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Full text of "Congrès Scientifiques de France"

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CONGRES 


SCIENTIFIQUE 


DE  FRANCE 


BLOIS,  IMFRIMERIK  DE  FELIX   JAHYER. 


CONGRES 


SGIENTIFIQUE 


DE  FRANCE. 


TENUE  A  BX.OIS     EM  SEPTEMBRE  1836, 


SE  TROUVE : 

BLOIS,  CHEZ  FELIX  JAHYER,  EDITEUR-PROPRIETAIRE  ; 

PARIS,   CHE/  DERACBE,   L1BRAIRE  ,  HUE  DU  EOULOY  ,    7; 

MET/,  CHEZ  LES  TRINCirAUX  LIBRAIRES. 

M1JCCC  XXXVII. 


II I  HCI 


5.c  Smton  &u  Con^rcs  $'<ju»rtra  a  ^Ift}  U  5  0eptembr^  1837 

tnuitjfcs  bt  bruit  tnutcs  Us  pcr?onnc 6  qui  out  fait 
partif  J)<r0  prfcebcutfs  rcuninns. 


ARR£TE 


FAR  JLE  CONGRES  SCIENTIPIQUE  DE  FRANCE, 

POUR  LA  TENUE 

DE  LA  SESSION  DE  1836. 


LE  Congres  scientifique  de  France,  dans  sa  3,c  session, 
a  arrete  ce  qui  suit  : 

ART.  Ler 

La  4.e  session  du  Congres  scientifique  de  France  aura 
lieu  dans  la  ville  de  Blois ,  departement  de  Loir  et  Cher. 

ART.  II. 

Cette  4.e  session  s'ouvrira  du  her  au  12  de  septem- 
bre  1836. 

ART.  III. 

M.  DE  LA.  SAUSSAYE  ,  secretaire  de  la  societe  des  scien- 
ces et  des  lettres  de  la  ville  de  Blois ,  est  prie  de  vouloir 
bien  accepter  les  fonctions  de  secretaire  general  de  la 
4.e  session  du  Gongres  scientifique  de  France, 

ART.  IV. 

M.  le  secretaire  general  de  la  4.e  session  est  charge  : 
1 ,°  de  prendre  toutes  les  mesures  qu'il  jugera  convena- 
ble  pour  assurer  la  tenue  de  cette  session}  2,°  d'indiquer 


los  secretaires  provisoires  des  sections  j  3.°  de  rediger  et 
distribuer  les  lettres  de  convocation,  ainsi  que  celles 
qu'il  devra  prealablement  ecrire  aux  societe's  savantes  du 
royaume ,  pour  leur  demander  1'indication  des  questions 
qu'elles  desirent  soumettre  au  Congres ;  4.°  de  s'enten- 
dre  avec  la  societe  des  sciences  et  des  lettres  de  Blois , 
pour  former  un  comite  preparatoire  charge  de  rediger , 
de  concert  avec  lui ,  un  reglement  pour  la  tenue  de  la 
session ,  et  de  faire  un  choix  des  questions  qui  lui  seront 
adressees. 

Le  president  de  la  3.e  session , 
3igne  DE  LA  FONTENELLE, 

Le  secretaire  general , 
Signe  L.  DE  GIVENGHY. 


COMMISSION  PREPARATOIRE 


PAR  LA  SOCIETY  DES  SCIENCES  ET  DES  LETTRES  DE  BLOIS , 


DE  I/ORGANISATION 


DE  LA  4."  SESSION 

DU  CONGRES  SCIENTIFIQUE  DE  FRANCE. 


MM. 

BERGEVIN  ,  president  de  la  societe  des  sciences  et  des  lettres  de  Blois , 
president  du  tribunal  de  premiere  instance  de  la  meme  ville. 

BERTHEREATJ  DE  LA  GIRATJDIERE  ,  president  dc  la  societe  royale  d'agri- 
culture de  Loir-et-Cher. 

CELLIEZ  ,  docteur  en  medecinc  ,  membre  de  la  societe  des  sciences  et 
des  lettres. 

COUTEAU  ,  maire  de  Blois,  membre  honoraire  de  la  societe  des  sciences 
et  des  lettres  ,  titulaire  de  la  societe  royale  d'agriculture.. 

Du  PIESSIS  ,  membre  de  la  societe  des  sciences  et  des  lettres. 

GUERIN  D'OGONNIERE  ,  secretaire  perpetuel  de  la  societe  royale  d'agri- 
culture. 

LAURENT  ,  membre  de  la  societe  des  sciences  et  des  lettres  el  de  la  so- 
ciete royale  d'agriculture ,  president  du  tribunal  de  commerce. 

MARTN  DESBROSSES  ,  docteur  en  medecine ,  membre  de  la  societe  des 
sciences  et  des  leltres  et  de  la  societe  royale  d'agriculture. 


V11J 

MM. 

NAUDIN  ,  juge  de  paix ,  membrc  dc  la  society  des  sciences  et  des  iettres 
et  de  la  societe  royale  d'agriculture. 

RENOU  ,  membrc  de  la  societe  des  sciences  et  des  Iettres  et  de  la  societe 
royale  d'agriculture. 

RIFFATJLT  ,  adjoint  au  maire  de  la  \ille  de  Blois ,  menibre  de  la  commis- 
sion administrative  de  la  societe  royale  d'agriculture. 

Arrete  par  la  societe  des  sciences  ct  des  Iettres  de  Blois  ,  dans  sa 
seance  de  rcntree  du  6  novembre  1835. 

Le  president  de  la  societe, 

Slgne  BERGEVIN. 
Le  seer  eta  ire, 
Slgne  L.  DE  LA  SAUSSAYE. 


IX 

$»•«••••••••«••»•••*•»•••••»««»••»*'•••»«»«*•••••»•«•<>«••  ••«•«••*« 

CIRCULAIRE 
DU  SECRETAIRE  GENERAL 

DE  LA  4.e  SESSION 
DU  CONGRES  SCIENTIFIQUE  DE  FRANCE. 


«  MONSIEUR,, 

»  Les  membresde  la  3.e  session  du  Congres  scientifique 
de  France,  tenue  a-Douai  au  mois  de  septembre  dernier, 
ent  decide  que  la  session  de  1836  aurait  lieu  a  Blois, 
ville  centrale,  situee  dans  un  pays  riche  de  beautes  na- 
turelles  comme  de  souvenirs  et  cle  monuments  histori- 
ques,  et  dont  la  position  intellectuelle  se  resume  par  les 
noms  de  troisde  ses  enfants ,  membres  du  premier  corps 
savant  de  1'Europe*. 

»•  L' institution  des  Congres ,  encore  nouvelle  parmi 
nous,  a  produit  deja  des  resultats  heureux  qui  ne  sau- 
raient  etre  contestes.  En  transportant  sur  divers  points 
de  la  France  des  centres  mobiles  d' action  scientifique , 
elle  a  excite  une  puissante  emulation  dans  les  contrees 
qui  1'ont  accueillier,et  elie  Fa  communiquee  a  celles  qui 
avaient  envoye  des  deputes  a  ces  reunions.  Les  relations 
etablies  entre  des  personnes  livrees  aux  memes  etudes  , 

*  MM.  Pa vdessus  et  Augusti n  Thierry,  de  1'academie  des  inscriptions ; 
Amcdee  Thierry,  de  1'academie  des  sciences  morales. 


et  qui  ne  se  fussent  peut-etre  jamais  rencontrees,  lesonC 
encouragees  a  fonder  des  institutions  scientifiques  nou- 
velles,  et  leur  ont  permis  d'entreprendre  des  publica- 
tions litteraires  independantes  de  la  Capitale.  Gelle-ci, 
elle-meme,  a  etc  represented  au  Congres  par  des  hommes 
genereux,  venus  pour  applaudir  a  nos  efforts,  et  tra- 
vailler  avec  desinteressement  a  l'accomplissement  de 
notre  oeuvre.  La  province  s'est  animee  d'une  vie  litte- 
raire  inconnue  jusqu'alors,  et  les  bases  de  son  emanci- 
pation intellectuelle  ont  ete  posees. 

»  Les  mots  emancipation  et  decentralisation,  pronon- 
ces  par  les  Congres,  ont  semble  a  quelques  esprits  le  cri- 
d'armes  d'une  sorte  de  croisade  provinciale  centre  la 
suzerainete  scientifique  et  litteraire  de  Paris.  Tel  n'a  pas 
ete  le  but  des  fondateurs  de  1'institution.  La  province  ne 
pent  pretendre  a  renverser  cette  suzerainete  qui  fait  la 
gloire  de  la  France  tout  entiere ,  et  elle  lui  paie  chaque 
jour  son  tribut  en  lui  envoy  ant  1'elite  de  ses  hommes. 
Mais  cette  suprematie  reconnue  a  excite  son  emulation ; 
elle  1'a  portee ,  non  a  tenter  une  lutte  impuissante ,  mais 
a  recbercher  si  elle  ne  pourrait  se  creer  une  activite  qui 
lui  fut  propre  et  qui  fournit  a  ses  travaux  des  avantages 
de  position  particuliers.  La  province  a  pense  qu'en  lais- 
sant  a  la  capitale  a  resoudre  les  hautes  questions  des 
sciences  speculatives ,  a  formuler  les  grandes  theories 
sociales  ou  politiques,  il  lui  restait  d'autres  sujets  d'e- 
tudes  qu'il  lui  appartenait  de  trailer  avec  succes.  Ainsi , 
qui  connaltra  mieux  que  nous  les  moyens  de  repandre 
dans  nos  villages  les  bienfaits  de  1'education  morale  et 
de  1'instruction  primaire  ?  Ou  seront  mieux  apprecies 
qu'en  province  les  besoins  de  notre  agriculture ,  les  in- 
terets  commerciaux  de  nos  productions  territoriales  ? 
Le  geologue,  le  botaniste  trouveront-ils  dans  1'examen 


cles  echantillons  des  musees ,  des  sources  d' observations 
comparables  a  celles  que  leur  fourniront  nos  campagnes? 
Ou  notre  histoire  locale  sera-t-elle  mieux  etudiee  que 
sur  les  monuments  d'art  epars  autour  de  nous,  sur  les 
manuscrits  de  nos  bibliotheques ,  dans  les  chartes  de  nos 
archives?-  Que  les  Congres  s'occupent  specialement  de 
tout  ce  qui  se  r attache  aux  interets  moraux  et  materiel s 
des  departements ,  et  leur  tache  sera  encore  assez  belle. 
C'est  la,  nous  le  croyons,  le  but  principal  qu'ils  devront 
se  proposer ;  le  choix  des  questions  pour  la  session  de 
cette  annee  fait  deja  pressentir  cette  tendance  particu- 
liere  de  leurs  travaux. 

»  Les  Congres  ont  sans  dbute  encore  des  ecueils  a  evi- 
t-er,  des  ameliorations  a  obtenir;  mais  ces  conditions  de 
progres  sont  celles  de  toute  institution  nouvelle,  et  il 
serait •  injuste  de  leur  demander  aujourd'hui  ee  qui  ne 
peut  etre  pour  eux  que  1'oeuvre  du  temps,  les  resultals 
de  1'experience.  Profondement  convaincu  de  1'utilite  de 
Pinstitution ,  de  son  influence  toute  civilisatrice,  je  viens 
aujourd'hui ,  Monsieur,  solliciter  avec  confiance  Tappui 
de  vos  talents  et  de  votre  zele  pour  travailler  avec  nous 
a  faire  acquerir  aux  Congres  toute  I'importance  que 
leurs  debuts  leur  permettent  d'esperer  de  1'avenir. 

»  J'ai  1'Jionneur  de  vous  adresser  le  programme  de  la 
session  de  1836r  arrete  par  la  commission  d' organisa- 
tion que  les  societes  academiques  de  Blois  ont  choisie 
parmi  leurs  membres.  Je  vous  prierai  de  donner  a  ce  pro- 
gramme la  plus  grande  publicite  par  la  voie  de  la  presse 
locale ,  ou  par  les  autres  moyens  qui  seront  a  votre  dis- 
position»- 

»  Plusieurs  societes  savante^de  France  ont  envoye  des 
questions  pour  etre  soumises  a  1'examen  du  Congres;  la 
commission  en  a  ecarte  ou  modifie  quelques  lines ,  soit 


X1J 

parce  qu'elles  avaient  ete  traitees  dans  les  sessions  pre- 
ceclentes,  soit  parce  qu'elles  rentraient  dans  des  questions 
deja  admises.  Plusieurs  preambules ,  developpements  ou 
exemples ,  destines  a  faire  bien  saisir  differentes  ques- 
tions ,  ont  ete  supprimes ,  afin  de  ne  pas  donner  trop  d'e- 
tendue  au  programme;  mais  tous  ces  docoanents  sont 
conserves  pour  etre  communiques  aux  sections. 

»  Les  questions  adoptees  par  la  commission  ne  doivent 
pas  fournir  exclusivement  la  matiere  des  travaux  du  Gon- 
gres;  chaque  membrede  1'assemblee  sera  libre  d'en  pre- 
senter de  nouvelles ,  en  se  soumettant  toutefois  aux  con- 
ditions imposees  par  le  reglement. 

»Recevez,  Monsieur,  1'assurance  de  ma  consideration 
la  plus  distinguee. 

»  L.  DE  LA  SAUSSAYE. » 


XI JJ 

•»»* 

PROGRAMME 
DE  LA  4.e  SESSION. 


Dispositions  r&ylementaircs  arretfes  par  le  comit&  ^organisation  de  la 
4.e  session  du  Congres  scientifiyue. 

1.  La  4.e  session  du  Congres  scientifique  de  France  s'ouvrira  a  Blois 
le  dimanche  11  septembre,  a  midi,  dans  la  grande  salle  du  Palais  de 
Justice. 

2.  La  duree  de  la  session  sera  de  dix  jours  au  plus. 

3.  conime  dans  les  sessions  precedentes ,  les  travaux  du  Congres  se- 
ront  repartis  en  six  sections. 

4.  Dans  la  premiere  seance ,  apres  le  discours  d'ouverture  du  secre- 
taire general ,  on  nommcra  le  president  et  les  deux  vice-presidents  du 
Congres,  qui ,  avec  le  secretaire  general ,  composeront  le  bureau  cen- 
tral. Les  Secretaires  provisoires  de  section ,  choisis  par  le  comite  d'or- 
ganisation ,  inscriront  les  norns  des  membres  du  Congres  dans  les 
sections  dontils  desireront  faire  partie.  Chacunpourra  se  faire  inscrire 
dans  plusieurs  sections  a  la  fois. 

5.  II  sera  adjoint  an  bureau  central  un  suppleant  au  secretaire  gene- 
ral, et  un  tresorier-archiviste  charge  dc  la  comptabilite  de  la  4.«  ses- 
sion et  du  depot  des  ouvrages  dont  il  sera  fait  hommage  a  I'assemblee  * . 

6.  Le  president ,  le  vice-president  et  les  deux  secretaires  de  chaque 
section  seront  nommes  par  les  sections  memes  le  lendemain  de  1'ou- 
verture  du  Congres. 

7.  Les  sections  s'assembleront  tons  les  matins  et  successivemenl  pen- 
dant une  heure  et  deniie.  L'ordre  d'ouverture  des  seances  seraindique 
sur  une  carte  particuliere ,  qui  sera  remise  a  chaque  membre  du  Con- 
gres. 

8.  Chaque  jour,  a  trois  heures  apres  midi,  il  y  aura  assemblee  de 
toutes  les  sections  reunies.  Le  secretaire  general  lira  le  pieces  verbal 


*  M.  IJBROUX,  membre  de  la  societe  des  sciences  et  des  lettres  ,  a  ete  cliois?  pour  se- 
cretaire-adjoint 5  et  M.  GODIN,  membre  de  la  menie  societe,  a  etc  cliargc  des  fonc- 
tions  de  tresorier-arcliiviste. 


XIV 

4e  la  seance  dela  veille ;  Ics  secretaires  des  seclions  donneront  lecture 
ties  proces-verbaux  des  seances  parliculieres  lenues  dans  la  matinee. 
L'assemblee  sera  consultee  sur  les  conclusions  adoptees  par  lessee- 
lions.  On  pourra  cnsuite  entendre  des  lectures  el  recevoir  des  commu- 
nicalions  verbales-ou  autres. 

9.  Aucune  leclure  ne  sera  enlendue  en  seance  generate ,  qu'elle  n'ail 
etc  approuvee  par  les  sections. 

10.  Le  Congres  pourra  ordonner ,..  sur  la  proposilion  des  seclions 
respeclivcs ,  1'impression  des  memoires  qui  Ini  scront  presenles. 

11.  Oulre  les  queslions  el  propositions  indiquces  au  programme  du 
Congres,  lousles  membres  ont  le  droit  de  luf  en  presenter  de  nou- 
velles;  mais  elles  devront  elre  rormulcespar  ecrit  et  deposees  sur  le 
bureau  du  Congres  ,  en  seance  generate.  Elles  seront  examinees  le  soir 
meme  par  une  commission  permanente  qui  jugera  si  elles  peuvent 
etre  admises.  Le  resultal  de  la  deliberation  sera  communique  lelende- 
niain  aux  seclions  competentes. 

12.  La  commission  permanenlesera  composee  des  membres  du  bu- 
reau cenlral ,  du  presidenl  el  d'un  des  secretaires  de  chaque  seclion. 

15.  Pendanl  la  lenue  du  Congres ,  il  sera  fail  des  excursions  scienti- 
fiqncs  ,  et  il  y  aura  un  concours  dfe  charmes. 

14.  Nul  ne  sera  admis  a  se  faire  inscrire  parmiles  membres  du  Con- 
gres ,  s'il  ne  juslifie  de  sa  leltve  dfc  convocation  ,  et  ne  verse  enlre  les 
mains  du  tresorier ,  ou  de  son  delegue ,  une  somme  de  dix  francs.  Cha- 
que personne  inscrite  devra  signer  le  reglement;  cette  adhesion  lui 
donnera  droit  a  nne  carle  d'entree  el  au  volume  ou  sera  consigne  le 
comple-rendu  des  Irava-nx  du  Congres. 

15.  Ce  volume  sera  pubUe  par  les  soins  du  secrelaire  general  et  des' 
secretaires  de  section. 

10.  Les  personnes  qui  ne  pourraient  pas  se  rendre  au  Congres  sont 
invilees  «T  y  envoyer  des  ni6moires  sur  les  diverses  questions  conlenucs 
au  programme. 

17.  sont  convoques  de  droilau  Congres  les  membres  des  societes  sa- 
vanles  ,ceux  du  coypsunivei'silmre  , les  fonctionnaires  superieurs  dans 
Tordre  ecclesiastique ,  civil  ou  mililaire  ,  el  loutes  les  personnes  qut 
ont  assiste  aux  sessions;  precedcntes\ 

18.  Avant  de  se  separer,  le  Congres  Gxera  la  date  ct  le  lieu  de  la 
8.®  session  ,  en  nommera  le  secretaire  general ,  et  invitera  les  socicles 
savanles  de  la  ville  designee  a  choisir  le  comile  d'brganisalion  de  la 
nouvelle  reunion. 

19.  Toule  difliculle  ,  non  prevue  par  les  presentes  dispositions,  sera 
portee  au  comile  d'organisalion  ou  a  la  commission  permanente  qui 
en  decidera. 


XV 

QUESTIONS 

PROPOSEES 

POUR  CHAQUE  SECTION  *. 

PREMIERE  SECTION1. 

Jjtefotrt  'naturtlU. 

Secretaire  provisoire  :  M.  RENOU,  membre  des  societes  des  sciences  et  des 
lettres  et  d'agriculture  de  Blois.  ** 

1  .o  Y  a-t-il  contemporaneite  dans  les  depots  de  calcaire  d'eau  douce 
posterieurs  an  calcaire  grassier  tertiaive ,  dans  le  bassin  de  la  Loire  ? 

2.0  Rechercher  s'il  serait  impossible  de  creer  pour  la  minuralogie 
une  classification  qui  presenlat  les  avantages  des  methodes  naturelles 
suivies  en  zoologie  et  en  botanique. 

3.°  Les  geologues  des  provinces  centrales  de  la  France  sont  invites  : 
—  a  presenter  au  Congres  de  Blois  un  precis  de  la  geologic  du  depar- 
tement  qu'ils  babitent ;  —  a  indiquer  les  decouvertes  recentes  qui  y 
ont  ete  faites  ,  et  a  dire  si  parmr  les  Ibssiles  rectieillis  ifs'est  trouve  des 
especes  rares  ou  inedites;  —  a  faire  connaitre  les  tenlalives  execulees 
pour  1'etablissenient  de  puils  artesiens ,  si  elles  ont  ete  couronnees  de 
succes  ,  et ,  dans  ce  cas ,  quels  phenomenes  particuliers  onl  accompa- 
gne  le  jaillissement  de  Teau. 

4.°  Existe-t-il  dans  les  animauxun  type  primitif  auquel  se  rapporteni 
plus  ou  nioiiis  toutes  les  creations  de  cette  grande  classe  des  etres 
organises  ? 

5.0  Descirconstances  exterieurespeuvent-elles  modifier  1'organisalion 


*  I>es  questions  oat  et6  cliois*ie!i  par  le  coalite  d 'organisation ,  parmi  celles  adreisees 
par  plusieurs  societes  savautes  de  France,  en  reponse  a  une  circulaire  du  secretaire  ge- 
neiai ,  datee  du  niois  de  Janvier  iu!36. 

**  Jjcs  secretaires  provisoires  out  ete  noiunics  par  le  coinilc  d'organisation,  dans  sa 
seance  du6  aout  i836. 


XVJ 

ties  animaux  ct  des  vegetaux  an  point  de  changer  leuvs  caractcres 
specifiqucs  et  nu-ine  generiques  ? 

O.o  Est-il  bien  demontre  que  le  tissu  cellulaire  des  plantes  offre  un 
systeme  nerveux  analogue  a  celui  des  animaux?  —  Indiquer  en  quoi 
consiste  cette  analogic  physiologique. 

7.«'Ya-t-il  transformation  du  tissti  cellulaire  des  plantes  en  vais- 
seanx  ,ou  les  vaisseaux  ont-ils,  des  le  premier  instant  ou  ils  semani- 
festent ,  une  existence  individuelle? 

8.  o  Poser  les  bases  ct  les  conditions  d'nne  bonne  classification  des 
lichens. 

9.°  L'opinion  des  botanistes  est-elle  arretee  sur  le  mode  de  forma- 
tion des  couches  ligneuses  dans  les  vegetaux  dicotyledons  ? 

10.°  Les  exanthemes  desvegelaux  sont-ils  des  plantes  ,  ct  doivent- 
ilsoccuper  une  place  dans  une  classification  naturelle? 

11.0  Les  bons  resultals  obtenus  des  diverses  communications  faites 
aux  Congres  de  Caen,  Poitiers  et  Douai ,  par  les  botanistes  de  ces  di- 
verses localiles ,  font  desirer  qu'un  catalogue  des  plantes  propres  a  la 
province  au  milieu  de  laquelle  se  tiendra  le  Congres,  soil  public  dans 
les  proces  verbaux  de  ces  reunions.  Les  bolanistes  de  Blois  sont  invites  a 
apportcr  a  la  session  de  1836  les  elements  nccessaires  au  travail  demande. 

DEUXIEME  SECTICN. 

Sericulture,  Unbustri*  ct  Commmr. 

Secretaire  provisoire  :  M.  Eug.   RIFFATJLT,  de   la  societe  royale   d'agri* 
culture  de  Loir-et-Gher. 

1  .o  Quels  seraient  les  moyens  de  lirer  le  parti  le  plus  avantageux 
des  terrains  communaux  ? 

2.0  Quels  sonl  les  changemenls  opcres  dans  la  sologne,  depuis vingt 
annees  ,tant  sous  le  rapport  de  la  culture  des  terres  que  sous  ceux  de 
la  plantation  des  arbres ,  du  detiichement  des  landes  et  de  Fameliora- 
lion  des  races  elcvees  dans  le  pays? 

3.0  La  prohibition  du  delriclicment  des  bois  doit-elle  etre  posee 
comme  regie  ou  conime  exception  ? 

4.°  La  carie  des  bles  est-elle  un  champignon  ou  un  developpement 
morbide  de  1'ovaire  ?  —  Quels  sont  les  rapports  d'analogie  et  de  dis- 
semblance entre  la  carie ,  le  charbon  et  la  rouille  ?  —  Quels  sont  les 
modes  de  propagation  de  ces  maladies  ?  —  Quels  moyens  a-t-on  indi- 
ques  et  mis  en  usage  pour  les  prevenir ,  ct  quels  sout  les  mcilleurs  ? 
—  Quels  sont  les  effets  facheux  de  ces  substances ,  soil  sur  Fagricttl- 
ture ,  soil  sur  1'economie  animate  ?  —  Quel  est  le  meilleur  moyen 
de  netoyer  le  froment  tache  de  carie  ? 

5.0  Quelle  est  1'influcnce  de  la  culture  presque  exclusive  de  la  vigne 
sur  les  moeurs ,  les  habitudes,  la  prosperite  des  habitants  d'un  pays ? 

6.0  La  greffe  de  la  vigne  est-elle  pratiquee  dans  les  vignoblcs  dcs 
bords  dc  la  Loire  ?  —  Quels  avantages  presente-t-ellc  ? 


XVlj 

7."  Quels  developpementsa  recus  la  plantation  dcs  muriers  au  nord 
<le  la  chavente?  —  La  soie  recueillie  entre  cettc  riviere  et  la  Seine 
cst-elle  nne  recolte  qui  presente  un  riche  avenir  ? 

8.0  Des  elablissements  industrials  peuvcnt-ils  prosperer  dans  nn  pays 
dont  la  population  est  incessamment  attachee  an  sol?  —  Les  pays  de 
fabrique  ne  sont-ils  pas  en  general  des  pays  de  grande  culture  ? 

9.°  Quelles  sont  les  consequences  de  la  protection  exclusive  donnee 
par  le  gouvernemcnt  francais,  depuis  I8i4,a  Pindustrie  et  au  com- 
merce, au  prejudice  de  I'agriculture  qui  supporte  seule  presque  toutcs 
les  charges  dc  I'impot  ? 

10."  L'iinporlance  induslrielle  et  commerciale  du  bassin  de  la  Loire 
diminuechaquejour;  quelles  sont  les  causes  de  cette  diminution,  quels 
sont  les  moyens  de  la  faire  disparaitre  ? 

TROISIEME  SECTION*. 

Sciences  Jpljpaiques  ft  Mfoicaiea. 

Secretaire  provisoire  :  M.  le  docteur  DESBROSSES,  des  societes  des 
sciences  et  des  lettres  et  d'agrictilture  de  Blois. 

i.o  Quels  sont  les  avantages  et  les  inconvenients  du  deft  ichement  des 
bois  et  du  dessechement  dcs  marais  sons  le  rapport  de  I'agriculture  , 
de  la  metcorologie  et  de  I'economie  sociale  ? 

2.o  Les  irrigations  des  prairies  onl-elles  des  inconvenients  pour  la 
salubrite  ?  —  La  loi  qu'on  reclame  sur  cette  matiere  doit-elle  contcnir 
quelques  dispositions  propres  a  concilier  les  interets  de  1'agricullnre 
avec  les  exigences  de  1'hygiene  publique  ? 

3.°  Etablir  une  classification  des  etablissements  insalubres ,  plus  ra- 
lionnelle  que  celle  qui  existe.— Indiquer  des  bases  Fixes  pour  leur  auto. 
lisa  lion . 

4.0  Quels  seraient  les  moyens  d'uti'iser ,  sans  danger  pour  la  salubrile 
publique  ,  les  eaux  des  feculeries  et  des  amidonneries? 

5.°  Quand  on  rcmplit  entierement  un  flacon  avec  de  1'acide  sulphy- 
drique  ,  qu'on  le  boucbe  et  qu'on  1'abandonne  a  lui  ineme ,  on  remar- 
que  ,  apres  un  laps  dc  temps  plusou  moinslong,  qnele  liquide  estcom- 
pletement  inodore,  et  qu'il  existe  au  fond  du  flacon  un  precipite  blanc 
et  ccailleux.  Rechercher  la  cause  dc  ce  phenomene. 

6.0  Rechercher  si  la  similitude  d'efi'ets  chimiques  entre  les  rayons 
extremes  du  spectre  solairc  et  les  electricites ,  positive  et  negative ,  ne 
pourrait  pas  conduire  a  admettre  que  la  lumiere  rayonnante  n'est  que 
1'elTet  produit  par  la  neutralisation  des  deux  fluides  electriques 

7.°  La  force  des  courants  eleclriques  qui  s'elablissent  dans  les  ac- 
tions chimiques-,  mesuree  parle  multiplicateur  ,  ne  pourrait-elle  pas 
devenir  le  moyen  d'expliquer  la  raison  des  preferences  alomiques,et 
1'attraclion  moleculaire  ne  pent  elle  pas  etre  rappoitce  uniquemciit  a 
Vetat  clectrique  des  corps  qui  se  combinent  ? 


XVllj 

8.0  La  difference  dc  -capacity  pour  Ic  caloriqne  du  sang  arteriel  ct 
du  sang  veineux  ,  la  clialeur  degagee  par  I'assimilation  et  celle  pro- 
duite  par  1'absorplion  du  gaz  oxigene  dans  1'acte  de  la  respiration  , 
sont-elles  les  seules  causes  de  la  clialeur  animale  ? 

9.o  L'ergot  d«  scigle  est-il  un  champignon  ,  un  developpement  mor- 
bide  de  1'ovaire  ou  une  dcgenercscence  du  grain  ?— De  quelle  maniere 
a.git-il  sur  I'economie  animale ,  specialement  pour  determiner  la  gan- 
grene des  extremites  ?  —  Quelle  cst  la  nature  de  cette  maladie  et  quel 
traitement  convient-il  de  lui  opposer  ?  —  Que  peut-on  faire  pour  la 
prcvenir  dans  les  pays  qui ,  comme  la  Sologne ,  produisent  beaucoup 
d'crgot  ? 

10.°  La  march e  suivie  par  le  cholera ,  en  France  ,  nous  a-t-elle  suf- 
[isammenl  instruits  de  son  mode  de  propagation  ,  pour  que  Ton  puisse 
modifier  les  lois  sanitaires  en  ce  qui  le  concerne  ? 

n.°  L'organisation  du  corps  medical  est-elle  susceptible  de  refor- 
me?— Dans  le  cas  d'une  reponse  affirmative,  indiquer  sur  quelles 
bases  une  reorganisation  doit  etre  etablie. 


QUATRIEME  SECTION. 
ijiatoirc  ct 


Secretaire  provisoire  :  M.  Du  PLESSIS  ,  de  la  societe  des  sciences  et  des 
lettres  de  Blois. 

i.o  La  Gaule  ,  avant  la  conquete  des  Romains  ,  n'etait-elle  pas  beau- 
coup  plus  peuplee  ,  plus  riche  et  plus  civilisee  qu'on  ne  le  suppose  ge- 
neralement  ? 

2.°  Indiquer  les  modifications  successlves  apportees  dans  les  divi- 
sions territoriales  de  la  France  ,  depuis  les  Gaulois  jusqu^a  nos  jours.  — 
En  rechercher  les  causes  et  en  indiquer  les  consequences. 

s.o  Determiner  la  situation  du  lieu  designe  par  Cesar  comme  etant 
le  siege  de  la  grande  assemblee  annuelle  des  Druides. 

4.0  Leslieux  ou  rontrouve  le  plus  de  monuments  druidiques  ne  sont- 
ils  pas  aussi  ceux  ou  la  religion  chretienne  a  cu  ses  premiers  etablisse- 
ments? 

5.0  Rechercher  Torigine  de  la  fcodaFite.  —  Determiner  les  causes  et 
les  epoqucs  de  ses  progres  el  desa  decadence. 

6.0  Inviter  le  congres  a  jeter  les  bases  d'une  statistique  du  moyen- 
Age  en  France  ,  en  arretant  une  serie  de  questions  qui  embrasseraient 
lout  Fensemble  de  I'ordre  religieux  ,  teodal  et  communal  ,  et  qui  pour- 
raient  etre  traitees  soil  dans  leur  ensemble  ,  soil  par  partie. 

7.°  Determiner  la  forme  du  gouvernement  a  laquelle  rAquitaine  fut 
soumise  pendant  la  domination  des  Anglais  ,  et  quelle  fut  1'influence  de 
cc  gouvernemenl  sur  Fetal  social  et  scienlifique  du  pays. 

8.°  Les  decouvertes  de  sepultures  anciennes  faites  sur  les  bords  de  la 


XIX 

Loire  ct  flans  les  departemcnts  voisins  peuveril-elles  jeter  quelqucslti- 
niiercs  sur  les  divers  modes  d'inhiimalion  usites  en  France  depuis  les 
Gaulois  jusqu'a  la  fin  du  moy  en-age  ? 

9.°  Indiquer  les  bases  d'nn  classement  des  monnaies  gauloises  sui- 
vantl'ordre  chronologique  et  les  divisions  gcographiqnes.—  Recher- 
cherle  systeme  monelaire  des  Gaulois  ou  les  rapports  de  lews  pieces 
entre  elles  ,  selon  les  metaux  et  lespoids. 

10.0  plusieurs  fails  semblenl  prouver  que  les  armees  romaines 
avaient  a  leur  suite  des  ateliers  monetaircs  ambulants;  rechercher  les 
fails  nouveaux  qui  pourraient  venira  t'appui  dc  cette  conjecture, 

n.o  A  quelle  epoque  les  r-ois  de  la  premiere  race  ontils  commence  a 
battre  monnaie  ,  soil  avec  leur  nom ,  soil  avec  celui  des  monetaires  ? 

12.°  Pourquoi  trouve-t-on  si  pen  de  monnaies  d'argent  de  la  premere 
race  ,  et  de  monnaies  d'or  de  la  deuxieme  ? 

13.°  Rechercher  la  signification  du  type  particulier  aux  monnaies  ba- 
ronales  du  Pays-Chartrain. 

14.0  Quelle  cstla  veritable  signification  du  mot  lesant  dans  notre  his- 
toire  monetaire  ?  —  Est-ce  une  monnaie  speciale  ou  le  nom  generique 
decertaines  monnaies?  —  Quelle  cst  1'origine  de  ce  mot  et  la  valeur 
qu'il  represente  a  diverses  epoques? 

4S.o  Inviter  le  Gongres  a  provoquer  la  confection  de  bibliographies 
locales  et  a  donner  1'histoire  4e  rimprimeiie  dans  les  diverses  localites. 


CINQUIEME  SECTION. 

rts ,  Citteroture  tt  f 

Secretaire  provisoire  :  M.  DE  RECY  ,  de  la  societe  des  sciences  et  des 
lettres  de  Blois. 

l.o  Quelles  cireonslances  sont  les  plus  favorablcs  a  1'art ,  celui-ci 
etant  distingu6  du  genie  ?  —  Si  on  suppose  que  le  genie  est  de  tons  les 
temps  ,  alors  les  differences  remarquees  enlre  les  oeuvres  de  diverses 
epoques  ne  tiendraient-elles  pas  a  I'etat  plus  ou  moins  florissant  de 
1'art  ?  Qu'est-cc  qui  constitue  dans  les  oeuvres  de  1 'esprit  ce  qu'on  nom- 
me  art  naissant ,  art  florissant ,  art  en  decadence  ? 

2.0  En  etudiant  les  diflerents  edifices  de  la  France  ,  et  tenant  compte 
des  sieges  divers  qu'a  eus  en  dilferents  siecles  la  puissance  soit  royale , 
soitreligieuse  ,  soitprinciere  ,  ou  provinciate,  ne  peut-on  pas  determi- 
ner la  marche  des  arts  ? 

3.0  En  architecture ,  lequel/du  style  ogival ,  dit  gothique  flenri  C  1^40 
a  1497  )  ,  ou  du  style  de  la  renaissance  C  de  Louis  Xil  a  Francois  II  )  , 
parait  le  plus  propre  a  orner  nos  demeures  soit  urbaines  ,  soit  rurales  ? 

4.o  Quels  renseignements  peut  on  tirer  sur  Tetat  de  I'instrumentation 
aux  differenls  siecles  du  moyen-age ,  et  surtout  au  Xll.e,  des  bas-reliefs 
reprcsentant  des  instruments  de  musique  dans  les  eglises  de  la  France 


XX 

centrale  ?  —  Lcs  chroniques  de  la  meme  region  donnent-elles  quel- 
ques  lumieres  sur  1'etat  du  chant  a  la  meme  epoque  dans  les  abbaycs  ? 

5.o  L'influence  qu'excrca  la  chute  de  Constantinople,  ail  XV.e  siecle, 
n'a-t  elle  pas  empeche  le  developpement  de  notre  litterature  nationale? 

G.o  Examiner  les  projets  concus  pour  le  soutien  de  notre  scene  dra- 
matique.  —  Signaler  leurs  avantages  et  leurs  inconvenients. 

7.°  Indiquer  les  bases  de  recherches  methodiques  sur  les  langues  et 
les  patois  ,  recherches  a  taire  par  zones  ou  rayons ,  de  maniere  a  veri- 
fier si  Ton  ne  peutsuivre  la  transrormalion  des  langues  de  meme  origine 
dans  les  substitutions  de  lettres  amenees  par  la  prononciation. 

8.°  Determiner  exactement  les  limites  tcrritoviales  de  la  Lanyue- 
d'Oil  etde  laLanyue-d'Oc. 

SIXIEME  SECTION. 

Sciences  JRorolcs ,  (Eroitomtques  et  Cfgblatiors. 

Secretaire  provisoire  :  M.  ALP.  LAURENT  ,  des  societes  des  sciences  et  dcs 
lettres  et  d'agriculture  de  Blois. 

i .°  Rechercher  quelle  fut ,  des  les  premiers  siecles  ,  Tinfluence  du 
Christianisme  sur  la  condition  des  esclaves  ,  et  quelle  part  il  a  eu  dans 
I'abolilicn  de  1'esclavage  ? 

2.°  Quelle  est  1'influence  des  voies  de  communication  sur  la  civili- 
sation des  pen  pies  ? 

3.°  Qu'entend-on  par  libertt  de  I'enseigncmentl  Cette  liberte  s'appli- 
quc-t-elle  aux  hommes ,  aux  doctrines  on  aux  methodes? 

4.0  Quels  seraient  les  moyens  de  procurer  a  Tinstruction  universi- 
tairc  de  France  la  consideration  dont  jouit  en  Allemagne  et  en  Angle- 
tcrre  le  corps  enseignant,  et  de  la  mettre  en  etatde  rendre  tous  les  ser- 
vices qui  sont  dans  sa  nature  ? 

5.°  Ne  serait-il  pas  ulile  d'etablir  par  Academic,  dans  les  departe- 
ments ,  des  concours  generaux  semblables  a  ceux  qui  ont  lieu  entre  Ics 
eleves  des  colleges  de  Paris? 

6.0  Quels  inconvenients  ont  du  determiner  Tassemblee  constituante 
a  1'abolition  de  la  venalitedes  charges?  —  Quelles  considerations 
ontpu  determiner  en  1816,  a  ctablir  cette  venalite  a  1'egard  de  cer- 
taines  charges  ?  —  Dans  quelle  progression  le  prix  de  ces  charges  s'est- 
il  eleve  ?  —  Quels  inconvenients  en  resultent  ils  deja  ,  et  quels  dans 
1'avenir  ?  —  La  saine  politique ,  ou  en  d'autres  termes.la  morale  et 
1'interet  public,  ne  proscrivent-ils  pas  cette  venalite  ?  —  Par  quelles  me- 
sures  transiloires  tenir  compte  dcs  fails  accomplis  et  des  intcrels  en- 
gages ? 

7.°  Quelles  sont  les  causes  dc  1'augmentation  progressive  des  enfants 
exposes  ?  —  Quels  sont  les  remedes  moraux  a  apporler  a  cette  plaie 
publique  ?— Quels  sont  les  moyens  que  la  socicte  peut  tenter  pour  dimi- 
nuer  les  depenses  qu'ellc  occasionne  ? 


xxj 

8.0  Quels  avnntages  peuton  retirer  de  1'introduction  du  systemep6- 
nitentiaire  en  France  ? —  Gette  introduction  devrait-elle  etre  faite  d'un 
seul  trait ,  ou  bien  doit-elle  etre  progressive  ? 

9.°  Peut-on  citer  un  pays  ou  les  colonies  agricoles  aient  assez  bien 
reussi  pour  essay er  ce  moyen  en  France ,  avec  1'espoir  d'y  detruire  la 
mendicite  ? 

10."  indiqner  les  moyens  d'arrivcr  a  une  egale  repartition  de  Tim- 
pot  Ibncier  entre  tons  les  departements  de  la  France? 

ii.°  La  fixation  de  1'interet  de  1'argent  doit-elle  ,  a  toutcs  les  epoques 
de  civilisation  d'un  peuple  ,  etre  abandonnee  a  la  volonte  de  1'emprun- 
tcur  ct  du  prOteur  ?  —  La  loi  du  3  septembre  1807  ,  qui  fixe  1'inleret  de 
1'argent  a  5  p.  100  en  maliere  civile ,  et  a  6  p.  100  en  matiere  commcr- 
ciale ,  devrait-elle  etre  abrogee  ? 

12.0  Quels  sont  les  vices  du  regime  hypothecate  etabli  par  le  code 
civil,  litre  xvin  ,  livre  5?  — Est-il  urgent,  dans  1'interet  du  credit, 
d'y  remedier?  —  Dans  le  cas  ou  cette  question  serait  resolue  affirmati- 
vemenl ,  le  Congres  est  invite  aindiquer  les  ameliorations  a  introduire 
dansle  regime  hypothecate. 

I3.o  mviterle  Congres  a  s'occuper  chaque  annee  d'une  enquetesur 
1'etat  moral,  seienlifique ,  industriel  et  commercial  du  pays  ou  se 
tiendra  la  reunion.  —  Les  membres  du  Congres,  habitant  le  departe- 
mentcle  Loir-et-Gher  et  les  six  departements  qui  I'entourent,  sont  in- 
vites a  apporter  a  la  session  de  1836  les  elements  necessaires  a  1'enquete 
•  demandee. 

I4.o  Apprecier  I'influence  qu'onl  cue  les  resolutions  adoptees  dans 
les  Irois  premieres  sessions  du  Congres  scientifique  de  France.  —  Jn- 
diquer  notamment  les  mesures  prises  par  le  gouvernement  en  confor- 
mite  d  ?s  voeux  exprimes  dans  telle  ou  telle  session. 


XXlj 

*®« 

SEANCE  D'OUVERTURE 

DE  LA  4.e  SESSION 
DU  CONGRES  SCIENTIFIQUE  DE  FRANCE. 


LE  dimanche  1 1  septembre  1 836 ,  amidi,  plus de  cent 
personnes  sont  reunies  dans  la  salle  des  assises  du  palais 
de  justice  de  Blois. 

Sur  le  refus  de  M.  Cauvin ,  le  plus  age  des  membres 
presents,  M  Lair,  conseiller  de  prefecture  du  Calvados, 
secretaire  perpetuel  de  la  societe  royale  d'agriculture  de 
Caen ,  est  appele  a  la  presidence  d'age.  A  ses  cotes  pren- 
nent  place  MM.  Jullien ,  de  Paris,  et  le  comtede  Vibraye, 
en  qualite  de  scrutateurs.  M.  de  la  Saussaye,  secretaire 
general  du  Congres,  M.  A.  Leroux,  secretaire-adjoint,  et 
M.  Godin,  tresorier-archiviste ,  completent  le  bureau. 

M.  le  president  d'age ,  apres  avoir  declare  la  seance 
ouverte,  donne  la  parole  a  M.  de  la  Saussaye ,  qui  pro- 
nonce  1'allocution  suivante  : 

Messieurs , 

Blois,  \ille  de  calme,  de  monuments  et  de  souvenirs,  a  ete  choisie 
1'an  dernier  pour  le  siege  de  la  4.e  session  du  Congres  scientifique  de 
France.  Seul  representant  de  notre  cite  a  la  3.e  session ,  possesseur 
des  traditions  des  Congres  precedents ,  je  n'ai  pu  eviter  d'etre  appele  a 
preparer  la  reunion  future.  TJne  resistance  dans  laquelle  il  n'entrait  au- 
cune  arriere  pensee ,  aucune  fausse  modestie  ,  dut  ceder  aux  instances 
bienveillantes  de  mes  collegues.  J'aurais  pourtant  su  resister  a  des  prieres 


xxiij 

dictees  par  un  sentiment  (^indulgence  toute  particuliere ,  si  je  n'avais  re- 
flechi  aux  avantages  qu'ofl'rirait  une  reunion,  de  la  nature  de  la  notre ,  dans 
un  pays  a  mocurs  donees  et  polies,  a  reputation  d'urbanite  et  de  bon  ac- 
cueil;  si  je  n' avals  espere  d'etre  seconde  par  les  societes  savantes  du  Ble- 
sois.  Ce  bon  accueil,  voi;s  1'avez  accorde  an  Congres ,  j'ai  obtenu  le  con- 
cours  et  les  conseils  que  je  demandais  et  ils  ont  etc  mes  seuls  guides.  Je 
dcvais  commencer  par  en  exprimer  mes  remerciements ,  et  aussi  par  pre- 
senter, en  quelque  sorte ,  mes  excuses  de  la  position  qui  m'a  etc  donnee. 

Avant  de  remettre  la  direction  de  la  session  entre  les  mains  du  presi- 
dent que  \ous  allcz  elire  ,  je  dois  chercher  a  faire  connaitre  1'institution 
des  Congres  dans  le  pays  qui  lui  donne  aujourd'hui  1'hospitalite ,  a  indi- 
quer  le  but  de  scs  travaux,les  rcsultats  que  la  societe  a  le  droit  d'en  atten- 
<lre ,  ce  que  Ton  doit  esperer  des  personnes  qui  prendront  part  cette  annee 
a  nos  reunions.  Je  serai  bref,  ce  que  je  veux  dire  ne  doit  point  avoir  la  pre- 
tention  d'un  discours,  et  ne  cherchera  nullement  a  depasser  la  portee  d'une 
simple  allocution. 

Depuis  vingt  annees  la  paix  dont  jouit  la  France  a  puissamment  contn- 
bue  a  repandre  rinstruction  et  le  gout  de  Petude  parmi  tons.  La  province, 
long-temps  rcstee  en  arriere,  s'est  eprise  d'une  noble  emulation,  et  si  les 
travaux  qu'elle  a  produils  ont  eu  peu  de  reteutissemcnt ,  c'est  qu'elle  n'a 
pu  vaincre  d'anciennes  preventions ,  c'est  que  les  hommes  qui  s'elevaient 
n'etaient  pas  accueilhs  par  la  capitate,  seule  en  possession  de  decerner  des 
couronrtes,  et  force  leur  eiait  done  d'y  aller  chercher  la  reputation  quileur 
etait  refusee.  Les  Congres  parurcnt  chez  une  nation  voisine ;  cette  institu- 
tion t'ut  bientot  developpee ,  fccondee  chez  nous  par  M.  de  Caumont ,  qui 
vit  de  suite  que  si  clle  etait  bien  comprise,  elle  pouvait  changer  complete- 
mcnt  de  face  la  position  intellectuelle  de  la  province. 

En  effet ,  les  Congres ,  non  seulement  fournissent  un  public  eclaire  aux 
hommes  delettrcsdes  departements,  des  encouragements  a  leurs  productions ; 
muis ,  en  outre ,  ils  font  gouter  les  avantages  de  la  science  a  une  multitude  de 
personnes  que  leur  education  ou  des  etudes  preliminaires  mettent  en  etat  de 
la  comprendre,  mais  qui  ne  s'en  fussent  peut-etre  jamais  occupees ,  si  i'inleret 
des  discussions  scientifiqties ,  r emulation  qu'elles  excitent  en  elles,  ne  leur 
cut  revele  une  aptitude  et  unmcrite  qu'elles  ne  se  rcronnaissaicnt  pas  elles- 


XXIV 

memes.  Beaucoup  de  savants  modestcs  peuvent  ainsi  etrc  connus ,  appre- 
cies,  qui  fnsscnt  rcstcs  ignores  a  tcujonrs  sans  1'institution  des  Congrcs. 
Quel  obstacle  pour  la  production  d'ouvrages  importants ,  que  1'isolement 
dans  lequel  se  trouvent  les  uns  des  autres  les  hommes  livres  dans  les 
provinces  aux  memes  etudes  ?  Eh !  bien ,  les  Congrcs  minis-sent  ces  hom- 
mes ,  Icur  procurent  cet  echange  d'avis ,  de  conseils,  ces  catiscries  intimes 
<jue  ne  pent  remplacer  la  correspondance  la  plus  suivie. 

De  nouvelles  vocations  sclent  ifrques  et  litteraires  surgissent  du  sein  des 
Congrcs,  le  nombre  des  persomies  livrees  a  1'etude  s'augmente ,  le  gout  des 
arts  se  repand;  des  bibliotheques,  des  musees  ,  des  academies  doivent  leur 
fondation  au  passage  d'un  Congres.  Ainsi  se  creent  pour  les  savants  de  la 
province  cet  ensemble  de  causes  stimulantes  auquel  les  Parisiens  doivent 
cet  etat  perpetuel  d'exaltation ,  si  favorable  aux  hommes  qui  selivrent  aiix 
travaux  intellectuels. 

Je  pourrais  parler  de  I'influence  des  resolutions  du  Congres  sur  des 
mesures  adoptees  par  le  gouvernement,  et  qui  sont  trop  bien  d'accord  avec 
les  vceux  exprimes  dans  les  sessions  precedentes ,  pour  ne  pas  croire  qu'il 
n'ait  eut  1'intention  d'y  repondre.  Car  nul  doute  que  toute  vue  genereuse, 
toute  amelioration  utile,  proclamce  par  des  reunions  d'hommes  eelaires, 
ri'aient  assez  de  retentissement  pour  evciller  1'attenlion  du  pouvoir  et  en 
obtenir  satisfaction.  Mais  cetle  question  est  1'uiie  de  cellc  a  1'ordre  du  jour 
de  la  sixieme  section;  il  lui  appartient  de  la  trailer  completement  par  le 
conconrs  de  tons  les  membres  qui  la  composeront. 

Un  des  bienfaits  les  plus  grands  de  notre  institution,  et  qui  lui  donne 
line  action  vcritablement  civilisatriee  ,  c'est  qu'elle  reunit  par  les  liens 
d'une  bicnveillante  confraternite  des  hommes  des  opinions  les  plus  oppo- 
sces,  qu'elle  leur  apprend  a  se  connaitre,  a  s'estimer,  a  &'eclairer  mutuel- 
lement  dans  des  discussions  toutcs  pacifiques,  et  qu'elle  les  amene  a  s'en- 
tendre  ensemble  sur  un  terrain  neutre ,  a  se  tcudre  la  main  a  1'ombre 
d'une  banniere  comnnme,  celle  de  la  science. 

Serait-il  permis  d'esperer  que  de  ce  contact,  de  cefrottement  d'opinions 
diverses,  conduisant  a  tant  de  concessions  mutuelles  dans  les  Congres,  il 
resullat  un  jour  une  bonne  harmonic  universelle  qui  amenat  enfm  a 
mettre  avant  la  cause  des  partis  celle  de  la  civilisation  ?  Tant  dc  bonheur 


XXV 

ne  leur  est  pas  reserve  peut-etre ;  mais  une  institution  qui  pourrait  porter 
do  pareils  fruits  n'a-t-elle  pas  droit  a  quelques  eloges?  Ne  les  meriterait-elle 
pas ,  quand  meme  de  notre  temps  ou  les  passions  politiques ,  les  discus- 
sions orageuses  des  theories  gouvernementales ,  remplacent  les  discordes  ci- 
viles  et  les  guerres  continuelles  du  moyeu  age ,  elle  n'assurerait  que  mo- 
mentanement  des  jours  de  paix  et  d'union  qui  enferaient  une  sortede  Treve 
de  Dleu  des  temps  modernes  ? 

C'est  ce  que  nous  devons  attendre  de  vous,  hommes  d'opinions,  de  rangs 
et  de  positions  divers,  reunis  dans  cette  enceinte,  ou  ne  seront  reconnues 
d'autres  distinctions  que  celles  qu'y  donneront  la  puissance  du  merite , 
1'autorite  de  la  science.  Que  le  concours  de  chacun  soil  apporte  a  e  viler 
les  questions  irritantes ,  a  ne  pas  oublier  que  tout  doit  etre  ramene  au 
point  de  vue  scientifique ,  Ihteraire ,  ou  civilisatetir,  seul  nioyeu  de  faire 
sortir  quelque  bien  de  la  session  qui  nous  rassemble. 

LesCongres,  encore  nouveaux,  ont  besoin  de  graudir;  lecalme,  la  bonne 
foi  dans  les  discussions,  la  bonne  harmonic  entre  nous  tous, soront  les  veri- 
tables  conditions  du  succcs ;  et  nous  pourrous  alors  repondre  par  des  faits 
aux  declamations  de  quelques  esprits  contre  une  institution  qui  n'a  pu 
encore  etre  jugee  convenablement ,  faute  d'etre  bien  connue.  Ce  but  ne 
pent  meme  etre  completement  atteint  que  lorsque  les  Congrcs  auront  port ; 
leur  action  sur  les  divers  points  de  la  France  entiere. 

Felicitous  notre  pays  d'avoir  etc  1'un  des  premiers  appeles  a  les  rece- 
voir,  1'un  des  premiers  a  les  juger,  a  en  apprccier  ies  resultals.  Aujour- 
d'hui  la  vieille  ville  aux  Etats  politiques ,  voit  la  science  y  tenir  les  siens ; 
assemblee  deliberative  sans  autre  pouvoir  executif  que  1'opinion  pour  don- 
ner  force  de  loi  a  ses  decisions ,  Etats  tout  de  savoir  ct  de  paix ,  reunis  la 
meme  ou  siegerent  les  assemblees  a  querelles  sanglantes ;  embleme  de  la 
civilisation  des  temps  modernes  victorieuse  de  la  barbaric  du  moyen  age. 

M.  le  secretaire  general  fait  ensuite  1'appel  nominal 
des  149  membres  inscrits ;  103  repondent  a  1'appel. 

M.  le  president  d  age  annonce  qu'on  va  proceder  a  la 
nomination  d'un  president  et  de  deux  vice-presidents. 
Cette  nomination  se  fera  au  scrutin  et  a  la  majorite  ab- 
solue  des  suffrages. 


XXVJ 

On  passe  au  scrutin  pour  1'election  du  president.  Du 
depouillement  des  votes,  11  resulte  que  sur  103  votants, 
M.  de  la  Place,  ancien  premier  president  de  la  cour 
royale  d'Orleans ,  et  president  de  la  societe  academique 
de  la  meme  ville,  a  obtenu  73  suffrages.  Les  autres  voix 
se  sont  reparties  sur  MM.  de  Caumont ,  Gaillard ,  le 
prince  de  Chimay,  et  Jullien,  de  Paris. 

M.  de  la  Place  est  proclame  president  du  Congres  pour 
la  4.e  session. 

On  precede  ensuite  a  la  nomination  des  deux  vice- 
presidents;  107  personnes  prennent  part  au  scrutin. 

M.  Bergevin,  president  du  tribunal  civil  de  Blois  et  de 
la  societe  academique  de  cette  ville,  obtient  55  suffra- 
ges ,  M,  Emm.  Gaillard  43  ;  d'autres  voix  sont  partagees 
entre  MM.  de  Gaumont,  Jullien,  de  Paris,  Lair,  le  prince 
de  Chimay. 

M.  Bergevin  a  seul  obtenu  la  majorite  absolue  ;  il  est 
proclame  premier  vice-president  du  Congres. 

M.  Hunault  de  la  Pelterie  (  d' Angers)  demande  que 
sans  qu'il  soit  besoin  de  recourir  a  un  nouveau  tour  de 
scrutin ,  1'assemblee  confirme  la  majorite  relative  qu'a 
obtenue  M.  Emm.  Gaillard. 

Cette  proposition  est  adoptee,  et  M.  Emm.  Gaillard, 
secretaire  perpetuel  de  1'academie  de  Rouen ,  est  proclame 
second  vice-president. 

M.  le  president  d'age  invite  les  membres  du  bureau 
definitif  a  prendre  place  aux  fauteuils. 

M.  de  la  Place  adresse  a  1'assemblee  des  remerciements 
pour  le  temoignage  de  bienveillance  qu'elle  vient  de  lui 
accorder.  II  avertit  ensuite  les  membres  du  Congres 
qu'ils  aient  a  se  faire  inscrire  dans  celles  des  sections 
qu  il  letir  conviendra  de  choisir. 

M.  le  docteur  Hunault  de  la  Pelterie  demande,  a  cette 


XXV1J 

occasion  ,  que  Ton  tlistraie  de  la  troisieme  section ,  elite 
des  sciences  physiques  et  medicates,  la  partie  relative  aux 
sciences  physiques,  pour  la  reporter  a  la  premiere  sec- 
tion (  Histoire  naturelle  ). 

Apres  quelques  explications  de  M.  de  la  Saussaye, 
cette  proposition  est  adoptee. 

MM.  les  secretaires  provisoires  de  chaque  section 
precedent  aux  inscriptions  respectives. 

M.  le  secretaire  general  donne  connaissance  al'assem- 
blee  de  1'ordre  du  jour  suivant  : 

ORDRE  DU  JOUR  DES  TRAVAUX  DE  LA  SESSION. 

Tous  les  jours ,  a  partir  du  lundi ,  seance  generale ,  a  3  heures ,  dans 
la  salle  des  assises. 

Heures  des  seances  des  sections. 

La  I.rc  SECTION,  Histoire  naturelle,  tiendra  ses  seances  partictilieres , 
de  sept  heures  a  huit  heures  et  demie  du  matin,  dans  la  salle  du  tribunal 
de  commerce. 

La  II. e  SECTION,  Agriculture,  Industrie  et  Commerce,  tiendra  ses 
seances,  de  neuf  heures  a  dix  heures  et  demie,  dans  la  chambre  des  jures. 

La  III.6  SECTION,  Sciences  physiques  et  medicales,  tiendra  ses  seances, 
de  midi  et  demi  a  deux  heures,  dans  la  chambre  des  jures. 

La  IV.e  SECTION  ,  Histoire  et  Archeologie ,  tiendra  ses  seances ,  de  dix 
heures  et  demie  a  midi ,  dans  la  salle  des  audiences  chiles. 

La  V.e  SECTION,  Litterature ,  Beaux- Arts  et  Philologie,  tiendra  ses 
seances ,  de  onze  heures  et  demie  a  une  heure ,  dans  la  salle  du  tribunal 
de  commerce. 

La  YI.e  SECTION,  Sciences  morales,  economiques  et  legislatives,  tien- 
dra ses  seances ,  de  sept  heures  et  demie  du  matiu  a  ncuf  heures ,  dans  la 
salle  des  audiences  civiles. 


XXV11J 

La  seance  publique  de  la  Soclete  des  Sciences  et  des  Lettres  de  Blots, 
aura  lieu  le  lundi  1 2  septembre ,  a  une  heure  apres  midi ,  dans  la  grande 
salle  de  la  Bibliotheque  communale. 

Une  promenade  archeologique  aura  lieu  le  mercredi ,  a  une  heure  qui 
sera  determinee  par  la  IV. e  section. 

La  Societe  Francaise  pour  la  conservation  et  la  description  des  monu- 
ments historiques ,  tiendra  ses  seances  annuelles  les  jeudi  et  vendredi ,  de 
six  heures  du  soir  a  dix  heures ,  a  la  Bibliotheque  communale. 

Une  excursion  scientifique  sera  faite  le  samedi;  1'heure  du  depart  et 
Pitineraire  seront  indiques  par  la  I.re  section. 

Le  lundi,  19  septembre,  aura  lieu  le  concours  de  charrues  et  autres  ins- 
truments d'economie  agricole,  pres  de  la  promenade  des  Alices,  a  sept 
heures  du  matin. 


TRAYAUX 

DBS  SECTIONS, 


PREMIERE  SECTION. 
Jll)g$u)ue0  rt  ttaturdlro. 


Seance  du  lundi  12  septembre  1836. 

Presidence  de  M.  CAUVIN  ( du  Mans),  doyen  d'dge,  et  ensuite  de 
M,  le  docteur  ROBERT  ON  (d'Edimlourg). 

A  sept  heures  et  demie ,  la  section  des  sciences  physi- 
ques et  naturelles  se  reunit  dans  la  salle  du  tribunal  de 
commerce.  M.  Cauvin ,  doyen  d'age ,  occupe  le  fauteuil. 
On  precede  immediatement  a  la  nomination  du  bureau. 
M.  le  docteur  Roberton ,  ayant  obteriu  la  majorite  des 


2  PREMIERE  SECTION. 

suffrages,  est  proclame  president ;  MM.  le  comte  deMont- 
livault  (de Tours),  et  1'abbe  Lefrou,  cure  de  Cour-Che- 
verny,  sont  nommes  vice-presidents ;  M.  Renou  (de  Blois), 
secretaire  provisoire,  est  maintenu  par  les  membres  de  la 
section ;  M.  le  comte  de  Vibraye  (de  Cheverny)  est  nom- 
me  en  la  meme  qualite.La  reunion  des  sciences  physiques 
et  des  sciences  naturelles  ayant  necessite  la  nomination 
d'un  troisieme  secretaire,  M.  de  Yilliers  (de  Chartres) 
est  designe  par  le  scrutin  comme  devant  en  remplir  les 
fonctions. 

Plusieurs  questions  du  programme  sont  ajournees,  la 
section  desirant  attendre,  pour  les mettre  en  discussion, 
1'arrivee  de  quelques  membres  absents  qui  ont  annonce 
1'intention  de  prendre  part  aux  debats. 

II  est  donne  lecture  de  1'article  1 1  du  programe. 
M.me  Cairvin  (du  Mans)  annonce  a  la  premiere  section 
une  cryptogame  trouvee  par  elle  dans  le  departement 
de  la  Sarthe,  et  que,  malgre  Tanalogie  des  deux  depar- 
tements,  celui  de Loir-et-Gher  ne possede  pas,  ou  quidu 
moins  n'y  a  pas  encore  ete  decouverte. 

M.  de  Villiers observe  que  d'apres  les  articles  3  et  1 1  des 
questions  soumises  a  la  1  .re  section,  les  geologues  des  pro- 
vinces centrales  de  la  France  sont  invites  a  presenter  au 
Congres  de  Blois  un  precis  de  la  geologic  du  departement 
qu'ilshabitent,  et  qu'un  catalogue  des  plantes  propres  a 
la  province  au  milieu  de  laquelle  se  tient  le  Congres  est 
reclame  des  botanistes  qui  habitent  ce  departement.  11 
reclame  en  faveur  de  1'entomologie  une  mesure  qu'il 
desire  voir  s'etendre  a  toutes  les  branches  de  1'histoire 


PREMIERE  SECTION.  3 

naturelle.  Nous  n'avons,  dit-il,  en  France,  aucun  ou- 
vrage  special  embrassant  avec  quelque  detail  les  pro- 
ductions de  la  France  tout  entiere.  Quelques  departe- 
ments  font  seuls  exception.  II  serait  a  desirer  que,  durant 
le  cours  de  la  prochaine  session  du  Congres,  chaque 
province  envoyat  une  nomenclature  detaillee  de  toutes 
les  productions  naturelles  qu'elle  renferme. 

L'heure  etant  avancee ,  la  seance  est  levee.  La  section 
renvoie  la  discussion  de  la  proposition  a  1'une  des  pro- 
chaines  seances. 


Seance  du  mardi  12  octobre  1836, 
P  residence  de  M.  le  docteur  ROBERT  ON. 

La  seance  est  ouverte  par  une  reclamation  deM.  Emm. 
Gaillard.  II  nuirait ,  dit-il ,  a  la  consideration  du  Con- 
gres d'avancer  un  fait  materiellement  faux;  tel  serait 
celui  qui  nierait  1'existence  en  France  de  materiaux  pro- 
pres  a  former  une  statistique  complete  des  productions 
naturelles  de  plusieurs  d'entre  nos  departements.  Pour 
son  compte,  il  pourrait  citer  plusieurs  Flores  dela  Nor- 
mandie,  et  1'histoire  naturelle  de  M.  Cheinon,  ouvrage 
dont  1'academie  de  Rouen  a  su  reconnaitre  tout  le  me- 
rite ,  puisqu'a  son  occasion  elle  s'est  empressee  d'en  ad- 
mettre  1'auteur  au  nombre  de  ses  membres  correspon- 
dants. 

M.  le  docteur  Hunault  delaPelterie  (d' Angers)  cite 
une  Faune  de  Maine-et-Loire ,  par  M.  Millet,-  cet  ouvrage 
renferme  des  notes  sur  la  zoologie  de  ce  departememv 


4  PREMIERE  SECTION. 

11  rnentionne  egalement  la  Flore  de  M.  Devaux,  et  la 
Statistique  publiee  par  1' academic  d' Angers ,  ou  toutes 
les  branches  de  1'histoire  naturelle  sont  developpees. 

M.me  Cauvin  rappelle  les  Flores  de  MM.  Guepin ,  de 
la  Boulaye,  de  Bastard;  les  Herborisations  de  M.  Merle , 
publiees  a  Angers  par  M.  David  Laroche,  et  enrichies  de 
notes  sur  la  mineralogie  par  M.  Mainard  de  la  Croix. 

L'ordre  du  jour  appelle  une  question  renvoyee  par  le 
Congres  de  Douai,  sur  les  moyens  les  plus  propres  a 
etablir  une  sorte  de  Statistique  agricole  de  la  France. 

M.  de  Caumont  (de  Caen)  prend  la  parole  : 

Messieurs,  dans  les  departements  que  j'ai  le  plus  specialement  observes, 
les  regions  naturelles  ou  agronomiques  correspondent  toutes  aux  regions 
naturelles  et  geologiques.  L'on  ne  pourra  jamais  trouver  de  circonscriptions 
exactes  entre  les  regions ,  avant  d' avoir  trace  sur  une  carte  1'etendue  de 
chacune  des  series  de  couches  calcaires,  argileuses,  quartzeuses,  etc., 
qui  forment  la  base  des  terrains  de  telle  ou  telle  region.  Par  exemple ,  les 
departements  du  Calvados  et  de  1'Orne  offrent  quatre  grandes  regions  na- 
turelles tellement  distinctes ,  tellement  opposees  d'aspect ,  que  le  voyageur 
le  plus  indifferen*  est  frappe  de  leur  dissemblance.  Ces  quatre  grandes 
regions  recoivent  des  quatre  grandes  series  de  roches  qui  les  composent 
des  proprietes  distinctes.  Ainsi,  dans  la  craie,  on  trouve  des  cbamps  plus 
ou  moins  propres  aux  cereales ,  et  lorsque  raccumulation  des  silex  brises 
enlrave  la  culture ,  on  y  rencontre  de&  bois  et  des  forets. 

Dans  la  zone  des  marnes  argileuses ,  appartenant  aux  terrains  jurassi- 
ques  superieurs,  on  trouve  des  paturages.  Les  herbages  si  reputes  de  la 
vallee  d'Auge  reposent  sur  ce  sol. 

Dans  la  grande  oolithe,  dans  les  couches  calcaires  et  permeables,  on 
cultive  les  cereales  presqu'exclusivement.  II  y  a  pen  d'exemples  de  bois 
dans  ces  formations.  Dans  la  vaste  region  des  roches  a  couches  inclinees , 
au  contraire ,  dans  les  granites ,  les  schistes  et  les  gres  anciens ,  on  observe 
differents  genres  de  culture  et  un  grand  nombre  de  parties  boisees.  Si  Ton 
compare  les  assolements  usites  dans  chacune  de  ces  regions ,  on  remarqtie 
leur  identite  dans  les  formations  identiques,  leur  difference  lorsque  les 
regions  different.  Aiusi ,  dans  la  zone  argileusc ,  les  amendemcuts  calcaires 


PREMIERE  SECTION.  5 

ou  siliceux  sont  employes  avec  avantage;  dans  certaines  regions  calcaires 
et  arides ,  les  amendements  argileux ,  au  contraire ,  produisent  les  plus 
heureux  effets.  En  un  mot,  les  modes  de  culture  etant  subordonnes  a  la 
nature  du  terrain ,  la  nature  du  terrain  dependant  de  la  nature  des  ro- 
chers ,  on  ne  pourra  tracer  exactement  une  geographic  agricole ,  et  par 
suite  une  statistique  agricole  de  la  France ,  qu'apres  avoir  jete  les  bases 
sur  lesquelles  on  pourra  fixer  les  limites  exactes  des  regions  naturelles  ou 
geologiques. 

La  discussion  de  cette  importante  question  amene 
M.  Cauvin  a  parler  de  la  carte  geologique  du  departe- 
ment  de  la  Sarthe.  M.  de  Caumont  et  lui  s'accordent  a 
reconnaitre  le  talent  remarquable  qui  preside  a  cette 
publication  de  M.  Trige.  Trente-deux  feuilles  pour  un 
seul  departement,  c'est  un  modelede  perfection.  Tout  y 
est  indique  ,  j usque  dans  les  plus  minutieux  details;  une 
maison ,  un  arbre  nierae ,  lorsqu'ils  indiquent  la  limite 
d'une  formation  ,  y  sont  reproduits. 

M.  Hunault  de  la  Pelterie  demande  quel  serait  le  plus 
avantageux,  d' avoir  une  carte  generate  telle  qu'elle  est 
entreprise  par  le  gouvernement ,  ou  bien  de  posse'der  une 
carte  speciale  pour  chaque  departement  ? 

Le  gouvernement,  repond  M.  de  Caumont,  a  deja 
senti  le  besoin  de  ces  cartes  geologiques  partielles.  II 
cite,  d'apres  M.  Cordier,  trente-deux  cartes  semblables 
deja  commencees  par  les  ingenieurs,  mais  dont  jusqu'a 
present  il  n'existe  que  douze  entierement  achevees.  II 
faudrait,  ajoute  M.  de  Caumont,  demander  dans  ce  tra- 
vail une  application  de  la  geologic  agricole. 

M.  Chevereau  (  d'Evreux  )  cite  1'ouvrage  de  M.  Passy , 
sur  le  departement  de  1'Eure,  comme  redige  dans  ce  but. 

M.  Hunault  de  la  Pelterie  presente  a  la  l.re  section  et 


6  PREMIERE  SECTION. 

soumet  a  son  cxamen  deux  echantillons  dim  mineral 
qu'il  croit  cle  formation  recente  et  comme  instantanee , 
trouves  dans  les  greves  de  la  Loire ,  entre  le  Pont-de-Ce 
et  Sainte-Gemme  (  Maine-et-Loire  ).  Apres  avoir  rend u 
compte  de  la  maniere  dont  s'opere  cette  formation  sous 
Faction  des  eaux  du  fleuve  et  du  soleil ,  M.  Hunault  de 
la  Pelterie  dit  que  1'analyse  chimique  a  fait  connaitre 
comme  principes  constituants  de  ce  mineral,  la  silice, 
des  parties  terreuses  et  solubles,  le  sable  ferrugineux,  le 
titane ,  le  mica  et  des  sels  de  chaux  appartenant  a  des 
debris  plus  ou  moins  visibles  de  coquillages. 

M.  Hunault  de  la  Pelterie  a  fait  avec  les  parties  ferru- 
gineuses  qu'ils  renferment  en  assez  grand  nombre ,  en 
les  traitant  par  1'hydrocianate  de  potasse,  du  bleu  de 
Prusse  de  la  plus  belle  qualite,  et  en  fragments  assez 
considerables.  Cette  formation,  opere'e  pour  ainsi  dire 
sous  ses  yeux ,  lui  semble  de  la  plus  baute  importance 
pour  mettre  sur  la  voie  d'une  foule  de  formations  qu'on 
pourrait  croire  aussi  beaucoupplus  anciennes  qu'ellesne 
le  sont  reellement. 

3VI.me  Cauvin  presente  un  Essai  sur  la  geographic  des 
plantes.  Dans  cet  ouvrage,  elle  etablit  la  difference  des 
plantes  qui  vivent  sur  un  sol  priniitif ,  comme  a  Pontivy, 
par  exemple ,  et  celles  qui  sont  implantees  sur  le  gres 
vert,  aux  environs  du  Mans,  qui  en  different  essentiel- 
lement  j  celles- ci  se  rencontrent,  il  est  vrai,  dans  les  re- 
gions granitiques  du  Morbihan,  voisines  de  1'Ocean ; 
mais  elle  attribue  leur  vegetation  sur  ce  sol  primitif , 
a  la  presence  de  la  mer  et  aussi  aux  debris  organiques 


PREMIERE  SECTION.  7 

rejetes  sur  ses  bords;  M.me  Gauvin  depose  son  mernoire, 
en  invitant  les  botanistes  presents  a  en  prendre  commu- 
nication. Elle  offre  ensuite  au  Congres  environ  1 200  cryp- 
togames  du  departement  de  la  Sarthe  et  500  autres  de 
diverses  localites.  Parmi  ces  plantes  on  remarque  : 

Le  Pelt  aria  alliaria ,  que  Duby  avait  cm  devoir  suppri- 
mer  de  la  Flore  francaise,  n'etant  originaire  que  du  Pie- 
mont.  Gette  plante  est  naturalisee  depuis  plus  de  40  ans  au 
moins ;  on  la  trouve  sur  un  mur  au  tertre  Saint-Laurent. 

Le  Peligonum  laxijlorum  n'est  pas  dans  la  Flore  fran- 
caise. II  a  ete  trouve  la  premiere  fois  en  Normandie  ,  et 
M.  de  Brebisson  1'a  decrit  dans  sa  Flore.  M.me  Cauvin  Fa 
recueilli  au  Mans,  a  Poitiers,  a  Tours,  a  Alencon, 

M.me  Cauvin  appelle  encore  1'attention  des  naturalistes 
sur  la  premiere  section  du  genre  primula.  M.  de  Can- 
dolle  en  donne  trois  especes  et  une  variete ,  M.  Duby 
supprime  cette  variete  ,  la  plus  belle  cle  la  section  (  Var. 
umbellifera  du  Primula  grand/flora ).  M.me  Cauvin  pre- 
sente  au  Congres  toutes  ces  varietes  : 

Le  Primula  grandiflora ,  commun  dans  les  bois  et  les 
pres  entoures  de  bois. 

La  variete  wnbellijera ,  commune  au  Mans  parmi 
1'espece  a  laquelle  elle  appartient. 

Le  Primula  officinalis,  commun  dans  le  Maine  et  la 
Normandie ,  inconnu  en  Basse-Bretagne. 

Le  Primula  elatior,  dont  la  corolle  jaune  pale  est 
egale  a  celle  du  Primula  officinal  is ;  ses  fleurs  a  pedicules 
courts  sont  penches,  les  tubes  de  la  corolle  tres  longs  , 
le  calice  presque  plisse  et  applique  sur  le  tube. 


8  PREMIERE  SECTION. 

M.me  Cauvin  presente  encore  clix  especes  d'Oroban- 
che ;  elle  offre  en  outre ,  au  nom  de  M.  Diard,  naturaliste 
a  Saint-Calais ,  \Anetum  segetum ;  il  n'est  pas  mentionne 
dans  la  Flore  francaise,  et  cependant  il  croit  spontane- 
menta  Saint-Calais. 

M.  Hunault  de  la  Pelterie  voudrait  que  le  Congres 
adressat  a  M.  le  maire  de  la  ville  de  Blois  une  demande 
afiii  d'obtenir  un  local  ou  Ton  put  deposer  les  objets 
d'histoire  naturelle  offerts  au  Congres,  et  devant  servir 
a  fonder ,  pour  la  ville ,  le  commencement  d'un  museum 
d'histoire  naturelle. 

Une  commission,  composee  de  MM.  Roberton,  Pratt 
(de  Londres),  de  Caumont  et  de  Vibraye ,  est  chargee 
d' examiner  des  echantillons  mineralogiques  et  geologi- 
ques  deposes  sur  le  bureau  par  M.  Helie  Dru  (  de  Par- 
then  ay),  et  d'en  faire  un  rapport  a  la  section.  L'ordre 
du  jour  est  epuise,  la  seance  est  levee. 


Seance  du  mercredi  14  septembre  1836. 
P residence  de  M.    le    docteur   ROBERTON. 

M.  le  president  communique  a  la  section  le  catalogue 
manuscrit  des  plantes  observees  dans  le  canton  de 
Saint- Aignan,  et  dont  le  nombre  s'eleve  a  915,  par 
MM.  Alonzo  Pean  et  Chariot. 

M.  Pean  prend  la  parole  et  lit,  au  nom  de  M.  Chariot, 
ainsi  qu'au  sien  propre ,  la  notice  qui  precede  ce  catalo- 
gue, et  que  nous  reproduisons  textuel lenient,  d'apres  le 
voeu  de  la  section. 


PREMIERE  SECTION.  <K 

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NOTICE 

SUR   IX. 

' 

CANTON  DE  SAINT-AIGNAN , 

PAR 

JttiJl.  3U0tt}0  |)fon,  propwtatre,  et  Ctyattoi,  pljarmarint. 


LA  nature  geologique  des  terrains ,  le  deboisement  et  certaines  cir- 
constances  climatologiques  exercant  une  grande  influence  sur  la  ve- 
getation d'une  contree ;  d'un  autre  cote ,  1'agriculture  et  Pindustrie  horti- 
cole  naturalisant  chaque  jour  une  foule  d'especes  exotiques,  nous  avons 
cru  utile  de  faire  preceder  notre  nomenclature  d'une  notice  sur  la  nature 
du  pays  que  nous  avons  explore ,  et  sur  1'ensemble  de  la  vegetation.  Ce 
sera,  nous  aimons  a  le  penser,  un  point  de  depart  profitable  pour  la 
science,  un  jalon  ou,  dans  1'avenir,  ceux  qui  s'occuperont  ici  d'histoire 
naturelle  pourront,  plus  heureux  que  nous,  reconnaitre  les  changements 
amenes  par  le  travail  des  hommes  et  par  Faction  continuelle  des  pheno- 
menes  de  la  nature.  Nous  avons  etc,  d'ailleurs,  d'autant  plus  portes  a 
entreprendre  ce  travail ,  fruit  de  longues  observations ,  qu'il  devait  nous 
amener  forcement  a  trailer  quelques  unes  des  questions  dont  la  solution  est 
dernandee  par  le  Congres ;  et  il  est  telle  de  ces  questions ,  celle  du  deboi- 
sement par  exemple,  qui  interesse  ati  plus  haul  degre  1'aveuir  de  notre 
pays. 

CANTON  DE  SAUffT-AIGNABJ. 

Le  canton  de  Saint- Aignan ,  qui  forme  la  limite  meridionale  du  depar- 
terneut  de  Loir-et-Cher,  est  traverse  par  le  Cher  de  I'est  a  1'ouest;  il  no 
forme  point  une  region  naturelle;  il  doit,  au  contraire,  a  sa  position  ex- 
treme de  s'etendre  sur  trois  regions  distinctes  :  le  Berry  au  midi,  la 
Sologne  au  nord,  et  la  vallee  du  Cber  au  centre.  Nous  allons  parcourir 
successivement  chacune  de  ces  divisions  de  iiotre  sol. 

3 


10  PREMIERE  SECTION. 

VALLEE  DU  CHER. 

La  vallee  du  Cher,  bornce  au  sud  et  an  nord  par  une  chaiiie  de  colliries 
calcaires,  est  un  sol  d'alluviou  silico-argileux ,  arenace,  mele,  ca  et  la,  de 
debris  calcaires.  Abritee  au  nord  par  une  ancienne  foret,  et  largement 
ouverte ,  vers  1'ouest ,  a  1'influence  du  climat  maritime ,  elle  jouit  d'une 
temperature  moins  variable  que  les  deux  autres  regions  du  canton.  Aussi 
la  vegetation  s'y  developpe-t-elle  plus  vigoureusemcnt  et  de  meilleure 
lieurc.  Elle  abonde  en  primeurs.  Certaines  plantes ,  filles  d'une  tempera- 
ture plus  meridionale,  tendent  a  s'y  aeclimater;  d'autres ,  originaires  de 
cette  zone,  y  prennent  un  accroissement  extraordinaire.  Le  stachys  pa- 
InstriS)  par  exemple,  y  acquiert,  en  certains  endroits ,  une  telle  vigueur, 
que  nous  avons  cru  devoir  en  faire  une  variete  particuliere.  L'acacia,  ro- 
bln'ia  pseudo-acacia;  le  buisson  ardent,  cratcegus  pyracantha;  le  lilas  , 
seringa  wdgaris ,  s'y  reproduisent  naturellement  au  long  de  quelques  che- 
mins.  Le  cognassier ,  pyrus  cydonia ,  y  forme  des  baies  entieres ;  Yepilo- 
Iriitm  montanum,  Y helianthcmum  apenninum,  le  cystus  guttatus ,  s'y 
renoontrent  frequemment.  Dans  les  parties  entierement  sablonneuses ,  du 
cote  de  Noyers ,  la  vigne  donne  des  produits  estimes  ;  les  pecbes  sont  un 
objet  d'exploitation  lucrative ,  et  les  cerisiers ,  les  amandiers  et  les  noyers 
se  multiplient  avec  une  prodigieuse  facilite  *. 

La  flore  de  cette  vallee  a  aussi  ses  singularites.  Ainsi  la  spiraea  fili- 
pendula  s'y  trouve  circonscrite  a  un  si  petit  espace  de  terrain ,  qu'il  est  a 
craindre  que  le  moindre  defricbement  ne  la  fasse  disparaitre  entierement , 
et  F immense  remuement  de  terres  occasionne  par  le  canal  du  Berry  a  fait 
eclore  tout-a-coup  en  abondance  le  sysimbrium  trio  et  Vanthemis  mixta, 
la  ou  ils  etaient  inconnus  auparavant. 

SOZ.OGNE. 

Notre  portion  de  Sologne  est  formee  presque  partout  d'un  terrain  ter- 
tiaire ,  generalement  sablonneux ,  reposant  tantol  sur  une  argile  friable , 
tantot  sur  une  marne  argileuse ,  le  plus  souvent  sur  un  calcaire  d'eau  douce 
a  Cbemery,  marin  a  Belle-Roche  et  a  VErmitage.  Surleslimites  de  la  vallee 
du  Cher,  ce  terrain,  devemi  mixte,  voit  quelquefois  ses  couches  argileuses 
alterner  avec  des  banes  irreguliers  de  gres  faiblemeut  homogenes.  Les 

"  I!  para'trait,  d'apris -1'anc'en  nom  latin  de  Noyers,  Nucetum  }  que  le  climat  <le 
cette  comrmmy  favorisee  du  ciel  aiirait  p«u  change  depnis  I'epoque  gallo-roraaine , 
dout  elle  fut  un  viciu  popultiix. 


PREMIERE  SECTION.  11 

vallees  qui  sillonnent  en  petit  nombre  cette  region  sont  pen  profondes: 
une  senle  est  arrosee  par  un  cours  d'eau  asscz  abondant.  Dans  les  autres , 
de  frequents  barrages,  on  1'absence  de  declivite,  formcnt  des  etangs  et 
des  marres  an  tour  desquels  verdissent ,  comme  de  fraiebes  oasis,  qnelques 
prairies  bumides.  Le  reste  du  pays  n'est  qu'une  plaine  aride,  immense, 
qne  decoupent ,  ca  et  la ,  de  maigres  cultures  de  seigle  et  de  sarrazin.  De 
grandes  landcs  y  attrislent  presque  partout  la  vue ,  et  de  vieilles  jacberes , 
nou  moins  tristes,  ne  s'y  montrent  couvertes  que  d'une  berbe  rase  et 
frele,  surtout  de  globulana  vulgaris,  settle  patitre  d'une  race  chetive  de 
moutons. 

11  y  a  cependant  d'beureuses  exceptions.  La  vigne ,  cullivee  avec  succes 
sur  les  pentes  qui  bordent  le  Cber,  fournit  un  des  vim  les  plus  renom- 
mes  de  la  cote;  et  d'abondantes  moissons  de  froment  et  d'avoine,  de  ri- 
ches  prairies  artificielles ,  se  recoltent  dans  une  partie  des  communes  de 
Couddes  et  de  Cboussy  *. 

En  egard  a  sa  vaste  eteadue ,  celte  portion  de  la  Sologne  a  peu  de  bois 
de  cbene.  Ceux  qui  s'y  trouvent,  presque  tous  d'nn  faible  rapport ,  depe- 
rissent  generalement  apres  vingt-cinq  ou  trente  ans.  Gette  epoque  arrivee , 
ils  veuleut  etre  abattus ,  et  pour  repousser  avec  un  peu  de  vigueur,  etre 
recepes  profondeinent.  Il  n'en  est  pas  de  meme  des  bois  de  pin ,  pinus 
maritima,  dont  il  a  cte  fait  quelques  semis,  en  petite  quantite,  depuis 
environ  un  quart  de  siecle.  Get  arbre  croit  fort  vite ,  acquiert  de  belles 
dimensions,  et  peat,  cultive  en  grand,  etre  d'une  reelle  utilite. 

G'est  a  1' ombre  de  ces  bois ,  c'est  la  settlement  que  se  retrouve  la  vie 
vegetale ,  que  la  nature  reprend  toute  son  aclivite,  II  s'y  abrite ,  comme 
en  un  port  assure ,  une  foule  de  liliacees  :  I'asphodele  rameuse ,  aspho- 
delus  ramosus;  le  perce-neigc,  galanthns  nivalis ;  la  pbalangere  bicolore, 
phalangium  bicolor;  la  pbalangere  rameuse,  phalangium  ramosum.  A 
cote,  dans  les  clairieres,  vegetent  le  lin  de  montagne,  linum  montanum; 
la  lobelie  brulante ,  lobelia  itrcns ,  la  sabline  de  montagne ,  arenaria  mon- 
tana;  et,  parmi  les  vieux  taillis,  la  silvie ,  anemone  nemorosa ,  dont  les 
corolles  forment  de  longs  tapis  d'une  blancbeur  eblouissante. 

BERRY. 

La  scene  prend  un  autre  aspect  dans  le  Berry.  Le  sol  de  cette  contree, 
remarquablement  accidente,  est  un  terrain  de  seconde  formation,  argi- 

*  Cet  etat  de  clioses  est  di'i ,  en  partie  ,  aUx  bonnes  metlioJes  de  culture  introduites  , 
il  y  a  quelques  ami6es,  dans  ces  com  mimes ,  par  d-  uT  agronomes  distingu^s  dont  1'iiu 
Jiabit*  encore  uctre  canton. 


*2  PREMIERE  SECTION. 

leux,  silico-femigineux,  jete  par  grandes  couches  irregulieres  sur  im 
bane  de  calcaire  tendre,  d'ime  profondeur  iuconnue,  exploite  en  plusieurs 
ondroits,  egal  et  parfois  supericur  a  celui  de  Bourre.  De  ces  couches, 
qtielqucs  unes ,  cellcs  qui  avoisinent  le  calcaire ,  sont  marneuses ,  mais 
travel-sees  en  tous  sens  par  des  veines  d'une  argile  jaune ,  singulierement 
pulverulente.  Parallelemcnt  a  cette  marne,  et  dans  ses  milieux  les  plus 
purs ,  courent  onduleusement  des  banes  de  silex  pyromaque ,  cclui-la 
meme  dont  les  produits,  source  de  richesse  pour  line  partie  de  notre 
canton ,  jouissent  d'une  reputation  europeenne.  Les  argiles  superieures  en 
sont  dcpourvues ;  c'est  un  silex  ferrugineux  qui  les  occupe ,  tantot  grenu , 
tantot  en  gros  blocs  anguleux  :  on  a  commence  a  1'extraire  pour  les  for- 
ges de  Lucay. 

Notre  Berry,  formant  le  versant  septentrional  du  plateau  elevc  qui 
s'etend  du  Cher  a  1'Indre ,  sert  a  1'ecoulement  d'une  partie  des  eaux  que 
les  orages  ou  la  saison  pluvieuse  amassent  sur  les  hauteurs.  Aussi  montre- 
t-il  dans  sa  configuration  exterieure  des  traces  multipliees  d'un  laborieux 
bouleversement.  La  vue ,  de  quelque  cote  qu'elle  se  porte ,  n'apercoit  que 
des  vallees  profondes,  sinueuses,  bordees  de  collines  abruptes  et  souvent 
depouillees  de  verdure,  et  des  ravins  sans  fm,  immenses  crevasses  ou  se 
montrent  a  nu ,  sous  miile  formes  bizarres,  les  differentes  couches  du 
terrain.  Par  intervalle,  se  deroulent  quelques  plaines  d'une  mediocre  eten- 
due ,  et  dans  le  fond ,  sur  les  sommites  extremes  du  plateau ,  des  taillis  et 
de  hautes  landes  dentclent  an  loin  1'horizon. 

Ce  n'est  point  cependant  un  pays  denue  de  fertilitte  :  il  y  a  de  bonnes 
prairies  dans  le  fond  des  vallees ,  quoiqu'en  general  le  sol  y  soil  mareca- 
geux  et  forme  d'une  matiere  tourbeuse ;  la  vigne  prospere  vers  le  Cher, 
sur  les  versants  qui  ont  conserve  de  la  terrc  vegetale ;  et  le  froment,  le 
seigle,  1'avoine ,  les  differentes  prairies  artificielles ,  donnent,  dans  un 
grand  nombre  de  plaines,  des  rccoltes,  sinon  abondantes,  du  moiris  assex 
riches  pour  iudemniser  le  cultivateur  de  ses  peines. 

La  flore  est  varice  comme  le  pays.  De  magnifiques  ancolies ,  aquilegia 
vulgaris,  s'elevent  au  bord  des  ruisseaux;  la  belle  gentiane  bleue ,  gen- 
tiana  pneunomanthe;  la  parnassie ,  parnassia  palastris ;  la  valeriane  dioi'que, 
'valeriana  dloica  ;  la  pediculaire  des  marais  ,  pedicularis  palustrls ,  ornent 
de  leur  email  la  verdure  glauque  des  pres  aqualiques.  Lc  genet  angliean , 
genista  anglica;  le  laitier  d'Autriche,  poly  gala  austriaca;  le  cytise  cou- 
che,  cytisus  supinus,  nouveau-venu  parmi  ses  freres,  croissent  entre  les 
rares  bruyeres  des  pentes  pierreuses ;  et  1'ononis  gluant ,  ononis  natrix , 
se  plait  a  suspendre  ses  grosses  touffes  jaunes  aux  argiles  colorees  des 


PREMIERE  SECTION.  15 

Mais  souveut,pour  changer  la  face  de  la  contree,  pour  ancantir  plantes, 
moissons,  prairies,  vignobles,  tout  ce  qui  fait  la  richesse  et  la  beaute 
des  campagnes  ,  il  ne  faut  qu'une  de  ces  pluies  d'ovage ,  immenses  et  sou- 
daines  comme  il  s'en  produit  quelquefois  en  ete.  Alors  les  eaux ,  debou- 
chant  en  longs  torrents  de  toutes  les  hauteurs,  causent  d'incalculables 
dommages.  Ici,  elles  elargissent  le  lit  des  vieux  ravins,  en  detachant  de 
leurs  parois  perpendiculaires  des  pans  entiers  de  terrain;  la,  elles  se 
creusent  de  nouvelles  issues;  ailleurs,  en  passant,  elles  deracinent  les 
arbres ,  mettent  a  nu  le  calcaire  des  collines,  et  couvrent  an  loiu  de  gra- 
uer  et  d'infertiles  debris  les  vallons  et  les  plaines. 

Nous  pensons  qu'il  faut  chercher  la  cause  de  tons  ces  desastres  dans  le 
deboisement  des  pentes  du  pays.  C'est  une  opinion  que  plusieurs  annees 
d'observation  ont  invariablement  fixee  dans  notre  esprit.  Mais  la  dispari- 
tion  des  bois  n'a  pas  eu  que  cette  consequence ;  elle  en  a  eu ,  suivant  nous , 
uue  plus  funeste  encore ,  le  changement  de  la  temperature  et  la  diminu- 
tion des  sources.  Nous  aliens  livrer  a  1'appreciation  du  Congres  les  motifs 
et  les  fails  qui  ont  determine  sur  cette  importante  question  notre  maniere 
d«  voir. 

DEBOISEMENT.  —  Les  premiers  defrichements  de  notre  terre  natale  ne 
remontent  pas  au-dela  du  x.e  siecle,  epoque  de  la  fondation  de  Saint- 
Aignan  et  de  quelques  paroisses  voisines.  Avant  ce  temps ,  le  territoire  de 
cette  ville  n'etait,  ainsi  que  1'attestent  la  tradition  et  d'anciens  litres, 
qu'une  vaste  foret*.  Tout  porte  a  croire,  la  raison  en  esl  facile  a  com- 
prendre,  que  ce  furent  les  plaines,  les  vallees,  tous  les  terrains  sans  de- 
clivite  qui,  les  premiers  ,,perdirent  leurs  ombrages  seculaires.  Puis,  1'aug- 
mentation  de  la  population  et  1'extension  que  prenait  de  jour  en  jour  la 
culture  de  la  vigne ,  rendant  necessaires  de  nouveaux  terrains  cultivables , 
les  habitants  commencerent  a  porter  la  hache  dans  les  futaies  primitives 
qui  couvraient  le  versant  des  collines**.  Il  dut  arriver  que  bcaucoup 
de  terres  nouvelles  furent  abandonnees  a  cause  de  leur  epuisement 
premature ,  epuisement  que  nul ,  en  ces  siecles  de  culture  inintelligente , 


*  Saltus  aganus  ou  asgardus  f  liistoire  maiiuscrite  de  S^iiit  -  Aignan ,  par  feu 
M.  1'g.bbe  Me  tinier,  1787. 

Un  aveii  et  denombrement,  que  I'nn  de  nous  a  eu  (juolque  temps  en  sa  possession, 
et  qui  doit  faire  partie  des  litres  de  la  maison  do  Saint-Aignan  ,  contient  cette  citation 
d'unc  charte  plus  aiicieunu  ;  Ob  dominiuin  suum  saltus  agani ,  ou  agar/ii. 

**  Ces  derniors  defric.liements,  devenus  presque  tous  des  vignobles,  ont  fronsene 
jnsqu'a  nos  jours  les  nonis  sous  lesquels  ,  avant  leur  dcboisemeut ,  les  desigiiaieat  nos 
a'ieux  ;  les  Forets  ,  les  Onneaux  ,  la  Chanardcne  t  etc. 


14  PREMIERE  SECTION. 

ne  regardait  com  me  possible  de  combaltre.  Chaque  proprictaire  du  sol 
preterait  se  creer,  en  abattant  d'autres  bois ,  un  terrain  vierge  qui ,  pour 
prodiguer  les  moissons,  n'eut  besoin  que  de  semence.  Ce  fut  un  grand 
malheur  :  la  phipart  des  friches ,  abandonnees  a  elles-memes ,  se  couvrant 
de  bruyeres ,  se  changerent  en  ces  landes  si  communes  dans  nos  contrees ; 
dans  les  autres ,  oil  les  racines  des  arbres  ne  retenaient  phis  un  terrain 
naturellement  friable,  les  torrents  s'ouvrirent  de  larges  chemins,  et  for- 
merent ,  comme  nous  1'avons  dit  plus  haul ,  ce  dedale  inextricable  de  ra- 
vins, de  precipices  et  d'etroits  vallons,  qui  sillonne  la  partie  meridionale 
du  canton  de  Saint-Aignan. 

II  est  probable  que  la  diminution  des  sources  ne  se  montra  pas  sensible 
tant  que  les  sommets  des  coteaux  resterent  boises;  ce  fut,  nous  le  croyons, 
lorsqu'ils  commencerenl  a  se  degarnir  de  leurs  forets,  que  les  eaux  durent 
ctre  moins  abondautes.  Ainsi  deja,  dans  le  xv.e  siecle,  deux  forges,  celles 
du  Ferry,  en  Berry,  et  de  VEtang-Lecomte,  en  Sologne,  cessent  de  fonc- 
tionner,  le  ruissoau  qui  faisait  mouvoir  la  premiere  ayant  discontinue  de 
couler,  et  la  petite  riviere  qui  alimentait  la  seconde  se  trouvant  reduite 
aux  proportions  d'un  faible  ruisseau*.  Deux  siecles  plus  tard  ,  1'influence 
toujours  croissante  du  deboisement  des  hauteurs  devient  fatale  au  moulin 
de  Bachaud,  en  Berry,  et  a  celui  de  Morlu,  en  Sologne.  De  nos  jours , 
1'un  des  deux  moulms  qui  ont  succede,  sur  YEtang-Lecomte,  aux  puis- 
santes  forges,  objet  de  I'admiration  de  nos  peres,  eprouve  le  meme  sort. 
D'autres,  ceux  de  Beauregard,  de  Mesnes ,  de  Boutechien ,  qui  fonc- 
tionnaient  encore ,  il  y  a  un  denii-siecle ,  cinq  a  six  heures  par  vingt-qua- 
tre,  en  ete,  sont  maintenant  presqu'entierement  a  sec  dans  cette  saison. 
Ce  n'est  pas  tout.  Nos  vieux  meuniers  affirment,  a  1'unanimite ,  rque  le 
volume  des  eaux  courantes  a  diminue  generalement ,  depuis  vingt-cinq 
aus,  d'un  huitieme  en  Berry,  et  d'un  septieme  en  Sologne;  resultat  vrai- 
ment  effrayant ,  mais  qui  ne  surprendra  pas ,  si  1'on  veut  bien  faire  atten- 
tion a  I'enorme  quantite  de  bois  qui  a  disparu ,  depuis  la  revolution ,  de 
tous  les  points  culminants  de  notre  territoire**. 

*  Mais  ,  <lira-t-on,  n'est-ce  point  le  manque  de  bois  lui-nieme  qui  a  fait  abandoimer 
ces  deux  forges?  Cette  objection  s'evanouit  a  1'inspection  des  liens.  Les  seuls  be  is  ini- 
1'ortants  qui  rcstent  dans  notre  canton  ,  places  precisement  autour  de  ces  deux  vieilles 
iisines  ,  seraient  encore  suffisauts  pour  les  faire  marcher.  Ce  n'est  pas  non  plus  le  riii- 
nierai  de  fer  qui  leur  a  manque;  il  est  toujours  aussi  abondant  qu'au'ief'ois. 

**  Deux  ruisseaux  ,  ceux  de  Soubry  el  de  Galenic ,  ne  moutrcut  pas  de  diminution 
apparante.  Cette  opinion,  qui  semblerait  coiistituer  un  fait  destnittif de  notre  opinion, 
la  confirme  au  coritiaire.  L'etat  statiotinaire  de  ces  deux  cours  d'eau  titnt  a  la  position 
tie  leurs  principalei  sources  dan s  les  hauteurs  encore  boisees  de  dcus  cantons  limitroplics 
du  notre. 


PREMIERE  SECTION.  f5 

II  s'est  produit,  il  y  a  quelque  temps,  dans  le  moude  savant,  une  opi- 
nion qui  tend  a  etablir  que  la  masse  entiere  des  eaux  du  globe  eprouve 
une  diminution  reelle,  quoique  fort  pen  sensible  encore.  Sans  vouloir 
prendre  parti  ni  pour  ni  contre  cette  opinion ,  qui  d'ailleurs  a  trouve  d'il- 
lustres  contradicteurs ,  nous  pensons  qu'une  cause  locale  puissante,  telle 
que  le  deboisement,  peut,  en  alterant  la  temperature  particuliere  d'une 
region,  diminuer  la  somme  de  ses  eaux.  Les  arbres  n'ont  point  etc  crecs 
uniquement  pour  alimenter  nos  foyers ,  on  pour  devenir  des  solives ;  ils 
out  leurs  fonctions  a  remplir  dans  Peconomie  generate.  Ils  absorbent , 
particulierement  par  leurs  feuilles,  de  1'acide  carbonique;  ils  conservent 
une  humide  fraicbeur  sur  le  sol  qu'ils  abritent,  meme  durant  les  plus 
grandes  chaleurs ;  places  sur  les  lieux  eleves ,  ils  arretent  les  vapeurs  char- 
rices  par  les  courants  atmospheriques ,  empechent  leur  dissemination  loin- 
laine ,  et  les  forcent  a  se  resoudre  en  pluie  imperceptible  sur  les  lerres 
voisines ;  comme  conducteurs  electriques  enlre  la  terre  et  les  images , 
ils  servent,  une  foule  d'expcriences  1'alteste,  a  maintenir,  par  des  com- 
munications frcquentes,  Pequilibre  entre  les  deux  grands  reservoirs  d'e- 
lectricite,  consequemment ,  a  assurer  la  regularile  des  phcnomenes  de 
Patmosphere.  Ils  exercent  une  autre  action  non  moins  puissante  sur  la 
temperature.  La  fraicheur  qu'ils  entre tiennent  sous  leurs  rameaux  for- 
cant  a  se  condenser  les  coucbes  d'air  qui  s'y  precipitent  sans  cesse ,  dila- 
tees  sur  les  cimes  par  1'action  du  soleil,  determine  la  formation  d'une 
multitude  de  courants ,  actifs  contre-poids  de  la  cbaleur  euvironuante.  Ce 
sont  ces  courants  que  nous  nous  plaisons  a  ressentir  aux  abords  d'une 
grande  foret. 

Que  Pon  suppose  maintenant  un  pays  dcpouille  de  ses  bois ,  comme  le 
notre  :  les  rayons  solaires,  constamment  reverberes  par  des  rocbers  cal- 
caires ,  par  des  terres  silico-argileuses ,  sur  une  surface  nue ,  illimitee ,  sans 
abris ,  rarefieront  Pair  d'alentour,  et  dessecberont ,  a  une  grande  profon- 
deur,  Pbumidite  absorbce  par  les  premieres  couches  du  sol ;  les  vapeurs , 
ne  rencontrant  plus  d' obstacles  sur  leur  passage ,  repoussees  d'ailleurs  par 
une  atmospbere  embrasee ,  iront  distiller  sur  des  regions  plus  beureuses 
leurs  rosees  bienfaisantes ;  la  temperature  perdra  son  equilibre,  et  Purne 
des  sources,  en  Pabsence  de  tout  phenomene  qui  Palimenle,  ne  versera 
plus  qu'une  eau  rare  dans  les  vallees*. 

*  Nous  ponrrions  citer,  a  1'app-ii  <le  notre  opinion,  I'exemple  des  Etats-Unis  et  dn 
Canada  ,  OH  le  deboisenieut  a  produit',  sur  la  temperature  et  sur  les  sources  ,  des  el'lets 
analogues  a  ceux  que  nous  avons  observes.  Tons  les  voyages  coiitienpent ,  sur  ce  snjet, 
d.'S  details  cuiietix.  Voir,  entre  antres  ,  Cinq  Annees  de  sejour  an  Canada,  par  Talbot  , 
tradiic-tion  d'E\iit'8,  Paris,  Voullaud.  Vol  i,  pages  ja6  et  suivantes. 


*6  PREMIERE  SECTION. 

TEMPERATURE.  —  On  voit  par  ce  qui  precede  que  notre  temperature  a 
du,  ainsi  que  nos  sources,  eprouver  de  nombreuses  variations.  Comme 
celle  de  toute  la  Gaule ,  au  temps  de  la  conquete  romaine ,  elle  fut  d'abord 
troide ,  humide ,  chargee  de  brouillards ;  ensuite ,  oscillant  au  gre  des  di- 
verses  modifications  que  la  main  des  homines  faisait  siibir  au  sol,  elle  se 
rapprocha  insensiblement  de  son  etat  actuel.  Nous  n'avons  point  de  don- 
nees  positives  qui  nous  aident  a  constater  le  point  de  depart  de  chacune 
de  ses  transformations  successives ;  tout  ce  que  nous  en  ont  appris  nos 
peres  se  reduit  a  ce  fait,  malheureuscment  pen  contestable,  que  la  mar- 
che  des  saisons  etait ,  il  y  a  soixante-dix  ou  quatre-vingts  ans ,  plus  regu- 
liere  que  de  nos  jours. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  le  climat  de  notre  canton  montre  en  general ,  aujour- 
d'hui ,  une  grande  tendance  a  la  siccite.  II  n'admet ,  a  proprement  parler, 
que  deux  saisons  :  1'hiver  et  1'ete.  Le  printemps ,  cette  brillante  epoque  de 
l'anneerjtant  celebree  par  les  poetes,  n'apparait  parmi  nous  qu'escorte  de 
frimats,  de  gelees  et  de  brouillards.  L'automne  n'est  plus  qu'un  etc  pro- 
longe.  En  hiver ,  le  froid  pen  rigoureux  fait  rarement  condenser  le  mercure 
jusqu'a  sept  degres  au-dessous  de  zero.  En  ete,  le  terme  moyen  des  de- 
gres [de  chaleur  est  au  moms  de  vingt-un  degres  au-dessus  de  zero ,  au 
plus  de  vingt-sept.  Mais ,  par  intervalle ,  de  brusques  variations  affectent 
le  thermometre  :  ainsi ,  vers  la  fin  de  1'hiver,  a  un  froid  de  deux  a  trois 
degres  au-dessous  de  zero  succede  tout-a-coup  une  chaleur  de  quinze  a 
dix-huit  degres  au-dessus ;  et  au  commencement  de  1'ete ,  dans  une  cha- 
leur moyenne  de  seize  a  dix-neuf  degres  au-dessus  de  zero ,  1'hiver  a  de 
soudaines  recrudescences  d'un  froid  de  deux  a  trois  degres  au-dessous. 

Ges  rapides  changements  de  temperature,  dus  aux  alternatives  des 
trois  principaux  vents  qui  se  font  sentir  dans  notre  pays,  ceux  d'ouest, 
de  sud  et  de  nord-est ,  ont  de  graves  inconvenients  :  la  vegetation ,  surtout 
celle  dont  s'occupe  I'horticulture ,  a  beaucoup  a  souffrir  des  gelees  tardives 
et  des  chaleurs  precoces  qu'ils  amenent.  Sous  leur  pernicieuse  influence  se 
developpe ,  chez  les  hommes  et  chez  les  animaux ,  une  multitude  de  ma- 
ladies, notamment,  en  Berry,  celles  des  organes  respiratoires. 

COBTCLUSION. 

Intimement  convaincus  que  le  deboisement  pent  influer  defavorable- 
ment  sur  la  constitution  geologique  d'un  pays ,  sur  sa  temperature ,  sur  le 
volume  de  ses  eaux  d'arrosement ,  nous  pensons  que  la  loi  a  intervenir 
doit  interdire  la  faculte  d'arracher  des  bois ,  principalement  dans  les  lieux 
eleves ,  et  laisser  a  1'admiuistration  la  decision  des  cas  exceptiomiels.  Mais 


PREMIERE  SECTION.  17 

nous  pensons  aussi  que  celte  meme  loi  doit  accorder  une  juste  indemnite 
a  celui  qu'elle  force  de  garder  une  propriete  peu  productive,  souvent 
meme  onereuse.  Un  degrevcment  sur  la  contribution  fonciere ,  propor- 
tionnel  a  la  perte  annuellement  eprouvee ,  nous  parait  propre  a  atteindre 
ee  but.  D'un  autre  cote,  il  nous  semblerait  d'une  bonne  administration 
d'encourager  par  1'appat  des  recompenses  la  plantation  des  especes  fores- 
tieres  qui  disparaissent  de  jour  en  jour.  Quelques  parcelles  du  milliard , 
quelques  centimes  additionnels  convertis  en  primes,  exciteraient  un  grand 
nombre  de  petits  prpprietaires  a  reboiser  les  portions  incultes  de  leurs 
heritages.  Aux  riches  il  suffirait  souvent  d'une  simple  medaille,  distribute 
dans  les  solennites  des  corps  scientiiiques. 

M.  le  docteur  Hunault  approuve  les  conclusions  des 
auteurs,  et  pense  qu'il  faut,  autant  que  possible,  s'op- 
poser  aux  deboisements. 

M.  de  Montlivault  lit,  sur  la  Cosmologie,  un  me- 
moire  dont  la  section  ordonne  1'impression  a  la  suite  du 
compte-rendu  des  travaux. 

M.  Pratt  lit  une  interessante  notice  sur  la  constitu- 
tion geognostique  des  cotes  de  la  Manche;  mais  il  ne 
peut  qu'effleurer  cette  matiere,  et  ne  saurait  donner 
communication  de  son  memoire  ecrit  en  anglais. 

M.  le  docteur  Hunault  ajoute  quelques  developpe- 
ments  aux  notes  de  M.  Pratt,  sur  les  bouleversements 
des  couches  crayeuses,  dans  le  departement  de  la 
Manche. 

M.  de  Villiers  reclame  sur  1'interpretation  donnee  par 
M.  Emm.  GaillardasademandeauGongres:  «  Je  connais 
aussi  bien,  dit-il,  que  cet  honorable  membre,lesFlores 
partielles  et  les  ouvrages  que  des  savants  consciencieux 
ont  fait  dans  quelques  departements ;  mais  je  parle  ici 
des  pretendues  statisques  departementales  dont  la  presse 


18  PREMIERE  SECTION. 

nous  inonde  chaque  jour,  et  clont  les  erreurs  trompent 
si  souvent  ceux  qui  desirent  connaitre  les  produits  zoo- 
logiques  de  notre  pays.  II  existe  d'excellentes  monogra- 
phies,  des  ouvrages  speciaux  pleins  d'interet  :  rien 
n'empeche  de  les  faire  servir  a  former  une  Flore  fran- 
caise  bien  complete.  La  science  en  sent  le  besoin  ;  tons 
les  naturalistes  des  provinces  s'empresseront,  je  n*en 
doute  point ,  de  reunir  leurs  efforts  pour  la  completer ; 
niais  je  renouvelle  ma  proposition,  parce  que  je  crois 
qu'il  appartient  au  Congres  de  donner  cette  impulsion 
salutaire.  » 

M.  de  Boisrouvray  (deChartres)  fait  connaitre,  a 
1'appui  de  la  proposition,  qu'il  existe,  dans  le  departe 
ment  de  Loir-et-Cher ,  des  especes  que  diverses  mono- 
graphics  citent  comme  nese  rencontrant  qu'en  Hongrie. 

La  section  prend  la  proposition  en  consideration  et  la 
renvoie  a  la  seance  generale  du  Congres. 

M.de  Villiers  lit  ensuite  une  notice  relative  a  plusieurs 
faits  remarquables  en  botanique  et  en  zoologie,  ou  il 
cherche  a  prouver  que  les  circonstances  exterieures  peu- 
vent  modifier  1'organisation  des  animaux  et  des  vegetaux 
au  point  de  changer  leurs  caracteres  specifiques.  (Art.  3 
tin  Programme. ) 

M.me  Cauvin  cite,  a  1'appui  de  1'opinion  emise  par 
M.  de  Villiers ,  avoir  vu  des  lymnees  elevees  a  Paris  par 
M.  Rey,  et  nourries  avec  des  pains  a  cacheter  de  diverses. 
couleurs,  et  que  les  coquilles  avaient  pris  ces  differentes, 
livrees. 


PREMIERE  SECTION.  19 

Seance  du  jeudi  15  Septembre  1836. 
P residence   de   M.   I' abbe  LEFROU. 

M.  de  Caumont  fait  une  communication;  il  ne  pre- 
tend point  donner  un  travail  complet  sur  le  departement 
de  1'Orne  ,  MM.  Desnoyers,  Boblaye  et  plusieurs  autres 
s'etant  occupes  de  la  geologic  de  ce  departement;  ce  sont 
de  simples  notes  sur  quelques  fails  isoles. 

Les  roches,  dit  M.  de  Caumont,  se  trouvent,  dans  le  departement  de 
1'Orne ,  a  pcu  prcs  disposees  gcograpliiquement  comme  dans  le  departement 
du  Calvados ,  elles  out  ete  decrites  il  y  a  long-temps  par  Breon  ;  les  plus  mo- 
dernes  se  trouvent  vers  1'est  ret  les  plus  anciennes  dans  la  partie  occidentale. 
Ainsi  la  craie  et  le  gres  vert,  qni  occupent  les  arrondissements  de  Pont- 
FEveque  et  de  Lizieux  et  le  departement  de  1'Eure  presque  tout  entier,  se 
rencontrent  dans  les  cantons  de  Gace ,  d'Exmes  ,  de  Yimoutiers ,  etc.  Aux 
environs  de  Laigle,  dans  l'arrondissement  de  Mortagne,  etc.,  etc.,  ce 
terrain  s'avance  vers  le  nord-ouest  jusqu'au  moiil  Epinette  de  Montabar, 
a  deux  lieues  au  sud  de  Falaise ,  apres  avoir  forme  de  ce  cote  un  cap  fort 
alonge ,  passant  par  Sainte-Eugenie ,  Tertu  et  Savigny.  Au-dessous  du  sa- 
ble vert  se  montre  a  nu ,  sur  plusieurs  points ,  le  gres  ferrugineux  (iron 
sand),  M.  Boblaye  pense  que  ce  gres  a  fourni  le  mineral  mis  en  oeuvre 
dans  les  plus  anciennes  fabriques  de  fer,  dont  on  retrouve  les  vestiges 
dans  le  pays.  L'argile  de  kimeridge  existe  probablement  dans  le  departe- 
ment de  1'Orne ,  mais  il  est  tres  difficile  de  la  distinguer  des  aulres  scries 
argileuses  des  terrains  oolitiques.  Le  coral-rag,  depuis  long-temps  explore 
et  signale  dans  1'Orne  par  M.  J.  Desnoyers ,  se  trouve  tres  developpe  aux 
environs  d'Ecbauffour  et  de  Merlerault.  \?  oxford-clay  occupe  plus  d'es- 
pace  que  le  coral-rag.  Cette  argile  y  forme,  comme  dans  le  Calvados ,  une 
suite  de  coteaux  assez  eleves ,  reposant  sur  la  grande  oolithe ,  et  se  diri- 
geant  du  nord-ouest  au  sud-sud-est.  On  peut  1'examiner  dans  les  commu- 
nes de  la  Cambe ,  Varry,  Ecorcbes  ,  Neaupbe  ,  Somel ,  Villebadin ,  Cham- 
paubert,  Argentelles,  Cbaufour,  Ginay,  Mesnil,  Forger  et  dans  plus  de 
quarante  autres  communes.  La  partie  basse  de  Y  oxford-clay  contient  des 
couches  subordonnees  de  calcaire  argilenx ,  jaunatre  ou  bleuatre ,  suivant 
la  couleur  de  1'argile  qui  les  renferme,  et  conforuies  a  celles  decrites 
dans  le  Calvados  par  M.  de  Mugueville.  IS  oa- ford- clay  se  prolonge  dans. 


20  PREMIERE  SECTION. 

le  departeinent  Je  la  Sarthe ,  et  repose  en  plusieurs  points  sur  Yargile  de 
Bradfort.  La  grande  oolithe  occupe ,  comme  dans  le  Calvados ,  le  centre 
dn  departement  de  1'Orne ;  elle  se  lie  a  celle  de  la  campagne  de  Falaise , 
et  forme  une  large  zone  en  se  dirigeant  par  Argenton,  Seez  et  Alencon. 
Tantot  les  conches  calcaires  sont  a  tissn  fin,  d'une  durete  mediocre,  avcc 
ou  sans  oolithes;  tantot  elle*  offrent  la  texture  sublamellaire.  Pres  d' Alen- 
^on  ce  calcaire  contient  une  grande  quantite  de  baryte  sulfatee ;  les  co- 
quilles  memes  sont  quelqucfois  completement  transformees  en  baryte.  La 
grande  oolithe  fournit  de  belles  pierres  de  taille  pour  les  constructions ,  et 
Ton  en  fait  beaucoup  de  chaux.  Pres  d'Ecouche ,  ou  les  banes  sont  Ires 
tendres ,  on  les  exploite  pour  marner  les  terres ,  et  Ton  porte  ces  marnes 
assez  loin  dans  le  canton  de  Briouze.  Les  arkoses  se  composent  de  couches 
alternatives  de  gres  et  de  sables ,  que  M.  Triger  regarde  comme  paralleles 
au  lias.  Ces  couches  renferment  aussi  de  la  baryte  sulfatee.  Le  bed-marie 
ne  s'est  pas  developpe  dans  1'Orne  comme  dans  le  Calvados  ;  on  remarque 
seulement,  dans  quelques  localites,  une  couche  plus  ou  moins  epaisse 
d'argile  et  de  galets  routes ,  qui  represente  peut-ctre  cette  formation ,  puis- 
qu'elle  se  trouve  placee  entre  les  sediments  calcaires  de  1'oolithe  et  les 
roches  ariciennes.  Le  gres  quartzeux  intermediaire  qui  forme  ,  sur  les 
confins  du  Calvados ,  les  eminences  non  cultivees  de  Vignats  et  de  Brieux , 
se  prolonge  jnsqu'aupres  du  bourg  de  Chamboy.  Cette  eminence  fort 
ctroite ,  dirigee  en  sens  inverse  de  ^eminence  crayeuse  qui  se  termine  a 
Montabar,  forme ,  au  milieu  de  la  grande  oolithe ,  une  arrete  assez  remar- 
quable.  Le  gres  presente  d'ailleurs,  le  long  de  cette  chaine,  les  memes 
a-aracteres  que  le  gres  du  Calvados; a  Bier  il  se  trouve  associe  a  des  cou- 
ches de  marbre,  qui  font  probablement  suite  a  celles  de  Vignats.  Dans 
une  autre  partie  de  rarrondissement  d' Argenton,  au  sud  de  cette  ville,  le 
gres  quartzeux  intermediaire  occupe  un  assez  grand  espace  do  terrain ,  et 
forme  les  eminences ,  tantot  plantees  de  hois ,  tanlot  occupees  par  des 
bruyeres  qui  s'etendent  sur  les  communes  de  Francheville ,  Saint-Martin- 
de  Vrigny,  Montmerrey,  le  Cercueil,  la  Belliere,  Saint-Pierre,  le  Goult, 
etc.,  etc.  Le  gi-es  de  cette  partie  du  departement  de  1'Orne  se  presente, 
comme  celui  de  Jurques  et  du  Plessis-Grimoult,  par  couches  souvent  peu 
epaisses  et  interslratifiees  avec  des  argiles  micacees  jaunatres.  On  y  voit 
des  productus  dans  la  bruyere  de  Francheville ;  entre  Montmerrey  et  le 
Cercueil  les  bruyeres  sont  jonchees  de  gros  blocs  de  gres ,  et  les  couches 
souterraines  paraissent  plus  epaiss?s  et  plus  quartzeuses  que  celles  des 
bruyeres  de  Francheville  et  de  Vrigny.  Cette  chaine  se  prolonge,  vers 
1'est,  jusqu'au  moulin  de  la  Roche ,  sur  la  commune  de  Conde-le-Butor,  a 
tvois  quarts  de  lieue,  au  nord-oucst,  de  Seez,  ou  le  gres  tapisse  visible- 


PREMIERE  SECTION.  21 

nicnt  les  rives  de  la  riviere  de  1'Orne.  Tout  porte  a  croire  que  du  cote  de 
1'ouest  la  chaine  se  rattachc  a  cellcs  de  Joue-du-Bois  et  de  la  Ferte-Mace , 
etc.,  etc.,  signalees  comme  le  prolongement  des  gres  de  Domfront,  qui 
eux-memes  se  rattachent  aux  gres  des  environs  de  Mortain.  Les  phyllades 
offrerit ,  dans  1'Orne ,  les  memes  varieles  et  les  memes  fails  que  dans  le 
Calvados ;  ils  sont  tres  developpes  dans  le  canton  de  hriouze  et  dans  une 
partie  de  ceux  d'Ecouche  et  de  Putanges.  On  les  trouve  aussi  sur  quel- 
ques  points  du  canton  de  Drun  et  dans  plusieurs  cantons  des  arrondisse- 
ments  d'Alencon  et  de  Domfront.  Les  micaschites  et  les  gneiss  avoisinent 
les  granites ,  et  presentent  les  memes  varietes  que  ceux  de  1'arrondisse- 
ment de  Yire  ( Calvados ).  Le  granite ,  apres  avoir  occupe  une  partie  do 
1'arrondissement  de  Domfront,  se  presente  dans  presque  toutes  les  com- 
munes du  canton  de  Putanges,  placees  du  cote  gauche  de  1'Orne:  il  s'a- 
vance  meme  sur  la  rive  droite  de  cette  riviere.  Ces  granites ,  comme  ceux 
de  Saint-Sever,  se  taillent  assez  bien  et  sont  exploites  avec  avantage  dans 
plusieurs  communes.  Les  roches  granitoides  se  trouvent  aussi  sur  plusieurs 
points  de  1'arrondissement  d'Alencon,  ou  elles  sont  exploitees  pour  les 
constructions.  M.  de  la  Foye  a  constate  la  presence  de  beaux  cristaux 
d'aigue  marine  dans  le  canton  de  Pont-Perce ,  pres  d'Alencon. 

M.  de  Caumont  se  livre  ensuite  a  1'examen  cornparatif 
des  marbres  intermediaires  du  Cotentin  et  de  ceux  des 
environs  de  Namur,  de  Liege  et  d'Aix-la-Chapelle.  II  a 
i-emarque  que  les  fossiles  de  ces  roches  sont  identiques 
avec  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  marbres  du  Cotentin. 
Apres  avoir  donne  des  details  sur  la  direction  des  cou- 
ches et  leur  stratification ,  1'orateur  fait  remarquer  que 
les  eaux  chaudes  d'Aix,  de  Borcette,  de  Ghaude-Fon- 
taine,  pres  Liege,  sortent  de  la  meme  roche,  et  donne 
a  ce  sujet  quelques  explications.  Les  roches  de  Spa  ont 
aussi  ete  examinees  par  M.  de  Caumont  :  ce  sont  des 
schistes  phyllades,  un  pen  micaces,  tout-a-fait  ressem- 
blant  a  ceux  de  1'arrondissement  de  Vire  et  du  departe- 
ment  de  la  Manche.  Ces  phyllades  sont  reconverts ,  sur 
quelques  points,  par  des  gres  intermediaires,  absolu- 


22  PREMIERE  SECTION. 

ment.  semblables  a  ceux  qui  siirmontent  aussi  les  schis- 
tes  en  Basse-Normandie.  La  source  minerale  elite  de  la 

G. sort  des  couches  de  gres ,  ainsi  que  les  au- 

tres  sources  qui  se  rencontrent  au  meme  niveau  a  tine 
demi-heue  de  la  ville  de  Spa.  La  source  minerale,  dite 
de  Pierre-le-Grand ,  sort  des  phyllades.  M.  de  Caumont 
donne  aussi  quelques  details  sur  la  succession  des  roches 
entre  Dinant  et  Mezieres. 

M.me  Cauvin  signale  un  fait  curieux,  observe  dans  le 
departement  de  la  Sarthe.  M.  de  Caumont  ajoute  quel- 
ques developpements.  Un  soulevement  de  porphyre  a 
converti  en  dolomie  les  marbres  en  contact  avec  lui.  A 
ce  sujel.  ,  M.  de  Vibraye  soumet  une  observation  a  la 
section  :  le  porphyre  ne  peut-il  point,  a  tine  haute  tem- 
perature, stiblimer  une  par  tie  de  la  magnesie  du  felds- 
path,  1'une  de  ses  parties  constituantes  essentielles,  en 
pe'netrer  intimement  le  calcaire  par  voie  de  cementation , 
et ,  par  ce  moyen ,  le  changer  en  dolomie  ?  M.  de  Cau- 
mont observe  encore,  d'apres  M.  Boblaye,  que  partout 
ou  le  gres  remplace  le  calcaire,  le  porphyre  n'a  point  de- 
pose cle  magnesie,  mais  que  les  gres  ont  subi  une  altera- 
tion tres  sensible  ;  ils  ont  perdu  letir  texture  hyaline ,  et 
se  desagregent  facilement.  L'action  du  porphyre  a  ete 
nulle  sur  les  schistes. 

M.  Lefroti  communique  a  la  premiere  section  un  cata- 
logue des  plantes  du  departement  de  Loir-et-Cher,  qu'il 
a  recueillies  de  concert  avec  M.  le  docteur  Blanchet,  de 
Menars ;  il  fait  remarquer  1'identite  frappante  des  pro- 
ductions botaniques  de  Loir-et-Cher,  de  la  Sarthe,  du 


PREMIERE  SECTION.  23 

Cher,  de  la  Nievre ,  d'Indre-et-Loire.  La  section  vote  1'in- 
sertion  de  ce  catalogue  an  proces-verbal  ,  et,  sur  la  pro- 
position de  M.  de  Caumont,  vote  des  remercinients  a 
M.  Lefrou  pour  le  travail  plein  d'interet  qu'il  vient  d'e 
lui  communiquer,  travail  si  conforme  an  voeu  exprime 
par  les  Congres. —  La  se'ance  est  levee. 


CATALOGUE 

DES  PLANTES 

QUI    CROISSENT  SPONTANKMKNT   DANS    LE    DEPARTEjaENT   DE    LOIR-ET-CHER 
ET   QUI  Y  ONT  ETE   RECUEILLIES  JUSQu'A  CE   JOUR. 


OBSERVATIONS. —  Nous  allons snivre  1'ordre  et  la  nomenclature  da£o- 
tanicon  yallicnm  ,  et  qnand  nous  nous  en  ecarterons ,  nous  citerons  les 
auteurs  que  nous  prendrons  pourguides,  Nous  indiquerons  les  localites 
ou  se  trouvent  les  plantes  vares  et  Tepoq\ie  ou  elles  sont  en  fleurs  ou  en 
fructification  ;  nous  nous  contentcrons  dc  raarquer  ,  presque  I  ou  jours 
par  abreviation  ,  le  degie  d'abondance  des  a  litres  plantes. 

Pour  abrcger  ,  nous  omettrons  d'exprinier  les  grandes  divisions  de 
classification  ,  et  nous  nous  bornerons  a  mettre  seulenient  le  nom  de 
cbaque  famille  en  tele  deson  groupe  respectif. 

On  trouvera  a  la  Bibliotheque  publiqua  de  la  ville  de  Blois  des  6chan- 
lillons  des  plantes  indiquecs  dans  la  lisle  suivante  et  de  celles  qiie 
nous  decouvrirons  encore  a  1'avenir,  quand  elles  seront  susceptiblcs  de 
se  conserve!*  en  herbier.  nous  y  en  avons  deja  depose  plusieurs  volumes. 


CLEMATIS 

vitalba.  Com. 
THALICTRUM 

saxatile.  A.  R.  Pres  du  moulln  a 
^vent  de  St-Gervais ,  coteau  de 
St-Victor,St-Aignan.  Aout. 
flavum.  Com, 
ANEMONE    - 

inilsatilla.  Taillis  dumoidinpreci- 


te  ;  foret  de  Blois ,  pres  de  Sf- 
Sulpice  ;  bols  de  Huisseau-en- 
Beauce.  Fin  de  mars. 
nemorosa.  T.  C. 
ADONIS 

autumnalis.   A.  C.  Moissons  des 

terres  calc. 
nestivalis.  P.  C.  Moissons.  Aver- 

don,  Filterable,  etc.  Ete. 
MYOSURUS 

minimus.  R.  Cour-Cheverny. 


24 


PREMIERE  SECTION. 


RANUNCULUS 
hederaceus.   C. 
tripartitus.  R.  Commune  de  Tour. 

Avril. 
aquatilis  heterophyllus.  T.  C. 

—  capillaceus.  A.  C. 

—  peucedanifolius.  C. 
choerophyllos.  Pen  rare  en  Cour- 

Cheverny  ,   Tour,   Fontaines, 

Souesmes ,  etc.  Mai. 
lingua.  Peu  commun.  Etangs  et 

rivieres.  Ete. 
flammula.  T.  C. 

auricomus.  C.  Les  hales  et  les  bols. 
sceleratus.  C.  Marres ,  Fosses. 
steveni ,  ANDRZ  ;  R.  acris  DE  BULL.  , 

etc.,  non  LINNE.  T.  C. 
sylvaticus.  Peu  rare. 
lanuginosus.   T.  R.  Vdledieu. 
repens.  T.  C. 
bulbosus.  T.  C. 
philonotis.  T.  C. 

—  parvulus.  P.  R. 
arvensis.  T.  C. 

parviflorus.  A.  R.  Cour-Cheverny, 
Fontaines  -en  -  Sologne  ,    etc. 
Mai  et  juin. 
FICARIA 

ranunculoides.  T.  C. 
CALTHA 

palustris.  T.  C. 
HELLEBORUS 
fcetidus.  P.  R. 

ISOPYRUM 

thalictroides.  Plusluers  endroits 
des  environs  de  Blois  et  de  Fen- 
dome.  Avril. 

NlGELLA 

arvensis.  C. 
AQUILEGIA 


vulgaris.   P.   C.  Foret  de  Russy, 

Tour-en-Sologne,  etc.  Ete. 
DELPHINIUM 

consolida.  C. 
POEONIA 

corallina.   T.  R.  en  France,  mais 
abond.  aux  Montils.  Avril. 

BERBERIDEvE. 

BERBERIS 
vulgaris.  C. 

EriDEMIUM 

alpinum.  Nat.  aux  Montils. 
NYMPHEACE^E. 


alba.  C. 
lutea.  T.  C. 

PAPAVERACE7E. 

PAPAVER 

argemone.   P.    C.   Moissons.  En 

Vienne,  aux  Meta'uies.  Ete. 
dubium.  R.  Bourg  de  St-Gervais. 

Mars  ,  ete. 
rhc-eas.  T.  C. 
GLAUCIUM 

flavum.  R.  en  general;  mais  abond. 
a  Montigny  et  a  Blois,  pres 
ou  pen  loin  de  la,  Loire,  Ete. 
CHELIDONIUM 
majus.  T.  C. 

FUMARIACEvE. 

CORIDALIS 

bulbosa.  P.  C,  Taillis  de  Saint- 


PREMIERE  SECTION. 


25 


ij,  de  Chailles,  etc.,  et 
environs  dc  Vendome.  Avril. 

FlJMARIA 

media.  C.  a  Cour-Cheverny,  etc. 

officinalis.  T.  C. 

parviflora.  Cot  can   de  Saint-Vlc- 


CRUCIFERJE. 

CHEIRATTTHl'S 

cheiri.   Abond.    sur   Ics    murs  a 

Blois. 

NASTURTIUM 
officinale.  6'. 
sylvestre,  flore  luteo.  C. 

flore  albo.  A.  R. 

palustre.  A.  C. 

pyrenaicum.  P.   C.  Romoraulin, 

Plmpeneau,  'Etc. 
amphibium  indivisiim.   C. 

— variifolium.  C. 

BARBAREA 

vulgaris.  Pas  rare. 
stricta.  (  AXDRZ.  )  Menars, 
prsecox.   C. 

TURRITIS 

glabra.  A.  C. 
ARABIS 

hirsuta.  C.  aumoulinde  St.-Gcr- 
vais. 

thaliana.  Ext.  C. 
CARDAMINE 

pratensis.    T.  C. 

hirsuta.  C. 

impatiens.  T.  R.  mats  abond.  en 
1827,  ctu  taillis  des  Bourbons^ 
pres  de  Bracieitx,  Juin. 


ALYSSUM 


calycinum.  T.  C. 


EROPHILA 

vulgaris.  Ext.  C. 
TuLAsrt 

arvense.  T.  C. 

perfoliatum.  C. 
TEXSDALIA 

iberis.  C.  en  Sologne. 
IBERIS 

amara.  C.  Moissons. 

SlSYMBRIUM 

officinale.  T.  C. 

Irio.  Pas  R.  a  Blois,  faubourg*. 
sophia,  A.  C. 
AT.LIARIA 

officinalis.  T.  C. 
ERYSIMUM 

perfoliatum.  A.  R.  Moissons   ties 
ter.calc.  Cour-Cheverny,  Mon- 
tigny,  etc.  Etc. 
NESMA 

paniculata.  A.  C.   Moissons.  Me- 
mes  locality's  et  Vendomois.  Et<>. 
SENEBIERA. 

coronopus.  T.  C.     r    . 
GAPSELLA 

bursa-pastoris.  T.  C. 
LEPIDIUM 

sativum.  Hare.  Moissons.  Etc. 
campestre.  C. 

latifolium.  Fontaines-en-Sologne, 
aux  Aiigencs  et  an  bois ,  oh  il 
a  peut-etre  ete  seme  ou  plante. 
iberis.  Abond.  a  Blois. 
ISATIS 

tinctoria.  Nat.  au  Gue-la-Guette, 
aux  Roches  ,  au  Gue-du-Loir, 
a  Troo  ,  a  Saint-Aignan. 
MYAGRUM 

perfoliatum.  A.R.  Cour-Cheverny, 
Villerable,  Huisseau-cn-B.  Et. 

4 


PREMIERE  SECTION. 


BRASSICA 

cheirantos.  T.  C.  en  Sologne. 

SlNAPIS 

nigra ,  var.  torulosa.  C. 

arvcnsis.  C. 

retrohirsuta.  (BESS.) 

DIPLOTAXIS 

muralis.  C.  Terr,  pierreux. 
RAPHAITITS 

raphanistrum.  T.  C. 


HELIANTHEMUM 

umbellatum.  T.  R.   mais  abond. 

dans  le  bois  des  Cotes-Noires  , 

pres  de  Saumery,  aPierrefitte. 

Ete. 
alyssoides.    Souesmes  ,    Salbris  , 

Pierrefitte,  Nouan-le-Fuselicr. 
guttatum.  T.  C. 
1'umaiia.  T.  R.  Coteau  du  moulin- 

a-vent  de    St.-Gervais.  Juillet 

et  aout. 
marifolium.  (C^DEC.  d 'apres  quel- 

ques-uns ;  canum  de  DUKAL  , 

suivant  d' centres."}  Jidn.  Abond. 

autour    du   moulin-a-vent  de 

St.-Gervais. 
vulgare.  C. 
pulverulentum.  Abond.  autour du- 

dit  moulin  et  a  Filterable.  Juin. 

VIOLARICvE. 

VIOLA 

hirta.  Com. 
odorata.  C. 
canina.  T.  C. 
tricolor  arvensis.  T.  6'. 


RESEDA 
lutea.  C. 
luteola.  A.  C. 

ASTROCARPUS 

sesamoides.  A.   C.  Sables.  Pier- 
refitte,  Salbris. 

DROSERACE^. 

DROSERA 

rotundifolia.  A<  C.  Lieuxtourbeux* 
intermedia.  Meme  station. 

PARNASSIA 

palustris.  C.  Pres  tourbeitx. 

POLIGALE^!. 

POLYGALA 

vulgaris.  T,  C. 

amara    austriaca.   Moins    comm, 

Cheverny,  St.-Gervais }  etc. 
serpyllacea.  Souesmes. 

GARYOPHYLLE^:. 

GYPSOPHILA 
muralis.  A.  d 

DlANTHtJS 

prolifer.  T.  C. 

armeria.  C. 

carthusianorum.  A. R.,  mais  ricnl 

a  Chailles ,  Pezay,  Saint-Ai- 

gnan ,  etc.  Ete. 
caryophillus.  T.R.,  mais  abond. 

sur  les  murs  de  Montrichard. 

Ete. 
SAPONARIA 

vaccaria.  A.  Ct  Moissonst 


PREMIERE  SECTION. 


officinalis.  T.  C. 

CUCUBALUS 

hacciferus.  A.  C.  Hales ,  troncs 
des  vieux  saulcs. 

SlLENE 

iriflata.  C. 

ciliato  latifolia.  C.  Savigny ,  efc. 

conica.  A.  C.  Cellettes,  Pimpe- 

neau ,  Saint-Gervais ,  etc. 
gallica.  C.  dans  quelques  champs 

de  la  Sologne. 

hutans.  Pare  de  Chambord.  Etc, 
armeria.  Cellettes,  Cour-Ckccer- 
ny,  Hidssean  en  Sologne,  etc. 
Ete. 
LYCHNIS 

viscaria.  T.  R.  Sables  des  Ponts- 

Chartrains.  Ete. 
dioi'ca.  T.  C. 
flos-cuculli.  T.  C. 
githago.  T.  €. 
SAGINA. 

procumbens.  T.  C. 
apetala.  C. 

erecta.  A.  C.  Chemins,  Sologne. 
ELATINE 

alsinastrum.  Pas  com.  Cheverny, 

Tour.  Ete. 
HOLOSTEUM 

umbellatum.  T.  C» 
SPERGTJI.A 

arvensis  et  pentandra.  C. 
subulata.  Terrains  humides  et  sa- 

blonneux,  Cheverny.  Ete. 
vulgaris.  (BNNGH.  REICH.)  Champs 

sablonneux. 
STELLARIA 
media.  T,  C. 
holostea.  T.  C. 
graminea.  C. 


glauca.  T.  R.  Bords  de  la  Cisse 
a  Chouzy.  On  la  troiwait  aussi 
il  y  a  quelques  annees  dans  les 
sables  de  Fienne,  a  I'O.  de  la 
route.  Ete* 
ARENARIA. 

segetalis.  A.  R.  Cheverny,  Cour- 
Cheverny,  Pezay.  Moissons. 

rubra.  T.  C.  Sables. 

tenuifolia.  T.  C. 

montana.  T.  R.  Bois  de  la  Ferte- 
Beauliarnais  ,  Souesmes  ,  Sal* 
bris.  Juin. 

serpyllifolia.  T.  C. 

trinervia.  Extr.  com. 
CERASTIUM 

Viscosum.  (LINN.  CHAUBARD.)  C. 


—  -     glomeratum^  (THUILLIER.)  C. 
vulgatum.  (LINN.  CHAUBARD.)  C. 

\isCOSUm.(SMITH.DEC.DUBY.)  C. 

semidecandrum.  C. 

aquaticum.  Chouzy  ,   Cour-Che- 

verny. 
arvense.  C. 


LlNUM 

gallicum.  A.  C.  Cour-Cheverny  y 
alle'e  de  Bury,  Grand-Char- 
don,  pres  de  St^Aignan  ,  etc,. 

tenuifolium.  T.  C. 

cathartfcum.  C>. 
RADIOLA 

linoides.  C. 

MALYACE/E. 
MALVA 


23 


PREMIERE  SECTION. 


alcea.  Entre  Blols  et  Nouan-sur- 

Loire.  Ete. 
moschata.  T.  C. 
sylvestris.  T.  C. 
rotundifolia.  T.  C. 
ALTHAEA 

officinalis.  Rives  da  Cosson  ,    en 

Coitr-Cheverny.  Etc. 
hirsuta.  Hois  da  Rio  a,  en  Tour  , 

coteaa  de  Saint-Victor  ,  buttc 

de.s  Capucins. 

TILIACEvE, 

TII.IA 

microphylla.  C.  dans  les  bois. 
platyphyllos.  R.  Bois.  Ete. 

HYPERICINE2E. 


tetrapterum..  T.  C* 
humifusum.  T.  C. 
perforatum.  T,  C. 
elodes.  C.  Lienjc  humides. 
hirsutum.  C.  Lieux  converts. 
pulclmim.  C.  dans  les  bois. 


ACERINEvE. 

ACER 

campestre.  T.  C. 

GERANIACE^E. 

GERANIUM 
molle.  P.  R. 
pusillum.  A.  C.  Mars,   Fonts- 

Chart  rains. 
rotundifolium.  T.  C. 


cohimbinum.  C. 

dissectum.  C. 

lucidum.  De  Salnt-Geivais  a  f'i- 

nenil,  le  long  da  cotcait. 
robertianum.  T.  C. 
ERODIUM 

cicutarium.  T.  C. 
-  --     pimpinella'folium.  P.  Jl. 

OXALIDE^E. 

OXAI.IS 

stricta.  C.  Blois.  Romorantin. 
acetosella.  R.  Bois  de  Brion.  Etc. 

CELASTRINE^l. 


curopa?us.  Pas  rare  dans  les  liaics. 
ILEX 

aquifolium.  C.  Bois. 

RHAMNE^E, 

RHAMNUS 

c.nth  art  icns.  P.  C.  Les  hales.  Etc. 
frangula.  J.  C, 


. 

ULEX 

europseus.  T.  C.  en  Sologne. 

nanus.  Abond.  Bois  et  latidcs. 
GENISTA 

anglica.  T.  C. 

tinctoria.  C. 

sagittalis.  A.  C.  Prcs  montueux 

pilosa.  C.  a  Ivoy  et  dans  les  en  • 

virons ,  Sologne. 
CYTISUS 


PREMIERE  SECTION. 


29 


scoparius.  T.  C. 

supiuus.  A  une  petite  distance  de 

la  Patte-d'Oie,  da  cote  de  Vi- 

neuil.  Juin  et  juillet. 


nalrix.  Pres  de  Saumery.  T.  C. 

de  St.-Aignan  a  Montrichard. 
procurrens.  T.  C. 
spinosa.   T.  C. 

—     flore  albo.  Arrlant.  Ete. 
columns.  On  ne  I'  a  encore  trouve 

au'auprcs  du  moulin-a-vent  de 

St.-Gcrvais  ,  oil  il  est  extreme- 

merit  rare,  Juillet. 
ANTHYLLIS 

vulneraria.  Coteaux  sees.  A.  C. 
MEDIC  AGO 

lupuliua.  A.  C. 

falcata.  C. 

saliva.  Assez  souvent  spont. 

orbicularis.  P.  C.  Coteaux  de  St.- 

Victor  ,  les  Ruaux  en  Chever- 

ny,  etc.  Ete. 
apiculata.  A.  C. 
minima.  T.  C. 
maculata.  P.  R. 

gerardi.  R.  Levees  de  la  Loire.  Ete. 
MELILOTUS 

arvensis  (  WAIAROTH.  )  T.  C. 
officinalis.  (WILD.)  Gue-la-Guette, 

Cour-Cheverny. 
TRIFOLIUM 

rubens.  A.  C. 

incarnatum  molinerii.  T.  C. 

dans  les  pres    de    Clenord   a 

Arnant  ,  Pimpeneau. 
arvense.  T.  C. 
gracile.  C. 

striatum.  T.  C.  en  Sologne. 
scabrum.  C. 


ochroleucum.  A.  C.  Hales  et  bois 
medium.  P.  R. 
pratense.  C.  Pres. 
sativum.  (MILT.ER.)  Spontane. 
—     flore  albo.  P.  C.  Lanthe- 

nay. 
strictum  En  Cour-Cheverny,  etc. 

Juin  et  juillet. 
repens.  T.  C. 

michelianum.    Cour-Cheverny,  2 
endroltSy   et  Pimpeneau.Juin. 
subterraneum.  P.  R. 
fragiferum.  T.  C. 
procumbens  campestre.  T.  C. 

nanum.  T.  C. 

parisiense.  C.  Pres  humldes. 
filiforme,  ej  usque  varietates.  C. 
LOTUS 

angustissimus.   Lieux  sees  et  ari- 

des  de  la  Sologne. 
corniculatus ,  arvensis.  T.  C. 

major.  Pres  hum.  C. 

villosus.    Com.  aux 

Ponts-  Chartrains ,  etc. 

tenuifolius.     Cham- 

bord ,  etc. 

uliginosus.  (HOFFM.) 

Marais. 
TETRAGONOLOBUS 

siliquosus.  Foret  de  Blois ,  MOH- 

lin-Neuf  en  Seur.  Juin. 
GLYCYRHIZA 

glabra.  Nat.  en  plusieurs  jardins. 
ASTRAGALUS 
glycypbyllos.  C. 

CORONILLA 

varia.  C.  dans  les  lieux  sees. 

ASTROLOBIUM 

ebracteatum.  P.  C.  en  Sologne. 
ORNITHOPUS 


30 


PREMIERE  SECTION. 


(ompressus.  Cellettes,  Cour-Che- 

verny.  A.  R. 
perpusillus.  C.  en  Sologne. 

HlPPOCREPIS 

comosa.  C.  Collines  seches. 

OHOBRYCHIS 

sativa.  Spontane.  Lieux  arides. 
VroiA 

oracca.  T.  C. 

sativa.  Nat.  en  plusieurs  endroits. 


lis.  T.  C. 
heterophylla.  (CUEVAI.LIER.)  Les 

bois.  C. 
lathyroides.  T.  C.  Champs  sablon- 

neux. 

lutea.  P.  R. 
sepium.  C. 
ERVUM 

hirsutum.  C. 
tetraspermum.  A.  C. 

gracile.  P.  R. 

LATHYRTJS 

sylvestris.  Au  has  du  coteau  de  la 

foret  prc's  de  Chailles.  Ete. 
pratensis.  C. 
luherosus.  C.  Champs. 
aphaca.  P.  R.  Moissons. 
nissoiia.  A.  C. 
sphxricus.  T.  R.  Dans  les  mois- 

sons  a  Savigny. 
augulatus.  C. 
hirsutus.  C.  Moissons. 
OROBUS 

nigor.  Coteau  de  la  foret  pres  de 

Chailles.  Ete. 

tuberosus.  T.  C.  Hales  et  bois. 
LCPCOJS 

reticulatus.  (  DESVAUX.  )  Isles  et 
bords  de  la  Loire,  a  Ckouzy, 
Qnzain  ,  Cande ,  Chailles.  Ete. 


ROSACES. 

PRUNCS 

spinosa.  C.  partout. 
CERASTJS 

aviuni.  Dans  quelque.s  bois. 


ulmaria.  C. 

filipendula.  R.  Entre  Romorantin 
et  Pruniers  ,  St.-Aignan.  Ete. 
GEUM 

urbanum.  C.  Hates. 
RUBUS 

ceesius.  A.  C.  Lieux  ombrages. 

fruticosns.  T.  C. 
FRAGARIA 

vesca.  C.  Bois,  coteaux. 


tormentilla.  C. 

reptans.  C. 

verua.  T.  C. 
\     argentea.  A.  R.  Alices  des  bois.  Ete. 

anserina.  T.  C. 

comarum.  A.  C.  Marais  et  bords 
des  rivieres. 

fragaria.  C.  Lieux  sees. 
AGRIMOJTIA 

eupatoria.  C. 
AT.CHEMILLA 

arvensis.  C.  dans  les  moissons. 
SANGUISORBA 

officinalis.  C.  dans  les  pres  humi- 
des  de  Pruniers,  etc.,  RoniO' 
rantinais. 

POTERIUM 

sanguisorba.  C.  Pres  sees. 
ROSA 

arvensis  vulgaris.  C. 
galliea.  Bois  et  hales.  Cheverny  , 
Coitr-Clteverny,  Font.  -en-Sol. 


PREMIERE  SECTION.  31 

canina.  a.  glabra.  T.  C.  TRAPA 

rubiginosa  vulgaris.  C.  natans.  Etangs  de  Sologne ,  Re- 

umbellata.  C.  nayetla  Ville-aux-Llercs  dans 

sepium.  C.  le  Vendomols. 

tomeutosa.  Les  Roches  pres  Mon- 

toire.  Etc.  HALORAGEJE. 

CRAT^IGUS 

pyracautha.  Les  hales  de  Cherche-  M  Y:\IOPHYI.LUM 
rel  en  Cour-  Cheverny.  Etc.  spicatum.  C. 

oxyacantba  vulgaris.  T.  C.  verticillatum.  P.  R. 

obtusata.  P.  R.  CALLITRICHE 

MESPILUS  verna.  C. 

germanica  sylvestris.  C.    .  autumnalis.  A.  C. 

PYRUS  HIPPURIS 

communis  achrus.  A.  C.  vulgaris.  A.C.BorddesrulsseaUx. 

pyraster.  C. 

acerba.  C.  CERATOPHYLLEJE. . 

malus  sylvestris.  C. 

tornainalis.  C.  CERATOPHYLLXJM 

aucuparia.  A.  C.  demersum.  Le  Loir  a  Fenddme , 

etc.  C. 
CUCURBITACE^:. 

LYTHRARI^E. 
BRYONIA 

dioiica.  T.  C.  LYTHRUM 

salicaria.  T.  C. 
ONAGRARLE.  hyssopifolium.  A.  C. 

PEPLIS 

EPILOBIUM  porlula.  C. 

montanum.  Bois  de  la  Borde  en 

Cour-Chevemy.  Ete.  PORTULACE^l. 

hirsutum.  C. 

molle.  C.  PORTCLA 

tetragonum.  C.  oleracea.  T.  C. 

OEtfOTHERA  MONTIA 

biennis.  C.  dans  Vancieii  lit  de  la         fontana.  T.  C.  en  Sologne. 

Loire,   a  Blois. 

CIRC^EA  PARON1CHIE.E. 

lutetiana.  A.  freq.  dans  les  lleux 

humides,tourbeiixetombragcs.     CORRIGIOLA 


32  PREMIERE 

littoralis.  C. 
HERNIARIA 

glabra.  A.  C. 

hirsuta.  C. 
ILLECEBRUM 

verticillatum.  A.  C.  en  Sologne. 
SCLERANTHUS 

animus.  C. 

GRASSULACEyE. 


nuisccsa.  P.  R.  en  Sologne. 
SEDUM 

telephium.  A,  C. 

ceprea.  P.  R. 

album.  A.  C. 

villosum.  C. 

rubens.  T.  C. 

acre.  T.  C. 

reflexum.  A.  C, 
SEMPERVIVUM 

tectoruui.  P.  R. 

GROSSULARIEJE. 

RlBES 

uva-crispa  ,  a.  sylvestris.  C. 
rub,rum.  Nat.  en  plus,  endroits. 

SAXIFRAGES. 

SAXIFRAGA 

tridactylites.  T.  C. 
granulata.  A.  C. 

liMBELLIFER^E. 

(Ponrlesplantessuivantesjnsqu'aux 
Dipsacees  inclusivement  ,  nous  al- 


SEGTION. 

Ions  suivre  I'ordre  et  la  nomencla- 
ture du   Prodromus  de  DECAS- 

DOLLE.^I 

HYDROCOTYLE 

vulgaris.  P.  R. 
SANICULA 

europaea.  T.  C. 
ERYNGIUM 

campestre.  T.  C. 
CICUTARIA 

virosa.  DansleBeitvron  en  Tour, 
Juillet  et  aout.  Cette  plante  ne 
se  trouve  point  dans  les  depar- 
tements  de  la  Seine,  d'lndre- 
et  Loire ,  de  Maine-et- Loire  ; 
est  tres  rare  dans  ceux  de  la 
Rii>vre  et  du  Cher,  et  nest  in- 
diqitee  qu'avec  doute  dans  ce~ 
lui  du  Loiret. 
APITJM 

graveolens.  A.  C. 
HELOSCIADIUM 

nodiflorum.  T.  C. 

nan  urn.  C. 

repens.  Marais  dePontijou. 
inundatum.  A.  R.  Mares.  £te. 
FALCARIA 

rivini.  Cellettes >  cour  du  chateau 
de  Beauregard.  Ete. 

SlSON 

amomum.  T.  C. 
AMMI 

majus.  Cellettes,  Mont-Rion,   la 
Gaignoterie ,  etc.  Ete. 


podagraria.   Bois   de  Mont-Rion 

en  Cellettes ,  etc.  Ete. 
CARCM 

verticillatum.  T.  C. 

PlMPINELLA 


PREMIERE  SECTION. 


33 


magna.  C. 

dissecta.  A.  C. 

saxifraga.  A.  C. 
SIUM 

angustifolium.  C. 
BUPLEVRUM 

tenuissimum.  A.  C. 

aristatnm.  Collines  de  St.  -Victor, 
et  taillis  de  Villeneuve  en  Huis- 
seau.  Juin  et  juillet.  N'a  pas 
ete  trouve  ailleurs  duns  le  de- 
partement. 

rotundifolium.  T.  C. 

falcatum.  T.  R.  A  ete  trouve  aux 
Ponts-Chartrains.  £te. 

OElfANTHE 

iislulosa.  C. 
peucedanifolia.  A.  C. 
pimpinelloides  ,  a.  chserophylloi- 

des.  Pare  de  Chambord.  Ete. 
phellandrium.  T.  C. 

JETHUSA 

cynapium.  T-  C. 
SESELI 

montanum,  b.  glaucum.  C. 
SO-ACS 

pratensis.  T.  C, 


parisiense.  C. 

cervaria.  Sols  de  Vdlemalin  entre 

Filleromain  et  Vendome.  A  out. 
oreoselinum.  Herbault  en  Solo- 

gne,  pare  de  Chambord,  etc. 

Aout. 
montanum.  Le  long  du  Beuvron, 

surtout  dans  le  marais  de  Neu- 

ii.  Aout. 
PASTIHACA 

saliva.  C. 
HERACI.ETJM 


sphondyliura.  C. 
ORLAYA 

grandiflora.  A.  C. 
DAUCUS 

carota.  T.  C. 

—     a.  atrorubens.  M.  C. 
CAUCAUS 

daucoides.  C. 
TURGEITIA 

latifolia.  A.  C. 

TORILIS 

anthriscus.  P.  R. 
helvetica.  Suites  de  Vendome,  etc. 
nodosa.   C.  dans  les  environs  de. 
Blois. 

SCANDIX 

pecten-veneris.  T.  C. 
ANTHRISCUS 

sylvestris.  Hales  des  lignes  des 
Grouets.  Juin. 

vulgaris.   Hales  de    Tour  et  du 

Fienne. 
CH.EROPHYLLXJM 

temulum.  T.  C. 
COICIUM 

maculatum.  T.  C. 

ARALIACE^. 

ADOXA 

moschatellina.  Lieux  frais  et  om- 

brages.  Mars.  P.  R. 
HEDERA 

helix.  T.  C. 

CORNER. 

CORNUS 

sanguinea.  T.  C. 

mas.  Foret  de  Russy,  non  loin  des 


34 


PREMIERE  SECTION. 


ponts  Saint  -Michel.  Fleurit  en 
mars. 

LORANTHACE^E. 

VlSCUM 

album.  T.  C. 

CAPRIFOLlACEjE. 

SAMBUCUS 

ebulus.  T.  C. 

nigra.  f. 
VIBURNUM 

lantana.  C. 

opulus.  C. 

LONiCERA 

periclymenum.   C. 


SHERARDIA 

arvensis.  A,  C. 

cynanchica.  C. 
RUBIA 

peregrina.  C.  Rlols  et  Fienne. 

lucida.  Foret  de  Russy  pres   de 
Cha'dles  ,    Rochambeau  ,   les 
Roches,  le  Gue-du-Loir.  Etc. 
GALIUM 

sylvestre.  (  POI.LICH.)  C. 

ft.  laevc.  (THUILLIER.)  C. 

mollugo.  T.  C. 

elatum.  A.  C. 

palustre.  T.  C. 

verum.  C. 

cruciata.  A.  C. 

tricornc.  C. 

aparine.  T.  C. 


VALERIANE,E, 

VALERIANELLA 

olitoria.  C. 

eriocarpa.  En  Cour-Cheverny  siir 
la  butte  du  Carrol.  Etc. 

auricula.  T.  C. 

carinata.  C. 
VALERIASA 

dioica.  C. 

officinalis.  C. 

DIPSACE.E. 

DlPSACUS 

sylvestris.  C. 

pilosus.  Azeetiillede  Vendorne  , 

les  Montils.  Etc. 
KNAUTIA 
arvensis.  C. 

SCABIOSA 

columbaria.  C. 
succisa.  T.  C. 

COMPOSITE. 

(  N'ayant  pas  encore  le  5.e  vol.  du 
Prodromus,  nous  sommes  force 
de  revenir  au  But.  gallic. 

§  1.  _  CORYMBIFERA'. 

EUPATORIUM 

cannabinum.  C. 
TUSSILAGO 
farfara.  C. 


jacobcea.  C. 

'  —     aquatic  us.  C. 
cruca'folius.  C. 


PREMIERE  SEGTION. 


sylvaticus.  A.  C. 
viscosus.  C, 
vulgaris.  Extr.  C. 
ARNICA. 

moiitana.  Foretde  Bracieux,  Ivoy, 

Pruniers.  Juin. 
ERIGEHON 

canadense.  T.  C. 
acre.  T.  C. 
SOLIDAGO 

graveolens.  P.  R.  en  Sologne. 
virga  aurea.  T.  C. 
BELLIS 

perennis.  Extr.  C. 
CONYZA 

squarrosa.  C. 
INULA 

helenium.  Cliambord,  Cour-Che- 
verny ;  tres  abond.  a  Pruniers. 
britanica.  C.  Lit  de  la  Loire. 
salicina.  P.  R. 
dysenterica.  C 
pulicaria.  C. 
GNAPHALIUM 
luteo-album.  C. 
sylvaticum.  A,  C.  Bois  :  allee  de 

Bury. 

uliginosum.  C. 
arvense,  C. 
gallicum.  C. 
germanicum.  C. 
monlanum.  C, 

dioicum.  Environs  de  Vendome , 
Sarge. 

MlCROPUS 

erectus.  Vlneuil:  lev.  de  la  Loire. 
CHRYSANTHEMUM 
leucanthemum.  C. 
inodorum.  C.  Lieux  cultives. 
segelum.  C.enqueltjucs  localitcs. 


MATRICARIA 

chamomilla.  R.  Moissons.  Ete. 
ANTHEMIS 
cotula.  C. 

mixta.  T.  C.  en  Sologne. 
nobilis.  C. 
arvensis.  T.  C. 
ACHILLEA 

ptarmica.  T.  C. 
millefoliurn. 
ARTEMISIA 

campestris.  Sards  de  la  Loire  et 

Pruniers.  C* 
vulgaris.  C, 
TANACETUM 

vulgare.  T.  C.  Sards  de  la  Loire. 
XANTHOJBI 

macrocarpum.  T.  C.  aux  isles  de 

Chouzy. 

strumarium.  P.  C.Memelocalite. 
BIDENS 
tripartita.  C. 
ccruua.  C. 
CALENDULA 
arvensis.  T.  C. 

§  2.  —  CYNAROCEPHAL^E. 

ECHINOPS 

sphaerocephalus.  Nat.  a  Mondou- 
ttleau,  aux  environs  du  weux 
chateau. 
LAPPA 

glabra  minor.  C. 

—     major.  M.  C. 
ONOPORDUM 
acanthium.  T.  C. 

SlLYBUM 

mariauum.  Cour-Cheverny.  Ete. 
CARDUUS 


36 


PREMIERE  SECTION. 


nutans.  T.  C. 

tenuiflorus.    T.  C.  a  Blois,  etc. , 

a  Trod. 
SERRATULA 

tinctoria.  T.  C. 
CIRSIUM 
palustre.  C. 
lanceolatum.  T.  C. 
eriophorum.  C. 
arvense.  T.  C. 

bulbosum.  R.,   mais  A.  C.    au 
Gue-du-Vau  en  Cour-CJiever- 
ny.  Juillet. 
anglicum.  Extr.  C. 

—  multiflorum.  A.  C. 
acaule.  T.  C. 

—  flore  albo.  Vdledieu. 
CENTATJREA 

jacea.  T.  C. 

nigra.  A.  R.  Taillis  de  la  None. 

Etc. 

cyanus.  T.  C. 

maculosa.  R.  a  On 

la  trouvait  aussi  en  1824  dans 
les  sables  de  Pienne  ,  decant 
V octroi.  Ete. 
scabiosa.  C. 
calcitrapa.  T.  C. 
KENTROPHYLLCM 
lanatum.  T.  C. 
CAR  i.  ISA 

vulgaris.  T.  C. 

§  3.  —  CHICORACE^:. 

SCOLYMUS 

hispanicus.  Romorantin ,  Lanthe- 
nay ,    Villeherviers ,  Gievres  , 
Pruniers.  Juillet  et  aoiit. 
SOUCHBS 


arvensis.  C. 
oleraceus  laevis.  C. 
—       asper.  C. 
LACTTJCA 
virosa.  C. 
saligna.  A.  C. 
perennis.  C. 
CHONDRILLA 
muralis.  P.  R. 
juncea.  T.  C. 
LAMPSANA 

communis.  T.  C. 
minima.  A.  C. 
BARKHACSIA 
fretida.  C. 
taraxacifolia.  C. 
CREPIS 

virens.  A.  C. 

—     diffusa.  T.  C. 
TARAXACUM 

palustre.  A.  C.  Chitenay. 
dens  leonis.  T.  C. 
PICRIS 

hieracio'ides.  C. 
HIERACIUM 

pilosella.  T.  C. 
auricula ,  b.  dubia.  C. 
umbellatum.  C. 
sylvaticum.  C. 
murorum.  A.  C. 
ANDRYALA. 

integrifolia.  P.  C.  TaUlis.  Ete, 
HIPOCH.ERIS 

radicata.  T.  C. 
TRAGOPOGON 

pratense.  P.  R. 
LEONTODON 

hispidum.  T.  C. 
autumnale.  C. 

SCORZONERA 


PREMIERE  SECTION. 


plantaginea.  (SCHLEICH.  )  T.  C. 
CICHORIUM 
intybus.  C. 

LOBELIACEjE. 

LOBELIA 
urens.  C. 

CAMPANULACEyE. 

JASIONE 

montana  kevis.  C. 

—       hirsuta.  T.  C. 
PRISMATOCARPUS 

speculum.  T.  C. 
CAMPANULA 
glomerata.  C. 
trachelium.  A.  C. 
rapunculoides.   Vignes ,  jardins. 

Ete. 

rapunculus  flore  creruleo.  C. 
—         flore  albo.  P.  C. 
patula.  A.  C. 
rotundifolia.  A.  R.  Fendome.  Ete. 

ERICINEvE. 

ERICA 

scoparia.  Extr.  C.  en  Sologne. 

cinerea.  T.  C. 

ciliaris.  Foret  de  Blois  pres  de  la 
Picardieie,  bois  de  Boulogne. 

tetralix.  C. 
CALLUNA 

erica.  T.  C. 


JMONOTROPE./E. 

MONOTROPA 


hypopitys.  Foret  de  Aussy,  envi- 
rons de  Pnmiers,  etc. 

JASMINES. 

LlGUSTRUM 

vulgare.  C. 
JASMINUM 

fruticans.  Un  des  rochers  de  St,- 

Victor  en  est  convert.  Ete. 
Fa  AX  IN  us 

excelsior.  C. 

APOCINE.E. 

ASCLEPIAS 

syriaca.  A.  R.  Nat.  a  Herbault 

en  Sologne.  Juillet. 
CYNANCHUM 

vincetoxicum.  A.  C. 

VlNCA 

minor.  T.  C. 

GENTIANEyE. 

MENIANTHES 

trifoliata.  A.  C. 

VlLLARSIA 

nymphoides.  C.  dans  le  Cher  ,  it 
Thezee.  Ete. 

ClILORA 

perfoliala.  A.  C. 


pneumonanthe.  P.  R. 
cruciala.  Lavardin    et   Rocliam- 
beau. 


centaurium.  C. 
pulchella,  A.  C. 

EXACUM 


38 


PREMIERE  SECTION. 


randollii.    Cour-Chcverny  ,  pare 

de  Chambord.  Ete. 
filiforme.  Memes  local.,  Pierre/itte. 


CONVOLVULACE^. 

CONVOLVULUS 

scpium.  C. 

arvensis.  Extr.  C. 
CUSCUTA 

major.  C. 

minor.  T.  C. 

BORRAGINE^E, 

HELIOTROPIUM 

europaeum.  C< 
ECHIUM 

vulgare.  T.  C. 

LlTHOSPERMUM 

purpureo-cceruleum.  St.-Gervais, 

Chailles,  Menars,  Mai. 
officinale,  C. 
arvense.  C, 

PULMONARIA 

officinalis.  A.  R.  Mai. 

angustifolia.  T.  C. 
SYMPHYTUM 

tuberosum.  T.  R.,  mats  abond. 
dans  la  foret  de  Russy,  au  bas 
du  coteau ,  non  loin  des  ponts 
Saint-Michel.  Avril. 

officinale.  CV 
LYCOPSIS 

arvensisv  Ct 
AncnusA 

italica.  C. 
BORRAGO 

officinalis.  C. 
MYOSOTIS 


lappula.   Ponts-Chartrains.   Tres 
abond.   depuis    Saint-Aignan 
jusqu'a  Montrichard.  Ete. 
annua.  T.  C. 
perennis.  T.  C, 
CYNOGLOSSUM 
officinale.  T.  C, 

SOLANE^. 

LYCIUM 

europaeum.  A.  C* 
SOLATIUM 

ochroleucum.  C, 

nigrum.  C. 

dulcamara.  A.  C< 
PHYSALIS 

alkekengi.  C. 
DATURA 

stramonium.  C.  en  Sologne. 

tatula.  C.  enlre    Chouzy  et  Ort- 

zain ,  $ur  le  bordde  la  Loire. 
HYOSCYAMU* 

niger.  C. 
VERBASCUM 

tliapsus.  C. 

thapsiforme.  C. 

phlomoides.  A.  C. 

blattaria.  T  C. 

nigrum.  C. 

lychnttis  flore  luteo.  A.  C< 
—       flore  albo.  M.  C. 

floccosum  et  pulverulentum.  C< 

ANTIRRHINEvE. 

GRATIOLA 

officinalis*  C 
DIGITALIS 

parviflora.  Les  Roches.  Ete. 


PREMIERE  SECTION. 


39 


piirpurea.  T.  C. 
ANARRHINUM 

bellidifolium.  Sols  de  la  Remise. 

Etc. 
ANTIRRHINUM 

orontium.  C. 

LlNARIA 

minor.  C. 

cymbalaria.  T.  C.  a  Btois, 

spuria.  C. 

elatine.  C. 

pelisseriana.  P.  C.  Sologne  et  Fen- 

domois.  Etc. 
striata.  C. 
vulgaris.  T.  C. 
arvensis.  Pare  de  Chambord.  Ete. 

SCORPHULARIA 

aquatica.  C 
nodosa.  P.  R. 

cunina.  C.  dans  les  emir,  de  Blols. 
LIMOSELI.A 

aquatica.  Ponts-Chartrains.  R, 

OROBANCHEJE. 

OROBANCHB 

rapumi  C. 

ulicis.  Romorantin. 

epithymum.  A.  C.  Coteau  de  St.- 
rictor. 

galii.  Lavardin. 

hederse.  Pare  de  Chambord. 

caerulea  millefolii.  (  REICH.  )  C. 

cruenta.  (BERTELONI.)  Celle,  C> 

picridis.  (  WALLROTH.  )  Baillou. 

ramosa.  C. 
LATHR^A 

squammaria.  Foret  de  Rusy.  Com- 
mencement 


RHINANTHACE^:, 

MELAMPYRUM 
arvense.  T.  C. 
cristatum.  P.  C.  Taillis. 
pratense.  T.  C. 
PEDICUT^ARIS 
palustris.  C1. 
sylvatica.  C 
RHIITANTHUS 
glabra.  C. 
BARTSIA 

viscosa.  C.  en  Sologne,  Couture. 
EUPHRASIA 
officinalis.  6\ 
odontites.  C. 

—     flore  albo.  (LAMR.  diet. )  A 
Murblin pres  de  C.-Ckeverny\ 
VERONICA 

hederosfolia.  T.  C. 

polita.  (FRANKE.  )  V.  agrestis  des 

auteurs,  non  LIKNE.  C. 
arvensis.  T.  C. 
triphyllos.  C 
acinifolia.  C. 
serpyllifolia.  A.  C. 
officiiialis.  C. 
chamoedrys.  T.  C. 
teucrium.  C. 
scutellata.  C. 
anagallis.  C. 
beccabunga.  T.  C. 

LABIATE. 

LYCOPUS 
europaeus.  C. 

SALVIAi 

pratensis.  T.  C. 

sylvestris.  Prise  jc  ne  sais  oh. 


40 


PREMIERE  SECTION. 


sclarea.  A.  C. 
A  JUG  A. 

chamjepitys.  A.  C. 
reptans.  C. 
pyramidalis.  A.  C. 
TEUCRIUM 

scorodonia.  T.  C. 

botrys.  Chambord. 

chamaedris.  A.  C. 

scordium.  P.  R. 

montanum.  Rochambeau  et  St.- 

Algnan. 
HYSSOPUS 

officinalis.  Abond.  en  Vllledleu  , 

pres  d'un  lieux  chateau. 
GALEOBDOLON 

luteum.  A.  C. 
LEONURTJS 

cardiaca.  P.  R. 
MARRUBIUM 

vulgare.  T.  C. 
BAIXOTA 

fffitida.  C. 
BETONICA 

officinalis.  A.  C. 

stricta.  (AITON.)  C. 
GALEOPSIS 

tetrahit.  A.  C.      . 

ochroleuca.  A.  C. 

la  dun  uni.  C. 
LAMIUM 

album.  A.  C.  . 

maculatum.  T.  C. 

purpureum.  C. 

hybridum.  P.  R. 

amplexicaule.  C, 
GLECHOMA. 

hederacea.  T.  C. 
STACHYS 

arvensis.  C. 


annua.  T.  C. 

sideritis.  C. 

germanica.  A.  C. 

lanata.  Nat.  dans  la  liaie  du  jar- 
din  du  presbytere  de  Cour- 
Cheverny. 

sylvatica.  C. 

palustris.  C. 
NEPETA 

cataria.  A.  C. 
MENTUA 

sylvestris. 

rotundifolia.  C. 

viridis.  P.  C. 

piperita.  Dans  la  rampe  de  I'an- 
cten  jardln  botanique  de 
Slots. 

hirsuta.  T.  C. 

arvensis.  C. 

pulegium.  T.  C. 
THYMUS 

serpyllum.  T,  C. 

acynos.  T.  C. 

calamintha.  C. 
MELISSA 

officinalis.  A.  C. 
MELITTIS 

melissopliyllum.  P.  R. 
CLINOPODIUM 

vulgare.  T.  C. 
ORIGANUM 

vulgare.  C. 
BRUWELLA 

vulgaris.  T.  C. 

laciniata.  T.  C. 

—       flore  albo.  P.  R. 
SCUTELI.ARIA 

hastifolia.  Chambord ,  les  Sanies 
pres  de  Slots. 

minor.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


41 


galericulata.  A.  C. 


VERBENACE^:. 

VERBENA 
officinalis,  C. 

LENTIBULARIE^:. 

PlNGUICUI.A 

vulgaris.  Marals.  A.  C. 
lusitanica.  Herbaulten  Sologne. 
UTRICULARIA 

minor.  Marals.  P.  C.  Etangde  la 

Rousseliere.   Chambord. 
vulgaris.  C. 

PRIMULACEvE. 


palustris.  C. 
LYSIMACHIA 
vulgaris.  C. 
nummularia.  C. 
CENTUNCULUS 

minimus.  Abend,  a  la  Plvrie  prcs 
le  chateau  fie  Chambord;  Pier- 
refilte. 
ANAGALLIS 

phoenicea.  (  LAMK.  )  C. 

—       a  ft.  rouge  a  la  gorge  , 
blanche  an  reste.  Etc. 
Chambord. 
cserulea.  (  LAMK.  )  C. 
tenella.  P.  C. 
ANDROSACE 

maxima.  Extr.  abond.  dans  les 

vignes  ,  sur  une  grande  eten- 

due  de  terrain,    au  S.-O.  de 

Blois.  Souv.  <vers  la  fin  de  mars. 

PRIMULA 


officinalis.  T.  C. 

grandiflora  longistyla.  C. 

brevistyla.  Lafleur  de 

cette  'vanete  est  plus  pale. 
SAMOLUS 

valerandi.  P.  C.  Lords  du  Beti- 
vron  ,  marais  d'Huisseau-en- 
Beauce ,  pare  de  Chambord. 

GLOBULARIEjE, 

GLOBULARIA 

vulgaris.  MouUn-a-^vent  de  Saint. 
Gcrvais  pres  Blois  ;  Rocham- 
beau ,  bois  de  F~illemalin}  dans 
le  Trendomois.  Etc. 

PLUMB  AGINEZE. 

STATICE 

plantaginea.  C. 

PLANTAGINE^:. 


LlTTORELLA 

lacustris.  Abond.  aux  Mares, pres 
la  Croixdel'Ormeau ,  en  Che- 
<verny.  Ete. 
PLANTAGO 

coronopus.  T.  C. 

scrpentina.  Environs  de  Salbris  , 
Pierrefitte ,  Nouan-le-Fuselier. 

arenaria.  C. 

lanceolata.  A.  C. 

media.  C. 

major.  C. 

AMARANTHACE^. 

AMARAKTHCS 
sylvestris.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


blitum.  A.  C.  Romoraniin,  Cour- 

Cheverny,  etc. 
retroflexus.  Abond.  en  Thezeeet 

a  Montrichard. 

CHENOPODEvE, 

POLYCNEMUM 

arvense.  Champ  sd'  Aver  don  etde 

Huisseau-en-Sologne.  Ete. 
CHENOPODIUM 

polyspermum.  A.  C. 

vulvaria.  C. 

glaucum.  A.  C. 

hybridum.  C. 

rubrum.  P.C.  Grevesde  la  Loire. 

Ete. 

album.  (  LINN.  )  T.  C. 
intermedium.  (Kocaef  MERTENS.) 

P.  C.  Ete. 

bonus  henricus.  P.  R. 
ATRIPLEX 

microsperma.  (WALDST.  et  KIT.) 

A.  C. 
angustifolia.  C. 

POLYGONEjE. 

RCMEX 

palustris.  C.  Etangs  des  environs 

de  Rom  o  rant  in. 
pulcher.  T.  C. 
obtusifolius.  A.  C. 
nemolapathum.  C. 
crispus.  T,  C. 
aquaticus.  T.  C. 
acetosa.  C. 
acetosella.  T.  C. 
scutatus.  Vineuil,  en  plus.  endr. 

Por.YGONUM 

dumetorum.  A.  C. 


convolvulus.  T.  C. 
amphibium  aquaticum.  C. 

terrestre.  A.  C. 

hydropiper.  C. 
persicaria.  C. 

incana.  P.  R. 

pusillum.  C. 

riodosum.  (PERSOON.  )  A.  C. 

aviculare.  T.   C.  Ejusque  plures 

varietates. 

THYME  LE^E. 

STELLEKA 

passerina.  C. 
DAPHNE 

laureola.  A.  C. 

SANTALACE^E. 

THESIUM 

linophyllum.  C. 

ARISTOLOCHI^:. 

ARISTOLOCHIA 
clematitis.  A.  C. 

EUPHORBIACE^:. 

Boxes 

sempervirens.  Coteaux  de  la  Cisse 

et  Rochambeau.  Abond. 
EUPHORBIA 

helioscopia.  T.  C. 

platyphylla.  C.  dans  les  environs 
de  JBlois. 

dulcis.  C. 

verrucosa.  A.  C. 

esula.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


43 


salicifolia.  Environs  de  Blois.  C. 
cyparissias.  T.  C. 
exigua.  T.  C. 
peplus.  A.  C. 
lathyris.  A.  C. 
sylvatica.  T.  C. 
MERCURIALIS 

perennis.  P.  T.  C. 
annua.  T.  C. 

URTICEvE. 

PARIETARIA 

diffusa.  (Koca  ef  MERT.)  C. 
URTICA 

pilulifera.  R.Decombres,  a  Onzain. 

dioica.  T.  C. 

ureas.  T.  C. 

HUMULUS 

lupulus.  C. 

AMENTACE.E. 

UMMUS 

campestris  microphylla.  C. 

suberosa.  A.  C. 

major.  A.  C. 

BETULA 
alba.  T.  C. 

AiJTCS 

glutinosa.  T.  C. 
SALIX 

capraea.  C. 

cinerea.  T.  C. 

aurita.  T.  C. 

repens.  Au  S.-O.  cte  notre  de'par- 

tement ,   Souesmes,  Salbris. 
viminalis.  A.  C.  pres  de  Blois. 
monandra.  A.  C. 
triandra.  C,  en  Vienne. 


fragilis.  C.  aux  Saules  ,  pres  de 

Blois. 
alba.  T.  C. 
vitellina.  A.  C. 
POPULUS 
alba.  C. 
tremula.  T.  C. 
nigra.  C. 

—  nana.  T.  C. 
FAGUS 

sylvatica.  C. 
CASTANEA 

vulgaris.  T.  C.  en  Sologne. 
QUERCUS 

cerris.  Gaston  de  France  avait  a 
Blois  un  magn'ifique  jardinbo- 
tanique,  ou,  a  $a  mort,  cirri- 
fee  en    1660  ,    on   comptolt 
2,574  plcmtes ,    tant  especes 
que  varie'te's.  Il  existait  encore 
nagueretrois  grands  individus 
de  quercus  cerris  vers  le  mi- 
lieu de  cet  ancien  jardin,  pro- 
venus    sans  doute  de  glands 
tombes  des  beaux  chenes  qiti  y 
e'taient  aulrefois    :    deux  out 
ete  abattus;  il  n'en  reste  plus 
maintenant  qu'un  seul. 
toza.  Sur  la  limite  du  Cher, 
pubescens.  A.  C. 
racemosa.  T.  C. 
sessiliflora.  T.  C. 
CORYLUS 

avellana.  T.  C. 
GARPIKUS 

betulus.  C. 
MYRICA 

gale.   Cour-Cheverny,    Pruniers , 
Gievres,  Souesmes,  etc. 


44 


PREMIERE  SECTION. 


CONIFERS. 


JDNIPERUS 

romimmis.  T.  C. 


NAYAS 

major.  LeLolra  Vendome,  etc,  C. 


HYDROCHARIDEvE. 

HYDROCHARIS 
morsus-ranfc. 

ALISMACEjE. 

]>UTOMCS 

umbellatus.  A.  C. 
AMSMA 

rammculoides.  C. 

repens.  C. 

natans.  A.  C. 

plantago.  C. 

damasonium.  A.  C. 
SAGITTARIA 

sagittffifolia.  C. 
TRIGI.OCHIN 

palustre.  A.  C. 

POTAMEjE. 

POTAMOGETON 

natans.  T.  C. 

—     fluitans. 

lucens,  ej usque  plures  varietates. 
perfoliatum. 

densum  et  oppositifolium.  A.  C, 
hclerophyllum.  A.  R.  La  Fonte- 

nelle  en  Cheverny. 
oompressum.  C. 
pusillum.  C. 
ZANICHEI.HA 

palustris.  P.  C.  Pont  de  la  Ronce 
en  Cellettes,  et  aillews. 


ORCHIS 

viridis.  A.  C. 
conopsea.  C. 
maculata.  C. 
latifolia.  T.  C. 

incarnata.  (LINN.  FRIES.)  C1, 
laxiflora.  C. 
mascula.  T.  C. 
morio,  ejusque  varietates. 
militaris,  A.  C. 

siraia.  P.  C.  Pare  de  Cheverrif,  etc. 
coriophora.  6'. 
ustulata.  A.  C. 
bifolia.  f. 
hircina. 
OPHKYS 

myodes.  Saint-Gervais,  Cham- 
bon,  Beauregard  en  Cellettes, 
Lavardin. 

aranifcra.  A.  R.  Pres  montueux. 
apifera.  C. 
NEOTTIA 

spiralis.  A.  C. 
rcstivalis.  C. 
EriPAcris 

ovata.  P.  C.  Pigelee,  Saumery,  etc. 
nidus-avis.  A.  R.  Foret  de  Hussy, 
Chambord,  le  Vlvier  en  Cow- 
Cheverny,  etc. 
pallens.  C. 

latifolia.  P.  C.ParcdeChambard. 
palustris.  T.  C. 
MALAXIS 

loeselii.  A.  R.  Pres  marecageujc , 
Cheverny,  Averdon. 


PREMIERE  SECTION. 


45 


IRIS 

pseudo-corns.  C. 

fuetidissima.  P.  R. 
G  T.A  DIOLUS 

communis./J.Porc  cle  Chambord, 
en  deux  endroits.  Juin. 

AMARYLLIDE^E. 

NARCISSUS 

pseudo-narcissus.  Le  Gite-la-Giiet- 

te ,  Averdon ,  la  None.  Mars. 
LEUCOIUM 

aestivum.  Extr.   abond.   dans  les 
preshumides  du  Gue-la-Giiette, 
des  le  commencement  d'avril. 
GAI.AFTUS 

nivaiis.  C.  en  fevrier. 

ASPARAGE^l. 

ASPARAGUS 

officinalis.  Fientspontanem.  dans 
les  vignesdeSoings,  de  Mont. 

CONVALI-ARIA 

multiflora.  C. 

niajalis.  Foret  de  Vendome  et  de 

Freleval,  et  bois  de  Sarge. 
RUSCTJS 

aculeatus.  C. 
TAMUS 

communis.  C. 


a  la  Chdiusec  ,  a.  Menars  ,  a 
Mer. 
FRITII.LARIA 

inelengris.  Chaillcs  ,  Cande,  bois 
de  Brion. 
ASPHODELUS 

allxis.  Foret  dc  firacieux  ,  pare 
de  Ckambord  ,   Saint-  Aignan. 

PllACANGIUM 

ramosum,  T.  R.  Saint-^ignan. 
bicolor.  R.   Pres   le  chateau  de 

Montcollier,  en  F'dlenj.  Juin 

et  ju'dlet. 
SCIT.I.A 

aulumnalis.  P.  C.  Pezay  et  prai- 

rie de  ChaiHes.  Aoitt  et  sept. 
bifolia.  C. 
nutans.  A.  C. 


racemosum.  T.  C. 

comosum.  C. 
GAGEA 

villosa.  A.  C. 
ORNITHOGAI.UM 

umbellatum.  T.  C. 

pyrenaicum.  T.  C, 

Al-ML'M 

splizerocephalum.  Abond.  dans 
les  lies  de  Chouzy,  etc. 

vineale.  Ct 

oleraceum.  Pas  tres  rare  a  V'dle- 
dien,  (Jidtre  sur-C/ier. 

intermedium.  C.  dans  les  vigiics 
a  Savigny.  (  Trouve  ailleurs.  ) 

ursintim.  T.  C. 


COLCHICACE^. 

TUT/IP  A. 

sylvestris.  Extr.  abond.  dans  les     COI.CHICUM 

-vignes  an  sitd-oue$t  de  Dh.is. ,         autunquale.  71  C. 


PREMIERE  SECTION. 


JUNCE/E. 

Jirsr.i  s 

eongiomoratus.  T.  C. 

effusus.  T.  C. 

glaucus.  T.  C. 

siftiarrosus.  Soncsmes  ,   Salbris  , 

Pierrcfitle,  Romorantin. 
ericetorum.  j4.  C,  en  Sologne. 
uliginostis.  (MEYER.)   T.  C. 

—  supiuus.  C. 

—  flu i tans.  A  la  Girau- 

dicre.  Etc. 
pyguueus.  A,  C. 
bufonius.  C. 
tcnagcia.  A.  C, 
bulbosus.  A,  C. 
lampocarpos.  C. 
alpinus.  Pas  tres  rare.  Pivs  ma- 

recageux. 
aculiflorus.  T.  C. 

LUZTJLA. 

vernalis.  C. 
ibrsteri.  A.  C.  Bois. 
eampestris.  C. 

—  congcsta,  P.  C.  Chamber d. 

—  muUiflora.  Taillis  de  la 

none,  alle'e  de  Bury. 

AROIDEvE. 

ARUM 

viilgare.  T.  C. 

TYPHACE^E. 

TYPHA 

lalifolia.  T.  C. 

angustifolia.  C. 
SPARGANIUM 


simplex.  C. 
ramosum.  C. 

CYPERAGE^:. 

CYPERUS 

longus.  A.  C. 

fuscus.  A.  C. 

flavcscens.  Volet ,  en  Cour  Che- 
i>erny ;  la  Pivrie ,  prcs  du  cha- 
teau de  Chambord. 

ScilOENCS 

nigricans.  Cheverny,  Sent;  Thore, 

Sarge. 
albus.   La  Pivrie,  Salbris,  Pier- 

rcfitte.  Septembre. 
SCIRPCS 

palustris.  T.  C. 

—  b.  reptans.  (DEC.  FR.)   C. 

—  g.  intcrmedius.  (DEC.  FR.) 

Sonesmes. 

—  d.  spicis  radicantibus  in 

folia  abeuntibus.  (DEC.) 
A.  C. 

multicaulis.  R.  Chambord. 
boeotbryon./?.  Cliambord,  et  ma- 

rais  de  Conival,  en  Sarge. 
ovatus  ?  A.  R.  Chambord. 
fluitans.  C. 
acicularis.  A.  C. 
setaceus.  P.  R.  en  Chambord. 
micbelianus.  A.  R.  Greves  de  la 

Loire. 

cespitosus.  Sonesmes. 
lacustris.  T.  C. 
niaritimus.  A.  C. 
sjlvaticus.  P.  R. 
CAREX 

pulicaris.  A.  C.  Soitesmes. 
disticha.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


47 


vulpina.  C. 

divulsa.  P.  C.  Bois  humides. 

inuricata.  C, 

paniculata.    Pres   da   bourg    de 
Cour-Cheverny.  Abond. 

ovalis.  C. 

schreberi.  Cheverny,  au  s.-o.  de  la 
Porte-Dore'e  ;  cot.de  S.-t'ictor. 

brizoides.  Fonts-  Chartrains. 

stellulata.  P.  R. 

remola.  A.  C.  Bord  des  fosses. 

cespitosa.  T.  C. 

stricta.  C. 

acuta.  C. 

tomenfosa.    P.  C.  Val  de  Saint- 
victor.  Etc. 

pilulifera.  A.  C. 

praecox.  T.  C. 
glauca.  C. 
hirta.  C. 
flava.  T.  C. 

—  oederi.  C. 

hornschachiana.    (  HPP.  REICH.  ) 
war.  binervis.  Saint-Gervais  , 
Chambord)  etc. 
distans.  C. 
panicea.  C. 
pallescens.  A.  C. 
patula.  T.  C. 
pseudo-cyperus.  Cheverny,  Cour- 

Che  verity,  Clio  it  zy.  P.  C. 
vesicaria.  C. 
ampullacea.  Abond.  en  I'etangde 

la  Roussel&re ,  en  Cheverny. 
paludosa.  C. 
riparia.  T.  C. 


GRAMINEJ2. 


ANDROPOGON 


ischoemum.  A.  C.  Levees  de  la 

Loire,  etc. 
CYNODON 

dactylon.  T.  C.  en  Sologne. 

DlGlTARIA 

filiformis.  C. 
sanguinalis.  C. 
LEERSIA 
oryzoides.  A.  C.  a  Cour-Cheverny 

Salbris. 
CALAMAGROSTIS 

epigeios.  T.  C. 
AGROSTIS 

alba.  C.  Ej  usque  plures  varietatos. 

—  decumbeus.  T.  C. 
vulgaris.  T.  C. 

—  pumila.  R.  Cour-Chever- 

ny. Etc. 
rubra.  A.  C. 
canina.  T.  C. 

interrupta.  P.C.  Vignes,moissons. 
spica-venti.    T.  C. 
GASTRIDIUM 
lendigerum.   (  DESFONT.  )    P.   C. 

Bois  du  Riou,  en  Tour,  etc. 
M  ILIUM 

effusum.  C. 
PANICCM 

crus-galli  muticum.  C. 

—       aristatum.  A.  C. 
glaucum.  P.  R. 
viride.  6\ 

verticillalum.  T.  C. 
PHALARIS 
arundinacea.  C. 

phleoides.  A.  C.  Collines  arides. 
PHLEUM 

pratense  elongatum.  C. 

—         nodosum.  C. 
ALOPECURUS 


48 


PREMIERE  SECTION. 


pratensis.  T.  C. 
agrestis.  T.  C. 
geniculatus.  A.  C, 

AlfTOXAHTHUM 

odoratum.  T.  C, 
MELICA 

uniflora.  C. 
Aiaorsis 

agrostidea.  P.  R.  en  Sologne,  siir 
les  bords  des  clangs ,  etc. 

AtRA 

cnpspitosa.  C. 
ilexuosa.  C. 
raryopbyllea.  C. 
canescens.  C.  Lieux  sablonneux. 

AVENA 

mollis.  C. 

Janata.  C, 

clatior.  T.  C. 

flavescens.  T.  C. 

pratensis.   R.  Stir  les  coteaux  a 
Couture. 

pubescens.  A.  R.  CUnord. 

fatua.  C. 

strigosa.    P.   C.  Cour-Chev erny , 

parml  les  avoines  cultivees. 
DANTHONIA 

decumbens.  C. 
BROMCS 

secalinus.  C. 

mollis.  T.  C. 

arvensis.   C. 

erectus.  C. 

racemosus.  C. 

asper.  P.  R.  dans  les  bois. 

giganteus.  A.  C.  dans  les  bois. 

sterilis.  T.  C. 

tectorum.  T.  C. 
FESTUCA 

uniglumis.   (  Arr.  F.   bromoides 


LINN.  )  Bords  de  la  Loire. 
ciliata.  Irouvee  en  i836  en  Huts- 

sea u  ou  Chambord. 
pseudo-myuros.  (SOYER.) 
sciuroides.  (Rora.)  T.  Ct 
duri use ula.  T.  C. 

—  glauca.  C. 
rnbra.  C. 

heterophylla.  4.  C.  Bois. 
ovina.  C.  en  Sologne. 
arundinacea.  P.  li. 
elatior.  T.  C. 

—  loliacea.  P.  C. 

MOLINIA 

crerulea.  (  MOENCH.  )  C. 
A RUN DO 

phragmites.  C. 
DACTYLIS 

glomerata.  T   C. 

KOELERIA 

cristata.  A.  C. 
TOA 

compressa,  ejusque  plures  variet. 
bulbosa.  C- 

—  vivipara.  A.  C. 
trivialis.    C- 
pratensis  vulgaris.  T.  C. 

—  angustifolia.  A.  C. 
nemoralis,  ejusque  plures  variet. 
aimua.  Extr.  com. 

aquatica.  A.  C. 

rigida.   P.    R.,  abond.  a  Thorc , 

dans  les  cliamps. 
mogastachya.  C. 

pilosa.  C.  sitr  lesgreves  de  la  Loire. 
airoides.  A.  C.  Mares etrnisseaux. 
fluitans.  Extr.  com.  en  Sologne. 
BRIZA 
media.   C. 
minor.  R. 


PREMIERE  SECTION. 


49 


crislatus.  C. 
CHAMAGROSTIS 

minima.  T.  C.  en  Salogne. 


stricla.  A.  C.  Sables  hnmides. 

jEGILOPS 

ovata.  Rocliers  du  Gue-du-Loir. 
TRITICUM 

caninum.  Bury. 

repens  muticum.  C 
—     aristatum.  A.  C. 

pinnatum.  C. 

sylvaticum.  C. 

poa.  A.  R. 

tenuiculum.  A.  C. 

nardus.  C. 
LOLIUM 

perenne.  T.  C. 

temulontum.  A.  C. 

mnltiiloruni.  A.  C. 

arvense.  (  WITH.  )  T.  R.  Parmi  le 
chanvre  ,  en  Savigny,  Etc. 

HORDEUM 

murinum.  T.  C. 
secalinum.  A.  C. 

LEMNACEtfl. 

LEMNA 
trisulca.  C. 
minor.  T.  C. 
polyrhiza.  C. 

CHARACEJE. 

CHARA 

vulgaris.  A.  C. 
tomentosa.  A.  C. 
hispida.  A.  C. 


capillacea.  Fontaine  de  la  Folle- 

tiere,  en  Tour. 
flexilis.   Mare  de  Vittesavin;   en 

Cheverny  ;  Salbris. 
translucens.  Salbris. 

EQUISETACE^]. 

EQUISETUM 
arvense.  C. 
fluviatile.  A.  C. 
palustre.  C. 
limosum.  C. 

multiforme  variegalum.    Sables, 
pres  I'octroi  de  Saint-Gervais. 

—         ramosum.  Ibidem. 
hyemale.  Au  pont  de  St-Gervais, 
ducdidde  ftenne. 

FILICES. 

OPHIOGLOSSUM 

vulgatum.    Chambord ,     Tour   et 

Huisseau,  enSologne. 
OSMUNDA 

regalis.  P.  R. 
CETERACH 

officinarum.  A.  C.  Rockers ,  ineux 

murs. 
POLYPODIUM 

vulgare.  T.  C. 

POLYSTICHUM 

tlielypteris.  C.  dans  les  marais. 
callypteris.    Aux  Vaux-Jagots , 

pres  de  Blois. 
dilatatum.  A.  C. 
filix-mas.  C. 
aculeatumi  Savignv,  Bontieveau, 

les  Grouets ,  etc. 
ATHYRIUM 


50 


PREMIERE  SECTION. 


lilix-iiemina.  C. 

ASPLENIUM 

lanceolatum.  C.  dans  les  hales  de 
Blois,  aux  Groitets ,  paries 
hauts,  pres  du  climat  de  Bois- 
Blanc;  Chambon. 

adianthum  nigrum.  C. 

ruta-muraria.  C. 

trichomanes.  C. 

SCOLOPENDRIIJM 

officinale.  C. 
PTERIS 

aquilina.  T.  C. 
ADIANTHUM 

capillus-veneris.  Font,  de  Mont- 
Rion,  en  Cellettes  ;  un  des puits 
de  la  Chaussee-St-Fictor. 

MARSILEACEyE. 

MARSILEA 

quadrifolia.  Fosses  des  Fonts- 
Cliartrains. 

PlT.UI.ARIA 

globulifera.  Etangs  de  Cheverny 
et  de  CoM'-Cheverny. 

LYCOPODIACEjE. 

LYCOFODIUM 

inundatum.  S.-E.  dudepartement, 
Pierrefitte-sur-Sauldre. 

MUSCI. 

POLYTRIC.UUM 

juniperinum.  T.  C. 

piliferum.  C. 

commune.  C. 

formosum  (  HEDW-IO.)  T.  C. 


subrotundum.  T.  C. 
undulatum.  C. 
BARTRAMIA 

pomiformis.  Les  Grouets ,  etc. 
fontana.  A.  C. 

FUITARIA 

hygrometrica.  T.   C. 
BRYUM 

palustre.  C. 

ligulatum.  C. 

hornum.  C. 

cuspidatum.  A.  C. 

ptmctatum.  Pas  trcs  com. 

argentcum.  C. 

ca pi  Hare.  C. 

cespititium.  C. 

ctudum.  Etang  de  la  Roiisselicrc  f 

en  Cheverny. 
DAI.TO^IA. 

heteromalla.  Pezay  et  bureau  de 

I' octroi  de  St-Gervais. 
NECK.ERA. 

crispa.  Rocliers  de  Pezay. 

viticulosa.  C. 

curtipendula.  Fortt  de  Blots ,  ro- 
ckers de  Pezay. 
FcmxraALis 

antipyretica.  T.  C. 
HYPNUM 

complanatum.  T.  C. 

trichomanoides.  Foret  de  Hussy. 

denticulatum.         Ibidem. 

riparium.  C. 

dendroi'dcs.  Foret  de  Hussy. 

alopecurum.  C. 

purum.  C. 

schreberi.  Bois  des  Bons-Camrs , 
en  Cour- Cheverny,  etc. 

murale.   Au  pied  de  1'egUse  de 
Saint-Nicolas  de  Blois ,  etc. 


PREMIERE  SECTION. 


51 


serpens.  P.  R. 

sericeum.  T.  C. 

lutescens.  T.  C. 

uitens.  R.  Cheverny ,  preslePont- 

Rouge. 
splendens.  C. 
proliferum.  T.  C. 
myurum.  C. 

myosuroi'des.  Foret  de  Russyt 
abietinum.  Rochersde  St-T iztoret 

moulin-a'-vent  de  St-Gervais. 
prjelongum.  C. 
strigosum.  Moulin  de  Mace. 
piliferum.  Bosquet  des  Fees ,   en 

Cour-Cheverny. 
rutabulum.  T.  C. 
rusciforme.  A.  C. 
confertum. Presbyt. de  Cour-Chev. 
striatum.  T.  C. 
cuspidatum.  C. 
loreum.  Foret  de  Blois. 
stellatum.  A.  C. 
squarrosum.  Foret  de  Blois. 
brevirostrum.       Ibidem. 
triquetrum.  T.  C. 
medium.  Environs  de  Blois. 
filicinum.  Cellettes,  Cheverny,  etc. 
commutatum.   Pres    Beaumont , 

Cour-Cheverny. 
aduncum.  C. 
fluitans.  C. 

rugosum.  C.  aux  environs  de  Blois . 
scorpioi'des.  C.Etangdela  Rous- 

seliere,  en  Cheverny. 
repens.  Dans  les  saules  creuxsur- 

tout. 
cupressiforme.  Extr.  C.  etoffrant 

un  grand  nomlre  de  varie'te's. 
molluscum.  A.  C. 
LEUCODON 


sciuroides.  A.  C. 
PTERIGYNANDRUM 

gracile.  Rockers  de  Pezay  et  de 
Thore,  et  aux  Grouets. 

TORTULA 

rigida.  Saint-Gervais. 
muralis.  A.  C. 
ruralis.  C. 
subulata.  C. 
unguiculata.  C. 
DIDYMODON 
puqiureum.  C. 

DlCRANL'M 

viridulum  a.  exile.  Talllis  de  la 
None. 

taxifolium.  6. 

glaucum.  P.  R. 

scaparium.  C. 

heteromallum.  A.  C. 
WEISSIA 

controversa.  A.  C. 

cirrhata.    Bonde    de   Vetang  de 
Chercherel,  en  Cour-Cheverny. 
THESANOMITRION 

flexuosum.  Coteaux  de  Pezay. 
ENCAI.VPTA 

vulgaris.  A.  C. 
CINCLIDOTUS 

fontinaloides.  Adherant  aux  sau- 
les ,  pres  Montigny. 
TRICHOSTOMUM 

canescens.  T.  C. 
GRIMMIA 

pulvinata.  T.  C.  &•  .HTH 

apocarpa.  C. 
ORTHOTRICHUM 

anomalum.  C. 

affine.  A.  C. 
—     pumilum.  P.  R. 

diaphanum.  Pris  ou? 


52 


PREMIERE  SECTION. 


slriatum.  C. 

crispum.  Rochers  deSt-Victor. 
DIPHYSICUM 

foliosum.  Aux  f^aux-Jagots,  dans 

les  Groitets. 
ANICTANGIUM 

ciliatum.  A.  C. 
GYMNOSTOMLM 

truncatulum.  P.  ft. 
SPHAGNUM 

obtusifolium  vulgare.  C. 

acutifolium.  A.  C. 
PHASCUM 

crispum.  Aux  Sablons,  en  Conr- 
Cheverny. 

subulalum.  A.  C. 

muticum.  P.  R. 

ciispidatum.  Aux  Sablons. 

JUNGERMATN'NLE. 

JlJNGERMANNIA 

bicuspidata.  A  la  None. 

complanata.  C. 

hidentata.  C. 

platypbylla.  C. 

lievigata.  Taillis  de  la  None. 

dilalata.  Ibidem. 

tamarisci.  T.  C. 

pinguis.  Etang  dc  la  Rousseliere. 
MARCHAMTIA 

polymorpha.  C. 
RICCIA 

fluilans.  A.  C. 

cavernosa.  Sur  la  vase  que  la 
Loire  en  se  retirant ,  apres  les 
crues  d'ete,  a  laissee  depuis 
quelqite  temps  a  decowert , 
dans  des  endroits  ombrages. 


LICHENES. 

ENDOCARPON 

hedwigii.  Surlaterre,  a  Baillon. 
UMBILICARIA 

pustulata.  Abond.  a  la  butte  de 

la  Meute,  en  Sarge, 
PELTIGERA 

liorisontalis.  A.  C. 
canina.  T.  C. 
—     tectorum.  Bourg  de  Cour- 

Cheverny. 
scutata  b.  collina.  A  la  montc'e  de 

Saint-Gercais. 
STICTA 

pulmonacea.  A.C.  Foret  de  Russy. 
PARMELIA 
perlata.  C. 
acetabulum.  C 
caperata.  T.  C. 
tiliacea.  C. 

—     scortea.  A.  C. 
saxatilis.  C. 
omphalodes.  C.  sur  les  pelouses, 

a  Savigny. 
olivacea.  C. 
physodes.  C. 

lanugiriosa.  boitrg  de  Cour-Chev. 
aleurites.  P.  C.   Dans  un  chenc 

creux ,  etc. 

ulotbryx.  P.R.  Tronc  de  noyer. 
pulverulenta.  T.  C. 
stellaris.  C. 
coesia.  Sur  du  prunellier,    Conr- 

Cheverny. 

pithyrea.  Tuiles  d'un  toit. 
parietina.  Extr.  C. 
candelaria.  T.  C.  Roches,  murs. 
PANNARIA 

rubiginosa.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


53 


COLLEMA. 

nigrescens.  C. 

jacobeaefolium.  Rochers  de  Saint- 

Fictor,  etc. 

scotinum.  Pres  le  pare  de  Beau- 
regard. 

furvum.  Ibid,  et  dans  ce  pare  ineme. 
crispum.  A.  <?. 
PHYSCIA 

prunastri.  Extr.  corn, 
chrysophthalma.  A.  C. 

b.  denudata, 

ciliaris.  Extr.  com, 
tenella.  C. 


fraxinea.  C. 
fastigiata.  C. 
farinacea.  C. 

USKKA 

barbata  florida.  Foret  dc  Blois.  A.  C. 

iiirta.  C. 

plicata.  Foret  de  Blois. 
CORNICULA.RIA 

aculeata.  T.  C.  a  In  butte  de  la 

Meute,  en  Sarge. 
CENOMYCE 

UDcialis.  Abond.  dans  les  bois  a 
Sarge. 

sylvatica.  T.  C. 

—  laxiuscula.  C.  a  Sarge. 

—  puruila.  C. 

rangiferina.  C.  -•*?**  i 

pungens.  C. 

—  foliosa.  C. 
— •     nivea.  A,  C. 

—  axilliflora.  Saint-Gerveus. 
rauricata.  A.  C. 

furcata.  C. 

—  fastuosa. 
racemosa.  C. 


—  r-     humiiis.  Foret  de  Russy. 
gracilis.  A.  C. 

squamosa.   Chambord  ,  foret  de 

Hussy. 

delicata.  A,  C, 
fascicularis  var.  albicans.  C. 
cornuta.  T.  C. 

—  ramosa.  C. 

—  abortiva.  P.  R. 
pyxidata  simplex.  T.  C. 

—  longipcs.  A.  C.  .&qn* 

—  prolifera.  P.  R. 

—  tubreformis.  A.  C. 

-—     neglecta.  Sanies  ci-eux  ct 
-foret  de  Russy. 

—  syutheta.  Beaumont  ,  en 

Cour-Chevernj  ,  etc. 

—  fimbriata.  A.  C. 

—  conistea.  Bois  de  la  Bijaic. 


pocillum.  P.  R. 

endiviaefolia.  C. 

alcicornis.  A.  C. 

cladomorpba    var.    cassia.    C.  en 

Cour. 

cariosa.  Fontaine  en  Sologne. 
coccifera.  C. 

—  obconica.  (DEHSE.)  P.  C. 

—  azotea.  Pins,  en  Fontaine 

en  Sologne. 
digitata.  C. 

—  scabriuscula.(DELisE.)/)./?. 

—  macropbylla.  Sur  un  chene 

pourri. 
bacillaris.  Pins  de  la  Sistiere. 

BOEOMICES 

ericetorum.  C. 
rufus.  A.  C. 
CAMCIUM 

quercinum.  P.  R. 


PREMIERE  SECTION. 


clavicularc.  Sanies  blancs  creux. 
OPEGRAPHA 
radiata.  A>  C, 
iiotha.  C. 

—  vulvclla.  T,  C. 
inacularis  faginea.  C. 
—       quercina.  C. 
lierpetica.  Sur  le  tremble. 
atra.  T.  C. 
sulcata.  A.  C. 
scripta.  C. 

—  cerasi.  A.  C. 

—  pulverulenta.  C. 

—  serpentina.  Ecorce  d'orme. 
STIGMATIDIUM 

crass  urn.-  Bois  prive  d'e'corce. 


epidermidis.  A.  C. 
punctiforrois.  A.  C, 
nitida.  C. 

epigwa.  C,  a  Baillou. 
PATELI.ARIA 
petriva.  C. 

uliginosa.  C.  a  Sarge. 
nigra.  T.  C. 
parasema.  T.  C. 

—  limitata.  C* 

—  punctata.     Chdtalgners 

sans  e'corce. 
sabuletorum.  St-  Gervais  ,  moulin- 

a-vent. 
immersa.  C. 
enteroleuca.  C. 

albo  cierulescens.  Rocs  ,  Coitr-Ch. 
eorticola.  C. 

epipolia.  3/ure  da  pare  de  Flllesavin. 
t'erruginea.  T.  C, 
rnpestris.  Cour-thcv.,  Peiay,  etc. 
geograpbica.Pe^rtj,  Thore,  Sarge, 
atroalba.  Clenord  ,  Thore. 


PSOHA 

vesicularis.  A.  C. 

decipiens.    Moulin-  a-  rent  de  St- 

Gervais. 
SQUAMMARTA 
crassa.  C. 

carlilaginea.  Beaumont ,  Cour-Ch. 
diffracta.  Pezay  et  TltorJ. 
PLACODIUM 

radiosum.  P.  li. 

albescens.    Croir,-  aux-Morts  ef 

Co  ur-C  heverny. 

ocellatum.  C.  aux  rochers  de  Pe- 
zay. 

canescens.  Foret  de  Russy. 
murorum.  A.  C. 
LECANORA 

vitellina,  A.  C. 

salicina.  P.  R. 

citrina.  C. 

luteo  alba  b.  aurautiaca.  Lebreuil 

de  Cheverny. 
cerina.  C. 

—  cj  anolepra.  Peuplier,  trem- 

ble. 
subfusca.  Ejctr.  com* 

—  atrynea.  Thore. 
varia.  T.  C. 
parella.  C. 

albella.  C. 
angtilosa.  A.  €< 
lutescens.  C. 
atra.  P.  JR. 
URCEOLARIA 
scruposa.  C. 

—  thallo  cladoniae.  Coitr-Ch. 
opegraphoides.  P.  JR. 

ciiicrea.  C. 

—  polygonia.  A,  C. 
calcaria  contorta.  P.  R. 


PREMIERE  SECTION. 


55 


PERTUFARIA 

communis.  T.  C. 

COTUOCARPOIf 

cinnabarinum.  A.  C. 

ILYPOXYLA. 


bypoxylon.  C. 

punctata.  P.  R. 

fragiformis.  A.  C. 

fusca.  T.  C. 

stigma.  Bois  sec. 

disciformis.  Bois  ton,bd  par  terre. 

scabrcsa.  Orme  prive  d'ecorce. 

(juercina.  C. 

spinosa.  Figuier  mort. 

pulchella.  P.  tres  rare. 

coccinea.  Figuier  mort.          .^; 

melogramma.  P.  R. 

spartii.  A.  C. 

Junii.  A.  C. 

Galii.  Saint-Gervais. 

fimbriata.  T.  C. 

J>yssiseda.  C.  clans  les  sanies  creitx. 

tili«ie.  Cour-Chevernr. 

conigena.  A.  C. 

atrovivens  b.  buxi.  Pezar  et  Ro- 

chambeau* 
acuta.  A.  C. 
scirpi.  A.  C. 

herbartim.  Feves  dt  marais. 
punctiformis.  T.  C. 
buxicola.  Pezay  et  Rochambeau. 
ilicicola.  A.  C. 
hederfficola.  P.  R. 
frondicola.  Peuplier.  A.  C. 
acericola.  P.  R. 
castaneaecola.  C. 


cornicola.  A.  C. 

rubi  (rubicola).  P.  R. 

convallarifficola.  A.  C. 

brassicrccola.  La  Ravinlcre.  >  , 

ulmicola?  Nobis. 

crata?gicola  ?  Notes.   Sur  le  cra- 

tsegus  tormiualis. 
tilicecola.  A.  C. 
pyricola.  C. 
lilacicola.  P.  C. 

DOTHIDEA 

ribesia.  A.  C. 

sambuci.  A.  R. 

rubra.  C. 

ulmi.  T.  C. 

ulmaria?.  A.  C. 

alnea.  P.  R. 
HYSTERIUM 

pulicare.  C. 

fraxini.  A.  C. 

rubi.  C. 

commune.  A.  C. 

scirpinum.  C. 

arundinaceum.  P.  R. 

culmigenum  b.  graminum.  .-/.  C. 
PHACIDIUM 

tini.  Cour-ChevernY. 

dentatura.  T.  C. 

arundinaceum.    A.    C.  (Armulo 

phragmites.) 
RHYTISMA 

salicinum.  T.   C. 
acerinum.  T.  C.    . 
punctatum.  Pare  de  Keanrnont. 
onobrycbis.  Cour-Cheverny. 
saponariae.  Ibidem. 
CYTISPORA 

chrysosperma.    Troncs   de  pen- 


plii 


50 


PREMIERE  SECTION. 


FUNGI. 


HVMENELI.A 

rubella.  C. 
DACRYMICF.S 
urtic«e. 


fimbriata.  P.  R. 
mesenterica.  C. 
sarcoides.  A.  C. 

F.XIDIA. 

gland  ulosa.  C. 
CENANGIUM 

quercinum.  T.  C. 
BULGARIA 

inquinans.  T.  C. 

PfZfZA. 

acetabulum.  P.  R. 

coccinea.  C. 

cochlea  la.  Cour-Chevern-y. 

epidendra  de  BULLIARD.  C. 

hoemisphxrica  var.   subterranea. 
/Jaillon  ,  bois. 

virginea.  Foret  de  Blois. 

bicolor.  Aux  Sablons,  en  Cour- 
Cheverny. 

ciuerea.  Volet,  en  Cour-Cheverny  . 

coriacea.  P.  R. 

patellaria.  Copeaux  de  chene. 
HKLVELLA 

brevipes.  R.  Clenord. 

crispa  a.  alba.  Cour-Cheverny. 

—     b.  fulva.       Ibidem. 
MORCHELLA 

esculenta.  C. 
LEOTIA 

gelatinosa.  Pare  de  Cliambord. 
TYPHULA 

filiformis.  Foret  de  Russy.  • 
SFATHULARIA 


flavida.  Pare  de  Pezay, 
CLAVARIA 

cornea.  A.  C. 

girans.  (BATSCH.)  Pezay. 

vermiculata.  A.  C. 

pistillaris.  Foret  de  Russy  ;  bois 
des Sons-Cceurs ,  en  Cour-Che- 
verny. 

pratensis.  La  Raviniere,  etc. 

cinerea.  Foret  de  Russy. 

flava.  Tres  a  bond,  pres  le  chateau 

de  Beauregard,  en  Cellettcs. 
MERISMA 

cristatum.  Pare  de  Chevcrny. 
TELEPHORA. 

terrestris.  P.  R.  en  Cour-Chev. 

hirsuta.  T.  C.  Ej usque  plures  ya- 
rietates. 

tabacina.  R. 

rubiginosa.  A.  C. 

corticalis.  C. 

disciformis.  A.  C. 

coerulea.  A.  C. 
CONIOPHORA 

membranacea.  Sur  une  pout  re 
de  chene. 

AURICITLARIA 

mesenterica.  C. 
HYDNUM 

repandum.  A.  C. 

cyathiforme.  A  Mont-Rion  ,  en 
Cellettes. 

erinaceus.  Foret  de  Russy. 

membranaceum.  T.  C. 

niveum.  Sur  un  saule  creux. 

barba-Jovis.  P.  R. 
FISTULIWA 

hepatica.  C.  Foret  de  Russy,  etc, 
BOLETUS 

luleus.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


57 


piperatus.  A.  C. 

subtomentosus.  Sejuin,  en  Chev. 
luridus.  Ibidem. 

—  tuberosus.  Cheverny. 
castaneus.  T.  C. 

edulis.  C. 

viscid  us  a.  scaber.  A.  C. 

—  b.  aurautiacus.  P.  It. 
felleus.  A.  C. 
cyanescens.  C. 

POLYPORUS 
pereunis.  C. 

lucidus.  A.  C.  >.(&». 

sulphurseus.  Trouve  trois  fols. 
hispidus.  Foret  de  Russy. 
hirsutus.  P.  R. 
zonatus.  R. 
versicolor.  C. 
dryadeus.  A.  C. 
fomentarius.  P.  R. 
igniarius.  A.  C. 

—       b.  pomaceus.  C.  en  Cour- 

Cheverny. 
ribis.  C. 
conchatus.  Foret   de    Russy,   att 

pied  d'un  hetre. 

\ulgaris,  ejusque  plures  varietates. 
radula.  C. 
squamosus.  P.  R. 

D /ED  ALE  A 

variegata.  C. 

unicolor.  A.  C. 

confragrosa.  A.  R.  Fontaine  en  SoL 

sepiaria  b.  tricolor. 

betulina.  Cheverny. 

querciua.  T.  C. 

SCHYZOPHYLLUM 

commune.  Trouve  deux  fols. 
MERULIUS 

scrpens.  A.  R.Echalats  de  pin. 


tremellosus.  Pare  de  Pezay. 
CANTHARELLUS 

laevis.  A.  C.  en  automne. 
retirugus.  Saint-  Gervais. 
cornucopioides.  Foret  de  Rusty, 
bols   des  Bon s-Coeurs ,  de  la 
Morliere,  etc. 
cibarius.  A.  C. 
AGARICUS 

cinereus  b.  tomentosus.  A.  C. 
gossypinus.  A.  C. 
micaceus.  P.  R. 
deliquesceiis.  A.  C. 
atramentarius.  P.  R. 
comatus.  Trouve  deuxfois. 
striatus.  A,  C. 
appendiculatus.  P.  R. 
lacrymabiindus.  Pare  de  Chev. 
lateritius.  C. 
campestris.  T.  C. 
variabilis.  Sur  un  tronc  de\  chene. 
involutus.  Guedu  Veau,  en  Cour- 

Cheverny. 

aureus.  Pare  du  Gue-la-Guette. 
lanuginosus.  Foret  de  Russy. 
castaneus.  Les  bois. 
ileopodius.  Lois  des  Bons-Cozurs. 
violaceus.  C. 
prunulus.  C. 
stypticus.  A.  C. 
ulmarius.  P.  R. 

petaloides.  Trouve  line  seule  fbis. 
salignus.  Trouve  deux  fois. 
glandulosus.  Trouve  une  fois. 
inconstans.  Id.  Pare  de  Cheverny. 
orcellus.  Aux  Ruaux  ,   en  jChe- 

verny. 

galericulatus.  A.  C. 
rot ula.  C. 
clavus.  P.  R. 


58 


PREMIERE  SECTION. 


oreades.  C. 

umbelliferus.  C. 

gibbus  b.  geotropns.  P.  R. 

infundibuliformis.  Foret  de  Russy. 

dryophilus.  P.  R. 

arcuatus.  C. 

laccatus  b.  amethysteus.  A.  C. 

dentatus.  C. 

virgineus.  6. 

nebularis.  Foret  de  Russy. 

piperatus.  Extr.  com. 

plumbeus.  P.  R. 

theiogalus.  C. 

necator.  P.  R. 

ruber.  C. 

acerbus.  C.  dans  les  pelouses  de 

Cour. 

eburneus.  P.  R. 
annularius.  C. 

grannlosus.  Trouve  plusieiirsfois. 
procerus.  T.  C. 
muscarius.  T.  C. 
caesareus.  Environs  de  nlois ,  de 

Vendome,  etc. 
vaginatus.  T.  C. 
phalloides.  C 
(J'al  re'colteune'vingtaine  d'au- 

tres  agarics  aue  je  n'ai  pas 

determines.} 
PHALLUS 

impudicus.  P.  R. 

LYCOPERDACEjE. 

SCLERODERMA 

aurantium.  Le  Giie-ta- Guette  et 

Chambord.  Automne. 
verrucosum.  T.  C. 
cervinum.  Vne  settle  localite,  pres 

la  Chaise ,  en  Tour, 


GEASTRUM 

hygrometricum.  Frichedela  Fol- 

letiere,  en  Tour.  Juin. 
rufescens.  Pares  de  Chambord  et 

Cour-Cheverny.  Octobre. 
BOVISTA 
gigantea.    Trouve   une   seule  fois 

dans  le  pare  de  Cheverjiy. 
LYCOPERDON 

gossypinum.  Pare    du   Gue'-la- 

Guette. 

pyriforme.  P.  R. 
echinatum.  C.  dans  les  bols  de 

pins. 

pratense.  C. 

Ccelatum.  Trouve  en  plus,  endroits. 
TULOSTOMA 

brumale.  Pezay,  Saint-Gervais. 
ASTEROPHORA         f. 

lycoperdoides.  B.  des  Sons-Ccettrs, 

en  Cour-Cheverny.  Octobre. 
TRICHIA 

fallax.  C. 
PHYSARUM  ) 

mi  tans.  Pare  de  Pezay. 
FULIGO 

flava.  Sur  un  pieu. 
hortensis.  Trouve  deux  fois. 
SPUMARIA 

alba.  C.  Automne. 
TRICHODERMA 

viride.  A.  C. 
CYATHUS 

striatus.  Pare  de  Pezay. 
crucibulum.  Surun  toil  de  chaume 
dont  la  superficie  etait  reduite 
en  terreau.   Cheverny. 
TUBER 

ci barium.  Pare  de  Chev.,  un  petit 
b.  de  Thoreetles  2 p,  de  Menars. 


PREMIERE  SECTION. 


59 


RHIZOMORPHA 

fragilis.  Foret  de  Blois. 
ERYSIPHE 

communis.  P.  R. 

divaricata  b.  lonicerae.  Tour. 

guttata  coryli.  A.  C. 
—     fraxini.  La  Bourdonniere 

en  Cheverny. 
SCLEROTIUM 

clavus.  T.  C. 

muscosum.  Foret  de  Blois.  Etv. 
XVLOMA 

populinum.  A.  C. 

salicinum.  C. 
ILLOSPORIUM 

roseum.  Pezay. 

UREDINEJE. 

TUBERCULARIA 

vulgaris.  C. 

confluens.  P.  R.  sur  du  noyer  mort. 
EXORPORIUM 
eryngii.  T.  C. 

minutum.  Tiges  de  solanum  tube- 
rosum  entassees  dehors. 

DlDYMOSPORIUM 

complanatum.  Sur  unpieude  noyer. 
MELANCONIUM 

sphaerospernum.  Sur  les  tiges  de 

roseau  tombees  par  terre. 
ovatum.   Sur  un  tronc  de  noyer 
abattu.  M(j 

N^EMASPORA 

crocea.  Sur  du  peuplier. 
PHRAGMIDIUM 

incrassatum  a.  mucronatum.  Rosier. 
—         b.  bulborum.  feuilles 
dc  ronces. 

TlUrHRAGMIUM 


isopyri.  P.  R. 
PUCCINIA 

buxi.  Rochambeau. 

graminis.  C. 

arundinacea.  C. 

compositarum.  Sur  les  calcitrapa. 

umbelliferarum.  Trouve  sur  I'd' 

gopode. 

pruni.  Trouve  en  abond.  a  Clenord. 
adoxte.  Foret  de  Russy,  Printemps. 
calthae. 

betouicae.  Pare  de  Chambord. 
UREDO 

Candida.  C. 

tussilaginis.  A.  C. 

rosae.  T.  C. 

ruborum.  C. 

potentillarum.  C. 

campanula1.  Pezay,  Rochambeau. 

rhinanthacearum.  A.  C. 

longicapsula  copulina,  C. 

betulina.  A.  C. 

vitellinae.  Surle  saule  fragile }  etc. 
capraearum.  A.  C. 
lini(lincalhartique).  A  Croteau. 

Etc. 

scutellata.  T.  C. 
epilobii.  Trouve  aux  Montils. 
fabae.  Sur  plus,  legumineuses,  et 

la  five  de  marais  elle-meme. 
appendiculata.  C.  sur  les  feuilles 

de  haricots,  etc. 
geranii.  P.  R. 
valerianat;.  A.  C. 
iridis.  Bourg  de  Tow, 
rubigovera.  C. 
rumicutn.  A.  C. 
violarum.  P.  R. 
labiatarum.  A.  C. 
calthae.  A.  C. 


60 


PREMIERE  SECTION. 


carbo.  T.  C. 
caries.  T.  C. 

urceolorum.  Pare  de  Pezay. 
receptaculorum.  C. 
antherarum.  Pezay. 


cancellatum.  T.  C. 
laceratum.  Sur  Faubepin. 
berberidis.  A.  C. 
ranunculacearum.  Trouve  pres  de 

Centres. 
crassum.  A.  C. 
irregulare.  A.  C. 
barbarese.  P.  R. 
convallarise.  Archange,   en  Che- 

verny.  P.  R. 

clematidis.  Coteaude  St-Vlctor. 
grossulariae.  Trouve  en  Tour. 
rubellum.  A.  €. 
euphorbiarum.  C. 
coronillze  variae  (  leguminosarum  ). 

Saint  -Gervais. 
valerianarum.  Etang  de  la  Rous- 

seliere. 

MUCEDINEjE. 


ERINEUM 

tiliaceum.  C. 

juglandis.  C. 

pyrinum.  Pas  trts  rare. 

acerinum.  A.  C. 

vitis.  T.  C. 

rhamni.  Trouve  une  fo'is. 

a  Inc.  urn.  C. 

fagineum.  Foret  de  Russy. 

aureum.  (PERSOON.)  Pcuplier  nolr; 
a  I'etang  de  la  Nouc ,  en  Lan- 
thenay,  a  deux  lleues  de  Romo- 
rantln,  et  allleurs. 


MUCOR 

fimetarius.  C. 
ramosus.  C. 
juglandis.  C. 
flavidus.  C. 
fodinus.  C. 
mucedo.  T.  C. 
ascophorus.  A.  C. 
caninus.  C. 
THAMTUDIUM 

elegans.  P.  R. 
EUROTIUM 

herbariorum.  C. 
BOTRYTIS 

lignifraga.  C. 
umbellata.  Les  Confitures. 
SPOROTRICHUM 

aureum.  C.  dans  les  caves. 
byssinum.  P.  JR.  sur  les  feuilles 

tombees  par  terre. 
TRICOTHECIUM 

rosetun.G1.  surle  bols  a  demlpourn. 

SrORENDOHEMA 

casei.  C. 
FusisrcmiuM 

aurantiacum.  Sur  des  cucurblta- 

ce'es  a  deml  pourrles. 
RACODIUM 

cellare.  T.  C. 


fumago.  A.  C.  sur  les  feuilles  de 
poir'ier. 

OZONIUM 

aureum.  Trouve  deuxfois. 
candidum. 


ALG^E. 


NOSTOC 

commune.  C. 


PREMIERE  SECTION. 


Cl 


sphaericum.  A.  C. 
RIVULARIA. 

natans.  Trouve  plusieurs  fols  et 
toujours  dans  le  meme  endroi(. 
GHOETOPHORA 

pisilbrmis.  Fosses  de  St-Geivais. 

endiviaifolia.  La  Cisse. 
ZYGNEMA 

nitidum.  C. 

gracile.  Fosse's  du  chateau  d'On- 
zain. 

geuuflexum.  A.  C. 
BATRACHOSPKRMUM 

moniliforine.  Dans  la  Cisse. 
CONFERVA 


glomerata.   Cour-Cheverny. 

capillaris.  C. 

rivularis.  T.  C. 

floccosa.  A.  C. 
MYCODERMA 

alramenti.  C, 
OSCILLARIA 

parietina.  T.  C. 

nigrescens.  Pas  (res  rare. 

limosa.  T.  C. 

viridis.  Fosses  de  la  foret ,    au- 

dessus  de  Saint-Ceivais. 
OSCILLATOR  i  A 

Crustacea.  (CHEVALLIER.)  Sur  dcs 
pieires ,  dans  la  Cisse. 


Ce  Catalogue,  comme  on  \oit,  ne  contient  pas,  il  s'en  faut  beau- 
coup,  toutes  les  plautes  que  pioduit  le  depai  lenient  de  Loir-et-chcr; 
ceUe  lacune  ne  surprcndra  pas,  quand  on  saura  que  nous  y  avons 
trouve  nous-meme  un  n ombre  asscz  pen  restreint  d'cspeces  que  nous 
n'avons  pu  determiner,  ni  faive  delerminer,  ni  par  consequent  la  ire 
figurev  dans  cclle  lisle  ^  quand  on  saura  que  ,  bien  que  nous  ayons 
fait,  M.  Blancbet  et  moi,  depuis  bien  des  annees  deja ,  un  nombre 
considerable  d'excursions  dans  nos  eimrons,  souvent  a  de  grandes 
distances  ,  et  plusieurs  dans  cbacun  des  arrondissements  de  Vendome 
et  de  Rornorantin  ,  nous  somnies  ccpendant  bien  loin  d'avoir  explore 
noire  deparlement  autant  que  nous  1'aurions  desire  ct  qu'il  1'eut  lallu  , 
et  que  d'ailleuis  il  echappe  toujours  quelque  chose  aux  iiivestigalions  , 
meme  les  plus  proiongees  et  les  mieux  soutenues ,  comme  I'exprime 
tres  bien  ce  dislique  : 

Aiicnn  cliamp  ne  se  pent  tellemeiit  moissoiiner 
Que  les  ileruiers  \eiius  n'y  trouvciit  a  glaner ; 

Quand  on  saura  que,  si  les  devoirs  et  les  Ibnctions  de  nos  ctats 
respectils  nous  out  laisse  trop  peu  de  loisirs  pour  cliercher  suffisain- 
ment  les  plantes  de  notre  pays ,  ils  ne  nous  out  souvent  pas  pei  mis  non 
plus  de  les  etudier  assez  tot ,  de  sorte  que  bien  des  crj  ptogames  que 
nousavions  recolteessesonttrouveesdetruites  avantque  nouseussions 


62  PREMIERE  SECTION. 

pn  les  reconnaitre  ou  faire  reconnaitre;  quand  on  reflechira  combieu 
1 1  faut  de  zele,  de  temps,  de  recherches ,  de  courses,  de  soins.de 
peines  et  de  depenses  pour  composer  une  bonne  flore ,  et  que  livres  , 
figures ,  herbiers  et  personnes  a  cousulter  manquent  souvent  tout  a 
la  fois  a  celui  qui  se  livre  a  la  bolanique  en  province. 

Je  dois  a  la  verite  de  dire  que  ,  sous  ce  dernier  rapport ,  j'ai  etc 
plus  heureux  que  bien  d 'a litres ,  et  que ,  loin  d'avoir  eprouve  un  de- 
nuement  absolu  de  secours  ,  j'ai  ete ,  au  contraire  ,  beaucoup  aide  par 
plusieurs  botanistes  tres  distingucs,  avcc  lesquels  j'ai  eu  l'cxcellente 
idee  de  me  niettre  en  relation  et  qui  ont  daigne  m'accorder  celle 
faveur.  Mais  une  chose  que  je  regrette  particulierement  ,  c'est  de 
n'avoir  pas  meme  pu  me  procurer  la  lecture  des  ouvrages  de  Morison  , 
ci-apres  :  Plantarum  historia  universalis  et  Plant  arum  umbellif era- 
rum  distrilutio  nova.  J'y  aurais  certainement  puise  des  notes  pre- 
cieuses  pour  mon  sujct;  car  cet  illustre  bolaniste  ayant  demeure  pen- 
dant dix  ans  a  Blois  indique  dans  les  environs  beaucoup  de  plantes , 
en  designant  les  endroits  ou  il  les  a  observees.  Et  pour  en  venir  aux 
personnes  a  qui  j'ai  des  obligations ,  je  me  fais  un  plaisir  et  un  devoir 
d'exprimer  ici  ma  vive  reconnaissance  a  MM.  Guepin  ,  professeur  de 
medecine  a  Angers;  Lenormand  et  Delise,  de  Yire;M.  et  madame  Cau- 
vin  et  Narcisse  Desportes,  du  Mans;  Saint-Marc,  chanoine  a  Rennes; 
Desvaux,  directeur  du  Jardin  botanique  d'Angers;  Daenen ,  chapelain 
a  Dreux;  Nouel,  professeur  de  physique  a  Pont-Levoy;  Beaufils,  »lu 
Mans  ,  qui  ont  eu  ['extreme  obligeance ,  les  trois  premiers  de  revoir, 
confirmer  ou  rectifier  la  nomenclature  de  bon  nombre  de  mes  plantes, 
et  de  m'indiquer  le  nom  de  la  plupart  de  celles  que  je  n'avais  pu  deter- 
miner, et  les  huit  derniers  de  me  donner,  ainsi  que  les  deux  premiers , 
avec  une  rare  generosite ,  des  echantillons  de  quantite  d'cspeces  de 
diverses  parties  de  la  France ,  dont  plusieurs  s'etant  trouvees  les 
mSmes  que  les  miennes  ont  facilite  et  assure  quelques  unes  de  mes 
determinations.  Je  dois  paiiiculierement  a  M.  Lenormand  une  jolie 
collection  d'algues  de  mer  et  d'eau  douce  parfaitement  soignees ,  qui 
font  le  plus  bel  ornement  de  mon  herbier. 

Je  fais  aussi  mes  sinceres  remerciments  a  MM.  Aucher-Eloy,  de  Blo:s, 
naturaliste  voyageur,  qui  a  maintenant  son  domicile  a  Constantinople ; 
Naudin  ,  de  la  Societe  academique  de  Blois ;  Boreau ,  pharmacien  a 
Nevers  ,  qui  travaille  a  la  confection  de  la  Flore  du  centre  de  la  France; 
Diard  ,  de  Saint- Calais ;  Delaunay,  pere  et  tils,  qui  ont  habile  Yen- 
dome,  et  qui  presentement  demeurent  a  Tours;  Monin,  docteur  en 
medecine  a  Montigny,  ancien  medecin  de  1'ambassade  francaise  a 
Petersbourg ,  qui  possede  une  belle  collection  de  plantes  de  Russie ,  et 
de  qui  j'en  liens  quelques  unes;  Menars,  veterinaire  a  Chambord; 
Pean  el  Charlol,  de  Saint- Aignan;  Gendron  ,  docteur  medecin  a  Yen- 
dome;  Rimboux,  cure  de  Pruniers;  de  Peligny,  de  Clenord;  Chauvin, 
de  Blois;  et  Seglain  ,  ancien  jardinier  de  feu  M.  1'abbe  de  Grandmai- 
son :  lesquels  ni'ont  fourni  des  secours  de  divers  genres  relativement 


PREMIERE  SECTION.  63 

;i  la  botaniqne  dc  noire  departement ,  soil  en  me  donnant  on  me  nom- 
mant  quelqiies  plantes  qne  nous  n'y  avions  pas  encore  observees ,  soil 
en  m'indiqnant  les  localites  oii  elles  vicnnent ,  soil ,  enfin  ,  en  me  pro- 
curant,  on  de  bouche  ou  par  ecrit,  quelqu'antre  renseigncment  ntile. 

Malgre  tons  mes  efforts  et  tons  les  secours  qui  m'ont  ete  donnes  avec 
tant  de  complaisance  ,  ce  catalogue  n'en  reste  pas  moins  encore  bien 
eloign6  d'etre  ce  qu'il  pourrait  devenir;  mais  c'est  surtout  parmi  les 
hepatiques  ,  les  hypoxylons,  les  champignons ,  les  lycoperdacees  les 
uredinees ,  les  mucedinees  et  les  dernieres  tribus  des  algues  qu'il  y 
aura  le  plus  de  decouvertes  a  faire  dans  le  departement  de  Loir-et  Cher; 
et  si  par  la  suite  nous  avons  1'avantage  d'en  faire  qui  meritent  d'etre 
mises  an  jour,  nous  anrons  1'honneur  d'en  faire  hommage  aux  pro- 
chains  Congres  scienlifiqnes  ,  ct  nous  profiterons  de  celte  occasion 
pour  corriger  les  erreurs  que  nous  aurons  pu  faire  et  reconnaitre  dans 
ce  catalogue. 

Je  prie  MM.  les  botanistes  de  notre  pays  et  des  departements  circon- 
voisins  de  vouloir  bien  continuer  d'enlretenir  des  relations  avec  moi , 
et  de  me  faire  le  plaisir,  quand  ils  trouveront  snr  le  tenitoire  de  Loir- 
et-Cher,  ou  dans  les  conlrees  adjacentes,  des  plantes  non  inscrilcs 
dans  ce  catalogue ,  de  m'en  faire  remettre  des  echantillons  soignes  et 
complets ,  antaiit  que  possible  ,  avecleurs  noms,  s'ils  sont  connus  ,  et, 
enfin  ,  avec  1'indication  exacte  et  precise  des  cndroits  ou  ils  auront  ete 
rccoltes,  et  tousles  aulres  delails  ou  observations  qu'on  jugera  ntiles; 
et  si  ceux  a  qui  je  serai  redevable  de  ces  plantes  le  desirent,  je  leuv 
donnerai  en  echange  quelques  unes  de  celles  qui  leur  manqueront. 


64  PREMIERE  SECTION. 

Seance  du  vendredi  16  septcmbre  1836. 

Presldence  de  M.  le  docteur  ROBERTON. 

M.  de  Caumont  fait  un  rapport  sur  la  serie  de  roches 
et  de  fossil  es  recueillis  par  M.  Helie  Dru  aux  environs 
de  Parthenay. 

Parmi  les  roches  soumises  a  1'examen  de  la  section , 
dit-il,  on  remarque  des  granites,  des  schistes,  des  gneiss, 
des  mica-schistes  et  des  amphibolites.  On  trouve  aussi , 
dans  cette  petite  collection  ,  des  gres  argilo-ferrtigineux 
renferniant  des  productus  et  des  spirijer,  analogues  a 
ceux  qui  alternent  avec  les  marbres  intermediates  du 
Cotentin  et  de  la  Belgique.  M.  Helie  Dru  a  recueilli 
quelques  echantillons  interessants  du  calcaire  oolitique 
moyen,  le  plagiostoma  gfgfis  du  lias ,  quelques  polypiers 
de  la  craie.  Je  dois,  continue  M.  le  rapporteur,  feliciter 
M.  Dru  d' avoir  recueilli  differentes  argiles  propresa  etre 
employees  dans  les  arts  :  1'une  d'elles,  entre  autres,  com- 
binee  avec  une  roche  de  steatite  en  decomposition ,  a 
fourni  la  matiere  d'excellents  creusets. 

M.  Pean  lit  une  esquisse  geologique  de  la  Sologne, 
envoyee  par  M.  le  docteur  Leon  Bourgouin  (  de  Selles- 
sur-Cher  ).  La  section  decide  que  le  memoire  doit  etre 
soumis  a  1'examen  de  M.  Desnoyers ,  bibliothecaire  du 
museum  d'histoire  naturelle,  et  que  M.  de  Vibraye  sera 
charge  de  lui  faire  cette  communication ,  M.  Desnoyers 
ayant,  il  y  a  quelques  annees,  insere  dans  les  Annales 


,>, 


PREMIERE  SECTION.  85 

itas  sciences  naturelles  un  travail  tres  remarquable  sur 
les  formations  geologiques  de  la  Sologne  *. 

M.  de  la  Tramblais  (deChateauroux)  annonce  qu'une 
mine  de  plomb  fort  abondante  vient  d'etre  decouverte 
dans  1'arrondissement  de  la  Chatre. 

M.  Chevereau  ( d'Evreux )  lit  une  notice  geologique 
sur  le  departement  de  1'Eure.  Ce  departement ,  dit-il ,  se 
divise  en  six  plateaux  distincts,  separes  par  les  rivieres 
qui  les  traversent.  On  y  distingue  Fepoque  des  terrains 
contemporains ,  1'epoque  diluvienne ,  renfermant  les  ter- 
rains quaternaires ,  1'antidiluvienne  pour  les  tertiaires , 
«t  la  pelagique  pour  ceux  dits  secondaires.  La  craie  la 
plus  recente  des  formations  secondaires,  est  la  plus  an- 
cienne  observee  dans  ce  departement.  II  croit  devoir  si- 
gnaler a  1'attention  des  geologues  Vargile  de  Kimmeridge 
et  le  calcaire  de  Portland  dont  il  a  constate  1'existence 
pres  de  Corneilles.  D'apres  les  observations  meteorolo- 
giques  et  trigonometriques  de  M.  Passy,  prefet  de  1'Eure, 
il  resulte  que  le  maximum  d' elevation  du  sol,  dans  la 
partie  septentrionale  de  ce  departement ,  ne  depasse 
point  200  metres,  tandis  qu'il  s'eleve  un  pen  plus  haut 
vers  la  partie  meridionale. 

M.  de  Vibraye  prend  la  parole  :  il  apporte,  a  Fap- 
pui  du  memoire  dont  il  donne  lecture  a  la  section ,  et 


*  !Le  m-^moire  de  M.  le  docteur  Bourgouin  ayant  etc  communiqu6  a  M.  Desnoyers  , 
et  les  opinions  de  calui-ci  ne  s'otaut  pas  trouveeB  d'accord  avec  cellos  do  1'auteiir, 
la  commission  d'impression  d^sirant  neanmoins  conserver  le  memoire,  a  decide  qu'il 
scrait  insero  a  la  suite  des  proc^s-vorbaux  du  Congr^s,  comme  i'expression  des  opinions 
porsomielles  de  M,  Bourgouin. 

7 


66  PREMIERE  SECTION. 

pour  lui  servir,  en  quelque  sorte,  de  pieces  justificatives , 
une  serie  de  roches  et  de  fossiles ,  recueillis  par  lui  dans 
le  depajrtement. 

Messieurs,  dit-H,  j'aurais desire communiquer  auCongres,  conformcment 
a  la  troisieme  question  du  programme ,  un  precis  de  la  geologic  du  departc- 
ment  de  Loir-et-Cher,  mais  je  n'ai  pu  completer  ce  travail ;  aussi  je  ne 
pretends  point ,  dans  une  simple  notice ,  indiquer  tons  les  rapports  des 
terrains  cntre  eux  ,  leur  ctendue  ,  leurs  developpements  et  leurs  modifica- 
tions ;  je  ne  m'attacherai  qu'a  des  faits  entierement  locaux.  II  faut  en  ex- 
cepter  pourlant  quelqnes  notions  generates  que  je  crois  necessaires  a  Pin- 
telligence  du  travail  que  je  viens  soumettre  a  la  premiere  section  du 
Congres. 

Le  departement  de  Loir-et-Cher  est  entoure  comme  d'une  ceinture  par 
le  groupe  cretace ;  la  craje  blanche  a  disparu ,  dcnudee  par  quelqu'un  dc 
ces  rapides  courants  dont  est  sillonnee  Pecorce  du  globe ;  mais  elle  est  re- 
presentee  par  les  silex  des  coteaux  du  Cher ,  alimentant  les  manufactures 
de  pierres  a  fusil  des  environs  de  Saint-Aignan.  L'ctage  moycn  du  groupe 
cretace,  le  tuffeau ,  regne  tout  a  1'entour  du  bassin ;  il  repose  en  plusieurs 
points  sur  le  gres  vert  qui,  lui-meme,  recouvre  les  formations  oolitiques 
des  departements  du  Cher  et  de  la  Sarthe.  An  nord-cst ,  le  systeme  cre- 
tace manque ,  et  les  formations  lacustrcs  de  la  Sologne  et  de  la  Beauee 
vout,  en  se  prolongeant  vers  Orleans,  se  fondre  ct  s'identifier  avec  celles 
du  bassin  de  Paris ,  dont  elles  ne  sont  a  propremcnt  parler  qu'une  ramifi- 
cation. Je  crois  pouvoir  attribuer  avec  certitude  les  formations  lacustres  de 
notre  departement  a  Petage  supcrieur  du  terrain  d'cati  douce  tertiaire  que 
M.  Bronguiart  nomme  epilymnique.  Long-temps  j'avais  cru  reconnaitre  en 
lui  le  calcaire  siliceux ,  etage  paleotheiien  de  M.  Brongniart,  a  sa  texture , 
a  1'absence  de  fossiles ,  et  je  nc  m'etais  point  contcnte  d'obscrver  ce  cal- 
caire en  un  seul  point;  j'avais  parcouru  les  coteaux  de  Blois,  les  exploi- 
tations de  Saint-Gervais  sur  Pautre  rive  de  la  Loire  ,  les  carrieres  ouverlcs 
sur  les  routes  de  Blois  a  Centres,  a  Romorantin,  sur  plusieurs  points  des 
communes  de  Cour-Cheverny  ,  de  Cheverny ,  de  Tcnay ,  de  Pont-Levoy. 
Souvent  le  calcaire  est  intimement  penetre  de  veincs  de  calcedoine ,  de 
silex  et  de  quartz  resinite ;  il  est  parfois  rempli  de  cavites  tapissees  de  con- 
cretions siliceuses,   de  mamelons  de  calcedoine  et  de  crislaux  de  quartz. 
L'etage  inferieur  de  celte  formation  lacustrc  est  bien ,  en  effet ,  compose  de 
calcaire  et  de  silice ,  de  quartz  resinite  ct  de  calcedoine ;  mais  cet  etage 


PREMIERE  SECTION.  67 

est  surmonte  d'unc  couche  de  marne ,  au-dcssus  de  laquelle  la  roche  de- 
vient  entitlement  calcaire  sans  aucun  melange  de  silice.  Le  calcaire  est 
tapisse  de  cavites ,  de  tubulures  et  de  points  noirs ;  il  devient  tanlot  fria- 
ble ,  et  tanlot  presente  une  texture  compacte ,  et  dont  la  surface  est  cou- 
verte  de  dendrites. 

J'ai  dit  plus  haul  que  Pabsence  des  fossiles  m'avait  fait  attribuer  ce 
systeme  de  roches  an  calcaire  siliceux.  Sur  les  hauteurs  qui  dominent  la 
villede  Blois,  a  Villebarou,  Petage  superieur  observe  precedemment  sur  les 
coteaux  de  Sainl-Gervais ,  est  recouvert  lui-meme  d'une  couche  de 
cinquantc  centimetres  de  puissance  environ ,  d'un  calcaire  grisatre  s'iden- 
tifiant  parfaitement  avec  lui ;  ce  calcaire  est  parseme  d'une  foule  de 
coquilles  terrestres  et  fluviales ,  des  limuecs ,  des  planorbes  et  des  pota- 
mides  ;  mais  ces  trois  especes  y  sont  en  petit  nombre ,  tandis  que  la  roche 
contient  en  tres-grande  abondance  des  helices,  dont  j'ai  retrouve  les  ana- 
logues dans  les  falunieres  de  Pont-Levoy  ;  ces  helices ,  trouvees  melangees 
avec  des  productions  marines,  leursont  bien  evidemment  contemporaines, 
et  ne  s'ytrou  vent  point,  comme  on  pourrait  le  penser,  accidentellement ;  les 
serpules  dont  elles  sont  tapissees  interieurement  en  sont  une  preuve  in- 
contestable. Cette  observation  pourrait  conduire  a  penser  que  les  calcaires 
lacustres  pourraient  bien  avoir,  avec  les  depots  marins  de  cette  epoque, 
une  sorte  de  contemporancite,  c'est-a-dire,  que  les  calcaires  continuaient  a 
sedeposer,  sous  forme  de  sediments ,  sur  des  rivages  marecageux  on  dans 
des  lacs  voisins  de  I'embouchure  des  fleuves.  Le  calcaire  coquiller  de 
Villebarou  prend  un  plus  grand  developpement  aux  environs  du  Breuil  et 
de  Vendomc.  Depuis  ces  observations,  j'ai  rencontre  dans  les  environs  de 
Cellettes  un  quartz  resinite  renfermant  une  helice. 

Une  difficulte  s'oppose  dans  notre  departement  aux  recherches  de  Pob- 
servateur  :  les  termes  de  rapport  lui  manquent;  1'argile  plastique  ne  recou- 
v  re  pas  la  craie ;  le  calcaire  grossier ,  le  calcaire  siliceux,  et  les  gres  marins 
superieurs  ne  sont  point  representes. 

II  faut  done  aller  rechercher  au  loin  des  series  completes,  et  venir 
ensuite  constater  1'identite  des  formations  dont  la  position  est  demontree 
par  des  fails  incontestables ,  avec  celles  dont  Page  n'est  point  encore  bien 
reconnu.  C'est  ainsi  qu'il  est  possible  de  connaitre  Page  precis  du  calcairc 
lacustre  de  la  Sologne  et  de  la  Beauce ,  en  suivant  la  superposition  des  cou- 
ches depuisles  environs  de  Paris  jusqu'a  Blois.  Dans  les  vallees  d'Etampes, 
on  peut  observer  les  gres  marins  superieurs  subordonnes  au  calcaire  lacus- 
tre supcrieur  ainsi  disposes  :  (  V.  la  l.re  coupe,  Pi.  I. ) 

K°  Sable  marin  superieur;  2.°  gres  tourbeux  et  lignitcux  renfermant 


68  PREMIERE  SECTION. 

des  potamides;  3.°  calcaire  lacustre  avec  lymnees  ,  des  girogonites  (  grai- 
nes  de  chara  medicaginulaj,  Ic  cyclostome  elegant;  4.°  assise  des  silex 
analogues  a  Fetage  inferieur  du  terrain  lacustre  de  Loir-et-Cher.  L'echan- 
lillon  que  j'ai  rapporte  d'Etampes  renferme  une  potamide. 

Comme  je  1'ai  dit  plus  haul,  les  corps  organises  sont  trcs  rares  dans 
cette  formation.  Le  n.°  5  represente  le  calcaire  d'eau  douce  de  Loir-et- 
Cher ,  Fetage  caractcrise  par  Fabsence  de  matiere  siliceuse ;  le  n.°  6  est 
le  calcaire  a  helices. 

Tout  le  vaste  plateau  qui  s'etcnd  depuis  Etampes  jusqu'a  la  Loire  ap- 
parlient  a  cette  scrie;  il  cst  parfois  reconvert  par  les  sables  des  alluvions 
anciennes  ,  oil  se  trouvent  enfouis  les  ossements  de  mammiferes ,  comme  a 
Chevilly ,  par  exemple ,  ou  j'ai  retrouve  le  quartz  resinite  et  le  calcaire  sili- 
cenx ,  represented  par  le  n.°  4  >  extraits  du  fond  de  la  sabliere  ou  Fon  a 
decouvert  les  ossements  fossiles.  Il  est  aise  de  suivre  cette  formation  lacus- 
tre depuis  Etampes  jusqu'a  Blois,  sans  interruption ;  mais  on  ne  trouve , 
dans  le  departement  de  Loir-et-Cher,  que  les  n.os  4 ,  5  et  6  de  la  coupe 
<TEtampes.  Le  calcaire  lacustre  superieur  est  done  represente  par  trois 
Stages  dans  le  departement  de  Loir-et-Cher  :  Fetage  inferieur ,  par  les  de- 
pots de  matieres  siliceuses ,  quelquefois  calcariferes ;  Fetage  moyen ,  par 
un  calcaire  sans  melange  de  silice ,  et  Fetage  superieur ,  par  un  bane  pen 
puissant  de  calcaire  coquiller,  caracterise  par  un  grand  nombre  d'helices. 
Au-dessus  de  ce  calcaire  ,  se  trouvent  les  depots  marins  superieurs ,  appeles 
ialunieres  ,  et  que  M.  Desnoyerssignalait,  il  y  a  quclques  annees,  comme 
devant  former  ,  avec  la  cray  d'Angleterre,  les  depots  marins  du  midi  de 
la  France  et  d'une  partie  de  Fltalie ,  un  groupe  superieur  aux  terrains 
tertiaires,  et  qu'il  proposait  de  nommer  quaternaire.  Ces  depots  marins 
occupent  une  partie  notable  du  departement  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire, 
entre  Soings ,  Centres  et  Pont-Levoy ;  sur  la  rive  droite  ,  on  les  voit  se  re- 
produire  encore,  mais  seulemcnten  un  seul  point,  a  Villebarou ,  pres  de 
Blois ;  a  Contres ,  ils  sont  reconverts  d'un  sable  d'alluvion  epais  de  2  m. 
environ,  et  qui  s'identifie  teHement  avecle  sable  coquiller  marin ,  qu'on  ne 
saurait  dire  avec  exactitude  :  la  finit  le  diluvium  ,  ici  commence  la  forma- 
tion marine.  A  la  surface  du  terrain ,  comme  sur  la  plupart  des  points  du 
departement  reconverts  par  les  alluvions  anciennes ,  on  trouve  des  blocs 
erratiqucs,  appartenant,  les  uns  a  une  breche  siliceuse,  et  les  autres  a  des 
fragments  de  calcaire  d'eau  douce ,  arrondis  et  polis  par  le  transport  des 
eaux.  Le  sable  marin  de  Contres  est  peu  riche  en  fossiles ;  on  y  rencontre 
a  peine  quelques  debris  des  coquilles  les  plus  caractcristiques  du  falun, 
area  diliw'u  ,  cordita  depressa,  cordita  redls ,  plusicurs  especes  d'huitres  , 


PREMIERE  SECTION.  C9 

ainsi  que  des  fragments  d'ossemeuts  de  niammiferes.  Les  sables  passent 
dans  I'etage  iuferieur  au  gres  siliceo-calcaire ,  cette  picrre  qu'on  rencontre 
aux  environs  de  Done ,  de  Savigne ,  de  Nantes ,  et  que  les  habitants  de 
ces  contrees  desigrient  sous  le  nom  de  grisons. 

En  s'avaucant  de  Contres  a  Pont-Levoy,  dans  une  depression  de  ter- 
rain formee  par  le  ruisseau  passant  a  Tenay,  on  peut  remarquer  les  mar- 
nes  a  polypiers,  de  la  craie  inferieure  et  le  calcaire  d'eau  douce  reposant 
sur  ces  formations.  Ge  calcaire  est  le  meme  qui  regne  dans  toute  la  Sologne ; 
il  environne  Pont-Levoy  et  lui  fournit  des  pierres  de  construction.  Lc 
falun  repose  sur  cet  etage  du  systeme  lacustre  superieuE.  On  observe 
seulement  deux  etages  sur  ce  point  :  les  depots  de  matieres  siliceuses  a  la 
partie  inferieure ,  dans  la  depression  formee  par  le  ruisseau  de  Pont-Levoy, 
le  calcaire  sans  melange  a  la  parlie  superieure.  Dans  le  fond  de  la  vallee , 
nous  trouvons  des  blocs  du  calcaire  d'ean  douce  perfores  paries  pholades. 

Le  calcaire  coquiller,  caraclerise  par  les  helices,  existait  aussi  dans  ces 
contrees;  il  aura  du  ceder  aux  commotions  violentes  du  diluvium,  car  on 
n'en  retrouve  point  les  traces  si  ce  n'est  pourtant  un  echantillon  de  cal- 
caire perce  par  les  pholades.  Ces  mollusques  habitent  entre  les  cavites  de 
ce  morceau,  dont  la  surface  presente  encore  les  restes  d'une  helice. 

Il  ne  faut  que  jeter  les  yeux  sur  la  formation  marine  pour  se  convaincre 
qu'il  s'agit  ici  d'une  periode  de  cahne  et  non  d'une  perturbation  violente ; 
des  conrants  ont  bien  amenedans  ces  mers  des  produits  qui  lui  sont  etran- 
gers,  tels  que  les  helices,  les  nerites,  les  bulimes,  les  unios  et  de  nom- 
breux  ossements  de  rhinoceros,  dinotheri urn  ,  ccrfs,  antilopes,  croco- 
diles et  tortues;  mais  ces  courants  peuvent  etre  compares  a  ceux  des 
fleuves  actuels,  apportant  a  la  mer  le  tribut  de  leurs  eaux,  et  les  debris 
terrestres  entralnes  dans  leurs  cours  par  de  grandes  crues.  A  la  partie 
superieure,  il  est  vrai,la  stratification  n'est  pas  aussi  irguliere  que  dans 
les  couches  mferieures ;  on  y  remarque  les  debds  des  formations  plus  an- 
ciennes,  des  polypiers  de  la  craie,  des  terebratules ,  des  bucardes;  enfin, 
tous  les  debris  des  terrains  secondaites  qui  torment  les  bords  du  bassiu  et 
que  M.  Rose,  en  parlant  du  diluvium  de  Norfolk,  appelle  des  galets  orga- 
uises.  Mais  si  la  couche  superieure  est  depositaire  de  quelques  debris 
appartenant  au  diluvium,  si  les  strates  les  phis  elevees  ont  ete  rernaniees  , 
les  couches  inferieures  attestent  une  periode  de  tranquillize.  On  etudie 
les  habitants  des  mers  dans  leur  vie  privee ,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi , 
les  polypiers  les  plus  delicats  sont  encore  attenants  aux  pierres,  auxquellcs 
ils  se  sont  attaches ;  plusieurs  especes  de  pholades ,  les  corbules  perforantes 
ot  la  pclricola  ochrolcitca ,  coquille  vivant  encore  sur  nos  cotes ,  out  laisse 


70  PREMIERE  SECTION. 

leurs  depouilies  intactesau  sein  des  pierres  qui  leurservaient  d'habilation ; 
les  huitres  out  forme  des  banes  et  sont  attachees  aux  roches ;  tons  les  au- 
tres  fossiles ,  etonnants  de  conservation ,  s'y  retrouvent  en  grande  abon- 
dance.  J'en  ai  compte  plus  de  1 80  especes.  Les  bornes  du  volume  ne  per- 
mettant  pas  d'entrer  dans  de  grands  developpements  a  ce  sujet,  je 
donnerai  pins  tard  la  liste  de  ces  fossiles ,  ainsi  que  le  nom  des  especes 
d'animaux  dont  on  a  retrouve  les  debris.  (V.  la  2.e  coupe.) 

Sur  plusieurs  points  des  environs  de  Pont-Levoy ,  on  voit  apparaitre  les 
gres  appeles  grisons ;  tandis  que  Ics  coquilles  nombreuses  et  bien  conservees 
se  trouvent  aux  Grandes-Vignes ,  dans  les  sables  deposes  en  strates  regu- 
lieres.  A  Villebarou ,  pres  de  Blois ,  la  position  des  deux  systemes  lacustre 
et  marin  est  evidente ,  c'est-a-dire ,  que  les  depots  marins  recouvrent  les 
strates  borizonlales  du  terrain  tertiaire  lacustre  superieur  :  celui-ci  forme 
la  plage  et  le  fond  de  cet  ocean  quaternaire.  Ces  recifs  nympheens ,  encore 
en  place ,  sont  performs  de  liaut  en  bas  par  les  folades ;  les  bas-fonds  de 
cette  mer  sont,  comme  ceux  des  mers  actuelles,  reconverts  d'une  plage 
de  galets  epaisse  de  quelques  pieds,  et  repose  sur  une  couche  d'argile 
d'une  faible  epaisseur ;  sous  1'argile ,  se  trouve  le  calcaire  a  helices ,  ainsi 
que  I'etage  moyen  recouvert  immediatement  sur  quelques  points ;  les 
asperites  de  ce  systeme  surmontent  la  couche  argileuse,  et  se  font  jour 
a  travers  la  plage  de  galets.  Ce  sont  ces  recifs  que  les  coquilles  perfo- 
rantes  out  choisis  pour  leur  demeure ,  et  nous  laissent  comme  temoins 
irrecusables  de  leur  habitation  tranquille  au  fond  de  ces  mers,  ainsi  que 
de  la  position  irrevocable  des  falunieres  au-dessus  de  1'etage  superieur  des 
terrains  lacustres  superieurs.  (V.  la  3. e  coupe.  ) 

Ces  conclusions  avaient  ete  prises,  en  1828,  par  M.  Desnoyers.  Je 
n'avais  aucune  idee  de  son  travail  lorsque  je  redigeai  ces  notes ;  depuis ,  il 
a  bien  voulu  me  donner  communication  de  son  memoire ,  et  si  mes  obser- 
vations sont  a  peu  pres  les  memes  que  celles  qu'il  avail  faites  anterieure- 
ment,elles  peuveut  leur  servir,  pour  ainsi  dire,  de  corollaire.  D'ailleurs  , 
M.  Desnoyers  embrassait  1'ensemble  d'un  systeme  ;  ici  j'ai  voulu  m'appli- 
quer,  au  contraire,  adecrire  quelques  localites  speciales. 

Pour  terminer  la  serie  des  terrains  dont  1'histoire  se  lie  plus  ou  moins 
directement  a  1'existence  des  falunieres ,  il  me  reste  a  parler  de  ces  puis- 
sauts  depots  d'alluvions  anciennes  qui  recouvrent  une  partie  si  notable  des 
formations  anterieures  dans  le  department  dc  Loir-et-Cher.  A  ccs  depots 
de  sables,  appartiennent  les  gigantesques  ossements  des  deux  especes  de 
mastodontes ,  de  plusieurs  varictus  d'hippopotames  ,  de  rhinoceros  et  de 
tapirs  ,  de  caruassiers ,  dc  rongeurs  ct  dc  ruminants  ,  ancicns  posscsscurs 


PREMIERE  SECTION.  71 

(lu  sol  de  nos  contrces ,  et  trouves  en  dift'erentes  localites ,  aupres  d'Avaray, 
par  exemple  :  ce  sont,  jusqu'a  present,  les  especes  analogues  qu'on  a 
retrouvees  dans  les  depots  marins  des  falunieres.  J'ai  dit  plus  haul  que 
des  cours  d'eau  pourraient  les  avoir  charriees  vers  les  plages  marines ; 
peut-etre  que  des  recherches  plus  scrupuleuses  parvieudront  a  nous  de- 
inontrer  la  direction  de  ces  courants.  Sur  presque  tons  les  points  de  ccs 
alluvions  anciennes ,  se  trouvent  des  galets  avec  les  empreintes  des  fos- 
siles  caracteristiques  des  formations  cretacecs  :  ce  sont  des  syphonies ,  des 
bucardes  et  des  polypicrs  en  assez  grand  nombre. 

J'ai  rempli  ma  tache ,  et  je  n'entrerai  point  dans  de  plus  grands  details 
a  Pegard  de  ces  vastes  depots  d'alluvions  anciennes,  qui  recouvrent  pres- 
que en  entier  la  surface  de  la  Sologne.  11  suffisait  d'indiquer  leurs  liaisons 
avec  les  falunieres,  qui  seules  devaient  m'occuper  aujourd'hui,  si  je  n'avais 
juge  necessaire  d'ctablir  leurs  liens  de  parente  pour  les  mieux  fa  ire  con- 
naitre  ;  et  qu'en  meme  temps ,  parler  des  depots  lacustres  et  de  leur  age  , 
c'etait,  en  quelque  sorte,  repondre  a  la  premiere  question  du  programme. 
J'ai  du ,  pour  parler  sciemment  de  notre  departemcnt ,  parcourir  d'autres 
contrees  eloignees ,  pour  aller  y  chcrcher  des  termes  de  rapports ;  mais  le 
geologue  ne  sanrait  connaitre  de  limites  ct  d'entraves  a  la  surface  du  globe, 
c'estla  son  domainc;  il  rcgue  partoutou  la  nature  lui  offre  des  observations 
a  faire,  des  documents  arccueillir  et  de  grandes  conceptions  a  c.ontempler 
en  face. 


M.  le  clocteur  Roberton  presente  a  la  section  deux 
dents  fossiles  qu'ila  recueillies  a  Avaray;  elles  appartien- 
nent,  suivant  lui,  a  des  animaux  tres  voisins  du  tapir. 

M.  le  doctetir  Hunault  de  la  Pelterie  desire,  afm 
d'obtenir  une  geologic  complete  de  toute  la  France  , 
qu'il  soit  puise  dans  les  statisques  departementales  deja 
faites  ;  il  cite  a  cet  egard  celle  de  Maine-et-Loire  qui  est 
fort  bonne. 

M.  de  Vibraye  donne  lecture  a  la  section  d'une  pro- 
position de  M.  le  docteur  Archambault ,  ainsi  concue  : 

«  Dans  rinlcret  des  sciences  naturcllcs ,  j'ai  riionneur  de  proposer  ait 


72  PREMIERE  SECTION. 

»  Congres  d'emetlre  le  voeu,  de  voirle  gouvernement  favoriser  en  France 
»  Tetablissement  d'ecoles  d'horticulture,  et  de  jardins  de  naturalisation  des 
»  plantes  utiles  au  commerce ,  a  1'agriculture  et  aux  arts. » 

M.  le  docteur  Haime  appuie  la  proposition. 

M.  Fievet-Vanderlinden  (de  Saint-Dye)  cite  avec  les 
plus  grands  eloges  la  beaute  des  fruits  de  Tournay  et 
1'excellence  de  la  culture  de  ce  pays ,  ignoree  presqu'en- 
tierement  dansbeaucoup  de  provinces  de  1'interieur  de  la 
France. 

M.  le  docteur  Hunault  cite  les  jardins  de  Bruxelles, 
crees  par  souscription  et  renfermant  de  fort  bonnes  pe- 
pinieres  et  tout  ce  qui  peut  servir  a  la  naturalisation  des 
plantes. 

M.  Cauvin,  tout  en  soutenant  la  proposition  a  Tegard 
des  plantes  botaniques,  voudrait  surtout  qu'on  s'oc- 
cupat  des  arbres  fruitiers ,  dont  les  noms  varient  d'un 
arrondissement  a  1'autre ,  au  point  de  ne  pouvoir  s'y 
reconnaitre,  meme  pour  ceux  dont  les  fruits  sont  les 
plus  communs.  Apres  quelques  autres  developpements 
donnes  par  MM.  de  Caumont,  de  Villiers,  Fievet  et  le 
docteur  Hunault ,  la  section  adopte  la  proposition  et  la 
renvoie  a  la  seance  generale. 

Avant  de  se  separer ,  la  section  decide  qit'il  sera  fait 
le  lendemain  une  promenade  scientifique  a  Orchaise. 


Seance  du  jeudi  ISSeptembre  1836. 
P residence   de   M.   le  docteur  RODERTON 

A  1'ouverture  de  la  seance,  M.  Morcau  (de  Saintcs) 


PREMIERE  SECTION.  73 

lit  une  notice  botanique  relative  a  1'excursion  scienti- 
fique  faite  la  veille  a  Orchaise  par  la  premiere  section. 
M.me  Cauvin  y  joint  le  catalogue  des  plantes  recueillies 
par  elle  pendant  la  session  du  Congres ,  tant  a  Orchaise 
que  sur  les  coteaux  de  Saint-Gervais  et  a  Ghambord.  Ce 
catalogue  s'eleve  environ  a  deux  cents  plantes ,  tres  com- 
munes en  general ,  etM.me  Gauvin  n'en  cite  quelquesunes 
que  parce  que  c'est  pour  elle  un  fait  remarquable  que  de 
trouver,  a  cette  epoque  avancee  de  1'annee,  la  vegeta- 
tion encore  si  de'veloppee;  toutes  ces  plantes  sont  en 
fleur. 

L'herborisation  d'Orchaise ,  dit  M.mfc  Cauvin,  nous  a  offert  environ 
quatre-vingts  especes  de  plantes. 

Dans  la  foret  de  Blois ,  un  peucedanum  que  je  n'ai  pas  eu  le  temps  de 
determiner;  pres  1'eglise  d'Orchaise,  cJienopodium  bonus  henricus\  dans 
1'interieur  des  roches  d'ou  sort  la  Fontaine,  chondrilla  muralis.  Ces  ro- 
ches  sont  tapissees  d'un  oscillaria ,  ayant  1'aspect  de  la  poix  noire  et  pre- 
nant  de  meme  aux  doigts.  Pres  de  ces  roches,  campanula  trachelium, 
berberis  vulgaris ,  buxus  semper  wrens ;  dans  le  fond  de  la  vallee ,  pres 
d'un  ruisseau ,  althea  ojficinalis ;  dans  une  petite  mare,  lemna  trisulca , 
cyperus  longus ,  avena  elatior. 

A  Chambord ,  nous  avons  observe  une  quarantaine  de  plantes ,  entr'autres 
pres  de  1'entree  du  chateau:  thesion  linophylhim,  lielianthemum  iwlgare, 
gallium  bocconi,  statice  plantaginea;  pres  de  1'auberge  Saint-Michel,  che- 
nopodium  bonus  heniicus  ;  pres  du  chateau ,  malva  moschata,  medicago 
falcata',  pres  de  la  riviere  duCosson,  scirpus  nigricans,  tenecio  liscosa, 
polygonum  hydropiper,  saponaria  officlnalls  ;  pres  de  la  tontaine  Caroline 
lithospermum  officinale,  myosotis  perennis. 

Sur  les  coteaux  de  Saint-Gervais  et  les  bords  de  la  Loire ,  nous  avons 
recueilli  environ  quinze  a  vingt  plantes  particulieres ,  celles-ci  sont  cu- 
rieuses  : 

Helianlhemum  pulverulentum  ,  helianthemum  wilgare ,  helianlliemum 
fnmana,  heliantJiemum  marifoliitm,  biiplevrum  lenuissimum ,  thalictrum 
minus,  deux  especes  intcressantcs  dihypnum,  Sur  les  rochers ,  pelligcra 


74  PREMIERE  SECTION. 

collina  (variete);  sur  les  bords  de  la  Loire,  glaucium  majus.  Enfiu,  nous 
avons  recueilli  sur  la  route  de  Tours  une  algue  qui  nous  a  paru  presenter 
de  1'interet. 

M.  de  Vibraye  rend  compte  a  la  section  des  fails  ge'o- 
logiques  observes  pendant  1'excursion  d'Orchaise. 

La  vallee  de  la  Cisse ,  dit-il ,  dans  laquelle  se  trouvent  Orchaise  et  Mou- 
lineuf,  est  creusee  dans  les  assiscs  du  groupe  cretace  moyen.  En  descen- 
dant a  Moulineuf ,  on  trouve  des  marnes  a  polypiers  de  la  craie  inferieure ; 
le  plateau  d'Orchaise  est  couvert  des  silex  de  la  craie.  Les  roches  d'ou  s'e  - 
chappe  la  Fontaine  sont  formees  d'un  calcaire  grenu  de  couleur  claire ,  charge 
de  grains  verts  et  rempli  de  polypiers  en  grande  abondance ,  de  plagiostomcs, 
de  peignes  et  de  gryphees.  M.  de  Caumoiit  et  moi  nous  avons  suivi  le  ruis- 
seau  pendant  quelque  temps  dans  1'intcrieur  de  la  grotte ;  on  y  observe 
une  grande  fissure  operee  dans  le  calcaire ,  mais  tres  probablement  preexis- 
tante  a  i'irruption  des  eaux ,  dont  1'actiou  a  corrode  les  parois  de  la  grotte 
et  depose  dans  quelques  endroits  une  couche  de  sediments  calcaires.  On 
ne  saurait  attribuer  au  faible  ruisseau  qui  s'echappe  aujourd'hui  de  Pin- 
terieur  du  rocher  les  effets  produits  dans  cette  grotte ,  on  est  oblige  d'y 
reconuaitre  1'actiou  erosive  de  torrents  puissants  et  impetueiu. 

Pour  terminer  le  compte-rendu  de  rexctirsion  scien- 
tifique  d'Orchaise,  M.  Alonzo  Pean  soumet  a  la  section 
un  apercu  de  la  con  tree  considered  sous  le  rapport  du 
deboisement  et  de  1'hydrograpliie.  II  s'exprime  ainsi  : 

Je  vous  demande,  messieurs,  la  permission  de  vous  presenter  une  es- 
quisse  succinte  du  pays  que  nous  avons  parcouru  bier  sous  la  conduite 
de  notre  jeune  collegue,  M.  de  Vibraye;  les  courtes  observations  que 
j'ai  recueillies  a  la  hate  sur  la  structure  generate  exterieure  de  cette 
region,  sur  son  hydrographie  et  sa  vegetation,  peuvent  contribuer  a 
eclairer  la  question  du  deboisement  dont  je  me  suis  occupe  specialement 
depuis  quelques  annees.  Messieurs ,  la  contree  que  nous  avons  parcourue 
forme,  si  je  ne  me  trompc,  un  plateau  assez  eleve,  dont  les  deux  prinri- 
paux  versants  regardent,  I'un,  la  vallcc  dc  la  Loire  ,  et  1'autre ,  la  vallee 
de  la  Cisse;  cc  plateau  esl  couvert,  dans  la  prcsque  totalite  de  1'etcndue 


PREMIERE  SECTION.  75 

qu'il  nous  a  ete  donue  d'apercevoir ,  d'une  foret  tres-importante ;  du  cote 
de  la  Cisse,  nos  collegues  ont  pu  remarquer  que  les  chaines  de  collines  on- 
dulent  gracieusement  autour  de  la  vallee  et  s'abaissent  par  une  pente  mol- 
lement  inclinee  :  ici,  couvertes  de  vignobles,  la,  d'une  vegetation 
luxuriante.  Nulle  crevasse  profonde ,  aucun  ravin  a  parois  perpendiculaires 
n'interrompent  la  continuite  du  terrain ;  partout  la  plus  concevable  et  la 
plus  naturelle  egalite  de  formes,  la  courbe.  Eh!  bieu,  messieurs,  cette 
constitution  de  sol ,  si  favorable  et  si  belle ,  tout  1'avenir  du  pays  d'Orchaise 
depend,  je  le  pense  dumoins,  d'une  seule  voloute,  celle  du  proprietaire  de 
la  foret.  Qu'il  lui  premie  la  fantaisie,  fantaisie  bien  commune  de  nos  jours, 
d'abattre  la  foret  ou  de  la  vendre  a  une  bande  de  speculateurs ,  les  eaux 
torrentielles  ne  tarderont  pas  a  imprimer  au  sol ,  qu'elle  abrite  et  qu'elle 
conserve ,  un  tout  autre  caractere ;  les  ravins  prendront  la  place  des  vigno- 
bles ,  et  le  calcaire,  denue  de  terre  et  de  verdure,  saillira  de  toutes  parts, 
sous  mille  formes  tourmentees ;  et  de  tout  cet  ensemble  si  doux  a  voir ,  de 
ce  coin  de  terre  ou  plusieurs  d'entre  vous  ont ,  a  mon  exemple ,  reve 
peut-etre  une  retraite  heureuse  et  tranquille,  il  ne  restera  qu'un  desert 
affreux  et  sauvage ,  qu'un  lambeau ,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi ,  sembla- 
ble  a  ce  que  je  vous  ai  dit  nagueres  de  notre  pauvre  et  inculte  Berry. 

Je  vous  ai  parle  de  la  vegetation ;  son  aspect  m'a  frappe ;  ses  proportions , 
qui  ne  sont  point  alterees ,  portent  le  cachet  d'une  temperature  reguliere ; 
toutes  les  plantes  que  j'ai  pu  comparer ,  dans  ma  memoire ,  a  leurs  analo- 
gues de  mon  pays ,  out  acquis  un  developpement  qu'elles  n'atteignent  jamais 
dans  le  mien.  C'est  ainsi ,  qu'a  la  grandeur  de  son  port ,  a  la  largeur  de 
ses  feuilles,  a  leur  noire  etlisse verdure,  j'ai  pris,  au  premier  coup-d'osil, 
pour  le  daphne  laureola,  Vlielleborus  foetidus ;  rien  d'etonnant  a  cela, 
messieurs;  cette  derniere  plante,  qui  vegete  chez  moi,  sur  une  terre 
aride ,  dans  un  milieu  atmospherique  en  contintielle  dessiccation ,  ne  deve- 
loppe  que  des  feuilles  menues,  ctroites ,  d'une  teinte  presque  semblable  a 
celles  que  prennent  les  forets,  au  declin  de  l'automne.  N'ayant  point 
d'instruments ,  je  n'ai  pu  apprecier  la  difference  de  temperature  cntre 
1'eau  des  sources  et  Fair  ambianl  qui  les  environne ;  la  premiere  sensation 
de  1'eau  m'a  fait  seulement  jtiger  que  celte  eau  etait  uioiiis  froide  que  la 
uotre.  Yoici,  suivant  moi  ,  Pexplication  de  ce  phenomene  ,  auquel  du 
reste  je  m'attendais.  J'admets  toujours  qu'il  existe  une  difference  essen- 
tielle  de  temperature,  entre  1'atmosphere  d'un  pays  boise  et  celle  d'un 
pays  deboise ,  places  d'ailleurs  tous  les  deux  sur  le  globe  a  latitude  egale. 
Cefait,  une  fois  admis,je  dis,  messieurs,  que  Pair  du  pays  d'Orchaise T 
etant  perpetucllcment  rafiaichi  par  Faction  d'une  foret  voisine,  doit  reft- 


76  PREMIERE  SECTION. 

dre  moins  sensible  la  fraicheur  naturelle  de  1'eau  dc  la  fontaine;  le  con- 
traire  a  lieu  chez  moi;  la  temperature  del'eau  des  sources  parail  plus  froide 
aux  habitants,  qui  viventdaris  tin  milieu  atmospherique  renduconstammenfr 
sec  et  chaud  par  le  deboisement. 

A  1'occasion  de  cette  lecture  ,  M.  de  Montlivault  cite 
une  loi  du  grand  duche  de  Toscane ;  elle  defend  d'abattre 
les  bois  situes  sur  la  crete  des  coteaux. 

Ce  serait  un  immense  malheur,  ajoute  M.  de  Boisrouvray ,  si  les  bois 
qui  dominent  les  montagnes  etaient  defriches.  M.  de  Ladoucette ,  depute  , 
croit  devoir  atlribuer  au  defrichement  des  bois ,  les  cbangements  de  tem- 
perature ,  la  multiplication  des  insectes  et  la  disparition  des  sources  en 
Provence.  En  Egypte ,  ou  1'on  commence  a  planter  aujonrd'hm ,  les  eaux 
rcparaissent.  Un  danger  non  moins  grand ,  qu'entraine  le  defrichement 
dans  les  pays  montagneux ,  c'est  de  changer  les  rivieres  en  torrents  impe- 
tueux  pendant  une  partiede  Pannee,  de  les  laisser  a  sec  pendant  1'autre. 
Depuis  qu'en  Italie  les  montagnes  sont  deboisees  ,  le  lit  des  rivieres ,  en- 
combre  de  limon  etde  terres  amoncelees  par  les  eaux,  s'est  eleve  d'une 
maniere  sensible.  Le  Po,  cite  par  M.  de  Rony,  en  est  un  exemple;  le  lit 
de  ce  fleuve  est  aujourd'hui  superieur  au  niveau  des  rues  des  villes  qu'it 
traverse. 

M.  de  Villiers  donne  communication  d'une  lettre  de 
M.  de  Boisvillette,  ingenieur  des  ponts  et  chaussees  a 
Chateaudun ,  retenu  dans  cette  ville  par  les  devoirs  de 
sa  place;  il  adhere  neanmoins  au  Gongres  de  Blois  et 
desire  faire  partie  de  celui  de  1'annee  suivante.  II  fait 
remettre  a  la  section  une  note  hydrograpliique  sur  1'in- 
termittance  des  eaux  de  la  petite  riviere  de  Connie. 

M.  de  Vibraye  donne  lecture  du  memoire,  la  section 
vote  son  insertion  a  la  suite  du  compte-rendu  des  tra- 
vaux  du  Congres. 

La  lecture  de  ce  memoire  donne  occasion  a  plusieurs 


PREMIERE  SECTION.  77 

niembres  de  la  section  de  faire  part  de  quelques  obser- 
vations sur  des  faits  a  peu  pres  analogues.  M.  de  Mont- 
livault  parle  de  la  source  deRosieux,  nommee  par  les 
habitants  Fontaine  de  pain-cher ,  parce  qu'ils  preten- 
dent  qu'elle  presage ,  en  cessant  de  couler ,  une  disette 
de  cereales.  Son  intermittence  est  de  plusieurs  mois. 

M.  Cairvin  signale,  aux  environs  de  Sable,  la  Fon- 
taine sans  fond ,  ainsi  nommee  parce  qu'on  n'a  pu  jus- 
qu'a  present  s'assurer  de  sa  profondeur.  Elle  a  perdu 
beaucoup  de  son  importance;  ses  eaux  servaient  autre- 
fbis  au  rouissage  des  chanvres, 

M.  le  docteur  Hunault  de  la  Pelterie  dit  qu'il  existe  en 
Anjou  beaucoup  de  sources  intermittentes. 

M.  de  Montlivault  rappelle,  sur  les  Fontaines  appe- 
le'es  sans  fond,  1'opinion  de  M.  Arago  :  ce  savant  les  re- 
garde  comme  des  puits  artesiens  naturels.  Le  source  du 
Loiret  doit  etre  classee  dans  cette  cateVorie. 

D 

M.  de  Caumont  entretient  la  section  d'une  fontaine 
curieuse  sous  le  rapport  de  son  intermittence.  Cette  fon- 
taine, appelee  par  les  habitants  Fontaine-Noire,  existe  a 
Conde-sur-Lezou ,  arrondissement  de  Falaise.  Les  habi- 
tants du  pays  attribuent  un  germe  de  mortalite  a  1'ecou- 
lement  de  ses  eaux  ,  et  quelquefois  meme  ils  fuient  au 
loin  lorsqu'ils  croierit  y  lire  un  funeste  presage. 

M.  Cauvin  a  visite  pres  du  Mans  de  grands  fosses  dont 
les  eaux  proviennent  de  sources;  on  trouve  dans  ces 
fosses  plusieurs  especes  de  poissons  sans  qu'on  en  y  ait 
jamais  mis.  Cette  observation  fixe  1'attention  de  1'assem- 
ble'e  sur  une  suite  de  communications  de  plusieurs  de  ses 


78  PREMIERE  SECTION. 

membres,  relatives  aux  animaux  qu'on  retrouve  loin  de 
leur  demeure  habituelle.  M.  de  Vibraye  fait  remarquer  a 
ce  stijet,  qu'apres  avoir  peche  les  etangs  et  les  avoir  mis 
en  culture  pendant  une  annee ,  1' annee  d'ensuite  on  y 
retrouve  de  petits  brochets  lorsque  les  eaux  y  sont  reve- 
nues, et  avant  qu'on  les  ait  empoissonnes  de  nouveau.  Ce 
phenomene  peut  s'expliquer,  suivant  M.  de  Villiers,  si  1'e- 
tang  recoit  les  eaux  d'un  autre  etang  superieur  on  d'une 
petite  riviere ;  le  frai  peut  etre  entraine  par  elles  :  on 
peut  encore  lui  assigner  pour  cause  le  transport  des  ceufs 
opere  par  les  oiseaux  aquatiques  allant  se  reposer  d'un 
etang  a  un  autre ,  et  pouvant  en  retenir  quelques  tins 
attaches  a  leurs  pattes.  M.  de  Villiers  raconte  la  de- 
couverte  qu'il  a  faite  cette  annee  d'un  crustace ,  nomme 
le  brachiopode  stagnal,  dans  le  sillon  d'un  champ  situe 
dans  une  plaine  aride,  elevee ,  eloignee  de  tout  courant 
d'eau.  Depuis  plus  de  quatre  mois  la  secheresse  etait  ex- 
treme ,  toutes  les  mares  de  la  Beauce  etaient  sans  eau ,  les 
Fontaines  etaient  taries,  et  cependant  apres  un  violent 
orage ,  il  trouva  ce  crustace  au  milieu  des  champs.  On 
ne  peut  admettre  que  deux  hypotheses  pour  expliquer  ce 
fait ,  soit  que  les  vents  eussent  entraine  quelques  ger- 
mes  de  ces  animaux  et  les  eussent  deposes  dans  les 
champs ,  ou  ils  se  seraient  developpes  lorsque  la  pluie 
leur  aurait  apporte  1'humidite  necessaire  an  principe 
de  vitalite  qu'ils  contenaient;  soit  que  ces  germes  fussent 
tombes  des  pattes  de  quelques  oiseaux  aquatiques. 

II  cite  encore  un  autre  fait  relatif  aux  pluies  de  cra- 
pauds,  A  Paris  ,  en  1 808  ,  il  a  vu  ,  rue  Saint-Louis  au 


PREMIERE  SECTION.  79 

Marais,  a  la  suite  (Tun  violent  orage,  ime  terrasse  cou- 
verte  en  plomb,  pleine  de  petits  crapaucls  qui  ne  pouvaient 
y  avoir  ete  apportes  qu'a  la  suite  de  Teau  tombee  pen- 
dant 1'orage.  M.  de  Caumont  cite  qu'en  pleine  mer  ,  on 
a  vu  le  pont  d'un  batiment,  apres  un  orage,  couvert 
d  tine  enorme  quantite  de  petits  crapauds  tous  bien  vi- 
vants.  M.  de  Villiers  parle  ensuite  d'une  pluie  violente 
qui  couvrit  en  1834  la  toiture  de  1'octroi  de  Montpel- 
lier ,  ainsi  qu'une  dixaine  de  toises  aux  environs ,  d'une 
innombrable  quantite  d'un  mollusque  terrestre,  le  buli» 
inus  truncatus,  qu'on  trouve  dans  le  Midi  epars  dans  les 
bois  et  les  jardins,  II  a  rapporte  plusieurs  de  ces  coquil- 
les  entieres  avec  1'animal. 

M.  de  Montlivaulc  explique  ce  phenomene  en  disant 
que  les  crapauds  et  les  mollusques  etaient  soutenus  en 
1'air  long-temps  avant  de  tomber  sur  la  terre  ,  commc 
Volta  1'explique  pour  la  grele.  M.  de  Villiers  pense  qu'il 
doit  en  etre  cle  rauthenticite  de  ce  phenomene  comme  de 
celui  des  aerolithes  dont  on  a  si  long-temps  nie  la  chute. 
II  ne  fallut  rien  moins  que  la  fameuse  pluie  de  pierres  de 
Laigle  pour  forcer  1' Academic  des  sciences  a  nommer  des 
commissaires  pour  constater  un  fait  aujourd'hui  si  bien 
prouve. 

M.  de  Villiers  lit  ensuite  un  me'moire  sur  les  exanthe- 
mes  des  vegetaux,  en  reponse  a  la  deuxieme  question  du 
programme.  Cette  question  ne  parait  pas  a  la  section 
avoir  ete  resolue  par  1'auteur  qui  confond  les  exanthe- 
mes  avec  les  plantes  parasites.  Elle  passe  a  1'ordre  du 
jour  apres  avoir  neamoins  entendu  quelques  observa- 


80  PREMIERE  SECTION. 

tions  de  M.  tie  Boisrouvray.  II  faut ,  suivant  lui ,  bien  dis- 
tinguer  des  exan themes  naturels,  les  excroissances  pro- 
duites  par  la  piqure  de  certains  insectes  tels  que  le  cinips 
du  chene  qui  produit  les  noix  de  galle ,  et  celui  du  rosier 
qui  produit  le  bedegar. 

M.  Alonzo  Pean  pretend  aussi  que  le  memoire  n'a  pas 
aborde  la  question.  II  traite  simplement  de  la  formation 
des  excroissances  qui  se  manifestent  sur  les  vegetaux  et 
que  M.  de  Candolle  a  regarde  comme  des  fungus. 

M.  de  Vibraye  lit  ensuite  un  memoire ,  depose  par 
M.  Mestivier  (de la  Chapelle-Saint-Martin ) , sur  1'organi- 
sation  des  vegetaux.  L'auteur  n'est  point  present,  et 
le  memoire  ne  presentant  pas  la  solution  de  la  question 
posee  dans  F  article  5  du  programme ,  la  section  passe 
a  1'ordre  du  jour. 

M.  de  Caumont  termine  la  seance  par  quelques  eclair- 
cissements  sur  1'admirable  collection  de  M.  Moreau  a 
Liege ,  et  la  signale  a  1'attention  de  tons  les  botanistes. 
M.  Moreau,  par  des  injections  de  mercure,  rend  pour 
ainsi  dire  la  vie  aux  plantes  dessechees  et  montre  aux 
yeux  de  1'observateur  toutes  les  ramifications  de  leurs 
vaisseaux  lymphatiques ,  alimentes  d'une  seve  incor- 
ruptible. 


PREMIERE  SECTION.  81 

Seance  du  lundi  19  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  comte  DE  MONTLIVAVLT. 

La  section  ouvre  la  discussion  sur  la  quatrieme  partie 
de  la  troisieme  question  du  programme. 

M.  Ghevereau  prend  la  parole.  II  rend  compte  d'un 
forage  de  puits  artesien  entrepris  a  Elbeuf ;  a  420  pieds 
1'eau  jaillissante  fut  obtenue ,  lorsque  la  sonde  eut  at- 
tefet  les  premieres  couches  du  gres  vert. 

A  Saint-Andre ,  a  quelques  lieues  d'Evreux ,  poursuit  M.  Chevereau  , 
un  semblable  forage  a  ete  commence.  Voici  les  couches  traversees  par  la 
sonde  :  terrain  superieur  a  la  craie  60  pieds,  craie  blanche  jusqu'a  550 
pieds  ,  sable  fin  a  590  pieds ,  puis  a  700  pieds  la  craie  sableuse  verte.  On 
est  presentement  a  805  pieds  dans  la  meme  coucbe,  et  j'estime  d'apres  la 
comparaison  que  j'ai  faite  entre  Elbeuf  et  Saint- Andre ,  qu'il  faut  encore 
creuser  environ  cent  pieds  pour  arriver  a  la  ligne  d'eau  d'Elbeuf.  Je 
crois  qu'il  y  a  de  fortes  raisons  de  penser  que  1'enlreprise  a  cette  pro- 
fondeur  sera  couronnee  de  succes.  Le  conseil  general  de  1'Eure,  com- 
pose d'hommes  eclaires,  vient  de  voter  1,500  francs  pour  la  continuation 
des  travaux.  Le  conseil  general  voit  dans  ce  travail  un  autre  avantage, 
celui  de  procurer  des  sources  non  jaillissantes ,  mais  abolidantes ,  pouvant 
reparer  les  pertes  de  celles  qui  se  sont  taries. 

M.  de  Villiers  cite  les  forages  executes  a  Chartres.  Le 
premier ,  entrepris  par  M.  Mulot ,  en  face  de  la  cathe- 
drale,  fut  pousse  jusqu'a  150  pieds ,  puis  abandonne. 
Un  nouveau  forage  execute  par  un  autre  entrepreneur 
fut  pousse  jusqu'a  850  pieds  ,  apres  avoir  traverse  des 
banes  enormes  de  silex  et  de  craie ,  mais  sans  obtenir 
d'eau  jaillissante  ,  apres  avoir  depense  plus  de  quarante 
inille  francs.  Un  belier  hydraulique  ,  une  machine  a  va- 


82  PREMIERE  SECTION. 

peur ,  eussent  porte  de  1'eau  dans  la  ville  de  Chartres  a 
bien  moins  de  frais. 

M.  Cauvin  donne  ensuite  quelques  details  surlespuits 
artesiens  entrepris  au  Mans  et  abandonnes  a  600  pieds 
sans  avoir  obtenu  de  resultat. 

M.  Hunault  dela  Peltrie  entre  dans  de  grands  details 
relatif s  aux  forages  entrepris  dans  les  departements  d  In- 
dre-et-Loire ,  de  Maine-et-Loire  et  du  Cher.  M.  Hunault 
n'ayant  point  envoye  les  notes  qu'il  avait  desire  rediger 
a  ce  sujet ,  nous  regrettons  de  ne  les  point  voir  figurer 
dans  le  compte-rendu  cles  seances. 

M.  de  Boisrouvray  fait  observer  que  souvent  on  entre- 
prend  legerement  des  forages  avant  de  s'etre  assure  prea- 
lablement  des  chances  qu'on  pourrait  avoir ;  de  la  resulte 
la  perte  de  sommes  enormes  qui  seraient  plus  surement 
employees  a  la  construction  de  machines  hydrauliques. 

M.  de  Vibraye  rend  compte  a  la  section  de  plusieurs 
forages  entrepris  par  lui  a  Cheverny.  Plusieurs  ont  ete 
couronnes  de  succes  ,  les  autres  ont  servi  a  constater  la 
nature  des  couches  de  terrains  de  cette  partie  de  la  Solo- 
gne. 

Je  regarde,  poursuit-il ,  les  depots  argileux  et  sableux,  d'ou 
j'ai  fait  surgir  des  eaux  jaillissautes ,  comme  appartenant  aux  alluvions 
anciennes  dont  est  reconvert  le  sol  de  la  presque  totalite  de  la  So- 
logne  orientale.  Je  n'ai  pas  pousse  mes  forages  assez  loin  pour  ni'as- 
surer  de  la  position  du  terrain  tertiaire  lacustre  superieur  au-dessous 
des  depots  que  je  viens  de  mentionner  ,  mais  tout  porte  a  croire 
que  sa  position  leur  est  inferieure.  Je  pourrais  citer  a  1'appui  de 
cette  opinion  quelques  fontaines  naturelles  dc  la  contree ;  elles  sourdent 
au-dessus  du  calcaire ,  la  ou  celui-ci  se  trouve  presque  a  fleur  de  terre ; 


PREMIERE  SECTION.  83 

il  suffit  pour  curer  ces  bassins  naturels  de  mettre  a  decouvert  le  calcaire. 
Les  forages  n'ont  point  tous  ameue  des  eaux  a  la  surface,  mais  tous  ils 
ont  rencontre  les  memes  couches;  en  citer  un,  c'est  done  faire  mention 
de  tous  a  la  fois.  Le  plus  profond,  pousse  jusqu'a  75  pieds,  n'a  point 
procure  d'eau  jaillissante.  Dans  les  autres ,  mais  aussi  dans  une  autre  lo- 
calite,  la  sonde  a,  pendant  15  pieds  environ,  rencontre,  d'abord  une 
couche  d'argile  jaunatre ,  tres  compacte ,  puis  de  1'argile  bleuatre  et  du 
sable  bleu  argileux;  enfin  du  sable  a  grain  tres  gros,  amene  par  1'eau 
jaillissante.  Dans  1'un  des  derniers  sondages ,  elle  amena,  pendant  quel- 
ques  jours,  un  tres  beau  sable  chlorite  vert,  d'une  grande  finesse.  L'eau 
paraissait  alors  troublee ,  mais  en  meme  temps  scintillaieut  des  paillettes  mi- 
cacces,  comme  dans  les  torrents  des  montagnes,  apres  un  orage ;  mais  bientot 
apres  1'eau  devint  singulierement  limpide  et  pure.  Je  terminerai  par  une 
observation  que  je  soumets  aux  botanistes  :  j'ai  remarque  sur  les  eaux  de 
ces  sources  une  plante  filamenteuse ,  peut-etre  de  la  classe  des  conferves  ; 
elle  se  developpe  tres  rapidement,  et  finirait  peut-etre  par  obstruer  le 
cours  des  eaux  si  1'on  ne  prenait  soin  de  Penlever. 

MM.  Hunault  de  la  Peltrie  et  de  Vibraye  terminent 
la  discussion  par  quelques  observations  sur  la  necessite 
d'une  legislation  nouvelle  relative  aux  cours  d'eau  pro- 
venant  des  puits  artesiens.  C'est  un  cas  exceptionnel  que 
les  lois  actuellement  existantes  ne  peuvent  regir. 

M.me  Cauvin  exprime  le  desir  de  voir  tous  les  bota- 
nistes de  province  envoyer  a  Paris,  a  la  galerie  botani- 
que,  un  echantillon  des  plantes  qu'ils  recolteront.  Les 
notabilites  scientifiques ,  presidant  a  cette  institution  , 
rectifieraient  les  erretirs,  et  ceux  qui  voudraient,  par 
la  suite,  completer  uneFlore  de  la  France,  trouveraient 
reunis  dans  cet  etablissement  les  materiaux  necessaires. 
II  serait  a  desirer  que  les  botanistes  indiquassent  le  de- 
gre  de  rarete  de  cliaque  plante  et  fissentconnaitre  la  na- 
ture du  sol  ou  elle  croit. 


84  PREMIERE  SECTION. 

La  section ,  avant  de  se  separer  vote  a  MM.  les  mem- 
bres  du  bureau  des  remerciments  pour  le  zele  qu'ils  ont 
apporte  dans  1'exercice  de  leurs  fonctions.  Ceux-ci ,  a 
leur  tour,  expriment  a  la  section  tout  le  prix  qu'ils  atta- 
chent  au  choix  dont  leurs  collegues  ont  bien  voulu  les 
bonorer. 

La  seance  est  levee. 


Les  secretaires  de  la  section,  Le  president  de  la  section, 

C.te  DE  VIBRATE ,  D.r  ROBERTON. 

RENOU  ,  Le s  vice  -presidents , 

DE  VILLIERS.  C.te  DE  MONTLIVAULT , 

L'abbe  LEFROTJ. 


DEUXIEME  SECTION.  85 

DEUXIEME  SECTION. 
Agr  traitor*,  Jntmstrie  et  C0mm*rr*. 


Seance  du  lundi  12  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  LAIR  (de  Caen.} 

LA  section ,  sous  la  presidence  provisoire  de  M.  Cau- 
vin  (du  Mans),  doyen  d'age  des  membres  presents, 
s'occupe  de  la  constitution  de  son  bureau  definitif.  M.  Lair 
(de  Caen)  est  nomme  president  a  Vunanimite.  On 
precede  ensuite  a  la  nomination  de  deux  vice-presidents: 
MM.  de  la  Giraudiere  (de  Villeny) ,  et  le  prince  de  Chi- 
may,  obtiennent  la  majorite  des  suffrages. 

M.  Eugene  Riffault  (de  Blois)  ,  designe  provisoire- 
ment  comnie  secretaire ,  est  maintenu  dans  cette  fonc- 
tion.  La  section  lui  adjoint  M.  de  la  Tramblais  ( de  Gha- 
teauroux). 

M.  Eugene  Riffault  depose  sur  le  bureau  un  memoire 
envoye  par  M.  Vallery ,  manufacturier  a  Saint-Paul-sur- 
Rille,  sur  la  conservation  des  grains  et  sur  les  moyens 
de  netoyer  les  bles  entaches  de  carie.  L'examen  de  ce 
travail  est  envoye  a  une  commission  composee  de 
MM.  Emmanuel  Gaillard ,  de  la  Giraudiere  et  Pinault 
( de  Blois ). 

M.  Chevereau  (  d'Evreux  )  offre  un  memoire  sur 
liamendement  des  terres  les  unes  par  les  autres  dans  le 


86  DEUXIEME  SECTION. 

departement  de  1'Eure.  Le  renvoi  a  line  commission  est 
prononce.  Commissaires :  MM.  le  comte  de  Vibraye  ( de 
Cheverny ) ,  Chevereau  et  de  la  Tramblais. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  premiere  question  du  pro- 
gramme :  Quels  sont  les  moyens  de  tirer  le  parti  le  plus 
avantageux  des  terrains  communaux  ? 

La  parole  est  a  M.  Emmanuel  Gaillard.  Suivant  cet 
honorable  membre,  onpeut  utiliser  ces  sortes  de  biens 
de  six  manieres  differentes.  On  peut  les  louer  a  diverses 
conditions  ;  on  peut  les  vendre  au  profit  des  communau- 
tes  d'habitants;  on  peut  les  bailler  a  rente  fonciere ;  on 
peut  y  faire  des  plantations  d'essences  appropriees ;  on 
peut  les  partager j  enfin  on  peut  les  abandonner  a  la  de- 
paissance  des  troupeaux.  11  pense  que  Ton  doit  planter 
les  terres  en  pente ,  celles  ou  la  craie  est  a  nu ;  et  prefe- 
rer  pour  cet  objet  le  Vernis  du  Japon ,  dont  le  bois  est 
d'un  excellent  emploi  pour  le  charronnage ,  suivant  les 
experiences  de  M.  Philippar.  Les  bons  fonds  devraient 
etre  vendus  ou  au  moins  donnes  en  bail  pour  une  pe- 
riode  de  1 6  ans ,  en  obligeant  les  preneurs  a  les  cultiver 
suivant  un  assolement  quadriennal.  Le  defrichement  des 
terres  mediocres  est  tres  onereux ;  il  faudrait  les  vendre 
ou  les  partager  entre  les  ayant-droit.  Ceux  d'une  moin- 
dre  valeur  devraient  etre  loues  moitie  en  nature  et  moi- 
tie  en  argent,  leurs  produits  en  nature  distribues  entre 
les  indigents  et  ceux  en  argent  verses  a  la  caisse  com- 
munale. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  (de  Blois)  regarde  le  partage 
comme  ne  pouvant  etre  justement  pratique.  II  deposse- 


DEUXIEME  SECTION.  87 

derail  les  pauvres  dont  les  biens  communaux  sont  sou- 
vent  1'unique  ressource. 

M.  de  la  Giraudiere  se  livre  a  des  considerations  d'un 
haut  interet  sur  les  divers  partis  a  tirer  des  biens  com- 
munaux ;  il  considere  comme  impraticable  le  partage 
general  de  ces  biens. 

M.  de  la  Fontenelle  (de Poitiers)  croit  que  la  question 
est  dominee  par  une  consideration  generale  :  doit-on  on 
ne  doit-on  pas  vendre  les  biens  communaux?  Ce  mem- 
bre  pense  que  la  negative  ne  doit  pas  souffrir  de  diffi- 
cultes.  II  cite  a  ce  sujet  1'opinion  de  M.  Mounier,  qui  a 
etabli  que  les  communes  possedaient  perpetuellement 
comme  communes ,  mais  non  pas  comme  individus.  Or , 
vendre  les  communaux  serait  enrichir  les  habitants  ac- 
tuels  des  communes  et  depouiller  ceux  qui  viendront 
apres  eux.  Le  partage  des  biens  communaux  serait  au 
detriment  de  la  classe  pauvre.  Ainsi  le  Congres  doit  s'op- 
poser  au  partage  definitif ,  sauf  a  aviser  a  des  partages 
provisoires,  a  des  baux,  a  tout  autre  mode  de  jouis- 
sance,  en  conservant  la  propriete  aux  communes. 

M.  deCaumont  (de  Caen)  cite  des  partages  de  marais 
qui  ont  etc  opere's  dans  le  departement  du  Calvados,  il  n'y 
a  pas  plusde  deux  ans.  Les  pauvres  ont  vendu  les  portions 
qui  leur  etaient  echues  et  sont  tout  aussi  pauvres  qu'ilsi'e- 
taient  avant  le  partage.  Suivant  cet  honorable  membre, 
le  seul  moyen  d'amelioration  est  la  concession  par  bail 
a  long  terme  :  les  communes  y  trouveront  de  grands 
avantages ,  et  les  biens  communaux  ne  pourront  que 
prendre  une  augmentation  de  valeur. 


88  DEUXIEME  SECTION. 

M.  de  Souvigny  ( tie  Blois )  cite  les  lois  anciennes  qui 
regissent  les  biens  communaux,  et  notamment  1'ordon- 
nance  de  1 669.  II  se  prononce  centre  le  partage  cle  ces 
biens  qu'il  regarde  comme  defavorable  aux  communes 


et  aux  usagers. 


La  discussion  est  continuee  au  lendemain  et  la  seance 
est  levee. 


Seance  du  mardi  13  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  LAIR. 

M.  Elie  Dm  (de  Parthenay)  presente  le  modele  d'un 
appareil  propre  a  perfectionner  la  vinification.  Get  appa- 
reil  est  soumis  a  1'examen  d'une  commission  composee 
deMM.  Guerin  d'Ogoniere,  Baussan  (  de  Blois)  et  de 
Vibraye. 

M.  de  Vibraye  donne  Tanalyse  d'experiences  faites 
par  la  societe  d'agriculture  du  departement  de  1'Eure , 
sur  I'amendement  des  terres  et  sur  les  moyens  de  les  por- 
ter au  plus  baut  degre  de  fertilite  dont  elles  soient  sus- 
ceptibles  en  les  ramenant  a  des  proportions  exactes  d'ar- 
gile,  de  calcaire  et  de  sable.  Ce  membre  se  charge  de 
repeter  ces  experiences  et  d'en  rendre  compte  au  pro- 
chain  Congres. 

M.  de  Gaumont  ad  met  qu'on  augmente  la  fertilite  des 
terres  arables  en  les  melangeant  les  unes  avec  les  autres : 
mais  il  pense,  qu'on  pent,  lorsqu'on  a  quelque  teinture 
des  sciences  geognostiques,  connaitre  approximativement 


DEUXlfeME  SECTION.  89 

la  nature  des  terrains;  qu'on  peut  en  consequence  faire 
ces  melanges  d"une  maniere  approchee ,  sans  recourir  a 
1'exactitude  des  precedes  chimiques. 

L'ordre  du  jour  est  la  continuation  de  la  discussion 
sur  les  moyens  de  tirer  parti  des  terrains  communaux. 

M.  de  Recy  (de  Blois)  trouve  exageree  1'assertion  don- 
nee  la  veille  en  seance  generale  par  M.  le  vicomte  de 
Gourteilles  qui  porte  a  huit  cent  mille  fr.  la  valeur  des 
communaux  de  Bre'hemont.  Les  biens  dont  il  s'agit  sont 
en  contestation  entre  le  dornaine  de  1'etat  et  les  commu- 
nes; par  suite  de  ce  conflit,  ces  biens  sont  loin  de  donner 
le  produit  et  d'avoir  la  valeur  qu'ils  auraient  si  la  propriete 
en  e'tait  fixee.  M.  de  Recy  recherche  quelle  a  etc  I'o- 
rigine  des  biens  communaux,  tout  en  declarant  que  cette 
question  a  peu  d'importance  relativement  a  la  solution 
de  la  question  principale  maintenant  en  discussion. 

Les  biens  communaux ,  dit-il ,  ont  en  plusieurs  origines.  Gelle  de  plu- 
sieurs  remonte  a  1'epoque  de  la  conquete ,  car  les  Remains  trouverent  le 
systeme  municipal  etabli  dans  les  Gaulcs ;  d'autres  terres  vaines  et  vagues 
etaient  la  propriele  des  anciens  seigneurs  qui  les  concedaient  pour  un 
cens,  modicum  annuum  canon  ;  abandonnant  ainsi  le  domaine  utile  aux 
habitants  de  la  commune ,  s'en  reservant  a  toujours  le  domaine  direct. 
D'autres  biens  sont  restes ,  peut-etre  depuis  la  conquete,  en  quelque 
sorte  vacants  par  suite  de  1'expulsiou  des  proprietaires  legitimes,  sans 
que  les  habitants  qui  se  sont  etablis  dans  leur  voisinage  aient  souge  a  se 
Jes  approprier  ou  a  en  tirer  parti.  D'autres  biens  commuuaux  enfm  ont  ete 
concedes  par  nos  rois  aux  communes  ou  acquis  par  celles-ci  en  vertu  de 
1'autorisation  qui  leur  en  fut  donnee  par  un  arret  du  conseil  du  22  avrH 
1673. 

Apres  avoir  parcouru  les  diverses  periodes  de  la  le- 


90  DEUX1EME  SECTION. 

gislation  relative  aux  biens  communaux  ,  1'orateur  e'met 
le  voeu  que  cette  legislation  soit  revisee. 

Je  reconnais,  contiuue-t-il,  que  les  biens  possedes  parune  agglomeration 
d'individus  sout  en  general  mal  administres.  II  y  aurait  done  quelquefois 
avantage  a  vend  re  ces  biens  :  les  communes  pourraient  alors  retribuer 
1'instituteur  primaire  et  suffire  a  leurs  autres  charges.  Mais  oter  aux  com- 
munes pauvres  leurs  patures ,  c'est  leur  oler  leurs  ressources ;  la  il  faut 
respecter  les  droits  d'usage  dans  les  bois  :  le  pauvre  pent  ainsi  pourvoir 
au  chauffage  de  sa  famille  et  a  ses  autres  besoins. 

En  se  resuniant ,  M.  de  Recy  pense  qu'il  conviendrait 
de  laisser  aux  communes  la  disposition  de  leurs  biens. 

M.  de  Buzoniere  (d' Orleans)  s'eleve  centre  1'aliena- 
tion  des  biens  communaux.  Les  habitants,  suivant  lui, 
n'en  ont  que  1'usufruit ,  et  1'usufruitier  n'a  pas  la  faculte 
de  vendre.  II  demontre  1'accroissement  de  valeur  que 
prennent  avec  le  temps  les  proprietes  communales.  II 
en  compare  la  valeur  actuelle  avec  celle  qu'elles  avaient 
il  y  a  plusieurs  siecles.  La  quantite  d'argent  va  toujours 
croissant  ;  la  valeur  de  ces  biens  s'acroitra  done  dans  la 
meme  proportion.  II  s'eleve  contre  les  partages  qu'il 
trouve  favorables  aux  envahissements ,  et  craint  qu'on 
enrichisse  les  pauvres  d'aujourd'hui  au  detriment  des 
pauvres  a  venir. 

M.  Vallon  (de  Blois)  se  demande  s'il  est  utile  de  ven- 
dre. La  legislation  ancienne  a  consacre  1'inalienabilite 
des  biens  communaux.  Les  communes  ne  doivent  pas 
faire  de  placements  au  hasard.  L'orateurrappelle  les  cri- 
ses qui  ont  compromis  toutes  les  fortunes ,  et  les  revolu- 
tions qui  les  ont  souvent  aneanties.  L1  alienation  des 


DEUXIEME  SECTION.  91 

biens  de  1'etat  a  toujours  cause  de  vives  rumeurs  :  celle 
des  biens  des  communes  ne  peut  que  les  appauvrir  elles- 
memes  et  1'etat  avec  elles.  II  est  convenable  que  1'etat 
soit  proprietaire  pour  avoir  du  credit.  II  en  est  de  meme 
des  communes  a  qui  il  faut  laisser  des  proprietes  pour 
qu'elles  puissent  au  besoin  secourir  1'etat.  L'orateur  re- 
garde  1'alienation  des  biens  des  communes  ou  de  1'etat 
comme  attentatoire  a  la  dignite  nationale. 
M.  Gaillard  prend  la  parole  : 

J'estime  ,dit-il,  a  quatre  millions  d'arpents  1'etendue  des  biens  commit- 
naux  en  France,  et  je  pense  que  dans  certaines  circonstances  ces  sortes  de 
proprietes  pourraient  acquerir  une  valeur  treize  fois  plus  considerable. 
Ceux  de  premiere  et  de  seconde  classes  ne  pouvant  plus  recevoir  d'amclio- 
ration  possible ,  devraient  etre  vendus  el  remplaces  par  d'autres  biens 
meubles  ou  immeubles  ou  par  une  rente  en  grains  convertissable  annuel- 
lement  en  argent,  et  qui  ne  pourrait  etre  constitute  qu'au  denier  cinquante. 
Enprincipe  rigoureux,aucun  bien  appartenant  aux  communes  ne  peut  elre 
partage.  Les  biens  en  grande  masse  pourraient  servir  a  1'etablissement  de 
colonies  agricoles ;  les  indigents  qui  y  seraient  places  s'obligeraient  a  payer 
une  rente  fonciere  dont  le  paiement  commencerait  douze  ans  apres  le  de- 
frichement  de  chaque  piece  de  terre.  On  pourrait  encore  louer  a  des  cul- 
tivateurs  riches ,  a  charge  de  fumer  et  d'etablir  des  clotures.  Tous  les  ter- 
rains de  montagues  et  les  sommets  seraient  plantes  en  essences  appropriees, 
meme  en  genets  et  en  joncs  marins ,  mais  non  en  bruyeres.  Les  terrains 
de  classes  inferieures ,  non  susceptibles  d'etre  plantes ,  formeraient  des 
patis  reunis  aux  bruyeres  et  aux  landes,  et  ils  seraient  semes  de  plantes 
propres  a  la  formation  du  miel :  des  ruches  a  ventilation  seraient  achetees 
par  les  communes  et  confiees  a  des  hommes  intelligents.  On  y  etablirait 
encore  des  quinconces  de  muriers  ou  d'arbres  fruitiers. 

M.  Baussan  observe  que  depuis  1'ordonnance  de  1669, 
la  population  a  augmente  d'un  tiers ;  de  la  le  besoin  de 
rendre  a  1'agriculture  les  terrains  vains  et  vagues  et  les 


92  DEUXIEME  SECTION. 

biens  communaux.  II  prefere  les  mettre  en  location 
moyennant  un  bail  de  plus  de  seize  ans.  Sans  cette  du- 
ree  ,  le  fermier  ne  serait  pas  suffisammenr.  indemnise 
des  frais  de  cloture  et  autres.  Si  Ton  voulait  vendre ,  on 
ne  le  pourrait  faire  qu'au  profit  de  compagnies  qui  ache- 
teraient  a  vil  prix.  On  a  dit  que  le  partage  etait  impossi- 
ble, 1'orateur  ne  le  pense  pas  ainsi,  et  ajoute  que  Ton 
pourrait  prendre  pour  base  le  nombre  des  tetes  de  betail 
qui  sont  annuellement  envoyees  dans  les  pacages.  En  se 
resumant,  1'orateur  dit  que,  suivant  les  circonstances ,  il 
serait  avantageux  de  partager  on  d'affermer  par  baux 
amphyteotiques* 


Je  me  demande,  ajoute  M.  de  Souvignyaux  conclusions  du  preopinant , 
si  1'alienation  est  opportune  ?  si  elle  est  legale  ?  s'il  est  possible  memo 
qu'elle  soil  legale  ?  Je  range  les  moyens  de  tirer  parti  des  biens  commu- 
naux en  deux  categories ,  et  je  placerai  dans  la  premiere  ceux  qui  auraient 
pour  effet  reel  de  denaturer  on  faire  disparaitre  la  propriete  des  commtr- 
nes ,  tels  que  la  vente ,  la  donation ,  le  partage ;  et  dans  1'autre ,  ceux  sus- 
ceptibles  de  donner  a  I  a  commune  un  produit  de  ses  biens  restes  entre  ses 
mains ,  1'amodiation ,  1'arrentement ,  la  plantation ,  la  depaissance.  Les 
communes  peuvcut  etre  proprietaires,  mais  est-il  de  leur  interet  qu'elles  le 
soient  ?  Non ,  pour  les  terrains  en  culture  ,  pour  ceux  qui  necessitent  des 
soins  continus  et  journaliers  ;  oui ,  pour  ceux  dont  les  produits  constants, 
independants ,  d'une  culture  journaliere  et  susceptible  d'etre  consommce 
stir  place,  ne  sont  sujets  a  aucuue  des  variations  qui  resullent  de  la  mobi- 
lite  de  1'esprit  humain.  Il  est  des  circonstances  dans  Icsquelles  la  propriete 
pent  etre  tres  desavantageuse  aux  communes;  des-lors  il  y  a  necessite  de 
vendre,  maisavec  des  formes  conservatrices  des  interets  communaux.  J'exa- 
minerai  la  legislation  qui  regit  les  biens  communaux  depuis  le  milieu  du 
xvn.e  siecle  jusqu'a  nous,  et  je  citerai  la  loi  du  21  mai  1797  qui  a  retire 
aux  communes  la  faculle  daugereuse  et  destructive  d'aliener  on  de  parla-r 
ger  a  moins  d'une  loi  particulicre.  Je  sollicite  le  maintien  rigoureux  de  ses 
dispositions  prohibilives ,  et  je  m'eleve  avec  force  contre  le  parlagc  que  je 


DEUXIEME  SECTION.  93 

regarde  comme  une  veritable  alienation  etla  pire  de  toutes,  puisqu'elle  ne 
rapporte  rien  a  la  commune.  Celle-ci  est  un  etre  de  raison  qui  comprend 
toutes  les  generations ,  toutes  les  families  se  succedant  les  unes  aux  autres; 
or,  si  1'une  d'elles  se  partage  les  biens  de  la  commune,  celle-ci  dans  1'ave- 
nir  ne  possedera  plus  rien  en  echange.  Les  biens  communaux  doivent  etre 
considered  comme  substitues  a  perpetuite ,  de  telle  sorte  que  chaque  gene- 
ration n'en  ait  que  1'usufruit.  Les  communes  ne  peuvent  done  ni  les  alie- 
ner,  ni  les  partager.  La  necessite  seule  peut  justifier  1'alienation,  et  cette 
necessite  doit  etre  absolue. 

La  cloture  de  la  discussion  est  prononcee. 

La  section  apres  avoir  entendu  MM.  de  Recy,  de  Cau- 
mont,  de  Vibraye  et  plusieurs  autres,  sur  la  position  de 
la  question  a  mettre  aux  voix  3  formule  et  adopte  la 
proposition  suivante. 

«  II  est  de  1'interet  general  et  de  celui  des  communes  qu'elles  restent 
»  proprietaires  de  leurs  biens  communaux.  » 

Sur  la  demande  de  plusieurs  membres,  la  section  ajoute 
a  la  proposition  qu'elle  vient  de  voter,  la  disposition 
suivante  : 

«  Les  communes  doivent  avoir  la  faculte  de  vendre  en  cas  de  necessite 
«  absolue  prononcee  par  le  conseil  general  et  d'apres  les  avis  des  conseils 
»  municipaux  et  d'arrondissement.  » 


Seance  du  mercredi  14  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  LAIR. 

A  1'ouverture   de  la  seance ,  M.  Jullien  (  de  Paris ) 
remet  un  memoire  de  M.  d'Heneux  (  membre  du  Con- 


94  DEUXIEME  SECTION. 

gres  scientifique  beige  de  1836),  sur  les  ameliorations 
clout  certains  terrains  de  la  Sologne  sont  susceptibles. 
La  section  ordonne  le  renvoi  a  une  commission  compo- 
see  de  MM.  de  la  Giraudiere  et  Guerin  d'Ogoniere ;  il  en 
est  de  meme  d'un  memoire  sur  les  vices  redhibitoires. 

M.  Eugene  Riffault ,  1'un  des  secretaires ,  donne  lec- 
ture d' observations  de  M.  Chauvin  (de  Mamers)  ,  sur  la 
question  des  biens  communaux. 

M.  Gaillard  fait,  an  nom  d'une  commission,  un  rap- 
port sur  le  memoire  de  M.  Amiot,  a  la  chambre  des  de- 
pute's,  a  1'appui  d'un  projet  de  loi  tendant  a  obtenir, 
pour  les  communes ,  1'autorisation  de  defricher  leurs 
terres  incultes  soumises  a  la  depaissance  commune  des 
bestiaux. 

L'ordre  du  jour  est  la  continuation  de  la  discussion 
sur  les  moyens  de  tirer  parti  des  biens  communaux. 

M.  de  Souvigny  examine  de  nouveau  dans  quels  cas 
settlement  les  communes  pourraient  etre  autorisees  a 
alie'ner  leurs  biens. 

Je  propose,  dit-il,  d'apporter  des  restrictions  a  la  faculte  d'alicner  ct 
de  supprimer  absolument  celle  du  partage ,  et  je  repeterai  ce  que  j'ai  dej& 
dit  hier,  que  les  habitants  ne  sauraient  partager  entre  eux  ce  qui  n'appar- 
tient  a  aucun  d'eux  en  particulier.  Je  pense  que  Ton  doit  declarer  en 
principe  Pabolition  de  la  depaissance  en  commun;  c'est  la  pire  de  toutes 
les  manieres  de  jouir  des  biens  communaux.  C'est  soumettre  ces  biens  a  un 
pillage  continuel ,  c'est  un  obstacle  a  toute  amelioration  possible ,  c'est  la 
destruction  meme  de  la  propriete;  du  reste,  la  jcuissance  n'en  pent  etre 
qu'inegalc.  Pour  les  terrains  mediocres ,  ce  qui  me  semble  le  plus  avan- 
lageux ,  c'est  la  plantation  ou  le  semis  en  bois ;  ceux-ci  n'exigent  point  de 
culture  et  donncnt  un  revenu  a  1'abri  dc  toute  chance.  Les  bois  commu- 
naux sont  en  general  mieux  traites  que  ceux  des  proprictaircs ;  ils  sont  sous 


DEUXIEME  SECTION.  95 

la  surveillance  de  I'administration  publiquc ,  et  places  sous  le  regime  fo-  . 
restier,  ils  sont  sous  la  protection  de  lois  severes ;  leurs  produits  sont  fa- 
ciles  arecueillir  et  a  distribuer  entre  les  habitants ;  ils  sont  d'une  immense 
ressource  pour  les  communes  qui  en  sont  proprietaires.  Je  citerai  pour 
exemple  une  commune  du  departement  du  Jura  qui  possede  pour  500,000 
francs  de  bois,  et  qui,  devant  subvenira  certaines  depenses,  en  a  realise, 
en  jardinant,unesomme  de  60,000  fr.  dans  1'espace  de  cinq  annees,  sans 
porter  de  prejudice  au  reste  de  la  foret.  11  regarde  done  la  concession  a 
temps  comme  le  mode  le  meilleur  pour  les  biens  communaux.  Ce  serait 
une  mauvaise  operation  que  decreerdes  bois  avec  des  amenagements  irre- 
guliers.  On  devrait  contraindre  les  communes  a  convertir  en  bois  leurs 
terres  \agues  au-dela  de  vingt  hectares ;  et  c'est  par  les  semis  qu'il  faudrait 
y  proceder.  Le  deboisement  des  sommites  a  eu  pour  resultat  la  disparition 
des  sources  et  des  modifications  sensibles  dans  la  temperature.  Tous  les 
terrains  en  penle  devraient  etre  boises,  toutes  les  fois  que  cette  pente  se- 
rait au-dela  de  20  pour  cent.  Lorsque  les  terrains  vagues  n'auraient  pas 
vingt  hectares  d'etendue ,  il  devrait  etre  permit  de  les  defricher ,  et  la 
conversion  en  bois  des  terres  de  plaine  devrait  etre  facultative.  Enfin ,  je 
citerai  pour  terminer,  a  propos  des  baux  a  long  terme,  la  commune  de 
Vineuil  (Loir-et-Cher),  qui  a  afferme,  pour  quatre-vingt-dix-neuf  ans  ,  des 
terrains  immenses ,  ce  que  je  considere  comme  une  veritable  alienation 
pendant  quatre  generations. 


M.  Gaillard  rend  hommage  auxvues  du  preopinant; 
il  ajoute  qu'en  Normandie  il  n'est  pas  rare  de  voir  des 
terres  de  premiere  et  de  deuxieme  classes  maintenues  en 
terres  communales.  On  pourrait  vendre  les  unes  pour 
ameliorer  les  autres  par  des  plantations.  II  est  d'ailleurs 
instant  de  planter  les  quatre  millions  d'arpents  quiappar- 
tiennent  aux  communes.  A  la  verite,  tons  ne  peuvent 
pas  etre  plantes ;  il  conviendrait  alors  d'en  laisser  une 
partie  en  depaissance  commune,  sauf  a  vendre  les  autres 
lorsqu'ils  seraient  en  bonne  qualite. 

M.  de  Souvigny  persiste  dans  ce  qu'il  a  dit  sur  1'affer- 


90  DEUX1EME  SECTION. 

mement  des  biens  communaux  ,  qu'il  regarde  comme  le 
plus  avan tageux. 

M.  Vallon  trouve  que  les  preopinants  ont  ete  trop 
loin ,  et  que  de  M.  Souvigny  surtout  a  montre  trop  de 
predilection  pour  les  bois.  II  y  aurait  beaucoup  d'incon- 
venients  a  ordonner  la  plantation  des  communaux.  Les 
communes  ne  sauraient  attendre ;  elles  sont  egoi'stes  et 
il  serait  d'ailleurs  injuste  de  leur  imposer  des  travaux 
pour  les  generations  futures.  II  dit  qu'on  s'est  eleve 
d'une  maniere  trop  absolue  centre  la  depaissance.  II 
existe  en  Sologne  des  terrains  qui  ne  peuvent  fournir 
que  de  la  vaine  pature.  Tous  les  sols  ne  peuvent  pas  con- 
venir  aux  plantations ;  les  plus  maigresne  peuvent  meme 
produire  ni  le  bouleau  ni  le  sapin.  La  depaissance  doit 
done  y  etre  conservee.  Les  plantations  sont  utiles  seule- 
ment  dans  les  sols  fertiles  qui  ont  assez  de  sues  nourri- 
ciers  pour  suffire  a  la  production  des  bois.  On  pourrait 
faire  faire  les  semis  on  les  plantations  par  corvee ,  et  les 
travaux  imposes  aux  communes  seraient  justes,  ptiis- 
qu'ils  seraient  executes  dans  leur  interet. 

M.  de  Souvigny  reclame  la  parole  pour  un  fait  per- 
sonnel. II  dit  qu'il  n'a  point  ete  preoccupe  par  son 
amour  pour  les  bois.  C'est,  suivant  lui,  une  erreur  de 
croire  qu'il  faut  une  terre  fertile  pour  leur  production, 
les  terres  meme  les  plus  mauvaises  y  sont  propres. 
Les  bois  donnent  1'ombre  et  conservent  l'humidite  qui 
enrichissent  le  sol ,  et  il  se  forme  chaque  annee  de  nou- 
velles  couches  de  terreau ;  decouvert  au  contraire ,  le 
soleil  desseche  le  sol ,  le  brule  et  le  re'duit  en  chaux» 


DEUXIEME  SECTION.  97 

La  tloture  est  demandee  et  adoptee. 
M.  de  Buzoniere  propose  de  mettre  aux  voix  la  pro- 
position suivante  : 

«  Les  moyeiis  de  tirer  le  parti  le  plus  avantageux  des  terrains  com- 
»  munaux  doivent  varier  suivant  la  nature  du  sol  et  les  besoins  des  com- 
»  mimes.  II  est  done  impossible  de  prescrire  des  regies  invariables  a  cet 
»  egard.  La  section  recommande  seulemerit ,  suivant  les  localite's ,  la  sup- 
»  pression  du  paturage  en  commun,  le  dessechement  et  la  culture  des 
»  marais,  la  location  par  baux  a  termes  moins  longs  que  ceux  de  Fern- 
s' phyteose,  detous  les  terrains  susceplibles  de  grandes  cultures,  et  surtout 
»  la  plantation  en  bois  partout  ou  le  sol  le  comporte  sans  qu'il  en  resulte 
»  un  detriment  notable  pour  les  interets  de  I'agriculture.  Cette  plantation 
»  meme  pourrait  etre  ordonnee  dans  les  localites  dont  la  pente  serait  au 
»  moins  de  deux  decimetres  par  metre.  » 

M.  de  la  Fontenelle  s'oppose  avec  energie  a  la  mise 
<aux  voix  de  la  proposition  ainsi  redigee  ;  il  regarde  1'a- 
bolition  du  paturage  en  commun  coinme  desastreuse 
pour  les  provinces  de  1'ouest. 

M.  Lair  appuie  I'opinion  dupreopinant  et  s'eleve  vive- 
ment  centre  Tabolition  du  droit  dont  il  s'agit. 

M.  Eugene  Riffault  propose  un  sous-amen dement  qtii 
consiste  a  laisser ,  pour  la  depaissance  des  troupeaux , 
une  portion  de  terrain  proportionnee  au  nombre  habi- 
tuel  des  indigents  dans  la  commune. 

MM.  Lair  et  de  la  Fontenelle  insistent  de  nouveau 
avec  la  plus  grande  force  contre  le  principe  de  1'aboli* 
tion  du  paturage  commun  qui  porterait,  suivant  eux, 
un  coup  mortel  aux  communistes  de  la  Normandie ,  de 
la  Bretagne,  du  Poitou  et  de  la  majeure  partie  des  de- 
partements  de  la  France. 


93  DF.UX.IEME  SECTION. 

M.  de  la  Fonterielle  cite  les  riches  marais  cle  la  Vendee 
qui  ne  peuvent  etre  utilises  que  par  la  jouissance  en 
conimun.  Les  communaux  ne  sont  autre  chose  que  des 
terrains  laisses  pour  nourrir  les  bestiaux  du  pauvre. 

Un  membre  dit,  qu'en  etablissarit  partout  des  prairies 
aftificielles ,  on  pourrait  nourrir  les  bestiaux  a  1'etable  , 
et  que  des-lors  1'abolition  de  la  pature  commune  ne  pre- 
senterait  plus  d'mconvenient. 

Enfm ,  M.  le  president  met  aux  voix  la  proposition 
suivante  qui  est  adoptee  : 

«  Les  moyens  de  tirer  le  parti  le  plus  avantageux  des  terrains  commit* 
»  naux  doivent  varier  suivant  la  nature  du  sol  et  les  besoins  des  com- 
»  munes.  Le  mode  de  jouissance  et  d'administration  des  biens  commu- 
»  naux  sera  determine ,  pour  cbaque  localite ,  par  les  conseils  generaux , 
»  qui  decideront  d'apres  1'avis  des  conseils  municipaux  et  de  ceux  d'ar- 
»  rondissement.  » 


Seance  du  jeudi  1 5  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  LAIR. 

M.  Gaillard  fait  un  rapport  verbal  sur  le  me'moire  de 
M.  Vallery,  relatif  aux  moyens  de  conserver  les  grains 
et  de  nettoyer  les  bles  entaches  de  carie,  et  recommande 
vivement  1'appareil  invente  par  cet  honorable  industriel. 

A  1'occasion  de  ce  rapport  ,  un  membre  rappelle 
qu'une  machine  remplissant  le  meme  but  que  celle  pro- 
posee  par  M.  Vallery ,  a  deja  etc  eprouvee  dans  quelques 
localites  de  la  France  ;  il  emet  le  vceu  qu'une  semblable 


DEUXIEME  SECTION.  99 

machine  soil  placee  sur  un  point  du  departement  de 
Loir-et-Cher,  afin  qu'elle  puisse  servir  de  model e. 

M.  Vallon  fait  observer  que  M.  le  prince  de  Chimay 
et  lui  ont  etc  charges  d' examiner  un  memoire  sur  les 
'vices  redhibitoires ,  memoire  adresse  par  la  societe  ve- 
terinaire  du  Calvados ;  il  demande  qu'un  troisieme 
membre  leur  soit  adjoint  pour  proceder  a  cet  examen. 

La  section  designe  M,  le  chef  d'escadron  de  Cossette 
comme  troisieme  membre  de  cette  commission. 

M.  le  president :  1'ordre  du  jour  est  la  discussion  de 
la  deuxieme  question  du  progrmme  : 

«  Quels  sont  les  changements  operes  dans  la  Sologne  ,  depuis  vingt 
»  annees ,  tant  sous  le  rapport  de  la  culture  des  terres  que  sous  ceux  de 
»  la  plantation  des  arbres ,  des  defrichements  des  landes  et  de  1'ameliora- 
»  tion  des  races  elevees  dans  le  pays  ?  » 

M.  de  la  Giraudiere  lit ,  en  reponse  a  cette  question  , 
un  memoire  qui  excite  au  plus  haut  degre  1'interet  de  la 
section. 

M.  Amedee  Gaudron  (  de  Blois  )  applaudit  a  ce  que 
vient  de  dire  M.  de  la  Giraudiere  ;  il  enumere  les  grands 
services  rendus  au  pays  par  cet  honorable  membre  qu'il 
regarde  comme  le  regenerateur  de  la  Sologne. 

M.  de  Buzoniere  prie  M.  de  la  Giraudiere  de  faire  con- 
naitre  les  ameliorations  survenues  dans  la  tenue  des 
prairies  naturelles.  II  cite  des  terres  dependantes  autre- 
fois  de  Lamotte-Beuvron ,  et  qui ,  vendues  a  de  petits 
proprietaires,  ont  etc  mises  par  eux  en  prairies  naturelles 
d'un  excellent  rapport. 


100  DEUX  1  EM E  SECTION". 

M.  Alphonse  Laurent  (  de  Blois  )  desire  que  1'ensei* 
gnement  elernentaire  comprenne  des  notions  sur  1'eco- 
nomie  rurale  et  la  culture  des  terres.  II  cite  Fecole  pri- 
maire  de  Saint- Claude,  ou  I'agriculture  fait  partie  des 
lecons  donnees  aux  enfants. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  parle  dans  le  meme  sens,  et  ex- 
prime  le  voeu  que  1'adrninistration  des  postes  se  montre 
plus  favorable  pour  la  libre  circulation  des  imprimes 
distribues  par  les  societes  d'agriculture  et  destines  a 
etendre  les  progres  de  la  science  agricole. 

La  section ,  sur  la  proposition  de  M.  de  Souvigny  , 
decide,  a  1'unanimite,  que  le  memoire  de  M.  de  la 
Giraudiere  sera  renvoye  a  la  section  perrnanente,  pour 
qu'ilen  soitdonne  lecture  a  la  seance  generale  duGongres. 
(  Voir  la  seance  generale  du  17.) 

M.  de  la  Giraudiere  lit  un  memoire  de  M.  d'Heneux 
qui  avait  etc  renvoye  a  line  commission  dont  il  est  mem- 
bre,  et  qui  a  pour  objet  les  moyens  d'arneliorer  1'agri- 
culture. 

Les  conclusions  de  ce  rapport  sont  que  : 

«  La  section  recommande  an  Congros  ,  corame  oeuvre  tres  pliilanthropi- 
>>  que  ,  et  pouvant  avoir  de  bons  resuUats  ,  le  memoire  sur  le  moyen  d'a- 
»  meliorcrl'agricultn-re,  par  M,  d'Heneux,  et  son  projet  de  soeiete  agricole 
»  pour  le'detrichement  de  300  hectares  de  terrain  dans  la  Sologne  ou  le 
»  Gatinais  ,  d'apres  la  methode  flamande.  » 

Ces  conclusions  sont  adopte'es. 

La  section  ,  apres  avoir  entendu  M.  Gaillard  ,  sur  les 
avantages  qui  resultent  pour  le  pays  de  Tetablissement 


BEUKIEME  SECTION.  101 

des  routes  departementales  et  sur  son  desir  de  voir  le 
gouvernement  persister  dans  cette  voie  d'amelioration  , 
adopte  a  1'unanimite  les  conclusions  du  rapport  de 
M.  de  la  Giraudiere. 


Seahce  du  vendredi   16  septembre   1836. 
Prdsidence  de  M.  DE  LA  GIRAUDIERE,  vice-president. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  fait  ,  au  nom  d'une  commis- 
sion, un  rapport  sur  un  appareil  de  M.  Elie  Dm, pour 
le  perfectionnement  de  la  vinification.  Le  rapporteur 
demon tre  quels  sont  les  inconvenients  du  cuvage  a  1'air 
libre  et  son  influence  sur  la  coloration  et  la  spirituosite 
des  vins;  il  rappelle  que  des  1783,  la  Bibliotheque  phy- 
sico-economique  preconisait  les  a vantages  qui  resultent 
du  cuvage  en  vase  clos,  et  que  des-lors  Tapplication  aux 
cuves  de  fermentation  des  soupapes  hydrauliques  de 
dom  Cassebois  assurait  aux  vins  fabriques  au  moyen  de 
cet  appareil  une  superiorite  alors  inconnue.  II  s'eleve 
contre  ces  procedes  tant  vantes  de  nos  jours  et  dont  les 
auteurs  ne  cherchaient  qu'a  faire  des  dupes,  et  il  cite 
entr'autres  M.lle  Gervais  et  ses  sectateurs,  qui,  mus  par 
un  pur  sentiment  d'interet  prive  ,  n'ont  pas  eu  honte  de 
proposer  comme  devant  avoir  les  plus  beaux  resultats, 
une  jonglerie  a  1'aide  de  laquelle  ils  exploitaient  la  cre^ 
dulite  publique.  Le  rapporteur  donne  une  description 
detaillee  de  1'appareil  de  M.  Elie  Dru  ,  et  il  conclut  a  ce 
que  la  section  ternoigue  a  cet  honorable  membre  toute 


>• 
.•  \ 


102  DEUXIEME  SECTION. 

sa  reconnaissance  pour  les  services  qu'il  vient  de  rendre 
a  la  science  oenologique. 

M.  de  la  Tramblais  demande  la  parole.  II  ne  connait 
point  M.lle  Gervais  et  tres  peu  1'appareil  qui  porte  son 
nom.  Toutefois,  un  grand  nombre  de  proprietaires  ayant 
employe  le  procede  de  M.lle  Gervais  et  1'employant  en- 
core ,  il  s'etonne  que  1'honorable  rapporteur  ait  qualifie 
de  jonglerie  un  procede  qui  a  recu  1'approbation  de  di- 
verses  societes  savantes. 

M.  Desruisseaux  ( de  Blois )  dit  que  la  qualification 
dont  on  se  plaint  a  etc  donnee  par  la  societe  d'agricul- 
ture  de  Toulouse. 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  (d' Angers)  donne  des  expli- 
cations sur  les  principes  de  la  coloration  des  vins  et  sur 
les  moyens  de  1'obtenir  en  plus  grande  intensite. 

M.  le  vicvmte  de  Gourteilles  (  de  Tours  )  et  M.  Elie 
Dru  sont  entendus  sur  le  meme  sujet. 

M.  Gaillard  rappelle  la  question  et  demande  1'ordre 
du  jour  qui  est  adopte. 

La  section  remercie  M.  Elie  Dru  de  la  communication 
de  son  appareil  vinificateur ,  et  recommande  cetinteres- 
sant  et  utile  appareil  a  Fattention  de  tous  les  proprie- 
taires de  vignes. 

M.  le  president  declare  la  discussion  ouverte  sur  la 
septieme  question  du  programme. 

M.  le  vicomte  de  Courteilles  dit  quels  efforts  ont  ete 
tentes  par  la  chambre  de  commerce  de  Tours  et  par  le 
conseil  general  d'Inclre-et-Loire ,  pour  le  developpement 


DEUXIEME  SECTION.  103 

de  Tindustrie  serifere.  II  demande  que  la  section  veuille 
bien  entendre  le  discours  qu'il  a  prononce ,  a  ce  sujet , 
dans  la  derniere  session  du  conseil  general  de  son  de- 
partement. 

Apres  quelques  observations  de  M.  Hunault  de  la  Pel- 
trie  ,  M.  de  Gourteilles  donne  lecture  de  son  discours. 
II  parle  de  Vancienne  splendeur  de  la  fabrique  de  Tours, 
et  il  dit  que  la  qualite  des  soies  n'a  rien  perdu  de  la  su- 
periorite  qu'elle  avait  autrefois.  La  chambre  de  com- 
merce a  sollicite  1'allocation  d'un  fonds  pour  la  distribu- 
tion de  medailles  d'encouragement.  L'orateur  rappelle 
que  Louis  XI,  en  1470,  avait  fait  venir  des  ouvriers  de 
Venise,  d'ltalie  et  de  Grece,  et  qu'alors  les  fabriques 
etaient  a  un  haul  degre  de  prosperite.  La  Touraine  avait 
alors  20,000  ouvriers  en  soie,  1,800  metiers,  700  mou- 
lins  ;  40,000  personnes  etaient  occupees  aux  diverses 
preparations  de  la  soie  ,  et  les  etrangers  faisaient  avec 
Tours  pour  plus  de  dix  millions  d'affaires  sur  le  seul  ar- 
ticle des  soieries.  Deux  siecles  apres,  le  nombre  des  ou- 
vriers etait  reduit  a  4,000  et  la  mine  avait  rejailli  sur 
tous  les  habitants  de  la  Touraine.  M.  de  Gourteilles  si- 
gnale  les  causes  de  la  decaclance  de  la  fabrique  des  soies, 
et  il  regarde  comme  la  premiere  la  persecution  exercee 
contre  les  religionnaires,  par  suite  de  la  revocation  de 
1'edit  de  Nantes.  Louis  XIV  toutefois  essaya,  sur  les  ins- 
tances de  Miromenil,  de  relever  cette  Industrie;  mais 
ce  fut  en  vain.  Maintenant  il  est  du  plus  haut  interet  de 
chercher  a  la  faire  revivre.  Nous  sommes  trubutaires  de 
Tltalie  seulement  pour  une  somme  de  72  millions.  Lyon 


104  DEUXIEME  SECTION. 

est  menace  dans  la  prosperite  de  ses  fabriques;  ses  ou- 
vriers  quittent  leurs  metiers  pour  se  rendre  en  Suisse  et 
dans  lescontrees  voisines  :  Lyon  ne  sera  bientot  plus 
qu'une  ville  manufacturiere  de  deuxieme  ou  de  troisieme 
ordre.  La  Tourain.e  est  favorisee  par  son  climat ,  par 
son  sol ,  par  ses  ptiits  artesiens  qui  peuvent  donner  le 
mouvement  a  de  nombreuses  machines.  C'est la  qu'il  faut 
encourager  la  production  des  soies.  L'orateur  estime  le 
produit  actuel  a  2,000  kilogrammes  qui  representent  une 
valeur  de  96  mille  francs ,  el  qui  sont  fournis  par  de  pe- 
tis  producteurs,  II  ajoute  que  c'est  dans  cette  classe  de 
petits  producteurs  qu'il  faut  porter  les  encouragements , 
qu'il  faut  stimuler  1'interet  prive  et  pousser  a  la  culture 
ties  muriers.  Le  miAirier  cultive  donne,  a  troisans,  plusde 
feuilles  que  ne  peut  en  donner  a  quinze  le  murier  aban- 
doniie  a  lui-meme.  Le  murier  multicaule  surtout  devrait 
etre  repandu  quoiqu'il  soit  plus  sensible  aux  gelees.  L'o- 
rateur se  resume  en  disant  que  Ton  doit  faire  des  distri- 
butions de  muriers  et  accorder  des  primes  d'encourage- 
ment  pour  leur  culture  et  pour  la  production  des  soies. 

Le  discours  de  M.  de  Courteilles  est  vivement  ap- 
plaudi  par  Fassemblee. 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  dit  que  la  question  qui  s'a - 
gite  est  une  de  plus  importantes :  elle  est  a  la  fois  sociale, 
economique ,  agricole  et  commerciale.  Tours  n'etait  pas 
la  seule  province  productive  de  la  matiere  premiere,  la 
sole  file'e  ;  Saumur,  Angers  et  tout  le  littoral  de  la  Loire 
avaient  des  plantations  de  muriers  et  fournissaient  a  la 
fabrication  de  la  capitale  de  la  Touraine.  11  propose  de 


DEUXIEME  SECTION.  106 

clonner  ties  primes  ,  les  unes  en  argent,  les  autres  hono- 
rifiques,  et  de  les  accorder  a  ceux  qui  produisent  deja  des 
matieres  premieres  et  a  ceux  qui  s'appliqueront  a  plan- 
ter des  muriers. 

M.  de  Gourteilles  est  entendu  de  nouveau. 

M.  Herpin  (  de  Chateauroux)  dit  que  le  conseil  gene- 
ral de  I'lndre  a  vote  une  somme  de  500  francs  pour  la 
plantantion  de  muriers  sur  les  routes  departementales. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  prononce  quelques  mots  sur  la 
question  des  soies. 

M.  Gaillard  applaudit  aux  vues  de  M.  de  Courteilles :  il 
propose  de  generaliser  les  mesures  a  prendre  au  lieu  de 
les  circonscrire  a  certaines  localites.  L'industrie  serifere 
doit  etre  encouragee  par  toute  la  France.  II  dependra 
de  la  sagesse  du  gouvernement  de  ne  pas  porter  cette  in- 
dustrie  la  ou  le  sol  s'y  refuse.  Le  gouvernement  doit 
encouragerl'etablissement  surtout  des  magnaneries  et  la 
production  de  la  soie. 

Apres  avoir  encore  entendu  sur  la  question  MM.  Hu- 
nault  de  la  Peltrie,  Gaillard  ,  de  Courteilles ,  de  Vibraye 
et  plusieurs  autres  membres  ,  la  section  emet  le  voeu 
suivant : 

«  En  consideration  de  1'imminence  du  danger  que  court  rindustrie  qui 
»  a  la  soie  pour  matiere  premiere,  et  de  1'utilite  de  creer  dans  les  petites 
»  exploitations  des  moyens  de  prosperite ,  le  gouvernement  et  les  conseils 
»  generaux  sont  vivement  engages  a  prendre  toutes  les  mesures  qui  'peu- 
»  vent  encourager  la  plantation  d».-s  muriers  et  la  production  de  la  soie 
»  dans  les  parties  de  la  France  qui  y  sont  propres.  » 


106  DEUXIEME  SECTION. 

Scauce  du  samedi  inaliu    17  septembre  1836. 
Prdsldemce  de  M.  LAIR. 

M.  le  president  demande  la  permission  de  revenir  sur 
une  discussion  de  la  veille ,  pour  faire  une  observation 
qu'il  croit  utile  a  I'amelioration  de  la  culture  en  Solo- 
gne,  et  il  ajoute  que  si  1'emploi  de  la  faux  en  Sologne, 
pour  les  recoltes  des  cereales ,  a  ete  signale  comme  une 
grande  amelioration,  il  est  un  autre  mode  qu'il  desire 
voir  employer  plus  generalement.  Usite  depuis  long- 
temps  dans  le  nord  de  la  France ,  et  surtout  dans  la 
Flandre,  la  sape  a  sur  la  faucille  et  sur  la  faux  cet 
avantage  qu'elle  est  plus  expeditive,  qu'elle  coupe  les 
bles  plus  pres  de  terre  et  qu'elle  s'emploie  avec  une  mer- 
veilleuse  facilite  pour  la  recolte  des  bles  verses  on  meles 
par  les  pluies  ou  les  vents. 

Un  memoire  sur  la  carie  des  bles,  par  M.  Mestivier, 
est  renvoye  a  une  commission  composee  de  MM.  Gail- 
lard,  de  la  Giraudiere  etPinault. 

M.  Vallon ,  au  nom  d'une  commission,  repond  aux 
questions  adressees  au  Congres  par  la  societe  veterinaire 
du  Calvados  relativement  aux  vices  redhibitoires.  II 
enumere  les  divers  cas  deja  prevus  par  la  legislation 
existante;  il  rappelle  ceux  qu'elle  a  omis;  il  enonce  les 
lois  et  les  reglements  qui  ont  rapport  a  cette  matiere,et 
il  cite  les  differents  usages  qui  ont  ete  ou  qui  sont  encore 
en  vigueur  dans  chaque  province,  et  notamment  clans 
Normandie  et  dans  le  Blaisois.  11  propose ,  au  nom  de  la 


DEUXIEME  SECTION.  107 

commission ,  de  porter  au  Congres  le  projet  tie  re'ponse 
aux  questions  posees  par  la  societe  du  Calvados. 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  voit  par  ce  que  vient  de 
dire  M.  le  rapporteur,  que  1'Anjou  est  implique  dans  la 
question.  II  prend  la  parole,  dit-il ,  pour  signaler  quels 
sont  les  usages  de  cette  province  relativement  aux  cas 
dont  il  s'agit.  II  existe  six  causes  pour  lesquelles  la  re- 
dhibition  doit  etre  prononcee  j  la  pousse ,  la  morve ,  le 
farcin,  les  eaux  aux  jambes,  1'amaurose  et  1'immobilite. 
La  pousse,  le  cornage  et  la  phtysie  pulmonaire  ne  sont, 
suivant  lui ,  que  des  modifications  d'une  meme  maladie. 
La  morve  esttoujours  appreciable,  de  meme  que  le  far- 
cin qui  est  egalement  contagieux.  Les  eaux  aux  jambes 
constituent  vine  maladie  chronique  dans  laquelle  les 
jambes  de  derriere  sont  remplies  d'eau.  Ces  divers  cas 
etant  facilement  appreciables,  il  pense  qu'un  delai  de 
dix  jours  est  suffisant  pour  la  garantie.  II  regarde ,  au 
contraire,  ce  delai  comme  insuffisant  pour  I'amaurose ;  il 
faudrait  Tetendre  a  vingt  on  trente  jours,  et  porter  a 
deux  et  meme  trois  mois  ce  delai  lorsqu'il  s'agirait  d'un 
cheval  retif ,  puisqu'un  pareil  defaut  coristitue  une  ma- 
ladie organique  et  chronique  qu'il  est  souvent  difficile 
de  constater  dans  un  moindre  delai. 

M.  Deschamps  (  de  Blois )  desire  que  Ton  etende  la 
liste  des  cas  redhibitoires.  G'est  ainsi  que  Ton  a  rejete 
mala  propos  de  ce  nombre  le  tic  qui  n'est  pas  toujours 
appreciable  au  moment  meme  de  la  vente.  Les  vendeurs 
de  chevaux  sont  toujours  plus  instruits  que  les  acque- 


103  DEUXIEME  SECTION. 

reurs.  II  est  done  necessaire  de  donner  a  ceux-ci  des  ^a- 

o 

ranties  suffisantes. 

M.  le  marquis  de  Montpezat  (de  Blois)  dit  qu'il  existe 
generalement  un  defaut  de  confiance  dans  les  transac- 
tions qui  ont  les  chevaux  pour  objet.  II  s'agit  de  rarnener 
cette  confiance ,  et  Ton  ne  peut  y  parvenir  qu'en  adop- 
tant  la  jurisprudence  la  plus  large  et  la  plus  favorable 
aux  acheteurs. 

M.  Gaillard  cite  1'opinion  de  M.  Leprevost  (  de  Ber- 
nay  ) ,  qui  pense  qu'il  faut  restreindre  le  nombre  des  cas 
redhibitoires  pour  ne  pas  ouvrir  une  trop  grande  porte 
aux  reclamations  et  aux  proces.  On  doit  admettre  deux 
classes  de  cas  :  pour  les  uns  le  delai  doit  etre  court,  et  it 
cite  la  pousse  qu'un  changement  de  nourriture  peut  de- 
terminer eu  tres  pen  de  jours.  On  a  parle  des  chevaux 
qui  ne  peuvent  pas  manger  1'avoine;  il  est  un  moyen  d'y 
remedier,  c'est  de  la  concasser. 

M.  Vallon  repond  a  M.  Hunault;  il  dit  que  Tamaurose- 
est  reconnaissable,  meme  pendant  1'intermittence,  par 
la  dilatation  de  la  pupille. 

M.  de  Montpezat  desirerait  voir  s'introduire  en  France 
les  lois  et  les  usages  de  1'Angleterre,  qui  sont  si  favora- 
bles  aux  chevaux  en  particulier  et  aux  animaux  en  ge- 
neral, et  il  ne  met  point  en  doute  1'heureuse  influence 
exercee  sur  les  moeurs  par  les  lois  qui  protegent  les  ani- 
maux contre  les  mauvais  traitements. 

M.  Gaillard  et  M.  Lair  appuient  le  preopinant. 

Apres  avoir  enteridu  un  grand  nombre  de  membres, 


DEUXIEME  SECTION.  109 

la  section  passe  a  la  deliberation  sur  la  question  etadopte 
la  proposition  suivante : 

«  Sont  ranges  parini  les  vices  rcdbibitoires  les  affections  suivantes  :  la 
»  morve,  le  farcin,  la  pousse,  la  phtysie  pulmonaire,  1'amaurose  et  la 
»  boiterie  intermittente  dite  de  vieux  mal. 

»  Le  delai  de  garantie  pour  cbacune  de  ces  affections  doit  etre  fixe  a 
«  dix  jours ,  excepte  pour  1'amaurose  pour  laquelle  ce  meme  delai  sera 
»  portc  a  trente  jours. 

»  II  n'y  a  pas  lieu  d'admettre  au  nombre  des  cas  redbibitoires  1'immo- 
»  bilite,  le  tic  et  le  defaut  qu'ont  les  animaux  de  mordre  on  de  frapper 
»  ceux  qui  les  approchent. 

»  La  section ,  convaincue  que  les  animaux ,  et  en  particulier  les  che- 
»  vaux ,  ne  contractent  des  vices  que  par  suite  des  mauvais  traitements 
«  qu'on  leur  fait  endurer,  emet  le  voeu  que  des  lois  penale,s  soient  eta- 
»  blies  contre  ceux  qui  maltraitent  les  animaux.  » 

La  seance  est  levee  a  1 1  lieures  un  quart  pour  etre 
continuee  a  sept  heures  du  soir. 


Seance  du  samedi  soir  17  septembre  1836. 
P residence  de  M.  DE  LA  GIRA  UDIERE ,  'vice-president. 

M.  de  la  Giraudiere  prend  la  parole  sur  la  cinquieme 
question  du  programme  relative  a  1'influence  de  la  cul- 
ture des  vignes  sur  les  moeurs.  II  applique  aux  vignes  ce 
mot  de  Henri  IV.Plantez  des  gas  cons.  Us  viennent  par- 
tout.  Les  vignes  exigeant  beaucoup  d'engrais  et  en  four- 
nissant  pen,  les  vignobles  ont  du  s'etablir  dans  le  voisi- 
nage  des  grandes  villes.  Les  travaux  des  vignerons  sont 
i 


110  DEUHIEME  SECTION. 

penibles,  contrairement  a  ceux  des  laboureurs ;  aussi, 
voit-on  que  les  vignerons ,  devenus  vieux ,  ne  peuvent 
plus  se  tenir  droits.  Les  vignerons  ont  des  relations  fre- 
quentes  avec  les  villes;  mais  ils  ne  profitent  pas  de  ces 
communications.  Les  enfants  suivent  la  profession  de 
leurs  peres ,  tandis  que  les  fils  de  laboureurs  se  livrent  a 
1'etude  des  sciences  ou  se  jettent  dans  les  professions 
liberates.  La  culture  des  vignes  est  plus  profitable  qu'au- 
cune  autre  culture,  excepte  celle  des  jardins.  Ici  1'orateur 
donne  des  calculs  sur  les  produits  de  la  vigne  dans  les 
differentes  provinces. Arrivant plus  spe'cialementa  la  ques- 
tion ,  il  dit  que  les  vignerons  ,  forces  de  se  procurer  une 
grande  quantite  d'engrais  ,  rechercbent  les  chaumes  ,  les 
feuilles  des  arbres,  qu'ils  pillent  les  joncs,  les  bruyeres, 
et  enlevent  tout  ce  qui  se  trouve  a  leur  convenance, 
quelquefois  meme  d'une  maniere  illicite ,  d'ou  le  pro- 
verbe  :  Ou  vigneron  a  passe,  il  riy  a  plus  rien  a 
rnmasser.  La  culture  de  la  vigne  est  pen  favorable  a  la 
sante  des  hommes  qui  s'y  livrent. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  dit  que  cinq  arpents  de  vigne 
suffisent  pour  faire  vivre  une  famille ,  tandis  qu'il  faut 
cent  arpents  de  terre  pour  donner  le  meme  resultat.  Sui- 
vant  lui ,  on  voit  peut  de  vignerons  sur  le  bane  des  ac- 
cuse's ,  parce  que  ,  continuellement  occupes  de  leurs  tra- 
vaux,  ils  ne  se  livrent  pas  aux  vices  qu'entraine  1'oisivete. 

M.  de  Buzoniere  pense  que  M.  de  la  Giraudiere  a  exa- 
gere  le  produit  des  vignes.  Les  vignerons  sont  sobres, 
ne  boivent  que  de  la  piquette  ou  de  1'eau  mise  dans  des 
marcs  de  raisin ,  et  reservent  leur  bon  vin  pour  le  ven- 


DEUXIEME  SECTION.  Ill 

dre.  Us  sont  moins  sujets  a  1'ivrognerie,  parce  qu'ils  ont 
du  vin  tons  les  jours;  tandis  que  les  habitants  des  pays 
ou  la  vigne  n'est  pas  cultivee,  se  livrent  aux  exces  du 
vin  lorsqu'ils  en  trouvent  1'occasion. 

Un  membre  cite  le  Medoc  et  la  Champagne,  ou  les 
vignes  rapportent  beaucoup  plus  qu'ailleurs;  tel  arpent 
produisant  jusqu'a  1 2,000  francs. 

M.  de  Souvigny  dit  que  dans  le  Medoc  la  culture  est 
trois  fois  plus  couteuse  que  dans  le  Blaisois.  II  cite  un 
proprietaire  qui  a  pour  500,000  francs  de  vignes  dont 
les  depenses  de  culture  s'elevent  annuellement  a  40,000 
francs.  En  1827,  le  produit  brut  de  ces  vignes  s'est 
eleve  a  300,000  francs. 

M.  Bergevin  (de  Blois)  cite  un  proprietaire  qui  re- 
gardait  les  vignes  non  comme  une  source  de  produits, 
mais  comme  une  cause  de  depense ,  et  qui  portait  en  de- 
duction de  son  revenu  50  francs  par  arpent  de  vigne. 
Du  reste,  le  produit  moyen  en  quantite  n'est  pas,  sui- 
vant  lui,  le  meme  partout. 

M.  le  comte  de  Perrigny  (de  Blois)  compare  la  cul- 
ture cles  vignes  a  une  caisse  d'epargnes.  Le  vigneron  se 
forme  un  capital  dans  les  annees  favorables,  tandis  que 
le  laboureur,  pour  qui  les  recoltes  sont  sensiblement 
egales  chaque  annee ,  depense  a  mesure  qu'il  recueille. 

M.  Gaudron  dit  que  la  culture  de  la  vigne  amene  la 
petite  culture  et  par  suite  1'aisance.  La  culture  de  la  vi- 
gne augmente  done  la  prosperite  du  pays. 

M.  de  Buzoniere  regarde  la  culture  de  la  vigne  comme 
plus  onereuse  que  profitable ;  maiselleest  precieuse  pour 


112  DEUXIEME  SECTION. 

la  population  cles  pays  vignobles.  II  propose  un  projet 
de  reponse  a  la  question  main  tenant  en  discussion. 

M.  Martin-Bruere  (de  Romorantin)  dit  que  les  vi- 
gnes  ameliorent  les  moeurs  par  suite  de  1'augmentation 
de  bien-etre  qu'elles  procurent. 

M.  de  Perrigny  fait  aux  vignerons  le  reproche  de  man- 
quer  de  bonne  foi.  Ce  defaut  est ,  suivant  lui ,  general 
dans  cette  classe  d  hommes. 

Un  membre  n'est  pas  de  1'avis  du  preopinant ,  en  ce 
sens  que  la  mauvaise  foi  reprochee  par  lui  aux  vignerons, 
est  un  defaut  commun  a  toutes  les  autres  professions. 

M.  de  Perrigny  repond  que  les  vices  suivent  1'agglo- 
meration  de  la  population. 

M.  Herpin  pense  que  les  variations  de  fortune  des 
vignerons  doivent  influer  sur  leurs  moeurs  :  il  ajoute  que 
partout  ou  il  y  a  travail ,  il  y  a  moralite. 

M.  de  Perrigny  dit  que  le  vigneron  est  plus  intelli- 
gent de  ses  interets  ,  parce  qu'il  est  petit  proprietaire. 

M.  le  docteur  Desbrosses  (de  Blois)  dit  que  les  qua- 
lites  qui  distinguent  particulierement  le  vigneron  ,  c'est 
d'etre  laborieux,  industrieux  et  econome  :  et  les  hommes 
de  cette  profession  ne  sont  pas  plus  enclins  au  dol ,  a  1'as- 
tuce  que  les  laboureurs. 

Beaucoup  d'orateurs  sont  encore  entendus  sur  la 
question.  Enfin ,  M.  le  president  met  aux  voix  le  projet 
de  solution  de  la  question  proposee;  il  est  adopte  dans 
les  termes  suivants  : 

»  L'influencc  de  ia  culture  presque  exclusive  de  la  vigne  rend  les  hom- 
»  mos  laborieux  ,  induslrieux  et  cconomes  :  elle  ne  favorise  pas  les  bonnes 


DEUXIEME  SECTION.  113 

»  raoeurs;  elle  pourrait  meme  les  alterer  quelquefois  a  cause  de  ragglomc- 
»  ration  des  hommes  sur  des  points  ties  rapproches. 

»  Elle  donne  aux  \ignerons  des  habitudes  moitie  villageoises  et  moitie 
»  urbaines. 

»  On  pent  etablir,  d'une  maniere  generate  ,  que  la  vigne,  pen  lucrative 
»  pour  le  grand  proprietaire  qui  ne  cultive  pas  lui-meme ,  est  cependant 
»  tres  favorable  a  la  prosperite  du  pays,  dans  ce  sens  que  sur  une  surface 
»  determinee  elle  donne  des  produits  qui  peuvent  subvenir  aux  besoms 
»  d'un  plus  grand  nombre  d'individus.  » 

La  seance  est  levee  a  neuf  heures  et  demie 


' 

Seance  du  dimanche  matin  18  septembre  1836. 

Presidence  de  M.  LAIR,  et  ensuite  de  M.  DE  LA  GIRAUDIERE. 

M.  le  president  annonce  que  M.  Guerin  d'Ogoniere,  se- 
cretaire de  la  societe  royale  d'agriculture  de  Loir-et-Cher, 
lui  a  fait  connaitre  que  cette  societe  a  desigtie  MM.  les 
membres  du  bureau  de  la  deuxieme  section  du  Gongres 
pour  faire  partie  du  jury  pour  le  concours  de  charrues 
qui  aura  lieu  le  lendemain  1 9  septembre.  II  invite  tons 
les  membres  de  la  section  a  assister  a  ce  concours. 

Quelques  membres  demandant  qu'une  deputation  de 
la  societe  seulement  assiste  an  concours ,  M.  de  la  Girau- 
diere  insiste  pour  que  tous  les  membres  de  la  section 
d'agriculture  s'y  rendent. 

M.  de  la  Tramblais  appuie  cette  proposition  qui  est 
adoptee ;  en  consequence,  il  n'y  aura  pas  demain  de 
seance  particuliere  de  la  section.  Cette  seance  aura  lieu 
ce  soir  meme  a  sept  heures. 

10 


114  DEUX1EME  SECTION. 

M.  le  president  revient  sur  le  me'moire  de  M.  de  laGi- 
raudiere;  il  signale  1'omission  qu'il  y  a  remarquee  du 
trefle  incarnat  dont  il  enumere  tous  les  avantages,  II 

o 

parle  de  la  culture  de  la  betterave  qui  est  clevenue  la 
principale  source  de  richesse  du  departement  du  Nord. 
II  dit  quelle  impulsion  a  ete  donnee  a  1 Industrie  par  les 
expositions  de  ses  produits  qui  ont  ete  faites  dans  le  Cal- 
vados. II  pense  que  la  ville  de  Blois  ne  retirerait  pas 
moins  d'avantages  de  semblables  institutions;  ce  serait 
un  puissant  moyen  d'encouragement  pour  Findustrie  : 
lesetrangers  seraient  mis  a  meme  d'apprecier  les  produits 
industriels  du  pays. 

M.  Lair  manifeste  le  desir  que  cette  exposition  ait 
lieu  a  1'epoque  de  la  Foire  et  ait  une  meme  duree  qu'elle. 
M.  Lair  terrnine  en  faisant  des  voeux  pour  la  prosperite 
d'un  pays  qui  Ta  si  bien  accueilli,  et  en  priant  les  mem- 
bres  de  la  section  de  recevoir  ses  vifs  remerciments 
pour  la  bienveillance  qu'ils  lui  ont  temoignee. 

La  section,  penetree  envers  son  president  des  senti- 
ments de  la  plus  haute  estime  ,  decide  a  Funanimite  que 
les  temoignages  en  seront  constates  au  proces-verbal  de 
la  seance  de  ce  jour. 

M.  de  la  Giraudierej  vice-president,  occupe  le  fauteuil 
apres  le  depart  de  M.  Lair  ,  force  xle  s'absenter  pour  la 
journee. 

L'ordre  du  jour  est  la  discussion  de  la  troisieme  ques- 
tion du  programme  relative  an  defricbement  des  forets. 
M.  de  Souvigny  prononce  le  discours  suivant  : 


DEUXIEME  SECTION.  115 

L'examen  de  cette  question  demande  que  Ton  rappellc  quelle  est  1'uti- 
iile  des  bois  ,  1'importance  de  conserver  Ics  forets  qui  les  produisent ,  et 
quelles  sont  les  causes  principales  de  leur  destruction.  Ce  serait  done  un 
cours  d'economie  forestiere  qui  pourrait  seul  conduire  a  une  solution  pre- 
cise et  motivee  ;  le  bois  est  d'une  utilite  incontestable ,  indispensable  , 
il  est  une  des  necessites  les  plus  senties  de  notre  existence  et  de  notre  bien- 
etre  :  Ton  ne  saurait  se  passer  de  bois  pour  construire  ,  meubler  et  chauf- 
fer nos  demeures ;  etablir  nos  usines  ,  leurs  machines  et  les  faire  mar- 
cher ;  cultiver  nos  terres ,  exploiter  les  mines  ,  les  forges  ,  les  verreries ; 
construire  les  ponts ,  les  vaisseaux.  Personne  n'ignore  que  le  tan ,  la 
soude ,  les  cendres ,  la  potasse  sont  utiles  et  que  le  bois  les  produit. ;  mais 
je  m'arrete  et  ne  viendrai  pas  vous  rappeler  les  mille  usages  du  bois 
sans  lesquels  on  ne  saurait  vivre:  Mille  sunt  usus  arborum  sine  qidbus 
tita  degi  non  possit.  (  Pline ,  livre  12.) 

Repetons-le  done  ,  les  constructions  civiles  et  navales,  1'industrie,  1'a- 
griculture  ,  le  commerce  et  les  arts  proclament  1' utilite  du  bois. 

Par  consequent,  il  est  important  de  conserver  les  forets  qui  exercent 
d'ailleurs  par  leur  vegetation  une  influence  incontestee  sur  la  salubrite, 
les  pluies ,  1'abondance  des  sources  ,  la  fertilite  des  terres  et  1'ordre  des 
saisons. 

Toutefois  ,  je  ne  poserai  pas  ce  principe  d'une  maniere  absolue;  les 
forets  sont  comme  tant  d'autres  choses  dont  1'exces  est  un  mal ,  la  disette 
un  plus  grand  mal  encore ,  et  qu'il  ne  faut  prendre  ou  conserver  qu'en 
juste  proportion. 

Ici ,  messieurs ,  je  crams  qu'on  ne  m'accuse  de  remonter  an  deluge ; 
mais  je  suis  force  de  vous  dire  qu'a  une  epoque  bien  reculee,  la  terre 
avail  en  effet  son  deluge  de  forets  :  avant  la  reunion  des  hommes  en  so- 
ciete,  elles  ont  du  couvrir  la  plus  grande  partie  du  sol,  ainsi  qu'on  le 
voit  dans  les  contrees  ou  Ton  n'a  pas  forme  d'etablissements  fixes.  Or, 
ces  forets  immenses  entretiennent  un  air  froid  et  humide  ,  elles  arretent 
et  condensent  les  nuages ;  la  terre  qu' elles  ombragent  est  poreuse ,  elle 
retient  et  conserve  1'humidite  que  ne  pompent  jamais  les  rayons  du  soleil ; 
elles  sont  remplies  d'eaux  froides  et  stagnantes  dans  les  vallons  et  des 
ruisseaux  qui  descendent  les  pentes.  Ges  effets  pernicieux  d'une  trop 
grande  accumulation  de  vegetaux  deviennent  ,  au  contraire ,  favorables 
aux  contrees  habitees  ou  les  forets  servent  en  quelque  sorte  a  assainir  les 
plaines  cultivees. 

En  effet ,  il  me  semble  demontre  par  1' experience  de  tous  les  temps , 
qne  les  forets,  pen  salubres  par  elles-memes,  servent  a  assainir  les  contrees 


116  DEUXIEME  SECTION. 

tjiii  lesavoisinent;  Pabondance  dos  sources  depend  aussi  do  1'existence  des 
fbrets.  Je  lie  puis  ciler  aucunc  observation  qui  me  soil  personnelle ,  mais 
je  ne  dois  pas  omettre  celle  qui  m'a  cte  transmise  par  mon  pere ,  inspec- 
teur  general  de  forets. 

Au  pied  d'un  petit  mamelon ,  se  trouvait  une  source ,  le  monticule 
clait  ombrage  par  un  chene  d'une  beaute  remarquable ,  a  la  cime  large 
et  touft'ue ,  entoure  de  quelqucs  autres  arbres  en  petit  nombre ;  ce  bou- 
quet de  bois  ayaut  etc  arrache,  la  source  commenca  par  diminuer,  puis 
quclquc  temps  apres  ,  disparut  tout-a-fait. 

Lorsque  Ton  visile  la  Beauce,  on  ne  pent  douter  que  la  disparition  de 
ces  masses  de  bois,  que  notre  savant  secretaire  a  demontre  etre  1'anti- 
que  Sylva  longa ,  n'ait  eu  une  influence  trcs  marquee  sur  ia  raretc  des 
sources  el  des  ruisseaux  dans  celte  contree.  Ceux  qui  out  vu  1'ancien  lit 
de  la  Cisse ,  pres  Marolles ,  reconnaissent  encore  la  une  preuve  que  les  bois 
ayanl  ete  defricb.es,  les  eaux  ont  disparu.  Au  surplus,  1'influence  des  bois 
sur  1'aboudance  des  sources  s'explique  d'une  maniere  pbysique. 

«  Si,  pendant  I'orage,  1'observateur  penetre  dans  les  bois,  il  remar- 
»  quera  d'abord  que  les  brandies  et  les  feuilles  des  arbres,  des  arbris- 
»  seaux  el  arbustes,  presentent  aux  eaux  pluviales  des  obstacles  Ires 
»  multiplies ;  ces  eaux  ne  tomberont  sur  le  sol  que  par  gouttes  assez  rares ; 
»  il  remarquera  encore  qu'il  n'est  pas  un  rameau,  pas  une  feuille,  pas 
»  un  brin  d'herbe,  qui  ne  conserve  une  quantite  d'eau  proportionnee  a 
»  sa  surface,  el  qu'enlin  les  eaux  coulanl  sur  le  sol  sont  divisees  a  I'mfini 
»  par  la  foule  des  plantes  qu'elles  rencontrent  a  leur  passage.  Le  sol  forme 
«  des  debris  annuels  des  plantes,  leger,  facile  a  penetrer,  en  absorbera 
«  une  grande  quantite,  an  profit  des  reservoirs  souterrains,  qui  forment 
»  les  sources  des  fontaines  el  des  rivieres.  Ainsi,  1'existence  des  forets  sur 
»  les  montagnes  diminue  les  eaux  coulant  a  la  surface  et  favorise  1'aug- 
»  mentation  des  sources  *.  » 

Je  citerai  encore,  a  1'appui  de  cette  opinion,  celle  d'un  homme  appele  a 
faire  une  revolution  dans  la  science ,  d'un  homme  inconnu ,  et  surtout 
meconnu  de  ceux  qui  1'assimilent  aux  cbarlatants ,  parce  qu'ils  ne  peuveiit 
se  rendre  compte  de,  ses  travaux ,  je  veux  dire  1'abbe  Paramelle.  Il  ne  doute 
pas  que  1'existence  des  forets  ne  soil  une  des  causes  les  plus  certaines  de 
la  multiplicite  des  sources. 

La  troisieme  influence  des  forets ,  celle  qu'elles  exercent  sur  la  ferlilile 
des  lerres  qui  les  environnent ,  esl  moins  generalemenl  appreciee ,  mais 

*  Voir  Jk-amliillart  ;  Reuitil  clirouologique  des  reglenients  foresliers. 


'DEUXIEME  SECTION.  117 

i-lle*n'est  pas  moins  positive.  D'abord,  nous  venons  de  le  voir  ,  elles  pen- 
vent  elre  considerees  comme,  des  especes  de  reservoirs  qui  retiennent  Peau 
des  pluies  pour  ne  la  rendre  que  peu  a  peu ;  il  n'y  a  rien  de  plus  favorable 
a  1'agriculture ;  rien  ne  lui  est  plus  contraire  que  1'inondalion  momenta- 
nee  que  causent  les  torrents  grossis  par  les  pluies  abondantes  dans  les  pays 
deboises."  Us  n'eprouvent  plus,  dit  M.  Beaudrillart,  les  heureuses  alterna- 
»  lives  de  fraicheur  et  de  clialeur ,  ils  sont  devores  par  de  leagues  secbe- 
»  resses,  ou  bien  inondcs  par  des  pluies  qui  se  prolongent  d'une  maniere 
»  desastreuse ;  les  cours  d'eau  n'etant  plus  entretenus  par  des  sources  per- 
»  manentes,  se  tarissent  ou  debordent  en  torrents,  etc.  » 

On  pent  citer  des  exemples  non  settlement  dans  I'antiquite,  tels  que 
1'Asie  mineure,  la  Judee  ,  la  Syrie;  mais  encore  dans  les  conlrees  nou- 
v elles,  telles  que  1  lie  de  France,  les  lies  dti  Cap- Vert,  etc.  Tous  tendent 
a  prouver  que  1' existence  des  forets  importe  a  la  fraicheur ,  a  la  fertilite  dt-s 
pays ,  et  enfin  a  1'ordre  des  saisons. 

Pour  ce  qui  regarde  cette  derniere  influence,  il  faut  repeter  ce  que  j'ai 
deja  dit,  que  les  forets  soutiennent les  nuagcs,  qu'elles  les  divisent  si  bien 
que  Ton  ne  saurait  nier  que  les  arbres  ne  soient  une  sorte  de  paratonneres 
naturels.  Aussi  voit-on  les  defrichemenls  rendre  les  orages  plus  frequents, 
plus  dangereux,  et  exposer  des  contrees  a  la  grele  qu'elles  n'avaient  ja- 
mais  eprouvee;  enfin  les  forets  arrelent  les  vents  et  servent  derideau  pour 
les  contrees  voisines,  et,  a  cet  egard,  un  auteur  a  etc  jusqu'a  altribuer 
les  variations  de  notre  atmosphere,  dans  ces  temps  derniers,  aux  de- 
frichements enormes  fails  en  Russie  ,  de  1809  a  1818,  pour  la  culture 
des  cereales  qui,  par  suite  de  nos  disettes,  avaient  double  de  prix. 

Les  diverses  influences  des  forets ,  jointes  a  1'utilile  de  leurs  produils , 
doivenl  done  engager  la  France  a  conserver  les  siennes ;  mais  il  faul  ce- 
pendanl  dislinguer ,  et  ne  pas  oublier  que  1'importance  des  forets  situees 
en  pente  ou  sur  les  sommets ,  esl  beaucoup  plus  grande  que  celle  des 
bois  situes  en  plaine.  Ceci  pose,  j'arrive  enfin  a  1'examen  des  causes  prin- 
cipales  de  la  destruction  des  bois  ,  a  la  tete  desquelles  se  place  nalurel- 
lemenl  le  defrichemenl. 

Les  premiers  habitants  de  la  Gaule ,  de  meme  qu'on  1'a  vu  dans  les  co- 
lonies septentrionales ,  out  du  bruler  d'abord  les  forets  qui  avoisinaient 
leurs  habitalions ,  afin  de  les  assainir  et  de  trouver  dans  la  culture  du  sol 
les  moyens  de  pourvoir  a  leur  nourriture;  mais  1'elendue  de  ces  defriche- 
menls  a  toujours  du  etre  en  rapport  avec  la  population.  Que  leur  aurait 
servi  en  effel  de  travailler  a  defricher  plus  de  bois  qu'il  n'etait  uecessairc 
a  leurs  bcsoins?  surtoul  lorsque  les  relalions  commerciales ,  peu  facilcs , 


118  PREMIERE  SECTION. 

peu  eteudues,  ne  permetlaient  point  1'exportation  des  produits.  Mais^es 
besoins  s'etant  fait  sentir  de  plus  en  plus,  les  defrichements  out  du  sui- 
vre  la  meme  progression ,  que  j'appellerai  progression  de  necessite.  Or , 
messieurs ,  contre  la  necessite  il  n'y  a  point  d'arguments  a  presenter ,  il 
taut  en  subir  la  loi  impcrieuse ;  et  quelles  que  soieut  mes  predilections  fo- 
restieres  que  1'on  me  reprocliait  recemment ,  je  reconnais  que  la  ou  la  faim 
se  fait  sentir,  il  faut  abatlre,  bruler,  arracher  les  bois,  pour  avoir  du  ble. 

Mais  celte  necessite  pourrait-elle  exister  en  France,  lorsque  les  com- 
munications si  faciles,  le  commerce  si  etendu,  permettent  les  echanges 
entre  les  peuples  les  plus  eloignes  ?  Dira-t-ou  que  la  guerre  pent  interrom- 
pre  ces  relations;  je  repondrai  qu'alors  il  sera  temps  de  songer  a 
augmenter  les  recoltes  de  ble ,  car  la  France  n'est  jamais  dependante  dcs 
arrivages  au  point  de  craindre  la  famine  ;  mais  encore ,  dans  ce  cas ,  lie 
serait-ce  pas  aux  forets  que  1'on  viendrait  demander  des  terrains  a  culti- 
ver.  N'oublions  pas  que  nous  avous  4  millions  650  mille  bectaresde  patis , 
landes  ou  bruyeres  a  cultiver ,  et  4  50  mille  hectares  de  marais  ou  clangs 
a  dessecher  :  c'est  le  dixieme  du  territoire,  et  plus  du  cinquieme  de  Te- 
tendue  des  terres  arables.  Or,  en  supposant  que  la  population  augmente 
d'uu  dixieme ,  on  trouverait  la  une  ressource  pour  la  nourrir  sans  atta- 
quer  le  sol  forestier;  et  remarquez  que  je  ue  porte  que  la  moitie  des  lan- 
des a  cultiver. 

Puisqu'il  n'y  a  pas  necessite  pour  la  France  qu'on  se  livre  aux  defriche- 
ments ;  puisque  1'pn  a  prophetise,  il  y  a  200  ans,  que  ce  royaume  perirait 
faute  de  bois ;  puisque  enfm ,  il  est  reconnu  que  chaque  annee  il  y  a  un 
deficit  d'environ  1 0  millions  de  steres  de  bois  de  chauffage  entre  la  produc- 
tion et  la  consommation ,  il  semble  que  Ton  doit  conclure  a  poser  la  prohi- 
bition des  defrichements  comme  regie  absolue.  Eh  !  bien ,  non ,  messieurs , 
je  ne  suis  point  pour  la  regie,  mais  seulement  pour  Pexception;  et  je 
vais  avoir  1'honneur  de  vous  deduire  les  motifs  qui  me  determinent. 

Les  regies  generales  sont  rarement  avantageuses ;  et  surtout  pour  le  sujet 
qui  nous  occupe.  Defendre  le  defrichement  d'une  maniere  absolue !  mais 
c'est  mettre  un  obstacle  invincible  aux  progres  de  ces  vastes  contrees  de 
1'est  ou  les  bois  occupent  le  tiers  de  la  superficie  territoriale  (la  Meur- 
the  2/5  ,  Moselle  1/4  ,  Vosges  1;2,  Meuse  1;3,  Bas-Rhin  2/5,  Haut- 
Rhin  1/2,  Jura  1/3,  etc. ).  Au  contraire,autoriser  d'une  maniere  generale, 
c'est  exposer  a  perir  de  misere  les  habitants  de  ces  departements  ou  les 
forets  sont  en  commun  et  ou  Ton  ne  Irouve  que  qtielques  bouquets  de 
bois  dans  la  proportion  du  25.e  d'un  territoire.  (Haute-Loire  l/22,Can- 
tal  1/18,  Correze  1/45,  Creuse  1/15,  Puy-de-Dome  1/17,  Haute-Yienno 


DEUXIEME  SECTION.  119 

1/26,  Lot  1/21  ,  Lot-et-Garonne  1;20,  Gers  1/60.  )  Or,  je  vous  le  de- 
mande,  peut-on  soumettre  a  une  meme  regie  des  contrees  ou  le  bois  se 
vend  50  c.  le  stere  ,  et  d'autres  ou  1'on  est  reduit  a  bruler  les  excrements 
des  animaux  ponr  faire  cuire  les  aliments  ? 

II  est  done  indispensable  de  distinguer  et  de  prendre  quatre  termes 
dif'terents  pour  resoudre  la  question.  1.°  Les  pentes  et  les  sommets 
doivent  dans  tons  les  cas  conserver  les  forets  qui  les  couvrent;  2.°  les 
contrees  deboisees  reclament  une  prohibition  des  defriehements ;  3.°  les 
prohibitions  ne  sauraient  etre  absolues  ,  meme  pour  ces  contrees; 4.°  enfui 
pour  les  sols  en  plaine ,  dans  les  pays  ou  les  bois  se  trouvent  occuper  le 
10.e  de  la  surface  ,  ily  a  lieu  a  laisser  faire. 

Sur  le  premier  terme  il  est  inutile ,  je  pense ,  de  revenir  a  ce  qui  a  etc 
dit ;  on  se  rappelle  que  le  deboisement  des  sommets  et  des  pentes  inte- 
resse  la  salubrite  publique,  Fabondance  des  eaux,  la  fertilite  des  sols  et 
Fordre  des  saisons;  c'est  pourquoi  ces  sortes  de  forets  ont  toujours  ete 
exceptees  de  la  faculte  de  del'richer,  lorsqu'il  y  a  eu  de  Fordre  dans  cette 
matiere.  J'ajouterai  seulement  qu'il  serait  convenable  de  fixer  la  pente  la 
plus  faible  ,  a  deux  decimetres  par  metre;  elle  est  en  effet  assez  rapide 
pour  que  les  eaux  s'en  precipitent  en  torrent ,  entrainant  tout  ce  qu'il  y  a 
de  terre  vegetale  et  bouleversant  les  terres  inferieures. 

La  seconde  proposition  s'appuie  sur  les  memes  raisons  que  la  premiere; 
c'est  toujours  Finteret  general  qui  vent  qu'on  lui  sacrifie  les  interets  par- 
ticuliers  dans  les  contrees  deboisees. 

La  trosieme  proposition  demande  quelques  explications  ;  on  sait  que  les 
forets  ,  si  elles  n'exigent  pas  des  soins  bien  assujetissauts ,  du  moins  veu- 
lent  qu'on  laisse  agir  la  nature  sans  la  contrarier;  telle  n'est  pas  souvent, 
le  plus  ordinairement  meme ,  la  methode  des  nroprietaires ,  surtout  pour 
le  passe ;  il  est  done  probable  qii'une  partie  des  bois  situes  en  pente  ou 
sur  les  sommets  est  en  mauvais  etat,  qu'elle  exige  ou  exigera  bientot  une 
regeneration  complete;  or,il  faut  souvent  pour  cela  defricher  el  cultiver 
le  sol;  c'est  done  le  cas  de  dire  que  la  prohibition  ne  saurait  etre  absolue, 
puisqu'il  y  aurait  lieu  a  y  deroger  dans  certaines  circonstances;maisil  fau- 
drait  que  ce  ne  fut  que  momentanement,  et  seulement  a  charge  de  repeu- 
pler  le  terrain  quelques  annees  apres. 

Une  autre  cause  d'exception  pent  naitre  de  la  necessite  que  nous  avons 
admise  comme  un  argument  sans  replique;  il  pent  arriver  dans  les  pays  de 
montagne  que  le  terrain  manque  a  la  culture,  et  qu'il  soil  indispensable 
d'autoriser  le  defrichement ,  mais  ce  ne  sera  encore  que  momentanement ; 
eta  cette  occasion,  je  dois  vous  citer  ce  qui  se  passe  dans  les  Ardennes  et 


120  DEUXJEME  SECTION. 

notamment  dans  Tarrondissement  de  Rocroy.  Les  communes ,  proprietai- 
res  de  bois  et  qui  ii'ont  pas  assez  de  terres  arables ,  obtiemient  de  cultiver 
leurs  coupes  pendant  deux  ou  trois  ans  au  plus ;  puis  sans  preparation  ni 
semis ,  le  bois  reparait  des  la  deuxieme  ou  troisieme  annee ;  et  ce  qu'il  y 
a  d'extraordinaire  c'est  que  1'on  arrache  et  que  Ton  ecobue.  Je  ne  con- 
nais  pas  d'autres  exceptions  a  faire  a  la  prohibition  de  defricher  dans  les 
montagnes  que  les  deux  precitees ;  mais  s'il  s'en  presentait  d'autres,  il  se- 
rait  utile  de  meltre  toujours  pour  condition ,  1' obligation  de  repeupler  suit 
le  meme  sol ,  apres  un  certain  temps ,  soil  une  egale  etendue  situee  egale- 
ment  en  penle  et  non  boisee. 

J'arrive ,  messieurs ,  a  la  quatrieme  proposition  qui  concerne  les  bois  en 
plaine  et  dans  les  departements  ayant  le  dixieme  de  leur  territoire  en  forets ; 
«lle  a  besoin  d'etre  justifiee  dans  la  bouclie  d'un  agent  forestier. 

L'ancienne  legislation  des  eaux  et  forets  ne  contenait  aucune  prohibi- 
tion a  1'egard  du  defrichement  des  bois  de  particuliers ;  1'ordonnance  de 
1669  elle-meme  ne  renferme  aucune  disposition  a  ce  sujet ;  c'est  qu'il  faut 
le  dire,  messieurs,  pour  nous  la  cause  de  destruction  des  bois  la  plus  a 
craindre  ri'est  pas  celle  que  Ton  suppose ,  et  si  1'interet  de  la  societe  ne 
demandait  pas  la  conservation  des  forets  situees  en  pente  et  dans  cer- 
taines  contrees  ou  elles  sont  rares ,  nous  ne  proscririons  le  defrichement 
dans  aucune  circonstance,  et  nous  dirions  pour  les  montagnes  comme  je  le 
dis  pour  les  plaines :  Laissez  faire. 

Cependant  il  est  necessaire  que  j'explique  que  mon  lalssez  faire  n'a 
pas  ies  memes  motifs  ni  la  meme  portee  que  celui  des  economistes. 

Us  pretendent  que  toujours  1'equilibre  s'etablit  entre  la  production  et  la 
consommation ;  cela  pent  etre  exact  par  ce  qui  est  produit  pour  1'industrie 
ou  1'agriculture  en  general ;  si  un  besoin  se  fait  sentir ,  c'est  en  effet  de  ce 
cote  que  se  portera  la  production ;  s'il  y  a  disette ,  on  fera  venir  du  ble ;  s'il  faut 
djl'huile,  du  sucre  ,  on  cultivera  la  betterave  et  les  colzas ;  mais  peut-on  en 
faire  autant  pour  le  bois  ?  Est-il  temps ,  lorsque  Ton  prevoit  les  besoins  de 
la  marine ,  des  constructions  ou  du  chauffage  ,  de  planter  des  forets ;  mais  il 
faut  la  lenteur  des  siecles !  Le  bois  est  une  sorte  de  culture ,  mais  qu'on 
ne  laisse  pas ,  pour  y  revenir  a  son  gre ;  on  s'est  souvent  eleve  centre  les 
lois  exceptionnelles  forestieres ,  parce  que  1'on  ne  reflechissait  pas  que 
la  nature  avail  fait  elle-meme  une  exception  pour  les  bois. 

Si  apres  avoir  pose  certaiues  prohibitions ,  je  dis  qu'il  faut  laisser  faire , 
c'est  que  d'une  part  on  ne  peut  s'empecher  de  reconnaitre  1'inutilite  des 
prohibitions  sans  raison  indispensable;  la  loi  de  floreal  an  ix  est  la 
seule  qui  ait  fait  une  defense  generate  de  defricher,  et  chacun  sait  com- 


DEUXIEME  SECTION.  121 

ment  elle  s'est  executee.  Les  inaires ,  les  gardes  champetres ,  les  agents  fo- 
restiers  eux-menies  ont-ils  pu  mettre  obstacle  a  des  defricheinerits  justifies 
par  1'etat  deperissaut  des  bois?  Non,  sans  doute;  or,  il  est  bien facile  d'e- 
luder  une  loi  ,  lorsqu'il  suffit  pour  cela  de  mal  exploiter  ou  de  laisser 
paturer  les  bois.  Personne  ne  s'est  eleve  contre  ces  supercheries ,  parce 
que  la  loi  etait  recllement  injuste  dans  son  application  generale;  mais  lors- 
que  les  exceptions  seroiit  reduites  aux  proliibitions  que  necessite  1'interet 
de  la  societe,  la  loi  sera  juste  et  sera  observee. 

D'un  autre  cote,  je  dis  qu'il  faut  laisser  faire ,  parce  que  j'ai  confiance 
dans  le  bon  sens  des  proprietaires.  Sans  doute ,  nous  avons  de  tristes  exemples 
qui  pourraient  detruire  cette  confiance;  1'Amerique  a  vu  faire  les  defriche- 
ments  d'une  maniere  destructive  et  irreflechie;  la  Russie  elle-meme,  qui 
maintenant  administre  le  mieux  ses  forets ,  a  vu  le  dcfrichement  mal  dirige , 
de  telle  sorte  que  quoiqu'elle  possede  160  millions  d'hectares  de  fo- 
rets ,  ce  qui  forme  le  sixieme  de  son  territoire ,  quelques  provinces  en 
manquent  absolument,  par  exemple  la  Livonie,  1'Ukraine  et  la  Crimee. 
Mais ,  messieurs ,  ces  exemples  ne  sauraient  m'effrayer  :  d'abord ,  il  ne 
faut  pas  oublier  que  je  voudrais  ne  laisser  la  liberte  de  defricher  qu'alors 
qu'il  y  aurait  plus  du  dixieme  en  bois ;  ensuite ,  nous  ne  sommes  plus  au 
temps  ou  1'on  ignorait  les  details  que  la  statistique  et  le  cadastre  nous  ap- 
prennent;  enfin ,  j'espere  que  vous  voudrez  bien  emettre  un  voeu  pour  que 
les  proprietaires  soient  eclaires  sur  leurs  vrais  interets  sous  le  rapport  des 
bois.  D'ailleurs,  comment  pourrais-je  m'effrayer , lorsque  ,  d'une  part,  nous 
voyons  qu'il  reste  5  millions  de  terrains  a  cultiver  avant  d'arriver  aux  bois , 
et  que  j'examine  1'etat  forestier  de  la  France ;  sans  doute  il  est  des  contrecs 
malheureuses  sous  ce  point  de  vue ;  mais  enfin,  sui;53  millions  d'hectares 
de  territoire,  nous  avons  6  millions  800  mille  hectares  de  bois ,  c'est-a-dire 
le  huitieme;  1'etat  en  possede  un  million,  les  communes  plus  de  deux; 
c'est  presque  la  moitie  des  bois  qui  deineure  soumis  a  une  loi  de  con- 
servation et  a  une  administration  qui  fait  des  progres  immenseg.  Ces 
bois  fournissent  annuellement  27  millions  de  steres  de  bois  de  chauffago 
ct  1  million  de  steres  a  1'industrie;  or ,  on  a  ealcule  qu'il  fallait  pour  la  con- 
sommation  des  foyers  ct  des  usines,  37  millions  de  steres,  d'ou  resulte  un 
deficit  de  10  millions  de  steres  de  chaufi'age.  Ce  deficit  est  rempli  d'un, 
cote  par  les  produits  des  arbres  epars ,  de  1'autre  par  la  houille ;  et  si 
1'ou  retranche  de  1'observation  generale ,  les  departemenls  ou  le  bois  man- 
que absolument,  on  trouvera  que  pour  le  reste  de  la  France  il  n'y  a  rcel- 
lement  qu'un  tres  faible  deficit.  Or,  comme  nous  sommes  assure  qu'on 
pcutavecde  meillcurcs  exploitations  tircr  un  plus  grand  produit  des  forets. 


122  DEUXIEME  SECTION. 

j'irai  jusqu'a  aflinner,  que  pour  la  plus  grande  etendue  du  royaume,  ihi'y 
a  pas  lieu  a  prendre  des  mesures  conservatrices  des  hois  particuliers  sous 
le  rapport  du  combustible.  Sous  celui  des  bois  de  construction  ,  cola  est 
bien  different ,  le  deficit  esl  reel ,  il  est  enorme ;  mais  ce  n'est  pas  une 
prohibition  de  defrichement  qui  pourrait  le  combler;  on  nedefm-he  pas 
les  futaies ,  car  Ics  particuliers  n'ont  plus  de  futaies  ,  et  quand  bien  meme 
ils  eu  auraient ,  on  ne  pourrait  s'opposer  a  leur  defrichement.  Il  stiffit  de 
savoir,  pour  comprendre  cette  assertion ,  comment  se  repeuplent  les  fntaies. 
C'est  dans  le  manque  de  bois  de  construction  que  sc  tronve  la  veritable 
plaie,  plaie  saignante  et  profonde  qui  fait  ressortir  d'autant  plus  1'erreur 
des  economistes,  lorsqu'ils  vont  jusqu'a  vouloir  faire  vendre  les  proprietes 
de  1'etat  qui  seul  peut  clever  des  futaies. 

Mais  renfcrmons-nous  dans  la  question  de  defrichement :  je  dis  que  j'ai 
confiance  au  bon  sens  des  propriefaires ,  et  a  leur  interct  bien  entendu. 
En  effct,  les  bois  sont  la  mcilleure  des  proprietes,  la  plus  facile  a  regir, 
a  exploiter ,  celle  dont  les  produits  sont  les  plus  constants.  Partout  ou  j'ai 
ete ,  j'ai  vu  que  les  bois  rapportaient  proportionnellement  plus  que  les 
autres  natures  de  terre.  Peut-etre ,  me  dira-t-on ,  que  c'est  une  preuve 
qu'ils  sont  moins  recherche: ,  puisque  le  taux  de  leur  valeur  venale  n'est 
pas  dans  le  meme  rapport  que  celui  des  autres  terres;  mais  je  repondrai 
par  deux  observations ;  la  premiere ,  c'est  que  les  bois  sont  d'un  produit 
fixe  et  stable  qui  ue  laisse  rien  au  hasard ,  ni  aux  chances  de  la  specula- 
tion; ou  aime  ces  chances,  et  il  n'est  pas  d'acquereur  qui  ne  s'imagine  de- 
voir beaucoup  plus  tirer  de  revenus  des  terres  que  son  predecesseur ;  il 
n'en  peut  etre  ainsi  des  bois ;  en  second  lieu ,  bien  pen  savent  ce  que  Ton 
peut  tirer  des  forets,  voila  pourquoi  elles  sont  moins  recherchees ,  ce  qui 
ne  prouve  rien  contre  leurs  avantages  productifs. 

Enfin  je  trouve,  messieurs,  que  ma  confiance  dans  le  bon  sens  public 
n'est  pas  mal  fondee ;  je  prendrai  pour  terme  de  comparaison  une  periode 
de  dix  annees,  et  je  vois  que  de  1825  a  1834,  on  a  defriche  environ  75 
mille  hectares  de.  bois;  mais  il  faut  en  deduire  35  mille  sur  les  90  mille 
hectares  alienes  dernierement  par  1'etat  et  qu'il  a  force  les  acquereurs  a 
defricher ,  en  leur  en  accordant  la  faculte  ,  et  partant  on  compte  une 
plus- Value  a  cause  de  cette  faculte.  Reste  done  40  mille  hectares  de  defri- 
chement ordinaire  pour  dix  ans ,  ou  4  mille  par  an ;  mais  il  faut  songer 
aussi  au  repeuplement ,  et  certes  je  ne  pense  pas  que  Ton  me  taxe  d'exa- 
geration  ,  en  le  portant  a  une  etendue  presque  egale. 

Je  propose  done  a  la  deuxicme  section  de  resoudre  la  3.*  question  div 
programme  aiusi  ; 


DEUXJEME  SECTION.  123 

«  La  prohibition  du  defrichement  des  bois  nc  saurait ,  quant  a  present , 
»  etre  posee  comme  regie  generate  en  France ;  mais  c'est  une  exception  a 
»  la  loi  civile,  que  la  societe  a  le  droit  d'imposer  dans  1'interet  de  sa  con- 
»  servalion. 

»  En  France,  cette  exception  doit  s'etendre  non  setilement  aux  forets  si- 
»  tuees  en  pente,  dans  une  proportion  determinee  par  la  loi,  et  sur  les 
»  sommets  de  ces  pentes ,  mais  encore  aux  contrees  oil  les  bois  n'occu- 
»  pent  pas  une  portion  du  territoire  dont  la  proportion  serait  egalement 
»  determinee :  la  prohibition  doit  enfin  etre  entouree  de  conditions  couser- 
»  vatrices.  » 

Je  propose  en  outre  a  le  deuxieme  section  d'emettre  le  vceu  : 

«  Que  les  proprietaires  soieut  eclaires  par  le  gouvernement  surlesmeil- 
»  leurs  moyens  d'cxploiter  leurs  bois,  etsur  les  inconvenients de  les  livrer 
»  au  paturage.  » 

Ce  sont  la  en  effet,  messieurs  ,  aux  yeux  des  forestiers,  les  deux  causes 
de  destruction  des  forets  bien  autrement  a  craindre  que  les  defrichements. 

Le  defrichement  est  sans  contredit  la  cause  la  plus  complete  et  la  plus 
prompte  de  destruction  ;  mais  au  moins  c'est  une  cause  que  Ton  emploie 
volontairement  et  en  sachant  bien  ce  que  1'on  fait ;  mais  le  paturage  et  les 
mauvaises  exploitations  sont  les  resultats  de  1'ignorance  ,  et  il  n'y  a  pas 
de  plus  grand  mal  que  celui  que  Ton  fait  sans  le  savoir;  car  il  ne  s'arrete 
jamais.  D'ailleurs,  le  paturage  et  les  mauvaises  exploitations  conduisent 
necessairement  au  defrichement,  en  detruisant  les  produits  du  bois:je  di- 
rai  plus  encore,  ccs  deux  causes  sont,  dans  certaines  contrees  ,les  seules, 
qui  aient  determine  la  disparition  des  bois.  A  cctte  occasion,  jc  crois 
devoir  juslifier  une  de  mes  assertions  et  la  mettre  en  rapport  avec  ce  qui 
existe.  J'ai  dit  que  les  forets  avaient  etc  defrichees  et  cultivecs  en  propor- 
tion des  besoins  de  1'homme  en  societe,  et  cependant  il  existe  en  France 
5  millions  d'hectares  de  landes  incultes  qui  furent,  pour  la  plupart,  an- 
trefois  des  forets  :  ces  landes  immenses  dans  des  pays  ou  les  habitants 
manquent  au  sol,  ne  sont  point  le  resultat  des  defrichements,  mais  du 
paturage  et  des  mauvaises  exploitations. 

Quant  aux  mauvaises  exploitations ,  et  je  comprends  sous  ce  nom  les 
mauvais  amenagements ,  leurs  effets  sont  incontestables ;  mais  il  serait  trop 
long  de  les  expliquer  ici. 

Je  me  borncrai  a  dire  que  la  se  trouve  la  veritable  solution  du  proble"- 


124  DEUXIEME  SECTION. 

me ;  si  les  bois  sont  bien  exploites  et  amenages ,  s'ils  sont  a  1'abri  des 
effets  du  paturage ,  on  en  retirera  le  plus  grand  produit  possible ,  et  alors 
nul  doute  que  personne  ne  songera  a  defricher ,  excepte  la  ou  il  y  a  trop 
de  bois. 

Depuis  quelques  annees  seulement,  oii'a  commence  a  appliquer  en  France 
le  s)  steme  des  eclaircies  successives ,  qui  est  fonde  sur  1'observatioiv  de  la 
nature;  avant  ou  ignorait  completement  les  moyens  d'exploiter  les  forets 
avec  avantage,  et  1'ordonnance  de  1669  elle-meme,  si  bien  concue  pour 
ce  qui  regarde  la  police  et  1'administration  forestiere ,  ne  contient  que 
des  preceptes  vicieux  sous  le  rapport  des  amenagements  :  il  n'est  pas  eton- 
nant  des-lors  que  les  proprietaires  reculent  devant  1'adoption  de  nos  metho- 
des  nouvelles ,  et  qu'ils  ne  les  connaissent  meme  pas  ;  c'est  done  un  vceu 
tres  patriotique  et  tres  sage  que  celui  que  je  vous  propose  d'emeltre. 

II  s'agit  d'engager  le  gouvernement  a  faire  publier  des  preceptes  et  des 
experiences  qui  etablissent  positivement  que  1' avantage  retire  par  le  patura- 
ge est  inferieur  a  la  perte  qui  resulte  pour  le  produit  forestier ;  il  s'agit  de 
propager  les  meilleurs  systemes  de  ramenagement  et  de  1'exploitation  des 
tbrets ;  d'apprendre  aux  proprietaires  a  fixer  1'age  des  coupes  d'apresle  maxi- 
mum relatif  ou  absolu  de  leur  croissance ;  enfin  il  s'agit  de  leur  appren- 
dre  a  faire  ces  exploitations  intermediaires,  qui  ont  pour  but  de  favoriser 
1'accroissement  des  arbres  le  mieux  venants  en  les  debarrassant  du  voisi- 
nage  parasite  de  ceux  qui  doiven*  perir  avant  la  coupe ;  a  aider  les  brins 
les  plus  vigoureux,  qui  doivent  atteindre  1'age  de  la  coupe  ,  dans  la  lutte 
qu'ils  soutiennent  contre  ceux  qu'ils  doiveut  etouffer;  et  a  eviter  ainsi 
une  perte  de  temps ,  en  coupant  les  brins  domines ,  destines  a  perir  sans 
etre  utiles.  C'est  la  reellement  en  quoi  consiste  la  culture  forestiere  qui 
peut  etre  heureusement  assimilee  a  celle  d'un  jardinier  intelligent. 


M.  de  Buzoniere  desire  que  le  discoursde  M.  de  Souvi- 
gny  soil  renvoye  a  la  commission  d'impression  du  compte- 
rendu  du  Congres. 

M.  Eugene  Riffault  appuie  cette  proposition  qui  est 
adoptee. 

Apres  une  discussion  dans  laquelle  sont  entendus 
MM.  Guerin  ,  de  Buzoniere ,  de  Boisaubin  ( de  Cellettes), 


DEUX1EME  SECTION.  125 

de  Petigny  ( de  Clenord)  et  de  Souvigny,  on  passe  a  la 
deliberation  sur  la  proposition  de  M.  de  Souvigny. 
M.  de  Petigny  presente  un  amendement  ainsi  concu  : 

«  La  section  pense  que  toutcs  les  assures  qui  ont  pour  objet  la  con- 
»  starvation  des  bois ,  scront  inutiles  et  meme  injnstes  si  le  gouvernement 
»  encourage  la  destruction  par  Palienation  de  ses  forets  avec  facultc  de 
»  defrichement : 

»  En  consequence ,  elle  exprime  le  VCEU  qu'il  ne  soil  fait  aucime  alie- 
»  nation  des  bois  des  communes  et  de  1'etat,  a  moins  d'absolue  neces- 
»  site  et  jamais  avec  faculte  de  defrichement. » 

M.  de  Buzoniere  demande  la  division  de  1'amende- 
ment  qui  est  appuyee  par  M.  de  la  Tramblais. 

La  majorite  de  la  section  decide  que  cette  division 
n'aura  pas  lieu. 

M.  de  Buzoniere  demande  que  le  mot  injuste  soit  sup- 
prime  dans  le  premier  paragraphe. 

Apres  une  assez  vive  discussion ,  cette  suppression  est 
ordonnee  et  Tamendement  est  adopte. 

M.  le  president  met  aux  voix  la  proposition  princi- 
pale  de  M.  de  Souvigny ;  elle  est  adoptee  en  ces  termes : 

«  La  prohibition  du  defrichement  des  bois  ne  saurait  etre,  quant  a 
»  present ,  posee  comme  regie  generate  :  mais  c'est  une  exception  a  la  loi 
»  civile ,  que  la  societe  a  le  droit  d'imposer  dans  Pinteret  de  sa  consen-a- 
»  tion. 

»  Cette  exception  doit  s'etendre  non  seulemcnt  aux  forets  situecs  sur 
»  les  sommets  ou  sur  les  pentes  ayant  une  iriclinaison  determinee  par  la 
»  loi  (  par  excmple ,  deux  decimetres  par  metre  ) ,  mais  encore  aux  dc- 
»  partements  ou  les  bois  n'occupent  pas  une  partie  du  territoire ,  dont  la 
»  proportion  serait  cgalement  determinee  (  le  dixieme  par  excmple  ). 

»  La  prohibition  du  defrichement  doit   etre  entouree  de   conditions 


126  DEUXIEME  SECTION. 

»  conservatrices ,  sans  porter  toutcfois  atteinte  au  lihre  exercice  du  droit 
»  dc  propriete.  » 

Sur  la  clemande  cle  M.  de  Souvigny , 

«  La  deuxieme  section  propose  au  Congres  d'emettre  le  voeu  que  le 
»  gouvernement  soit  invite  a  prendre  les  mesures  convenables  pour  eclai- 
»  rer  les  proprietaires  de  bois  sur  les  meilleurs  moyens  de  les  exploiter  et 
»  sur  les  inconvenients  qu'il  y  a  de  les  livrer  au  paturage.  » 

A  onze  heures  un  quart,  la  seance  est  levee  et  ren- 
voyee  a  sept  heures  da  soir. 


Seance  du  dimanche  soir  18  septembre  1836. 
P residence  de  M.  DE  LA  GIRAUDIERE. 

Un  membre  signale  une  omission  qui  a  e'te  faite  dans 
le  proces-verbal  de  1'une  des  seances  pre'cedentes. 
M.  de  Boisaubin  avait  depose  sur  le  bureau  le  modele  en 
petit  d'un  instrument  usite  dans  les  Etats-Unis,  pour  la 
confection  des  routes  et  des  chemins.  Get  instrument 
auquel  on  donne  en  Amerique  un  nom  qui  equivaut  a 
celui  deracloir ,  est  manoeuvre  par  un  homme  au  moyen 
d'une  paire  de  boeufs,  il  expedie  autant  d'ouvrage  que 
vingthommes.  Du  reste,  il  a  beaucoup  d'analogie  avec 
la  pelle  beige. 

M.  Guerin  d'Ogoniere  a  la  parole  sur  la  6.e  ques- 
tion du  programme.  L'orateur  explique  ce  qu'il  entend 
par  la  greffe  de  la  vigne  et  comment  on  la  prati- 


DEUXltME  SECTION.-  127 

que.  D'apres  lui,  c'est  absolument  la  meme  chose  que 
la  greffe  en  fente  que  Ton  fait  sur  les  arbres,  sauf 
cette  difference  que  la  greffe  tie  la  vigne  s'opere  a  quel- 
ques  ponces  au-clessous  cle  la  surface  de  la  terre  et  sur 
la  souclie  prealablement  decouverte.  On  pratique  cette 
greffe  au  mois  de  mars  et  on  peut  la  faire  meme  sur  de 
vieilles  souches.  II  la  regarde  comme  d'un  grand  avan- 
tage.  Elle  a  surtout  celui  d'etre  pen  coiiteuse  et  d'aug- 
menter  en  meme  temps  la  quantite  et  la  qualite  du  pro- 
duit.  Du  reste,  on  n'en  a  fait  encore  que  quelques  essais 
sur  les  bords  de  la  Loire. 

M.  Desruisseaux  confirme  cette  assertion  par  des  ex- 
periences faites  sous  ses  yeux  a  Toulouse,  ou  la  greffe 
de  la  vigne  est  generalement  en  usage. 

La  discussion  est  fermee  et  la  section  adopte  la  pro- 
position suivante,  en  reponse  a  la  6.e  question : 

«  La  greffe  de  la  vigne  est  encore  pen  pratiquee  dans  les  vignobles 
»  des  bords  de  la  Loire  ;  elle  a  1'avantage  d'etre  peu  couteuse  et  d'aug- 
»  menter  a  la  fois  la  quautite  et  la  qualite  des  produits.  » 

M.  de  la  Tramblais  demande  la  parole  pour  la  lec- 
ture d'une  proposition  qu'il  soumet  a  1'assemblee.  II  ne 
veut  pas  appeler  en  ce  moment  la  discussion  sur  cette 
proposition  dont  il  se  borne  a  lire  le  texte  : 

«  Le  Congres  est  invite  a  emetlre  le  vceu  que  le  gouvernement  prenne 
»  les  moyens  d'assurer  le  plein  et  entier  usage  du  systeme  metrique  des 
»  poids  et  mesures,  en  cessant  de  tolcrer  les  mesures  batardes  qui  sont 
»  en  dosl-armonie  avec  ce  systeme ,  et  qui  font  avec  les  anciennes  mesures 


128  DEUXIEME  SECTION. 

»  dont  elles   ont  emprunte  les  denominations  ,    une  inextricable  confu- 
»  sion.  » 

M.  le  president  propose  a  I'assemblee  de  passer  de 
suite  a  la  deliberation  sur  la  proposition  de  M.  de  la 
Tramblais ,  qui  est  adoptee  sans  objection. 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  dixieme  question. 
M.  le  comte  de  Galonne  (  de  Chambord  )  a  la  parole : 

Messieurs ,  la  question  que  nous  avons  a  envisager  ici  se  rattache  a  celle 
de  la  navigation  interieure  du  royaume,  comme  moyen  de  faciliter  les 
transports  et  les  communications;  elle  decoule  de  meme  du  systeme  de 
canalisation ,  subsidiaire  a  la  navigation  des  fleuves ,  et  se  lie  naturellement 
au  nonveau  systeme  des  chemins  de  fer  que  les  vues  d'une  sage  prevoyance 
doivent  coordonner  avant  de  se  livrer  a  des  etudes  toujours  dispendieuses. 

TJn  seul  mot  va  cependant  resoudre  d'une  maniere  speciale  la  question , 
objet  de  nos  investigations,  comme  cause  principale  de  prosperite  et  de 
richesse  nationale.  Ce  mot  est  :  utiiite,  qui,  pour  un  fleuve ,  se  traduit 
par  ceux-ci,  navigation  non  interrompue  pendant  les  trois  cent  soixante- 
cinq  jours  qui  mesurcnt  le  cours  de  1'annee. 

Quand  je  presentai,  en  1827  , 1'emplacement  le  plus  couvenable  pour 
1'cntrepot  d'une  capitale  a  placer  aux  points  d'arrivage  des  principaux 
fleuves  du  royaume,  je  demontrai,  ipso  facto ,  1'importance  de  la  Loire 
ct  de  sa  navigation. 

La  Loire,  dans  un  cours  de  200  lienes,  traverse  dix  departements  du 
centre  de  la  France ,  couvre  le  midi  et  une  grande  partie  de  1'oucst  du 
royaume,  sous  le  rapport  stratcgique;  met  en  communication  la  Mediter- 
ranee  et  POcean  ( par  le  canal  du  Cbarollois ,  la  Saone  et  le  Rhone ) ,  et 
fait  enfin  partie  de  ce  rcseau  de  canaux  qui,  du  centre  et  de  1'est  du 
royaume  ,  s'etend  par  le  Rhin  a  toutes  les  parties  de  notre  continent. 

Mais,  a  la  vue  de  ce  fleuve  de  sable  et  de  1'exiguile  de  son  volume, 
pendant  la  plus  grande  partie  de  1'annee,  qui  ne  sent  la  necessite  de  lui 
rcndre  1'existence ,  la  vie  et  le  mouvement  que  reclament  les  besoins  in- 
ccssants  du  pays  ? 

L'administration  a  bicn  charge  1'un  de  ses  ingcnieurs  les  plus  instruits 
( M.  Lcmierre)  de  1'exploration  du  fleuve  et  de  ses  sables  inconstants,  a 


DEUXIEME  SECTION.  129 

Nantes  et  vers  son  embouchure ;  inais  n'eut-il  pas  etc  preferable  tie  faire 
etudier,  a  la  source  du  fleuve  meme ,  les  causes  de  ces  irruptions  frequen- 
tes  des  sables,  ou,  au  moins,  a  la  jonction  de  1'Allicr,  dont  le  marinior 
sail  reconnaitre  la  crue  de  celle  de  la  Loire ,  a  la  simple  inspection  de  la 
cotileur  des  sables  qui  chargent  les  eaux  du  fleuve?....  Grande  question  a 
resoudre  avant  de  lui  assurer  une  navigation  non  interrompue ,  but  que 
mon  patriotisme  s'est  propose,  que  le  votre  acceptera,  messieurs. 

L'homme  n'a  recu  1'intelligence  en  parlage ,  et  n'a  etc  dote  de  la  science 
qui  en  gradue  et  specific  les  developpements,  que  pour  se  rendre  utile  a 
rhumanit« ,  a  la  societe,  a  la  civilisation  :  telle  est  sa  noble  destinee ,  celle 
quc  lui  assigne  le  Createur,  dont  I'ecriture  a  dit  :  Dens  scientiarum 
Dominus. 

En  effet,  messieurs,  1'histoire  de  la  science  presente,  a  chacune  des 
grandes  decouvertes  ou  inventions  qui  font  epoque,  les  revolutions  qu'elles 
out  produites. 

Citer  les  nomsdes  Sehwartz  (de  Fribourg),  de  Flavio  Gioja  (de  Naples), 
de  Guttemberg  (  de  Mayence),  nous  conduit  naturellement  a  envisager 
1'emploi  de  la  vapeur,  moteur  le  plus  puissaat,  mis  a  la  disposition  de 
i'homme ,  dont  1'invention  appartient  a  1'une  des  gloires  du  Blaisois ,  bien 
<[ue  1'usurpation  britannique  ait  mis  en  avant  les  noms  de  Worcester,  d  e 
Savery,  de  Nevvcomen,  de  Berigbton,  de  Walt,  d'Hornblower,  de  Wolf  , 
etc.,  laissant  a  Denis  Papin  sa  machine  a  amollir  les  os,  et  passant  sous 
silence  son  plus  beau  litre  a  la  reconnaissance  des  generations. 

Francais,  proclamons  les  droits  de  Salomon  de  Caus,  ingenieur  sous 
Louis  XIII,  qui,  des  1'an  1615,  avail  songe  a  se  servir  de  \aforce  elasti- 
que  de  la  vapeur  aqueuse,  dans  la  construction  d'une  machine  hydrauli- 
que  propre  a  operer  des  epuisements,  et  surlout  ceux  de  Denis  Papin  qui 
concul  en  1 690  la  possibilile  de  faire  une  machine  a  vapeur  et  a  piston  , 
decouverte  immense  par  sa  portce,  alors  meme  que  l'intelligence  de 
I'homme  1'a  enrichie  de  tant  de  moyens  d'aclion. 

Oui,  messieurs  ,  saluons  ici  le  berceau  de  celui  dont  le  genie  a  Irouve, 
pour  ainsi  dire,  le  poinl  que  reclamait  Archimede  pour  soulever  le 
monde;  il  a  fait  plus,  il  le  met  en  mouvement. 

Si  la  decouverte  de  la  poudre  a  change  entierement  la  strategic  et  1'em- 
ploi des  forces ; 

Si  la  boussole  a  mis  en  relation  et  en  communication  journaliere  les 
peuples  et  les  nations  qui  occupent  les  cinq  parties  du  monde  connu ,  et 
cree  des  richesses  immensos  et  produclives  qu'on  ne  connaissait  point 
alors; 

ii 


«30  DEITXJEME  SECTION. 

Si  Vimprimerie  a  rendu  commun  a  tons  le  tribut  des  connaissances  qui, 
jusques-la,  n'avait  pu  etre  que  la  part  du  plus  petit  nombre; 

Qui  pourrait  prevoir  et  annoncer  la  portee  de  1'emploi  de  la  vapeur  ?... 

D'un  autre  cote,  comment  se  rappeler  la  decouverte  de  la  pesantenr 
specifique  que  la  vue  du  dcplacement  d'une  couronne,  dans  1'eau  d'un 
bain,  presenta  a  1'esprit  observateur  et  meditatif  d'Arcbimede,  sans  ren- 
dre  hommage  a  1'etre  superieur  qui ,  dans  sa  toute-puissance ,  emploie  les 
moyens  les  plus  minimes  pour  produire  les  resultats  les  plus  importants  ? 

Cette  pensee  me  dominait,  messieurs,  quand  ,  me  promenant  1'ete  sur 
les  rives  de  la  Loire ,  je  voyais  deux  ou  trois  liommes  tirant  une  planche 
a  1'aide  d'une  corde,  frayer  ainsi  tin  passage  an  train  de  bateaux  qui  Irs 
suivait.  La  vue  de  ce  singulier  ratean ,  surtoul  1'emploi  d'une  force  aussi 
minime ,  fit  sur  mon  esprit  1'effet  du  deplacement  de  1'eau  par  la  couronne 
sur  celui  du  pliilosophe  de  Syracuse ,  et  je  me  disais  alors  :  comment  s'en 
tenir  la?  Oui,  messieurs,  comment  s'en  tenir  la?.... 

Maintenant ,  an  lieu  de  ces  deux  ou  trois  mariniers  sillonnant ,  par  une 
espece  d'instinct,  les  sables  mouvants  et  inconstants  du  fleuve,  supposons 
un  instant  la  reunion  d'une  force  de  CO  a  80  chevaux  a  celle  du  con  rant , 
et  parfois  celle  du  vent,  comme  moyen  de  deplacer  les  sables  et  de  les 
diriger  vers  les  levees  qu'ils  consohderaient ,  et  nous  verrons  bientot  le 
fleuve  se  frayer  lui-meme  un  cbenal  qui  facilitera  sa  navigation. 

Yeut-on  un  exemple?  Qu'on  visite  le  port  de  Cette,  et  1'on  verra  une 
macbine  qui  enleve  trois  cent  cinquante  metres  cubes  de  vase  en  douze 
heures. 

Mais ,  dira-t-on ,  le  sable  mouvant  se  fixera-t-il  ou  nne  semblable  force 
1'aura  dirige  instantanement?.... 

Nous  repondrons  a  cette  objection,  messieurs  :  si  le  travail  d'un  sim- 
ple cantonnier  sulfit  a  1'entretien  d'une  route ,  comment  celui  d'/m  bateau 
vanfonnier,  servant  de  remorqueur  sur  une  longueur  determinee ,  ne  suf- 
firait-il  pas  de  meme,  ayant  pour  auxiliaire  le  cours  du  fleuve  et  Paide  du 
dragueur,  pour  applanir  les  banes  qui  arretent  et  fixent  les  sables  en  leur 
cours  ? 

L'essai  que  je  reclame  ici  ne  pent  etre  dispendieux  :  il  consisterait  a 
promener  une  hefse  mise  a  la  remorque  d'un  bateau ,  en  face  de  la  ville 
de  Blois ,  ou  les  piliers  du  pont  fixent  les  sables  venant  d'amont. 

Que  le  succes  couronne  ce,  simple  essai ,  et  le  principe  sera  proclame.... 
"N'a-t-on  pas  obtenu  dernierement ,  par  un  moyen  analogue,  dans  le  canal 
de  la  Somme ,  d'Abbevillc  a  Saint-Vallery ,  pres  de  quatre  pieds  d'eau , 
sur  une  longueur  de  quatre  lieues?...M.  Tingcnieur  Fouache,  qufa  dirige 


DEUXIEME  SECTION.  131 

cctte  operation  Lmpnrtanie,  an  moyen  d'une  ccluse  mobile  dont  il  m'a  pro- 
mis  les  dessins  et  les  plans ,  a  obtenu  le  plus  grand  succes  :  il  a  demontre 
que  ce  qui  cut  coule  uu  million,  par  1'emploi  des  moyens  ordinaires, 
ne  s'est  pas  eleve  au  vingtieme,  cinquante  mille  francs ,  frais  plus  consi- 
derables que  le  bateau-herse  que  je  propose. 

Ce  bateau-herse ,  dont  la  quille  sillonnerait  la  Loire,  acquererail  de  la 
puissance  en  raison  de  sa  charge.  Son  travail  consisterait  a  soulever  les 
sables  que  chasserait  et  dirigerait  vers  les  rives  le  niouvement  de  rotation 
des  roues  motrices  du  bateau ,  placees  a  la  suite  de  la  /terse. 

Ce  bateau,  en  livrant  passage  au  cours  du  fleuve,  le  guiderait  pour 
ainsi  dire ,  et  1'eau  qui  cherche  toujours  son  niveau,  en  se  precipitant  dans 
le  cbenal  trace  par  la  herse,  coopererait  naturellement  a  son  curage. 

Messieurs,  les  monuments  les  plus  durables  sont  ceux  dont  Putilite  est 
le  moms  contestce  par  les  generations  qui  se  succedent  et  en  profitent  : 
temoins  les  levees  protectrices  de  la  Loire,  dont  on  est  redevable  aux 
rois  de  la  premiere  et  de  la  seconde  race.  Sans  nous  clever  centre  tarit  de 
monuments  fastueux  dont  tous  les  gouvernements  se  sont  plu  a  embellir 
la  capitale ,  supposer  qu'cn  put  preferer  les  colonnades,  les  statues  et  tous 
les  encouragements  donnes  aux  arts ,  au  prix  de  centaines  de  millions ,  a 
1'ceuvre  qui  assurerait  la  navigation  non  interrompue  d'un  fleuve  dont  le 
cours  le  plus  long  traverse  le  royaume,  qui  porte  avec  lui  la  richesse  et 
la  prosperite  du  pays,  ne  serait-ce  pas  un  affront  a  la  representation  na- 
tionale  ?  Comment  douter ,  messieurs  ,  qu'une  proposition  faite  par  le 
Congres  de  1' etude  de  ce  projet  ne  soil  accueillie  ? 

On  a  fait  line  remarque  en  Angleterre ,  aux  Etats-Unis  et  en  Prusse  : 
c'est  qu'a  partir  de  1'epoque  oil  1'on  s'est  occupe  de  1'amelioratiou  et  du 
perfectionnement  des  voies  de  communication,  non  seulement  les  popula- 
tions se  sont  accrues  d'une  maniere  sensible ,  mais  la  sociabilite  et  la  civi- 
lisation y  ont  acquis ,  en  raison  des  rapports  journaliers  et  constants  des 
populations  entre  elles  *. 

Une  mesure  legislative  autorise  ,  il  estvrai,  la  creation  d'un  canal  lateral 
sur  la  rive  gauche  de  la  Loire ,  et  il  existe  plusieurs  projets  de  chemins 
de  fer  qui ,  partant  de  Paris ,  se  dirigeraient  sur  differents  points  dont  le 
fleuve  est  intermediate ;  mais ,  je  vous  le  demande ,  messieurs ,  un  canal 
lateral  a  un  fleuve  qu'on  peut  rendre  navigable ,  et  meme  un  chemin  de 
fer  parallele  a  ses  rives ,  ne  presentent-ils  pas  une  anomalie  ?  Quels  suc- 
ces esperer  en  face  des  moyens  puissants  qu'offre  la  nature  ?  Ft  d'ailleurs 


'  En  Angleterre  ,  a  partir  de  1763  ;  aux  litats-Uuis,  de  1783  ;  en  Frussc  ,   Jo  i8i5. 


132  DEUX.IEME  SECTION. 

quel  mouvement  commercial  pourrait,  sur  des  lignes  aussi  etendues  ,  ser- 
vir  les  dividendes  des  capitaux  enfouis  dans  de  semblables  travaux  ? 

Qu'on  mette  done  en  regard  les  frais ,  1 .°  de  1'acquisition  et  de  ['expro- 
priation des  terrains;  2.°  du  chomage  du  canal,  resultant  des  reparations 
de  chaque  ecluse  et  des  gelees;  3.°  de  1'etablissement  des  rayes  et  de 
leur  entretien;  4.°  de  la  construction  des  routes,  etc.,  etc.;  5.°  des  frais 
d'administration  des  deux  entreprises ;  6.°  du  repos  force ,  pendant  la  ntiit , 
etc. ,  etc. ,  avec  le  pen  de  frais  des  bateaux-herse-cantonniers ,  qui  ren- 
draient  la  Loire  navigable  toute  1'annee,  et  1'on  rendra  hommage  aux 
moyens  que  presente  la  nature  dans  sa  generosite  ,  en  assurant  aux  pays 
les  bienfaits  de  la  navigation  des  fleuves ,  qui ,  dans  mon  opinion ,  doit 
primer  toute  autre  navigation. 

Le  moyen  que  je  presente  est  si  simple ,  messieurs ,  que  je  prevois ,  en 
annoncant  la  canalisation  de  la  Loire  par  la  Loire  elle-meme ,  entendre 
ceux  qui ,  n'approfondissant  pas  la  matiere ,  n'y  verront  que  I'enlantement 
iaborieux  de  la  montagne ,  s'ecrier  avec  notre  fabuliste  : 

•C'est  pi'omettro  beaucoup;  niais  qu'en  sort-il  convent? 
Du  vent. 

Dependant,  que  votre  patriotisnie  s'empare  de  ce  sujet  important,  mes- 
sieurs; qu'il  le  rende  digne  de  1'investigation  des  hommes  de  1'art,  et  qu'il 
oblienne  enfin  un  simple  essai  :  alors  I'argument  des  fails  parlera  haul; 
lui  seul  salt  eviter  les  illusions  de  la  theorie. 

Puisse  ce  service  immense  a  rendre  an  pays  signaler  votre  session  et 
1'institution  des  Congres  scientifiques ,  qu'on  doit  considerer  comme  1'un 
des  triompbes  de  1'intelligence ,  dans  un  siecle  de  lumieres  !... 

Puisse  aussi  votre  indulgence,  en  faveur  du  sujet,  me  servir  d'excuse 
pour  les  instants  precieux  que  j'ai  derobes  a  vos  travaux! 


Apres  quelques  observations  faites  par  plusieurs  mem- 
bres ,  la  redaction  suivante  est  mise  aux  voix  et  adoptee 
comme  reponse  a  la  question  proposee  : 

«  La  section  pense  que  la  diminution  de  ^importance  industrielle  et 
»  commerciale  du  bassin  de  la  Loire  ,  est  produite  par  les  difficultes  du 
»  fleuve ,  par  1'encombrement  de  son  lit  et  la  mobilite  des  sables  qui  1'ob- 


DEUX1EME  SECTION.  13S 

struent.  L'action  mecanique  des  appareils  propres  a  debarrasser  le  fond 
de  la  riviere ,  semble  etre  le  moyen  le  plus  corn-enable  de  faire  dispar 
raitre  la  cause  que  Ton  vient  de  signaler,  et  sous  ce  rapport,  la  section 
emet  le  voou  qu'il  soil  fait  un  essai  du  bateau-herse  propose  par  M.  de 
Calonne.  » 


Apres  cette  deliberation ,  la  section  autorise  la  lecture 
d'un  autre  memoire  de  M.  de  Calonne,  intitule  :  De 
r  unite  yprincipe  deforce  et  de  puissance  chez  les  anciens; 
et  de  V esprit  d 'association  chez  les  societes  modernes. 

L'orateur  cherche  a  demontrer  dans  son  memoire 
que  c'est  an  principe  de  1'unite  chez  les  anciens  que  nous 
devons  tous  les  chefs-d'oeuvre  qu'ils  nous  ont  laisses,  et 
il  enumere  les  immenses  resultats  obtenus  par  1'esprit 
d'association  chez  les  modernes.  II  termine  en  exposant 
le  plan  d'une  statistique  generale,  exacteet  complete  de 
la  France  :  il  desire  que  le  Congres  scientifique  de 
France  se  place  a  la  tete  de  ce  monument  a  elever  au 
pays,  et  il  emet  le  vceu  que  Ton  precede  a  ce  travail  en 
suivant  les  grandes  divisions  formees  par  les  bassins  de 
nos  fleuves  et  de  nos  rivieres. 

Quelques  membres  pensent  qu'il  serait  preferable  de 
suivre  dans  le  travail  demande  par  M.  de  Calonne ,  les 
divisions  aetuelles  de  nos  departements. 

M.  de  Calonne  admet  cette  modification  y  quant  au 
detail  de  1'execution  de  la  statistique  qu'il  propose  de 
faire  j  mais  il  pense  qu'il  serait  bon  de  reunir  tons  les 
travaux  partiels  relatifs  a  chaque  departement ,  en  ob- 
servant les  grandes  divisions  par  bassin  ,  dont  il  a  parle. 


134  DEUXIEME  SECTION. 

La  section  approuve  les  vues  de  M.  le  comte  de  Ca- 
lonne,  et  ordonne  le  renvoi  a  la  commission  centrale 
du  me'moire  qu'il  vient  de  lire ,  pour  etre  insere  en  tota- 
lite  ou  par  extrait  dans  le  compte-rendu  des  seances  du 
Congres  *. 

M.  Charles  Delaveau  (  de  Toulon  )  communique  a  la 
section  une  note  adressee  par  M.  le  marquis  de  Renne- 
ville  (d' Amiens)  ,  en  exprimant  le  regret  qu'il  eprouve 
de  ne  pouvoir  assister  aux  reunions  du  Congres.  Cette 
note,  repondant  a  la  8. e  question  du  programme,  est 
ainsi  concue : 


A  la  premiere  partie  de  la  question  je  responds  : 

Oui,  pour  le  nord  de  la  France,  les  etablissements  industriels  peu- 
vent  prosperer  dans  tin  pays  dont  la  population  est  incessamment  atta- 
chee  an  sol ,  parce  qu'en  effet  une  population  nombreuse ,  active ,  la- 
borieuse,  ne  pent  etre  en  totalite,  ni  continuellement  occupee  de  tra- 
vaux  agricoles  dans  une  contree  ou  1'hiver  dure  trois ,  quatre  et  cinq 
mois.  —  Aussi  les  deux  natures  de  travaux  y  marclient  de  front,  et  1'e- 
migration  de  toutes  les  industries  des  \illes  dans  les  campagnes  y  suit 
une  marche  progressive. 

Ce  fait  important  de  1'economie  sociale  n'est  point  assez  observe, et  trop 
peu  d'hommes  s'occupent  des  moyens  de  le  regularise!'.  On  ne  saurait  as- 
signer  de  limites  a  la  prosperite  de  quiuze  a  vingt  departements  du  nord 
du  royaume ,  si  1'anuee  se  partageait  en  deux  parties  a  peu  pres  egales ,  et 
si  Fete  etait  entierement  employe  aux  operations  d'une  savante  agriculture 
et  1'hiver  presque  exclusivemeut  a  celles  de  toutes  sortes  d'industries.  — 
C'est  a  peu  pres  ainsi  que  nous  voyons  nos  paysans  horticulteurs  et  agri- 
culteurs  ,  travailler  le  fer ,  le  cuivre,  le  lin,  le  chanvre,  le  colon,  la  laine 


(i)  La  commission  a  cru  remplir  completemem  les  intentions  de  la  section,  en  im- 
primant  le  premier  memoire  de  M.  le  coitite  de  Calonne ,  qui  repondait  a  une  des 
questions  du  programme  de  la  session,  et  en  conservant  seulement  I'analyse  donnee, 
par  M.  Ic  secretaire-retlactenr ,  du  deuxiime  memoire,  totalement  etrangcr  aux  dis- 
cnsiion*  du  Coji"ri-s. 


DEUXIEME  SECTION.  t3> 

et  la  sole,  sans  cesser  de  cultiver  des  champs  de  peu  d'etendue,  mais 
suffisants  pour  assurer  leur  subsistance.  Quand  les  proprietaires  vivant 
dam  leurs  terres  ,  appliqueront  leur  intelligence  et  leurs  capitaux  avec 
une  Vue  elevee  de  bien  public,  a  regulariser  et  perfectionner  cet  etat  de 
choses,  il  se  fera  une',  revolution  tres  importante  dans  les  rapports  de 
cette  classe  avec  celle  des  travailleurs ;  et  la  conservation  de  1'ordre  inte- 
rieur,  comme  le  bien-etre  de  chacune  de  ces  deux  classes  de  citoyens, 
sera  le  fruit  de  leurs  efforts. 

A  la  seconde  partie  de  la  question  je  reponds  :  non ;  un  coup-d'oeil  jete 
sur  la  Flandre ,  la  Picardie ,  1' Alsace ,  confirme  cette  response. 

Les  pays  de  grande  culture  manquent  de  population,  consequemment 
les  fabriques  ne  peuvent  s'y  etablir.  —  Et  la  ou  abondent  les  ouvriers , 
les  terres  se  divisent ,  les  families  se  mulliplient ,  et  la  moyenne  et  petite 
culture  suivent  ce  mouvement. 

La  section,  vu  Fheure  avancee,  ne  peut  ouvrir  une 
discussion  sur  cette  question  dontelle  renvoie  la  solution 
au  Congres  de  1835,  Elle  croit  pouvoir  neanmoins  re- 
commander,  comme  tres  digne  de  confiance,  la  note 
de  M.  de  Renneville ,  dont  la  reputation  est  placee  tres 
haut  dans  1'estime  des  amis  des  sciences  agricoles  et  in- 
dustrielles. 

La  seance  est  levee  a  neuf  heures  et  demie. 

Les  secretaires  de  la  section,  Le  president  de  la  section , 

EUGENE  RIFFAULT,  LAIR. 

DE  LA  TRAMBLAIS.  Les  vice-presidents  : 

DE  LA  GIRAUDIERE, 
Prince  DE  CHIMAY. 


136  TROISIEME  SECTION. 

TROISIEME  SECTION. 


Seance  du  lundi  1 2  septembre  1836. 

PresidencedeM.le  docteur  ARCHAMBAULTfde  Tours),  doyen  d'dgc  , 
et  ensuite  de  M.  le  docteur  DESPARANCHES  (  cle  Blois  ). 

A  midi  et  demi ,  la  seance  est  ouverte  par  M.  le  doc- 
teur Archambault ,  doyen  d'age.  MM.  les  docteurs  Ma- 
rin  -  Desbrosses  et  Aubry  (  de  Blois )  remplissent  les 
fonctions  de  secretaires  provisoires. 

Apres  i'appel  nominal ,  qui  constate  18  membres  pre- 
sents ,  il  est  immediatement  procede  a  la  formation  du 
bureau  definitif.  D'apres  le  resultat  du  scrutin  ,  sont 
proclames : 

President ,  M.  le  docteur  Desparanches  ; 

Vice-president ,  M.  le  docteur  Archambault  $• 

Secretaires ,  MM.  les  docteurs  Marin-Desbrosses  et 
Haime  (  de  Tours ). 

Le  bureau  est  installe  et  M.  le  president  remercie  la 
section  de  1'honneur  qu'elle  vient  de  liii  conferer. 

M.  le  docteur  Aubry  demande  la  parole  pour  une 
motion  d'ordre.  II  propose  qu'avant  toute  discussion  , 
il  soit  procede  a  la  revision  des  questions  soumises  a 
1'examen  de  la  section  par  la  derniere  session  et  par  le 
programme  de  cette  an  nee.  —  Adopte. 


TftOISIEME  SECTION.  137 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  (  d' Angers  )  demande  a 
faire  une  communication  a  la  section  :  il  possede  du 
cow-pox  recueilli  a  Amiens  par  M.  Autier  ,  et  d'autre 
recueilli  par  lui-meme  a  Angers.  II  offre  a  la  section  de 
faire  des  experiences  comparatives  avec  ces  deux  es~ 
peces  de  cow-pox  et  du  vaccin  du  pays  ;  il  prie  ses 
confreres  de  Blois  de  lui  procurer  des  sujets  pour  cette 
experimentation. 

La  section  accepte  avec  empressement  1'offre  de  M. 
Hunault. 

La  seance  est  levee  a  une  heure  et  demie  ,  afm  que 
les  membres  de  la  section  puissent  se  rendre  a  la  seance 
annuelle  de  la  Societe  academique  de  Blois. 


Seance  du  mardi  13  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  ducteur  DESPAR4NCHES. 

L'un  de  MM.  les  secretaires  lit  une  lettre  de  la  so- 
ciete  veterinaire  des  departements  du  Calvados  et  de  la 
Manche,  qui  adresse  a  la  section  une  serie  de  questions 
sur  les  vices  redhibitoires  des  chevaux.  La  section  ,  ne 
renfermant  pas  dans  son  sein  d'hommes  assez  speciaux 
pour  preparer  le  travail  demande  ,  s'en  refere  a  la 
deuxieme  section  qui  a  recu  les  memes  questions. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  revision  des  questions.  Les 
six  renvoyees  par  le  dernier  Congres  sont  conservees. 
Les  l.re,  4.e,  5.%  6.e  et  7.e  du  programme ,  concernant 


138  TROISIEME  SECTION. 

les  sciences  physiques  qui  ont  ete  distraites  cle  la  sec- 
tion ,  ne  sont  pas  maintenues ,  non  plus  que  le  premier 
paragraphe  de  la  9.e,  paraissant  se  rapporter  plutot 
uux  travaux  de  la  premiere  section. 

Apres  quelques  considerations  emises  par  divers 
membres  sur  1'ordre  qu'il  convient  de  suivre  dans  les 
discussions  ,  le  bureau  demeure  charge  d'arreter  1'ordre 
du  jour  de  chaque  seance. 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  4.e  des  questions 
renvoyees  par  la  session  de  Douai ,  ainsi  concue: 

«  Quelles  sout  les  modifications  apportees  par  les  saisons  et  les  cons- 
»  litutions  atmospheriques  dans  Faction  des  agents  therapeutiques,  et  no- 
»  tamment  dans  le  traitement  des  maladies  epidemiques  ?  » 

M.  le  docteur  Haime  lit  le  memoire  suivant  : 


Mntationes  temporum  potissimiim  pariunt  morlos. 

(  HiPtoc.  Aphor.  I ,  Sect.  3.) 

A  cette  sentence  seule,  on  pent  juger  de  I'importance  qu'Hippocrate 
attachait  a  1'observation  de  la  marclie  des  saisons  et  des  variations  atmos- 
pheriques, ainsi  qu'a  leur  influence  sur  la  production  et  le  caractere  des 
maladies.  Depuis  ce  grand  homme ,  les  medecins  les  plus  recommandables 
ont  consacre  ce  principe  qui  a  traverse  les  siecles.  Bien  que  Sydenham , 
Pringle,  Baillou ,  Baglivi,  Huxham,  Sloll,  Retz,  Pinel,  etc.,  n'aient  pas 
prouve  sans  replique  la  correlation  qui  semble  exister ,  dans  les  differentes 
saisons,  entre  1'etat  meteorologique  de  Tatmosphere  et  le  caractere  des 
maladies  regnantes,  du  moins  ont-ils  contribue  puissamment  a  diriger  les 
esprits  vers  1'etude  de  la  nature,  en  faisaut  connaitre  sa  marche  la  plus 
constante.  Ces  habiles  observateurs  ont  constate  quelle  influence  pouvaient 
avoir  sur  la  production  et  la  forme  des  affections  morbides ,  les  localites , 
h-s  eaux,  1'air,  les  vents,  les  vicissitudes  atmospheriques.  Cependant  il  est 


TROISIEME  SECTION.  139 

si  difficile  a  Pesprit  humain  de  ne  pas  depasser  certaines  limites,  meme 
au  milieu  des  bonnes  choses ,  que  Sydenham ,  cet  immortel  imitateur  de  la 
methode  hippocratiqne ,  n'est  pas  exempt  du  reproche  d' avoir  attenue  la 
verite  de  ses  tableaux  d'epidemies  par  un  penchant  assez  prononce  pour 
les  subtilites  theoriques. 

Quelle  idee  precise  doit-on  se  faire  d'une  constitution  medicale?  Pour 
certains  medecius,  cette  denomination  a  un  sens  fort  etendu  ;  elle  com- 
prend  non  seulement  Texpose  fidele  des  maladies  observees  pendant  telle 
periode,  telle  saison ,  avec  leurs  differences,  leurs  modifications  ,  leurs 
complications,  etc. ;  mais  encore  elle  suppose  la  connaissance  rigoureuse  et 
absolue  de  la  topographic  du  lieu,  c'est-a-dirc  du  climat,  de  la  disposition 
du  sol ,  de  sa  nature ,  de  son  inclinaison ,  de  ses  productions ,  et  d'une  foule 
d'autres  details  indispensables  pour  pouvoir  estimer  1'action  de  toutes  ces 
causes  locales,  modiliant  sans  cesse  le  resultat  des  influences  atmosphe- 
riques.  11  n'est  pas  moins  important ,  suivaut  eux ,  d'apprecier  1'effet  des 
habitudes  physiques  et  morales  des  habitants ;  de  dresser  des  tables  jour- 
nalieres  de  tous  les  phenomcnes  meteorologiques ;  d'observer  les  variations 
du  chaud  et  du  froid ,  celles  de  la  pcsanteur  de  1'atmosphere ;  les  diffe- 
rents  degres  d'humidile  de  1'air;  la  serenite  ou  1'etat  nuageux  et  brumeux 
du  ciel,  et  principalement  la  direction  et  la  violence  des  vents;  de  ne  point 
negliger  snrtout  de  noter  les  transitions  brusques  et  tranchecs  de  la  tem- 
perature ou  de  1'elat  physique  de  1'atmcsphcrc ,  puisqu'il  es  t  probable 
qu'elles  ont  la  plus  graride  influence  sur  la  sante. 

Ges  tables  meteorologiques  etant  dressees,  jour  par  jour,  il  faudrait  en 
rapprocher  le  releve  exact  de  toutes  les  maladies  qui  ont  regne  pendant  la 
periode  de  temps  qu'elles  embrassent ,  en  rappelant  les  affections  qui 
existaient  au  commencement  de  la  constitution  dont  on  veut  faire  I'liistoire, 
et  qui  auraient  etc  produites  par  celle  qui  a  precede;  on  y  joindrait  avec 
soin  tout  ce  qui  peut  appartenir  a  la  profession ,  au  genre  de  vie  des> 
malades ,  etc. 

On  pense  bien  que  des  difficultes  sans  nombre  s'opposent ,  en  general  r 
a  ce  qu'on  puisse  arriver  a  un  resultat  si  desirable ;  et ,  en  y  reflechis- 
sant ,  on  ne  sera  plus  surpris  de  ne  trouvcr  peut-etre  aucun  exemple  de 
constitution  medicale  complete. 

Quant  a  nous ,  qui  scmmes  egalement  eloigne  de  cette  perfection  ideale 
des  uns,  comme  de  I'importance  exclusive  qu'ils  y  attachent,  et  de  la  re- 
pugnance des  autres  a  admettre  une  corespondance  et  un  rapport  plus  ou 
moins  vrais  entre  les  constitutions  atmospheriques  et  medicales  ,  nous- 
pcnsons  qu'il  pent  ,  qu'il  doit  etre  profitable  d'csquisser  periodi([ueme»l- 


140  TROISIEME  SECTION.  ^ 

le  tableau  de  ce  qui  a  etc  observe  de  plus  saillant  dans  la  constitution 
physique  de  1'atmosphere  et  dans  le  cours  des  maladies ,  sans  prelendre 
pour  cela  y  trouver  toujours  ime  liaison  intime  et  necessaire ,  laissant  a 
1'observateur  attentif  a  en  tirer  la  consequence  qu'il  croit  y  voir  :  nous 
osons  meine  dire ,  apres  un  medecin  eminemment  philanthrope ,  le  savant 
de  Montegre  :  «  II  serait  a  souhaiter  que  Ton  cut  pour  chaque  departe- 
«  ment  un  semblable  travail ,  et  il  est  facile  de  prevoir  le  bien  qui  en  re- 
»  sulterait.  » 

L'importance  de  cette  etude  a  etc  sentie  et  appreciee  par  la  plupart  des 
medecins  judicieux  ,  et  entreautres  preuves  que  nous  pourrions  donner  de 
cette  importance,  nous  ne  citerons  que  les  deux  suivantes.  Gombien  d'e- 
cueils ,  par  exemple ,  la  consideration ,  le  souvenir  de  la  constitution  re- 
gnante  n'ont-ils  pas  fait  eviter?  Gombien  de  fois  cette  puissante  raison 
n'a-t-ellc  pas  ramene  le  praticien  dans  la  veritable  voie,  en  fixant  son 
opinion  chancelante  sur  la  medication  dont  Pexperience  avail  deja  cons- 
tate I'efficacite.  II  ne  faut  done  que  reflechir  un  pen  pour  savoir  a  quoi  s'en 
tenir  sur  les  declamations  des  antagonistes  exclusifs  des  constitutions  me- 
dicales  ,  et  pour  reconnaitre  la  solidite  du  precepte  donne  par  le  pere  de  la 
medecine ,  dans  son  immortel  traite  De  acre ,  locis  et  aquis  :  Medicinam 
quicumqiie  vult  recte  consequi ,  hcec  faciat  oportet;  primum  quidern  anni 
tempora  animadvertere  ,  quid  horum  quoque  possit  efficere. 

Toutefois  (  et  nous  le  repetons  avec  franchise ,  comme  1'expression  de 
notre  sentiment  intime),  quel  que  soil  le  degre  d'utilite  que  1'on  doive  es- 
perer  obtenir  des  travaux  dont  nous  parlons ,  on  est  loin  de  pouvoir  en 
lirer  toujours  des  inductions  generates  et  aphoristiques ,  et  Ton  ne  doit  le 
faire  qu'avec  reserve.  Ainsi ,  par  exemple ,  bien  que  d'apres  1'observation 
la  plus  constante  ,  on  soil  assez  communemeiit  d'accord  aujourd'hui  comme 
du  temps  d'Hippocrate ,  qu'une  constitution  atmospherique  chaude  et  seche 
dispose  aux  affections  bilieuses ,  tandis  qu'une  froide  et  seche  produit  les 
maladies  inflammatoires;  qu'au  contraire  le  concours  du  froid  et  de  1'humi  • 
elite  determine  les  affections  catarrhales  et  autres  analogues;  ce  rapport, 
cette  correlation  ne  sont  pourtaut  pas  tellement  infaillibles,  que  Ton  lie  re- 
marque  sou  vent  un  ensemble  de  maladies  tout  opposees  a  celles  que  sem- 
blaient  indiquer  les  conditions  de  1'atmosphere.  C'est  ainsi  que  nous  avons 
vu  un  de  nos  estimables  confreres  du  departement  d'Indre'-et-Loire,  M.  le 
docteur  Rambur  ( d'Ingrandes ),  dans  sa  relation-pratique  de  la  constitu- 
tion medicale  qu'il  a  observee  pendant  le  troisieme  trimestre  de  1818, 
fairi  remarquer  que,  pendant  les  chaleurs  fortes  et  continues,  il  n'avait, 
pour  ainsi  dire,  rencontre  que  des  phlegmasics  tranches.  C'cst  ainsi  que, 


TROIStEME  SECTION.  141 

(tons  tin  autre  sens,  on  a  vu  les  fievres  gastriques  biliettses ,  de  tous  les 
types ,  former  a  elles  seules  le  quart  des  maladies  observees  et|traitees 
dans  les  hopitaux  de  Paris,  pendant  les  mois  d'aout  et  de  septembre 
1819,  tandis  que  ces  memes  fievres,  ordinairement  communes  a  Tours 
pendant  la  meme  saison ,  y  ont  etc  tres  rares  cette  annee-la ,  et  ont  sem- 
blc  ceder  la  place  aux  maladies  eruptives ,  aux  rhumathismes  aigus  , 
anx  angines  et  autres  affections  des  tissus  muqueux.  En  inferera-t-on  que 
I'influence  de  la  clialeur  a  etc  moindre  dans  cette  ville  qne  dans  la  capi- 
tale?  Non  assurement.  Il  suffira  de  tenir  compte  d'nne  infinite  de  condi- 
tions on  circonstances  particulieres  que ,  sans  doute ,  il  faudrait  connaitre 
avant  de  prononcer.  Enfm ,  Ton  en  conclura  que  la  nature  est  variable 
dans  ses  operations ,  quoique  simple  dans  son  essence ,  et  que ,  comme  on 
1'a  si  bien  dit,  vouloir  I'assujctir  a  nos  divisions  et  a  nos  systemes,  c'est 
exiger  d'elle  ce  qu'elle  refusera  toujours. 

A  ce  sujet,  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  une  importante  remar- 
que  que  nous  avons  eu  occasion  de  faire ,  dans  nos  observations  sur  la 
constitution  medicale  du  departement  d'Indre-et-Loire,  et  en  particulier, 
de  la  ville  de  Tours,  pendant  le  Iroisieme  trimestre  de  1832. 

Hippocrate  avail  dit  d'une  maniere  generate:  "Toutes  les  maladies  peu- 
»  vent  se  rencontrer  dans  les  diverses  saisons  de  1'annee ;  mais  quelques 
»  unes  d'entre  elles  sont  plus  communes  et  plus  graves  dans  certaines  saisons 
»  que  dans  d'autres.  (Aphor.  19  ,  sect.  3.)  »  Et  en  particulier  :  «  L'ete 
»  engeiidre  des  fievres  ardentes  et  continues  ,  et  un  grand  nombre  de 
»  tierces ;  des  vomissements  bilieux ,  des  diarrhees ,  etc.  ( Aphor.  2 1  , 
»  sect.  3.)» 

Eh!  bien,  ces  aphorismes  si  generalernent  vrais,  se  sont  trouves,  pour 
la  premiere  fois  peut-etre  depuis  longues  annees ,  completement  en  defaut 
chez  nous,  quant  a  la  constitution  medicale  du  trimestre  dont  nous  venons 
de  parler.  En  effet ,  nous  avons  constate  alors  1'absence  presque  absolue  des 
maladies  qu'on  observe  ordinairement,  et,  sans  contredit,  en  plus  grand 
nombre ,  a  cette  periode  de  1'annee ,  surtout  pendant  les  etes  chauds ,  a 
savoir:  les  affections  bilieuses,  les  fievres,  les  diarrhees  et  les  dysenteries. 
Nous  ne  pouvions  laisser  passer  inapercu  un  fait  aussi  saillant ,  nous  qni , 
duraut  quinze  ans,  nous  sommes  occupe  sans  interruption  d'observer  et 
de  rediger  la  constitution  medicale  de  notre  deparlement.  E't  comment 
ne  pas  nous  etonner  de  cette  particularite  ?  Car  si  Baglivi  a  dit  quel- 
que  part  :  Scribo  Romoe  et  in  aere  romano ,  ne  pouvons-nous  pas,  sans 
prctendre  d'ailleurs  nous  comparer  a  ce  grand  observateur,  dire  de  no- 
tre cole  :  Scribo  Turonibus  et  in  aere  turonense  .s  Or,  depuis  vingt  ans  que 


142  TROIS1EME  SECTION. 

nous  exereons  la  mcdecine  a  Tours,  nous  n'avons  pas  encore  vu  unean- 
nee  qui  ait  presente  un  aussi  petit  norabre  des  maladies  engendrees  par  la 
saisou  d'ete,  que  1'aimce  1832.  Une  seule  cependant  pourrait  lui  etre 
comparee  sousce  rapport,  c'est  Pete  de  183  1  ;  mais  nous  etions  deja  alors 
sous  1'influence  exclusive  de  la  grippe  et  de  la  cliolerine ,  considcrees  par- 
tout  comme  avant-coureurs  du  cholera-morbus. 

Ne  peut-onpas  des-lors  entrevoirla  raison  de  cette  anomalie  apparente? 
L' epidemic  cholerique  ayant  forme  en  quelque  sorte  a  elle  seule  toute  la 
constitution  medicale  du  deuxicme  trimestre,  n'a-t-elle  pas  par  cela  meme 
imprime  une  heureuse  modification  a  la  constitution  du  troisicme?  EH 
d'autres  termes ,  les  causes  encore  iguorees  de  ce  grand  desastre  palholo- 
gique  n'ont-elles  pas  pu  suspendre  ou  intervertir  momentaiiement  Tordre 
habituel  des  influences  atmospheriques  sur  la  production  des  maladies  pro- 
pres  a  la  saison  d'ete  ?  Ceci  n'est  pas  improbable.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous 
nous  bornons  a  constater  et  a  enregistrer  ce  fait  remarquable  d'observa- 
tion ,  laissant  a  des  esprits  plus  penctrants  ou  plus  subtiles,  d'en  donuer, 
s'il  est  possible,  une  explication  satisfaisante. 

D'ailleurs,  repetons-le  avec  Zimmermann  :  Hippocrate,  Sydenham  et 
et  d'autres  observateurs  out  remarque  que  les  memes  maladix's  epidemi- 
ques  ont  regne  sous  des  qualites  differentes  de  Pair ,  et  que  des  maladies 
differentes  se  sont  manifestees  sous  les  memes  conditions  atmospheriques. 
C'est  donner  dans  un  abus  manifeste ,  que  de  n'estimer  les  qualites  sen- 
sibles  de  Fair  que  par  les  degres  ou  montent  et  baissent  chaque  jour  le 
mercure  ou  l'esprit-de-vin  dans  le  thermometre  et  le  barometre.  Les  pra- 
ticiens  qui  ont  voulu  s'inslruire  ainsi  dans  I'etat  de  la  constitution  des 
saisons  ,  se  sont  attaches  a  des  details  qui  n'apprennent  rien  que  I'etat 
momentaiie  de  la  temperature ;  or,  ce  n'est  pas  la  qu'il  faut  fixer  toute  son 
attention ;  c'est  ou  a  la  continuite  et  a  1'exces  de  la  meme  temperature,  ou 
an  brusque  changement  de  cette  temperature  et  a  son  remplacement  suliit 
par  une  autre  opposee  ou  tres  differente ,  qu'il  faut  prendre  garde  particu- 
lierement,  parce  que  les  maladies  epidemiques  qui  sont  produites  par  I'e- 
tat des  saisons ,  n'en  proviennent  jamais  que  par  ces  causes.  C'est  de  cette 
maniere  qu'Hippocrate  observait,  dans  les  differentes  temperatures,  la 
cause  des  epidemics;  et  c'est  aussi  ce  que  nous-meme  avons  eu  maintes 
occasions  de  verifier.  En  resume  ,  chaque  saison  a  son  caractere  propre  et 
influe  consequemment  sur  nos  liumeiirs  a  certain  point,  comme  disait  le 
pere  de  la  medecine  :  voila  ia  cause  des  maladies  habituelles  de  chaquc 
saison.  Si  les  ecarts  des  saisons  sont  excessifs ,  il  en  resulte  ordinairement 
les  maladies  epidemiques  proprement  dites.  Nous  n'avons  pas  besom  d'a- 


TROISIEME  SECTION.  143 

jouter  qu'il  faut  exccptcr  de  cette  grande  loi  generate  les  maladies  epide- 
miques  contagieuses ,  c'est-a-dire  dues  a  uue  cause  toute  specifiyue,  bien 
que  le  plus  sou  vent  insaisissable. 

C'est  d'apres  ces  donnees  et  ces  considerations ,  que  la  Societe  medicale 
de  Tours ,  dont  nous  avons  si  long-temps  redige  les  travaux ,  a  constam- 
ment  cherche  a  atteindre  le  but  d'utilite  qu'elle  a  toujours  eu  en  vue,  en 
publianl  chaque  annee,  et  jusqu'a  ces  derniers  temps  ,  par  trimestre  *,  ses 
observations  meteorologiques  et  medicales.  On  lui  a  su  gre ,  nous  n'en 
doutons  pas ,  des  efforts  et  des  vceux  qu'elle  n'a  cesse  de  faire  pour  1'ex- 
tension  d'une  methode  appreciee  par  tons  les  medecins  qui  prennent  1'ob- 
servation  pour  guide  de  lenr  pratique  ,  et  qui  savcnt  se  premunir  centre 
les  theories  et  les  hypotheses  les  plus  seduisantes.  Notre  Societe  continuera 
de  cultiver  avec  zele  et  perseverance ,  cette  branche ,  peut-etre  fastidieuse , 
de  ses  travaux ;  mais  eutreprise  et  suivie  par  elle ,  depuis  trente-six  ans , 
dans  la  conviction  qu'elle  a  du  quelquefois  et  pourra  toujours  etre  pro- 
fitable aux  hommes  de  1'art  ,  conscieiicieux ,  qui  ne  dedaignent  point 
de  s'instruire  encore  de  la  pratique ,  des  lumieres  et  meme  des  fau- 
(es  de  leurs  confreres.  Deja  ,  depuis  plusieurs  annees  ,  son  exemple 
a  ele  imite  par  quelques  societes  de  mcdecine  et  par  quelques  redac- 
teurs  de  recueils  periodiques.  G'est  un  point  d'eludes  medicales  que 
nous  croyons  digne  de  fixer  1'attention  des  Congres  scientifiques  ,  et  en 
presentant  ces  courtes  considerations  a  la  4.e  session  ,  reunie  a  Blois, nous 
avons  eu  1'intention  de  poser  un  jalon  dans  un  champ  vaste ,  iecond  en 
heureux  resultats ,  et  qui  ne  pent  manquer  d'etre  parcouru  avec  succes 
par  une  foule  d'hommes  de  merite  ,  que  nous  serons  heureux  d'avoir  at- 
tires dans  une  carriere  presque  vierge  encore.  Puissent  tons  les  bons  ob- 
servateurs  et  les  homines  lal^orieux  de  chaque  departement  de  la  France , 
sentir  1'importance  de  cette  etude  ,  et  s'y  livrer  avec  assez  d'ardeur,  de 
soins  et  de  developpements ,  pour  qu'il  en  resulte  un  faisceau  de  connais- 
sances  capables  de  servir  un  jour  de  guide  assure  aux  generations  futures  ! 

M.  le  docteur  Leon  Simon  (  de  Blois  )  fait  observer 
que  M.  Haime  a  plutot  traite  des  constitutions  saisoji- 
nieres  et  epidemiques  que  des  constitutions  medicales 


*  D'apn's  une  nouvelle  resolution  de  la  Societe  ,  le  recueil  cl«  ses  travaiiT  ,  tonjonr.i 
public  tons  les  trois  niois  ,  ne  rent'eruie  plus,  que  dans  le  num^ro  dii  4-e  trimestie  t  le 
PISECIS  de  la  constitution  jneilicale  obseryee  pendant  1'annee. 


444  TROISIEME  SECTION. 

proprement  elites.  II  voudrait  que  ,  avant  d'aller  plus 
loin  ,  on  definit  nettement  les  termes  de  la  question. 
Dans  Fopinion  de  M.  Simon ,  une  constitution  medicale 
resulte  d'une  multitude  infinie  d'influences  qui  peuvent 
etre  ramenees  a  deux  categories  principales  :  les  unes 
relatives  au  milieu  qui  nous  entoure,  les  autres  apparte- 
nant  en  propre  a  1'homme  lui-meme.  Les  premieres  seu- 
les,  conside'rees  comme  causes  de  maladies  epiderniques, 
ont  etc  abordees  par  M.  Haime.  L'orateur  voudrait  que 
le  probleme  fut  elargi  et  embrasse  dans  toute  sa  com- 
plexite. 

M.  le  docteur  Hunault  de  la  Peltrie  qui ,  au  Congres 
de  1833 ,  avait  pose  la  question  des  constitutions  physi- 
ques et  medicales,  et  qui,  aux  deux  sessions  suivantes,  a 
lu  un  travail  a  ce  sujet ,  explique  ce  qu'il  a  entendu  par 
constitutions  pbysiques  et  medicales.  Les  constitutions 
physiques  sont  les  phenomenes  physiques,  generaux  , 
plus  ou  moins  normaux  ,  propres  aux  localites  ;  et  par 
constitutions  medicales ,  on  doit  entendre  1'influence  de 
•ces  constitutions  pour  la  production  des  maladies. 


Seance  du  mercredi   14  septembre  1836. 
f  residence  de  M.  le  docteur  DESPARANCHES. 

La  commission  centrale  renvoie  a  la  section  une  pro- 
position de  M.  le  docteur  Leon  Simon  ,  sur  la  doctrine 
medicale  homeopathique.  —  Ordre  du  jour  de  demain. 


TROISIEME  SECTION.  145 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  1 1  .e  proposition  du 
programme  de  la  section,  relative  a  la  reorganisation 
medicale. 

M.  le  docteur  Archambault  lit  quelques  considera- 
tions sur  cette  question,  II  s' attache  surtout  a  etablir 
qu'il  est  indispensable  de  cpnserver  deux  ordres  de 
medecins;  il  voudrait  seulement  qu'on  changeat  le  titre 
<l'officier  de  sante  en  celui  de  licencie  en  medecine.  Les 
facultes  recevraient  les  docteurs  et  les  ecoles  secondaires 
confereraient  le  grade  de  licerscie.  II  demande  la  creation 
de  conseils  medicaux ,  dont  les  membres  seraient  nom- 
mes  par  leurs  pairs.  Enfin ,  il  voudrait  qu'on  attachat  a 
chaque  division  caiitonale  un  service  de  sante  gratuit , 
compose  d'un  medecin  ,  d'un  chirurgien  etd'un  pharma- 
cien. 

M.  le  docteur  Leon  Simon  desire  une  reforme  com- 
plete. II  pense  qu'elle  doit  porter  sur  le  corps  savant,  sur 
le  corps  enseignant  et  sur  le  corps  exercant.  Les  ordon- 
nances  constitutives  des  academies  en  font  des  resistan- 
ces aux  progres,  tandis  qu'elles  devraient  etre  a  la  tete 
du  mouvement ,  1'aider ,  le  diriger ;  elles  devraient  perfeo 
tionner  la  science  et  non  1'entraver. 

L'orateur  n'admet  pas  deux  ordres  de  praticiens, 
parce  qu'il  n'y  a  pas  deux  ordres  de  malades ,  et  que  le 
nombre  des  medecins  est  assez  grand  aujourd'hui  pour 
qu'on  ne  puisse  pas  craindre  de  voir  quelques  contrees 
«n  manquer.  II  serait  toutefois  fort  a  desirer  qu'on  put 
organiser  un  service  de  sante  rural ,  gratuit  pour  les  in- 
digents,  etl'on  ne  voit  pas  pourquoi  on  n'obligerait  pas 


140  TROISIEME  SECTION. 

les  communes  a  s'imposer    pour    avoir   un    me'decm, 
comme  elles  s'imposent  pour  avoir  un  instituteur. 

Ce  qui  manque  aux  medecins,  dit-il ,  c'est  1' union, 
1'esprit  de  corps.  Les  conseils  medicaux  seraient  un 
centre  de  ralliement  fort  utile.  Us  pourraient  encore  ren- 
dre  de  grands  services  en  s'occupant  de  la  topographic 
medicale  de  leurs  localites  et  de  la  salubrite  publique. 

M.  Archambault  insiste  sur  les  considerations  qu'il  a 
presentees.  II  vent  non  seulement  des  docteurs  et  des 
licencies,  mais  aussi  des  medecins  et  des  chirurgiens; 
c'est  en  divisant  la  science  qu'on  fera  des  specialites,  et 
les  specialites  seules  peuvent  faire  avancer  une  science 
trop  vaste  pour  etre  embrassee  dans  toutes  ses  parties  par 
un  seul  homme. 

M.  le  docteur  Marin-Desbrosses  n'admet  pas  cette  di- 
vision de  la  science ;  il  ne  voit  pas  entre  la  medecine  et 
la  cliirurgie  de  bornes  assez,  distinctes  pour  qu'on  puisse 
posseder  bien  Tune  ,  sans  connaitre  1'autre.  Elles  s'eclai- 
rent  reciproquement;  et  dans  une  foule  de  circonstances, 
elles  sont  inseparables.  Ge  que  demande  M.  Archambault 
serait  un  pas  retrograde  immense.  L'orateur  n'est  pas 
pour  cela  ennemi  des  specialites  ;  mais  les  hommes  spe- 
ciaux  ont  besoin  d'embrasser  d'abord  la  science  dans  son 
ensemble,  pour  pouvoir  ensuite  cultiver  plus  particulie- 
rement  une  de  ses  branches. 

La  reponse  a  la  premiere  partie  de  la  question  ne  pa- 
rait  pas  douteuse  a  1'orateur  :  la  reorganisation  medicale 
est  un  besoin  urgent. 

D'apres  M,  Desbrosses  ,  la  reforme  doit  porter  sur  le 


TROISIEME  SECTION.  147 

corps  enseignant  et  sur  le  corps  exercant;  mais  non, 
comme  le  veut  M.  Simon ,  sur  le  corps  savant. 

Les  academies,  dit-il,  sont  les  regulateurs  du  mouvement,  quelquefois 
aussi ,  j'en  conviens ,  elles  sont  des  resistances  aux  progres ,  mais  je  n'ac- 
corde  pas  pour  cela  qu'il  faille  changer  leur  organisation  :  le  progres  a  ses 
puissances  :  la  presse ,  le  journalisme  surtout ;  il  faut  aussi  un  pouvoir 
organisateur ,  moderateur;  autrement  nous  ne  sortirions  pas  du  chaos  des 
innovations.  Je  dis  plus ,  ce  qu'on  demande  est  impossible  :  une  academie 
est  un  hut  propose  aux  nobles  ambitions;  c'est  un  repos  accorde  a  de  pe- 
nibles  travaux ,  une  recompense  honorable  decerneee  a  des  succes  confir- 
mes;  une  academie  enfin  est  une  reunion  d'hommes  du  passe  et  non  de 
Pavenir.  Changer  son  organisation ,  serait  la  detruire. 

L'orateur  ne  veut  qu'un  ordre  de  medecins.  II  ne  voit 
pas  quel  avantage  il  y  aurait  a  changer  le  nom  d'officiers 
de  sante  en  celui  de  licencies.  II  veut  qu'il  y  ait  egalite 
pour  tous  les  medecins  et  que  les  memes  garanties  de 
savoir  soient  offertes  aux  pauvres  et  aux  riches. 

Messieurs ,  dit  M.  Dcsbrosses ,  loin  de  craindre  qtie  les  medecins  ne 
manquent  aux  malades ,  j'entrevois  dans  la  progression  toujours  croissante 
du  nombre  des  etudiants  une  exuberance  prochaine  des  medecins ,  au 
sein  dc  la  societe.  Get  etat  doit  amener  une  concurrence ,  facheuse  pour 
les  medecins  et  pour  les  malades ;  car  c'est  surtout  dans  cette  profession  que , 
trop  souverit,  le  charlatanisme  ecrase  le  merite.  Je  voudrais  qu'il  y  eut  un 
exanien  d'admission  aux  ecoles  et  un  nombre  limite  d'admissions,  comme 
pour  1'ecole  polytechnique ;  ce  serait  le  seul  moyen  d'eloigner  les  incapa- 
cites  et  de  rehausser  la  profession  dans  1'opinion  publique. 

La  creation  de  conseils  medicaux  qui ,  tout  en  laissant  intacte  la  liberte 
individuelle ,  veilleraient  a  la  consideration  et  aux  intcrets  du  corps ,  me 
parait  etre  une  des  plus  grandes  ameliorations  qu'on  puisse  apporter  a  la 
pratique  de  la  medecine. 

Le  charlatanisme  est  une  plaie  sociale  a  laquelle  il  me  semble  devoir 
etre  remedie  par  de  nouvelles  dispositions  legislatives ,  puisquc  les  ancien- 
nes ,  par  quolquc  motif  que  ce  soil ,  sont  evidemment  ineflicaccs. 


J'i8  TROISIEME  SECTION. 

Enfin,  M.  Desbrosses  demande  1'abolition  de  la  pa- 
tente  des  medecins,  qui  fait  sortir  leur  science  de  la  classe 
des  professions  liberates.  II  veut  an  moins  qu  il  n'y  ait 
pas ,  a  cet  egard ,  entre  les  avocats  et  les  medecins ,  uiie 
distinction  tout-a-fait  injurieuse  pour  cesderniers. 


Seance  du  jeudi  15  septembre  1836. 
Presldence  de  M.  le  docteur  DESPJRANCHES. 

Apres  quelques  observations  de  MM.  Haime,  Despa- 
ranches,  Simon  et  Hunault,  la  section  adopte  la  resolu- 
tion suivante. 

«  L'organisation  du  corps  medical  en  France  est  susceptible  de  reforme , 
»  et  cette  reforme  est  d'un  besoin  urgent. 

>»  La  reorganisation  doit  porter  : 

«   1.°  Sur  1'enseignement; 

»  2.°  Sur  1'exercice  de  la  profession. 

»  Elle  doit  avoir  pour  bases  principales  : 

»   1 .°  L'augmentation  du  nombre  des  facultes ; 

»  2.°  La  creation  pres  de  toutes  les  facultes  de  medecine ,  d'acadomies 
»  cbargees  de  travailler  au  perfectionnement  de  la  science ; 

»  3.°  L'egalite  scieiitifique  et  legale  de  tons  les  medecins ;  c'est-a-dire 
»  I'unite  de  litre  et  de  prerogatives  ; 

»  4.°  Un  examen  d'admission  aux  facultes ; 

»  5.°  La  creation  dans  les  facultes  de  jurys  d'examendont  les  membrcs 
»  seront  pris  a  nombre  egal  parmi  les  professeurs  et  parmi  les  praticiens 
»  qui  auront  plus  de  dix  ans  d'exercice ; 

»  6.°  Des  dispositions  legates  efficaces  pour  la  repression  du  cliarlata- 
»  nisme; 

»  7.°  La  creation  de  conseils  medicaux  dont  les  membres,  nommes  a 
»  Selection ,  seront  charges  de  veiller  a  1'execution  des  lois  protectrices  dc 
»  la  profession  et  a  la  conservation  de  sa  dignite; 


TROISIEME  SECTION.  H» 

»  8.°  L'i<istilution  de  medecins  ruraux  ; 
»  9.°  L'abolitiou  de  la  patente.  » 

L'ordre  clu  jour  appelle  la  discussion  de  la  proposition 
tie  M.  Leon  Simon ,  concue  en  ces  termes  : 

«  Le  Congres  exprime  le  voeu  que  la  doctrine  medicate  homeopathique, 
»  introdtiite  en  France  depuis  plusieurs  annees ,  soil  soumise  dans  Tun 
»  des  grands  hopitaux  du  royaume,  a  un  examen  clinique ,  methodique 
»>  etregulier,  afiu  qu'il  soil  possible  d'asseoir  une  opinion  sur  la  valeur 
»  de  cette  doctrine.  » 

La  parole  est  a  M.  Leon  Simon,  pour  le  developpe- 
ment  de  sa  proposition.  II  etablit  que  la  doctrine  medi- 
cale  homeopathique ,  introduite  depuis  plusieurs  annees 
en  France,  a,  depuis  lors,  pris  des developpements  tou- 
jours  croissants.  Paris,  Dijon,  Lyon,  Bordeaux,  aussi 
bien  que  Geneve  et  Liege ,  possedent  des  societes  de  me- 
decine  homeopathique  regulierement  organisees.  II 
semble  a  1'orateur  que,  sans  rien  prejuger  sur  la  valeur 
de  cette  doctrine,  on  ne  pent  se  refuser  a  admettre  son 
existence  en  fait.  D'un  autre  cote ,  la  resolution  de  1' Aca- 
demie  royale  de  medecine,  qui  repousse  la  nouvelle  doc* 
trine,  ne  lui  parait  pas  etre  un  arret  sans  appel.  1'Aca- 
clernie,  dans  cette  circonstance ,  lui  semble  avoir  agi 
d'apres  une  idee  preconcue,  puisque  la  doctrine  qu'elle 
condamnait  etait  inconnue  a  presque  tons  ses  membres. 
A  cet  egard ,  M.  Simon  se  refere  a  la  lettre  qu'il  a  adres- 
see  a  M.  le  ministre  de  1'instruction  publique ,  dans  le 
but  de  refuter  1'opinion  de  M.  Andral  et  celle  de 
M.  Bally,  qui  ont  servi  de  base  a  la  discussion  de  1' Aca- 
demic. 


150  TROISIEME  SECTION. 

jL'homeopathie  se  presentant  a  litre  de  doctrine  nouvelle,  de  progres, 
ne  peut  etre  vue  avec  indifference  par  le  Congres ,  dit  M.  Simon ;  car  le* 
doctrines  medicales  se  resolvant  en  applications  pratiques  immediales,  leur 
influence  est  toujours  heureuse  ou  funeste,  selon  qu'elles  sont  vraies  ou 
fausses.  C'est  par  cette  consideration  que  je  propose  a  la  section  d'emettre 
le  vocu  que  la  medecine  homeopathique  soil  soumise  a  un  examen  metho- 
cli([ue  et  regulier,  afin  qu'il  ne  soil  plus  permis  de  nier  1'efficacite  de  1' ho- 
meopathic et  de  la  trailer  de  chimere ,  sans  examen  aucun.  Geux  d'ail- 
leurs  qui  ne  partagent  point  nos  croyances  medicales  ne  peuvent  s'oppo- 
ser  a  ma  demande  ,  puisqu'ils  Irouveronl  dans  cette  epreuve  authentique 
le  seul  moyen  de  desillusionner  les  partisanls  de  1'homeopathie. 

M.  Simon  termine  en  prUmt  la  section  de  ne  se  pas 
meprendre  sur  le  sens  de  sa  proposition  :  il  ne  s'agit  pas 
en  ce  moment  de  porter  un  jugement  sur  la  medecine 
homeopathique ;  les  membres  de  la  section  ne  la  con- 
naissent  sans  doute  pas  assez  pour  le  pouvoir  faire.  II 
s'agit  seulement  d'exprimer  le  voeu  qu'elle  soil  soumise  a 
des  experiences  publiques,  afin  qu'on  puisse  la  juger  en 
connaissance  de  cause. 

M.  Duclo  (  de  Marseille  )  appuie  la  proposition  de 
M.  Simon,  et  veut  qu'on  la  generalise  en  etendant  la  de- 
mande a  tous  les  systemes  en  medecine. 

M.  le  docteur  Blau  (  de  Blois  )  fait  observer  que  deja 
la  medecine  homeopathique  a  ete  1'objet  d'un  examen 
serieux  de  la  part  de  1'Academie ,  que  plusieurs  de  ses 
honorables  membres  ont  fait  des  experiences  qui  ont 
ete  rendues  publiques  ;  qu'enfin  cette  doctrine  a  ses  de- 
fenseurs  qui  ne  sont  nullement  entraves  dans  leur  prati- 
que non  plus  que  dans  1'exposition  de  leur  theorie.  II  ne 
voit  pas  a  quoi  serviraient  de  nouvelles  experiences  sur 
une  doctrine  desormais  jugee. 


TROISIEME  SECTION.  151 

M.  Archambault  ne  consentirait  a  la  proposition  que 
dans  le  cas  ou  les  conditions  de  1'experimentation  lui 
offriraient  toute  garantie  dans  1'interet  des  malades. 

M.  Aubry  ne  croit  pas  au  danger  de  1'homeopathie 
dans  beaucoup  de  cas;  cesont  ceux  ou  la  medecine  ex- 
pectante  peut  etre  faite.  Pour  ces  cas,  il  consentirait  vo~ 
lontiers  a  1'experimentation. 

M.  Haime  desire  qu'on  experimente  avec  les  garanties 
d'ordre  et  la  surveillance  convenables. 

M.  Hunault  s'oppose  a  ce  que  le  gouvernement  ac- 
corde  exclusivement  a  rhomeopathie  un  hopital  d' expe- 
rimentation, parce  que  jamais  aucune  tbeorie  n'a  joui 
d'une  semblable  faveur,  et  que  ce  serait  accorder  a  celle- 
ci  un  privilege  injuste. 

M.  Desbrosses  pense  que  1'experimentation  n'est  pas 
moins  desirable  pour  les  allopathistes  que  pour  les  ho- 
meopatbistes.  Ceux  qui  n'ont  pas  d'opinion  arretee  doi- 
vent  desirer  s'eclairer ;  les  autres  doivent  desirer  confon- 
dre  leurs  adversaires;  et  le  seul  moyen  pour  tous  est 
Texperimentation  publique,  confiee  aux  homeopathes 
eux-memes;  car  ils  pourront  toujours  dire  aux  allopatbes: 
«  Vous  ne  connaissez  pas  notre  doctrine ;  vous  avez  mal 
experimente.  »  Quant  aux  dangers  de  1'experimentation, 
ils  ne  lui  paraissent  pas  reels  :  chaque  jour  tous  le  me- 
decins  des  hopitaux  font  de  semblables  experiences  qui 
heureusement  ne  coutent  pas  la  vie  des  malades.  Eh  ! 
quel  autre  moyen  de  faire  avancer  la  science,  que  per- 
sonne  sans  doute  ne  croit  arrivee  a  son  apogee  !  D'ail- 
lieurs  ,  on  peut  s'en  remettre  au  gouvernement  du  soin 


152  TROISIEME  SECTION. 

de  prendre  telles  precautions  qui  pourront  etre  jugees 
convenables.  Mais  il  ne  voudrait  pas  d'un  amendement 
restrictif  du  voeu  eminernment  liberal  et  progressif  qu'on 
propose  d'emettre.  Ne  craint-onpas  aussique  les  homeo- 
pathistes,  genes  encore  dans  leur  pratique  ,  ne  recusent 
des  experiences  faites  avec  des  conditions ,  acceptees  par 
quelques  uns ,  rejetees  par  d'autres  ? 

M.  Simon  dit  qu'en  effet  1'experimentation  qu'on  a 
permis,  a  lui  et  a  M.  Curie,  de  faire  a  1'Hotel-Dieu  de 
Paris,  a  ete rendue  tout-a-fait  illusoire  par  les  conditions 
apportees  par  le  medecin  de  la  salle  et  les  gens  de  servi- 
ce. Leurs  prescriptions  etaient  frequemment  changees  ; 
et  ils  manquaient  de  cette  autorite  sans  laquelle  le  me- 
deciri  ne  pent  rien.  Aussi  M.  Simon  n'a-t-il  pas  tarde  a 
se  retirer. 

L'orateur  ajoute  que  s'il  demande  pour  1'homeopathie 
une  faveur  qui  n'a  point  encore  ete  accordee  a  d'autre 
systeme,  c'est  que  l'homeopathie  est  plus  qu'un  systeme; 
c'est  qu'elle  existe  en  fait  d'une  maniere  assez  grande  et 
assez  incontestable ,  pour  qu'on  ne  puisse  se  refuser  a 
Texaminer ,  pour  qu'il  soit  impossible  de  se  contenter  de 
dire :  Laissez  passer. 

La  proposition  de  M.  Simon  est  mise  aux  voix  et 
adoptee. 

Les  rnembres  quittent  la  salle  et  il  est  impossible  de 
faire  voter  sur  un  amendement  pre'sente  par  MM.  Ar- 
chambault ,  Hunault,  et  Baschet  (de  Blois),  tendant  a  ce 
que  le  gouvernement  ne  permette  les  experiences  deman.- 


TROISIEME  SECTION.  153 

dees  qu'en  fixant  les  conditions  d'ordre  et  de  garantie  mo- 
rale ,  convenables  dans  une  semblable  experimentation. 


Seance  du  vendredi   16  seplembre  1836. 
Presidence  de  Jf.  le  docteur  DESPARANCHES. 
La  commission  centrale  renvoie  une  proposition  de 
M.  Archambault  sur  les  maisons  d'alienes.  — Mise  a  For- 
dre  du  jour  de  la  seance  extraordinaire  du  soir. 

M.  Hunault  presente  a  la  section  deux  instruments 
qu'il  a  modifies  :  le  premier ,  est  un  lithotriteur  urethral 
destine  a  extraire  les  calculs  engages  dans  Furethre;  1'au- 
tre  sert  a  faire  rentrer  les  branches  du  lithotriteur  dans 
son  etui  avec  facilite  et  sans  faire  eprouver  an  malade  ni 
secousse  ni  douleur.  La  section  apprecie  les  avantages 
que  presentent  ces  instruments,  et  adresse  des  remerci- 
ments  a  M.  Hunault  pour  sa  communication. 

La  discussion  est  ouverte-sur  la  2.e  question  du  pro- 
gramme, relative  aux  irrigations. 

M.  Aubry  a  la  parole.  II  dit  que  les  irrigations  de  prai- 
ries se  font  de  maniere  a  ne  pas  permettre  la  stagnation 
des  eaux,  et  que  partant  elles  sont  sans  inconvenient. 
Car  c'est  la  decomposition  des  vege'taux  qui,  apres  les 
inondations ,  occasionne  des  maladies ,  et  cette  action  ne 
saurait  s'operer  quand  il  n'y  a  pas  stagnation  de  1'eau. 

M.  Archambault  pense  au  contraire  qu'aucun  systeme 
d'irrigation  n'est  completement  exempt  d'inconvenients, 
et  que  pour  les  diminuer  autant  que  possible ,  il  faut 


154  TROISIEME  SECTION. 

prescrire  des  mesures  propres  a  empecher  la  slagnar 
tion  de  1'eau. 

M.  Baussan  (deBlois)  fait  observer  que  les  proprietai- 
res  sont  interesses  a  ne  pas  laisser  les  eaux  stagnantes , 
et  pense  qu'on  peut  s'en  remettre  aux  soins  qu'ils  pren- 
nent  de  leurs  interets  pour  prevenir  1'inconvenient  qu'on 
redoute. 

M.  Desbrosses  dit  que  les  irrigations  sont  dans  des  con- 
ditions bien  differentes,  suivant  les  localites.  Dans  les 
pays  de  montagnes,  ou  1'eau  est  economisee ,  ou  ces  ope- 
rations sont  faites  avec  intelligence  et  soin ,  ou  enfin  la 
pente  du  terrain  ne  permet  pas  la  stagnation  de  1'eau  , 
il  ne  saurait  resulter  des  irrigations  des  inconvenients 
pour  la  salubrite ;  elles  peuvent  meme  presenter  de  grands 
avantages  dans  des  annees  de  secheresse.  Mais  dans  les 
pays  plats  ,    ou  les   rivieres  fournissent  abondamment 
une  eau  qu'on  prodigue  ,  la  stagnation  est  a  craindre.  II 
est  meme  telles  contrees,  dit  M.  Desbrosses ,  telles  prai- 
ries basses  dans  lesquelles  il  n'est  pas  possible  de  faire 
ecouler  le  liquide.  Et  qu'on  ne  s'en  rapporte  pas  aux  pro- 
prietaires  pour  prevenir  la  stagnation  ;  car  d'abord  elle 
n'a  pas  ,  entre  les  deux  recoltes  de  foin  ,  1'inconvenient 
qu'on  y  voit;  ensuite  il  est  de  fait  que  cettte  stagnation 
existe  dans  differentes  localites  a  peu  pres  tous  les  ans. 
L'orateur  resume  son  opinion  dans  cette  proposition: 


«  Les  irrigations  des  prairies  qui  n'ont  pas  de  pente  peuvent  avoir  des 
inconvenients  pour  la  salubrite.  —  S'il  intervient  une  loi  sur  cette  ma- 
tiere,  elle  devra  laisser  aux  dispositions  reglementaires  locales  le  soin, 


TR01SIEME  SECTION.  155 

>»  de  prevenir  les  iaconvenients  ,  d'apres  les  avis  des  conseils  medicaux  du 
»  pays.  » 

M.  de  Saint- Vincent  (de  Blois)  est  d'un  pays  (Vaucluse) 
ou  les  irrigations  sont  d'un  usage  general.  Elles  y  sont 
faites,  dit-il ,  avec  beaucoup  de  soin  ,  et  1'eau  ne  sejourne 
pas.  II  n'a  jamais  ou'i  parler  dans  ce  pays  d'inconvenients 
resultant  pour  la  salubrite  publique  des  irrigations  de 
prairies.  II  croit  que  toutes  precautions  a  cet  egard  se- 
raient  inutiles  et  sans  doute  genantes  pour  1'agriculture. 

M.  Hunault  pense  que  les  irrigations  artificielles  , 
faites  en  temps  opportun ,  sont  plutot  utiles  que  nuisibles, 
en  ce  sens  que  pendant  la  vegetation  1'eau  est  plutot 
purifiee  que  viciee  par  les  vegetaux  vivants  qu'elle  bai- 
gne. 

Apres  quelques  observations  de  redaction  ,  la  section 
adopte  la  proposition  suivante  : 

«  Les  irrigations  de  prairies  n'ont  pas  d'inconvenients  [pour  la  salu- 
»  brite,  pourvu  qu'on  prenne  des  mesures  efficaces  pour  prevenir  une 
»  trop  longue  stagnation  des  eaux.  » 

On  passe  a  la  discussion  de  la  3.e  question  du  pro- 
gramme, relative  aux  etablissements  insalubres. 

M.  Desbrosses  expose  le  vague  de  la  legislation  re- 
lative a  ces  etablissements.  La  loi  laisse  aux  prefets 
et  aux  conseils  de  prefecture  le  soin  de  determiner  la 
distance  des  habitations  a  laquelle  ces  etablissements 
peuvent  etre  autorises ;  il  en  resulte  que  la  regie  n'est  pas 
la  meme  pour  tous  les  departements ,  pour  tous  les  ci- 
toyens.  Cependant  les  inconvenients  sont  les  memes-. 


156  TROISIEME  SECTION. 

partout.  On  peut  les  prevoir,  et  il  serait  facile  d'etablir 
line  regie  pour  toute  la  France.  Les  enquetes  de  com- 
jnodo  et  incommodo  ne  presentent  pas  1'avantage  qu'on 
pourrait  en  attendre ,  parce  que  les  interesses  ne  con- 
naissent  souvent  les  inconvenients  d'un  etablissement 
insalubre  qu'apres  son  autorisation.  Aussi  les  uns  s'oppo- 
sent-ils  par  des  motifs  futiles ,  et  les  atitres  ne  font-ils 
pas  connaitre  les  motifs  d'opposition  fandes  qu'ils  au- 
raient  a  faire  valoir,  mais  qu'ils  ignorent.  De  la  des 
plaintes  legitimes,  mais  tardives. 

La  loi  devrait  encore  prevoir  tin  autre  cas  :  il  est  des 
etablissements  nuisibles  a  la  vegetation ;  il  n'est  pas  juste 
de  les  laisser  placer  joignant  des  proprietes  qui  n'en 
dependent  pas  ;  car  c'est  porter  un  veritable  prejudice  a 
autrui.  Rien  cependant  n'est  prevu  a  cet  egard.  Enfin 
Torateur  fait  observer  que  le  classement  actuel  parait 
en  plusieurs  points  susceptible  de  cbangement ,  d'apres 
les  precedes  notiveaux  introduits  dans  plusieurs  etablis- 
sements, ou  d'apres  de  nouvelles  decouvertes. 

Toutefois ,  M.  Desbrosses  se  contente  de  signaler  le 
mal  et  d'indiquer  le  remede ,  sans  pouvoir  presenter  un 
travail  complet  sur  la  matiere. 

Apres  quelques  explications  de  plusieurs  membres ,  la 
section  adopte  cette  resolution : 

»  La  section  n'ayant  pas  a  sa  disposition  les  documents  necessaires  pour 
»  repondre  completement  a  la  question  relative  aux  etablissements  insalu- 
»  bres ,  la  renvoie  a  la  prochaine  session ,  et  invite  les  medecins  et  les  pliy- 
»  siciens  a  recueillir  et  a  fournir  a  cette  session  tons  les  documents  con^- 
«  venables  pour  la  resoudre.  » 


TROISIEME  SECTION.  157 

Seance  extraordinaire  du  1 6  septembre. 
^residence  de  M.  le  docteur  DESPARANCHES. 

Une  proposition  deM.  le  docteur  Lepage  (d'Orleans), 
sur  les  inhumations  precipitees  ,  renvoyee  par  la  com- 
mission centrale,  est  a  1'ordre  du  jour. 

M.  Lepage  lit, a  1'appui  desa  proposition, tin  memoire 
que  la  section  renvoie  a  la  commission  d'impression. 
L'etendue  de  ce  memoire  a  engage  la  commission  a  ne 
1'inserer  qu'a  la  fin  du  volume. 

M.  Beaussier  (  de  Blois)  communique  un  travail  sur  le 
meme  sujet.  Comme  M.  Lepage,  il  cite  plusieurs  faits  de 
personnes  enterre'es  vivantes.  II  rappelle  les  pre'cautions 
prises  chez  certains  peuples  de  Vantiquite  pour  prevenir 
ces  horribles  scenes,  autant  que  pour  honorer  les  morts; 
et  Se  plaint  de  la  negligence  avec  laquelle  on  constate 
chez  nous  les  deces. 

En  se  resumant ,  M.  Beaussier  reclame ,  au  nom  de 
1'humanite,  a  pen  pres  les  memes  precautions  que  M.  Le- 
page, pour  prevenir  les  dangers  des  inhumations  preci- 
pitees. II  insiste  surtout  pouj  que  1'ensevelissement , 
qu'on  fait  generalement  aussitot  la  mort ,  ne  soit  permis 
que  24  heures  apres  la  constatation  du  deces  par  1'hom- 
me  de  1'art  5  et  pour  que  cette  constatation  soit  faite  par 
le  medecin  deux  fois  pour  le  meme  corps.  II  voudrait 
enfin  que  toutes  les  exigeances  de  la  loi  fussent  sanc- 
tionnees  par  despeines  severes,  pour  prevenir  la  trompe- 
rie  des  parents  qui  trop  souvent  ont  hate  de  se  debarras- 
ser  d'un  corps  qui  n'est  plus  pour  eux  qu'un  emharras  et 


158  TROISlfeME  SECTION. 

que  quelquefois  meme  ils  craignent  cle  voir  rappele  a  la 
vie. 

Plusieurs  membres  font  observer  que  le  gouverne- 
ment  semble  avoir  senti  la  gravite  de  cette  question  et 
1'importance  des  mesures  proposees,  puisqu'il  a  fait  faire 
des  reclierches  a  ce  sujet. 

La  section  adopte  la  resolution  suivante  : 

«  Le  Congres  emet  le  vceu  que  dans  toutes  les  communes  de  France 
»  un  homme  de  1'arl  soit  charge  speeialement  de  conslater  les  deces;  que 
»  des  salles  mortuaires  soient  etablies  dans  le  plus  grand  nombre  de  lo- 
»  calites  possible  ,  pour  y  deposer  les  corps,  a  visage  decouvert ,  dans  tous 
»  les  cas  ou  il  existerait  des  doutes  sur  la  realite  de  la  mort. 

»  Le  Congres  rappelle  le  voeu  qu'il  a  deja  emis  a  ce  sujet ,  1'annee  der- 
»  niere.  » 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  proposition  de  M.  Ar- 
cliambault ,  relative  aux  etablissements  d'alienes. 
Elle  est  ainsi  concue  : 

«  Le  Congres  exprime  le  vosu  qu'il  soit  cree  dans  chaque  departement 
>>  une  maison  speciale  pour  le  traitement  des  alienes.  » 

Apres  quelquescourtes explications,  la  section  adopte 
sans  discussion. 


Seance  du  samedi  17  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  docteur  DESPARANCEES. 

L'ordre  du  jour  est  une  proposition  de  M.  Duclo  , 
renvoyee  par  la  commission  centrale  et  ainsi  concue  : 


TROISIEME  SECTION.  159 

«  Le  Congres  emet  le  voeu  que  les  doctrines  medicales  qui  se  presentent 
»  a  litre  de  progres ,  de  decouverte ,  et  specialement  la  doctrine  homeo- 
»  pathique,  soient  admises  a  etre  examinees  au  moyen  de  traitements 
»  comparatifs ,  sous  des  conditions  de  garantie  ,  d'ordre  et  d'impartialite.  » 


M.  Duclo  a  la  parole  pour  developper  sa  proposition. 
II  commence  par  declarer  que  parlant  au  nom  des  ma- 
lades  devant  des  medecins,  il  croit  devoir  soumettre 
avant  tout  a  la  section  une  question  prejudicielle  d'in- 
competence.  «  En  parlant,  dit-il,  a  des  hommes  qui  ex- 
ploitent  la  profession,  au  nom  des  exploited,  je  me  trouve 
<lans  la  position  de  Louis  XVI  devant  ses  bourreaux....  » 

Grand  nombre  de  membres  temoignent  ouvertement 
1'indignation  que  leur  inspire  un  semblable  debut,  et 
demandent  1'ordre  du  jour  sur  la  proposition. 

M.  Leon  Simon  signale  une  espece  de  pamphelet  noil 
moinsinjurieuxpour  les  medecins,  distribue  aux  mem- 
bres du  Congres  au  nom  du  Cercle  scientifique  de  Mar- 
seille, et  signe  Duclo.  II  demande  quelle  est  cette  so- 
ci^ete ,  cle  qui  elle  se  compose. 

M.  Duclo  repond  que  cette  societe  n'est  qu'en  projet 
et  qu'il  est  personnellement  responsable  de  1'ecrit  qu'il  a 

signe. 

o 

La  section,  sans  vouloir  entendre  d'autres  explications, 
vote  pour  un  ordre  du  jour  motive.  La  redaction  sui- 
vante  est  adoptee  : 

«  La  section  passe  a  1'ordre  du  jour  sur  la  proposition  de  M.  Duclo  , 
»  sans  entrer  dans  1'examen  du  fond ,  par  cela  seul  que  la  forme  sous  la- 
»  quelle  elle  est  presentee  est  inconvenantc.  » 


ICO  TROISIEME  SECTION. 

La  discussion  est  alors  ouverte  sur  la  question  suivante : 

«  Attend u  que  la  phrenologie  n'est  pas  encore  etablie  sur  des  bases  suf- 
»  fisantes ,  inviter  les  medecins  ettous  ceux  qui  s'occupentd'etudes  physio- 
»  logiques ,  a  rechercher  et  a  signaler  les  avantages  que  Ton  pourra  retirer 
»  de  la  phrenologie  pour  le  perfectionnement  de  1' education.  » 

M.  Leon  Simon  a  la  parole.  II  commence  par  declarer 
que  la  question  lui  semble  mal  posee.  II  pense  que  la 
phrenologie  est  etablie  sur  la  seule  base  qu'elle  puisse 
jamais  avoir,  c'est-a-dire,  sur  1'experience.  Les  re'dacteurs 
de  la  question  lui  semblent  done  etre  alle  trop  loin  en 
niant  a  la  phrenologie  une  base  experimentale. 

Que  si  la  plirenologie  ajoute-t-il ,  n'avait  pas  de  bases  suffisantes ,  la 
premiere  chose  a  faire  serait  de  I'asseoir  sur  de  solides  fondements ,  avant 
de  rechercher  les  avantages  que  1'education  pent  en  retirer.  Agir  autre- 
ment ,  est  vouloir  deduire  les  consequences  d'un  principe  avant  d'avoir 
pose  le  principe  lui-meme.  Mais  je  soutiens  que  la  phrenologie  repose  sur 
des  bases  suffisanles.  Seulement  je  conyiens  que ,  semblable  a  toules  les 
sciences  au  berceau ,  elle  a  des  pretentious  qu'elle  ne  saurait  completement 
realiser.  Basee  sur  1'experience ,  elle  est  arrivee  a  des  resultats  que  Fave- 
nir  ne  detruira  pas.  Sans  doute ,  il  est  encore  certains  points  de  topographie 
qu'on  pent  contester ;  mais  il  en  est  d'autres  qui  sont  definitivement  ac- 
quis  a  la  science  ,  telles  sont  les  grandes  divisions  etablies  par  Spurzheim. 

La  phrenologie  a  eu  le  tort  de  vouloir  s'elever  en  haine  de  la  mctaphy- 
sique  qu'elle  s'est  cru  appelee  a  detruire.  De  la ,  les  mille  objections  qui 
lui  ont  ete  adressees. 

Pour  s'occuper  des  memes  obje.ts,  la  phrenologie  et  la  metaphysique 
ne  les  etudient  pas  sous  le  raeme  point  de  vue.  Ainsi,  quel  que  soil  1'avenir 
de  la  phrenologie ,  elle  n'a  rien  a  pretendre  sur  les  questions  religieuscs  , 
morales  et  de  pure  metaphysique.  De  ce  qu'il  y  a  une  correlation  intime 
enfre  une  facultc  et  Porgane  encephalique  qui  lui  correspond,  il  ne  suit 
pas  que  1'organe  soil  la  source  de  la  faculte  dont  il  s'agit ,  au  moins  d'une 
maniere  obligee.  De  ce  qu'une  faculte  predomiue  chez  un  sujct,  il  ne  suit 
pas  davantage  que  celui-ci  soit  imperiousement  oblige  d'obcir  aux  impul- 
sions que  cette  facultc  determine  en  lui. 


TROIS1EME  SECTION.  161 

O'est  qu'en  effet  la  phrenologie  etudie  les  facultes  intcllectuelles  et  mora- 
les d'une  maniere  purement  analytique ;  tandis  que  la  metaphysique ,  con- 
sidereede  haul,  c'est-a-dire  du  point de  vue  phsychologique ,  s'occupe  plutot 
des  actes.  Or ,  dans  une  operation  intellectiielle ,  comme  dans  tin  acte  mo- 
ral, plusieurs  facultes  difterentes ,  et  souvent  plusieiirs  sentiments,  sont 
appeles  a  concourir.  La  metaphysique  recherche  les  lois  de  ces  combi- 
naisons ,  indique  ces  resultantes.  Ainsi  le  rapport  qui  unit  la  phrenologie 
aux  sciences  philosophiques  est  de  meme  ordre  que  le  rapport  existant 
eutre  1'anatomie  et  la  physiologic. 

Ceci  pose,l'orateur  pense  quel'education  pourra  tirer 
avantagede  la  phrenologie,  en  ce  sens  que  la  phrenologie 
peut  faire  connaitre  les  facultes  predominates  de  cha- 
qtie  enfant,  et  indiquer  aux  instituteurs  celles  qu'il  con- 
vient  de  developper  et  celles  qu'il  importe  de  corriger  , 
de  maniere  a  etablir  uneparfaite  harmonic  entre  toutes 
les  facultes  de  ses  eleves. 

M.  Simon  ajoute  qu'il  n'entend  pas  dire  par  la  qu'il 
faille  que  toutes  les  facultes  s'equilibrent  dans  un  indi- 
vidu  ,  mais  qu'il  convient  de  mettre  en  rapport  les  facul- 
tes de  second  ordre  avec  celles  qui  sont  dominantes  et 
qui  par  cela  meme  donnent  a  chacun  son  individualite. 

M.  Aubry  pretend  que  M.  Simon  n'a  pas  demontre 
que  la  phrenologie  repose  sur  de  solides  fondements. 

Les  phrenologistes,  dit-il,  partent  de  cette  these,  que 
la  conformation  physique  d'un  muscle  donnantnecessai- 
rement  1'etat  de  la  force  musculaire ,  la  conformation 
physique  du  cerveau  doit  donner  1'etat  des  facultes.  Or , 
continue  M.  Aubry ,  on  ne  peut  asseoir  une  science  sur 
une  simple  analogic  ;  on  doit  aller  des  faits  aux  princi- 
pes  et  non  partir  des  principes,  primitivement  poses  , 

13 


162  TROISIEME  SECTION. 

pour  expliquer  les  fails.  Telle  est  la  seule  methode  pour 
1'etude  de  toutes  les  sciences. 

M.  Simon  repond  qu'il  est  permis  dans  les  sciences 
de  se  servir  de  1'analogie  et  de  1'hypothese  pour  arriver 
a  la  demonstration  des  idees,  et  que  c'est  d'apres  cela 
qu'il  a  pu  dire  que  la  phrenologie  est  1'anatomie  de  1'es- 
prit  humain ,  comme  la  psychologic  on  la  metaphysique 
en  est  la  physiologic. 

Apres  quelques  courtes  observations  de  plusieurs 
membres,  la  section  declare  que  : 

«  Les  documents  sur  cette  matiere  ne  sont  pas  encore  assez  nombreux 
»  pour  qu'on  puisse  repondre  a  la  question,  qui  doit  etre  renvoyee  a  la 
»  prochaine  session.  » 


Seance  du  dimanclie  18  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  doctew  DESPARANCHES. 
La  proposition  a  1'ordre  du  jour  est  ainsi  concue  : 

«  Inviter  les  medecins  a  reunir  de  nouveaux  documents ,  a  1'aide  des- 
>'  quels  on  pourra  determiner  les  conditions  de  temps ,  de  lieux ,  d'indivi- 
»  dus,  et  les  autres  circonstances  d'ou  resulte  rinefficacite  de  la  vaccine.» 

M.Desparanches  pense  quele  virus-vaccin  n'est  nulle- 
ment  degenere.  II  pretend  que  les  cas  cites  devariole  apres 
vaccination  concernaient  des  personnes  qui  n'avaient 
eu  qu'une  njauvaise  vaccine.  A  ce  sujet ,  il  signale  com- 
me tres  funeste ,  la  negligence  ou  1'ignorance  de  certains 
vaccinateurs.  II  a  seulement  remarque  qu'aujourd'hui  le 


TROISIEME  SECTION.  163 

developpement  de  la  vaccine  est  plus  precoce  qu'autre- 
fois.  Ainsi  il  est  necessaire  de  lever  le  vaccin  le  septieme 
ou  le  huitieme  jour. 

M.  Desparanches  ajoute  avoir  inocule  avec  succes  le 
virus-vaccin  A  quelques  vaches. 

Plusieurs  membres  expriraent  le  desir  que  de  sembla- 
bles  experiences  soient  renouvelees. 

M.  Archambault  a  fait  des  experiences  sur  1'inocula- 
tion  de  la  vaccine  chez  des  personnes  deja  vaccinees. 
Souvent  il  a  obtenu  un  beau  vaccin ;  mais  jamais  ce  vi- 
rus ,  repris  et  inocule  de  nouveau ,  n'a  reussi  a  la  seconde 
generation.  II  pense  que  le  temps  n'affaiblit  pas  la  vertu 
prophylactique  du  vaccin ,  et  que  par  consequent  les  re- 
vaccinations  sont  sans  but. 

M-  Gelliez  ( de  Blois )  fait  observer  qu'ii  existe  une 
grande  difference  entre  la  variole  et  la  varioloiide;  que 
la  vaccine  preserve  de  la  premiere  et  non  de  la  seconde. 
M.  Desparanches  pense  comme  M.  Archambault  qu'au- 
cun  virus  ne  degenere  avec  le  temps.  II  admet  avec 
M.  Celliez  la  difference  essentielle  qui  existe  entre  la  va- 
riole et  la  varioloide.  Mais  il  ajoute  que  les  symptomes  de 
ces  deux  maladies  sont  tellement  semblables  que  souvent 
on  ne  peut  les  differencier  que  par  la  duree  de  leurs  pe- 
ri odes.  Toutes  les  phases  de  la  variole  sont  plus  lentes 
que  celles  de  la  varioloide  j  il  en  resulte  que  des  obser- 
vateurs  peu  attentifs  ont  pu  se  tromper  et  voir  la  variole 
sur  des  sujets  vaccines  qui  n'avaient  reellement  que  la 
varioloide. 

M.  de  Clin champs  (  de  Blois  )  distingue  la  variole  , 


164  TROISIEME  SECTION, 

la  varioliode  et  la  varicelle  qui  different  entre  elles  par 
leur  marche  et  leur  duree.  La  vaccine  preserve  des  deux 
premieres  et  non  de  la  troisieme. 

M.  Archambault  a  observe  une  epidemic  de  varioloide 
qui  atteignait  des  personnes  vaccinees.  II  pense  que  la 
maladie  est  plus  intense  chez  les  sujets  vaccines.  Les  ac- 
cidents sont  graves  au  debut ,  mais  ils  se  passent  promp- 
tement. 


Dans  1'etat  de  la  science ,  dit  M.  Desbrosses ,  et  d'apres  des  observa- 
tions et  des  experiences  qui  me  sont  propres ,  je  crois  pouvoir  poser  en 
fait  les  propositions  suivantes  :  Gcneralement ,  une  personne  variolee  ou 
vaccinee  ne  pent  plus  contracler  ni  la  variole ,  ni  la  vaccine.  —  Cependant 
on  voit  quelquefois  la  variole  ou  le  vaccin  se  developper  sur  des  vaccines 
on  sur  des  varioles.  —  Toujours  alors  la  seconde  eruption  parait  moins 
Tranche  qu'une  premiere.  —  En  un  mot,  les  virus  vaccinal  et  variolique 
se  comportent  dans  tons  les  cas  de  la  meme  maniere,  —  Ces  fails  me  pa- 
raissent  etablir  une  sorte  d'identite  d'action  entre  ces  deux  virus;  et  je 
Suis  porte  a  en  conclure  que  le  virus-vaccin  n'est  autre  chose  que  le  virus 
variolique  modifie;  que  la  vaccination  n'est  qu'une  espece  d'inoculation. 
Deux  objections  pourtant  m'embarrassent ,  je  1'avoue:  comment  ,  si  ces 
deux  maladies  sont  de  meme  nature ,  expliquer  qu'en  se  developpant  si- 
multanement,  elles  se  modifient  reciproquement  ? — L'une  semblen'etre 
contagieuse  qu'au  contact,  1'autre  parait  1'etre  mediatement. 

Je  snis  etonne  qu'on  nie  encore  la  variole  sur  des  sujets  vaccines.  Ce 
fait  me  semble  des  mieux  etablis.  Jo  ne  crois  pas  du  reste  que  personne 
puisse  en  conclure  qti'il  faille  rejeter  la  vaccination ,  pnisque  tres  genera- 
lement  elle  preserve  d'une  maniere  absolue,  et  qne  dans  les  cas  excep- 
tionnels  ou  elle  ne  previenl  pas  la  variole,  elle  en  diminue  la  gravite. 

Je  ne  concois  pas  non  plus  qu'on  ait  songe  a  expliquer  les  fails  dc 
Variole  sur  des  sujets  vaccines  par  la  degeneration  du  virus  vaccinal. 
J'admets  bien  la  possibilite  de  cette  degeneration ,  parce  qu'elle  me  pa- 
rait incontestable  .pour  d'autres  virus;  mais  je  la  repousse  en  fait,  parce 
que  tres  gcneralement  les  personnes  vaccinees,  che/  qui  la  variole  a  etc 
observee,  sont  agees  et  ont  etc  vaccinees  des  les  premieres  annces  de  fa 
precieuse  decottvcrte  de  Jenner.  En  effet ,  los  revaccinations  que  j'ai  ten- 


TROISIEME  SECTION.  165 

tees  n'out  reussi  que  chez  des  personnes  vaccinces  depuis  long-temps, 
comme  aussi  la  variole  ne  se  montre  une  seconde  fois  que  chez  des  sujets 
variolcs  depuis  longues  annces  :  d'ou  je  "conclue  que  le  prindpe  variolique 
detruit,  soil  par  1' eruption  variolique,  soil  par  Peruptiou  vaccinate,  peut 
se  reproduire;  et  qu'il  semble  rationnel  et  prudent  de  conseiiler  les  revao- 
cinations. 

Je  ne  saurais  adniettre  ,  avee  les  auteurs  et  les  honorables  confreres  qui 
out  parle  avant  moi,  une  difference  essenticlle  entre  la  variole,  la  varicelle 
etla  varioloide.  L'embarras  ou  I'on  est  pour  etablir  le  diagnostic  differen- 
tiel,  qui  ne  repose  que  sur  le  plus  ou  le  moins ,  me  semble  dcinontrer 
suffisamment  que  ces  distinctions  sont  purement  scholastiqnes  ct  que  ces 
maladies  ne  sont  que  des  formes  differentes,  des  varietes  d'une  meme 
affection;  comme  la  vaccinelleme  paraitn'etre  qu'unevariete  de  la  vaccine. 
On  admet  en  effet  que  le  meme  virus  peut  produire  et  la  vaccine  et  la 
vaccinelle ;  comment  doncne  pas  admettrc  que  ces  deux  maladies  soient  de 
rneme  nature?  Et  si  on  admet  encore  que  la  varicelle  est  a  la  variole  ceque 
la  vaccinelle  est  au  vaccia ;  comment  ne  pas  admettre  aussi  que  la  varicelle 
el  la  variole  soient  de  meme  nature?  Dans  Pun  et  1'autre  cas,ce  sont  deux 
graines  de  meme  espece  qu'on  seme  dans  deux  cliamps  differents ,  et  dont 
les  developpements  presentent  des  dissemblances  dues  settlement  a  la  dif- 
ference des  terrains. 


M.  Baschet  croit  qu'on  ne  peut  avoir  qu'une  fois  lii 
variole  et  soutient  que  cette  maladie  n'atteint  jamais  les 
personnes  bien  vaccinees. 

M.  Celliez  cite  plusieurs  cas  de  variole  observes  par 
lui  et  par  plusieurs  des  membres  presents  sur  des  sujets 
incontestablement  bien  vaccines. 

M.  Desparanches  convient  qu'on  ne  peut  plus  nier  que 
la  variole  n'affecte  quelquefois  des  personnes  vaccinees; 
mais  il  dit  que  cesont  des  cas  exceptionnels  qui  ne  detrui- 
sent  pas  la  regie  generale ,  et  qui  ne  doivent  pas  climi- 
iiuer  la  confiance  que  les  gens  eclaires  ont  eue  jusqu'ici 
dans  la  vertu  preservative  de  la  vaccine. 


166  TROISIEME  SECTION. 

11  a  egalement  vu  cles  cas  exceptionnels  de  variole 
chez  des  varioles. 

M .  Baschet  pretend  que  toutes  ces  exceptions  sont  si 
rares  qu'elles  ne  doivent  pasetre  prises  en  consideration. 

M.  Archambault  ne  pense  pas  que  les  virus  vaccinal  et 
variolique  soient  de  meme  nature ,  parce  que  Tun  pro- 
duit  une  eruption  locale  etl'autre  une  eruption  generale. 

M.  Celliez  partage  cette  opinion.  II  ajoute  avoir  remar- 
que  que  les  personnes  atteintef  ae  variole  pendant  le 
developpement  de  1'eruption  vaccinale ,  n'ont  pas  de 
boutons  varioliques  autour  du  vaccin;  ce  qui  prouve 
Faction  locale  de  ce  virus. 

M.  Lepage  a  fait  la  meme  remarque. 
„  M.  Desbrosses  pense  que  1'infection  du  vaccin  est 
generale,  aussi  bien  que  celle  de  la  variole;  ce  qui  le 
prouve ,  c'est  que ,  dans  quelques  cas ,  il  y  a  eruption 
generale,  et  que  (au  moins  c'est  une  opinion  appuyee 
sur  des  fails)  la  vaccine  est  preservative,  meme  quand 
il  n'y  a  pas  d'eruption,  pourvu  qu'il  y  ait  eu  production 
des  symptomes  generaux  regardes  comme  indice  de 
1'infection. 

La  section  adopte  la  resolution  suivante  : 

«  Les  circonstances  de  temps ,  de  lieux  ,  d'individus  sont  sans  influence 
»  sur  1'efficacite  de  la  vaccine. 

»  Le  temps  n'a  pas  fait  perdre  au  \irtis-vaccin  de  son  efficacite.  » 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  et  M.  Baschet  annoncent  a 
la  section  que  les  experiences  tentees  avec  le  cow-pox 
presente  par  M.  Hunault  n'ont  eu  aucun  resultat. 


TR.OIS1EME  SECTION.  167 

•   -1'     .     •  .         1*  •      •    f!' 

Seance  du  lundi  19  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  docteur  DESPARANCHES. 

A  1'ordre  du  jour  est  line  proposition  de  M.  Lepage  , 
renvoyee  par  la  commission  centrale  et  concue  en  ces 
termes  : 

«  Le  Congres  emet  le  voeu  qu'une  loi  vienne  regler  d'une  maniere  ge- 
»  nerale  et  uniforme  1'organisation  des  hopitaux  dans  toute  la  France. 
»  Cette  loi ,  dans  ses  diverses  dispositions ,  aurait  pour  but  : 

»  1 ,°  De  fixer  d'une  maniere  positive  et  invariable  la  portion  d'autorile 
»  que  doivent  avoir  les  medecins  et  chirurgiens  des  hopitaux,  en  ce  qui 
»  concerne  surtout  les  moyens  d'instruction  a  presenter  aux  eleves,  et 
»  de  mettre  un  terme  aux  conflits  qui  s'elevent  si  souvent  entre  les  me- 
»  decins  et  les  commissions  administratives  ou  les  soeurs  chargees  du  ser- 
»  vice  des  hospices. 

»  2.°  D'etablirdans  chaque  hopital  ou  hospice  un  eleve  interne  suffisani- 
»  ment  iustruit,  qui  serait  charge  de  presider ,  apres  les  visiles  ,  a  1'admi- 
»  nistration  des  medicaments ,  et  d'exercer  sur  les  malades  une  sur- 
»  veillance  continuelle ,  et  si  indispensable  aprcs  les  grandes  operations. 

»  3.°  De  laisser  aux  eleves  un  libre  acces ,  non  seulement  dans  les  hopi- 
»  taux  ordinaires ,  comme  cela  a  toujours  lieu ,  mais  encore  dans  les 
»  elablissements  de  maternite,  toutefois  cependant  avec  les  restrictions 
»  necessaires ,  et  pendant  le  temps  seulement  que  dure  la  visile  des  me- 
»  decins ,  afin  que  ces  memes  eleves ,  interroges  sur  les  accouchements 
«  par  les  jurys  medicaux,  lorsqu'ils  veulent  prendre  le  grade  d'officicr 
»  de  sante ,  ne  puissent  plus  dire  :  1'autorite  ne  nous  laisse  aucune  espece 
»  de  moyen  d'instruction  a  cet  egard. 

»  De  placer  dans  chaque  etablissement  destine  a  recevoir  des  malades 
»  un  pharmacien  specialement  charge  de  la  preparation  des  medicaments, 
»  afin  que  ce  ne  soil  point  a  des  femmes ,  bien  respectables  sans  doute , 
»  mais  qui  ne  doivent  et  ne  peuvent  avoir  les  connaissances  necessaires  , 
»  que  se  trouve  confiee  en  definitive  1'existence  des  malades.  » 

M.  Lepage  declare  qu'il  renonce  a  developper  sa  pro- 
position et  qu'il  attendra  les  objections. 


168  TROIS1EME  SECTION, 

Plusieurs  inembres  disent  qu'elle  n'a  pas  pu  etre  pre- 
paFee,  et  demandent  son  renvoi  a  la  prochaine  session. 

L'auteur  de  la  proposition  et  M.  Hunault  insistent 
pour  qu'elle  soit  immediatement  discutee,  parce  qtie 
cette  discussion  pent  fournir  des  renseignements  utiles 
pour  la  confection  de  la  loi  de  reorganisation  medicale. 

MM.  Desparanches  et  Archambault  font  observer  que 
presque  tout  ce  que  demande  M.  Lepage  existe  dans  la 
plupart  des  hopitaux. 

M.  Lepage  repond  que  cette  observation  meme  prouve 
1'utilite  d'introduire  ces  dispositions  dans  les  hopitaux  ou 
elles  n'existent  pas. 

La  section  adopte  la  proposition  suivante  : 

«  Le  Congres  emet  le  voeu  que  le  service  medical  de  tons  les  hopitaux. 
»  de  France  soit  soumis  a  une  loi  commune ,  en  prenant  pour  modeles  les 
»  hopitaux  les  mieux  organises.  » 

La  section  renvoie  a  la  prochaine  session  du  Congres 
une  proposition  sur  le  traiternent  des  maladies  syphiliti- 
ques ,  faite  par  M.  Spencer  Smith  ( de  Londres)  et  M.  le 
docteur  Hunault ,  au  nom  de  M.  le  docteur  Le  Prestre 
(deCaen).  Elle  renvoie  egalementa  la  prochaine  session 
les  9.e  et  10.e  questions  du  programme,  quele  temps 
ne  lui  permet  pas  de  trailer. 

Les  secretaires ,  Le  president , 

D.r  HAIME  ,  D.r  DESPARANCHES. 

D.r  MARIN-DESBROSSES.  Le  vice-president, 

D.r  ARCHAMBAULT. 


QUATRIEME  SECTION.  169 

QUATRIEME  SECTION. 

et  S 


Seance  du  lundi  12  septembre  183G. 

Presictence  de  M.  CAUV1N  (  du  Mans},  doyen  d'dge, 
et  ensulte  de  M.  DE  CAUMONT  (  de  Caen  ). 

A  dix  heures  et  demie  la  seance  est  ouverte ;  M.  Cau- 
vin ,  doyen  d'age,  occupe  le  fauteuil.  Avant  de  proce'der 
a  la  nomination  des  president  et  vice-president ,  ainsi 
que  des  secretaires  definitifs,  un  membre  de  la  section 
propose,  qu'en  raison  du  grand  nombre  de  personnes 
qui  se  sont  fait  inscrire,  et  a  limitation  de  ce  qui  s'est  pas- 
se dans  deux  autres  sections ,  il  soit  nomme  deux  vice- 
presidents  5  un  autre  membre  s'oppose  a  la  proposition 
et  rappelle  1'assemblee  a  la  stricte  execution  du  reglernent 
qui  ne  mentionne  et  ne  consacre  que  1'existence  d'un 
seul  vice-president  par  section.  La  proposition,  soutenue 
et  contrediteparplusieursmembres ,  est  mise  aux  voix  et 
rejetee.  Le  scrutin  est  ouvert  sur  la  nomination  du  presi- 
dent; M.  de  Caumont  (de  Caen),  qui  a  obtenu  la  majorite 
des  suffrages,  est  proclame  president.  La  section  precede 
a  1' election  d'un  vice-president ;  le  scrutin  donne  la  majo  - 
rite  a  M.  de  la  Fontenellede  Vaudore(de  Poitiers),  qui  est 
proclame  vice-president.  M.  le  president,  a  1'instar  de  ce 
qui  a  eu  lieu  dans  les  sessions  precedentes  du  Congres , 
propose  de  confirmer ,  par  acclamation ,  le  secretaire 
provisoire  :  cette  proposition  est  accueillie,  et  M.  Ekt 


170  QUATRIEME  SECTION. 

Plessis  (deBlois)estmaintenu  a  1'unanimite  secretaire  de 
la  section ;  M.  de  Saulcy  (  de  Metz  )  est  appele  aux  memes 
fonctions. 

M.  de  Caumont  prend  place  aufauteuil;  ilremercie 
en  quelques  mots  1'assemblee  de  1'honorable  temoi- 
gnage  de  confiance  qu'il  vient  de  recevoir. 

Avant  de  passer  a  la  lecture  du  programme  des  ques- 
tions qui  doivent  etre  soumises  a  la  discussion  dans  la 
section,  M.  Gaillard  (de  Rouen)  demande  la  parole  pour 
une  motion  d'ordre.  II  rappelle  a  1'assemblee  la  grave 
question  portee  au  programme  et  concue  en  ces  termes: 

«  Inviter  le  Congres  a  jeter  les  bases  d'une  statistique  du  moyen  age  en 
»  France ,  en  arretant  une  serie  de  questions  qui  embrasseraient  tout  1'en- 
»  semble  de  1'ordre  religieux ,  feodal  et  communal ,  et  qui  pourraient  ctre 
»  traitees  soil  dans  leur  ensemble ,  soit  par  parlie. » 

M.  Gaillard  fait  ressortir  1'immensite  de  cette  ques- 
tion ,  1'impossibilite  de  la  trailer  dans  son  ensemble  ,  et 
il  propose  qu'une  commission  soit  nommee  avec  mis- 
sion d'elaborer  la  question  et  d'en  rediger  un  program- 
me particulier  et  detaille.  Cette  proposition  est  adoptee, 
et  M.  le  president  nomme  ,  pour  former  la  commission  , 
avec  les  quatre  membres  du  bureau,  MM.  Gaillard, 
Haze  (  de  Bourges  ),  Briquet  (de  Niort) ,  Andre  (  de  Bres- 
suire  )  ,  et  Doublet  de  Boisthibault  (de  Chartres  ). 

On  passe  a  la  discussion  de  la  premiere  question ,  ainsi 
posee  au  programme  : 

«  La  Gaule ,  avant  la  conquele  des  Remains,  n'etait-elle  pas  beaucoup 
«  plus  gcupleu ,  plus  riche  et  plus  civilisee  qu'on  ne  le  suppose  generalemcnt?  - 


QUATRIEME  SECTION.  171 

M.  Gaillard  demande  et  obtient  la  parole. 

II  cherche  a  etablir  1'affirmation  de  la  question  pro- 
posee.  II  trouve  des  preuves  indubitables  de  la  richesse 
de  la  Gaule ,  dans  le  grand  nombre  de  villes  detruites 
par  Cesar ,  dans  le  temoignage  de  Ciceron  relatif  a  Tre- 
batius  charge  d'une  mission  dans  la  Gaule ,  dans  les  usa- 
ges empruntes  par  les  Remains  a  cette  nouvelle  conquete 
et  qui  trahissent  une  civilisation  avancee;  dans  la  pro- 
fusion de  metaux  precieux  dont  se  paraient  les  rois  gau- 
lois  et  les  homines  qui  les  suivaient;  enfin  ,  dit  en  termi- 
nant  1'orateur  ,  si ,  de  briques  qu'elle  fut  si  long-temps, 
Rome  se  fit  de  marbre,  elle  le  dut  en  partie  a  la  con- 
quete de  notre  patrie. 

En  ce  qui  touche  la  population ,  M.  Gaillard  pense 
egalement  qu'on  ne  1'a  pas  evaluee  avec  exactitude.  II 
soumet  a  1'assemblee  le  different  survemi  entre  lui  et 
M.  Deville,  sur  cette  question.  Ce  dernier  ne  porte  la 
population  de  la  Gaule  qu'au  sixieme  de  ce  qu'elle  est 
aujourd'hui;  M.  Gaillard 1'eleve  aux  deux  cinquiemes,et 
il  indique  une  des  causes  de  ce  dissentiment.  Selon  lui , 
M.  Deville  n'invoque  et  ne  reconnait  qu'une  autorite  , 
celle  de  Cesar ;  M.  Gaillard ,  sans  meconnaitre  le  temoi- 
gnage si  important ,  si  precieux  de  cet  ecrivain ,  rappro- 
che  les  assertions  du  vainqueur  de  la  Gaule  de  celles  de 
Diodore  de  Sicile ,  de  Pomponius  Mela ,  de  Strabon ,  de 
Josephe,  et  c'est  de  cette  comparaison  raisonnee  qu'il 
tire  la  conclusion  d'une  population  plus  elevee. 

L'heure  avancee,  et  1'obligation  pour  beaucouj^de 


172  QUATRIEME  SECTION. 

membres  de  se  rendre  a  une  autre  section  ,  interrornpent 
la  dissertation  de  M.  Gaillard. 


Seance  du  mardi  13  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  DE  CAUMONT. 

M.  le  president  annonce  que  M.  le  secretaire  general 
du  Congres  demande  qu'un  second  vice-president  soit 
nomine  dans  la  section,  selon  la  faculte  qui  en  a  ete  lais- 
see  par  la  decision  de  1'assemblee  generate  du  Congres. 
La  section  consultee  accueille  cette  proposition.  II  est 
precede  au  scrutin ,  M.  Grandgagnage ,  conseiller  a  la 
cour  royale  de  Liege ,  ayant  obtenu  la  rnajorite  des  suf- 
frages, est  proclame  vice-president  et  prend  place  au  bu- 
reau. 

La  parole  est  accordee  a  M.  de  Boisthibault ,  inscrit  le 
premier  pour  la  lecture  d'un  memoire  sur  les  leproseries 
du  Pays-Chartrain. 

Le  memoire  de  M.  de  Boisthibault  s'applique  en  parti- 
culier  arhistoiredelaleproserieoumaladrerie  duGrand- 
Beaulieu ,  pres  de  Chartres,  Tune  des  plus  anciennes  qui 
aient  existe  en  France  et  dont  on  fait  remonter  1'exis- 
tence  a  la  moitie  du  xi.e  siecle ,  sans  pouvoir  assurer  1'e- 
poque  precise  de  sa  fondation ,  car  la  charte  de  creation 
n'existe  plus  depuis  long-temps.  II  detaille  les  diverses 
denominations  de  cet  etablissement ,  les  nombreuses  et 
riches  donations  dont  il  fut  1'objet,  1'importance  et  la 


QUATRIEME  SECTION.  173 

nature  cles  revenus,  evalues  en  1545  ,  a  6G  mille  francs 
environ  de  notre  monnaie.  Le  memoire  indique  ensuite 
le  regime  interieur  de  la  maladrerie  ,  la  condition  et  le 
mode  d'admission  des  lepreux  retranches  de  la  societe 
commune ,  leur  etat  social ,  leur  costume  particulier. 
Enfin  lorsque  1'auteur  arrive  au  temps  ou  la  diminution 
et  meme  1'extinction  totale  de  I'affreuse  maladie  pour 
laquelle  avaient  ete  ouvertes  lesleproseries,  ayant  rendu 
ces  asiles  de  charite  inutiles ,  le  gouvernement  changea 
la  condition  de  ces  etablissements  et  voulut  disposer  de 
leurs  biens  ,  il  enurnere  les  diverses  contestations  judi- 
ciaires  auxquelles  donna  lieu  Taffectation  de  la  dotation 
tie  la  maison  du  Grand -Beaulieu,  devenu  tour-a-tour 
prieure ,  seminaire ,  benefice  de  1'ordre  de  Saint-Lazare , 
et  qui  peril  enfin  dans  le  grand  naufrage  de  nos  etablis- 
sements religieux,  en  1790. 

La  lecture  de  ce  memoire  a  ete  entendue  par  la  sec- 
tion avec  un  grand  interet. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  continuation  de  la  discus- 
sion sur  la  question  de  la  richesse,  de  la  population  et 
de  la  civilisation  de  la  Gaule  avant  la  conquete  des  Ro- 
mains. 

M.  Briquet  demande  la  parole  pour  une  observation 
prejudicielle.  II  expose  qu'il  a  toujours  pense  qu'il  etait 
dans  1'intention  du  Congres  de  n'admettre  a  la  discus- 
sion que  les  questions  qui  n'auraient  point  ete  longue- 
ment  et  savamment  elaborees ,  et  qui  surtout  n'auraient 
point  ete  resolues.  Or,  a  son  avis,  celle  dont  s'occupe 


174  QUATRIEME  SECTION, 

la  section  lui  parait  avoir  etc  tranchee  par  un  travail 
important  de  M.  Villemain.  II  entre  dans  une  courte 
exposition  a  ce  sujet  et  reprend  quelques  points  capi- 
taux  de  la  discussion. 

M.  le  president,  apres  avoir  consulte  la  section  ,  de- 
clare que  la  question  a  1'ordre  du  jour  ne  pouvant  etre 
regardee  comme  resolue,  a  pu  etre  soumise  de  nouveau  a 
la  discussion  dans  le  Congres,  et  accorde  la  parole  a 
M.  Gaillard  ,  pour  la  continuation  de  1'exposition  inter- 
rompue  hier  par  la  cloture  de  la  seance. 

M.  Gaillard  reprend ,  apres  une  courte  re'ponse  du 
pre'opinant,  la  suite  de  sa  dissertation  sur  la  population 
de  la  Gaule.  11  rappelle  sa  contro verse  avec  M.  Deville, 
et  ajoute  a  toutes  les  causes  de  dissentiment  entre  lui  et 
son  adversaire ,  1'indication  d'une  circonstance  capitate : 
c'est  que  M.  Deville,  en  parlant  des  cites  dont  il  calcule 
la  population ,  ne  distingue  pas  toujours  les  limites  qu'a- 
vaient  ces  cites  avant  la  conquete  ,  de  celles  qu'elles  eu- 
rent  depuis  et  jusqu'a  notre  temps ;  M.  Gaillard  cite  a 
cette  occasion  le  pays  de  Caux ,  le  Vexin  et  le  Beauvoi- 
sis,  dont  les  frontieres  ont  evidemment  subi  des  chan- 
gements  dont  il  doit  etre  tenu  compte  dans  les  calculs  de 
statistique  anterieurs  a  la  conquete.  Une  autre  conside- 
ration se  presente  ,  c'est  qu'il  ne  faut  pas  toujours  pren- 
dre  comme  base  les  contingents  militaires  fournis  par 
les  diverses  nations  de  la  Gaule  ,  comme  1'a  fait  M.  De- 
ville ;  car  les  contingents  qui  etaient  communement  de 
dix  mille  hommes ,  variaient  selon  que  1'ennemi  appro- 
chait  davantage  du  territoire  de  chaque  nation,  et  de 


QUATRIEME  SECTION.  175 

secours  qu'ils  avaient  ete  d'abord ,  devenaient  en  dernier 
lieu  de  veritables  levees  en  masse. 

M.  Gaillard  reprend  la  discussion  des  textes  de  Dio- 
dore,  de  Strabon,  de  Josephe,  et  declare  s'arreter  defini- 
tivement  pour  le  calcul  de  la  population  de  la  Gaule  ,  a 
1 2  millions  d'habitants.  II  attaque  les  calculs  qui  la  por- 
tent a  1 6  et  a  20 ,  sans  autorites  suffisantes.  En  ce  qui 
touche  la  civilisation,  1'orateur  apres  avoir  declare  qu'il 
la  regardait  comme  plus  avancee  qu'on  ne  Favait  cru , 
reconnait  que les Gaulois durent  beaucoup  aux  Romains; 
que  s'ils  leur  porterent  des  arts ,  ils  en  apprirent  d'eux 
encore  davantage ;  qu'ils  le  reconnurent  eux-memes 
dans  1'assemblee  generale  ou  il  fut  question  de  former 
un  empire  gaulois. 

M.  de  Saulcy  repond  a  quelques  points  de  la  longue 
dissertation  de  M.  Gaillard.  Les  richesses  des  Gaulois  lui 
paraissent  au  moins  problematiques;  les  migrations 
constantes  de  ce  peuple  annoncent  un  malaise  interieur, 
des  besoins  qu'ils  chercherent  a  satisfaire  en  parcourant 
toutes  les  parties  du  monde  ,  1'Espagne,  1'Italie ,  la 
Grece ,  Rome  meme ,  et  jusques  dans  1'Asie.  Tout  ce  que 
Cesar  trouva  de  richesses  chez  les  Gaulois  venait  du  pil- 
lage des  autres  nations.  Les  descriptions  si  exactes  du 
conquerant  excluent,  pour  beaucoup  de  parties  de  la 
Gaule,  totite  idee  de  culture,  de  richesse,  de  civilisation. 
Ce  pays  n'avail  point  de  mines  de  metaux  riches  qui  fus- 
sent  exploiters ,  et  c'est  la  un  des  elements  les  plus  effi- 
caces  et  les  plus  incontestables  de  prosperite  pour  un 
peuple.  Cette  civilisation,  donton  voudrait  gratifier  nos 


176  QUATRIEME  SECTION. 

ancetres ,  n'etait  pas  inconnue  neanmoins  sur  notre  sol , 
mais  elle  etait  concentree  dans  une  corporation  jalouse , 
la  famille  des  Druides,  dont  le  systeme  et  1'interet  etaient 
de  dissi  muler  au  vulgaire  ce  qui  cut  hate  les  progres  de 
rintelligence  et  le  bonheur  des  populations. 

M.  de  la  Fontenelle  presente  quelques  observations , 
d'abord  a  1'appui  de  I'opinion  qui  soutient  que  la  popu- 
lation de  la  Gaule  etait  elevee.  II  cite  1'exemple  de  trois 
peuples  extremement  populeux  reunis  sur  un  point  de 
territoire  tres  resserre,  sur  la  lisiere  du  Poitou,  pres  de 
Tembouchure  de  la  Loire.  II  combat  les  assertions  du 
dernier  orateur,  en  ce  qui  louche  1'absence  de  toute  ex- 
ploitation de  mines;  il  cite  celle  de  Melle,  en  Poitou, 
qui  fut  exploitee  presque  jusqu'a  nos  jours ,  et  qui  four- 
nit  des  matieres  pour  la  monnaie,  et  un  nombre  infini 
de  pieces  qui  se  trouvent  dans  les  collections  numisma- 
tiques.  II  rappelle  en  outre  que  la  marine  des  Gaulois  fut 
dans  un  certain  temps  respectable  et  atteste  une  puis- 
sance, des  arts  et  une  civilisation  avances. 

La  section,  apres  avoir  entendu  avec  interet  les  deve- 
loppements  donnes  a  la  question ,  ne  croit  pas  pouvoir 
se  prononcer  sur  un  point  d'histoire  d'une  solution  dif- 
ficile ,  et  qui  pourrait  donner  lieu  encore  a  des  recher- 
ches  etendues  et  a  de  longues  dissertations. 


QUATRIKME  SECTION.  177 

Seance  du  mercredi   14  septembre  183G. 
Presidence  de  M.  DE  CAUMONT. 

Le  depart  de  M.  Grangagnage,  vice-president,  lais- 
sant  une  place  vacante  au bureau,  il  est  precede  a  1' elec- 
tion d'un  vice-president.  M.  Jorand,  de  la  societe  des 
Antiquaires  de  France ,  ayant  re'uni  la  majorite  des  suf- 
frages ,  est  proclame  vice-president  de  la  4.e  section. 

Une  commission  avait  ete  nominee,  dans  la  seance 
tin  1 2 ,  a  Teffet  de  preparer  un  programme  particulier 
et  detaille  sur  la  question  suivante  : 

«  Inviter  le  Congres  a  jeter  les  bases  d'une  statistique  du  moyen  age 
»  en  France,  en  arretant  une  serie  de  questions  qui  embrasseraient  tout 
»  1'ensemble  de  I'ordre  religieux,  feodal  et  communal,  et  qui  pourraient 
»  etre  traitees  soit  dans  leur  ensemble ,  soit  par  partie.  » 

M.  de  Saulcy  donne  lecture  du  rapport  suivant : 

La  commission  a  du  fixer  d'abord  les  limites  du  temps  qu'elle  devait 
t^mbrasser  sous  la  denomination  vague  de  moyen  age.  Ces  limites  ont 
done  ete  determinees  ainsi  qu'il  suit : 

Le  moyen  age  commence  a  1'invasion  sur  le  territoire  de  la  France 
actuelle  des  peuples  de  race  franke  ou  gothe. 

Le  moyen  age  finit  a  la  renaissance  des  arts  en  France ,  c'est-a-dire  aux 
dix  dernieres  annees  du  xv.e  siecle. 

Ceci  pose ,  la  commission  a  admis  en  principe  que  la  premiere  partie 
d'une  bonne  statistique  monumentale  et  bistorique  devait  comporter  la 
geographic  religieuse  et  politique  de  la  France.  Bien  que  suivant  les 
termes  du  programme  la  commission  dut  se  borner  a  trailer  la  question 
relalivement  au  laps  du  temps  designe  sous  le  nom  de  moyen  age ,  elle  a 
pense  toutefois  que  sous  le  point  de  vue  geograpbique  il  etait  sinon 
urgent,  du  moins  d'une  utilite  incontestable  de  provoquer  la  redaction  de 
cartes  geographiques  anterieures  a  1'invasion  franke ,  pour  les  faire ,  en 
tjuelque  sorte,  servir  de  point  de  depart  et  de  base  aux  travaux  geogra- 
pbiques  ulterieurs  dont  elle  a  reconnu  la  necessite. 

14 


178  QUATRIEME  SECTION. 

La  commission  a  done  adopte  le  programme  suivant ,  donnant  les  litres 
des  cartes  geograpbiques  a  construire : 

1.°  Division  du  territoire  eii  chitates ,  subdivisces  en  pagi,  autrement 
dit :  repartition  sur  le  sol  de  la  France  des  nations  et  des  peuplades 
gauloises ; 

2.°  Division  ecclesiaslique  du  territoire  en  dioceses,  representatifs  des 
civitates  preexistautes ;  et  dioceses  subdivists  en  doyennes  et,  plus  tard, 
en  arcbidiacones; 

3.°  Division  feodale  de  la  premiere  epoque,  c'est-a-dire  en  duches, 
comtes,  marquisats,  vigueries  ou  vicomtes ; 

4,°  Division  feodale  de  la  deuxieme  epoque , c'est-a-dire  en  marquisats, 
comtes ,  \icomtes ,  baronnies  el  cbatellenies. 

La  commission  recommande  aux  auteurs  de  ces  quatre  cartes  d'y  figurer 
les  monasteres  et  autres  monuments  isoles ,  et  d'inscrire  a  cbaque  localite , 
si  faire  se  peut,  les  diffcrentes  modifications  que  son  nom  a  subies,  en 
y  ajoutant  ia  date  precise  de  cbacune  des  variations  de  formes. 

Apres    avoir  ainsi  pose  les  bases  d'une  statistique  geograpbique  du 
moyen  age,  la  commission  s'est  ensuite  occupee   des  monuments,  dont 
elle  demande  uu  catalogue  raisonne  et  cbronologique. 
Les  monuments  seront  divises  en  trois  grandes  classes : 
1.°  Monuments  religieux; 
2.°  Monuments  militaires ; 
3.°  Monuments  civils. 

Cbacune  de  ces  trois  classes  a  sernble  a  la  commission  devoir  se 
subdiviser  ainsi  qu'il  suit : 

l.re  CLASSE.  —  MONUMENTS  RELIGIEUX. 

1.°  De  1'invasion  des  Franks  et  des  Gotbs  jusqu'au  ix.e  siecle  ineUi- 
sivement ; 

2.°  Du  ix.e  an  xa.e  siecie  exclusivement ; 

3.°  Du  xn.e  siecle; 

4.°  Du  xai.e  aux  dix  dernieres  annees  du  xv.e  siecle. 

2.e  CLASSE.  —  MONUMENTS  MILITAIRES. 

1.°  Camps; 

2.°  Enceintes  de  villes ; 

3.°  Cbateaux  forts  du  x.e  an  xn.e  siecle  exclusivemenl; 

4.°  Cbateaux  forts  du  xn.e  siecle ; 

5."  Cbateaux  forts  du  xni.e  aux  dix  dernieres  annees  du*xv.c  siecle. 


QTJATRIEME  SECTION.  179 

3.e  GLASSE.  —  MONUMENTS  CIVILS. 

1 .°  Routes ,  chemins ,  chaussees ,  levees ; 

2.°  Enceintes  de  pays; 

3.°  Maisons,  habitations,  souterrains ; 

4.°  Hospices; 

5.°  Abbayes; 

0.°  Maisons  communes ; 

7.°  Palais. 

Les  monuments  funeraires ,  si  interessants  a  etudier,  ayanl  semble  a  la 
commission  former  une  classe  mixte  tenant  a  la  fois  des  monuments 
religieux  et  civils ,  elle  a  pense  devoir  les  reunir  sous  un  litre  distinct , 
et  enticrement  en  dehors  des  trois  grandes  categories  etablies  plus  haut. 

La  commission  croit  bon  de  faire  observer  que  les  divisions  etablies 
dans  le  cadre  de  statistique  monumentale  et  bistorique  reproduit  plus 
haut,  sont  exactement  eel  les  qui  ont  etc  adoptees  par  M.  de  Caumont^ 
dans  son  cours  d'archeologie ,  et  que  par  suite  la  lecture  serieuse  de  ce 
cours  ne  peut  etre  qu'extremement  utile  aux  personnes  qui  voudront 
aborder  cette  interessante  etude. 

On  passe  a  la  discussion  de  la  9.e  question  du  pro- 
gramme j  ainsi  concue  : 

«  Indiquer  les  bases  d'un  classement  des  monnaies  gauloises  ,  suivant 
»  1'ordre  chronologique  et  les  divisions  geographiques.  —  Rechercher  le 
»  systcme  monetaire  des  Gaulois  et  les  rapports  de  leurs  pieces  entre  elles, 
»  selon  les  metaux  et  le  poids.  » 

M.  Cartier  ( d' Amboise )  demande  la  parole  et  s'ex- 
prime  ainsi : 

La  premiere  question  qui  nous  est  soumise  en  comprend  deux  bien 
distinctes  ,  je  ne  m'occuperai  que  de  la  premiere. 

Le  classement  des  monnaies  gauloises  doit  se  faire  d'abord  par  divisions 
geographiques,  d'apres  les  legendes  ou  simples  initiales  qui  pourraient 
indiquer  le  pays  auquel  appartient  chaque  espece  de  monnaie.  On  peut 
ensuite  rattacher  a  ces  pieces  autonomes  celles  dont  les  types  seront 
analogues.  Pour  ce  qui  concerne  les  pieces  tout-a-fait  muettes ,  on  pourra. 
tenir  compte  des  pays  oil  elles  se  trouvent  en  grande  quantite,  observant 


180  QIJATRlfcME  SECTION. 

toutcfois  que  les  perturbations  auxquelles  les  Gaules  furent  livrees  a 
I'epoque  de  la  conqucte,  et  par  les  diverscs  insurrections  gauloises,  out 
transporte  d'un  point  sur  1'autre  des  masses  de  pieces  appartenant  a  des 
licnx  fort  eloignes;  il  ne  faut  done  pas  se  hater  de  conclure  de  la  pre- 
sence de  quelques  pieces  gauloises  sur  un  territoire,  qu'elles  y  furent 
fabriquees;  il  faut  attendre,  pour  prendre  une  pareille  decision,  une 
suite  d 'observations  bien  constatees. 

La  determination  de  1'ordre  chronologique  se  fera  mieux  apres  le  pre- 
mier classemcnt,  car  il  est  evident  que  c'est  dans  la  suite  des  monnai'.s 
attributes  a  chaque  pays  qu'on  peut  cbercher  dans  quel  ordre  elles  o.it 
etc  fabriquees.  Mais  comme  les  civilisations  des  diverses  contrees  gau- 
loises out  du  etre  differentes  entre  elles,  a  chaque  epoque,  selou  les 
positions  geographiqucs  et  les  evenements  historiques ,  il  ne  faudra  pas  se 
presser  de  couclure  du  particulier  au  general.  Pour  1'ensemble  des  mon- 
naies  gauloises,  il  faudra  etudier  et  combiner  ensemble  Panalogie  des 
types  avec  ceux  des  medailles  grecques  et  romaines,  et  le  plus  ou  le 
moins  de  perfection  dans  la  fabrication.  Quelques  essais  de  systeme  ont 
deja  etc  proposes ;  je  ne  pense  pas  qu'il  soil  opportun  de  les  discuter,  on 
nous  demande  d'indiquer  les  bases  d'un  classement  et  non  de  le  donner 
tout  fait ,  ce  que  je  regarde  d'ailleurs  ccmme  impossible  dans  1'etat  actuel 
de  la  science. 

Ces  bases  sont  done,  selon  moi  :  pour  les  divisions,  la  determination  et 
I'attribution  des  pieces  autonomes ,  le  rapprochement  des  types  analogues 
et  1' observation  des  grands  depots  et  des  frequentes  trouvailles;  pour 
1'ordre  chronologique,  le  rapport  plus  ou  moins  visible  avec  des  types 
grecs  et  remains,  la  barbaric,  la  perfection  relative  ou  la  decadence  du 
monnoyage  et  1' etude  des  types,  soil  qu'on  les  considere  comme  etant  le 
produit  d'une  imitation,  soil  comme  ayant  etc  imites  dans  des  monnaies 
connues  a  dates  determinees. 

Quelques  monnaies  echapperont  a  cette  double  classification,  ce  sont 
les  monnaies  qu'on  appellevulgairement  celtiques;j'ai  deja  fait  remarquer, 
dans  la  Revue  numismatique  (p.  150),  qu'elles  ont  du  commencer  de 
bonne  heure  et  fmir  tres  tard  sans  grandes  variations  dans  les  types  et 
dans  leur  fabrication ,  parce  qu'elant  1'ouvrage  des  druides  ,  elles  ont 
participe  de  1'immobilite  des  dogmes  et  usages  druidiques. 

M.  de  la  Saussaye  n'a  rien  a  ajouter  aux  observations 
judicieuses  de  M.  Cartier;  plusieurs  des  bases  qu'il  vient 


.   QUATRIKME  SECTION.  131 

d'indiquer  1'ont  ete  e'galement  par  lui  et  il  ne  veut  pas 
reproduire  1'essai  de  classification  qu'il  a  expose  et  qu'il 
developpera  successivement  dans  la  Revue  numisma- 
tique, ou  il  a  ete  lu  par  toutes  les  personnes  qui  s'occu- 
pent  de  notre  histoire  monetaire. 

M.  de  Saulcy  pense  qu'a  1'egard  des  medailles  tout- 
a-fait  muettes,  1'indication  du  lieu  ou  on  les  trouve 
habituellement  est  sotivent  le  seul  moyen  de  classifica- 
tion, et  que  ce  moyen  lui  parait  offrir  des  resultats  assez 
positifs.  Ainsi,  dans  son  medailler  qui  contient  huit 
cents  pieces  gauloises  trouveesen  Lorraine  7quatre  cents 
au  moins  offrent  la  plus  grande  analogic  de  forme,  de 
style  et  de  type ,  ce  qui  doit  prouver,  selon  lui ,  que  ces 
pieces,  frappees  evidemment  dans  un  meme  pays,  ne 
sont  autres  que  les  anciennes  monnaies  des  Lorrains  a 
1'epoque  gauloise. 

MM.  Cartier  et  de  la  Saussaye  font  valoir  la  meme 
observation  a  1'egard  de  leurs  collections  particulieres , 
formees  dans  la  Touraine  et  dans  le  Blaisois. 

En  consequence ,  M.  de  Saulcy  demande  que  le 
Congres  invite  formellement  toutes  les  personnes  qui 
s'occupent  de  la  numismatique  francaise,  a  faire  con- 
naitre  dans  le  plus  grand  detail  et  avec  la  plus  grande 
exactitude  toutes  les  circonstances  relatives  aux  decou- 
vertes  qu'elles  feront  d'enfouissements  de  medailles 
gauloises.  La  Revue  numismatique  leur  offrira  le  moyen 
de  consigner  le  resultat  de  leurs  observations. 

Les  conclusions  de  M.  Cartier  et  le  voeu  de  M.  de 
Saulcy  sont  adoptes  par  la  section. 


132  QUATR1EME  SECTION. 

Sur  la  deuxieme  partie  de  la  question,  M.  de  la 
Saussaye  pense  que  deux  epoques  bien  distinctes  dans 
Fart  monetaire  des  Gaulois  ne  pouvant  etre  meconnues, 
Fepoque  d'imitation  grecque  et  celle  d'imitation  ro- 
maine,  on  doit  reconnaitre  egalernent  que  le  systeme 
monetaire  des  Gaulois  devait  etre  celui  du  peuple  dont 
ils  imitaient  le  numeraire.  Ainsi ,  selon  lui ,  les  medailles 
gauloises  durent  d'abord  se  rapporter  au  statere  et  a  la 
drachme  des  Grecs,  puis  aux  deniers  et  quinaires  des 
temps  de  la  republique  romaine  voisins  de  1'Empire. 

Sur  les  observations  de  MM.  Cartier  et  de  Saulcy ,  la 
section  declare  que,  dans  1'etat  actuel  de  la  science, 
la  deuxieme  partie  de  la  premiere  question  lui  parait 
insoluble. 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  dixieme  question. 

Plusieurs  membres  citent  les  moules  a  medailles 
romaines  trouves  a  Famars,  a  Lyon  ,  a  Poitiers,  et 
pensent  que  si  ces  moules  n'ont  pas  ete  fabriques  pour 
subvenir  aux  depenses  des  armees,  ils  n'ont  du  servir 
qu'a  des  faussaires.  On  fait  remarquer  que  ces  moules 
et  par  consequent  le  coulage  des  medailles  romaines  ne 
datent  que  des  bas  siecles  de  1'Empire;  on  n'en  ren- 
contre pas  d'anterieurs  a  Septime- Severe.  Des  faits  ex- 
traordinaires  se  rattachent  au  monnoyage  de  cette 
epoque  :  on  trouve  quelquefois  un  tres  petit  nombre  de 
coins  differents,  pour  un  regne  assezlong,  et  un  grand 
nombre  pour  des  regnes  de  tres  pen  de  duree ;  ainsi  on 
en  connait  vingt-sept  de  Marias  qui  n'a  ete  empereur 


QUATRIKME  SECTION.  183 

que  trois  jours.  Ce  dernier  fait  n'iridiquerait-il  point 
1'existence  d'ateliers  monetaires  dans  les  armees  ? 

La  section  reconnait  qu'il  serait  necessaire  de  reunir 
un  plus  grand  nombre  d'observations,  et  que  la  solution 
de  la  question  "doit  etre  ajournee  au  Congres  suivant. 

M.  de  Saulcy  a  la  parole  sur  la  onzieme*question. 

Void,  dit  il,  une  de  ces  questions  qu'il  lie  sera  pent  etre  jamais  pos- 
sible de  resoudre ,  car  tout  ce  qu'on  peut  dire  sur  son  sujet  n'est  appn  ye 
que  de  1'autorite  d'un  seul  historien.  Procope  dit  que  le  droit  de  battre 
monnaie  a  Aries  fut  conccdea  Clotaire  parl'cmpereurd'Orient.  Ce  passage 
est-il  exact,   est-il  clair?  Les  rois  francks  out-ils    battu   ailleurs,  out  ils 
baltu  avant  Clotaire,  comme  le  croient  Bouteroue  et  Le  Blanc?  Ce  sont 
autant    de   questions   qu'il   est  impossible  de    resoudre.  Il  est  pourlont 
permis  de  croire  que  les  premieres  pieces  de  mouuaie  des  rois  francks 
ont  etc  frappees  par  la  permission  des  empereurs ,  et  de  placer  a  Aries 
le  berceau  de  la  numismatique  francaise?  Le  monument  le  plus  ancien 
que  Ton  ait  cite   presente  des  doutes  incontestables  dans  son  interpre- 
tation, sinon  meme  dans  son  existence  matericllc;  la  piece  de  Theudemer, 
placee  par  Bouteroue  et  Le  Blanc  a  la  tele  de  nos  monnaies  nationales , 
est  totalement  inconnue  aujourd'hui ;  elle  ne  se  trouve  dans  aucun  cabinet. 
II  est  impossible  d'accorder  de  la  confiance  a  1'empreinte  donnce  par 
Bouteroue ,  et  par  Le  Blanc  qui  1'a  copiee  sur  Bouteroue.  Plusieurs  pieces 
connues,  et  qui  offrent  avec  celles-ci  une  grande  analogic,  ne  sont  aux 
yeux  de  M.  Lelewel ,  et  de  plusieurs  autres  savants  numismatistes ,  que 
des  pieces  d'un  monetaire  du  nom  de  Theudemer. 

M.  Carlier.  —  II  est  difficile  de  penser  que  Clovis ,  prince  puissant  , 
fondateur  d'une  monarchic,  n'ait  pas  frappe  de  monnaies;  tout  porte  a 
croire  qu'il  a  du  exercer  cette  prerogative  importante  attaehee  a  1'exercice 
du  pouvoir  souverain.  Mais  il  est  aussi  difficile  de  prouver  que  cela  ail  eu 
lieu  que  de  demontrer  le  contraire. 

Le  passage  de  Procope  me  semble  tout-a-fait  special ,  et  ne  devoir 
s'appliquer  qu'a  1'atelier  monetaire  d' Aries,  reste  plus  long-temps  eu 
possession  des  Romains.  Childcric  ne  parait  pas  avoir  frappe  de  monnaie » 
puisque  toutes  les  pieces  que  renfermait  son  tombeau  etaient  exclusive- 
ment  romaines,  mais  il  ne  possedait  pas  comme  Clovis  un  royaume  consi~ 
derable  et  independant. 


184  QUATRIEME  SECTION. 

Les  pieces  des  monetaires  ont-elles  precede,  accompagne  ou  suivi 
1'emission  des  monnaies  royales  ?  Je  pense  que  cette  emission  a  ete  simul- 
tanee;  car  on  trouve  des  monnaies  portant  a  la  fois  le  nom  du  prince  et 
celui  du  monetaire ;  mais  il  est  difficile  de  se  rendre  compte  des  raisons 
qui  engageaient  les  rois  franks  a  ne  mettre  que  rarement  leur  nom  sur 
leurs  monnaies. 

M.  de  la  "Fontenelle  fait  observer  qu'une  cession 
reguliere  d'une  grande  partie  de  la  Gaule  avait  ete  faite 
par  1'Empire  aux  rois  wisigoths,  princes  puissants, 
princes  plus  civilises  que  ne  1'etaient  les  rois  franks  a 
Fepoque  de  la  conquete ,  et  qui  s'etablirent  dans  la 
Gaule  avant  eux.  Euric,  Alaric  I.er  etaient  parfaitement 
independants  du  pouvoir  imperial;  pourtant  on  ne 
connait  aucune  monnaie  de  ces  princes.  Comment  sup- 
poser  que  les  premiers  rois  franks  aient  pu  battre  mon- 
naie, eux  qui  montraient  si  bien  leur  dependance  des 
Romains  par  1' acceptation ,  et  meme  la  demande , 
d'emplois  et  de  dignites  que  decernaient  les  empe- 
reurs?  La  plus  ancienne  monnaie  des  rois  wisigoths  est 
d' Alaric  II,  qui  perdit  la  bataille  de  Vauclade  en  507. 

M.  de  la  Saussaye  ne  peut  se  refuser  a  croire  que 
Clovis  ait  frappe  des  monnaies  apres  son  etablissement 
dans  la  Gaule.  Si  Tabsence  de  monnaies  nationales  dans 
le  tombeau  de  Childeric  peut  etre  regardee  comme 
un  argument  centre  le  monnoyage  des  premiers  rois 
franks,  que  Ton  re'flecbisse  a  I'immense  difference  qui 
existait  entre  Childeric  et  Clovis;  1'un ,  simple  chef  de 
bandes  indisciplinees ,  n'ayant  que  la  possession  precaire 
d'un  petit  territoire;  1'autre,  veritablement  roi,  ayant 
recu  la  consecration  de  1'eglise,  comme  les  empereurs, 


QUATRIEME  SECTION.  185 

et  gouvernant  avec  la  plus  grande  independance  une 
vaste  etendue  de  pays.  La  permission  d' Aries  lui  parait, 
comme  a  M.  Cartier,  tout-a-fait  speciale ,  et  ne  signifier 
autre  chose  qu'une  derniere  concession,  par  laquelle  les 
empereurs  etablissaient  en  droit  une  chose  qui  existait 
deja  de  fait ,  au  moins  a  1'egard  des  ateliers  monetaires 
de  la  Gaule  septentrionale. 

M.  Cartier  persiste  a  croire  que  Clovis  a  battu  mon- 
naie, et  il  pense  que  c'est  lui  qui  a  accorde  ce  droit  a 
1'eglise  Saint-Martin ,  de  Tours. 

M.  de  la  Fontenelle  demande  comment  Clovis  aurait 
accorde  ce  droit  a  1'eglise  dans  laquelle  il  revetait  les  or- 
nements  d'une  charge  imperiale  ? 

M.  Cartier  repond  que  c'est  une  question  de  temps. 
Apres  avoir  accepte  desinsignes  imperiaux,  dit-il ,  Clo- 
vis peut  avoir  plus  tard  frappe  monnaie  et  en  avoir  con- 
cede le  droit. 

M.  de  Saulcy  trouve  obscur  le  passage  de  saint  Gre- 
goire  de  Tours ,  relatif  aux  faits  allegues.  II  propose  a 
la  section  d'adopter  les  considerations  suivantes : 

II  est  possible  d'admettre  que,  suivant  le  temoignage  de  Pliistorien 
Procope ,  les  rois  franks  n'ont  posscde  le  droit  de  frapper  monnaie ,  a 
leur  nom  et  a  leur  effigie,  qu'apres  la  concession  reguliere  qui  leur  en  tut 
faite  par  1'empereur  d'Orient.  Que ,  neanmoins ,  des  que  ces  princes  se 
virent  possesseurs  paisibles  des  provinces  qu'ils  avaient  envahies ,  ils 
s'arrogerent  le  droit  monetaire  ,  mais  avec  reserve  ,  c'est-a-dire  en  se 
bornant  a  reproduire  les  types  imperiaux,  tout  en  alterant  les  legendes. 
Enfin,  que  ce  ne  fut  qu'au  moment  ou  les  empereurs  se  virent  obliges 
d'accorder  un  droit,  qu'ils  ne  pouvaient  plus  refuser,  qu'ils  donnerent  a 
Glotaire  I.er  1'autorisation  de  frapper  a  Aries  des  monnaies  d'or  a  son, 
nom. 


186-  QUATRIEME  SECTION. 

Plusieurs  membres  appuient  ces  considerations. 

M.  de  la  Fontenelle  s'oppose  a  1'adoption  de  la  pro- 
position de  M.  de  Saulcy.  II  repete  que  les  premiers  rois 
wisigoths  ,  qui  etaient  beaucoup  au-dessus  des  rois 
franks,  par  les  arts  et  la  civilisation,  n'ayant  pas  frappe 
monnaie  dans  un  pays  vaste,  populeux,  riche  et  police, 
il  est  impossible  de  penser  que  les  premiers  rois  franks 
aient  eu  line  monnaie ,  soit  a  leur  nom ,  soit  a  celui  de 
leurs  monetaires. 

M.  de  Saulcy  oppose  a  M.  de  la  Fontenelle  1'histoire 
du  monnoyage  chez  les  rois  ostrogoths  de  la  me  me 
epoque,  qui  imitent  d'abord  assez  mal  le  type  des  mon- 
naies  imperiales,  puis  remplacent  bientot  le  nom  de 
1'empereur  par  le  leur  propre. 

M.  Gartier  clemande  ou  se  frappaient ,  clans  les  etats 
des  rois  wisigotlis,  les  monnaies  imperiales,  ou  com- 
ment les  empereurs  envoyaient  dans  toutesles  Gaules, 
qui  ne  leur  appartenaient  plus,  des  monnaies  a  leurs 
effigies  ? 

La  section  declare  adopter,  mais  avec  la  reserve  que 
commandent  le  petit  nombre  de  textes  sur  cette  matiere 
et  leur  obscurite,  les  considerations  presentees  par^ 
M.  de  Saulcy. 


Seance  du  jeudi  15  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  DE  CAUMONT. 

M.  le  president  fait  connaitre  qu'il  a  recu  line  commu- 


QUATRIEME  SECTION.  187 

nication  de  la  sixieme  section  du  Congres,  concue  en  ces 
termes  :  La  sixieme  section  considerant  que  la  l.re  ques- 
tion portee  au  programme  imprime  de  ses  travaux, 
est  plutot  une  question  d'histoire  qu'une  question  de  mo- 
rale, decide  qne  cette  question  sera  renvoyee  a  la 
quatrieme  section. 

M.  le  president  propose  etla  section  adopte  la  resolu- 
tion suivante  :  La  question  indiquee  et  concue  en  ces 
termes  :  Rechercher  quellefut,  des  les  premiers  siecles  , 
I  influence  du  christianisrne  sur  la  condition  des  esclavcs^ 
et  quelle  part  il  a  cue  dans  V abolition  de  Vesclavage , 
sera  portee  au  programme  de  la  quatrieme  section,  a  la 
suite  des  questions  deja  soumises  a  son  examen. 

M.  Cauvin  lit  un  travail  sur  la  geographic  du  dio- 
cese du  Mans  au  moyen  age.  Apres  avoir  explique  que  le 
travail  qu  il  a  entrepris  est  Texecution  partielle  du  voeu 
emis  dans  une  des  sessions  precedentes  du  Congres,  il 
entre  dans  quelques  details  sur  le  plan  de  son  travail, 
sur  les  limites  dans  lesquelles  il  a  cm  devoir  le  ren- 
fermer,  sur  les  sources  auxquelles  il  a  particulierement 
puise.  11  signale  les  ressources  precieuses  qu'il  a  trouvees 
dans  deux  ouvrages  importants ,  Tun  intitule  :  Gesta 
pontificum  Cenomanensium ,  dans  les  Analecta  de  Ma- 
billon;  1'autre  Gesta  Aldrici,  episcopi  Cenomanensis , 
dans  les  Miscellanea  de  Baluze.  II  fait  remarquer  toute- 
fois  que  de  nombreuses  erreurs,  notamment  sur  les 
noms  des  localites,  se  sont  glissees  dans  ces  deux 
publications.  A  1'appui  de  son  travail ,  M.  Cauvin  a 
dresse  une  carte  du  diocese  du  Mans  an  xn.e  siecle ;  il  y 


188  QUATRIEME  SECTION. 

a  soigneusement  marque  la  division   du  pagus   ceno* 
manicus  en  pagi  secondaires,  ensuite  en  condita  ou  en 
vicarta ,  qui  ont  accompagne ,  on  plutot  suivi  la  division 
en  condita.  L'auteur  donne  ensuite  lecture  de  quelques 
articles  de  son  travail ,  qui  corisiste  dans  une  enumera- 
tion alphabetique  de  tous  les  lieux  connus  du  diocese 
du  Maine  pendant  la  periode  dont  il  a  etudie  1'histoire. 
II  annonce  qu'il  compte  refondre  cette  sorte  de  diction  - 
naire  geographique ,  en  reprenant  avec  soin  les  passages 
des  auteurs  qui  s'appliquent  au  diocese  du  Maine ,  les 
transcrivant ,  les  traduisant,  y  ajoutant  les  chartes  qui 
s'appliqueraient  a  la  meme  portion  de  notre  territoire , 
et  dressant  ainsi  une  sorte  d'histoire  chronologique  du 
Maine  pendant  le  moyen  age.  II  ajouterait  egalement  a 
la  carte,  1'indication  par  signes  particuliers  des  anciens 
monuments  du  pays,  comme  dolmens,  peulvans,  torn- 
belles  ,  voies  romaines ,  aqueducs,  enceintes  de  camp,  etc. 
La  section  a  entendu  avec  le  plus  vif  interet  une  com- 
munication qui  rentre  en  grande  partie  dans  I'execution 
du  voeu  qu'elle  a  emis  et  du  programme  qu'elle  a  dresse 
d'une  statistique  de  la  France  au  moyen  age.  Elle  consi 
gne  au  proces-verbal  de  ses  seances  un  temoignage  par- 
ticulier   de  son  estime  pour  le  travail  de  Ihonorable 
M.  Gauvin. 

M.  de  la  Fontenelle  donne  communication  d'un  acte 
de  1401  ,  emane  d'un  lieutenant  general  bailli  de  Tou- 
raine ,  en  execution  d'une  ordonnance  de  Charles  VI , 
qui  maintenait  dans  leurs  droits,  privileges ,  notammeiit 


QUATRIEME  SECTION.  189 

dans  1'exemption  cle  tout  impot  les  verriers  clu  pare  de 
Mouchamp  en  Poitou.  M.  de  la  Fontenelle  saisit  cette 
occasion  de  donner  quelques  details  interessants  sur  les 
verriers,  sorte  d'ouvriers  precieux  long-temps  inconnus 
chez  nous ,  arraches  aux  bords  enchantes  de  1'Adriatique, 
et  auxquels  il  fallut  payer,  par  d'exorbitants  privileges, le 
sacrifice  qu'ils  faisaient  de  leur  belle  patrie ,  qu'il  fallut 
dedommager,  par  d'efficaces  faveurs,  cle  leur  pe'rilleuse 
industrie.  Les  verriers  furent  declares  nobles  et  par  suite 
exempts  d'impots;  on  leur  fit  une  situation  en  tout  ana- 
logue a  celle  qui  avait  jadis  appartenu  a  l'homme  de 
guerre ,  dont  le  privilege  s'etait  etendu  a  la  famille ,  avait 
cree  la  noblesse,  avec  ses  droits  et  ses  immunites.  M.  de 
la  Fontenelle  fait  remarquer  que  si  la  revolution,  qui  a 
si  fortement  modifie  notre  ordre  social ,  a  detruit  les  pri- 
vileges,  confondu  toutes  les  conditions ,  elle  n'a  pu  nean- 
moins  faire  disparaitre  des  usages  et  des  traditions  con- 
sacre's  par  plusieurs  siecles;  1'aristocratie  industrielle  des 
ouvriers  subsiste  encore  avec  un  sentiment  d'egoisme 
exclusif  fort  remarquable;  dans  toutes  les  verreries,  les 
premiers  ouvriers  n'admettent  a  1'apprentissage  que  des 
enfants  de  verriers ;  il  y  a  la  autre  chose  qu'un  sentiment 
de  monopole  mercantile;  Tesprit  de  caste,  Famour  des 
distinctions  est  plus  fort  qu'on  ne  le  croit.  Les  revo- 
lutions le  transforment ,  elles  ne  le  tueront  jamais. 

Sur  la  demande  de  M.  Rousseau  (de  Paris),  posses- 
seur  d'un  grand  nombre  de  monnaies  normandes  qu'il 
presente  a  1'examen  de  la  section ,  une  question  grave , 


190  OUATRIKME  SECTION. 

qui  n'avait  pas  ete  portee  an  programme,  celle  de 
1'authenticite  de  ces  monnaies ,  recemment  parues  dans 
les  cabinets  ,  devient  1'objet  d'une  discussion  appro  - 
fondie.  Nous  ne  reproduisons  pas  ici  cette  discussion 
qui  s'est  terminee  par  le  choix  d'une  commission  dont 
le  rapport,  debattu  et  approuve  par  la  section ,  resume 
tous  les  faits  relatifs  a  la  question ,  et  est  insere  tex- 
tuellement  dans  le  proces-verbal  de  la  seance  du  17. 


Seance  du  veridredi   16  seplernbre   1836. 
Presidence  de  M.  DE  CAUMONT. 

La  discussion  est  appelee  incidemment  sur  la  4.e  ques- 
tion porte'e  au  programme. 

M.  de  Boisthibault  (  de  Cbartres)  expose  quelques  idees 
sur  1'anciennete  du  culte  druidique,  sur  ses  etablisse- 
ments  dans  le  Pays-Chartrain ,  sur  la  destination  primitive 
de  la  cathedrale  de  Chartres ,  batie  sur  tin  lieu  ou  fut,  a  ce 
que  Ton  croit,  un  sanctuaire  de  la  religion  des  druides; 
il  ajoute  quelques  considerations  sur  la  duree  du  culte 
druidique,  d'abord  en  partie  remplace  parle  paganisme, 
lors  de  1'invasion  des  Remains,  puis  par  le  christianisme ; 
mais  qui  cependant  subsista  long-temps  encore  apres 
1'mtroduction  de  la  foi  nouvelle;  quant  a  la  connexion 
a  faire  ressortir  entre  1'ancien  culte  et  la  religion  chre- 
tienne,  ce  resultat  lui  semble  difficile  a  obtenir,  et  la 
question  soumise  an  Congres  singulierement  ardue. 

M.  Gaillard  soumet   quelques  courtes  reflexions  sur 


QUATRIEME  SECTION.  191 

1'antiquite  du  cuke  druidique :  il  rappeile  qu'ailleurs  11  a 
traite  cette  question ;  que  cette  religion  et  la  corpora- 
tion qui  la  conservait,  ne  sont  peut-etre  pas  aussi  an* 
ciennes  qu'on  1'a  dit ;  que  les  emigrations  de  Gaulois 
dans  la  haute  Italic  et  sur  les  bords  du  Danube,  six 
siecles  avant  1'ere  vulgaire,  ne  portaient  dans  ces  lieux 
aucun  dogme,  aucune  pratique  de  la  religion  druidique* 
II  croit  qu'on  peut  separer  de  cette  religion  le  culte 
des  pierres  qui  1'a  de  beaucoup  precede  dans  tons  les 
temps  et  clans  beaucoup  de  lieux.  Pour  en  venir  a  la 
question  speciale  soumise  a  la  discussion,  il  dit  qu'elle 
ne  lui  parait  susceptible  que  d'une  solution  negative; 
et,  en  effet,  on  sait  ou  la  religion  chretienne  fit  dans 
la  Gaule  ses  premiers  etablissements :  Pothin  a  Lyon , 
Germain  a  Auxerre,  Melon  ou  ses  compagnons  a  Rouen, 
Martin  a  Tours,  voila  les  premiers  apotres  du  christia- 
nisme,  et  ils  en  jetaient  les  fondements  dans  des  villes 
et  dans  des  cites  ou  le  culte  druidique  n'eut  jamais, 
ou  n'avait  plus  du  moins  de  nombreux  autels. 

M.  de  la  Saussaye,  interpelle  par  M.  le  president, 
pour  expliquer  les  motifs  qui  ont  fait  porter  la  question 
au  programme  ,  annonce  qu'elle  a  ete  produite  par  une 
personne  qui  n'est  point  venu  la  defendre  au  Congres ; 
qu'il  suppose  seulement  qu'une  assertion  remarquable 
d'Origene,  enoncant  que  la  Gaule  et  la  Bretagne  avaient 
ete  preparees  par  1'enseignement  des  druides ,  a  recevoir 
la  foi  chretienne  ,  a  du  servir  de  texte  a  Fauteur  de  la 
proposition. 

Cette  question  est  abandonnce. 


192  QUATRIEME  SECTION. 

La  section  passe  a  la  troisieme  question  : 

M.  de  la  Saussaye,  s'appuyant  du  texte  de  Cesar  qui 
place  le  siege  de  la  grande  assemblee  annuelle  des  druides 
aux  frontieres  du  Pays-Chartrain,  du  cote  qui  s'approche 
le  plus  du  centre  de  la  Gaule ,  est  porte  a  choisir  la  por- 
tion de  la  Sologne,  formant  les  limites  de  1'ancienne  cite 
des  Carnutes,  du  cote  du  Berry.  Les  nombreuses  tom- 
belles ,  ou  monticules  de  sable ,  vides  de  tons  restes  hu* 
mains,  trouvees  dans  ce  pays,  lui  semblent  a-la-fois  indi- 
quer  des  sanctuaires  druidiques  et  des  monuments  limi- 
tants.  La  nature  du  pays  etait  favorable  aux  habitudes 
druidiques ;  le  culte  des  pierres  y  a  laisse  de  vivantes  traces. 

M.  de  Boistbibault  veut  que  le  lieu  de  I'assemblee  des 
druides  ait  ete  a  Chartres.  Sur  1'observation  que  c'est 
contredire  le  texte  formel  cle  Cesar,  qui  indique  les 
frontieres  du  Pays-Chartrain ,  il  penche  pour  Dreux, 
dont  le  nom  a  paru  a  plusieurs  indiquer  le  chef-lieu  du 
culte  des  druides. 

M.  Jorand  voudrait  le  placer  dans  un  pays  qui  ne  serait 
aucun  de  ceux  indiques  par  les  pre'opinants  :  il  le  recule 
jusqu'aux  limites  du  territoire  gaulois,  sur  TOce'an  , 
s'appuyant  sur  une  interpretation  nouvelle,  deja  donnee 
au  texte  de  Cesar,  et  qui  place  le  pays  des  Carnutes 
dansl'Armorique,  etpar  consequent  dans  cette  province 
le  siege  de  la  religion  druidique,  ce  que  justifieraient  les 
anciens  monuments  de  Carnac,  et  jusqu'a  un  certain 
point  le  nom  meme  conserve  a  ce  lieu. 

M.  dePetigny  (de  Cle'nord )  rappelle  le  texte  precis  de 
Cesar;  il  ajoute  que  1'assemblee  des  druides  etait  autant 


QUATRIEME  SECTION.  193 

politique  que  religieuse;  que  lorsqu'elle  eut  lieu  dans  un 
temps  et  des  circonstances  que  Cesar  indique,  le  conque- 
rant  en  fut  avert!  promptement,  se  dirigea  vers  le  lieu  ou 
elle  se  tenait,  arriva  a  Orleans,  et  de  la  se  porta  sur  les 
confins  du  Pays-Chartrain,  dans  la  direction  de  Bourges ; 
ce  qui  donne  une  grande  force  a  1'opinion  de  M.  de  la 
Saussaye.  II  ne  s'occupe  d'ailleurs  que  de  1'assemblee 
annuelle  et  politique  des  druides  ,  et  reconnait  qu'ils 
avaient  des  autels  et  des  centres  de  leur  culte  dans  di- 
vers lieux,  et  notamment  dans  tout  le  Pays-Chartrain. 

M.  Gaillard ,  a  1'appui  de  ces  assertions ,  et  notam- 
ment de  ce  qu'a  dit  M.  de  Petigny  sur  le  soulevement 
de  Vercingetorix ,  prepare  dans  1'assemblee  generate  des 
druides  ,  confirme  ce  qu'a  avance  le  preopinant ,  et 
fait  remarquer  que  ce  furent  les  cites  des  Carnutes  et 
des  Bituriges  (  le  Pays-Chartrain  et  le  Berry ) ,  qui  se 
souleverent  en  masse ,  parce  qu'elles  etaient  plus  pres  du 
centre  de  la  coalition.  M.  Gaillard  ajoute  que  les  Armo- 
ricains  et  autres  provinces  eloignees  ne  fournirent  que 
de  faibles  contingents,  ce  qui  contredit  1'opinion  de 
M.  Jo  rand, 

La  section  ,  sans  rien  resouclre  sur  une  question  qui , 
comme  toutes  les  questions  historiques,  est  peu  suscep- 
tible d'une  decision  absolue,  la  regarde  comme  suffi- 
samment  eclaircie. 

On  passe  a  la  12.e  question  du  programme. 
M.  de  Saulcy  demande  s'il  ne  faudrait  pas  repondre  a 
la  question  par  cette  autre :  « Les  monnaies  d'or  de  la 

is 


194  QUATRIEME  SECTION. 

seconde  race  n'ont-elles  pas  continue  d'etre  frappe'es  ail 
meme  type  que  sous  la  premiere  ?  »  II  avoue,  au  surplus, 
ne  connaitre  aucune  solution  satisfaisante  a  la  question 
du  programme. 

M.  Gartier  rejette  la  question  subsidiaire  de  M.  de 
Saulcy.  Charlemagne,  Louis-le-Debonnaire,  Charles-le- 
Chauve  ,  n'eussent  jamais  laisse  frapper  letirs  monnaies 
d'or  au  type  d'obscurs  monetaires.  II  ne  connait  pas  plus 
que  M.  de  Saulcy,  le  moyen  deresoudre  d'une  maniere 
satisfaisante  la  question  tlu  programme. 

M.  de  la  Saussaye  est  loin  de  pretendre  donner  une 
reponse  categorique  ;  il  croit  d'ailleurs  que  le  but  des 
conferences  du  Congres ,  sur  les  matieres  historiques  , 
doit  etre  moins  de  donner  des  solutions ,  que  viendraient 
renverser  entierement  la  decouverte  de  nouveaux  docu- 
ments ,  on  une  discussion  plus  appro fondie,  que  de  faire 
connaitre  les  opinions  diverses  d'un  grand  nombre  de 
personnes  livrees  aux  memes  etudes  ,  et  de  Jeter  dans  la 
circulation  quelques  idees  qui  sont  ensuite  elaborees 
clans  le  silence  du  cabinet  et  portent  alors  leurs  verita- 
bles  fruits.  II  cite  1'exemple  du  Congres  historique ,  tenu 
cbaque  annee  a  Paris  ,  et  qui  ne  reclame  que  des  discus- 
sions et  point  de  decisions.  M.  de  la  Saussaye  se  contente 
done  de  presenter  a  la  section ,  comme  une  induction 
assez  plausible ,  ce  raisonnement :  «  II  est  d'usage  gene- 
ral de  ne  fabriquer  des  monnaies  de  chaque  espece  de 
metal  que  selon  lesbesoins  qui  s'en  font  sentirjquand  un 
metal  monnoye  en  circulation  devient  trop  abondant , 
oncesse  d'en  frapper  pendant  un  certain  espace  de  temps. 


QUATRIEME  SECTION.  195 

Pour  citer  un  exemple  tout  pres  de  nous  :  pendant  la 
revolution  francaise,  on  emit  une  quantite  si  conside>a- 
ble  de  monnaie  de  cuivre  ,  que  depuis  cette  epoque  on 
n'en  a  plus  frappe  et  qu'on  n'en  frappera  pas,  selon  toute 
apparence ,  de   long-temps  encore.  Le  Bas-Empire  avait 
inonde  la  Gaule  d'une  quantite  innombrable  de  nume- 
raire ,  particulierement  en  billon  et  petit-bronze ;  ce  nu- 
meraire etait  encore  en  circulation  et  formait  la  mon- 
naie habituelle  sous  la  premiere  race;  les  rois  franks  se 
contenterent  de  temoigner  de  leur  droit  de  battre  mon- 
naie ,  en  frappant  le  metal  le  plus  precieux.  On  ne  con- 
nait  point  d'eux  de  monnaie  authentique  en  bronze  ou 
en  cuivre,  on  n'a  que  quelques  pieces  en  argent,  et  le 
nombre  des  monnaies  d'or  est,  relativement ,  tres  consi- 
derable. Ce  fut  la  fabrication  presque  exclusive  dans  ce 
metal,  qui  for ca  sans  doute  de  frapper,  sous  la  seconde 
race ,  une  grande  quantite  d' argent  et  tres  peu  d'or.  Je 
reproduirai,  dit-il ,  avec  une  legere  modification ,  la  ques- 
tion subsidiaire  de  M.  de  Saulcy ,  et  je  dirai :  les  pieces 
d'or  de  la  premiere  race  n'ont-elles  pas  continue  d'etre 
la  monnaie  d'or  courante  sous  la  seconde  ?  » 

La  question  ne  semble  pas  a  la  section  susceptible 
d'une  discussion  plus  longue  et  d'une  solution  plus  satis- 
faisante ,  quant  a  present. 

La  parole  est  a  M.  de  Saulcy,  sur  la  13.c  question. 

M.  de  Saulcy  voit  dans  le  type  des  monnaies  particu- 
lieres  au  Pays-Chartrain ,  une  degenerescence  d'un  type 
primitif  qui  representait  une  tete  humaine  et  qui  figurait 


196  QUATRIEME  SECTION. 

sans  doute  sur  les  plus  anciennes  monnaies;  le  souvenir 
cle  ce  type  primitif  est  tres  reconnaissable  sur  celles  de 
quelques  villes  du  Pays-Chartrain.  Cette  opinion  ,  du 
reste,  ditM.  de  Saulcy,  ne  m'appartient  pas,  c'est  M.  Le- 
lewel  qui  1'a  emise  le  premier  dans  sa  Numisniatique  du 
inoyen  age. 

M.  Cartier  qui  a  publie  un  memoire  sur  les  monnaies 
chartraines  ,  et  qui,  par  consequent,  s'est  beaucoup  oc- 
cupe  de  la  question ,  ne  partage  pas  1'avis  de  M.  Lelewel, 
et  il  fait  remarquer  que  les  seules  pieces  sur  lesquelles 
on  pent  reconnaitre  quelque  chose  qui  ressemble  a  une 
tete  vue  de  profil ,  appartiennent  a  de  petites  localites 
(  Selles  et  Saint-Aignan  )  dependant  du  Pays-Chartrain, 
et  qui  durent  frapper  tres  peu  ,  et  plus  tard  que  les  villes 
principales  (  Ghartres  et  Blois  ) ,  dont  les  plus  anciennes 
monnaies  baronales  n'offrent  point  la  ressemblance  que 
Ion  a  signalee.  M.  Cartier,  au  surplus,  est  tres  embar- 
rasse  de  reconnaitre  quelque  chose  de  bien  determine 
dans  le  signe  bizarre  que  Ton  retrouve ,  avec  des  variete's 
particulieres ,  sur  les  monnaies  cles  diffe'rentes  \illes  du 
Pays-Chartrain,  ou  qui  en  relevaient  directement.  II  lui 
parait  incontestable  que  Ton  a  voulu  reproduire  un  type 
original ;  mais  quel  est-il  ?  Est-ce  une  lettre  hebraique 
comme  1'ontdit  Bernier,  Ducange,  Duby  et  les  plus  an- 
ciens  auteurs;  une  barriere  de  tournois  comme  le  veut 
M.  Paulin  Paris;  le  plan  d'une  forteresse,  selon  d'autres? 
Aucune  de  ces  explications  ne  lui  parait  satisfaisante.  II 
pencherait  a  croire  que  le  type  primitif  e'tait  une  lettre 
hebraique,  ou  phenicienne  ,  ou  appartenant  a  quel- 


QUATRIEME  SECTION.  197 

que  autre  ancien  alphabet,  et  qui  s'appliquait  a  la  ville 
de  Ghartres  ,  capitale  du  pays. 

M.  cle  la  Saussaye  adopte  1'opinion  de  M.  Lelewel  et 
repond  a  1'observatioii  de  M.  Cartier,  relativement  aux 
monnaies  de  Selles  et  de  Saint-Aignan,  en  disant  qiie  ces 
petites  villes  n'ayant  jamais  du  frapper  qu'une  tres  faible 
quantite  de  numeraire  ,  1'alteration  du  type  primitif  a 
etc  d'autant  moins  grande,  que  les  copies  de  copies  ont 
ete  moins  repetees. 

La  discussion  est  prolongee  pendant  quelques  instants: 
MM.  Rousseau  ,  Andre ,  de  la  Fontenelle ,  Briquet  et 
a  litres  y  prennent  part.  La  section  ne  croit  pas  devoir 
exprimer  un  avis  et  encore  moins  donner  une  solution. 


Seance  du  samedi  17  septembre  1836. 
P residence  de  M.  DE  LA  FONTENELLE,  vice-presidenh 

M.  le  president  annonce  a  la  section  qu'il  lui  est  fait, 
par  la  5.e  section,  renvoi  de  la  question  suivante,  comme 
appartenant  plus  specialement  a  la  classe  d'histoire  et 
d'archeologie  : 

«  L'influence  generale  de  la  chute  de  Constantinople  au  xv.e  siecle 
»  n'a-t-elle  pas  empeche  le  developpement  de  notre  litterature  nationale?  » 

Cette  question  sera  portee  au  programme  de  la  sec- 
tion ,  a  la  suite  de  celles  qui  lui  ont  ete  deja  souniises. 


198  QUATRIEME  SECTION. 

L'ordre  clu  jour  appelle  la  lecture  du  rapport  de  la 
commission  nominee  pour  examiner  la  question  de 
1'authenticite  des  monnaies  normandes. 

M.  Cartier,  rapporteur,  a  la  parole  : 

Messieurs ,  une  question  extremement  importante  a  etc  soumise  a  la 
quatrieme  section  du  Congres ,  specialement  saisie  de  tout  ce  qui  interesse 
1'histoire  et  1'archeologie ;  c?  est  celle  de  savoir  si  on  doit  regarder  comme 
authentiques  des  monnaies  des  dues  de  Normandie,  recemment  introdui- 
tes ,  en  assez  grand  riombre ,  dans  les  collections  numismatiques.  Apres 
une  discussion,  aussi  approfondie  que  cela  etait  possible,  entre  ceux  des 
membres  de  la  section  qui  s'occupent  de  notre  histoire  monetaire ,  une 
commission  a  ete  chargee  d'examiner  celles  de  ces  monnaies,  apportees  a 
Blois  par  M.  Rousseau ,  et  tous  les  faits  qui  se  rattachent  a  cette  question ; 
d'en  faire  un  rapport  a  la  section  et  de  formuler  une  decision,  s'il  y  avail 
lieu.  Nous  avons  clierche  a  remplir  cette  mission  aussi  bien  que  nous  le 
permettait  le  court  espace  de  temps  qui  nous  etait  donne. 

Une  premiere  consideration  s'est  offerte  a  nous Peut-on  croire  a  une 

contrefacon ,  evidemmeut  interessee ,  des  monnaies  du  moyen  age ,  et  no- 

tamment  de  pieces  aussi  rares  que  celles  des  dues  de  Normandie? II 

faut  1'avouer !  tout  doit  faire  craindre  qu'on  ne  cherche  a  imiter  des  mon- 
naies rares  et  devenues  tres  cheres  ,  et  que  d'habiles  faussaires  obtiennent 
des  resultats  malheureusement  trop  reels ;  le  grand  benefice  qu'on  ferait 
peut  engager  a  des  essais ,  les  progres  des  sciences  mecaiiiques  et  cbimi- 
ques  rendent  le  succes  possible.  II  ne  faut  pas  croire  que  pour  contrefaire 
les  pieces  du  moyen  age  ,si  minces  et  desi  peu  de  relief, on  aitbesoin  de 
coins  bien  difficiles  a  fabriquer,  ni  que  la  cbimie  n'ait  pas  des  precedes 
propres  a  suppleer  a  Faction  du  temps  pour  leur  donner  une  apparence 
de  vetuste.  La  reussite  d'une  telle  speculation  serait  desolante  pour  la 
science ,  tous  nos  efforts  doivent  tendre  a  1'empecber ,  soil  en  signalaut  les 
pieces  fausses ,  soil  en  designant  les  faussaires  a  tous  les  collecteurs ,  et 
meme  a  1'autorite  competente  pour  conuaitre  d'un  pareil  delit.  Conside- 
rant  la  question  sous  ce  dernier  rapport ,  notre  collegue ,  M.  Andre ,  a  fait 
ressortir,  dans  la  discussion ,  1'odieux  d'une  sernblable  Industrie,  et  signale 
les  peines  corrcctionnelles  dont  serait  passible,  suivant  nos  lois,  celui  qui 
serait  convaincu  de  s'en  etre  remlu  coupablc.  ( Y.  1'art.  423  du  Code  penal.) 


QUATRIEME  SECTION.  199 

Abandonnant  ces  considerations  morales  pour  arriveraux  fails  matcriels, 
nous  devons ,  en  qualite  de  rapporteur  de  ce  grand  proces  numismatique, 
en  cxposer  toutes  les  circonstances  a  nous  connues  ,  dans  leur  ordre  chro- 
nologique,  et-discuter  1'attaque  et  la  defense. 

On  sail  que  les  mounaies  des  dues  de  Normandie  ont  etc,  jusqu'a  ce 
jour,  d'une  excessive  rarete ;  il  n'en  existait  pas  une  seule  dans  aucuu 
medailler  de  cette  belle  et  vaste  province  normande ,  terre  classique  de 
I'arcbeologie.  On  n'en  pouvait  citer  en  France  que  cinq  specimens , 
trois  appartiennent  an  cabinet  du  roi  et  deux  a  M.  le  due  de  Blacas.  Ge- 
pendant ,  par  suite  de  1'augmentation  toujours  croissante  du  nombre  des 
collecteurs,  le  prix  de  nos  anciennes  monnaies,  recherchees  avec  avidite, 

devenait  exorbitant Avec  quel  enthousiasme  les  premieres  pieces 

normandes  durent-elle  etre  acccueillies  ?  On  s'en  ferait  difficilement  une 
idee ,  si,  ne  faisant  aucune  collection ,  on  n'a  jamais  joui  du  bonbeur  d'ac- 
querir  ce  qu'on  n'esperait  pas  rencontrer.  Partisans  ou  adversaires  actuels 
des  pieces  accusees,  tons,  a  leur  apparition,  se  les  disputerent  a  des  prix 
tres  eleves ;  ceux  qui  ne  pouvaient  ainsi  les  payer,  sacrifierent  en  ecbange 
des  pieces  rares  et  tres  rares ,  croyant  cbacun  etre  le  premier,  peut-etre  le 
seul  possesseur  d'un  Ricbard  ou  d'un  Guillaume  de  Normandie. 

Bieutot  des  doutes  s'cleverenl ;  ils  etaieut  justifies  par  1'etat  materiel  de 
ces  pieces  et  leur  reunion  vraiment  inexplicable.  Elles  etaient  minces  , 
uniformes  dans  leur  epaisseur,  prcsentant  toutes  le  meme  aspect,  la 
menie  teinte  et  les  mernes  accidents,  semblant  taillees  dans  la  meme  lame 
de  metal  et  sorties  de  la  nu-me  offkine  monetaire ,  quoique  de  rogues  et 
de  lieux  differents.  Leur  superficie  etait  labouree  d'une  especc  de  treflage 
tremble  qui  n'etait  pas  1'effet  du  ressaut  du  coin  sous  plusieurs  coups  de 
inarteau ,  comme  cela  se  voit  souvent  sur  des  pieces  de  moyen  age ,  mais 
qui  semblait,  au  premier  coup-d'ocil ,  cause  par  rinterposition  de  quelques 
matieres  etrangeres  entre  le  coin  et  le  flaon,  ou  par  une  operation  faite 
a  dessein  par  le  graveur  jusque  dans  le  creux  de  ses  lettres  pour  vieillir 
la  piece.  On  a  cbercbe  a  expliquer  cette  circonstance  materielle  par  1'ac- 
tion  de  Pacide  bydrocblorique,  employe  pour  decaper  ces  monnaies. 

Une  autre  redexion  vint  s'offrir  aux  collecteurs;  elle  etait  juste.  Com- 
ment nous  arrive-t-il  a  la  fois  tant  de  monnaies  excessivement  rares ,  qui 
n'etaient  conuues,  et  cela  est  rigoureusement  vrai  ,  que  par  la  plancbe 
qu'en  a  donnee  Duby,  dans  son  Traite  des  mounaies  des  prelats  et  barons? 

Cetle  plancbe  contient  onze  pieces  :  cinq  avaient  ete  copiees  sur  les 
monnaies  gravees  de  M.  de  Boze ,  qui  n'indique  pas  d'ou  il  a  tire  ses  em- 
;  deux  dans  1'ouvrage  anglais  de  Ducarel ,  sur  les  monnaies  anglo- 


200  QUATRIEME  SECTION. 

franchises ,  dont  une  existait  a  Londres ,  dans  le  cabinet  de  M.  White ; 
une  autre  piece  de  Duby  appartenait  a  M.  Pagnon  d'ljonval ;  et  trois  etaient 
dans  la  collection  de  M.  de  Boullongne  ,  d'ou  elles  ont  passe  dans  le  ca- 
binet du  roi. 

Sept  de  ces  pieces  portent  le  nom  de  Richard ,  quatre  celui  de  Guil- 
laume.  Des  premieres,  Duby  en  attribue  deux  a  Richard- Coeur-de-Lion, 
et  certes  il  est  dans  1'erreur ;  Je  type  du  temple  qu'elles  offrent  les  rap- 
proche  plutot  du  rcgne  de  Richard ,  premier  due  de  Normandie ;  mais 
Richard  IV  pourrait  en  avoir  de  celles  attributes  an  premier.  Les  quatre 
autres  sont  donnees  a  Guillaume-le-Conquerant ,  due  de  Normandie  en 
1055,  et  devenu  roi  d'Angleterre  en  1066;  la  piece  a  effigie  est  poste- 
rieure  a  cet  evenement ;  les  antres,  ne  portant  aucun  litre  de  due  ni  de  roi, 
pourraient  rigoureusement  avoir  ete  frappees  par  Guillaume-le-Roux  , 
comme  regent  du  duche  de  Normandie ,  en  1'absence  de  son  frere  Robert. 

Nous  sommes  entres  dans  ces  details ,  parce  qu'ils  s'appliquent  egale- 
ment  aux  pieces  qui  nous  occupent;  il  y  a  beaucoup  de  varietes  de  coins  , 
mais  deux  noms  settlement ,  Richard  et  Guillaume ,  et  toujours  les  memes 
types  que  ceux  de  Duby ,  excepte  une  piece  unique ,  dit-on ,  frappee  au 
nom  de  Richard  a  Lillebonne.  G'est  cette  conformite  des  pieces  nouvelles 
avec  les  empreintes  d'une  planche  connue  de  tous  les  collecteurs  qui  a  cause 
leur  inquietude;  ils  ont  senli  que  cette  planche  n'ayant  certainement  pas 
ete  faite  sur  celles  des  pieces  en  litige,  qu'elles  semblent  representer,  il 
ttait  a  craindre  que  celles- ci  n'aieut  ete  imitees  sur  les  empreintes  de 
Duby;  leurs  craintes  etaient  raisonnables ,  surtout  en  considerant  les 
pieces  livrees  d'abord  a  nos  collections. 

Un  article  fut  iusere  dans  I'Eclio  de  Rouen  ,  il  avail  le  tort  de  n'etre 
pas  signe,  et  de  livrer  des  noms  propres,  non  pas  a  une  accusation  de 
falsification ,  mais  au  moins  a  des  soupcons  loujours  facheux.  Du  reste  , 
Pantiquaire  anonyme  ne  formulait  pas  d'une  maniere  assez  precise ,  et  ne 
justifiait  pas  completemeut  ses  accusations  contre  ces  pieces.  Ony  repondit 
par  une  note  signee ,  mais  ecrite  un  pen  trop  vivement  et  sur  des  renseigne- 
ments  incomplets  qui  ne  suffirent  pas  pour  rassurer  les  incredules;  la  discus- 
sion continua  dans  la  Revue  numismatique,  mais  la  question  resta  indecise. 

Aujourd'hui  nous  avons  des  documents  tout-a-fait  nouveaux.  1 .°  L'his- 
torique  de  la  trouvaille  sur  laquelle  pesait  un  mystere  singulier.  2.°  La 
mise  en  circulation  de  pieces  d'un  aspect  plus  rassurant,  et  tres  differen- 
tes  des  premieres  par  leur  etat  materiel.  3.°  Des  pieces  justificatives.  Nous 
allons  successivement  rendre  compte  de  ces  trois  elements  de  la  question. 

M.  1'abbe  Gi'egoire,  qui  avail  rassemble  quelques  monuments  numis- 


QUATRIEME  SECTION.  201 

matiques ,  imposa  a  madame  Dubois  ,  sa  parente  et  sa  legataire  universelle, 
enlre  autres  charges,  celle  de  remettre  ses  medallles  au  cabinet  du  roi. 
Madame  Uubois  cxecuta  ou  crut  avoir  execute  compl element  cette  inten- 
tion du  testateur ;  cependant  lorsqu'ellj  changea  de  logement ,  line  per- 
sonne  de  sa  connaissance ,  M.  Benassis  ,  en  1'assistant  dans  cette  opera- 
tion ,  trouva  dans  une  armoire  un  sac  etiquete  ,  dit-on  ,  de  la  main  de 
1'abbe  Gregoire :  Monnaies  trouvees  a  Paci-sur-Eure.  Apres  quelques  diffi- 
cultes,  fondees  sur  la  clause  dont  nous  venous  de  parler,  madame  Dubois 
consentit  a  abandonner  a  M.  Benassis,  auquel  elle  avail  des  obligations, 
les  pieces  en  question ,  sous  la  promesse ,  toutefois ,  de  ne  pas  dire  d'ou 
elles  lui  venaient ,  tant  qu'elle  vivrait.  C'est  celte  conditicai  qui  parait  avoir 
retarde  les  explications  demandees  par  I'EcJio  de  Rouen  et  dans  plusieurs 
communications  parliculieres  ;  madame  Dubois  est  morte  depuis  peu  de 
temps. 

Ces  monnaies  normandes,  au  nombre  de  quatre  a  cinq  cents,  n'etaient 
melees,  dit-on,  dans  le  sac,  lorsque  M.  Benassis  en  est  devenu  proprie- 
taire,  qu'a  deux  on  trois  pieces  d'or  du  Bas-Empire,  une  monnaie  de  la 
deuxieme  race  qui  pent  apparteuir  a  Charles-le-Chauve  ou  a  Charles-le- 
Simple ,  et  quelques  pieces  frustes  et  oxydees  ,  dont  on  nous  a  reprcsente 
uiie  partie;  elles  nous  ontparu  etre  du  temps  de  Louis  VII  ou  de  Philippe- 
Auguste.  En  supposant  que  ces  pieces  aient  ete  enfouies  et  trouvees  avec 
les  normandes ,  elles  pourraient ,  a  la  rigueur,  concorder  avec  1'attribution 
a  Richard  III  ou  IV  et  a  Guillaume  II  ou  III.  G'est  un  espace  d'un  pen 
moins  de  deux  siecles. 

II  est  un  fart  tres  constant,  c'est  que  les  premieres  pieces  cedees  aux 
collecteurs  devaient  faire  naitre  des  inquietudes ,  et  qu'aujourd'bui  on 
nous  en  presente  quelques  unes  dont  il  serait  difficile  de  nier  l'aulheu 
ticite ;  si  elles  eussent  paru  seules ,  pas  un  doute  ne  se  fut  eleve.  Voici 
comme  on  explique  cette  circonstance  :  «  Le  proprietaire  de  ce  depot ,  con- 
»  rtaissant  bicn  la  rarcte  des  pieces  normandes,  a  du  placer  d'abord  les 
«  moins  belles;  celles  qui  paraissent  aujourd'hui  sont  les  pieces  de  choix, 
»  les  mieux  conservees,  les  varietes  tout-a-fait  nouvelles  et  les  pieces  les 
»  moins  suspectes.  On  ne  peut  nier  que  de  tout  temps  il  y  ait  eu  des  faux 
»  monnoyeurs  plus  ou  moins  habiles ,  et  il  n'est  pas  etonnant  que  dans  une 
»  masse  de  vieilles  monnaies  il  s'en  trouve  ,  parmi  les  bonnes ,  des  fausses 
»  du  meme  age.  D'ailleurs  les  pieces  contenues  dans  le  sac  etaient  tres 
»  oxydees ;  il  a  fallu  les  trailer  par  divers  precedes  chimiques  qui ,  ayant 
»  agi  de  manieres  differentes  selon  leur  force  ou  1'alliage  des  pieces,  out  dii 
»  produire  des  accidents  plus  ou  moins  favorables  a  1' opinion  qu'on  peut  S£ 


202  QUATRIEME  SECTION. 

»  faire  tie  ces  pieces  dans  leur  etat  actuel.  M.  Bonassis  s'est  detail 
»  d'abord  de  celles  qui  avaient  ete  le  plus  maltraitees.  Ce  n'est  done 
»  pas  les  premieres  pieces  qu'il  faut  juger ,  il  faut  examiner  1'ensemble. 
»  11  a  du  se  rencontrer  dans  cette  derniere  moitie  des  varietes  qui  n'e- 
>>  talent  pas  dans  la  premiere;  ce'a  arrive  dans  toute  masse  d'anciennes 
»  monnaies.  Gette  multiplicite  de  coins  divers  eloigne  1'idee  d'une  contrc- 
»  faeon  inslautanee  et  moderne.  » 

II  y  avail  cependant  a  rassurer  des  interets  prives ,  des  interets  moranx 
et  des  interets  scientifiques ,  c'est-a-dire  que  les  possesseurs  des  pieces  a 
vendre  desiraient  qu'elles  fussent  declarees  bonnes  ;  que  pour  celles  qu'ils 
avaient  deja  vendues  on  echangees,  ils  cherchaient  a  ne  pas  rester  sous 
une  suspicion  facheuse  d'avoir  fait  une  speculation  coupable ,  et  que  les 
collecteurs  deploraient  I'incertilude  oil  les  jetait  cette  falsification  presu- 
mee.  Une  sorte  d'enquete  s'est  etablie ,  par  suite  de  la  discussion  ouverte 
dans  la  Revue  niimismatique  et  dans  les  correspondences  particulieres  des 
amateurs;  on  produit  aujourd'hui  des  ctrlificats  de  madame  la  baronne  de 
Mauroy,amie  de  madame  Dubois,  et  de  M*  Boyer,  son  secretaire,  qui 
affirment  les  faits  enonces  plus  haul,  relativernent  au  sac  trouve  chez 
M.  Pabbe  Gregoire.  Ces  pieces  n'ont ,  a  la  verite ,  aucun  caractere  au- 
thentique,  n'emanant  pas  de  personnes  bien  comities,  et  leurs  signatures 
n'etant  pas  legalisees ;  cependant  nous  n'avons  aucun  motif  de  rejeter  ces 
tcmoignages. 

Eii  outre,  il  resulte  de  plusieurs  certificats ,  donnes  par  M.  d'Arcet, 
directeur  general  des  essais  pres  la  commission  des  monnaies  et  medailles, 
juge  tres  competent  sur  cette  maliere,  que  les  operalions  chimiques  aux- 
(juclles  ces  pieces  ont  ete  soumises,  out  du  produire  les  alterations  qu'on  y 
remarque;  qu5 on  y  Irouve  les  traces  plus  ou  moins  visibles,  suivant  1'actiou 
des  acides, d'une paline  verilablement  antique,  pat'ine  qit'il  ne  sera.it pas 
rigoureitsement  impossible ,  dit  M.  d'Arcet,  d'imiter  dans  un  delai  assez 
court,  mais  qui  lui  parait  bonne  et  reelle.  Cette  patine  existe  encore  sur 
quelques  pieces  non  sou misesaux  operations.  On  a  faitsubiraces  pieces  une 
autrccpreuve;on  a  cherche  le  litre  du  metal  dont  elles  sont  composees  ;  il  a 
varie,  selon  les  etiquettes ,  dans  les  huit  essais  qu'on  nous  a  presentes,  et 
qnelquetbis  sur  des  pieces  du  meme  type,  depuis  139  jusqu'a  864  millie- 
mes ;  mais  un  fait  remarquable ,  s'il  est  bien  constate ,  c'est  qu'indepen- 
dammenl  de  1'alliage  grossier  qui  entre  dans  ces  monnaies,  il  s'y  trouve, 
dit-on ,  de  1'or  dans  les  proportions  diverses  ;  ce  qui  tendrait  a  impliquer 
contradiction  avec  uue  falsification  telle  qu'on  a  pu  la  supposer.  Ces  es- 
sais, toutefois,  nous  onl  ele  presenlcs  sans  aucun  caractere  authentique. 


QUATRIEME  SECTION.  203 

II  avail  etc  public  que  les  specimens  du  cabinet  du  roi ,  provenant  de  la 
suite  de  M.  de  Boullongne ,  ne  ressemblaient  en  aucune  facon  aux  pieces 
accusees,  le  style  en  est  tout  different.  (V.  la  Revue  mimhmatique ,  p.  300.) 
11  y  a  eu  dernierement  une  confrontation  avec  des  pieces  choifies  parmi 
les  meilleures ,  d'abord  reservees ,  et  cette  operation  a  etc  plus  favorable 
a  quelques  unes ;  on  dit  meme  que  MM.  les  conservateurs  du  cabinet  du 
roi  n'ont  pas  refuse  d'en  placer  quelques  varietes  dans  leurs  tiroirs ;  ils 
ne  se  sont  pas  prononccs  aussi  positivement  sur  d'autres. 

Tels  sont  les  fails  qui  resultent  de  l'examen  auquel  nous  nous  sommes 
livrcs.  Sans  prendre  de  conclusions  positives,  c'est-a-dire  sans  pro- 
noncer  que  nous  regardons  ces  pieces  comme  bonnes  on  mauvaises , 
nous  nous  resumons  en  disant  :  Les  monnaies  des  dues  de  Normandie , 
repandues  dernierement  dans  les  collections  numismatiques ,  ne  sauraient 
etre  frappees  d'une  proscription  generale  a  cause  des  caracteres  douteux , 
de  Taspecl  singulier  et  des  symptomes  d'alteration  que  presenlent  plu- 
sieurs  d'entre  elles ,  et  surtout  les  premieres  cedees ,  cela  pouvant  prove- 
nir  de  1'action  des  agents  cbimiques  employes  pour  les  restaurer,  selon 
leur  force ,  la  longueur  de  1'operation  et  Palliage  des  pieces.  La  plupart  de 
celles  presentees  a  la  commission  ont  tous  les  caracteres  de  la  falsification , 
quelques  unes  seulement  paraissent  bonnes  et  a  1'abri  de  tout  soupcon; 
nous  ne  saurions  dire  si  les  autres,  sur  lesquelles  il  restera  toujours  des 
doutes  tres  fondes,  proviennent  d'une  contrefacon  antique  ou  d'une  fa- 
brication moderne.  Ge  qui  est  positif,  c'est  que  1'aspect  du  plus  grand 
nombre  n'est  nullement  rassuranl ,  et  que  la  reunion  de  ces  monnaies , 
jusqu'a  present  introuvables ,  est  tellement  extraordinnaire  qu'elle  doit  ins- 
pirer  la  defiance,  soil  qu'il  y  ait  eu  fausse  monuaie  ancienne  melee  a  la 
bonne ,  soil  qu'on  ait  reussi  dans  une  augmentation  frauduleuse  de  quel- 
ques bonnes  pieces,  reellement  trouvees  cbez  M.  1'abbe  Gregoire ,  taut 
d'apres  ces  bonnes  pieces  ,  que  d'apres  les  empreintes  donnees  par  Duby. 

II  nous  reste  a  inviler,  an  nom  du  Congres,  tons  ceux  qui  pourraient 
avoir  de  nouvelles  objections  a  faire  contre  ces  monnaies  normandes ,  ou 
de  nouveaux  fails  a  produire  a  leur  sujet ,  de  les  publier  promptement , 
afin  d'eclairer  les  collecteurs.  Si  la  question  pent  recevoir  une  solution 
definitive ,  il  est  a  desirer  que  cela  ait  lieu  au  prochain  Congres  ;  rien  ne 
doit  done  etre  neglige ,  d'ici  la  ,  pour  connaitre  le  verite. 


Les  conclusions  de  ce  rapport  sont  adoptees,  et  la. 


204  QUATRIEME  SECTION. 

section  vote  a  I'unanirnite  1'insertion  textuelle  du  rap- 
port tie  M.  Cartier  au  proces-verbal  du  compte-rendu 
des  travaux  du  Congres. 

M.  de  la  Fontenelle  lit  une  notice  sur  une  cliarte  de 
Charroux,  enPoitou.  Cette  charte,  offrant  un  melange 
des  deux  langages,  celui  du  midi,  et  celui   du  nord  de 
1'Aquitaine,  de  la  langue  d'Oc  et   de  la  langue  d'Oil, 
contient  une  espece  de  code  complet  de  la  localite; 
elle  est  une   confirmation  des  privileges  accordes  aux 
habitants  de  Charroux;  on  ne  s&urait  au  juste  assigner 
1'origine  des  droits  et  franchises  accordes,  la  charte  elle- 
meme  est  de   1247.  Son  importance  a  engage  a  con- 
suiter,  sur   1'interpretation   de    cet    acte  difficile ,  les 
savants  les  plus  verses  dans  la  connaissance  et  le  texte 
des  plus  anciens  litres ,  M.  Raynouard ,  en  particulier. 
C'est  le  resultat  de  cet  exarnen  et  de  ces  travaux  dont 
M.  de  la  Fontenelle  rend  compte.  II  traduit,  analyse  et 
accompagne  d'explications  detaillees  et  judicieuses  les 
diverses  dissertations  de  droit  feodal  et  de  droit  civil  que 
contient  la  charte  en    question.  Ces  explications  pre- 
sentent  des  singularites  piquantes  sur  Tetat  des  choses 
et  des  personnes  dans  une  petite  localite  d'une  de  nos 
provinces.  Ainsi ,  par  exemple ,  le  hraconnage  d'un  la- 
pin  ou  d'un  lievre  entrainait  une  amende  de  60  sols; 
un  adultere  en  coutait  une  de  40  ;  un  mot  injurieux 
sur  le  compte  d'une  femme,  se   liquidait  par  un  coup 
de  poing  du  mari,  etc.  La  section  a  entendu  avec  in- 
teret  cette  communication  curieuse  sur  les  usages  et  la 
legislation  couturniere  du  moyen  .age. 


QUATRIEME  SECTION.  205 

La  discussion  est  appelee  sur  la  1 4.e  question. 

M.  de  Saulcy  pense  que  le  mot  besant  ne  se  trouvant 
employe  nulle  part,  avant  1'epoque  a  laquelle  les  croisa- 
des  conduisirent  les  europeens  a  Constantinople  et  dans 
1'empire  d'Orient,  ce  mot  pourrait  venir  par  corruption 
de  celui  de  byzant^  que  les  Croises  auraient  donne  aux 
monnaies  byzantines. 

M.  de  la  Fontenelle  observe  que  1'emploi  des  besants 
dans  les  armoiries  ,  lui  parait  une  induction  tres  favora- 
ble a  1'opinion  de  M.  de  Saulcy. 

M.  Cartier  fait  remarquer  que  ,  posterieurement  aux 
croisndes,  on  employait  le  mot  besant  comme  nom  ge- 
nerique  ,  mais  sans  designation  speciale ,  d'une  certaine 
monnaie  d'or,  et  qu'il  lui  parait  impossible  de  resoudre 
la  question. 

M.  de  Saulcy  ajoute  que  le  terme  besant  etait  reste 
en  usage  depuis  les  croisades  pour  designer  les  monnaies 
d'or  en  general ;  mais  qu'on  n'a  jamais  connu  de  monnaie 
parliculiere  qui  portat  ce  nom.  «  Les  Groises ,  dit-il ,  de- 
vaient  attacher  beaucoup  tVimportance  aux  souvenirs 
de  leur  guerre  d'Orient :  on  trouve  une  foule  de  pieces 
d'or,  de  Constantinople  ,  percees  et  destinees  a  etre  por- 
tees  comme  ornement  j  les  besants  figuraient  an  meme 
litre  dans  les  armoiries,  et  le  mot  besant ,  originairement 
attache  a  la  monnaie  bysantine  ,  sera  devenu  le  terme 
generique  pour  designer  les  pieces  d'or.  » 

La  section  croit  pouvoir  appuyer  les  arguments  de 
M.  de  Saulcy. 


20G  QUATIUEME  SECTION. 

On  passe  a  la  question  envoyee  par  la  societe  phi- 
lumathique  de  Verdun,  et  quidemande  1'explication  des 
signes  auxquels  on  reconnait  les  tombeaux  franks  des 
tombeaux  gaulois  ou  romains. 

Gette  question,  nouvellement  adressee  an  Congres, 
n'a  pu  etre  1'objet  d'etudes  et  d'une  preparation  suffi- 
santes.  Elle  fournit  cependant  un  texte  a  quelques  eclair* 
cissements. 

MM.  de  la  Saussaye  et  de  Saulcy  emettent  quelques 
idees  sur  la  difficulte  de  faire  la  distinction  deman- 
dee.  On  connak  beaucoup  de  tombeaux  gaulois ,  gallo- 
franks,  franco-romains,  mais  on  y  trouve  des  caracteres 
ineles  des  couturaes  de  ces  differents  peuples.  L' usage 
d'inhumer  sous  un  amas  de  terre,  que  Ton  connait  sous 
le  nom  de  tombelles,  usage  commun  a  tant  de  peuples, 
parait  a  M.  de  Saulcy  un  des  caracteres  principaux  des 
inhumations  frankes. 

M.  Du  Plessis  emet  cette  opinion,  que  ce  n'est  point 
clans  les  provinces  du  centre  de  la  France  actuelle  qu'on 
pourrait  decouvrir  des  tombeaux  franks  qui  conser- 
vassent  le  caractere  unique  des  usages  de  cette  nation ; 
que  son  etablissement  chez  nous  a  ete  trop  progressif 
pour  que  les  coutumes  funeraires  n'eussent  pas  souffert 
des-lors  quelque  alteration ,  quelque  confusion  avec  les 
usages  gaulois  ou  remains.  On  ne  connait  point  de 
tombeaux  franks  proprement  dits,  a  moins  qu'on  ne 
parle  de  celui  de  Childeric,  trouve  en  1665  ,  a  Tournay; 
et  bien  qu'il  ne  faille  pas  raisonner  absolument  sur  une 
specialite  exceptionnelle,  un  tombeau  de  roi  ou  chef 


QUATRIEME  SECTION.  207 

supreme ;  neanmoins  il  est  permis  d'en  induire  que  si  a 
cotedelafrancisque  et  de  la  tete  du  cheval  de  Childeric, 
placeesdans  son  tombeau,  usage  reritablement  national, 
on  trouve  des  abeilles  d'or,  des  monnaies  toutes  romai- 
nes ,  on  doit  reconnaitre  un  signe  de  cette  confusion 
operee  de  bonne  heure  dans  les  coutumes,  meme  dans 
celles  si  ten  aces  qui  s'attachent  au  culte  sacre  des  ance- 
tres.  G'est  done  dans  les  provinces  septentrionales,  sur 
la  rive  gauche  du  Rhin,  qu'on  pourrait  trouver  quelques 
points  de  comparaison  pour  la  solution  d'une  question 
sur  laquelle  chacun  des  membres  qui  s'en  occupent  au- 
jourd'hui ,  n'a  reuni  des  documents  approfondis. 

Quelques  eclaircissements  sontajoutes  par  MM.  Andre 
et  de  la  Fontenelle ,  et  la  section  s'arrete  a  cette  decla- 
ration ,  que  la  question  ne  lui  paraissant  pas  suffisam- 
ment  etudiee,  elle  sera  reportee  au  prochain  Congres. 


Seance  du  dimanche  18  septembre  1836. 
Presidence.de  M.  DE  LA  FONTENELLE,  'vice-president. 

M.  Andre,  comme  le  plus  jeune  des  membres  presents, 
est  appele  par  le  bureau  pour  remplir  les  fonctions  de 
secretaire  en  1'absence  des  titulaires. 

M.  Haze  (de  Bourges)  lit  un  memoire  interessant  sur 
les  antiquites  monumentales  de  son  departement.  La 
section  le  remercie  de  cette  communication. 

M.  Briquet  fait  un  rapport  verbal  sur  1'importance 


208  QUATRIEME  SECTION. 

des  archives  municipales  de  Niort,  et  donne  quelques 
details  sur  1'organisation  du  corps  de  ville  et  les  privi- 
leges de  la  commune. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  15.e  question  du  pro- 
gramme : 

M.  de  la  Fontenelle  donne  quelques  notions  sur  la 
bibliographic  poitevine.  II  indique  comme  le  premier 
livre  imprime  a  Poitiers  une  espece  d'encyclopedie 
sortte  vers  1490  des  presses  d'un  chanoine  de  Saint- 
Hilaire. 

M.  Cauvin  tlonne  aussi  des  details  sur  la  bibliographic 
du  pays  du  Maine.  Le  premier  ouvrage  connu  imprime 
au  Mans  est  un  Coutumier  qui  ne  date  que  de  1529. 

M.  Briquet  dit  qu'a  Niort  l'imprimerie  ne  s'introduisit 
que  beaucoup  plus  tard.  vers  la  fin  du  xvi.e  siecle. 

M.  le  marquis  Le  Ver  (d'Yvetot)  fait  remarquer  que 
les  Galiot-Dupre  ont  imprime  a  Abbeville  vers  1480. 

M.  de  La  Fontenelle  fait  sentir  combien  il  serait  utile 
de  recueillir  dans  chaque  ville  tous  les  ouvrages  spe- 
ciaux  qui  y  seraient  relatifs,  et  d'y  etablir  des  biblio- 
theques  formees  de  tous  les  livres  dus  aux  presses  de  la 
localite,  on  qui  auraient  ete  composes  par  des  auteurs 
qui  en  seraient  originaires. 

M.  de  la  Saussaye  dit  qu'il  s'occnpe  deptiis  long-temps 
de  ce  travail  pour  le  Blaisois ,  et  qu'il  a  deja  reuni  envi- 
ron 300  volumes  :  I'imprimerie  lui  semble  avoir  etc  eta- 
blie  tres  tard  a  Blois;  le  plus  ancien  document  qu'il 
connaisse,  est  Ve'dit  donne  en  septembre  1577  par 


QUATRlfeME  SECTION.  209 

Henri  III,  pour  le  reglement  general  des  monnaies, 
dont  il  possede  un  exemplaire  imprime  par  Berthellemy 
Gomel,  en  1578.  Sa  veuve  publiaen  1593  une  Henriade 
par  Sebastian  Gamier ,  procureur  du  roi  Henri  IV  au 
comte  et  baillagede  Blois. 

La  section  consulte'e  sur  la  solution  a  donner  a  la 
15.e  question,  se  decide  pour  1'affirmative. 

La  5.e  question  du  programme  est  mise  en  dis- 
cussion. 

Plusieurs  membres  prennent  successivement  la  parole ; 
la  question  est  renvoyee  au  prochain  Congres.  .  , 

M.  Duchalais  (  de  Beaugency )  presente  a  1'examen  de 
la  section  ,  de  la  part  de  M.  1'abbe  Rousseau  (  de  Beau- 
gency ) ,  qui  n'a  pu  se  rendre  au  Congres,  une  statuette 
en  marbre  blanc  trouvee  recemment  dans  les  environs  de 
Toury  en  Beauce ,  a  six  pieds  de  profondeur,  aupres  d'an- 
ciennes  constructions  en  mines. 

Cette  statuette,  d'environ  un  piedet  denude  hauteur, 
est  parfaitement  conservee ,  a  1'exception  du  nez  qui  est 
un  peu  endommage.  Elle  represente  un  homme  debout, 
portant  la  barbe,  revetu  d'une  tunique  et  d'un  manteau 
et  tenant  une  epec  la  pointe  en  bas.  A  ce  costume  ,  on 
doit  reconnaitre  un  chevalier  de  quelque  ordre  militaire 
et  religieux ;  mais  1'absence  de  la  croix  sur  le  vetement 
ne  permet  pas  de  croire  que  ce  soit  un  Templier,  comme 
on  1'avait  suppose  d'abord. 

M.  Lhuillier  de  Hoff  (  de  Blois )  fait  remarquer  la 

16 


210  QUATRlfeME  SECTION. 

dimension  enorme  donnee  a  la  tete  ,  relativement  a 
celle  clu  corps;  il  fait  observer  egalement  un  espace 
plat,  dune  ligne  delargeur,  qui  regne  depuis  le  haut  du 
manteau  jusqu'en  has,  et  un  trou  pratique  sous  la  base 
de  la  statuette  ,*qui  sembleraient  indiquer  qu'elle  etait 
jadis  fixee  a  Tangle  d'un  monument,  d  un  tombeau  sans 
doute  ,  dont  elle  formait  Tun  des  accessoires. 

M.  de  la  Saussaye  perise  que  malgre  les  incorrections 
cle  detail ,  elle  est  neanmoins  d'un  effet  d'ensemble  tres 
satisfaisant ;  la  pose  en  est  naturelle,  1'expression  naive  ; 
tout  en  elle  revele  les  merites  et  les  defauts  habituels  de 
la  statuaire  du  xiv.e  siecle. 


Seance  du  lundi  19  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  DE  LA  FONTENELLE ,  vice-president. 

M.  Andre  donne  lecture  d'un  rapport  sur  les  monu- 
ments observes  a  Blois  par  la  section  d'histoire ,  dans  sa 
promenade  archeologique  du  14  septembre  1836. 

Messieurs ,  de  tons  les  moyens  d'arriver  a  la  connaissance  des  grands 
principes  sur  lesquels  repose  1'appreciation  des  differents  ages  de  1'art, 
le  meilletir  et  le  plus  infaillible  a  toujours  paru  1'ctude  de  1'architecture 
transported  du  cabinet  sur  la  place  publique ,  en  face  des  edifices  qui , 
par  une  vivante  rea!ite,  offrcnt  a  I'oail  1'application  des  doctrines  et  des 
theories.  Aussi,  n'est-ce  que  par  une  attentive  comparaison  des  types  qui 
caracterisent  chaque  epoque,  par  une  observation  longue  et  soutenue  de 
leurs  similitudes  et  de  leurs  dissemblances,  de  leurs  progres  et  de  leurs 
chutes ,  qu'on  peut  arriver  a  lire  sur  ces  grandes  pages  archictecturales , 
quel  fut  le  siecle  ou  le  genie  de  leurs  auteurs  leur  donna  la  naissance. 

Plus  qu'aucune  autre ,  la  ville  de  Blois ,  riche  en  souvenirs  historiques 


QUATRIEME  SECTION.  211 

d'un  si  haul  intcret,  devait  presenter  a  la  science  un  champ  riche  et 
varie.  M.  de  la  Saussaye ,  secretaire  general  du  Congres,a  bien  voulu 
s'offrir  a  la  section  pour  lui  servir  de  guide  dans  cette  promenade 
archeologique  oil,  graces  a  sa  complaisante  erudition  et  a  la  profonde 
connaissance  qu'il  possede  des  antiquites  du  Blaisois ,  nous  avons  pu  avec 
quelque  certitude  en  apprecier  les  monuments. 

Nous  avons  d'abord  porte  notre  attention  sur  les  constructions  reli- 
gieuses.  L'arcliitecture  civile  est  devenue  ensuite  1'objet  de  notre  exameii. 
Nous  suivrons  ici  le  meme  ordre. 

L'edifice  le  plus  ancien  de  la  ville  de  Blois  est  1'eglise  du  couvent  de 
Saint-Laumer  (S.Launomants'}.  II  fut  fonde  en  924  par  Raoul,  roi  de 
France ,  sur  la  demande  de  Thibault-le-Tricheur,  comte  de  Blois  et  de 
Chartres;  mais  ce  lie  fut  que  cent  cinquante  ans  apres  qu'on  commenca  a 
batir  1'egliie  qui  porte  aujourd'hui  le  vocable  de  Saint-Nicolas.  Sa  dedi- 
cace  eut  lieu  en  1 1  HG.Cependant,  soil  que  le  vaisseau  n'ait  pas  ete  acheve, 
soil  qu'il  ait  subi  des  reconstructions,  la  nef  n'est  que  du  siecle  suivant. 
Celte  eglise  est  interessante  pour  1' elude  des  differents  styles  archictec- 
turaux  du  moyen  age ,  et  Ton  peut  y  saisir  toutes  les  transitions  du  plein- 
cintre  a  1'ogive  la  plus  elancee.  En  effet,  1'abside  offre  le  caractere  du 
xi. e  siecle;  le  choeur  est  du  xn.e  Au-dessus  s'eleve  un  dome  dont  les 
nervures  de  voute  se  courbent  dans  le  systeme  de  1'arc  en  tiers-point; 
puis  enfm  tout  le  corps  de.  la  nef  presente  le  xm.e  siecle,  avec  1'ogive 
pure  du  temps  de  saint  Louis.  La  facade  est  de  cette  derniere  epoque ; 
elle  est  oruee  de  deux  tours  carrees ;  au-dessus  du  portail  se  trouve  une 
grande  rosace. 

L'eglise  de  Saint-Solenne  (  S.  Solemnis},  dont  1'origiiie,  sous  le  vocable 
de  S.  Pierre ,  remonte  a  1'etablissement  du  christianisme  dans  le  pays ,  fut 
reconstruite  au  xtv.e  siecle,  sous  Charles  VI;  mais  il  ne  reste  plus  de 
cetle  reconstruction  que  la  base  de  la  tour  de  la  facade.  II  parait  que  le 
premier  ordre  qui  la  surmonte  fut  commence  en  1544 ;  mais  au  lieu  d'y 
ajouter  un  second  ordre,  comme  on  se  Petait  propose,  on  se  contenta  d'y 
mettre,  en  1609,  le  dome  qu'on  y  voit  aujourd'hui.  En  1678,  par  un 
violent  orage ,  les  voutes  s'ecroulerent ,  et  1'eglise  fut  renversee.  Louis  XIV 
fit  rebatir  ce  que  n'avait  pas  epargne  1'ouragan ,  et  presque  toute  1'eglise 
s'eleva  de  nouveau.  L'ancien  vocable  fut  abandonne ,  el ,  par  une  recon- 
naissante  flatterie,  on  lui  donna  saint  Louis  pour  nouveau  patron.  Cette 
eglise  sert  aujourd'hui  de  cathedrale,  quoique  le  vaisseau  en  soil  tres 
mesquin ,  et  1'architecture  du  style  le  plus  paruve. 

On   doit  aussi  noter   1'eglise  dc  Saint-Saturnin,  dans  le  faubourg  de 


212  OUATRTEME  SECTION. 

Vienne,  laquelle  date  de  la  fin  du  xv.e  siecle.  Anne  de  Bretagne,  reiue 
dn  France,  fit  t'aire  le  grand  portail,  avec  une  partie  de  la  tour;  mais  la 
dedicace  n'eut  lieu  qu'eu  I  582. 

Enfin ,  et  pour  termiuer  cette  serie  de  monuments  qui  commence  avec 
le  xi.e  siecle  et  fiuil  avec  le  xvn.e ,  nous  devons  mentionner  1'eglise  des 
Jesuites.  Les  fondcmenls  en  furent  jetes  en  1624  ,  mais  la  construction  en 
i'ut  diiteree  jusqu'en  1655  ,  et  elle  ne  fut  achevee  qu'eu  1671.  Son  t'ron- 
tispice  est  decore  par  les  trois  ordres  dorique ,  ionique  et  corinthien;  mais 
dans  I'interieur,  on  s'est  restreint  plus  sagement  a  1'ordre  dorique.  Le 
grand  autel  est  assez  remarquable. 

Une  des  plus  curieuses  eglises  de  Blois,  mais  que  le  temps  n'a  point  res- 
pectee,  devait  etre  1'cglise  de  Saint-Sauveur ,  sur  cette  plate-forme  elevee 
qui  domine  la  ville.  C'est  la  que,  le  21  avril  1429,  fut  beni,  par  I'eve- 
que  de  Chartres,  le  drapeau  de  la  Pucelle  d'Orleans.  C'est  la  que  ,  plus 
tard,  Henri  III,  roi  de  France,  et  Henri  de  Lorraine,  due  de  Guise,  se 
partagcrenl  une  hostie  consacree,  prenant  le  ciel  a  temoin  d'une  etroite 
alliance  qui  n'etait  qu'une  reciproque  perfidie :  deux  mois  s'etaient  a  peine 
ecoules ,  et  Guise ,  dont  les  pretentious  meuacaient  la  couronne ,  perissait 
assassine  par  les  ordres  de  son  roi. 

La  scene  ou  se  passa  cette  horrible  catastrophe  n'est  pas  loin  :  vis-a-vis 
1'eglise,  voici  le  chateau  de  Blois. 

Get  edifice  doit  son  origine  aux  comtes  de  Blois  de  la  maison  de  Cham- 
pagne et  de  la  maison  de  Chatillon.  11  reste  peu  de  chose  des  construc- 
tions primitives  :  une  grosse  tour  et  d'epaisses  murailles  qu'on  fait  remonter 
an  xi.e  siecle,  un  petit  bailment  qui  date  de  Saint-Louis,  et  qui  devint 
plus  tard  le  lieu  des  seances  des  Etats  geueraux ;  c'est  tout  ce  qui  en  a  ete 
conserve ,  afin  sans  doute  de  servir  de  contraste  a  cette  brillante  architec- 
ture de  la  renaissance  qui  produisit  lant  de  merveilles,  et  dont  le  chateau 
de  Blois  n'est  pas  un  des  moindres  chefs-d'osuvre. 

Les  guerres  des  Franrais  en  Italic  avaient  dcja  donne  1'impulsion.  L'es- 
prit  eclaire  de  Louis  XII  livra  i'essor ,  et  il  s'accomplit  une  grande  revo- 
lution artistique. 

Ce  fut  en  1498  que  ce  prince,  voulant  se  creer  une  residence  royale 
dans  la  ville  de  Blois  qu'il  affectionnait  pour  lui  avoir  donne  le  jour,  jeta 
Jes  yeux  sur  le  chateau  qu'il  tenait  des  dues  d'Orleans,  ses  ancetres  ,  et  le 
fit  presque  entiereinent  reconstruire.  II  y  deploya  toutes  les  ressources  de 
1'epoque.  La  facade  de  Test ,  qui  donne  sur  1'avant-cour ,  est  batie  en  pier- 
res  et  en  briques  suivant  le  gout  du  temps.  Au  premier  abord ,  nos  habi- 
tudes s\  mctriques  se  trouvcnt  ctonnecs  de  ne  point  apcrcevoir  la  grande 


QUATRIEME  SECTION.  213 

porte  a  egale  distance  des  deux  extremites ,  et  de  voir  les  fenetres  inegale- 
ment  reparties  et  tout  differemment  ornees ;  mais  apres  ce  premier  senti- 
ment, lorsqu'on  revient  sur  les  details,  on  ne  peut  se  lasser  d'y  fixer  son 
attention.  Jetez  les  yeux  sur  1'entree  :  le  portique  est  a  grosses  nervtires  ; 
les  colonnes  sont  couvertes  de  baguettes  croisees  en  lozanges.  Au-dessus , 
et  dans  un  style  un  peu.  anterieur ,  s'eleve  un  double  dais  gotbique  orne 
de  feuilles  de  chicoree  elegamment  decoupees,  et  sous  lequel  se  creuse 
une  niche  armoriee  des  hermines  de  Bretagne.  La  se  voyait  autrefois  la 

statue  equestre  en  bronze  de  Louis  XII Ne  1'y  cherchez  plus  aujotir- 

d'hui;  la  main  de  1'bonime  ne  la  pas  epargnee. 

Si  vous  voulez  eloigner  ce  souvenir  penible ,  regardez  cette  croisce  qui 
se  trouve  a  votre  gauche ,  a  1'extremite  de  la  facade.  Elle  est  bien  simple : 
vous  n'y  remarquerez  qu'un  balcon  avec  une  balustrade  en  pierre  sculptee 
a  jour.  Mais  cette  fenetre  est  celle  de  la  chambre  a  coucher  de  Louis  XII. 
Voyez  maintenant  cette  petite  maison  de  bois  placee  au  coin,  en  retour 
d'angle ,  et  d'un  aspect  si  humble  :  c'est  la  qu'habitait  le  cardinal  d'Am- 
boise ,  et  tandisqu'avec  une  magnificence  rare  il  faisait  construire  son  chateau 
de  Gaillon ;  que  pour  sa  decoration,  il  envoyait,  a  se&  frais,  en  Italic-  des 
sculpteurs  etudier  les  arabesques  de  Raphael  ,  il  se  contentait  de  cette 
mediocre  demeure  qui  le  placait  aupres  de  celle  d'un  roi  dont  il  etait  tout 
a-la-fois  le  ministre  et  1'ami.  Tons  les  jours ,  si  1'on  en  croit  la  tradition ,  a 
son  balcon  le  roi,  a  sa  petite  croisee  le  cardinal,  s'echangeaient  le  salut 
du  matin,  et  se  plaisaient  a  deviser  ensemble,  douce  causerie  ou  1'etiquette 
se  trouvait  oubliee ,  et  ou  ne  se  rencontraient  que  la  cordialite  du  bon  roi 
et  le  fidele  devouement  de  son  ministre. 

Vu  de  la  cour  interieure  du  chateau,  le  corps-de-logis  de  Louis  XII 
presente  la  meme  architecture;  mais  au-dessous  du  premier  etage  regne, 
au  rez-de-chaussee ,  tine  galerie  couverte  appelee  le  pore  he  aux  Bretons  f 
que  soutiennent  des  colonnes  prismatiques  chargees  comme  au  portique  de 
baguettes  croisees  en  lozanges.  Les  fleurs-de-lys  qui  les  decoraient  ont  dis- 
paru ,  les  hermines  d'Anne  de  Bretagne  ont  eu  le  meme  sort ,  et  le  pore- 
epic  des  comtes  de  Blois,  avec  leur  devise  Cominus  et  eminus ,  a  partage 
la  commune  disgrace.  Un  seul  a  pu  echapper,  cache  dans  la  tourelle  de 
1'escalier  ou  il  se  roule  en  se  herissant. 

A  1'exemple  de  Louis  XII,  Francois  I.er,  le  restaurateur  des  lettres  et 
des  arts,  voulut  faire  profiler  le  chateau  de  Blois  du  mouvement  com- 
mence a  la  fin  du  xv.e  siecle,  et  qui,  se  developpant,  produisait  au  xvi.e  la 
renaissance.  Les  rapides  progres  de  I'art  laissaient  deja  hien  loin  derriere 
eux  les  types  graves  et  severes  que  leur  avaient  legues  les  derniers  essais 


214  QUATRIEME  SECTION. 

du  siecle  precedent.  Le  talent  de  Pierre  Lescot  et  Philibert  de  1'Orme ,  de 
Jean  Goujon  et  Germain  Pilon ,  devait  rivaliser  d'elegance  et  de  naturel , 
de  grace  et  de  delicatesse  dans  les  magmfiques  monuments  qu'embellissait 
leur  brillant  genie.  Ce  fut  sous  1'impression  de  ces  grands  modeles  que  s'e- 
leva  la  facade  du  nord. 

La  se  deploie  tout  le  luxe  et  la  profusion  des  plus  gracieux  details. 
Partout  des  bas-reliefs  ,  des  sculptures ,  des  ornements  du  iini  le  plus 
acheve ;  arcades ,  pilastres ,  chapiteaux ,  tout  en  est  couvert.  La  salaman- 
dre  de  Francois  I.er  qu'il  avail  prise  pour  attribut  avec  la  devise  Nittmco 
et  extinguo ,  1'F  couronnee  qu'il  avail  adoptee  pour  chiffre ,  ses  armes  et 
celles  de  la  reine  Claude ,  son  epouse ,  dont  la  couronne  et  les  ecussons 
s'entrelacant  de  la  cordeliere  de  la  reine  Anne,  sa  mere,  temoignaient 
sans  cesse  du  monarque  a  qui  celte  somptuosite  d'architecture  devait  le 
jour.  Mais  on  a  pris  autant  de  peine  a  en  effacer  le  souvenir,  qu'a  une 
autre  epoque  on  s'etait  efforce  de  le  perpetuer.  Chiffres  ,  armoiries  el  me- 
daillons  onl  etc  democraliquemenl  gralles  el  effaces ,  et  c'est  a  peine  si ,  ca 
et  la ,  quelques  uns  de  ces  feodaux  emblemes  ont  pu  reussir  a  se  sauver. 

Mais  1'oeuvre  des  eomtes  de  Blois  avail  deja  ele  en  bulte  a  de  plus  se- 
rieuses  deslructions  :  la  facade  de  1'occident ,  une  partie  de  celle  du  midi 
onl  disparu,  el  les  constructions  de  Francois  I.er  out  meme  etc  entamees. 
Cetle  fois ,  ce  ne  sonl  poinl  les  passions  populaires  qu'il  fant  en  accuser, 
mais  Gaston ,  due  d'Orleans ,  frere  de  Louis  XIII.  Le  gout  classique  de 
Mansard,  son  archilecte,  ne  put  supporter  le  brillant  desordre  avec  lequel 
ses  predecesseurs  avaient  jete  a  pleines  mains  loules  les  richesses  de  leur 
imaginalion  d'artistes  ;  el  1'annee  1635  vil  immoler  la  renaissance  au 
style  grec  et  romain.  La  face  snr  la  cour  est  composee  de  trois  ordres ,  les 
uns  au-dessus  des  autres.  Le  premier  esl  dorique;  il  etait  entoure  d'un 
balcon  circulaire  soutenu  par  des  colonnes  cannelees ,  aujourd'hui  detruit. 
Le  deuxieme  est  ionique  et  le  troisieme  est  corinthien  ,  decore  de  pilastres 
comme  le  second.  Sa  corniche  forme  au  milieu  un  fronton  arrondi.  Des 
statues  qui  n'existent  plus  concouraient  a  la  decoration  exterieure. 

Au  milieu  de  1'edifice  est  une  grande  salle  carree,  eclairee  par  un 
dome  de  meme  forme.  La  coupole  est  enrichie  de  cartouches  et  de  cais- 
sons ,  ou  se  trouvenl  sculples  des  tropliees  d'armes  et  des  guirlandes  de 
fleurs;  le  tout  est  d'un  mediocre  effet.  Cette  salle  n'ayanl  point  ele  ter- 
minee,  1'etat,  qui  a  fait  du  chateau  une  caserne,  s'occupe  de  son  acheve- 
vement.  L'ordre  de  Pestum  qu'on  y  emploie  s'allie  mal  par  sa  lourdeur 
avec  le  caraclere  general;  d'ailleurs,  ce  u'esl  que  depuis  moins  d'un 
siecle  que  les  architectes  modernes  1'ont  decouvert  en  Sicile ,  dans  les 


QUATRIEME  SECTION.  215 

mines  du  temple  de  Neptune ,  et  n'est-ce  pas  un  auachronisme  que  de  le 
faire  figurer  dans  la  restauralion  d'une  construction  anlerieure? 

Gaston  avail  le  dessein  de  rebalir;  en  suivant  les  plans  de  Mansard, 
tout  le  chateau;  fort  heureusement  le  temps  lui  a  manque.  La  science  ne 
doit  pas  cependant  poursuivre  sa  memoire;  il  avail  le  gout  de  1'etude.  Ce 
prince  avail  forme  a  Blois  une  magnifique  collection  de  medailles,  et 
lorsqu'il  y  mourut  en  1657,  il  la  legua  a  son  neveu  Louis  XIV,  donl  il 
doubla  les  richesses  numismatiques,  el  rendil  ainsi  le  Cabinet  du  roi  le 
plus  complel  el  le  plus  precieux  qui  ful  en  Europe. 

line  magnifique  bibliolheque ,  un  cabinel  d'histoire  naturelle ,  un  jar- 
din  des  plantes ,  dont  on  apercoit  les  terrasses  en  face  du  chateau ,  et  ou 
Ton  arrivail  par  un  ponl  jele  sur  les  fosses ,  sonl  encore  des  etablissements 
tres  remarquables  dus  a  Gaston ,  et  qui  enrichirent  aussi  la  Bibliotheque  et 
ie  Jardiri  du  roi. 

Que  si  maintenant  nous  voulons  penetrer  dans  Pinterieur  du  chateau 
par  1'escalier  de  Louis  XII,  nos  pas,  an  premier  etage,  se  porteront 
d'abord  dans  une  belle  salle ,  de  pres  de  cent  pieds  de  long  sur  soixante 
de  large,  coupee  en  deux,  dans  le  sens  de  sa  longueur,  par  une  rangee  de 
six  coloimes  qui  soutiennent  des  arcades  en  ogives.  Elle  dale  du  lemps  de 
sainl  Louis;  on  y  lenail  jadis  les  grandes  assises  seigneuriales  du  comle. 
C'esl  la  que  se  reunirent,  en  1576,  les  premiers  elats  de  Blois;  c'est  lu 
qu'en  1588,  apres  la  journee  des  Barricades ,  s'y  assemblerenl  les  seconds 
elats.  Convoques  pour  le  1 5  seplembre ,  ils  ne  s'ouvrirenl  que  le  1 6  oc- 
tobre,  el  des-lors  commenca  une  lulle  incessante  entre  Henri  III  et  le  due 
de  Guise,  la  saiute-union  et  les royalistes.  Mais  les  elections  avaieut  donne 
une  immense  majorile  a  la  ligue ;  la  maison  de  Lorraine  Iriomphail ,  et  le 
parti  des  politiques  Iremblait  indecis  devant  la  gravite  des  evenements. 

Ils  vonl  se  derouler  sous  nos  yeux ;  le  theatre  du  denouement  est  tout 
proche. 

Au  sommet  d'une  tourelle  de  I'ancicnne  construction  s'eleve  un  petit 
belveder,  sur  la  porte  duquel  vous  lisez :  VRANI^E  SACRVM.  C'est  dans 
eel  asile  secrel  que  1'ilalienne  Calherine  de  Medicis,  entouree  d'astro- 
logues,  cherchait  a  conjurer  le  destin.  A  cote  de  I'observatoire ,  d'ou  sont 
visibles  les  fleches  de  Chambord,  se  posaient  sur  une  table  de  pierre  les 
instruments  d'astronomie.  Toutes  les  nuits,a  1'aide  d'infernales  supersti- 
tions ,  la  reiue-mere  s'efforcait  de  percer  le  voile  lenebreux  qui  couvre  les 
choses  qui  ne  sont  pas  encore,  et  de  lire  dans  les  astres  et  leurs  myste- 
rieuses  conjonctions  ce  quevoulail  le  ciel,  et  ceque  lui  presageail  1'avenir. 
Si  elle  y  vil  que  ,  pour  sauver  la  royaute ,  il  fallait  recourir  a  1'assassinat , 


216  QUATRIEME  SECTION. 

pourquoi  n'y  vit-elle  pas  aussi  que  le  sang  repandu  devait  bienlot ,  dans 
un  autre  assassin,  trouver  uu  vengeur  assure. 

Rentrons  dans  le  chateau  par  cette  tour  octogone  en  saillie,  ou  Fran- 
cois I.er  fit  serpenter  un  elegant  escalier  tout  a  jour,  et  autour  duqiiel 
tourne  une  charmante  balustrade.  Arretez-vous ,  si  vous  le  voulez ,  a  con- 
siderer  ces  pilaslres,  ces  colonnettes,  ces  chiffres  ,  ces  pendentifs  et  ces 
milliers  d'arabesques  si  delicieusement  sculptes;  mais  songez  qu'ici  1'his- 
toire  sanglante  efface  1'art. 

Au  premier  etage  sont  les  appartemeuts  de  Catberine ;  la  salle  des 
gardes  se  presente  d'abord:on  peut  y  remarqner  une  fort  belle  cheminee. 
Puis  vient  1'oratoire  ou  cette  femme,  dans  ses  elans  de  craintive  devotion, 
adressait  au  maitre  des  rois  ses  ferventes  prieres ,  pour  la  reussite  de  ses 
projets  dissimules,  de  ses  intrigues  tortueuses  et  de  ses  vindicatives  ran- 
cunes.  Enfin,  c'est  son  petit  cabinet,  tout  garni  encore  d'tme  magnifique 
boiserie  a  petits  panneaux ,  dont  pas  un  ne  se  ressemble ,  et  ou  le  sculp- 
teur  semble  avoir  epuise  son  imagination  a  se  varier  sans  eesse. 
Au  second ,  c'est  1'appartement  d' Henri  III. 

Reportez-\ous  au  24  decembre  1588.  Cette  grande  piece  ou  se  tieuncnt 
ces  gentilshommes  armes,  c'est  la  salle  des  gardes;  ces  officiers  qui  les 
commandent,  ce  sont  Loignac  et  Sainte-Maline  :  le  brave  Crillon  est  ab- 
sent. Passez  par  cette  antichambre ;  entrez  dans  ce  cabinet  ou  ne  se  voient 
plus  aujourd'hui  que  des  traces  de  peintures  sur  les  poutres  du  plafond , 
et  des  debris  de  fresques  sur  les  boiseries ,  c'est  le  cabinet  du  roi.  La 
mulliplicite  des  portes  qui  s'ouvrent  de  tcus  cotes ,  Fescalier  secret  par  ou 
Ton  peut  se  derober ,  vous  montrent  1'esprit  inquiet  et  soupconneux  du 
prince  qui  1'habite.  On  introduit  deux  religieux :  Priez ,  leur  dit  Henri  III , 
ptiez  pour  le  succes  d'une  entreprise.  —  De  quelle  entreprise  s'agit-il, 
demandent  les  moines.  —  Priez  ton  jours ,  mes  peres ,  leur  repond-il;  Dieu 
saura  lien  de  quoi  il  est  question  ;  et  il  les  enferme  dans  ce  petit  oratoire 
pratique  dans  Pepaisseur  des  murs. 

Cependant ,  au  rez-de-chaussee  se  tient  un  conseil  extraordinairemenl 
convoque  a  six  heures  du  matin.  La  veille ,  un  avis  inconnu  etait  remis  au 
due  de  Guise :  il  avail  lu  le  billet, et  ces  mots :  il n'oserait,  que  son  crayon 
tracait  au  bas,  etaient  la  seule  reponse  de  cet  intrepide  cbef  de  parti.  Il 
entre ;  les  portes  se  ferment.  Un  officier  des  gardes  s'approcbe  de  lui ;  un 
mouvement  inusite  s'opere.  Etonne ,  le  due  palit ,  le  ccEur  lui  manque ; 
mais  revenu  bientot  de  cette  faiblesse  d'un  moment ,  il  prend  la  parole  avec 
liberte  d'esprit.  Revol,  secretaire  d'etat,  arrive  dans  la  chambre  du  con- 
seil :  Monseigneur,  dit-il,  le  roi  Tent  s'entretcnir  ocec  vous  dans  son  ca- 


QUATRIEME  SECTION.  217 

blnet.  Guise  montc  par  1'escalier  secret.  Sur  le  pallier  est  un  passage  obs- 

cur Un  grand  bruit  se  fait  entendre,  une  lourde  cbute,  et  ces  mots 

etoufies  :  Mon  Dleu,  je  suis  mart,  ayez  pitie  de  moi,  pardonnez-moi  mes 
peches.  Le  dernier  gemissement  s'eteint 

Henri  de  Yalois  sort  de  son  cabinet  :  Tout  est-il  fait ,  demande-t-il ;  on 
lui  montre  le  cadavre.  11  s'approche ,  et  le  ponssant  du  pied  :  Bete  veni- 
meuse ,  lui  enteud-on  dire  ,  tu  ne  jetteras  plus  ton  ve/iin.  Puis  descendant 
dans  1'appartement  de  Catherine :  Ma  mere,  je  suis  rol  de  France.  —  Mon 
fils ,  voila  qid  est  bien  coupe;  mais  il  faut  coudre  maintenant. 

Le  roi  vent  poursuivre  sa  victoire.  Le  cardinal  de  Lorraine ,  frere  de  ce- 
lui  qui  etait  le  puissant  due  de  Guise;  d'Espignac,  archeveque  de  Lyon  et 
fougueux  apotre  de  la  ligue ,  sont  arretes.  A  1'extremite  du  corps-de-logis, 
dans  un  pilier  creux,  se  trouvait  pratique  un  noir  red  nit  dont  une  porte 
de  fer  scellait  1'otiverture  :  on  les  y  enferme.  Vingt-quatre  lieures  se  pas- 
sent,  et  ils  ne  sont  pas  encore  assassines.  Pourquoi?  Les  meurtriers  du 
due  de  Guise  avaient  recule  devant  1'enorme  peclie  de  porter  la  main  sur 
des  pretres ,  et  il  fallut  cbercher  un  miserable  soudard  qui ,  pour  quelque 
argent ,  depecha  le  cardinal  a  coups  de  pertuisane.  On  etait  rassasie  de 
sang ,  on  fit  grace  a  1'archeveque. 

Non  loin  du  cachot,  se  voient  les  grandes  oubliettes ,  profond  precipice 
ou  se  resolvait,  dit-on,  le  dernier  mot  de  la  justice  feodalc,  el  an  fond  du- 
quel  on  lancait  les  victimes.  Les  deux  cadavres  n'y  furent  point  jetes.  Mais 
regardez  cette  grande  cheminee  qui,  par  suite  des  degradations  de  I'edi- 
fice,  se  trouve  aujourd'bui  suspendue  dans  les  airs ,  un  brasier  s'y  allume; 
on  y  pose  les  deux  corps  sur  les  cbarbons  ardents  qui  les  consument 

La  ville  de  Blois  renferme  encore  des  hotels  fort  remarquables  par  les 
souvenirs  qui  s'y  ratlachent :  celui  du  due  d'Epernon,  dans  la  cour  du 
chateau,  a  cote  de  celui  du  cardinal  d'Amboise;  1'hotel  dc  Guise,  rua 
Chemonton ;  1'hotel  de  la  famille  Hurault,  qui  donna  a  Henri  IV  le  chan- 
celier  de  Cheverny,  dont  les  descendants  existent  encore  dansle  Blaisois, 
et  sont  meme  representes  au  Congres  par  notre  jeone  collegue ,  M.  le 
comte  Hurault  de  Vibraye.  L'hotel  d'Aumale,  dans  la  rue  du  Putts-Chatel, 
renferme  une  chapelle  du  temps  de  Louis  XII ,  ornee  de  peintures  parfai- 
tement  conservees,  d'un  prix  inestimable  pour  les  curieux;  dans  la  rue 
Neuve,  une  porte  decoree  de  delicieuses  arabesques,  aujourd'hui  bien 
mutilces ,  ainsi  que  1'hermine  qui  occupait  le  milieu  du  fronton ,  revele 
1'ancienne  demeure  d'un  des  grands  officiers  de  la  reine  Anne  de  Bre- 
tagne. 


218  QUATRIEME  SECTION. 

La  plus  belle  de  toutes  ces  demeures,  et  celle  dont  il  reste  le  plus  de 
debris  intacts,  c'est  1'hotel  d'AHuyes,  dans  la  rue  Saint-Honore. 

Get  hotel  a  ete  construit  vers  le  commencement  du  xvi.e  siecle  par  Flo- 
rimond  Robertet-le-Grand,  ministre  et  secretaire  d'etat  sous  Charles  VIII, 
Louis  XII  et  Francois  I.er  Avaut  une  demolition  qui  a  etc  faite  en  1812 , 
il  se  composait  de  quatre  corps  de  bailments  reunis  a  angle  droit,  formant 
un  carre  an  milieu  duquel  etait  une  cour.  Il  n'en  reste  que  deux  bien  con- 
serves. Le  principal  corps  est  precede ,  du  cote  de  la  cour ,  par  un  peri- 
style dont  les  arcades  sont  a  plein-cintre.  On  voit  encore  dans  cette  maison 
de  nombreuses  sculptures  dans  le  gout  de  la  renaissance ,  dont  quelques 
unes  parfaitement  executees,  et  une  cheminee  colossale  chargee  d'orne- 
ments  d'un  Ires  beau  travail. 

Un  avocat ,  le  principal  redacteur  et  le  commentateur  de  la  coutume  de 
Blois,  Denis  Dupont,  inspire  par  toutes  les  pensees  d'art  que  le  sejour  or- 
dinaire de  la  cour,  a  Blois,  avail  rendu  populaires  dans  le  pays,  avail  fait 
clever  a  cote  de  1'hotel  d'AHuyes  une  habitation  dans  le  style  le  plus  orue 
de  1'epoque  de  la  renaissance;  on  en  admire  les  resles  dans  une  cour 
etroite ,  placee  a  1'angle  des  rues  Sainl-Honore  el  Porle-Charlrame. 

Tel  esl  le  resultat  des  observalions  que  nous  a  suggere  la  promenade 
dont  j'ai  eu  a  rendre  compte ;  heureux  si,  au  milieu  de  toules  les  emotions 
que  nous  ont  fail  cprouver  ces  lieux.  on  1'histoire  el  les  arts  out  grave  tan  I 
de  souvenirs,  ces  lignes  ont  pu  vous  en  relracer  quelque empreinle. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  difle- 
rents  sceaux ,  qui  doit  etre  faite  a  la  section  par  M.  le 
vicomte  de  Courteilles  (  de  Tours).  II  presente  d'abord 
un  sceau  de  Jean  de  Chastillon  ,  cornte  de  Blois,  mort 
en  1 262  ;  1'accompagne  de  quelques  notions  historiques 
sur  ce  seigneur,  et  offre  a  la  Socie'te  academique  de  Blois 
une  empreinte  fidele  de  ce  sceau ,  un  sceau  de  Louis  XII , 
de  Hugues  de  Chaumont,  et  plusieurs  autres.  II  commu- 
nique une  charte  de  fondation  du  prieure  de  Saint-Ma- 
clou,  a  Sablt3,  et  publiee  avec  des  fautes  dans  le  Spi- 
cilege  d'Acheri.  Ce  monument  est  une  piece  d'une  haute 
importance  par  sa  date  (  1067)  et  par  sa  conservation. 


QUATRIEME  SECTION.  21$ 

M.  de  Courteilles  presente  egalement  plusieurs  livres 
manuscrits.  Cette  communication  donne  lieu  a  diverses 
considerations  sur  le  peu  de  soin  apporte  a  la  conser- 
vation de  nos  anciens  monuments. 

II  ne  reste  plus  au  programme  des  travaux  de  la  sec- 
tion, quela  question  inseree  au  programme  sous  len.°  8. 

M.  de  la  Fontenelle  donne  quelques  details  sur  1'em- 
ploi  de  la  pierre  coquilliere  pour  les  tombeaux  dans  une 
assez  grande  etendue  de  pays ,  sur  les  rives  de  la  Loire. 
Cette  pierre  coquilliere  paraissait  provenir  de  Doue ,  en 
Anjou,  point  important  au  moyen  age,  sejour  de  Louis- 
le-Debonnaire  ,  alors  roi  d'Aquitaine  ;  mais  on  en  a 
trouve  dans  d'autres  lieux ,  lorsqu'on  pouvait  employer 
des  pierres  qu'on  eut  beaucoup  plus  facilement  trouvees 
a  une  grande  proximite.  II  a  dii  exister  un  motif,  au- 
jourd'hui  inconnu ,  pour  1'emploi  exclusif  de  la  pierre 
coquilliere  pour  les  auges  ou  cercueils,  surtout  dans 
les  xi. e  et  xn. e  siecles.  La  meme  particularite  a  ete  re- 
marquee  dans  la  Normandie. 

On  a  vu  dans  certains  lieux  une  sorte  de  manufacture 
de  ces  cerceuils  qui  s'exportaient  au  loin. 

La  section  croit  devoir  appeler  1'attention  des  archeo- 
logues  sur  la  recherche  des  motifs  qui  faisaient  employer 
la  pierre  coquilliere  pour  les  tombeaux,  dans  des  pays 
ou  cette  pierre  n'existait  pas,  lorsque  des  pierres  d'une 
nature  plus  parfaite  se  trouvaient  sur  les  lieux. 

M.  Duchalais  communique  quelques  details  su-r  la 
decouverte  de  tombeaux  faite  a  la  Moise,  pres  Taversr 


220  QUATRIEME  SECTION. 

canton  de  Beaugency.  Ces  tombeaux  etaient  formes  de 
compartiments  de  briques,  converts  egalement  en  bri- 
ques.  On  trouvait  des  squelettes  ranges,  places  la  tete 
du  cote  du  sud,  et,  aupres  d'eux,  des  fragments  de 
vases.  On  porte  le  nombre  a  vingt,mais  lesfouillesn'ont 
pas  ete  completees. 

M.  de  la  Saussaye  mentionne  de  nombreuses  de'cou- 
vertes  analogues,  ou  les  tombeaux  sont  accompagnes  de 
petits  vases  troues  qui  sont  places  autour  ou  aupres  des 
cercueils.  On  les  trouve  dans  des  inhumations  anterieures 
au  xii.e  siecle,  notamment  a  Blois,  dans  1'emplacement 
de  1'ancienne  eglise  Saint-Sauveur.  Ces  vases  contiennent 
ordinairernent  des  charbons,  et  paraissent  avoir  tenu  lieu 
de  cassolettes. 

M.  Duchalais  expose  que  dans  un  cercueil  trouve  a 
Candes-sur-Loire ,  ou  mourut  saint  Martin,  et  place 
sous  le  porche  d'une  eglise,  on  a  rencontre  un  squelette 
enveloppe  debandelettes.  L'eglise  ne  paraitpas  remonter 
au-dela  du  xn.e  siecle. 

La  question  renvoyee  a  la  quatrieme  section  par  la 
cinquieme,  et  relative  a  I'mfluence  de  la  cbute  de  Gonstan- 
tinople  surnotre  litterature,  nepouvantetre  traitee  dans 
cette  derniere  seance ,  est  renvoyee  au  prochain  Gongres. 

Les  secretaires,  Le  president, 

A.  DU  PLESSIS  ,  A.  DE  CAUMONT. 

F.  DE  SAULCY.  Les  vice-presidents, 

DE  LA  FONTENELLE  DE  VAUDORE", 
GRANDGAGNAGE,  JORAND. 


QUATRIEMK  SECTION.  221 

CINQUIEME  SECTION. 


Seance  du  lundi  12septembre  1836. 

^residence  de  M.  E.  GAILLARD  (  de  Rouen  J,  doyen  d'dgc , 
et  ensuite  de  M.  SPENCER  SMITH  (  de  Londres). 

LA  seance  est  ouverte  a  onze  heures  et  demie.  —  On 
precede  a  la  formation  du  bureau  definitif ;  38  membres 
de  la  section  prennent  part  au  vote.  M.  Spencer  Smith 
ayant  reuni  30  voix  est  proclame  president  de  la  cin- 
quieme  section  du  Congres. 

Au  moment  ou  M.  le  president  d'age  annonce  aux 
membres  presents  qu'ils  vont  voter  pour  la  nomination 
d'un  vice-president,  M.  de  la  Saussaye  demande  la  pa- 
role. II  propose  que  la  section  nomme  deux  vice-presi- 
dents ,  et  s'appuie  des  precedents  de  deux  sections  du 
Congres.  M.  de  la  Fontenelle  appuie  cette  proposition , 
que  combat  M.  Ghatelain.  Selon  lui,  toute  section  du 
Congres n'en  est  qu'une  fraction ,  soumise  a  1'observation 
du  reglement  general ,  arrete  et  signe  par  tout  membre 
du  Congres  a  son  arrivee ;  et  quoique  les  sections  soient 
independantes  les  unes  des  autres  dans  1'ordre  de  leurs 
travaux,  il  doit  y  avoir  neanmoins  uniformite  a  cet 
egard;  autrement  il  serait  vrai  de  dire  que  chaque  sec- 
tion serait  gouvernee  par  un  reglement  particulier ,  ce 


222  CINQUIEME  SECTION. 

qui  serait  contraire  au  but  meme  de  ['institution  du 
Congres. 

M.  le  president  ayant  consulte  1'assemblee  sur  la  pro- 
position de  M.  de  la  Saussaye,  la  majorite  decide  qtie 
deux  membres  seront  nommes  comme  vice-presidents. 

Le  resultat  du  scrutin  ayant  donne  20  voix  a  M.  de 
la  Porte  ( de  Vendome  ) ,  et  22  a  M.  Chatelain  (de  Paris), 
M.  le  president  d'age  proclame  MM.  Chatelain  et  de  la 
Porte  vice-presidents  de  la  cinquieme  section.  M.  Cha- 
telain declare  ne  pas  accepter  la  nomination  qui  le  con- 
cerne  comme  etant,  selon.  lui,  contraire  au  re'glement, 
et  se  reserve  d'en  deduire  les  motifs  a  I'assemblee  gene- 
rale  du  Congres. 

o 

M.  le  president  consulte  Tassemblee  sur  le  maintien 
du  secretaire  provisoire ,  qui  est  confirme  dans  ses  fonc- 
tions.  M.  Doublet  de  Boisthibault  (de  Chartres)  est 
nomme  en  la  meme  qualite  par  la  section. 

M.  Spencer  Smith  exprime  ses  remerciments  dans 
une  courte  allocution,  qui  est  vivement  applaudie  par 
I'assemblee. 

M.  le  president  donne  lecture  a  la  section  de  la  pre- 
miere question  posee  par  le  programme.  M.  Gaillard  lit 
un  mernoire  sur  cette  question.  Ce  discours  devant  etre 
reproduit,  1'analyse  en  sera  donnee  dans  le  prochain 
proces-verbal. 

M.  le  president  consulte  la  section  sur  le  point  de 
savoir  si  elle  s'en  remettra  au  bureau  pour  fixer  chaque 
jour  Tordre  des  questions  qui  seront  debattues.  La  sec- 


CINQUIEME  SECTION.  223 

tion  declare  sen  remettre ,  a  cet  egard ,  aux  soins  des 
mernbres  du  bureau.  M.  Gaillard  rappelle  que  plusieurs 
questions  n'ont  pas  ete  resolues  par  le  Congres  de  Douai , 
et  ont  ete  renvoyees  au  Congres  actuel,  qui  aura  a  s'en 
occuper. 


Seance  du  marcli  13  septembre  1836. 
Presidence   de   M.    SPENCER  SMITH. 

M.  Doublet  de  Boisthibault,  1'un  des  secretaires, 
donne  lecture  du  proces-verbal  de  la  seance  de  la  veille. 
Le  proces-yerbal  est  adopte. 

M.  Chatelain  demande  la  parole.  II  expose  que  les 
motifs  qui  1'avaient  porte  a  refuser  la  vice-presidence 
n' existent  plus  au  moyen  de  ce  que  Fassemblee  generale 
du  Congres  a  modifie  son  reglement,  ou  1'a  explique 
dans  un  sens  qui  confirme  les  operations  de  la  cinquieme 
section  relativement  a  la  formation  de  son  bureau ;  il 
declare  que  si  la  section  veut  bien  lui  confirmer  la  vice- 
presidence,  il  I'acceptera  avec  reconnaissance.  La  section 
confirme  par  acclamation  la  nomination  de  M.  Chatelain, 
qui  prend  place  au  bureau. 

M.  Merson,  capitaine,  commandant  le  depot  de  re- 
crutement  a  Blois,  depose  sur  le  bureau  une  demande 
tendant  a  etre  autorise  a  lire,  en  seance  generale,  un 
mernoire  portant  pour  titre  :  Du  caractere  mercantile  el 


224  CINQUIEME  SECTION. 

•venal  de  la  prcsse  litteraire  et  de  I  influence  de  ce  vice 
social  sur  les  travaux  des  gens  delettres. 

La  discussion  s'engage  sur  la  demande  faite  par  M.  le 
capitaine  Merson  de  lire  a  la  seance  generale  le  memoire 
dont  le  litre  est  indique  plus  haut.  A  ce  sujet,  M.  Cha- 
telain  obtient  la  parole ,  et  fait  observer  que  la  redaction 
de  la  demande  de  M.  Merson  est  inusitee  et  contraire  a 
1'usage  etabli  par  les  precedents  Congres ;  usage  qui  veut 
qu'un  memoire  soit  prealablement  lu  dans  la  section  a 
laquelle  il  appartient  par  la  nature  de  son  sujet.  La 
section  decide  qu'il  y  a  lieu  de  suivre  ce  precedent ,  et  que 
la  lecture  du  memoire  de  M.  Merson  sera  entendue  le 
lendemain  dans  la  seance  ordinaire  de  la  section  de 
philologie. 

La  section  passe  a  1'ordre  du  jour  qui  appelle  la  lec- 
ture d'un  memoire  de  M.  Joseph  Bard  sur  la  3.e  ques- 
tion du  programme,  a  laquelle  il  a  donne  la  forme  sui- 
vante : 

«  Quel  est  des  types  artiels  du  xv.c  siecle  ou  de  la  renaissance ,  celui 
»  qui  doit  prevaloir  aujourd'hui  dans  1'ornementation  des  maisons  parti- 
»  culieres?  » 

M.  de  Re'cy  donne  lecture  du  memoire  dont  la  section 
vote  1'impression  au  proces-verbal. 

TOVT  x  FOR  x  DIEV 
ET  x  LAMOVR  -  TOIOVRS 


On  a  long- temps  appele  barbare,  messieurs ,  tout  ce  qui  s'eloignait  de 
la  beautc  convenue  ,  et  toute  climaterique  de  I'architecture  helleno-ro- 


CINQUIEME  SECTION.  225 

romaine.  Les  academies  se  sont  figure  qu'une  colonne  devait  necessaire- 
ment  etre  vetue  de  feuilles  d'acanthe  a  sa  tele,  pour  offrir  Pelegance  du 
galbe  unie  au  grandiose  architectoral ;  et,  exclusives  dans  leurs  admira- 
tions classiques,  elles  ont  laisse  tomber  leurs  dedains  sur  Tart  sublime 
que  nos  percs  iirent  pour  leurs  moeurs ,  leurs  besoins ,  leur  religion ,  leur 
ciel,  leurs  habitudes  publiques  et  privees.  Si  le  sobriquet  de  gothique, 
adopte,  dans  les  beaux  jours  de  la  renaissance,  par  opposition  avec  les 
lignes  nouvelles  qui  surgissaient  impatientes  et  fieres ,  si  ce  mot-non-sens 
ne  datait  pas  du  xvi."  siecle,  les  academiciens  1'eussent  certainement  in- 
vente ,  et  1'auraien-t  transmis  a  leurs  obeissants  successeurs  avec  tant  d'au- 
tres  traditions,  mortelles  pour  Pemulation,  mortelles  pour  le  progres. 
Hcureusement  la  litterature  nationale  a  parle  plus  haut  que  Pacademie , 
ce  senat  muet  ou  le  sacerdoce  artiste  compte  a  peine  quelques  pretres ;  et 
nous  commencons  a  comprendre  combien  digne  de  notre  etude ,  de  nos 
sympathies,  de  notre  palriotisme,  est  1'architectonique  du  moyen-age, 
cette  ecole  vraiment  francaise  qui,  dans  les  premiers  ans  du  xm.e  siecle, 
a  la  voix  de  Philippe-Auguste ,  se  formula  dans  les  mains  d'un  ROBERT 
DE  LYZARCHES  * ,  d'un  ROBERT  DE  COVCY  ** ,  d'un  EVDES 
DE  MONTREVIL  ***.  Nous  savons  apprecier  tous  les  episodes,  tous  les 
chants  de  cette  grande  epopee  de  pierres ,  renfermee  dans  les  trois  siecles 
virils  du  moyen  age ,  de  M  CC  XX  a  M  D  XX ,  qui  debute  avec  la  cathe- 
drale  d' Amiens  et  fmit  avec  Pcglise  de  Brou;  poeme  incroyable  dont  la 
langue  est  austere  au  xni.e  siecle  ,  ornee  dans  le  xiv.e ,  riche  dans  la  pre- 
miere moitie  du  xv.e,  opulente  jusqu'a  la  confusion  et  a  la  prodigalite  dans 
la  seconde  portion  de  ce  meme  siecle,  et  enfin  mourante  au  xvr.e;  poeme 
populaire  et  universel  qui  eut  des  significations  pour  tous,  des  sens  ac- 
cessibles  pour  tous;  qui  dans  un  temps  ou  les  enseignements  ecrits,  les 
Hvres  etaient  rares,  resuma  pour  tous,  en  d'eloquents  commentaires ,  1'his- 
toire  sainte  et  1'histoire  des  rois ,  la  philosophic  de  Pepoque ,  1'astronomie 
de  1'epoque ,  les  martyrologes ,  la  critique ,  tous  les  arts  fils  du  dessin  ,  la 
poesie,  qui  devina  jusqu'a  la  caricature,  et  fit  pour  le  peuple  ces  musees 
permanents  ou  le  peuple  pouvait  voir  les  traits  de  tous  ses  bienfaiteurs. 
De  MCC  XX  a  M  D  XX,  messieurs,  1'architecture  ajoue  le  role  social  que 
Pimprimerie  remplit  aujourd'hui.  Depuis  quelques  annees,  on  a  cru  re- 
marquer  un  systeme  complet  dans  cette  apparente  absence  de  toute  me- 


Notre-Dame  il'Amieus. 
'  Notre-Dame  de  H.heims. 
"*  Sainte-Chapelle  de  Paris. 

17 


22G  CINQU1EME  SECTION. 

thode ;  on  a  appris  avec  quelque  plaisir  que  cette  ecole  prctendue  gothi- 
qne  n'etait  autre  chose  que  le  troisieme  type  conuu  d'architecture ;  peut- 
etre  on  a  entendu ,  avec  orgueil ,  proclamer,  sur  le  sol  francais,  cette 
verite  incontestee  aujourd'hui  :  que  la  France  est  le  berceau  de  ce  type , 
parce  qne  settle,  en  Europe,  elle  possede  ces  monuments  de  transition  de 
MCLX,  qui  mcnent  du  germe  a  la  maturite,  verite  que  je  m'estime 
heureux  d'avoir  pu  faire  retentir  un  des  premiers  ;  et  la  mode  qui ,  en  ce 
pays ,  s'empare  de  tout ,  s'est  empressee  de  remettre  en  faveur  les  lignes 
Teputees  barbares  du  moyen  age.  —  Mais ,  si  1'on  a  compris  le  symbo- 
"lisme  de  1'architecture  nationale ,  si  Ton  s'est  bien  rendu  compte  de  ce 
sentiment  profond  de  traduction  sociale  qui  la  caractcrise  et  lui  faisait 
toujours  ecrire  au  front  d'un  edifice  la  destination  dn  monument;  il  ne 
parait  pas ,  toutefois ,  que  les  architecles  soient  entres  bieri  avant  dans  son 
^esprit,  qu'ils  se  soient  approprie  ses  secrets.  On  a  fait  de  I' art  moyen- 
,dge,  rococo,  de  Fart  rachitique,  tuberculeux ,  estropie,  rabougri,  appli- 
que machinalement  a  des  cbaires  de  carton,  a  des  estamiuets,  a  des  bou- 
tiques ,  a  des  couvertures  de  livres ,  a  des  papiers  peints.  Mieux  vaudrait 
imiter  completement  le  type  helleuo-romain  que  de  contrefaire  1'art  na- 
tional. Et  puis ,  aujourd'hui ,  a  1'heure  meme  ou  j'ecrrs  ces  lignes ,  cette 
.mode  dont  1' empire  est  si  capricieux  et  si  mobile,  a  tourne  son  sceptre 
vers  1'ornementation  du  style  anterieur  au  type  francais ,  vers  ces  profits 
•christo-romans  qui  tantot ,  tradition  affaiblie  du  type  grec  du  Bas  Empire, 
sous  le  nom  de  systeme  byzantin ,  tantot  tradition  corrompue  du  systeme 
romain,  sous  le  nom  de  style  roman,  ont  regne  dans  les  Gaules  depuis 
U-s  premiers  siecles  de  1'eglise  jusqu'au  xn.e 

IL 

Si  tant  est  que  les  architectes  francais  se  reveillent ,  ils  ont  une  double 
mission  a  remplir.  D'abord ,  ils  dcvront  restaurer  nos  eglises  avec  1'or- 
tbographe  du  temps  qui  les  erigca ,  puis  faire  servir  aux  jouissances  des 
princes  et  aux  demeurcs  des  particuliers ,  cet  art  francais  qui ,  parfaitement 
en  harmonic  avec  notre  climat,  n'a  pas  cesse  de  snffire  a  nos  besoins. 
Qu'y  avait-il ,  je  le  demande  meme  a  tons  les  hommes  aveuglement  epris 
d'un  culte  fanatiquc  pour  la  monotonie  des  constructions  modernes ,  toutes 
stcreotypees,  toutes  frappees  du  meme  sceau  ,  toutes  vides  de  significa- 
tions ,  d'histoire ,  de  symboles;  qu'y  avait-il  de  plus  pittorcsque  que  la  cite 

du  moyen-age? - —  Nos  architectes  n'auront  plus  de  forlcresses  a  batir, 

car  la  feodalite  militaire  est  tombce :  la  inaison-de-ville,  avec  son  role  d'op- 
position  et  d'iudopendancc  du  xv.e  siecle,  a  du  perdre  ses  personnifica- 


CINQUIEME  SECTION.  227 

tions,  son  individualite  arohitectonique ;  ils  n'auront  plus  a  clever  des 
maisons-de-ville ,  jeunes  rivales  de  la  basilique ,  tabernacles  des  franchises 
communales  abrites  sous  1'aile  puissante  du  catholicisme ,  avec  leur  sym- 
bolismc  moitie  civil  et  moitie  religieux.  Mais  la  meme  religion  qui  bcnis- 
sait  nos  peres  nous  reste ,  les  memes  saints  que  fetaient  nos  aieux ,  vers 
le  foyer  domestique  que  le  Christ  a  sanctific ,  dans  les  joies  touchantes  dw 
banquet  de  famille ,  les  memes  saints  sont  encore  nos  patrons ;  mais  le  ciel 
indecis ,  melancolique  que  voyaient  les  Francais  de  M  CCCC ,  nous  le 
voyons  encore ;  mais  la  cathedrale  n'a  pas  cesse  d'etre  pour  nous  ce  lieu 
infini,  cette  ineffable  realisation  materielle  du  plus  auguste  des  mysteres, 
ou  1'homme  s'agcnouille ,  prie  et  espere.  Ainsi  done  les  plus  grands  be- 
soins  de  I'humanite,  1'eglise  et  la  maison  ne  repoussent  point  1'architecture 
du  moyen  age.  Notre  patriotisme  present  la  reclame ;  il  s'ecrie  aux  archi- 
tectes  :  «  Adoptezle  style  helleno-romaln  pour  les  bourses,  les  theatres , 
les  lavoirs ,  etc.,  rien  de  mieux ;  mais  refaites  du  moyen  age  dans  nos 
basiliques  et  nos  demeures.  »  Nous  sommes  force  de  restreindre  ces  appli- 
cations aux  royales  residences  et  aux  habitations  des  riches  citoyens ,  car 
il  faut  que  1'art  soil  largement  retribue ,  et  ne  1'encourage  pas  qui  veut. 

Les  lignes  du  xin.e  siecle  sont  trop  severes  pour  nos  mceurs  effeminees , 
elles  exigent  des  monuments  concus  sur  line  vaste  echelle  en  hauteur,  en 
longueur  et  en  largeur.  Celles  du  xiv.e  siecle,  qui  sont  la  transition  abso- 
lue  entre  la  severite  et  la  richesse ,  ne  leur  conviennent  pas  mieux.  L'art 
du  xv. c  siecle  est  trop  exuberant  de  details,  trop  charge  de  parties  acces- 
soires ,  trop  pauvre  en  portions  lisses ,  trcp  chamarre  de  profils  ouvrages , 
evides,  fouilles,  brodes,  perces  en  dentelles,  osuvres  desesperantes  de  pa- 
tience ,  de  resignation ,  de  devouement  a  la  gloire.  —  J'admets  qu'il  se 
trouve,  en  France,  quelques  escarcelles  assez  opulentes  pour  faire  vivre 
un  pareil  art ,  ou  trouver ,  grand  Dieu !  les  tailleurs  d'ymaiges ,  les  cise- 
leurs  de  chataigner,  les  decoupeurs  de  rosaces  et  de  pinacles,  de  frises, 
de  chapiteaux ,  de  gargouilles ,  de  modillons  et  de  rinceaux ;  qui  oserait  se 
risquer  a  de  telles  epreuves  ? 

II  y  a ,  dans  les  premiers  ans  du  xvi.*  siecle ,  un  systeme  d'ornementa- 
tion  vigoureusement  accentue ,  mordant ,  plein  de  verve  et  d'imagination , 
qui  est  encore  une  transition  entre  Fart  national  corrompu  et  la  renais- 
sance crue ,  ce  systeme  qui  tend  la  main  droite  a  ROBERT  DE  LVZAR- 
CHES,  et  la  main  gauche  a  MICHEL  ANGE,comme  je  1'aideja  ditailleurs, 
offrant  unis  sur  la  meme  tige  les  germes  de  la  renaissance  et  les  dernieres 
fleurs  de  1'architecture  fraricaise ;  ce  systeme  ne  peut  pas  encore  devenir 
usuel  et  populaire  a  V'epoque  ou  nous  vivons.  Toutes  les  idees  architecto- 


228  CINQUIEME  SECTION. 

rales  du  x\.e  siecle  dcmandent  des  voutes  en  ogives,  des  routes  arbores- 
centes,  panachecs,  pleines  de  nervures ,  d'ecussons  poses  cntre  deux  an- 
ges  a  gcnoiix,  a  longues  ailes  :  elles  exigent  de  hautes  et  compliquees 
iViK-lrcs  a  cintre  elliptique ,  a  meneaux  entortilles ,  a  decoration  flamboyautc. 
Rien  de  tout  cela  ne  pent  raisonnablement  s'adapter  au  plan  generalement 
mesquin  de  nos  maisons  particulieres. 

Au  reste,  messieurs,  une  question  d'argent,  nous  ne  saurions  nous  le 
dissimuler,  domine  toute  celte  discussion.  L'art  riche  du  xv.e  siecle,  1'art 
tel  qu'il  fut  dans  ,la  premiere  periode  de  ce  siecle ,  avant  que  les  folies  et 
les  caprices  des  maitres  de  I'ceuvre  ne  1'aient  pousse  aux  dernieres  limites 
de  la  degradation ,  cet  art  aurait  toutes  mes  sympathies ;  je  le  reclamerais, 
a  grands  cris,  pour  la  decoration  de  nos  maisons,  s'il  etait  possible  avec 
notre  societe,  s'il  etait  compatible  avec  nos  lesineries,  nos  ressources  pe- 
cuniaires  etroitcs  ,  le  prix  enorme  de  la  main-d'oeuTre ,  nos  idees  tournees 
\ers  le  positif  et  la  prose. 

HI. 

La  renaissance  pure ,  au  contraire  ,  celle  d'Henry  II ,  se  marie  parfaite- 
mcnt  bien  a  nos  plafonds  planes ,  aux  proportions  exigues  de  nos  apparte- 
ments  et  de  nos  dcmeures ,  a  la  methode  de  constructions  que  nous  avons 
du  forcement  subir  dans  un  siecle  pareil  au  notre.  La  docte  assembled , 
messieurs,  n'a  pas  demande  quel  etait,  du  style  de  la  renaissance  ou  de 
celui  du  xv.e  siecle,  celui  qui  meritait  le  plus  d'estime;  elle  a  demande 
quel  etait  le  plus  applicable  a  notre  societe  prcsente.  Aussi  bornes  que 
nous  le  sommes  dans  nos  moyens  de  payer  1'art,  aussi  borne  qu'est  1'art 
clans  ses  moyens  d'execution ,  nous  ne  pouvons  demeurer  indecis  entre  le 
xv.e  siecle  et  le  xvr.e  Rappelons  done ,  nous  tons ,  modestcs  citoyens, 
qui  vivons  heureux  et  obscurs  a  1'ombre  d'uri  patrimoiue  suffisant  pour 
notre  position  sociale,  rappelons,  pour  nos  usages,  1'art  de  la  renaissance. 
Laissons  1'architecture  francaise  aux  basiliques ,  aux  palais ;  invitons  les 
grands  seigneurs  a  se  batir  des  demeures  dans  le  gout  de  la  maison-de-ville 
de  Louvain  (  xv.e  siecle ) ;  mais  no'js ,  masse  et  majorite ,  contentons-nous 
de  la  renaissance.  Que  les  niches,  les  pied-droits,  les  pilastres  histories, 
les  figures  capuchonnees ,  les  mascarons,  les  arcatures,  les  dais,  les  con- 
soles, les  culs-de-larnpe  de  ce  temps  reparaissent  dans  nos  salons  avec  les 
frontons  brises  ,  les  torsadcs  et  les  ornemcnts  vermicules.  Que  chaque 
meuble,  depuis  le  tabouret  aux  pieds  contournes,  vetu  de  drap  rouge 
frange ,  depuis  la  glace  emprisonnee  dans  un  cadre  noir  dentele ,  jusqu'aux 


CINQUIEME  SECTION.  229 

coffres,  aux  babuls,  aux  tables  admirables  de  1'epoque ,  forment  1'ameu- 
blement.  J'opte  done  pour  le  style  de  la  renaissance  approprie  a  nos  be- 
soins  actuels  par  la  raison  financiere  que  j'ai  precisee  plus  haul ,  ensuite 
parce  que  nos  architectes  comprennent  gencralement  bien  mieux  le  xvi.e 
siecle  que  le  xv.e  —  Le  xv.e  siecle,  voyez-vous,  c'est  la  pente  glissante  de 
1'art  :  la  transition  de  la  richesse  a  la  confusion ,  dans  cette  periode ,  est 
presque  insensible,  et  nos  artistes  ne  semblent  pas  habitues  a  distinguer 
le  type  encore  correct  dans  son  opulence,  du  type  decidement  abatardi. 
En  cette  matiere,  messieurs,  les  arcbitectes  sont  moins  avances  que  les 
poetes ,  telle  est  mon  opinion.  Faisons  done  de  la  renaissance  a  1'exterieur 
et  a  I'interieur  de  nos  maisons ;  mais  de  la  renaissance  unitaire ,  homogcne , 
identique ,  sentie ,  sans  barbarismes ,  sans  anachronismes ,  sans  fautes  d'or- 
thograpbes ,  sans  reminiscences  etrangeres. 

L'ogive  * ,  messieurs ,  ne  constilue  pas  d'avantage  1'architecture  nalio- 
nale  que  le  plein-cintre  ne  constitue  la  renaissance :  il  y  a  un  genie  propre 
a  chaque  style,  il  est  comme  le  genie  des  langues,  comme  la  vie,  on  les 
comprend  encore  mieux  qu'on  ne  les  traduit.  J'ose  assez  compter  sur  vo- 
tre  indulgence  pour  croire  que  ces  quelques  lignes  rapidement  pensees  et 
plus  rapidement  ecrites ,  seront  entendues  par  vous  avec  quelque  interet. 
—  C'est  par  des  motifs  tout  positifs ,  tout  locaux  ,  tout  relatifs  ,  que  je  me 
suis  prononce  pour  la  renaissance,  qu'on  ne  pent  raisonnablement  m'ac- 
cuser  de  preferer  au  type  francais  dont  je  suis  1'apotre  et  dont  je  serais 
presque  le  martyr.  Je  regrette  vivement  de  n'avoir  pu ,  dans  un  discours 
lu  au  milieu  des  questions  soulevees  par  la  discussion ,  donner  a  ce  frag- 
ment tout  le  developpement  que  comportait  le  sujet.  Si  pourtant  vous  ne 
le  croyez  pas  indigne  de  figurer  dans  le  compte-rendu  de  votre  session,  je 
me  feliciterai  de  cette  distinction  comme  d'un  eclatant  suffrage. 

M.  Emm.  Gaillard  (de Rouen),  qui  n'etait  point  pre- 
sent a  la  lecture  du  memoire  de  M.  Joseph  Bard ,  deve- 
loppe  des  moyens  analogues  a  ceux  exprimes  dans  le  tra- 
vail qui  precede ;  il  arrive ,  par  une  suite  de  raisonnements 
pareils,  a  la  meme  conclusion  ,  et  il  ajoute  que  le  style 


*  L'ogive  pst  sans  tloute  im  des  principaux  caract^res  dii  type  national,  mais  elle 
n'en  est  point  du  tout  le  principe  generatuiir  j  on  a  fait  du  systdme  francais  avec  le 
pleiu-cintre,  et  on  a  trouve  des  ogives  mcme  dans  des  edifices  du  xi  e  siecle  . 


230  CINQU1EME  SECTION. 

grec  lui  semble  toujours  en  opposition  avec  notre 
climat  et  nos  mceurs.  II  fait  remarquer  qu'une  partie  de 
1'effet  de  ce  style  provenait,  surtout,  de  la  maniere  dont 
les  anciens  placaient  leurs  monuments,  sur  des  points 
toujours  culminants  et  dans  leurs  villes  souvent  cons- 
truites  en  amphytheatres  ,  tandis  que  chez  nous  le  cli- 
mat brumeux  ne  permet  pas  qu'ils  soient  places  sur  des 
points  eleves  ou  1'action  d'un  air  humide  serait  furieste 
a  leur  conservation;  il  termine  done  en  emettant  le  voeu 
que  le  gouvernement  renonce  a  Farchitecture  grecque 
pour  les  monuments  publics,  et  qu'il  applique  ses  res- 
sources  a  la  resurrection  de  Fart  national  de  1440,  en 
diminuant  le  nombre  de  ses  constructions  pour  pouvoir 
en  elever  de  plus  veritablement  dignes  de  la  nation  et 
plus  en  rapport  avec  ses  souvenirs. 

M.  de  Gaumont  (de  Caen)  declare  qu'il  prefere  le  style 
ogival  de  1440  aux  autres  styles  d'architecture  qui  font 
Fobjet  de  la  discussion. 

Apres  quelques  observations  de  M.  de  la  Fontenelle 
(  de  Poitiers  ) ,  de  M.  de  la  Porte  ,  de  M.  de  Re'cy  et  de 
M.  Chatelain,  la  question  ne  parait  pas  a  Fassemblee 
assez  approfondie  pour  etre  decidee ,  et  la  section  de'clare 
qu'elle  sera  reproduite  apres  les  autres  questions  qui  res- 
tent  a  discuter. 

M.  Fabbe  Latouche  (  de  Paris  )  est  entendu  sur  le  sys- 
teme  qui  fait  Fobjet  des  ouvrages  de  linguistique  qu'il  a 
offerts  a  la  cinquieme  section :  il  developpe  sa  methode , 
et  fait  connaitre  qu'il  a  place  tous  les  mots  qui  compo- 


CINQUIEME  SECTION.  231 

sent  les  langues ,  clans  un  ordre  rationnel  qui  facilite 
singulierement  leur  etude  et  leur  connaissance.  Par  sa 
methode,  en  uiie  heure  il  apprend  a  lire  Fhebreu  ;  dans 
line  seconde  heure ,  il  dorine  a  ses  eleves  des  notions  suf~ 
fisantes  de  la  grammaire  hebraique;  au  bout  d'une  troi- 
sieme  heure  d'etude,  ses  eleves  peuvent  traduire  les  pre- 
miers versets  de  la  Bible.  II  ajoute  que  la  connaissance 
de  1'hebreu  menant  rapidement  a  celle  de  toutes  les 
autres  langues ,  sa  methode  a  pour  effet  d'arriver  avec 
une  promptitude  extraordinaire  ace  resultat. 

La  section  entend  avec  beaucoup  d'interet  les  deve- 
loppements  donnes  par  M.  1'abbe  Latouche;  elle  le  re- 
mercie  par  1'organe  de  son  president  de  I'hommage  qu'il 
lui  a  fait  de  ses  differents  ouvrages. 

M.  le  president  propose  de  nommer  une  commission 
pour  entendre  M.  Latouche  dans  le  developpement  de 
1' application  de  sa  methode  ,  examiner  ses  ouvrages  et 
conferer  avec  lui. 

Apres  quelques  observations  de  MM.  Doublet  de  Bois- 
thibault,  Gaillard,  de  Recy,  de  M.  Latouche  lui-meme , 
qui  prie  la  section  d'aviser  aux  moyens  de  faire  coHnaitre 
le  plus  tot  possible  au  Congres,  en  asseniJblee  generate, 
son  opinion  sur  sa  methode  et  sur  le  resultat  de  ses 
travaux  ,  le  bureau  nomme,  dans  le  but  qui  vient  d'etre 
indique ,  une  commission  composee  de  MM.  de  Month- 
vault  (de  Tours),  etsons  sa  presidence,  de  M.  le  docteur 
Roberton  (  d'Edimbourg)  et  de  M.  Gaudeau  (deBlois). 

M.  Andre  (  de  Bressuire  )  fait  observer  qu'il  serait  a 

«  '  • 


232  CINQUIEME  SECTION. 

desirer  qu'une  salle  fut  indiquee  dans  le  lieu  des  seances 
du  Congres,  pour  y  deposer  tons  les  ouvrages  offerts 
aux  differentes  sections ,  et  ou  chaque  membre  pourrait 
aller  les  consulter. 

M.  Chatelain  propose  d'effectuer  ee  depot  a  la  biblio- 
theque  de  la  ville  de  Blois,  qui  doit  rester  depositaire 
des  ouvrages  offerts  au  Congres,  et  trouver  dans  cette 
circonstance  une  nouvelle  occasion  de  se  reporter  aux 
souvenirs  que  le  passage  du  Congres  scientifique  de 
France  aura  laisses  dans  son  sein. 

M.  de  la  Place  (  d'Orleans  )  fait  observer  que  la  bi- 
bliotheque  est  ouverte  aux  heures  des  travaux  du  Con- 
gres; il  pense  qu'il  serait  plus  facile  aux  membres  de 
1'assemblee  de  prendre  communication  des  ouvrages 
dont  on  lui  a  fait  hommage ,  dans  une  salle  du  palais  de 
justice  ou  elle  tient  ses  seances;  il  ajoute  qu'il  serait  a 
desirer  qu'une  personne  fut  commise  a  la  garde  de  ces 
livres. 

M.  de  Saint- Vincent  (  de  Blois)  pense  que  la  salle  du 
conseil  conviendrait  parfaitement  a  cet  objet. 

M.  le  president  consulte  la  section  qui  demande  que 
cette  mesure  soil  transmise  par  le  proces-  verbal  de  la 
seance  a  1'assemblee  generale  du  Congres. 


Seance  du  mercredi   14  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  DE  LA  PORTE,  vice-president. 

M.  le  president  annonce  a  la  section  queM.  Victor  Pavie 
(d' Angers)  a  fait  remettre  un  memoire  sur  cette  question : 


CINQUIEME  SECTION.  233 

«  En  architecture,  lequel  du  style  ogival,  dit  gothique-fleuri  (1440 
»  a  1477)  ou  du  style  de  la  renaissance  (de  Louis  XII  a  Francois  II) 
»  parait  le  plus  propre  a  orner  nos  demeures,  soit  urbaines ,  soil  rurales.  » 
(  La  2.e  du  programme. ) 

M.  le  president  rappelle  que  cette  question  ayant  ete 
mise  en  discussion  dans  une  precedente  seance,  la  sec- 
tion en  a  renvoye  I'examen  apres  les  autres  questions. 
Sur  cette  observation ,  la  lecture  du  memoire  de  M.  Pavie 
est  ajourn^e  a  1'epoque  ou  la  discussion  sera  ouverte 
de  nouveau. 

L'ordre  du  jour  indique  la  lecture  du  memoire  de 
M.  Merson. 

M.  Houze  (de  Blois)  exprime  a  la  section  la  crainte  que 
le  sujet  traite  parM.  Merson  n'amene  des  discussions  irri- 
tantes.  Selon  lui ,  ce  memoire  devrait  etre  communique 
a  la  commission  permanente,  chargee  par  1'article  2 
<.?u  reglement  d' examiner  les  questions  en  dehors  de 
celles  posees  par  le  programme.  La  section  decide  que 
la  lecture  aura  lieu.  M.  Merson  lit  son  memoire,  et  de- 
rnande  a  la  section  d'etre  autorise  a  en  donner-  une  se- 
conde  lecture  en  assemblee  generale.  M.  Dain  ( de  Paris  ) 
pense  que  sans  s'arreter  aux  opinions  individuelles  qu'a 
pu  emettre  M.  Merson  pour  justifier  son  opinion  gene- 
rale,  c'est  uniquement  cette  derniere  que  la  section  doit 
examiner  et  apprecier.  M.  Merson,  en  effet,  signale  et 
public  un  vice  frappant,  qui  ne  tend  a  rien  moins  qu'a 
la  degeneration  de  1'art  et  a  la  corruption  sociale.  L'in- 
telligence  humaine  a  deux  laches  a  remplir :  elle  doit 


234  CINQU1EME  SECTION. 

critiquer  et  organiser.  Pas  tine  bonne  organisation  qui 
n'ait  etc  precedee  d'une  bonne  critique,  et  pour  le  cas 
special,  pas  de  moyen  de  rendre  a  Tart,  avec  I'honneur 
qui  lui  est  du ,  la  haute  influence  morale  etreligieuse  qu'il 
doit  exercer,  si  Ton  ne  fletrit  les  abus  condamnables  et 
les  speculations  honteuses  qui ,  1'ayant  envalii,  menacent 
de  le  detruire.  Une  discussion  tres  vive  s'ensraofe  ensuite. 

O     D 

MM.  Gaillard,  Chatelain  et  Doublet  de  Boisthibault 
s'opposent  a  la  demande  de  M.  Merson.  MM.  Maigreau 
(de  Blois)  et  M.  de  Gourteilles  ( de  Tours)  appuient,  au 
contraire,  la  proposition  de  M.  Merson,  quant  a  la  lec- 
ture en  assemblee  generale. 

M.  le  president  ayant  consulte  la  section,  elle  decide 
que  la  lecture  du  memoire  aura  lieu  en  assemblee  ge- 
nerale. 


Seance  du  jeudi  1 5  septembre  1 836. 
Presidence  de   M.  SPENCER  SMITH. 

M.  de  Boisthibault  depose  sur  le  bureau  une  proposi- 
tion, par  laquelle  il  demande  a  etre  autorise  a  lire  a  la 
section,  dans  la  seance  du  samedi  17  septembre,  un  me- 
moire ayant  pour  litre  :  De  Vetat  actuel  de  lapresse  en 
France. 

La  section  consultee  decide  que  la  lecture  aura  lieu. 

M.  Chatelain  communique  a  la  section  une  lettre  de 
M.  Daly  (de  Paris)  qui  le  prie  de  faire  connaitre  au 
Congres,  qu'il  a  entrepris  1'architectonographie  de  la 


CINQUIEME  SECTION.  235 

cathedrale  de  Chartres;  que  cette  entreprise  n'a  pour 
but  que  1'interet  de  1'art,  et  ne  se  rapporte  a  aucune  es- 
pece  de  speculation.  II  cherchera  surtout  a  reproduire 
par  ses  dessins  ce  qui  interesse  1'histoire  des  progres  de 
1'art  gothique,  histoire  qui  se  trouve  tout  entiere  dans 
la  cathedrale  de  Chartres.  Son  travail  aura  un  double 
but  d'utilite;  il  servira  aux  archeologues ,  en  ce  que 
cliaque  siecle  sera  traite  d'tme  maniere  tres  complete. 

En  consequence,  M.  Chatelain  depose  sur  le  bureau 
une  proposition  concue  dans  les  termes  suivants  : 

«  Le  Congres ,  apres  1'examen  fait  par  chacun  de  ses  membres  d'un 
»  premier  dessin  representant  le  choeur  de  la  cathedrale  de  Chartres,  du 
»  au  crayon  de  M.  Daly ,  donne  son  suffrage  a  1'oeuvre  de  ce  jeune  artiste. 
»  En  consequence,  le  Congres  emet  le  voeu  que  le  gouvernement  enoou- 
»  rage  la  publication  tout  artistique  de  M.  Daly ,  et  il  la  recommande  a 
»  tous  les  amis  des  arts.  » 

Gette  proposition  est  adoptee. 

M.  de  Recy^demande  que  la  lettre  de  M.  Daly  soil  lue 
dans  1'assemblee  generale  du  Congres.  La  section  auto- 
rise  cette  lecture. 

M.  Gaillard  a  la  parole  sur  la  l.re  question  du  pro- 
gramme. 

Le  genie,  dit-il,  invente,  et  il  est  fort  rare.  C'est  a  lui  qu'on  doit  les 
modeles;  1'art  perfectionne,  soit  par  1'imitation  des  modeles,  soit  par  le 
melange  des  types.  Quand  1'art  est  purement  imitate.ur,  il  porte  dans  les 
details  un  fini  qui  manquait  aux  modeles  restes ,  lors  de  leur  apparition , 
presque  toujours  inutiles. 

Il  y  a  des  circonstances  qui  etouffent  le  genie;  c'est  la  premiere  cause 
dc  la  difference  qui  existe  entre  chaque  siecle.  Un  grand  siecle  est  celui 


236  CINQUIEME  SECTION. 

oil  le  genie  est  excite  a  se  produire,  et  aiusi  se  torment  les  types  destines 
a  servir  de  modeles. 

Au  contraire,  un  siecle  est  sterile  quand  le  genie  n'a  aucun  interet  a 
rechercher  les  types ;  c'est  le  sort  frequent  des  derniers  siecles. 

II  en  est  de  1'art  comme  du  genie  :  les  circonstances  1'encouragent  ou 
le  decouragent;  mais  ces  circonstances  sont  particulieres  a  1'art,  et  tres 
differentes  de  celles  propres  au  genie. 

Limitation  qui  appartient  a  1'art  n'est  ni  une  copie ,  ni  une  traduction  : 
c'est  une  vue  dirigeante ,  un  principe  d'inspirations ;  le  sujct  differe ,  et  la 
forme  est  variee.  Milton  n'est  ni  Homere ,  ni  Virgile ;  il  est  du  siecle  des 
trembleurs  et  des  independants. 

Pour  les  choses  de  1'esprit ,  Petat  de  Pidiome  est  done  une  chose  capi- 
tale ,  relativement  au  developpement  de  Part  et  a  ses  progres. 

Il  sera  naissant,  si  1'idiome  s'est  assoupli  dans  ses  tours  et  enriehi  dans 
son  vocabulaire ;  florissant ,  a  Pepoque  ou  la  laugue  sera  noble  et  ricbe , 
et  toujours  il  tombera  dans  la  decadence ,  lorsque  les  sujets  deviendront 
vulgaires  et  rebattus ;  c'est  alors  qu'on  n'a  plus  de  ressources  que  dans 
des  genies  nouveaux,  createurs  de  nouyeaux  types. 

Mais  le  melange  des  types  peut  donner  lieu  a  beaucoup  d'abus;  avec 
la  comedie  et  la  tragedie  on  peut  faire  le  drame,  et  alors  s'annonce  la 
decadence  de  Part  theatral.  Si  on  pretend ,  d'un  autre  cote ,  enrichir  une 
langue  fixee,  il  resulte  souvent  plus  d'etrangete  dans  le  langage  que  de 
veritable  progres.  Toutefois,  du  melange  des  types  il  peut  et  il  doit  sou- 
vent  resulter  des  beautes :  temoins  Telemaque ,  Paul  et  Virgiuie ,  et  les 
Martyrs. 


M.  Dain  ne  partage  pas  1'avis  de  M.  Gaillard.  II  fait 
observer  que  la  distinction  etablie  entre  1'art  et  le  genie , 
par  1'orateur  qui  1'a  pre'cede,  est  plus  specieuse  que 
reelle.  Le  genie,  dit-il ,  c'est  Fessence :  1'art  c'est  la 
forme,  et  comme  le  genie  ne  peut  se  produire  sans  1'art, 
comme  il  ne  peut  se  manifester  a  nous  sans  son  secours, 
que  sans  1'art  il  est  comme  s'il  n'existait  pas,  M.  Dain 
ne  voit  pas  dans  1'etat  de  la  question  la  possibilite  de 
separer  1'art  du  ge'nie,  et  il  pense  que  1'art,  comme  ma- 


CINQUIEME  SECTION.  237 

infestation  du  genie,  est  la  seule  consideration  que  la 
question  doive  embrasser. 

Or,  comme  le  but  de  Tart  est  d'augmenter  dans  tous 
ses  termes ,  dans  tous  ses  developpements  le  bonheur 
des  hommes  reunis  en  societe ,  il  dit  que  tout  ce  qui  fa- 
vorise  le  developpement  du  bien-etre  social  favorise  le 
developpement  de  Tart;  que  les  memes  circonstances 
favorables  a  1'un  sont  favorables  a  1'autre.  En  conse- 
quence, il  pense  que  les  differences  remarquees  entre 
1'etat  plus  ou  moins  florissant  de  Fart  aux  diverses  epo- 
ques  tiennent  a  1'etat  plus  ou  moins  developpe  du  bien- 
etre  social. 

Quant  a  la  derniere  partie  de  la  question ,  en  la  con- 
siderant  sous  les  memes  rapports,  il  la  resout  par  les 
memes  motifs.  L'art  naissant  suppose  un  etat  de  bien- 
etre  moins  avance  dans  la  societe;  Fart  florissant,  cet 
etat  plus  developpe;  1'art  en  de'cadence ,  un  etat  de 
malaise  qui,  selon  lui,  n'est  qu'un  etat  de  transition. 

3VT.  Gaillard  repousse  les  distinctions  faites  par  M.  Dain 
entre  1'art  et  le  genie;  il  donne  a  ce  dernier  mot  une  plus 
large  signification,  une  plus  haute  portee. 

M.  de  Recy  pense  que  la  discussion  entre  M.  Gaillard 
et  M.  Dain  ne  porte,  relativement  a  la  premiere  partie 
de  la  question  a  decider,  que  sur  des  distinctions  peu 
importantes ,  quant  a  la  solution  de  la  question  en  elle- 
meme. 

Je  partage,  dit-il,  1'opinion  de  M.  Dain,  que  le  genie  ne  se  revele  a 
nous  que  pai-  Tart ;  que  des-lors  1'art  est  la  seule  chose  a  examiner,  puisque 


238  CINQUIEME  SECTION. 

1'art  se  confond  avec  le  genie,  et  qu'il  cmprunte  de  celui-ci  ses  different  s 
caracteres  d'elcvation  oti  de  faiblesse.  Sous  ce  point  de  vue  le  genie  nc 
doit  etre  considere  que  comme  principe  des  developpements  de  I'intelfi- 
gence  qui  nous  sont  transmis  par  1'art. 

Si  le  genie  etait  compris  dans  un  sens  absolu ,  comme  il  serait  en  quelqtie 
sorte  la  perfection,  la  question  a  decider  en  ce  moment  ne  pourrait  lui 
etre  applicable ;  si ,  au  contraire ,  on  entend  le  mot  genie  dans  un  autre 
sens,  il  est  impossible  de  le  scparer  de  1'art,  et  la  question  se  trouve 
reduite  dans  les  termes  indiques  par  M.  Dain. 

Quant  a  la  seconde  partie  de  le  question ,  je  pense  avec  M.  Gaillard  que 
1'intluence  de  la  langue  est  immense  sur  les  developpements  de  1'art; 
qu'il  ne  pent  etre  douteux  que  la  parole  etant ,  pour  ainsi  parler,  la  cou- 
leur  de  la  pensee ,  la  manifestation  qui  nous  en  est  transmise  par  I'art  n'en 
receive  son  lustre  et  son  eclat.  Mais  je  pense  aussi  que  les  differentes 
circonstances  de  1'etat  social  d'un  peuple  influent  directement  sur  la  for- 
mation de  sa  langue,  et  que  sous  ce  rapport  il  faut  tenir  compte  de  ces 
circonstances,  et  de  leur  influence  sur  1'art  aux  differentes  epoques  de  son 
existence. 


M.  Vallon  (de  Blois)  pense  comme  M.  Emm.  Gaillard  , 
que  le  spiritualisme  etant  la  cause  du  developpement  de 
1'art ,  on  ne  peut  dire  qu'il  soit  avec  1'art  une  seule  et 
rneme  chose.  Quant  a  1'influence  du  bien-etre  social  sur 
1'etat  de  1'art,  dans  un  rapport  analogue,  il  nie  que  cela 
soit  reel,  et  il  cite  a  1'appui  de  son  opinion  le  siecle  de 
Louis  XIV  ou  1'art  litteraire  et  1'art ,  en  general,  etaient 
bien  plus  florissants  qu'a  1'epoque  ou  nous  vivons,  et  on 
cependant  le  bien-etre  social  etait  loin  d' avoir  atteint  le 
meme  degre. 

M.  Dain  repousse  F  argument  de  M.  Vallon,  car,  pour 
lui,  si  1'etat  de  decadence  sociale  n'est  qu'un  etat  de 
transition ,  1'etat  florissant  n'est  qu'un  etat  relatif  corn- 
parativement  a  1'etat  precedent  de  la  societe;  sous  ce 


CINQUIEME  SECTION.  239 

rapport ,  an  siecle  de  Louis  XIV,  le  peuple  a  ete  plus 
heureux  qu'il  ne  1'avait  ete  a  aucune  autre  epoque  ante- 
rieure;  et  quant  a  nos  jours,  si  1'art  est  dans  un  etat  de 
decadence,  c'est  que  nous  sommes  dans  un  etat  de  tran- 
sition. Notre  siecle  n'est  qu'un  siecle  d'inspiration ,  plus 
tard  viendra  peut-etre  celui  du  talent  et  de  la  science; 
mais  1'art  en  France  est  loin  d' avoir  atteint  son  apoge'e. 

On  entend  encore  M.  de  Longraire  (de  Verdun)  qui 
pense  que  le  genie  est  subordonne  au  climat,  et  qu'il 
fa  lit  aussi  avoir  egard  a  cette  circonstance  pour  appre- 
cier  les  causes  des  clifferents  etats  de  Tart. 

M.  Dain  propose  la  solution  suivante  : 

«  Comme  il  existe  entre  les  differentes  parties  de  1'etat  social  d'un  peuple 
»  une  correlaticii  intime  et  necessaire  qui  les  unit  toutes  en  ime  mutuelle 
»  dependance  de  secours  et  de  moyens ,  en  meme  temps  qu'elle  les  fait 
»  progresser  ou  reculer  simultanement  dans  la  sphere  du  developpement 
»  social ,  le  Congres  estime  que  les  circonstances  les  plus  favorables  a  1'art 
*'  sont  les  memcs  que  celles  qui  sont  les  plus  favorables  a  la  societe  en  ge- 
»  neral.  Ces  circonstances  rcsultent  de  la  combinaison  de  tons  les  elements 
»  qui  delerminent  le  bien-etre  de  la  societe. 

»  II  ne  convient  pas ,  dans  1'etat  de  la  question ,  de  distinguer  le  genie 
»>  de  1'art,  puisque  1'art,  considere  abstractivemeut ,  n'est  que  1'expression 
»  du  genie,  et  qu'alors  les  circonstances  les  plus  favorables  a  Tart  doivent 
»  necessairement  etre  les  plus  favorables  au  genie ,  et  reciproquement.  » 

Cette  resolution  est  mise  aux  voix  et  adoptee. 


Seance  du  vendredi  16  seplembre  1836. 
Preiidence  de  M.  DE  BOISTHIBAULT,  secretaire. 

M.  Jorand  (de  Paris)  demande  qu'il  soit  fait  mention 
dans  le  prochain  proces- verbal  que  dans  la  seance  de  la 


240  CINQUIEME  SECTION. 

veille  il  a  proteste  centre  I'assertion  de  M.  Daly,  que  la 
catbedrale  de  Chartres  offrait  1'histoire  entiere  du  style 
que ,  suivant  lui ,  M.  Daly  nomme  improprement  style 
gothique. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  d'un  memoire  de 
M.  Taupier  (  de  Paris  ) ,  sur  une  nouvelle  methode  d'ap- 
prendre  a  ecrire  qu'il  applique  depuis  quelque  temps.  Le 
memoire  est  lu.  M.  Taupier  demande  que  la  section 
veuille  bien  autoriser  la  lecture  de  ce  memoire  en  assem- 
blee  generale  et  lui  donner  son  approbation. 

La  section  decide  qu'il  sera  simplement  fait  mention 
au  proces- verbal  de  la  lecture  de  ce  memoire. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  seconde  question  du  pro- 
gramme. 

M.  Gaillard  pense  qu'il  n'est  pas  douteux  qu'il  soit 
indispensable  pour  1'etude  des  arts  de  tenir  compte  des 
differents  sieges  qu'a  eus  la  puissance,  soit  royale,  soit 
princiere,  soit  provinciale,  aux  differentes  epoques.  II 
pense  meme  que  la  question,  a  cet  egard,  presente  si 
peu  de  doutes  qu'il  conviendrait  de  n'y  repondre  qu'en 
formulant  un  voeu  ainsi  concu  : 

«  La  section  emet  le  voeu  que  tous  ceux  qui  s'occuperont  d'expliquer 
»  la  marche  des  arts  en  France  tiennent  compte  des  sieges  divers  qu'a  eus 
»  a  differents  siecles  la  puissance,  soit  royale,  soit  religieuse,  soit  prin- 
»  ciere  ou  provinciale.  Us  y  trouveront  une  foule  d'indications  sur  les 
»  types  primordiaux  ou  secondaires ,  modeles  imites  dans  les  pays  cir- 
»  convoisins.  » 

Apres  quelques  observations  de  M.  de  Boisthibault , 
la  proposition  est  mise  aux  voix  et  adoptee. 


CWQUlfcME  SECTION.  241 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  4.e  question  du  pro- 
gramme. 

M.  Jorand  demande  que  la  section  passe  a  Tordre  du 
jour  sur  cette  question,  parce  qu'il  ne  peut ,  suivant  lui , 
ressortir  que  des  eclaircissements  incertains  de  1'etude 
ties  bas-reliefs  representant  des  instruments  de  musique 
dans  les  eglises  de  France,  pour  faire  connaitre  1'etat 
de  I'mstrumentation  au  moyen  age.  Les  artistes,  dit-il, 
ont  sans  doute  suivi  les  caprices  de  leur  imagination  , 
dans  la  representation  des  images  de  musique  ,  bien  plus 
qu'ils  n'ont  eu  pour  but  de  donner  la  figure  exacte  d'ins- 
truments  existant  a  leur  e'poque.  II  cite,  a  1'appui  de  cette 
opinion ,  des  vases  grecs  sur  lesquels  le  nombre  des  cor- 
des  de  la  lyre  n'est  pas  etabli  d'une  rnaniere  uniforme. 
11  cite  egalement  les  Heures  de  Charles-le-Chauve ,  f.° 
l.er,  ou  une  lyre  est  repre'sentee,  quoique  ce  ne  fut 
pas  un  instrument  de  1'epoque.  II  ajoute  qu'au  regne  de 
Saint-Louis,  un  grand  nombre  d'ouvrages  representerent 
des  images  de  1'architecture  bysantine,  et  que  cependant 
le  style  de  cette  architecture  ne  se  retrouve  pas  dans 
celle  de  1'epoque.  II  insiste  pour  Fordre  du  jour  sur  cette 
matiere;  car  il  pense  qu'au  lieu  de  fournir  des  lumieres, 
des  investigations  de  cette  nature  pourraient  induire  en 
erreur  ceux  qui  s'y  livreraient. 

M.  Gaillard  ne  partage  pas  cette  opinion;  au  con- 
traire ,  il  soutient  que  les  artistes  de  1'epoque  n'ont  pu 
representer  que  des  objets  qu'ils  avaient  sous  les  yeux,  et 
qu'a  cet  egard  la  question  me'rite  d'etre  prise  en  conside- 
ration. II  cite  plusieurs  eglises  dans  lesquelles  des  figu- 

18 


242  CINQUlfeME  SECTION. 

res  d  hommes  sont  evidemment  des  portraits  et  non  des 
figures  de  fantaisie.  II  pense  que  la  representation  des  ins- 
truments doit  etre  de  meme  basee  sur  quelque  chose 
de  reel.  Mais  comme  la  question  lui  parait  offrir  peu  de 
doutes,  il  demande  que  la  section  n'emette  a  ce  sujet 
qu'un  voeu  ainsi  concu  : 

«  Le  Congres  pense  que  Ton  peut  tirer  des  renseignements  utiles  sur 
»  1'clat  de  1'instrumentation  aux  differents  siecles  du  moyen  age ,  et  sur- 
«  tout  au  xn.e,  dans  1'etude  des  manuscrits  et  dans  celle  des  bas-reliefs 
»  representant  des  instruments  de  musique ,  dans  les  eglises  de  France 
>>  en  general.  Toutefois  ,les  recherches  devront  avoir  lieu  avec  toute  la 
»  reserve  que  commande  1'examen  de  ces  instruments.  » 

M.  de  Boisthibault  partage  1'avis  de  M.  Gaillard.  II 
donne  quelques  nouveaux  developpements  a  cette  opi- 
nion ,  et  dit  qu'en  ce  qui  a  rapport  au  chant,  dans  les 
abbayes  du  moyen  age,  bien  que  les  manuscrits  des 
xu. e  et  xin. e  siecles  soient  extremement  rares,  la  bi- 
bliotheque  de  Chartres  en  possede  un  de  cette  epoque 
sur  le  sujet  en  discussion. 

M.  de  Caumont,  qui  partage  1'avis  que  1'etude  des  bas- 
reliefs  des  eglises  du  moyen  age,  par  rapport  a  la  ques- 
tion ,  est  d'une  grande  utilite,  ajoute  que  plusieurs  ma- 
nuscrits du  xu. e  au  xin. e  siecle,  sur  cette  matiere  ,  ont 
ete  trouves  au  mont  Saint-Michel  j  que  dans  1'abbaye 
de  Saint-Evroult,  le  chant  parait  avoir  ete  cultive  avec 
le  plus  grand  zele;  qu'un  manuscrit  de  la  meme  epoque 
et  sur  le  meme  sujet ,  proven  ant  cle  la  bibliotheque  de 
M.  Odolant-Desnos  ,  a  ete  vu  par  lui  chez  M.  Libert, 
a  Alencori.  II  explique  que  cette  question  a  ete  posee 


CINQUIEME  SECTION.  243 

pour  eveiller  1'attention  des  personnes  qui  voudraient 
porter  leurs  investigations  sur  cette -matiere,  et  afin 
qu'elles  ne  negligeassent  ni  les  manuscrits  ni  les  bas- 
reliefs  des  eglises  du  moyen  age;  que  d'ailleurs,  en  cequi 
concerne  le  chant,  il  a  ete  invite  a  la  presenter  par  M.  de 
Saint-Germain,  directeur  du  conservatoire  de  Caen. 

La  proposition  de  M.  Gaillard  est  mise  aux  voix  et 
adoptee.  La  section  decide  egalement  qu'on  invitera 
toutes  les  personnes  qui  pourraient  posseder  des  manus  • 
crits  des  xn.e  et  xm.e  siecles  sur  ce  sujet,  on  qui  en 
connaitraient  dans  des  collections  particulieres ,  a  en 
donner  la  connaissance  au  Congres,  en  lui  adressant  une 
analyse  succinte  de  ces  ouvrages. 

On  passe  a  la  deliberation  sur  la  5,e  question  du  pro- 
gramme ,  relative  a  1'influence  qu'eut  sur  la  litterature 
francaise  la  chute  de  1'empire  de  Constantinople  au  xv.e 
siecle.  Apres  une  discussion  dans  laquelle  sont  entendus 
MM.  de  Boisthibault ,  Godin  (de  Blois)  et  de  Re'cy,  la  sec- 
tion decide  que  cette  question  est  du  ressort  de  la  section 
d'histoire  et  d'archeologie ,  et  en  ordonne  le  renvoi  a 
cette  section. 

M.  Jullien ,  de  Paris,  demande  a  faire  la  lecture  d'une 
piece  de  vers  de  M.lle  Elise  Moreau. 

M.  de  Boisthibaut  declare  que  le  reglement  s'oppose 
a  ce  que  cette  lecture  puisse  avoir  lieu  avant  que  la  com- 
munication de  la  piece  de  vers  dont  il  s'agit  n'ait  ete 
faite  au  bureau  central. 


244  ClNQUlfeME  SECTION. 

Seance  clu  samedi  17  septembre  1836. 
Prcsidence  de  M.  SPENCER  SMITH. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  d'un  memoire  de 
M.  de  Boistliibault  sur  1'e'tat  actuel  de  la  presse  en  France. 
Cette  lecture  a  etc  autorisee  par  le  bureau  central.  La 
section  decide  que  le  memoire  de  M.  de  Boistliibault  sera 
entendu  de  nouveau  en  seance  generale. 

M.  Merson  obtient  la  parole  pour  repondre  a  quelques 
assertions  du  memoire  de  M.  de  Boistliibault ,  qui  lui 
paraissent  dirigees  contre  lui.  II  proteste  qu'il  n'a  en- 
tendu attaquer  en  rien  la  presse  politique;  qu'il  la  con- 
sidere  comme  la  base  et  la  garantie  de  notre  ordre  so- 
cial ;  qu'il  reconnait  son  utilite  :  il  la  separe  des  attaques 
qu'il  a  dirigees  contre  la  litterature  en  parlant  de  la  ve 
nalite  de  la  presse. 

M.  le  president  fait  observer  a  M.  Merson ,  que  tout 
ce  qui  a  rapport  au  discours  qu'il  a  prononce  devant  le 
ConfiTes  est  une  chose  en  deliors  de  la  discussion.  Le 

O  '--  , 

discours  de  M.  de  Boistliibault  pose  une  question  nou- 
velle.  M.  Merson  a  montre  la  presse  sous  son  point  de 
vue  blamable  et  vicieux;  M.'de  Boistliibault  s'occupe  de 
la  presse  sous  le  rapport  de  son  utilite  et  de  ce  qu'elle 
produit  de  nos  jours  de  grand  et  de  consciencieux ,  sans 
la  justifier  de  ce  qui  peut  meriter  un  blame  veritable. 
Comme  il  n'y  a  d'ailleurs  dans  le  discours  de  M.  de  Bois- 
tbibault  rien  de  personnel  contre  M.  Merson,  celui-ci 
n'a  pas  a  se  defendre  d' attaques  qu'il  n'a  point  recues. 
M.  Houze  pense  que  si  le  litre  du  memoire  de  M.  Mer- 


GfNQUIEME  SECTION.  245 

son  cut  etc  moins  general  que  celui  sous  lequel  il  I'a  pre- 
sente,  il  n'aurait  point  souleve  toutes  les  reclamations 
auxquelles  il  a  donne  lieu. 

M.  Dain  pense  que  non  seulement  la  litterature ,  mais 
la  presse  dans  son  acception  la  plus  etendue,  affectent 
aujourd'hui  un  caractere  general  de  venalite  et  de  cor- 
ruption, et  que  ce  caractere  se  prod  nit  sous  un  jour 
plus  affreux  et  exerce  une  influence  beaucoup  plus  de- 
sastreuse  qu'a  aucune  autre  epoque  de  notre  histoire. 
Ceci  n'exclut  pas  d'ailleurs  de  nombreuses  et  d'hono- 
rables  exceptions  $  qu'il  y  ait  aujourd'hui  des  litterateurs 
consciencieux ,  et  que  le  nombre  en  soit  grand,  mil 
doute  :  mais  que  la  presse  en  general  soit  aujourd'hui 
venale  et  corrompue,  nul  doute  encore. 

M.  Gaillard  prend  la  parole  et  dit  que  ce  qui  divise 
les  esprits  en  ce  moment,  c'est  qu'ils  ne  s'entendent  pas 
sur  ce  qu'on  doit  entendre  par  les  mo  is  la  litterature 
actuelle. 

La  litterature  d'un  peuple  n'est  pas  I'ensemble  des 
ecrits  qui  paraissent  a  une  epoque  clonnee ;  envisagee 
sous  ce  point  de  vue,  elle  serait  constarnment  digne  de 
pitie  :  pour  un  Yirgile,  il  y  a  eu  cent  Bavius;  pour  un 
Boileau,  une  fouie  de  Colletets  et  de  Linieres. 

Enfin,  il  pense  qu'il  est  indigne  de  I'institution  des  Con- 
gres  de  venir  rechercher  les  torts  d'un  peuple  d'ecrivains 
dont  les  noms  sont  ephenieres  et  qui  se  sont  evanouis  a  In 
lumiere  d'un  autre  siecle,  etdevantl'eclat  de  la  gloire  des 
grands  ecrivains  que  ce  siecle  a  transmis  a  la  posterite^ 

M.  de  Recy  partage  1'opinion  de  M.  Gaillard  :  il  dit 


246  GINQUIEME  SECTION. 

qu'il  existe  dans  1'etat  actual  de  la  presse  en  France  des 
vices  qu'on  a  le  plus  grand  tort  de  confondre  avec  la  lit- 
terature. Dans  les  siecles  les  plus  litteraires ,  n'a-t-on 
pas  imprime  bien  plus  de  choses  qu'il  ne  nous  en  est  par- 
venu ;  et  cependant  plus  de  dix  ou  quinze  noms  d'hom- 
mes  sont-ils  sortis  de  chacun  de  ces  siecles  pour  arriver 
jusqu'a  nous  ?  La  litterature  qui  doit  survivre  ,  voila  la 
litterature  d'une  epoque ,  et  notre  siecle  ne  faillira  pas  a 
donner  a  la  posterite  son  contingent  litteraire  d'hommes 
d'un  veritable  nierite  et  d'un  profond  savoir.  Attaquer 
notre  litterature  en  general,  c'est  attaquer  aussi les  hom- 
mes  qui  en  doivent  faire  la  gloire  un  jour. 


Seance  du  dimanche  18  septembre  1836. 
P residence  de  M.  SPENCER  SMITH. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  d'une  piece  de  vers 
de  M.  Merson ,  sur  1'union  qui  doit  exister  entre  mi- 
litaires. 

M.  Merson  donne  lecture  de  cette  piece  de  vers. 

Apres  cette  lecture,  1'ordre  du  jour  appelle  la  suite 
de  la  discussion  sur  la  3. e  question  du  programme. 

M.  Jorand  pense  que  chaque  genre  d' architecture  a 
eu  sa  mission;  que  celle  de  1' architecture  ogivale,  ainsi 
que  celle  de  Varchitecture  de  la  renaissance,  a  ete  rem- 
plie,  et  qu'il  ne  concevrait  pas  que  Ton  crut  necessaire 
de  retourner  en  arriere  pour  faire  revivre  dans  notre 


CINQUIEME  SECTION.  247 

siecle  un  genre  d'architecture  qui  n'est  plus  en  harmonie 
avec  nos  besoins  et  nos  moeurs.  II  entre  dans  quelques 
details  techniques  pour  prouver  1'impossibilite  d'appli- 
quer  a  nos  demeures  Fun  on  1'autre  des  deux  styles  d'ar- 
chilecture  qui  font  1'objet  de  la  question. 

Cependant  il  pense  que  dans  1'interet  de  Fart,  on 
doit  veiller  avec  soin  a  la  conservation  des  monuments 
anciens. 

M.  de  la  Porte  donne  lecture  d'un  me'moire  de  M.  Vic- 
tor Pavie,  sur  la  meme  question.  M.  Pavie  ne  pourrait 
approuver  un  retour  vers  Farchitecture  ancienne;  il 
pense  que  si  1'ornementation  de  nos  demeures  a  besoin 
de  prendre  en  ce  moment  plus  de  developpements , 
1'activite  des  talents  nouveaux  doit  y  pourvoir ;  qu'avec 
leurs  secours  1'unite  d'art  renaitra ,  que  I'homogeneite 
dissoute  se  recomposera ,  et  que  cette  activite  nouvelle 
se  disciplinera  plus  tard  en  vigoureuse  phalange,  bonne 
an  service  d'une  reorganisation  a  venir. 

M.  de  Recy  fait  observer  qu'un  memoire  de  M.  Jo- 
seph Bard,  lu  dans  une  precedente  seance,  resout  la 
question  d'une  maniere  qui  lui  parait  plus  en  harmonie 
avec  le  gout  vrai  des  arts  et  de  1'architecture;  gout  qui 
n'exclut  point  un  retour  vers  1'architecture  ancienne, 
lorsque  cette  architecture  est  plus  en  rapport  avec  nos 
besoins,  nos  moeurs  et  notre  climat,  qu'un  genre  d'archi- 
tecture plus  ancien  encore,  emprunte  des  Grecs  et  des 
Remains,  genre  degenere,  qui  n'a  pas  meme  de  nom 
dans  son  application  a  nos  demeures  particulieres. 


248  QUATRIEME  SECTION. 

11  demande  que  la  section  adopte  la  resolution  qu'in- 
dique  I'avis  de  M.  Joseph  Bard. 

M.  Jorand  ,  apres  quelques  nouvelles  explications, 
propose  la  resolution  suivante  a  1'examen  de  rassem- 
blee: 

«  La  section  pense  que  le  style  ogival,  dit  gotliique-fleuri  (1440  a 
»  1497  ),  ainsi  que  le  style  de  la  renaissance,  de  Louis  XII  a  Francois  II, 
»  ne  sont  plus  en  rapport  avec  nos  moeurs ;  mais  elle  emet  le  vo2ii  que 
»  dans  1'interet  de  1'art ,  1'autorite  veille  soigneusement  a  la  conservation 
»  des  monuments  de  ces  differentes  epoques. 

»  En  ce  qai  concerne  nos  demcures ,  soil  urbaines ,  soil  rurales ,  la 
»  section  decide  que  le  style  de  1'architecture  moderne  leur  convient 
»  mieux  que  les  deux  genres  d'architecture  qui  font  1'objet  de  la  ques- 
»  tion ,  et  elle  pense  qu'il  convient  de  laisser  prendre  a  ce  style  d'archi- 
»  lecture  moderne  ses  developpements ,  et  de  hii  laisser  continuer  sea 
»  progres.  » 

Cette  resolution  est  mise  aux  voix  et  adoptee. 


Seance  du  lundi  19  septembre  1836. 
Presidence    de    Jf.    SPENCER  SMITH. 

M.  de  Montlivaut  lit,  au  nom  de  la  commission  nom- 
mee  pour  entendre  M.  Fabbe  Latouche ,  un  rapport  qui 
est  ecoute  avec  un  vif  interet.  Apres  avoir  expose  que  les 
courts  instants  dont  la  commission  avait  seulement  pu 
disposer,  pour  entendre  les  developpements  de  la  me- 
thode  de  M.  Latouche ,  etaient  insuffisants  pour  pouvoir 
determiner  une  appreciation  complete  des  vues  du  sa- 


CINQUIEME  SECTION.  249 

vant  professeur,  et  se  prononcer  sur  une  question  aussi 
ardue,  il  ajoute  :  «  que  neanmoins  la  commission  croit 
»  devoir  rendre  justice  aux  profondes  connaissances  de 
»  ce  philologue  dans  1'etude  des  langues,  et  principale- 
»  ment  cle  1'hebreu,  ainsi  qu'a  ses  ingenieuses  ide'es  sur 
»  la  metaphysique  generale  dulangage,et  alaconscien- 
»  cieuse  conviction  qu'il  lui  a  paru  apporter  dans  ses 
»  vues.  En  fin  la  commission  croit  devoir  recommander 
»  M.  1'abbe  Latouche  aux  futurs  Congres  comme  un  sa- 
»  vant  dont  les  connaissances,  le  zele  et  les  vues  en  phi- 
w  lologie  ne  peuvent  que  faire  honneur  a  la  France,  et 
»  elle  emet  le  voeu  que  1'etablissement  que  M.  Latouche 
»  se  propose  de  fonder  dans  la  capitale  soit  encourage 
«  par  le  gouvernernent.  » 

La  section  consultee  adopte  les  conclusions  de  la 
commission. 

La  discussion  s'ouvre  de  nouveau  sur  la  3. e  question  du 
programme  de  la  cinquieme  section ,  qui  a  ete  renvoyee 
a  son  examen  par  1'assemblee  generale  du  Congres. 

Apres  une  nouvelle  discussion ,  dans  laquelle  MM.  Gail- 
lard  et  Jorand  reproduisent  leurs  arguments  de  la  seance 
precedente,  M  Doublet  de  Boisthibault  fait  observer 
que  dans  une  question  de  gout  on  ne  peut  imposer  aux 
artistes  une  solution  absolue.  Les  deux  styles  offrent 
chacun  leur  genre  de  beautes,  mais  ils  ne  sont  point 
exclusifs  1'un  de  1'autre ;  c'est  a  chaque  artiste  qu'il  appar- 
tient  d'apprecier  ce  qui,  suivant  la  circonstance,  peut 
etre  le  plus  convenable.  En  consequence,  il  pense  que 


250  C1NQUIEME  SECTION. 

la  question  n'est  point  susceptible  de  solution,  et  il  de- 
inande  1'ordre  du  jour. 

La  section  consultee  passe  a  1'ordre  du  jour. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  8.e  question  du  pro- 
gramme. 

M.  Cardin  (  de  Poitiers  )  pense  que  la  determination 
des  limites  de  la  langue  d'oc  et  de  la  langue  d'oil  depen- 
dant de  1'appreciation  des  monuments  des  differents  ages 
et  des  diverses  provinces,  ne  peut  se  faire  dans  le  court 
espace  de  temps  consacre  auCongres.  Neanmoinsil  croit 
devoir  faire  part  a  la  section  des  recherches  auxquelles 
il  s'est  livre  pour  la  portion  de  la  France  qui  s'etend  de 
rembouchure  de  la  Garonne  au  Berri.  Lecaractere  essen- 
tiel  et  distinctif  du  francais  du  nord,  la  substitution  de 
Ye  a  Ya  se  retrouve  dans  tous  les  noms  de  lieux  situes 
au  nord  d'une  ligne  qu'on  tirerait  de  Rohan  a  la  limite 
qui  separe  le  departement  de  1'Indre  de  ceux  de  la  Haute- 
Vienne  et  de  la  Creuse,  en  passant  par  Saintes,  Ruffec 
et  Confolens.  II  appuie  son  opinion  par  la  citation  de 
tlifferentes  chartes  d'une  grande  anciennete. 

M.  de  la  Fontenelle,  auteur  d'un  travail  special  sur  la 
langue  poitevine,  fait  remarquer  d'abord,  que  le  Poitou 
etait  la  region  intermediate  entre  la  langue  d'oc  et  la 
langue  dW/.  II  en  resulte,  suivant  lui ,  que  1'idiome  du 
pays  etait  un  melange  des  deux  langues,  dans  lequel 
pourtant  la  langue  du  nord  dominait.  Sous  le  comte  de 
Poitou ,  Denis  d'Aquitaine ,  et  sous  la  domination  anglo- 
iranraise  des  Plantagenets,  a  la  cour  de  Poitiers  il  y 


CINQUIEME  SECTION.  251 

avail,  outre  la  langue  habituelle,  une  langue  des  beaux- 
esprits,  des  poetes,  qui  etait  la  langue  romane.  Aussi 
remarque-t-on  que  lorsque  les  poesies  de  1'epoque  sont 
ecrites  dans  la  langue  du  midi,  les  chartes  sont  redigees 
dans  la  langue  du  nord.  Cette  remarque  subsiste  notam- 
ment,  ainsi  que  1'a  dit  M.  Cardin,  en  ce  qui  concerne 
Savary  de  Mauleon.  Venant  ensuite  directement  a  la 
question ,  M.  de  la  Fontenelle  croit  que  les  limites  des 
langues  du  midi  et  clu  nord  ne  sont  pas  naturellernent 
formees  par  la  Charente.  En  effet,  vers  Confolens,  la 
langue  du  midi  se  fait  remarquer;  on  la  retrouve  aussi 
pres  de  Montmorillon ,  et  en  Saintonge  la  langue  d'oil  se 
rencontre  bien  au-dela  des  limites  de  la  Charente.  Enfin  , 
M.  de  la  Fontenelle  ajoute  que  ,  pour  rechercher  avec 
soin  les  limites  des  deux  idiomes,  il  faut  un  travail  loncf 

I  O 

et  suivi.  En  consequence,  il  propose  de  renvoyer  la  ques- 
tion an  programme  du  prochain  Congres ,  en  1'appuyant 
des  considerations  ci  dessus  indiquees. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  propose  la  redaction  sui- 
vante  de  la  re'solution  a  prendre  par  la  section : 

«  La  section  pense  que  dans  Petal  actuel  des  recherches  historiques,  on 
»  ne  peut  determiner  les  limites  territoriales  de  la  laugue  d'oil  et  de  la 
»  langue  d'oc.  » 

La  section  consultee  sur  cette  proposition  1'adopte. 

L'ordre  du  jour  appelle  encore  differentes  lectures  que 
Flieure  avancee  ne  permet  pas  d'entendre,  et  qui  sont 
renvoyees  a  la  seance  litteraire  qui  doit  avoir  lieu  a  la 
fin  du  Gongres. 


252  GiNQUIEME  SECTION. 

M.  Smith,  president  de  la  section ,  se  leve  et  s'exprime 
ainsi  : 

Enfin ,  messieurs ,  1'heure  pcnible  de  notre  separation  va  sonner ;  c'est 
aujourd'hui  notre  derniere  seance  en  section.  Un  de  mes  honorables-  col- 
legues,  M.  de  la  Porte,  a  bien  voulu  se  charger  de  vous  exprimer,  comme 
organe  du  bureau  ,  les  sentiments  que  cette  circonstarice  nous  inspire.  J'ai 
hate  de  lui  accorder  la  parole  :  mais  dans  ma  position  particuliere  de 
membre  exotique  de  cette  assemblee,  j'eprouve  le  desir  de  le  preeeder 
pendant  quelques  courts  instants  ;  d'abord ,  afin  de  renouveler  1' expression 
de  ma  gratitude  pour  votre  confiance  dans  mon  zele  pour  la  prosperite  de 
notre  institution ,  et  dans  la  sincerite  de  ma  cooperation  vers  son  but ; 
confiance  qui  seule  a  pu  dieter  ma  nomination  au  poste  que  j'occupe  dans 
votre  bureau.  Ensuite,  j'ai  a  reconnaitre  1'indulgence  extreme  avec  la- 
quclle  vous  avez  bien  voulu  constamment  encourager  mes  efforts  pour 
m'acquitter  convenablement  de  mes  fonctions;  efforts  ,  au  reste,  qui  fus- 
sent  restes  infructueux  sans  le  tres  vaillant  secours  et  la  sympathie  de  mes 
dignes  collegues. 

Qu'il  me  soil  encore  permis  de  remplir  un  autre  devoir,  c'est  de  nom- 
mer  trois  de  mes  compatriotes  comme  partageant  mes  sentiments,  M.  Pratt 
et  MM.  les  docteurs  Roberton  et  Holland,  qui  vous  offrent,  par  mon  en- 
tremise ,  le  temoignage  de  leur  reconnaissance  pour  1'accueil  tout  amical 
et  meme  tout  fraternel  qu'ils  ont  trouve  dans  cette  enceinte ,  et  dont  il$ 
emportent  un  souvenir  aussi  vrai  que  durable. 

M.  de  la  Porte  a  la  parole  : 

Messieurs,  notre  digne  president,  si  eminemment  francais  par  1'esprit 
et  le  coeur  (  les  paroles  qu'il  vient  de  vous  adresser  en  fournissent  une 
preuve  de  plus  ) ,  notre  president  que  nous  adopterions  tous  pour  compa- 
triote ,  s'il  n'etait  des  notres  depuis  long-temps ,  et  lie  nous  apparaissait 
en  tous  points  comme  un  modele ,  vient  de  vous  exprimer  ses  sentiments 
personnels ;  permettez  que  je  vous  parle  au  nom  des  autres  membres  du 
bureau ,  dont  vous  avez  si  bien  encourage  et  seconde  le  devouemenl.  Nous 
nous  feliciterons  toute  notre  vie  d'avoir  fait  partie  de  cette  section  ou  se 
sont  developpes  de  si  bons. sentiments  et  quelquefois  meme  taut  de  talents; 
mieux  que  cela,  ou  nous  nous  flattons  d'avoir  acquis  des  amis. 

A  plus  forte  raison,  garderons-nous  un  souvenir  reconnaissant  de  ce 
que  nous  avons  vu  cl  cnlendu ,  en  prenaut  part  nous-memes  aux  discus- 


CIXQWfcME  SECTION.  253 

sions  et  aux  deliberations  de  1'assemblee  du  Congrcs  de  Blois.  Le  Congres ! 
belle  et  noble  institution  dcstinee  a  rapprocber ,  par  1'anaour  de  la  science, 
tant  d'hommes  de  cceur  et  d'intelligence !  Lc  Congres !  qui  fait  naitre  et 
developpe  une  foule  de  pensces  et  de  vues  nouvelies ;  qui  met  le  gouver- 
nement  sur  la  voie  des  creations  ou  des  perfectionnements  necessaires, 
soil  pour  notre  bien-etre  materiel,  soit  pour  nos  jouissances  purement  mo- 
rales  Le  Congres!  qui  rapproche  toutes  les  specialties  comme  tous  les 

ages. 

Je  me  resume ,  messieurs ,  pour  ne  point  abuser  plus  long-temps  de  vos 
moments  :  la  reunion ,  dont  nous  voyons  avec  regret  le  terme  aujourd'hui , 
peut-elle  mieux  finir  que  par  ce  Vceu  que  formule  votre  bureau  et  que 
vons  appuierez  sans  doute  avec  cordialite  :  «  Alliance  sincere  et  a  jamais 
»  durable  de  la  bonne  vie'ille  France  avec  la  bonne  jeune  France,  dont 
» je  vois  ici  bien  des  brillants  et  honorables  delegues.  » 

M.  Doublet  de  Boisthibaut ,  au  nom  des  secretaires 
du  bureau,  temoigne  a  la  section  leur  reconnaissance 
de  la  confiance  dont  elle  a  bien  voulu  les  investir,  et 
adresse  aux  autres  membres  du  bureau  des  remerci- 
ments  pour  le  concours  eclaire  qu'ils  leur  ont  prete  dans 
le  cours  de  leurs  travaux.  —  La  seance  est  levee. 

Les  secretaires ,  Le  president, 

Ar,.  BAUNY  DE  RECY,  SPENCER  SMITH. 

DOUBLET  DE  BOISTHIBAULT.  Les  vice-presidents, 

F.  CHATELAIN, 
DE  LA  PORTE. 


2.) 4  STXlfcME  SECTION. 

SIXIEME  SECTION. 

morales,  rconomiquce  tl  legi 


Seance  du  lundi  12septembre  183G. 

Presldence  de  M.  E.  GAILLARD  (  de  Rouen  J,  doyen  d'dgc, 
et  ensuite  de  M.  JULLIEN(de  Paris}. 

La  seance  est  ouverte  a  sept  heures  et  demie  du  matin. 

M.  Gaillard  (de Rouen),  doyen  d'age,  occupe  le  fau- 
teuil;M.  Alphonse  Laurent  (de  Blois)  remplit  les  fonc- 
tions  de  secretaire  provisoire,  et  MM.  de  la  Porte  (de 
Vendome)  et  Armand  Aucher  (de  Blois)  celles  de  scru- 
tateurs. 

On  procede  au  scrutin  a  la  formation  du  bureau. 
M.  Jullien,  de  Paris,  ayant  reuni  la  majorite  des  suffrages , 
est  proclame  president  de  lasixieme  section;  MM.le  doc- 
teur  Leon  Simon,  Charles  Dain  (de  Paris)  et  Alphonse 
Laurent  sont  ensuite  elus  :  le  premier  vice-president,  et 
les  deux  autres  secretaires  de  la  section. 

Le  bureau  se  trouvant  ainsi  constitue ,  le  president 
remercie  1'assemblee  de  1'honneur  qu'elle  lui  fait  en 
1  appelant  a  diriger  ses  travaux. 

M.  Emm.  Gaillard  demande  la  parole  sur  la  premiere 
question  du  programme. 

L'honorable  membre  conclut  en  disant  que  clans  les 


SIXIEME  SECTION.  255 

premiers  siecles  cle  son  existence,  le  christianisme  n'a 
pas  en,  il  est  vrai,  d'influence  sur  1'abolition  de  Fescla- 
vage,  mais  que  plus  tard  cette  influeuce  a  etc  conside- 
rable ,  et  que  c'est  principalement  a  elle  qu'il  faut  rap- 
porter  1'emancipation  des  esclaves. 

M.  Bergevin  (de  Blois)  pense  contrairement  a  M.  Gail- 
lard  que,  des  les  premiers  siecles,  la  doctrine  du  Christ 
a  du  modifier,  en  les  ameliorant,  les  rapports  du  maitre 
a  1'esclave,  sans  quoi  les  chretiens  primitifs  auraient  ete 
inconsequents  avec  leurs  principes. 

M.  Gh.  Dain  demande  la  parole  sur  une  question  pre- 
judicielle;  il  lui  semble  qu'avant  d'entrer  dans  la  discus- 
sion de  chacune  des  questions  indiquees  au  programme 
il  y  aurait  a  savoir  si  la  section  consent  a  conserver 
toutes  ces  questions ,  et  a  fixer  1'ordre  logique  clans  le- 
quel  elles  doivent  etre  classees. 

Cette  proposition  est  adoptee.  On  precede,  en  conse- 
quence ,  a  la  revision  du  programme ;  apres  quelques 
debats,  la  5.e  question  a  ete  supprimee. 

Sans  ecarter  absolument  la  13.e  question,  la  sec- 
tion decide  qu'elle  ne  sera  discutee  que  si  le  temps  le 
permet. 

La  14.e  question,  embrassant  les  travaux  generaux 
du  Congres,la  section  la  renvoie  a  la  discussion  gene- 
rale  des  sections  reunies. 

Le  bureau  fixe  1'ordre  du  jour  du  lendemain. 
La  seance  est  levee  a  dix  hetires. 


SECTION. 
Seance  du  mardi  13  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  JULLIEN. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  la  2.e  ques- 
tion du  programme. 

M.  Faneau  de  Lacour  (  de  Saint- Aignan  )  demande  a 
lire  un  travail  qu'il  a  prepare  sur  cette  question. 

M.  Faneau  se  livrant  a  des  developpements  phrenolo- 
giques  qui  ne  rentrent  pas  dans  les  travaux  de  la  section , 
est  invite  a  presenter  ses  conclusions  sur  la  question. 

L'orateur  rentre  dans  la  question  en  examinant  le  sys- 
teme de  M.  Charles  Lucas. 

M.  Faneau  conclut  en  admettant  le  systeme  peniten- 
tiaire  americain,  avec  quelques  modifications,  et  s'eleve 
contre  le  systeme  de  penalite  francaise. 

M.  le  vicomte  de  Courteilles  (de  Tours)  prend  la  parole. 
L'orateur  annonce  qu'il  travaille  depuis  deux  ans  la 
question  penitentiaire,  et  qu'il  prepare  la  publication 
d'un  ouvrage  sur  ce  sujet. 

M.  de  Courteilles  lit  quelques  passages  de  son  travail, 
et  se  prononce  pour  Fabolition  de  la  peine  de  mort,  aim 
lition  vers  laquelle  1'opinion  publique,  dit-il ,  marche  ;i 
grands  pas. 

Pour  remplacer  cette  peine  devenue  inutile,  1'orateur 
appelle  de  ses  voeux  la  reforme  du  regime  de  nos  prisons. 
Passant  en  revue  les  diverses  opinions  et  les  divers  sys- 
temes,  et  appreciant  le  regime  progressif  dans  lequel  il 
pense  qu'il  est  utile  d'entrer,  M.  de  Courteilles  rend 
compte  d'une  visile  faite  par  lui ,  en  juin  dernier,  dans 


S1XIEME  SECTION.  257 

I«  nouveau  penitencier  militaire  etabli  par  le  gouverne- 
ment  a  Saint-Germain-en-Laie.  II  conclut  en  disant  que 
son  opinion  est  pour  1'introduction  progressive  en  France 
du  systeme  americain  :  travail  en  commun ,  separation 
eellulaire  pendant  la  nuit,  silence  absolu. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  (de  Chartres)  a  la  parole. 
L'orateur  rappelle  1'etat  de  nos  prisons  avant  1790,  et 
examine  ce  qu'elles  ont  gagne  dbepuis  cette  epoque.  II 
compare  a  nos  maisons  de  correction  les  penitenciers 
etablis  en  Suiss^ ,  et  apres  quelques  developpements ,  il 
\3onclut  sur  la  premiere  partie  de  la  question  en  disant 
que  les  avantages  a  retirer  du  systeme  penitentiaire  en 
France  sont  incontestables.  Abordant  ensuitela  2.e  par- 
tie  de  la  question ,  1'orateur  reconnait  qu'une  introduc- 
duction  du  systeme,  immediate  et  d'un  seul  trait,  est 
impossible ,  a  cause  de  1'enormite  de  la  depense ;  mais 
ii  s'eleve  contre  la  lenteur  avec  laquelle  on  paraitrait 
vouloir  proceder  i  la  reforme.  II  pense  que  la  progres- 
sion toujours  croissante  des  recidives ,  est  une  plaie  qui 
appelle  un  prompt  remede ;  ce  remede  est  u^e  reforme 
inftnediate  et  generale  avec  les  managements  qu'exige 
Teconomie. 

M.  de  Courteilles  presente  quelques  observations  sur 
la  question  de  Feconomie  dans  les  depenses ;  il  affirme 
que  ses  recherches  lui  ont  demontre  que  les  depenses 
ne  sont  point  extremes  et  ne  depasseraient  point  les 
mbyens  financiers  du  pays. 

Apres  quelques  autres  observations,  la  section  arrete 

id 


2f>3  SIX1EME  SECTION. 

que  la  resolution  suivante  sera  presentee  a  la   seance 
generate : 

«  Les  avantages  du  systeme  penitentiaire  sont  evidemment  incontes- 
»  tables. 

»  Ces  avantages  sont  :  1 .°  1'amelioration  morale  des  condamnes ;  2.°  la 
»  diminution  des  recidives;  3.°  1'adoucissement  des  lois  penales,  sans 
»  que,  pour  cela,  la  societe  reste  desarmee;  4.°  par  suite  de  1'abaissemenl 
»  de  la  duree  des  peines,  1'abaissement  du  cbiffre  des  detenus  dans  la 
»  meme  proportion ;  de  la  une  economic  facilement  appreciable. 

»  En  consequence ,  la  section  estime  que  1'introduction  du  systeme  pe- 
'>  nitentiaire  en  France  est  urgente;  neanmoins,  cette  introduction  doil 
»  etre  progressive  en  ce  sens  que ,  adoptee  immediatement  en  principe  t 
»  elle  se  realise  successivement  a  mesure  que  les  maisons  centrales  et  de- 
»  partementales  exigeront  par  leur  etat  une  entiere  reconstruction ,  ou  de 
«  grosses  reparations. 


Seance  du  mercredi  matin  14  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  JULLIEN. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  les  questions 
n.os  3  et  4  du  programme. 

M.  Laurent ,  Vun  des  secretaires ,  donne  lecture  d'un 
memoire  envoye  par  M.  Laurentie  sur  ce  sujet. 

La  section  decide  que  ce  memoire  sera  renvoye  a  la 
commission  d'impression ,  en  1'invitant  a  le  comprendre 
dans  le  recueil  des  travaux  du  Congres. 

Une  discussion  s'eleve  sur  1'ordre  dans  lequel  les  deux 
questions  seront  examinees.  Apres  un  debat  auquel 
prennent  part  MM.  Simon ,  Doublet  de  Boisthibault  et 
Houze  ( de  Blois ) ,  la  section  decide  que  la  discussion 
embrassera  les  deux  questions. 


SECTION.  259 

M.  Cler  (  tie  Blois  )  lit  quelques  observations  dans 
lesquelles  il  conteste  1'avantage  de  la  liberte  de  1'ensei- 
gnemefct ,  et  il  indique  quelques  modifications  dans  1'or- 
ganisation  des  etablissements  universitaires.  II  attribue 
a  1'instabilite  de  la  position  des  membres  du  corps  uni- 
versitaire  leur  obscurite  et  le  peu  de  consideration 
qu'on  leur  accorde.  II  conclut  en  demandant  1'etablisse- 
inent  d'un  college  royal  par  departement. 

M.  Gaillard  a  la  parole.  II  blame  1'institution  d'un 
corps  enseignant  salarie  par  1'etat  ;  mais  il  demande  que 
les  regies  etablies  aujourd'hui  pour  les  ecoles  primaires 
soient  conservees  comme  garantie  pour  les  peres  de 
famille  contre  le  charlatanisme  et  1'ignorance. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  dit  qu'il  entend  par  li- 
berty ,  Vexercice  d'un  droit  sous  la  condition  de  capa- 
cite.  L'orateur  examine  la  question  de  liberte,  quant 
aux  homines ,  et  ne  la  concoit  qu'avec  la  garantie  d'un 
titre  attestant  la  science. 

Quant  aux  doctrines ,  liberte  entiere,  et  il  s'en  rap- 
porte  aux  lois,  pour  reprimer  les  ecarts  et  1'abus  de  la 
liberte. 

Quant  aux  methodes,  s'il  y  a  liberte  d  enseignement 
quant  aux  doctrines  ,  elle  doit  exister  aussi  quant  aux 
methodes. 

M.  de  Boisthibault  passe  a  la  2.e  question.  II  pense 
qu'il  est  tres  facile  au  corps  enseignant  de  conquerir 
la  consideration  dont  il  eprouve  le  besoin.  II  faudrait 
que  la  division  actuelle  des  maisons  d'education  en  col- 


260  SIXIEME  SECTION. 

leges  royaux  et  colleges  communaux  ne  fiit  pas  con  • 
servee,  parce  que  les  colleges  communaux  ont  leur  corps 
enseignant  place  dans  une  double  dependance  qui 
semble  les  mettre  dans  une  position  inferieure  a  celle 
clu  corps  enseignant  des  colle'ges  royaux  qui  ne  releve 
que  de  rautorite  universitaire. 

M.  Houze  presente  quelques  considerations  sur  la 
position  des  professeurs,  et  desire  qu'on  appelle  1'atten- 
tion  du  ministre  sur  leur  sort.  II  conclut  en  disant : 

1 .°  Que  le  pouvoir  doit  diriger  I'instruction  et  par  consequent  conserver 
le  corps  universitaire ;  mais  a  coledece  corps,  chacun ,  avec  un  brevet  de 
capacite ,  en  se  conformant  aux  lois ,  peut  professer  de  nouvelles  doctrines 
et  de  nouvelles  methodes. 

2.°  Qu'en  admettant  la  necessite  du  corps  universitaire,  il  faut  y  in- 
troduire  sur  le  meme  rang  que  les  etudes  linguistiques ,  la  culture  des 
arts ,  et  exiger  du  candidat  au  litre  de  bachelier  des  notions  de  musique 
et  de  peinture. 

3.°  Que  dans  la  loi  sur  1'enseignement  secondaire  ,  il  y  a  une  lacune 
importante  a  combler,  c'est  1'organisation  de  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui 
maitre  d 'etudes.  Il  proposerait  a  ce  sujet ,  que  le  corps  universitaire  fut 
divise  ainsi  qu'il  suit : 

Premierement.  Le  corps  dirigeant  qui  doit  rester  ce  qu'il  est,  forme 
d'hommes  eprouves,  charges  d'etudier  les  niethodes,  les  doctrines,  et  de 
les  transmettre  au  corps  enseignant. 

Secondement.  Le  corps  charge  de  I' education,  qui  doit  etre  tout  autre 
qu'il  n'est  aujourd'hui  :  il  faudrait  pour  cela  qu'on  ue  put  passer 
dans  cette  partie  qu'apres  avoir  atteint  au  moins  1'age  de  30  ans  et  avoir 
passe  plusieurs  annees  dans  la  partie  enseignante.  Cetle  partie  devrait 
etre  la  plus  honoree  et  la  plus  retribuee. 

Troisiemement.  La  partie  enseignante ,  qui  n'a  besoin  que  de  quelques 
ameliorations ,  et  dont  tons  les  membres  devraient  etre  agreges. 

Qualriemement.  Les  jcunes  ddbntants,  qui  ne  seraient  jamais  seuls  , 
ct  qui  apprendraicrit  sous  la  direction  des  hommes  de  1'cducation  le 
grand  art  d'elever  leurs  semblablos. 


C1NQUIEME  SECTION.  261 

M.  Simon  prend  la  parole  pour  etablir  que  la  liberte 
d'enseignement  doit  etre  consacree  en  principe;  mais 
qu'en  fait,  elle  ne  saurait  etre  absolue.  Selon  lui,  1'e- 
ducation  publique  doit  etre  constamment  en  rapport 
avec  1'etat  de  civilisation  de  chaque  epoque.  Ce  fat 
la  condition  du  passe,  ce  devra  etre  celle  de  1'avenir. 
Aussi,  1'etat  de  1'education  publique  en  France  off  re 
trois  periodes  bien  distinctes.  Dans  1'une,  le  clerge  e'tait 
seul  charge  de  1'enseignement  public.  Dans  la  seconde, 
le  corps  enseignant  cbercba  a  s'emanciper  du  clerge  , 
de  la  ,  la  fondation  de  1'universite  a  Paris.  En  1789, 
commence  une  troisieme  periode.  On  voulut  alors  et 
surtout  affranchir  completement  1'enseignement  public 
de  1'influence  du  clerge. 

Aujourd'hui  que  la  societe  est  en  travail ,  qu'elle  ela- 
bore  les  divers  elements  de  son  organisation  a  venir; 
aujourd'hui,  enfin,  que  nous  vivons  a  une  epoque  de 
transition  ,M.  Simon  pense  que  1'organisation  actuelle  de 
1'enseignement  public  ne  pent  que  traduire  Fesprit  detous. 
Le  caractere  d'une  epoque  de  transition  est  de  mettreen 
presence  deux  forces  opposees  destinees  a  s'harmoniser 
plus  tard.  Les  deux  forces  qui  luttent  aujourd'hui  dans 
la  societe  francaise ,  sont,  d'une  part,  1'esprit  de  conser- 
vation que  le  gouvernement  represente,  et,  de  1'autre, 
1'esprit  de  progres  ou  d'innovation  qui  se  developpe  en 
dehors  du  pouvoir  lui-meme ;  que  le  pouvoir  ne  doit 
ni  contrarier ,  ni  encourager ;  mais  qu'il  est  de  son  de- 
voir de  tolerer. 

Dans  ce  sens  ,  M.  Simon  pense  qu'il   doit  y  avoir 


202  SIXIEME  SECTION. 

deux  ordres  d'etablissements ,  les  uns  libres,  et  les  air- 
tres  regies  dans  leur  personnel,  leurs  doctrines  et  leurs 
methodes,  par  le  pouvoir. 

La  limite  imposee  aux  etablissements  libres  serait ,. 
dans  la  pensee  de  M.  Simon ,  qu'ils  recussent  de  1'uni- 
versite  un  double  titre  de  capacite  et  de  moralite. 

M.  Dain  pense  qu'aujourd'bui  ou  la  liberte  illimitee 
de  1'enseignement  ne  saurait  s'accorder  avec  1'etat  du 
developpement  social,  il  convient,  tout  en  accordant 
a  1'enseignement  la  plus  grande  somme  de  liberte  pos- 
sible, de  .Vassujetir  neanmoins  a  1'action  regulatrice  de 
lois  et  de  reglements.  Mais  d'abord  ,  il  ne  saisit  pas 
Futilite  de  la  division  du  corps  enseignant  en  deux  parts, 
dont  1'une  aurait  plus  de  liberte  que  1'autre ,  et  il  croit 
en  outre  que  les  lois  regulatrices  de  cette  liberte  doivent 
etre  speciales. 

M.  Laurent  dit  qu'il  en  est  de  la  liberte  de  1'enseigne- 
ment comme  de  toutes  les  libertes;  qu'elle  doit  etre  re- 
glee  par  les  lois  ;  dans  un  temps  de  baute  civilisation  ^ 
1'avenir  d'un  peuple  est  tout  entier  dans Teducation  de 
la  jeunesse ,  et  il  serait  absurde  de  pretendre  que  le  droit 
d'enseigner  appartient  a  touthomme,  quellesquefussent 
sa  science  et  sa  moralite.  II  adopte  completement  1'opi- 
nion  de  M.  Doublet  sur  ce  que  Ton  doit  entendre  de  la 
liberte  de  1'enseignement  par  rapport  aux  methodes, 
aux  doctrines  et  aux  bommes. 

Apres  une  discussion  a  laquelle  prennent  part  plu- 
sieurs  autres  membres ,  la  section  decide  que  la  resolu- 


SIXIEME  SECTION.  263 

tion  suivante  sera  portee  a  la  seance  generate ,  sur  la 
3.e  question  du  programme  : 

«  Par  rapport  aux  melhodes ,  Penseignement  doit  etre  libre. 

»  Par  rapport  aux  doctrines ,  la  liberte  n'est  point  exclusive  de  la  sur- 
>•  veillance  et  du  controle  du  gouvernement ;  elle  doit  etre  soumise  a  des 
»  lois  speciales  en  harmonic  avec  le  principe  de  la  liberte  d'enseignement. 

»  Par  rapport  aux  hommes  ,  1'enseignement  ne  peut  etre  exerce  que  par 
»  ceux  qui  sont  pourvus  d'un  brevet  de  moralite  et  de.  capacite.  » 


Seance  du  mercredi  soir  14  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  docteur  SIMON,  vice-president. 

M.  Porcher  (  de  Blois)  demande  que  la  section  deli- 
bere  sur  la  suppression  du  droit  universitaire  comme 
complement  de  la  resolution  adoptee  le  matin. 

M.  de  Courteilles  appuie  cette  suppression  d'un  droit 
qui  lui  parait  souverainement  injuste. 

M.  Bergevin  ne  trouve  pas  d'inconvenient  a  ce  que  le 
droit  soit  maintenu;  il  ne  le  trouve  pas  un  obstacle  a  la 
liberte  de  Fenseignement. 

M.  de  Courteilles  replique  qu'il  trouverait  mieux  que 
Timpot ,  s'il  etait  necessaire ,  fut  paye  par  le  fonds  com- 
mun  et  non  par  les  families  pauvres  qu'il  greve  d'une 
maniere  plus  pesante. 

M.  Porcher  appuie  cette  opinion,  que  limpet  univer- 
sitaire pese  d'une  facon  plus  penible  sur  les  pauvres. 

M.  de  Boisthibault  ne  pense  pas  que  les  besoms  du 
budget  puissent  etre  convenablement  iiwoqiies.  La  ou 


2$4  SIX1EME  SECTION. 

1'on  reconnait  la  necessite  de  la  suppression  d'un  impot , 
elle  doit  etre  demandee.  La  societe  doit  a  tous  ses  mem- 
bras  un  enseignement  egal ;  elle  doit  plus  encore  aux 
pauvres  qu  aux  riches  qui  peuvent  se  suffire  ;  il  conclut 
a  la  suppression  du  droit  universitaire. 

La  section  decide  que  le  voeu  de  la  suppression  du 
droit  sera  exprime  par  le  Congres, 

La  discussion  est  ouverte  sur  la  4.e  question  du  pro- 
gramme ,  la  section  decide  qu'elle  sera  ecartee. 

La  section  invitee  a  deliberer  sur  la  question  suivante^ 
renvoyee  par  le  Gongres  de  Douai  :  Quelle  est  Vin- 
Jluence  de  la  civilisation  sur  la  demoralisation  despeu- 
ples  ,  etc.,  decide  que  cette  question  sera  retranchee. 

M.  Cler  reproduit  la  proposition  de  creer  un  college 
royal  par  departement.  Cette  proposition ,  appuyee  par, 
M.  Doublet ,  n'est  point  mise  aux  voix. 


Seance  du  jeudi  matin  t5  septembre  183&. 
Presidence  de  M.  JULLIEN. 

L'orclre  du  jour  appelle  la  discussion  sur  la  l.re  ques- 
tin  du  programme  ajournee  a  la  premiere  seance. 

Sur  1'observation  de  MM.  Simon,  Chatelain  (de  Paris) 
et  de  Boisthibault ,  cette  question  est  renvoyee  a  la 
section  d'histoire. 


SIX1EME  SECTION.  265 

M.  Jullien  propose  a  la  section  de  prendre  en  consi- 
deration la  proposition  suivante  : 

Miss  Anna  Knight,  anglaise,  de  la  secte  des  amis,  ou  quakers ,  niece 
de  1'honorable  et  celcbre  agronome  et  philantrope  "Villiam  Allen ,  fonda- 
teur  d'une  colonie  agricole  aupres  de  Brighton,  est  venue  expres  auCon- 
gres  scientifique  de  Blois  pour  y  provoquer  la  sympathie  des  amis  de  la 
civilisation  et  de  1'humanite  en  faveur  de  la  sainte  cause  de  1'abolition  de 
la  traite  des  noirs.  Elle  desire  insister  sur  la  necessite  que  tous  les  homines 
genereux  se  prononcent  avec  energie  pour  que  cet  odieux  trafic  dela 
chair  humaine ,  centre  lequel  sont  malheureusement  insuffisantes  les  dis- 
positions legislatives  adoptees  jnsqu'ici ,  soil  cnfin  reprime  efficacement. 
Elle  demande  que  le  Congrcs  scientifique  de  France  veuille  unir  sa  voix 
aux  voix  genereuses  qui  onJ  deja  fletri  et  combattu  le  crime  de  la  traite. 
L'epoque  ou  la  France  commence  a  introduire  les  bienfaits  de  la  civilisa- 
tion en  Afrique  parait  favorable  pour  la  manifestation  d'un  semblable 
voeu. 

La  section  decide  qu'elle  s'occupera  de  la  proposition 
de  miss  Knight. 

La  discussion  est  appelee  sur  la  7.e  question  du  pro- 
gramme. 

M.  Simon  prend  la  parole.  II  pense  que  les  causes  de 
1'augmentation  progressive  des  enfants  exposes  sont 
tres  nombreuses;  mais  que  cependant  elles  peuvent  etre 
ramenees  a  deux  principales  :  la  misere  et  1'affaiblisse- 
ment  du  lien  de  famille.  Bien  que  la  richesse  publique 
augmente,  il  est  de  fait  qu'elle  se  distribue  mal  et  que 
nos  besoins  reels  ou  factices  vont  plus  vite  que  1'accrois- 
sement  de  nos  richesses.  Le  nombre  toujours  croissant 
ties  celibataires  en  est  la  preuve.  Les  remedes  moraux 
qu'il  convient  d'apporter  a  cette  plaie  publique,  sont 
aussi  de  deux  ordres  :  1'un ,  tout  d'opinion  ,  c'est  la 


266  SIXIEME  SECTION. 

rehabilitation  de  la  fille-mere ;  1'autre ,  tout  economique , 
consiste  a  tarir  toutes  les  sources  de  la  misere  publique, 
au  nombre  desquelles  se  trouve  le  proletariat.  M.  Simon 
pense  encore  qu'il  n'y  a  point  a  rechercher  d'autres 
moyens  de  diminuer  les  depenses  qu'occasionne  1'entre- 
tien  des  enfants  exposes ,  si  ce  n'est  de  combattre  les 
causes  qui  en  favorisent  1'accroissement. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  releve  1'inexactitude 
des  termes  enfants  exposes ,  qu'on  devrait  appeler  en- 
fants delaisses.  Repondant  ensuite  a  M.  Simon  ,  il  pre- 
tend que  la  suppression  des  tours  est  la  cause  des 
infanticides.  II  s'appuie  de  son  experience  comme  ayant 
ete  charge  de  la  defense  de  quelques  femmes  accusees 
d'infanticide.  M.  le  docteur  Simon  avoue  lui-merne  que 
dans  son  experience  il  a  reconnu  plusieurs  faits  d'infan- 
ticide comme  suite  des  tours  supprimes  ;  il  ne  suffirait 
que  de  1'existence  d'un  crime  de  cette  nature  pour  que 
les  tours  fussent  retablis. 

M.  Hunault  de  Pelterie  (d' Angers)  partage  les  opi- 
nions du  preopinant.  II  attribue  aussi  le  nombre  des  en- 
fants exposes  au  sejour  des  militaires  dans  les  villes  et 
les  campagnes. 

Examinant  la  question  de  1'echange  des  tours,  il 
pense  que  souvent  il  n'y  a  pas  barbarie  a  une  mere  de 
deposer  son  enfant ;  elle  n'a  d'autre  but  que  de  se  rele- 
ver  de  la  mendicite.  II  s'eleve  contre  1'echange. 

M.  Simon  ne  pense  pas  que  la  suppression  des  tours 
soit  une  cause  d'augmentation  des  infanticides,  on  du 
moins  ils  sont  en  petit  nombre. 


S1XIEME  SECTION.  267 

M.  Chatelain  pense  au  contraire  que  la  suppression 
ties  tours  est  un  moyen  de  conservation  du  sentiment  de 
la  maternite  et  la  destruction  d'une  blamable  specula- 
lion. 

M.  Leroyer  de  Longraire  (de  Verdun)  dit  que  dans 
une  des  villes  de  la  Meuse,  on  a  supprime  momentane- 
ment  le  tour  d'un  hospice ,  en  confiant  aux  soeurs  de 
charite  le  soin  de  recevoir  les  enfants.  On  pensa  qu'en 
confiant  cettetache  a  des  femmes  charitables,  on  rassure- 
rait  la  pudeur  des  meres ;  mais  ce  moyen  a  ete  impuissant : 
le  nombre  des  enfants  exposes  a  augmente  ,  et  il  a  fallu 
retablir  les  tours. 

M.  de  Boisthibault  est  convaincu  que  la  suppression 
des  tours  est  une  des  causes  les  plus  puissantes  qui  ren- 
dent  les  filles-meres  coupables  de  pratiques  criminelles 
pour  se  debarrasser  de  leurs  enfants. 

II  indique  comme  cause  de  la  progression  des  enfants 
delaisses : 

1 .°  La  demoralisation  de  Petal  actuel  de  la  societe ; 

2.°  Le  relachement  du  lien  de  famille; 

3.°  L'indifference  pour  le  manage; 

4.°  L'augmentation  de  la  population  par  suite  de  1'etat  de  paix, 

Les  remedes  seraient : 

1.°  Dans  la  moralisation  du  peuple.  —  Ltii  departir  1'instruction  :  1'ins- 
truction  donnee  lui  donnera  Pidee  du  travail;  le  travail  chassera  la  misere. 

2.°  La  societe  moralisee ,  Phomme  comprendra  qu'il  doit  sacrifier  quel- 
que  chose  de  son  independance  a  la  societe ;  qu'il  doit  devenir  chef  de 
famille ,  veiller  a  Peducation  de  ses  enfants  et  preparer  a  Petat  de  bons^ 
ei  toy  ens. 

3.°  Dans  Petal  actuel ,  le  rcmede  au  mal  est ,  en  maintenaul  les  tours- 

\ 


268  SIXIEME  SECTION. 

des  hospices,  de  suivre  les  mesures  adoptees  dans  un  grand  nombre  de 
localitcs  :  I'enfaut  depose  dans  un  tour  sera  envoye  ,  par  les  soins  de  1'ad- 
ministration  ,  dans  un  hospice  eloigne.  On  empechera  que  la  mere  ,  qui 
sait  ou  elle  a  expose  son  enfant,  n'attende  qu'il  soil  eleve  pour  reveler  sa 
maternite.  C'est,  en  un  mot,  en  mettant  le  sentiment  de  la  maternite  en 
defaut  que  Ton  forcera  les  meres  a  garder  leurs  enfants  plutot  que  d'etre 
exposees  a  les  perdre.  On  evitera  encore  la  speculation  de  quelques  fcm- 
mes  qui  ne  delaissent  souvent  leurs  enfants  que  pour  se  creer  un  etat  de 


M.  Leroyer  signale  Fetablissement  des  salles  d'asile 
comme  moyen  moral  propre  a  remedier  au  mal  signale. 

M.  le  docteur  Desbrosses  lit  un  travail  sur  ce  sujet. 

Apres  cette  lecture,  M.  Laurent  demande  que  M. 
Desbrosses  soit  invite  a  formuler  son  opinion  en  une 
serie  de  propositions  sur  chacune  desquelles  la  discus- 
sion puisse  s'etablir  etla  section  adopter  une  resolution. 

Cette  demande  est  accueillie  par  la  section  ,  et  la 
se'ance  est  renvoyee  a  ce  soir  8  heures  pour  la  continua- 
tion de  la  discussion. 


Seance  du  jeudi  soir  15  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  le  docteur  SIMON ,   vice-president. 

M.  le  president  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  le 
prince  de  Chimay,  qui  demande  que  la  section  nomme 
une  commission  qui  serait  chargee  d'aller  visiter  son 
prytanee. 

La  section  decide  qu'une  commission  de  six  membres, 


SIXIEME  SECTION.  2G9 

^ui  seront  nommes  a  la  seance  du  lendemain  matin ,  se 
rendra  dimanche  a  Menars. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  proposition  de  miss 
Knight. 

M.  Simon  observe  que  les  lois  sur  la  traite  des  noirs 
n'ont  pas ,  dans  leur  execution ,  produit  le  bien  qu'on  en 
aurait  du  attendre. 

M.  Leroux  (de  Blois)  dit  que  Fabolition  de  la  traite 
n'est  point  a  mettre  en  question,  puisque  cette  abolition 
existe  en  fait  legalement.  Qu'il  s'agirait  de  demander  que 
la  loi  fut  executee. 

M.  Laurent  declare  que,  dans  son  opinion,  la  seule 
repression  possible  de  la  traite  des  noirs  serait  dans  1'a- 
bolition  de  1'esclavage  aux  colonies ;  mais  que  c'est  une 
question  grave  sur  laquelle  il  ne  pent  se  prononcer. 

Apres  une  discussion  a  laquelle  MM.  Desbrosses, 
le  comte  de  Perrigny  et  Leon  Lefebvre  (  de  Blois) 
prennent  part ,  la  section  adopte  la  resolution  suivante  : 

«  Le  Congres  exprime  le  voeu  que  les  lois  prohibitives  de  la  traite  des 
»  noirs,  n'ayant  pas  atteiut  leur  but,  soient  rendues  plus  efficaces,  puis- 
»  qti'au  lieu  d'amcliorer  la  condition  des  noirs ,  elles  n'ont  servi  qu'a  ag- 
»  graver  leur  position.  » 

La  section  reprend  la  discussion  sur  la  question  rela- 
tive a  V augmentation  progressive  des  enfants  trouves. 

M.  Simon  presente  le  resume  du  travail  de  M.  Des- 
brosses, et  en  meme  temps  un  resume  de  1'opinion  de 
M.  Gaillard,  et  en  fin  un  projet  de  resolution  de  Jui- 
meme,  ainsi  qu'il  suit : 


270  SIXIEME  SECTION. 

«  Le  Congres  estime  que  la  misere,  1'affaiblissemeut  toujours  croissant 
»  du  lien  de  famille,  le  celibat,  consequence  de  notre  etat  social,  et  les 
»  abus  qui  se  sont  introduits  dans  les  hospices,  abus  qui  reconnaissent  pour 
»  cause  ou  1'humanite  mal  entendue  de  quelques  administrateurs ,  ou  la 
»  cupidite  de  certaines  meres,  sont  les  causes  principales  de,  1'augmenta- 
»  lion  progressive  des  enfants  exposes. 

»  Les  remedes  moraux  a  apporter  a  cette  plaie  publique  consistent  > 
»  d'une  part ,  a  encourager  et  propager  ks  etablissements  de  patronage  et 
»  de  refuge,  ayant  pour  objet  de  recevoir,  des  leur  bas  age,  les  filles  pan- 
»  vres  et  delaissees ,  et  de  les  mettre  a  meme  de  gagner  honnetement  leur 
»  existence ;  de  1'autre ,  a  provoquer ,  encourager  et  soutenir  partout  les 
»  etablissements  qui  presenteront  des  garanties  suffisantes  pour  1'education 
»  des  filles ;  enfin  a  prendre  les  mesures  les  plus  severes  pour  empechcr 
»  le  melange  des  deux  sexes  dans  les  ecoles. 

»  Le  Congres  estime  en  outre  que  les  depenses  occasionnees  par  1'entre- 
«  lien  des  enfants  trouves  ,  ne  peuvent  etre  diminues  efficacement  que  par 
»  les  moyens  tendants  a  diminuer  le  nombre  de  ces  memes  enfants.  La 
«  suppression  des  tours  et  le  deplacement  des  enfants,  moyens  jusqu'ici 
»  conseilles  et  employes,  lui  semblent  avoir  plus  d'inconvenients  que  d'a- 
»  vantages.  II  croit  qu'ils  pourraient  etre  utilement  remplaces  par  ceux  qui 
»  suiveut ; 

»  1.°  Le  retrait  des  enfants  de  chez  les  uourrices ,  vers  Tage  de  3  ans , 
»  sous  condition  de  les  placer  immediatement  dans  des  maisons  speciales , 
»  jusqu'a  1'age  de  21  ans; 

»  2.°  Que  1'etat  rechercbe ,  par  tons  les  moyens  possibles  et  praticables, 
»  a  favoriser  les  mariages  parmi  les  classes  laborieuses ; 

»  3.°  Exiger  des  nourrices  des  certificats  constatant  1'etat  actuel  de  leuts 
»  enfants; 

»  4.°  Propager  et  multiplier,  autant  que  le  permettent  les  ressources 
w  des  communes ,  1'etablissemenl  des  salles  d'asile ; 

»  5.°  Instituer  dans  chaque  arrondissement  un  inspecteur  ayant  pour 
»  mission ,  d'abord ,  de  visiter  les  enfants  et  de  veiller  a  leur  conservation 
«  et  a  leur  bien-etre;  puis,de  signaler  les  abus  qu'il  pourrait  reconnaitre.» 

Les  motifs  qui  ont  determine  les  resolutions  prece- 
dentes  ayant  ete  puises  dans  la  lecture  d'un  memoire 
rempli  de  faits  et  de  reflexions  judicieuses,  du  a  M.  le 
docteur  Marin-Desbrosses ,  la  section  propose  au  Congres 


SIXIEME  SECTION.  271 

d'or dormer  Timpression  de  ce  memoire ,  dans  le  double 
but  de  faire  mieux  comprendre  1'utilite  et  le  but  de  ces 
resolutions ,  et  d'accorder  aux  efforts  de  M.  Desbrosses 
le  juste  tribut  qu'ils  meritent. 

M.  de  Perrigny  s'eleve  contre  1'etablissement  des  tours 
qu'il  considere  comme  favorables  a  1'exposition  des  en- 
fants  et  funestes  a  la  morale  publique. 

M.  Doublet  trouve  a  1'augmentation  des  expositions 
trois  causes  ; 

I.°  Le  paupe'risme ; 

2.°  L'indifference  croissante  pour  le  mariage ; 

3.°  Le  relachement  du  lien  de  famille. 

II  s'eleve  contre  la  suppression  des  tours,  suppression 
qui  pousse  a  1'infanticide. 

M.  Simon  developpe  quelques  idees  sur  1'affaiblisse- 
ment  du  lien  de  famille.  11  en  trouve  plusieurs  causes. 

Selori  M.  Simon  ,  la  famille  repose  sur  trois  sentiments 
qui  bientot  se  convertissent  en  trois  interets  distincts  : 
1'interet  moral,  1'interet  politiqne  ou  social  et  1'interet 
materiel.  Aujourd'hui  le  nom  ne  transmettant  ni  consi- 
deration reelle,  ni  privileges,  1'interet  politique  du  nom 
de  famille  a  disparu  et  a  malheureusement  altere  les  au- 
tres  sentiments  de  la  famille.  Tout  en  reconnaissant 
1'utilite  et  la  moralite  de  la  transformation  subie  par  la 
famille ,  il  suppose  qu'elle  est  pour  beaucoup  dans  1'es- 
pece  d'indifference  pour  le  mariage  qui  se  rencontre  sur- 
tout  dans  les  grandes  villes. 

La  discussion  est  remise  et  la  seance  est  levee. 


272  SIKIEME  SECTION. 

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DES 

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ZW  FRANCE. 

ter  $t.   le  bocteut 


Le  nombre  des  enfants  trouves  a  considerablement  augmente  en  France 
depuis  un  demi-siecle.  En  1784,  il  n'en  existait  au-dessous  de  12  ans  qu6 
40,000,  et  en  1815  on  en  comptait  84,500*;  en  1824,  le  nombre  s'en 
etait  eleve  a  116,767,  en  1834  il  etait  de  129,629**.  La  depense  d'en- 
tretien  a  du  necessairement  suivre  la  meme  progression.  Elle  etait  en  1834 
de  10,240,262  francs  ***.  Aussi  s'est-on  depuis  quelques  annees  beau- 
coup  occupe  des  moyens  propres  a  diminuer  cette  charge  publique.  Mais 
le  mal  signale ,  peut-etre  s'est-on  trop  bate  de  mi  opposer  le  remede , 
avant  d'en  avoir  suffisamment  rechercbe  la  cause;  peut-etre  aussi  dans  lea 
essais  tentes  a-t-on  eu  trop  en  vue  1'economie,  et  u'a-t-on  pas  assez 
pris  en  consideration  1'humanite  et  les  interets  moraux  de  la  societe.  Il 
est  remarquable ,  en  effet,  que  presque  partout  les  administrations  des 
hospices  d'enfants  trouves  se  soient  opposees  aux  mesures  arretees  par  les 
conseils  generaux.  Peul-etre  enfin  existe-t-il  des  moyens  plus  convenables 
que  ceux  qu'on  a  employes  jusqu'a  present.  C'est  ce  que  je  jne  propose 
d' examiner. 

I/augmentation  du  nombre  des  enfants  trouves  peut  etre  rapportee  a 
quatre  causes  differentes  :  1.°  a  la  diminution  de  la  mortalite;  2.°  a  1'aug1- 
mentation  du  nombre  des  naissances  riaturelles ;  3.°  a  une  moins  grande 
repugnance  pour  les  expositions ;  4.°  aux  abus  introduits  dans  les  hospices. 
Je  vais  discuter  successivement  ces  quatre  causes ,  et  je  chercherai  a  appre- 


*   Considerations  aur  les  enfants  trouvef ,  par  M.  Benoiston  de  Cha'teauneuf. 
*"  Documents  statistiqnes  inr  la   Fmnce  ,  publies  en  i8!>5  par    le  ministre  clu  com- 
nvercw. 

•**   Mimes   document!. 


SIXIEME  SECTION.  273 

cier  1 'influence  que  chacune  a  du  exercer  sur  ce  grand  fait  social.  C'est 
\e  seul  moyen  d'arriver  a  des  consequences  pratiques. 


Je  suis  heureux  d'avoir  a  signaler  comme  premiere  cause  d'un  mal  so- 
cial un  fait  qui  honore  notre  epoque  et  notre  pays.  II  est  bien  demontre 
en  effet  que  si  nous  avons  a  supporter  une  augmentation  progressive  de 
dcpenses  pour  1'entretien  de  nos  enfants  trouves,  nous  avons  aussi  a  nous 
feliciter  d'une  diminution  considerable  de  la  mortalite  parmi  ces  etres  fai- 
bles  et  malheureux. 

La  mortalite  des  enfants  en  general  etait,  a  Paris,  de  1715  a  1744, 
de  21  pour  100  dans  la  premiere  annee  et  de  52,50  jusqu'a  10  ans, 
d'apres  les  tal)les  du  cure  de  Saint-Roch.  Au  commencement  de  notie 
siecle ,  elle  etait  pour  toute  la  France ,  d'apres  la  table  dressee  en  1 806 
par  Duvillard,  de  23,20  pour  100  dans  la  premiere  annee,  et  de 
44,88  pour  100  jusqu'a  10  ans.  De  1817  a  1821  ,  elle  a  etc,  pour  Paris, 
d'apres  M.  Benoiston  de  Chateauneuf  * ,  de  37,27  pour  100  jusqu'a 
10ans;et  d'apres  M.  Duchatel  **,  seulement  de  30  pour  100  jusqu'a 
12  ans,  pendant  la  periode  de  1817  a  1823. 

Pour  les  enfants  trouves  ,  la  mortalite  a  ete,  a  Paris,  en  1789  ,  de  80 
pour  100  jusqu'a  un  an,  d'apres  Tenon;  de  1818  a  1821 ,  elle  a  ete  de 
48,6  pour  100  dans  la  premiere  annee,  d'apres  Coquebert-Monbret  ***; 
pour  1821 ,  M.  de  Chateauneuf  porte  a  57,63  pour  100  la  mortalite  des 
enfants  trouves  de  toule  la  France  jusqu'a  12  ans  ,  et  pour  1825,  M.  Du- 
chatel 1'evalue  a  CO  pour  100. 

Au   premier  Janvier   1824,  il  existait  en  France  .  .  .     116,452 
enfants  trouves. 

Dans  la  periode  d«cennale  de  1824  a  1334,  il  en  est  enlre 
aux  hospices 336,297 

TOTAL. 452,749 

Au  premier  Janvier  1834,  il  en  existait  aux  hospices.  .     129,629 

DIFFERENCE 323,120 

Dont  sont  sortis 124,615 

et  sont  morts 198,505 


*    Ouvrage  cite. 

•*   De  laCharitfi. 

*"  Rapport  a  rAradvmie  des  sciences  sur  le  memoirede  ]\T.  de  Chuteauneiif. 


274  SIXIEME  SECTION. 

C'est  done  198,505  deces  pour  323,120  enfants  trouves  ,  jusqu'a  12 
ans,  on  61,43  pour  100  *.  Toutefois,  il  est  juste  de  faire  observer  que  ce 
chiffre  devrait  etre  un  pen  plus  eleve.  En  effet ,  sur  les  124,615  enfants 
sortis  des  hospices,  46,025  ont  etc  retires  par  leurs  parents  avant  la  12.e 
anuee ,  et  un  certain  nombre  d'entre  eux  sans  doute  sont  morts  avant  cet 
age.  Ncanmoins,  cette  cause  d'erreur  doit  trespeu  changer  le  resultat;  parce 
qu'cn  general  les  enfants  ne  sont  recorinus  par  leurs  parents  que  lorsqu'ils 
sont  deja  grands ,  et  Ton  sail  que  la  mortalite  parmi  les  enfants  trouves 
n'est  tres  considerable  que  dans  les  premiers  temps  de  la  vie.  Je  crois  an 
reste  que  cette  cause  d'erreur  a  toujours  etc  negligee.  (  V.  ci-apres  la  note 
1  ,re  -a  la  fin  d«  memoire.  ) 

La  difference  entre  la  mortalite  des  enfants  trouves  et  celle  des  autrcs 
enfants  est,  d'apres  M.  de  Chateauneuf,  de  moins  de  20  pour  100- 
et,  d'apres  M.  Duchatel,  elle  serait  de  30  pour  100.  Si  je  ne  me 
trompc  moi-meme  ,  cette  difference  dans  les  resuHats  obtenus  presque 
a  la  mcme  epoque  par  deux  hommes  egalemcnt  capables  ,  qui  ont 
opere  sur  des  documents  officiels ,  tient  en  partie  a  une  erreur  de  M.  Du- 
chatel.  Dans  ses  calculs ,  il  a  defalque  des  deces  d'enfants  en  general  les 
enfants  morts-nes;  il  aurait  du  le  faire  cgalement  pour  les  deces  d'en- 
fants trouves,  et  il  ne  1'a  pas  fait.  Mais  eut-il  fait  cette  deduction,  il  y 
aurait  encore  dans  ses  calculs  une  grande  cause  d'erreur :  tous  les  enfants 
nes  a  domicile  dans  Paris  sont  consideres  comme  morts-nes  s'ils  ue  sont 
pas  presentes  vivants  a  la  municipalite,  et  comme  on  a  trois  jours  pour 
faire  cette  .presentation ,  il  s'cn  suit  que  ceux  qui  meurent  dans  les  deux 
ou  trois  premiers  jours  de  la  vie  sont  comptes  comme  morts-nes ;  tandis 
qu'au  contraire  sont  eonsideres  comme  ayant  vecu  tous  ceux  qui ,  nes  ou 
deposes  a  1'hospice  ,ont  donne  des  signes  de  vie  non  equivoques**.  Si  on 
considere  que  c'est  dans  les  premiers  jours  de  la  naissance  que  la  morta- 
lite est  la  plus  grande,  on  concevra  facilement  que  1'erreur  apportee  par 
cette  difference  dans  la  maniere  de  compter  doil  etre  considerable.  En 
effet,  de  1817,  a  1823  il  y  a  en  a  Paris  175,142  naissances  a  domicile 
et  60,195  deces  jusqu'a  douze  ans.  Or,  dans  ces  60,195  deces  sont  com- 
uris  9,704  enfants  morts-nes;  c'est  lfi,12  pour  100,  proportion  enorme 
qui  serait  incroyable  sans  1'explication  que  je  viens  de  donner.  Si  1'on  ne 
fait  pas  du  nombre  total  des  deces  la  deduction  des  morts-nes,  ce  qui  me 
semble  juste,  puisqu'evidemment  la  plupart  ne  sont  rcellement  pas  morts- 

"   Documents  statistiques  du  ministre  Ju  commerce. 

**  Voir  In  note:  du  tableau  uuuicro  46  des  Rechcrclies  statist'ques  sur  Paris,   1826. 


SlXtfeME  SECTION.  275 

ftcs  et  que  d'ailleurs  il  faudrait  pouvoir  en  faire  autant  relalivemcnt  aux 
enfanls  trouves  pour  pouvoir  etablir  une  comparaison ,  alors  on  aura  pour 
les  douze  premieres  annees  de  la  vie  une  mortalite  de  34,36  pour  100,  et 
lion  pas  30  seulement  parmi  les  enfants  eleves  par  leurs  parents. 

J'ajouterai  pour  1'honneur  de  mon  pays ,  que  d'apres  les  recherches  de 
M.  de  Chateauneuf ,  la  mortalite  en  general  jusqu'a  dix  ans  est  a  Berlin  de 
£4, 108, a  Viennede55,578  pour  100.  Des  calculs  plus  recents  la  portent, 
pour  la  meme  periode  de  la  vie,  a  Petersbourg  a  41,7  et  a  Londres  a 
41,6  pour  100. 

Je  demanderai  maintenant  s'il  faut  s'etonner  que  la  mortalite  soil  si 

.grande  pendant  la  premiere  annee? A  cette  epoque  de  la  vie  ou  1'exis- 

tence  est  encore  peu  assuree  ,  Pinfluence  des  agents  exterieurs  est  toute 
puissante ;  et  que  faisons-nous  pour  en  prevenir  les  funesteseffets?....  Preci- 
sement  tout  le  contraire  de  ce  qu'il  faudrait  faire.  La  loi  veut  que  dans  les  trois 
jours  de  la  naissance  1'enfant  soil  porte  a  la  mairie  pour  son  inscription  et 
la  constatation  de  son  sexe.  II  faut  done  le  deshabiller  et  1'exposer  au  froid ; 
on  bien ,  et  c'est  le  cas  le  plus  ordinaire ,  on  s'en  fapporte  a  la  declaration 
des  parents ,  et  alors  on  a  fait  feire  a  1'enfant  une  sorlie  dangereuse  ,  sans 
aucun  lut  d'utilite.  Ne  peut-on  pas  d'ailleurs  faire  constater  la  naissance 
a  domicile ,  comme  le  deces  ?  La  chose  n'en  vaut-elle  pas  la  peine  ?  Il  s'a- 
git  de  la  vie  d'un  homme. 

La  regie  religieuse,  plus  imperieuse  encore  que  la  loi  civile,  exige  que 
dans  le  meme  delai  (et  c'est  generalement  dans  les  vingt-quatre  heures), 
on  porte  1'enfant  dans  une  eglise,  qui  presque  toujours  est  froide  et  hu- 
«iide ,  pour  qu'il  y  receive  le  bapteme.  On  lui  decouvre  la  tele ,  et  on  lui 
verse,  sur  cette  partie  delicate,  de  1'eau  le  plus  souvent  froide ;  car,  malgre 
la  recommandation  des  superieurs  ecclesiastiques ,  beaucoup  de  pretres  re- 
fusent  d'en  employer  de  chaude ;  et  d'ailleurs  peu  de  gens  du  peuple  com- 
prennent  assez  le  danger  de  1'eau  froide ,  pour  prendre  la  peine  d'en  por- 
ter de  chaude  ,  tant  qu'il  ne  sera  pas  obligatoire  de  le  faire.  On  etouffe  la 
malheureuse  victime  sous  d'epais  vetements,  et  Pen  pense  n'avoir  rien  a 
craindre  quand  sa  peau  est  chaude.  On  ne  voit  pas  que  1'air  qui  penetrc 
ses  poumons  est  froid;  que  ces  organes  tout  neufs,  qui  n'ont  pas  encore 
fonctioune,  sont  trop  vivement  impressionnes ,  et  qu'ils  contractent  des* 
lors  la  maladie  qui  doit  amener  la  mort  dans  un  temps  plus  ou  moins 
court.  Et  puis  on  s'etonne  de  la  mortalite  de  la  premiere  enfance !  Pour- 
quoi  les  ministres  d'un  Dieu  qui  a  donne  sa  vie  pour  racheter  le  genre  hu- 
main  ne  vont-ils  pas  ondoyer  1'enfanl  dans  son  bcrceau ,  comme  ils  vont 
administrer  un  ?igonisant  dans  son  lit? 


27C  SIXIEME  SECTION. 

M.  Marc  *  a  cherche  qucllcs  pouvaient  etre  les  causes  d'une  plusgrande 
mortalite  ehez  les  enfants  trouves.  II  a  pense  les  avoir  rencontrees  dans  la 
misere  et  la  debauche  des  parents,  et  dans  les  vices  de  naissance.  Assu- 
rement  je  ne  veux  pas  nier  1'influence  de  ces  causes ;  mais  je  crois  qu'elle 
a  ete  beaucoup  exageree. 

Ainsi,  le  vice  sj  philitique ,  qui-  de  tons  est  le  plus  commun ,  n'atteint 
cependant  que  1  enfant  sur  17  **;  ce  qui  certainement  n'est  pas  une  tres 
forte  proportion. 

Quant  au  defaut  de  bonne  nutrition  du  foetus,  resultant  de  la  mauvaise 
alimentation  de  la  mere,  j'y  crois  pen,  car  les  femmes  de  la  campagne 
qui  se  nourrissent  tres  mal  mettent  au  jour  des  enfants  bien  plus  forts 
que  ceux  des  dames  de  la  ville.  D'un  autre  cote,  ces  malheureux  qui  sont 
bicn  plus  souvent  les  enfants  de  1'amour  on  de  la  seduction  que  les  en- 
iauts  de  la  debauche  ou  de  la  misere,  sortent  presque  tous  de  parents 
jeunes,  condition  favorable  qui  doit  au  moins  contrebalancer  la  prece- 
dente. 

Les  tentatives  d'avortement  pourraient  avoir  plus  d'efiet;  mais ,  comme 
1'a  dit 'avec  raison,  je  crois,  M.  Marc,  elles  sont  devenues  plus  rares  de 
nos  jours ,  au  moins  dans  la  classe  de  la  societe  d'ou  viennent  la  plupart 
des  expositions. 

Le  soin  que  prennent  les  jeunes  filles  de  se  serrer  fortement  pour  dis- 
simuler  leur  grossesse  est  peut-etre  ce  qui  nuit  le  plus  au  developpe- 
ment  du  foetus. 

Mais  la  privation  du  sein  maternel  est  pour  les  enfants  qu'on  eleve  au 
biberon  une  cause  de  mortalite  certainement  bien  plus  forte  que  toutes  les 
autres. 

On  a  remarque  que  cette  desesperante  mortalite  des  enfants  trouves  a 
lieu  surtout  dans  les  premiers  jours  de  la  naissance ;  en  effet,  il  en  meurt 
plus  avant  qu'ils  ne  soient  mis  en  nourrice  que  dans  tout  le  reste  de  la 
premiere  annee.  Ce  fait  n'a  rien  qui  doive  etonner,  puisque  c'est  precise- 
meut  alors  qu'agissent  toutes  les  causes  signalees.  Est-il  bien  etonnant 
qu'un  enfant  naissant  apporle  souvent  de  loin ,  a  peine  couvert  de  quel- 
ques  haillons ,  a  qui  on  ne  donne  de  nourrice  qu'apres  plusieurs  jours 
d'une  espcce  de  quarantaine ,  et  qu'enfin  on  renvoie  a  cinquante  on 
soixante  lieues,  est-il  bien  etonnant  que  cet  enfant  succombe  a  tant  dc 
fatigues ! 

*  Dictioiinaire  des  sciences  rndclicalcs. 
*  Coquebert-Monbret j  onvragc  rite. 


SlXlfcME  SECTION. 


277 


Quoique  la  mortalite  des  enfants  trouves  ait  beaucotip  diminue ,  il  reste 
encore  beaucoup  a  faire  pour  1'amener  au  chiffre  le  plus  bas  possible. 
Jamais,  sans  doute,  elle  ne  sera  abaissee  au  chiffre  de  la  mortalite  des 
enfants  eleves  par  leurs  parents ;  mais  je  crois  qu'elle  peut  s'en  rappro- 
cher  beaucoup.  Ce  qui  le  prouve ,  c'est  la  difference  qui  existe  a  cet  egard 
eritre  des  departements  voisins.  II  est  certain  que  rallaitement  artificiel, 
adopte  par  quelques  administrations  comme  mesure  d'economie  ou  comme 
precaution  sanitaire,  est  la  plus  grande  cause  de  celte  difference,  et  il 
est  etonnant  que  des  homines  eclaires  restent  si  long-temps  dans  une  voie 
si  funeste. 

II. 

Une  seconde  cause  bien  naturelle  de  1'accroissement  numerique  des  en- 
fants trouves  ,  est  sans  doute  1'augmentation  des  naissances  illegitimes ;  et 
ce  fait  doit  reconnaitre  lui-meme  pour  premiere  cause  1'accroissement  de 
la  population.  On  en  peut  juger  par  le  tableau  suivant  que  j'ai  forme  d'a- 
pres  les  chiffres  officiels  publics  dans  TAnnuaire  du  bureau  des  longitudes. 

RAPPORT  des  naissances  naturelles  a  la  population  en  France , 
de   1817  a   1833. 


ANNEES. 

POPULATION. 

NAISSANCES 
NATURELLES. 

POUR  100,000 
AMES. 

1817 

29,850,194 

62,553 

209 

1818 

30,046,096 

58,551 

194 

1819 

30,208,044 

65,661 

217 

1820 

30,407,907 

66,349 

218 

1821 

30,620,051 

67,486 

224 

1822 

30,818,685 

69,748 

226 

1823 

31,039,971 

69,662 

224 

1824 

31,260,517 

71,174 

227 

1825 

31,416,491 

69,392 

220 

1826 

31,851,545 

72,471 

227 

1827 

32,040,616 

70,768 

220 

1828 

32,171,018 

70,704 

219 

1829 

32,212,092 

69,351 

215 

1830 

32,370,086 

69,247 

213 

1831 

32,560,934 

71,411 

219 

1832 

32,565,387 

67,677 

207 

278  SIXIEME  SECTION. 

On  voit  par  ce  tableau  que  la  population  et  les  uaissances  naturefle* 
vont  toujours  croissant  et  restent  a  peii  pres  constamment  dans  le  meme 
rapport.  II  y  a  d'abord  une  faible  progression  ascendante  qui  bientot  de- 
vient  descendante  :  effet  ordinaire  de  la  paix.  Apres  la  guerre,  la  popula- 
tion repare  ses  pertes  par  des  naissances  plus  nombreuses ;  puis  tout  ren- 
tre  dans  1'ordre  accoutume.  C'est  une  loi  de  la  nature  a  laquelle  sont 
souraises  les  naissances  naturelles  aussi  bieu  que  les  naissances  legitimes. 
On  doit  remarqiier  qu'en  1832  il  y  a  eu  tout-a-coup  un  abaissement 
considerable  du  nombre  de&  naissances  natupelles ;  il  en  a  etc  de  meme 
des  legitimes.  On  peut  expliquer  ce  fait  par  la  retenue  qu'inspirait  alors  la 
crainte  du  cholera-morbus  *. 

Ainsi  1'accroissement  de  la  population  explique  completement  celui  des 
naissances  naturelles ,  au  moins  pour  ces  derniers  temps.  Cependant  il 
est  soujours  d'un  grand  interet  et  d'une  haute  importance  de  recherche^ 
les  circonstances  qui  tendent  a  augmenter  les  naissances  naturelles ;  et  je 
vais  le  faire. 

C'est  a  tort,  il  me  semble,  qu'on~a  pris  les  naissances  naturelles  pour 
Peffet  et  la  mesure  de  la  demoralisation  des  peuples  :  car  les  prostituees 
ont  rarement  des  erifants ,  et  les  jeames  filles  des  villes ,  qu'une  coquet- 
terie  dispendieuse  oblige  a  avoir  plusieurs  amants,  deviennenl  meres  bien 
moins  souvent  que  celles  des  campagnes,  assurement  plus  morales.  C'est 
que  celles-ci  se  laissent  aller  aux  plaisirs  de  1'amour  par  un  pencbant  na- 
turel,  et  ne  se  livrent  pas  au  libertinage;  c'est  qu'elles  ne  connaissent 
pas  comme  les  autres  toutes  les  ressources  du  vice.  Aussi ,  je  ne  crains 
pas  de  le  dire ,  la  maternite  cbez  une  fille  suppose  generalement  un  cer- 
tain degre  de  moralite.  Je  ne  saurais  done  admettre  comme  mesure  de  la 
moralite  d'uu  pays  le  rapport  des  naissances  naturelles  aux  legitimes,  ou 
bien  aux  filles  nubiles ;  et  c'est  a  tort ,  suivant  moi ,  que  M.  de  Petigny, 
dans  son  excellente  statistique  de  Loir-et-Cher,  a  place,  dans  1'ordre  de 
la  moralite ,  1'arrondissement  de  Romorantiu  apres  ceux  de  Blois  el  de 
Veridome,  par  cela  seul  qu'a  Romorantin  on  compte  un  enfant  naturel 
pour  1,50  filles  nubiles,  tandis  qu'a  Blois  la  proportion  est  d'un  sur  1,80, 
et  a  Vendome  d'un  sur  1,90.  Ce  n'est  la  qu'une  donnee  insuffisante  pour 
une  semblable  consequence.  D'ailleurs,  a  supposer  que  le  principe  flit 
vrai ,  c'est-a-dire  qu'il  fut  exact  de  prendre  le  rapport  des  naissances  na- 
turelles au  nombre  des  filles  nubiles  pour  mesure  de  la  moralite  d'un  pays , 


*   Parent-Durhatelet   avail   Jeja   tie   conduit   a.  une   remarque   semblaWe  dans  ses 
retlicrthes  »ur  la  prostitution. 


SIXIEME  SECTION.  279 

t-videmment  on  ne  pourrait  en  faire  1'application  qu'en  operant  sur  de 
grandes  masses,  qu'en  comparant  deux  etats  entre  eux,  et  non  deux  de- 
partments ou  deux  aiTondissements ;  car  les  tours  et  les  maisons  d'accou- 
chemeiit  font  que  tres  souvent  le  lieu  de  la  naissance  ii'est  pas  celui  de 
la  conception;  or  il  est  evident  que  c'est  celui-ci  seul  qtt'ou  doit  prendre 
en  consideration.  (V.  la  note  2.) 

Je  ne  pense  pas  non  plus  que  les  agglomerations  d'hommes ,  devenues 
plus  grandes  et  plus  nomhreuses,  soil  une  cause  d'augmenlation  des  nais- 
sances  naturelles ;  et  je  cite  pour  exemple  1'arrondissement  de  Romoran- 
tin  qui  n'a  que  211  habitants  par  1,000  hectares  de  territoire;  tandis 
que ,  pour  la  meine  superficie ,  celui  de  Blots  en  contient  503 ,  et  celui  de 
Vendome  393.  Eh!  bien,  dans  1'arrondissement  de  Romorantin,  on 
compte  1  naissance  natiirelle  pour  20  legitimes  ,  dans  celui  de  Blois  1  pour 
50  et  dans  celui  de  Vendome  1  pour  23 ;  et  pourtant  Blois  et  Vendome 
ont  presque  toujours  garnison ;  Romorantin  jamais.  Ce  fait  s'explique  faci- 
lement  :  la  solitude  de  la  Sologne  fait  que  les  jeunes  filles  se  trouvent  fre- 
qucm'meut  isolees ,  loin  de  tout  regard ,  livrees  aux  seuls  reves  d'une  ima- 
gination qui  ne  saurait  s'elever  au-dessus  desjouissances  physiques.  Dans 
les  pays  populeux,  au  contraire,  on  est  constamment  sous  la  surveillance 
les  uns  dcs  autres,  et  Ton  connait  d'autres  plaisirs  que  ceux  de  1'amour. 
Dans  ces  pays,  d'ailleurs,  la  prostitution  rend  inutile  la  seduction.  Je  ne 
suis  done  point  etonne  que  les  contrees  les  moins  populeuses  soient  celles 
qui  comptent  relativement  le  plus  de  conceptions  naturelles. 

M.  de  Bondy,  dans  un  memoire  dont  j'apprecie  tout  le  merite ,  quoique 
je  n'en  partage  pas  toutes  les  vues ,  avail  deja  prouve  qu'il  en  etait  ainsi 
[)our  les  expositions,  en  comparant  le  nombre  des  enfants  trouves  de  cha- 
cun  des  86  departements  de  la  France  a  la  densite  de  sa  population.  En- 
effet,  ila  trouvequeles  10  departments  qui  out  le  plus  d'erifants  trouves, 
relativement  a  la  population,  comptent  43  habitants  par  kilometre  carre, 
et  que  les  10  qui  en  ont  le  moins,  comptent  67  habitants  pour  la  meme 
superficie.  D'ou  il  conclut  avec  raison  que  la  rarele,  plutot  que  la  densite  && 
la  population ,  semble  etre  une  cause  favorable  a  raccroissement  du  nom- 
bre des  enfants  trauves. 

Je  sais  qu'on  pent  aussi  repondre  par  des  chiffres  ,  et  montrer  plus  de- 
naissances  naturelles  dans  les  grandes  villes  que  dans  les  campagnes.  Le 
raisonnement  des  chiffres  est  rigoureux,  assurement :  mais  quand  onl'em- 
ploie ,  il  faut  savoir  tenir  compte  de  toutes  les  circonstances ;  car  un  pro- 
duit  nc  saurait  ctre  exact ,  si  Ton  neglige  un  des  facteurs.  Ainsi  >  Paris  offre 


280  SIXIEME  SECTION. 

1  naissance  naturelle  centre  2,76  legitimes  *.  Mais  il  faut  considered 
qu'a  Paris  beaucoup  de  gens  du  peuple  ne  fonl  pas  consacrer  leurs 
unions  par  le  mariage.  Cet  acte  exige  des  Ibrmalites  longues  ,  quel- 
quefois  difficiles  ,  et  jusqu'a  un  certain  point  couteuses  pour  les  gens 
qui,  ne  possedant  rien,  ne  voient  pas  1'utilite  d'un  contrat  ,  bon ,  a 
leurs  yeux ,  seulement  pour  les  riches.  Deux  individus  ae  conviennent-ils , 
ils  s'unissent  et  vivent  comme  mari  et  femme  dans  des  liens  conventionnels 
qu'ils  rompent  rarement ;  a  tel  point  que  souvent  la  femme  est  maltrai- 
tee,  et  que  neanmoins  elle  ne  pense  pas  meme  a  quitter  la  maison 
commune..  Cependant  de  cette  union  naissent  des  enfants  qu'il  faut 
bien  inscrire  comme  illegilimes.  Et  pourtant  il  est  certain  que ,  moralement. 
parlant ,  ces  enfants  sont  dans  une  condition  toute  speciale.  En  effet ,  ils 
sont  eleves  comme  s'ils  etaient  nes  dans  1'etat  de  mariage ,  et  ils  partagent 
la  modique  succession  de  leurs  parents,  sans  que  personne  ne  songe  a  la 
letir  disputer. 

II  est  certain  aussi  que  beaucoup  de  naissances  nature-lies-  de  Paris  doi- 
vent  etre  attributes  aux  departements.  La  plus  grande  facilite  de  garder 
le  secret  d'un  accouchement  clandestin  dans  une  grande  ville  engage  bien 
des  femmes  a  aller  y  faire  leurs  couches.  D'apres  M.  de  Chateauneuf ,  un 
huitieme  des  enfants  trouves  de  la  capitale  proviennent  de3  departements. 
Coquebert-Monbret ,  dans  son  rapport  a  1' Academic  des  sciences,  sur  1'ou- 
vrage  de  M.  de  Chateauneuf,  pretend  qu'il  yaerreur  dans  cette  evaluation , 
et  que  ceux  qui  viennent  des  departements  «  sont  plutot  en-dessus  qu'au- 
dessous  du  tiers  du  total.  » 

Beaucoup  de  personnes  enfin  voient  une  espece  d'encouragement  a  1'im- 
moralite  et  une  cause  d'augmentation  des  naissances  naturelles  dans  la 
facilite  donuee  aux  filles-meres-de  pouvoir  cacher  teurs  fautes  et  se  debar- 
rasser  de  leurs  enfanls.  M.  Ducliatel,  dans  son  ouvrage  sur  la  charite,  a 
dit  :  «  Le  nombre  des  naissances  naturelles  va,  comme  on  sail,  toujours 
croissant.  Les  etablisscments  d' enfants  trouves  sont  une  des  causes  de  cet 
accroissement."  Nous  avons  vu ,  nous,  que  cette  augmentation  des  naissances 
naturelles  ne  devait  etre  attribute  qu'a  1'accroissement  de  la  population. 
Je  crois  qu'il  eut  etc  plus  juste  de  dire:  Cet  accroissement  des  naissances 
naturelles  est  une  des  causes  de  I' augmentation  des  enfants  trouves.  Il 
me  semble,  en  effet,  que  pour  trouver  dans  les  tours  une  puissante  cause 


*  Rapport  nioyen  pour  les  annees   1817,  1818  ,  > 
45  des  Recherches  statistiques  sur  Paris ,   1826. 


819,  1820  ct  18^1  ,  d'aprt?  le  tablcat 


SIXIEME  SECTION.  28f 

aux  naissances  naturclles,  il  faut  avoir  pen  reflechi  on  connaitre  bien  pen 
les  fcmmes.  Comme  je  1'ai  deja  dit,  celles  qui  deviennent  meres  ne  sont 
pas  des  filles  ddbaucliees ,  mais  des  filles  seduites.  Eh!  bien,  croyez-vous 
qn'il  serait  fort  adroit  de  representer  a  ces  pauvres  filles  toutes  les  res- 
sources  qu'elles  auront  quand  viendrale  moment  de  leur  accouchement?... 
Assurement  ce  serait  un  seducteur  bien  pen  dangereux  que  celui  qui 
mettrait  tout  le  feu  de  sa  passion  a  faire  valoir  ce  froid  raisonnement. 
Soyez  persuade  que  1'amant  tient  un  tout  autre  langage :  il  promet  d'epou- 
ser,  ou  bien  il  assure  qu'il  ne  viendra  pas  d' enfant.  S'il  avail  la  maladresse 
d'admettre  la  possibilite  d'une  grossesse  sans  promettre  le  mariage,  ja- 
mais  il  n'obtiendrait  rien.  La  jeune  fille  ne  1'admet  pas  davantage;  elle 
repousse  cette  idee  qui  trouble  son  bonheur,  elle  s'abandonue  sans  re- 
flexion ,  car  si  elle  reflechissait  elle  ne  faillirait  pas. 

M.  de  Gouroff  a  rapporte  en  1829  ,  dans  le  prospectus  de  ses  Re- 
cherches  sur  les  enfants  trouves,  un  fait  qui,  depuis,  a  ete  repete,  comme 
tres  concluant,  par  tons  les  antagonistes  de  tours.  «Mayence ,  dit-il,  n'avait 
point  d'etablissement  de  ce  genre,  et  depuis  1799  jusqu'en  1811  on  y 
exposa  30  enfants :  c'est  2,3  par  an.  Napoleon  qui  s'imaginait  qu'en  multi- 
pliant  les  maisons  d'enfants  trouves  il  multipliait  les  soldats  et  les  mate- 
lots  ,  ordonna  d'etablir  un  tour  dans  cette  ville.  Ce  tour  fut  ouvert  le 
7  novembre  1811  et  subsista  jusqu'au  mois  de  mars  1815,  que  le  grand- 
due  de  Hesse-Darmstadt  le  fit  supprimer.  Pendant  ces  trois  ans  et  quatre 
mois  la  maison  recut  516  enfants  trouves.  Une  fois  qu'elle  fut  supprimee, 
comme  1'habitude  de  1'exposition  n'etait  pas  encore  enracinee  dans  le 
peuple,  tout  rentra  dans  1'ordre;  on  ne  vit  dans  le  cours  des  neuf  annees 
suivantes  que  sept  enfants  d'exposes.  «  Ce  fait  ne  me  semble  prouver 
qu'une  seule  chose ,  c'est  que  partout  ou  il  n'y  a  pas  de  tours  il  y  a  ne- 
cessairement  des  expositions  sur  la  voie  publique ,  beaucoup  moins  nom- 
breuses  a  la  verite  que  les  autres,  mais  qui  toutes  sont  de  veritables  in- 
fanticides par  omission ;  car  tons  ces  pauvres  petits  etres  ainsi  delaisses 
doivent  succomber  an  froid ,  a  1'inanition  et  aux  accidents  de  tout  genre. 
v  «  Londres,  a  dit  encore  M.  de  Gouroff,  avec  1,250,000  ames  de  po- 
pulation, n'a  eu  que  151  enfants  exposes  en  cinq  ans,tandis  que  1'hospice 
de  Paris,  dans  le  meme  espace  de  temps,  en  a  recu  plus  de  25,000.  » 
Pour  un  esprit  leger,  ce  rapprochement  peut  paraitre  tout  a  1'avantage  da 
systeme  anglais;  mais  1'homme  reflechi  voit  tout  d'abord  que  M.  de  Gou- 
roff a  commis  la  faute  enorme  d'employer  dans  la  meme  phrase  le  meme 
mot  sous  deux  acceptions  differentes  :  dans  un  cas,  il  s'agit  d'enfants  ex- 
poses dans  un  tour,  c'est-a-dire  confies  a  la  charile  publique; 


282  S1XIEME  SECTION. 

it  s'agit  d'enfanls  exposes  sur  la  voie  publique,  c'est-a-dire  voucs  a  la 
mort.  Dans  un  cas,  il  s'agit  d'une  action  tout  au  plus  reprehensible,  dans 
1'autre,  il  s'agit  d'un  crime,  car  necare  ixdetitr  non  tantum  is  qui  partum 
perfocat ,  sed  et  is  qui  abjicit  et  exponit.  G'est  done  comparer  ensemble 
des  quantites  de  nature  differeute.  —  D'apres  M.  de  Gouroff ,  Londres  a 
eu  en  cinq  ans  1 5 1  crimes  d'exposition ;  Paris  ,  en  quatre  ans ,  n'a  eu  que 
9  accusations  d'infanticide.  — Toici  un  rapprochement  beaucoup  plus 
juste  et  plus  concluant. 

Loin  d'avoir  une  influence  marquee  sur  Paugmentation  des  naissances 
naturelles ,  le  systeme  actuel  de  tours  et  d'hospices  me  semblerait  pi u tot 
tendre  a  eu  diminuer  le  nombre.  En  effet,  une  jeune  fille  n'a  pas  perdu 
toute  pudeur  pour  avoir  fait  une  faute,  et  si  vous  1'aidez  a  la  cacher,  elle 
deviendra  d'autant  plus  prudente  qu'elle  connaitra  mieux  le  danger ;  mais 
si,  au  eontraire,  vous  1'obligez  a  s'avouer coupable ,  si  vous  lui  laissez  sans 
cesse  sous  les  yeux  la  preuve  vivante  de  son  deshonneur,  alors  elle  s'habi- 
tuera  a  cette  idee ,  ne  rougira  plus  et  sera  bien  pres  de  retomber  en  faute. 
Bicntot  aucune  consideration  ne  la  retiendra  plus ,  quand  elle  s'apercevra 
que  pour  elle  tout  espoir  de  manage  est  perdu  ;  car  dans  le  peuple  on  ne 
se  fait  pas  grand  scrupule  d'epouser  une  fille  qui  n'a  pas  toujours  ete 
sage,  mais  rarement  on  veut  prendre  1'cmbarras  d'un  enfant  venu  d'a- 
vance. 

Si  la  multiplicite  des  tours  n'est  pas  une  cause  d'augmentation  des- 
naissances  naturelles ,  il  paratt  qu'elle  n'augmente  pas  uon  plus  le  nombre 
des  expositions.  M.  de  Bondy  a  montre  en  effet  que  dans  les  dix  depar- 
tements  qui  comptent  le  plus  d'enfants  trouves ,  relativement  a  leur  po- 
pulation, il  y  a,  en  moyenne  ,  un  depot  d'enfants  par  2,238  kilometres 
carres,  et  que  dans  les  dix  qui  en  comptent  le  moins  il  y  a,  en  moyenne, 
un  depot  par  1,705  kilometres  carres.  «  Ainsi,  la  ou  les  tours  d'exposition 
soiit^/H,*  nombreux  il  y  a  moins  d'enfants  trouves ,  et  -vice  versa.  Il  serait 
absurde,  continue  M.  de  Bondy,  d'en  conclure  que  la  multiplicite  des 
tours  tend  a  diminuer  le  nombre  des  expositions ;  mais  du  moins  on  peut 
regarder  avec  raison  comme  demontre  qu'elle  ne  1'augmente  pas  dans  une 
forte  proportion,  comme  on  le  suppose  gcneralement.  »  II  y  a  lieu  de 
s'etonner  qu'apres  avoir  reconnu  ce  fait,  M.  de  Bondy  demande  la  sup- 
pression des  tours  d'arrondissement  dans  le  seul  but  de  rendre  moins 
compliquee  la  machine  administrative.  C'est  qu'il  a  pense  que  cette  suppres- 
sion n'augmenterait  en  rien  le  nombre  des  infanticides,  et  qu'il  ne  parait 
pas  meme  avoir  songe  qu'elle  put  augmenter  la  mortalite ;  il  voit  les  petits 
avantages  de  la  mcsure  sans  en  aperccvoir  les  grands  inconvcnients.  Les 


SIXIEME  SECTION. 


233 


diiffres  contenus  clans  la  suite  de  ce  memoire  me  semblent  de  nature  a 
changer  son  opinion  a  cet  egard. 

Non  sans  doute ,  re  n'est  ni  dans  la  demoralisation  des  peuples ,  ni  dans 
les  grandes  agglomerations  d'hommes ,  ni  dans  1'institution  d'hospices 
d'enfants  trouves ,  qu'on  doit  placer  les  causes  qui  peuvent  augmenter 
les  naissances  naturelles.  G'est  dans  nos  mccurs  e.t  nos  institutions  qui , 
chaque  jour ,  tendent  de  plus  en  plus  a  reculer  1'age  ordinaire  du  mariage , 
qu'il  faut  les  aller  chercher. 

Autrefois ,  les  uns  posscdaient  beaucoup  de  fortune ,  des  la  jeunesse ,  et 
les  autres  avaientpeul'espoird'en  aequerir  jamais;  tous  se  mariaient  jeunes. 
Aujourd'hui,  bien  pen  sont  riches  a  leur  entree  dans  le  monde;  mais  tous 
peuvent  esperer  acquerir  par  leur  travail  uue  position  convenable  dans  la 
societe.  C'est  une  necessite  de  I'epoque  que  de  se  faire  un  etat  avant  de  se 
marier.  Aussi,  dans  toutes  les  classes,  se  marie-t-on  tardivement.  La  jeu- 
nesse, souveiit  meme  la  vie  entiere  se  passe  dans  le  celibat;  et  comme  la 
nature  ii'a  pas  perdu  ses  droits ,  les  enfants  naturels  remplacent  les  enfairts 
legitimes.  Toutefois,  hatons-nous  de  le  dire,  le  mal  ne  fait  pas  de  progres :  les 
naissances  naturelles  reslent  dans  un  rapport  a  peu  pres  constant  avec  les 
naissances  legitimes.  Ce  faitest  prouve  par  le  tableau  suivant  dont  j'ai  pris 
les  elements  dans  les  documents  statisques ,  publics  en  1835  par  le  munV 
tre  du  commerce. 


RAPPORT  des  naissances  naturelles  aux  legitimes,  en  France, 
de  1824  a   1833. 


ANNEES. 

WAISSANCES 
LEGITIMES. 

NAISSAWCES    . 
NATURELLES. 

roua  10,000 

I.EGITIMES. 

1824 

912,978 

71,174 

779 

1825 

904,594 

69,392 

767 

182G 

920,720 

72,471 

787 

1827 

909,428 

70,768 

773 

1828 

905,843 

70,704 

780 

1829 

895,176 

69,351 

774 

1830 

893,577 

69,247 

770 

1831 

915,298 

71,411 

780 

1332 

870,509 

67,677 

777 

284  SIXIEME  SECTION. 

Ainsi,  que  Ton  compare  les  naissances  naturelles  aux  legitimes,  ou  bieri 
a  la  population ,  on  trouve  qu'elles  n'ont  pas  varie.  C'est  un  fait  impor- 
tant a  bien  constater  pour  arriver  a  demontrer  que  les  reproches  adresses 
par  les  economistes  a  notre  epoque  et  a  notre  systeme  d'enfants  trouves  ne 
sont  pas  tres  fondes. 

II  n'est  pas  moins  certain  que  la  prolongation  de  la  vie  celibataire  tend 
a  augmenter  les  naissances  naturelles ,  et  qu'il  y  a  baute  imprudence  a  ne 
pas  mettre ,  sous  ce  rapport ,  les  lois  sociales  en  parfaite  harmonic  avec 
celles  de  la  nature. 

C'est  ainsi  que  la  loi  de  recrutement ,  en  augmentant  la  duree  du  service 
militaii'e ,  est  venue  evidemment  ajouter  au  mal. 

Mais  la  multiplication  des  enfants  naturels  n'est  pas  le  seul  inconvenient 
de  cet  etat  de  choses.  II  est  encore  a  craindre  que  la  generation  n'en 
souffre ;  car  tons  les  animaux  sont  bien  plus  propres  a  la  reproduction 
dans  la  jeunesse  que  dans  un  age  plus  avance. 

A  la  verite,  a  cote  de  ce  mal  moral  est  aussi  un  bien  :  plus  on  tiendra  a 
assurer  son  existence  avant  de  se  marier,  plus  la  misere  deviendra  rare , 
et  moins  il  y  aura  d'enfants  trouves ;  car  il  est  impossible  de  ne  pas  consi- 
derer  la  misere  comme  une  des  principales  causes  qui  portent  les  meres  a 
abandonner  leurs  enfants.  M.  de  Bondy  semble  etre  arrive  a  la  preuve  du 
contraire.  «  La  ricbesse,  dit-il,  on  la  pauvretc  relative  de  departements 
n'influe  presque  en  rien  sur  le  nombre  des  enfants  trouves.  »  Mais 
d'abord  ses  calculs  ne  comprennent  que  la  ricbesse  territoriale  ,  c'est-a- 
dire  une  partie  seulement  de  la  richesse.  Ensuite  le  produit  territorial 
d'un  pays  ne  saurait  donner  une  idee  juste  de  1'aisance  des  habitants.  Ainsi 
par  exemple ,  dans  le  Percbe ,  dans  une  partie  du  Berry,  la  ricbesse  ter- 
ritoriale est  grande,  et  les  habitants  sont  pauvres.  C'est  que  les  prod uils 
territoriaux  entrent  dans  la  caisse  du  proprictaire  et  qu'il  n'en  revient 
presque  rien  au  colon.  On  ne  petit  apprecier  1'aisance  d'un  pays  agricole 
que  par  la  division  de  la  propriete  *. 

Je  crois  qu'il  est  plus  juste  de  dire  avec  M.  de  Chateauneuf ,  que  «  entre 
les  mauvaises  mceurs  qui  dcpravent  les  peuples  et  les  mauvaises  annees 
qui  les  appauvrissent,  il  y  a  plus  de  conformite  qu'on  ne  croit  dans  les 

¥  Dans  8es  reclierclies  administratives  ,  statistiques  et  morales  sur  les  en f ants 
tronvc-s,  ouvrage  couronne  par  la  Societe  acadeniique  de  Macon  et  recemmeiit  public, 
M  1'abbe  Gaillard  a  fait  des  calculs  semblablcs  a  ceux  do  M.  de  Bondyj  mais  an 
lieu  do  comparer  le»  expositions  au  proiuit  territorial,  il  les  a  comparees  au  nombre 
relatifd  indigents  de  chaque  departemeiit,  d'apres  1'ouvrage  de  M.  de  Villeneuve  sur 
I'econotnie  politiqtie.  Les  resultatt  out  etc  tout  difieruuts  ;  suivant  M.  Gaillard,  la 
misere  est  une  des  giaudes  causes  de  multiplication  des  enfauts  trouves. 


SIXIEME  SECTION.  285 

effcts ;  »  et  avec  Malthus  ,  que  le  nombre  des  enfants  abandonnes  est  «  le 
plus  grand  dans  les  mauvaises  annees  ou  le  produit  moyen  ne  suffit  pas 
pour  nourrir  la  population  actuelle.  »  S'il  en  est  ainsi ,  il  est  permis  d'es- 
perer  que  les  caisses  d'epargnes ,  ces  precieuses  ressources  du  pauvre, 
deviennent  une  double  cause  de  diminution  des  enfants  trouves,  en  mora- 
lisant  le  peuple  et  en  1'assurant  centre  la  misere. 

L'inlroduction  du  luxe  et  I'insuffisauce  des  salaires  dans  la  classe  des 
ouvrieres  doivent  avoir  uue  influence  marquee  sur  1'augmentation  des 
naissances  naturelles. 

Une  autre  cause  enfin  de  multiplication  des  naissances  naturelles ,  qui 
me  parait  peu  contestable,  et  dont  sans  doute  personne  ne  voudra  sc 
plaindre,  est  une  plus  graude  moralite  chez  les  femmes  mariees.  Je  suis 
encore  tres  porte  a  croire  que  les  avortements  provoques  sont  beaucoup 
plus  rares  aujourd'hui  qu'ils  ne  Pelaient  autrefois.  Et ,  de  ces  deux 
points  de  vue  ,  ilne  serait  peut-etre  pas  deraisonnable  de  considerer  1'aug- 
mentation des  naissances  naturelles  comme  un  indice  de  moralisation  plutot 
que  comme  une  preuve  de  demoralisation. 

A  ces  causes  generates  peut-etre  pourrait-on  en  ajouter  quelques  unes 
seulement  locales.  Ainsi ,  dans  la  statistique  de  Loir-et-Cher*,  les  mois 
d'aout,  de  septembre  et  d'octobre,  places  aux  10.e,  ll.e  et  12.e  rangs 
dans  1'ordre  de  la  frequence  des  conceptions  legitimes,  se  trouvent  portcs 
aux  5.e,  8.e  et  10.e  pour  les  conceptions  naturelles;  tandis  que  les  mois 
de  decembre ,  Janvier  et  novembre,  places  dans  le  premier  cas  aux  6.e, 
8.e  et  9.e  rangs,  se  trouvent,  dans  le  second  reportes  aux  ll.e,  9.e  et 
10.e  rangs.  Ces  differences  s'expliquent  facilement  par  les  usages  du  pays. 
Les  mois  d'aout ,  de  septembre  et  d'octobre  sont  des  epoques  de  grands 
deplacements  pour  la  foire  de  Blois ,  pour  les  recoltes  de  grain  et  de  vin. 
Pour  bien  apprecier  quelle  pent  etre  1'influence  des  vendanges,  particu- 
lierement,  sur  les  conceptions  naturelles,  il  faut  savoir  que  ,  dans  les  pays 
ou  1'on  cultive  beaucoup  la  vigne,  les  bras  de  la  localite  seraient  insuffi- 
sants  pour  faire  la  recolte ,  et  qu'il  y  vient  un  grand  nombre  d'etrangers 
qu'on  met  tons  ensemble ,  sans  distinction  de  sexe ,  coucher  sur  la  paille 
dans  les  granges  et  les  greniers.  Pendant  les  mois  de  novembre ,  decembre 
et  Janvier,  au  contraire ,  on  se  rencontre  peu ,  et  Ton  est  sage  faule  d'oc- 
casions  de  faillir.  On  concoit ,  d'apres  cela ,  que  1'extension  donnee  a  cer- 
taines  cultures ,  le  developpement  de  certaines  industries ,  1'accroissement 


Yoir  les  memoires  ile  la  Societ6  des  sciences  vt  des  lettres  de  Blcis,  tome  I, 


23C 


SIXIEME  SECTION. 


des  relations  sqcialcs ,  et  en  genera]  tontes  les  circonstances  qui  imilti- 
plient  les  rapports  des  deux  sexes,  puissent  contribuer  a  augmenter  le 
uombre  des  naissances  naturelles,  et  partant  celui  des  expositions. 

III.' 

On  est  generalement  porte  a  croife  a  1'affaiblissertient  de  1'amour  ma- 
ternel,  ce  sentiment  de  la  nature  qui  repousse  la  pcrisee  d'abandonner  son 
enfant.  Moi-meme ,  je  1'avoue ,  j'etais  ires  dispose  a  admettre  ce  change- 
ment  dans  les  moeurs  comme  cause  de  1'augmentation  des  enfants  trouves. 
Toutefois,  j'ai  \oulu  avoir  la  mesure  exacte  de  ce  fait,  et  j'ai  recherche 
si  les  expositions  d'enfants  naturels  devenaient  beaucoup  plus  frequentes. 
Dans  ce  but ,  j'ai  compare  le  nombre  des  expositions  a  celui  des  nais- 
sances naturelles ;  or,  voici  le  tableau  que  j'ai  dresse  : 

RAPPORT  des  expositions  aux  naissances  naturelles,  en  France, 
de   1824   a   1833. 


ANNEES. 

NAISSANCES 
NATURELLES. 

EXPOSITIONS. 

POUR   100 

NAISSANCES  NAT. 

1824 

71,174 

33,792 

47,47 

1825 

69,392 

32,278 

46,51 

1826 

72,471 

32,876 

45,36 

1827 

70,768 

32,504 

45,93 

1828 

70,704 

33,749 

47,73 

1829 

69,351 

33,141 

47,78 

1830 

69,247 

33,431 

49,57 

1831 

71,411 

35,884 

50,24 

1832 

67,677 

35,435 

52,35 

On  voit  que  les  expositions  n'ont  augmente  d'une  maniere  im  peu  sen- 
sible qu'a  1'epoque  de  la  revolution  et  a  celle  du  cholera-morbus.  Nul 
doute  que  cette  augmentation  n'ait  etc  accidcntelle  et  qu'elle  n'ait  cesse 
avec  les  causes  momentanees  qui  Pavaient  produite.  II  est  remarquable, 
en  effet,  que  cette  augmentation  des  expositions  coincide  avec  une  dimi- 
nution des  naissances  naturelles.  Malheureusement  les  documents  statls- 
tlques  ou  j'ai  encore  pris  ces  chiffres  ne  distinguent  pas  les  enfants  trou- 
ws  et  les  enfants  abandonnc's;  nous  aurions  vu,  j'en  suis  convaincu, 


6IXIEME  SECTION.  287 

q»e  raiigmenlalion  porte  particulierement  sur  les  enfanls  abandonnes  qui , 
comme  on  Ic  sail,  sont  presque  tons  legitimcs  ,  ct  nous  aurions  eu  la 
preuve  que  la  misere  a  etc  la  seule  cause  de  cette  derogation  a  1'ordre 
habituel  des  choses. 

Je  crois  done  pouvoir  dire  d'une  maniere  generale  que  les  expositions 
sont  avec  les  naissances  naturelles  dans  un  rapport  pen  variable ,  sauf  les 
exceptions  constantescausees  par  un  accroissement  accidentel  de  la  misere. 
Par  consequent ,  le  sentiment  naturel  qui  repousse  1'abandon  de  son  propre 
enfant  ne  s'est  pas  affaibli  chez  nous  d'une  maniere  sensible;  et  quand, 
sous  ce  rapport,  nos  mceurs  eussent  subi  quelque  changement,  quand 
les  expositions  fussent  devenues  relativement  plus  nombreuses ,  faudrait-il 
s'en  etonner  et  en  accuser  un  etat  de  demoralisation  sociale  ?  nullement , 
car  c'est  le  resultat  naturel  de  toute  institution  de  ce  genre,  et  je  suis 
plutot  surpris  que  1'effet  n'en  soil  pas  trcs  marque.  La  repugnance  pour 
les  hopitaux  a  etc  pendant  long-temps  invincible:  elle  est  grande  encore, 
pourtant  elle  diminue  chaque  jour.  Or,  1'idee  d'exposer  son  enfant  esj 
clu  meme 'genre  :  les  meres  confient  aux  hospices  le  soin  des  enfants 
qu'elles  ne  peuvent  elever,  comme  les  enfants  conduisent  aux  bospices 
leurs  vieilles  meres  qu'ils  ne  pcuvent  nourrir. 

Mais  cette  diminution  de  la  repugnance  a  exposer  ses  enfants  serait-elle 

un  mal? Guere  plus  peut-etre  que  1'affaiblissement  de  1'aversion  pour 

1'hopital.  Pourquoi,  en  effet,  conseille-t-on  aux  indigents  d'entrer  dans 
les  bopitaux  et  les  bospices?....  C'esl  pour  qu'ils  y  soient  mieux  soigncs 
que  cbez  eux ;  pour  enlever  a  la  mendicite  un  de  ses  plus  grands  motifs , 
el  pour  que  les  parents  des  malades  ne  soient  pas  prives  de  leur  travail. 
Or,  n'a-t-on  pas  exactement  les  memes  motifs  pour  donner  le  conseil 
d'exposer  son  enfant  a  une  mere  qui  est  dans  V  impossibility  de  1'elever  ? 
II  faut  bien,  en  effet,  que 'la  malheureuse  fille-mere  qui  n'a  que  ses  bras 
pour  gagner  sa  vie  soil  entretenue,  elle  et  son  enfant,  aux  frais  de  la 
cbarite  publique.  Si,  au  contraire,la  societe  prend  soin  de  1'enfant,  lui 
seul  sera  a  sa  cbarge ;  la  mere  travaillera. 

Qu'on  ne  craigne  done  pas  tant  d'augmenter  le  nombre  d'enfants  trou- 
ves  en  conservant  les  tours,  au  moins  jusqu'a  ce  qu'un  nouveau  systeme 
soit^venu  remplacer  cette  vieille  institution,  a  laquelle,  du  moins,  on 
ne  contestera  pas  1'avantage  d'avoir  fait  completement  cesser  les  exposi- 
tions sur  la  voie  publique. 

IV. 

Une  quatrieme  cause  que  Ton  pent  assigner  a  1'augmentation  des  en- 


28'8 


SIXIEME  SECTION. 


fants  trouves ,  est  1'introduction  de  quelques  abus  dans  la  charitable  insti- 
tution de  saint  Vincent  de  Paul. 

II  est  bien  certain,  en  effet,  que  quelquefois  de  pauvres  meres  ont 
expose  leurs  derniers-nes  pour  pouvoir  gagner  la  subsistence  de  leurs  aines. 
D'autres  fois  des  femmes  cupides  ont  depose  leurs  enfants  dans  les  tours 
des  hospices ,  puis  ont  ete  les  reprendre  comme  nourrissons ,  et  de  cette 
manic-re  se  sont  fait  payer  pour  remplir  le  premier  des  devoirs  imposes 
par  la  nature.  Plusieurs  fois  aussi  les  administrate urs  des  hospices  se  sont 
pretes  a  de  pieuses  fraudes  pour  procurer  quelques  sccours  a  de  malheu- 
reuses  veuves  chargees  d'une  famille  nombreuse. 

Je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  trouver  a  1'augmentation  des  enfants 
trouves  d'autre  cause  que  les  quatre  que  nous  venons  d'examiner,  et  dont 
maintenant  nous  pouvons  apprecier  exactement  le  degre  d'influence. 

Nous  avons  constate  que  le  rapport  des  naissances  naturelles  a  la  po- 
pulation est  reste  a  pen  pres  le  meme  depuis  vingt  ans ;  nous  avons  aussi 
trouve  que  le  rapport  des  expositions  aux  naissances  naturelles  varie  pen. 
Nous  en  devons  conclure  que  le  rapport  des  expositions  a  la  population 
est  a  peu  pres  toujours  le  meme ;  c'est  en  effet  ce  qu'il  est  facile  de  prou- 
ver  directement. 

RAPPORT  des  expositions  a  la  population,  en  France , 
de  1824  a  1833. 


ANNEES. 

POPULATION. 

EXPOSITIONS. 

POUR  IOO,OOO 

AMES. 

1824 

31,260,517 

33,792 

108 

1825 

31,416,491 

32,278 

102 

1826 

31,851,545 

32,876 

103 

1827 

32,040,616 

32,504 

101 

1S28 

32,171,018 

33,749 

104 

1829 

32,212,092 

33,141 

102 

1830 

32,370,086 

33,431 

103 

1831 

32,560,934 

35,884 

no 

1832 

32,565,387 

35,435 

108 

Si  le  nombre  des  expositions ,  compare  soil  au  chiffre  des  naissances  na- 
turelles, soit  a  celui  de  la  population ,  n'a  pas  aiigmente ,  il  faut  bien  re- 


SIXIEME  SECTION. 


289 


connaitre  que  le  sentiment  malernel  ne  s'est  pas  affaibli  et  que  les  abus 
n'ont  pas  grandi. 

Quoique  le  rapport  des  expositions  a  la  population  reste  le  meme ,  ce- 
pendant  le  rapport  des  enfants  trouves  a  la  population  suit  une  progression 
ascendante ,  comme  le  prouve  le  tableau  suivant  : 


RAPPORT  des  enfants  troupes  a  la  population  en  France , 
de   1815  a   1833. 


ANNEES. 

POPULATION. 

RAPPORT. 

1  enfant  pour 

1815 

29,152,743 

84,500 

345 

1817 

29,327,388 

•92,200 

318 

1818 

29,217,465 

98,000 

298 

1819 

29,417,328 

96,000 

306 

1821 

30,620,051 

105,700 

289 

1822 

30,818,685 

109,410 

281 

1824 

31,260,517 

116,767 

267 

1825 

31,416,491 

117,305 

267 

1826 

31,851,545 

116,377 

273 

1827 

32,040,616 

114,384 

280 

1828 

32,171,018 

114,307 

281 

1829 

32,212,092 

115,472 

278 

1830 

32,370,086 

118,073 

274 

1831 

32,560,934 

123,869 

262 

1832 

32,565,387 

127,982 

254 

Ainsi,  les  expositions  n'ont  pas  augmente,  et  cc-pendant  les  enfants 
Irouves  sont  devenus  plus  nombreux.  N'est-ce  pas  une  preuve  indirecte 
l)ien  concluante  du  fait  deja  directement  constate  de  la  diminution  pro- 
gressive de  la  mortalite  parmi  les  enfants  trouves?  On  voit  clairement  que 
c'est  a  cette  seule  cause  qu'il  faut  attribuer  1'accroissement  numerique  de 
res  infortunes.  C'est  done  bien  a  tort  qu'on  se  plaint  d'un  fait  dont  nous 
devons  nous  glorifier,  et  vers  lequel  doivent  tendre  tous  les  efforts  des 
vrais  philanthropes.  Regretterons-nous  encore  le  pen  d'or  que  nous  coute 
un  si  grand  progres  social? 

21 


206  SiXIEME  SECTION. 

Nous  avons  obtrmi  une  amelioration,  tachons  d'en  obtenir  une  autre; 
nous  avons  dimimic  la  mortalite,  efforeous-nous  maintenniit  de  diminuer 
les  expositions;  niais  que  ce  soil  avec  prudence.  Faisons  des  economics, 
mais  des  economies  dont  puisse  se  feliciter  tout  homme  de  bien. 

Avant  de  voir  ce  qu'on  doit  faire,  voyons  ce  qu'on  a  fait  jusqu'a  pre- 
sent. On  a  supprimc  des  tours  et  fait  echanger  les  enfants  trouves  de 
departement  a  departement,  on  d'arrondissement  a  arrondissement ;  me- 
sures  que  je  n'hcsite  pas  a  proclamer  desastreuses  et  anti-sociales. 

Et  d'abord ,  la  suppression  des  tours  doit  augmcnter  le  nombre  drs 
infanticides.  Cette  objection  se  presente  si  naturellement  a  1'espril  qu'elle 
est  devenue  en  quelque  sorte  banale,  et  qu'on  a  mauvaise  grace  a  la  pre- 
senter; cependant  elle  est  si  forte  et  si  bien  appuyee,  que  je  ne  saurais 
renoncera  la  reproduire.  A  neconsiderer  la  mesure  qu'«  priori,  voyons  ce 
qu'il  est  raisonnable  d'en  attendre.  Je  mets  en  fait  que  jamais  une  mere 
ne  tue  son  enfant  par  instinct  de  destruction,  tonjours  c'esl  pour  cacher 
sa  faute;  quand  elle  trouve  un  autre  moyen  d'arriver  a  ce  but  sans  se 
rendre  criminelle,  mil  doute  qu'elle  ne  1'emploie;  aussi  voit-on  fort  peit 
d'infanticides  dans  les  villes  qui  offrent  la  double  ressource  des  mat  rones 
et  des  tours;  toutes  les  malheureuses  qui  viennent  s'asseoir  sur  les  banes 
des  tribunaux  sont  de  grossieres  campagnardes  qui  nc  savent  meme  pas 
nier  leurs  fautes.  Soyez-en  surs,  si  vous  placiez  un  tour  a  la  porte  de 
chaque  eglise  ,  vous  n'auriez  pas  un  seul  infanticide  a  punir;  par  contre, 
il  est  impossible  qu'en  fermant  une  partic  de  ceux  qui  existent,  vous 
n'augmentiez  pas  le  nombre  de  ces  crimes. 

Je  suis  etonne  que  M.  Duchatel*,  en  partant  des  memes  principes,  ar- 
rive a  une  consequence  toute  differente.  «  La  crainte  setile  de  Tinfamie, 
dit-il,  prodult  les  infanticides."  Puis  il  ajoute  :  «  Dans  les  grandes  villes, 
les  infanticides  sont  comparativement  moins  frequents. »  Oui,  sans  doute; 
mais  c'est  bien  moins  parce  qne  la  la  crainte  de  la  honte  agit  avec 
mains  de  force  qne  dans  les  campagnes ;  que  parce  que  la  une  jeune 
iille  pent  cacher  sa  faute  sans  commeltre  un  crime,  et  qu'on  ne  se  rend 
pas  criminel  sans  motif.  Dans  1'opinion  de  M.  Duchatel,  les  tours  sont  im- 
puissants  pour  prevenir  I'infanticide ;  parce  que  la  malheureuse  qui  corn- 
met  ce  crime  est  dans  un  tel  etat  d'exaltation,  de  verlige,  qu'elle  est  in- 

*  Ouvrage  citi. 


SIXIEME  SECTION.  291 

capable  de  reflexion,  de  calcul.  Je  1'ai  souvent  entendu  dire  anx  avocals ; 
mais  je  n'en_crois  absolument  rien ;  parce  qu'apres  sa  faute  elle  a  eu  iieui' 
mois  de  reflexion;  parce  qu'avant  le  crime,  elle  a  quelques  heures  de 
souffrances  qui  1'avertissent  qu'il  faut  prendre  tin  parti;  el  enfm  parce 
que  trop  souvent  il  est  assez  patent  que  le  meurtre  a  etc  conseille  par 
le  seducteur.  C'est  malheureusemenl  un  fait  qu'il  faut  reconnaitre  :  il  y  a 
calcul  dans  le  crime  d'infanticide.  Et  comme  1'hospice  sauve  de  1'infamie 
tout  aussi  surement  que  le  crime ,  on  y  a  rccours  toutes  les  fois  qu'on  le 
peut  assez  facilement. 

C'est  par  des  fails  qn'on  pretend  re-pond  re  a  ce  faisonnement  pen  sus- 
ceptible dc  refutation*  Lcs  infanticides,  dit-ori,  n'etaient  pas  plus  nom- 
breux  avant  la  creation  des  hospices  d'enfants  trouves ,  qu'ils  ne  le  sont 
aujourd'hui.  Mais  on  ignore  done  quo  ces  etablissements  n'ont  etc  fondes 
que  pour  arreter  les  scandaleux  progres  du  crime.  Les  enfants  alors  etaient 
jetds  nuitammcnt  a  vat  les  rues  ,  et  presque  tons  mouraient  de  froid  ; 
d'autres  etaient  vendus  inngt  sous ,  et  leur  sang  elait  verse  dans  des  ope- 
rations magiques!  Les  plus  heureux  etaient  ceux  qui  tombaient  entre  les 
mains  de  miserables  faineants  qui  s'en  servaient  pour  exciter  la  commi- 
seration publique  et  s'attirer  de  pieuses  aumones  *.  Eh !  sans  ces  desordres 
criants ,  saint  Yincent  de  Paul  aurait-il  done  obtenu  de  la  charite  chre- 
tienne  des  Iresors  pour  la  fondation  de  ses  hospices  ?  Si ,  des  1'an  1212, 
le  pape  Innocent  III  avail  cree  a  Rome  un  des  premiers  hospices  connus 
d'enfants  trouves ,  n'etait-ce  pas  parce  que  le  Tibre  leur  servait  de  torn- 
beau?  et  si,  plus  t6t  encore,  en  787,  Parchi-pretre  Datheus  avail  fonde 
a  Milan  un  hospice  d'enfants  trouves,  n'etait-ce  pas  dans  le  but  de  mettre 
un  terme  aux  crimes  nombreux  d'infanlicide  ? 

On  pretend  aussi  que  dans  les  pays  ou  il  n'y  a  pas  de  tours,  on  ne 
compte  pas  plus  d'infanlicides  qu'en  France;  avant  tout  il  faudrait  le 
prouver.  D'ailleurs  est-il  raisonnable  de  conclure  d'un  pays  a  un  autre 
sans  tenir  compte  des  differences  de  lois  ,  d'usages  ,  de  moeurs  et  de  pre- 
juges?  Les  lois  civileset  les  croyances  religieuses,  toutes  difierentes,  n'eta- 
blissenl-elles  pas  en  effet  une  complete  dissemblance  ?  Le  deshonneur 
attache  a  la  condition  de  fille-mere,  ce  sentimenl  qui,  chez  nous,  fait 
repousser  celle  malheurense  de  la  sociele,  esl-il  done  parloul  le  meme? 
les  avorlements  ne  remplacent-ils  pas  les  infanticides?  enfin  ,  la  justice 
a-t-elle  des  moyens  d'invesligalion  partout  egaux  ?  voila  ce  qn'il  faudrait 

"   Memoires  de  Tenou  sur  lei  lidpitaux. 


292  SIXIEME  SECTION. 

d'abord  rechercher,  et  c'est  ce  qu'on  neglige  conipletement.  Ainsi, 
suivant  1'usage,  on  nous  cite  PAngleterre  pour  exemple.  Dans  ce  pays, 
dit-on ,  il  n'y  a  pas  d'hospices  d'entants  trouves ,  et  Ics  infanticides  n'y 
sont  pas  plus  communs  qu'en  France.  D'abord ,  c'est  une  erreur  de  fait , 
an  moins  pour  Londres,  qui  possede  un  fort  beau  foundling  liospital*. 
Ensuite  la  comparaison  peche  de  tout  point.  Chez  nous,  en  effet,  1'opU 
riion  publique  fletrit  une  fille-mere,  et  le  seducteur  rough  de  rcparer  sa 
faute  par  le  mariage;  chez  nos  voisins,  au  contraire,  «  P usage  et  1'opinion 
publique  s'unissent  pour  rendre  le  manage  la  consequence  de  la  seduc- 
tion**.»  Sous  1'einpire  de  1'ancienne  legislation,  la  fille  qui  devenait  mere 
declarait  sur  serment  quel  etait  le  pere  de  son  enfant;  elle  etait  crue  en 
justice ,  et  le  seducteur  etait  condamne  a  une  indemnite  pecuniaire ,  on 
meme  a  la  prison,  s'il  ne  se  hatait  de  consentir  au  mariage.  Depuis  1833, 
la  fille-mere  n'est  plus  crue  sur  serment ,  il  faut  qu'elle  etablisse  par  te- 
moins  la  probabllite  de  la  paternite  pour  obteuir  en  justice  une  pension 
alimentaire  a  son  enfant.  Cette  nouvelle  legislation  doit  sinon  detruire,  a«» 
moins  diminuer  de  grands  abus  faciles  a  comprendrc ;  mais  elle  doit , 
comme  1'ancienne,  couduire  tres  sou  vent  au  mariage;  presque  toujours, 
en  effet,  dit  M.  Wakefield,  le  seducteur  est  un  garcon.  Alors  la  moralite 
anglaise  est  completement  satisfaite,  et  1' union  icgne  dans  le  menage.  On 
concoit  qu'il  puisse  en  etre  aiusi  dans  un  pays  on  la  femme  ne  porle 
presque  jamais  de  dot,  et  ou  elle  est  reputee  libre  et  maitresse  de  sa  per- 
sonne  tant  qu'elle  n'est  point  engagee  dans  les  liens  du  mariage.  Mais  pour 
que  nous  arrivions  la,  changez  nos  lois  qui  repoussent  du  plus  loin  pos- 
sible la  recherche  de  la  paternite;  qui,  en  etablissaul  un  egal  partage 
entre  les  enfants  d'une  meme  famille,  mettcnl  1'liomme  dans  rirnpossibi- 
lite  de  fa  ire  ce  que  nous  appellerions  une  mesalliance  de  fortune  ;  change/, 
surtout  nos  mceurs;  faites  que  nous  sachions  pardonner  une  faute  a  une 


*  M.  de  Gourot'f  pretend  que  «.  le  faundliiig  hospital  de  Londres  ne  recoil  anon: 
enfant  troupe,  pas  meme  ccnx  qu'on  expose  a  fa  porte.  »  M.  Wakefii-ld  dit,  au  con- 
traire (seconde  session  du  Congres  sc'eiitifiqiie  de  France)  que  c'est  une grande  erreur j 
qu'a  la  \erite,  le  tour  a  eta  ciipprime,  et  que  «  la  mere  on  qnelque  personne  de  bonne 
reputation  est  obligee  d'apporter  I'enfant;  »  mais  que  1'hotpite  a  conserve  sa  destina- 
tion premiere.  C  est  san»  doute  d'a[ir6s  M.  de  Gouroff  que  M.  Benjamin  Delessert  a 
repete  la  meme  errenr  a  la  cliambre  des  deputes  le  zft  mai  i836.  Je  me  mis  ,  en  eflet, 
assure  que  cet  hospice  existe  toujours;  settlement  il  est  soutenu  par  une  association 
pliilantliropique  ,  et  pour  y  placer  un  enfant,  il  faut  la  recomuiandation  d'ttn  des 
membres  de  la  societe  ,  recotnmandalion  toujours  facile  a  obteuir. 

*"   WakefieU,  ancien  membro  do  la  cliamhre  di-s  communes Congres  de  Poitiers. 


SIX1EME  SECTION.  293 

jeune  fille,  et  ue  plus  touruer  en  ridicule  (car  le  ridicule  eu  France  est 
une  arme  qui  tue)  un  homme  qui,  en  Angleterre,  acquerrait  un  droit  a 
la  consideration  publique;  faites  d'abord  tons  ces  changemeuts  ,  et  ensuite 
vous  pourrez  peut-etre  etablir  une  comparaison  juste  entre  les  institutions 
des  deux  peuples. 

Cette  grande  difference  qui  existe  dans  la  position  morale  de  la  fille- 
mere  en  France  et  en  Angleterre ,  on  la  retrouve  tout  aussi  grande  dans 
la  position  materielle.  En  France ,  1'intolerance  est  complete ,  et  aucuri 
secours  n'est  accorde  a  cette  malheureuse  qui  est  repoussee  par  la  societe 
et  condamnee  a  mourir  de  fairn,  ou  bien  a  se  debarrasser  de  son  enfant 
par  quelque  moyen  que  ce  soit.  En  Angleterre  «  lorsqu'une  fille  est  en- 
ceinte, et  que  le  pere  ne  veut  ni  1'epouser  ni  subvenir  a  ses  besoins ,  la 
inaison  de  travail  de  la  paroisse  devient  son  asile.  Dans  cette  position ,  la 
loi  n'aneantit  pas  le  premier  sentiment  grave  par  la  nature  dans  le  coeur 
d'une  femme;  1'affection  de  la  mere  pour  son  enfant  u'est  point  detruite; 
celle-ci  continue  a  nourrir  de  son  lait  1'etre  malbeureux  a  qui  elle  a 
donne  le  jour  *.  »  Si  done  vous  voulez  imiter  1' Angleterre  et  supprimer 
les  hospices  d'enfants  trouves,  commencez  au  moins  par  assurer,  comme 
elle  le  fait,  des  secours  aux  filles-meres ;  et  surtout  gardez-vous  de  tirer 
d'un  rapprocbement  inexact  une  consequence  funeste. 

On  dit  encore  que  ceux  de  nos  departements  qui ,  depuis  plusieurs 
annees,  ont  supprirne  des  tours,  n'ont  pas  vu  augmenter  le  nombre  des 
infanticides.  Cette  reporise  serait  sans  replique  si  elle  etait  appuyee  sur 
des  chiflres  nombreux  et  certains,  si  la  mesure  de  la  suppression  avail 
etc  assez  generalement  adoptee,  si  enfin  il  existait  des  moyens  de  s'as- 
surer  que  les  avortements  n'ont  pas  remplace  les  infanticides;  mais  cette 
inesure  est  encore  trop  recente  et  trop  restreinte,  pour  qu'on  ait  pu  pre- 
senter des  releves  bien  concluants. 

Toutefois,  M.  de  Bondy  s'est  livre  sur  ce  sujet  a  des  recherches  fort 
importantes.  II  a  d'abord  divise  la  France  en  deux  series  :  dans  la  pre- 
miere, sont  classes  les  43  departements  dans  lesquels  les  hospices  sont 
le  plus  multiplies  relativement  a  Petendue  de  leur  circonscription ;  dans 
la  seconde,  sont  les  43  autres  departements  qui,  relativement  a  leur  su- 
perficie  ,  ont  le  moins  d'hospices.  Ensuite  il  a,  pour  chaque  departement  et 
pour  une  periode  de  4  ans,  compte  toutes  les  accusations  d'infanticide; 
et  il  a  encore  divise  la  France  en  deux  series  :  dans  la  premiere ,  sont 

*  M.  Wrfkcfield  ,  mm 


294  S1XIEME  SECTION. 

classes  les  43  departements  qui  ont  presents  le  plus  d'accusations  <F  in- 
fanticide ,  et  dans  la  seconde,  les  43  autres  qui  en  ont  presente  le  moiiis* 
Ces  operations  faites,  il  a  compare  les  resultats,  et  a  trouve  un  nombre 
i-gal  de  concordances  et  de  discordances  entre  ces  deux  tableaux;  c'est- 
a-dire  que  43  departemeiits  appartiennent  a  la  meme  serie  dans  les  deux 
tableaux  et  43  appartiennent  a  des  series  differentes.  D'ou  M.  de  Bondy  a 
cru  pouvoir  tircr  cette  consequence,  que  «  le  nombre  des  infanticides  n'a 
aucan  rapport  avec  les  circonstances  d'eloignement  ou  de  proximite  des 
tours.  »  J'avoue  que  ce  resultat  est  de  nature  a  porter  la  conviction  dans 
les  esprits.  Mais  examinons  cependant  avant  de  eroire  :  on  est  frappe  tout 
d'abord  d'une  remarque  importante,  c'est  que  1'auteur  n'a  nullement 
tenu  compte  de  la  population,  element  potirtant  bien  essentiel  dans  un 
semblable  calcul.  Par  exemple,  il  y  a  eu  dans  le  departement  de  la  Seine 
9  accusations  d'infanticide  et  seulement  7  dans  celui  de  la  Nievre.  Est- 
il  juste  de  dire  d'une  maniere  absolue  que  ces  accusations  ont  etc  plus 
Hombreuses  dans  le  premier?  et  parce  que  1'hospice  de  la  Seine  n'a  que 
460  kilometres  carres  de  circonscription  ,  tandis  que  celui  de  la  Nievre  en 
a  6,860,  faut-il  en  conclure  que  plus  on  multiplie  les  hospice*,  plus  il  y  a 
d?infanticides?...  Non  sans  doute.  Il  fa ut  tenir  compte  de  la  population  oa 
plutot  du  nombre  des  naissances  naturelles ,  et  dire  :  il  y  a  eu  dans  le  de- 
partement  de  la  Seine,  pour  une  periode  de  4  annees  et  pour  100,000 
naissances  naturelles,  21  accusations  d'infanticide ;  tandis  que  pendant  la 
rneme  periode  et  pour  le  meme  nombre  de  naissances  naturelles,  il  y  a  eu 
dans  le  departement  de  la  Nievre  428  accusations  du  meme  genre.  Done 
les  accusations  d'infanticide  ont  etc  plus  de  20  fois  plus  nombreuses  dans 
la  Nievre  que  dans  la  Seine. 

Si  nous  faisons  le  meme  travail  pour  toute  la  France,  en  nous  servant 
des  cbiffres  memes  de  M.  de  Bondy,  nous  verrons  qu'il  y  a,  relative- 
ment  a  la  population,  ou  relativement  an  nombre  des  naissances  natu- 
relles, plus  d'accusations  d'infanticide  dans  les  departements  ou  les  hos- 
pices d'enfanls  trouves  sont  le  moins  multiplies.  Si  nous  ne  comparons 
que  les  extremes,  les  resultats  seront  bien  autrement  tranches  et  con- 
cluants.  Aiusi,  les  dix  departements  qui  comptent  le  plus  d'hospices  n'ont 
eu  pour  1,000,000  naissances  naturelles  que  763  accusations,  tandis  que 
les  dix  qui  comptent  le  moins  d'hospices  ont  eu,  pour  le  meme  nombre 
de  naissances.  naiurelles,  1,449  accusations;  c'est  presque  le  double! 
Nous  pouvons  done  retorquer  1'argument  de  M.  de  Bondy  comme  nous 
avons  relovque  ses  chiffres,  el  dire:  le  nombre  des  infanticides  esl  en 
rapport  avcc  les  circonstances  d'eloignemcnt  des  tours. 


SIXIEME  SECTION.  395 

On  voi't  a  quelle  erreur  peut  conduire  la  statistique  si  Ton  neglige  un 
des  elements  de  calculs ,  et  combien  il  serait  important  que  le  gouverne- 
ment  recueillit  et  publiat  tous  les  renseignements  de  ce  genre  propres  a 
eclairer  les  votes  des  conseils  generaux  sur  ce  sujet. 

Ces  conseils,  en  effet,  n'ont  pas  eu  toutes  les  donnees  convenables  pour 
asseoir  leurs  opinions;  leurs  votes  meme  n'ont  pas  toujours  ete  entiere- 
ment  libres ;  car,  apres  la  suppression  de  certains  tours  d'arrondissement , 
an  lieu  de  porter  les  enfants  au  chef-lieu,  on  trouvait  quelquefois  plus 
commode  de  les  envoyer  dans  le  departement  voisin ,  qui  devenait  par  la 
considerablement  greve.  Dans  ce  cas,  force  a  ete  de  stipprimer  le  IOUF 
qui  recevait  les  enfants  etrangers.  Ueja  une  mesure  semblable ,  dictee  paF 
les  memes  motifs ,  avait  ete  prise  par  «  quelques  villes  de  la  Belgique ,  qui , 
en  1823,  pour  ne  pas  avoir  a  leur  charge  les  enfants  qu'on  apportait 
du  dehors,  supprimerent  les  tours.  Bientot  la  vie  de  plusieurs  nou- 
veau  nes,  compromise ,  et  la  clameur  publique  firent  donner  ordre  par 
le  gouvernement  de  les  retablir.  »  Aussi  M.  de  Oouroff,  qui  rapporto 
ce  fait,  et  dont  Popinion  est  assez  connue,  ajoute-t-il  que  «  il  faut  de  la 
reflexion ,  dn  temps  et  de  la  patience  pour  preparer  et  executcr  pen  a 
pen  les  mesures  qui  doivent  preceder  cette  reforme.  »  Je  crois  en  effet 
qu'il  ne  faudrait  pas  moins  que  toute  cette  prudence  pour  prevenir  les 
grands  desordres  qui  sont  a  craindre.  Quoi qu'il  en  soil,  il  serait  a  desirer 
qu'il  y  cut  pour  tous  une  regie  commune  ;  c'est-a-dire  qu'une  fois  la 
question  bieir  approfondie  y.  il  intervint  une  disposition  legislative  sur  cette 
matiere. 

Mais ,  dit  M.  Duchatel ,  que  je  m'attache  a  refuter,  parce  que  sa  haute 
position  et  son  merite  eminent  clonnent  un  grand  poids  a  ses  paroles ,  on 
ne  doit  pas  conserver  une, institution  dans  le  but  de  prevenir  un  genre  de 
crimes.  «  Pourqtioi  le  crime  de  I'infanticide  aurait-il  son  mode  de  preven- 
tion particulier?  Pour  empecher  les  brigands  de  voler  sur  les  chemins 
commencons-rious  par  appaiser  en  eux  la  soif  des  richesses,  en  leur 
donnant  tout  Pargent  qu'ils  desirent?  »  La  loi  pnnit  et  ne  previent  pas 
le  crime....  Paradoxe  social!  Principe  barbare!  Si  la  loi  punit,  ce  n'est 
pas  pour  venger  la  societe  lesee ,  c'est  pour  prevenir  un  nouveau  crime 
par  la  crainte  salutaire  du  chatiment.  Autrement  la  punition  serart  sans 
but,  elle  serait  cruelle.  Si  la  loi  n'est  pas  plus  directement  preventive , 
c'est  qu'elle  ne  peut  pas  Petre;  mais  elle  doit  toujours  etre  juste  et  tou- 
jours en  rapport  avec  les  moeurs  et  les  besoins  de  la  societe.  Or,  Phomme 
qui  vole  agit  rontre  un  sentiment  naturel;  il  est  maitre  de  son  action  ;  on 
a  droil  de  lui  en  demander  compte,  de  Pen  punir.  La  fcninie  qui  se  laisse 


296  SIXIEME  SECTION. 

seduire ,  au  contraire,  obeit  a  un  senliuient  naturel,  a  un  besoin  impe- 
rieux ;  on  ne  peut  pas  dire  d'une  mauierc  absolue  qu'elle  soil  maitresse 
de  son  action ;  la  loi  ne  saurait  Ten  punir.  S'il  u'y  a  auoun  moyen  pour 
elle  d'elever  son  enfant,  1'infantieide  sera  la  consequence  forcee  d'une 
premiere  action  innocente  legalement ;  et ,  pour  etre  logique ,  vous  ne  de- 
vriez  pas  Ten  punir.  Pour  suivre  votre  comparison ,  n'est-elle  pas  dans  la 
position  de  1'bomme  qui  vole  du  pain  pour  ne  pas  mourir  de  faim ,  et  que 
vous  acquittez  parce  qu'il  n'a  fait  que  ceder  a  un  besoin  irresistible?... Eh! 
quelle  injustice  de  la  part  de  1'homme !  C'est  lui  qui  seduit  la  femme ;  il 
1'entraine  dans  le  precipice ,  et  lui  refuse  toute  espece  de  secours  ;  il  corn- 
met  la  faute ,  et  il  en  punit  sa  complice.  Pour  lui  tons  les  benefices ,  pour 
elle  toutes  les  peines!...  En  verite,  vous  feriez  croire  a  1'injustice  de  celui 
qui  a  fait  toutes  choses. 

L'infanticide  n'est  pas  le  seul  inconvenient  de  la  suppression  d'une 
partie  des  tours;  un  autre  non  moins  grand  et  bien  plus  incontestable 
est,  comme  je  1'ai  deja  indique,  1'augmentation  de  la  mortalitc.  Le  resultat 
le  plus  immediat  de  cetle  mesure,  en  effet,  sera  d'obliger  a  transporter 
des  enfants  naissants  souvent  a  douze  et  quinze  lieues.  Et  comment  aura. 

lieu  ce  transport? On  en  peut  juger  par  ce  qui  se  passe  deja  dans  cer- 

taines  localites :  des  matrones  feront  metier  de  debarrasser  les  accouchees 
de  leurs  nouveau-nes ,  elles  les  porteront  au  tour  le  moins  eloigne  dans 
des  paniers  ou  dans  des  bottes ,  et  Dieu  sait  quel  soin  elles  prendront  de 
ces  etres  faibles  et  a  peine  couverls  de  quelques  linges;  le  moindre  in- 
convenient de  la  mesure  sera  done  d'etre  sans  effet.  Heureux  si  ces  ma- 
trones n'imitent  pas  les  femmes  par  qui  1'hospice  de  Lisbonne  faisait  dis- 
tribuer  ses  enfants  dans  les  campagnes,  et  que  leurs  actes  conduisirent  a 
1'echafaud;  ou  bien  celles  qui  se  cbargeaient  de  porter  a  Dublin  les  en- 
fants du  nord  de  1'Irlande  et  qui  les  jetaient  dans  une  houillere  bourbeuse 
pour  s'en  debarrasser  plus  promptement. 

A  Vendome  et  a  Romorautin ,  dont  les  tours  ont  etc  supprimes  dernie- 
rement ,  les  choses  se  passent  quelquefois  beaucoup  plus  simplement :  on 
ne  met  plus  1'eufant  dans  le  tour  puisqu'il  est  ferme,  mais  on  le  depose 
a  la  porte  de  I'hopital ;  ainsi  le  seul  wantage  de  la  mesure  est  que  le 
malheureux  enfant,  au  lieu  d'etre  place  dans  un  endroit  chaud  et  de  rece- 
voir  de  prompts  secours ,  est  expose  au  froid  en  attendant  que  le  hasard 
le  fasse  decouvrir! 

Mais  deja  les  chilfres  out  parle.  Le  departemenl  de  la  Vienne  est  un 
des  premiers  qui  aient  supprime  les  tours  d'arrondissement;  cette  sup- 


SIX1EME  SECTION.    .  297 

pression  date  du  l.er  Janvier  1834 ,  el  au  10  septembre  de  la  meme  annee, 
M.  Bouriaud,  administrateur  des  bopitaux  de  Poitiers,  fournissait  au 
Congres  scientifique  de  cette  ville  quelques  renseignements  desquels  il 
resulte  que  du  l.er  Janvier  au  10  septembre  des  annees  precedentes,  la 
moyenue  de  la  mortalite  des  enfants  deposes  dans  le  tour  de  Poitiers  etait 
de  1  sur  5,68,  et  que  pour  cette  meme  periode  de  1834  elle  a  etc  de  1 
sur  2,4  8  :  ainsi  elle  a  plus  que  double ;  et  si  1'on  fait  attention  qu'elle  n'a 
pas  du  varier  pour  les  eufants  de  1'arroudissement  de  Poitiers  dont  les 
conditions  n'ont  pas  cte  cbangees,  et  que  Paugmentation  n'a  du  porter 
que  sur  ceux  venus  des  autres  arrondissements ,  on  trouvera  alors  une 
cffrayante  mortalite  resultant  de  la  suppression  des  tours.  L'abbe  Gail- 
lard  a  porte  plus  loin  ses  recberches ;  il  a  trouve  que  la  vie  moyenne  des 
enfants  morts  depuis  cette  suppression  etait  de  sept  jours,  tandis  que  les 
annees  precedentes  elle  etait  de  dix  a  ouze  jours ;  ainsi  il  y  a  eu  diminu- 
tion considerable  de  la  vie  moyenne.  (V.  la  note  3.) 

N'est-il  pas  vraimcnt  inconcevable  ,  apres  ces  faits  positifs  ,  qu'un 
membre  du  conseil  general  de  la  Vienne,  1'bonorable  general  Demarcay, 
ait  parle  a  la  cbambre  des  deputes  (seance  du  28  mai  1836)  des  bans 
effets  qui  sont  resultes  de  cette  suppression  des  tours  de  la  Vienne.  Sans 
doute  il  ne  songeait  qu'aux  resultats  financiers,  et  je  crains  bien  en  effet 
qu'on  n'obtienne  sous  ce  rapport  un  resultat  beaucoup  trop  brillant. 

Le  Moniteur,  au  lieu  de  publier  pompeusement  la  liste  des  prefets  qui 
out  obtenu  les  plus  grandes  economies  sur  ce  cbapitre  du  budget,  sans 
examiner  a  quel  prix  ils  les  ont  obtenues,  ferait  mieux,  je  pense,  de 
donner  des  releves  statistiques  qui  pussent  eclairer  la  question  sous  le 
point  de  vue  moral. 

II  ne  sera  pas  deplace  de  rappeler  ici  Popinion  d'un  bomme  d'etat  jus*- 
tement  estime ,  Necker. 

«  L'on  transportait  a  Paris ,  chaque  annee ,  deux  mille  de  ces  enfants , 
expedies  comme  une  marchandise  de  differents  lieux  ou  il  ne  se  trouvait 
point  d'etablissement  autorise  a  les  recevoir.  Ces  enfants ,  dans  la  propor- 
tion de  neuf  sur  dix,  perissaient  pendant  la  route  ou  peu  de  jours  apres 
leur  arrivee.  Il  n'est  pas  possible  de  prendre  connaissance  d'une  pareille 
violation  des  droits  de  I'bumanite  sans  chercber  a  y  porter  remede  :  le  roi , 
sur  le  compte  qu'on  lui  rendit ,  defendit  ces  transports  cruels  par  un  arret 
de  son  conseil ,  et  Sa  Majeste  prit  en  meme  temps  des  precautions  pour 
faire  recevoir  ces  enfants  dans  les  maisons  de  cbarite  voisines  du  lieu  ou 
ils  etaient  surpris  entre  les  mains  des  voituriers.  Il  est  impossible  de  ne 
pas  sentir  la  justice  de  ces  dispositions :  cependant  on  eprouve  deja  que  la> 


298  •  SIX.IEME  SECTION1. 

necessite  ou  Ton  s'est  trouve  d'ouvrir  de  uouvoaux  asiles  aux  enfant* 
abandoning  en  augmente  le  nombre.  Je  Pavais  prevu;  mais  entre  diffe- 
rents  maux  on  ne  pouvait  balancer  a  eloigner  avant  tout  le  sacrifice  an- 
nnel  de  tant  d'innocentes  victimes  *.  » 

Mais  le  croirait-on?  j'ai  entendu  des  hommes  graves  se  feliciter  de  la 
grande  mortalite  des  enfants  trouves.  «  Us  ne  servent ,  disent-ils ,  qu'a 
alimenter  les  maisons  de  prostitution  et  les  bagues ;  heureusement  pour  la 
societe,  la  plupart  meurent  avant  d'avoir  accompli  leur  funeste  destinee!  » 
Oui  sans  doute,  c'est  une  deplorable  verite  que  beaucoup  d'enfants  trou- 
ves finissent  par  la  debaucbe  on  par  le  crime.  (V.  la  note  4. )  Mais  est-ce 

parce  qu'ils  sont  malheureusement  nes? ou  n'est-ce  pas  plufot  parce 

«]ue  la  societe  ne  fait  rien,  absolumenl  rien  pour  leur  education? Au 

lieu  de  les  abandonner  a  des  femmes  qui  les  envoient  mendier  et  les  lais- 
sent  errer  en  vagabonds  et  contracter  de  mauvaises  babitudes,  poarquoi 
ne  pas  les  retirer  de  nourrice  des  Page  de  deux  ou  trois  ans,  pour  les  placer 
dans  des  maisons  d'cducatiou  et  de  travail ,  ou  ils  resteraient  en  tulelle 
jusqu'a  vingt-un  ans  sous  la  surveillance  de  personucs  sages  qui  leur  don- 
neraient  des  principes  de  morale  et  leur  enseigneraient  les  moyens  de  se 
rendre  utiles  au  pays?  Ne  seiait-ce  pas  la  meilleure  maniere  de  prevenir 
le  dcrcglement  des  moeurs,  et  aussi  un  moyen  bien  legitime  de  s'indem- 
niser  des  depenses  des  premieres  annees. 

Une  difficulte  a  laquelle  ne  songent  peut-etre  pas  assez  ceux  qui  de- 
mandent  la  diminution  du  nombre  des  tours,  sera  de  trouver  des  nour- 
nces.  Un  arrondissement  ne  pourra  pas  en  fournir  pour  tons  les  enfants 
trouves  du  departement.  II  faudra  done  renvoyer  ces  inalbeureux  dans  les 
eiidroils  d'ou  ils  auront  ete  apportes ,  afin  de  pouvoir  les  placer :  nouvelle 
cause  de  mort,  car  je  ne  suppose  pas  qu'apres  les  funestes  essais  qui 
en  out  cte  faits,on  adopte  geueralement  rallaitement  artificiel.  Cette  diffi- 
cuHe  s'est  deja  presentee  dans  le  departement  de  la  Vienne  et  sans  doute 
ailleurs. 

Si  Ton  allait,  comme  le  veulent  les  plus  ardents  partisans  de  la  re- 
forme,  jusqu'a  supprimer  tons  les  tours  ,  il  se  presenterait  un  inconvenient 
bien  autrement  grave:  en  les  ouvrant,  on  a  pu  declarer  que  les  expositions 
sur  la  voie  publique  seraieut  considerces  comme  des  infanticides  par  im- 
prudence quand  la  mort  s'en  suivrait ;  mais  du  moment  oil  tons  les  tours 
seroiil  fermes ,  necessairement  il  faudra  tolerer  les  expositions  eii  lieu  pu- 

*   Adiuiaistiatioii  des  finances 


SiXIEME  SECTION.  299 

Mic,  a  moius  d'assurer  des  secours  aux  meres  necessiteuses.  En  effet,  il 
en  est  qui  sont  dans  1'impossibilite  physique  d'elever  leurs  enfants ;  qu'en 
leront-ellcs ,  si  la  loi  defend  toute  exposition?...  elles  seront  dans  la  neces- 
site  de  les  tuer!  Otte  necessite  a  si  bien  etc  reconnue  en  tons  les  temps, 
que  chcz  tons  les  peuples  de  1'antiquite  1'exposition  etait  permise.  Si  la  loi 
romaine,  en  374?  assimila  1'exposition  a  I'infanticide ,  ce  ne  fut  qu'apres 
avoir,  en  315,  assure  des  secours  prompts  et  efficaces  aux  enfants  des  in- 
digents ;  et  cependant  le  besoin  de  caclier  sa  faute  et  de  se  soustraire  au 
deshonneur  est  si  imperieux  que,  malgre  ces  sages  dispositions,  il  parait 
que  les  expositions  continuerent ,  puisqu'en  530  Justinien  abolit  la  servi- 
tude qui  pesait  sur  les  enfants  exposes.  Mais  si  Ton  tolere  les  expositions 
sur  la  vote  publique,  a  quoi  aura  servi  la  suppression  des  tours?...  seule- 
inent  a  augmenter  la  mortalite ;  car  on  fera  partout  ce  qu'on  fait  deja  a 
Vendome  et  a  Romorantin ,  on  deposera  1'enfant  a  la  porte  de  Thopital. 
Ainsi,  ou  1'on  rendra  necessaires  beaucoup  d'infanticidcs ,  ou  la  mesure 
n'aura  servi  qii'a  augmenter  les  expositions  sur  la  voic  publique  et  la 
mortalite  de  ces  innocenles  victimes  de  1'egoi'sme  sociaf. 

Dans  quelques  departements,  on  a  craintles  funestes  consequences  de  la 
suppression  des  tours,  et  Ton  s'est  conlente  de  deplacer  les  enfants,  dans 
1'espoir  que  bien  des  meres,  plutot  que  de  s'en  separer,  les  recounai- 
Iraient.  M.  de  Bondy  est  un  des  prefets  qui  ont  les  premiers  fait  arreter 
cette  mesure  par  les  conseils  generaux ,  et  c'est  lui  sans  doute  qui  a  le  plus 
contribue  a  la  faire  adopter  presque  generalemenl.  Il  1'a  preconisee  avec 
la  conviction  de  1'homme  de  bien  ,  et  avec  le  talent  de  I'administrateur  de 
merite.  Je  crois  cependant  qu'entraine  par  un  zele  ardent ,  il  a  devie  de  la 
route  du  vrai  et  de  1'utile.  Mon  intention  n'est  nullemeut  de  contester 
Fefficacite  de  la  mesure ;  je  sais  qu'elle  frappe  les  abus.  Mais  je  crois 
qu'elle  a  plus  d'inconvenients  que  d'avantages.  Beaucoup  de  meres,  en 
effet ,  ont  retire  leurs  enfants ,  dans  la  crainte  de  les  voir  s'eloigner  d'elles  ; 
mais  bien  plus  souvent  encore  de  pauvres  femmes  n'ont  pas  voulu  se  se- 
parcr  d'enfants  qu'elles  avaient  nourris  et  eleves;  et,  plutot  que  deles 
exposer  a  quelque  mauvaise  fortune,  elles  ont  prcfere  leur  faire  partager 
le  pain  de  leurs  propres  enfants.  Consideree  sous  ce  point  de  vue ,  la 
mesure  est-elle  autre  chose,  je  le  demande,  qu'un  impot  preleve  par  la 
societe  sur  la  classe  indigente?...  Impot  doublement  immoral  puisqu'ifl 
n'atteint  que  les  indigents ,  et ,  enlre  les  indigents ,  ceux  seulement  qui 
ont  ete  assez  probes  pour  ne  pas  regarder  comrne  une  simple  speculation 
reduoation  de  1'enfant  qui  leur  etait  conlic,  ceux  qui  1'ont  affectionn^ 


300  S1X1EME  SECTION. 

comme  leur  fils,  ceux  eiiiiu  a  qui  devraient  etre  decernees  des  recom- 
penses. Quelques  autres  femmes  ont  garde  leurs  nourrissous ,  mues  par 
un  sentiment  bien  different  :  elles  ont  pese  les  morceaux  de  pain  neces- 
saires  a  la  nourriture  d'un  pauvre  enfant ,  et  compte  le  produit  de  ses 
tournees  de  mendicite;  elles  ont  specule  sur  sa  inisere  et  sur  la  charite 
publique. 

M.  de  Boudy  a  comiuis  une  grave  erreur  en  ne  tenant  uulleiuenl 
compte  de  ces  deux  motifs,  qui  sont  cerlainement  les  principaux,  peut- 
elre  les  seuls,  qui  determinent  de  pauvres  gens  a  prendre  gratuitement 
un  enfant  de  huit  a  neuf  ans.  En  effet ,  si  ce  n'est  pas  par  affection ,  ce 
ne  pent  etre  que  par  speculation;  et,  a  cet  age,  un  enfant  pent  bien 
mendier,  mais  il  n'est  propre  a  aucun  travail.  Necessairemcnt  on  lui  laisse 
contraeter  des-lors  tons  ces  vices  de  mendicite  et  de  vagabondage  contre 
lesquels  M.  de  Bondy  s'eleve  avec  tant  de  raison.  Et  demandez  aux  admi- 
nistrations des  hospices  ou  le  dcplacement  a  etc  effect  uc  ,  si  elles  n'ont  pas 
ete  obligees  de  retirer  de  force  des  enfanls  qu'oii  avait  garde  gratuitement. 
Les  administrateurs  qui  ont  pense  qu'on  lie  devait  pas  mettre  eu  appren- 
tissage  un  enfant  avant  qu'il  eut  alteint  sa  dou/ieme  annee ,  ont  done  ete 
Ires  sages;  parce  qu'avant  cct  age  on  ne  lui  apprend  rien,  et  qu'oii  lui  fait 
contraeter  des  habitudes  vicieuses.  Oui  sans  doute,  ce  serait  une  mauvaise 
economic  que  de  placer  trop  tot  les  enfants  en  apprentissage.  Le  gouver- 
nement  aurait  tort  d'y  engager  les  administrateurs ;  et  M.  de  Bondy  me 
semble  s'etre  gravemenl  trompe  eu  indiquant  ce  moyen  d  economie 
comme  1'un  des  meilleurs. 

Dans  le  dcpartement  de  Loir-et-Cher,  le  de-placement  a  produit, dit-on, 
une  economie  annuelle  de  30,000  francs.  Mais  voyez  d'ou  elle  vient  : 
819  enfants  ont  ete  soumis  a  cette  mesure  dans  les  arrondissements  de 
Blois,  de  Romorantin  et  de  Vendome  :  sur  ce  nombre,  169  ont  ete  re- 
connus  par  leurs  parents,  et  236  ont  ete  gardes  paries  nourrices ;  414 
ont  ete  deplaccs.  G'est  done  une  charge  annuelle  de  17,481  francs  mise 
&ur  236  families  iudigentes  ! 

Dans  ce  meme  dcpartement ,  par  une  iiiconcevable  contradiction ,  en 
rneme  temps  qu'on  fcnnait  les  deux  tours  d'arrondissemenls,  on  decidait 
que  les  enfants  trouvcs  ne  scraient  dcplaces  que  dans  la  belle  saison,  et 
seulement  apres  1'age  de.  15  mois!...  On  a  la  sagesse  d'apprecier  les  dan- 
gers nccessairement  attaches  au  transport  d'un  jeune  enfant;  on  juge  que 
le  deplacement  ne  pent  se  faire  qu'apres  1 5  mois ,  et  seulement  dans 
rete,..  ct  1'on  supprime  deux  tours  sur  Irois! 

Toutefois,  si  jc  blame  hautcmc'nl  la  mesure  en  ollc-meme,  c'est  justice 


SFXIEME  SECTION.  301 

de  loner  la  sagesse  mise  clans  IVxecution.  M.  le  Prt-fet  1'a  surveillee  avec 
un  soin  attentit',  ct  il  1'avait  confiee  a  1'homme  le  plus  digne  de  cette 
delicate  et  penible  mission,  an  prepose  des  enfants  trouves  de  Paris, 
M.  Berry,  qui  entoure  tons  ces  malheureux  petits  etrcs  de  soins  vraiment 
maternels. 

Le  deplacement  pent  encore  etre  considere  sons  un  point  de  vue  moral 
beanconp  plus  eleve.  Je  voudrais  pouvoir  faire  sentir  le  profond  chagrin 
de  tons  ces  panvres  enfants  qu'on  arrache  des  bras  de  leurs  meres  adop- 
tives;  je  voudrais  pouvoir  peindre  quelques  unes  de  ces  scenes  de  doulou- 
reuse  separation ,  et  Ton  aurait  alors  une  idee  exacte  de  la  reciprocile 
d'amour  qui  existe  souvent  entre  la  nourrice  et  le  nourrisson ,  et  Ton  ju- 
gerait  si  la  violence  faite  an  plus  naturel  et  an  plus  fort  de  tous  les  senti- 
ments n'est  pas  une  barbaric  digue  d'un  antre  peuple  et  d'une  autre  epoque. 

—  Un  jenne  garcon  de  onze  ans  ,  conduit  a  Vendome  le  5  mai ,  etait  ,  le 
7,  de  relonr  chez  sa  mere  nourrice,  a  Seur.  II  avail  fail  dix  lieues  a  pied  , 
en  un  jour,  sans  se  reposer,  sans  prendre  de  nourriture  et  en  se  mettant 
a  1'eau  jusqu'aux  bras  sur  la  route  de  Blois  a  Saint-Gervais,  alors  inondee. 

—  TJn  enfant  de  dix  ans ,  Iransporte  de  Vendome  a  Blois ,  en  a  concu  un 
si  violent  chagrin  qu'il  est  tonibe  dans  I'imbecillile.  Quoique  replace  ehez 
son  ancienne  nourrice,  son  etat  ne  s'est  pas  ameliore.  —  Aussi  ai-je  con- 
seille  precedemment   de   retirer  les  enfants   de  nourrice  avant  Page   des 
affections  profondes,  pour  les  placer  dans  des  maisons  de  travail  et  d'edu- 
cation.  Passe  un  certain  age,  il  ne  faut  plus  songer  a  aucun  dep!acernent. 

Quand,  pendant  onze  ans ,  on  a  donne  des  soins  a  un  pauvre  orphelin  , 
on  1'aime  a  I'egal  de  ses  propres  enfants;  il  s'etablit  line  reciproeite  d'at- 
tachement,  el  1'ctre  delaisse  n'est  plus  seul  sur  la  terre;  il  a  Irouve  une 
famiSle,  il  lient  a  son  pays.  Eh!  bien  ,le  resultat  le  plus  assure  du  deplace- 
ment est  de  rompre  ces  liens  de  famille;  c'est  de  faire  craindre  a  une 
nourrice  de  s'attacher  trop  a  un  enfanl  qu'on  doil  lui  enlever;  c'est  de  de- 
chirer  le  coeur  de  ce  malheureux ,  qui  n'a  an  monde  qu'une  affection ; 
c'est  d'en  faire  un  etre  insouciant ,  aigri  contre  la  societe.  Pensez-vous  en 
effel  que  la  seconde  nourrice  ait  des  soins  propres  a  faire  oublier  la  ten- 
dresse  de  la  premiere?  Mais  c'esl  une  mere  a  qui  vous  ravissez  son  en- 
fant, el  quc  vous  pretendez  consoler  en  lui  en  donnant  un  autre  en 
ecliange  !  «  Si  quelques  enfants  deplaces  onl  regrelte  leurs  premiers  gar- 
diens,  il  en  est  beaucoup  plus  encore  ,  dites  vous,  qui  se  sont  bien  trou- 
ves dn  changement.  »  Est-ce  croyable;  et  comment  une  phrase  aussi 
etrange  a-t-elle  pu  sortir  de  la  plume  d'un  bomme  aussi  grave  que  M.  de 
Bondy  ? 


302  SIXIEME  SECTION. 

Prenez-y  garde,  si  vous  detruiscz  toutc  affection ,  il  ne  resteraplus  que  la 
speculation,  et  vous  aurez  crec  unc  sorte  de  traite  des  blancs.  L'homme  a  qui 
vous  aurez  sauve  la  vie ,  sans  Hen  fairc  pour  son  bonheur,  meconnaitra  votre 
bienfait,  et,  nouveau  Laoenaire,  se  vengera  sur  la  sociele  entiere  de  deux 
de  ses  membres  qui  I'auront  jete  malheureuv  sur  cette  terre  d'egoisme. 

On  a  conseille  encore  d'autres  mesures  dans  differentes  intentions.  Et 
d'abord  on  a  dit :  exigez  des  filles  enceintes  qu'elles  fassent  leur  declara- 
tion de  grossesse  aux  maires  de  leurs  communes,  et  vous  previendrez  les 
infanticides.  Mais  c'est  vouloir  1'impossible ;  car  les  malheureuses  doutent 
quelquefois  jusqu'au  dernier  moment,  et  puis  c'est  condamner  au  deshon- 
neur  nne  personne  qiruu  accident  pouvait  eri  sauver,  on  meme  qui  a  pu 
se  tromper  sur  les  apparences  d'une  fausse  grossesse. 

D'autres  out  pi-opose  de  supprimer  les  tours  et  de  ne  recevoir  les  en- 
fants  exposes  que  sur  certiiicat  du  maire;  cela  dans  I'intention  de  preve- 
nir  les  expositions  d'enfants  legilimes  ;  mais  il  y  atirait  un  grave  inconve- 
nient que  j'ai  deja  signale,  celui  de  dechirer  le  voile  de  pudeur  qui  re- 
tient  bien  des  femmes. 

On  avail  pense  pouvoir  interesser  les  communes  a  exercer  une  sorte 
de  surveillance  morale  sur  les  habitants ,  soil  pour  prevenir  la  dcbauche , 
soil  pour  empccher  1'exposition  d'enfants  legitimes ,  en  les  faisant  con- 
courir  aux  depcnses  des  leurs  enfants  trouves  ;  mais  comment  decouvrir 
a  quelle  commune  appartient  un  enfant  expose  P  1'impot  ne  pent  tombor 
que  sur  le  lieu  de  1'exposition  qui  souvent  n'est  pas  celui  de  la  concep- 
tion ;  dcs-lors  il  est  injuste.  Ou  a  d'ailleurs  trotive  une  facheuse  analogic 
entre  cet  impot  et  la  taxe  des  pauvres  de  1'Angleterre. 

L'exposition  des  nouveaux-nes  est  une  plaie  delicate  qu'il  ne  faut  tou- 
cher qu'avec  un  extreme  management.  Pour  la  cicatriser,  il  faut  en  faire 
cesser  les  causes  incessantes ;  car  c'est  surtout  dans  les  plaies  de  1'ordre 
moral  que  le  fameux  precepie  tolle  causam  trouve  son  application. 

1.°  La  diminution  de  la  mortalite  chez  les  enfants  trouves  nous  a  paru 
ctre  la  premiere  et  a-peu-pres  la  seule  cause  de  leur  accroissement  nume- 
rique.  A  ces  philosophes  misanthropes  qui  regardent  comme  un  malheur  ce 
resultat  des  longs  efforts  des  administrations  des  hospices ,  nous  indique- 
rons  comme  remedes  efficaces,  la  suppression  des  tours  d'arrondissement 
et  le  deplacement des  enfants  en  bas  age. Mais  leshommes  qui,animesdes 
sentiments  de  philanthropic  les  plus  simples ,  pensent  que  la  vie  d'unetre 
humainne  doit  jamais  etre  mise  en  balance  avec  quelques  pieces  d'or;  qui 


SLXIEME  SECTION.  3<OJ 

cr-oient  qu'il  fatit  prevenir  la  depravation  par  une  bonne  education,  ct  cor- 
ijger  les  mediants  an  lieu  de  les  decimer  par  mesure  preventive,  c'est-a- 
Jire  barbare;  ceux  ci  nous  les  conjurerons  d'unir  leurs  voix  a  la  notre  pour 
demander  qu'an  raoins  on  n'opere  qu'avec  une  extreme  prudence  et  une 
sage  lenteur  une  reforme  qui  est  entouree  de  taut  de  difficultes  et  de  si 
grands  dangers. 

2.°  Comme  cause  de  naissances  naturelles,  j'ai  indiqu-e  le  concubinage 
et  le  celibat.  Si  done  on  veutdirninuer  le  nombre  de  naissances  naUirelles, 
il  faut  avant  tout  que  les  lois  reconnaissent  les  droits  imprescriptibles  de 
la  nature;  il-faut  favoriser  les  manages  precoces  ,  admettre  plutot  lesjeu- 
nes  gens  aux  emplois  ,  abreger  la  duree  du  service  militaire,  se  hater  cha- 
que  annee  de  tennincr  promptcment  les  operations  du  recrutement,  lever 
de  suite  le  contingent  et  renvoyer  en  conge  illimite ,  avec  permission  de 
se  marier ,  tons  les  jeunes  soldats  suffisamment  exerces ,  et  qui  ne  son* 
point  indispensables  au  service  public. 

3.°  Les  moyens  propres  a  procurer  aux  classes  indigentes  des  ressour- 
ct's  contre  la  misere  sont  les  seuls  qu'il  soil  sage  d'employer  pour  dimi- 
nuer  le  nombre  des  expositionsd'enfants  naturels.  Au  premier  rang ,  doi- 
vent  etre  mises  les  caisses  d'epargne. 

4.°  Les  malheurcuses meres chargees d'une  famille nombreuse, les  veuves 
surtout,  que  la  necessite  oblige  a  abandonntr  leurs  enfants,  trouveront 
dans  la  bienfaisante  et  sage  institution  des  salles  d'asile  une  ressource 
j^rccieuse  ,  puisqu'elles  ne  seronl  plus  detournees  de  leurs  travaux  par  les 
soins  de  tons  les  instants  qu'exige  la  premiere  enfance.  Un  puissant 
nioyen  de  dimiuuer  la  misere,  et  partant  le  nombre  des  enfants  abandon - 
nes,  sera  done  de  creer  des  salles  d'asile  dans  toutes  les  communes. 

5.°  Jl  serait  facile  de  faire  cesser  1'abus  des  expositions  d'enfants  legi- 
times.  Il  faudrait  d'abord  que  toute  femme  qui  se  presente  pour  obtenir 
mi  nourrisson ,  fut  obligee  de  juslifier  de  1'etat  actuel  de  son  enfant.  Par 
la  ,  on  einpecherait  la  mere  de  devenir  la  nourrice  salariee  de  son  propre 
enfant.  Il  faudrait  aussi  qu'il  fut  recommande  aux  maires  de  prevenir  1'au  • 
torite  superieure  de  la  disparition  de  tout  enfant  legitime  ;  il  serait  fa- 
cile de  le  faire ;  car  il  n'y  a  guere  d'accouchements  clandestins  cbez  les 
femmes  mariees.  On  pourrait  alors  obliger  la  mere  a  rendre  compte  de  son 
eniant  et  a  le  reprendre.  Il  faudrait  encore  que  1'officier  de  1'ctat  civil 
donnat  avis  des  reconnaissances  d'enfants  qui  se  font  par  acte  de  mariage. 
Ce  serait  unmoyen  d'en  faire  retirer  beaucoup  qui  souvent  ne  sont  repris 
que  bieu  plus  tard. 

Mais  il  ne  suffirait  pas  d'invitcr  les  maires  et  les  adininistrateurs  des 


304  SIXlfcMK  SECTION. 

hospices  a  se  conformer  aux  regies  prescrites.  II  faudrait  les  mel- 
tre  dans  I'impossibiHte  de  ceder  a  oes  considerations  philanthropiques 
grosses  d'abus.  On  y  parviendrait  en  nommant  par  departement  on  par 
arrondissement  un  homme  dont  les  fonctions  seraient ,  1.°  de  visiter  les 
enfants  trouves  mis  en  nourrice ,  et  de  veiller  a  ce  qu'ils  soient  tenus  con- 
venableriicnt ;  2.°  de  se  rendre  line  fois  ou  deux  par  an  dans  cliaqne  com- 
mune pour  s'assurer  que  tons  les  enfants  inscrits  sur  les  registres  de 
1'etat  civil  sont  conserves  par  letirs  families  ,  et  que  tons  les  enfants  re- 
connus  par  acte  civil  ont  etc  retires  de  1'hospice ;  3.°  de  prendre  tous  les 
renseignements  possibles  sur  les  enfants  abandonnes ,  pour  obliger  les  fa- 
milies a  les  retirer.  Ges  renseignements  ,  en  general ,  sont  faciles  a  obtenir 
des  enfants  memes. 

On  pourrait  facilement  faire  disparaitre  les  graves  inconvenients  qui 
resultent  de  1'absence  complete  d'education  chez  les  enfants  trouves,  par 
la  creation  de  maisons  de  travail  et  d'education  dans  lesquelles  ils  seraient 
places  des  1'age  de  2  ou  3  ans  jusqu'a  leur  majorite.  Celte  mesure  me  pa- 
rait  offrir  de  tres  grands  avautages  moraux  et  financiers.  L'etablissement 
pourrait  prelever  quelqne  chose  sur  le  prod u it  du  travail,  et  laisser  les 
plus  laborieux  amasser  un  petit  pccule.  Sans  doute,  et  pour  differentes 
raisons,  il  vaudrait  mieux  destiner  les  enfants  trouves  a  1'agriculture  qu'a 
rindustrie ;  mais  1' education  que  ces  infortunes  recoivenl  est  tellement 
mauvaise ,  meme  a  la  campagne,  qu'il  me  semble  absolument  necessaire 
de  les  retirer  de  nourrice  pour  leur  donner  des  principes  de  morale  qui 
doivent  faire  toute  la  gararitie  de  la  societe. 

II  me  reste  enfm  a  m'expliquer  sur  une  question  d'une  haute  impor- 
tance et  d'une  grande  difficulle.  Je  crois  avoir  suffisamment  demontre  la 
necessite  sociale  de  venir  au  secours  des  enfants  naturels.  Reste  a  decider 
quel  est  le  meilleur  moyen  a  employer  ;  deux  systemes  se  sont  partage 
le  monde  clirctien.  Les  pays  catholiques  ont  adopte  le  systeme  des  tours 
et  des  hospices ;  c'est  celui  de  la  France.  Les  pays  protestants  ont  adopte 
le  systeme  des  societes  de  charite  maternelle ;  c'est  celui  de  I'Angleterre. 
Comparons  les  avantages  et  les  inconvenients  de  chacun,  et  jugeons. 

Le  premier  reproche  adresse  au  systeme  des  tours  et  des  hospices  csl 
de  favoriser  les  naissances  naturelles.  J'ai  deja  combattu  cette  accusation 
qui  certainement  peut  avec  bien  plus  de  justice  etre  portee  centre  le  sys- 
teme des  secours  a  domicile.  Chez  nous,  en  effet,  jamais  line  je une  fille 
ne  peut  esperer  ameliorer  son  sort  en  devenant  mere ;  chez  nos  voisins , 
au  contraire ,  rien  n'est  plus  ordinaire  que  de  voir  une  jeune  fille  desirer 
une  grossesse,  pour  se  faire  epouser  ou  bien  pour  se  procurer  un  pelil 


SIXIEME  SECTION.  305 

revehu.  En  France,  on  ne  prend  soin  quc  de  Pen  fan! ;  en  Angleterre,  OH 
secoure  la  mere  et  Penfant.  Sous  ce  premier  rapport,  le  systeme  des  IK>S- 
pices  parait  done  preferable. 

Mais,  dit-on  ,  il  est  beaucoup  plus  onereux.  Entendons-nous  :  veut-oii 
dire  que  le  systeme  des  socictes  de  charite  matenielle  est  moins  couteux  a 
Petal,  parce  que  la  charite  publ'rque  fait  une  partie  de  la  depense?  Alors 
on  peul  avoir  raison ;  mais  ce  n'est  pas  la  un  avantage  reel.  Veut-on  dire 
d'une  maniere  absolue  que  le  sysleme  anglais  est  moins  onereux  a  la  socicle 
que  le  systeme  francais  ?  alors  oti  oommel  une  erreur.  Car,  en  France , 
la  societe  n'a  a  sa  charge  q'u'une  parlie  des  cnfants  naturels;  el  en  Angle- 
terre elle  est  obligee  de  ponrvoir  non  seulemeril  a  Pentfetien  de  lous  ces 
enfants ,  mais  encore  a  celui  de  letirs  iiieres. 

Jc  sais  bien  TJU'OII  peul  repHqucr  que  le  systeme  des  hospices  ouvre 
aux  abus  une  phis  large  porte ,  el  qtie  si  les  tours  lie  recoivent  pas  tous 
k's  enfants  natiircls ,  i!s  en  rceoivent  de  legitimes;  mars  j'ai  fait  voir  que 
ces  abus,  trcs  grands  sur  quelques  localitcs,  sont  en  somme  beaucoup 
moins  graves  qu'on  ne  Pa  pense.  Ne  pout-on  meme  pas  se  demander  si 
la  societe  en  est  bien  reellement  lesce?  Prcsque  toutes  les  meres  qui  ex- 
jwseiit  des  cnfaiils  legitimes  el  le^  reprcnnent  comme  nourrissons  ne  sont- 
elles  pas  en   effet   de    pauvres  femmes  qu'il  faudrail  secotirir  par  lout 
aulre  moyen  si  elles  n'eu  prenaient  pas  un  detourne  pour  arriver  au  bul? 
Reste  a  examiner  une  consideration  morale  bien  plus  importante  que 
celle  d'economie.  On  pretend  qu'en  detruisant  les  liens  de  famille ,  en  ne 
faisant  rien  pour  Peducation  des  enfants ,  le  systeme  francais  est  beaucoup 
plus  demoralisant  que  le  sysleme  anglais.  II  est  bien  vrai  que  noire  sys- 
leme delr«il  cempletemenl  les  liens  de  famille ,  el  c'esl  une  circonstalice 
tres  facheuse;  mais   Pautre  les  conserve-t-il  bien?  A  la  verile,  Penfant 
connait  sa  mere,  mais  il  he  Paime  pas,  car  il  ne  peul  Pestimer;  il  lui 
reproclie  sa  naissance  et  Paccuse  de  son  malheur.  La  mere  aussi  rougit 
de  son  enfant ;  sa  presence  lui  rappelle  une  faute  el  de  longs  chagrins ;  sou 
existence  met  obstacle  a  une  union  qu'elle  desire  ardemment,,  Voila  les 
liens  de  famille  que  conserve  le  systeme  anglais!....  Nous  ne  faisons  ricn 
pour  Peducation  des  eufants;  c'est  encore  vrai,  et  c'est  un  grand  mal. 
Mais  nous  pouvons  faire  beaucoup,  en  les  placant  clans  des  ctabiissements 
speciaux,  ou  ils  recevront  des  principes  de  morale  qui  font  la  richesse  des 
pauvres,  et  des  principes  de  religion  qui  font  le  bonheur  des  malheureux; 
les  Anglais,  au  contraire,  ne  peuvent  rcndre  meillcure  la  mauvaisc  edu- 
cation que  ccs  cnfants  rec.oivenl  de  leurs  mores.  Si  une  femme,  restee 
veuve,  est  impuissante  pour  donuer  uno  "bonne  education  a  ses  enfants, 

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306  SIXIEME  SECTION. 

que  pourra  fairc  la  pauvre  fille  qui  ne  saurait  prononrer  le  mot  morale 

sans  rougir? Eh!  quo!  de  plus  demoralisant  quc  le  systeme  qui  ne  per- 

met  pas  a  la  fille  conpable  de  cachcr  sa  fautc ;  qui  1'oblige  a  la  proclamer, 
et  hii  enlevc  loute  pudcur;  qui  laisse  voir  a  tons  le  scandale  de  la  demo- 
ralisation dans  toute  sa  nudite  el  toute  son  etcndue?...  L'habilude  detruit 
toutes  les  repugnances  :  la  vue  du  sang  rend  sanguinaire  ;  le  spectacle  de 
1'immoralite  rend  immoral;  il  n'est  pas  jusqu'au  suicide  qui  ne  puisse  aiusi 
elre  propage. 

On  espcre  qu'au  moiiis  la  orainte  dc  perdre  des  secours  dont  elle  a  be- 
soin,  obligera  la  fille-mere  a  tenir  une  conduite  plus  reguliere ;  mais  c'est 
line  erreur  :  on  ne  pourra  pas  retircr  les  secours  a  celle  qui  se  coiiduira 
mal ;  car  ce  serait  punir  1'enfant  des  fautes  de  la  mere. 

Ainsi,  considerations  morales,  interet  social,  economic  pnblique,  tout 
doit  porter  a  donner  la  preference  au  systeme  des  hospices  et  des  tours 
sur  celui  des  societes  de  charite  maternelle.  Qu'on  cesse  done  d'attaquer 
1'une  des  plus  utiles  et  des  plus  belles  dc  nos  institutions  de  bicnfaisancr. 
Perfectionnons-la ,  au  lieu  de  la  detriiire.  Tachons  de  rendre  les  secours 
inutiles  ;  mais  ne  les  refusons  pas  quaud  ils  sont  necessaires. 

Non ,  admirable  Vincent  de  Paul ,  ta  charitable  institution  ne  doit  pas 
perir.  Elle  doit  passer  de  siecle  en  siecle  avec  le  souvenir  de  tes  bienl'ails. 


NOTE  l.'c 

tin  Tncmbre  du  Congrcs,  M.  Bergevin,  en  seance  generale,  a  porle 
jusqu'a  65  pour  100  le  cbiffre  de  la  mortalite  des  enfants  trouves ,  pen- 
dant les  douze  .premieres  annecs  de  la  vie.  Je  ne  sais  on  il  a  puise  ses 
renseignements ,  mais  je  crois  tres  fort  qu'il  y  a  erreur.  Ne  sachant  sur 
quelle  amice  il  a  fait  ses  calculs,  je  n'ai  pn  les  verifier.  Je  ferai  remar- 
quer  qu'on  ne  devrait  jamais  omeltre  de  donner  cette  indication ;  car  dif- 
ferentes  causes  accidon'.elies  pen  vent  momentanement  clever  ce  chiffre,  et 
ilest  bon  qn'on  puisse  les  apprecicr.il  est  clair  aussi  qu'on  ne,  pent  connai- 
tre  riniluence  des  tours  sur  la  mortalite ,  qu'en  prenant  pour  terme  de 
eomparaison  la  morlahle  des  enfants  eleves  par  leurs  parents  a  la  meme 
epotjue;  il  aurait  done  au  moins  iallu  donner  cet  autre  chiffre. 

Le  memc  membre  me  semble  avoir  commis  une  autre  erreur  tres  grave: 
il  a  prclendn  que  la  diilvrcnce  considerable  qui  e.xiste  entrc  la  mortalite 
des  enfunts  trouves  ct  celle  des  aulivs  enfants  au-dessous  de  12  ans  de- 


SIXIEME  SECTION.  307 

vient  plus  graiidc  encore  apres  cet  ago;  Ic  contrairc  n'esl  pas  douteux.  On 
ne  posscde  pas  de  donnees  precises  a  cet  egard ;  mais  il  est  constate  quc 
cette  difference ,  Ires  forte  dans  les  premieres  annees ,  va  toujours  eu 
s'affaiblissant  jusqu'a  1 2  ans  ,  el  il  est  excessivement  probable  que  la 
meme  loi  continue  aprcs  cette  cpoque.  En  effet,  c'est  des  le  commence- 
ment de  la  "vie  qne  s'exerce  Pinflucnce  facheuse  des  hospices  :  les  enfants 
les  plus  faibles  succomberil ,  el  les  chances  de  longevite  sont  d'autant  plus 
grandes  pour  les  autres. 

Comment  done  M.  BcrgeMii  a-l-il  pu  a\ancer  que  sur  100  enfants  ex- 
poses il  n'cn  arrive  que  de  5  a  7  a  1'age  dc  20  ans?  Il  ne  porte  qu'a  65 
pour  100  la  mortaliic  des  12  premieres  annees;  done,  sur  100  enfants 
exposes,  35  atteindrolit  leur  douzieme  annee.  Or,  s'il  n'en  arrive  que  5  a 
2t3  ans ,  30  "sur  ccs  3  5  seront  morts  dans  cetle  pcriode  de  8  ans  :  c'est-a- 
dirc  que  de  0  a  12  ans  la  mortalite  est  de  €5  pour  100,  et  que  de  12  a 
20  ans,  elle  est  dc  85,71.  Ainsi  la  mortalite  serait  beaucoup  plus  grande 
dans  celte  secondc.pcriode!...  L'orateur  est  sans  doule  alle  beaucoup  plus 
loin  qifil  ne  voulait.  Evidemmcnt,  dire  que  la  mortalite  pour  ces  enfants 
recommence  a  12  ans ,  e'est  faire  non  dc  la  stalistique  mais  de  la  theorie  , 
et  de  la  theorie  pen  solide;  dire  que  de  5  a  7  enfants  trouves  seulement, 
sur  100,  atleigncnt  leur  vingtienie  atinee,  c'est  avancer  une  assertion  cer- 
lainemenl  erronee.  L'orateur  a  ch't  avoir  puise  ses  renseignements  au  mi- 
nistere  de  la  guerre.  La  source  en  est  assuremenl  tres  pure;  mais  il  y  a 
necessairement  quelque  errcur.  Je  regrette  que  l'indication  n'ait  pas  etc 
assez  precise  pour  que  la  verification  fut  possible.  Toutefois  j'ai  essaye 
moi-ifieftie  a  faire  ccs  recherches  pour  le  departement  de  Loir-el-Cher, 
*aais  je  n'ai  pas  tarde  a  m'apercevoir  qu'elles  sont  impossibles ,  parcc 
qu'on  manque  de  documents  exacts.  En  effet,  les  listes  de  tirage  portent 
bien ,  pour  une  partie  des  enfants  trouves  :  ne  de  pere  et  mere  inconniis ; 
mais  tons  ceux  qui  out  ete  rcconnus  posterieurement  a  la  naissance  sont 
portes  comme  eiifants  legitimes.  Or,  le  nombre  en  est  assez  grand  pour  no 
pouvoir  pas  etre  neglige,  et  il  n'est  aucun  moyen  de  le  connaitre.  D'uit 
autre  cote ,  les  enfants  trouvcs ,  nes  dans  les  maisons  de  maternile ,  sont 
inserits  aux  registres  de  Fetal  civil  sous  les  ncms  de  leurs  meres;  il  est 
done  certain  que  parmi  les  jeunes  gons  portes  sur  les  listes  de  tirage  comme 
nes  de  pere  inconnu  et  de  fdle  I  elle ,  sont  des  enfants  Irouvcs,  nes  dans 
les  hospices,  el  des  enfants  nalurels  elcves  par  leurs  meres.  Or  il  n'exislc 
aucun  moyen  de  reconnaitre  les  mis  el  les  autres  :  on  voit  done  deja  qifil 
est  tout-a-1'ait  impossible  de  faire  exactement,  ou  meme  d'une  manicre  ap- 
proximative, les  recherches  donl  M.  Bergcvin  a  cru  pouvoir  donner  le 


308  SIXIEME  SECTION. 

resultat  precis.  Et  ponrtant  cc  n'est  pas  tout  encore  :  un  certain  nombre 
d'enfants  trouves  sedepa) sent  ettrouvent  moyen  de  se  soustraire  au  recrn- 
tement.  —  Quoiquc  la  loi  ait  specialement  reserve  la  denomination  d'en- 
fants trouves  pour  ceux  qui,  nes  de  pcres  et  meres  inconnus,  ont  etc 
trouves  exposes  dans  nn  lieu  qnclconqiie  on  porles  dans  les  hospices,  et 
<|ii'elle  ait  applique  cclle  d'enfants  abandunnes  a  ceux  qui,  nes  dc  peres  on 
de  meres  conuus,  et  d'abord  elevcs  par  enx,  en  sonl  plus  lard  delaisses. 
repeudant  tons  sont  confondus  aux  hospices  sous  la  denomination  com- 
mune d'enfants  trouves.  Ainsi,  aux  hospices,  les  enfants  abandonnes  sont 
cornptes  eomme  enfants  trouves,  et  sur  les  listes  de  tirage,  ils  rentrent 
dans  la  classe  commune,  puisqu'ils  sont  legithnos.  Q'ie  de  causes  d'erreur! 
Comment  faire  de  la  statistique  avec  de  tellesdonnees? 

NOTE  2. 

Depnis  que  ce  mcmoire  a  cle  ccrit,  on  a  pnbHe  sur  la  prostitution 
dans  la  ville  de  Paris  de  prccieux  renseigiicmenls  statisli(|ues  recueillis 
par  nn  homme  aussi  consciencieux  que  laborieux,  par  le  verlueux  Parent- 
Duchatelet,  trop  tot  enleve  a  la  science  et  a  riiumauite.  II  rosulte  de  ses 
recherches  que  sur  1,000  prostituees  il  n'y  a  par  an  q»ic  21  acconche- 
ments. 

«  Cenx,dit  1'autenr,  qui  ont  fait  une  etude  speciale  des  lois  qui  re- 
g'lent  les  naissances  et  tout  ce  qui  appartient  au  monvement  de  la  popu- 
lation, reeonnaitronl  encore  ici  une  grande  inferiorite  snr  le  nombre 
d'acconchements  que  devrajent  presenter  des  femmes  de  1'age  de  18  a 
25  ans,  \ivant  dans  leur  menage.  » 

Quoique  pen  fecondes ,  il  est  done  demontre  que  les  femmes  adonnces 
a  ladebauche  ne  sont  pas  enlieremenl  steriles;  mais,  ditmadame  Legrand , 
sawe-femme  en  clief  de  la  Maternite  de  Paris  «  leurs  enfanls  vivent  rare- 
ment,  souvent  meme  ils  arrivent  morts.  »  D'ailleurs  les  prostituees  aban- 
dounent  rarement  leurs  nouveau-ncs ;  «  elles  sont  plus  disposees  a  garder 
et  a  nourrir  leurs  enfants,  dit  encore  Parent,  que  les  filles- meres  non  en- 
core reduites  a  1'etat  de  prostituees.  Cette  particularite  s'explique  natu- 
rellement  par  la  position  on  se  trouvent  les  unes  et  les  antres;  la  fille 
publiqne  se  releve  en  elevant  son  enfant;  la  (ille-mere,  en  agissant  dc 
mcme,  ne  ferait  qu'afficher  sa  honte,  et  se  priverait  par  la  de  toutcs  res- 
sources.  »  Le  remede  serait  sans  doute  de  rehabiliter  dans  1'opinion  pu- 
l)lique  la  fille-mcre  qui  eleve  son  enfant. 

Quoi  qu'il  en  &o;t,  il  esl  demontre  que  j'ai  cu  raison  de   dire  que  les 


S1XIEME  SECTION. 


309 


prostituees   deviennent   varement   meres,   et  que    les  hospices-  d'cufauts 
trouves  ne  soul  pa*  alimenles  par  la  debauche. 

NOTE  3. 

M.  I'abbe  Gaillard,  dans  1'excellent  memoire  qu'il  vient  de  publier,  a 
donne  la  mesure  exacte  et  mathematique  de  I'intluence  de  la  suppression 
des  tours  d'arrondissement  sur  la  morlalite  des  enfants  trouves ;  les  iaits 
qu'il  rapporte  sont  si  importants  que  je  ne  puis  me  dispenser  de  duuner  1111 
extrait  de  cette  partie  de  son  travail. 

Voici  uu  premier  tableau  qui  fait  apprecier  1'influence  de  la  mauvaise 
saison  sur  la  mortalite  des  enfants  trouves. 


TABLEAU  dc  la  mortalite,  pendant  le  l.er  mois  de  la  vie,  des  enfants 
deposes  dans  le  tour  de  Poitiers,,  de  1822  a  1832,  suivant  les  diffe- 
rents  mois  de  I'annee. 


MORTS 

TOTAL 

RAPPORT. 

MOIS. 

ENFANTS 

^     ^^     -* 

!•! 

J>fiS    MOHTS 

.Siirioonioit.s 

adniis. 

.J'r>ir 

ill-  i5  jours 

il'iai  jour 

.Tun  jour 

1      13     JOUVN. 

a  mi  niois. 

A  uu  niois. 

Janvier  

Ill 

1 

18 

2 

20 

18 

Fevrier  

117 

20 

2 

22 

19 

Mars    ... 

129 

IS 

4 

22 

18 

Avril  

88 

5 

5 

0 

Mai 

80 

H 

Juin  ^  .  .  . 

77 

2 

4 

6 

8. 

Juillet  

8G 

6 

6 

7 

Aont. 

81 

6 

2 

8   ' 

10 

Septembre  .   .  . 

82 

4 

3 

7 

9 

Octobre  .... 

87 

11 

» 

M 

13 

Novembre  .  .   . 

91 

11 

1 

12 

13 

Decembrc  .  .  . 

81 

14 

>j 

14 

17 

«  On  voit  ici  d'uno  maaiere  bicn  sensible  Finflucnce  du  froid  et  de  la 
saison  lumiide,  et  cela  d'autant  mieux ,  qu'aprcs  fevrier  il  faut  placer,, 
comme  les  plus  charges,  Janvier,  mars,  decembre,  octobre  et  novembre,. 
La  difference  cntre  res  six.  mois  et  les  six  autres  est  de  16  a  7  ,  c'est-a- 


310 


SIXIEME  SECTION. 


dire  qne  dans  les  six  mois  froids,  ilest  mortau  moius  inoitie  plus  d'enfants 
dans  le  premier  mois  de  leur  vie  que  dans  les  six  de  temps  cliand.  » 

Voici  un  second  tableau  propre  a  faire  apprccier  Finiluence  du  trans- 
port des  enfants  nouvcau-ncs  sur  la  mortalite. 

TABLEAU  de  la  mortalite,  pendant  le  premier  mois  de  la  we,  des 
enfants  trouve's  de  Poitiers,  de  1822  a    1832. 


ENFANTS 


TOTAL 

RAPPORT. 

Apportes 
au  tour. 

C  mois  froids.  . 
6  mois  chauds.. 

TOTAL.   .  . 

ADMIS. 

des    moits 
il'mi  j  our 
a  un   mois. 

Sur  tooadni 
ilest  inert 
d'un  jour 
a   un   mois. 

454 
361 

84 
27 

19 

7 

815 

111 

17 

8 

14 

Nes 
a 
la  matern. 

6  mois  froids.  . 
G  mois  chauds.. 

TOTAL.   .  . 

167 
128 

10 
C 

295 

25 

8 

Ainsi,  dans  les  premiers  mois  de  la  vie,  la  mortalile  a  etc  beaucoup 
plus  grande  pour  les  enfants  apportcs  de  loin  que  pour  ccux  qui  sont  nes 
dans  1'ctablissement.  Et,  cbose  remarquable,  la  difference  porte  presque 
tout  enliere  sur  les  mois  d'hiver.  Comment,  aprcs  cela,  nier  I'iiiflu'ence 
du  froid  et  celle  du  transport  sur  la  mortalite  des  enfants  trouvcs ! 
Comment  la  suppression  d'une  partie  des  tours  n'augmenterait-elle  pas  la 
mortalite  ! 

Voici  maintenant  d'autres  resultats  bien  honorables  pour  les  adminis- 
trateurs  de  1'liospice  de  Poitiers  et  bien  satisfaisants  pour  I'humanite. 

De  1822  a  1832,  il  est  mort  36  sur  100  des  enfants  trouvcs  de  Poitiers 
jusqu'a  12  aus,  et  dans  les  cinq  dernieres  annees  de  cette  periode  decen- 
nale,  la  proportion  n'a  ete  que  de  32  pour  100.  «  D'ou  il  resulte,  dit 
M.  Gaillard  ,  qu'au  bout  de  deux  aus ,  il  nous  restait  encore  a  cette  epo- 
que  a  pen  pres  68  enfanls  vivants  sur  100.  Suivant  M.  Quctelet,  il  on 
resterait  70  en  Bclgique,  et,  suivant  Duvillard,  67  en  France;  ainsi,  a 
Poitiers ,  on  avail  atfeint  le  maximum  de  conservation  des  enfants.  » 


SIXIEME  SECTION.  3  1 1 

«  Nous  avons  vu,  continue  M.  Gaillard,  que  la  proportion  habituelie 
des  morts  dans  le  premier  mois  etait  do  12  pour  100  ;  mais  le  conseil 
general  du  departement  dc  la  Vienne  ayant  fait  termer  les  tours  des  ar- 
rondissements ,  a  partir  du  l.ei  Janvier  1834,  164  enfants  naissauts  oat 
ete  apportes  a  1'bospice  de  Poitiers  ;  43  sout  morts  dans  les  quinze  pre- 
miers jours  de  leur  vie ,  et  1 6  dans  les  quinze  jours  suivants ;  ce  qui 
donne  59  dans  le  premier  mois,  on  35  pour  100.  Cette  mortalitc  si  con- 
siderable et  si  inaccoutumee  s'explique,  1.°  par  le  transport  des  enfants, 
qui  etaieut  apportes  sans  soins  des  arrondissements,  et  que  souvent  1'ou 
recevait  presque  mourants  de  fatigue  ou  de  froid ;  2.°  par  le  defaut  de 
nourrices,  occasionne  par  la  surabondauce  des  ent'ants  a  placer.  II  est  dif- 
ficile de  discerner  bien  exactement  cliacune  de  ces  causes.  La  seconde  me 
parait  avoir  ete  au  moins  aussi  fatale  que  la  premiere;  car,  d'abord,  il 
est  mort  a  1'bospice  19  enfants  auxquels  on  n'a  pu  trouver  de  nourrices; 
etensuite,  pour  ceux  qui  out  ete  plus  beureux ,  il  est  a  remarquer  que 
la  rnort  a  surtout  frappe  ceux  qui  out  ete  allaites  le  plus  tard.  Ainsi  en 
comparant  les  enfants  morts  d'un  jour  a  deux  mois,  j'ai  trouve  que,  terme 
nioyen,  ceux  qui  restaient  vivanls  aprcs  ce  temps  n'avaieut  passe  que  4 
jours  a  1'bopital ,  tandis  que  les  antres  y  en  avaieut  passe  cinq  et  demi. 

»  Malgre  la  suppression  des  tours,  uncertain  nombre  d'entants  furent 
deposes  en  1334  a  la  porte  de  1'bospice  de  Loudun  (chef  lieu  d'arrondis- 
seinent).  La  superieure  de  cette  maison ,  de  1'ordre  des  Scaurs  de  la  Pre- 
sentation institue  a  Tours,  ne  put  jamais  se  decider  a  les  envoyer  a  Poi- 
tiers; mais,  ne  pouvanl  non  plus  les  j)lacer  en  nourrice,  elle  resolut  de  les 
clever  dans  I'iuterieur  de  la  maison.  Onze  enfants  out  ete  ainsi  recus  a  1'bos  - 
pice  de  Loudun  en  1834  et  neuf  en  1835.  Au  mois  de  juillet  1835  ,  il 
ne  restait  plus  que  deux  des  onze  pi-emiers  et  quatre  des  neuf  autres.  La 
survenance  d'uji  plus  grand  nombre  de  nourrices  a  1'bospice  de  Poi- 
tiers ,  et  1'emploi  de  cbevres  pour  raHaitemenl  des  enfants  restes  au  tour, 
out  rendu  1'annce  1835  moins  fatale  que  1834;  sur  157  enfants  nais- 
sants,  il  n'eu  est  mort  que  28  d'un  jour  a  uri  mois,  ou  18  pour  100; 
si  Ton  retrancbe  du  total  les  enfants  de  la  maternitc,  et  que  Ton  ne 
tienne  compte  pour  ceux  du  tour  que  des  six  mois  froids,la  proportion  des 
morts  s'elevera  a  28  pour  100,  au  lieu  de  19  qn'elle  elait  d'oi'dinaire. 
Jjes  trois  premiers  mois  de  1836  out  ete  encore  plus  terribles ,  CcTr  sur  35 
enfan  ts  naissauts  recus  a  1'bospice  ,  il  en  est  mort  1 6  ,  ou  pres  de  la 
moitie. » 

«  Le  departement  de  la  Vienne  n'a  pas  ete  le  seul  a  ressentir  les 
tristts  cfiVls  de  la  suppression  inconsidcreedes  lours.  Parcille  niesure  a  ete 


312  SIXlfcME  SECTION. 

aussi  prise  dans  1'Allior,  a  partir  du  l.er  Janvier  1835,  et  1'hospice  de 
Moulins  est  rcste  le  soul  asile  ouvert  aux  enfants.  Qu'en  est-il  resulte  ? 
«  Du  l.er  Janvier  au  l.er  mai  1835,  112  eufants  out  etc  admis  :  a  cette 
»  epoque  du  l.er  mai,  73  etaient  deja  morts  a  1'hospice  par  le  defatit  de 
»  nourrices;  et  on  pent  clever  ce  nombre  a  85  ,  si  on  y  comprend  ccux 
»  qui  sont  morts  en  nonrrice.  Le  nombre  des  admissions  au  mois  de  juin 
«  s'elevait  a  123 ,  et  le  nombre  total  des  morts  a  100.  Dcja  dit  le  Jour- 
»  nal  du  Boitrbonnais  (N.os  du  9  mai  et  du  24  juin) ,  auqucl  nous  em- 
»  pruntons  ces  details ,  on  avait  bien  de  la  peine ,  vu  la  modicite  du  prix  , 
»  a  trouver  des  nourrices  pour  les  enfant s  de  Moulins  ;  il  est  done  im- 
«  possible  d'en  procurer  aux  enfants  des  trois  autres  arrondissements.  De 
»  plus ,  comment  pourrait-on  conserver  leur  fragile  existence,  apporles, 
»>  le  jour  meme  de  leur  naissance,  de  15  on  20  lieues,  dans  la  gibeciere 
t  de  quelque  garWe  champetre,  on  svir  les  voiturcs  chargees  de  legumes 
»  que  1'on  conduit  au  marchc!  Quel  coeur  asscz  dur  pour  etre  insensible 
>?  a  un  tel  spectacle !  Quels  motifs  d'econoiuie  assez  puissants  pour  fa  ire 
»  maintenir  une  mesure  si  homicide!  » 

«  Dans  un  article  semi-offkiel ,  le  Journal  de  Paris  du  27  octobre 
1835,  s'exprime  ainsi  :  «  plusieurs  tours  out  ete  fernx>s  cette  annee,  dans. 
«  la  Somme  et  la  Saone-et- Loire ,  un  dans  les  Landes  en  1 833  ,  sans  qu'il 
»  en  soil  rcsulte  aucun  inconvenient;  aucun  malheur  n'est  vcnu  troubler 
»  la  satisfaction  des  prefets  qui  out  obtenu  de  si  heureux  resultats.  » 

««  On  ne  partage  pas  cette  manicre  de  voir  dans  tons  les  departements  ; 
rar  dans  le  Tarn  on  les  tours  de  Lavaur  et  de  Gaillac  avaient  ete  suppri- 
mes ,  on  les  a  retablis  en  1833  ;  d'ailleurs  j'ai  peine  a  croire  que  la  sup- 
pression des  tours  soil  loujours  un  sur  moyen  d'atteindre  le  but  qu'ou 
se  propose,  a  savcir  la  diminution  des  enfants  trouvcs,  » 

«  A  partir  du  premier  Janvier  1834,  nos  trois  tours  d'arrondissement 
ont  ete  fermes.  La  moyenne  dccennale  des  admissions  (  1824  — 1834  ) 
etait,  pour  tout  le  dcpartement ,  de  183;  en  1834,  le  nombre  des  enfants 
trouves  a  ete  esactement  le  meme.  En  1835,  il  a  ete  de  184.  » 

Avant  que  Pexpcriencc  n'en  fut  laite,  on  a  ]>it  setromper  et  croire  que 
la  suppression  des  tours  d'arrondissement  presentait  de  grands  avantages 
el  peu  d'inconvenients;  mais  maintenant,  aprcs  les  chiffres  si  precis  et  si 
concluaflts  de  M.  1'abbe  Gaillard,  cst-il  permis  a  un  homme  dc  bien  de 
persister  dans  son  erreur? Pom-  moi,je  le  declare  en  mon  ame  et  con- 
science, si,  comme  membre  d'un  conseil  d'arrondissement  on  de  dcparte- 
ment, j'avais  eu  ,  dans  Pignorancc  des  choscs,  le  malheur  de  concourir 
par  mon  vote  a  la  suppression  d'un  tour ,  jc  me  croirais  coupablc  d'hom'r- 


SIXIEME  SECTION.  313 

cide  iuvolonlaii'C,  el  je  ne  jouirais  du  calme  de  t'hoimete  homine  qu'apres 
avoir  appele  de  tons  mes  efforts  le  relabiissement  du  tour  supprime. 

NOTE  4. 

H  n'cst  pas  douteux  qu'un  grand  nombre  d'enfants  trouves  terminent 
fort  mal  leur  malheureuse  carriere;  le  mal,  toutefois,  est  loin  d'etre  ce 
qu'on  1'a.  fait.  A  la  seance  generate  du  Congres,  M.  Bcrgevin  a  avance, 
comnie  chose  reconuue ,  qu'un  tiers  des  prostituees  de  Paris  appartenait 
a  la  classe  des  enfants  trouves.  Or,  Parent-Duchatelel,  dans  son  ouvrage 
sur  la  prostitution,  etablit  positivement  que  parmi  les  prostituees  origi- 
uaires  de  Paris,  il  n'y  a  qu'une  Cile  naturelle  coatre  3,99  legit.imes,  et 
parmi  celles  fourniesa  la  Capitale  par  les  dcpartements  settlement  unefille 
naturelle  centre  7,78  legitimes.  En  somme  totale,  les  prostituees  de  Paris 
ne  contiennent  pas  tout-a-fait  tin  septieme  de  filles  natarelles,  et,  ce  qui 
est  bien  digne  de  remarque ,  de  ces  filles  naturelles  adonnees  a  la  prosti- 
tution ,  les  deux  cinquiemes  out  etc  reconnues  par  leurs  parents.  «  Dans 
1'espaee  de  quatre  a  cinq  ans  on  n'a  pu  constater,  parmi  les  prostituees  de 
Paris,  que  Fexislence  de  41  enfants  trouves  sortis  de  la  naaison  de  Paris 
et  que  1'administration  des  hospices  avail  fait  clever!  «' 

Cette  remarquable  difference  entre  le  fait  constate  et  1'assertion  de 
1'honorable  vice-president  du  Congres  montre  jusqu'a  quel  point  il  taut 
etre  scrupuleux  et  reserve  (je  dJrais  presque  defiant)  pour  accueillir  H« 
fait  statistique ,  sans  voir  les  chiffres  a  Fappui. 

Je  ferai  observer  encore  que  les  enfants  naturcls ,  et  non  les  enfants 
trouves,  etant  tin  des  principaux  aliments  de  la  prostitution,  il  est  a 
craindre  que  sous  ce  rapport,  an  moins,  le  systcme  des  societes  de  charite 
niaternellc  ne  prcsente  pas  plus  d'a vantage  que  celui  des  tours. 


314  SIXIEME  SECTION. 

Seance  du  vcudredi  matin  16  seplembre  183G. 
Presence  de    M.    JULLIEN. 

M.  le  comte  de  Calonne  presente  a  la  section  un  me- 
inoire  ayant  pour  litre  :  De  I*  unite  ^  principe  de  force 
cJicz  les  anciens. 

La  section  decide  que  ce  memoire  sera  examine  par 
M.  le  docteur  Desbrosses  qui  en  fera  un  rapport. 

La  discussion  est  ouverte  stir  la  resolution  a  adopter 
relativement  aux  causes  de  ('augmentation  progressive 
des  enfants  trouves.  Apres  quelques  debats  auxqtiels 
prennent  part  plusieurs  meml)res  ,  la  section  tombe  d'ac- 
cord  sur  les  causes  a  assigner  a  ce  inal  social. 

Quant  aux  remedes  moraux  ,  M.  Simon  desirerait  que 
1'opinion  gravitat  vers  la  rehabilitation  de  la  fille-mere. 

M.  Houze  reclame  un  retour  dans  1'opinion  qui  main- 
tenant  fletrit  la  femine  seule,  tandis  que  1'hommc  qui  a 
failli  s'en  fait  en  quelque  sorte  un  tropliee. 

M.  Gaillard  recormait  qu'en  effet  1'opinion  seule  pent 
avoir  quelque  action  clans  cettecirconstance,  et  qu'ilest  a 
souhaiter  que  1'opinion  publique  releve  la  femine  du  poids 
qu'elle  fait  peser  sur  elle.  M.  Gaillard signale  aussi  la  de- 
moralisation des  ouvriers  dans  les  villes  maniifacturieres, 
et  la  circulation  des  ouvriers  nomades.  II  dernande 
que  la  vie  nomade  soit  entravee  autant  que  possible. 

M.  Laurent  dit  qu'il  ri'est  personne  qui, ayant  quelque 
connaissance  des  precedes  industriels,  ne  soit  con- 
vaincu  que,  s'il  pouvait  survenir  quelque  chose,  soit 
dans  1'opinion ,  soit  dans  la  legislation ,  qui  entravat  la 


SIXIEME  SECTION.  315 

circulation  des  ouvriers  nomades,  ce  serait  1'aneantisse- 
inent  de  L 'Industrie  francaise.  II  pense  qu'un  des  moyens 
de  moralisation  les  plus  puissants  pour  les  filles  des  clas- 
ses inferieures  c'est  de  leur  donner  1'instruction  qui  leur 
manque.  II  proposerait  done  d'organiser  1'education  pu- 
blique  des  filles  de  maniere  a  la  rendre  obligatoire  dans 
toutes  les  communes. 

M.  Gaillard  indique  encore,  comnie  moyens,  1'aug- 
mentation  des  salaires,  1'extension  de  1'autorite  pater- 
nelle,  la  fletrissure,  dans  {'opinion  ,  de  tout  homme  pere 
d'un  enfant  naturel  qu'il  n'adopterait  pas. 

M.  de  Boisthibault  pense  qu'il  serait  utile  de  comple- 
ter  le  systeme  d'education  propose,  par  1'etablissement 
de  maisons  destinees  a  recevoir  les  filles  pauvres.  II 
existe,  dit  il,  a  Chartresriinemaison  cle  ce  genre  fondee 
par  M.me  de  Coussay.  On  y  place  les  jeunes  filles  orplie- 
lines  ou  pauvres;  on  leur  apprend  a  coudre,  et  on  les 
place  comnie  femmes  de  cliarnbre  ou  cuisinieres.  Par 
cet  etablissement,  on  previent  la  corruption  de  ces  filles 
et  on  les  met  en  etat  de  c:a<;ner  bonnetement  leur  vie. 

D     O 

C'est  une  espece  tie  maison  de  refuge  dont  1'exemple 
doit  etre  propose, 

M.  Derouet(de  Blois)  partage  Fopinion  du  preopinant : 
il  dit  que  1'un  des  moyens  les  plus  efficaces  de  diminuer 
le  nombre  des  enfants  trouves  serait  de  donner,  le  plus 
possible  ,  aux  filles  tie  la  classe  pauvre,  1'education  mo- 
rale et  religieuse  convenable  a  leur  position;  et ,  par 
exemple,  d'encourager  1'etablissement  partout  ou  la  lo- 
calitc  le  permettrait ,  de  maisons  scmblables  ou  ana- 


3 1C  SI\1EME  SECTION. 

logues  a  eelle  fonde'e  a  Blois,  sous  le  litre  de  maison-des 
pauvres  orphclincs  ,  il  y  a  quelques  annees  pur  made- 
moiselle Raffeneau-Delille,  et  clepuis  seconde'e  puissam- 
ment  par  la  charite  publique. 

Cette  maison  a  ete  elevee  dans  un  but  purement 
pieux  et  charitable ,  et  elle  subsiste  pour  ainsi  dire  d'au- 
m6nes  et  de  son  travail. 

On  y  admet  les  petites  filles  pauvres  et  orpiielines  de 
mere,  de  six  a  onze  ans;  elles  y  restenl  jusqu'a.21  ans. 

La  regie  de  la  maison  est  douce  et  severe  lout  a-la- 
fois ,  elle  a  pour  base  la  morale  religieuse. 

On  y  apprend  atix  enfants  «a  lire ,  a  ecrire,  a  calculer 
et  a  travailler,  de  maniere  enfm  a  former  de  bonnes 
femmes  de  menage. 

Les  mattresses  et  sous-maitresses  n'y  sont  pas  re'tri- 
buees. 

II  ajoute  qu'un  etablissement  de  ce  genre,  une  fois 
fonde ,  pent  se  soutenir  par  le  produit  du  travail  des 
enfants  et  quelques  charites,  etc. 

Qu'un  des  premiers  encouragements  a  donner  a  ces 
etablissements  serait  de  les  exempter  de  toute  espece  de 
cbarges  publiques. 

Enfm,  apres  quelques  autres  debats  auxquels  pren- 
nent  part  plusieurs  membres,  la  section  decide  que  la 
resolution  presentee  par  M.  le  docteur  Simon  dans  la 
seance  precedente  sera  lue  en  seance  generale. 

MM.  Bergevin  et  Herpin  se  reunissent  pour  presenler 
au  Congres  le  complement  de  la  resolution  dans  les 
termcs  suivants  : 


SIXIEME  SECTION.  317 

«  Le  Congres  emet  le  V«MI  le  plus  prcssant  pour  que  le  gotiYcrnement 
encourage  puissaniment  1'etablissement  de  societes  de  charite  mater- 
nelle,  qiti  auraieirt  specialement  pour  but  de  donner  des  secours  a  do- 
micile aux  filles  enceintes  et  aux  filles-meres ,  en  laissant  leiirs  enfant  s 
pres  d'elles ,  afin  de  conserver  les  liens  d'affection  ct  de  parent e  qui  les 
unissent,  au  lieu  de  les  briser  et  de  les  rompre,  conuue  il  arrive  dans 
1'etal  actuel  des  choses.  » 


Seance  du  vendredi  soir  16  septembre  1836. 
Presldence  de  M.  JULLIEN. 

L'ordre  du  jourappclle  la  discussion  sur  line  question 
renvoyee  par  le  Congres  de  Douai,  relative  a  la  peine  de 
mort. 

M.  de  Courteilles  lit  sur  ce  sujet  le  discours  suivant : 

Messieurs ,  ne  vous  attendez  pas  a  m'entendre  developper  devant  vous 
un  systeme ;  ce  ue  sont  pas  des  theories  ni  des  utopies  que  je  vais  avoir 
rhonneur  de  vous  presenter,  ce  sont  des  fails  dont  vous  pourrez  mieux 
que  moi  deduire  les  consequences.  La  phis  curieuse  cl  la  phis  instructive 
de  toutes  les  etudes,  cYst  la  coniparaison  des  moeurs  d'une  epoque  avec 
sa  legislation.  Je  ne  puis  pn'tendre  a  traiter  ici  ce  vastc  sujet,  mais  je  crois 
indispensable  de  Jeter  rapulf-ment  un  coup-d'ceil  sur  une  parlie  de  cet 
immense  tableau. 

Sous  Charles  IX,  en  1560,  les  peines  ctaient  d'autant  plus  rigoureuses 
que  les  moours  etaient  dissolucs;  Irs  crimes  d'autant  plus  frequents,  d'au- 
tant phis  hardis  que  les  supplices  etaient  barbares ;  et  les  lois  d'autant 
moins  observees  qu'elles  etaient  inexorables !  Les  mauvaises  lois  out  tou- 
jours  fait  les  mauvais  citoyens. 

Les  ordonnances  de  ce  temps,  de  1560  a  164.3  punissent  impitoyable- 
ment  une  multitude  de  crimes ,  de  delijs  ,  pour  lesquels  la  justice  n'in- 
tbime  plus.  Les  peincs  etaient  terribles!  1'amende,  le  fouet ,  la  prison,  la 
confiscation,  le  pilori,  la  degradation,  Pinfamie  infligee  jusqu'a  la  poste- 
rite,  la  mutilation,  le  bucber,  la  roue,  la  mort  enfin  sous  toutes  les  formes 
etail  prodigucc  dans  les  lois  de  nos  pores;  Tespionnage  et  la  delation 


31  S  SIXIEME  SECTION. 

(.•talent  encourages  et  ordonnes  sous  peine  dc  complicate ;  Ic  quart  des 
amcndes  etait  applicable  aux  dcnonciateurs. 

Les  blasphemes  du  nom  dc  Dieu  elaient  punis  avcc  barbaric ;  apres 
I'amende ,  Ic  carcau  el  le  fouct ,  s'ils  etaient  repris  pour  une  sixieme  fois , 
k>s  coupables  (dit  I'ordonnauec  dc  Francois  I.er,  a  Saint-Germain  ,  1534) 
«<  seront  menes  et  mis  an  pilory,  ct  la  aurout  la  levre  de  dessus  coupee 
d'un  fer  chaud ,  de  sorte  quo  les  dents  leur  apperreront;  et  pour  la 
seplicme  fois,  menes  et  tourncs  an  diet  pilory,  et  auront  la  levre  de  des- 
sons  coupee  du  diel  fer  chaud;  puis  enfin  pour  la  huitieme  fois  auront 
la  langue  coupee  lout  just.  » 

Une  loi  somptuaire  de  cette  cpoque  ordonnait  «  qu'en  quelques  nopces , 
banquets  ,  festins  ou  tables  privees  que  ee  soil,  il  n'y  ait  plus  de  trois  ser- 
vices ,  a  savoir  :  1'entrce  de  table ,  la  chair  ou  poisson ,  puis  finalement 
Tissue,  sous  peyne  d'amendes  enormes  pour  Thole,  pour  les  convives  qui 
nc  le  denoneoient  pas.  Et  le  cuisinier,  dit  la  loi,  sera  fuslige  et  banny 
comme  pernicieux  a  la  chose  publique.  » 

Ceci  nc  s'eloigne  pas  de  la  gravite  du  sujel,  messieurs;  si  je  cite  ces 
tlcux  exemples,  c'est  qu'ils  font  ressortir  le  contraste  des  mocurs  et  des 
lois  d'alors.  Les  cruaules  de  la  loi  stir  Ic  blaspheme  sont  d'autant  plus 
rcvoltantes  qu'a  cette  epoqiie  il  -etait  de  mode  de  jurer  c'l  maugreer  a  la 
cour.  Charles  IX  et  ses  frcres  furent  grands  jureurs.  On  connait  les 
banquets  de  la  cour  de  Catherine ,  et  Ton  ne  s'attend  pas  a  voir  des  lois 
sur  la  temperance  contresignees  par  Charles  IX  et  Heiiri  III ;  ellcs  furent 
sans  influence. 

L'application  de  la  peine  de  mort  etait  alors  prccedee  d'horribles  sup~ 
plices.  Les  accuses  etaient  soumis  a  la  question  preparatoire  avant  le  com- 
mencement de  la  procedure ;  pendant  1'instruction  ,  el  sur  de  nouveaux. 
indices,  les  juges  pouvaient  fa  ire  reptter  et  rcilerer  de  nouveau  la  ques- 
tion, et  si  les  tourments  de  la  gehenne  n'avaient  arrache  aucun  aveu  au 
malhcureux  dont  1'inuocciicc  ou  le  courage  avaicnt  soutenu  les  forces, 
«  Pourront  toutefoisnos  parlemeuts  (dit  le  code  de  Henri  III ,  1  585),  en- 
core  que  1'accuse  ne  confesse  rien  en  la  question ,  si  les  indices  ne  sout 
.pas  purges,  le  condamuer  en  lelles  peincs  corporelles  ou  amendes  pecti- 
-niaires  que  les  juges  adviseront  dans  leur  religion.  » 

Par  le  jugemcnt  de  mort  lui-Bieme,  il  pouvait  etre  ordonne  que  le  con- 
damne  serait  prealablement  applique  a  la  question  pour  avoir  revelation 
-de  ses  complices. 

La  justice  d'alors  n'avait  done,  en  vue  que  trois  choscs  :  enchalner  1<; 
•conpable  pour  qu'il  n'echappe  pas,  le  torturer  pour  qu'il  avoue,  le  faire 
«xpircr  dans  d'horribles  souffrances  pour  ptuiir  et  effrayer  a  la  fois. 


SIXIEME  SECTION.  319 

Dans  une  sociele  iorlcment  et  depnis  long  temps  constitute,  ou  les  de- 
voirs et  les  drnits  etaienl  nettement  poses,  les  nuances  disparaissaient ,  les 
oirconstances  allenuanles  n'existaient  pas ,  les  precautions  etaient  negli- 
gees; on  punissail  le  fail,  et  1'on  tenait  pen  de  compte  des  intentions  et  du 
repcntir.  La  niorl  elait  la  consequence  d'un  crime,  d'un  simple  delil,  d'une 
(ante  legere  meme!  La  justice  punissait  le  crimiuel  sans  chercher  a  le  con- 
Aertir;  inexorable  cnvers  le  condamne,  elle  croyait  faire  assez  pour  sou 
amc  en  lui  accordant  un  confesseur,  la  pilie  n'allait  pas  plus  loin. 

Les  moRurs  etaient  rudes,  la  guerre  civile  les  avail  endurcies.  Les  carac- 
teres  etaient  forts ,  les  convictions  ardenles  et  siuceres. 

A  une  epoque  ou  de  nobles  genlilshommes ,  de  notables  bourgeois ,  d'in- 
trepides  artisans,  prodiguaienl  leur  sang  dans  vingt  combats,  la  vie  d'un 
homme  d'bonneur  elail  pen  de  chose,  celle  d'un  coupablc  n'ctait  rien.  A 
de  vils  criminels ,  il  fallait  des  supplices  atroccs,  fletrissants ;  le  peuple  s'y 
rejouissait ,  et  les  dames  de  la  cour  prisaient  fort  ce  spectacle. 

Qu'ont  amene  ces  habitudes  mid  les? Quel  bien  a 

.prodiu't  ce  mepris  de  1'humanile?  Pour  un  coupable  dont  la  socicle  se 

.purgeail ,  il  en  renaissait  mille ,  et  le  peuple,  habitue  a  la  vue  dn  sang, 

s'en  est  enivre! II  a  voulu  s'en  abreuver  a  longs  trails,  les  guerres  rc- 

ligieuses  en  out  fail  repandre  des  flots! Je  ne  ciierai  aucun  de  ces 

combals,  de  ces  longs  massacres,  de  ces  horribles  boucheries  donl  vous 
save/,  mieux  quc  moi  la  deplorable  histoirc.  Je  clois  etre  avare  des  mo- 
ments d'atlention  eld'mdulgence  que  vous  voulez  bien  m'accorder.  Jevous 
rappelerai  seulemenl,  pour  ne  pas  sorlir  de  noire  histoire,  quo,  depuis 
i'elablissemenl  de  not  re  monarchic  jusquVn  89 ,  le  systeme  de  conserva- 
tion sociale  qui  repose  s'ir  1'effusion  du  sang  humain,  a  parcouru  ses  pha- 
ses desaslrcuses ,  el  esl  parvenu  en  1793  a  ce  comble  d'c.xces  que  les  vic- 
times  out  lasse  les  bourreaux!  Gc  ful  en  vain  qu'on  inventa  le  funest<! 
instrument  dc  mort  qui  permit  d'executer  en  pen  d'instanls  des  charrelees 
de  malheurcnx;  il  fallut  encore  recourir  a  la  mitraille,  aux  flots  de  la 
Loire  ,  pour  assouvir  la  rage  d'un  peuple  devenu  sanguinaire.  Toutes  ces 
executions  a  mort  onl-elles  change  une  seule  conviclion  ?  Non.  La  foi 
religieuse  comnie  la  foi  polilique  a  toujours  grandi  par  le  marlyre. 

Mais  je  ne  veux  pas  sortir  de  la  justice  crimiuelle,  et  j'arrive  a  notre 
Epoque.  Kpoque  de  decouragement  et  d'exaltalion ,  de  croyance  el  dc  doule  , 
d'iuditterence  el  de  devouemenl ;  epoque  de  transition  en  un  mot,  on  la 
societe,  prise  an  depourvu ,  s'efforce  d'elever  a  la  civilisation  un  monu- 
ment nouvean  compose  de  tons  les  debris  de  1'ancien. 

II u  des  phenomenes  de  nos  dernieres  annees  que  je  livre  a  vos  medita- 
tions, messieurs,  c'esl  1'cffrayante  progression  des  crimes!  Des  altentals 


320  SIXIEME  SECTION. 

odieux ,  d'une  execrable,  barbaric,  se  succedent  les  uns  aux  autres  dans 
tons  les  rangs  de  la  socictc  epouvantee  do  1'audacc  et  du  cynisme  des  cou- 
pables. 

Je  ne  rappellerai  pas  tons  les  grands  criminels  qtii ,  dans  cette  derniere 
annee,  out  figure,  el  je  pourrais  dire  profcsse  sur  les  banes  de  nos  eours 
d'assises;  mais  les  forfaits  de  deux  bommes  eonime  Lacenaire  et  Fieschi, 
torcent  a  rellcehir;  ils  denotent  un  etut  soeial  dans  lequel  fermentent  des 
prineipes  dc  dissolution;  pour  eux  ,  hi  vie  i'ul  un  jeu  cruel ,  ct  le  poignard 
une  Industrie;  le  bane  des  accuses  une  tribune,  un  theatre ,  on  se  repre- 
sente  la  derniere  scene  d'un  horrible  draine  dont  I'echafaud  est  le  dc- 
iKMiement. 

Lacenaire  a  essaye  du  travail,  il  en  aurait  pu  vivre;  niais  il  avail  d'ar- 
dentes  passions ;  line  existence  vulgaire  est  au-dcssous  de  lui ,  ce  sont  des 
voluples,  c'est  de  Tor  qu'il  lui  faut,  il  en  va  puiser  dans  le  sang  de  ses 
semhlables!....  Il  assassine  froidemcnt,  pcur  voler!  puis  aborde  fierement 
le  tribunal;  et  la,  dans  ce  vieux  palais  de  Sainl-Louis,  ou  siegerent  ces 
magistrals  si  graves,  1'hoiuicur  du  pays,  devant  les  snccesseurs  de  ces 
liommes  intcgres  qui  jugeaient  de  si  ha-ut,  de  ces  ganliens  minutieux  de 
nos  droits  et  de  nos  privileges ;  sons  ces  voutcs  oil  la  \oix  des  Lhopital  et 
des  Mole  rappelait  la  vertu,  la  simplicitc  des  temps  antiques!  Dans  le 
sanctuaire  de  la  justice  burnaine,  Lacenaire  en  profane  la  majcste,  en  ou- 
trage les  organes,  en  elcvanl  une  cbaire  anli-sociale  !  Il  s'exprinie  avec  es- 
prit,  avec  grace,  on  1'ecoute,  on  l'app!aiulil  presque!  nos  romanciers 
viennent  etndier  ses  poses,  epier  le  jeti  de  sa  pbjsionomie,  s'inspirer  de 
ses  pensees,  surprendre  ses  emotions  et  cnvier  son  sang-froid;  les  jour- 
naux  col  portent  d'un  bout  du  monde  a  1'aulre  ses  paroles  empoisonnces , 
tt  comine  si  cette  dissolvante  pubHcite  ne  suffisait  pas,  le  lendeinain  de  sa 
inort  on  publie  ses  memoires !  Lacenaire  nc  mourra  pas  tout  entier,  il  re- 
naitra  dans  son  oeuvre ;  le  vice  n'y  perdra  rien ! 

C'cst  une  chose  toute  nouvelle  dans  nos  manirs  et  digne  de  medilation 
que  cette  attitude  du  crime  se  posant  en  face  de  la  justice,  luttant  avec 
elle  et  lui  lancant  comme  Duheni  son  sabot  a  la  tete  ,  ou  lui  declarant 
nonchalainment  comme  Menuid ,  detenu  pour  six  effractions  ct  deux  assas- 
sinats,  qu'il  veut  en  fiuir!  ou  debitant  comme  Lacenaire  et  Fieschi  un 
odieux  role  devant  un  publie  avide  et  blase,  qui  vrent  la  chereher  des 
emotions  et  de  funestes  exemples,  pret  a  siffler  la  faiblessc  ou  plutot  le 
repentir,  et  confondant  rberoisme  avec  I'arrogance.  Dans  cetle  derniere 
representation  1'accuse,  si  je  puis  nrexprimer  ainsi,  lache  sa  derniere 
lyordee  d'athcismc  ct  d'immoralite. 


SIXlfeME  SECTION.  331 

L'interrogaloire  devient  un  dialogue  plus  ou  moins  piquant,  dans  le- 
quel  la  justice  a  souvent  le  dessous,  la  defense  est  une  profession  de  foi  I 
Quant  aux  monologues  du  cachot,  Lacenaire  a  legue  les  siens  a  la  poste- 
rite ,  il  ne  lui  a  manque  que  de  boire  la  cigue  dans  sa  prison ,  et  d'y 
mourir  comme  Socrate ,  entonre  de  ses  disciples ! 

Fieschi,  moins  eloquent  et  moins  poetique,  nous  a  laisse  des  auto- 
graphes  et  le  souvenir  repoussant  d'un  assassin  vaniteux ;  on  a  flalte  son 
orgueil ,  on  a  menage  ses  faiblesses ,  on  1'a  entoure  d'egards ;  la  foule  a 
voulu  le  Voir  mourir;  jusqu'a  la  guillotine  il  a  soulenu  sou  role,  il  y  est 
monte  comme  un  bateleur!  et  quand  ces  heros  du  crime,  soutenus  comme 
les  gladiateurs  de  Rome  par  les  applaudissements  de  la  multitude,  sont 
tombes  dans  Tarcue  avec  grace,  on  couvre  de  leurs  portraits  les  murs  de 
la  capitale ;  chacun  Veut  contempler  leurs  traits ,  posseder  leur  image. 
Pendant  nos  longucs  guerres  on  mourait  pour  son  pays,  et  c'est  a  peine 
si  les  bulletins  de  la  gfande  armee  citaient  un  de  ces  deVouements ,  tant 
ils  etaient  communs ;  aujourd'hui  on  se  tue ,  on  assassine ,  et  Ton  devient 
fameux !  comme  si  le  degout  de  la  vie  etait  une  vertu !  il  semble  que  cha- 
cun de  nous ,  fatigue  de  rouler  son  roclier,  las  du  joug  uniforme  et  pesant 
de  la  mediocrite ,  excede  d'une  vie  sans  but ,  revant  la  gloire  et  desespe- 
rant  de  1'atteiudre ,  se  premie  d'un  stupide  etonnement,  d'une  admiration 
involontaire  pour  quiconque  perce  la  foule  avec  energie,  abdique  1'exis- 
tence  vulgaire,  et  1'apathie  quolidienne!  On  revele  sa  vie  par  une  rnort 
bizarre :  on  s'immortalise  par  un  crime ,  et  on  erige  en  systeme  le  suicide 
et  1'assassinat. 

Les  suicides ,  dans  le  dernier  compte-rendu  de  la  justice  criminelle  en 
France,  se  montent  a  1,973 ,  sans  compter  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  ve- 
nus  a  la  connaissance  du  ministere  public. 

Croyez-vous  qu'a  un  tel  etat  de  marasme  la  peine  de  mort  puisse  etre  uli 
remede?  Les  scelerats  les  plus  endurcis  la  reclament  comme  un  bienfait  et 
la  subissent  avec  joie;  le  jury  en  devient  d'autant  plus  avare;  le  pouvoir, 
par  le  frequent  usage  qu'il  fait  du  droit  de  grace ,  se  prononce  en  faveui1 
de  rabolition  de  la  peine  de  mort.  La  societe  de  la  morale  chretienne  cou- 
ronne  les  ouvrages  qui  precbent  celte  doctrine ,  et  presque  tous  les  organes 
de  la  presse  s'en  font  les  echos. 

Si  Teffusion  du  sang  humain  n'est  pas  indispensable  au  maintien  de 
1'ordre  social,  elle  est  un  crime  ^  dit-on  de  toutes  parts...  II  vaut  mieux 
corriger  le  coupable  que  de  le  tuer. 

Dans  un  precedent  discours,  que  vous  avez  bien  voulu  juger  avec  une 
indulgence  qui  redouble  mon  zele  et  me  pcnetre  de  la  plus  vive  recon- 

23 


322  SFXIEME  SECTION. 

uaissance  ,  j'ai  deja  eu  1'Jionneui1  de  vous  dire  qu'en  1826  il  y  avaif  eu 
en  France  139  individus  condamnes  a  mort,  et  que  ce  nombre  avait  tou- 
jours  etc  en  diminuant  jusqu'en*1833,  ou  il  a  etc  seulement  de  50. 

Les  executions  out  etc  dc  1  1  1  en  1826  ,  et  de  34  en  1833. 

En  Pensylvanie,  dit  M.  de  Beaumont  dans  son  dernier  ouvrage,  si  Ton 
divise  on  deux  parties  la  periode  de  temps  qui  s'est  ecoulee  depuis  1778 
jusqu'a  1832,  c'est-a-dire  uu  espace  de  54  ans,  on  Irouve  dans  la  pre- 
miere partie,  qui  comprend  de  1778  a  1805,  75  executions  a  mort,  et 
seulement  33  dans  la  seconde  partie,  de  1805  a  1832;  et  pendant  cette 
periode,  la  population  croissait  immensement. 

Dans  le  Massachussets  ,  on  ne  voyait  que  1  9  executions  pendant  un  laps 
de  30  annces.  Dans  le  Vermont,  pas  une  seule  depuis  1814. 

En  Belgique  ,  un  tableau  de  M.  Edmond  Ducpetiaux  presente  un  resul- 
tal  IVappant.  Je  le  resume  en  deux  colonnes. 

PERIODES. 
5  ans  finissant  a. 
5         -- 


1804. 

EXECUTIONS. 

.  .  .             235 

1809.  .  .  . 

88 

1814.  .   .  . 
1819.  .  .  . 

71 
2f> 

1824.  .  .   . 

23 

1829.   . 

22 

...      1834  ..........     aucune. 

En  Angleterre,  ou  la  peine  de  morl  est  prodiguee  ,  il  y  a  eu,  en  1834  , 
480  condemnations,  et  seulement  3i  executions. 

En  France,  disent  MM.  de  Tocqucviile  et  de  Beaumont,  les  executions 
ont  encore  lieu  sur  la  place  publiquc  ;  mais  a  Paris  ,  personne,  excepte  les 
agents  necessaires  ,  n'est  prevenu  du  jour  et  de  1'heure  ;  le  coup  se  fait  a 
la  dcrobee  ;  le  bnurreau  se  cache  comme  un  assassin  ! 

J'ajoute  que  le  po\ivoir,  qui  de  la  place  de  Grcve  avail  transporte  le 
theatre  des  executions  a  la  place  Saint-Jacques  ,  vient  de  1'eloigner  en- 
core davantage  des  lieux  frcquentes,  en  le  relcguant  pros  du  cimetiere  du 
pore  Lachaise.  La  meme  repugnance  se  fait  sentir  en  province.  En  Aout 
1836,  la  guillotine  ne  pouvant  fonctionner  a  Nantes,  foute  d'une  piece 
importante,  le  bourreau  ne  put  tronver  de  charpentier  parmi  les  ouvriers 
de  la  ville,  il  fut  oblige  de  recourir  a  un  etranger. 

Je  vous  ai  promis  des  faifs,  messieurs,  je  ne  puis  dans  un  discours  deja 
trop  long  les  multiplier  davantage.  J'ai  seulement  voulu  prouver  d'une 


SIXIEME  SECTION.  323 

manic-re  irrecusable  que  1'opinion  publique  ,  cettc  rcine  du  monde  ,  fletrit 
{'application  de  la  peine  do  mort ;  que  la  diminution  successive  et  continue 
dcs  executions  est  une  protestation  de  la  societe  contre  les  sacrifices  hu- 
mains. 

La  peine  de  mort  n'a  jamais  diminue  et  ne  diminucra  jamais  le  nombre 
dos  crimes;  c'cst  par  des  mesures  moralisantes  et  conservatives  que  vous 
obtiendrez  ce  resullat. 

Prenez  un  de  ces  homines  qui,  de  fautcs  en  fautes ,  de  crimes  en  cri- 
mes ,  en  sont  venus  a  ce  point  de  n'avoir  plus  rien  a  perdre ;  prenez  un 
de  ces  monslres  parvenu  au  dernier  degre  du  vice  et  du  crime ,  enlevez- 
lui  la  vie  donl  il  fait  peu  de  cas ,  failes  tomber  sa  t£te  aux  yeux  d'une 
foule  avide  et  brutale,  dont  une  partie  se  compose  d'etre  degrades,  qui 
viennent  la  pour  voir  comment  ils  feront  a  leur  tour,  et  s'en  vont  rassurcs 
par  la  rapidite  d'une  execution  qui  n'a  rien  d'effrayaut  pour  eux;  on  bieu 
renfermez-le  dans  une  cellule  solitaire  et  silencieuse,  ou  vous  1'ensevelircz 
tete-a-tete  avec  son  crime ,  sa  conscience ,  ses  remords ,  pour  toute  consola- 
tion 1'cvangile  ouvert  devant  lui  et  le  recours  a  Dicu.  Dans  le  premier  mo- 
ment de  cctte  dure  epfeuve ,  la  rage  ct  le  desespoir  s'empareront  du  cou- 
pable;  mais  I'liorrible  uniformite  de  cette  longue  penitence,  ces  meditations 
forcees  dont  rien ,  pas  meme  le  plus  leger  bruit ,  ne  doit  interrompre  le 
cours ,  ameneront  bientot  les  larmes  et  le  repentir  toujours  vivant  au  fond 
des  ames  les  plus  corrompues ;  car  il  y  a  toujours  du  malhcur  dans  le 
crime.  Eli!  bien,  que  ce  criminel,  fut-il  parricide,  verse  une  larme,  nne 
seule  larme  sincere ,  il  est  absous  devant  Dieu ;  et  vous  n'avez  pas  le  droit 
d'etre  plus  severe  que  Dieu. 

Je  dis  que  cet  bomme  que  vous  avez  mis  dans  1'impossibilite  de  huire  > 
que  vous  avez  condamne  a  Peffroyable  supplice  d'une  rage  impuissante , 
d'un  desespoir  sans  lemoin ,  d'un  remords  qu'il  ne  pent  fuir,  est  plus  se- 
verement  et  plus  utilement  puni  dans  1'interet  de  la  societe,  que  celui 
dont  vous  avez  retranche  les  jours. 

Si  je  vous  ai  convaincu  de  cette  vcrite,  messieurs,  quelle  repugnance 
eprouvez-vous  a  emettre  un  vceu  qui  ne  peut  effrayer  la  societe,  et  qui 
prouverait  au  gouvernement  qu'uue  reunion  d'bommes  eclaires  et  veritable- 
ment  amis  de  l'humanite,  s'associe  au  genereux  espoir  de  remplacer  un 
jour  par  Tapplication  du  systeme  penitentiaire  la  peine  de  mort  dont  1'abo- 
lition  separera  notre  age  des  ages  de  barbarie ,  d'ignorance  et  de  fanatisme 
dont  les  exces  ont  fait  gemir  riiumanite. 

M.  Bergevin  dit  que  pour  repondre  a  un  seul  point  du 
a  ^       r  i  r 


324  SIXLEME  SECTION. 

discoiirs  de  M.  de  Courteilles,  on  ne  peut  pas  arguer  tin 
courage  d'un  homme  qui  se  suicide  a  celui  d'un  assassin. 

M.  Porcher  annonce  qu'il  a  pen  prepare  la  question 
et  qu'il  va  presenter  quelques  observations  pour  qu'on 
puisse  y  repondre.  II  examine  d'abord  si  la  societe  a 
droit  de  disposer  de  la  vie  d'un  de  ses  semblables.  II  se 
prononce  pour  raffirmative  par  Vexemple  de  toutes  les 
nations.  On  ne  doit  apporter  de  reformes  dans  la  so- 
ciete que  quand  la  ne'cessite  en  est  parfaitement  demon- 
tree.  II  reprouve  une  idee  souvent  manifestee,  que  la 
peine  des  travaux  forces  effraie  autant  que  la  peine  tie 
mort.  Les  decisions  des  jurys  demontrent  que  la  peine 
de  mort  est  encore  un  besoin  social.  S'il  n'en  etait  pas 
ainsi,  ils  n'en  feraient  jamais  1'application.  Si  les  exe- 
cutions ont  diminue  depuis  1830,  c'est  que  Fopinion 
publique  entend  la  reserver  pour  les  plus  grands  cou- 
pables.  L'orateur  fait  des  voeux  pour  que  la  peine  de 
mort  disparaisse  un  jour  de  nos  codes;  mais  il  pense 
que  notre  societe  n'est  pas  encore  moralisee  pour  sup- 
porter cette  abolition. 

M.  Simon  prend  la  parole :  II  ne  voit  pas  que  M.  Por- 
cher ait  repondu  a  la  question;  il  ne  s'agit  point,  dit-il, 
dans  ce  moment  de  1'abolition  de  la  peine  de  mort,  mais 
il  s'agit  de  i'efiicacite  de  la  peine.  II  ne  pense  pas  pour 
son  compte  que  cette  peine  diminue  les  crimes. 

M.  Bergevin  adopte  dans  tout  son  entier  1'opinion  de 
M.  Porcher.  II  dit,  que  s'il  pensait  comrne  M.  de  Cour- 
teilles que  la  peine  de  mort  fut  inefficace ,  il  en  deman- 
derait  immediatement  I'abolition. 


SIXIEME  SECTION.  325. 

M.  de  Courteilles  dit  que  s'il  demandait  eette  aboli- 
tion ,  ce  serait  a  la  condition  de  son  remplacement  par 
le  systeme  penitentiaire ,  parce  qu'il  croit  cette  penalite 
plus  repressive  meme  que  la  peine  de  mort ,  et  d'un 
exemple  plus  utile. 

M.  Derouet  invoque  son  experience  pour  appuyer 
Topinion  de  M.  Porcher.  II  a  vu  souvent  des  accuses 
tres  habiles  a  calculer  les  circonstances  du  crime. 

M.  Gaillard  a  la  parole  :  II  a  examine  la  societe;  la  dis- 
position des  esprits  est  portee  vers  les  idees  desordon- 
nees.  Partout ,  dans  les  livres,  au  theatre,  le  crime  est 
preconise  et  applaudi. 

Cette  tendance  de  la  societe  a  applaudir  au  crime,  le 
frappe,  et  il  en  conclut,  que  ce  qui  suffisait  a  1'ordre 
ancien  ne  suffit  plus  a  1'ordre  nouveau.  Ainsi ,  au  moyen 
age ,  la  ferocite  des  moeursjustifiait  la  ferocite  des  peines ; 
mais  aujourd'hui  la  crainte  de  la  mort  diminue  tous  les 
jours.  Cequi  manque  a  notre  temps  c'est  la  crainte  d'une 
autre  vie. 

M.  Bergevin  dit  que  dans  une  pareille  matiere  on  ne 
peut  se  determiner  que  par  une  conviction  intime.  Que 
chacun  s'interroge  et  dise  s'il  croit  qu'un  criminel  n'est 
pas  arrete  dans  la  voie  du  crime  par  la  crainte  de  la 
penalite  qui  le  menace. 

M.  Dain  prend  la  parole  :  II  examine  1'opinion  de 
M.  de  Courteilles.  Les  preuves  citees  par  ce  dernier  de  la 
diminution  progressive,  dans  tous  les  pays,  de  1'applica- 
lion  de  la  peine  de  mort,  lui  semblent  sans  replique  pour 
son  abolition  definitive.  II  pensc  quo  parce  que  la  peine 


326  SIXIEME  SECTION. 

cle  mort  est  inappreciable  et  sans  remission ,  il  consent 
absolument  qn'on  1'abolisse ,  et  que  cette  peine  n'e'tant 
plus  clans  nos  mceurs,  et  exercant  une  profonde  terreur, 
un  profond  degout ,  et  par  suite  nne  tres  funeste  in- 
fluence sur  la  societe  en  ge'neral,  il  convient  encore 
qu'on  1'abolisse. 

M.  Simon  dit  que  I'inconvenient  de  la  solution  de 
M.  Dain  est  d'etre  seulement  critique  ou  negative.  Gelle 
de  M.  Bergevin  lui  semble  trop  positive ,  trop  re'elle  ,  et 
point  assez  scientifique ,  et  il  s'etonne  qu'on  ne  s'occtipe 
pas  davantage  de  la  proposition  de  M.  de  Courteilles. 

A  ce  propos ,  il  observe  qu'au  lieu  de  consacrer  notre 
temps  a  1'examen  de  50  ou  60  questions,  sous  le  poids 
desquelles  courbe  le  Congres,  il  serait  plus  utile  d'en  ap- 
profondir  quelques  unes. 

La  precipitation  apportee  a  nos  deliberations,  fait 
que  nous,  homines  d'avenir,  speculons  dans  le  present, 
et  edifions  pour  un  ,  deux ,  au  plus  dix  ans.  Chose  ex- 
traordinaire, dit  M.  Simon,  nous  sommes  ici  Congres 
scientifique  avant  tout,  sinon  exclusivement ,  et  c'est, 
dans  la  question  actuelle ,  le  point  de  vue  legal  qui  nous 
absorbe ,  et  la  science  n'est  pas  ecoutee.  II  dit  que,  quant 
a  lui,  il  croira  devoir  s'abstenir  de  voter,  parce  que  la 
vraie  question  lui  semble  avoir  ete  abordee  seulement 
par  M.  Gaillard. 

Sur  la  question  de  la  peine  de  mort ,  il  n'y  a  que  deux 
solutions  possibles :  celle  que  De  Maistre  avail  formulee 
en  disant :  Le  bourreau  est  la  pierre  angulaire  de  la  so- 
ciete,  et  1'opinion  inverse  qui  nie  positivement  Futilite 
et  surtout  la  le'gitimite  de  cette  peine.  M.  Simon  voudrait 


SIXIEME  SECTION.  327 

qu'on  rexaminat,  parce  qu'elle  revient,  selon  iui,  a 
1'examen  du  droit  de  punir  qu'a  la  societe;  c'est  le  sujet 
du  dialogue  de  Platon  ,  intitule  Le  Gorgias. 

M.  de  Recy  dit  que  le  but  de  la  societe  ,  par  1'eta- 
blissement  des  peines,  a  du  etre  de  prevenir  les  crimes, 
et  non  de  les  venger;  car  la  vengeance  n'appartient 
qu'a  Dieu,  et  les  hommes  ne  peuvent  s'arroger  un  droit 
si  grand,  ni  surtout  1'exercer  en  violanl  la  loi  naturelle. 

Mais  que  par  la  peine  de  mort  le  but  que  la  societe 
se  propose  n'est  pas  rempli  d'une  maniere  plus  efficace 
qu'il  le  serait  par  un  autre  genre  de  peine  qui  ,  sans 
donner  la  mort  an  coupable,  Iui  infligerait  cependant 
un  tourment  veritable;  d'une  peine  qui  Iui  laisserait  le 
supplice  non  moins  grand  du  rernords,  punition  toute 
divine  qui  reconcile  rhoinme  criniinel  avec  Dieu ,  et 
dont  la  societe,  en  Iui  tranchant  la  tete  sans  qu'il  ah 
eu  le  temps  de  faire  veritablement  un  reto-ur  sur  lui- 
meme ,  enleve  au  coupable  et  le  tourment  et  le  bienfail. 

La  peine  de  mort,  ajoute-t-il,  ne  previent  pas  plus  le 
crime  qu'un  autre  genre  de  peine  severe  qui  la  rempla 
cerait;  car  l'homme  qui  devient  criniinel  ne  prcvoit  ju- 
mais  que  son  crime  sera  decouvert ;  sans  cela  il  s'ai  re- 
terait.  II  n'est  preoccupe  que  du  soin  tie  caclier  ce 
crime ,  et  1'assurance  qu'il  ne  sera  point  decouvert  lie 
Iui  fait  cominettre.  II  cherche  a  eebapper  a  une  peine 
grave;  mais  la  nature  de  cette  peine  est  en  general  une 
preoccupation  secondaire. 

La  peine  de  mort,  au  contraire,  est  une  cspece  dc  re- 
habilitation que  le  crimincl  vicnt  chercher  sur  1  echafaud 


328  SIXIEME  SECTION. 

en  presence  cle  la  foule  a  laquelle  il  se  donne  en  spec- 
tacle ;  il  s'efforce  d'expier ,  en  quelque  sorte  a  ses  yeux, 
son  crime  par  son  courage  ,  par  1 'ignoble  lieroisme 
avec  leqtiel  il  affronte  la  mort;  et  la  foule  en  effet,  que 
la  vue  du  sang  accouttime  an  sang,  s'en  etonne,  empor- 
tant  1'impression  du  courage  du  supplicie ,  bien  plus  que 
Vimpression  d'horreur  que  devrait  lui  faire  eprouver 
son  crime. 

C'est  ainsi,  s'ecrie-t-il,  que  la  peine  de  mort  n'ajoute 
rien  au  but  que  se  propose  la  societe;  qu'elle  est  con- 
traire  au  droit  criminel  et  contraire  aux  principes  reli- 
gieux;  car  apres  avoir  tranche  la  tete  au  condamne  , 
vous  ne  rendez  a  la  terre  qu'un  cadavre  sans  rendre 
une  ame  au  ciel. 

M.  Laurent  dit  que  pour  juger  de  la  bonte,  del'effi- 
cacite  d'un  moyen  ,  on  ne  peut  le  faire  d'une  facon  ab- 
solue  ^  ce  ne  peut-etre  que  par  comparaison.  Or,  il  faut 
dire  que  dans  ce  moment  aticune  penalite  ne  peut-etre 
substituee  a  la  peine  qui  nous  occupe,  de  maniere  a  ce 
que  la  securite  sociale  soit  garantie.  Le  Congres  ayant 
adopte,  dans  une  de  ses  dernieres  seances,  une  resolu- 
tion pour  Fapplication  generale  en  France  du  systeme 
penitentiaire,  il semble qu'il  conviendrait que cette  appli- 
cation eut  recu  un  certain  developpement  tel  qu'on  put 
juger  si  la  peine  de  mort  serait  efficacement  remplace'e 
parle  systeme  penitentiaire.  En  consequence,  il  propose 
rajournement  de  la  question  au  Congres  de  1837. 

M.  Bergevin  pense  que  la  question  pent  etreresolue,  et 
que  comparant  la  peine  de  mort  a  Unites  les  autres  pei- 
nes,cettc  peine  est  pour  certains  cas  la  plus  efficacc, 


SIXIHME  SECTION.  329 

M.  Gaillarcl  dit  qu'il  y  a  certaines  natures  mauvaiseset 
portees  au  mal,  qui  obeissent  a  une  sorte  de  fatalite. 

M.  Simon  dit  qu'il  ne  veut  point  rentrer  dans  la  dis- 
cussion generale  j  mais  que  M.  Gaillard  ayant  presente 
des  considerations  physiologiques  pour  appuyer  1'opi- 
nion  de  1'efficacite  et  meme  de  la  necessite  de  la  peine 
de  mort,  il  desire  protester  au  nom  de  la  science  contre 
lopinion  de  M.  Gaillard. 

M.  Simon  pose  en  fait  que  dans  I'homme  tons  les 
penchants  sont  originellement  bons,  qu'il  n'en  est  au~ 
cun  qui  doive  e"tre  repousse ,  et  que  s'il  est  tant  de  eri- 
minels  dans  le  monde,  cela  tient  avant  tout  a  1' orga- 
nisation de  la  societe  qui,  au  lieu  de  donner  satisfaction 
a  des  besoins  reels,  les  comprime.  Alors,comme  la  na- 
ture ne  perd  jamais  ses  droits,  il  est  des  activites  excen- 
triques  qui  se  font  jour  par  violence  ,  voila  le  crime. 

Quant  aux  moyens  de  le  faire  cesser ,  la  science  nous 
les  offre.  Depuis  M.  Richerand  et  depuis  Gall  lui-meme , 
on  a  constate,  et  sous  ce  rapport,  les  pense'es  de  M.  Ri- 
cherand sont  fort  arrierees  et  celles  de  M.  Pinel  ne 
le  sont  pas  moins,  on  a  constate  la  multiplicite  des 
organes  cerebraux,  et  de  plus,  on  a  demontre  que 
le  crime  dependait  du  developpement  exuberant  d'un 
instinct  ou  d'une  faculte.  Eh  !  bien  ,  1'education,  la 
phrenologie  le  demontre,  a  puissance  de  developper 
en  nous  des  facultes  qui  ,  originellement,  etaient  a. 
leur  minimum  de  developpement.  Ainsi  la  phrenO" 
logic  echappe  a  la  loi  de  fatalite  que  Gall,  son  cre'a- 
teur  ,  n'avait  pas  su  lui  eviter.  Quant  aux  maniaques 


330  S1XIEME  SECTION. 

ct  aux  monoinaniaques,   ce  sont  des  malades,  et  les 
malades  relevant  de  la  medecine  et  nullement  de  la  loi. 

M.  Derouet  reprend  la  parole  ,  et ,  parcourant  Fe- 
chelle  des  peinesr  n'hesite  point  a  reconnaitre  que  pour 
la  repression  de  certains  crimes,  la  peine  de  mort  est 
seule  efficace. 

M.  Herve  donne  quelques  explications  sur  ce  qu'il  a 
vu  du  systeme  penitential  re ,  tel  qu'il  est  applique  aux 
Etats-Unis. 

Aux  Etats-Unis,  il  y  a  pen  de  crimes  politiques;  le 
systeme  de  liberte  qui  impose  pen  d'entraves  aux  hom- 
ines, donne  occasion  a  pen  de  crimes;  et  meme  la  peine 
tie  mort  qui  y  est  prononcee  ne  recoit  que  rarement  son 
application. 

M.  de  Courteilles  nie  que  le  sentiment  religieux  puisse 
aujourd'hui  arreter  le  criminel;  il  cite  a  cet  egard  un 
fait  qu'il  a  vu  a  Milan. 

M.  Bergevin  reprend  la  parole  et  affirme  de  nouveau 
que  la  peine  de  mort  menacant  riiomme  vicieux  1'eni- 
peche  seule  de  devenir  coupable. 

M.  Porcher  veut,  dit-il ,  preciser  la  question  : 

Si  la  peine  de  mort  previent  des  crimes,  il  faut  la 
conserver ;  si  elle  n'en  previent  aucun,  il  faut  Tabolir. 

Ge  n'est  point,  dit-il,  parce  qu'il  y  a  toujours  des 
crimes  qu'il  faut  dire  que  la  loi  soit  impuissante  a  les 
reprimer;  c'est  la  nature  humaine  qu'il  faut  en  accuser, 
les  vices,  et  aussi  souvent  1'espoir  de  1'impunite.  II  fait 
des  voeux  pour  que  la  peine  de  mort  disparaisse  ,  mais  il 
ne  pensc  pas  que  le  moment  soit  arrive. 


S1XIEME  SECTION.  331 

M.  Jullien  donne  lecture  cles  diverses  propositions 
presentees  par  les  divers  membres  qui  ont  pris  part  a  la 
discussion. 

ParM.  Gaillard: 

«  La  peine  de  mort  a  jusqu'ici  diminucle  nombre  des  crimes  qu'elle  est 
»  destinee  a  reprimer ;  mais  les  doctrines  funestes  qui  circulcnt  parmi  les 
»  criminels  font  prevoir  que  bientot  ce  remede  sera  tout-a-fait  inefficace ; 
»  et  le  seul  a  apporter  a  ce  mal ,  est  d'inspirer  la  crainte  de  la  vie  a  venir 
»  a  des  hommes  qui  ne  1'eprcuvent  plus.  » 

Par  MM.  Bergevin  et  Porcher : 

«  La  peine  de  mort,  par  la  crainte  qu'elle  inspire  aux  hommes  ,  est 
»  propre  a  diminuer  le  nombre  des  crimes  qu'elle  est  destinee  a  reprimer.  » 

Par  M.  Dain  : 

«  Attendu  que  la  peine  de  mort ,  si  elle  previent  quelquefois  k  crime  en 
»  arretant  par  la  crainte ,  demoralise  la  sociele  en  general  et  endurcil  les 
»  mceurs  publiques ,  le  Congres  estime  que  cette  peine  esl  plulot  nuisible 
»  qu'efficace  pour  la  diminution  des  crimes.  » 

Par  MM.  le  docteur  Simon  et  Jullien : 

«  La  peine  de  mort ,  quelle  qu'en  soil  la  forme ,  n'agissant  sur  le  cri- 
»  minel  que  par  1'effroi ,  est  inefficace  pour  prevenir  le  crime ,  parce  que 
»  1'effroi  n'ameliore  pas. 

»  Tant  qu'il  n'y  aura  pas  d'institution  sociale  propre  a  garantir  la  so- 
»  ciete  contre  de  nouvelles  tentatives  de  la  part  des  criminels ,  et  jusqu'a 
»  1'applicatioii  generate  du  systeme  penitentiaire  et  des  moyens  de  mora- 
»  lisation  qui  doivent  en  elre  le  complement ,  la  peine  de  mort  reste  eu- 
"  core  dans  uos  codes  comme  line  tristc  ncccssite.  » 

M.  Laurent  propose  le  renvoi  de  la  question  a  la  pro- 
chaine  session. 


332  SIXIEME  SECTION. 

La  priorite  est  accordee  a  la  proposition  de  M.  Por- 
cher,  laquelle  est  mise  aux  voix  et  adoptee. 


Seance  du  samedi  matin  17  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  JULLIEN. 

M.  Desbrosses  fait  le  rapport  suivant  sur  le  memoire 
de  M.  de  Calonne. 

Messieurs ,  vous  m'avez  charge  de  vous  rendre  compte  d'un  memoire 
de  M.  le  comte  de  Calonne  sur  I' Unite,  chez  les  ancieus,  et  I' Esprit  d' as- 
sociation chez  les  modernes ,  consideres  comme  principes  de  force ,  et  sui 
vis  d'une  proposition  sur  un  plan  de  statistique  du  royaume. 

Dans  ce  travail ,  M.  de  Calonne  recherche  le  principe  de  la  force  chez 
les  grands  peuples  de  Fanliquite,  de  cette  puissance  creatrice  qui  nous 
a  transmis  des  monuments  d'art,  des  monuments  de  genie;  il  la  trouve  , 
cette  force ,  dans  Funite  de  vue ,  Funite  d'aclion ,  Funite  de  pouvoir. 

L'auteur  montre  ensuite  la  scission  de  Fautorite  spirituelle  et  de  Fauto- 
ritc  temporelle ,  rompant  cette  puissante  unite  et.  donnant  lieu  a  la  division 
eta  Faflaiblissement  des  pouvoirs.  Je  craindrais,  messieurs,  en  suivant 
ici  M.  de  Calonne,  de  m'attirer  le  reproche  de  faire  de  la  polilique. 

Je  le  rejoins  a  Fendroit  ou  il  demontre  que  Fesprit  d'association ,  seul 
capable  aujourd'hui  des  graudes  choses,  est  venu  remplacer  Funite  de 
pouvoir  pour  accompli r  les  enlreprises  les  plus  gigantesques. 

«  Si  Fon  voyait  surgir  parmi  nous,  dit  M.  de  Calonne,  ce  desir  de  s'as- 
socier  pour  soulenir  les  interets  moraux  ,  matericls  et  positifs  ,  que  de 
nuances  d'opinions  se  fonderaient  insensiblement  en  un  sentiment  noble 
t;t  eleve,  Famour  du  pays.  »  Mais,  ajoute-t-il,  eel  esprit  d'association  n'esl 
encore  qu'a  sou  debut  en  France,  et  le  Congres  scientifique  est  son  pre- 
mier pas. 

M.  de  Caloime  pense  qu'une  ceuvre  ulile  ,  grande  el  digne  du  Congres, 
serait  d'entreprendre  une  slatislique  generalc  de  la  France  sur  un  plan 
uniformc.  Il  fandrait,  pour  realiser  cc  projet,  que  chaque  session  adressat 
a  la  suivante  une  serie  de  questions  donl  la  solution  remplirait  un  cadre 
trace  d'avance. 

Dans  tin  semblablc  travail ,  on  no  dcvrait  pas ,  suivant  Fautcur  du  me- 


SIXIEME  SECTION.  333 

moire,  s'astreindre  a  la  division  territoriale  des  departemenls  qui  peuvent 
passer  comme  out  passe  les  provinces ;  il  faudrait  suivre  la  division  tracee 
par  les  grands  bassius  des  fleuvcs,  comme  la  pins  naturelle  et  la  pins  stable. 

Cette  proposition,  messieurs,  toute  patriotiqne  qu'elle  soil,  je  me  se- 
rais fait  scrupnle  de  von s  la  transmettre,  sans  qu'elle  cut  snbi  1'epreuve 
de  prudence  a  laqnelle  toutes  sont  assujeties  par  votre  reglement ;  mais  il 
m'a  semble  qn'elle  rentrait  assez  directement  dans  la  13.e  proposition  de 
votre  programme  pour  pouvoir  y  etre  jointe. 

J'ai  done  1'honneur  de  vous  proposer,  messieurs,  de  remercier  M.  le 
comte  de  Calonne  du  travail  interessant  qu'il  vous  a  adresse  et  d'adopter 
la  resolution  suivante,  aussi  conforme  que  possible  a  sa  proposition  : 

«  Le  Congres  emet  le  vuui  que ,  cbaque  annee ,  les  personnes  du  pays 
»  designe  pour  la  tenue  de  la  session,  fournissent,  chacune  dans  sa  spe- 
»  cialite ,  les  elements  nccessaires  pour  former  une  statistiqne  complete 
»  de  ce  pays ,  afin  qn'il  puisse  en  resulter  par  la  suite  une  statislique  ge- 
»  nerale  de  la  France.  » 

M.  Doublet  ditque  de  grandes  difficultes  environnent 
les  travaux  statistiques ,  qui  sont  rarement  faits  d'une 
maniere  complete. 

M.  de  Courteilles  demande  que  les  questions  posees 
par  M.  de  Calonne  soient  renvoyees  aux  Congres  sub- 
sequents.  La  section  decide  que  ce  renvoi  sera  fait  en 
restreignant  le  travail  a  chaque  departement. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  2.e  question  du  pro- 
gramme. 

M.  Jullien ,  repondant  a  cette  question  ,  dit  que  Fin- 
fltience  des  voies  de  communication  sur  la  civilisation 
des  peuples  est  une  verite  de  fait,  attestee  par  Thistoire 
generale  du  genre  liumain  •  chaque  nouveau  progres 
social  a  etc  le  resultat  d'un  nouveau  moyen  de  commu- 
nication introduit  parmi  les  hommes. 

Les  langues,  la  lecture,  1'ecriture,  le  calcul,  1'impri- 


334  SDUEME  SECTION, 

merle  et  les  arts  qui  s'y  rapportent,  la  navigation,  les 
grandes  routes  et  les  routes  transversales  et  vicinales  , 
les  postes  aux  chevaux,  les  postes  aux  lettres,  les  mon- 
naies  et  les  lettres  de  change ,  les  telegra  plies ,  la  puis- 
sance de  la  vapeur  appliquee  conime  moteur  sur  la  terre 
et  sur  1'eau ;  enfm ,  les  chemins  de  fer  sont  comme  les 
degres  successifs  que  1'homme  a  parcourus  jusqu'a  nos 
jours  en  perfectionnant  d'epoque  en  epoque  les  moyens 
de  communication  reconnus  par  lui  conime  les  instru- 
ments essentiels  et  necessaires  de  la  civilisation. 

Aujourd'hui  les  gouvernements  doivent  apporter 
tous  leurs  soins  a  faire  executer,  autant  que  les  circons- 
tances  locales  et  econbmiques  de  chaque  pays  le  per- 
mettent,  les  nouvelles  voies  de  communication  en  fer 
et  par  la  vapeur  qui  doivent  repandre  de  plus  en  plus, 
par  des  relations  multipliees  entre  les  homines  et 
entre  les  peuples,  les  bienfaits  d'une  aisance  ,  d'une 
instruction  et  d'une  moralite  plus  generales.  M.  Jullien 
ajoute  quelques  details  sur  les  travaux  qui  s'executent 
dans  ce  moment  en  Belgique,  et  desirerait  que  le  gou- 
vernement  se  pretat  a  1'entreprise  du  chemin  de  Paris 
a  Bruxelles. 

M.  de  Calonne  trouve  dans  1'absence  ou  du  moins  la 
rarete  des  capitaux  un  obstacle  invincible  a  1'etablisse- 
ment  des  grandes  lignes  projetees  en  France. 

M.  Gaillard  se  demande  si  la  facilite  des  communica- 
tions et  les  frottements  plus  frequents  deshommes  entre 
eux  sont  favorables  au  bien-etre  et  an  bonheur  de 
rhumanite  et  au  perfectionnement  moral  de  riiommej 


SIXIEME  SECTION.  335 

riiomme  eloigne  de  son  pays  est  plus  porte  an  mal  que 
sous  les  yeux  de  ses  concitoyens ,  et ,  sous  ce  rapport , 
rimmoralite  ne  pourra  que  s'accroitre.  M.  Gaillard  nie 
que  la  facilite  des  communications  diminue  les  chances 
de  guerre;  elle  doit  avoir  pour  effet,  au  contraire,  de 
mettre  plus  d'interets  en  presence,  et  d'amener  ainsi 
plus  de  collisions.  D'un  a  litre  cote,  il  s'etablira  une  sorte 
de  privileges  au  profit  des  peuples  riches  en  capitaux  et 
habitant  un  climat  favorable  a  la  production.  De  la, 
jalousie  de  la  part  des  autres  peuples;  de  la,  source  de 
guerres ,  renaissantes  tons  les  jours  par  le  choc  violent 
d'interets  opposes.  M.  Gaillard  pense ,  d'un  autre  cote , 
que  les  chemins  de  fer  occasionnent  des  frais  conside- 
rables dont  les  avantages  sont  contestables,  et  qu'on 
doit  leur  preferer  les  voies  naturelles  des  fleuves  et  des 
rivieres. 

L'un  des  secretaires  donne  lecture  d'un  memoire  de 
M.  d'Accary  de  la  Riviere,  sur  les  inconvenients  des 
chemins  de  fer,  dont  les  conclusions  sont:  1.°  que  les 
chemins  de  fer  donnent  lieu  a  une  depense  ruineuse 
poiirl'etat;  2.°  qu'ils  sont  excessivement  dangereux  pour 
ceux  qui  voyagent  dessus,  on  qui  les  traversent;  3.°  qu'ils 
donnent  lieu  aux  plus  odieuses  vexations  en  servant  de 
pretexte  pour  abimer  sans  pitie  les  plus  belles  proprie- 
tes;  4.°  qu'ils  ont  pour  effet  immanquable  de  ruiner  un 
grand  nombre  d'individus  en  les  privant  de  travail; 
5.°  qu'ils  favorisent  les  malveillants  et  les  conspirateurs 
en  leur  fournissant  des  moyens  de  correspondance  ra- 
picle,  et  une  impunite  certaine  par  la  fuite.  On  pent 


<336  S1XIEME  SECTION. 

enfin  qualifier  1'invention  des  chemins  de  fer  le  chef- 
d'oeuvre  de  I'egofsntte,  et  le  triomphe  de  1'interet  parti- 
culier  sur  1'interet  general. 

M.  de  Courteilles,  repondant  a  M.  Gaillard,  lui  rap- 
pelle  ce  vieux  proverbe  turc : 

Les  mohtagnes  ne  se  rcncontrcnt  jamais , 
Les  homines  se  rencontrent  toujours. 

II  soutient  les  avantages  qui  doivent  resulter  pour  le 
progres  de  rhumanite ,  de  la  libre  et  frequente  com- 
munication des  peuples  entre  eux;  il  puise  un  nouvel  ar- 
gument en  faveur  de  son  opinion  dans  la  presence 
d'une  honorable  etrangere,  miss  Anna  Knigt,  qui  vient 
s'associer  a  nous,  s'unir  a  nos  efforts,  prendre  part  a 
nos  travaux ,  dans  Tunique  but  d'etre  utile  a  ses  sem- 
blables. 

La  France  et  1'Angleterre  se  sont  toujours  estimees 
et  haies,  dans  des  interets  de  rivalite  mal  entendus,  et 
ne  commencent  a  sympathiser  que  depuis  le  jour  ou 
la  paix  nous  a  permis  de  nous  donner  la  main. 

Les  communications  des  peuples  entre  eux  n'ame- 
nent  pas  des  chocs,  mais  des  fusions  d'interet,  en  pro- 
tegeant  les  echanges  ,  les  industries }  les  relations  de 
toute  nature. 

II  rappelle ,  a  propos  de  la  comparaison  etablie  entre 
les  chemins  de  fer  et  les  fleuves,  cette  pensee  de  Pascal : 

Les  rivieres  sont  des  chemins  qui  marchent. 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  s'eleve  centre  les  chemins  de 


SIX1EME  SECTION.  337 

fer,  considered  comme  moyens  economico-politiques. 
L' Amerique ,  la  Russie  doivent  etablir  des  chcmins  de 
fer,  a  cause  de  1'etendue  de  leur  territoire;  I'Angleterre 
a  cause  de  1'etendue  de  son  commerce;  mais  la  France 
ne  peut  suivre  ce  mouvement  immense,  et  ne  pent  en 
etablir  sur  quelques  lignes  que  par  exception. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  deniande  la  parole  sur 
la  position  de  la  proposition  faite  par  M.  Gaillard. 
Pour  ne  dire  qu'un  mot  sur  le  fond  de  la  question , 
M.  Doublet  pense  qu'en  these  generale ,  multiplier  les 
voies  de  communication,  cela  conduit  au  rapprochement 
des  hommes  et  par  suite  a  la  perfectibilite  humaine.  II 
n'y  a  nul  rapport  entre  des  faits  qui  appartiennent  a 
riustoire  ancienne  et  les  previsions  de  1'avenir.  On  com- 
prend  que  des  rapports  des  anciens  peuples  entre  eux 
soit  resulte  la  guerre .;  car  la  civilisation  n'avait  pas  encore 
penetre  chez  eux.  On  ne  connaissait  que  des  conque- 
rants  et  des  barbares  ;  1'esprit  de  la  conquete  ne  tendait 
qu'a  une  chose ,  conquerir  et  s'etendre,  mais  jamais  a  ci- 
viliser.  Comment  civiliser  en  effet  le  peuple  soumis, 
en  faisant  du  vaincu  1'esclave  du  vainqueur.  Le  temps 
viendra  ou  les  peuples  seront  freres  comme  les  lettres 
sont  sceurs. 

M.  de  Boisthibault  pense  qu'il  ne  faut  pas  restreindre 
a  des  consequences  aussi  etroites  la  multiplication  des 
communications.  Independamment  du  bien  materiel 
pour  les  peuples,  il  re'sultera  de  la  1'avantage  qu'il  faut 
placer  en  premiere  ligne  ,  le  de'veloppement  et  le  per- 

24  * 


338  £IXlfcME  SECTION. 

fectionnement  de  la  moralite  humaine.  II  propose  en 
consequence  la  resolution  suivante  : 

«  Les  voirs  cle  communication  ont  une  influence  incontestable  sur  la 
»  civilisation,  puisqu'elles  augmenteht  non  seulement  le  bien-elre  ma- 
»  hYiel  des  peuples,  mais  encore  le  developpement  de  1'inlelligence  et  le 
»  perfectionnement  de  la  moralite  humaine.  » 

M.  Jullien  declare  se  reunir  a  cette  proposition  qui 
est  adoptee  par  la  section. 


Seance  du  samedi  soir  17  septembre  1836. 
P residence  de  M.  le  docleur  SIMON ,  vice-president. 

M.  Chabaud  (de  Marseille)  est  invite  a  developper  la 
proposition  suivante; 

«  Emcttre  le  voeu  de  voir  le  gouvernement  s'occupcr  d'nne  loi  sur 
«  les  Livres  de  commerce,  la  loi  actnelle  (titre  II  du  livre  l.er  du  Code 
»  de  commerce)  etant  fondee  sur  un  principe  faux.  » 

Apresquelquesdeveloppements  presentespar  M.  Cha- 
baud a  1'appui  de  sa  proposition ,  M.  Laurent  fait  1'obser- 
vation  que  cette  question  lui  parait  un  pen  restreinte, 
et  qu'il  ne  pense  pas  qu'elle  rentre  dans  le  cercle  que  les 
Congres  serablent  setre  trace;  que  d'ailleurs  i'auteur  de 
la  proposition  demande  que  le  gouvernement  oblige  les 
commercants  a  tenir  leurs  ecritures  selon  le  systeme  de 
la  tenue  en  parties  doubles,  ramene  a  ses  vrais  principes 
par  lui,  M.  Chabaud;  or,  cette  demande,  qui  semble 
toute  d  interet  prive,  ne  pouvant  faire  1'objet  d'une 


SIXIEME  SECTION.  339 

resolution  clu  Congres,  M.  Laurent  demancle  la  ques- 
tion prealable. 

Cette  proposition,  appuyee  par  MM.  Derouet  et  Leon 
Lefebvre,  est  adoptee. 

La  deliberation  est  appelee  sur  la  question  suivante, 
adressee  par  la  Societe  de  statistique  de  Marseille: 

«  Quels  sont  les  resultats  moraux  et  agricoles  du  morcellement  de  la 
»  propriete?  » 

Aucune  voix  ne  s'eleve  dans  la  section  contre  les 
a vantages  qui  semblent  resulter  evidemment  du  morcel- 
lement de  la  propriete. 

La  diminution  du  proletariat,  1'augmentation  du  tra- 
vail ,  1'accroissement  de  la  valeur  du  sol  paraissent  in- 
contestablement  les  consequences  de  la  division  des 
grandes  proprietes,  et,  sur  la  proposition  de  M.  Lau- 
rent, la  section  adopte  la  resolution  suivante: 

«  Le  niorocllement  de  la  propriete  a  pour  resultats  moraux  d'altacher 
«  le  citoyen  au  sol,  de  lui  inspirer  des  idees  de  prevoyance,  d'entretenir 
»  Fesprit  de  famille;  pour  resultats  agricoles,  d'augmenter  la  production, 
»  et  de  creer  ainsi  pour  le  pays  une  plus  grande  masse  de  richesses.  » 

La  discussion  est  ouverte  ensuite  sur  cette  question  , 
adressee  par  la  Societe  de  statistique  de  Marseille  : 

«  Quels  sont  les  meilleurs  moyens  a  prendre  pour  parvenir  a  Fextinc- 
»  lion  de  la  mendicite,  sans  tomber  dans  les  incomenients  de  la  taxe  des 
>  pauvres  en  Angleterre  ?  » 

M.  Archambault  prend  la  parole  : 

Pour  detruire  la  mendicite  en  France,  dit-il,  sans  recourir  a  la  taxe 
employee  en  Angleterre ,  il  faut  necessairement  etablir  un  systeme  de 


340  SIXIEME  SECTION. 

bienfaisance  ct  de  repression    en  rapport  avec  les  besoins  et  les  vices  des 
differentes  classes  de  mendiants  dont  notre  pauperisme  est  forme. 

Afin  de  preciser  mes  idces  sur  ce  grave  sujet ,  je  divise  les  pauvres 
en  quatre  classes  :  l.re  classe,  mendiants  invalicfes,  qne  1'age  et  des  in- 
firmites  forcent  a  se  presenter  sur  la  voie  publique  ,  pour  obtenir  les 
secours  necessaires  a  la  conservation  de  leur  existence ,  et  qu'ils  ne  peu- 
vent  se  procurer  autrement;  2-.e  classe,  enfants  au-dessous  de  15  ans; 
mendiant  parce  qu'ils  n'ont  pas  de  profession  capable  de  les  nourrir; 
3.e  classe,  artisans  affaiblis  par  1'age,  1'exces  du  travail,  et  qui,  tout  en 
se  livrant  encore  a  leur  pofession,  ne  peuvent  cependant  gagner  tout  ce 
qui  leur  est  strictement  nccessaire  pour  se  substanter  et  clever  leur  fa- 
mille ;  4.e  classe ,  mendiants  valides  ,  propres  an  travail  et  a  1'exercice 
d'une  profession,  qni  ne  se  Irvrent  au  vagabondage  et  a  la  mendicite, 
que  par  faineantise  et  par  suite  de  \aljection  ou  ils  sont  des- 
cendus. 

Ccrtes  ,  si  Ton  ne  forme  que  des  depots  de  mendicite ,  on  n'atteindra 
pas  le  but  ;  on  comprimera  pour  uu  moment  le  pauperisme  en  France, 
mais  on  ne  le  detruira  pas  dans  ses  racines.  Pour  y  arriver,  il  faut  done 
etablir  un  systeme  de  destruction  de  la  mendicite,  sur  de  plus  larges  bases. 

Je  propose  en  consequence :  1 .°  D'ouvrir  des  hospices  de  bons  hommes 
ou  de  vieillards ,  pour  les  pauvres  de  ma  premiere  classe;  2.°  d'instituer 
des  ecoles  d'industrie  et  des  ateliers  de  travail  pour  ceux  de  ma  se- 
conde  ;  3.e  de  perfectionner  nos  institutions  de  secours  a  domicile  ,  de 
telle  sorle  que  1'obole  du  riche  puisse  aller  trouver  dans  son  taudls  1'ar- 
tisan  affaibli ,  dont  le  travail  ne  suffit  plus  a  ses  besoins  et  surtout  a  ceux 
de  sa  famille  ,  lui  sauvant  ainsi  la  honte  d'aller  teudre  la  main  sur  la 
voie  publique;  4.°  d'ouvrir  des  depots  de  mendicite,  etablissements  de 
repVession  et  non  pas  dc  bienfaisance;  sorte  d'epouvanlails  salutaires  , 
ou  les  mendiants  de  la  4.e  classe  puiseront  le  gout  du  travail  ,  1'amour 
d'une  profession  utile ,  en  ne  mangeant  qu'un  pain  constamment  arrose 
des  sueurs  d'une  honnete  industrie. 

Pour  arriver  a  la  destruction  entiere  ,  complete  de  la  mendicite  en 
France ,  je  propose  au  Congres  d'exprimer  le  vceu ,  de  voir  ce  systeme  s'e- 
tablir  dans  tons  les  dcpartements  a  la  fais,  sauf  les  modifications  com- 
mandces  par  les  besoins  ou  les  exigeances  des  localitcs;  et  sous  ce  rap- 
port les  colonies  agiicoles  formres  par  des  mendiants  valides,  et  habitues 
atix  travaux  des  campagnes  ,  pourront ,  avec  avantage  ,  prendre  place 
parmi  les  institutions  de  bienfaisance  qne  nous  venons  de  signaler  a 
1'altention  dn  Congres. 


SIXIEME  SECTION.  34 1 

M.  Martin  ( de  Romorantin )  pense  que  le  meilleur 
moyen  de  detruire  la  mendicite  serait  I'etablissement 
d'une  colonie  agricole.  II  cite  des  colonies  en  Hollande, 
qui  ont  produit  de  bons  resultats. 

M.  le  docteur  Marin-Desbrosses  signale  comme  un 
grand  abus  la  liberte  qu'ont  les  vagabonds  de  courir  les 
routes  avec  trois  sous  par  lieue.  De  plus,  le  vagabondage 
dans  les  villes  n'est  pas  suffisamment  reprirne.  M.  Des- 
brosses  pense  encore  que  la  plus  grande  cause  de  mendi- 
cite est  dans  le  systeme  des  aumones  dans  les  rues  et  aux 
portes;il  voudrait  qu'un  systeme  de  charite  a  domicile 
y  fut  substitue. 

M.  Simon  dit  que  si  les  colonies  ont  reussi ,  comme 
on  le  dit,  pas  de  doute  qu'elles  ne  dussent  etre  adop- 
tees. Les  depots  de  mendicite  n'ont  pas  eu  de  succes 
dans  les  grandes  villes. 

M.  Martin  reprend  la  parole;  il  donne  des  de'tails  sur 
ce  qu'il  a  vu  en  Belgique.  Une  colonie  agricole  y  etait 
en  grande  prosperite,  et  il  pense  que  les  comrnunaux 
qui  existent  en  Sologne  et  dans  le  Berry  pourraient  etre 
heureusement  employes  en  colonies  agricoles. 

M.  Derouet  croit  que  les  deux  moyens,  depots  de 
mendicite  et  colonies  agricoles,  pourraient  etre  utile- 
ment  employes  simultanement. 

La  suite  de  la  discussion  de  cette  question  est  ren- 
voyee  en  seance  ge'nerale. 


342  SIX1EME  SECTION. 

Seance  clu  dimaiiche  18  seplcmbre  1836. 
Prtsidence  de  M.  JULLIEN. 

M.  le  Jocteur  Roberton  preiid  la.  parole  et  presente  a 
la  section  une  classification  psycologique ,  qui  est  urie 
sorte  de  programme  d'un  ouvrage  dont  il  projette  la 
publication. 

La  section  renvoie  ce  travail  a  M.  Simon,  en  le  priant 
de  faire  un  rapport  sur  son  contenu. 

M.  de  Calonrie  demande  la  parole.  II  dit  que,  dans 
Texamen  qu'a  fait  M.  Je  docteur  Desbrosses  de  son  tra- 
vail, la  partie  politique  ayant  ete  retranchee,  et  la  par- 
tie  industrielle  seule  conservee ,  il  demande  a  etre  ren- 
voye  a  la  section  de  i'industrie  et  du  commerce.  Le 
renvoi  est  prononce  par  la  section. 

La  discussion  s'ouvre  sur  la  proposition  de  M.  de 
Boisrouvray,  tendante  a  obteriir  une  plus  equitable  re- 
partition des  logements  militaires.  M.  de  Boisrouvray 
entre  dans  les  developpements  suivants,  a  Tappui  de  sa 
proposition  : 

La  loi  dit  :  «  Tons  les  Francais  sont  cgaux  et  tons  doivent  supporter 
les  charges  de  Petal.  »  Or,  il  existe  un  impot  tres  oncreux  et  surtout  tres 
vexatoire  pour  le  pauvre ,  qui  ne  frappe  qu'une  partie  de  la  population 
francaise ,  c'est  celyi  des  logements  militaires. 

Vainement  objectera-t-on  que  les  depenses  faites  par  les  troupes  dans 
les  lieux  oil  elles  s'arretent  dedommagent  les  habitants  par  1'argent  qu'el- 
les  y  laissent;  non,  les  lieux  circonvoisins  profitent  pareillement  du  pas- 
sage des  gens  de  guerre  par  1'ecoulement  de  leurs  denrees ,  et ,  tandis  que 
rertaines  localiles  sont  ecrasces  par  cet  impot ,  les  \illes  et  les  villages 
situes  hors  de  !a  ligne  traeee  par  les  routes  miliUures  ,  ignorent  tout  ee  que 


SIXIEME  SECTION.  343 

1'arbilraire  et  les  petites  animosites  municipales  peuvent  faire  supporter 
de  plus  odieux. 

Je  prie  done  le  Congres  de  s'occuper  de  trouver  une  repartition  plus 
equitable,  et  de  donner  au  gouvernenient  les  moyens  de  snpprimer  cette 
charge ,  qui  ne  pese  que  sur  uu  petit  nombre  d'individus. 

M.  Archambault  demande  qu'on  etablisse  des  caser- 
nes de  passage,  ainsi  que  cela  a  ete  fait  a  Tours.  Dans 
cette  ville ,  les  citoyens  ont  ete  partages  en  cinq  divi- 
sions :  la  l.re  contribue  pour  24  francs  par  an;  la  2.e 
pour  18 ;  la  3.e  pour  10  ;  la  4.e  pour  5  ;  la  5.e  pour  2. 

M.  Doublet  de  Boisthibaud  prend  la  parole  :  II  appuie 
vivement  la  proposition  de  M.  de  Boisrouvray ,  et  pense 
que  les  charges  des  logements  inilitaires  doivent  etre  re- 
parties  sur  toute  la  France  par  une  allocation  an  budget 
de  1'etat.  II  propose  en  consequence  la  resolution  stiir 
vante  : 

«  Inviter  le  gouvernement  a  proposer  des  raesures  legislatives  ayanl 
»  pour  objet  la  repartition  des  depenses  qu'oceasionnent  le  passage  des 
»  troupes  et  le  logement  des  soldats. 

»  Cette  repartition  des  charges  devra  avoir  lieu  comme  les  impels  euxr 
»  memes.  Elle  devra  etre  comprise  dans  les  impots  generaux  qui  peseut 
»  sur  tons  les  Francais.  » 

M.  Laurent  combat,  dans  la  proposition  de  M.  Dou- 
blet, la  disposition  qui  tendrait  a  generaliser  la  charge 
en  1'appliquant  au  budget.  II  est  certain  que  les  localites 
traversees  par  les  routes  d'e'tapes  en  retirent  un  avantage 
qui  n'est  point  partage  par  le  reste  du  pays;  il  pense 
done  que  la  depense  doit  etre  a  la  charge  des  communes 
traversees. 

Apres  quelques  observations  de  M.  Bergevin  sur  la- 


344  SIX1EME  SECTION. 

vantage  qu'il  y  aurait  a  limiter  cette  repartition  aux  de- 
partenients,  M.  Doublet  et  M.  Laurent  se  reunissent, 
et  la  resolution  suivante  est  adoptee  par  la  section  : 

«  Le  Congres  reconnait  que  les  logements  de  guerre  a  domicile  sont  uno 
»  charge ,  aujourd'hui ,  inegalemenl  supportee. 

«  II  einet  le  voeu  que  le  gouvernemeiit  propose  aux  chambres  des  me- 
»  sures  legislatives  an  uioyen  desquelles  la  depense  fut  a  la  charge  de& 
»  departments  traverses.  » 


Scaiice  du  lundi  19  septemhre  1836. 
Presldence  de    M.   JULLIEiV. 

M.  Dain  fait  un  rapport  sur  un  ouvrage  offert  a  la 
cinquieme  section  par  M.  Gaillard ,  et  qui  a  pour  litre  : 
Mcmoire  d'un  ouvrier  rouennais,  par  Charles  Noiret. 
Ce  petit  livre  ,  qui  renferme  une  appreciation  assez 
exacte  de  I'antagonisme  existant  aujourd'hui  entre  les 
maitres  et  les  ouvriers,  ne  descend  pas  jusqu'aux  causes 
de  cet  antagonisme ,  pas  plus  qu'il  n'indique  les  moyens 
d'y  remedier.  Neanmoins,  ilya  chez  M.  Noiret  une  ten- 
dance precieuse,  celle  qui  le  porte  a  1'association.  C  est 
en  effet ,  selon  M.  Dain ,  1'association  des  interets  qui 
devra  etre  le  remede  a  tons  ces  maux  industriels. 

M.  Simon  ,  a  1'occasion  d'un  tableau  concernant  la 
classification  des  facultes  humaines  que  le  docteur  Ro- 
bertson a  offert  a  la  section ,  regrette  de  n' avoir  trouve 
dans  ce  tableau  aucuri  developpement ,  pas  meme  le 


SIXIEME  SECTION.  345 

plus  abrege,  qui  cut  pu  le  mettre  a  meme  d'apprecier  et 
tie  juger.  On  n'apprecie  pas  des  litres  de  chapitres,  on 
les  juge  encore  moins. 

M.  le  president  donne  ensuite  lecture  de  la  11. me 
question  du  programme  qui  est  a  1'ordre  du  jour. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  pense  que  la  fixation  de 
1'interet  de  1'argent  ne  doit  pas  etre  abandonnee ,  a  tou- 
tes  les  epoques ,  a  1'emprunteur  et  au  preteur. 

Qu'etaient  lesprincipes  en  cette  matiere  avant  1 789?... 
Les  lois  canoniques  defendaient  seules  le  pret  a  interet, 
les  lois  civiles  etaient  muettes  sur  ce  point.  Ge  fut  en 
Tan  iv  que  Ton  declara  1'argent  marcbandise.  Ce  prin- 
cipe  admis ,  il  eut  des  resultats  deplorables.  L'agio- 
tage  regna  en  maitre.  C'etait  la  consequence  de  1'etat 
de  la  societe  a  cette  e'poque  ;  la  France  venait  d'eprou- 
ver  une  secousse  terrible,  la  societe  avait  ete  ebranlee... 
Dans  ce  trouble  general,  1'usure  dut  causer  et  causa  des 
effets  desastreux  auxquels  la  loi  de  1807  a  cru  remedier. 
Elle  ne  suffit  pas  pour  la  repression  de  1'usure.. .  On  1'e- 
lude  en  mille  manieres...  D'un  autre  cote,  elle  restreint 
Tindustrialisme.  M.  Doublet  pense  que  la  loi  de  1807 
doit  etre  abrogee ;  mais  en  abandonnant  les  conventions 
;i  intervenir  entre  1'emprunteur  et  le  preteur,  a  1'appre- 
ciation  ordinaire  des  tribunaux,  pour  la  bonne  foi  qui 
doit  y  presider. 

M.  Simon  ,  tout  en  reconnaissant  avec  M.  cle  Bois- 
tbibault  que  la  loi  cle  1807  est  impuissante,  desire  qu'en 
la  supprimant  on  ne  livre  point  al'arbitraire  les  rapports 


346  SIXIEME  SECTION. 

du  preteur  avec  1'emprunteur ;  et  il  faut  meme,  selon  lui, 
que  la  loi  qui  remplacera  celle  de  1807  favorise  les  in- 
terets  de  la  classe  la  plus  pauvre,  et  cependant  la  plus 
instruite.  Habituel  lenient  ce  sont  ces  derniers  qui  em- 
pruntent.  M.  Simon  se  livre  ensuite  a  quelques  considera- 
tions generates.  La  riehesse  n'est  point,  dit-il,  ce  qu'on  a 
cru  jusqu'a  ce  jour  qu'elle  etait.  Elle  se  constitue  de  la 
somme  plus  on  moins  grande  des  jouissances  de  tout 
ordre  qu'un  homme  pent  se  procurer. 

M.  Dain  fait  remarquer  que  si  la  riehesse  a  augments 
chez  nous  depuis  le  moyen  age,  les  besoins  ont  augmente 
en  proportion.  Maintenant  done  le  peuple  souffre  de  la 
misere,  commeil  en  souffrait  autrefois ;  bien  que  Hndus- 
trie  ,  les  arts, les  sciences,  aient  considerablement  mul- 
tiplie  les  moyens  de  jouissances. 

M.  de  Launay  ne  partage  pas  1'avis  de  M.  de  Boisthi- 
bault ,  qu'il  faudrait  abolir  la  loi  de  1807.  Cette  loi  est , 
suivant  lui,  tres  puissante  contre  la  fraude  et  les  abus 
de  tout  genre  qu'engendre  Fesprit.  II  nie  que  cette  loi 
gene  en  rien  1'entreprise  des  grandes  operations  indus- 
trielles.  Le  fait  ici  parle  plus  haut  que  tout  le  raisonne- 
ment.  II  suffit  cl'ouvrir  les  yeux  et  de  regarder. 

La  section  decide  que  la  question  sera  renvoyee  a  la 
procbaine  session. 

L'un  des  secretaires  donne  lecture  d'un  mernoire 
adresse  par  M.  Pesche  (du  Mans)  sur  le  recrutement  de 
farmee. 

11  est  egalement  donne  lecture  d'un  autre  memoire 


SIXltME  SECTION.  347 

sur  la  necessite  de  relever  le  pouvoir  municipal ,  par 
M.  Glos  (  de  Castelnauclary). 

La  section  ordonne  qu'il  en  sera  fait  mention  au  pro- 
ces-verbal. 

M.  de  Boisthibault  lit  un  rapport  sur  le  prytanee  de 
Menars.  La  section  decide  que  ce  rapport  sera  lu  en  as- 
semblee  generale. 

M.  le  president  resume  en  quelques  mots  les  travaux 
de  la  section ,  et  remercie  I'assemblee  du  zele  qu'elle  n'a 
pas  cesse  de  manifester  pour  le  bien  de  la  societe  et  le 
developpemerit  des  Itimieres. 

Les  secretaires  offrent  ensuite  a  I'assemblee  Fexpres- 
sion  du  regret  qu'ils  eprouvent  de  s'en  separer ,  et  en 
meme  temps  du  desir  qu'ils  ont  de  la  retrouver  tout 
entiere  reunie  1'annee  prochaine  a  Metz ,  animee  des 
memes  sentiments  de  cceur  et  d'esprit ,  et  surtout  de  la 
meme  indulgence. 

Les  secretaires,  Le  president , 

CH.  DA1N,  JULLIEN. 

ALP.  LAURENT.  Lc  'vice-president, 

LEO»  SIMON. 


348  ASSEMBLIES  GJLNERALES. 


ASSEMBLIES 


Seance  du  lundi  12  septembre  1836. 
Presidency  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEFRAY  (d' Orleans). 

LA  seance  est  ouverte  a  3  heures. 

Prennent  place  au  bureau , MM.  de  la  Place,  president, 
Bergevin  et  Em.  Gaillard ,  vice-presidents ;  L.  de  la  Saus- 
saye,  secretaire  general ;  A.  Leroux,  secretaire-adjoint, 
et  Godin ,  tresorier. 

M.  Leroux  donne  lecture  du  proces-verbal  de  la  seance 
d'ouverture. 

M.  le  secretaire  general  fait  connaitre  les  noms  d'un 
grand  nombre  de  personnes  qui ,  ne  poirvant  prendre 
part  aux  travaux  du  Congres  ,  ont  ecrit  pour  exprimer 
leurs  regrets  et  declarer  qu'ils  adheraient  a  1'institution. 

II  donne  ensuite  lecture  des  litres  de  differents  ou- 
vrages  dont  il  a  e'te  fait  hornmage  an  Congres  par  leurs 
auteurs. 

L'assemblee  decide  que  la  liste  des  ouvrages  adr esses 
au  Congres,  pendant  la  duree  de  la  session  ,  sera  inseree 
a  la  suite  du  compte-rendu  de  ses  travaux. 

MM.  de  Vibraye  (de  Blois),  de  la  Tramblais  (de  CM- 


ASSEMBLIES  GAINER  ALES.  349 

teauroux),  Desbrosses(de  Blois),  du  Plessis  (de  Blois), 
Doublet  de  Boisthibault  ( de  Chartres) ,  Dain  (de  Paris), 
lisent  successivement  les  proces-verbaux  des  seances  de 
leurs  sections  respectives. 

Apres  quelques  discussions  de  reglement  interieur, 
1'assemblee ,  sur  la  demande  de  M.  Bergevin ,  decide 
qu'elle  s'occupera  d'une  question  importante  traitee  dans 
la  deuxieme  section  ,  celle  des  terrains  communaux. 
M.  Gaillard  demande  la  parole. 

On  a  propose,  dit  1'orateur,  un  grand  nombre  de 
moyens  pour  tirer  un  parti  avantageux  des  terrains  com- 
munaux :  les  vendre,  les  louer,  les  livrer  au  paturage 
des  bestiaux ,  etc. ;  mais  aucun  n'est  applicable  a  toutes 
les  localites ;  et ,  selon  les  circonstances  dans  lesqtielles 
elles  se  trouvent,  ils  peuvent  etre  bons  ou  mauvais.  Le 
meilleur,  celui  d'une  utilite  plus  gerierale,  serait  de'par- 
tager  ces  terrains  et  d'y  fonder  des  colonies  agricoles, 
que  Ton  regarde  comme  le  moyen  le  plus  efficace  de 
detruire  la  mendicite. 

M.  Bergevin  demande  qu'avant  de  decider  des  moyens 
a  employer  pour  tirer  parti  des  terrains  communaux,  on 
commence  par  la  discussion  d'une  question  prealable, 
dont  la  solution  doit  pre'ce'der  toutes  les  autres  :  c'est  de 
savoir  si  les  communes  doivent  ou  ne  doivent  pas  aliener 
ces  terrains. 

M.  Doublet  de  Boisthibault  a  la  parole.  II  commence 
par  developper  des  considerations  generales  sur  Tetat 
des  terrains  communaux  a  1'epoque  de  1789,  quand  la 


350  ASSEMBLIES  CENKRALf.S. 

division  par  communes  fut  substitute  a  la  division  pa- 
roissiale. 

Los  terrains,  ajoute-t  il ,  appartenaient  alors  a  quclques  hameaux,  a 
quelques  maisons  particulicres  qui  y  posscdaient  le  droit  de  paturage  pour 
leurs  bestiaux.  Quand  les  communes  remplacerent  les  paroisses ,  1'etat  de- 
olara  ces  terrains  blens  commtinaiuc.  Alors  s'eleva  un  conflit  entre  les  ba- 
bitants  des  bameaux  et  les  communes;  mais  les  litres  de  propriele  etaient 
perdus,  et  il  fut  impossible  de  justifier  de  la  possession.  Que  Ton  demande 
znjourd'liui  aux  communes  ces  raemes  litres,  et  elles  se  trouveront  dans 
la  meine  impossibilite  de  les  prodtiire;  quelle  difficulte  y  aurait-il  done  de 
trailer  la  commune  comme  on  traite  le  liamcau,  ct  de  deposscder  1'une 
comme  on  a  depossede  1'autre.  Maintcnant,  la  commune  etant  depossedee, 
quels  seront  les  moyens  d'utiliser  ces  terrains?  Si  on  veut  les  louer  on  les 
vcndre ,  il  faul  prouver  que  le  prix  du  loyer  on  de  la  vente  rapportera 
plus  a  la  commune  que  la  jouissance  des  lerrains  par  les  babitants,  soil 
en  masse,  soil  individuellement,  et  ce  fait  me  parait  difficile  a  demonlrer. 
Je  pense,  d'ailleurs,  que  dans  1'etat  actuel,  les  terrains  comniunaux  sont 
trop  peu  importants  par  rapport  a  1'etendue  des  communes ,  pour  motiver 
une  mcsure  generale  a  leur  cgard. 

M.  de  la  Fontenelle  (  de  Poitiers)  declare  persister 
dans  1'opinion  qu'il  a  emise  a  la  seance  de  la  section; 
il  pense  que  la  question  qui  domine  toute  la  discussion 
est  renfermee  dans  cette  consideration  generale  :  Doit- 
on  on  ne  doit-on  pas  vendre  les  terrains  comniunaux? 
et  il  se  prononce  pour  la  negative.  Vendre  lesbiens  com- 
niunaux, c'est  enrichir  les  habitants  actuels  et  depouiller 
ceux  qui  viendront  apres  eux. 

M.  Em.  Gaillard  trouve  que  Ton  a  eu  un  tres  grand 
tort  de  nier  1'importance  des  terrains  eonimunaux,  et 
pour  citer  un  exemple,  il  affirme  que  les  communes  pos- 
sedent  un  tiers  des  bois  qui  couvrent  la  France. 

M.  le  vicomte  de  Gourteilles  (  de  Tours  )  soumet  a 


ASSEMBLIES  GIiNERALES.  351 

1'assemblee  quelques  considerations  qu'il  a  puisees  dans 
1'experience  des  discussions  des  conseils  de  departement. 
La  question  qui  occupe  le  Congres  a  ete  traite'e  an  con- 
seil  general  d'Indre-et- Loire,  et  il  a  ete  decide  qu'on  ne 
devait  pas  vendre  les  terrains  communaux.  Letir  impor- 
tance est  tres  grande  dans  plusieurs  communes,  et  celle 
de  Brehemont ,  par  exemple ,  en  possede  pour  une  va- 
leur  de  800,000  francs,  et  qui,  du  reste,  par  leur  mau- 
vais  etat  de  culture,  ne  rapportent  que  4,000  francs  de 
revenu.  Mais  maintenant  que  le  gout  de  1'agriculture  se 
repand,  que  cette  science  fait  partie  de  rinstruction  pri- 
maire  ,  il  y  a  lieu  d'esperer  que  ces  terrains  finiront  par 
s'ameliorer.  II  faut  done  attendre  patiemment  les  resul- 
tats  de  cette  amelioration ,  Tencourager  par  tous  les 
moyens  possibles,  propager  les  bonnes  methodes  de 
culture ,  et  ne  pas  vendre  les  terrains  communaux. 

Sur  Fobservation  de  M.  Lair  (  de  Caen  ) ,  president  de 
la  deuxieme  section  ,  qui  declare  que  la  question  n'a  pas 
ete  encore  suffisamment  elabore'e  dans  la  seance  de  la 
matinee,  que  la  discussion  n'a  pas  ete  close,  et  que  la 
seance  du  lendemain  pent  donner  les  moyens  de  1'eclai- 
rer  davantage ,  la  suite  de  la  discussion  est  remise  au 
lendemain. 


Seance  du  mardi  13  scptembre  1836. 
Presldence  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

MM.  de  Vibraye,  de   la  Tramblais,  Desbrosses,  du 


352  ASSEMBLIES  GliNERALES. 

Plessis,  cle  Recy  (  de  Blois  )  et  Alp.  Laurent  (  de  Blois  ) 
donnent  lecture  des  proces-verbaux  des  sections. 

M.  le  president  fait  connaitre  a  Tassemble'e  la  determi- 
nation prise  par  la  premiere  section  a  1'egard  de  la  question 
suivante  renvoyee  a  la  4.e  session  du  Congres  par  la  3.e 

«  Rechercher  les  moyens  les  plus  propres  a  etablir  une  sorte  de  statis- 
»  tiquc  agricole  de  la  France.  » 

REFOXSE «  Avant  d'etablir  une  statlstique  agricole  de  la  France,  il 

»  laud  nut  avoir  des  notions  precises  sur  la  distribution  geologique  des  ro- 
»  dies ,  et  comparer  les  regions  agronomiques  avec  les  regions  naturelles 
v  on  geologiques.  Les  geologues  sont  invites  a  apporter  a  la  5.e  session  du 
»  Congres  les  reuseignements  propres  a  resoudre  la  question  adressee  par 
» la  3.e  » 

Personne  ne  demandant  1'ouverture  d'une  nouvelle 
discussion  sur  cette  determination,  elle  est  adoptee. 

Le  Congres  adopte  egalement  un  voeu  de  la  premiere 
section  ainsi  exprime  : 

«  M.  le  maire  de  la  ville  de  Blois  est  invite  a  faire  disposer  un  local  on 
»  les  objets  d'bistoire  naturelle ,  adresses  au  Congres ,  soient  deposes ,  et 
»  qui  puisse  devenir  plus  tard  un  musee  d'histoire  naturelle,  dont  ces  ob- 
»  jets  seraient  les  premiers  elements.  » 

M.  le  president  donne  lecture  de  la  decision  prise  par 
la  sixieme  section  sur  la  5.e  question  du  programme 
ainsi  con  cue  : 

«  Quels  avantages  peut-ou  retirer  de  1'introdiiction  du  regime  peniten- 
>>  tiaire  en  France?  —  Celte  introduclion  doit-elle  etre  faite  d'un  seul 
»>  trail,  ou  bien  doit-elle  etre  progressive  ? 

REPOSSE,  —  «  Les  avantages  du  systeme  peuitentiaire  sont  incontes- 


ASSEMBLIES  GEN^RALES.  353 

»»  tables.  Ces  avantages  sont  :  1.°  I'amelioration  morale  dcs  condamnes; 
»  2.°  la  diminution  des  recidives;  3.°  1'adoucissement  des  lois  penales,  sans 
»  que,  pour  cela,  la  societe  reste  desarmee;  4.°  par  suite  de  1'abaissement 
>»  de  la  duree  des  peines,  1'abaissement  du  chiffre  des  detenus  dans  la 
»  meme  proportion ;  de  la  une  economic  facilement  appreciable. 

»  En  consequence ,  la  section  estime  que  1'introduction  du  systeme  pe- 
rt nitentiaire  en  France  est  urgeiite ;  neanmoins ,  celte  introduction  doit 
«  etre  progressive  en  ce  sens  que ,  adoptee  immediatement  en  principe , 
»»  elle  se  realise  successivement  a  mesure  que  les  maisons  centrales  et  de- 
»  partementales  exigeront  par  leur  etat  une  entiere  reconstruction ,  ou  de 
»  grosses  reparations. 

Sur  la  demande  de  plusieurs  membres ,  la  discussion 
generale  est  ouverte.  M.  de  Courteilles  a  la  parole  pour 
la  communication  d'un  memoire  dont  la  lecture  en 
seance  generale  a  ete  votee  par  la  section. 

Messieurs ,  tout  le  monde  convient  que  notre  systeme  d'emprisonnemenl 
est  nuisible  a  la  societe,  qu'il  contribue  a  son  malaise  en  reagissant  sw 
elle  d'une  maniere  facheuse ,  qu'il  y  entretient  et  y  propage  la  corruption 
par  la  contagion  d'une  plaie  funeste ;  quil  est  injuste,  car  il  punit  des  fau- 
tes  qu'ii  a  provoquees;  qu'il  est  oppresseur ,  n'est-ce  pas  opprimer  des 
hommes  que  de  les  condamner  a«  vice ,  de  les  vouer  inevitablement  au 
crime,  en  les  enfermant  dans  des  lieux  ou  le  crime  domiue,  o«  il  regne 
en  maitre ,  ou  il  etouffe  le  repentir  et  le  refoule  au  fond  des  ames  ? 
Enchainer,  punir  des  coupables  ne  suffit  pas,  il  faut  encore  les  corriger, 
les  rendre  meilleurs ;  on  ne  pent  dire  a  un  homme ,  sois  parfait ;  mais  on 
peut  le  placer  dans  des  conditions  telles,  qu'il  soil  presque  contraint  de 
devenir  bon ,  et  qu'il  soil  au  moins  dans  son  interct  de  le  tenter.  La  vie 
n'est  qu'une  lulte  terrible  entre  le  bien  et  le  mal,  lulte  que  nous  soute- 
nons  tons ,  et  dans  laquelle  ceux  qui  resteut  debout  n'ont  pas  le  droit  de 
s'enorgueillir.  N'y  a-t-il  pas  une  horrible  barbaric  a  condamner  sans  re- 
tour  ceux  qui  sont  tombes  les  premiers  ?  Il  faut  essayer  de  les  relever ,  et 
les  empecber  surtout  d'en  entrainer  d'autres  apres  eux. 

Il  faut  pronver  au  pays,  a  1'administration,  que  la  reforme  morale  des 
prisons  est  une  necessite ;  qu'a  une  epoque  ou  on  veul  tout  analyser ,  tout 
reconstruire ,  au  scin  d'une  societe  dont  le  trouble  est  evident,  il  faut 
commencer  par  neutralise!'  un  des  agents  les  plus  actifs  de  dissolution. 

25 


354  ASSEMBLIES  CENERALES. 

C'cst  pour  y  parvenir  quo  nous  faisons  tin  appel  a  1'opiuion  publique, 
cette  toute-puissauce  qui  no  s'arretc  jamais  dans  sa  marchc  progressive  ,  ct 
qui  cree  les  nioeurs  plus  fortes  que  les  lois. 

A  mesure  que  le  nombre  et  la  barbaric  des  crimes  augmentent,  a  me- 
sure  que  le  suicide  et  1'assassinat  tendent  a  s'eriger  en  systeme,  nos  moeurs 
s'endurcissent-elles?  demandons-nous  des  codes  plus  severes,  des  suppli- 
ces  plus  durs?  Non,  grace  a  Dieu  :  le  bon  sens,  I'bonetete  publique  ne 
veuleiit  pas  retrograder  vers  le  passe,  mais  s'elancer  dans  un  meilleuv 
avenir  ;  1'opinion  au  contraire  semble  s'adoucir  et  se  prononcer  pour  deux 
grandes  ameliorations  sociales ,  inseparables  1'une  de  1'autre ,  la  reibrine 
du  code  penal  et  des  prisons ,  et  1'aboHtion  de  la  peine  de  mort. 

Je  n'ai  pas  a  me  prononcer  ici  sur  cette  derniere  et  grande  question  que 
le  temps  seul  eclairera ;  je  veux  senlement  constater  un  fait ,  c'est  la  ten- 
dance universelle  des  esprits  a  la  suppression  des  sacrifices  bumains.  Le 
jury,  par  son  excessive  indulgence  ,  s'associe  a  cette  pensee  ;  il  recule 
devant  1'application  d'une  loi  trop  severe.  Ne  voyons-nous  pas  tons  les 
jours  les  juges  acquitter  un  coupable,  aim  d'eviter  les  consequences  d'un 
jugement  trop  rigourcux.  Les  condamnations  a  mort  sont  plus  rares  depuis 
rintroduction  des  circonstances  attenuantes  dans  ses  verdicts,  et  depuis  le 
frequent  exercice  du  droit  de  grace.  Je  prouverai  par  des  cbii'fres ,  dans  la 
prochainc  publication  d'un  ouvrage  sur  1'application  du  systeme  peniten- 
tiaire  en  France,  que  depuis  1825,  epoque  a  laquelle  les  comptes  de  la 
justice  criminelle  ont  commence  a  etre  publics,  la  peine  de  mort  n'a  pas 
cesse  de  decroitre  en  France,  aux  Etals-Unis  d'Amerique,  en  Belgique  et 
en  Angleterre. 

Le  pouvoir  executif  diminue  rhaque  annee  le  nombre  des  executions  a 
mort.  En  1826 ,  il  ctait  de  1 1 1 ;  en  1833  ,  il  y  en  a  eu  seulement  34 ;  et 
eel  odieux  spectacle,  qu'il  y  a  pen  de  temps  encore  on  annoncait  d'avance 
et  hautement  an  public ,  on  a  grand  soin  aujourd'bui  de  lui  en  derober  la 
vue.  Quel  cbangement  dans  nos  moeurs!  batons- nous  de  le  signaler.  Oui, 
nous  marcbons  a  1'abolition  plus  on  moins  procbaine,  plus  ou  moins  ab- 
solue  de  la  peine  de  mort.  Au  19.e  siccle,  il  faut  renoncer  a  1'emploi  de 
la  force  materielle  et  brutale ;  le  sang  ne  peut  plus  rien  pronver ,  rien  re- 
parer ,  le  pouvoir  lui-meme  en  convieut. 

C'est  par  la  conviction,  par  la  propagation  des  idees  d'honneur,  c'est 
par  1'application  d'un  regime  reformaleur  et  fortemeut  repressif ,  qu'il  faut 
conduire  les  hommes. 

Nos  Icgislateurs  sentent  le  besoin  de  regenerer  :  les  lotcries  sont  abo- 
lios,  les  jeux  vout  1'etre.  A  l'instruction  publique  ,  on  a  scnti  le  besoin  de 


ASSEMBLIES  GENERALES.  355 

joindrc  reducation  religieuse  et  morale ;  au  moment  ou  Ton  cst  tente  de 
rctirer  a  la  societe  le  droit  de  verser  le  sang  des  hommes ,  on  sent  qu'il 
taut  lui  donner  d'autres  moyens  de  pourvoir  a  sa  conservation. 

La  skierne  section  de  votre  Congres  declare  que  cette  necessite  est 
urgente. 

Le  grand  nombre  des  recidives  est  effrayant :  il  est  de  2  sur  1 1  dans 
les  maisons  centrales ,  il  s'eleve  de  1  sur  4  dans  les  prisons  departamen- 
tales,  et  il  est  a  Paris  de  68  sur  100!  Il  suit  depuis  plusieurs  annces 
tine  progression  asccndante,  dit  en  mai  1836  M.  le  ministre  de  1'inte- 
rieur,  dans  sa  circulaire  aux  directeurs  des  maisons  centrales  du  royau- 
me ;  et ,  messieurs ,  chose  digne  de  remarque ,  presque  tous  les  directeurs 
lui  indiquent  comme  la  cause  du  mal  le  regime  de  leurs  etablissements ; 
ils  font  des  moeurs  des  recidivistes  un  horrible  tableau ,  et  1'un  d'eux  ter- 
mine  en  disant  qu'uii  des  inconvenients  Jes  plus  graves  du  regime  ac- 
tuel ,  c'est  Pespece  de  frauc-maconnerie  qui  s'etablit  enlre  les  detenus ,  et 
qai  se  prolongeant  au  dehors ,  entretient  une  societe  secrete  au  milieu  de 
la  societe !  C'est  dans  les  prisons ,  dit-il ,  qu'elle  se  recrute. 

Il  est  done  vrai  de  dire  que  1'ctat  des  prisons  reagit  sur  la  societe ,  et 
que  tous  les  malfaiteurs  qui  1'effraicnt  sont  les  veterans  d'une  armee  de 
60,000  hommes  detenus  dans  les  bagnes ,  les  maisons  centrales  et  les  pri- 
sons departementales,  qui  tour-a-tour  sortenl  de  ces  repaires  pour  s'elancer 
sur  elle,  comme  sur  une  proie,  passant  alternativement  de  la  pratique  a 
la  theorie,  ct  de  1'ecole  du  crime  a  son  application  la  plus  funeste. 

Pour  bien  apprecier  1'importance  du  regime  progressif  ou  nous  nous 
efforcons  d'eutrer,  et  la  nccessile  des  reformes  que  nous  demandons,  il 
faut  se  reporter  vers  le  passe  pour  se  faire  une  idee  juste  de  ce  qu'elait  la 
justice  criminelle  et  les  prisons  de  notre  vieille  monarchic.  Les  bornes  do 
cette  allocution  ne  me  permeltent  pas  de  vous  offrir  cet  incroyable  tableau 
du  regime  d'emprisonnement  des  trois  derniers  siecles,  que  j'ai  cludie 
sur  des  documents  contemporains. 

Depuis  le  regne  de  Louis  XIV  jusqu'a  ce  jour,  il  y  a  eu  progres,  ame- 
lioration dans  le  regime  de  nos  prisons.  L'assemblee  constituante  scntit  la 
necesstite  de  s'en  occuper ,  ct  posa  dans  la  loi  du  29  septembre  1791  les 
bases  d'une  insuflisante  restauration. 

Apres  la  publication  du  code  penal ,  en  fevrier  1 8 1 0 ,  le  gouvernement 
tenta  de  metlre  les  prisons  en  harmonic  avec  la  legislation  criminelle.  Le 
code  imperial  regit  aujourd'hui  nos  prisons.  En  1813  et  IS  1 5,  les  mai- 
sons centrales  subircnt  de  grandes  et  utiles  ameliorations  qui,  jusqu'a  ce 
jour,  ont  etc  croissant;  ct  ncaumoins,  lorsque  le  ministre  demande  au\ 


330  ASSEMBLIES   GENlblALES. 

direcleurs  do  ccs  etablissements  quelles  sont  les  infractions  qu'ils  onl  habi- 
tuclleincut  a  punir,  ces  agents  lui  repondent  :  le  refus  de  travail ,  l'in su- 
bordination, le  vol,  les  qnerelles,  le  jeu,  la  fabrication  de  des,  1'escroquerie, 
les  trades ,  les  batteries,  1'ivresse,  les  correspondances  amoureuses,  les 
actions  contre  les  moeurs ,  vols  de  pain  et  menus  effets. 

«  GAILLON.  •—  Beaucoup  de  condamnes  conservent  tin  penchant  invin- 
»  cihle  pour  le  vol  :  il  y  en  a  qui  volent  jusqu'a  la  tisane  des  malades  a 
»  riuurmerie.  Le  jeu  est  une  de  leurs  passions  dominantes ;  il  y  en  a  qui 
»  jouent  jusqu'a  leur  pain.  L'usure  existe ;  mais  elle  se  decouvre  difficile- 
»  meat ;  ils  gardent  a  cot  egard  un  silence  absolu.  Les  mauvais  propos , 
»  1'ivrognerie ,  sont  des  causes  frcquentes  de  punition. 

»  MONT-SAIN r-MiCHEL.  —  La  passion  du  jeu  est  celle  qui  dans  nos 
» .prisons  fait  le  plus  de  ravages ;  ses  victimes  sonl  nombreuses ,  et  c'est 
»  aussi  celle  qu'il  est  le  plus  important  de  combattre  avec  vigueur ;  car 
»  umlle  autre  aest  plus  feconde  en  resultats  funestes.  On  a  vu  des  pri- 
»  sonniers  qui,  apres  avoir  perdu  dans  une  seconde  le  produit  de  leur  tra- 
«  vail  d'une  semaine ,  jouaient  le  pain,  ou  une  autre  partie  de  la  nourri- 
»  lure  qu'ils  devaient  recevoir  pendant  un ,  deux  et  trois  mois !  On  en  a 
»  vu  d'assez  feroces  pour  ne  pas  perdre  un  seul  instant  de  vue ,  pendant 
«  la  distribution  des  vivres,  ceu\  dont  ils  avaient  gagne  la  nourriture!  et 
«  ils  ne  les  quittaient  que  lorsqu'ils  avaient  arracbe  au  malheiireux  le 
»  morceau  de  pain  dout  il  ne  pouvait  se  passer  sans  soufirir!  On  en  a  ob- 
>>  serve  un  cbex  le([iiel  la  passion  du  jeu  etait  si  terrible  qu'il  jouait  ses 
»  aliments ,  non  seulcrnent  lorsqu'il  elait  au  milieu  des  valides ,  mais  a 
«  1'infirmerie,  ou  il  livrait  encore  aux  cbances  du  jeu  la  ration  de  bouillon 
»  ou  de  vin  dout  il  avail  tant  besoin  pour  retablir  ses  forces.  Ce  mal- 
»  lieureux  a  fini  par  mourir  d'iuanition  ( le  fait  a  etc  constate  par  les  me- 
»  .decins  )  ! 

»  11  est  encore  parnai  les  prisonniers  une  autre  passion  aussi  funeste, 
»  c'est  celle  du  pret  a  usure  :  ou  pourrak  ciler  a  cet  egard  des  fails  in- 
»  concevables !  » 

Quel  horrible  tableau!  N'est-ce  pas  la  tin  abrege  de  tous  les  vices?... 
L'isolement  absolu  nc  previendrait-il  pas  lous  ces  delits  ? 

Si  neanmoius  le  regime  des  prisons  centrales  est  supportable  sous  quel- 
ques  rapports,  il  u'en  est  pas  ainsi  des  prisons  departemenlales  ,  pour  les- 
quelles  on  n'a  rieu  fail  et  qu'on  abandonne  a  elles-memes.  C'est  la  que  les 
preveuus,  les  accuses,  les  condamnes,  les  detenus  pour  dettes,  les  for- 
qats  attendant  leur  transfevement  ,  les  femmes  ,  les  enfants  ,  et  sou- 
vout  les  malades,  les  infirmes,  les  indigents  elrangers,  les  insenses  sont 


ASSEMBLIES  GE^RALES.  357 

renfcrmes  sous  les  memes  verroux,  dans  la  plus  complete  inoccupation, 
dans  la  plus  funeste  oisivete.  C'est  la  ce  que  j'ai  signale,  1'annee  derniere, 
a  Tours,  et  ce  qui  a  provoque  la  sollicitude  du  prefet  et  des  menibrcs  da 
conseil  general  du  departement.  Voila  ce  qui  est  intolerable,  parce  que 
c'est  la  que  se  developpent  les  premiers  germes  d'un  mal  qui  ne  devient 
incurable  que  parce  qu'on  neglige  d'en  arreter  les  progres;  c'est  la  que 
fermentent  les  premiers  levains  de  cette  corruption  qui  se  propage  daus 
les  prisons,  dans  les  bagnes ,  et,  de  recidive  en  recidive,  conduit  le  cri- 
minel  a  I'echafaud. 

N'est-il  pas  temps  de  remedicr  a  cet  abandon  des  prisons  departemen- 
tales  qui  renferment  aujourd'hui  15,492  detenus,  presquetous  condamnes 
correctionnels ;  et  c'est  parmi  ces  condamnes  que  se  developpe  le  levain  de 
la  plus  affreuse  corruption;  ce  sont  les  vices  contractes  dans  les  prisons 
departementales  qui  s'enracineut ,  infectent  les  maisons  cent  rales,  et  de 
viennent  une  lepre  incurable.  «  Ceci  semble  etre  un  paradoxe ,  s'ecrie  le 
»  directeur  d'Ensilheim ;  mais  c'est  le  resultat  de  1'observation  :  on  remar- 
»  que  beaucoup  plus  d'indocilite,  de  penchant  a  la  paresse  et  de  desordre 
«  parmi  les  correctionnels  que  parmi  les  criminals.  » 

Je  m'efforce  autaut  que  je  puis ,  messieurs ,  d'abreger  ces  considera- 
tions generales.  Convenons  done  que  nos  prisons  sont  de  vieux  vases  qui 
gatent  la  liqueur  qu'on  leur  confie :  il  1'aut  les  briser. 

Ce  ne  sont  pas  seuleinent  les  condamnes  qu'il  faut  nous  efforcer  de  re- 
lever,  de  rehabiliter;  ce  sont  les  prisons,  c'esl  tout  ce  qui  s'y  ratlacbe 
qu'il  faut  reformer,  ennoblir,  afin  de  partir  d'un  principe  nouveau.  Ce 
principe,  c'est  celui  de  la  reforme  morale  des  prisons  et  du  code  penal. 
Tous  les  bons  esprits  sont  d'accord  sur  ce  point;  on  ne  difiere  plus  que 
sur  les  moyens  de  1'appliquer. 

La  se  presentent  des  difficultes  morales  et  materielles ;  les  difficultes- 
financieres,  je  les  ecarte;  car  lieureusement  elles  ne  pen  vent  elre  un  obs- 
tacle insurmontable.  Il  y  a  des  sacrifices  pecuniaires  qui  deviennent  de& 
economies.  Il  ne  peut  rieu  exister  de  plus  onereux  pour  1'etat  que  notre 
systeme  actuel  de  detention ;  le  plus  economique  sera  celui  qui  previendra 
le  plus  de  recidives. 

Je  prouverai  d'une  maniere  positive  que  le  regime  cellulaire  est  plus 
economique  que  celui  des  classifications.  Le  dernier  ministre  de  1'inte- 
rieur,  M.  de  Montalivet  partage  cette  opinion.  Dans  la  seance  de  la  chain 
bre  des  deputes,  du  26  mai  1836,  il  evalue  a  6  ou  700  francs  le  prix 
moyen  de  chaque  cellule,  ce  qui  lie  presente  qu'un  loyer  de  30  a  40 
francs  par  tete  de  detenu.  Reduile  a  ce  chiffre ,  dil  il ,  la  depensc  n'est 


358  ASSEMBLIES  G^NERALES. 

plus    un    obstacle  infranchissable  a  I'adoption  du  systeme  penitentiaire., 

Ainsi ,  messieurs  ,  quaud  vous  demandez  :  Quels  avantages  peut-on 
retirer  de  Pintroductkm  du  systeme  penitentiaire  en  France? 

Je  reponds  :  im  avanlage  immense  dans  I'inlcret  de  1'humanite  entiere, 
parce  que  le  systeme  de  la  regeneration  morale  des  detenus  a  pour  but  et 
pour  resultat,  non  seulement  de  punir  le  crime,  mais  encore  de  le  pre- 
venir;  non  seulement  de  corriger  le  coupable,  s'il  est  possible,  mais  en- 
core de  1'empecher  de  se  corrompre  davantage,  parce  qu'il  met  un  frein 
a  la  contagion  du  vice ; 

Parce  que  c'est  un  premier  pas  fait  dans  la  voie  de  la  regeneration  sociale. 

Quand  vous  demandez  :  cette  introduction  doit-elle  etre  faite  d'un  seul 
trait ,  ou  bien  doit-elle  etre  progressive  ? 

Je  reponds  :  Que  certes  il  serait  a  desirer  qu'elle  fut  immediate ,  com- 
plete ;  mais  qu'avant  tout  il  fatit  vouloir  ce  qui  est  possible. 

Que  Porganisation  d'un  si  vaste  systeme  ne  peut  se  faire  d'un  seul  trait, 
ne  peut  se  jeter  dans  un  moule  uniforme. 

On  ne  peut  songer  a  renverser  et  a  reconstruire  simultanement  toutes 
les  prisons  de  France ,  notre  budget  des  recettes  n'y  suffirait  pas ;  mais  a 
mesure  qu'une  de  DOS  prisons  exige  des  reparations,  des  constructions 
nouvelles ,  relevons-les  sur  un  plan  nouveau.  * 

Engageons  le  gouvernement  a  diriger  tons  les  travaux  qu'il  fait  executer 
dans  les  maisous  centrales  avec  la  prevision  d'une  application  reelle  et 
complete  du  systeme  cellulaire ;  et  pour  les  prisons  departementales ,  les 
plus  mauvaises  de  toutes ,  demandons  qu'il  s'en  rapporte  an  gencreux 
instinct  des,  localkes ,  qu'il  se  relache  un  peu  des  rigueurs  de  la  tutelle , 
qu'il  guide  seulement  sans  entraver,  et  bientot  vous  verrez  disparaitre  ces 
senlines  de  vices  et  de  corruption  contre  lesquelles  chacun  s'eleve ;  une 
noble  emulation  s'ctablira  d'un  bout  du  pays  a  1'autre,  aucuue  cite  ne 
voudra  demeurer  en  arriere ,  et  le  systeme  penitentiaire  jettera  ses  fonde- 
ments  la  ou  il  est  le  plus  imperieusement  necessaire. 

Le  mempire  de  M.  de  Courteilles  excite  vivement  1'in- 
teret  de  1'assemblee  qui  en  vote  1'impression  dans  le 
compte-rendu  de  ses  travaux. 

M.  le  docteur  Leon  Simon  (de  Blois)  demande  que  la  de'- 
cision  de  la  G.e  question  soit  accompagnee  d'un  voeu  ener- 
gique  de  la  part  du  Congres  pour  en  solliciter  Vexecution. 


ASSEMBLEES  GENERALES.  359 

M.  Dain: 

Je  demande  aussi  que  Ton  y  joigne  un  autre  voeu.  11  est  certain  quc  si 
Pintroduction  du  systeme  penitenliaire  doit  purger  la  societe  des  crimes 
qui  la  desolent,  si  les  prisonniers  doivent  sortir  des  pcnitentiers  cate- 
chises, moralises,,  il  faut  s'empresser  de  demander  une  reforme  imme- 
diate ;  mais  il  n'en  resultera  pas  moius  quo  ces  homines  n'auronl  ele  mo- 
ralises qu'apres  avoir  produit  le  crime.  Un  but  que  1'ou  dcvrait  chercher 
a  atteindre  avant  tout,  et  sur  lequel  le  Congres  dcvrait  se  prouoncer,  c'est 
la  moralisation  avant  le  crime;  c'est  la  qu'il  faut  tacher  d'arriver;  la  oii» 
est  la  veritable  reformation  ,  la  reformation  complete  ,  la  source  de  la 
rehabilitation  morale  de  1'homme.  Que  le  Congres  exprime  done  le  vctu 
que  tons  les  efforts  du  pouvoir  et  des  homines  qui  s'occupcnt  soil  de 
sciences,  soil  de  politique,  soil  de  religion,  eussent  pour  but  d'arriver 
enfiu  a  ceci :  Prevenir  le  crime. 

M.  Doublet  cle  Boisthibault : 

Formuler  ce  voeu  serait  sortir  completement  de  la  question ,  la  reforme 
du  regime  penitentiaire;  a  ceia  doit  se  borner  dans  ce  moment  la  mission 
du  Congres.  Eeaucoup  de  moyeus  sont  proposes  pour  arriver  a  une  re- 
iorme  sociale;  mais  nous  ne  recherchous  aujourd'hui  qu'un  seul  de  ces 
rnoyens,  un  a  la  portee  de  tons,  et  non  celui  pour  conduire  a  la  morali- 
sation tout  entiere  de  1'ordre  social ;  n'en  cherchons  done  pas  d'autre.  A 
chacun  ses  moyens  de  reforme ;  la  societe  esl  comme  le  maladc  du  Dante, 
qui  se  tourne  et  se  retourne  sans  pouvoir  trouver  de  position  bonne. 
N'eloignons  point  la  solution  de  la  question  qui  nous  occupe,  et  deman- 
clons  le  vote  seulement  sur  1'objet  principal  de  la  discussion. 

M.  le  docteur  Le'on  Simon  : 

M.  Dain  vient  d'etre  battu  par  M.  de  Boislhibault,  mais  seulement 
quant  a  la  forme  et  non  sur  le  fond ;  car  ici ,  il  faut  en  convenir,  c'est  la 
forme  qui  emporte  le  fond.  Un  medecin  qui  parle  de  therapeiitique  a  son 
malade  peut  bien  aussi  lui  parler  d'hygicne,  et  c'est  d'hygiene  que 
M.  Dain  nous  a  entretenu. 

M.  Bergevin  demande  que  Ton  vote  separernent  sur 
les  deux  paragraphes  de  la  question,  et  demande  a  dis- 
ciHer  la  redaction  de  la  2.c  partic. 


360  ASSEMBLIES  GllNERALES. 

La  l.re  partie  mise  aux  voix  est  adoptee. 
M.  Bergevin ,  prenant  la   parole  sur  la  2.e  partie,. 
s'exprime  ainsi : 

11  est  difficile  que  le  systeme  penitentiaire  s'introdnise  partiellement  dans 
le  royaume  a  mesure  que  telle  ou  telle  maison  departementale  sera  dans 
le  cas  d'etre  reconstruite  ou  reparee.  Je  crois  que  le  systeme  n'est  appli- 
cable successivement  qu'a  des  categories  de  condamnes ,  et  qti'il  faudrait 
que  la  legislation  penale  subit  de  grands  changements  avant  de  se  trouver 
en  harmonic  avec  1'introducticwi  des  penitencicrs  dans  chaque  departement. 
Je  pense  egalement  que  si ,  dans  certains  pays ,  les  peines  de  prison  de- 
vaient  se  subir  dans  des  penitenciers ,  et  dans  d'autres  pays ,  dans  les  pri- 
sons ordinances,  il  y  aurait  evidemment  aggravation  dans  la  maniere  dont 
la  penalite  serait  subie  dans  le  premier  cas.  Les  tribtmaux  ayant  une 
peine  unique  a  prononcer,  et  ignorant  dans  quel  etablissement  le  con- 
damne  devra  subir  sa  peine,  seraient  places  dsns  un  etat  d'incertittide 
facheuse ;  il  y  aurait  faculte  de  la  part  des  autorites  qui  sonl  chargees 
d'assurer  Texecution  des  arrets,  de  faire  subir  la  peiae  dans  tel  etablisse- 
meut  qu'il  leur  plairait,  et  consequemment  d'eii  aggraver  ou  d'en  abais- 
ser  la  rigueur.  Ce  serait  s'ecarter  du  principe  de  1'egalite  devant  la  loi , 
egalite  qu'on  doit  invariablement  maintenir,  surtout  lorsqu'il  s'agit  de 
penalite. 

Apres  une  courte  discussion  a  laqueHe  prennent  part 
MM.  Gaillard,  de  Courteilles  et  Laurent,  le  2.e  paragra- 
phe  est  adopte  tel  qu'il  a  ete  presente  par  la  section. 


Seance  du  mercredi  14  septembre  1836. 
P residence  de  M,  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

MM.  de  Villiers ,  de  la  Tramblais ,  Hay  me  ( de  Tours ), 
du  Plessis,  Doublet  de  Boisthibault  et  Laurent  font  con- 


ASSEMBLIES  GENERALES.  361 

naitre  a  1  assemblee  les  travaux  ties  sections  aux  seances 
cki  matin. 

M.  Em.  Gaillard  reclame  centre  une  decision  de  la 
einquieme  section  r  tendante  a  ce  que  la  lecture  d'un 
Memoire  sur  I'esprit  venal  et  mercantile  de  la  presse  lit- 
teraire  soit  entendue  en  seance  generale.  L'honorable 
membre  pense  que  les  reproches  adresses  a  la  presse, 
dans  cet  ouvrage  ,  les  noins  propres  qui  y  sont  cites , 
pourraient  produire  un  facheux  effet  sur  1'assemblee ,  et 
renouveler  les  discussions  extremement  vives  qui  ont 
deja  eu  lieu  dans  la  se'ance  du  matin.  II  fonde  surtout  sa 
reclamation  sur  ce  que  1'article  1 1  du  reglement  aurait 
etc  viole,  ce  memoire  ,  dont  M.  Merson  (  de  Blois  )  est 
1'auteur ,  n'ayant  pas  ete  communique  a  la  commission 
permanente  avant  d'etre  remis  a  la  section. 

On  demande  1'ordre  du  jour.. 

M.  Doublet  appuie  la  reclamation  de  M.  Gaillar d. 

M.  Bergevin  fait  observer  que  1'article  11  n'est  relatif 
qu'aux  questions  on  propositions  et  non  a  la  lecture  des 
memoires. 

Apres  une  longue  discussion ,.  le  Gongres  prononce 
1'ordre  du  jour. 

M.  le  president  soumet  a  1'approbation  du  Congres  la 
reponse  donnee  par  la  deuxieme  section  a  la  l.re  ques- 
tion de  son  programme,  et  aux  questions  subsidiaires 
amenees  par  la  discussion. 

«  Quels  seraient  les  moyens  de  tirer  le  parti  le  plus  avautageux  des 
»  terrains  communaux?  •• 


262  ASSEMBLIES  GENI^RALES. 

RKPONSE.  —  »  11  cst  de  I'intcrel  general  ct  de  celui  des  communes  r 
»  qu'elles  reslent  proprietaires  de  leurs  hicus  commuuaux.  —  Les  com- 
»  muues  doivcnt  avoir  la  faculle  dc  vendre,  en  cas  de  necessite  absolue 
»  prononcec  par  le  conseil  general ,  d'apres  les  avis  des  consoils  munici- 
»  paux  et  de  ceux  d'arrondissement. — Les  moyens  de  tirer  le  parti  le 
»  plus  avantageux  des  terrains  communaux  doivent  varicr  suivant  la  na- 
»  ture  du  sol  et  les  besoins  des  communes.  —  Le  mode  de  jouissance  et 
»  d'administration  des  biens  commuuaux  sera  determine,  pour  cbaque 
»  localite,  par  les  conseils  generaux,  qui  decideront  d'apres  I'avis  des 
»  conseils  municipaux  et  de  ceux  d'arrondissement.  » —  Adopte. 

M.  le  president  met  aux  voix  la  reponse  donnee  par 
la  quatrieme  section  a  la  ll.e  question  de  son  pro- 
gramme, ainsi  concue: 

«<  A  quelle  epoque  les  rois  de  la  premiere  race  ont-i!s  commence  a 
»  baltre  nionnaie,  soil  avec  leur  nom ,  soil  avec  celui  des  monetaires?  » 

REPONSE.  — «  11  est  possible  d'admettre  que,  suivant  le  temoignage  de 
»  I'historien  Procope,  les  rois  franks  n'ont  possede  le  droit  de  frappcr 
»  monnaie  a  leuT  nom  et  a  leur  effigie  qu'apres  la  concession  reguliere 
»  qui  leur  en  fut  faite  par  1'empereur  d'Orienl;  que,  neanmoius  ,  des 
»  que  ces  princes  se  virent  possesseurs  paisibles  des  provinces  qu'ils 
»  avaient  cnvabies,  ils  s'arrogercnt  le  droit  rnonetaire,  mais  avec  reserve, 
»  c'est-a-dire  en  se  bornant  a  reproduire  les  types  imperiaux  tout  en  alle- 
»  rant  les  legendes;  enfin,  que  ce  ne  fut  qu'au  moment  ou  les  empereurs 
»  se  virent  obliges  d'accorder  le  droit  qu'ils  ne  pouvaient  plus  refuser, 
»  qu'ils  donnerent  a  Clother  I.er  1'autorisation  de  frapper,  a  Aries,  des 
»  monnaics  d'or,  au  coin  de  ce  dernier  prince.  » 

Cette  reponse  est  adoptee  par  le  Congres. 

Le  Congres  approuve  egalement  la  solution  clonnee 
par  la  sixieme  section  a  la  3.e  question  de  son  pro- 
gramme. 

«  Qu'cntend-on  par  liberte  de  renseigncment?  Cette  liberte  s'appli- 
«  que-t-elle  aux  homines,  aux  doctrines  ou  aux  methodes?  » 

REPONSE. — «  Par  rapport  aux  mcihodes,  renseigncment  doit  ctrc  librc. 


ASSEMBLIES  GENERALES.  3G3 

»  — Par  rapporl  aux  doctrines,  la  liberte  n'cst  point  exclusive  de  la  sur- 
»  veillance  et  du  controle  du  gouvernenient ;  elle  doit  etre  soumise  a  des 
»  lois  speciales  en  harmonic  avec  le  principe  de  la  liberte  d'enseignement. 
»  — Par  rapport  aux  hommes,  1'enseignement  ne  pent  etre  exerce  que  par 
»  ceux  qui  sout  pourvus  d'un  brevet  de  moralite  et  de  capacite.  » 

M.  Houze  (  de  Blois  )  demande  que  1'on  soumette  a 
I'examen  du  Congres  une  proposition  relative  a  la  ques- 
tion de  la  liberte  de  1'enseignement ,  et  presentee  par 
lui  a  la  seance  du  matin. 

La  discussion  etant  fermee  par  1'adoption  de  la 
reponse  de  la  section ,  1'assemblee  passe  a  1'ordre  du 
jour. 

M.  Jullien  (  de  Paris)  annonce  ati  Congres  1'arrivee  de 
miss  Anna  Knight ,  americaine ,  appartenant  a  la  secte 
des  Quakers,  et  demande  en  son  nom  que  le  Congres 
emette  un  voeu  relatif  a  1' abolition  cle  la  traite  des  Noirs. 

Cette  proposition  est  renvoyee  a  la  commission  per- 
manente. 

L'ordre  du  jour  etant  epuise ,  un  grand  nombre  de 
membres  demandent  la  lecture  du  memoire  de  M.  Mer- 
son.  Apres  une  discussion  animee,  a  laquelle  prennenfe 
part  MM.  Doublet  de  Boisthibault,  Hunault  de  la  Pel- 
trie  (  d' Angers  ) ,  Em.  Gaillard  ,  Bergevin  ,  Chatelam 
(  de  Paris)  et  plusieurs  autres  membres,  et  apres  deux 
epreuves  douteuses ,  la  majorite  decide  que  le  memoire 
sera  entendu. 

M.  Merson ,  avant  de  commencer  la  lecture  cle  son 
memoire,  annonce  qu'il  a  supprime  plusieurs  passages 
qui  ayaient  produit,  le  matin,  quelques  impressions  fa- 


364  ASSEMBLIES  GEN^RALES. 

cheuses  sur  la  section,  et  tout  ce  qui  pouvait  dormer  a 
son  ecrit  le  caractere  de  personnalite. 

La  lecture  du  memoire  excite ,  a  plusieurs  reprises  , 
de  vifs  applaudissements.  Le  Congres  vote  1'impression 
a  la  suite  du  compte-rendu  des  travaux. 

M.  Houze  demande  a  faire  quelques  observations  a 
l'egard  des  assertions  contenues  dans  1'ecrit  de  M.  Mer- 
son,  et  dit  que  Ton  rejette  a  tort  sur  les  hommes  de  let- 
tres  un  vice  qui  appartient  a  1'e'tat  social  tout  entier  : 
Fargent  etant  aujourd'hui  le  principal  moyen  d'arriver  a 
la  consideration ,  il  n'est  pas  elonnant  que  Ton  cherche 
a  acquerir  de  1'argent  par  les  travaux  litteraires  comme 
dans  les  autres  e'tats  de  la  societe. 

MM.  Chatelain  et  de  Boisthibault  demandent  la  sup- 
pression de  plusieurs  passages  qui  leur  semblent  des 
personnalites  offensantes. 

Apres  avoir  entendu  MM.  Dain,  Hunault  et  Gaillard , 
le  Congres  declare  s'en  rapporter  a  la  prudence  de  la 
commission  qui  sera  chargee  de  Timpression  du  compte- 
rendu  des  travaux. 


Seance  du  jeudi    15  septembre  1836. 
Presidence  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

MM.  de  Villiers,  de  la  Tramblais,  Hayme,  du  Plessis, 
Doublet  de  Boisthibault  et  Laurent  donnent  lecture  des 
proces-verbaux  des  sections. 

La  deuxieme  section  a  approuve ,  pour  etre  lu  en 


ASSEMBLIES  GENERALES.  385 

seance  gene'rale,  un  discours  de  M.  de  la  Giraudiere  sur 
les  changements  operes  dans  la  Sologne  depuis  vingt 
nnnees.  M.  de  la  Giraudiere  s'exprime  ainsi  : 

On  parle  toujours  de  la  Sologne  comme  d'un  pays  homogene,  semblable 
dans  Unites  ses  parties.  Cependant  la  Sologne  s'etendant  depuis  Gien  jus- 
qu'a  Cande ,  et  etant  bornee  aunord  par  la  Loire  et  an  midi  par  lagrande 
Sauldre  et  le  Cher,  comprend  environ  250  lieues  carrees  ,  ou  cent  mille 
hectares;  et  on  pent  bien  croire  qu'un  anssi  grand  espace  de  terrain  n'a 
pas  pu  suivre  une  marche  reguliere ,  identique ,  et  que  souvent  dans  quel- 
ques  parties  1'agriculture  et  1'industrie  avancaient  ou  retrogradaient  , 
pendant  que  dans  d'autres  parties  ces  sources  de  richesses  eprouvaient  un 
effet  tout  contraire. 

Ne  voulant  pas  embrasser  tin  trop  vaste  cadre ,  je  ne  parlerai  pas  de  la 
Sologne  tout  entiere  ;  je  ne  m'occtiperni  point  de  la  partie  plantee  en 
vigne  ,  mais  d'un  plateau  qui  m'est  bien  connu  ,  et  qui  ayant  la  Ferle- 
Beauharnais  pour  centre  ,  renferme  une  etendue  d'environ  100  lieues 
carrees.  Ce  plateau  me  semble  etre  le  veritable  type  de  ce  qu'on  appelle 
generalement  la  Sologne ,  c'est-a-dire  qu'il  est  convert  de  sable  a  sa  surface 
dans  quelqties  parties,  dans  d'autres  d'argile  pur  ou  melange  de  sable; 
q*ie  ces  sables  et  ces  argiles  sont  parsemes  de  vastes  plaines  de  bruyeres , 
de  quelques  tenues  de  bois  ,  d'une  grande  quantite  d'etangs ,  et  enfin  de 
terres  cultivees  en  seigle ,  en  sarrasin  et  en  paturages. 

On  a  beaucoup  ecrit  sur  la  Sologne  ,  on  en  a  beaucoup  parle  ,  toujours 
avec  interet  pour  ce  malbeureux  pays  et  avec  pitie  sur  les  defauts  qu'on 
lui  suppose ;  mais  fort  souvent  on  a  erre  sur  les  conseils  que  1'on  a  donnes 
a  ses  liabitants;  par  ce  qn'on  les  gencralisait  trop,  parce  que  comme  je 
1'ai  dit  an  commencement  de  ce  discours ,  on  considerait  toute  la  Sologne 
comme  ayant  les  mcmes  qualites  ou  les  memes  defauts;  ainsi  a-t-on  dit 
quelquefois  ,  pour  assainir  la  Sologne ,  il  faul  dessecher  les  etangs  ,  donner 
de  recoulement  aux  eaux.  Oui ,  cela  est  bon  pour  quelques  vallees  humi- 
des ,  argileuses,  pour  quelques  prairies  qui  se  trouvent  inondees  et  que  la 
negligence  du  fermier  ou  du  proprietaire  laisse  se  degrader  sous  une  hu- 
midite  malfeisante ;  mais  comment  se  plaindre  des  effets  des  inondations  a 
Chaumont,  a  Yvoy,  a  Yilleny  ,  a  la  Marolle,  a  Marcilly,  a  Menestreau  , 
a  Neung  meme  et  a  la  Ferte-Beauharnais ,  dans  les  endroils  eloignes  de  la 
riviere  du  Beuvron ;  dans  toutes  les  communes  que  je  viens  de  nommer  , 
la  plup;u'l  des  mttairies  seraient  vouee,s  a  une  secberesse  elernelle,  si  elles 


3GG  ASSEMBLIES  GENERALES. 

n'avaieul  pas  un  etang  sur  1'etendue  de  leur  territoirc;  les  homines,  Fes 
besuaux  et  les  plantes  brilleraieut  sur  le  sol  comme  dans  les  deserts  de 
PArabie !  Que  1'on  parcourrc  effectivement  la  route  on  le  chemin  de  Youzon 
a  Braeieux  ,  ct  on  ne  trouvera  partout  qu'un  sable  sec  et  aride  qui  certes 
n'a  pas  besoin  d'elre  desseche,  et  qui  temoigne  an  contraire  que  quelques 
reservoirs  d'ean,  places  de  distance  en  distance,  sont  d'une  utilite  in- 
contestable pour  soulager  la  soil"  ardente  des  bestiaux  mis  dans  les  paturagcs 
ou  promenes  sur  les  tcrres  labourablcs  aprcs  les  recoltes ;  mais  si  quelques 
parties  craignent  le  dessechement ,  il  en  cst  d'autres  qui  certainement  en 
out  besoin;  telles  qu'unc  partie  do  Vernou  ,  unc  partie  de  Tremblevif; 
alors  tout  cela  n'est  qne  parties.  D'ailleurs  ce  n*est  point  ce  dont  j'ai  a 
m'occuper  aujourd'hni,  et  si  j'ai  dit  quelques  mots  de  1'assainissement  , 
c'etait  pour  appuyer  1'opinion  que  j'avais  emise  qu'il  existait  de  grandcs 
differences  entre  les  diverses  parties  de  la  Sologne,  et  c'est  meme  ce  qu'il 
y  a  de  desolant  dans  ce  singulier  pays.  Car  ,  quand  on  examine  avec  soin 
les  jardins  d'un  bourg,  les  jardins  d'un  fcrmier  on  d'uu  proprietaire ,  on 
est  tout  etonne  d'y  voir  de  superbe  chanvre,  dulin,  des  chonx  des  plus 
grosses  especes ,  des  haricots ,  des  arbres  a  fruits ,  tout  cela  beau  et  bien 
venant;  et  quand  on  a  fait  cent  pas  hors  du  bourg,  hors  du*vol  du  chapon 
comme  1'on  disait  autrefois  ,  on  ne  voit  le  plus  sonvent  que  des  recoltes 
miserables ,  que  des  terrains  en  fricbe  ou  en  repos ;  mais  enfin ,  dira-t-on, 
y  a-t-il  cbangement  depuis  vingt  ans  dans  cet  etat  de  cboscs?  La  Sologne  a- 
t-elle  pris  quelque  part  aux  progres  que  la  culture  a  fails  dans  tons  les  au- 
tres  pays  ?  Oui ,  sans  aucun  doute ;  les  proprietaires  out  trouve  un  excel- 
lent moyen  d'utiliser  leurs  plus  'manvais  terrains,  leurs  sables  les  plus 
steriles,  c'est  d'y  semer  des  pins;  les  fermiers  out  accneilli  avec  faveur  la 
culture  des  pommes  de  terre ,  et  il  en  resulte  pour  eux  line  grande  res- 
source  pour  alimenter  leur  famille  et  pour  aider  a  ki  nourriture  de  leurs 
bestiaux;  plusieurs  proprietaires  et  fermiers  ont  cree  de  superbes  el  ex- 
cellentes  prairies  naturelles  ou  il  n'exislait  avant  que  des  marais  et  des 
landcs ;  d'aulres  ont  essayc  de  faire  des  trefles  et  ont  rcussi ;  d'autres  des 
avoines  d'hiver,  d'autres  des  avoines  de  printemps  avec  ou  sans  fnmier. 
Us  ont  trouve  dans  la  paille  de  cctte  cereale  une  ressource  immense  pour 
la  nourriture  de  leurs  besliaux:  1'biver,  cette  paille  est  preferee,  par  les 
animaux  qui  la  maugciit,  a  la  plupart  dos  foins  des  prairies  et  surtout  des 
prairies  basses. 

La  manicre  de  culliver  est  presque  toujours  la  meme  :  ce  sonl  des 
billons  de  30  ponces  de  base  fails  avec  une  charruc  a  double  versoir  ; 
^uelques  pcrsonnes  ont  adoplc  la  planche  a  quatre  raies,  telle  qu'on  la 


ASSEMBLIES  GIiNERALES.  3C7 

fait  dans  la  Beauce;  mais  ce  mode  de  culture  est  encore  Ires  rare  ct  no 
so  propage  que  dans  Ics  petites  melairies.  Quelques  cultivateurs  out  voulu 
1'aire  des  avoines  a  plat;  mais  ils  n'ont  pas  reussi,  le  terrain  se  couvrait 
d'herbes  parasites  qui  elouffaient  1'avoine.  La  maniere  de  recoller  les 
avoines  et  les  sarrasins  a  totalement  change  :  autrefois  les  recoltes  de 
ces  deux  plantes  etaient  failes  entierement  a  la  faucille,  actuellement  on 
les  execute  a  la  grande  faulx  et  on  s'en  trouve  tres  bien  ;  on  n'est  point  arri- 
ve encore  a  faucher  les  seigles ,  et  effectivement  on  eprouve  quelques  incon- 
venients  a  trailer  cette  recolle  ainsi ;  premierement,  souvent  les  seigles  out 
jusqu'a  quatre  pieds  ct  demi  de  hauteur,  et  les  crochets  adaptcs  aux  faulx 
ne  monteni  pas  assez  haut  pour  renverser  convenablement  d'aussi  gran- 
des  pailles  ;  secondement ,  il  y  a  quelquefois  taut  d'herbes  dans  les 
seigles,  qne  les  granges  en  seraient  encombrees  et  que  le  grain  se  gate- 
rait  dans  la  paille ;  troisiemement  enfin,  pour  loger  une  recolte  fauchee, 
il  faut  trois  fois  autant  de  bailments  que  pour  serrcr  une  recolte  coupee  a 
la  faucille  a  un  pied  ou  dix-huit  pouces  de  terre ;  il  faudrait  done  on  tripler 
les  granges  ou  faire  des  meules  dehors,  ce  qui  entraine  de  grandes  depen- 
ses  et  de  la  perte  sur  les  grains.  Les  personnes  qui  sans  faucher  leurs 
seigles  veulenl  profiler  de  tout  ce  qu'a  produit  leur  terre ,  font  faucher 
leurs  chaumes  immediatement  apres  la  moisson ;  quand  il  y  a  beaucoup 
d'herbes  dedans,  ils  fonl  mellre  en  meules  dehors  ces  chaumes  meles 
d'herbes,  et  retrouvent  dans  ces  masses  de  vegetaux  une  excellente  nourri- 
ture  d'hiver  pour  leurs  betes  a.  laines.  Un  assolemenl  quadriennal  varie 
commence  a  prendre  favour,  il  est  enseigne  par  beaucoup  de  proprie- 
taires;  mais  il  serail  Irop  long  d'enumerer  ici  toutes  les  plantes  que  Ton 
y  fait  entrer  el  la  maniere  donl  on  les  combine.  « 

Aucune  espece  d'arbre  en  usage  daus  les  aulres  parties  de  la  France 
n'esl  actuellement  inconnue  dans  la  Sologne ;  le  peuplier  d'llalie,  le  pen- 
pliernoir,  celui  de  Yirginie  et  le  blanc  de  Hollande,  bordent  les  che- 
mins,  les  ruisseaux  et  les  prairies;  les  simples  journaliers  out  dans  leurs 
jardins  des  pechers,  des  pruniers,  des  abricotiers  ,  des  cerisiers ;  quel- 
ques uns,  depuis  quelque  temps,  sement  de  la  luzerne  parmi  les  arbres 
el  dans  quelques  parlies  de  leurs  jardins;  c'est  une  melhode  qu'on  ne 
saurait  Irop  encourager. 

Depuis  la  paix  exterieure,  on  a  beaucoup  defriche  dans  la  Sologne  et 
Ton  defriche  encore.  Cepcndant  depuis  que  le  prix  du  grain  a  diminue 
excessivemenl ,  les  travaux  de  ce  genre  sont  plus  rares ,  parce  que  le  cul- 
livateur  ne  se  trouve  pas  dedommage  de  ses  frais. 

Les  primes  donnecs  pour  1'amelioration  des  races  d'animaux  doraesti- 


S68  ASSEMBLERS  GENERALES. 

ques  out  certainement  contribue  a  perfectionner  la  race  des  chevaQx  du 
pays;  cependant  les  succes  ne  sont  pas  aussi  grands  qu'ils  devraient  1'etre  , 
parce  que  Ics  habitants  no  nourrissent  pas  assez.  Pour  que  les  races  se 
forlifiassent,  il  faudrait  que  le  pays  Jut  traverse  de  routes,  les  fermiers 
se  livre-ruient  rhiver  an  roulage  et  sentiraient  la  necessitc  d'avoir  des  che- 
vaux  d'une  plus  forte  espece.  Dans  ce  moment  ,  ces  animaux  ne  leur 
servent  pour  a-insi  dire  qu'a  herscr  leurs  terres  et  les  mener  aux  marches 
voisins ;  il  ne  leur  en  faut  pas  de  vigoureux  pour  tin  service  aussi  leger  ; 
aussi  ne  voit-on  de  beaux  chevaux  que  chez  les  meuniers  qui  voiturent  et 
nourrissent  bien ,  et  chez  quelques  habitants  des  bourgs. 

La  race  des  betes  a  comes  scmble  avoir  un  pen  plus  gagne,  en  pro- 
portion ,  que  celle  des  chevaux ;  dans  les  concours  de  ces  animaux  ,  il  a  ete 
amene  des  taureaux  ayantles  plus  belles  formes,  une  taille  bien  plus  elevee 
que  celle  du  pays,  et  des  vaches  faites  pour  donner  beaucoup  de  lait  et 
d'excellents  produits ;  les  races  qui  paraissent  avoir  le  plus  de  succes  dans 
ce  pays  sont  les  vaches  de  la  haute  Normandie  et  ceMes  du  Perche  :  celles 
de  la  Suisse  et  du  Cotentin  sont  beaucoup  trop  fortes  en  elevation  et  en 
grosseur,  et  demandent  <les  paturages  trop  succulents  pour  pouvoir  reussir 
et  se  propager  dans  un  pays  qui  est  encore  loin  d'alteindre  le  dernier  de- 
gre  de  la  culture  perfection-nee. 

Les  betes  a  laine  espagnoles,  petites  et  de  taille  moyenne ,  out  pros- 
pere  quelque  temps  dans  ce  pays  ;  plusieurs  essais  qu'on  y  a  faits  ont 
prouve  que  le  climat  et  le  sol  ne  leur  etaient  pas  contraires :  le  prince 
Eugene  Beauharnais  a  en  pendant  quelque  temps  un  fort  beau  troupeau 
extrait  directement  d'Espagne,  a  sa  terre  delaFerte;  d'a litres  proprietaires 
ont  aussi  essaye  de  cette  race  et  ont  conserve  leurs  troupeaux  pendant  nn 
certain  temps;  mats  tons  s'en  sont  degoutes  a  la  tongue,  par  une  raison 
tres  simple,  c'est  que  la  tentative  n'etant  pas  generale,  le  resultat  devenait 
absolument  mil,  parce  qu'il  etait  impossible  de  se  defaire  de  ce  que  Ton 
appelle  les  decharges  des  troupeaux ,  les  moutons  et  les  vieilles  brebis  ; 
personne  n'en  voulait  dans  le  pays,  et  les  marchands  etrangers  disaient 
aux  proprietaires  :  quand  nous  venons  dans  ce  pays  c'est  pour  acheter 
des  moutons  de  Sologne  et  non  des  mt-rinos ;  ceux-ci  denoandent  plus  de 
soins,  plus  de  nourriture,  et  le  melange  que  nous  ferions  des  deux  especcs 
»ous  serait  prejudiciable.  Il  a  done  fallu  revenir  bon  gre ,  malgre ,  aux 
moutons  de  la  Sologne  qui  d'ailleurs ,  il  faut  le  dire ,  ne  constituent  pas 
une  mauvaise  race ;  la  chair  en  est  excellente  quand  ils  sont  bien  nourris 
et  pent  se  comparer  aux  moutons  des  Ardennes ,  et  la  laine  est  pres- 
q.u'aussi  estimee  qne  celle  du  Berry;  niais  leurqualile  par  excellence  c'est 


ASSEMBLIES  GliNERALES.  359 

de  vivre  ou  prcsque  tous  les  autres  animaux  domesliques  mourraient  de 
faim.  Quoique  d'apres  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  il  ne  se  soil  pas 
opere  une  grande  revolution  dans  les  ameliorations  de  la  Sologne  pour  la 
culture,  les  plantes,  et  les  bestiaux ,  il  faut  cependanl  reeonnaitre  qu'il  s'y 
est  fait  quelques  changements  tres  avantageux ;  et  que  1'aisance ,  les  pro- 
gres  de  Pindustrie  et  des  arts  ont  aussi  penetre  dans  ce  pays ,  qui  semble, 
a  quelques  personnes ,  tout-a-fait  en  dehors  des  progres  de  la  civilisation. 
Voici  plusieurs  objets  qui  ont  etc  perfectionnes  a  Pavantage  des  habitants: 
I.°  Les  maisons  d'babitation  autrefbis  etaient  toutes  en  bois  debout  et 
en  torcbis ,  ou  mortier  de  terre  et  de  paille ;  elles  se  construisent  presque 
toutes  actuellement  en  briques;  2.°  les  portes  des  maisons  d'habitation , 
comme  celles  des  granges  et  des  bergeries ,  etaient  faites  avec  des  plan- 
ches en  cbene  d'un  pouce  et  plus  d'epaisseur ,  avec  des  traverses  de  deux 
pouces ,  et  maintenues  avec  des  cbevilles  de  bois  sans  clous  ;  maintenant  on 
emploie  des  plaucbes  legeres,  on  les  clone  artistement  et  elles  preservent  au 
moins  les  liabitants  du  froid  el  de  Phumidite  ,  3.°  on  met  des  fenetres  vitrees 
presentemenl  aux  habitations ,  tandis  qu'auparavant  le  colon  faisait  un  trou 
de  six  pouces  carres  dans  sa  murallie ,  et  c'etait  tout  a-la-fois  son  reveil- 
matin ,  son  meridien ,  et  ie  seul  moyen  qu'il  avail  de  voir  clair  dans  sa  mai- 
son  quand  sa  porle  etail  fermee;  4,°  les  roues  des  voitures  n'elaienl  qu'en 
bois  et  sans  ferremenl;  actuellemenl  on  met  des  bandes  de  fer  autour  des 
jantes,  et  il  fautesperer  qu'on  finira  par  adapter  des  boiles  en  fer  dans  les 
moyeux ,  ce  donl  plusieurs  proprielaires  onl  donne  1'exemple  depuis  long- 
temps.  Enfiubeaucoup  delaboureurs  font  ferrer  leurs  chevaux,  ce  qui  n'a- 
vail  pas  lieu  anciennemenl ;  le  cbeval  de  Sologne  marcbanl  alors,  comme  le 
cbeval  du  deserl,  sans  etre  aucunement  ferre ;  si  les  lois ,  le  gouvernement 
et  radministration  donnaient  a  ce  pays  des  chemins  entretenus,  pour  le 
faire  communiquer  avec  les  villes,  tous  les  habitanls  ne  larderaienl  certai- 
nemenl  pas  a  adopter  la  metbode  du  ferrage ,  si  avantageuse  et  si  neces- 
saire  meme  pour  augmenter  la  force  des  chevaux. 

Actuellemenl ,  si  le  Congres  vent  formuler  une  reponse  a  la  question 
qui  a  etc  soumise  a  la  deuxieme  section  ,  sous  le  n.°  20  ,  voici  celle  que 
j'ai  1'honneur  de  lui  proposer : 

«  II  s'est  opere  des  changements  avanlageux  dans  la  Sologne  depuis 
»  vingt  ans,tantsous  le  rapport  de  la  culture  des  terres  que  sous  ceux  de 
»  la  plantation  des  arbres,  du  defrichement  des  landes  el  de  1'ameliora- 
»  lion  des  races  elevees  dans  le  pays.  Mais  le  Gongres  reconnail  qu'il 
»  reste  encore  bcaucoup  a  faire  pour  porler  cc  pays  au  degre  de  pros- 

=6 


370  ASSEMBLIES  G&N'ERALES. 

»  perite  auquel  il  pourrait  atteindre,  et  que  les  moyens  les  plus  propres 
»  a  hater  ce  resultat,  seraient,  comme  on  1'a  fait  dans  beaucoup  d'autres 
»  pays,  d'y  multiplier  les  routes  et  les  chemins  vicinaux  ;  d'y  creer  des 
»  ctablissements  publics  ,  des  manufactures,  et  de  le  faire  participer  dans 
»  une  proportion  suffisamment  large  aux  secours  et  encouragements  dont 
»  le  gouvcrnement  peut  disposer  en  faveur  de  1'agriculture  et  de  1'in- 
»  dustrie.  » 

La  meme  section  recommande  comme  ceuvre  tres 
philaiithropique,  et  pouvant  avoir  cle  bons  resultats,  le 
memoire  sur  le  moyen  d'ameliorer  ragriculture,  par 
M.  d'Heneus,  et  son  projet  de  societe  agricole  pour  le 
defrichement  de  300  hectares  de  terrain,  dans  la  Solo- 
£ne  ou  le  Gatinais,  d'apres  la  methode  flamande. 

L'asserablee  adopte  sans  discussion  la  reponse  propo- 
see  par  la  troisieme  section  a  la  1 1.6  question  du  pro- 
gramme ,  relative  a  la  reforme  de  I'organisation  du 
corps  medical. 

Cette  reponse  est  ainsi  concue  : 

«  L' organisation  du  corps  medical  en  France  esl  susceptible  de  reforme, 
»  et  celte  reforme  est  d'un  besoin  urgent. 

»  La  reorganisation  doit  porter  : 

»>  1.°  Sur  I'enseignement ; 

«  2.°  Sur  Pexercice  de  la  profession. 

» 'Elle  doit  avoir  pour  principales  bases  : 
. ».1.°  L'augmcntation  du  nombre  des  Facultes  ; 

»  2.°  La  creation,  pres  de  toutes  les  Facultes  de  medecine,  d'acadcmies 
»  chargees  de  travailler  an  perfectionnement  de  la  science. 

»>  3.°  L'cgalite  scieritifique  et  legale  de  tons  les  medecins;  <;'est-a-dire 
»  1'unite  de  titre  et  de  prerogatives; 

»  4.°  Un  examen  d'admission  aux  Facultes; 

»  5.°  La  creation  ,  dans  les  Facultes,  de  jurys  d'examen  dont  les  mem- 
»  bres  scront  pris  a  nombre  egal  parmi  les  professeurs  et  les  praticiens 
»  qui  auront  plus  de  dix  ans  d'exercice; 


ASSEMBLIES  G^NERALES.  371 

»  6.°  DCS  dispositions  legates  efficaces  pour  la  repression  du  charlata- 
»  nisme; 

»  7.°  La  creation  de  conseils  medicaux  dont  les  membres ,  nommes  a 
»  1' election,  seront  charges  de  veiller  a  1'execution  des  lois  protectrices 
»  de  la  profession,  et  a  la  conservation  de  sa  dignitc. 

»  8.°  L'abolilion  de  la  patente ; 

»  9.°  L'institution  de  medecins  ruraux. 

M.  le  president  soumet  au  Congres  une  autre  resolu- 
tion de  la  troisieme  section ,  tendante  a  1'adoption  d'une 
proposition  de  M.  Leon  Simon  sur  la  doctrine  homoeo  • 
patiqne.  L'assemblee  decide  qu'il  y  a  lieu  d'ouvrir  une 
discussion  sur  la  resolution  dont  il  s'agit. 

Elle  de'cide  e'galement  qu'il  y  a  lieu  de  discuter  la  reso- 
lution adoptee  par  la  cinquieme  section  en  reponse  a  ia 
l.re  question  de  son  programme. 

Ces  deux  questions  sont  mises  a  Tordre  du  jour  de  la 
seance. 

Sur  la  proposition  de  la  cinquieme  section ,  le  Con- 
gres ,  apres  Texamen  fait  par  chacun  de  ses  membres 
d'un  premier  dessin  representant  le  choair  de  la  cathe- 
drale  de  Chartres,  du  au  crayon  de  M.  Daly,  donne  son 
suffrage  a  I'ceuvre  de  cejeune  artiste.  En  conse'quencej 
le  Congres  emet  le  voeu  que  le  gouvernement  encourage 
la  publication  tout  artistique  de  M.  Daly,  et  il  recom- 
mande  cette  publication  a  tons  les  amis  des  arts. 

Lasixieme  section  propose  au  Congres,  comme  com- 
plement de  la  decision  prise  sur  la  liberte  de  1'enseigne- 
ment ,  d'e'mettre  le  voeu  de  la  suppression  du  droit  uni- 
versitaire. 

La  proposition  est  adoptee  sans  discussion. 


372  ASSEMBLERS  G^NERALES. 

M.  le  president  clonne  connaissance  a  I'assemblee  de 
la  traduction  d'une  lettre  du  lord  cointe  de  Monster, 
pair  (TAngleterre  ,  membre  de  la  societe  royale  de  Lon- 
dres  et  de  1'instituttle  France  ,  a  M.  Spencer  Smith  ,  pre- 
sident de  la  cinquieme  section  du  Congres.  Dans  cette 
lettre,  le  comte  de  Munster  exprime  le  regret  d'avoir  ete 
prevenu  trop  tard  pour  pouvoir  se  rendre  au  Congres. 
II  fait  des  voeux  pour  que  la  reunion  ait  les  nieilleurs 
resultats. 

Mention  de  cette  lettre  sera  faite  an  proces-  verbal. 

M.  le  president  declare  que  le  debat  est  ouvert  sur  la 
resolution  adoptee  par  la  troisieme  section. 

Cette  resolution  est  ainsi  formulee  : 


«  Le  Congres  exprime  le  voeu  que  la  doctrine  medicale 
»  inlroduile  en  France  depuis  quelques  annees  ,  soil  soumise,  dans  un  des 
»  grands  hopitaux  de  France,  a  un  exameu  clinique,  methodique  et  regu- 
»  Her,  afin  qu'il  ^oit  possrble  d'asscoir  line  opinion  sur  la  valeur  de  celte 
»  doctrine.  » 

M.  Archambault  a  propose,  en  forme  d'amendement, 
d'ajouter  au  texie  adopte  par  la  troisieme  section  : 

«  Sous  la  condition  que  les  experiences  seront  faites  en  presence  des 
»  niedecins  directeurs  des  hopilaux.  » 

M.  Leon  Simon,  pour  justifier  aux  yeux  du  Congres 
la  proposition  qu'il  a  faite  ,  prend  la  parole  et  indique 
successivement.les  points  fondamentaux  du  systeme  ho- 
mcGomatique.  Selon  luir,  lliomoeopathie  est  une  reforme 
integrale  de  1'art  de  guerir  dans  tons  les  elements  qui  le 
constituent.  .Un  principe  general  sur  lequel  il  repose  est 


ASSEMBLIES  GfNERALES.  373 

la  loi  d'harmonie  on  d'appropriation  ,  exprimee  par 
Hahnemann  sous  cette  forme  plus  concise  qu'exacte  : 
simUia  similibus  curcuitur.  II  ajoute  que  les  quatre  gran- 
des  de'cotivertes  dont  Hahnemann  a  dote  la  science , 
sont :  d'une  part,  la  loi  du  dynanomisme  vital,  qui,  sans 
etre  nouvelle,  a  recu  en  homoeopathie  une  interpretation 
neuve  ;  2.°  la  theorie  des  maladies  chroniques,  en  vertu 
de  laquelle  ces  dernieres  sont  considerees  comme  depen- 
dant d'une  infection  miasmatique;  3.°  V experimentation 
des  medicaments  sur  U  hot  time  a  Vetatphysiol&gique^  pour 
arriver  a  determiner  les  proprietes  positives  dont  ils  sont 
pourvus;  4.°  la  puissance  de  dynanomisation  dont  les 
medicaments  sont  doues,  puissance  qui,  etant  develop- 
pee  par  une  trituration  prolongee,  permet  et  exigequ'ils 
soientemployesa  des  doses  infinhnentpetitesrelativement 
a  celles  qui  sont  usitees  dans  les  autres  ecoles  medicales. 

M.  Simon  termine  en  priant  le  Congres  de  ne  pas 
i miter  I'aeademie  royale  de  medecine,  qui  a  repousse 
d'un  pied  detlaigneux  une  doctrine  qu'elle  ne  s'etaijt  pas 
donne  la  peine  d'etudier  ni  de  verifier*. 

M.  Archambault  developpe  son  amendement  dont 
1'effet  doit  etre  de  verifier  les  resultats  qui  pourraient 
ctre  allegues  par  les  medecins  homoeopatistes. 

M.  Simon  repond  que  des-lors  qu'il  ne  s'agit  que  d'une 
assistance  purement  passive,  il  ne  s'oppose  pas  a  1'amen- 
dement;  il  voudrait  meme,  s'il  etait  possible,  que  les 
experiences  fussent  faites  en  presence  du  corps  medical 
de  la  France  entiere. 


374  ASSEMBLIES  GENERALES. 

M.  Duclo  (cle  Marseille)  propose  un  amendement  qui 
generaliserait  encore  la  resolution  soumise  a  Tassem- 
blee. 

M.  Dain ,  apres  avoir  fait  remarquer  que  M.  Simon , 
en  traitant  de  Thomoeopathie,  avail  traite  de  1'une  cles 
faces  de  1'harmonie  universelle,  presente  quelques  consi- 
derations generates  tendantes  a  prouver  que,  danstoutes 
les  sciences,  soit  physiques,  soit  morales,  la  notion  nou- 
velle  d'harmonie  succede,  comme  base  et  comme  prin- 
cipe ,  a  1'ancienne  notion  d'antagonisme.  II  conclut  a  ce 
que  la  proposition  de  M.  Simon  soit  adoptee,  puisqu'elle 
est  dans  le  sens  de  ce  nouveau  mouvement  des  idees. 

On  entend  encore  MM.  dePerigny(deBlois)  et  Simon. 

Enfin  la  resolution  proposee  par  la  section  est  mise 
aux  voix  par  M.  le  president  et  adoptee  a  la  presqu'una- 
nimite. 

L'amendement  de  M.  Archambault  est  egalement 
adopte. 

L'amendement  de  M.  Duclo  est  renvoye  a  la  section 
medicale. 


Seance  du  vendredi  16  septembre   1836. 
Presidence  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

La  seance  est  ouverte  a  trois  heures.  M.  Leroux ,  se- 
cretaire-adjoint, donne  lecture  du  proces-verbal  de  la 
seance  precedente. 


ASSEMBLIES  GENERALES.  375 

MM.  de  Vibraye,  de  la  Traniblais ,  Hay  me ,  du  Plessis , 
de  Recy  et  Laurent  rendent  compte  cles  travaux  de  la 
matinee. 

Sur  la  proposition  adressee  par  la  premiere  section, 

«  Le  Congres  emet  le  V<BU  de  voir  le  gouvernement  favoriser  en  France 
»  1'etablissement  d'ecoles  d'horticulture  et  de  jardius  de  naturalisation  des 
»  plantes  utiles  au  commerce,  a  I'agricullure  et  aux  arts.  » 

L'assemblee  adopte  ensuite  la  proposition  suivante, 
venant  de  la  deuxieme  section  : 

«  Penetre  de  Pimminence  du  danger  que  court  1'industrie  qni-a  la  soie 
»  pour  matiere  premiere  et  de  1'utilite  de  creer  dans  les  petites  exploila- 
»  lions  des  moyens  de  prospcrite ,  le  Gongrcs  emet  le  vo3U  que  le  gouver- 
»  nement  et  les  conseils  generaux  prennent  toutes  les  mesures  qui  peu- 
»  vent  encourager  la  plantation  des  muriers  et  la  production  de  la  soie 
»  dans  les  parties  de  la  France  qui  y  sont  propres.  » 

Sur  la  proposition  de  la  troisieme  section  r 

«  Le  Congres  exprime  le  VORU  qu'a  1'avenir  les  places  de  medccins  el 
»  de  chirurgiens  des  hopitaux  ne  soient  donnees  qu'au  concours.  » 

Sur  la  2.e  question  de  son  programme,  ainsi  concue  : 

«  Les  irrigations  des  prairies  ont-elles  des  inconvenients  pour  la  salu- 
«  brite?  » 

La  troisieme  section  propose  la  reponse  suivante: 

«  Les  irrigations  des  prairies  n'ont  pas  d'inconvenients  pour  la  salu- 
»  brite ,  en  prenant  des  mesures  efficaces  pour  eviter  une  stagnation  pro- 
»  longee  des  eaux.  » 

Le  Congres  adopte. 

Sur  la  3.e  question  de  son  programme,  la  troisieme 
section  a  fait  cette  reponse  : 


376  ASSEMBLIES  GENliRALES. 

««  La  section  n'ayant  pas  a  sa  disposition  les  documents  nccessaircs  pour 
»  resoudre  la  question  relative  a  une  classification  des  etablissements  in- 
»  salubres,  elle  invite  les  medecins  a  recueillir  et  a  fournir  ces  documents 
«  au  prochain  Congres.  » 

En  conformite  avec  la  resolution  prise  par  la  cin- 
quieme  section,  sur  la  2.e  question  de  son  programme: 

«  Le  Congres  emet  le  vceu  que  tons  cenx  qui  s*oecuperont  d'expliquer 
»  la  marche  des  arts  en  France,  tiennent  compte  des  sieges  divers  qu'a 
»  eus  aux  differents  siecles  la  puissance,  soil  royale,  soil  religieuse,  soil 
»  princiere  on  provinciate ;  ils  y  trouveront  une  foule  d'indications  sur  les 
»  types  primordiaux  ou  secondaires ,  modeles  imites  dans  les  pays  circon- 
»  voisins.  » 

Adoptant  les  conclusions  de  la  meme  section  sur  la 
4.e  question  qui  lui  a  ete  soumise : 

«  Le  Congres  pense  que  Ton  peut  tirer  des  renseignements  utiles  sur 
»  Fetal  de  1'instrumentation  aux  differents  siecles  dn  moyen  age ,  et  sur- 
»  tout  au  xri.6,  dans  1'etude  des  manuscrits  et  dans  celle  des  bas-reliefs 
»  representant  des  instruments  de  musique ,  dans  les  eglises  de  France 
»  en  general.  Toutefois  ,  les  recherches  devront  avoir  lieu  avec  toute  la 
»  reserve  que  commande  1'examen  de  ces  instruments.  » 

Plusieurs  membres  demandent  que  la  discussion  soit 
ouverte  sur  les  conclusions  de  la  sixieme  section ,  rela- 
tives aux  enfants  trouves.. 

M.  de  Caumont  (de  Caen)  reclame  la  priorite  en  fa- 
veur  de  la  solution  donnee  par  la  einquieme  section  a 
la  l.re  question  de  son  programme,  cette  discussion 
e'tant  restee  a  1'ordre  du  jour  de  la  veille. 

M.  Gaillard ,  en  ouvrant  la  discussion ,  annonce  qu'il 
envisagera  la  question  sous  un  nouveau  jour.  Prenant 
pour  base  de  son  argumentation  ce  vers  que  vient  de 


ASSEMBLIES  GENE*  RALES.  377 

lui  citer   un  de    ses   lionorables   collegues  (M.    de  la 
Porte): 

La  sensibility  fait  lout  noire  g6nie; 

Gelte  sensibilite,  dit-il,  est  chez  le  genie  qui  invcnte  ce  qu'elle  est 
chez  1'enfant  qui  apprend  ime  langue,  vive  et  continue,  developpant  uric 
puissance  d'analyse  toute  merveilleuse,  par  laquelle  le  jeune  ctre  s'instruit 
dans  tons  les  secrets  du  langage,  par  laquelle  le  genie  se  livre  a  ces  assi- 
milations instinctives  dont  M.  de  Lamarline,  parlant  des  poetes,  a  dit 
qu'elles  faisaient  mieux  et  plus  vile  que  la  logique  la  plus  siire.  L'homme 
de  genie  voit  en  lui  subsister  la  condition  physique  qui,  chez  1'enfant, 
acheve  de  disparaitre  vers  I'age  de  quinze  ans. 

Ce  den  de  la  nature,  ce  pouvoir  des  assimilations  instinctives,  cette 
analyse  de  1'enfant  etdu  poete  excluent  le  systeme  adopte  par  la  cinquieme 
section,  lequel  Eeconnait  le  genie  camme  un  effet  pKoduit,  non  par  des 
causes  physiques,  mais  du-  a  un  certain  etat  de  la  societe. 

Le  genie,  ajoute  M.  Gaillard,  differe  essentiellement  de  1'art;  un 
exemplc  \a  le  prouver.  M.lles  Dumesnil  et  Clairon  ctaient  deux  grandes 
actrices,  mais  tandis  que  Tune  ne  jouait  que  d'inspiration  et  etait  su- 
blime, 1'autre,  apres  avoir  imite  sa  rivale  dans  le  secret  de  ses  etudes 
premieres,  parachevait  I'^uvre  en  reglant  son  feu,  et  combinait  froide- 
ment  tons,  les  effets  sceniques.  M.lle  Dumesnil,  c'est  le  genie  qui  invente; 
M.lle  Clairon,  c'est  1'art  qui  perfeclionne.  Coafondre  deux  choses  si  dis? 
tinctes,  n'eu  faire  qu'une,  c'est  commettre  line  grave  erreur. 

L'orateur  ne  peut  d'ailleurs  accorder  a  ses  antagonist 
tes,  que  pour  qu'il  y  ait  art  et  genie,  il  faut  qu'il  y  ait 
bonheur  public ,  c'est-a-dire  civilisation  en  progres  et 
perfectionnement  moral.  Y  eut-il  quelque  chose  de  plus 
corrompu,  de  moins  heureux  que  1'empire  des  Cesars 
sous  Heliogabale  et  ses  successeurs?  Et  pourtant ,  c'est  la 
qu'on  vit  apparaitre  les  Peres  del'eglise  les  plus  celebres, 
et  des  orateurs  d'un  merite  eminent.  M.  Gaillard  con- 
clut  a  ce  que  la  question  stir  laquelle  on  delibere  sois 


378  ASSEMBLIES  GEINERALES. 

resolue  de  maniere  a  reposer  sur  la  discussion  du  genie 
et  de  1'art. 

M.  Simon  s'exprime  ainsi : 

L'art  est-il  distinct  du  genie?  C'est  une  question  metaphysique  dont  on 
nous  a  saisi  et  qui  nous  entrainerait  dans  des  analyses  psychologiques 
d'une  perception  difficile.  Ici,  il  ne  s'agit  que  d'interroger  le  bon  sens; 
voici  ce  que  le  bon  sens ,  a  mon  avis ,  doit  repondre  :  L'homme  possede 
trois  facultes  principales ,  invenler,  creer  et  realiser.  Inventor,  c'est  saisir 
par  inspiration  des  rapports  inapereus  auparavant;  le  genie,  c'est  Pin- 
vention.  Cette  puissance  est-elle  distincte  des  produits  de  I'art?  Oui. — 
Le  genie  n'exprime  que  1'action  combinee  des  differentes  facultes.  Chez 
M.lle  Dumesnil,  la  puissance  d'imitation  ne  faisait  que  perfectionner  celle 
de  1'inspiration. 

Quelles  sont  les  conditions  favorables  an  genie?  Ce  sont  les  epoques 
de  paix,  de  bonheur,  de  tranquillite.  L'empire  n'a  rien  produit  pour  le 
genie  et  pour  Part ;  rien  de  pauvre  comme  Part  imperial. 

On  ne  pent  dire  que  les  produits  de  Part  soient  distincts  du  genie; 
distinguer  Pun  de  Pautre,  c'est,  en  termes  iamiliers,  posseder  un  fruit 
independamment  de  Parbre  qui  le  produit ;  c'est  la  distinction  de  la  cause 
a  Peffet  qu'a  etablie  M.  Dain  dans  la  seance  de  la  matinee. 

M.  Hunault  de  la  Peltrie  fait  observer  que  le  genie  est 
de  toutes  les  epoques,  et  qu'il  se  manifeste ,  selon  les  cir- 
constances ,  par  des  produits  differents.  Ainsi  1'empire 
possedait  le  genie  de  la  guerre ,  ceiui  meme  de  la  legis- 
lation. 

M.  Dain  expose  que  le  mot  genie ,  pris  dans  son  accep- 
tion  la  plus  generate ,  etant  la  puissance  d'inventer  et  de 
combiner ,  I'art  n'est  que  la  puissance  de  realiser  1'inven- 
tion  el  la  combinaison  dues  au  genie ,  de  les  exprimer 
dans  le  montle  soit  des  formes,  soit  des  eouleurs,  soil 
des  sons ,  etc.  En  un  mot ,  le  genie  concoit  un  plan ,  cree 
une  formule  ;  I'art  realise  materiellement  cette  formule , 


ASSEMBLIES  GENERALES.  379 

ee  plan.  M.  Bain  ne  croit  pas  devoir  revenir  a  ce  qu'il  a 
dit  dans  la  cinquieme  section  sur  les  autres  parties  de  la 
question ;  la  solution  de  la  premiere  partie  entrainant , 
selon  lui,  la  solution  de  toutes  les  autres  dans  le  meme 
sens. 

M.  Bernard  Gaudeau  (  de  Romorantin)  pense  que  1'art 
ne  peut  pas  etre  distingue  du  genie ,  et  que  les  circons- 
tances  les  plus  favorables  a  1'un  et  a  1'autre  sont  celles 
ou  les  croyances  religieuses  et  le  patriotisme  dominent 
dans  la  socie&e. 

Apres  de  nouvelles  observations  de  MM.  Dain  et  Si- 
mon ,  1'assemblee,  sur  la  proposition  de  M.  de  Caumont, 
prononce  1'ordre  du  jour,  la  question  ne  lui  semblant 
pas  avoir  etc  assez  elaboree  ni  assez  eclairee  par  la  dis- 
cussion. 

La  parole  est  a  M.  Bergevin  sur  la  question  relative 
aux  enfants  trouves. 

L'orateur  declare  que  ce  n'est  pas  pour  s'opposer  a  lit 
resolution  proposee  par  la  sixieme  section,  ni  pour  de- 
mander  la  suppression  des  tours  ,  quant  a  present,  qu'it; 
prend  la  parole;  il  n'est  pas,  dit-il ,  un  novateur  absolu, 
et  ne  renverse  rien  sans  que  Texperience  lui  ait  demon tre 
qu'il  y  a  quelque  chose  de  meilleur,  ou  au  moins  d'aussL 
bon ,  a  mettre  a  la  place.  II  manifeste  seulement  le  desir 
qu'il  soit  fait  essai  d'un  systeme  qu'il  croit  preferable  a 
celui  suivi  en  ce  moment  en  France,  et  se  borne  a  pro- 
poser qu'on  ajotite  a  la  resolution  prononcee  un  article 
additionnel  ainsi  concu  : 


380  ASSEMBLEES 

«  Le  Congres  etnet  le  voeu  le  plus  prcssant  pour  que  le  gouvernement 
»  encourage  de.  toutes  ses  forces  I'etablisscment  de  societcs  de  charite 
»  materuelle,  afm  qu'a  I'inslitution  actuelle  des  tours,  qui  a  pour  effet 
»  d'augmcnter  la  mortalfte  et  de  Ln-iser  les  liens  de  famille ,  on  ptiisse 
»  progressivement  substituer  le  systeme  des  secours  distribues  a  domicile 
»  aux  filles  enceintes  et  aux  filles-meres ,  systeme  qui,  fonde  sur  des  prin- 
»  cipes  moraux  et  religieux ,  presenterait  I'immense  avantage  d'abaisser 
»  le  chil'fre  de  la  mortalite  des  enfants  naturels,  de  conserve!1  entre  les 
»  meres  et  les  enfants  les  liens  d'affection  et  de  famille  qui  les  unissont, 
»  et  de  ne  point  detruire,  au  prejudice  de  ces  derniers,  les  chances  de 
»  reconnaissance ,  et  meine  de  legitimation  dout  ils  peuvent  etre  1'objet.  » 

Faisant  allusion  a  son  age  et  a  son  inexperience,  1'ora- 
teur  exprime  que  ce  n'est  qu'avec  un  sentiment  bien  na- 
turel  d'hesitation  et  de  defiance,  qu'il  vient  proposer  des 
observations  contre  une  institution  fondee  par  Saint- Vin- 
cent de  Paul,  qu'un  devouement  sansbornes,  un  amour 
eclaire  pour  1'humanite,  ont  place  si  haul  dans  la  vene- 
ration publique.  II  admet  d'abord  que  cette  institution  , 
basee  sur  les  principes  les  plus  purs  de  la  charite,  ait  pu, 
clans  son  origne  ,  et  en  raison  de  1'etat  des  moeurs  et  de 
la  legislation  des  temps  dans  lesquels  elle  a  ete  fondee , 
produire  d'heureux  resiiltats;  elle  fut  pendant  de  longues 
annees  restreinte  dans  des  limites  fort  etroites;  1'aban- 
don  des  enfants  naturels  qui,  malheureusementest  main- 
tenant  le  droit  comrnun ,  n'etait  ators  que  1'exception ; 
aussi  le  nombre  des  enfants  exposes  n'ayant  ete  pendant 
le  premier  siecle  de  sa  fondation  que  du  20.e  environ 
de  celui  atteint  actuellement ,  il  concoit  qu'il  ait  pu  etre 
facile  d'accomplir  une  partie  du  bien  que  le  fondateur 
s'etait  propose. 


ASSEMBLIES  GENERALES.  381 

Mais  il  en  e?i,  dit-il ,  de  cette  institution  comme  dc  la  plupart  dos 
choses  humaines;  excellente  dans  son  principe,  efficace  dans  son  objct, 
taut  qu'elle  ne  sort  pas  des  conditions  primitives  de  son  existence.  II  pent 
se  faire  qu'en  se  developpant  sur  une  plus  large  echelle,  elle  engendre  de 
graves  inconvenients ,  elle  revele  des  vices  radicaux.  Cher  nous ,  en  effet , 
il  ne  s'agit  plus  de  quelques  cas  isoles,  d'un  nombre  restraint  d'enfants  aban- 
donnes;  1'institution  a  pris  une  immense  extension ;  elle  porte  ses  fruits 
en  grand  et  on  pent  maintenant,  en  presence  des  resultats  qu'elle  donno, 
en  apprecier  1'iufluence ,  en  distinguer  les  avantages  et  les  inconvenients, 
la  juger  enfin. 

II  existe  en  Europe  deux  systemes  suivis  relativement  aux  enfanls  na- 
turels;  en  France  et  dans  quelques  autres  pays  ,  1'etablissement  des  tours; 
en  Angleterre-,  en  Suisse,  dans  lesCercles  du  Rhin,  des  societes  de  cba- 
rite  maternelle,  et  pas  de  tours.  Ce  sont  les  deux  systemes  qn'il  convient 
d'examiner,  non  point  sous  le  rapport  financier,  cette  question  n'etant  ici 
que  secondaire ,  mais  sous  celui  des  interets  gencraux  de  la  sociele. 

Et  d'abord ,  il  est  constant  que  la  fin  que  doit  se  proposer  I'homme  de 
bien ,  c'est  de  diriger  la  societe  dans  les  \oies  de  perfectionnement  mo- 
ral, en  meme  temps  qu'on  favorise  I'^iccroissement  de  la  population,  en 
assurant  I'existence  an  plus  grand  nombre  possible  d'enfants ;  et  de  meme 
que  pour  arnver  an  premier  de  ces  resultals,  il  importe  d'^carter  soigneu- 
sement  tous  les  elements  deleteres  qui  peuvent  jeter  dans  le  corps  social 
le  trouble  et  la  disorganisation ,  de  meme  il  faut  declarer  inefficace  et 
nuisible  toute  institution  qui  n'atteindrait  pas  le  second.  Du  reste ,  dans 
1'accroissement  de  cette  ceuvre,  ce  sont  beaucoup  nioins  des  fails  et  des 
individus  isoles  qu'il  faut  considerer,  que  Pensemble  de  la  societe,  prise 
collectivement. 

Il  ne  pent  etre  conteste  qu'unc  des  bases  les  plus  solides ,  la  base  fcn- 
damentale  rneme  de  toute  organisation  sociale ,  ne  soil  1'esprit ,  les  rela- 
tions de  famille.  Ces  rapports ,  que  la  nature  elle-meme  a  places  dans  le 
copur  de  1'hoinme  ,  qui  sont  dans  une  harmonic  si  parfaite  avec  les  fins 
qu'elle  se  propose,  snut  le  lien  le  plus  sacre,  le  plus  indissoluble  qui 
unisse  1'homme  a  1'homme,  1'homme  a  la  famille ,  la  famille  a  la  sociele. 
Us  sont  le  frein  moral  le  plus  puissant  apporte  aux  passions  et  aux  mau- 
vais  penchants;  lent-  bienfaisante  influence  s'exerce  non  seulcment  sur  les 
classes  elevees,  mais  pcnetre  dans  les  rangs  de  la  societe;  le  nom  d'un 
pere,  les  affections  du  sang,  les  interets  et  la  consideration  des  families  nc 
sonl  pas  de  vains  mots  sans  retentissement  dans  le  cceur  de  la  jennesse 
de  tontes  les  conditions;  et  tel  qui,  meprsant  les  dangers  personnels,  se 


382  ASSEMBLIES  GtiNE" RALES. 

precipiterait  dans  Pabime,  est  souvent  retenu  sur  le  bord  par  la  craintc 
d'avi'.ir  sou  nom ,  de  deshonorer  sa  famille.  C'est  sur  ces  fondements  qu'il 
faut  edifier  la  societe ;  plus  elle  s'appuiera  sur  de  lels  principes ,  plus  elle 
reunira  dans  son  sein  d'elcmenls  d'ordre  et  de  moralite ,  el  il  sera  toujours 
d'une  sage  et  intelligente  politique  d'encourager  cet  esprit. 

En  opposition  de  ces  idees  s'eleve  tm  autre  principe  qu'il  faut  consi- 
dcrer  comme  I'un  des  germes  les  plus  actifs  de  dissolution;  c'est  un  indi- 
vidualisme  absolu,qui  nait  de  1'absence  de  tous  rapports,  qui  ne  recommit 
aucunes  de  ces  obligations  naturelles ,  aucuns  de  ces  devoirs  respectifs  qui 
unissent  les  hommes  par  les  liens  de  1'affection  et  de  la  reconnaissance ,  et 
jetle  les  individus  isoles  el  sans  appui  an  milieu  de  leurs  semblables.  La 
premiere  et  la  plus  deplorable  application  de  ce.  principe  se  resume  en  un 
fait  qui  se  reproduit  incessamment ,  et  dont  chacun  pent  apprecier  la  gra- 
vite  ;  c'est  cette  immission  quotidienne  dans  le  sein  de  la  societe  d'un 
nombre  plus  on  moius  considerable  de  jeunes  elres  n'ayant  ni  nom ,  ni 
etat  civil,  ni  famille ,  ni  patrie,  ni  ressources,  ni  principes  de  religion  on 
de  morale ,  ni  direction ;  qui  viennent  chaque  annee  ,  a  Page  de  douze 
ans,  se  poser  en  face  de  la  societe  et  lui  dire ;  me  voila;  je  ne  sais  ni  qui 
je  suis ,  ni  d'ou  je  viens  ,  ni  ou  je  vais ;  mais  ce  que  je  sais ,  c'est  qu'il  faut 
que  je  vive ,  c'est  la  loi  de  la  nature ;  pour  moi  tous  les  moyens  sont  bons : 
qu'ai-je  a  perdre,  qu'ai-je  a  compromettre  dans  ce  monde?  Tel  est,  on  ne 
pent  lenier,  le  resume  fidele  de  la  situation  de  ces  inforiunes;  or,  qui 
ne  comprend  pas  qu'un  pareil  etat  de  choses,  etendant  chaque  jour  ses 
limites,  est  uue  des  plaies  les  plus  funestes  qui  puisse  affecter  toute  orga- 
nisation sociale,  et  qu'il  n'y  a  pas  de  plus  imperieux  besoin  que  d'apporter 
de  prompts  remedes  aux  developpements  progressifs  de  ce  fleati. 

Ces  principes  poses,  1'orateur  fait  remarquer  que  le 
systeme  des  societe's  de  maternite  adopte  en  Angleterre, 
en  Suisse,  dans  les  Gercles  de  rAllernagne,  repose  sur  le 
premier  ordre  d'idees,  la  conservation  des  liens  de  fa- 
mille; tandis  que  celui  des  tours,  suivi  en  France,  a  pour 
invincible  consequence  la  rupture  absolue  de  ces  liens 
et  la  production  de  ce  desastreux  individualisme  signale 
plus  haut.  Entre  les  deux  principes  de  ces  institutions  , 
consideres  abstract! vement  et  sous  le  point  de  vue  mo- 


ASSEMBLIES  Cl^NERALES^  38.1 

ral ,  qui  pourrait,  dit-il ,  balancer  un  instant?  Mais  ce 
n'est  pas  seulement  sous  ce  rapport  qu'il  faut  les  exami- 
ner; ce  sont  leurs  consequences  materielles,  c'est-a-dire 
leur  influence  sur  le  sort  des  meres  et  des  enfants  qu'il 
s'agit  d'appre'cier.  Et  d'abord ,  il  pretend  que  dans  les 
pays  ou  il  n'y  pas  de  tours  et  dans  lesquels  il  est  distri- 
bue  des  secours  a  domicile,  le  nombre  des  infanticides 
et  du  delaissement  d'enfants  n'est  pas ,  proportionnelle- 
inent  a  la  population  ,  plus  eleve   qu'en  France.  Cette 
opinion  il  1'a  puisee  dans  tous  les  documents  statistiques 
d'auteurs  qu'il  a  consultes,  et  il  a  ete  confirme  dans  cette 
conviction  par  les  renseignements  qu'ont  bien  voulu  lui 
donner  plusieurs  des  savants  etrangers  qui  se  sont  ren- 
dus  au  Congres  et  qui  se  sont  occupes  de  cette  matiere. 
Le  docteur  Holland  lui  a  meme  assure  que  le  nombre  des 
infanticides    etait   singuli^rement   diminue    en   Angle- 
terre,  bien  que  dans  beaucoup  de  localites  les  secours 
des  societe's  de  maternite  aient  e'te  fort  restreints;  et  il 
estime  que  dans  1'etat  actuel  des  choses,  le  nombre  de 
ces  crimes  est  moins  eleve  en  An gleterre  qu'en  Franc<\ 

DUin  autre  cote,  dit-il,  il  me  parait  facile  de  demontrer  que  matn'tenan't 
en  France  1'institution  des  tours  n'atteint  aucunement  le  but  de  sa 
creation. 

Son  principal  objet  a  ete  evidemmenl  de  conserver  I'existcnce  physique 
au  plus  grand  nombre  possible  d'enfants  deposes  dans  les  tours  et  de  for- 
mer de  ces  jeunes  etres  des  citoyens  utiles  pour  la  patrie ,  en  les  elevant 
dans  les  idees  d'ordre ,  de  travail  et  de  vertu. 

Or,  ce  but  n'esl-il  pas  completemennt  manque  tant  sous  le  rappcrt 
de  1'existence  physique  que  sous  celui  des  principes  de  moralite  ? 

Examinant  la  question  sous  le  premier  point  de  vue,  supposons  100 
pnfants  deposes  dans  un  tour;  suivons-les  jusqu'a  1'age  de  20  a  25  ans, 


384  ASSEMBLIES  GENERATES. 

puis  comptons-les ;  nous  vcrrons  alors  ce  quc  produit,  en  fait,  1'institu- 
tiori  des  tours. 

II  parait  qu'on  ne  s'est  jamais  occupe  de  fairc  des  releves  authentiqucs 
des  ciifunts  trouves  encore  existant  a  cet  age  :  I'administration  publique 
ne  les  fait  que  jusqu'  a  12  ans,  et  les  calculs  qu'elle  etablit  sur  leur  mor- 
talite et  sur  leur  conservation,  ne  s'etendent  pas  au-dela  de  cette  epoque. 
Mais  ce  n'est  point  pour  arriver  a  ce  rcsultat ,  d'elever  les  enfants  de  1  2 
ans,  que  le  pays  soutient  a  grands  frais  des  etablissements  publics,  c'est 
pour  que  les  enfants  ne  succombent  pas  presque  immediatement  ,  c'est 
pour  qu'ils  fassent  des  bommes,  c'est  pour  qu'ils  deviennent  des  citoyens 
utiles;  or  ce  n'est  <ja'a  cet  age  de  20  a  25  ans  que  1'bomme  prend  rang 
dans  la  societe,  qu'il  est  arrive  a  celte  epoque  de  la  vie,  on  ayant  acquis 
tous  ses  developpements,  51  pent  remplir  les  premieres  fins  de  la  nature,  la 
reproduction  de  son  espece.  Ce  u'est  done  qu'a  cet  age,  pour  apprecier 
sainement  les  resnltats  de  ce  systeme,  qu'il  fautcompter  ce  qu'il  reste  des 
1 00  enfants  deposes  en  naissant  dans  les  tours. 

Les  travaux  statistiques  operes  par  le  ministre  de  1'interieur  nous  offrent 
des  1'abord  une  hnportante  et  precieuse  donnee ;  ils  etablissent  que  jus- 
qu'a  1'age  de  1  2  aus ,  la  mortalite  des  eufants  trouves  est  de  62  a  65  pour 
100.  Mais  les  documents  sont  insuffisants  ,  et  ce  qu'il  imporle  d'etablir  , 
c'est  ce  qui  se  passe  dans  les  12  annees  suivantes,  c'est-a-dire  jusqu'a  ce 
qu'ils  aient  alteint  24  a  25  ans.  Sans  doute  la  proportion  de  mortalite  est 
beaucoup  moins  elevee ,  lorsqu'ils  approcheiit  de  1'age  de  1  ^  ans  que 
dans  les  premiers  temps  de  leur  vie,  et  elle  parait  meme  se  ralentir  suc- 
cessivement  ;  mais  alors  des  faits  nouveaux  se  presentent  et  leurs  conse- 
quences influent  de  la  manicre  la  plus  deplorable  sur  I'existence  de  ces 
jeunes  etres.  D'un  cote,  ils  abondent  a  celte  epoque  de  la  vie,  ou  la  nature 
prenant  tous  ses  developpements,  fait  passer  de  la  pliase  de  1'enfance  a 
celle  de  la  puberte;  il  est  rare  que  cet  age  de  14  a  16  ans  pour  lesfilles, 
de  16  a  18  pour  les  bommes  n'amcne  un  etat  de  crise  ,  et  meme  pour 
les  enfants  de  families  entoures  de  bicn-etre  et  de  soins,  auxquels  ne 
raanquent  aucuns  secours,  q-ui  penvent  elre  surveilles  dans  leurs  habitu- 
des ,  dans  leurs  moeurs ,  dans  leurs  relations ;  cet  age  de  la  vie  est  bien 
souvent  funeste. 

S'il  en  est  ainsi,  si  cet  age  est  -si  critique,  si  cette  phase  est  si  dange- 
reuse  a  tra verse r  pour  ceux  qui  sont  places  dans  les  conditions  si  favora- 
bles ,  que  doit-il  en  etre  pour  cette  malbeureusc  classe  des  enfanls  trou- 
ves ?  Tout  rst  centre  cux  en  ce  moment,  et  la  nature  et  ['institution  qui 
les  a  recueillis  et  protrges.  C'est  en  eflet  a  celle  epoque  de  developpement 


ASSEMBLERS  GENERALES.  385 

et  de  crise  qu'ils  passent  de  Petal  de  secours,  de  celui  d'nne  surveillance 
queteonqne  a  1'etat  d'abandon  complet,  d'isolement  absoln,  cfii'ils  sont 
Kvres  sans  frein  a  toules  les  passions  de  leur  age ;  les  gairons ,  pour  la 
plupart,  se  livrent  a  la  faineantise ,  au  vagabondage,  et  disparaissenl  dans 
ces  senders  de  vices  qui  sont  ouverts  a  leur  inexperience;  im  grand 
nombre  de  ces  jeunes  lilies  se  vouent,  encore  enfauts,  a  la  prostitution, 
et  c'est  certainement  un  fait  bien  digne  de  remarque,  qu'un  tiers  des  filles 
publiques  de  la  Capitale  soient  des  enfants  trouves.  Si  a  ces  causes  gene- 
rales  de  destruction  el  doiil  on  pent  apprecier  la  portee ,  on  ajoute  qire 
c'est  a  peu  pres  a  cet  age  de  quatorze  a  seize  ans  que  se  developpent 
certaines  infirmites ,  dont  trop  souvent  ces  jeunes  etres  portent  le  germe , 
qu'eclatent  notamraent  ces  maladies  scrophuleuses  que  le  defaut  de  soins 
la  malproprete ,  la  mauvaise  qualite  des  aliments  ont ,  de  longue  main  f 
preparees  et  entretenues ,  ne  sera-t-on  pas  mille  fois  fonde  a  conclure  qive 
la  proportion  de  mortalile  qui  s'abaisse  successivement  jusqu'a  Page  de 
douze  a  quatorze  ans  reprend,  a  partir  de  cette  epoque  et  jusqu'a  vingt 
ans  •environ ,  la  progression  ascendante ;  aussi ,  dans  cette  periode ,  Pac- 
croissement  de  la  mortalite  est-il  effrayant,  et  le  nombre  de  ceux  qui  suc- 
combent  n'est-il  jamais  au-dessous  de  25  a  30  sur  100. 

Ce  ne  sont  pas  la  de  vaines  allegations ;  quelque  deplorables  que  soient 
ces  resultats ,  leur  certitude  n'en  est  pas  moins  complete :  ils  ressortent  de 
la  nature  meme  des  choses ,  et  leur  existence  est  constatee  par  tons  les 
documents  jusqu'ici  recueillis;  ils  sont  notamment  confirmes  par  des  re- 
leves  qui ,  a  diverses  cpoques ,  ont  etc  fails  au  ministere  de  la  guerre ,  par 
1'examen  des  regislres  des  naissances,  et  la  comparaison  que  chacun  pent 
faire  du  nombre  des  entants  males  admis  aux  hospices  des  enfants  trouves 
avec  celui  de  ces  memes  enfants ,  lorsqu'a  vingt  ans  ils  font  partie  du  re- 
crulemenl  de  l'armee.  Eh!  bien,  il  resulte  de  Fensembie  de  ces  recher- 
ches ,  que  sur  1 00  enfants  males,  deposes  en  naissant  dans  les  tours ,  il  n'y 
en  a  que  5  a  7  qui,  a  vingt  ans,  se  presentent  a  1'appel;  que,  sur  ce 
nombre  de  5  a  7,  il  n'y  en  a  pas  plus  de  3  a  4  qui  soienl  juges  propres  au 
service.  Les  documents ,  peut-on  dire ,  ne  s'appliquent  qu'aux  enfants 
males ;  mais  il  ne  peut  elre  douleux  que  la  meme  proportion  ne  doive 
etre  adoptee  pour  les  filles,  dont  1'existence,  pendanl  les  premieres  annees 
de  jeunesse  et  de  developpemenl ,  esl  encore  plus  menacee.  Il  faut  done 
admetlre  comme  constant,  que  sur  100  enfants  deposes  il  en  meurt  de  93 
a  95  avant  1'age  de  vingt-cinq  ans;  mais  ce  n'est  pas  tout,  sur  ces  6  a  7 
qui  surnaissent,  qui  ont  resiste  a  cetle  loi  presque  generale  de  mortalite, 
combien  y  en  a-t-il  qui  deviennent  des  citoyens  uliles?  combien  y  en  a-t  il 


386^  ASSEMBLEES  GENERALES. 

<|iii  se  placcnt  dans  les  conditions  ordinaires  d'ordre  et  de  moralite?  com- 
bien  y  en  a-t-il  qui  contractent  des  unions  legitimes?  croit-on  qu'il  y  en 
ait  2  sur  100?  Et  si  on  se  demande  ensuite  combien  il  y  en  a  qui  out 
foiide  des  families,  qui  en  sont  devenus  la  souche,  qui  oserait  repondrc 
qu'il  y  en  ait  1  sur  100? 

Tels  sont,  d'apres  1'orateur,  les  fruits  actuellement 
portes  par  cette  institution  originairement  fonclee  dans 
des  vues  si  philanthropiques;  en  s'accroissant  de'mesure- 
ment,  elle  a  perdu  sa  salutaire  efficacite;  elle  produit 
des  effets  absolument  contraires  a  son  but  prirnitif,  et 
n'est  plus  aucunement  en  harmonic  avec  les  intentions 
de  son  fondateur.  Les  tours  ne  sont  plus  pour  les  en- 
fan  ts  cet  asile  ou  Saint- Vincent  de  Paul  croyait  leur 
assurer  des  chances  de  vitalite  en  rapport  avec  celles  des 
enfants  legitimes;  c'est,  malgre  tous  les  soins  des  admi- 
nistrateurs,  un  gouffre  ou  les  19/20  viennent  s'englou- 
tir.  On  fera  de  vains  efforts  pour  echapper  a  d'aussi 
desastreux  resultats,  pour  ameliorer  Tetat  actuel  des 
choses,  on  echouera ;  tous  les  remedes  qu'on  emploiera 
seront  de  passagers  et  inefficaces  palliatifs;  le  mal  de- 
bordera  toujours;  il  n'est  ni  dans  les  hommes,ni  dans 
les  mesures;  il  est  dans  1'institution  elle-meme. 

Quelques  gens,  e'conomistes  rigoureux  plutot  que 
moralistes  eclaires  et  humains,  redoutant  cette  invasion 
annuelle  au  sein  de  la  societe  d'un  nombre  toujours 
croissant  d'enfants  naturels ,  soutiennent  ce  systeme  des 
tours,  parce  que,  disent-ils,  cette  institution  annulle  en 
fait,  et  par  1' immense  mortalite  qu'elle  entraine,  une  partie 
des  desastreuses  consequences  qu'en  theorie  elle  parait 


ASSEMBLEES  GE"NE"RALES.  387 

devoir  produire ;  mais  1'orateur  ne  pent  que  repousser 
de  pareilles  idees;  pour  lui,  des  qu'un  etre  humain  a  vu 
le  jour,  il  1'accueille  comme  son  semblable,  et  c'est 
parce  qu'il  voit  toute  la  profondeur  de  1'abime  qui 
s'ouvre  sous  les  pas  de  ces  jeunes  etres,  qu'il  reclame  en 
leur  nom  et  en  celui  de  1'humanite  de  nouvelles  et  plus 
efficaces  mesures. 

Ges  mesures,  do'nt  il  conseille  1'essai  avec  prudence  et 
circonspection ,  sont  Introduction  en  France  du  sys- 
teme  des  societes  de  charite  maternelle;  il  veut  que  le 
gouvernement  les  constitue,  les  encourage,  les  sou- 
tienne  par  des  subventions;  il  veut  que  la  charite  pu- 
blique ,  le  zele  des  citoyens  viennent  se  reunir  aux  efforts 
du  pouvoir  pour  combattre  cette  funeste  tendance  a 
1'abandon  des  enfants;  il  ne  pretend  pas  circonvenir 
cette  institution  dans  le  cercle  d'une  organisation  abso- 
lument  semblable  a  celle  des  pays  qu'il  a  cites :  les  lois, 
les  moeurs ,  les  usages  ne  le  permettent  peut-etre  pas  ; 
mais  il  croit  a  la  possibilite  de  cette  creation,  et  ne 
doute  pas  qu'elle  ne  reponde  efficacement  an  but  qu'un e 
charite  eclairee  doit  desirer  atteindre. 

II  voudrait  qu'on  localisat  le  plus  possible  ces  insti- 
tutions; que,  placees  sous  1'autorite  des  prefets  et  des 
conseils  generaux,  il  en  existat  une,  au  moins,  par  can- 
ton; que,  composees  de  personnes  charitables  et  bien- 
faisantes  des  deux  sexes,  elles  eussent  mission  de  secou- 
rir  les  filles  et  femmes  enceintes ,  de  les  mettre  a  meme 
de  nourrir  et  elever  leurs  enfants  dans  la  premiere  jeu- 


388  ASSEMBLIES  GENtf  RALES. 

nesse,  de  leur  procurer  ensuite,  ainsi  qu'a  ces  derniers, 
des  moyens  d'existence  par  le  travail,  ainsi  que  cela  se 
pratique  dans  chaque  paroisse  en  Angleterre. 

L'orateur  trace  ensuite  le  tableau  des  avantages  et 
des  inconvenients  des  deux  institutions, et  il  en  examine 
les  consequences  dans  leurs  rapports,  soit  avec  la  societe 
en  general,  soit  avec  les  meres,  soit  avec  les  enfants. 

Sous  le  premier  point  de  vue,  a  t-il  dit,  1'institution  des  lours  tend  a 
demoraliser  les  classes  inferieures  de  la  societe, 

I:°  En  favorisant  la  prostitution,  .par  les  facilites  qu'elle  lui  accorde; 

2.°  En  creant  une  classe  plus  ou  moins  nombreuse  d'elres  sans  nom, 
sans  existence,  sans  principes ; -qui  n'ont  trop  -sowvent  'de  ressource  que 
la  mendicile  et  le  vagabondage. 

Elle  est  enfm  contraire  aux  principes  les  plus  simples  de  1'humanite , 
puisqu'elle  a  pour  resultat,  dans  un  certain  laps  de  temps  donne ,  une 
mortalite  si  enorme ,  qu'elle  peut  plus  qu'equivaloir  a  un  aneautissement 
total. 

Ues  effets  absolument  differents  resultent  de  I'inslitution  des  societes 
de  maternile.  L'existence  des  enfants  cst  infinimerit  moins  compromise  :  iis 
restent  ailaites  ,•  .noun-is ,  soignes  par  leurs  meres.  Eleves  ainsi ,  diriges , 
proteges  par  les  membres  des  societes  cbaritables ,  ils  ne  tombent  jamais 
dans  ce  funeste  isolement  ou  demeureiit  plonges  les  enfants  deposes  dans 
les  tours;  ils  font  partie  de  la  commune;  ils  out  un  nom,  une  famille, 
des  sou  liens  maternels. 

L'ihfluence  de  I'un  on  Fautre  sysleme,  sur  la  societe  en  general,  est, 
dit-il ,  facile  a  apprecier  :  I'ordre ,  dans  une  hypothese  ;  le  desordre  ,  dans 
Faulre. 

Peursuivant  ce  parallele ,  1'orateur  fait  remarquer 
tous  les  avantages  qu'offrent  les  societes  de  charite  ma- 
ternelle ;  et ,  d'abord ,  elles  ne  se  bornent  pas  a  recueillir 
les  enfants  nouveau-nes;  elles  donnent  aux  femmes  en- 
ceintes tous  les  soins,  les  secours,  Tassistance  dont  elles 
p^uvent  avoir  besoin,  et  les  preservent  ainsi  de  ces  ac- 


ASSEMBLIES  GEN^RALES.  389 

couchements  furtifs  dont  les  consequences  sont  si  sou- 
vent  desastreuses. 

Ensuite,  ajoute-t-il,  en  imposant  aux  meres  Tobligalion  de  conserver 
leurs  eufants,  de  les  allaiter,  de  les  nourrir,  de  les  entretenir,  celte  insti- 
tution laisse  subsister  dans  le  coeur  des  femmes  ces  sentiments  si  doux  de 
Pamour  maternel ;  elle  ne  rompt  pas  les  liens  qui  attacheut  les  meres  et 
les  enfants,  liens  qui  engendrent  pour  1'avenir  des  devoirs  et  des  obliga- 
tions reciproq.ues.qui  consistent  dans  1'accomplissement  des -plus  simples 
prescriptions  de  la  nature ;  dans  ce  systeme  enfin  elles  restent  meres ,  car 
la  maternite,  il  faut  le  dire,  n'est  pas  seuleaient  1'acte  isole  et  douloureux 
de  1'enfantement. 

D'un  a utre  cote,  forcees  que  sont  ces  femmes  de  garder  leurs  enfants  , 
elles  rencontrent  dans  cette  circonstance  un  obstacle  a  de  nouveaux  desor- 
dres :  le  travail  auquel  elles  sont  obligees  de  se  livrer  pour  nourrir  leur 
enfant  les  empeche  de  s'abandonner  a  la  faineantise  qui ,  trop  sou  vent*, 
mene  au  libertinage,  et  leur  fait  sentir  tout  le  poids  du  fardeau.qu'uue 
premiere  faute  leur  a  impose;  elles  sentent  parfaitement  combien  serait 
penible  leur  position,  si  de  noaveaux.ecarts  pprtaient  de  nouveaux  fruits, 
et  la  certitude  qu'il  leur  faudra  clever  les  enfanls  qu'elles  pourraient  en- 
core avoir  et  les  nourrir  par  leur  travail,  est  uu  frein  puissant  donj 
1'efficacite  est  reconnue.  Enfin ,  soil  pendant  leur  grossessc ,  soil  apres  , 
elles  sont  entourees  des  conseils  de  personnes  cbaritables ,  elles  sont  sur- 
veillees,  et  si  leur  conduite  devient  mauvaise,  les  secours  leur  sont  plus 
ou  moins  retires.  Le  sort  des.  enfants  participe  aussi  a  l'am£lioration  de 
celui  de  leur  mere;  residant  dans  la  maison  rnaternelle,  its  y  sont  mieux 
traites,  mieux  eleven;  ils  font  partie  de  la  famille,  ils  sont  associes  a  ses 
chances  bonnes  ou  mauvaises,  et  en  contractant  des  devoirs  ils  acquierent 
des  droits ;  ils  sont  obliges,  pour  vivre ,  de  suivre  leur  mere  dans  les  ate- 
liers de  travail,  et  ce  salutaire  exemple  donne  des  leur  bas  age  iuflue  bien 
souvent  sur  tout  leur  avenir. 

L'orateur  fait  ensuite  ressortir  cette  consideration 
qu'il  regarde  comme  tres  puissante  en  faveur  des  societes 
de  charite  maternelle,  c'est  qu'elles  of frent  aux  meres  et 
aux  enfants  des  chances  de  reconnaissance,  de  legiti- 
mation, de  mariages  subse'quents.  Eu  effetr  dans  ce  sys- 


390  ASSEMBLIES  GE"NERALES. 

teme  1'enfant  a  toujours  un  etat  civil ,  il  est  legalement 
reconnu  le  fils  de  sa  mere  :  ensuite  les  liens  qui  existaient 
entre  elle  et  le  pere  ne  sont  pas  rompus ;  au  contraire , 
les  rapports  d'affection  qui  les  unissaient  sont  souvent 
resserres  par  Texistence  d'un  enfant;  ce  jeune  etre  est 
1'objet  de  soins ,  de  secours,  de  visites  de  la  part  de  celui 
a  qui  il  doit  le  jour;  1'homrne  et  la  femme  continuent 
ainsi  a  rester  unis,  a  se  voir ;  et  il  y  a  mille  exemples  de 
manages  subsequents  qui  n'avaient  point  ete  prevus  par 
les  parties,  et  qui  n'ont  ete  amenes  que  par  le  desir  de 
reconnaitre  et  de  legitimer  le  fruit  d'un  premier  attache- 
ment.  Cette  possibilite  seule  est  un  des  plus  incontes- 
tables  avantages  de  cette  institution. 

Dans  le  systeme  des  tours,  au  contraire,  qu'y  voit-on,  dit-il;  aucune 
espece  de  secours ,  d'assistance  donnes  aux  femmes ,  soil  avant ,  soil  aprcs 
leur  accouchement :  Pinstitution  ne  leur  accorde  pas  meme  line  pensee; 
elles  n'ont  ete  pour  rien  dans  sa  conception,  quelqties  developpemenls 
qu'elle  ait  recus  depuis.  Sa  consequence  premiere ,  absolue ,  c'est  la  rup- 
ture de  tous  les  liens  de  famille ;  les  meres ,  en  deposant  leurs  enfants ,  les 
abandonnent  a  jamais ;  cet  amour  pur  de  la  maternite  s'eteint  dans  leur 
coeur ,  et  lorsque  les  femmes  ont  ainsi  refoule  ces  inspirations  si  puissantes 
de  la  nature  qui  les  attachent  au  fruit  de  leurs  entrailles,  il  reste  chez 
elles  bien  pen  de  place  pour  des  pensees  d'honneur,  de  delicatesse  et  de 
•vertu.  D'un  autre  cote,  elles  trouvent  un  encouragement  a  de  nouveaux 
desordres  dans  1'extrcme  facilite  qu'elles  ont  a  faire  disparaitre  la  trace  de 
leurs  ecarts ;  etre  meres  n'est  plus  pour  elles  que  quelques  mois  de  gene 
et  quelques  moments  de  douleurs ;  le  lendemain  de  Paccouchement,  tout 
est  fini,  1'enfant  est  depose,  elles  1'oublient;  et  libres  qu'elles  sout  de 
tons  les  embarras  de  la  maternite,  Pcpoque  dc  leurs  relevailles  n'est  que 
trop  souveut  celle  de  la  continuation  d'une  vie  qui  rencontre  si  pen  d'obs- 
tacles. 

Quant  aux  enfants ,  1'orateur  est  certain  que  personne 


ASSEMBLIES  CHORALES.  391 

n'ignore  ce  que  font,  ce  que  deviennent  la  plupart  ties 
enfants  deposes  dans  les  tours;  chacun  salt  qu'arrives  u. 
un  certain  age  ils  sont  completement  abandonnes.  Dans 
leur  enfance,  ils  sont,  en  general,  confies  a  des  merce- 
naires,  et  sont  tout  simplement  1'objet  d'une  specula- 
tion, et  pas  autre  chose;  leur  existence  n'importe  a  qui 
que  ce  soit;  plus  ages,  ils  entrent  dans  le  monde,  sans 
guides ,  sans  conseils ,  sans  direction ;  presque  tous ,  de 
1'un  ou  de  1'autre  sexe,  s'engagent  dans  les  sentiers  du 
vice;  ils  vivent  on  perissent  miserables  et  degrades. 

D'une  autre  part,  les  enfants  qui  n'ont  ni  famille,  ni 
etat  civil,  dont  les  pere  et  mere  ignorent  completement 
1'existence,  qui  ne  leur  inspirent  plus  aucune  espece 
d'interet,  sont  prives  de  cette  chance  si  precieuse  de  re 
connaissance,  de  legitimation;  une  fois  de'poses  dans  les 
tours,,  ils  sont  marques  pour  la  vie,  ils  sont  a  jamais 
abandonnes,  et  tous  les  liens  sont  rompus  entre  leurs 
parents  et  eux.  Qui  ne  comprend  tout  ce  qui  peut  naitre 
de  desordres  d'un  pareil  e'tat  de  choses? 

L'orateur  se  livre,  en  terminant,  a  quelques  conside- 
rations sur  la  possibility  d  unions  incestueuses  resultant 
de  1'ignorance  complete  ou  chacun  de  ces  enfants  est  de 
son  etat,  sur  la  position  des  meres  qui,  forcees  d'aban- 
donner  immediatement  leur  enfant,  sont  souvent  at- 
teintes,  par  le  defaut  de  soins  et  de  secours,  de  maladies 
provenant  tres  souvent  du  non-allaitement, 

II  clemande  enfin  que  le  Congres  appuie  de  ses  voeux 
Tessai  du  nouveau  systeme  qu'il  propose  et  qu'il  croit 


&>*  ASSEMBLIES  GENE"  RALES. 

propre  a  conserver  a  la  vie  le  plus  grand  nornbre  pos- 
sible d'enfants  naturels,  a  diriger  les  meres  dans  des 
voies  nouvelles  d'honneur  et  de  moralite,  et  a  donner 
aux  enfants  1'education  de  famille  et  les  habitudes  de 
travail  qui  peuvent  seules  assurer  a  la  patrie  d'utiles  ci- 
toyens,et  a  eux  une  existence  honorable  et  indepen- 
dante, 

M.  le  docteur  Simon  prend  la  parole  et  repond  que 
si  M.  Bergevin  n'a  pas  cru  convenable  de  s'opposer  a  la 
resolution  de  la  sixieme  section,  cette  derniere,a  son 
tour,  n'a  pas  de  motif  pour  s'opposer  a  1'amendement , 
ou  plutot  a  1'article  additionnel  de  M.  Bergevin. 

II  est  seulement  a  regretter,  dit-il,  que  cet  honorable  preopinant  n'ait 
pas  juge  a  propos  de  communiquer  a  la  section  elle-meme  sa  maniere  de 
voir  sur  le  sujet  en  deliberation ,  parce  qu'on  aurait  evite  an  Congres  1'en- 
nui  d'examiuer  des  sujets  de  resolution  qui,  loin  d'etre  exclusifs  l'un  de 
Pautre ,  se  completent  reciproquement. 

Les  societes  maternelles  actuellement  en  vigueur  en  Angleterre  ont  sans 
contredit  leur  utilite;  mais  elles  sont  loiu  de  satisfaire  a  tons  les  besoins  ,  et 
de  suffire  a  cicatriser  la  plaie  qui  occtipe  le  Congres.  Et  comme  d'ailleurs 
la  France  est  loin  encore  du  jour  ou  les  societes  maternelles  seront  mises 
«i  vigueur,  et  que  dans  les  institutions  sociales  il  ne  doit  pas  y  avoir  de 
lacune,  nous  demandous  le  maintien  des  tours,  sinon  comme  institution 
definitive,  au  moins  comme  moyen  transitoire.  Et  M.  Bergevin  a  bien 
senti  lui-meme  Pimportance  de  cette  consideration,  car  il  a  commence 
par  declarer  qu'il  ne  deraandait  pas  la  suppression  des  tours ,  quant  a 
present.  L'institution  de  Saint- Vincent  de  Paul  n'est  peut-etre  pas  non  plus 
si  fort  a  dedaigner  que  le  pretend  M.  Bergevin,  qui  semble  dire  avec 
Pascal  (\u?il  faut  bonier  notre  respect  pour  les  anclens.  Nous  ne  defen- 
dons  1'institution  des  tours ,  ni  comme  moyen  irreprochable ,  ni  parce 
qu'elle  vient  de  Saint-Vincent  de  Paul ,  mais  parce  que  tout  ce  qui  a  ete 
propose  pour  la  remplacer  est  insuffisant  ou  dangereux.  Il  est  dans  1'his- 
toire  de  rhumanite  de  ces  noms  qui  planent  aiirdessus  de  la  critique  et  la 
defient ,  et  pour  qui  1'eloge  ne  satirait  ni  grandir,  ni  tomber ;  celui  de 


.       ASSEMBLIES  GE^RALES.  393 

Saint-Vincent  de  Paul  est  de  ce  nombre.  II  est  done  inutile  de  meler  ce 
nom  venere  a  nos  debats.  Toute  la  question  se  reduit  a  examiner  les  deux 
syslemes  en  presence ,  et  a  voir  la  place  que  cbacun  doit  occuper. 

Pour  faire  prcvaloir  son  systeme,  M.  Bergevin  a  allegue  plusienrs  as- 
sertions comme  averces ,  ct  qui  pourtant  sont  loin  d'etre  demon  trees. 
C'est  ainsi  qu'il  a  pretendu  que  le  crime  de  1'infanticide ,  on  de  I'exposi- 
tion  sur  la  voie  ptiblique,  n'est  pas  plus  commun  en  Angleterre  qu'en 
France,  et  cela  sans  en  administrer  aucune.  preuve.  C'est  encore  ainsi 
que  1'orateur  a  avance ,  comme  resultant  de  recherches  statistiques ,  que  , 
sur  100  erifants  trouves,  il  n'cn  arrive  que  de  5  a  7  a  1'age  de  vingt  ans, 
et  cela  sans  s'appuyer  sur  aucun  chiffre.  Toutes  ces  assertions  out  ete 
refutees  a  1'avance  dans  la  section  par  des  cbiffres  authentiques  et  des 
fails  positifs. 

Mais  accordons  pour  im  moment  que  des  societes  de  charite  maternelle 
aient  tons  les  avantages  que  M.  Bergevin  leur  a  pretes  avec  tant  de  bien- 
veillance;  que  ferez-vous  pour  les  fllles-meres  erleurs  enfants,  jusqu'a  ce 
que  ces  societies  soient  ctablies?  Supprimerez  vous  les  tours?...  Mais  on 
Ka  demontre  en  section,  c'est  accroitre  les  infanticides  et  la  mortalite  sans 
diminuer  le  nombre  des  enfants  abandbnnes. 

D'un  autre  cote,  ne  croyez  pas,  ainsi  que  M.  Bergevin  1'a  avance,  que 
les  societes  de  charite  malcrnelle  soient  bien  puissantes  a  resserrcr  le  lien 
de  famille,  etqu'elles  contribuent  a  moraliser  les  meres.  Les  enfants  aban- 
donnes ont  pour  causes  profondes  la  misere  et  la  seduction,  qnelquefois 
a'issi  la  cupidite.  Si  vbus  en  voulez  tarir  la  source ,  faites ,  d'une  part , 
que  la  misere  retrecisse  de  plus  en  plus  son  domaine;  tacbez  aussi,  si 
vous  en  connaissez  les  moyens,  de  faire  que  1'inexperience  et  les  passions 
se  transforment  en  experience  et  en  raison,  et  vos  tours  se  fermeront 
d'eux-memes,  et  les  societes  de  charite  maternelle  n'auront  plus  d'ap- 
plication.  Vous  le  savez,  la  fille  du  pauvre  est  la  denrce  du  ricbe;  a  lui 
d'en  user  et  d'en  abuser,  c'est  son  droit,  au  moins,  a-t-il  1'infamie  de 
le  croire ,  de  le  dire  et  de  le  faire. 

Mais  ne  croyez  pas  que  vos  societes  de  cbarite  maternelle  ferment  la 
porte  a  la  cupidite.  Loin  de  la  :  on  voit  en  Angleterre  des-  filles  devenir 
meres  sans  autre  but  que  d'obtenir  des  secours  dont  le  pauvre  enfant  est 
le  pretexte,  tandis  qu'elles-memes  sont  le  motif.  De  meine,  en  un  autre 
temps,  ces  memes  femmes  se  laissaient  seduire  pour  tirer  profit  ensuite 
de  leur  seduction. 

II  reste  un  dernier  argument  a  examiner:  les  tours,  a  dit  M.  Bergevin, 
augmentent  la  mortalite.  Bien  que  la  proportion  indiquee  par  1'honorable 


394  ASSEMBLIES  G^NERILES. 

preopinant  soil  cxagcree,  nous  avouons  le  fait.  Jusqu'a  1'age  de  12  ans,  la 
martalite  chez  les  eufants  abandonnes  est  de  60  pour  100,  tandis  que 
pour  le  meme  age  la  mortalite  generate  est  de  40,  ce  qui  donne  un  tiers 
en  sus.  Mais  il  y  aurait  bien  de  la  temerite  a  croire  que  les  socictes  de 
charite  maternelle  rameneraient  I'equilibre.  Nous  aurions  voulu  an  moins 
que  1'orateur  nous  chat  quelques  faits  propres  a  entrainer  notre  conviction, 
tandis  qu'il  s'est  borne  a  de  simples  assertions.  Cependant  nous  convien- 
drons  que,  sous  ce  rapport, la  proposition  du  preopinant pourrait  pcut-elre 
offrir  des  avantages. 

Mais  il  s'abuserait  en  pensant  que  les  enfants  nalurels  cesseraient ,  par 
le  seul  fail  de  Petablissement  des  societes  de  charite  maternelle,  d'etre, 
pour  la  plupart ,  de  mauvais  sujets.  Je  1'ai  dit  au  sein  de  la  section ,  les 
causes  de  leurmauvaise  conduite  sont  qu'ils  n'ont  aucune  existence  sociale,. 
Soil  qu'il  s'agisse  pour  eux  de  prendre  rang  dans  la  societe  ou  de  contrac- 
ter  manage,  partout  oil  ils  se  preseutent,  on  les  repousse  sans  pitie!  Com- 
ment voulez-vous  qu'ils  essaient  de  s'harmoniser  avec  une  societe  qui  leur 
a  conserve  la  vie  pour  la  dessecher  et  la  ilelrir?  Faites  done  que  les  en- 
fants naturels  ne  portent  pas ,  commc  les  esclaves  d'autrefois  ,  la  tache  du 
sang,  et  vous  verrez  qu'ils  chercheront  a  vivre  en  honnetes  gens;  car,  on 
ne  se  resout  jamais  qu'avec  peine  a  subir  la  reprobation  on  la  fletrissure 
du  crime.  Le  moyen  d'arriver  a  ce  but  n'est  point  de  la  competence  de  la 
legislation  :  il  consiste  en  un  cliangement  dans  les  moeurs. 

En  resume,  la  section  ne  s'oppose  pas  a  ce  que  la  proposition  de 
M.  Bergevin  soit  admise  comme  complement  de  la  resolution  presentee  par 
elle  au  Congres;  mais  elle  pretend  qu'il  soit  bien  entendu  qu'elle  est  for- 
mellcment  opposce  a  la  suppression  actuelle  d'uiie  partie  des  tours. 

M.  Dain  pense  que  les  causes  cle  ['exposition  progres- 
sive des  enfants  sont,  d'une  part,  la  misere  et  de  1'autre 
la  cruaute  de  la  societe  qui  fletrit  la  fille-mere.  II  expose 
quelques  considerations  generales  sur  Favenir  de  1  hu- 
inanite,  dont  il  pense  que  Ton  pourrait  retirer  un  ensei- 
gnement  pour  le  present. 

La  suite  de  la  discussion  est  renvoyee  au  lendemain . 


ASSEMBLIES  G^NERALES.  395 

Seance  du  samedi  17  septcmbre  1836. 
Presidency  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEFRAY. 

M.  le  comte  cle  Vibraye  fait,  au  nom  de  la  premiere 
section  ,  un  rapport  sur  1'excursion  scientifique  qui  a  eu 
lieu  a  Orchaise  dans  la  matinee. 

MM.  de  la  Tramblais,  Haime,  du  Plessis,  de  Recy  et 
Laurent  donnent  lecture  des  proces-verbaux  des  autres 
sections. 

M.  Em.  Gaillard  soumetal'approbation  de  Fassemblee 
la  deliberation  prise  par  la  commission  permanente ,  re- 
lativement  a  la  tenue  de  la  5.c  session  du  Congres  scien- 
tifique de  France. 

ART.  I.er  Le  Congres,  apres-  avoir  pris  connaissance  des  demandcs 
adressees  par  les  societes  savantes  des  villes  de  Metz,  Autun,  Marseille  , 
Tours  et  Chartres- ,  pour  tenir  la  5.e  session  du  Congres  ,  considerant  que 
les  villes  de  Tours  et  de  Chartres.  sont  trop  rapprochces  de  celle  011  a  eu 
lieu  la  4.e  session;  que  la  demande  de  I'academie  royale  de  Metz  a  ete 
adressee  a  M.  le  secretaire  general  du  Congres  anterieurement  a  toutes 
les  autres,  arrete  que  la  5.e  session  du  Congres  scientifique  de  France 
sera  ouverte  a  Metz  du  l.er  au  5  septembre  de  1'annee  1837. 

ART.  II.  M.  Victor  Simon  ,  membre  de  I'academie  royale  et  juge  au  trir 
bunal  de  premiere  instance  de  la  ville  de  Metz ,  sera  invite  a  remplir  les 
fonctions  de  secretaire  general. 

ART.  III.  L'academie  royale  de  Metz  est  price  de  vouloir  bien  nommer 
line  commission  preparatoire  qui  devra  s'entendre  avec  M.  le  secretaire 
general  pour  tous  les  travaux  relatiis  a  1'organisation  et  a  la  tenue  du  Co«r 
gres  de  1837. 

ART.  IV.  line  commission  composee  de  tous  les  membres  des  bureaux 
du  Cougres  qui  resident  dans  1'arrondissement  de  Blois  est  investie  des 
pouvoirs  necessaires  pour  la  publication  du  compte-rendu  des  travaux  de 
la  4.e  session. 

ART.  V.  Cette  commission  fera  imprimer  le  plus  grand  nombre  possible 
d'exemplaires  du  compte-rendu,  et  en  fixera  le  prix  au  taux  le  moins 


396  ASSEMBLIES  GENERALES. 

eleve ,  en  prenant  toutefois  en  consideration  1'etat  des  f6nds  qui  sonf  a  la 
disposition  du  Congres. 

ART.  VI.  M.  le  secretaire  general  de  la  4.e  session  devra  rendre  compte 
a  la  seance  d'ouverture  de  la  5.e  session,  de  1'emploi  des  fonds  provenant 
de  la  cotisation  des  membres  du  Congres  de  1816. 

ART.  VII.  Tons  les  ouvrages  offerts  a  la  4.e  session  seront  deposes  a  la 
bibliotheque  de  la  ville  de  Blois. 

ART.  VIII.  Des  remerciments  sont  votes  a  M.  le  president  du  tribunal 
et  a  M.  le  maire  de  Blois  pour  la  protection  accordee  par  eux  aux  reu- 
nions du  Congres. 

Les  decisions  de  la  commission  permanente  sont  adop- 
tees par  acclamation. 

La  sixieme  section ,  sur  la  2.e  question  de  son  pro- 
gramme concue  en  ces  termes  : 

«  Quelle  est  I'iufluence  des  voies  de  communication  sur  la  civilisation 
»» des  peuples?  » 

Propose  la  reponse  suivante  : 

«  Les  voies  de  communication  ont  une  influence  incontestable  sur  la 
»  civilisation,  puisqu'elles  augmentent  non  seulement  le  bien-etre  ma- 
»  teriel  des  peuples,  mais  encore  le  developpement  de  1'inteliigence  et  le 
»  perfectionnement  de  la  moralite  liumame.  »  —  Adople. 

Differentes  resolutions  relatives  a  la  question  del'abo- 
lition  de  la  peine  de  mort  sont  lues  par  M.  le  president. 

M.  Jullien  demande  qu'il  soit  passe  immediatement  a 
la  discussion  de  ces  resolutions.  M.  Chatelain  ,  demande 
le  renvoi  a  la  section,  afin  qu'elles  soient  remplacees  par 
une  resolution  unique.  Plusieurs  membres  demandent 
1'ajournement  a  la  session  suivante.  Sur  les  observations 
de  M.  deCourteilles,  I'ajournement  est  repousse* 


,         ASSEMBLIES  G^NEllALES.  397 

M.  Duclo  (de  Marseille  )  reclame  centre  une  decision 
dela  troisieme  section  qui,  selon  lui,  a  oppose  une  sorte 
de  fin  denon  recevoir  a  un  amendement  qu'il  avait  pro- 
pose sur  la  question  relative  a  1'organisation  medicale. 
L'assemblee  consul-tee  ternoigne  le  desir  d'entendre  les 
observations  de  M.  Duclo,  en  seance  generate,  quand 
1'ordre  du  jour  sera  epuise. 

L'ordre  du  jour  est  la  continuation  de  la  discussion 
relative  aux  enfants  trouves. 

M.  le  marquis  de  Montpezat  (  de  Blois  )  examine  les 
moyens  presentes  pour  diminuer  le  nombre  des  enfants 
naturels  :  il  combat  principalement  ceux  qui  proposent 
de  favoriser  la  precoeite  des  manages,  moyen  qui,  selon 
lui,  renverserait  notre  organisation  militaire,  serait  une 
cause  d'affaiblissement  dans  la  race  bumaine,  augmente- 

'  O 

rait  la  misere  en  multipliant  le  nombre  des  bras,  alors  qu'on 
se  plaint  de  I'insuffisance  des  salaires;  et  de  Taccrois- 
sement  de  la  misere  resulterait  celui  des  enfants  exposes 
ou  abandonnes.  L'orateur  pense  que  la  meilleure  ma- 
niere  de  remedier  a  ces  maux  serait  le  developpement 
de  I'institution  des  societes  de  maternite  propose  par 
M.  Bergevin.  Par  cette  institution  ,  on  resserre  les  liens 
de  famille,  on  moralise,  on  epure  la  societe;  la  malheu- 
reuse  femme  qui  a  failli  est  relevee  a  ses  propres  yeux, 
elle  est ,  en  quelque  sorte ,  rehabilite'e  ;  on  diminue  le 
nombre  des  enfants  exposes  et  Ton  rendprogressivement 
les  tours  inutiles. 

M.  le  docteur  Hunault  fait  observer  que  dans  la  dis- 


398  ASSEMBLIES  Gl-NliRALES. 

cussion  tons  les  orateurs  ont  semble  jusqu'ici  considercr 
les  societes  de  maternite  comme  appartenant  exclusive- 
ment  a  1'etranger;  il  appelle  1'attention  de  1'assemblee 
sur  les  nombreux  services  qu'a  rendus  la  societe  de  cha- 
rite  mater nelle  fondee  a  Paris  par  madame  la  duchesse 
d'Angouleme. 

M.  Vallon  (  de  Blois  )  pense,  centre  Fopinion  de 
M.  Bergevin,  que  les  tours  doivent  etre  maintenus,  et 
qu'ils  ne  sauraient  etre  convenablement  remplaces  par 
les  etablissements  de  maternite. 

M.  Vallon  conteste  1'exactitude  des  statistiques  invo- 
quees  par  M.  Bergevin,  en  ce  qui  touclie  la  mortalite 
des  enfants  deposes  dans  les  tours.  II  la  conteste  aussi  re- 
lativement  au  nombre  comparatif  des  enfanticides  com. 
mis  dans  les  villes  ou  les  tours  ont  etc  supprimes  et  dans 
celles  ou  ils  restent  maintenus.  L'honorable  preopinant 
pense  que  la  meilleure  maniere  de  prevenir  le  crime, 
c'est  de  donnerau  vice  le  moyen  de  ne  pas  rougir  de  lui- 
meme;  mais  pour  cela,  il  faut  lui  laisser  V incognito  que 
lui  assure  le  depot  dans  les  tours;  les  etablissements  de 
maternite  ,  quelque  discretion  qu'ils  impliquent  pour 
des  meres  coupables,  forcent  a  une  adoption  qui  ne 
peut  rester  long-temps  cachee.  II  est  a  craindre  que  plus 
<Tune  fernme,  obeissant  aux  suggestions  toujours  si  puis- 
santes  du  respect  bumain,  ne  prefere  un  crime  a  la  pu- 
blicite  d'une  faute  qui  doit  fletrir  sa  vie.  C'est  surtout 
sous  le  rapport  des  liens  de  famille,  que  M.  Bergevin 
vetit  creer  en  faveur  des  enfants  naturels,  que  M.  Vallon 
combat  la  suppression  des  tours.  II  regarde  comme  un 


ASSEMBLIES  GEN^RALES.  399 

malheur  pour  ceux  qui  se  rendent  coupables  de  la  batar- 
dise,  et  en  meme  temps  comme  un  element  effroyable 
de  discorde  pour  les  families,  les  etablissements  de  ma- 
ternite. 

En  offrant  aux  enfants  naturels,  dit  1'orateur,  plus  de  chances  d'adop- 
tion  on  de  legitimation  par  mariage  subsequent ,  ces  etablissements  doivent 
avoir  Tun  des  deux  resultats  suivants ,  selon  que  le  pere  de  Penfant  sera 
celibataire  ou  marie.  S'il  est  cclibataire  et  que  le  cri  de  la  nature,  excite 
par  la  Mie  de  son  enfant,  le  determine  an  mariage  qui  doit  amener  la  le- 
gitimation, il  arrivera  toujotirs  que,  clans  un  acces  d'amour  paternel,  le 
pere  fera  un  mariage  disproportionne,  se  commetlra  dans  une  mesalliance . 
Or,  chacun  sait  quel  est  le  resultat  de  ces  sorles  d'unious  qui  ne  tardent  pas  a 
etre  empoisonnees  par  le  remords  qu'inspire  ,  ou  1'amour-propre ,  ou  les 
interests  materials  leses.  Si  le  pere  de  1'enfaut  naturel  est  marie ,  les  incon- 
vcnients  qui  resulteront  de  la  presence  presque  eontinuelle  de  1' enfant 
batard  dans  le  meme  lieu  qu'habite  la  famille  legitime,  seront  bien  autres 
encore.  Le  coupable  de  batarclise  sera  perpetuellement  en  butte  aux  re- 
proches  de  1'epousc  legitime,  et  quelquefois  ati  mepris  de  ses  propres  en- 
fants ,  pour  lesquels  il  sera  un  example  d'immoralite. 

Si  done  les  etablissements  de  maternite  ont  pour  les  enfants  naturels 
1'avantage  de  leur  menager  les  chances  de  la  famille,  ils  ont  le  deplorable 
resultat  d'y  susciter  des  malheurs  et  des  discordes.  Avant  de  songer  a 
creer  de  notivelles  families ,  respectons  celles  qui  existent  et  n'attentons 
pas  a  leur  honneur,  a  leur  repos. 

Apres  une  reponse  de  M.  Bergevin  ,  dans  laquelle 
Torateur*reprotluit  une  partie  cle  ses  arguments  de  la 
veille  ,  en  y  ajoutant  quelques  developpements  ,  une 
discussion  s'etablit  sur  la  position  de  la  question  ;  plu- 
sieurs  membres  proposent  de  la  diviser ;  M.  Jullien 
s'exprime  ainsi : 

Messieurs ,  il  n'y  a  point  ici  deux  systemes  contraires ,  comme  ont  paru 
le  croire  quelques  tins  de  nos  honorables  collogues ;  car,  ni  dans  la  solution 
proposee  par  la  section,  ni  dans  le  projet  de  M.  Bergevin,  prcsente  sous 


400  ASSEMBLIES  G^NERALES. 

la  forme  d'amendement ,  mais  qui  est  a  lui  seul  uue  proposition  a  part  et 
tres  importante ,  la  suppression  des  tours  n'est  point  demandee  formelle- 
ment.  Sans  doute  I'orateur  en  a  signale  avec  eloquence  les  graves  incon- 
veaients  ;  mais  il  a  reconnu  lui-meme  que  la  suppression  des  tours  aurait 
des  consequences  plus  facheuses  encore.  Il  a  demande  la  fondation  et  la 
propagation  d'une  institution  \eritablement  sainte,  les  societes  de  pre- 
vojance  et  de  charite  maternelles ,  qui  pourra  nous  conduire  insensible- 
ment  a  un  ordre  de  choses  ou  le  systeme  des  tours  pourra  peu  a  peu  etrc 
abandonne. 

En  attendant  que  ce  resultat  si  desirable  puisseetre  realise,  les  moyens 
proposes  dans  le  vote  de  la  section ,  pour  diminuer  les  abus  et  les  mal- 
heurs  qui  frappent  tous  les  yeux  et  qui  affligent  tous  les  amis  de  1'huma- 
nite,  ces  moyens  dent  Putiiite  ue  saurait,  je  crois,  etre  contestee,  amene- 
ront  des  ameliorations  progressives,  et  coutribueront  puissamment  a  la 
conservation  et  an  bien-etre  des  enfants  abandonnes. 

Je  demande  done  qu'il  soil  vote  a  part ,  d'abord ,  sur  le  projet  de  reso- 
lution presente  par  la  section  ,  puis  sur  le  projet  additionnel  presente  par 
M.  Bergevin,  sous  forme  d'amendement,  et  qui  est,  en  realite,  une  pro- 
position speciale,  tres  bonne,  tres  humaine  ,  tres  feconde  en  resultats,  ^t 
qui  ne  detruit  nullement  les  motifs  et  les  iaits  allegues  dans  la  solution  que 
la  sixieme  section  propose. 

Apres  quelques  observations  de  MM.  Simon ,  cle  Mont- 
pezat,  Porcher  (cle  Blois)  et  de  Courteilles ,  les  con- 
clusions de  la  commission  lui  sont  renvoyees  pour  en 
faire  une  nouvelle  redaction,  etyjoindre  l'amendement 
de  M.  Bergevin. 


Seance  du  dimanclie  18  seplembre  1836. 
Presence  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

M.  de  Boistliibault  demande  que  la  session  du  Con- 
gres  soit  prorogee  jusqu'au  mardi  20  septembre. 

M.  Gaillard  fait  observer  que  1'assemble'e  ayant  adopte 


ASSEMBLIES  GEN^RALES.  401 

la  veille  la  conclusion  de  la  commission  centrale,  il  ne 
pent  y  avoir  lieu  a  emettre  un  vote. 

M.  Laurent  demande  qu'au  moins  il  soit  tenu  ,  le 
mardi ,  une  seance  extraordinaire  destinee  a  entendre 
les  memoires  dont  la  lecture  a  ete  votee  et  n'a  pu  avoir 
lieu. 

Cette  proposition  est  adoptee,  et  la  seance  extraordi- 
naire fixee  a  2  heures  du  soir. 

MM.  tie  Villiers,  de  la  Tramblais,  Desbrosses,  Andre, 
(  de  Bressuire  ),  de  Recy  et  Laurent  donnent  lecture  des 
proces-verbaux  des  sections.  M.  Laurent  termine  le  sien 
en  donnant  connaissance  au  Congres  de  la  redaction 
adoptee  par  la  6.e  section,  pour  la  reponse  a  la  question 
relative  aux  enfants  trouve's. 

QUESTION.  —  «  Quellcs  sont  les  causes  de  1'augmentation  progressive 
»  des  enfants  trouves? —  Quels  sont  les  remedes  moraux  a  apporter  a  cette 
»  plaie  publique?  —  Quels  sont  les  moycns  que  la  societe  pent  tenter 
»  pour  diminuer  les  dcpenses  qu'elle  occasionne  ?  » 

REPONSE.  —  «  Le  Congres  pense  que  les  principals  causes  de  1'accrois- 
»  sement  progressif  des  enfants  exposes  sont  :  1 ,°  1'augmentation  des 
»  naissances  naturelles  ,  produites  surtout  par  le  pa«jK!risme,  le  celibat  et 
»  le  relachement  des  liens  de  famille;  2.°  les  abus  introduits  dans  les  hos- 
»  pices,  soit  par  la  philanthropic  mal  entendue  des  administrations,  soit 
»  par  la  cupidite  de  beaucoup  de  femmes  qui  exposent  leurs  enfants, 
»  puis  les  reprennent  comme  nouirissons.  » 

ce  Le  Congres  pense  que  les  reniedes  moraux  a  apporter  a  cette  plaie 
»  publique  consistent :  1 ,°  a  encourager  el  propager  les  etablissements  de 
»  patronage  et  de  refuge,  ayant  pour  objet  de  recevoir ,  des  leur  bas  age  , 
»  les  filles  pauvres  et  delaissees ,  et  de  les  mettre  a  meme  de  gagner  hon- 
»  netement  leur  existence;  2.°  a  provoquer,  encourager  et  soutcnir  par- 
»  tout  les  etablissements  qui  prcscntcrout  des  garantics  suffisantcs  pour 

28 


402  ASSEMBLEES   GE"NERALES. 

»  1' education  des  filles ;  3.°  enfin  a  prendre  les  mesures  les  plus  severes 
»  pour  empecher  le  melange  des  deux  sexes  dans  les  ecoles. 

»  Le  Congrcs  eslime  que  les  moyens  qu'on  doit  employer  pour  amener 
»  une  diminution  de  la  dcpense  des  enfants  trouves  soul:  1.°  le  retrait  des 
»  enfants  de  chez  les  nourrices  vers  1'age  de  3  ans,  pour  les  placer  jusqu'a 
»  21  ans  dans  des  maisons  speciales  d'education  et  de  travail;  2.°  1'emploi 
»  de  tous  les  moyens  possibles  pour  favoriser  les  mariages  precoces ; 
»  3.°  d'exiger  des  nourrices  des  certificats  constatant  Petal  actuel  de  leurs 
»  enfants;  4."  a  propager  et  multiplier,  autaut  que  possible  ,  les  salles  d'a- 
»  sile ;  5.°  d'instituer  dans  chaque  arrondissement  un  inspecteur  ayant 
»  pour  mission ,  d'abord  de  visiter  les  enfants  et  de  veiller  a  leur  bien- 
»  etre,  puis  de  signaler  les  abus  et  de  les  prevenir. 

»  Dans  1'etat  actuel ,  le  Congres  pense  que  la  suppression  des  tours  et 
»  le  deplacement  des  enfants  ont  plus  d'inconvenients  que  d'avanlages ; 
»  mais  il  emet  le  voen  le  plus  pressant  pour  que  le  gouvernement  encou- 
»  rage  puissamment  1'etablissement  des  societes  de  charite  maternelle,  afm 
»  qu'a  1'institution  actuelle  des  tours,  qui  a  pour  effet  d'augmenter  la 
»  mortalite  et  de  briser  les  liens  de  famille,  on  puisse  progressivement 
«  substituer  le  systeme  de  secours  distribues  a  domicile  aux  filles  enceintes 
»  et  aux  filles-meres ,  systeme  qui ,  fonde  sur  des  principes  moraux  et  re- 
»  ligieux,  presenterait  1'irnmense  avantage  d'abaisser  le  chiffre  de  la  mor- 
«  talite  des  enfauts  naturels ,  de  conserver  entre  les  meres  et  les  enfants 
»  les  liens  d'aftection  et  de  famille  qui  les  unissent,  et  de  ne  point  de- 
»  truire,  an  prejudice  de  ces  derniers,  les  chances  de  reconnaissance  , 
»  meme  de  legitimation  dont  ils  peuvent  etre  1'objet.  » 

Cette  nouvelle  redaction  est  adoptee  par  le  Congres. 

La  deuxieme  section  propose  sur  la  5.e  question  de 
son  programme  ainsi  concue  : 

«  Quelle  est  1'influence  de  la  culture  presque  exclusive  de  la  vigne  sur 
»  les  moeurs,  les  habitudes,  la  prosperite  des  habitants  d'un  pays?  » 

La  solution  suivante  : 

««  L'influence  de  la  culture  presque  exclusive  de  la  vigne  rend  les  hom- 
»  mes  laborieux,  industrieux  et  economes.  Elle  ne  favorise  pas  les  moeurs, 
»  elle  pourrait  meme  les  alterer  quelquefois ,  a  cause  de  1'agglomeration 


ASSEMBLIES  GliNERALES.  403 

•>  des  hommes  sur  des  points  tres  rapproches. — Elle  donne  aux  vignerons 
»  des  habitudes  moilie  villageoises  et  moitie  urbaines. 

»  On  peut  etablir  d'une  maniere  generale  que  la  vigne,  peu  lucrative 
»  pour  le  grand  proprietaire  qui  ne  cultive  pas  lui-meme,  est  cependant 
»  tres  favorable  a  la  prosperite  du  pays ,  dans  ce  sens  que  sur  une  surface 
»  deterniinee,  elle  donne  des  produits  qui  peuvent  subvenir  atix  hesoins 
»  d'un  plus  grand  nombre  d'individus.  » 

Gette  solution  mise  aux  voix  est  adoptee. 

Sur  la  3.e  question  de  son  programme  concue  en  ces 
termes  : 

«  La  prohibition  du  defrichement  des  bois  doil-elle  etre  posee  comme 
»  regie  ou  coinnie  exception  ?  » 

La  deuxieme  section  propose  cette  reponse  : 

«  La  prohibition  du  defrichement  des  bois  ne  saurail  etre,  quant  a  pre- 
»  sent,  posee  comme  regie  geuerale;  mais  c'est  une  exception  a  la  loi  ci- 
»  vile  que  la  societe  a  le  droit  d'imposer  dans  1'interet  de  sa  conservation. 
„  — Cette  exception  doit  s'etendre  non  seulement  aux  forels  situees  sur  les 
»  sommets  ou  sur  les  pentes  ayant  une  inclinaison  determinee  par  la  loi 
»  (  par  exemp'e ,  2  decimetres  par  metre  ) ;  mais  encore  aux  departements 
»  ou  les  bois  n'occupent  pas  une  partie  du  territoire  dont  la  population 
»»  serait  egalement  determiuee  (  comme  le  dixieme  ).  — La  prohibition  du 
»  dessechement  doit  etre  entouree  de  conditions  conservatrices ,  sans  tou- 
«  lefois  porter  atteinte  au  libre  exercice  du  droit  de  propriele.  » 

«  Le  Congres  pense  que  tontes  les  mesures  qui  ont  pour  objet  la  con- 
»  servation    des  bois  seront  inutiles,  si  le   gouvernement  encourage  la 
»  destruction  par  1'alienation  de  'ses  forets  avec  faculte  de  defrichement.  >» 
—  Adopte. 

L'assemblee  adopte  egalement  cette  proposition  de  la 
deuxieme  section  : 

«  Le  Congres  emet  le  voeu  que  le  gouvernement  soil  invite  a  prendre 
, »  les  mesures  convenables  pour  eclairer  les  proprietaires  de  bois  sur  les 
»  meilleurs  moyens  de  les  exploiter,  et  sur  les  inconvenients  (pril  v  a  a 

J  1'  -    1  * 

»  les  Uvrer  au  palurage.  » 


404  ASSEMBLIES  GENERALES. 

A  la  2.e  proposition  renvoye'e  par  le  Congres  de 
Douai  a  la  troisieme  section  du  Congres  de  Blois,  et 
ainsi  concue : 

«  Inviter  tons  les  medecins  a  reunir  de  nouveaux  documents  a  I'aide 
»  desquels  on  pourra  determiner  les  conditions  de  temps,  de  lieux,  d'in- 
»  dividus ,  et  les  autres  circon&tances  d'oii  resulte  Hneificacite  de  la  vac- 
»  cine,  » 

La  troisieme  section  a  fait  cette  reponse ,  qui  est  ap- 
prouvee  par  le  Congres  : 

«  Les  circonStances  de  temps,  de  lieux,  d^ndividus,  sont  sans  influence 
»  sur  1'efficacite  de  la  vaccine.  Le  temps  n'a  pas  fait  perdre  au  virus-vac- 
»  cin  de  son  efficacite.  » 

La  proposition  suivante,  soumise  a  Tapprobation  du 
Congres  par  la  troisieme  section,  est  egalement  adop- 
tee : 

«  Le  Congres  demande  qu'un  homme  special  soil  charge  de  constater 
»  les  deces ,  et  qu'une  salle  mortuaire  soit  construite  pour  recevoir,  pen- 
»  dant  24  heures ,  les  corps  avant  d'etre  mis  en  terre.  » 

M.  le  president  donne  lecture  de  la  resolution  de  la 
sixieme  section  sur  cette  question  adressee  par  la  soeiete 
de  statistique  de  Marseille  : 

«  Quels  sont  les  resultats  moraux  et  agricoles  du  morcellement  de  la 
»  propriete  ?  » 

REPONSE.  —  «  Le  Congres  estime  que  le  morcellement  de  la  propriete 
»  a  pour  resullats  moraux  :  d'attacher  le  citoyen  au  sol ,  de  lui  inspirer 
»  des  idees  de  prevoyance,  et  d'entretenir  1'esprit  de  famille;  pour  resul- 
•>  tats  agricoles  :  d'augmenter  la  production ,  et  de  creer  pour  le  pays  une 
»  plus  grande  masse  de  richesses.  » 


ASSEMBLIES  G£NE~RALES.  405 

L'assemblee  adopte  egalement  une  autre  resolution 
proposee  par  la  meme  section  sur  cette  proposition  de 
M.  de  Boisrouvray  ( de  Ghartres )  : 

«  Trouver  une  repartition  equitable  des  charges  qui  resultent  des  loge- 
»>  ments  militaires ,  charges  qui ,  dans  1'etat  actuel ,  ne  pesent  qae  sur  un 
»  petit  nombre  d'individus.  » 

RESOLUTION.  —  «  Le  Congres  reconnait  que  les  logements  de  guerre 
»  a  domicile  sont  une  charge  aujourd'hui  inegalement  supporfee.  —  II 
»  emet  le  voeu  que  le  gouvernemeut  propose  aux  chambres  des  mesures 
»  legislatives  au  moyen  desquelles  la  depense  fut  a  la  charge  des  departe- 
»  ments  traverses.  » 

D'apres  la  demande  de  la  quatrieme  section,  le  Con- 
gres prononce  le  renvoi  a  la  session  suivante  de  cette 
question  : 

«  Rechercher  1'origine  de  la  feodaUte.  —  Determiner  les  causes  et  les 
»  epoques  de  ses  progres  ,  de  sa  decadence.  » 

En  conformite  avec  la  15.e  question  du  programme 
de  la  quatrieme  section ,  et  sur  la  demande  de  cette  sec- 
tion , 

«  Le  Congres  provoque  la  confection  de  bibliographies  locales,  et  in- 
»  vite  les  savants  a  donner  1'histoire  de  1'imprimerie  dans  les  diverses  loca- 
»  lites.  » 

M.  de  Boistbibault  lit  un  memoire  sur  1'etat  de  la 
presse  en  France;  I'asseml^lee  en  vote  1'impression  a  la 
suite  du  compte-rendu. 

M.  Merson  donne  lecture  d'une  reponse  au  memoire 
de  M.  de  Boisthibault. 


406  ASSEMBLIES  GEiNEHALES. 

M.  cle  Courteilles  lit  un  autre  travail  sur  le  nienie 
sujet, 

L'ordre  du  jour  etant  epuise,  M.  Duclo  reclame  la 
parole,  relativernent  a  la  question  de  la  liberte  de 
1'exercice  de  la  medecine,  question  ecartee  par  la  troi- 
sieme  section  ,  et  prononce  un  discours  dont  la  subs- 
tance est,  que  les  de'couvertes  medicales  ne  peuvent 
etre  jugees,  en  definitive,  que  par  leurs  resultats  com- 
pares aux  effets  des  autres  medications ,  et  qu'il  ne  s'agit 
pas  de  changer  le  mode  d'examen  de  ces  decouvertes; 
mais  que  settlement ,  pour  garantie,  il  faut  y  ajouter, 
comme  aux  assises,  la  presence  du  jury. 

Apres  une  courte  refutation  par  M.  le  docteur  Leon 
Simon  ,  1'ordre  du  jour  est  prononce. 


Seance  du  huidi  19  septembre  1836. 
Preside/ice  de  M.  DE  LA  PLACE  DE  MONTEFRAY. 

MM.  de  Villiers,  de  la  Tramblais,  Desbrosses,  du 
Plessis,  de  Recy  et  Laurent  donnent  lecture  des  proces- 
verbaux  des  sections. 

Le  Congres  adopte  les  reponscs  suivantes,  faites  par 
la  deuxieme  section  aux  6,e  et  10.e  questions  de  son 
programme  : 

«  La'grelie  do  la  vigne  est  encode  pen  pralkpiee  dans  les  viguohles  des 


ASSEMBLIES  GENERALES.  407 

bords  de  la  Loire,  mais  elle  a  1'avantage  d'etre  pen  coutcuse,  et  d'aug- 
meiiter  a-la-fois  la  quantite  et  la  qualite  des  produits.  » 

«  Le  Congres  pense  que  1'une  des  causes  de  la  diminution  de  1'impor- 
tance  individuelle  et  commerciale  du  bassin  de  la  Loire  est  la  diffieulte 
apportee  dans  la  navigation  du  fletive  par  1'encombrement  de  son  lit  ct 
la  mobilite  des  sables  qui  1'obstruent.  L'action  mecauique  des  appareils 
propres  a  dcbarrasser  le  loud  de  la  riviere  semble  etre  le  moyen  le 
plus  convenable  de  faire  disparaitre  la  cause  que  Ton  vient  de  signaler, 
et ,  sous  ce  rapport ,  le  Congres  desire  qu'il  soil  fait  uu  essai  du  bateau- 
herse  propose  par  M.  le  comte  de  Calonne.  » 

En  conformite  avec  la  proposition  faite  par  la  deu- 


«  Le  Congres  emet  le  vceu  que  le  gouvernement  prenne  les  moyen  s 
»  d'assurer  le  plein  et  entier  usage  du  systeme  mctrique  des  poids  et 
»  mesures,  en  cessant  de  tolerer  les  mesures  batardes  qui  sont  en  desac- 
»  cord  avec  ce  systeme ,  et  qui  font  avec  les  anciemies  mesures  une  inex- 
»  tricable  confusion.  » 

La  discussion  sur  la  9.e  question  du  programme  de 
la  sixieme  section  a  engage  cette  section  a  soumettre  a 
1'assemblee  la  proposition  suivante  : 

«  Le  Congres  croit  pouvoir  indiquer  les  mesures  qui  suivent  comme 
les  plus  efficaces  pour  detruire  la  mcndicite :  N 

»  1.°  Assurer  du  travail  aux  pauvres  valides  ,  des  secours  a  domicile, 
»  ou  des  asiles  communs  aux  pauvres  hors  d'etat  de  travailler;  2.°  fonder 
»  des  societes  de  patronage  et  d'assistance  pour  les  orphehns  et  les  en- 
»  fants  abandonnes  qu'elles  s'occuperont  de  placer  en  apprentissage  au- 
»  pres  d'ouvriers  peres  de  famille;  3.°  etablir  des  colonies  agricoles  et 
»  industrielles  pour  y  placer  les  hommes  valides  qui  auront  ete  trois  fois 
»  repris  de  justice  pour  vagabondage.  »  —  Adopte. 

Differentes  propositions  relatives  a  1'abolition  de  la 
peine  de  mort  sont  presentees  au  Congres,  qui  ordonne 


403  ASSEMBLIES  GENERALES. 

que  la  discussion  soit  ouverte  cle  nouveau.  M.  de  Pe'tigny 
monte  a  la  tribune. 

L'honorable  orateur,  dans  line  chaleureuse  improvi- 
sation ,  dont  il  nous  est  impossible  de  reproduire  les 
termes,  demande  que  la  peine  de  mort  ne  soit  jamaisap- 
pliquee  pour  les  crimes  politiques.  Les  paroles  eloquen- 
tes  de  M.  de  Petigny  sont  couvertes  d'unanimes  applau- 
dissements. 

M.  de  Boisthibault  a  la  parole. 

L'orateur  declare  vouloir  combattre  cette  proposition 
de  la  sixieme  section ,  que  dans  1'e'tat  actuel  des  choses 
la  peine  de  moTt,par  la  crainte  quelle  inspire  aux  hom- 
ines ,  est  propre  a  diminuer  le  nombre  des  crimes  qu'elle 
est  destinee  a  reprimer.  Apres  avoir  recherche  si  la 
societe  a  le  droit  d'infliger  cette  peine,  ce  qu'il  con- 
teste,  il  examine  quels  seront  les  effets  de  la  peine  de 
mort,  et  se  resume  en  ces  termes  : 

1.°  Intimide-t-elle? — II  est  avoue  par  tous  les  publicistes  que  1'intimi- 
dation  ne  resulte  pas  de  la  severite  de  la  peine;  notre  ancienne  legisla- 
tion criminelle  en  est  un  exemple  frappant.  La  torture  et  les  supplices  de 
1'epoque  ont-ils  jamais  intimide  le  coupable?  Sous  Louis  XIV,  alors  que 
les  edits  centre  les  duels  punissaient  cruellement  les  duellistes,  les  duels 
furent-ils moins  uombreux?  aucontraire,  ncsait-on  pas,  de  nos  jours,  que 
la  legislation  qui  a  adouci  les  peines  portees  par  notre  code  penal  a  amene 
une  diminution  sensible  dans  certains  crimes.  Il  faut  done,  pour  retenir  le 
coupable,  que  la  peine  soit  en  rapport  avec  nos  moeurs,  autremeut  elle 
n'est  nullement  propre  a  le  repriiner. 

2.°  Est-elle  efficace? —  Chaque  annee  nos  statistiques  ne  presentent- 
ellcs  pas,  indcpendamment  du  cbiffre  an  moins  cgal  des  crimes  punis  de 
la  peine  capitale,  des  recidives  en  si  grand  nombre  qu'on  s'etonne  de 
rinefficacite  de  la  peine.  Ajoutons  qu'il  est  des  cas  pour  lesquels  il  fan- 


ASSEMBLIES  GENERALES.  409 

drait  a  toujours  abolir  la  peine  de  mort;  nous  voulons  parler  des  crimes 
politiques.  En  politique  comme  en  religion ,  la  mort  est  le  moyen  le  plus 
propre  a  fauatiser  les  parlis  au  lieu  de  les  calmer. 

3.°  La  peine  de  mort  demoralise  la  societe. —  Nos  gouvernants  ne  le 
reconnaissent-ils  pas  comme  nous,  alors  que  sur  150  condamnations  a 
mort  prononcees  chaque  annee ,  uu  tiers  est  mis  a  execution.  Les  execu- 
tions n'intimident  pas,  c'est  un  spectacle,  un  attrait  pour  la  curiosite; 
dans  les  bagnes ,  ou  Pautorite  a  donne  a  ces  executions  quelque  chose  de 
dramatique,  les  meurtres  n'en  sont  pas  moins  frequents :  une  execution 
n'intimide  pas  les  forcats.  Jadis ,  le  jour  d'une  execution  etait  un  jour  de 
marche,  on  executait  a  midi,  coram  populo...,  aujourd'hui  on  choisit  le 
jour  ou  il  y  a  moins  d'individus  reunis ,  on  eloigne  de  nos  villes.  le  lieu  de 
1'execution,  le  supplice  a  lieu  le  matin,  comme  pour  ne  pas  attrister  le 
regard  du  peuple...  On  concoit  que  la  vue  du  sang  le  demoralise  et  le 
rend  insensible  en  le  voyant  couler. 

N'est-ce  rien  que  de  penser  qu'avec  la  peine  de  mort  la  societe,  faiV- 
lible  comme  1'homme,  peut  condamneE  un  innocent!  Ge  seul  fait  possible 
ne  doit-il  pas  repondre  aux  partisans  du  maintien  de  la  peine  de  mort  ? 
Ajoutons  que  1'homme  coupabie  peut  se  repentir;  Dieu  lui  pardonne,  et 
la  societe  le  condamne 

Mais,  dit-on,  en  abolissant  la  peine  de  mort,  la  sociele  reste  desarmce 
en  presence  du  crime.  Ne  reste-t-il  pas  le  regime  penitentiaire  dont  les 
puissants  resultats  sont  aujourd'hui  reconnus  en  Suisse ,  en  Angleterre  et 
en  Amerique?  En  France,  le  gouvernement  en  est  si  bien  convaincu  qu'il 
a  etabli  le  penitencier  de  Saint-Germain  pour  les  militaires,  qu'on  en  pre- 
pare un  a  Limoges ,  et  que  dans  plusieurs  villes  de  France  on  retablit  les 
prisons  sur  le  modele  des  penitenciers.  Catherine  II ,  pour  la  Russie ,  la 
Louisiane,  la  Toscane ,  n'ont-elles  pas  aboli  la  peine  de  mort,et  signale-t-oa 
les  abus  qui  seraient  resultcs  de  son  abolition.?  Le  plus  grand  ennemi  de 
toute  reforme ,  c'est  la  peur ;  c'est  centre  elle  que  nous  combattons ,  et , 
en  verite ,  doit-elle  compter  pour  quelque  chose  dans  la  conscience  de 
1'homme  de  bien? 

M.  Bergevin  demande  la  parole  pour  un  fait  person- 
nel. II  n'avait  pas,  dit-il,  I'intention  de  prendre  part  a 
cette  discussion  j  et  s'il  n'eut  ete  personnellement  designe 
dans  (juelques  uns  des  arguments  developpes  par  M.  de 


410  ASSEMBLIES  GI^NERALES. 

Boisthibault ,  il  eut  laisse  an  sens  droit  cle  Fassemblee  le 
soin  cle  repondre  aux  objections  de  Thonorable  membre 
par  une  eclatante  approbation  clonnee  a  la  proposition 
de  la  sixieme  section.  II  rappelle  somrnairement  les  con- 
siderations que  ses  amis  et  lui  ont  fait  valoir  dans  le  sein 
de  la  section. 

Nous  pensons,  ajoute-t-il,  que,  dans  Petal  actuel  des  chases,  le  main- 
lieu  de  la  peine  de  mort  est  uue  necessite  sociale ;  que  si  elle  n'existait 
pas,  le  nombre  des  crimes  qu'elle  est  destinee  a  reprimer,  tels  que  les 
assassiuats  ,  les  empoisonnements ,  les  incendies  ,  etc. ,  seraient  beauconp 
plus  nombreux  qu'ils  ne  le  sont  acfiiellemeut ,  que  lei  criminel  qui  af- 
tronte  avec  sang-froid  les  bagnes,  meme  a  perpctuite,  est  souvent  arrete 
dans  la  perpetration  et  le  developpement  de  ses  forfaits  par  la  seule  crainte 
de  la  peine  de  mort ;  qu'un  grand  nombre  de  crimes  demeurent  des  cri- 
mes du  second  ordre,  que  'beauconp  de  vols  ne  vont  pas  jusqu'a  Passassi- 
nat,  parce  que  leurs  auteurs  n'ont  point  ose  braver  la  peine  capitale. 

Ce  n'est  pas  que  nous  appellions  de  cette  peine  nne  frequente  applica- 
tion ;  loin  de  la ,  nous  voudrions  qu'elle  ne  recut  que  trcs  rarement ,  el 
dans  les  cas  les  plus  graves ,  son  execution.  Mais  ce  que  nous  voulons ,  ce 
que  nous  croyons  indispensable  a  1'ordre  et  au  repos  public,  c'est  son 
Inscription  dans  la  lol ,  c'est  la  possibilite  de  son  application  ;  c'est  qu'elle 
soil  toujours  en  perspective  aux  bommes  assrz  pervers  pour  mcditer  et 
executer  les  forfaits  qu'elle  est  appelee  a  reprinier.  Cela  seul  suffit ;  le  but 
est  atteint. 

En  vain  dira-t-on  que  bien  des  gens  ignorent  que  cette  peine  s'applique 
a  tel  on  tel  crime,  que  des-lors,  pour  ces  individus,  elle  esl  sans  effica- 
cite;  c'est  une  erreur  :  il  n'est  personne,  quelque  faibles  que  soient  ses 
tacultes,  qui  ne  sacbe  que  la  peine  de  mort  est  la  punition  du  parricide, 
de  1'assassinat,  de  1'empoisonnement ;  ce  sont  la  de  ces  idecs  qui  sont, 
pour  ainsi  dire  ,  innees  dans  I'inlelligence  de  1'homme,  et  c'est  cvidem- 
ment  a  la  crainte  qu'elles  inspirent  qu'oii  doit  le  fuible  nombre  de  ces 
crimes. 

L'orateur  repousse  egalementrargument  tire  de  Tinef- 
ficacite  de  la  legislation  sur  le  duel.  II  ne  pense  pas  qu'on 
puisse  induire  de  ce  qui  se  passe  a  1'cgard  des  duels 


ASSEMBLIES  GENE"  RALES.  411 

aucune  consequence  applicable  aux  crimes  atroces  dont 
il  a  deja  parle. 

Le  principe  des  uns  et  des  autres ,  ajoute-t-il ,  est  tellement  different , 
qu'il  ne  pent  jamais  y  avoir  analogie.  Sans  doute,  les  peines,  quelque 
graves  qu'elles  soient ,  peuveiit ,  dans  certains  cas ,  ne  pas  empccher  ce 
qu'un  faux  point  d'honneur  parait,  si  Ton  veut,  exiger;  mais  leur  intimi- 
dation sera  toujours  puissante  et  ei'ficace  pour  arreler  des  actions  qui  pren- 
nent  leur  source  dans  les  sentiments  les  plus  bas  et  les  plus  degrades  du 
coeur  humain.  A  ces  actes  il  faut  opposer  des  peines  terrifiantes ;  il  faut 
bannir,  pour  ceux  qiii  seraient  tentes  de  s'en  rendre  conpables ,  toute  es- 
perance  de  pouvoir  un  jour  jouir  du  fruit  de  letirs  forfaits.  Seule,  la  peine 
de  mort  eutraine  cet  effet ,  et  quant  a  present ,  dans  notre  ordre  social ,  il 
n'est  pas  de  bagnes,  de  prisons,  de  penitenciers  qui  puissent  y  suppleer. 

Quant  au  reproche  de  demoraliser  la  societe  ,  je  ne  comprends  pas 
qu'une  peine  qui  est  le  plus  puissant  obstacle  oppose  au  crime  puisse  de- 
moraliser la  societe.  Les  exemples  d'executions  dans  les  bagnes  me  parais- 
sent  aussi  on  ne  pent  moins  concluants  :  tout  ce  qu'on  pent  en  inferer, 
c'est  qu'il  y  a  des  homines  assez  pervers  pour  ne  pas  se  laisser  arretcr 
meme  par  la  craiute  de  la  mort.  Mes  amis  et  moi  n'avons  jamais  pretend  u 
que  la  peine  de  mort  dut  avoir  pour  resultat  absolu  d'empeclier  la  perpe- 
tration de  tons  les  crimes  qu'elle  est  destinee  a  reprimer ;  nous  pensons 
seulement  que ,  sans  elle ,  les  menies  crimes  seraient  infmiment  plus  fre- 
quents. 
, 

Apres  diverses  autres  considerations  ,1'orateur  declare 

qu'il  ne  combattra  pas  1'amendement  propose  par  M.  de 
Petigny  sur  les  crimes  et  delits  politiques.  Mais  il  pense 
qu'il  faut  faire  une  distinction ,  et  il  ne  doute  pas  qu'elle 
soil  dans  1'esprit  de  M.  de  Petigny,  entre  les  fails  pure- 
ment  politiques  et  les  attentats  contre  les  personnes. 

Au  surplus,  ajoute  1'orateur,  je  suis  heureux  de  pouvoir  faire  unescm- 
blable  declaration  de  ce  siege  d'ou  jamais,  pour  des  faits  politiques,  n'a 
cte  prononcee  une  condamnation  capitale.* 

*  Aucune  peine  capitale  n'a  cte   prononcee  aux  diverges  assises  tonnes  a  Blois  pour 
le  jugemeiit  des  aflfaiies  de  TOiK'st.  1VI.  Uergeyui  presidait  les  assises  de  i83a. 


4 12  ASSEMBLEES  GENERATES. 

M.  de  Petigny  s'empresse  de  declarer  qu'il  n'a  jamais 
entendu  parler  que  des  crimes  politiques  autres  que 
1'assassinat. 

M.  le  docteur  Simon  demande  que  la  question  soit 
renvoyee  au  prochain  Congres,  la  solution  de  la  ques- 
tion n'ayant  pas  ete  motivee  sur  des  faits  assez  nom- 
breux.  Les  consequences  de  1'abolition  de  la  peine  de 
mort,  dans  certains  pays,  n'ayant  pas  ete  connues  suf- 
fisamment,  la  question  n'a  pas  ete  bien  etudiee,  et  il  est 
d'uii  interet  moral  de  la  renvoyer  au  Congres  de  Metz , 
afin  que  d'ici  la  des  renseignements  precis  puissent  etre 
rassembles. 

Apres  une  vive  discussion,  a  laquelle  prennent  part 
MM.  Hunault  de  la  Peltrie,  Dain,  Jullien  (de  Paris), 
Porcher,  de  Courteilles,  Chatelain  etBergevin,  le  ren- 
voi  est  repousse^  et  la  redaction  suivante,  proposee  par 
M.  Porcher ,  est  adoptee  : 

«  Le  Congres  declare  que,  dans  Petal  actuel  de  la  societe,  la  peine  de 
»  mort,  par  la  crainte  qu'elle  inspire  aux  hommes,  est  propre  a  diminuer 
»  le  nombre  des  crimes  qu'elle  est  destinee  a  reprimer;  il  emet  le  voeu 
»  que  cette  peine  ne  soit  appliquee  que  le  plus  rarement  possible  et  pour 
»  les  cas  les  plus  graves ,  et  jamais  pour  les  crimes  politiques  autres  que 
»  Tassassinat.  » 

Cette  decision  excite  quelques  reclamations  dans  1'as- 
semblee.  M.  Herpin  (de  Chateauroux)  demande  que  les 
noms  des  membres  qui  protestent  contre  elle  soient 
inscrits  au  proces-verbal.  Cette  demande  est  ecarlee. 

M.  Jullien  desirerait  qu'un  amendement  fiit  joint  a  la 
decision  que  vient  de  prendre  le  Gongres,  afin  qu'en  re^ 


ASSEMBLIES  GENERALES.  413 

pondant  au  besoin  du  present ,  on  laisse  an  moins  une 
esperance  pour  lavenir. 

La  discussion  ayant  etc  fermee  par  1'adoption  de  la 
proposition,  1'assemblee  passe  a  1'ordre  du  jour. 

M.  de  Boisthibault  donne  lecture  d'un  rapport  au 
nom  de  la  commission  chargee  par  la  sixierne  section 
de  visiter  le  prytanee  de  Menars. 

Messieurs,  1'un  de  nos  honorables  collegues,  M.  le  prince  de  Chimay, 
a  exprime  le  desir  qu'une  commission ,  choisie  parmi  les  membre  de  la 
sixicme  section  du  Congres ,  visitat  le  prytanee  de  Menars  :  vous  vous 
etes  empresses  de  repondre  a  ce  desir,  aussi  honorable  pour  son  auteur 
que  pour  vous.  Votre  commission  s'est  transportee  hier  a  Menars  pour 
s'acquitter  de  la  mission  que  vous  lui  aviez  confiee;  elle  m'a  fait  I'honneur 
de  me  nommer  son  rapporteur;  je  viens  vour  soumettre  mon  travail.  Pour 
vous  mettre  a  meme  d'apprecier  1'utilite  du  prytanee  de  Menars,  nous 
diviserons  notre  rapport  en  deux  parlies  :  nous  examinerons  d'abord 
1'etat  materiel  de  cet  etablissement ;  nous  vous  parlerons  ensuite  du  sys- 
teme  d'enseignement  qu'on  y  suit. 

M.  le  prince  de  Chi  may  a  fonde  cet  etablissement  en  1832.  Grande  et 
noble  idee,  puisqu'elle  a  pour  objet  de  repandre  1'instruction !  Vous 
concevez  ce  que  la  fondatton  a  du  router  de  sacrifices  et  d'etudes:  que 
d'observations  exige  1'enseignement !  A  examiner  celte  maison  d'apres  les 
details  dans  lesquels  M.  de  Chimay  est  entre  devant  la  commission  ,  on 
pent  dire  qu'il  est  difficile  de  rencontrer  des  previsions  qui  se  soient 
mieux  venfiees,  comme  aussi  une  appreciation  plus  judicieuse  des  besoins 
des  eleves.  Les  salles  d'etudes,  les  refectoires,  les  dortoirs  sont  remarqua- 
bles  par  I'beureuse  disposition  des  locaux ,  la  salubrite  qu'on  y  remarque , 
le  gout  parfait  dans  1'ameublement  :  les  lits  sont  tous  en  fer  et  d'un  mo- 
dele  elegant.  A  chacune  des  extremitcs  des  dortoirs  sont  les  places  des 
surveillants  qui,  de  leurs  lits,  voient  les  eleves  et  les  observent.  En  hiver, 
des  caloriferes  entretiennent  dans  les  dortoirs  une  chaleur  temperee.  L'in- 
firmerie  est  pourvue  de  tout  ce  qui  est  necessaire  a  ses  besoins,  d'une 
salle  de  bains,  d'une  pharmacie.  Une  salle  est  specialement  destince  a 
l'escrime  ,  a  la  gymnastique  ;  de  meme  que  dans  les  cours  on  a  etabli  des 


414  A  SSEMBLI':  ES  G£N£R ALES. 

apparoils  dans  le  genre  do  oeux  du  colonel  Amoros.  L'education  ,  en  exer- 
canl  1'esprit ,  doit  tendre  a  developper  le  corps. 

Si  nous  devons  jnger  de  la  tenue  des  eleves  par  ceux  en  tres  petit 
nombre  que  nous  avons  trouves  an  prytanee  do  Menars ,  nous  dirons  quo 
colte  tenue  est  excellente.  L'epoque  des  vacances  ne  laissait  dans  1'elablis- 
semenl  que  les  eleves  appartcnant  a  des  pays  fort  eloignes. 

Le  materiel  nous  a  paru  dans  1'etat  le  plus  satisfaisant ,  et  nous  devons 
snrlout  faire  remarquer  que  le  prytanee  est  eclaire  dans  toutes  ses  parties 
par  le  gaz  obtenu  de  1'huile  de  ricin,  et  qui  donne  la  lumiere  la  plus 
pure  et  la  moins  offensive  pour  la  vue. 

Mais  ce  qui  a  surtout  fixe  1'attention  de  la  commission ,  c'est ,  a  cote 
de  I'instruction  destinee  a  celui  qui  a  le  moyen  de  la  payer,  le  droit  re- 
connu  a  ceux  qui  ne  1'ont  pas  de  1'acquerir  egalcment.  Sous  la  denomina- 
tion d'ecole  de  pionniers,  M.  do  Chimay  a  forme  en  realite  une  ecole 
des  pauvres.  Us  sont  loges,  nourris  et  vetus  aux  frais  de  la  maison,  puis 
reparlis  dans  les  difterents  ateliers.  Leur  apprentissage  est  fixe  a  trois  ans. 
Us  recoivent  en  meme  temps  I'instruction  religieuse  et  primaire.  Nous 
avons  vu  le  produit  des  travaux  des  eleves,  comnie  tailleurs,  cordonniers, 
etc. ;  nous  nous  sommes  convaincus  de  leur  bonne  confection.  C'est  la  une 
conception  genereuse,  car  c'est  surtout  envers  la  classe  pauvre  que  la  so- 
ciete  est  redevable  de  I'instruction  primaire;  tons  les  efforts  du  gouverne- 
ment  justificnt  cette  proposition.  Deux  ministrcs  du  culte ,  1'un  catholiquc 
et  1'autre  protestant,  sont  attaches  au  prytanee. 

Nous  regrettons  vivement  que  1'ecole  des  arts  et  metiers  ait  etc  suspen- 
due;  c'etait  une  creation  des  plus  philanthropiques  dont  nous  avons  pu  re- 
connaitre  les  excellents  resultats.  On  enseignait  dans  cette  ecole  1'etat  d(> 
cbarron  ,  de  carrossier,  de  menuisier-ebeniste ,  de  menuisier  en  voitures  , 
de  forgeron ,  de  serrurier  en  voitures,  etc.  Nous  avons  vu  des  meubles  de 
palissandre,  incrustes  de  bois  de  houx,  parfaitement  travailles,  et  acheves 
comme  1'eussent  fait  rios  meilleurs  ouvriers  ebenistes  de  Paris.  Nous  avons 
vu  d'autres  objets  confectionnes  avec  le  meme  soin  et  le  meme  gout. 

Tels  sont,  messieurs,  les  renseiguements  que  nous  avons  pu  recueillir 
au  milieu  de  nos  travaux  si  multiplies ,  sur  le  prytanee  de  Menars.  C'est 
avec  une  veritable  satisfaction  que  nous  vous  en  rendons  compte ;  ils  te- 
•moignent  d'une  idee  generale  et  avancee,  celle  d6  propager  l'instruction 
dans  les  classes  les  plus  pauvres  de  la  societe.  Pourquoi  n'ajouterions-nous 
pas  que  1'on  ne  pent  visiter  Menars  sans  trouver  dans  cette  visite  i\n  haul 
enseignement.  C'est  une  rpoque  heureuse  que  celle  dans  laquelle  nous 
\ivons,  entre  Thomme  favorise  de  la  fortune  et  celui  qui  n'a  qu'un  patri- 


ASSEMBLIES  CtflNE" RALES.  415 

moine  modesle,  il  y  a  meme  instruction,  meme  rivalite,  celle  de  pro- 
pager  la  science  et  de  repartir  des  counaissances  utiles  entre  tontes  les 
intelligences...  II  n'en  est  pas  un  panni  nous  qui,  en  voyant  Menars  an 
milieu  des  souvenirs  frivoles  d'un  temps,  deja  loin  de  nous,  n'ait  ete  heu- 
reux  d'y  rencontrer,  un  elablissemeiit  utile,  des  institutions  liberates,  une 
noble  dispensation  de  la  richesse,  et  de  constater  ainsi  les  progres  du 
siecle! 

M.  Guerin  d'Ogonniere,  secretaire  perpetuel  de  la 
societe  royale  d'agriculture  de  Loir-et-Cher,  donne  lec- 
ture du  rapport  suivant  sur  le  concours  de  charrues  qui 
a  eu  lieu  dans  la  matinee  : 

Le  19  septembre  1830,  a  huit  heures  du  matin,  la  commission  pour 
le  concours  de  charrues  s'est  reunie  an  lieu  indique  par  le  programme. 
Quatorze  concurrents  s'elaient  fait  inscrire  chez  le  secretaire  perpetuel  de 
la  societe  d'agriculture  de  Blois,  mais  huit  seulement  se  sont  presentes 
savoir :  l.°  Antoine  Lejeau  ,  laboureur  de  M.  le  vieomte  de  Maupas,  avee 
une  charrue  du  pays,  moaifiee  et  attelee  de  deux  chevaux ;  2.°  Dorleans, 
laboureur  de  M.  Marie,  cultivateur  a  Cheverny,  avec  une  charrue  beige 
a  deux  chevaux;  3.°  Nicolas,  laboureur  de  M.me  la  eomtesse  de  Sainte- 
Aldegonde,  avec  une  charrue  americaine  a  deux  boeufs  ;  4.°  Pierre  Hes- 
nault,  cultivateur  a  Sassay ,  avec  une  charrue  beige  a  deux  chevaux; 
5.°  Bruere,  cullivateur  et  charron  a  Fosse  ,  avec  une  charrue  du  pays,  a 
grandes  rouelles,  et  attelee  de  deux  chevaux;  6.°  Nothum  ,  laboureur  de 
M.  Durand  de  la  Basme,  avee  une  charrue  beige  modifiee,  a  deux  che- 
vaux; 7.°  Alexis  Mauguin,  cultivateur  a  Saint-Gervais  ,  avec  une  charrue 
legere,  a  un  cheval  ,executeepar  lui-meme,  mais  presentee  attelee  de  deux 
chevaux;  8.°  Pierre  Sarron,  cultivateur  aux  Granges,  avec  une  charrue 
du  pays  attelee  de  deux  chevaux. 

Les  operations  terminees  ,  le  jury  a  cru  devoir  decerner  les  recompen- 
ses dans  1'ordre  suivant  :  l.er  prix  de  charrues,  consistant  en  une  charrue 
Dombasle  et  une  inedaille  d'argent,  a  M.  Durand  de  la  Basme  ;  2.e  prix  , 
charrue  beige  modiliee  et  medaille ' d'argent ,  a  M.  le  vieomte  de  Maupas. 
Le  premier  prix  de  labour  a  ete  adjuge  au  sieur  Lejeau,  qui  conduisait  la 
charrue  de  M.  de  Maupas,  et  le  second  a  Nothum,  c.onducteur  de  la  char- 
rue  de  M.  Durand.  Quant  aux  accessits,  la  commission,  pressee  par  le 


416  ASSEMBLEES  GENERALES. 

temps,  a  dii  ajourncr  sa  deliberation  a  cet  egard,  et  prier  la  societe  d'a- 
griculture  de  Blois  d'en  fa  ire  la  distribution  ulterieuremeut. 

Parmi  les  instruments  aratoires  et  d'economie  rurale  presentes  a  la  com- 
mission ,  elle  a  distingue  :  1 ,°  line  pelle-beche  a  deux  brancards  ou  man- 
sins,  tiree  par  deux  boeufs  ,  importee  des  Elats-Unis,  servant  aux  deface- 
ments de  terre  et  a  confcctionner  les  routes  dans  les  terrains  legers , 
presentee  par  M.  de  Boisaubin;  2.°  nne  houe  a  cheval ,  propre  au  binagc 
des  racines  et  meme  a  la  culture  de  la  vigne,  et  attelee  d'un  seul  cheval , 
prese-utee  par  M.  Durand,  qui  1'a  fait  executer  sur  ses  dessinspar  le  sieur 
Bonhus.  Deux  medailles  de  bronze  ont  etc  offertes  a  MM.  de  Boisaubiu  et 
Durand  par  M.  Chatelain,  au  nom  de  1'academie  de  1'industrie  mauufac- 
turicre  et  agricole.  Deux  medailles  d'argent  ayant  etc  raises  a  la  disposi- 
tion de  la  commission,  1'une  par  M.  Lair,  represcntant  au  Congres  la  so- 
ciete d'agriculture  de  Caen ,  1'autre  par  M.  Chevereau ,  representant  de 
la  societe  d'agriculture  d'Evreux ,  le  jury  a  decerne  la  premiere  de  ces 
medailles  a  M.  Mirault,.mecanicieu  a  Saint-Aignan,  et  auteur  d'un  hache- 
paille ,  d'un  coupe-racine  et  d 'a  tit  res  instruments  d'economie  rurale  per- 
fectionnes;  et  la  deuxieme  a  M.  Besnard  (  de  Romorantin  ),  fabricant 
^'instruments  aratoires  de  tout  genre. 

Les  conclusions  clu  rapport  sont  adoptees  par  le  Con- 
gres, et  les  recompenses  distribuees  par  M.  le  president. 

L'ordre  du  jour  etant  epuise,  M.  le  president  de- 
mande  la  parole,  etprononce  le  discours  suivant  : 

Messieurs,  elle  est  grande,  elle  deviendra  fecoude  en  resultats  utiles, 
la  pcnsce  de  ceux  qui ,  les  premiers,  concurent  le  projet  des  Congres  scien- 
tifiques. 

Exposer  les  bases  sur  lesquelles  est  assise  1'organisation  de  ces  impo- 
santes  assemblies ,  ce  sera  signaler  les  avantages  qu'on  a  droit  d'en  at- 
tendrc. 

Gbaqtie  annee  sont  comics  en  reunion  generale,  avec  les  hommes 
cbarges  de  bautes  fonctions,  les  amis  des  sciences  qui  eclairent  et  instrui- 
sent,  des  lettres  qui  charmeut  et  consolent,  et  des  arts  qui  embellissent 
la  vie;  et  c'est  vers  ces  trois  directions  que  sont  ameues  les  travaux  dont 
le  Congres  s'occupe.  En  exclure  toute  discussion  politique  fut  un  acte  de 
sagesse  et  de  haute  prcvoyance ,  mais  e'en  est  un  de  patriolisme  bien  pur 


ASSEMBLIES  G^NERALES.  417 

ile  provoquer  1'emission  de  toutes  les  idees  qui  peuvent  tendre  a  ameliorer 
notw  legislation  et  a  simplifier  notre  sysleme  administratif ,  d'inviter  les 
membres  du  Congres  a  proposer  ce  qu'ils  croient  bon  dans  les  interets 
des  sciences,  de  Tagriculture,  du  commerce,  des  arts  et  de  1'industrie ,  et 
enfin  tout  ce  qui  petit  aider  le  pays  a  sortir  de  1'etat  d'inquietude  et  de 
malaise  mi  depuis  trop  long-temps  il  se  trouve  place. 

Tel  est  le  but  que  veut  atteindre  1'institution  nouvelle  dont  trois  essais 
successifs  en  France  out  prouve  Futilite.  Esperons  que  la  session  de  1836 
aura  confirme  les  heureux  presages  que  les  premieres  avaient  fait  conce- 
voir. 

Que  la  France  continue  a  etre  exploree  par  des  reunions  de  cette  na- 
ture, qu'elles  aient  lieu  successivement  dans  ses  differentes  contrees;  que 
des  bommes  qui,  egalement  ammcs  du  desir  de  ramener  1'ordre  et  1'union ,  ne 
different  que  siw  le  choix  des  moyens  propres  a  les  obtenir,  se  reunissent  pour 
discuter  avec  franchise  et  convenance  leurs  idees ,  les  peser ,  les  murir  , 
les  echanger;  alors  s'etabliront  entre  tons  les  hommes  de  bien  et  de  talent 
des  relations  qui,  nees  dans  les  Congres,  conservees  par  les  souvenirs, 
entretenues  par  les  correspondances  ,  propagees  par  1'ascendant  que  1'es- 
prit  et  la  raison  finissent  toujours  par  obtenir  sur  les  populations,  parvien- 
drorit  enfm  (  nous  en  concevons  I'espoir )  a  ramener  parmi  les  habitants 
de  ndtre  belle  pa'trie  ce  calme  de  1'ame ,  cette  tranquillite  de  1'esprit  qui 
opposeut  la  plus  puissarite  des  digues  a  1'invasion  du  torrent  devastateur 
de  1'anarchie. 

Oui,  messieurs,  elles  doivent  avoir,  elles  auront  un  terme,  ces  fluc- 
tuations, ces  incertitudes,  ces  craintes,  ces  divisions  qui,  depuis  pres  d'un 
demi-siecle ,  afQigent  les  vrais  amis  de  leur  pays  ;  et  quel  moyen  plus  pro- 
pre  a  hater  ce  -moment  si  desire  que  le  rapprochement  des  hommes  sous  la 
triple  banniere  des  sciences  ,  des  lettres  et  des  arts;  ces  trois  grandes 
puissances  ont  seules  cree  la  civilisation ,  seules  elles  peuvent  la  conserver 
ou  y  ramener.  On  sera  bien  mieux  dispose  a  s'entendre  en  politique  quand 
on  aura  concouru  loyalement  a  tout  ce  qui  tient  a  1'ordre  social  sous  les 
rapports  moraux ,  intellectuels  et  aftistiques. 

II  etait  bien  naturellement  appele  a  donner  une  bienveillante  hospitalite 
a  une  reunion  de  ce  genre,  le  Blaisois ,  pays  riche  en  beaux  souvenirs 
historiques  et  litteraires ,  ou  tant  de  sites  delicieux  reclament  la  palette  et 
les  pinceaux  du  peintre;  tant  de  monuments  remarquables ,  le  crayon  et 
la  plume  de  I'archeotogue ;  tant  de  champs  feconds  en  produits  varies ,  les 
observations,  les  recherches ,  les  descriptions,  les  instruments  du  geologue, 
du  naturaliste,  du  botanisle  et  de  1'agriculteur.  Les  liaisons  d'estime  et 

39 


418  ASSEMBLIES  G^NE"  RALES. 

d'amitie  qui  se  sont  formces  dans  cette  enceinte  pendant  notre  reunion 
sont  du  nombre  de  celles  qu'on  u'oublie  jamais ,  parce  qu'elles  out  passe 
par  le  coeur  avant  d'arriver  a  la  memoire.  Elle  nous  out  fait  acquerir  celte 
douce  conviction  ,  que  la  nation  francaise  a  su  conserver  dans  toute  sa  pu- 
rete  native ,  cette  urbanite  qui  la  caracterisa  a  loutes  les  epoques  et  dans 
toutes  les  circonstances  ou  les  passions  irritantes  ue  sont  pas  venues  desunir 
les  enfants  d'une  meme  patrie. 

C'est  a  cette  urbanite,  dont  1'ancienne  et  noble  cite  de  Blois  a  su  si  reli- 
gieusement  garder  le  depot  et  transmettre  les  traditions  ,  que  les  membres 
du  Congres  doivent  1'agreable  accueil  qu'ils  ont  recu  du  chef  si  judicieux. 
et  si  eclaire  de  radministration  de  Loir-et  Cher,  des  differentes  autorites 
de  cette  ville  et  de  tous  les  Blaisois ,  et  c'est  pour  le  Congres  dont  je  suis 
1'organe ,  un  devoir  et  un  besoin  de  ne  pas  clore  sa  session  sans  leur  eu 
exprimer  sa  vive  reconnaissance. 

Qu'ils  en  recoivent  aussi  1'assurance ,  ces  savants  insulaires ,  fils  d'une 
nation  qui  a  abjure  ses  haines  anciennes,  et  qui  se  sont  si  franchement, 
si  utilement  associes  a  nos  deliberations. 

Que  mes  collegues  du  bureau  ,  qui  si  souvent  ont  bien  voulu  me  rem- 
placer  dans  des  fonctions  dont  une  irritation  de  poitrine  si  inopportune- 
ment  survenue  ne  m'a  pas  permis  de  satisfaire  toutes  les  exigences,  re- 
coivent ici  mes  remerciments  pour  la  bienveillante  complaisance  avec 
laquelle  ils  m'out  supplee ;  qu'ils  recoivent  aussi  ceux  de  1'assemblee  entiere, 
pour  la  bonne  direction  qu'ils  ont  donnee  aux  discussions  et  pour  1'im- 
partialite  avec  laquelle  ils  ont  regie  les  debats. 

Le  Congres  a  aussi  des  graces  a  rendre  a  la  commission  d'organisation , 
composee  d'hommes  aussi  instruits  que  zeles,  qui  s'est  occupee  avec  tant 
de  discernement  du  soin  d'approprier  a  nos  exercices  les  locaux  que  la 
magislrature  et  le  corps  municipal  de  cette  ville  ont  si  obligeamment  mis 
a  notre  disposition ,  et  de  celui  de  reunir  et  de  classer  tout  ce  qu'une  cor- 
respondance  active  et  variee  a  procure  de  documents  precieux. 

Que  nos  remerciments  soient  aussi  agrees  par  le  jeune  et  savant  anti- 
quaire ,  par  le  litterateur  distingue ,  qui ,  secretaire  general  de  celte  ses- 
sion ,  a  retrace  le  recit  de  vos  seances  avec  cetle  clarte  et  cette  grace  de 
style  que  vous  etes  habitues  a  louer  dans  les  ecrits  dont  il  enrichit  notre 
France  savante  et  litteraire. 

Qu'ils  entrent  aussi  en  partage  de  notre  reconnaissance  et  de  nos  re- 
merciments les  secretaires  qui  lui  etaient  adjoints ,  et  les  secretaires  par- 
ticuliers  des  sections ,  dont  certes  les  proces-verbaux  ne  seront  pas  la 
partie  la  moins  remarquable  du  compte-rendu  de  nos  travaux. 


ASSEMBLIES  G^NERALES.  419 

Et  moi ,  messieurs ,  qui  ne  dois  vos  honorables  et  bienveillants  suffrages 
qu'aux  egards  dont  vous  vous  plaisez  a  entourer  1'age  avance  ,  et  peut- 
ctre  aussi  a  quelque  souvenir  de  la  bonne  volonte ,  de  la  franchise  et  du 
devouement  dont  jadis  j'ai  pu  offrir  a  ce  departement  quelques  temoi- 
gnages ,  daignez  agreer  1'expression  de  ma  gratitude  pour  la  confiance  dont 
vous  m'avez  honore  dans  cette  session.  Le  souvenir  en  restera  eternelle- 
ment  depose  dans  mon  coeur ;  il  fera  le  bonheur  du  petit  nombre  de  jours 
dont  la  jouissance  pourra  encore  m'etre  accordee. 

Les  liommages  et  les  remerciments  du  Congres  doivent  aussi  etre  of- 
ferts  a  celte  precieuse  moitie  du  genre  humain  destinee  a  diriger  nos  pre- 
miers pas  dans  la  vie,  a  en  embellir  le  cours,  et  a  nous  offrir  dans  les 
temps  difficiles  des  consolations  et  souvent  de  sages  conseils.  Nous  remer- 
cions  les  dames  blaisoises  de  leur  assiduite  a  nos  seances  generales.  Elles 
ont  prouve,  en  les  embellissant  par  leur  presence,  que  si  la  litteralure , 
et  les  maticres  de  gout  sont  ce  qui  est  le  plus  approprie  aux  habitudes  de 
leur  sexe ,  il  sail  cependant  se  placer  et  se  maintenir  dans  une  sphere 
plus  elevee,  toutes  les  fois  qu'il  s'agil  des  interets  ,  du  bonheur  et  des 
gloires  du  pays. 

Messieurs ,  la  4.e  session  du  Congres  scientifique  est  terminee ,  la  5. c  ses- 
sion s'ouvrira  a  Metz  an  commencement  de  septembre  1837. 

Le  discours  cle  1'honorable  president  est  accueilli  par 
de  vifs  applaudissements. 

Le  president , 

Le  secretaire  general,  DE  LA  PLACE  DE  MONTEVRAY. 

L.  DE  LA  SAUSSAYE.  Les  vice-presidents , 

Le  secretaire-adjoint,  L.  BERGEYIN, 

A.  LEROUX.  EM.  GAILLARD. 


420  STANCE  LITTE'RAIRE. 

e  *•»•  *•*•»•••••••••  ••••«•*••••«*•»*»•  .«•«»«•« 


SEANCE  L1TTERAIRE  DU  20  SEPTEMBRE. 


La  seance  a  etc  consacree  a  entendre  les  morceaux 
suivants : 

1.°  Une  Exposition  d'un  nouveau  systeme  pour  V ens ei- 
gnement des  langues,  parM.  1'abbe  Latouche  (de  Paris); 
2.°  un  Discours  en  faveur  de  V abolition  de  I'esclavage, 
prononce  par  M.  Jullien  (  de  Paris  ) ,  au  nom  de  miss 
Knight ,  anglo-ame'ricaine  ,  de  la  secte  des  Quakers ; 
3.°  une  Exposition ,  en  vers,  par  M.  le  vicomte  de  Car- 
bonnieres  (de Blois),  de  ses  Doctrines poetiques;  4.°  une 
traduction  en  vers,  par  M.  Turpin  (  de  Blois),  du  Mono- 
logue sur  V  immortalite  de  Vaine,  extrait  de  la  Trage'die 
de  Caton ,  par  Adisson ;  5.°  un  fragment  d'une  Epitre  a 
iiiadaine  laprincesse  Constance  de  Salm,  sur  la  tendance 
progressive  de  Vhumanite }  par  M.  Jullien;  6.°  La  Fille 
d'Eve,  conte  en  vers  ,  par  M.  Turpin  ;  7.°  une  piece  de 
vers  intitulee  :  Arthur,  chronique  normande ,  adressee 
au  Congres  par  M.  Wains-Desfontaines(de  Caen),  poete 
deux  fois  couronne  par  1'academie  de  Rouen;  8.°  un 
Resume  des  travaux  du  Congres  ,e\,  un  Discours,  au  nom 
de  la  Societe  des  Sciences  et  Lettres  de  Blois ,  adresse 
aux  etrangers  qui  ont  assite  a  la  reunion,  par  M.  du 
Plessis  (  de  Blois  ) ;  9.°  une  Allocution  en  reponse  au 
discours  de  M.  du  Plessis,  et  comme  remercimeiit  des 
etrangers  qui  ont  pris  part  aux  travaux  du  Congres,  par 
M.  le  vicomte  de  Courteilles*. 

*  La  commission  d'impression  a  regrette  de  ne  pouvoir  donner  dans  son  compte- 
rendu  ces  differents  niorteaux  qui  out  ete  vivement  applaudis ,  mais  qui  sorteut  des 
travaux  du  Congris. 


M^MOIRES  ET  DISCOURS.  421 


MEIIOHVES , 

DISCOURS   ET   PIECES    DETACHERS, 

DOTTT  LE  CONGRES  A  VOTE  I/IMrRESSIOW 

A  LA  SUITE  DU  COMPTE-RENDU  DE  SES  TRAVAUX. 


DBS 

INHUMATIONS  PRECIPITEES , 

CONSIDEREES  DANS  LEURS  RAPPORTS  AVEC  LA  MEDECINE  LEG ALE  ET  1A 
MORALE  PUBLIQDE; 

f)ar  Jit.  U  B.r 


LE  danger  des  inhumations  precipitees  a  sou  vent  etc  le  sujet  des  medi- 
tations du  moraliste  et  du  medecin.  II  a  fourni  matiere ,  depuis  plus  d'un 
siecle,  a  bien  des  memoires ,  a  bien  des  theses  ou  des  dissertations  plus  ou 
moins  savarites,  plus  ou  moins  remplies  de  verites  importantes,  et  dans 
lesquelles  les  droits  imprescriptibles  de  rhumanite  et  le  respect  du  aux 
morts  s'unissarent  pour  reclamer  une  nouvelle  legislation  funeraire.  Mais 
tel  estrempiredel'habitude,telle  est  la  force  del'usage  et  la  lenteur  de  la 
marche  de  I'esprit  humain,  que  les  choses  sont  demeurees  dans  le  memeetat', 
que  les  memes  abus  subsistent  toujours ,  et  que  peut-etre  ils  subsisteront  long- 
temps  encore.  Cependant  nous  sommes  arrives  a  une  epoque  ou  les  lu- 
mieres ,  en  penetrant  dans  toutes  les  classes  de  la  societe ,  eclairent  les 
hommes  sur  leurs  veritables  interets ,  et  ou  le  besoin  des  reformes  se  fait 
senlir  de  toutes  parts.  Nous  sommes  arrives  a  une  epoque  ou  les  gouver- 


422  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

nemculs  ne  peuvent  plus  reculer  devant  les  sollicitations  pressantes  des 
peuples ,  lorsque  le  flambeau  de  la  science  a  la  main  ,  ils  reclament  des 
institutions  grandes ,  philanthropiques  et  vraiment  libcrales,  dans  la  stricte 
et  noble  acception  de  ce  mot.  Ne  nous  lassons  done  point  de  faire  entendre 
la  verite;  dans  ce  siecle  ou  on  la  recherche  avec  tant  d'ardeur,  comment 
ne  serait-elle  pas  bien  accueillie? 

Je  ne  m'ecrierai  point  emphatiquement  avec  M.  Hector  Chaussier  en 
tele  d'un  ouvrage  d'ailleurs  fort  estimable  :  A  tons  les  souverains,  au  nom 
de  leurs  sujets  exposes  au  danger  d'etre  inhumes  'vivants!  Mais  je  dirai 
froidement  et  avec  tout  le  calme  et  le  serieux  que  comporte  un  aussi  grave 
sujet ,  que  les  gouvernements  toujours  si  empresses  d'adopter  les  mesures 
les  plus  minutieuses  pour  tout  ce  qui  regarde  le  fisc ,  restent  dans  une  inconce- 
vable  insouciance  pour  tout  ce  qui  louche  a  la  vie  des  hommes.  II  est  des 
verites  qui  ne  souffrent  point  de  commenlaires ;  telle  est  Pincertitude  des 
signes  de  la  mort ,  annoncee  par  tons  les  anciens ,  et  bien  reconnue  par 
tous  les  savants  de  notre  epoque.  II  est  aussi  de  ces  sentiments  qui  n'ont 
pas  besoin  d'etre  provoques  par  de  grands  mots ,  et  de  ce  nombre  est  as- 
surement  Fhorreur  qu'inspire  line  idee  aussi  epouvantable  que  celle  d'un 
homme  enferme  vivant  dans  la  tombe.  Ici,  comme  dans  tant  d'autres  cir- 
constances,  otfne  devrait  avoir  besoin  que  d'indiquer  le  mal  pour  que  le 
remede  vint  suivre  de  pres. 

Dans  Petal  actuel  de  nos  conuaissances ,  Pincertitude  des  signes  de  la 
mort ,  et  le  danger  d'inhumer  des  personnes  vivantes  qui  en  est  la  conse- 
quence immediate ,  ne  peuvent  plus  raisonnablement  etre  mis  en  doute. 
Ne  sont-ils  pas,  en  effet,  suflisamment  prouves  par  les  travaux  des 
hommes  qui  ont  fait  leur  etude  speciale  de  cette  matiere ,  et  les  noms  de 
Pierre  Zacchias,  W'mslow ,  Bruliier,  Tliiery,  Louis,  Marc,  Orjila,  Ju- 
lia-Fontenelle,  Tacheron,  Hector  Chaussier,  et  de  tant  d'autres,  n'onl-ils 
pas  quelques  droits  a  la  confiance  des  hommes  instruits  ?  Les  anciens  eux- 
memes  avaient  aper^u  cette  verite,  et  Platon  ,  Democrite ,  Plutarque, 
ApuUe ,  Celse,  Pline,  Quintilien ,  Saint-Aitgustin ,  parlent  dans  leurs 
ecritsde  1'incertude  des  signes  de  la  mort,  et  citent  des  fails  plus  ou  moins 
curieux  de  personnes  crues  mortes  et  qui  ne  Pelaieul  pas.  Pline  en  par- 
ticulier  cile  les  exemples  du  consul  Aclllus  Aviola  et  du  preleur  Lucius 
Lamia  qui  se  reveillerenl  sur  le  bucher,  mais  Irop  lard  pour  elre  rappeles 
a  la  vie.  11  parle  aussi  d'un  cerlain  Celius  Tubero  qui  donna  quelques  si- 
gnes de  vie  au  momenl  oil  on  le  deposail  sur  le  bucher ,  et  cut  ainsi  le 
bonheur  d'echapper  aux  flammes. 

Loin  de  moi  cependant  la  pensee  d'adinellre  indistiiictement  et  avec 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  423 

une  foi  robuste  la  verite  des  90  observations  recueillies  dans  divers  au- 
teurs  par  M.  Julia-Fontenelle,  ainsi  que  des  80  et  quelques  fails  sembla- 
bles  rapportes  dans  1'interessante  brocbure  de  M.  Hector  Chaussier. 
Ueaucoup  de  ces  observations  ,  il  fatit  en  convenir ,  ne  sont  point  appuyees 
de  temoignages  assez  autbentiques ,  et  se  ressenteut,  par  le  merveilleux 
qui  les  accompagne,  du  temps  ou  elles  out  ele  ecrites.  Souvent  aussi  les 
faits  s'alterent  en  passsant  de  boucbe  en  boucbe  et  les  journaux ,  toujours 
avides  de  ce  qui  pent  piquer  la  curiosite  du  pubUc,  enregistrent,  sans  trop 
de  reflexion,  dans  leurs  colonnes,  des  anecdotes  qui ,  pour  etre  possibles  , 
ne  sont  pas  toujours  vraies.  C'est  ainsi  qu'en  decembre  1833  ,  un  journal 
( le  Memorial  Bordelais ,  je  crois, )  annonca  qu'une  jeune  femme  venait  d'etre 
enterree  vivante  a  Cognac.  J'crivis  a  M.  le  maire  de  cette  ville  pour  avoir 
des  renseignements  positifs  a  ce  sujet,  et  M.  Emile  Albert,  premier  ad- 
joint de  la  mairie  de  Cognac ,  que  je  me  plais  a  remcrcier  ici  publique- 
ment,  cut  la  boute  de  me  donner  tous  les  details  qui  pouvaient  m'inte- 
resser  dans  cette  circonstance.  Il  m'apprit  qu'effectivement  le  bruit  avail 
couru  que  la  femme  Joussaume,  morte  le  4  decembre  1833,  et  iuhu- 
mee  le  5  ,  apres  1'expiration  du  delai  fixe  par  la  loi,  avail  etc  enterree  vi- 
vaute  ,  et  qu'ou  pretendait  avoir  entendu  dans  le  cimetiere  des  cris 
plaintifs  qui  semblaient  partir  de  sa  fosse;  mais  que  1'exbumation  ayant  ete 
ordonnee  et  faite  en  presence  de  lui  ,  M.  Albert,  le  7  du  meme  mois , 
sur  un  requisitoire  de  M.  le  procureur  du  roi ,  on  avail  trouve.  le  cadavre 
dans  un  elat  de  putrefaction  qui  venait  dcmentir  d'une  maniere  evidente 
tous  les  bruits  qui  avaient  circule.  Cette  explication  est  consolante ,  sans 
doute ;  mais  n'est-ce  pas  trop  deja  que  1'imperfection  de  notre  legislation 
funeraire  puisse  donner  lieu  a  de  semblables  doutes,  a  des  soupcons 
aussi  outrageants  pour  1'humanite.  Dernierement  les  journaux  de  Bruxelles 
annoncerent  qu'un  individu  cru  mort,  et  qu'on  se  disposait  a  mettre  dans 
la  biere ,  eut  le  bonheur  de  se  reveiller  a  1'instant  meme  ou  il  allait  y  etre. 
enferme  pour  toujours ,  et  il  ne  se  passe  guere  d'annees  que  les  gazettes 
francaises  ou  etrangeres  n'enregistrent  quelques  faits  semblables*  Nous  le 
repetons ,  ces  faits  ne  sont  pas  toujours  vrais;  mais  n'est-il  pas  honteux 
pour  un  petiple  civilise  qu'on  puisse  lui  annoncer  comme  vraisemblables 
de  telles  borreurs.  Un  seul  fait  bien  autbentiqne  de  cette  nature  devrait 
suffire  pour  eveiller  ralteution  des  chambres  et  du  gouvernement  sur  le 
besoin  d'une  reforme  que,  j'ose  1'esperer,  nous  n'altendrons  pas  bien 
long-temps.  Eb!  bien,  au  lieu  d'un  fait  unique,  n'en  avons-nous  pas  mal- 
heureusement  un  trop  grand  nombre  sur  1'existence,  desquels  on  ne  san- 
rait  clever  aucun  doute?  Qui  oserait  nier,  par  exemple,  le  malheur  arrive 


42*  MtfMOIRES  ET  DISCOURS. 

au  celebrc  Andre  Vesale,  premier  medecin  de  Charles-Quint  et  de  Phi* 
lippe  II,  qui,  condamne  a  la  peine  capitale  pour  avoir  fait  expirer  sous 
le  scalpel  tin  grand  d'Espagne  auquel  il  avail  donne  des  soins,  et  qu'il 
croyait  mort,  ne  dut  son  salut  qu?a  la  faveur  du  souverain,  qui  voulut 
Lien  commuer  sa  peine  en  un  pelerinage  a  la  Terre-Sainte  ?  Quel  est  le 
medecin  qui  ignore  1'emotion  profonde  qu'eprouva  Thouret,  lorsque,  pro- 
pose en  1786  aux  fouilles  necessaires  pour  la  destruction  du  charnier  des 
Innocents,  il  trouva  des  squelettes  dont  la  position  dans  leurs  bieres  at- 
testait  d'une  maniere  peremptoire  que  les  individus  auxquels  ils  apparte- 
naient  s'etaient  reveilles  apres  leur  inhumation ,  et  avaient  execute  quel- 
ques  mouvements  dans  leurs  tombeaux?  Et  qui  ne  salt  aussi  que  1'im- 
pression  qu'en  ressentit  ce  medecin  celebre  fut  si  forte  qu'il  en  fit  le  sujet 
d'une  disposition  testamentaire  tendant  a  ce  qu'on  s'assural  convenable- 
ment  de  sa  mort  avanl  de  le  confier  a  la  terre.  J'assistais  avec  un  de  mes 
condisciples  aux  obseques  de  cet  homme  distingue  qui  fut  quelque  temps 
mon  professeur,  et  cette  pensee  viut  un  instant  s'offrir  a  notre  esprit  avec 
tout  ce  qu'elle  avail  de  douloureux  et  de  rassurant  en  meme  temps. 

Qui  ne  connait  et  qui  pourrait  revoquer  en  doute  la  malheureuse  his- 
toire  de  I' abbe  Prevost,  qui,  frappe  d'apoplexie  le  23  novembre  17 63,  dans 
la  foret  de  Chantilly ,  mourul  sous  le  scalpel  du  chirurgien  charge  par  la 
justice  du  lieu  de  proceder  a  sonautopsie?  Qui  ne  connait  encore  1'histoire 
du  fameux  capitaine  Francois  de  Civille,  de  Rouen,  trois  fols  mort ,  trois 
fois  entcrre,  et  trois  fois  re  ss  us  cite  par  la  grace  de  Dieu,  ainsi  qu'il  avail 
continue  de  se  faire  designer  dans  tons  ses  actes. 

Un  des  exemples  les  plus  frappants  et  les  plus  authentiques  de  1'incer- 
tilude  des  signes  de  la  mort,  n'esl-ce  pas  le  fait  suivant  rapporte  par  le  ce- 
lebre Louis ,  secretaire  de  1'ancienne  academic  royale  de  chirurgie?  Au 
mois  de  fevrier  1746  ,  une  fille  de  la  campagne  ,  agee  de  25  ans,  est  crue 
morte  dans  une  des  salles  de  la  Salpetriere ;  on  la  porte  a  1'ensevelissoir , 
et  de  la  a  1'amphitheatre  pour  servir  de  sujet  de  lecons  aux  eleves.  Le  len- 
demain  matin,  un  jeune  chirurgien  de  garde  vient  avertir  M.  Louis  qu'il 
a  entendu  pendanl  la  nuil  des  sanglots  sortir  de  1'amphitheatre ,  et  que  la 
frayeur  1'a  empeche  de  se  lever.  M.  Louis  se  rend  de  suite  au  lieu  indique , 
et  est  saisi  d'horreur  en  voyant  la  malheureuse  jeune  fille ,  bien  morte 
alors ,  debarrassee  en  partie  de  son  suaire ,  et  une  jambe  par  terre  hors 
du  brancard,  tandis  qu'un  de  ses  bras  s'appuyait  sur  une  table  a  dissequer 
placee  pres  d'elle.  Cette  triste  anecdote ,  que  Ton  pent  lire  dans  les  ou- 
vrages  de  Louis,  est  rapportee  par  M.  Hector  Chaussier ,  page  20  de  sa 
brochure. 


M&VI01RES  ET  DISCOURS.  425 

Men  honorable  confrere,  M.  le  docteur  Corbiti,  m'a  raconte  qu'etant  a 
1'hopital  de  la  Charite,  de  Paris,  il  avail  vu  une  fois  la  sonnette  de  1'en- 
sevelissoir,  dont  on  attache  un  des  cordons  aux  doigts  de  chaque  personne 
qu'on  y  depose ,  s'agiter  fortement  par  suite  des  mouvements  d'une  femme 
qne  1'on  avail  crue  morte ,  et  qui  venait  de  se  reveillor  de  sa  lethargie. 

De  combien  de  fails  non  moins  aulhenliques  et  rapportcs  consciencicu- 
sement  par  des  mcdecins  recommandables  ne  pourrais-je  pas  encore  grossir 
eette  liste !  mais  que  sert  d'accumuler  tanl  d'exemples ,  lorsqu'un  seul  de- 
vrait  nous  suffire.  Conlentons-nous  done  d'indiquer  ici  les  noms  de  Devaux, 
de  Barthcz,  de  Desessartf ,  de  Bennati,  de  Capwon ,  de  Mojpn ,  etc.  , 
qui  tons  ont  cile  des  exemples  d'inhumations  precipitees.  On  pent  voir 
encore  dans  une  note  de  M.  Mayor,  transmise  a  M.  Julia-Fontenelle ,  et 
inseree  par  celui-ci  a  la  page  109  de  son  excellent  ouvrage,  combien  le 
eelebre  chirurgien  de  Lausanne  attache  d'importance  au  sujet  qui  nous 
occupe. 

II  n'existe  done  point,  dira-t-on,  de  signes  certains  auxquels  1'homme 
de  1'art  puisse  positivement  et  toujours  reconnaitre  la  mort?  Malheureu- 
sement  non ,  et  tous  les  symptomes  que  1'on  a  regardes  comme  des  indica- 
tions certaines  de  la  mort  reelle ,  tels  que  1'absence  de  la  respiration  et  de 
la  circulation ,  la  perte  du  sentiment ,  le  refroidissement  du  corps ,  la  roi- 
deur  des  membres,  la  face  hyppocratique,  le  relachemcnt  des  sphincters,  etc. ; 
tous  ces  symptomes,  dis-je,  penvent  nous  induire  en  errcur.  Le  seul  si- 
gne  certain  et  irrevocable  de  la  mort ,  de  1'aveu  de  tous  les  medecius ,  et 
le  seul  dont  on  ne  veuille  pas  attendre  le  developpemenl ,  c'esl  la  putre- 
faction. Combien  de  dispositions  testamentaires  faites  dans  la  crainte  d'etre 
enterre  vivant,  sonl  incerlaines  dans  leur  resullal  ou  lout-a-fail  illusoires, 
et  de  quelles  angoisses  ne  seraient  pas  tourmenles  les  auteurs  de  ces  dis- 
positions s'ils  savaient  que  le  malade  quelquefois  engourdi,  paralyse,  ne 
sent  pas  toujours  les  operations  qu'on  fait  sur  lui,  ou  meme  que,, lout 
en  ressentant  la  douleur  d'une  incision,  d'une  brulure,  ou  d'une  stimula- 
tion quelconque ,  el  tout  en  ayant  la  conscience  de  ce  que  I' on  lente  pour 
le  rappeler  a  la  vie ,  il  ne  lui  est  pas  toujours  possible  d'operer  le  plus 
petil  mouvement  qui  puisse  denoter  qu'il  y  esl  sensible!  C'esl  au  moins  ce 
qui  resulte  des  nombreuses  declarations  de  personnes  qu'une  lethargie, 
par  cause  quelconque ,  avail  raises  dans  un  etat  de  morl  apparente. 

Les  maladies  qui  peuvent  simuler  la  mort  sonl,  d'apres  MM.  Julia- 
Fonlenelle  et  QvfAdL'.Fapoplexie,  I'asphyxie,  la  lethargic,  la  catalepsie, 
/'hysteric,  Vextase,  I'hypocondiie,  la  syncope,  les  pertes  sanguines,  cer- 
tains cas  d'cmpoisonnement ,  etc.,  etc. 


426  MEMOIRES  ET  D1SCOURS. 

De  ccs  diverses  maladies, I'asphyxie,  et  surtout  I'asphyxle  par  submer- 
sion, est  bien  certainement  celle  qui  pent  le  plus  souvent  induirc  en 
erreur  en  produisant  la  mort  apparente.  Et  que  Ton  juge  du  danger  de 
s'en  rapporler  aux  apparences  par  la  proportion  considerable  de  noyes  que 
1'on  parvient  a  rappeler  a  la  vie !  Oui ,  a  1'aide  de  soins  assidus  et  Ion- 
temps  prolonges,  et  grace  aux  ameliorations  apportees  dans  cette  partie 
de  la  therapeutique  et  de  1'hygiene  publiquepar  MM.  Pia,  ancien  echevin 
de  Paris,  Portal,  Chaussier,  Marc,  Leroy  d'Etioles,  etc.,  on  parvient  a 
sauver  maintenant  au  moins  les  7/9  des  noyes  et  des  asphyxies.  Mais  de 
quel  courage  et  de  quelle  perseverance  ne  doit-on  pas  s'armer  pour 
arriver  a  ce  but  honorable,  lorsqu'on  sail  que  des  individus  sont  restes 
huit ,  dix ,  douze  et  meme  quinze  heures  sous  1'eau  sans  y  avoir  trouve  ja 
mort ,  et  que  d'ailleurs  on  a  vu  des  personnes  ne  commencer  a  donner 
quelques  legers  signes  de  vie  que  cinq  ou  six  heures  apres  1'administra- 
tion  des  secours  les  plus  actifs,  et  alors  meme  que  le  decouragement  allait 
s'emparer  de  ceux  qui  leur  prodiguaieut  tant  de  soins. 

En  second  ordre ,  apres  I'asphyxie ,  pourrait  venir  la  lethargic ,  puis  en- 
suite  la  syncope,  etc.,  etc.  Mais  la  lethargie,  qu'a  1'instar  de  divers  au- 
teurs  nous  placons  au  nombre  des  maladies  qui  simulent  la  mort  reelle, 
constitue-t-elle  bien  veritablement  une  maladie  particuliere,  un  etat  mor- 
bide  sui  generis,  ou  bien,  plutot,  ne  devrait-elle  pas  etre  considcree 
comme  un  symptome  appartenant  a  plusieurs  genres  d'affections?  Car» 
que  peut-on  entendre  autre  chose  par  lethargic  qu'un  etat  d'engourdisse- 
mcnt,  d'assoupissement  plus  ou  moins  profond ,  en  un  mot  qu'un  etat  de 
mort  apparente ,  et  cet  etat  n'apparlient-il  pas  egalement  a  la  syncope ,  a 
la  catalepsie,  a  1'extase,  et  a  quelques  autres  affections  semblables?  C'est 
une  question  que  je  soumets  au  jugement  de  tons  les  medecins  eclaires. 

II  n'entre  point  dans  le  plan  que  je  me  suis  trace  de  parler  des  moyens 
a  mettre  en  usage  pour  rappeler  a  la  vie  les  personnes  qui  sont  dans  un 
etat  de  mort  apparente  par  suite  d'une  des  affections  precedentes.  On 
eonsultera  avec  avantnge  a  ce  sujet,  et  principalement  pour  les  secours  a 
donner  aux  noyes  et  aux  asphyxies,  les  savants  ouvrages  d'Orfila  et  de 
Julia-Fontenelle ,  ainsi  que  1'intcressant  opuscule  de  M.  Hector  Chaus- 
sier, qui  est  entre  a  cet  egard  surtout,  en  parlant  de  rinsufflation  de  1'air 
dans  les  poumons  et  de  la  combinaison  de  ce  moyen  avec  le  galvanisme, 
dans  des  details  trcs  curieux  et  trcs  importants  a  connaitre. 

Ne  meltons  done  plus  en  doute  cette  assertion  devenue  pour  nous  une 
verite  mathematique :  Dans  tons  les  siecles,  dans  tons  les  lieux,  des  per- 
sonnes vivautes  ont  etc  considcrces  comme  inortcs ,  ct  si  1'erreur  a  souvent 


MI'MOIRES  Ef  DISCOURS.  427 

ete  reconnue  lorsqu'il  en  etait  temps  encore,  souvent  aussi  la  tombe  s'est 
refermee  sur  des  vivants ,  et  Ton  n'a  pu  les  arraclier  a  1'horrcur  du  plus 
aftreux  genre  de  mort  qui  se  puisse  imaginer.  Un  de  nos  jeiines  compa- 
triotes  qui  s'est  deja  fait  unnom  dans  la  carriere  litteraire ,  M.  Lesguillon, 
dans  un  de  ses  ouvrages  auquel  il  a  donne  le  tilre  ft  Emotions,  a  peint 
sous  les  couleurs  les  'plus  vraies  1'affreuse  situation  de  1'ame  dans  celte 
position  fatale,  et  M.  Julia-Fontenelle ,  qui  n'a  neglige  aucun  des  moyens 
de  rendre  son  livre  interessant,  cite  a  la  page  1 1 1  un  extrait  de  celte 
piece  de  vers  que  Ton  lira  avec  une  sorte  de  plaisir. 

Voyons  maintenant  quelles  precautions  ont  ete  prises  par  les  peuples 
anciens,  ou  sont  prises  encore  par  les  peuples  modernes  pour  eviter  le 
danger  des  inhumations  precipitees. 

Les  Hebreux ,  d'apres  la  loi  de  Mo'ise ,  gardaient  leurs  morts  pendant 
trois  jours. 

Les  Grecs  prenaient  les  memes  precautions;  a  Athenes  on  ne  se  sepa- 
rait  des  morts  qu'au  bout  de  trois  jours,  et  dans  quelques  autres  villes 
de  la  Grece  qu'apres  le  sixieme  et  meme  le  sopticme  jour. 

Les  Remains  conservaient  leurs  morts  pendant  sept  jours,  et  employaient 
cet  espace  de  temps  a  s'assurer  par  tons  les  moyens  possibles  si  la  mort 
etait  bien  reelle.  Us  avaient  meme  des  offieiers  publics  specialement 
charges  de  ces  functions.  La  conclamation,  conclamatio ,  ou  1'usage 
adopte  chez  les  Remains  d'appeler  les  morts  a  haute  voix  et  a  plusieurs 
reprises,  parait  devoir  son  origine  a  la  crainte  de  livrer  au  biicher  des 
personnes  encore  vivantes^  et  a  1'idee  que  leur  nom,  en  frappant  forte-- 
ment  leurs  oreilles,  pouvait  produire  en  elles  une  sensation  vive  qui  les^ 
fit  sortir  de  leur  etat  de  mort  apparente. 

En  Angleterre,  le  delai  fixe  par  la  loi  pour  les  inhumations  est  de 
\ingt-quatre  a  trente-six  heures ;  mais  les  personnes  riches  ou  titrees  ne 
sont  ordinairement  enterrees  qu'au  bout  de  trois  jours.  Des  medecins, 
verificateurs  sont  charges ,  dans  tons  les  cas ,  de  constater  les  deces  et 
d'altester  que  la  mort  n'a  pas  ete  le  resultat  de  la  violence.  II  paraitrait 
meme,  d'apres  une  lettre  que  je  viens  de  recevoir  de  Londres  au  com- 
mencement de  ce  meme  mois  (septembre  1836),  en  reponse  aux  informa- 
tions que  j'y  avais  prises,  que  le  temps  pendant  lequel  on  garde  les  morts 
avant  de  les  confier  a  la  terre  est  generalement  encore  plus  long  que  nous- 
venons  de  le  dire.  Cette  lettre  contient,  en  effet,  le  passage  suivant:^ 
last,  my  dear freind ,  i  can,  after  what  people  told  me,  and  after  wliak 
i  see  daily,  assure  you  that ,  were  not  the  custom  to  keep  the  corpses  far 
a  weak  in  (lie  house  before  burning  them,  nothing  could  warrant  people 


423  MliMOIRES  ET  DISCOURS. 

that  they  shall  not  be  taken  to  the  grave  still  alive.  Ce  qui  veut  dire  r 
«  Enfin ,  mon  cher  ami ,  je  puis  vous  assurer,  d'apres  ce  qu'on  m'a  dit  et 
»  d'apres  ce  que  je  vois  tous  les  jours ,  que  si  ce  n'etait  1'usage  dans  le- 
»  quel  on  est  ici  de  garder  les  morts  pendant  une  semaine  dans  leurs  mai-< 
»  sons  avant  de  les  enterrer,  rien  ne  pourrait  rassurer  les  populations 
»  contre  le  danger  d'etre  descendu  vivant  dans  la  tombe.  » 

L'Allemagne  est  peut-etre  le  pays  ou  1'on  accumule  le  plus  de  precau- 
tions contre  le  danger  des  inhumations  precipitees.  En  general,  les  inhu- 
mations ne  s'y  font  qu'apres  trois  jours  revolus  depuis  1'instant  du  deces. 
Mais  1'etablissement  des  maisons  mortuaires,  institution  due  au  zele  et  a 
la  philanthropic  du  celebre  docteur  Hufeland ,  medecin  de  la  cour  de 
Prusse ,  \ient  donner  de  bien  plus  fortes  garanties  encore  a  la  sollicitude 
des  populations  de  cet  empire.  Les  maisons  mortuaires  qui,  de  Berlin  ou 
elles  ont  pris  naissance ,  s'etendent  deja  a  toutes  les  villes  importantes  de 
1'Autriche  et  des  puissances  rhenanes ,  sont  des  salles  spacieuses ,  conve- 
nablement  eclairces  et  chauffees  ,  annexees  aux  cimetieres  ,  et  ou  les 
corps  des  personnes  decedees  sont  apportes  apres  les  obseques ,  et  restent 
deposes,  a  visage  decouvert,  jusqu'a  ce  que  la  putrefaction  s'en  empare. 
A  ces  salles  sont  attaches  des  gardiens  qui  doivent  veiller  jour  et  nuit  au- 
pres  des  corps ,  et  un  medecin  specialement  charge  d'administrer  tous  les 
secours  necessaires  aux  individus  qui,  frappes  seulement  de  mort  appa- 
rente,  viendraient  a  donner  quelq.ues  signes  de  vie.  Les  maisons  mor- 
tuaires sont  pourvues ,  a  cet  effet ,  de  tout  le  materiel  et  de  tous  les  appa- 
reils  convenables;  et  pour  que  le  moindre  mouvement  ne  reste  pas  ina- 
percu,  des  mccaniques  sont  disposees  de  maniere  que  le  plus  leger 
deplacement  des  membres  ,  ou  meme  des  doigts  d'un  malade ,  produise 
de  suite  un  grand  bruit  capable  d'exciter  forlement  1'altention  du  gardien , 
et  de  le  rcveiller  meme ,  s'il  se  trouvait  surpris  par  le  sommeil. 

Cette  institution  est  belle  et  noble ,  sans  doute ;  mais  elle  ne  dispense 
pas  le  legislateur  de  fixer  d'une  maniere  convenable  le  delai  pour  les  in- 
humations. Seule ,  elle  scrait  insuffisante  pour  assurer  la  tranquillite  des 
peuples;  avec  la  mesure  dont  on  vient  de  parler,  elle  est  le  complement 
de  toutes  les  dispositions  legales  a  cet  egard. 

Nous  disons  que  l'etablissement  des  maisons  mortuaires  ne  dispense 
pas  de  fixer  un  delai  convenable  pour  les  inhumations.  Et  qui  pourrait 
nier,  en  effet,  qu'un  individu  presume  mort,  et  auquel  il  ne  reste  par 
consequent  qu'une  bicn  faible  portion  d'existence  ,  ne  doive  la  perdre 
bientot  tout-a-fait,  lorsqu'enleve  a  la  chalcur  de  son  lit  et  aux  soins  eror 
presses  de  ceux  qui  1'entourent  il  va  etre  expose ,  dans  le  trajet ,  quelque- 


MtiMOIRES  ET  DISGOURS.  429 

fois  tres  long ,  de  son  domicile  a  la  maison  mortuaire ,  a  toutes  les  intempc- 
ries  de  1'atmosphere  ?  Cette  precaution  serait  done  illusoire,  et  deviendrait 
meme  dangereuse ,  sans  une  loi  qui  force  a  garder  les  morts  chez  eux ,  et 
a  visage  decouvert ,  pendant  un  laps  de  temps  convenable. 

Dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  il  faut  en  convenir,  la  mort  ne 
saurait  etre  douteuse;  et  celle  qui  succede ,  par  exemple,  a  une  maladie 
chronique  longue  et  douloureuse ,  ou  a  une  maladie  aigue  qui  a  prompte- 
ment  detruit  les  ressorts  de  la  vie ,  n'est  que  trop  certaine.  Ce  n'est  done 
alors  que  pour  la  forme ,  et  pour  rester  dans  la  legalite ,  que  la  constatation 
du  deces  par  Phomme  de  1'art  doit  avoir  lieu;  et  dans  ces  cas,  1'inhuma- 
tion  pourrait  etre  permise ,  ce  nous  semble ,  sans  depot  prealable  a  la  mai- 
son mortuaire ,  mais  toutefois  apres  1'expiration  du  delai  fixe  par  la  loi. 
Dans  les  cas ,  au  contraire ,  de  mort  subite  ou  violente ,  lorsque  les  der- 
niers  symptomes  out  <ete  ceux  de  1'apoplexie ,  de  1'asphyxie  ,  de  1'hysterie , 
de  la  catalepsie ,  etc. ,  de  quelle  importance  n'est-il  pas  que  le  deces  soil 
constate  par  le  medecin ,  puis  le  corps  depose  a  la  maison  mortuaire ,  dans 
1'interet  de  la  societe  qui  pent  avoir  un  crime  a  venger,  efdans  celui  de 
1'individu  qui  peut-etre  n'a  pas  encore  entierement  perdu  la  vie.  C'est 
dans  ces  cas,  surtout,  que  les  maisons -mortuaires  devienuent  essentielle- 
ment  utiles  et  indispensables.  Leur  usage,  pour  etre  ainsi  restreint  par  la 
raison,  n'en  demeurerait  pas  moins  de  la  plus  baute  et  de  la  plus  noble 
importance,  et  nous  devons  vouer  a  la  reconnaissance  publique  le  nom 
de  leur  il  lustre  fondateur. 

En  Espagne ,  les  inhumations  se  font  en  general  an  bout  de  24  heures ; 
mais  les  morts  restent  exposes  dans  leurs  maisons  pendant  tout  ce  temps  , 
et  sont  conduits  au  lieu  de  la  sepulture  a  visage  decouvert :  Antes  de  con- 
ducir  el  cadaver  al  &epulcro ,  se  pone  de  manifesto  en  la  casa  mortuarla 
vestido  con  el  trage  qite  devellevar  a  la  sepidtura  durante  el  tiempo  de- 
terminado ,  y  despues  es  conducido  en  feretros  abiertos  al  sitio  de  la 
scpultura.  Malgre  ces  precautions ,  on  entend  pourtant  parler  encore 
quelquefois  d'inliiimations  de  personnes  vivantes  :  Se  ha  oido  decir  algu- 
na  'vez  que  han  sido  conducidos  alganos  enfermos  a  enterrar  que  han 
dado  senates  de  lida.  Je  tiens  ces  details  de  la  complaisance  du  medeciu 
du  consulat  francais  a  Cadix ,  qui  a  bien  voulu  m'envoyer  une  note  tres 
circonstanciee  a  ce  sujet. 

En  Portugal ,  on  prend  plus  de  precautions  encore  :  les  inhumations  se 
font  ordinairement ,  comme  en  Espagne ,  24  heures  apres  la  mort ;  mais 
1'autorile  ,  par  precaution ,  aposle  un  homme  de  1'art  qui ,  non-seulement 
constate  le  dcccs  ,  mais  determine  encore  en  meme  temps  la  duree  du 


430  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

temps  qui  doit  s'ccouler  depuis  1'instant  de  la  mort  jusqiTa  celui  cle  1'cn- 
terrement :  Quern  attesta  a  morte,  e  quern  as  mismo  tempo  marca  o  es- 
paco  que  dive  haver  do  momenta  da  morte  as  enterro.  G'est  ainsi  quo 
s'exprime  M.  le  docteur  Tejceira,  medecin  de  la  cour  de  Portugal,  dans 
line  note  qu'il  a  bien  voulu  m'envoyer  de  Lisbonne,  en  date  du  22  Janvier 
1835.  Ccs  precautions  sont  bien  sages,  sans  doute;  mais  pourtant  elles 
sont  loin  encore  d'etre  suffisantes. 

Maintenant,  que  se  passe-t-il  en  France  a  cet  egard,  et  qtielles  garan- 
ties  avons-nous  contre  le  danger  des  inhumations  precipitees?  On  va  le 
voir. 

Notre  legislation  funeraire  est  bien  simple,  et  1'article  77  du  code  civil 
regit  toute  la  matiere.  Cet  article  contient  deux  dispositions  de  loi  :  1'une 
qui  exige  1'impossible ,  en  ordonnant  que  les  deces  soient  constates  par 
1'officier  de  Petal  civil;  1'autre  qui  est  illusoire,  parce  qu'elle  est  violee 
sans  cesse ,  et  qui  defend  de  proceder  a  1'inhumation  avant  les  24  beures 
revolues  depuis  Pinstant  du  deces. 

II  est  facile  de  voir  que  cet  article  77  de  notre  code  ne  traduit  pas  la 
pensee  du  legislateur.  Qu'a-t-il  voulu  en  effet,  le  legislateur?  que  les  de- 
ces fussent  constates;  mais  par  qui  peuvent-ils  etre  constates? par  1'homme 
competent  dans  la  matiere;  et  quel  est  1'bomme  competent,  si  ce  n'est 
1'homme  de  Part,  le  medecin  ?  Comment  a-t-on  pu  pretendre  que  le 
maire  ou  Padjoint  d'une  commune  voudrait  bien  aller,  lui  etranger  a  la 
medecine ,  constater  la  realite  des  deces ;  et  quand  il  consentirait  a  le  faire , 
de  quel  poids  pourrait  etre  cette  singuliere  constatation  ? 

L'article  77  du  eode  civil  est  done  inexecutable,  et  par  consequent  vi- 
cieux.  Mais  c'est  Pesprit  de  la  loi  qu'il  faut  voir,  et  non  la  lettre.  Cette 
verite  a  ete  bien  sentie  dans  quelques  localites ,  et  a  Paris ,  a  Versailles 
comme  dans  beaucoup  d'autres  grandes  villes,  on  a  etabli  des  medecins 
verilicateurs  des  deces.  Pourquoi  done  cette  mesure  ne  serait-elle  pas 
adoptee  d'une  maniere  generale  pour  toute  la  France  ?  Nagueres  la  vigilante 
sollicitude  de  nos  magistrats  voulut  tenter  de  Petablir  dans  notre  ville; 
mais,  chose  inconcevable,  ni  la  volonte  de  M.  le  procureur  du  roi,  ni  les 
efforts  du  premier  administrateur  de  ce  departement ,  qui  ne  s'est  fait 
connaitre  encore  que  par  son  amour  pour  le  bien ,  ni  les  tentatives  reite- 
rees  d'une  autorite  municipale  remplie  de  zcle  et  de  bienveillance ,  ne 
purent  triompher  de  la  repugnance  generale  de  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciete  pour  tout  ce  qui  porte  le  nom  d'innovation.  Esperons  pourtant  que 
celte  mesure,  si  eminemment  philanthropique ,  ne  sera  qu'ajournee,  ct 
que  la  meme  proposition ,  reproduce  avec  les  modifications  convenablos , 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  431 

sera  micux  appreciee  et  generalement  accueillie  par  tons  les  amis  dc  1'or- 
dre  et  de  la  securite  publique. 

La  loi,  en  voulant  qu'il  ne  soil  precede  a  Pinhumation  que  2i  heures 
apres  le  deces,  a  pose  une  limite  en-deqa,  mais  non  point  au-dela  de  ce 
terme.  Avec  d'autres  moeurs,  d'autres  habitudes  que  les  notres,  cette 
precaution,  secoudee  de  la  verification  du  deces  par  un  homme  de  Tart, 
serait  presque  suffisante;  mais,  faut-il  le  dire  a  la  honte  de  Phumanite? 
les  families ,  auxquelles  la  loi  laisse  une  latitude  dont  les  liens  sacres  de 
la  parente  et  le  respect  du  aux  morts  devraient  faire  un  devoir  de  profiler 
si  souvent,  sont  les  premieres  a  violer  les  dispositions  de  cette  loi,  en 
faisant  des  declarations  fausses ,  qui  avancent  en  general  1'heure  des  deces 
pour  la  mettre  en  harmonic  avec  celle  a  laquelle  on  vent  se  hater  de  faire 
la  celebration  des  obseques.  On  eviterait  ce  grave  inconvenient  en  ne  fai- 
sant courir  les  24  heures,  on  le  delai  quelconque,  que  de  1'instant  de  la 
declaration  du  deces  devant  1'officier  de  Petal  civil. 

Mais  a  quoi  bon  cette  precaution  de  n'enterrer  les  morts  que  24  heu- 
res ,  ou  plus  ,  apres  la  declaration  de  leur  deces,  taut  que  subsisteront  ces 
usages  ,  aussi  contraires  a  Phumanite  qu'a  la  decence  et  a  la  morale  publi- 
que ,  qui  veulent  que  les  corps  des  defunts  soient  abandonnes  entre  des 
mains  mercenaires,  aussitot  et  quelquefois  avant  meme  qu'ils  aient  rendu 
le  dernier  soupir.  Et  que  se  passe-t-il  alors  ?  Des  femmes  avides  de  gain , 
et  souvenl  abruties  par  toutes  sortes  d'exces ,  s'emparent  du  corps  de  la 
victime  et,  sous  pretexte  qu'elles  ne  pourraieiit  le  faire  plus  tard  a  cause 
de  la  raideur  des  membres ,  elles  precedent  a  Pensevelissement  an  bout 
d'une  heure  ou  deux  ,  avant  meme  que  le  corps  ait  perdu  toute  sa  chaleur 
animate,  et  se  partagent  avec  acharnement  ton  I  ce  qu'elles  peuvent  arra- 
cher  du  dernier  vetement  qu'il  va  emporter  avec  lui  dans  la  tombe.  II  se- 
rait degoutanl  de  rappeler  ici  lout  ce  que  ,  charge  quelquefois  par  les 
families  de  surveiller  les  derniers  instants  et  de  constater  la  mort  de  leurs 
parents',  j'ai  vu  de  scenes  hideuses  a  cet  egard. 

Je  le  demande  non  seulemenl  au  legislateur  et  au  medecin  inslruit , 
mais  a  tout  homme  de  bon  sens,  que  sert  cette  disposition  de  la  loi  de 
vouloir  que  Pon  conserve  les  morts  un  certain  laps  de  temps  avant  de  les 
inhumer,  si  Pon  en  paralyse  tout  Peffet  en  se  laissant  oter  les  moyens  de 
distinguer  la  mort  reelle  de  la  mort  apparente?  Et  n'est-ce  pas  chercher 
a  eteindre  le  resle  de  vie  que  Pon  pourrait  supposer  encore ,  que  d'arra- 
cher  le  corps  du  lit  qui  peut  lui  conserver  quelque  chaleur,  el  de  le 
serrer  de  loules  parts  dans  un  linceul,  bien  capable  de  Pasphyxier  tout- 
a-fait  par  defaut  d'air,  si  la  morl  n'elait  pas  reelle? 


432  ME"  MOIRES  ET  DISCOURS. 

Si  done  la  loi  vent  ressaisir  son  pouvoir,  si  elle  ne  vent  pas  rester  inutile 
ct  illusoire,  que ,  d'accord  avec  la  morale  et  1'humanite,  elle  travaille  a  faire 
cesser  ces  aims.  Je  n'ai  jamais  pu  me  defendre  d'un  sentiment  penible 
d'etonnement  en  pensant  que ,  dans  un  pays  aussi  civilise  que  le  noire  , 
dans  un  pays  ou  la  susceptibilite  morale  est  si  grande,  le  soiu  d'ensevelir 
les  morts  de  tout  Sge  et  de  tout  sexe  soil  presque  exclusivement  confie  a 
des  femmes,  en  sorte  que  1'enfant  comme  1'adulte,  la  jeune  vierge  comme 
le  vieillard ,  le  militaire  comme  le  ministre  des  autels ,  sont  abandonncs 
dans  leurs  derniers  instants ,  sans  le  moindre  respect  pour  les  convenances  , 
aux  mains  mercenaires  et  spoliatrices  d'individus  trop  souvent  abjects,  et 
qui ,  bannissant  toute  idee  de  devoir,  ne  voient  que  quelques  pieces  d'ar- 
gent  a  recevoir  et  une  victime  a  depouiller.  La  religion ,  qui  saisit  1'homme 
a  son  berceau  et  ne  le  quitle  que  lorsqu'il  est  descendu  dans  la  tombe , 
ne  devrait  mettre  aucun  intervalle ,  ne  laisser  aucune  lacune  dans  ses 
bienfaits;  et  ne  serait-il  pas  digne  du  christianisme  de  fonder  des  corpo- 
rations pieuses ,  comme  deja  il  en  existe  dans  quelques  lines  de  nos  viiles 
et  de  nos  campagnes,  et  qui,  chargces  d'aller  porter  des  secours  et  des 
consolations  aux  malades ,  auraient  aussi ,  dans  les  attributions  de  leurs 
devoirs  1'obligatioii  de  garder  et  d'ensevelir  les  morts?  Alors  les  hommes 
ne  seraient  plus  ensevelis  que  par  des  hommes ,  et  les  personnes  du  sexc 
que  par  des  femmes ;  et  alors  aussi ,  1'interet  n'etant  plus  le  mobile  de  celte 
action,  elle  se  passerait  avec  toule  la  deceuce  que  peuvent  desirer  les  fa- 
milies, el  la  morale  publique  ne  serail  pas  continuellement  oulragee  par 
un  usage  dont  on  a  veritablemcnt  peine  a  se  rendre  compte.  Au  surplus , 
ce  vceu  qui  louche  a  une  question  plutot  morale  et  religieuse  que  medi- 
cale,  est  celui  d'une  ame  genereuse  pour  laquelle  ce  qui  est  bien,  ce  qui 
est  honorable,  est  tout. 

Resumons  nous : 

Depuis  long-temps  on  s'est  eleve  de  loutes  parts  coritre  le  danger  des 
inhumations  precipitees. 

Dans  1'etat  actuel  de  la  science ,  on  ne  saurait  revoquer  en  doute  I'im- 
possibilite  de  distinguer,  dans  certains  cas ,  la  mort  rcelle  de  la  mort  appa- 
reute,  et  tout  en  convenant  que  ces  cas  doivent  etre  fort  rares,  1'esprit 
recule  d'horreur  devant  les  consequences  d'une  seule  erreur  de  ce  genre. 

Le  seul  signe  certain  et  irrevocable  de  la  mort ,  c'est  la  putrefaction. 

Dans  tout  gouvernement  philanthrope ,  la  legislation  funeraire  doit  etre 
tasee  stir  ces  verites. 

Or,  nous  avons  demontre  que  la  loi  qui,  dans  noire  code,  regie  ce  qui 
a  rapport  aux  deccs  et  aux  inhumations,  ctait  vicieuse  par  cela  meme  qu'elle 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  433 

est  inexecutable  et  completement  illusoire :  inexecutable ,  parce  que  1'offi- 
cier  de  1'etat  civil  n'est  point  apte  a  constater  les  deces ,  et  ne  pent  ni  ne 
doit  vouloir  s'en  charger;  complete  men  t  illusoire,  parce  qu'elle  est  faussee 
sans  cesse  tant  par  1'incxactilude  de  la  plupart  des  declarations  que  par 
1' usage  si  blamable,  mais  pourtant  si  generalement  adopte,  d'ensevelir  les 
morts  avant  meme  qu'ils  aient  perdu  leur  chaleur. 

Et,  en  outre,  quant  a  la  constatation  des  dcces  parun  homme  de  1'art, 
comme  cela  devrait  toujours  avoir  lieu ,  nous  avons  dit  que  cette  mesure 
indispensable  etait  jusqu'a  present  purement  locale,  et  qu'adoptee  seule- 
ment  a  Paris  et  dans  quelques  grandes  villes,  elle  etait  bien  loin  d'etre 
en  vigueur  par  toute  la  France. 

Tout  est  done  blesse  dans  notre  legislation  funeraire  aetuelle ,  la  science , 
la  morale  et  1'humanite.  Comment  done  se  fait-il  que  nos  lois  soient  si 
imparfaites  a  cet  egard  ?  a  cela  nous  n'avons  rien  a  repondre.  Des  savants 
de  tons  les  siecles  ont  signale  le  mal  et  montre  an  legislateur  toute  la 
grandeur  du  danger,  et  en  presence  de  faits  anssi  graves ,  le  legislateur  s'est  tu. 

Pourtant  il  ne  faut  point  renoncer  a  faire  triompher  la  raison,  il  ne  faut 
point  se  lasser  de  faire  entendre  la  verite.  Dans  un  tel  etat  de  choses , 
voici  done,  ce  nous  semble,  ce  que  1'autorile,  pour  satisfaire  aux  exigences 
de  la  morale  et  de  1'humanite,  pourrait  defmitivement  arreter  d'uue  ma- 
niere  generale  pour  toute  la  France  : 

1.°  Il  sera  cree  dans  chaque  commune  un  ou  plusieurs  medecins  veri- 
ficateurs  des  deces ,  qui  seront  tenus  de  se  transporter,  assistes  d'un  com- 
missaire  de  police  dans  les  \illcs  .et  d'un  officier  de  1'etat  civil  delegue  ad 
hoc  dans  les  campagnes,  au  domicile  de  chaque  personne  decedee,  pour 
y  constater  la  mort  par  tels  moyens  qu'ils  jugeront  convenables ,  et  indi- 
quer,  autant  que  possible ,  la  nature  de  la  cause  qui  1'a  produite ,  princi- 
palement  dans  les  -cas  de  mort  subite  ou  de  mort  violente; 

2.°  Aucune  inhumation  ne  sera  faite,  dans  aucun  cas,  sans  une  auto- 
risation  de  1'officier  de  1'etat  civil ,  qui  ne  pourra  la  dclivrer  que  sur  la 
presentation  d'un  certificat  du  medecin  verificateur  des  deces; 

3.°  L'inhumation  ne  pourra  avoir  lieu  que  quarante-huit  lieu-res  apres 
le  dcces ,  en  ete ,  et  soixante-douze  heures  en  hiver.  Cette  disposition  ge- 
nerale sera  susceptible  d'etre  modifiee  dans  quelques  circonstances  parti- 
culieres,  comme  une  epidemic,  un  accident  grave  ou  la  mort  est  evi- 
dente,  etc.,  etc. ; 

4.°  II  est  defendu  sous  une  peine  grave  d'ensevelir  les  morts  avant  le 
jour  de  la  celebration  des  obseques,  et  pendant  tout  ce  temps  ils  seront 
laisses  sur  leur  lit  et  a  visage  decouvejrt ; 

3o 


434  MEMOIRES  ET  DISCOU'RS. 

5.°  II  cst  arrete,  comme  mesure  de  police,  que  tout  individu  decede 
ne  pourra  etre  enseveli  que  par  une  personne  de  son  sexe; 

6.°  II  sera  etabli  dans  chaque  cimetiere  une  maison  mortuaire  oil  les 
corps  seront  deposes  avant  1'inhumation ,  toutes  les  fois  que  le  medecin 
verificateur  des  deces  le  jugera  convenable.  Ces  maisons  mortuaires,  a 
chacune  desquelles  un  gardien  sera  attache,  seront,  a  1'instar  de  celles 
-d'Allemagne ,  pourvues  de  tous  les  appareils  et  de  tous  les  instruments 
necessaires. 

Appele  a  1'honneur  de  faire  partie  du  Congres  de  Blois,  je  n'ai  eu  ron- 
naissance  que  dans  cette  ville  du  travail  de  mon  honorable  confrere, 
M.  le  docteur  Hunault  de  la  Peltrie,  medecin  distingue  d' Angers,  quir 
deja  1'annee  derniere  au  Congres  de  Douai ,  avail  signale  les  memes  abus , 
et  xlemande  les  memes  reSormes.  Et  dernierement  encore,  ainsi  que  je 
\-iens  de  I'apprendre  avec  satisfaction ,  M.  le  docteur  Beaussier,  de  Blois  T 
mon  parent  et  mon  ami ,  vient  de  lire  a  la  Societe  des  sciences  et  lettres 
de  cette  ville  un  excellent  memoire  sur  le  meme  sujet ,  Le  danger  depuls 
si  long  temps  reconnu  des  inhumations  precipitees. 

Qu'est-il  resulte  de  tant  de  travaux?  rien  encore  malheureusement. 
Ne  nous  lassons  done  point,  je  le  repete,  de  faire  entendre  la  verite,  et 
que  tous  nos  efforts  se  reunissent  pour  obtenir  enfm  du  gouvernement  la 
revision  si  indispensable  et  si  impatiemment  attendue  de  notre  legislation 
funeraire. 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  435 

o  ••••••»••••••••«••*«•«•«••»«••••  ®  ••*•*•***••••********•***•**** 

REPONSES 

AUX  QUESTIONS  N.°*  3,  4,  ET  5  DU  PROGRAMME, 

DE  LA  4.«  SESSION  DU  CONGRES  SCIENTIIIQUE  , 

$ar  Jtt.  §.-<&.  Ctnr, 

PROFESSEUR  DE  THILOSOPHIE  AU  COLLEGE  DE  BLOIS. 


JVlESSIEttRS  , 

On  demande  ce  qu'on  entend  par  liberte  d'enseignemenl  •> 
Avant  de  chercher  a  repondre  a  cette  question,  je  ne  dois  pas  dissi- 
muler  que  le  principe  de  liberte  d'enseignement ,  consacre  par  la  charte 
de  1830,  et  reconnu  dans  le  projet  de  loi  sur  1'instruction  secondaire, 
presente  par  le  gouvernemcnt  dans  la  derniere  session,  n'est  point  admis 
par  des  homines  de  haute  experience,  muris  au  contact  des  affaires  et 
tout-a-fait  desinteresses.  Ges  graves  esprits  mvoquent  rautorite  des  siecles ; 
ils  appellent  en  tcmoignage  les  exemples  des  legislateurs ,  qui  tous  ont 
aspire  a  rendre  Peducation  nationale,  Ils  demandent  quel  esl  le  but  de 
1'organisation  sociale,  si  ce  but  n'est  pas  de  rapprocher,  de  concilier,  et 
non  de  diviser  et  de  desunir ;  et  si ,  au  milieu  surtout  de  la  divergence 
actuelle  des  opinions ,  cette  liberte  n'est  pas  un  encouragement  offert  aux 
predications  des  theories  hasardees. 

Mais  enfin,  puisque  le  principe  lui-meme  he  parait  plus  devoir  etre 
livre  a  la  discussion,  et  qu'il  pent  etre  considere,  des  a  present,  comme 
consigne  dans  le  droit  public  des  Francais ,  il  s'agit  d'examiner  de  quelle 
application  il  est  susceptible,  relativement  aux  methodes,  aux  hommes, 
aux  choses, 

La  liberte  des  methodes  n'est  pas  suivie  de  consequences  irremediables. 
Le  temps  fait  justice  de  celles  qui  se  vantent  d'etre  expeditives;  et  comme , 
apres  tout,  il  n'y  a  eu  mecompte  que  pour  1'amour-propre ,  que  par  elles- 
memes  elles  n'atleignent  ni  I'esprit  ni  le  coeur;  le  public,  s'il  y  a  lieu, 


436  M£MOIRES  ET  DISCOURS. 

ouvre  les  yeux  et  se  ravise ,  et  force  devient  a  leurs  auteurs  de  prendre 
la  nature  pour  guide  ,  naturam  ducem  sequi,  en  subordonnant  Penseigne- 
ment  au  developpement  de  1'intelligence ,  presque  toujours  inherent  a  la 
progression  de  Page. 

Sous  le  point  de  vue  des  hommes  qui  Pexercent,  la  liberte  d'enseigne- 
ment  s'annonce-t-elle  comme  devant  etre  aussi  inoffensive  que  sous  le 
rapport  des  methodes? 

Sans  doute ,  la  loi  n'autorisera  que  des  hommes  faits  a  lever  ime  ecole ; 
elle  leur  prescrira  des  brevets  de  capacite;  elle  se  fera  un  devoir  de  les 
soumettre  a  des  conditions  de  moralite mais  combien  de  fois  ces  pre- 
cautions ne  seront-elles  pas  illusoires? 

Dans  Petal  actuel  de  la  legislation ,.  nos  etablissements  publics  sont  en- 
t  on  res  d'une  triple  surveillance  :  les  families,  les  administrations  locales , 
le  pouvoir  universitaire.  Les  relations  des  colleges  avec  leurs  academies 
respectives  fixent  et  activent  la  marche  des  etudes ;  il  suffit  de  Pexpecta- 
tive  des  tournees  inspectorales  pour  tenir  dans  une  salutaire  haleine 
maitres  et  eleves ,  et  faire  de  la  discipline  un  besoin. 

Le  desir  de  s'elever  sur  les  degres  de  la  hierarchic  alimente  le  feu  de 
1'emulation.  L'idee  de  devoir  sa  nomination  au  gouvernement  et  non  a  un 
particulier,  et  de  pouvoir  compter  sur  une  retraite,  n'est  pas  indifferente 
pour  appeler  et  retenir  dans  Puniversite  les  hommes  qui  consacrent,  non 
pas  quelques  annees,  et  faute  de  rnieux,  mais  leur  existence  tout  entiere 
aux  penibles  fonctions  de  Penseignement. 

Cependant ,  sur  ce  theatre  a  decouvert ,  dans  ce  corps  enseignant  que 

tout  tend  a  epurer,  il  se  glisse  quelquefois  des  membres  peu  dignes 

Les  institutions  privees  seront-elles  done  environnees  des  memes  ga- 
ranties  ?  La  loi  proposee  ne  parle  que  des  obligations  a  imposei-  c  leurs 
directeurs;  mais  apparemment  il  ne  leur  sera  pas  donne  de  faire  a  eux 
seuls  tout  Pouvrage ;  cependant ,  sur  leurs  associes ,  silence  complet.  Or, 
quels  efforts  attendre  de  ces  especes  de  commis  sans  caractere  authen- 
tique,  et  comme  ensevelis  sous  le  nom  d'un  patron,  sous  le  nom  d'un 
entrepreneur,  qui,  d'un  moment  a  un  autre,  peut  les  congedier,  sans  avoir 
meme  a  justifier  son  inconstance  et  ses  caprices ! 

Ces  institutions  privees  elles-memes,  avec  quelle  difficulte  ne  se  sou- 
tiendront-elles  pas,  a  moins  qu'elles  ne  soient  animees  d'un  grand  esprit 
de  secte? 

A  la  verite,  Pamour  du  proselytisme  saura  bien  se  procurer  une  clien- 
telle  et  recourir  a  tons  les  moyens.  Un  des  plus  facheux  sera  de  mettre 
Tinstruction  au  rabais.  Que  Pon  voie  ce  qui  se  passe  en  Belgique.  Dans 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  437 

un  siecle  ou  la  valeur  des  choses  est  reduite  en  monnaie ,  la  profession  de 
I'instituteur,  la  profession  de  celui  a  qui  I'ex-chancelier  Brougham  ronfie 
desormais  les  destinees  du  monde,  est  ravalee  par  ces  enseignes  ou  pros- 
pectus :«  Ecole  a  25  centimes.  »  Repeter  sans  cesse  que  les  parents  sail- 
ront  bien  se  defier  du  charlatanisme  et  du  bon  marche ,  c'est  ne  pas  tenir 
compte  de  ce  qui  frappe  tons  les  yeux ,  c'est  sacrifier  1'observation  a  une 
vaine  utopie. 

II  y  aurah  assurement  mauvaise  grace ,  surtout  dans  une  position  inle- 
ressee ,  a  prevoir  ainsi  les  dangers  de  la  concurrence;  il  y  aurait  peu  d'ha- 
bilete  a  les  avouer,  si  le  remede  ne  se  trouvait  pas  a  cote  de  1'abus.  En 
general,  dans  la  marche  providentielle  des  choses,  aussitot  qu'apparait 
une  cause  de  mal,  a  1'instant  surgit  ce  qui  doit  le  convertir  en  bien. 
Comme  chaque  epoque  suscite  1'homme  qui  lui  est  propre,  comme,  dans 
le  systeme  du  monde,  les  differents  corps  s'equilibrent,  ainsi,  dans  1'uni- 
vers  moral,  a  chaque  conquete  de  la  liberte,nait  pour  1'ordre  le  moyen 
de  se  maintenir  et  de  se  replacer  sur  sa  base. 

Mais,  dans  la  question  qui  nous  occupe,  le  preservalif,  quel  est-il, 
messieurs?  Il  a  ete  indique  par  le  ministre,  auteur  du  projet  de  loi  sur 
rinstruction  secondaire,  loi  qui  sera  discutee  dans  la  prochaine  session  : 
c'est  de  changer  les  colleges  des  chefs-lieux  de  canton,  d'arrondissement  , 
en  ecoles  speciales  d'induslrie,de  commerce ,  d'application  usuelle,  d'apres 
les  exigences  diverses  des  localites;  c'est  d'appeler  ensuite  la  jeunesse 
destinee  aux  professions  litteraires  et  liberales  dans  les  etablissements  des 
chefs-lieux  de  department;  c'est  d'eriger  ces  etablissements  en  colleges 
royaux. 

Deja  il  existe  en  France  quarante  colleges  royaux;  une  somme  de 
939,100  francs  leur  est  allouee  a  litre  de  subvention  pour  depenses  fixes, 
telles  que  traitements  des  proviseurs ,  censeurs  et  professeurs ;  une  autre 
somme  de  601,500  francs  est  destinee  a  payer  les  bourses. 

Eh  quoi!  serait-ce  la  repetition  d'un  million  etquelques  cent  mille  francs 
qui  effraierait  un  pays  comme  le  notre !  Un  peuple  qui  croit  marcher  a 
la  tete  de  la  civilisation,  pourrait-il  mettre  en  balance  une  aussi  faible 
depense  et  1'avantage  d'assurer  1'avenir  iutellectuel  des  generations  fu- 
tures! Que  si  1'etat  craint,  dans  ces  jours  de  lutte,  d'augmenter  le  chil'fre 
de  son  budget,  n'est-il  pas  possible,  en  attendant  le  retour  du  calme, 
n'est-il  pas  facile  aux  villes  chefs-lieux  de  departement,  a  1'exemple  d'une 
ville  voisine,  ce"lle  de  Tours,  a  1'exemple  plus  recent  de  la  ville  du  Puy  , 
de  faire  les  frai*  d'un  premier  etablissement  et  de  s'imposer  un  emprunt 
d'une  cenlaine  de  milie  francs ,  sauf  a  laisser  ensuite  a  Fetal  le  soin  d'en- 


438  ME"  MOIRES  ET  DISCOURS. 

tretenir  et  de  solder  le  college  devenu  etablissement  du  gouvernement  ? 
Elles  y  trouveraient  une  economic :  la  dotation  annuelle  du  college  qu'elles 
enlretiennent  suppose,  pour  la  plupart,  un  capital  plus  considerable. 
D'ailleurs,  comme  tout  le  departement  aurait  a  profiler  de  la  fondalion 
d'un  lycee  dans  le  chef-lieu,  il  s'empresserait ,  il  n'y  a  mil  doute,  a 
prendre  sa  part  du  sacrifice  une  fois  a  faire;  les  conseils  generaux  ne  se 
refuseraient  pas  a  departir  les  fonds  proportionnels,  et  MM.  lesprefets, 
habitues  a  voir  de  haul,  n'accueilleraient  qu'avec  sympathie  une  sem- 
blable  mesure. 

Cette  erection  en  lycee  d'un  college  par  departement  delivrerait  du  re- 
proche  de  venalite  les  chefs  de  nos  maisons  secondaires,  dont  on  a  dU 
qu'ils  etaient  des  percepteurs  plutot  que  des  precepteurs  (  pour  ne  pas 
rappeler  une  expression  triviale ) ;  elle  substituerait  1'emploi  de  simple 
surveillance  des  proviseurs ,  au  role  personnellement  interesse  des  princi- 
paux.  Comme  complement  de  cette  amelioration ,  et  pour  arriver  a  extir*- 
per  de  nos  etablissements  scientifiques  cette  disparite  de  fonctionnaires 
consacres  a  1'enseignement ,  et  d'agents  livres  a  une  sorte  d'exploitation 
mercantile,  disparite  qui,  en  creant  des  gouts,  des  besoins,  des  interets 
divers ,  engendre  quelquefois  un  esprit  de  defiance  mutuelle ,  des  senti- 
ments d'antipathie,  funestes  aux  etudes  et  a  la  discipline,  les  colleges  restes 
aux  communes,  pourraient  etre  mis  en  regie,  c'est-a-dire,  laisses  aucompte 
des  villes;  et,  si  celles-ci  etaient  obligees,  quelsque  fassent  d'ailleurs  leur 
population,  leurs  revenus,  la  prosperite  de  leur  college,  au  moyen  de  leurs 
propres  deniers  ou  avec  des  subventions  etrangeres,  d'allouer  un  traite- 
ment  fixe  et  partout  le  meme ,  selon  le  degre  de  1'enseignement,  on  verrait 
disparaitre  de  I'universite  une  bizarrerie  choquante  et  qui  lui  estparticu- 
liere.  N'est-ce  pas  une  chose  attentatoire  aux  plus  simples  notions  de  1'e- 
quite  naturelle,  qu'un  fonctionnaire ,  montant  en  grade,  subisse  une  de- 
cheance  dans  son  traitement  ?  Eh  bien !  il  existe  une  administration  que 
depare  cette  anomalie.  Q'un  regent  passe  d'une  rille  dans  une  autre  pour 
professer  une  classe  superieure ,  et  s'il  se  rencontre  que  cette  derniere 
localite  ait  moins  d'importance  ou  de  generosite ,  il  est  presque  sur  qu'il 
lui  sera  inflige  une  diminution  dans  ses  honoraires. 

Mais ,  jusques  a  quand  done  I'universite  royale  de  France ,  jusques  a 
quand  la  fille  ainee  des  rois,  avee  ses  magnifiques  noms  et  prenoms,  aveo 
son  vocabulaire  dc  nobles  idees,  sera-t-elle  exchie  du  droit  commun  ? 
Quand,  a  la  suite  de  son  superbe  etat-major ,  n'apercevra-t-on  plus  un 
corps  de  combattants  delabres  ?  Deslnens  in  piscem  mulier  formosa  su~ 
pcrnc.  Quand  sera-t-il  compris  ,  qu'a  la  maniere  d'une  machine  qui  ne 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  439 

Fonctionne  bien  qu'avec  des  rouages  en  bon  etat ,  une  administration  n'esr 
bien  servie  que  par  des  agents  satisfaits  et  dans  un  etat  normal  ?  Quand 
concevront  les  peres  de  families  que  leurs  fils  n'auront  qu'a  profiler  de 
1'amelioration  du  sort  des  instituteurs  de  la  jeunesse  ?  Quand  enfin  ,  nos 
tribuns,  a  leur  tour,  an  lieu  de  declamation  philanthropique  sur  1'excel- 
lence  de  Peducation ,  sur  ses  rapports  directs  avec  le  progres  et  le  perfec- 
tionneinent  des  peuples,  traduiront-ils  leurs  pbrase^  en  actes,  et,  puisqu'ils 
proclament  le  but,  se  determineront-ils  a  s'engager  dans  les  voies  et  les 
naoyens  qui  peuvent  y  conduire? 

Et  c'est  la,  messieurs ,  pour  ne  pas  m'arreter  a  discuter  la  question  de 
k  liberte  d'enseignement  relative  aux  doctrines ,  parce  qu'il  n'entre  -pas- 
dans  mon  idee  qu'tin  gouvernement  desireux  de  sa  conservation  puisse 
1'autoriser  ouvertement,  cette  liberte,  et  d'un  autre  cote,  paree  qu'iuie 
fois  les  etablissements  prives  emancipes ,  il  ne  me  parait  pas  possible  qu'il 
puisse  y  apporter  un  obstacle  efficace ,  c'est  la  ,  messieurs ,  la  reponse  a- 
faire  a  cette  question  de  la  sixieme  section  du  programme : 

«  Par  quels  moyens  procurer  a  1'institution  universitaire  de  France  la 
«  consideration  dont  le  corps  enseignant  jouit  en  Allemagne  et  en  Angle- 
»  terre ,  et  la  mettre  en  etat  de  rendre  tous  les  services  qui  sont  dans  &a 
»  nature?  » 

Dans  ces  pays ,  messieurs ,  les  membres  du  corps  enseignant  ne  rele- 
tent  que  de  1'etat,  et  ne  sont  portes  que  sur  le  budget  de  1'etat,  ave<r 
une  indemnite  assez  honorable  pour-les  dispenser  du  soin  d'ajouter  a  leurs 
emoluments ,  et  les  laisser  tout  entiers  a  la  science. 

Qtielle  difference  en  France!  obliges  de  servir  deux maitres,  places entre 
deux  autorites  dont  les  attributions  souvent  se  combattent  *,  les  fonction- 
naires  des  colleges,  dits  en  ce  moment  communaux ,  out  a  reconnaitre  un 
pouvoir  qui  les  nomme,  un  autre  qui  les  paie  :  chaque  annee ,  ils  voient 
arriver  avec  une  espece  d'humiliation ,  1'epoque  ou  ce  paiement ,  presque 
sous  leurs  yeux  et  a  leurs  oreilles,  est  mis  en  deliberation,  et  ou  conse- 
quemment  leur  existence  est  soumise  a  la  bienveillanee  de  quelques  bul- 

*  Depuis  la  lecture  de  ces  observations,  dont  le  journal  de  1 'instruction  publiqua 
pc-ut  attester  la  justesse  ,  un  de  ces  conflits  s'est  eleve  entre  le  pouvoir  universitaire  et 
Tautorite  muiiicipale.  II  a  paru  convenable  an  ministre  de  nommer  un  regent  a  une 
cliaire  de  septieme  dont  la  creation  avail  etc  demandee  par  le  bureau,  mais  dont  les 
fonds  n'avaient  pas  etc  votes  par  le  conseiL  municipal  j — de  la,  opposition  du  conseil 
dans  la  personue  du  iiiaire.  Qu'arriverait-il ,  si  1'inteiet  public  ne  suggerait  pas  quelqim 
acconimodettient  et  jie  dictait  pas  de  nmtuelles  concessions  1  Des  circonstances  impreyues 
peuvent  ainsi,  a  cliaque  instant ,  proYoquer  de  pareiltes  luttus.  Poiirquoi-,  puisque-  1» 
moyen  en  est  si  facile,  ne  pas  en  lark.  La  iource. 


440  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

letins.  Il  est  vrai  qu'une  disposition  du  projet  de  loi  propose  une  votation 
quinquennale  :  mais  ce  n'est  la  qu'un  remede  incomplet.  Leur  sort ,  leur 
avancement,  se  trouvent  incessamment  compromis  entre  les  exigences  aca- 
demiques  et  les  pretentious  locales ;  et  comme  aucune  de  ces  influences  ne 
se  sent  exclusivement  responsable  d'actes  ou  un  tiers  intervient  ,  trop 
souvent  un  esprit  de  camaraderie,  des  considerations  d'alliance,  les  obses- 
sions de  1'entourage  sont  substitutes  a  1'equite  et  au  respect  pour  les  litres 
acquis. 

C'est  a  ce  froissement  des  regents  entre  la  main  expeditionnaire  de  leur 
acte  de  nomination ,  et  la  main  dispensatrice  de  1'aumoue  de  leur  traite- 
ment ,  qu'il  faut  attribuer  la  principale  source  de  leur  existence  fatiguee. 
Il  semble  qu'en  les  euvoyant  exercer ,  le  pouvoir  conservateur  ne  les  em- 
barque  qu'en  les  condamnant  a  1'intrigue  pour  toute  boussole,  et  qu'au 
lieu  du  savoir,  il  leur  recommande  pour  gouvernail  de  savoir-faire  ;  oil 
qu'il  se  debarrasse  sur  les  localites  du  soin  de  leur  avenir ;  comme  si  celles- 
ci ,  ( je  ne  raisonne  que  d'apres  la  nature  et  1'essence  des  choses ,  et  sans 
application  aucune),  comme  si  celles-ci ,  le  cas  echeant  pour  elles  de  con- 
courir  a  une  promotion  ,  pouvaient,  dans  leur  sphere  etroite,  et  dans  leur 
acception  necessaire  de  personnes ,  etre  mues  par  un  ordre  d'idees  assez 
elevees,  assez  generates,  pour  faire  entrer  en  ligne  de  compte  Pensernble 
des  services  rendus.  Aussi ,  ce  pouvoir  a-t-il  peut-etre  a  se  reprocher  plus 
de  ce  qu'on  appelle  passe-droits,  denis  de  justice,  qu'aucune  autre  adminis- 
tration. Les  harangues  officielles  des  solennites  scolaires  traitent  les  re- 
gents d'hommes  modestes ,  invitation  indirecte  a  ce  qu'il  le  soient;  et, 
dans  telle  occasion ,  cette  modestie  leur  est  imputee  a  crime  et  taxee  de 
timidite:  et  le  succes  vient  couronner  la  brigue  et  1'audace  ! 

Contrairement  a  ce  que  Ton  sait  de  notoriete  publique  de  la  plupart 
des  administrations,ou  les  chefs  sont  remplis  de  bienveillance  pour  leurs 
subordonnes ,  les  suivent  dans  leurs  diiferentes  phases  ,  se  chargent  de 
provoquer  leur  ascension  :  au  sein  de  1'universite  qui  devrait  respirer  1'air 
de  la  republique  des  lettres ,  par  suite  de  la  collision  dont  je  deplore  les 
consequences  entre  le  pouvoir  central  et  1'autorite  locale,  collision  qui  se 
termine  quelquefois  par  la  victoire  du  plus  fort  ou  du  plus  fin ,  les  chefs  se 
montrent  froids,  indifferenls ,  oublieux,  de  maniere  qu'il  n'est  pas  rare 
de  rencontrer  de  vieux  desservants  du  temple  de  1'iiistruction  aussi  peu 
avances  sous  le  rapport  du  bien-elre  materiel,  a  la  fin  qu'au  debut  de 
leur  carriere. 

Ne  semblerait-il  pas  pourtant  que  ce  fut  dans  la  prevision  de  tels  resid- 
tats  et  pour  les  prevenir,  que  les  regents  enregistrent  ehaquc  annee,  leuv 


MEMOIRES  ET  DlSCOUftS.  4.',  i 

age,  leurs  services.  Mais  cet  usage  ne  temoigne,  d'uue  part,  que  d'uu  Lou 
vouloir  sterile,  et  de.l'autre,  n'aboulit  qu'a  entretenir  les  signataires  dans 
une  fausse  con  fiance,  el  a  les  endormir  dans  une  fatale  securile? 

Que  dis-ie  ?  c'est  pis  :  apres  avoir  ainsi,  pendant  trente  ans  ,  constate 
chaque  anuee  leur  presence  active  an  labour  du  champ  universitaire  ,  apres 
1'avoir  annuellement  sillonne ,  pendant  ce  laps  de  temps,  de  leurs  sueurs 
laborieuses  ,  especes  de  serfs  enchaines  a  une  glebe  ingrate ,  ils  n'ont^pas 
ineme  gagne  en  mourant  le  sterile  honneur  de  leur  affranchisserrient.  Hors 
de  la  communion  des  fideles ,  parias  sans  consolation,  ils  n'ont  pas  meme 
a  espcrer  pour  leurs  moments  supremes  les  honneurs  de  I'inhumation  en 
terre  sainte.  Pour  parler  sans  figure,  a  I'exceplion  peut-etre  de  ceux  a  qui 
est  confere  un  litre  defmitif,  litre  concede  arbitrairement ,  sans  regies  cou- 
nues  du  moins,  les  services  des  regents,  quelque  nombreux  que  vous  les 
supposicz,  ne  leur  meritent  point  la  qualification  de  membres  de  1'univer- 
site.  Cette  appellation  est  reservee  aux  professeurs ,  et  le  professorat  n'est 
cense  que  dans  les  colleges  royaux  (  donl  1'entree  n'est  plus  guere  acces- 
sible qu'aux  eleves  de  1'ecole  normale  )  ,  mais  alors ,  meme  avec  un  rudi- 
ment on  une  grammaire  de  Lhomond  a  la  main.  Pai'tout  ailleurs,  partout, 
dans  ces  etablissements  communaux  si  dedaignes,  vous  regentez  ,  la  deno- 
mination de  regent  vous  poursuitet  vousatteiut  dans  volre  cbaire,  eussiez- 
vous ,  de  celte  chaire ,  a  analyser  les  chefs-d'oeuvre  des  litteratures  nalio- 
uale  et  etrangere,  a  penetrer  dans  le  sanctuaire  de  la  pensee,  a  expliquer 
le  mecanisme  des  operations  de  Pintelligence ,  a  disserter  sur  la  dignite 
de  Phomme ,  sur  les  devoirs  et  les  droils  du  citoyen,  ou  bien  a  parcourir 
les  spheres  celestes,  et  expliquer  le  sy^teme  des  mondes. 
/  Habituellement  ainsi ,  1'odieux  trouve-t-il  sa  punition  dans  le  ridicule ! 

Comment  s'elonner  que  les  fonclionnaires  des  colleges  communaux  sou- 
pirent  apres  un  autre  ordre  de  choses  ;  que,  nourris  de  sentiments  nobles 
et  genereux,  ils  dcsirent  une  louable  indepeudance ;  qu'appeles  a  donner 
des  lecons  de  justice ,  ils  la  sentent  souvent  violee  en  leur  personne ,  et 
que,  les  yeux  tournes  vers  les  pays  que  j'ai  nommes,  ils  ambitionnent 
d'etre  assimiles  a  leurs  heureux  confreres  etrangers. 

C'est  quand  celle  assimilation  sera  accomplie,  c'est. lorsqu'a  la  societe, 
representee  par  1'etat ,  seul  place  assez  haul  pour  embrasser  un  vaste  ho- 
rizon, pour  coordonner  toutes  les  parlies  d'un  systeme,  pour  en  composer 
un  tout  harmonique ,  pour  dieter  un  langage  homogcne  qui  arrete  la  con- 
fusion des  langues  de  notre  epoque ;  sera  uniquement  devolu  de  proferer 
ees  paroles  sacramentelles  :  «  Allez  et  enseignez  »  ,  que  le  ministere  de 
1'instiluteur  devicndra  un  veritable  sacerdoce ,  et  qu'il  aura  mission  d'ins- 


442  M&MOIRES  ET  DISCOURS. 

truire,  non  pas  seulement  surle  texte  inanime  des  idiomes  anciens  et  mo- 
denies ,  non  pas  seulement  sur  les  formules  glacees  de  la  science ,  sur  les 
connaissances  qui  ne  s'adressent  qu'a  la  secheresse  de  1'entendement,  mais 
aussi  sur  les  vertus  religieuses  et  morales ,  sur  les  vertus  sociales  pratiques , 
sur  les  rapports  de  1'homme  avec  lui-meme,  avec  1'humanite,  avec  le  crea- 
teur,  quid  debeat  patrice  et  quid  amicls ,  etc. 

II  vous  appartient,  messieurs ,  de  hater  la  venue  d'une  transformation 
aussi  desiree.  Membres  de  Congres  ambulants,  il  depend  de  vous  d'elablir, 
dans  chaque  chef -lieu  de  deparlement,  un  Congres  permanent  qui,  en 
vous  attendant,  prepare  vos  travaux,  et  tienne  en  reserve  des  hommes 
dignes  de  vous  recevoir.  Car  un  lycee,  avec  ses  fortes  etudes,  avec  ses. 
facultes  diverses,  avec  ses  professeurs  capables  et  ses  eleves  avances,  est- 
il  autre  chose  qu'un  Congres?  et  ce  Congres,  a  demeure  fixe,  n'entre-t-il 
pas  dans  Pintention  de  vos  assemblies  nomades?  ne  repond-il  pas  au  but 
que  vous  vous  proposez  ,  de  detourner  sur  les  provinces  quelques  rayons 
du  foyer  scientifique  de  la  capitate  ,  de  decentraliser  les  lumieres,  de  faire 
circuler  dans  les  veines  du  corps  social  ce  sang  intellectuel  qui,  trop  abon- 
dant  dans  les  regions  du  coeur,  menace  de  1'inonder. 

Je  ne  sais  pas  si  je  m'abuse ,  messieurs ,  mais  de  toutes  les  questions 
qui  seront  discutees  par  le  Congres  qui  tient  ses  etats  dans  ce  palais  de 
justice,  il  n'en  est  point  de  plus  importante,  de  plus  feconde  en  resultats. 
Yoyez  quelle  sollicitude  elle  inspire  an  gouvernement.  Tantot  ,  c'est  a 
MM.  les  prefets  qu'il  demande  des  renseignements ,  tantot  il  s'adresse  a 
MM.  les  eveques.  Depuis  six  ans,  MM.  les  recteurs,  MM.  les  inspecteurs 
generaux  et  particuliers  sont  en  quelque  sorte  mis  en  demeure ,  par  le 
conseil  royal ,  d'envoyer  le  fruit  de  leurs  reflexions. 

Puisse  done  cette  question,  ainsi  claboree,  parvenir  aux  tribunes,  qui, 
dans  la  session  legislative  prochaine ,  auront  a  faire  passer  de  la  theorie  a; 
la  pratique  un  des  articles  de  la  charte  de  1830.  Alors  le  concours  entre 
les  colleges  de  la  meme  academic,  a  Finstar  de  ceux  de  Paris,  grace  a  cette 
harmonisation  ,  a  cette  homogeneite  que  j'invoque ,  et  qu'auront  peut-etre 
conseillee  quelques  uns  des  pouvoirs  consultcs,  pourra  avoir  lieu  avec  des 
armes  egales,  et,  a  cette  condition  seulement  ,  s'etablir  d'une  maniere 
juste  el  serieuse,  comme  1'entend  sans  doute  la  question  de  notre  pro- 
gramme qui  en  exprime  le  vocu  sous  forme  dubitative.  Alors  encore  sera 
legitime  Particle  du  projet  de  loi  qui  cxige  le  litre  d'agrcges ,  des  futurs 
regents ,  puisqu'eleves  au  rang  de  professeurs  ,  ils  en  possederont  les 
avanlages.  Alors  enfin ,  la  hberte  d'enseignement ,  loin  d'etre  un  brandou 
de  discorde  a  la  disposition  des  partis  extremes;  dcsormais  impuissante  a 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  443 

troubler  1'ordre  public ,  ne  sera  qu'uu  moyen  d'emulation  Je  plus ,  car  la 
societe  pourra  lutter,  sans  trop  d'inferiorite  ,  contre  lous  les  stralagcmcs 
des  sectes,  et  tous  les  expedients  de  1'esprit  d'innovation ,  et  quelquefois 
d'anarchie. 

Je  vais  resumer  et  grouper  les  motifs  qui  militent  en  faveur  de  la 
demande  que  je  formulerai  en  concluant  : 

Un  pays  ne  petit  se  passer  cPune  education  nationale,  m  par-consequent 
d'etablissements  publics  ou  les  jeunes  generations  soient  formees  a  lacon- 
naissance  des  lois  et  au  respect  de  la  constitution  qui  le  regissent. 

Les  colleges  ,  dits  communaux ,  ont  beaucoup  de  peine ,  malgre  les  ef- 
forts des  communes,  a  se  soutenir  dans  un  etat  de  prosperite;  et  cela ,  a 
raison  des  abus  attaches  a  leur  mode  d'existence ,  abus  dont  quelques  uns 
ont  etc  indignes. 

Cette  difficulte  de  vivre  ne  fera  que  s'accroitre ,  lorsque ,  la  liberte  d'en- 
seignement  etant  decretce ,  s'eleveront  dans  leur  voisinage  des  niaisons 
particulieres,  animees  de  tout  le  zele  de  1'interet  prive  et  de  1'ardeur  de- 
vorante  du  prosejytisme. 

Le  gouvernement  ayant  nagtiere  invite  les  chefs  de  differentes  adminis*- 
trations  a  examiner  si  le  projet  de  loi  sur  1'instruction  secondaire ,  destine 
a  organiser  la  liberte  d'enseignement ,  ne  mettrait  pas  en  peril  1'existence 
des  colleges  communaux  ,  et ,  une  reponse  de  plus  ne  pouvant  lui  etre  im- 
portune, je  propose,  pour  ce  qui  nous  concerne,  de  repondre  affirma- 
tivement : 

Si ,  resolu  qu'il  se  montre  deja ,  dans  son  projet  de  loi ,  a  ne  conserve!? 
par  departement  qu'un  college  de  plein  exercice ,  en  changeant  les  autres 
qui  peuvent  se  trouver  dans  son  sein,  en  ecoles  primaires  superieures,  il 
ne  pousse  pas  plus  lorn  cette  ceuvre ,  et ,  prenant  a  sa  charge  ce  college-, 
le  mettant  sous  sa  tulelle  immediate,  en  faisant  sa  propriete,  ne  1'erige  eu 
college  royal. 

En  consequence ,  le  gouvernement  sera  prie  d'e  donner  suite  a  la  pen- 
see  du  ministre,  auteur  du  projet,  en  proposant  aux  chambres  d'allouer 
les  fonds  necessaires  pour  cette  erection  d'un  college  royal  par  departe- 
ment ;  ou ,  si  1'etat  de  nos  finances  ne  permet  pas ,  en  cet  instant ,  dte 
grever  le  budget  d'une  nouvelle  dette,  en  autorisaut  la  ville  chef-lieu,  et 
le  departement,  et  1'arrondissement  qui  doivent  participer  aux  avantagcs 
de  cette  fondation,  a  concourir  en  commun  aux  frais  du  premier  ela- 
blissement. 

P.  5.  Dans  I'intervalle  ecoule  entre  la  lecture  de  cc  memoire  et  Tim- 


444  M&MOIRES  ET  DISCOURS. 

pression  du  volume  du  Congres ,  la  loi  sur  1'instruction  secondaire  a  ete 
presentee  a  la  chambre  des  deputes ;  mais  le  projet  legislatif  n'a  pas  ren- 
contre dans  cette  chambre  un  examen  bien  severe;  et,  peut-etre,  1'oeuvre 
ministerielle  elle-meme,  loin  d'avoir  atteint  le  degre  de  perfection  qui  a 
coucilie  tous  les  suffrages  a  l'organisation  elementaire ,  ne  desirerait-elle 
pas,  au  fond,  des  debats  plus  serieux.  Renfermee  done  dans  de  vagues 
generalites,  dans  des  lieux  commuus  sans  application  prochaine,  la  dis- 
cussion n'a  point  aborde  des  questions  essentielles ,  ou  elle  ne  les  a  point 
approfondies.  Pas  une  voix,  par  exemple,  celle  meme  des  membres  de 
I'universite  qui  siegent  sur  les  banes  de  la  representation ,  ne  s'est  ele.vee 
pour  rappeler  qu'il  est  d'experience  qu'une  reforme  dans  les  choses  ne 
marche  qu'a  1'aide  d'une  modification  analogue  dans  1'existence  des  agents 
charges  de  la  mise  en  oeuvre. 

Or,  depuis  les  maitres  d'etudes,  ces  jeunes  debutants  si  dignes  d'en- 
couragement ,  et  qu'il  serait  dans  1'interet  de  1'enfance  et  de  la  jeunesse 
d'honorer  a  leurs  propres  yeux,  en  les  placant  sous  la  garantie  d'une 
nomination  qui  prescrirait  leurs  droils  a  la  retraite  du  jour  ou  ils  auraient 
ete  investis  des  fonctious  les  plus  difficiles  et  les  plus  delicates ,/  et  les  re- 
commanderait  a  la  confiance  de  tous  ces  ages  difierents  dont  ils  out  spe- 
cialement  a  former  1'education  et  a  diriger  le  caraclere,  jusqu'aux  titu- 
laires  des  chaires  superieures ,  pas  une  idee  ne  s'esl  produite  sur  le  mode 
et  les  conditions  de  1'avancemeiit,  sur  Ja  possibilite  de  le  regulariser  par  la 
fixation  de  limites  ordinaires  d'un  temps  a  accomplir  et  a  ne  point  de- 
passer,  d'unposte  au  posteimmediat;  dans  aucun  esprit  n'asurgi  la  pensee 
d'etablir  uue  compensation  entre  1'eclatplus  oumoins  solide  d'un  concours  , 
d'une  part,  et  de  1'autre,  1'anciennete  des  services  ,  et  ces  habitudes  de 
moralite  el  de  vertu  acquises  dans  les  patients  labeurs  d'un  long  enseigne- 
meiit,  et  qui  fortifient  dans  le  public  la  reputation  du  maitre  par  celle  de 
I'honnete  homme;  nul  n'a  demande  s'il  ne  serait  pas  juste  et  conforrne  a 
ce  qui  se  pratique ,  sans  doute  ,  dans  d'autres  administrations ,  de  faire 
njouter ,  plus  ou  moins  parallelement ,  ces  deux  sortes  de  merite  sur  1'e- 
chelle  qu'il  est  d'une  sage  politique  de  tenir  accessible  toujours  a  tous  les 
nobles  elans ,  a  tous  les  genres  d'efforts  ascendants. 

Ainsi ,  deux  propositions  exceptces  :  1'une ,  a  1'effet  de  conceder  au 
gouvernemenl  la  faculte  pure  et  simple  d'augmenter  le  nombre  des  colle- 
ges royaux  jusqu'a  la  concurrence  d'un  college  royal  par  departement , 
faculte  qu'il  possedait  deja;  celle-ci  ayant  pour  but  la  suppression  de  la 
denomination  de  regent ,  mais  sans  reclamation  d'ameliorations  correspon- 
dantes,  et  ne  parvenanl  a  delhrer  la  languc  universitaire  d'une  odeur  de 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  445 

caste  que  pour  la  laisser  empreinte  dans  les  fails,  rien  n'eiit  etc  change, 
on  telles  etaient  les  innovations  puissantes  dont  se  seraient  trouves  dotes 
les  etablissements  de  la  nation ,  au  moment  d'entrer  en  lutte  avec  1'ele- 
mcnt  multiforme  et  avide  d'attaque  qu'on  se  preparait  a  dechainer. 

Conscquemment ,  si  la  loi  ne  subit  pas  une  seconde  et  plus  veritable 
epreuve  au  Palais-Bourbon  ,  ou  qu'au  sein  de  la  cbambre  des  pairs  elle  ne 
provoque  pas  un  controle  plus  mur,  j'ai  presque  dit  plus  conseiencieux;  si 
les  homines  competents  enfin,  indii'ferents  a  1'invitation  qui  leur  en  est 
adressee  par  urie  publication  creee  pour  exprimer  leurs  voeux  et  les  he- 
roins de  1'instruction ,  ne  s'imposent  a  eux  memes  la  tache  de  combiner 
leurs  vues ,  d'elaborer  des  materiaux ,  et  de  transmettre  leur  plan  a  un 
centre  commun ,  ne  devient-il  pas  a  craindre  qu'a  la  maniere  de  ces  outres 
symboliques  de  Pevangile ,  incapables  de  contenir  un  vin  gcnereux ,  de 
vieux  moyens  ,  d'anciennes  dispositions  ne  puissent  s'allier  aux  procedes 
pedagogiques  nouveaux  dout  1'epoque  poursuit  la  recherche  ,  et  qu'en 
faveur  des  progres  de  1'avenir,  les  desservants  preposes  a  1'exercice  du 
culte  scolaire  n'en  soient  reduits ,  comme  par  le  passe ,  et  sous  de  non 
moins  grands  obstacles ,  a  n'avoir  pour  tous  genies  tutelaires  a  consulter, 
a  invoquer,  que  le  hazard  et  1'imprevu. 


446  STANCE  LITTI*RAIR1£. 


DU   CARACTERE 

MERCANTILE   ET    VENAL 

BE  LA  PRESSE  ilTTERAIRE, 

BT 

DE  L'INFLUENCE  DE  CE  VICE  SOCIAL 

SUE  LES  TRA.VA1JX  DE  L*HOMME  DE  LETTRES} 

JjJar  HI.  C.  Jflmoii  , 

CAPITAINE   DE  CAVALERIE  ,   COMMANDANT    I.E  DEPOT  DE   RECRUTEMENT 
DE  LOIR-ET-CHER  *. 


MESSIEURS  , 

Le  sujet  que  je  viens  trailer  devant  vous ,  les  considerations  de  tout 
genre  qui  en  doivent  surgir,  les  dedicates  questions  litteraires  et  de  morale 
publique  qu'il  ne  pent  manquer  de  soulever,  eussent  merite  d'occuper  un 
talent  plus  mur,  plus  riche  d' etudes  que  le  mien ,  et  d'avoir  pour  organe 
une  voix  plus  habituee  aux  graves  et  elegantes  formes  de  Peloquence  aca- 
dcmique;  mais  a  defaut  de  ce  double  merite,  j'apporte  ici  les  inspirations 
d'un  amour  sincere  de  1'art  et  les  libres  accents  d'une  conscience  integre, 
et  qui,  en  penetrant  dans  le  sanctuaire  des  lettres,  ne  s'est  point  detachee 
de  ses  habitudes  de  franchise  et  de  loyaute  militaires. 

Ce  serait  fermer  les  yeux  a  la  lumiere  qui  nous  inonde ,  ce  serait  nier 
le  mouvement  des  esprits  alors  meme  que  ce  mouvement  nous  entraine, 
que  de  revoquer  en  doute  la  superiorite  des  intelligences  litteraires  de 
notre  cpoque  sur  celles  des  deux  derniers  siecles ;  mais  ce  qu'il  faut  de- 

*  Ic'impressioii  i\9  C9  memoiro  a  ete  votee  par  acclamation  en  assemblee  gen^rale. 


MKMOIRES  ET  DISCOURS.  4*7 

plorer,  c'est  1'usage  que  tant  de  puissants  esprils  font  dcs  forces  qu'ils 
lienuent  d'une  noble  nature,  dcveloppee  par  un  sysleme  d'inst ruction  si 
rapide  et  si  large  dans  ses  precedes;  c'est  la  direction  que  le  luxe,  le  mc- 
pris  de  Pavenir,  Pexclusive  eslime  de  Paclualile  impriment  an  talent; 
c'est  cet  industrial isme  qui,  avec  ses  combinaisons  mesquines  mais  posi- 
tives, avec  ses  creations  ephemeres  mais  qui  viennent  en  aide  aux  besoins 
de  la  vie  malerielle,  a  remplace  dans  la  republique  des  lettres  cet  amour 
de  la  gloire ,  ce  culte  de  la  posterite  qui  n'est  autre  chose  que  le  desir  de 
Iravailler  au  bonheur  et  a  la  consolidation  de  la  societe  humaine ,  senti- 
ment sublime  qui  croit  aux  realites  de  1'avenir,  et  qui  ne  renferme  pas  le 
devoir  social  dans  le  cercle  etroit  d'une  seule  generation  d'hommes ! 

Si  1'architecture,  au  lieu  de  donner  comme  Michel-Ange,  le  Primatice 
et  Mansard,  un  caractere  de  grandeur  a  des  ouvrages  indestructibles, 
descendait  de  son  trone  monumental  pour  se  mettre,  dans  le  but  de  se 
populariser  et  de  s'enrichir,  aux  gages  de  nos  entrepreneurs  de  fre!es 
bailments  domestiques  ,  et  si,  prostituant  les  traditions  et  les  modeles  de 
Pantiquite ,  elle  nous  livrait  avec  profusion ,  en  argile  on  en  platre ,  ces 
arcs,  ces  colonnades,  ces  coupoles,  ces  sculptures  qui  ne  doivent  revetir, 
avec  le  grauit  et  le  marbre ,  que  des  formes  majestueuses  et  colossales , 
qui  de  vous,  messieurs,  ne  deplorerait  pas  cette  profanation  de  1'art  et 
cette  degradante  venalile  du  genie  artistique?...  Voila  pourtant,  mes- 
sieurs, dans  la  plus  exacte  analogic,  1'ardeur  de  speculation  mercantile 
qui  s'est  emparee  de  la  litlerature!  voila,  si  nous  n'y  sommes  deja  arri- 
ves ,  Petat  d'abaissement  qui  nous  menace  dans  une  des  plus  nobles  fa- 
cultes  de  Pesprit  humain!  Les  lettres  ont  ,  pour  ainsi  parler,  abdique 
Pauguste  mission  d'edifier  des  monuments  durables,  empreints  de  gran- 
deur et  fails  pour  meriter  au  siecle  qui  les  aurait  vus  s' clever  la  recon- 
naissance des  ages  futurs.  C'est  dans  les  journaux,  dans  les  revues  litte- 
raires,  dans  de  frivoles  macedoines  que  les  homines  de  lettres  vont 
deposer  leur  labeur  de  la  journee,  car  la  meditation  cesse  aujourd'hui  a 
Pheure  ou,  pour  le  litterateur  comme  pour  1'homme  de  salon,  s'allument 
les  mille  bougies  d'uue  soiree  de  ministre  ou  de  banquier.  Oh!  jamais, 
il  en  faut  convenir,  jamais  les  journaux  specialement  cousacres  aux  ma- 
tieres  lilteraires  ne  furent  mieux  rediges,  et  ne  presenterent  a  leurs  abonnes 
une  plus  brillante  reunion  de  redacteurs  distingues  par  Pesprit  et  le  savoir. 
Et  c'est  la ,  messieurs ,  il  en  faut  aussi  convenir,  un  signe  evident  de 
decadence  v  c'est  la  que  se  revele  Petal  mercantile  et  precaire  de  la  litte- 
rature. Que  restera-t-il,  je  ne  dis  pas  a  la  posterile,  je  ne  dis  pas  aux 
dcrniers  arrivanls  du  siecle  qui  s'ecoule ,  que  reslera-t-il  de  ces  journaux 


448  STANCE  LITTKRAIRE. 

au  lendemain  du  jonr  qui  les  voit  paraitre  ?...  Est-ce  done  pour  recreor 
les  oisifs  des  grandes  cites ,  pour  alimenler  le  materiel  des  cabinets  de 
lecture  et  pour  figurer  a  cote  des  albums  qui  couvrent  les  tables  d'un 
salon  de  bonne  compagnie  un  jour  de  reception,  que  travaillent  nos  Quin- 
tiliens  et  nos  Scaligers,  et  que  meditent  nos  Bayles,  nos  Pascals  et  nos 
Labruyeres?...  pas  plus,  messieurs,  que  pour  reculer  les  limites  de  1'art* 
et  pour  conquerir  Festime  et  I'admiration  des  bommes  graves  et  studieux  ; 
c'est  tout  simplement  pour  intcresser  leurs  talents  a  des  speculations  lu- 
cratives ;  c'est,  si  vous  voulez ,  pour  faire  marcber  le  siecle  ,  pourvu  que 
1<;  siecle  jette  de  1'or  a  ses  conducteurs.  Ce  qui  manque  aux  elucubra- 
tions  quotidiennes  ou  bebdomadaires  de  notre  litterature,  infusee  dans  le 
journalisme,  ce  n'est  ni  1'esprit,  ni  le  bori  gout,  ni  la  surete  d'apercus 
que  donnent  de  fortes  etudes,  ni  1'abondance  et  la  correction  du  style,  ni 
la  poesie  et  1'invention  des  images ;  ce  qui  leur  manque ,  c'est  le  temps , 
la  meditation,  la  perseverance,  le  devouement  social;  c'est,  en  un  mot, 
le  dogme  de  I'immortalile  des  ceuvres  du  genie  litteraire.  Mais  tout  cela 
ne  procurerait  qu'une  renommee  laborieusement  acquise ,  et  1'on  vent 
jouir  de  bonne  heure  et  long  temps  d'une  reputation  d'bomme  superieur ! 
tout  cela  pourrait  fonder  pour  1'avenir  de  glorieuses  memoires ,  et  1'on 
tient  moins  a  I'estime  tout  ideale  de  1'avenir  qu'a  des  sympatbies  contem- 
poraines  ayant  cours  dans  le  cpmmerce  de  la  librairie ! 

De  fastueuses  annonces  viennent  de  nous  reveler  1'existence  d'une 
societe  des  dictionnalresf  Cette  societe  est-elle  instituce  pour  effacer  d'un 
lexique  fameux  par  les  riches  arabesques  de  ses  majuscules  les  neolo- 
gismes  barbares ,  les  mauvaises  definitions ,  les  synonymies  defectueuses , 
les  ridicules  silhouettes  de  prononciation  figuree? —  institute  pour  offrir  a 
nos  medecins  un  dictionnaire  de  sciences  medicates  ou  1'on  prodigue 
moins  les  inutiles  et  parasites  effets  de  style,  et  ou  1'on  se  preoccupe  da- 
vantage  des  grands  interets  de  la  science ,  et  surtoiit  de  ceux  des  malades  ? 
—  instituee  dans  le  louable  dessin  de  reparer  les  nombreux  outrages  faits 
par  Vosgien  et  ses  continuateurs  a  la  science  des  Danville  et  des  Balby  ? 
— -instituee,  enfin ,  pour  enrichir  la  lilterature  historique  d'un  diction- 
naire qui,  sous  une  forme  plus  a  la  portee  des  fortunes  mediocres,  nous 
donne  autant  d'articles  excellents  et  moins  d'articles  inutiles  que  la  Bio- 
graphic universelle* ,  et  reproduise  tout  ce  que  YEssai  sur  les  mceurs 

"  Cette  derni^re  plirase  ayant  tlonne  lien,  Jans  la  cinqniAme  section  du  Congres, 
A  line  reclamation  j-.artie  d'une  sourca  trop  respectable  pour  ii'avoir  pas  eveill6  toute 
1  attention  de  1'aiiteur  de  ce  memoire,  il  crut  devoir,  clans  une  allocution  prononcea 
plus  tard  ,  expllquer  na  pensee  dans  les  termes  suivants  ; 


MEMOIRES  ET  DISCOURS. 


449 


renferme  d'orthodoxe  ,  Feller  d'impartial ,  le  Dictionnaire  de  la  Conversa- 
tion d'exact ,  et  la  Biographie  des  Contemporains  d'etranger  a  1'esprit  de 
parti  et  a  toutes  les  mauvaises  passions  exploitant  le  scandale  ?....  Non , 
messieurs !  —  Cette  societe  nOus  informe ,  par  voie  de  journaux  et  d'affiches , 
qu'elle  possede  un  capital  social  de  3,500,000  francs ,  represenle,  sauf  leur 
placement,  par  1,400  actions  de  250  francs,  produisant,  sauf  le  debit  des 
dictionnaires ,  un  benefice  net  de  1 5  a  30  pour  cent ,  le  tout  avec  conseil 
de  surveillance ,  notaire ,  avoue ,  agent  de  change  et  banquier  :  personnel 
bien  capable  assurement  de  travailler  en  finance  une  societe  des  diction- 
naires et  d'etablir  sur  de  solides  bases  la  fortune  des  actionnaires. 

Une  autre  entreprise  s'est  formee,  que  je  suis  tres  loin  de  confondre 
avec  la  societe  anonyme  pour  1'exploitation  des  dictionnaires.  Celle-la ,  di- 
rigee  par  un  savant  laborieux,  par  un  homme  d'une  immense  erudition**, 
est  ulile  aux  lettres,  vaste,  monumentale  meme.  Cependant,  messieurs, 
il  n'y  a  de  nouveau  dans  le  Pantheon  Litteraii-e  que  1'idee  d'une  reimpres- 
sion  sur  la  plus  grande  echelle  possible  et  dans  un  format  uniforme ,  des  prin- 
cipaux  ouvrages  nationaux  et  etrangers  qui  appartiennenl  au  domaine  pu- 
blic. La  gestion  du  Pantheon  Litteraire  pourra  realiser  de  grands  benefices 

«  II  eit  quelques  passages  de  mon  Memoire  qui  n'ont  pas  6te  juges,  je  croi«  ,  avec 
line  preoccupation  d'idees  parfaitement  coiitbrmes  a  la  pensee  de  1'auteur.  Un  de  nos 
Jionorables  collegues  de  la  ciriquit'me  section  a  cru  remarquer  que  j^avais  dirige  un  trait 
de  censure  centre  un  des  plus  beaux  monuments  littthaires  de  notre  epoque,  la  Bio- 
graphie uuiverselle.  J  'ai  souliaite  a  la  Societe  de«  Dictionnaires  un  repertoire  histo- 
rique  a  bon  marclie,  qui  contiut  autant  d'articles  excel  Ion tset  nioins  d'articles  inutiles 
que  la  Biographie  universelle:  voila  toute  ma  phrase;  je  vous  demande  la  permission 
d'en  devtlopper  le  sens.  Par  articles  ejcellents ,  j'enlends  tons  ceux ,  en  tres  grand 
nonsbre  ,  qui,  etant  consacres  a  des  noms  vraiment  historiques ,  tout  ecrits  dans  le 
«Ysteme  general  de  redaction  de  la  Biograpliie  universelle  ,  c'est-a-dire ,  avec  I'aulorito 
que  donnent  1'esprit  d'etudes  et  de  recherches  laborieuses  ,  une  critique  eclaireo  et  un 
jugement  droit  et  consciencieux.  Et  telles  furent,  messieurs,  les  qualitesqui,  dans  la 
cooperation  de  la  Biograpliie  universelle,  distinguerent  lc«  travaux  de  deux  de  nos 
lionoiablcs  collegues  (  MM.  de  la  Porte  et  du  Plessis  )  que  ce  departement  compte  au 
iiombre  de  scs  enfauts.  J'appelle  inutiles,  ces  articles  sur  des  uoms  obsiurs  ,  enti^rement 
oublies,  et  qui  surcliargent  ies  dossiers  de  la  muse  historique  ,  comme  des  papiers  sans 
importance  et  vermoulus  «uconibrent  les  cartons  d'un  greffc.  II  est  tel  do  ces  grands 
hommes  qui  se  pavane  fit;remeut  dans  nos  repertoires  biographiques  pour  avoir  compose 
vine  epigramme  on  un  madrigal,  auquel  le  plus  obscur  de  nos  jouruaux  de  province 
refuserait  d'accorder  vingt-quatre  heures-  de  vie.  Ce  serait  meme  une  question  di^ne 
d'occuper  Ies  meditations  de  votre  Congres,  que  d'examiner  s'il  ne  serait  pas  utile  ant 
lettres  que  la  literature  biographique  deposat  enfm  son  bilan ,  et  qu'une  critique  judi- 
cieuse  en  retranchat  tout  ce  vieux  tbnd  de  non-valeurs,  toutes  ces  effigies  effacers  par 
le  temps  et  rongees  par  le  verdet ,  qui  furent  acceptees  sans  examen  avec  la  succetsion 
de  rios  vieux  legendaires  et  de  Morery,  leur  benevolo  et  lourd  compilaleur. 

«•  M.  Buclion. 


450  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

on  supporter  de  grandes  pertes;  ma  is  aura-t-elle  fait  avancer  la  science 
d'un  pas  ?,  l'aura-t-elle  eurichie  de  decouvertes  ou  d'etudes  nouvelles  ? 
Vous  ne  le  pensez  pas  ,  messieurs...  Lorsque  la  France  attend  une  histoire 
nationale  qui  soil  enfin  digue  de  la  grandeur  du  pays,  de  son  rang  politi- 
queparmi  les  nations  et  de  ses  immenseset  glorieux  souvenirs,  n'est-il  pas 
vrai  de  dire  que  les  hornmes  qui  sont  appeles  par  leurs  talents  et  leur 
emiuente  vocation  a  complete?  les  materiaux  de  ce  vaste  edifice  ,  ont  a  se 
eonsacrer  a  des  travaux  plus  utiles  aux  lettres  et  a  leur  propre  renommee, 
que  d'agglomerer  dcs  documents  deja  connus  et  de  rediger  des  comptes- 
rendus  ou  le  fonnulaire  de  la  banque  vient  s'unir  a  la  douce  et  persuasive 
rhetorique  de  1'ecole  ,  pour  demontrer  aux  souscripteurs  qu'ils  ont  bien 
place  leur  argent  et  que  les  edileurs  n'ont  en  vue  que  i'interet  public  et 
la  propagation  des  lumieres  ? 

Nous  les  avons  vus ,  ces  genereux  editeurs  ,  porter  plus  loin  leurs  pre- 
occupations pliilanthropiques,  etmodifiant  sur  les  idees  du  siecleune  douce 
pensee  de  Fenelon ,  s' eerier  en  nous  inondaut  d'une  pluie  de  prospectus  : 
lienreux  ceux  qui  s'enrichissent  en  s'instruisant !  La  loterie  venait  d'etre 
bannie  de  la  legislation  fiscale;  elle  se  refugia  dans  les  leltres;  le  portique 
accueillit  ce  que  le  comptoir  du  collecteur  venait  de  repudier.  Etrange 
spectacle !  les  plus  augustes  inspirations  du  genie  littcraire  furent  raises 
•en  loterie  et  placees  dans  la  meme  roue  de  fortune  qui  faisait  tourner  le 
Magasin  Pittoresqne  et  le  Musee  des  Families  /....  Inductions  pbilosopbi- 
<jues  et  traites  sur  le  jeaugeage  des  vins  et  sur  1'arpentage  des  terres ;  har- 
monieuses  et  donees  reveries  des  muses  et  manuels  du  forgeron  ou  du  li- 
quoriste ;  edition  illustree  de  la  bible  et  residu  des  editions  populaires  du 
Citateur  ou  de  1'Evangile-ToiKjuet ;  tout  cela  fut  jete  pele-mele  sur  le  tapis 
vert  de  la  librairie. 

Ainsi ,  messieurs ,  la  lilti  rature ,  dont  la  mission  etait  peut-etre  de  ser- 
vir  d'organe  aux  moeurs  publicjues,  pmir  rendre  grace  aux  pouvoirs  politi- 
ques  de  1'elat  d'avoir  efface  de  nos  codes  Pinstitution  de  la  loterie ,  soufi'rit 
qu'en  son  nom  et ,  en  quelque  sorte ,  sous  son  patronage ,  1'esprit  de  spe- 
culation s'emparat  de  I'immorale  ressource  que  la  legislature,  venait  d'en- 
lever  au  fisc,  et  remit  en  branle  la  roue  de  fortune  de  radministration 
supprimee  !....  Et  nulle  voix  indignee,  nulle  vertueuse  satyre  ne  s'eleva 
pour  stygmatiser  cet  avide  industrialisme  de  la  presse,  et  cette  lacbe  com- 
plaisance de  lettres  humaines!....  Et  il  fallut  qu'une  loi  nouvelle  intervint 
pour  rendre  le  genie  litteraire  a  sa  dignite  et  le  commerce  dc  la  librairie 
aux  saines  traditions  des  Etienne ,  des  Elzevir ,  des  Alde-Manuce  et  de 
cette  fainille  Rarbou,  qui  avait  pris  pour  devise  :  Meta  laboris  honor!  .... 


MIuMOIRES  ET  DISCOURS.  451 

Encore ,  messieurs ,  cette  derniere  reforme  He  s'est-elle  operee  qu'impar- 
faitement.  11  reste  a  la  presse  litteraire,  chassee  du  retranchement  qu'elle 
s'etait  fait  des  banques  venitiennes  ,  la  ressource  des  precedes  lypographi- 
ques,  moulant,  encadrant,  illustrant,  enluminant  sous  mille  formes  diver- 
ses ,  ces  gigantesques  annonces  qui ,  s'emparant  du  deruier  verso  des  jour- 
naux  quotidiens,  jouent  sur  ce  theatre,  le  plus  ambulant  qui  fut  jamais  , 
iin  role  analogue  a  celui  du  saltimbanque  gambadant  et  grimacant  a  la 
porle  de  nos  baraques  de  la  foire  pour  y  faire  entrer  les  chalants ;  il  lui 
reste  encore  1'art  d'exploiter  en  grand  ce  qu'on  appelle  dans  la  langue  du 
metier  la  justification  ,  et  de  mettre  le  genie  des  auteurs  tellement  au 
large  sur  du  papier  de  colon  ,  que  trois  volumes  in-8.°  suffisent  a  peine  a 
conlenir  ce  que  la  candide  bonne  foi  d'un  Manuce  ou  d'un  Elzevir  cut 
renferme  dans  un  volume  de  la  plus  petite  dimension ;  enfin  il  lui  resle 
cette  rente  an  detail,  ce  debit  a  la  feuille,  cette  livraison  piece  par  piece 
des  monuments  de  1'esprit  humain ,  Industrie  qui  specule  sur  les  distrac- 
tions du  public ,  qui  ne  s'apercoit  pas  que  ces  feuilles  a  1 0 ,  a  20  ou  a  30 
centimes,  ne  sont  que  la  monnaie  d'agiot  de  la  somme  de  litterature  qu'on 
s'engage  a  lui  fournir ,  et  que  ce  racollage  litteraire  a  surtout  pour  but  de 
1'accrocher,  au  moyen  de  1'appat  qu'on  lui  jette,  a  la  speculation  de  1'edi- 
leur,donlil  n'est  plus  temps  de  se  detacher  lorsqu'il  s'apercoit  que  les 
morceaux  de  volume  qu'on  lui  livre  ne  sont  plus  conformes  a  1'cchantillon 
type.  C'est  ainsi  que  plus  d'un  ouvrage,  qui  s'etait  annonce  avec  eclat  , 
va  languir  et  sa  trainer  miserablement  sous  la  plume  insouciante  et  pares- 
seuse  de  I'ecrivain,  des  que  la  speculation  du  libraire  s'est  repue  de  1'ar- 
gent  des  souscripteurs. 

Et  comme  si  ce  n'etait  pas  assez  de  tout  ce  batelage  ,  la  litterature  spe- 
culative s'est  ouvert  une  autre  voie  de  succes,  ou  plulot  elle  s'est  com- 
plaisamment  asservie  a  rechercher  laborieusemeut  tout  ce  qui  pouvait 
exciter  les  appetits  depraves  du  public,  au  lieu  d'essayer,  par  la  seule 
puissance  du  talent,  a  raviver  en  lui  le  gout  du  beau  et  du  bien.  De  la , 
messieurs ,  ces  litres  bizarres  empruntes  quelquefois  aux  locutions  les  plus 
pretentieuses  ou  les  plus  degoutautes  du  langage  familier  :  faiblesse  a  la- 
quelle  se  sont  laisses  entrainer  quelques  esprits  d'elite  de  notre  epoque , 
dont  1'exemple  ne  pouvait  manquer  d'encourager  le  zele  de  la  basse  litte- 
rature. Ainsi  les  Feuilles  d'automne  et  les  Chants  du  crepuscule ,  poesie 
admirable,  ont  fail  eclore  des  Melodies  poetiques,  des  Soupirs  poetiques , 
des  Larries  poetiques ,  des  Perce-neige  poetiques ,  des  Insomnies  poeti^ 
(jites,  des  Lunes  poetiques.  C'est  a  la  Peau  de  chagrin  de  M.  de  Bal/ac, 
a  1'Ane  mort  et  la  Fcmme  guillotiuee  de  M>  Jules  Janin ,  aux  deux  Ca- 


452  MEMOIKES  ET  DISCOimS. 

dnvres  de  M.  Frederic  Soulie,  aux  Ecorcheurs  de  M.  d'Arlinoourt,  ou- 
vragcs  justement  estimes  ,  que  nous  sonunes  redevables  de  tant  de 
pitoyables  ecrits  revetus  de  litres  afl'reusement  grotesques  ou  niaisement 
ridicules. 

Pour  mettre  le  comble  a  nos  ealamites  litteraires ,  les  pittoresques  fon- 
dirent  sur  nous  avec  un  sorte  d'emulation  sordide.  Us  eurent  la  vo^ue 
comme  la  banque  de  1'Ecossais  Law  sous  la  regence ,  les  convulsionnaires 
sous  Louis  XV  et  le  baquet  de  Mesmer  un  peu  plus  tard.  II  i'ut  publie 
par  tout  le  Toyaume  que  les  actions  des  premieres  entreprises  de  pittores- 
ques avaient  double  de  valeur;  il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  vaincreles 
repugnances  de  nos  litterateurs  du  second  ordre  qui  se  jeterent  en  foule , 
au  nom  du  progres  des  lumieres ,  dans  ces  bazars  de  la  science  a  bon  mar- 
che,  et  qui  entrainerent  dans  leur  mouvement  quelques  membres  de  la 
baute  litterature.  Il  me  souvient  d'avoir  vu  le  programme  d'uue  de  ces 
lucratives  macedoines  ecrit  de  la  meme  main  d'ou  sortirent  quelques  bons 
romans  et  tant  de  laudatives  prefaces,  de  prospectus  magnifiques  et  de 
bienveillants  articles  de  journaux  sur  les  sciences ,  sur  les  lettres ,  sur  les 
beaux-arts,  sur  la  philosophic,  sur  1'eloquence,  sur  les  epopees  homeri- 
ques ,  sur  le  theatre,  depuis  le  drame  vetu  a  la  romaine  jusqu'aux  pan- 
talonnades  de  Uebureaux ;  sur  1'histoire  ,  les  chrqniques  et  les  romaus ; 
sur  I'agriculture  et  le  commerce,  sur  nos  institutions  militaires,  et  peut- 
etre  meme  sur  revolution  navale.  Ge  programme  etait  comme  coupe  en 
strophes  ou  versets  par  ces  informes  gravures  sur  bois  importees  d'Angle- 
ten-e,  et  qui  melaient  d'horribles  grimaces  aux  brillantes  et  persuasives 
paroles  de  1'inepuisable  polygraphe ;  et  I'oii  se  demandait  si  la  nature  et 
Fart  avaient  forme  son  merveilleux  style  pour  servir  de  texte  a  d'ignobles 
silhoneltes. 

Dans  la  Le-xicographie  encyclopedique ,  genre  qui,  dans  un  degre  supe- 
rieur,  s'ecarte  pen  des  procedes  de  Sexploitation  pittoresque ,  nous  retrou- 
vons ,  avec  des  consequences  plus  graves  et  plus  deplorables ,  le  caractere 
mercantile  de  la  litterature  contemporaiue. 

L'apparition  de  1'Encyclopedie  tut,  apres  la  revolution  intelle<;tuelle  du 
xvn.e  siecle ,  le  plus  grand  evenement  litteraire  des  temps  modernes.  Son 
entantement  -fut  laborieux ,  pi'Ogressif  et  presque  seculaire.  Toutes  les 
fortes  intelligences  de  1'epoque  travaillerent  a  edifier  cette  ceuvre  mouu- 
mentale ,  soil  par  une  cooperation  directe ,  soil  par  uue  grave  et  puissanle 
critique.  Aujourd'hui  1'on  entreprend  une  encyclopedie  et  Ton  en  cornman- 
dite  les  actions  pardevaut  notaire ,  comme  s'il  s'agissait  de  creuser  un  ca- 
nal ou  d'etablir  un  chuniin  de  fer ,  avec  cette  difference  toulefois  que  les 


MEMOIRES  ET  DtSCOURS.  453 

ehcyclopedies'marchentplus  vite  que  les  canaux  etleschemius  de  fer.  II  c.,t 
sorti  presque  en  meme  temps  du  cerveau  de  nos  encyclopedistes  contem- 
porains  une  Encyclopedic  moderne  ,  une  Encyclopedic  des  gens  du  monde, 
une  Encyclopedic  catholique,une  Encyclopedic  nouvelle  ou philosophique, 
une  collection  des  Manuels  encyclopediques,  un  Dictionnaire  de  la  Con- 
versation et  de  la  Lecture ,  tous  rediges  par  une  societe  d'hommes  politi- 
ques ,  de  savants ,  de  litterateurs  et  d'artistes ,  les  uns  recrutes  dans  les 
cinq  classes  de  1'Institut  et  dans  les  chambres  legislatives,  les  autres  sur 
les  banes  des  quatre  facultesv 

Ici ,  messieurs ,  je  reclame ,  dans  1'interet  et  peut-etre  pour  1'honneur 
des  lettres ,  une  bienveillante  et  serieuse  attention.  Quand  la  critique  lit- 
teraire  semble  abdiquer  sa  noble  et  sainte  mission  * ,  qu'il  soit  permis  a 
une  voix  obscure  mais  independante ,  de  defendre  dans  votre  parlement 
seientifique  lea  deniers  des  souscripteurs ,  qui  sont,  en  quelque  sorte,  les 
contribuables  de  la  republique  des  lettres  ,  et  d'attaquer  un  systeme  de 
deception,  ou  si  vous  voulez,  un  charlatanisme  qui  semble  avoir  pour  com- 
plices toutes  les  puissances  de  la  presse  parisienne.  Vous  trouveriez  diffi- 
cilement ,  messieurs ,  une  grande  capacite  intellectuelle  de  1'epoque  dont  le 
nom  n'eut  pas  ete  jete  comme  un  appat  dans  nos  provinces  par  les  entre- 
prises  de  Dictionnaires  encyclopediques.  Ainsi  1'un  de  ces  tbrmidables 
lexiques  a  choisi  pour  ses  cooperateurs  nominaux  tous  les  hommes  places 
au  sommet  de  notre  edifice  social,  toutes  les  eminentes  renommees  de  I'e- 
poque  dans  les  sciences,  dans  les  lettr.es,  dans  lea  arts  ,  dans  nos  deux  se- 
nats  poliliques ,  dans  la  magistrature  et  dans  le  barreau  **.  Le  succes  fut 


"  «  Ce  public,  dit  MC.  do  Sainte-Beuve,  dans  nn  article  public  recerr.ment,  ce  public 
»  d'audience,  qui  ecoutait,  discutait  et  controlait;  qui  savait  d'avance  toutes  les  pickes 
»  d'un  proems,  ou  est-il  ?  11  est,  comme  les  justes  dans  Israel,  ca  et  la,  De  la  «orte,  la 
»  critique  se  sentant  comme  en  pure  perte,  sans  appui  au  debors  et  sans  limite,  s'est 
»  evanouie.  On  sert  ses  amis,  ses  admirations  litterahes  a  I'occasion,  par  une  pointu, 
»  comme  une  tactique  bien  eutendue  ;  mais  les  temperaments,  les  nuances,  la  discre- 
»  tion  et  la  restriction  dans  les  louanges  out  disparu.  Tout  ou  rien.  » 

C'est-a-dire  qu'en  presence  d'un  public  insouciant  et  d'une  litterature  dans  Tanarcbie, 
il  n'y  a  d'autre  parti  a.  prendre  que  (^admirer  sans  restriction,  ou  se  taire,  Un  bom  me 
grave,  cepeudant ,  un  homme  de  coeur  et  de  conscience  litteraire,  -vient  de  se  faire  un 
nom  d:une  grande  autorite  dans  le  moiide  savant,  en  nous  decouvrant,  a  1'aide  d'une 
vigoureuse  et  penetrante  critique,  tout  le  vide  et  toutes  les  pueriles  vanites  de  l'6cole 
romantique.  L'eclatante  et  decisive  victoire  remportee  par  M.  Nisajd  sur  ses  puissant* 
adversaires  ,  n'est-elle  pas  ua  indice  que  les  sympathies  du  public  ne  nianqueroiat  pa« 
aux  saines  et  vsrtueuses  doctrines,  quand  elles  voudrout  se  declarer  et  combattrc  ! 

**  "Voici  la  tete  de-coloniie  de  cette  collaboration,  qui  presente  un  effectif  de  trots  cent 
toixante  ecrivaim :  quatre  anciens  ininistres  gecietaires'd'ttat ,  trois  pairs,  lingt  d4- 


4->4  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

digue  d'un  aussi  brillant  programme ,  et  Ton  ne  porte  pas  a  moins  de 
25,000  le  nombre  des  personnes  qui  souscrivirent  a  la  nouvelle  encyclo- 
pedic. Ce  livre,  qui  ne  devait  former  que  vingt  volumes  lorsqu'il  fit  ses 
premiers  enrolments  de  souscripteurs ,  fut  plus  tard ,  par  im  audacieux 
mepris  de  la  foi  donnee ,  taille  sur  un  patron  de  52  volumes  imprimes  sur 
le  plus  mauvais  papier  que  puissent  fournir  nos  fabriques.  L'exemplaire 
complet  coutera  208  francs  aux  souscripteurs:  radministration  du  Diction- 
naire  et  ses  correspondants  dans  les  departements ,  auront  done  en  fin  de 
compte  avec  leurs  25,000  souscripteurs  ,  encaisse  une  recette  brute  de 
5,200,000  francs.  La  redaction  de  I'ancien  Mercure  de  France,  qui  fut 
pendant  deux  siecles  la  caisse  de  veterance  des  illustrations  scientifiques  et 
litteraires  du  royaume,  n'eut  jamais  a  sa  disposition  une  pareille  source 
de  richesse.  Eh  bien !  messieurs ,  une  entreprise  qui  pouvait ,  en  impri- 
mant  une  direclion  noblement  intelligente  a  de  tels  moyens  materiels,  do- 
ter  la  France  d'un  monument  scientifique  et  litteraire  qui  repondit  a  la 
haute  reputation  des  hommes  dont  la  cooperation  avail  etc  armoncee  par  son 
programme,  n'a  jusqu'ici  livre,  sauf  quelques  articles  d'un  merite  supe- 
rieur  et  incontestable  *,  qu'un  labeur  qui  sous  le  rapport  du  style,  de  1'e^ 
xactitude ,  et  de  1'appreciation  des  choses  et  des  fails ,  ne  laisse  qu'a  une 
faible  distance  derrierelui  la  litteralure  du  Magasin  piltoresque  et  du  Jour- 
nal des  connaissances  utiles.  Un  on  deux  articles  de  M.  Chateaubriand, 
autant  de  M.  Guizot,  autant  de  M.  Dupin  aine,  ou  de  M.  Lacretelle, 
ou  de  M.  Tissot,  ou  de  M,  Nisard,  ou  de  M.  Ballanche,  ou  de  M.  Salvandy, 


pules,  un  marechal  de  France,  un  vice-amiral ,  six  offkiers  generaux,  vingt-trois 
officiers  siiperieurs  de  toutes  armes  ,  un  archevequ*  ,  un  eveque ,  six  conseillers  d'etat, 
vingt-huit  mernbres  de  1'Institut,  vingt-quatre  procureurs-generaux ,  avocats-gtmeraux 
ct  avocats  plaidants.  II  est  inutile  de  faire  remarquer  que  la  plus  grande  partiu  de  ce 
bataillon  sacre  d'encyclopedistes  n'a  encore  fait  aucnne  apparition  dans  les  colonnes 
du  Dictionnaire  ;  mais  en  revanche,  on  y  trouve  (r«quemment  les  noms  de  BlM.  Loyau 
(d'Amboise) ,  Dupuy  (de  1'Tonne),  Pelouze ,  Tiby,  Mennecliet ,  Ourry,  Elisa  Vo'iart,  etc. 

*  Dans  ce  nombre  nous  devons  citer  les  articles  sur  les  mots  bibliotheques  ,  par 
M.  Champollionj  Beaumarcli ais ,  par  M.  Saint-Marc -Girardin ;  Bonaparte  et  'Bar- 
nave,  par  M.  de  Salrandy;  Charlemagne,  par  M.  Guizot;  Comedie,  par  M.  Edme 
Hereau;  Etablissement  de  I'Eglhe  chretienne,  par  M.  de  Chateaubriand;  Fouche,  par 
M.  Ch.  Nodier;  Jean  Lebon,  par  M.  I^acreteUe  ;  Lamartine,  commepanegyrique,  par 
M.  Jules  Janiii;  Law,  par  M.  Thiers ,  et  France,  par  MM.  Guizot,  Nisard,  Ch.  No- 
dier, Tissot,  Walckenaer,  etc.  Ce  dernier  travail,  qui  pent  etre  preiente  comme  un 
niodele  de  litterature  eucyclopedique,  n'en  fait  c^ue  mieux  ressonir  les  articles  de  paco- 
tille  qui  «e  sont  introduits  avec  tant  d'abondance  dans  le  Dictionnaire  de  la  Conversa- 
tion :  c'cst  uue  belle  statue  de  marbre  dans  le  salon  de  Curtiiw. 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  455 

ne  peuvent  racheter  tout  ce  qu'il  y  a  de  leger ,  d'inexacl  et  d'incornplet 
dans  cette  oeuvre  eminemment  mercantile. 

Des  notices  a  pleines  pages  sur  des  celebrites  telles  que  la  famille  Du- 
gazon ,  Brunei,  le  veritriloque  Comte ,  le  saltimbanque  Bobeche;  des  ar- 
ticles d'urie  effrayante  prolixite  sur  des  reputations  cuntemporaines  qui  ne 
survivront  peut-etre  pas  a  noire  generation;  des  biographies  ou,  malgre 
les  protestations  d'impartialite,  se  laissent  voir  a  nu  les  preventions  de 
1'esprit  de  ^parti  et  les  pueriles  complaisances  de  1'esprit  de  camaraderie ; 
trente-six  colonnes  ovatoires  accordees  a  un  avocat  celebre  de  notre  epo  • 
que,  hoinme  d'etat  depuis  six  ans,  lorsque  Demosthene ,  Eschine,  Ciee- 
ron,  D'Aguesseau,  Cochin  et  Gerbier  n'en  occupent  pas  trente  entre  eux 
tons  *;  un  panegyrique  plus  long  que  les  biographies  d'Alexandre  et  de 
Cesar  sur  un  grand  officier  du  palais  imperial  tombe  d'une  mort  glorieuse 
a  Lutzen,  noble  et  pure  renommee,  qu'honorent  les  sympathies  nationa- 
les ,  mais  qui  n'a  droit  qu'a  quelques  belles  pages  dans  nos  fastes  militaires 
ou  il  faut  faire  place  a  toutes  les  gloires  :  voila  ce  que  vous  trouverez  dans 
les  premieres  livraisons  de  la  nouvelle  Encyclopedic ,  lorsque  vous  y  cher- 
chez  vainement  les  noms  du  ministre  Claude,  orateur  biblique  d'une  grave 
et  puissante  eloquence,  et  que  1'eglise  orthodoxe  honore  de  1'imposant  sur- 
nom  de  Bossuet  de  la  reforme;  de  Coislin,  ce  prelat  pieusement  philan- 
thrope ,  qui  remplit  la  ville  de  Metz  d'etablissements  de  charite  et  qui  la 
dota  de  somptueuses  casernes;  de  cet  autre  Coislin ,  eveque  d'Orleans  ,  qui 
s'immorlalisa ,  lors  de  la  revocation  de  1'edit  de  Nantes ,  par  sa  courageuse 
tolerance ;  de  Bourgelat ,  le  fondateur  des  ecoles  veterinaires  en  France  et 
le  createur  de  Phypiatrique ;  du  president  Duranty,  Tune  des  gloires  de  la 
magistrature  francaise ,  deplorable  et  sainte  victime  des  dissensions  intes- 
tines ,  homme  consulaire ,  dont  la  memoire  plane  sur  la  noble  cite  des  ca- 


*  A  en  jtiger  par  I'espace  qne  cet  eminent  personnage  occnpe  clans  le  Di 'ctionnairt 
de  la  Conversation  ,  dout  il  est  un  des  cooperateurs,  ce  serait,  apres  1'ernpereur,  le 
plus  grand  homme  des  temps  modernes.  Ce  pent  etre  la  1'opinion  du  barreau  ;  mais  a 
Brest  et  a  Toulon  on  pent  se  demander  s'il  n'aurait  pas  etc  possible  de  prendre  un  coin 
de  la  vaste  place  ous'etalela  gloire  de  1'ayocat,  pour  en  faire  les  iioimeurs  a  la  premiere 
illustration  maritime  de  notre  epoque,  a  Tintiepide  niarin,  a  1'liabile  general  de  la 
flotte  qui  remplit  do  son  iiom  la  Mer  deslndes,  les  Antilles,  1'Adriatique ,  les  lagunes 
do  Venise,  la  bale  de  Gadix,  et  qui  altaclia  a  son  pavilion  la  couronne  rostrale  dfc  notre 
immortelle  coiiquele  d'Alger.  Le  siege  de  la  presidcnce  est-il  done  tellemeut  eleve  que 
nos  biographes  n'ont  pu,  de  ce  point  de  vue,  apercevoir  sur  son  bane  le  ministre  estime 
de  tons  les  partis,  I'administrateur  integre  que  les  cliambres  legislatives  avaient  investi 
d'urie  si  grande  coiifiance  que  I'examen  de  son  budget  etait  com  me  une  soite  de  treve  d» 
Dieu  accordee  aux  combats  de  la  tribune. 


45.6  MliMOIRES  ET  DISCOURS. 

pitouls ,  et  qui  n'a  pu  trouver  place  a  cote  de  Mascarille-Dugazon  et  de 
Nina-Dugazon  !  * 

Par  une  distraction  plus  inconcevable  encore ,  il  n'est  pas  dit  un  mot , 
dans  une  conversation  encyclopedique  en  52  volumes,  d'un  monument 
dont  tous  les  hommes  qui  s'occupent  d'art  et  d'histoire  ont  mille  fois  parle. 
On  nous  decrit  avec  une  prolixe  complaisance  un  chateau  de  cartes  du 
pare  de  Versailles ,  le  pavilion  de  Bagatelle ;  et  Ton  oublie  Chenonceau , 
cette  merveille  de  notre  douce  et  belle  Touraine ,  cette  habitation  vraiment 
royale  ou  le  genie  architectural  de  la  renaissance  brille  dans  toute  sa 
grace ,  dans  toute  sa  fraicheur  native !  On  oublie  Chenonceau ,  ou  le  temps 
n'a  rien  deplace  et  semble,  pour  ainsi  parler,  avoir  pris  sous  une  protec- 
tion speciale  ce  feodal  vestibule  avec  ses  voiites  a  rameaux  d' ogive,  ornees 
d'ecussons,  de  chiffres  et  d'emblemes  heraldiques,  construction  bizarre- 


•  II  serait  impossible  <?e  porter  pins  loin  qu'on  ne  Pa  fait  dans  tmo  publication  que 
nou»  regardons  comrne  un  module  en  fait  d'emmaginage  litteraire,  Poubli  de  tout 
respect  j>our  les  leetenr*  qui  s'occupent  de  biographic-,  et  d'exploiter  les  reputations 
liistoriques  avec  moins  de  mesure  et  d'impartialite.  Bourdaloue  et  Buffon  n'ont  pas 
etc  traites  avec  plus  de  ceremonie  que  les  plus  frivoles  beaux  espriti  de  la  camaraderie  } 
un.  rninistro  de  Pempire  a  du  a  1'amitie  d'uii  historian  moderne  un  article  plus  ample 
q»e  ceux  des  quatre  freres  de  Pempereur  reunis  ,  et  qui  ne  Pest  pas  beaacoup  moins  que 
Phistorique  de  toute  la  posterite  de  Saint-Louis;  distinction  d'autaut  plus  flatteuse  pour 
lui,  que  pas  une  ligne  n'a  et6  acoordee  a  ses  collegues  Chaptal  ,  Champagiiy,  Caulin- 
court  et  Clarke.  II  n'est  pas,  non  plus,  question  du  general  Friant,  une  des  plus 
pures  gloires  de  I'arm6e  ;  du  general  Drouot,  guerrier  des  temps  antiques,  et  de  1* 
premiere  illustration  maritime  de  notre  epoque ,  ML.  1'amiral  Duperre.  Si  vous  cher- 
chez  le  nom  du  mareehal  Gerard,  vous  trouverez  a  sa  place  celtii  du  pere  Gerard, 
depute  d'une  petite  senecliaussuo  de  Bretagne  aux  etats-generaux  ;  si  vous  vous  eto-miez 
que  six  pages  seulement  aient  etc  consacrees  par  Paiiteur  de  la  Vieille  Fills  a. 
ra  plus  majestueuse  renommee  de  notre  ancieune  monarchie,  au  prince  qui  a  donne 
son  nom  a  Pun  des  quatre  grands  siecles  du  genie  humain  ,  et  dont  le  musee  de 
Versailles  suffit  a  peine  a  raconter  la  gloire,  vous  trouverez  le  motif  de  cette  parci- 
inonie  dans  le  devoir  que  se  nont  impose  les  directcurs  de  Pentreprise,  de  consacrer 
aux  biograpliies  de  Cartouche  et  de  Mandrill  un  espace  apeuprcs  egal  au  recoin  occupe 
par  Louis  LXIV. 

En  un  mot,  le  Dictionnaire  de  la  Conversation,  qui  ae  vante,  dans  un  avis  affiche 
sur  la  71.®  livraison,  d'etre  le  Grand  Litre  de  I'epoque t  a  organise  dans  les  lettres  le 
systeme  d'intrigue  et  d'insclent  favoritisme  des  administrations  les  prus  decrie^s  :  il  n'a 
otivert  son  bazar  de  reputations  qu'a  ses  protege*. 

Nouane  pouvon».nous  expliquer  dans  une  simple  note  sur  les  autres  parties  de  cette 
excellente  affaire  de  librairie ;  mais  crest  une  remarque  qui  n'a  pu  ecliapper  k  aucun 
lecteur  intelligent,  que  certaines  brandies  des  connaissances  humaines  sont  traitee* 
par  des  ecrivaina  de  pen  d'autorite  dans  le  monde  savant;  que  des  articlei  suscep- 
tibles  d'un  grand  developpement  sont  renfermes  dans  les  laconiques  definitions  d'un 
traite  d'orthographe ,  et  que  de  notables  erreurs  et  d'inexpHcables  omissions  forceront 
sans  doute  Pentreprise  a  continuer,  dans  un  supplement,  une  convertation  qui  coute 
deja  <i  cher  aux  touscripteur*. 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  457 

ment  symetrique ;  ces  longues  galeries ,  ces  somptueux  appartements  on 
Diane  de  Poitiers  se  fit  d'amoureux  trophees  des  sceptres  et  des  couronncs 
de  deux  puissants  rois ,  et  revetit  sous  le  pinceau  du  Primatice  les  insignes 
et  la  majestiieuse  beaute  de  sa  mythologique  patrone ;  le  fauteuil  ou  s'as- 
sit  Francois  I.er ;  la  table  encore  recouverte  du  tapis  de  patiente  et  inge- 
nieuse  broderie ,  sur  lequel  il  ecrivit  peut-etre  de  galants  tfrclofs  a  la 
chatelaine  de  Montfraut  et  a  la  belle  comtesse  de  Thoury ;  la  chapelle  si 
delicatement  decoupee  ou  prierent  Marie  Stuart  et  Louise  de  Vaudemont , 
et  qui  semble  avoir  ete  posee  la  comme  un  fragment  de  cathedrale;  le  con- 
fessionnal  ou  le  rival  de  Charles-Quint  s'agenouilla  devant  uu  humble 
apotre  de  la  parole  divine ,  et  deposa  dans  son  sein  les  secrets  de  sa  cons- 
cience; ces  salons  avec  leurs  tentures  ou  1'azur,  le  siriuple  et  1'or  se  des- 
sinent  en  riches  arabesques  sur  une  loile  que  trois  siecles  ont  laissee  in- 
tacte,  leur  meuble,  dont  le  grave  style  est  si  bien  assorti  au  caractere 
historique  de  1'edifice,  et  leurs  vastes  et  luxueux  foyers,  qui  furent  comme 
les  confidents  des  profonds  et  sanglants  desseins  de  Catherine  de  Medicis, 
et  qui  c6mpterent  au  nombre  de  leurs  hotes  cinq  rois  de  France ,  les  der- 
niers  dues  de  Vendome  et  des  princes  de  la  maison  de  Conde ;  ces  grandes 
avenues ,  ces  arbres  seculaires  que  reflechissent  les  limpides  eaux  du 
Cher  ;  ces  frais  et  romanliques  ombrages  que  visiterent  Montesquieu  , 
Buffon,  Voltaire,  mesdames  de  Rohan,  de  Boufflers  et  de  Tencin,  et  dont 
s'inspira  le  prince  de  Peloquence  philosophique ,  en  recueillant  les  souve- 
nirs qui  devaient  plus  tard  temperer  1'amertume  de  ses  confessions,  et 
repandre  tant  de  charme  sur  la  memoire  de  madame  Dupin ,  une  des  plus 
eminentes  femmes  de  son  siecle  par  les  vertus ,  1'esprit  et  la  bonle  :  ma- 
dame  Dupin,  dont  les  formes  pleines  d'une  douce  et  gracieuse  hospitalitc, 
sont  passees  comme  un  bien  de  famille  dans  les  habitudes  du  possesseur 
actuel  de  Chenonceau ,  M.  le  comte  de  Yilleneuve. 

Faut-il  conclure  de  ces  remarques  que  nos  modernes  Dictionnaires  on- 
cyclopediques  soient  des  publications  sans  utilite?  Non  ,  assurement,  mes- 
sieurs !  ce  sont,  a  defaut  de  livres  meilleurs  et  plus  consciencieux,  des 
repertoires  ou  Ton  pent  puiser  avec  fruit  lorsqu'on  s'en  sert  avec  prudence 
et  discernement ;  c'est,  passez-moi  cette  expression,  un  produit  tare  de 
1'industrialisme  litteraire,  produit  qui  etant  de  premiere  necessite,  doit 
etre  employe  en  attendant  qu'on  nous  en  fournisse  de  mieux*conditionnes. 

Mais  que  dire,  messieurs,  des  memoires  apocryphes  qui  depuis  quel- 
ques  annees  ont  ete  jetes  dans  le  commerce  de  la  librairie,  et  de  la  de- 
plorable fecondite  des  ecrivains  qui  se  livrent  a  ce  trafic  de  materiaux 
historiques  presque  tous  satures  d'ordures.  Est-il  une  vie  de  crime,  de  de- 


458  ME"  MOIRES  ET  DISCOURS. 

sonheuret  de  scandale;  est  il  un  ministre  fletri  par  1'histoire,  une  mattresse 
de  roi  perdue  de  moeurs ,  un  homme  de  cour  fameux  par  ses  vices  ou  par 
ses  intrigues ,  un  sicaire  ou  un  forcat  celebre  dans  les  sentines  de  la  capi- 
tale ,  qui  n'ait  trouve  une  plume  venale  et  faussaire  pour  lui  fabriquer  des 
memoires?  Il  n'est  pas  jusqu'au  bourreau  de  Paris  qui  n'ait  eu  son  memo- 
rialist e.  G'est  une  chose  penible  a  constater  que  cette  honte  litteraire; 
mais  il  faut  avoir  le  courage  de  la  deferer  a  la  conscience  publique  et  de 
1'exposer  sur  la  sellette  de  vos  assises;  il  faut  tenter  d'arracher  la  presse 
litteraire  a  ses  niauvais  penchants,  en  lui  reprochant  avec  une  vertueuse 
indignation  d'avoir  deplore  comme  un  des  inseparables  malheurs  produits 
par  1'incendie  de  la  rue  du  Pot-de-Fer,  la  perte  des  pretendus  memoires 
d'un  bandit  couvert  de  crimes ,  et  qui  jusque  sous  le  glaive  de  la  loi  prete 
a  le  frapper ,  effraya  la  societe  par  le  revoltant  cynisme  de  ses  moeurs  et 
de  ses  revelations. 

•  Non  moins  deprave,  non  moins  hostile  aux  verites  et  a  la  philosophic 
de  1'histoire  que  le  moralisme,  son  fidele  acolyte,  le  drame  moderne  est 
devenu  une  veritable  puissance  dans  notre  etat  social ;  puissance  dont  les 
organes  out  porte  une  telle  perturbation  dans  les  idees  politiques,  reli- 
gieuses  et  morales  de  la  nation ,  qu'il  a  fallu  pour  rassurer  la  societe ,  que 
la  legislature  la  replacat  sous  la  verge  de  la  censure  litteraire  et  separat 
violemment  le  theatre  de  la  presse ,  pour  se  creer  contre  lui  un  droit  en 
opposition  avec  la  loi  politique  du  pays ,  mais  qui  avail  en  sa  faveur  le 
plus  imprescriptible  de  tons  les  droits ,  la  necessite. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  preridre  parti  dans  la  lutte  de  deux  systemes 
de  litterature,  dont  1'un  a  traverse  glorieusement  quarante  siecles  pour  ar- 
river  jusqu'a  nous  avec  un  cortege  de  mille  chefs-d'oeuvre,  et  dont  1'a li- 
tre croit  marcher  a  la  conquete  de  1'avenir  parce  qu'il  s'avance  precede 
des  bruyantes  acclamations  de  ses  partisans,  que  le  present  ecoute  deja 
avec  lassitude.  Mais  ce  qui  appartient  a  notre  tache,  c'est  de  constater 
1'influence  de  1'esprit  de  speculation  dans  une  revolution  theatrale  qui , 
sous  ce  rapport  comme  sous  tant  d'autres,  s'est  peu  ecartee  du  caractere 
traditionnel  des  revolutions  politiques.  Nous  avons  tons  vu  naitre  et  pros- 
perer  un  genre  de  drame  qui  n'est  ni  comedie,  ni  opera,  ni  vaudeville, 
mais  qui  participe  de  tous  les  trois ,  de  la  comedie  a  tiroir  par  le  marivau- 
dage  du  style",  de  Fopera  a  ariettes  par  la  futilite  de  1'intrigue  et  Finven- 
tion  des  personnages,  du  vaudeville  par  le  flon  flon  des  couplets.  Ce  genre 
fut  monopolise  par  un  auleur  fecond,  spirituel  et  surtout  tres  apte  aux  af- 
faires. Pere  d'une  nombreuse  famille  de  colonels,  de  diplomales  et  de  ri- 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  45g 

dies  banquiers  ,  il  devint  lui-meme  millionnaire ,  et  fut  prendre  place 
parmi  les  quarante  *.  Le  Samuel  Bernard  de  la  litterature  avait  fait  for- 
tune en  nous  presentant  les  moeurs  de  la  bonne  sociele  dans  des  situations 
sceniques  outre  nature,  et  en  faisant  du  rapt  et  de  I'antipathie  conjugale 
une  condition  habituelle  de  la  vie  privee.  On  essaya  son  systeme  plus  en 
grand ,  et  la  recette  ayant  ete  trouvee  bonne ,  on  arriva  par  une  rapide 
succession  de  licences  dramatiques  aux  monstfuosites  les  plus  revoltantcs. 
Oui ,  messieurs ,  il  faut  le  dire  pour  1'excuse  meme  du  theatre,  1'esprit  d'? 
speculation  a  pu  seul  l'entrainer  a  presenter  aux  regards  des  speclateurs 
les  plus  epouvantables  egarements  de  la  raison  humaine;  a  faire  de  la 
scene  une  sentine  d'immoralite ;  a  foniller  1'histoire  pour  en  extraire 
ses  plus  fletrissantes  instructions;  a  calomnier,  a  salir  d'ignobles  fictions 
des  caracleres  qu'elle  s'etait  plu  a  enviroimer  d'une  aureole  de  gloire ;  a 
renverser  enfin  les  vieux  dogmes  de  Part  dramatique ,  pour  leur  substituer 
un  ordre  d'idees  et  des  formes  de  langage  qui,  loin  de  corriger  les  rnoours 
de  la  societe,  ne  font  qu'ajouter  aux  ridicules  et  aux  vices  qui  se  sent 
comme  identifies  aveceljes,  des  vices  et  des  ridicules  dont  la  vie  de  faniille 
n'aurait  pu  lui  donner  1'exemple  ni  meme  la  pensee  :  etat  de  chose  telle- 
ment  grave ,  tellement  flagrant,  qu'une  sorte  de  honte  trop  legitime  inter- 
dit  aux  femmes  1'acces  de  nos  theatres  ,  lorsqu'on  y  joue  des  ouvrages  dont 
une  premiere  representation  n'a  pas  encore  constate  la  moralite ,  et  qu'il 
est  tel  spectacle  qu'une  femme  ne  pourrait  affronter  sans  que  la  pudeur 
de  son  sexe  n'en  fut  alarmee.  Interdire  aux  femmes ,  par  la  licence  de 
Fart,  I'acces  de  nos  theatres,  n'est-ce  pas,  messieurs  ,  faire.  violence  aux 
moeurs  traditionnelles  de  notre  nation ,  la  desheriter  de  son  antique  re- 
nommee  de  galanterie,  imprimer  a  cette  civilisation  dont  nous  sommes  si 
fiers  un  caractere  de  brutalite  qui  ferait  presque  regretter  au  beau  sexe 
la  courtoise  barbaric  de  nos  ancetres?... 

L'industrialisme  dramatique  nous  a  rendu,  pour  ainsi  dire,  temoius  de 
ces  transmutations  de  talents  litleraires  dont  on  chercherait  en  vain  des 
exemples  dans  Phistoire  de  nos  theatres  classiques.  Ainsi,  de  puissants  es- 
prits  qui  pouvaient  briguer  de  nobles  palmes  sur  notre  premiere  scene 
dramatique ,  et  rendre  peut-etre  a  ce  theatre  son  ancienne  splendeur,  sont 
descendus  sur  des  theatres  secondaires  oil  les  attendait  une  foule  formee  a 


*  C'est  moins  le  m^nte  incontestable  de  Tauteur  de  Bertrand  et  Raton  que  j'attaque 
ici ,  que  1'esprit  do  la  litterature  de  son  dpoque,  qu'ilatrouve  plus  dispose  qu'il  ne 
s'y  attendait  peut-etre  a  le  suivre  e-t  a  le  depasser  dans  la  uiauvaise  voie  du  draine 
batard  et  sans  tnoeuis. 


460  MKMOIRES  ET  DISCOURS. 

1'ecole  du  melodrame,  et  qui  payait  a  la  porte,  non  pas  le  droit  d'applaH- 
dir  aux  perfections  de  1'artou  de  siffler  sesdefauts,  mais  bien  celui  de  de- 
mander  au  dramaturge  de  fortes  et  saisissantes  impressions.  Ainsi  un 
poele  que  les  premieres  annees  de  la  restauration  virent  debater  sur  la 
scene  tragique  avec  plus  d'eclat  que  1'auteur  des  Freres  ennemis  et  ft  A- 
lexandre ,  et  qui  s'etait  montre  digne  d'evoquer  une  ombre  auguste  et  de 
lui  donner  une  majestueuse  et  sainte  parole ,  est  passe  dans  le  camp  de 
la  litterature  facile  et  lucrative ,  et  a  delaisse  la  fortune  incertaine  du  thea- 
tre Francais  et  le  sterile  labeur  de  1'alexandrin  pour  les  faciles  triomphcs 
du  vaudeville  et  la  florissante  industrie  du  couplet  d'annonce.  Si  Pierre 
Corneille  elait  ne  deux  siecles  plus  tard,  au  lieu  de  passer  du  palais  d'Au- 
guste  et  du  camp  de  Sertorius  dans  une  echoppe  de  la  rue  de  la  Parche- 
minerie  pour  faire  reparer  sa  chaussure  delabree,  il  se  fut  arrete  a  Mc- 
lite  ou  a  Medee,  aurait  fait  la  Marraine  ou  les  Premieres  amours,  et 
serait  mort  millionnaire. 

Get  amour  du  gain ,  ce  desir  de  fortune  et  de  bien-etre  materiel  qui 
s'est  introduit  dans  les  mceurs  de  1'homine  de  lettres,  a  son  principe  dans 
le  caractere  general  de  notre  epoque.  «  Dans  notre  societe ,  dit  un  savant 
historien  moderne,  il  n'y  a  plus  que  30  millions  d' unites  egoistes  *.  »  II  est 
done  conforme  a  1'esprit  d'une  telle  societe  que  les  ccrivains  aspirent, 
non  a  la  renommee  la  plus  glorieuse  ,  mais  a  la  condition  la  plus  heu- 
reuse.  Get  etat  de  choses  est  une  de  nos  maladies  sociales ,  qui  ne  se  pen- 
vent  guerir  que  par  une  lente  revolution  dans  les  moeurs.  Est-ce  leprotec- 
torat  d'un  Mecene,  est-ce  la  munificence  d'un  Louis  XIV,  qui  suffi- 
raient  de  nos  jours  a  donner  1'impulsion  au  genie  littcraire?....  Je  ne  sais 
dans  quelle  feuille  periodique  je  lisais,  il  y  a  pen  de  jours,  qii'anclen- 
nement  les  arts  et  surtout  la  litterature  s'approchaient  des  grands  comnie 
les  moineaux  des  lieuac  habite's ;  qu'ils  donnaient  de  Vambroisie pour  du 
pain,  et  du  nectar  en  e'change  du  petit  win  qu'on  lew  permettait  de 
boire;  et  que ,  lorsque  Virgile  av ait  mis  Cesar  au-dess us  de  Jupiter,  Ce- 
sar lui  faisait  donner  pour  cela  quelques  pieces  d 'argent  dont  il  se 
croyait  trop  paye  et  dont  il  rendait  la  monnaie  en  dactyles  et  en  spon- 
dees. N'est-ce  pas  la  traduire  en  termes  du  plus  meprisant  prosaisme  la 
poesie  du  bienfait  et  de  la  reconnaissance?  Quelle  munificence  royale 
pourrait  exciter  remulation  et  satisfaire  1'orgueil  d'une  litterature  qui, 
roulee  dans  un  feuilletou ,  se  prend  a  la  memoire  du  prince  de  la  poesie 
latine,  pour  la  livrer  au  mepris  de  nos  jeunes  homnies  et  lui  reprocher 

*  M.  Cappefigue. 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  4CI 

1'or  dont  1'enthousiaste  admiration  d'Auguste  et  la  matcrnelle  douleur 
d'Octavic  couvrirent  1'episode  de  Marcellus? 

C'est  dans  les  balances  dn  commerce  que  le  genie  litteraire  vienl  au- 
jourd'hui  jeter  ses  oeuvres ,  ou  plutot  le  poids  d'un  nom ,  car  on  ne  dit 
plus  a  1'hommede  lettres  :  voyons  et  jngeons  votre  manuscrit;  on  lui  de- 
mande  :  comment  vous  nommez-iwus  ?  Andromaque,  le  premier  chef- 
d'oeuvre  de  Racine,  ne  vaudrait  aujourd'hui,  comme  en  1667,  que  200 
livres  tournois;  mais  si  Andromaque  etait  suivie  de  la  Tour  de  Nesle  ou 
d' Antony,  un  Harbin  moderne  paierait  a  Racine,  deja  connu  de  lui  Bar- 
bin,  dix  mille  ecus  pour  le  manuscrit  de  la  Tour  de  Nesle  ou  d'Antony. 
Aussi  voyez  comme  s'exploite  la  valeur  monetisee  d'un  nom !  La  librairie 
1'accepte  et  la  ncgocie,  cette  valeur,  comme  une  lettre  de  change;  et  si  le 
poete  ou  le  romancier  manque  a  1'engagement  cautionne  par  son  nom,  on 
le  traine  devant  les  tribunaux,  on  soumet  ses  ceuvres  a  ^arbitrage  de  la 
juridiction  consulaire,  et  Ton  voit  les  plaideurs  de  la  litterature  se  disputer 
an  pied  du  pretoire  des  lambeatix  de  volume  ,  et  livrer  aux  sarcasmes 
du  parquet  et  du  barreau  ces  nobles  muses,  qu'une  belle  fiction  de  1'anli- 
quite  avail  representees  avec  tons  les  attributs  d'une  pure  et  majestueuse 
virginite ! 

Une  critique  austere,  consciencieuse,  forte  d'etudes  et  d'independance  , 
pourrait  peut-etre  ,  non  pas  rendre  les  hommes  de  lettres  humbles  et  de- 
sinteresses,  mais  forcer  la  litterature  an  respect  de  sa  propre  dignite.  Mais 
comment  1'attendre  cette  puissante  critique  d'un  feuilletonnage  ou  les  au- 
teurs  font  eux-memes  1'analyse  de  leurs  propres  ouvrages ,  ce  qui  se  re- 
connait  a  la  gaucherie  du  blame  qui  accompague  ,  pour  la  forme  ,  de 
pompeuscs  louanges?  Comment  1'attendre  d'une  presse  litteraire  qui,  dans 
notre  societe  nouvelle ,  a  remplace  la  venalite  des  emplois  publics  par  le 
monopole  des  reputations  ?  C'est  un  arret  prononce  par  1'ecole  moderne  et 
recu  sans  reflexion  dans  nos  prejugesnationaux  ,que  1'auteurdu  Lutrinn'e- 
tait  qu'un  has  flalteur ,  un  poete  attache  a  la  glebe  de  la  cour ,  et  dont  la  muse 
ne  recevait  la  vie  intellectuelle  que  des  regards  de  Louis  XIV,  et  la  vie  mate- 
rielle  que  de  ses  aumones.  Eh  bien !  ce  genie  si  rampant ,  si  venal ,  si  attentif 
a  flatter  tons  les  gouts ,  toutes  les  affections  de  la  magique  puissance  a  la- 
qttelle  il  s' etait  voue  corps  et  ame ,  ne  craignit  pas  de  livrer  a  la  risee  pu- 
blique  et  d'aller  prendre  au  corps,  en  pleine  academic,  et  sous  les  batteries 
du  Louvre,  le  chef  spirituel ,  le  pontife  de  la  cabale  doree  de  Photel 
tel  Rambouillet ;  1'ancien  grand-prevot  de  Richelieu  dans  la  procedure 
contre  le  Cid ,  I'homme  que  tenait  en  cour  la  feuille  des  benefices  des 
gens  de  lettres,  le  directeur  de  la  conscience  litteraire  de  Colbert,  le  poete 


462  MEMOIRES  ET  DISCOtTRS* 

Chapelain,  en  un  mot.  — 11  osa  renvoyer  aux  ruelles  les  divertissements 
de  Benserade  qui  faisaient  les  delices  de  Louis  XIV ;  attaquer  Armlde  dont 
ce  prince  avail  fourni  le  sujet  a  Quinault ,  et  proclamer  an  milieu  d'une 
cour  ivre  de,  gloire  et  d'orgueil,  que  1'homme  qui  honorait  le  plus  le  regne 
du  grand  roi ,  c'etait  Moliere,  le  comedien  Moliere'....  Quel  esl  done  I'e- 
crivain  de  notre  moderne  ecole  qui  oserait  s'attaquer,  avec  ce  courage  et 
cette  independance ,  aux  reputations  faites  ou  protegees  par  le  jouTnalismfi  , 
cette  puissance  tyrannique  et  intolerante  devant  laquelle  s'humilient  les 
plus  orgueilleux  detracteurs  des  antiques  mreurs  litleraires ;  puissance  qui 
jette  aussi  de  1'or  a  ceux  qui  la  servent  de  leur  plume,  mais  qui  ne  per- 
mettrait  pas ,  comme  Louis  XIV  ,  qu'ils  deversassent  le  mcpris  sur  les 
objets  de  ses  affections;  puissance,  enfin ,  qui  moins  eloignee  du  regime 
feodal  qu'on  ne  pense ,  a  scs  hauts-barons ,  ses  leudes,  ses  justices  sei- 
gneuriales,  et  des  archers  qu'elle  emploie  a  detrousser  les  opinions  qui 
»e  marcbent  pas  sous  sa  banniere  ? 

S'il  existait  une  societe  ou  les  symboles  visibles  des  opinions  politiques 
ne  servisscnt  qu'a  favoriser  les  pensees  et  les  actes  du  plus  implacable 
egoisme;  si  dans  cette  societe  ,  1'interet  personnel  etait  tellement  preoe- 
cupe  du  soin  de  sa  conservation,  qu'il  ne  s'apercut  pas  des  perils  de  Tinte- 
ret  general ,  qui  pourrait  cependant  1'entrainer  dans  sa  mine ;  si  enfin  , 
dans  cette  meme  societe ,  il  y  avail  pour  les  grands  principes  de  morale 
universelle  ,  d'ordre  et  de  stabilite  un  tel  mepris  ou  une  telle  indifference, 
qu'on  y  \it  cbaque  semaine  naitre,  vegeter  et  mourir  un  culte  nouveau , 
comme  on  voit,  faute  de  credit  et  de  bons  ouvriers,  s'etablir,  se  ruiner 
et  disparaitre  une  fabrique  nouvelle ;  si  cette  societe  pouvait  exister,  fau- 
drail-il  croire  qu'elle  ne  compte  dans  son  sein  que  des  bommes  sans  de- 
vouement  patriotique  et  sans  foi  religieuse?  Ob!  non,  messieurs!  pas  plus 
qu'il  ne  faut  conclure  des  reflexions  que  je  viens  de  soumettre  a  vos  lu- 
mieres,  que  la  litterature  de  notre  epoque  n'est  bonoree  par  aucun  noble 
devouemenl.  Grace  au  ciel ,  nous  n'en  sommes  pas  encore  a  desesperer  du 
salut  de  nos  mceurs  litleraires,  puisqu'il  nous  reste  quelques  ecrivains  de 
vert  us  digues  et  austeres  pour  nous  conserver  les  traditions  du  culte  anti- 
que. 

Et  a  la  tele  de  ces  bommes  d'elite,  nous  devons  placer,  messieurs,  un 
ministre*  qui  n'ecbappe  pas  au  malheur  de  rcncon'rer  des  ennemis  politi- 
ques ,  mais  dont  les  travaux  et  les  actives  et  puissantes  sollicitudes  en  fa- 
veur  des  lettres  n'eveillent  que  de  reconnaissantes  sympathies;  le  brillant 

•M  Guizoi. 


ET  DISCOURS.  4C3 

historien  des  Croisades*,  qui  porta  en  Orient  les  restes  d'une  fortune 
laborieusement  acquise ,  pour  enrichir  notre  tresor  intellectuel  de  mcr- 
veilleuses  et  poetiques  impressions  des  voyages ;  le  savant  M.  Michelet  , 
fouillant,  avec  une  infatigable  ardeur  d'erudition,  nos  biliotheques  publi- 
ques  ,  pour  retirer  de  ces  immenses  greffes  de  1'jntelligence  humaine,  les 
documents  qui  doivent  servir  a  edifier  notre  liisloire  nalionale  ;  le  severe 
et  consciencieux  M.  Nisard,  dout  la  puissante  critique  fit  un  jour  crouler 
tout  le  frele  echafaudage  de  la  lltteratu  re  facile  \  le  poete  Beranger,  qui , 
Simonide  des  temps  modernes,  n'a  pourtant  desire  et  recu  des  dieux,  pour 
tout  bienfait,  qu'une  humble  chaumine  sur  les  bords  de  la  Loire;  le  jeune 
philologue  Marmier  ,  explorant  les  regions  polaires ,  won  pour  tenter  , 
nouveau  Baffin,  de  penetrcr  jusqu'a  la  derniere  limite  du  monde  physique, 
inais  pour  ravir  aux  traditions  populaires  du  Nord  et  pour  importer  dans 
sa  patrie  les  sagas,  les  epopees  scandinaves  enfouies  sous  les  ruines  du 
vieux  culte  d'Odin ; 

Et  surtout ,  messieurs ,  le  fondateur  et  la  plus  eminente  renommee  de 
notre  moderne  ecole  historique,  M.  Augustiu  Thierry,  que  cette  ville  est 
fiere  de  compter  au  nombre  de  ses  erifants.  Vous  ne  le  voyez  point  lance 
dans  la  lutte  des  ambitions  qui  veulent  avant  tout  des  honneurs  et  de  1'or, 
mais,  renferme  dans  le  sacerdoce  des  lettres,  il  les  edifie  par  un  devoue- 
ment  dont  il  porte ,  comme  Milton  et  noire  poete  Delille,  les  glorieux 
stygmates,  et  les  enrichit  de  travaux  empreints  d'un  admirable  talent. 

Et  pourquoi ,  lorsque  je  parle  des  rares  devouements  du  monde  savant, 
hesiterais-je,  messieurs,  a  citer  Pexemple  que  vous  donnez  vous-memes?... 
La  mission  de  votre  parlement  scientifique  est  gratuite  comme  celle  de  nos 
parlements  politiques;  mais  votis  n'avez  ,  vous,  ni  popularite  a  conquerir, 
ni  places  a  demander  au  pouvoir,  ni  retentissants  eloges  a  attendre  de  la 
presse.  Votre  zele  desiriteresse  dans  ce  grand  mouvement  de  1'inteHigence 
hurnaine ,  votre  ardeur  philanthropique  a  repandre  dans  nos  provinces 
d'utiles  et  genereuses  doctrines,  sont  done  une  belle  et  noble  exception 
dans  nos  moeurs  publiques;  ct  j'ai  du  regarder  comme  un  bonheur,  mes- 
sieurs, d'avoir  a  prononcer  ce  discours  devant  une  assemblee  qui,  pour 
evoquer  la  cause  des  lettres  ,  compromise  par  d'immorales  speculations ,  a 
pour  elle  la  double  autorife  des  lumieres  et  du  bon  exemple.  Que  les  let- 
tres done  occupent  dans  vos  sollicitudes ,  dans  vos  travaux,  la  place  qui 
leur  appartient.  Les  questions  qui  peuvent  interesser  leur  avenir  sont  aussi 


*  M    Micliatul,  de  l'Acad£mie  frauraise. 


464  ME"  MOIRES  ET  DISCOURS. 

des  questions  civilisatrices.  Hommes  de  la  science ,  veillez  au  salut  des  let- 
tres ,  puisqu'elles  soul  les  indispensables  compagnes  de  vos  plus  abstraites 
investigations;  puisque  c'est  a  leur  charme  ,  a  leur  ascendant  que  vous  ap- 
plaudissez  dans  les  discours  traitant  d'objets  qui  leur  sont  le  plus  etrangers 
par  la  pensee,  mais  qui  recoivent  d'elles  la  vie,  le  mouvement,  1'ame, 
comme  le  genie  du  sculpteur  anime  le  marbre  auquel  son  ciseau  n'eut 
donne  que  des  formes  inertes.  Qu'on  puisse  dire  de  vous  :  si  la  saine  cri- 
tique ,  si  la  critique  consciencieuse ,  independante  pouvait  etre  bannie 
sans  retour  de  notre  presse  litteraire ,  c'est  dans  le  sein  des  Congres  qu'elle 
trouverait  uu  refuge. 

Ne  vous  preoccupez  point,  messieurs,  des  clameurs  de  la  presse.  Vous 
aurez  pour  vous  et  avec  vous  tons  les  jeunes  hommes  avides  de  gloire  et 
d'avenir  ,  qu'un  odieux  monopole  de  reputations  qu'ils  ne  peuvent  soudoyer, 
indigne  et  decourage;  vous  aurez  pour  vous  lout  ce  qui  comprend  et  ho- 
nore  la  mission  des  lettres.  La  France  est  riche  assez  de  couronnes  civi- 
ques  et  militaires ;  il  reste  une  autre  palme  a  conquerir  :  c'est  celle  d'i 
courage  liltcraire !  Osez  la  briguer  !....  Osez  vous  consacrer  avec  une  foi 
vive ,  agissante  et  sincere  a  la  defense  de  la  religion  des  muses ,  et  concourir 
a  sauver  des  avanies  des  barbares  ce  qui  nous  reste  de  ce  culte  sacre. 
Faites  qu'il  soil  dit  de  vous ,  que  dans  une  noble  cite ,  d'ou  paru't ,  il  y  a 
trois  siecles ,  le  signal  de  la  renaissance  des  arts ,  vous  avez  arbore  la  pre- 
miere banniere  d'une  croisade  iutellectuelle  centre  les  vendeurs  et  les  pu- 
blicains  de  la  lilterature. 


MEMOIRES  ET  DISCOURS;  405 

»•  5 


DE 

I/ETAT  ACTUEL 

DE  LA  PRESSE  EN  FRANCE; 

$ar  Jtt.  Doublet  &c  Ooitiiljibault. 


MESSIEURS  , 

La  marche  de  la  civilisation  se  revelc  dans  les  institutions  utilcs  et  ge~ 
ncreuses  d'un  pays.  Mais  comment  seraient-elles  appreciees  et  proposees  a 
1'imitation,  si  la  presse ,  senlinelle  avancee  pour  en  reconnaitre  les  avan- 
tages,  ne  les  signalait  a  1'attention  publique.  C'est  par  la  presse,  en  effet, 
que  le  bien  comme  le  mal  acquierent  une  publicite  salutaire;  c'est  a  elle 
qu'il  apparlient  d'honorer  1'un  et  de  fletrir  1'autre.  La  marche  de  la  civili- 
sation se  revele  encore  dans  1'instruction  d'un  peuple  :  ses  succes  en  mar- 
quent  les  progres,  la  litterature  est  la  physionomie  la  plus  fidele  de  son 
caractere  et  de  ses  moeurs ,  elle  en  est ,  comme  on  1'a  dit  heureusement , 
1'expression.  Malheur  au  pays  dans  lequel  la  litterature  est  stationnaire , 
car  il  est  retrograde;  c'est  le  temoin  de  son  indifference  ou  de  son  impuis- 
sance,  c'est  uu  signe  irrecusable  de  deperissement. 

Ces  considerations,  messieurs,  devaient  trouver  leur  place  dans  1'expo- 
sition  du  sujet  que  je  me  suis  propose  de  trailer  devant  vous,  et  dont 
ractualite  est  incontestable  et  incontestee. 

La  journee  commence ;  a  peine  commencee ,  nous  toucbons  a  la  fin ; 
c'est  la  marche  du  temps  ,  c'est  la  vie  de  1'homme  en  abrege.  L'homme 
s'iuquiete  pen  du  passe  ,  son  regard  ne  plonge  que  dans  1'avenir.  II  ne 

*  L'impression  de  ce  M6moire ,  en  reponse  a  celui  de  M.  le  cap.  Merson ,  a  6t» 
voice  egalement  par  acclamation. 


466  MtiMOIRES  ET  DISGOURS. 

songe,pas  a  ce  qu'il  a  fait,  ma  is  a  ce  qu'il  doil  faire;  c'est  sa  preoccupation 

continuelle.  La  societe  lui  dit  :  marche ,  marche il  n'entend  rien  do 

plus. 

Messieurs,  pour  juger  des  progres  de  la  civilisation,  il  faut  se  fixer  sur 
les  epoques ,  ne  pas  marcher  toujours ,  s'arreter  quelquefois ,  et  constater 
ce  qui  desormais  sera  acqnis  au  passe,  mais  dont  1'influence  sera  puissante 
sur  1'avenir.  Sans  ce  calcul,  on  s'cgare;  on  croit  avancer,  on  recule. 

J'ai  pense  que  ce  serait  une  ceuvre  tout  utilitaire  que  de  marquer  la 
situation  de  la  societe  consideree  dans  ee  qui  en  revele  la  vie-et  le  raouve- 
ment,  et  de  fixer  ainsi,  comme  sur  une  espece  d'echelle  appreciative, 
1'etat  de  la  science,  ou  pour  generalise!'  ma  pensee,  1'etat  de  la  presse ,  sa 
tendance  et  ses  productions  dans  1'acceplion  la  plus  gencrale  du  mot. 

Depuis  qu'une  pensee  noble  et  avancee  a  cree  vos  Congres,  ne  vous 
etes-vous  pas  demande  au  commencement  de  chaque  session  :  quel  bien 
avons-nous  fait,  quelles  ameliorations  avons-nous  provoquees  et  obtenues? 
ISous  avons  decouvert  bien  des  plaies,  combien  en  avons-nous  gueries,  du 
moins  cicatrisees?  Pourquoi  ne  vous  comparerais-je  pas  a  1'homme  de  1'art 
qui ,  apres  avoir  applique  le  remede ,  ne  manquera  pas  de  consulter  1'etat 
de  son  ma  lade  ? 

TSf'avez-vous  pas  vous-memes  exprime  cette  opinion  ,  lorsque  dans  la  der- 
liiere  question  sournise  a  la  sixieme  section  du  Congres,  vous  lui  ave/  de- 
mande d'apprecier  FinfliiencH  qu'avaient  cue  les  resolurions  adoptees  dans 
les  trois  premieres  sessions  du  Con.gres  scienlifique  de  France  ?  Je  suis 
dans  les  termes  de  votre  programme. 

Je  veux  vous  parler  de  1'etat  actuel  de  la  presse  en  France;  je  veux  re- 
chercher  si  nous  progressons ,  si  nous  sommes  stationnaires ,  si  meme  nous 
serious  retrogrades  ?  c'est  un  examen  severe  que  je  rapporte  ici  et  que  jo 
soumets  avec  confiance  a  votre  indulgente  appreciation.  Je  n'aurai  a  vous 
entretenir  que  du  sujet  lui-meme ,  dans  des  limites  en  rapport  avec  le 
temps  que  vous  voulez  bien  m'accorder.  Je  me  croirais  pen  digne  de  cetle 
fa veu r  ,  si  je  rapportais  dans  cette  enceinte  d'autres  sentiments  que  ceux 
qui  nous  animent  tous,  le  besoin  de  s'eclairer  les  uus  par  les  autres,  celui 
de  confondre  dans  un  but  commun  des  intentions  pures,  en  faisant  une 
abnegation  de  soi-meme. 

Telle  est ,  messieurs ,  la  mission  que  je  viens  remplir :  c'est  une  idee  qui 
m'est  venue  au  milieu  de  tant  d'autres  que  votre  amour  pour  le  bien  fait 
naitre.  Ne  1'oubliez  pas  suftout,  ce  n'est  pas  un  homme  de  talent  ni  de 
science  qui  s'adresse  a  vos  intelligences  elevees ;  je  n'ai  d'autre  passeport 
poor  arriver  jusqu'a  vous  que  la  franchise  de  mon  opinion.  Pour  me  faire 


MEMOIRES  ET  DISCOURS.  467 

romprendre  d'un  mot,  c'est  une  cause  que  je  me  crois  charge  de  defen- 
dre  en  me  couvrant  de  ma  toge.  Je  m'adresse  non  plus  a  mes  collegties , 
mais  a  mes  juges,  en  leur  promettant  de  parler  sans  haine  et  sans  crainte , 
avec  la  conviction  qui  convient  a  un  homme  probe  et  libre* 

Messieurs ,  sans  la  liberte ,  quelle  serait  la  condition  des  sciences  et  des 
lettres  ?  Elle  ne  serait  pas  seulement  precaire  ,  elle  serait  nulle.  Pour 
qu'elles  puissent  progresscr,  il  taut  qu'elles  vivent  dans  un  etat  libre,  sans 
etre  soumises  a  un  controle  a  litre  que  celui  de  la  loi  generate  conservatrice 
de  la  societe.  Ne  recherchez  pas  s'il  y  a  progres  la  ou  il  y  aura  gene ,  en- 
trave.  Comment  conccvoir  le  genie  s'il  est  captif ,  s'il  ne  peut  respirer  que 
dans  1'espace  etroit  d'uue  legislation  toute  preventive,  et  par  cela  meme 
restrictive.  Telle  n'est  pas  not  re  epoque.  Rien  n'arrete  1'action  de  la  presse* 
Tour-a-lour  interdite ,  reslreinte,  elle  a  conquis  son  emancipation  pour 
toujours ;  noble  conquete  puisqu'elle  doit  eclairer  le  monde.  Yoyons  si 
cette  puissance  moderne  a  compris  sa  mission ,  voyons  si  elle  impose  un 
joug  humiliant  a  1'intelligence ,  voyons  si  elle  accomplit  ce  saint  apostolat: 
progres  des  lumieres ,  amelioration  de  I' etat  de  la  societe. 

A  aucune  epoque,  Faction  de  la  presse  consideree  sous  ses  rapports  po- 
litique,  scientiiique  et  litteraire,  ne  fut  plus  vive;  jamais  ses  productions 
ne  furent  plus  nombreuses.  Comme  un  nouveau  Protee,  elle  prend  toutes 
les  formes ,  toutes  les  figures.  C'est  ainsi  qu'elle  penetre  dans  nos  salons , 
dans  nos  academies,  jusque  dans  la  demeure  du  pauvre;  et  comme  si  la 
multiplication  des  ceuvres  de  la  presse  devait  lasser  notre  patience  ,  elle 
cherche  a  reposcr  notre  attention  fatiguee  par  ces  gravures  sur  bois ,  par 
ces  dessins  legers,par  ces  arabesques  delicates  qui,  depuis quelque  temps, 
encadrent  les  productions  les  plus  remarquables  de  la  litterature. 

Parlons  d'abord  des  journaux  ,  de  la  puissance  du  journalisme Sans 

contredit ,  les  journaux  sont  les  organes  les  plus  actifs  de~  la  presse ;  ils 
sont,  dans  ce  temps,  un  besoin  generalement  senti,  une  chose  necessaire 
de  chaque  jour.  Le  travail  de  la  nuit  prepare  au  lendemain  un  aliment  a 
la  curiosite.  Nous  ne  sommes  plus  a  cette  epoque  reculee  ou  le  journalisme 
se  reduisait  a  1'indication  de  quelques  fails  sans  interet  reel,  reproche  qui 
ne  s'etendra  pas  a  des  ouvrages  justement  estimes  ,  tels  que  le  Journal  de 
Henri  II  et  de  Henri  III. 

Qu'etait  avant  89  un  journal?  Une  feuille  d'annonces  des  nouvelles  de 
la  cour ,  du  beau  et  du  mauvais  temps  signale  par  1'Observatoire  de  Paris. 
Qu'etaient  les  journaux  sous  1'empire?  Nuls  sous  le  rapport  d'interet  so- 
cial ;  la  litterature  elle-meme  n'avait  pas  la  liberte  de  tout  dire ,  et  madame 


468  M&fOtRES  ET  DISCOURS. 

de  Stael  I'a  ecrit  :  Le  jonrnalisme,  c'etail  le  Bulletin  de  la  grande  armee. 

Si  le  journalisme,  en  France,  a  eu  deux  epoques,  I'une  de  vie,  1'autre 
de  mort,  la  litterature  de  son  cote  a  subi  des  variations.  Comparez  le  18.e 
siecle  au  19.e  ,  messieurs,  et  prononcez. 

Le  but  du  journalisme  est  d'eclairer,  d'instruire  et  d'amuser.  Chaque 
opinion  y  trouve  son  representant.  Les  feuilles  quotidiennes ,  hebdoma- 
daires,  les  productions  periodiques  se  repandent  sur  tons  les  points  du 
globe ,  et  etablissent  des  rapports  jusqu'alors  impossibles  et  inconnus  entre 
les  hommes.  Celte  publicite  a  frappe  quelques  uns  d'entre  eux;  ils  ont  vu 
dans  ces  rapports  de  tous  les  jours,  de  tons  les  instants,  le  moyen  de  creer 
an  milieu  de  la  societe  une  tribune  du  haul  de  laquelle  toute  voix  puis- 
sante ,  civilisatrice ,  instructive  et  savante  pouvait  se  faire  entendre.  Aussi 
avons-nous  vu  des  hommes  de  science ,  des  jeunes  gens  studieux  renoncer 
a  des  carrieres  commencees  et  se  vouer  a  la  redaction  des  journaux. 
Suard ,  Geoffroy ,  Dussanlx ,  Hoffmann ,  Tabaraud ,  de  Feletz ,  Benjamin 
Constant,  etc. ,  sous  I'empire;  et  de  nos  jours,  des  publicistes,  des  hom- 
mes d'etat  ne  dedaignerent  pas  de  consacrer  leurs  veilles  a  eclairer  ou  ins- 
truire  leurs  concitoyens.  Ils  descendirerit  dans  cette  arene  brulante  qui 
n'avait  point  effraye  I'illustre  auteur  de  Corinne !...  Je  ne  veux  pas  cileries 
celebrites  contemporaines ,  vous  les  connaissez  tous,  messieurs,  en  est-il 
une  seule  dont  vous  n'ayez  lu  quelques  pages  dans  nos  feuilles  publiques? 

Voudrait-on  rechercher  quelle  fut  la  cause  de  cette  tendance  des  hom- 
mes de  lettres  vers  le  journalisme?  Fut-ce  le  besoin  de  se  procurer  un 
etat?  1'ambition  de  faire  une  fortune  plus  rapide?  On  ne  vous  a  point  parle 
de  ces  ecrivains  que  la  misere  reduisit  an  suicide!....  On  aura  beau  faire, 
apres  des  investigations  penibles  et  laborieuses,  on  arrivera  a  vous  dire 
qu'tt/z  homme  de  lettres  devint  millionnaire  et  academicien!  Voila  depuis 
Gilbert  et  tant  d'autres ,  il  faut  bien  en  convenir,  1'exception  a  cote  de  la 
regie.  La  pauvrete  fut  long-temps  la  compagne  de  Thomme  de  lettres  ,  et 
je  ne  sache  pas  que  cette  condition  de  la  science  ait  jusqu'ici  change. 
Quelle  noble  entrcprise  de  nos  jours,  quoique  souvent  denaturee  par  I'iu- 
trigue,  n'a  pas  appele  les  interets  particuliers  a  son  aide!  Que  d'hommes 
de  conscience  n'ont  pas  craint  d'y  chercher  les  chances  d'augmenter  une 
fortune  dont  ils  n'avaient  point  a  rougir?  Et,  messieurs,  tel  homme  (  a 
Dieu  ne  plaise  que  j'entende  parler  d'aucun  des  adversaires  que  je  puis 
rencontrer  ici),  tel  homme,  dis-je,  qui  fletrit  aujourd'hui  des  speculations 
litteraires  que  je  suis  loin  de  defendre ,  ne  dedaignerait  peut-etre  a  ce  prix 
une  fortune  rapide  ,  et  se  contenterait  de  rester  millionnaire  pour  se  con- 
soler de  ne  pas  etre  academicien. 


MEMOIRES  ET  DISCO URS.  409 

L'interet  ne  fut  done  pas  le  mobile  des  genereuses  resolutions  de  tant 
d'hommes  de  lettres.  Quelques  pieces  d'or  ont-elles  jamais  etc  la  compen- 
sation de  leurs  veilles?  Non,  messieurs,  disons-le  pour  1'honneur  des  let- 
tres, ce  que  recherche  le  journalisme,  c'est  un  but  louable,  grand,  eleve, 
la  civilisation ,  en  dehors  des  calculs  etroits  de  Pinteret. 

Si  les  colonnes  des  journaux  devaient  suffire  a  1'exposition  des  principes 
geueraux  et  individuels ,  elles  etaient  evidemment  insuffisantes  pour  Pex- 
position  et  la  propagation  des  doctrines.  De  la  naquirent  succes-sivement, 
a  1'exemple  de  PAngleterre  et  de  PAllemagne ,  ces  Revues  dans  lesquelles 
se  produisirent ,  tantot  des  questions  d'un  interet  general,  tantot  des  opi- 
nions sur  les  differents  genres  de  litterature  :  recueils  precieux  dans  les- 
quels  1'homme  du  monde  comme  1'homme  de  la  science  se  reucontrerent , 
1'un  pour  y  comparer  les  systemes  et  les  juger,  1'autre  pour  les  combattre. 
Lulte  heureuse,  puisqu'elle  doit  tourner  a  Pavancement  et  aux  progres 
de  la  science.  Voyez  comme  elle  est  exigeanle  :  non  contente  du  present , 
elle  fouille  dans  le  passe ;  elle  parcourt  des  chemins  deja  parcourus  et  rap- 
porte  pour  Petude  actuelle  des  materiaux  oublies  ou  negliges  par  ceux 
qui  1'avaient  devancee*. 

Mais  est-ce  au  journalisme  et  a  ces  revues  scientifiques  et  litteraires 
que  s'arrete  la  presse  au  19.e  siecle?  Est-ce  a  ces  productions  qui  ne  de- 
mandent  au  lecteur  qu'un  peu  de  temps  ,  un  peu  de  patience?  Non  ,  mes- 
sieurs, la  presse  n'aurait  pas  remph  sa  mission,  si  elle  n'avait  pas  d'au- 
tres  actes  a  citer. 

Qui  pourrait  nier  les  travaux  des  premiers  corps  savants  de  Petal,  con- 
tinuateurs  modestes  des  Benedictins ,  dont  1'applicatioa  studieuse  ne  s'eton- 
na  point  de  recherches  longues  et  fatiguantes,  qui  ne  passerent  en  quel- 
que  sorte  dans  cette  vie  qu'en  consumant  dans  de  patientes  elucubrations 
un  temps  precieux  que  tant  d'autres  depensent  en  pure  perte  si  facilement. 

Faut-il  compter  pour  rien  ces  solides  et  brillantcs  productions  de 
1'ecole  historique ,  de  ces  hommes  de  science,  des  Guvier,  des  Guizot, 
des  Michelet ,  des  Chateaubriand ,  des  Barante  et  de  vous  A  ugustin  Thierry, 
vous  historien  fidele  et  consciencieux,  1'une  des  gloires  de  notre  siecle, 
vous  victime  eprouvee  par  la  science  elle-meme;je  nevoudrais  pas  d'autre 
nom  que  le  votre  pour  repondre  des  progres  du  siecle  a  ceux  qui  en  nie- 
raient  la  marche  et  Pavancement ! ! ! 

La  litterature ,  la  pocsie  n'ont-elles  pas  aussi  leurs  productions  pleines 
de  charmes  ?  Qui  n'a  ete  philosophe  avec  Lamarline  ?  qui  n'a  sympathise 

*  La  RtMie 


470  MEMOIRES  ET  DISGOURS. 

avec  ses  meditations  pleines  de  charme  et  de  melancolie?  qui  n'a  lu  Fes 
belles  pages  de  Victor  Hugo  ?  qui  n'admire  chaque  jour  le  style  drama- 
tique  et  severe  de  Casimir  Delavigne,  et  les  elegies  touchantes  de  mes- 
dames  Amable  Tastu  et  Desbordes-Valmore  ? 

Faut-il  jeter  un  dernier  coup-d'ceil  sur  la  litterature  considerec  dans  scs 
productions  dramatiques?  Notre  theatre  n'est-il  plus  celui  du  gout?  notre 
scene  a-t  elle  meconnu  les  traditions  de  Racine ,  de  Corneille  et  de  Vol- 
taire? 1'art  dramatique,  en  France,  est-il  degenere?  notre  theatre,  enfm, 
loin  de  corriger  les  moeurs  en  riant,  en  hate-t-il  la  corruption?  et  n'est-il 
plus  que  le  triste  tableau  du  devergondage  litteraire?  Reproche  exagere, 
qui,  s'il  devait  se  verifier,  serait  autant  une  accusation  centre  le  gout 
deprave  du  siecle  que  contre  les  auteurs  qui  s'y  soumettent. 

Messieurs,  ce  serait  mal  juger  1'esprit  d'un  pays  que  de  le  juger  par  le 
caractere  de  quelques  uns  de  ses  habitants ;  de  merae ,  ce  serait  porter  un 
jugement  hasarde  et  temeraire  que  de  juger  la  presse  par  ses  abus,  la 
litterature  par  ses  exces ,  1'art  dramatique  par  son  exageration ,  ou ,  si 
Ton  veut ,  par  son  devergondage. 

Tant  qu'il  y  aura  des  hommes,  il  y  aura  des  vices;  les  institutions  les 
plus  genereuses  seront  exploiters  par  le  mal  comme  par  le  bien.  Quelle 
nation  n'a  point  sa  plaie?  quelle  societe  n'a  pas  ses  bagnes? 

Est-ce  une  raison  pour  mettre  cette  nation  tout  entiere  an  ban  de  la 
civilisation  ? 

Est-ce  une  raison  pour  traduire  la  litterature  a  la  barre  de  1'opinion? 
pour  1'accuser  sans  la  convaincre  d'un  egarement  qui  n'est  pas  le  sien, 
pour  la  punir  d'un  crime  dont  elle  n'est  pas  complice,  pour  1'attacher 
comme  a  un  carcan  litteraire  et  pour  la  trainer  sur  la  claie  comme  on 
trainait  autrefois  sur  nos  places  publiques  le  cadavre  des  suicides ! 

La  presse,  cette  institution  des  temps  modernes,  sera  quelquefois,  non 
plus  le  flambeau  qui  eclaire ,  mais  la  torche  qui  incendie...  la  litterature , 
et  ce  1 8.e  siecle  dont  Pimpartialite  dedaigneuse  d'un  critique  invoque  la 
gloire  litteraire  ,  professera  Patheisme  et  1'impurete!  la  poesie,  ces  accords 
si  doux  pour  1'ame ,  sera  fletrie'par  la  licence  !  Que  faudra-t-il  en  conclure 
contre  le  19.e  siecle? 

Que  la  presse  est  un  mal? 

Que  la  litterature  est  morte? 

Que  la  poesie  n'a  plus  ses  dieux? 

Non ,  messieurs ,  1'homme  sans  pas  ;ions ,  sans  etre  taxe  d'optimisme  , 
dira  des  institutions  ce  que  1'on  dit  des  hommes :  faut-il  les  hair  parce 
qu'il  y  aura  parmi  eux  des  mediants  ?  Proclamons-le  done  avec  conscience  > 


ME"MOIRES  ET  DISCOURS."  47  t 

une  fois  pour  toutes :  voulez  vous  juger  la  litterature  d'une  epoque?  in- 
terrogez  des  productions  severes,  fruits  de  la  patience  et  de  1'etude;  mais 
rejetez  ces  productions  ephemeres ,  fragiles  comme  le  verre,  oeuvres  maU 
heureuses,  mortes  avant  que  d'etre  nees,  et  dont  l'homme  de  conviction 
et  de  gout  ne  salit  pas  sa  memoire!...  rejetez  ces  recueils  sans  fond,  sans 
valeur,  sans  idees,  bons  tout  au  plus  pour  le  desceuvrement  ou  1'incapa- 
cite!  rejetez  ces  biographies  inspirees  par  1'esprit  de  denigrement  et  de 
parti !  rejetez  ces  memoires  apocryphes  et  faussaires  dans  lesquels  la  ca- 
lomnie  et  le  mensonge  prennent  la  place  de  1'histoire  et  de  son  impartia- 
lite !  rejetez  ces  productions  immorales  d^une  imagination  ardente  et  de- 
reglee ,  dont  l'homme  de  bien  comme  1'homme  de  lettres  ignorent  1'exis-, 
tence,  et  qui  accusent  autant  ceux  qui  les  lisent  que  ceux  qui  les  font ; 
restes  immondes  sur  lesquels  la  presse  passe  et  route  comme  un  fleuve 
sur  son  liinon,  sans  que  son  cours  en  soil  ui  moins  rapide ,  ni  moins 
pur!... 

Disons-le,  messieurs ,  jamais  la  science  n'a  taut  produit ,  la  litterature 
n'a  jamais  etc  aussi  feconde ,  jamais  le  gout  des  etudes  historiques  n'a  ete 
porte  si  loin ;  elles  sont  si  bien  senlies  qu'elles  deviennent  aujourd'hui  une 
necessite  de  1'education.  Le  gout  de  rAllemagne  nous  a  gagne ,  et  la  phi- 
lologie  est  une  nouvelle  etude  en  France. 

Toutefois ,  nous  en  conviendrons ,  ces  productions  multipliers  de  la 
presse  ont  eveille  1'industrialisme,  Ainsi,  Ton  vit  nagueres  les  associations 
a  prime  s'etablir,  et  soumettre  aux  chances  trompeuses  du  hasard  la  pros- 
perite  de  tel  ou  tel  ouvrage.  Les  organes  eux-memes  de  la  presse ,  restee 
etrangere  a  ces  speculations  mercantiles  el  iienales ,  furent  les  premiers  a 
s'en  affliger ;  ils  provoquerent  par  1'energie  de  leurs  remontrances  la  re- 
pression de  ces  abus  ,  et  vous  savez  que  la  legislation ,  impuissante  d'abord 
a  punir  des  raises  en  loterie  si  communes  en  Allemagne,  combla  bientot 
le  vide  qui  existait. 

N'est-ce  pas  une  injustice  flagrante  que  d'accuser  1'auteur  d'un  ouvrage 
qui  ne  lui  appartient  plus  de  la  speculation  de  son  libraire  ?  Signalons , 
en  terminant ,  une  amelioration  non  moins  importante.  Ce  qui  distingue 
rhomme  de  lettres  de  nos  jours  ,  c'est  1'independance ,  c'est  la  conscience. 
A  quelques  hommes  pres ,  que  Topinion  fletrit ,  il  ne  prostitue  pas  son 
talent,  il  ne  fait  pas  de  sa  plume  metier  et  marchandise.  Autrefois,  les 
faveurs  du  pouvoir  rendaient  sa  plume  <venale;  un  homme  de  lettres  de- 
venait  historiographe  d'un  roi  de  France ,  un  autre  chambellan  d'un  roi 
de  Prusse;  ils  logeaient  au  Louvre, a  Postdam!...Dieu  sail  ce  que  devenait 
1'hisloire! !!  aujourd'hui,  du  moins,  la  pensee  de  l'homme  de  lettres  lui 


472  MEMOIRES  ET  DISCOURS. 

appartient.  Et  n'avons-nous  pas  vu  nagueres  une  noble  action  qui  prendra 
place  dans  1'histoire,  rappelee  sur  la  tombe  du  redacteur  eu  chef  d'un 
journal,  organe  de  la  publicite  des  debats  judiciaires.*  Un  proces  scanda- 
leux  etait  engage...  1'une  des  parties,  un  homme  place  liaut  dans  le  monde , 
crut  pouvoir  etouffer  la  publicite  des  debats,  honteux  pour  lui,  par  1'offre 
d'uue  somme  qui  cut  etc  une  fortune  pour  tout  autre  qui  voulut  lui  sacri- 
fier  1'independance  de  sa  plume.  L'homme  delettres  refusa...  et  le  lendemain 
re  vela  atoule  la  France  le  scandale  du  debaljudiciaire.Quelques  moisplus 
tard ,  cet  homme  mourait  pauvre ,  ne  laissant  a  sa  veuve  et  a  ses  enfants 
que  1'honneur  de  son  nom,  nom  sans  tache,  et  1'estime  des  gens  de  bien. 

Voila ,  messieurs ,  un  de  ces  hommes  d'argent ,  uniquement  d'argent , 
qui  voulait,  lui  aussi,  que  le  siecle  marchdt  avec  lui, sans  pourtant  tendre 
la  main  pour  recevoir  cet  or,  1'or  que  le  siecle  lui  jelait  en  marchant  pour 
le  seduire! 

Tel  est,  messieurs,  1'etat  actuel  de  la  presse  litteraire  en  France.  Ne 
serait-ce  pas  un  blaspheme  que  de  la  trailer  de  mercantile,  de  venale? 
n'y  aurait-il  pas  de  1'exageration  a  faire  peser  sur  tous  les  fautes  de  quel- 
ques-uns?  Non,  messieurs,  la  presse  n'est  ni  mercantile,  ni  -venale;  elle 
ne  le  sera  jamais.  La  presse  est  grande  d'avenirjtot  ou  tard  elle  com- 
prendra  sa  mission ,  et ,  grandissant  de  plus  en  plus  dans  1'espace ,  elle 
repandra  la  civilisation  dans  le  monde. 

Ce  n'etait  pas  a  moi  qu'il  appartenait  de  venger  la  presse  des  attaques 
dont  elle  etait  1'objet ,  presentees  avcc  une  bonne  foi  que  nous  aimons  a 
reconnaitre ,  mais  dans  une  trop  grande  generalite.  Tine  parole  plus  puis- 
sante  que  la  mienne  eut  pu  la  defendre ;  que  voulez-vous  ?  pouvais-je  ne 
pas  lui  tendre  une  main  secourable  quand  tant  d'aulres  la  lui  retiraient; 
moi  qui,  suivant  les  conseils  d'un  grand  maitre,  Pillustre  D'^guesseau, 
me  suis  souvent  delasse  dans  1'etude  des  lettres  ,des  meditations  si  graves, 
des  epreuves  si  devorantes  du  barreau ;  moi  dont  le  cceur  a  baltu  tant  de 
ibis  a  ces  lignes  eloquentes  et  genereuses,  a  ces  accents  vibrants  et  patrio- 
tiques  que  la  presse  m'a  fait  entendre !... 

Ah!  pardonnez-moi ;  il  m'est  permis  de  proclamer  que  si  la  presse  ac- 
tuelle  a  cause  des  abus ,  ces  abus  sont  sauves  par  ses  bienfaits. 

Detracteurs  de  notre  siecle,  misanthropes  dujour,  souvenez-vous ;  c'est  vo- 
tre  arret  que  je  prononce :  le  civilisateur  de  1'Amerique ,  Francklin ,  ce  grand 
homme,  fut  imprimeur!  Carrel  est  mort  pauvre  et  homme  de  lellrcs! !  ! 

*  M.  Darmaing. 


PROPOSITIONS  ADOPTEES.  473 

••  3  ••«•••••«••••••••«•*•»»••••  »«*»Q 


PROPOSITIONS 

ADOPTEES  PAB.  IE  CCNGB.ES. 


PREMIERE    SECTION. 

«  I.  M.  le  maire  de  la  ville  de  Blois  est  invite  a  faire  disposer  un  local  ou 
»  les  objets  d'histoire  naturelle ,  adresses  au  Congres,  soient  deposes,  et 
»  qui  puisse  devenir  plus  tard  un  musee  d'histoire  naturelle ,  dont  ees  ob- 
»  jets  seraient  les  premiers  elements.  » 

«  II.  Le  Congres  emet  le  voeu  de  voir  le  gouvernement  favoriser  en  France 
»  1'etablissement  d'ecoles  d'horticulture  et  de  jardins  de  naturalisation  des 
»  plantes  utiles  au  commerce ,  a  1'agriculture  et  aux  arts.  » 

DEUXIEME    SECTION. 

«  I.  Il  est  de  1'inleret  general  et  de  cclui  des  communes,  qu'ellcs  restent 
»  proprietaires  de  leurs  biens  communaux. —  Les  communes  doivcnt  avoir 
»  la  faculte  de  lesvendre,en  cas  de  necessite  absolueprononceeparlecon- 
>>  seil  general ,  d'apres  les  avis  des  conseils  municipaux  et  de  ceuS  d'ar- 
»  rondissement.  • —  Les  moyens  de  tirer  le  parti  le  plus  avantageux  des 
»  terrains  communaux  doivent  vafier  suivant  la  nature  du  sol  et  les  besoins 
»  des  communes.  —  Le  mode  de  jouissance  et  d'administration  des  biens 
»  communaux  sera  determine,  pour  chaque  localite ,  par  les  conseils  gcue- 
»  raux ,  qui  decideront  d'apres  1'avis  des  conseils  municipaux  et  de  ceux 
»  d'arrondissement.  » 

«  II.  Il  s'est  opere  des  changements  avantageux  dans  la  Sulogne  depuis 
»  vingt  ans ,  tant  sous  le  rapport  de  la  culture  des  terres  que  sous  ceux  de 
»  la  plantation  des  arbres,  du  defrichement  des  landes  et  de  I'amelioration 
»  des  races  elevees  dans  le  pays.  Mais  le  Congres  reconnait  qu'il  reste  en- 


474  PROPOSITIONS  ADOPTERS. 

»  core  beaucoup  a  faire  pour  porter  ce  pays  au  degre  de  prosperite  auquel 
»  il  pourrait  atteindre ,  et  que  les  moyens  les  plus  propres  a  hater  ce  re- 
»  sultat,  seraient,  comme  on  1'a  fait  dans  beaucoup  d'autres  pays,  d'y  mul- 
»  tiplier  les  routes  et  les  chemins  vicinaux ;  d'y  creer  des  etablissements 
»  publics ,  des  manufactures,  et  de  le  faire  participer,  dans  une  proportion 
«  suffisamment  large,  auxsecourset  encouragements  dont  le  gouvernemcnt 
»  peut  disposer  en  faveur  de  1'agriculture  et  de  1'industrie.  » 

«  III.  Penetre  de  Pimminence  du  danger  que  court  1'industrie  qui  a  la  soie 
»  pour  matiere  premiere,  et  de  I'utilite  de  creer  dans  les  petites  exploita- 
»  lions  des  moyens  de  prosperite ,  le  Congres  emet  le  vceu  que  le  gouver- 
»  nement  et  les  conseils  generaux  prennent  toutes  les  mesures  qui  peuvent 
»  encourager  la  plantation  des  muriers  et  la  production  de  la  soie  dans  les 
»  parties  de  la  France  qui  y  sont  propres.  » 

«  IV.  L'influence  de  la  culture  presque  exclusive  de  la.vigne  rend  les  hom- 
»  mes  laborieux,  industrieux  et  economes.  Elle  ne  favorise  pas  les  moeurs, 
»  elle  pourrait  me  me  les  alterer  quelquefois,  a  cause  de  1'agglomeration 
»  des  hommes  sur  des  points  tres  rapproches. — Elle  donne  aux  vignerons 
»  des  habitudes  moitie  villageoises  et  moitie  urbaines. 

»  On  peut  etablir  d'une  maniere  generale  que  la  vigne ,  pen  lucrative 
»  pour  le  grand  proprietaire  qui  ne  cultive  pas  lui-meme ,  est  cependant 
»  tres  favorable  a  la  prosperite  du  pays ,  dans  ce  sens  que  sur  une  surface 
»  determinee,  elle  donne  des  produits  qui  peuvent  subvenir  aux  besoins 
»  d'un  plus  grand  nombre  d'individus.  » 

«  Y.  La  prohibition  du  defrichement  des  bois  ne  saurait  etre ,  quant  a 
»  present ,  posee  comme  regie  generate;  mais  c'est  une  exception  a  la  loi 
»  civile  que  la  societe  a  le  droit  d'imposer  dansTinteret  de  sa  conservation. 
»»  — Cette  exception  doit  s'etendre  non  seulement  aux  forets  situees  sur  les 
»  sommets  ou  sur  les  pentes  ayant  une  inclinaison  determinee  par  la  loi 
»  (  par  exemp'e ,  2  decimetres  par  metre  ) ;  mais  encore  aux  departements 
»  ou  les  bois  n'occupent  pas  une  partie  du  territoire  dont  la  population 
»  serait  egalement  determinee  (  comme  le  dixieme  ).  — La  prohibition  du 
»  dessechement  doit  etre  entouree  de  conditions  conservatrices ,  sans  tou- 
»  lefois  porter  atteinte  au  libre  exercice  du  droit  de  propriete. 

»  Le  Congres  pense  que  toutes  les  mesures  qui  out  pour  objet  la  con- 
»  servation  des  bois  seront  inutiles,  si  le  gouvernement  encourage  la 
»  destruction  par  I'alieiiation  de  ses  forets  avec  faculte  de  defrichement.  >> 

«  VI.  Le  Congres  eniet  le  vocu  que  le  gouverncmenl  soil  invite  a  prendre 


PROPOSITIONS  ADOPTEES.  475 

»  les  mesures  convenables  pour  eclairer  les  proprietaires  de  bois  sur  les 
»  meilleurs  moyens  de  les  exploiter,  et  sur  les  inconvenieuts  qu'il  y  a  a 
»  les  livrer  au  paturage.  » 

«  VII.  La  greffe  de  la  vigne  est  encore  pen  pratiquee  dans  les  vignobles 
»  des  bords  de  la  Loire,  mais  elle  a  1'a vantage  d'etre  peu  couteuse,  et 
»  d'augmenter  a-la-fois  la  quantite  et  la  qualite  des  produits,  » 

«  VIII.  Le  Congres  pens.e  que  I'une  des  causes  de  la  diminution  de  1'impor- 
»  tance  industrielle  et  commerciale  du  bassin  de  la  Loire  est  la  difficulte 
»  apportee  dans  la  navigation  du  fleuve  par  1'encombrement  de  son  lit  et 
»  la  mobilite  des  sables  qui  1'obstruent.  L'action  mecanique  des  appareils 
»  propres  a  debarrasser  le  fond  de  la  riviere  semble  etre  le  moyen  le 
«  plus  convenable  de  faire  disparaitre  la  cause  que  Ton  vient  de  signaler, 
»  et ,  sous  ce  rapport ,  le  Congres  desire  qu'il  soil  fait  un  essai  du  bateau- 
»  herse  propose  par  M.  le  comte  de  Calonne.  » 

«  IX..  Le  Congres  emet  le  voeu  que  le  gouvernement  prenne  les  moyens 
»  d'assurer  le  plein  et  entier  usage  du  systeme  metrique  des  poids  et 
»  mesures ,  en  cessant  de  tolerer  les  mesures  batardes  qui  sont  en  desac- 
»  cord  avec  ce  systeme ,  et  qui  font  avec  les  anciennes  mesures  une  inex- 
»  tricable  confusion.  » 

TROIS1EME    SECTION. 

«  I.  L' organisation  du  corps  medical  en  France  est  susceptible  de  refor- 
»  me ,  et  cette  reforme  est  d'un  besoin  urgent. 

»  La  reorganisation  doit  porter  : 

»  1.°  Sur  1'enseignement; 

»  2.°  Sur  1'exercice  de  la  profession. 

»  Elle  doit  avoir  pour  principals  bases  : 

»  1 ,°  L'augmentation  du  nombre  des  Facultes ; 

»  2.°  La  creation,  pres  de  toutes  les  Facultes  de  medeciue,  d'academies 
»  chargees  de  travailler  au  perfectionnement  de  la  science ; 

»  3.°  L'egalite  scienlifique  et  legale  de  tons  les  medecins;  c'est-a  dire 
»  1'unite  de  litre  et  de  prerogatives ; 

»  4.°  Un  examen  d'admission  aux  Facultes; 

»  5.°  La  creation,  dans  les  Facultes,  de  jurys  d'exameri  dont  les  mem- 
«  bres  seront  pris  a  nombre  egal  parmi  les  professeurs  et  les  praticiens 
»  qui  auronl  plus  de  dix  ans  d'exercice ; 


476  PROPOSITIONS  ADOPTEES. 

»  6.°  Des  dispositions  legales  efficaces  pour  la  repression  du  charlata- 
»  nisme , 

»  7.°  La  creation  de  conseils  medicaux  dont  les  membres ,  nommes  a 
»  1'election,  seront  charges  de  veiller  a  Texecution  des  lois  protectrices 
»  de  la  profession,  et  a  la  conservation  de  sa  dignite; 

»  8.°  L'abolition  de  la  patente ; 

»  9.°  L'institntion  de  medecins  ruraux.  » 

«  II .  Le  Congres  exprime le  voeu  que  la  doctrine  medicale  homoeopathique, 
»  introduite  en  France  depuis  quelques  annees,  soit  soumise,  dans  un  des 
»  grands  hopitaux  de  France ,  a  un  examen  clinique ,  methodique  et  regu- 
»  lier,  afin  qu'il  soit  possible  d'asseoir  une  opinion  sur  la  valeur  de  cette 
»  doctrine ;  sous  la  condition  que  les  experiences  serout  faites  en  presence 
»  des  medecins  directeurs  des  Lopitaux.  » 

«  III.  Les  irrigations  des  prairies  n'ont  pas  d'inconvenients  pour  la  salu- 
»  brite,  en  prenaut  des  mesures  efficaces  pour  eviter  une  stagnation  pro- 
»  longee  des  eaux.  » 

«  IV.  Les  circonslances  de  temps,  de  lieux,  d'individus,  sont  sans  influence 
»  sur  1'efficacite  de  la  vaccine.  Le  temps  n'a  pas  fait  perdre  au  virus-vac- 
»  ciu  de  son  effieacite.  » 

«  V.  Le  Congres  demande  qu'un  homme  special  soit  charge  de  constater 
»  les  deces,  et  qu'nne  salle  mortuaire  soit  construite  pour  recevoir,  pen- 
»  dant  24  heures,  les  corps  avant  d'etre  mis  en  terre.  » 

QUATRIEME    SECTION. 

«  I.  II  est  possible  d'admettre  qne,  suivant  le  temoignage  de  1'historien 
»  Procope ,  les  rois  franks  n'ont  possede  le  droit  de  f rapper  monnaie  a  hnir 
»  nom  et  a  leur  effigie,  qu'apres  la  concession  reguliere  qui  leur  en  fut 
»  faite  par  I'eniperenr  d'Orient;  que,  neanmoins ,  des  que  ces  pi'inces  so 
»  virent  possesseurs  paisibles  des  provinces  qu'ils  avaient  envahies,  ils 
»  s'arrogerent  le  droit  monetaire,  mais  avec  reserve,  c'est-a-dire  en  se 
»  bornant  a  reproduire  les  types  imperiaux  tout  en  alterant  les  legendes; 
»  enfin ,  que  ce  ne  fut  qu'au  moment  ou  les  empereurs  se  virent  obliges 
>'  d'accorder  le  droit  qu'ils  ne  pouvaient  plus  refuser,  qu'ils  donnerent  a 
»  Clothcr  l.cr  1'autorisalion  de  frapper,  a  Aries,  des  monnaies  d'or,  au 
»  coin  de  cc  derjudor  prince.  » 


PROPOSITIONS  ADOPTEES.  4/7 

«  II.  Le  Congres  provoqae  la  confection  dc  bibliographies  locales,  et  in- 
»  vite  les  savants  a  donner  1'histoire  de  1'imprimerie  dans  les  diverses  loca- 
»  litcs.  » 

CINQUIEME.  SECTION. 

«  I.  Le  Congres  emet  le  voeu  que  tous  ceux  qui  s'occuperont  d'expliquer 
»  la  marche  des  arts  en  France ,  tiennent  compte  des  sieges  divers  qu'a 
»  eus  aux  differents  siecles  la  puissance  soit  royale,  soil  religieuse,  soit 
»  princiere  on  provinciate ;  ils  y  trouveront  une  foule  d'indications  sur  les 
»  types  primordiaux  on  secondaires ,  modeles  imites  dans  les  pays  circon- 
»  voisins.  » 

«  II.  Le  Congres  pense  que  Ton  pent  tirer  des  renseignements  utiles  sur 
»  1'etat  de  Pinstrumentation  aux  differents  siecles  du  moyen  age,  et  sur- 
»  tout  au  xn. e ,  dans  1'etude  des  manuscrits  et  dans  celle  des  bas-reliefs 
»  representant  des  instruments  de  musique,  dans  les  eglises  de  France  en 
»  general.  Toutefois,  les  recherches  devront  avoir  lieu  avec  toute  la  re- 
»  serve  que  commande  1'examen  de  ces  instruments.  » 

SIXIEME    SECTION. 

»  I.  Les  a  vantages  du  systeme  penitent  iaire  sont  incontestables.  Ces  avan- 
»  tages  sont  :  1.°  1'amelioration  morale  des  condamnes;  2.°  la  diminution 
»  des  recidives;  3.°  1'adoucissement  des  lois  penales,  sans  que,  pour  cela  , 
»  la  societe  reste  desarmee  ;  4.°  par  suite  de  1'abaissement  de  la  duree  des 
»  peines ,  1'abaissement  du  chiffre  des  detenus  dans  la  meme  proportion ; 
»  de  la  une  economic  facilement  appreciable. 

»  En  consequence ,  la  section  estime  que  1'introduction  du  systeme  pc- 
»  nitentiaire  en  France  est  urgente ;  neanmoins ,  cette  introduction  doit 
»  etre  progressive  en  ce  sens  que ,  adoptee  immediatement  en  principe , 
»  elle  se  realise  successivement  a  mesure  que  les  maisons  centrales  el  de- 
»>  partementales  exigeront ,  par  leur  etat ,  une  entiere  reconstruction  OH  de 
»  grosses  reparations.  » 

«  II.  Par  rapport  aux  methodes,  1'enseignement  doit  etre  libre. — Par  rap- 
»  port  aux  doctrines,  la  liberte  n'est  point  exclusive  de  la  surveillance  et 
»  du  controle  du  gouvernement ;  elle  doit  etre  soumise  a  des  lois  speciales 
»  en  harmonic  avec  le  principe  de  la  liberte  d'enseignement.  —  Par  rap- 


478  PROPOSITIONS  ADOPTltF.S. 

»  port  aux  homines ,  renseigncmenl  lie  pout  etre  excrce  quc  par  ceiix  qui 
»  sont  pourvus  d'un  brevet  de  moralite  ct  de  capacite.  » 

«  III.  Lcs  voles  de  communication  ont  une  influence  incontestable  sur  la 
»  civilisation,  puisqu'elles  augmentent  non  seulement  le  bien-etre  ma- 
»  teriel  des  peuples,  mais  encore  le  developpement  de  1'intelligence  et  le 
»>  perfectionnement  de  la  moralite  bumaine.  » 

«  IV.  Le  Congres  pense  que  les  principales  causes  de  1'accroissement 
»  progressif  des  cnfants  exposes  sont  :  1.°  1'augmeritation  des  nais- 
»  sances  naturelles ,  produites  surtout  par  le  pauperisme,  le  celibat  et 
»  le  relachcment  des  liens  de  famille;  2.°  les  abus  introduits  dans  les  hos- 
»  pices,  soit  par  la  pbilantbropie  mal  entendue  des  administrations,  soil 
»  par  la  cupidite  de  beaucoup  de  femmes  qui  exposent  leurs  enfants, 
»  puis  les  reprennent  comme  nourrissons* 

»  Le  Congres  pense  que  les  remcdes  moraux  a  apporter  a  cette  plaie 
«  publique  consistent :  1.°  a  encourager  el  propager  les  etablissements  de 
»  patronage  et  de  refuge ,  ayant  pour  objet  de  recevoir  ,  des  leur  bas  age  , 
»  les  lilies  pauvres  et  delaissees,  et  de  les  mettre  a  meme  de  gagner  hon- 
>>  netement  leur  existence;  2.°  a  provoquer,  encourager  et  soutenir  par- 
«  tout  les  etablissements  qui  prcsenteront  des  garanties  suffisantes  pour 
»  I'education  des  filles ;  3.°  eniin  a  prendre  les  mesures  les  plus  severes 
»  pour  empecber  le  melange  des  deux  sexes  dans  les  ecoles. 

»  Le  Congres  estime  que  les  moyens  qu'on  doit  employer  pour  amener 
«  une  diminution  de  la  depense  des  enfaiits  trouves  sont :  1 .°  le  retrait  des 
»  enfants  de  cbez  les  nourrices  vers  Tage  de  3  ans,  pour  les  placer  jusqu'a 
«  21  ans  dans  des  maisons  speciales  d'education  et  de  travail;  2.°  1'emploi 
»  de  tons  les  moyens  possibles  pour  favoriser  les  manages  precoces ; 
»  3.°  d'exiger  des  nourrices  des  certificals  constatant  1'elat  actuel  de  leurs 
«  enfants  ;  4.°  a  propager  et  multiplier,  autant  que  possible  ,  les  salles  d'a- 
»  sile ;  5.°  d'instiltier  dans  chaque  arrondissement  un  inspecteur  ayaul 
»  pour  mission ,  d'abord  de  visiter  les  enfants  et  de  veiller  a  leur  bien- 
»  elre,  puis  de  signaler  les  abus  et  de  les  prevenir. 

»  Dans  1'etat  actuel ,  le  Cougres  peuse  que  la  suppression  des  tours  et 
»  le  deplacement  des  enfants  ont  plus  d'inconvenients  que  d'avantages ; 
»  mais  il  emet  le  voou  le  plus  pressant  pour  que  le  gouvernement  encou- 
«  rage  puissamment  1'etablissement  des  socictes  de  cbarite  maternelle,  afin 
»  qu'a  1'institution  actuelle  des  tours ,  qui  a  pour  effet  d'augmenler  la 
»  mortal  it  e  et  de  briser  les  liens  de  famille,  on  puisse  progressivement 
>>  substituer  le  systeme  de  sccours  dislribues  a  domicile  aux  fdles  enceintes 


PROPOSITIONS  ADOPTEES.  479 

w  el  aux  filles-nieres ,  systeme  qui,  fonde  sur  des  principes  moraux  et  rc- 
»  ligieux ,  presenterait  1'immense  avantage  d'abaisser  le  chiffre  de  la  mor- 
»  talite  des  enfants  naturels,  de  conserver  entre  les  meres  et  les  enfants 
»  les  liens  d'affectiou  et  de  famille  qui  les  nnisSent,  et  de  ne  point  de- 
»  Iruire,  an  prejudice  de  ces  derniers,  les  chances  de  reconnaissance, 
»  meme  de  legitimation  dont  ils  penvent  etre  1'objet.  » 

«  Le  V.  Congres  estime  qne  le  morcellcment  de  la  propriete  a  pour  re- 
"  sultats  moraux  :  d'attacher  le  citoyen  an  sol ,  de  lui  inspirer  des  idees 
»  de  prevoyance,  et  d'entretenir  1'esprit  de  famille;  pour  resullats  agrico- 
»  les  :  d'augmenter  la  production ,  et  de  creer  pour  le  pays  une  plus  grande 
»  masse  de  richesses.  » 

«  VI.  Le  Congres  reconnait  que  les  logemenls  de  guerre  a  domicile  sont 
»  une  charge  aujourd'hui  inegalement  supportee.  —  11  emet  le  vceu  que 
» le' gouvernement  propose  aux  chambres  dos  mcsures  legislatives  au 
»  moyen  desquelles  la  depense  fut  a  la  charge  des  departements  traverses." 

«  VII.  Le  Congres  croit  ponvoir  indi(juer  les  mesures  qui  suivent  comme 
les  plus  efficaces  pour  detruire  la  mendicite  : 

»  1.°  Assurer  du  travail  aux  pauvres  valides ,  des  secours  a  domicile, 
»  Du  des  asiles  communs  aux  pauvres  hors  d'etat  de  travailler;  2.°  fonder 
»  des  societes  de  patronage  et  d'assistance  pour  les  orphelins  et  les  en- 
»  fants  abandonnes  qn'elles  s'occuperont  de  placer  en  apprentissage  au- 
»  pres  d'ouvriers  peres  de  famille;  3.°  etablir  des  colonies  agricoles  et 
»  industrielles  pour  y  placer  les  hommes  valides  qui  auront  ete  trois  fois 
»  repris  de  justice  pour  vagabondage.  » 

«  VIII.  Le  Congres  declare  que  dans  1'etat  actuel  de  la  societe ,  la  peine  de 
»  mort,  par  la  crainte  qu'elle  inspire  aux  hommes,  esl  propre  a  diminuer 
»  le  nombre  des  crimes  qu'elle  esl  destinee  a  reprimer;  il  emet  le  voeu 
»  que  cette  peine  ne  soil  appliquee  que  le  plus  rarement  possible  et  pour 
»  les  cas  les  plus  graves,  etjarnais  pour  les  crimes  politiques  aulres  que 
»  1'assassinat.  » 


PROPOSITIONS  RENYOYEES.  481 


PROPOSITIONS 


RENVOYfeES 


A  LA  CINQUIEME  SESSION  DU  CONGRES. 


PREMIERE    SECTION. 

«  Recbercher  les  moycns  les  plus  propres  a  ctablir  une  sorte  de  stalls- 
tique  agricole  de  la  France.  » 

DEUXIEME    SECTION. 

«  DCS  etablissements  industriels  peuvent-ils  prosperer  dans  un  pays  dont 
la  population  est  incessamment  attachee  an  sol?  —  Les  pays  de  fabrique 
ne  sont-ils  pas  en  general  des  pays  de  grande  culture?  » 

TROISIEME   SECTION. 

«  Etablir  une  classification  des  etablissements  insalubres,  plus  ration- 
nelle  que  celle  qui  existe.  —  Indiquer  des  bases  fixes  pour  leur  auto- 
risatioii.  » 

«  De  quelle  maniere  1'ergot  du  seigle  agit-il  sur  l'economie  animale  , 
specialement  ponr  determiner  la  gangrene  des  extremitcs?  —  Quelle  cst 
la  nature  de  cetle  maladie  et  quel  Iraitement  convient-il  de  lui  oppo- 
ser  ?  » 

«  La  march  e  suivie  par  le  cholera,  en  France ,  nous  a-t-elle  suffisamment 
instruit  de  son  mode  de  propagation ,  pour  que  Ton  puisse  modifier  les 
lois  sanitaires  en  ce  qui  le  concerne  ?  » 

QUATRIEME    SECTION. 

«  A  quels  signes  pent  on  reconnaitre  les  tombeaux  franks  des  tombeaux 
gaulois  ou  remains  ?  » 


PROPOSITIONS  RENVOYliES.  48 1 

«  Rechcrcher  I'origine  de  la  feodalite. —  Determiner  les  causes  ct  les 
epoques  de  ses  progres  et  de  sa  decadence.  » 

CINQUIEME    SECTION. 

«  L'influence  qu'exerca  la  chute  de  Constantinople,  an  XV.e  siecle , 
u'a-t-elle  pas  empeche  le  developpement  de  notre  litterature  nationale  ?  » 


NOTA.  La  somme  remise  entre  les  mains  de  la  commission  d'impres- 
sion  des  travaux  du  Cong-res  s'etant  trouvee  insuffisante ,  une  partie  des 
morceaux  dont  I'insertion  a  la  suite  des  proces-verbaux  avait  ete  votee 
par  les  sections,  n'a  pit  etre  publiee.  La  commission  en  exprime  ses  vlfs 
regrets  aux  auteurs  des  memoires  suivants  : 

1.°  Memoire  sur  la  Cosmologie,  par  M.  le  comte  DE  MONTLIVAULT  , 
wee-president  de  la  Societe  academique  de  Tours. 

2.°  Notice  geologique  sur  le  canton  de  Selles ,  par  M.  BOURGOUIN, 
docteur-medecin  a  Selles. 

3.°  Notice  hydro graphique  sur  les  intermittences  des  eaux  de  la  riviere 
de  Connie ,  par  M.  DE  BOISVILLETTE  ,  ingenieur  des  ponts  et  chaussees  a 
Chdteaudun. 

4.°  Memoire  sur  la  hberte  de  I'enseignement,  par  M.  DE  LAURENTIE  , 
ancien  inspecteur  general  des  etudes. 


LISTE  DES  MEMBRES.  483 


LISTE 

DES  MEMBRES 

PE  LA   QUATRIEME  SESSION   DU   CONGRES  SCIENTIFIQUE 
DE  FRAlSCE  *. 


1.  ALADERN  (  DE ),  membre  de  rAcademie  royale  des  Sciences  de 
Barcclonne. 

2.  ANDRE  ,  procureur  du  roi  a  Bressuire ,  membre  des  societe's  des 
Antiquaires  de  France  et  de  TOucst ,  membre  de  la  deuxieme  session. 
—  Pages  170  ,  iQ7»  207,  210  ,  a3i. 

3.  ARCHAMBAULT  ,  docteur-medccin  ,  membre  de  la  So'cie'te  medi- 
cale  dc  Tours,  vice-president  de  la  troisieme  section,  —  P.  i36  ,  i45  , 
146,  i5i,  i5a,  i53,  i58,  i63,  164,  166,  168,  33g,  343,  372,373. 

4.  ASSY  (  D'  )  ,  membre  de  la  Societe  royale  d'Agrkulture  de  Loir- 
eb-Cher  ,  au  cbateau  dela  Ravinierc,  pres  de  Blois. 

5.  AUBRY,  doclcur-medecin  a  Blois.  —  P.  i36,  i5i  ,  i53  ,   161. 

6.  AUCHER  ,  avocat  a  Blois.  --  P.  254. 

7.  AUVERGNE  (  D1),  main-  de  la  commune  de  Meusncs  (  Loir-et- 
Cher  ). 


*  On  avail  jusqu'iei  public  urie  seconds  lisle  destin^e  a  recevoir  les  ncVMs  des  per- 
sonnes  qui  avarent  envoye  leur  adhesion  a  Pinstitiition  des  CongrcSj  mais  qui  ii'avaient 
pu  se  rendre  a  la  reunion.  Le  secretaire  general  de  la  session  de  Blois  a  recu  un 
grand  nombre  de  ces  adliesionsj  mais  la  commission  d'impression  a  pense  que  I'on  ne 
devait  crnsiderer,  comnie  aillierant  veritable nieiit  a  1'institution ,  que  les  persomies 
qui  temoignaient  de  leur  sympathie  en  contiibuant  aux  frais  que  la  reunion  et  la  pu- 
blication des  travatix  entrainaient ,  et  en  faisant  Terser  «mre  les  mains  du  treiorier  le 
inontant  de  leur  cotisation.  Comnie  a  I'ordinaire ,  ces  personnes  ont  et^  mises  au 
nombre  des  membres  de  le  session,  et  lours  noins  accompagnes  d'un  asterisque. 

Comme  aux  precedentes  sessions  ,  uti  grand  nombre  de  membres  du  Congres  soul 
vcuus  avec  la  mission  d'y  representer  les  societes  sav.iiitos  doul  ils  font  partie  dans 
les  pays  qu'ils  liabitent. 


484  LISTE  DBS  MEMBRES. 

8.  DANVILLE  (  le  vicomte  DE  )  ,  mcmbrc  du  conseit   de   la   Socie'te 
pour  la  conservation  et  la  description  des  monuments  historiques  ,  a 
Caen.  * 

9.  BASCHET  ,  docteur-medecin  a  Blois.  —  Page  i5a,  i65  ,  166. 

10.  BASCHET-PlLLON  ,  proprielaire  a  Blois. 

11.  BAUSSAN,  proprie'taire  a  Cellettes  ,  pres  de  Blois. —  P.  91  ,  i54« 

12.  BEAUCORPS-CREQUY  (ie  corate_DE),au  chateau  de  Saint-Denis, 
pres  de  Blois. 

1 3.  BEAUCORPS  (  le  marquis  DE  ),  au  chateau  de  la  Chesnaje  ,  pres 
de  Blois. 

14.  BEAUCORPS  (  le  comte  Eugene  DE  ),  proprietaire  a  Saint-Denis, 
pres  de  Blois. 

15.  BEAUCORPS  (  le  vicomte  Albert  DE),  proprietaire  a  Saint-Denis, 
pres  de  Blois. 

16.  BEAUSSIER  ,    docleur-medecin  ,    mcmbre   de    la    Societe    des 
Sciences  et  des  Lettres  de  Blois.  --  P.  i5y. 

17.  BECQUET  DEMEGILLE,  representant  la  Societe  centrale  d?Agri- 
culture,  Sciences  ,  Arts  ct  Belles-Lettres  du  departement  du  Nord.  * 

1 8.  BERGEVIN  ,   president   du   tribunal   civil  et  de  la  Societe  des 
Sciences  el  des  Lettres  de    Blois ,   vice-president  de   la   session.   — 
P.  vij ,  xxv j  ,111,  ^55,  263  ,  3o6  ,  3i3 ,  3i6,  3a3 ,  3a4  t  3^5  ,  3a8  , 
33o  ,  33i ,  343  ,  349 ,  35g ,  36o  ,  36i  ,  379  ,  899  ,  409. 

19.  BERTH AULT  ,  procureur  general  pres  laCour  royale  de  Caen.* 
2.0.  BERTHEAU  ,  adjoint  au  maire  de  Biois. 

21.  BERTHEREAU    DE  LA  GIRAUDIERE,   president  de   la  Societe 
royale  d'Agriculture  de  Loir-et-Cher  ,  membre  de  la  Socie'te  des  Scien- 
ces et  des  Leltres  de  Biois  ,  et   de  plusieurs  autres  Societes  savantes  , 
vice-president  de  la  deuxienie  section.  —  P.  vij ,  85  ,  87  ,  99  ,  100  , 
109  ,  365. 

22.  BERTRAND  ,  professeur  de  litte'rature  a  la  Faculte  des  Lettres 
de  Caen  ,  mernhre  dc  la  premiere  session.  * 

23.  BiLLAUl.T  ,  pharmacien  a  Blois. 

24.  BLANCHET  ,    docieur-medecin  ,  botaniste,  a  Menars ,  pres  de 
Blois.  —  P.  aa. 

25.  BLAU  ,  docteur— medeciri  ,  membre  de  la  Societe  des  Sciences  et 
des  Lettres  de  Blois.  —  P.  i5o. 

26.  BODIN  ,  avoue  a  Blois. 

27.  BoESNlER  (  DE  )  ,  ancien  sous  pre'fet  ,  a  Blois. 

28.  BoiLLEAU ,     des     Societes    des   Antiquaires     de   TOuest  et    de 
Noi  mandie  ,  membre  de  la  deuocieme  session. 


LISTE  DES  MEMBRES.  485 

29.  BoiSAUBlN  ,  propric'taire   a  Cellettes  ,  pres  de  Bio  is.  —  P.  124, 
126! 

30.  BoiSROUVRAY  (  DE  )  ,  membre  de  la  Societe  entomologique  de 
France  ,  a  Chartres.  —  P.  18  ,  76 ,  80  ,  82  ,  342. 

31.  BoiSVlLETTE  (DE),  ingenieur,   membre  de  la   Societe  royale 
des  Antiquaires  de  France  ,  a  Chateaudun.  * 

32.  BAUTSY  DE  RECY  ,  membre  des  Societes  academiques  de  Blois 
et  dc  Tours,    secretaire  de  la  cinguieme   section.  — P.  xix  ,  89  ,  g3  , 
a3o  ,  a3i ,  a35  ,  aSy  ,  a^3  ,  a4^  »  a4?  »  ^2"» 

33.  BORGARELLI  D^YsON  (  le  comte ) ,  membre  de  plusieurs  Aca- 
demies et  des  trois  pre'ce'dentes  sessions  du  Congres.^ 

34.  BoTTlN  ,  ancien  secretaire  de  la  Societe  royale  des  Antiquaires 
de  France  ,  a  Paris  ,  membre  de  la  troisieme  session. 

35.  BouCHEREAU  ,  medecin  a  Montricbard. 

36.  BOULNOIS  ( le  baron  DE  )  ,  ingenieur  des  ponts  et  chaussecs  a 
Blois. 

3y.  BOURGOUIN  ,  docteur-medecin  a  Selles-suv-Cber.* 

38.  BouviLLE  (DE),  membre  de  la  Societe  pour  la  conservation  et 

la  description  des  monuments  bistoriques  ,  a  Pitbiviers. 

3o,.  BaETiGNERES  DE  CouRTEiLLES  ( le  vicomtc  ),  membre  du  Con- 

seil  general   d'Indre-et-Loire  ,    au    cbateau    du  Petit-Bois ,   pres  de 

Tours.  —  P.  102  ,  io5  ,  208 ,  a34 ,  256 ,  25y  ,  263  ,  3iy  ,  3a5  ,  33o  , 

333,  336,35o,  353,  406,  420. 

40.  BRIQUET,  de  la  Societe  des  Antiquaires  de  POuest ,  membre  de 
la  deuxieme  session.  —  P.  170  ,  iy3  ,  207,  208. 

41.  BuRAT,  professeur  des  sciences  physiques  et  matbematiques  au 
college  de  Blois. 

42.  BuzONNlERE  (DE),  merobre  de  la  Societe  royale  d'Agriculture, 
Sciences  et  Belles-Lettres  d'Orleans.  —  P.  90 ,  97  ,  99 ,  no  ,  in  , 
124. 

43.  CALONNE  (  le  comte  Adrien  DE)  ,   conservateur  du  domaine  de 
Chambord.  —  P.  128 ,  i33  ,  3i4  ,  332,  334  ,  342. 

44«  CARBONNIERE(  le  vicomteDE),  proprietaire  a  Blois.  —  P.  4ao- 

45.  CARDIN,  membre  de  piusieurs  Academies,  a  Poitiers,  membre 
de  la  deuxieme  session.  —  P.  25o. 

46.  CARTIER  ,  directeur  de  la  Revue  de  la  Numismatique  fran^aise, 
membre  des  Socie'te's  des  Antiquaires  de  France  ,  deNormandie,  etc., 
a  Amboise.  —  P.  179,  181  ,  182,  i85,  186,  ig4  ,  196,  198,  2o5. 

47.  CAUMONT  (  DE  ) ,  correspondant  de  Tlnstitut ,  a  Caen  ,  secre'taire 
general  de  la  Socie'te'  des  Antiquaires  de  la  Normandie  ,   direcleur  de 

•  - 


486  LISTE  DES  MEMBRES. 

1'Association  normande  et  de  la  Societe  pour  la  description  et  la  con- 
servation des  monuments  historiques,  cic.^ondateurdes  Congres  scien- 
tifiques  de  France ,  secretaire  general  de  la  premiere  session,  president 
de  la  deuxieme ,  president  de  la  cinauieme  section  a  la  troisieme  ses- 
sion, president  de  la  quatrieme  section  a  la  pre'sente  session.  — 
P.  xxiij  ,  xxvj  ,  4 ,  5  t  7,19,  22  ,  77,  79 ,  80 ,  87  ,  88 ,  9^  ,  169 , 
170,  23o,  2^2,  876. 

48.  CAUNAN  ( le  baron  DE  )  ,  ancien  prefet ,  au  chateau  de  Caunan  , 
pres  de  Blois. 

4g.  CAUVIN  (  madame  )  ,  naturalistc ,  rnembre  des  trois  sessions 
pre'ce'dentes.  —  P.  2  ,  4  t  6 1  18  ,  22  t  78 ,  83. 

50.  CAUVIN  ,  Jnspecteur  divisionnaire  de  la  Societe'  pour  la  conser- 
vation ct  la  description  des  monuments  hisloriques  ,  au  Mans,  rnem- 
bre des  trois  sessions  pre'ce'dentes.  —  P.  xxij  ,  i  ,  5  ,  72  ,  77  t  82  ,  85  , 
169  ,  187  ,  208. 

5 1.  CELLIEZ  ,  docteur-medecin ,  membre  de  la  Societe  des  Sciences 
ct  des  Lettres  de  Blois.  —  P.  vij ,  i63  ,  i65  ,  166. 

52.  CHABAULT,  direct,  de  PEcole  de  Comm.  de  Marseille. —  P.  338. 

53.  CHARLOT  ,  pharmacien  a  Saint-Aignan  ,  membre  de  plusieurs 
Societes  savantes.  —  P.  8  ,  9  ,  62. 

54.  CHARVOT,  professeur  de  seconde  au  college  de  Blois. 

55.  CHATELAIN  ,  homine  de  lettres  a  Paris  ,  membre  de  plusieurs 
Societes  savantes  nationales  et  etrangeres  ,  secretaire  de  la  cinc/uierne 
section  a  la  deuxieme  session ,  membre  de  la  troisieme  session  ,  vice- 
president  de  la  cinguieme  section  a  la  pre'sente  session.  —  P.  2ai  , 
323  »  3s3. ,  224  »  280  ,  i32  ,  334  i  267  ,  364  »  ^9^' 

56.  CHAUVIN  ,  membre  de  plusieurs  Societes  savantes,  a  Piaieux  , 
pres  de  Mamers. 

57.  CHAUVIN  ,  botanistc  a  Blois.  —  P.  6a. 

58.  CilEVEREAU  ,    secretaire  de  la    Societe'  royale    d'Agriculture  , 
Sciences  et  Belles-Lettres  de  1'Kure  ,  membre  des  deuxieme  et  troi- 
sieme sessions.  —  P.  5  ,  65  ,  81  ,  85. 

09.  CHIMAY  (  le  prince  Joseph  DE  )  ,  chambellan  de  S.  M.  le  roi  des 
Pays-Bas,  fondateur  du  prytanee  de  Mcnars,  pres  de  Blois,  vice- 
president  de  la  deuxieme  section.  —  P.  xxvj .  85  ,  268. 

60.  CLAUZEL  ,  maire  de  la  commune  de  Celleltes  ,  pres  de  Blois. 

6 1.  CLER,  proles,  de  philosopbie  au  college  de  Blois.~P.  25g,  264? 
435. 

62.  CLINCHAMPS  CDE  )  ,  docteur-medecin  a  Blois  ,  p.  i63. 

63.  CoSSETTE  (  DE)  ,  membre  dc  plusieurs  Societes  savanles,  a  Ab- 
beville ,  membre  des  deuxieme  ct  troisieme  sessions.  —  P.  99. 


LISTE  DES  MEMBRES.  487 

64-  COUSSEAU  (Pabbe)  ,  professcur  d'hebreu  au  se'rniiiaire  de 
Poitiers  ,  merabre  de  la  Societe  des  Antiquaircs  dc  1'Oucst ,  et  de  la 
deuxieme  session. 

65.  CoUTEAU  ,  maire  de  la  ville  de  Blois.  —  P.  vij. 

66.  CROIZETTE-DESNOYERS  ,  proprietaire  a  Saint-Secondin  ,   pres 
de  Blois. 

67.  DAIN  ,  avoeat ,  merabre  de  PEcole  Societaire  ,  a  Paris. — P.  a33, 
236,  a38,  239,  2^5,  a54,  a55  ,  262,  325,  33i  ,  344,  346,  359 , 
374,378,  394. 

68.  DANIEL  (  Pabbe  ),  proviseur  du  college  royal  de  Caen  ,  president 
de  la  sixieme  section  a  la  premiere  session.'* 

69.  D  ARID  AN  (  Em.  )  ,  licencie  en  droit,  a  Blois; 

70.  DECAMP  ,  avocat  a  la  Cour  royaie  de  Toulouse.* 

71.  DELAMORANDIERE  (  Jules)  ,  licencie  en  droit ,  a  Blois. 

72.  DELAUNAY,  substitut  du  procureur  du  roi  a  Blois.  —  P.  346. 

73.  DELOGES  ,  membre  de  la  Socitke  des  Sciences  ct  des  Lettres  de 
Gaen.  * 

74.  DERODDE  ,  chef  destitution  a  Esquermes  C  Academ.  de  Douai).* 

75.  DEROUET,  avoue-licencie  a  Blois.  —  P.  3i5,  3^5,  33o,  33g,  34vii 

76.  DESCHAMPS,  juge  de  paix  a  Blois,  membre-administrateur  de 
la  Societe  royaie  d'Agriculture  de  Loir-et-Cher.  —  P.  107. 

77.  DESFRAY,  niemhre  de  TAcademie  royaie  de  Mcdccine  de  Paris 
et  des  Socie'tes  des  Sciences  et  des  Lettres  ct  d'Agriculture  de  Blois. 

78.  DESPARANCHES  ,  membre  de  1'Academie  royaie  de  nM'decinc  dc 
Paris,  a  Blois ,  president  de  la  troisienie  section.  --Pi    i36,    148, 
162,  i63,  i65,  168. 

7g.  DESPORTES  ,   directeur  duprytanee  de  Menars,  pres  de  Bloi-s. 

80.  DESRUISSEAUX  ,  pbarmacien,  membre  des  Societes  des  Sciences- 
et  des  Lettres ,  et  d'Agriculture  de  Blois.  —  P^iO2  ,  127^. 

81.  DEZAIRS  ,  editeur  du  Journal  de  Loir- et -Cher. 

82.  DONLEVY  ,  ancien  inspecteor  de  PAcademie  d'Orleans. 

83.  DOUBLET  DE  BOISTHIBAULT,  avocat  a  Cbartres  ,  membre  de  la 
Societe  royaie  des  Antiquaires  de  France  ,  etc,  —  P.  170  ,  172  ,   190  , 
192  ,  222  ,  23i ,  a34,  240  ,  242  ,   243  ,  244  $  249  ,  a5i  ,  253  ,  257  , 
259 .,  263 ,  264 ,  266  ,  267  ,  271,  3i5  ,  333 ,  337  ,  343 ,  344  ,  345  , 
347,  349,  359  ,  36i ,  364 »  4°o  ,  4o5  ,  408,  4i3  ,  465. 

84.  DRU  ,  mineralogiste  et  agriculteur  a  Parlhenay*  —  P.  8,  88, 102. 

85.  DuCLO  ,  proprietaire  a  Marseille.  —  P.   i5o,    i58,    i59,    374  , 
397  ,  406. 

86.  DUCHAJLLAIS,  antiquaire  a  Beaugency.  —  P.  209  ,219,  220. 


483  LISTE  DES  MEMBRES. 

87.  DuvERGIER  ,  inspecteur  divisionnaire  honoraire  des  ponls  ct 
chaussees  ,  a  Ulojs. 

88.  DuYE  (  DE  LA  )  ,  proprietaire  a  Blois. 

89.  FANEAU  DE  LACOUR  ,  medecin  a  Saint-Aignan.  —  P.  a5G. 

90.  FAUCON-DuQUESNE  ,  profcsscur  de  medccine ,  trc'sorier  de  la 
premiere  session.  * 

91.  FERRAND,  dirccteur  des  contributions  directes  a  Blois. 

92.  FERRON  ,  banquier  a  Blois. 

93.  FiEVET-VANDERLiNDEN ,  recevcur  des  contributions  directes  a 
Saint-Dye  (  Loir— et— Cher  ).  --  P.  72. 

94.  FONTEISELLE    DE    YAUDORE    (  DE  LA  ),     conseiller   a    la  Cour 
royale  de  Poitiers  ,  secre'taire  perpetuel  de  la  Societe  acade'miquc  de  la 
meme  ville  ,  directeur  de  la  Rev_ue   anglo-fran^aise,   etc.,  president 
de  la   (juatrieme    section  a  la  premiere   session ,  secre'taire  general 
de  la  deuxieme  ,  president  de   la  troisieme ,  vice-president  de    la 
(juatrieme  section  a  la  quatrieme.  —  P.  vj  ,  87,  97,  98,  169  ,  176, 
184  t  i85,  186,  188,  197,  204,  ao5  ,  208,  219,  221  ,  23o,25o,35o. 

90.  FOREST   (  le  comte  DE  LA )  ,  pair  de  France  ,   an  chateau  de 
Freschines ,  pres  de  Blois. 

96.  FORGET,  directeur  des  domaincs  a  Blois. 

97.  GAILLARD  (Emm.),  secretaire  perpetuel  de  PAeade'ime  royale 
de  Rouen  ,  vice-president  de  la  troisieme  session  et  de  la  c/uatrieme. 
--  P.  x.\vj ,  3  ,  85  ,  86,  91 ,  94,  95,  98  ,  100 1  102  ,  io5  ,  108,  170, 

171,     I74l      I9O,      J93,     221,     222,   2  29,    23 1,    234  »    2^5  ,     2$'! ,    ifoi 

241  ,  245  ,249,  254  r  2^9,  3i4,  3i5  ,  3a5,  329,  33 1  ,  334,  344  i 
34g,  35o,  36i  ,  376,  4°°- 

98.  GALERON  ,  procureur  du  roi  a  Falaise  ,  membre  de  la  Sociele 
des  Antiquaires  de  Norraandie ,  et  des  trois  precedentes  sessions.  * 

99.  GALLOIS  ,  artiste  a  Tours. 

100.  GAUDEAU,ancien  principal  du  college  de  Blois,  membre  de  la 
Socie'te  des  Sciences  et  des  Lettres  et  bibliothecaire  de  la  meme  villc. 

—  P.  23i. 

101.  GAUDEAU  C  Bernard  ),  professeur  au  colle'ge  de  Romorantm. 

—  P.  379. 

102.  GAUDRON  fils  ,  controleur  des  contributions  directes  a  Blois. 

—  P.  99,  in. 

103.  GAULLIER  ,  juge  au  tribunal  civil  de  Blois. 

jo^.   GENDRON,  docteur-mcdecin  a  Vend6me.  —  P.  62. 

105.  GENDRON  (Ed.)  ,  docteur-medecin  a  Chateaurcgnault. 

1 06.  GlVENCHY   (  Louis  DE)  ,  secretaire  perpetuel  des  Antiquaires 
de  la  Morinie ,  membre  de  la  premiere  session  ,  vice-president  de  la 


LISTE  DES  MEMBRES.  480 

qnatrieme  section  a  la  deuxieme  session,  secretaire  general  de  latroi  • 
sieme.  *  —  P.  vj. 

107.  GODIN  ,  avocal ,  membre  de  la  Societe  des  Sciences  et  des  J.et- 
tres  de  Blois  ,  tre'sorie r  de  la  (jnatrieme  session.  —  P.  xiij  ,  xxij  ,  243. 

108.  GOUBAUD  DELA  BlLENNERlE  ,  president  honoraire  du  tribu- 
nal civil  de  Marennes,  membre  de  la  Societe  royalc  des  Antiquaircs  de 
France  ,  a  Loches. 

log.  GRAEB ,  sous-intendant  militaire  a  Blois. 

no.  GRAND-GAGNAGE,  conseiller  a  la  Cour  superieure  de  Liege. 
-  P.  172. 

in.  GUERIN-D1OGONNIERE,  secretaire  perpi'tuel  de  la  Socie'te  royalc 
d'Agriculture  de  Loir-et-Cher,  a  Blois.  —  P.  vij ,  86  ,  100  ,  101  ,  IOD, 
ii3,  124,  I2&»  4i5. 

112.  HAIME  ,  docteur-rm'decin ,  raerabre  de  la  Societe  medicale  de 
Tours  ,  correspondant  de  ^Academic  royale  de  medecine  ,  secretaire 
de  la  troisieme  section.  — P.  i36,  i38,  i48,  i5i. 

113.  HALBERT-IIOUGET,  directeur  de  Pecole  normale  de  Blois. 

1 1  {.  HAZE  ,  conservateur  des  monuments  historiques  a  Bourgos  , 
membre  de  la  Societe  de  Statistiquc  et  d'Arcbeologie  de  lamemevillc. 
—  P.  170  ,  207. 

11 5.  HEME  (Abel),  juge-suppleant  au  tribunal  civil  de  Blois. 

116.  HERPIN  ,  membre-administrateur  de  la  Societe'  pour  Pindus- 
Irie  nationalc  de  Paris.  ~-  P.  io5  ,  112,016,  412- 

117.  HOLLAND,  docteur-medecin  ,  directeur  de  rinstitution  royale 
et  membre  de  la  Societe  royale  dc  Londres. 

1 18.  HOSTIER  ,  directeur  des  contributions  indirectes  a  Blois. 

119.  HOUZE  ,  profcsseur  au  college  de  Blois.  —  P.  233  ,  244  »  2^o , 
3i4,  363,  364. 

120.  HUNAULT  DE  LA  PELTRIE  ,  docteur-medecin  a  Angers  ,  mem- 
bre de  plusieurs  Societes  savantes  ^  vice-president  des  troisieme  et  si  - 
xieme  sections  a  la  premiere  session  ,  secretaire  de  la  troisieme  section 
a  la  deuxieme  session ,  president  de  la  merne  section  a  la  troisieme 
session.  --  P.  xxvj  ,  3 ,  5  ,  8  ,  17  ,  7  i  ,  77,  82  ,  102  ,  104  ,  107,  i37, 
^44,  148,  i5i,  i52,i53,  i55,  166,  168,266,  336,  378,  397. 

121.  JAHYER  (Felix)  ,  editeur  du  journal  Le  Illaisois. 

122.  JoBAL  (  DE  )  ,  aiicien  magistral ,  membre  de  plusieurs  Societes 
savantes ,  a  Blois. 

123.  JORAND  ,   membre  de  la    Socie'te  royale   des  Antiquaircs   dc 
France  ,    a  Paris  ,  vice-president  de  la  rjuatrierne  section.  --  P.  17/1 

197,  23g,   241  ,  246,  248,   a4y. 


4DO  LISTE  DES  MEMBRES. 

124.  JuLLfEN,  de  Paris,  fondateur   de   la  Revue  encyclopr'diqnc , 
membre  de  plusieurs  Societe's  savantes  nationales  et  etrangeres,  vice- 
president  de  la  premiere  et  de  la  deuxieme  sessions,  president  de  la 
sixierne  section  aux  troisieme  et  qnatrieme  sessions.  --  P.  xxij ,  xxvj  , 
93,  243,  a54,  a65,  33 1  ,333,  338,  363,  396,  399 ,  420. 

125.  KNIGHT  (miss  Anna),  Anglo-Ame'ricaine.  —  P.   4^0. 

126.  LAIR  (P.-A.  ),  eonseiller  de  prefecture  du   Calvados,   secre- 
taire de  la  Societe  royale  d'Agriculture  et  dc  Commerce  de  Caen,  pre- 
sident de  la  deuxieme  section  aux  auatre  sessions.  —  P.  xxij ,  xxvj  , 
85 ,  97  ,  1 06  ,  1 08  ,   114  ,  35 1. 

12-  LANGE,  conservateur  du  Mtise'e  de  Saumur ,  membre  de  la 
deuxieme  session. 

128.  IiATOUCHE    C  Pabbe )  ,   autcur   du   Panorama  des  langucs  ,   a 
Paris.  --  P.  23o  ,   23 1  ,  248  ,  47O» 

1 29.  LAVAU  (  Ch.  DE  ),  ancien  officier  supe'rieur,  a  Toulon. — P.  loj. 

130.  LAURENT   (Alp.),   president   du    tribunal    de   commerce   de 
Blois  ,  secretaire  du  Comite  supe'rieur  d'instruction  publique,  metnl)re 
des  Socie'tes  d'Agriculture,  et  des  Sciences  et  Lettres  ,  etc.  —  P.  vij  , 
xx,  106,254,  262,  268,  269,314,328,  33i,  338,  339,  343,  344,401. 

131.  LECOlNTRE-DuPONT,    Tun  des  fondateurs  de  la    Sociele'  des 
Anliquaires  de  TOucst,  membre  de  la  deuxieme  session.  * 

132.  LEDDET,  juge  au  tribunal  civil  de  Blois. 

133.  LEFEBVRE  ,  homme  de  lettres  a  Boisseau  (  Loir-et-Cber  ). 
i34-   LEFEBVRE  (  Leon)  ,  proprietaire  a  Blois.  -  -  P.   33(j. 

135.  LEFROU  (Pabbe),  bota7iistc  ,  cure  de  Cour-Cbeverny,  pres  de 
Blois  ,  vice-president  de  lapremiere  section.  —  P.  2  ,  22. 

136.  LE  GlAY  (  le  docteur)  ,  arcbiviste  general  du  dopartement  du 
Nord  ,  a  Lille  ,  vice -president  de  la  troisieme  session.  * 

i3y.  LHUJLLTER  DE  HOFF  ,  capitaine  aide- de-camp  du  mare'cbal  de 
camp  commandant,  le  departement  de  Loir-et-Cber.  —  P.  209. 

l38.   LE  NoRMANT-GllANDCOUR  fils  ,  proprietaire  a  Blois. 

i3g.  LEPAGE,  docteur-mi-decin ,  membre  de  la  Societe  medicale 
«TOrlcans.  —  P.  i57,  166,  167  ,  4ai. 

140.  LEROUX  (  Alexis  ),  avoeat,  merrtbre  de  la  Societe  des  Sciences 
et  des  Lettres  de  Blois,   secretaire- adjoint  au  secretaire  general  de  la 
session.  --  P.  xiij  ,  xxij  ,  269. 

141.  LEROYER  DE  LONGHAIRE,  membre  de  la   Socie'te  pbilomatir- 
que  dc  Yerdun.  —  P.  23g  ,  -267. 

1^1.  LE  VER  (le  marquis),  membre  deplusieurs  Acadi'mies,  mem- 
bre des  denxiems  et  troisieme  session* }  au  chateau  de  Roquefort,  pies 
d  Yvctot.  -  -  P.  108. 


LISTE  DES  MEMBRES.  491 

i43.  LEZAY-MARNESIA  (  lc  corate  DE  )  ,  pair  de  France  ,  pi-efet  de 
Loir-et-Cher ,  a  Blols. 

i44-  LEZAY-MARNESIA  (  le  vicomtc  Albert  DE  ) ,  a  Blols. 

i45.  MAGNEVILLE  (  DE  )  ,  fondateur  du  Museum  d'histoire  nalu- 
relle  ,  secretaire  de  ^administration  du  Jardin  des  plantes  de  Caen  , 
metnbre  de  la  premiere  session.  * 

i'46.  MAIGREAU  ,  avocat ,  nicmbre  du  conseil  general  de  Loir-et- 
Cher,  et  de  la  Sociele  des  Sciences  et  des  Lettres  de  Blois.  — P.  284. 

i4y.   MARC  ,  professcur  en  droit  ,  recteur  de  TAcademie  de  Caen.  * 

iij.8.  MARCANDIER  ,  inspecteur  des  contributions  directes  a  Blois. 

i4g.  MARIN-DESBROSSES,  conseiiler  de  prefecture  ,  a  Biois. 

150.  MARIN-DESBROSSES,  doctcur-medecin,  membre  des  Socic'tes 
des  Sciences  et  des  Leltrcs  ,  et  d'Agriculture  de  Blois ,  secretaire  de  la 
troisieme  section.  — P.  vij ,  xvij  ,112,    i36  ,   146,    i5i  ,    i54  ,    i55  , 
164,  166,268,  3i4,332,  34i. 

1 5 1.  MAROLLES  (  le  comte  DE)  ,   membre  du  conseil  gene'ral   de 
Loir-et-Cher,  au  cbaleau  de  Cbissay. 

152.  MARTIN-BRUERE  ,  vice-president  du  Cornice  agricole  de  Ro- 
rnorantin.  —P.  112,  34 1. 

153.  MASSE  ,  architecte  a  Tours  ,  conservatcur  des  monuments  bis- 
toriques  d'Indrc-et-Loire. 

i54«  MAUPAS  (  le  vicomte  DE)  ,  membre  de  la  Socictc  royale  d'A- 
gricuiture  de  Loir-et-Chcr ,  au  chateau  de  la  Gueriniere  ,  pres  de 
Chaleauregnault. 

155.  MAYER,  professeur  de  rhe'torique  au  college  de  Blois. 

156.  MERSON  ,   capitaine   de    cavalerie  ,  a  Blois.  —  P   223,  a33  , 
244,  a46,  363,  4o5,446. 

iSy.  MESTIVIER,  notaircalaChapclle-St.-Martin  ,  pres  de  Blois. 
—  P.  106. 

1 58.  MlNARD  ,  ]uge  destruction  au  tribunal  civil  de  Douai  ,  secre- 
taire de  la  Societe  centrale  d'Agriculture  ,  Sciences  et  Bellcs-Lellres 
du  de'partement  du  Nord,  secretaire  de  la  sixieme  section  a  la  troi- 
sieme session.  * 

i5g.  MOTSITLIVAULT  (  le  comte  DE  ),  vice-president  de  la  Sociele 
academique  de  Tours  ,  vice-president  de  la  premiere  section.  —  P.  2  , 
»7»  76  »  77?  79*  23i  ,  248. 

1 60.  MONTPEZAT  (  le  marquis  DE  )  ,  ancien  colonel  d'c'tat-major 
des  gardes  royales ,  a  Blois.  — P.  108,  397. 

161.  MONTPEZAT  ( le  comte  DE  )  ,  a  Blois. 

162.  MOREAU,  bibliolbc'cairea  Saint cs,  membre  de  la  deuxieme  ses- 
sion, vice-president  de  la  premiere  section  a  la  troisieme  session. — P.  72, 


492  LISTE  DES  MEMBRES. 

163.  MORISSET  (1'abbe)  ,  vicairc.  general  du  diocese  de  Blois. 

164.  MOUSTIER  (  DE)  ,  proprietairc  a  Paris. 

165.  MuNSTER  (  lord  comle  DE  )  ,  pair  d'Angleterre  ,  merabre  de  la 
Socicte  royale  de  Londres  et  dc  Hnslilut  dc  France.  *  —  P.  872. 

1 66.  NAUDIN  ,  juge  de  paix  ,  membre  des  Societe's  des  Sciences   et 
desLettres,  et  d'Agriculture  de  Blois.   —  P.  viij. 

167.  OCHER  DE  BEAUPRE,  marechal  dc  camp  ,  commandant  le  dc- 
partementde  Loir-  ct  Cher. 

168.  PARRAIN,  notaire  a  Blois. 

169.  PEAN  (Alonzo),  horame  dc  lettres  a  St.-  Aignan.— P.  8,  9,  74  ,  80. 

170.  PEAK  C  Rodolphe),  manufacturer  a  Blois. 

171.  PERRIGNY  (le  comte  DE)  ,  membre  de  la  Socicte  royale  d'A- 
griculture  de  Blois,  au  chateau  de  Savonniere.  — P.  1 1 1  ,  112  ,  27  i. 

172.  PETIGNY  (  DE  ) ,  ancien  eleve  de  1'ecole  des  Chartcs  ,  membre 
de  la  Socicte  des  Sciences  et  des  Lettres  de  Blois  ,  au  chateau  de  C,e- 
nord  ,  pres  de  Blois.  — P.  125,  192,408,412. 

173.  PETIT-PARREAU,  baiiquiera  Blois. 

1 7  {.  PHILLEM  AIN  C  DE  )  ,  proprietaire  a  Vendomc. 

175.  PlNAULT,  architecte  de  la  ville  de  Blois  ,  membre  de  la  Societe 
pour  la  description  et  la  conservation   des  monuments  historiques   de 
France.  —  P.  85. 

176.  PlTON-DESPRES  (  I'abbe),  archiviste  du  diocese  de  Coutanccs.* 

177.  PLACE  DE  MONTEVRAY  (  DE  LA  )  ,   ancien  premier  president  a 
la  Cour  royale  d  Orleans  ,  president  de   la  Societe  academique  de  la 
memo  ville  ,  etc.,  president  de  la  session.  --  P.  xxvj  ,  282,  4»6« 

178.  PLESSIS  CDU)  ,  membre  de  la  Societe  des  Sciences  et  des  Let- 
tres de  Blois  ,  secretaire  de  la  (juatrieme  section.  — P.  vij ,  xviij  ,  170, 
206  ,  4^o. 

179.  PORCHER  (Felix),    conseiller   a    la  Cour  royale  d'Orlc'ans. 
—  P.  263,  3-4,  33o,  33i  ,  412. 

1 80.  PORTE  (DE  LA),    membre  de  la  Societe  des  Bibliophiles  de 
France  et  de  plusieurs  autres  Socie'te's  savantes  ,    a  Vcnd6me  ,   vice- 
president  de  la  cinguieme  section.  —  P.  222  ,   a3o  ,  247  ,  2$2  ,  254- 

181.  PRATT,  mombre  dela  Societegeologique  de  Londres.— P.  8,  17. 

182.  PRESTRE  (LE),    docteur-medecin  a  Caen,   membre  de   plu- 
sieurs Academies  et  de  la  premiere  session.* 

183.  QuENSON  ,  conseiller  a  la  Cour  royale  de  Douai  ,  vice  presi- 
dent de  la  qnatricme  section  a  la  troisieme  session.  * 

184.  RANCOGNE  (  Charles  DE  ),  proprietaire  au  chateau  d^Herbault, 
pres  de  Blois. 


LISTE  DES  MEMBRES.  493 

1 85.  RENNEVILLE  ( le  comic  DE),  mcmbre  de  plusiours  Academies, 
a  Amiens  ,  et  de  la  troisieme  session  du  Congres.  * 

186.  RENOU  ,  membre  des  Socicte's  des  Sciences  et  des  Lettres ,  et 
d'A-griculture  de  Blois,  secretaire  dela premiere  section  —  P.  viij,  xv,  2. 

187.  RlFFAULT-BLAU,  juge  au  tribunal  civil  de  Blois. 

188.  RlFFAULT  C  Eugene),  adjoint  au  maire  de  la  ville   de  Blois  , 
membre -adrainislrateur  de  la  Soeiete'  royale  d1  Agriculture  de  Loir-et- 
Cher  ,  secretaire  de  la  deuxieme  section.  —  P.  viij  ,  xvj  ,  85  ,  97,  1 24. 

189.  RlVAUD,  proprietaire  a  S.-Juiien-cn-Champagne,  pres  le  IVJans. 

190.  RoBERTON  ,  docteur-raedeciii  ,  naturaliste  ,  membre  de  plu- 
feieurs  Societes  savantes  nalionales  et  etrangercs  ,  a  Edimbourg  ,  inem- 
dre  de  la  premiere  session,  president  de  la  premiere  section  a  lapre- 
sunte  session.  —  P.  i  ,  8  ,  71  ,  a3t  ,  34». 

191.  ROUSSEAU  (  Tabbe)  ,  antiqu.-iireaBeaugency  * 

192.  ROUSSEAU,  employe  a  Tbotel  des  Monaaiesde  Paris. — P.  189, 

'97- 

1 98.  ROUSSEAU,  homme  de  lettres  a-St.-Georges  (  Maine-st  -Loire  ). 
194.  ROUSSELEN  ,  premier  president  de  la  Gour  royale  de  Caen.  * 
ig5.  SAINT-GERMAIN  (DE),  directeur  du  Conservatoire  de  musi- 

qut  du  Calvados.  * 

196.  SAINT-MARTIAL  (  ie  cornle  DE  )  ,  proprietaire  a  Blois. 

197.  SAiNT-PiERRE  CDE),   juge  au  tribunal  civil  de   Blois ,  vice- 
president  de  la  Societe  royaie  d'Agricuiture  de  Loir-et-Cher. 

198.  SAiNT-ViNCENT  (DE),  ancien  magislrat,  avocat  a  Blois. — 
P.  1 55,   23a. 

199.  SAULCY  (  DE  )  ,  numismatiste  ,  membre  de  TAcadeinie  royale 
de  Metz  el  de  piusieurs  autres  Societes  savantes  franchises  et  etrangeres. 
--  P.  170  ,  i-5,  177,  181 ,  182,  i83 ,  i85  ,  186 ,  ig3,  ig5,  2o5,  206. 

200.  SAUMERY  (  le  comte  DE  )  ,  membre  de  piusieurs  Societes  sa- 
vnntes  ,  au  chateau  de  Saumery,  pres  de  Blois. 

201.  SAUSsAYE  (  DE  LA),  secre'tairc  de  la   Societe  des   Sciences  et 
des  Lettres  de  Biois  ,  directeur-gerant  de  la   Revue  de   la   Numisma- 
tunie  franyaise  ,  secretaire  de  la  quatrierne  section    aux  premiere  el 
deuxieme  sessions  ,  membre  de  la  troisieme ,  et  secretaire  general  de 
la   quatrieme ,   etc.,   etc.   — P.  v,  xxij  ,  180,   181  ,   182,    184,   191  i 
192  ,   ig4,  197  ,  206  ,   208  ,  2,10  ,  220,  221. 

202.  SlMON  (Leon  ),  de  Blois,  docteur-me'decin  a  Paris.  —  P.  i4^, 
i45,   i48,  149,   i5a,  i5g,  160,   162,  254,  261  ,  260,   266,  269, 
271  ,  3t4,  324,  3^6,  329,  33i,  34i  ,  3J2,  344  .  345  »  358«  359' 
3-a,3;3,  378,  392,  406,  412. 


494  LISTE  DES  MEMBRES. 

2O°>.   SOUVIGNY  (  DE  ),  inspectcur  des  caux  cl  forets  a  Biois. —  P.  88, 
<j'i    <){,  ()5  ,  96  ,  100  ,  in,  1 15,  125  ,  126. 

204.  SPENCER-SlYTlTH  (  John  )  ,    ancien  ambassadcur  d'AngletcrVe  , 
docteur  en  droit  a  rUniversite' d'Oxford ,  membre  de  la  Societe  royale 
dc  Londrrs  ,  etc..  etc.,  membre  de  la  premiere  session,  president  da 
cinqiiieme  section  a  la  presente  session.  —  P.  168,  221 ,  222  ,  2$2,  3^a. 

205.  SuPPLlGEAU,  banquicr,  jugcau  tribunal  dc  commerce,  a  Blois. 

206.  TAILLIARD,  conseillcr  a  la  Cour  royalc  de  Douai ,  correspon- 
dant  du  ministere  de  ['instruction  publique,  secretaire  de  laquatrieme 
section  a  la  troisierne  session.  * 

207.  T ALBERT  Ills,  licericie  en  droit,  &   Blois. 

208.  TAUPIER  ,   membre  de  la  Societe   des  Methodes  d'enseignc- 
ment  ,  a  Paris.  --  P.  240. 

209.  THEVARD  ,  notaire  a  Blois. 

210.  TOUCHIMBERT  ( le  C(;mie  DE),  proprie'taire  a  Blois, 

211.  ToUNESAC  (Tabbc),   inspeclcur  dcs  monuments  historiqtios 
du  dVpartement  de  la  Sartbe ,  au  Mans. 

212.  TllAMBLAlS  C  DE  LA  ),  conseiller  de  prefecture  el  membre  de 
la  Spciele  dV\giiculture  du  d('parte«icnt  de  Tlndie,  secretaire  de  la 
deuxieme  section,  —  P.  65  ,  85  ,  86  ,  102  ,  1 13  ,  127. 

213.  TllOTJESSART  ,  geometre  en  cbefdu  departement  dc  Loir-et-- 
Qier  ,  a  Blois. 

214.  TURPIN,  membre  <le  la  Socictc'  des  Sciences  et  des  Lettres  de 
Blois,  au  chateau  de  \illetard,  prcs  de  Blois.  —  P.  4^o. 

215.  VALLIERE  (  O.  DE  LA  )  ,  membre  de  la  Societe  royale  d'Agri- 
culture  de  Loir-et-Cher ,  a  Blois. 

216.  VALLON  ,  avocat,  membre  de  la  Societe  des  Sciences  et  des 
Lctlres  dc  Biois.  —  P.  90  ,  96  ,  99  ,  106  ,   108  ,  288  ,  3g8. 

217.  YlBRAYE  C  le  comte  DE  )  ,  mernbre  de  la  Societe'  ge'ologiquc  dc 
France  ,  iiispecteur  dc  la  Societe'  pour  la  conservation  et  la   descrip- 
tion des  monuments  historiques ,  etc. ,  etc. ,  inenibre  de  la  deuxieme 
session ,   secretaire  de  la  preniiere  section  a  la  presente  session  ,  an 
chateau  de  Chcvcrny,  pres  de  Biois.  —  P.   xxij  ,  2 ,  8 ,   22 ,   65  ,  7  4  i 
7«,  82,  8G,  88  ,  y3,  io5. 

218.  VILLENEUVE  C  le  vicomle  DE^  ,  au  chateau  de  Chenonccaux  , 
prcs  d'Amboisc. 

219.  YlLLlERS  (  DE  )  ,  dirccleur  du  Musee  ,   a  Chartres  ,  secretaire 
df  la  premiere  section.  --  P.  2  ,  17,  18 ,  76 ,  78  ,  79 ,  81. 


OUTRAGES  OFFERTS  A  LA  4.r  SESSION.  495 


LISTE 
DES  OUVRAGES 

OFFERTS 

A  LA  QUATRIEME  SESSION  DU  CONGRES. 


1.°  Mcmoires  de  la  Socicte  royale  des  Sciences,  de  V Agriculture  et  des 
Arts  de  Lille.  —  Annee  1834- 

2.  Memoires  de  1'Academie  des  Sciences  et  des  Lettrcs  de  Caen. — An- 
nee 1886. 

3.  Un  volume  de  la  Bibliotheque  anglo-francaise ,   1836,  offert   par 
M.  D.-O.  Sullivan ,  directeur. 

4  De  1'Education  des  femmes,  par  M.  Creur  de  Saint-^tienne ,  t827  , 
offert  au  nom  de  1'autcur  par  M.  Jullien  de  Paris. 

5.  Histoire  des  Maladies  observees  a  la  grande  armee  francaise.  — 
Garapagnes  de  1812,  1813  ,  par  le  chevalier  Kerckhove,  1831. 

6.  Notices  et  observations  a  1'occasion  de  quelques  femmes  de  la  so- 
ciete  du  19.e  siecle.  (  Paris,  1835.)  Par  M.  de  la  Porte. 

7.  Traite  elementaire  du  jeu  de  Whist,  par  J.  Spencer-Smith.  —  An- 
nee 1819. 

8.  Catalogue  des  especes  et  varietes  de  mollusques  terrestres  et  flu- 
viaiiles  de  PAuvergne,  par  J.  B.  Bouillet.  —  1836. 

9.  Revue  anglo-francaise,  publiee  a  Poitiers  sous  la  direction  de  M.  de 
la  Fontenelle  de  Vaudore. 

10.  Recherches  sur  les  elablissements  de  charite  et  d'instruclion  pu- 
blique  du  diocese  du  Mans,  par  Thomas  Cauvin.  —  1835. 

11.  Extrait  des  registres  de  l'hotel-de-ville  du  Mans,  par  le  memo. 
—  1835. 

12.  Essai  sur  la  Statistique  de  rarrondissement  de  Saint-Calais,  par 
le  meme,  —  1827. 


49G  OUTRAGES   OFFERTS 

13.  Essai  sur  la  Statistique  de  rarrondissemcnt  do  Mamcrs,  par  le 
meme. — 1829. 

14.  Essai  sur  la  Statistique  de  1'arrondissement  de  La  Fleche,  par  le 
meme.  — 1831. 

15.  Essai  sur  la  Statistique  de  Parrondissernent  du  Mans,  par  le  meme. 
—  1833. 

16.  Essai  sur  la  Statistique  du  departement  de  la  Sarthe,  par  le  meme. 

-  1834. 

17.  Coup-d'oeil  sur  PAngleterre,  depuis  1484  jusqu'en  1509,  discours 
lu  a  1'Academie  de  Caen,  par  Jean  Spencer-Smith. — 1831. 

18.  Chrestomalhie ,  ou  Recueil  de  Morceaux  choisis  de  la  Bible,  avec 
des  notes  grammaticales  et  etymologiques,  par  M.  1'abbe  Aug.  Latouche. 

19.  Etudes  hebraiques.  —  Grammaire.  —  Par  le  meme.  —  1836. 

20.  Panorama  des  langues.  —  Cle  de  I'etymologie. —  Par  le  meme. — 
1836. 

21.  Etudes    hebraiques.  —  Dictionnaire   ideo-etymologique  hebreu,  et 
Dictionnaire  grec-hebreu. — Par  le  meme.  — 1836. 

22.  Phrases  latines  extraites  des  meilleurs  auteurs  classiques,  et  tra- 
duites  en  francais  ,  pour  servir  de  supplement  aux  exemples  des  regies  de 
la  syntaxe  latine  de  Lhomond.  —  1386. 

23.  Mithriaca,  ou  les  Mithriaques,  Memoire  academique  sur  le  culle 
solaire  de  Mithra ,  par  Joseph  de  Hammer  ;  public  par  J.  Spencer-Smilh. 

-  1833. 

24.  Resume  en  vers  de  la  geographic  de  France,  par  A.-D.-L.-D. 

25.  Grammaire  allemande,  par  M.  1'abbe  Auguste  Latouche  et  M.  C. 
Finck.— 1836. 

26.  Description    des  jardins   de   Courset.    (Extrait   d'un   Voyage    en 
France.)  — Par  P.  A.  Lair. —  1836. 

27.  Vocabulaire  etymologique,  pour   servir  a  I'etude  simultanee  des 
langues.  —  1830. 

28.  Methode  rationnelle  pour  apprendrc  la  langue  latine.  —  183G. 

29.  Gymnase  normal  militaire  ct  civil;  continuation  de  1'histoire  de  cot 
etablissemenf ,  depuis  la  publication  des  dernicrs  memoires  jusqu'au  mois 
d'avril  1828.  —  1828. 

30.  Seance  d'ouverttire  du  Gymnase  civil  et  orthopedique,  situe  rue 
Jean  Goujon. 

31.  L'elcve  du  gymnase  Amoros,  par  mademoiselle  Eugenie  Foa. 

32.  Gymnase  civil  et  orthopedique,  t'onde  par  M.  le  colonel  Amoros. 
—  Rapport  sur  eel  etablisscmcnt,  fait  a  la  Societe  des  sciences  physiques, 


A  LA  4.e  SESSION.  497 

rhimiques  el  arls  agricoles  et  industriels  de  France.  —  Par   M.  Julia  de 
Fontenelle. 

33.  Academie  de  {'Industrie  agricole,  mnnufacturiere  et  oommcrciale, 
par  M.  Ic  doctenr  F.  Antomarchi.  —  1834. 

34.  Opinion    sur   la    Gymnaslique    amorosicnnc ,  par    M.nie    Louise 
Dauriat. 

35.  Poesie  di  Ceeilia  de  Luna  Folliero. — 1831. 

3C.  Saggio  filosofico  sopra  un  mezzo  di  migliorare  i  Giovani,  di  Cecilia 
de  Luna  Folliero.  -—  1 83  r>. 

37.  Gymnase  normal  mflitaire  et  civil.  —  Idee  et  etat  de  cette  institu- 
tion au  commencement  de  1'annee  1821.  —  Par  M.  Amoros. —  1821. 

38.  Notice  sur  la  Methode  d'ensctgnement  de  M.  Jacotot,  par  Victor 
Derode.  —  Br.  in- 8. 

39.  Theorie  analytique  de  la  machine  pneumatique,  par  M.  Th.  Bar- 
rois. — Br.  in-8. 

40.  Annuaire  de  I'arrondissement  de  Falaise,  par  1' Association  pour 
le  progres  de  1'iustruction. — Br.  in-12. 

41.  Caliigraphie  analytique  de  M.  Taupier. 

42.  Essai  sur  la  distribution  geographique  des  roches  dans  le  departe  • 
ment  de  la  Manche.  —  Br.  in-4. 

43.  Le  Panorama  dc  Londres,  public  sous  la  direction  de  M.  Chatelnin. 
-— Br.  in-8. 

44.  Revue  de  Toulouse.  —  Br.  in- 8. 

45.  Sur  I'Etablissement    romain   de   Jorl,  par    Frederic   Galeron. — 
Br.  in-8. 

46.  Bulletin  de  1' Association    pour  le  progres   de    1'agriculture  dans 
1'arrondissement  de  Falaise.  —  Br.  in-8, 

47.  Note  sur  des  Lcttres  d'indulgence  du  pape  Jules  II.  —  Br.  in-5. 

48.  Disconrs  sur  Mare-Aureie,  par  John  Spencer-Smith.  —  Br.  in-8. 

49.  Notice   sur  quelques  coquillages  fossiles,  par  Victor  Derode. — 
Br.  in-8. 

50.  Considerations  sur  la  resurrection   des  provinces.  (Extrait  dc  la 
Revue  de  Lorraine.) —  Br.  in-8. 

51.  Des  Causes  de  la  diminution  du  commerce  des  chcvaux  en  Nor- 
mandie,  par  M.  Cailiieux.  —  Br.  in-8. 

52.  Eloge  de  Bochart,  par  Edward  Herbert-Smith.  —  Br.  in-8. 

53.  Description  et  usage  du  Simagraphe  de  M.  Hyppolite  Bunel. — 
Br.  in-8. 


498  OUTRAGES  OFFfcRTS 

54.  A  porous  geologiques  et  paleontologiques ,  par  M.  H.  Bund.  —  Br. 
iu-8. 

55.  Dos  moyens  de  propager  le  gout  de  la   musique  en  France,  par 
M.  J.-F.  Porte. — Br.  in-8. 

50.  Souvenirs  de  1'assemblee  generate  tenue  par  la  Societe  Linneenne 
de  Normandie,  offert  par  M.  Smith.  —  Br.  in-8. 

57.  Examen  critique  du  projet  de  loi  sur  rinstruction  secondaire,  par 
Case. —  Br.  in-8. 

58.  La  Foi  consideree    comme  le  f on  dement  de  toutes  nos  connais- 
sanoes ,  par  Victor  Derode.  —  Br.  in-8. 

59.  Description  d'une  statue  fruste  en  bronze,  trouvee  a  Lillebonne, 
par  M.  Rever.  —  Br.  in-8. 

GO.  The  voyager,  an  ethnographic  sketch  ,  translated  from  the  french 
by -Edward  Herbert-Smith.  —  Br.  in-8. 

61.  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Francois  Doublet, 
par  -Doublet  de  Boisthibault. — Br.  in-8. 

62.  Memoire  sur  la  culture  de  la  musique  dans  la  ville  de  Caen,  par 
Spencer-Smith.  —  Br.  in-8. 

63.  Du  sort  de  la  peesie,  par  Bauny  de  Rccy. —  Br.  in-8. 

6'i.  De  la  necessite  d'une  reforme  electorate  en  France,  par  Goubeau 
de  la  Bilennerie.  — Br.  in-8. 

65.  L'Autorite  consideree  comme  principe  de  la  certitude,  par  Victor 
Derode.  —  Br.  in-8. 

66.  Le  Feslin  d'Alexandre,  par  Spencer-Smith  — Br.  in-8. 

67.  Notice  gcologique  sur  le  dopartement  de  1'Eure,  par  M.  Passy. — 
Br.  in-8. 

68.  L'Instituteur  progressif ,  par  MM.  Leyat  et  Girard. — Br.  in-8. 

69.  Notice   necrologiqtie  sur  M.me    Constance    Spencer-Smith. —  Br. 
in  8. 

70.  Discoursrprononce  par  le  docteur  Le  Glay  a  Plnstitution  des  sourds- 
muets  de  Lille.  —  Br.  in  8. 

7  «.  Eloge  de  Bourbon-Coude,  due  d'Enghien ,  par  Victor  Derode.  — 
Br.  in  8. 

72.  Memoire  sur  la  c-ulture  du  Nopal  el  rEducation  de   laxcochenilk, 
par  Fallot  de  Broignard.  —  Br.  in  8. 

73.  Unextrait  de  la  France  litteraire,  par  M.  Spencer  Smith. — Br.  in-8. 

74.  (Vmq  muneros  de  la  Revue  de  la  Nuniisinatique  fran^aise,  publiee 
par  MM.  Cartier  et  de  la  Saussaye.  —  In-8. —  1836. 


A  LA  4.e  SESSION.  409 

75.  Origmes  de  la  ville  de  Blois,  par  L.  de  La  Saussaye. —  Iit»8. — 
1834. 

76.  Notice  sur  le  chateau  de  Chambord ,  par  le  meme.  —  In-8.  —  1 835. 

77.  Sur  1'Enseignement  mutuel  des  ecoles  primaires,  par  M.  Herpiu. 

—  In- 12.  —  1835. 

78.  Recherches  economiques  sur  le  sou  ou  1'ecorce  du  froment,  par 
le  meme.  — In-12. — 1833.. 

76.  Precis  des  discussions  relatives  au  port  de  Caen,  qui  out  eu  lieu 
en  seance  de  la  Societe  d'agricullure  du  Calvados ,  par  M.  Lange.  — 
Caen,  1836. 

80.  Memoire  a  la  chambre  des  deputes  sur  le  defriehement  de  terres 
communales,  par  M.  Amiot  (de  la  Cote-d'Or). — In-4. — 1836. 

81.  De  la  nature  de  la  richesse,  par  Walras, —  In-8.  — 1831. 

82.  Tableau  de  toutes  les  foires.de  France,  par  Bottin.  —  In-8. — 
1S35. 

83.  Chroniqne  de  Chastelain  et  Molinet,  publiee  par  M.  le  baron  de 
Reiffenberg.  — In-8. — 1836. 

84.  Tableau  politique  et  statistique  des  deux  Canadas,  par  M.  Isidore 
Lebrun.  —  In-8. — 1835. 

85.  Compte-Rendu  des  seances  du  Congres  historique  tenu  a  1'Hotel- 
de-Ville  en  1835.  — in- 8. 

86.  Cours  de  medecine  homoeopathique ,  par  le  docteur  Leon  Simon. 

—  1  vol.  in-8. —  1836.. 

87.  Bibliotheque  de  droit  et  de  jurisprudence,  par  M.  Decamp,  avocat 
a  la  cour  royale  de  Toulouse.  —  1  vol.  in-8. 

88.  Manuel  du  proprietaire  riverain,  par  le  meme. —  I  vol.  in- 12. 

89.  Lettre  en  reponse  a  1'ecrit  de  M.  le  docteur  Le  Sauvage,  par  F. 
LePrestre,  docteur  en  medecine  de  la  Faculte  de  Paris.  Br.  in-8. — 1836. 

90.  Essai  sur  la  percussion  mediate  abdominale ,  par  Ed.  de  Clinchamps, 
docteur  en  medecine.  Br.  in  4.  —  1835. 


600  TAJ'.LE 

O  »'•<*<•'•«»  •*••••••«•••••••••  »«««Q  «««••««•»««•  s«««  «««•••«•« 


TABLE  RAISONNEE 

DES  MATIERES. 


Dispositions  pre'paratoires  pour  la  quatrieme  session  du  Congr'es. 

Arrete  pris  &  Douai  pour  la  tenuc  de  la  quatrieme  session  ,  v.  — 
Commission  preparaloire  ,  vij. —  Circulaire  du  secretaire  general,  ix. 
Programme  de  la  quatrieme  session  ,  xiij.  —  Questions  proposees.,  xv. 

OUVERTTJRE  DE  LA  QUATRiEME  SESSION  ,  XXlj. 

Formation  du  bureau  provisoire  ,xxij.  —  Allocution  du  sectetairc 
general,  xxij. --Formation  du  bureau  defmitif  ,  xxvj. -- Modification 
iipportee  au  reglement ,  xxvij.  —  Division  en  sections  ,  xxvij. —  Ordre 
du  jour  des  travaux ,  xxvij. 


TRAVAUX  DES  SECTIONS. 

PREMIERE  SECTION1. 
SCIENCES    PHYSIQUES    ET    NATURELLES. 

«  Seance  du  i  a  septernbre*  Organisation  du  bureau ,  a.  — •  Commu- 
nications diverscs  ,  2. 

Seance  du  i3  septembre»  Discussion  sur  Texistcnce  en  France  de 
materiaux  propres  a  former  une  statistique  complete  des  productions 
naturelles  ,  3.  —  Communication  de  M.  Hunault  sur  un  mineral  de 
formation  recentc ,  6. —  Communication  de  madame  Cauvin  sur  la 
geographic  des  planles,  6. — Commission  pour  examiner  des  echan- 
tillons  rnincralogiqucs  prcscnles  par  M.  Helie  Dru ,  8. 


DES  MATIERES.  501 

Seance  du  i  {  septernbre.  Notice  sur  le  canton  de  Salnt-Aignan  ,  -t). 

—  Communication  do  M.  de  Monllivault  sur  la  cosmologle  ,   17.  —  Id. 
tie  M.  Pratt  sur  la  constitution  geognostiquc  des  cotes  de  la  Mancbe  , 
17.  —  Proposition   sur  la  formation    d'une  Flore  franchise  complete  , 
18. 

Seance  du  i5  septembre.  Communication  de  M.  de  Caumont  sur  Ja 
grologie  du  de'partcmetit  de  1'Orne  ,  19.  —  Catalogue  des  plantes  qui 
eroissent  spontane'mcnt  dans  fe  di'partement  dc  Loir—  et-Chcr,  a3.  -- 
Communication  de  M.  dc  la  Tramblais  sur  unc  mine  de  plomb  ,  65. 
~-fd.  de  M.  Chevercau  sur  la  geologic  du  do'partoment  de  TEure,  63.  — 
///.  de  M.  Roberton  sur  deux  dents  fossiles  ,  7-1.  —  Adoption  d'une 
-proposition  sur  Tetablissement  dVcoles  d'horticulture  ,  72. 

Seance  du  \  8  septernbre.  —  Cemmunication  surune-excursl-on  scien- 
iifique  a  Orchai&e  ,  ^3  a  7  5.  --  Id.  sur  rintermiltence  des  sources  ,  76. 

—  Pluie  de  crapauds  ,  78.  —  Exanlhe-mes  des  vege'taux,  79. 

Seance  du  19  septembre.  —  Communications  sur  des  puits  arti'siens  , 


DEUXIEME  SECTION 

AGRICULTURE  ,    INDUSTRIE    ET    COMMERCE. 

Seance  du  ia  septernbre.  Formation  du  bureau,  85.  —  Commission 
pour  Texamen  d'un  precede  pour  la  conservation  des  grains,  85.-- 
Commission  pour  Texamen  d'un  proce'de  pour  Tamendement  des 
terres  ,  86.  —  Discussion  sur  la  question  des  terrains  communaux  , 
86. 

Seance  du  i3  septembre.  Appareil  pour  lavinlfication  ,  88.  —  Rap- 
port sur  Tamendement  des  terres  ,  88.  —  Continuation  de  la  discus- 
sion sur  les  terrains  communaux,  89.  •  —  Adoption  d'une  proposition 
sur  ce  sujet  ,  g3. 

Seance  du  i\  septembre.  Communication  sur  les  ameliorations  de 
la  Solognc  ,  et  commissions  ,  94.  —  Commission  pour  la  question  des 
vices  redbibitoires  ,  94.  —  Reprise  dc  la  discussion  sur  les  biens  com 
munaux  ,  g4«  —  Adoption  d'une  proposition  sur  ce  sujet,  98. 

Seance  du  i5  septembre.  —  Rapport  sur  un  moyen  dc  conserver 
les  grains,  98.  —  Nouveau  commissaire  pour  la  question  des  vices 
redbibitoires  ,  99.  —  Discussion  sur  la  question  des  changement* 


502  TABLE 

opere's  dans  la  Sologne ,  99. —  Rapport   sur  un  memoire  ayanl  pour 
sujet   les  ameliorations  dc  la  Sologne  ,  100. 

Seance  du  16  septembre.  Rapport  et  discussion  sur  un  proce'de  pour 
la  vinification  ,  101.  —  Discussion  sur  la  question  des  vers  a  soie  ,  io3. 
•  —  Proposition  sur  cc  sujet,  io5. 

Premiere  seance  du  ij  septembre.  Commission  pour  1'examen  (Tun 
memoire  sur  la  carie  des  bles,  106.  —  Rapport  et  discussion  sur  les 
vices  redhibitoires,  106.  —  Proposition  sur  ce  sujet ,  109. 

Deuxieme  seance  du  1 7  septembre.  Discussion  sur  Tinfluence  de 
la  culture  de  la  vigne  sur  ies  moeurs  ,  109  —  Proposition  sur  ce  su- 
jet, 112. 

Premiere  seance  du  18  septembre.  Invitation  au  concours  de  cliar- 
rues  ,  n3.  —  Discussion  sur  le  defrichement  des  forets  ,  ii<i« — Dis- 
cours  de  M.  de  Souvigny  sur  ce  sujet,  u4«  —  Proposition  sur  ce 
sujet ,  125. 

Deuxieme  seance  du  18  septembre.  Instrument  pour  la  confection 
des  routes,  126.  —  Discussion  sur  la  greffe  de  la  vigrie  ,  126.  --  Pro- 
position sur  ce  sujet ,  127.  -—Id.  pour  obliger  a  Temploi  des  mcsures 
mctriques  ,  128.  —  Discussion  sur  la  diminution  de  Pimportance  in- 
dustrielle  du  bassin  de  la  Loire  ,  ia8.  —  Discours  de  M.  de  Calonne 
sur  la  canalisation  de  la  Loire,  128.  —  Opinion  de  la  section,  i3a. 
— Lecture  d'un  me'moirc  de  M.  de  Calonne  ,  i32.—  Note  sur  la  ques- 
tion relative  aux  etablissements  industriels  ,  1^4.  —  Renvoi  a  la  pro- 
chainc  session  ,  i35. 

TROISIEME  SECTION. 

MEDECINE. 

Seance  du  ia  septembre.  Formation  du  bureau,  i36.  — Experien- 
ces sur  le  cow-pox,  i3y. 

Seance  du  i3  septembre.  Questions  sur  les  vices  redhibitoires,  i3y. 
—  Re'vision  des  questions  adresse'es  a  la  section  ,  iSy.  —  Examen  de 
la  question  relative  aux  constitutions  atmosphe'riques,  i38.  —  Me- 
moire de  M.  Haimc  sur  cc  sujet  ,  i38. 

Seance  dui^seplembre.  Discussion  sur  la  reorganisation  mcdi- 
cale,  1^5. 


DES  MAT1ERES.  503 

Seance  du  i5  septernbre.  Resolution  relative  a  la  reorganisation 
medicate  ,  iffi. —  Discussion  sur  unc  proposiiion  tendanl  a  ce  qu  on 
expt'riracnte  la  medecine  homoeopathique-y  i^ty 

Premiere  seance  du  16  septembre.  Communication  de  M.  Hunault 
sur  deux  instruments  qu'il  a  modifies,  i53.  —-Discussion  sur  les  irri- 
gations, i53. — Resolution  a  ce  sujet ,  i55.  —  Question  des  etablisse- 
ments  insalubres ,  i55. —  Renvoi  de  cette  question  au  prochain 
Congi*es  ,  i56. 

Deuxieme  seance  du  16  septembre,  Des  inhumations  precipitecs  , 
i5y.  —  Voeu  emis  a  ce  sujet,  i58. — VCEU  emis  sur  les  maisons 
d'alie'nes  ,  i58. 

Seance  du  17  septembre.  Proposition  sur  des  experiences  medicales, 
i5g.  —  Discussion  sur  la  phrenologie  ,  160.--  Renvoi  dc  la  question 
au  prochain  Congres,  162. 

Seance  du  18  septembre.  Question  relative  a  la  vaccine,  162.  — 
Proposition  adoptee  a  ce  sujet,  166.  —  Rt'sultat  des  experiences  sur 
le  cow  pox,  166. 

Seance  du  19  septembre.  Proposition  sur  Porganisation  des  hopi- 
taux,  167. — Voeu  emis  a  ce  sujet,  168.  —  Renvoi  a  la  prochaine  ses- 
sion d'une  proposition  relative  au  traitement  des  maladies  syphiliti- 
ques,  ainsi  que  des  neuvieme  ct  dixieme  questions  du  programme,  168. 

9UATRIEME  SECTION. 

HISTOIRE    ET    ARCHEOLOGIE, 

Seance  du  12  septembre.  Formation  du  bureau  ,  169-  —  Proposi- 
tion relative  a  une  statistiquc  general'1:  du  moyen  age,  170.  —  Popula- 
tion de  la  Gaule  avant  la  conquete  des  Remains,  170. 

Seance  du  i3  septembre.  Nomination  d'un  second  vice-president, 
172.  —  Memoire  de  M.  de  Boisthibault  sur  les  Ic'proseries  du  pays 
Chartrain,  172.  —  Reprise  de  la  discussion  sur  la  population  de  la 
Gaule,  173. 

Seance  du  i4  septembre.  Remplacernent  d'un  vice-president,  177. 
—  -  Rapport  d'unc  commission  sur  la  proposition  d  une  stalistique  du 
moyen  age  ,  177.  —  Examen  de  la  proposition  relative  au  classement 
des  monnaics  gauloises,  179.  —  Renvoi  dc  cetle  proposition  a  la  pro- 


504  TA-BI.E 

chaine  session  ,  i83.  — •  Discussion  <le  la  question  relative  anx  monnaios 
des  rois  de  la  prem.  race,  i83.  —  Opinion  de  la  seclion  &  ce  sujel,  186. 

Seance  du  ID  septetnbre.  Rcnvoi  par  la  sixi6mc  section  d^une  ques- 
tion sur  I'influcnce  du  christianisme  pour  1'abolition  de  Pesclavage, 
187.  —  Me'rnoire  de  IVl.  Cauvin  sur  la  geographic  du  diocese  du  Mans, 
187.  —  Communication  de  M.  de  la  Fonleneile  sur  un  acte  de  i^oi 
du  bailli  de  Touraine  ,  188.  —  De  Taulhcnticite!  de  inronnaics  nor— 
mantles  trouvees  re'cernment  en  grand  nombre,  190. 

Seance  du  16  septembre.  Examen  des  questions  suivantes  :  «  Les 
licux  ou  Pon  trouvc  ie  plus  dc  monuments  druidiques  ne  soiit— ils  pas 
aussi  ceux  ou  la  religion  chre'tienne  a  eu  ses  premiers  etablissements  ?  », 
icjo.  —  «  Determiner  la  situation  du  lieu  designe'  par  Ce'sar  comme 
eUinl  le  siege  de  la  grande  asscrnblee  annuellc  des  Druides  »  ,  192.  — 
«  Pourquoi  trouvc-t-on  si  pen  de  monnaies  d'argent  de  la  premiere 
race  ,  ct  de  monnaies  d'or  dc  la  seconde  ?  »,  io,?». — «.  Rechercher  la 
signification  du  type  particulicr  aux  monnaies  baronales  du  pays 
•-chartraiu  »  t»;g5. 

Seance  du  ij  septembre.  Rapport  sur  ('authenticate  -des  monnaies 
normaiidcs  ,  igH.  —  Communication  de  M.  de  la  Fontenelle  sur  une 
cliarle  de  Charroux,  en  Poitou  ,  20^-  —  Signification,  origine  et  va-- 
lour  du  besant,  -^o5.  --  R envoi  a  la  prochaine  session  d'une  question 
sur  les  lombeaux  franks,  -.107. 

Seance  du  18  septembre.  Communication  de  M.  Haze  sur  les  anti- 
quites  monumcnlales  du  df'partemeiit  du  Cher,  207.  —  Communica- 
tion de  M.  Briquet  sur  les  archives  municipales  dc  T^iort ,  208.-- 
Bibliographies  locales,  histoires  locales  de  1  impriineric,  208.  --Renvoi 
a  la  prochaine  session  de  la  question  relative  a  la  fe'odalitc  ,  aoy.  — 
Statuette  trouvec  a  Beau^ency,  2-09. 

Seance  ffu  19  septembre.  Rapport  de  TVI.  Andre  sur  les  monuments 
observes  a  Blois  dans  la  promenade  arclu:ologique  de  la  section,  210, 
Communication  de  M.  de  Courteilles  sur  diffe'rmts  sceaux ,  218.  — 
Divers  modes  d'irihiimation ,  en  France  ,  depuis  les  Gaulois  jusqu"a  la 
fin  du  moyen  age  ,219.  Kenvoi  a  la  prochaine  session  de  la  Question 
relativearinfluence  dc  la  chute  de  Constantinople  sur  la  litterature,  220. 

CINQUIEME  SECTION. 

LITTERATURE,   BEAUX-ARTS,  PHILOLOGIE. 

Seance  du  12  septembre.  FWmal'on  du  bureau  ,  221. 


DES  MATIERES.  ftO.'i 

Seance  du  i3  septembre.  Discussion  sur  lo  style,  ogival  el  le  style  de 
la  renaissance  ,  224.  —  Memoire  dc  M.  Joseph  Bard  ,  224.  —  Com- 
munication de  M.  Pabbe  Latonche  sur  son  systemc  de  linguistique,  a3o 

—  Salle  de  depot  des  ouvrages  offcrls  au  Congrcs,  282. 

Seance  du  iv£  septembre*  Memoire  dc  M.  Pavie  sur  la  question 
d'architecture  ,  233  —  Memoire  de  M.  Merson  sur  la  ve'nalite  de  la 
prcsse,  233. 

Seance  du  «5  septembre.  Lettre  de  M.  Daly  sur  rarchitectonogra- 
phie  de  la  cathedrale  de  Cfoartres  ,  a3^.  --  Voeu  exprimc  a  eel  egard 
par  la  section,  234.  —  Question  sur  Tart  et  le  genie,  a35.  —  Opinion 
de  la  section,  23g. 

Seance  du  16  septembre.  Methode  de  M.  Tatipier  pour  apprendre 
a  ecnre,  2(0.  —  Marche  des  arts  en  France,  Vfo.  —  Discussion  sur 
I'e'tat  de  Pinstrumentation  au  moyen  age,  2^1.  —  Renvoi  a  la  qua- 
iriemc  section  de  la  question  relative  a  Pinfluence  dc  la  chute  de 
Constantinople  sur  la  iitteralure,  243. 

Seance  du  17  septembre.  Memoire  de  M.  de  Roisthibault  sur  IVtat 
actucl  de  la  presse  en  France,  244*  —  Discussion  a  I'occasion  des  me- 
moircs  de  M.  Merson  et  de  M.  de  Boisthibault,  245. 

Seance  du  i8  septembre.  Lecture  d'une  piece  de  vers  par  M.  Mer- 
son, 246.  —  Reprise  de  la  discussion  sur  la  question  du  style  ogival 
et  du  style  de  la  renaissance,  246-  —  Opinion  de  la  section,  240*. 

Seance  du  \  y  septembre.  Rapport  sur  la  me'thode  de  M.  Tabbe  Latou- 
chc,  24$.  —  Reprise  de  la  discussion  sur  le  style  ogival  et  celui  de  la 
renaissance ,  24^.  —  Discussion  sur  les  limites  de  la  langue-d'Oil 
et  de  la  langue—d'Oc,  2$o.  — Discours  de  c!6turc  de  M.  Sruiih,  25s. 

—  Discours  de  cloture  de  M.  de  la  Porte,  a52. 

SIXIEME  SECTION. 

SCIENCES    MORALES ,    ECONOMIQUES    ET    LEGISLATIVES. 

Seance  du  12  septembre.  Formation  du  bureau,  204.  —  Influence 
du  christianisme  sur  Tabolition  de  1'esclavagu,  u55. 

Seance  du  i3  septembre.  Question  relative  a  1'inlroduction  en 
France  du  systeme  penitenliaire,  s56.  --  Resolution,  258. 


606  TABLE 

Premiere  seance  du  i/t  septembre.  Question  relative  a  la  liberte 
de  1'enscignement,  aSg.  —  Question  relative  a  la  consideration  du 
corps  tmiversitaire,  a5g.  —  Resolution  de  la  section  sur  la  premiere 
question,  a63. 

Deuxieme  seance  du  i^  septembre.  Suite  de  la  discussion  sur  la 
question  relative  a  la  consideration  du  corps  universitaire,  263.  — 
Voeu  de  la  section,  264. 

Premiere  seance  du  i5  septembre.  Question  relative  aux  enfants 
trouves,  a65. 

Deuxieme  seance  da  i5  septembre.  Question  relative  a  la  traitc  des 
noirs  ,  260,.  —  Vosu  de  la  section  ,  260,.  —  Continuation  de  la  discus- 
sion relative  aux  enfants  trouve's ,  269.  —  Memoire  de  M.  Desbrosses 
sur  ce  sujet,  272.  » 

Premiere  seance  du  16  septembre.  Continuation  de  la  discussion 
sur  les  enfants  trouves,  3i^.  —  Proposition  adoptee  par  la  section, 
3i6. —  Article  additionnel  propose,  3'iy. 

Deuxieme  seance  du  16  septembre.  Question  relative  a  la  peine  de 
niort,  3iy.  — Discows  de  M.  dcCourteilles  sur  ce  sujet,  3i^.  —  Opi- 
nion de  la  section,  332. 

Premiere  seance  du  ij  septemhre.  Rapport  sur  un  memoire  de 
M.  de  Calonne ,  332.  —  Question  relative  a  1  influence  des  voles  de 
communication  sur  la  civilisation,  333.  —  Opinion,  de  la  section,  338. 

Deuxieme  seance  du  17  septembre.  Demande  d'une  loi  sur  leslivres 
de  commerce ,,  338.  —  Discussion  sur  les  resultats  du  morcellement 
de  la  propriete,  33g.  —  Reponse  de  la  section,  33g.  —  Discussion 
relative  a  i'extinction  de  la  mtndicite,  33g. 

Seance  du  18  septembre,  Des  logements  militaires ,  342.  —  Voeu 
(ixprime  par  la  section,  344- 

Seance  du  19  septembre.  Rapport  sur  uri  ouvrage  de  M.  Gaillard , 
344-  — idem  sur  un  ouvrage  de  M.  Roberton,  344-  —  Question 
relative  a  la  fixation  dc  rinlerct  de  Targenb,  3^5.  —  Renvoi  a  la  pro- 
chaine  session,  J  j(>. 

ASSEMBLEES  GEZffEILALES. 

Seance  du  12  septembre.  Discussion  sur  les  terrains  comuiunaux  , 
3  9.  —  Renvoi  de  la  question  Ji  la  section,  -55i. 


DBS  MATlfcRES.  507 

Seance  du  i3  septembre.  Adoption  de  deux  propositions  relatives  : 
i.o  a  u«e  statistique  agricolc  de  la  France  ;  2.°  a  la  formation,  a  JSlois, 
d-unmusee  d?histoirc  naturellc,  35a.  --  Discussion  sur  Ic  regime  peni- 
teritiaire,  352.  —  Discours  de  M.  de  Courteilles  sur  ce  sujet ,  353.  — 
Adoption  dc  la  resolution  de  la  section,  36o. 

Seance  du  i£  septembre.  Adoptions  de  diffcrentcs  propositions 
relatives  :  i.°  aux  terrains  coinmunaux  ;  2.°  a  la  raonnaie  des  rois  dr. 
la  premiere  race  ;  3.o  a  la  liberte  d'enseignement,  36a.  —  Discussion 
relative  au  discours  sur  la  venalite  de  la  presse,  364- 

Seance  du  i5  septembre.  Discours  de  M.  de  la  Giraudiere  sur  IPS 
changcments  opcres  en  Sologne,  365.  —  Adoption  d'une  proposition 
sur  la  reorganisation  medicale  ,  3yo.  —  Dessin  dc  la  cathedrale  de 
Qiartres  par  M.  Daly,  3yi.  —  Dcmande  de  la  suppression  du  droit 
«unirersitaire,  3^i.  —  Discussion  sur  la  medecine  homoeapathique,  3j2. 
--  Adoption  d'une  proposition  a  ce  sujet,  3^4' 

Seance  du  16  septembre.  Adoption  de  differentes  propositions  rela- 
tives :  i.oa  la  formation  d'ocolcs  d  horticulture  ;  2.03  la  plantation 
<les  muriers ;  3.°  a  la  nomination  des  medecins  d'hopitaux ;  4-°  a 
-1'irrigatiou  des  prairies;  5.°  aux  e'tabiissemenls  insalubTes  ;  6.°  a  la 
marche  des  arts  en  France  ;  7.°  a  Tetat  de  Pinslrumentation  au  moyeri 
age  ,  3y5.  —  Discussion  sur  Part  et  le  genie,  Syo.  Discussion  sur  les 
enfants  trouves,  3yg. 

Se'unce  du  i-  septembre.  Rapport  sur  Texcursion  scicntifiquc  faite 
^i  Orchaisc,  3()5.  --  Resolution  pour  la  teriue  de  la  cinquieme  session, 
3g5.  — -  Opinion  Ju  Gorigres  sur  rintltience  des  voics  de  communica- 
tion, 3q6.  —  Reprise  de  la  discussion  sur  les  eitfants  trouves,  3o,y.  — 
Renvoi  a  la  section,  4oo. 

Seance  du  18  septembre.  Adoption  de  la  proposition  sur  les  enfants 
trouves,  4°i-  —  Adoption  d^autres  propositions  relatives  :  i.°  a  rin-- 
fluence  de  la  culture  dc  la  vigne  sur  les  mo?urs  ;  2."  au  de'frichcment 
tlrs  bois  ;  3.o  a  la  degeneration  de  la  vaccine  ;  ^.°  aux  inhumations  ;  -- 
5.°  aux  rt-sultats  du  morcellemcet  de  la  proprie'te  ;  6.°  aux  lf)gements 
militaires  ;  ;.°  a  la  confection  de  bibliographies  locales  ,  402.  —  Ren- 
^voi  de  la  question  sur  la  feodaiite  a  la  prochaine  session,  4"5.  --  Ordre 
du  jour  sur  une  proposition  relative  a  I'cxercice  de  la  medecine,  4o6. 

Seance  du  19  septembre.  Adoption  de  differenfes  propositions  rc- 
Jalives  :  i.°  a  la  grctfe  dc  la  vigne  ;  2.0  au  systcrne  mt'lrique  ;  3.°  a 


508  TABLE  DES  MATIERES. 

1'cxtinction  dc  la  racndiclte  ,  407.  —  Discussion  sur  la  poinc  dc  mort , 
407.  —  Proposition  adoptee  a  ce  sujet,  4 12.  —  Rapport  sur  le  prytan<;e 
de  Menars,  4 '3.  Rapport  sur  le  concours  de  charrues,  ^i5.  --  Discours 
de  c!6lure  de  M.  de  la  Place,  $ib. 

SEANCE  LITTERAIRE  ,  4^0. 

MEMOIRES,  DlSCOURS  ctPlECES  DETACHERS,  4^1.--  Memoire  de  1V1. 
Lepage  sur  les  inhumations  pi-ecipite'es ,  4^1.  --  Discours  de  M.  Cler 
sur  la  liberte  d'eriseignement,  4'25-  —  Discours  de  M.  Merson  sur  la 
vt'nalite  de  la  prcsse  ,  44^-  —  Discours  de  M.  de  Boislliibault  en  r«>- 
ponse  au  precedent,  4^5. 

PROPOSITIONS  ADOPTEES  PAS  LE  CONGRES,  4?^- 
PROPOSITIONS  RENVOYEES  A  LA  CINQUIEME  SESSION,  480. 
LlSTE  ALPHABETIQUE  DES  MEM15RES  DU  CoNGRES  ,  483. 

LlSTE  DES  OUVRAGES  OFFEU.TS  A   LA  QUATRIEME  SESSION,  ty$. 

TABLE  RAISONNEE  DES  MATIERES,  ooo. 


ERRATA. 


fage  05  ,  ligne  17,  Gorncilles,  liscz  Cormeilles. 
fage  81  ,  ligne  18  ,  1,500 ,  lisez  15,000. 
Page  86 ,  ligne  25,  cenx ,  lisez  cclles. 

Idem,    ligne  24  ,  lones,  lisez  lonecs. 
rage  90,  Hgnc  7,  patures ,  liscz  patuvages. 
Page  iOO,  ligne  is,  section  ,  liscz  commission,; 
Page  106,  ligne  9,  nsite,  lisez  usitee. 
Page  120,  ligne  26,  par  ce  qni  est  produit  pour  1'iiulustric,  liscz  ponv 

ce  qni  est  produit  par  rindnslrie. 
Page  155,  ligne  3,  (  di3  Blois),  liscz  avocat  a  Blois. 
Page  161,  ligne  3,  phsvchologie  ,  liscz  psychologic. 
Page  256  ,  ligne  l.re  ,  2.e  question,  lisez  8.« 
page  354,  ligne  19,  ses  verdicts  ,  liscz  les  verdicts, 
page  359,  ligne  13,  enssent,  lisez  aient. 
Page  365,  ligne  19,  pur  on  melange  ,  Uses  pure  on  melangee. 
page  566,  ligne  penullicme  ,  billons  ,  lisez  sillons.