de France avait a
Blois un magn'ifique jardinbo-
tanique, ou, a $a mort, cirri-
fee en 1660 , on comptolt
2,574 plcmtes , tant especes
que varie'te's. Il existait encore
nagueretrois grands individus
de quercus cerris vers le mi-
lieu de cet ancien jardin, pro-
venus sans doute de glands
tombes des beaux chenes qiti y
e'taient aulrefois : deux out
ete abattus; il n'en reste plus
maintenant qu'un seul.
toza. Sur la limite du Cher,
pubescens. A. C.
racemosa. T. C.
sessiliflora. T. C.
CORYLUS
avellana. T. C.
GARPIKUS
betulus. C.
MYRICA
gale. Cour-Cheverny, Pruniers ,
Gievres, Souesmes, etc.
44
PREMIERE SECTION.
CONIFERS.
JDNIPERUS
romimmis. T. C.
NAYAS
major. LeLolra Vendome, etc, C.
HYDROCHARIDEvE.
HYDROCHARIS
morsus-ranfc.
ALISMACEjE.
]>UTOMCS
umbellatus. A. C.
AMSMA
rammculoides. C.
repens. C.
natans. A. C.
plantago. C.
damasonium. A. C.
SAGITTARIA
sagittffifolia. C.
TRIGI.OCHIN
palustre. A. C.
POTAMEjE.
POTAMOGETON
natans. T. C.
— fluitans.
lucens, ej usque plures varietates.
perfoliatum.
densum et oppositifolium. A. C,
hclerophyllum. A. R. La Fonte-
nelle en Cheverny.
oompressum. C.
pusillum. C.
ZANICHEI.HA
palustris. P. C. Pont de la Ronce
en Cellettes, et aillews.
ORCHIS
viridis. A. C.
conopsea. C.
maculata. C.
latifolia. T. C.
incarnata. (LINN. FRIES.) C1,
laxiflora. C.
mascula. T. C.
morio, ejusque varietates.
militaris, A. C.
siraia. P. C. Pare de Cheverrif, etc.
coriophora. 6'.
ustulata. A. C.
bifolia. f.
hircina.
OPHKYS
myodes. Saint-Gervais, Cham-
bon, Beauregard en Cellettes,
Lavardin.
aranifcra. A. R. Pres montueux.
apifera. C.
NEOTTIA
spiralis. A. C.
rcstivalis. C.
EriPAcris
ovata. P. C. Pigelee, Saumery, etc.
nidus-avis. A. R. Foret de Hussy,
Chambord, le Vlvier en Cow-
Cheverny, etc.
pallens. C.
latifolia. P. C.ParcdeChambard.
palustris. T. C.
MALAXIS
loeselii. A. R. Pres marecageujc ,
Cheverny, Averdon.
PREMIERE SECTION.
45
IRIS
pseudo-corns. C.
fuetidissima. P. R.
G T.A DIOLUS
communis./J.Porc cle Chambord,
en deux endroits. Juin.
AMARYLLIDE^E.
NARCISSUS
pseudo-narcissus. Le Gite-la-Giiet-
te , Averdon , la None. Mars.
LEUCOIUM
aestivum. Extr. abond. dans les
preshumides du Gue-la-Giiette,
des le commencement d'avril.
GAI.AFTUS
nivaiis. C. en fevrier.
ASPARAGE^l.
ASPARAGUS
officinalis. Fientspontanem. dans
les vignesdeSoings, de Mont.
CONVALI-ARIA
multiflora. C.
niajalis. Foret de Vendome et de
Freleval, et bois de Sarge.
RUSCTJS
aculeatus. C.
TAMUS
communis. C.
a la Chdiusec , a. Menars , a
Mer.
FRITII.LARIA
inelengris. Chaillcs , Cande, bois
de Brion.
ASPHODELUS
allxis. Foret dc firacieux , pare
de Ckambord , Saint- Aignan.
PllACANGIUM
ramosum, T. R. Saint-^ignan.
bicolor. R. Pres le chateau de
Montcollier, en F'dlenj. Juin
et ju'dlet.
SCIT.I.A
aulumnalis. P. C. Pezay et prai-
rie de ChaiHes. Aoitt et sept.
bifolia. C.
nutans. A. C.
racemosum. T. C.
comosum. C.
GAGEA
villosa. A. C.
ORNITHOGAI.UM
umbellatum. T. C.
pyrenaicum. T. C,
Al-ML'M
splizerocephalum. Abond. dans
les lies de Chouzy, etc.
vineale. Ct
oleraceum. Pas tres rare a V'dle-
dien, (Jidtre sur-C/ier.
intermedium. C. dans les vigiics
a Savigny. ( Trouve ailleurs. )
ursintim. T. C.
COLCHICACE^.
TUT/IP A.
sylvestris. Extr. abond. dans les COI.CHICUM
-vignes an sitd-oue$t de Dh.is. , autunquale. 71 C.
PREMIERE SECTION.
JUNCE/E.
Jirsr.i s
eongiomoratus. T. C.
effusus. T. C.
glaucus. T. C.
siftiarrosus. Soncsmes , Salbris ,
Pierrcfitle, Romorantin.
ericetorum. j4. C, en Sologne.
uliginostis. (MEYER.) T. C.
— supiuus. C.
— flu i tans. A la Girau-
dicre. Etc.
pyguueus. A, C.
bufonius. C.
tcnagcia. A. C,
bulbosus. A, C.
lampocarpos. C.
alpinus. Pas tres rare. Pivs ma-
recageux.
aculiflorus. T. C.
LUZTJLA.
vernalis. C.
ibrsteri. A. C. Bois.
eampestris. C.
— congcsta, P. C. Chamber d.
— muUiflora. Taillis de la
none, alle'e de Bury.
AROIDEvE.
ARUM
viilgare. T. C.
TYPHACE^E.
TYPHA
lalifolia. T. C.
angustifolia. C.
SPARGANIUM
simplex. C.
ramosum. C.
CYPERAGE^:.
CYPERUS
longus. A. C.
fuscus. A. C.
flavcscens. Volet , en Cour Che-
i>erny ; la Pivrie , prcs du cha-
teau de Chambord.
ScilOENCS
nigricans. Cheverny, Sent; Thore,
Sarge.
albus. La Pivrie, Salbris, Pier-
rcfitte. Septembre.
SCIRPCS
palustris. T. C.
— b. reptans. (DEC. FR.) C.
— g. intcrmedius. (DEC. FR.)
Sonesmes.
— d. spicis radicantibus in
folia abeuntibus. (DEC.)
A. C.
multicaulis. R. Chambord.
boeotbryon./?. Cliambord, et ma-
rais de Conival, en Sarge.
ovatus ? A. R. Chambord.
fluitans. C.
acicularis. A. C.
setaceus. P. R. en Chambord.
micbelianus. A. R. Greves de la
Loire.
cespitosus. Sonesmes.
lacustris. T. C.
niaritimus. A. C.
sjlvaticus. P. R.
CAREX
pulicaris. A. C. Soitesmes.
disticha. C.
PREMIERE SECTION.
47
vulpina. C.
divulsa. P. C. Bois humides.
inuricata. C,
paniculata. Pres da bourg de
Cour-Cheverny. Abond.
ovalis. C.
schreberi. Cheverny, au s.-o. de la
Porte-Dore'e ; cot.de S.-t'ictor.
brizoides. Fonts- Chartrains.
stellulata. P. R.
remola. A. C. Bord des fosses.
cespitosa. T. C.
stricta. C.
acuta. C.
tomenfosa. P. C. Val de Saint-
victor. Etc.
pilulifera. A. C.
praecox. T. C.
glauca. C.
hirta. C.
flava. T. C.
— oederi. C.
hornschachiana. ( HPP. REICH. )
war. binervis. Saint-Gervais ,
Chambord) etc.
distans. C.
panicea. C.
pallescens. A. C.
patula. T. C.
pseudo-cyperus. Cheverny, Cour-
Che verity, Clio it zy. P. C.
vesicaria. C.
ampullacea. Abond. en I'etangde
la Roussel&re , en Cheverny.
paludosa. C.
riparia. T. C.
GRAMINEJ2.
ANDROPOGON
ischoemum. A. C. Levees de la
Loire, etc.
CYNODON
dactylon. T. C. en Sologne.
DlGlTARIA
filiformis. C.
sanguinalis. C.
LEERSIA
oryzoides. A. C. a Cour-Cheverny
Salbris.
CALAMAGROSTIS
epigeios. T. C.
AGROSTIS
alba. C. Ej usque plures varietatos.
— decumbeus. T. C.
vulgaris. T. C.
— pumila. R. Cour-Chever-
ny. Etc.
rubra. A. C.
canina. T. C.
interrupta. P.C. Vignes,moissons.
spica-venti. T. C.
GASTRIDIUM
lendigerum. ( DESFONT. ) P. C.
Bois du Riou, en Tour, etc.
M ILIUM
effusum. C.
PANICCM
crus-galli muticum. C.
— aristatum. A. C.
glaucum. P. R.
viride. 6\
verticillalum. T. C.
PHALARIS
arundinacea. C.
phleoides. A. C. Collines arides.
PHLEUM
pratense elongatum. C.
— nodosum. C.
ALOPECURUS
48
PREMIERE SECTION.
pratensis. T. C.
agrestis. T. C.
geniculatus. A. C,
AlfTOXAHTHUM
odoratum. T. C,
MELICA
uniflora. C.
Aiaorsis
agrostidea. P. R. en Sologne, siir
les bords des clangs , etc.
AtRA
cnpspitosa. C.
ilexuosa. C.
raryopbyllea. C.
canescens. C. Lieux sablonneux.
AVENA
mollis. C.
Janata. C,
clatior. T. C.
flavescens. T. C.
pratensis. R. Stir les coteaux a
Couture.
pubescens. A. R. CUnord.
fatua. C.
strigosa. P. C. Cour-Chev erny ,
parml les avoines cultivees.
DANTHONIA
decumbens. C.
BROMCS
secalinus. C.
mollis. T. C.
arvensis. C.
erectus. C.
racemosus. C.
asper. P. R. dans les bois.
giganteus. A. C. dans les bois.
sterilis. T. C.
tectorum. T. C.
FESTUCA
uniglumis. ( Arr. F. bromoides
LINN. ) Bords de la Loire.
ciliata. Irouvee en i836 en Huts-
sea u ou Chambord.
pseudo-myuros. (SOYER.)
sciuroides. (Rora.) T. Ct
duri use ula. T. C.
— glauca. C.
rnbra. C.
heterophylla. 4. C. Bois.
ovina. C. en Sologne.
arundinacea. P. li.
elatior. T. C.
— loliacea. P. C.
MOLINIA
crerulea. ( MOENCH. ) C.
A RUN DO
phragmites. C.
DACTYLIS
glomerata. T C.
KOELERIA
cristata. A. C.
TOA
compressa, ejusque plures variet.
bulbosa. C-
— vivipara. A. C.
trivialis. C-
pratensis vulgaris. T. C.
— angustifolia. A. C.
nemoralis, ejusque plures variet.
aimua. Extr. com.
aquatica. A. C.
rigida. P. R., abond. a Thorc ,
dans les cliamps.
mogastachya. C.
pilosa. C. sitr lesgreves de la Loire.
airoides. A. C. Mares etrnisseaux.
fluitans. Extr. com. en Sologne.
BRIZA
media. C.
minor. R.
PREMIERE SECTION.
49
crislatus. C.
CHAMAGROSTIS
minima. T. C. en Salogne.
stricla. A. C. Sables hnmides.
jEGILOPS
ovata. Rocliers du Gue-du-Loir.
TRITICUM
caninum. Bury.
repens muticum. C
— aristatum. A. C.
pinnatum. C.
sylvaticum. C.
poa. A. R.
tenuiculum. A. C.
nardus. C.
LOLIUM
perenne. T. C.
temulontum. A. C.
mnltiiloruni. A. C.
arvense. ( WITH. ) T. R. Parmi le
chanvre , en Savigny, Etc.
HORDEUM
murinum. T. C.
secalinum. A. C.
LEMNACEtfl.
LEMNA
trisulca. C.
minor. T. C.
polyrhiza. C.
CHARACEJE.
CHARA
vulgaris. A. C.
tomentosa. A. C.
hispida. A. C.
capillacea. Fontaine de la Folle-
tiere, en Tour.
flexilis. Mare de Vittesavin; en
Cheverny ; Salbris.
translucens. Salbris.
EQUISETACE^].
EQUISETUM
arvense. C.
fluviatile. A. C.
palustre. C.
limosum. C.
multiforme variegalum. Sables,
pres I'octroi de Saint-Gervais.
— ramosum. Ibidem.
hyemale. Au pont de St-Gervais,
ducdidde ftenne.
FILICES.
OPHIOGLOSSUM
vulgatum. Chambord , Tour et
Huisseau, enSologne.
OSMUNDA
regalis. P. R.
CETERACH
officinarum. A. C. Rockers , ineux
murs.
POLYPODIUM
vulgare. T. C.
POLYSTICHUM
tlielypteris. C. dans les marais.
callypteris. Aux Vaux-Jagots ,
pres de Blois.
dilatatum. A. C.
filix-mas. C.
aculeatumi Savignv, Bontieveau,
les Grouets , etc.
ATHYRIUM
50
PREMIERE SECTION.
lilix-iiemina. C.
ASPLENIUM
lanceolatum. C. dans les hales de
Blois, aux Groitets , paries
hauts, pres du climat de Bois-
Blanc; Chambon.
adianthum nigrum. C.
ruta-muraria. C.
trichomanes. C.
SCOLOPENDRIIJM
officinale. C.
PTERIS
aquilina. T. C.
ADIANTHUM
capillus-veneris. Font, de Mont-
Rion, en Cellettes ; un des puits
de la Chaussee-St-Fictor.
MARSILEACEyE.
MARSILEA
quadrifolia. Fosses des Fonts-
Cliartrains.
PlT.UI.ARIA
globulifera. Etangs de Cheverny
et de CoM'-Cheverny.
LYCOPODIACEjE.
LYCOFODIUM
inundatum. S.-E. dudepartement,
Pierrefitte-sur-Sauldre.
MUSCI.
POLYTRIC.UUM
juniperinum. T. C.
piliferum. C.
commune. C.
formosum ( HEDW-IO.) T. C.
subrotundum. T. C.
undulatum. C.
BARTRAMIA
pomiformis. Les Grouets , etc.
fontana. A. C.
FUITARIA
hygrometrica. T. C.
BRYUM
palustre. C.
ligulatum. C.
hornum. C.
cuspidatum. A. C.
ptmctatum. Pas trcs com.
argentcum. C.
ca pi Hare. C.
cespititium. C.
ctudum. Etang de la Roiisselicrc f
en Cheverny.
DAI.TO^IA.
heteromalla. Pezay et bureau de
I' octroi de St-Gervais.
NECK.ERA.
crispa. Rocliers de Pezay.
viticulosa. C.
curtipendula. Fortt de Blots , ro-
ckers de Pezay.
FcmxraALis
antipyretica. T. C.
HYPNUM
complanatum. T. C.
trichomanoides. Foret de Hussy.
denticulatum. Ibidem.
riparium. C.
dendroi'dcs. Foret de Hussy.
alopecurum. C.
purum. C.
schreberi. Bois des Bons-Camrs ,
en Cour- Cheverny, etc.
murale. Au pied de 1'egUse de
Saint-Nicolas de Blois , etc.
PREMIERE SECTION.
51
serpens. P. R.
sericeum. T. C.
lutescens. T. C.
uitens. R. Cheverny , preslePont-
Rouge.
splendens. C.
proliferum. T. C.
myurum. C.
myosuroi'des. Foret de Russyt
abietinum. Rochersde St-T iztoret
moulin-a'-vent de St-Gervais.
prjelongum. C.
strigosum. Moulin de Mace.
piliferum. Bosquet des Fees , en
Cour-Cheverny.
rutabulum. T. C.
rusciforme. A. C.
confertum. Presbyt. de Cour-Chev.
striatum. T. C.
cuspidatum. C.
loreum. Foret de Blois.
stellatum. A. C.
squarrosum. Foret de Blois.
brevirostrum. Ibidem.
triquetrum. T. C.
medium. Environs de Blois.
filicinum. Cellettes, Cheverny, etc.
commutatum. Pres Beaumont ,
Cour-Cheverny.
aduncum. C.
fluitans. C.
rugosum. C. aux environs de Blois .
scorpioi'des. C.Etangdela Rous-
seliere, en Cheverny.
repens. Dans les saules creuxsur-
tout.
cupressiforme. Extr. C. etoffrant
un grand nomlre de varie'te's.
molluscum. A. C.
LEUCODON
sciuroides. A. C.
PTERIGYNANDRUM
gracile. Rockers de Pezay et de
Thore, et aux Grouets.
TORTULA
rigida. Saint-Gervais.
muralis. A. C.
ruralis. C.
subulata. C.
unguiculata. C.
DIDYMODON
puqiureum. C.
DlCRANL'M
viridulum a. exile. Talllis de la
None.
taxifolium. 6.
glaucum. P. R.
scaparium. C.
heteromallum. A. C.
WEISSIA
controversa. A. C.
cirrhata. Bonde de Vetang de
Chercherel, en Cour-Cheverny.
THESANOMITRION
flexuosum. Coteaux de Pezay.
ENCAI.VPTA
vulgaris. A. C.
CINCLIDOTUS
fontinaloides. Adherant aux sau-
les , pres Montigny.
TRICHOSTOMUM
canescens. T. C.
GRIMMIA
pulvinata. T. C. &• .HTH
apocarpa. C.
ORTHOTRICHUM
anomalum. C.
affine. A. C.
— pumilum. P. R.
diaphanum. Pris ou?
52
PREMIERE SECTION.
slriatum. C.
crispum. Rochers deSt-Victor.
DIPHYSICUM
foliosum. Aux f^aux-Jagots, dans
les Groitets.
ANICTANGIUM
ciliatum. A. C.
GYMNOSTOMLM
truncatulum. P. ft.
SPHAGNUM
obtusifolium vulgare. C.
acutifolium. A. C.
PHASCUM
crispum. Aux Sablons, en Conr-
Cheverny.
subulalum. A. C.
muticum. P. R.
ciispidatum. Aux Sablons.
JUNGERMATN'NLE.
JlJNGERMANNIA
bicuspidata. A la None.
complanata. C.
hidentata. C.
platypbylla. C.
lievigata. Taillis de la None.
dilalata. Ibidem.
tamarisci. T. C.
pinguis. Etang dc la Rousseliere.
MARCHAMTIA
polymorpha. C.
RICCIA
fluilans. A. C.
cavernosa. Sur la vase que la
Loire en se retirant , apres les
crues d'ete, a laissee depuis
quelqite temps a decowert ,
dans des endroits ombrages.
LICHENES.
ENDOCARPON
hedwigii. Surlaterre, a Baillon.
UMBILICARIA
pustulata. Abond. a la butte de
la Meute, en Sarge,
PELTIGERA
liorisontalis. A. C.
canina. T. C.
— tectorum. Bourg de Cour-
Cheverny.
scutata b. collina. A la montc'e de
Saint-Gercais.
STICTA
pulmonacea. A.C. Foret de Russy.
PARMELIA
perlata. C.
acetabulum. C
caperata. T. C.
tiliacea. C.
— scortea. A. C.
saxatilis. C.
omphalodes. C. sur les pelouses,
a Savigny.
olivacea. C.
physodes. C.
lanugiriosa. boitrg de Cour-Chev.
aleurites. P. C. Dans un chenc
creux , etc.
ulotbryx. P.R. Tronc de noyer.
pulverulenta. T. C.
stellaris. C.
coesia. Sur du prunellier, Conr-
Cheverny.
pithyrea. Tuiles d'un toit.
parietina. Extr. C.
candelaria. T. C. Roches, murs.
PANNARIA
rubiginosa. C.
PREMIERE SECTION.
53
COLLEMA.
nigrescens. C.
jacobeaefolium. Rochers de Saint-
Fictor, etc.
scotinum. Pres le pare de Beau-
regard.
furvum. Ibid, et dans ce pare ineme.
crispum. A. <?.
PHYSCIA
prunastri. Extr. corn,
chrysophthalma. A. C.
b. denudata,
ciliaris. Extr. com,
tenella. C.
fraxinea. C.
fastigiata. C.
farinacea. C.
USKKA
barbata florida. Foret dc Blois. A. C.
iiirta. C.
plicata. Foret de Blois.
CORNICULA.RIA
aculeata. T. C. a In butte de la
Meute, en Sarge.
CENOMYCE
UDcialis. Abond. dans les bois a
Sarge.
sylvatica. T. C.
— laxiuscula. C. a Sarge.
— puruila. C.
rangiferina. C. -•*?** i
pungens. C.
— foliosa. C.
— • nivea. A, C.
— axilliflora. Saint-Gerveus.
rauricata. A. C.
furcata. C.
— fastuosa.
racemosa. C.
— r- humiiis. Foret de Russy.
gracilis. A. C.
squamosa. Chambord , foret de
Hussy.
delicata. A, C,
fascicularis var. albicans. C.
cornuta. T. C.
— ramosa. C.
— abortiva. P. R.
pyxidata simplex. T. C.
— longipcs. A. C. .&qn*
— prolifera. P. R.
— tubreformis. A. C.
-— neglecta. Sanies ci-eux ct
-foret de Russy.
— syutheta. Beaumont , en
Cour-Chevernj , etc.
— fimbriata. A. C.
— conistea. Bois de la Bijaic.
pocillum. P. R.
endiviaefolia. C.
alcicornis. A. C.
cladomorpba var. cassia. C. en
Cour.
cariosa. Fontaine en Sologne.
coccifera. C.
— obconica. (DEHSE.) P. C.
— azotea. Pins, en Fontaine
en Sologne.
digitata. C.
— scabriuscula.(DELisE.)/)./?.
— macropbylla. Sur un chene
pourri.
bacillaris. Pins de la Sistiere.
BOEOMICES
ericetorum. C.
rufus. A. C.
CAMCIUM
quercinum. P. R.
PREMIERE SECTION.
clavicularc. Sanies blancs creux.
OPEGRAPHA
radiata. A> C,
iiotha. C.
— vulvclla. T, C.
inacularis faginea. C.
— quercina. C.
lierpetica. Sur le tremble.
atra. T. C.
sulcata. A. C.
scripta. C.
— cerasi. A. C.
— pulverulenta. C.
— serpentina. Ecorce d'orme.
STIGMATIDIUM
crass urn.- Bois prive d'e'corce.
epidermidis. A. C.
punctiforrois. A. C,
nitida. C.
epigwa. C, a Baillou.
PATELI.ARIA
petriva. C.
uliginosa. C. a Sarge.
nigra. T. C.
parasema. T. C.
— limitata. C*
— punctata. Chdtalgners
sans e'corce.
sabuletorum. St- Gervais , moulin-
a-vent.
immersa. C.
enteroleuca. C.
albo cierulescens. Rocs , Coitr-Ch.
eorticola. C.
epipolia. 3/ure da pare de Flllesavin.
t'erruginea. T. C,
rnpestris. Cour-thcv., Peiay, etc.
geograpbica.Pe^rtj, Thore, Sarge,
atroalba. Clenord , Thore.
PSOHA
vesicularis. A. C.
decipiens. Moulin- a- rent de St-
Gervais.
SQUAMMARTA
crassa. C.
carlilaginea. Beaumont , Cour-Ch.
diffracta. Pezay et TltorJ.
PLACODIUM
radiosum. P. li.
albescens. Croir,- aux-Morts ef
Co ur-C heverny.
ocellatum. C. aux rochers de Pe-
zay.
canescens. Foret de Russy.
murorum. A. C.
LECANORA
vitellina, A. C.
salicina. P. R.
citrina. C.
luteo alba b. aurautiaca. Lebreuil
de Cheverny.
cerina. C.
— cj anolepra. Peuplier, trem-
ble.
subfusca. Ejctr. com*
— atrynea. Thore.
varia. T. C.
parella. C.
albella. C.
angtilosa. A. €<
lutescens. C.
atra. P. JR.
URCEOLARIA
scruposa. C.
— thallo cladoniae. Coitr-Ch.
opegraphoides. P. JR.
ciiicrea. C.
— polygonia. A, C.
calcaria contorta. P. R.
PREMIERE SECTION.
55
PERTUFARIA
communis. T. C.
COTUOCARPOIf
cinnabarinum. A. C.
ILYPOXYLA.
bypoxylon. C.
punctata. P. R.
fragiformis. A. C.
fusca. T. C.
stigma. Bois sec.
disciformis. Bois ton,bd par terre.
scabrcsa. Orme prive d'ecorce.
(juercina. C.
spinosa. Figuier mort.
pulchella. P. tres rare.
coccinea. Figuier mort. .^;
melogramma. P. R.
spartii. A. C.
Junii. A. C.
Galii. Saint-Gervais.
fimbriata. T. C.
J>yssiseda. C. clans les sanies creitx.
tili«ie. Cour-Chevernr.
conigena. A. C.
atrovivens b. buxi. Pezar et Ro-
chambeau*
acuta. A. C.
scirpi. A. C.
herbartim. Feves dt marais.
punctiformis. T. C.
buxicola. Pezay et Rochambeau.
ilicicola. A. C.
hederfficola. P. R.
frondicola. Peuplier. A. C.
acericola. P. R.
castaneaecola. C.
cornicola. A. C.
rubi (rubicola). P. R.
convallarifficola. A. C.
brassicrccola. La Ravinlcre. > ,
ulmicola? Nobis.
crata?gicola ? Notes. Sur le cra-
tsegus tormiualis.
tilicecola. A. C.
pyricola. C.
lilacicola. P. C.
DOTHIDEA
ribesia. A. C.
sambuci. A. R.
rubra. C.
ulmi. T. C.
ulmaria?. A. C.
alnea. P. R.
HYSTERIUM
pulicare. C.
fraxini. A. C.
rubi. C.
commune. A. C.
scirpinum. C.
arundinaceum. P. R.
culmigenum b. graminum. .-/. C.
PHACIDIUM
tini. Cour-ChevernY.
dentatura. T. C.
arundinaceum. A. C. (Armulo
phragmites.)
RHYTISMA
salicinum. T. C.
acerinum. T. C. .
punctatum. Pare de Keanrnont.
onobrycbis. Cour-Cheverny.
saponariae. Ibidem.
CYTISPORA
chrysosperma. Troncs de pen-
plii
50
PREMIERE SECTION.
FUNGI.
HVMENELI.A
rubella. C.
DACRYMICF.S
urtic«e.
fimbriata. P. R.
mesenterica. C.
sarcoides. A. C.
F.XIDIA.
gland ulosa. C.
CENANGIUM
quercinum. T. C.
BULGARIA
inquinans. T. C.
PfZfZA.
acetabulum. P. R.
coccinea. C.
cochlea la. Cour-Chevern-y.
epidendra de BULLIARD. C.
hoemisphxrica var. subterranea.
/Jaillon , bois.
virginea. Foret de Blois.
bicolor. Aux Sablons, en Cour-
Cheverny.
ciuerea. Volet, en Cour-Cheverny .
coriacea. P. R.
patellaria. Copeaux de chene.
HKLVELLA
brevipes. R. Clenord.
crispa a. alba. Cour-Cheverny.
— b. fulva. Ibidem.
MORCHELLA
esculenta. C.
LEOTIA
gelatinosa. Pare de Cliambord.
TYPHULA
filiformis. Foret de Russy. •
SFATHULARIA
flavida. Pare de Pezay,
CLAVARIA
cornea. A. C.
girans. (BATSCH.) Pezay.
vermiculata. A. C.
pistillaris. Foret de Russy ; bois
des Sons-Cceurs , en Cour-Che-
verny.
pratensis. La Raviniere, etc.
cinerea. Foret de Russy.
flava. Tres a bond, pres le chateau
de Beauregard, en Cellettcs.
MERISMA
cristatum. Pare de Chevcrny.
TELEPHORA.
terrestris. P. R. en Cour-Chev.
hirsuta. T. C. Ej usque plures ya-
rietates.
tabacina. R.
rubiginosa. A. C.
corticalis. C.
disciformis. A. C.
coerulea. A. C.
CONIOPHORA
membranacea. Sur une pout re
de chene.
AURICITLARIA
mesenterica. C.
HYDNUM
repandum. A. C.
cyathiforme. A Mont-Rion , en
Cellettes.
erinaceus. Foret de Russy.
membranaceum. T. C.
niveum. Sur un saule creux.
barba-Jovis. P. R.
FISTULIWA
hepatica. C. Foret de Russy, etc,
BOLETUS
luleus. C.
PREMIERE SECTION.
57
piperatus. A. C.
subtomentosus. Sejuin, en Chev.
luridus. Ibidem.
— tuberosus. Cheverny.
castaneus. T. C.
edulis. C.
viscid us a. scaber. A. C.
— b. aurautiacus. P. It.
felleus. A. C.
cyanescens. C.
POLYPORUS
pereunis. C.
lucidus. A. C. >.(&».
sulphurseus. Trouve trois fols.
hispidus. Foret de Russy.
hirsutus. P. R.
zonatus. R.
versicolor. C.
dryadeus. A. C.
fomentarius. P. R.
igniarius. A. C.
— b. pomaceus. C. en Cour-
Cheverny.
ribis. C.
conchatus. Foret de Russy, att
pied d'un hetre.
\ulgaris, ejusque plures varietates.
radula. C.
squamosus. P. R.
D /ED ALE A
variegata. C.
unicolor. A. C.
confragrosa. A. R. Fontaine en SoL
sepiaria b. tricolor.
betulina. Cheverny.
querciua. T. C.
SCHYZOPHYLLUM
commune. Trouve deux fols.
MERULIUS
scrpens. A. R.Echalats de pin.
tremellosus. Pare de Pezay.
CANTHARELLUS
laevis. A. C. en automne.
retirugus. Saint- Gervais.
cornucopioides. Foret de Rusty,
bols des Bon s-Coeurs , de la
Morliere, etc.
cibarius. A. C.
AGARICUS
cinereus b. tomentosus. A. C.
gossypinus. A. C.
micaceus. P. R.
deliquesceiis. A. C.
atramentarius. P. R.
comatus. Trouve deuxfois.
striatus. A, C.
appendiculatus. P. R.
lacrymabiindus. Pare de Chev.
lateritius. C.
campestris. T. C.
variabilis. Sur un tronc de\ chene.
involutus. Guedu Veau, en Cour-
Cheverny.
aureus. Pare du Gue-la-Guette.
lanuginosus. Foret de Russy.
castaneus. Les bois.
ileopodius. Lois des Bons-Cozurs.
violaceus. C.
prunulus. C.
stypticus. A. C.
ulmarius. P. R.
petaloides. Trouve line seule fbis.
salignus. Trouve deux fois.
glandulosus. Trouve une fois.
inconstans. Id. Pare de Cheverny.
orcellus. Aux Ruaux , en jChe-
verny.
galericulatus. A. C.
rot ula. C.
clavus. P. R.
58
PREMIERE SECTION.
oreades. C.
umbelliferus. C.
gibbus b. geotropns. P. R.
infundibuliformis. Foret de Russy.
dryophilus. P. R.
arcuatus. C.
laccatus b. amethysteus. A. C.
dentatus. C.
virgineus. 6.
nebularis. Foret de Russy.
piperatus. Extr. com.
plumbeus. P. R.
theiogalus. C.
necator. P. R.
ruber. C.
acerbus. C. dans les pelouses de
Cour.
eburneus. P. R.
annularius. C.
grannlosus. Trouve plusieiirsfois.
procerus. T. C.
muscarius. T. C.
caesareus. Environs de nlois , de
Vendome, etc.
vaginatus. T. C.
phalloides. C
(J'al re'colteune'vingtaine d'au-
tres agarics aue je n'ai pas
determines.}
PHALLUS
impudicus. P. R.
LYCOPERDACEjE.
SCLERODERMA
aurantium. Le Giie-ta- Guette et
Chambord. Automne.
verrucosum. T. C.
cervinum. Vne settle localite, pres
la Chaise , en Tour,
GEASTRUM
hygrometricum. Frichedela Fol-
letiere, en Tour. Juin.
rufescens. Pares de Chambord et
Cour-Cheverny. Octobre.
BOVISTA
gigantea. Trouve une seule fois
dans le pare de Cheverjiy.
LYCOPERDON
gossypinum. Pare du Gue'-la-
Guette.
pyriforme. P. R.
echinatum. C. dans les bols de
pins.
pratense. C.
Ccelatum. Trouve en plus, endroits.
TULOSTOMA
brumale. Pezay, Saint-Gervais.
ASTEROPHORA f.
lycoperdoides. B. des Sons-Ccettrs,
en Cour-Cheverny. Octobre.
TRICHIA
fallax. C.
PHYSARUM )
mi tans. Pare de Pezay.
FULIGO
flava. Sur un pieu.
hortensis. Trouve deux fois.
SPUMARIA
alba. C. Automne.
TRICHODERMA
viride. A. C.
CYATHUS
striatus. Pare de Pezay.
crucibulum. Surun toil de chaume
dont la superficie etait reduite
en terreau. Cheverny.
TUBER
ci barium. Pare de Chev., un petit
b. de Thoreetles 2 p, de Menars.
PREMIERE SECTION.
59
RHIZOMORPHA
fragilis. Foret de Blois.
ERYSIPHE
communis. P. R.
divaricata b. lonicerae. Tour.
guttata coryli. A. C.
— fraxini. La Bourdonniere
en Cheverny.
SCLEROTIUM
clavus. T. C.
muscosum. Foret de Blois. Etv.
XVLOMA
populinum. A. C.
salicinum. C.
ILLOSPORIUM
roseum. Pezay.
UREDINEJE.
TUBERCULARIA
vulgaris. C.
confluens. P. R. sur du noyer mort.
EXORPORIUM
eryngii. T. C.
minutum. Tiges de solanum tube-
rosum entassees dehors.
DlDYMOSPORIUM
complanatum. Sur unpieude noyer.
MELANCONIUM
sphaerospernum. Sur les tiges de
roseau tombees par terre.
ovatum. Sur un tronc de noyer
abattu. M(j
N^EMASPORA
crocea. Sur du peuplier.
PHRAGMIDIUM
incrassatum a. mucronatum. Rosier.
— b. bulborum. feuilles
dc ronces.
TlUrHRAGMIUM
isopyri. P. R.
PUCCINIA
buxi. Rochambeau.
graminis. C.
arundinacea. C.
compositarum. Sur les calcitrapa.
umbelliferarum. Trouve sur I'd'
gopode.
pruni. Trouve en abond. a Clenord.
adoxte. Foret de Russy, Printemps.
calthae.
betouicae. Pare de Chambord.
UREDO
Candida. C.
tussilaginis. A. C.
rosae. T. C.
ruborum. C.
potentillarum. C.
campanula1. Pezay, Rochambeau.
rhinanthacearum. A. C.
longicapsula copulina, C.
betulina. A. C.
vitellinae. Surle saule fragile } etc.
capraearum. A. C.
lini(lincalhartique). A Croteau.
Etc.
scutellata. T. C.
epilobii. Trouve aux Montils.
fabae. Sur plus, legumineuses, et
la five de marais elle-meme.
appendiculata. C. sur les feuilles
de haricots, etc.
geranii. P. R.
valerianat;. A. C.
iridis. Bourg de Tow,
rubigovera. C.
rumicutn. A. C.
violarum. P. R.
labiatarum. A. C.
calthae. A. C.
60
PREMIERE SECTION.
carbo. T. C.
caries. T. C.
urceolorum. Pare de Pezay.
receptaculorum. C.
antherarum. Pezay.
cancellatum. T. C.
laceratum. Sur Faubepin.
berberidis. A. C.
ranunculacearum. Trouve pres de
Centres.
crassum. A. C.
irregulare. A. C.
barbarese. P. R.
convallarise. Archange, en Che-
verny. P. R.
clematidis. Coteaude St-Vlctor.
grossulariae. Trouve en Tour.
rubellum. A. €.
euphorbiarum. C.
coronillze variae ( leguminosarum ).
Saint -Gervais.
valerianarum. Etang de la Rous-
seliere.
MUCEDINEjE.
ERINEUM
tiliaceum. C.
juglandis. C.
pyrinum. Pas trts rare.
acerinum. A. C.
vitis. T. C.
rhamni. Trouve une fo'is.
a Inc. urn. C.
fagineum. Foret de Russy.
aureum. (PERSOON.) Pcuplier nolr;
a I'etang de la Nouc , en Lan-
thenay, a deux lleues de Romo-
rantln, et allleurs.
MUCOR
fimetarius. C.
ramosus. C.
juglandis. C.
flavidus. C.
fodinus. C.
mucedo. T. C.
ascophorus. A. C.
caninus. C.
THAMTUDIUM
elegans. P. R.
EUROTIUM
herbariorum. C.
BOTRYTIS
lignifraga. C.
umbellata. Les Confitures.
SPOROTRICHUM
aureum. C. dans les caves.
byssinum. P. JR. sur les feuilles
tombees par terre.
TRICOTHECIUM
rosetun.G1. surle bols a demlpourn.
SrORENDOHEMA
casei. C.
FusisrcmiuM
aurantiacum. Sur des cucurblta-
ce'es a deml pourrles.
RACODIUM
cellare. T. C.
fumago. A. C. sur les feuilles de
poir'ier.
OZONIUM
aureum. Trouve deuxfois.
candidum.
ALG^E.
NOSTOC
commune. C.
PREMIERE SECTION.
Cl
sphaericum. A. C.
RIVULARIA.
natans. Trouve plusieurs fols et
toujours dans le meme endroi(.
GHOETOPHORA
pisilbrmis. Fosses de St-Geivais.
endiviaifolia. La Cisse.
ZYGNEMA
nitidum. C.
gracile. Fosse's du chateau d'On-
zain.
geuuflexum. A. C.
BATRACHOSPKRMUM
moniliforine. Dans la Cisse.
CONFERVA
glomerata. Cour-Cheverny.
capillaris. C.
rivularis. T. C.
floccosa. A. C.
MYCODERMA
alramenti. C,
OSCILLARIA
parietina. T. C.
nigrescens. Pas (res rare.
limosa. T. C.
viridis. Fosses de la foret , au-
dessus de Saint-Ceivais.
OSCILLATOR i A
Crustacea. (CHEVALLIER.) Sur dcs
pieires , dans la Cisse.
Ce Catalogue, comme on \oit, ne contient pas, il s'en faut beau-
coup, toutes les plautes que pioduit le depai lenient de Loir-et-chcr;
ceUe lacune ne surprcndra pas, quand on saura que nous y avons
trouve nous-meme un n ombre asscz pen restreint d'cspeces que nous
n'avons pu determiner, ni faive delerminer, ni par consequent la ire
figurev dans cclle lisle ^ quand on saura que , bien que nous ayons
fait, M. Blancbet et moi, depuis bien des annees deja , un nombre
considerable d'excursions dans nos eimrons, souvent a de grandes
distances , et plusieurs dans cbacun des arrondissements de Vendome
et de Rornorantin , nous somnies ccpendant bien loin d'avoir explore
noire deparlement autant que nous 1'aurions desire ct qu'il 1'eut lallu ,
et que d'ailleuis il echappe toujours quelque chose aux iiivestigalions ,
meme les plus proiongees et les mieux soutenues , comme I'exprime
tres bien ce dislique :
Aiicnn cliamp ne se pent tellemeiit moissoiiner
Que les ileruiers \eiius n'y trouvciit a glaner ;
Quand on saura que, si les devoirs et les Ibnctions de nos ctats
respectils nous out laisse trop peu de loisirs pour cliercher suffisain-
ment les plantes de notre pays , ils ne nous out souvent pas pei mis non
plus de les etudier assez tot , de sorte que bien des crj ptogames que
nousavions recolteessesonttrouveesdetruites avantque nouseussions
62 PREMIERE SECTION.
pn les reconnaitre ou faire reconnaitre; quand on reflechira combieu
1 1 faut de zele, de temps, de recherches , de courses, de soins.de
peines et de depenses pour composer une bonne flore , et que livres ,
figures , herbiers et personnes a cousulter manquent souvent tout a
la fois a celui qui se livre a la bolanique en province.
Je dois a la verite de dire que , sous ce dernier rapport , j'ai etc
plus heureux que bien d 'a litres , et que , loin d'avoir eprouve un de-
nuement absolu de secours , j'ai ete , au contraire , beaucoup aide par
plusieurs botanistes tres distingucs, avcc lesquels j'ai eu l'cxcellente
idee de me niettre en relation et qui ont daigne m'accorder celle
faveur. Mais une chose que je regrette particulierement , c'est de
n'avoir pas meme pu me procurer la lecture des ouvrages de Morison ,
ci-apres : Plantarum historia universalis et Plant arum umbellif era-
rum distrilutio nova. J'y aurais certainement puise des notes pre-
cieuses pour mon sujct; car cet illustre bolaniste ayant demeure pen-
dant dix ans a Blois indique dans les environs beaucoup de plantes ,
en designant les endroits ou il les a observees. Et pour en venir aux
personnes a qui j'ai des obligations , je me fais un plaisir et un devoir
d'exprimer ici ma vive reconnaissance a MM. Guepin , professeur de
medecine a Angers; Lenormand et Delise, de Yire;M. et madame Cau-
vin et Narcisse Desportes, du Mans; Saint-Marc, chanoine a Rennes;
Desvaux, directeur du Jardin botanique d'Angers; Daenen , chapelain
a Dreux; Nouel, professeur de physique a Pont-Levoy; Beaufils, »lu
Mans , qui ont eu ['extreme obligeance , les trois premiers de revoir,
confirmer ou rectifier la nomenclature de bon nombre de mes plantes,
et de m'indiquer le nom de la plupart de celles que je n'avais pu deter-
miner, et les huit derniers de me donner, ainsi que les deux premiers ,
avec une rare generosite , des echantillons de quantite d'cspeces de
diverses parties de la France , dont plusieurs s'etant trouvees les
mSmes que les miennes ont facilite et assure quelques unes de mes
determinations. Je dois paiiiculierement a M. Lenormand une jolie
collection d'algues de mer et d'eau douce parfaitement soignees , qui
font le plus bel ornement de mon herbier.
Je fais aussi mes sinceres remerciments a MM. Aucher-Eloy, de Blo:s,
naturaliste voyageur, qui a maintenant son domicile a Constantinople ;
Naudin , de la Societe academique de Blois ; Boreau , pharmacien a
Nevers , qui travaille a la confection de la Flore du centre de la France;
Diard , de Saint- Calais ; Delaunay, pere et tils, qui ont habile Yen-
dome, et qui presentement demeurent a Tours; Monin, docteur en
medecine a Montigny, ancien medecin de 1'ambassade francaise a
Petersbourg , qui possede une belle collection de plantes de Russie , et
de qui j'en liens quelques unes; Menars, veterinaire a Chambord;
Pean el Charlol, de Saint- Aignan; Gendron , docteur medecin a Yen-
dome; Rimboux, cure de Pruniers; de Peligny, de Clenord; Chauvin,
de Blois; et Seglain , ancien jardinier de feu M. 1'abbe de Grandmai-
son : lesquels ni'ont fourni des secours de divers genres relativement
PREMIERE SECTION. 63
;i la botaniqne dc noire departement , soil en me donnant on me nom-
mant quelqiies plantes qne nous n'y avions pas encore observees , soil
en m'indiqnant les localites oii elles vicnnent , soil , enfin , en me pro-
curant, on de bouche ou par ecrit, quelqu'antre renseigncment ntile.
Malgre tons mes efforts et tons les secours qui m'ont ete donnes avec
tant de complaisance , ce catalogue n'en reste pas moins encore bien
eloign6 d'etre ce qu'il pourrait devenir; mais c'est surtout parmi les
hepatiques , les hypoxylons, les champignons , les lycoperdacees les
uredinees , les mucedinees et les dernieres tribus des algues qu'il y
aura le plus de decouvertes a faire dans le departement de Loir-et Cher;
et si par la suite nous avons 1'avantage d'en faire qui meritent d'etre
mises an jour, nous anrons 1'honneur d'en faire hommage aux pro-
chains Congres scienlifiqnes , ct nous profiterons de celte occasion
pour corriger les erreurs que nous aurons pu faire et reconnaitre dans
ce catalogue.
Je prie MM. les botanistes de notre pays et des departements circon-
voisins de vouloir bien continuer d'enlretenir des relations avec moi ,
et de me faire le plaisir, quand ils trouveront snr le tenitoire de Loir-
et-Cher, ou dans les conlrees adjacentes, des plantes non inscrilcs
dans ce catalogue , de m'en faire remettre des echantillons soignes et
complets , antaiit que possible , avecleurs noms, s'ils sont connus , et,
enfin , avec 1'indication exacte et precise des cndroits ou ils auront ete
rccoltes, et tousles aulres delails ou observations qu'on jugera ntiles;
et si ceux a qui je serai redevable de ces plantes le desirent, je leuv
donnerai en echange quelques unes de celles qui leur manqueront.
64 PREMIERE SECTION.
Seance du vendredi 16 septcmbre 1836.
Presldence de M. le docteur ROBERTON.
M. de Caumont fait un rapport sur la serie de roches
et de fossil es recueillis par M. Helie Dru aux environs
de Parthenay.
Parmi les roches soumises a 1'examen de la section ,
dit-il, on remarque des granites, des schistes, des gneiss,
des mica-schistes et des amphibolites. On trouve aussi ,
dans cette petite collection , des gres argilo-ferrtigineux
renferniant des productus et des spirijer, analogues a
ceux qui alternent avec les marbres intermediates du
Cotentin et de la Belgique. M. Helie Dru a recueilli
quelques echantillons interessants du calcaire oolitique
moyen, le plagiostoma gfgfis du lias , quelques polypiers
de la craie. Je dois, continue M. le rapporteur, feliciter
M. Dru d' avoir recueilli differentes argiles propresa etre
employees dans les arts : 1'une d'elles, entre autres, com-
binee avec une roche de steatite en decomposition , a
fourni la matiere d'excellents creusets.
M. Pean lit une esquisse geologique de la Sologne,
envoyee par M. le docteur Leon Bourgouin ( de Selles-
sur-Cher ). La section decide que le memoire doit etre
soumis a 1'examen de M. Desnoyers , bibliothecaire du
museum d'histoire naturelle, et que M. de Vibraye sera
charge de lui faire cette communication , M. Desnoyers
ayant, il y a quelques annees, insere dans les Annales
,>,
PREMIERE SECTION. 85
itas sciences naturelles un travail tres remarquable sur
les formations geologiques de la Sologne *.
M. de la Tramblais (deChateauroux) annonce qu'une
mine de plomb fort abondante vient d'etre decouverte
dans 1'arrondissement de la Chatre.
M. Chevereau ( d'Evreux ) lit une notice geologique
sur le departement de 1'Eure. Ce departement , dit-il , se
divise en six plateaux distincts, separes par les rivieres
qui les traversent. On y distingue Fepoque des terrains
contemporains , 1'epoque diluvienne , renfermant les ter-
rains quaternaires , 1'antidiluvienne pour les tertiaires ,
«t la pelagique pour ceux dits secondaires. La craie la
plus recente des formations secondaires, est la plus an-
cienne observee dans ce departement. II croit devoir si-
gnaler a 1'attention des geologues Vargile de Kimmeridge
et le calcaire de Portland dont il a constate 1'existence
pres de Corneilles. D'apres les observations meteorolo-
giques et trigonometriques de M. Passy, prefet de 1'Eure,
il resulte que le maximum d' elevation du sol, dans la
partie septentrionale de ce departement , ne depasse
point 200 metres, tandis qu'il s'eleve un pen plus haut
vers la partie meridionale.
M. de Vibraye prend la parole : il apporte, a Fap-
pui du memoire dont il donne lecture a la section , et
* !Le m-^moire de M. le docteur Bourgouin ayant etc communiqu6 a M. Desnoyers ,
et les opinions de calui-ci ne s'otaut pas trouveeB d'accord avec cellos do 1'auteiir,
la commission d'impression d^sirant neanmoins conserver le memoire, a decide qu'il
scrait insero a la suite des proc^s-vorbaux du Congr^s, comme i'expression des opinions
porsomielles de M, Bourgouin.
7
66 PREMIERE SECTION.
pour lui servir, en quelque sorte, de pieces justificatives ,
une serie de roches et de fossiles , recueillis par lui dans
le depajrtement.
Messieurs, dit-H, j'aurais desire communiquer auCongres, conformcment
a la troisieme question du programme , un precis de la geologic du departc-
ment de Loir-et-Cher, mais je n'ai pu completer ce travail ; aussi je ne
pretends point , dans une simple notice , indiquer tons les rapports des
terrains cntre eux , leur ctendue , leurs developpements et leurs modifica-
tions ; je ne m'attacherai qu'a des faits entierement locaux. II faut en ex-
cepter pourlant quelqnes notions generates que je crois necessaires a Pin-
telligence du travail que je viens soumettre a la premiere section du
Congres.
Le departement de Loir-et-Cher est entoure comme d'une ceinture par
le groupe cretace ; la craje blanche a disparu , dcnudee par quelqu'un dc
ces rapides courants dont est sillonnee Pecorce du globe ; mais elle est re-
presentee par les silex des coteaux du Cher , alimentant les manufactures
de pierres a fusil des environs de Saint-Aignan. L'ctage moycn du groupe
cretace, le tuffeau , regne tout a 1'entour du bassin ; il repose en plusieurs
points sur le gres vert qui, lui-meme, recouvre les formations oolitiques
des departements du Cher et de la Sarthe. An nord-cst , le systeme cre-
tace manque , et les formations lacustrcs de la Sologne et de la Beauee
vout, en se prolongeant vers Orleans, se fondre ct s'identifier avec celles
du bassin de Paris , dont elles ne sont a propremcnt parler qu'une ramifi-
cation. Je crois pouvoir attribuer avec certitude les formations lacustres de
notre departement a Petage supcrieur du terrain d'cati douce tertiaire que
M. Bronguiart nomme epilymnique. Long-temps j'avais cru reconnaitre en
lui le calcaire siliceux , etage paleotheiien de M. Brongniart, a sa texture ,
a 1'absence de fossiles , et je nc m'etais point contcnte d'obscrver ce cal-
caire en un seul point; j'avais parcouru les coteaux de Blois, les exploi-
tations de Saint-Gervais sur Pautre rive de la Loire , les carrieres ouverlcs
sur les routes de Blois a Centres, a Romorantin, sur plusieurs points des
communes de Cour-Cheverny , de Cheverny , de Tcnay , de Pont-Levoy.
Souvent le calcaire est intimement penetre de veincs de calcedoine , de
silex et de quartz resinite ; il est parfois rempli de cavites tapissees de con-
cretions siliceuses, de mamelons de calcedoine et de crislaux de quartz.
L'etage inferieur de celte formation lacustrc est bien , en effet , compose de
calcaire et de silice , de quartz resinite ct de calcedoine ; mais cet etage
PREMIERE SECTION. 67
est surmonte d'unc couche de marne , au-dcssus de laquelle la roche de-
vient entitlement calcaire sans aucun melange de silice. Le calcaire est
tapisse de cavites , de tubulures et de points noirs ; il devient tanlot fria-
ble , et tanlot presente une texture compacte , et dont la surface est cou-
verte de dendrites.
J'ai dit plus haul que Pabsence des fossiles m'avait fait attribuer ce
systeme de roches an calcaire siliceux. Sur les hauteurs qui dominent la
villede Blois, a Villebarou, Petage superieur observe precedemment sur les
coteaux de Sainl-Gervais , est recouvert lui-meme d'une couche de
cinquantc centimetres de puissance environ , d'un calcaire grisatre s'iden-
tifiant parfaitement avec lui ; ce calcaire est parseme d'une foule de
coquilles terrestres et fluviales , des limuecs , des planorbes et des pota-
mides ; mais ces trois especes y sont en petit nombre , tandis que la roche
contient en tres-grande abondance des helices, dont j'ai retrouve les ana-
logues dans les falunieres de Pont-Levoy ; ces helices , trouvees melangees
avec des productions marines, leursont bien evidemment contemporaines,
et ne s'ytrou vent point, comme on pourrait le penser, accidentellement ; les
serpules dont elles sont tapissees interieurement en sont une preuve in-
contestable. Cette observation pourrait conduire a penser que les calcaires
lacustres pourraient bien avoir, avec les depots marins de cette epoque,
une sorte de contemporancite, c'est-a-dire, que les calcaires continuaient a
sedeposer, sous forme de sediments , sur des rivages marecageux on dans
des lacs voisins de I'embouchure des fleuves. Le calcaire coquiller de
Villebarou prend un plus grand developpement aux environs du Breuil et
de Vendomc. Depuis ces observations, j'ai rencontre dans les environs de
Cellettes un quartz resinite renfermant une helice.
Une difficulte s'oppose dans notre departement aux recherches de Pob-
servateur : les termes de rapport lui manquent; 1'argile plastique ne recou-
v re pas la craie ; le calcaire grossier , le calcaire siliceux, et les gres marins
superieurs ne sont point representes.
II faut done aller rechercher au loin des series completes, et venir
ensuite constater 1'identite des formations dont la position est demontree
par des fails incontestables , avec celles dont Page n'est point encore bien
reconnu. C'est ainsi qu'il est possible de connaitre Page precis du calcairc
lacustre de la Sologne et de la Beauce , en suivant la superposition des cou-
ches depuisles environs de Paris jusqu'a Blois. Dans les vallees d'Etampes,
on peut observer les gres marins superieurs subordonnes au calcaire lacus-
tre supcrieur ainsi disposes : ( V. la l.re coupe, Pi. I. )
K° Sable marin superieur; 2.° gres tourbeux et lignitcux renfermant
68 PREMIERE SECTION.
des potamides; 3.° calcaire lacustre avec lymnees , des girogonites ( grai-
nes de chara medicaginulaj, Ic cyclostome elegant; 4.° assise des silex
analogues a Fetage inferieur du terrain lacustre de Loir-et-Cher. L'echan-
lillon que j'ai rapporte d'Etampes renferme une potamide.
Comme je 1'ai dit plus haul, les corps organises sont trcs rares dans
cette formation. Le n.° 5 represente le calcaire d'eau douce de Loir-et-
Cher , Fetage caractcrise par Fabsence de matiere siliceuse ; le n.° 6 est
le calcaire a helices.
Tout le vaste plateau qui s'etcnd depuis Etampes jusqu'a la Loire ap-
parlient a cette scrie; il cst parfois reconvert par les sables des alluvions
anciennes , oil se trouvent enfouis les ossements de mammiferes , comme a
Chevilly , par exemple , ou j'ai retrouve le quartz resinite et le calcaire sili-
cenx , represented par le n.° 4 > extraits du fond de la sabliere ou Fon a
decouvert les ossements fossiles. Il est aise de suivre cette formation lacus-
tre depuis Etampes jusqu'a Blois, sans interruption ; mais on ne trouve ,
dans le departement de Loir-et-Cher, que les n.os 4 , 5 et 6 de la coupe
<TEtampes. Le calcaire lacustre superieur est done represente par trois
Stages dans le departement de Loir-et-Cher : Fetage inferieur , par les de-
pots de matieres siliceuses , quelquefois calcariferes ; Fetage moyen , par
un calcaire sans melange de silice , et Fetage superieur , par un bane pen
puissant de calcaire coquiller, caracterise par un grand nombre d'helices.
Au-dessus de ce calcaire , se trouvent les depots marins superieurs , appeles
ialunieres , et que M. Desnoyerssignalait, il y a quclques annees, comme
devant former , avec la cray d'Angleterre, les depots marins du midi de
la France et d'une partie de Fltalie , un groupe superieur aux terrains
tertiaires, et qu'il proposait de nommer quaternaire. Ces depots marins
occupent une partie notable du departement sur la rive gauche de la Loire,
entre Soings , Centres et Pont-Levoy ; sur la rive droite , on les voit se re-
produire encore, mais seulemcnten un seul point, a Villebarou , pres de
Blois ; a Contres , ils sont reconverts d'un sable d'alluvion epais de 2 m.
environ, et qui s'identifie teHement avecle sable coquiller marin , qu'on ne
saurait dire avec exactitude : la finit le diluvium , ici commence la forma-
tion marine. A la surface du terrain , comme sur la plupart des points du
departement reconverts par les alluvions anciennes , on trouve des blocs
erratiqucs, appartenant, les uns a une breche siliceuse, et les autres a des
fragments de calcaire d'eau douce , arrondis et polis par le transport des
eaux. Le sable marin de Contres est peu riche en fossiles ; on y rencontre
a peine quelques debris des coquilles les plus caractcristiques du falun,
area diliw'u , cordita depressa, cordita redls , plusicurs especes d'huitres ,
PREMIERE SECTION. C9
ainsi que des fragments d'ossemeuts de niammiferes. Les sables passent
dans I'etage iuferieur au gres siliceo-calcaire , cette picrre qu'on rencontre
aux environs de Done , de Savigne , de Nantes , et que les habitants de
ces contrees desigrient sous le nom de grisons.
En s'avaucant de Contres a Pont-Levoy, dans une depression de ter-
rain formee par le ruisseau passant a Tenay, on peut remarquer les mar-
nes a polypiers, de la craie inferieure et le calcaire d'eau douce reposant
sur ces formations. Ge calcaire est le meme qui regne dans toute la Sologne ;
il environne Pont-Levoy et lui fournit des pierres de construction. Lc
falun repose sur cet etage du systeme lacustre superieuE. On observe
seulement deux etages sur ce point : les depots de matieres siliceuses a la
partie inferieure , dans la depression formee par le ruisseau de Pont-Levoy,
le calcaire sans melange a la parlie superieure. Dans le fond de la vallee ,
nous trouvons des blocs du calcaire d'ean douce perfores paries pholades.
Le calcaire coquiller, caraclerise par les helices, existait aussi dans ces
contrees; il aura du ceder aux commotions violentes du diluvium, car on
n'en retrouve point les traces si ce n'est pourtant un echantillon de cal-
caire perce par les pholades. Ces mollusques habitent entre les cavites de
ce morceau, dont la surface presente encore les restes d'une helice.
Il ne faut que jeter les yeux sur la formation marine pour se convaincre
qu'il s'agit ici d'une periode de cahne et non d'une perturbation violente ;
des conrants ont bien amenedans ces mers des produits qui lui sont etran-
gers, tels que les helices, les nerites, les bulimes, les unios et de nom-
breux ossements de rhinoceros, dinotheri urn , ccrfs, antilopes, croco-
diles et tortues; mais ces courants peuvent etre compares a ceux des
fleuves actuels, apportant a la mer le tribut de leurs eaux, et les debris
terrestres entralnes dans leurs cours par de grandes crues. A la partie
superieure, il est vrai,la stratification n'est pas aussi irguliere que dans
les couches mferieures ; on y remarque les debds des formations plus an-
ciennes, des polypiers de la craie, des terebratules , des bucardes; enfin,
tous les debris des terrains secondaites qui torment les bords du bassiu et
que M. Rose, en parlant du diluvium de Norfolk, appelle des galets orga-
uises. Mais si la couche superieure est depositaire de quelques debris
appartenant au diluvium, si les strates les phis elevees ont ete rernaniees ,
les couches inferieures attestent une periode de tranquillize. On etudie
les habitants des mers dans leur vie privee , si je puis m'exprimer ainsi ,
les polypiers les plus delicats sont encore attenants aux pierres, auxquellcs
ils se sont attaches ; plusieurs especes de pholades , les corbules perforantes
ot la pclricola ochrolcitca , coquille vivant encore sur nos cotes , out laisse
70 PREMIERE SECTION.
leurs depouilies intactesau sein des pierres qui leurservaient d'habilation ;
les huitres out forme des banes et sont attachees aux roches ; tons les au-
tres fossiles , etonnants de conservation , s'y retrouvent en grande abon-
dance. J'en ai compte plus de 1 80 especes. Les bornes du volume ne per-
mettant pas d'entrer dans de grands developpements a ce sujet, je
donnerai pins tard la liste de ces fossiles , ainsi que le nom des especes
d'animaux dont on a retrouve les debris. (V. la 2.e coupe.)
Sur plusieurs points des environs de Pont-Levoy , on voit apparaitre les
gres appeles grisons ; tandis que Ics coquilles nombreuses et bien conservees
se trouvent aux Grandes-Vignes , dans les sables deposes en strates regu-
lieres. A Villebarou , pres de Blois , la position des deux systemes lacustre
et marin est evidente , c'est-a-dire , que les depots marins recouvrent les
strates borizonlales du terrain tertiaire lacustre superieur : celui-ci forme
la plage et le fond de cet ocean quaternaire. Ces recifs nympheens , encore
en place , sont performs de liaut en bas par les folades ; les bas-fonds de
cette mer sont, comme ceux des mers actuelles, reconverts d'une plage
de galets epaisse de quelques pieds, et repose sur une couche d'argile
d'une faible epaisseur ; sous 1'argile , se trouve le calcaire a helices , ainsi
que I'etage moyen recouvert immediatement sur quelques points ; les
asperites de ce systeme surmontent la couche argileuse, et se font jour
a travers la plage de galets. Ce sont ces recifs que les coquilles perfo-
rantes out choisis pour leur demeure , et nous laissent comme temoins
irrecusables de leur habitation tranquille au fond de ces mers, ainsi que
de la position irrevocable des falunieres au-dessus de 1'etage superieur des
terrains lacustres superieurs. (V. la 3. e coupe. )
Ces conclusions avaient ete prises, en 1828, par M. Desnoyers. Je
n'avais aucune idee de son travail lorsque je redigeai ces notes ; depuis , il
a bien voulu me donner communication de son memoire , et si mes obser-
vations sont a peu pres les memes que celles qu'il avail faites anterieure-
ment,elles peuveut leur servir, pour ainsi dire, de corollaire. D'ailleurs ,
M. Desnoyers embrassait 1'ensemble d'un systeme ; ici j'ai voulu m'appli-
quer, au contraire, adecrire quelques localites speciales.
Pour terminer la serie des terrains dont 1'histoire se lie plus ou moins
directement a 1'existence des falunieres , il me reste a parler de ces puis-
sauts depots d'alluvions anciennes qui recouvrent une partie si notable des
formations anterieures dans le department dc Loir-et-Cher. A ccs depots
de sables, appartiennent les gigantesques ossements des deux especes de
mastodontes , de plusieurs varictus d'hippopotames , de rhinoceros et de
tapirs , de caruassiers , dc rongeurs ct dc ruminants , ancicns posscsscurs
PREMIERE SECTION. 71
(lu sol de nos contrces , et trouves en dift'erentes localites , aupres d'Avaray,
par exemple : ce sont, jusqu'a present, les especes analogues qu'on a
retrouvees dans les depots marins des falunieres. J'ai dit plus haul que
des cours d'eau pourraient les avoir charriees vers les plages marines ;
peut-etre que des recherches plus scrupuleuses parvieudront a nous de-
inontrer la direction de ces courants. Sur presque tons les points de ccs
alluvions anciennes , se trouvent des galets avec les empreintes des fos-
siles caracteristiques des formations cretacecs : ce sont des syphonies , des
bucardes et des polypicrs en assez grand nombre.
J'ai rempli ma tache , et je n'entrerai point dans de plus grands details
a Pegard de ces vastes depots d'alluvions anciennes, qui recouvrent pres-
que en entier la surface de la Sologne. 11 suffisait d'indiquer leurs liaisons
avec les falunieres, qui seules devaient m'occuper aujourd'hui, si je n'avais
juge necessaire d'ctablir leurs liens de parente pour les mieux fa ire con-
naitre ; et qu'en meme temps , parler des depots lacustres et de leur age ,
c'etait, en quelque sorte, repondre a la premiere question du programme.
J'ai du , pour parler sciemment de notre departemcnt , parcourir d'autres
contrees eloignees , pour aller y chcrcher des termes de rapports ; mais le
geologue ne sanrait connaitre de limites ct d'entraves a la surface du globe,
c'estla son domainc; il rcgue partoutou la nature lui offre des observations
a faire, des documents arccueillir et de grandes conceptions a c.ontempler
en face.
M. le clocteur Roberton presente a la section deux
dents fossiles qu'ila recueillies a Avaray; elles appartien-
nent, suivant lui, a des animaux tres voisins du tapir.
M. le doctetir Hunault de la Pelterie desire, afm
d'obtenir une geologic complete de toute la France ,
qu'il soit puise dans les statisques departementales deja
faites ; il cite a cet egard celle de Maine-et-Loire qui est
fort bonne.
M. de Vibraye donne lecture a la section d'une pro-
position de M. le docteur Archambault , ainsi concue :
« Dans rinlcret des sciences naturcllcs , j'ai riionneur de proposer ait
72 PREMIERE SECTION.
» Congres d'emetlre le voeu, de voirle gouvernement favoriser en France
» Tetablissement d'ecoles d'horticulture, et de jardins de naturalisation des
» plantes utiles au commerce , a 1'agriculture et aux arts. »
M. le docteur Haime appuie la proposition.
M. Fievet-Vanderlinden (de Saint-Dye) cite avec les
plus grands eloges la beaute des fruits de Tournay et
1'excellence de la culture de ce pays , ignoree presqu'en-
tierement dansbeaucoup de provinces de 1'interieur de la
France.
M. le docteur Hunault cite les jardins de Bruxelles,
crees par souscription et renfermant de fort bonnes pe-
pinieres et tout ce qui peut servir a la naturalisation des
plantes.
M. Cauvin, tout en soutenant la proposition a Tegard
des plantes botaniques, voudrait surtout qu'on s'oc-
cupat des arbres fruitiers , dont les noms varient d'un
arrondissement a 1'autre , au point de ne pouvoir s'y
reconnaitre, meme pour ceux dont les fruits sont les
plus communs. Apres quelques autres developpements
donnes par MM. de Caumont, de Villiers, Fievet et le
docteur Hunault , la section adopte la proposition et la
renvoie a la seance generale.
Avant de se separer , la section decide qit'il sera fait
le lendemain une promenade scientifique a Orchaise.
Seance du jeudi ISSeptembre 1836.
P residence de M. le docteur RODERTON
A 1'ouverture de la seance, M. Morcau (de Saintcs)
PREMIERE SECTION. 73
lit une notice botanique relative a 1'excursion scienti-
fique faite la veille a Orchaise par la premiere section.
M.me Cauvin y joint le catalogue des plantes recueillies
par elle pendant la session du Congres , tant a Orchaise
que sur les coteaux de Saint-Gervais et a Ghambord. Ce
catalogue s'eleve environ a deux cents plantes , tres com-
munes en general , etM.me Gauvin n'en cite quelquesunes
que parce que c'est pour elle un fait remarquable que de
trouver, a cette epoque avancee de 1'annee, la vegeta-
tion encore si de'veloppee; toutes ces plantes sont en
fleur.
L'herborisation d'Orchaise , dit M.mfc Cauvin, nous a offert environ
quatre-vingts especes de plantes.
Dans la foret de Blois , un peucedanum que je n'ai pas eu le temps de
determiner; pres 1'eglise d'Orchaise, cJienopodium bonus henricus\ dans
1'interieur des roches d'ou sort la Fontaine, chondrilla muralis. Ces ro-
ches sont tapissees d'un oscillaria , ayant 1'aspect de la poix noire et pre-
nant de meme aux doigts. Pres de ces roches, campanula trachelium,
berberis vulgaris , buxus semper wrens ; dans le fond de la vallee , pres
d'un ruisseau , althea ojficinalis ; dans une petite mare, lemna trisulca ,
cyperus longus , avena elatior.
A Chambord , nous avons observe une quarantaine de plantes , entr'autres
pres de 1'entree du chateau: thesion linophylhim, lielianthemum iwlgare,
gallium bocconi, statice plantaginea; pres de 1'auberge Saint-Michel, che-
nopodium bonus heniicus ; pres du chateau , malva moschata, medicago
falcata', pres de la riviere duCosson, scirpus nigricans, tenecio liscosa,
polygonum hydropiper, saponaria officlnalls ; pres de la tontaine Caroline
lithospermum officinale, myosotis perennis.
Sur les coteaux de Saint-Gervais et les bords de la Loire , nous avons
recueilli environ quinze a vingt plantes particulieres , celles-ci sont cu-
rieuses :
Helianlhemum pulverulentum , helianthemum wilgare , helianlliemum
fnmana, heliantJiemum marifoliitm, biiplevrum lenuissimum , thalictrum
minus, deux especes intcressantcs dihypnum, Sur les rochers , pelligcra
74 PREMIERE SECTION.
collina (variete); sur les bords de la Loire, glaucium majus. Enfiu, nous
avons recueilli sur la route de Tours une algue qui nous a paru presenter
de 1'interet.
M. de Vibraye rend compte a la section des fails ge'o-
logiques observes pendant 1'excursion d'Orchaise.
La vallee de la Cisse , dit-il , dans laquelle se trouvent Orchaise et Mou-
lineuf, est creusee dans les assiscs du groupe cretace moyen. En descen-
dant a Moulineuf , on trouve des marnes a polypiers de la craie inferieure ;
le plateau d'Orchaise est couvert des silex de la craie. Les roches d'ou s'e -
chappe la Fontaine sont formees d'un calcaire grenu de couleur claire , charge
de grains verts et rempli de polypiers en grande abondance , de plagiostomcs,
de peignes et de gryphees. M. de Caumoiit et moi nous avons suivi le ruis-
seau pendant quelque temps dans 1'intcrieur de la grotte ; on y observe
une grande fissure operee dans le calcaire , mais tres probablement preexis-
tante a i'irruption des eaux , dont 1'actiou a corrode les parois de la grotte
et depose dans quelques endroits une couche de sediments calcaires. On
ne saurait attribuer au faible ruisseau qui s'echappe aujourd'hui de Pin-
terieur du rocher les effets produits dans cette grotte , on est oblige d'y
reconuaitre 1'actiou erosive de torrents puissants et impetueiu.
Pour terminer le compte-rendu de rexctirsion scien-
tifique d'Orchaise, M. Alonzo Pean soumet a la section
un apercu de la con tree considered sous le rapport du
deboisement et de 1'hydrograpliie. II s'exprime ainsi :
Je vous demande, messieurs, la permission de vous presenter une es-
quisse succinte du pays que nous avons parcouru bier sous la conduite
de notre jeune collegue, M. de Vibraye; les courtes observations que
j'ai recueillies a la hate sur la structure generate exterieure de cette
region, sur son hydrographie et sa vegetation, peuvent contribuer a
eclairer la question du deboisement dont je me suis occupe specialement
depuis quelques annees. Messieurs , la contree que nous avons parcourue
forme, si je ne me trompc, un plateau assez eleve, dont les deux prinri-
paux versants regardent, I'un, la vallcc dc la Loire , et 1'autre , la vallee
de la Cisse; cc plateau esl couvert, dans la prcsque totalite de 1'etcndue
PREMIERE SECTION. 75
qu'il nous a ete donue d'apercevoir , d'une foret tres-importante ; du cote
de la Cisse, nos collegues ont pu remarquer que les chaines de collines on-
dulent gracieusement autour de la vallee et s'abaissent par une pente mol-
lement inclinee : ici, couvertes de vignobles, la, d'une vegetation
luxuriante. Nulle crevasse profonde , aucun ravin a parois perpendiculaires
n'interrompent la continuite du terrain ; partout la plus concevable et la
plus naturelle egalite de formes, la courbe. Eh! bieu, messieurs, cette
constitution de sol , si favorable et si belle , tout 1'avenir du pays d'Orchaise
depend, je le pense dumoins, d'une seule voloute, celle du proprietaire de
la foret. Qu'il lui premie la fantaisie, fantaisie bien commune de nos jours,
d'abattre la foret ou de la vendre a une bande de speculateurs , les eaux
torrentielles ne tarderont pas a imprimer au sol , qu'elle abrite et qu'elle
conserve , un tout autre caractere ; les ravins prendront la place des vigno-
bles , et le calcaire, denue de terre et de verdure, saillira de toutes parts,
sous mille formes tourmentees ; et de tout cet ensemble si doux a voir , de
ce coin de terre ou plusieurs d'entre vous ont , a mon exemple , reve
peut-etre une retraite heureuse et tranquille, il ne restera qu'un desert
affreux et sauvage , qu'un lambeau , si je puis m'exprimer ainsi , sembla-
ble a ce que je vous ai dit nagueres de notre pauvre et inculte Berry.
Je vous ai parle de la vegetation ; son aspect m'a frappe ; ses proportions ,
qui ne sont point alterees , portent le cachet d'une temperature reguliere ;
toutes les plantes que j'ai pu comparer , dans ma memoire , a leurs analo-
gues de mon pays , out acquis un developpement qu'elles n'atteignent jamais
dans le mien. C'est ainsi , qu'a la grandeur de son port , a la largeur de
ses feuilles, a leur noire etlisse verdure, j'ai pris, au premier coup-d'osil,
pour le daphne laureola, Vlielleborus foetidus ; rien d'etonnant a cela,
messieurs; cette derniere plante, qui vegete chez moi, sur une terre
aride , dans un milieu atmospherique en contintielle dessiccation , ne deve-
loppe que des feuilles menues, ctroites , d'une teinte presque semblable a
celles que prennent les forets, au declin de l'automne. N'ayant point
d'instruments , je n'ai pu apprecier la difference de temperature cntre
1'eau des sources et Fair ambianl qui les environne ; la premiere sensation
de 1'eau m'a fait seulement jtiger que celte eau etait uioiiis froide que la
uotre. Yoici, suivant moi , Pexplication de ce phenomene , auquel du
reste je m'attendais. J'admets toujours qu'il existe une difference essen-
tielle de temperature, entre 1'atmosphere d'un pays boise et celle d'un
pays deboise , places d'ailleurs tous les deux sur le globe a latitude egale.
Cefait, une fois admis,je dis, messieurs, que Pair du pays d'Orchaise T
etant perpetucllcment rafiaichi par Faction d'une foret voisine, doit reft-
76 PREMIERE SECTION.
dre moins sensible la fraicheur naturelle de 1'eau dc la fontaine; le con-
traire a lieu chez moi; la temperature del'eau des sources parail plus froide
aux habitants, qui viventdaris tin milieu atmospherique renduconstammenfr
sec et chaud par le deboisement.
A 1'occasion de cette lecture , M. de Montlivault cite
une loi du grand duche de Toscane ; elle defend d'abattre
les bois situes sur la crete des coteaux.
Ce serait un immense malheur, ajoute M. de Boisrouvray , si les bois
qui dominent les montagnes etaient defriches. M. de Ladoucette , depute ,
croit devoir atlribuer au defrichement des bois , les cbangements de tem-
perature , la multiplication des insectes et la disparition des sources en
Provence. En Egypte , ou 1'on commence a planter aujonrd'hm , les eaux
rcparaissent. Un danger non moins grand , qu'entraine le defrichement
dans les pays montagneux , c'est de changer les rivieres en torrents impe-
tueux pendant une partiede Pannee, de les laisser a sec pendant 1'autre.
Depuis qu'en Italie les montagnes sont deboisees , le lit des rivieres , en-
combre de limon etde terres amoncelees par les eaux, s'est eleve d'une
maniere sensible. Le Po, cite par M. de Rony, en est un exemple; le lit
de ce fleuve est aujourd'hui superieur au niveau des rues des villes qu'it
traverse.
M. de Villiers donne communication d'une lettre de
M. de Boisvillette, ingenieur des ponts et chaussees a
Chateaudun , retenu dans cette ville par les devoirs de
sa place; il adhere neanmoins au Gongres de Blois et
desire faire partie de celui de 1'annee suivante. II fait
remettre a la section une note hydrograpliique sur 1'in-
termittance des eaux de la petite riviere de Connie.
M. de Vibraye donne lecture du memoire, la section
vote son insertion a la suite du compte-rendu des tra-
vaux du Congres.
La lecture de ce memoire donne occasion a plusieurs
PREMIERE SECTION. 77
niembres de la section de faire part de quelques obser-
vations sur des faits a peu pres analogues. M. de Mont-
livault parle de la source deRosieux, nommee par les
habitants Fontaine de pain-cher , parce qu'ils preten-
dent qu'elle presage , en cessant de couler , une disette
de cereales. Son intermittence est de plusieurs mois.
M. Cairvin signale, aux environs de Sable, la Fon-
taine sans fond , ainsi nommee parce qu'on n'a pu jus-
qu'a present s'assurer de sa profondeur. Elle a perdu
beaucoup de son importance; ses eaux servaient autre-
fbis au rouissage des chanvres,
M. le docteur Hunault de la Pelterie dit qu'il existe en
Anjou beaucoup de sources intermittentes.
M. de Montlivault rappelle, sur les Fontaines appe-
le'es sans fond, 1'opinion de M. Arago : ce savant les re-
garde comme des puits artesiens naturels. Le source du
Loiret doit etre classee dans cette cateVorie.
D
M. de Caumont entretient la section d'une fontaine
curieuse sous le rapport de son intermittence. Cette fon-
taine, appelee par les habitants Fontaine-Noire, existe a
Conde-sur-Lezou , arrondissement de Falaise. Les habi-
tants du pays attribuent un germe de mortalite a 1'ecou-
lement de ses eaux , et quelquefois meme ils fuient au
loin lorsqu'ils croierit y lire un funeste presage.
M. Cauvin a visite pres du Mans de grands fosses dont
les eaux proviennent de sources; on trouve dans ces
fosses plusieurs especes de poissons sans qu'on en y ait
jamais mis. Cette observation fixe 1'attention de 1'assem-
ble'e sur une suite de communications de plusieurs de ses
78 PREMIERE SECTION.
membres, relatives aux animaux qu'on retrouve loin de
leur demeure habituelle. M. de Vibraye fait remarquer a
ce stijet, qu'apres avoir peche les etangs et les avoir mis
en culture pendant une annee , 1' annee d'ensuite on y
retrouve de petits brochets lorsque les eaux y sont reve-
nues, et avant qu'on les ait empoissonnes de nouveau. Ce
phenomene peut s'expliquer, suivant M. de Villiers, si 1'e-
tang recoit les eaux d'un autre etang superieur on d'une
petite riviere ; le frai peut etre entraine par elles : on
peut encore lui assigner pour cause le transport des ceufs
opere par les oiseaux aquatiques allant se reposer d'un
etang a un autre , et pouvant en retenir quelques tins
attaches a leurs pattes. M. de Villiers raconte la de-
couverte qu'il a faite cette annee d'un crustace , nomme
le brachiopode stagnal, dans le sillon d'un champ situe
dans une plaine aride, elevee , eloignee de tout courant
d'eau. Depuis plus de quatre mois la secheresse etait ex-
treme , toutes les mares de la Beauce etaient sans eau , les
Fontaines etaient taries, et cependant apres un violent
orage , il trouva ce crustace au milieu des champs. On
ne peut admettre que deux hypotheses pour expliquer ce
fait , soit que les vents eussent entraine quelques ger-
mes de ces animaux et les eussent deposes dans les
champs , ou ils se seraient developpes lorsque la pluie
leur aurait apporte 1'humidite necessaire an principe
de vitalite qu'ils contenaient; soit que ces germes fussent
tombes des pattes de quelques oiseaux aquatiques.
II cite encore un autre fait relatif aux pluies de cra-
pauds, A Paris , en 1 808 , il a vu , rue Saint-Louis au
PREMIERE SECTION. 79
Marais, a la suite (Tun violent orage, ime terrasse cou-
verte en plomb, pleine de petits crapaucls qui ne pouvaient
y avoir ete apportes qu'a la suite de Teau tombee pen-
dant 1'orage. M. de Caumont cite qu'en pleine mer , on
a vu le pont d'un batiment, apres un orage, couvert
d tine enorme quantite de petits crapauds tous bien vi-
vants. M. de Villiers parle ensuite d'une pluie violente
qui couvrit en 1834 la toiture de 1'octroi de Montpel-
lier , ainsi qu'une dixaine de toises aux environs , d'une
innombrable quantite d'un mollusque terrestre, le buli»
inus truncatus, qu'on trouve dans le Midi epars dans les
bois et les jardins, II a rapporte plusieurs de ces coquil-
les entieres avec 1'animal.
M. de Montlivaulc explique ce phenomene en disant
que les crapauds et les mollusques etaient soutenus en
1'air long-temps avant de tomber sur la terre , commc
Volta 1'explique pour la grele. M. de Villiers pense qu'il
doit en etre cle rauthenticite de ce phenomene comme de
celui des aerolithes dont on a si long-temps nie la chute.
II ne fallut rien moins que la fameuse pluie de pierres de
Laigle pour forcer 1' Academic des sciences a nommer des
commissaires pour constater un fait aujourd'hui si bien
prouve.
M. de Villiers lit ensuite un me'moire sur les exanthe-
mes des vegetaux, en reponse a la deuxieme question du
programme. Cette question ne parait pas a la section
avoir ete resolue par 1'auteur qui confond les exanthe-
mes avec les plantes parasites. Elle passe a 1'ordre du
jour apres avoir neamoins entendu quelques observa-
80 PREMIERE SECTION.
tions de M. tie Boisrouvray. II faut , suivant lui , bien dis-
tinguer des exan themes naturels, les excroissances pro-
duites par la piqure de certains insectes tels que le cinips
du chene qui produit les noix de galle , et celui du rosier
qui produit le bedegar.
M. Alonzo Pean pretend aussi que le memoire n'a pas
aborde la question. II traite simplement de la formation
des excroissances qui se manifestent sur les vegetaux et
que M. de Candolle a regarde comme des fungus.
M. de Vibraye lit ensuite un memoire , depose par
M. Mestivier (de la Chapelle-Saint-Martin ) , sur 1'organi-
sation des vegetaux. L'auteur n'est point present, et
le memoire ne presentant pas la solution de la question
posee dans F article 5 du programme , la section passe
a 1'ordre du jour.
M. de Caumont termine la seance par quelques eclair-
cissements sur 1'admirable collection de M. Moreau a
Liege , et la signale a 1'attention de tons les botanistes.
M. Moreau, par des injections de mercure, rend pour
ainsi dire la vie aux plantes dessechees et montre aux
yeux de 1'observateur toutes les ramifications de leurs
vaisseaux lymphatiques , alimentes d'une seve incor-
ruptible.
PREMIERE SECTION. 81
Seance du lundi 19 septembre 1836.
Presidence de M. le comte DE MONTLIVAVLT.
La section ouvre la discussion sur la quatrieme partie
de la troisieme question du programme.
M. Ghevereau prend la parole. II rend compte d'un
forage de puits artesien entrepris a Elbeuf ; a 420 pieds
1'eau jaillissante fut obtenue , lorsque la sonde eut at-
tefet les premieres couches du gres vert.
A Saint-Andre , a quelques lieues d'Evreux , poursuit M. Chevereau ,
un semblable forage a ete commence. Voici les couches traversees par la
sonde : terrain superieur a la craie 60 pieds, craie blanche jusqu'a 550
pieds , sable fin a 590 pieds , puis a 700 pieds la craie sableuse verte. On
est presentement a 805 pieds dans la meme coucbe, et j'estime d'apres la
comparaison que j'ai faite entre Elbeuf et Saint- Andre , qu'il faut encore
creuser environ cent pieds pour arriver a la ligne d'eau d'Elbeuf. Je
crois qu'il y a de fortes raisons de penser que 1'enlreprise a cette pro-
fondeur sera couronnee de succes. Le conseil general de 1'Eure, com-
pose d'hommes eclaires, vient de voter 1,500 francs pour la continuation
des travaux. Le conseil general voit dans ce travail un autre avantage,
celui de procurer des sources non jaillissantes , mais abolidantes , pouvant
reparer les pertes de celles qui se sont taries.
M. de Villiers cite les forages executes a Chartres. Le
premier , entrepris par M. Mulot , en face de la cathe-
drale, fut pousse jusqu'a 150 pieds , puis abandonne.
Un nouveau forage execute par un autre entrepreneur
fut pousse jusqu'a 850 pieds , apres avoir traverse des
banes enormes de silex et de craie , mais sans obtenir
d'eau jaillissante , apres avoir depense plus de quarante
inille francs. Un belier hydraulique , une machine a va-
82 PREMIERE SECTION.
peur , eussent porte de 1'eau dans la ville de Chartres a
bien moins de frais.
M. Cauvin donne ensuite quelques details surlespuits
artesiens entrepris au Mans et abandonnes a 600 pieds
sans avoir obtenu de resultat.
M. Hunault dela Peltrie entre dans de grands details
relatif s aux forages entrepris dans les departements d In-
dre-et-Loire , de Maine-et-Loire et du Cher. M. Hunault
n'ayant point envoye les notes qu'il avait desire rediger
a ce sujet , nous regrettons de ne les point voir figurer
dans le compte-rendu cles seances.
M. de Boisrouvray fait observer que souvent on entre-
prend legerement des forages avant de s'etre assure prea-
lablement des chances qu'on pourrait avoir ; de la resulte
la perte de sommes enormes qui seraient plus surement
employees a la construction de machines hydrauliques.
M. de Vibraye rend compte a la section de plusieurs
forages entrepris par lui a Cheverny. Plusieurs ont ete
couronnes de succes , les autres ont servi a constater la
nature des couches de terrains de cette partie de la Solo-
gne.
Je regarde, poursuit-il , les depots argileux et sableux, d'ou
j'ai fait surgir des eaux jaillissautes , comme appartenant aux alluvions
anciennes dont est reconvert le sol de la presque totalite de la So-
logne orientale. Je n'ai pas pousse mes forages assez loin pour ni'as-
surer de la position du terrain tertiaire lacustre superieur au-dessous
des depots que je viens de mentionner , mais tout porte a croire
que sa position leur est inferieure. Je pourrais citer a 1'appui de
cette opinion quelques fontaines naturelles dc la contree ; elles sourdent
au-dessus du calcaire , la ou celui-ci se trouve presque a fleur de terre ;
PREMIERE SECTION. 83
il suffit pour curer ces bassins naturels de mettre a decouvert le calcaire.
Les forages n'ont point tous ameue des eaux a la surface, mais tous ils
ont rencontre les memes couches; en citer un, c'est done faire mention
de tous a la fois. Le plus profond, pousse jusqu'a 75 pieds, n'a point
procure d'eau jaillissante. Dans les autres , mais aussi dans une autre lo-
calite, la sonde a, pendant 15 pieds environ, rencontre, d'abord une
couche d'argile jaunatre , tres compacte , puis de 1'argile bleuatre et du
sable bleu argileux; enfin du sable a grain tres gros, amene par 1'eau
jaillissante. Dans 1'un des derniers sondages , elle amena, pendant quel-
ques jours, un tres beau sable chlorite vert, d'une grande finesse. L'eau
paraissait alors troublee , mais en meme temps scintillaieut des paillettes mi-
cacces, comme dans les torrents des montagnes, apres un orage ; mais bientot
apres 1'eau devint singulierement limpide et pure. Je terminerai par une
observation que je soumets aux botanistes : j'ai remarque sur les eaux de
ces sources une plante filamenteuse , peut-etre de la classe des conferves ;
elle se developpe tres rapidement, et finirait peut-etre par obstruer le
cours des eaux si 1'on ne prenait soin de Penlever.
MM. Hunault de la Peltrie et de Vibraye terminent
la discussion par quelques observations sur la necessite
d'une legislation nouvelle relative aux cours d'eau pro-
venant des puits artesiens. C'est un cas exceptionnel que
les lois actuellement existantes ne peuvent regir.
M.me Cauvin exprime le desir de voir tous les bota-
nistes de province envoyer a Paris, a la galerie botani-
que, un echantillon des plantes qu'ils recolteront. Les
notabilites scientifiques , presidant a cette institution ,
rectifieraient les erretirs, et ceux qui voudraient, par
la suite, completer uneFlore de la France, trouveraient
reunis dans cet etablissement les materiaux necessaires.
II serait a desirer que les botanistes indiquassent le de-
gre de rarete de cliaque plante et fissentconnaitre la na-
ture du sol ou elle croit.
84 PREMIERE SECTION.
La section , avant de se separer vote a MM. les mem-
bres du bureau des remerciments pour le zele qu'ils ont
apporte dans 1'exercice de leurs fonctions. Ceux-ci , a
leur tour, expriment a la section tout le prix qu'ils atta-
chent au choix dont leurs collegues ont bien voulu les
bonorer.
La seance est levee.
Les secretaires de la section, Le president de la section,
C.te DE VIBRATE , D.r ROBERTON.
RENOU , Le s vice -presidents ,
DE VILLIERS. C.te DE MONTLIVAULT ,
L'abbe LEFROTJ.
DEUXIEME SECTION. 85
DEUXIEME SECTION.
Agr traitor*, Jntmstrie et C0mm*rr*.
Seance du lundi 12 septembre 1836.
Presidence de M. LAIR (de Caen.}
LA section , sous la presidence provisoire de M. Cau-
vin (du Mans), doyen d'age des membres presents,
s'occupe de la constitution de son bureau definitif. M. Lair
(de Caen) est nomme president a Vunanimite. On
precede ensuite a la nomination de deux vice-presidents:
MM. de la Giraudiere (de Villeny) , et le prince de Chi-
may, obtiennent la majorite des suffrages.
M. Eugene Riffault (de Blois) , designe provisoire-
ment comnie secretaire , est maintenu dans cette fonc-
tion. La section lui adjoint M. de la Tramblais ( de Gha-
teauroux).
M. Eugene Riffault depose sur le bureau un memoire
envoye par M. Vallery , manufacturier a Saint-Paul-sur-
Rille, sur la conservation des grains et sur les moyens
de netoyer les bles entaches de carie. L'examen de ce
travail est envoye a une commission composee de
MM. Emmanuel Gaillard , de la Giraudiere et Pinault
( de Blois ).
M. Chevereau ( d'Evreux ) offre un memoire sur
liamendement des terres les unes par les autres dans le
86 DEUXIEME SECTION.
departement de 1'Eure. Le renvoi a line commission est
prononce. Commissaires : MM. le comte de Vibraye ( de
Cheverny ) , Chevereau et de la Tramblais.
La discussion s'ouvre sur la premiere question du pro-
gramme : Quels sont les moyens de tirer le parti le plus
avantageux des terrains communaux ?
La parole est a M. Emmanuel Gaillard. Suivant cet
honorable membre, onpeut utiliser ces sortes de biens
de six manieres differentes. On peut les louer a diverses
conditions ; on peut les vendre au profit des communau-
tes d'habitants; on peut les bailler a rente fonciere ; on
peut y faire des plantations d'essences appropriees ; on
peut les partager j enfin on peut les abandonner a la de-
paissance des troupeaux. 11 pense que Ton doit planter
les terres en pente , celles ou la craie est a nu ; et prefe-
rer pour cet objet le Vernis du Japon , dont le bois est
d'un excellent emploi pour le charronnage , suivant les
experiences de M. Philippar. Les bons fonds devraient
etre vendus ou au moins donnes en bail pour une pe-
riode de 1 6 ans , en obligeant les preneurs a les cultiver
suivant un assolement quadriennal. Le defrichement des
terres mediocres est tres onereux ; il faudrait les vendre
ou les partager entre les ayant-droit. Ceux d'une moin-
dre valeur devraient etre loues moitie en nature et moi-
tie en argent, leurs produits en nature distribues entre
les indigents et ceux en argent verses a la caisse com-
munale.
M. Guerin d'Ogoniere (de Blois) regarde le partage
comme ne pouvant etre justement pratique. II deposse-
DEUXIEME SECTION. 87
derail les pauvres dont les biens communaux sont sou-
vent 1'unique ressource.
M. de la Giraudiere se livre a des considerations d'un
haut interet sur les divers partis a tirer des biens com-
munaux ; il considere comme impraticable le partage
general de ces biens.
M. de la Fontenelle (de Poitiers) croit que la question
est dominee par une consideration generale : doit-on on
ne doit-on pas vendre les biens communaux? Ce mem-
bre pense que la negative ne doit pas souffrir de diffi-
cultes. II cite a ce sujet 1'opinion de M. Mounier, qui a
etabli que les communes possedaient perpetuellement
comme communes , mais non pas comme individus. Or ,
vendre les communaux serait enrichir les habitants ac-
tuels des communes et depouiller ceux qui viendront
apres eux. Le partage des biens communaux serait au
detriment de la classe pauvre. Ainsi le Congres doit s'op-
poser au partage definitif , sauf a aviser a des partages
provisoires, a des baux, a tout autre mode de jouis-
sance, en conservant la propriete aux communes.
M. deCaumont (de Caen) cite des partages de marais
qui ont etc opere's dans le departement du Calvados, il n'y
a pas plusde deux ans. Les pauvres ont vendu les portions
qui leur etaient echues et sont tout aussi pauvres qu'ilsi'e-
taient avant le partage. Suivant cet honorable membre,
le seul moyen d'amelioration est la concession par bail
a long terme : les communes y trouveront de grands
avantages , et les biens communaux ne pourront que
prendre une augmentation de valeur.
88 DEUXIEME SECTION.
M. de Souvigny ( tie Blois ) cite les lois anciennes qui
regissent les biens communaux, et notamment 1'ordon-
nance de 1 669. II se prononce centre le partage cle ces
biens qu'il regarde comme defavorable aux communes
et aux usagers.
La discussion est continuee au lendemain et la seance
est levee.
Seance du mardi 13 septembre 1836.
Presidence de M. LAIR.
M. Elie Dm (de Parthenay) presente le modele d'un
appareil propre a perfectionner la vinification. Get appa-
reil est soumis a 1'examen d'une commission composee
deMM. Guerin d'Ogoniere, Baussan ( de Blois) et de
Vibraye.
M. de Vibraye donne Tanalyse d'experiences faites
par la societe d'agriculture du departement de 1'Eure ,
sur I'amendement des terres et sur les moyens de les por-
ter au plus baut degre de fertilite dont elles soient sus-
ceptibles en les ramenant a des proportions exactes d'ar-
gile, de calcaire et de sable. Ce membre se charge de
repeter ces experiences et d'en rendre compte au pro-
chain Congres.
M. de Gaumont ad met qu'on augmente la fertilite des
terres arables en les melangeant les unes avec les autres :
mais il pense, qu'on pent, lorsqu'on a quelque teinture
des sciences geognostiques, connaitre approximativement
DEUXlfeME SECTION. 89
la nature des terrains; qu'on peut en consequence faire
ces melanges d"une maniere approchee , sans recourir a
1'exactitude des precedes chimiques.
L'ordre du jour est la continuation de la discussion
sur les moyens de tirer parti des terrains communaux.
M. de Recy (de Blois) trouve exageree 1'assertion don-
nee la veille en seance generale par M. le vicomte de
Gourteilles qui porte a huit cent mille fr. la valeur des
communaux de Bre'hemont. Les biens dont il s'agit sont
en contestation entre le dornaine de 1'etat et les commu-
nes; par suite de ce conflit, ces biens sont loin de donner
le produit et d'avoir la valeur qu'ils auraient si la propriete
en e'tait fixee. M. de Recy recherche quelle a etc I'o-
rigine des biens communaux, tout en declarant que cette
question a peu d'importance relativement a la solution
de la question principale maintenant en discussion.
Les biens communaux , dit-il , ont en plusieurs origines. Gelle de plu-
sieurs remonte a 1'epoque de la conquete , car les Remains trouverent le
systeme municipal etabli dans les Gaulcs ; d'autres terres vaines et vagues
etaient la propriele des anciens seigneurs qui les concedaient pour un
cens, modicum annuum canon ; abandonnant ainsi le domaine utile aux
habitants de la commune , s'en reservant a toujours le domaine direct.
D'autres biens sont restes , peut-etre depuis la conquete, en quelque
sorte vacants par suite de 1'expulsiou des proprietaires legitimes, sans
que les habitants qui se sont etablis dans leur voisinage aient souge a se
Jes approprier ou a en tirer parti. D'autres biens commuuaux enfm ont ete
concedes par nos rois aux communes ou acquis par celles-ci en vertu de
1'autorisation qui leur en fut donnee par un arret du conseil du 22 avrH
1673.
Apres avoir parcouru les diverses periodes de la le-
90 DEUX1EME SECTION.
gislation relative aux biens communaux , 1'orateur e'met
le voeu que cette legislation soit revisee.
Je reconnais, contiuue-t-il, que les biens possedes parune agglomeration
d'individus sout en general mal administres. II y aurait done quelquefois
avantage a vend re ces biens : les communes pourraient alors retribuer
1'instituteur primaire et suffire a leurs autres charges. Mais oter aux com-
munes pauvres leurs patures , c'est leur oler leurs ressources ; la il faut
respecter les droits d'usage dans les bois : le pauvre pent ainsi pourvoir
au chauffage de sa famille et a ses autres besoins.
En se resuniant , M. de Recy pense qu'il conviendrait
de laisser aux communes la disposition de leurs biens.
M. de Buzoniere (d' Orleans) s'eleve centre 1'aliena-
tion des biens communaux. Les habitants, suivant lui,
n'en ont que 1'usufruit , et 1'usufruitier n'a pas la faculte
de vendre. II demontre 1'accroissement de valeur que
prennent avec le temps les proprietes communales. II
en compare la valeur actuelle avec celle qu'elles avaient
il y a plusieurs siecles. La quantite d'argent va toujours
croissant ; la valeur de ces biens s'acroitra done dans la
meme proportion. II s'eleve contre les partages qu'il
trouve favorables aux envahissements , et craint qu'on
enrichisse les pauvres d'aujourd'hui au detriment des
pauvres a venir.
M. Vallon (de Blois) se demande s'il est utile de ven-
dre. La legislation ancienne a consacre 1'inalienabilite
des biens communaux. Les communes ne doivent pas
faire de placements au hasard. L'orateurrappelle les cri-
ses qui ont compromis toutes les fortunes , et les revolu-
tions qui les ont souvent aneanties. L1 alienation des
DEUXIEME SECTION. 91
biens de 1'etat a toujours cause de vives rumeurs : celle
des biens des communes ne peut que les appauvrir elles-
memes et 1'etat avec elles. II est convenable que 1'etat
soit proprietaire pour avoir du credit. II en est de meme
des communes a qui il faut laisser des proprietes pour
qu'elles puissent au besoin secourir 1'etat. L'orateur re-
garde 1'alienation des biens des communes ou de 1'etat
comme attentatoire a la dignite nationale.
M. Gaillard prend la parole :
J'estime ,dit-il, a quatre millions d'arpents 1'etendue des biens commit-
naux en France, et je pense que dans certaines circonstances ces sortes de
proprietes pourraient acquerir une valeur treize fois plus considerable.
Ceux de premiere et de seconde classes ne pouvant plus recevoir d'amclio-
ration possible , devraient etre vendus el remplaces par d'autres biens
meubles ou immeubles ou par une rente en grains convertissable annuel-
lement en argent, et qui ne pourrait etre constitute qu'au denier cinquante.
Enprincipe rigoureux,aucun bien appartenant aux communes ne peut elre
partage. Les biens en grande masse pourraient servir a 1'etablissement de
colonies agricoles ; les indigents qui y seraient places s'obligeraient a payer
une rente fonciere dont le paiement commencerait douze ans apres le de-
frichement de chaque piece de terre. On pourrait encore louer a des cul-
tivateurs riches , a charge de fumer et d'etablir des clotures. Tous les ter-
rains de montagues et les sommets seraient plantes en essences appropriees,
meme en genets et en joncs marins , mais non en bruyeres. Les terrains
de classes inferieures , non susceptibles d'etre plantes , formeraient des
patis reunis aux bruyeres et aux landes, et ils seraient semes de plantes
propres a la formation du miel : des ruches a ventilation seraient achetees
par les communes et confiees a des hommes intelligents. On y etablirait
encore des quinconces de muriers ou d'arbres fruitiers.
M. Baussan observe que depuis 1'ordonnance de 1669,
la population a augmente d'un tiers ; de la le besoin de
rendre a 1'agriculture les terrains vains et vagues et les
92 DEUXIEME SECTION.
biens communaux. II prefere les mettre en location
moyennant un bail de plus de seize ans. Sans cette du-
ree , le fermier ne serait pas suffisammenr. indemnise
des frais de cloture et autres. Si Ton voulait vendre , on
ne le pourrait faire qu'au profit de compagnies qui ache-
teraient a vil prix. On a dit que le partage etait impossi-
ble, 1'orateur ne le pense pas ainsi, et ajoute que Ton
pourrait prendre pour base le nombre des tetes de betail
qui sont annuellement envoyees dans les pacages. En se
resumant, 1'orateur dit que, suivant les circonstances , il
serait avantageux de partager on d'affermer par baux
amphyteotiques*
Je me demande, ajoute M. de Souvignyaux conclusions du preopinant ,
si 1'alienation est opportune ? si elle est legale ? s'il est possible memo
qu'elle soil legale ? Je range les moyens de tirer parti des biens commu-
naux en deux categories , et je placerai dans la premiere ceux qui auraient
pour effet reel de denaturer on faire disparaitre la propriete des commtr-
nes , tels que la vente , la donation , le partage ; et dans 1'autre , ceux sus-
ceptibles de donner a I a commune un produit de ses biens restes entre ses
mains , 1'amodiation , 1'arrentement , la plantation , la depaissance. Les
communes peuvcut etre proprietaires, mais est-il de leur interet qu'elles le
soient ? Non , pour les terrains en culture , pour ceux qui necessitent des
soins continus et journaliers ; oui , pour ceux dont les produits constants,
independants , d'une culture journaliere et susceptible d'etre consommce
stir place, ne sont sujets a aucuue des variations qui resullent de la mobi-
lite de 1'esprit humain. Il est des circonstances dans Icsquelles la propriete
pent etre tres desavantageuse aux communes; des-lors il y a necessite de
vendre, maisavec des formes conservatrices des interets communaux. J'exa-
minerai la legislation qui regit les biens communaux depuis le milieu du
xvn.e siecle jusqu'a nous, et je citerai la loi du 21 mai 1797 qui a retire
aux communes la faculle daugereuse et destructive d'aliener on de parla-r
ger a moins d'une loi particulicre. Je sollicite le maintien rigoureux de ses
dispositions prohibilives , et je m'eleve avec force contre le parlagc que je
DEUXIEME SECTION. 93
regarde comme une veritable alienation etla pire de toutes, puisqu'elle ne
rapporte rien a la commune. Celle-ci est un etre de raison qui comprend
toutes les generations , toutes les families se succedant les unes aux autres;
or, si 1'une d'elles se partage les biens de la commune, celle-ci dans 1'ave-
nir ne possedera plus rien en echange. Les biens communaux doivent etre
considered comme substitues a perpetuite , de telle sorte que chaque gene-
ration n'en ait que 1'usufruit. Les communes ne peuvent done ni les alie-
ner, ni les partager. La necessite seule peut justifier 1'alienation, et cette
necessite doit etre absolue.
La cloture de la discussion est prononcee.
La section apres avoir entendu MM. de Recy, de Cau-
mont, de Vibraye et plusieurs autres, sur la position de
la question a mettre aux voix 3 formule et adopte la
proposition suivante.
« II est de 1'interet general et de celui des communes qu'elles restent
» proprietaires de leurs biens communaux. »
Sur la demande de plusieurs membres, la section ajoute
a la proposition qu'elle vient de voter, la disposition
suivante :
« Les communes doivent avoir la faculte de vendre en cas de necessite
« absolue prononcee par le conseil general et d'apres les avis des conseils
» municipaux et d'arrondissement. »
Seance du mercredi 14 septembre 1836.
Presidence de M. LAIR.
A 1'ouverture de la seance , M. Jullien ( de Paris )
remet un memoire de M. d'Heneux ( membre du Con-
94 DEUXIEME SECTION.
gres scientifique beige de 1836), sur les ameliorations
clout certains terrains de la Sologne sont susceptibles.
La section ordonne le renvoi a une commission compo-
see de MM. de la Giraudiere et Guerin d'Ogoniere ; il en
est de meme d'un memoire sur les vices redhibitoires.
M. Eugene Riffault , 1'un des secretaires , donne lec-
ture d' observations de M. Chauvin (de Mamers) , sur la
question des biens communaux.
M. Gaillard fait, an nom d'une commission, un rap-
port sur le memoire de M. Amiot, a la chambre des de-
pute's, a 1'appui d'un projet de loi tendant a obtenir,
pour les communes , 1'autorisation de defricher leurs
terres incultes soumises a la depaissance commune des
bestiaux.
L'ordre du jour est la continuation de la discussion
sur les moyens de tirer parti des biens communaux.
M. de Souvigny examine de nouveau dans quels cas
settlement les communes pourraient etre autorisees a
alie'ner leurs biens.
Je propose, dit-il, d'apporter des restrictions a la faculte d'alicner ct
de supprimer absolument celle du partage , et je repeterai ce que j'ai dej&
dit hier, que les habitants ne sauraient partager entre eux ce qui n'appar-
tient a aucun d'eux en particulier. Je pense que Ton doit declarer en
principe Pabolition de la depaissance en commun; c'est la pire de toutes
les manieres de jouir des biens communaux. C'est soumettre ces biens a un
pillage continuel , c'est un obstacle a toute amelioration possible , c'est la
destruction meme de la propriete; du reste, la jcuissance n'en pent etre
qu'inegalc. Pour les terrains mediocres , ce qui me semble le plus avan-
lageux , c'est la plantation ou le semis en bois ; ceux-ci n'exigent point de
culture et donncnt un revenu a 1'abri dc toute chance. Les bois commu-
naux sont en general mieux traites que ceux des proprictaircs ; ils sont sous
DEUXIEME SECTION. 95
la surveillance de I'administration publiquc , et places sous le regime fo- .
restier, ils sont sous la protection de lois severes ; leurs produits sont fa-
ciles arecueillir et a distribuer entre les habitants ; ils sont d'une immense
ressource pour les communes qui en sont proprietaires. Je citerai pour
exemple une commune du departement du Jura qui possede pour 500,000
francs de bois, et qui, devant subvenira certaines depenses, en a realise,
en jardinant,unesomme de 60,000 fr. dans 1'espace de cinq annees, sans
porter de prejudice au reste de la foret. 11 regarde done la concession a
temps comme le mode le meilleur pour les biens communaux. Ce serait
une mauvaise operation que decreerdes bois avec des amenagements irre-
guliers. On devrait contraindre les communes a convertir en bois leurs
terres \agues au-dela de vingt hectares ; et c'est par les semis qu'il faudrait
y proceder. Le deboisement des sommites a eu pour resultat la disparition
des sources et des modifications sensibles dans la temperature. Tous les
terrains en penle devraient etre boises, toutes les fois que cette pente se-
rait au-dela de 20 pour cent. Lorsque les terrains vagues n'auraient pas
vingt hectares d'etendue , il devrait etre permit de les defricher , et la
conversion en bois des terres de plaine devrait etre facultative. Enfin , je
citerai pour terminer, a propos des baux a long terme, la commune de
Vineuil (Loir-et-Cher), qui a afferme, pour quatre-vingt-dix-neuf ans , des
terrains immenses , ce que je considere comme une veritable alienation
pendant quatre generations.
M. Gaillard rend hommage auxvues du preopinant;
il ajoute qu'en Normandie il n'est pas rare de voir des
terres de premiere et de deuxieme classes maintenues en
terres communales. On pourrait vendre les unes pour
ameliorer les autres par des plantations. II est d'ailleurs
instant de planter les quatre millions d'arpents quiappar-
tiennent aux communes. A la verite, tons ne peuvent
pas etre plantes ; il conviendrait alors d'en laisser une
partie en depaissance commune, sauf a vendre les autres
lorsqu'ils seraient en bonne qualite.
M. de Souvigny persiste dans ce qu'il a dit sur 1'affer-
90 DEUX1EME SECTION.
mement des biens communaux , qu'il regarde comme le
plus avan tageux.
M. Vallon trouve que les preopinants ont ete trop
loin , et que de M. Souvigny surtout a montre trop de
predilection pour les bois. II y aurait beaucoup d'incon-
venients a ordonner la plantation des communaux. Les
communes ne sauraient attendre ; elles sont egoi'stes et
il serait d'ailleurs injuste de leur imposer des travaux
pour les generations futures. II dit qu'on s'est eleve
d'une maniere trop absolue centre la depaissance. II
existe en Sologne des terrains qui ne peuvent fournir
que de la vaine pature. Tous les sols ne peuvent pas con-
venir aux plantations ; les plus maigresne peuvent meme
produire ni le bouleau ni le sapin. La depaissance doit
done y etre conservee. Les plantations sont utiles seule-
ment dans les sols fertiles qui ont assez de sues nourri-
ciers pour suffire a la production des bois. On pourrait
faire faire les semis on les plantations par corvee , et les
travaux imposes aux communes seraient justes, ptiis-
qu'ils seraient executes dans leur interet.
M. de Souvigny reclame la parole pour un fait per-
sonnel. II dit qu'il n'a point ete preoccupe par son
amour pour les bois. C'est, suivant lui, une erreur de
croire qu'il faut une terre fertile pour leur production,
les terres meme les plus mauvaises y sont propres.
Les bois donnent 1'ombre et conservent l'humidite qui
enrichissent le sol , et il se forme chaque annee de nou-
velles couches de terreau ; decouvert au contraire , le
soleil desseche le sol , le brule et le re'duit en chaux»
DEUXIEME SECTION. 97
La tloture est demandee et adoptee.
M. de Buzoniere propose de mettre aux voix la pro-
position suivante :
« Les moyeiis de tirer le parti le plus avantageux des terrains com-
» munaux doivent varier suivant la nature du sol et les besoins des com-
» mimes. II est done impossible de prescrire des regies invariables a cet
» egard. La section recommande seulemerit , suivant les localite's , la sup-
» pression du paturage en commun, le dessechement et la culture des
» marais, la location par baux a termes moins longs que ceux de Fern-
s' phyteose, detous les terrains susceplibles de grandes cultures, et surtout
» la plantation en bois partout ou le sol le comporte sans qu'il en resulte
» un detriment notable pour les interets de I'agriculture. Cette plantation
» meme pourrait etre ordonnee dans les localites dont la pente serait au
» moins de deux decimetres par metre. »
M. de la Fontenelle s'oppose avec energie a la mise
<aux voix de la proposition ainsi redigee ; il regarde 1'a-
bolition du paturage en commun coinme desastreuse
pour les provinces de 1'ouest.
M. Lair appuie I'opinion dupreopinant et s'eleve vive-
ment centre Tabolition du droit dont il s'agit.
M. Eugene Riffault propose un sous-amen dement qtii
consiste a laisser , pour la depaissance des troupeaux ,
une portion de terrain proportionnee au nombre habi-
tuel des indigents dans la commune.
MM. Lair et de la Fontenelle insistent de nouveau
avec la plus grande force contre le principe de 1'aboli*
tion du paturage commun qui porterait, suivant eux,
un coup mortel aux communistes de la Normandie , de
la Bretagne, du Poitou et de la majeure partie des de-
partements de la France.
93 DF.UX.IEME SECTION.
M. de la Fonterielle cite les riches marais cle la Vendee
qui ne peuvent etre utilises que par la jouissance en
conimun. Les communaux ne sont autre chose que des
terrains laisses pour nourrir les bestiaux du pauvre.
Un membre dit, qu'en etablissarit partout des prairies
aftificielles , on pourrait nourrir les bestiaux a 1'etable ,
et que des-lors 1'abolition de la pature commune ne pre-
senterait plus d'mconvenient.
Enfm , M. le president met aux voix la proposition
suivante qui est adoptee :
« Les moyens de tirer le parti le plus avantageux des terrains commit*
» naux doivent varier suivant la nature du sol et les besoins des com-
» munes. Le mode de jouissance et d'administration des biens commu-
» naux sera determine , pour cbaque localite , par les conseils generaux ,
» qui decideront d'apres 1'avis des conseils municipaux et de ceux d'ar-
» rondissement. »
Seance du jeudi 1 5 septembre 1836.
Presidence de M. LAIR.
M. Gaillard fait un rapport verbal sur le me'moire de
M. Vallery, relatif aux moyens de conserver les grains
et de nettoyer les bles entaches de carie, et recommande
vivement 1'appareil invente par cet honorable industriel.
A 1'occasion de ce rapport , un membre rappelle
qu'une machine remplissant le meme but que celle pro-
posee par M. Vallery , a deja etc eprouvee dans quelques
localites de la France ; il emet le vceu qu'une semblable
DEUXIEME SECTION. 99
machine soil placee sur un point du departement de
Loir-et-Cher, afin qu'elle puisse servir de model e.
M. Vallon fait observer que M. le prince de Chimay
et lui ont etc charges d' examiner un memoire sur les
'vices redhibitoires , memoire adresse par la societe ve-
terinaire du Calvados ; il demande qu'un troisieme
membre leur soit adjoint pour proceder a cet examen.
La section designe M, le chef d'escadron de Cossette
comme troisieme membre de cette commission.
M. le president : 1'ordre du jour est la discussion de
la deuxieme question du progrmme :
« Quels sont les changements operes dans la Sologne , depuis vingt
» annees , tant sous le rapport de la culture des terres que sous ceux de
» la plantation des arbres , des defrichements des landes et de 1'ameliora-
» tion des races elevees dans le pays ? »
M. de la Giraudiere lit , en reponse a cette question ,
un memoire qui excite au plus haut degre 1'interet de la
section.
M. Amedee Gaudron ( de Blois ) applaudit a ce que
vient de dire M. de la Giraudiere ; il enumere les grands
services rendus au pays par cet honorable membre qu'il
regarde comme le regenerateur de la Sologne.
M. de Buzoniere prie M. de la Giraudiere de faire con-
naitre les ameliorations survenues dans la tenue des
prairies naturelles. II cite des terres dependantes autre-
fois de Lamotte-Beuvron , et qui , vendues a de petits
proprietaires, ont etc mises par eux en prairies naturelles
d'un excellent rapport.
100 DEUX 1 EM E SECTION".
M. Alphonse Laurent ( de Blois ) desire que 1'ensei*
gnement elernentaire comprenne des notions sur 1'eco-
nomie rurale et la culture des terres. II cite Fecole pri-
maire de Saint- Claude, ou I'agriculture fait partie des
lecons donnees aux enfants.
M. Guerin d'Ogoniere parle dans le meme sens, et ex-
prime le voeu que 1'adrninistration des postes se montre
plus favorable pour la libre circulation des imprimes
distribues par les societes d'agriculture et destines a
etendre les progres de la science agricole.
La section , sur la proposition de M. de Souvigny ,
decide, a 1'unanimite, que le memoire de M. de la
Giraudiere sera renvoye a la section perrnanente, pour
qu'ilen soitdonne lecture a la seance generale duGongres.
( Voir la seance generale du 17.)
M. de la Giraudiere lit un memoire de M. d'Heneux
qui avait etc renvoye a line commission dont il est mem-
bre, et qui a pour objet les moyens d'arneliorer 1'agri-
culture.
Les conclusions de ce rapport sont que :
« La section recommande an Congros , corame oeuvre tres pliilanthropi-
>> que , et pouvant avoir de bons resuUats , le memoire sur le moyen d'a-
» meliorcrl'agricultn-re, par M, d'Heneux, et son projet de soeiete agricole
» pour le'detrichement de 300 hectares de terrain dans la Sologne ou le
» Gatinais , d'apres la methode flamande. »
Ces conclusions sont adopte'es.
La section , apres avoir entendu M. Gaillard , sur les
avantages qui resultent pour le pays de Tetablissement
BEUKIEME SECTION. 101
des routes departementales et sur son desir de voir le
gouvernement persister dans cette voie d'amelioration ,
adopte a 1'unanimite les conclusions du rapport de
M. de la Giraudiere.
Seahce du vendredi 16 septembre 1836.
Prdsidence de M. DE LA GIRAUDIERE, vice-president.
M. Guerin d'Ogoniere fait , au nom d'une commis-
sion, un rapport sur un appareil de M. Elie Dm, pour
le perfectionnement de la vinification. Le rapporteur
demon tre quels sont les inconvenients du cuvage a 1'air
libre et son influence sur la coloration et la spirituosite
des vins; il rappelle que des 1783, la Bibliotheque phy-
sico-economique preconisait les a vantages qui resultent
du cuvage en vase clos, et que des-lors Tapplication aux
cuves de fermentation des soupapes hydrauliques de
dom Cassebois assurait aux vins fabriques au moyen de
cet appareil une superiorite alors inconnue. II s'eleve
contre ces procedes tant vantes de nos jours et dont les
auteurs ne cherchaient qu'a faire des dupes, et il cite
entr'autres M.lle Gervais et ses sectateurs, qui, mus par
un pur sentiment d'interet prive , n'ont pas eu honte de
proposer comme devant avoir les plus beaux resultats,
une jonglerie a 1'aide de laquelle ils exploitaient la cre^
dulite publique. Le rapporteur donne une description
detaillee de 1'appareil de M. Elie Dru , et il conclut a ce
que la section ternoigue a cet honorable membre toute
>•
.• \
102 DEUXIEME SECTION.
sa reconnaissance pour les services qu'il vient de rendre
a la science oenologique.
M. de la Tramblais demande la parole. II ne connait
point M.lle Gervais et tres peu 1'appareil qui porte son
nom. Toutefois, un grand nombre de proprietaires ayant
employe le procede de M.lle Gervais et 1'employant en-
core , il s'etonne que 1'honorable rapporteur ait qualifie
de jonglerie un procede qui a recu 1'approbation de di-
verses societes savantes.
M. Desruisseaux ( de Blois ) dit que la qualification
dont on se plaint a etc donnee par la societe d'agricul-
ture de Toulouse.
M. Hunault de la Peltrie (d' Angers) donne des expli-
cations sur les principes de la coloration des vins et sur
les moyens de 1'obtenir en plus grande intensite.
M. le vicvmte de Gourteilles ( de Tours ) et M. Elie
Dru sont entendus sur le meme sujet.
M. Gaillard rappelle la question et demande 1'ordre
du jour qui est adopte.
La section remercie M. Elie Dru de la communication
de son appareil vinificateur , et recommande cetinteres-
sant et utile appareil a Fattention de tous les proprie-
taires de vignes.
M. le president declare la discussion ouverte sur la
septieme question du programme.
M. le vicomte de Courteilles dit quels efforts ont ete
tentes par la chambre de commerce de Tours et par le
conseil general d'Inclre-et-Loire , pour le developpement
DEUXIEME SECTION. 103
de Tindustrie serifere. II demande que la section veuille
bien entendre le discours qu'il a prononce , a ce sujet ,
dans la derniere session du conseil general de son de-
partement.
Apres quelques observations de M. Hunault de la Pel-
trie , M. de Gourteilles donne lecture de son discours.
II parle de Vancienne splendeur de la fabrique de Tours,
et il dit que la qualite des soies n'a rien perdu de la su-
periorite qu'elle avait autrefois. La chambre de com-
merce a sollicite 1'allocation d'un fonds pour la distribu-
tion de medailles d'encouragement. L'orateur rappelle
que Louis XI, en 1470, avait fait venir des ouvriers de
Venise, d'ltalie et de Grece, et qu'alors les fabriques
etaient a un haul degre de prosperite. La Touraine avait
alors 20,000 ouvriers en soie, 1,800 metiers, 700 mou-
lins ; 40,000 personnes etaient occupees aux diverses
preparations de la soie , et les etrangers faisaient avec
Tours pour plus de dix millions d'affaires sur le seul ar-
ticle des soieries. Deux siecles apres, le nombre des ou-
vriers etait reduit a 4,000 et la mine avait rejailli sur
tous les habitants de la Touraine. M. de Gourteilles si-
gnale les causes de la decaclance de la fabrique des soies,
et il regarde comme la premiere la persecution exercee
contre les religionnaires, par suite de la revocation de
1'edit de Nantes. Louis XIV toutefois essaya, sur les ins-
tances de Miromenil, de relever cette Industrie; mais
ce fut en vain. Maintenant il est du plus haut interet de
chercher a la faire revivre. Nous sommes trubutaires de
Tltalie seulement pour une somme de 72 millions. Lyon
104 DEUXIEME SECTION.
est menace dans la prosperite de ses fabriques; ses ou-
vriers quittent leurs metiers pour se rendre en Suisse et
dans lescontrees voisines : Lyon ne sera bientot plus
qu'une ville manufacturiere de deuxieme ou de troisieme
ordre. La Tourain.e est favorisee par son climat , par
son sol , par ses ptiits artesiens qui peuvent donner le
mouvement a de nombreuses machines. C'est la qu'il faut
encourager la production des soies. L'orateur estime le
produit actuel a 2,000 kilogrammes qui representent une
valeur de 96 mille francs , el qui sont fournis par de pe-
tis producteurs, II ajoute que c'est dans cette classe de
petits producteurs qu'il faut porter les encouragements ,
qu'il faut stimuler 1'interet prive et pousser a la culture
ties muriers. Le miAirier cultive donne, a troisans, plusde
feuilles que ne peut en donner a quinze le murier aban-
doniie a lui-meme. Le murier multicaule surtout devrait
etre repandu quoiqu'il soit plus sensible aux gelees. L'o-
rateur se resume en disant que Ton doit faire des distri-
butions de muriers et accorder des primes d'encourage-
ment pour leur culture et pour la production des soies.
Le discours de M. de Courteilles est vivement ap-
plaudi par Fassemblee.
M. Hunault de la Peltrie dit que la question qui s'a -
gite est une de plus importantes : elle est a la fois sociale,
economique , agricole et commerciale. Tours n'etait pas
la seule province productive de la matiere premiere, la
sole file'e ; Saumur, Angers et tout le littoral de la Loire
avaient des plantations de muriers et fournissaient a la
fabrication de la capitale de la Touraine. 11 propose de
DEUXIEME SECTION. 106
clonner ties primes , les unes en argent, les autres hono-
rifiques, et de les accorder a ceux qui produisent deja des
matieres premieres et a ceux qui s'appliqueront a plan-
ter des muriers.
M. de Gourteilles est entendu de nouveau.
M. Herpin ( de Chateauroux) dit que le conseil gene-
ral de I'lndre a vote une somme de 500 francs pour la
plantantion de muriers sur les routes departementales.
M. Guerin d'Ogoniere prononce quelques mots sur la
question des soies.
M. Gaillard applaudit aux vues de M. de Courteilles : il
propose de generaliser les mesures a prendre au lieu de
les circonscrire a certaines localites. L'industrie serifere
doit etre encouragee par toute la France. II dependra
de la sagesse du gouvernement de ne pas porter cette in-
dustrie la ou le sol s'y refuse. Le gouvernement doit
encouragerl'etablissement surtout des magnaneries et la
production de la soie.
Apres avoir encore entendu sur la question MM. Hu-
nault de la Peltrie, Gaillard , de Courteilles , de Vibraye
et plusieurs autres membres , la section emet le voeu
suivant :
« En consideration de 1'imminence du danger que court rindustrie qui
» a la soie pour matiere premiere, et de 1'utilite de creer dans les petites
» exploitations des moyens de prosperite , le gouvernement et les conseils
» generaux sont vivement engages a prendre toutes les mesures qui 'peu-
» vent encourager la plantation d».-s muriers et la production de la soie
» dans les parties de la France qui y sont propres. »
106 DEUXIEME SECTION.
Scauce du samedi inaliu 17 septembre 1836.
Prdsldemce de M. LAIR.
M. le president demande la permission de revenir sur
une discussion de la veille , pour faire une observation
qu'il croit utile a I'amelioration de la culture en Solo-
gne, et il ajoute que si 1'emploi de la faux en Sologne,
pour les recoltes des cereales , a ete signale comme une
grande amelioration, il est un autre mode qu'il desire
voir employer plus generalement. Usite depuis long-
temps dans le nord de la France , et surtout dans la
Flandre, la sape a sur la faucille et sur la faux cet
avantage qu'elle est plus expeditive, qu'elle coupe les
bles plus pres de terre et qu'elle s'emploie avec une mer-
veilleuse facilite pour la recolte des bles verses on meles
par les pluies ou les vents.
Un memoire sur la carie des bles, par M. Mestivier,
est renvoye a une commission composee de MM. Gail-
lard, de la Giraudiere etPinault.
M. Vallon , au nom d'une commission, repond aux
questions adressees au Congres par la societe veterinaire
du Calvados relativement aux vices redhibitoires. II
enumere les divers cas deja prevus par la legislation
existante; il rappelle ceux qu'elle a omis; il enonce les
lois et les reglements qui ont rapport a cette matiere,et
il cite les differents usages qui ont ete ou qui sont encore
en vigueur dans chaque province, et notamment clans
Normandie et dans le Blaisois. 11 propose , au nom de la
DEUXIEME SECTION. 107
commission , de porter au Congres le projet tie re'ponse
aux questions posees par la societe du Calvados.
M. Hunault de la Peltrie voit par ce que vient de
dire M. le rapporteur, que 1'Anjou est implique dans la
question. II prend la parole, dit-il , pour signaler quels
sont les usages de cette province relativement aux cas
dont il s'agit. II existe six causes pour lesquelles la re-
dhibition doit etre prononcee j la pousse , la morve , le
farcin, les eaux aux jambes, 1'amaurose et 1'immobilite.
La pousse, le cornage et la phtysie pulmonaire ne sont,
suivant lui , que des modifications d'une meme maladie.
La morve esttoujours appreciable, de meme que le far-
cin qui est egalement contagieux. Les eaux aux jambes
constituent vine maladie chronique dans laquelle les
jambes de derriere sont remplies d'eau. Ces divers cas
etant facilement appreciables, il pense qu'un delai de
dix jours est suffisant pour la garantie. II regarde , au
contraire, ce delai comme insuffisant pour I'amaurose ; il
faudrait Tetendre a vingt on trente jours, et porter a
deux et meme trois mois ce delai lorsqu'il s'agirait d'un
cheval retif , puisqu'un pareil defaut coristitue une ma-
ladie organique et chronique qu'il est souvent difficile
de constater dans un moindre delai.
M. Deschamps ( de Blois ) desire que Ton etende la
liste des cas redhibitoires. G'est ainsi que Ton a rejete
mala propos de ce nombre le tic qui n'est pas toujours
appreciable au moment meme de la vente. Les vendeurs
de chevaux sont toujours plus instruits que les acque-
103 DEUXIEME SECTION.
reurs. II est done necessaire de donner a ceux-ci des ^a-
o
ranties suffisantes.
M. le marquis de Montpezat (de Blois) dit qu'il existe
generalement un defaut de confiance dans les transac-
tions qui ont les chevaux pour objet. II s'agit de rarnener
cette confiance , et Ton ne peut y parvenir qu'en adop-
tant la jurisprudence la plus large et la plus favorable
aux acheteurs.
M. Gaillard cite 1'opinion de M. Leprevost ( de Ber-
nay ) , qui pense qu'il faut restreindre le nombre des cas
redhibitoires pour ne pas ouvrir une trop grande porte
aux reclamations et aux proces. On doit admettre deux
classes de cas : pour les uns le delai doit etre court, et it
cite la pousse qu'un changement de nourriture peut de-
terminer eu tres pen de jours. On a parle des chevaux
qui ne peuvent pas manger 1'avoine; il est un moyen d'y
remedier, c'est de la concasser.
M. Vallon repond a M. Hunault; il dit que Tamaurose-
est reconnaissable, meme pendant 1'intermittence, par
la dilatation de la pupille.
M. de Montpezat desirerait voir s'introduire en France
les lois et les usages de 1'Angleterre, qui sont si favora-
bles aux chevaux en particulier et aux animaux en ge-
neral, et il ne met point en doute 1'heureuse influence
exercee sur les moeurs par les lois qui protegent les ani-
maux contre les mauvais traitements.
M. Gaillard et M. Lair appuient le preopinant.
Apres avoir enteridu un grand nombre de membres,
DEUXIEME SECTION. 109
la section passe a la deliberation sur la question etadopte
la proposition suivante :
« Sont ranges parini les vices rcdbibitoires les affections suivantes : la
» morve, le farcin, la pousse, la phtysie pulmonaire, 1'amaurose et la
» boiterie intermittente dite de vieux mal.
» Le delai de garantie pour cbacune de ces affections doit etre fixe a
« dix jours , excepte pour 1'amaurose pour laquelle ce meme delai sera
» portc a trente jours.
» II n'y a pas lieu d'admettre au nombre des cas redbibitoires 1'immo-
» bilite, le tic et le defaut qu'ont les animaux de mordre on de frapper
» ceux qui les approchent.
» La section , convaincue que les animaux , et en particulier les che-
» vaux , ne contractent des vices que par suite des mauvais traitements
« qu'on leur fait endurer, emet le voeu que des lois penale,s soient eta-
» blies contre ceux qui maltraitent les animaux. »
La seance est levee a 1 1 lieures un quart pour etre
continuee a sept heures du soir.
Seance du samedi soir 17 septembre 1836.
P residence de M. DE LA GIRA UDIERE , 'vice-president.
M. de la Giraudiere prend la parole sur la cinquieme
question du programme relative a 1'influence de la cul-
ture des vignes sur les moeurs. II applique aux vignes ce
mot de Henri IV.Plantez des gas cons. Us viennent par-
tout. Les vignes exigeant beaucoup d'engrais et en four-
nissant pen, les vignobles ont du s'etablir dans le voisi-
nage des grandes villes. Les travaux des vignerons sont
i
110 DEUHIEME SECTION.
penibles, contrairement a ceux des laboureurs ; aussi,
voit-on que les vignerons , devenus vieux , ne peuvent
plus se tenir droits. Les vignerons ont des relations fre-
quentes avec les villes; mais ils ne profitent pas de ces
communications. Les enfants suivent la profession de
leurs peres , tandis que les fils de laboureurs se livrent a
1'etude des sciences ou se jettent dans les professions
liberates. La culture des vignes est plus profitable qu'au-
cune autre culture, excepte celle des jardins. Ici 1'orateur
donne des calculs sur les produits de la vigne dans les
differentes provinces. Arrivant plus spe'cialementa la ques-
tion , il dit que les vignerons , forces de se procurer une
grande quantite d'engrais , rechercbent les chaumes , les
feuilles des arbres, qu'ils pillent les joncs, les bruyeres,
et enlevent tout ce qui se trouve a leur convenance,
quelquefois meme d'une maniere illicite , d'ou le pro-
verbe : Ou vigneron a passe, il riy a plus rien a
rnmasser. La culture de la vigne est pen favorable a la
sante des hommes qui s'y livrent.
M. Guerin d'Ogoniere dit que cinq arpents de vigne
suffisent pour faire vivre une famille , tandis qu'il faut
cent arpents de terre pour donner le meme resultat. Sui-
vant lui , on voit peut de vignerons sur le bane des ac-
cuse's , parce que , continuellement occupes de leurs tra-
vaux, ils ne se livrent pas aux vices qu'entraine 1'oisivete.
M. de Buzoniere pense que M. de la Giraudiere a exa-
gere le produit des vignes. Les vignerons sont sobres,
ne boivent que de la piquette ou de 1'eau mise dans des
marcs de raisin , et reservent leur bon vin pour le ven-
DEUXIEME SECTION. Ill
dre. Us sont moins sujets a 1'ivrognerie, parce qu'ils ont
du vin tons les jours; tandis que les habitants des pays
ou la vigne n'est pas cultivee, se livrent aux exces du
vin lorsqu'ils en trouvent 1'occasion.
Un membre cite le Medoc et la Champagne, ou les
vignes rapportent beaucoup plus qu'ailleurs; tel arpent
produisant jusqu'a 1 2,000 francs.
M. de Souvigny dit que dans le Medoc la culture est
trois fois plus couteuse que dans le Blaisois. II cite un
proprietaire qui a pour 500,000 francs de vignes dont
les depenses de culture s'elevent annuellement a 40,000
francs. En 1827, le produit brut de ces vignes s'est
eleve a 300,000 francs.
M. Bergevin (de Blois) cite un proprietaire qui re-
gardait les vignes non comme une source de produits,
mais comme une cause de depense , et qui portait en de-
duction de son revenu 50 francs par arpent de vigne.
Du reste, le produit moyen en quantite n'est pas, sui-
vant lui, le meme partout.
M. le comte de Perrigny (de Blois) compare la cul-
ture cles vignes a une caisse d'epargnes. Le vigneron se
forme un capital dans les annees favorables, tandis que
le laboureur, pour qui les recoltes sont sensiblement
egales chaque annee , depense a mesure qu'il recueille.
M. Gaudron dit que la culture de la vigne amene la
petite culture et par suite 1'aisance. La culture de la vi-
gne augmente done la prosperite du pays.
M. de Buzoniere regarde la culture de la vigne comme
plus onereuse que profitable ; maiselleest precieuse pour
112 DEUXIEME SECTION.
la population cles pays vignobles. II propose un projet
de reponse a la question main tenant en discussion.
M. Martin-Bruere (de Romorantin) dit que les vi-
gnes ameliorent les moeurs par suite de 1'augmentation
de bien-etre qu'elles procurent.
M. de Perrigny fait aux vignerons le reproche de man-
quer de bonne foi. Ce defaut est , suivant lui , general
dans cette classe d hommes.
Un membre n'est pas de 1'avis du preopinant , en ce
sens que la mauvaise foi reprochee par lui aux vignerons,
est un defaut commun a toutes les autres professions.
M. de Perrigny repond que les vices suivent 1'agglo-
meration de la population.
M. Herpin pense que les variations de fortune des
vignerons doivent influer sur leurs moeurs : il ajoute que
partout ou il y a travail , il y a moralite.
M. de Perrigny dit que le vigneron est plus intelli-
gent de ses interets , parce qu'il est petit proprietaire.
M. le docteur Desbrosses (de Blois) dit que les qua-
lites qui distinguent particulierement le vigneron , c'est
d'etre laborieux, industrieux et econome : et les hommes
de cette profession ne sont pas plus enclins au dol , a 1'as-
tuce que les laboureurs.
Beaucoup d'orateurs sont encore entendus sur la
question. Enfin , M. le president met aux voix le projet
de solution de la question proposee; il est adopte dans
les termes suivants :
» L'influencc de ia culture presque exclusive de la vigne rend les hom-
» mos laborieux , induslrieux et cconomes : elle ne favorise pas les bonnes
DEUXIEME SECTION. 113
» raoeurs; elle pourrait meme les alterer quelquefois a cause de ragglomc-
» ration des hommes sur des points ties rapproches.
» Elle donne aux \ignerons des habitudes moitie villageoises et moitie
» urbaines.
» On pent etablir, d'une maniere generate , que la vigne, pen lucrative
» pour le grand proprietaire qui ne cultive pas lui-meme , est cependant
» tres favorable a la prosperite du pays, dans ce sens que sur une surface
» determinee elle donne des produits qui peuvent subvenir aux besoms
» d'un plus grand nombre d'individus. »
La seance est levee a neuf heures et demie
'
Seance du dimanche matin 18 septembre 1836.
Presidence de M. LAIR, et ensuite de M. DE LA GIRAUDIERE.
M. le president annonce que M. Guerin d'Ogoniere, se-
cretaire de la societe royale d'agriculture de Loir-et-Cher,
lui a fait connaitre que cette societe a desigtie MM. les
membres du bureau de la deuxieme section du Gongres
pour faire partie du jury pour le concours de charrues
qui aura lieu le lendemain 1 9 septembre. II invite tons
les membres de la section a assister a ce concours.
Quelques membres demandant qu'une deputation de
la societe seulement assiste an concours , M. de la Girau-
diere insiste pour que tous les membres de la section
d'agriculture s'y rendent.
M. de la Tramblais appuie cette proposition qui est
adoptee ; en consequence, il n'y aura pas demain de
seance particuliere de la section. Cette seance aura lieu
ce soir meme a sept heures.
10
114 DEUX1EME SECTION.
M. le president revient sur le me'moire de M. de laGi-
raudiere; il signale 1'omission qu'il y a remarquee du
trefle incarnat dont il enumere tous les avantages, II
o
parle de la culture de la betterave qui est clevenue la
principale source de richesse du departement du Nord.
II dit quelle impulsion a ete donnee a 1 Industrie par les
expositions de ses produits qui ont ete faites dans le Cal-
vados. II pense que la ville de Blois ne retirerait pas
moins d'avantages de semblables institutions; ce serait
un puissant moyen d'encouragement pour Findustrie :
lesetrangers seraient mis a meme d'apprecier les produits
industriels du pays.
M. Lair manifeste le desir que cette exposition ait
lieu a 1'epoque de la Foire et ait une meme duree qu'elle.
M. Lair terrnine en faisant des voeux pour la prosperite
d'un pays qui Ta si bien accueilli, et en priant les mem-
bres de la section de recevoir ses vifs remerciments
pour la bienveillance qu'ils lui ont temoignee.
La section, penetree envers son president des senti-
ments de la plus haute estime , decide a Funanimite que
les temoignages en seront constates au proces-verbal de
la seance de ce jour.
M. de la Giraudierej vice-president, occupe le fauteuil
apres le depart de M. Lair , force xle s'absenter pour la
journee.
L'ordre du jour est la discussion de la troisieme ques-
tion du programme relative an defricbement des forets.
M. de Souvigny prononce le discours suivant :
DEUXIEME SECTION. 115
L'examen de cette question demande que Ton rappellc quelle est 1'uti-
iile des bois , 1'importance de conserver Ics forets qui les produisent , et
quelles sont les causes principales de leur destruction. Ce serait done un
cours d'economie forestiere qui pourrait seul conduire a une solution pre-
cise et motivee ; le bois est d'une utilite incontestable , indispensable ,
il est une des necessites les plus senties de notre existence et de notre bien-
etre : Ton ne saurait se passer de bois pour construire , meubler et chauf-
fer nos demeures ; etablir nos usines , leurs machines et les faire mar-
cher ; cultiver nos terres , exploiter les mines , les forges , les verreries ;
construire les ponts , les vaisseaux. Personne n'ignore que le tan , la
soude , les cendres , la potasse sont utiles et que le bois les produit. ; mais
je m'arrete et ne viendrai pas vous rappeler les mille usages du bois
sans lesquels on ne saurait vivre: Mille sunt usus arborum sine qidbus
tita degi non possit. ( Pline , livre 12.)
Repetons-le done , les constructions civiles et navales, 1'industrie, 1'a-
griculture , le commerce et les arts proclament 1' utilite du bois.
Par consequent, il est important de conserver les forets qui exercent
d'ailleurs par leur vegetation une influence incontestee sur la salubrite,
les pluies , 1'abondance des sources , la fertilite des terres et 1'ordre des
saisons.
Toutefois , je ne poserai pas ce principe d'une maniere absolue; les
forets sont comme tant d'autres choses dont 1'exces est un mal , la disette
un plus grand mal encore , et qu'il ne faut prendre ou conserver qu'en
juste proportion.
Ici , messieurs , je crams qu'on ne m'accuse de remonter an deluge ;
mais je suis force de vous dire qu'a une epoque bien reculee, la terre
avail en effet son deluge de forets : avant la reunion des hommes en so-
ciete, elles ont du couvrir la plus grande partie du sol, ainsi qu'on le
voit dans les contrees ou Ton n'a pas forme d'etablissements fixes. Or,
ces forets immenses entretiennent un air froid et humide , elles arretent
et condensent les nuages ; la terre qu' elles ombragent est poreuse , elle
retient et conserve 1'humidite que ne pompent jamais les rayons du soleil ;
elles sont remplies d'eaux froides et stagnantes dans les vallons et des
ruisseaux qui descendent les pentes. Ges effets pernicieux d'une trop
grande accumulation de vegetaux deviennent , au contraire , favorables
aux contrees habitees ou les forets servent en quelque sorte a assainir les
plaines cultivees.
En effet , il me semble demontre par 1' experience de tous les temps ,
qne les forets, pen salubres par elles-memes, servent a assainir les contrees
116 DEUXIEME SECTION.
tjiii lesavoisinent; Pabondance dos sources depend aussi do 1'existence des
fbrets. Je lie puis ciler aucunc observation qui me soil personnelle , mais
je ne dois pas omettre celle qui m'a cte transmise par mon pere , inspec-
teur general de forets.
Au pied d'un petit mamelon , se trouvait une source , le monticule
clait ombrage par un chene d'une beaute remarquable , a la cime large
et touft'ue , entoure de quelqucs autres arbres en petit nombre ; ce bou-
quet de bois ayaut etc arrache, la source commenca par diminuer, puis
quclquc temps apres , disparut tout-a-fait.
Lorsque Ton visile la Beauce, on ne pent douter que la disparition de
ces masses de bois, que notre savant secretaire a demontre etre 1'anti-
que Sylva longa , n'ait eu une influence trcs marquee sur ia raretc des
sources el des ruisseaux dans celte contree. Ceux qui out vu 1'ancien lit
de la Cisse , pres Marolles , reconnaissent encore la une preuve que les bois
ayanl ete defricb.es, les eaux ont disparu. Au surplus, 1'influence des bois
sur 1'aboudance des sources s'explique d'une maniere pbysique.
« Si, pendant I'orage, 1'observateur penetre dans les bois, il remar-
» quera d'abord que les brandies et les feuilles des arbres, des arbris-
» seaux el arbustes, presentent aux eaux pluviales des obstacles Ires
» multiplies ; ces eaux ne tomberont sur le sol que par gouttes assez rares ;
» il remarquera encore qu'il n'est pas un rameau, pas une feuille, pas
» un brin d'herbe, qui ne conserve une quantite d'eau proportionnee a
» sa surface, el qu'enlin les eaux coulanl sur le sol sont divisees a I'mfini
» par la foule des plantes qu'elles rencontrent a leur passage. Le sol forme
« des debris annuels des plantes, leger, facile a penetrer, en absorbera
« une grande quantite, an profit des reservoirs souterrains, qui forment
» les sources des fontaines el des rivieres. Ainsi, 1'existence des forets sur
» les montagnes diminue les eaux coulant a la surface et favorise 1'aug-
» mentation des sources *. »
Je citerai encore, a 1'appui de cette opinion, celle d'un homme appele a
faire une revolution dans la science , d'un homme inconnu , et surtout
meconnu de ceux qui 1'assimilent aux cbarlatants , parce qu'ils ne peuveiit
se rendre compte de, ses travaux , je veux dire 1'abbe Paramelle. Il ne doute
pas que 1'existence des forets ne soil une des causes les plus certaines de
la multiplicite des sources.
La troisieme influence des forets , celle qu'elles exercent sur la ferlilile
des lerres qui les environnent , esl moins generalemenl appreciee , mais
* Voir Jk-amliillart ; Reuitil clirouologique des reglenients foresliers.
'DEUXIEME SECTION. 117
i-lle*n'est pas moins positive. D'abord, nous venons de le voir , elles pen-
vent elre considerees comme, des especes de reservoirs qui retiennent Peau
des pluies pour ne la rendre que peu a peu ; il n'y a rien de plus favorable
a 1'agriculture ; rien ne lui est plus contraire que 1'inondalion momenta-
nee que causent les torrents grossis par les pluies abondantes dans les pays
deboises." Us n'eprouvent plus, dit M. Beaudrillart, les heureuses alterna-
» lives de fraicheur et de clialeur , ils sont devores par de leagues secbe-
» resses, ou bien inondcs par des pluies qui se prolongent d'une maniere
» desastreuse ; les cours d'eau n'etant plus entretenus par des sources per-
» manentes, se tarissent ou debordent en torrents, etc. »
On pent citer des exemples non settlement dans I'antiquite, tels que
1'Asie mineure, la Judee , la Syrie; mais encore dans les conlrees nou-
v elles, telles que 1 lie de France, les lies dti Cap- Vert, etc. Tous tendent
a prouver que 1' existence des forets importe a la fraicheur , a la fertilite dt-s
pays , et enfin a 1'ordre des saisons.
Pour ce qui regarde cette derniere influence, il faut repeter ce que j'ai
deja dit, que les forets soutiennent les nuagcs, qu'elles les divisent si bien
que Ton ne saurait nier que les arbres ne soient une sorte de paratonneres
naturels. Aussi voit-on les defrichemenls rendre les orages plus frequents,
plus dangereux, et exposer des contrees a la grele qu'elles n'avaient ja-
mais eprouvee; enfin les forets arrelent les vents et servent derideau pour
les contrees voisines, et, a cet egard, un auteur a etc jusqu'a altribuer
les variations de notre atmosphere, dans ces temps derniers, aux de-
frichements enormes fails en Russie , de 1809 a 1818, pour la culture
des cereales qui, par suite de nos disettes, avaient double de prix.
Les diverses influences des forets , jointes a 1'utilile de leurs produils ,
doivenl done engager la France a conserver les siennes ; mais il faul ce-
pendanl dislinguer , et ne pas oublier que 1'importance des forets situees
en pente ou sur les sommets , esl beaucoup plus grande que celle des
bois situes en plaine. Ceci pose, j'arrive enfin a 1'examen des causes prin-
cipales de la destruction des bois , a la tete desquelles se place nalurel-
lemenl le defrichemenl.
Les premiers habitants de la Gaule , de meme qu'on 1'a vu dans les co-
lonies septentrionales , out du bruler d'abord les forets qui avoisinaient
leurs habitalions , afin de les assainir et de trouver dans la culture du sol
les moyens de pourvoir a leur nourriture; mais 1'elendue de ces defriche-
menls a toujours du etre en rapport avec la population. Que leur aurait
servi en effel de travailler a defricher plus de bois qu'il n'etait uecessairc
a leurs bcsoins? surtoul lorsque les relalions commerciales , peu facilcs ,
118 PREMIERE SECTION.
peu eteudues, ne permetlaient point 1'exportation des produits. Mais^es
besoins s'etant fait sentir de plus en plus, les defrichements out du sui-
vre la meme progression , que j'appellerai progression de necessite. Or ,
messieurs , contre la necessite il n'y a point d'arguments a presenter , il
taut en subir la loi impcrieuse ; et quelles que soieut mes predilections fo-
restieres que 1'on me reprocliait recemment , je reconnais que la ou la faim
se fait sentir, il faut abatlre, bruler, arracher les bois, pour avoir du ble.
Mais celte necessite pourrait-elle exister en France, lorsque les com-
munications si faciles, le commerce si etendu, permettent les echanges
entre les peuples les plus eloignes ? Dira-t-ou que la guerre pent interrom-
pre ces relations; je repondrai qu'alors il sera temps de songer a
augmenter les recoltes de ble , car la France n'est jamais dependante dcs
arrivages au point de craindre la famine ; mais encore , dans ce cas , lie
serait-ce pas aux forets que 1'on viendrait demander des terrains a culti-
ver. N'oublions pas que nous avous 4 millions 650 mille bectaresde patis ,
landes ou bruyeres a cultiver , et 4 50 mille hectares de marais ou clangs
a dessecher : c'est le dixieme du territoire, et plus du cinquieme de Te-
tendue des terres arables. Or, en supposant que la population augmente
d'uu dixieme , on trouverait la une ressource pour la nourrir sans atta-
quer le sol forestier; et remarquez que je ue porte que la moitie des lan-
des a cultiver.
Puisqu'il n'y a pas necessite pour la France qu'on se livre aux defriche-
ments ; puisque 1'pn a prophetise, il y a 200 ans, que ce royaume perirait
faute de bois ; puisque enfm , il est reconnu que chaque annee il y a un
deficit d'environ 1 0 millions de steres de bois de chauffage entre la produc-
tion et la consommation , il semble que Ton doit conclure a poser la prohi-
bition des defrichements comme regie absolue. Eh ! bien , non , messieurs ,
je ne suis point pour la regie, mais seulement pour Pexception; et je
vais avoir 1'honneur de vous deduire les motifs qui me determinent.
Les regies generales sont rarement avantageuses ; et surtout pour le sujet
qui nous occupe. Defendre le defrichement d'une maniere absolue ! mais
c'est mettre un obstacle invincible aux progres de ces vastes contrees de
1'est ou les bois occupent le tiers de la superficie territoriale (la Meur-
the 2/5 , Moselle 1/4 , Vosges 1;2, Meuse 1;3, Bas-Rhin 2/5, Haut-
Rhin 1/2, Jura 1/3, etc. ). Au contraire,autoriser d'une maniere generale,
c'est exposer a perir de misere les habitants de ces departements ou les
forets sont en commun et ou Ton ne Irouve que qtielques bouquets de
bois dans la proportion du 25.e d'un territoire. (Haute-Loire l/22,Can-
tal 1/18, Correze 1/45, Creuse 1/15, Puy-de-Dome 1/17, Haute-Yienno
DEUXIEME SECTION. 119
1/26, Lot 1/21 , Lot-et-Garonne 1;20, Gers 1/60. ) Or, je vous le de-
mande, peut-on soumettre a une meme regie des contrees ou le bois se
vend 50 c. le stere , et d'autres ou 1'on est reduit a bruler les excrements
des animaux ponr faire cuire les aliments ?
II est done indispensable de distinguer et de prendre quatre termes
dif'terents pour resoudre la question. 1.° Les pentes et les sommets
doivent dans tons les cas conserver les forets qui les couvrent; 2.° les
contrees deboisees reclament une prohibition des defriehements ; 3.° les
prohibitions ne sauraient etre absolues , meme pour ces contrees; 4.° enfui
pour les sols en plaine , dans les pays ou les bois se trouvent occuper le
10.e de la surface , ily a lieu a laisser faire.
Sur le premier terme il est inutile , je pense , de revenir a ce qui a etc
dit ; on se rappelle que le deboisement des sommets et des pentes inte-
resse la salubrite publique, Fabondance des eaux, la fertilite des sols et
Fordre des saisons; c'est pourquoi ces sortes de forets ont toujours ete
exceptees de la faculte de del'richer, lorsqu'il y a eu de Fordre dans cette
matiere. J'ajouterai seulement qu'il serait convenable de fixer la pente la
plus faible , a deux decimetres par metre; elle est en effet assez rapide
pour que les eaux s'en precipitent en torrent , entrainant tout ce qu'il y a
de terre vegetale et bouleversant les terres inferieures.
La seconde proposition s'appuie sur les memes raisons que la premiere;
c'est toujours Finteret general qui vent qu'on lui sacrifie les interets par-
ticuliers dans les contrees deboisees.
La trosieme proposition demande quelques explications ; on sait que les
forets , si elles n'exigent pas des soins bien assujetissauts , du moins veu-
lent qu'on laisse agir la nature sans la contrarier; telle n'est pas souvent,
le plus ordinairement meme , la methode des nroprietaires , surtout pour
le passe ; il est done probable qii'une partie des bois situes en pente ou
sur les sommets est en mauvais etat, qu'elle exige ou exigera bientot une
regeneration complete; or,il faut souvent pour cela defricher el cultiver
le sol; c'est done le cas de dire que la prohibition ne saurait etre absolue,
puisqu'il y aurait lieu a y deroger dans certaines circonstances;maisil fau-
drait que ce ne fut que momentanement, et seulement a charge de repeu-
pler le terrain quelques annees apres.
Une autre cause d'exception pent naitre de la necessite que nous avons
admise comme un argument sans replique; il pent arriver dans les pays de
montagne que le terrain manque a la culture, et qu'il soil indispensable
d'autoriser le defrichement , mais ce ne sera encore que momentanement ;
eta cette occasion, je dois vous citer ce qui se passe dans les Ardennes et
120 DEUXJEME SECTION.
notamment dans Tarrondissement de Rocroy. Les communes , proprietai-
res de bois et qui ii'ont pas assez de terres arables , obtiemient de cultiver
leurs coupes pendant deux ou trois ans au plus ; puis sans preparation ni
semis , le bois reparait des la deuxieme ou troisieme annee ; et ce qu'il y
a d'extraordinaire c'est que 1'on arrache et que Ton ecobue. Je ne con-
nais pas d'autres exceptions a faire a la prohibition de defricher dans les
montagnes que les deux precitees ; mais s'il s'en presentait d'autres, il se-
rait utile de meltre toujours pour condition , 1' obligation de repeupler suit
le meme sol , apres un certain temps , soil une egale etendue situee egale-
ment en penle et non boisee.
J'arrive , messieurs , a la quatrieme proposition qui concerne les bois en
plaine et dans les departements ayant le dixieme de leur territoire en forets ;
«lle a besoin d'etre justifiee dans la bouclie d'un agent forestier.
L'ancienne legislation des eaux et forets ne contenait aucune prohibi-
tion a 1'egard du defrichement des bois de particuliers ; 1'ordonnance de
1669 elle-meme ne renferme aucune disposition a ce sujet ; c'est qu'il faut
le dire, messieurs, pour nous la cause de destruction des bois la plus a
craindre ri'est pas celle que Ton suppose , et si 1'interet de la societe ne
demandait pas la conservation des forets situees en pente et dans cer-
taines contrees ou elles sont rares , nous ne proscririons le defrichement
dans aucune circonstance, et nous dirions pour les montagnes comme je le
dis pour les plaines : Laissez faire.
Cependant il est necessaire que j'explique que mon lalssez faire n'a
pas ies memes motifs ni la meme portee que celui des economistes.
Us pretendent que toujours 1'equilibre s'etablit entre la production et la
consommation ; cela pent etre exact par ce qui est produit pour 1'industrie
ou 1'agriculture en general ; si un besoin se fait sentir , c'est en effet de ce
cote que se portera la production ; s'il y a disette , on fera venir du ble ; s'il faut
djl'huile, du sucre , on cultivera la betterave et les colzas ; mais peut-on en
faire autant pour le bois ? Est-il temps , lorsque Ton prevoit les besoins de
la marine , des constructions ou du chauffage , de planter des forets ; mais il
faut la lenteur des siecles ! Le bois est une sorte de culture , mais qu'on
ne laisse pas , pour y revenir a son gre ; on s'est souvent eleve centre les
lois exceptionnelles forestieres , parce que 1'on ne reflechissait pas que
la nature avail fait elle-meme une exception pour les bois.
Si apres avoir pose certaiues prohibitions , je dis qu'il faut laisser faire ,
c'est que d'une part on ne peut s'empecher de reconnaitre 1'inutilite des
prohibitions sans raison indispensable; la loi de floreal an ix est la
seule qui ait fait une defense generate de defricher, et chacun sait com-
DEUXIEME SECTION. 121
ment elle s'est executee. Les inaires , les gardes champetres , les agents fo-
restiers eux-menies ont-ils pu mettre obstacle a des defricheinerits justifies
par 1'etat deperissaut des bois? Non, sans doute; or, il est bien facile d'e-
luder une loi , lorsqu'il suffit pour cela de mal exploiter ou de laisser
paturer les bois. Personne ne s'est eleve contre ces supercheries , parce
que la loi etait recllement injuste dans son application generale; mais lors-
que les exceptions seroiit reduites aux proliibitions que necessite 1'interet
de la societe, la loi sera juste et sera observee.
D'un autre cote, je dis qu'il faut laisser faire , parce que j'ai confiance
dans le bon sens des proprietaires. Sans doute , nous avons de tristes exemples
qui pourraient detruire cette confiance; 1'Amerique a vu faire les defriche-
ments d'une maniere destructive et irreflechie; la Russie elle-meme, qui
maintenant administre le mieux ses forets , a vu le dcfrichement mal dirige ,
de telle sorte que quoiqu'elle possede 160 millions d'hectares de fo-
rets , ce qui forme le sixieme de son territoire , quelques provinces en
manquent absolument, par exemple la Livonie, 1'Ukraine et la Crimee.
Mais , messieurs , ces exemples ne sauraient m'effrayer : d'abord , il ne
faut pas oublier que je voudrais ne laisser la liberte de defricher qu'alors
qu'il y aurait plus du dixieme en bois ; ensuite , nous ne sommes plus au
temps ou 1'on ignorait les details que la statistique et le cadastre nous ap-
prennent; enfin , j'espere que vous voudrez bien emettre un voeu pour que
les proprietaires soient eclaires sur leurs vrais interets sous le rapport des
bois. D'ailleurs, comment pourrais-je m'effrayer , lorsque , d'une part, nous
voyons qu'il reste 5 millions de terrains a cultiver avant d'arriver aux bois ,
et que j'examine 1'etat forestier de la France ; sans doute il est des contrecs
malheureuses sous ce point de vue ; mais enfin, sui;53 millions d'hectares
de territoire, nous avons 6 millions 800 mille hectares de bois , c'est-a-dire
le huitieme; 1'etat en possede un million, les communes plus de deux;
c'est presque la moitie des bois qui deineure soumis a une loi de con-
servation et a une administration qui fait des progres immenseg. Ces
bois fournissent annuellement 27 millions de steres de bois de chauffago
ct 1 million de steres a 1'industrie; or , on a ealcule qu'il fallait pour la con-
sommation des foyers ct des usines, 37 millions de steres, d'ou resulte un
deficit de 10 millions de steres de chaufi'age. Ce deficit est rempli d'un,
cote par les produits des arbres epars , de 1'autre par la houille ; et si
1'ou retranche de 1'observation generale , les departemenls ou le bois man-
que absolument, on trouvera que pour le reste de la France il n'y a rcel-
lement qu'un tres faible deficit. Or, comme nous sommes assure qu'on
pcutavecde meillcurcs exploitations tircr un plus grand produit des forets.
122 DEUXIEME SECTION.
j'irai jusqu'a aflinner, que pour la plus grande etendue du royaume, ihi'y
a pas lieu a prendre des mesures conservatrices des hois particuliers sous
le rapport du combustible. Sous celui des bois de construction , cola est
bien different , le deficit esl reel , il est enorme ; mais ce n'est pas une
prohibition de defrichement qui pourrait le combler; on nedefm-he pas
les futaies , car Ics particuliers n'ont plus de futaies , et quand bien meme
ils eu auraient , on ne pourrait s'opposer a leur defrichement. Il stiffit de
savoir, pour comprendre cette assertion , comment se repeuplent les fntaies.
C'est dans le manque de bois de construction que sc tronve la veritable
plaie, plaie saignante et profonde qui fait ressortir d'autant plus 1'erreur
des economistes, lorsqu'ils vont jusqu'a vouloir faire vendre les proprietes
de 1'etat qui seul peut clever des futaies.
Mais renfcrmons-nous dans la question de defrichement : je dis que j'ai
confiance au bon sens des propriefaires , et a leur interct bien entendu.
En effct, les bois sont la mcilleure des proprietes, la plus facile a regir,
a exploiter , celle dont les produits sont les plus constants. Partout ou j'ai
ete , j'ai vu que les bois rapportaient proportionnellement plus que les
autres natures de terre. Peut-etre , me dira-t-on , que c'est une preuve
qu'ils sont moins recherche: , puisque le taux de leur valeur venale n'est
pas dans le meme rapport que celui des autres terres; mais je repondrai
par deux observations ; la premiere , c'est que les bois sont d'un produit
fixe et stable qui ue laisse rien au hasard , ni aux chances de la specula-
tion; ou aime ces chances, et il n'est pas d'acquereur qui ne s'imagine de-
voir beaucoup plus tirer de revenus des terres que son predecesseur ; il
n'en peut etre ainsi des bois ; en second lieu , bien pen savent ce que Ton
peut tirer des forets, voila pourquoi elles sont moins recherchees , ce qui
ne prouve rien contre leurs avantages productifs.
Enfin je trouve, messieurs, que ma confiance dans le bon sens public
n'est pas mal fondee ; je prendrai pour terme de comparaison une periode
de dix annees, et je vois que de 1825 a 1834, on a defriche environ 75
mille hectares de. bois; mais il faut en deduire 35 mille sur les 90 mille
hectares alienes dernierement par 1'etat et qu'il a force les acquereurs a
defricher , en leur en accordant la faculte , et partant on compte une
plus- Value a cause de cette faculte. Reste done 40 mille hectares de defri-
chement ordinaire pour dix ans , ou 4 mille par an ; mais il faut songer
aussi au repeuplement , et certes je ne pense pas que Ton me taxe d'exa-
geration , en le portant a une etendue presque egale.
Je propose done a la deuxicme section de resoudre la 3.* question div
programme aiusi ;
DEUXJEME SECTION. 123
« La prohibition du defrichement des bois nc saurait , quant a present ,
» etre posee comme regie generate en France ; mais c'est une exception a
» la loi civile, que la societe a le droit d'imposer dans 1'interet de sa con-
» servalion.
» En France, cette exception doit s'etendre non setilement aux forets si-
» tuees en pente, dans une proportion determinee par la loi, et sur les
» sommets de ces pentes , mais encore aux contrees oil les bois n'occu-
» pent pas une portion du territoire dont la proportion serait egalement
» determinee : la prohibition doit enfin etre entouree de conditions couser-
» vatrices. »
Je propose en outre a le deuxieme section d'emettre le vceu :
« Que les proprietaires soieut eclaires par le gouvernement surlesmeil-
» leurs moyens d'cxploiter leurs bois, etsur les inconvenients de les livrer
» au paturage. »
Ce sont la en effet, messieurs , aux yeux des forestiers, les deux causes
de destruction des forets bien autrement a craindre que les defrichements.
Le defrichement est sans contredit la cause la plus complete et la plus
prompte de destruction ; mais au moins c'est une cause que Ton emploie
volontairement et en sachant bien ce que 1'on fait ; mais le paturage et les
mauvaises exploitations sont les resultats de 1'ignorance , et il n'y a pas
de plus grand mal que celui que Ton fait sans le savoir; car il ne s'arrete
jamais. D'ailleurs, le paturage et les mauvaises exploitations conduisent
necessairement au defrichement, en detruisant les produits du bois:je di-
rai plus encore, ccs deux causes sont, dans certaines contrees ,les seules,
qui aient determine la disparition des bois. A cctte occasion, jc crois
devoir juslifier une de mes assertions et la mettre en rapport avec ce qui
existe. J'ai dit que les forets avaient etc defrichees et cultivecs en propor-
tion des besoins de 1'homme en societe, et cependant il existe en France
5 millions d'hectares de landes incultes qui furent, pour la plupart, an-
trefois des forets : ces landes immenses dans des pays ou les habitants
manquent au sol, ne sont point le resultat des defrichements, mais du
paturage et des mauvaises exploitations.
Quant aux mauvaises exploitations , et je comprends sous ce nom les
mauvais amenagements , leurs effets sont incontestables ; mais il serait trop
long de les expliquer ici.
Je me borncrai a dire que la se trouve la veritable solution du proble"-
124 DEUXIEME SECTION.
me ; si les bois sont bien exploites et amenages , s'ils sont a 1'abri des
effets du paturage , on en retirera le plus grand produit possible , et alors
nul doute que personne ne songera a defricher , excepte la ou il y a trop
de bois.
Depuis quelques annees seulement, oii'a commence a appliquer en France
le s) steme des eclaircies successives , qui est fonde sur 1'observatioiv de la
nature; avant ou ignorait completement les moyens d'exploiter les forets
avec avantage, et 1'ordonnance de 1669 elle-meme, si bien concue pour
ce qui regarde la police et 1'administration forestiere , ne contient que
des preceptes vicieux sous le rapport des amenagements : il n'est pas eton-
nant des-lors que les proprietaires reculent devant 1'adoption de nos metho-
des nouvelles , et qu'ils ne les connaissent meme pas ; c'est done un vceu
tres patriotique et tres sage que celui que je vous propose d'emeltre.
II s'agit d'engager le gouvernement a faire publier des preceptes et des
experiences qui etablissent positivement que 1' avantage retire par le patura-
ge est inferieur a la perte qui resulte pour le produit forestier ; il s'agit de
propager les meilleurs systemes de ramenagement et de 1'exploitation des
tbrets ; d'apprendre aux proprietaires a fixer 1'age des coupes d'apresle maxi-
mum relatif ou absolu de leur croissance ; enfin il s'agit de leur appren-
dre a faire ces exploitations intermediaires, qui ont pour but de favoriser
1'accroissement des arbres le mieux venants en les debarrassant du voisi-
nage parasite de ceux qui doiven* perir avant la coupe ; a aider les brins
les plus vigoureux, qui doivent atteindre 1'age de la coupe , dans la lutte
qu'ils soutiennent contre ceux qu'ils doiveut etouffer; et a eviter ainsi
une perte de temps , en coupant les brins domines , destines a perir sans
etre utiles. C'est la reellement en quoi consiste la culture forestiere qui
peut etre heureusement assimilee a celle d'un jardinier intelligent.
M. de Buzoniere desire que le discoursde M. de Souvi-
gny soil renvoye a la commission d'impression du compte-
rendu du Congres.
M. Eugene Riffault appuie cette proposition qui est
adoptee.
Apres une discussion dans laquelle sont entendus
MM. Guerin , de Buzoniere , de Boisaubin ( de Cellettes),
DEUX1EME SECTION. 125
de Petigny ( de Clenord) et de Souvigny, on passe a la
deliberation sur la proposition de M. de Souvigny.
M. de Petigny presente un amendement ainsi concu :
« La section pense que toutcs les assures qui ont pour objet la con-
» starvation des bois , scront inutiles et meme injnstes si le gouvernement
» encourage la destruction par Palienation de ses forets avec facultc de
» defrichement :
» En consequence , elle exprime le VCEU qu'il ne soil fait aucime alie-
» nation des bois des communes et de 1'etat, a moins d'absolue neces-
» site et jamais avec faculte de defrichement. »
M. de Buzoniere demande la division de 1'amende-
ment qui est appuyee par M. de la Tramblais.
La majorite de la section decide que cette division
n'aura pas lieu.
M. de Buzoniere demande que le mot injuste soit sup-
prime dans le premier paragraphe.
Apres une assez vive discussion , cette suppression est
ordonnee et Tamendement est adopte.
M. le president met aux voix la proposition princi-
pale de M. de Souvigny ; elle est adoptee en ces termes :
« La prohibition du defrichement des bois ne saurait etre, quant a
» present , posee comme regie generate : mais c'est une exception a la loi
» civile , que la societe a le droit d'imposer dans Pinteret de sa consen-a-
» tion.
» Cette exception doit s'etendre non seulemcnt aux forets situecs sur
» les sommets ou sur les pentes ayant une iriclinaison determinee par la
» loi ( par excmple , deux decimetres par metre ) , mais encore aux dc-
» partements ou les bois n'occupent pas une partie du territoire , dont la
» proportion serait cgalement determinee ( le dixieme par excmple ).
» La prohibition du defrichement doit etre entouree de conditions
126 DEUXIEME SECTION.
» conservatrices , sans porter toutcfois atteinte au lihre exercice du droit
» dc propriete. »
Sur la clemande cle M. de Souvigny ,
« La deuxieme section propose au Congres d'emettre le voeu que le
» gouvernement soit invite a prendre les mesures convenables pour eclai-
» rer les proprietaires de bois sur les meilleurs moyens de les exploiter et
» sur les inconvenients qu'il y a de les livrer au paturage. »
A onze heures un quart, la seance est levee et ren-
voyee a sept heures da soir.
Seance du dimanche soir 18 septembre 1836.
P residence de M. DE LA GIRAUDIERE.
Un membre signale une omission qui a e'te faite dans
le proces-verbal de 1'une des seances pre'cedentes.
M. de Boisaubin avait depose sur le bureau le modele en
petit d'un instrument usite dans les Etats-Unis, pour la
confection des routes et des chemins. Get instrument
auquel on donne en Amerique un nom qui equivaut a
celui deracloir , est manoeuvre par un homme au moyen
d'une paire de boeufs, il expedie autant d'ouvrage que
vingthommes. Du reste, il a beaucoup d'analogie avec
la pelle beige.
M. Guerin d'Ogoniere a la parole sur la 6.e ques-
tion du programme. L'orateur explique ce qu'il entend
par la greffe de la vigne et comment on la prati-
DEUXltME SECTION.- 127
que. D'apres lui, c'est absolument la meme chose que
la greffe en fente que Ton fait sur les arbres, sauf
cette difference que la greffe tie la vigne s'opere a quel-
ques ponces au-clessous cle la surface de la terre et sur
la souclie prealablement decouverte. On pratique cette
greffe au mois de mars et on peut la faire meme sur de
vieilles souches. II la regarde comme d'un grand avan-
tage. Elle a surtout celui d'etre pen coiiteuse et d'aug-
menter en meme temps la quantite et la qualite du pro-
duit. Du reste, on n'en a fait encore que quelques essais
sur les bords de la Loire.
M. Desruisseaux confirme cette assertion par des ex-
periences faites sous ses yeux a Toulouse, ou la greffe
de la vigne est generalement en usage.
La discussion est fermee et la section adopte la pro-
position suivante, en reponse a la 6.e question :
« La greffe de la vigne est encore pen pratiquee dans les vignobles
» des bords de la Loire ; elle a 1'avantage d'etre peu couteuse et d'aug-
» menter a la fois la quautite et la qualite des produits. »
M. de la Tramblais demande la parole pour la lec-
ture d'une proposition qu'il soumet a 1'assemblee. II ne
veut pas appeler en ce moment la discussion sur cette
proposition dont il se borne a lire le texte :
« Le Congres est invite a emetlre le vceu que le gouvernement prenne
» les moyens d'assurer le plein et entier usage du systeme metrique des
» poids et mesures, en cessant de tolcrer les mesures batardes qui sont
» en dosl-armonie avec ce systeme , et qui font avec les anciennes mesures
128 DEUXIEME SECTION.
» dont elles ont emprunte les denominations , une inextricable confu-
» sion. »
M. le president propose a I'assemblee de passer de
suite a la deliberation sur la proposition de M. de la
Tramblais , qui est adoptee sans objection.
La discussion est ouverte sur la dixieme question.
M. le comte de Galonne ( de Chambord ) a la parole :
Messieurs , la question que nous avons a envisager ici se rattache a celle
de la navigation interieure du royaume, comme moyen de faciliter les
transports et les communications; elle decoule de meme du systeme de
canalisation , subsidiaire a la navigation des fleuves , et se lie naturellement
au nonveau systeme des chemins de fer que les vues d'une sage prevoyance
doivent coordonner avant de se livrer a des etudes toujours dispendieuses.
TJn seul mot va cependant resoudre d'une maniere speciale la question ,
objet de nos investigations, comme cause principale de prosperite et de
richesse nationale. Ce mot est : utiiite, qui, pour un fleuve , se traduit
par ceux-ci, navigation non interrompue pendant les trois cent soixante-
cinq jours qui mesurcnt le cours de 1'annee.
Quand je presentai, en 1827 , 1'emplacement le plus couvenable pour
1'cntrepot d'une capitale a placer aux points d'arrivage des principaux
fleuves du royaume, je demontrai, ipso facto , 1'importance de la Loire
ct de sa navigation.
La Loire, dans un cours de 200 lienes, traverse dix departements du
centre de la France , couvre le midi et une grande partie de 1'oucst du
royaume, sous le rapport stratcgique; met en communication la Mediter-
ranee et POcean ( par le canal du Cbarollois , la Saone et le Rhone ) , et
fait enfin partie de ce rcseau de canaux qui, du centre et de 1'est du
royaume , s'etend par le Rhin a toutes les parties de notre continent.
Mais, a la vue de ce fleuve de sable et de 1'exiguile de son volume,
pendant la plus grande partie de 1'annee, qui ne sent la necessite de lui
rcndre 1'existence , la vie et le mouvement que reclament les besoins in-
ccssants du pays ?
L'administration a bicn charge 1'un de ses ingcnieurs les plus instruits
( M. Lcmierre) de 1'exploration du fleuve et de ses sables inconstants, a
DEUXIEME SECTION. 129
Nantes et vers son embouchure ; inais n'eut-il pas etc preferable tie faire
etudier, a la source du fleuve meme , les causes de ces irruptions frequen-
tes des sables, ou, au moins, a la jonction de 1'Allicr, dont le marinior
sail reconnaitre la crue de celle de la Loire , a la simple inspection de la
cotileur des sables qui chargent les eaux du fleuve?.... Grande question a
resoudre avant de lui assurer une navigation non interrompue , but que
mon patriotisme s'est propose, que le votre acceptera, messieurs.
L'homme n'a recu 1'intelligence en parlage , et n'a etc dote de la science
qui en gradue et specific les developpements, que pour se rendre utile a
rhumanit« , a la societe, a la civilisation : telle est sa noble destinee , celle
quc lui assigne le Createur, dont I'ecriture a dit : Dens scientiarum
Dominus.
En effet, messieurs, 1'histoire de la science presente, a chacune des
grandes decouvertes ou inventions qui font epoque, les revolutions qu'elles
out produites.
Citer les nomsdes Sehwartz (de Fribourg), de Flavio Gioja (de Naples),
de Guttemberg ( de Mayence), nous conduit naturellement a envisager
1'emploi de la vapeur, moteur le plus puissaat, mis a la disposition de
i'homme , dont 1'invention appartient a 1'une des gloires du Blaisois , bien
<[ue 1'usurpation britannique ait mis en avant les noms de Worcester, d e
Savery, de Nevvcomen, de Berigbton, de Walt, d'Hornblower, de Wolf ,
etc., laissant a Denis Papin sa machine a amollir les os, et passant sous
silence son plus beau litre a la reconnaissance des generations.
Francais, proclamons les droits de Salomon de Caus, ingenieur sous
Louis XIII, qui, des 1'an 1615, avail songe a se servir de \aforce elasti-
que de la vapeur aqueuse, dans la construction d'une machine hydrauli-
que propre a operer des epuisements, et surlout ceux de Denis Papin qui
concul en 1 690 la possibilile de faire une machine a vapeur et a piston ,
decouverte immense par sa portce, alors meme que l'intelligence de
I'homme 1'a enrichie de tant de moyens d'aclion.
Oui, messieurs , saluons ici le berceau de celui dont le genie a Irouve,
pour ainsi dire, le poinl que reclamait Archimede pour soulever le
monde; il a fait plus, il le met en mouvement.
Si la decouverte de la poudre a change entierement la strategic et 1'em-
ploi des forces ;
Si la boussole a mis en relation et en communication journaliere les
peuples et les nations qui occupent les cinq parties du monde connu , et
cree des richesses immensos et produclives qu'on ne connaissait point
alors;
ii
«30 DEITXJEME SECTION.
Si Vimprimerie a rendu commun a tons le tribut des connaissances qui,
jusques-la, n'avait pu etre que la part du plus petit nombre;
Qui pourrait prevoir et annoncer la portee de 1'emploi de la vapeur ?...
D'un autre cote, comment se rappeler la decouverte de la pesantenr
specifique que la vue du dcplacement d'une couronne, dans 1'eau d'un
bain, presenta a 1'esprit observateur et meditatif d'Arcbimede, sans ren-
dre hommage a 1'etre superieur qui , dans sa toute-puissance , emploie les
moyens les plus minimes pour produire les resultats les plus importants ?
Cette pensee me dominait, messieurs, quand , me promenant 1'ete sur
les rives de la Loire , je voyais deux ou trois liommes tirant une planche
a 1'aide d'une corde, frayer ainsi tin passage an train de bateaux qui Irs
suivait. La vue de ce singulier ratean , surtoul 1'emploi d'une force aussi
minime , fit sur mon esprit 1'effet du deplacement de 1'eau par la couronne
sur celui du pliilosophe de Syracuse , et je me disais alors : comment s'en
tenir la? Oui, messieurs, comment s'en tenir la?....
Maintenant , an lieu de ces deux ou trois mariniers sillonnant , par une
espece d'instinct, les sables mouvants et inconstants du fleuve, supposons
un instant la reunion d'une force de CO a 80 chevaux a celle du con rant ,
et parfois celle du vent, comme moyen de deplacer les sables et de les
diriger vers les levees qu'ils consohderaient , et nous verrons bientot le
fleuve se frayer lui-meme un cbenal qui facilitera sa navigation.
Yeut-on un exemple? Qu'on visite le port de Cette, et 1'on verra une
macbine qui enleve trois cent cinquante metres cubes de vase en douze
heures.
Mais , dira-t-on , le sable mouvant se fixera-t-il ou nne semblable force
1'aura dirige instantanement?....
Nous repondrons a cette objection, messieurs : si le travail d'un sim-
ple cantonnier sulfit a 1'entretien d'une route , comment celui d'/m bateau
vanfonnier, servant de remorqueur sur une longueur determinee , ne suf-
firait-il pas de meme, ayant pour auxiliaire le cours du fleuve et Paide du
dragueur, pour applanir les banes qui arretent et fixent les sables en leur
cours ?
L'essai que je reclame ici ne pent etre dispendieux : il consisterait a
promener une hefse mise a la remorque d'un bateau , en face de la ville
de Blois , ou les piliers du pont fixent les sables venant d'amont.
Que le succes couronne ce, simple essai , et le principe sera proclame....
"N'a-t-on pas obtenu dernierement , par un moyen analogue, dans le canal
de la Somme , d'Abbevillc a Saint-Vallery , pres de quatre pieds d'eau ,
sur une longueur de quatre lieues?...M. Tingcnieur Fouache, qufa dirige
DEUXIEME SECTION. 131
cctte operation Lmpnrtanie, an moyen d'une ccluse mobile dont il m'a pro-
mis les dessins et les plans , a obtenu le plus grand succes : il a demontre
que ce qui cut coule uu million, par 1'emploi des moyens ordinaires,
ne s'est pas eleve au vingtieme, cinquante mille francs , frais plus consi-
derables que le bateau-herse que je propose.
Ce bateau-herse , dont la quille sillonnerait la Loire, acquererail de la
puissance en raison de sa charge. Son travail consisterait a soulever les
sables que chasserait et dirigerait vers les rives le niouvement de rotation
des roues motrices du bateau , placees a la suite de la /terse.
Ce bateau, en livrant passage au cours du fleuve, le guiderait pour
ainsi dire , et 1'eau qui cherche toujours son niveau, en se precipitant dans
le cbenal trace par la herse, coopererait naturellement a son curage.
Messieurs, les monuments les plus durables sont ceux dont Putilite est
le moms contestce par les generations qui se succedent et en profitent :
temoins les levees protectrices de la Loire, dont on est redevable aux
rois de la premiere et de la seconde race. Sans nous clever centre tarit de
monuments fastueux dont tous les gouvernements se sont plu a embellir
la capitale , supposer qu'cn put preferer les colonnades, les statues et tous
les encouragements donnes aux arts , au prix de centaines de millions , a
1'ceuvre qui assurerait la navigation non interrompue d'un fleuve dont le
cours le plus long traverse le royaume, qui porte avec lui la richesse et
la prosperite du pays, ne serait-ce pas un affront a la representation na-
tionale ? Comment douter , messieurs , qu'une proposition faite par le
Congres de 1' etude de ce projet ne soil accueillie ?
On a fait line remarque en Angleterre , aux Etats-Unis et en Prusse :
c'est qu'a partir de 1'epoque oil 1'on s'est occupe de 1'amelioratiou et du
perfectionnement des voies de communication, non seulement les popula-
tions se sont accrues d'une maniere sensible , mais la sociabilite et la civi-
lisation y ont acquis , en raison des rapports journaliers et constants des
populations entre elles *.
Une mesure legislative autorise , il estvrai, la creation d'un canal lateral
sur la rive gauche de la Loire , et il existe plusieurs projets de chemins
de fer qui , partant de Paris , se dirigeraient sur differents points dont le
fleuve est intermediate ; mais , je vous le demande , messieurs , un canal
lateral a un fleuve qu'on peut rendre navigable , et meme un chemin de
fer parallele a ses rives , ne presentent-ils pas une anomalie ? Quels suc-
ces esperer en face des moyens puissants qu'offre la nature ? Ft d'ailleurs
' En Angleterre , a partir de 1763 ; aux litats-Uuis, de 1783 ; en Frussc , Jo i8i5.
132 DEUX.IEME SECTION.
quel mouvement commercial pourrait, sur des lignes aussi etendues , ser-
vir les dividendes des capitaux enfouis dans de semblables travaux ?
Qu'on mette done en regard les frais , 1 .° de 1'acquisition et de ['expro-
priation des terrains; 2.° du chomage du canal, resultant des reparations
de chaque ecluse et des gelees; 3.° de 1'etablissement des rayes et de
leur entretien; 4.° de la construction des routes, etc., etc.; 5.° des frais
d'administration des deux entreprises ; 6.° du repos force , pendant la ntiit ,
etc. , etc. , avec le pen de frais des bateaux-herse-cantonniers , qui ren-
draient la Loire navigable toute 1'annee, et 1'on rendra hommage aux
moyens que presente la nature dans sa generosite , en assurant aux pays
les bienfaits de la navigation des fleuves , qui , dans mon opinion , doit
primer toute autre navigation.
Le moyen que je presente est si simple , messieurs , que je prevois , en
annoncant la canalisation de la Loire par la Loire elle-meme , entendre
ceux qui , n'approfondissant pas la matiere , n'y verront que I'enlantement
iaborieux de la montagne , s'ecrier avec notre fabuliste :
•C'est pi'omettro beaucoup; niais qu'en sort-il convent?
Du vent.
Dependant, que votre patriotisnie s'empare de ce sujet important, mes-
sieurs; qu'il le rende digne de 1'investigation des hommes de 1'art, et qu'il
oblienne enfin un simple essai : alors I'argument des fails parlera haul;
lui seul salt eviter les illusions de la theorie.
Puisse ce service immense a rendre an pays signaler votre session et
1'institution des Congres scientifiques , qu'on doit considerer comme 1'un
des triompbes de 1'intelligence , dans un siecle de lumieres !...
Puisse aussi votre indulgence, en faveur du sujet, me servir d'excuse
pour les instants precieux que j'ai derobes a vos travaux!
Apres quelques observations faites par plusieurs mem-
bres , la redaction suivante est mise aux voix et adoptee
comme reponse a la question proposee :
« La section pense que la diminution de ^importance industrielle et
» commerciale du bassin de la Loire , est produite par les difficultes du
» fleuve , par 1'encombrement de son lit et la mobilite des sables qui 1'ob-
DEUX1EME SECTION. 13S
struent. L'action mecanique des appareils propres a debarrasser le fond
de la riviere , semble etre le moyen le plus corn-enable de faire dispar
raitre la cause que Ton vient de signaler, et sous ce rapport, la section
emet le voou qu'il soil fait un essai du bateau-herse propose par M. de
Calonne. »
Apres cette deliberation , la section autorise la lecture
d'un autre memoire de M. de Calonne, intitule : De
r unite yprincipe deforce et de puissance chez les anciens;
et de V esprit d 'association chez les societes modernes.
L'orateur cherche a demontrer dans son memoire
que c'est an principe de 1'unite chez les anciens que nous
devons tous les chefs-d'oeuvre qu'ils nous ont laisses, et
il enumere les immenses resultats obtenus par 1'esprit
d'association chez les modernes. II termine en exposant
le plan d'une statistique generale, exacteet complete de
la France : il desire que le Congres scientifique de
France se place a la tete de ce monument a elever au
pays, et il emet le vceu que Ton precede a ce travail en
suivant les grandes divisions formees par les bassins de
nos fleuves et de nos rivieres.
Quelques membres pensent qu'il serait preferable de
suivre dans le travail demande par M. de Calonne , les
divisions aetuelles de nos departements.
M. de Calonne admet cette modification y quant au
detail de 1'execution de la statistique qu'il propose de
faire j mais il pense qu'il serait bon de reunir tons les
travaux partiels relatifs a chaque departement , en ob-
servant les grandes divisions par bassin , dont il a parle.
134 DEUXIEME SECTION.
La section approuve les vues de M. le comte de Ca-
lonne, et ordonne le renvoi a la commission centrale
du me'moire qu'il vient de lire , pour etre insere en tota-
lite ou par extrait dans le compte-rendu des seances du
Congres *.
M. Charles Delaveau ( de Toulon ) communique a la
section une note adressee par M. le marquis de Renne-
ville (d' Amiens) , en exprimant le regret qu'il eprouve
de ne pouvoir assister aux reunions du Congres. Cette
note, repondant a la 8. e question du programme, est
ainsi concue :
A la premiere partie de la question je responds :
Oui, pour le nord de la France, les etablissements industriels peu-
vent prosperer dans tin pays dont la population est incessamment atta-
chee an sol , parce qu'en effet une population nombreuse , active , la-
borieuse, ne pent etre en totalite, ni continuellement occupee de tra-
vaux agricoles dans une contree ou 1'hiver dure trois , quatre et cinq
mois. — Aussi les deux natures de travaux y marclient de front, et 1'e-
migration de toutes les industries des \illes dans les campagnes y suit
une marche progressive.
Ce fait important de 1'economie sociale n'est point assez observe, et trop
peu d'hommes s'occupent des moyens de le regularise!'. On ne saurait as-
signer de limites a la prosperite de quiuze a vingt departements du nord
du royaume , si 1'anuee se partageait en deux parties a peu pres egales , et
si Fete etait entierement employe aux operations d'une savante agriculture
et 1'hiver presque exclusivemeut a celles de toutes sortes d'industries. —
C'est a peu pres ainsi que nous voyons nos paysans horticulteurs et agri-
culteurs , travailler le fer , le cuivre, le lin, le chanvre, le colon, la laine
(i) La commission a cru remplir completemem les intentions de la section, en im-
primant le premier memoire de M. le coitite de Calonne , qui repondait a une des
questions du programme de la session, et en conservant seulement I'analyse donnee,
par M. Ic secretaire-retlactenr , du deuxiime memoire, totalement etrangcr aux dis-
cnsiion* du Coji"ri-s.
DEUXIEME SECTION. t3>
et la sole, sans cesser de cultiver des champs de peu d'etendue, mais
suffisants pour assurer leur subsistance. Quand les proprietaires vivant
dam leurs terres , appliqueront leur intelligence et leurs capitaux avec
une Vue elevee de bien public, a regulariser et perfectionner cet etat de
choses, il se fera une', revolution tres importante dans les rapports de
cette classe avec celle des travailleurs ; et la conservation de 1'ordre inte-
rieur, comme le bien-etre de chacune de ces deux classes de citoyens,
sera le fruit de leurs efforts.
A la seconde partie de la question je reponds : non ; un coup-d'oeil jete
sur la Flandre , la Picardie , 1' Alsace , confirme cette response.
Les pays de grande culture manquent de population, consequemment
les fabriques ne peuvent s'y etablir. — Et la ou abondent les ouvriers ,
les terres se divisent , les families se mulliplient , et la moyenne et petite
culture suivent ce mouvement.
La section, vu Fheure avancee, ne peut ouvrir une
discussion sur cette question dontelle renvoie la solution
au Congres de 1835, Elle croit pouvoir neanmoins re-
commander, comme tres digne de confiance, la note
de M. de Renneville , dont la reputation est placee tres
haut dans 1'estime des amis des sciences agricoles et in-
dustrielles.
La seance est levee a neuf heures et demie.
Les secretaires de la section, Le president de la section ,
EUGENE RIFFAULT, LAIR.
DE LA TRAMBLAIS. Les vice-presidents :
DE LA GIRAUDIERE,
Prince DE CHIMAY.
136 TROISIEME SECTION.
TROISIEME SECTION.
Seance du lundi 1 2 septembre 1836.
PresidencedeM.le docteur ARCHAMBAULTfde Tours), doyen d'dgc ,
et ensuite de M. le docteur DESPARANCHES ( cle Blois ).
A midi et demi , la seance est ouverte par M. le doc-
teur Archambault , doyen d'age. MM. les docteurs Ma-
rin - Desbrosses et Aubry ( de Blois ) remplissent les
fonctions de secretaires provisoires.
Apres i'appel nominal , qui constate 18 membres pre-
sents , il est immediatement procede a la formation du
bureau definitif. D'apres le resultat du scrutin , sont
proclames :
President , M. le docteur Desparanches ;
Vice-president , M. le docteur Archambault $•
Secretaires , MM. les docteurs Marin-Desbrosses et
Haime ( de Tours ).
Le bureau est installe et M. le president remercie la
section de 1'honneur qu'elle vient de liii conferer.
M. le docteur Aubry demande la parole pour une
motion d'ordre. II propose qu'avant toute discussion ,
il soit procede a la revision des questions soumises a
1'examen de la section par la derniere session et par le
programme de cette an nee. — Adopte.
TftOISIEME SECTION. 137
M. Hunault de la Peltrie ( d' Angers ) demande a
faire une communication a la section : il possede du
cow-pox recueilli a Amiens par M. Autier , et d'autre
recueilli par lui-meme a Angers. II offre a la section de
faire des experiences comparatives avec ces deux es~
peces de cow-pox et du vaccin du pays ; il prie ses
confreres de Blois de lui procurer des sujets pour cette
experimentation.
La section accepte avec empressement 1'offre de M.
Hunault.
La seance est levee a une heure et demie , afm que
les membres de la section puissent se rendre a la seance
annuelle de la Societe academique de Blois.
Seance du mardi 13 septembre 1836.
Presidence de M. le ducteur DESPAR4NCHES.
L'un de MM. les secretaires lit une lettre de la so-
ciete veterinaire des departements du Calvados et de la
Manche, qui adresse a la section une serie de questions
sur les vices redhibitoires des chevaux. La section , ne
renfermant pas dans son sein d'hommes assez speciaux
pour preparer le travail demande , s'en refere a la
deuxieme section qui a recu les memes questions.
L'ordre du jour appelle la revision des questions. Les
six renvoyees par le dernier Congres sont conservees.
Les l.re, 4.e, 5.% 6.e et 7.e du programme , concernant
138 TROISIEME SECTION.
les sciences physiques qui ont ete distraites cle la sec-
tion , ne sont pas maintenues , non plus que le premier
paragraphe de la 9.e, paraissant se rapporter plutot
uux travaux de la premiere section.
Apres quelques considerations emises par divers
membres sur 1'ordre qu'il convient de suivre dans les
discussions , le bureau demeure charge d'arreter 1'ordre
du jour de chaque seance.
La discussion est ouverte sur la 4.e des questions
renvoyees par la session de Douai , ainsi concue:
« Quelles sout les modifications apportees par les saisons et les cons-
» litutions atmospheriques dans Faction des agents therapeutiques, et no-
» tamment dans le traitement des maladies epidemiques ? »
M. le docteur Haime lit le memoire suivant :
Mntationes temporum potissimiim pariunt morlos.
( HiPtoc. Aphor. I , Sect. 3.)
A cette sentence seule, on pent juger de I'importance qu'Hippocrate
attachait a 1'observation de la marclie des saisons et des variations atmos-
pheriques, ainsi qu'a leur influence sur la production et le caractere des
maladies. Depuis ce grand homme , les medecins les plus recommandables
ont consacre ce principe qui a traverse les siecles. Bien que Sydenham ,
Pringle, Baillou , Baglivi, Huxham, Sloll, Retz, Pinel, etc., n'aient pas
prouve sans replique la correlation qui semble exister , dans les differentes
saisons, entre 1'etat meteorologique de Tatmosphere et le caractere des
maladies regnantes, du moins ont-ils contribue puissamment a diriger les
esprits vers 1'etude de la nature, en faisaut connaitre sa marche la plus
constante. Ces habiles observateurs ont constate quelle influence pouvaient
avoir sur la production et la forme des affections morbides , les localites ,
h-s eaux, 1'air, les vents, les vicissitudes atmospheriques. Cependant il est
TROISIEME SECTION. 139
si difficile a Pesprit humain de ne pas depasser certaines limites, meme
au milieu des bonnes choses , que Sydenham , cet immortel imitateur de la
methode hippocratiqne , n'est pas exempt du reproche d' avoir attenue la
verite de ses tableaux d'epidemies par un penchant assez prononce pour
les subtilites theoriques.
Quelle idee precise doit-on se faire d'une constitution medicale? Pour
certains medecius, cette denomination a un sens fort etendu ; elle com-
prend non seulement Texpose fidele des maladies observees pendant telle
periode, telle saison , avec leurs differences, leurs modifications , leurs
complications, etc. ; mais encore elle suppose la connaissance rigoureuse et
absolue de la topographic du lieu, c'est-a-dirc du climat, de la disposition
du sol , de sa nature , de son inclinaison , de ses productions , et d'une foule
d'autres details indispensables pour pouvoir estimer 1'action de toutes ces
causes locales, modiliant sans cesse le resultat des influences atmosphe-
riques. 11 n'est pas moins important , suivaut eux , d'apprecier 1'effet des
habitudes physiques et morales des habitants ; de dresser des tables jour-
nalieres de tous les phenomcnes meteorologiques ; d'observer les variations
du chaud et du froid , celles de la pcsanteur de 1'atmosphere ; les diffe-
rents degres d'humidile de 1'air; la serenite ou 1'etat nuageux et brumeux
du ciel, et principalement la direction et la violence des vents; de ne point
negliger snrtout de noter les transitions brusques et tranchecs de la tem-
perature ou de 1'elat physique de 1'atmcsphcrc , puisqu'il es t probable
qu'elles ont la plus graride influence sur la sante.
Ges tables meteorologiques etant dressees, jour par jour, il faudrait en
rapprocher le releve exact de toutes les maladies qui ont regne pendant la
periode de temps qu'elles embrassent , en rappelant les affections qui
existaient au commencement de la constitution dont on veut faire I'liistoire,
et qui auraient etc produites par celle qui a precede; on y joindrait avec
soin tout ce qui peut appartenir a la profession , au genre de vie des>
malades , etc.
On pense bien que des difficultes sans nombre s'opposent , en general r
a ce qu'on puisse arriver a un resultat si desirable ; et , en y reflechis-
sant , on ne sera plus surpris de ne trouvcr peut-etre aucun exemple de
constitution medicale complete.
Quant a nous , qui scmmes egalement eloigne de cette perfection ideale
des uns, comme de I'importance exclusive qu'ils y attachent, et de la re-
pugnance des autres a admettre une corespondance et un rapport plus ou
moins vrais entre les constitutions atmospheriques et medicales , nous-
pcnsons qu'il pent , qu'il doit etre profitable d'csquisser periodi([ueme»l-
140 TROISIEME SECTION. ^
le tableau de ce qui a etc observe de plus saillant dans la constitution
physique de 1'atmosphere et dans le cours des maladies , sans prelendre
pour cela y trouver toujours ime liaison intime et necessaire , laissant a
1'observateur attentif a en tirer la consequence qu'il croit y voir : nous
osons meine dire , apres un medecin eminemment philanthrope , le savant
de Montegre : « II serait a souhaiter que Ton cut pour chaque departe-
« ment un semblable travail , et il est facile de prevoir le bien qui en re-
» sulterait. »
L'importance de cette etude a etc sentie et appreciee par la plupart des
medecins judicieux , et entreautres preuves que nous pourrions donner de
cette importance, nous ne citerons que les deux suivantes. Gombien d'e-
cueils , par exemple , la consideration , le souvenir de la constitution re-
gnante n'ont-ils pas fait eviter? Gombien de fois cette puissante raison
n'a-t-ellc pas ramene le praticien dans la veritable voie, en fixant son
opinion chancelante sur la medication dont Pexperience avail deja cons-
tate I'efficacite. II ne faut done que reflechir un pen pour savoir a quoi s'en
tenir sur les declamations des antagonistes exclusifs des constitutions me-
dicales , et pour reconnaitre la solidite du precepte donne par le pere de la
medecine , dans son immortel traite De acre , locis et aquis : Medicinam
quicumqiie vult recte consequi , hcec faciat oportet; primum quidern anni
tempora animadvertere , quid horum quoque possit efficere.
Toutefois ( et nous le repetons avec franchise , comme 1'expression de
notre sentiment intime), quel que soil le degre d'utilite que 1'on doive es-
perer obtenir des travaux dont nous parlons , on est loin de pouvoir en
lirer toujours des inductions generates et aphoristiques , et Ton ne doit le
faire qu'avec reserve. Ainsi , par exemple , bien que d'apres 1'observation
la plus constante , on soil assez communemeiit d'accord aujourd'hui comme
du temps d'Hippocrate , qu'une constitution atmospherique chaude et seche
dispose aux affections bilieuses , tandis qu'une froide et seche produit les
maladies inflammatoires; qu'au contraire le concours du froid et de 1'humi •
elite determine les affections catarrhales et autres analogues; ce rapport,
cette correlation ne sont pourtaut pas tellement infaillibles, que Ton lie re-
marque sou vent un ensemble de maladies tout opposees a celles que sem-
blaient indiquer les conditions de 1'atmosphere. C'est ainsi que nous avons
vu un de nos estimables confreres du departement d'Indre'-et-Loire, M. le
docteur Rambur ( d'Ingrandes ), dans sa relation-pratique de la constitu-
tion medicale qu'il a observee pendant le troisieme trimestre de 1818,
fairi remarquer que, pendant les chaleurs fortes et continues, il n'avait,
pour ainsi dire, rencontre que des phlegmasics tranches. C'cst ainsi que,
TROIStEME SECTION. 141
(tons tin autre sens, on a vu les fievres gastriques biliettses , de tous les
types , former a elles seules le quart des maladies observees et|traitees
dans les hopitaux de Paris, pendant les mois d'aout et de septembre
1819, tandis que ces memes fievres, ordinairement communes a Tours
pendant la meme saison , y ont etc tres rares cette annee-la , et ont sem-
blc ceder la place aux maladies eruptives , aux rhumathismes aigus ,
anx angines et autres affections des tissus muqueux. En inferera-t-on que
I'influence de la clialeur a etc moindre dans cette ville qne dans la capi-
tale? Non assurement. Il suffira de tenir compte d'nne infinite de condi-
tions on circonstances particulieres que , sans doute , il faudrait connaitre
avant de prononcer. Enfm , Ton en conclura que la nature est variable
dans ses operations , quoique simple dans son essence , et que , comme on
1'a si bien dit, vouloir I'assujctir a nos divisions et a nos systemes, c'est
exiger d'elle ce qu'elle refusera toujours.
A ce sujet, nous ne pouvons passer sous silence une importante remar-
que que nous avons eu occasion de faire , dans nos observations sur la
constitution medicale du departement d'Indre-et-Loire, et en particulier,
de la ville de Tours, pendant le Iroisieme trimestre de 1832.
Hippocrate avail dit d'une maniere generate: "Toutes les maladies peu-
» vent se rencontrer dans les diverses saisons de 1'annee ; mais quelques
» unes d'entre elles sont plus communes et plus graves dans certaines saisons
» que dans d'autres. (Aphor. 19 , sect. 3.) » Et en particulier : « L'ete
» engeiidre des fievres ardentes et continues , et un grand nombre de
» tierces ; des vomissements bilieux , des diarrhees , etc. ( Aphor. 2 1 ,
» sect. 3.)»
Eh! bien, ces aphorismes si generalernent vrais, se sont trouves, pour
la premiere fois peut-etre depuis longues annees , completement en defaut
chez nous, quant a la constitution medicale du trimestre dont nous venons
de parler. En effet , nous avons constate alors 1'absence presque absolue des
maladies qu'on observe ordinairement, et, sans contredit, en plus grand
nombre , a cette periode de 1'annee , surtout pendant les etes chauds , a
savoir: les affections bilieuses, les fievres, les diarrhees et les dysenteries.
Nous ne pouvions laisser passer inapercu un fait aussi saillant , nous qni ,
duraut quinze ans, nous sommes occupe sans interruption d'observer et
de rediger la constitution medicale de notre deparlement. E't comment
ne pas nous etonner de cette particularite ? Car si Baglivi a dit quel-
que part : Scribo Romoe et in aere romano , ne pouvons-nous pas, sans
prctendre d'ailleurs nous comparer a ce grand observateur, dire de no-
tre cole : Scribo Turonibus et in aere turonense .s Or, depuis vingt ans que
142 TROIS1EME SECTION.
nous exereons la mcdecine a Tours, nous n'avons pas encore vu unean-
nee qui ait presente un aussi petit norabre des maladies engendrees par la
saisou d'ete, que 1'aimce 1832. Une seule cependant pourrait lui etre
comparee sousce rapport, c'est Pete de 183 1 ; mais nous etions deja alors
sous 1'influence exclusive de la grippe et de la cliolerine , considcrees par-
tout comme avant-coureurs du cholera-morbus.
Ne peut-onpas des-lors entrevoirla raison de cette anomalie apparente?
L' epidemic cholerique ayant forme en quelque sorte a elle seule toute la
constitution medicale du deuxicme trimestre, n'a-t-elle pas par cela meme
imprime une heureuse modification a la constitution du troisicme? EH
d'autres termes , les causes encore iguorees de ce grand desastre palholo-
gique n'ont-elles pas pu suspendre ou intervertir momentaiiement Tordre
habituel des influences atmospheriques sur la production des maladies pro-
pres a la saison d'ete ? Ceci n'est pas improbable. Quoi qu'il en soit, nous
nous bornons a constater et a enregistrer ce fait remarquable d'observa-
tion , laissant a des esprits plus penctrants ou plus subtiles, d'en donuer,
s'il est possible, une explication satisfaisante.
D'ailleurs, repetons-le avec Zimmermann : Hippocrate, Sydenham et
et d'autres observateurs out remarque que les memes maladix's epidemi-
ques ont regne sous des qualites differentes de Pair , et que des maladies
differentes se sont manifestees sous les memes conditions atmospheriques.
C'est donner dans un abus manifeste , que de n'estimer les qualites sen-
sibles de Fair que par les degres ou montent et baissent chaque jour le
mercure ou l'esprit-de-vin dans le thermometre et le barometre. Les pra-
ticiens qui ont voulu s'inslruire ainsi dans I'etat de la constitution des
saisons , se sont attaches a des details qui n'apprennent rien que I'etat
momentaiie de la temperature ; or, ce n'est pas la qu'il faut fixer toute son
attention ; c'est ou a la continuite et a 1'exces de la meme temperature, ou
an brusque changement de cette temperature et a son remplacement suliit
par une autre opposee ou tres differente , qu'il faut prendre garde particu-
lierement, parce que les maladies epidemiques qui sont produites par I'e-
tat des saisons , n'en proviennent jamais que par ces causes. C'est de cette
maniere qu'Hippocrate observait, dans les differentes temperatures, la
cause des epidemics; et c'est aussi ce que nous-meme avons eu maintes
occasions de verifier. En resume , chaque saison a son caractere propre et
influe consequemment sur nos liumeiirs a certain point, comme disait le
pere de la medecine : voila ia cause des maladies habituelles de chaquc
saison. Si les ecarts des saisons sont excessifs , il en resulte ordinairement
les maladies epidemiques proprement dites. Nous n'avons pas besom d'a-
TROISIEME SECTION. 143
jouter qu'il faut exccptcr de cette grande loi generate les maladies epide-
miques contagieuses , c'est-a-dire dues a uue cause toute specifiyue, bien
que le plus sou vent insaisissable.
C'est d'apres ces donnees et ces considerations , que la Societe medicale
de Tours , dont nous avons si long-temps redige les travaux , a constam-
ment cherche a atteindre le but d'utilite qu'elle a toujours eu en vue, en
publianl chaque annee, et jusqu'a ces derniers temps , par trimestre *, ses
observations meteorologiques et medicales. On lui a su gre , nous n'en
doutons pas , des efforts et des vceux qu'elle n'a cesse de faire pour 1'ex-
tension d'une methode appreciee par tons les medecins qui prennent 1'ob-
servation pour guide de lenr pratique , et qui savcnt se premunir centre
les theories et les hypotheses les plus seduisantes. Notre Societe continuera
de cultiver avec zele et perseverance , cette branche , peut-etre fastidieuse ,
de ses travaux ; mais eutreprise et suivie par elle , depuis trente-six ans ,
dans la conviction qu'elle a du quelquefois et pourra toujours etre pro-
fitable aux hommes de 1'art , conscieiicieux , qui ne dedaignent point
de s'instruire encore de la pratique , des lumieres et meme des fau-
(es de leurs confreres. Deja , depuis plusieurs annees , son exemple
a ele imite par quelques societes de mcdecine et par quelques redac-
teurs de recueils periodiques. G'est un point d'eludes medicales que
nous croyons digne de fixer 1'attention des Congres scientifiques , et en
presentant ces courtes considerations a la 4.e session , reunie a Blois, nous
avons eu 1'intention de poser un jalon dans un champ vaste , iecond en
heureux resultats , et qui ne pent manquer d'etre parcouru avec succes
par une foule d'hommes de merite , que nous serons heureux d'avoir at-
tires dans une carriere presque vierge encore. Puissent tons les bons ob-
servateurs et les homines lal^orieux de chaque departement de la France ,
sentir 1'importance de cette etude , et s'y livrer avec assez d'ardeur, de
soins et de developpements , pour qu'il en resulte un faisceau de connais-
sances capables de servir un jour de guide assure aux generations futures !
M. le docteur Leon Simon ( de Blois ) fait observer
que M. Haime a plutot traite des constitutions saisoji-
nieres et epidemiques que des constitutions medicales
* D'apn's une nouvelle resolution de la Societe , le recueil cl« ses travaiiT , tonjonr.i
public tons les trois niois , ne rent'eruie plus, que dans le num^ro dii 4-e trimestie t le
PISECIS de la constitution jneilicale obseryee pendant 1'annee.
444 TROISIEME SECTION.
proprement elites. II voudrait que , avant d'aller plus
loin , on definit nettement les termes de la question.
Dans Fopinion de M. Simon , une constitution medicale
resulte d'une multitude infinie d'influences qui peuvent
etre ramenees a deux categories principales : les unes
relatives au milieu qui nous entoure, les autres apparte-
nant en propre a 1'homme lui-meme. Les premieres seu-
les, conside'rees comme causes de maladies epiderniques,
ont etc abordees par M. Haime. L'orateur voudrait que
le probleme fut elargi et embrasse dans toute sa com-
plexite.
M. le docteur Hunault de la Peltrie qui , au Congres
de 1833 , avait pose la question des constitutions physi-
ques et medicales, et qui, aux deux sessions suivantes, a
lu un travail a ce sujet , explique ce qu'il a entendu par
constitutions pbysiques et medicales. Les constitutions
physiques sont les phenomenes physiques, generaux ,
plus ou moins normaux , propres aux localites ; et par
constitutions medicales , on doit entendre 1'influence de
•ces constitutions pour la production des maladies.
Seance du mercredi 14 septembre 1836.
f residence de M. le docteur DESPARANCHES.
La commission centrale renvoie a la section une pro-
position de M. le docteur Leon Simon , sur la doctrine
medicale homeopathique. — Ordre du jour de demain.
TROISIEME SECTION. 145
La discussion est ouverte sur la 1 1 .e proposition du
programme de la section, relative a la reorganisation
medicale.
M. le docteur Archambault lit quelques considera-
tions sur cette question, II s' attache surtout a etablir
qu'il est indispensable de cpnserver deux ordres de
medecins; il voudrait seulement qu'on changeat le titre
<l'officier de sante en celui de licencie en medecine. Les
facultes recevraient les docteurs et les ecoles secondaires
confereraient le grade de licerscie. II demande la creation
de conseils medicaux , dont les membres seraient nom-
mes par leurs pairs. Enfin , il voudrait qu'on attachat a
chaque division caiitonale un service de sante gratuit ,
compose d'un medecin , d'un chirurgien etd'un pharma-
cien.
M. le docteur Leon Simon desire une reforme com-
plete. II pense qu'elle doit porter sur le corps savant, sur
le corps enseignant et sur le corps exercant. Les ordon-
nances constitutives des academies en font des resistan-
ces aux progres, tandis qu'elles devraient etre a la tete
du mouvement , 1'aider , le diriger ; elles devraient perfeo
tionner la science et non 1'entraver.
L'orateur n'admet pas deux ordres de praticiens,
parce qu'il n'y a pas deux ordres de malades , et que le
nombre des medecins est assez grand aujourd'hui pour
qu'on ne puisse pas craindre de voir quelques contrees
«n manquer. II serait toutefois fort a desirer qu'on put
organiser un service de sante rural , gratuit pour les in-
digents, etl'on ne voit pas pourquoi on n'obligerait pas
140 TROISIEME SECTION.
les communes a s'imposer pour avoir un me'decm,
comme elles s'imposent pour avoir un instituteur.
Ce qui manque aux medecins, dit-il , c'est 1' union,
1'esprit de corps. Les conseils medicaux seraient un
centre de ralliement fort utile. Us pourraient encore ren-
dre de grands services en s'occupant de la topographic
medicale de leurs localites et de la salubrite publique.
M. Archambault insiste sur les considerations qu'il a
presentees. II vent non seulement des docteurs et des
licencies, mais aussi des medecins et des chirurgiens;
c'est en divisant la science qu'on fera des specialites, et
les specialites seules peuvent faire avancer une science
trop vaste pour etre embrassee dans toutes ses parties par
un seul homme.
M. le docteur Marin-Desbrosses n'admet pas cette di-
vision de la science ; il ne voit pas entre la medecine et
la cliirurgie de bornes assez, distinctes pour qu'on puisse
posseder bien Tune , sans connaitre 1'autre. Elles s'eclai-
rent reciproquement; et dans une foule de circonstances,
elles sont inseparables. Ge que demande M. Archambault
serait un pas retrograde immense. L'orateur n'est pas
pour cela ennemi des specialites ; mais les hommes spe-
ciaux ont besoin d'embrasser d'abord la science dans son
ensemble, pour pouvoir ensuite cultiver plus particulie-
rement une de ses branches.
La reponse a la premiere partie de la question ne pa-
rait pas douteuse a 1'orateur : la reorganisation medicale
est un besoin urgent.
D'apres M, Desbrosses , la reforme doit porter sur le
TROISIEME SECTION. 147
corps enseignant et sur le corps exercant; mais non,
comme le veut M. Simon , sur le corps savant.
Les academies, dit-il, sont les regulateurs du mouvement, quelquefois
aussi , j'en conviens , elles sont des resistances aux progres , mais je n'ac-
corde pas pour cela qu'il faille changer leur organisation : le progres a ses
puissances : la presse , le journalisme surtout ; il faut aussi un pouvoir
organisateur , moderateur; autrement nous ne sortirions pas du chaos des
innovations. Je dis plus , ce qu'on demande est impossible : une academie
est un hut propose aux nobles ambitions; c'est un repos accorde a de pe-
nibles travaux , une recompense honorable decerneee a des succes confir-
mes; une academie enfin est une reunion d'hommes du passe et non de
Pavenir. Changer son organisation , serait la detruire.
L'orateur ne veut qu'un ordre de medecins. II ne voit
pas quel avantage il y aurait a changer le nom d'officiers
de sante en celui de licencies. II veut qu'il y ait egalite
pour tous les medecins et que les memes garanties de
savoir soient offertes aux pauvres et aux riches.
Messieurs , dit M. Dcsbrosses , loin de craindre qtie les medecins ne
manquent aux malades , j'entrevois dans la progression toujours croissante
du nombre des etudiants une exuberance prochaine des medecins , au
sein dc la societe. Get etat doit amener une concurrence , facheuse pour
les medecins et pour les malades ; car c'est surtout dans cette profession que ,
trop souverit, le charlatanisme ecrase le merite. Je voudrais qu'il y eut un
exanien d'admission aux ecoles et un nombre limite d'admissions, comme
pour 1'ecole polytechnique ; ce serait le seul moyen d'eloigner les incapa-
cites et de rehausser la profession dans 1'opinion publique.
La creation de conseils medicaux qui , tout en laissant intacte la liberte
individuelle , veilleraient a la consideration et aux intcrets du corps , me
parait etre une des plus grandes ameliorations qu'on puisse apporter a la
pratique de la medecine.
Le charlatanisme est une plaie sociale a laquelle il me semble devoir
etre remedie par de nouvelles dispositions legislatives , puisquc les ancien-
nes , par quolquc motif que ce soil , sont evidemment ineflicaccs.
J'i8 TROISIEME SECTION.
Enfin, M. Desbrosses demande 1'abolition de la pa-
tente des medecins, qui fait sortir leur science de la classe
des professions liberates. II veut an moins qu il n'y ait
pas , a cet egard , entre les avocats et les medecins , uiie
distinction tout-a-fait injurieuse pour cesderniers.
Seance du jeudi 15 septembre 1836.
Presldence de M. le docteur DESPJRANCHES.
Apres quelques observations de MM. Haime, Despa-
ranches, Simon et Hunault, la section adopte la resolu-
tion suivante.
« L'organisation du corps medical en France est susceptible de reforme ,
» et cette reforme est d'un besoin urgent.
>» La reorganisation doit porter :
« 1.° Sur 1'enseignement;
» 2.° Sur 1'exercice de la profession.
» Elle doit avoir pour bases principales :
» 1 .° L'augmentation du nombre des facultes ;
» 2.° La creation pres de toutes les facultes de medecine , d'acadomies
» cbargees de travailler au perfectionnement de la science ;
» 3.° L'egalite scieiitifique et legale de tons les medecins ; c'est-a-dire
» I'unite de litre et de prerogatives ;
» 4.° Un examen d'admission aux facultes ;
» 5.° La creation dans les facultes de jurys d'examendont les membrcs
» seront pris a nombre egal parmi les professeurs et parmi les praticiens
» qui auront plus de dix ans d'exercice ;
» 6.° Des dispositions legates efficaces pour la repression du cliarlata-
» nisme;
» 7.° La creation de conseils medicaux dont les membres, nommes a
» Selection , seront charges de veiller a 1'execution des lois protectrices dc
» la profession et a la conservation de sa dignite;
TROISIEME SECTION. H»
» 8.° L'i<istilution de medecins ruraux ;
» 9.° L'abolitiou de la patente. »
L'ordre clu jour appelle la discussion de la proposition
tie M. Leon Simon , concue en ces termes :
« Le Congres exprime le voeu que la doctrine medicate homeopathique,
» introdtiite en France depuis plusieurs annees , soil soumise dans Tun
» des grands hopitaux du royaume, a un examen clinique , methodique
»> etregulier, afiu qu'il soil possible d'asseoir une opinion sur la valeur
» de cette doctrine. »
La parole est a M. Leon Simon, pour le developpe-
ment de sa proposition. II etablit que la doctrine medi-
cale homeopathique , introduite depuis plusieurs annees
en France, a, depuis lors, pris des developpements tou-
jours croissants. Paris, Dijon, Lyon, Bordeaux, aussi
bien que Geneve et Liege , possedent des societes de me-
decine homeopathique regulierement organisees. II
semble a 1'orateur que, sans rien prejuger sur la valeur
de cette doctrine, on ne pent se refuser a admettre son
existence en fait. D'un autre cote , la resolution de 1' Aca-
demie royale de medecine, qui repousse la nouvelle doc*
trine, ne lui parait pas etre un arret sans appel. 1'Aca-
clernie, dans cette circonstance , lui semble avoir agi
d'apres une idee preconcue, puisque la doctrine qu'elle
condamnait etait inconnue a presque tons ses membres.
A cet egard , M. Simon se refere a la lettre qu'il a adres-
see a M. le ministre de 1'instruction publique , dans le
but de refuter 1'opinion de M. Andral et celle de
M. Bally, qui ont servi de base a la discussion de 1' Aca-
demic.
150 TROISIEME SECTION.
jL'homeopathie se presentant a litre de doctrine nouvelle, de progres,
ne peut etre vue avec indifference par le Congres , dit M. Simon ; car le*
doctrines medicales se resolvant en applications pratiques immediales, leur
influence est toujours heureuse ou funeste, selon qu'elles sont vraies ou
fausses. C'est par cette consideration que je propose a la section d'emettre
le vocu que la medecine homeopathique soil soumise a un examen metho-
cli([ue et regulier, afin qu'il ne soil plus permis de nier 1'efficacite de 1' ho-
meopathic et de la trailer de chimere , sans examen aucun. Geux d'ail-
leurs qui ne partagent point nos croyances medicales ne peuvent s'oppo-
ser a ma demande , puisqu'ils Irouveronl dans cette epreuve authentique
le seul moyen de desillusionner les partisanls de 1'homeopathie.
M. Simon termine en prUmt la section de ne se pas
meprendre sur le sens de sa proposition : il ne s'agit pas
en ce moment de porter un jugement sur la medecine
homeopathique ; les membres de la section ne la con-
naissent sans doute pas assez pour le pouvoir faire. II
s'agit seulement d'exprimer le voeu qu'elle soil soumise a
des experiences publiques, afin qu'on puisse la juger en
connaissance de cause.
M. Duclo ( de Marseille ) appuie la proposition de
M. Simon, et veut qu'on la generalise en etendant la de-
mande a tous les systemes en medecine.
M. le docteur Blau ( de Blois ) fait observer que deja
la medecine homeopathique a ete 1'objet d'un examen
serieux de la part de 1'Academie , que plusieurs de ses
honorables membres ont fait des experiences qui ont
ete rendues publiques ; qu'enfin cette doctrine a ses de-
fenseurs qui ne sont nullement entraves dans leur prati-
que non plus que dans 1'exposition de leur theorie. II ne
voit pas a quoi serviraient de nouvelles experiences sur
une doctrine desormais jugee.
TROISIEME SECTION. 151
M. Archambault ne consentirait a la proposition que
dans le cas ou les conditions de 1'experimentation lui
offriraient toute garantie dans 1'interet des malades.
M. Aubry ne croit pas au danger de 1'homeopathie
dans beaucoup de cas; cesont ceux ou la medecine ex-
pectante peut etre faite. Pour ces cas, il consentirait vo~
lontiers a 1'experimentation.
M. Haime desire qu'on experimente avec les garanties
d'ordre et la surveillance convenables.
M. Hunault s'oppose a ce que le gouvernement ac-
corde exclusivement a rhomeopathie un hopital d' expe-
rimentation, parce que jamais aucune tbeorie n'a joui
d'une semblable faveur, et que ce serait accorder a celle-
ci un privilege injuste.
M. Desbrosses pense que 1'experimentation n'est pas
moins desirable pour les allopathistes que pour les ho-
meopatbistes. Ceux qui n'ont pas d'opinion arretee doi-
vent desirer s'eclairer ; les autres doivent desirer confon-
dre leurs adversaires; et le seul moyen pour tous est
Texperimentation publique, confiee aux homeopathes
eux-memes; car ils pourront toujours dire aux allopatbes:
« Vous ne connaissez pas notre doctrine ; vous avez mal
experimente. » Quant aux dangers de 1'experimentation,
ils ne lui paraissent pas reels : chaque jour tous le me-
decins des hopitaux font de semblables experiences qui
heureusement ne coutent pas la vie des malades. Eh !
quel autre moyen de faire avancer la science, que per-
sonne sans doute ne croit arrivee a son apogee ! D'ail-
lieurs , on peut s'en remettre au gouvernement du soin
152 TROISIEME SECTION.
de prendre telles precautions qui pourront etre jugees
convenables. Mais il ne voudrait pas d'un amendement
restrictif du voeu eminernment liberal et progressif qu'on
propose d'emettre. Ne craint-onpas aussique les homeo-
pathistes, genes encore dans leur pratique , ne recusent
des experiences faites avec des conditions , acceptees par
quelques uns , rejetees par d'autres ?
M. Simon dit qu'en effet 1'experimentation qu'on a
permis, a lui et a M. Curie, de faire a 1'Hotel-Dieu de
Paris, a ete rendue tout-a-fait illusoire par les conditions
apportees par le medecin de la salle et les gens de servi-
ce. Leurs prescriptions etaient frequemment changees ;
et ils manquaient de cette autorite sans laquelle le me-
deciri ne pent rien. Aussi M. Simon n'a-t-il pas tarde a
se retirer.
L'orateur ajoute que s'il demande pour 1'homeopathie
une faveur qui n'a point encore ete accordee a d'autre
systeme, c'est que l'homeopathie est plus qu'un systeme;
c'est qu'elle existe en fait d'une maniere assez grande et
assez incontestable , pour qu'on ne puisse se refuser a
Texaminer , pour qu'il soit impossible de se contenter de
dire : Laissez passer.
La proposition de M. Simon est mise aux voix et
adoptee.
Les rnembres quittent la salle et il est impossible de
faire voter sur un amendement pre'sente par MM. Ar-
chambault , Hunault, et Baschet (de Blois), tendant a ce
que le gouvernement ne permette les experiences deman.-
TROISIEME SECTION. 153
dees qu'en fixant les conditions d'ordre et de garantie mo-
rale , convenables dans une semblable experimentation.
Seance du vendredi 16 seplembre 1836.
Presidence de Jf. le docteur DESPARANCHES.
La commission centrale renvoie une proposition de
M. Archambault sur les maisons d'alienes. — Mise a For-
dre du jour de la seance extraordinaire du soir.
M. Hunault presente a la section deux instruments
qu'il a modifies : le premier , est un lithotriteur urethral
destine a extraire les calculs engages dans Furethre; 1'au-
tre sert a faire rentrer les branches du lithotriteur dans
son etui avec facilite et sans faire eprouver an malade ni
secousse ni douleur. La section apprecie les avantages
que presentent ces instruments, et adresse des remerci-
ments a M. Hunault pour sa communication.
La discussion est ouverte-sur la 2.e question du pro-
gramme, relative aux irrigations.
M. Aubry a la parole. II dit que les irrigations de prai-
ries se font de maniere a ne pas permettre la stagnation
des eaux, et que partant elles sont sans inconvenient.
Car c'est la decomposition des vege'taux qui, apres les
inondations , occasionne des maladies , et cette action ne
saurait s'operer quand il n'y a pas stagnation de 1'eau.
M. Archambault pense au contraire qu'aucun systeme
d'irrigation n'est completement exempt d'inconvenients,
et que pour les diminuer autant que possible , il faut
154 TROISIEME SECTION.
prescrire des mesures propres a empecher la slagnar
tion de 1'eau.
M. Baussan (deBlois) fait observer que les proprietai-
res sont interesses a ne pas laisser les eaux stagnantes ,
et pense qu'on peut s'en remettre aux soins qu'ils pren-
nent de leurs interets pour prevenir 1'inconvenient qu'on
redoute.
M. Desbrosses dit que les irrigations sont dans des con-
ditions bien differentes, suivant les localites. Dans les
pays de montagnes, ou 1'eau est economisee , ou ces ope-
rations sont faites avec intelligence et soin , ou enfin la
pente du terrain ne permet pas la stagnation de 1'eau ,
il ne saurait resulter des irrigations des inconvenients
pour la salubrite ; elles peuvent meme presenter de grands
avantages dans des annees de secheresse. Mais dans les
pays plats , ou les rivieres fournissent abondamment
une eau qu'on prodigue , la stagnation est a craindre. II
est meme telles contrees, dit M. Desbrosses , telles prai-
ries basses dans lesquelles il n'est pas possible de faire
ecouler le liquide. Et qu'on ne s'en rapporte pas aux pro-
prietaires pour prevenir la stagnation ; car d'abord elle
n'a pas , entre les deux recoltes de foin , 1'inconvenient
qu'on y voit; ensuite il est de fait que cettte stagnation
existe dans differentes localites a peu pres tous les ans.
L'orateur resume son opinion dans cette proposition:
« Les irrigations des prairies qui n'ont pas de pente peuvent avoir des
inconvenients pour la salubrite. — S'il intervient une loi sur cette ma-
tiere, elle devra laisser aux dispositions reglementaires locales le soin,
TR01SIEME SECTION. 155
>» de prevenir les iaconvenients , d'apres les avis des conseils medicaux du
» pays. »
M. de Saint- Vincent (de Blois) est d'un pays (Vaucluse)
ou les irrigations sont d'un usage general. Elles y sont
faites, dit-il , avec beaucoup de soin , et 1'eau ne sejourne
pas. II n'a jamais ou'i parler dans ce pays d'inconvenients
resultant pour la salubrite publique des irrigations de
prairies. II croit que toutes precautions a cet egard se-
raient inutiles et sans doute genantes pour 1'agriculture.
M. Hunault pense que les irrigations artificielles ,
faites en temps opportun , sont plutot utiles que nuisibles,
en ce sens que pendant la vegetation 1'eau est plutot
purifiee que viciee par les vegetaux vivants qu'elle bai-
gne.
Apres quelques observations de redaction , la section
adopte la proposition suivante :
« Les irrigations de prairies n'ont pas d'inconvenients [pour la salu-
» brite, pourvu qu'on prenne des mesures efficaces pour prevenir une
» trop longue stagnation des eaux. »
On passe a la discussion de la 3.e question du pro-
gramme, relative aux etablissements insalubres.
M. Desbrosses expose le vague de la legislation re-
lative a ces etablissements. La loi laisse aux prefets
et aux conseils de prefecture le soin de determiner la
distance des habitations a laquelle ces etablissements
peuvent etre autorises ; il en resulte que la regie n'est pas
la meme pour tous les departements , pour tous les ci-
toyens. Cependant les inconvenients sont les memes-.
156 TROISIEME SECTION.
partout. On peut les prevoir, et il serait facile d'etablir
line regie pour toute la France. Les enquetes de com-
jnodo et incommodo ne presentent pas 1'avantage qu'on
pourrait en attendre , parce que les interesses ne con-
naissent souvent les inconvenients d'un etablissement
insalubre qu'apres son autorisation. Aussi les uns s'oppo-
sent-ils par des motifs futiles , et les atitres ne font-ils
pas connaitre les motifs d'opposition fandes qu'ils au-
raient a faire valoir, mais qu'ils ignorent. De la des
plaintes legitimes, mais tardives.
La loi devrait encore prevoir tin autre cas : il est des
etablissements nuisibles a la vegetation ; il n'est pas juste
de les laisser placer joignant des proprietes qui n'en
dependent pas ; car c'est porter un veritable prejudice a
autrui. Rien cependant n'est prevu a cet egard. Enfin
Torateur fait observer que le classement actuel parait
en plusieurs points susceptible de cbangement , d'apres
les precedes notiveaux introduits dans plusieurs etablis-
sements, ou d'apres de nouvelles decouvertes.
Toutefois , M. Desbrosses se contente de signaler le
mal et d'indiquer le remede , sans pouvoir presenter un
travail complet sur la matiere.
Apres quelques explications de plusieurs membres , la
section adopte cette resolution :
» La section n'ayant pas a sa disposition les documents necessaires pour
» repondre completement a la question relative aux etablissements insalu-
» bres , la renvoie a la prochaine session , et invite les medecins et les pliy-
» siciens a recueillir et a fournir a cette session tons les documents con^-
« venables pour la resoudre. »
TROISIEME SECTION. 157
Seance extraordinaire du 1 6 septembre.
^residence de M. le docteur DESPARANCHES.
Une proposition deM. le docteur Lepage (d'Orleans),
sur les inhumations precipitees , renvoyee par la com-
mission centrale, est a 1'ordre du jour.
M. Lepage lit, a 1'appui desa proposition, tin memoire
que la section renvoie a la commission d'impression.
L'etendue de ce memoire a engage la commission a ne
1'inserer qu'a la fin du volume.
M. Beaussier ( de Blois) communique un travail sur le
meme sujet. Comme M. Lepage, il cite plusieurs faits de
personnes enterre'es vivantes. II rappelle les pre'cautions
prises chez certains peuples de Vantiquite pour prevenir
ces horribles scenes, autant que pour honorer les morts;
et Se plaint de la negligence avec laquelle on constate
chez nous les deces.
En se resumant , M. Beaussier reclame , au nom de
1'humanite, a pen pres les memes precautions que M. Le-
page, pour prevenir les dangers des inhumations preci-
pitees. II insiste surtout pouj que 1'ensevelissement ,
qu'on fait generalement aussitot la mort , ne soit permis
que 24 heures apres la constatation du deces par 1'hom-
me de 1'art 5 et pour que cette constatation soit faite par
le medecin deux fois pour le meme corps. II voudrait
enfin que toutes les exigeances de la loi fussent sanc-
tionnees par despeines severes, pour prevenir la trompe-
rie des parents qui trop souvent ont hate de se debarras-
ser d'un corps qui n'est plus pour eux qu'un emharras et
158 TROISlfeME SECTION.
que quelquefois meme ils craignent cle voir rappele a la
vie.
Plusieurs membres font observer que le gouverne-
ment semble avoir senti la gravite de cette question et
1'importance des mesures proposees, puisqu'il a fait faire
des reclierches a ce sujet.
La section adopte la resolution suivante :
« Le Congres emet le vceu que dans toutes les communes de France
» un homme de 1'arl soit charge speeialement de conslater les deces; que
» des salles mortuaires soient etablies dans le plus grand nombre de lo-
» calites possible , pour y deposer les corps, a visage decouvert , dans tous
» les cas ou il existerait des doutes sur la realite de la mort.
» Le Congres rappelle le voeu qu'il a deja emis a ce sujet , 1'annee der-
» niere. »
La discussion est ouverte sur la proposition de M. Ar-
cliambault , relative aux etablissements d'alienes.
Elle est ainsi concue :
« Le Congres exprime le vosu qu'il soit cree dans chaque departement
>> une maison speciale pour le traitement des alienes. »
Apres quelquescourtes explications, la section adopte
sans discussion.
Seance du samedi 17 septembre 1836.
Presidence de M. le docteur DESPARANCEES.
L'ordre du jour est une proposition de M. Duclo ,
renvoyee par la commission centrale et ainsi concue :
TROISIEME SECTION. 159
« Le Congres emet le voeu que les doctrines medicales qui se presentent
» a litre de progres , de decouverte , et specialement la doctrine homeo-
» pathique, soient admises a etre examinees au moyen de traitements
» comparatifs , sous des conditions de garantie , d'ordre et d'impartialite. »
M. Duclo a la parole pour developper sa proposition.
II commence par declarer que parlant au nom des ma-
lades devant des medecins, il croit devoir soumettre
avant tout a la section une question prejudicielle d'in-
competence. « En parlant, dit-il, a des hommes qui ex-
ploitent la profession, au nom des exploited, je me trouve
<lans la position de Louis XVI devant ses bourreaux.... »
Grand nombre de membres temoignent ouvertement
1'indignation que leur inspire un semblable debut, et
demandent 1'ordre du jour sur la proposition.
M. Leon Simon signale une espece de pamphelet noil
moinsinjurieuxpour les medecins, distribue aux mem-
bres du Congres au nom du Cercle scientifique de Mar-
seille, et signe Duclo. II demande quelle est cette so-
ci^ete , cle qui elle se compose.
M. Duclo repond que cette societe n'est qu'en projet
et qu'il est personnellement responsable de 1'ecrit qu'il a
signe.
o
La section, sans vouloir entendre d'autres explications,
vote pour un ordre du jour motive. La redaction sui-
vante est adoptee :
« La section passe a 1'ordre du jour sur la proposition de M. Duclo ,
» sans entrer dans 1'examen du fond , par cela seul que la forme sous la-
» quelle elle est presentee est inconvenantc. »
ICO TROISIEME SECTION.
La discussion est alors ouverte sur la question suivante :
« Attend u que la phrenologie n'est pas encore etablie sur des bases suf-
» fisantes , inviter les medecins ettous ceux qui s'occupentd'etudes physio-
» logiques , a rechercher et a signaler les avantages que Ton pourra retirer
» de la phrenologie pour le perfectionnement de 1' education. »
M. Leon Simon a la parole. II commence par declarer
que la question lui semble mal posee. II pense que la
phrenologie est etablie sur la seule base qu'elle puisse
jamais avoir, c'est-a-dire, sur 1'experience. Les re'dacteurs
de la question lui semblent done etre alle trop loin en
niant a la phrenologie une base experimentale.
Que si la plirenologie ajoute-t-il , n'avait pas de bases suffisantes , la
premiere chose a faire serait de I'asseoir sur de solides fondements , avant
de rechercher les avantages que 1'education pent en retirer. Agir autre-
ment , est vouloir deduire les consequences d'un principe avant d'avoir
pose le principe lui-meme. Mais je soutiens que la phrenologie repose sur
des bases suffisanles. Seulement je conyiens que , semblable a toules les
sciences au berceau , elle a des pretentious qu'elle ne saurait completement
realiser. Basee sur 1'experience , elle est arrivee a des resultats que Fave-
nir ne detruira pas. Sans doute , il est encore certains points de topographie
qu'on pent contester ; mais il en est d'autres qui sont definitivement ac-
quis a la science , telles sont les grandes divisions etablies par Spurzheim.
La phrenologie a eu le tort de vouloir s'elever en haine de la mctaphy-
sique qu'elle s'est cru appelee a detruire. De la , les mille objections qui
lui ont ete adressees.
Pour s'occuper des memes obje.ts, la phrenologie et la metaphysique
ne les etudient pas sous le raeme point de vue. Ainsi, quel que soil 1'avenir
de la phrenologie , elle n'a rien a pretendre sur les questions religieuscs ,
morales et de pure metaphysique. De ce qu'il y a une correlation intime
enfre une facultc et Porgane encephalique qui lui correspond, il ne suit
pas que 1'organe soil la source de la faculte dont il s'agit , au moins d'une
maniere obligee. De ce qu'une faculte predomiue chez un sujct, il ne suit
pas davantage que celui-ci soit imperiousement oblige d'obcir aux impul-
sions que cette facultc determine en lui.
TROIS1EME SECTION. 161
O'est qu'en effet la phrenologie etudie les facultes intcllectuelles et mora-
les d'une maniere purement analytique ; tandis que la metaphysique , con-
sidereede haul, c'est-a-dire du point de vue phsychologique , s'occupe plutot
des actes. Or , dans une operation intellectiielle , comme dans tin acte mo-
ral, plusieurs facultes difterentes , et souvent plusieiirs sentiments, sont
appeles a concourir. La metaphysique recherche les lois de ces combi-
naisons , indique ces resultantes. Ainsi le rapport qui unit la phrenologie
aux sciences philosophiques est de meme ordre que le rapport existant
eutre 1'anatomie et la physiologic.
Ceci pose,l'orateur pense quel'education pourra tirer
avantagede la phrenologie, en ce sens que la phrenologie
peut faire connaitre les facultes predominates de cha-
qtie enfant, et indiquer aux instituteurs celles qu'il con-
vient de developper et celles qu'il importe de corriger ,
de maniere a etablir uneparfaite harmonic entre toutes
les facultes de ses eleves.
M. Simon ajoute qu'il n'entend pas dire par la qu'il
faille que toutes les facultes s'equilibrent dans un indi-
vidu , mais qu'il convient de mettre en rapport les facul-
tes de second ordre avec celles qui sont dominantes et
qui par cela meme donnent a chacun son individualite.
M. Aubry pretend que M. Simon n'a pas demontre
que la phrenologie repose sur de solides fondements.
Les phrenologistes, dit-il, partent de cette these, que
la conformation physique d'un muscle donnantnecessai-
rement 1'etat de la force musculaire , la conformation
physique du cerveau doit donner 1'etat des facultes. Or ,
continue M. Aubry , on ne peut asseoir une science sur
une simple analogic ; on doit aller des faits aux princi-
pes et non partir des principes, primitivement poses ,
13
162 TROISIEME SECTION.
pour expliquer les fails. Telle est la seule methode pour
1'etude de toutes les sciences.
M. Simon repond qu'il est permis dans les sciences
de se servir de 1'analogie et de 1'hypothese pour arriver
a la demonstration des idees, et que c'est d'apres cela
qu'il a pu dire que la phrenologie est 1'anatomie de 1'es-
prit humain , comme la psychologic on la metaphysique
en est la physiologic.
Apres quelques courtes observations de plusieurs
membres, la section declare que :
« Les documents sur cette matiere ne sont pas encore assez nombreux
» pour qu'on puisse repondre a la question, qui doit etre renvoyee a la
» prochaine session. »
Seance du dimanclie 18 septembre 1836.
Presidence de M. le doctew DESPARANCHES.
La proposition a 1'ordre du jour est ainsi concue :
« Inviter les medecins a reunir de nouveaux documents , a 1'aide des-
>' quels on pourra determiner les conditions de temps , de lieux , d'indivi-
» dus, et les autres circonstances d'ou resulte rinefficacite de la vaccine.»
M.Desparanches pense quele virus-vaccin n'est nulle-
ment degenere. II pretend que les cas cites devariole apres
vaccination concernaient des personnes qui n'avaient
eu qu'une njauvaise vaccine. A ce sujet , il signale com-
me tres funeste , la negligence ou 1'ignorance de certains
vaccinateurs. II a seulement remarque qu'aujourd'hui le
TROISIEME SECTION. 163
developpement de la vaccine est plus precoce qu'autre-
fois. Ainsi il est necessaire de lever le vaccin le septieme
ou le huitieme jour.
M. Desparanches ajoute avoir inocule avec succes le
virus-vaccin A quelques vaches.
Plusieurs membres expriraent le desir que de sembla-
bles experiences soient renouvelees.
M. Archambault a fait des experiences sur 1'inocula-
tion de la vaccine chez des personnes deja vaccinees.
Souvent il a obtenu un beau vaccin ; mais jamais ce vi-
rus , repris et inocule de nouveau , n'a reussi a la seconde
generation. II pense que le temps n'affaiblit pas la vertu
prophylactique du vaccin , et que par consequent les re-
vaccinations sont sans but.
M- Gelliez ( de Blois ) fait observer qu'ii existe une
grande difference entre la variole et la varioloiide; que
la vaccine preserve de la premiere et non de la seconde.
M. Desparanches pense comme M. Archambault qu'au-
cun virus ne degenere avec le temps. II admet avec
M. Celliez la difference essentielle qui existe entre la va-
riole et la varioloide. Mais il ajoute que les symptomes de
ces deux maladies sont tellement semblables que souvent
on ne peut les differencier que par la duree de leurs pe-
ri odes. Toutes les phases de la variole sont plus lentes
que celles de la varioloide j il en resulte que des obser-
vateurs peu attentifs ont pu se tromper et voir la variole
sur des sujets vaccines qui n'avaient reellement que la
varioloide.
M. de Clin champs ( de Blois ) distingue la variole ,
164 TROISIEME SECTION,
la varioliode et la varicelle qui different entre elles par
leur marche et leur duree. La vaccine preserve des deux
premieres et non de la troisieme.
M. Archambault a observe une epidemic de varioloide
qui atteignait des personnes vaccinees. II pense que la
maladie est plus intense chez les sujets vaccines. Les ac-
cidents sont graves au debut , mais ils se passent promp-
tement.
Dans 1'etat de la science , dit M. Desbrosses , et d'apres des observa-
tions et des experiences qui me sont propres , je crois pouvoir poser en
fait les propositions suivantes : Gcneralement , une personne variolee ou
vaccinee ne pent plus contracler ni la variole , ni la vaccine. — Cependant
on voit quelquefois la variole ou le vaccin se developper sur des vaccines
on sur des varioles. — Toujours alors la seconde eruption parait moins
Tranche qu'une premiere. — En un mot, les virus vaccinal et variolique
se comportent dans tons les cas de la meme maniere, — Ces fails me pa-
raissent etablir une sorte d'identite d'action entre ces deux virus; et je
Suis porte a en conclure que le virus-vaccin n'est autre chose que le virus
variolique modifie; que la vaccination n'est qu'une espece d'inoculation.
Deux objections pourtant m'embarrassent , je 1'avoue: comment , si ces
deux maladies sont de meme nature , expliquer qu'en se developpant si-
multanement, elles se modifient reciproquement ? — L'une semblen'etre
contagieuse qu'au contact, 1'autre parait 1'etre mediatement.
Je snis etonne qu'on nie encore la variole sur des sujets vaccines. Ce
fait me semble des mieux etablis. Jo ne crois pas du reste que personne
puisse en conclure qti'il faille rejeter la vaccination , pnisque tres genera-
lement elle preserve d'une maniere absolue, et qne dans les cas excep-
tionnels ou elle ne previenl pas la variole, elle en diminue la gravite.
Je ne concois pas non plus qu'on ait songe a expliquer les fails dc
Variole sur des sujets vaccines par la degeneration du virus vaccinal.
J'admets bien la possibilite de cette degeneration , parce qu'elle me pa-
rait incontestable .pour d'autres virus; mais je la repousse en fait, parce
que tres gcneralement les personnes vaccinees, che/ qui la variole a etc
observee, sont agees et ont etc vaccinees des les premieres annces de fa
precieuse decottvcrte de Jenner. En effet , los revaccinations que j'ai ten-
TROISIEME SECTION. 165
tees n'out reussi que chez des personnes vaccinces depuis long-temps,
comme aussi la variole ne se montre une seconde fois que chez des sujets
variolcs depuis longues annces : d'ou je "conclue que le prindpe variolique
detruit, soil par 1' eruption variolique, soil par Peruptiou vaccinate, peut
se reproduire; et qu'il semble rationnel et prudent de conseiiler les revao-
cinations.
Je ne saurais adniettre , avee les auteurs et les honorables confreres qui
out parle avant moi, une difference essenticlle entre la variole, la varicelle
etla varioloide. L'embarras ou I'on est pour etablir le diagnostic differen-
tiel, qui ne repose que sur le plus ou le moins , me semble dcinontrer
suffisamment que ces distinctions sont purement scholastiqnes ct que ces
maladies ne sont que des formes differentes, des varietes d'une meme
affection; comme la vaccinelleme paraitn'etre qu'unevariete de la vaccine.
On admet en effet que le meme virus peut produire et la vaccine et la
vaccinelle ; comment doncne pas admettrc que ces deux maladies soient de
rneme nature? Et si on admet encore que la varicelle est a la variole ceque
la vaccinelle est au vaccia ; comment ne pas admettre aussi que la varicelle
el la variole soient de meme nature? Dans Pun et 1'autre cas,ce sont deux
graines de meme espece qu'on seme dans deux cliamps differents , et dont
les developpements presentent des dissemblances dues settlement a la dif-
ference des terrains.
M. Baschet croit qu'on ne peut avoir qu'une fois lii
variole et soutient que cette maladie n'atteint jamais les
personnes bien vaccinees.
M. Celliez cite plusieurs cas de variole observes par
lui et par plusieurs des membres presents sur des sujets
incontestablement bien vaccines.
M. Desparanches convient qu'on ne peut plus nier que
la variole n'affecte quelquefois des personnes vaccinees;
mais il dit que cesont des cas exceptionnels qui ne detrui-
sent pas la regie generale , et qui ne doivent pas climi-
iiuer la confiance que les gens eclaires ont eue jusqu'ici
dans la vertu preservative de la vaccine.
166 TROISIEME SECTION.
11 a egalement vu cles cas exceptionnels de variole
chez des varioles.
M . Baschet pretend que toutes ces exceptions sont si
rares qu'elles ne doivent pasetre prises en consideration.
M. Archambault ne pense pas que les virus vaccinal et
variolique soient de meme nature , parce que Tun pro-
duit une eruption locale etl'autre une eruption generale.
M. Celliez partage cette opinion. II ajoute avoir remar-
que que les personnes atteintef ae variole pendant le
developpement de 1'eruption vaccinale , n'ont pas de
boutons varioliques autour du vaccin; ce qui prouve
Faction locale de ce virus.
M. Lepage a fait la meme remarque.
„ M. Desbrosses pense que 1'infection du vaccin est
generale, aussi bien que celle de la variole; ce qui le
prouve , c'est que , dans quelques cas , il y a eruption
generale, et que (au moins c'est une opinion appuyee
sur des fails) la vaccine est preservative, meme quand
il n'y a pas d'eruption, pourvu qu'il y ait eu production
des symptomes generaux regardes comme indice de
1'infection.
La section adopte la resolution suivante :
« Les circonstances de temps , de lieux , d'individus sont sans influence
» sur 1'efficacite de la vaccine.
» Le temps n'a pas fait perdre au \irtis-vaccin de son efficacite. »
M. Hunault de la Peltrie et M. Baschet annoncent a
la section que les experiences tentees avec le cow-pox
presente par M. Hunault n'ont eu aucun resultat.
TR.OIS1EME SECTION. 167
• -1' . • . 1* • • f!'
Seance du lundi 19 septembre 1836.
Presidence de M. le docteur DESPARANCHES.
A 1'ordre du jour est line proposition de M. Lepage ,
renvoyee par la commission centrale et concue en ces
termes :
« Le Congres emet le voeu qu'une loi vienne regler d'une maniere ge-
» nerale et uniforme 1'organisation des hopitaux dans toute la France.
» Cette loi , dans ses diverses dispositions , aurait pour but :
» 1 ,° De fixer d'une maniere positive et invariable la portion d'autorile
» que doivent avoir les medecins et chirurgiens des hopitaux, en ce qui
» concerne surtout les moyens d'instruction a presenter aux eleves, et
» de mettre un terme aux conflits qui s'elevent si souvent entre les me-
» decins et les commissions administratives ou les soeurs chargees du ser-
» vice des hospices.
» 2.° D'etablirdans chaque hopital ou hospice un eleve interne suffisani-
» ment iustruit, qui serait charge de presider , apres les visiles , a 1'admi-
» nistration des medicaments , et d'exercer sur les malades une sur-
» veillance continuelle , et si indispensable aprcs les grandes operations.
» 3.° De laisser aux eleves un libre acces , non seulement dans les hopi-
» taux ordinaires , comme cela a toujours lieu , mais encore dans les
» elablissements de maternite, toutefois cependant avec les restrictions
» necessaires , et pendant le temps seulement que dure la visile des me-
» decins , afin que ces memes eleves , interroges sur les accouchements
« par les jurys medicaux, lorsqu'ils veulent prendre le grade d'officicr
» de sante , ne puissent plus dire : 1'autorite ne nous laisse aucune espece
» de moyen d'instruction a cet egard.
» De placer dans chaque etablissement destine a recevoir des malades
» un pharmacien specialement charge de la preparation des medicaments,
» afin que ce ne soil point a des femmes , bien respectables sans doute ,
» mais qui ne doivent et ne peuvent avoir les connaissances necessaires ,
» que se trouve confiee en definitive 1'existence des malades. »
M. Lepage declare qu'il renonce a developper sa pro-
position et qu'il attendra les objections.
168 TROIS1EME SECTION,
Plusieurs inembres disent qu'elle n'a pas pu etre pre-
paFee, et demandent son renvoi a la prochaine session.
L'auteur de la proposition et M. Hunault insistent
pour qu'elle soit immediatement discutee, parce qtie
cette discussion pent fournir des renseignements utiles
pour la confection de la loi de reorganisation medicale.
MM. Desparanches et Archambault font observer que
presque tout ce que demande M. Lepage existe dans la
plupart des hopitaux.
M. Lepage repond que cette observation meme prouve
1'utilite d'introduire ces dispositions dans les hopitaux ou
elles n'existent pas.
La section adopte la proposition suivante :
« Le Congres emet le voeu que le service medical de tons les hopitaux.
» de France soit soumis a une loi commune , en prenant pour modeles les
» hopitaux les mieux organises. »
La section renvoie a la prochaine session du Congres
une proposition sur le traiternent des maladies syphiliti-
ques , faite par M. Spencer Smith ( de Londres) et M. le
docteur Hunault , au nom de M. le docteur Le Prestre
(deCaen). Elle renvoie egalementa la prochaine session
les 9.e et 10.e questions du programme, quele temps
ne lui permet pas de trailer.
Les secretaires , Le president ,
D.r HAIME , D.r DESPARANCHES.
D.r MARIN-DESBROSSES. Le vice-president,
D.r ARCHAMBAULT.
QUATRIEME SECTION. 169
QUATRIEME SECTION.
et S
Seance du lundi 12 septembre 183G.
Presictence de M. CAUV1N ( du Mans}, doyen d'dge,
et ensulte de M. DE CAUMONT ( de Caen ).
A dix heures et demie la seance est ouverte ; M. Cau-
vin , doyen d'age, occupe le fauteuil. Avant de proce'der
a la nomination des president et vice-president , ainsi
que des secretaires definitifs, un membre de la section
propose, qu'en raison du grand nombre de personnes
qui se sont fait inscrire, et a limitation de ce qui s'est pas-
se dans deux autres sections , il soit nomme deux vice-
presidents 5 un autre membre s'oppose a la proposition
et rappelle 1'assemblee a la stricte execution du reglernent
qui ne mentionne et ne consacre que 1'existence d'un
seul vice-president par section. La proposition, soutenue
et contrediteparplusieursmembres , est mise aux voix et
rejetee. Le scrutin est ouvert sur la nomination du presi-
dent; M. de Caumont (de Caen), qui a obtenu la majorite
des suffrages, est proclame president. La section precede
a 1' election d'un vice-president ; le scrutin donne la majo -
rite a M. de la Fontenellede Vaudore(de Poitiers), qui est
proclame vice-president. M. le president, a 1'instar de ce
qui a eu lieu dans les sessions precedentes du Congres ,
propose de confirmer , par acclamation , le secretaire
provisoire : cette proposition est accueillie, et M. Ekt
170 QUATRIEME SECTION.
Plessis (deBlois)estmaintenu a 1'unanimite secretaire de
la section ; M. de Saulcy ( de Metz ) est appele aux memes
fonctions.
M. de Caumont prend place aufauteuil; ilremercie
en quelques mots 1'assemblee de 1'honorable temoi-
gnage de confiance qu'il vient de recevoir.
Avant de passer a la lecture du programme des ques-
tions qui doivent etre soumises a la discussion dans la
section, M. Gaillard (de Rouen) demande la parole pour
une motion d'ordre. II rappelle a 1'assemblee la grave
question portee au programme et concue en ces termes:
« Inviter le Congres a jeter les bases d'une statistique du moyen age en
» France , en arretant une serie de questions qui embrasseraient tout 1'en-
» semble de 1'ordre religieux , feodal et communal , et qui pourraient ctre
» traitees soil dans leur ensemble , soit par parlie. »
M. Gaillard fait ressortir 1'immensite de cette ques-
tion , 1'impossibilite de la trailer dans son ensemble , et
il propose qu'une commission soit nommee avec mis-
sion d'elaborer la question et d'en rediger un program-
me particulier et detaille. Cette proposition est adoptee,
et M. le president nomme , pour former la commission ,
avec les quatre membres du bureau, MM. Gaillard,
Haze ( de Bourges ), Briquet (de Niort) , Andre ( de Bres-
suire ) , et Doublet de Boisthibault (de Chartres ).
On passe a la discussion de la premiere question , ainsi
posee au programme :
« La Gaule , avant la conquele des Remains, n'etait-elle pas beaucoup
« plus gcupleu , plus riche et plus civilisee qu'on ne le suppose generalemcnt? -
QUATRIEME SECTION. 171
M. Gaillard demande et obtient la parole.
II cherche a etablir 1'affirmation de la question pro-
posee. II trouve des preuves indubitables de la richesse
de la Gaule , dans le grand nombre de villes detruites
par Cesar , dans le temoignage de Ciceron relatif a Tre-
batius charge d'une mission dans la Gaule , dans les usa-
ges empruntes par les Remains a cette nouvelle conquete
et qui trahissent une civilisation avancee; dans la pro-
fusion de metaux precieux dont se paraient les rois gau-
lois et les homines qui les suivaient; enfin , dit en termi-
nant 1'orateur , si , de briques qu'elle fut si long-temps,
Rome se fit de marbre, elle le dut en partie a la con-
quete de notre patrie.
En ce qui touche la population , M. Gaillard pense
egalement qu'on ne 1'a pas evaluee avec exactitude. II
soumet a 1'assemblee le different survemi entre lui et
M. Deville, sur cette question. Ce dernier ne porte la
population de la Gaule qu'au sixieme de ce qu'elle est
aujourd'hui; M. Gaillard 1'eleve aux deux cinquiemes,et
il indique une des causes de ce dissentiment. Selon lui ,
M. Deville n'invoque et ne reconnait qu'une autorite ,
celle de Cesar ; M. Gaillard , sans meconnaitre le temoi-
gnage si important , si precieux de cet ecrivain , rappro-
che les assertions du vainqueur de la Gaule de celles de
Diodore de Sicile , de Pomponius Mela , de Strabon , de
Josephe, et c'est de cette comparaison raisonnee qu'il
tire la conclusion d'une population plus elevee.
L'heure avancee, et 1'obligation pour beaucouj^de
172 QUATRIEME SECTION.
membres de se rendre a une autre section , interrornpent
la dissertation de M. Gaillard.
Seance du mardi 13 septembre 1836.
Presidence de M. DE CAUMONT.
M. le president annonce que M. le secretaire general
du Congres demande qu'un second vice-president soit
nomine dans la section, selon la faculte qui en a ete lais-
see par la decision de 1'assemblee generate du Congres.
La section consultee accueille cette proposition. II est
precede au scrutin , M. Grandgagnage , conseiller a la
cour royale de Liege , ayant obtenu la rnajorite des suf-
frages, est proclame vice-president et prend place au bu-
reau.
La parole est accordee a M. de Boisthibault , inscrit le
premier pour la lecture d'un memoire sur les leproseries
du Pays-Chartrain.
Le memoire de M. de Boisthibault s'applique en parti-
culier arhistoiredelaleproserieoumaladrerie duGrand-
Beaulieu , pres de Chartres, Tune des plus anciennes qui
aient existe en France et dont on fait remonter 1'exis-
tence a la moitie du xi.e siecle , sans pouvoir assurer 1'e-
poque precise de sa fondation , car la charte de creation
n'existe plus depuis long-temps. II detaille les diverses
denominations de cet etablissement , les nombreuses et
riches donations dont il fut 1'objet, 1'importance et la
QUATRIEME SECTION. 173
nature cles revenus, evalues en 1545 , a 6G mille francs
environ de notre monnaie. Le memoire indique ensuite
le regime interieur de la maladrerie , la condition et le
mode d'admission des lepreux retranches de la societe
commune , leur etat social , leur costume particulier.
Enfin lorsque 1'auteur arrive au temps ou la diminution
et meme 1'extinction totale de I'affreuse maladie pour
laquelle avaient ete ouvertes lesleproseries, ayant rendu
ces asiles de charite inutiles , le gouvernement changea
la condition de ces etablissements et voulut disposer de
leurs biens , il enurnere les diverses contestations judi-
ciaires auxquelles donna lieu Taffectation de la dotation
tie la maison du Grand -Beaulieu, devenu tour-a-tour
prieure , seminaire , benefice de 1'ordre de Saint-Lazare ,
et qui peril enfin dans le grand naufrage de nos etablis-
sements religieux, en 1790.
La lecture de ce memoire a ete entendue par la sec-
tion avec un grand interet.
L'ordre du jour appelle la continuation de la discus-
sion sur la question de la richesse, de la population et
de la civilisation de la Gaule avant la conquete des Ro-
mains.
M. Briquet demande la parole pour une observation
prejudicielle. II expose qu'il a toujours pense qu'il etait
dans 1'intention du Congres de n'admettre a la discus-
sion que les questions qui n'auraient point ete longue-
ment et savamment elaborees , et qui surtout n'auraient
point ete resolues. Or, a son avis, celle dont s'occupe
174 QUATRIEME SECTION,
la section lui parait avoir etc tranchee par un travail
important de M. Villemain. II entre dans une courte
exposition a ce sujet et reprend quelques points capi-
taux de la discussion.
M. le president, apres avoir consulte la section , de-
clare que la question a 1'ordre du jour ne pouvant etre
regardee comme resolue, a pu etre soumise de nouveau a
la discussion dans le Congres, et accorde la parole a
M. Gaillard , pour la continuation de 1'exposition inter-
rompue hier par la cloture de la seance.
M. Gaillard reprend , apres une courte re'ponse du
pre'opinant, la suite de sa dissertation sur la population
de la Gaule. 11 rappelle sa contro verse avec M. Deville,
et ajoute a toutes les causes de dissentiment entre lui et
son adversaire , 1'indication d'une circonstance capitate :
c'est que M. Deville, en parlant des cites dont il calcule
la population , ne distingue pas toujours les limites qu'a-
vaient ces cites avant la conquete , de celles qu'elles eu-
rent depuis et jusqu'a notre temps ; M. Gaillard cite a
cette occasion le pays de Caux , le Vexin et le Beauvoi-
sis, dont les frontieres ont evidemment subi des chan-
gements dont il doit etre tenu compte dans les calculs de
statistique anterieurs a la conquete. Une autre conside-
ration se presente , c'est qu'il ne faut pas toujours pren-
dre comme base les contingents militaires fournis par
les diverses nations de la Gaule , comme 1'a fait M. De-
ville ; car les contingents qui etaient communement de
dix mille hommes , variaient selon que 1'ennemi appro-
chait davantage du territoire de chaque nation, et de
QUATRIEME SECTION. 175
secours qu'ils avaient ete d'abord , devenaient en dernier
lieu de veritables levees en masse.
M. Gaillard reprend la discussion des textes de Dio-
dore, de Strabon, de Josephe, et declare s'arreter defini-
tivement pour le calcul de la population de la Gaule , a
1 2 millions d'habitants. II attaque les calculs qui la por-
tent a 1 6 et a 20 , sans autorites suffisantes. En ce qui
touche la civilisation, 1'orateur apres avoir declare qu'il
la regardait comme plus avancee qu'on ne Favait cru ,
reconnait que les Gaulois durent beaucoup aux Romains;
que s'ils leur porterent des arts , ils en apprirent d'eux
encore davantage ; qu'ils le reconnurent eux-memes
dans 1'assemblee generale ou il fut question de former
un empire gaulois.
M. de Saulcy repond a quelques points de la longue
dissertation de M. Gaillard. Les richesses des Gaulois lui
paraissent au moins problematiques; les migrations
constantes de ce peuple annoncent un malaise interieur,
des besoins qu'ils chercherent a satisfaire en parcourant
toutes les parties du monde , 1'Espagne, 1'Italie , la
Grece , Rome meme , et jusques dans 1'Asie. Tout ce que
Cesar trouva de richesses chez les Gaulois venait du pil-
lage des autres nations. Les descriptions si exactes du
conquerant excluent, pour beaucoup de parties de la
Gaule, totite idee de culture, de richesse, de civilisation.
Ce pays n'avail point de mines de metaux riches qui fus-
sent exploiters , et c'est la un des elements les plus effi-
caces et les plus incontestables de prosperite pour un
peuple. Cette civilisation, donton voudrait gratifier nos
176 QUATRIEME SECTION.
ancetres , n'etait pas inconnue neanmoins sur notre sol ,
mais elle etait concentree dans une corporation jalouse ,
la famille des Druides, dont le systeme et 1'interet etaient
de dissi muler au vulgaire ce qui cut hate les progres de
rintelligence et le bonheur des populations.
M. de la Fontenelle presente quelques observations ,
d'abord a 1'appui de I'opinion qui soutient que la popu-
lation de la Gaule etait elevee. II cite 1'exemple de trois
peuples extremement populeux reunis sur un point de
territoire tres resserre, sur la lisiere du Poitou, pres de
Tembouchure de la Loire. II combat les assertions du
dernier orateur, en ce qui louche 1'absence de toute ex-
ploitation de mines; il cite celle de Melle, en Poitou,
qui fut exploitee presque jusqu'a nos jours , et qui four-
nit des matieres pour la monnaie, et un nombre infini
de pieces qui se trouvent dans les collections numisma-
tiques. II rappelle en outre que la marine des Gaulois fut
dans un certain temps respectable et atteste une puis-
sance, des arts et une civilisation avances.
La section, apres avoir entendu avec interet les deve-
loppements donnes a la question , ne croit pas pouvoir
se prononcer sur un point d'histoire d'une solution dif-
ficile , et qui pourrait donner lieu encore a des recher-
ches etendues et a de longues dissertations.
QUATRIKME SECTION. 177
Seance du mercredi 14 septembre 183G.
Presidence de M. DE CAUMONT.
Le depart de M. Grangagnage, vice-president, lais-
sant une place vacante au bureau, il est precede a 1' elec-
tion d'un vice-president. M. Jorand, de la societe des
Antiquaires de France , ayant re'uni la majorite des suf-
frages , est proclame vice-president de la 4.e section.
Une commission avait ete nominee, dans la seance
tin 1 2 , a Teffet de preparer un programme particulier
et detaille sur la question suivante :
« Inviter le Congres a jeter les bases d'une statistique du moyen age
» en France, en arretant une serie de questions qui embrasseraient tout
» 1'ensemble de I'ordre religieux, feodal et communal, et qui pourraient
» etre traitees soit dans leur ensemble , soit par partie. »
M. de Saulcy donne lecture du rapport suivant :
La commission a du fixer d'abord les limites du temps qu'elle devait
t^mbrasser sous la denomination vague de moyen age. Ces limites ont
done ete determinees ainsi qu'il suit :
Le moyen age commence a 1'invasion sur le territoire de la France
actuelle des peuples de race franke ou gothe.
Le moyen age finit a la renaissance des arts en France , c'est-a-dire aux
dix dernieres annees du xv.e siecle.
Ceci pose , la commission a admis en principe que la premiere partie
d'une bonne statistique monumentale et bistorique devait comporter la
geographic religieuse et politique de la France. Bien que suivant les
termes du programme la commission dut se borner a trailer la question
relalivement au laps du temps designe sous le nom de moyen age , elle a
pense toutefois que sous le point de vue geograpbique il etait sinon
urgent, du moins d'une utilite incontestable de provoquer la redaction de
cartes geographiques anterieures a 1'invasion franke , pour les faire , en
tjuelque sorte, servir de point de depart et de base aux travaux geogra-
pbiques ulterieurs dont elle a reconnu la necessite.
14
178 QUATRIEME SECTION.
La commission a done adopte le programme suivant , donnant les litres
des cartes geograpbiques a construire :
1.° Division du territoire eii chitates , subdivisces en pagi, autrement
dit : repartition sur le sol de la France des nations et des peuplades
gauloises ;
2.° Division ecclesiaslique du territoire en dioceses, representatifs des
civitates preexistautes ; et dioceses subdivists en doyennes et, plus tard,
en arcbidiacones;
3.° Division feodale de la premiere epoque, c'est-a-dire en duches,
comtes, marquisats, vigueries ou vicomtes ;
4,° Division feodale de la deuxieme epoque , c'est-a-dire en marquisats,
comtes , \icomtes , baronnies el cbatellenies.
La commission recommande aux auteurs de ces quatre cartes d'y figurer
les monasteres et autres monuments isoles , et d'inscrire a cbaque localite ,
si faire se peut, les diffcrentes modifications que son nom a subies, en
y ajoutant ia date precise de cbacune des variations de formes.
Apres avoir ainsi pose les bases d'une statistique geograpbique du
moyen age, la commission s'est ensuite occupee des monuments, dont
elle demande uu catalogue raisonne et cbronologique.
Les monuments seront divises en trois grandes classes :
1.° Monuments religieux;
2.° Monuments militaires ;
3.° Monuments civils.
Cbacune de ces trois classes a sernble a la commission devoir se
subdiviser ainsi qu'il suit :
l.re CLASSE. — MONUMENTS RELIGIEUX.
1.° De 1'invasion des Franks et des Gotbs jusqu'au ix.e siecle ineUi-
sivement ;
2.° Du ix.e an xa.e siecie exclusivement ;
3.° Du xn.e siecle;
4.° Du xai.e aux dix dernieres annees du xv.e siecle.
2.e CLASSE. — MONUMENTS MILITAIRES.
1.° Camps;
2.° Enceintes de villes ;
3.° Cbateaux forts du x.e an xn.e siecle exclusivemenl;
4.° Cbateaux forts du xn.e siecle ;
5." Cbateaux forts du xni.e aux dix dernieres annees du*xv.c siecle.
QTJATRIEME SECTION. 179
3.e GLASSE. — MONUMENTS CIVILS.
1 .° Routes , chemins , chaussees , levees ;
2.° Enceintes de pays;
3.° Maisons, habitations, souterrains ;
4.° Hospices;
5.° Abbayes;
0.° Maisons communes ;
7.° Palais.
Les monuments funeraires , si interessants a etudier, ayanl semble a la
commission former une classe mixte tenant a la fois des monuments
religieux et civils , elle a pense devoir les reunir sous un litre distinct ,
et enticrement en dehors des trois grandes categories etablies plus haut.
La commission croit bon de faire observer que les divisions etablies
dans le cadre de statistique monumentale et bistorique reproduit plus
haut, sont exactement eel les qui ont etc adoptees par M. de Caumont^
dans son cours d'archeologie , et que par suite la lecture serieuse de ce
cours ne peut etre qu'extremement utile aux personnes qui voudront
aborder cette interessante etude.
On passe a la discussion de la 9.e question du pro-
gramme j ainsi concue :
« Indiquer les bases d'un classement des monnaies gauloises , suivant
» 1'ordre chronologique et les divisions geographiques. — Rechercher le
» systcme monetaire des Gaulois et les rapports de leurs pieces entre elles,
» selon les metaux et le poids. »
M. Cartier ( d' Amboise ) demande la parole et s'ex-
prime ainsi :
La premiere question qui nous est soumise en comprend deux bien
distinctes , je ne m'occuperai que de la premiere.
Le classement des monnaies gauloises doit se faire d'abord par divisions
geographiques, d'apres les legendes ou simples initiales qui pourraient
indiquer le pays auquel appartient chaque espece de monnaie. On peut
ensuite rattacher a ces pieces autonomes celles dont les types seront
analogues. Pour ce qui concerne les pieces tout-a-fait muettes , on pourra.
tenir compte des pays oil elles se trouvent en grande quantite, observant
180 QIJATRlfcME SECTION.
toutcfois que les perturbations auxquelles les Gaules furent livrees a
I'epoque de la conqucte, et par les diverscs insurrections gauloises, out
transporte d'un point sur 1'autre des masses de pieces appartenant a des
licnx fort eloignes; il ne faut done pas se hater de conclure de la pre-
sence de quelques pieces gauloises sur un territoire, qu'elles y furent
fabriquees; il faut attendre, pour prendre une pareille decision, une
suite d 'observations bien constatees.
La determination de 1'ordre chronologique se fera mieux apres le pre-
mier classemcnt, car il est evident que c'est dans la suite des monnai'.s
attributes a chaque pays qu'on peut cbercher dans quel ordre elles o.it
etc fabriquees. Mais comme les civilisations des diverses contrees gau-
loises out du etre differentes entre elles, a chaque epoque, selou les
positions geographiqucs et les evenements historiques , il ne faudra pas se
presser de couclure du particulier au general. Pour 1'ensemble des mon-
naies gauloises, il faudra etudier et combiner ensemble Panalogie des
types avec ceux des medailles grecques et romaines, et le plus ou le
moins de perfection dans la fabrication. Quelques essais de systeme ont
deja etc proposes ; je ne pense pas qu'il soil opportun de les discuter, on
nous demande d'indiquer les bases d'un classement et non de le donner
tout fait , ce que je regarde d'ailleurs ccmme impossible dans 1'etat actuel
de la science.
Ces bases sont done, selon moi : pour les divisions, la determination et
I'attribution des pieces autonomes , le rapprochement des types analogues
et 1' observation des grands depots et des frequentes trouvailles; pour
1'ordre chronologique, le rapport plus ou moins visible avec des types
grecs et remains, la barbaric, la perfection relative ou la decadence du
monnoyage et 1' etude des types, soil qu'on les considere comme etant le
produit d'une imitation, soil comme ayant etc imites dans des monnaies
connues a dates determinees.
Quelques monnaies echapperont a cette double classification, ce sont
les monnaies qu'on appellevulgairement celtiques;j'ai deja fait remarquer,
dans la Revue numismatique (p. 150), qu'elles ont du commencer de
bonne heure et fmir tres tard sans grandes variations dans les types et
dans leur fabrication , parce qu'elant 1'ouvrage des druides , elles ont
participe de 1'immobilite des dogmes et usages druidiques.
M. de la Saussaye n'a rien a ajouter aux observations
judicieuses de M. Cartier; plusieurs des bases qu'il vient
. QUATRIKME SECTION. 131
d'indiquer 1'ont ete e'galement par lui et il ne veut pas
reproduire 1'essai de classification qu'il a expose et qu'il
developpera successivement dans la Revue numisma-
tique, ou il a ete lu par toutes les personnes qui s'occu-
pent de notre histoire monetaire.
M. de Saulcy pense qu'a 1'egard des medailles tout-
a-fait muettes, 1'indication du lieu ou on les trouve
habituellement est sotivent le seul moyen de classifica-
tion, et que ce moyen lui parait offrir des resultats assez
positifs. Ainsi, dans son medailler qui contient huit
cents pieces gauloises trouveesen Lorraine 7quatre cents
au moins offrent la plus grande analogic de forme, de
style et de type , ce qui doit prouver, selon lui , que ces
pieces, frappees evidemment dans un meme pays, ne
sont autres que les anciennes monnaies des Lorrains a
1'epoque gauloise.
MM. Cartier et de la Saussaye font valoir la meme
observation a 1'egard de leurs collections particulieres ,
formees dans la Touraine et dans le Blaisois.
En consequence , M. de Saulcy demande que le
Congres invite formellement toutes les personnes qui
s'occupent de la numismatique francaise, a faire con-
naitre dans le plus grand detail et avec la plus grande
exactitude toutes les circonstances relatives aux decou-
vertes qu'elles feront d'enfouissements de medailles
gauloises. La Revue numismatique leur offrira le moyen
de consigner le resultat de leurs observations.
Les conclusions de M. Cartier et le voeu de M. de
Saulcy sont adoptes par la section.
132 QUATR1EME SECTION.
Sur la deuxieme partie de la question, M. de la
Saussaye pense que deux epoques bien distinctes dans
Fart monetaire des Gaulois ne pouvant etre meconnues,
Fepoque d'imitation grecque et celle d'imitation ro-
maine, on doit reconnaitre egalernent que le systeme
monetaire des Gaulois devait etre celui du peuple dont
ils imitaient le numeraire. Ainsi , selon lui , les medailles
gauloises durent d'abord se rapporter au statere et a la
drachme des Grecs, puis aux deniers et quinaires des
temps de la republique romaine voisins de 1'Empire.
Sur les observations de MM. Cartier et de Saulcy , la
section declare que, dans 1'etat actuel de la science,
la deuxieme partie de la premiere question lui parait
insoluble.
La discussion est ouverte sur la dixieme question.
Plusieurs membres citent les moules a medailles
romaines trouves a Famars, a Lyon , a Poitiers, et
pensent que si ces moules n'ont pas ete fabriques pour
subvenir aux depenses des armees, ils n'ont du servir
qu'a des faussaires. On fait remarquer que ces moules
et par consequent le coulage des medailles romaines ne
datent que des bas siecles de 1'Empire; on n'en ren-
contre pas d'anterieurs a Septime- Severe. Des faits ex-
traordinaires se rattachent au monnoyage de cette
epoque : on trouve quelquefois un tres petit nombre de
coins differents, pour un regne assezlong, et un grand
nombre pour des regnes de tres pen de duree ; ainsi on
en connait vingt-sept de Marias qui n'a ete empereur
QUATRIKME SECTION. 183
que trois jours. Ce dernier fait n'iridiquerait-il point
1'existence d'ateliers monetaires dans les armees ?
La section reconnait qu'il serait necessaire de reunir
un plus grand nombre d'observations, et que la solution
de la question "doit etre ajournee au Congres suivant.
M. de Saulcy a la parole sur la onzieme*question.
Void, dit il, une de ces questions qu'il lie sera pent etre jamais pos-
sible de resoudre , car tout ce qu'on peut dire sur son sujet n'est appn ye
que de 1'autorite d'un seul historien. Procope dit que le droit de battre
monnaie a Aries fut conccdea Clotaire parl'cmpereurd'Orient. Ce passage
est-il exact, est-il clair? Les rois francks out-ils battu ailleurs, out ils
baltu avant Clotaire, comme le croient Bouteroue et Le Blanc? Ce sont
autant de questions qu'il est impossible de resoudre. Il est pourlont
permis de croire que les premieres pieces de mouuaie des rois francks
ont etc frappees par la permission des empereurs , et de placer a Aries
le berceau de la numismatique francaise? Le monument le plus ancien
que Ton ait cite presente des doutes incontestables dans son interpre-
tation, sinon meme dans son existence matericllc; la piece de Theudemer,
placee par Bouteroue et Le Blanc a la tele de nos monnaies nationales ,
est totalement inconnue aujourd'hui ; elle ne se trouve dans aucun cabinet.
II est impossible d'accorder de la confiance a 1'empreinte donnce par
Bouteroue , et par Le Blanc qui 1'a copiee sur Bouteroue. Plusieurs pieces
connues, et qui offrent avec celles-ci une grande analogic, ne sont aux
yeux de M. Lelewel , et de plusieurs autres savants numismatistes , que
des pieces d'un monetaire du nom de Theudemer.
M. Carlier. — II est difficile de penser que Clovis , prince puissant ,
fondateur d'une monarchic, n'ait pas frappe de monnaies; tout porte a
croire qu'il a du exercer cette prerogative importante attaehee a 1'exercice
du pouvoir souverain. Mais il est aussi difficile de prouver que cela ail eu
lieu que de demontrer le contraire.
Le passage de Procope me semble tout-a-fait special , et ne devoir
s'appliquer qu'a 1'atelier monetaire d' Aries, reste plus long-temps eu
possession des Romains. Childcric ne parait pas avoir frappe de monnaie »
puisque toutes les pieces que renfermait son tombeau etaient exclusive-
ment romaines, mais il ne possedait pas comme Clovis un royaume consi~
derable et independant.
184 QUATRIEME SECTION.
Les pieces des monetaires ont-elles precede, accompagne ou suivi
1'emission des monnaies royales ? Je pense que cette emission a ete simul-
tanee; car on trouve des monnaies portant a la fois le nom du prince et
celui du monetaire ; mais il est difficile de se rendre compte des raisons
qui engageaient les rois franks a ne mettre que rarement leur nom sur
leurs monnaies.
M. de la "Fontenelle fait observer qu'une cession
reguliere d'une grande partie de la Gaule avait ete faite
par 1'Empire aux rois wisigoths, princes puissants,
princes plus civilises que ne 1'etaient les rois franks a
Fepoque de la conquete , et qui s'etablirent dans la
Gaule avant eux. Euric, Alaric I.er etaient parfaitement
independants du pouvoir imperial; pourtant on ne
connait aucune monnaie de ces princes. Comment sup-
poser que les premiers rois franks aient pu battre mon-
naie, eux qui montraient si bien leur dependance des
Romains par 1' acceptation , et meme la demande ,
d'emplois et de dignites que decernaient les empe-
reurs? La plus ancienne monnaie des rois wisigoths est
d' Alaric II, qui perdit la bataille de Vauclade en 507.
M. de la Saussaye ne peut se refuser a croire que
Clovis ait frappe des monnaies apres son etablissement
dans la Gaule. Si Tabsence de monnaies nationales dans
le tombeau de Childeric peut etre regardee comme
un argument centre le monnoyage des premiers rois
franks, que Ton re'flecbisse a I'immense difference qui
existait entre Childeric et Clovis; 1'un , simple chef de
bandes indisciplinees , n'ayant que la possession precaire
d'un petit territoire; 1'autre, veritablement roi, ayant
recu la consecration de 1'eglise, comme les empereurs,
QUATRIEME SECTION. 185
et gouvernant avec la plus grande independance une
vaste etendue de pays. La permission d' Aries lui parait,
comme a M. Cartier, tout-a-fait speciale , et ne signifier
autre chose qu'une derniere concession, par laquelle les
empereurs etablissaient en droit une chose qui existait
deja de fait , au moins a 1'egard des ateliers monetaires
de la Gaule septentrionale.
M. Cartier persiste a croire que Clovis a battu mon-
naie, et il pense que c'est lui qui a accorde ce droit a
1'eglise Saint-Martin , de Tours.
M. de la Fontenelle demande comment Clovis aurait
accorde ce droit a 1'eglise dans laquelle il revetait les or-
nements d'une charge imperiale ?
M. Cartier repond que c'est une question de temps.
Apres avoir accepte desinsignes imperiaux, dit-il , Clo-
vis peut avoir plus tard frappe monnaie et en avoir con-
cede le droit.
M. de Saulcy trouve obscur le passage de saint Gre-
goire de Tours , relatif aux faits allegues. II propose a
la section d'adopter les considerations suivantes :
II est possible d'admettre que, suivant le temoignage de Pliistorien
Procope , les rois franks n'ont posscde le droit de frapper monnaie , a
leur nom et a leur effigie, qu'apres la concession reguliere qui leur en tut
faite par 1'empereur d'Orient. Que , neanmoins , des que ces princes se
virent possesseurs paisibles des provinces qu'ils avaient envahies , ils
s'arrogerent le droit monetaire , mais avec reserve , c'est-a-dire en se
bornant a reproduire les types imperiaux, tout en alterant les legendes.
Enfin, que ce ne fut qu'au moment ou les empereurs se virent obliges
d'accorder un droit, qu'ils ne pouvaient plus refuser, qu'ils donnerent a
Glotaire I.er 1'autorisation de frapper a Aries des monnaies d'or a son,
nom.
186- QUATRIEME SECTION.
Plusieurs membres appuient ces considerations.
M. de la Fontenelle s'oppose a 1'adoption de la pro-
position de M. de Saulcy. II repete que les premiers rois
wisigoths , qui etaient beaucoup au-dessus des rois
franks, par les arts et la civilisation, n'ayant pas frappe
monnaie dans un pays vaste, populeux, riche et police,
il est impossible de penser que les premiers rois franks
aient eu line monnaie , soit a leur nom , soit a celui de
leurs monetaires.
M. de Saulcy oppose a M. de la Fontenelle 1'histoire
du monnoyage chez les rois ostrogoths de la me me
epoque, qui imitent d'abord assez mal le type des mon-
naies imperiales, puis remplacent bientot le nom de
1'empereur par le leur propre.
M. Gartier clemande ou se frappaient , clans les etats
des rois wisigotlis, les monnaies imperiales, ou com-
ment les empereurs envoyaient dans toutesles Gaules,
qui ne leur appartenaient plus, des monnaies a leurs
effigies ?
La section declare adopter, mais avec la reserve que
commandent le petit nombre de textes sur cette matiere
et leur obscurite, les considerations presentees par^
M. de Saulcy.
Seance du jeudi 15 septembre 1836.
Presidence de M. DE CAUMONT.
M. le president fait connaitre qu'il a recu line commu-
QUATRIEME SECTION. 187
nication de la sixieme section du Congres, concue en ces
termes : La sixieme section considerant que la l.re ques-
tion portee au programme imprime de ses travaux,
est plutot une question d'histoire qu'une question de mo-
rale, decide qne cette question sera renvoyee a la
quatrieme section.
M. le president propose etla section adopte la resolu-
tion suivante : La question indiquee et concue en ces
termes : Rechercher quellefut, des les premiers siecles ,
I influence du christianisrne sur la condition des esclavcs^
et quelle part il a cue dans V abolition de Vesclavage ,
sera portee au programme de la quatrieme section, a la
suite des questions deja soumises a son examen.
M. Cauvin lit un travail sur la geographic du dio-
cese du Mans au moyen age. Apres avoir explique que le
travail qu il a entrepris est Texecution partielle du voeu
emis dans une des sessions precedentes du Congres, il
entre dans quelques details sur le plan de son travail,
sur les limites dans lesquelles il a cm devoir le ren-
fermer, sur les sources auxquelles il a particulierement
puise. 11 signale les ressources precieuses qu'il a trouvees
dans deux ouvrages importants , Tun intitule : Gesta
pontificum Cenomanensium , dans les Analecta de Ma-
billon; 1'autre Gesta Aldrici, episcopi Cenomanensis ,
dans les Miscellanea de Baluze. II fait remarquer toute-
fois que de nombreuses erreurs, notamment sur les
noms des localites, se sont glissees dans ces deux
publications. A 1'appui de son travail , M. Cauvin a
dresse une carte du diocese du Mans an xn.e siecle ; il y
188 QUATRIEME SECTION.
a soigneusement marque la division du pagus ceno*
manicus en pagi secondaires, ensuite en condita ou en
vicarta , qui ont accompagne , on plutot suivi la division
en condita. L'auteur donne ensuite lecture de quelques
articles de son travail , qui corisiste dans une enumera-
tion alphabetique de tous les lieux connus du diocese
du Maine pendant la periode dont il a etudie 1'histoire.
II annonce qu'il compte refondre cette sorte de diction -
naire geographique , en reprenant avec soin les passages
des auteurs qui s'appliquent au diocese du Maine , les
transcrivant , les traduisant, y ajoutant les chartes qui
s'appliqueraient a la meme portion de notre territoire ,
et dressant ainsi une sorte d'histoire chronologique du
Maine pendant le moyen age. II ajouterait egalement a
la carte, 1'indication par signes particuliers des anciens
monuments du pays, comme dolmens, peulvans, torn-
belles , voies romaines , aqueducs, enceintes de camp, etc.
La section a entendu avec le plus vif interet une com-
munication qui rentre en grande partie dans I'execution
du voeu qu'elle a emis et du programme qu'elle a dresse
d'une statistique de la France au moyen age. Elle consi
gne au proces-verbal de ses seances un temoignage par-
ticulier de son estime pour le travail de Ihonorable
M. Gauvin.
M. de la Fontenelle donne communication d'un acte
de 1401 , emane d'un lieutenant general bailli de Tou-
raine , en execution d'une ordonnance de Charles VI ,
qui maintenait dans leurs droits, privileges , notammeiit
QUATRIEME SECTION. 189
dans 1'exemption cle tout impot les verriers clu pare de
Mouchamp en Poitou. M. de la Fontenelle saisit cette
occasion de donner quelques details interessants sur les
verriers, sorte d'ouvriers precieux long-temps inconnus
chez nous , arraches aux bords enchantes de 1'Adriatique,
et auxquels il fallut payer, par d'exorbitants privileges, le
sacrifice qu'ils faisaient de leur belle patrie , qu'il fallut
dedommager, par d'efficaces faveurs, cle leur pe'rilleuse
industrie. Les verriers furent declares nobles et par suite
exempts d'impots; on leur fit une situation en tout ana-
logue a celle qui avait jadis appartenu a l'homme de
guerre , dont le privilege s'etait etendu a la famille , avait
cree la noblesse, avec ses droits et ses immunites. M. de
la Fontenelle fait remarquer que si la revolution, qui a
si fortement modifie notre ordre social , a detruit les pri-
vileges, confondu toutes les conditions , elle n'a pu nean-
moins faire disparaitre des usages et des traditions con-
sacre's par plusieurs siecles; 1'aristocratie industrielle des
ouvriers subsiste encore avec un sentiment d'egoisme
exclusif fort remarquable; dans toutes les verreries, les
premiers ouvriers n'admettent a 1'apprentissage que des
enfants de verriers ; il y a la autre chose qu'un sentiment
de monopole mercantile; Tesprit de caste, Famour des
distinctions est plus fort qu'on ne le croit. Les revo-
lutions le transforment , elles ne le tueront jamais.
Sur la demande de M. Rousseau (de Paris), posses-
seur d'un grand nombre de monnaies normandes qu'il
presente a 1'examen de la section , une question grave ,
190 OUATRIKME SECTION.
qui n'avait pas ete portee an programme, celle de
1'authenticite de ces monnaies , recemment parues dans
les cabinets , devient 1'objet d'une discussion appro -
fondie. Nous ne reproduisons pas ici cette discussion
qui s'est terminee par le choix d'une commission dont
le rapport, debattu et approuve par la section , resume
tous les faits relatifs a la question , et est insere tex-
tuellement dans le proces-verbal de la seance du 17.
Seance du veridredi 16 seplernbre 1836.
Presidence de M. DE CAUMONT.
La discussion est appelee incidemment sur la 4.e ques-
tion porte'e au programme.
M. de Boisthibault ( de Cbartres) expose quelques idees
sur 1'anciennete du culte druidique, sur ses etablisse-
ments dans le Pays-Chartrain , sur la destination primitive
de la cathedrale de Chartres , batie sur tin lieu ou fut, a ce
que Ton croit, un sanctuaire de la religion des druides;
il ajoute quelques considerations sur la duree du culte
druidique, d'abord en partie remplace parle paganisme,
lors de 1'invasion des Remains, puis par le christianisme ;
mais qui cependant subsista long-temps encore apres
1'mtroduction de la foi nouvelle; quant a la connexion
a faire ressortir entre 1'ancien culte et la religion chre-
tienne, ce resultat lui semble difficile a obtenir, et la
question soumise an Congres singulierement ardue.
M. Gaillard soumet quelques courtes reflexions sur
QUATRIEME SECTION. 191
1'antiquite du cuke druidique : il rappeile qu'ailleurs 11 a
traite cette question ; que cette religion et la corpora-
tion qui la conservait, ne sont peut-etre pas aussi an*
ciennes qu'on 1'a dit ; que les emigrations de Gaulois
dans la haute Italic et sur les bords du Danube, six
siecles avant 1'ere vulgaire, ne portaient dans ces lieux
aucun dogme, aucune pratique de la religion druidique*
II croit qu'on peut separer de cette religion le culte
des pierres qui 1'a de beaucoup precede dans tons les
temps et clans beaucoup de lieux. Pour en venir a la
question speciale soumise a la discussion, il dit qu'elle
ne lui parait susceptible que d'une solution negative;
et, en effet, on sait ou la religion chretienne fit dans
la Gaule ses premiers etablissements : Pothin a Lyon ,
Germain a Auxerre, Melon ou ses compagnons a Rouen,
Martin a Tours, voila les premiers apotres du christia-
nisme, et ils en jetaient les fondements dans des villes
et dans des cites ou le culte druidique n'eut jamais,
ou n'avait plus du moins de nombreux autels.
M. de la Saussaye, interpelle par M. le president,
pour expliquer les motifs qui ont fait porter la question
au programme , annonce qu'elle a ete produite par une
personne qui n'est point venu la defendre au Congres ;
qu'il suppose seulement qu'une assertion remarquable
d'Origene, enoncant que la Gaule et la Bretagne avaient
ete preparees par 1'enseignement des druides , a recevoir
la foi chretienne , a du servir de texte a Fauteur de la
proposition.
Cette question est abandonnce.
192 QUATRIEME SECTION.
La section passe a la troisieme question :
M. de la Saussaye, s'appuyant du texte de Cesar qui
place le siege de la grande assemblee annuelle des druides
aux frontieres du Pays-Chartrain, du cote qui s'approche
le plus du centre de la Gaule , est porte a choisir la por-
tion de la Sologne, formant les limites de 1'ancienne cite
des Carnutes, du cote du Berry. Les nombreuses tom-
belles , ou monticules de sable , vides de tons restes hu*
mains, trouvees dans ce pays, lui semblent a-la-fois indi-
quer des sanctuaires druidiques et des monuments limi-
tants. La nature du pays etait favorable aux habitudes
druidiques ; le culte des pierres y a laisse de vivantes traces.
M. de Boistbibault veut que le lieu de I'assemblee des
druides ait ete a Chartres. Sur 1'observation que c'est
contredire le texte formel cle Cesar, qui indique les
frontieres du Pays-Chartrain , il penche pour Dreux,
dont le nom a paru a plusieurs indiquer le chef-lieu du
culte des druides.
M. Jorand voudrait le placer dans un pays qui ne serait
aucun de ceux indiques par les pre'opinants : il le recule
jusqu'aux limites du territoire gaulois, sur TOce'an ,
s'appuyant sur une interpretation nouvelle, deja donnee
au texte de Cesar, et qui place le pays des Carnutes
dansl'Armorique, etpar consequent dans cette province
le siege de la religion druidique, ce que justifieraient les
anciens monuments de Carnac, et jusqu'a un certain
point le nom meme conserve a ce lieu.
M. dePetigny (de Cle'nord ) rappelle le texte precis de
Cesar; il ajoute que 1'assemblee des druides etait autant
QUATRIEME SECTION. 193
politique que religieuse; que lorsqu'elle eut lieu dans un
temps et des circonstances que Cesar indique, le conque-
rant en fut avert! promptement, se dirigea vers le lieu ou
elle se tenait, arriva a Orleans, et de la se porta sur les
confins du Pays-Chartrain, dans la direction de Bourges ;
ce qui donne une grande force a 1'opinion de M. de la
Saussaye. II ne s'occupe d'ailleurs que de 1'assemblee
annuelle et politique des druides , et reconnait qu'ils
avaient des autels et des centres de leur culte dans di-
vers lieux, et notamment dans tout le Pays-Chartrain.
M. Gaillard , a 1'appui de ces assertions , et notam-
ment de ce qu'a dit M. de Petigny sur le soulevement
de Vercingetorix , prepare dans 1'assemblee generate des
druides , confirme ce qu'a avance le preopinant , et
fait remarquer que ce furent les cites des Carnutes et
des Bituriges ( le Pays-Chartrain et le Berry ) , qui se
souleverent en masse , parce qu'elles etaient plus pres du
centre de la coalition. M. Gaillard ajoute que les Armo-
ricains et autres provinces eloignees ne fournirent que
de faibles contingents, ce qui contredit 1'opinion de
M. Jo rand,
La section , sans rien resouclre sur une question qui ,
comme toutes les questions historiques, est peu suscep-
tible d'une decision absolue, la regarde comme suffi-
samment eclaircie.
On passe a la 12.e question du programme.
M. de Saulcy demande s'il ne faudrait pas repondre a
la question par cette autre : « Les monnaies d'or de la
is
194 QUATRIEME SECTION.
seconde race n'ont-elles pas continue d'etre frappe'es ail
meme type que sous la premiere ? » II avoue, au surplus,
ne connaitre aucune solution satisfaisante a la question
du programme.
M. Gartier rejette la question subsidiaire de M. de
Saulcy. Charlemagne, Louis-le-Debonnaire, Charles-le-
Chauve , n'eussent jamais laisse frapper letirs monnaies
d'or au type d'obscurs monetaires. II ne connait pas plus
que M. de Saulcy, le moyen deresoudre d'une maniere
satisfaisante la question tlu programme.
M. de la Saussaye est loin de pretendre donner une
reponse categorique ; il croit d'ailleurs que le but des
conferences du Congres , sur les matieres historiques ,
doit etre moins de donner des solutions , que viendraient
renverser entierement la decouverte de nouveaux docu-
ments , on une discussion plus appro fondie, que de faire
connaitre les opinions diverses d'un grand nombre de
personnes livrees aux memes etudes , et de Jeter dans la
circulation quelques idees qui sont ensuite elaborees
clans le silence du cabinet et portent alors leurs verita-
bles fruits. II cite 1'exemple du Congres historique , tenu
cbaque annee a Paris , et qui ne reclame que des discus-
sions et point de decisions. M. de la Saussaye se contente
done de presenter a la section , comme une induction
assez plausible , ce raisonnement : « II est d'usage gene-
ral de ne fabriquer des monnaies de chaque espece de
metal que selon lesbesoins qui s'en font sentirjquand un
metal monnoye en circulation devient trop abondant ,
oncesse d'en frapper pendant un certain espace de temps.
QUATRIEME SECTION. 195
Pour citer un exemple tout pres de nous : pendant la
revolution francaise, on emit une quantite si conside>a-
ble de monnaie de cuivre , que depuis cette epoque on
n'en a plus frappe et qu'on n'en frappera pas, selon toute
apparence , de long-temps encore. Le Bas-Empire avait
inonde la Gaule d'une quantite innombrable de nume-
raire , particulierement en billon et petit-bronze ; ce nu-
meraire etait encore en circulation et formait la mon-
naie habituelle sous la premiere race; les rois franks se
contenterent de temoigner de leur droit de battre mon-
naie , en frappant le metal le plus precieux. On ne con-
nait point d'eux de monnaie authentique en bronze ou
en cuivre, on n'a que quelques pieces en argent, et le
nombre des monnaies d'or est, relativement , tres consi-
derable. Ce fut la fabrication presque exclusive dans ce
metal, qui for ca sans doute de frapper, sous la seconde
race , une grande quantite d' argent et tres peu d'or. Je
reproduirai, dit-il , avec une legere modification , la ques-
tion subsidiaire de M. de Saulcy , et je dirai : les pieces
d'or de la premiere race n'ont-elles pas continue d'etre
la monnaie d'or courante sous la seconde ? »
La question ne semble pas a la section susceptible
d'une discussion plus longue et d'une solution plus satis-
faisante , quant a present.
La parole est a M. de Saulcy, sur la 13.c question.
M. de Saulcy voit dans le type des monnaies particu-
lieres au Pays-Chartrain , une degenerescence d'un type
primitif qui representait une tete humaine et qui figurait
196 QUATRIEME SECTION.
sans doute sur les plus anciennes monnaies; le souvenir
cle ce type primitif est tres reconnaissable sur celles de
quelques villes du Pays-Chartrain. Cette opinion , du
reste, ditM. de Saulcy, ne m'appartient pas, c'est M. Le-
lewel qui 1'a emise le premier dans sa Numisniatique du
inoyen age.
M. Cartier qui a publie un memoire sur les monnaies
chartraines , et qui, par consequent, s'est beaucoup oc-
cupe de la question , ne partage pas 1'avis de M. Lelewel,
et il fait remarquer que les seules pieces sur lesquelles
on pent reconnaitre quelque chose qui ressemble a une
tete vue de profil , appartiennent a de petites localites
( Selles et Saint-Aignan ) dependant du Pays-Chartrain,
et qui durent frapper tres peu , et plus tard que les villes
principales ( Ghartres et Blois ) , dont les plus anciennes
monnaies baronales n'offrent point la ressemblance que
Ion a signalee. M. Cartier, au surplus, est tres embar-
rasse de reconnaitre quelque chose de bien determine
dans le signe bizarre que Ton retrouve , avec des variete's
particulieres , sur les monnaies cles diffe'rentes \illes du
Pays-Chartrain, ou qui en relevaient directement. II lui
parait incontestable que Ton a voulu reproduire un type
original ; mais quel est-il ? Est-ce une lettre hebraique
comme 1'ontdit Bernier, Ducange, Duby et les plus an-
ciens auteurs; une barriere de tournois comme le veut
M. Paulin Paris; le plan d'une forteresse, selon d'autres?
Aucune de ces explications ne lui parait satisfaisante. II
pencherait a croire que le type primitif e'tait une lettre
hebraique, ou phenicienne , ou appartenant a quel-
QUATRIEME SECTION. 197
que autre ancien alphabet, et qui s'appliquait a la ville
de Ghartres , capitale du pays.
M. cle la Saussaye adopte 1'opinion de M. Lelewel et
repond a 1'observatioii de M. Cartier, relativement aux
monnaies de Selles et de Saint-Aignan, en disant qiie ces
petites villes n'ayant jamais du frapper qu'une tres faible
quantite de numeraire , 1'alteration du type primitif a
etc d'autant moins grande, que les copies de copies ont
ete moins repetees.
La discussion est prolongee pendant quelques instants:
MM. Rousseau , Andre , de la Fontenelle , Briquet et
a litres y prennent part. La section ne croit pas devoir
exprimer un avis et encore moins donner une solution.
Seance du samedi 17 septembre 1836.
P residence de M. DE LA FONTENELLE, vice-presidenh
M. le president annonce a la section qu'il lui est fait,
par la 5.e section, renvoi de la question suivante, comme
appartenant plus specialement a la classe d'histoire et
d'archeologie :
« L'influence generale de la chute de Constantinople au xv.e siecle
» n'a-t-elle pas empeche le developpement de notre litterature nationale? »
Cette question sera portee au programme de la sec-
tion , a la suite de celles qui lui ont ete deja souniises.
198 QUATRIEME SECTION.
L'ordre clu jour appelle la lecture du rapport de la
commission nominee pour examiner la question de
1'authenticite des monnaies normandes.
M. Cartier, rapporteur, a la parole :
Messieurs , une question extremement importante a etc soumise a la
quatrieme section du Congres , specialement saisie de tout ce qui interesse
1'histoire et 1'archeologie ; c? est celle de savoir si on doit regarder comme
authentiques des monnaies des dues de Normandie, recemment introdui-
tes , en assez grand riombre , dans les collections numismatiques. Apres
une discussion, aussi approfondie que cela etait possible, entre ceux des
membres de la section qui s'occupent de notre histoire monetaire , une
commission a ete chargee d'examiner celles de ces monnaies, apportees a
Blois par M. Rousseau , et tous les faits qui se rattachent a cette question ;
d'en faire un rapport a la section et de formuler une decision, s'il y avail
lieu. Nous avons clierche a remplir cette mission aussi bien que nous le
permettait le court espace de temps qui nous etait donne.
Une premiere consideration s'est offerte a nous Peut-on croire a une
contrefacon , evidemmeut interessee , des monnaies du moyen age , et no-
tamment de pieces aussi rares que celles des dues de Normandie? II
faut 1'avouer ! tout doit faire craindre qu'on ne cherche a imiter des mon-
naies rares et devenues tres cheres , et que d'habiles faussaires obtiennent
des resultats malheureusement trop reels ; le grand benefice qu'on ferait
peut engager a des essais , les progres des sciences mecaiiiques et cbimi-
ques rendent le succes possible. II ne faut pas croire que pour contrefaire
les pieces du moyen age ,si minces et desi peu de relief, on aitbesoin de
coins bien difficiles a fabriquer, ni que la cbimie n'ait pas des precedes
propres a suppleer a Faction du temps pour leur donner une apparence
de vetuste. La reussite d'une telle speculation serait desolante pour la
science , tous nos efforts doivent tendre a 1'empecber , soil en signalaut les
pieces fausses , soil en designant les faussaires a tous les collecteurs , et
meme a 1'autorite competente pour conuaitre d'un pareil delit. Conside-
rant la question sous ce dernier rapport , notre collegue , M. Andre , a fait
ressortir, dans la discussion , 1'odieux d'une sernblable Industrie, et signale
les peines corrcctionnelles dont serait passible, suivant nos lois, celui qui
serait convaincu de s'en etre remlu coupablc. ( Y. 1'art. 423 du Code penal.)
QUATRIEME SECTION. 199
Abandonnant ces considerations morales pour arriveraux fails matcriels,
nous devons , en qualite de rapporteur de ce grand proces numismatique,
en cxposer toutes les circonstances a nous connues , dans leur ordre chro-
nologique, et-discuter 1'attaque et la defense.
On sail que les mounaies des dues de Normandie ont etc, jusqu'a ce
jour, d'une excessive rarete ; il n'en existait pas une seule dans aucuu
medailler de cette belle et vaste province normande , terre classique de
I'arcbeologie. On n'en pouvait citer en France que cinq specimens ,
trois appartiennent an cabinet du roi et deux a M. le due de Blacas. Ge-
pendant , par suite de 1'augmentation toujours croissante du nombre des
collecteurs, le prix de nos anciennes monnaies, recherchees avec avidite,
devenait exorbitant Avec quel enthousiasme les premieres pieces
normandes durent-elle etre acccueillies ? On s'en ferait difficilement une
idee , si, ne faisant aucune collection , on n'a jamais joui du bonbeur d'ac-
querir ce qu'on n'esperait pas rencontrer. Partisans ou adversaires actuels
des pieces accusees, tons, a leur apparition, se les disputerent a des prix
tres eleves ; ceux qui ne pouvaient ainsi les payer, sacrifierent en ecbange
des pieces rares et tres rares , croyant cbacun etre le premier, peut-etre le
seul possesseur d'un Ricbard ou d'un Guillaume de Normandie.
Bieutot des doutes s'cleverenl ; ils etaieut justifies par 1'etat materiel de
ces pieces et leur reunion vraiment inexplicable. Elles etaient minces ,
uniformes dans leur epaisseur, prcsentant toutes le meme aspect, la
menie teinte et les mernes accidents, semblant taillees dans la meme lame
de metal et sorties de la nu-me offkine monetaire , quoique de rogues et
de lieux differents. Leur superficie etait labouree d'une especc de treflage
tremble qui n'etait pas 1'effet du ressaut du coin sous plusieurs coups de
inarteau , comme cela se voit souvent sur des pieces de moyen age , mais
qui semblait, au premier coup-d'ocil , cause par rinterposition de quelques
matieres etrangeres entre le coin et le flaon, ou par une operation faite
a dessein par le graveur jusque dans le creux de ses lettres pour vieillir
la piece. On a cbercbe a expliquer cette circonstance materielle par 1'ac-
tion de Pacide bydrocblorique, employe pour decaper ces monnaies.
Une autre redexion vint s'offrir aux collecteurs; elle etait juste. Com-
ment nous arrive-t-il a la fois tant de monnaies excessivement rares , qui
n'etaient conuues, et cela est rigoureusement vrai , que par la plancbe
qu'en a donnee Duby, dans son Traite des mounaies des prelats et barons?
Cetle plancbe contient onze pieces : cinq avaient ete copiees sur les
monnaies gravees de M. de Boze , qui n'indique pas d'ou il a tire ses em-
; deux dans 1'ouvrage anglais de Ducarel , sur les monnaies anglo-
200 QUATRIEME SECTION.
franchises , dont une existait a Londres , dans le cabinet de M. White ;
une autre piece de Duby appartenait a M. Pagnon d'ljonval ; et trois etaient
dans la collection de M. de Boullongne , d'ou elles ont passe dans le ca-
binet du roi.
Sept de ces pieces portent le nom de Richard , quatre celui de Guil-
laume. Des premieres, Duby en attribue deux a Richard- Coeur-de-Lion,
et certes il est dans 1'erreur ; Je type du temple qu'elles offrent les rap-
proche plutot du rcgne de Richard , premier due de Normandie ; mais
Richard IV pourrait en avoir de celles attributes an premier. Les quatre
autres sont donnees a Guillaume-le-Conquerant , due de Normandie en
1055, et devenu roi d'Angleterre en 1066; la piece a effigie est poste-
rieure a cet evenement ; les antres, ne portant aucun litre de due ni de roi,
pourraient rigoureusement avoir ete frappees par Guillaume-le-Roux ,
comme regent du duche de Normandie , en 1'absence de son frere Robert.
Nous sommes entres dans ces details , parce qu'ils s'appliquent egale-
ment aux pieces qui nous occupent; il y a beaucoup de varietes de coins ,
mais deux noms settlement , Richard et Guillaume , et toujours les memes
types que ceux de Duby , excepte une piece unique , dit-on , frappee au
nom de Richard a Lillebonne. G'est cette conformite des pieces nouvelles
avec les empreintes d'une planche connue de tous les collecteurs qui a cause
leur inquietude; ils ont senli que cette planche n'ayant certainement pas
ete faite sur celles des pieces en litige, qu'elles semblent representer, il
ttait a craindre que celles- ci n'aieut ete imitees sur les empreintes de
Duby; leurs craintes etaient raisonnables , surtout en considerant les
pieces livrees d'abord a nos collections.
Un article fut iusere dans I'Eclio de Rouen , il avail le tort de n'etre
pas signe, et de livrer des noms propres, non pas a une accusation de
falsification , mais au moins a des soupcons loujours facheux. Du reste ,
Pantiquaire anonyme ne formulait pas d'une maniere assez precise , et ne
justifiait pas completemeut ses accusations contre ces pieces. Ony repondit
par une note signee , mais ecrite un pen trop vivement et sur des renseigne-
ments incomplets qui ne suffirent pas pour rassurer les incredules; la discus-
sion continua dans la Revue numismatique, mais la question resta indecise.
Aujourd'hui nous avons des documents tout-a-fait nouveaux. 1 .° L'his-
torique de la trouvaille sur laquelle pesait un mystere singulier. 2.° La
mise en circulation de pieces d'un aspect plus rassurant, et tres differen-
tes des premieres par leur etat materiel. 3.° Des pieces justificatives. Nous
allons successivement rendre compte de ces trois elements de la question.
M. 1'abbe Gi'egoire, qui avail rassemble quelques monuments numis-
QUATRIEME SECTION. 201
matiques , imposa a madame Dubois , sa parente et sa legataire universelle,
enlre autres charges, celle de remettre ses medallles au cabinet du roi.
Madame Uubois cxecuta ou crut avoir execute compl element cette inten-
tion du testateur ; cependant lorsqu'ellj changea de logement , line per-
sonne de sa connaissance , M. Benassis , en 1'assistant dans cette opera-
tion , trouva dans une armoire un sac etiquete , dit-on , de la main de
1'abbe Gregoire : Monnaies trouvees a Paci-sur-Eure. Apres quelques diffi-
cultes, fondees sur la clause dont nous venous de parler, madame Dubois
consentit a abandonner a M. Benassis, auquel elle avail des obligations,
les pieces en question , sous la promesse , toutefois , de ne pas dire d'ou
elles lui venaient , tant qu'elle vivrait. C'est celte conditicai qui parait avoir
retarde les explications demandees par I'EcJio de Rouen et dans plusieurs
communications parliculieres ; madame Dubois est morte depuis peu de
temps.
Ces monnaies normandes, au nombre de quatre a cinq cents, n'etaient
melees, dit-on, dans le sac, lorsque M. Benassis en est devenu proprie-
taire, qu'a deux on trois pieces d'or du Bas-Empire, une monnaie de la
deuxieme race qui pent apparteuir a Charles-le-Chauve ou a Charles-le-
Simple , et quelques pieces frustes et oxydees , dont on nous a reprcsente
uiie partie; elles nous ontparu etre du temps de Louis VII ou de Philippe-
Auguste. En supposant que ces pieces aient ete enfouies et trouvees avec
les normandes , elles pourraient , a la rigueur, concorder avec 1'attribution
a Richard III ou IV et a Guillaume II ou III. G'est un espace d'un pen
moins de deux siecles.
II est un fart tres constant, c'est que les premieres pieces cedees aux
collecteurs devaient faire naitre des inquietudes , et qu'aujourd'bui on
nous en presente quelques unes dont il serait difficile de nier l'aulheu
ticite ; si elles eussent paru seules , pas un doute ne se fut eleve. Voici
comme on explique cette circonstance : « Le proprietaire de ce depot , con-
» rtaissant bicn la rarcte des pieces normandes, a du placer d'abord les
« moins belles; celles qui paraissent aujourd'hui sont les pieces de choix,
» les mieux conservees, les varietes tout-a-fait nouvelles et les pieces les
» moins suspectes. On ne peut nier que de tout temps il y ait eu des faux
» monnoyeurs plus ou moins habiles , et il n'est pas etonnant que dans une
» masse de vieilles monnaies il s'en trouve , parmi les bonnes , des fausses
» du meme age. D'ailleurs les pieces contenues dans le sac etaient tres
» oxydees ; il a fallu les trailer par divers precedes chimiques qui , ayant
» agi de manieres differentes selon leur force ou 1'alliage des pieces, out dii
» produire des accidents plus ou moins favorables a 1' opinion qu'on peut S£
202 QUATRIEME SECTION.
» faire tie ces pieces dans leur etat actuel. M. Bonassis s'est detail
» d'abord de celles qui avaient ete le plus maltraitees. Ce n'est done
» pas les premieres pieces qu'il faut juger , il faut examiner 1'ensemble.
» 11 a du se rencontrer dans cette derniere moitie des varietes qui n'e-
>> talent pas dans la premiere; ce'a arrive dans toute masse d'anciennes
» monnaies. Gette multiplicite de coins divers eloigne 1'idee d'une contrc-
» faeon inslautanee et moderne. »
II y avail cependant a rassurer des interets prives , des interets moranx
et des interets scientifiques , c'est-a-dire que les possesseurs des pieces a
vendre desiraient qu'elles fussent declarees bonnes ; que pour celles qu'ils
avaient deja vendues on echangees, ils cherchaient a ne pas rester sous
une suspicion facheuse d'avoir fait une speculation coupable , et que les
collecteurs deploraient I'incertilude oil les jetait cette falsification presu-
mee. Une sorte d'enquete s'est etablie , par suite de la discussion ouverte
dans la Revue niimismatique et dans les correspondences particulieres des
amateurs; on produit aujourd'hui des ctrlificats de madame la baronne de
Mauroy,amie de madame Dubois, et de M* Boyer, son secretaire, qui
affirment les faits enonces plus haul, relativernent au sac trouve chez
M. Pabbe Gregoire. Ces pieces n'ont , a la verite , aucun caractere au-
thentique, n'emanant pas de personnes bien comities, et leurs signatures
n'etant pas legalisees ; cependant nous n'avons aucun motif de rejeter ces
tcmoignages.
Eii outre, il resulte de plusieurs certificats , donnes par M. d'Arcet,
directeur general des essais pres la commission des monnaies et medailles,
juge tres competent sur cette maliere, que les operalions chimiques aux-
(juclles ces pieces ont ete soumises, out du produire les alterations qu'on y
remarque; qu5 on y Irouve les traces plus ou moins visibles, suivant 1'actiou
des acides, d'une paline verilablement antique, pat'ine qit'il ne sera.it pas
rigoureitsement impossible , dit M. d'Arcet, d'imiter dans un delai assez
court, mais qui lui parait bonne et reelle. Cette patine existe encore sur
quelques pieces non sou misesaux operations. On a faitsubiraces pieces une
autrccpreuve;on a cherche le litre du metal dont elles sont composees ; il a
varie, selon les etiquettes , dans les huit essais qu'on nous a presentes, et
qnelquetbis sur des pieces du meme type, depuis 139 jusqu'a 864 millie-
mes ; mais un fait remarquable , s'il est bien constate , c'est qu'indepen-
dammenl de 1'alliage grossier qui entre dans ces monnaies, il s'y trouve,
dit-on , de 1'or dans les proportions diverses ; ce qui tendrait a impliquer
contradiction avec uue falsification telle qu'on a pu la supposer. Ces es-
sais, toutefois, nous onl ele presenlcs sans aucun caractere authentique.
QUATRIEME SECTION. 203
II avail etc public que les specimens du cabinet du roi , provenant de la
suite de M. de Boullongne , ne ressemblaient en aucune facon aux pieces
accusees, le style en est tout different. (V. la Revue mimhmatique , p. 300.)
11 y a eu dernierement une confrontation avec des pieces choifies parmi
les meilleures , d'abord reservees , et cette operation a etc plus favorable
a quelques unes ; on dit meme que MM. les conservateurs du cabinet du
roi n'ont pas refuse d'en placer quelques varietes dans leurs tiroirs ; ils
ne se sont pas prononccs aussi positivement sur d'autres.
Tels sont les fails qui resultent de l'examen auquel nous nous sommes
livrcs. Sans prendre de conclusions positives, c'est-a-dire sans pro-
noncer que nous regardons ces pieces comme bonnes on mauvaises ,
nous nous resumons en disant : Les monnaies des dues de Normandie ,
repandues dernierement dans les collections numismatiques , ne sauraient
etre frappees d'une proscription generale a cause des caracteres douteux ,
de Taspecl singulier et des symptomes d'alteration que presenlent plu-
sieurs d'entre elles , et surtout les premieres cedees , cela pouvant prove-
nir de 1'action des agents cbimiques employes pour les restaurer, selon
leur force , la longueur de 1'operation et Palliage des pieces. La plupart de
celles presentees a la commission ont tous les caracteres de la falsification ,
quelques unes seulement paraissent bonnes et a 1'abri de tout soupcon;
nous ne saurions dire si les autres, sur lesquelles il restera toujours des
doutes tres fondes, proviennent d'une contrefacon antique ou d'une fa-
brication moderne. Ge qui est positif, c'est que 1'aspect du plus grand
nombre n'est nullement rassuranl , et que la reunion de ces monnaies ,
jusqu'a present introuvables , est tellement extraordinnaire qu'elle doit ins-
pirer la defiance, soil qu'il y ait eu fausse monuaie ancienne melee a la
bonne , soil qu'on ait reussi dans une augmentation frauduleuse de quel-
ques bonnes pieces, reellement trouvees cbez M. 1'abbe Gregoire , taut
d'apres ces bonnes pieces , que d'apres les empreintes donnees par Duby.
II nous reste a inviler, an nom du Congres, tons ceux qui pourraient
avoir de nouvelles objections a faire contre ces monnaies normandes , ou
de nouveaux fails a produire a leur sujet , de les publier promptement ,
afin d'eclairer les collecteurs. Si la question pent recevoir une solution
definitive , il est a desirer que cela ait lieu au prochain Congres ; rien ne
doit done etre neglige , d'ici la , pour connaitre le verite.
Les conclusions de ce rapport sont adoptees, et la.
204 QUATRIEME SECTION.
section vote a I'unanirnite 1'insertion textuelle du rap-
port tie M. Cartier au proces-verbal du compte-rendu
des travaux du Congres.
M. de la Fontenelle lit une notice sur une cliarte de
Charroux, enPoitou. Cette charte, offrant un melange
des deux langages, celui du midi, et celui du nord de
1'Aquitaine, de la langue d'Oc et de la langue d'Oil,
contient une espece de code complet de la localite;
elle est une confirmation des privileges accordes aux
habitants de Charroux; on ne s&urait au juste assigner
1'origine des droits et franchises accordes, la charte elle-
meme est de 1247. Son importance a engage a con-
suiter, sur 1'interpretation de cet acte difficile , les
savants les plus verses dans la connaissance et le texte
des plus anciens litres , M. Raynouard , en particulier.
C'est le resultat de cet exarnen et de ces travaux dont
M. de la Fontenelle rend compte. II traduit, analyse et
accompagne d'explications detaillees et judicieuses les
diverses dissertations de droit feodal et de droit civil que
contient la charte en question. Ces explications pre-
sentent des singularites piquantes sur Tetat des choses
et des personnes dans une petite localite d'une de nos
provinces. Ainsi , par exemple , le hraconnage d'un la-
pin ou d'un lievre entrainait une amende de 60 sols;
un adultere en coutait une de 40 ; un mot injurieux
sur le compte d'une femme, se liquidait par un coup
de poing du mari, etc. La section a entendu avec in-
teret cette communication curieuse sur les usages et la
legislation couturniere du moyen .age.
QUATRIEME SECTION. 205
La discussion est appelee sur la 1 4.e question.
M. de Saulcy pense que le mot besant ne se trouvant
employe nulle part, avant 1'epoque a laquelle les croisa-
des conduisirent les europeens a Constantinople et dans
1'empire d'Orient, ce mot pourrait venir par corruption
de celui de byzant^ que les Croises auraient donne aux
monnaies byzantines.
M. de la Fontenelle observe que 1'emploi des besants
dans les armoiries , lui parait une induction tres favora-
ble a 1'opinion de M. de Saulcy.
M. Cartier fait remarquer que , posterieurement aux
croisndes, on employait le mot besant comme nom ge-
nerique , mais sans designation speciale , d'une certaine
monnaie d'or, et qu'il lui parait impossible de resoudre
la question.
M. de Saulcy ajoute que le terme besant etait reste
en usage depuis les croisades pour designer les monnaies
d'or en general ; mais qu'on n'a jamais connu de monnaie
parliculiere qui portat ce nom. « Les Groises , dit-il , de-
vaient attacher beaucoup tVimportance aux souvenirs
de leur guerre d'Orient : on trouve une foule de pieces
d'or, de Constantinople , percees et destinees a etre por-
tees comme ornement j les besants figuraient an meme
litre dans les armoiries, et le mot besant , originairement
attache a la monnaie bysantine , sera devenu le terme
generique pour designer les pieces d'or. »
La section croit pouvoir appuyer les arguments de
M. de Saulcy.
20G QUATIUEME SECTION.
On passe a la question envoyee par la societe phi-
lumathique de Verdun, et quidemande 1'explication des
signes auxquels on reconnait les tombeaux franks des
tombeaux gaulois ou romains.
Gette question, nouvellement adressee an Congres,
n'a pu etre 1'objet d'etudes et d'une preparation suffi-
santes. Elle fournit cependant un texte a quelques eclair*
cissements.
MM. de la Saussaye et de Saulcy emettent quelques
idees sur la difficulte de faire la distinction deman-
dee. On connak beaucoup de tombeaux gaulois , gallo-
franks, franco-romains, mais on y trouve des caracteres
ineles des couturaes de ces differents peuples. L' usage
d'inhumer sous un amas de terre, que Ton connait sous
le nom de tombelles, usage commun a tant de peuples,
parait a M. de Saulcy un des caracteres principaux des
inhumations frankes.
M. Du Plessis emet cette opinion, que ce n'est point
clans les provinces du centre de la France actuelle qu'on
pourrait decouvrir des tombeaux franks qui conser-
vassent le caractere unique des usages de cette nation ;
que son etablissement chez nous a ete trop progressif
pour que les coutumes funeraires n'eussent pas souffert
des-lors quelque alteration , quelque confusion avec les
usages gaulois ou remains. On ne connait point de
tombeaux franks proprement dits, a moins qu'on ne
parle de celui de Childeric, trouve en 1665 , a Tournay;
et bien qu'il ne faille pas raisonner absolument sur une
specialite exceptionnelle, un tombeau de roi ou chef
QUATRIEME SECTION. 207
supreme ; neanmoins il est permis d'en induire que si a
cotedelafrancisque et de la tete du cheval de Childeric,
placeesdans son tombeau, usage reritablement national,
on trouve des abeilles d'or, des monnaies toutes romai-
nes , on doit reconnaitre un signe de cette confusion
operee de bonne heure dans les coutumes, meme dans
celles si ten aces qui s'attachent au culte sacre des ance-
tres. G'est done dans les provinces septentrionales, sur
la rive gauche du Rhin, qu'on pourrait trouver quelques
points de comparaison pour la solution d'une question
sur laquelle chacun des membres qui s'en occupent au-
jourd'hui , n'a reuni des documents approfondis.
Quelques eclaircissements sontajoutes par MM. Andre
et de la Fontenelle , et la section s'arrete a cette decla-
ration , que la question ne lui paraissant pas suffisam-
ment etudiee, elle sera reportee au prochain Congres.
Seance du dimanche 18 septembre 1836.
Presidence.de M. DE LA FONTENELLE, 'vice-president.
M. Andre, comme le plus jeune des membres presents,
est appele par le bureau pour remplir les fonctions de
secretaire en 1'absence des titulaires.
M. Haze (de Bourges) lit un memoire interessant sur
les antiquites monumentales de son departement. La
section le remercie de cette communication.
M. Briquet fait un rapport verbal sur 1'importance
208 QUATRIEME SECTION.
des archives municipales de Niort, et donne quelques
details sur 1'organisation du corps de ville et les privi-
leges de la commune.
La discussion s'ouvre sur la 15.e question du pro-
gramme :
M. de la Fontenelle donne quelques notions sur la
bibliographic poitevine. II indique comme le premier
livre imprime a Poitiers une espece d'encyclopedie
sortte vers 1490 des presses d'un chanoine de Saint-
Hilaire.
M. Cauvin tlonne aussi des details sur la bibliographic
du pays du Maine. Le premier ouvrage connu imprime
au Mans est un Coutumier qui ne date que de 1529.
M. Briquet dit qu'a Niort l'imprimerie ne s'introduisit
que beaucoup plus tard. vers la fin du xvi.e siecle.
M. le marquis Le Ver (d'Yvetot) fait remarquer que
les Galiot-Dupre ont imprime a Abbeville vers 1480.
M. de La Fontenelle fait sentir combien il serait utile
de recueillir dans chaque ville tous les ouvrages spe-
ciaux qui y seraient relatifs, et d'y etablir des biblio-
theques formees de tous les livres dus aux presses de la
localite, on qui auraient ete composes par des auteurs
qui en seraient originaires.
M. de la Saussaye dit qu'il s'occnpe deptiis long-temps
de ce travail pour le Blaisois , et qu'il a deja reuni envi-
ron 300 volumes : I'imprimerie lui semble avoir etc eta-
blie tres tard a Blois; le plus ancien document qu'il
connaisse, est Ve'dit donne en septembre 1577 par
QUATRlfeME SECTION. 209
Henri III, pour le reglement general des monnaies,
dont il possede un exemplaire imprime par Berthellemy
Gomel, en 1578. Sa veuve publiaen 1593 une Henriade
par Sebastian Gamier , procureur du roi Henri IV au
comte et baillagede Blois.
La section consulte'e sur la solution a donner a la
15.e question, se decide pour 1'affirmative.
La 5.e question du programme est mise en dis-
cussion.
Plusieurs membres prennent successivement la parole ;
la question est renvoyee au prochain Congres. . ,
M. Duchalais ( de Beaugency ) presente a 1'examen de
la section , de la part de M. 1'abbe Rousseau ( de Beau-
gency ) , qui n'a pu se rendre au Congres, une statuette
en marbre blanc trouvee recemment dans les environs de
Toury en Beauce , a six pieds de profondeur, aupres d'an-
ciennes constructions en mines.
Cette statuette, d'environ un piedet denude hauteur,
est parfaitement conservee , a 1'exception du nez qui est
un peu endommage. Elle represente un homme debout,
portant la barbe, revetu d'une tunique et d'un manteau
et tenant une epec la pointe en bas. A ce costume , on
doit reconnaitre un chevalier de quelque ordre militaire
et religieux ; mais 1'absence de la croix sur le vetement
ne permet pas de croire que ce soit un Templier, comme
on 1'avait suppose d'abord.
M. Lhuillier de Hoff ( de Blois ) fait remarquer la
16
210 QUATRlfeME SECTION.
dimension enorme donnee a la tete , relativement a
celle clu corps; il fait observer egalement un espace
plat, dune ligne delargeur, qui regne depuis le haut du
manteau jusqu'en has, et un trou pratique sous la base
de la statuette ,*qui sembleraient indiquer qu'elle etait
jadis fixee a Tangle d'un monument, d un tombeau sans
doute , dont elle formait Tun des accessoires.
M. de la Saussaye perise que malgre les incorrections
cle detail , elle est neanmoins d'un effet d'ensemble tres
satisfaisant ; la pose en est naturelle, 1'expression naive ;
tout en elle revele les merites et les defauts habituels de
la statuaire du xiv.e siecle.
Seance du lundi 19 septembre 1836.
Presidence de M. DE LA FONTENELLE , vice-president.
M. Andre donne lecture d'un rapport sur les monu-
ments observes a Blois par la section d'histoire , dans sa
promenade archeologique du 14 septembre 1836.
Messieurs , de tons les moyens d'arriver a la connaissance des grands
principes sur lesquels repose 1'appreciation des differents ages de 1'art,
le meilletir et le plus infaillible a toujours paru 1'ctude de 1'architecture
transported du cabinet sur la place publique , en face des edifices qui ,
par une vivante rea!ite, offrcnt a I'oail 1'application des doctrines et des
theories. Aussi, n'est-ce que par une attentive comparaison des types qui
caracterisent chaque epoque, par une observation longue et soutenue de
leurs similitudes et de leurs dissemblances, de leurs progres et de leurs
chutes , qu'on peut arriver a lire sur ces grandes pages archictecturales ,
quel fut le siecle ou le genie de leurs auteurs leur donna la naissance.
Plus qu'aucune autre , la ville de Blois , riche en souvenirs historiques
QUATRIEME SECTION. 211
d'un si haul intcret, devait presenter a la science un champ riche et
varie. M. de la Saussaye , secretaire general du Congres,a bien voulu
s'offrir a la section pour lui servir de guide dans cette promenade
archeologique oil, graces a sa complaisante erudition et a la profonde
connaissance qu'il possede des antiquites du Blaisois , nous avons pu avec
quelque certitude en apprecier les monuments.
Nous avons d'abord porte notre attention sur les constructions reli-
gieuses. L'arcliitecture civile est devenue ensuite 1'objet de notre exameii.
Nous suivrons ici le meme ordre.
L'edifice le plus ancien de la ville de Blois est 1'eglise du couvent de
Saint-Laumer (S.Launomants'}. II fut fonde en 924 par Raoul, roi de
France , sur la demande de Thibault-le-Tricheur, comte de Blois et de
Chartres; mais ce lie fut que cent cinquante ans apres qu'on commenca a
batir 1'egliie qui porte aujourd'hui le vocable de Saint-Nicolas. Sa dedi-
cace eut lieu en 1 1 HG.Cependant, soil que le vaisseau n'ait pas ete acheve,
soil qu'il ait subi des reconstructions, la nef n'est que du siecle suivant.
Celte eglise est interessante pour 1' elude des differents styles archictec-
turaux du moyen age , et Ton peut y saisir toutes les transitions du plein-
cintre a 1'ogive la plus elancee. En effet, 1'abside offre le caractere du
xi. e siecle; le choeur est du xn.e Au-dessus s'eleve un dome dont les
nervures de voute se courbent dans le systeme de 1'arc en tiers-point;
puis enfm tout le corps de. la nef presente le xm.e siecle, avec 1'ogive
pure du temps de saint Louis. La facade est de cette derniere epoque ;
elle est oruee de deux tours carrees ; au-dessus du portail se trouve une
grande rosace.
L'eglise de Saint-Solenne ( S. Solemnis}, dont 1'origiiie, sous le vocable
de S. Pierre , remonte a 1'etablissement du christianisme dans le pays , fut
reconstruite au xtv.e siecle, sous Charles VI; mais il ne reste plus de
cetle reconstruction que la base de la tour de la facade. II parait que le
premier ordre qui la surmonte fut commence en 1544 ; mais au lieu d'y
ajouter un second ordre, comme on se Petait propose, on se contenta d'y
mettre, en 1609, le dome qu'on y voit aujourd'hui. En 1678, par un
violent orage , les voutes s'ecroulerent , et 1'eglise fut renversee. Louis XIV
fit rebatir ce que n'avait pas epargne 1'ouragan , et presque toute 1'eglise
s'eleva de nouveau. L'ancien vocable fut abandonne , el , par une recon-
naissante flatterie, on lui donna saint Louis pour nouveau patron. Cette
eglise sert aujourd'hui de cathedrale, quoique le vaisseau en soil tres
mesquin , et 1'architecture du style le plus paruve.
On doit aussi noter 1'eglise dc Saint-Saturnin, dans le faubourg de
212 OUATRTEME SECTION.
Vienne, laquelle date de la fin du xv.e siecle. Anne de Bretagne, reiue
dn France, fit t'aire le grand portail, avec une partie de la tour; mais la
dedicace n'eut lieu qu'eu I 582.
Enfin , et pour termiuer cette serie de monuments qui commence avec
le xi.e siecle et fiuil avec le xvn.e , nous devons mentionner 1'eglise des
Jesuites. Les fondcmenls en furent jetes en 1624 , mais la construction en
i'ut diiteree jusqu'en 1655 , et elle ne fut achevee qu'eu 1671. Son t'ron-
tispice est decore par les trois ordres dorique , ionique et corinthien; mais
dans I'interieur, on s'est restreint plus sagement a 1'ordre dorique. Le
grand autel est assez remarquable.
Une des plus curieuses eglises de Blois, mais que le temps n'a point res-
pectee, devait etre 1'cglise de Saint-Sauveur , sur cette plate-forme elevee
qui domine la ville. C'est la que, le 21 avril 1429, fut beni, par I'eve-
que de Chartres, le drapeau de la Pucelle d'Orleans. C'est la que , plus
tard, Henri III, roi de France, et Henri de Lorraine, due de Guise, se
partagcrenl une hostie consacree, prenant le ciel a temoin d'une etroite
alliance qui n'etait qu'une reciproque perfidie : deux mois s'etaient a peine
ecoules , et Guise , dont les pretentious meuacaient la couronne , perissait
assassine par les ordres de son roi.
La scene ou se passa cette horrible catastrophe n'est pas loin : vis-a-vis
1'eglise, voici le chateau de Blois.
Get edifice doit son origine aux comtes de Blois de la maison de Cham-
pagne et de la maison de Chatillon. 11 reste peu de chose des construc-
tions primitives : une grosse tour et d'epaisses murailles qu'on fait remonter
an xi.e siecle, un petit bailment qui date de Saint-Louis, et qui devint
plus tard le lieu des seances des Etats geueraux ; c'est tout ce qui en a ete
conserve , afin sans doute de servir de contraste a cette brillante architec-
ture de la renaissance qui produisit lant de merveilles, et dont le chateau
de Blois n'est pas un des moindres chefs-d'osuvre.
Les guerres des Franrais en Italic avaient dcja donne 1'impulsion. L'es-
prit eclaire de Louis XII livra i'essor , et il s'accomplit une grande revo-
lution artistique.
Ce fut en 1498 que ce prince, voulant se creer une residence royale
dans la ville de Blois qu'il affectionnait pour lui avoir donne le jour, jeta
Jes yeux sur le chateau qu'il tenait des dues d'Orleans, ses ancetres , et le
fit presque entiereinent reconstruire. II y deploya toutes les ressources de
1'epoque. La facade de Test , qui donne sur 1'avant-cour , est batie en pier-
res et en briques suivant le gout du temps. Au premier abord , nos habi-
tudes s\ mctriques se trouvcnt ctonnecs de ne point apcrcevoir la grande
QUATRIEME SECTION. 213
porte a egale distance des deux extremites , et de voir les fenetres inegale-
ment reparties et tout differemment ornees ; mais apres ce premier senti-
ment, lorsqu'on revient sur les details, on ne peut se lasser d'y fixer son
attention. Jetez les yeux sur 1'entree : le portique est a grosses nervtires ;
les colonnes sont couvertes de baguettes croisees en lozanges. Au-dessus ,
et dans un style un peu. anterieur , s'eleve un double dais gotbique orne
de feuilles de chicoree elegamment decoupees, et sous lequel se creuse
une niche armoriee des hermines de Bretagne. La se voyait autrefois la
statue equestre en bronze de Louis XII Ne 1'y cherchez plus aujotir-
d'hui; la main de 1'bonime ne la pas epargnee.
Si vous voulez eloigner ce souvenir penible , regardez cette croisce qui
se trouve a votre gauche , a 1'extremite de la facade. Elle est bien simple :
vous n'y remarquerez qu'un balcon avec une balustrade en pierre sculptee
a jour. Mais cette fenetre est celle de la chambre a coucher de Louis XII.
Voyez maintenant cette petite maison de bois placee au coin, en retour
d'angle , et d'un aspect si humble : c'est la qu'habitait le cardinal d'Am-
boise , et tandisqu'avec une magnificence rare il faisait construire son chateau
de Gaillon ; que pour sa decoration, il envoyait, a se& frais, en Italic- des
sculpteurs etudier les arabesques de Raphael , il se contentait de cette
mediocre demeure qui le placait aupres de celle d'un roi dont il etait tout
a-la-fois le ministre et 1'ami. Tons les jours , si 1'on en croit la tradition , a
son balcon le roi, a sa petite croisee le cardinal, s'echangeaient le salut
du matin, et se plaisaient a deviser ensemble, douce causerie ou 1'etiquette
se trouvait oubliee , et ou ne se rencontraient que la cordialite du bon roi
et le fidele devouement de son ministre.
Vu de la cour interieure du chateau, le corps-de-logis de Louis XII
presente la meme architecture; mais au-dessous du premier etage regne,
au rez-de-chaussee , tine galerie couverte appelee le pore he aux Bretons f
que soutiennent des colonnes prismatiques chargees comme au portique de
baguettes croisees en lozanges. Les fleurs-de-lys qui les decoraient ont dis-
paru , les hermines d'Anne de Bretagne ont eu le meme sort , et le pore-
epic des comtes de Blois, avec leur devise Cominus et eminus , a partage
la commune disgrace. Un seul a pu echapper, cache dans la tourelle de
1'escalier ou il se roule en se herissant.
A 1'exemple de Louis XII, Francois I.er, le restaurateur des lettres et
des arts, voulut faire profiler le chateau de Blois du mouvement com-
mence a la fin du xv.e siecle, et qui, se developpant, produisait au xvi.e la
renaissance. Les rapides progres de I'art laissaient deja hien loin derriere
eux les types graves et severes que leur avaient legues les derniers essais
214 QUATRIEME SECTION.
du siecle precedent. Le talent de Pierre Lescot et Philibert de 1'Orme , de
Jean Goujon et Germain Pilon , devait rivaliser d'elegance et de naturel ,
de grace et de delicatesse dans les magmfiques monuments qu'embellissait
leur brillant genie. Ce fut sous 1'impression de ces grands modeles que s'e-
leva la facade du nord.
La se deploie tout le luxe et la profusion des plus gracieux details.
Partout des bas-reliefs , des sculptures , des ornements du iini le plus
acheve ; arcades , pilastres , chapiteaux , tout en est couvert. La salaman-
dre de Francois I.er qu'il avail prise pour attribut avec la devise Nittmco
et extinguo , 1'F couronnee qu'il avail adoptee pour chiffre , ses armes et
celles de la reine Claude , son epouse , dont la couronne et les ecussons
s'entrelacant de la cordeliere de la reine Anne, sa mere, temoignaient
sans cesse du monarque a qui celte somptuosite d'architecture devait le
jour. Mais on a pris autant de peine a en effacer le souvenir, qu'a une
autre epoque on s'etait efforce de le perpetuer. Chiffres , armoiries el me-
daillons onl etc democraliquemenl gralles el effaces , et c'est a peine si , ca
et la , quelques uns de ces feodaux emblemes ont pu reussir a se sauver.
Mais 1'oeuvre des eomtes de Blois avail deja ele en bulte a de plus se-
rieuses deslructions : la facade de 1'occident , une partie de celle du midi
onl disparu, el les constructions de Francois I.er out meme etc entamees.
Cetle fois , ce ne sonl poinl les passions populaires qu'il fant en accuser,
mais Gaston , due d'Orleans , frere de Louis XIII. Le gout classique de
Mansard, son archilecte, ne put supporter le brillant desordre avec lequel
ses predecesseurs avaient jete a pleines mains loules les richesses de leur
imaginalion d'artistes ; el 1'annee 1635 vil immoler la renaissance au
style grec et romain. La face snr la cour est composee de trois ordres , les
uns au-dessus des autres. Le premier esl dorique; il etait entoure d'un
balcon circulaire soutenu par des colonnes cannelees , aujourd'hui detruit.
Le deuxieme est ionique et le troisieme est corinthien , decore de pilastres
comme le second. Sa corniche forme au milieu un fronton arrondi. Des
statues qui n'existent plus concouraient a la decoration exterieure.
Au milieu de 1'edifice est une grande salle carree, eclairee par un
dome de meme forme. La coupole est enrichie de cartouches et de cais-
sons , ou se trouvenl sculples des tropliees d'armes et des guirlandes de
fleurs; le tout est d'un mediocre effet. Cette salle n'ayanl point ele ter-
minee, 1'etat, qui a fait du chateau une caserne, s'occupe de son acheve-
vement. L'ordre de Pestum qu'on y emploie s'allie mal par sa lourdeur
avec le caraclere general; d'ailleurs, ce u'esl que depuis moins d'un
siecle que les architectes modernes 1'ont decouvert en Sicile , dans les
QUATRIEME SECTION. 215
mines du temple de Neptune , et n'est-ce pas un auachronisme que de le
faire figurer dans la restauralion d'une construction anlerieure?
Gaston avail le dessein de rebalir; en suivant les plans de Mansard,
tout le chateau; fort heureusement le temps lui a manque. La science ne
doit pas cependant poursuivre sa memoire; il avail le gout de 1'etude. Ce
prince avail forme a Blois une magnifique collection de medailles, et
lorsqu'il y mourut en 1657, il la legua a son neveu Louis XIV, donl il
doubla les richesses numismatiques, el rendil ainsi le Cabinet du roi le
plus complel el le plus precieux qui ful en Europe.
line magnifique bibliolheque , un cabinel d'histoire naturelle , un jar-
din des plantes , dont on apercoit les terrasses en face du chateau , et ou
Ton arrivail par un ponl jele sur les fosses , sonl encore des etablissements
tres remarquables dus a Gaston , et qui enrichirent aussi la Bibliotheque et
ie Jardiri du roi.
Que si maintenant nous voulons penetrer dans Pinterieur du chateau
par 1'escalier de Louis XII, nos pas, an premier etage, se porteront
d'abord dans une belle salle , de pres de cent pieds de long sur soixante
de large, coupee en deux, dans le sens de sa longueur, par une rangee de
six coloimes qui soutiennent des arcades en ogives. Elle dale du lemps de
sainl Louis; on y lenail jadis les grandes assises seigneuriales du comle.
C'esl la que se reunirent, en 1576, les premiers elats de Blois; c'est lu
qu'en 1588, apres la journee des Barricades , s'y assemblerenl les seconds
elats. Convoques pour le 1 5 seplembre , ils ne s'ouvrirenl que le 1 6 oc-
tobre, el des-lors commenca une lulle incessante entre Henri III et le due
de Guise, la saiute-union et les royalistes. Mais les elections avaieut donne
une immense majorile a la ligue ; la maison de Lorraine Iriomphail , et le
parti des politiques Iremblait indecis devant la gravite des evenements.
Ils vonl se derouler sous nos yeux ; le theatre du denouement est tout
proche.
Au sommet d'une tourelle de I'ancicnne construction s'eleve un petit
belveder, sur la porte duquel vous lisez : VRANI^E SACRVM. C'est dans
eel asile secrel que 1'ilalienne Calherine de Medicis, entouree d'astro-
logues, cherchait a conjurer le destin. A cote de I'observatoire , d'ou sont
visibles les fleches de Chambord, se posaient sur une table de pierre les
instruments d'astronomie. Toutes les nuits,a 1'aide d'infernales supersti-
tions , la reiue-mere s'efforcait de percer le voile lenebreux qui couvre les
choses qui ne sont pas encore, et de lire dans les astres et leurs myste-
rieuses conjonctions ce quevoulail le ciel, et ceque lui presageail 1'avenir.
Si elle y vil que , pour sauver la royaute , il fallait recourir a 1'assassinat ,
216 QUATRIEME SECTION.
pourquoi n'y vit-elle pas aussi que le sang repandu devait bienlot , dans
un autre assassin, trouver uu vengeur assure.
Rentrons dans le chateau par cette tour octogone en saillie, ou Fran-
cois I.er fit serpenter un elegant escalier tout a jour, et autour duqiiel
tourne une charmante balustrade. Arretez-vous , si vous le voulez , a con-
siderer ces pilaslres, ces colonnettes, ces chiffres , ces pendentifs et ces
milliers d'arabesques si delicieusement sculptes; mais songez qu'ici 1'his-
toire sanglante efface 1'art.
Au premier etage sont les appartemeuts de Catberine ; la salle des
gardes se presente d'abord:on peut y remarqner une fort belle cheminee.
Puis vient 1'oratoire ou cette femme, dans ses elans de craintive devotion,
adressait au maitre des rois ses ferventes prieres , pour la reussite de ses
projets dissimules, de ses intrigues tortueuses et de ses vindicatives ran-
cunes. Enfin, c'est son petit cabinet, tout garni encore d'tme magnifique
boiserie a petits panneaux , dont pas un ne se ressemble , et ou le sculp-
teur semble avoir epuise son imagination a se varier sans eesse.
Au second , c'est 1'appartement d' Henri III.
Reportez-\ous au 24 decembre 1588. Cette grande piece ou se tieuncnt
ces gentilshommes armes, c'est la salle des gardes; ces officiers qui les
commandent, ce sont Loignac et Sainte-Maline : le brave Crillon est ab-
sent. Passez par cette antichambre ; entrez dans ce cabinet ou ne se voient
plus aujourd'hui que des traces de peintures sur les poutres du plafond ,
et des debris de fresques sur les boiseries , c'est le cabinet du roi. La
mulliplicite des portes qui s'ouvrent de tcus cotes , Fescalier secret par ou
Ton peut se derober , vous montrent 1'esprit inquiet et soupconneux du
prince qui 1'habite. On introduit deux religieux : Priez , leur dit Henri III ,
ptiez pour le succes d'une entreprise. — De quelle entreprise s'agit-il,
demandent les moines. — Priez ton jours , mes peres , leur repond-il; Dieu
saura lien de quoi il est question ; et il les enferme dans ce petit oratoire
pratique dans Pepaisseur des murs.
Cependant , au rez-de-chaussee se tient un conseil extraordinairemenl
convoque a six heures du matin. La veille , un avis inconnu etait remis au
due de Guise : il avail lu le billet, et ces mots : il n'oserait, que son crayon
tracait au bas, etaient la seule reponse de cet intrepide cbef de parti. Il
entre ; les portes se ferment. Un officier des gardes s'approcbe de lui ; un
mouvement inusite s'opere. Etonne , le due palit , le ccEur lui manque ;
mais revenu bientot de cette faiblesse d'un moment , il prend la parole avec
liberte d'esprit. Revol, secretaire d'etat, arrive dans la chambre du con-
seil : Monseigneur, dit-il, le roi Tent s'entretcnir ocec vous dans son ca-
QUATRIEME SECTION. 217
blnet. Guise montc par 1'escalier secret. Sur le pallier est un passage obs-
cur Un grand bruit se fait entendre, une lourde cbute, et ces mots
etoufies : Mon Dleu, je suis mart, ayez pitie de moi, pardonnez-moi mes
peches. Le dernier gemissement s'eteint
Henri de Yalois sort de son cabinet : Tout est-il fait , demande-t-il ; on
lui montre le cadavre. 11 s'approche , et le ponssant du pied : Bete veni-
meuse , lui enteud-on dire , tu ne jetteras plus ton ve/iin. Puis descendant
dans 1'appartement de Catherine : Ma mere, je suis rol de France. — Mon
fils , voila qid est bien coupe; mais il faut coudre maintenant.
Le roi vent poursuivre sa victoire. Le cardinal de Lorraine , frere de ce-
lui qui etait le puissant due de Guise; d'Espignac, archeveque de Lyon et
fougueux apotre de la ligue , sont arretes. A 1'extremite du corps-de-logis,
dans un pilier creux, se trouvait pratique un noir red nit dont une porte
de fer scellait 1'otiverture : on les y enferme. Vingt-quatre lieures se pas-
sent, et ils ne sont pas encore assassines. Pourquoi? Les meurtriers du
due de Guise avaient recule devant 1'enorme peclie de porter la main sur
des pretres , et il fallut cbercher un miserable soudard qui , pour quelque
argent , depecha le cardinal a coups de pertuisane. On etait rassasie de
sang , on fit grace a 1'archeveque.
Non loin du cachot, se voient les grandes oubliettes , profond precipice
ou se resolvait, dit-on, le dernier mot de la justice feodalc, el an fond du-
quel on lancait les victimes. Les deux cadavres n'y furent point jetes. Mais
regardez cette grande cheminee qui, par suite des degradations de I'edi-
fice, se trouve aujourd'bui suspendue dans les airs , un brasier s'y allume;
on y pose les deux corps sur les cbarbons ardents qui les consument
La ville de Blois renferme encore des hotels fort remarquables par les
souvenirs qui s'y ratlachent : celui du due d'Epernon, dans la cour du
chateau, a cote de celui du cardinal d'Amboise; 1'hotel dc Guise, rua
Chemonton ; 1'hotel de la famille Hurault, qui donna a Henri IV le chan-
celier de Cheverny, dont les descendants existent encore dansle Blaisois,
et sont meme representes au Congres par notre jeone collegue , M. le
comte Hurault de Vibraye. L'hotel d'Aumale, dans la rue du Putts-Chatel,
renferme une chapelle du temps de Louis XII , ornee de peintures parfai-
tement conservees, d'un prix inestimable pour les curieux; dans la rue
Neuve, une porte decoree de delicieuses arabesques, aujourd'hui bien
mutilces , ainsi que 1'hermine qui occupait le milieu du fronton , revele
1'ancienne demeure d'un des grands officiers de la reine Anne de Bre-
tagne.
218 QUATRIEME SECTION.
La plus belle de toutes ces demeures, et celle dont il reste le plus de
debris intacts, c'est 1'hotel d'AHuyes, dans la rue Saint-Honore.
Get hotel a ete construit vers le commencement du xvi.e siecle par Flo-
rimond Robertet-le-Grand, ministre et secretaire d'etat sous Charles VIII,
Louis XII et Francois I.er Avaut une demolition qui a etc faite en 1812 ,
il se composait de quatre corps de bailments reunis a angle droit, formant
un carre an milieu duquel etait une cour. Il n'en reste que deux bien con-
serves. Le principal corps est precede , du cote de la cour , par un peri-
style dont les arcades sont a plein-cintre. On voit encore dans cette maison
de nombreuses sculptures dans le gout de la renaissance , dont quelques
unes parfaitement executees, et une cheminee colossale chargee d'orne-
ments d'un Ires beau travail.
Un avocat , le principal redacteur et le commentateur de la coutume de
Blois, Denis Dupont, inspire par toutes les pensees d'art que le sejour or-
dinaire de la cour, a Blois, avail rendu populaires dans le pays, avail fait
clever a cote de 1'hotel d'AHuyes une habitation dans le style le plus orue
de 1'epoque de la renaissance; on en admire les resles dans une cour
etroite , placee a 1'angle des rues Sainl-Honore el Porle-Charlrame.
Tel esl le resultat des observalions que nous a suggere la promenade
dont j'ai eu a rendre compte ; heureux si, au milieu de toules les emotions
que nous ont fail cprouver ces lieux. on 1'histoire el les arts out grave tan I
de souvenirs, ces lignes ont pu vous en relracer quelque empreinle.
L'ordre du jour appelle la communication de difle-
rents sceaux , qui doit etre faite a la section par M. le
vicomte de Courteilles ( de Tours). II presente d'abord
un sceau de Jean de Chastillon , cornte de Blois, mort
en 1 262 ; 1'accompagne de quelques notions historiques
sur ce seigneur, et offre a la Socie'te academique de Blois
une empreinte fidele de ce sceau , un sceau de Louis XII ,
de Hugues de Chaumont, et plusieurs autres. II commu-
nique une charte de fondation du prieure de Saint-Ma-
clou, a Sablt3, et publiee avec des fautes dans le Spi-
cilege d'Acheri. Ce monument est une piece d'une haute
importance par sa date ( 1067) et par sa conservation.
QUATRIEME SECTION. 21$
M. de Courteilles presente egalement plusieurs livres
manuscrits. Cette communication donne lieu a diverses
considerations sur le peu de soin apporte a la conser-
vation de nos anciens monuments.
II ne reste plus au programme des travaux de la sec-
tion, quela question inseree au programme sous len.° 8.
M. de la Fontenelle donne quelques details sur 1'em-
ploi de la pierre coquilliere pour les tombeaux dans une
assez grande etendue de pays , sur les rives de la Loire.
Cette pierre coquilliere paraissait provenir de Doue , en
Anjou, point important au moyen age, sejour de Louis-
le-Debonnaire , alors roi d'Aquitaine ; mais on en a
trouve dans d'autres lieux , lorsqu'on pouvait employer
des pierres qu'on eut beaucoup plus facilement trouvees
a une grande proximite. II a dii exister un motif, au-
jourd'hui inconnu , pour 1'emploi exclusif de la pierre
coquilliere pour les auges ou cercueils, surtout dans
les xi. e et xn. e siecles. La meme particularite a ete re-
marquee dans la Normandie.
On a vu dans certains lieux une sorte de manufacture
de ces cerceuils qui s'exportaient au loin.
La section croit devoir appeler 1'attention des archeo-
logues sur la recherche des motifs qui faisaient employer
la pierre coquilliere pour les tombeaux, dans des pays
ou cette pierre n'existait pas, lorsque des pierres d'une
nature plus parfaite se trouvaient sur les lieux.
M. Duchalais communique quelques details su-r la
decouverte de tombeaux faite a la Moise, pres Taversr
220 QUATRIEME SECTION.
canton de Beaugency. Ces tombeaux etaient formes de
compartiments de briques, converts egalement en bri-
ques. On trouvait des squelettes ranges, places la tete
du cote du sud, et, aupres d'eux, des fragments de
vases. On porte le nombre a vingt,mais lesfouillesn'ont
pas ete completees.
M. de la Saussaye mentionne de nombreuses de'cou-
vertes analogues, ou les tombeaux sont accompagnes de
petits vases troues qui sont places autour ou aupres des
cercueils. On les trouve dans des inhumations anterieures
au xii.e siecle, notamment a Blois, dans 1'emplacement
de 1'ancienne eglise Saint-Sauveur. Ces vases contiennent
ordinairernent des charbons, et paraissent avoir tenu lieu
de cassolettes.
M. Duchalais expose que dans un cercueil trouve a
Candes-sur-Loire , ou mourut saint Martin, et place
sous le porche d'une eglise, on a rencontre un squelette
enveloppe debandelettes. L'eglise ne paraitpas remonter
au-dela du xn.e siecle.
La question renvoyee a la quatrieme section par la
cinquieme, et relative a I'mfluence de la cbute de Gonstan-
tinople surnotre litterature, nepouvantetre traitee dans
cette derniere seance , est renvoyee au prochain Gongres.
Les secretaires, Le president,
A. DU PLESSIS , A. DE CAUMONT.
F. DE SAULCY. Les vice-presidents,
DE LA FONTENELLE DE VAUDORE",
GRANDGAGNAGE, JORAND.
QUATRIEMK SECTION. 221
CINQUIEME SECTION.
Seance du lundi 12septembre 1836.
^residence de M. E. GAILLARD ( de Rouen J, doyen d'dgc ,
et ensuite de M. SPENCER SMITH ( de Londres).
LA seance est ouverte a onze heures et demie. — On
precede a la formation du bureau definitif ; 38 membres
de la section prennent part au vote. M. Spencer Smith
ayant reuni 30 voix est proclame president de la cin-
quieme section du Congres.
Au moment ou M. le president d'age annonce aux
membres presents qu'ils vont voter pour la nomination
d'un vice-president, M. de la Saussaye demande la pa-
role. II propose que la section nomme deux vice-presi-
dents , et s'appuie des precedents de deux sections du
Congres. M. de la Fontenelle appuie cette proposition ,
que combat M. Ghatelain. Selon lui, toute section du
Congres n'en est qu'une fraction , soumise a 1'observation
du reglement general , arrete et signe par tout membre
du Congres a son arrivee ; et quoique les sections soient
independantes les unes des autres dans 1'ordre de leurs
travaux, il doit y avoir neanmoins uniformite a cet
egard; autrement il serait vrai de dire que chaque sec-
tion serait gouvernee par un reglement particulier , ce
222 CINQUIEME SECTION.
qui serait contraire au but meme de ['institution du
Congres.
M. le president ayant consulte 1'assemblee sur la pro-
position de M. de la Saussaye, la majorite decide qtie
deux membres seront nommes comme vice-presidents.
Le resultat du scrutin ayant donne 20 voix a M. de
la Porte ( de Vendome ) , et 22 a M. Chatelain (de Paris),
M. le president d'age proclame MM. Chatelain et de la
Porte vice-presidents de la cinquieme section. M. Cha-
telain declare ne pas accepter la nomination qui le con-
cerne comme etant, selon. lui, contraire au re'glement,
et se reserve d'en deduire les motifs a I'assemblee gene-
rale du Congres.
o
M. le president consulte Tassemblee sur le maintien
du secretaire provisoire , qui est confirme dans ses fonc-
tions. M. Doublet de Boisthibault (de Chartres) est
nomme en la meme qualite par la section.
M. Spencer Smith exprime ses remerciments dans
une courte allocution, qui est vivement applaudie par
I'assemblee.
M. le president donne lecture a la section de la pre-
miere question posee par le programme. M. Gaillard lit
un mernoire sur cette question. Ce discours devant etre
reproduit, 1'analyse en sera donnee dans le prochain
proces-verbal.
M. le president consulte la section sur le point de
savoir si elle s'en remettra au bureau pour fixer chaque
jour Tordre des questions qui seront debattues. La sec-
CINQUIEME SECTION. 223
tion declare sen remettre , a cet egard , aux soins des
mernbres du bureau. M. Gaillard rappelle que plusieurs
questions n'ont pas ete resolues par le Congres de Douai ,
et ont ete renvoyees au Congres actuel, qui aura a s'en
occuper.
Seance du marcli 13 septembre 1836.
Presidence de M. SPENCER SMITH.
M. Doublet de Boisthibault, 1'un des secretaires,
donne lecture du proces-verbal de la seance de la veille.
Le proces-yerbal est adopte.
M. Chatelain demande la parole. II expose que les
motifs qui 1'avaient porte a refuser la vice-presidence
n' existent plus au moyen de ce que Fassemblee generale
du Congres a modifie son reglement, ou 1'a explique
dans un sens qui confirme les operations de la cinquieme
section relativement a la formation de son bureau ; il
declare que si la section veut bien lui confirmer la vice-
presidence, il I'acceptera avec reconnaissance. La section
confirme par acclamation la nomination de M. Chatelain,
qui prend place au bureau.
M. Merson, capitaine, commandant le depot de re-
crutement a Blois, depose sur le bureau une demande
tendant a etre autorise a lire, en seance generale, un
mernoire portant pour titre : Du caractere mercantile el
224 CINQUIEME SECTION.
•venal de la prcsse litteraire et de I influence de ce vice
social sur les travaux des gens delettres.
La discussion s'engage sur la demande faite par M. le
capitaine Merson de lire a la seance generale le memoire
dont le litre est indique plus haut. A ce sujet, M. Cha-
telain obtient la parole , et fait observer que la redaction
de la demande de M. Merson est inusitee et contraire a
1'usage etabli par les precedents Congres ; usage qui veut
qu'un memoire soit prealablement lu dans la section a
laquelle il appartient par la nature de son sujet. La
section decide qu'il y a lieu de suivre ce precedent , et que
la lecture du memoire de M. Merson sera entendue le
lendemain dans la seance ordinaire de la section de
philologie.
La section passe a 1'ordre du jour qui appelle la lec-
ture d'un memoire de M. Joseph Bard sur la 3.e ques-
tion du programme, a laquelle il a donne la forme sui-
vante :
« Quel est des types artiels du xv.c siecle ou de la renaissance , celui
» qui doit prevaloir aujourd'hui dans 1'ornementation des maisons parti-
» culieres? »
M. de Re'cy donne lecture du memoire dont la section
vote 1'impression au proces-verbal.
TOVT x FOR x DIEV
ET x LAMOVR - TOIOVRS
On a long- temps appele barbare, messieurs , tout ce qui s'eloignait de
la beautc convenue , et toute climaterique de I'architecture helleno-ro-
CINQUIEME SECTION. 225
romaine. Les academies se sont figure qu'une colonne devait necessaire-
ment etre vetue de feuilles d'acanthe a sa tele, pour offrir Pelegance du
galbe unie au grandiose architectoral ; et, exclusives dans leurs admira-
tions classiques, elles ont laisse tomber leurs dedains sur Tart sublime
que nos percs iirent pour leurs moeurs , leurs besoins , leur religion , leur
ciel, leurs habitudes publiques et privees. Si le sobriquet de gothique,
adopte, dans les beaux jours de la renaissance, par opposition avec les
lignes nouvelles qui surgissaient impatientes et fieres , si ce mot-non-sens
ne datait pas du xvi." siecle, les academiciens 1'eussent certainement in-
vente , et 1'auraien-t transmis a leurs obeissants successeurs avec tant d'au-
tres traditions, mortelles pour Pemulation, mortelles pour le progres.
Hcureusement la litterature nationale a parle plus haut que Pacademie ,
ce senat muet ou le sacerdoce artiste compte a peine quelques pretres ; et
nous commencons a comprendre combien digne de notre etude , de nos
sympathies, de notre palriotisme, est 1'architectonique du moyen-age,
cette ecole vraiment francaise qui, dans les premiers ans du xm.e siecle,
a la voix de Philippe-Auguste , se formula dans les mains d'un ROBERT
DE LYZARCHES * , d'un ROBERT DE COVCY ** , d'un EVDES
DE MONTREVIL ***. Nous savons apprecier tous les episodes, tous les
chants de cette grande epopee de pierres , renfermee dans les trois siecles
virils du moyen age , de M CC XX a M D XX , qui debute avec la cathe-
drale d' Amiens et fmit avec Pcglise de Brou; poeme incroyable dont la
langue est austere au xni.e siecle , ornee dans le xiv.e , riche dans la pre-
miere moitie du xv.e, opulente jusqu'a la confusion et a la prodigalite dans
la seconde portion de ce meme siecle, et enfin mourante au xvr.e; poeme
populaire et universel qui eut des significations pour tous, des sens ac-
cessibles pour tous; qui dans un temps ou les enseignements ecrits, les
Hvres etaient rares, resuma pour tous, en d'eloquents commentaires , 1'his-
toire sainte et 1'histoire des rois , la philosophic de Pepoque , 1'astronomie
de 1'epoque , les martyrologes , la critique , tous les arts fils du dessin , la
poesie, qui devina jusqu'a la caricature, et fit pour le peuple ces musees
permanents ou le peuple pouvait voir les traits de tous ses bienfaiteurs.
De MCC XX a M D XX, messieurs, 1'architecture ajoue le role social que
Pimprimerie remplit aujourd'hui. Depuis quelques annees, on a cru re-
marquer un systeme complet dans cette apparente absence de toute me-
Notre-Dame il'Amieus.
' Notre-Dame de H.heims.
"* Sainte-Chapelle de Paris.
17
22G CINQU1EME SECTION.
thode ; on a appris avec quelque plaisir que cette ecole prctendue gothi-
qne n'etait autre chose que le troisieme type conuu d'architecture ; peut-
etre on a entendu , avec orgueil , proclamer, sur le sol francais, cette
verite incontestee aujourd'hui : que la France est le berceau de ce type ,
parce qne settle, en Europe, elle possede ces monuments de transition de
MCLX, qui mcnent du germe a la maturite, verite que je m'estime
heureux d'avoir pu faire retentir un des premiers ; et la mode qui , en ce
pays , s'empare de tout , s'est empressee de remettre en faveur les lignes
Teputees barbares du moyen age. — Mais , si 1'on a compris le symbo-
"lisme de 1'architecture nationale , si Ton s'est bien rendu compte de ce
sentiment profond de traduction sociale qui la caractcrise et lui faisait
toujours ecrire au front d'un edifice la destination dn monument; il ne
parait pas , toutefois , que les architecles soient entres bieri avant dans son
^esprit, qu'ils se soient approprie ses secrets. On a fait de I' art moyen-
,dge, rococo, de Fart rachitique, tuberculeux , estropie, rabougri, appli-
que machinalement a des cbaires de carton, a des estamiuets, a des bou-
tiques , a des couvertures de livres , a des papiers peints. Mieux vaudrait
imiter completement le type helleuo-romain que de contrefaire 1'art na-
tional. Et puis , aujourd'hui , a 1'heure meme ou j'ecrrs ces lignes , cette
.mode dont 1' empire est si capricieux et si mobile, a tourne son sceptre
vers 1'ornementation du style anterieur au type francais , vers ces profits
•christo-romans qui tantot , tradition affaiblie du type grec du Bas Empire,
sous le nom de systeme byzantin , tantot tradition corrompue du systeme
romain, sous le nom de style roman, ont regne dans les Gaules depuis
U-s premiers siecles de 1'eglise jusqu'au xn.e
IL
Si tant est que les architectes francais se reveillent , ils ont une double
mission a remplir. D'abord , ils dcvront restaurer nos eglises avec 1'or-
tbographe du temps qui les erigca , puis faire servir aux jouissances des
princes et aux demeurcs des particuliers , cet art francais qui , parfaitement
en harmonic avec notre climat, n'a pas cesse de snffire a nos besoins.
Qu'y avait-il , je le demande meme a tons les hommes aveuglement epris
d'un culte fanatiquc pour la monotonie des constructions modernes , toutes
stcreotypees, toutes frappees du meme sceau , toutes vides de significa-
tions , d'histoire , de symboles; qu'y avait-il de plus pittorcsque que la cite
du moyen-age? - — Nos architectes n'auront plus de forlcresses a batir,
car la feodalite militaire est tombce : la inaison-de-ville, avec son role d'op-
position et d'iudopendancc du xv.e siecle, a du perdre ses personnifica-
CINQUIEME SECTION. 227
tions, son individualite arohitectonique ; ils n'auront plus a clever des
maisons-de-ville , jeunes rivales de la basilique , tabernacles des franchises
communales abrites sous 1'aile puissante du catholicisme , avec leur sym-
bolismc moitie civil et moitie religieux. Mais la meme religion qui bcnis-
sait nos peres nous reste , les memes saints que fetaient nos aieux , vers
le foyer domestique que le Christ a sanctific , dans les joies touchantes dw
banquet de famille , les memes saints sont encore nos patrons ; mais le ciel
indecis , melancolique que voyaient les Francais de M CCCC , nous le
voyons encore ; mais la cathedrale n'a pas cesse d'etre pour nous ce lieu
infini, cette ineffable realisation materielle du plus auguste des mysteres,
ou 1'homme s'agcnouille , prie et espere. Ainsi done les plus grands be-
soins de I'humanite, 1'eglise et la maison ne repoussent point 1'architecture
du moyen age. Notre patriotisme present la reclame ; il s'ecrie aux archi-
tectes : « Adoptezle style helleno-romaln pour les bourses, les theatres ,
les lavoirs , etc., rien de mieux ; mais refaites du moyen age dans nos
basiliques et nos demeures. » Nous sommes force de restreindre ces appli-
cations aux royales residences et aux habitations des riches citoyens , car
il faut que 1'art soil largement retribue , et ne 1'encourage pas qui veut.
Les lignes du xin.e siecle sont trop severes pour nos mceurs effeminees ,
elles exigent des monuments concus sur line vaste echelle en hauteur, en
longueur et en largeur. Celles du xiv.e siecle, qui sont la transition abso-
lue entre la severite et la richesse , ne leur conviennent pas mieux. L'art
du xv. c siecle est trop exuberant de details, trop charge de parties acces-
soires , trop pauvre en portions lisses , trcp chamarre de profils ouvrages ,
evides, fouilles, brodes, perces en dentelles, osuvres desesperantes de pa-
tience , de resignation , de devouement a la gloire. — J'admets qu'il se
trouve, en France, quelques escarcelles assez opulentes pour faire vivre
un pareil art , ou trouver , grand Dieu ! les tailleurs d'ymaiges , les cise-
leurs de chataigner, les decoupeurs de rosaces et de pinacles, de frises,
de chapiteaux , de gargouilles , de modillons et de rinceaux ; qui oserait se
risquer a de telles epreuves ?
II y a , dans les premiers ans du xvi.* siecle , un systeme d'ornementa-
tion vigoureusement accentue , mordant , plein de verve et d'imagination ,
qui est encore une transition entre Fart national corrompu et la renais-
sance crue , ce systeme qui tend la main droite a ROBERT DE LVZAR-
CHES, et la main gauche a MICHEL ANGE,comme je 1'aideja ditailleurs,
offrant unis sur la meme tige les germes de la renaissance et les dernieres
fleurs de 1'architecture fraricaise ; ce systeme ne peut pas encore devenir
usuel et populaire a V'epoque ou nous vivons. Toutes les idees architecto-
228 CINQUIEME SECTION.
rales du x\.e siecle dcmandent des voutes en ogives, des routes arbores-
centes, panachecs, pleines de nervures , d'ecussons poses cntre deux an-
ges a gcnoiix, a longues ailes : elles exigent de hautes et compliquees
iViK-lrcs a cintre elliptique , a meneaux entortilles , a decoration flamboyautc.
Rien de tout cela ne pent raisonnablement s'adapter au plan generalement
mesquin de nos maisons particulieres.
Au reste, messieurs, une question d'argent, nous ne saurions nous le
dissimuler, domine toute celte discussion. L'art riche du xv.e siecle, 1'art
tel qu'il fut dans ,la premiere periode de ce siecle , avant que les folies et
les caprices des maitres de I'ceuvre ne 1'aient pousse aux dernieres limites
de la degradation , cet art aurait toutes mes sympathies ; je le reclamerais,
a grands cris, pour la decoration de nos maisons, s'il etait possible avec
notre societe, s'il etait compatible avec nos lesineries, nos ressources pe-
cuniaires etroitcs , le prix enorme de la main-d'oeuTre , nos idees tournees
\ers le positif et la prose.
HI.
La renaissance pure , au contraire , celle d'Henry II , se marie parfaite-
mcnt bien a nos plafonds planes , aux proportions exigues de nos apparte-
ments et de nos dcmeures , a la methode de constructions que nous avons
du forcement subir dans un siecle pareil au notre. La docte assembled ,
messieurs, n'a pas demande quel etait, du style de la renaissance ou de
celui du xv.e siecle, celui qui meritait le plus d'estime; elle a demande
quel etait le plus applicable a notre societe prcsente. Aussi bornes que
nous le sommes dans nos moyens de payer 1'art, aussi borne qu'est 1'art
clans ses moyens d'execution , nous ne pouvons demeurer indecis entre le
xv.e siecle et le xvr.e Rappelons done , nous tons , modestcs citoyens,
qui vivons heureux et obscurs a 1'ombre d'uri patrimoiue suffisant pour
notre position sociale, rappelons, pour nos usages, 1'art de la renaissance.
Laissons 1'architecture francaise aux basiliques , aux palais ; invitons les
grands seigneurs a se batir des demeures dans le gout de la maison-de-ville
de Louvain ( xv.e siecle ) ; mais no'js , masse et majorite , contentons-nous
de la renaissance. Que les niches, les pied-droits, les pilastres histories,
les figures capuchonnees , les mascarons, les arcatures, les dais, les con-
soles, les culs-de-larnpe de ce temps reparaissent dans nos salons avec les
frontons brises , les torsadcs et les ornemcnts vermicules. Que chaque
meuble, depuis le tabouret aux pieds contournes, vetu de drap rouge
frange , depuis la glace emprisonnee dans un cadre noir dentele , jusqu'aux
CINQUIEME SECTION. 229
coffres, aux babuls, aux tables admirables de 1'epoque , forment 1'ameu-
blement. J'opte done pour le style de la renaissance approprie a nos be-
soins actuels par la raison financiere que j'ai precisee plus haul , ensuite
parce que nos architectes comprennent gencralement bien mieux le xvi.e
siecle que le xv.e — Le xv.e siecle, voyez-vous, c'est la pente glissante de
1'art : la transition de la richesse a la confusion , dans cette periode , est
presque insensible, et nos artistes ne semblent pas habitues a distinguer
le type encore correct dans son opulence, du type decidement abatardi.
En cette matiere, messieurs, les arcbitectes sont moins avances que les
poetes , telle est mon opinion. Faisons done de la renaissance a 1'exterieur
et a I'interieur de nos maisons ; mais de la renaissance unitaire , homogcne ,
identique , sentie , sans barbarismes , sans anachronismes , sans fautes d'or-
thograpbes , sans reminiscences etrangeres.
L'ogive * , messieurs , ne constilue pas d'avantage 1'architecture nalio-
nale que le plein-cintre ne constitue la renaissance : il y a un genie propre
a chaque style, il est comme le genie des langues, comme la vie, on les
comprend encore mieux qu'on ne les traduit. J'ose assez compter sur vo-
tre indulgence pour croire que ces quelques lignes rapidement pensees et
plus rapidement ecrites , seront entendues par vous avec quelque interet.
— C'est par des motifs tout positifs , tout locaux , tout relatifs , que je me
suis prononce pour la renaissance, qu'on ne pent raisonnablement m'ac-
cuser de preferer au type francais dont je suis 1'apotre et dont je serais
presque le martyr. Je regrette vivement de n'avoir pu , dans un discours
lu au milieu des questions soulevees par la discussion , donner a ce frag-
ment tout le developpement que comportait le sujet. Si pourtant vous ne
le croyez pas indigne de figurer dans le compte-rendu de votre session, je
me feliciterai de cette distinction comme d'un eclatant suffrage.
M. Emm. Gaillard (de Rouen), qui n'etait point pre-
sent a la lecture du memoire de M. Joseph Bard , deve-
loppe des moyens analogues a ceux exprimes dans le tra-
vail qui precede ; il arrive , par une suite de raisonnements
pareils, a la meme conclusion , et il ajoute que le style
* L'ogive pst sans tloute im des principaux caract^res dii type national, mais elle
n'en est point du tout le principe generatuiir j on a fait du systdme francais avec le
pleiu-cintre, et on a trouve des ogives mcme dans des edifices du xi e siecle .
230 CINQU1EME SECTION.
grec lui semble toujours en opposition avec notre
climat et nos mceurs. II fait remarquer qu'une partie de
1'effet de ce style provenait, surtout, de la maniere dont
les anciens placaient leurs monuments, sur des points
toujours culminants et dans leurs villes souvent cons-
truites en amphytheatres , tandis que chez nous le cli-
mat brumeux ne permet pas qu'ils soient places sur des
points eleves ou 1'action d'un air humide serait furieste
a leur conservation; il termine done en emettant le voeu
que le gouvernement renonce a Farchitecture grecque
pour les monuments publics, et qu'il applique ses res-
sources a la resurrection de Fart national de 1440, en
diminuant le nombre de ses constructions pour pouvoir
en elever de plus veritablement dignes de la nation et
plus en rapport avec ses souvenirs.
M. de Gaumont (de Caen) declare qu'il prefere le style
ogival de 1440 aux autres styles d'architecture qui font
Fobjet de la discussion.
Apres quelques observations de M. de la Fontenelle
( de Poitiers ) , de M. de la Porte , de M. de Re'cy et de
M. Chatelain, la question ne parait pas a Fassemblee
assez approfondie pour etre decidee , et la section de'clare
qu'elle sera reproduite apres les autres questions qui res-
tent a discuter.
M. Fabbe Latouche ( de Paris ) est entendu sur le sys-
teme qui fait Fobjet des ouvrages de linguistique qu'il a
offerts a la cinquieme section : il developpe sa methode ,
et fait connaitre qu'il a place tous les mots qui compo-
CINQUIEME SECTION. 231
sent les langues , clans un ordre rationnel qui facilite
singulierement leur etude et leur connaissance. Par sa
methode, en uiie heure il apprend a lire Fhebreu ; dans
line seconde heure , il dorine a ses eleves des notions suf~
fisantes de la grammaire hebraique; au bout d'une troi-
sieme heure d'etude, ses eleves peuvent traduire les pre-
miers versets de la Bible. II ajoute que la connaissance
de 1'hebreu menant rapidement a celle de toutes les
autres langues , sa methode a pour effet d'arriver avec
une promptitude extraordinaire ace resultat.
La section entend avec beaucoup d'interet les deve-
loppements donnes par M. 1'abbe Latouche; elle le re-
mercie par 1'organe de son president de I'hommage qu'il
lui a fait de ses differents ouvrages.
M. le president propose de nommer une commission
pour entendre M. Latouche dans le developpement de
1' application de sa methode , examiner ses ouvrages et
conferer avec lui.
Apres quelques observations de MM. Doublet de Bois-
thibault, Gaillard, de Recy, de M. Latouche lui-meme ,
qui prie la section d'aviser aux moyens de faire coHnaitre
le plus tot possible au Congres, en asseniJblee generate,
son opinion sur sa methode et sur le resultat de ses
travaux , le bureau nomme, dans le but qui vient d'etre
indique , une commission composee de MM. de Month-
vault (de Tours), etsons sa presidence, de M. le docteur
Roberton ( d'Edimbourg) et de M. Gaudeau (deBlois).
M. Andre ( de Bressuire ) fait observer qu'il serait a
« ' •
232 CINQUIEME SECTION.
desirer qu'une salle fut indiquee dans le lieu des seances
du Congres, pour y deposer tons les ouvrages offerts
aux differentes sections , et ou chaque membre pourrait
aller les consulter.
M. Chatelain propose d'effectuer ee depot a la biblio-
theque de la ville de Blois, qui doit rester depositaire
des ouvrages offerts au Congres, et trouver dans cette
circonstance une nouvelle occasion de se reporter aux
souvenirs que le passage du Congres scientifique de
France aura laisses dans son sein.
M. de la Place ( d'Orleans ) fait observer que la bi-
bliotheque est ouverte aux heures des travaux du Con-
gres; il pense qu'il serait plus facile aux membres de
1'assemblee de prendre communication des ouvrages
dont on lui a fait hommage , dans une salle du palais de
justice ou elle tient ses seances; il ajoute qu'il serait a
desirer qu'une personne fut commise a la garde de ces
livres.
M. de Saint- Vincent ( de Blois) pense que la salle du
conseil conviendrait parfaitement a cet objet.
M. le president consulte la section qui demande que
cette mesure soil transmise par le proces- verbal de la
seance a 1'assemblee generale du Congres.
Seance du mercredi 14 septembre 1836.
Presidence de M. DE LA PORTE, vice-president.
M. le president annonce a la section queM. Victor Pavie
(d' Angers) a fait remettre un memoire sur cette question :
CINQUIEME SECTION. 233
« En architecture, lequel du style ogival, dit gothique-fleuri (1440
» a 1477) ou du style de la renaissance (de Louis XII a Francois II)
» parait le plus propre a orner nos demeures, soit urbaines , soil rurales. »
( La 2.e du programme. )
M. le president rappelle que cette question ayant ete
mise en discussion dans une precedente seance, la sec-
tion en a renvoye I'examen apres les autres questions.
Sur cette observation , la lecture du memoire de M. Pavie
est ajourn^e a 1'epoque ou la discussion sera ouverte
de nouveau.
L'ordre du jour indique la lecture du memoire de
M. Merson.
M. Houze (de Blois) exprime a la section la crainte que
le sujet traite parM. Merson n'amene des discussions irri-
tantes. Selon lui , ce memoire devrait etre communique
a la commission permanente, chargee par 1'article 2
<.?u reglement d' examiner les questions en dehors de
celles posees par le programme. La section decide que
la lecture aura lieu. M. Merson lit son memoire, et de-
rnande a la section d'etre autorise a en donner- une se-
conde lecture en assemblee generale. M. Dain ( de Paris )
pense que sans s'arreter aux opinions individuelles qu'a
pu emettre M. Merson pour justifier son opinion gene-
rale, c'est uniquement cette derniere que la section doit
examiner et apprecier. M. Merson, en effet, signale et
public un vice frappant, qui ne tend a rien moins qu'a
la degeneration de 1'art et a la corruption sociale. L'in-
telligence humaine a deux laches a remplir : elle doit
234 CINQU1EME SECTION.
critiquer et organiser. Pas tine bonne organisation qui
n'ait etc precedee d'une bonne critique, et pour le cas
special, pas de moyen de rendre a Tart, avec I'honneur
qui lui est du , la haute influence morale etreligieuse qu'il
doit exercer, si Ton ne fletrit les abus condamnables et
les speculations honteuses qui , 1'ayant envalii, menacent
de le detruire. Une discussion tres vive s'ensraofe ensuite.
O D
MM. Gaillard, Chatelain et Doublet de Boisthibault
s'opposent a la demande de M. Merson. MM. Maigreau
(de Blois) et M. de Gourteilles ( de Tours) appuient, au
contraire, la proposition de M. Merson, quant a la lec-
ture en assemblee generale.
M. le president ayant consulte la section, elle decide
que la lecture du memoire aura lieu en assemblee ge-
nerale.
Seance du jeudi 1 5 septembre 1 836.
Presidence de M. SPENCER SMITH.
M. de Boisthibault depose sur le bureau une proposi-
tion, par laquelle il demande a etre autorise a lire a la
section, dans la seance du samedi 17 septembre, un me-
moire ayant pour litre : De Vetat actuel de lapresse en
France.
La section consultee decide que la lecture aura lieu.
M. Chatelain communique a la section une lettre de
M. Daly (de Paris) qui le prie de faire connaitre au
Congres, qu'il a entrepris 1'architectonographie de la
CINQUIEME SECTION. 235
cathedrale de Chartres; que cette entreprise n'a pour
but que 1'interet de 1'art, et ne se rapporte a aucune es-
pece de speculation. II cherchera surtout a reproduire
par ses dessins ce qui interesse 1'histoire des progres de
1'art gothique, histoire qui se trouve tout entiere dans
la cathedrale de Chartres. Son travail aura un double
but d'utilite; il servira aux archeologues , en ce que
cliaque siecle sera traite d'tme maniere tres complete.
En consequence, M. Chatelain depose sur le bureau
une proposition concue dans les termes suivants :
« Le Congres , apres 1'examen fait par chacun de ses membres d'un
» premier dessin representant le choeur de la cathedrale de Chartres, du
» au crayon de M. Daly , donne son suffrage a 1'oeuvre de ce jeune artiste.
» En consequence, le Congres emet le voeu que le gouvernement enoou-
» rage la publication tout artistique de M. Daly , et il la recommande a
» tous les amis des arts. »
Gette proposition est adoptee.
M. de Recy^demande que la lettre de M. Daly soil lue
dans 1'assemblee generale du Congres. La section auto-
rise cette lecture.
M. Gaillard a la parole sur la l.re question du pro-
gramme.
Le genie, dit-il, invente, et il est fort rare. C'est a lui qu'on doit les
modeles; 1'art perfectionne, soit par 1'imitation des modeles, soit par le
melange des types. Quand 1'art est purement imitate.ur, il porte dans les
details un fini qui manquait aux modeles restes , lors de leur apparition ,
presque toujours inutiles.
Il y a des circonstances qui etouffent le genie; c'est la premiere cause
dc la difference qui existe entre chaque siecle. Un grand siecle est celui
236 CINQUIEME SECTION.
oil le genie est excite a se produire, et aiusi se torment les types destines
a servir de modeles.
Au contraire, un siecle est sterile quand le genie n'a aucun interet a
rechercher les types ; c'est le sort frequent des derniers siecles.
II en est de 1'art comme du genie : les circonstances 1'encouragent ou
le decouragent; mais ces circonstances sont particulieres a 1'art, et tres
differentes de celles propres au genie.
Limitation qui appartient a 1'art n'est ni une copie , ni une traduction :
c'est une vue dirigeante , un principe d'inspirations ; le sujct differe , et la
forme est variee. Milton n'est ni Homere , ni Virgile ; il est du siecle des
trembleurs et des independants.
Pour les choses de 1'esprit , Petat de Pidiome est done une chose capi-
tale , relativement au developpement de Part et a ses progres.
Il sera naissant, si 1'idiome s'est assoupli dans ses tours et enriehi dans
son vocabulaire ; florissant , a Pepoque ou la laugue sera noble et ricbe ,
et toujours il tombera dans la decadence , lorsque les sujets deviendront
vulgaires et rebattus ; c'est alors qu'on n'a plus de ressources que dans
des genies nouveaux, createurs de nouyeaux types.
Mais le melange des types peut donner lieu a beaucoup d'abus; avec
la comedie et la tragedie on peut faire le drame, et alors s'annonce la
decadence de Part theatral. Si on pretend , d'un autre cote , enrichir une
langue fixee, il resulte souvent plus d'etrangete dans le langage que de
veritable progres. Toutefois, du melange des types il peut et il doit sou-
vent resulter des beautes : temoins Telemaque , Paul et Virgiuie , et les
Martyrs.
M. Dain ne partage pas 1'avis de M. Gaillard. II fait
observer que la distinction etablie entre 1'art et le genie ,
par 1'orateur qui 1'a pre'cede, est plus specieuse que
reelle. Le genie, dit-il , c'est Fessence : 1'art c'est la
forme, et comme le genie ne peut se produire sans 1'art,
comme il ne peut se manifester a nous sans son secours,
que sans 1'art il est comme s'il n'existait pas, M. Dain
ne voit pas dans 1'etat de la question la possibilite de
separer 1'art du ge'nie, et il pense que 1'art, comme ma-
CINQUIEME SECTION. 237
infestation du genie, est la seule consideration que la
question doive embrasser.
Or, comme le but de Tart est d'augmenter dans tous
ses termes , dans tous ses developpements le bonheur
des hommes reunis en societe , il dit que tout ce qui fa-
vorise le developpement du bien-etre social favorise le
developpement de Tart; que les memes circonstances
favorables a 1'un sont favorables a 1'autre. En conse-
quence, il pense que les differences remarquees entre
1'etat plus ou moins florissant de Fart aux diverses epo-
ques tiennent a 1'etat plus ou moins developpe du bien-
etre social.
Quant a la derniere partie de la question , en la con-
siderant sous les memes rapports, il la resout par les
memes motifs. L'art naissant suppose un etat de bien-
etre moins avance dans la societe; Fart florissant, cet
etat plus developpe; 1'art en de'cadence , un etat de
malaise qui, selon lui, n'est qu'un etat de transition.
3VT. Gaillard repousse les distinctions faites par M. Dain
entre 1'art et le genie; il donne a ce dernier mot une plus
large signification, une plus haute portee.
M. de Recy pense que la discussion entre M. Gaillard
et M. Dain ne porte, relativement a la premiere partie
de la question a decider, que sur des distinctions peu
importantes , quant a la solution de la question en elle-
meme.
Je partage, dit-il, 1'opinion de M. Dain, que le genie ne se revele a
nous que pai- Tart ; que des-lors 1'art est la seule chose a examiner, puisque
238 CINQUIEME SECTION.
1'art se confond avec le genie, et qu'il cmprunte de celui-ci ses different s
caracteres d'elcvation oti de faiblesse. Sous ce point de vue le genie nc
doit etre considere que comme principe des developpements de I'intelfi-
gence qui nous sont transmis par 1'art.
Si le genie etait compris dans un sens absolu , comme il serait en quelqtie
sorte la perfection, la question a decider en ce moment ne pourrait lui
etre applicable ; si , au contraire , on entend le mot genie dans un autre
sens, il est impossible de le scparer de 1'art, et la question se trouve
reduite dans les termes indiques par M. Dain.
Quant a la seconde partie de le question , je pense avec M. Gaillard que
1'intluence de la langue est immense sur les developpements de 1'art;
qu'il ne pent etre douteux que la parole etant , pour ainsi parler, la cou-
leur de la pensee , la manifestation qui nous en est transmise par I'art n'en
receive son lustre et son eclat. Mais je pense aussi que les differentes
circonstances de 1'etat social d'un peuple influent directement sur la for-
mation de sa langue, et que sous ce rapport il faut tenir compte de ces
circonstances, et de leur influence sur 1'art aux differentes epoques de son
existence.
M. Vallon (de Blois) pense comme M. Emm. Gaillard ,
que le spiritualisme etant la cause du developpement de
1'art , on ne peut dire qu'il soit avec 1'art une seule et
rneme chose. Quant a 1'influence du bien-etre social sur
1'etat de 1'art, dans un rapport analogue, il nie que cela
soit reel, et il cite a 1'appui de son opinion le siecle de
Louis XIV ou 1'art litteraire et 1'art , en general, etaient
bien plus florissants qu'a 1'epoque ou nous vivons, et on
cependant le bien-etre social etait loin d' avoir atteint le
meme degre.
M. Dain repousse F argument de M. Vallon, car, pour
lui, si 1'etat de decadence sociale n'est qu'un etat de
transition , 1'etat florissant n'est qu'un etat relatif corn-
parativement a 1'etat precedent de la societe; sous ce
CINQUIEME SECTION. 239
rapport , an siecle de Louis XIV, le peuple a ete plus
heureux qu'il ne 1'avait ete a aucune autre epoque ante-
rieure; et quant a nos jours, si 1'art est dans un etat de
decadence, c'est que nous sommes dans un etat de tran-
sition. Notre siecle n'est qu'un siecle d'inspiration , plus
tard viendra peut-etre celui du talent et de la science;
mais 1'art en France est loin d' avoir atteint son apoge'e.
On entend encore M. de Longraire (de Verdun) qui
pense que le genie est subordonne au climat, et qu'il
fa lit aussi avoir egard a cette circonstance pour appre-
cier les causes des clifferents etats de Tart.
M. Dain propose la solution suivante :
« Comme il existe entre les differentes parties de 1'etat social d'un peuple
» une correlaticii intime et necessaire qui les unit toutes en ime mutuelle
» dependance de secours et de moyens , en meme temps qu'elle les fait
» progresser ou reculer simultanement dans la sphere du developpement
» social , le Congres estime que les circonstances les plus favorables a 1'art
*' sont les memcs que celles qui sont les plus favorables a la societe en ge-
» neral. Ces circonstances rcsultent de la combinaison de tons les elements
» qui delerminent le bien-etre de la societe.
» II ne convient pas , dans 1'etat de la question , de distinguer le genie
»> de 1'art, puisque 1'art, considere abstractivemeut , n'est que 1'expression
» du genie, et qu'alors les circonstances les plus favorables a Tart doivent
» necessairement etre les plus favorables au genie , et reciproquement. »
Cette resolution est mise aux voix et adoptee.
Seance du vendredi 16 seplembre 1836.
Preiidence de M. DE BOISTHIBAULT, secretaire.
M. Jorand (de Paris) demande qu'il soit fait mention
dans le prochain proces- verbal que dans la seance de la
240 CINQUIEME SECTION.
veille il a proteste centre I'assertion de M. Daly, que la
catbedrale de Chartres offrait 1'histoire entiere du style
que , suivant lui , M. Daly nomme improprement style
gothique.
L'ordre du jour appelle la lecture d'un memoire de
M. Taupier ( de Paris ) , sur une nouvelle methode d'ap-
prendre a ecrire qu'il applique depuis quelque temps. Le
memoire est lu. M. Taupier demande que la section
veuille bien autoriser la lecture de ce memoire en assem-
blee generale et lui donner son approbation.
La section decide qu'il sera simplement fait mention
au proces- verbal de la lecture de ce memoire.
La discussion s'ouvre sur la seconde question du pro-
gramme.
M. Gaillard pense qu'il n'est pas douteux qu'il soit
indispensable pour 1'etude des arts de tenir compte des
differents sieges qu'a eus la puissance, soit royale, soit
princiere, soit provinciale, aux differentes epoques. II
pense meme que la question, a cet egard, presente si
peu de doutes qu'il conviendrait de n'y repondre qu'en
formulant un voeu ainsi concu :
« La section emet le voeu que tous ceux qui s'occuperont d'expliquer
» la marche des arts en France tiennent compte des sieges divers qu'a eus
» a differents siecles la puissance, soit royale, soit religieuse, soit prin-
» ciere ou provinciale. Us y trouveront une foule d'indications sur les
» types primordiaux ou secondaires , modeles imites dans les pays cir-
» convoisins. »
Apres quelques observations de M. de Boisthibault ,
la proposition est mise aux voix et adoptee.
CWQUlfcME SECTION. 241
La discussion s'ouvre sur la 4.e question du pro-
gramme.
M. Jorand demande que la section passe a Tordre du
jour sur cette question, parce qu'il ne peut , suivant lui ,
ressortir que des eclaircissements incertains de 1'etude
ties bas-reliefs representant des instruments de musique
dans les eglises de France, pour faire connaitre 1'etat
de I'mstrumentation au moyen age. Les artistes, dit-il,
ont sans doute suivi les caprices de leur imagination ,
dans la representation des images de musique , bien plus
qu'ils n'ont eu pour but de donner la figure exacte d'ins-
truments existant a leur e'poque. II cite, a 1'appui de cette
opinion , des vases grecs sur lesquels le nombre des cor-
des de la lyre n'est pas etabli d'une rnaniere uniforme.
11 cite egalement les Heures de Charles-le-Chauve , f.°
l.er, ou une lyre est repre'sentee, quoique ce ne fut
pas un instrument de 1'epoque. II ajoute qu'au regne de
Saint-Louis, un grand nombre d'ouvrages representerent
des images de 1'architecture bysantine, et que cependant
le style de cette architecture ne se retrouve pas dans
celle de 1'epoque. II insiste pour Fordre du jour sur cette
matiere; car il pense qu'au lieu de fournir des lumieres,
des investigations de cette nature pourraient induire en
erreur ceux qui s'y livreraient.
M. Gaillard ne partage pas cette opinion; au con-
traire , il soutient que les artistes de 1'epoque n'ont pu
representer que des objets qu'ils avaient sous les yeux, et
qu'a cet egard la question me'rite d'etre prise en conside-
ration. II cite plusieurs eglises dans lesquelles des figu-
18
242 CINQUlfeME SECTION.
res d hommes sont evidemment des portraits et non des
figures de fantaisie. II pense que la representation des ins-
truments doit etre de meme basee sur quelque chose
de reel. Mais comme la question lui parait offrir peu de
doutes, il demande que la section n'emette a ce sujet
qu'un voeu ainsi concu :
« Le Congres pense que Ton peut tirer des renseignements utiles sur
» 1'clat de 1'instrumentation aux differents siecles du moyen age , et sur-
« tout au xn.e, dans 1'etude des manuscrits et dans celle des bas-reliefs
» representant des instruments de musique , dans les eglises de France
>> en general. Toutefois ,les recherches devront avoir lieu avec toute la
» reserve que commande 1'examen de ces instruments. »
M. de Boisthibault partage 1'avis de M. Gaillard. II
donne quelques nouveaux developpements a cette opi-
nion , et dit qu'en ce qui a rapport au chant, dans les
abbayes du moyen age, bien que les manuscrits des
xu. e et xin. e siecles soient extremement rares, la bi-
bliotheque de Chartres en possede un de cette epoque
sur le sujet en discussion.
M. de Caumont, qui partage 1'avis que 1'etude des bas-
reliefs des eglises du moyen age, par rapport a la ques-
tion , est d'une grande utilite, ajoute que plusieurs ma-
nuscrits du xu. e au xin. e siecle, sur cette matiere , ont
ete trouves au mont Saint-Michel j que dans 1'abbaye
de Saint-Evroult, le chant parait avoir ete cultive avec
le plus grand zele; qu'un manuscrit de la meme epoque
et sur le meme sujet , proven ant cle la bibliotheque de
M. Odolant-Desnos , a ete vu par lui chez M. Libert,
a Alencori. II explique que cette question a ete posee
CINQUIEME SECTION. 243
pour eveiller 1'attention des personnes qui voudraient
porter leurs investigations sur cette -matiere, et afin
qu'elles ne negligeassent ni les manuscrits ni les bas-
reliefs des eglises du moyen age; que d'ailleurs, en cequi
concerne le chant, il a ete invite a la presenter par M. de
Saint-Germain, directeur du conservatoire de Caen.
La proposition de M. Gaillard est mise aux voix et
adoptee. La section decide egalement qu'on invitera
toutes les personnes qui pourraient posseder des manus •
crits des xn.e et xm.e siecles sur ce sujet, on qui en
connaitraient dans des collections particulieres , a en
donner la connaissance au Congres, en lui adressant une
analyse succinte de ces ouvrages.
On passe a la deliberation sur la 5,e question du pro-
gramme , relative a 1'influence qu'eut sur la litterature
francaise la chute de 1'empire de Constantinople au xv.e
siecle. Apres une discussion dans laquelle sont entendus
MM. de Boisthibault , Godin (de Blois) et de Re'cy, la sec-
tion decide que cette question est du ressort de la section
d'histoire et d'archeologie , et en ordonne le renvoi a
cette section.
M. Jullien , de Paris, demande a faire la lecture d'une
piece de vers de M.lle Elise Moreau.
M. de Boisthibaut declare que le reglement s'oppose
a ce que cette lecture puisse avoir lieu avant que la com-
munication de la piece de vers dont il s'agit n'ait ete
faite au bureau central.
244 ClNQUlfeME SECTION.
Seance clu samedi 17 septembre 1836.
Prcsidence de M. SPENCER SMITH.
L'ordre du jour appelle la lecture d'un memoire de
M. de Boistliibault sur 1'e'tat actuel de la presse en France.
Cette lecture a etc autorisee par le bureau central. La
section decide que le memoire de M. de Boistliibault sera
entendu de nouveau en seance generale.
M. Merson obtient la parole pour repondre a quelques
assertions du memoire de M. de Boistliibault , qui lui
paraissent dirigees contre lui. II proteste qu'il n'a en-
tendu attaquer en rien la presse politique; qu'il la con-
sidere comme la base et la garantie de notre ordre so-
cial ; qu'il reconnait son utilite : il la separe des attaques
qu'il a dirigees contre la litterature en parlant de la ve
nalite de la presse.
M. le president fait observer a M. Merson , que tout
ce qui a rapport au discours qu'il a prononce devant le
ConfiTes est une chose en deliors de la discussion. Le
O '-- ,
discours de M. de Boistliibault pose une question nou-
velle. M. Merson a montre la presse sous son point de
vue blamable et vicieux; M.'de Boistliibault s'occupe de
la presse sous le rapport de son utilite et de ce qu'elle
produit de nos jours de grand et de consciencieux , sans
la justifier de ce qui peut meriter un blame veritable.
Comme il n'y a d'ailleurs dans le discours de M. de Bois-
tbibault rien de personnel contre M. Merson, celui-ci
n'a pas a se defendre d' attaques qu'il n'a point recues.
M. Houze pense que si le litre du memoire de M. Mer-
GfNQUIEME SECTION. 245
son cut etc moins general que celui sous lequel il I'a pre-
sente, il n'aurait point souleve toutes les reclamations
auxquelles il a donne lieu.
M. Dain pense que non seulement la litterature , mais
la presse dans son acception la plus etendue, affectent
aujourd'hui un caractere general de venalite et de cor-
ruption, et que ce caractere se prod nit sous un jour
plus affreux et exerce une influence beaucoup plus de-
sastreuse qu'a aucune autre epoque de notre histoire.
Ceci n'exclut pas d'ailleurs de nombreuses et d'hono-
rables exceptions $ qu'il y ait aujourd'hui des litterateurs
consciencieux , et que le nombre en soit grand, mil
doute : mais que la presse en general soit aujourd'hui
venale et corrompue, nul doute encore.
M. Gaillard prend la parole et dit que ce qui divise
les esprits en ce moment, c'est qu'ils ne s'entendent pas
sur ce qu'on doit entendre par les mo is la litterature
actuelle.
La litterature d'un peuple n'est pas I'ensemble des
ecrits qui paraissent a une epoque clonnee ; envisagee
sous ce point de vue, elle serait constarnment digne de
pitie : pour un Yirgile, il y a eu cent Bavius; pour un
Boileau, une fouie de Colletets et de Linieres.
Enfin, il pense qu'il est indigne de I'institution des Con-
gres de venir rechercher les torts d'un peuple d'ecrivains
dont les noms sont ephenieres et qui se sont evanouis a In
lumiere d'un autre siecle, etdevantl'eclat de la gloire des
grands ecrivains que ce siecle a transmis a la posterite^
M. de Recy partage 1'opinion de M. Gaillard : il dit
246 GINQUIEME SECTION.
qu'il existe dans 1'etat actual de la presse en France des
vices qu'on a le plus grand tort de confondre avec la lit-
terature. Dans les siecles les plus litteraires , n'a-t-on
pas imprime bien plus de choses qu'il ne nous en est par-
venu ; et cependant plus de dix ou quinze noms d'hom-
mes sont-ils sortis de chacun de ces siecles pour arriver
jusqu'a nous ? La litterature qui doit survivre , voila la
litterature d'une epoque , et notre siecle ne faillira pas a
donner a la posterite son contingent litteraire d'hommes
d'un veritable nierite et d'un profond savoir. Attaquer
notre litterature en general, c'est attaquer aussi les hom-
mes qui en doivent faire la gloire un jour.
Seance du dimanche 18 septembre 1836.
P residence de M. SPENCER SMITH.
L'ordre du jour appelle la lecture d'une piece de vers
de M. Merson , sur 1'union qui doit exister entre mi-
litaires.
M. Merson donne lecture de cette piece de vers.
Apres cette lecture, 1'ordre du jour appelle la suite
de la discussion sur la 3. e question du programme.
M. Jorand pense que chaque genre d' architecture a
eu sa mission; que celle de 1' architecture ogivale, ainsi
que celle de Varchitecture de la renaissance, a ete rem-
plie, et qu'il ne concevrait pas que Ton crut necessaire
de retourner en arriere pour faire revivre dans notre
CINQUIEME SECTION. 247
siecle un genre d'architecture qui n'est plus en harmonie
avec nos besoins et nos moeurs. II entre dans quelques
details techniques pour prouver 1'impossibilite d'appli-
quer a nos demeures Fun on 1'autre des deux styles d'ar-
chilecture qui font 1'objet de la question.
Cependant il pense que dans 1'interet de Fart, on
doit veiller avec soin a la conservation des monuments
anciens.
M. de la Porte donne lecture d'un me'moire de M. Vic-
tor Pavie, sur la meme question. M. Pavie ne pourrait
approuver un retour vers Farchitecture ancienne; il
pense que si 1'ornementation de nos demeures a besoin
de prendre en ce moment plus de developpements ,
1'activite des talents nouveaux doit y pourvoir ; qu'avec
leurs secours 1'unite d'art renaitra , que I'homogeneite
dissoute se recomposera , et que cette activite nouvelle
se disciplinera plus tard en vigoureuse phalange, bonne
an service d'une reorganisation a venir.
M. de Recy fait observer qu'un memoire de M. Jo-
seph Bard, lu dans une precedente seance, resout la
question d'une maniere qui lui parait plus en harmonie
avec le gout vrai des arts et de 1'architecture; gout qui
n'exclut point un retour vers 1'architecture ancienne,
lorsque cette architecture est plus en rapport avec nos
besoins, nos moeurs et notre climat, qu'un genre d'archi-
tecture plus ancien encore, emprunte des Grecs et des
Remains, genre degenere, qui n'a pas meme de nom
dans son application a nos demeures particulieres.
248 QUATRIEME SECTION.
11 demande que la section adopte la resolution qu'in-
dique I'avis de M. Joseph Bard.
M. Jorand , apres quelques nouvelles explications,
propose la resolution suivante a 1'examen de rassem-
blee:
« La section pense que le style ogival, dit gotliique-fleuri (1440 a
» 1497 ), ainsi que le style de la renaissance, de Louis XII a Francois II,
» ne sont plus en rapport avec nos moeurs ; mais elle emet le vo2ii que
» dans 1'interet de 1'art , 1'autorite veille soigneusement a la conservation
» des monuments de ces differentes epoques.
» En ce qai concerne nos demcures , soil urbaines , soil rurales , la
» section decide que le style de 1'architecture moderne leur convient
» mieux que les deux genres d'architecture qui font 1'objet de la ques-
» tion , et elle pense qu'il convient de laisser prendre a ce style d'archi-
» lecture moderne ses developpements , et de hii laisser continuer sea
» progres. »
Cette resolution est mise aux voix et adoptee.
Seance du lundi 19 septembre 1836.
Presidence de Jf. SPENCER SMITH.
M. de Montlivaut lit, au nom de la commission nom-
mee pour entendre M. Fabbe Latouche , un rapport qui
est ecoute avec un vif interet. Apres avoir expose que les
courts instants dont la commission avait seulement pu
disposer, pour entendre les developpements de la me-
thode de M. Latouche , etaient insuffisants pour pouvoir
determiner une appreciation complete des vues du sa-
CINQUIEME SECTION. 249
vant professeur, et se prononcer sur une question aussi
ardue, il ajoute : « que neanmoins la commission croit
» devoir rendre justice aux profondes connaissances de
» ce philologue dans 1'etude des langues, et principale-
» ment cle 1'hebreu, ainsi qu'a ses ingenieuses ide'es sur
» la metaphysique generale dulangage,et alaconscien-
» cieuse conviction qu'il lui a paru apporter dans ses
» vues. En fin la commission croit devoir recommander
» M. 1'abbe Latouche aux futurs Congres comme un sa-
» vant dont les connaissances, le zele et les vues en phi-
w lologie ne peuvent que faire honneur a la France, et
» elle emet le voeu que 1'etablissement que M. Latouche
» se propose de fonder dans la capitale soit encourage
« par le gouvernernent. »
La section consultee adopte les conclusions de la
commission.
La discussion s'ouvre de nouveau sur la 3. e question du
programme de la cinquieme section , qui a ete renvoyee
a son examen par 1'assemblee generale du Congres.
Apres une nouvelle discussion , dans laquelle MM. Gail-
lard et Jorand reproduisent leurs arguments de la seance
precedente, M Doublet de Boisthibault fait observer
que dans une question de gout on ne peut imposer aux
artistes une solution absolue. Les deux styles offrent
chacun leur genre de beautes, mais ils ne sont point
exclusifs 1'un de 1'autre ; c'est a chaque artiste qu'il appar-
tient d'apprecier ce qui, suivant la circonstance, peut
etre le plus convenable. En consequence, il pense que
250 C1NQUIEME SECTION.
la question n'est point susceptible de solution, et il de-
inande 1'ordre du jour.
La section consultee passe a 1'ordre du jour.
La discussion s'ouvre sur la 8.e question du pro-
gramme.
M. Cardin ( de Poitiers ) pense que la determination
des limites de la langue d'oc et de la langue d'oil depen-
dant de 1'appreciation des monuments des differents ages
et des diverses provinces, ne peut se faire dans le court
espace de temps consacre auCongres. Neanmoinsil croit
devoir faire part a la section des recherches auxquelles
il s'est livre pour la portion de la France qui s'etend de
rembouchure de la Garonne au Berri. Lecaractere essen-
tiel et distinctif du francais du nord, la substitution de
Ye a Ya se retrouve dans tous les noms de lieux situes
au nord d'une ligne qu'on tirerait de Rohan a la limite
qui separe le departement de 1'Indre de ceux de la Haute-
Vienne et de la Creuse, en passant par Saintes, Ruffec
et Confolens. II appuie son opinion par la citation de
tlifferentes chartes d'une grande anciennete.
M. de la Fontenelle, auteur d'un travail special sur la
langue poitevine, fait remarquer d'abord, que le Poitou
etait la region intermediate entre la langue d'oc et la
langue dW/. II en resulte, suivant lui , que 1'idiome du
pays etait un melange des deux langues, dans lequel
pourtant la langue du nord dominait. Sous le comte de
Poitou , Denis d'Aquitaine , et sous la domination anglo-
iranraise des Plantagenets, a la cour de Poitiers il y
CINQUIEME SECTION. 251
avail, outre la langue habituelle, une langue des beaux-
esprits, des poetes, qui etait la langue romane. Aussi
remarque-t-on que lorsque les poesies de 1'epoque sont
ecrites dans la langue du midi, les chartes sont redigees
dans la langue du nord. Cette remarque subsiste notam-
ment, ainsi que 1'a dit M. Cardin, en ce qui concerne
Savary de Mauleon. Venant ensuite directement a la
question , M. de la Fontenelle croit que les limites des
langues du midi et clu nord ne sont pas naturellernent
formees par la Charente. En effet, vers Confolens, la
langue du midi se fait remarquer; on la retrouve aussi
pres de Montmorillon , et en Saintonge la langue d'oil se
rencontre bien au-dela des limites de la Charente. Enfin ,
M. de la Fontenelle ajoute que , pour rechercher avec
soin les limites des deux idiomes, il faut un travail loncf
I O
et suivi. En consequence, il propose de renvoyer la ques-
tion an programme du prochain Congres , en 1'appuyant
des considerations ci dessus indiquees.
M. Doublet de Boisthibault propose la redaction sui-
vante de la re'solution a prendre par la section :
« La section pense que dans Petal actuel des recherches historiques, on
» ne peut determiner les limites territoriales de la laugue d'oil et de la
» langue d'oc. »
La section consultee sur cette proposition 1'adopte.
L'ordre du jour appelle encore differentes lectures que
Flieure avancee ne permet pas d'entendre, et qui sont
renvoyees a la seance litteraire qui doit avoir lieu a la
fin du Gongres.
252 GiNQUIEME SECTION.
M. Smith, president de la section , se leve et s'exprime
ainsi :
Enfin , messieurs , 1'heure pcnible de notre separation va sonner ; c'est
aujourd'hui notre derniere seance en section. Un de mes honorables- col-
legues, M. de la Porte, a bien voulu se charger de vous exprimer, comme
organe du bureau , les sentiments que cette circonstarice nous inspire. J'ai
hate de lui accorder la parole : mais dans ma position particuliere de
membre exotique de cette assemblee, j'eprouve le desir de le preeeder
pendant quelques courts instants ; d'abord , afin de renouveler 1' expression
de ma gratitude pour votre confiance dans mon zele pour la prosperite de
notre institution , et dans la sincerite de ma cooperation vers son but ;
confiance qui seule a pu dieter ma nomination au poste que j'occupe dans
votre bureau. Ensuite, j'ai a reconnaitre 1'indulgence extreme avec la-
quclle vous avez bien voulu constamment encourager mes efforts pour
m'acquitter convenablement de mes fonctions; efforts , au reste, qui fus-
sent restes infructueux sans le tres vaillant secours et la sympathie de mes
dignes collegues.
Qu'il me soil encore permis de remplir un autre devoir, c'est de nom-
mer trois de mes compatriotes comme partageant mes sentiments, M. Pratt
et MM. les docteurs Roberton et Holland, qui vous offrent, par mon en-
tremise , le temoignage de leur reconnaissance pour 1'accueil tout amical
et meme tout fraternel qu'ils ont trouve dans cette enceinte , et dont il$
emportent un souvenir aussi vrai que durable.
M. de la Porte a la parole :
Messieurs, notre digne president, si eminemment francais par 1'esprit
et le coeur ( les paroles qu'il vient de vous adresser en fournissent une
preuve de plus ) , notre president que nous adopterions tous pour compa-
triote , s'il n'etait des notres depuis long-temps , et lie nous apparaissait
en tous points comme un modele , vient de vous exprimer ses sentiments
personnels ; permettez que je vous parle au nom des autres membres du
bureau , dont vous avez si bien encourage et seconde le devouemenl. Nous
nous feliciterons toute notre vie d'avoir fait partie de cette section ou se
sont developpes de si bons. sentiments et quelquefois meme taut de talents;
mieux que cela, ou nous nous flattons d'avoir acquis des amis.
A plus forte raison, garderons-nous un souvenir reconnaissant de ce
que nous avons vu cl cnlendu , en prenaut part nous-memes aux discus-
CIXQWfcME SECTION. 253
sions et aux deliberations de 1'assemblee du Congrcs de Blois. Le Congres !
belle et noble institution dcstinee a rapprocber , par 1'anaour de la science,
tant d'hommes de cceur et d'intelligence ! Lc Congres ! qui fait naitre et
developpe une foule de pensces et de vues nouvelies ; qui met le gouver-
nement sur la voie des creations ou des perfectionnements necessaires,
soil pour notre bien-etre materiel, soit pour nos jouissances purement mo-
rales Le Congres! qui rapproche toutes les specialties comme tous les
ages.
Je me resume , messieurs , pour ne point abuser plus long-temps de vos
moments : la reunion , dont nous voyons avec regret le terme aujourd'hui ,
peut-elle mieux finir que par ce Vceu que formule votre bureau et que
vons appuierez sans doute avec cordialite : « Alliance sincere et a jamais
» durable de la bonne vie'ille France avec la bonne jeune France, dont
» je vois ici bien des brillants et honorables delegues. »
M. Doublet de Boisthibaut , au nom des secretaires
du bureau, temoigne a la section leur reconnaissance
de la confiance dont elle a bien voulu les investir, et
adresse aux autres membres du bureau des remerci-
ments pour le concours eclaire qu'ils leur ont prete dans
le cours de leurs travaux. — La seance est levee.
Les secretaires , Le president,
Ar,. BAUNY DE RECY, SPENCER SMITH.
DOUBLET DE BOISTHIBAULT. Les vice-presidents,
F. CHATELAIN,
DE LA PORTE.
2.) 4 STXlfcME SECTION.
SIXIEME SECTION.
morales, rconomiquce tl legi
Seance du lundi 12septembre 183G.
Presldence de M. E. GAILLARD ( de Rouen J, doyen d'dgc,
et ensuite de M. JULLIEN(de Paris}.
La seance est ouverte a sept heures et demie du matin.
M. Gaillard (de Rouen), doyen d'age, occupe le fau-
teuil;M. Alphonse Laurent (de Blois) remplit les fonc-
tions de secretaire provisoire, et MM. de la Porte (de
Vendome) et Armand Aucher (de Blois) celles de scru-
tateurs.
On procede au scrutin a la formation du bureau.
M. Jullien, de Paris, ayant reuni la majorite des suffrages ,
est proclame president de lasixieme section; MM.le doc-
teur Leon Simon, Charles Dain (de Paris) et Alphonse
Laurent sont ensuite elus : le premier vice-president, et
les deux autres secretaires de la section.
Le bureau se trouvant ainsi constitue , le president
remercie 1'assemblee de 1'honneur qu'elle lui fait en
1 appelant a diriger ses travaux.
M. Emm. Gaillard demande la parole sur la premiere
question du programme.
L'honorable membre conclut en disant que clans les
SIXIEME SECTION. 255
premiers siecles cle son existence, le christianisme n'a
pas en, il est vrai, d'influence sur 1'abolition de Fescla-
vage, mais que plus tard cette influeuce a etc conside-
rable , et que c'est principalement a elle qu'il faut rap-
porter 1'emancipation des esclaves.
M. Bergevin (de Blois) pense contrairement a M. Gail-
lard que, des les premiers siecles, la doctrine du Christ
a du modifier, en les ameliorant, les rapports du maitre
a 1'esclave, sans quoi les chretiens primitifs auraient ete
inconsequents avec leurs principes.
M. Gh. Dain demande la parole sur une question pre-
judicielle; il lui semble qu'avant d'entrer dans la discus-
sion de chacune des questions indiquees au programme
il y aurait a savoir si la section consent a conserver
toutes ces questions , et a fixer 1'ordre logique clans le-
quel elles doivent etre classees.
Cette proposition est adoptee. On precede, en conse-
quence , a la revision du programme ; apres quelques
debats, la 5.e question a ete supprimee.
Sans ecarter absolument la 13.e question, la sec-
tion decide qu'elle ne sera discutee que si le temps le
permet.
La 14.e question, embrassant les travaux generaux
du Congres,la section la renvoie a la discussion gene-
rale des sections reunies.
Le bureau fixe 1'ordre du jour du lendemain.
La seance est levee a dix hetires.
SECTION.
Seance du mardi 13 septembre 1836.
Presidence de M. JULLIEN.
L'ordre du jour appelle la discussion sur la 2.e ques-
tion du programme.
M. Faneau de Lacour ( de Saint- Aignan ) demande a
lire un travail qu'il a prepare sur cette question.
M. Faneau se livrant a des developpements phrenolo-
giques qui ne rentrent pas dans les travaux de la section ,
est invite a presenter ses conclusions sur la question.
L'orateur rentre dans la question en examinant le sys-
teme de M. Charles Lucas.
M. Faneau conclut en admettant le systeme peniten-
tiaire americain, avec quelques modifications, et s'eleve
contre le systeme de penalite francaise.
M. le vicomte de Courteilles (de Tours) prend la parole.
L'orateur annonce qu'il travaille depuis deux ans la
question penitentiaire, et qu'il prepare la publication
d'un ouvrage sur ce sujet.
M. de Courteilles lit quelques passages de son travail,
et se prononce pour Fabolition de la peine de mort, aim
lition vers laquelle 1'opinion publique, dit-il , marche ;i
grands pas.
Pour remplacer cette peine devenue inutile, 1'orateur
appelle de ses voeux la reforme du regime de nos prisons.
Passant en revue les diverses opinions et les divers sys-
temes, et appreciant le regime progressif dans lequel il
pense qu'il est utile d'entrer, M. de Courteilles rend
compte d'une visile faite par lui , en juin dernier, dans
S1XIEME SECTION. 257
I« nouveau penitencier militaire etabli par le gouverne-
ment a Saint-Germain-en-Laie. II conclut en disant que
son opinion est pour 1'introduction progressive en France
du systeme americain : travail en commun , separation
eellulaire pendant la nuit, silence absolu.
M. Doublet de Boisthibault (de Chartres) a la parole.
L'orateur rappelle 1'etat de nos prisons avant 1790, et
examine ce qu'elles ont gagne dbepuis cette epoque. II
compare a nos maisons de correction les penitenciers
etablis en Suiss^ , et apres quelques developpements , il
\3onclut sur la premiere partie de la question en disant
que les avantages a retirer du systeme penitentiaire en
France sont incontestables. Abordant ensuitela 2.e par-
tie de la question , 1'orateur reconnait qu'une introduc-
duction du systeme, immediate et d'un seul trait, est
impossible , a cause de 1'enormite de la depense ; mais
ii s'eleve contre la lenteur avec laquelle on paraitrait
vouloir proceder i la reforme. II pense que la progres-
sion toujours croissante des recidives , est une plaie qui
appelle un prompt remede ; ce remede est u^e reforme
inftnediate et generale avec les managements qu'exige
Teconomie.
M. de Courteilles presente quelques observations sur
la question de Feconomie dans les depenses ; il affirme
que ses recherches lui ont demontre que les depenses
ne sont point extremes et ne depasseraient point les
mbyens financiers du pays.
Apres quelques autres observations, la section arrete
id
2f>3 SIX1EME SECTION.
que la resolution suivante sera presentee a la seance
generate :
« Les avantages du systeme penitentiaire sont evidemment incontes-
» tables.
» Ces avantages sont : 1 .° 1'amelioration morale des condamnes ; 2.° la
» diminution des recidives; 3.° 1'adoucissement des lois penales, sans
» que, pour cela, la societe reste desarmee; 4.° par suite de 1'abaissemenl
» de la duree des peines, 1'abaissement du cbiffre des detenus dans la
» meme proportion ; de la une economic facilement appreciable.
» En consequence , la section estime que 1'introduction du systeme pe-
'> nitentiaire en France est urgente; neanmoins, cette introduction doil
» etre progressive en ce sens que , adoptee immediatement en principe t
» elle se realise successivement a mesure que les maisons centrales et de-
» partementales exigeront par leur etat une entiere reconstruction , ou de
« grosses reparations.
Seance du mercredi matin 14 septembre 1836.
Presidence de M. JULLIEN.
L'ordre du jour appelle la discussion sur les questions
n.os 3 et 4 du programme.
M. Laurent , Vun des secretaires , donne lecture d'un
memoire envoye par M. Laurentie sur ce sujet.
La section decide que ce memoire sera renvoye a la
commission d'impression , en 1'invitant a le comprendre
dans le recueil des travaux du Congres.
Une discussion s'eleve sur 1'ordre dans lequel les deux
questions seront examinees. Apres un debat auquel
prennent part MM. Simon , Doublet de Boisthibault et
Houze ( de Blois ) , la section decide que la discussion
embrassera les deux questions.
SECTION. 259
M. Cler ( tie Blois ) lit quelques observations dans
lesquelles il conteste 1'avantage de la liberte de 1'ensei-
gnemefct , et il indique quelques modifications dans 1'or-
ganisation des etablissements universitaires. II attribue
a 1'instabilite de la position des membres du corps uni-
versitaire leur obscurite et le peu de consideration
qu'on leur accorde. II conclut en demandant 1'etablisse-
inent d'un college royal par departement.
M. Gaillard a la parole. II blame 1'institution d'un
corps enseignant salarie par 1'etat ; mais il demande que
les regies etablies aujourd'hui pour les ecoles primaires
soient conservees comme garantie pour les peres de
famille contre le charlatanisme et 1'ignorance.
M. Doublet de Boisthibault dit qu'il entend par li-
berty , Vexercice d'un droit sous la condition de capa-
cite. L'orateur examine la question de liberte, quant
aux homines , et ne la concoit qu'avec la garantie d'un
titre attestant la science.
Quant aux doctrines , liberte entiere, et il s'en rap-
porte aux lois, pour reprimer les ecarts et 1'abus de la
liberte.
Quant aux methodes, s'il y a liberte d enseignement
quant aux doctrines , elle doit exister aussi quant aux
methodes.
M. de Boisthibault passe a la 2.e question. II pense
qu'il est tres facile au corps enseignant de conquerir
la consideration dont il eprouve le besoin. II faudrait
que la division actuelle des maisons d'education en col-
260 SIXIEME SECTION.
leges royaux et colleges communaux ne fiit pas con •
servee, parce que les colleges communaux ont leur corps
enseignant place dans une double dependance qui
semble les mettre dans une position inferieure a celle
clu corps enseignant des colle'ges royaux qui ne releve
que de rautorite universitaire.
M. Houze presente quelques considerations sur la
position des professeurs, et desire qu'on appelle 1'atten-
tion du ministre sur leur sort. II conclut en disant :
1 .° Que le pouvoir doit diriger I'instruction et par consequent conserver
le corps universitaire ; mais a coledece corps, chacun , avec un brevet de
capacite , en se conformant aux lois , peut professer de nouvelles doctrines
et de nouvelles methodes.
2.° Qu'en admettant la necessite du corps universitaire, il faut y in-
troduire sur le meme rang que les etudes linguistiques , la culture des
arts , et exiger du candidat au litre de bachelier des notions de musique
et de peinture.
3.° Que dans la loi sur 1'enseignement secondaire , il y a une lacune
importante a combler, c'est 1'organisation de ce qu'on appelle aujourd'hui
maitre d 'etudes. Il proposerait a ce sujet , que le corps universitaire fut
divise ainsi qu'il suit :
Premierement. Le corps dirigeant qui doit rester ce qu'il est, forme
d'hommes eprouves, charges d'etudier les niethodes, les doctrines, et de
les transmettre au corps enseignant.
Secondement. Le corps charge de I' education, qui doit etre tout autre
qu'il n'est aujourd'hui : il faudrait pour cela qu'on ue put passer
dans cette partie qu'apres avoir atteint au moins 1'age de 30 ans et avoir
passe plusieurs annees dans la partie enseignante. Cetle partie devrait
etre la plus honoree et la plus retribuee.
Troisiemement. La partie enseignante , qui n'a besoin que de quelques
ameliorations , et dont tons les membres devraient etre agreges.
Qualriemement. Les jcunes ddbntants, qui ne seraient jamais seuls ,
ct qui apprendraicrit sous la direction des hommes de 1'cducation le
grand art d'elever leurs semblablos.
C1NQUIEME SECTION. 261
M. Simon prend la parole pour etablir que la liberte
d'enseignement doit etre consacree en principe; mais
qu'en fait, elle ne saurait etre absolue. Selon lui, 1'e-
ducation publique doit etre constamment en rapport
avec 1'etat de civilisation de chaque epoque. Ce fat
la condition du passe, ce devra etre celle de 1'avenir.
Aussi, 1'etat de 1'education publique en France off re
trois periodes bien distinctes. Dans 1'une, le clerge e'tait
seul charge de 1'enseignement public. Dans la seconde,
le corps enseignant cbercba a s'emanciper du clerge ,
de la , la fondation de 1'universite a Paris. En 1789,
commence une troisieme periode. On voulut alors et
surtout affranchir completement 1'enseignement public
de 1'influence du clerge.
Aujourd'hui que la societe est en travail , qu'elle ela-
bore les divers elements de son organisation a venir;
aujourd'hui, enfin, que nous vivons a une epoque de
transition ,M. Simon pense que 1'organisation actuelle de
1'enseignement public ne pent que traduire Fesprit detous.
Le caractere d'une epoque de transition est de mettreen
presence deux forces opposees destinees a s'harmoniser
plus tard. Les deux forces qui luttent aujourd'hui dans
la societe francaise , sont, d'une part, 1'esprit de conser-
vation que le gouvernement represente, et, de 1'autre,
1'esprit de progres ou d'innovation qui se developpe en
dehors du pouvoir lui-meme ; que le pouvoir ne doit
ni contrarier , ni encourager ; mais qu'il est de son de-
voir de tolerer.
Dans ce sens , M. Simon pense qu'il doit y avoir
202 SIXIEME SECTION.
deux ordres d'etablissements , les uns libres, et les air-
tres regies dans leur personnel, leurs doctrines et leurs
methodes, par le pouvoir.
La limite imposee aux etablissements libres serait ,.
dans la pensee de M. Simon , qu'ils recussent de 1'uni-
versite un double titre de capacite et de moralite.
M. Dain pense qu'aujourd'bui ou la liberte illimitee
de 1'enseignement ne saurait s'accorder avec 1'etat du
developpement social, il convient, tout en accordant
a 1'enseignement la plus grande somme de liberte pos-
sible, de .Vassujetir neanmoins a 1'action regulatrice de
lois et de reglements. Mais d'abord , il ne saisit pas
Futilite de la division du corps enseignant en deux parts,
dont 1'une aurait plus de liberte que 1'autre , et il croit
en outre que les lois regulatrices de cette liberte doivent
etre speciales.
M. Laurent dit qu'il en est de la liberte de 1'enseigne-
ment comme de toutes les libertes; qu'elle doit etre re-
glee par les lois ; dans un temps de baute civilisation ^
1'avenir d'un peuple est tout entier dans Teducation de
la jeunesse , et il serait absurde de pretendre que le droit
d'enseigner appartient a touthomme, quellesquefussent
sa science et sa moralite. II adopte completement 1'opi-
nion de M. Doublet sur ce que Ton doit entendre de la
liberte de 1'enseignement par rapport aux methodes,
aux doctrines et aux bommes.
Apres une discussion a laquelle prennent part plu-
sieurs autres membres , la section decide que la resolu-
SIXIEME SECTION. 263
tion suivante sera portee a la seance generate , sur la
3.e question du programme :
« Par rapport aux melhodes , Penseignement doit etre libre.
» Par rapport aux doctrines , la liberte n'est point exclusive de la sur-
>• veillance et du controle du gouvernement ; elle doit etre soumise a des
» lois speciales en harmonic avec le principe de la liberte d'enseignement.
» Par rapport aux hommes , 1'enseignement ne peut etre exerce que par
» ceux qui sont pourvus d'un brevet de moralite et de. capacite. »
Seance du mercredi soir 14 septembre 1836.
Presidence de M. le docteur SIMON, vice-president.
M. Porcher ( de Blois) demande que la section deli-
bere sur la suppression du droit universitaire comme
complement de la resolution adoptee le matin.
M. de Courteilles appuie cette suppression d'un droit
qui lui parait souverainement injuste.
M. Bergevin ne trouve pas d'inconvenient a ce que le
droit soit maintenu; il ne le trouve pas un obstacle a la
liberte de Fenseignement.
M. de Courteilles replique qu'il trouverait mieux que
Timpot , s'il etait necessaire , fut paye par le fonds com-
mun et non par les families pauvres qu'il greve d'une
maniere plus pesante.
M. Porcher appuie cette opinion, que limpet univer-
sitaire pese d'une facon plus penible sur les pauvres.
M. de Boisthibault ne pense pas que les besoms du
budget puissent etre convenablement iiwoqiies. La ou
2$4 SIX1EME SECTION.
1'on reconnait la necessite de la suppression d'un impot ,
elle doit etre demandee. La societe doit a tous ses mem-
bras un enseignement egal ; elle doit plus encore aux
pauvres qu aux riches qui peuvent se suffire ; il conclut
a la suppression du droit universitaire.
La section decide que le voeu de la suppression du
droit sera exprime par le Congres,
La discussion est ouverte sur la 4.e question du pro-
gramme , la section decide qu'elle sera ecartee.
La section invitee a deliberer sur la question suivante^
renvoyee par le Gongres de Douai : Quelle est Vin-
Jluence de la civilisation sur la demoralisation despeu-
ples , etc., decide que cette question sera retranchee.
M. Cler reproduit la proposition de creer un college
royal par departement. Cette proposition , appuyee par,
M. Doublet , n'est point mise aux voix.
Seance du jeudi matin t5 septembre 183&.
Presidence de M. JULLIEN.
L'orclre du jour appelle la discussion sur la l.re ques-
tin du programme ajournee a la premiere seance.
Sur 1'observation de MM. Simon, Chatelain (de Paris)
et de Boisthibault , cette question est renvoyee a la
section d'histoire.
SIX1EME SECTION. 265
M. Jullien propose a la section de prendre en consi-
deration la proposition suivante :
Miss Anna Knight, anglaise, de la secte des amis, ou quakers , niece
de 1'honorable et celcbre agronome et philantrope "Villiam Allen , fonda-
teur d'une colonie agricole aupres de Brighton, est venue expres auCon-
gres scientifique de Blois pour y provoquer la sympathie des amis de la
civilisation et de 1'humanite en faveur de la sainte cause de 1'abolition de
la traite des noirs. Elle desire insister sur la necessite que tous les homines
genereux se prononcent avec energie pour que cet odieux trafic dela
chair humaine , centre lequel sont malheureusement insuffisantes les dis-
positions legislatives adoptees jnsqu'ici , soil cnfin reprime efficacement.
Elle demande que le Congrcs scientifique de France veuille unir sa voix
aux voix genereuses qui onJ deja fletri et combattu le crime de la traite.
L'epoque ou la France commence a introduire les bienfaits de la civilisa-
tion en Afrique parait favorable pour la manifestation d'un semblable
voeu.
La section decide qu'elle s'occupera de la proposition
de miss Knight.
La discussion est appelee sur la 7.e question du pro-
gramme.
M. Simon prend la parole. II pense que les causes de
1'augmentation progressive des enfants exposes sont
tres nombreuses; mais que cependant elles peuvent etre
ramenees a deux principales : la misere et 1'affaiblisse-
ment du lien de famille. Bien que la richesse publique
augmente, il est de fait qu'elle se distribue mal et que
nos besoins reels ou factices vont plus vite que 1'accrois-
sement de nos richesses. Le nombre toujours croissant
ties celibataires en est la preuve. Les remedes moraux
qu'il convient d'apporter a cette plaie publique, sont
aussi de deux ordres : 1'un , tout d'opinion , c'est la
266 SIXIEME SECTION.
rehabilitation de la fille-mere ; 1'autre , tout economique ,
consiste a tarir toutes les sources de la misere publique,
au nombre desquelles se trouve le proletariat. M. Simon
pense encore qu'il n'y a point a rechercher d'autres
moyens de diminuer les depenses qu'occasionne 1'entre-
tien des enfants exposes , si ce n'est de combattre les
causes qui en favorisent 1'accroissement.
M. Doublet de Boisthibault releve 1'inexactitude
des termes enfants exposes , qu'on devrait appeler en-
fants delaisses. Repondant ensuite a M. Simon , il pre-
tend que la suppression des tours est la cause des
infanticides. II s'appuie de son experience comme ayant
ete charge de la defense de quelques femmes accusees
d'infanticide. M. le docteur Simon avoue lui-merne que
dans son experience il a reconnu plusieurs faits d'infan-
ticide comme suite des tours supprimes ; il ne suffirait
que de 1'existence d'un crime de cette nature pour que
les tours fussent retablis.
M. Hunault de Pelterie (d' Angers) partage les opi-
nions du preopinant. II attribue aussi le nombre des en-
fants exposes au sejour des militaires dans les villes et
les campagnes.
Examinant la question de 1'echange des tours, il
pense que souvent il n'y a pas barbarie a une mere de
deposer son enfant ; elle n'a d'autre but que de se rele-
ver de la mendicite. II s'eleve contre 1'echange.
M. Simon ne pense pas que la suppression des tours
soit une cause d'augmentation des infanticides, on du
moins ils sont en petit nombre.
S1XIEME SECTION. 267
M. Chatelain pense au contraire que la suppression
ties tours est un moyen de conservation du sentiment de
la maternite et la destruction d'une blamable specula-
lion.
M. Leroyer de Longraire (de Verdun) dit que dans
une des villes de la Meuse, on a supprime momentane-
ment le tour d'un hospice , en confiant aux soeurs de
charite le soin de recevoir les enfants. On pensa qu'en
confiant cettetache a des femmes charitables, on rassure-
rait la pudeur des meres ; mais ce moyen a ete impuissant :
le nombre des enfants exposes a augmente , et il a fallu
retablir les tours.
M. de Boisthibault est convaincu que la suppression
des tours est une des causes les plus puissantes qui ren-
dent les filles-meres coupables de pratiques criminelles
pour se debarrasser de leurs enfants.
II indique comme cause de la progression des enfants
delaisses :
1 .° La demoralisation de Petal actuel de la societe ;
2.° Le relachement du lien de famille;
3.° L'indifference pour le manage;
4.° L'augmentation de la population par suite de 1'etat de paix,
Les remedes seraient :
1.° Dans la moralisation du peuple. — Ltii departir 1'instruction : 1'ins-
truction donnee lui donnera Pidee du travail; le travail chassera la misere.
2.° La societe moralisee , Phomme comprendra qu'il doit sacrifier quel-
que chose de son independance a la societe ; qu'il doit devenir chef de
famille , veiller a Peducation de ses enfants et preparer a Petat de bons^
ei toy ens.
3.° Dans Petal actuel , le rcmede au mal est , en maintenaul les tours-
\
268 SIXIEME SECTION.
des hospices, de suivre les mesures adoptees dans un grand nombre de
localitcs : I'enfaut depose dans un tour sera envoye , par les soins de 1'ad-
ministration , dans un hospice eloigne. On empechera que la mere , qui
sait ou elle a expose son enfant, n'attende qu'il soil eleve pour reveler sa
maternite. C'est, en un mot, en mettant le sentiment de la maternite en
defaut que Ton forcera les meres a garder leurs enfants plutot que d'etre
exposees a les perdre. On evitera encore la speculation de quelques fcm-
mes qui ne delaissent souvent leurs enfants que pour se creer un etat de
M. Leroyer signale Fetablissement des salles d'asile
comme moyen moral propre a remedier au mal signale.
M. le docteur Desbrosses lit un travail sur ce sujet.
Apres cette lecture, M. Laurent demande que M.
Desbrosses soit invite a formuler son opinion en une
serie de propositions sur chacune desquelles la discus-
sion puisse s'etablir etla section adopter une resolution.
Cette demande est accueillie par la section , et la
se'ance est renvoyee a ce soir 8 heures pour la continua-
tion de la discussion.
Seance du jeudi soir 15 septembre 1836.
Presidence de M. le docteur SIMON , vice-president.
M. le president donne lecture d'une lettre de M. le
prince de Chimay, qui demande que la section nomme
une commission qui serait chargee d'aller visiter son
prytanee.
La section decide qu'une commission de six membres,
SIXIEME SECTION. 2G9
^ui seront nommes a la seance du lendemain matin , se
rendra dimanche a Menars.
La discussion s'ouvre sur la proposition de miss
Knight.
M. Simon observe que les lois sur la traite des noirs
n'ont pas , dans leur execution , produit le bien qu'on en
aurait du attendre.
M. Leroux (de Blois) dit que Fabolition de la traite
n'est point a mettre en question, puisque cette abolition
existe en fait legalement. Qu'il s'agirait de demander que
la loi fut executee.
M. Laurent declare que, dans son opinion, la seule
repression possible de la traite des noirs serait dans 1'a-
bolition de 1'esclavage aux colonies ; mais que c'est une
question grave sur laquelle il ne pent se prononcer.
Apres une discussion a laquelle MM. Desbrosses,
le comte de Perrigny et Leon Lefebvre ( de Blois)
prennent part , la section adopte la resolution suivante :
« Le Congres exprime le voeu que les lois prohibitives de la traite des
» noirs, n'ayant pas atteiut leur but, soient rendues plus efficaces, puis-
» qti'au lieu d'amcliorer la condition des noirs , elles n'ont servi qu'a ag-
» graver leur position. »
La section reprend la discussion sur la question rela-
tive a V augmentation progressive des enfants trouves.
M. Simon presente le resume du travail de M. Des-
brosses, et en meme temps un resume de 1'opinion de
M. Gaillard, et en fin un projet de resolution de Jui-
meme, ainsi qu'il suit :
270 SIXIEME SECTION.
« Le Congres estime que la misere, 1'affaiblissemeut toujours croissant
» du lien de famille, le celibat, consequence de notre etat social, et les
» abus qui se sont introduits dans les hospices, abus qui reconnaissent pour
» cause ou 1'humanite mal entendue de quelques administrateurs , ou la
» cupidite de certaines meres, sont les causes principales de, 1'augmenta-
» lion progressive des enfants exposes.
» Les remedes moraux a apporter a cette plaie publique consistent >
» d'une part , a encourager et propager ks etablissements de patronage et
» de refuge, ayant pour objet de recevoir, des leur bas age, les filles pan-
» vres et delaissees , et de les mettre a meme de gagner honnetement leur
» existence ; de 1'autre , a provoquer , encourager et soutenir partout les
» etablissements qui presenteront des garanties suffisantes pour 1'education
» des filles ; enfin a prendre les mesures les plus severes pour empechcr
» le melange des deux sexes dans les ecoles.
» Le Congres estime en outre que les depenses occasionnees par 1'entre-
« lien des enfants trouves , ne peuvent etre diminues efficacement que par
» les moyens tendants a diminuer le nombre de ces memes enfants. La
« suppression des tours et le deplacement des enfants, moyens jusqu'ici
» conseilles et employes, lui semblent avoir plus d'inconvenients que d'a-
» vantages. II croit qu'ils pourraient etre utilement remplaces par ceux qui
» suiveut ;
» 1.° Le retrait des enfants de chez les uourrices , vers Tage de 3 ans ,
» sous condition de les placer immediatement dans des maisons speciales ,
» jusqu'a 1'age de 21 ans;
» 2.° Que 1'etat rechercbe , par tons les moyens possibles et praticables,
» a favoriser les mariages parmi les classes laborieuses ;
» 3.° Exiger des nourrices des certificats constatant 1'etat actuel de leuts
» enfants;
» 4.° Propager et multiplier, autant que le permettent les ressources
w des communes , 1'etablissemenl des salles d'asile ;
» 5.° Instituer dans chaque arrondissement un inspecteur ayant pour
» mission , d'abord , de visiter les enfants et de veiller a leur conservation
« et a leur bien-etre; puis,de signaler les abus qu'il pourrait reconnaitre.»
Les motifs qui ont determine les resolutions prece-
dentes ayant ete puises dans la lecture d'un memoire
rempli de faits et de reflexions judicieuses, du a M. le
docteur Marin-Desbrosses , la section propose au Congres
SIXIEME SECTION. 271
d'or dormer Timpression de ce memoire , dans le double
but de faire mieux comprendre 1'utilite et le but de ces
resolutions , et d'accorder aux efforts de M. Desbrosses
le juste tribut qu'ils meritent.
M. de Perrigny s'eleve contre 1'etablissement des tours
qu'il considere comme favorables a 1'exposition des en-
fants et funestes a la morale publique.
M. Doublet trouve a 1'augmentation des expositions
trois causes ;
I.° Le paupe'risme ;
2.° L'indifference croissante pour le mariage ;
3.° Le relachement du lien de famille.
II s'eleve contre la suppression des tours, suppression
qui pousse a 1'infanticide.
M. Simon developpe quelques idees sur 1'affaiblisse-
ment du lien de famille. 11 en trouve plusieurs causes.
Selori M. Simon , la famille repose sur trois sentiments
qui bientot se convertissent en trois interets distincts :
1'interet moral, 1'interet politiqne ou social et 1'interet
materiel. Aujourd'hui le nom ne transmettant ni consi-
deration reelle, ni privileges, 1'interet politique du nom
de famille a disparu et a malheureusement altere les au-
tres sentiments de la famille. Tout en reconnaissant
1'utilite et la moralite de la transformation subie par la
famille , il suppose qu'elle est pour beaucoup dans 1'es-
pece d'indifference pour le mariage qui se rencontre sur-
tout dans les grandes villes.
La discussion est remise et la seance est levee.
272 SIKIEME SECTION.
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DES
ENFANTS TROUVES
ZW FRANCE.
ter $t. le bocteut
Le nombre des enfants trouves a considerablement augmente en France
depuis un demi-siecle. En 1784, il n'en existait au-dessous de 12 ans qu6
40,000, et en 1815 on en comptait 84,500*; en 1824, le nombre s'en
etait eleve a 116,767, en 1834 il etait de 129,629**. La depense d'en-
tretien a du necessairement suivre la meme progression. Elle etait en 1834
de 10,240,262 francs ***. Aussi s'est-on depuis quelques annees beau-
coup occupe des moyens propres a diminuer cette charge publique. Mais
le mal signale , peut-etre s'est-on trop bate de mi opposer le remede ,
avant d'en avoir suffisamment rechercbe la cause; peut-etre aussi dans lea
essais tentes a-t-on eu trop en vue 1'economie, et u'a-t-on pas assez
pris en consideration 1'humanite et les interets moraux de la societe. Il
est remarquable , en effet, que presque partout les administrations des
hospices d'enfants trouves se soient opposees aux mesures arretees par les
conseils generaux. Peul-etre enfin existe-t-il des moyens plus convenables
que ceux qu'on a employes jusqu'a present. C'est ce que je jne propose
d' examiner.
I/augmentation du nombre des enfants trouves peut etre rapportee a
quatre causes differentes : 1.° a la diminution de la mortalite; 2.° a 1'aug1-
mentation du nombre des naissances riaturelles ; 3.° a une moins grande
repugnance pour les expositions ; 4.° aux abus introduits dans les hospices.
Je vais discuter successivement ces quatre causes , et je chercherai a appre-
* Considerations aur les enfants trouvef , par M. Benoiston de Cha'teauneuf.
*" Documents statistiqnes inr la Fmnce , publies en i8!>5 par le ministre clu com-
nvercw.
•** Mimes document!.
SIXIEME SECTION. 273
cier 1 'influence que chacune a du exercer sur ce grand fait social. C'est
\e seul moyen d'arriver a des consequences pratiques.
Je suis heureux d'avoir a signaler comme premiere cause d'un mal so-
cial un fait qui honore notre epoque et notre pays. II est bien demontre
en effet que si nous avons a supporter une augmentation progressive de
dcpenses pour 1'entretien de nos enfants trouves, nous avons aussi a nous
feliciter d'une diminution considerable de la mortalite parmi ces etres fai-
bles et malheureux.
La mortalite des enfants en general etait, a Paris, de 1715 a 1744,
de 21 pour 100 dans la premiere annee et de 52,50 jusqu'a 10 ans,
d'apres les tal)les du cure de Saint-Roch. Au commencement de notie
siecle , elle etait pour toute la France , d'apres la table dressee en 1 806
par Duvillard, de 23,20 pour 100 dans la premiere annee, et de
44,88 pour 100 jusqu'a 10 ans. De 1817 a 1821 , elle a etc, pour Paris,
d'apres M. Benoiston de Chateauneuf * , de 37,27 pour 100 jusqu'a
10ans;et d'apres M. Duchatel **, seulement de 30 pour 100 jusqu'a
12 ans, pendant la periode de 1817 a 1823.
Pour les enfants trouves , la mortalite a ete, a Paris, en 1789 , de 80
pour 100 jusqu'a un an, d'apres Tenon; de 1818 a 1821 , elle a ete de
48,6 pour 100 dans la premiere annee, d'apres Coquebert-Monbret ***;
pour 1821 , M. de Chateauneuf porte a 57,63 pour 100 la mortalite des
enfants trouves de toule la France jusqu'a 12 ans , et pour 1825, M. Du-
chatel 1'evalue a CO pour 100.
Au premier Janvier 1824, il existait en France . . . 116,452
enfants trouves.
Dans la periode d«cennale de 1824 a 1334, il en est enlre
aux hospices 336,297
TOTAL. 452,749
Au premier Janvier 1834, il en existait aux hospices. . 129,629
DIFFERENCE 323,120
Dont sont sortis 124,615
et sont morts 198,505
* Ouvrage cite.
•* De laCharitfi.
*" Rapport a rAradvmie des sciences sur le memoirede ]\T. de Chuteauneiif.
274 SIXIEME SECTION.
C'est done 198,505 deces pour 323,120 enfants trouves , jusqu'a 12
ans, on 61,43 pour 100 *. Toutefois, il est juste de faire observer que ce
chiffre devrait etre un pen plus eleve. En effet , sur les 124,615 enfants
sortis des hospices, 46,025 ont etc retires par leurs parents avant la 12.e
anuee , et un certain nombre d'entre eux sans doute sont morts avant cet
age. Ncanmoins, cette cause d'erreur doit trespeu changer le resultat; parce
qu'cn general les enfants ne sont recorinus par leurs parents que lorsqu'ils
sont deja grands , et Ton sail que la mortalite parmi les enfants trouves
n'est tres considerable que dans les premiers temps de la vie. Je crois an
reste que cette cause d'erreur a toujours etc negligee. ( V. ci-apres la note
1 ,re -a la fin d« memoire. )
La difference entre la mortalite des enfants trouves et celle des autrcs
enfants est, d'apres M. de Chateauneuf, de moins de 20 pour 100-
et, d'apres M. Duchatel, elle serait de 30 pour 100. Si je ne me
trompc moi-meme , cette difference dans les resuHats obtenus presque
a la mcme epoque par deux hommes egalemcnt capables , qui ont
opere sur des documents officiels , tient en partie a une erreur de M. Du-
chatel. Dans ses calculs , il a defalque des deces d'enfants en general les
enfants morts-nes; il aurait du le faire cgalement pour les deces d'en-
fants trouves, et il ne 1'a pas fait. Mais eut-il fait cette deduction, il y
aurait encore dans ses calculs une grande cause d'erreur : tous les enfants
nes a domicile dans Paris sont consideres comme morts-nes s'ils ue sont
pas presentes vivants a la municipalite, et comme on a trois jours pour
faire cette .presentation , il s'cn suit que ceux qui meurent dans les deux
ou trois premiers jours de la vie sont comptes comme morts-nes ; tandis
qu'au contraire sont eonsideres comme ayant vecu tous ceux qui , nes ou
deposes a 1'hospice ,ont donne des signes de vie non equivoques**. Si on
considere que c'est dans les premiers jours de la naissance que la morta-
lite est la plus grande, on concevra facilement que 1'erreur apportee par
cette difference dans la maniere de compter doil etre considerable. En
effet, de 1817, a 1823 il y a en a Paris 175,142 naissances a domicile
et 60,195 deces jusqu'a douze ans. Or, dans ces 60,195 deces sont com-
uris 9,704 enfants morts-nes; c'est lfi,12 pour 100, proportion enorme
qui serait incroyable sans 1'explication que je viens de donner. Si 1'on ne
fait pas du nombre total des deces la deduction des morts-nes, ce qui me
semble juste, puisqu'evidemment la plupart ne sont rcellement pas morts-
" Documents statistiques du ministre Ju commerce.
** Voir In note: du tableau uuuicro 46 des Rechcrclies statist'ques sur Paris, 1826.
SlXtfeME SECTION. 275
ftcs et que d'ailleurs il faudrait pouvoir en faire autant relalivemcnt aux
enfanls trouves pour pouvoir etablir une comparaison , alors on aura pour
les douze premieres annees de la vie une mortalite de 34,36 pour 100, et
lion pas 30 seulement parmi les enfants eleves par leurs parents.
J'ajouterai pour 1'honneur de mon pays , que d'apres les recherches de
M. de Chateauneuf , la mortalite en general jusqu'a dix ans est a Berlin de
£4, 108, a Viennede55,578 pour 100. Des calculs plus recents la portent,
pour la meme periode de la vie, a Petersbourg a 41,7 et a Londres a
41,6 pour 100.
Je demanderai maintenant s'il faut s'etonner que la mortalite soil si
.grande pendant la premiere annee? A cette epoque de la vie ou 1'exis-
tence est encore peu assuree , Pinfluence des agents exterieurs est toute
puissante ; et que faisons-nous pour en prevenir les funesteseffets?.... Preci-
sement tout le contraire de ce qu'il faudrait faire. La loi veut que dans les trois
jours de la naissance 1'enfant soil porte a la mairie pour son inscription et
la constatation de son sexe. II faut done le deshabiller et 1'exposer au froid ;
on bien , et c'est le cas le plus ordinaire , on s'en fapporte a la declaration
des parents , et alors on a fait feire a 1'enfant une sorlie dangereuse , sans
aucun lut d'utilite. Ne peut-on pas d'ailleurs faire constater la naissance
a domicile , comme le deces ? La chose n'en vaut-elle pas la peine ? Il s'a-
git de la vie d'un homme.
La regie religieuse, plus imperieuse encore que la loi civile, exige que
dans le meme delai (et c'est generalement dans les vingt-quatre heures),
on porte 1'enfant dans une eglise, qui presque toujours est froide et hu-
«iide , pour qu'il y receive le bapteme. On lui decouvre la tele , et on lui
verse, sur cette partie delicate, de 1'eau le plus souvent froide ; car, malgre
la recommandation des superieurs ecclesiastiques , beaucoup de pretres re-
fusent d'en employer de chaude ; et d'ailleurs peu de gens du peuple com-
prennent assez le danger de 1'eau froide , pour prendre la peine d'en por-
ter de chaude , tant qu'il ne sera pas obligatoire de le faire. On etouffe la
malheureuse victime sous d'epais vetements, et Pen pense n'avoir rien a
craindre quand sa peau est chaude. On ne voit pas que 1'air qui penetrc
ses poumons est froid; que ces organes tout neufs, qui n'ont pas encore
fonctioune, sont trop vivement impressionnes , et qu'ils contractent des*
lors la maladie qui doit amener la mort dans un temps plus ou moins
court. Et puis on s'etonne de la mortalite de la premiere enfance ! Pour-
quoi les ministres d'un Dieu qui a donne sa vie pour racheter le genre hu-
main ne vont-ils pas ondoyer 1'enfanl dans son bcrceau , comme ils vont
administrer un ?igonisant dans son lit?
27C SIXIEME SECTION.
M. Marc * a cherche qucllcs pouvaient etre les causes d'une plusgrande
mortalite ehez les enfants trouves. II a pense les avoir rencontrees dans la
misere et la debauche des parents, et dans les vices de naissance. Assu-
rement je ne veux pas nier 1'influence de ces causes ; mais je crois qu'elle
a ete beaucoup exageree.
Ainsi, le vice sj philitique , qui- de tons est le plus commun , n'atteint
cependant que 1 enfant sur 17 **; ce qui certainement n'est pas une tres
forte proportion.
Quant au defaut de bonne nutrition du foetus, resultant de la mauvaise
alimentation de la mere, j'y crois pen, car les femmes de la campagne
qui se nourrissent tres mal mettent au jour des enfants bien plus forts
que ceux des dames de la ville. D'un autre cote, ces malheureux qui sont
bicn plus souvent les enfants de 1'amour on de la seduction que les en-
iauts de la debauche ou de la misere, sortent presque tous de parents
jeunes, condition favorable qui doit au moins contrebalancer la prece-
dente.
Les tentatives d'avortement pourraient avoir plus d'efiet; mais , comme
1'a dit 'avec raison, je crois, M. Marc, elles sont devenues plus rares de
nos jours , au moins dans la classe de la societe d'ou viennent la plupart
des expositions.
Le soin que prennent les jeunes filles de se serrer fortement pour dis-
simuler leur grossesse est peut-etre ce qui nuit le plus au developpe-
ment du foetus.
Mais la privation du sein maternel est pour les enfants qu'on eleve au
biberon une cause de mortalite certainement bien plus forte que toutes les
autres.
On a remarque que cette desesperante mortalite des enfants trouves a
lieu surtout dans les premiers jours de la naissance ; en effet, il en meurt
plus avant qu'ils ne soient mis en nourrice que dans tout le reste de la
premiere annee. Ce fait n'a rien qui doive etonner, puisque c'est precise-
meut alors qu'agissent toutes les causes signalees. Est-il bien etonnant
qu'un enfant naissant apporle souvent de loin , a peine couvert de quel-
ques haillons , a qui on ne donne de nourrice qu'apres plusieurs jours
d'une espcce de quarantaine , et qu'enfin on renvoie a cinquante on
soixante lieues, est-il bien etonnant que cet enfant succombe a tant dc
fatigues !
* Dictioiinaire des sciences rndclicalcs.
* Coquebert-Monbret j onvragc rite.
SlXlfcME SECTION.
277
Quoique la mortalite des enfants trouves ait beaucotip diminue , il reste
encore beaucoup a faire pour 1'amener au chiffre le plus bas possible.
Jamais, sans doute, elle ne sera abaissee au chiffre de la mortalite des
enfants eleves par leurs parents ; mais je crois qu'elle peut s'en rappro-
cher beaucoup. Ce qui le prouve , c'est la difference qui existe a cet egard
eritre des departements voisins. II est certain que rallaitement artificiel,
adopte par quelques administrations comme mesure d'economie ou comme
precaution sanitaire, est la plus grande cause de celte difference, et il
est etonnant que des homines eclaires restent si long-temps dans une voie
si funeste.
II.
Une seconde cause bien naturelle de 1'accroissement numerique des en-
fants trouves , est sans doute 1'augmentation des naissances illegitimes ; et
ce fait doit reconnaitre lui-meme pour premiere cause 1'accroissement de
la population. On en peut juger par le tableau suivant que j'ai forme d'a-
pres les chiffres officiels publics dans TAnnuaire du bureau des longitudes.
RAPPORT des naissances naturelles a la population en France ,
de 1817 a 1833.
ANNEES.
POPULATION.
NAISSANCES
NATURELLES.
POUR 100,000
AMES.
1817
29,850,194
62,553
209
1818
30,046,096
58,551
194
1819
30,208,044
65,661
217
1820
30,407,907
66,349
218
1821
30,620,051
67,486
224
1822
30,818,685
69,748
226
1823
31,039,971
69,662
224
1824
31,260,517
71,174
227
1825
31,416,491
69,392
220
1826
31,851,545
72,471
227
1827
32,040,616
70,768
220
1828
32,171,018
70,704
219
1829
32,212,092
69,351
215
1830
32,370,086
69,247
213
1831
32,560,934
71,411
219
1832
32,565,387
67,677
207
278 SIXIEME SECTION.
On voit par ce tableau que la population et les uaissances naturefle*
vont toujours croissant et restent a peii pres constamment dans le meme
rapport. II y a d'abord une faible progression ascendante qui bientot de-
vient descendante : effet ordinaire de la paix. Apres la guerre, la popula-
tion repare ses pertes par des naissances plus nombreuses ; puis tout ren-
tre dans 1'ordre accoutume. C'est une loi de la nature a laquelle sont
souraises les naissances naturelles aussi bieu que les naissances legitimes.
On doit remarqiier qu'en 1832 il y a eu tout-a-coup un abaissement
considerable du nombre de& naissances natupelles ; il en a etc de meme
des legitimes. On peut expliquer ce fait par la retenue qu'inspirait alors la
crainte du cholera-morbus *.
Ainsi 1'accroissement de la population explique completement celui des
naissances naturelles , au moins pour ces derniers temps. Cependant il
est soujours d'un grand interet et d'une haute importance de recherche^
les circonstances qui tendent a augmenter les naissances naturelles ; et je
vais le faire.
C'est a tort, il me semble, qu'on~a pris les naissances naturelles pour
Peffet et la mesure de la demoralisation des peuples : car les prostituees
ont rarement des erifants , et les jeames filles des villes , qu'une coquet-
terie dispendieuse oblige a avoir plusieurs amants, deviennenl meres bien
moins souvent que celles des campagnes, assurement plus morales. C'est
que celles-ci se laissent aller aux plaisirs de 1'amour par un pencbant na-
turel, et ne se livrent pas au libertinage; c'est qu'elles ne connaissent
pas comme les autres toutes les ressources du vice. Aussi , je ne crains
pas de le dire , la maternite cbez une fille suppose generalement un cer-
tain degre de moralite. Je ne saurais done admettre comme mesure de la
moralite d'uu pays le rapport des naissances naturelles aux legitimes, ou
bien aux filles nubiles ; et c'est a tort , suivant moi , que M. de Petigny,
dans son excellente statistique de Loir-et-Cher, a place, dans 1'ordre de
la moralite , 1'arrondissement de Romorantiu apres ceux de Blois el de
Veridome, par cela seul qu'a Romorantin on compte un enfant naturel
pour 1,50 filles nubiles, tandis qu'a Blois la proportion est d'un sur 1,80,
et a Vendome d'un sur 1,90. Ce n'est la qu'une donnee insuffisante pour
une semblable consequence. D'ailleurs, a supposer que le principe flit
vrai , c'est-a-dire qu'il fut exact de prendre le rapport des naissances na-
turelles au nombre des filles nubiles pour mesure de la moralite d'un pays ,
* Parent-Durhatelet avail Jeja tie conduit a. une remarque semblaWe dans ses
retlicrthes »ur la prostitution.
SIXIEME SECTION. 279
t-videmment on ne pourrait en faire 1'application qu'en operant sur de
grandes masses, qu'en comparant deux etats entre eux, et non deux de-
partments ou deux aiTondissements ; car les tours et les maisons d'accou-
chemeiit font que tres souvent le lieu de la naissance ii'est pas celui de
la conception; or il est evident que c'est celui-ci seul qtt'ou doit prendre
en consideration. (V. la note 2.)
Je ne pense pas non plus que les agglomerations d'hommes , devenues
plus grandes et plus nomhreuses, soil une cause d'augmenlation des nais-
sances naturelles ; et je cite pour exemple 1'arrondissement de Romoran-
tin qui n'a que 211 habitants par 1,000 hectares de territoire; tandis
que , pour la meine superficie , celui de Blots en contient 503 , et celui de
Vendome 393. Eh! bien, dans 1'arrondissement de Romorantin, on
compte 1 naissance natiirelle pour 20 legitimes , dans celui de Blois 1 pour
50 et dans celui de Vendome 1 pour 23 ; et pourtant Blois et Vendome
ont presque toujours garnison ; Romorantin jamais. Ce fait s'explique faci-
lement : la solitude de la Sologne fait que les jeunes filles se trouvent fre-
qucm'meut isolees , loin de tout regard , livrees aux seuls reves d'une ima-
gination qui ne saurait s'elever au-dessus desjouissances physiques. Dans
les pays populeux, au contraire, on est constamment sous la surveillance
les uns dcs autres, et Ton connait d'autres plaisirs que ceux de 1'amour.
Dans ces pays, d'ailleurs, la prostitution rend inutile la seduction. Je ne
suis done point etonne que les contrees les moins populeuses soient celles
qui comptent relativement le plus de conceptions naturelles.
M. de Bondy, dans un memoire dont j'apprecie tout le merite , quoique
je n'en partage pas toutes les vues , avail deja prouve qu'il en etait ainsi
[)our les expositions, en comparant le nombre des enfants trouves de cha-
cun des 86 departements de la France a la densite de sa population. En-
effet, ila trouvequeles 10 departments qui out le plus d'erifants trouves,
relativement a la population, comptent 43 habitants par kilometre carre,
et que les 10 qui en ont le moins, comptent 67 habitants pour la meme
superficie. D'ou il conclut avec raison que la rarele, plutot que la densite &&
la population , semble etre une cause favorable a raccroissement du nom-
bre des enfants trauves.
Je sais qu'on pent aussi repondre par des chiffres , et montrer plus de-
naissances naturelles dans les grandes villes que dans les campagnes. Le
raisonnement des chiffres est rigoureux, assurement : mais quand onl'em-
ploie , il faut savoir tenir compte de toutes les circonstances ; car un pro-
duit nc saurait ctre exact , si Ton neglige un des facteurs. Ainsi > Paris offre
280 SIXIEME SECTION.
1 naissance naturelle centre 2,76 legitimes *. Mais il faut considered
qu'a Paris beaucoup de gens du peuple ne fonl pas consacrer leurs
unions par le mariage. Cet acte exige des Ibrmalites longues , quel-
quefois difficiles , et jusqu'a un certain point couteuses pour les gens
qui, ne possedant rien, ne voient pas 1'utilite d'un contrat , bon , a
leurs yeux , seulement pour les riches. Deux individus ae conviennent-ils ,
ils s'unissent et vivent comme mari et femme dans des liens conventionnels
qu'ils rompent rarement ; a tel point que souvent la femme est maltrai-
tee, et que neanmoins elle ne pense pas meme a quitter la maison
commune.. Cependant de cette union naissent des enfants qu'il faut
bien inscrire comme illegilimes. Et pourtant il est certain que , moralement.
parlant , ces enfants sont dans une condition toute speciale. En effet , ils
sont eleves comme s'ils etaient nes dans 1'etat de mariage , et ils partagent
la modique succession de leurs parents, sans que personne ne songe a la
letir disputer.
II est certain aussi que beaucoup de naissances nature-lies- de Paris doi-
vent etre attributes aux departements. La plus grande facilite de garder
le secret d'un accouchement clandestin dans une grande ville engage bien
des femmes a aller y faire leurs couches. D'apres M. de Chateauneuf , un
huitieme des enfants trouves de la capitale proviennent de3 departements.
Coquebert-Monbret , dans son rapport a 1' Academic des sciences, sur 1'ou-
vrage de M. de Chateauneuf, pretend qu'il yaerreur dans cette evaluation ,
et que ceux qui viennent des departements « sont plutot en-dessus qu'au-
dessous du tiers du total. »
Beaucoup de personnes enfin voient une espece d'encouragement a 1'im-
moralite et une cause d'augmentation des naissances naturelles dans la
facilite donuee aux filles-meres-de pouvoir cacher teurs fautes et se debar-
rasser de leurs enfanls. M. Ducliatel, dans son ouvrage sur la charite, a
dit : « Le nombre des naissances naturelles va, comme on sail, toujours
croissant. Les etablisscments d' enfants trouves sont une des causes de cet
accroissement." Nous avons vu , nous, que cette augmentation des naissances
naturelles ne devait etre attribute qu'a 1'accroissement de la population.
Je crois qu'il eut etc plus juste de dire: Cet accroissement des naissances
naturelles est une des causes de I' augmentation des enfants trouves. Il
me semble, en effet, que pour trouver dans les tours une puissante cause
* Rapport nioyen pour les annees 1817, 1818 , >
45 des Recherches statistiques sur Paris , 1826.
819, 1820 ct 18^1 , d'aprt? le tablcat
SIXIEME SECTION. 28f
aux naissances naturclles, il faut avoir pen reflechi on connaitre bien pen
les fcmmes. Comme je 1'ai deja dit, celles qui deviennent meres ne sont
pas des filles ddbaucliees , mais des filles seduites. Eh! bien, croyez-vous
qn'il serait fort adroit de representer a ces pauvres filles toutes les res-
sources qu'elles auront quand viendrale moment de leur accouchement?...
Assurement ce serait un seducteur bien pen dangereux que celui qui
mettrait tout le feu de sa passion a faire valoir ce froid raisonnement.
Soyez persuade que 1'amant tient un tout autre langage : il promet d'epou-
ser, ou bien il assure qu'il ne viendra pas d' enfant. S'il avail la maladresse
d'admettre la possibilite d'une grossesse sans promettre le mariage, ja-
mais il n'obtiendrait rien. La jeune fille ne 1'admet pas davantage; elle
repousse cette idee qui trouble son bonheur, elle s'abandonue sans re-
flexion , car si elle reflechissait elle ne faillirait pas.
M. de Gouroff a rapporte en 1829 , dans le prospectus de ses Re-
cherches sur les enfants trouves, un fait qui, depuis, a ete repete, comme
tres concluant, par tons les antagonistes de tours. «Mayence , dit-il, n'avait
point d'etablissement de ce genre, et depuis 1799 jusqu'en 1811 on y
exposa 30 enfants : c'est 2,3 par an. Napoleon qui s'imaginait qu'en multi-
pliant les maisons d'enfants trouves il multipliait les soldats et les mate-
lots , ordonna d'etablir un tour dans cette ville. Ce tour fut ouvert le
7 novembre 1811 et subsista jusqu'au mois de mars 1815, que le grand-
due de Hesse-Darmstadt le fit supprimer. Pendant ces trois ans et quatre
mois la maison recut 516 enfants trouves. Une fois qu'elle fut supprimee,
comme 1'habitude de 1'exposition n'etait pas encore enracinee dans le
peuple, tout rentra dans 1'ordre; on ne vit dans le cours des neuf annees
suivantes que sept enfants d'exposes. « Ce fait ne me semble prouver
qu'une seule chose , c'est que partout ou il n'y a pas de tours il y a ne-
cessairement des expositions sur la voie publique , beaucoup moins nom-
breuses a la verite que les autres, mais qui toutes sont de veritables in-
fanticides par omission ; car tons ces pauvres petits etres ainsi delaisses
doivent succomber an froid , a 1'inanition et aux accidents de tout genre.
v « Londres, a dit encore M. de Gouroff, avec 1,250,000 ames de po-
pulation, n'a eu que 151 enfants exposes en cinq ans,tandis que 1'hospice
de Paris, dans le meme espace de temps, en a recu plus de 25,000. »
Pour un esprit leger, ce rapprochement peut paraitre tout a 1'avantage da
systeme anglais; mais 1'homme reflechi voit tout d'abord que M. de Gou-
roff a commis la faute enorme d'employer dans la meme phrase le meme
mot sous deux acceptions differentes : dans un cas, il s'agit d'enfants ex-
poses dans un tour, c'est-a-dire confies a la charile publique;
282 S1XIEME SECTION.
it s'agit d'enfanls exposes sur la voie publique, c'est-a-dire voucs a la
mort. Dans un cas, il s'agit d'une action tout au plus reprehensible, dans
1'autre, il s'agit d'un crime, car necare ixdetitr non tantum is qui partum
perfocat , sed et is qui abjicit et exponit. G'est done comparer ensemble
des quantites de nature differeute. — D'apres M. de Gouroff , Londres a
eu en cinq ans 1 5 1 crimes d'exposition ; Paris , en quatre ans , n'a eu que
9 accusations d'infanticide. — Toici un rapprochement beaucoup plus
juste et plus concluant.
Loin d'avoir une influence marquee sur Paugmentation des naissances
naturelles , le systeme actuel de tours et d'hospices me semblerait pi u tot
tendre a eu diminuer le nombre. En effet, une jeune fille n'a pas perdu
toute pudeur pour avoir fait une faute, et si vous 1'aidez a la cacher, elle
deviendra d'autant plus prudente qu'elle connaitra mieux le danger ; mais
si, au eontraire, vous 1'obligez a s'avouer coupable , si vous lui laissez sans
cesse sous les yeux la preuve vivante de son deshonneur, alors elle s'habi-
tuera a cette idee , ne rougira plus et sera bien pres de retomber en faute.
Bicntot aucune consideration ne la retiendra plus , quand elle s'apercevra
que pour elle tout espoir de manage est perdu ; car dans le peuple on ne
se fait pas grand scrupule d'epouser une fille qui n'a pas toujours ete
sage, mais rarement on veut prendre 1'cmbarras d'un enfant venu d'a-
vance.
Si la multiplicite des tours n'est pas une cause d'augmentation des-
naissances naturelles , il paratt qu'elle n'augmente pas uon plus le nombre
des expositions. M. de Bondy a montre en effet que dans les dix depar-
tements qui comptent le plus d'enfants trouves , relativement a leur po-
pulation, il y a, en moyenne , un depot d'enfants par 2,238 kilometres
carres, et que dans les dix qui en comptent le moins il y a, en moyenne,
un depot par 1,705 kilometres carres. « Ainsi, la ou les tours d'exposition
soiit^/H,* nombreux il y a moins d'enfants trouves , et -vice versa. Il serait
absurde, continue M. de Bondy, d'en conclure que la multiplicite des
tours tend a diminuer le nombre des expositions ; mais du moins on peut
regarder avec raison comme demontre qu'elle ne 1'augmente pas dans une
forte proportion, comme on le suppose gcneralement. » II y a lieu de
s'etonner qu'apres avoir reconnu ce fait, M. de Bondy demande la sup-
pression des tours d'arrondissement dans le seul but de rendre moins
compliquee la machine administrative. C'est qu'il a pense que cette suppres-
sion n'augmenterait en rien le nombre des infanticides, et qu'il ne parait
pas meme avoir songe qu'elle put augmenter la mortalite ; il voit les petits
avantages de la mcsure sans en aperccvoir les grands inconvcnients. Les
SIXIEME SECTION.
233
diiffres contenus clans la suite de ce memoire me semblent de nature a
changer son opinion a cet egard.
Non sans doute , re n'est ni dans la demoralisation des peuples , ni dans
les grandes agglomerations d'hommes , ni dans 1'institution d'hospices
d'enfants trouves , qu'on doit placer les causes qui peuvent augmenter
les naissances naturelles. G'est dans nos mccurs e.t nos institutions qui ,
chaque jour , tendent de plus en plus a reculer 1'age ordinaire du mariage ,
qu'il faut les aller chercher.
Autrefois , les uns posscdaient beaucoup de fortune , des la jeunesse , et
les autres avaientpeul'espoird'en aequerir jamais; tous se mariaient jeunes.
Aujourd'hui, bien pen sont riches a leur entree dans le monde; mais tous
peuvent esperer acquerir par leur travail uue position convenable dans la
societe. C'est une necessite de I'epoque que de se faire un etat avant de se
marier. Aussi, dans toutes les classes, se marie-t-on tardivement. La jeu-
nesse, souveiit meme la vie entiere se passe dans le celibat; et comme la
nature ii'a pas perdu ses droits , les enfants naturels remplacent les enfairts
legitimes. Toutefois, hatons-nous de le dire, le mal ne fait pas de progres : les
naissances naturelles reslent dans un rapport a peu pres constant avec les
naissances legitimes. Ce faitest prouve par le tableau suivant dont j'ai pris
les elements dans les documents statisques , publics en 1835 par le munV
tre du commerce.
RAPPORT des naissances naturelles aux legitimes, en France,
de 1824 a 1833.
ANNEES.
WAISSANCES
LEGITIMES.
NAISSAWCES .
NATURELLES.
roua 10,000
I.EGITIMES.
1824
912,978
71,174
779
1825
904,594
69,392
767
182G
920,720
72,471
787
1827
909,428
70,768
773
1828
905,843
70,704
780
1829
895,176
69,351
774
1830
893,577
69,247
770
1831
915,298
71,411
780
1332
870,509
67,677
777
284 SIXIEME SECTION.
Ainsi, que Ton compare les naissances naturelles aux legitimes, ou bieri
a la population , on trouve qu'elles n'ont pas varie. C'est un fait impor-
tant a bien constater pour arriver a demontrer que les reproches adresses
par les economistes a notre epoque et a notre systeme d'enfants trouves ne
sont pas tres fondes.
II n'est pas moins certain que la prolongation de la vie celibataire tend
a augmenter les naissances naturelles , et qu'il y a baute imprudence a ne
pas mettre , sous ce rapport , les lois sociales en parfaite harmonic avec
celles de la nature.
C'est ainsi que la loi de recrutement , en augmentant la duree du service
militaii'e , est venue evidemment ajouter au mal.
Mais la multiplication des enfants naturels n'est pas le seul inconvenient
de cet etat de choses. II est encore a craindre que la generation n'en
souffre ; car tons les animaux sont bien plus propres a la reproduction
dans la jeunesse que dans un age plus avance.
A la verite, a cote de ce mal moral est aussi un bien : plus on tiendra a
assurer son existence avant de se marier, plus la misere deviendra rare ,
et moins il y aura d'enfants trouves ; car il est impossible de ne pas consi-
derer la misere comme une des principales causes qui portent les meres a
abandonner leurs enfants. M. de Bondy semble etre arrive a la preuve du
contraire. « La ricbesse, dit-il, on la pauvretc relative de departements
n'influe presque en rien sur le nombre des enfants trouves. » Mais
d'abord ses calculs ne comprennent que la ricbesse territoriale , c'est-a-
dire une partie seulement de la richesse. Ensuite le produit territorial
d'un pays ne saurait donner une idee juste de 1'aisance des habitants. Ainsi
par exemple , dans le Percbe , dans une partie du Berry, la ricbesse ter-
ritoriale est grande, et les habitants sont pauvres. C'est que les prod uils
territoriaux entrent dans la caisse du proprictaire et qu'il n'en revient
presque rien au colon. On ne petit apprecier 1'aisance d'un pays agricole
que par la division de la propriete *.
Je crois qu'il est plus juste de dire avec M. de Chateauneuf , que « entre
les mauvaises mceurs qui dcpravent les peuples et les mauvaises annees
qui les appauvrissent, il y a plus de conformite qu'on ne croit dans les
¥ Dans 8es reclierclies administratives , statistiques et morales sur les en f ants
tronvc-s, ouvrage couronne par la Societe acadeniique de Macon et recemmeiit public,
M 1'abbe Gaillard a fait des calculs semblablcs a ceux do M. de Bondyj mais an
lieu do comparer le» expositions au proiuit territorial, il les a comparees au nombre
relatifd indigents de chaque departemeiit, d'apres 1'ouvrage de M. de Villeneuve sur
I'econotnie politiqtie. Les resultatt out etc tout difieruuts ; suivant M. Gaillard, la
misere est une des giaudes causes de multiplication des enfauts trouves.
SIXIEME SECTION. 285
effcts ; » et avec Malthus , que le nombre des enfants abandonnes est « le
plus grand dans les mauvaises annees ou le produit moyen ne suffit pas
pour nourrir la population actuelle. » S'il en est ainsi , il est permis d'es-
perer que les caisses d'epargnes , ces precieuses ressources du pauvre,
deviennent une double cause de diminution des enfants trouves, en mora-
lisant le peuple et en 1'assurant centre la misere.
L'inlroduction du luxe et I'insuffisauce des salaires dans la classe des
ouvrieres doivent avoir uue influence marquee sur 1'augmentation des
naissances naturelles.
Une autre cause enfin de multiplication des naissances naturelles , qui
me parait peu contestable, et dont sans doute personne ne voudra sc
plaindre, est une plus graude moralite chez les femmes mariees. Je suis
encore tres porte a croire que les avortements provoques sont beaucoup
plus rares aujourd'hui qu'ils ne Pelaient autrefois. Et , de ces deux
points de vue , ilne serait peut-etre pas deraisonnable de considerer 1'aug-
mentation des naissances naturelles comme un indice de moralisation plutot
que comme une preuve de demoralisation.
A ces causes generates peut-etre pourrait-on en ajouter quelques unes
seulement locales. Ainsi , dans la statistique de Loir-et-Cher*, les mois
d'aout, de septembre et d'octobre, places aux 10.e, ll.e et 12.e rangs
dans 1'ordre de la frequence des conceptions legitimes, se trouvent portcs
aux 5.e, 8.e et 10.e pour les conceptions naturelles; tandis que les mois
de decembre , Janvier et novembre, places dans le premier cas aux 6.e,
8.e et 9.e rangs, se trouvent, dans le second reportes aux ll.e, 9.e et
10.e rangs. Ces differences s'expliquent facilement par les usages du pays.
Les mois d'aout , de septembre et d'octobre sont des epoques de grands
deplacements pour la foire de Blois , pour les recoltes de grain et de vin.
Pour bien apprecier quelle pent etre 1'influence des vendanges, particu-
lierement, sur les conceptions naturelles, il faut savoir que , dans les pays
ou 1'on cultive beaucoup la vigne, les bras de la localite seraient insuffi-
sants pour faire la recolte , et qu'il y vient un grand nombre d'etrangers
qu'on met tons ensemble , sans distinction de sexe , coucher sur la paille
dans les granges et les greniers. Pendant les mois de novembre , decembre
et Janvier, au contraire , on se rencontre peu , et Ton est sage faule d'oc-
casions de faillir. On concoit , d'apres cela , que 1'extension donnee a cer-
taines cultures , le developpement de certaines industries , 1'accroissement
Yoir les memoires ile la Societ6 des sciences vt des lettres de Blcis, tome I,
23C
SIXIEME SECTION.
des relations sqcialcs , et en genera] tontes les circonstances qui imilti-
plient les rapports des deux sexes, puissent contribuer a augmenter le
uombre des naissances naturelles, et partant celui des expositions.
III.'
On est generalement porte a croife a 1'affaiblissertient de 1'amour ma-
ternel, ce sentiment de la nature qui repousse la pcrisee d'abandonner son
enfant. Moi-meme , je 1'avoue , j'etais ires dispose a admettre ce change-
ment dans les moeurs comme cause de 1'augmentation des enfants trouves.
Toutefois, j'ai \oulu avoir la mesure exacte de ce fait, et j'ai recherche
si les expositions d'enfants naturels devenaient beaucoup plus frequentes.
Dans ce but , j'ai compare le nombre des expositions a celui des nais-
sances naturelles ; or, voici le tableau que j'ai dresse :
RAPPORT des expositions aux naissances naturelles, en France,
de 1824 a 1833.
ANNEES.
NAISSANCES
NATURELLES.
EXPOSITIONS.
POUR 100
NAISSANCES NAT.
1824
71,174
33,792
47,47
1825
69,392
32,278
46,51
1826
72,471
32,876
45,36
1827
70,768
32,504
45,93
1828
70,704
33,749
47,73
1829
69,351
33,141
47,78
1830
69,247
33,431
49,57
1831
71,411
35,884
50,24
1832
67,677
35,435
52,35
On voit que les expositions n'ont augmente d'une maniere im peu sen-
sible qu'a 1'epoque de la revolution et a celle du cholera-morbus. Nul
doute que cette augmentation n'ait etc accidcntelle et qu'elle n'ait cesse
avec les causes momentanees qui Pavaient produite. II est remarquable,
en effet, que cette augmentation des expositions coincide avec une dimi-
nution des naissances naturelles. Malheureusement les documents statls-
tlques ou j'ai encore pris ces chiffres ne distinguent pas les enfants trou-
ws et les enfants abandonnc's; nous aurions vu, j'en suis convaincu,
6IXIEME SECTION. 287
q»e raiigmenlalion porte particulierement sur les enfanls abandonnes qui ,
comme on Ic sail, sont presque tons legitimcs , ct nous aurions eu la
preuve que la misere a etc la seule cause de cette derogation a 1'ordre
habituel des choses.
Je crois done pouvoir dire d'une maniere generale que les expositions
sont avec les naissances naturelles dans un rapport pen variable , sauf les
exceptions constantescausees par un accroissement accidentel de la misere.
Par consequent , le sentiment naturel qui repousse 1'abandon de son propre
enfant ne s'est pas affaibli chez nous d'une maniere sensible; et quand,
sous ce rapport, nos mceurs eussent subi quelque changement, quand
les expositions fussent devenues relativement plus nombreuses , faudrait-il
s'en etonner et en accuser un etat de demoralisation sociale ? nullement ,
car c'est le resultat naturel de toute institution de ce genre, et je suis
plutot surpris que 1'effet n'en soil pas trcs marque. La repugnance pour
les hopitaux a etc pendant long-temps invincible: elle est grande encore,
pourtant elle diminue chaque jour. Or, 1'idee d'exposer son enfant esj
clu meme 'genre : les meres confient aux hospices le soin des enfants
qu'elles ne peuvent elever, comme les enfants conduisent aux bospices
leurs vieilles meres qu'ils ne pcuvent nourrir.
Mais cette diminution de la repugnance a exposer ses enfants serait-elle
un mal? Guere plus peut-etre que 1'affaiblissement de 1'aversion pour
1'hopital. Pourquoi, en effet, conseille-t-on aux indigents d'entrer dans
les bopitaux et les bospices?.... C'esl pour qu'ils y soient mieux soigncs
que cbez eux ; pour enlever a la mendicite un de ses plus grands motifs ,
el pour que les parents des malades ne soient pas prives de leur travail.
Or, n'a-t-on pas exactement les memes motifs pour donner le conseil
d'exposer son enfant a une mere qui est dans V impossibility de 1'elever ?
II faut bien, en effet, que 'la malheureuse fille-mere qui n'a que ses bras
pour gagner sa vie soil entretenue, elle et son enfant, aux frais de la
cbarite publique. Si, au contraire,la societe prend soin de 1'enfant, lui
seul sera a sa cbarge ; la mere travaillera.
Qu'on ne craigne done pas tant d'augmenter le nombre d'enfants trou-
ves en conservant les tours, au moins jusqu'a ce qu'un nouveau systeme
soit^venu remplacer cette vieille institution, a laquelle, du moins, on
ne contestera pas 1'avantage d'avoir fait completement cesser les exposi-
tions sur la voie publique.
IV.
Une quatrieme cause que Ton pent assigner a 1'augmentation des en-
28'8
SIXIEME SECTION.
fants trouves , est 1'introduction de quelques abus dans la charitable insti-
tution de saint Vincent de Paul.
II est bien certain, en effet, que quelquefois de pauvres meres ont
expose leurs derniers-nes pour pouvoir gagner la subsistence de leurs aines.
D'autres fois des femmes cupides ont depose leurs enfants dans les tours
des hospices , puis ont ete les reprendre comme nourrissons , et de cette
manic-re se sont fait payer pour remplir le premier des devoirs imposes
par la nature. Plusieurs fois aussi les administrate urs des hospices se sont
pretes a de pieuses fraudes pour procurer quelques sccours a de malheu-
reuses veuves chargees d'une famille nombreuse.
Je ne pense pas qu'on puisse trouver a 1'augmentation des enfants
trouves d'autre cause que les quatre que nous venons d'examiner, et dont
maintenant nous pouvons apprecier exactement le degre d'influence.
Nous avons constate que le rapport des naissances naturelles a la po-
pulation est reste a pen pres le meme depuis vingt ans ; nous avons aussi
trouve que le rapport des expositions aux naissances naturelles varie pen.
Nous en devons conclure que le rapport des expositions a la population
est a peu pres toujours le meme ; c'est en effet ce qu'il est facile de prou-
ver directement.
RAPPORT des expositions a la population, en France ,
de 1824 a 1833.
ANNEES.
POPULATION.
EXPOSITIONS.
POUR IOO,OOO
AMES.
1824
31,260,517
33,792
108
1825
31,416,491
32,278
102
1826
31,851,545
32,876
103
1827
32,040,616
32,504
101
1S28
32,171,018
33,749
104
1829
32,212,092
33,141
102
1830
32,370,086
33,431
103
1831
32,560,934
35,884
no
1832
32,565,387
35,435
108
Si le nombre des expositions , compare soil au chiffre des naissances na-
turelles, soit a celui de la population , n'a pas aiigmente , il faut bien re-
SIXIEME SECTION.
289
connaitre que le sentiment malernel ne s'est pas affaibli et que les abus
n'ont pas grandi.
Quoique le rapport des expositions a la population reste le meme , ce-
pendant le rapport des enfants trouves a la population suit une progression
ascendante , comme le prouve le tableau suivant :
RAPPORT des enfants troupes a la population en France ,
de 1815 a 1833.
ANNEES.
POPULATION.
RAPPORT.
1 enfant pour
1815
29,152,743
84,500
345
1817
29,327,388
•92,200
318
1818
29,217,465
98,000
298
1819
29,417,328
96,000
306
1821
30,620,051
105,700
289
1822
30,818,685
109,410
281
1824
31,260,517
116,767
267
1825
31,416,491
117,305
267
1826
31,851,545
116,377
273
1827
32,040,616
114,384
280
1828
32,171,018
114,307
281
1829
32,212,092
115,472
278
1830
32,370,086
118,073
274
1831
32,560,934
123,869
262
1832
32,565,387
127,982
254
Ainsi, les expositions n'ont pas augmente, et cc-pendant les enfants
Irouves sont devenus plus nombreux. N'est-ce pas une preuve indirecte
l)ien concluante du fait deja directement constate de la diminution pro-
gressive de la mortalite parmi les enfants trouves? On voit clairement que
c'est a cette seule cause qu'il faut attribuer 1'accroissement numerique de
res infortunes. C'est done bien a tort qu'on se plaint d'un fait dont nous
devons nous glorifier, et vers lequel doivent tendre tous les efforts des
vrais philanthropes. Regretterons-nous encore le pen d'or que nous coute
un si grand progres social?
21
206 SiXIEME SECTION.
Nous avons obtrmi une amelioration, tachons d'en obtenir une autre;
nous avons dimimic la mortalite, efforeous-nous maintenniit de diminuer
les expositions; niais que ce soil avec prudence. Faisons des economics,
mais des economies dont puisse se feliciter tout homme de bien.
Avant de voir ce qu'on doit faire, voyons ce qu'on a fait jusqu'a pre-
sent. On a supprimc des tours et fait echanger les enfants trouves de
departement a departement, on d'arrondissement a arrondissement ; me-
sures que je n'hcsite pas a proclamer desastreuses et anti-sociales.
Et d'abord , la suppression des tours doit augmcnter le nombre drs
infanticides. Cette objection se presente si naturellement a 1'espril qu'elle
est devenue en quelque sorte banale, et qu'on a mauvaise grace a la pre-
senter; cependant elle est si forte et si bien appuyee, que je ne saurais
renoncera la reproduire. A neconsiderer la mesure qu'« priori, voyons ce
qu'il est raisonnable d'en attendre. Je mets en fait que jamais une mere
ne tue son enfant par instinct de destruction, tonjours c'esl pour cacher
sa faute; quand elle trouve un autre moyen d'arriver a ce but sans se
rendre criminelle, mil doute qu'elle ne 1'emploie; aussi voit-on fort peit
d'infanticides dans les villes qui offrent la double ressource des mat rones
et des tours; toutes les malheureuses qui viennent s'asseoir sur les banes
des tribunaux sont de grossieres campagnardes qui nc savent meme pas
nier leurs fautes. Soyez-en surs, si vous placiez un tour a la porte de
chaque eglise , vous n'auriez pas un seul infanticide a punir; par contre,
il est impossible qu'en fermant une partic de ceux qui existent, vous
n'augmentiez pas le nombre de ces crimes.
Je suis etonne que M. Duchatel*, en partant des memes principes, ar-
rive a une consequence toute differente. « La crainte setile de Tinfamie,
dit-il, prodult les infanticides." Puis il ajoute : « Dans les grandes villes,
les infanticides sont comparativement moins frequents. » Oui, sans doute;
mais c'est bien moins parce qne la la crainte de la honte agit avec
mains de force qne dans les campagnes ; que parce que la une jeune
iille pent cacher sa faute sans commeltre un crime, et qu'on ne se rend
pas criminel sans motif. Dans 1'opinion de M. Duchatel, les tours sont im-
puissants pour prevenir I'infanticide ; parce que la malheureuse qui corn-
met ce crime est dans un tel etat d'exaltation, de verlige, qu'elle est in-
* Ouvrage citi.
SIXIEME SECTION. 291
capable de reflexion, de calcul. Je 1'ai souvent entendu dire anx avocals ;
mais je n'en_crois absolument rien ; parce qu'apres sa faute elle a eu iieui'
mois de reflexion; parce qu'avant le crime, elle a quelques heures de
souffrances qui 1'avertissent qu'il faut prendre tin parti; el enfm parce
que trop souvent il est assez patent que le meurtre a etc conseille par
le seducteur. C'est malheureusemenl un fait qu'il faut reconnaitre : il y a
calcul dans le crime d'infanticide. Et comme 1'hospice sauve de 1'infamie
tout aussi surement que le crime , on y a rccours toutes les fois qu'on le
peut assez facilement.
C'est par des fails qn'on pretend re-pond re a ce faisonnement pen sus-
ceptible dc refutation* Lcs infanticides, dit-ori, n'etaient pas plus nom-
breux avant la creation des hospices d'enfants trouves , qu'ils ne le sont
aujourd'hui. Mais on ignore done quo ces etablissements n'ont etc fondes
que pour arreter les scandaleux progres du crime. Les enfants alors etaient
jetds nuitammcnt a vat les rues , et presque tons mouraient de froid ;
d'autres etaient vendus inngt sous , et leur sang elait verse dans des ope-
rations magiques! Les plus heureux etaient ceux qui tombaient entre les
mains de miserables faineants qui s'en servaient pour exciter la commi-
seration publique et s'attirer de pieuses aumones *. Eh ! sans ces desordres
criants , saint Yincent de Paul aurait-il done obtenu de la charite chre-
tienne des Iresors pour la fondation de ses hospices ? Si , des 1'an 1212,
le pape Innocent III avail cree a Rome un des premiers hospices connus
d'enfants trouves , n'etait-ce pas parce que le Tibre leur servait de torn-
beau? et si, plus t6t encore, en 787, Parchi-pretre Datheus avail fonde
a Milan un hospice d'enfants trouves, n'etait-ce pas dans le but de mettre
un terme aux crimes nombreux d'infanlicide ?
On pretend aussi que dans les pays ou il n'y a pas de tours, on ne
compte pas plus d'infanlicides qu'en France; avant tout il faudrait le
prouver. D'ailleurs est-il raisonnable de conclure d'un pays a un autre
sans tenir compte des differences de lois , d'usages , de moeurs et de pre-
juges? Les lois civileset les croyances religieuses, toutes difierentes, n'eta-
blissenl-elles pas en effet une complete dissemblance ? Le deshonneur
attache a la condition de fille-mere, ce sentimenl qui, chez nous, fait
repousser celle malheurense de la sociele, esl-il done parloul le meme?
les avorlements ne remplacent-ils pas les infanticides? enfin , la justice
a-t-elle des moyens d'invesligalion partout egaux ? voila ce qn'il faudrait
" Memoires de Tenou sur lei lidpitaux.
292 SIXIEME SECTION.
d'abord rechercher, et c'est ce qu'on neglige conipletement. Ainsi,
suivant 1'usage, on nous cite PAngleterre pour exemple. Dans ce pays,
dit-on , il n'y a pas d'hospices d'entants trouves , et Ics infanticides n'y
sont pas plus communs qu'en France. D'abord , c'est une erreur de fait ,
an moins pour Londres, qui possede un fort beau foundling liospital*.
Ensuite la comparaison peche de tout point. Chez nous, en effet, 1'opU
riion publique fletrit une fille-mere, et le seducteur rough de rcparer sa
faute par le mariage; chez nos voisins, au contraire, « P usage et 1'opinion
publique s'unissent pour rendre le manage la consequence de la seduc-
tion**.» Sous 1'einpire de 1'ancienne legislation, la fille qui devenait mere
declarait sur serment quel etait le pere de son enfant; elle etait crue en
justice , et le seducteur etait condamne a une indemnite pecuniaire , on
meme a la prison, s'il ne se hatait de consentir au mariage. Depuis 1833,
la fille-mere n'est plus crue sur serment , il faut qu'elle etablisse par te-
moins la probabllite de la paternite pour obteuir en justice une pension
alimentaire a son enfant. Cette nouvelle legislation doit sinon detruire, a«»
moins diminuer de grands abus faciles a comprendrc ; mais elle doit ,
comme 1'ancienne, couduire tres sou vent au mariage; presque toujours,
en effet, dit M. Wakefield, le seducteur est un garcon. Alors la moralite
anglaise est completement satisfaite, et 1' union icgne dans le menage. On
concoit qu'il puisse en etre aiusi dans un pays on la femme ne porle
presque jamais de dot, et ou elle est reputee libre et maitresse de sa per-
sonne tant qu'elle n'est point engagee dans les liens du mariage. Mais pour
que nous arrivions la, changez nos lois qui repoussent du plus loin pos-
sible la recherche de la paternite; qui, en etablissaul un egal partage
entre les enfants d'une meme famille, mettcnl 1'liomme dans rirnpossibi-
lite de fa ire ce que nous appellerions une mesalliance de fortune ; change/,
surtout nos mceurs; faites que nous sachions pardonner une faute a une
* M. de Gourot'f pretend que «. le faundliiig hospital de Londres ne recoil anon:
enfant troupe, pas meme ccnx qu'on expose a fa porte. » M. Wakefii-ld dit, au con-
traire (seconde session du Congres sc'eiitifiqiie de France) que c'est une grande erreur j
qu'a la \erite, le tour a eta ciipprime, et que « la mere on qnelque personne de bonne
reputation est obligee d'apporter I'enfant; » mais que 1'hotpite a conserve sa destina-
tion premiere. C est san» doute d'a[ir6s M. de Gouroff que M. Benjamin Delessert a
repete la meme errenr a la cliambre des deputes le zft mai i836. Je me mis , en eflet,
assure que cet hospice existe toujours; settlement il est soutenu par une association
pliilantliropique , et pour y placer un enfant, il faut la recomuiandation d'ttn des
membres de la societe , recotnmandalion toujours facile a obteuir.
*" WakefieU, ancien membro do la cliamhre di-s communes Congres de Poitiers.
SIX1EME SECTION. 293
jeune fille, et ue plus touruer en ridicule (car le ridicule eu France est
une arme qui tue) un homme qui, en Angleterre, acquerrait un droit a
la consideration publique; faites d'abord tons ces changemeuts , et ensuite
vous pourrez peut-etre etablir une comparaison juste entre les institutions
des deux peuples.
Cette grande difference qui existe dans la position morale de la fille-
mere en France et en Angleterre , on la retrouve tout aussi grande dans
la position materielle. En France , 1'intolerance est complete , et aucuri
secours n'est accorde a cette malheureuse qui est repoussee par la societe
et condamnee a mourir de fairn, ou bien a se debarrasser de son enfant
par quelque moyen que ce soit. En Angleterre « lorsqu'une fille est en-
ceinte, et que le pere ne veut ni 1'epouser ni subvenir a ses besoins , la
inaison de travail de la paroisse devient son asile. Dans cette position , la
loi n'aneantit pas le premier sentiment grave par la nature dans le coeur
d'une femme; 1'affection de la mere pour son enfant u'est point detruite;
celle-ci continue a nourrir de son lait 1'etre malbeureux a qui elle a
donne le jour *. » Si done vous voulez imiter 1' Angleterre et supprimer
les hospices d'enfants trouves, commencez au moins par assurer, comme
elle le fait, des secours aux filles-meres ; et surtout gardez-vous de tirer
d'un rapprocbement inexact une consequence funeste.
On dit encore que ceux de nos departements qui , depuis plusieurs
annees, ont supprirne des tours, n'ont pas vu augmenter le nombre des
infanticides. Cette reporise serait sans replique si elle etait appuyee sur
des chiflres nombreux et certains, si la mesure de la suppression avail
etc assez generalement adoptee, si enfin il existait des moyens de s'as-
surer que les avortements n'ont pas remplace les infanticides; mais cette
inesure est encore trop recente et trop restreinte, pour qu'on ait pu pre-
senter des releves bien concluants.
Toutefois, M. de Bondy s'est livre sur ce sujet a des recherches fort
importantes. II a d'abord divise la France en deux series : dans la pre-
miere, sont classes les 43 departements dans lesquels les hospices sont
le plus multiplies relativement a Petendue de leur circonscription ; dans
la seconde, sont les 43 autres departements qui, relativement a leur su-
perficie , ont le moins d'hospices. Ensuite il a, pour chaque departement et
pour une periode de 4 ans, compte toutes les accusations d'infanticide;
et il a encore divise la France en deux series : dans la premiere , sont
* M. Wrfkcfield , mm
294 S1XIEME SECTION.
classes les 43 departements qui ont presents le plus d'accusations <F in-
fanticide , et dans la seconde, les 43 autres qui en ont presente le moiiis*
Ces operations faites, il a compare les resultats, et a trouve un nombre
i-gal de concordances et de discordances entre ces deux tableaux; c'est-
a-dire que 43 departemeiits appartiennent a la meme serie dans les deux
tableaux et 43 appartiennent a des series differentes. D'ou M. de Bondy a
cru pouvoir tircr cette consequence, que « le nombre des infanticides n'a
aucan rapport avec les circonstances d'eloignement ou de proximite des
tours. » J'avoue que ce resultat est de nature a porter la conviction dans
les esprits. Mais examinons cependant avant de eroire : on est frappe tout
d'abord d'une remarque importante, c'est que 1'auteur n'a nullement
tenu compte de la population, element potirtant bien essentiel dans un
semblable calcul. Par exemple, il y a eu dans le departement de la Seine
9 accusations d'infanticide et seulement 7 dans celui de la Nievre. Est-
il juste de dire d'une maniere absolue que ces accusations ont etc plus
Hombreuses dans le premier? et parce que 1'hospice de la Seine n'a que
460 kilometres carres de circonscription , tandis que celui de la Nievre en
a 6,860, faut-il en conclure que plus on multiplie les hospice*, plus il y a
d?infanticides?... Non sans doute. Il fa ut tenir compte de la population oa
plutot du nombre des naissances naturelles , et dire : il y a eu dans le de-
partement de la Seine, pour une periode de 4 annees et pour 100,000
naissances naturelles, 21 accusations d'infanticide ; tandis que pendant la
rneme periode et pour le meme nombre de naissances naturelles, il y a eu
dans le departement de la Nievre 428 accusations du meme genre. Done
les accusations d'infanticide ont etc plus de 20 fois plus nombreuses dans
la Nievre que dans la Seine.
Si nous faisons le meme travail pour toute la France, en nous servant
des cbiffres memes de M. de Bondy, nous verrons qu'il y a, relative-
ment a la population, ou relativement an nombre des naissances natu-
relles, plus d'accusations d'infanticide dans les departements ou les hos-
pices d'enfanls trouves sont le moins multiplies. Si nous ne comparons
que les extremes, les resultats seront bien autrement tranches et con-
cluants. Aiusi, les dix departements qui comptent le plus d'hospices n'ont
eu pour 1,000,000 naissances naturelles que 763 accusations, tandis que
les dix qui comptent le moins d'hospices ont eu, pour le meme nombre
de naissances. naiurelles, 1,449 accusations; c'est presque le double!
Nous pouvons done retorquer 1'argument de M. de Bondy comme nous
avons relovque ses chiffres, el dire: le nombre des infanticides esl en
rapport avcc les circonstances d'eloignemcnt des tours.
SIXIEME SECTION. 395
On voi't a quelle erreur peut conduire la statistique si Ton neglige un
des elements de calculs , et combien il serait important que le gouverne-
ment recueillit et publiat tous les renseignements de ce genre propres a
eclairer les votes des conseils generaux sur ce sujet.
Ces conseils, en effet, n'ont pas eu toutes les donnees convenables pour
asseoir leurs opinions; leurs votes meme n'ont pas toujours ete entiere-
ment libres ; car, apres la suppression de certains tours d'arrondissement ,
an lieu de porter les enfants au chef-lieu, on trouvait quelquefois plus
commode de les envoyer dans le departement voisin , qui devenait par la
considerablement greve. Dans ce cas, force a ete de stipprimer le IOUF
qui recevait les enfants etrangers. Ueja une mesure semblable , dictee paF
les memes motifs , avait ete prise par « quelques villes de la Belgique , qui ,
en 1823, pour ne pas avoir a leur charge les enfants qu'on apportait
du dehors, supprimerent les tours. Bientot la vie de plusieurs nou-
veau nes, compromise , et la clameur publique firent donner ordre par
le gouvernement de les retablir. » Aussi M. de Oouroff, qui rapporto
ce fait, et dont Popinion est assez connue, ajoute-t-il que « il faut de la
reflexion , dn temps et de la patience pour preparer et executcr pen a
pen les mesures qui doivent preceder cette reforme. » Je crois en effet
qu'il ne faudrait pas moins que toute cette prudence pour prevenir les
grands desordres qui sont a craindre. Quoi qu'il en soil, il serait a desirer
qu'il y cut pour tous une regie commune ; c'est-a-dire qu'une fois la
question bieir approfondie y. il intervint une disposition legislative sur cette
matiere.
Mais , dit M. Duchatel , que je m'attache a refuter, parce que sa haute
position et son merite eminent clonnent un grand poids a ses paroles , on
ne doit pas conserver une, institution dans le but de prevenir un genre de
crimes. « Pourqtioi le crime de I'infanticide aurait-il son mode de preven-
tion particulier? Pour empecher les brigands de voler sur les chemins
commencons-rious par appaiser en eux la soif des richesses, en leur
donnant tout Pargent qu'ils desirent? » La loi pnnit et ne previent pas
le crime.... Paradoxe social! Principe barbare! Si la loi punit, ce n'est
pas pour venger la societe lesee , c'est pour prevenir un nouveau crime
par la crainte salutaire du chatiment. Autrement la punition serart sans
but, elle serait cruelle. Si la loi n'est pas plus directement preventive ,
c'est qu'elle ne peut pas Petre; mais elle doit toujours etre juste et tou-
jours en rapport avec les moeurs et les besoins de la societe. Or, Phomme
qui vole agit rontre un sentiment naturel; il est maitre de son action ; on
a droil de lui en demander compte, de Pen punir. La fcninie qui se laisse
296 SIXIEME SECTION.
seduire , au contraire, obeit a un senliuient naturel, a un besoin impe-
rieux ; on ne peut pas dire d'une mauierc absolue qu'elle soil maitresse
de son action ; la loi ne saurait Ten punir. S'il u'y a auoun moyen pour
elle d'elever son enfant, 1'infantieide sera la consequence forcee d'une
premiere action innocente legalement ; et , pour etre logique , vous ne de-
vriez pas Ten punir. Pour suivre votre comparison , n'est-elle pas dans la
position de 1'bomme qui vole du pain pour ne pas mourir de faim , et que
vous acquittez parce qu'il n'a fait que ceder a un besoin irresistible?... Eh!
quelle injustice de la part de 1'homme ! C'est lui qui seduit la femme ; il
1'entraine dans le precipice , et lui refuse toute espece de secours ; il corn-
met la faute , et il en punit sa complice. Pour lui tons les benefices , pour
elle toutes les peines!... En verite, vous feriez croire a 1'injustice de celui
qui a fait toutes choses.
L'infanticide n'est pas le seul inconvenient de la suppression d'une
partie des tours; un autre non moins grand et bien plus incontestable
est, comme je 1'ai deja indique, 1'augmentation de la mortalitc. Le resultat
le plus immediat de cetle mesure, en effet, sera d'obliger a transporter
des enfants naissants souvent a douze et quinze lieues. Et comment aura.
lieu ce transport? On en peut juger par ce qui se passe deja dans cer-
taines localites : des matrones feront metier de debarrasser les accouchees
de leurs nouveau-nes , elles les porteront au tour le moins eloigne dans
des paniers ou dans des bottes , et Dieu sait quel soin elles prendront de
ces etres faibles et a peine couverls de quelques linges; le moindre in-
convenient de la mesure sera done d'etre sans effet. Heureux si ces ma-
trones n'imitent pas les femmes par qui 1'hospice de Lisbonne faisait dis-
tribuer ses enfants dans les campagnes, et que leurs actes conduisirent a
1'echafaud; ou bien celles qui se cbargeaient de porter a Dublin les en-
fants du nord de 1'Irlande et qui les jetaient dans une houillere bourbeuse
pour s'en debarrasser plus promptement.
A Vendome et a Romorautin , dont les tours ont etc supprimes dernie-
rement , les choses se passent quelquefois beaucoup plus simplement : on
ne met plus 1'eufant dans le tour puisqu'il est ferme, mais on le depose
a la porte de I'hopital ; ainsi le seul wantage de la mesure est que le
malheureux enfant, au lieu d'etre place dans un endroit chaud et de rece-
voir de prompts secours , est expose au froid en attendant que le hasard
le fasse decouvrir!
Mais deja les chilfres out parle. Le departemenl de la Vienne est un
des premiers qui aient supprime les tours d'arrondissement; cette sup-
SIX1EME SECTION. . 297
pression date du l.er Janvier 1834 , el au 10 septembre de la meme annee,
M. Bouriaud, administrateur des bopitaux de Poitiers, fournissait au
Congres scientifique de cette ville quelques renseignements desquels il
resulte que du l.er Janvier au 10 septembre des annees precedentes, la
moyenue de la mortalite des enfants deposes dans le tour de Poitiers etait
de 1 sur 5,68, et que pour cette meme periode de 1834 elle a etc de 1
sur 2,4 8 : ainsi elle a plus que double ; et si 1'on fait attention qu'elle n'a
pas du varier pour les eufants de 1'arroudissement de Poitiers dont les
conditions n'ont pas cte cbangees, et que Paugmentation n'a du porter
que sur ceux venus des autres arrondissements , on trouvera alors une
cffrayante mortalite resultant de la suppression des tours. L'abbe Gail-
lard a porte plus loin ses recberches ; il a trouve que la vie moyenne des
enfants morts depuis cette suppression etait de sept jours, tandis que les
annees precedentes elle etait de dix a ouze jours ; ainsi il y a eu diminu-
tion considerable de la vie moyenne. (V. la note 3.)
N'est-il pas vraimcnt inconcevable , apres ces faits positifs , qu'un
membre du conseil general de la Vienne, 1'bonorable general Demarcay,
ait parle a la cbambre des deputes (seance du 28 mai 1836) des bans
effets qui sont resultes de cette suppression des tours de la Vienne. Sans
doute il ne songeait qu'aux resultats financiers, et je crains bien en effet
qu'on n'obtienne sous ce rapport un resultat beaucoup trop brillant.
Le Moniteur, au lieu de publier pompeusement la liste des prefets qui
out obtenu les plus grandes economies sur ce cbapitre du budget, sans
examiner a quel prix ils les ont obtenues, ferait mieux, je pense, de
donner des releves statistiques qui pussent eclairer la question sous le
point de vue moral.
II ne sera pas deplace de rappeler ici Popinion d'un bomme d'etat jus*-
tement estime , Necker.
« L'on transportait a Paris , chaque annee , deux mille de ces enfants ,
expedies comme une marchandise de differents lieux ou il ne se trouvait
point d'etablissement autorise a les recevoir. Ces enfants , dans la propor-
tion de neuf sur dix, perissaient pendant la route ou peu de jours apres
leur arrivee. Il n'est pas possible de prendre connaissance d'une pareille
violation des droits de I'bumanite sans chercber a y porter remede : le roi ,
sur le compte qu'on lui rendit , defendit ces transports cruels par un arret
de son conseil , et Sa Majeste prit en meme temps des precautions pour
faire recevoir ces enfants dans les maisons de cbarite voisines du lieu ou
ils etaient surpris entre les mains des voituriers. Il est impossible de ne
pas sentir la justice de ces dispositions : cependant on eprouve deja que la>
298 • SIX.IEME SECTION1.
necessite ou Ton s'est trouve d'ouvrir de uouvoaux asiles aux enfant*
abandoning en augmente le nombre. Je Pavais prevu; mais entre diffe-
rents maux on ne pouvait balancer a eloigner avant tout le sacrifice an-
nnel de tant d'innocentes victimes *. »
Mais le croirait-on? j'ai entendu des hommes graves se feliciter de la
grande mortalite des enfants trouves. « Us ne servent , disent-ils , qu'a
alimenter les maisons de prostitution et les bagues ; heureusement pour la
societe, la plupart meurent avant d'avoir accompli leur funeste destinee! »
Oui sans doute, c'est une deplorable verite que beaucoup d'enfants trou-
ves finissent par la debaucbe on par le crime. (V. la note 4. ) Mais est-ce
parce qu'ils sont malheureusement nes? ou n'est-ce pas plufot parce
«]ue la societe ne fait rien, absolumenl rien pour leur education? Au
lieu de les abandonner a des femmes qui les envoient mendier et les lais-
sent errer en vagabonds et contracter de mauvaises babitudes, poarquoi
ne pas les retirer de nourrice des Page de deux ou trois ans, pour les placer
dans des maisons d'cducatiou et de travail , ou ils resteraient en tulelle
jusqu'a vingt-un ans sous la surveillance de personucs sages qui leur don-
neraient des principes de morale et leur enseigneraient les moyens de se
rendre utiles au pays? Ne seiait-ce pas la meilleure maniere de prevenir
le dcrcglement des moeurs, et aussi un moyen bien legitime de s'indem-
niser des depenses des premieres annees.
Une difficulte a laquelle ne songent peut-etre pas assez ceux qui de-
mandent la diminution du nombre des tours, sera de trouver des nour-
nces. Un arrondissement ne pourra pas en fournir pour tons les enfants
trouves du departement. II faudra done renvoyer ces inalbeureux dans les
eiidroils d'ou ils auront ete apportes , afin de pouvoir les placer : nouvelle
cause de mort, car je ne suppose pas qu'apres les funestes essais qui
en out cte faits,on adopte geueralement rallaitement artificiel. Cette diffi-
cuHe s'est deja presentee dans le departement de la Vienne et sans doute
ailleurs.
Si Ton allait, comme le veulent les plus ardents partisans de la re-
forme, jusqu'a supprimer tons les tours , il se presenterait un inconvenient
bien autrement grave: en les ouvrant, on a pu declarer que les expositions
sur la voie publique seraieut considerces comme des infanticides par im-
prudence quand la mort s'en suivrait ; mais du moment oil tons les tours
seroiil fermes , necessairement il faudra tolerer les expositions eii lieu pu-
* Adiuiaistiatioii des finances
SiXIEME SECTION. 299
Mic, a moius d'assurer des secours aux meres necessiteuses. En effet, il
en est qui sont dans 1'impossibilite physique d'elever leurs enfants ; qu'en
leront-ellcs , si la loi defend toute exposition?... elles seront dans la neces-
site de les tuer! Otte necessite a si bien etc reconnue en tons les temps,
que chcz tons les peuples de 1'antiquite 1'exposition etait permise. Si la loi
romaine, en 374? assimila 1'exposition a I'infanticide , ce ne fut qu'apres
avoir, en 315, assure des secours prompts et efficaces aux enfants des in-
digents ; et cependant le besoin de caclier sa faute et de se soustraire au
deshonneur est si imperieux que, malgre ces sages dispositions, il parait
que les expositions continuerent , puisqu'en 530 Justinien abolit la servi-
tude qui pesait sur les enfants exposes. Mais si Ton tolere les expositions
sur la vote publique, a quoi aura servi la suppression des tours?... seule-
inent a augmenter la mortalite ; car on fera partout ce qu'on fait deja a
Vendome et a Romorantin , on deposera 1'enfant a la porte de Thopital.
Ainsi, ou 1'on rendra necessaires beaucoup d'infanticidcs , ou la mesure
n'aura servi qii'a augmenter les expositions sur la voic publique et la
mortalite de ces innocenles victimes de 1'egoi'sme sociaf.
Dans quelques departements, on a craintles funestes consequences de la
suppression des tours, et Ton s'est conlente de deplacer les enfants, dans
1'espoir que bien des meres, plutot que de s'en separer, les recounai-
Iraient. M. de Bondy est un des prefets qui ont les premiers fait arreter
cette mesure par les conseils generaux , et c'est lui sans doute qui a le plus
contribue a la faire adopter presque generalemenl. Il 1'a preconisee avec
la conviction de 1'homme de bien , et avec le talent de I'administrateur de
merite. Je crois cependant qu'entraine par un zele ardent , il a devie de la
route du vrai et de 1'utile. Mon intention n'est nullemeut de contester
Fefficacite de la mesure ; je sais qu'elle frappe les abus. Mais je crois
qu'elle a plus d'inconvenients que d'avantages. Beaucoup de meres, en
effet , ont retire leurs enfants , dans la crainte de les voir s'eloigner d'elles ;
mais bien plus souvent encore de pauvres femmes n'ont pas voulu se se-
parcr d'enfants qu'elles avaient nourris et eleves; et, plutot que deles
exposer a quelque mauvaise fortune, elles ont prcfere leur faire partager
le pain de leurs propres enfants. Consideree sous ce point de vue , la
mesure est-elle autre chose, je le demande, qu'un impot preleve par la
societe sur la classe indigente?... Impot doublement immoral puisqu'ifl
n'atteint que les indigents , et , enlre les indigents , ceux seulement qui
ont ete assez probes pour ne pas regarder comrne une simple speculation
reduoation de 1'enfant qui leur etait conlic, ceux qui 1'ont affectionn^
300 S1X1EME SECTION.
comme leur fils, ceux eiiiiu a qui devraient etre decernees des recom-
penses. Quelques autres femmes ont garde leurs nourrissous , mues par
un sentiment bien different : elles ont pese les morceaux de pain neces-
saires a la nourriture d'un pauvre enfant , et compte le produit de ses
tournees de mendicite; elles ont specule sur sa inisere et sur la charite
publique.
M. de Boudy a comiuis une grave erreur en ne tenant uulleiuenl
compte de ces deux motifs, qui sont cerlainement les principaux, peut-
elre les seuls, qui determinent de pauvres gens a prendre gratuitement
un enfant de huit a neuf ans. En effet , si ce n'est pas par affection , ce
ne pent etre que par speculation; et, a cet age, un enfant pent bien
mendier, mais il n'est propre a aucun travail. Necessairemcnt on lui laisse
contraeter des-lors tons ces vices de mendicite et de vagabondage contre
lesquels M. de Bondy s'eleve avec tant de raison. Et demandez aux admi-
nistrations des hospices ou le dcplacement a etc effect uc , si elles n'ont pas
ete obligees de retirer de force des enfanls qu'oii avait garde gratuitement.
Les administrateurs qui ont pense qu'on lie devait pas mettre eu appren-
tissage un enfant avant qu'il eut alteint sa dou/ieme annee , ont done ete
Ires sages; parce qu'avant cct age on ne lui apprend rien, et qu'oii lui fait
contraeter des habitudes vicieuses. Oui sans doute, ce serait une mauvaise
economic que de placer trop tot les enfants en apprentissage. Le gouver-
nement aurait tort d'y engager les administrateurs ; et M. de Bondy me
semble s'etre gravemenl trompe eu indiquant ce moyen d economie
comme 1'un des meilleurs.
Dans le dcpartement de Loir-et-Cher, le de-placement a produit, dit-on,
une economie annuelle de 30,000 francs. Mais voyez d'ou elle vient :
819 enfants ont ete soumis a cette mesure dans les arrondissements de
Blois, de Romorantin et de Vendome : sur ce nombre, 169 ont ete re-
connus par leurs parents, et 236 ont ete gardes paries nourrices ; 414
ont ete deplaccs. G'est done une charge annuelle de 17,481 francs mise
&ur 236 families iudigentes !
Dans ce meme dcpartement , par une iiiconcevable contradiction , en
rneme temps qu'on fcnnait les deux tours d'arrondissemenls, on decidait
que les enfants trouvcs ne scraient dcplaces que dans la belle saison, et
seulement apres 1'age de. 15 mois!... On a la sagesse d'apprecier les dan-
gers nccessairement attaches au transport d'un jeune enfant; on juge que
le deplacement ne pent se faire qu'apres 1 5 mois , et seulement dans
rete,.. ct 1'on supprime deux tours sur Irois!
Toutefois, si jc blame hautcmc'nl la mesure en ollc-meme, c'est justice
SFXIEME SECTION. 301
de loner la sagesse mise clans IVxecution. M. le Prt-fet 1'a surveillee avec
un soin attentit', ct il 1'avait confiee a 1'homme le plus digne de cette
delicate et penible mission, an prepose des enfants trouves de Paris,
M. Berry, qui entoure tons ces malheureux petits etrcs de soins vraiment
maternels.
Le deplacement pent encore etre considere sons un point de vue moral
beanconp plus eleve. Je voudrais pouvoir faire sentir le profond chagrin
de tons ces panvres enfants qu'on arrache des bras de leurs meres adop-
tives; je voudrais pouvoir peindre quelques unes de ces scenes de doulou-
reuse separation , et Ton aurait alors une idee exacte de la reciprocile
d'amour qui existe souvent entre la nourrice et le nourrisson , et Ton ju-
gerait si la violence faite an plus naturel et an plus fort de tous les senti-
ments n'est pas une barbaric digue d'un antre peuple et d'une autre epoque.
— Un jenne garcon de onze ans , conduit a Vendome le 5 mai , etait , le
7, de relonr chez sa mere nourrice, a Seur. II avail fail dix lieues a pied ,
en un jour, sans se reposer, sans prendre de nourriture et en se mettant
a 1'eau jusqu'aux bras sur la route de Blois a Saint-Gervais, alors inondee.
— TJn enfant de dix ans , Iransporte de Vendome a Blois , en a concu un
si violent chagrin qu'il est tonibe dans I'imbecillile. Quoique replace ehez
son ancienne nourrice, son etat ne s'est pas ameliore. — Aussi ai-je con-
seille precedemment de retirer les enfants de nourrice avant Page des
affections profondes, pour les placer dans des maisons de travail et d'edu-
cation. Passe un certain age, il ne faut plus songer a aucun dep!acernent.
Quand, pendant onze ans , on a donne des soins a un pauvre orphelin ,
on 1'aime a I'egal de ses propres enfants; il s'etablit line reciproeite d'at-
tachement, el 1'ctre delaisse n'est plus seul sur la terre; il a Irouve une
famiSle, il lient a son pays. Eh! bien ,le resultat le plus assure du deplace-
ment est de rompre ces liens de famille; c'est de faire craindre a une
nourrice de s'attacher trop a un enfanl qu'on doil lui enlever; c'est de de-
chirer le coeur de ce malheureux , qui n'a an monde qu'une affection ;
c'est d'en faire un etre insouciant , aigri contre la societe. Pensez-vous en
effel que la seconde nourrice ait des soins propres a faire oublier la ten-
dresse de la premiere? Mais c'esl une mere a qui vous ravissez son en-
fant, el quc vous pretendez consoler en lui en donnant un autre en
ecliange ! « Si quelques enfants deplaces onl regrelte leurs premiers gar-
diens, il en est beaucoup plus encore , dites vous, qui se sont bien trou-
ves dn changement. » Est-ce croyable; et comment une phrase aussi
etrange a-t-elle pu sortir de la plume d'un bomme aussi grave que M. de
Bondy ?
302 SIXIEME SECTION.
Prenez-y garde, si vous detruiscz toutc affection , il ne resteraplus que la
speculation, et vous aurez crec unc sorte de traite des blancs. L'homme a qui
vous aurez sauve la vie , sans Hen fairc pour son bonheur, meconnaitra votre
bienfait, et, nouveau Laoenaire, se vengera sur la sociele entiere de deux
de ses membres qui I'auront jete malheureuv sur cette terre d'egoisme.
On a conseille encore d'autres mesures dans differentes intentions. Et
d'abord on a dit : exigez des filles enceintes qu'elles fassent leur declara-
tion de grossesse aux maires de leurs communes, et vous previendrez les
infanticides. Mais c'est vouloir 1'impossible ; car les malheureuses doutent
quelquefois jusqu'au dernier moment, et puis c'est condamner au deshon-
neur nne personne qiruu accident pouvait eri sauver, on meme qui a pu
se tromper sur les apparences d'une fausse grossesse.
D'autres out pi-opose de supprimer les tours et de ne recevoir les en-
fants exposes que sur certiiicat du maire; cela dans I'intention de preve-
nir les expositions d'enfants legilimes ; mais il y atirait un grave inconve-
nient que j'ai deja signale, celui de dechirer le voile de pudeur qui re-
tient bien des femmes.
On avail pense pouvoir interesser les communes a exercer une sorte
de surveillance morale sur les habitants , soil pour prevenir la dcbauche ,
soil pour empccher 1'exposition d'enfants legitimes , en les faisant con-
courir aux depcnses des leurs enfants trouves ; mais comment decouvrir
a quelle commune appartient un enfant expose P 1'impot ne pent tombor
que sur le lieu de 1'exposition qui souvent n'est pas celui de la concep-
tion ; dcs-lors il est injuste. Ou a d'ailleurs trotive une facheuse analogic
entre cet impot et la taxe des pauvres de 1'Angleterre.
L'exposition des nouveaux-nes est une plaie delicate qu'il ne faut tou-
cher qu'avec un extreme management. Pour la cicatriser, il faut en faire
cesser les causes incessantes ; car c'est surtout dans les plaies de 1'ordre
moral que le fameux precepie tolle causam trouve son application.
1.° La diminution de la mortalite chez les enfants trouves nous a paru
ctre la premiere et a-peu-pres la seule cause de leur accroissement nume-
rique. A ces philosophes misanthropes qui regardent comme un malheur ce
resultat des longs efforts des administrations des hospices , nous indique-
rons comme remedes efficaces, la suppression des tours d'arrondissement
et le deplacement des enfants en bas age. Mais leshommes qui,animesdes
sentiments de philanthropic les plus simples , pensent que la vie d'unetre
humainne doit jamais etre mise en balance avec quelques pieces d'or; qui
SLXIEME SECTION. 3<OJ
cr-oient qu'il fatit prevenir la depravation par une bonne education, ct cor-
ijger les mediants an lieu de les decimer par mesure preventive, c'est-a-
Jire barbare; ceux ci nous les conjurerons d'unir leurs voix a la notre pour
demander qu'an raoins on n'opere qu'avec une extreme prudence et une
sage lenteur une reforme qui est entouree de taut de difficultes et de si
grands dangers.
2.° Comme cause de naissances naturelles, j'ai indiqu-e le concubinage
et le celibat. Si done on veutdirninuer le nombre de naissances naUirelles,
il faut avant tout que les lois reconnaissent les droits imprescriptibles de
la nature; il-faut favoriser les manages precoces , admettre plutot lesjeu-
nes gens aux emplois , abreger la duree du service militaire, se hater cha-
que annee de tennincr promptcment les operations du recrutement, lever
de suite le contingent et renvoyer en conge illimite , avec permission de
se marier , tons les jeunes soldats suffisamment exerces , et qui ne son*
point indispensables au service public.
3.° Les moyens propres a procurer aux classes indigentes des ressour-
ct's contre la misere sont les seuls qu'il soil sage d'employer pour dimi-
nuer le nombre des expositionsd'enfants naturels. Au premier rang , doi-
vent etre mises les caisses d'epargne.
4.° Les malheurcuses meres chargees d'une famille nombreuse, les veuves
surtout, que la necessite oblige a abandonntr leurs enfants, trouveront
dans la bienfaisante et sage institution des salles d'asile une ressource
j^rccieuse , puisqu'elles ne seronl plus detournees de leurs travaux par les
soins de tons les instants qu'exige la premiere enfance. Un puissant
nioyen de dimiuuer la misere, et partant le nombre des enfants abandon -
nes, sera done de creer des salles d'asile dans toutes les communes.
5.° Jl serait facile de faire cesser 1'abus des expositions d'enfants legi-
times. Il faudrait d'abord que toute femme qui se presente pour obtenir
mi nourrisson , fut obligee de juslifier de 1'etat actuel de son enfant. Par
la , on einpecherait la mere de devenir la nourrice salariee de son propre
enfant. Il faudrait aussi qu'il fut recommande aux maires de prevenir 1'au •
torite superieure de la disparition de tout enfant legitime ; il serait fa-
cile de le faire ; car il n'y a guere d'accouchements clandestins cbez les
femmes mariees. On pourrait alors obliger la mere a rendre compte de son
eniant et a le reprendre. Il faudrait encore que 1'officier de 1'ctat civil
donnat avis des reconnaissances d'enfants qui se font par acte de mariage.
Ce serait unmoyen d'en faire retirer beaucoup qui souvent ne sont repris
que bieu plus tard.
Mais il ne suffirait pas d'invitcr les maires et les adininistrateurs des
304 SIXlfcMK SECTION.
hospices a se conformer aux regies prescrites. II faudrait les mel-
tre dans I'impossibiHte de ceder a oes considerations philanthropiques
grosses d'abus. On y parviendrait en nommant par departement on par
arrondissement un homme dont les fonctions seraient , 1.° de visiter les
enfants trouves mis en nourrice , et de veiller a ce qu'ils soient tenus con-
venableriicnt ; 2.° de se rendre line fois ou deux par an dans cliaqne com-
mune pour s'assurer que tons les enfants inscrits sur les registres de
1'etat civil sont conserves par letirs families , et que tons les enfants re-
connus par acte civil ont etc retires de 1'hospice ; 3.° de prendre tous les
renseignements possibles sur les enfants abandonnes , pour obliger les fa-
milies a les retirer. Ges renseignements , en general , sont faciles a obtenir
des enfants memes.
On pourrait facilement faire disparaitre les graves inconvenients qui
resultent de 1'absence complete d'education chez les enfants trouves, par
la creation de maisons de travail et d'education dans lesquelles ils seraient
places des 1'age de 2 ou 3 ans jusqu'a leur majorite. Celte mesure me pa-
rait offrir de tres grands avautages moraux et financiers. L'etablissement
pourrait prelever quelqne chose sur le prod u it du travail, et laisser les
plus laborieux amasser un petit pccule. Sans doute, et pour differentes
raisons, il vaudrait mieux destiner les enfants trouves a 1'agriculture qu'a
rindustrie ; mais 1' education que ces infortunes recoivenl est tellement
mauvaise , meme a la campagne, qu'il me semble absolument necessaire
de les retirer de nourrice pour leur donner des principes de morale qui
doivent faire toute la gararitie de la societe.
II me reste enfm a m'expliquer sur une question d'une haute impor-
tance et d'une grande difficulle. Je crois avoir suffisamment demontre la
necessite sociale de venir au secours des enfants naturels. Reste a decider
quel est le meilleur moyen a employer ; deux systemes se sont partage
le monde clirctien. Les pays catholiques ont adopte le systeme des tours
et des hospices ; c'est celui de la France. Les pays protestants ont adopte
le systeme des societes de charite maternelle ; c'est celui de I'Angleterre.
Comparons les avantages et les inconvenients de chacun, et jugeons.
Le premier reproche adresse au systeme des tours et des hospices csl
de favoriser les naissances naturelles. J'ai deja combattu cette accusation
qui certainement peut avec bien plus de justice etre portee centre le sys-
teme des secours a domicile. Chez nous, en effet, jamais line je une fille
ne peut esperer ameliorer son sort en devenant mere ; chez nos voisins ,
au contraire , rien n'est plus ordinaire que de voir une jeune fille desirer
une grossesse, pour se faire epouser ou bien pour se procurer un pelil
SIXIEME SECTION. 305
revehu. En France, on ne prend soin quc de Pen fan! ; en Angleterre, OH
secoure la mere et Penfant. Sous ce premier rapport, le systeme des IK>S-
pices parait done preferable.
Mais, dit-on , il est beaucoup plus onereux. Entendons-nous : veut-oii
dire que le systeme des socictes de charite matenielle est moins couteux a
Petal, parce que la charite publ'rque fait une partie de la depense? Alors
on peul avoir raison ; mais ce n'est pas la un avantage reel. Veut-on dire
d'une maniere absolue que le sysleme anglais est moins onereux a la socicle
que le systeme francais ? alors oti oommel une erreur. Car, en France ,
la societe n'a a sa charge q'u'une parlie des cnfants naturels; el en Angle-
terre elle est obligee de ponrvoir non seulemeril a Pentfetien de lous ces
enfants , mais encore a celui de letirs iiieres.
Jc sais bien TJU'OII peul repHqucr que le systeme des hospices ouvre
aux abus une phis large porte , el qtie si les tours lie recoivent pas tous
k's enfants natiircls , i!s en rceoivent de legitimes; mars j'ai fait voir que
ces abus, trcs grands sur quelques localitcs, sont en somme beaucoup
moins graves qu'on ne Pa pense. Ne pout-on meme pas se demander si
la societe en est bien reellement lesce? Prcsque toutes les meres qui ex-
jwseiit des cnfaiils legitimes el le^ reprcnnent comme nourrissons ne sont-
elles pas en effet de pauvres femmes qu'il faudrail secotirir par lout
aulre moyen si elles n'eu prenaient pas un detourne pour arriver au bul?
Reste a examiner une consideration morale bien plus importante que
celle d'economie. On pretend qu'en detruisant les liens de famille , en ne
faisant rien pour Peducation des enfants , le systeme francais est beaucoup
plus demoralisant que le sysleme anglais. II est bien vrai que noire sys-
leme delr«il cempletemenl les liens de famille , el c'esl une circonstalice
tres facheuse; mais Pautre les conserve-t-il bien? A la verile, Penfant
connait sa mere, mais il he Paime pas, car il ne peul Pestimer; il lui
reproclie sa naissance et Paccuse de son malheur. La mere aussi rougit
de son enfant ; sa presence lui rappelle une faute el de longs chagrins ; sou
existence met obstacle a une union qu'elle desire ardemment,, Voila les
liens de famille que conserve le systeme anglais!.... Nous ne faisons ricn
pour Peducation des eufants; c'est encore vrai, et c'est un grand mal.
Mais nous pouvons faire beaucoup, en les placant clans des ctabiissements
speciaux, ou ils recevront des principes de morale qui font la richesse des
pauvres, et des principes de religion qui font le bonheur des malheureux;
les Anglais, au contraire, ne peuvent rcndre meillcure la mauvaisc edu-
cation que ccs cnfants rec.oivenl de leurs mores. Si une femme, restee
veuve, est impuissante pour donuer uno "bonne education a ses enfants,
22
306 SIXIEME SECTION.
que pourra fairc la pauvre fille qui ne saurait prononrer le mot morale
sans rougir? Eh! quo! de plus demoralisant quc le systeme qui ne per-
met pas a la fille conpable de cachcr sa fautc ; qui 1'oblige a la proclamer,
et hii enlevc loute pudcur; qui laisse voir a tons le scandale de la demo-
ralisation dans toute sa nudite el toute son etcndue?... L'habilude detruit
toutes les repugnances : la vue du sang rend sanguinaire ; le spectacle de
1'immoralite rend immoral; il n'est pas jusqu'au suicide qui ne puisse aiusi
elre propage.
On espcre qu'au moiiis la orainte dc perdre des secours dont elle a be-
soin, obligera la fille-mere a tenir une conduite plus reguliere ; mais c'est
line erreur : on ne pourra pas retircr les secours a celle qui se coiiduira
mal ; car ce serait punir 1'enfant des fautes de la mere.
Ainsi, considerations morales, interet social, economic pnblique, tout
doit porter a donner la preference au systeme des hospices et des tours
sur celui des societes de charite maternelle. Qu'on cesse done d'attaquer
1'une des plus utiles et des plus belles dc nos institutions de bicnfaisancr.
Perfectionnons-la , au lieu de la detriiire. Tachons de rendre les secours
inutiles ; mais ne les refusons pas quaud ils sont necessaires.
Non , admirable Vincent de Paul , ta charitable institution ne doit pas
perir. Elle doit passer de siecle en siecle avec le souvenir de tes bienl'ails.
NOTE l.'c
tin Tncmbre du Congrcs, M. Bergevin, en seance generale, a porle
jusqu'a 65 pour 100 le cbiffre de la mortalite des enfants trouves , pen-
dant les douze .premieres annecs de la vie. Je ne sais on il a puise ses
renseignements , mais je crois tres fort qu'il y a erreur. Ne sachant sur
quelle amice il a fait ses calculs, je n'ai pn les verifier. Je ferai remar-
quer qu'on ne devrait jamais omeltre de donner cette indication ; car dif-
ferentes causes accidon'.elies pen vent momentanement clever ce chiffre, et
ilest bon qn'on puisse les apprecicr.il est clair aussi qu'on ne, pent connai-
tre riniluence des tours sur la mortalite , qu'en prenant pour terme de
eomparaison la morlahle des enfants eleves par leurs parents a la meme
epotjue; il aurait done au moins iallu donner cet autre chiffre.
Le memc membre me semble avoir commis une autre erreur tres grave:
il a prclendn que la diilvrcnce considerable qui e.xiste entrc la mortalite
des enfunts trouves ct celle des aulivs enfants au-dessous de 12 ans de-
SIXIEME SECTION. 307
vient plus graiidc encore apres cet ago; Ic contrairc n'esl pas douteux. On
ne posscde pas de donnees precises a cet egard ; mais il est constate quc
cette difference , Ires forte dans les premieres annees , va toujours eu
s'affaiblissant jusqu'a 1 2 ans , el il est excessivement probable que la
meme loi continue aprcs cette cpoque. En effet, c'est des le commence-
ment de la "vie qne s'exerce Pinflucnce facheuse des hospices : les enfants
les plus faibles succomberil , el les chances de longevite sont d'autant plus
grandes pour les autres.
Comment done M. BcrgeMii a-l-il pu a\ancer que sur 100 enfants ex-
poses il n'cn arrive que de 5 a 7 a 1'age dc 20 ans? Il ne porte qu'a 65
pour 100 la mortaliic des 12 premieres annees; done, sur 100 enfants
exposes, 35 atteindrolit leur douzieme annee. Or, s'il n'en arrive que 5 a
2t3 ans , 30 "sur ccs 3 5 seront morts dans cetle pcriode de 8 ans : c'est-a-
dirc que de 0 a 12 ans la mortalite est de €5 pour 100, et que de 12 a
20 ans, elle est dc 85,71. Ainsi la mortalite serait beaucoup plus grande
dans celte secondc.pcriode!... L'orateur est sans doule alle beaucoup plus
loin qifil ne voulait. Evidemmcnt, dire que la mortalite pour ces enfants
recommence a 12 ans , e'est faire non dc la stalistique mais de la theorie ,
et de la theorie pen solide; dire que de 5 a 7 enfants trouves seulement,
sur 100, atleigncnt leur vingtienie atinee, c'est avancer une assertion cer-
lainemenl erronee. L'orateur a ch't avoir puise ses renseignements au mi-
nistere de la guerre. La source en est assuremenl tres pure; mais il y a
necessairement quelque errcur. Je regrette que l'indication n'ait pas etc
assez precise pour que la verification fut possible. Toutefois j'ai essaye
moi-ifieftie a faire ccs recherches pour le departement de Loir-el-Cher,
*aais je n'ai pas tarde a m'apercevoir qu'elles sont impossibles , parcc
qu'on manque de documents exacts. En effet, les listes de tirage portent
bien , pour une partie des enfants trouves : ne de pere et mere inconniis ;
mais tons ceux qui out ete rcconnus posterieurement a la naissance sont
portes comme eiifants legitimes. Or, le nombre en est assez grand pour no
pouvoir pas etre neglige, et il n'est aucun moyen de le connaitre. D'uit
autre cote , les enfants trouvcs , nes dans les maisons de maternile , sont
inserits aux registres de Fetal civil sous les ncms de leurs meres; il est
done certain que parmi les jeunes gons portes sur les listes de tirage comme
nes de pere inconnu et de fdle I elle , sont des enfants Irouvcs, nes dans
les hospices, el des enfants nalurels elcves par leurs meres. Or il n'exislc
aucun moyen de reconnaitre les mis el les autres : on voit done deja qifil
est tout-a-1'ait impossible de faire exactement, ou meme d'une manicre ap-
proximative, les recherches donl M. Bergcvin a cru pouvoir donner le
308 SIXIEME SECTION.
resultat precis. Et ponrtant cc n'est pas tout encore : un certain nombre
d'enfants trouves sedepa) sent ettrouvent moyen de se soustraire au recrn-
tement. — Quoiquc la loi ait specialement reserve la denomination d'en-
fants trouves pour ceux qui, nes de pcres et meres inconnus, ont etc
trouves exposes dans nn lieu qnclconqiie on porles dans les hospices, et
<|ii'elle ait applique cclle d'enfants abandunnes a ceux qui, nes dc peres on
de meres conuus, et d'abord elevcs par enx, en sonl plus lard delaisses.
repeudant tons sont confondus aux hospices sous la denomination com-
mune d'enfants trouves. Ainsi, aux hospices, les enfants abandonnes sont
cornptes eomme enfants trouves, et sur les listes de tirage, ils rentrent
dans la classe commune, puisqu'ils sont legithnos. Q'ie de causes d'erreur!
Comment faire de la statistique avec de tellesdonnees?
NOTE 2.
Depnis que ce mcmoire a cle ccrit, on a pnbHe sur la prostitution
dans la ville de Paris de prccieux renseigiicmenls statisli(|ues recueillis
par nn homme aussi consciencieux que laborieux, par le verlueux Parent-
Duchatelet, trop tot enleve a la science et a riiumauite. II rosulte de ses
recherches que sur 1,000 prostituees il n'y a par an q»ic 21 acconche-
ments.
« Cenx,dit 1'autenr, qui ont fait une etude speciale des lois qui re-
g'lent les naissances et tout ce qui appartient au monvement de la popu-
lation, reeonnaitronl encore ici une grande inferiorite snr le nombre
d'acconchements que devrajent presenter des femmes de 1'age de 18 a
25 ans, \ivant dans leur menage. »
Quoique pen fecondes , il est done demontre que les femmes adonnces
a ladebauche ne sont pas enlieremenl steriles; mais, ditmadame Legrand ,
sawe-femme en clief de la Maternite de Paris « leurs enfanls vivent rare-
ment, souvent meme ils arrivent morts. » D'ailleurs les prostituees aban-
dounent rarement leurs nouveau-ncs ; « elles sont plus disposees a garder
et a nourrir leurs enfants, dit encore Parent, que les filles- meres non en-
core reduites a 1'etat de prostituees. Cette particularite s'explique natu-
rellement par la position on se trouvent les unes et les antres; la fille
publiqne se releve en elevant son enfant; la (ille-mere, en agissant dc
mcme, ne ferait qu'afficher sa honte, et se priverait par la de toutcs res-
sources. » Le remede serait sans doute de rehabiliter dans 1'opinion pu-
l)lique la fille-mcre qui eleve son enfant.
Quoi qu'il en &o;t, il esl demontre que j'ai cu raison de dire que les
S1XIEME SECTION.
309
prostituees deviennent varement meres, et que les hospices- d'cufauts
trouves ne soul pa* alimenles par la debauche.
NOTE 3.
M. I'abbe Gaillard, dans 1'excellent memoire qu'il vient de publier, a
donne la mesure exacte et mathematique de I'intluence de la suppression
des tours d'arrondissement sur la morlalite des enfants trouves ; les iaits
qu'il rapporte sont si importants que je ne puis me dispenser de duuner 1111
extrait de cette partie de son travail.
Voici uu premier tableau qui fait apprecier 1'influence de la mauvaise
saison sur la mortalite des enfants trouves.
TABLEAU dc la mortalite, pendant le l.er mois de la vie, des enfants
deposes dans le tour de Poitiers,, de 1822 a 1832, suivant les diffe-
rents mois de I'annee.
MORTS
TOTAL
RAPPORT.
MOIS.
ENFANTS
^ ^^ -*
!•!
J>fiS MOHTS
.Siirioonioit.s
adniis.
.J'r>ir
ill- i5 jours
il'iai jour
.Tun jour
1 13 JOUVN.
a mi niois.
A uu niois.
Janvier
Ill
1
18
2
20
18
Fevrier
117
20
2
22
19
Mars ...
129
IS
4
22
18
Avril
88
5
5
0
Mai
80
H
Juin ^ . . .
77
2
4
6
8.
Juillet
8G
6
6
7
Aont.
81
6
2
8 '
10
Septembre . . .
82
4
3
7
9
Octobre ....
87
11
»
M
13
Novembre . . .
91
11
1
12
13
Decembrc . . .
81
14
>j
14
17
« On voit ici d'uno maaiere bicn sensible Finflucnce du froid et de la
saison lumiide, et cela d'autant mieux , qu'aprcs fevrier il faut placer,,
comme les plus charges, Janvier, mars, decembre, octobre et novembre,.
La difference cntre res six. mois et les six autres est de 16 a 7 , c'est-a-
310
SIXIEME SECTION.
dire qne dans les six mois froids, ilest mortau moius inoitie plus d'enfants
dans le premier mois de leur vie que dans les six de temps cliand. »
Voici un second tableau propre a faire apprccier Finiluence du trans-
port des enfants nouvcau-ncs sur la mortalite.
TABLEAU de la mortalite, pendant le premier mois de la we, des
enfants trouve's de Poitiers, de 1822 a 1832.
ENFANTS
TOTAL
RAPPORT.
Apportes
au tour.
C mois froids. .
6 mois chauds..
TOTAL. . .
ADMIS.
des moits
il'mi j our
a un mois.
Sur tooadni
ilest inert
d'un jour
a un mois.
454
361
84
27
19
7
815
111
17
8
14
Nes
a
la matern.
6 mois froids. .
G mois chauds..
TOTAL. . .
167
128
10
C
295
25
8
Ainsi, dans les premiers mois de la vie, la mortalile a etc beaucoup
plus grande pour les enfants apportcs de loin que pour ccux qui sont nes
dans 1'ctablissement. Et, cbose remarquable, la difference porte presque
tout enliere sur les mois d'hiver. Comment, aprcs cela, nier I'iiiflu'ence
du froid et celle du transport sur la mortalite des enfants trouvcs !
Comment la suppression d'une partie des tours n'augmenterait-elle pas la
mortalite !
Voici maintenant d'autres resultats bien honorables pour les adminis-
trateurs de 1'liospice de Poitiers et bien satisfaisants pour I'humanite.
De 1822 a 1832, il est mort 36 sur 100 des enfants trouvcs de Poitiers
jusqu'a 12 aus, et dans les cinq dernieres annees de cette periode decen-
nale, la proportion n'a ete que de 32 pour 100. « D'ou il resulte, dit
M. Gaillard , qu'au bout de deux aus , il nous restait encore a cette epo-
que a pen pres 68 enfanls vivants sur 100. Suivant M. Quctelet, il on
resterait 70 en Bclgique, et, suivant Duvillard, 67 en France; ainsi, a
Poitiers , on avail atfeint le maximum de conservation des enfants. »
SIXIEME SECTION. 3 1 1
« Nous avons vu, continue M. Gaillard, que la proportion habituelie
des morts dans le premier mois etait do 12 pour 100 ; mais le conseil
general du departement dc la Vienne ayant fait termer les tours des ar-
rondissements , a partir du l.ei Janvier 1834, 164 enfants naissauts oat
ete apportes a 1'bospice de Poitiers ; 43 sout morts dans les quinze pre-
miers jours de leur vie , et 1 6 dans les quinze jours suivants ; ce qui
donne 59 dans le premier mois, on 35 pour 100. Cette mortalitc si con-
siderable et si inaccoutumee s'explique, 1.° par le transport des enfants,
qui etaieut apportes sans soins des arrondissements, et que souvent 1'ou
recevait presque mourants de fatigue ou de froid ; 2.° par le defaut de
nourrices, occasionne par la surabondauce des ent'ants a placer. II est dif-
ficile de discerner bien exactement cliacune de ces causes. La seconde me
parait avoir ete au moins aussi fatale que la premiere; car, d'abord, il
est mort a 1'bospice 19 enfants auxquels on n'a pu trouver de nourrices;
etensuite, pour ceux qui out ete plus beureux , il est a remarquer que
la rnort a surtout frappe ceux qui out ete allaites le plus tard. Ainsi en
comparant les enfants morts d'un jour a deux mois, j'ai trouve que, terme
nioyen, ceux qui restaient vivanls aprcs ce temps n'avaieut passe que 4
jours a 1'bopital , tandis que les antres y en avaieut passe cinq et demi.
» Malgre la suppression des tours, uncertain nombre d'entants furent
deposes en 1334 a la porte de 1'bospice de Loudun (chef lieu d'arrondis-
seinent). La superieure de cette maison , de 1'ordre des Scaurs de la Pre-
sentation institue a Tours, ne put jamais se decider a les envoyer a Poi-
tiers; mais, ne pouvanl non plus les j)lacer en nourrice, elle resolut de les
clever dans I'iuterieur de la maison. Onze enfants out ete ainsi recus a 1'bos -
pice de Loudun en 1834 et neuf en 1835. Au mois de juillet 1835 , il
ne restait plus que deux des onze pi-emiers et quatre des neuf autres. La
survenance d'uji plus grand nombre de nourrices a 1'bospice de Poi-
tiers , et 1'emploi de cbevres pour raHaitemenl des enfants restes au tour,
out rendu 1'annce 1835 moins fatale que 1834; sur 157 enfants nais-
sants, il n'eu est mort que 28 d'un jour a uri mois, ou 18 pour 100;
si Ton retrancbe du total les enfants de la maternitc, et que Ton ne
tienne compte pour ceux du tour que des six mois froids,la proportion des
morts s'elevera a 28 pour 100, au lieu de 19 qn'elle elait d'oi'dinaire.
Jjes trois premiers mois de 1836 out ete encore plus terribles , CcTr sur 35
enfan ts naissauts recus a 1'bospice , il en est mort 1 6 , ou pres de la
moitie. »
« Le departement de la Vienne n'a pas ete le seul a ressentir les
tristts cfiVls de la suppression inconsidcreedes lours. Parcille niesure a ete
312 SIXlfcME SECTION.
aussi prise dans 1'Allior, a partir du l.er Janvier 1835, et 1'hospice de
Moulins est rcste le soul asile ouvert aux enfants. Qu'en est-il resulte ?
« Du l.er Janvier au l.er mai 1835, 112 eufants out etc admis : a cette
» epoque du l.er mai, 73 etaient deja morts a 1'hospice par le defatit de
» nourrices; et on pent clever ce nombre a 85 , si on y comprend ccux
» qui sont morts en nonrrice. Le nombre des admissions au mois de juin
« s'elevait a 123 , et le nombre total des morts a 100. Dcja dit le Jour-
» nal du Boitrbonnais (N.os du 9 mai et du 24 juin) , auqucl nous em-
» pruntons ces details , on avait bien de la peine , vu la modicite du prix ,
» a trouver des nourrices pour les enfant s de Moulins ; il est done im-
« possible d'en procurer aux enfants des trois autres arrondissements. De
» plus , comment pourrait-on conserver leur fragile existence, apporles,
»> le jour meme de leur naissance, de 15 on 20 lieues, dans la gibeciere
t de quelque garWe champetre, on svir les voiturcs chargees de legumes
» que 1'on conduit au marchc! Quel coeur asscz dur pour etre insensible
>? a un tel spectacle ! Quels motifs d'econoiuie assez puissants pour fa ire
» maintenir une mesure si homicide! »
« Dans un article semi-offkiel , le Journal de Paris du 27 octobre
1835, s'exprime ainsi : « plusieurs tours out ete fernx>s cette annee, dans.
« la Somme et la Saone-et- Loire , un dans les Landes en 1 833 , sans qu'il
» en soil rcsulte aucun inconvenient; aucun malheur n'est vcnu troubler
» la satisfaction des prefets qui out obtenu de si heureux resultats. »
«« On ne partage pas cette manicre de voir dans tons les departements ;
rar dans le Tarn on les tours de Lavaur et de Gaillac avaient ete suppri-
mes , on les a retablis en 1833 ; d'ailleurs j'ai peine a croire que la sup-
pression des tours soil loujours un sur moyen d'atteindre le but qu'ou
se propose, a savcir la diminution des enfants trouvcs, »
« A partir du premier Janvier 1834, nos trois tours d'arrondissement
ont ete fermes. La moyenne dccennale des admissions ( 1824 — 1834 )
etait, pour tout le dcpartement , de 183; en 1834, le nombre des enfants
trouves a ete esactement le meme. En 1835, il a ete de 184. »
Avant que Pexpcriencc n'en fut laite, on a ]>it setromper et croire que
la suppression des tours d'arrondissement presentait de grands avantages
el peu d'inconvenients; mais maintenant, aprcs les chiffres si precis et si
concluaflts de M. 1'abbe Gaillard, cst-il permis a un homme dc bien de
persister dans son erreur? Pom- moi,je le declare en mon ame et con-
science, si, comme membre d'un conseil d'arrondissement on de dcparte-
ment, j'avais eu , dans Pignorancc des choscs, le malheur de concourir
par mon vote a la suppression d'un tour , jc me croirais coupablc d'hom'r-
SIXIEME SECTION. 313
cide iuvolonlaii'C, el je ne jouirais du calme de t'hoimete homine qu'apres
avoir appele de tons mes efforts le relabiissement du tour supprime.
NOTE 4.
H n'cst pas douteux qu'un grand nombre d'enfants trouves terminent
fort mal leur malheureuse carriere; le mal, toutefois, est loin d'etre ce
qu'on 1'a. fait. A la seance generate du Congres, M. Bcrgevin a avance,
comnie chose reconuue , qu'un tiers des prostituees de Paris appartenait
a la classe des enfants trouves. Or, Parent-Duchatelel, dans son ouvrage
sur la prostitution, etablit positivement que parmi les prostituees origi-
uaires de Paris, il n'y a qu'une Cile naturelle coatre 3,99 legit.imes, et
parmi celles fourniesa la Capitale par les dcpartements settlement unefille
naturelle centre 7,78 legitimes. En somme totale, les prostituees de Paris
ne contiennent pas tout-a-fait tin septieme de filles natarelles, et, ce qui
est bien digne de remarque , de ces filles naturelles adonnees a la prosti-
tution , les deux cinquiemes out etc reconnues par leurs parents. « Dans
1'espaee de quatre a cinq ans on n'a pu constater, parmi les prostituees de
Paris, que Fexislence de 41 enfants trouves sortis de la naaison de Paris
et que 1'administration des hospices avail fait clever! «'
Cette remarquable difference entre le fait constate et 1'assertion de
1'honorable vice-president du Congres montre jusqu'a quel point il taut
etre scrupuleux et reserve (je dJrais presque defiant) pour accueillir H«
fait statistique , sans voir les chiffres a Fappui.
Je ferai observer encore que les enfants naturcls , et non les enfants
trouves, etant tin des principaux aliments de la prostitution, il est a
craindre que sous ce rapport, an moins, le systcme des societes de charite
niaternellc ne prcsente pas plus d'a vantage que celui des tours.
314 SIXIEME SECTION.
Seance du vcudredi matin 16 seplembre 183G.
Presence de M. JULLIEN.
M. le comte de Calonne presente a la section un me-
inoire ayant pour litre : De I* unite ^ principe de force
cJicz les anciens.
La section decide que ce memoire sera examine par
M. le docteur Desbrosses qui en fera un rapport.
La discussion est ouverte stir la resolution a adopter
relativement aux causes de ('augmentation progressive
des enfants trouves. Apres quelques debats auxqtiels
prennent part plusieurs meml)res , la section tombe d'ac-
cord sur les causes a assigner a ce inal social.
Quant aux remedes moraux , M. Simon desirerait que
1'opinion gravitat vers la rehabilitation de la fille-mere.
M. Houze reclame un retour dans 1'opinion qui main-
tenant fletrit la femine seule, tandis que 1'hommc qui a
failli s'en fait en quelque sorte un tropliee.
M. Gaillard recormait qu'en effet 1'opinion seule pent
avoir quelque action clans cettecirconstance, et qu'ilest a
souhaiter que 1'opinion publique releve la femine du poids
qu'elle fait peser sur elle. M. Gaillard signale aussi la de-
moralisation des ouvriers dans les villes maniifacturieres,
et la circulation des ouvriers nomades. II dernande
que la vie nomade soit entravee autant que possible.
M. Laurent dit qu'il ri'est personne qui, ayant quelque
connaissance des precedes industriels, ne soit con-
vaincu que, s'il pouvait survenir quelque chose, soit
dans 1'opinion , soit dans la legislation , qui entravat la
SIXIEME SECTION. 315
circulation des ouvriers nomades, ce serait 1'aneantisse-
inent de L 'Industrie francaise. II pense qu'un des moyens
de moralisation les plus puissants pour les filles des clas-
ses inferieures c'est de leur donner 1'instruction qui leur
manque. II proposerait done d'organiser 1'education pu-
blique des filles de maniere a la rendre obligatoire dans
toutes les communes.
M. Gaillard indique encore, comnie moyens, 1'aug-
mentation des salaires, 1'extension de 1'autorite pater-
nelle, la fletrissure, dans {'opinion , de tout homme pere
d'un enfant naturel qu'il n'adopterait pas.
M. de Boisthibault pense qu'il serait utile de comple-
ter le systeme d'education propose, par 1'etablissement
de maisons destinees a recevoir les filles pauvres. II
existe, dit il, a Chartresriinemaison cle ce genre fondee
par M.me de Coussay. On y place les jeunes filles orplie-
lines ou pauvres; on leur apprend a coudre, et on les
place comnie femmes de cliarnbre ou cuisinieres. Par
cet etablissement, on previent la corruption de ces filles
et on les met en etat de c:a<;ner bonnetement leur vie.
D O
C'est une espece tie maison de refuge dont 1'exemple
doit etre propose,
M. Derouet(de Blois) partage Fopinion du preopinant :
il dit que 1'un des moyens les plus efficaces de diminuer
le nombre des enfants trouves serait de donner, le plus
possible , aux filles tie la classe pauvre, 1'education mo-
rale et religieuse convenable a leur position; et , par
exemple, d'encourager 1'etablissement partout ou la lo-
calitc le permettrait , de maisons scmblables ou ana-
3 1C SI\1EME SECTION.
logues a eelle fonde'e a Blois, sous le litre de maison-des
pauvres orphclincs , il y a quelques annees pur made-
moiselle Raffeneau-Delille, et clepuis seconde'e puissam-
ment par la charite publique.
Cette maison a ete elevee dans un but purement
pieux et charitable , et elle subsiste pour ainsi dire d'au-
m6nes et de son travail.
On y admet les petites filles pauvres et orpiielines de
mere, de six a onze ans; elles y restenl jusqu'a.21 ans.
La regie de la maison est douce et severe lout a-la-
fois , elle a pour base la morale religieuse.
On y apprend atix enfants «a lire , a ecrire, a calculer
et a travailler, de maniere enfm a former de bonnes
femmes de menage.
Les mattresses et sous-maitresses n'y sont pas re'tri-
buees.
II ajoute qu'un etablissement de ce genre, une fois
fonde , pent se soutenir par le produit du travail des
enfants et quelques charites, etc.
Qu'un des premiers encouragements a donner a ces
etablissements serait de les exempter de toute espece de
cbarges publiques.
Enfm, apres quelques autres debats auxquels pren-
nent part plusieurs membres, la section decide que la
resolution presentee par M. le docteur Simon dans la
seance precedente sera lue en seance generale.
MM. Bergevin et Herpin se reunissent pour presenler
au Congres le complement de la resolution dans les
termcs suivants :
SIXIEME SECTION. 317
« Le Congres emet le V«MI le plus prcssant pour que le gotiYcrnement
encourage puissaniment 1'etablissement de societes de charite mater-
nelle, qiti auraieirt specialement pour but de donner des secours a do-
micile aux filles enceintes et aux filles-meres , en laissant leiirs enfant s
pres d'elles , afin de conserver les liens d'affection ct de parent e qui les
unissent, au lieu de les briser et de les rompre, conuue il arrive dans
1'etal actuel des choses. »
Seance du vendredi soir 16 septembre 1836.
Presldence de M. JULLIEN.
L'ordre du jourappclle la discussion sur line question
renvoyee par le Congres de Douai, relative a la peine de
mort.
M. de Courteilles lit sur ce sujet le discours suivant :
Messieurs , ne vous attendez pas a m'entendre developper devant vous
un systeme ; ce ue sont pas des theories ni des utopies que je vais avoir
rhonneur de vous presenter, ce sont des fails dont vous pourrez mieux
que moi deduire les consequences. La phis curieuse cl la phis instructive
de toutes les etudes, cYst la coniparaison des moeurs d'une epoque avec
sa legislation. Je ne puis pn'tendre a traiter ici ce vastc sujet, mais je crois
indispensable de Jeter rapulf-ment un coup-d'ceil sur une parlie de cet
immense tableau.
Sous Charles IX, en 1560, les peines ctaient d'autant plus rigoureuses
que les moours etaient dissolucs; Irs crimes d'autant plus frequents, d'au-
tant phis hardis que les supplices etaient barbares ; et les lois d'autant
moins observees qu'elles etaient inexorables ! Les mauvaises lois out tou-
jours fait les mauvais citoyens.
Les ordonnances de ce temps, de 1560 a 164.3 punissent impitoyable-
ment une multitude de crimes , de delijs , pour lesquels la justice n'in-
tbime plus. Les peincs etaient terribles! 1'amende, le fouet , la prison, la
confiscation, le pilori, la degradation, Pinfamie infligee jusqu'a la poste-
rite, la mutilation, le bucber, la roue, la mort enfin sous toutes les formes
etail prodigucc dans les lois de nos pores; Tespionnage et la delation
31 S SIXIEME SECTION.
(.•talent encourages et ordonnes sous peine dc complicate ; Ic quart des
amcndes etait applicable aux dcnonciateurs.
Les blasphemes du nom dc Dieu elaient punis avcc barbaric ; apres
I'amende , Ic carcau el le fouct , s'ils etaient repris pour une sixieme fois ,
k>s coupables (dit I'ordonnauec dc Francois I.er, a Saint-Germain , 1534)
«< seront menes et mis an pilory, ct la aurout la levre de dessus coupee
d'un fer chaud , de sorte quo les dents leur apperreront; et pour la
seplicme fois, menes et tourncs an diet pilory, et auront la levre de des-
sons coupee du diel fer chaud; puis enfin pour la huitieme fois auront
la langue coupee lout just. »
Une loi somptuaire de cette cpoque ordonnait « qu'en quelques nopces ,
banquets , festins ou tables privees que ee soil, il n'y ait plus de trois ser-
vices , a savoir : 1'entrce de table , la chair ou poisson , puis finalement
Tissue, sous peyne d'amendes enormes pour Thole, pour les convives qui
nc le denoneoient pas. Et le cuisinier, dit la loi, sera fuslige et banny
comme pernicieux a la chose publique. »
Ceci nc s'eloigne pas de la gravite du sujel, messieurs; si je cite ces
tlcux exemples, c'est qu'ils font ressortir le contraste des mocurs et des
lois d'alors. Les cruaules de la loi stir Ic blaspheme sont d'autant plus
rcvoltantes qu'a cette epoqiie il -etait de mode de jurer c'l maugreer a la
cour. Charles IX et ses frcres furent grands jureurs. On connait les
banquets de la cour de Catherine , et Ton ne s'attend pas a voir des lois
sur la temperance contresignees par Charles IX et Heiiri III ; ellcs furent
sans influence.
L'application de la peine de mort etait alors prccedee d'horribles sup~
plices. Les accuses etaient soumis a la question preparatoire avant le com-
mencement de la procedure ; pendant 1'instruction , el sur de nouveaux.
indices, les juges pouvaient fa ire reptter et rcilerer de nouveau la ques-
tion, et si les tourments de la gehenne n'avaient arrache aucun aveu au
malhcureux dont 1'inuocciicc ou le courage avaicnt soutenu les forces,
« Pourront toutefoisnos parlemeuts (dit le code de Henri III , 1 585), en-
core que 1'accuse ne confesse rien en la question , si les indices ne sout
.pas purges, le condamuer en lelles peincs corporelles ou amendes pecti-
-niaires que les juges adviseront dans leur religion. »
Par le jugemcnt de mort lui-Bieme, il pouvait etre ordonne que le con-
damne serait prealablement applique a la question pour avoir revelation
-de ses complices.
La justice d'alors n'avait done, en vue que trois choscs : enchalner 1<;
•conpable pour qu'il n'echappe pas, le torturer pour qu'il avoue, le faire
«xpircr dans d'horribles souffrances pour ptuiir et effrayer a la fois.
SIXIEME SECTION. 319
Dans une sociele iorlcment et depnis long temps constitute, ou les de-
voirs et les drnits etaienl nettement poses, les nuances disparaissaient , les
oirconstances allenuanles n'existaient pas , les precautions etaient negli-
gees; on punissail le fail, et 1'on tenait pen de compte des intentions et du
repcntir. La niorl elait la consequence d'un crime, d'un simple delil, d'une
(ante legere meme! La justice punissait le crimiuel sans chercher a le con-
Aertir; inexorable cnvers le condamne, elle croyait faire assez pour sou
amc en lui accordant un confesseur, la pilie n'allait pas plus loin.
Les moRurs etaient rudes, la guerre civile les avail endurcies. Les carac-
teres etaient forts , les convictions ardenles et siuceres.
A une epoque ou de nobles genlilshommes , de notables bourgeois , d'in-
trepides artisans, prodiguaienl leur sang dans vingt combats, la vie d'un
homme d'bonneur elail pen de chose, celle d'un coupablc n'ctait rien. A
de vils criminels , il fallait des supplices atroccs, fletrissants ; le peuple s'y
rejouissait , et les dames de la cour prisaient fort ce spectacle.
Qu'ont amene ces habitudes mid les? Quel bien a
.prodiu't ce mepris de 1'humanile? Pour un coupable dont la socicle se
.purgeail , il en renaissait mille , et le peuple, habitue a la vue dn sang,
s'en est enivre! II a voulu s'en abreuver a longs trails, les guerres rc-
ligieuses en out fail repandre des flots! Je ne ciierai aucun de ces
combals, de ces longs massacres, de ces horribles boucheries donl vous
save/, mieux quc moi la deplorable histoirc. Je clois etre avare des mo-
ments d'atlention eld'mdulgence que vous voulez bien m'accorder. Jevous
rappelerai seulemenl, pour ne pas sorlir de noire histoire, quo, depuis
i'elablissemenl de not re monarchic jusquVn 89 , le systeme de conserva-
tion sociale qui repose s'ir 1'effusion du sang humain, a parcouru ses pha-
ses desaslrcuses , el esl parvenu en 1793 a ce comble d'c.xces que les vic-
times out lasse les bourreaux! Gc ful en vain qu'on inventa le funest<!
instrument dc mort qui permit d'executer en pen d'instanls des charrelees
de malheurcnx; il fallut encore recourir a la mitraille, aux flots de la
Loire , pour assouvir la rage d'un peuple devenu sanguinaire. Toutes ces
executions a mort onl-elles change une seule conviclion ? Non. La foi
religieuse comnie la foi polilique a toujours grandi par le marlyre.
Mais je ne veux pas sortir de la justice crimiuelle, et j'arrive a notre
Epoque. Kpoque de decouragement et d'exaltalion , de croyance el dc doule ,
d'iuditterence el de devouemenl ; epoque de transition en un mot, on la
societe, prise an depourvu , s'efforce d'elever a la civilisation un monu-
ment nouvean compose de tons les debris de 1'ancien.
II u des phenomenes de nos dernieres annees que je livre a vos medita-
tions, messieurs, c'esl 1'cffrayante progression des crimes! Des altentals
320 SIXIEME SECTION.
odieux , d'une execrable, barbaric, se succedent les uns aux autres dans
tons les rangs de la socictc epouvantee do 1'audacc et du cynisme des cou-
pables.
Je ne rappellerai pas tons les grands criminels qtii , dans cette derniere
annee, out figure, el je pourrais dire profcsse sur les banes de nos eours
d'assises; mais les forfaits de deux bommes eonime Lacenaire et Fieschi,
torcent a rellcehir; ils denotent un etut soeial dans lequel fermentent des
prineipes dc dissolution; pour eux , hi vie i'ul un jeu cruel , ct le poignard
une Industrie; le bane des accuses une tribune, un theatre , on se repre-
sente la derniere scene d'un horrible draine dont I'echafaud est le dc-
iKMiement.
Lacenaire a essaye du travail, il en aurait pu vivre; niais il avail d'ar-
dentes passions ; line existence vulgaire est au-dcssous de lui , ce sont des
voluples, c'est de Tor qu'il lui faut, il en va puiser dans le sang de ses
semhlables!.... Il assassine froidemcnt, pcur voler! puis aborde fierement
le tribunal; et la, dans ce vieux palais de Sainl-Louis, ou siegerent ces
magistrals si graves, 1'hoiuicur du pays, devant les snccesseurs de ces
liommes intcgres qui jugeaient de si ha-ut, de ces ganliens minutieux de
nos droits et de nos privileges ; sons ces voutcs oil la \oix des Lhopital et
des Mole rappelait la vertu, la simplicitc des temps antiques! Dans le
sanctuaire de la justice burnaine, Lacenaire en profane la majcste, en ou-
trage les organes, en elcvanl une cbaire anli-sociale ! Il s'exprinie avec es-
prit, avec grace, on 1'ecoute, on l'app!aiulil presque! nos romanciers
viennent etndier ses poses, epier le jeti de sa pbjsionomie, s'inspirer de
ses pensees, surprendre ses emotions et cnvier son sang-froid; les jour-
naux col portent d'un bout du monde a 1'aulre ses paroles empoisonnces ,
tt comine si cette dissolvante pubHcite ne suffisait pas, le lendeinain de sa
inort on publie ses memoires ! Lacenaire nc mourra pas tout entier, il re-
naitra dans son oeuvre ; le vice n'y perdra rien !
C'cst une chose toute nouvelle dans nos manirs et digne de medilation
que cette attitude du crime se posant en face de la justice, luttant avec
elle et lui lancant comme Duheni son sabot a la tete , ou lui declarant
nonchalainment comme Menuid , detenu pour six effractions ct deux assas-
sinats, qu'il veut en fiuir! ou debitant comme Lacenaire et Fieschi un
odieux role devant un publie avide et blase, qui vrent la chereher des
emotions et de funestes exemples, pret a siffler la faiblessc ou plutot le
repentir, et confondant rberoisme avec I'arrogance. Dans cetle derniere
representation 1'accuse, si je puis nrexprimer ainsi, lache sa derniere
lyordee d'athcismc ct d'immoralite.
SIXlfeME SECTION. 331
L'interrogaloire devient un dialogue plus ou moins piquant, dans le-
quel la justice a souvent le dessous, la defense est une profession de foi I
Quant aux monologues du cachot, Lacenaire a legue les siens a la poste-
rite , il ne lui a manque que de boire la cigue dans sa prison , et d'y
mourir comme Socrate , entonre de ses disciples !
Fieschi, moins eloquent et moins poetique, nous a laisse des auto-
graphes et le souvenir repoussant d'un assassin vaniteux ; on a flalte son
orgueil , on a menage ses faiblesses , on 1'a entoure d'egards ; la foule a
voulu le Voir mourir; jusqu'a la guillotine il a soulenu sou role, il y est
monte comme un bateleur! et quand ces heros du crime, soutenus comme
les gladiateurs de Rome par les applaudissements de la multitude, sont
tombes dans Tarcue avec grace, on couvre de leurs portraits les murs de
la capitale ; chacun Veut contempler leurs traits , posseder leur image.
Pendant nos longucs guerres on mourait pour son pays, et c'est a peine
si les bulletins de la gfande armee citaient un de ces deVouements , tant
ils etaient communs ; aujourd'hui on se tue , on assassine , et Ton devient
fameux ! comme si le degout de la vie etait une vertu ! il semble que cha-
cun de nous , fatigue de rouler son roclier, las du joug uniforme et pesant
de la mediocrite , excede d'une vie sans but , revant la gloire et desespe-
rant de 1'atteiudre , se premie d'un stupide etonnement, d'une admiration
involontaire pour quiconque perce la foule avec energie, abdique 1'exis-
tence vulgaire, et 1'apathie quolidienne! On revele sa vie par une rnort
bizarre : on s'immortalise par un crime , et on erige en systeme le suicide
et 1'assassinat.
Les suicides , dans le dernier compte-rendu de la justice criminelle en
France, se montent a 1,973 , sans compter tous ceux qui ne sont pas ve-
nus a la connaissance du ministere public.
Croyez-vous qu'a un tel etat de marasme la peine de mort puisse etre uli
remede? Les scelerats les plus endurcis la reclament comme un bienfait et
la subissent avec joie; le jury en devient d'autant plus avare; le pouvoir,
par le frequent usage qu'il fait du droit de grace , se prononce en faveui1
de rabolition de la peine de mort. La societe de la morale chretienne cou-
ronne les ouvrages qui precbent celte doctrine , et presque tous les organes
de la presse s'en font les echos.
Si Teffusion du sang humain n'est pas indispensable au maintien de
1'ordre social, elle est un crime ^ dit-on de toutes parts... II vaut mieux
corriger le coupable que de le tuer.
Dans un precedent discours, que vous avez bien voulu juger avec une
indulgence qui redouble mon zele et me pcnetre de la plus vive recon-
23
322 SFXIEME SECTION.
uaissance , j'ai deja eu 1'Jionneui1 de vous dire qu'en 1826 il y avaif eu
en France 139 individus condamnes a mort, et que ce nombre avait tou-
jours etc en diminuant jusqu'en*1833, ou il a etc seulement de 50.
Les executions out etc dc 1 1 1 en 1826 , et de 34 en 1833.
En Pensylvanie, dit M. de Beaumont dans son dernier ouvrage, si Ton
divise on deux parties la periode de temps qui s'est ecoulee depuis 1778
jusqu'a 1832, c'est-a-dire uu espace de 54 ans, on Irouve dans la pre-
miere partie, qui comprend de 1778 a 1805, 75 executions a mort, et
seulement 33 dans la seconde partie, de 1805 a 1832; et pendant cette
periode, la population croissait immensement.
Dans le Massachussets , on ne voyait que 1 9 executions pendant un laps
de 30 annces. Dans le Vermont, pas une seule depuis 1814.
En Belgique , un tableau de M. Edmond Ducpetiaux presente un resul-
tal IVappant. Je le resume en deux colonnes.
PERIODES.
5 ans finissant a.
5 --
1804.
EXECUTIONS.
. . . 235
1809. . . .
88
1814. . . .
1819. . . .
71
2f>
1824. . . .
23
1829. .
22
... 1834 .......... aucune.
En Angleterre, ou la peine de morl est prodiguee , il y a eu, en 1834 ,
480 condemnations, et seulement 3i executions.
En France, disent MM. de Tocqucviile et de Beaumont, les executions
ont encore lieu sur la place publiquc ; mais a Paris , personne, excepte les
agents necessaires , n'est prevenu du jour et de 1'heure ; le coup se fait a
la dcrobee ; le bnurreau se cache comme un assassin !
J'ajoute que le po\ivoir, qui de la place de Grcve avail transporte le
theatre des executions a la place Saint-Jacques , vient de 1'eloigner en-
core davantage des lieux frcquentes, en le relcguant pros du cimetiere du
pore Lachaise. La meme repugnance se fait sentir en province. En Aout
1836, la guillotine ne pouvant fonctionner a Nantes, foute d'une piece
importante, le bourreau ne put tronver de charpentier parmi les ouvriers
de la ville, il fut oblige de recourir a un etranger.
Je vous ai promis des faifs, messieurs, je ne puis dans un discours deja
trop long les multiplier davantage. J'ai seulement voulu prouver d'une
SIXIEME SECTION. 323
manic-re irrecusable que 1'opinion publique , cettc rcine du monde , fletrit
{'application de la peine do mort ; que la diminution successive et continue
dcs executions est une protestation de la societe contre les sacrifices hu-
mains.
La peine de mort n'a jamais diminue et ne diminucra jamais le nombre
dos crimes; c'cst par des mesures moralisantes et conservatives que vous
obtiendrez ce resullat.
Prenez un de ces homines qui, de fautcs en fautes , de crimes en cri-
mes , en sont venus a ce point de n'avoir plus rien a perdre ; prenez un
de ces monslres parvenu au dernier degre du vice et du crime , enlevez-
lui la vie donl il fait peu de cas , failes tomber sa t£te aux yeux d'une
foule avide et brutale, dont une partie se compose d'etre degrades, qui
viennent la pour voir comment ils feront a leur tour, et s'en vont rassurcs
par la rapidite d'une execution qui n'a rien d'effrayaut pour eux; on bieu
renfermez-le dans une cellule solitaire et silencieuse, ou vous 1'ensevelircz
tete-a-tete avec son crime , sa conscience , ses remords , pour toute consola-
tion 1'cvangile ouvert devant lui et le recours a Dicu. Dans le premier mo-
ment de cctte dure epfeuve , la rage ct le desespoir s'empareront du cou-
pable; mais I'liorrible uniformite de cette longue penitence, ces meditations
forcees dont rien , pas meme le plus leger bruit , ne doit interrompre le
cours , ameneront bientot les larmes et le repentir toujours vivant au fond
des ames les plus corrompues ; car il y a toujours du malhcur dans le
crime. Eli! bien, que ce criminel, fut-il parricide, verse une larme, nne
seule larme sincere , il est absous devant Dieu ; et vous n'avez pas le droit
d'etre plus severe que Dieu.
Je dis que cet bomme que vous avez mis dans 1'impossibilite de huire >
que vous avez condamne a Peffroyable supplice d'une rage impuissante ,
d'un desespoir sans lemoin , d'un remords qu'il ne pent fuir, est plus se-
verement et plus utilement puni dans 1'interet de la societe, que celui
dont vous avez retranche les jours.
Si je vous ai convaincu de cette vcrite, messieurs, quelle repugnance
eprouvez-vous a emettre un vceu qui ne peut effrayer la societe, et qui
prouverait au gouvernement qu'uue reunion d'bommes eclaires et veritable-
ment amis de l'humanite, s'associe au genereux espoir de remplacer un
jour par Tapplication du systeme penitentiaire la peine de mort dont 1'abo-
lition separera notre age des ages de barbarie , d'ignorance et de fanatisme
dont les exces ont fait gemir riiumanite.
M. Bergevin dit que pour repondre a un seul point du
a ^ r i r
324 SIXLEME SECTION.
discoiirs de M. de Courteilles, on ne peut pas arguer tin
courage d'un homme qui se suicide a celui d'un assassin.
M. Porcher annonce qu'il a pen prepare la question
et qu'il va presenter quelques observations pour qu'on
puisse y repondre. II examine d'abord si la societe a
droit de disposer de la vie d'un de ses semblables. II se
prononce pour raffirmative par Vexemple de toutes les
nations. On ne doit apporter de reformes dans la so-
ciete que quand la ne'cessite en est parfaitement demon-
tree. II reprouve une idee souvent manifestee, que la
peine des travaux forces effraie autant que la peine tie
mort. Les decisions des jurys demontrent que la peine
de mort est encore un besoin social. S'il n'en etait pas
ainsi, ils n'en feraient jamais 1'application. Si les exe-
cutions ont diminue depuis 1830, c'est que Fopinion
publique entend la reserver pour les plus grands cou-
pables. L'orateur fait des voeux pour que la peine de
mort disparaisse un jour de nos codes; mais il pense
que notre societe n'est pas encore moralisee pour sup-
porter cette abolition.
M. Simon prend la parole : II ne voit pas que M. Por-
cher ait repondu a la question; il ne s'agit point, dit-il,
dans ce moment de 1'abolition de la peine de mort, mais
il s'agit de i'efiicacite de la peine. II ne pense pas pour
son compte que cette peine diminue les crimes.
M. Bergevin adopte dans tout son entier 1'opinion de
M. Porcher. II dit, que s'il pensait comrne M. de Cour-
teilles que la peine de mort fut inefficace , il en deman-
derait immediatement I'abolition.
SIXIEME SECTION. 325.
M. de Courteilles dit que s'il demandait eette aboli-
tion , ce serait a la condition de son remplacement par
le systeme penitentiaire , parce qu'il croit cette penalite
plus repressive meme que la peine de mort , et d'un
exemple plus utile.
M. Derouet invoque son experience pour appuyer
Topinion de M. Porcher. II a vu souvent des accuses
tres habiles a calculer les circonstances du crime.
M. Gaillard a la parole : II a examine la societe; la dis-
position des esprits est portee vers les idees desordon-
nees. Partout , dans les livres, au theatre, le crime est
preconise et applaudi.
Cette tendance de la societe a applaudir au crime, le
frappe, et il en conclut, que ce qui suffisait a 1'ordre
ancien ne suffit plus a 1'ordre nouveau. Ainsi , au moyen
age , la ferocite des moeursjustifiait la ferocite des peines ;
mais aujourd'hui la crainte de la mort diminue tous les
jours. Cequi manque a notre temps c'est la crainte d'une
autre vie.
M. Bergevin dit que dans une pareille matiere on ne
peut se determiner que par une conviction intime. Que
chacun s'interroge et dise s'il croit qu'un criminel n'est
pas arrete dans la voie du crime par la crainte de la
penalite qui le menace.
M. Dain prend la parole : II examine 1'opinion de
M. de Courteilles. Les preuves citees par ce dernier de la
diminution progressive, dans tous les pays, de 1'applica-
lion de la peine de mort, lui semblent sans replique pour
son abolition definitive. II pensc quo parce que la peine
326 SIXIEME SECTION.
cle mort est inappreciable et sans remission , il consent
absolument qn'on 1'abolisse , et que cette peine n'e'tant
plus clans nos mceurs, et exercant une profonde terreur,
un profond degout , et par suite nne tres funeste in-
fluence sur la societe en ge'neral, il convient encore
qu'on 1'abolisse.
M. Simon dit que I'inconvenient de la solution de
M. Dain est d'etre seulement critique ou negative. Gelle
de M. Bergevin lui semble trop positive , trop re'elle , et
point assez scientifique , et il s'etonne qu'on ne s'occtipe
pas davantage de la proposition de M. de Courteilles.
A ce propos , il observe qu'au lieu de consacrer notre
temps a 1'examen de 50 ou 60 questions, sous le poids
desquelles courbe le Congres, il serait plus utile d'en ap-
profondir quelques unes.
La precipitation apportee a nos deliberations, fait
que nous, homines d'avenir, speculons dans le present,
et edifions pour un , deux , au plus dix ans. Chose ex-
traordinaire, dit M. Simon, nous sommes ici Congres
scientifique avant tout, sinon exclusivement , et c'est,
dans la question actuelle , le point de vue legal qui nous
absorbe , et la science n'est pas ecoutee. II dit que, quant
a lui, il croira devoir s'abstenir de voter, parce que la
vraie question lui semble avoir ete abordee seulement
par M. Gaillard.
Sur la question de la peine de mort , il n'y a que deux
solutions possibles : celle que De Maistre avail formulee
en disant : Le bourreau est la pierre angulaire de la so-
ciete, et 1'opinion inverse qui nie positivement Futilite
et surtout la le'gitimite de cette peine. M. Simon voudrait
SIXIEME SECTION. 327
qu'on rexaminat, parce qu'elle revient, selon iui, a
1'examen du droit de punir qu'a la societe; c'est le sujet
du dialogue de Platon , intitule Le Gorgias.
M. de Recy dit que le but de la societe , par 1'eta-
blissement des peines, a du etre de prevenir les crimes,
et non de les venger; car la vengeance n'appartient
qu'a Dieu, et les hommes ne peuvent s'arroger un droit
si grand, ni surtout 1'exercer en violanl la loi naturelle.
Mais que par la peine de mort le but que la societe
se propose n'est pas rempli d'une maniere plus efficace
qu'il le serait par un autre genre de peine qui , sans
donner la mort an coupable, Iui infligerait cependant
un tourment veritable; d'une peine qui Iui laisserait le
supplice non moins grand du rernords, punition toute
divine qui reconcile rhoinme criniinel avec Dieu , et
dont la societe, en Iui tranchant la tete sans qu'il ah
eu le temps de faire veritablement un reto-ur sur lui-
meme , enleve au coupable et le tourment et le bienfail.
La peine de mort, ajoute-t-il, ne previent pas plus le
crime qu'un autre genre de peine severe qui la rempla
cerait; car l'homme qui devient criniinel ne prcvoit ju-
mais que son crime sera decouvert ; sans cela il s'ai re-
terait. II n'est preoccupe que du soin tie caclier ce
crime , et 1'assurance qu'il ne sera point decouvert lie
Iui fait cominettre. II cherche a eebapper a une peine
grave; mais la nature de cette peine est en general une
preoccupation secondaire.
La peine de mort, au contraire, est une cspece dc re-
habilitation que le crimincl vicnt chercher sur 1 echafaud
328 SIXIEME SECTION.
en presence cle la foule a laquelle il se donne en spec-
tacle ; il s'efforce d'expier , en quelque sorte a ses yeux,
son crime par son courage , par 1 'ignoble lieroisme
avec leqtiel il affronte la mort; et la foule en effet, que
la vue du sang accouttime an sang, s'en etonne, empor-
tant 1'impression du courage du supplicie , bien plus que
Vimpression d'horreur que devrait lui faire eprouver
son crime.
C'est ainsi, s'ecrie-t-il, que la peine de mort n'ajoute
rien au but que se propose la societe; qu'elle est con-
traire au droit criminel et contraire aux principes reli-
gieux; car apres avoir tranche la tete au condamne ,
vous ne rendez a la terre qu'un cadavre sans rendre
une ame au ciel.
M. Laurent dit que pour juger de la bonte, del'effi-
cacite d'un moyen , on ne peut le faire d'une facon ab-
solue ^ ce ne peut-etre que par comparaison. Or, il faut
dire que dans ce moment aticune penalite ne peut-etre
substituee a la peine qui nous occupe, de maniere a ce
que la securite sociale soit garantie. Le Congres ayant
adopte, dans une de ses dernieres seances, une resolu-
tion pour Fapplication generale en France du systeme
penitentiaire, il semble qu'il conviendrait que cette appli-
cation eut recu un certain developpement tel qu'on put
juger si la peine de mort serait efficacement remplace'e
parle systeme penitentiaire. En consequence, il propose
rajournement de la question au Congres de 1837.
M. Bergevin pense que la question pent etreresolue, et
que comparant la peine de mort a Unites les autres pei-
nes,cettc peine est pour certains cas la plus efficacc,
SIXIHME SECTION. 329
M. Gaillarcl dit qu'il y a certaines natures mauvaiseset
portees au mal, qui obeissent a une sorte de fatalite.
M. Simon dit qu'il ne veut point rentrer dans la dis-
cussion generale j mais que M. Gaillard ayant presente
des considerations physiologiques pour appuyer 1'opi-
nion de 1'efficacite et meme de la necessite de la peine
de mort, il desire protester au nom de la science contre
lopinion de M. Gaillard.
M. Simon pose en fait que dans I'homme tons les
penchants sont originellement bons, qu'il n'en est au~
cun qui doive e"tre repousse , et que s'il est tant de eri-
minels dans le monde, cela tient avant tout a 1' orga-
nisation de la societe qui, au lieu de donner satisfaction
a des besoins reels, les comprime. Alors,comme la na-
ture ne perd jamais ses droits, il est des activites excen-
triques qui se font jour par violence , voila le crime.
Quant aux moyens de le faire cesser , la science nous
les offre. Depuis M. Richerand et depuis Gall lui-meme ,
on a constate, et sous ce rapport, les pense'es de M. Ri-
cherand sont fort arrierees et celles de M. Pinel ne
le sont pas moins, on a constate la multiplicite des
organes cerebraux, et de plus, on a demontre que
le crime dependait du developpement exuberant d'un
instinct ou d'une faculte. Eh ! bien , 1'education, la
phrenologie le demontre, a puissance de developper
en nous des facultes qui , originellement, etaient a.
leur minimum de developpement. Ainsi la phrenO"
logic echappe a la loi de fatalite que Gall, son cre'a-
teur , n'avait pas su lui eviter. Quant aux maniaques
330 S1XIEME SECTION.
ct aux monoinaniaques, ce sont des malades, et les
malades relevant de la medecine et nullement de la loi.
M. Derouet reprend la parole , et , parcourant Fe-
chelle des peinesr n'hesite point a reconnaitre que pour
la repression de certains crimes, la peine de mort est
seule efficace.
M. Herve donne quelques explications sur ce qu'il a
vu du systeme penitential re , tel qu'il est applique aux
Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, il y a pen de crimes politiques; le
systeme de liberte qui impose pen d'entraves aux hom-
ines, donne occasion a pen de crimes; et meme la peine
tie mort qui y est prononcee ne recoit que rarement son
application.
M. de Courteilles nie que le sentiment religieux puisse
aujourd'hui arreter le criminel; il cite a cet egard un
fait qu'il a vu a Milan.
M. Bergevin reprend la parole et affirme de nouveau
que la peine de mort menacant riiomme vicieux 1'eni-
peche seule de devenir coupable.
M. Porcher veut, dit-il , preciser la question :
Si la peine de mort previent des crimes, il faut la
conserver ; si elle n'en previent aucun, il faut Tabolir.
Ge n'est point, dit-il, parce qu'il y a toujours des
crimes qu'il faut dire que la loi soit impuissante a les
reprimer; c'est la nature humaine qu'il faut en accuser,
les vices, et aussi souvent 1'espoir de 1'impunite. II fait
des voeux pour que la peine de mort disparaisse , mais il
ne pensc pas que le moment soit arrive.
S1XIEME SECTION. 331
M. Jullien donne lecture cles diverses propositions
presentees par les divers membres qui ont pris part a la
discussion.
ParM. Gaillard:
« La peine de mort a jusqu'ici diminucle nombre des crimes qu'elle est
» destinee a reprimer ; mais les doctrines funestes qui circulcnt parmi les
» criminels font prevoir que bientot ce remede sera tout-a-fait inefficace ;
» et le seul a apporter a ce mal , est d'inspirer la crainte de la vie a venir
» a des hommes qui ne 1'eprcuvent plus. »
Par MM. Bergevin et Porcher :
« La peine de mort, par la crainte qu'elle inspire aux hommes , est
» propre a diminuer le nombre des crimes qu'elle est destinee a reprimer. »
Par M. Dain :
« Attendu que la peine de mort , si elle previent quelquefois k crime en
» arretant par la crainte , demoralise la sociele en general et endurcil les
» mceurs publiques , le Congres estime que cette peine esl plulot nuisible
» qu'efficace pour la diminution des crimes. »
Par MM. le docteur Simon et Jullien :
« La peine de mort , quelle qu'en soil la forme , n'agissant sur le cri-
» minel que par 1'effroi , est inefficace pour prevenir le crime , parce que
» 1'effroi n'ameliore pas.
» Tant qu'il n'y aura pas d'institution sociale propre a garantir la so-
» ciete contre de nouvelles tentatives de la part des criminels , et jusqu'a
» 1'applicatioii generate du systeme penitentiaire et des moyens de mora-
» lisation qui doivent en elre le complement , la peine de mort reste eu-
" core dans uos codes comme line tristc ncccssite. »
M. Laurent propose le renvoi de la question a la pro-
chaine session.
332 SIXIEME SECTION.
La priorite est accordee a la proposition de M. Por-
cher, laquelle est mise aux voix et adoptee.
Seance du samedi matin 17 septembre 1836.
Presidence de M. JULLIEN.
M. Desbrosses fait le rapport suivant sur le memoire
de M. de Calonne.
Messieurs , vous m'avez charge de vous rendre compte d'un memoire
de M. le comte de Calonne sur I' Unite, chez les ancieus, et I' Esprit d' as-
sociation chez les modernes , consideres comme principes de force , et sui
vis d'une proposition sur un plan de statistique du royaume.
Dans ce travail , M. de Calonne recherche le principe de la force chez
les grands peuples de Fanliquite, de cette puissance creatrice qui nous
a transmis des monuments d'art, des monuments de genie; il la trouve ,
cette force , dans Funite de vue , Funite d'aclion , Funite de pouvoir.
L'auteur montre ensuite la scission de Fautorite spirituelle et de Fauto-
ritc temporelle , rompant cette puissante unite et. donnant lieu a la division
eta Faflaiblissement des pouvoirs. Je craindrais, messieurs, en suivant
ici M. de Calonne, de m'attirer le reproche de faire de la polilique.
Je le rejoins a Fendroit ou il demontre que Fesprit d'association , seul
capable aujourd'hui des graudes choses, est venu remplacer Funite de
pouvoir pour accompli r les enlreprises les plus gigantesques.
« Si Fon voyait surgir parmi nous, dit M. de Calonne, ce desir de s'as-
socier pour soulenir les interets moraux , matericls et positifs , que de
nuances d'opinions se fonderaient insensiblement en un sentiment noble
t;t eleve, Famour du pays. » Mais, ajoute-t-il, eel esprit d'association n'esl
encore qu'a sou debut en France, et le Congres scientifique est son pre-
mier pas.
M. de Caloime pense qu'une ceuvre ulile , grande el digne du Congres,
serait d'entreprendre une slatislique generalc de la France sur un plan
uniformc. Il fandrait, pour realiser cc projet, que chaque session adressat
a la suivante une serie de questions donl la solution remplirait un cadre
trace d'avance.
Dans tin semblablc travail , on no dcvrait pas , suivant Fautcur du me-
SIXIEME SECTION. 333
moire, s'astreindre a la division territoriale des departemenls qui peuvent
passer comme out passe les provinces ; il faudrait suivre la division tracee
par les grands bassius des fleuvcs, comme la pins naturelle et la pins stable.
Cette proposition, messieurs, toute patriotiqne qu'elle soil, je me se-
rais fait scrupnle de von s la transmettre, sans qu'elle cut snbi 1'epreuve
de prudence a laqnelle toutes sont assujeties par votre reglement ; mais il
m'a semble qn'elle rentrait assez directement dans la 13.e proposition de
votre programme pour pouvoir y etre jointe.
J'ai done 1'honneur de vous proposer, messieurs, de remercier M. le
comte de Calonne du travail interessant qu'il vous a adresse et d'adopter
la resolution suivante, aussi conforme que possible a sa proposition :
« Le Congres emet le vuui que , cbaque annee , les personnes du pays
» designe pour la tenue de la session, fournissent, chacune dans sa spe-
» cialite , les elements nccessaires pour former une statistiqne complete
» de ce pays , afin qn'il puisse en resulter par la suite une statislique ge-
» nerale de la France. »
M. Doublet ditque de grandes difficultes environnent
les travaux statistiques , qui sont rarement faits d'une
maniere complete.
M. de Courteilles demande que les questions posees
par M. de Calonne soient renvoyees aux Congres sub-
sequents. La section decide que ce renvoi sera fait en
restreignant le travail a chaque departement.
La discussion s'ouvre sur la 2.e question du pro-
gramme.
M. Jullien , repondant a cette question , dit que Fin-
fltience des voies de communication sur la civilisation
des peuples est une verite de fait, attestee par Thistoire
generale du genre liumain • chaque nouveau progres
social a etc le resultat d'un nouveau moyen de commu-
nication introduit parmi les hommes.
Les langues, la lecture, 1'ecriture, le calcul, 1'impri-
334 SDUEME SECTION,
merle et les arts qui s'y rapportent, la navigation, les
grandes routes et les routes transversales et vicinales ,
les postes aux chevaux, les postes aux lettres, les mon-
naies et les lettres de change , les telegra plies , la puis-
sance de la vapeur appliquee conime moteur sur la terre
et sur 1'eau ; enfm , les chemins de fer sont comme les
degres successifs que 1'homme a parcourus jusqu'a nos
jours en perfectionnant d'epoque en epoque les moyens
de communication reconnus par lui conime les instru-
ments essentiels et necessaires de la civilisation.
Aujourd'hui les gouvernements doivent apporter
tous leurs soins a faire executer, autant que les circons-
tances locales et econbmiques de chaque pays le per-
mettent, les nouvelles voies de communication en fer
et par la vapeur qui doivent repandre de plus en plus,
par des relations multipliees entre les homines et
entre les peuples, les bienfaits d'une aisance , d'une
instruction et d'une moralite plus generales. M. Jullien
ajoute quelques details sur les travaux qui s'executent
dans ce moment en Belgique, et desirerait que le gou-
vernement se pretat a 1'entreprise du chemin de Paris
a Bruxelles.
M. de Calonne trouve dans 1'absence ou du moins la
rarete des capitaux un obstacle invincible a 1'etablisse-
ment des grandes lignes projetees en France.
M. Gaillard se demande si la facilite des communica-
tions et les frottements plus frequents deshommes entre
eux sont favorables au bien-etre et an bonheur de
rhumanite et au perfectionnement moral de riiommej
SIXIEME SECTION. 335
riiomme eloigne de son pays est plus porte an mal que
sous les yeux de ses concitoyens , et , sous ce rapport ,
rimmoralite ne pourra que s'accroitre. M. Gaillard nie
que la facilite des communications diminue les chances
de guerre; elle doit avoir pour effet, au contraire, de
mettre plus d'interets en presence, et d'amener ainsi
plus de collisions. D'un a litre cote, il s'etablira une sorte
de privileges au profit des peuples riches en capitaux et
habitant un climat favorable a la production. De la,
jalousie de la part des autres peuples; de la, source de
guerres , renaissantes tons les jours par le choc violent
d'interets opposes. M. Gaillard pense , d'un autre cote ,
que les chemins de fer occasionnent des frais conside-
rables dont les avantages sont contestables, et qu'on
doit leur preferer les voies naturelles des fleuves et des
rivieres.
L'un des secretaires donne lecture d'un memoire de
M. d'Accary de la Riviere, sur les inconvenients des
chemins de fer, dont les conclusions sont: 1.° que les
chemins de fer donnent lieu a une depense ruineuse
poiirl'etat; 2.° qu'ils sont excessivement dangereux pour
ceux qui voyagent dessus, on qui les traversent; 3.° qu'ils
donnent lieu aux plus odieuses vexations en servant de
pretexte pour abimer sans pitie les plus belles proprie-
tes; 4.° qu'ils ont pour effet immanquable de ruiner un
grand nombre d'individus en les privant de travail;
5.° qu'ils favorisent les malveillants et les conspirateurs
en leur fournissant des moyens de correspondance ra-
picle, et une impunite certaine par la fuite. On pent
<336 S1XIEME SECTION.
enfin qualifier 1'invention des chemins de fer le chef-
d'oeuvre de I'egofsntte, et le triomphe de 1'interet parti-
culier sur 1'interet general.
M. de Courteilles, repondant a M. Gaillard, lui rap-
pelle ce vieux proverbe turc :
Les mohtagnes ne se rcncontrcnt jamais ,
Les homines se rencontrent toujours.
II soutient les avantages qui doivent resulter pour le
progres de rhumanite , de la libre et frequente com-
munication des peuples entre eux; il puise un nouvel ar-
gument en faveur de son opinion dans la presence
d'une honorable etrangere, miss Anna Knigt, qui vient
s'associer a nous, s'unir a nos efforts, prendre part a
nos travaux , dans Tunique but d'etre utile a ses sem-
blables.
La France et 1'Angleterre se sont toujours estimees
et haies, dans des interets de rivalite mal entendus, et
ne commencent a sympathiser que depuis le jour ou
la paix nous a permis de nous donner la main.
Les communications des peuples entre eux n'ame-
nent pas des chocs, mais des fusions d'interet, en pro-
tegeant les echanges , les industries } les relations de
toute nature.
II rappelle , a propos de la comparaison etablie entre
les chemins de fer et les fleuves, cette pensee de Pascal :
Les rivieres sont des chemins qui marchent.
M. Hunault de la Peltrie s'eleve centre les chemins de
SIX1EME SECTION. 337
fer, considered comme moyens economico-politiques.
L' Amerique , la Russie doivent etablir des chcmins de
fer, a cause de 1'etendue de leur territoire; I'Angleterre
a cause de 1'etendue de son commerce; mais la France
ne peut suivre ce mouvement immense, et ne pent en
etablir sur quelques lignes que par exception.
M. Doublet de Boisthibault deniande la parole sur
la position de la proposition faite par M. Gaillard.
Pour ne dire qu'un mot sur le fond de la question ,
M. Doublet pense qu'en these generale , multiplier les
voies de communication, cela conduit au rapprochement
des hommes et par suite a la perfectibilite humaine. II
n'y a nul rapport entre des faits qui appartiennent a
riustoire ancienne et les previsions de 1'avenir. On com-
prend que des rapports des anciens peuples entre eux
soit resulte la guerre .; car la civilisation n'avait pas encore
penetre chez eux. On ne connaissait que des conque-
rants et des barbares ; 1'esprit de la conquete ne tendait
qu'a une chose , conquerir et s'etendre, mais jamais a ci-
viliser. Comment civiliser en effet le peuple soumis,
en faisant du vaincu 1'esclave du vainqueur. Le temps
viendra ou les peuples seront freres comme les lettres
sont sceurs.
M. de Boisthibault pense qu'il ne faut pas restreindre
a des consequences aussi etroites la multiplication des
communications. Independamment du bien materiel
pour les peuples, il re'sultera de la 1'avantage qu'il faut
placer en premiere ligne , le de'veloppement et le per-
24 *
338 £IXlfcME SECTION.
fectionnement de la moralite humaine. II propose en
consequence la resolution suivante :
« Les voirs cle communication ont une influence incontestable sur la
» civilisation, puisqu'elles augmenteht non seulement le bien-elre ma-
» hYiel des peuples, mais encore le developpement de 1'inlelligence et le
» perfectionnement de la moralite humaine. »
M. Jullien declare se reunir a cette proposition qui
est adoptee par la section.
Seance du samedi soir 17 septembre 1836.
P residence de M. le docleur SIMON , vice-president.
M. Chabaud (de Marseille) est invite a developper la
proposition suivante;
« Emcttre le voeu de voir le gouvernement s'occupcr d'nne loi sur
« les Livres de commerce, la loi actnelle (titre II du livre l.er du Code
» de commerce) etant fondee sur un principe faux. »
Apresquelquesdeveloppements presentespar M. Cha-
baud a 1'appui de sa proposition , M. Laurent fait 1'obser-
vation que cette question lui parait un pen restreinte,
et qu'il ne pense pas qu'elle rentre dans le cercle que les
Congres serablent setre trace; que d'ailleurs i'auteur de
la proposition demande que le gouvernement oblige les
commercants a tenir leurs ecritures selon le systeme de
la tenue en parties doubles, ramene a ses vrais principes
par lui, M. Chabaud; or, cette demande, qui semble
toute d interet prive, ne pouvant faire 1'objet d'une
SIXIEME SECTION. 339
resolution clu Congres, M. Laurent demancle la ques-
tion prealable.
Cette proposition, appuyee par MM. Derouet et Leon
Lefebvre, est adoptee.
La deliberation est appelee sur la question suivante,
adressee par la Societe de statistique de Marseille:
« Quels sont les resultats moraux et agricoles du morcellement de la
» propriete? »
Aucune voix ne s'eleve dans la section contre les
a vantages qui semblent resulter evidemment du morcel-
lement de la propriete.
La diminution du proletariat, 1'augmentation du tra-
vail , 1'accroissement de la valeur du sol paraissent in-
contestablement les consequences de la division des
grandes proprietes, et, sur la proposition de M. Lau-
rent, la section adopte la resolution suivante:
« Le niorocllement de la propriete a pour resultats moraux d'altacher
« le citoyen au sol, de lui inspirer des idees de prevoyance, d'entretenir
» Fesprit de famille; pour resultats agricoles, d'augmenter la production,
» et de creer ainsi pour le pays une plus grande masse de richesses. »
La discussion est ouverte ensuite sur cette question ,
adressee par la Societe de statistique de Marseille :
« Quels sont les meilleurs moyens a prendre pour parvenir a Fextinc-
» lion de la mendicite, sans tomber dans les incomenients de la taxe des
> pauvres en Angleterre ? »
M. Archambault prend la parole :
Pour detruire la mendicite en France, dit-il, sans recourir a la taxe
employee en Angleterre , il faut necessairement etablir un systeme de
340 SIXIEME SECTION.
bienfaisance ct de repression en rapport avec les besoins et les vices des
differentes classes de mendiants dont notre pauperisme est forme.
Afin de preciser mes idces sur ce grave sujet , je divise les pauvres
en quatre classes : l.re classe, mendiants invalicfes, qne 1'age et des in-
firmites forcent a se presenter sur la voie publique , pour obtenir les
secours necessaires a la conservation de leur existence , et qu'ils ne peu-
vent se procurer autrement; 2-.e classe, enfants au-dessous de 15 ans;
mendiant parce qu'ils n'ont pas de profession capable de les nourrir;
3.e classe, artisans affaiblis par 1'age, 1'exces du travail, et qui, tout en
se livrant encore a leur pofession, ne peuvent cependant gagner tout ce
qui leur est strictement nccessaire pour se substanter et clever leur fa-
mille ; 4.e classe , mendiants valides , propres an travail et a 1'exercice
d'une profession, qni ne se Irvrent au vagabondage et a la mendicite,
que par faineantise et par suite de \aljection ou ils sont des-
cendus.
Ccrtes , si Ton ne forme que des depots de mendicite , on n'atteindra
pas le but ; on comprimera pour uu moment le pauperisme en France,
mais on ne le detruira pas dans ses racines. Pour y arriver, il faut done
etablir un systeme de destruction de la mendicite, sur de plus larges bases.
Je propose en consequence : 1 .° D'ouvrir des hospices de bons hommes
ou de vieillards , pour les pauvres de ma premiere classe; 2.° d'instituer
des ecoles d'industrie et des ateliers de travail pour ceux de ma se-
conde ; 3.e de perfectionner nos institutions de secours a domicile , de
telle sorle que 1'obole du riche puisse aller trouver dans son taudls 1'ar-
tisan affaibli , dont le travail ne suffit plus a ses besoins et surtout a ceux
de sa famille , lui sauvant ainsi la honte d'aller teudre la main sur la
voie publique; 4.° d'ouvrir des depots de mendicite, etablissements de
repVession et non pas dc bienfaisance; sorte d'epouvanlails salutaires ,
ou les mendiants de la 4.e classe puiseront le gout du travail , 1'amour
d'une profession utile , en ne mangeant qu'un pain constamment arrose
des sueurs d'une honnete industrie.
Pour arriver a la destruction entiere , complete de la mendicite en
France , je propose au Congres d'exprimer le vceu , de voir ce systeme s'e-
tablir dans tons les dcpartements a la fais, sauf les modifications com-
mandces par les besoins ou les exigeances des localitcs; et sous ce rap-
port les colonies agiicoles formres par des mendiants valides, et habitues
atix travaux des campagnes , pourront , avec avantage , prendre place
parmi les institutions de bienfaisance qne nous venons de signaler a
1'altention dn Congres.
SIXIEME SECTION. 34 1
M. Martin ( de Romorantin ) pense que le meilleur
moyen de detruire la mendicite serait I'etablissement
d'une colonie agricole. II cite des colonies en Hollande,
qui ont produit de bons resultats.
M. le docteur Marin-Desbrosses signale comme un
grand abus la liberte qu'ont les vagabonds de courir les
routes avec trois sous par lieue. De plus, le vagabondage
dans les villes n'est pas suffisamment reprirne. M. Des-
brosses pense encore que la plus grande cause de mendi-
cite est dans le systeme des aumones dans les rues et aux
portes;il voudrait qu'un systeme de charite a domicile
y fut substitue.
M. Simon dit que si les colonies ont reussi , comme
on le dit, pas de doute qu'elles ne dussent etre adop-
tees. Les depots de mendicite n'ont pas eu de succes
dans les grandes villes.
M. Martin reprend la parole; il donne des de'tails sur
ce qu'il a vu en Belgique. Une colonie agricole y etait
en grande prosperite, et il pense que les comrnunaux
qui existent en Sologne et dans le Berry pourraient etre
heureusement employes en colonies agricoles.
M. Derouet croit que les deux moyens, depots de
mendicite et colonies agricoles, pourraient etre utile-
ment employes simultanement.
La suite de la discussion de cette question est ren-
voyee en seance ge'nerale.
342 SIX1EME SECTION.
Seance clu dimaiiche 18 seplcmbre 1836.
Prtsidence de M. JULLIEN.
M. le Jocteur Roberton preiid la. parole et presente a
la section une classification psycologique , qui est urie
sorte de programme d'un ouvrage dont il projette la
publication.
La section renvoie ce travail a M. Simon, en le priant
de faire un rapport sur son contenu.
M. de Calonrie demande la parole. II dit que, dans
Texamen qu'a fait M. Je docteur Desbrosses de son tra-
vail, la partie politique ayant ete retranchee, et la par-
tie industrielle seule conservee , il demande a etre ren-
voye a la section de i'industrie et du commerce. Le
renvoi est prononce par la section.
La discussion s'ouvre sur la proposition de M. de
Boisrouvray, tendante a obteriir une plus equitable re-
partition des logements militaires. M. de Boisrouvray
entre dans les developpements suivants, a Tappui de sa
proposition :
La loi dit : « Tons les Francais sont cgaux et tons doivent supporter
les charges de Petal. » Or, il existe un impot tres oncreux et surtout tres
vexatoire pour le pauvre , qui ne frappe qu'une partie de la population
francaise , c'est celyi des logements militaires.
Vainement objectera-t-on que les depenses faites par les troupes dans
les lieux oil elles s'arretent dedommagent les habitants par 1'argent qu'el-
les y laissent; non, les lieux circonvoisins profitent pareillement du pas-
sage des gens de guerre par 1'ecoulement de leurs denrees , et , tandis que
rertaines localiles sont ecrasces par cet impot , les \illes et les villages
situes hors de !a ligne traeee par les routes miliUures , ignorent tout ee que
SIXIEME SECTION. 343
1'arbilraire et les petites animosites municipales peuvent faire supporter
de plus odieux.
Je prie done le Congres de s'occuper de trouver une repartition plus
equitable, et de donner au gouvernenient les moyens de snpprimer cette
charge , qui ne pese que sur uu petit nombre d'individus.
M. Archambault demande qu'on etablisse des caser-
nes de passage, ainsi que cela a ete fait a Tours. Dans
cette ville , les citoyens ont ete partages en cinq divi-
sions : la l.re contribue pour 24 francs par an; la 2.e
pour 18 ; la 3.e pour 10 ; la 4.e pour 5 ; la 5.e pour 2.
M. Doublet de Boisthibaud prend la parole : II appuie
vivement la proposition de M. de Boisrouvray , et pense
que les charges des logements inilitaires doivent etre re-
parties sur toute la France par une allocation an budget
de 1'etat. II propose en consequence la resolution stiir
vante :
« Inviter le gouvernement a proposer des raesures legislatives ayanl
» pour objet la repartition des depenses qu'oceasionnent le passage des
» troupes et le logement des soldats.
» Cette repartition des charges devra avoir lieu comme les impels euxr
» memes. Elle devra etre comprise dans les impots generaux qui peseut
» sur tons les Francais. »
M. Laurent combat, dans la proposition de M. Dou-
blet, la disposition qui tendrait a generaliser la charge
en 1'appliquant au budget. II est certain que les localites
traversees par les routes d'e'tapes en retirent un avantage
qui n'est point partage par le reste du pays; il pense
done que la depense doit etre a la charge des communes
traversees.
Apres quelques observations de M. Bergevin sur la-
344 SIX1EME SECTION.
vantage qu'il y aurait a limiter cette repartition aux de-
partenients, M. Doublet et M. Laurent se reunissent,
et la resolution suivante est adoptee par la section :
« Le Congres reconnait que les logements de guerre a domicile sont uno
» charge , aujourd'hui , inegalemenl supportee.
« II einet le voeu que le gouvernemeiit propose aux chambres des me-
» sures legislatives an uioyen desquelles la depense fut a la charge de&
» departments traverses. »
Scaiice du lundi 19 septemhre 1836.
Presldence de M. JULLIEiV.
M. Dain fait un rapport sur un ouvrage offert a la
cinquieme section par M. Gaillard , et qui a pour litre :
Mcmoire d'un ouvrier rouennais, par Charles Noiret.
Ce petit livre , qui renferme une appreciation assez
exacte de I'antagonisme existant aujourd'hui entre les
maitres et les ouvriers, ne descend pas jusqu'aux causes
de cet antagonisme , pas plus qu'il n'indique les moyens
d'y remedier. Neanmoins, ilya chez M. Noiret une ten-
dance precieuse, celle qui le porte a 1'association. C est
en effet , selon M. Dain , 1'association des interets qui
devra etre le remede a tons ces maux industriels.
M. Simon , a 1'occasion d'un tableau concernant la
classification des facultes humaines que le docteur Ro-
bertson a offert a la section , regrette de n' avoir trouve
dans ce tableau aucuri developpement , pas meme le
SIXIEME SECTION. 345
plus abrege, qui cut pu le mettre a meme d'apprecier et
tie juger. On n'apprecie pas des litres de chapitres, on
les juge encore moins.
M. le president donne ensuite lecture de la 11. me
question du programme qui est a 1'ordre du jour.
M. Doublet de Boisthibault pense que la fixation de
1'interet de 1'argent ne doit pas etre abandonnee , a tou-
tes les epoques , a 1'emprunteur et au preteur.
Qu'etaient lesprincipes en cette matiere avant 1 789?...
Les lois canoniques defendaient seules le pret a interet,
les lois civiles etaient muettes sur ce point. Ge fut en
Tan iv que Ton declara 1'argent marcbandise. Ce prin-
cipe admis , il eut des resultats deplorables. L'agio-
tage regna en maitre. C'etait la consequence de 1'etat
de la societe a cette e'poque ; la France venait d'eprou-
ver une secousse terrible, la societe avait ete ebranlee...
Dans ce trouble general, 1'usure dut causer et causa des
effets desastreux auxquels la loi de 1807 a cru remedier.
Elle ne suffit pas pour la repression de 1'usure.. . On 1'e-
lude en mille manieres... D'un autre cote, elle restreint
Tindustrialisme. M. Doublet pense que la loi de 1807
doit etre abrogee ; mais en abandonnant les conventions
;i intervenir entre 1'emprunteur et le preteur, a 1'appre-
ciation ordinaire des tribunaux, pour la bonne foi qui
doit y presider.
M. Simon , tout en reconnaissant avec M. cle Bois-
tbibault que la loi cle 1807 est impuissante, desire qu'en
la supprimant on ne livre point al'arbitraire les rapports
346 SIXIEME SECTION.
du preteur avec 1'emprunteur ; et il faut meme, selon lui,
que la loi qui remplacera celle de 1807 favorise les in-
terets de la classe la plus pauvre, et cependant la plus
instruite. Habituel lenient ce sont ces derniers qui em-
pruntent. M. Simon se livre ensuite a quelques considera-
tions generates. La riehesse n'est point, dit-il, ce qu'on a
cru jusqu'a ce jour qu'elle etait. Elle se constitue de la
somme plus on moins grande des jouissances de tout
ordre qu'un homme pent se procurer.
M. Dain fait remarquer que si la riehesse a augments
chez nous depuis le moyen age, les besoins ont augmente
en proportion. Maintenant done le peuple souffre de la
misere, commeil en souffrait autrefois ; bien que Hndus-
trie , les arts, les sciences, aient considerablement mul-
tiplie les moyens de jouissances.
M. de Launay ne partage pas 1'avis de M. de Boisthi-
bault , qu'il faudrait abolir la loi de 1807. Cette loi est ,
suivant lui, tres puissante contre la fraude et les abus
de tout genre qu'engendre Fesprit. II nie que cette loi
gene en rien 1'entreprise des grandes operations indus-
trielles. Le fait ici parle plus haut que tout le raisonne-
ment. II suffit cl'ouvrir les yeux et de regarder.
La section decide que la question sera renvoyee a la
procbaine session.
L'un des secretaires donne lecture d'un mernoire
adresse par M. Pesche (du Mans) sur le recrutement de
farmee.
11 est egalement donne lecture d'un autre memoire
SIXltME SECTION. 347
sur la necessite de relever le pouvoir municipal , par
M. Glos ( de Castelnauclary).
La section ordonne qu'il en sera fait mention au pro-
ces-verbal.
M. de Boisthibault lit un rapport sur le prytanee de
Menars. La section decide que ce rapport sera lu en as-
semblee generale.
M. le president resume en quelques mots les travaux
de la section , et remercie I'assemblee du zele qu'elle n'a
pas cesse de manifester pour le bien de la societe et le
developpemerit des Itimieres.
Les secretaires offrent ensuite a I'assemblee Fexpres-
sion du regret qu'ils eprouvent de s'en separer , et en
meme temps du desir qu'ils ont de la retrouver tout
entiere reunie 1'annee prochaine a Metz , animee des
memes sentiments de cceur et d'esprit , et surtout de la
meme indulgence.
Les secretaires, Le president ,
CH. DA1N, JULLIEN.
ALP. LAURENT. Lc 'vice-president,
LEO» SIMON.
348 ASSEMBLIES GJLNERALES.
ASSEMBLIES
Seance du lundi 12 septembre 1836.
Presidency de M. DE LA PLACE DE MONTEFRAY (d' Orleans).
LA seance est ouverte a 3 heures.
Prennent place au bureau , MM. de la Place, president,
Bergevin et Em. Gaillard , vice-presidents ; L. de la Saus-
saye, secretaire general ; A. Leroux, secretaire-adjoint,
et Godin , tresorier.
M. Leroux donne lecture du proces-verbal de la seance
d'ouverture.
M. le secretaire general fait connaitre les noms d'un
grand nombre de personnes qui , ne poirvant prendre
part aux travaux du Congres , ont ecrit pour exprimer
leurs regrets et declarer qu'ils adheraient a 1'institution.
II donne ensuite lecture des litres de differents ou-
vrages dont il a e'te fait hornmage an Congres par leurs
auteurs.
L'assemblee decide que la liste des ouvrages adr esses
au Congres, pendant la duree de la session , sera inseree
a la suite du compte-rendu de ses travaux.
MM. de Vibraye (de Blois), de la Tramblais (de CM-
ASSEMBLIES GAINER ALES. 349
teauroux), Desbrosses(de Blois), du Plessis (de Blois),
Doublet de Boisthibault ( de Chartres) , Dain (de Paris),
lisent successivement les proces-verbaux des seances de
leurs sections respectives.
Apres quelques discussions de reglement interieur,
1'assemblee , sur la demande de M. Bergevin , decide
qu'elle s'occupera d'une question importante traitee dans
la deuxieme section , celle des terrains communaux.
M. Gaillard demande la parole.
On a propose, dit 1'orateur, un grand nombre de
moyens pour tirer un parti avantageux des terrains com-
munaux : les vendre, les louer, les livrer au paturage
des bestiaux , etc. ; mais aucun n'est applicable a toutes
les localites ; et , selon les circonstances dans lesqtielles
elles se trouvent, ils peuvent etre bons ou mauvais. Le
meilleur, celui d'une utilite plus gerierale, serait de'par-
tager ces terrains et d'y fonder des colonies agricoles,
que Ton regarde comme le moyen le plus efficace de
detruire la mendicite.
M. Bergevin demande qu'avant de decider des moyens
a employer pour tirer parti des terrains communaux, on
commence par la discussion d'une question prealable,
dont la solution doit pre'ce'der toutes les autres : c'est de
savoir si les communes doivent ou ne doivent pas aliener
ces terrains.
M. Doublet de Boisthibault a la parole. II commence
par developper des considerations generales sur Tetat
des terrains communaux a 1'epoque de 1789, quand la
350 ASSEMBLIES CENKRALf.S.
division par communes fut substitute a la division pa-
roissiale.
Los terrains, ajoute-t il , appartenaient alors a quclques hameaux, a
quelques maisons particulicres qui y posscdaient le droit de paturage pour
leurs bestiaux. Quand les communes remplacerent les paroisses , 1'etat de-
olara ces terrains blens commtinaiuc. Alors s'eleva un conflit entre les ba-
bitants des bameaux et les communes; mais les litres de propriele etaient
perdus, et il fut impossible de justifier de la possession. Que Ton demande
znjourd'liui aux communes ces raemes litres, et elles se trouveront dans
la meine impossibilite de les prodtiire; quelle difficulte y aurait-il done de
trailer la commune comme on traite le liamcau, ct de deposscder 1'une
comme on a depossede 1'autre. Maintcnant, la commune etant depossedee,
quels seront les moyens d'utiliser ces terrains? Si on veut les louer on les
vcndre , il faul prouver que le prix du loyer on de la vente rapportera
plus a la commune que la jouissance des lerrains par les babitants, soil
en masse, soil individuellement, et ce fait me parait difficile a demonlrer.
Je pense, d'ailleurs, que dans 1'etat actuel, les terrains comniunaux sont
trop peu importants par rapport a 1'etendue des communes , pour motiver
une mcsure generale a leur cgard.
M. de la Fontenelle ( de Poitiers) declare persister
dans 1'opinion qu'il a emise a la seance de la section;
il pense que la question qui domine toute la discussion
est renfermee dans cette consideration generale : Doit-
on on ne doit-on pas vendre les terrains comniunaux?
et il se prononce pour la negative. Vendre lesbiens com-
niunaux, c'est enrichir les habitants actuels et depouiller
ceux qui viendront apres eux.
M. Em. Gaillard trouve que Ton a eu un tres grand
tort de nier 1'importance des terrains eonimunaux, et
pour citer un exemple, il affirme que les communes pos-
sedent un tiers des bois qui couvrent la France.
M. le vicomte de Gourteilles ( de Tours ) soumet a
ASSEMBLIES GIiNERALES. 351
1'assemblee quelques considerations qu'il a puisees dans
1'experience des discussions des conseils de departement.
La question qui occupe le Congres a ete traite'e an con-
seil general d'Indre-et- Loire, et il a ete decide qu'on ne
devait pas vendre les terrains communaux. Letir impor-
tance est tres grande dans plusieurs communes, et celle
de Brehemont , par exemple , en possede pour une va-
leur de 800,000 francs, et qui, du reste, par leur mau-
vais etat de culture, ne rapportent que 4,000 francs de
revenu. Mais maintenant que le gout de 1'agriculture se
repand, que cette science fait partie de rinstruction pri-
maire , il y a lieu d'esperer que ces terrains finiront par
s'ameliorer. II faut done attendre patiemment les resul-
tats de cette amelioration , Tencourager par tous les
moyens possibles, propager les bonnes methodes de
culture , et ne pas vendre les terrains communaux.
Sur Fobservation de M. Lair ( de Caen ) , president de
la deuxieme section , qui declare que la question n'a pas
ete encore suffisamment elabore'e dans la seance de la
matinee, que la discussion n'a pas ete close, et que la
seance du lendemain pent donner les moyens de 1'eclai-
rer davantage , la suite de la discussion est remise au
lendemain.
Seance du mardi 13 scptembre 1836.
Presldence de M. DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
MM. de Vibraye, de la Tramblais, Desbrosses, du
352 ASSEMBLIES GliNERALES.
Plessis, cle Recy ( de Blois ) et Alp. Laurent ( de Blois )
donnent lecture des proces-verbaux des sections.
M. le president fait connaitre a Tassemble'e la determi-
nation prise par la premiere section a 1'egard de la question
suivante renvoyee a la 4.e session du Congres par la 3.e
« Rechercher les moyens les plus propres a etablir une sorte de statis-
» tiquc agricole de la France. »
REFOXSE « Avant d'etablir une statlstique agricole de la France, il
» laud nut avoir des notions precises sur la distribution geologique des ro-
» dies , et comparer les regions agronomiques avec les regions naturelles
v on geologiques. Les geologues sont invites a apporter a la 5.e session du
» Congres les reuseignements propres a resoudre la question adressee par
» la 3.e »
Personne ne demandant 1'ouverture d'une nouvelle
discussion sur cette determination, elle est adoptee.
Le Congres adopte egalement un voeu de la premiere
section ainsi exprime :
« M. le maire de la ville de Blois est invite a faire disposer un local on
» les objets d'bistoire naturelle , adresses au Congres , soient deposes , et
» qui puisse devenir plus tard un musee d'histoire naturelle, dont ces ob-
» jets seraient les premiers elements. »
M. le president donne lecture de la decision prise par
la sixieme section sur la 5.e question du programme
ainsi con cue :
« Quels avantages peut-ou retirer de 1'introdiiction du regime peniten-
>> tiaire en France? — Celte introduclion doit-elle etre faite d'un seul
»> trail, ou bien doit-elle etre progressive ?
REPOSSE, — « Les avantages du systeme peuitentiaire sont incontes-
ASSEMBLIES GEN^RALES. 353
»» tables. Ces avantages sont : 1.° I'amelioration morale dcs condamnes;
» 2.° la diminution des recidives; 3.° 1'adoucissement des lois penales, sans
» que, pour cela, la societe reste desarmee; 4.° par suite de 1'abaissement
>» de la duree des peines, 1'abaissement du chiffre des detenus dans la
» meme proportion ; de la une economic facilement appreciable.
» En consequence , la section estime que 1'introduction du systeme pe-
rt nitentiaire en France est urgeiite ; neanmoins , celte introduction doit
« etre progressive en ce sens que , adoptee immediatement en principe ,
»» elle se realise successivement a mesure que les maisons centrales et de-
» partementales exigeront par leur etat une entiere reconstruction , ou de
» grosses reparations.
Sur la demande de plusieurs membres , la discussion
generale est ouverte. M. de Courteilles a la parole pour
la communication d'un memoire dont la lecture en
seance generale a ete votee par la section.
Messieurs , tout le monde convient que notre systeme d'emprisonnemenl
est nuisible a la societe, qu'il contribue a son malaise en reagissant sw
elle d'une maniere facheuse , qu'il y entretient et y propage la corruption
par la contagion d'une plaie funeste ; quil est injuste, car il punit des fau-
tes qu'ii a provoquees; qu'il est oppresseur , n'est-ce pas opprimer des
hommes que de les condamner a« vice , de les vouer inevitablement au
crime, en les enfermant dans des lieux ou le crime domiue, o« il regne
en maitre , ou il etouffe le repentir et le refoule au fond des ames ?
Enchainer, punir des coupables ne suffit pas, il faut encore les corriger,
les rendre meilleurs ; on ne pent dire a un homme , sois parfait ; mais on
peut le placer dans des conditions telles, qu'il soil presque contraint de
devenir bon , et qu'il soil au moins dans son interct de le tenter. La vie
n'est qu'une lulte terrible entre le bien et le mal, lulte que nous soute-
nons tons , et dans laquelle ceux qui resteut debout n'ont pas le droit de
s'enorgueillir. N'y a-t-il pas une horrible barbaric a condamner sans re-
tour ceux qui sont tombes les premiers ? Il faut essayer de les relever , et
les empecber surtout d'en entrainer d'autres apres eux.
Il faut pronver au pays, a 1'administration, que la reforme morale des
prisons est une necessite ; qu'a une epoque ou on veul tout analyser , tout
reconstruire , au scin d'une societe dont le trouble est evident, il faut
commencer par neutralise!' un des agents les plus actifs de dissolution.
25
354 ASSEMBLIES CENERALES.
C'cst pour y parvenir quo nous faisons tin appel a 1'opiuion publique,
cette toute-puissauce qui no s'arretc jamais dans sa marchc progressive , ct
qui cree les nioeurs plus fortes que les lois.
A mesure que le nombre et la barbaric des crimes augmentent, a me-
sure que le suicide et 1'assassinat tendent a s'eriger en systeme, nos moeurs
s'endurcissent-elles? demandons-nous des codes plus severes, des suppli-
ces plus durs? Non, grace a Dieu : le bon sens, I'bonetete publique ne
veuleiit pas retrograder vers le passe, mais s'elancer dans un meilleuv
avenir ; 1'opinion au contraire semble s'adoucir et se prononcer pour deux
grandes ameliorations sociales , inseparables 1'une de 1'autre , la reibrine
du code penal et des prisons , et 1'aboHtion de la peine de mort.
Je n'ai pas a me prononcer ici sur cette derniere et grande question que
le temps seul eclairera ; je veux senlement constater un fait , c'est la ten-
dance universelle des esprits a la suppression des sacrifices bumains. Le
jury, par son excessive indulgence , s'associe a cette pensee ; il recule
devant 1'application d'une loi trop severe. Ne voyons-nous pas tons les
jours les juges acquitter un coupable, aim d'eviter les consequences d'un
jugement trop rigourcux. Les condamnations a mort sont plus rares depuis
rintroduction des circonstances attenuantes dans ses verdicts, et depuis le
frequent exercice du droit de grace. Je prouverai par des cbii'fres , dans la
prochainc publication d'un ouvrage sur 1'application du systeme peniten-
tiaire en France, que depuis 1825, epoque a laquelle les comptes de la
justice criminelle ont commence a etre publics, la peine de mort n'a pas
cesse de decroitre en France, aux Etals-Unis d'Amerique, en Belgique et
en Angleterre.
Le pouvoir executif diminue rhaque annee le nombre des executions a
mort. En 1826 , il ctait de 1 1 1 ; en 1833 , il y en a eu seulement 34 ; et
eel odieux spectacle, qu'il y a pen de temps encore on annoncait d'avance
et hautement an public , on a grand soin aujourd'bui de lui en derober la
vue. Quel cbangement dans nos moeurs! batons- nous de le signaler. Oui,
nous marcbons a 1'abolition plus on moins procbaine, plus ou moins ab-
solue de la peine de mort. Au 19.e siccle, il faut renoncer a 1'emploi de
la force materielle et brutale ; le sang ne peut plus rien pronver , rien re-
parer , le pouvoir lui-meme en convieut.
C'est par la conviction, par la propagation des idees d'honneur, c'est
par 1'application d'un regime reformaleur et fortemeut repressif , qu'il faut
conduire les hommes.
Nos Icgislateurs sentent le besoin de regenerer : les lotcries sont abo-
lios, les jeux vout 1'etre. A l'instruction publique , on a scnti le besoin de
ASSEMBLIES GENERALES. 355
joindrc reducation religieuse et morale ; au moment ou Ton cst tente de
rctirer a la societe le droit de verser le sang des hommes , on sent qu'il
taut lui donner d'autres moyens de pourvoir a sa conservation.
La skierne section de votre Congres declare que cette necessite est
urgente.
Le grand nombre des recidives est effrayant : il est de 2 sur 1 1 dans
les maisons centrales , il s'eleve de 1 sur 4 dans les prisons departamen-
tales, et il est a Paris de 68 sur 100! Il suit depuis plusieurs annces
tine progression asccndante, dit en mai 1836 M. le ministre de 1'inte-
rieur, dans sa circulaire aux directeurs des maisons centrales du royau-
me ; et , messieurs , chose digne de remarque , presque tous les directeurs
lui indiquent comme la cause du mal le regime de leurs etablissements ;
ils font des moeurs des recidivistes un horrible tableau , et 1'un d'eux ter-
mine en disant qu'uii des inconvenients Jes plus graves du regime ac-
tuel , c'est Pespece de frauc-maconnerie qui s'etablit enlre les detenus , et
qai se prolongeant au dehors , entretient une societe secrete au milieu de
la societe ! C'est dans les prisons , dit-il , qu'elle se recrute.
Il est done vrai de dire que 1'ctat des prisons reagit sur la societe , et
que tous les malfaiteurs qui 1'effraicnt sont les veterans d'une armee de
60,000 hommes detenus dans les bagnes , les maisons centrales et les pri-
sons departementales, qui tour-a-tour sortenl de ces repaires pour s'elancer
sur elle, comme sur une proie, passant alternativement de la pratique a
la theorie, ct de 1'ecole du crime a son application la plus funeste.
Pour bien apprecier 1'importance du regime progressif ou nous nous
efforcons d'eutrer, et la nccessile des reformes que nous demandons, il
faut se reporter vers le passe pour se faire une idee juste de ce qu'elait la
justice criminelle et les prisons de notre vieille monarchic. Les bornes do
cette allocution ne me permeltent pas de vous offrir cet incroyable tableau
du regime d'emprisonnement des trois derniers siecles, que j'ai cludie
sur des documents contemporains.
Depuis le regne de Louis XIV jusqu'a ce jour, il y a eu progres, ame-
lioration dans le regime de nos prisons. L'assemblee constituante scntit la
necesstite de s'en occuper , ct posa dans la loi du 29 septembre 1791 les
bases d'une insuflisante restauration.
Apres la publication du code penal , en fevrier 1 8 1 0 , le gouvernement
tenta de metlre les prisons en harmonic avec la legislation criminelle. Le
code imperial regit aujourd'hui nos prisons. En 1813 et IS 1 5, les mai-
sons centrales subircnt de grandes et utiles ameliorations qui, jusqu'a ce
jour, ont etc croissant; ct ncaumoins, lorsque le ministre demande au\
330 ASSEMBLIES GENlblALES.
direcleurs do ccs etablissements quelles sont les infractions qu'ils onl habi-
tuclleincut a punir, ces agents lui repondent : le refus de travail , l'in su-
bordination, le vol, les qnerelles, le jeu, la fabrication de des, 1'escroquerie,
les trades , les batteries, 1'ivresse, les correspondances amoureuses, les
actions contre les moeurs , vols de pain et menus effets.
« GAILLON. •— Beaucoup de condamnes conservent tin penchant invin-
» cihle pour le vol : il y en a qui volent jusqu'a la tisane des malades a
» riuurmerie. Le jeu est une de leurs passions dominantes ; il y en a qui
» jouent jusqu'a leur pain. L'usure existe ; mais elle se decouvre difficile-
» meat ; ils gardent a cot egard un silence absolu. Les mauvais propos ,
» 1'ivrognerie , sont des causes frcquentes de punition.
» MONT-SAIN r-MiCHEL. — La passion du jeu est celle qui dans nos
» .prisons fait le plus de ravages ; ses victimes sonl nombreuses , et c'est
» aussi celle qu'il est le plus important de combattre avec vigueur ; car
» umlle autre aest plus feconde en resultats funestes. On a vu des pri-
» sonniers qui, apres avoir perdu dans une seconde le produit de leur tra-
« vail d'une semaine , jouaient le pain, ou une autre partie de la nourri-
» lure qu'ils devaient recevoir pendant un , deux et trois mois ! On en a
» vu d'assez feroces pour ne pas perdre un seul instant de vue , pendant
« la distribution des vivres, ceu\ dont ils avaient gagne la nourriture! et
« ils ne les quittaient que lorsqu'ils avaient arracbe au malheiireux le
» morceau de pain dout il ne pouvait se passer sans soufirir! On en a ob-
>> serve un cbex le([iiel la passion du jeu etait si terrible qu'il jouait ses
» aliments , non seulcrnent lorsqu'il elait au milieu des valides , mais a
« 1'infirmerie, ou il livrait encore aux cbances du jeu la ration de bouillon
» ou de vin dout il avail tant besoin pour retablir ses forces. Ce mal-
» lieureux a fini par mourir d'iuanition ( le fait a etc constate par les me-
» .decins ) !
» 11 est encore parnai les prisonniers une autre passion aussi funeste,
» c'est celle du pret a usure : ou pourrak ciler a cet egard des fails in-
» concevables ! »
Quel horrible tableau! N'est-ce pas la tin abrege de tous les vices?...
L'isolement absolu nc previendrait-il pas lous ces delits ?
Si neanmoius le regime des prisons centrales est supportable sous quel-
ques rapports, il u'en est pas ainsi des prisons departemenlales , pour les-
quelles on n'a rieu fail et qu'on abandonne a elles-memes. C'est la que les
preveuus, les accuses, les condamnes, les detenus pour dettes, les for-
qats attendant leur transfevement , les femmes , les enfants , et sou-
vout les malades, les infirmes, les indigents elrangers, les insenses sont
ASSEMBLIES GE^RALES. 357
renfcrmes sous les memes verroux, dans la plus complete inoccupation,
dans la plus funeste oisivete. C'est la ce que j'ai signale, 1'annee derniere,
a Tours, et ce qui a provoque la sollicitude du prefet et des menibrcs da
conseil general du departement. Voila ce qui est intolerable, parce que
c'est la que se developpent les premiers germes d'un mal qui ne devient
incurable que parce qu'on neglige d'en arreter les progres; c'est la que
fermentent les premiers levains de cette corruption qui se propage daus
les prisons, dans les bagnes , et, de recidive en recidive, conduit le cri-
minel a I'echafaud.
N'est-il pas temps de remedicr a cet abandon des prisons departemen-
tales qui renferment aujourd'hui 15,492 detenus, presquetous condamnes
correctionnels ; et c'est parmi ces condamnes que se developpe le levain de
la plus affreuse corruption; ce sont les vices contractes dans les prisons
departementales qui s'enracineut , infectent les maisons cent rales, et de
viennent une lepre incurable. « Ceci semble etre un paradoxe , s'ecrie le
» directeur d'Ensilheim ; mais c'est le resultat de 1'observation : on remar-
» que beaucoup plus d'indocilite, de penchant a la paresse et de desordre
« parmi les correctionnels que parmi les criminals. »
Je m'efforce autaut que je puis , messieurs , d'abreger ces considera-
tions generales. Convenons done que nos prisons sont de vieux vases qui
gatent la liqueur qu'on leur confie : il 1'aut les briser.
Ce ne sont pas seuleinent les condamnes qu'il faut nous efforcer de re-
lever, de rehabiliter; ce sont les prisons, c'esl tout ce qui s'y ratlacbe
qu'il faut reformer, ennoblir, afin de partir d'un principe nouveau. Ce
principe, c'est celui de la reforme morale des prisons et du code penal.
Tous les bons esprits sont d'accord sur ce point; on ne difiere plus que
sur les moyens de 1'appliquer.
La se presentent des difficultes morales et materielles ; les difficultes-
financieres, je les ecarte; car lieureusement elles ne pen vent elre un obs-
tacle insurmontable. Il y a des sacrifices pecuniaires qui deviennent de&
economies. Il ne peut rieu exister de plus onereux pour 1'etat que notre
systeme actuel de detention ; le plus economique sera celui qui previendra
le plus de recidives.
Je prouverai d'une maniere positive que le regime cellulaire est plus
economique que celui des classifications. Le dernier ministre de 1'inte-
rieur, M. de Montalivet partage cette opinion. Dans la seance de la chain
bre des deputes, du 26 mai 1836, il evalue a 6 ou 700 francs le prix
moyen de chaque cellule, ce qui lie presente qu'un loyer de 30 a 40
francs par tete de detenu. Reduile a ce chiffre , dil il , la depensc n'est
358 ASSEMBLIES G^NERALES.
plus un obstacle infranchissable a I'adoption du systeme penitentiaire.,
Ainsi , messieurs , quaud vous demandez : Quels avantages peut-on
retirer de Pintroductkm du systeme penitentiaire en France?
Je reponds : im avanlage immense dans I'inlcret de 1'humanite entiere,
parce que le systeme de la regeneration morale des detenus a pour but et
pour resultat, non seulement de punir le crime, mais encore de le pre-
venir; non seulement de corriger le coupable, s'il est possible, mais en-
core de 1'empecher de se corrompre davantage, parce qu'il met un frein
a la contagion du vice ;
Parce que c'est un premier pas fait dans la voie de la regeneration sociale.
Quand vous demandez : cette introduction doit-elle etre faite d'un seul
trait , ou bien doit-elle etre progressive ?
Je reponds : Que certes il serait a desirer qu'elle fut immediate , com-
plete ; mais qu'avant tout il fatit vouloir ce qui est possible.
Que Porganisation d'un si vaste systeme ne peut se faire d'un seul trait,
ne peut se jeter dans un moule uniforme.
On ne peut songer a renverser et a reconstruire simultanement toutes
les prisons de France , notre budget des recettes n'y suffirait pas ; mais a
mesure qu'une de DOS prisons exige des reparations, des constructions
nouvelles , relevons-les sur un plan nouveau. *
Engageons le gouvernement a diriger tons les travaux qu'il fait executer
dans les maisous centrales avec la prevision d'une application reelle et
complete du systeme cellulaire ; et pour les prisons departementales , les
plus mauvaises de toutes , demandons qu'il s'en rapporte an gencreux
instinct des, localkes , qu'il se relache un peu des rigueurs de la tutelle ,
qu'il guide seulement sans entraver, et bientot vous verrez disparaitre ces
senlines de vices et de corruption contre lesquelles chacun s'eleve ; une
noble emulation s'ctablira d'un bout du pays a 1'autre, aucuue cite ne
voudra demeurer en arriere , et le systeme penitentiaire jettera ses fonde-
ments la ou il est le plus imperieusement necessaire.
Le mempire de M. de Courteilles excite vivement 1'in-
teret de 1'assemblee qui en vote 1'impression dans le
compte-rendu de ses travaux.
M. le docteur Leon Simon (de Blois) demande que la de'-
cision de la G.e question soit accompagnee d'un voeu ener-
gique de la part du Congres pour en solliciter Vexecution.
ASSEMBLEES GENERALES. 359
M. Dain:
Je demande aussi que Ton y joigne un autre voeu. 11 est certain quc si
Pintroduction du systeme penitenliaire doit purger la societe des crimes
qui la desolent, si les prisonniers doivent sortir des pcnitentiers cate-
chises, moralises,, il faut s'empresser de demander une reforme imme-
diate ; mais il n'en resultera pas moius quo ces homines n'auronl ele mo-
ralises qu'apres avoir produit le crime. Un but que 1'ou dcvrait chercher
a atteindre avant tout, et sur lequel le Congres dcvrait se prouoncer, c'est
la moralisation avant le crime; c'est la qu'il faut tacher d'arriver; la oii»
est la veritable reformation , la reformation complete , la source de la
rehabilitation morale de 1'homme. Que le Congres exprime done le vctu
que tons les efforts du pouvoir et des homines qui s'occupcnt soil de
sciences, soil de politique, soil de religion, eussent pour but d'arriver
enfiu a ceci : Prevenir le crime.
M. Doublet cle Boisthibault :
Formuler ce voeu serait sortir completement de la question , la reforme
du regime penitentiaire; a ceia doit se borner dans ce moment la mission
du Congres. Eeaucoup de moyeus sont proposes pour arriver a une re-
iorme sociale; mais nous ne recherchous aujourd'hui qu'un seul de ces
rnoyens, un a la portee de tons, et non celui pour conduire a la morali-
sation tout entiere de 1'ordre social ; n'en cherchons done pas d'autre. A
chacun ses moyens de reforme ; la societe esl comme le maladc du Dante,
qui se tourne et se retourne sans pouvoir trouver de position bonne.
N'eloignons point la solution de la question qui nous occupe, et deman-
clons le vote seulement sur 1'objet principal de la discussion.
M. le docteur Le'on Simon :
M. Dain vient d'etre battu par M. de Boislhibault, mais seulement
quant a la forme et non sur le fond ; car ici , il faut en convenir, c'est la
forme qui emporte le fond. Un medecin qui parle de therapeiitique a son
malade peut bien aussi lui parler d'hygicne, et c'est d'hygiene que
M. Dain nous a entretenu.
M. Bergevin demande que Ton vote separernent sur
les deux paragraphes de la question, et demande a dis-
ciHer la redaction de la 2.c partic.
360 ASSEMBLIES GllNERALES.
La l.re partie mise aux voix est adoptee.
M. Bergevin , prenant la parole sur la 2.e partie,.
s'exprime ainsi :
11 est difficile que le systeme penitentiaire s'introdnise partiellement dans
le royaume a mesure que telle ou telle maison departementale sera dans
le cas d'etre reconstruite ou reparee. Je crois que le systeme n'est appli-
cable successivement qu'a des categories de condamnes , et qti'il faudrait
que la legislation penale subit de grands changements avant de se trouver
en harmonic avec 1'introducticwi des penitencicrs dans chaque departement.
Je pense egalement que si , dans certains pays , les peines de prison de-
vaient se subir dans des penitenciers , et dans d'autres pays , dans les pri-
sons ordinances, il y aurait evidemment aggravation dans la maniere dont
la penalite serait subie dans le premier cas. Les tribtmaux ayant une
peine unique a prononcer, et ignorant dans quel etablissement le con-
damne devra subir sa peine, seraient places dsns un etat d'incertittide
facheuse ; il y aurait faculte de la part des autorites qui sonl chargees
d'assurer Texecution des arrets, de faire subir la peiae dans tel etablisse-
meut qu'il leur plairait, et consequemment d'eii aggraver ou d'en abais-
ser la rigueur. Ce serait s'ecarter du principe de 1'egalite devant la loi ,
egalite qu'on doit invariablement maintenir, surtout lorsqu'il s'agit de
penalite.
Apres une courte discussion a laqueHe prennent part
MM. Gaillard, de Courteilles et Laurent, le 2.e paragra-
phe est adopte tel qu'il a ete presente par la section.
Seance du mercredi 14 septembre 1836.
P residence de M, DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
MM. de Villiers , de la Tramblais , Hay me ( de Tours ),
du Plessis, Doublet de Boisthibault et Laurent font con-
ASSEMBLIES GENERALES. 361
naitre a 1 assemblee les travaux ties sections aux seances
cki matin.
M. Em. Gaillard reclame centre une decision de la
einquieme section r tendante a ce que la lecture d'un
Memoire sur I'esprit venal et mercantile de la presse lit-
teraire soit entendue en seance generale. L'honorable
membre pense que les reproches adresses a la presse,
dans cet ouvrage , les noins propres qui y sont cites ,
pourraient produire un facheux effet sur 1'assemblee , et
renouveler les discussions extremement vives qui ont
deja eu lieu dans la se'ance du matin. II fonde surtout sa
reclamation sur ce que 1'article 1 1 du reglement aurait
etc viole, ce memoire , dont M. Merson ( de Blois ) est
1'auteur , n'ayant pas ete communique a la commission
permanente avant d'etre remis a la section.
On demande 1'ordre du jour..
M. Doublet appuie la reclamation de M. Gaillar d.
M. Bergevin fait observer que 1'article 11 n'est relatif
qu'aux questions on propositions et non a la lecture des
memoires.
Apres une longue discussion ,. le Gongres prononce
1'ordre du jour.
M. le president soumet a 1'approbation du Congres la
reponse donnee par la deuxieme section a la l.re ques-
tion de son programme, et aux questions subsidiaires
amenees par la discussion.
« Quels seraient les moyens de tirer le parti le plus avautageux des
» terrains communaux? ••
262 ASSEMBLIES GENI^RALES.
RKPONSE. — » 11 cst de I'intcrel general ct de celui des communes r
» qu'elles reslent proprietaires de leurs hicus commuuaux. — Les com-
» muues doivcnt avoir la faculle dc vendre, en cas de necessite absolue
» prononcec par le conseil general , d'apres les avis des consoils munici-
» paux et de ceux d'arrondissement. — Les moyens de tirer le parti le
» plus avantageux des terrains communaux doivent varicr suivant la na-
» ture du sol et les besoins des communes. — Le mode de jouissance et
» d'administration des biens commuuaux sera determine, pour cbaque
» localite, par les conseils generaux, qui decideront d'apres I'avis des
» conseils municipaux et de ceux d'arrondissement. » — Adopte.
M. le president met aux voix la reponse donnee par
la quatrieme section a la ll.e question de son pro-
gramme, ainsi concue:
«< A quelle epoque les rois de la premiere race ont-i!s commence a
» baltre nionnaie, soil avec leur nom , soil avec celui des monetaires? »
REPONSE. — « 11 est possible d'admettre que, suivant le temoignage de
» I'historien Procope, les rois franks n'ont possede le droit de frappcr
» monnaie a leuT nom et a leur effigie qu'apres la concession reguliere
» qui leur en fut faite par 1'empereur d'Orienl; que, neanmoius , des
» que ces princes se virent possesseurs paisibles des provinces qu'ils
» avaient cnvabies, ils s'arrogercnt le droit rnonetaire, mais avec reserve,
» c'est-a-dire en se bornant a reproduire les types imperiaux tout en alle-
» rant les legendes; enfin, que ce ne fut qu'au moment ou les empereurs
» se virent obliges d'accorder le droit qu'ils ne pouvaient plus refuser,
» qu'ils donnerent a Clother I.er 1'autorisation de frapper, a Aries, des
» monnaics d'or, au coin de ce dernier prince. »
Cette reponse est adoptee par le Congres.
Le Congres approuve egalement la solution clonnee
par la sixieme section a la 3.e question de son pro-
gramme.
« Qu'cntend-on par liberte de renseigncment? Cette liberte s'appli-
« que-t-elle aux homines, aux doctrines ou aux methodes? »
REPONSE. — « Par rapport aux mcihodes, renseigncment doit ctrc librc.
ASSEMBLIES GENERALES. 3G3
» — Par rapporl aux doctrines, la liberte n'cst point exclusive de la sur-
» veillance et du controle du gouvernenient ; elle doit etre soumise a des
» lois speciales en harmonic avec le principe de la liberte d'enseignement.
» — Par rapport aux hommes, 1'enseignement ne pent etre exerce que par
» ceux qui sout pourvus d'un brevet de moralite et de capacite. »
M. Houze ( de Blois ) demande que 1'on soumette a
I'examen du Congres une proposition relative a la ques-
tion de la liberte de 1'enseignement , et presentee par
lui a la seance du matin.
La discussion etant fermee par 1'adoption de la
reponse de la section , 1'assemblee passe a 1'ordre du
jour.
M. Jullien ( de Paris) annonce ati Congres 1'arrivee de
miss Anna Knight , americaine , appartenant a la secte
des Quakers, et demande en son nom que le Congres
emette un voeu relatif a 1' abolition cle la traite des Noirs.
Cette proposition est renvoyee a la commission per-
manente.
L'ordre du jour etant epuise , un grand nombre de
membres demandent la lecture du memoire de M. Mer-
son. Apres une discussion animee, a laquelle prennenfe
part MM. Doublet de Boisthibault, Hunault de la Pel-
trie ( d' Angers ) , Em. Gaillard , Bergevin , Chatelam
( de Paris) et plusieurs autres membres, et apres deux
epreuves douteuses , la majorite decide que le memoire
sera entendu.
M. Merson , avant de commencer la lecture cle son
memoire, annonce qu'il a supprime plusieurs passages
qui ayaient produit, le matin, quelques impressions fa-
364 ASSEMBLIES GEN^RALES.
cheuses sur la section, et tout ce qui pouvait dormer a
son ecrit le caractere de personnalite.
La lecture du memoire excite , a plusieurs reprises ,
de vifs applaudissements. Le Congres vote 1'impression
a la suite du compte-rendu des travaux.
M. Houze demande a faire quelques observations a
l'egard des assertions contenues dans 1'ecrit de M. Mer-
son, et dit que Ton rejette a tort sur les hommes de let-
tres un vice qui appartient a 1'e'tat social tout entier :
Fargent etant aujourd'hui le principal moyen d'arriver a
la consideration , il n'est pas elonnant que Ton cherche
a acquerir de 1'argent par les travaux litteraires comme
dans les autres e'tats de la societe.
MM. Chatelain et de Boisthibault demandent la sup-
pression de plusieurs passages qui leur semblent des
personnalites offensantes.
Apres avoir entendu MM. Dain, Hunault et Gaillard ,
le Congres declare s'en rapporter a la prudence de la
commission qui sera chargee de Timpression du compte-
rendu des travaux.
Seance du jeudi 15 septembre 1836.
Presidence de M. DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
MM. de Villiers, de la Tramblais, Hayme, du Plessis,
Doublet de Boisthibault et Laurent donnent lecture des
proces-verbaux des sections.
La deuxieme section a approuve , pour etre lu en
ASSEMBLIES GENERALES. 385
seance gene'rale, un discours de M. de la Giraudiere sur
les changements operes dans la Sologne depuis vingt
nnnees. M. de la Giraudiere s'exprime ainsi :
On parle toujours de la Sologne comme d'un pays homogene, semblable
dans Unites ses parties. Cependant la Sologne s'etendant depuis Gien jus-
qu'a Cande , et etant bornee aunord par la Loire et an midi par lagrande
Sauldre et le Cher, comprend environ 250 lieues carrees , ou cent mille
hectares; et on pent bien croire qu'un anssi grand espace de terrain n'a
pas pu suivre une marche reguliere , identique , et que souvent dans quel-
ques parties 1'agriculture et 1'industrie avancaient ou retrogradaient ,
pendant que dans d'autres parties ces sources de richesses eprouvaient un
effet tout contraire.
Ne voulant pas embrasser tin trop vaste cadre , je ne parlerai pas de la
Sologne tout entiere ; je ne m'occtiperni point de la partie plantee en
vigne , mais d'un plateau qui m'est bien connu , et qui ayant la Ferle-
Beauharnais pour centre , renferme une etendue d'environ 100 lieues
carrees. Ce plateau me semble etre le veritable type de ce qu'on appelle
generalement la Sologne , c'est-a-dire qu'il est convert de sable a sa surface
dans quelqties parties, dans d'autres d'argile pur ou melange de sable;
q*ie ces sables et ces argiles sont parsemes de vastes plaines de bruyeres ,
de quelques tenues de bois , d'une grande quantite d'etangs , et enfin de
terres cultivees en seigle , en sarrasin et en paturages.
On a beaucoup ecrit sur la Sologne , on en a beaucoup parle , toujours
avec interet pour ce malbeureux pays et avec pitie sur les defauts qu'on
lui suppose ; mais fort souvent on a erre sur les conseils que 1'on a donnes
a ses liabitants; par ce qn'on les gencralisait trop, parce que comme je
1'ai dit an commencement de ce discours , on considerait toute la Sologne
comme ayant les mcmes qualites ou les memes defauts; ainsi a-t-on dit
quelquefois , pour assainir la Sologne , il faul dessecher les etangs , donner
de recoulement aux eaux. Oui , cela est bon pour quelques vallees humi-
des , argileuses, pour quelques prairies qui se trouvent inondees et que la
negligence du fermier ou du proprietaire laisse se degrader sous une hu-
midite malfeisante ; mais comment se plaindre des effets des inondations a
Chaumont, a Yvoy, a Yilleny , a la Marolle, a Marcilly, a Menestreau ,
a Neung meme et a la Ferte-Beauharnais , dans les endroils eloignes de la
riviere du Beuvron ; dans toutes les communes que je viens de nommer ,
la plup;u'l des mttairies seraient vouee,s a une secberesse elernelle, si elles
3GG ASSEMBLIES GENERALES.
n'avaieul pas un etang sur 1'etendue de leur territoirc; les homines, Fes
besuaux et les plantes brilleraieut sur le sol comme dans les deserts de
PArabie ! Que 1'on parcourrc effectivement la route on le chemin de Youzon
a Braeieux , ct on ne trouvera partout qu'un sable sec et aride qui certes
n'a pas besoin d'elre desseche, et qui temoigne an contraire que quelques
reservoirs d'ean, places de distance en distance, sont d'une utilite in-
contestable pour soulager la soil" ardente des bestiaux mis dans les paturagcs
ou promenes sur les tcrres labourablcs aprcs les recoltes ; mais si quelques
parties craignent le dessechement , il en cst d'autres qui certainement en
out besoin; telles qu'unc partie do Vernou , unc partie de Tremblevif;
alors tout cela n'est qne parties. D'ailleurs ce n*est point ce dont j'ai a
m'occuper aujourd'hni, et si j'ai dit quelques mots de 1'assainissement ,
c'etait pour appuyer 1'opinion que j'avais emise qu'il existait de grandcs
differences entre les diverses parties de la Sologne, et c'est meme ce qu'il
y a de desolant dans ce singulier pays. Car , quand on examine avec soin
les jardins d'un bourg, les jardins d'un fcrmier on d'uu proprietaire , on
est tout etonne d'y voir de superbe chanvre, dulin, des chonx des plus
grosses especes , des haricots , des arbres a fruits , tout cela beau et bien
venant; et quand on a fait cent pas hors du bourg, hors du*vol du chapon
comme 1'on disait autrefois , on ne voit le plus sonvent que des recoltes
miserables , que des terrains en fricbe ou en repos ; mais enfin , dira-t-on,
y a-t-il cbangement depuis vingt ans dans cet etat de cboscs? La Sologne a-
t-elle pris quelque part aux progres que la culture a fails dans tons les au-
tres pays ? Oui , sans aucun doute ; les proprietaires out trouve un excel-
lent moyen d'utiliser leurs plus 'manvais terrains, leurs sables les plus
steriles, c'est d'y semer des pins; les fermiers out accneilli avec faveur la
culture des pommes de terre , et il en resulte pour eux line grande res-
source pour alimenter leur famille et pour aider a ki nourriture de leurs
bestiaux; plusieurs proprietaires et fermiers ont cree de superbes el ex-
cellentes prairies naturelles ou il n'exislait avant que des marais et des
landcs ; d'aulres ont essayc de faire des trefles et ont rcussi ; d'autres des
avoines d'hiver, d'autres des avoines de printemps avec ou sans fnmier.
Us ont trouve dans la paille de cctte cereale une ressource immense pour
la nourriture de leurs besliaux: 1'biver, cette paille est preferee, par les
animaux qui la maugciit, a la plupart dos foins des prairies et surtout des
prairies basses.
La manicre de culliver est presque toujours la meme : ce sonl des
billons de 30 ponces de base fails avec une charruc a double versoir ;
^uelques pcrsonnes ont adoplc la planche a quatre raies, telle qu'on la
ASSEMBLIES GIiNERALES. 3C7
fait dans la Beauce; mais ce mode de culture est encore Ires rare ct no
so propage que dans Ics petites melairies. Quelques cultivateurs out voulu
1'aire des avoines a plat; mais ils n'ont pas reussi, le terrain se couvrait
d'herbes parasites qui elouffaient 1'avoine. La maniere de recoller les
avoines et les sarrasins a totalement change : autrefois les recoltes de
ces deux plantes etaient failes entierement a la faucille, actuellement on
les execute a la grande faulx et on s'en trouve tres bien ; on n'est point arri-
ve encore a faucher les seigles , et effectivement on eprouve quelques incon-
venients a trailer cette recolle ainsi ; premierement, souvent les seigles out
jusqu'a quatre pieds ct demi de hauteur, et les crochets adaptcs aux faulx
ne monteni pas assez haut pour renverser convenablement d'aussi gran-
des pailles ; secondement , il y a quelquefois taut d'herbes dans les
seigles, qne les granges en seraient encombrees et que le grain se gate-
rait dans la paille ; troisiemement enfin, pour loger une recolte fauchee,
il faut trois fois autant de bailments que pour serrcr une recolte coupee a
la faucille a un pied ou dix-huit pouces de terre ; il faudrait done on tripler
les granges ou faire des meules dehors, ce qui entraine de grandes depen-
ses et de la perte sur les grains. Les personnes qui sans faucher leurs
seigles veulenl profiler de tout ce qu'a produit leur terre , font faucher
leurs chaumes immediatement apres la moisson ; quand il y a beaucoup
d'herbes dedans, ils fonl mellre en meules dehors ces chaumes meles
d'herbes, et retrouvent dans ces masses de vegetaux une excellente nourri-
ture d'hiver pour leurs betes a. laines. Un assolemenl quadriennal varie
commence a prendre favour, il est enseigne par beaucoup de proprie-
taires; mais il serail Irop long d'enumerer ici toutes les plantes que Ton
y fait entrer el la maniere donl on les combine. «
Aucune espece d'arbre en usage daus les aulres parties de la France
n'esl actuellement inconnue dans la Sologne ; le peuplier d'llalie, le pen-
pliernoir, celui de Yirginie et le blanc de Hollande, bordent les che-
mins, les ruisseaux et les prairies; les simples journaliers out dans leurs
jardins des pechers, des pruniers, des abricotiers , des cerisiers ; quel-
ques uns, depuis quelque temps, sement de la luzerne parmi les arbres
el dans quelques parlies de leurs jardins; c'est une melhode qu'on ne
saurait Irop encourager.
Depuis la paix exterieure, on a beaucoup defriche dans la Sologne et
Ton defriche encore. Cepcndant depuis que le prix du grain a diminue
excessivemenl , les travaux de ce genre sont plus rares , parce que le cul-
livateur ne se trouve pas dedommage de ses frais.
Les primes donnecs pour 1'amelioration des races d'animaux doraesti-
S68 ASSEMBLERS GENERALES.
ques out certainement contribue a perfectionner la race des chevaQx du
pays; cependant les succes ne sont pas aussi grands qu'ils devraient 1'etre ,
parce que Ics habitants no nourrissent pas assez. Pour que les races se
forlifiassent, il faudrait que le pays Jut traverse de routes, les fermiers
se livre-ruient rhiver an roulage et sentiraient la necessitc d'avoir des che-
vaux d'une plus forte espece. Dans ce moment , ces animaux ne leur
servent pour a-insi dire qu'a herscr leurs terres et les mener aux marches
voisins ; il ne leur en faut pas de vigoureux pour tin service aussi leger ;
aussi ne voit-on de beaux chevaux que chez les meuniers qui voiturent et
nourrissent bien , et chez quelques habitants des bourgs.
La race des betes a comes scmble avoir un pen plus gagne, en pro-
portion , que celle des chevaux ; dans les concours de ces animaux , il a ete
amene des taureaux ayantles plus belles formes, une taille bien plus elevee
que celle du pays, et des vaches faites pour donner beaucoup de lait et
d'excellents produits ; les races qui paraissent avoir le plus de succes dans
ce pays sont les vaches de la haute Normandie et ceMes du Perche : celles
de la Suisse et du Cotentin sont beaucoup trop fortes en elevation et en
grosseur, et demandent <les paturages trop succulents pour pouvoir reussir
et se propager dans un pays qui est encore loin d'alteindre le dernier de-
gre de la culture perfection-nee.
Les betes a laine espagnoles, petites et de taille moyenne , out pros-
pere quelque temps dans ce pays ; plusieurs essais qu'on y a faits ont
prouve que le climat et le sol ne leur etaient pas contraires : le prince
Eugene Beauharnais a en pendant quelque temps un fort beau troupeau
extrait directement d'Espagne, a sa terre delaFerte; d'a litres proprietaires
ont aussi essaye de cette race et ont conserve leurs troupeaux pendant nn
certain temps; mats tons s'en sont degoutes a la tongue, par une raison
tres simple, c'est que la tentative n'etant pas generale, le resultat devenait
absolument mil, parce qu'il etait impossible de se defaire de ce que Ton
appelle les decharges des troupeaux , les moutons et les vieilles brebis ;
personne n'en voulait dans le pays, et les marchands etrangers disaient
aux proprietaires : quand nous venons dans ce pays c'est pour acheter
des moutons de Sologne et non des mt-rinos ; ceux-ci denoandent plus de
soins, plus de nourriture, et le melange que nous ferions des deux especcs
»ous serait prejudiciable. Il a done fallu revenir bon gre , malgre , aux
moutons de la Sologne qui d'ailleurs , il faut le dire , ne constituent pas
une mauvaise race ; la chair en est excellente quand ils sont bien nourris
et pent se comparer aux moutons des Ardennes , et la laine est pres-
q.u'aussi estimee qne celle du Berry; niais leurqualile par excellence c'est
ASSEMBLIES GliNERALES. 359
de vivre ou prcsque tous les autres animaux domesliques mourraient de
faim. Quoique d'apres tout ce que nous venons de dire , il ne se soil pas
opere une grande revolution dans les ameliorations de la Sologne pour la
culture, les plantes, et les bestiaux , il faut cependanl reeonnaitre qu'il s'y
est fait quelques changements tres avantageux ; et que 1'aisance , les pro-
gres de Pindustrie et des arts ont aussi penetre dans ce pays , qui semble,
a quelques personnes , tout-a-fait en dehors des progres de la civilisation.
Voici plusieurs objets qui ont etc perfectionnes a Pavantage des habitants:
I.° Les maisons d'babitation autrefbis etaient toutes en bois debout et
en torcbis , ou mortier de terre et de paille ; elles se construisent presque
toutes actuellement en briques; 2.° les portes des maisons d'habitation ,
comme celles des granges et des bergeries , etaient faites avec des plan-
ches en cbene d'un pouce et plus d'epaisseur , avec des traverses de deux
pouces , et maintenues avec des cbevilles de bois sans clous ; maintenant on
emploie des plaucbes legeres, on les clone artistement et elles preservent au
moins les liabitants du froid el de Phumidite , 3.° on met des fenetres vitrees
presentemenl aux habitations , tandis qu'auparavant le colon faisait un trou
de six pouces carres dans sa murallie , et c'etait tout a-la-fois son reveil-
matin , son meridien , et ie seul moyen qu'il avail de voir clair dans sa mai-
son quand sa porle etail fermee; 4,° les roues des voitures n'elaienl qu'en
bois et sans ferremenl; actuellemenl on met des bandes de fer autour des
jantes, et il fautesperer qu'on finira par adapter des boiles en fer dans les
moyeux , ce donl plusieurs proprielaires onl donne 1'exemple depuis long-
temps. Enfiubeaucoup delaboureurs font ferrer leurs chevaux, ce qui n'a-
vail pas lieu anciennemenl ; le cbeval de Sologne marcbanl alors, comme le
cbeval du deserl, sans etre aucunement ferre ; si les lois , le gouvernement
et radministration donnaient a ce pays des chemins entretenus, pour le
faire communiquer avec les villes, tous les habitanls ne larderaienl certai-
nemenl pas a adopter la metbode du ferrage , si avantageuse et si neces-
saire meme pour augmenter la force des chevaux.
Actuellemenl , si le Congres vent formuler une reponse a la question
qui a etc soumise a la deuxieme section , sous le n.° 20 , voici celle que
j'ai 1'honneur de lui proposer :
« II s'est opere des changements avanlageux dans la Sologne depuis
» vingt ans,tantsous le rapport de la culture des terres que sous ceux de
» la plantation des arbres, du defrichement des landes el de 1'ameliora-
» lion des races elevees dans le pays. Mais le Gongres reconnail qu'il
» reste encore bcaucoup a faire pour porler cc pays au degre de pros-
=6
370 ASSEMBLIES G&N'ERALES.
» perite auquel il pourrait atteindre, et que les moyens les plus propres
» a hater ce resultat, seraient, comme on 1'a fait dans beaucoup d'autres
» pays, d'y multiplier les routes et les chemins vicinaux ; d'y creer des
» ctablissements publics , des manufactures, et de le faire participer dans
» une proportion suffisamment large aux secours et encouragements dont
» le gouvcrnement peut disposer en faveur de 1'agriculture et de 1'in-
» dustrie. »
La meme section recommande comme ceuvre tres
philaiithropique, et pouvant avoir cle bons resultats, le
memoire sur le moyen d'ameliorer ragriculture, par
M. d'Heneus, et son projet de societe agricole pour le
defrichement de 300 hectares de terrain, dans la Solo-
£ne ou le Gatinais, d'apres la methode flamande.
L'asserablee adopte sans discussion la reponse propo-
see par la troisieme section a la 1 1.6 question du pro-
gramme , relative a la reforme de I'organisation du
corps medical.
Cette reponse est ainsi concue :
« L' organisation du corps medical en France esl susceptible de reforme,
» et celte reforme est d'un besoin urgent.
» La reorganisation doit porter :
»> 1.° Sur I'enseignement ;
« 2.° Sur Pexercice de la profession.
» 'Elle doit avoir pour principales bases :
. ».1.° L'augmcntation du nombre des Facultes ;
» 2.° La creation, pres de toutes les Facultes de medecine, d'acadcmies
» chargees de travailler an perfectionnement de la science.
»> 3.° L'cgalite scieritifique et legale de tons les medecins; <;'est-a-dire
» 1'unite de titre et de prerogatives;
» 4.° Un examen d'admission aux Facultes;
» 5.° La creation , dans les Facultes, de jurys d'examen dont les mem-
» bres scront pris a nombre egal parmi les professeurs et les praticiens
» qui auront plus de dix ans d'exercice;
ASSEMBLIES G^NERALES. 371
» 6.° DCS dispositions legates efficaces pour la repression du charlata-
» nisme;
» 7.° La creation de conseils medicaux dont les membres , nommes a
» 1' election, seront charges de veiller a 1'execution des lois protectrices
» de la profession, et a la conservation de sa dignitc.
» 8.° L'abolilion de la patente ;
» 9.° L'institution de medecins ruraux.
M. le president soumet au Congres une autre resolu-
tion de la troisieme section , tendante a 1'adoption d'une
proposition de M. Leon Simon sur la doctrine homoeo •
patiqne. L'assemblee decide qu'il y a lieu d'ouvrir une
discussion sur la resolution dont il s'agit.
Elle de'cide e'galement qu'il y a lieu de discuter la reso-
lution adoptee par la cinquieme section en reponse a ia
l.re question de son programme.
Ces deux questions sont mises a Tordre du jour de la
seance.
Sur la proposition de la cinquieme section , le Con-
gres , apres Texamen fait par chacun de ses membres
d'un premier dessin representant le choair de la cathe-
drale de Chartres, du au crayon de M. Daly, donne son
suffrage a I'ceuvre de cejeune artiste. En conse'quencej
le Congres emet le voeu que le gouvernement encourage
la publication tout artistique de M. Daly, et il recom-
mande cette publication a tons les amis des arts.
Lasixieme section propose au Congres, comme com-
plement de la decision prise sur la liberte de 1'enseigne-
ment , d'e'mettre le voeu de la suppression du droit uni-
versitaire.
La proposition est adoptee sans discussion.
372 ASSEMBLERS G^NERALES.
M. le president clonne connaissance a I'assemblee de
la traduction d'une lettre du lord cointe de Monster,
pair (TAngleterre , membre de la societe royale de Lon-
dres et de 1'instituttle France , a M. Spencer Smith , pre-
sident de la cinquieme section du Congres. Dans cette
lettre, le comte de Munster exprime le regret d'avoir ete
prevenu trop tard pour pouvoir se rendre au Congres.
II fait des voeux pour que la reunion ait les nieilleurs
resultats.
Mention de cette lettre sera faite an proces- verbal.
M. le president declare que le debat est ouvert sur la
resolution adoptee par la troisieme section.
Cette resolution est ainsi formulee :
« Le Congres exprime le voeu que la doctrine medicale
» inlroduile en France depuis quelques annees , soil soumise, dans un des
» grands hopitaux de France, a un exameu clinique, methodique et regu-
» Her, afin qu'il ^oit possrble d'asscoir line opinion sur la valeur de celte
» doctrine. »
M. Archambault a propose, en forme d'amendement,
d'ajouter au texie adopte par la troisieme section :
« Sous la condition que les experiences seront faites en presence des
» niedecins directeurs des hopilaux. »
M. Leon Simon, pour justifier aux yeux du Congres
la proposition qu'il a faite , prend la parole et indique
successivement.les points fondamentaux du systeme ho-
mcGomatique. Selon luir, lliomoeopathie est une reforme
integrale de 1'art de guerir dans tons les elements qui le
constituent. .Un principe general sur lequel il repose est
ASSEMBLIES GfNERALES. 373
la loi d'harmonie on d'appropriation , exprimee par
Hahnemann sous cette forme plus concise qu'exacte :
simUia similibus curcuitur. II ajoute que les quatre gran-
des de'cotivertes dont Hahnemann a dote la science ,
sont : d'une part, la loi du dynanomisme vital, qui, sans
etre nouvelle, a recu en homoeopathie une interpretation
neuve ; 2.° la theorie des maladies chroniques, en vertu
de laquelle ces dernieres sont considerees comme depen-
dant d'une infection miasmatique; 3.° V experimentation
des medicaments sur U hot time a Vetatphysiol&gique^ pour
arriver a determiner les proprietes positives dont ils sont
pourvus; 4.° la puissance de dynanomisation dont les
medicaments sont doues, puissance qui, etant develop-
pee par une trituration prolongee, permet et exigequ'ils
soientemployesa des doses infinhnentpetitesrelativement
a celles qui sont usitees dans les autres ecoles medicales.
M. Simon termine en priant le Congres de ne pas
i miter I'aeademie royale de medecine, qui a repousse
d'un pied detlaigneux une doctrine qu'elle ne s'etaijt pas
donne la peine d'etudier ni de verifier*.
M. Archambault developpe son amendement dont
1'effet doit etre de verifier les resultats qui pourraient
ctre allegues par les medecins homoeopatistes.
M. Simon repond que des-lors qu'il ne s'agit que d'une
assistance purement passive, il ne s'oppose pas a 1'amen-
dement; il voudrait meme, s'il etait possible, que les
experiences fussent faites en presence du corps medical
de la France entiere.
374 ASSEMBLIES GENERALES.
M. Duclo (cle Marseille) propose un amendement qui
generaliserait encore la resolution soumise a Tassem-
blee.
M. Dain , apres avoir fait remarquer que M. Simon ,
en traitant de Thomoeopathie, avail traite de 1'une cles
faces de 1'harmonie universelle, presente quelques consi-
derations generates tendantes a prouver que, danstoutes
les sciences, soit physiques, soit morales, la notion nou-
velle d'harmonie succede, comme base et comme prin-
cipe , a 1'ancienne notion d'antagonisme. II conclut a ce
que la proposition de M. Simon soit adoptee, puisqu'elle
est dans le sens de ce nouveau mouvement des idees.
On entend encore MM. dePerigny(deBlois) et Simon.
Enfin la resolution proposee par la section est mise
aux voix par M. le president et adoptee a la presqu'una-
nimite.
L'amendement de M. Archambault est egalement
adopte.
L'amendement de M. Duclo est renvoye a la section
medicale.
Seance du vendredi 16 septembre 1836.
Presidence de M. DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
La seance est ouverte a trois heures. M. Leroux , se-
cretaire-adjoint, donne lecture du proces-verbal de la
seance precedente.
ASSEMBLIES GENERALES. 375
MM. de Vibraye, de la Traniblais , Hay me , du Plessis ,
de Recy et Laurent rendent compte cles travaux de la
matinee.
Sur la proposition adressee par la premiere section,
« Le Congres emet le V<BU de voir le gouvernement favoriser en France
» 1'etablissement d'ecoles d'horticulture et de jardius de naturalisation des
» plantes utiles au commerce, a I'agricullure et aux arts. »
L'assemblee adopte ensuite la proposition suivante,
venant de la deuxieme section :
« Penetre de Pimminence du danger que court 1'industrie qni-a la soie
» pour matiere premiere et de 1'utilite de creer dans les petites exploila-
» lions des moyens de prospcrite , le Gongrcs emet le vo3U que le gouver-
» nement et les conseils generaux prennent toutes les mesures qui peu-
» vent encourager la plantation des muriers et la production de la soie
» dans les parties de la France qui y sont propres. »
Sur la proposition de la troisieme section r
« Le Congres exprime le VORU qu'a 1'avenir les places de medccins el
» de chirurgiens des hopitaux ne soient donnees qu'au concours. »
Sur la 2.e question de son programme, ainsi concue :
« Les irrigations des prairies ont-elles des inconvenients pour la salu-
« brite? »
La troisieme section propose la reponse suivante:
« Les irrigations des prairies n'ont pas d'inconvenients pour la salu-
» brite , en prenant des mesures efficaces pour eviter une stagnation pro-
» longee des eaux. »
Le Congres adopte.
Sur la 3.e question de son programme, la troisieme
section a fait cette reponse :
376 ASSEMBLIES GENliRALES.
«« La section n'ayant pas a sa disposition les documents nccessaircs pour
» resoudre la question relative a une classification des etablissements in-
» salubres, elle invite les medecins a recueillir et a fournir ces documents
« au prochain Congres. »
En conformite avec la resolution prise par la cin-
quieme section, sur la 2.e question de son programme:
« Le Congres emet le vceu que tons cenx qui s*oecuperont d'expliquer
» la marche des arts en France, tiennent compte des sieges divers qu'a
» eus aux differents siecles la puissance, soil royale, soil religieuse, soil
» princiere on provinciate ; ils y trouveront une foule d'indications sur les
» types primordiaux ou secondaires , modeles imites dans les pays circon-
» voisins. »
Adoptant les conclusions de la meme section sur la
4.e question qui lui a ete soumise :
« Le Congres pense que Ton peut tirer des renseignements utiles sur
» Fetal de 1'instrumentation aux differents siecles dn moyen age , et sur-
» tout au xri.6, dans 1'etude des manuscrits et dans celle des bas-reliefs
» representant des instruments de musique , dans les eglises de France
» en general. Toutefois , les recherches devront avoir lieu avec toute la
» reserve que commande 1'examen de ces instruments. »
Plusieurs membres demandent que la discussion soit
ouverte sur les conclusions de la sixieme section , rela-
tives aux enfants trouves..
M. de Caumont (de Caen) reclame la priorite en fa-
veur de la solution donnee par la einquieme section a
la l.re question de son programme, cette discussion
e'tant restee a 1'ordre du jour de la veille.
M. Gaillard , en ouvrant la discussion , annonce qu'il
envisagera la question sous un nouveau jour. Prenant
pour base de son argumentation ce vers que vient de
ASSEMBLIES GENE* RALES. 377
lui citer un de ses lionorables collegues (M. de la
Porte):
La sensibility fait lout noire g6nie;
Gelte sensibilite, dit-il, est chez le genie qui invcnte ce qu'elle est
chez 1'enfant qui apprend ime langue, vive et continue, developpant uric
puissance d'analyse toute merveilleuse, par laquelle le jeune ctre s'instruit
dans tons les secrets du langage, par laquelle le genie se livre a ces assi-
milations instinctives dont M. de Lamarline, parlant des poetes, a dit
qu'elles faisaient mieux et plus vile que la logique la plus siire. L'homme
de genie voit en lui subsister la condition physique qui, chez 1'enfant,
acheve de disparaitre vers I'age de quinze ans.
Ce den de la nature, ce pouvoir des assimilations instinctives, cette
analyse de 1'enfant etdu poete excluent le systeme adopte par la cinquieme
section, lequel Eeconnait le genie camme un effet pKoduit, non par des
causes physiques, mais du- a un certain etat de la societe.
Le genie, ajoute M. Gaillard, differe essentiellement de 1'art; un
exemplc \a le prouver. M.lles Dumesnil et Clairon ctaient deux grandes
actrices, mais tandis que Tune ne jouait que d'inspiration et etait su-
blime, 1'autre, apres avoir imite sa rivale dans le secret de ses etudes
premieres, parachevait I'^uvre en reglant son feu, et combinait froide-
ment tons, les effets sceniques. M.lle Dumesnil, c'est le genie qui invente;
M.lle Clairon, c'est 1'art qui perfeclionne. Coafondre deux choses si dis?
tinctes, n'eu faire qu'une, c'est commettre line grave erreur.
L'orateur ne peut d'ailleurs accorder a ses antagonist
tes, que pour qu'il y ait art et genie, il faut qu'il y ait
bonheur public , c'est-a-dire civilisation en progres et
perfectionnement moral. Y eut-il quelque chose de plus
corrompu, de moins heureux que 1'empire des Cesars
sous Heliogabale et ses successeurs? Et pourtant , c'est la
qu'on vit apparaitre les Peres del'eglise les plus celebres,
et des orateurs d'un merite eminent. M. Gaillard con-
clut a ce que la question stir laquelle on delibere sois
378 ASSEMBLIES GEINERALES.
resolue de maniere a reposer sur la discussion du genie
et de 1'art.
M. Simon s'exprime ainsi :
L'art est-il distinct du genie? C'est une question metaphysique dont on
nous a saisi et qui nous entrainerait dans des analyses psychologiques
d'une perception difficile. Ici, il ne s'agit que d'interroger le bon sens;
voici ce que le bon sens , a mon avis , doit repondre : L'homme possede
trois facultes principales , invenler, creer et realiser. Inventor, c'est saisir
par inspiration des rapports inapereus auparavant; le genie, c'est Pin-
vention. Cette puissance est-elle distincte des produits de I'art? Oui. —
Le genie n'exprime que 1'action combinee des differentes facultes. Chez
M.lle Dumesnil, la puissance d'imitation ne faisait que perfectionner celle
de 1'inspiration.
Quelles sont les conditions favorables an genie? Ce sont les epoques
de paix, de bonheur, de tranquillite. L'empire n'a rien produit pour le
genie et pour Part ; rien de pauvre comme Part imperial.
On ne pent dire que les produits de Part soient distincts du genie;
distinguer Pun de Pautre, c'est, en termes iamiliers, posseder un fruit
independamment de Parbre qui le produit ; c'est la distinction de la cause
a Peffet qu'a etablie M. Dain dans la seance de la matinee.
M. Hunault de la Peltrie fait observer que le genie est
de toutes les epoques, et qu'il se manifeste , selon les cir-
constances , par des produits differents. Ainsi 1'empire
possedait le genie de la guerre , ceiui meme de la legis-
lation.
M. Dain expose que le mot genie , pris dans son accep-
tion la plus generate , etant la puissance d'inventer et de
combiner , I'art n'est que la puissance de realiser 1'inven-
tion el la combinaison dues au genie , de les exprimer
dans le montle soit des formes, soit des eouleurs, soil
des sons , etc. En un mot , le genie concoit un plan , cree
une formule ; I'art realise materiellement cette formule ,
ASSEMBLIES GENERALES. 379
ee plan. M. Bain ne croit pas devoir revenir a ce qu'il a
dit dans la cinquieme section sur les autres parties de la
question ; la solution de la premiere partie entrainant ,
selon lui, la solution de toutes les autres dans le meme
sens.
M. Bernard Gaudeau ( de Romorantin) pense que 1'art
ne peut pas etre distingue du genie , et que les circons-
tances les plus favorables a 1'un et a 1'autre sont celles
ou les croyances religieuses et le patriotisme dominent
dans la socie&e.
Apres de nouvelles observations de MM. Dain et Si-
mon , 1'assemblee, sur la proposition de M. de Caumont,
prononce 1'ordre du jour, la question ne lui semblant
pas avoir etc assez elaboree ni assez eclairee par la dis-
cussion.
La parole est a M. Bergevin sur la question relative
aux enfants trouves.
L'orateur declare que ce n'est pas pour s'opposer a lit
resolution proposee par la sixieme section, ni pour de-
mander la suppression des tours , quant a present, qu'it;
prend la parole; il n'est pas, dit-il , un novateur absolu,
et ne renverse rien sans que Texperience lui ait demon tre
qu'il y a quelque chose de meilleur, ou au moins d'aussL
bon , a mettre a la place. II manifeste seulement le desir
qu'il soit fait essai d'un systeme qu'il croit preferable a
celui suivi en ce moment en France, et se borne a pro-
poser qu'on ajotite a la resolution prononcee un article
additionnel ainsi concu :
380 ASSEMBLEES
« Le Congres etnet le voeu le plus prcssant pour que le gouvernement
» encourage de. toutes ses forces I'etablisscment de societcs de charite
» materuelle, afm qu'a I'inslitution actuelle des tours, qui a pour effet
» d'augmcnter la mortalfte et de Ln-iser les liens de famille , on ptiisse
» progressivement substituer le systeme des secours distribues a domicile
» aux filles enceintes et aux filles-meres , systeme qui, fonde sur des prin-
» cipes moraux et religieux , presenterait I'immense avantage d'abaisser
» le chil'fre de la mortalite des enfants naturels, de conserve!1 entre les
» meres et les enfants les liens d'affection et de famille qui les unissont,
» et de ne point detruire, au prejudice de ces derniers, les chances de
» reconnaissance , et meine de legitimation dout ils peuvent etre 1'objet. »
Faisant allusion a son age et a son inexperience, 1'ora-
teur exprime que ce n'est qu'avec un sentiment bien na-
turel d'hesitation et de defiance, qu'il vient proposer des
observations contre une institution fondee par Saint- Vin-
cent de Paul, qu'un devouement sansbornes, un amour
eclaire pour 1'humanite, ont place si haul dans la vene-
ration publique. II admet d'abord que cette institution ,
basee sur les principes les plus purs de la charite, ait pu,
clans son origne , et en raison de 1'etat des moeurs et de
la legislation des temps dans lesquels elle a ete fondee ,
produire d'heureux resiiltats; elle fut pendant de longues
annees restreinte dans des limites fort etroites; 1'aban-
don des enfants naturels qui, malheureusementest main-
tenant le droit comrnun , n'etait ators que 1'exception ;
aussi le nombre des enfants exposes n'ayant ete pendant
le premier siecle de sa fondation que du 20.e environ
de celui atteint actuellement , il concoit qu'il ait pu etre
facile d'accomplir une partie du bien que le fondateur
s'etait propose.
ASSEMBLIES GENERALES. 381
Mais il en e?i, dit-il , de cette institution comme dc la plupart dos
choses humaines; excellente dans son principe, efficace dans son objct,
taut qu'elle ne sort pas des conditions primitives de son existence. II pent
se faire qu'en se developpant sur une plus large echelle, elle engendre de
graves inconvenients , elle revele des vices radicaux. Cher nous , en effet ,
il ne s'agit plus de quelques cas isoles, d'un nombre restraint d'enfants aban-
donnes; 1'institution a pris une immense extension ; elle porte ses fruits
en grand et on pent maintenant, en presence des resultats qu'elle donno,
en apprecier 1'iufluence , en distinguer les avantages et les inconvenients,
la juger enfin.
II existe en Europe deux systemes suivis relativement aux enfanls na-
turels; en France et dans quelques autres pays , 1'etablissement des tours;
en Angleterre-, en Suisse, dans lesCercles du Rhin, des societes de cba-
rite maternelle, et pas de tours. Ce sont les deux systemes qn'il convient
d'examiner, non point sous le rapport financier, cette question n'etant ici
que secondaire , mais sous celui des interets gencraux de la sociele.
Et d'abord , il est constant que la fin que doit se proposer I'homme de
bien , c'est de diriger la societe dans les \oies de perfectionnement mo-
ral, en meme temps qu'on favorise I'^iccroissement de la population, en
assurant I'existence an plus grand nombre possible d'enfants ; et de meme
que pour arnver an premier de ces resultals, il importe d'^carter soigneu-
sement tous les elements deleteres qui peuvent jeter dans le corps social
le trouble et la disorganisation , de meme il faut declarer inefficace et
nuisible toute institution qui n'atteindrait pas le second. Du reste , dans
1'accroissement de cette ceuvre, ce sont beaucoup nioins des fails et des
individus isoles qu'il faut considerer, que Pensemble de la societe, prise
collectivement.
Il ne pent etre conteste qu'unc des bases les plus solides , la base fcn-
damentale rneme de toute organisation sociale , ne soil 1'esprit , les rela-
tions de famille. Ces rapports , que la nature elle-meme a places dans le
copur de 1'hoinme , qui sont dans une harmonic si parfaite avec les fins
qu'elle se propose, snut le lien le plus sacre, le plus indissoluble qui
unisse 1'homme a 1'homme, 1'homme a la famille , la famille a la sociele.
Us sont le frein moral le plus puissant apporte aux passions et aux mau-
vais penchants; lent- bienfaisante influence s'exerce non seulcment sur les
classes elevees, mais pcnetre dans les rangs de la societe; le nom d'un
pere, les affections du sang, les interets et la consideration des families nc
sonl pas de vains mots sans retentissement dans le cceur de la jennesse
de tontes les conditions; et tel qui, meprsant les dangers personnels, se
382 ASSEMBLIES GtiNE" RALES.
precipiterait dans Pabime, est souvent retenu sur le bord par la craintc
d'avi'.ir sou nom , de deshonorer sa famille. C'est sur ces fondements qu'il
faut edifier la societe ; plus elle s'appuiera sur de lels principes , plus elle
reunira dans son sein d'elcmenls d'ordre et de moralite , el il sera toujours
d'une sage et intelligente politique d'encourager cet esprit.
En opposition de ces idees s'eleve tm autre principe qu'il faut consi-
dcrer comme I'un des germes les plus actifs de dissolution; c'est un indi-
vidualisme absolu,qui nait de 1'absence de tous rapports, qui ne recommit
aucunes de ces obligations naturelles , aucuns de ces devoirs respectifs qui
unissent les hommes par les liens de 1'affection et de la reconnaissance , et
jetle les individus isoles el sans appui an milieu de leurs semblables. La
premiere et la plus deplorable application de ce. principe se resume en un
fait qui se reproduit incessamment , et dont chacun pent apprecier la gra-
vite ; c'est cette immission quotidienne dans le sein de la societe d'un
nombre plus on moius considerable de jeunes elres n'ayant ni nom , ni
etat civil, ni famille , ni patrie, ni ressources, ni principes de religion on
de morale , ni direction ; qui viennent chaque annee , a Page de douze
ans, se poser en face de la societe et lui dire ; me voila; je ne sais ni qui
je suis , ni d'ou je viens , ni ou je vais ; mais ce que je sais , c'est qu'il faut
que je vive , c'est la loi de la nature ; pour moi tous les moyens sont bons :
qu'ai-je a perdre, qu'ai-je a compromettre dans ce monde? Tel est, on ne
pent lenier, le resume fidele de la situation de ces inforiunes; or, qui
ne comprend pas qu'un pareil etat de choses, etendant chaque jour ses
limites, est uue des plaies les plus funestes qui puisse affecter toute orga-
nisation sociale, et qu'il n'y a pas de plus imperieux besoin que d'apporter
de prompts remedes aux developpements progressifs de ce fleati.
Ces principes poses, 1'orateur fait remarquer que le
systeme des societe's de maternite adopte en Angleterre,
en Suisse, dans les Gercles de rAllernagne, repose sur le
premier ordre d'idees, la conservation des liens de fa-
mille; tandis que celui des tours, suivi en France, a pour
invincible consequence la rupture absolue de ces liens
et la production de ce desastreux individualisme signale
plus haut. Entre les deux principes de ces institutions ,
consideres abstract! vement et sous le point de vue mo-
ASSEMBLIES Cl^NERALES^ 38.1
ral , qui pourrait, dit-il , balancer un instant? Mais ce
n'est pas seulement sous ce rapport qu'il faut les exami-
ner; ce sont leurs consequences materielles, c'est-a-dire
leur influence sur le sort des meres et des enfants qu'il
s'agit d'appre'cier. Et d'abord , il pretend que dans les
pays ou il n'y pas de tours et dans lesquels il est distri-
bue des secours a domicile, le nombre des infanticides
et du delaissement d'enfants n'est pas , proportionnelle-
inent a la population , plus eleve qu'en France. Cette
opinion il 1'a puisee dans tous les documents statistiques
d'auteurs qu'il a consultes, et il a ete confirme dans cette
conviction par les renseignements qu'ont bien voulu lui
donner plusieurs des savants etrangers qui se sont ren-
dus au Congres et qui se sont occupes de cette matiere.
Le docteur Holland lui a meme assure que le nombre des
infanticides etait singuli^rement diminue en Angle-
terre, bien que dans beaucoup de localites les secours
des societe's de maternite aient e'te fort restreints; et il
estime que dans 1'etat actuel des choses, le nombre de
ces crimes est moins eleve en An gleterre qu'en Franc<\
DUin autre cote, dit-il, il me parait facile de demontrer que matn'tenan't
en France 1'institution des tours n'atteint aucunement le but de sa
creation.
Son principal objet a ete evidemmenl de conserver I'existcnce physique
au plus grand nombre possible d'enfants deposes dans les tours et de for-
mer de ces jeunes etres des citoyens utiles pour la patrie , en les elevant
dans les idees d'ordre , de travail et de vertu.
Or, ce but n'esl-il pas completemennt manque tant sous le rappcrt
de 1'existence physique que sous celui des principes de moralite ?
Examinant la question sous le premier point de vue, supposons 100
pnfants deposes dans un tour; suivons-les jusqu'a 1'age de 20 a 25 ans,
384 ASSEMBLIES GENERATES.
puis comptons-les ; nous vcrrons alors ce quc produit, en fait, 1'institu-
tiori des tours.
II parait qu'on ne s'est jamais occupe de fairc des releves authentiqucs
des ciifunts trouves encore existant a cet age : I'administration publique
ne les fait que jusqu' a 12 ans, et les calculs qu'elle etablit sur leur mor-
talite et sur leur conservation, ne s'etendent pas au-dela de cette epoque.
Mais ce n'est point pour arriver a ce rcsultat , d'elever les enfants de 1 2
ans, que le pays soutient a grands frais des etablissements publics, c'est
pour que les enfants ne succombent pas presque immediatement , c'est
pour qu'ils fassent des bommes, c'est pour qu'ils deviennent des citoyens
utiles; or ce n'est <ja'a cet age de 20 a 25 ans que 1'bomme prend rang
dans la societe, qu'il est arrive a celte epoque de la vie, on ayant acquis
tous ses developpements, 51 pent remplir les premieres fins de la nature, la
reproduction de son espece. Ce u'est done qu'a cet age, pour apprecier
sainement les resnltats de ce systeme, qu'il fautcompter ce qu'il reste des
1 00 enfants deposes en naissant dans les tours.
Les travaux statistiques operes par le ministre de 1'interieur nous offrent
des 1'abord une hnportante et precieuse donnee ; ils etablissent que jus-
qu'a 1'age de 1 2 aus , la mortalite des eufants trouves est de 62 a 65 pour
100. Mais les documents sont insuffisants , et ce qu'il imporle d'etablir ,
c'est ce qui se passe dans les 12 annees suivantes, c'est-a-dire jusqu'a ce
qu'ils aient alteint 24 a 25 ans. Sans doute la proportion de mortalite est
beaucoup moins elevee , lorsqu'ils approcheiit de 1'age de 1 ^ ans que
dans les premiers temps de leur vie, et elle parait meme se ralentir suc-
cessivement ; mais alors des faits nouveaux se presentent et leurs conse-
quences influent de la manicre la plus deplorable sur I'existence de ces
jeunes etres. D'un cote, ils abondent a celte epoque de la vie, ou la nature
prenant tous ses developpements, fait passer de la pliase de 1'enfance a
celle de la puberte; il est rare que cet age de 14 a 16 ans pour lesfilles,
de 16 a 18 pour les bommes n'amcne un etat de crise , et meme pour
les enfants de families entoures de bicn-etre et de soins, auxquels ne
raanquent aucuns secours, q-ui penvent elre surveilles dans leurs habitu-
des , dans leurs moeurs , dans leurs relations ; cet age de la vie est bien
souvent funeste.
S'il en est ainsi, si cet age est -si critique, si cette phase est si dange-
reuse a tra verse r pour ceux qui sont places dans les conditions si favora-
bles , que doit-il en etre pour cette malbeureusc classe des enfanls trou-
ves ? Tout rst centre cux en ce moment, et la nature et ['institution qui
les a recueillis et protrges. C'est en eflet a celle epoque de developpement
ASSEMBLERS GENERALES. 385
et de crise qu'ils passent de Petal de secours, de celui d'nne surveillance
queteonqne a 1'etat d'abandon complet, d'isolement absoln, cfii'ils sont
Kvres sans frein a toules les passions de leur age ; les gairons , pour la
plupart, se livrent a la faineantise , au vagabondage, et disparaissenl dans
ces senders de vices qui sont ouverts a leur inexperience; im grand
nombre de ces jeunes lilies se vouent, encore enfauts, a la prostitution,
et c'est certainement un fait bien digne de remarque, qu'un tiers des filles
publiques de la Capitale soient des enfants trouves. Si a ces causes gene-
rales de destruction el doiil on pent apprecier la portee , on ajoute qire
c'est a peu pres a cet age de quatorze a seize ans que se developpent
certaines infirmites , dont trop souvent ces jeunes etres portent le germe ,
qu'eclatent notamraent ces maladies scrophuleuses que le defaut de soins
la malproprete , la mauvaise qualite des aliments ont , de longue main f
preparees et entretenues , ne sera-t-on pas mille fois fonde a conclure qive
la proportion de mortalile qui s'abaisse successivement jusqu'a Page de
douze a quatorze ans reprend, a partir de cette epoque et jusqu'a vingt
ans •environ , la progression ascendante ; aussi , dans cette periode , Pac-
croissement de la mortalite est-il effrayant, et le nombre de ceux qui suc-
combent n'est-il jamais au-dessous de 25 a 30 sur 100.
Ce ne sont pas la de vaines allegations ; quelque deplorables que soient
ces resultats , leur certitude n'en est pas moins complete : ils ressortent de
la nature meme des choses , et leur existence est constatee par tons les
documents jusqu'ici recueillis; ils sont notamment confirmes par des re-
leves qui , a diverses cpoques , ont etc fails au ministere de la guerre , par
1'examen des regislres des naissances, et la comparaison que chacun pent
faire du nombre des entants males admis aux hospices des enfants trouves
avec celui de ces memes enfants , lorsqu'a vingt ans ils font partie du re-
crulemenl de l'armee. Eh! bien, il resulte de Fensembie de ces recher-
ches , que sur 1 00 enfants males, deposes en naissant dans les tours , il n'y
en a que 5 a 7 qui, a vingt ans, se presentent a 1'appel; que, sur ce
nombre de 5 a 7, il n'y en a pas plus de 3 a 4 qui soienl juges propres au
service. Les documents , peut-on dire , ne s'appliquent qu'aux enfants
males ; mais il ne peut elre douleux que la meme proportion ne doive
etre adoptee pour les filles, dont 1'existence, pendanl les premieres annees
de jeunesse et de developpemenl , esl encore plus menacee. Il faut done
admetlre comme constant, que sur 100 enfants deposes il en meurt de 93
a 95 avant 1'age de vingt-cinq ans; mais ce n'est pas tout, sur ces 6 a 7
qui surnaissent, qui ont resiste a cetle loi presque generale de mortalite,
combien y en a-t-il qui deviennent des citoyens uliles? combien y en a-t il
386^ ASSEMBLEES GENERALES.
<|iii se placcnt dans les conditions ordinaires d'ordre et de moralite? com-
bien y en a-t-il qui contractent des unions legitimes? croit-on qu'il y en
ait 2 sur 100? Et si on se demande ensuite combien il y en a qui out
foiide des families, qui en sont devenus la souche, qui oserait repondrc
qu'il y en ait 1 sur 100?
Tels sont, d'apres 1'orateur, les fruits actuellement
portes par cette institution originairement fonclee dans
des vues si philanthropiques; en s'accroissant de'mesure-
ment, elle a perdu sa salutaire efficacite; elle produit
des effets absolument contraires a son but prirnitif, et
n'est plus aucunement en harmonic avec les intentions
de son fondateur. Les tours ne sont plus pour les en-
fan ts cet asile ou Saint- Vincent de Paul croyait leur
assurer des chances de vitalite en rapport avec celles des
enfants legitimes; c'est, malgre tous les soins des admi-
nistrateurs, un gouffre ou les 19/20 viennent s'englou-
tir. On fera de vains efforts pour echapper a d'aussi
desastreux resultats, pour ameliorer Tetat actuel des
choses, on echouera ; tous les remedes qu'on emploiera
seront de passagers et inefficaces palliatifs; le mal de-
bordera toujours; il n'est ni dans les hommes,ni dans
les mesures; il est dans 1'institution elle-meme.
Quelques gens, e'conomistes rigoureux plutot que
moralistes eclaires et humains, redoutant cette invasion
annuelle au sein de la societe d'un nombre toujours
croissant d'enfants naturels , soutiennent ce systeme des
tours, parce que, disent-ils, cette institution annulle en
fait, et par 1' immense mortalite qu'elle entraine, une partie
des desastreuses consequences qu'en theorie elle parait
ASSEMBLEES GE"NE"RALES. 387
devoir produire ; mais 1'orateur ne pent que repousser
de pareilles idees; pour lui, des qu'un etre humain a vu
le jour, il 1'accueille comme son semblable, et c'est
parce qu'il voit toute la profondeur de 1'abime qui
s'ouvre sous les pas de ces jeunes etres, qu'il reclame en
leur nom et en celui de 1'humanite de nouvelles et plus
efficaces mesures.
Ges mesures, do'nt il conseille 1'essai avec prudence et
circonspection , sont Introduction en France du sys-
teme des societes de charite maternelle; il veut que le
gouvernement les constitue, les encourage, les sou-
tienne par des subventions; il veut que la charite pu-
blique , le zele des citoyens viennent se reunir aux efforts
du pouvoir pour combattre cette funeste tendance a
1'abandon des enfants; il ne pretend pas circonvenir
cette institution dans le cercle d'une organisation abso-
lument semblable a celle des pays qu'il a cites : les lois,
les moeurs , les usages ne le permettent peut-etre pas ;
mais il croit a la possibilite de cette creation, et ne
doute pas qu'elle ne reponde efficacement an but qu'un e
charite eclairee doit desirer atteindre.
II voudrait qu'on localisat le plus possible ces insti-
tutions; que, placees sous 1'autorite des prefets et des
conseils generaux, il en existat une, au moins, par can-
ton; que, composees de personnes charitables et bien-
faisantes des deux sexes, elles eussent mission de secou-
rir les filles et femmes enceintes , de les mettre a meme
de nourrir et elever leurs enfants dans la premiere jeu-
388 ASSEMBLIES GENtf RALES.
nesse, de leur procurer ensuite, ainsi qu'a ces derniers,
des moyens d'existence par le travail, ainsi que cela se
pratique dans chaque paroisse en Angleterre.
L'orateur trace ensuite le tableau des avantages et
des inconvenients des deux institutions, et il en examine
les consequences dans leurs rapports, soit avec la societe
en general, soit avec les meres, soit avec les enfants.
Sous le premier point de vue, a t-il dit, 1'institution des lours tend a
demoraliser les classes inferieures de la societe,
I:° En favorisant la prostitution, .par les facilites qu'elle lui accorde;
2.° En creant une classe plus ou moins nombreuse d'elres sans nom,
sans existence, sans principes ; -qui n'ont trop -sowvent 'de ressource que
la mendicile et le vagabondage.
Elle est enfm contraire aux principes les plus simples de 1'humanite ,
puisqu'elle a pour resultat, dans un certain laps de temps donne , une
mortalite si enorme , qu'elle peut plus qu'equivaloir a un aneautissement
total.
Ues effets absolument differents resultent de I'inslitution des societes
de maternile. L'existence des enfants cst infinimerit moins compromise : iis
restent ailaites ,• .noun-is , soignes par leurs meres. Eleves ainsi , diriges ,
proteges par les membres des societes cbaritables , ils ne tombent jamais
dans ce funeste isolement ou demeureiit plonges les enfants deposes dans
les tours; ils font partie de la commune; ils out un nom, une famille,
des sou liens maternels.
L'ihfluence de I'un on Fautre sysleme, sur la societe en general, est,
dit-il , facile a apprecier : I'ordre , dans une hypothese ; le desordre , dans
Faulre.
Peursuivant ce parallele , 1'orateur fait remarquer
tous les avantages qu'offrent les societes de charite ma-
ternelle ; et , d'abord , elles ne se bornent pas a recueillir
les enfants nouveau-nes; elles donnent aux femmes en-
ceintes tous les soins, les secours, Tassistance dont elles
p^uvent avoir besoin, et les preservent ainsi de ces ac-
ASSEMBLIES GEN^RALES. 389
couchements furtifs dont les consequences sont si sou-
vent desastreuses.
Ensuite, ajoute-t-il, en imposant aux meres Tobligalion de conserver
leurs eufants, de les allaiter, de les nourrir, de les entretenir, celte insti-
tution laisse subsister dans le coeur des femmes ces sentiments si doux de
Pamour maternel ; elle ne rompt pas les liens qui attacheut les meres et
les enfants, liens qui engendrent pour 1'avenir des devoirs et des obliga-
tions reciproq.ues.qui consistent dans 1'accomplissement des -plus simples
prescriptions de la nature ; dans ce systeme enfin elles restent meres , car
la maternite, il faut le dire, n'est pas seuleaient 1'acte isole et douloureux
de 1'enfantement.
D'un a utre cote, forcees que sont ces femmes de garder leurs enfants ,
elles rencontrent dans cette circonstance un obstacle a de nouveaux desor-
dres : le travail auquel elles sont obligees de se livrer pour nourrir leur
enfant les empeche de s'abandonner a la faineantise qui , trop sou vent*,
mene au libertinage, et leur fait sentir tout le poids du fardeau.qu'uue
premiere faute leur a impose; elles sentent parfaitement combien serait
penible leur position, si de noaveaux.ecarts pprtaient de nouveaux fruits,
et la certitude qu'il leur faudra clever les enfanls qu'elles pourraient en-
core avoir et les nourrir par leur travail, est uu frein puissant donj
1'efficacite est reconnue. Enfin , soil pendant leur grossessc , soil apres ,
elles sont entourees des conseils de personnes cbaritables , elles sont sur-
veillees, et si leur conduite devient mauvaise, les secours leur sont plus
ou moins retires. Le sort des. enfants participe aussi a l'am£lioration de
celui de leur mere; residant dans la maison rnaternelle, its y sont mieux
traites, mieux eleven; ils font partie de la famille, ils sont associes a ses
chances bonnes ou mauvaises, et en contractant des devoirs ils acquierent
des droits ; ils sont obliges, pour vivre , de suivre leur mere dans les ate-
liers de travail, et ce salutaire exemple donne des leur bas age iuflue bien
souvent sur tout leur avenir.
L'orateur fait ensuite ressortir cette consideration
qu'il regarde comme tres puissante en faveur des societes
de charite maternelle, c'est qu'elles of frent aux meres et
aux enfants des chances de reconnaissance, de legiti-
mation, de mariages subse'quents. Eu effetr dans ce sys-
390 ASSEMBLIES GE"NERALES.
teme 1'enfant a toujours un etat civil , il est legalement
reconnu le fils de sa mere : ensuite les liens qui existaient
entre elle et le pere ne sont pas rompus ; au contraire ,
les rapports d'affection qui les unissaient sont souvent
resserres par Texistence d'un enfant; ce jeune etre est
1'objet de soins , de secours, de visites de la part de celui
a qui il doit le jour; 1'homrne et la femme continuent
ainsi a rester unis, a se voir ; et il y a mille exemples de
manages subsequents qui n'avaient point ete prevus par
les parties, et qui n'ont ete amenes que par le desir de
reconnaitre et de legitimer le fruit d'un premier attache-
ment. Cette possibilite seule est un des plus incontes-
tables avantages de cette institution.
Dans le systeme des tours, au contraire, qu'y voit-on, dit-il; aucune
espece de secours , d'assistance donnes aux femmes , soil avant , soil aprcs
leur accouchement : Pinstitution ne leur accorde pas meme line pensee;
elles n'ont ete pour rien dans sa conception, quelqties developpemenls
qu'elle ait recus depuis. Sa consequence premiere , absolue , c'est la rup-
ture de tous les liens de famille ; les meres , en deposant leurs enfants , les
abandonnent a jamais ; cet amour pur de la maternite s'eteint dans leur
coeur , et lorsque les femmes ont ainsi refoule ces inspirations si puissantes
de la nature qui les attachent au fruit de leurs entrailles, il reste chez
elles bien pen de place pour des pensees d'honneur, de delicatesse et de
•vertu. D'un autre cote, elles trouvent un encouragement a de nouveaux
desordres dans 1'extrcme facilite qu'elles ont a faire disparaitre la trace de
leurs ecarts ; etre meres n'est plus pour elles que quelques mois de gene
et quelques moments de douleurs ; le lendemain de Paccouchement, tout
est fini, 1'enfant est depose, elles 1'oublient; et libres qu'elles sout de
tons les embarras de la maternite, Pcpoque dc leurs relevailles n'est que
trop souveut celle de la continuation d'une vie qui rencontre si pen d'obs-
tacles.
Quant aux enfants , 1'orateur est certain que personne
ASSEMBLIES CHORALES. 391
n'ignore ce que font, ce que deviennent la plupart ties
enfants deposes dans les tours; chacun salt qu'arrives u.
un certain age ils sont completement abandonnes. Dans
leur enfance, ils sont, en general, confies a des merce-
naires, et sont tout simplement 1'objet d'une specula-
tion, et pas autre chose; leur existence n'importe a qui
que ce soit; plus ages, ils entrent dans le monde, sans
guides , sans conseils , sans direction ; presque tous , de
1'un ou de 1'autre sexe, s'engagent dans les sentiers du
vice; ils vivent on perissent miserables et degrades.
D'une autre part, les enfants qui n'ont ni famille, ni
etat civil, dont les pere et mere ignorent completement
1'existence, qui ne leur inspirent plus aucune espece
d'interet, sont prives de cette chance si precieuse de re
connaissance, de legitimation; une fois de'poses dans les
tours,, ils sont marques pour la vie, ils sont a jamais
abandonnes, et tous les liens sont rompus entre leurs
parents et eux. Qui ne comprend tout ce qui peut naitre
de desordres d'un pareil e'tat de choses?
L'orateur se livre, en terminant, a quelques conside-
rations sur la possibility d unions incestueuses resultant
de 1'ignorance complete ou chacun de ces enfants est de
son etat, sur la position des meres qui, forcees d'aban-
donner immediatement leur enfant, sont souvent at-
teintes, par le defaut de soins et de secours, de maladies
provenant tres souvent du non-allaitement,
II clemande enfin que le Congres appuie de ses voeux
Tessai du nouveau systeme qu'il propose et qu'il croit
&>* ASSEMBLIES GENE" RALES.
propre a conserver a la vie le plus grand nornbre pos-
sible d'enfants naturels, a diriger les meres dans des
voies nouvelles d'honneur et de moralite, et a donner
aux enfants 1'education de famille et les habitudes de
travail qui peuvent seules assurer a la patrie d'utiles ci-
toyens,et a eux une existence honorable et indepen-
dante,
M. le docteur Simon prend la parole et repond que
si M. Bergevin n'a pas cru convenable de s'opposer a la
resolution de la sixieme section, cette derniere,a son
tour, n'a pas de motif pour s'opposer a 1'amendement ,
ou plutot a 1'article additionnel de M. Bergevin.
II est seulement a regretter, dit-il, que cet honorable preopinant n'ait
pas juge a propos de communiquer a la section elle-meme sa maniere de
voir sur le sujet en deliberation , parce qu'on aurait evite an Congres 1'en-
nui d'examiuer des sujets de resolution qui, loin d'etre exclusifs l'un de
Pautre , se completent reciproquement.
Les societes maternelles actuellement en vigueur en Angleterre ont sans
contredit leur utilite; mais elles sont loiu de satisfaire a tons les besoins , et
de suffire a cicatriser la plaie qui occtipe le Congres. Et comme d'ailleurs
la France est loin encore du jour ou les societes maternelles seront mises
«i vigueur, et que dans les institutions sociales il ne doit pas y avoir de
lacune, nous demandous le maintien des tours, sinon comme institution
definitive, au moins comme moyen transitoire. Et M. Bergevin a bien
senti lui-meme Pimportance de cette consideration, car il a commence
par declarer qu'il ne deraandait pas la suppression des tours , quant a
present. L'institution de Saint- Vincent de Paul n'est peut-etre pas non plus
si fort a dedaigner que le pretend M. Bergevin, qui semble dire avec
Pascal (\u?il faut bonier notre respect pour les anclens. Nous ne defen-
dons 1'institution des tours , ni comme moyen irreprochable , ni parce
qu'elle vient de Saint-Vincent de Paul , mais parce que tout ce qui a ete
propose pour la remplacer est insuffisant ou dangereux. Il est dans 1'his-
toire de rhumanite de ces noms qui planent aiirdessus de la critique et la
defient , et pour qui 1'eloge ne satirait ni grandir, ni tomber ; celui de
. ASSEMBLIES GE^RALES. 393
Saint-Vincent de Paul est de ce nombre. II est done inutile de meler ce
nom venere a nos debats. Toute la question se reduit a examiner les deux
syslemes en presence , et a voir la place que cbacun doit occuper.
Pour faire prcvaloir son systeme, M. Bergevin a allegue plusienrs as-
sertions comme averces , ct qui pourtant sont loin d'etre demon trees.
C'est ainsi qu'il a pretendu que le crime de 1'infanticide , on de I'exposi-
tion sur la voie ptiblique, n'est pas plus commun en Angleterre qu'en
France, et cela sans en administrer aucune. preuve. C'est encore ainsi
que 1'orateur a avance , comme resultant de recherches statistiques , que ,
sur 100 erifants trouves, il n'cn arrive que de 5 a 7 a 1'age de vingt ans,
et cela sans s'appuyer sur aucun chiffre. Toutes ces assertions out ete
refutees a 1'avance dans la section par des cbiffres authentiques et des
fails positifs.
Mais accordons pour im moment que des societes de charite maternelle
aient tons les avantages que M. Bergevin leur a pretes avec tant de bien-
veillance; que ferez-vous pour les fllles-meres erleurs enfants, jusqu'a ce
que ces societies soient ctablies? Supprimerez vous les tours?... Mais on
Ka demontre en section, c'est accroitre les infanticides et la mortalite sans
diminuer le nombre des enfants abandbnnes.
D'un autre cote, ne croyez pas, ainsi que M. Bergevin 1'a avance, que
les societes de charite malcrnelle soient bien puissantes a resserrcr le lien
de famille, etqu'elles contribuent a moraliser les meres. Les enfants aban-
donnes ont pour causes profondes la misere et la seduction, qnelquefois
a'issi la cupidite. Si vbus en voulez tarir la source , faites , d'une part ,
que la misere retrecisse de plus en plus son domaine; tacbez aussi, si
vous en connaissez les moyens, de faire que 1'inexperience et les passions
se transforment en experience et en raison, et vos tours se fermeront
d'eux-memes, et les societes de charite maternelle n'auront plus d'ap-
plication. Vous le savez, la fille du pauvre est la denrce du ricbe; a lui
d'en user et d'en abuser, c'est son droit, au moins, a-t-il 1'infamie de
le croire , de le dire et de le faire.
Mais ne croyez pas que vos societes de cbarite maternelle ferment la
porte a la cupidite. Loin de la : on voit en Angleterre des- filles devenir
meres sans autre but que d'obtenir des secours dont le pauvre enfant est
le pretexte, tandis qu'elles-memes sont le motif. De meine, en un autre
temps, ces memes femmes se laissaient seduire pour tirer profit ensuite
de leur seduction.
II reste un dernier argument a examiner: les tours, a dit M. Bergevin,
augmentent la mortalite. Bien que la proportion indiquee par 1'honorable
394 ASSEMBLIES G^NERILES.
preopinant soil cxagcree, nous avouons le fait. Jusqu'a 1'age de 12 ans, la
martalite chez les eufants abandonnes est de 60 pour 100, tandis que
pour le meme age la mortalite generate est de 40, ce qui donne un tiers
en sus. Mais il y aurait bien de la temerite a croire que les socictes de
charite maternelle rameneraient I'equilibre. Nous aurions voulu an moins
que 1'orateur nous chat quelques faits propres a entrainer notre conviction,
tandis qu'il s'est borne a de simples assertions. Cependant nous convien-
drons que, sous ce rapport, la proposition du preopinant pourrait pcut-elre
offrir des avantages.
Mais il s'abuserait en pensant que les enfants nalurels cesseraient , par
le seul fail de Petablissement des societes de charite maternelle, d'etre,
pour la plupart , de mauvais sujets. Je 1'ai dit au sein de la section , les
causes de leurmauvaise conduite sont qu'ils n'ont aucune existence sociale,.
Soil qu'il s'agisse pour eux de prendre rang dans la societe ou de contrac-
ter manage, partout oil ils se preseutent, on les repousse sans pitie! Com-
ment voulez-vous qu'ils essaient de s'harmoniser avec une societe qui leur
a conserve la vie pour la dessecher et la ilelrir? Faites done que les en-
fants naturels ne portent pas , commc les esclaves d'autrefois , la tache du
sang, et vous verrez qu'ils chercheront a vivre en honnetes gens; car, on
ne se resout jamais qu'avec peine a subir la reprobation on la fletrissure
du crime. Le moyen d'arriver a ce but n'est point de la competence de la
legislation : il consiste en un cliangement dans les moeurs.
En resume, la section ne s'oppose pas a ce que la proposition de
M. Bergevin soit admise comme complement de la resolution presentee par
elle au Congres; mais elle pretend qu'il soit bien entendu qu'elle est for-
mellcment opposce a la suppression actuelle d'uiie partie des tours.
M. Dain pense que les causes cle ['exposition progres-
sive des enfants sont, d'une part, la misere et de 1'autre
la cruaute de la societe qui fletrit la fille-mere. II expose
quelques considerations generales sur Favenir de 1 hu-
inanite, dont il pense que Ton pourrait retirer un ensei-
gnement pour le present.
La suite de la discussion est renvoyee au lendemain .
ASSEMBLIES G^NERALES. 395
Seance du samedi 17 septcmbre 1836.
Presidency de M. DE LA PLACE DE MONTEFRAY.
M. le comte cle Vibraye fait, au nom de la premiere
section , un rapport sur 1'excursion scientifique qui a eu
lieu a Orchaise dans la matinee.
MM. de la Tramblais, Haime, du Plessis, de Recy et
Laurent donnent lecture des proces-verbaux des autres
sections.
M. Em. Gaillard soumetal'approbation de Fassemblee
la deliberation prise par la commission permanente , re-
lativement a la tenue de la 5.c session du Congres scien-
tifique de France.
ART. I.er Le Congres, apres- avoir pris connaissance des demandcs
adressees par les societes savantes des villes de Metz, Autun, Marseille ,
Tours et Chartres- , pour tenir la 5.e session du Congres , considerant que
les villes de Tours et de Chartres. sont trop rapprochces de celle 011 a eu
lieu la 4.e session; que la demande de I'academie royale de Metz a ete
adressee a M. le secretaire general du Congres anterieurement a toutes
les autres, arrete que la 5.e session du Congres scientifique de France
sera ouverte a Metz du l.er au 5 septembre de 1'annee 1837.
ART. II. M. Victor Simon , membre de I'academie royale et juge au trir
bunal de premiere instance de la ville de Metz , sera invite a remplir les
fonctions de secretaire general.
ART. III. L'academie royale de Metz est price de vouloir bien nommer
line commission preparatoire qui devra s'entendre avec M. le secretaire
general pour tous les travaux relatiis a 1'organisation et a la tenue du Co«r
gres de 1837.
ART. IV. line commission composee de tous les membres des bureaux
du Cougres qui resident dans 1'arrondissement de Blois est investie des
pouvoirs necessaires pour la publication du compte-rendu des travaux de
la 4.e session.
ART. V. Cette commission fera imprimer le plus grand nombre possible
d'exemplaires du compte-rendu, et en fixera le prix au taux le moins
396 ASSEMBLIES GENERALES.
eleve , en prenant toutefois en consideration 1'etat des f6nds qui sonf a la
disposition du Congres.
ART. VI. M. le secretaire general de la 4.e session devra rendre compte
a la seance d'ouverture de la 5.e session, de 1'emploi des fonds provenant
de la cotisation des membres du Congres de 1816.
ART. VII. Tons les ouvrages offerts a la 4.e session seront deposes a la
bibliotheque de la ville de Blois.
ART. VIII. Des remerciments sont votes a M. le president du tribunal
et a M. le maire de Blois pour la protection accordee par eux aux reu-
nions du Congres.
Les decisions de la commission permanente sont adop-
tees par acclamation.
La sixieme section , sur la 2.e question de son pro-
gramme concue en ces termes :
« Quelle est I'iufluence des voies de communication sur la civilisation
»» des peuples? »
Propose la reponse suivante :
« Les voies de communication ont une influence incontestable sur la
» civilisation, puisqu'elles augmentent non seulement le bien-etre ma-
» teriel des peuples, mais encore le developpement de 1'inteliigence et le
» perfectionnement de la moralite liumame. » — Adople.
Differentes resolutions relatives a la question del'abo-
lition de la peine de mort sont lues par M. le president.
M. Jullien demande qu'il soit passe immediatement a
la discussion de ces resolutions. M. Chatelain , demande
le renvoi a la section, afin qu'elles soient remplacees par
une resolution unique. Plusieurs membres demandent
1'ajournement a la session suivante. Sur les observations
de M. deCourteilles, I'ajournement est repousse*
, ASSEMBLIES G^NEllALES. 397
M. Duclo (de Marseille ) reclame centre une decision
dela troisieme section qui, selon lui, a oppose une sorte
de fin denon recevoir a un amendement qu'il avait pro-
pose sur la question relative a 1'organisation medicale.
L'assemblee consul-tee ternoigne le desir d'entendre les
observations de M. Duclo, en seance generate, quand
1'ordre du jour sera epuise.
L'ordre du jour est la continuation de la discussion
relative aux enfants trouves.
M. le marquis de Montpezat ( de Blois ) examine les
moyens presentes pour diminuer le nombre des enfants
naturels : il combat principalement ceux qui proposent
de favoriser la precoeite des manages, moyen qui, selon
lui, renverserait notre organisation militaire, serait une
cause d'affaiblissement dans la race bumaine, augmente-
' O
rait la misere en multipliant le nombre des bras, alors qu'on
se plaint de I'insuffisance des salaires; et de Taccrois-
sement de la misere resulterait celui des enfants exposes
ou abandonnes. L'orateur pense que la meilleure ma-
niere de remedier a ces maux serait le developpement
de I'institution des societes de maternite propose par
M. Bergevin. Par cette institution , on resserre les liens
de famille, on moralise, on epure la societe; la malheu-
reuse femme qui a failli est relevee a ses propres yeux,
elle est , en quelque sorte , rehabilite'e ; on diminue le
nombre des enfants exposes et Ton rendprogressivement
les tours inutiles.
M. le docteur Hunault fait observer que dans la dis-
398 ASSEMBLIES Gl-NliRALES.
cussion tons les orateurs ont semble jusqu'ici considercr
les societes de maternite comme appartenant exclusive-
ment a 1'etranger; il appelle 1'attention de 1'assemblee
sur les nombreux services qu'a rendus la societe de cha-
rite mater nelle fondee a Paris par madame la duchesse
d'Angouleme.
M. Vallon ( de Blois ) pense, centre Fopinion de
M. Bergevin, que les tours doivent etre maintenus, et
qu'ils ne sauraient etre convenablement remplaces par
les etablissements de maternite.
M. Vallon conteste 1'exactitude des statistiques invo-
quees par M. Bergevin, en ce qui touclie la mortalite
des enfants deposes dans les tours. II la conteste aussi re-
lativement au nombre comparatif des enfanticides com.
mis dans les villes ou les tours ont etc supprimes et dans
celles ou ils restent maintenus. L'honorable preopinant
pense que la meilleure maniere de prevenir le crime,
c'est de donnerau vice le moyen de ne pas rougir de lui-
meme; mais pour cela, il faut lui laisser V incognito que
lui assure le depot dans les tours; les etablissements de
maternite , quelque discretion qu'ils impliquent pour
des meres coupables, forcent a une adoption qui ne
peut rester long-temps cachee. II est a craindre que plus
<Tune fernme, obeissant aux suggestions toujours si puis-
santes du respect bumain, ne prefere un crime a la pu-
blicite d'une faute qui doit fletrir sa vie. C'est surtout
sous le rapport des liens de famille, que M. Bergevin
vetit creer en faveur des enfants naturels, que M. Vallon
combat la suppression des tours. II regarde comme un
ASSEMBLIES GEN^RALES. 399
malheur pour ceux qui se rendent coupables de la batar-
dise, et en meme temps comme un element effroyable
de discorde pour les families, les etablissements de ma-
ternite.
En offrant aux enfants naturels, dit 1'orateur, plus de chances d'adop-
tion on de legitimation par mariage subsequent , ces etablissements doivent
avoir Tun des deux resultats suivants , selon que le pere de Penfant sera
celibataire ou marie. S'il est cclibataire et que le cri de la nature, excite
par la Mie de son enfant, le determine an mariage qui doit amener la le-
gitimation, il arrivera toujotirs que, clans un acces d'amour paternel, le
pere fera un mariage disproportionne, se commetlra dans une mesalliance .
Or, chacun sait quel est le resultat de ces sorles d'unious qui ne tardent pas a
etre empoisonnees par le remords qu'inspire , ou 1'amour-propre , ou les
interests materials leses. Si le pere de 1'enfaut naturel est marie , les incon-
vcnients qui resulteront de la presence presque eontinuelle de 1' enfant
batard dans le meme lieu qu'habite la famille legitime, seront bien autres
encore. Le coupable de batarclise sera perpetuellement en butte aux re-
proches de 1'epousc legitime, et quelquefois ati mepris de ses propres en-
fants , pour lesquels il sera un example d'immoralite.
Si done les etablissements de maternite ont pour les enfants naturels
1'avantage de leur menager les chances de la famille, ils ont le deplorable
resultat d'y susciter des malheurs et des discordes. Avant de songer a
creer de notivelles families , respectons celles qui existent et n'attentons
pas a leur honneur, a leur repos.
Apres une reponse de M. Bergevin , dans laquelle
Torateur*reprotluit une partie cle ses arguments de la
veille , en y ajoutant quelques developpements , une
discussion s'etablit sur la position de la question ; plu-
sieurs membres proposent de la diviser ; M. Jullien
s'exprime ainsi :
Messieurs , il n'y a point ici deux systemes contraires , comme ont paru
le croire quelques tins de nos honorables collogues ; car, ni dans la solution
proposee par la section, ni dans le projet de M. Bergevin, prcsente sous
400 ASSEMBLIES G^NERALES.
la forme d'amendement , mais qui est a lui seul uue proposition a part et
tres importante , la suppression des tours n'est point demandee formelle-
ment. Sans doute I'orateur en a signale avec eloquence les graves incon-
veaients ; mais il a reconnu lui-meme que la suppression des tours aurait
des consequences plus facheuses encore. Il a demande la fondation et la
propagation d'une institution \eritablement sainte, les societes de pre-
vojance et de charite maternelles , qui pourra nous conduire insensible-
ment a un ordre de choses ou le systeme des tours pourra peu a peu etrc
abandonne.
En attendant que ce resultat si desirable puisseetre realise, les moyens
proposes dans le vote de la section , pour diminuer les abus et les mal-
heurs qui frappent tous les yeux et qui affligent tous les amis de 1'huma-
nite, ces moyens dent Putiiite ue saurait, je crois, etre contestee, amene-
ront des ameliorations progressives, et coutribueront puissamment a la
conservation et an bien-etre des enfants abandonnes.
Je demande done qu'il soil vote a part , d'abord , sur le projet de reso-
lution presente par la section , puis sur le projet additionnel presente par
M. Bergevin, sous forme d'amendement, et qui est, en realite, une pro-
position speciale, tres bonne, tres humaine , tres feconde en resultats, ^t
qui ne detruit nullement les motifs et les iaits allegues dans la solution que
la sixieme section propose.
Apres quelques observations de MM. Simon , cle Mont-
pezat, Porcher (cle Blois) et de Courteilles , les con-
clusions de la commission lui sont renvoyees pour en
faire une nouvelle redaction, etyjoindre l'amendement
de M. Bergevin.
Seance du dimanclie 18 seplembre 1836.
Presence de M. DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
M. de Boistliibault demande que la session du Con-
gres soit prorogee jusqu'au mardi 20 septembre.
M. Gaillard fait observer que 1'assemble'e ayant adopte
ASSEMBLIES GEN^RALES. 401
la veille la conclusion de la commission centrale, il ne
pent y avoir lieu a emettre un vote.
M. Laurent demande qu'au moins il soit tenu , le
mardi , une seance extraordinaire destinee a entendre
les memoires dont la lecture a ete votee et n'a pu avoir
lieu.
Cette proposition est adoptee, et la seance extraordi-
naire fixee a 2 heures du soir.
MM. tie Villiers, de la Tramblais, Desbrosses, Andre,
( de Bressuire ), de Recy et Laurent donnent lecture des
proces-verbaux des sections. M. Laurent termine le sien
en donnant connaissance au Congres de la redaction
adoptee par la 6.e section, pour la reponse a la question
relative aux enfants trouve's.
QUESTION. — « Quellcs sont les causes de 1'augmentation progressive
» des enfants trouves? — Quels sont les remedes moraux a apporter a cette
» plaie publique? — Quels sont les moycns que la societe pent tenter
» pour diminuer les dcpenses qu'elle occasionne ? »
REPONSE. — « Le Congres pense que les principals causes de 1'accrois-
» sement progressif des enfants exposes sont : 1 ,° 1'augmentation des
» naissances naturelles , produites surtout par le pa«jK!risme, le celibat et
» le relachement des liens de famille; 2.° les abus introduits dans les hos-
» pices, soit par la philanthropic mal entendue des administrations, soit
» par la cupidite de beaucoup de femmes qui exposent leurs enfants,
» puis les reprennent comme nouirissons. »
ce Le Congres pense que les reniedes moraux a apporter a cette plaie
» publique consistent : 1 ,° a encourager el propager les etablissements de
» patronage et de refuge, ayant pour objet de recevoir , des leur bas age ,
» les filles pauvres et delaissees , et de les mettre a meme de gagner hon-
» netement leur existence; 2.° a provoquer, encourager et soutcnir par-
» tout les etablissements qui prcscntcrout des garantics suffisantcs pour
28
402 ASSEMBLEES GE"NERALES.
» 1' education des filles ; 3.° enfin a prendre les mesures les plus severes
» pour empecher le melange des deux sexes dans les ecoles.
» Le Congrcs eslime que les moyens qu'on doit employer pour amener
» une diminution de la dcpense des enfants trouves soul: 1.° le retrait des
» enfants de chez les nourrices vers 1'age de 3 ans, pour les placer jusqu'a
» 21 ans dans des maisons speciales d'education et de travail; 2.° 1'emploi
» de tous les moyens possibles pour favoriser les mariages precoces ;
» 3.° d'exiger des nourrices des certificats constatant Petal actuel de leurs
» enfants; 4." a propager et multiplier, autaut que possible , les salles d'a-
» sile ; 5.° d'instituer dans chaque arrondissement un inspecteur ayant
» pour mission , d'abord de visiter les enfants et de veiller a leur bien-
» etre, puis de signaler les abus et de les prevenir.
» Dans 1'etat actuel , le Congres pense que la suppression des tours et
» le deplacement des enfants ont plus d'inconvenients que d'avanlages ;
» mais il emet le voen le plus pressant pour que le gouvernement encou-
» rage puissamment 1'etablissement des societes de charite maternelle, afm
» qu'a 1'institution actuelle des tours, qui a pour effet d'augmenter la
» mortalite et de briser les liens de famille, on puisse progressivement
« substituer le systeme de secours distribues a domicile aux filles enceintes
» et aux filles-meres , systeme qui , fonde sur des principes moraux et re-
» ligieux, presenterait 1'irnmense avantage d'abaisser le chiffre de la mor-
« talite des enfauts naturels , de conserver entre les meres et les enfants
» les liens d'aftection et de famille qui les unissent, et de ne point de-
» truire, an prejudice de ces derniers, les chances de reconnaissance ,
» meme de legitimation dont ils peuvent etre 1'objet. »
Cette nouvelle redaction est adoptee par le Congres.
La deuxieme section propose sur la 5.e question de
son programme ainsi concue :
« Quelle est 1'influence de la culture presque exclusive de la vigne sur
» les moeurs, les habitudes, la prosperite des habitants d'un pays? »
La solution suivante :
«« L'influence de la culture presque exclusive de la vigne rend les hom-
» mes laborieux, industrieux et economes. Elle ne favorise pas les moeurs,
» elle pourrait meme les alterer quelquefois , a cause de 1'agglomeration
ASSEMBLIES GliNERALES. 403
•> des hommes sur des points tres rapproches. — Elle donne aux vignerons
» des habitudes moilie villageoises et moitie urbaines.
» On peut etablir d'une maniere generale que la vigne, peu lucrative
» pour le grand proprietaire qui ne cultive pas lui-meme, est cependant
» tres favorable a la prosperite du pays , dans ce sens que sur une surface
» deterniinee, elle donne des produits qui peuvent subvenir atix hesoins
» d'un plus grand nombre d'individus. »
Gette solution mise aux voix est adoptee.
Sur la 3.e question de son programme concue en ces
termes :
« La prohibition du defrichement des bois doil-elle etre posee comme
» regie ou coinnie exception ? »
La deuxieme section propose cette reponse :
« La prohibition du defrichement des bois ne saurail etre, quant a pre-
» sent, posee comme regie geuerale; mais c'est une exception a la loi ci-
» vile que la societe a le droit d'imposer dans 1'interet de sa conservation.
„ — Cette exception doit s'etendre non seulement aux forels situees sur les
» sommets ou sur les pentes ayant une inclinaison determinee par la loi
» ( par exemp'e , 2 decimetres par metre ) ; mais encore aux departements
» ou les bois n'occupent pas une partie du territoire dont la population
»» serait egalement determiuee ( comme le dixieme ). — La prohibition du
» dessechement doit etre entouree de conditions conservatrices , sans tou-
« lefois porter atteinte au libre exercice du droit de propriele. »
« Le Congres pense que tontes les mesures qui ont pour objet la con-
» servation des bois seront inutiles, si le gouvernement encourage la
» destruction par 1'alienation de 'ses forets avec faculte de defrichement. >»
— Adopte.
L'assemblee adopte egalement cette proposition de la
deuxieme section :
« Le Congres emet le voeu que le gouvernement soil invite a prendre
, » les mesures convenables pour eclairer les proprietaires de bois sur les
» meilleurs moyens de les exploiter, et sur les inconvenients (pril v a a
J 1' - 1 *
» les Uvrer au palurage. »
404 ASSEMBLIES GENERALES.
A la 2.e proposition renvoye'e par le Congres de
Douai a la troisieme section du Congres de Blois, et
ainsi concue :
« Inviter tons les medecins a reunir de nouveaux documents a I'aide
» desquels on pourra determiner les conditions de temps, de lieux, d'in-
» dividus , et les autres circon&tances d'oii resulte Hneificacite de la vac-
» cine, »
La troisieme section a fait cette reponse , qui est ap-
prouvee par le Congres :
« Les circonStances de temps, de lieux, d^ndividus, sont sans influence
» sur 1'efficacite de la vaccine. Le temps n'a pas fait perdre au virus-vac-
» cin de son efficacite. »
La proposition suivante, soumise a Tapprobation du
Congres par la troisieme section, est egalement adop-
tee :
« Le Congres demande qu'un homme special soil charge de constater
» les deces , et qu'une salle mortuaire soit construite pour recevoir, pen-
» dant 24 heures , les corps avant d'etre mis en terre. »
M. le president donne lecture de la resolution de la
sixieme section sur cette question adressee par la soeiete
de statistique de Marseille :
« Quels sont les resultats moraux et agricoles du morcellement de la
» propriete ? »
REPONSE. — « Le Congres estime que le morcellement de la propriete
» a pour resullats moraux : d'attacher le citoyen au sol , de lui inspirer
» des idees de prevoyance, et d'entretenir 1'esprit de famille; pour resul-
•> tats agricoles : d'augmenter la production , et de creer pour le pays une
» plus grande masse de richesses. »
ASSEMBLIES G£NE~RALES. 405
L'assemblee adopte egalement une autre resolution
proposee par la meme section sur cette proposition de
M. de Boisrouvray ( de Ghartres ) :
« Trouver une repartition equitable des charges qui resultent des loge-
»> ments militaires , charges qui , dans 1'etat actuel , ne pesent qae sur un
» petit nombre d'individus. »
RESOLUTION. — « Le Congres reconnait que les logements de guerre
» a domicile sont une charge aujourd'hui inegalement supporfee. — II
» emet le voeu que le gouvernemeut propose aux chambres des mesures
» legislatives au moyen desquelles la depense fut a la charge des departe-
» ments traverses. »
D'apres la demande de la quatrieme section, le Con-
gres prononce le renvoi a la session suivante de cette
question :
« Rechercher 1'origine de la feodaUte. — Determiner les causes et les
» epoques de ses progres , de sa decadence. »
En conformite avec la 15.e question du programme
de la quatrieme section , et sur la demande de cette sec-
tion ,
« Le Congres provoque la confection de bibliographies locales, et in-
» vite les savants a donner 1'histoire de 1'imprimerie dans les diverses loca-
» lites. »
M. de Boistbibault lit un memoire sur 1'etat de la
presse en France; I'asseml^lee en vote 1'impression a la
suite du compte-rendu.
M. Merson donne lecture d'une reponse au memoire
de M. de Boisthibault.
406 ASSEMBLIES GEiNEHALES.
M. cle Courteilles lit un autre travail sur le nienie
sujet,
L'ordre du jour etant epuise, M. Duclo reclame la
parole, relativernent a la question de la liberte de
1'exercice de la medecine, question ecartee par la troi-
sieme section , et prononce un discours dont la subs-
tance est, que les de'couvertes medicales ne peuvent
etre jugees, en definitive, que par leurs resultats com-
pares aux effets des autres medications , et qu'il ne s'agit
pas de changer le mode d'examen de ces decouvertes;
mais que settlement , pour garantie, il faut y ajouter,
comme aux assises, la presence du jury.
Apres une courte refutation par M. le docteur Leon
Simon , 1'ordre du jour est prononce.
Seance du huidi 19 septembre 1836.
Preside/ice de M. DE LA PLACE DE MONTEFRAY.
MM. de Villiers, de la Tramblais, Desbrosses, du
Plessis, de Recy et Laurent donnent lecture des proces-
verbaux des sections.
Le Congres adopte les reponscs suivantes, faites par
la deuxieme section aux 6,e et 10.e questions de son
programme :
« La'grelie do la vigne est encode pen pralkpiee dans les viguohles des
ASSEMBLIES GENERALES. 407
bords de la Loire, mais elle a 1'avantage d'etre pen coutcuse, et d'aug-
meiiter a-la-fois la quantite et la qualite des produits. »
« Le Congres pense que 1'une des causes de la diminution de 1'impor-
tance individuelle et commerciale du bassin de la Loire est la diffieulte
apportee dans la navigation du fletive par 1'encombrement de son lit ct
la mobilite des sables qui 1'obstruent. L'action mecauique des appareils
propres a dcbarrasser le loud de la riviere semble etre le moyen le
plus convenable de faire disparaitre la cause que Ton vient de signaler,
et , sous ce rapport , le Congres desire qu'il soil fait uu essai du bateau-
herse propose par M. le comte de Calonne. »
En conformite avec la proposition faite par la deu-
« Le Congres emet le vceu que le gouvernement prenne les moyen s
» d'assurer le plein et entier usage du systeme mctrique des poids et
» mesures, en cessant de tolerer les mesures batardes qui sont en desac-
» cord avec ce systeme , et qui font avec les anciemies mesures une inex-
» tricable confusion. »
La discussion sur la 9.e question du programme de
la sixieme section a engage cette section a soumettre a
1'assemblee la proposition suivante :
« Le Congres croit pouvoir indiquer les mesures qui suivent comme
les plus efficaces pour detruire la mcndicite : N
» 1.° Assurer du travail aux pauvres valides , des secours a domicile,
» ou des asiles communs aux pauvres hors d'etat de travailler; 2.° fonder
» des societes de patronage et d'assistance pour les orphehns et les en-
» fants abandonnes qu'elles s'occuperont de placer en apprentissage au-
» pres d'ouvriers peres de famille; 3.° etablir des colonies agricoles et
» industrielles pour y placer les hommes valides qui auront ete trois fois
» repris de justice pour vagabondage. » — Adopte.
Differentes propositions relatives a 1'abolition de la
peine de mort sont presentees au Congres, qui ordonne
403 ASSEMBLIES GENERALES.
que la discussion soit ouverte cle nouveau. M. de Pe'tigny
monte a la tribune.
L'honorable orateur, dans line chaleureuse improvi-
sation , dont il nous est impossible de reproduire les
termes, demande que la peine de mort ne soit jamaisap-
pliquee pour les crimes politiques. Les paroles eloquen-
tes de M. de Petigny sont couvertes d'unanimes applau-
dissements.
M. de Boisthibault a la parole.
L'orateur declare vouloir combattre cette proposition
de la sixieme section , que dans 1'e'tat actuel des choses
la peine de moTt,par la crainte quelle inspire aux hom-
ines , est propre a diminuer le nombre des crimes qu'elle
est destinee a reprimer. Apres avoir recherche si la
societe a le droit d'infliger cette peine, ce qu'il con-
teste, il examine quels seront les effets de la peine de
mort, et se resume en ces termes :
1.° Intimide-t-elle? — II est avoue par tous les publicistes que 1'intimi-
dation ne resulte pas de la severite de la peine; notre ancienne legisla-
tion criminelle en est un exemple frappant. La torture et les supplices de
1'epoque ont-ils jamais intimide le coupable? Sous Louis XIV, alors que
les edits centre les duels punissaient cruellement les duellistes, les duels
furent-ils moins uombreux? aucontraire, ncsait-on pas, de nos jours, que
la legislation qui a adouci les peines portees par notre code penal a amene
une diminution sensible dans certains crimes. Il faut done, pour retenir le
coupable, que la peine soit en rapport avec nos moeurs, autremeut elle
n'est nullement propre a le repriiner.
2.° Est-elle efficace? — Chaque annee nos statistiques ne presentent-
ellcs pas, indcpendamment du cbiffre an moins cgal des crimes punis de
la peine capitale, des recidives en si grand nombre qu'on s'etonne de
rinefficacite de la peine. Ajoutons qu'il est des cas pour lesquels il fan-
ASSEMBLIES GENERALES. 409
drait a toujours abolir la peine de mort; nous voulons parler des crimes
politiques. En politique comme en religion , la mort est le moyen le plus
propre a fauatiser les parlis au lieu de les calmer.
3.° La peine de mort demoralise la societe. — Nos gouvernants ne le
reconnaissent-ils pas comme nous, alors que sur 150 condamnations a
mort prononcees chaque annee , uu tiers est mis a execution. Les execu-
tions n'intimident pas, c'est un spectacle, un attrait pour la curiosite;
dans les bagnes , ou Pautorite a donne a ces executions quelque chose de
dramatique, les meurtres n'en sont pas moins frequents : une execution
n'intimide pas les forcats. Jadis , le jour d'une execution etait un jour de
marche, on executait a midi, coram populo..., aujourd'hui on choisit le
jour ou il y a moins d'individus reunis , on eloigne de nos villes. le lieu de
1'execution, le supplice a lieu le matin, comme pour ne pas attrister le
regard du peuple... On concoit que la vue du sang le demoralise et le
rend insensible en le voyant couler.
N'est-ce rien que de penser qu'avec la peine de mort la societe, faiV-
lible comme 1'homme, peut condamneE un innocent! Ge seul fait possible
ne doit-il pas repondre aux partisans du maintien de la peine de mort ?
Ajoutons que 1'homme coupabie peut se repentir; Dieu lui pardonne, et
la societe le condamne
Mais, dit-on, en abolissant la peine de mort, la sociele reste desarmce
en presence du crime. Ne reste-t-il pas le regime penitentiaire dont les
puissants resultats sont aujourd'hui reconnus en Suisse , en Angleterre et
en Amerique? En France, le gouvernement en est si bien convaincu qu'il
a etabli le penitencier de Saint-Germain pour les militaires, qu'on en pre-
pare un a Limoges , et que dans plusieurs villes de France on retablit les
prisons sur le modele des penitenciers. Catherine II , pour la Russie , la
Louisiane, la Toscane , n'ont-elles pas aboli la peine de mort,et signale-t-oa
les abus qui seraient resultcs de son abolition.? Le plus grand ennemi de
toute reforme , c'est la peur ; c'est centre elle que nous combattons , et ,
en verite , doit-elle compter pour quelque chose dans la conscience de
1'homme de bien?
M. Bergevin demande la parole pour un fait person-
nel. II n'avait pas, dit-il, I'intention de prendre part a
cette discussion j et s'il n'eut ete personnellement designe
dans (juelques uns des arguments developpes par M. de
410 ASSEMBLIES GI^NERALES.
Boisthibault , il eut laisse an sens droit cle Fassemblee le
soin cle repondre aux objections de Thonorable membre
par une eclatante approbation clonnee a la proposition
de la sixieme section. II rappelle somrnairement les con-
siderations que ses amis et lui ont fait valoir dans le sein
de la section.
Nous pensons, ajoute-t-il, que, dans Petal actuel des chases, le main-
lieu de la peine de mort est uue necessite sociale ; que si elle n'existait
pas, le nombre des crimes qu'elle est destinee a reprimer, tels que les
assassiuats , les empoisonnements , les incendies , etc. , seraient beauconp
plus nombreux qu'ils ne le sont acfiiellemeut , que lei criminel qui af-
tronte avec sang-froid les bagnes, meme a perpctuite, est souvent arrete
dans la perpetration et le developpement de ses forfaits par la seule crainte
de la peine de mort ; qu'un grand nombre de crimes demeurent des cri-
mes du second ordre, que 'beauconp de vols ne vont pas jusqu'a Passassi-
nat, parce que leurs auteurs n'ont point ose braver la peine capitale.
Ce n'est pas que nous appellions de cette peine nne frequente applica-
tion ; loin de la , nous voudrions qu'elle ne recut que trcs rarement , el
dans les cas les plus graves , son execution. Mais ce que nous voulons , ce
que nous croyons indispensable a 1'ordre et au repos public, c'est son
Inscription dans la lol , c'est la possibilite de son application ; c'est qu'elle
soil toujours en perspective aux bommes assrz pervers pour mcditer et
executer les forfaits qu'elle est appelee a reprinier. Cela seul suffit ; le but
est atteint.
En vain dira-t-on que bien des gens ignorent que cette peine s'applique
a tel on tel crime, que des-lors, pour ces individus, elle esl sans effica-
cite; c'est une erreur : il n'est personne, quelque faibles que soient ses
tacultes, qui ne sacbe que la peine de mort est la punition du parricide,
de 1'assassinat, de 1'empoisonnement ; ce sont la de ces idecs qui sont,
pour ainsi dire , innees dans I'inlelligence de 1'homme, et c'est cvidem-
ment a la crainte qu'elles inspirent qu'oii doit le fuible nombre de ces
crimes.
L'orateur repousse egalementrargument tire de Tinef-
ficacite de la legislation sur le duel. II ne pense pas qu'on
puisse induire de ce qui se passe a 1'cgard des duels
ASSEMBLIES GENE" RALES. 411
aucune consequence applicable aux crimes atroces dont
il a deja parle.
Le principe des uns et des autres , ajoute-t-il , est tellement different ,
qu'il ne pent jamais y avoir analogie. Sans doute, les peines, quelque
graves qu'elles soient , peuveiit , dans certains cas , ne pas empccher ce
qu'un faux point d'honneur parait, si Ton veut, exiger; mais leur intimi-
dation sera toujours puissante et ei'ficace pour arreler des actions qui pren-
nent leur source dans les sentiments les plus bas et les plus degrades du
coeur humain. A ces actes il faut opposer des peines terrifiantes ; il faut
bannir, pour ceux qiii seraient tentes de s'en rendre conpables , toute es-
perance de pouvoir un jour jouir du fruit de letirs forfaits. Seule, la peine
de mort eutraine cet effet , et quant a present , dans notre ordre social , il
n'est pas de bagnes, de prisons, de penitenciers qui puissent y suppleer.
Quant au reproche de demoraliser la societe , je ne comprends pas
qu'une peine qui est le plus puissant obstacle oppose au crime puisse de-
moraliser la societe. Les exemples d'executions dans les bagnes me parais-
sent aussi on ne pent moins concluants : tout ce qu'on pent en inferer,
c'est qu'il y a des homines assez pervers pour ne pas se laisser arretcr
meme par la craiute de la mort. Mes amis et moi n'avons jamais pretend u
que la peine de mort dut avoir pour resultat absolu d'empeclier la perpe-
tration de tons les crimes qu'elle est destinee a reprimer ; nous pensons
seulement que , sans elle , les menies crimes seraient infmiment plus fre-
quents.
,
Apres diverses autres considerations ,1'orateur declare
qu'il ne combattra pas 1'amendement propose par M. de
Petigny sur les crimes et delits politiques. Mais il pense
qu'il faut faire une distinction , et il ne doute pas qu'elle
soil dans 1'esprit de M. de Petigny, entre les fails pure-
ment politiques et les attentats contre les personnes.
Au surplus, ajoute 1'orateur, je suis heureux de pouvoir faire unescm-
blable declaration de ce siege d'ou jamais, pour des faits politiques, n'a
cte prononcee une condamnation capitale.*
* Aucune peine capitale n'a cte prononcee aux diverges assises tonnes a Blois pour
le jugemeiit des aflfaiies de TOiK'st. 1VI. Uergeyui presidait les assises de i83a.
4 12 ASSEMBLEES GENERATES.
M. de Petigny s'empresse de declarer qu'il n'a jamais
entendu parler que des crimes politiques autres que
1'assassinat.
M. le docteur Simon demande que la question soit
renvoyee au prochain Congres, la solution de la ques-
tion n'ayant pas ete motivee sur des faits assez nom-
breux. Les consequences de 1'abolition de la peine de
mort, dans certains pays, n'ayant pas ete connues suf-
fisamment, la question n'a pas ete bien etudiee, et il est
d'uii interet moral de la renvoyer au Congres de Metz ,
afin que d'ici la des renseignements precis puissent etre
rassembles.
Apres une vive discussion, a laquelle prennent part
MM. Hunault de la Peltrie, Dain, Jullien (de Paris),
Porcher, de Courteilles, Chatelain etBergevin, le ren-
voi est repousse^ et la redaction suivante, proposee par
M. Porcher , est adoptee :
« Le Congres declare que, dans Petal actuel de la societe, la peine de
» mort, par la crainte qu'elle inspire aux hommes, est propre a diminuer
» le nombre des crimes qu'elle est destinee a reprimer; il emet le voeu
» que cette peine ne soit appliquee que le plus rarement possible et pour
» les cas les plus graves , et jamais pour les crimes politiques autres que
» Tassassinat. »
Cette decision excite quelques reclamations dans 1'as-
semblee. M. Herpin (de Chateauroux) demande que les
noms des membres qui protestent contre elle soient
inscrits au proces-verbal. Cette demande est ecarlee.
M. Jullien desirerait qu'un amendement fiit joint a la
decision que vient de prendre le Gongres, afin qu'en re^
ASSEMBLIES GENERALES. 413
pondant au besoin du present , on laisse an moins une
esperance pour lavenir.
La discussion ayant etc fermee par 1'adoption de la
proposition, 1'assemblee passe a 1'ordre du jour.
M. de Boisthibault donne lecture d'un rapport au
nom de la commission chargee par la sixierne section
de visiter le prytanee de Menars.
Messieurs, 1'un de nos honorables collegues, M. le prince de Chimay,
a exprime le desir qu'une commission , choisie parmi les membre de la
sixicme section du Congres , visitat le prytanee de Menars : vous vous
etes empresses de repondre a ce desir, aussi honorable pour son auteur
que pour vous. Votre commission s'est transportee hier a Menars pour
s'acquitter de la mission que vous lui aviez confiee; elle m'a fait I'honneur
de me nommer son rapporteur; je viens vour soumettre mon travail. Pour
vous mettre a meme d'apprecier 1'utilite du prytanee de Menars, nous
diviserons notre rapport en deux parlies : nous examinerons d'abord
1'etat materiel de cet etablissement ; nous vous parlerons ensuite du sys-
teme d'enseignement qu'on y suit.
M. le prince de Chi may a fonde cet etablissement en 1832. Grande et
noble idee, puisqu'elle a pour objet de repandre 1'instruction ! Vous
concevez ce que la fondatton a du router de sacrifices et d'etudes: que
d'observations exige 1'enseignement ! A examiner celte maison d'apres les
details dans lesquels M. de Chimay est entre devant la commission , on
pent dire qu'il est difficile de rencontrer des previsions qui se soient
mieux venfiees, comme aussi une appreciation plus judicieuse des besoins
des eleves. Les salles d'etudes, les refectoires, les dortoirs sont remarqua-
bles par I'beureuse disposition des locaux , la salubrite qu'on y remarque ,
le gout parfait dans 1'ameublement : les lits sont tous en fer et d'un mo-
dele elegant. A chacune des extremitcs des dortoirs sont les places des
surveillants qui, de leurs lits, voient les eleves et les observent. En hiver,
des caloriferes entretiennent dans les dortoirs une chaleur temperee. L'in-
firmerie est pourvue de tout ce qui est necessaire a ses besoins, d'une
salle de bains, d'une pharmacie. Une salle est specialement destince a
l'escrime , a la gymnastique ; de meme que dans les cours on a etabli des
414 A SSEMBLI': ES G£N£R ALES.
apparoils dans le genre do oeux du colonel Amoros. L'education , en exer-
canl 1'esprit , doit tendre a developper le corps.
Si nous devons jnger de la tenue des eleves par ceux en tres petit
nombre que nous avons trouves an prytanee do Menars , nous dirons quo
colte tenue est excellente. L'epoque des vacances ne laissait dans 1'elablis-
semenl que les eleves appartcnant a des pays fort eloignes.
Le materiel nous a paru dans 1'etat le plus satisfaisant , et nous devons
snrlout faire remarquer que le prytanee est eclaire dans toutes ses parties
par le gaz obtenu de 1'huile de ricin, et qui donne la lumiere la plus
pure et la moins offensive pour la vue.
Mais ce qui a surtout fixe 1'attention de la commission , c'est , a cote
de I'instruction destinee a celui qui a le moyen de la payer, le droit re-
connu a ceux qui ne 1'ont pas de 1'acquerir egalcment. Sous la denomina-
tion d'ecole de pionniers, M. do Chimay a forme en realite une ecole
des pauvres. Us sont loges, nourris et vetus aux frais de la maison, puis
reparlis dans les difterents ateliers. Leur apprentissage est fixe a trois ans.
Us recoivent en meme temps I'instruction religieuse et primaire. Nous
avons vu le produit des travaux des eleves, comnie tailleurs, cordonniers,
etc. ; nous nous sommes convaincus de leur bonne confection. C'est la une
conception genereuse, car c'est surtout envers la classe pauvre que la so-
ciete est redevable de I'instruction primaire; tons les efforts du gouverne-
ment justificnt cette proposition. Deux ministrcs du culte , 1'un catholiquc
et 1'autre protestant, sont attaches au prytanee.
Nous regrettons vivement que 1'ecole des arts et metiers ait etc suspen-
due; c'etait une creation des plus philanthropiques dont nous avons pu re-
connaitre les excellents resultats. On enseignait dans cette ecole 1'etat d(>
cbarron , de carrossier, de menuisier-ebeniste , de menuisier en voitures ,
de forgeron , de serrurier en voitures, etc. Nous avons vu des meubles de
palissandre, incrustes de bois de houx, parfaitement travailles, et acheves
comme 1'eussent fait rios meilleurs ouvriers ebenistes de Paris. Nous avons
vu d'autres objets confectionnes avec le meme soin et le meme gout.
Tels sont, messieurs, les renseiguements que nous avons pu recueillir
au milieu de nos travaux si multiplies , sur le prytanee de Menars. C'est
avec une veritable satisfaction que nous vous en rendons compte ; ils te-
•moignent d'une idee generale et avancee, celle d6 propager l'instruction
dans les classes les plus pauvres de la societe. Pourquoi n'ajouterions-nous
pas que 1'on ne pent visiter Menars sans trouver dans cette visite i\n haul
enseignement. C'est une rpoque heureuse que celle dans laquelle nous
\ivons, entre Thomme favorise de la fortune et celui qui n'a qu'un patri-
ASSEMBLIES CtflNE" RALES. 415
moine modesle, il y a meme instruction, meme rivalite, celle de pro-
pager la science et de repartir des counaissances utiles entre tontes les
intelligences... II n'en est pas un panni nous qui, en voyant Menars an
milieu des souvenirs frivoles d'un temps, deja loin de nous, n'ait ete heu-
reux d'y rencontrer, un elablissemeiit utile, des institutions liberates, une
noble dispensation de la richesse, et de constater ainsi les progres du
siecle!
M. Guerin d'Ogonniere, secretaire perpetuel de la
societe royale d'agriculture de Loir-et-Cher, donne lec-
ture du rapport suivant sur le concours de charrues qui
a eu lieu dans la matinee :
Le 19 septembre 1830, a huit heures du matin, la commission pour
le concours de charrues s'est reunie an lieu indique par le programme.
Quatorze concurrents s'elaient fait inscrire chez le secretaire perpetuel de
la societe d'agriculture de Blois, mais huit seulement se sont presentes
savoir : l.° Antoine Lejeau , laboureur de M. le vieomte de Maupas, avee
une charrue du pays, moaifiee et attelee de deux chevaux ; 2.° Dorleans,
laboureur de M. Marie, cultivateur a Cheverny, avec une charrue beige
a deux chevaux; 3.° Nicolas, laboureur de M.me la eomtesse de Sainte-
Aldegonde, avec une charrue americaine a deux boeufs ; 4.° Pierre Hes-
nault, cultivateur a Sassay , avec une charrue beige a deux chevaux;
5.° Bruere, cullivateur et charron a Fosse , avec une charrue du pays, a
grandes rouelles, et attelee de deux chevaux; 6.° Nothum , laboureur de
M. Durand de la Basme, avee une charrue beige modifiee, a deux che-
vaux; 7.° Alexis Mauguin, cultivateur a Saint-Gervais , avec une charrue
legere, a un cheval ,executeepar lui-meme, mais presentee attelee de deux
chevaux; 8.° Pierre Sarron, cultivateur aux Granges, avec une charrue
du pays attelee de deux chevaux.
Les operations terminees , le jury a cru devoir decerner les recompen-
ses dans 1'ordre suivant : l.er prix de charrues, consistant en une charrue
Dombasle et une inedaille d'argent, a M. Durand de la Basme ; 2.e prix ,
charrue beige modiliee et medaille ' d'argent , a M. le vieomte de Maupas.
Le premier prix de labour a ete adjuge au sieur Lejeau, qui conduisait la
charrue de M. de Maupas, et le second a Nothum, c.onducteur de la char-
rue de M. Durand. Quant aux accessits, la commission, pressee par le
416 ASSEMBLEES GENERALES.
temps, a dii ajourncr sa deliberation a cet egard, et prier la societe d'a-
griculture de Blois d'en fa ire la distribution ulterieuremeut.
Parmi les instruments aratoires et d'economie rurale presentes a la com-
mission , elle a distingue : 1 ,° line pelle-beche a deux brancards ou man-
sins, tiree par deux boeufs , importee des Elats-Unis, servant aux deface-
ments de terre et a confcctionner les routes dans les terrains legers ,
presentee par M. de Boisaubin; 2.° nne houe a cheval , propre au binagc
des racines et meme a la culture de la vigne, et attelee d'un seul cheval ,
prese-utee par M. Durand, qui 1'a fait executer sur ses dessinspar le sieur
Bonhus. Deux medailles de bronze ont etc offertes a MM. de Boisaubiu et
Durand par M. Chatelain, au nom de 1'academie de 1'industrie mauufac-
turicre et agricole. Deux medailles d'argent ayant etc raises a la disposi-
tion de la commission, 1'une par M. Lair, represcntant au Congres la so-
ciete d'agriculture de Caen , 1'autre par M. Chevereau , representant de
la societe d'agriculture d'Evreux , le jury a decerne la premiere de ces
medailles a M. Mirault,.mecanicieu a Saint-Aignan, et auteur d'un hache-
paille , d'un coupe-racine et d 'a tit res instruments d'economie rurale per-
fectionnes; et la deuxieme a M. Besnard ( de Romorantin ), fabricant
^'instruments aratoires de tout genre.
Les conclusions clu rapport sont adoptees par le Con-
gres, et les recompenses distribuees par M. le president.
L'ordre du jour etant epuise, M. le president de-
mande la parole, etprononce le discours suivant :
Messieurs, elle est grande, elle deviendra fecoude en resultats utiles,
la pcnsce de ceux qui , les premiers, concurent le projet des Congres scien-
tifiques.
Exposer les bases sur lesquelles est assise 1'organisation de ces impo-
santes assemblies , ce sera signaler les avantages qu'on a droit d'en at-
tendrc.
Gbaqtie annee sont comics en reunion generale, avec les hommes
cbarges de bautes fonctions, les amis des sciences qui eclairent et instrui-
sent, des lettres qui charmeut et consolent, et des arts qui embellissent
la vie; et c'est vers ces trois directions que sont ameues les travaux dont
le Congres s'occupe. En exclure toute discussion politique fut un acte de
sagesse et de haute prcvoyance , mais e'en est un de patriolisme bien pur
ASSEMBLIES G^NERALES. 417
ile provoquer 1'emission de toutes les idees qui peuvent tendre a ameliorer
notw legislation et a simplifier notre sysleme administratif , d'inviter les
membres du Congres a proposer ce qu'ils croient bon dans les interets
des sciences, de Tagriculture, du commerce, des arts et de 1'industrie , et
enfin tout ce qui petit aider le pays a sortir de 1'etat d'inquietude et de
malaise mi depuis trop long-temps il se trouve place.
Tel est le but que veut atteindre 1'institution nouvelle dont trois essais
successifs en France out prouve Futilite. Esperons que la session de 1836
aura confirme les heureux presages que les premieres avaient fait conce-
voir.
Que la France continue a etre exploree par des reunions de cette na-
ture, qu'elles aient lieu successivement dans ses differentes contrees; que
des bommes qui, egalement ammcs du desir de ramener 1'ordre et 1'union , ne
different que siw le choix des moyens propres a les obtenir, se reunissent pour
discuter avec franchise et convenance leurs idees , les peser , les murir ,
les echanger; alors s'etabliront entre tons les hommes de bien et de talent
des relations qui, nees dans les Congres, conservees par les souvenirs,
entretenues par les correspondances , propagees par 1'ascendant que 1'es-
prit et la raison finissent toujours par obtenir sur les populations, parvien-
drorit enfm ( nous en concevons I'espoir ) a ramener parmi les habitants
de ndtre belle pa'trie ce calme de 1'ame , cette tranquillite de 1'esprit qui
opposeut la plus puissarite des digues a 1'invasion du torrent devastateur
de 1'anarchie.
Oui, messieurs, elles doivent avoir, elles auront un terme, ces fluc-
tuations, ces incertitudes, ces craintes, ces divisions qui, depuis pres d'un
demi-siecle , afQigent les vrais amis de leur pays ; et quel moyen plus pro-
pre a hater ce -moment si desire que le rapprochement des hommes sous la
triple banniere des sciences , des lettres et des arts; ces trois grandes
puissances ont seules cree la civilisation , seules elles peuvent la conserver
ou y ramener. On sera bien mieux dispose a s'entendre en politique quand
on aura concouru loyalement a tout ce qui tient a 1'ordre social sous les
rapports moraux , intellectuels et aftistiques.
II etait bien naturellement appele a donner une bienveillante hospitalite
a une reunion de ce genre, le Blaisois , pays riche en beaux souvenirs
historiques et litteraires , ou tant de sites delicieux reclament la palette et
les pinceaux du peintre; tant de monuments remarquables , le crayon et
la plume de I'archeotogue ; tant de champs feconds en produits varies , les
observations, les recherches , les descriptions, les instruments du geologue,
du naturaliste, du botanisle et de 1'agriculteur. Les liaisons d'estime et
39
418 ASSEMBLIES G^NE" RALES.
d'amitie qui se sont formces dans cette enceinte pendant notre reunion
sont du nombre de celles qu'on u'oublie jamais , parce qu'elles out passe
par le coeur avant d'arriver a la memoire. Elle nous out fait acquerir celte
douce conviction , que la nation francaise a su conserver dans toute sa pu-
rete native , cette urbanite qui la caracterisa a loutes les epoques et dans
toutes les circonstances ou les passions irritantes ue sont pas venues desunir
les enfants d'une meme patrie.
C'est a cette urbanite, dont 1'ancienne et noble cite de Blois a su si reli-
gieusement garder le depot et transmettre les traditions , que les membres
du Congres doivent 1'agreable accueil qu'ils ont recu du chef si judicieux.
et si eclaire de radministration de Loir-et Cher, des differentes autorites
de cette ville et de tous les Blaisois , et c'est pour le Congres dont je suis
1'organe , un devoir et un besoin de ne pas clore sa session sans leur eu
exprimer sa vive reconnaissance.
Qu'ils en recoivent aussi 1'assurance , ces savants insulaires , fils d'une
nation qui a abjure ses haines anciennes, et qui se sont si franchement,
si utilement associes a nos deliberations.
Que mes collegues du bureau , qui si souvent ont bien voulu me rem-
placer dans des fonctions dont une irritation de poitrine si inopportune-
ment survenue ne m'a pas permis de satisfaire toutes les exigences, re-
coivent ici mes remerciments pour la bienveillante complaisance avec
laquelle ils m'out supplee ; qu'ils recoivent aussi ceux de 1'assemblee entiere,
pour la bonne direction qu'ils ont donnee aux discussions et pour 1'im-
partialite avec laquelle ils ont regie les debats.
Le Congres a aussi des graces a rendre a la commission d'organisation ,
composee d'hommes aussi instruits que zeles, qui s'est occupee avec tant
de discernement du soin d'approprier a nos exercices les locaux que la
magislrature et le corps municipal de cette ville ont si obligeamment mis
a notre disposition , et de celui de reunir et de classer tout ce qu'une cor-
respondance active et variee a procure de documents precieux.
Que nos remerciments soient aussi agrees par le jeune et savant anti-
quaire , par le litterateur distingue , qui , secretaire general de celte ses-
sion , a retrace le recit de vos seances avec cetle clarte et cette grace de
style que vous etes habitues a louer dans les ecrits dont il enrichit notre
France savante et litteraire.
Qu'ils entrent aussi en partage de notre reconnaissance et de nos re-
merciments les secretaires qui lui etaient adjoints , et les secretaires par-
ticuliers des sections , dont certes les proces-verbaux ne seront pas la
partie la moins remarquable du compte-rendu de nos travaux.
ASSEMBLIES G^NERALES. 419
Et moi , messieurs , qui ne dois vos honorables et bienveillants suffrages
qu'aux egards dont vous vous plaisez a entourer 1'age avance , et peut-
ctre aussi a quelque souvenir de la bonne volonte , de la franchise et du
devouement dont jadis j'ai pu offrir a ce departement quelques temoi-
gnages , daignez agreer 1'expression de ma gratitude pour la confiance dont
vous m'avez honore dans cette session. Le souvenir en restera eternelle-
ment depose dans mon coeur ; il fera le bonheur du petit nombre de jours
dont la jouissance pourra encore m'etre accordee.
Les liommages et les remerciments du Congres doivent aussi etre of-
ferts a celte precieuse moitie du genre humain destinee a diriger nos pre-
miers pas dans la vie, a en embellir le cours, et a nous offrir dans les
temps difficiles des consolations et souvent de sages conseils. Nous remer-
cions les dames blaisoises de leur assiduite a nos seances generales. Elles
ont prouve, en les embellissant par leur presence, que si la litteralure ,
et les maticres de gout sont ce qui est le plus approprie aux habitudes de
leur sexe , il sail cependant se placer et se maintenir dans une sphere
plus elevee, toutes les fois qu'il s'agil des interets , du bonheur et des
gloires du pays.
Messieurs , la 4.e session du Congres scientifique est terminee , la 5. c ses-
sion s'ouvrira a Metz an commencement de septembre 1837.
Le discours cle 1'honorable president est accueilli par
de vifs applaudissements.
Le president ,
Le secretaire general, DE LA PLACE DE MONTEVRAY.
L. DE LA SAUSSAYE. Les vice-presidents ,
Le secretaire-adjoint, L. BERGEYIN,
A. LEROUX. EM. GAILLARD.
420 STANCE LITTE'RAIRE.
e *•»• *•*•»••••••••• ••••«•*••••«*•»*»• .«•«»«•«
SEANCE L1TTERAIRE DU 20 SEPTEMBRE.
La seance a etc consacree a entendre les morceaux
suivants :
1.° Une Exposition d'un nouveau systeme pour V ens ei-
gnement des langues, parM. 1'abbe Latouche (de Paris);
2.° un Discours en faveur de V abolition de I'esclavage,
prononce par M. Jullien ( de Paris ) , au nom de miss
Knight , anglo-ame'ricaine , de la secte des Quakers ;
3.° une Exposition , en vers, par M. le vicomte de Car-
bonnieres (de Blois), de ses Doctrines poetiques; 4.° une
traduction en vers, par M. Turpin ( de Blois), du Mono-
logue sur V immortalite de Vaine, extrait de la Trage'die
de Caton , par Adisson ; 5.° un fragment d'une Epitre a
iiiadaine laprincesse Constance de Salm, sur la tendance
progressive de Vhumanite } par M. Jullien; 6.° La Fille
d'Eve, conte en vers , par M. Turpin ; 7.° une piece de
vers intitulee : Arthur, chronique normande , adressee
au Congres par M. Wains-Desfontaines(de Caen), poete
deux fois couronne par 1'academie de Rouen; 8.° un
Resume des travaux du Congres ,e\, un Discours, au nom
de la Societe des Sciences et Lettres de Blois , adresse
aux etrangers qui ont assite a la reunion, par M. du
Plessis ( de Blois ) ; 9.° une Allocution en reponse au
discours de M. du Plessis, et comme remercimeiit des
etrangers qui ont pris part aux travaux du Congres, par
M. le vicomte de Courteilles*.
* La commission d'impression a regrette de ne pouvoir donner dans son compte-
rendu ces differents niorteaux qui out ete vivement applaudis , mais qui sorteut des
travaux du Congris.
M^MOIRES ET DISCOURS. 421
MEIIOHVES ,
DISCOURS ET PIECES DETACHERS,
DOTTT LE CONGRES A VOTE I/IMrRESSIOW
A LA SUITE DU COMPTE-RENDU DE SES TRAVAUX.
DBS
INHUMATIONS PRECIPITEES ,
CONSIDEREES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LA MEDECINE LEG ALE ET 1A
MORALE PUBLIQDE;
f)ar Jit. U B.r
LE danger des inhumations precipitees a sou vent etc le sujet des medi-
tations du moraliste et du medecin. II a fourni matiere , depuis plus d'un
siecle, a bien des memoires , a bien des theses ou des dissertations plus ou
moins savarites, plus ou moins remplies de verites importantes, et dans
lesquelles les droits imprescriptibles de rhumanite et le respect du aux
morts s'unissarent pour reclamer une nouvelle legislation funeraire. Mais
tel estrempiredel'habitude,telle est la force del'usage et la lenteur de la
marche de I'esprit humain, que les choses sont demeurees dans le memeetat',
que les memes abus subsistent toujours , et que peut-etre ils subsisteront long-
temps encore. Cependant nous sommes arrives a une epoque ou les lu-
mieres , en penetrant dans toutes les classes de la societe , eclairent les
hommes sur leurs veritables interets , et ou le besoin des reformes se fait
senlir de toutes parts. Nous sommes arrives a une epoque ou les gouver-
422 MEMOIRES ET DISCOURS.
nemculs ne peuvent plus reculer devant les sollicitations pressantes des
peuples , lorsque le flambeau de la science a la main , ils reclament des
institutions grandes , philanthropiques et vraiment libcrales, dans la stricte
et noble acception de ce mot. Ne nous lassons done point de faire entendre
la verite; dans ce siecle ou on la recherche avec tant d'ardeur, comment
ne serait-elle pas bien accueillie?
Je ne m'ecrierai point emphatiquement avec M. Hector Chaussier en
tele d'un ouvrage d'ailleurs fort estimable : A tons les souverains, au nom
de leurs sujets exposes au danger d'etre inhumes 'vivants! Mais je dirai
froidement et avec tout le calme et le serieux que comporte un aussi grave
sujet , que les gouvernements toujours si empresses d'adopter les mesures
les plus minutieuses pour tout ce qui regarde le fisc , restent dans une inconce-
vable insouciance pour tout ce qui louche a la vie des hommes. II est des
verites qui ne souffrent point de commenlaires ; telle est Pincertitude des
signes de la mort , annoncee par tons les anciens , et bien reconnue par
tous les savants de notre epoque. II est aussi de ces sentiments qui n'ont
pas besoin d'etre provoques par de grands mots , et de ce nombre est as-
surement Fhorreur qu'inspire line idee aussi epouvantable que celle d'un
homme enferme vivant dans la tombe. Ici, comme dans tant d'autres cir-
constances, otfne devrait avoir besoin que d'indiquer le mal pour que le
remede vint suivre de pres.
Dans Petal actuel de nos conuaissances , Pincertitude des signes de la
mort , et le danger d'inhumer des personnes vivantes qui en est la conse-
quence immediate , ne peuvent plus raisonnablement etre mis en doute.
Ne sont-ils pas, en effet, suflisamment prouves par les travaux des
hommes qui ont fait leur etude speciale de cette matiere , et les noms de
Pierre Zacchias, W'mslow , Bruliier, Tliiery, Louis, Marc, Orjila, Ju-
lia-Fontenelle, Tacheron, Hector Chaussier, et de tant d'autres, n'onl-ils
pas quelques droits a la confiance des hommes instruits ? Les anciens eux-
memes avaient aper^u cette verite, et Platon , Democrite , Plutarque,
ApuUe , Celse, Pline, Quintilien , Saint-Aitgustin , parlent dans leurs
ecritsde 1'incertude des signes de la mort, et citent des fails plus ou moins
curieux de personnes crues mortes et qui ne Pelaieul pas. Pline en par-
ticulier cile les exemples du consul Aclllus Aviola et du preleur Lucius
Lamia qui se reveillerenl sur le bucher, mais Irop lard pour elre rappeles
a la vie. 11 parle aussi d'un cerlain Celius Tubero qui donna quelques si-
gnes de vie au momenl oil on le deposail sur le bucher , et cut ainsi le
bonheur d'echapper aux flammes.
Loin de moi cependant la pensee d'adinellre indistiiictement et avec
MEMOIRES ET DISCOURS. 423
une foi robuste la verite des 90 observations recueillies dans divers au-
teurs par M. Julia-Fontenelle, ainsi que des 80 et quelques fails sembla-
bles rapportes dans 1'interessante brocbure de M. Hector Chaussier.
Ueaucoup de ces observations , il fatit en convenir , ne sont point appuyees
de temoignages assez autbentiques , et se ressenteut, par le merveilleux
qui les accompagne, du temps ou elles out ele ecrites. Souvent aussi les
faits s'alterent en passsant de boucbe en boucbe et les journaux , toujours
avides de ce qui pent piquer la curiosite du pubUc, enregistrent, sans trop
de reflexion, dans leurs colonnes, des anecdotes qui , pour etre possibles ,
ne sont pas toujours vraies. C'est ainsi qu'en decembre 1833 , un journal
( le Memorial Bordelais , je crois, ) annonca qu'une jeune femme venait d'etre
enterree vivante a Cognac. J'crivis a M. le maire de cette ville pour avoir
des renseignements positifs a ce sujet, et M. Emile Albert, premier ad-
joint de la mairie de Cognac , que je me plais a remcrcier ici publique-
ment, cut la boute de me donner tous les details qui pouvaient m'inte-
resser dans cette circonstance. Il m'apprit qu'effectivement le bruit avail
couru que la femme Joussaume, morte le 4 decembre 1833, et iuhu-
mee le 5 , apres 1'expiration du delai fixe par la loi, avail etc enterree vi-
vaute , et qu'ou pretendait avoir entendu dans le cimetiere des cris
plaintifs qui semblaient partir de sa fosse; mais que 1'exbumation ayant ete
ordonnee et faite en presence de lui , M. Albert, le 7 du meme mois ,
sur un requisitoire de M. le procureur du roi , on avail trouve. le cadavre
dans un elat de putrefaction qui venait dcmentir d'une maniere evidente
tous les bruits qui avaient circule. Cette explication est consolante , sans
doute ; mais n'est-ce pas trop deja que 1'imperfection de notre legislation
funeraire puisse donner lieu a de semblables doutes, a des soupcons
aussi outrageants pour 1'humanite. Dernierement les journaux de Bruxelles
annoncerent qu'un individu cru mort, et qu'on se disposait a mettre dans
la biere , eut le bonheur de se reveiller a 1'instant meme ou il allait y etre.
enferme pour toujours , et il ne se passe guere d'annees que les gazettes
francaises ou etrangeres n'enregistrent quelques faits semblables* Nous le
repetons , ces faits ne sont pas toujours vrais; mais n'est-il pas honteux
pour un petiple civilise qu'on puisse lui annoncer comme vraisemblables
de telles borreurs. Un seul fait bien autbentiqne de cette nature devrait
suffire pour eveiller ralteution des chambres et du gouvernement sur le
besoin d'une reforme que, j'ose 1'esperer, nous n'altendrons pas bien
long-temps. Eb! bien, au lieu d'un fait unique, n'en avons-nous pas mal-
heureusement un trop grand nombre sur 1'existence, desquels on ne san-
rait clever aucun doute? Qui oserait nier, par exemple, le malheur arrive
42* MtfMOIRES ET DISCOURS.
au celebrc Andre Vesale, premier medecin de Charles-Quint et de Phi*
lippe II, qui, condamne a la peine capitale pour avoir fait expirer sous
le scalpel tin grand d'Espagne auquel il avail donne des soins, et qu'il
croyait mort, ne dut son salut qu?a la faveur du souverain, qui voulut
Lien commuer sa peine en un pelerinage a la Terre-Sainte ? Quel est le
medecin qui ignore 1'emotion profonde qu'eprouva Thouret, lorsque, pro-
pose en 1786 aux fouilles necessaires pour la destruction du charnier des
Innocents, il trouva des squelettes dont la position dans leurs bieres at-
testait d'une maniere peremptoire que les individus auxquels ils apparte-
naient s'etaient reveilles apres leur inhumation , et avaient execute quel-
ques mouvements dans leurs tombeaux? Et qui ne salt aussi que 1'im-
pression qu'en ressentit ce medecin celebre fut si forte qu'il en fit le sujet
d'une disposition testamentaire tendant a ce qu'on s'assural convenable-
ment de sa mort avanl de le confier a la terre. J'assistais avec un de mes
condisciples aux obseques de cet homme distingue qui fut quelque temps
mon professeur, et cette pensee viut un instant s'offrir a notre esprit avec
tout ce qu'elle avail de douloureux et de rassurant en meme temps.
Qui ne connait et qui pourrait revoquer en doute la malheureuse his-
toire de I' abbe Prevost, qui, frappe d'apoplexie le 23 novembre 17 63, dans
la foret de Chantilly , mourul sous le scalpel du chirurgien charge par la
justice du lieu de proceder a sonautopsie? Qui ne connait encore 1'histoire
du fameux capitaine Francois de Civille, de Rouen, trois fols mort , trois
fois entcrre, et trois fois re ss us cite par la grace de Dieu, ainsi qu'il avail
continue de se faire designer dans tons ses actes.
Un des exemples les plus frappants et les plus authentiques de 1'incer-
tilude des signes de la mort, n'esl-ce pas le fait suivant rapporte par le ce-
lebre Louis , secretaire de 1'ancienne academic royale de chirurgie? Au
mois de fevrier 1746 , une fille de la campagne , agee de 25 ans, est crue
morte dans une des salles de la Salpetriere ; on la porte a 1'ensevelissoir ,
et de la a 1'amphitheatre pour servir de sujet de lecons aux eleves. Le len-
demain matin, un jeune chirurgien de garde vient avertir M. Louis qu'il
a entendu pendanl la nuil des sanglots sortir de 1'amphitheatre , et que la
frayeur 1'a empeche de se lever. M. Louis se rend de suite au lieu indique ,
et est saisi d'horreur en voyant la malheureuse jeune fille , bien morte
alors , debarrassee en partie de son suaire , et une jambe par terre hors
du brancard, tandis qu'un de ses bras s'appuyait sur une table a dissequer
placee pres d'elle. Cette triste anecdote , que Ton pent lire dans les ou-
vrages de Louis, est rapportee par M. Hector Chaussier , page 20 de sa
brochure.
M&VI01RES ET DISCOURS. 425
Men honorable confrere, M. le docteur Corbiti, m'a raconte qu'etant a
1'hopital de la Charite, de Paris, il avail vu une fois la sonnette de 1'en-
sevelissoir, dont on attache un des cordons aux doigts de chaque personne
qu'on y depose , s'agiter fortement par suite des mouvements d'une femme
qne 1'on avail crue morte , et qui venait de se reveillor de sa lethargie.
De combien de fails non moins aulhenliques et rapportcs consciencicu-
sement par des mcdecins recommandables ne pourrais-je pas encore grossir
eette liste ! mais que sert d'accumuler tanl d'exemples , lorsqu'un seul de-
vrait nous suffire. Conlentons-nous done d'indiquer ici les noms de Devaux,
de Barthcz, de Desessartf , de Bennati, de Capwon , de Mojpn , etc. ,
qui tons ont cile des exemples d'inhumations precipitees. On pent voir
encore dans une note de M. Mayor, transmise a M. Julia-Fontenelle , et
inseree par celui-ci a la page 109 de son excellent ouvrage, combien le
eelebre chirurgien de Lausanne attache d'importance au sujet qui nous
occupe.
II n'existe done point, dira-t-on, de signes certains auxquels 1'homme
de 1'art puisse positivement et toujours reconnaitre la mort? Malheureu-
sement non , et tous les symptomes que 1'on a regardes comme des indica-
tions certaines de la mort reelle , tels que 1'absence de la respiration et de
la circulation , la perte du sentiment , le refroidissement du corps , la roi-
deur des membres, la face hyppocratique, le relachemcnt des sphincters, etc. ;
tous ces symptomes, dis-je, penvent nous induire en errcur. Le seul si-
gne certain et irrevocable de la mort , de 1'aveu de tous les medecius , et
le seul dont on ne veuille pas attendre le developpemenl , c'esl la putre-
faction. Combien de dispositions testamentaires faites dans la crainte d'etre
enterre vivant, sonl incerlaines dans leur resullal ou lout-a-fail illusoires,
et de quelles angoisses ne seraient pas tourmenles les auteurs de ces dis-
positions s'ils savaient que le malade quelquefois engourdi, paralyse, ne
sent pas toujours les operations qu'on fait sur lui, ou meme que,, lout
en ressentant la douleur d'une incision, d'une brulure, ou d'une stimula-
tion quelconque , el tout en ayant la conscience de ce que I' on lente pour
le rappeler a la vie , il ne lui est pas toujours possible d'operer le plus
petil mouvement qui puisse denoter qu'il y esl sensible! C'esl au moins ce
qui resulte des nombreuses declarations de personnes qu'une lethargie,
par cause quelconque , avail raises dans un etat de morl apparente.
Les maladies qui peuvent simuler la mort sonl, d'apres MM. Julia-
Fonlenelle et QvfAdL'.Fapoplexie, I'asphyxie, la lethargic, la catalepsie,
/'hysteric, Vextase, I'hypocondiie, la syncope, les pertes sanguines, cer-
tains cas d'cmpoisonnement , etc., etc.
426 MEMOIRES ET D1SCOURS.
De ccs diverses maladies, I'asphyxie, et surtout I'asphyxle par submer-
sion, est bien certainement celle qui pent le plus souvent induirc en
erreur en produisant la mort apparente. Et que Ton juge du danger de
s'en rapporler aux apparences par la proportion considerable de noyes que
1'on parvient a rappeler a la vie ! Oui , a 1'aide de soins assidus et Ion-
temps prolonges, et grace aux ameliorations apportees dans cette partie
de la therapeutique et de 1'hygiene publiquepar MM. Pia, ancien echevin
de Paris, Portal, Chaussier, Marc, Leroy d'Etioles, etc., on parvient a
sauver maintenant au moins les 7/9 des noyes et des asphyxies. Mais de
quel courage et de quelle perseverance ne doit-on pas s'armer pour
arriver a ce but honorable, lorsqu'on sail que des individus sont restes
huit , dix , douze et meme quinze heures sous 1'eau sans y avoir trouve ja
mort , et que d'ailleurs on a vu des personnes ne commencer a donner
quelques legers signes de vie que cinq ou six heures apres 1'administra-
tion des secours les plus actifs, et alors meme que le decouragement allait
s'emparer de ceux qui leur prodiguaieut tant de soins.
En second ordre , apres I'asphyxie , pourrait venir la lethargic , puis en-
suite la syncope, etc., etc. Mais la lethargie, qu'a 1'instar de divers au-
teurs nous placons au nombre des maladies qui simulent la mort reelle,
constitue-t-elle bien veritablement une maladie particuliere, un etat mor-
bide sui generis, ou bien, plutot, ne devrait-elle pas etre considcree
comme un symptome appartenant a plusieurs genres d'affections? Car»
que peut-on entendre autre chose par lethargic qu'un etat d'engourdisse-
mcnt, d'assoupissement plus ou moins profond , en un mot qu'un etat de
mort apparente , et cet etat n'apparlient-il pas egalement a la syncope , a
la catalepsie, a 1'extase, et a quelques autres affections semblables? C'est
une question que je soumets au jugement de tons les medecins eclaires.
II n'entre point dans le plan que je me suis trace de parler des moyens
a mettre en usage pour rappeler a la vie les personnes qui sont dans un
etat de mort apparente par suite d'une des affections precedentes. On
eonsultera avec avantnge a ce sujet, et principalement pour les secours a
donner aux noyes et aux asphyxies, les savants ouvrages d'Orfila et de
Julia-Fontenelle , ainsi que 1'intcressant opuscule de M. Hector Chaus-
sier, qui est entre a cet egard surtout, en parlant de rinsufflation de 1'air
dans les poumons et de la combinaison de ce moyen avec le galvanisme,
dans des details trcs curieux et trcs importants a connaitre.
Ne meltons done plus en doute cette assertion devenue pour nous une
verite mathematique : Dans tons les siecles, dans tons les lieux, des per-
sonnes vivautes ont etc considcrces comme inortcs , ct si 1'erreur a souvent
MI'MOIRES Ef DISCOURS. 427
ete reconnue lorsqu'il en etait temps encore, souvent aussi la tombe s'est
refermee sur des vivants , et Ton n'a pu les arraclier a 1'horrcur du plus
aftreux genre de mort qui se puisse imaginer. Un de nos jeiines compa-
triotes qui s'est deja fait unnom dans la carriere litteraire , M. Lesguillon,
dans un de ses ouvrages auquel il a donne le tilre ft Emotions, a peint
sous les couleurs les 'plus vraies 1'affreuse situation de 1'ame dans celte
position fatale, et M. Julia-Fontenelle , qui n'a neglige aucun des moyens
de rendre son livre interessant, cite a la page 1 1 1 un extrait de celte
piece de vers que Ton lira avec une sorte de plaisir.
Voyons maintenant quelles precautions ont ete prises par les peuples
anciens, ou sont prises encore par les peuples modernes pour eviter le
danger des inhumations precipitees.
Les Hebreux , d'apres la loi de Mo'ise , gardaient leurs morts pendant
trois jours.
Les Grecs prenaient les memes precautions; a Athenes on ne se sepa-
rait des morts qu'au bout de trois jours, et dans quelques autres villes
de la Grece qu'apres le sixieme et meme le sopticme jour.
Les Remains conservaient leurs morts pendant sept jours, et employaient
cet espace de temps a s'assurer par tons les moyens possibles si la mort
etait bien reelle. Us avaient meme des offieiers publics specialement
charges de ces functions. La conclamation, conclamatio , ou 1'usage
adopte chez les Remains d'appeler les morts a haute voix et a plusieurs
reprises, parait devoir son origine a la crainte de livrer au biicher des
personnes encore vivantes^ et a 1'idee que leur nom, en frappant forte--
ment leurs oreilles, pouvait produire en elles une sensation vive qui les^
fit sortir de leur etat de mort apparente.
En Angleterre, le delai fixe par la loi pour les inhumations est de
\ingt-quatre a trente-six heures ; mais les personnes riches ou titrees ne
sont ordinairement enterrees qu'au bout de trois jours. Des medecins,
verificateurs sont charges , dans tons les cas , de constater les deces et
d'altester que la mort n'a pas ete le resultat de la violence. II paraitrait
meme, d'apres une lettre que je viens de recevoir de Londres au com-
mencement de ce meme mois (septembre 1836), en reponse aux informa-
tions que j'y avais prises, que le temps pendant lequel on garde les morts
avant de les confier a la terre est generalement encore plus long que nous-
venons de le dire. Cette lettre contient, en effet, le passage suivant:^
last, my dear freind , i can, after what people told me, and after wliak
i see daily, assure you that , were not the custom to keep the corpses far
a weak in (lie house before burning them, nothing could warrant people
423 MliMOIRES ET DISCOURS.
that they shall not be taken to the grave still alive. Ce qui veut dire r
« Enfin , mon cher ami , je puis vous assurer, d'apres ce qu'on m'a dit et
» d'apres ce que je vois tous les jours , que si ce n'etait 1'usage dans le-
» quel on est ici de garder les morts pendant une semaine dans leurs mai-<
» sons avant de les enterrer, rien ne pourrait rassurer les populations
» contre le danger d'etre descendu vivant dans la tombe. »
L'Allemagne est peut-etre le pays ou 1'on accumule le plus de precau-
tions contre le danger des inhumations precipitees. En general, les inhu-
mations ne s'y font qu'apres trois jours revolus depuis 1'instant du deces.
Mais 1'etablissement des maisons mortuaires, institution due au zele et a
la philanthropic du celebre docteur Hufeland , medecin de la cour de
Prusse , \ient donner de bien plus fortes garanties encore a la sollicitude
des populations de cet empire. Les maisons mortuaires qui, de Berlin ou
elles ont pris naissance , s'etendent deja a toutes les villes importantes de
1'Autriche et des puissances rhenanes , sont des salles spacieuses , conve-
nablement eclairces et chauffees , annexees aux cimetieres , et ou les
corps des personnes decedees sont apportes apres les obseques , et restent
deposes, a visage decouvert, jusqu'a ce que la putrefaction s'en empare.
A ces salles sont attaches des gardiens qui doivent veiller jour et nuit au-
pres des corps , et un medecin specialement charge d'administrer tous les
secours necessaires aux individus qui, frappes seulement de mort appa-
rente, viendraient a donner quelq.ues signes de vie. Les maisons mor-
tuaires sont pourvues , a cet effet , de tout le materiel et de tous les appa-
reils convenables; et pour que le moindre mouvement ne reste pas ina-
percu, des mccaniques sont disposees de maniere que le plus leger
deplacement des membres , ou meme des doigts d'un malade , produise
de suite un grand bruit capable d'exciter forlement 1'altention du gardien ,
et de le rcveiller meme , s'il se trouvait surpris par le sommeil.
Cette institution est belle et noble , sans doute ; mais elle ne dispense
pas le legislateur de fixer d'une maniere convenable le delai pour les in-
humations. Seule , elle scrait insuffisante pour assurer la tranquillite des
peuples; avec la mesure dont on vient de parler, elle est le complement
de toutes les dispositions legales a cet egard.
Nous disons que l'etablissement des maisons mortuaires ne dispense
pas de fixer un delai convenable pour les inhumations. Et qui pourrait
nier, en effet, qu'un individu presume mort, et auquel il ne reste par
consequent qu'une bicn faible portion d'existence , ne doive la perdre
bientot tout-a-fait, lorsqu'enleve a la chalcur de son lit et aux soins eror
presses de ceux qui 1'entourent il va etre expose , dans le trajet , quelque-
MtiMOIRES ET DISGOURS. 429
fois tres long , de son domicile a la maison mortuaire , a toutes les intempc-
ries de 1'atmosphere ? Cette precaution serait done illusoire, et deviendrait
meme dangereuse , sans une loi qui force a garder les morts chez eux , et
a visage decouvert , pendant un laps de temps convenable.
Dans le plus grand nombre des cas, il faut en convenir, la mort ne
saurait etre douteuse; et celle qui succede , par exemple, a une maladie
chronique longue et douloureuse , ou a une maladie aigue qui a prompte-
ment detruit les ressorts de la vie , n'est que trop certaine. Ce n'est done
alors que pour la forme , et pour rester dans la legalite , que la constatation
du deces par Phomme de 1'art doit avoir lieu; et dans ces cas, 1'inhuma-
tion pourrait etre permise , ce nous semble , sans depot prealable a la mai-
son mortuaire , mais toutefois apres 1'expiration du delai fixe par la loi.
Dans les cas , au contraire , de mort subite ou violente , lorsque les der-
niers symptomes out <ete ceux de 1'apoplexie , de 1'asphyxie , de 1'hysterie ,
de la catalepsie , etc. , de quelle importance n'est-il pas que le deces soil
constate par le medecin , puis le corps depose a la maison mortuaire , dans
1'interet de la societe qui pent avoir un crime a venger, efdans celui de
1'individu qui peut-etre n'a pas encore entierement perdu la vie. C'est
dans ces cas, surtout, que les maisons -mortuaires devienuent essentielle-
ment utiles et indispensables. Leur usage, pour etre ainsi restreint par la
raison, n'en demeurerait pas moins de la plus baute et de la plus noble
importance, et nous devons vouer a la reconnaissance publique le nom
de leur il lustre fondateur.
En Espagne , les inhumations se font en general an bout de 24 heures ;
mais les morts restent exposes dans leurs maisons pendant tout ce temps ,
et sont conduits au lieu de la sepulture a visage decouvert : Antes de con-
ducir el cadaver al &epulcro , se pone de manifesto en la casa mortuarla
vestido con el trage qite devellevar a la sepidtura durante el tiempo de-
terminado , y despues es conducido en feretros abiertos al sitio de la
scpultura. Malgre ces precautions , on entend pourtant parler encore
quelquefois d'inliiimations de personnes vivantes : Se ha oido decir algu-
na 'vez que han sido conducidos alganos enfermos a enterrar que han
dado senates de lida. Je tiens ces details de la complaisance du medeciu
du consulat francais a Cadix , qui a bien voulu m'envoyer une note tres
circonstanciee a ce sujet.
En Portugal , on prend plus de precautions encore : les inhumations se
font ordinairement , comme en Espagne , 24 heures apres la mort ; mais
1'autorile , par precaution , aposle un homme de 1'art qui , non-seulement
constate le dcccs , mais determine encore en meme temps la duree du
430 MEMOIRES ET DISCOURS.
temps qui doit s'ccouler depuis 1'instant de la mort jusqiTa celui cle 1'cn-
terrement : Quern attesta a morte, e quern as mismo tempo marca o es-
paco que dive haver do momenta da morte as enterro. G'est ainsi quo
s'exprime M. le docteur Tejceira, medecin de la cour de Portugal, dans
line note qu'il a bien voulu m'envoyer de Lisbonne, en date du 22 Janvier
1835. Ccs precautions sont bien sages, sans doute; mais pourtant elles
sont loin encore d'etre suffisantes.
Maintenant, que se passe-t-il en France a cet egard, et qtielles garan-
ties avons-nous contre le danger des inhumations precipitees? On va le
voir.
Notre legislation funeraire est bien simple, et 1'article 77 du code civil
regit toute la matiere. Cet article contient deux dispositions de loi : 1'une
qui exige 1'impossible , en ordonnant que les deces soient constates par
1'officier de Petal civil; 1'autre qui est illusoire, parce qu'elle est violee
sans cesse , et qui defend de proceder a 1'inhumation avant les 24 beures
revolues depuis Pinstant du deces.
II est facile de voir que cet article 77 de notre code ne traduit pas la
pensee du legislateur. Qu'a-t-il voulu en effet, le legislateur? que les de-
ces fussent constates; mais par qui peuvent-ils etre constates? par 1'homme
competent dans la matiere; et quel est 1'bomme competent, si ce n'est
1'homme de Part, le medecin ? Comment a-t-on pu pretendre que le
maire ou Padjoint d'une commune voudrait bien aller, lui etranger a la
medecine , constater la realite des deces ; et quand il consentirait a le faire ,
de quel poids pourrait etre cette singuliere constatation ?
L'article 77 du eode civil est done inexecutable, et par consequent vi-
cieux. Mais c'est Pesprit de la loi qu'il faut voir, et non la lettre. Cette
verite a ete bien sentie dans quelques localites , et a Paris , a Versailles
comme dans beaucoup d'autres grandes villes, on a etabli des medecins
verilicateurs des deces. Pourquoi done cette mesure ne serait-elle pas
adoptee d'une maniere generale pour toute la France ? Nagueres la vigilante
sollicitude de nos magistrats voulut tenter de Petablir dans notre ville;
mais, chose inconcevable, ni la volonte de M. le procureur du roi, ni les
efforts du premier administrateur de ce departement , qui ne s'est fait
connaitre encore que par son amour pour le bien , ni les tentatives reite-
rees d'une autorite municipale remplie de zcle et de bienveillance , ne
purent triompher de la repugnance generale de toutes les classes de la so-
ciete pour tout ce qui porte le nom d'innovation. Esperons pourtant que
celte mesure, si eminemment philanthropique , ne sera qu'ajournee, ct
que la meme proposition , reproduce avec les modifications convenablos ,
MEMOIRES ET DISCOURS. 431
sera micux appreciee et generalement accueillie par tons les amis dc 1'or-
dre et de la securite publique.
La loi, en voulant qu'il ne soil precede a Pinhumation que 2i heures
apres le deces, a pose une limite en-deqa, mais non point au-dela de ce
terme. Avec d'autres moeurs, d'autres habitudes que les notres, cette
precaution, secoudee de la verification du deces par un homme de Tart,
serait presque suffisante; mais, faut-il le dire a la honte de Phumanite?
les families , auxquelles la loi laisse une latitude dont les liens sacres de
la parente et le respect du aux morts devraient faire un devoir de profiler
si souvent, sont les premieres a violer les dispositions de cette loi, en
faisant des declarations fausses , qui avancent en general 1'heure des deces
pour la mettre en harmonic avec celle a laquelle on vent se hater de faire
la celebration des obseques. On eviterait ce grave inconvenient en ne fai-
sant courir les 24 heures, on le delai quelconque, que de 1'instant de la
declaration du deces devant 1'officier de Petal civil.
Mais a quoi bon cette precaution de n'enterrer les morts que 24 heu-
res , ou plus , apres la declaration de leur deces, taut que subsisteront ces
usages , aussi contraires a Phumanite qu'a la decence et a la morale publi-
que , qui veulent que les corps des defunts soient abandonnes entre des
mains mercenaires, aussitot et quelquefois avant meme qu'ils aient rendu
le dernier soupir. Et que se passe-t-il alors ? Des femmes avides de gain ,
et souvenl abruties par toutes sortes d'exces , s'emparent du corps de la
victime et, sous pretexte qu'elles ne pourraieiit le faire plus tard a cause
de la raideur des membres , elles precedent a Pensevelissement an bout
d'une heure ou deux , avant meme que le corps ait perdu toute sa chaleur
animate, et se partagent avec acharnement ton I ce qu'elles peuvent arra-
cher du dernier vetement qu'il va emporter avec lui dans la tombe. II se-
rait degoutanl de rappeler ici lout ce que , charge quelquefois par les
families de surveiller les derniers instants et de constater la mort de leurs
parents', j'ai vu de scenes hideuses a cet egard.
Je le demande non seulemenl au legislateur et au medecin inslruit ,
mais a tout homme de bon sens, que sert cette disposition de la loi de
vouloir que Pon conserve les morts un certain laps de temps avant de les
inhumer, si Pon en paralyse tout Peffet en se laissant oter les moyens de
distinguer la mort reelle de la mort apparente? Et n'est-ce pas chercher
a eteindre le resle de vie que Pon pourrait supposer encore , que d'arra-
cher le corps du lit qui peut lui conserver quelque chaleur, el de le
serrer de loules parts dans un linceul, bien capable de Pasphyxier tout-
a-fait par defaut d'air, si la morl n'elait pas reelle?
432 ME" MOIRES ET DISCOURS.
Si done la loi vent ressaisir son pouvoir, si elle ne vent pas rester inutile
ct illusoire, que , d'accord avec la morale et 1'humanite, elle travaille a faire
cesser ces aims. Je n'ai jamais pu me defendre d'un sentiment penible
d'etonnement en pensant que , dans un pays aussi civilise que le noire ,
dans un pays ou la susceptibilite morale est si grande, le soiu d'ensevelir
les morts de tout Sge et de tout sexe soil presque exclusivement confie a
des femmes, en sorte que 1'enfant comme 1'adulte, la jeune vierge comme
le vieillard , le militaire comme le ministre des autels , sont abandonncs
dans leurs derniers instants , sans le moindre respect pour les convenances ,
aux mains mercenaires et spoliatrices d'individus trop souvent abjects, et
qui , bannissant toute idee de devoir, ne voient que quelques pieces d'ar-
gent a recevoir et une victime a depouiller. La religion , qui saisit 1'homme
a son berceau et ne le quitle que lorsqu'il est descendu dans la tombe ,
ne devrait mettre aucun intervalle , ne laisser aucune lacune dans ses
bienfaits; et ne serait-il pas digne du christianisme de fonder des corpo-
rations pieuses , comme deja il en existe dans quelques lines de nos viiles
et de nos campagnes, et qui, chargces d'aller porter des secours et des
consolations aux malades , auraient aussi , dans les attributions de leurs
devoirs 1'obligatioii de garder et d'ensevelir les morts? Alors les hommes
ne seraient plus ensevelis que par des hommes , et les personnes du sexc
que par des femmes ; et alors aussi , 1'interet n'etant plus le mobile de celte
action, elle se passerait avec toule la deceuce que peuvent desirer les fa-
milies, el la morale publique ne serail pas continuellement oulragee par
un usage dont on a veritablemcnt peine a se rendre compte. Au surplus ,
ce vceu qui louche a une question plutot morale et religieuse que medi-
cale, est celui d'une ame genereuse pour laquelle ce qui est bien, ce qui
est honorable, est tout.
Resumons nous :
Depuis long-temps on s'est eleve de loutes parts coritre le danger des
inhumations precipitees.
Dans 1'etat actuel de la science , on ne saurait revoquer en doute I'im-
possibilite de distinguer, dans certains cas , la mort rcelle de la mort appa-
reute, et tout en convenant que ces cas doivent etre fort rares, 1'esprit
recule d'horreur devant les consequences d'une seule erreur de ce genre.
Le seul signe certain et irrevocable de la mort , c'est la putrefaction.
Dans tout gouvernement philanthrope , la legislation funeraire doit etre
tasee stir ces verites.
Or, nous avons demontre que la loi qui, dans noire code, regie ce qui
a rapport aux deccs et aux inhumations, ctait vicieuse par cela meme qu'elle
MEMOIRES ET DISCOURS. 433
est inexecutable et completement illusoire : inexecutable , parce que 1'offi-
cier de 1'etat civil n'est point apte a constater les deces , et ne pent ni ne
doit vouloir s'en charger; complete men t illusoire, parce qu'elle est faussee
sans cesse tant par 1'incxactilude de la plupart des declarations que par
1' usage si blamable, mais pourtant si generalement adopte, d'ensevelir les
morts avant meme qu'ils aient perdu leur chaleur.
Et, en outre, quant a la constatation des dcces parun homme de 1'art,
comme cela devrait toujours avoir lieu , nous avons dit que cette mesure
indispensable etait jusqu'a present purement locale, et qu'adoptee seule-
ment a Paris et dans quelques grandes villes, elle etait bien loin d'etre
en vigueur par toute la France.
Tout est done blesse dans notre legislation funeraire aetuelle , la science ,
la morale et 1'humanite. Comment done se fait-il que nos lois soient si
imparfaites a cet egard ? a cela nous n'avons rien a repondre. Des savants
de tons les siecles ont signale le mal et montre an legislateur toute la
grandeur du danger, et en presence de faits anssi graves , le legislateur s'est tu.
Pourtant il ne faut point renoncer a faire triompher la raison, il ne faut
point se lasser de faire entendre la verite. Dans un tel etat de choses ,
voici done, ce nous semble, ce que 1'autorile, pour satisfaire aux exigences
de la morale et de 1'humanite, pourrait defmitivement arreter d'uue ma-
niere generale pour toute la France :
1.° Il sera cree dans chaque commune un ou plusieurs medecins veri-
ficateurs des deces , qui seront tenus de se transporter, assistes d'un com-
missaire de police dans les \illcs .et d'un officier de 1'etat civil delegue ad
hoc dans les campagnes, au domicile de chaque personne decedee, pour
y constater la mort par tels moyens qu'ils jugeront convenables , et indi-
quer, autant que possible , la nature de la cause qui 1'a produite , princi-
palement dans les -cas de mort subite ou de mort violente;
2.° Aucune inhumation ne sera faite, dans aucun cas, sans une auto-
risation de 1'officier de 1'etat civil , qui ne pourra la dclivrer que sur la
presentation d'un certificat du medecin verificateur des deces;
3.° L'inhumation ne pourra avoir lieu que quarante-huit lieu-res apres
le dcces , en ete , et soixante-douze heures en hiver. Cette disposition ge-
nerale sera susceptible d'etre modifiee dans quelques circonstances parti-
culieres, comme une epidemic, un accident grave ou la mort est evi-
dente, etc., etc. ;
4.° II est defendu sous une peine grave d'ensevelir les morts avant le
jour de la celebration des obseques, et pendant tout ce temps ils seront
laisses sur leur lit et a visage decouvejrt ;
3o
434 MEMOIRES ET DISCOU'RS.
5.° II cst arrete, comme mesure de police, que tout individu decede
ne pourra etre enseveli que par une personne de son sexe;
6.° II sera etabli dans chaque cimetiere une maison mortuaire oil les
corps seront deposes avant 1'inhumation , toutes les fois que le medecin
verificateur des deces le jugera convenable. Ces maisons mortuaires, a
chacune desquelles un gardien sera attache, seront, a 1'instar de celles
-d'Allemagne , pourvues de tous les appareils et de tous les instruments
necessaires.
Appele a 1'honneur de faire partie du Congres de Blois, je n'ai eu ron-
naissance que dans cette ville du travail de mon honorable confrere,
M. le docteur Hunault de la Peltrie, medecin distingue d' Angers, quir
deja 1'annee derniere au Congres de Douai , avail signale les memes abus ,
et xlemande les memes reSormes. Et dernierement encore, ainsi que je
\-iens de I'apprendre avec satisfaction , M. le docteur Beaussier, de Blois T
mon parent et mon ami , vient de lire a la Societe des sciences et lettres
de cette ville un excellent memoire sur le meme sujet , Le danger depuls
si long temps reconnu des inhumations precipitees.
Qu'est-il resulte de tant de travaux? rien encore malheureusement.
Ne nous lassons done point, je le repete, de faire entendre la verite, et
que tous nos efforts se reunissent pour obtenir enfm du gouvernement la
revision si indispensable et si impatiemment attendue de notre legislation
funeraire.
MEMOIRES ET DISCOURS. 435
o ••••••»••••••••«••*«•«•«••»«•••• ® ••*•*•***••••********•***•****
REPONSES
AUX QUESTIONS N.°* 3, 4, ET 5 DU PROGRAMME,
DE LA 4.« SESSION DU CONGRES SCIENTIIIQUE ,
$ar Jtt. §.-<&. Ctnr,
PROFESSEUR DE THILOSOPHIE AU COLLEGE DE BLOIS.
JVlESSIEttRS ,
On demande ce qu'on entend par liberte d'enseignemenl •>
Avant de chercher a repondre a cette question, je ne dois pas dissi-
muler que le principe de liberte d'enseignement , consacre par la charte
de 1830, et reconnu dans le projet de loi sur 1'instruction secondaire,
presente par le gouvernemcnt dans la derniere session, n'est point admis
par des homines de haute experience, muris au contact des affaires et
tout-a-fait desinteresses. Ges graves esprits mvoquent rautorite des siecles ;
ils appellent en tcmoignage les exemples des legislateurs , qui tous ont
aspire a rendre Peducation nationale, Ils demandent quel esl le but de
1'organisation sociale, si ce but n'est pas de rapprocher, de concilier, et
non de diviser et de desunir ; et si , au milieu surtout de la divergence
actuelle des opinions , cette liberte n'est pas un encouragement offert aux
predications des theories hasardees.
Mais enfin, puisque le principe lui-meme he parait plus devoir etre
livre a la discussion, et qu'il pent etre considere, des a present, comme
consigne dans le droit public des Francais , il s'agit d'examiner de quelle
application il est susceptible, relativement aux methodes, aux hommes,
aux choses,
La liberte des methodes n'est pas suivie de consequences irremediables.
Le temps fait justice de celles qui se vantent d'etre expeditives; et comme ,
apres tout, il n'y a eu mecompte que pour 1'amour-propre , que par elles-
memes elles n'atleignent ni I'esprit ni le coeur; le public, s'il y a lieu,
436 M£MOIRES ET DISCOURS.
ouvre les yeux et se ravise , et force devient a leurs auteurs de prendre
la nature pour guide , naturam ducem sequi, en subordonnant Penseigne-
ment au developpement de 1'intelligence , presque toujours inherent a la
progression de Page.
Sous le point de vue des hommes qui Pexercent, la liberte d'enseigne-
ment s'annonce-t-elle comme devant etre aussi inoffensive que sous le
rapport des methodes?
Sans doute , la loi n'autorisera que des hommes faits a lever ime ecole ;
elle leur prescrira des brevets de capacite; elle se fera un devoir de les
soumettre a des conditions de moralite mais combien de fois ces pre-
cautions ne seront-elles pas illusoires?
Dans Petal actuel de la legislation ,. nos etablissements publics sont en-
t on res d'une triple surveillance : les families, les administrations locales ,
le pouvoir universitaire. Les relations des colleges avec leurs academies
respectives fixent et activent la marche des etudes ; il suffit de Pexpecta-
tive des tournees inspectorales pour tenir dans une salutaire haleine
maitres et eleves , et faire de la discipline un besoin.
Le desir de s'elever sur les degres de la hierarchic alimente le feu de
1'emulation. L'idee de devoir sa nomination au gouvernement et non a un
particulier, et de pouvoir compter sur une retraite, n'est pas indifferente
pour appeler et retenir dans Puniversite les hommes qui consacrent, non
pas quelques annees, et faute de rnieux, mais leur existence tout entiere
aux penibles fonctions de Penseignement.
Cependant , sur ce theatre a decouvert , dans ce corps enseignant que
tout tend a epurer, il se glisse quelquefois des membres peu dignes
Les institutions privees seront-elles done environnees des memes ga-
ranties ? La loi proposee ne parle que des obligations a imposei- c leurs
directeurs; mais apparemment il ne leur sera pas donne de faire a eux
seuls tout Pouvrage ; cependant , sur leurs associes , silence complet. Or,
quels efforts attendre de ces especes de commis sans caractere authen-
tique, et comme ensevelis sous le nom d'un patron, sous le nom d'un
entrepreneur, qui, d'un moment a un autre, peut les congedier, sans avoir
meme a justifier son inconstance et ses caprices !
Ces institutions privees elles-memes, avec quelle difficulte ne se sou-
tiendront-elles pas, a moins qu'elles ne soient animees d'un grand esprit
de secte?
A la verite, Pamour du proselytisme saura bien se procurer une clien-
telle et recourir a tons les moyens. Un des plus facheux sera de mettre
Tinstruction au rabais. Que Pon voie ce qui se passe en Belgique. Dans
MEMOIRES ET DISCOURS. 437
un siecle ou la valeur des choses est reduite en monnaie , la profession de
I'instituteur, la profession de celui a qui I'ex-chancelier Brougham ronfie
desormais les destinees du monde, est ravalee par ces enseignes ou pros-
pectus :« Ecole a 25 centimes. » Repeter sans cesse que les parents sail-
ront bien se defier du charlatanisme et du bon marche , c'est ne pas tenir
compte de ce qui frappe tons les yeux , c'est sacrifier 1'observation a une
vaine utopie.
II y aurah assurement mauvaise grace , surtout dans une position inle-
ressee , a prevoir ainsi les dangers de la concurrence; il y aurait peu d'ha-
bilete a les avouer, si le remede ne se trouvait pas a cote de 1'abus. En
general, dans la marche providentielle des choses, aussitot qu'apparait
une cause de mal, a 1'instant surgit ce qui doit le convertir en bien.
Comme chaque epoque suscite 1'homme qui lui est propre, comme, dans
le systeme du monde, les differents corps s'equilibrent, ainsi, dans 1'uni-
vers moral, a chaque conquete de la liberte,nait pour 1'ordre le moyen
de se maintenir et de se replacer sur sa base.
Mais, dans la question qui nous occupe, le preservalif, quel est-il,
messieurs? Il a ete indique par le ministre, auteur du projet de loi sur
rinstruction secondaire, loi qui sera discutee dans la prochaine session :
c'est de changer les colleges des chefs-lieux de canton, d'arrondissement ,
en ecoles speciales d'induslrie,de commerce , d'application usuelle, d'apres
les exigences diverses des localites; c'est d'appeler ensuite la jeunesse
destinee aux professions litteraires et liberales dans les etablissements des
chefs-lieux de department; c'est d'eriger ces etablissements en colleges
royaux.
Deja il existe en France quarante colleges royaux; une somme de
939,100 francs leur est allouee a litre de subvention pour depenses fixes,
telles que traitements des proviseurs , censeurs et professeurs ; une autre
somme de 601,500 francs est destinee a payer les bourses.
Eh quoi! serait-ce la repetition d'un million etquelques cent mille francs
qui effraierait un pays comme le notre ! Un peuple qui croit marcher a
la tete de la civilisation, pourrait-il mettre en balance une aussi faible
depense et 1'avantage d'assurer 1'avenir iutellectuel des generations fu-
tures! Que si 1'etat craint, dans ces jours de lutte, d'augmenter le chil'fre
de son budget, n'est-il pas possible, en attendant le retour du calme,
n'est-il pas facile aux villes chefs-lieux de departement, a 1'exemple d'une
ville voisine, ce"lle de Tours, a 1'exemple plus recent de la ville du Puy ,
de faire les frai* d'un premier etablissement et de s'imposer un emprunt
d'une cenlaine de milie francs , sauf a laisser ensuite a Fetal le soin d'en-
438 ME" MOIRES ET DISCOURS.
tretenir et de solder le college devenu etablissement du gouvernement ?
Elles y trouveraient une economic : la dotation annuelle du college qu'elles
enlretiennent suppose, pour la plupart, un capital plus considerable.
D'ailleurs, comme tout le departement aurait a profiler de la fondalion
d'un lycee dans le chef-lieu, il s'empresserait , il n'y a mil doute, a
prendre sa part du sacrifice une fois a faire; les conseils generaux ne se
refuseraient pas a departir les fonds proportionnels, et MM. lesprefets,
habitues a voir de haul, n'accueilleraient qu'avec sympathie une sem-
blable mesure.
Cette erection en lycee d'un college par departement delivrerait du re-
proche de venalite les chefs de nos maisons secondaires, dont on a dU
qu'ils etaient des percepteurs plutot que des precepteurs ( pour ne pas
rappeler une expression triviale ) ; elle substituerait 1'emploi de simple
surveillance des proviseurs , au role personnellement interesse des princi-
paux. Comme complement de cette amelioration , et pour arriver a extir*-
per de nos etablissements scientifiques cette disparite de fonctionnaires
consacres a 1'enseignement , et d'agents livres a une sorte d'exploitation
mercantile, disparite qui, en creant des gouts, des besoins, des interets
divers , engendre quelquefois un esprit de defiance mutuelle , des senti-
ments d'antipathie, funestes aux etudes et a la discipline, les colleges restes
aux communes, pourraient etre mis en regie, c'est-a-dire, laisses aucompte
des villes; et, si celles-ci etaient obligees, quelsque fassent d'ailleurs leur
population, leurs revenus, la prosperite de leur college, au moyen de leurs
propres deniers ou avec des subventions etrangeres, d'allouer un traite-
ment fixe et partout le meme , selon le degre de 1'enseignement, on verrait
disparaitre de I'universite une bizarrerie choquante et qui lui estparticu-
liere. N'est-ce pas une chose attentatoire aux plus simples notions de 1'e-
quite naturelle, qu'un fonctionnaire , montant en grade, subisse une de-
cheance dans son traitement ? Eh bien ! il existe une administration que
depare cette anomalie. Q'un regent passe d'une rille dans une autre pour
professer une classe superieure , et s'il se rencontre que cette derniere
localite ait moins d'importance ou de generosite , il est presque sur qu'il
lui sera inflige une diminution dans ses honoraires.
Mais , jusques a quand done I'universite royale de France , jusques a
quand la fille ainee des rois, avee ses magnifiques noms et prenoms, aveo
son vocabulaire dc nobles idees, sera-t-elle exchie du droit commun ?
Quand, a la suite de son superbe etat-major , n'apercevra-t-on plus un
corps de combattants delabres ? Deslnens in piscem mulier formosa su~
pcrnc. Quand sera-t-il compris , qu'a la maniere d'une machine qui ne
MEMOIRES ET DISCOURS. 439
Fonctionne bien qu'avec des rouages en bon etat , une administration n'esr
bien servie que par des agents satisfaits et dans un etat normal ? Quand
concevront les peres de families que leurs fils n'auront qu'a profiler de
1'amelioration du sort des instituteurs de la jeunesse ? Quand enfin , nos
tribuns, a leur tour, an lieu de declamation philanthropique sur 1'excel-
lence de Peducation , sur ses rapports directs avec le progres et le perfec-
tionneinent des peuples, traduiront-ils leurs pbrase^ en actes, et, puisqu'ils
proclament le but, se determineront-ils a s'engager dans les voies et les
naoyens qui peuvent y conduire?
Et c'est la, messieurs , pour ne pas m'arreter a discuter la question de
k liberte d'enseignement relative aux doctrines , parce qu'il n'entre -pas-
dans mon idee qu'tin gouvernement desireux de sa conservation puisse
1'autoriser ouvertement, cette liberte, et d'un autre cote, paree qu'iuie
fois les etablissements prives emancipes , il ne me parait pas possible qu'il
puisse y apporter un obstacle efficace , c'est la , messieurs , la reponse a-
faire a cette question de la sixieme section du programme :
« Par quels moyens procurer a 1'institution universitaire de France la
« consideration dont le corps enseignant jouit en Allemagne et en Angle-
» terre , et la mettre en etat de rendre tous les services qui sont dans &a
» nature? »
Dans ces pays , messieurs , les membres du corps enseignant ne rele-
tent que de 1'etat, et ne sont portes que sur le budget de 1'etat, ave<r
une indemnite assez honorable pour-les dispenser du soin d'ajouter a leurs
emoluments , et les laisser tout entiers a la science.
Qtielle difference en France! obliges de servir deux maitres, places entre
deux autorites dont les attributions souvent se combattent *, les fonction-
naires des colleges, dits en ce moment communaux , out a reconnaitre un
pouvoir qui les nomme, un autre qui les paie : chaque annee , ils voient
arriver avec une espece d'humiliation , 1'epoque ou ce paiement , presque
sous leurs yeux et a leurs oreilles, est mis en deliberation, et ou conse-
quemment leur existence est soumise a la bienveillanee de quelques bul-
* Depuis la lecture de ces observations, dont le journal de 1 'instruction publiqua
pc-ut attester la justesse , un de ces conflits s'est eleve entre le pouvoir universitaire et
Tautorite muiiicipale. II a paru convenable an ministre de nommer un regent a une
cliaire de septieme dont la creation avail etc demandee par le bureau, mais dont les
fonds n'avaient pas etc votes par le conseiL municipal j — de la, opposition du conseil
dans la personue du iiiaire. Qu'arriverait-il , si 1'inteiet public ne suggerait pas quelqim
acconimodettient et jie dictait pas de nmtuelles concessions 1 Des circonstances impreyues
peuvent ainsi, a cliaque instant , proYoquer de pareiltes luttus. Poiirquoi-, puisque- 1»
moyen en est si facile, ne pas en lark. La iource.
440 MEMOIRES ET DISCOURS.
letins. Il est vrai qu'une disposition du projet de loi propose une votation
quinquennale : mais ce n'est la qu'un remede incomplet. Leur sort , leur
avancement, se trouvent incessamment compromis entre les exigences aca-
demiques et les pretentious locales ; et comme aucune de ces influences ne
se sent exclusivement responsable d'actes ou un tiers intervient , trop
souvent un esprit de camaraderie, des considerations d'alliance, les obses-
sions de 1'entourage sont substitutes a 1'equite et au respect pour les litres
acquis.
C'est a ce froissement des regents entre la main expeditionnaire de leur
acte de nomination , et la main dispensatrice de 1'aumoue de leur traite-
ment , qu'il faut attribuer la principale source de leur existence fatiguee.
Il semble qu'en les euvoyant exercer , le pouvoir conservateur ne les em-
barque qu'en les condamnant a 1'intrigue pour toute boussole, et qu'au
lieu du savoir, il leur recommande pour gouvernail de savoir-faire ; oil
qu'il se debarrasse sur les localites du soin de leur avenir ; comme si celles-
ci , ( je ne raisonne que d'apres la nature et 1'essence des choses , et sans
application aucune), comme si celles-ci , le cas echeant pour elles de con-
courir a une promotion , pouvaient, dans leur sphere etroite, et dans leur
acception necessaire de personnes , etre mues par un ordre d'idees assez
elevees, assez generates, pour faire entrer en ligne de compte Pensernble
des services rendus. Aussi , ce pouvoir a-t-il peut-etre a se reprocher plus
de ce qu'on appelle passe-droits, denis de justice, qu'aucune autre adminis-
tration. Les harangues officielles des solennites scolaires traitent les re-
gents d'hommes modestes , invitation indirecte a ce qu'il le soient; et,
dans telle occasion , cette modestie leur est imputee a crime et taxee de
timidite: et le succes vient couronner la brigue et 1'audace !
Contrairement a ce que Ton sait de notoriete publique de la plupart
des administrations,ou les chefs sont remplis de bienveillance pour leurs
subordonnes , les suivent dans leurs diiferentes phases , se chargent de
provoquer leur ascension : au sein de 1'universite qui devrait respirer 1'air
de la republique des lettres , par suite de la collision dont je deplore les
consequences entre le pouvoir central et 1'autorite locale, collision qui se
termine quelquefois par la victoire du plus fort ou du plus fin , les chefs se
montrent froids, indifferenls , oublieux, de maniere qu'il n'est pas rare
de rencontrer de vieux desservants du temple de 1'iiistruction aussi peu
avances sous le rapport du bien-elre materiel, a la fin qu'au debut de
leur carriere.
Ne semblerait-il pas pourtant que ce fut dans la prevision de tels resid-
tats et pour les prevenir, que les regents enregistrent ehaquc annee, leuv
MEMOIRES ET DlSCOUftS. 4.', i
age, leurs services. Mais cet usage ne temoigne, d'uue part, que d'uu Lou
vouloir sterile, et de.l'autre, n'aboulit qu'a entretenir les signataires dans
une fausse con fiance, el a les endormir dans une fatale securile?
Que dis-ie ? c'est pis : apres avoir ainsi, pendant trente ans , constate
chaque anuee leur presence active an labour du champ universitaire , apres
1'avoir annuellement sillonne , pendant ce laps de temps, de leurs sueurs
laborieuses , especes de serfs enchaines a une glebe ingrate , ils n'ont^pas
ineme gagne en mourant le sterile honneur de leur affranchisserrient. Hors
de la communion des fideles , parias sans consolation, ils n'ont pas meme
a espcrer pour leurs moments supremes les honneurs de I'inhumation en
terre sainte. Pour parler sans figure, a I'exceplion peut-etre de ceux a qui
est confere un litre defmitif, litre concede arbitrairement , sans regies cou-
nues du moins, les services des regents, quelque nombreux que vous les
supposicz, ne leur meritent point la qualification de membres de 1'univer-
site. Cette appellation est reservee aux professeurs , et le professorat n'est
cense que dans les colleges royaux ( donl 1'entree n'est plus guere acces-
sible qu'aux eleves de 1'ecole normale ) , mais alors , meme avec un rudi-
ment on une grammaire de Lhomond a la main. Pai'tout ailleurs, partout,
dans ces etablissements communaux si dedaignes, vous regentez , la deno-
mination de regent vous poursuitet vousatteiut dans volre cbaire, eussiez-
vous , de celte chaire , a analyser les chefs-d'oeuvre des litteratures nalio-
uale et etrangere, a penetrer dans le sanctuaire de la pensee, a expliquer
le mecanisme des operations de Pintelligence , a disserter sur la dignite
de Phomme , sur les devoirs et les droils du citoyen, ou bien a parcourir
les spheres celestes, et expliquer le sy^teme des mondes.
/ Habituellement ainsi , 1'odieux trouve-t-il sa punition dans le ridicule !
Comment s'elonner que les fonclionnaires des colleges communaux sou-
pirent apres un autre ordre de choses ; que, nourris de sentiments nobles
et genereux, ils dcsirent une louable indepeudance ; qu'appeles a donner
des lecons de justice , ils la sentent souvent violee en leur personne , et
que, les yeux tournes vers les pays que j'ai nommes, ils ambitionnent
d'etre assimiles a leurs heureux confreres etrangers.
C'est quand celle assimilation sera accomplie, c'est. lorsqu'a la societe,
representee par 1'etat , seul place assez haul pour embrasser un vaste ho-
rizon, pour coordonner toutes les parlies d'un systeme, pour en composer
un tout harmonique , pour dieter un langage homogcne qui arrete la con-
fusion des langues de notre epoque ; sera uniquement devolu de proferer
ees paroles sacramentelles : « Allez et enseignez » , que le ministere de
1'instiluteur devicndra un veritable sacerdoce , et qu'il aura mission d'ins-
442 M&MOIRES ET DISCOURS.
truire, non pas seulement surle texte inanime des idiomes anciens et mo-
denies , non pas seulement sur les formules glacees de la science , sur les
connaissances qui ne s'adressent qu'a la secheresse de 1'entendement, mais
aussi sur les vertus religieuses et morales , sur les vertus sociales pratiques ,
sur les rapports de 1'homme avec lui-meme, avec 1'humanite, avec le crea-
teur, quid debeat patrice et quid amicls , etc.
II vous appartient, messieurs , de hater la venue d'une transformation
aussi desiree. Membres de Congres ambulants, il depend de vous d'elablir,
dans chaque chef -lieu de deparlement, un Congres permanent qui, en
vous attendant, prepare vos travaux, et tienne en reserve des hommes
dignes de vous recevoir. Car un lycee, avec ses fortes etudes, avec ses.
facultes diverses, avec ses professeurs capables et ses eleves avances, est-
il autre chose qu'un Congres? et ce Congres, a demeure fixe, n'entre-t-il
pas dans Pintention de vos assemblies nomades? ne repond-il pas au but
que vous vous proposez , de detourner sur les provinces quelques rayons
du foyer scientifique de la capitate , de decentraliser les lumieres, de faire
circuler dans les veines du corps social ce sang intellectuel qui, trop abon-
dant dans les regions du coeur, menace de 1'inonder.
Je ne sais pas si je m'abuse , messieurs , mais de toutes les questions
qui seront discutees par le Congres qui tient ses etats dans ce palais de
justice, il n'en est point de plus importante, de plus feconde en resultats.
Yoyez quelle sollicitude elle inspire an gouvernement. Tantot , c'est a
MM. les prefets qu'il demande des renseignements , tantot il s'adresse a
MM. les eveques. Depuis six ans, MM. les recteurs, MM. les inspecteurs
generaux et particuliers sont en quelque sorte mis en demeure , par le
conseil royal , d'envoyer le fruit de leurs reflexions.
Puisse done cette question, ainsi claboree, parvenir aux tribunes, qui,
dans la session legislative prochaine , auront a faire passer de la theorie a;
la pratique un des articles de la charte de 1830. Alors le concours entre
les colleges de la meme academic, a Finstar de ceux de Paris, grace a cette
harmonisation , a cette homogeneite que j'invoque , et qu'auront peut-etre
conseillee quelques uns des pouvoirs consultcs, pourra avoir lieu avec des
armes egales, et, a cette condition seulement , s'etablir d'une maniere
juste el serieuse, comme 1'entend sans doute la question de notre pro-
gramme qui en exprime le vocu sous forme dubitative. Alors encore sera
legitime Particle du projet de loi qui cxige le litre d'agrcges , des futurs
regents , puisqu'eleves au rang de professeurs , ils en possederont les
avanlages. Alors enfin , la hberte d'enseignement , loin d'etre un brandou
de discorde a la disposition des partis extremes; dcsormais impuissante a
MEMOIRES ET DISCOURS. 443
troubler 1'ordre public , ne sera qu'uu moyen d'emulation Je plus , car la
societe pourra lutter, sans trop d'inferiorite , contre lous les stralagcmcs
des sectes, et tous les expedients de 1'esprit d'innovation , et quelquefois
d'anarchie.
Je vais resumer et grouper les motifs qui militent en faveur de la
demande que je formulerai en concluant :
Un pays ne petit se passer cPune education nationale, m par-consequent
d'etablissements publics ou les jeunes generations soient formees a lacon-
naissance des lois et au respect de la constitution qui le regissent.
Les colleges , dits communaux , ont beaucoup de peine , malgre les ef-
forts des communes, a se soutenir dans un etat de prosperite; et cela , a
raison des abus attaches a leur mode d'existence , abus dont quelques uns
ont etc indignes.
Cette difficulte de vivre ne fera que s'accroitre , lorsque , la liberte d'en-
seignement etant decretce , s'eleveront dans leur voisinage des niaisons
particulieres, animees de tout le zele de 1'interet prive et de 1'ardeur de-
vorante du prosejytisme.
Le gouvernement ayant nagtiere invite les chefs de differentes adminis*-
trations a examiner si le projet de loi sur 1'instruction secondaire , destine
a organiser la liberte d'enseignement , ne mettrait pas en peril 1'existence
des colleges communaux , et , une reponse de plus ne pouvant lui etre im-
portune, je propose, pour ce qui nous concerne, de repondre affirma-
tivement :
Si , resolu qu'il se montre deja , dans son projet de loi , a ne conserve!?
par departement qu'un college de plein exercice , en changeant les autres
qui peuvent se trouver dans son sein, en ecoles primaires superieures, il
ne pousse pas plus lorn cette ceuvre , et , prenant a sa charge ce college-,
le mettant sous sa tulelle immediate, en faisant sa propriete, ne 1'erige eu
college royal.
En consequence , le gouvernement sera prie d'e donner suite a la pen-
see du ministre, auteur du projet, en proposant aux chambres d'allouer
les fonds necessaires pour cette erection d'un college royal par departe-
ment ; ou , si 1'etat de nos finances ne permet pas , en cet instant , dte
grever le budget d'une nouvelle dette, en autorisaut la ville chef-lieu, et
le departement, et 1'arrondissement qui doivent participer aux avantagcs
de cette fondation, a concourir en commun aux frais du premier ela-
blissement.
P. 5. Dans I'intervalle ecoule entre la lecture de cc memoire et Tim-
444 M&MOIRES ET DISCOURS.
pression du volume du Congres , la loi sur 1'instruction secondaire a ete
presentee a la chambre des deputes ; mais le projet legislatif n'a pas ren-
contre dans cette chambre un examen bien severe; et, peut-etre, 1'oeuvre
ministerielle elle-meme, loin d'avoir atteint le degre de perfection qui a
coucilie tous les suffrages a l'organisation elementaire , ne desirerait-elle
pas, au fond, des debats plus serieux. Renfermee done dans de vagues
generalites, dans des lieux commuus sans application prochaine, la dis-
cussion n'a point aborde des questions essentielles , ou elle ne les a point
approfondies. Pas une voix, par exemple, celle meme des membres de
I'universite qui siegent sur les banes de la representation , ne s'est ele.vee
pour rappeler qu'il est d'experience qu'une reforme dans les choses ne
marche qu'a 1'aide d'une modification analogue dans 1'existence des agents
charges de la mise en oeuvre.
Or, depuis les maitres d'etudes, ces jeunes debutants si dignes d'en-
couragement , et qu'il serait dans 1'interet de 1'enfance et de la jeunesse
d'honorer a leurs propres yeux, en les placant sous la garantie d'une
nomination qui prescrirait leurs droils a la retraite du jour ou ils auraient
ete investis des fonctious les plus difficiles et les plus delicates ,/ et les re-
commanderait a la confiance de tous ces ages difierents dont ils out spe-
cialement a former 1'education et a diriger le caraclere, jusqu'aux titu-
laires des chaires superieures , pas une idee ne s'esl produite sur le mode
et les conditions de 1'avancemeiit, sur Ja possibilite de le regulariser par la
fixation de limites ordinaires d'un temps a accomplir et a ne point de-
passer, d'unposte au posteimmediat; dans aucun esprit n'asurgi la pensee
d'etablir uue compensation entre 1'eclatplus oumoins solide d'un concours ,
d'une part, et de 1'autre, 1'anciennete des services , et ces habitudes de
moralite el de vertu acquises dans les patients labeurs d'un long enseigne-
meiit, et qui fortifient dans le public la reputation du maitre par celle de
I'honnete homme; nul n'a demande s'il ne serait pas juste et conforrne a
ce qui se pratique , sans doute , dans d'autres administrations , de faire
njouter , plus ou moins parallelement , ces deux sortes de merite sur 1'e-
chelle qu'il est d'une sage politique de tenir accessible toujours a tous les
nobles elans , a tous les genres d'efforts ascendants.
Ainsi , deux propositions exceptces : 1'une , a 1'effet de conceder au
gouvernemenl la faculte pure et simple d'augmenter le nombre des colle-
ges royaux jusqu'a la concurrence d'un college royal par departement ,
faculte qu'il possedait deja; celle-ci ayant pour but la suppression de la
denomination de regent , mais sans reclamation d'ameliorations correspon-
dantes, et ne parvenanl a delhrer la languc universitaire d'une odeur de
MEMOIRES ET DISCOURS. 445
caste que pour la laisser empreinte dans les fails, rien n'eiit etc change,
on telles etaient les innovations puissantes dont se seraient trouves dotes
les etablissements de la nation , au moment d'entrer en lutte avec 1'ele-
mcnt multiforme et avide d'attaque qu'on se preparait a dechainer.
Conscquemment , si la loi ne subit pas une seconde et plus veritable
epreuve au Palais-Bourbon , ou qu'au sein de la cbambre des pairs elle ne
provoque pas un controle plus mur, j'ai presque dit plus conseiencieux; si
les homines competents enfin, indii'ferents a 1'invitation qui leur en est
adressee par urie publication creee pour exprimer leurs voeux et les he-
roins de 1'instruction , ne s'imposent a eux memes la tache de combiner
leurs vues , d'elaborer des materiaux , et de transmettre leur plan a un
centre commun , ne devient-il pas a craindre qu'a la maniere de ces outres
symboliques de Pevangile , incapables de contenir un vin gcnereux , de
vieux moyens , d'anciennes dispositions ne puissent s'allier aux procedes
pedagogiques nouveaux dout 1'epoque poursuit la recherche , et qu'en
faveur des progres de 1'avenir, les desservants preposes a 1'exercice du
culte scolaire n'en soient reduits , comme par le passe , et sous de non
moins grands obstacles , a n'avoir pour tous genies tutelaires a consulter,
a invoquer, que le hazard et 1'imprevu.
446 STANCE LITTI*RAIR1£.
DU CARACTERE
MERCANTILE ET VENAL
BE LA PRESSE ilTTERAIRE,
BT
DE L'INFLUENCE DE CE VICE SOCIAL
SUE LES TRA.VA1JX DE L*HOMME DE LETTRES}
JjJar HI. C. Jflmoii ,
CAPITAINE DE CAVALERIE , COMMANDANT I.E DEPOT DE RECRUTEMENT
DE LOIR-ET-CHER *.
MESSIEURS ,
Le sujet que je viens trailer devant vous , les considerations de tout
genre qui en doivent surgir, les dedicates questions litteraires et de morale
publique qu'il ne pent manquer de soulever, eussent merite d'occuper un
talent plus mur, plus riche d' etudes que le mien , et d'avoir pour organe
une voix plus habituee aux graves et elegantes formes de Peloquence aca-
dcmique; mais a defaut de ce double merite, j'apporte ici les inspirations
d'un amour sincere de 1'art et les libres accents d'une conscience integre,
et qui, en penetrant dans le sanctuaire des lettres, ne s'est point detachee
de ses habitudes de franchise et de loyaute militaires.
Ce serait fermer les yeux a la lumiere qui nous inonde , ce serait nier
le mouvement des esprits alors meme que ce mouvement nous entraine,
que de revoquer en doute la superiorite des intelligences litteraires de
notre cpoque sur celles des deux derniers siecles ; mais ce qu'il faut de-
* Ic'impressioii i\9 C9 memoiro a ete votee par acclamation en assemblee gen^rale.
MKMOIRES ET DISCOURS. 4*7
plorer, c'est 1'usage que tant de puissants esprils font dcs forces qu'ils
lienuent d'une noble nature, dcveloppee par un sysleme d'inst ruction si
rapide et si large dans ses precedes; c'est la direction que le luxe, le mc-
pris de Pavenir, Pexclusive eslime de Paclualile impriment an talent;
c'est cet industrial isme qui, avec ses combinaisons mesquines mais posi-
tives, avec ses creations ephemeres mais qui viennent en aide aux besoins
de la vie malerielle, a remplace dans la republique des lettres cet amour
de la gloire , ce culte de la posterite qui n'est autre chose que le desir de
Iravailler au bonheur et a la consolidation de la societe humaine , senti-
ment sublime qui croit aux realites de 1'avenir, et qui ne renferme pas le
devoir social dans le cercle etroit d'une seule generation d'hommes !
Si 1'architecture, au lieu de donner comme Michel-Ange, le Primatice
et Mansard, un caractere de grandeur a des ouvrages indestructibles,
descendait de son trone monumental pour se mettre, dans le but de se
populariser et de s'enrichir, aux gages de nos entrepreneurs de fre!es
bailments domestiques , et si, prostituant les traditions et les modeles de
Pantiquite , elle nous livrait avec profusion , en argile on en platre , ces
arcs, ces colonnades, ces coupoles, ces sculptures qui ne doivent revetir,
avec le grauit et le marbre , que des formes majestueuses et colossales ,
qui de vous, messieurs, ne deplorerait pas cette profanation de 1'art et
cette degradante venalile du genie artistique?... Voila pourtant, mes-
sieurs, dans la plus exacte analogic, 1'ardeur de speculation mercantile
qui s'est emparee de la litlerature! voila, si nous n'y sommes deja arri-
ves , Petat d'abaissement qui nous menace dans une des plus nobles fa-
cultes de Pesprit humain! Les lettres ont , pour ainsi parler, abdique
Pauguste mission d'edifier des monuments durables, empreints de gran-
deur et fails pour meriter au siecle qui les aurait vus s' clever la recon-
naissance des ages futurs. C'est dans les journaux, dans les revues litte-
raires, dans de frivoles macedoines que les homines de lettres vont
deposer leur labeur de la journee, car la meditation cesse aujourd'hui a
Pheure ou, pour le litterateur comme pour 1'homme de salon, s'allument
les mille bougies d'uue soiree de ministre ou de banquier. Oh! jamais,
il en faut convenir, jamais les journaux specialement cousacres aux ma-
tieres lilteraires ne furent mieux rediges, et ne presenterent a leurs abonnes
une plus brillante reunion de redacteurs distingues par Pesprit et le savoir.
Et c'est la , messieurs , il en faut aussi convenir, un signe evident de
decadence v c'est la que se revele Petal mercantile et precaire de la litte-
rature. Que restera-t-il, je ne dis pas a la posterile, je ne dis pas aux
dcrniers arrivanls du siecle qui s'ecoule , que reslera-t-il de ces journaux
448 STANCE LITTKRAIRE.
au lendemain du jonr qui les voit paraitre ?... Est-ce done pour recreor
les oisifs des grandes cites , pour alimenler le materiel des cabinets de
lecture et pour figurer a cote des albums qui couvrent les tables d'un
salon de bonne compagnie un jour de reception, que travaillent nos Quin-
tiliens et nos Scaligers, et que meditent nos Bayles, nos Pascals et nos
Labruyeres?... pas plus, messieurs, que pour reculer les limites de 1'art*
et pour conquerir Festime et I'admiration des bommes graves et studieux ;
c'est tout simplement pour intcresser leurs talents a des speculations lu-
cratives ; c'est, si vous voulez , pour faire marcber le siecle , pourvu que
1<; siecle jette de 1'or a ses conducteurs. Ce qui manque aux elucubra-
tions quotidiennes ou bebdomadaires de notre litterature, infusee dans le
journalisme, ce n'est ni 1'esprit, ni le bori gout, ni la surete d'apercus
que donnent de fortes etudes, ni 1'abondance et la correction du style, ni
la poesie et 1'invention des images ; ce qui leur manque , c'est le temps ,
la meditation, la perseverance, le devouement social; c'est, en un mot,
le dogme de I'immortalile des ceuvres du genie litteraire. Mais tout cela
ne procurerait qu'une renommee laborieusement acquise , et 1'on vent
jouir de bonne heure et long temps d'une reputation d'bomme superieur !
tout cela pourrait fonder pour 1'avenir de glorieuses memoires , et 1'on
tient moins a I'estime tout ideale de 1'avenir qu'a des sympatbies contem-
poraines ayant cours dans le cpmmerce de la librairie !
De fastueuses annonces viennent de nous reveler 1'existence d'une
societe des dictionnalresf Cette societe est-elle instituce pour effacer d'un
lexique fameux par les riches arabesques de ses majuscules les neolo-
gismes barbares , les mauvaises definitions , les synonymies defectueuses ,
les ridicules silhouettes de prononciation figuree? — institute pour offrir a
nos medecins un dictionnaire de sciences medicates ou 1'on prodigue
moins les inutiles et parasites effets de style, et ou 1'on se preoccupe da-
vantage des grands interets de la science , et surtoiit de ceux des malades ?
— instituee dans le louable dessin de reparer les nombreux outrages faits
par Vosgien et ses continuateurs a la science des Danville et des Balby ?
— -instituee, enfin , pour enrichir la lilterature historique d'un diction-
naire qui, sous une forme plus a la portee des fortunes mediocres, nous
donne autant d'articles excellents et moins d'articles inutiles que la Bio-
graphic universelle* , et reproduise tout ce que YEssai sur les mceurs
" Cette derni^re plirase ayant tlonne lien, Jans la cinqniAme section du Congres,
A line reclamation j-.artie d'une sourca trop respectable pour ii'avoir pas eveill6 toute
1 attention de 1'aiiteur de ce memoire, il crut devoir, clans une allocution prononcea
plus tard , expllquer na pensee dans les termes suivants ;
MEMOIRES ET DISCOURS.
449
renferme d'orthodoxe , Feller d'impartial , le Dictionnaire de la Conversa-
tion d'exact , et la Biographie des Contemporains d'etranger a 1'esprit de
parti et a toutes les mauvaises passions exploitant le scandale ?.... Non ,
messieurs ! — Cette societe nOus informe , par voie de journaux et d'affiches ,
qu'elle possede un capital social de 3,500,000 francs , represenle, sauf leur
placement, par 1,400 actions de 250 francs, produisant, sauf le debit des
dictionnaires , un benefice net de 1 5 a 30 pour cent , le tout avec conseil
de surveillance , notaire , avoue , agent de change et banquier : personnel
bien capable assurement de travailler en finance une societe des diction-
naires et d'etablir sur de solides bases la fortune des actionnaires.
Une autre entreprise s'est formee, que je suis tres loin de confondre
avec la societe anonyme pour 1'exploitation des dictionnaires. Celle-la , di-
rigee par un savant laborieux, par un homme d'une immense erudition**,
est ulile aux lettres, vaste, monumentale meme. Cependant, messieurs,
il n'y a de nouveau dans le Pantheon Litteraii-e que 1'idee d'une reimpres-
sion sur la plus grande echelle possible et dans un format uniforme , des prin-
cipaux ouvrages nationaux et etrangers qui appartiennenl au domaine pu-
blic. La gestion du Pantheon Litteraire pourra realiser de grands benefices
« II eit quelques passages de mon Memoire qui n'ont pas 6te juges, je croi« , avec
line preoccupation d'idees parfaitement coiitbrmes a la pensee de 1'auteur. Un de nos
Jionorables collegues de la ciriquit'me section a cru remarquer que j^avais dirige un trait
de censure centre un des plus beaux monuments littthaires de notre epoque, la Bio-
graphie uuiverselle. J 'ai souliaite a la Societe de« Dictionnaires un repertoire histo-
rique a bon marclie, qui contiut autant d'articles excel Ion tset nioins d'articles inutiles
que la Biographie universelle: voila toute ma phrase; je vous demande la permission
d'en devtlopper le sens. Par articles ejcellents , j'enlends tons ceux , en tres grand
nonsbre , qui, etant consacres a des noms vraiment historiques , tout ecrits dans le
«Ysteme general de redaction de la Biograpliie universelle , c'est-a-dire , avec I'aulorito
que donnent 1'esprit d'etudes et de recherches laborieuses , une critique eclaireo et un
jugement droit et consciencieux. Et telles furent, messieurs, les qualitesqui, dans la
cooperation de la Biograpliie universelle, distinguerent lc« travaux de deux de nos
lionoiablcs collegues ( MM. de la Porte et du Plessis ) que ce departement compte au
iiombre de scs enfauts. J'appelle inutiles, ces articles sur des uoms obsiurs , enti^rement
oublies, et qui surcliargent ies dossiers de la muse historique , comme des papiers sans
importance et vermoulus «uconibrent les cartons d'un greffc. II est tel do ces grands
hommes qui se pavane fit;remeut dans nos repertoires biographiques pour avoir compose
vine epigramme on un madrigal, auquel le plus obscur de nos jouruaux de province
refuserait d'accorder vingt-quatre heures- de vie. Ce serait meme une question di^ne
d'occuper Ies meditations de votre Congres, que d'examiner s'il ne serait pas utile ant
lettres que la literature biographique deposat enfm son bilan , et qu'une critique judi-
cieuse en retranchat tout ce vieux tbnd de non-valeurs, toutes ces effigies effacers par
le temps et rongees par le verdet , qui furent acceptees sans examen avec la succetsion
de rios vieux legendaires et de Morery, leur benevolo et lourd compilaleur.
«• M. Buclion.
450 MEMOIRES ET DISCOURS.
on supporter de grandes pertes; ma is aura-t-elle fait avancer la science
d'un pas ?, l'aura-t-elle eurichie de decouvertes ou d'etudes nouvelles ?
Vous ne le pensez pas , messieurs... Lorsque la France attend une histoire
nationale qui soil enfin digue de la grandeur du pays, de son rang politi-
queparmi les nations et de ses immenseset glorieux souvenirs, n'est-il pas
vrai de dire que les hornmes qui sont appeles par leurs talents et leur
emiuente vocation a complete? les materiaux de ce vaste edifice , ont a se
eonsacrer a des travaux plus utiles aux lettres et a leur propre renommee,
que d'agglomerer dcs documents deja connus et de rediger des comptes-
rendus ou le fonnulaire de la banque vient s'unir a la douce et persuasive
rhetorique de 1'ecole , pour demontrer aux souscripteurs qu'ils ont bien
place leur argent et que les edileurs n'ont en vue que i'interet public et
la propagation des lumieres ?
Nous les avons vus , ces genereux editeurs , porter plus loin leurs pre-
occupations pliilanthropiques, etmodifiant sur les idees du siecleune douce
pensee de Fenelon , s' eerier en nous inondaut d'une pluie de prospectus :
lienreux ceux qui s'enrichissent en s'instruisant ! La loterie venait d'etre
bannie de la legislation fiscale; elle se refugia dans les leltres; le portique
accueillit ce que le comptoir du collecteur venait de repudier. Etrange
spectacle ! les plus augustes inspirations du genie littcraire furent raises
•en loterie et placees dans la meme roue de fortune qui faisait tourner le
Magasin Pittoresqne et le Musee des Families /.... Inductions pbilosopbi-
<jues et traites sur le jeaugeage des vins et sur 1'arpentage des terres ; har-
monieuses et donees reveries des muses et manuels du forgeron ou du li-
quoriste ; edition illustree de la bible et residu des editions populaires du
Citateur ou de 1'Evangile-ToiKjuet ; tout cela fut jete pele-mele sur le tapis
vert de la librairie.
Ainsi , messieurs , la lilti rature , dont la mission etait peut-etre de ser-
vir d'organe aux moeurs publicjues, pmir rendre grace aux pouvoirs politi-
ques de 1'elat d'avoir efface de nos codes Pinstitution de la loterie , soufi'rit
qu'en son nom et , en quelque sorte , sous son patronage , 1'esprit de spe-
culation s'emparat de I'immorale ressource que la legislature, venait d'en-
lever au fisc, et remit en branle la roue de fortune de radministration
supprimee !.... Et nulle voix indignee, nulle vertueuse satyre ne s'eleva
pour stygmatiser cet avide industrialisme de la presse, et cette lacbe com-
plaisance de lettres humaines!.... Et il fallut qu'une loi nouvelle intervint
pour rendre le genie litteraire a sa dignite et le commerce dc la librairie
aux saines traditions des Etienne , des Elzevir , des Alde-Manuce et de
cette fainille Rarbou, qui avait pris pour devise : Meta laboris honor! ....
MIuMOIRES ET DISCOURS. 451
Encore , messieurs , cette derniere reforme He s'est-elle operee qu'impar-
faitement. 11 reste a la presse litteraire, chassee du retranchement qu'elle
s'etait fait des banques venitiennes , la ressource des precedes lypographi-
ques, moulant, encadrant, illustrant, enluminant sous mille formes diver-
ses , ces gigantesques annonces qui , s'emparant du deruier verso des jour-
naux quotidiens, jouent sur ce theatre, le plus ambulant qui fut jamais ,
iin role analogue a celui du saltimbanque gambadant et grimacant a la
porle de nos baraques de la foire pour y faire entrer les chalants ; il lui
reste encore 1'art d'exploiter en grand ce qu'on appelle dans la langue du
metier la justification , et de mettre le genie des auteurs tellement au
large sur du papier de colon , que trois volumes in-8.° suffisent a peine a
conlenir ce que la candide bonne foi d'un Manuce ou d'un Elzevir cut
renferme dans un volume de la plus petite dimension ; enfin il lui resle
cette rente an detail, ce debit a la feuille, cette livraison piece par piece
des monuments de 1'esprit humain , Industrie qui specule sur les distrac-
tions du public , qui ne s'apercoit pas que ces feuilles a 1 0 , a 20 ou a 30
centimes, ne sont que la monnaie d'agiot de la somme de litterature qu'on
s'engage a lui fournir , et que ce racollage litteraire a surtout pour but de
1'accrocher, au moyen de 1'appat qu'on lui jette, a la speculation de 1'edi-
leur,donlil n'est plus temps de se detacher lorsqu'il s'apercoit que les
morceaux de volume qu'on lui livre ne sont plus conformes a 1'cchantillon
type. C'est ainsi que plus d'un ouvrage, qui s'etait annonce avec eclat ,
va languir et sa trainer miserablement sous la plume insouciante et pares-
seuse de I'ecrivain, des que la speculation du libraire s'est repue de 1'ar-
gent des souscripteurs.
Et comme si ce n'etait pas assez de tout ce batelage , la litterature spe-
culative s'est ouvert une autre voie de succes, ou plulot elle s'est com-
plaisamment asservie a rechercher laborieusemeut tout ce qui pouvait
exciter les appetits depraves du public, au lieu d'essayer, par la seule
puissance du talent, a raviver en lui le gout du beau et du bien. De la ,
messieurs , ces litres bizarres empruntes quelquefois aux locutions les plus
pretentieuses ou les plus degoutautes du langage familier : faiblesse a la-
quelle se sont laisses entrainer quelques esprits d'elite de notre epoque ,
dont 1'exemple ne pouvait manquer d'encourager le zele de la basse litte-
rature. Ainsi les Feuilles d'automne et les Chants du crepuscule , poesie
admirable, ont fail eclore des Melodies poetiques, des Soupirs poetiques ,
des Larries poetiques , des Perce-neige poetiques , des Insomnies poeti^
(jites, des Lunes poetiques. C'est a la Peau de chagrin de M. de Bal/ac,
a 1'Ane mort et la Fcmme guillotiuee de M> Jules Janin , aux deux Ca-
452 MEMOIKES ET DISCOimS.
dnvres de M. Frederic Soulie, aux Ecorcheurs de M. d'Arlinoourt, ou-
vragcs justement estimes , que nous sonunes redevables de tant de
pitoyables ecrits revetus de litres afl'reusement grotesques ou niaisement
ridicules.
Pour mettre le comble a nos ealamites litteraires , les pittoresques fon-
dirent sur nous avec un sorte d'emulation sordide. Us eurent la vo^ue
comme la banque de 1'Ecossais Law sous la regence , les convulsionnaires
sous Louis XV et le baquet de Mesmer un peu plus tard. II i'ut publie
par tout le Toyaume que les actions des premieres entreprises de pittores-
ques avaient double de valeur; il n'en fallut pas davantage pour vaincreles
repugnances de nos litterateurs du second ordre qui se jeterent en foule ,
au nom du progres des lumieres , dans ces bazars de la science a bon mar-
che, et qui entrainerent dans leur mouvement quelques membres de la
baute litterature. Il me souvient d'avoir vu le programme d'uue de ces
lucratives macedoines ecrit de la meme main d'ou sortirent quelques bons
romans et tant de laudatives prefaces, de prospectus magnifiques et de
bienveillants articles de journaux sur les sciences , sur les lettres , sur les
beaux-arts, sur la philosophic, sur 1'eloquence, sur les epopees homeri-
ques , sur le theatre, depuis le drame vetu a la romaine jusqu'aux pan-
talonnades de Uebureaux ; sur 1'histoire , les chrqniques et les romaus ;
sur I'agriculture et le commerce, sur nos institutions militaires, et peut-
etre meme sur revolution navale. Ge programme etait comme coupe en
strophes ou versets par ces informes gravures sur bois importees d'Angle-
ten-e, et qui melaient d'horribles grimaces aux brillantes et persuasives
paroles de 1'inepuisable polygraphe ; et I'oii se demandait si la nature et
Fart avaient forme son merveilleux style pour servir de texte a d'ignobles
silhoneltes.
Dans la Le-xicographie encyclopedique , genre qui, dans un degre supe-
rieur, s'ecarte pen des procedes de Sexploitation pittoresque , nous retrou-
vons , avec des consequences plus graves et plus deplorables , le caractere
mercantile de la litterature contemporaiue.
L'apparition de 1'Encyclopedie tut, apres la revolution intelle<;tuelle du
xvn.e siecle , le plus grand evenement litteraire des temps modernes. Son
entantement -fut laborieux , pi'Ogressif et presque seculaire. Toutes les
fortes intelligences de 1'epoque travaillerent a edifier cette ceuvre mouu-
mentale , soil par une cooperation directe , soil par uue grave et puissanle
critique. Aujourd'hui 1'on entreprend une encyclopedie et Ton en cornman-
dite les actions pardevaut notaire , comme s'il s'agissait de creuser un ca-
nal ou d'etablir un chuniin de fer , avec cette difference toulefois que les
MEMOIRES ET DtSCOURS. 453
ehcyclopedies'marchentplus vite que les canaux etleschemius de fer. II c.,t
sorti presque en meme temps du cerveau de nos encyclopedistes contem-
porains une Encyclopedic moderne , une Encyclopedic des gens du monde,
une Encyclopedic catholique,une Encyclopedic nouvelle ou philosophique,
une collection des Manuels encyclopediques, un Dictionnaire de la Con-
versation et de la Lecture , tous rediges par une societe d'hommes politi-
ques , de savants , de litterateurs et d'artistes , les uns recrutes dans les
cinq classes de 1'Institut et dans les chambres legislatives, les autres sur
les banes des quatre facultesv
Ici , messieurs , je reclame , dans 1'interet et peut-etre pour 1'honneur
des lettres , une bienveillante et serieuse attention. Quand la critique lit-
teraire semble abdiquer sa noble et sainte mission * , qu'il soit permis a
une voix obscure mais independante , de defendre dans votre parlement
seientifique lea deniers des souscripteurs , qui sont, en quelque sorte, les
contribuables de la republique des lettres , et d'attaquer un systeme de
deception, ou si vous voulez, un charlatanisme qui semble avoir pour com-
plices toutes les puissances de la presse parisienne. Vous trouveriez diffi-
cilement , messieurs , une grande capacite intellectuelle de 1'epoque dont le
nom n'eut pas ete jete comme un appat dans nos provinces par les entre-
prises de Dictionnaires encyclopediques. Ainsi 1'un de ces tbrmidables
lexiques a choisi pour ses cooperateurs nominaux tous les hommes places
au sommet de notre edifice social, toutes les eminentes renommees de I'e-
poque dans les sciences, dans les lettr.es, dans lea arts , dans nos deux se-
nats poliliques , dans la magistrature et dans le barreau **. Le succes fut
" « Ce public, dit MC. do Sainte-Beuve, dans nn article public recerr.ment, ce public
» d'audience, qui ecoutait, discutait et controlait; qui savait d'avance toutes les pickes
» d'un proems, ou est-il ? 11 est, comme les justes dans Israel, ca et la, De la «orte, la
» critique se sentant comme en pure perte, sans appui au debors et sans limite, s'est
» evanouie. On sert ses amis, ses admirations litterahes a I'occasion, par une pointu,
» comme une tactique bien eutendue ; mais les temperaments, les nuances, la discre-
» tion et la restriction dans les louanges out disparu. Tout ou rien. »
C'est-a-dire qu'en presence d'un public insouciant et d'une litterature dans Tanarcbie,
il n'y a d'autre parti a. prendre que (^admirer sans restriction, ou se taire, Un bom me
grave, cepeudant , un homme de coeur et de conscience litteraire, -vient de se faire un
nom d:une grande autorite dans le moiide savant, en nous decouvrant, a 1'aide d'une
vigoureuse et penetrante critique, tout le vide et toutes les pueriles vanites de l'6cole
romantique. L'eclatante et decisive victoire remportee par M. Nisajd sur ses puissant*
adversaires , n'est-elle pas ua indice que les sympathies du public ne nianqueroiat pa«
aux saines et vsrtueuses doctrines, quand elles voudrout se declarer et combattrc !
** "Voici la tete de-coloniie de cette collaboration, qui presente un effectif de trots cent
toixante ecrivaim : quatre anciens ininistres gecietaires'd'ttat , trois pairs, lingt d4-
4->4 MEMOIRES ET DISCOURS.
digue d'un aussi brillant programme , et Ton ne porte pas a moins de
25,000 le nombre des personnes qui souscrivirent a la nouvelle encyclo-
pedic. Ce livre, qui ne devait former que vingt volumes lorsqu'il fit ses
premiers enrolments de souscripteurs , fut plus tard , par im audacieux
mepris de la foi donnee , taille sur un patron de 52 volumes imprimes sur
le plus mauvais papier que puissent fournir nos fabriques. L'exemplaire
complet coutera 208 francs aux souscripteurs: radministration du Diction-
naire et ses correspondants dans les departements , auront done en fin de
compte avec leurs 25,000 souscripteurs , encaisse une recette brute de
5,200,000 francs. La redaction de I'ancien Mercure de France, qui fut
pendant deux siecles la caisse de veterance des illustrations scientifiques et
litteraires du royaume, n'eut jamais a sa disposition une pareille source
de richesse. Eh bien ! messieurs , une entreprise qui pouvait , en impri-
mant une direclion noblement intelligente a de tels moyens materiels, do-
ter la France d'un monument scientifique et litteraire qui repondit a la
haute reputation des hommes dont la cooperation avail etc armoncee par son
programme, n'a jusqu'ici livre, sauf quelques articles d'un merite supe-
rieur et incontestable *, qu'un labeur qui sous le rapport du style, de 1'e^
xactitude , et de 1'appreciation des choses et des fails , ne laisse qu'a une
faible distance derrierelui la litteralure du Magasin piltoresque et du Jour-
nal des connaissances utiles. Un on deux articles de M. Chateaubriand,
autant de M. Guizot, autant de M. Dupin aine, ou de M. Lacretelle,
ou de M. Tissot, ou de M, Nisard, ou de M. Ballanche, ou de M. Salvandy,
pules, un marechal de France, un vice-amiral , six offkiers generaux, vingt-trois
officiers siiperieurs de toutes armes , un archevequ* , un eveque , six conseillers d'etat,
vingt-huit mernbres de 1'Institut, vingt-quatre procureurs-generaux , avocats-gtmeraux
ct avocats plaidants. II est inutile de faire remarquer que la plus grande partiu de ce
bataillon sacre d'encyclopedistes n'a encore fait aucnne apparition dans les colonnes
du Dictionnaire ; mais en revanche, on y trouve (r«quemment les noms de BlM. Loyau
(d'Amboise) , Dupuy (de 1'Tonne), Pelouze , Tiby, Mennecliet , Ourry, Elisa Vo'iart, etc.
* Dans ce nombre nous devons citer les articles sur les mots bibliotheques , par
M. Champollionj Beaumarcli ais , par M. Saint-Marc -Girardin ; Bonaparte et 'Bar-
nave, par M. de Salrandy; Charlemagne, par M. Guizot; Comedie, par M. Edme
Hereau; Etablissement de I'Eglhe chretienne, par M. de Chateaubriand; Fouche, par
M. Ch. Nodier; Jean Lebon, par M. I^acreteUe ; Lamartine, commepanegyrique, par
M. Jules Janiii; Law, par M. Thiers , et France, par MM. Guizot, Nisard, Ch. No-
dier, Tissot, Walckenaer, etc. Ce dernier travail, qui pent etre preiente comme un
niodele de litterature eucyclopedique, n'en fait c^ue mieux ressonir les articles de paco-
tille qui «e sont introduits avec tant d'abondance dans le Dictionnaire de la Conversa-
tion : c'cst uue belle statue de marbre dans le salon de Curtiiw.
MEMOIRES ET DISCOURS. 455
ne peuvent racheter tout ce qu'il y a de leger , d'inexacl et d'incornplet
dans cette oeuvre eminemment mercantile.
Des notices a pleines pages sur des celebrites telles que la famille Du-
gazon , Brunei, le veritriloque Comte , le saltimbanque Bobeche; des ar-
ticles d'urie effrayante prolixite sur des reputations cuntemporaines qui ne
survivront peut-etre pas a noire generation; des biographies ou, malgre
les protestations d'impartialite, se laissent voir a nu les preventions de
1'esprit de ^parti et les pueriles complaisances de 1'esprit de camaraderie ;
trente-six colonnes ovatoires accordees a un avocat celebre de notre epo •
que, hoinme d'etat depuis six ans, lorsque Demosthene , Eschine, Ciee-
ron, D'Aguesseau, Cochin et Gerbier n'en occupent pas trente entre eux
tons *; un panegyrique plus long que les biographies d'Alexandre et de
Cesar sur un grand officier du palais imperial tombe d'une mort glorieuse
a Lutzen, noble et pure renommee, qu'honorent les sympathies nationa-
les , mais qui n'a droit qu'a quelques belles pages dans nos fastes militaires
ou il faut faire place a toutes les gloires : voila ce que vous trouverez dans
les premieres livraisons de la nouvelle Encyclopedic , lorsque vous y cher-
chez vainement les noms du ministre Claude, orateur biblique d'une grave
et puissante eloquence, et que 1'eglise orthodoxe honore de 1'imposant sur-
nom de Bossuet de la reforme; de Coislin, ce prelat pieusement philan-
thrope , qui remplit la ville de Metz d'etablissements de charite et qui la
dota de somptueuses casernes; de cet autre Coislin , eveque d'Orleans , qui
s'immorlalisa , lors de la revocation de 1'edit de Nantes , par sa courageuse
tolerance ; de Bourgelat , le fondateur des ecoles veterinaires en France et
le createur de Phypiatrique ; du president Duranty, Tune des gloires de la
magistrature francaise , deplorable et sainte victime des dissensions intes-
tines , homme consulaire , dont la memoire plane sur la noble cite des ca-
* A en jtiger par I'espace qne cet eminent personnage occnpe clans le Di 'ctionnairt
de la Conversation , dout il est un des cooperateurs, ce serait, apres 1'ernpereur, le
plus grand homme des temps modernes. Ce pent etre la 1'opinion du barreau ; mais a
Brest et a Toulon on pent se demander s'il n'aurait pas etc possible de prendre un coin
de la vaste place ous'etalela gloire de 1'ayocat, pour en faire les iioimeurs a la premiere
illustration maritime de notre epoque, a Tintiepide niarin, a 1'liabile general de la
flotte qui remplit do son iiom la Mer deslndes, les Antilles, 1'Adriatique , les lagunes
do Venise, la bale de Gadix, et qui altaclia a son pavilion la couronne rostrale dfc notre
immortelle coiiquele d'Alger. Le siege de la presidcnce est-il done tellemeut eleve que
nos biographes n'ont pu, de ce point de vue, apercevoir sur son bane le ministre estime
de tons les partis, I'administrateur integre que les cliambres legislatives avaient investi
d'urie si grande coiifiance que I'examen de son budget etait com me une soite de treve d»
Dieu accordee aux combats de la tribune.
45.6 MliMOIRES ET DISCOURS.
pitouls , et qui n'a pu trouver place a cote de Mascarille-Dugazon et de
Nina-Dugazon ! *
Par une distraction plus inconcevable encore , il n'est pas dit un mot ,
dans une conversation encyclopedique en 52 volumes, d'un monument
dont tous les hommes qui s'occupent d'art et d'histoire ont mille fois parle.
On nous decrit avec une prolixe complaisance un chateau de cartes du
pare de Versailles , le pavilion de Bagatelle ; et Ton oublie Chenonceau ,
cette merveille de notre douce et belle Touraine , cette habitation vraiment
royale ou le genie architectural de la renaissance brille dans toute sa
grace , dans toute sa fraicheur native ! On oublie Chenonceau , ou le temps
n'a rien deplace et semble, pour ainsi parler, avoir pris sous une protec-
tion speciale ce feodal vestibule avec ses voiites a rameaux d' ogive, ornees
d'ecussons, de chiffres et d'emblemes heraldiques, construction bizarre-
• II serait impossible <?e porter pins loin qu'on ne Pa fait dans tmo publication que
nou» regardons comrne un module en fait d'emmaginage litteraire, Poubli de tout
respect j>our les leetenr* qui s'occupent de biographic-, et d'exploiter les reputations
liistoriques avec moins de mesure et d'impartialite. Bourdaloue et Buffon n'ont pas
etc traites avec plus de ceremonie que les plus frivoles beaux espriti de la camaraderie }
un. rninistro de Pempire a du a 1'amitie d'uii historian moderne un article plus ample
q»e ceux des quatre freres de Pempereur reunis , et qui ne Pest pas beaacoup moins que
Phistorique de toute la posterite de Saint-Louis; distinction d'autaut plus flatteuse pour
lui, que pas une ligne n'a et6 acoordee a ses collegues Chaptal , Champagiiy, Caulin-
court et Clarke. II n'est pas, non plus, question du general Friant, une des plus
pures gloires de I'arm6e ; du general Drouot, guerrier des temps antiques, et de 1*
premiere illustration maritime de notre epoque , ML. 1'amiral Duperre. Si vous cher-
chez le nom du mareehal Gerard, vous trouverez a sa place celtii du pere Gerard,
depute d'une petite senecliaussuo de Bretagne aux etats-generaux ; si vous vous eto-miez
que six pages seulement aient etc consacrees par Paiiteur de la Vieille Fills a.
ra plus majestueuse renommee de notre ancieune monarchie, au prince qui a donne
son nom a Pun des quatre grands siecles du genie humain , et dont le musee de
Versailles suffit a peine a raconter la gloire, vous trouverez le motif de cette parci-
inonie dans le devoir que se nont impose les directcurs de Pentreprise, de consacrer
aux biograpliies de Cartouche et de Mandrill un espace apeuprcs egal au recoin occupe
par Louis LXIV.
En un mot, le Dictionnaire de la Conversation, qui ae vante, dans un avis affiche
sur la 71.® livraison, d'etre le Grand Litre de I'epoque t a organise dans les lettres le
systeme d'intrigue et d'insclent favoritisme des administrations les prus decrie^s : il n'a
otivert son bazar de reputations qu'a ses protege*.
Nouane pouvon».nous expliquer dans une simple note sur les autres parties de cette
excellente affaire de librairie ; mais crest une remarque qui n'a pu ecliapper k aucun
lecteur intelligent, que certaines brandies des connaissances humaines sont traitee*
par des ecrivaina de pen d'autorite dans le monde savant; que des articlei suscep-
tibles d'un grand developpement sont renfermes dans les laconiques definitions d'un
traite d'orthographe , et que de notables erreurs et d'inexpHcables omissions forceront
sans doute Pentreprise a continuer, dans un supplement, une convertation qui coute
deja <i cher aux touscripteur*.
MEMOIRES ET DISCOURS. 457
ment symetrique ; ces longues galeries , ces somptueux appartements on
Diane de Poitiers se fit d'amoureux trophees des sceptres et des couronncs
de deux puissants rois , et revetit sous le pinceau du Primatice les insignes
et la majestiieuse beaute de sa mythologique patrone ; le fauteuil ou s'as-
sit Francois I.er ; la table encore recouverte du tapis de patiente et inge-
nieuse broderie , sur lequel il ecrivit peut-etre de galants tfrclofs a la
chatelaine de Montfraut et a la belle comtesse de Thoury ; la chapelle si
delicatement decoupee ou prierent Marie Stuart et Louise de Vaudemont ,
et qui semble avoir ete posee la comme un fragment de cathedrale; le con-
fessionnal ou le rival de Charles-Quint s'agenouilla devant uu humble
apotre de la parole divine , et deposa dans son sein les secrets de sa cons-
cience; ces salons avec leurs tentures ou 1'azur, le siriuple et 1'or se des-
sinent en riches arabesques sur une loile que trois siecles ont laissee in-
tacte, leur meuble, dont le grave style est si bien assorti au caractere
historique de 1'edifice, et leurs vastes et luxueux foyers, qui furent comme
les confidents des profonds et sanglants desseins de Catherine de Medicis,
et qui c6mpterent au nombre de leurs hotes cinq rois de France , les der-
niers dues de Vendome et des princes de la maison de Conde ; ces grandes
avenues , ces arbres seculaires que reflechissent les limpides eaux du
Cher ; ces frais et romanliques ombrages que visiterent Montesquieu ,
Buffon, Voltaire, mesdames de Rohan, de Boufflers et de Tencin, et dont
s'inspira le prince de Peloquence philosophique , en recueillant les souve-
nirs qui devaient plus tard temperer 1'amertume de ses confessions, et
repandre tant de charme sur la memoire de madame Dupin , une des plus
eminentes femmes de son siecle par les vertus , 1'esprit et la bonle : ma-
dame Dupin, dont les formes pleines d'une douce et gracieuse hospitalitc,
sont passees comme un bien de famille dans les habitudes du possesseur
actuel de Chenonceau , M. le comte de Yilleneuve.
Faut-il conclure de ces remarques que nos modernes Dictionnaires on-
cyclopediques soient des publications sans utilite? Non , assurement, mes-
sieurs ! ce sont, a defaut de livres meilleurs et plus consciencieux, des
repertoires ou Ton pent puiser avec fruit lorsqu'on s'en sert avec prudence
et discernement ; c'est, passez-moi cette expression, un produit tare de
1'industrialisme litteraire, produit qui etant de premiere necessite, doit
etre employe en attendant qu'on nous en fournisse de mieux*conditionnes.
Mais que dire, messieurs, des memoires apocryphes qui depuis quel-
ques annees ont ete jetes dans le commerce de la librairie, et de la de-
plorable fecondite des ecrivains qui se livrent a ce trafic de materiaux
historiques presque tous satures d'ordures. Est-il une vie de crime, de de-
458 ME" MOIRES ET DISCOURS.
sonheuret de scandale; est il un ministre fletri par 1'histoire, une mattresse
de roi perdue de moeurs , un homme de cour fameux par ses vices ou par
ses intrigues , un sicaire ou un forcat celebre dans les sentines de la capi-
tale , qui n'ait trouve une plume venale et faussaire pour lui fabriquer des
memoires? Il n'est pas jusqu'au bourreau de Paris qui n'ait eu son memo-
rialist e. G'est une chose penible a constater que cette honte litteraire;
mais il faut avoir le courage de la deferer a la conscience publique et de
1'exposer sur la sellette de vos assises; il faut tenter d'arracher la presse
litteraire a ses niauvais penchants, en lui reprochant avec une vertueuse
indignation d'avoir deplore comme un des inseparables malheurs produits
par 1'incendie de la rue du Pot-de-Fer, la perte des pretendus memoires
d'un bandit couvert de crimes , et qui jusque sous le glaive de la loi prete
a le frapper , effraya la societe par le revoltant cynisme de ses moeurs et
de ses revelations.
• Non moins deprave, non moins hostile aux verites et a la philosophic
de 1'histoire que le moralisme, son fidele acolyte, le drame moderne est
devenu une veritable puissance dans notre etat social ; puissance dont les
organes out porte une telle perturbation dans les idees politiques, reli-
gieuses et morales de la nation , qu'il a fallu pour rassurer la societe , que
la legislature la replacat sous la verge de la censure litteraire et separat
violemment le theatre de la presse , pour se creer contre lui un droit en
opposition avec la loi politique du pays , mais qui avail en sa faveur le
plus imprescriptible de tons les droits , la necessite.
Ce n'est pas ici le lieu de preridre parti dans la lutte de deux systemes
de litterature, dont 1'un a traverse glorieusement quarante siecles pour ar-
river jusqu'a nous avec un cortege de mille chefs-d'oeuvre, et dont 1'a li-
tre croit marcher a la conquete de 1'avenir parce qu'il s'avance precede
des bruyantes acclamations de ses partisans, que le present ecoute deja
avec lassitude. Mais ce qui appartient a notre tache, c'est de constater
1'influence de 1'esprit de speculation dans une revolution theatrale qui ,
sous ce rapport comme sous tant d'autres, s'est peu ecartee du caractere
traditionnel des revolutions politiques. Nous avons tons vu naitre et pros-
perer un genre de drame qui n'est ni comedie, ni opera, ni vaudeville,
mais qui participe de tous les trois , de la comedie a tiroir par le marivau-
dage du style", de Fopera a ariettes par la futilite de 1'intrigue et Finven-
tion des personnages, du vaudeville par le flon flon des couplets. Ce genre
fut monopolise par un auleur fecond, spirituel et surtout tres apte aux af-
faires. Pere d'une nombreuse famille de colonels, de diplomales et de ri-
MEMOIRES ET DISCOURS. 45g
dies banquiers , il devint lui-meme millionnaire , et fut prendre place
parmi les quarante *. Le Samuel Bernard de la litterature avait fait for-
tune en nous presentant les moeurs de la bonne sociele dans des situations
sceniques outre nature, et en faisant du rapt et de I'antipathie conjugale
une condition habituelle de la vie privee. On essaya son systeme plus en
grand , et la recette ayant ete trouvee bonne , on arriva par une rapide
succession de licences dramatiques aux monstfuosites les plus revoltantcs.
Oui , messieurs , il faut le dire pour 1'excuse meme du theatre, 1'esprit d'?
speculation a pu seul l'entrainer a presenter aux regards des speclateurs
les plus epouvantables egarements de la raison humaine; a faire de la
scene une sentine d'immoralite ; a foniller 1'histoire pour en extraire
ses plus fletrissantes instructions; a calomnier, a salir d'ignobles fictions
des caracleres qu'elle s'etait plu a enviroimer d'une aureole de gloire ; a
renverser enfin les vieux dogmes de Part dramatique , pour leur substituer
un ordre d'idees et des formes de langage qui, loin de corriger les rnoours
de la societe, ne font qu'ajouter aux ridicules et aux vices qui se sent
comme identifies aveceljes, des vices et des ridicules dont la vie de faniille
n'aurait pu lui donner 1'exemple ni meme la pensee : etat de chose telle-
ment grave , tellement flagrant, qu'une sorte de honte trop legitime inter-
dit aux femmes 1'acces de nos theatres , lorsqu'on y joue des ouvrages dont
une premiere representation n'a pas encore constate la moralite , et qu'il
est tel spectacle qu'une femme ne pourrait affronter sans que la pudeur
de son sexe n'en fut alarmee. Interdire aux femmes , par la licence de
Fart, I'acces de nos theatres, n'est-ce pas, messieurs , faire. violence aux
moeurs traditionnelles de notre nation , la desheriter de son antique re-
nommee de galanterie, imprimer a cette civilisation dont nous sommes si
fiers un caractere de brutalite qui ferait presque regretter au beau sexe
la courtoise barbaric de nos ancetres?...
L'industrialisme dramatique nous a rendu, pour ainsi dire, temoius de
ces transmutations de talents litleraires dont on chercherait en vain des
exemples dans Phistoire de nos theatres classiques. Ainsi, de puissants es-
prits qui pouvaient briguer de nobles palmes sur notre premiere scene
dramatique , et rendre peut-etre a ce theatre son ancienne splendeur, sont
descendus sur des theatres secondaires oil les attendait une foule formee a
* C'est moins le m^nte incontestable de Tauteur de Bertrand et Raton que j'attaque
ici , que 1'esprit do la litterature de son dpoque, qu'ilatrouve plus dispose qu'il ne
s'y attendait peut-etre a le suivre e-t a le depasser dans la uiauvaise voie du draine
batard et sans tnoeuis.
460 MKMOIRES ET DISCOURS.
1'ecole du melodrame, et qui payait a la porte, non pas le droit d'applaH-
dir aux perfections de 1'artou de siffler sesdefauts, mais bien celui de de-
mander au dramaturge de fortes et saisissantes impressions. Ainsi un
poele que les premieres annees de la restauration virent debater sur la
scene tragique avec plus d'eclat que 1'auteur des Freres ennemis et ft A-
lexandre , et qui s'etait montre digne d'evoquer une ombre auguste et de
lui donner une majestueuse et sainte parole , est passe dans le camp de
la litterature facile et lucrative , et a delaisse la fortune incertaine du thea-
tre Francais et le sterile labeur de 1'alexandrin pour les faciles triomphcs
du vaudeville et la florissante industrie du couplet d'annonce. Si Pierre
Corneille elait ne deux siecles plus tard, au lieu de passer du palais d'Au-
guste et du camp de Sertorius dans une echoppe de la rue de la Parche-
minerie pour faire reparer sa chaussure delabree, il se fut arrete a Mc-
lite ou a Medee, aurait fait la Marraine ou les Premieres amours, et
serait mort millionnaire.
Get amour du gain , ce desir de fortune et de bien-etre materiel qui
s'est introduit dans les mceurs de 1'homine de lettres, a son principe dans
le caractere general de notre epoque. « Dans notre societe , dit un savant
historien moderne, il n'y a plus que 30 millions d' unites egoistes *. » II est
done conforme a 1'esprit d'une telle societe que les ccrivains aspirent,
non a la renommee la plus glorieuse , mais a la condition la plus heu-
reuse. Get etat de choses est une de nos maladies sociales , qui ne se pen-
vent guerir que par une lente revolution dans les moeurs. Est-ce leprotec-
torat d'un Mecene, est-ce la munificence d'un Louis XIV, qui suffi-
raient de nos jours a donner 1'impulsion au genie littcraire?.... Je ne sais
dans quelle feuille periodique je lisais, il y a pen de jours, qii'anclen-
nement les arts et surtout la litterature s'approchaient des grands comnie
les moineaux des lieuac habite's ; qu'ils donnaient de Vambroisie pour du
pain, et du nectar en e'change du petit win qu'on lew permettait de
boire; et que , lorsque Virgile av ait mis Cesar au-dess us de Jupiter, Ce-
sar lui faisait donner pour cela quelques pieces d 'argent dont il se
croyait trop paye et dont il rendait la monnaie en dactyles et en spon-
dees. N'est-ce pas la traduire en termes du plus meprisant prosaisme la
poesie du bienfait et de la reconnaissance? Quelle munificence royale
pourrait exciter remulation et satisfaire 1'orgueil d'une litterature qui,
roulee dans un feuilletou , se prend a la memoire du prince de la poesie
latine, pour la livrer au mepris de nos jeunes homnies et lui reprocher
* M. Cappefigue.
MEMOIRES ET DISCOURS. 4CI
1'or dont 1'enthousiaste admiration d'Auguste et la matcrnelle douleur
d'Octavic couvrirent 1'episode de Marcellus?
C'est dans les balances dn commerce que le genie litteraire vienl au-
jourd'hui jeter ses oeuvres , ou plutot le poids d'un nom , car on ne dit
plus a 1'hommede lettres : voyons et jngeons votre manuscrit; on lui de-
mande : comment vous nommez-iwus ? Andromaque, le premier chef-
d'oeuvre de Racine, ne vaudrait aujourd'hui, comme en 1667, que 200
livres tournois; mais si Andromaque etait suivie de la Tour de Nesle ou
d' Antony, un Harbin moderne paierait a Racine, deja connu de lui Bar-
bin, dix mille ecus pour le manuscrit de la Tour de Nesle ou d'Antony.
Aussi voyez comme s'exploite la valeur monetisee d'un nom ! La librairie
1'accepte et la ncgocie, cette valeur, comme une lettre de change; et si le
poete ou le romancier manque a 1'engagement cautionne par son nom, on
le traine devant les tribunaux, on soumet ses ceuvres a ^arbitrage de la
juridiction consulaire, et Ton voit les plaideurs de la litterature se disputer
an pied du pretoire des lambeatix de volume , et livrer aux sarcasmes
du parquet et du barreau ces nobles muses, qu'une belle fiction de 1'anli-
quite avail representees avec tons les attributs d'une pure et majestueuse
virginite !
Une critique austere, consciencieuse, forte d'etudes et d'independance ,
pourrait peut-etre , non pas rendre les hommes de lettres humbles et de-
sinteresses, mais forcer la litterature an respect de sa propre dignite. Mais
comment 1'attendre cette puissante critique d'un feuilletonnage ou les au-
teurs font eux-memes 1'analyse de leurs propres ouvrages , ce qui se re-
connait a la gaucherie du blame qui accompague , pour la forme , de
pompeuscs louanges? Comment 1'attendre d'une presse litteraire qui, dans
notre societe nouvelle , a remplace la venalite des emplois publics par le
monopole des reputations ? C'est un arret prononce par 1'ecole moderne et
recu sans reflexion dans nos prejugesnationaux ,que 1'auteurdu Lutrinn'e-
tait qu'un has flalteur , un poete attache a la glebe de la cour , et dont la muse
ne recevait la vie intellectuelle que des regards de Louis XIV, et la vie mate-
rielle que de ses aumones. Eh bien ! ce genie si rampant , si venal , si attentif
a flatter tons les gouts , toutes les affections de la magique puissance a la-
qttelle il s' etait voue corps et ame , ne craignit pas de livrer a la risee pu-
blique et d'aller prendre au corps, en pleine academic, et sous les batteries
du Louvre, le chef spirituel , le pontife de la cabale doree de Photel
tel Rambouillet ; 1'ancien grand-prevot de Richelieu dans la procedure
contre le Cid , I'homme que tenait en cour la feuille des benefices des
gens de lettres, le directeur de la conscience litteraire de Colbert, le poete
462 MEMOIRES ET DISCOtTRS*
Chapelain, en un mot. — 11 osa renvoyer aux ruelles les divertissements
de Benserade qui faisaient les delices de Louis XIV ; attaquer Armlde dont
ce prince avail fourni le sujet a Quinault , et proclamer an milieu d'une
cour ivre de, gloire et d'orgueil, que 1'homme qui honorait le plus le regne
du grand roi , c'etait Moliere, le comedien Moliere'.... Quel esl done I'e-
crivain de notre moderne ecole qui oserait s'attaquer, avec ce courage et
cette independance , aux reputations faites ou protegees par le jouTnalismfi ,
cette puissance tyrannique et intolerante devant laquelle s'humilient les
plus orgueilleux detracteurs des antiques mreurs litleraires ; puissance qui
jette aussi de 1'or a ceux qui la servent de leur plume, mais qui ne per-
mettrait pas , comme Louis XIV , qu'ils deversassent le mcpris sur les
objets de ses affections; puissance, enfin , qui moins eloignee du regime
feodal qu'on ne pense , a scs hauts-barons , ses leudes, ses justices sei-
gneuriales, et des archers qu'elle emploie a detrousser les opinions qui
»e marcbent pas sous sa banniere ?
S'il existait une societe ou les symboles visibles des opinions politiques
ne servisscnt qu'a favoriser les pensees et les actes du plus implacable
egoisme; si dans cette societe , 1'interet personnel etait tellement preoe-
cupe du soin de sa conservation, qu'il ne s'apercut pas des perils de Tinte-
ret general , qui pourrait cependant 1'entrainer dans sa mine ; si enfin ,
dans cette meme societe , il y avail pour les grands principes de morale
universelle , d'ordre et de stabilite un tel mepris ou une telle indifference,
qu'on y \it cbaque semaine naitre, vegeter et mourir un culte nouveau ,
comme on voit, faute de credit et de bons ouvriers, s'etablir, se ruiner
et disparaitre une fabrique nouvelle ; si cette societe pouvait exister, fau-
drail-il croire qu'elle ne compte dans son sein que des bommes sans de-
vouement patriotique et sans foi religieuse? Ob! non, messieurs! pas plus
qu'il ne faut conclure des reflexions que je viens de soumettre a vos lu-
mieres, que la litterature de notre epoque n'est bonoree par aucun noble
devouemenl. Grace au ciel , nous n'en sommes pas encore a desesperer du
salut de nos mceurs litleraires, puisqu'il nous reste quelques ecrivains de
vert us digues et austeres pour nous conserver les traditions du culte anti-
que.
Et a la tele de ces bommes d'elite, nous devons placer, messieurs, un
ministre* qui n'ecbappe pas au malheur de rcncon'rer des ennemis politi-
ques , mais dont les travaux et les actives et puissantes sollicitudes en fa-
veur des lettres n'eveillent que de reconnaissantes sympathies; le brillant
•M Guizoi.
ET DISCOURS. 4C3
historien des Croisades*, qui porta en Orient les restes d'une fortune
laborieusement acquise , pour enrichir notre tresor intellectuel de mcr-
veilleuses et poetiques impressions des voyages ; le savant M. Michelet ,
fouillant, avec une infatigable ardeur d'erudition, nos biliotheques publi-
ques , pour retirer de ces immenses greffes de 1'jntelligence humaine, les
documents qui doivent servir a edifier notre liisloire nalionale ; le severe
et consciencieux M. Nisard, dout la puissante critique fit un jour crouler
tout le frele echafaudage de la lltteratu re facile \ le poete Beranger, qui ,
Simonide des temps modernes, n'a pourtant desire et recu des dieux, pour
tout bienfait, qu'une humble chaumine sur les bords de la Loire; le jeune
philologue Marmier , explorant les regions polaires , won pour tenter ,
nouveau Baffin, de penetrcr jusqu'a la derniere limite du monde physique,
inais pour ravir aux traditions populaires du Nord et pour importer dans
sa patrie les sagas, les epopees scandinaves enfouies sous les ruines du
vieux culte d'Odin ;
Et surtout , messieurs , le fondateur et la plus eminente renommee de
notre moderne ecole historique, M. Augustiu Thierry, que cette ville est
fiere de compter au nombre de ses erifants. Vous ne le voyez point lance
dans la lutte des ambitions qui veulent avant tout des honneurs et de 1'or,
mais, renferme dans le sacerdoce des lettres, il les edifie par un devoue-
ment dont il porte , comme Milton et noire poete Delille, les glorieux
stygmates, et les enrichit de travaux empreints d'un admirable talent.
Et pourquoi , lorsque je parle des rares devouements du monde savant,
hesiterais-je, messieurs, a citer Pexemple que vous donnez vous-memes?...
La mission de votre parlement scientifique est gratuite comme celle de nos
parlements politiques; mais votis n'avez , vous, ni popularite a conquerir,
ni places a demander au pouvoir, ni retentissants eloges a attendre de la
presse. Votre zele desiriteresse dans ce grand mouvement de 1'inteHigence
hurnaine , votre ardeur philanthropique a repandre dans nos provinces
d'utiles et genereuses doctrines, sont done une belle et noble exception
dans nos moeurs publiques; ct j'ai du regarder comme un bonheur, mes-
sieurs, d'avoir a prononcer ce discours devant une assemblee qui, pour
evoquer la cause des lettres , compromise par d'immorales speculations , a
pour elle la double autorife des lumieres et du bon exemple. Que les let-
tres done occupent dans vos sollicitudes , dans vos travaux, la place qui
leur appartient. Les questions qui peuvent interesser leur avenir sont aussi
* M Micliatul, de l'Acad£mie frauraise.
464 ME" MOIRES ET DISCOURS.
des questions civilisatrices. Hommes de la science , veillez au salut des let-
tres , puisqu'elles soul les indispensables compagnes de vos plus abstraites
investigations; puisque c'est a leur charme , a leur ascendant que vous ap-
plaudissez dans les discours traitant d'objets qui leur sont le plus etrangers
par la pensee, mais qui recoivent d'elles la vie, le mouvement, 1'ame,
comme le genie du sculpteur anime le marbre auquel son ciseau n'eut
donne que des formes inertes. Qu'on puisse dire de vous : si la saine cri-
tique , si la critique consciencieuse , independante pouvait etre bannie
sans retour de notre presse litteraire , c'est dans le sein des Congres qu'elle
trouverait uu refuge.
Ne vous preoccupez point, messieurs, des clameurs de la presse. Vous
aurez pour vous et avec vous tons les jeunes hommes avides de gloire et
d'avenir , qu'un odieux monopole de reputations qu'ils ne peuvent soudoyer,
indigne et decourage; vous aurez pour vous lout ce qui comprend et ho-
nore la mission des lettres. La France est riche assez de couronnes civi-
ques et militaires ; il reste une autre palme a conquerir : c'est celle d'i
courage liltcraire ! Osez la briguer !.... Osez vous consacrer avec une foi
vive , agissante et sincere a la defense de la religion des muses , et concourir
a sauver des avanies des barbares ce qui nous reste de ce culte sacre.
Faites qu'il soil dit de vous , que dans une noble cite , d'ou paru't , il y a
trois siecles , le signal de la renaissance des arts , vous avez arbore la pre-
miere banniere d'une croisade iutellectuelle centre les vendeurs et les pu-
blicains de la lilterature.
MEMOIRES ET DISCOURS; 405
»• 5
DE
I/ETAT ACTUEL
DE LA PRESSE EN FRANCE;
$ar Jtt. Doublet &c Ooitiiljibault.
MESSIEURS ,
La marche de la civilisation se revelc dans les institutions utilcs et ge~
ncreuses d'un pays. Mais comment seraient-elles appreciees et proposees a
1'imitation, si la presse , senlinelle avancee pour en reconnaitre les avan-
tages, ne les signalait a 1'attention publique. C'est par la presse, en effet,
que le bien comme le mal acquierent une publicite salutaire; c'est a elle
qu'il apparlient d'honorer 1'un et de fletrir 1'autre. La marche de la civili-
sation se revele encore dans 1'instruction d'un peuple : ses succes en mar-
quent les progres, la litterature est la physionomie la plus fidele de son
caractere et de ses moeurs , elle en est , comme on 1'a dit heureusement ,
1'expression. Malheur au pays dans lequel la litterature est stationnaire ,
car il est retrograde; c'est le temoin de son indifference ou de son impuis-
sance, c'est uu signe irrecusable de deperissement.
Ces considerations, messieurs, devaient trouver leur place dans 1'expo-
sition du sujet que je me suis propose de trailer devant vous, et dont
ractualite est incontestable et incontestee.
La journee commence ; a peine commencee , nous toucbons a la fin ;
c'est la marche du temps , c'est la vie de 1'homme en abrege. L'homme
s'iuquiete pen du passe , son regard ne plonge que dans 1'avenir. II ne
* L'impression de ce M6moire , en reponse a celui de M. le cap. Merson , a 6t»
voice egalement par acclamation.
466 MtiMOIRES ET DISGOURS.
songe,pas a ce qu'il a fait, ma is a ce qu'il doil faire; c'est sa preoccupation
continuelle. La societe lui dit : marche , marche il n'entend rien do
plus.
Messieurs, pour juger des progres de la civilisation, il faut se fixer sur
les epoques , ne pas marcher toujours , s'arreter quelquefois , et constater
ce qui desormais sera acqnis au passe, mais dont 1'influence sera puissante
sur 1'avenir. Sans ce calcul, on s'cgare; on croit avancer, on recule.
J'ai pense que ce serait une ceuvre tout utilitaire que de marquer la
situation de la societe consideree dans ee qui en revele la vie-et le raouve-
ment, et de fixer ainsi, comme sur une espece d'echelle appreciative,
1'etat de la science, ou pour generalise!' ma pensee, 1'etat de la presse , sa
tendance et ses productions dans 1'acceplion la plus gencrale du mot.
Depuis qu'une pensee noble et avancee a cree vos Congres, ne vous
etes-vous pas demande au commencement de chaque session : quel bien
avons-nous fait, quelles ameliorations avons-nous provoquees et obtenues?
ISous avons decouvert bien des plaies, combien en avons-nous gueries, du
moins cicatrisees? Pourquoi ne vous comparerais-je pas a 1'homme de 1'art
qui , apres avoir applique le remede , ne manquera pas de consulter 1'etat
de son ma lade ?
TSf'avez-vous pas vous-memes exprime cette opinion , lorsque dans la der-
liiere question sournise a la sixieme section du Congres, vous lui ave/ de-
mande d'apprecier FinfliiencH qu'avaient cue les resolurions adoptees dans
les trois premieres sessions du Con.gres scienlifique de France ? Je suis
dans les termes de votre programme.
Je veux vous parler de 1'etat actuel de la presse en France; je veux re-
chercher si nous progressons , si nous sommes stationnaires , si meme nous
serious retrogrades ? c'est un examen severe que je rapporte ici et que jo
soumets avec confiance a votre indulgente appreciation. Je n'aurai a vous
entretenir que du sujet lui-meme , dans des limites en rapport avec le
temps que vous voulez bien m'accorder. Je me croirais pen digne de cetle
fa veu r , si je rapportais dans cette enceinte d'autres sentiments que ceux
qui nous animent tous, le besoin de s'eclairer les uus par les autres, celui
de confondre dans un but commun des intentions pures, en faisant une
abnegation de soi-meme.
Telle est , messieurs , la mission que je viens remplir : c'est une idee qui
m'est venue au milieu de tant d'autres que votre amour pour le bien fait
naitre. Ne 1'oubliez pas suftout, ce n'est pas un homme de talent ni de
science qui s'adresse a vos intelligences elevees ; je n'ai d'autre passeport
poor arriver jusqu'a vous que la franchise de mon opinion. Pour me faire
MEMOIRES ET DISCOURS. 467
romprendre d'un mot, c'est une cause que je me crois charge de defen-
dre en me couvrant de ma toge. Je m'adresse non plus a mes collegties ,
mais a mes juges, en leur promettant de parler sans haine et sans crainte ,
avec la conviction qui convient a un homme probe et libre*
Messieurs , sans la liberte , quelle serait la condition des sciences et des
lettres ? Elle ne serait pas seulement precaire , elle serait nulle. Pour
qu'elles puissent progresscr, il taut qu'elles vivent dans un etat libre, sans
etre soumises a un controle a litre que celui de la loi generate conservatrice
de la societe. Ne recherchez pas s'il y a progres la ou il y aura gene , en-
trave. Comment conccvoir le genie s'il est captif , s'il ne peut respirer que
dans 1'espace etroit d'uue legislation toute preventive, et par cela meme
restrictive. Telle n'est pas not re epoque. Rien n'arrete 1'action de la presse*
Tour-a-lour interdite , reslreinte, elle a conquis son emancipation pour
toujours ; noble conquete puisqu'elle doit eclairer le monde. Yoyons si
cette puissance moderne a compris sa mission , voyons si elle impose un
joug humiliant a 1'intelligence , voyons si elle accomplit ce saint apostolat:
progres des lumieres , amelioration de I' etat de la societe.
A aucune epoque, Faction de la presse consideree sous ses rapports po-
litique, scientiiique et litteraire, ne fut plus vive; jamais ses productions
ne furent plus nombreuses. Comme un nouveau Protee, elle prend toutes
les formes , toutes les figures. C'est ainsi qu'elle penetre dans nos salons ,
dans nos academies, jusque dans la demeure du pauvre; et comme si la
multiplication des ceuvres de la presse devait lasser notre patience , elle
cherche a reposcr notre attention fatiguee par ces gravures sur bois , par
ces dessins legers,par ces arabesques delicates qui, depuis quelque temps,
encadrent les productions les plus remarquables de la litterature.
Parlons d'abord des journaux , de la puissance du journalisme Sans
contredit , les journaux sont les organes les plus actifs de~ la presse ; ils
sont, dans ce temps, un besoin generalement senti, une chose necessaire
de chaque jour. Le travail de la nuit prepare au lendemain un aliment a
la curiosite. Nous ne sommes plus a cette epoque reculee ou le journalisme
se reduisait a 1'indication de quelques fails sans interet reel, reproche qui
ne s'etendra pas a des ouvrages justement estimes , tels que le Journal de
Henri II et de Henri III.
Qu'etait avant 89 un journal? Une feuille d'annonces des nouvelles de
la cour , du beau et du mauvais temps signale par 1'Observatoire de Paris.
Qu'etaient les journaux sous 1'empire? Nuls sous le rapport d'interet so-
cial ; la litterature elle-meme n'avait pas la liberte de tout dire , et madame
468 M&fOtRES ET DISCOURS.
de Stael I'a ecrit : Le jonrnalisme, c'etail le Bulletin de la grande armee.
Si le journalisme, en France, a eu deux epoques, I'une de vie, 1'autre
de mort, la litterature de son cote a subi des variations. Comparez le 18.e
siecle au 19.e , messieurs, et prononcez.
Le but du journalisme est d'eclairer, d'instruire et d'amuser. Chaque
opinion y trouve son representant. Les feuilles quotidiennes , hebdoma-
daires, les productions periodiques se repandent sur tons les points du
globe , et etablissent des rapports jusqu'alors impossibles et inconnus entre
les hommes. Celte publicite a frappe quelques uns d'entre eux; ils ont vu
dans ces rapports de tous les jours, de tons les instants, le moyen de creer
an milieu de la societe une tribune du haul de laquelle toute voix puis-
sante , civilisatrice , instructive et savante pouvait se faire entendre. Aussi
avons-nous vu des hommes de science , des jeunes gens studieux renoncer
a des carrieres commencees et se vouer a la redaction des journaux.
Suard , Geoffroy , Dussanlx , Hoffmann , Tabaraud , de Feletz , Benjamin
Constant, etc. , sous I'empire; et de nos jours, des publicistes, des hom-
mes d'etat ne dedaignerent pas de consacrer leurs veilles a eclairer ou ins-
truire leurs concitoyens. Ils descendirerit dans cette arene brulante qui
n'avait point effraye I'illustre auteur de Corinne !... Je ne veux pas cileries
celebrites contemporaines , vous les connaissez tous, messieurs, en est-il
une seule dont vous n'ayez lu quelques pages dans nos feuilles publiques?
Voudrait-on rechercher quelle fut la cause de cette tendance des hom-
mes de lettres vers le journalisme? Fut-ce le besoin de se procurer un
etat? 1'ambition de faire une fortune plus rapide? On ne vous a point parle
de ces ecrivains que la misere reduisit an suicide!.... On aura beau faire,
apres des investigations penibles et laborieuses, on arrivera a vous dire
qu'tt/z homme de lettres devint millionnaire et academicien! Voila depuis
Gilbert et tant d'autres , il faut bien en convenir, 1'exception a cote de la
regie. La pauvrete fut long-temps la compagne de Thomme de lettres , et
je ne sache pas que cette condition de la science ait jusqu'ici change.
Quelle noble entrcprise de nos jours, quoique souvent denaturee par I'iu-
trigue, n'a pas appele les interets particuliers a son aide! Que d'hommes
de conscience n'ont pas craint d'y chercher les chances d'augmenter une
fortune dont ils n'avaient point a rougir? Et, messieurs, tel homme ( a
Dieu ne plaise que j'entende parler d'aucun des adversaires que je puis
rencontrer ici), tel homme, dis-je, qui fletrit aujourd'hui des speculations
litteraires que je suis loin de defendre , ne dedaignerait peut-etre a ce prix
une fortune rapide , et se contenterait de rester millionnaire pour se con-
soler de ne pas etre academicien.
MEMOIRES ET DISCO URS. 409
L'interet ne fut done pas le mobile des genereuses resolutions de tant
d'hommes de lettres. Quelques pieces d'or ont-elles jamais etc la compen-
sation de leurs veilles? Non, messieurs, disons-le pour 1'honneur des let-
tres, ce que recherche le journalisme, c'est un but louable, grand, eleve,
la civilisation , en dehors des calculs etroits de Pinteret.
Si les colonnes des journaux devaient suffire a 1'exposition des principes
geueraux et individuels , elles etaient evidemment insuffisantes pour Pex-
position et la propagation des doctrines. De la naquirent succes-sivement,
a 1'exemple de PAngleterre et de PAllemagne , ces Revues dans lesquelles
se produisirent , tantot des questions d'un interet general, tantot des opi-
nions sur les differents genres de litterature : recueils precieux dans les-
quels 1'homme du monde comme 1'homme de la science se reucontrerent ,
1'un pour y comparer les systemes et les juger, 1'autre pour les combattre.
Lulte heureuse, puisqu'elle doit tourner a Pavancement et aux progres
de la science. Voyez comme elle est exigeanle : non contente du present ,
elle fouille dans le passe ; elle parcourt des chemins deja parcourus et rap-
porte pour Petude actuelle des materiaux oublies ou negliges par ceux
qui 1'avaient devancee*.
Mais est-ce au journalisme et a ces revues scientifiques et litteraires
que s'arrete la presse au 19.e siecle? Est-ce a ces productions qui ne de-
mandent au lecteur qu'un peu de temps , un peu de patience? Non , mes-
sieurs, la presse n'aurait pas remph sa mission, si elle n'avait pas d'au-
tres actes a citer.
Qui pourrait nier les travaux des premiers corps savants de Petal, con-
tinuateurs modestes des Benedictins , dont 1'applicatioa studieuse ne s'eton-
na point de recherches longues et fatiguantes, qui ne passerent en quel-
que sorte dans cette vie qu'en consumant dans de patientes elucubrations
un temps precieux que tant d'autres depensent en pure perte si facilement.
Faut-il compter pour rien ces solides et brillantcs productions de
1'ecole historique , de ces hommes de science, des Guvier, des Guizot,
des Michelet , des Chateaubriand , des Barante et de vous A ugustin Thierry,
vous historien fidele et consciencieux, 1'une des gloires de notre siecle,
vous victime eprouvee par la science elle-meme;je nevoudrais pas d'autre
nom que le votre pour repondre des progres du siecle a ceux qui en nie-
raient la marche et Pavancement ! ! !
La litterature , la pocsie n'ont-elles pas aussi leurs productions pleines
de charmes ? Qui n'a ete philosophe avec Lamarline ? qui n'a sympathise
* La RtMie
470 MEMOIRES ET DISGOURS.
avec ses meditations pleines de charme et de melancolie? qui n'a lu Fes
belles pages de Victor Hugo ? qui n'admire chaque jour le style drama-
tique et severe de Casimir Delavigne, et les elegies touchantes de mes-
dames Amable Tastu et Desbordes-Valmore ?
Faut-il jeter un dernier coup-d'ceil sur la litterature considerec dans scs
productions dramatiques? Notre theatre n'est-il plus celui du gout? notre
scene a-t elle meconnu les traditions de Racine , de Corneille et de Vol-
taire? 1'art dramatique, en France, est-il degenere? notre theatre, enfm,
loin de corriger les moeurs en riant, en hate-t-il la corruption? et n'est-il
plus que le triste tableau du devergondage litteraire? Reproche exagere,
qui, s'il devait se verifier, serait autant une accusation centre le gout
deprave du siecle que contre les auteurs qui s'y soumettent.
Messieurs, ce serait mal juger 1'esprit d'un pays que de le juger par le
caractere de quelques uns de ses habitants ; de merae , ce serait porter un
jugement hasarde et temeraire que de juger la presse par ses abus, la
litterature par ses exces , 1'art dramatique par son exageration , ou , si
Ton veut , par son devergondage.
Tant qu'il y aura des hommes, il y aura des vices; les institutions les
plus genereuses seront exploiters par le mal comme par le bien. Quelle
nation n'a point sa plaie? quelle societe n'a pas ses bagnes?
Est-ce une raison pour mettre cette nation tout entiere an ban de la
civilisation ?
Est-ce une raison pour traduire la litterature a la barre de 1'opinion?
pour 1'accuser sans la convaincre d'un egarement qui n'est pas le sien,
pour la punir d'un crime dont elle n'est pas complice, pour 1'attacher
comme a un carcan litteraire et pour la trainer sur la claie comme on
trainait autrefois sur nos places publiques le cadavre des suicides !
La presse, cette institution des temps modernes, sera quelquefois, non
plus le flambeau qui eclaire , mais la torche qui incendie... la litterature ,
et ce 1 8.e siecle dont Pimpartialite dedaigneuse d'un critique invoque la
gloire litteraire , professera Patheisme et 1'impurete! la poesie, ces accords
si doux pour 1'ame , sera fletrie'par la licence ! Que faudra-t-il en conclure
contre le 19.e siecle?
Que la presse est un mal?
Que la litterature est morte?
Que la poesie n'a plus ses dieux?
Non , messieurs , 1'homme sans pas ;ions , sans etre taxe d'optimisme ,
dira des institutions ce que 1'on dit des hommes : faut-il les hair parce
qu'il y aura parmi eux des mediants ? Proclamons-le done avec conscience >
ME"MOIRES ET DISCOURS." 47 t
une fois pour toutes : voulez vous juger la litterature d'une epoque? in-
terrogez des productions severes, fruits de la patience et de 1'etude; mais
rejetez ces productions ephemeres , fragiles comme le verre, oeuvres maU
heureuses, mortes avant que d'etre nees, et dont l'homme de conviction
et de gout ne salit pas sa memoire!... rejetez ces recueils sans fond, sans
valeur, sans idees, bons tout au plus pour le desceuvrement ou 1'incapa-
cite! rejetez ces biographies inspirees par 1'esprit de denigrement et de
parti ! rejetez ces memoires apocryphes et faussaires dans lesquels la ca-
lomnie et le mensonge prennent la place de 1'histoire et de son impartia-
lite ! rejetez ces productions immorales d^une imagination ardente et de-
reglee , dont l'homme de bien comme 1'homme de lettres ignorent 1'exis-,
tence, et qui accusent autant ceux qui les lisent que ceux qui les font ;
restes immondes sur lesquels la presse passe et route comme un fleuve
sur son liinon, sans que son cours en soil ui moins rapide , ni moins
pur!...
Disons-le, messieurs , jamais la science n'a taut produit , la litterature
n'a jamais etc aussi feconde , jamais le gout des etudes historiques n'a ete
porte si loin ; elles sont si bien senlies qu'elles deviennent aujourd'hui une
necessite de 1'education. Le gout de rAllemagne nous a gagne , et la phi-
lologie est une nouvelle etude en France.
Toutefois , nous en conviendrons , ces productions multipliers de la
presse ont eveille 1'industrialisme, Ainsi, Ton vit nagueres les associations
a prime s'etablir, et soumettre aux chances trompeuses du hasard la pros-
perite de tel ou tel ouvrage. Les organes eux-memes de la presse , restee
etrangere a ces speculations mercantiles el iienales , furent les premiers a
s'en affliger ; ils provoquerent par 1'energie de leurs remontrances la re-
pression de ces abus , et vous savez que la legislation , impuissante d'abord
a punir des raises en loterie si communes en Allemagne, combla bientot
le vide qui existait.
N'est-ce pas une injustice flagrante que d'accuser 1'auteur d'un ouvrage
qui ne lui appartient plus de la speculation de son libraire ? Signalons ,
en terminant , une amelioration non moins importante. Ce qui distingue
rhomme de lettres de nos jours , c'est 1'independance , c'est la conscience.
A quelques hommes pres , que Topinion fletrit , il ne prostitue pas son
talent, il ne fait pas de sa plume metier et marchandise. Autrefois, les
faveurs du pouvoir rendaient sa plume <venale; un homme de lettres de-
venait historiographe d'un roi de France , un autre chambellan d'un roi
de Prusse; ils logeaient au Louvre, a Postdam!...Dieu sail ce que devenait
1'hisloire! !! aujourd'hui, du moins, la pensee de l'homme de lettres lui
472 MEMOIRES ET DISCOURS.
appartient. Et n'avons-nous pas vu nagueres une noble action qui prendra
place dans 1'histoire, rappelee sur la tombe du redacteur eu chef d'un
journal, organe de la publicite des debats judiciaires.* Un proces scanda-
leux etait engage... 1'une des parties, un homme place liaut dans le monde ,
crut pouvoir etouffer la publicite des debats, honteux pour lui, par 1'offre
d'uue somme qui cut etc une fortune pour tout autre qui voulut lui sacri-
fier 1'independance de sa plume. L'homme delettres refusa... et le lendemain
re vela atoule la France le scandale du debaljudiciaire.Quelques moisplus
tard , cet homme mourait pauvre , ne laissant a sa veuve et a ses enfants
que 1'honneur de son nom, nom sans tache, et 1'estime des gens de bien.
Voila , messieurs , un de ces hommes d'argent , uniquement d'argent ,
qui voulait, lui aussi, que le siecle marchdt avec lui, sans pourtant tendre
la main pour recevoir cet or, 1'or que le siecle lui jelait en marchant pour
le seduire!
Tel est, messieurs, 1'etat actuel de la presse litteraire en France. Ne
serait-ce pas un blaspheme que de la trailer de mercantile, de venale?
n'y aurait-il pas de 1'exageration a faire peser sur tous les fautes de quel-
ques-uns? Non, messieurs, la presse n'est ni mercantile, ni -venale; elle
ne le sera jamais. La presse est grande d'avenirjtot ou tard elle com-
prendra sa mission , et , grandissant de plus en plus dans 1'espace , elle
repandra la civilisation dans le monde.
Ce n'etait pas a moi qu'il appartenait de venger la presse des attaques
dont elle etait 1'objet , presentees avcc une bonne foi que nous aimons a
reconnaitre , mais dans une trop grande generalite. Tine parole plus puis-
sante que la mienne eut pu la defendre ; que voulez-vous ? pouvais-je ne
pas lui tendre une main secourable quand tant d'aulres la lui retiraient;
moi qui, suivant les conseils d'un grand maitre, Pillustre D'^guesseau,
me suis souvent delasse dans 1'etude des lettres ,des meditations si graves,
des epreuves si devorantes du barreau ; moi dont le cceur a baltu tant de
ibis a ces lignes eloquentes et genereuses, a ces accents vibrants et patrio-
tiques que la presse m'a fait entendre !...
Ah! pardonnez-moi ; il m'est permis de proclamer que si la presse ac-
tuelle a cause des abus , ces abus sont sauves par ses bienfaits.
Detracteurs de notre siecle, misanthropes dujour, souvenez-vous ; c'est vo-
tre arret que je prononce : le civilisateur de 1'Amerique , Francklin , ce grand
homme, fut imprimeur! Carrel est mort pauvre et homme de lellrcs! ! !
* M. Darmaing.
PROPOSITIONS ADOPTEES. 473
•• 3 ••«•••••«••••••••«•*•»»•••• »«*»Q
PROPOSITIONS
ADOPTEES PAB. IE CCNGB.ES.
PREMIERE SECTION.
« I. M. le maire de la ville de Blois est invite a faire disposer un local ou
» les objets d'histoire naturelle , adresses au Congres, soient deposes, et
» qui puisse devenir plus tard un musee d'histoire naturelle , dont ees ob-
» jets seraient les premiers elements. »
« II. Le Congres emet le voeu de voir le gouvernement favoriser en France
» 1'etablissement d'ecoles d'horticulture et de jardins de naturalisation des
» plantes utiles au commerce , a 1'agriculture et aux arts. »
DEUXIEME SECTION.
« I. Il est de 1'inleret general et de cclui des communes, qu'ellcs restent
» proprietaires de leurs biens communaux. — Les communes doivcnt avoir
» la faculte de lesvendre,en cas de necessite absolueprononceeparlecon-
>> seil general , d'apres les avis des conseils municipaux et de ceuS d'ar-
» rondissement. • — Les moyens de tirer le parti le plus avantageux des
» terrains communaux doivent vafier suivant la nature du sol et les besoins
» des communes. — Le mode de jouissance et d'administration des biens
» communaux sera determine, pour chaque localite , par les conseils gcue-
» raux , qui decideront d'apres 1'avis des conseils municipaux et de ceux
» d'arrondissement. »
« II. Il s'est opere des changements avantageux dans la Sulogne depuis
» vingt ans , tant sous le rapport de la culture des terres que sous ceux de
» la plantation des arbres, du defrichement des landes et de I'amelioration
» des races elevees dans le pays. Mais le Congres reconnait qu'il reste en-
474 PROPOSITIONS ADOPTERS.
» core beaucoup a faire pour porter ce pays au degre de prosperite auquel
» il pourrait atteindre , et que les moyens les plus propres a hater ce re-
» sultat, seraient, comme on 1'a fait dans beaucoup d'autres pays, d'y mul-
» tiplier les routes et les chemins vicinaux ; d'y creer des etablissements
» publics , des manufactures, et de le faire participer, dans une proportion
« suffisamment large, auxsecourset encouragements dont le gouvernemcnt
» peut disposer en faveur de 1'agriculture et de 1'industrie. »
« III. Penetre de Pimminence du danger que court 1'industrie qui a la soie
» pour matiere premiere, et de I'utilite de creer dans les petites exploita-
» lions des moyens de prosperite , le Congres emet le vceu que le gouver-
» nement et les conseils generaux prennent toutes les mesures qui peuvent
» encourager la plantation des muriers et la production de la soie dans les
» parties de la France qui y sont propres. »
« IV. L'influence de la culture presque exclusive de la.vigne rend les hom-
» mes laborieux, industrieux et economes. Elle ne favorise pas les moeurs,
» elle pourrait me me les alterer quelquefois, a cause de 1'agglomeration
» des hommes sur des points tres rapproches. — Elle donne aux vignerons
» des habitudes moitie villageoises et moitie urbaines.
» On peut etablir d'une maniere generale que la vigne , pen lucrative
» pour le grand proprietaire qui ne cultive pas lui-meme , est cependant
» tres favorable a la prosperite du pays , dans ce sens que sur une surface
» determinee, elle donne des produits qui peuvent subvenir aux besoins
» d'un plus grand nombre d'individus. »
« Y. La prohibition du defrichement des bois ne saurait etre , quant a
» present , posee comme regie generate; mais c'est une exception a la loi
» civile que la societe a le droit d'imposer dansTinteret de sa conservation.
»» — Cette exception doit s'etendre non seulement aux forets situees sur les
» sommets ou sur les pentes ayant une inclinaison determinee par la loi
» ( par exemp'e , 2 decimetres par metre ) ; mais encore aux departements
» ou les bois n'occupent pas une partie du territoire dont la population
» serait egalement determinee ( comme le dixieme ). — La prohibition du
» dessechement doit etre entouree de conditions conservatrices , sans tou-
» lefois porter atteinte au libre exercice du droit de propriete.
» Le Congres pense que toutes les mesures qui out pour objet la con-
» servation des bois seront inutiles, si le gouvernement encourage la
» destruction par I'alieiiation de ses forets avec faculte de defrichement. >>
« VI. Le Congres eniet le vocu que le gouverncmenl soil invite a prendre
PROPOSITIONS ADOPTEES. 475
» les mesures convenables pour eclairer les proprietaires de bois sur les
» meilleurs moyens de les exploiter, et sur les inconvenieuts qu'il y a a
» les livrer au paturage. »
« VII. La greffe de la vigne est encore pen pratiquee dans les vignobles
» des bords de la Loire, mais elle a 1'a vantage d'etre peu couteuse, et
» d'augmenter a-la-fois la quantite et la qualite des produits, »
« VIII. Le Congres pens.e que I'une des causes de la diminution de 1'impor-
» tance industrielle et commerciale du bassin de la Loire est la difficulte
» apportee dans la navigation du fleuve par 1'encombrement de son lit et
» la mobilite des sables qui 1'obstruent. L'action mecanique des appareils
» propres a debarrasser le fond de la riviere semble etre le moyen le
« plus convenable de faire disparaitre la cause que Ton vient de signaler,
» et , sous ce rapport , le Congres desire qu'il soil fait un essai du bateau-
» herse propose par M. le comte de Calonne. »
« IX.. Le Congres emet le voeu que le gouvernement prenne les moyens
» d'assurer le plein et entier usage du systeme metrique des poids et
» mesures , en cessant de tolerer les mesures batardes qui sont en desac-
» cord avec ce systeme , et qui font avec les anciennes mesures une inex-
» tricable confusion. »
TROIS1EME SECTION.
« I. L' organisation du corps medical en France est susceptible de refor-
» me , et cette reforme est d'un besoin urgent.
» La reorganisation doit porter :
» 1.° Sur 1'enseignement;
» 2.° Sur 1'exercice de la profession.
» Elle doit avoir pour principals bases :
» 1 ,° L'augmentation du nombre des Facultes ;
» 2.° La creation, pres de toutes les Facultes de medeciue, d'academies
» chargees de travailler au perfectionnement de la science ;
» 3.° L'egalite scienlifique et legale de tons les medecins; c'est-a dire
» 1'unite de litre et de prerogatives ;
» 4.° Un examen d'admission aux Facultes;
» 5.° La creation, dans les Facultes, de jurys d'exameri dont les mem-
« bres seront pris a nombre egal parmi les professeurs et les praticiens
» qui auronl plus de dix ans d'exercice ;
476 PROPOSITIONS ADOPTEES.
» 6.° Des dispositions legales efficaces pour la repression du charlata-
» nisme ,
» 7.° La creation de conseils medicaux dont les membres , nommes a
» 1'election, seront charges de veiller a Texecution des lois protectrices
» de la profession, et a la conservation de sa dignite;
» 8.° L'abolition de la patente ;
» 9.° L'institntion de medecins ruraux. »
« II . Le Congres exprime le voeu que la doctrine medicale homoeopathique,
» introduite en France depuis quelques annees, soit soumise, dans un des
» grands hopitaux de France , a un examen clinique , methodique et regu-
» lier, afin qu'il soit possible d'asseoir une opinion sur la valeur de cette
» doctrine ; sous la condition que les experiences serout faites en presence
» des medecins directeurs des Lopitaux. »
« III. Les irrigations des prairies n'ont pas d'inconvenients pour la salu-
» brite, en prenaut des mesures efficaces pour eviter une stagnation pro-
» longee des eaux. »
« IV. Les circonslances de temps, de lieux, d'individus, sont sans influence
» sur 1'efficacite de la vaccine. Le temps n'a pas fait perdre au virus-vac-
» ciu de son effieacite. »
« V. Le Congres demande qu'un homme special soit charge de constater
» les deces, et qu'nne salle mortuaire soit construite pour recevoir, pen-
» dant 24 heures, les corps avant d'etre mis en terre. »
QUATRIEME SECTION.
« I. II est possible d'admettre qne, suivant le temoignage de 1'historien
» Procope , les rois franks n'ont possede le droit de f rapper monnaie a hnir
» nom et a leur effigie, qu'apres la concession reguliere qui leur en fut
» faite par I'eniperenr d'Orient; que, neanmoins , des que ces pi'inces so
» virent possesseurs paisibles des provinces qu'ils avaient envahies, ils
» s'arrogerent le droit monetaire, mais avec reserve, c'est-a-dire en se
» bornant a reproduire les types imperiaux tout en alterant les legendes;
» enfin , que ce ne fut qu'au moment ou les empereurs se virent obliges
>' d'accorder le droit qu'ils ne pouvaient plus refuser, qu'ils donnerent a
» Clothcr l.cr 1'autorisalion de frapper, a Aries, des monnaies d'or, au
» coin de cc derjudor prince. »
PROPOSITIONS ADOPTEES. 4/7
« II. Le Congres provoqae la confection dc bibliographies locales, et in-
» vite les savants a donner 1'histoire de 1'imprimerie dans les diverses loca-
» litcs. »
CINQUIEME. SECTION.
« I. Le Congres emet le voeu que tous ceux qui s'occuperont d'expliquer
» la marche des arts en France , tiennent compte des sieges divers qu'a
» eus aux differents siecles la puissance soit royale, soil religieuse, soit
» princiere on provinciate ; ils y trouveront une foule d'indications sur les
» types primordiaux on secondaires , modeles imites dans les pays circon-
» voisins. »
« II. Le Congres pense que Ton pent tirer des renseignements utiles sur
» 1'etat de Pinstrumentation aux differents siecles du moyen age, et sur-
» tout au xn. e , dans 1'etude des manuscrits et dans celle des bas-reliefs
» representant des instruments de musique, dans les eglises de France en
» general. Toutefois, les recherches devront avoir lieu avec toute la re-
» serve que commande 1'examen de ces instruments. »
SIXIEME SECTION.
» I. Les a vantages du systeme penitent iaire sont incontestables. Ces avan-
» tages sont : 1.° 1'amelioration morale des condamnes; 2.° la diminution
» des recidives; 3.° 1'adoucissement des lois penales, sans que, pour cela ,
» la societe reste desarmee ; 4.° par suite de 1'abaissement de la duree des
» peines , 1'abaissement du chiffre des detenus dans la meme proportion ;
» de la une economic facilement appreciable.
» En consequence , la section estime que 1'introduction du systeme pc-
» nitentiaire en France est urgente ; neanmoins , cette introduction doit
» etre progressive en ce sens que , adoptee immediatement en principe ,
» elle se realise successivement a mesure que les maisons centrales el de-
»> partementales exigeront , par leur etat , une entiere reconstruction OH de
» grosses reparations. »
« II. Par rapport aux methodes, 1'enseignement doit etre libre. — Par rap-
» port aux doctrines, la liberte n'est point exclusive de la surveillance et
» du controle du gouvernement ; elle doit etre soumise a des lois speciales
» en harmonic avec le principe de la liberte d'enseignement. — Par rap-
478 PROPOSITIONS ADOPTltF.S.
» port aux homines , renseigncmenl lie pout etre excrce quc par ceiix qui
» sont pourvus d'un brevet de moralite ct de capacite. »
« III. Lcs voles de communication ont une influence incontestable sur la
» civilisation, puisqu'elles augmentent non seulement le bien-etre ma-
» teriel des peuples, mais encore le developpement de 1'intelligence et le
»> perfectionnement de la moralite bumaine. »
« IV. Le Congres pense que les principales causes de 1'accroissement
» progressif des cnfants exposes sont : 1.° 1'augmeritation des nais-
» sances naturelles , produites surtout par le pauperisme, le celibat et
» le relachcment des liens de famille; 2.° les abus introduits dans les hos-
» pices, soit par la pbilantbropie mal entendue des administrations, soil
» par la cupidite de beaucoup de femmes qui exposent leurs enfants,
» puis les reprennent comme nourrissons*
» Le Congres pense que les remcdes moraux a apporter a cette plaie
« publique consistent : 1.° a encourager el propager les etablissements de
» patronage et de refuge , ayant pour objet de recevoir , des leur bas age ,
» les lilies pauvres et delaissees, et de les mettre a meme de gagner hon-
>> netement leur existence; 2.° a provoquer, encourager et soutenir par-
« tout les etablissements qui prcsenteront des garanties suffisantes pour
» I'education des filles ; 3.° eniin a prendre les mesures les plus severes
» pour empecber le melange des deux sexes dans les ecoles.
» Le Congres estime que les moyens qu'on doit employer pour amener
« une diminution de la depense des enfaiits trouves sont : 1 .° le retrait des
» enfants de cbez les nourrices vers Tage de 3 ans, pour les placer jusqu'a
« 21 ans dans des maisons speciales d'education et de travail; 2.° 1'emploi
» de tons les moyens possibles pour favoriser les manages precoces ;
» 3.° d'exiger des nourrices des certificals constatant 1'elat actuel de leurs
« enfants ; 4.° a propager et multiplier, autant que possible , les salles d'a-
» sile ; 5.° d'instiltier dans chaque arrondissement un inspecteur ayaul
» pour mission , d'abord de visiter les enfants et de veiller a leur bien-
» elre, puis de signaler les abus et de les prevenir.
» Dans 1'etat actuel , le Cougres peuse que la suppression des tours et
» le deplacement des enfants ont plus d'inconvenients que d'avantages ;
» mais il emet le voou le plus pressant pour que le gouvernement encou-
« rage puissamment 1'etablissement des socictes de cbarite maternelle, afin
» qu'a 1'institution actuelle des tours , qui a pour effet d'augmenler la
» mortal it e et de briser les liens de famille, on puisse progressivement
>> substituer le systeme de sccours dislribues a domicile aux fdles enceintes
PROPOSITIONS ADOPTEES. 479
w el aux filles-nieres , systeme qui, fonde sur des principes moraux et rc-
» ligieux , presenterait 1'immense avantage d'abaisser le chiffre de la mor-
» talite des enfants naturels, de conserver entre les meres et les enfants
» les liens d'affectiou et de famille qui les nnisSent, et de ne point de-
» Iruire, an prejudice de ces derniers, les chances de reconnaissance,
» meme de legitimation dont ils penvent etre 1'objet. »
« Le V. Congres estime qne le morcellcment de la propriete a pour re-
" sultats moraux : d'attacher le citoyen an sol , de lui inspirer des idees
» de prevoyance, et d'entretenir 1'esprit de famille; pour resullats agrico-
» les : d'augmenter la production , et de creer pour le pays une plus grande
» masse de richesses. »
« VI. Le Congres reconnait que les logemenls de guerre a domicile sont
» une charge aujourd'hui inegalement supportee. — 11 emet le vceu que
» le' gouvernement propose aux chambres dos mcsures legislatives au
» moyen desquelles la depense fut a la charge des departements traverses."
« VII. Le Congres croit ponvoir indi(juer les mesures qui suivent comme
les plus efficaces pour detruire la mendicite :
» 1.° Assurer du travail aux pauvres valides , des secours a domicile,
» Du des asiles communs aux pauvres hors d'etat de travailler; 2.° fonder
» des societes de patronage et d'assistance pour les orphelins et les en-
» fants abandonnes qn'elles s'occuperont de placer en apprentissage au-
» pres d'ouvriers peres de famille; 3.° etablir des colonies agricoles et
» industrielles pour y placer les hommes valides qui auront ete trois fois
» repris de justice pour vagabondage. »
« VIII. Le Congres declare que dans 1'etat actuel de la societe , la peine de
» mort, par la crainte qu'elle inspire aux hommes, esl propre a diminuer
» le nombre des crimes qu'elle esl destinee a reprimer; il emet le voeu
» que cette peine ne soil appliquee que le plus rarement possible et pour
» les cas les plus graves, etjarnais pour les crimes politiques aulres que
» 1'assassinat. »
PROPOSITIONS RENYOYEES. 481
PROPOSITIONS
RENVOYfeES
A LA CINQUIEME SESSION DU CONGRES.
PREMIERE SECTION.
« Recbercher les moycns les plus propres a ctablir une sorte de stalls-
tique agricole de la France. »
DEUXIEME SECTION.
« DCS etablissements industriels peuvent-ils prosperer dans un pays dont
la population est incessamment attachee an sol? — Les pays de fabrique
ne sont-ils pas en general des pays de grande culture? »
TROISIEME SECTION.
« Etablir une classification des etablissements insalubres, plus ration-
nelle que celle qui existe. — Indiquer des bases fixes pour leur auto-
risatioii. »
« De quelle maniere 1'ergot du seigle agit-il sur l'economie animale ,
specialement ponr determiner la gangrene des extremitcs? — Quelle cst
la nature de cetle maladie et quel Iraitement convient-il de lui oppo-
ser ? »
« La march e suivie par le cholera, en France , nous a-t-elle suffisamment
instruit de son mode de propagation , pour que Ton puisse modifier les
lois sanitaires en ce qui le concerne ? »
QUATRIEME SECTION.
« A quels signes pent on reconnaitre les tombeaux franks des tombeaux
gaulois ou remains ? »
PROPOSITIONS RENVOYliES. 48 1
« Rechcrcher I'origine de la feodalite. — Determiner les causes ct les
epoques de ses progres et de sa decadence. »
CINQUIEME SECTION.
« L'influence qu'exerca la chute de Constantinople, an XV.e siecle ,
u'a-t-elle pas empeche le developpement de notre litterature nationale ? »
NOTA. La somme remise entre les mains de la commission d'impres-
sion des travaux du Cong-res s'etant trouvee insuffisante , une partie des
morceaux dont I'insertion a la suite des proces-verbaux avait ete votee
par les sections, n'a pit etre publiee. La commission en exprime ses vlfs
regrets aux auteurs des memoires suivants :
1.° Memoire sur la Cosmologie, par M. le comte DE MONTLIVAULT ,
wee-president de la Societe academique de Tours.
2.° Notice geologique sur le canton de Selles , par M. BOURGOUIN,
docteur-medecin a Selles.
3.° Notice hydro graphique sur les intermittences des eaux de la riviere
de Connie , par M. DE BOISVILLETTE , ingenieur des ponts et chaussees a
Chdteaudun.
4.° Memoire sur la hberte de I'enseignement, par M. DE LAURENTIE ,
ancien inspecteur general des etudes.
LISTE DES MEMBRES. 483
LISTE
DES MEMBRES
PE LA QUATRIEME SESSION DU CONGRES SCIENTIFIQUE
DE FRAlSCE *.
1. ALADERN ( DE ), membre de rAcademie royale des Sciences de
Barcclonne.
2. ANDRE , procureur du roi a Bressuire , membre des societe's des
Antiquaires de France et de TOucst , membre de la deuxieme session.
— Pages 170 , iQ7» 207, 210 , a3i.
3. ARCHAMBAULT , docteur-medccin , membre de la So'cie'te medi-
cale dc Tours, vice-president de la troisieme section, — P. i36 , i45 ,
146, i5i, i5a, i53, i58, i63, 164, 166, 168, 33g, 343, 372,373.
4. ASSY ( D' ) , membre de la Societe royale d'Agrkulture de Loir-
eb-Cher , au cbateau dela Ravinierc, pres de Blois.
5. AUBRY, doclcur-medecin a Blois. — P. i36, i5i , i53 , 161.
6. AUCHER , avocat a Blois. -- P. 254.
7. AUVERGNE ( D1), main- de la commune de Meusncs ( Loir-et-
Cher ).
* On avail jusqu'iei public urie seconds lisle destin^e a recevoir les ncVMs des per-
sonnes qui avarent envoye leur adhesion a Pinstitiition des CongrcSj mais qui ii'avaient
pu se rendre a la reunion. Le secretaire general de la session de Blois a recu un
grand nombre de ces adliesionsj mais la commission d'impression a pense que I'on ne
devait crnsiderer, comnie aillierant veritable nieiit a 1'institution , que les persomies
qui temoignaient de leur sympathie en contiibuant aux frais que la reunion et la pu-
blication des travatix entrainaient , et en faisant Terser «mre les mains du treiorier le
inontant de leur cotisation. Comnie a I'ordinaire , ces personnes ont et^ mises au
nombre des membres de le session, et lours noins accompagnes d'un asterisque.
Comme aux precedentes sessions , uti grand nombre de membres du Congres soul
vcuus avec la mission d'y representer les societes sav.iiitos doul ils font partie dans
les pays qu'ils liabitent.
484 LISTE DBS MEMBRES.
8. DANVILLE ( le vicomte DE ) , mcmbrc du conseit de la Socie'te
pour la conservation et la description des monuments historiques , a
Caen. *
9. BASCHET , docteur-medecin a Blois. — Page i5a, i65 , 166.
10. BASCHET-PlLLON , proprielaire a Blois.
11. BAUSSAN, proprie'taire a Cellettes , pres de Blois. — P. 91 , i54«
12. BEAUCORPS-CREQUY (ie corate_DE),au chateau de Saint-Denis,
pres de Blois.
1 3. BEAUCORPS ( le marquis DE ), au chateau de la Chesnaje , pres
de Blois.
14. BEAUCORPS ( le comte Eugene DE ), proprietaire a Saint-Denis,
pres de Blois.
15. BEAUCORPS ( le vicomte Albert DE), proprietaire a Saint-Denis,
pres de Blois.
16. BEAUSSIER , docleur-medecin , mcmbre de la Societe des
Sciences et des Lettres de Blois. -- P. i5y.
17. BECQUET DEMEGILLE, representant la Societe centrale d?Agri-
culture, Sciences , Arts ct Belles-Lettres du departement du Nord. *
1 8. BERGEVIN , president du tribunal civil et de la Societe des
Sciences el des Lettres de Blois , vice-president de la session. —
P. vij , xxv j ,111, ^55, 263 , 3o6 , 3i3 , 3i6, 3a3 , 3a4 t 3^5 , 3a8 ,
33o , 33i , 343 , 349 , 35g , 36o , 36i , 379 , 899 , 409.
19. BERTH AULT , procureur general pres laCour royale de Caen.*
2.0. BERTHEAU , adjoint au maire de Biois.
21. BERTHEREAU DE LA GIRAUDIERE, president de la Societe
royale d'Agriculture de Loir-et-Cher , membre de la Socie'te des Scien-
ces et des Leltres de Biois , et de plusieurs autres Societes savantes ,
vice-president de la deuxienie section. — P. vij , 85 , 87 , 99 , 100 ,
109 , 365.
22. BERTRAND , professeur de litte'rature a la Faculte des Lettres
de Caen , mernhre dc la premiere session. *
23. BiLLAUl.T , pharmacien a Blois.
24. BLANCHET , docieur-medecin , botaniste, a Menars , pres de
Blois. — P. aa.
25. BLAU , docteur— medeciri , membre de la Societe des Sciences et
des Lettres de Blois. — P. i5o.
26. BODIN , avoue a Blois.
27. BoESNlER ( DE ) , ancien sous pre'fet , a Blois.
28. BoiLLEAU , des Societes des Antiquaires de TOuest et de
Noi mandie , membre de la deuocieme session.
LISTE DES MEMBRES. 485
29. BoiSAUBlN , propric'taire a Cellettes , pres de Bio is. — P. 124,
126!
30. BoiSROUVRAY ( DE ) , membre de la Societe entomologique de
France , a Chartres. — P. 18 , 76 , 80 , 82 , 342.
31. BoiSVlLETTE (DE), ingenieur, membre de la Societe royale
des Antiquaires de France , a Chateaudun. *
32. BAUTSY DE RECY , membre des Societes academiques de Blois
et dc Tours, secretaire de la cinguieme section. — P. xix , 89 , g3 ,
a3o , a3i , a35 , aSy , a^3 , a4^ » a4? » ^2"»
33. BORGARELLI D^YsON ( le comte ) , membre de plusieurs Aca-
demies et des trois pre'ce'dentes sessions du Congres.^
34. BoTTlN , ancien secretaire de la Societe royale des Antiquaires
de France , a Paris , membre de la troisieme session.
35. BouCHEREAU , medecin a Montricbard.
36. BOULNOIS ( le baron DE ) , ingenieur des ponts et chaussecs a
Blois.
3y. BOURGOUIN , docteur-medecin a Selles-suv-Cber.*
38. BouviLLE (DE), membre de la Societe pour la conservation et
la description des monuments bistoriques , a Pitbiviers.
3o,. BaETiGNERES DE CouRTEiLLES ( le vicomtc ), membre du Con-
seil general d'Indre-et-Loire , au cbateau du Petit-Bois , pres de
Tours. — P. 102 , io5 , 208 , a34 , 256 , 25y , 263 , 3iy , 3a5 , 33o ,
333, 336,35o, 353, 406, 420.
40. BRIQUET, de la Societe des Antiquaires de POuest , membre de
la deuxieme session. — P. 170 , iy3 , 207, 208.
41. BuRAT, professeur des sciences physiques et matbematiques au
college de Blois.
42. BuzONNlERE (DE), merobre de la Societe royale d'Agriculture,
Sciences et Belles-Lettres d'Orleans. — P. 90 , 97 , 99 , no , in ,
124.
43. CALONNE ( le comte Adrien DE) , conservateur du domaine de
Chambord. — P. 128 , i33 , 3i4 , 332, 334 , 342.
44« CARBONNIERE( le vicomteDE), proprietaire a Blois. — P. 4ao-
45. CARDIN, membre de piusieurs Academies, a Poitiers, membre
de la deuxieme session. — P. 25o.
46. CARTIER , directeur de la Revue de la Numismatique fran^aise,
membre des Socie'te's des Antiquaires de France , deNormandie, etc.,
a Amboise. — P. 179, 181 , 182, i85, 186, ig4 , 196, 198, 2o5.
47. CAUMONT ( DE ) , correspondant de Tlnstitut , a Caen , secre'taire
general de la Socie'te' des Antiquaires de la Normandie , direcleur de
• -
486 LISTE DES MEMBRES.
1'Association normande et de la Societe pour la description et la con-
servation des monuments historiques, cic.^ondateurdes Congres scien-
tifiques de France , secretaire general de la premiere session, president
de la deuxieme , president de la cinauieme section a la troisieme ses-
sion, president de la quatrieme section a la pre'sente session. —
P. xxiij , xxvj , 4 , 5 t 7,19, 22 , 77, 79 , 80 , 87 , 88 , 9^ , 169 ,
170, 23o, 2^2, 876.
48. CAUNAN ( le baron DE ) , ancien prefet , au chateau de Caunan ,
pres de Blois.
4g. CAUVIN ( madame ) , naturalistc , rnembre des trois sessions
pre'ce'dentes. — P. 2 , 4 t 6 1 18 , 22 t 78 , 83.
50. CAUVIN , Jnspecteur divisionnaire de la Societe' pour la conser-
vation ct la description des monuments hisloriques , au Mans, rnem-
bre des trois sessions pre'ce'dentes. — P. xxij , i , 5 , 72 , 77 t 82 , 85 ,
169 , 187 , 208.
5 1. CELLIEZ , docteur-medecin , membre de la Societe des Sciences
ct des Lettres de Blois. — P. vij , i63 , i65 , 166.
52. CHABAULT, direct, de PEcole de Comm. de Marseille. — P. 338.
53. CHARLOT , pharmacien a Saint-Aignan , membre de plusieurs
Societes savantes. — P. 8 , 9 , 62.
54. CHARVOT, professeur de seconde au college de Blois.
55. CHATELAIN , homine de lettres a Paris , membre de plusieurs
Societes savantes nationales et etrangeres , secretaire de la cinc/uierne
section a la deuxieme session , membre de la troisieme session , vice-
president de la cinguieme section a la pre'sente session. — P. 2ai ,
323 » 3s3. , 224 » 280 , i32 , 334 i 267 , 364 » ^9^'
56. CHAUVIN , membre de plusieurs Societes savantes, a Piaieux ,
pres de Mamers.
57. CHAUVIN , botanistc a Blois. — P. 6a.
58. CilEVEREAU , secretaire de la Societe' royale d'Agriculture ,
Sciences et Belles-Lettres de 1'Kure , membre des deuxieme et troi-
sieme sessions. — P. 5 , 65 , 81 , 85.
09. CHIMAY ( le prince Joseph DE ) , chambellan de S. M. le roi des
Pays-Bas, fondateur du prytanee de Mcnars, pres de Blois, vice-
president de la deuxieme section. — P. xxvj . 85 , 268.
60. CLAUZEL , maire de la commune de Celleltes , pres de Blois.
6 1. CLER, proles, de philosopbie au college de Blois.~P. 25g, 264?
435.
62. CLINCHAMPS CDE ) , docteur-medecin a Blois , p. i63.
63. CoSSETTE ( DE) , membre dc plusieurs Societes savanles, a Ab-
beville , membre des deuxieme ct troisieme sessions. — P. 99.
LISTE DES MEMBRES. 487
64- COUSSEAU (Pabbe) , professcur d'hebreu au se'rniiiaire de
Poitiers , merabre de la Societe des Antiquaircs dc 1'Oucst , et de la
deuxieme session.
65. CoUTEAU , maire de la ville de Blois. — P. vij.
66. CROIZETTE-DESNOYERS , proprietaire a Saint-Secondin , pres
de Blois.
67. DAIN , avoeat , merabre de PEcole Societaire , a Paris. — P. a33,
236, a38, 239, 2^5, a54, a55 , 262, 325, 33i , 344, 346, 359 ,
374,378, 394.
68. DANIEL ( Pabbe ), proviseur du college royal de Caen , president
de la sixieme section a la premiere session.'*
69. D ARID AN ( Em. ) , licencie en droit, a Blois;
70. DECAMP , avocat a la Cour royaie de Toulouse.*
71. DELAMORANDIERE ( Jules) , licencie en droit , a Blois.
72. DELAUNAY, substitut du procureur du roi a Blois. — P. 346.
73. DELOGES , membre de la Socitke des Sciences ct des Lettres de
Gaen. *
74. DERODDE , chef destitution a Esquermes C Academ. de Douai).*
75. DEROUET, avoue-licencie a Blois. — P. 3i5, 3^5, 33o, 33g, 34vii
76. DESCHAMPS, juge de paix a Blois, membre-administrateur de
la Societe royaie d'Agriculture de Loir-et-Cher. — P. 107.
77. DESFRAY, niemhre de TAcademie royaie de Mcdccine de Paris
et des Socie'tes des Sciences et des Lettres ct d'Agriculture de Blois.
78. DESPARANCHES , membre de 1'Academie royaie de nM'decinc dc
Paris, a Blois , president de la troisienie section. --Pi i36, 148,
162, i63, i65, 168.
7g. DESPORTES , directeur duprytanee de Menars, pres de Bloi-s.
80. DESRUISSEAUX , pbarmacien, membre des Societes des Sciences-
et des Lettres , et d'Agriculture de Blois. — P^iO2 , 127^.
81. DEZAIRS , editeur du Journal de Loir- et -Cher.
82. DONLEVY , ancien inspecteor de PAcademie d'Orleans.
83. DOUBLET DE BOISTHIBAULT, avocat a Cbartres , membre de la
Societe royaie des Antiquaires de France , etc, — P. 170 , 172 , 190 ,
192 , 222 , 23i , a34, 240 , 242 , 243 , 244 $ 249 , a5i , 253 , 257 ,
259 ., 263 , 264 , 266 , 267 , 271, 3i5 , 333 , 337 , 343 , 344 , 345 ,
347, 349, 359 , 36i , 364 » 4°o , 4o5 , 408, 4i3 , 465.
84. DRU , mineralogiste et agriculteur a Parlhenay* — P. 8, 88, 102.
85. DuCLO , proprietaire a Marseille. — P. i5o, i58, i59, 374 ,
397 , 406.
86. DUCHAJLLAIS, antiquaire a Beaugency. — P. 209 ,219, 220.
483 LISTE DES MEMBRES.
87. DuvERGIER , inspecteur divisionnaire honoraire des ponls ct
chaussees , a Ulojs.
88. DuYE ( DE LA ) , proprietaire a Blois.
89. FANEAU DE LACOUR , medecin a Saint-Aignan. — P. a5G.
90. FAUCON-DuQUESNE , profcsscur de medccine , trc'sorier de la
premiere session. *
91. FERRAND, dirccteur des contributions directes a Blois.
92. FERRON , banquier a Blois.
93. FiEVET-VANDERLiNDEN , recevcur des contributions directes a
Saint-Dye ( Loir— et— Cher ). -- P. 72.
94. FONTEISELLE DE YAUDORE ( DE LA ), conseiller a la Cour
royale de Poitiers , secre'taire perpetuel de la Societe acade'miquc de la
meme ville , directeur de la Rev_ue anglo-fran^aise, etc., president
de la (juatrieme section a la premiere session , secre'taire general
de la deuxieme , president de la troisieme , vice-president de la
(juatrieme section a la quatrieme. — P. vj , 87, 97, 98, 169 , 176,
184 t i85, 186, 188, 197, 204, ao5 , 208, 219, 221 , 23o,25o,35o.
90. FOREST ( le comte DE LA ) , pair de France , an chateau de
Freschines , pres de Blois.
96. FORGET, directeur des domaincs a Blois.
97. GAILLARD (Emm.), secretaire perpetuel de PAeade'ime royale
de Rouen , vice-president de la troisieme session et de la c/uatrieme.
-- P. x.\vj , 3 , 85 , 86, 91 , 94, 95, 98 , 100 1 102 , io5 , 108, 170,
171, I74l I9O, J93, 221, 222, 2 29, 23 1, 234 » 2^5 , 2$'! , ifoi
241 , 245 ,249, 254 r 2^9, 3i4, 3i5 , 3a5, 329, 33 1 , 334, 344 i
34g, 35o, 36i , 376, 4°°-
98. GALERON , procureur du roi a Falaise , membre de la Sociele
des Antiquaires de Norraandie , et des trois precedentes sessions. *
99. GALLOIS , artiste a Tours.
100. GAUDEAU,ancien principal du college de Blois, membre de la
Socie'te des Sciences et des Lettres et bibliothecaire de la meme villc.
— P. 23i.
101. GAUDEAU C Bernard ), professeur au colle'ge de Romorantm.
— P. 379.
102. GAUDRON fils , controleur des contributions directes a Blois.
— P. 99, in.
103. GAULLIER , juge au tribunal civil de Blois.
jo^. GENDRON, docteur-mcdecin a Vend6me. — P. 62.
105. GENDRON (Ed.) , docteur-medecin a Chateaurcgnault.
1 06. GlVENCHY ( Louis DE) , secretaire perpetuel des Antiquaires
de la Morinie , membre de la premiere session , vice-president de la
LISTE DES MEMBRES. 480
qnatrieme section a la deuxieme session, secretaire general de latroi •
sieme. * — P. vj.
107. GODIN , avocal , membre de la Societe des Sciences et des J.et-
tres de Blois , tre'sorie r de la (jnatrieme session. — P. xiij , xxij , 243.
108. GOUBAUD DELA BlLENNERlE , president honoraire du tribu-
nal civil de Marennes, membre de la Societe royalc des Antiquaircs de
France , a Loches.
log. GRAEB , sous-intendant militaire a Blois.
no. GRAND-GAGNAGE, conseiller a la Cour superieure de Liege.
- P. 172.
in. GUERIN-D1OGONNIERE, secretaire perpi'tuel de la Socie'te royalc
d'Agriculture de Loir-et-Cher, a Blois. — P. vij , 86 , 100 , 101 , IOD,
ii3, 124, I2&» 4i5.
112. HAIME , docteur-rm'decin , raerabre de la Societe medicale de
Tours , correspondant de ^Academic royale de medecine , secretaire
de la troisieme section. — P. i36, i38, i48, i5i.
113. HALBERT-IIOUGET, directeur de Pecole normale de Blois.
1 1 {. HAZE , conservateur des monuments historiques a Bourgos ,
membre de la Societe de Statistiquc et d'Arcbeologie de lamemevillc.
— P. 170 , 207.
11 5. HEME (Abel), juge-suppleant au tribunal civil de Blois.
116. HERPIN , membre-administrateur de la Societe' pour Pindus-
Irie nationalc de Paris. ~- P. io5 , 112,016, 412-
117. HOLLAND, docteur-medecin , directeur de rinstitution royale
et membre de la Societe royale dc Londres.
1 18. HOSTIER , directeur des contributions indirectes a Blois.
119. HOUZE , profcsseur au college de Blois. — P. 233 , 244 » 2^o ,
3i4, 363, 364.
120. HUNAULT DE LA PELTRIE , docteur-medecin a Angers , mem-
bre de plusieurs Societes savantes ^ vice-president des troisieme et si -
xieme sections a la premiere session , secretaire de la troisieme section
a la deuxieme session , president de la merne section a la troisieme
session. -- P. xxvj , 3 , 5 , 8 , 17 , 7 i , 77, 82 , 102 , 104 , 107, i37,
^44, 148, i5i, i52,i53, i55, 166, 168,266, 336, 378, 397.
121. JAHYER (Felix) , editeur du journal Le Illaisois.
122. JoBAL ( DE ) , aiicien magistral , membre de plusieurs Societes
savantes , a Blois.
123. JORAND , membre de la Socie'te royale des Antiquaircs dc
France , a Paris , vice-president de la rjuatrierne section. -- P. 17/1
197, 23g, 241 , 246, 248, a4y.
4DO LISTE DES MEMBRES.
124. JuLLfEN, de Paris, fondateur de la Revue encyclopr'diqnc ,
membre de plusieurs Societe's savantes nationales et etrangeres, vice-
president de la premiere et de la deuxieme sessions, president de la
sixierne section aux troisieme et qnatrieme sessions. -- P. xxij , xxvj ,
93, 243, a54, a65, 33 1 ,333, 338, 363, 396, 399 , 420.
125. KNIGHT (miss Anna), Anglo-Ame'ricaine. — P. 4^0.
126. LAIR (P.-A. ), eonseiller de prefecture du Calvados, secre-
taire de la Societe royale d'Agriculture et dc Commerce de Caen, pre-
sident de la deuxieme section aux auatre sessions. — P. xxij , xxvj ,
85 , 97 , 1 06 , 1 08 , 114 , 35 1.
12- LANGE, conservateur du Mtise'e de Saumur , membre de la
deuxieme session.
128. IiATOUCHE C Pabbe ) , autcur du Panorama des langucs , a
Paris. -- P. 23o , 23 1 , 248 , 47O»
1 29. LAVAU ( Ch. DE ), ancien officier supe'rieur, a Toulon. — P. loj.
130. LAURENT (Alp.), president du tribunal de commerce de
Blois , secretaire du Comite supe'rieur d'instruction publique, metnl)re
des Socie'tes d'Agriculture, et des Sciences et Lettres , etc. — P. vij ,
xx, 106,254, 262, 268, 269,314,328, 33i, 338, 339, 343, 344,401.
131. LECOlNTRE-DuPONT, Tun des fondateurs de la Sociele' des
Anliquaires de TOucst, membre de la deuxieme session. *
132. LEDDET, juge au tribunal civil de Blois.
133. LEFEBVRE , homme de lettres a Boisseau ( Loir-et-Cber ).
i34- LEFEBVRE ( Leon) , proprietaire a Blois. - - P. 33(j.
135. LEFROU (Pabbe), bota7iistc , cure de Cour-Cbeverny, pres de
Blois , vice-president de lapremiere section. — P. 2 , 22.
136. LE GlAY ( le docteur) , arcbiviste general du dopartement du
Nord , a Lille , vice -president de la troisieme session. *
i3y. LHUJLLTER DE HOFF , capitaine aide- de-camp du mare'cbal de
camp commandant, le departement de Loir-et-Cber. — P. 209.
l38. LE NoRMANT-GllANDCOUR fils , proprietaire a Blois.
i3g. LEPAGE, docteur-mi-decin , membre de la Societe medicale
«TOrlcans. — P. i57, 166, 167 , 4ai.
140. LEROUX ( Alexis ), avoeat, merrtbre de la Societe des Sciences
et des Lettres de Blois, secretaire- adjoint au secretaire general de la
session. -- P. xiij , xxij , 269.
141. LEROYER DE LONGHAIRE, membre de la Socie'te pbilomatir-
que dc Yerdun. — P. 23g , -267.
1^1. LE VER (le marquis), membre deplusieurs Acadi'mies, mem-
bre des denxiems et troisieme session* } au chateau de Roquefort, pies
d Yvctot. - - P. 108.
LISTE DES MEMBRES. 491
i43. LEZAY-MARNESIA ( lc corate DE ) , pair de France , pi-efet de
Loir-et-Cher , a Blols.
i44- LEZAY-MARNESIA ( le vicomtc Albert DE ) , a Blols.
i45. MAGNEVILLE ( DE ) , fondateur du Museum d'histoire nalu-
relle , secretaire de ^administration du Jardin des plantes de Caen ,
metnbre de la premiere session. *
i'46. MAIGREAU , avocat , nicmbre du conseil general de Loir-et-
Cher, et de la Sociele des Sciences et des Lettres de Blois. — P. 284.
i4y. MARC , professcur en droit , recteur de TAcademie de Caen. *
iij.8. MARCANDIER , inspecteur des contributions directes a Blois.
i4g. MARIN-DESBROSSES, conseiiler de prefecture , a Biois.
150. MARIN-DESBROSSES, doctcur-medecin, membre des Socic'tes
des Sciences et des Leltrcs , et d'Agriculture de Blois , secretaire de la
troisieme section. — P. vij , xvij ,112, i36 , 146, i5i , i54 , i55 ,
164, 166,268, 3i4,332, 34i.
1 5 1. MAROLLES ( le comte DE) , membre du conseil gene'ral de
Loir-et-Cher, au cbaleau de Cbissay.
152. MARTIN-BRUERE , vice-president du Cornice agricole de Ro-
rnorantin. —P. 112, 34 1.
153. MASSE , architecte a Tours , conservatcur des monuments bis-
toriques d'Indrc-et-Loire.
i54« MAUPAS ( le vicomte DE) , membre de la Socictc royale d'A-
gricuiture de Loir-et-Chcr , au chateau de la Gueriniere , pres de
Chaleauregnault.
155. MAYER, professeur de rhe'torique au college de Blois.
156. MERSON , capitaine de cavalerie , a Blois. — P 223, a33 ,
244, a46, 363, 4o5,446.
iSy. MESTIVIER, notaircalaChapclle-St.-Martin , pres de Blois.
— P. 106.
1 58. MlNARD , ]uge destruction au tribunal civil de Douai , secre-
taire de la Societe centrale d'Agriculture , Sciences et Bellcs-Lellres
du de'partement du Nord, secretaire de la sixieme section a la troi-
sieme session. *
i5g. MOTSITLIVAULT ( le comte DE ), vice-president de la Sociele
academique de Tours , vice-president de la premiere section. — P. 2 ,
»7» 76 » 77? 79* 23i , 248.
1 60. MONTPEZAT ( le marquis DE ) , ancien colonel d'c'tat-major
des gardes royales , a Blois. — P. 108, 397.
161. MONTPEZAT ( le comte DE ) , a Blois.
162. MOREAU, bibliolbc'cairea Saint cs, membre de la deuxieme ses-
sion, vice-president de la premiere section a la troisieme session. — P. 72,
492 LISTE DES MEMBRES.
163. MORISSET (1'abbe) , vicairc. general du diocese de Blois.
164. MOUSTIER ( DE) , proprietairc a Paris.
165. MuNSTER ( lord comle DE ) , pair d'Angleterre , merabre de la
Socicte royale de Londres et dc Hnslilut dc France. * — P. 872.
1 66. NAUDIN , juge de paix , membre des Societe's des Sciences et
desLettres, et d'Agriculture de Blois. — P. viij.
167. OCHER DE BEAUPRE, marechal dc camp , commandant le dc-
partementde Loir- ct Cher.
168. PARRAIN, notaire a Blois.
169. PEAN (Alonzo), horame dc lettres a St.- Aignan.— P. 8, 9, 74 , 80.
170. PEAK C Rodolphe), manufacturer a Blois.
171. PERRIGNY (le comte DE) , membre de la Socicte royale d'A-
griculture de Blois, au chateau de Savonniere. — P. 1 1 1 , 112 , 27 i.
172. PETIGNY ( DE ) , ancien eleve de 1'ecole des Chartcs , membre
de la Socicte des Sciences et des Lettres de Blois , au chateau de C,e-
nord , pres de Blois. — P. 125, 192,408,412.
173. PETIT-PARREAU, baiiquiera Blois.
1 7 {. PHILLEM AIN C DE ) , proprietaire a Vendomc.
175. PlNAULT, architecte de la ville de Blois , membre de la Societe
pour la description et la conservation des monuments historiques de
France. — P. 85.
176. PlTON-DESPRES ( I'abbe), archiviste du diocese de Coutanccs.*
177. PLACE DE MONTEVRAY ( DE LA ) , ancien premier president a
la Cour royale d Orleans , president de la Societe academique de la
memo ville , etc., president de la session. -- P. xxvj , 282, 4»6«
178. PLESSIS CDU) , membre de la Societe des Sciences et des Let-
tres de Blois , secretaire de la (juatrieme section. — P. vij , xviij , 170,
206 , 4^o.
179. PORCHER (Felix), conseiller a la Cour royale d'Orlc'ans.
— P. 263, 3-4, 33o, 33i , 412.
1 80. PORTE (DE LA), membre de la Societe des Bibliophiles de
France et de plusieurs autres Socie'te's savantes , a Vcnd6me , vice-
president de la cinguieme section. — P. 222 , a3o , 247 , 2$2 , 254-
181. PRATT, mombre dela Societegeologique de Londres.— P. 8, 17.
182. PRESTRE (LE), docteur-medecin a Caen, membre de plu-
sieurs Academies et de la premiere session.*
183. QuENSON , conseiller a la Cour royale de Douai , vice presi-
dent de la qnatricme section a la troisieme session. *
184. RANCOGNE ( Charles DE ), proprietaire au chateau d^Herbault,
pres de Blois.
LISTE DES MEMBRES. 493
1 85. RENNEVILLE ( le comic DE), mcmbre de plusiours Academies,
a Amiens , et de la troisieme session du Congres. *
186. RENOU , membre des Socicte's des Sciences et des Lettres , et
d'A-griculture de Blois, secretaire dela premiere section — P. viij, xv, 2.
187. RlFFAULT-BLAU, juge au tribunal civil de Blois.
188. RlFFAULT C Eugene), adjoint au maire de la ville de Blois ,
membre -adrainislrateur de la Soeiete' royale d1 Agriculture de Loir-et-
Cher , secretaire de la deuxieme section. — P. viij , xvj , 85 , 97, 1 24.
189. RlVAUD, proprietaire a S.-Juiien-cn-Champagne, pres le IVJans.
190. RoBERTON , docteur-raedeciii , naturaliste , membre de plu-
feieurs Societes savantes nalionales et etrangercs , a Edimbourg , inem-
dre de la premiere session, president de la premiere section a lapre-
sunte session. — P. i , 8 , 71 , a3t , 34».
191. ROUSSEAU ( Tabbe) , antiqu.-iireaBeaugency *
192. ROUSSEAU, employe a Tbotel des Monaaiesde Paris. — P. 189,
'97-
1 98. ROUSSEAU, homme de lettres a-St.-Georges ( Maine-st -Loire ).
194. ROUSSELEN , premier president de la Gour royale de Caen. *
ig5. SAINT-GERMAIN (DE), directeur du Conservatoire de musi-
qut du Calvados. *
196. SAINT-MARTIAL ( ie cornle DE ) , proprietaire a Blois.
197. SAiNT-PiERRE CDE), juge au tribunal civil de Blois , vice-
president de la Societe royaie d'Agricuiture de Loir-et-Cher.
198. SAiNT-ViNCENT (DE), ancien magislrat, avocat a Blois. —
P. 1 55, 23a.
199. SAULCY ( DE ) , numismatiste , membre de TAcadeinie royale
de Metz el de piusieurs autres Societes savantes franchises et etrangeres.
-- P. 170 , i-5, 177, 181 , 182, i83 , i85 , 186 , ig3, ig5, 2o5, 206.
200. SAUMERY ( le comte DE ) , membre de piusieurs Societes sa-
vnntes , au chateau de Saumery, pres de Blois.
201. SAUSsAYE ( DE LA), secre'tairc de la Societe des Sciences et
des Lettres de Biois , directeur-gerant de la Revue de la Numisma-
tunie franyaise , secretaire de la quatrierne section aux premiere el
deuxieme sessions , membre de la troisieme , et secretaire general de
la quatrieme , etc., etc. — P. v, xxij , 180, 181 , 182, 184, 191 i
192 , ig4, 197 , 206 , 208 , 2,10 , 220, 221.
202. SlMON (Leon ), de Blois, docteur-me'decin a Paris. — P. i4^,
i45, i48, 149, i5a, i5g, 160, 162, 254, 261 , 260, 266, 269,
271 , 3t4, 324, 3^6, 329, 33i, 34i , 3J2, 344 . 345 » 358« 359'
3-a,3;3, 378, 392, 406, 412.
494 LISTE DES MEMBRES.
2O°>. SOUVIGNY ( DE ), inspectcur des caux cl forets a Biois. — P. 88,
<j'i <){, ()5 , 96 , 100 , in, 1 15, 125 , 126.
204. SPENCER-SlYTlTH ( John ) , ancien ambassadcur d'AngletcrVe ,
docteur en droit a rUniversite' d'Oxford , membre de la Societe royale
dc Londrrs , etc.. etc., membre de la premiere session, president da
cinqiiieme section a la presente session. — P. 168, 221 , 222 , 2$2, 3^a.
205. SuPPLlGEAU, banquicr, jugcau tribunal dc commerce, a Blois.
206. TAILLIARD, conseillcr a la Cour royalc de Douai , correspon-
dant du ministere de ['instruction publique, secretaire de laquatrieme
section a la troisierne session. *
207. T ALBERT Ills, licericie en droit, & Blois.
208. TAUPIER , membre de la Societe des Methodes d'enseignc-
ment , a Paris. -- P. 240.
209. THEVARD , notaire a Blois.
210. TOUCHIMBERT ( le C(;mie DE), proprie'taire a Blois,
211. ToUNESAC (Tabbc), inspeclcur dcs monuments historiqtios
du dVpartement de la Sartbe , au Mans.
212. TllAMBLAlS C DE LA ), conseiller de prefecture el membre de
la Spciele dV\giiculture du d('parte«icnt de Tlndie, secretaire de la
deuxieme section, — P. 65 , 85 , 86 , 102 , 1 13 , 127.
213. TllOTJESSART , geometre en cbefdu departement dc Loir-et--
Qier , a Blois.
214. TURPIN, membre <le la Socictc' des Sciences et des Lettres de
Blois, au chateau de \illetard, prcs de Blois. — P. 4^o.
215. VALLIERE ( O. DE LA ) , membre de la Societe royale d'Agri-
culture de Loir-et-Cher , a Blois.
216. VALLON , avocat, membre de la Societe des Sciences et des
Lctlres dc Biois. — P. 90 , 96 , 99 , 106 , 108 , 288 , 3g8.
217. YlBRAYE C le comte DE ) , mernbre de la Societe' ge'ologiquc dc
France , iiispecteur dc la Societe' pour la conservation et la descrip-
tion des monuments historiques , etc. , etc. , inenibre de la deuxieme
session , secretaire de la preniiere section a la presente session , an
chateau de Chcvcrny, pres de Biois. — P. xxij , 2 , 8 , 22 , 65 , 7 4 i
7«, 82, 8G, 88 , y3, io5.
218. VILLENEUVE C le vicomle DE^ , au chateau de Chenonccaux ,
prcs d'Amboisc.
219. YlLLlERS ( DE ) , dirccleur du Musee , a Chartres , secretaire
df la premiere section. -- P. 2 , 17, 18 , 76 , 78 , 79 , 81.
OUTRAGES OFFERTS A LA 4.r SESSION. 495
LISTE
DES OUVRAGES
OFFERTS
A LA QUATRIEME SESSION DU CONGRES.
1.° Mcmoires de la Socicte royale des Sciences, de V Agriculture et des
Arts de Lille. — Annee 1834-
2. Memoires de 1'Academie des Sciences et des Lettrcs de Caen. — An-
nee 1886.
3. Un volume de la Bibliotheque anglo-francaise , 1836, offert par
M. D.-O. Sullivan , directeur.
4 De 1'Education des femmes, par M. Creur de Saint-^tienne , t827 ,
offert au nom de 1'autcur par M. Jullien de Paris.
5. Histoire des Maladies observees a la grande armee francaise. —
Garapagnes de 1812, 1813 , par le chevalier Kerckhove, 1831.
6. Notices et observations a 1'occasion de quelques femmes de la so-
ciete du 19.e siecle. ( Paris, 1835.) Par M. de la Porte.
7. Traite elementaire du jeu de Whist, par J. Spencer-Smith. — An-
nee 1819.
8. Catalogue des especes et varietes de mollusques terrestres et flu-
viaiiles de PAuvergne, par J. B. Bouillet. — 1836.
9. Revue anglo-francaise, publiee a Poitiers sous la direction de M. de
la Fontenelle de Vaudore.
10. Recherches sur les elablissements de charite et d'instruclion pu-
blique du diocese du Mans, par Thomas Cauvin. — 1835.
11. Extrait des registres de l'hotel-de-ville du Mans, par le memo.
— 1835.
12. Essai sur la Statistique de rarrondissement de Saint-Calais, par
le meme, — 1827.
49G OUTRAGES OFFERTS
13. Essai sur la Statistique de rarrondissemcnt do Mamcrs, par le
meme. — 1829.
14. Essai sur la Statistique de 1'arrondissement de La Fleche, par le
meme. — 1831.
15. Essai sur la Statistique de Parrondissernent du Mans, par le meme.
— 1833.
16. Essai sur la Statistique du departement de la Sarthe, par le meme.
- 1834.
17. Coup-d'oeil sur PAngleterre, depuis 1484 jusqu'en 1509, discours
lu a 1'Academie de Caen, par Jean Spencer-Smith. — 1831.
18. Chrestomalhie , ou Recueil de Morceaux choisis de la Bible, avec
des notes grammaticales et etymologiques, par M. 1'abbe Aug. Latouche.
19. Etudes hebraiques. — Grammaire. — Par le meme. — 1836.
20. Panorama des langues. — Cle de I'etymologie. — Par le meme. —
1836.
21. Etudes hebraiques. — Dictionnaire ideo-etymologique hebreu, et
Dictionnaire grec-hebreu. — Par le meme. — 1836.
22. Phrases latines extraites des meilleurs auteurs classiques, et tra-
duites en francais , pour servir de supplement aux exemples des regies de
la syntaxe latine de Lhomond. — 1386.
23. Mithriaca, ou les Mithriaques, Memoire academique sur le culle
solaire de Mithra , par Joseph de Hammer ; public par J. Spencer-Smilh.
- 1833.
24. Resume en vers de la geographic de France, par A.-D.-L.-D.
25. Grammaire allemande, par M. 1'abbe Auguste Latouche et M. C.
Finck.— 1836.
26. Description des jardins de Courset. (Extrait d'un Voyage en
France.) — Par P. A. Lair. — 1836.
27. Vocabulaire etymologique, pour servir a I'etude simultanee des
langues. — 1830.
28. Methode rationnelle pour apprendrc la langue latine. — 183G.
29. Gymnase normal militaire ct civil; continuation de 1'histoire de cot
etablissemenf , depuis la publication des dernicrs memoires jusqu'au mois
d'avril 1828. — 1828.
30. Seance d'ouverttire du Gymnase civil et orthopedique, situe rue
Jean Goujon.
31. L'elcve du gymnase Amoros, par mademoiselle Eugenie Foa.
32. Gymnase civil et orthopedique, t'onde par M. le colonel Amoros.
— Rapport sur eel etablisscmcnt, fait a la Societe des sciences physiques,
A LA 4.e SESSION. 497
rhimiques el arls agricoles et industriels de France. — Par M. Julia de
Fontenelle.
33. Academie de {'Industrie agricole, mnnufacturiere et oommcrciale,
par M. Ic doctenr F. Antomarchi. — 1834.
34. Opinion sur la Gymnaslique amorosicnnc , par M.nie Louise
Dauriat.
35. Poesie di Ceeilia de Luna Folliero. — 1831.
3C. Saggio filosofico sopra un mezzo di migliorare i Giovani, di Cecilia
de Luna Folliero. -— 1 83 r>.
37. Gymnase normal mflitaire et civil. — Idee et etat de cette institu-
tion au commencement de 1'annee 1821. — Par M. Amoros. — 1821.
38. Notice sur la Methode d'ensctgnement de M. Jacotot, par Victor
Derode. — Br. in- 8.
39. Theorie analytique de la machine pneumatique, par M. Th. Bar-
rois. — Br. in-8.
40. Annuaire de I'arrondissement de Falaise, par 1' Association pour
le progres de 1'iustruction. — Br. in-12.
41. Caliigraphie analytique de M. Taupier.
42. Essai sur la distribution geographique des roches dans le departe •
ment de la Manche. — Br. in-4.
43. Le Panorama dc Londres, public sous la direction de M. Chatelnin.
-— Br. in-8.
44. Revue de Toulouse. — Br. in- 8.
45. Sur I'Etablissement romain de Jorl, par Frederic Galeron. —
Br. in-8.
46. Bulletin de 1' Association pour le progres de 1'agriculture dans
1'arrondissement de Falaise. — Br. in-8,
47. Note sur des Lcttres d'indulgence du pape Jules II. — Br. in-5.
48. Disconrs sur Mare-Aureie, par John Spencer-Smith. — Br. in-8.
49. Notice sur quelques coquillages fossiles, par Victor Derode. —
Br. in-8.
50. Considerations sur la resurrection des provinces. (Extrait dc la
Revue de Lorraine.) — Br. in-8.
51. Des Causes de la diminution du commerce des chcvaux en Nor-
mandie, par M. Cailiieux. — Br. in-8.
52. Eloge de Bochart, par Edward Herbert-Smith. — Br. in-8.
53. Description et usage du Simagraphe de M. Hyppolite Bunel. —
Br. in-8.
498 OUTRAGES OFFfcRTS
54. A porous geologiques et paleontologiques , par M. H. Bund. — Br.
iu-8.
55. Dos moyens de propager le gout de la musique en France, par
M. J.-F. Porte. — Br. in-8.
50. Souvenirs de 1'assemblee generate tenue par la Societe Linneenne
de Normandie, offert par M. Smith. — Br. in-8.
57. Examen critique du projet de loi sur rinstruction secondaire, par
Case. — Br. in-8.
58. La Foi consideree comme le f on dement de toutes nos connais-
sanoes , par Victor Derode. — Br. in-8.
59. Description d'une statue fruste en bronze, trouvee a Lillebonne,
par M. Rever. — Br. in-8.
GO. The voyager, an ethnographic sketch , translated from the french
by -Edward Herbert-Smith. — Br. in-8.
61. Notice historique sur la vie et les ouvrages de Francois Doublet,
par -Doublet de Boisthibault. — Br. in-8.
62. Memoire sur la culture de la musique dans la ville de Caen, par
Spencer-Smith. — Br. in-8.
63. Du sort de la peesie, par Bauny de Rccy. — Br. in-8.
6'i. De la necessite d'une reforme electorate en France, par Goubeau
de la Bilennerie. — Br. in-8.
65. L'Autorite consideree comme principe de la certitude, par Victor
Derode. — Br. in-8.
66. Le Feslin d'Alexandre, par Spencer-Smith — Br. in-8.
67. Notice gcologique sur le dopartement de 1'Eure, par M. Passy. —
Br. in-8.
68. L'Instituteur progressif , par MM. Leyat et Girard. — Br. in-8.
69. Notice necrologiqtie sur M.me Constance Spencer-Smith. — Br.
in 8.
70. Discoursrprononce par le docteur Le Glay a Plnstitution des sourds-
muets de Lille. — Br. in 8.
7 «. Eloge de Bourbon-Coude, due d'Enghien , par Victor Derode. —
Br. in 8.
72. Memoire sur la c-ulture du Nopal el rEducation de laxcochenilk,
par Fallot de Broignard. — Br. in 8.
73. Unextrait de la France litteraire, par M. Spencer Smith. — Br. in-8.
74. (Vmq muneros de la Revue de la Nuniisinatique fran^aise, publiee
par MM. Cartier et de la Saussaye. — In-8. — 1836.
A LA 4.e SESSION. 409
75. Origmes de la ville de Blois, par L. de La Saussaye. — Iit»8. —
1834.
76. Notice sur le chateau de Chambord , par le meme. — In-8. — 1 835.
77. Sur 1'Enseignement mutuel des ecoles primaires, par M. Herpiu.
— In- 12. — 1835.
78. Recherches economiques sur le sou ou 1'ecorce du froment, par
le meme. — In-12. — 1833..
76. Precis des discussions relatives au port de Caen, qui out eu lieu
en seance de la Societe d'agricullure du Calvados , par M. Lange. —
Caen, 1836.
80. Memoire a la chambre des deputes sur le defriehement de terres
communales, par M. Amiot (de la Cote-d'Or). — In-4. — 1836.
81. De la nature de la richesse, par Walras, — In-8. — 1831.
82. Tableau de toutes les foires.de France, par Bottin. — In-8. —
1S35.
83. Chroniqne de Chastelain et Molinet, publiee par M. le baron de
Reiffenberg. — In-8. — 1836.
84. Tableau politique et statistique des deux Canadas, par M. Isidore
Lebrun. — In-8. — 1835.
85. Compte-Rendu des seances du Congres historique tenu a 1'Hotel-
de-Ville en 1835. — in- 8.
86. Cours de medecine homoeopathique , par le docteur Leon Simon.
— 1 vol. in-8. — 1836..
87. Bibliotheque de droit et de jurisprudence, par M. Decamp, avocat
a la cour royale de Toulouse. — 1 vol. in-8.
88. Manuel du proprietaire riverain, par le meme. — I vol. in- 12.
89. Lettre en reponse a 1'ecrit de M. le docteur Le Sauvage, par F.
LePrestre, docteur en medecine de la Faculte de Paris. Br. in-8. — 1836.
90. Essai sur la percussion mediate abdominale , par Ed. de Clinchamps,
docteur en medecine. Br. in 4. — 1835.
600 TAJ'.LE
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TABLE RAISONNEE
DES MATIERES.
Dispositions pre'paratoires pour la quatrieme session du Congr'es.
Arrete pris & Douai pour la tenuc de la quatrieme session , v. —
Commission preparaloire , vij. — Circulaire du secretaire general, ix.
Programme de la quatrieme session , xiij. — Questions proposees., xv.
OUVERTTJRE DE LA QUATRiEME SESSION , XXlj.
Formation du bureau provisoire ,xxij. — Allocution du sectetairc
general, xxij. --Formation du bureau defmitif , xxvj. -- Modification
iipportee au reglement , xxvij. — Division en sections , xxvij. — Ordre
du jour des travaux , xxvij.
TRAVAUX DES SECTIONS.
PREMIERE SECTION1.
SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.
« Seance du i a septernbre* Organisation du bureau , a. — • Commu-
nications diverscs , 2.
Seance du i3 septembre» Discussion sur Texistcnce en France de
materiaux propres a former une statistique complete des productions
naturelles , 3. — Communication de M. Hunault sur un mineral de
formation recentc , 6. — Communication de madame Cauvin sur la
geographic des planles, 6. — Commission pour examiner des echan-
tillons rnincralogiqucs prcscnles par M. Helie Dru , 8.
DES MATIERES. 501
Seance du i { septernbre. Notice sur le canton de Salnt-Aignan , -t).
— Communication do M. de Monllivault sur la cosmologle , 17. — Id.
tie M. Pratt sur la constitution geognostiquc des cotes de la Mancbe ,
17. — Proposition sur la formation d'une Flore franchise complete ,
18.
Seance du i5 septembre. Communication de M. de Caumont sur Ja
grologie du de'partcmetit de 1'Orne , 19. — Catalogue des plantes qui
eroissent spontane'mcnt dans fe di'partement dc Loir— et-Chcr, a3. --
Communication de M. dc la Tramblais sur unc mine de plomb , 65.
~-fd. de M. Chevercau sur la geologic du do'partoment de TEure, 63. —
///. de M. Roberton sur deux dents fossiles , 7-1. — Adoption d'une
-proposition sur Tetablissement dVcoles d'horticulture , 72.
Seance du \ 8 septernbre. — Cemmunication surune-excursl-on scien-
iifique a Orchai&e , ^3 a 7 5. -- Id. sur rintermiltence des sources , 76.
— Pluie de crapauds , 78. — Exanlhe-mes des vege'taux, 79.
Seance du 19 septembre. — Communications sur des puits arti'siens ,
DEUXIEME SECTION
AGRICULTURE , INDUSTRIE ET COMMERCE.
Seance du ia septernbre. Formation du bureau, 85. — Commission
pour Texamen d'un precede pour la conservation des grains, 85.--
Commission pour Texamen d'un proce'de pour Tamendement des
terres , 86. — Discussion sur la question des terrains communaux ,
86.
Seance du i3 septembre. Appareil pour lavinlfication , 88. — Rap-
port sur Tamendement des terres , 88. — Continuation de la discus-
sion sur les terrains communaux, 89. • — Adoption d'une proposition
sur ce sujet , g3.
Seance du i\ septembre. Communication sur les ameliorations de
la Solognc , et commissions , 94. — Commission pour la question des
vices redbibitoires , 94. — Reprise dc la discussion sur les biens com
munaux , g4« — Adoption d'une proposition sur ce sujet, 98.
Seance du i5 septembre. — Rapport sur un moyen dc conserver
les grains, 98. — Nouveau commissaire pour la question des vices
redbibitoires , 99. — Discussion sur la question des changement*
502 TABLE
opere's dans la Sologne , 99. — Rapport sur un memoire ayanl pour
sujet les ameliorations dc la Sologne , 100.
Seance du 16 septembre. Rapport et discussion sur un proce'de pour
la vinification , 101. — Discussion sur la question des vers a soie , io3.
• — Proposition sur cc sujet, io5.
Premiere seance du ij septembre. Commission pour 1'examen (Tun
memoire sur la carie des bles, 106. — Rapport et discussion sur les
vices redhibitoires, 106. — Proposition sur ce sujet , 109.
Deuxieme seance du 1 7 septembre. Discussion sur Tinfluence de
la culture de la vigne sur ies moeurs , 109 — Proposition sur ce su-
jet, 112.
Premiere seance du 18 septembre. Invitation au concours de cliar-
rues , n3. — Discussion sur le defrichement des forets , ii<i« — Dis-
cours de M. de Souvigny sur ce sujet, u4« — Proposition sur ce
sujet , 125.
Deuxieme seance du 18 septembre. Instrument pour la confection
des routes, 126. — Discussion sur la greffe de la vigrie , 126. -- Pro-
position sur ce sujet , 127. -—Id. pour obliger a Temploi des mcsures
mctriques , 128. — Discussion sur la diminution de Pimportance in-
dustrielle du bassin de la Loire , ia8. — Discours de M. de Calonne
sur la canalisation de la Loire, 128. — Opinion de la section, i3a.
— Lecture d'un me'moirc de M. de Calonne , i32.— Note sur la ques-
tion relative aux etablissements industriels , 1^4. — Renvoi a la pro-
chainc session , i35.
TROISIEME SECTION.
MEDECINE.
Seance du ia septembre. Formation du bureau, i36. — Experien-
ces sur le cow-pox, i3y.
Seance du i3 septembre. Questions sur les vices redhibitoires, i3y.
— Re'vision des questions adresse'es a la section , iSy. — Examen de
la question relative aux constitutions atmosphe'riques, i38. — Me-
moire de M. Haimc sur cc sujet , i38.
Seance dui^seplembre. Discussion sur la reorganisation mcdi-
cale, 1^5.
DES MAT1ERES. 503
Seance du i5 septernbre. Resolution relative a la reorganisation
medicate , iffi. — Discussion sur unc proposiiion tendanl a ce qu on
expt'riracnte la medecine homoeopathique-y i^ty
Premiere seance du 16 septembre. Communication de M. Hunault
sur deux instruments qu'il a modifies, i53. —-Discussion sur les irri-
gations, i53. — Resolution a ce sujet , i55. — Question des etablisse-
ments insalubres , i55. — Renvoi de cette question au prochain
Congi*es , i56.
Deuxieme seance du 16 septembre, Des inhumations precipitecs ,
i5y. — Voeu emis a ce sujet, i58. — VCEU emis sur les maisons
d'alie'nes , i58.
Seance du 17 septembre. Proposition sur des experiences medicales,
i5g. — Discussion sur la phrenologie , 160.-- Renvoi dc la question
au prochain Congres, 162.
Seance du 18 septembre. Question relative a la vaccine, 162. —
Proposition adoptee a ce sujet, 166. — Rt'sultat des experiences sur
le cow pox, 166.
Seance du 19 septembre. Proposition sur Porganisation des hopi-
taux, 167. — Voeu emis a ce sujet, 168. — Renvoi a la prochaine ses-
sion d'une proposition relative au traitement des maladies syphiliti-
ques, ainsi que des neuvieme ct dixieme questions du programme, 168.
9UATRIEME SECTION.
HISTOIRE ET ARCHEOLOGIE,
Seance du 12 septembre. Formation du bureau , 169- — Proposi-
tion relative a une statistiquc general'1: du moyen age, 170. — Popula-
tion de la Gaule avant la conquete des Remains, 170.
Seance du i3 septembre. Nomination d'un second vice-president,
172. — Memoire de M. de Boisthibault sur les Ic'proseries du pays
Chartrain, 172. — Reprise de la discussion sur la population de la
Gaule, 173.
Seance du i4 septembre. Remplacernent d'un vice-president, 177.
— - Rapport d'unc commission sur la proposition d une stalistique du
moyen age , 177. — Examen de la proposition relative au classement
des monnaics gauloises, 179. — Renvoi dc cetle proposition a la pro-
504 TA-BI.E
chaine session , i83. — • Discussion <le la question relative anx monnaios
des rois de la prem. race, i83. — Opinion de la seclion & ce sujel, 186.
Seance du ID septetnbre. Rcnvoi par la sixi6mc section d^une ques-
tion sur I'influcnce du christianisme pour 1'abolition de Pesclavage,
187. — Me'rnoire de IVl. Cauvin sur la geographic du diocese du Mans,
187. — Communication de M. de la Fonleneile sur un acte de i^oi
du bailli de Touraine , 188. — De Taulhcnticite! de inronnaics nor—
mantles trouvees re'cernment en grand nombre, 190.
Seance du 16 septembre. Examen des questions suivantes : « Les
licux ou Pon trouvc ie plus dc monuments druidiques ne soiit— ils pas
aussi ceux ou la religion chre'tienne a eu ses premiers etablissements ? »,
icjo. — « Determiner la situation du lieu designe' par Ce'sar comme
eUinl le siege de la grande asscrnblee annuellc des Druides » , 192. —
« Pourquoi trouvc-t-on si pen de monnaies d'argent de la premiere
race , ct de monnaies d'or dc la seconde ? », io,?». — «. Rechercher la
signification du type particulicr aux monnaies baronales du pays
•-chartraiu » t»;g5.
Seance du ij septembre. Rapport sur ('authenticate -des monnaies
normaiidcs , igH. — Communication de M. de la Fontenelle sur une
cliarle de Charroux, en Poitou , 20^- — Signification, origine et va--
lour du besant, -^o5. -- R envoi a la prochaine session d'une question
sur les lombeaux franks, -.107.
Seance du 18 septembre. Communication de M. Haze sur les anti-
quites monumcnlales du df'partemeiit du Cher, 207. — Communica-
tion de M. Briquet sur les archives municipales dc T^iort , 208.--
Bibliographies locales, histoires locales de 1 impriineric, 208. --Renvoi
a la prochaine session de la question relative a la fe'odalitc , aoy. —
Statuette trouvec a Beau^ency, 2-09.
Seance ffu 19 septembre. Rapport de TVI. Andre sur les monuments
observes a Blois dans la promenade arclu:ologique de la section, 210,
Communication de M. de Courteilles sur diffe'rmts sceaux , 218. —
Divers modes d'irihiimation , en France , depuis les Gaulois jusqu"a la
fin du moyen age ,219. Kenvoi a la prochaine session de la Question
relativearinfluence dc la chute de Constantinople sur la litterature, 220.
CINQUIEME SECTION.
LITTERATURE, BEAUX-ARTS, PHILOLOGIE.
Seance du 12 septembre. FWmal'on du bureau , 221.
DES MATIERES. ftO.'i
Seance du i3 septembre. Discussion sur lo style, ogival el le style de
la renaissance , 224. — Memoire dc M. Joseph Bard , 224. — Com-
munication de M. Pabbe Latonche sur son systemc de linguistique, a3o
— Salle de depot des ouvrages offcrls au Congrcs, 282.
Seance du iv£ septembre* Memoire dc M. Pavie sur la question
d'architecture , 233 — Memoire de M. Merson sur la ve'nalite de la
prcsse, 233.
Seance du «5 septembre. Lettre de M. Daly sur rarchitectonogra-
phie de la cathedrale de Cfoartres , a3^. -- Voeu exprimc a eel egard
par la section, 234. — Question sur Tart et le genie, a35. — Opinion
de la section, 23g.
Seance du 16 septembre. Methode de M. Tatipier pour apprendre
a ecnre, 2(0. — Marche des arts en France, Vfo. — Discussion sur
I'e'tat de Pinstrumentation au moyen age, 2^1. — Renvoi a la qua-
iriemc section de la question relative a Pinfluence dc la chute de
Constantinople sur la iitteralure, 243.
Seance du 17 septembre. Memoire de M. de Roisthibault sur IVtat
actucl de la presse en France, 244* — Discussion a I'occasion des me-
moircs de M. Merson et de M. de Boisthibault, 245.
Seance du i8 septembre. Lecture d'une piece de vers par M. Mer-
son, 246. — Reprise de la discussion sur la question du style ogival
et du style de la renaissance, 246- — Opinion de la section, 240*.
Seance du \ y septembre. Rapport sur la me'thode de M. Tabbe Latou-
chc, 24$. — Reprise de la discussion sur le style ogival et celui de la
renaissance , 24^. — Discussion sur les limites de la langue-d'Oil
et de la langue—d'Oc, 2$o. — Discours de c!6turc de M. Sruiih, 25s.
— Discours de cloture de M. de la Porte, a52.
SIXIEME SECTION.
SCIENCES MORALES , ECONOMIQUES ET LEGISLATIVES.
Seance du 12 septembre. Formation du bureau, 204. — Influence
du christianisme sur Tabolition de 1'esclavagu, u55.
Seance du i3 septembre. Question relative a 1'inlroduction en
France du systeme penitenliaire, s56. -- Resolution, 258.
606 TABLE
Premiere seance du i/t septembre. Question relative a la liberte
de 1'enscignement, aSg. — Question relative a la consideration du
corps tmiversitaire, a5g. — Resolution de la section sur la premiere
question, a63.
Deuxieme seance du i^ septembre. Suite de la discussion sur la
question relative a la consideration du corps universitaire, 263. —
Voeu de la section, 264.
Premiere seance du i5 septembre. Question relative aux enfants
trouves, a65.
Deuxieme seance da i5 septembre. Question relative a la traitc des
noirs , 260,. — Vosu de la section , 260,. — Continuation de la discus-
sion relative aux enfants trouve's , 269. — Memoire de M. Desbrosses
sur ce sujet, 272. »
Premiere seance du 16 septembre. Continuation de la discussion
sur les enfants trouves, 3i^. — Proposition adoptee par la section,
3i6. — Article additionnel propose, 3'iy.
Deuxieme seance du 16 septembre. Question relative a la peine de
niort, 3iy. — Discows de M. dcCourteilles sur ce sujet, 3i^. — Opi-
nion de la section, 332.
Premiere seance du ij septemhre. Rapport sur un memoire de
M. de Calonne , 332. — Question relative a 1 influence des voles de
communication sur la civilisation, 333. — Opinion, de la section, 338.
Deuxieme seance du 17 septembre. Demande d'une loi sur leslivres
de commerce ,, 338. — Discussion sur les resultats du morcellement
de la propriete, 33g. — Reponse de la section, 33g. — Discussion
relative a i'extinction de la mtndicite, 33g.
Seance du 18 septembre, Des logements militaires , 342. — Voeu
(ixprime par la section, 344-
Seance du 19 septembre. Rapport sur uri ouvrage de M. Gaillard ,
344- — idem sur un ouvrage de M. Roberton, 344- — Question
relative a la fixation dc rinlerct de Targenb, 3^5. — Renvoi a la pro-
chaine session, J j(>.
ASSEMBLEES GEZffEILALES.
Seance du 12 septembre. Discussion sur les terrains comuiunaux ,
3 9. — Renvoi de la question Ji la section, -55i.
DBS MATlfcRES. 507
Seance du i3 septembre. Adoption de deux propositions relatives :
i.o a u«e statistique agricolc de la France ; 2.° a la formation, a JSlois,
d-unmusee d?histoirc naturellc, 35a. -- Discussion sur Ic regime peni-
teritiaire, 352. — Discours de M. de Courteilles sur ce sujet , 353. —
Adoption dc la resolution de la section, 36o.
Seance du i£ septembre. Adoptions de diffcrentcs propositions
relatives : i.° aux terrains coinmunaux ; 2.° a la raonnaie des rois dr.
la premiere race ; 3.o a la liberte d'enseignement, 36a. — Discussion
relative au discours sur la venalite de la presse, 364-
Seance du i5 septembre. Discours de M. de la Giraudiere sur IPS
changcments opcres en Sologne, 365. — Adoption d'une proposition
sur la reorganisation medicale , 3yo. — Dessin dc la cathedrale de
Qiartres par M. Daly, 3yi. — Dcmande de la suppression du droit
«unirersitaire, 3^i. — Discussion sur la medecine homoeapathique, 3j2.
-- Adoption d'une proposition a ce sujet, 3^4'
Seance du 16 septembre. Adoption de differentes propositions rela-
tives : i.oa la formation d'ocolcs d horticulture ; 2.03 la plantation
<les muriers ; 3.° a la nomination des medecins d'hopitaux ; 4-° a
-1'irrigatiou des prairies; 5.° aux e'tabiissemenls insalubTes ; 6.° a la
marche des arts en France ; 7.° a Tetat de Pinslrumentation au moyeri
age , 3y5. — Discussion sur Part et le genie, Syo. Discussion sur les
enfants trouves, 3yg.
Se'unce du i- septembre. Rapport sur Texcursion scicntifiquc faite
^i Orchaisc, 3()5. -- Resolution pour la teriue de la cinquieme session,
3g5. — - Opinion Ju Gorigres sur rintltience des voics de communica-
tion, 3q6. — Reprise de la discussion sur les eitfants trouves, 3o,y. —
Renvoi a la section, 4oo.
Seance du 18 septembre. Adoption de la proposition sur les enfants
trouves, 4°i- — Adoption d^autres propositions relatives : i.° a rin--
fluence de la culture dc la vigne sur les mo?urs ; 2." au de'frichcment
tlrs bois ; 3.o a la degeneration de la vaccine ; ^.° aux inhumations ; --
5.° aux rt-sultats du morcellemcet de la proprie'te ; 6.° aux lf)gements
militaires ; ;.° a la confection de bibliographies locales , 402. — Ren-
^voi de la question sur la feodaiite a la prochaine session, 4"5. -- Ordre
du jour sur une proposition relative a I'cxercice de la medecine, 4o6.
Seance du 19 septembre. Adoption de differenfes propositions rc-
Jalives : i.° a la grctfe dc la vigne ; 2.0 au systcrne mt'lrique ; 3.° a
508 TABLE DES MATIERES.
1'cxtinction dc la racndiclte , 407. — Discussion sur la poinc dc mort ,
407. — Proposition adoptee a ce sujet, 4 12. — Rapport sur le prytan<;e
de Menars, 4 '3. Rapport sur le concours de charrues, ^i5. -- Discours
de c!6lure de M. de la Place, $ib.
SEANCE LITTERAIRE , 4^0.
MEMOIRES, DlSCOURS ctPlECES DETACHERS, 4^1.-- Memoire de 1V1.
Lepage sur les inhumations pi-ecipite'es , 4^1. -- Discours de M. Cler
sur la liberte d'eriseignement, 4'25- — Discours de M. Merson sur la
vt'nalite de la prcsse , 44^- — Discours de M. de Boislliibault en r«>-
ponse au precedent, 4^5.
PROPOSITIONS ADOPTEES PAS LE CONGRES, 4?^-
PROPOSITIONS RENVOYEES A LA CINQUIEME SESSION, 480.
LlSTE ALPHABETIQUE DES MEM15RES DU CoNGRES , 483.
LlSTE DES OUVRAGES OFFEU.TS A LA QUATRIEME SESSION, ty$.
TABLE RAISONNEE DES MATIERES, ooo.
ERRATA.
fage 05 , ligne 17, Gorncilles, liscz Cormeilles.
fage 81 , ligne 18 , 1,500 , lisez 15,000.
Page 86 , ligne 25, cenx , lisez cclles.
Idem, ligne 24 , lones, lisez lonecs.
rage 90, Hgnc 7, patures , liscz patuvages.
Page iOO, ligne is, section , liscz commission,;
Page 106, ligne 9, nsite, lisez usitee.
Page 120, ligne 26, par ce qni est produit pour 1'iiulustric, liscz ponv
ce qni est produit par rindnslrie.
Page 155, ligne 3, ( di3 Blois), liscz avocat a Blois.
Page 161, ligne 3, phsvchologie , liscz psychologic.
Page 256 , ligne l.re , 2.e question, lisez 8.«
page 354, ligne 19, ses verdicts , liscz les verdicts,
page 359, ligne 13, enssent, lisez aient.
Page 365, ligne 19, pur on melange , Uses pure on melangee.
page 566, ligne penullicme , billons , lisez sillons.