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Full text of "Considérations sur les corps organisés, ou l'on traite de leur origine, de leur development, de leur réproduction, &c. & ou l'on a rassemble en abrégé tout ce que l'histoire naturelle offre de plus certain & de plus intéressant sur ce sujet"

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DUKE 

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Duke  University  Libraries 


http://www.archive.org/details/considrationssur02bonn 


CONSIDERATIONS 

SUR    LES 

CORPS  ORGANISES- 

Tome    Second. 


CONSIDERATIONS 

V    I 

s  U  R    L  E  s 

CORPS  ORGANISÉS p 

Où  l'on  traite  de  leur  Origine,  de  leur  Développement, 
de  leur  Réproduction  ,  &c.  &  où  l'on  a  raflemblé  en 
abré^gé  tout  ce  que.  l'Hiftoire  Naturelle  offre  de  pluç 
certain  &  de  plus  intérefîant  fur  ce  lujet. 

Par        C.        bonnet, 

des  Académies   d^J»gleUrrc  ,  de  Suède  ,  de  Vlaftitut 
"  de  Bologne^  Correfpondant  de  VAcad.  Royale 

NC  des  Sciences ,  ^V. 


TOME,  SECOND. 


/!  J\.^r   J./.tTJl. 


À     AMSTERDAM, 

Chez    MARC -MICHEL    REY^ 

MDCCLXIl, 


TABLE 

^leiogy  Ubraiy 

CHAPITRES    ET  ARTICLES 

CONTENUS     DANS     CE 
Second    Tome. 

CHAPITRE        I. 

Rxpofîùon  abrégée  de  divers  Faits  concer- 
nants les  Boutures  &f  les  Greffes  anp 
maies. 

Ohfervations  fur  la  RéproduBion  des  Vers 
de  terre ,  fur  celle  des  Fers  d^eau  dou- 
ce ,  &  fur  la  Régénération  des  Pattes 
de  PEcreviffe, 
Effai  d'explication  de  ces  Faits, 

Pag.  I 

242.  Introduction, 

Î43.  Invitation  à  faire  de  nouvelles  Expé- 
riences fur  les  Vers  de  terre ,  pour  perfec-' 
tioner  la  Théorie  des  Reproductions  anima- 
les &  celle  de  la  Génération, 

*3 


VI  Table   des   Chapitres 

244.  Expériences  de  l'Auteur  fur  la  RéprO' 
duction  des  Vers  de  terre. 

245.  Conféquences  de  ces  Expériences.  Pa* 
rallèle  des  Réproducîions  des  Vers  de  terre 
avec  celles  des  Végétaux,  Conformités  des 
unes  &  des  autres. 

246.  Expériences  de  f  Auteur  fur  la  Répro- 
ducHon  d'ime  efpece  de  Vers  d'eau  douce. 

247.  Manière  dont  fe  fait  la  Réproduction. 
Cir confiances  qui  la  précèdent  &  qui  la  fui- 
vent, 

248.  Tubercules  que  pouffent  les  Portions  de 
cette  Efpece  de  Vers,  Conjectures  fur  leur 
nature. 

249.  Continuation  du  même  fujet.  Fer  à 
deux  Têtes  &  à  deux  volontés. 

250.  Très -petits  Vers  fortis  de  r intérieur  de 
quelques  Portions  du  grand  Ver. 

251.  Expériences  de  ï" Auteur  fur  une  autre 
Efpece  de  Ver  d'eau  douce.  Combien  cet- 
te Efpece  efi  remarquable  par  la  fin^ularitê 
defes  Réproductions ,  &  en  quoi  confifle  cet' 
te  fingularité.  QjPelle  poujje  aujfi  des  Tu- 
hercules. 

252.  Phénomènes  de- la  Reproduction  des  Pat' 
tes  de  /'Ecrevifle. 

253.  Efai  d'explication  des  Faits  expnfés  dans 
ce  Chapitre,  Principes  importuns  tirés  des 
Eéprodu&ions  végétales.    ^ApUcation  de  ces 


ET  DES  Articles^  v« 

Principes  aux  Reproductions  atiîmaïss  dont 
il  eft  ici  quefîion, 
254,.  Conféquence. 

255.  Examen  de  la  queflion  ^  fi  les  mêmes 
Germes  fervent  ^  à  la  multiplication  na- 
turelle de  VEfpèce  &  à  la  Réproduélion 
des  parties  coupées  ?  Comparai/on  tirée  de 
la  différence  ejfentielle  qui  eft  entre  la  Plan- 
tule  logée  dans  la  Graine  ,  ^  celle  qui  eft 
logée  dans  le  Bouton  à  Bois. 

256.  Indifférence  de  la  que ft ion  au  but  de  V  Au- 
teur,   Raifons  de  la  laiffor  indécife, 

257.  Réftexions  fur  la  préexiftence  des  Par- 
ties ou  des  Touts  qui  paroijjcnt  réproduits 
ou  engendrés. 

258.  De  r union  de  la  Partie  réproduite  avec 
le  Tronçon  :  comment  elle  s'opère, 

259.  Régularité  parfaite  des  Réproductions 
'    dans  les  Vers  d'eau  douce  de  là  V^,  Ef- 

pèce. 

260.  Recherches  fur  les  caufes  qui  déterminent 
ici  le  développement  d'un  Germe  préféra- 
hlement  à  celui  d'un  autre  dans  un  lieu 
donné, 

261.  Conje&ures  fur  cette  Efpèce  de  Fers  d*eau 
douce  ^  qui  ,  dans  de  certaines  cir confian- 
ces ,  poujfent  une  Qtieuë  au  lieu  d'une  Tête. 

262.  Tentatives  pour  expliquer  la  Réproduc- 
tion des  Pattes  de  l'Ecreviffe-, 

*4 


▼ur  Table'des  Chapitres 

CHAPITREII. 

Contmuaùon  de  VHtfto'ire  des  Boutures 
&f  des  Greffes  animales. 

Ejpii  d* explication  des  Polypes.  Pag.  45 

263.  hîrodu&kn  à  la  Théorie  des  RéproduC' 
lions  du  Tolype.  Vues  de  V.iateur, 

264.  Comment  s'opère' la  Réprodu&ion  du  Po- 
lype paita^é  tranfverfalemenî.     Energie  de 

'     la  Force  reproductrice. 
^6^,  Comment  on  peut  concevoir  que  s^opere 

la  Reproduction  du  Polype  partagé  par  le 

milieu  fuivant  fa  longueur, 
266.  Explication  des  Hydres  &'  de  la  manière 

dont  fe  forme  un  nouvel  Ejîomach  dans  de 

très  '  petits  fragmens  du  Polype, 

2.6j,  Grande  fmgularïté  qu'ojfrent  les  frag- 
mens  du  Polype  devenus  eux  -  mêmes  de  vé- 
ritables Polypes,  Conféquence  relative  à  la 
ftru&ure  de  rinfedte  éf  à  fon  retourne- 
ment. 

268.  Comment  des  Portions  du  Polype  par^ 
viennent  à  fe  greffer  les  unes  aux  autres, 

2^9.  Comment  on  peut  concevoir  que  s'' opère 
TUmon  nu  la  Gre,fe  de  deux  Polypes  mis 
Pun  dans  t autre. 

270.  Jpréciation  des  merveilles  du  Polype, 


ET  DES  Article  s.  ix 

Que  la  Régénération  des  playes  des  grands 
Animaux  nous  offre  des  Faits  aujji  merveil- 
leux. Belle  expérience  de  Mr,  Duhamel 
fitr  ce  fujet. 
z'pi.  Explication  de  la  Greffe  de  l* Ergot  du 
Coq  fur  fa  Crête. 

272.  Tentatives  pour  rendre  raifn  des  divers 
phénomènes  que  pré  [entent  les  Polypes  dé- 
retOLirnés  en  partie. 

273.  Explication  du  Polype  coupé ^  retourné^ 
recoupé ,  ^c.  Réflexions  fur  nos  Idées  d'A- 
nimalité. 

274.  Explication  de  la  multiplication  du  Po- 
lype par  Rejetcons.  Argument  en  faveur 
de  rÈmboitemenc. 

275.  Comment  de  fîmples  Portions  du  Polype 
font  par  eUes-:nêm':s  de  nouvelles  productions. 
Effets  des  dérivations. 

276.  Nouvelles  conRdérations  fur  la  queflion^ 
fi  la  multiplication  naturelle  par  Rejettons , 
(S?  celle  de  Bouture ,  s'opèrent  par  des  Ger- 
mes identiques. 

277.  Monftruofirés.  Qjielle  Idée  on  peut  fe 
faire  de  la  muUiplicaiion  naturelle  de  Bou- 
ture. 

378.  Conclusion.  Rai  fin  de  la  grande  févon* 
■dite  du  Polype. 

279.  Comment  on  peut  rendre  raifon  de  la 

*5 


X  Table  des  Chapitres 

multiplication  naturelle  pat'  Bouture  d'une 
Efpèce  de  Mille -pié. 

280.  Analogie  entre  la  multiplication  du  Po- 
lype en  Entonnoir  cf  celte  du  Mille  -pié  à 
Dard. 

281.  Difficultés  d'expliquer  la  midtiplication 
par  divifon  naturelle  du  Polype  à  Bulbe. 
Motif  du  fiknce  que  r Auteur  s'impofe  à 
cet  égard, 

2  8'2.  Pourquoi  les  InfeBes  qui  fuhijfient  des  trans- 
formations ,  ne  paroifjent  pas  propres  à  être 
multipliés  de  Bouture,   FJfiexion  fur  cefu- 
jet. 

CHAPITRE     III. 

Idées  fur  le  métaphyfique  des  InfeSles 
qui  peuvent  être  multipliés  de  Coutu- 
re ^  ^c,  Pag.  76 

283.  Q^ue  le  Polype  n'eft  pas  plus  favorable 
au  Maîérialifte  quau  Cartéfien,  Faufjh 
idées  quon  s'eft  faites  fur  ce  pujet  pour  ne 
V  avoir  pas  af[ez  médité.  Bih  de  r  Au- 
teur, 

284.  Siège  de  l'Ame.  Senfations.  Moi  du 
Polype. 

285.  Où  refîde  le  Moi  dans  V  Infecte  quon  vient 
de  partager  en  deux  tranfverfalement  V  Des 
mouvemens  qui  paroiffent  fpontanés  ^  qui 


ET  DE  s   Articles.  xi 

fie  font  que  machinaux.  Principes  propres  à 
les  expliquer  tirés  de  la  Dothine  de  l'Irri- 
tabilité. 

286.  Nouveau  Moi  qui  eft  produit  &  corn- 
ment, 

287.  Que  les  Hydres /o/;/  des  Terfonnes  com- 
pofées.  Explication  du  Ver  à  deux  Tètes 
S  à  deux  Volontés,  Remarque  fur  le  phè* 
mmene  métaph^pque  que  préfentent  les  Hy- 
dres. 

288.  Du  Moi  d^ns  les  Polypes  greffes. 

*2,'^<^,  Du  Moi  dm^is  les  Rejettons, 

î2yo.  Du  Moi  dans  les  Infect  es  qui  fe  meta- 
morpbofent, 

CHAPITRE     IV. 

De  la  Fécondation  &  de  la  Génération 

des  Ammaux, 

I 

Variétés  qu^on  y  ohferve.  Ohfervathns  fur 
quelques  endroits  de  l'iniïoitQ  Naturelle 
de  Mr,  DE  BuFFON.  Pag.  88. 

s^gi.  De  (fin  de  ce  Chapitre, 

292.  Bornes  étroites  de  nos  conjjoi/fances  fur 
le  Syjîème  général,  Conféquence  pratique. 

293.  Manière  dont  s'opère  la  Fécondation  dans 
la  plupart  des  Animaux, 


»ii  Table    des    Chapitres 

294.  Manière  fmgulihre  dont  s^ opère  la  Fécon- 
dation dans  l&s  Poijfons  à  Ecailles. 

595.  Exception  remarquable  à  la  règle  de  Vin- 
tromiffim.  Mouche  des  apartetnens, 

*ig6.  Autre  exception  remarquable  dans  la  fï' 
tuation  des  Organes  de  la  Génération,  A- 
inonrs  des  Demoifelles  ^  ceux  des  Araig- 
nées. 

297.  Fécondation  &  Ponte  de  la  Reine -A- 
beille. 

298.  Continuation  du  même  fujet.  Individus 
privés  de  Sexe.  Principe  de  la  Police  des  A- 
beilles.  Idées  fur  leur  Jnftin&,  Obfervations 
fur  le  fentiment  de  Mr.  de  Buffon  tou* 
chant  la  conflrudtion  des  Alvéoles. 

299 .  Différences  frappantes  entre  le  Mâle  &'  la 
Femelle  dam  quelques  efpèces.  Les  Papillons 
dépourvus  ^' Ailes.  Le  Ver-luifant.  Autre 
Scarabé  fînguUer.  Les  GaU'Infecles. 

300.  Amours  du  Crapaud  <SP  Fonte  de  la  Fe- 
melle. Fécondation  &  Ponte  des  Grenouil- 
les.   Découvertes  de  Swammekdam  âP  de 

M.  M.  DeMOURS  (S?  ROESEL. 

301.  Les  Animaux  Hermaphrodite j.  Le  Ver 
de  terre.  La  Limace.  Qiielques  efpèces 
^^Coquillages.  Découvertes  de  Mr.  Ad  an- 

SON. 

302.  Q^f^s  les  Hermaphrodites  qui  ne  peuvent 
fe  fuffire  à  eux-mêmes  ^rendoient  Vexiflence 
des  vrais  AnûïogYnQs  plus  douteufe  encore. 


ET  DES  Articles.  xiii 

Nouvelle  raifon  d'en  douter,  Frohléme  phy^ 
fique, 

303.  Découvertes  de  F  Auteur  fur  les  Pucerons^ 
Solution  du  Frohléme  pbyfique.  Suite  ds 
Générations  élevées  en  folitude  ^  leur  ré- 

fuit  aï  s. 

304.  Diftin&ion  réelle  de  Sexe  chez  les  Puce^ 
rons  &  leurs  accouplemens,  Obfcrvaîionfur 
un  pajfage  de  Mr,  de  Buffon  relatif  a  cô 
fujet. 

305.  Différences  remarquables  entre  les  In- 
dividus de  la  même  efpèce  chez  les  PuGC" 
rons, 

305.  Que  les  Pucerons  font  vivipares  dans  la 

belle  faifon ,  &  ovipares  fur  la  fin  de  Vau* 

tomne, 
Conje&ures  fur  Vufage  de  leurs  accouplemens. 

Expérience  à  tenter  pour  vérifier  cette  con' 

jecture, 

307.  Que  les  Folypes  n'ofrent  point  de  dif 
tinction  de  Sexes ,  &  qu'ils  font  de  vrais  An- 
drogynes. 

308.  Infectes  privés  de  Sexe  pendant  une  gran* 
de  partie  de  leur  vie, 

309.  Réfutation  du  feiiù^ncnt  de  il/r.nE  Buf- 
fon y?/-;-  les  MéiaiEorphofes  des  Infectes, 

310.  Péfutation  de  V opinion  du  même  Auteur 
fur  la  G é\é ration  des  Vers  da/:s  les  En^ 
f^nSy  ^  fur  les  Générations  équivoques. 


XI7  Ta  BLE     DES     CHAPITRES 

CHAPITRE      Vo 

Snhe  des  Variétés  qu^on  ohferve  dans  la 
Fécondation  6f^(r?;/5  /^Génération  des 
Animaux^  Pag.  147 

311.  Introduction, 

312.  Variétés  dans  les  temps  de  la  CoPula* 
tiorj, 

313.  Variétés  dans  les  effets  que  la  Copulation 
produit  fur  les  Individus  générateurs, 

314.  Variétés  dans  les  temps  de  r Accouche- 
ment &  de  l'Incubation. 

315.  Efpècesw\v\\)^\'e^.  Efpêces  ovipares,  Ef- 
pèces  gui  femblent  être  également  vivipm^es 
âf  ovipares,  Efpêces  vivipares  &  Efpèces 
ovipoi^es  dans  la  même  cla\fe  S  dans  le  mê- 
me  gen^e. 

Matrice  fmgullère  d'une  Mouche  vivipare, 

2,16.  Efpèces  vivipares  ^  ovipares  à  la  fois» 
Les  Pucerons  é'  les  Polypes  à  Pennache. 

3 1 7.  Nouvelle  ohfervation  de  Mr,  Trembley 
fur  une  efpèce  de  Polype  à  Pennache,  dont 

les  Oeufs  peuvent  être  confervés  au  v^zpen* 
dant  plufteurs  mois, 

318.  Raifons  qui  indiquent  qi^e  les  Polypes  \ 
^ï'di^font  vivipares  éf  ovipares. 


etdesArticles,  XV 

Pourquoi  certaines  ef[èces  font  à  la  fols  vivi» 
pares  &  ovipares, 

Commefiî  les  Oeufs  des  Poijfons  peuvent  repeii* 
pler  des  étangs  dejféchés.  Expérience  à  ten- 
ter fur  cefujet, 

319.  Efpèces  qui  ne  font  proprement  ni  vi" 
vipares  ni  ovipares.  Les  Polypes  qui  muU 
îiplient  par  divifions  ^  fubdivifwns  natu- 
relles. 

Manière  dont  on  peut  concevoir  la  Qéfiéra- 
tion  des  Polypes  ^  Bulbes. 

Réflexion  fur  la  flru&ure  des  Polypes  &  fur 
l'Animalité. 

320.  Mouvemens  remarquables  que  fe  don- 
nent la  Tige  S  les  Branches  des  Polypes  à 
Bouquet. 

Principe  de  ces  mouvemens ,  â?  ce  que  font  les 
Branches. 

321.  Nouvelle  découverte  de  Mr.  Trembley 
fur  les  Polypes  en  Nafle. 

Corps  oviformes  auocquels  ilsdoivefit  leur  ori- 
gine. 

Singularité  de  leur  manière  de  naître.  Re- 
marques /ii^r  cefujet. 

322.  Efpèce  dont  les  Petits  naijfent  au jfi  grands 
que  leur  Mère.  Zt-?  Mouche-Araignée.  Prin- 
cipes fur  les  Métamorphofes  des  Inpe&es  en 
général.  De  la  Métamorphofe  en  boule  -  al- 
longée en  particulier.    Nouvelle  preuve  de 


XVI  Table    des    Chapitres 

la  faujjetê  de  l'Epigénèfe. 

323.  Explication   de   la  Mouche  -  Araignée, 
Nouvel  argument  en  faveur  ^^l'Evolution. 

324.  Ohfervations  de  l'Auteur  fur  la  Mou- 
che-Araignée. 

325.  Oeufs  qui  croiflent  après  avoir  été  pon- 
dus. 

Galles  des  Plantes:  manière  dont  elles  font 

produites. 
Oeufs  des  Mouches  à  Scie. 
32(5.  Oeufs    qui    renferment  plufieurs  Em^ 

Irions, 

347.  Le  Pipa  ou  Crapaud  de  Surinam. 

328.  Fécondité  des  Animaux. 

CHAPITRE     VI. 

Découveftes  mtcrofcoptques  de  Mr. 
Nebdham,  Remarques  fur  ce%  Décou^ 
vertes.  Pag.  10  j 

329.  F  r  ogre  s  de  VHifîoire  Naturelle  depuis 
l'année  1740. 

Réflexions  fur  ce  fujet, 

330.  Découvertes  de  Mr,  Needham  fur  les 

Animalcules  des  Infufions, 

331.  Conféquences  de  iIf/\  Needham,  & 

Oh* 


ET    DES    ARTICtE»;  CKVÏÏ 

Ohfervattoni  fur  ces  conféquenceS*  !  i.vi 

Lettre  de  V Auteur  à  ce  NaîuraUfle&  Rin 
ponfe, 

CHAPITRE     VIL 

Idées  fur  la  manïère  dont  la  FécoUr 
dation  s^ opère  chez  les  Animaux^ 

Pag.  227 

332.  But  de  V Auteur. 

333.  Principes  généraux  fur  h  Fécondation. 

334.  Deux  points  principaux  qui  refîent  à 

éclaircir, 

^"^S.  Comment  le  Sperme  peut  parvenir  an 
Germe, 

Découvertes  de  Malpighi  fur  la  Fécondation 
des  Oeufs  du  Papillon, 

Ohfervation  de  l^  Auteur  fur  cefujeî. 

336.  Dernières  tentatives  de  r Auteur  pour 
tâcher  à' éclair cir  le  Myfère  de  la  Généra- 
tion, 

337.  Expériences  à  tenter  pour  décider  d&S 
Idées  de  l'Auteur  fur  la  Fécondation, 

Réflexions  fur  ces  Expériences. 

338.  Sources  de  la  rejfemblance  dei  Enfa0, 
à  kurs  Farens  &c, 

n  ? 


<;^T!aci        Table  des   Chapitres 

Des  Envies  4es  Mares, 

"  .  339-  J^e  la  Fécondation  des  Germes  qui  doi- 
vent donner  des  Femelles  ^  S  de  celle  des 
Germes  de  Neutres. 

340.  Remarques  fur  l'Organe  de  la  Voix  du 
Mulet. 

341.  Que  le  Germe  croit  avant  la  Féconda- 
tion :  pourquoi  il  n^ achève  pas  de  fe  déve- 
lopper  fans  elle? 

542.  Faits  qui  indiquent  l^Emhoitement, 
Réponfe  à  un  calcul  contre  cette  Hypothèfe, 

343 .  Sentiment  de  Mr,  Bourguet  f/r  la 
Génération, 

Jugement  fur  cet  Auteur, 

344.  Sentiment d^unEncycUpédlfle  fur  la  Gé- 
nération. 

345.  Sentiment  de  Mr,  de  Haller  fur  la 

Génération, 

346.  Nouvelle  confiâèration  fur  la  Multipli- 
cation fans  accouplement. 

CHAPITRE     VIII. 

^-  Confidêrat'tons  fur  la  F  or  mat  ton  des 

Mon/ires.  Pag.  ii6 

.^<Çonclufio-n, 

347.  Dijpute  célèbre  fiir  les  Monflres,    - 


ET  DES  Articles.  xix 

348.  Faits  favorables  à  rhypothèje  des  eau  fis 
accidentelles. 

349.  Monjïres  par  accident,  àonî  la  forma- 
tion ne  tient  pas  à  runion  de  deux  Ger- 
mes. 

350.  Divers  exemples  de  Monfîres. 

351.  Remarques  importantes  en  faveur  des 
Monftres  par  accident.    ' 

Différences  entre  le  Germe  &  le  Fœtus  réla* 
tivement  à  la  forme  &  à  rarrangement 
des  Parties, 

Inégalités  dans  r Evolution. 

352.  jiutre  remarque  en  faveur  des  Monf- 
tres par  accident. 

Différence  entre  le  Germe  ^  le  Fœtus  relati- 
vement à  la  confîftence. 

353.  Monflre  qu^on  cite  en  preuve  de  r  exis- 
tence des  Germes  monflruetix. 

Réflexions  fur  ce/ujet. 

Manière  dont  on  peut  concevoir  que  s^opèrenî 
certaines  divifîons  accidentelles. 

354.  Influence  que  peut  avoir  la  Liqueur  fè- 
minale  fur  la  formation  des  Monflres, 

355.  Famille  de  Monftres  qui  fe  propagent. 

356.  Eflai  d'explication  des  Monftres  qui  fi 
propagent. 

Nouveaux   éclair  ci ftemcns  des  Principes   â$ 
i Auteur  fur  la  Génération. 
♦*  2 


ijBt  Table  des  Chapitres  &c. 

357.  Qu'il  fer  oit  pojjîbîe  que  les  caufes  acci- 
dentelles agijfent  avant  la  Fécondation, 

358.  Individus  dont  les  Vi fier  es  fint  trans- 
pofés. 

Remarques  fitr  cette  tranfpofition. 

359.  Maladies  organiques  ;  dernière  rai  fin 
en  faveur  des  Monftres  par  accident. 

360.  Des  rai  fins  métaphyfiques. 
Conclusion. 


CON1 


CONSIDERATIONS 

s  U  R     L  ES 

CORPS    ORGANISÉS. 


CHAPITRE     I.    ' 

Expofiûon  abrégée  de  dkiers    FatU  CO^ 
cernants  les  Boutures  &  les  Gr effet 
animales. 
Obfervations fur  laRéproduBton  desYtt% 
de  terre ,  fur  celle  des  Vers  d'eau  dou-» 
ce ,  Êf  fur  là  Régénération  des  Pat'* 
tes  de  /'EcreviiTe. 
'EJfai  d^ explication  de  ces  Faits^ 

242.  Intrûductiorto 

J'  'ai  parcouru  tout  ce  qui  concerne  les  Répro* 
duétions  végétales  de  différents  genres  ;  j'ai 
tiré  des  Faits  les  conféquences  naturelles  qui 
pouvoient  me  conduire  à  une  explication  fatis- 
faifante  de  ces  Réprodaélions  :  je  vais  mainte- 
îiant  confidérer  dans  la  rhêifie  vue ,-  tout  ce  qui 
concerne  les  Reproductions  animales  ^  &  m'ai-^ 
àtx  des  Faits  que  nous  offrent  les  Végétaux  j 
ToM.  II»  h 


2        Considérations  Sur  Les 

pour  effayer  de  ri^andre  quelque  jour  fur  la 
Régénération  des  Polypes  &  des  autres  Infeéles , 
qui  peuvent  être  greffés  &  multipliés  de  Bou^ 
Sure  &c. 

z/[^.  Invitation  à  faire  derioUveîles  lExpérieri' 
CCS  fur  /^i  Vers  de  xzxx^  ^pour  perfectionner 
la  Théorie  des  Reproductions  animales  & 
celle  de  la  Génération^ 

Les  plus  grands  Polypes  d'eau  douce  font  en- 
'core  de  biéfti  petits  Infedes  en  comparaifon  des 
Vers  de  tet  re  :  c'efl  donc  en  étudiant  avec  foin 
ce  qui"  fe  pafle  dans  la  Réproduclion  de  ces 
derniers ,  qu'on  peut  efpérer  d'acquérir  des  lu- 
îïiières  fur  la  manière  dont  s'opèrent  toutes  les 
Réproductions  du  même  genre.   Ce  fut  en  par- 
tie.ce  qui  nous  engagea,  Mr.  de  Reaumur  & 
Moi,  h  tenter  des  expériences  fur  les  Vers  de' 
terfe.     Outre  qu'ils  font  très  gros  &  très  com- 
muns, ils  ont  encore  les  deux  fexes  à  la  fois, 
&  cette  fingularité  fi  remarquable  préparoit  à  de 
nouveaux  prodiges.     La  mort  de  ce  grand  Ob- 
fervateur ,  qui  avoic  tant  enrichi  rHilloire  Na- 
turelle, &  qui  en  avoit  répanda  le  goût,  a  pri- 
vé le  Public  du  détail  de  fes  Expériences.  Nous 
n'avons  de  lui  fur  ce  fujet  intérellimt ,  que  le 
peu  qu'il  en  a  publié  dans  la  Belle  Préfîice  du' 
Sixième  Tome  de  fes  Mémoires  pour  fervir  à 
tHifloire  des  Irjfe&es ,  pages  64.  &  65^    Je  ne 
tranfcrirai  pas  ici  le  paffage ,  parce  qu'il  ne  nous 
apprend  rien  du  tout  fur  la  manière  dont  fe  fait 
la  Réproduélion  qui  nous  occupe.  Mr,  de  Reau' 


Corps    Ô  r  g  a  n  i  s  e'  S.         5 

MUR  s'efl  contenté  d'aflurer  qu'il  réfukoit  de  fes 
Expériences  5  que  les  Vers  de  terre  fe  réprodui- 
foicnt  aprèâ  avoir  été  partagés ,  &  il  p'aroît  qu'on 
l'en  a  cru  facilement  fur  fa  parole  ;  au  moins  ne 
comiois-jé  aucun  Naturalise  qui  ait  vérifié  le 
Fait  5  &  qui  ait  publié  iS  deffus  de  nouvelles  Ex- 
périencel    Je  fliis  donc  obligé  de  recourir  à 
mes  propres  Obfervations,    Je  les  jugeai  fi  im- 
parfaites quand  je  donnai  au  Public  mon  Traité 
d*lnfeBoIogie ,  que  j'évitai  d'en  faire  un  arcicle 
à  part  &  de  les  annoncer  dans  le  Titre  :  je  les 
tejettai  à  ïa  fin  du  Livre,  &  dan^  un  endroit 
où  peu  de  Leéleiirs  les  auront  aperçues;,  je 
veux  dire  dans  V Explication  des  Figures,    Qu'il 
me  foit  permis  aujourd'hui  de  les  tirer  de  cette 
efpèce  d'obfcurité  ;  car  tout  imparfaites  qu'elles 
font,  elles  renferment  des  particularités  effen- 
tielles  à  mon  buto    Je  ne  les  euffe  pas  laiffées 
auifi  incompletteSj   fi  mes  yeux  ne  fe  fulfent 
pas  ufés  à  contempler  la  Nature;  mais  je  ne 
puis  qu'exhorter  fortement  lesPhyficiens  qui  ont 
à  cœur  d'éclaircir  le  grand  myftère  de  la  Géné- 
ration 5  à  les  reprendre  &  à  s'y  attacher  par  pré= 
férence.    Ce  fujet  efc  fi  fécond  en  merveilles, 
qu'ils  ne  tarderont  pas  à  être  récompenfés  de 
^eurs  travaux.    If  y  a  Heu  de  s'étonner  que  de- 
puis qu'on  a  fçu  que  les  Vers  de  terre  fe  répro- 
duifoient  de  Bouture,  il  ne  fe  foit  pas  trouvé 
des  Oblèrvateurs  qui  en  ayent  fait  Tobjet  prin- 
cipal de  leurs  recherches;  mais  parmi  le  pétft 
ïîombre  d'Hommes  qui  cultivent  fEiftoire  Ni= 


Considérations  Sur  Les 


ew 


turelle ,  combien  en  effc  -  il  qui  fe  plaifent  h  Yé 
tude  des  Inlèéles  ?  &  parmi  ces  derniers ,  com 
bien  en  efl-il  qui  veuillent  ic  confacrer  à  l'étu- 
de d'un  feul  Inié6te  ?  CependaiK  il  y  a  telle  ef- 
pèce  d'Infe6les  qui  pourroit  épuifer  la  patience 
&  la  fagacité  de  rObfervateur  le  plus  kbo.ieux; 
&  le  plus  intelligent:  le  Polype  en  fournit  un- 
bel  exemple,  &  le  Ver  de  terre,  fi:  vil  en  ap- 
parence, ne  le  cède  point  à  cet  égard  au  Poly- 
pe. L' AuTEup.  de  la  Nature  a  imprimé ,  pour 
ainfi  dire;  à  toutes  fes  Oeuvres  la  marque  de 
Son  Infinité',  &  il  n'en  eft  aucune  dont  nous- 
puilTions  efpérer  d'atteindre  le  fond. 

244.  Expériences  de  V Auteur  fur  la  Répro-^ 
ducîion  des  Fers  de  terre. 

Un  Ver  de  terre  pnrtagé  transverfalement  etf 
deux  ou  plufieurs  portions ,  ne  meurt  pas  ;  mais, 
fi  l'on  a  foin  de  tenir  chaque  portion  dans  un' 
lieu  convenable,  elle  s'y  régénérera  au  bout  d'un- 
tems  plus  ou  moins  long.  Souvent  néanrnoins 
il  arrivera  que  toutes ,  ou  prefque  toutes  péri- 
ront fans  avoir  donné  aucune  preuve  de  Régé- 
nération; c'eft  ce  que  j'éprouvai  en  1742.  Je^ 
fus  plus  heureux  en  1743  ;  &  fi  je  ne  vis  pas 
alors  tout  ce  que  je  défirois  de  voir ,  j'en  vis  au 
moins  alTez  pour  être  très  flir,  que  le  Ver  de  ter- 
re fe  réproduit  de  Bouture, 

Un  Ver  de^  cette  efpèce  que  j'avois  partagé 
transverlàlement  par  le  milieu  du  Corps  le  27^^ 
^e  Juillet p  commença  le  15.  d'Aouft  àfatisfai* 


Corps    Organise' s*     ^  5 

T€  ma  curiofité.  Du  bout  poftérieur  de  la  Par- 
tie antérieure ,  de  celle  où  tenoit  la  Tête  de  l'In- 
fecle ,  fortoit  un  appendice  vermiforme ,  fort  dé- 
lié ,  long  de  8.  à  9.  lignes ,  &  d'une  couleur  plus 
claire  que  le  refte  du  Corps.  Obfervé  de  plus 
près ,  il  paroiflbit  être  un  petit  Ver  qui''  poulFoit 
à  l'extrémité  du  grand  &  fur  la  même  ligne.  Je 
puis  aiFurer  que  cette  comparaifon  eftexaâ:e,&: 
ceux  qui  répéteront  cette  Expérience ,  en  con- 
viendront facilement.  Cet  appendice ,  ou  pour 
m'exprimer  plus  ex? clément ,  cette  nouvelle  Par- 
tie poiléxieure  étoit  très  organifée.  Elle  étoit 
formée  d'une  fLiite  d'anneaux  fort  ferrés,  &  fur 
les  côtés  defquels  on  aperce  voit  les  ouvertures 
deftinées  à  la  Refpiration ,  &  qu'on  a  nommées 
des  Stigmates,  Onfçait  qu'à  chacun  de  ces  Stig- 
mates,  répond  un  paquet  de  Tracbées  qui  imitent 
parfaitement  celles  desPlantes  dont  j'ai  parié  dans 
l'Article  220.  La  Régénération  des  Stigmates 
fuppofe  donc  celle  des  Trachées  &  de  leurs  Ra- 
mifications. Mais,  ce  que  la  production  de 
cette  nouvelle  Partie  poflérieure  m/olfrit  de  plus 
intérelTant,  fut  la  grande  Artère  ^  ou  ce  Vais- 
feau  qui  tient  lieu  de  Cœur  aux  Infectes.  II 
règnoit  d'un  bout  à  l'autre  de  cette  nouvelle 
Partie,  &  fes  mouvements  alternatifs  defyftole 
&  de  dyaftok  étoient  extrêmement  fenfibies.  11 
paroilToit  fe  contraâ:er&  fe  dilater  fur  une  plus 
grande  partie  de  fon  étendue ,  que  ne  le  fait 
la  principale  Artère  des  Vers  d'eau  douce ,  que 

.As 


|Ç         Considérations  Sur  Les 

j'ai  multipliés  de  Bouture  Qa').     Dans  ceux-cj 
l'Artère  paroît  fe  contrarier  &  fe  dilater  d'an- 
neau en  anneau.    On  diroit  que  chaque  anneau 
renferme  lui  petit  Coeur  qui  a  Tes  ryftoles  &  fes 
dyailoles ,  &  que  toute  l'Artère  n'efh  ainfi  qu'u- 
ne fuite  de  petits  Coeurs  mis  bout  à  bout ,  & 
qui  le  transmettent  le  fang  fuccelfivement.    Oi^ 
voit  quelque  chofe  d'analogue  dans  l'Artère  du 
Fer  à  Soye ,  &  c'efl:  ce  qui  avoit  fait  croire  k 
Malpigiii  qu'elle  étoit  une  chaîne  de  Cœurs  Qb^» 
Mais,  quand  l'injedion  de  ce  Vaifleau  n'auroit 
pas  prouvé  le  contraire  à  Mr.  de  Reaumur  (0> 
l'Artère  de  nos  Vers  de  terre  fuffiroit  pour  nous 
convaincre  de  fon  imité  ;  chaque  fyftole  &  cha- 
que dyaftole  n'ctoient  point  renfermées  dans  1^ 
longueur  d'-un  anneau  ;  elles  paroillbient  mani- 
feftement  en  embrafler  plufieurs*    La  circula- 
tion  du  fang  fe  failbit  dans  cette  nouvelle  Pro- 
duction, comme  dans  le  refte  du  Corps  ,   de 
l'extrémité  pollérieure  vers  l'antérieure.     Le 
ilmg  de  la  plupart  des  Infecles  efb  une  liqueur 
transparente ,  prefque  lans  couleur ,  &  qui  fans 
être  fpiritueufe  peut  dans  quelques  efpèces  re- 
fifber  à  un  froid  fapériear  à  celui  de  1709.  (</): 
le  fang  des  V^ers  de  terre  a  la  couleur  propre 
nu  fang  des  AnimaiLX  les  plus  connus;   il  efl: 
d'an  affés  beau  rpuge  :  il  m'étoit  donc  d'autant 

(«■)  Voyez  l'Article  Tça.  &  mon  Traité  d' InfeEtologîe  pagq 
jo.  &  IT.  de  \a  ^àc.  Partie. 
(  6  )  DiJJert.  de  Bomhyce. 

(c)  Mém.  pour  fervir  àTHiftoiie  des  Infecles  Tom  i» 
Xd)  Ibid.  Tom.  2. 


Corps    Organise 'â;       7^ 

plus  facile  de  m'afllirer  de  la  direction  de  fou 
mouvement  dans  la  produ6lion  que  j'examinois. 

Au  bout  d'un  mois  &  demi  à  compter  du 
jjour  de  l'opération ,  cette  nouvelle  Partie  porte- 
rie ure  ,  d'abord  fi  effilée ,  a  voit  acquis  une  gros- 
feur  égale  ou  à  peu  près ,  à  celle  du  relie  du 
Corps,  &  elle  avoit  crû  proportionnellement 
en  longueur.  Sa  couleur  avoit  pris  une  teinte 
plus  foncée ,  &  les  nouveaux  Intefîins  étoient 
pleins  de  terre.  On  fait  que  cette  efpèce  de 
Ver  s'en  nourrit.  Les  Inteftins  nouvellement 
régénérés  étoient  donc  capables  de  s'acquitter 
de  leurs  fonétions. 

Apres  avoir  vu  ce  que  je  viens  de  raporter ,  il 
n'étoic  pas  douteux  qu'il  n'eut  été  accordé  au 
Ver  de  terre  de  fe  réproduire  àe  Bouture:  il  ne 
s'agilToit  plus  que  de  fuivre  les  progrès  de  cette 
Réprodudion, 

On  fe  rappelle  que  le  Ver  dont  je  parle ,  a-' 
voit  été  partagé  tranfverfalement  par  le  milieu 
du  Corps  :  j'ai  raconté  les  progrès  de  la  premiè- 
re moitié:  la  féconde  avoit  à  réproduire  une 
nouvelle  Partie  antérieure  5  où  de  voit  fe  trou- 
ver une  Tête ,  &  à  peu  de  didance  de  celle- 
ci  des  Organes  très  compofés ,  je  veux  dire ,  ceux 
qui  caraàérifent  les  deux  fexes.  Je  f  obferval 
plus  de  neuf  mois  fans  qu'elle  m'offrit  aucun  fig- 
ne  de  Reproduction,  &  quoiqu'elle  n'eut  point 
pu  prendre  de  nourriture  pendant  un  tems  fl 
long,  elle  ne  paroilToit  pas  avoir  rien  perdu  dç 

A  4 


s   ^    Considérations  Sur  Les 

fon  agilité.  Elle  étoit  ordinairement  immobile 
&  repliée  fur  elle  -  même  ^  mais  dès  que  je  la 
luettois  fur  ma  main ,  elle  s'y  donppit  des  m.ou- 
vements  très  vifs.  Je  la  voyois  n^ême  s'enfon- 
cer enterre  comme  i'auroitpû  faire  un  Ver  com- 
plet. On  juge  bien  que  fa  taille  ayoit  fouffert 
une  din)inution  confidérable.  iiije  ayoit  pris 
une  couleur  blanchâtre  &  affés  de  tranfparence. 
Elle  ptrit  enfin  d'inanition.  Comme  la  Partie 
antérieure  du  Ver  de  terre  renferme  ini  beau- 
coup plus  grand  appareil  d'Organes  que  la  Par- 
tie ppftévieure ,  la  Réprodudioq  de  celle  -  là  ne 
peut  fe  faire  auiTi  promptement  que  la  Répro° 
dudion  de  celle  -  ci  ;  la  Nature  a  donc  mis  le 
Ver  (Je  terre  en  état  de  foutenir  de  très  longs 
jeûnes. 

Dans  la  vue  de  parvenir  à  obferver  la  Repro- 
duction dé  la  Partie  antérieure  ,  je  fis  plufieurs 
autres  Expériences.  ]e  rétranchai  à  un  Ver  de 
terre  fiH*  la  fin  de  Juillet, la  Tête  &  les  premiers 
anneaux.  Vers  le  milieu  d'Aoïiil  cette  énorme 
playc  s'étoit  parfaitement  cicatrifée  ;  mai>  l'A- 
nimal ne  dpnnoit  encore  aucune  marque  deRé- 
prpdudion.  La  playe  étoit  circonfcripte  par 
un  rebord  affés  faillant  que  formoient  les  an- 
ciennes chairs ,  &  Faire  de  la  coupe  paroiffoiç 
creuféè  en  manière  de  baflinet.  Au  bout  de 
plufieurs  jours  j'aperçus  au  centre  de  cet  enfon- 
cement un  point  blanc ,  qui  en  groffifiîant  peu 
à  peu ,  prir  la  forme  d'un  petit  Bouton.  C'étoit 
lane  nouvelle  Partie  antérieure  qui  commençoit 
à  fe  développer.    Le  vingtième  de  Septembre 


GoRPS    Organise' s;        5 

fte  Bouton  s'étoit  allongé  &  il  fe  terminoit  en 
pointe  mouiTe.  Le  2.  d'Odobre  rallongement 
étoit  bien  plus  (enfible  ;  la  nouvelle  Production 
le  moniroit  alors  Ibus  l'apparence  d'un  petie 
Ver  5  qui  naiiToic  du  milieu  delà  cicatrice.  Dans 
les  mois  de  Novembre  &  de  Décembre ,  la  nou- 
velle Partie  antérieure  continua  à  fe  prolonger  ; 
eile  groHît  nroportionnellement ,  &  l'enfonce- 
ment de  la  cicatrice  s'efïaça  infenfiblement.  La 
mort  de  rinfecl:e  vint  interrompre  ces  obferva- 
tions.  Si  l'on  veut  acquérir  une  idée  plus  nette 
4e5^  p/ogrès  de  ce  développement ,  il  fiuc  con- 
fulter  les  Figures  I.  IL  IIL  IV.  de  la  Planche 
3 me.  de  la  2^6.  Partie  de  mon  Traité  ^Infèdtolo' 
gie.  Quoique  ces  Figures  ne  foient  que  des 
efquiQes  aifés  groffières,  je  puis  dire  que  les 
proportions  en  font  exaéles. 

J'Observai  les  mêmes  phénomènes  fur  des 
Vers  de  terre  partagés  en  3,  4,  ou  5.  portions. 
Je  vis  des  iX)r£ions  intermédiaires  poufler  à  la 
fois  une  Partie  antérieure  &  une  Partie  porté- 
rieure  ;  mais  les  progrès  de  celle  -  ci  furent  con- 
ftamment  plus  grands ,  en  temps  égal ,  que  les 
progrès  de  celle  -  là.  Lorfque  la  Partie  pofté- 
rieure  avoit  déjà  trois  lignes  de  longueur  ,  la 
Partie  antérieure  ne  fe  montroit  encore  que  fous 
k  forme  d'un  petit  Bouton;  &  lorfque  ceti:e 
dernière  avoit  acquis  une  longueur  de  deux  à 
tiôis  lignes ,  f  autre  en  avoit  au  moins  fix. 

Tous  ces  Vers  périrent  avant  qu'il  me  fut 

4  5 


t 


lo       Considérations  Sur  Les 

permis  de  voir  la  Réproduclion  complecte  d'u- 
ne Partie  antérieure-  J'écois  au  moins  parve- 
nu à  me  fatisfaire  fur  les  premiers  progrès  de 
la  Régénération  ;  &  je  ;prie  mon  Leàleur  dé 
fe  rendre  attentif  aux  conféquençes  qui  en  dé- 
coulent, . 

45.  Conféquençes  âe  ces  Expériences,  Pa* 
rallèle  des  ^éprodu&ions  des  Vers  de  terre 
avec  celles  des  Végétaux,  Conformités  des. 
unes  &  des  autres. 

Lorsqu'on  étête  un  Arbre ,  ou  qu'on  coupe 
une  de  fes  maîtrefles  Branches  à  quelque  diltan- 
ce  de  Ton  origine ,  le  Tronçon  ne  fe  prolonge 
pas  ;  mais  il  fe  forme  fur  les  bords  de  faire  de 
la  coupe  un  Bourlet ,  d'où  fortent  de  petits  Bou- 
tons qui  donnent  naiflance  à  de  nouveaux  Bour- 
geons. Ces  Bourgeons  ne  font  pas  proprement 
des  prolongements  du  Tronçon  :  ils  ont  une 
Organifation  particulière  ;  ils  offrent  des  Parties 
qui  les  diilinguent ,  &  que  l'on  voit  renfermées 
très  en  petit  dans  le  Bouton.  En  un  mot  ils 
font  eux-mêmes  des  Arbres  très  complets,  & 
qui  ne  diffèrent  de  celui  fur  lequel  ils  ont  crû , 
que  par  leur  délicateffe  &  leur  petitelfe  extrê* 
mes.  Mon  Leéleur  n'a  pas  oublié  ce  qu'il  a 
vu  là  -  deffus  dans  le  Chapitre  précédent  &  dans 
plufieurs  endroits  de  cet  Ouvrage.  Je  le  ren- 
voyé furtQut  à  ce  que  j'ai  die  ^  dans;  l'Article 
238. 

J'Ai  rappelle  à  deffein  ce  qui  fe  paffe  dans  la 


G   O   R  P   s      O  R   G  A   N    I  s   e'  s.  II 

Eégénération  des  Végétaux  ;  fi  on  le  compare 
avec  ce  qui  fe  pafle  dans  la  Régénération  des 
Vers  de  terre,  l'on  fera  frappé,    je  m'alîlire, 
,de  l'analogie  qu'on  remarquera  à  cet  égard  en- 
tre le  Végétal  &  l'Animal.    Dans  les  Vers  de 
terre  qu'on  a  partagés ,  le  tronçon  ne  fe  prolon- 
ge point  non  plus ,  il  demeure'  tel  qvi'il  étoit  a- 
yant  l'opération  ;  mais  du  centre  de  la  cicatrice 
fort  un  petit  Bouton  qui  groffit  &  s'allonge  de 
jour  en  jour,  &  fe  montre  enfin  fous  l'apparen- 
ce d'un  Ver  naiffant  greffé  en  quelque  forte  fur 
le  tronçon.    On  reconnoit  évidemment  que  ce 
ne  font  point  les  anciennes  Chairs  du  tronçon  qui 
en  fe  prolongeant  ont  fourni  à  cette  Produ6lion. 
Qn  ne  peut  fe  diffimuler  que  ce  ne  foit  ici  un 
nouveau  Tout  organique  qui  fe  développe ,  un 
Tout  dont  les  Parties  conftituantes,  renfermées 
d'abord  très  en  petit  dans  un  Bouton ,  s'éten- 
flent  en  tout  fens  &  fe  montrent  peu  à  peu  fous 
la  forme  d'un  petit  Ver  enté  fur  le  grand.    On 
ne  peut  s'empêcher  de  comparer  ce  Bouton  a» 
vïmal  au  Bouton  légétal^  &  le  petit  Ver  au 
Bourgeon,    La  nouvelle  Produélion  dans  l'Ani- 
mal  comme  dans  le  Végétal ,  eft  à  fa  naiflance 
d'un  tiifu  fort  délicat;  tout  y  eft  mol  ou  her- 
bacé, &  fa  couleur  d'abord  très  claire  fe  ren- 
force par  dégrés. 

Je  n'indique  que  les  trajts  les  plus  frappants 
de  cette  analogie  :  ils  fuilifent ,  ce  me  femble , 
pour  en  faire  fentir  la  vérité.  Ils  me  ferviront 
bientôt  à  expliquer  des  cas  plus  difficiles. 


ï2       GoNsinERATioNs  Sur  Les 

246.  Expériences  de  routeur  fur  la  Rêpro- 
du&ion  d'une  efpèce  de  Vers  d'eau  douce. 

]La  Réprodu6lion  des  Vers  d'eau  douce  que 
j'ai  multipliés  de  Bouture ,  offre  les  mêmes  par- 
ticularités efîentielles  que  celle  des  Vers  de  ter- 
re ;  mais ,  tout  s'opère  bien  plus  promptemeiit 
dans  ceux  -  là  que  dans  ceux  •  ci.  Il  ne  faut 
ordinairement  que  peu  de  jours  en  été  pour  que 
des  Portions  de  nos  Vers  d'eau  douce  devien- 
nent des  AniiTiaux  complets ,  &  auxquels  il  ne 
relie  plus  qu'à  prendre  plus  d^accroiffement, 
JLes  Parties  antérieures  &  poflérieures ,  que 
ces  Vers  réproduifent,  fe  montrent  de  même 
fucceffivement  fous  les  formes  de  Bouton ,  de 
Jointe  mouffe ,  de  Ver  naifîant.  L'ancien  tron- 
çon comme  je  l'ai  dit  dans  f  Article  167.  ne 
fe  prolonge  point.  Je  l'ai  mefuré  bien  des  fois; 
immédiatement  après  l'opération,  &  au  bout 
de  deux  ans  jp  lui  V-  trouvé  les  mêmes  dimen- 
iions.  Pendant  tout  ce  long  intervalle  de  temps 
il  m'a  toujours  été  facile  de  le  diflinguer  par  fa 
couleur ,  des  Parties  réproduites.  Il  efl:  d'un 
rouge  brun  ;  les  Parties  qui  repouffent  à  fes 
extrémités,  font  d'abord  blanchâtres  ou  jaunâ- 
tres ,  &  ce  n'efl:  que  fort  à  la  longue  qu'elles 
fe  rembruniffenc. 

247.  Blanière  do?tt  fe  fait  la  RéproduStîon, 
Circonftances  qui  la  précèdent  &  qui  la 
fuivent. 

Avant  que  des  Portions  de  ces  Vers  comi 


Corps    O  Pv  g  a  n  î  s  e'  s.       13 

mençafTent  à  fe  completter  ,  j'ai  fouvént  aper- 
çu aux  extrémités  du  tronçon  un  petit  renfle- 
ment ,  une  efpèce  de  Boiirlet  qui  me  paroif- 
foit  analogue  à  celui  que  nous  avons  vu  fe 
former  fur  les  playes  des  Arbres.  11  étoit  plus 
apparent  à  l'extrémité  antérieure  qu'à  l'extré- 
mité oppofée.  Du  centre  de  ce  Bourlet  for- 
toit  bientôt  un  petit  Bouton ,  qui  en  fe  déve- 
loppant devenoit  une  nouvelle  Partie  antérieure 
ou  poltérieure. 

Il  y  avoit  cette  différence  remarquable  entre 
l'accroilfement  de  la  Partie  antérieure  &  celui 
de  la  poltérieure  ,  que  la  première  ceiToit  He 
croître  dès  qu'elle  avoit  atteint  la  longueur  d'u- 
ne ligne  à  une  ligne  &  demi  ;  l'autre  au  con« 
traire  continuoic  à  fe  prolonger,  &  acquéroit 
quelquefois  une  longueur  de  plofieurs  pouces. 
La  Partie  antérieure  de  ces  Vers  contient  la 
Tête  &  un  aflemblage  d'anneaux  qui  fe  déve- 
loppent à  fa  fuite.  J'ai  décrit  dans  mon  Traité 
la  figure  de  cette  Tête  &  les  diiférentes  formes 
fous  lefquelles  fe  montre  la  Bouche  :  j'ai  décrit 
aufli  celles  de  XAmis  Qay 

Lors  que  j'ai  féparé  la  Partîe  antérieure  du 
refte  du  Corps  ,  elle  eft  morte  au  bout  d'un 
jour  ou  deux  fans  faire  aucune  produftion.  Je 
n'ai  jamais  vu  d'exception  à  cette  Loi ,  &  mes 
Expériences  fur  ce  point  font  en  grand  nomr 
bre.  11  en  a  été  de  même  de  la  Partie  polté- 
rieure :  je  donne  ici  cette  dénomination  à  l'ex^ 

(«)  Obf.  I.  pagç  7  ,•  tj  9.  de  U  féconde  Fartic» 


14       Considérations  Sur  Les 

trèmité  du  Corps  où  tient  l'Anus  &  une  fuite 
d'anneaux  de  la  longueur  d'une  ligne  à  une  li- 
gne &  demi.  On  ne  doit  pas  chercher  la  rai- 
fon  de  ce  Fait  dans  le  peu  de  longueur  des 
Parties  ,  car  des  Portions  beaucoup  plus  cour- 
tes 5  mais  prifes  fur  le  milieu  dit  tronc  ,  par- 
viennent fort  bien  h  réproduire  une  Tcte  &  une 
Queue  (/t).  Nous  verrons  bientôt  ce  que 
l'on  peut  penfer  de  plus  probable  fur  ce  fujet. 

248.  Tubercules  ^ue  poUjJent  les  Pûrtions  de 

cette  Efpèce  de  F'ers. 
Conjectures  fur  leur  nature. 

Tandis  que  j'étoîs  occupé  à  fuivre  la  végéta- 
tion des  différentes  Portions  de  mes  Vers  a- 
quatiques  ,  j'aperçus  fur  le  dos  de  plufieurs  ,- 
près  du  bout  antérieur  ou  à  l'origine  de  la  Par- 
tie nouvellement  réproduite  ,  une  efpèce  de 
Bouton  ou  de  Tubercule ,  de  couleur  blanchâ- 
tre, &  qui  formoit  avec  le  Corps,  un  Angle  plu? 
ou  moins  ouvert,-  J'obfervai  encore  de  ces  Tu- 
bercules aux  deux  côtés  de  la  Tête  &  à  peu 
de  dilîance  de  l'Anus.  Ils  me  rappcllèrent  là 
multiplication  des  Polypes  par  rejettons.  Je 
ne  pus  m'empêcher  de  foupçonner  qu'ils  étoient 
des  Vers  nailTants ,  des  Vers  qui  venoient  au 
jour  à  la  manière  des  Polypes.  Je  m'attendois 
donc  à  les  voir  croître  &  le  féparer  enfuite  de 
feur  Mère  :  mais  je  fus  trompé  dans  mon  at- 
tente ,  &  tous  ces  Boutons  ou  Tubercules  dif- 

(«;  Obferv,  XIIÎ. 


Corps    Organise' So       15 

parurent  au  bout  d^environ  trois  femaines ,  fans 
avoir  rien  produit  (rtî).  Je  communiquai  mon 
obfervation  &  ma  conjedure  à  Mr.  de  Reau- 
MUR  3  qui  me  fit  cette  réponfe  en  datte  du 
iieme,  pbre,  17^2.  Mes  Fer  S  affèz  fembkhles 
aux  vôtres ,  que  jai  trouvés  en  quantité  aux  en- 
virons de  Reaumur ,  6*  qti^on  trouve  aujfi  iti , 
vfont  fait  voir  de  ces  Tubercules^  qiiil  et  oit  ajjèz 
naturel  de  foupçonrKr  être  des  Fetits  qui  com* 
mençoient  à  pouffer.  Mais  fur  mes  Vers  com- 
me fur  les  vôtres^  ces  Tubercules  n^ont  rien  don^ 
né. 

24.^.  Continuation  du  même  fujet. 
Ver  à  deux  Têtes  ^  &  à  deux  volontés. 

Je  ne  déciderai  pas  cependant  fi  ces  Tuber- 
cules ne  font  point  des  Parties  antérieures  ou 
poftérieures  furnuméraires  qui  commencent  à  fe 
développer.  Ils  fe  montrent  au  moins  fous  la 
forme  qu'elles  aifedtent  en  naiffant.  Ce  qui 
fembleroit  le  confirmer  c'efi:  une  Expérience 
que  j'ai  rapportée  afiez  en  détail  à  la  page  113. 
&  fuivantes  de  la  2^^. partie  de  monTraitéd'In' 
Jfectologie,  J'y  ai  fait  mention  d'un  de  ces  Vers 
aquatiques  à  qui  j'étois  parvenu  à  donner  deux 
Têtes ,  en  coupant  l'extrémité  d'un  Tubercule 
qui  s'étoit  élevé  près  de  la  Partie  antérieure 
nouvellement  régénérée.  La  Partie  que  je  noin- 
Sx^ti2xfurnumêraire  formoit  un  angle  à  peu  près 
droit  avec  le  tronc.    Elle  paroiflToit  au  Micros- 

(ff)  Obfeïy.  XIX,  XX,  pag.  iiï,  120,  iji,  a<Je.  ?ai^« 


i6        GoNsiDERATioNs  Sur  Lés 

cope  auiïi  parfaite  que  celle  qui  s  etoit  dévelopV 
pée  dans  l'ordre  naturel:  mais  ayant  retranché 
cette  dernière ,  l'ancien  Eftomach  ne  fe  remplit 
point  de  terre  ;  ce  qui  proave  ^  ou  que  cette 
Partie  furnuméraire  n*étoit  .pas  aulli  parfaite 
qu'elle  le  paroiffoit ,  ou  qu'elîe  n'avoit  point  de 
communication  avec  l'ancien  Eftomach  ;  car  ces 
Vers  fe  nourriffent  du  même,  limon  dans  lequel 
ils  font  leur  demeure.  J'ai  fait  remarquer  dans 
mon  Livre  55  que  les  deux  Têtes  n'avoient  pas 
,5  une  même  volonté;  que  lors  qtie  l'une tiroit 
55  d'un  côté  5-  Fautre  tiroit  du  côté  oppofé;  & 
„  qu'ordinairement  la  plus  ancienne ,  ou  celle 
5,  qui  avoit  pOufTé  la  première ,  femporcoit  fur 
„  la  plus  jeune  '\  J'ajouterai  que  celle  -  ci  étoic 
un  peu  inférieure  à  l'autre  en  grandeur  ;  mais , 
elle  n'étoic  pas  à  beaucoup  près  aulfî  petite  qu'un 
Ver  naiffant  auroit  dû  îe  paroître ,  &.  elle  n'ob- 
fervoit  point  dans  fes  accroîilements  les  mêmes 
proportions  qu'il  auroit  dû  fuivre.  Elle  a  voie 
toutes  les  proportions  ou  à  peu  près ,  qui  fonè 
propres  à  la  Partie  aiTtérieure.  On  peut  conful- 
ter  la  Figure  16^.  de  la  i'^.  Planche  de  nies  Ob- 
fervaùons  fur  les  Vers  d'eau  doiice  &c.  (  a  ). 
Ce  furent  ces  confîdérations  qui  ne  me  permi- 
rent pas  de  la  regarder  comme  un  petit  Ver  qui 
étoit  refté  enté  fur  le  grand.  Mr.  de  Reau- 
MUR  n'a  pas  laiifé  néanmoins  de  préférer  cette 
dernière  conje6lure ,  comme  on  le  voit  par  l'ex- 
trait 


C  6   K  P  s      O   R  G  A  N  I  S  E'  S,         if 

trait  fuivant  d'une  Lettre  qu'il  m'écrivit  le  ne, 

i^bre.  1743.    Deux  Têtes  que  vous  êtes  parvenu 

à  donner  à  un  Ver ,  fiw  le  Corps  duquel  il  y 

avoit  de  ces  Tubercules  femblabks  à  ceux  qut 

mus  avons  obfervés  vous  &  moi  fur  des  Por^ 

îions  de  Vers  coupés'^  ces  deux  Têtes  dis- je  ^  m 

me  paroîjjent  point  contraires  à  Vidée  qui  nous 

parût  alors  la  plus  probable  par  rapport  à  la  na^ 

ture  de  ces  Tubercules  ;  à  celle  qui  nous  les  fit 

JbupçCnner  des  Vers  naij/ants  ;  car  au  moyen  ds 

lafedtion^  il  femble  que  le  Ver  qui  devoit  naitre^ 

foit  refté  enté  fur  l'autre  :  les  deux  volontés  dif 

fér entes  que  vous  croyez  avoir  obfervées  dans  les 

deux  Têtes  ^faixorifent  ce  fentiment.    Je  n'infifte- 

fai  pas  aéluellement  fur  les  deux  volontés  dont 

parle  Mr.  f)E  Reaumur,-  je  m'expliquerai  ail-; 

leurs  fur  ce  point  de  Métaphyfiqué; 

250.  Très  petits  Vers  for ti s  de  l'intérieur  dt 
quelques  Portions  du  grand  Ver, 

En  partageant  de  ces  Vers' ,  îl  m'efl  arrivé  plus 
d'une  fois  de  voir  fortir  de  l'intérieur  de  quel- 
ques -  unes  de  leurs  Portions ,  de  petits  Vers  vi- 
vants ,  d'un  blanc  affés  vif,  &  qui  nageoient  a- 
vec  beaucoup  de  vitelfe.  Dans  l'oblervâtiori 
XVII.  de  la  1^^,  Partie  de  mon  Traité ,  }e  me 
fuis  arrêté  à  décrire  la  figure  &  les  mouvements 
variés  d'un  de  ces  petits  Vers  venu  au  jour  fous 
mes  yeux ,  par  une  opération  équivalente  à  la 
céfarienne.  J'ai  cherché  à  prouver  que  ce  petit 
Ver  étoit  de  h  même  efpèce  que  celui  de  i'm- 

ToM.  II,  B 


t8      Considérations  Sur  les 

térieur  duquel  je  Tavois  en  quelque  forte  extraie, 
&  j'ai  paru  en  inférer  que. cette  efpèce  efl  livi" 
pare.  Mais  un  examen  plus  fcrupuleux  du  fait^ 
me  porte  aujourd'hui  à  penfer  que  |e  n'ai  pas 
été  exaét  dans  la  conféquence  que  j'en  ai  tirée. 
L'extérieur  du  petit  Ver  offroit  des  particula- 
rités qu'on  ne  voit  point  dans  Tefpèce  dont  Je 
parle  :  fes  Anneaux  étoient  fort  marqués  ,  & 
fa  Queue  fe  terminoit  par  une  houppe  de  pe?* 
tits  poils  en  manière  de  nageoires  ,  &  qui  pa- 
roiribient  en  faire  les  fondions*  Ses  mouve- 
mens  difFèroient  aufli  beaucoup  de  ceux  qui 
font  propres  à  l'efpèce  dont  il  s'agit.  Je  foup- 
çonnerois  donc  plus  volontiers  que  ce  petit  Ver- 
avoit  été  avalé  par  celui  de  l'Eftomach  duquel 
je  Tavois  fait  fortir.  Ce  qui  confirme  encore  ce 
foupçon  5  c'efl  qu'il  étoit  enveloppé  à  fa  naif^ 
fance  de  la  même  matière  terreufe  dont  l'Eflo- 
mach  de  Flnfeéte  efl:  ordinairement  rempli.  Un 
accident  imprévu  me  l'ayant  enlevé  au  bout  de 
lîx  femaines ,  je  ne  pus  avoir  la  fuite  de  foi» 
hiflioire  :  mais ,  je  dirai  qu'il  avort  pris  un  ac- 
croifTement  très  fenfible. 

251.  Expériences  de  l'Auteur  fur  une  autre 

Efpèce  de  Ver  d'eau  douce. 
Combien  cette  Efpèce  eft  remarquable  par  la 

fmguîariîë  de  fes  Réprodu&ions^  ^  en  quoi 

confifte  cette  fmgularité.  Qt^elle  potiffe  aujjt 

des  Tubercules* 

L'espèce  de  Vers  d^éau  douce,  &  fans  Jam- 
bes, fur  laquelle  j'ai  fait  le  plus  grand  noinbre 


Corps    Organise' s;       ïjfi 

àe  nies  Expériences,  efl:  d'un  brun  rougeâtre; 
j'en  ai  découvert  une  autre  qui  n'en  difFère 
prefque  que  par  la  couleur  :  celle  dont  je  veux 
parier  à  préfent  efl:  blancheâtre  ou  grifâtre.  J'ai 
fait  voir  dans  la  2'^«.  Partie  de  mon  Traité  , 
Obfl-  XXIII  ,  XXIV  ,  XXV,  XXVI  ,  txvîi  , 
Combien  cette  nouvelle  Efpèce  mérite  l'atten-- 
tion  des  Naturalifl:és.  Lors  que  j'ai  partagé 
tranfverfalement  le  Tronc  en  deux  ou  plufieurs 
Portions,  cîhaque  Portion  a  poulTé  à  fon  bout 
antérieur  une  Queue  au  lieu  d'une  Tête  ;  mais 
lors  que  je  n'ai  fait  que  rétrancher  Ja  Tête  ou 
la  Partie  antérieure ,  l'Infeéte  en  a  reproduit  u- 
ne  nouvelle  fembiable ,  à  celle  qui  lui  a  voit  été 
enlevée..  On  ne  doit  pas  préfumer  que  je  m'ea 
fois  laifle  impofer  à  l'égard  de  cette  Queucî  fur* 
numéraire  ï  j'ai  vu  ce  fait  fingulier  un  trop 
grand  nombre  de  fois  ,  &  je  l'ai  obfervé  aved 
trop  d'attention  pour  que  j'aye  pu  m'y  mépren- 
dre. Si  on  lit  ce  que  j'en  ai  rapporté  à  la  page 
152.  de  la  2^«.  Partie  de  mon  Traité,  il  ne  ref-» 
tera  ,  je  penfe  ,  aucun  doute  fur  la  vérité  def 
î'obfervation.  ,,  Ce  n'étoit  point,  ai -je  dit,^ 
„  comme  on  pourroit  le  foupçonner,  une  Tê- 
„  te  plus  effilée  qu'à  l'ordinaire  ,  une  façon 
pour  ainfi  dire  ^  de  Tête  &  de  Queue  :  c'é- 
toit  une  Queue  très  bien  formée  où  TAnui 
étoit  très  diftinffe  ;  en  un  mot ,  Une  Queu^ 
abfolument  telle  que  doit  l'être  celle  de  ces 


5> 

^,  fortes  de  Vers.     Et  pour  achever  de  met* 
5.,  tre  la  obofe  hors  de  toute  conteUaÉion  ;  c«6* 


B   12 


>5 

59 


^o       Considérations  Sur  Lè^ 

te  Partie  qui  avoit  pouffé  à  la  place  de  la 
Tête  ,  n'étoit  capable  d'aucun  des  mouve- 
n^ens  qu'on  voit  faire  à  celle-ci  :  elle  ne  fe 
raccGurciffoit  ni  ne  s'allongeoit  ,  elle  ne  fe 
contraéloit  ni  ne  fe  dilatoit^    Le  Ver  n'en 
faifoit  aucun  ufage  ni  pour  fe  nourrir  ,   ni 
pour  s'aider  à  ramper  ;  on  le  voyoit  feule- 
j,  ment  agiter  de  tems  en  tems  fa  Partie  anté- 
„  rieure ,  la  porter  à  droite  &  à  gauche ,  mais 
5,  fans  faire  la  moindre  tentative  pour  changer 
^,  de  place.     On  auroit  dit  qu'il  fentoit  fon  é- 
5.5  tat  :  il  avoit  l'air ,  pour  ainfi  dire ,  embarraf- 
„  fé.    Au  refte ,  &  c'eft  ce  que  je  ne  dois  pas 
,5  négliger  de   faire  remarquer  j  le  cours  du 
^,  Sang  n'avoit  point  changé  de  direction.     Il 
.5,  continuoit  à  fe  faire  du  bout  poftérieur  au 
5,  bout  antérieur  ".     Enfin  ,   pour  ne  laiffer 
rien  à  défirer ,  je  dirai-  encore ,  que  les  Portions 
de  ces  Vers  à  qui  il  étoit  arrivé  de  pouffer  une 
Queue  au  lieu  d'une  Tête ,   n'ont  pris  aucune 
nourriture  ;   leur  Eftomach   &   leurs   Inteftins 
font  toujours  demeurés  fort  tranfparents ,  &  ce 
qui  eft  affés  r-ema-rquable ,  j'en  ai  eu  qui  ont  vé- 
cu environ  fept  mois  dans  cet  état.     Ce  cas  re- 
vient à  celui  de  cette  moitié  de  Ver  de  terre" 
dont  j'ai  parlé ,  &  qui  avoit  foutenu  un  jeûné 
encore  plus  long. 

Au  relie,  cette  Efpèce  de  Vers  d'eau  dou- 
ce pouffe  auffi  de  ces  Tubercules  qui  paroiffent 
analogues  aux  Réjettons  des  Polypes  à  Bras  : 
j'en  ai  compté  jufqu'à  huit  fur  la  même  Por- 
jtion  y  quatre  de  chaque  côté  ;  mais ,  ils  ont 


Corps    O  r  e  a  n  i  s  e'  s;      ii 

difparû  peu  à  peu  fans  rien  produire  ,  commô 
je  l'ai  raconté  de  ceux  des  Vers  d'eau  douce 
de  la  première  Efpè.ce. 

252.  Phénomènes  de  la  Reproduction  des 
Pattes  de  /'EcrevilTe. 

Je  n-ai  placé  ici  mes  Obfervations  fur  les 
Vers  d'eau  douce  à  la  fuite  de  celles  fur  les 
Vers  de  terre  ,  que  par  la  raifon  des  rapports 
qu'on  obferve  dans  la  manière  dont  les  uns  & 
les  autres  fe  régénèrent.  Car  mon  but  avoit 
d'abord  été  de  chercher  dans  des  Animaux  plus 
grands  que  les  Polypes ,  des  faits ,  qui  puflent 
m'aider  à  expliquer  la  reproduction  de  ces  der- 
niers :  mais  ,  les  Vers  aquatiques  que  j'ai  le 
plus  fuivis ,  ne  font  pas  plus  gros  que  les  Poly- 
pes. Je  reviens  donc  maintenant  à  mon  pre- 
mier but  ;  &  je  vais  dire  quelque  chofe  d'une 
Régénération  fmgulière  que  nous  offre  un  Ani- 
mal d'une  grandeur  monftureufe  en  comparaifon 
des  Polypes  \  j'ai  en  vue  XEcreviffe  d'eau  dou- 
ce. 

LoNG-TEMs  avant  qu'on  connut  la  Répro- 
duélion  du  Polype  ,  les  Phyficiens  admiroient 
celle  des  Pattes  de  l'Ecreviffe  :  mais  ,  perfon- 
ne  ne  l'avoit  fuivie  avec  plus  d'exaélitude  Sç  de 
fagacité  que  Mr.  de  Reaumur  (^). 

Les  Pattes  de  l'EcreviiTe  ont  cinq  articul'A- 

(•)  Mémmsi  ie  l'Acad,  Royale  des  Scîencss :  An.  I7ii. 

B3 


ft       Considérations  Sur  Les 

tions  :  fi  l'on  compte  du  bout  de  la  Pince ,  c'eft  ^ 
à  la  quatrième  que  la  Patte  fe  caffe  le  plus  fré- 
qviemmenî:  &  qu'elle  fe  réproduit  le  plus  façL- 
iement. 

Lors  que  la  Patte  a  été  calTée  à  cet  endroit 
pu  près  de  cet  endroit  ,  par  accident  ou  ^ 
defîein  ,  la  Partie  qui  refte  attachée  au  Corps 
&  qui  contient  deux  articulations ,  montre  à  fon 
bout  antérieur  une  ouverture  ronde  ,  qu'on 
peut  comparer  à  celle  d'un  Etui  d'écaillé.  Une 
fubftance  charnue  occupe  tout  l'intérieur  de 
cet  Etui.  Au  bout  d'un  jour  ou  deux ,  fi  c'eft 
en  été,  une  Meinbrane  rougeâtre  vient  fermer 
Touverture  ,  en  s'étendant  defTus  comme  un 
morceau  d'étoffe.  Elle  eft  d'abord  plane  ;  qua- 
tre à  cinq  jours  après ,  elle  prend  de  la  con* 
vexité.  Cette  convexité  augmente.  Le  milieu 
ou  le  Gpntre,  s'élève  plus  que  le  relie  ;  il  s'élè- 
ve de  plus  en  plus  :  un  petit  cône  paroît  ;  & 
ce  cône  n'a  guères  qu'une  ligne  de  hauteur. 
Il  s'allonge  fans  que  la  baze  s'élargiffe ,  &  au 
bout  d'environ  dix  jours  ,  il  a  quelquefois  plus 
de  trois  lignes  de  hauteur.  Il  n'efl  pas  creux  ; 
des  Chairs  le  rempliffent  ;  &  ces  Chairs  font  les 
éléments  d'une  nouvelle  Patte.  La  Membra- 
ne qui  les  enveloppe  fait  à  l'égard  de  la  Patte 
nailTante  l'office  des  Membranes  du  Fœtus.  El^ 
le  s'étend  à  mefure  que  l'Embryon  croît.  Com- 
me elle  eft  affés  épaiffe  ,  elle  ne  laiffe  voir 
qu'un  cône  allongé.  Quinze  jours  s'étant  é- 
coulés  ce  cône  s'incline  vers  la  Tête  de  l'Ani- 
mal.    Il  fe  recourbe  de  plus  en  plus  les  jours 


Corps    Organise**;     aj 

fuivants.  Il  commence  ^  prendre  la  figure  d'u- 
ne Patte  d'Ecreviire  morte.  Cette  Patte  enco- 
re incapable  d'aélion,  acquiert  jufqu'à  fix  à  fept 
lignes  de  longueur  dans  un  mois  ou  cinq  fe- 
maines.  La  Membrane  qui  la  renferme  deve- 
nant plus  mince  à  niefure  qu'elle  s'étend ,  per- 
met d'apercevoir  les  Parties  propres  à  la  Patte , 
&  l'on  reconnoic  alors  que  cette  mafle  conique 
n'efl  pas  une  fimple  carnofité.  Le  moment  efl: 
venu  où  la  Patte  va  éclorre.  A  force  de  s'a- 
mincir la  Membrane  fe  déchire  ,  &  laifle  à  dé- 
couvert la  nouvelle  Patte  encore  molle ,  &  qui 
au  bout  de  peu  de  jours  fe  trouve  recouverte 
d'une  Ecaille  aufli  dure  que  celle  de  l'ancienne 
Patte.  Elle  n'a  guères  que  la  moitié  de  fa  lon- 
gueur ,  &  elle  efl:  fort  déliée  ;  déjà  nçanmoius 
elle  ^'acquitte  de  toutes  fes  fonctions. 

Si  au  lieu  de  caiTer  la  Patte  à  la  4^6.  jointu- 
re 5  on  la  calTe  ailleurs  ,  ou  fi  on  ne  feit  fim« 
plen^ent  qu'emporter  la  Pince  ,  ou  une  partie 
de  la  Pince ,  l'Animal  fecouvrera  précifçment  ce 
qu'il  aura  perdu, 

La  même  Reproduction  s'opère  dans  les  Jam- 
bes &  dans  les  Cornes  ;  mais  la  Queue  ne  le 
régénère  point,  &  l'Ecrevifle  à  qui  on  l'a  cou- 
pée 5  ne  furvit  que  peu  de  jours  à  l'opération, 

253.  EJJai  d'explication  des  Faits  expofèi 
dans  ce  Chapitre,  principes  imporîam  H* 
tés  des  Réprodu&ions  végMç.s* 

B  4 


«4       Considérations  Sur  Les 

Aplî cation  de  ces  Principes  aux   Réprù; 
ductiom  animales  dont  il  eft  ici  quejîion. 

Avant  que  d'elFayer  d'appliquer  ces  Obfer- 
vations  à  la  multiplicaripii  des  Polypes  ,  re- 
venons fur  pos  pas  &  tâchons  à  déduire  des 
faits ,  les  conféquencés  naturelles  qui  peuvent 
nous  conduire  à  une  explication  philofophi- 
que  des  Réproductions  que  je  yiens  de  dé- 
crire. 

J'ai  fait  voir  dans  ce  Chapitre  combien  la 
Reproduction  des  Vers  de  terre  eft  analogue 
à  celle  des  Végétaux  :  j'ai  montré  enfuite  qu'il 
n'y  a  pas  moins  d'analogie  entre  la  Répro- 
duélion  des  Vers  d'eau  douce  &  celle  des 
Vers  de  terre.  Une  nouvelle  Ecorce ,  un  nou- 
veau Bois,  doivent  leur  nailTance  à  des  efpè- 
ces  de  filaments  cachés  dans  l'ancienne  Ecorce 
ou  dans  l'ancien  Bois  ,  qui  s'étendent ,  s'é^ 
painTifTent  &  forment  peu  à  peu  des  lames  min- 
ces concentriques  les  unes  au^  autres.  Une 
nouvelle  Branche  tire  fon  origine  d'un  Bou- 
ton qui  renferme  un  Bourgeon ,  &  ce  Bour- 
geon efl  une  Branche  en  raccourci,  ou  dont 
toutes  les  Parties  déjà  préformées  coexiftent 
cnfemble.  Je  nomme  ce  Bourgeon  un  Tout 
organique^  parce  qu'il  repréfente  l'Efpèce  en 
petit.  Il  eft  aifé  de  voir  qu'une  Branche  efl 
un  petit  Arbre  qui  croît  fur  un  grand  Arbre 
de  même  efpèce.  Je  ne  regarde  pas  comme 
de  vrais  Touts  organiques  les  filaments ,  ou  les 
lamelles  dont  l'Ecqrcç  &  ie  Bois  tirent  leur 


Corps    O  r  g  a  k  i  s  e'  s.      25 

origine.  L'Ecorpe  ou  le  Bois  ne  font  à  pro- 
prement parler  que  des  Parties  conftituantes 
d'un  Tout  organique.  Ils  ne  le  repréfentenc 
point  en  petit ,  parce  que  cette  repréientatioii 
tient  à  des  formes  y  à  des  proportions  ,  à  un 
arrangement ,  à  une  organifation  qui  ne  fe 
trouvent  point  dans  de  fimples  feuillets  cortir 
eaux  ou  ligneux.  Mais ,  ces  feuillets  font  re- 
préfentés  en  petit  par  les  filaments  gélatineux 
qui  les  produifent,  &  qui  fe  développent  de 
la  manière  que  j'ai  décrite  dans  le  Chapitre 
précédent. 

Ainsi  dans  l'Animal  la  Régénération  d'une 
nouvelle  Peau  tient  comme  celle  d'une  nou- 
velle Ecorce  à  des  filaments  gélatineux,  qu'- 
une dérivation  accidentelle  des  fucs  nourri- 
ciers met  en  état  de  fe  développer.  C'efl  ce 
que  l'on  reconnoit  en  obfervant  tout  ce  qui 
fe  pafle  dans  la  confolidation  des  Playes.  Oa 
voit  affez  que  ces  filaments  étoient  des  Par- 
ties infiniment  petites  de  l'ancienne  Peau ,  qui 
ne  fe  feroient  peut-être  jamais  développées 
lans  fintervention  d'une  circonflance  acciden- 
telle ,  &  qui  avoient  été  mifes  en  referve  pour 
cette  circonft^nce  ou  pour  d'autres  circonllan- 
ces  analogues.  Je  renvoyé  fur  cela  à  l'Ar- 
ticle 23(5. 

Mais  ,  quand  il  s'agit  de  produire  dans 
l'Animal  un  nouveau  Tout  organique ,  ou  une 
nouvelle  Partie  intégrante ,  qui  eft  elle  même 

B  5 


2j^       Considérations  Sur  Le« 

à  quelques  égards  un  petit  Tout  organique, 
la  Nature  paroît  s'y  prendre  de  la  même  ma- 
nière que  pour  produire  dans  le  Végétal  une 
nouvelle  Branche,  tlle  a  préformé  cette  Bran- 
che ,  elle  l'a  renfermée  en  petit  dans  un  Bou- 
ton ,  &  fa  produftion  eft  moins  une  vraye 
Génération  que  le  fimple  développement  de  ce 
qui  étoit  déjà  tout  formé.  La  Nature  paroît  a- 
voir  de  même  renfermé  en  petit  dans  une  efpé- 
ce  de  Bouton  les  Parties  que  les  Infedles  répro- 
duifent  à  la  place  de  celles  qu'ils  ont  perdues. 
C'eil  ce  que  l'on  voit  pour  ainfi  dire  à  l'œil 
dans  la  Multiplication  des  Vers  de  Bouture 
&  dans  la  Réproduélion  des  Pattes  de  l'Ecre- 
vifle.  La  nouvelle  Partie  pafle  par  tous  les 
dégrés  d'accroiffement  par  lesquels  l'Animal 
lui  même  a  paiTé  pour  parvenir  à  l'état  de 
perfeélion.  On  lui  retrouve  dans  les  premiers 
tems  la  mçme  forme  efTentielle  ,  les  mêmes 
Organes  qu'elle  offrira  dans  la  fuite  plus  en 
grand.  La  circulation  du  Sang  eft  très  via- 
ble dans  cet  appendice  vermiforme  fi  délié, 
qui  pouffe  au  bout  poftérieur  d'un  Ver  de  Ter- 
re ,  &  qui  doit  devenir  une  nouvelle  Partie 
poftérieure.  Des  Artères  fuppofent  des  Vei- 
nes ;  les  unes  &  les  autres  fuppofent  des  Nerfs 
&  bien  d'autres  Organes,  Tout  cela  coëxifte 
donc  à  la  fois  ,  car  comment  concevoir  que 
différentes  Parties  dellinées  à  former  un  même 
Tout ,  à  concourir  enfemble  au  même  but ,  & 
dont  par  conféquent  toutes  les  aélions  font 
gonfpirantes  ou  relatives ,  foient  produites  les 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      27 

unes  après  les  autres  p^r  appofition^  ou  par  une 
méchanique  fecrette  ?  Comment  pourroit  -  on 
admettre  une  telle  formation,  quand  on  eft  par- 
venu à  s'afliirer  que  toutes  les  Parties  du  Pour 
let  coëxiftent  enfemble  long-tems  avant  qu'elf 
les  tombent  fous  nos  fens  (^)  ?  Pourquoi  la 
Partie  qu}  fe  réproduit  eft- elle  fi  difpropor- 
tionnée  à  celle  qu'elle  va  remplacer  ?  pourquoi 
eft -elle  fi  molle,  fi  délicate,  fi  déliée  ?  pour- 
quoi fes  articulations  font  -  elles  fi  ferrées  ,  fi 
rapprochées  les  unes  des  autres?  Ceft  que 
ce  n'eft  pas  Fancien  Tout ,  ou  le  Tronçon  qui 
croît  &  forme  cette  nouvelle  produélion  ;  c'eft 
un  nouveau  Tout  qui  fe  développe  dans  l'an- 
cien &  à  l'aide  des  fucs  que  celui-ci  lui  four- 
nit. Je  ne  crois  pas  qu'il  foit  poffible  de  fe 
refufer  à  cette  conféquence  lors  qu'on  a  fuivi 
avec  foin  la  Régénération  des  Vers  qui  mul- 
tiplient de  Bouture  ,  &  qu'on  a  vu  &  revu 
cent  fois  par  fes  propres  yeux  cette  Régéné- 
ration merveilleufe.  Mais  les  Phyficiens  qui 
ont  combattu  le  fentiment  que  j'adopte,  paroif- 
fent  avoir  été  plus  touchés  de  •  la  gloire  d'en- 
fanter un  nouveau  Syftème  ,  que  du  plaifir 
plus  philofophique  &  moins  bruyant  d'étudier 
la  Nature  dans  un  Infeéle.  Je  ne  fais  point 
ici  de  Syftème  ;  car  je  n'entreprens  point  d'ex- 
pliquer comment  l'Animal  fe  forme  :  je  le  fup. 
pôle  préformé  dès  le  commencement,  &  ma 
fuppofition  repofe  fiir  de§  Faits  qui  ont  été  bien 

<l)  Voy?z  le  Chap.  IX.  du  Tome  I. 


îil      Considérations  Sur  Les 

obfervés.  Ge  feroit  en  vain  qu-on  obje6leroit 
que  fi  l'on  pouvoit  prendre  l'Animal  de  plus 
haut  5  on  ne  le  trouveroit  pas  préformé  :  je 
n'imagine  pas  qu'on  puifTe  le  prendre  de  plus 
haut  que  l'a  fait  Mr.  de  Haller  ,  quand  il  a 
démontré  que  le  Poulet  préexifte  dans  l'Oeuf 
à  la  fécondation  C^)' 

254,  Çonféquençe, 

L' Auteur  de  la  Nature  a  donc  renfermé 
dans  les  Ovaires  de  la  Poule  les  Germes  des 
Poulets  qui  en  doivent  naître.  L'on  peut  dire 
qu'iL  a  de  même  placé  dans  le  Corps  de  dif- 
férents Vers  des  efpèces  d'Ovaires  qui  contien- 
nent des  Germes  prolifiques.  Mais  ,  au  lieu 
que  les  Ovaires  de  la  Poule  occupent  une  ré- 
gion particulière,  ceux  de  nos  Vers  font  ré- 
pandus dans  tout  le  Tronc.  L'expérience  Je 
démontre ,  puisqu'en  quelque  endroit  du  Tronc 
qu'on  falTe  la  feâion ,  il  réproduit  de  nouveaux 
Organes. 

255.  Examen  de  la  queflîon  ,  fi  les  mêmes 
Germes  fervent  &  à  la  Mulùplication 
naturelle  de  rEfpèce  &  à  la  Réproduc- 
tion des  Parties  coupées? 

Comparaifon  tirée  de  la  différence  effentïelk 
qui  ejl  entre  la  Plant ule  logée  dam  la 
Graine ,  &  celle  qui  e/l  logée  dans  le  Bou- 
ton à  Bois. 

Si  l'on  regarde  les  Tubercules  que  j'ai  vus 

(41)  Ihid,  Preuie»  Fait, 


Corps    Organise' s»       sj> 

5'élever  fur  le  Gorps  des  Vers  d'eau  douce, 
comme  étant  analogues  aux  Rejettons  des  Po- 
lypes à  Bras  ^  ce  feront  de  petits  Vers  dont 
les  Germes  cachés  dans  l'intérieur  de  la  Mère 
fe  développeront  fuivant  certaines  îoix. 

Ces  Gernies  doivent  repréfenter  en  petit  uii 
Animal  entier ,  puisqu'ils  font  préparés  pour  la 
multiplication  naturelle  de  l'Infeéte-  Mais ,  eii 
eft-il  de  même  des  Germes  deftinés  à  repa- 
rer la  perte  de  Tune  ou  de  l'autre  des  Extré- 
mités ?  Ces  Germes  contiennent -ils  auffi  les 
Eléments  de  toutes  les  Parties  propres  à  l'In- 
feéle?  Sont -ils  l'Infeéle  lui-même  très  en  pe- 
tit? N'y  -  a- 1- il  que  la  Partie  antérieure  qui 
fe  développe  dans  le  Germe  deftiné  à  reparer 
la  perte  de  la  Tête?  ôce^  J'ai  paru  l'admet- 
tre dans  le  Chapitre  IV,  Articles  50,  51,  & 
52.  &  j'ai  indiqué  quelques  Caufes  qui  peu- 
Vent  empêcher  l'accroiflement  de  la  Partie  du 
Germe  qui  ne  doit  point  fe  développer.  Au- 
jourd'hui que  j'y  réfléchis  davantage  ,  je  ne 
vois  aucun  inconvénient  à  fuppofer  dans  ces 
fortes  de  Vers,  des  Germes  de  Parties  anté- 
rieures &  des  Germes  de  Parties  poftérieures. 
Cette  hypothèfe  me  paroît  fujette  à  moins  de 
difficultés  que  celle  de  l'oblitération  d'une  par- 
tie du  Germe.  Si  l'on  admet  des  Germes  par- 
ticuliers pour  la  produd"ion  des  Dents ,  pour- 
quoi refnfercit  -  on  d'en  admettre  pour  la  pro- 
dudion  des  Parties  beaucoup  plus  compofées , 
&  dont  la  fonr>ation  répugne  encore  davan-; 
,èage  aux  explications  méchaniques? 


go      Considérations  Sur  Les 

Une  obrervation  prife  des  Végétaux  ipà" 
roît  confirmer  cette  diverfité  des  Germes  dan^ 
le  même  Individu.  La  Graine  qui  opère  la( 
multiplication  la  plus  naturelle  du  Végétal,  ren- 
ferme une  Plante  en  entier^  Une  difleftion 
groflière  fuffit  pour  inettréf  en  évidence  les 
principales  Parties  de  cette  petite  Plante ,  je 
veux  dire  la  Pîumuîe  &  la  Radicule.  On  fçait 
que  le  développement  de  la  première  produit 
la  Tige  &  fes  Branches  ,  &  que  le  dévelop- 
pement de  la  féconde  produit  la  maîtrefTe  Ra- 
cine &  fes  Ramifications.  Le  Germe  contenu 
originairement  dans  la  Oraîne  efl:  donc  une 
Plante  entière  en  raccourcie  Un  Bouton  à 
Bois  ne  renferme  au  contraire  que  la  Flumule; 
j'en  ai  dit  ailleurs  la  raifon.  Les  Racines  qui 
partent  des  Bourlets,  tirent  leur  origine  de  Ma- 
melons ^  &  ces  Mamelons  femblent  faire  à  leur 
égard  l'office  de  Boutons.  Un  femblable  Bou- 
ton ne  contient  non  plus  que  la  Radicule,  I! 
efl  donc  dans  le  Végétal  des  Germes  de  Plu- 
mules  &  des  Germes  de  Radicules ,  comme  iî 
en  efl  qui  contiennent  à  U  fois  &  la  Plumule 
&  la  Radicule. 

Dans  les  Vers  qu^oa  fnultiplie  de  Bouture, 
les  Germes  qui  ne  contiennent  que  des  Parties 
antérieures  ou  poltérieures,  peuvent  être  com- 
parés aux  Germes  végétaux  qui  ne  contien- 
nent que  des  Plumules  ou  des  Radicules.  Les 
Germes  deftinés  à  opérer  la  multiplication  na- 
turelle de  rinfeéte ,  peuvent  être  comparés  de 
même  aux  Germes  contenus  dans  les  Craîûe&,. 


CdR?s    Organise' Si      31 

On  peut  être  curieux  de  favoir  ce  que  Mr. 
DE  Reaumur  penlbit  fur  la  queftion  dont  il 
s'agit  :  on  le  verra  dans  l'extrait  fuivant  d'une 
Lettre  qu'il  m'écrivit  le  2i"'e.  Décembre  1742. 
La  fuite  de  vos  Obfervations  fur  les  Boutures 
des  Vers  aquatiques  ^  contient  un  grand  nombre 
défaits  extrêmement  curieux  ^  ce  ne  fera  qu'a- 
près quHly  en  aura  beaucoup  de  rajjemblés ,  de 
tels  que  ceux  que  vous  avez  raportés  dans  vôtre 
Lettre  ,  que  nous  pourrons  raifonner  fur  une 
réprodudiion  fi  étrange.    Ces  obfirvations  ,  de 
Queues  qui  font  nées  où  des  Têtes  dévoient  naî- 
tre ^  font  extrêmement  fîngulières  ^  &  je  ne  dé- 
fefpère  pas  qu'il  ne  vous  arrive  de  les  refaire 
plus  d^une  fois.*  Le  fait  étant  bien  confiâtes 
rembaras  ne  fera  pas  de  trouver  le  Germe  de 
la  Partie  pofîérieure  qui  a  été  produite  ,  car  il 
faut  qu'il  y  ait  partout  dans  ces  animaux  des 
Germes  de  Parties  antérieures  &  de  Parties 
pojîérieures  qui  Je  touchent  ,  ^  les  unes  ne  Jonî 
déterminées  à  fe  développer  préférablement  aux 
autres^  que  lors  que  le  bout  où  elles  fe  trouvent 
efl  le  plus  favorable  à  leur  développement  ;  ref 
tera  à  fçavoir  ce  qui  peut  en  quelques  circon^ 
fiances  faciliter  le  développement  d'une  Partie 
poftérieure  fur  un  bout  antérieur  y  f  appelle  ainfi^ 
le  plus  proche  de  la  Tête. 

256.  Indifférence  de  la  queflim  au  but  de 
routeur:  Raifons  de  la  laijfer  indécife. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  la  fimilarité  ou  de  la 
^iffimilarité  organique  des  Germes  dans  le  mê^ 


2[2        Considérations  Sur  Les 

nie  Individu  ,  je  dirai  que  cette  queflion  efi: 
très  indifférente  à  mon  but ,  &  nous  ne  fômmes 
pas  à  portée  de  la  décider.  Si  la  flfuéturè  inti- 
me des  Parties  les  plus  groffières  nous  échap- 
pe 5  comment  pourrions  -  nous  îftteindre  à  la 
connoifTance  de  Parties  d'une  finefle  &  d'une 
petitefle  extrêmes?  La  matière'  à  été  prodigieU- 
îement  divifée ,  &  les  Germes  font  en  quelque 
forte  les  dernières  divifions  de  la*  matière  orga- 
nifée.  Je  n'ai  ici  d'autre  objet  que  de  chercher 
à  établir  que ,  ce  que  nous  nommons  Produdtiort 
ou  Réproduâion  dans  nos  éfpèces  de  Zoophy» 
tes  y  n'eft  que  le  développement  de  petits  Touts 
organiques  qui  préexiftoient  dans  le  grand  Tout 
dont  ils  réparent  les  pertes.  Ainfi ,  foit  que  cet- 
te réparation  dépende  de  Germes  qlii  ne  con- 
tiennent précifément  que  ce  qu'il  s'agit  de  ré- 
parer ;  foit  qu'elle  dépende  de  Germes  qui  con- 
tiennent un  Animal  entier  &  dont  il  ne  fe  dé- 
veloppe qu'une  Partie  ,  précifément  femblablé 
à  celle  qui  a  été  enlevée  ,  tout  revient  au  mê- 
me dans  Tune  &  l'autre  fuppôfition  :  ce  n'ell 
jamais  une  Génération  proprement  ditte  ;  c'eft 
toujours  là  fimple  Evolution  de  ce  qui  étoit  dé- 
jà engerîdré.  Tant  de  Faits  très  certains  que 
j'ai  raflemblés  dans  cet  Ouvrage  ^concourrent  fi 
évidemment  à  établir  ce  grand  Principe  ,  qu'il 
n'y  a  que  îa  plus  forte,  prédilediion  pour  de 
nouvelles  idées ,  qui  puiiîe  engager  à  le  combat- 
tre. Je  rappellerai  encore  ici  ce  que  j'ai  dit  dans 
le  Chapitre  X.'  duTome  I.  fur  la  préexiftence  dit  Pa- 


CôRips    Organise' #.       33^ 

pillon  dans  la  Chenille.  Un  Ver  qui  fe  nour* 
rit  de  l'intérieur  de  celle  -  ci,  fait  n'attaquer  que 
les  Parties  propres  au  Papillon  :  la  Chenille  con- 
tinue à  s'acquiter  de  toutes  fes  manœuvres;  el- 
le vit  &  fait  vivre  forî  ennemi  ,  m^is  elle  ne 
donne  point  de  Papillon. 

257.  Réflexions  fur  la  préexiflénce  des  Far' 
*        ties  ou  des  Touts  qui  paroijjent  reproduits 
pu  engendrés^ 

Tout  nous  indique  que  la  Nature  a  préparé 
de  loin  dans  les  Corps  organifés,  les  diverfes  Pro- 
du6lions  qu'elle  y  doit  mettre  au  jour.  Tandis 
qu'elles  commencent  déjà  à  fe  développer,  nous 
ne  nous  doutons  point  de  leur  exiltence  ,  & 
nous  difons  qu'elles  naijjent  lors  qu'elles  fe  font 
alTés  développées  pour  tomber  fous  nos  fens* 
Une  Intelligence  qui  auroit  des  yeux  plus  per- 
çants que  les  nôtres,  reculeroit  bien  loin  le  mo- 
ment de  cette  prétendue  nailTance.  Il  peut  nous 
être  permis  de  raifonner  fur  les  Fins  de  l'Au- 
teur de  laNature ,  quand  ces  Fins  font  éviden- 
tes. 11  paroît  qu'iL  a  voulu  que  des  hifeéles 
dont  le  Corps  efl  très  cafTant  ,  ou  dont  l'une 
&  l'autre  des  Extrémités  étoient  expofées  à 
fervir  de  pâture  à  différents  Animaux  voraces  p 
puffent  réparer  les  pertes  que  ces  accidents  dé- 
voient leur  occafionner.  Sa  Sagesse  a  donc 
ménagé  dans  ces  Infeéles  des  fources  fécondes 
de  réparation.  Elle  a  conflruit  leur  Corps 
fur  un  modèle  particulier  :  Elle  y  a  femé  4^1 

ToM.  IL  C 


^4      Considérations  Sur  les 

Germes  dont  le  développement  opère  ces  Ré- 
produélions  que  nous  ne  nous  laffons point  d'ad- 
mirer. Le  retranchement  d'une  Partie  antéri- 
eure ou  poftérieure  détourne  au  profit  du  Ger- 
me placé  au  bout  correfpondant  du  Tronçon , 
les  fucs  nourriciers  qui  auroient  été  employés 
à  l'entretien  de  cette  Partie.  Ce  Germe  com- 
mence donc  à  fe  développer  ;  il  fe  montre  d'a- 
bord fous  rafpeél  d'un  petit  Bouton  arrondi  , 
qui  décèle  en  quelque  forte  fon  premier  état  de 
Corps  oviforme, 

258.  Be  l'union  de  la  Partie  reproduite  a* 
vec  le  Tronçon:  comment  elle  s^ opère, 

L*uNioN  que  la  nouvelle  Partie  contrafte  a- 
vec  le  Tronçon,  n'a  rien  de  plus  embaraflanc 
que  celle  du  Bourgeon  avec  l'Arbre ,  ou  de  la 
Greffe  avec  le  Sujet,  On  voit  affés  qu'à  me- 
fure  que  les  Vaifteaux  du  Germe  fe  dévelop- 
pent, ils  peuvent  s'aboucher  par  différents  points 
à  ceux  du  Tronçon  ,  &  de  cet  abouchement 
doit  réfulter  une  circulation  commune.  Mais 
la  petitefTe  &  la  tranfparence  des  Vaiffeaux  ne 
permettent  pas  d'oblerver  ici  ces  anaftomofes 
comme  on  les  obferve  dans  les  Greffes  végéta- 
les.- La  réunion  qui  s'opère  quelquefois  dans 
les  Chairs  des  grands  Animaux.,  répand  encore 
du  jour  fur  celle  dont  il  s'agit:  j'en  parlerai  ail- 
leurs. 

259.  Régularité  parfaite  des  Rêprodu^km 


I 


Corps    Organise' s.      35 

^ans  les  Fers  d'eau  douce  ,    de  k  i'«. 
Efpèce. 

Ce  font  apparemment  des  loix  très  fimples 
que  celles  qui  préfident  aux  Réprodudions  de 
mes  Vers  aquatiques  de  la  première  Elpèce, 
ou  de  ceux  que  j'ai  gommés  rougeàîres  (^a^  : 
il  eft  remarquable  qus  parmi  un  grand  nombre 
d'expériences  que  j'ai  tentées  fur  cette  Efpèce , 
il  n'y  en  ait  eu  aucune  qui  ait  été  fuivie  de 
produ6lion  monftrueufe.  J'ai  vu  conftamment 
une  nouvelle  Partie  antérieure  fe  développer 
au  bout  antérieur  de  l'ancien  Tronçon ,  &  une 
nouvelle  Partie  poftérieure  pouffer  au  bout  cor- 
refpondant  de  ce  même  Tronçon.  La  Partie 
réproduite  a  toujours  été  précifément  femblable 
à  celle  que  j'avois  retranchée  ,  &  capable  des 
mêmes  fonélions  ;  nulle  irrégularité  apparente  , 
nulle  différence  fenfible  dans  l'Organifation  ;  i- 
dentité  parfaite  dans  la  forme  ,  dans  la  pofiti- 
on,  dans  les  mouvements  foit  extérieurs,  foie 
intérieurs. 

260.  Recherches  fur  les  caufes  qui  àétermW 
nent  ici  le  développement  d'un  Germe  pré» 
fèrahlement  à  celui  d'un  autre  dam  un  lieu 
donné. 

,  Mais  quelle  efl:  la  caufe  qui  détermine  une 
Partie  antérieure  à  fe  développer  préférablemeûl 

(a)  Ty%\xi  ^hfeQolosie,  Seconde  Partie,  Obf.  I. 

G  a 


^6      Considérations  Sur  Lks 

à  une  Partie  poflérieure  ?  Pourquoi  une  Tête 
fe  développe -t- elle  fur  le  bouc  antérieur ,  une' 
Queue  fur  le  poftérieur  ?  Il  efl  très  manifef- 
te  que  le  bout  qui  eft  l'antérieur  dans  un  Tron- 
çon quelconque ,  anroit  pu  devenir  le  poftéri* 
eur  fi  la  fe6lion  avoit  été  faite  dans  un  autre 
point  ;  le  hazard  feul  en  a  décidé.  Il  y  a  donc 
à  chaque  bout  un  Germe  de  Tête  &  un  Ger- 
me de  Queue  :  d'où  vient  que  ces  deux  Ger- 
mes  ne  fe  développent  pas  à  la  fois  fur  le  mê- 
me bout?  pourquoi  le  Tronçon  ne  pôufTe-t-iî 
pas  à  la  fois  h  fes  deux  extrémités  une  Tête  & 
une  Queue  ?  J'efTayerai  de  répondre  à  cette 
queftion  par  une  conjeélure  qui  ne  me  paroîc 
pas  dépourvue  de  vraifemblance  &  que  je  tire 
d'un  Fait  très  certain. 

J'ai  dit  que  la  circulation  du  Sang  s'exécute 
dans  ces  Vefs  de  la  Queue  vers  la  Tête,  du 
bout  poilérieur  vers  l'antérieur.  J'ai  fait  admi- 
rer ailleurs,  la  rés^iîaricé  confiante  de  ce  mou- 
vement que  les  feétions  les  plus  multipliées  ne 
troublent  jamais  Qa^,  H  y  a  donc  dans  cette 
Efpèce  de  Vers  un  fuc  afcenddnt  ;  je  nomme 
ainfi  ce  fuc  dont  la  dkeélion  conftante  ell:  de 
la  Queue  vers  la  Tête.  Seroit-ce  abufer  de  la 
permifTion  de  conjecturer  que  de  fuppofer  qu'il 
y  a  aufli  un  fuc  defcendant ,  ou  dont  la  direc- 
tion eft  en  fens  oppofé?  car  il  faut  bien  que 
la  Partie  poflérieure  de  Tlnfeéle  reçoive  la  nour^ 
îiture  qui  lui  eft  nécefîaire  :   il  eft  donc  pro- 

4<î)  Voyez  le  Tome  I.  page  x8s» 


GoRPS    Organise' s.       37 

babîe  qu'elle  la  reçoit  par  des  Artères  qu'on 
peut  nommer  defcendantes  &  qui  tirent  leur  0- 
tigine  de  la  principale  Artère.  J'ai  fait  remar- 
quer dans  mes  obrervations  fur  ces  Vers ,  que  la 
Tête  eft  à  rordifiaire  la  Partie  qui  fe  développe 
kl  première  (^^}.  Le  développement  eft  tou- 
jours l'effet  de  la  nutrition  :  le  Germe  de  la 
Tête  reçoit  donc  à  f  ordinaire  le  premier  les  fucs 
appropriés  au  développement.  Il  paroit  qu'il 
les  recevra  le  premier ,  s'il  les  reçoit  par  ce 
Vaiiîeau  qui  poulTe  continuellement  le  Sang 
vers  le  bout  antérieur.  Le  Germe  de  la  Tête 
a  donc  probablement  avec  ce  Vaifleau  des  îiai- 
fons  directes  &  immédiates  que  n'a  pas  le  Germe 
deftiné  à  produire  une  Queue.  Celui-ci  nour- 
ri probablement  par  des  Vaiifeaux  defcendants, 
ne  fe  développe  qu'au  bout  où  ces  VailTeaux  ten- 
dent. Ceci  a  quelque  analogie  avec  ce  qu'on 
obferve  dans  les  Arbres  :  on  a  vu  dans  le  Cha- 
pitre précédent,  que  les  Branches  font  nourries 
par  un  fuc  afcendant  ,  les  Racines  par  un  fuc 
defcendant.  Mais  les  Branches  peuvent  fe  dé- 
velopper fur  les  Racines  ,  \^.?>  Racines  fur  les 
Branches  ;  il  ne  faut  donc  pas  trop  prefler  cet- 
te comparaifon. 

25i.  Conjectures  fur  cette  Efpèce  de  Fers 
à^eau  douce  qui  ,  dans  certaines  clrconilan~ 
ces ,  pouffent  une  Qtieuë  au  lieu  d'une  Tête, 

..Mes  Vers  aquatiques  de  la  féconde  Efpèce ,' 

{«)  Traité  d'InfeSlolcgie  ,  aiîe.  Part,  page  24» 

c  3 


jJL       Considérations  Sur  Le 8 

ou  dont  la  couleur  efl  blanchâtre  (  ^  ) ,  ne  fô 
réproduifent  pas  avec  la  même  régularité.     Si 
Ton  ne  fait  que  retrancher  à  un  de  ces  Vers 
la  Partie  antérieure ,  il  en  réproduit  une  nou- 
velle.    Mais  fi  on  le  partage  transverfaleraent 
en  deux  ou  plufieurs  Portions  ,  toutes  répro* 
duilent  une  Queue  à  la  place  où  elles  auroient 
dû  réproduire  une  Tête.     L'éfpèce   de  con- 
fiance  du  phénomène   ne  permet  pas  de  le 
mettre  au  rang  de  ces  productions  fortuites  & 
monftrueufes  que  l'on  voit  quelquefois  dans  le 
Règne  animal     Les  Polypes  à  Bras  oiFrent 
de  femblabies  produftions  :    on   voit  s'élever 
fur  leur  Corps  des  Queues  furnuraéraires ,  dont 
ils  fe  fervent  comme  de  leur  bout,  poltérieur 
pour  fe  cramponner.    Mais  Mr.  Trembley  fait 
allez  fentir  que  c'eft-là  un  cas  extraordinaire  en 
difant ,  qu'on  ne  l'ob/erve  que  quelquefois  ;  ce  fonç 
fes  termes  (^).    Je  ne  chercherai  point  à  de^ 
viner  pourquoi  les  Portions  de  nos  Vers  blan^ 
châtres  pouffent  une  Queue  à  la  place  où  el» 
les  auroient  dû  poufîer  une  Tête  ;  je  ne  con- 
nois  aucun  Fait  qui  puilîe  m'éclairer  là-delTus; 
je  ferai  feulement  remarquer  que  cette  Qtieuô 
furnuméraire  étant  aiilTi  bien   conformée  que. 
celle  qui  croît  au  bout  poflérieur ,  il  efl  vrai- 
femhlable  qu'elle  a  la  même  origine.    Elle  pro- 
vient d'un  Germe  qui  s'eft  développé  à  la  pla- 
cé où  une  Partie  antérieure  auroic  dû  naître, 
îl^femble  qu'on  puilTe  inférer  de  mesExpcrien- 

C<)  ibid.  obr.  xxfi,  xxui. 

(i)  Mém.  fur  les  Fol,  à  ^fA^i  ia  Svo,  Toa,  2.  pag.  m. 


i  ' 

C  0  R  P  s     O  R  G  A  N  I  s  fi'ff.        "39 

ces  que  cette  Efpèce  de  Ver  a  été  conîlmite 

de  manière  qu'il  ne  fe  trouve  des  Germes  de 

Tête  que  vers  la  Partie  antérieure  de  TlnfeC'- 

te  5  &  que  par  -  tout  ailleurs  il  n'y  ait  que  des 

Germes  de  Queue.     Nous  ignorons  pourquoi 

l'AuTEUR    de  la    Nature  3  rellerré  ici  la  Ré- 

produflion  dans  de  telles  limites ,  &  pourquoi 

IL  les  a  fi  fort  étendues  dans  d'autres  Infeftes; 

mais  nous  voyons  au  moins,  qu'iL  a  mis  nos 

Vers  blanchâtres  en  état  de  reparer  la  perte 

qu'ils  étoient  le  plus  fouvent  expofés  à  faire, 

je  veux  dire  celle  de  leur  Partie  ppllérieure. 

Ils  la   tiennent   ordinairement   hors  du  limon 

dans  lequel  ils  font  leur  demeure  :  elle  eft  donc 

plus  expofée  à  être  mangée  par  des  Infeéles 

vpraces  que  ne  l'eft  le  relie  du  Corps. 

A'  l'égard  du  développement  de  la  Queue 
furnuméraire  ,  il  peut  dépendre  en  partie  de 
l'abfence  d'un  Germe  de  Tête.  Le  Germe 
de  Queue  placé  au  bout  antérieur  reçoit  feul 
les  fucs  nourriciers  qui  vont  à  ce  bout  pour 
la  nourriture  des  Parties  qu'il  renferme.  Mais 
tout  ceci  n'efl  que  conjecture,  &  je  n'y  in- 
fifterai  pas  davantage:  la  Itruélure  de  ces  Vers 
m'efl  trop  peu  connue, 

262.  Tentatives  pour  expliquer  la  Répro-^ 
du&ïon  des  Pattes  de  l'EcreviJJe. 

Ce  que  la  Réprodu6lion  d'une  Tête  &  d'u- 
ne Queue  eft  aux  Vers  que  j'ai  multipliés  de 
Bouture ,  la  Képroduélion  des  Jambes  &  des 

C  4 


4J>        Considérations  Sur  Les 

Cornes  Tefl:  à  l'Ecrevifle.  Nous  avons  vu  que 
la  Patte  nailFante  fe  montre  d'abord  fous  la 
forme  d'un  Mamelon  conique  qui  s'allonge  de 
jour  en  jour.  Une  Membrane  affez  épaifle 
qui  recouvre  les  Chairs,  &  l'extrême  délicateife 
de  celles-ci,  ne  perpiettent  pas  dans  ces  pre- 
miers tems  à  l'Obfervateur ,  de  diflinguer  les  Par- 
ties propres  h  la  Patte.  Mais  lors  qu'elles  fa 
font  un  peu  fortifiées,  elles  deviennent  lènfibles, 
&  en  perçant  alors  l'enveloppe ,  on  met  à  dé- 
couvert des  articulations  très  reconnoiffables, 
Nous  fommes  donc  fondés  à  regarder  la  nou-? 
velle  Patte  comme  un  nouveau  Tout  organiT 
que ,  dont  le  Germe  exifloit  dans  le  Tronçon 
de  l'ancienne  Patte,  La  rupture  de  celle  -  ci  a 
donné  lieu  au  développement  de  ce  Germe ,  eii 
détournant  à  fon  profit  dés  fucs  qui  fe  feroienc 
portés  à  d'autres  Parties. 

Il  fe  préfente  ici  une  difficulté  qui  mérite 
que  je  m'y  arrête.  J'ai  dit  ci-delfus,  qu'en  quel- 
qu'endroit  qu'on  coupe  la  Patte ,  ce  qui  fe  ré? 
produit  ell  toujours  précifément  femblable  à  ce 
qu'on  a  r-etranché.  M^.  de  Reaumur  a  beau- 
coup infiftéfur  cette  difficulté,  ^  il  convient  de 
l'entendre  lui-même. 

5,  Devons -NOUS  entreprendre,  dit-il(^^), 
3,  d'expliquer  commerw:"  fe  font  ces  Réproduc- 
^5  tions  !  Nous  ne  pourrions  tout  au  plus  que 
3,  bazarder  quelques  coiijcftures  ;  &  quelle  foi 
j,  ajoûteroit  -  on  à  des  conjeiitures  ^  lors  qu'il 

(#)  Mém.  4e  l'Jcnd,  Roy  ait  d:s  Sciences,  Aa.  17  iz,  ": 


Corps    Organise' s,       4v 

^,  s'agit  de  rendre  raifon  de  Faits ,  dont  les  rai- 
„  fonnemens  clairs  ferabloient  prouver  l'impof- 


55 
35 
55 
5» 
55 
55 
55 
55 
55 


55 
55 
55 
55 
55 
59 
>5 
55 
55 
?5 
55 
55 
55 


fibilité  !  Nous  dirions  bien  que  vers  la  Partie 
coupce  il  fe  porte  beaucoup  de  fac  nourri- 
cier, &  alTezpour  former  de  nouvelles  Chairs. 


55 
55 

5,  Mais  où  trouver  la  caufe  qui  divife  ces  Chairs 
par  diveries  articulations,  qui  en  forme  des 
Nerfs, des  Mufcles,des  Tendons  diffcrents. 
Tout  ce  que  nous  pourrions  avancer  &  de 
plus  commode ,  &  peut  -  être  de  plus  raiibn- 
nable  ;  ce  feroit  de  fuppofer  que  ces  petites 
Jambes  que  nous  voyons  naître ,  étoient  clia- 
cune  renfermées  dans  de  petits  Oeufs  ,  & 
qu'ayant  coupé  une  Partie  de  la  Jambe  ,  les 
mêmes  fucs  qui  fervoient  à  nourrir  &  faire 
croître  cette  Partie ,  font  employés  â  faire  dé- 

^5  velopper  &  naître  l'efpèce  de  petit  Germe 
de  Jambe  renfermé  dans  cet  Oeuf.  Quelque 
commode  après  tout  que  foi t  cette  fuppofi- 
tion ,  peu  de  gens  fe  refoudront  à  l'admettre. 
Elle  engagerait  à  fuppofer  encore,  qu'il  n'eft 
point  d'endroit  de  la  Jambe  d'une  Ecrevalfe, 
où  il  n'y  ait  un  Oeuf  qui  renferme  une  autre 
Jambe  ;  ou  ce  qui  eft  plus  merveilleux ,  une 
Partie  de  Jambe  femblable  à  celle  qui  eil  de- 
puis l'endroit  où  cet  Oeuf  eft  placé  jusqu'au 
bout  de  la  Jambe  :  de  forte  que  queîque  en- 
droit de  la  Jambe  que  Ton  ailignât  ,  il  s'y 
trouveroitun  de  ces  Oeufs,  qui  contiendroit 
une  autre  Partie  de  Jambe,  que  l'Oeuf  qui 
eft  un  peu  aa  -  deflùs ,  ou  que  celui  qui  eft 
■      Ç  5  ■ 


^2      Considérations  Sur  Les 

5,  un  peu  au  -  deflbus.  Les  Oeufe  qui  feroient 
5,  à  l'origine  de  chaque  Pince,  par  exemple, 
„  ne  contiendroient  qu'une  Pince  ;  près  du 
5,  bout  des  Pinces  iJ  en  fàudroic  placer  d'autres 
„  qui  ne  continuent  que  des  bouts  de  Pinces. 
„  Peut-être  airaeroit-on  mieux  croire  que  cha- 
5,  cun  de  ces  Oeufs  contient  une  Jambe  entiè- 
5,  re  :  mais  ne  feroit  -  on  pas  encore  plus  em- 
5  5  barralTé  5  lors  qu'il  faudroit  rendre  raifon  pour- 
55  quoi  de  chacune  de  ces  petites  Jambes,  il 
,,  n'en  renaîtroit  qu'une  Partie  femblable  à  celle 
5,  que  l'on  a  retranchée  à  l'EcrevilTe  ?  Ce  ne  fe- 
55  roit  pas  même  allez  de  fuppofer  qu'il  y  a  un 
5,  Oeuf  à  chaque  endroit  de  la  Jambe  d'une  E- 
5j  creviiTç ,  il  faudroit  y  en  imaginer  plufieurs , 
,,  &  nous  ne  faurions  déterminer  combien.  Si 
5,  l'on  coupe  la  nouvelle  Jambe ,  il  en  renaît  une 
5,  autre  dans  la  même  place.  Enfin  il  faudroit 
5,  encore  admettre  que  chaque  nouvelle  Jambe 
„  eft  comme  l'ancienne ,  remplie  d'une  infinité 
5,  d'Oeufs ,  qui  chacun  peuvent  fervir  à  renou- 
;,  veiler  la  Partie  de  la  Jambe  qui  pourroit  lui 
5,  être  enlevée. 

5,  Peut-être  pourtant,  que  dans  chaque  Jambe 
,5  l'Ecrevifle  il  n'y  a  qu'une  certaine  provifion 
,,  de  Jambes  nouvelles ,  ou  de  Parties  de  Jam- 
j,  bes.  Comme  la  plupart  des  jeunes  Animaux 
,5  ont  une  petite  Dent  cachée  au  -  deflbus  de 
5,  chacune  des  leurs  :  de  là  il  arrive  que  fi  on 
5,  leur  arrache  une  Dent,  il  en  revient  une  au- 
55  tre  dans  la  place;  mais  fi  on  arraciie  cette 
,5  dernière,  la  pince  demeure  vuide,  la  Nature 


Corps    Organise'?.       43 

,,  n'en  a  pas  mis  d'autres  en  referve  fous  cel- 
„  le -ci.  11  feroit  curieux  de  favoir  fi  de  mê- 
j,  me  les  Ecreviffes  ont  en  chaque  endroit  de 
,,  leurs  Jambes,  une  provifion  de  Parties  de  Jam- 
„  bes  qui  puiiTe  s'épuifer.  C'eft  fur  quoi  je 
„  ne  faurois  encore  rien  décider  ". 

On  ne  peut  aflurément  fe  dilTimuler  que  la 
Régénération  des  Pattes  de  l'EcreviiTc  ne  pré- 
fente comme  toutes  les  autres  Reproductions 
de  même  genre  des  côtés  obfcurs  ;  mais  ces 
ombres  n'éteignent  pas  la  lumière  que  réilèchif- 
fent  divers  Faits  5  &  c'eft  à  la  clarté  de  cette 
lumière  que  le  Philofophe  doit  marcher.    J'ai 
établi  les  fondemens  de  la  préexiftence  des  Ger- 
mes ,   &  j'ai  fait  fentir  l'infuiîifance  des  exph'- 
cations  purement  méchaniques.     Mr.  de  PvE- 
AUMUR  étoit  bien  éloigné  de    recourir  à  de 
femblables  explications ,  comme  on  le  voit  par 
le  paiiage  que  je  viens  de  citer  ,  &  mieux  en- 
core par   l'extrait   de  la  Lettre  qu'il  m'écrivit 
le    21.  de   Décembre  1742.  que  j'ai  rapporté 
ci-defTus.     Toute  la  difficulté  fe  réduit  donc 
à  expliquer  fuivant  l'hypothèfe  des  Germes ,  la 
Régénération  d'une  Partie  déterminée  de  Pat- 
te, d'une  moitié  ,  d'un  quart  &c.     Si  la  Ré- 
produftion  de  la  Patte  entière  ne  peut  être  le 
produit  d'une  méchanique  fecrette  ,   la  Régé" 
nération  d'une  Partie  de  cette  Patte  ne  fauroit 
l'être  non  plus.     Il  faut  donc  que  ce  qui  fe  ré- 
génère préexiftât  originairement  en  petit  ,'car 
nous   ne  concevons  pas  mieux   la  production 
méchanique  d'une  Partie  de  Patte ,  que  celle  d'u- 


44-       Considérations  Sur  Les 

ne  Patte  entière,  &  l'une  &  l'autre  font  égaîe-î. 
jnent  oppofées  aux  Faits  qui  prouvent  la  prér 
exiftence  des  Germes.  Je  ne  vois  d'ailleurs  au- 
cun inconvénient  à  admettre  qu'il  y  a  dans  cha- 
que Patte  de  l'EcreviiTe-upe  iliite  de  Germes 
qui  renferment  en  petit  des  Parties  femblable^ 
à  celles  que  la  Nature  a  intention  de  remplacer* 
Je  conçois  donc  que  le  Germe  placé  à  forigine 
^e  l'ancienne  Patte  ,  contient  une  Patte  entiè- 
re 5OU  cinq  articulations  ;  que  celui  qui  le  fuit 
immédiatement  contient  une  Patte  qui  n'a  que 
quatre  articulations ,  &  ainfi  des  autres.  Si  Mr. 
DE  Reaumur  nous  eut  dit  tout  ce  qui  fe  paf-^ 
fe  dans  la  Régénération  d'une  fimple  Pince ,  nous 
ferions  plus  en  état  d'analyfer  ceci.  Je  me  pro- 
pofe  de  tenter  quelques  expériences  pour  m'en 
mflruire  ,  &  j'invite  les  Phyficiens  à  remanier 
ce  fujet  intéreffant  &  qui  a  tant  d'analogie  avec 
fimportante  matière  de  la  Génération.  La  nou- 
velle Patte  femblable  en  tout  à  l'ancienne ,  con- 
tient aulfi  des  Germes  deftinés  aux  mêmes  fins, 
&  femboitement  de  ces  Germes  les  uns  dans 
ies  autres,  n'effraye  que  l'Imagination  comme  je 
fai  dit  ailleurs.  Le  Philofophe  ne  mettra  pas 
ici  les  Sens  à  la  place  de  l'Entendement  pur  ; 
raifonner  n'ell  pas  imaginer. 


Corps-    Organise' s»       45 
CHAPITRE     II. 

Continuation  de  l'Hifio'tre  des  Boutures 
^  des  Greffes  animales. 

Effai  d'explkathn  des  Polypes. 

1263.  Inîrodudtion  à  la  Théorie  des  Réproàuc^ 
lions  du  Polype. 

Vues  de  l^ Auteur. 

ÎL  efl  tems  enfin  que  je  revienne  aux  Poly- 
pes :  on  ne  me  reprochera  pas  d'avoir  différé 
jufqu'ici  à  elTayer  d'expliquer  \^^  Faits  qu'ils  nous 
offrent ,  &  dont  j'ai  crayoné  le  tableau  dans  le 
Ch.  XL  du  Tome  ï.  Je  voulois  me  faciliter  à  moi- 
même  cette  entreprife  en  puifant  dans  l'examen 
de  Faits  analogues,  des  principes  de  folution, 
dont  jepuffe  faire  une  application  heureufe  aux 
î'olypes.  Tel  a  été  le  but  de  mon  travail  dans 
les  deux  Chapitres  qui  ont  précédé  immédiate- 
ment celui-ci:  j'ai  comparé  entre  eux  les  Faits 
que  me  fourniJToient  les  Végétaux  ;  j'ai  étendu 
les  comparaifons  aux  Faits  que  j'ai  obfervés 
dans  différentes  efpèces  de  Vers  qui  peuvent 
être  multipliés  de  Bouture ,  &  de  cet  examen 
réfléchi  j'ai  vu  naître  une  conféquence  générale 
en  faveur  de  VEvoluîion.  Cette  conféquence 
ne  paroîtra  pas  précipitée  à  ceux  de  mes  Lec- 
teurs qui  fe  donneront  la  peine  de  fuivre  ma 
marche  ,  &  de  méditer  mes  idées.     Ils  juge- 


4<5       Considérations  Sur  Les 

ront ,  comme  moi ,  que  les  Faits  concourent  h 
établir  le  grand  principe  de  la  Préexillence  des 
Germes.  Ils  ne  croiront  pas  devoir  l'abandon- 
ner à  la  vue  des  prodiges  que  THiftoire  des  Po- 
lypes nous  préfente  ;  mais  ils  préféreront  de 
chercher  avec  moi  comment  ces  Faits  étranges 
fe  concilient  avec  la  loi  de  l'Evolution.  Je  ne 
forcerai  point  ces  Faits  a  venir  fe  ranger  fous 
cette  loi  ;  je  me  bornerai  h  les  comparer  aux 
Faits  analogues  qui  lui  font  évidemment  fou- 
rnis ,  &  là  où  je  n'entreverrai  point  de  folution 
fatisfaifante ,  j'en  avertirai  ;  je  tâcherai  à  ne  ja- 
mais confondre  le  douteux  avec  le  probable , 
&  l'aveu  de  mon  ignorance  ne  me  coûtera  point 
d'effort.  Nous  ne  fommes  encore  qu'à  la  naif- 
fance  des  chofes  ;  pourquoi  un  Philofophe  rou- 
girait-il  de  ne  pas  expliquer  toutP  il  y  a  mille 
cas  où  un  je  nenfçais  rien  vaut  mieux  qu'une 
tentative  préfompcueufe. 

264.  Comment  s* opère  la  Reproduction  du 
Polype  partagé  transverfàlement»  Energie 
de  la  Force  réproduélrice. 

Il  n'y  a  pas  de  difficulté  à  l'égard  de  la  Ré^» 
production  du  Polype  coupé  transverfalement^ 
on  voit  nfTez  que  ce  Fait  revient  à  celui  des 
Vers  que  j'ai  coupés  de  cette  manière ,  &  avoir 
expliqué  l'un  c'eft  avoir  expliqué  l'autre.  Seu- 
lement tout  paroît  s'opérer  plus  proraptement  & 
plus  facilement  dans  le  Polype.  La  force  ré- 
produMce  y  eft  douée  d'une  plus  grande  éner- 
gie ,  &  elle  ,y  exerce  fon  activité  jusques  dans 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.       47 

les  moindres  Parties.  En  qaelqu'endroit  qu'on 
coupe  le  Polype ,  &  quelque  petite  que  foit  la 
Partie  qu'on  retranche ,  la  Rcproduâion  a  lieu 
ordinairement  &  dans  cette  Partie  &  dans  le 
Tronc.  Un  Polype  haché  fe  réproduit  pareille- 
ment ,  &  donne  autant  de  Polypes  que  la  divi- 
fion  a  fait  de  portioncules.  Enfin,  Mr.  Roe- 
ZEL  5  bon  Oblervateur  ,  affure  qu'il  a  vu  les 
Bras  du  Polype  divifés ,  devenir  des  Polypes 
complets.  Mr.  Trembley  avoit  cherché  à  voir 
ce  Fait ,  il  n'y  avoit  pas  reûlTi  ;  mais  il  a  averti 
qu'il  ne  le  jugeoit  pas  irapofîible  Qa^, 

Le  Polype  eft  donc  un  Tout  organique  dcmt 
chaque  Partie,  Chaque  molécule,  chaque  ato- 
me tend  continuellement  à  produire.  Il  eft, 
pour  ainfi  dire ,  tout  Ovaire ,  tout  Germes.  En 
mettant  un  Polype  en  pièces ,  on  détourne  au 
profit  des  Germes  cachés  dans  chaque  portion- 
cule  5  le  fuc  nourricier ,  qui  auroit  été  employé 
â  raccroiffement  du  Tout  ou  à  d'autres  ufages. 

Ceci  n'a  pas  befoin  d'explication  après  ce 
qu'on  a  lu  dans  les  Chapitres  précédents  fur  les 
Réprodudions  des  Végétaux ,  &  fur  celles  des 
Vers  que  j'ai  multipliés  en  les  coupant  transver- 
falement ,  je  paffe  donc  à  d'autres  Faits. 

26$,  Comment  on  peut  concevoir  que  s*Qpère 
la  RèproàuElion  du  Polype  partagé  par  k 
milieu  fuivant  fa  longueur. 

C'est  une  chofe  indifférente  à  la  Réproduc*- 

(«)  Mitn,  fur  Im  Pilypts  à  Bras  in  go,  T.  3.  p.  171, 


48         CoNâlDÈRATlONS    SUR    LeS 

tion  du  Polype,  qu'il  foit  coupé  fuivant  fa  lon- 
gueur ou  fuivant  fa  largeur:  dans  un  Polypd 
partagé  par  le  milieu  fuivant  fa  longueur ,  cha- 
que moitié  repréfente  d'abord  un  demi  tuyau  ; 
les  bords  oppofés  de  ce  demi- tuyau  fe  rapro- 
chent  bientôt,  &  en  moins  d'une  heure  il  devient 
un  tuyau  parfaite  La  réunion  des  bords  efl  fi 
exaéle  qu'elle  ne  laifle  fuir  le  Corps  aucune 
fnarque  de  cicatrice.  Tout  cela  va  fi  vite ,  qu'il 
n'a  pas  été  poffible  à  Mr.  Trembley  de  fuivre 
les  progrès  de  cette  régénération  :  au  bout  de  trois 
heures  il  a  vu  le  Polype  régénéré  prendre  de  la 
noiUTiture  ;  la  Tête  s*étoit  refaite  ;  mais  elle 
n'avoit  que  la  moitié  des  Bras  qui  avoient  ap- 
partenus à  l'ancien  Polype.  De  nouveaux  Bras 
ne  tardèrent  pas  à  pouffer  à  l'oppofite  des  an- 
ciens ,  &  rien  ne  manqua  plus  à  la  perfeélion 
del'Infeae(^). 

QuoiQiTE  des  yeux  perçants  &  éclairés  n'ayenc 
pu  découvrir  tout  ce  qui  le  paffe  dans  la  réu- 
nion des  bords  d'une  moitié  de  Polype  partagé 
fuivant  fa  longueur ,  on  peut  fans  préfomption , 
chercher  à  fé  faire  une  idée  de  la  manière  dont 
cette  réunion  s'opère.  Au  fond,  elle  n'a  dé 
furprenant  que  fon  extrême  promptitude  ,  & 
elle  revient  d'ailleurs  pour  felfentiel,  à  celle  de 
deux  Ecorces  ou  de  deux  Peaux  qui  végètent 
encore.  Un  certain  degré  de  contraction ,  ou 
certains  mouvements  de  l'Infeéte,  peuvent  fufti- 
xe  pour  raprocher  l'un  de  l'autre  les  bords  op- 

pofé-3  , 

(ff)  nfd.  p.  IC8.  &G, 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e's.      4^ 

pofés,  &  même  pour  en  procurer  le  contaél. 
Dès  que  les  bords  de  la  playe  fe  touchent ,  les 
VailFeaux  correfpondants  s'abouchent  ;  de  nou- 
veaux VailFeaux  fe  développent ,  comme  dans 
les  Greffes,  &  multiplient  les  points  de  liaifon 
ou  d'abouchement;  le  cours  des  Liqueurs  eft 
rétabli  &  avec  lui  l'œconomie  vitale.    Dans  un 
Infe6te,qui  n'eft  presque  qu'une  gelée  épaifiie, 
les  Fibres  ont  tant  de  fouplelTe,  tant  de  duc- 
tilité 5  qu'il  n'eft  pas  étonnant  que  des  playes 
énormes  s'y  confolident  lans  cicatrice  apparente. 
Il  ne  l'efl  pas  davantage  que  la  confolidation  y 
foit  très  prompte  :  les  tems  du  développement 
répondent  à  la  délicatefle  des  Organes  ;  plus  ils 
font  délicats  ou  extenfibles ,  &  plus  le  déve- 
loppement efl  prompt  (^/).    L'Elément  que 
le  Polype  habite ,  contribue  encore  à  la  rapidité 
de  l'accroîffement  en  confervant  aux  Fibres  leur 
extrême  fouplelTe. 

2(5(5.  Explication  «r/i^j- Hydres ,  &  de  la  maniè- 
re dont  fe  forme  un  nouvel  Eflomach  dans 
de  très  petits  fragmens  du  Polype, 

Ce  que  je  viens  de  dire  s'applique  facilement 
aux  Hydres  dont  j'ai  parlé  Article  190.  Si  une 
Portion  de  Polype  coupé  en  partie  fuivant  fa 
longueur ,  conferve  alTez  de  largeur ,  pour  que 
les  bords  oppofés  puiffent  fe  raprocher  jusqu'à 
fe  toucher ,  cette  Portion  prendra  bientôt  la 
forme  d'un  tuyau,  &  ce  tuyau  deviendra  ua 

Ca)  Voyez  l'Anicle  167. 

?  ToM.  IL  D 


^ô        GoNSiDERATioKs  Sur  Les 

Polype.  Mais  il  n'en  va  pas  de  même  de  Por- 
tions fort  étroites  ou  de  très  petits  fragments: 
j'ai  dit  d'après  Mr.  Trembley  ,  que  ces  Por- 
tions ou  fragments  fe  renflent ,  &  que  l'intérieur 
du  renflement  efl:  le  nouvel  EfliomaG^i  Qa^, 

f  CI  l'on  ne  peut  pas  tout  voir  ;  il  fluit  fou- 
vent  fe  contenter  d'entrevoir.  J'ai  afTez  prouvé 
que  la  Nature  ne  crée  rien;  elle  ne  crée  donc 
.pas  ce  nouvel  Eliomach  :  mais  l'on  comprend 
que  la  Peau  du  Polype  peut  n'être  pas  fimple , 
qu'elle  peut  être  compofée  de  deux  Membra* 
nés  principales  dont  la  duplicature  fournit  au. 
nouvel  Efl:omach,  Je  ne  fçais  pas  précifément 
pourquoi  ces,  deux  Membranes  fe  fcparent  dans 
de  très  petites  Portions  ,  &  pourquoi  elles  ne 
fè  féparenc  pas  dans  des  Portions  plus  larges  : 
j'entrevois  feulement  que  dans  celles-ci,  les 
bords  oppofés  fe  raprochant  promptement ,  ces 
Membranes  peuvent  n'avoir  ni  le  tems  ni  les 
moyens  de  fe  fcparer.  Dans  le  premier  cas , 
les  Chairs  ont  des  points  d'appui  qui  leur  per- 
mettent les  mouvements  nécelîaires  à  la  réunion 
des  bords;  dans  le  fécond,  elles  en  font  dé- 
pourvues ,  &  la  caufe  qui  opère  la  féparation 
peut  agir.  J'ignore  quelle  efl:  cette  caufe  &  je 
ne  cherche  point  à  la  pénétrer  ;  il  me  fuffit  que 
ce  petit  Fait  ne  choque  point  mes  principes. 

267.  Grande  fingularité  qù* offrent  les  frag- 
mens  du  Polype  devenus  eux-mêmes  de  vé- 
ritables Polypes. 

(«)  Menu  fur  les  Po/jf«  4  £ras  in  8«.  Tom.  i,  page  20(S.  &c« 


Corps    Organise' s.      51 

Confèquence  relative  à  la  ftructure  de  rin- 
fe&e  S  à  fin  retournement. 

Ces  fragments  de  Polype,  devenus  eux-mê- 
mes des  Polypes ,  nous  offrent  une  grande  lin- 
gularité  ;  ce  qui  formoit  J'intérieur  de  Tancien 
Éftomach ,  compofe  à  prêtent  une  partie  de  l'ex- 
térieur  de  l'Infecle  :  car  un  des  côtés  de  cha- 
que fragment  appartenoit  à  l'intérieur  de  l'an- 
cien Polype.     Le  dedans  du  Polype  ed  donc 
fi  femblable  au  dehors ,  qu'ils  peuvent  être  fub- 
ftitués  l'un  à  l'autre ,  fans  que  les  fonctions  vi- 
tales en  fouffrent.     II  régne  donc   beaucoup 
de  fimplicité  &  d'uniformité  dans  les  Organes. 
L'obfervation  ,  comme  l'expérience  ,   conduit 
à  ce  réfultat:  je  l'ai  déjà  remarqué;  à  l'aide  des 
meilleurs  Microfcopes  on  ne  voit  dans  le  Po- 
lype qu'un  amas  de  petits  grains  répandus  par- 
tout.    Sans  doute  qu'il  yen  a  encore  dans  tou- 
te l'épaifleur  de  la  Peau,  &  dans  cette  duplica- 
ture  qu'on  peut  yfoupçonner.     Quand  on  con- 
noit  cette  flrudure,  &  qu'on  fçait  ce  qui  arri- 
ve aux  fragments  du  Polype  ,  l'on  n'ell  plus 
furpris  du  fuccès  de  ce  retournement  que  j'ai 
décrit  dans  l'Article  205.  ;  mais  on  ne  celle  point 
d'admirer  le  Génie  qui  a  concCi  &  exécuté  le 
premier  une  opération  fi  neuve  &  fi  délicate. 
Le  Polype  n'étoit  pas  appelle  par  la  Nature  à 
être  retourné  &  déreîoirnê^  mais  il  éroit  Fait 
de  manière  qu'il  pouvoit  l'être.    Son  Organifa- 
tionétoiten  rapport  avec  différents  cas  poiîibles, 
dont  plulieurs  fuppofoient  la  main  de  l'Homme. 

D  2 


§a       Considérations  Sur  Les 

268.  Comment  des  Portions  du  Polype  par ^ 
viennent  à  fe  greffer  les  unes  aux  autres. 

Nous  avons  vu  combien  les  Vaifleaux  du 
Polype  ont  de  difpofition  à  s'aboucher  &  à  s\i- 
nir  :  ils  ne  la  doivent  peut  -  être  qu'à  leur  con- 
fiftence  prefque  gélatineufe.     Des  Parties  foli- 
des  de  l'Embrion  ,  des  Doigts  ,  par  exemple  , 
s'uniflent  dans  la  Matrice  :   des  Fruits  ,   des 
Feuilles  encore  tendres ,  s'unifient  pareillement. 
Il  eil  donc  très  naturel  que. les  Portions  du  mê- 
me Polype  5   &  que  des  Portions  de  Polypes 
différents  ,  raprochées  &  mifes  bout  à  bout  , 
fe  greffent  les  unes  aux  autres  par  aproche.    Un 
Polype  ne  diffère  apparemment  pas  plus  d'un 
autre  Polype  ,  que  le  Prunier  ne  diffère  de  l'A- 
mandier.   J'ai  prouvé  que  l'union  de  la  Gref- 
fe avec  le  Sujet  ^  s'opère  par  le  développement 
de  petits  Vaiffeaux ,  d'abord  gélatineux  ,   puis 
herbacés ,   enfuite  corticaux ,  qui  paffent  réci- 
proquement de  l'un  à  fautre.     Il  y  a  lieu  de 
préfumer  qu'il  fe  fait  quelque  chofe  d'analogue 
dans  les  Portions  d'un  ou  de  plufieurs  Polypes , 
qu'on  force  à  fe  toucher.     Elles  ne  s'unifient 
d'abord  que  par  un  fil  délié  ,  mais  f union  de- 
vient plus  intime  &  plus  parfaite  à  mefure  qu'il 
fe  développe  de  nouveaux  Vaiffeaux  ,  &  que 
les  points  de  communication  fe  multiplient.  Le 
Fait  n'eft  pas  plus  merveilleux  dans  fAnimal 
que  dans  le  Végétal  ;  car  le  Polype  effc  presque 
une  Plante  par  la  fimplicité  de  fa  flru6i:ure.    El- 
le eft  d'ailleurs  telle ,  que  des  Portions  de  Po- 
lype prifes  à  volonté,  contiennent,  comme  un 


Corps    Organise' s.      53 

Rameau  ,  ou  une  Feuille  ,  tous  les  Organes 
eflenciels  à  la  Vie  végétative.  Elles  peuvent 
donc  végéter  à  part  êc  faire  de  nouvelles  pro- 
dudions.  Ifoléag  ,  elles  pouiïeroient  une  Tê- 
te 5  des  Bras ,  une  Queue  ;  mifes  bout  à  bout , 
elles  ne  font  que  s'unir.  La  mollefle  de  Tln- 
fecte  rend  môme  cette  Greffe  moins  fingulière 
que  celle  du  Végétal  :  mais  on  étoit  familiari- 
fé  avec  les  Greffes  végétales  ,  &  on  ne  l'étoit 
pas  encore  avec  les  Greffes  animales. 

269.  Comment  on  peut  concevoir  que  s'opère 
r  Union  ou  la  Greffe  de  deux  Tolypes  mis 
l'un  dans  l'autre. 

En  avallant  une  proye,  le  Polype  avalle  fou- 
vent  fes  propres  Bras  ;  quelquefois  deux  Po- 
lypes fe  difputent  la  môme  proye  &  l'un  aval- 
le  les  Bras  de  Tautre  :  on  s'attend  qu'ils  vont 
être  digérés  avec  la  proye  ;  point  du  tout ,  il3 
reflbrtent  de  l'Eftomach  fans  altération  appa- 
rente. Ce  qui  opère  la  digeftion  dans  le  Po- 
lype ,  n'a  donc  pas  de  prife  fur  les  Parties  pro- 
pres à  rinfeéle.  Mr.  Trembley  a  vu  un  Po- 
lype demeurer  quatre  jours  dans  l'Eftomach  d'un 
autre  Polype  &  en  rellbrtir  plein  de  vie  Qa^, 
L'Obfervateur ,  toujours  fécond  en  vues  fines, 
Tavoit  introduit  dans  le  Corps  de  l'autre  pour 
tenter  par  ce  moyen  ingénieux  une  nouvelle 
forte  de  Greffe.     11  femble  donc  qu'un  Polype 

(«)  Ihid.  page  274. 

D  3 


54       Considérations  Sur  les 

ne  puifîc  en  dillbiidre  un  autre  ;  mais  une  por- 
tion de  Polype  peut  s'unir  extérieurement  à  u- 
ne  autre  ,  &  l'intérieur  de  quelque  portion  que 
ce  foit  ne  diffère  point  de  Ion  extérieur  :  en- 
fin ,  il  n'eil  aucun  point  de  l'extérieur  ou  de 
l'intérieur  d'un  Polype  qui  ne  puifTe  faire  des 
productions.  Si  donc  ou  parvenoit  à  retenir  un 
Polype  dans  un  autre  Polype  ,  il  efl  probable 
qu'il  s'y  grefforoit ,  &  qu'il  doubleroit ,  en  quel- 
que forte ,  le  Polype  extérieur.  Mr.  T  r  e  m- 
BLEY  a  fçû  l'exécuter ,  comme j'e  l'ai  raconté 
Article  202.:  les  deux  Polypes  fe  font  exaéle- 
ment  confondus ,  &  les  deux  Têtes  n'en  ont 
formé  lurement  qu'une  feule  ;  mais  la  fage  dé- 
fiance de  l'Auteur  ne  lui  a  pas  permis  de  pro- 
noncer fur  la  réalité  de  funion  des  deux  Corps  : 
je  nefatiroh  dire^  remarque-t-il  (jî)^  ce  qu'eft 
devenu  le  Corps  du  Polype  intérieur  ,  s'il  a  été 
diJ]ous  dans  VEjîomach  du  Polype  extérieur  ou 
s'il  sejl  incorporé  avec  ce  dernier  Polype  :  mais 
je  puis  ajjiirer  que  j'ai  vu  ce  Corps  de  Polype 
intérieur  dans  le  Polype  extérieur  plu/leurs  jours 
après  qu*il  y  a  été  introduit.  Par  rapport  à  la 
Téîe  du  Polype  intérieur  ,  je  fuis  ajjuré  quelle 
s'e[i  réunie  avec  celle  du  Polype  extérieur.  Je 
ne  raifonne  ici  que  fur  les  Faits  que  nôtre  ex- 
cellent Obfervateur  me  fournit ,  &  je  ne  dois 
pas  tirer  de  ces  Faits  des  conféquences  que  Kii 
même  n'a  pas  ofé  tirer.  Ainfi,  je  me  bornerai 
\  faire  obferver ,  qu'en  admettant  la  réalité  de 

(«)  Viii.  page  283, 


Corps    Organis  e's.      J5 

îunion  dont  il  s'agit ,  elle  s'expliqueroit  heureu- 
fement  par  les  principes  que  nous  offrent  di- 
vers Faits  analogues.  Cette  efpèce  de  Greffe 
en  fliite  ne  diffère  pas  extremeraent  de  celle 
qu'on  exécute  fur  le  Végétal  ;  &  s'il  étoit  une 
fois  prouvé  que  le  Polype  qu'on  retient  dans 
l'intérieur  d'un  autre  ,  ne  s'y  diffout  pas  ,  on 
comprendroit  que  les  deux  Polypes  devroient 
s'unir  plus  facilement  que  deux  Ecorces  ;  car 
les  deux  côtés  d'une  Ecorc^ ,  ne  fe  reflémblent 
pas  autant  que  les  deux  côtés  d'un  Polype  ,  & 
une  Ecorce  n'a  ni  la  molelfe  ni  la  dudilité  de 
la  Peau  de  cet  Infecte.  Je  prie  qu'on  fe  rap- 
pelle ici  ce  que  j'ai  dit  dans  le  Chapitre  XII., 
du  Volume  précédent,  fur  la  nécefCté  à^ïAna» 
logie  entre  la  Greffe  &  le  SuJeL 

270.  Jpréciûtion  des  merveilles  du  Polype, 
Oiie  la  régénération  des  playes  des  grands  A-- 

nimaux  nous  offre  des  Faits  aujjï  merveiU 

leiix. 
Belle  Expérience  de  Mr.  Duhamel  fur  et 

fujet. 

Lors  qu'on  entend  dire  qu'un  Phyficien  a 
greffe  la  Tête  d'un  Arûmal  fur  le  Tronc  d'un 
autre  ,  qu'il  a  introduit  un  Animal  dans  l'inté- 
rieur d'un  autre  Animal ,  &  que  les  deux  Ani- 
maux n'en  ont  fîiit  qu'un ,  qui  a  vécu  &  mul- 
tiplié ,  le  merveilleux  s'empare  de  l'efprit  au 
point  qu'il  n'y  refte  pas  de  place  pour  des  ex- 
plications fimples  &  caiurelles.    Cependant  dès 

D  4 


55        GoNStDERATIONS   SUR  Les 

qu'un  Philofophe  examine  de  fens  froid  les  Faits, 
qu'il  les  compare  entre  eux  ,  qu'il  les  compare 
aux  Faits  relatifs ,  &  furtout  ,  dès  qu'il  réflé- 
chit fur  la  nature  du  Polype ,  le  merveilleux  dif- 
paroit,  &  il  ne  refte  plus  que  l'impreffion  pafla- 
gère  de  la  nouveauté.  Je  ne  dis  point  ceci 
pour  afFoiblir  la  jufte  admiration  que  les  Poly- 
pes doivent  nous  infpirer  ,  non  pour  eux  -  mê- 
mes ,  mais  pour  l'étonnante  fagacité  de  celui  qui 
nous  les  a  fait  connoitre.  Les  grands  Animaux 
nous  offrent  des  particularités ,  qu'un  Anato- 
mifte  inflruit  jugeroit  plus  remarquables  encore 
que  celles  que  renferment  les  Polypes.  Je  di- 
fois  il  y  a  13.  ans,  dans  ce  Parallèle  des  Plan- 
tes &  des  Animaux  ,  que  je  publierai  peut  -  ê- 
tre  un  jour  ,  que  fi  l'on  poujjoit  les  recherches 
fur  les  places  ,  on  y  découvriroit  plus  de  mer- 
veilles que  dans  le  Polype,  Je  fondois  ma  ré- 
flexion fur  la  compofition  &  fur  la  variété  des 
Parties  qui  peuvent  fe  régénérer  &  s'unir.  J'i- 
gnorois  alors  une  belle  Expérience  de  Mr.  Du- 
HAMPL  Ç<^)  ,  qui  met  cette  réflexion  dans  un 
grand  jour ,  &  la  juftifie.  Après  avoir  rompu 
f  Os  de  la  Jambe  d'tm  Poulet ,  &  avoir  donné 
au  Cal  le  tems  de  fe  former ,  il  a  coupé  les 
Chairs  vis-à-vis  dans  un  tiers  de  la  circonfé- 
rence de  la  Jambe,  en  pénétrant  jufqu'à  l'Os, 
qu'il  a  même  ratifl*é.  La  confolidation  s'étant 
faite ,  il  a  coupé  de  même,  les  Chairs  du  fécond 
tiers  5  en  anticipant  un  peu  fur  l'ancienne  playe. 

■(«}  Mim,  de  l'Aead,  Afi.  I74^« 


Corps    Organise' s.       57 

11  eu  a  fait  autant  dans  l'autre  tiers.  Par  là , 
toutes  les  Parties  folides  ont  foufîert  une  folu- 
tion  de  continuité ,  &  pourtant  la  Nature  a  ré- 
paré ce  grand  défordre  :  toutes  ces  Parties  fe 
font  régénérées  ,  réunies  ,  greffées  ;  de  nou- 
velles Fibres  ,  de  nouveaux  VaiiTeaux  fe  font 
développés  au-delfus  &  au-deilbus  de  fincifi- 
on;  ils  fe  font  abouchés  ;  la  circulation  a  été 
rétablie  ,  &  Xinjedîion  a  palle  librement  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  Jambe.  Qu'on  médite  un 
peu  cette  Expérience  ,  qu'on  réflêchiile  fur  le 
nombre  de  Veines  ,  d'Artères  ,  de  Vailleaux 
lymphatiques  ,  de  Fibres  charnues  ,  tendineu* 
fes  ,  mufcLilaires  ,  qui  ont  dû  fe  réproduire  , 
croître ,  fe  réunir ,  &  l'on  conviendra ,  je  m'af- 
fure  5  que  la  régénération  de  tant  de  Parties 
àijfimïlaires  eft  plus  remarquable  encore  que 
celle  du  Polype  dont  toutes  les  Parties  font 
"ç^xqÇc^xxq  fimilaires.  J'ai  indiqué  en  plufieurs  en- 
droits de  ce  Livre,  ce  qu'on  peut  penfer  de  plus 
raifonnable  fur  la  manière  dont  ces  forces  de 
réproduélions  s'opèrent  :  confultez  en  particulier 
l'Article  236. 

271.  Explication  âe  la  Greffe  de  l'Ergot 
du  Coq  fur  fa  Crète, 

Il  ne  faut  pas  aller  dans  le  cabinet  d'un  Ob- 

fervateur  de  Polypes    pour  voir  un    exemple 

frappant  de  Greffes  animales  ;  il  en  eft  une  que 

les  Gens  de   la   campagne  exécutent  dans  les 

,  baJGTes- cours,  &  qui  a  dequoi  épuifer  la  fagacité 

D  5 


$5        Considérations  Sur  Les 

du  plus  habile  Phyficien.  Mon  Leèleur  com- 
prend que  j'ai  en  vue  cette  Greffe  de  l'Ergot 
du  Coq  fur  fa  Crête ,  dont  j'ai  parlé  dans  le 
Ch.  XI.  du  Tome  l.  ;  j'ai  réfervé  pour  celui-ci  ce 
qu'elle  offre  de  plus  fingulier  &  de  plus  emba- 
raflant.  Cet  Ergot  qui  n'eft  pas  plus  gros  qu'un 
grain  de  Chenevis  quand  on  l'infère  dans  la  du- 
plicature  de  la  Crête  coupée ,  y  prend  racine , 
&  croît  en  fix  mois  de  demi  pouce.  Au  bout 
de  quatre  ans  ,  il  devient  une  Corne  de  trois  à 
quatre  pouces  de  longueur.  L'expreflion  effc 
exafle  ,*  c'eft  une  véritable  Corne  ,  femblable 
à  celle  du  Bœuf5&  qui  a  comme  elle,  un  noy- 
au ofîeux.  Elle  parvient  à  s'articuler  avec  la 
Tête  par  un  ligament  capfulaire  &  par  diverfes 
bandes  ligamenteufes.  Mais  ,  ce  ligament  & 
ces  bandes  n'exifbent  point  dans  l'Ergot  ni  dans 
la  Crête  :  la  plus  fine  Anatomie  ne  peut  les  y 
retrouver.  En  conclurons -nous  que  la  Natu- 
re crée  ces  nouveaux  Organes  ?  je  ne  le  pei> 
fe  pas  ;  elle  ne  crée  ni  le  B ourlet  des  Greffes , 
ni  le  Cal ,  ni  la  Patte  de  l'Ecrevifîe ,  ni  la  Tê- 
te du  Polype,  &c.  Nous  adm.ettrons  plus  vo- 
lontiers que  ces  Organes  préexiftoient  invifibles 
dans  l'Ergot  &  dans  la  Crête  ,  mais  avec  des 
déterminations  différentes  de  celles  qu'ils  ont 
reçues  de  la  Greffe.  La  Tête  eit  pour  l'Er- 
got ,  un  terrein  bien  différent  de  celui  où  il  é- 
toit  appelle  h  croître.  L'on  n'ignore  pas  com- 
bien la  qualité  des  fucs,  leur  abondance  ou  leur 
difette  modifient  les  productions.  On  fait  en- 
core qu'une  légère  altération  qui  furvient  à  des 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      519 

Fibres  tendres ,  porte  fur  toute  la  durée  de  Tac- 
croillement ,  &  fuffit  pour  changer  les  formes , 
les  proportions ,  la  confiflence.  La  fubilance 
cornée  de  l'Ergot ,  fe  mêlant  à  la  fubdance 
charnue  de  la  Crête ,  peut  donner  naiiiance  .à 
de  nouvelles  variétés.  Le  tilTu  d'un  Ergot  imi- 
te aflés  celui  d'une  Corne ,  &  fi  la  Crête  ell 
charnue ,  combien  de  Parties  molles  qui  s'olli- 
fient  par  accident  ?  Combien  de  monitruofités 
qui  fcéleroient  leur  origine  ,  fi  un  exam.en  at- 
tentif ne  la  dévoiloit  ?  C'ell:  ici  une  monliruo- 
fité  par  art.  Rappellerai -je  les  Exoflûfes'^  Par- 
lerai-je  de  Cornes  qui  ont  poulfé  fur  différents 
endroits  du  Corps  humain  ?  Je  dois  éviter  ces 
détails  5  qui  m'éloigneroient  de  mon  objet  prin- 
cipal. Si  des  Parties  aufli  peu  analogues  qu'un 
Ergot  &  une  Crête ,  fe  greffent ,  y  a  - 1  -  il  lieu 
de  s'étonner  que  cela  arrive  à  des  Portions,  du 
Polype  ?  L'AuïEUR  de  la  Nature  n'a  pas 
plus  Mt  l'Ergot  pour  être  greffé ,  que  le  Poly- 
pe pour  être  retourné  ;  mais  il  leur  a  donné 
une  Structure  qui  répond  a  divers  cas  polTibles. 
Il  a  pourvu  aux  circonfcances  les  plus  rares, 
comme  aux  plus  communes  ;  &  les  conditions 
relatives  aux  premières,  embraiibient  des  cir- 
conftances  plus  rares  encore. 

272.  Tentatives  pour  rendre  raifon  des  di- 
vers phénomènes  que  préfentent  les  Poly- 
pes déretournés  en  partie. 

Un  Polype  déretourné  (jf)  en  partie  fe  gref- 

(a)  Voyez  l'Arcicle  205 > 


6o       Considérations  Sur  Les 

fe  fur  lui-même  en  partie;  au  moins  les  deux 
Peaux  s'appliquent -elles  immédiatement  l'une 
h  l'autre  &  paroiflent-elles  s'unir.  Ce  Fait  ren- 
tre donc  dans  la  théorie  des  Greffes ,  &  il  n'eft 
pas  plus  fmgulier  que  deux  Peaux  s'uniffent, 
qu'il  ne  l'efl:  que  deux  Têtes  fe  greffent.  Mais 
pourquoi  le  bout  antérieur  fe  ferme-t-il?  pour- 
quoi une  ou  plufieurs  Bouches  fe  forment -elles 
fur  le  milieu  du  Corps ,  près  des  anciennes  Lè- 
vres? pourquoi  ces  formes  bizarres  que  les  Po- 
lypes déretournés  en  partie  revêtent  fuccelfive- 

ment?  pourquoi car  il  n'y  a  point  ici 

de  fin  aux  pourquoi.  Je  pourrois  répondre  à 
toutes  ces  queftions  &  à  beaucoup  d'autres, 
que  je  n'en  Jais  rien.  Combien  de  connoifîan- 
ces  qui  nous  manquent  encore  fur  le  Polype! 
combien  de  circonftances  particulières  ,  com- 
bien de  petits  Faits  inftruftifs  qui  ont  échapé  à 
la  pénétration  de  Mr.  Tremble  y,  &  qui 
échaperont  par  conféquent  à  bien  d'autres  !  Ce 
que  je  vois  clairement  &  que  Texpérience  m'ap- 
prend 5  c'eft  qu'il  n'eft  aucun  point  dans  le  Po- 
lype, qui  ne  puilTe  faire  des  productions  ;  qu'il 
n'eft  aucun  point  où  il  ne  puiffe  fe  former  une 
Tête ,  une  Bouche ,  des  Bras.  Une  multitude 
d'autres  Faits  m'apprend  qu'il  n'eft  point  de 
Génération  proprement  dite  ;  mais  que  tout  ce 
qui  paroît  engendré ,  étoit  auparavant  préfor- 
mé. Les  nouvelles  Têtes ,  les  nouvelles  Bou- 
ches qui  paroiifent  fur  le  Polype  déretourné  en 
partie ,  prée^illoient  donc  à  cette  apparition.  11 
lelle  à  aiïigner  les  caufes  de   leur  développe- 


Corps    Organise' s.        6t 

ment  ;  je  ne  chercherai  point  à  les  deviner  :  je 
me  contenterai  de  rappeller  deux  Faits  ;  l'un , 
que  la  moindre  déchirure  fuffit  pour  faire  déve- 
lopper une  loouvelle  Tôte  (^)  ;  l'autre,  que 
dans  le  Polype  déretourné  en  partie ,  l'extrèmi- 
té  antérieure  forme  une  efpèce  de  Bourlet  Q')  ; 
les  anciennes  Lèvres  font  donc  diftenduës;  il 
peut  s'y  faire  des  déchirures  invifibles  à  l'Obfer- 
vateur,  &  nous  avons  vu  combien  les  Bourlet  s 
favorifent  l'éruption  des  Germes.     Qu'une  Bou- 
che foit  formée  en  partie  par  les  anciennes  Lè- 
vres ,  &  en  partie  par  de  nouvelles  Lèvres  qui 
fe  développent;  que  cette  Bouch,e  foit  garnie 
d'une  partie  des  anciens  Bras ,  &  qu'il  s'en  dé- 
veloppe de  nouveaux  i\  l'oppofite  ;  c'eft  un  Fait 
qui  fuppofe  qu'un  développement  qui  fe  feroit 
fait  en  entier  dans  un  Polype  coupé  transverfa- 
lement ,  ne  fe  fait  qu'à  moitié  dans  le  Polype 
déretourné  en  partie.   La  nouvelle  Bouche ,  ou 
les  nouvelles  Bouches  prennent  de  la  nourritu- 
re; cette  nourriture  fe  répand  de  tous  cotés; 
le  bout  antérieur  fe  prolonge  donc ,  &  voik\ 
une  Queue  furnuméraire.    Je  ne  fçais  pas  pour- 
quoi le  bout  antérieur  fe  ferme;  je  ne  fçais  pas 
non  plus ,  pourquoi  l'Infeéle  fe  coude  ;  j'entre- 
vois feulement  que  les  mouvements  de  la  nou- 
velle Partie  antérieure  peuvent  contribuer  à  cet- 
te inflexion.     Mais  il  m'importe  fort  peu  de  fa- 
voir  la  raifon  de  toutes  les  bizarreries  du  Poly- 
pe; probablement  elles  ne  font  qu'appai*entes, 

(fl)  Mém.fur  les  Polyp,  à  Bras,  T.  2.  Pag,  224  &  235.  in  8» • 
(fc^  lbi4,  page  236. 


62      Considérations  Sur   jes 

&  un  Etre  qui  connoîtroit  la  nature  intime  de 
rinfedle,  les  rameneroit,  peut-être,  à  des  loix 
confiantes. 

273.  Explication  du  Polype  coupé ,  retour- 

né ,  recoupé ,  Çs'c 

Réflexions  fur  nos  Idées  d'Animalité. 

Je  ne  reprends  ici  que  les  Faits  efTentiels ,  & 
relatifs  au  plan  que  je  me  fuis  propofé  dans  cec 
Ouvrage  :  je  fuppofe  toujours  que  mon  Ledenr 
n'a  pas  oublié  l'Abrégé  que  j'ai  donné  de  l'His- 
toire des  Polypes  dans  le  Ch.  Xi.  du  Tome  I. 
Un  Polype  coupé ,  retourné ,  recoupé ,  retourné 
encore ,  ne  préfente  qu'une  répétition  de  la  mô- 
me merveille ,  fi  h  préfent  c'en  eft  une .  au  fens 
du  vulgaire.  Ce  n'efc  jamais  qu'une  efpèce  de 
Boyau  qu'on  retourne  &  qu'on  recoupe  :  il  eft 
vrai  que  ce  Boyau  a  une  Tête ,  une  Bouche , 
des  Bras  ;  qu'il  eft  un  véritable  Animal  ;  mais 
l'intérieur  de  cet  Animal  eft  comme  fon  exté- 
rieur, fes  Vifcéres  font  logés  dans  fépaiffeurde 
fa  Peau ,  &  il  répare  facilement  ce  qu'il  a  per- 
du. Il  eft  donc  après  l'opération  ce  qu'il  étoit 
auparavant.  Tout  cela  fuit  naturellement  de 
fon  Organifation/fadreire  de  fObfervateur  fait 
le  refte.  Le  plus  fingulier  pour  nous5éft  donc 
qu'il  exifte  un  Animal  fait  de  cette  manière  : 
nous  n'avions  pas  foupçonné  le  moins  du  mon- 
de fon  exiftence,  &  quand  il  a  paru,  il  n'a  trou- 
vé dans  nôtre  Cerveau  aucune  idée  analogue 
du  Régne  animal.  Nous  ne  jugeons  des  chofes 
<jue  par  comparaifon  :  nous  avions  pris  nos  idées 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e"  s.      63 

d'ÂnîmaUté  chez  les  grands  Animaux  ,  &  un 
Animal  qu'on  coupe  ,  qu'on  retourne  ,  qu'on 
recoupe  &  qui  le  porte  bien ,  les  choquoient 
directement.  Combien  de  Faits ,  encore  igno- 
rés ,  &  qui  viendront  un  jour  déranger  nos 
idées  fur  des  fujets  que  nous  croyons  connoître! 
Nous  en  fçavons  au  moins  afTez  pour  que  nous 
ne  devions  être  furpris  de  rien,  La  furprife  fied 
peu  à  un  Philofophe  ;  ce  qui  lui  fied  eft  d'ob- 
ferver,  de  fe  fouvenir  de  fon  ignorance,  &  de 
s'attendre  à  tout. 

274.  Explication  de  la  multiplication  du 

Polype  par  Rejettons. 
Argument  en  faveur  de  l'Emboitemenc. 

Dans  les  Animaux  dont  la  llrudlure  nous  ell: 
h  plus  familière,  la  Nature  a  afligné  un  lieu 
particulier  pour  le  développement  des  Embrions 
&  pour  leur  fortie.  Mais ,  dans  un  Animal  dont 
tout  le  Corps,  comme  celui  d'un  Arbre  ,  eft 
femé  de  Germes  prolifiques ,  il  efl:  naturel  qua 
les  Petits  naiflent  comme  les  Branches.  Le  Po  ^ 
lype  multiplie  donc  par  Rejetions  :  il  met  Tes 
Petits  au  jour ,  comme  un  Arbre  y  met  Tes  Bran- 
ches Çay  La  Mère  &  les  Petits  ne  fornfent 
qu'un  même  Tout  ;  elle  les  nourrit  &  ils  la  nour- 
riflent  :  un  Arbre  nourrit  fes  Branches  &  il  en 
eft  nourri  ;  les  Feuilles  mêmes  fe  nourriffent  ré- 
ciproquement. 

Le  Polype  chargé  de  fa  nombreufepoftérité^ 

(«)  Voyea  TArticlc  185, 


64       Considérations  Sur  Les 

compofe  avec  elle  une  efpèce  d'Arbre  généa- 
logique ,  qui  paroît  favorable  au  Syllême  de 
f  Emboîtement,  11  nous  montre  plufieurs  Géné- 
rations liées  encore  les  unes  aux  autres ,  &  qui 
toutes  le  font  ^  la  première.  L^airemblage  de 
tous  ces  Etres  organifés ,  qui  tiennent  à  un  tronc 
commun.,  femble  nous  dire ,  qu'ils  étoienc  tous 
renfermés  originairement  dans  ce  Tronc.  L'ex- 
emple n'eft  que  nouveau  dans  le  Règne  animal  ; 
le  Végétal  en  montroit  un  pareil  aux  yeux  les 
moins  attentifs.  Il  effc  peu  philofophique  d'op- 
pofer  à  cette  réflexion  des  calculs  fans  fin ,  & 
de  remplir  des  pages  de  zéros  pour  prouver  que 
l'Emboitement  efl:  abfurde.  Nous  ne  favons 
point  dans  quelle  proportion  précifément  les  di- 
vers Ordres  de  Générations  fe  dégradent.  Nous 
ne  fommes  pas  plus  inftruits  du  rapport  des 
tems  de  leurs  accroîffements.  Nous  calculons 
fur  des  fuppofitionsplus  ou  moins  incertaines:  & 
îe  répéterai -je  encore?  tous  ces  calculs  effray- 
ants ne  terraffent  que  l'Imagination ,  &  la  Rai- 
fon  trouve  toujours  un  refuge  alfuré  dans  la  di- 
vifion  indéfinie  de  la  matière.  Nous  ne  fom- 
mes pas  faits  pour  connoitre  les  derniers  termes 
de  cette  divifion  :  nôtre  vue  obtufe  ne  décou- 
vre que  les  Cordelières  du  Monde  des  infîni- 
ments  petits ,  &  quand  nous  recourons  à  nos 
meilleures  Lunettes ,  nous  n'apercevons  que  les 
Montagnes  fubal  ternes ,  que  quelques  -  uns  s'a- 
vifent  de  prendre  pour  des  Coteaux  j  que  dis- 
3e  !  pour  des  Taupinières. 

275. 


Corps    Organise' s,       6$ 

S75.  Comment  de  fiffiples  Portions  du  Polype 
fojjtpar  elles-mêmes  de  nouvelles produ&mis. 
Effet  des  dérivations. 

Si  de  fnnples  Boutures  de  Polype ,  je  veux 
dire ,  des  Portions  qui  n'ont  encore  ni  Tête  ni 
Bras  5  poulFent  des  Rejettons  ;  c'eft  qu'elles 
ont,  comme  les  Boutures  des  Plantes,  tout  ce 
qui  leur  efl  néceflaire  pour  végéter  à  part ,  & 
pour  faire  de  nouvelles  produdions.  Je  l'ai  ex- 
pliqué dans  le  Chapitre  IV ,  Art.  47.  du  To' 
me  1.  &  dans  le  Chapitre  XII.  Article  £40. 

Si  un  Polype  qui  demeure  retourné  ou  qui  fe 
déretourne  en  partie ,  poulTe  de  même  des  Pe- 
tits ;  c'eft  que  l'opération  fmgulière  qu'on  lui  a 
fait  fubir,  ne  dérange  point  l'œconomie  vitale, 
&  qu'il  eft  toujours  en  pleine  végétation. 

Enfin, fi  la  fortie  des  Rejettons  a  paru  quel- 
quefois retarder  celle  des  Bras  de  la  Bouture  (a) , 
c'eft  que  les  Rejettons  attirent  à  eux  une  par- 
tie des  fucs  &c.  Tout  cela  efî:  à  préfent  fi  fim- 
ple  &  fi  clair ,  qu'il  ne  vaut  plus  la  peine  que 
je  m'y  arrête. 

276.  Nouvelles  conftdérations  fur  la  quejîîon^ 
fi  la  multiplication  naturelle  par  Rejettons , 
S  celle  de  Bouture ,  s^ opèrent  par  des  Ger* 
mes  identiques. 

Les  Germes  qui  donnent  naiflance  aux  Rc^ 

(a)  Mém.  fur  les  Fol^p,  T.  2.  p.  167.  la  ««*» 

ToM.  U,  E 


66       Considérations  Sur  Les 

jetions^  font -ils  les  mêmes  qui  opèrent  la  ré- 
produâion  de  Bouture?  J'ai  difcuté  cette  quef- 
tion  dans  le  Chapitre  précédent  ,  j'y  renvoyé  ; 
je  renvoyé  en  particulier  à  l'Article  256.  où 
j'ai  montré  que  la  [décifion  de  [ce  point  obf- 
cur,  eft  indifférente  au  principe  de  V Evolution. 
Le  Polype  me  fournit  là-deflus  de  nouvelles 
remarques  que  j'indiquerai. 

LoRS  que  l'on  compare  ce  qui  fe  pafTe  dans 
la  multiplication  de  Bouture  ,  avec  ce  qui  fe 
pafledans  la  multiplication  par  Rejettons  ,  on 
feroit  tenté  de  foupçonner  que  ces  deux  maniè- 
res de  multiplier ,  ne  dépendent  pas  de  Ger- 
mes identiques»  Pour  en  £iire  juger ,  je  n'ai 
qu'à  rapporter  les  propres  termes  de  Mr.  Trem- 
bley:  voici  comment  il  décrit  la  réprodu6tion 
de  Bouture  (_a^. 

.  „  La  féconde  Partie ,  après  s'être  un  peu 
^,  étendue ,  eft  pour  l'ordinaire  ouverte  à  fon 
,5  bout  antérieur  >  les  bords  de  l'ouverture 
y,  font  un  peu  renverfés  en  dehors.  Ils  fe  re- 
5,  plient  enfuite  en  dedans  ;  &  le  replis  qu'ils 
„  forment ,  fert  à  boucher  l'ouverture  dont  je 
;,  viens  de  parler.  Le  bout  antérieur  paroit  a- 
,-,  lors  fimplement  renflé;  &  il  l'eft  ordinaire- 
„  ment  plus  ou  moins ,  jufqu'à  ce  que  la  ré- 
„  produ6lion  qui  doit  s'y  faire ,  foit  achevée . .  • 
„  Les  Bras  qui  pouffent  à  l'extrémité  antérieu- 
re de  la  féconde  Partie ,  croilTent  précifémeat 


^9 


(a)  un,  page  164,  165, 


99 
99 
35 


5? 
55 


55 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e's.      67 

comme  ceux  des  jeunes  Polypes.  On  voit 
d'abord  les  pointes  de  trois  ou  quatre  qui 
fortent  des  bords  de  cette  extrémité  ^  &  pen- 
dant que  ces  premiers  croifTent ,  il  en  pa- 
„  roit  d'autres  dans  les  intervalles  qu'ils  laifîent 
35  entr'eux  ". 

Voici  maintenant  comment  TAuteur  s'expri- 
me fur  la  multiplication  par  Rejeîtons  (a), 
„  Lors  qu'un  jeune  Polype  commence  à 
pouffer  5  on  ne  voit  d'abord  qu'une  petite 
excrefcence  ,  qui  ordinairement  fe  termine 
^^  en  pointe.  Elle  a  à  peu  près  la  figure  d'un 
5,  cône ,  mais  d'un  cône  dont  la  bafe  efl  gran- 
de à  proportion  de  fa  hauteur.  La  couleur 
de  cette  excrefcence ,  de  ce  petit  Bouton,  eft: 
d'ordinaire  plus  foncée  que  celle  du  Corps  de 
la  Mère.  Peu  à  peu  ce  Bouton  s'clève  da- 
vantage ,  &  à  mefure  qu'il  s'allonge,  il  forme 
un  cône  dont  la  bafe  devient  plus  petite ,  à 
mefure  qu'il  augmente  en  hauteur.  Ce  cô- 
ne eft  fouvent  mal  formé ,  fa  pointe  eft  ar- 
rondie ,  ou  bien  il  paroit  tronqué.  Quel- 
,,  ques  dégrés  d'accroiffement  de  plus ,  font  en- 
,5  fin  perdre  au  jeune  Polype  la  forme  conique: 
,5  il  devient  à  peu  près  cylindrique  ;  &  c'eft 
„  alors,  ou  environ  ce  tem<î-là,  que  les  Bras 
„  commencent  à  pouffer  à  fon  extrémité  anté- 
„  rieure.  Ce  jeune  Polype  ne  conferve  pas 
„  long-tems  la  figure  d'un  cylindre  ,  fon  bout 
5,  poftérieur  par  lequel  il  tient  à  fa  Mère ,  s'é* 

(«)  Uid.  pages  9,  &  10. 

l  E  3 


35 

3? 


58      .Considérations  Sur  Les 

trefllt  peu  à  peu  ,  il  s'étrangle  ,  &  enfin  iî 
ne  paroit  la  toucher  que  par  un  point.  Le 
jeune  Polype  qui  dans  Tes  commencemens 
étoit  beaucoup  plus  large  à  Ton  bout  poflé- 
rieur ,  n'efl:  nulle  part  fi  mince  après  qu'il  efl 
formé  ". 

Les  Chairs  du  bout  antérieur  d'une  féconde 
Partie  fe  replient  donc  en  dehors ,  puis  en  de- 
dans 5  &  ferment  l'ouverture.  Ce  bout  fe  ren- 
fle ;  nous  l'avons  vu  fe  renfler  dans  mes  Vers. 
Une  nouvelle  Bouche  fe  forme  ;  des  Bras  pouf- 
fent autour,  &  voilà  le  Polype  en  état  de  man- 
ger. Il  femble  donc  qu'il  en  foit  de  ces  Bras 
comme  des  Pattes  de  l'Ecrevifle  ;  qu'il  y  ait 
aulfi  des  Germes  appropriés  à  leur  produftion. 
Au  moins  voit  -  on  quelquefois  un  Bras  pouffer 
feul  hors  de  la  place  naturelle  ,  &  ce  Bras  efl 
un  Corps  très  organifé. 

Ainsi  la  nouvelle  Tête  de  la  Bouture  ,  ne 
fe  montre  pas  fous  la  forme  d'un  Mamelon  ; 
car  le  renflement  n'en  efb  point  un.  Le  Rejet- 
ton  ,  au  contraire  ,  paroit  d'abord  fous  cette 
forme  ;  Ton  voit  un  petit  Bouton  conique  s'é- 
lever fur  la  Mère  ;  ce  Bouton  s'allonge  ;  fa 
Éafe  diminue  ;  il  devient  cylindrique  ;  fon  ex- 
trémité groiïit  un  peu ,  de  petits  Bras  en  for- 
tenc ,  &  voilà  les  progrès  d'un  jeune  Polype. 

La.  différence  de  ces  deux  produétions  efl 
lènfibh.  D'un  autre  côté ,  on  obferve  des  Hy- 
dres dont  les  Têtes  &  les  Queues  fe  détachent 
d'elles-mêmes  de  leur  Tronc  &  deviennent  de^ 


Corps    Organise' s.      69 

Polypes  parfaits  (^^).  On  a  vu  deux  Têtes 
fe  former  à  la  fois  fur  un  jeune  Polype ,  s'al- 
longer infenfiblement ,  &  Je  trouver  enfuiîe  au 
bout  d'une  Branche,  Chaque  Branche  Je  rèu- 
nijfoit  au  refte  du  Corps  qui  étoit  commun  Qb^, 
Je  cite  les  termes  mêmes  de  Mr.  T  r  e  m  b  l  e  y. 
Jl  ajoute  que  fi  ces  Têtes  étoient  deux  jeunes 
Polypes  qui  commençoient  à  pouffer ,  ils  au- 
roient  dû  fe  féparer  enfin  l'un  de  l'autre ,  & 
que  c'eft  ce  qui  neft  point  -arrivé  à  rés,ard  de 
plu  fleurs  Qc^,  On  voit  encore  la  Tête  d'un 
jeune  Polype  prendre  la  place  de  celle  qui  au- 
roit  dû  venir  à  la  Bouture  Qd^.  Enfin  ,  j'ai 
parlé  Article  205.  d'un  Rejetton  de  Polype 
déretourné  en  partie ,  qui  fe  grelFa  avec  celui- 
ci  &  ne  compofa  plus  qu'un  même  Tout. 

Ces  Faits  ne  paroiffent  -  ils  pas  indiquer  que 
les  Tètes  ont  la  même  origine  que  les  Rejet- 
tons  5  puisqu'en  certains  cas  ,  elles  affectenc, 
toutes  les  apparences  de  Rejettons,  &  que  ceux- 
ci  femblent  quelquefois  prendre  la  place  de  cel- 
les-là ?  Je  lailfe  donc  cette  queflion  indécife, 
&  je  fufpendrai  fans  peine  mon  jugement  ,  juf^ 
ques  à  ce  que  la  Nature  elle-même  veuille  bien 
prononcer  par  la  bouche  d'un  autre  Trembley; 
mais  elle  ne  prodigue  pas  de  tels  Hommes. 


(a)  Ibid.  page  197. 

(b)  Ibid.  page  108. 

(c)  ïbid.  page  109. 

(<{)  Voyez  i'ArùcIe  190. 


£  3 


70       Considérations  Sur  Les 

377.  Monlîruofttês.  Qjjelie  Idée  on  peut  fe 
faire  de  la  multiplication  naturelle  de  Bou- 
ture, 

pOMETS  quelques  monflruofîîés  du  Polype  : 
les  monftruofités  ne  combattent  point  les  Ger- 
mes ;  elles  font  des  écarts  de  la  Nature  ,  qui 
ont  eux  -  mêmes  leurs  loix  à  nous  inconnues. 

La  multiplication  naturelle  par  Boutures  pour- 
roit  n'être  que  l'eiFet  d'une  maladie  ,  qui  occa- 
fionne   de  profonds   étranglements   (<^).     Je 
nomme  cette  raultiplicrUion  naturelle  , ,  par  op- 
pofition  à  celle  que  la  feélion  produit.     Mais 
il  y  a  lieu  de  préfumer ,  que  k  première  efl:  auffi 
accidentelle 'j  Mr.  Trembley  femble  l'infmuer, 
lors  qu'il  remarque   (Z')  ,    que  cela  eft  arrivé 
trop  rarement ,  pour  quon  puijje  dire  que  cette 
manière  de  fe  multiplier  foit  ordinaire  &  natu- 
relle aux  Polies,     Ce  qui  paroitroit  confinner 
que  cette  forte  de  multiplication  efl  l'effet  de 
quelque   maladie  ou  de   quelque  dérangement 
extraordinaire ,  qui  furvient  dans  fintérieur  du 
Polype,  c'eft  ce  qu'ajoute  l'Auteur  (r)  ,  que 
la  reproduction  qui  devoit  fe  faire  dans  des  Por- 
tions qui  s'ètoienî  partagées  d'elles  -  mêmes  ,  n'a 
eu  lieu  ,   même  en  été  ,   quau  bout  de  quinze 
jours  ou  trois  femaines. 

278.  Conclufton,    Raifon  de  la  grande  fé- 

cmdiîé  du  Polype, 
Voila  ce  que  j'avois  à  expofcr  pour  effayer 

C«)  Voyez  TArticle  197. 

(ô)  Mm.  fur  lu  Felypes  i  Bras  Tom.  2.  page  147.  &  148. 

(t)  Ibid.  page  95. 


CorpsOrganise's.      71 

de  rendre  raifon  des  principaux  Phénomènes 
des  Polypes  à  Bras»  Si  nous  ne  voulons  pas 
recourir  à  des  explications  purement  méchani- 
ques,  que  l'Expérience  ne  juftifie  point  &  que 
la  bonne  Philofophie  reprouve ,  nous  penferons , 
que  le  Polype  eft ,  pour  ainfi  dire ,  formé  de 
la  répétition  d'une  infinité  de  petits  Polypes, 
qui  n'attendent,  pour  venir  au  jour,  que  des 
circonilances  favorables. 

Cet  Infecle  eft  très  vorace  :  des  Parties  ani- 
males fourniflent  plus  de  fucs  nourriciers  que 
toutes  autres  ;  elles  font  plus  analogues  à  l'Ani- 
mal ,  &  s'ajfimïlent  mieux.  Le  Polype  fe  régé- 
nère donc  très  promptement  &  multiplie  prodi- 
gieufement.  11  multiplie  d'autant  plus  ,  qu'il 
confume  davantage. 

Mes  Vers  aquatiques  qui  fe  nourriffent  fur- 
tout  de  terre ,  ne  font  pas  fi  féconds  :  je  n'ai 
vu  ordinairement  qu'un  feu!  Rejetton  fur  leur 
Corps. 

279.  Comment  on  peut  rendre  raifon  de  la 
multiplication  naturelle  par  Bouture  dune 
Efpèce  de  Mille- pi é. 

Comme  il  fe  développe  une  Tête  au  bout  an- 
térieur d'un  Vers  ou  d'un  Polype ,  il  s'en  déve- 
loppe une  près  du  bout  poftérieur  du  Mille-pié 
à  Dard;  mais  au  lieu  que  dans  les  premiers , 
ce  développement  eft  occafionné  par  la  feclion 
ou  par  quelqu'accident  analogue  j  dans  le  fe- 

E  4 


7a       Considérations  Sur  Les 

cond  au  contraire  5  ce  développement  efl  d'in- 
ilitution  de  la  Nature,  qui  s'eft  plu  à  varier 
les  moyens  de  multiplication ,  comme  les  carac- 
tères 5  les  formes  &  les  couleurs.  11  fe  forme 
donc  une  nouvelle  Tête  vers  le  bout  pollérieur 
de  ce  Mille-pié  :  on  voit  un  nouveau  Dard  s'é- 
lever peu  à  peu  fur  le  Dos  de  l'Infede.  Des 
Organes  qui  ne  paroiiToient  point  exilter ,  com- 
mencent à  devenir  fenfibles.  A'  mefure  qu'ils 
fe  développent ,  les  Vailleaux  qui  uniffoient  le 
bout  pollérieur  au  refle  de  l'Animal ,  s'effacent 
ou  s'oblitèrent  :  la  nouvelle  Tête  les  prelfe  ap- 
paremment 5  &  intercepte  les  fucs  nourriciers  ; 
c'eft  au  moins  ce  qu'on  peut  conjedurer  de 
plus  vraifemblable.  Dès  que  toute  liaifon  efl 
rompue ,  le  bout  pollérieur ,  pourvu  de  la  nou- 
velle Tête,  fe  fépare  du  Mille-pié,  &  déjà  il 
efl  lui-même  un  petit  Mille-pié  qui  n'a  plus 
qu'à  croître.  Cet  Infede  fmgulier  ne  nous  efl 
pas  bien  connu  encore  :  le  peu  que  j'en  ai  rap- 
porté C^),  d'après  Mr.  Trembley  (^),  ne 
fufïït  point  pour  nous  fatisfaire  fur  la  manière 
dont  s'opère  cette  multiplication  naturelle  par 
Bouture.  Mr.  Trembley  fe  propofe  d'apro- 
fondir  davantage  tout  ce  qui  concerne  ce  fujet 
intéreffant ,  &  que  ne  pouvons  -  nous  pas  nous 
promettre  de  l'habileté  de  l'Auteur  des  Polypes  ! 

280.  Analogie  entre  la  multiplication  du  Po' 

(a)  Article  158. 

(fc)  Mém./itr  iss  Fok/pes  à  Brqs i  Toir..  2.  pa^es  152,  153; 
2n  8», 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e's.      73 

lype  en  Entonnoir  âf  celle  du  MilU-pié  k 
Dard. 

Il  y  a  une  forte  d*an:ilogie  entre  la  multipli- 
cation des  Polypes  en  Entonnoir  ^  &z  celle  du 
Mille  -  pié  à  Dard,  On  peut  dire  que  le  Poly- 
pe en  Entonnoir  multiplie  naturellemeni/>i7r  Bou- 
ture. 11  fe  partage  de  lui-même  Le  d'un  feul 
Polype  il  s'en  forme  deux.  Une  nouvelle  Tê- 
te, de  nouvelles  Lèvres  fe  développent  far  le 
milieu  du  Corps  de  l'ancien  Polype ,  &  ce  dé- 
veloppement qui  eft  très  rapide ,  prépare  la  fé- 
paration  des  deux  moitiés  de  flnfede  :  bientôt 
ce  ne  font  plus  deux  moitiés ,  mais  deux  Tout  s 
très  complets  &  plus  petits  que  le  premier.  Si 
l'accroifTement  eft  prompt  dans  les  Polypes  à 
Bras  5  il  doit  l'être  bien  davantage  dans  les  Po- 
lypes en  Entonnoir ,  plus  délicats  &  plus  géla- 
tineux encore.  Les  progrès  du  Fœtus  font  tout 
autrement  rapides  que  ceux  de  l'Enfant  ou  de 
l'Adulte.  Ainfi  dans  ces  Atomes  organifés ,  qui 
ne  font  presque  qu'une  goutte  de  Liqueur  é- 
paiffie  5  V Evolution  eft  fi  rapide ,  qu'on  croiroit 
voir  une  création ,  fi  le  raifonnement  n'éclairoit 
la  marche  de  la  Nature. 

281.  Difficultés  d'expliquer  la  n7ultipli cation 
par  divifîon  naturelle  du  Polype  à  Bulbe. 
Motif  du  fdence  que  V  Auteur  s'impofe  à  cet 
égard. 

Les Polvpes  en Cloche^e partagent  auifi  d'eux- 

Es 


74       Considérations  Sur  Les 

mêmes  ;  mais  différemment  des  Polypes  en  En- 
tonnoir ,  comme  je  l'ai  expliqué  dans  un  autre 
endroit  Çd).     Les  Polypes  en  Cloche ,  qui  doi- 
vent leur  naiiïance  à  des  Boutons  en  fonne  de 
Galles  (Z»)  ,   multiplient  d'une  façon  encore 
plus  extraordinaire.     Ici  commence  un  nouvel 
ordre  de  chofes  ;  l'Analogie  nous  abandonne , 
&  rObfervateur  n'a  pas  même  des  termes  pro- 
pres pour  repréfenter  ce  qu'il  aperçoit.    Je  me 
tairai  donc  fur  ce  Polype  ;  car  il  eft  plus  raifon- 
nable  de  fe  taire ,  que  de  bazarder  des  conjec- 
tures vagues ,  fur  des  objets  qu'on  entrevoit  à 
peine,  &  qui  s'éloignent  de  tous  les  objets  con- 
nus.   Les  Partifans  les  plus  zélés  de  rEpigéné- 
fe  ne  fe  prévaudront  pas  contre  moi  du  filence 
que  je  m'impofe  ;  l'ignorance  fur  un  objet ,  ne 
peut  devenir  un  titre  en  faveur  de  quelque  Syf- 
tème  que  ce  foit  ;  &  fi  je  voulois  eflayer  de  ti- 
rer des  découvertes  en  queftion ,  les  conféquen- 
ces  qui  en  découlent  le  plus  naturellement,  je 
ferois  affez  fentir,  qu'elles  ne  font  point  con- 
traires à  r  Evolution, 

S82.  Pourquoi  les  Infe&es  qui  fuhijjent  des 
transformations  ne  par oijjent  pas  propres  à 
être  multipliés  de  Bouture,  Réflexion  fur 
ce  fujet. 

Au  relie ,  tous  les  Infeéles ,  connus  jusqu'ici , 
qui  peuvent  être  multipliés  de  Bouture ,  appar- 
tiennent à  la  clalfe  de  ceux  qui  ne  fe  métamor- 

(0)  Article  199. 
(i)  Article  201. 


Corps    O  r*  g  a  n  i  s  e'  s.       75 

phofent  point.  J'ai  donné  dans  le  Ch.  X.  du  Tom. 
1.  les  Principes  généraux  de  ces  Métamorphofes, 

.  on  pourroit  en  inférer ,  que  les  Infedes  appel- 
lés  à  les  iubir,  ne  font  pas  propres  à  être  mul- 
tipliés de  Bouture.  Us  ont  plus  de  Parties  diffi- 
mlaires ,  &  celles  dont  ils  font  pourvus  ^  ont  pour 
dernière  fin  le  développement  d'un  nutre  Tout 
organique  logé  dans  un  lieu  particulier  :  c'eO:  ce 
Tout  qui  conftitue  proprement  rEfpèce ,  &  qui 
eft  deltiné  à  la  conferver.  Mais  comme  tous  les 
Infe6les  qui  ne  fe  transforment  point ,  ne  mul- 
tiplient pas  de  Bouture  ;  de  même  auffi ,  parmi 
ceux  qui  fe  transforment ,  iJ  pourroit  s'en  trou- 
ver qui  multiplieroient  par  cette  voye.  Ne 
nous  preflbns  pas  de  faire  des  Règles  généra- 
les ;  les  Pucerons  &  les  Polypes  nous  ont  appris 
à  nous  en  défier. 


76      Considérations  Sur  Les 
CHAPITRE      III. 

Idées  fur  le  métaphyfique  des  InfeBes 

qui  peuvent  être  multipliés  de 

Bouture  y  &c, 

Û83.  Qtie  le  Polype  n'eft  pas  plus  favorable  au 
Maîénalijîe  qu'au  Cartéfien. 

FauJJes  idées  qu\n  s^efi  fait-es  fur  ce  fujet 
pour  ne  f  avoir  pas  ajfez  médité. 

But  de  r Auteur, 

Descartes  auroit  triomphé  à  la  vue  du  Po- 
lype :  un  Animal  qu'on  multiplie  en  le  coupant 
par  morceaux ,  fournilToit  un  bel  argument  en 
laveur  du  Syftème  ingénieux  de  ce  Philofophe. 
Te  ne  foutiendrai  pourtant  pas  ici  ce  Syftème; 
quoiqu'il  nous  débarafle  de  bien  des  difficultés  ; 
il  eft , ,  d'un  autre  côté ,  trop  contraire  à  l'ana- 
iogie  que  nous  obfervons  entre  nôtre  Organifa- 
tion  &  celle  des  grands  Animaux  ;  &  s'il  ell  au 
moins  probable  que  ces  Animaux  ont  une  Ame , 
il  Tefl  que  tout  ce  qui  efl  Animal^  en  a  une 
suffi.  Je  re  regarde  donc  l'exiftence  de  l'Ame 
des  Bêtes  que  comme  probable ,  puis  qu'elle  ne 
repofe  que  fur  l'analogie:  le  Peuple,  conduit 
par  le  fentiment ,  va  plus  loin  ;  il  décide  fur  la 
réalité  de  cette-  exiftence ,  &  le  Philofophe  mê- 
me ,  a  bien  de  la  peine  à  ne  pas  le  fuivre.  Mais , 
en  accordant  une  Ame  au  Polype,  mon  Lee- 


Corps    Organise' s.      7^ 

teur  craint  apparemment  que  je  ne  me  prépare 
des  tortures.  Prefque  tous  les  Hommes  ont 
dans  l'Efprit ,  certaines  idées  métaphyfiques  fur 
lefquelles  ils  raifonnent  :  prefque  tous  fçavent , 
à  peu  près,  que  l'Ame  efl  un  ^txQ /Impie ^  d'oii 
ils  concluent  facilement  qu'elle  ne  peut  être  di- 
vifée.  Comment  donc ,  par  un  coup  de  fcal- 
pel ,  d'un  feul  Ver  ou  d'un  feul  Polype ,  fait-on 
plufieurs  Animaux  ?  Ce  qui  m'étonne  le  plus 
ici  5  eft  que  les  Philofophes ,  comme  le  Vulgai- 
re ,  fe  foient ,  en  quelque  forte ,  bornés  à  fen- 
tir  la  difficulté,  &  qu'ils  n'ayent  pas  fait  d'heu- 
reux efforts  pour  la  refoudre.  II  me  paroît  qu'- 
en général ,  on  l'a  regardée  comme  irréfoluble. 
Aulfi  n'eft-il  rien  fur  quoi  on  ait  plus  infillé  dès 
que  la  découverte  du  Polype  a  été  répandue. 
On  s'en  eft  tenu  à  admirer ,  &  à  déclamer  fur 
l'incertitude  de  nos  connoilTances  en  Métaphy- 
fique.  On  auroit  mieux  fait  d'employer  à  mé- 
diter ,  le  tems  qu'on  a  perdu  à  difcourir.  Je  ne 
finirois  point, fi  je  voulois  réfuter  tous  les  mau- 
vais raiibnnemens  dont  le  Polype  a  été  le  fujet 
ou  foccafion  :  peu  de  gens  fçavent  fe  faire  des 
idées  nettes  fur  cette  matière  abftraite  ;  il  en  efl: 
même  qui  traiteroient  volontiers  de  téméraire 
quiconque  oferoit  en  promettre  de  telles.  Je  ne 
promets  rien  ;  m^ais  je  vais  expofer  fimplement 
les  principes  que  mes  IMéditations  m'ont  fournis, 

284.  Siège  de  V  Ame,    Senfatîons,    Moi 
du  Polype, 

La  découverte  de  rorîgim  des  Nerfs  a  doii^ 


78       Considérations  Sur  les 

né  lieu  de  placer  l'Ame  dans  le  Cerveau.  II  n'eft 
pas  befoin  que  je  dife  qu'elle  n'y  refide  pas  i\  la 
manière  d'un  Corps  ;  elle  n'ell  pas  Corps  :  mais 
elle  y  eft  préfente  à  la  manière  d'une  fubftance 
fimple.  Qu'on  ne  me  demande  pas  ce  que  c'efl: 
que  cette  préfence;  je  fais  profeiTion  d'ignorer 
profondément  la  Nature  intime  de  l'Ame ,  & 
je  ne  la  connois  un  peu  elle-même  que  par  quel- 
ques-un es  de  fes  Facultés. 

Je  fuppofe  donc  une  Ame  dans  la  Tête  du 
Polype.  Cette  Ame  a  des  fenfations ,  que  lui 
procurent  les  Organes  dont  l'Infeéle  eft  doué. 
Elle  a  un  fentiment  de  la  préfence  de  fes  fenfa- 
tions;  car  une  Ame  ne  peut  avoir  une  fenfa- 
tion,  qu'elle  v\&  fente  ^  en  même  tems  qu'elle 
l!à.  Je  ne  puis  dire  ce  que  c'eft  que  ce  fenti^ 
ment  ;  mon  Ame  n'eft  pas  faite  pour  fentir  à  la 
manière  de  celle  du  Polype  :  mais ,  je  vois  afTez 
qu'il  n'eft  pas  précifément  ce  que  nous  nom- 
mons en  nous  Confcience  ou  Aperception,  La 
Confcience  fuppofe  toujours  un  peu  de  Ré- 
flexion;^  l'on  n'accordera  pas  la  Réflexion  à  un 
Infecle.  Tout  ce  qu'on  peut  raifonnablemenc 
lui  accorder ,  c'eft  une  forte  de  Réinimfcence. 
Le  Polype  fent  qu'il  faifit  une  proye ,  qu'il  Ta- 
vale ,  il  fent  encore  qu'il  a  du  plaifir  à  la  faifir 
&  à  l'avaler  :  il  en  conferve  un  certain  Jouve- 
nir ,  qui  lie  les  fenfations  qui  furviennent  à  cel- 
les qui  ont  précédé.  Ce  fouvenir  conftitue 
l'efpèce  de  Perfonnalité  de  l'Infefte.  Il  ne  peut 
dire  Moi;  mais  il  poffède  un  Moi  à  fi  manière. 
Ce  Moi  s'approprie  toutes  les    fenfations  ;  il 


Corps    Organise' s.      7p 

s'identifie  avec  toutes.  Il  eft  le  Moi  qui  faifit 
un  Puceron ,  qui  l'avale  ,  qui  l'a  faifi  ,  qui  Ta 
avalé. 

285.  Où  réfîde  'le  Moi  dans  Vlnfe&e  qu'on 
vient  de  partager  en  deux  tranfuerfale- 
ment  ?  Des  mouvemens  qui  paroijjent  fpon- 
tanés  â?  qui  71e  font  que  machinaux. 

Principes  propres  à  les  expliquer  tirés  de  In 
Bo&rine  de  /'Irritabilité. 

Je  partage  l'Infeéle  par  le  milieu  fuivant  fa 
largeur  ;  il  eft  bien  évident  que  la  Portion  oii 
tient  la  Tête ,  eft  la  feule  qui  conferve  le  Moi 
ou  la  Perfonnalîté, 

Il  n'y  a  donc  plus  de  I\loi  dans  l'autre  Por- 
tion ;  car  nous  avons  admis  que  l'Ame  réfide 
dans  la  Tête  ;  mais ,  cette  Portion  paroit  pour- 
tant y^/?//r  ,*  elle  fe  donne  divers  mouvemens,  & 
j'ai  vu  une  moitié  de  Ver  de  terre  (ji)  ,  &  des 
tronçons  de  m.esVers  aquatiques,  ramper  com- 
me i'auroit  fait  un  Ver  complet  ;  il  y  a  plus  , 
ils  fembloient  conferver  encore  toutes  les  in- 
clinations propres  à  leur  Efpèce.  Je  ne  veux 
rien  diiTimuler  ;  je  vais  donc  augmenter  la  dif- 
ficulté en  tranfcrivant  ici  un  pallage  très  remar- 
quable de  mon  Traité  d'Infe&ologie  ,  Partie  2. 
pages  93.  &  94.  Qby 

Dans  le  compte  que  j'ai  rendu  (^Obf.  II.) 
de  ma  première  Expérience   fur  ces  Vers 


95 

5> 


(a)  Voyez  l'Article  244. 
O)  Obferv.  XIV. 


go  "^^  Considérations  SurLes 

55  je  me  fuis  arrêté  quelque  tems  à  décrire  les 
5,  mouvements  de  chaque  moitié  pendant  les 
5,  premiers  jours  après  l'opération.  J'ai  fait  re- 
5,  marquer  que  la  féconde  ,  celle  qui  n'avoit 
55  point  de  Tête  ,  alloit  en  avant  à  peu  près 
5,  comme  fi  elle  en  avoit  eu  une  ;  qu'elle  fem- 
55  bloic  chercher  à  fe  cacher ,  qu'elle  favoit  fe 
55  détourner  à  la  rencontre  de  quelque  obfta- 
5,  clc ,  &c.  Tout  cela  ,  quoique  fort  remar- 
5  5  quable  ,  ne  l'eft  pas  néanmoins  autant  que 
55  ce  que  j'ai  obfervé  fur  de  femblables  Vers , 
55  peu  de  tems  après  leur  avoir  coupé  la  Tête. 
55  Je  les  ai  vus ,  à  mon  grand  étonnement  , 
5  5  s'e:  foncer  dans  la  boue  en  fe  fervant  de  leur 
55  bout  antérieur  comme  d'une  Tête ,  pour  s'y 
55  frayer  un  chemin.  J'ai  vu  le  Ver  N°.  Il- 
^  de  la  Tab.  II.  ramper  le  long  des  parois  du 
5,,  vafe  de  verre 5  où  je  le  tenois  renfermé,  & 
55  faire  effort  pour  en  fortir5  quoiqu'il  n'eut  ni 
55  Tête  ni  Queue  ". 

Ceux  de  mes  Ledeurs  qui  ont  lu  les  beaux 
M-moires  de  Mr.  de  Haller  fur  V Irritabilité^ 
entrevoyent  déjà  ce  qu'on  peut  dire  pour  tâ- 
cher à  réfoudre  la  difficulté  dont  il  s'agit  ici. 
On  fût  que  V Irritabilité  eft  cette  •  propriété  de 
la  Fibre  mufcu'aire  en  vertu  de  laquelle  elle  fe 
contracte  d'elle  -  miême  5  à  l'attouchement  de 
tout  Corps ,  foit  folide ,  foit  fluïde.  C'elt  par 
elle  ,  que  le  Cœur  ,  détaché  de  la  Poitrine  , 
Continue  quelque  tems  à  battre.  C'eft  par  el- 
le 5  que  les  Intellins,  féparés  du  Bas -Ventre, 

& 


Corps    Organise'».       8ï 

i&  partagés  en  plufieurs  portions  ,  comme  nos 
Vers ,  continuent  pendant  un  tems ,  à  exercer 
leur  mouvement  périfîaltique.     C'eft   par  elle 
enfin ,  que  les  Membres  de  quantité  d'Animaux, 
continuent  à  fe  mouvoir  après  avoir  été  fépa- 
rés  de  leur  Tronc.     Dira  - 1  -  on  que  ces  porti- 
ons d'inteftins,  qu'on  voit  ramper  lur  une  Ta- 
ble comme  de$  Vers ,   font  mifes  en  mouve- 
ment par  une  Ame  qui  réfide  dans  leurs  Mem- 
branes ?    Admettra  - 1  -  on  auffi  une  Ame  dans 
la  Queue  du  Lézard,  pour  rendre  raifon  des 
mouvements  fi  vifs  &  fi  durables  qu'on  y  ob- 
ferve  après  qu'on  l'a  coupée  ?     Voudra -t- on 
encore  que  ce  foit  une  Ame  logée  dans  l'Ai- 
guillon de  la  Guêpe  ,  qui  le  darde  au  dehors , 
affés  long- tems  après  que  le  Ventre  a  été  féparé 
du  Corcelet?Alfurément  ces  Faits  font  bien  auiîi 
fmguliers  &  auffi  embarrafTants  ,  que  ceux  que 
j'ai  raportés  dans  le  paflage  cité  ci   deiTus:  qui 
ne  voit  pourtant  que  les  uns  &  les  autres  ne 
font  que  les  réfultats  d'une  raéchanique  fecret- 
te  ?     Mr.  DE   Haller  a  prouvé  ,   que  le 
Cœur,  féparé  de  la  Poitrine  ,  cefle  de  battre, 
dès  qu'on   purge  les  Ventricules   du   peu   de 
Sang  qu'ils  renfermoient  encore  :  X Irritabilité^ 
cette  Force  dont  la  nature  nous  eft  inconnue , 
n'agit  plus  alors  ;  rien  ne  l'excite.     C'eft  donc 
par  les  contrarions   que  l'attouchement   d'an 
Corps  étranger ,  produit  dans  les  Fibres  mufcu- 
laires  de  nos  Vers ,   dans  celles   des  portions 
d'inteftins ,  dans  celles  de  la  Queue   du  Lé- 
ToM.  il.  F 


^J2      Considérations  Sur  Les 

zard,  &c.  que  s'opèrenc  ces  mouvements  qui 
nous  paroiffent  volontaires ,  &  qui  ne  font 
pourtant  que  purement  machinaux.  La  Ma- 
chine ell  montée  pour  les  exécuter ,  &  elle  les 
exécute  dès  qu'elle  el1:  mife  en  jeu. 

28(5.  Nouveau  Moi  qui  eft  produit  6f  com- 
ment. 

Cette  Portion  du  Polype  qui  n'a  voit  ni 
Tête  ni  Bras  ,  ne  tarde  pas  à  en  pouller  de 
nouveaux,  &  déjà  elle  eifl  un  Polype  parfait, 
qui  faifit  des  proyes  &  les  avale.  S'il  n'eft  point 
de  nouvelle  création  dans  les  Corps ,  pourquoi 
en  fuppoferions-  nous  dans  les  Ames  ?  Si  TAu- 
TEUR  de  la  Nature  a  jugé  convenable  de  ren- 
fermer d'abord  tous  les  Corps  organifés  dans 
des  Germes ,  n'eft-il  pas  probable  qu'iL  y  a  ren- 
fermé auffi  5  dès  le  commencement  ,  les  Ames 
qui  y  deviendront  un  jour  le  principe  du  fen- 
timent  &  des  mouvements  volontaires  ?  Ima- 
ginera-t- on  qu'à  chaque,  nouveau  coup  de 
fcalpel ,  DIEU  crée  une  Ame  pour  le  Germe 
>  qui  va  fe  développer  ?  Cela  feroit  certes  bien 
peu  philofophique  ;  furtout  fi  l'on  admettoit  des 
Volontés  fuccejfives  dans  la  Raison  suprême. 
Comment  fuppofer  une  fuccelTion  d'aéles  dans 
cette  Volonté'  qui  a  pu  créer  tout  par  un  feul 
acte  ? 

Le  Polype  qui  vient  de  fe  développer  fous 
nos  yeux  ,  efl  donc  une  nouvelle  Perfonne  ; 
qu'on  me  permette  ces  expreflions  :  il  n'a  pu 


Corps     Organise' s.       83 

conferver  aucun  fouvenir  des  fenflitions  qui  a- 
voient  affedé  le  Polype  dont  il  faifoit  aupara- 
vant partie.  Ce  fouvenir  efi:  demeuré  attaché 
au  Cerveau  de  l'ancien  Polype  :  un  nouveau 
Cerveau  s  eft  développé  dans  le  Polype  'que 
nous  confidérons;  &  les  premières  impreffions 
qui  affectent  le  Polype  nailTajit ,  font  le  fonde- 
ment d'une  nouvelle  Perfonalité,  Il  en  elt  pré- 
cifément  de  ce  Polype  comme  du  Fœtus  de 
quelque  Animal  que  ce  foit  :  l'Ame  de  la  Mè- 
re ne  fe  partage  pas  entr'elle  &  le  Fœtus  ;  mais 
celui  -  ci  polTcdoit  déjà  dans  fon  état  de  Ger- 
me ,  une  Ame  qui  lui  étoit  propre  ,  &  qui 
commence  à  f^ntir  dès  que  les  Organes  fe  font 
développés  à  un  certain  point. 

287.  Qjie  les  Hyàres/o^iS  des  Perfonnes  zom^ 
pofées. 

Explication  du  Ver  à  deux  Têtes  ^  à  deux 
Volontés. 

Remarque  fur  le   phénomène    métaphyfiquê 
que  préfentent  les  Hydres. 

Une  H^âre  eft  un  compofé  de  plufieurs  P^r- 
fonnes  réunies  fur  un  Tronc  commun:  Quand 
on  partage  un  Polype  fuivant  fa  longueur ,  en 
commençant  par  la  Tête ,  on  ne  divife  pas  l'A- 
me ;  mais  elle  demeure  dans  celle  des  deux 
moitiés  où  fon  fîéiJe  continue  à  rénder.  L'O' 
pération  peut  néanmoins  occafionner  un  tel  dé- 
rangement dans  cet  Organe  ,  que  la  Perfoaa- 

F  2 


84      Considérations  Sur  Les 

lité  en  foit  entièrement  détruite.  11  s'en  for- 
mera donc  une  nouvelle ,  dès  que  l'Organe  au- 
ra acquis  ce  qui  lui  manquoit  pour  tranfmettre 
à  l'Ame  de  nouvelles  fenfations. 

Il  feroit  inutile  que  je  m'arrêtalTe  ici  à  prou- 
ver que  le  fouvenir  tient ,  non  à  l'Ame  ,  mais 
au  Corps  :  ceux  de  mes  Leéleurs  qui  auront 
médité  les  Principes  que  j'ai  expofés  dans  mon 
ElJaï  Analytique  C^)  5  n'auront  pas  de  peine 
à  en  convenir. 

C  E  Ver  à  deux  Têtes  &  h  deux  Volon- 
tés ,  dont  il  a  été  beaucoup  parlé  cy  devant 
(Z?),  renfermoit  en  effet,  deux  Perfonalités. 
i)eux  Têtes  s'étoient  développées  fur  le  même 
Tronc,  &  chaque  Tête  ayant  fon  Ame  propre, 
il  n'eft  pas  étonnant  que  ce  Ver  ait  paru  avoir 
deux  Volontés. 

S'il  en  faut  croire  Mr.  Roezel  ,  cette  miil' 
îîpUcné  de  Volontés  eft  bien  plus  frappante 
dans  les  Hydres*  Je  n'ai  pas  lu  cet  Auteur  ; 
tnais  voici  ce  que  m'en  écrivoit  Mr.  de  Hal- 
L  E  R.  //  a  vu  des  Têtes  de  Polypes  fendues ,  c5* 
devenus  Hydres ,  fe  faire  la  guerre ,  ^  une  Tê' 
te  du  même  Animal  dévorer  une  autre  Tête  , 
qui  avoit  fait  -partie  à^ elle- même  quelques  jours 
auparavant.  Ce  Phénomène  fait  de  la  peine  : 
fendre  des  Volontés  ?  en  faire  deux  d'une  feule 

{a")  Ejjai  Jnalpîque  fur  les  Facultés  de  l'Jme  :  à  Copenha- 
gue &  à  Genève,  chez  les  Frères  Philibert  ,  1760.  in  40, 
Ciiap.  VII.  paragr.  5«7.  &c.  Chap.  XXII.  paragr.  626.  &  fuU 
yants. 

(fc  j  Artide  245, 


Corps    Organise' s.       S5 

avec  des  cîzeaux  !  La  manière  funple  dont 
j'explique  ce  phénomène ,  lève  la  difficulté  qui 
fiiifoit  de  la  peine  à  Mr.  de  Halllr.  On  ne 
fend  pas  des  Volontés  ;  mais  d'une  feule  Tête 
Ton  en  fait  deux  5  &  dans  le  Germe  de  chaque 
Tcte  réfidoit  originairement  une  Ame. 

288.  Du  Moi  dans  les  Polypes  grejfés. 

Quand  on  greffe  la  Tête  d'un  Polype  fur  le 
Tronçon  d'un  autre  Polype  ,  il  efi:  bien  clair 
que  la  Perfonalité  ne  change  pas  ,  puifque 
cette  opération  n'intérefTe  point  le  Cerveau. 

Quand  on  met  bout  à  bout  plufieurs  Por- 
tions de  Polypes ,  elles  fe  greffent  les  unes  aux 
autres ,  &  ne  forment  enf liite  qu'un  feul  Ani- 
mal. La  Tête  qui  fe  développe  dans  la  pre- 
mière Portion  ,  devient  le  fiége  d'une  nouvel- 
le Perfonalité. 

Je  ne  fais  pas  ce  qui  arrive  au  Cerveau  de  deux 
Polypes  que  Ton  infère  l'un  dans  l'autre  ,  & 
dont  les  Têtes  fe  greffent.  Mais  je  conçois 
qu'il  peut  y  furvenir  l'une  ou  l'autre  de  ces 
trois  chofes  : 

i".  ou  les  deux  Cerveaux  fubfiilent  fans  al- 
tération ,  &  alors  il  y  a  deux  Perfonalités  dis- 
tindes  : 

2**.  ou  fun  des  Cerveaux  s'oblitère  par  la 
prelfion  de  fautre ,  &  alors  il  n'y  a  qu'une  feu- 
le Perfonalité  : 

F  3 


26       Considérations  Sur  Les 

3^  ou  les  deux  Cerveaux  font  détruits ,  & 
alors  il  fe  forme  une  nouvelle  Perfonalité  par  le 
développement  d'un  autre  Cerveau. 

IL'  pourroit  y  avoir  un  quatrième  cas  plus 
rare  &  plus  embaraiîant  ;  ce  feroit  celui  où  les 
deux  Cerveaux  fe  confondroient  l'un  dans  l'au- 
tre fms  périr.  Alors  il  y  auroit  deux  Moi  dans 
le  même  Cerveau.  Mais  il  n'y  a  pas  d'appa- 
rence que  les  deux  Moi.  puffent  avoir  la  même 
fenfation  au  même  iniTiant  indivifible  ;  parce 
qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  que  la  confufion 
pût  être  affés  parfaite ,  pour  que  toutes  les  Fi- 
bres des  deux  Cerveaux  allaffent  fe  réunir  dans 
un  point  commun ,  &  ne  formalTent  ainfi  qu'un 
feul  Senforium, 

289.  Du  Moi  dans  les  Rejeîtons, 

Si  la  production  d'une  nouvelle  Tête  fuppo- 
fe  la  préexiftence  d'un  Germe  ,  la  produélion 
d'un  Rejetton  la  fuppofe  auiTi.  J'ai  écabli  les 
fondemens  de  l'une  &  de  l'autre  fuppolition. 
Dans  le  Germe  du  Rejetton  e(t  donc  logée  une 
i\me ,  oui  commence  à  fentir  des  que  le  Ger- 
me a  pris  un  certain  accroiffement. 

Une  Mère  Poîype ,  chargée  de  fa  nombreu- 
fe  Poftérité  ,  compofe  bien  avec  elle  un  feul 
Tout  phypqtie  ,  ir.ais  non  une  feule  Verfonne. 
Chaque  Rejetton  a  fon  Mol ,  puifqu'il  a  fon 
Cerveau  propre  ,  &  l'on  obfervc  qu'il  pour- 
voit par  lui-même  à  fa  fubfiftance  ,  en  fii- 
filTant  de  petites  proyes,  &  en  les  avalant ,  com- 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s,       B/ 

me  le  feroit  tout  autre  Polype. 

L'Union  étroite  de  la  Mère  &  de  Tes  Pe- 
tits &  des  Petits  entr'eux  ,  établit  dans  ce  Tout 
fingulier,  une  forte  de  communauté  de  fenti- 
mens  &  de  befoins.  L'état  de  la  Mère  influe 
fur  celui  des  Petits ,  &  l'état  des  Petits  fur  ce- 
lui de  la  Mère ,  &c. 

290.  Du  Moi  dans  les  Infectes  qui  fe  mê* 
îamorphofent, 

L'Insecte  qui  eft  d'abord  Chenille  ^  puis 
ChryfrJide ,  &  enfin  Papillon ,  ne  revêt  pas  au- 
tafit  de  Pèrfunalilés  différentes  qu'il  revêt  de 
formes-^  ou  pour  m'exprimer  plus  correctement, 
il  n'y  a  pas  trois  Moi  dans  la  Chenille.  On  a  vu 
dans  le  Ch.  X.  du  Tome  L  à  quoi  fe  réduifent  ces 
Métamorphojes.  Les  lumières  que  nous  avons 
acquifes  fur  \q  phyftque  du  phénomène,  nous  é- 
clairent  fur  le  p/ychologique.  La  Chenille  n'efl 
que  le  masque  du  Papillon  :  c'ell  donc  toujours 
la  même  Individualité  ^  le  même  Moi  ,  mais 
qui  eil:  appelle  à  fentir  &  à  agir  par  différents 
Organes  en  différents  périodes  de  fa  vie.  Je 
renvoyé  là-defTus  à  mon  Ejfai  analytique  fur 
les  Facultés  de  VAme  Qay 

(a)  Chap.  XXIV.  Paragr.  714.  &  fuivans. 


F  4 


83      Considérations  Sur  Les 
CHAPITRE     IV. 

De  la  Fécondation  &  de  la  Généra- 
tion de%  Animaux, 

Variétés  qu^on  )/  obferve. 

Ohfervaùons  fur  quelques  endroits  de  l'Hiis- 
toire  Naturelle  de  Mr.  de  Buffon. 

291.  Dejfein  de  ce  Chapitre, 

Je  ne  veux  que  parcourir  rapidement  les 
particularités  les  plus  remarquables  que  renfer- 
me ce  fujet.  J'indiquerai  les  analogies  &  les 
exceptions:  j'infillerai  un  peu  plus  fur  celles- 
ci  ;  elles  font  de  bons  préfervatifs  contre  les 
conféquences  trop  générales.  Si  je  voulois  dé- 
crire tout ,  je  ferois  une  Hilloire  Naturelle ,  & 
j'oublierois  que  je  compofe  un  Ecrit  fur  la  Gé» 
néraîion* 

292.  Bornes  étroites  de  nos  connoîjjances /ur 

le  Syftème  général. 
Conséquence  pratique. 

Nous  ignorons  pourquoi  L'Auteur  de  la 
Nature  a  établi  que  la  plupart  des  Animaux  fe 
perpétueroient  par  le  concours  de  deux  Indivi- 
dus. J'ai  bazardé  là  delTus  quelques  réflexions 
à  la  fin  du  Chapitre  V.  du  Tome  1,  j'étois  jeune 
encore  quand  je  faifois  ces  réflexions  :  aujour- 


Corps    Organise' s.      89 

dhui  que  ma  Raifon  a  meuri ,  je  n'en  bazarde- 
rai aucune.  Pour  avoir  fur  ce  point ,  comme 
fur  une  infinité  d'autres ,  plus  que  des  conjeélu- 
res  &  des  foupçons ,  il  fiiudroic  que  nous  puf- 
fions  embralîer  d'une  feule  vue  ,  la  totalité  des 
Etres.  C'elt  de  leur  enchaînement  que  réfulte 
le  Syftème  général^  &  dans  le  Syftème  général 
ell  ia  raifon  des  Syftèmes  particuliers.  Nous 
n'entrevoyons  encore  que  quelques-uns  de  ces 
Syftèmes,  &  leur  Uaifon  avec  le  grand  Tout 
nous  échappe.  Nous  appercevons  bien  aflez 
de  Rûports  &  de  Fi?7S  pour  juger  que  la  Cause 
Première  eft  Intelligente ,  mais  nous  n'en  dé- 
couvrons point  alfez  pour  juger  de  fon  Flan, 
Pourquoi  tel  ou  tel  Animal  ne  peut-il  perpétuer 
fon  efpèce,  qu'en  fe  joignant  à  fon  femblable? 
pourquoi  un  autre  Animal  eft -il  Hermaphrodi- 
te fans  pouvoir  néanmoins  fe  féconder  lui-mê- 
me? pourquoi  en  eft -il  une  autre  efpèce  chez 
qui  on  obferve  une  diftindion  de  Sexes  &  un 
accouplement ,  &  qui  multiplie  pourtant  fans  le 
concours  des  Sexes?  Ce  font  là  autant  d'énig- 
mes ,  dont  nous  n'aurons  le  mot ,  que  lors  que 
nous  aurons  acquis  d'autres  yeux,  &  une  In- 
telligence fupérieure  à  celle  de  nôtre  état  pré- 
fent.  En  attendant,  obfervons  avec  foin  tout 
ce  qui  eft  à  nôtre  portée.  Plus  les  obfervations 
fe  multiplieront ,  &  plus  nos  connoiffances  s'é- 
tendront &  fe  perfectionneront.  S'il  ne  nous  ell 
pas  permis  encore  de  lire  d'un  bout  à  l'autre  le 
Livre  de  la  Nature ,  tâchons  au  moins  ù  tirer 

F  < 


po      Considérations  Sur  les 

le  meilleur  parti  poffible  du  petit  nombre  de  pa- 
ges qu'elle  offre  à  nôtre  examen.  Le  feul  moyen 
d'y  parvenir ,  eft  de  fe  fou  venir  que  nous  n'a- 
vons point  l'Index  de  ce  Livre ,  &  que  nous 
fommes  réduits,  pour  ne  pas  nous  égarer,  à 
confidérer  chaque  objet  en  lui-même,  &  dans 
fes  rapports  aux  objets  les  plus  voilins,  La  lu- 
mière qui  fe  réfléchit  de  proche  en  proche, 
augmente  la  clarté  de  la  lumière  directe. 

293.  Manière  dont  s'opère  la  Fécondation 
dans  la  plupart  des  Animaux. 

Dans  l'Homme ,  dans  les  Quadrupèdes ,  dans 
les  grands  Poiifons ,  connus  fous  le  nom  géné- 
ral de  Cétacées ,  dans  différentes  Efpèces  d'Oi- 
feaux  5  de  Teftacées ,  de  Reptiles  ,  d'Infeéles , 
&c.  le  Mâle  eft  pourvu  d'une  Partie ,  qu'il  in- 
troduit dans  celle  de  la  Femelle ,  deftinée  à  la 
recevoir ,  &  qui  opère  la  Fécondation, 

Dans  beaucoup  d'Efpèces  d'Oifeaux,  par 
exemple ,  dans  la  Poule ,  le  Moineau  ,  le  Pi- 
geon ,  l'intromiffion  eft  équivoque.  Le  Coq , 
pourvu  d'un  double  Membre ,  femble  ne  faire 
que  comprimer  fortement  la  Femelle  (^),  & 
cet  accouplement  toujours  inftantané,fufïït  pour 
mettre  la  Poule  en  état  de  pondre  des  Oeufs 
féconds  5  au  moins  pendant  piufieurs  femai- 
nes  (^). 

^    (a)  Bîfl.  Nat.  Gen.  &:c.  Tom.  2.  pag.  311.  in  4.0. 

(&)  ^rt.  de  faire  éclorre  les  Fêukts,  &,c,  2de  Edit.  1751.  Pa- 
ris, Tom,  2.  pag.  328. 


Corps    Organise' s.      91 

294.  Mûmère  JînguUère  dont  s'opère  la  Fé- 
condation dans  les  Poijfins  à  Ecailles. 

Les  Poiflbns  paroiiTent  encore  plus  chafles 
dans  leurs  -amours.  Il  n'elt  gu  jres  douteux  qu'ils 
ne  s'accoupleiu  point,  puiique  le  Mdle  cil  dé- 
pourvu de  la  Partie  nécefiaire  à  la  Copulation. 
Quelquefois  il  fe  retourne  iur  le  dos  afin  de 
rencontrer  le  ventre  de  la  Femelle ,  &  ce  n'elt 
pomtant  que  pour  répandre  les  Laites  fur  les 
Oeufs  qu'elle  va  pondre.  Eux  feuls  l'excitent; 
il  les  arrofe,  lors  même  qu'ils  flottent  au  gré 
des  eaux,  &  qu'il  ne  peut  découvrir  la  Femelle 
qui  les  a  pondus  Qa^. 

295.  Exception  remarquable  à  la  régie  de 

rintromifjmu 

Mouche  des  appartemens. 

Chez  les  Efpèces  où  l'on  obferve  une  vérita- 
ble inîrcmjjîon  ,  c'eft  le  ÎVlâle  qui  întrodint. 
L'Efpèce  àz  Mouches  la  plus  commune  dans  nos 
appartemens ,  forme  une  exception  très  remar- 
quable à  cette  règle  efliraée  générale.  Ici  c'cll 
la  Femelle  qui  introduit ,  &  le  Mâle  qui  reçoit. 
Pour  cet  effet  ;  le  Mâle  eft  pourvu  d'une  Par- 
tie analogue  à  celle  des  Femelles ,  &  la  Femelle 
d'une  Partie  analogue  à  celle  des  Mâles  (/'): 
tant  il  a  plû  à  L'Auteur  de  la  Nature  de  va- 
rier les  moyens  qui  conduifoient  à  la  mêiiie  lin. 

(fl)  Ui^.  Nat.  Gen.  &c.  T.  2.  p.  311.,  &c. 
(  h  )  Mém.  pour  fervir  à  l'HiJî.  des  InfeSies  :   Tom.  4.  pag. 
384,  385  >  in  Q}iarto, 


92        Considérations  Sur  Les 

296.  j4utre  exception  remarquable  dans  la 

jîtuation  des  Organes  de  la  Génération, 

Amours  des  Demoifelles  S  ceux  des  Araignées. 

C'est  encore  une  règle  qu'on  juge  généra- 
le ,  que  dans  les  Efpèces  dont  les  Individus 
font  diilingués  de  Sexes ,  la  Partie  qui  caraélè- 
rife  le  Sexe ,  foit  placée  à  l'extrémité  du  Corps. 
Les  Mouches  nommées  Demoifelles ,  nous  of- 
frent une  exception  à  cette  règle.  La  Partie 
propre  à  la  Femelle ,  y  efl:  bien  placée  comme 
à  l'ordinaire  ;  mais ,  celle  qui  efl  propre  au  Mâ- 
le ,  efl:  placée  aflez  près  de  fon  Corcelet  &  à 
une  grande  diftance  de  l'extrémité  du  Corps. 
Cette  fituation  femble  peu  favorable  à  la  Copu- 
lation; aufîi  le  Mâle  a -t- il  été  inftruit  à  forcer 
la  Femelle  à  venir  loger  le  bout  de  fon  derrière 
où  il  doit  l'être  pour  qu'elle  foit  fécondée,  h- 
vec  deux  crochets  dont  l'extrémité  de  fon  Corp? 
efl:  armée,  il  faifit  le  Col  de  la  Femelle,  & 
l'emporte  dans  les  Airs.  Gagnée  par  fes  caref- 
fes ,  vaincue  par  fa  longue  confl:ance ,  animée 
enfin  du  même  defir ,  elle  ceffe  de  refifter  & 
devient  féconde  (^). 

L'araignée  nous  offre  une  exception  plus 
fmgulière  encore ,  &  qu'un  bon  Obfervateur  (/;) 
ajjure  avoir  vue  plus  d'une  fois.  On  connoit 
en  général  les  Antennes  des  Infeéles  :  on  fçait 
que  ce  font  ces  deux  petites  Cornes  mobiles 

(0)  Ibid.  Tora.  6.  pag.  426,  &c. 

(&)  Mr.  Lyonet,  Théol.  des  InfeB.  de  Lesser,  T.  i.  pag. 
184.  T-  2-  pag*  48.  à  la  Haye  1742.  in  8^. 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      93 

qu'ils  portent  fur  le  devant  de  ia  Tête ,  &  dont 
on  ignore  l'ufage.  Souvent  elles  font  formées 
d'une  fuite  de  Vertèbres  ou  de  Nœuds:  telles 
font  en  particulier  celles  de  l'Araignée.  Mais 
ce  qui  effc  fort  étrange ,  c'eft  que  les  Parties  de 
la  Génération  du  Maie  font  dans  fes  Antennes; 
tandis  que  celles  de  la  Femelle  font  placées  fous 
le  Ventre ,  affez  près  du  Corcelet.  Le  Mâle 
&  la  Femelle  femblent  craindre  de  s'aprocher  : 
les  Araignées  fe  dévorent  les  unes  les  autres ,  & 
leur  naturel  féroce  &  cruel  n'efl  adouci  que  par 
l'Amour.  Après  s'être  données  réciproquement 
bien  des  marques  de  défiance ,  les  deux  Araij^- 
nées  s'aprochent  peu  à  peu  jusqu'à  fe  toucher, 
&  comme  fi  une  frayeur  fubite  les  faififToic ,  el- 
les fe  îaiffent  tomber  ,  &  demeurent  quelque 
tems  furpendiies  à  leurs  fils  :  elles  remontent  en- 
fuite  fur  la  toile ,  fe  tâtent  encore ,  fe  rapro- 
chent  de  nouveau  &  fe  joignent  enfin.  Un  des 
Nœuds  des  Antennes  du  Mâle  s'ouvre  tout  d'un 
coup  y  &  comme  par  r  effort;  il  hilTe  paroître  un 
corps  blanc  ^  P Antenne  fe  plie  par  un  mouve" 
ment  tortueux ,  ce  Corps  fe  joint  au  Ventre  de  la 
Femelle ,  &  c'elt  ainfî  que  s'opère  l'accouple- 
ment. 

2p7.  Fécondation  &  Ponte  de  la  Reine- 
Abeille. 

Il  femble  qu'il  ait  été  généralement  établi, 
que  le  Mâle  feroit  les  avances:  dans  la  Répu- 
blique des  Abeilles ,  cette  République  fi  célè- 
bre, c'élt  la  Femelle  qui  oblige  le  Mâle  à  coi> 


94        Considérations  Sur  Les 

defcendre  à  fes  défirs.  On  fçait  que  peiidant 
presque  toute  l'année ,  il  n'y  a  dans  chaque  Ru- 
che, qu'une  feule  Femelle  :  c'efh  cette  Mou- 
che ,  fi  chère  aux  autres  Abeilles ,  que  l'on  nom- 
me ia  Reine ,  &  que  les  Anciens  peu  inilruirs , 
avoient  nommée  le  Roi.  J'ai  été  témoin  mille 
fois  de  l'attachement  fmgulier  des  Abeilles  pour 
leur  Reine,  &  je  puis  aifurer  que  tout  ce  que 
Mr.  DE  Reaumur  en  a  raconté,  n'eft  point 
exaggéré  (a).  Mais  cette  Reine ,  l'objet  con- 
tinuel des  attentions ,  des  prévenances  &  des 
carelfes  des  autres  Abeilles,  prodigue  les  fiennes 
au  Maie  qu'elle  veut  exciter,  &  qui  y  demeure 
long  tems  infenfible.  Placce  vis  à  vis  de  lui , 
elle  le  lëche  avec  fa  Trompe,  elle  lui  préfente 
du  Miel,  elle  le  liatte  avec  fes  Pattes,  elle  tour- 
ne autour  de  lui ,  &  toujours  en  redoublant  fes 
agaceries;  enfin,  réduite  à  prendre  la  pofture 
qu'il  dcvroit  prendre,  elle  monte  fur  fon  Dos, 
&  tâche  à  appliquer  le  bout  de  fon  derrière  con- 
tre celui  du  Mâle ,  &  elle  l'y  applique.  Cet  ac- 
couplement, fi  c'en  efi:  un,  ne  dure  comme 
celui  du  Coq ,  qu'un  initant ,  &  fe  réitère  plu- 
fieurs  fois.  On  a  vu  des  Mâles,  qui  l'a  voient 
fouffert ,  périr  immédiatement  après ,  &  la  Rei- 
ne redoubler  fes  careiïes  pour  les  rappeller  à  la 
vie  ;  elle  paroifîbit  même  indifférente  pour  les 
Mâles  vivants  qu'on  lui  fubftituoit  (/;).  Mr. 
deReaumur  n'a  pu  s'alTurer ,  s'il  y  a  ici  une  vé-  1 
ritable  Copulation.     L'appareil  prodigieux  des 

(  a  ;)  Mém.  pour  fervir  à  l' Uifl.  des  InfçStes,  Mém.  5*dii  Tome  5, 
(i)  il/id.  pag.  503.  &  fuivantes. 


Corps    Organis  e's.      95 

Parties  propres  au  Mâle ,  leur  retournement  fur- 
prenant  ,  leur  apparition  au  dehors  fous  la  for- 
me de  deux  Cornes  allez  longues  &  charnues , 
au  milieu  desquelles  fe  trouve  placé  un  petit 
Corps  recourbé  en  enhaut ,  une  Liqueur  blan- 
che &  un  peu  vifqueufe  qui  fe  rend  à  ces  Par- 
ties {a)  ;  tout ,  en  un  mot,  femble  indiquer  que 
l'accouplement  des  Abeilles  ne  fe  réduit  point 
à  ce  que  je  vienfi  d'en  rapporter  d'après  nôtre 
llluilre  Auteur.     D'ailleurs  les  Bourdons  s'ac- 
couplent réellement ,  &  les  Bourdons  appartien- 
nent au  Genre  des  Abeilles ,  avec  lefquelles  ib 
ont  de  grands  rapports  (F).     Quoiqu'il  en  foit, 
&  c'ell  une  autre  fmgularité  que  nous  offre  la 
Reine-Abeille,  dès  qu'une  fois  elle  a  été  fécon- 
dée, je  fuppofe  que  ce  foit  au  printemps ,  elle 
ne  ceffe  point  de  pondre  des  Oei-fs  féconds, au 
moins  jusqu'au  printemps  fuivant.     UnQ  expé- 
rience décifive  prouve  qu'il  eft  des  Ruches  où 
il  n'y  a  pas  un  feul  Mâle  pendant  tout  ce  long 
intervalle  de  tems  C^),  &  la  Reine  ne  fort 
point  de  la  Ruche.     Sa  fécondicé  fjrpalfe  en- 
core fon  incontinence;  au  bout  d'un  an  la  Ré« 
publique  peut  compter  20 ,  30  ou  40.  mille  Ci- 
toyens qui  lui  doivent  la  naiifance.     Elle  eft  à 
la  lettre ,  la  Mère ,  la  feule  Mère  de  tout  ce 
grand  Peuple. 

298.  Continuation  du  même  fujet, 

(a")  Ihii,  pag.  486.  &  fuîvantee. 
(fc)  IhU.  ïom.  6.  pag.  20,  21. 
(c;  llt\i.  Mém.  10.  du  Tom.  5,  , 


ç6        Considérations  Sur  le9 

Individus  privés  de  Sexe, 

Principe  de  la  Police  des  Abeilles.     Idées  fur 

leur  Inftincl. 
Ohfervation  fur  le  pentimenî  de  Mr,  de  Buf- 

FON  5   touchant  la  conjiruction  des  Alvéo* 

les, 

La  République ,  ou  fi  Ton  aime  mieux  ,  la 
Monarchie  des  Abeilles ,  me  donne  lieu  de  par- 
ler d'une  exception  très  remarquable.  Dans 
prefque  toutes  les  efpèces  d'Animaux ,  les  In- 
dividus font  tous  Mâles  ou  Femelles ,  ou  bien 
ils  pofledent  les  deux  Sexes  à  la  fois.  Chez 
les  Abeilles ,  les  Guêpes  ,  &c.  le  plus  grand 
nombre  des  Individus  eft  abfolument  dépourvu 
de  Sexe.  Ils  n'ont  aucune  des  Parties  relati- 
ves à  la  Génération  ;  mais  ils  font  pourvus 
d'Organes  &  d'Inllruments  relatifs  à  la  con- 
llrudion  des  gâteaux,  &  à  pi  ufieurs  autres  fonc- 
tions auxquelles  la  Nature  les  a  dellinés.  On 
les  a  nommés  Mulets  ,  &  improprement  ;  car 
le  Mulet  a  un  Sexe  :  ils  ont  été  mieux  défig- 
nés  par  l'épithète  de  Neutres, 

Les  Ovaires  de  la  Mère  Abeille  contiennent 
donc  trois  fortes  d'Oeufs ,  d'où  éclorront  trois 
fortes  iS: Individus  \  àe^  Reines  ^  des  A4  aies  ou 
faux  Bourdons,  &  des  Neutres.  Les  Mâles  fonc 
ordinairement  au  nombre  de  5  à  600  ,  affés 
fouvent  de  mille.  La  Reine  a  donc  un  Serrail 
de  Mâles  :  leur  grand  nombre  nous  apprend 
pourquoi  la  Nature  les  a  fiits  fi  froids  ;  s'ils 
eulTent  été  aulTi  ardents  que  ceux  de  la  plupart 

des 


Corps    Organise' s.      97 

des  Animaux,  la  Reine  n'eut  pas  eu  le  tems 
de  pondre. 

Le  nombre  des  Reines  qui  éclofent  dans  cha- 
que Ruche,  efl  toujours  très  petit;  ce  font  ces 
jeunes  Reines  qui  coniervent  l'elpèce  ,  &  qui 
fondent, pour  ainfi  dire ^ de  nouvelles  colonies. 
■  Peu  de  tems  après  être  éclofes  &  avoir  été  fé- 
condées ,  elles  Ibrtent  de  la  Ruehe ,  accompa- 
gnées de  plufieurs  milliers  de  Neutres,  quicom- 
pofent  ce  qu'on  nomme  un  Ejjàim, 

Chaque  EiTaim  a  fa  Reine  ,  &  ce  n'efl 
Iju'autant  qu'il  en  pofledc  une  ,  que  les  Neu- 
tres fe  mettent  à  l'ouvrage.  L'Effaim  le  plus 
laborieux  qu'on  prive  de  fa  Reine ,  cefTe  tout 
travail ,  &  ne  le  reprend  que  lors  qu'elle  lui  eft 
rendue.  Il  femble  même  qu'il  proportionne  le 
travail  à  la  fécondité  de  celle  -  ci  :  plus  elle  eft 
féconde ,  &  plus  les  Neutres  conftnùfent  de  cel- 
lules ou  de  gâteaux. 

C'est  dans  ces  Cellules  que  la  Mère  va  de- 
pofer  fes  Oeufs,  &  elles  fervent  de  berceaux 
aux  Petits  qui  en  éclofent.  Mais  comme  la 
Mère  met  au  jour  de  trois  fortes  d'Individus, 
dont  les  tailles  diffèrent  ,  les  Neutres  conflrui- 
fent  de  trois  fortes  de  cellules ,  dont  les  dimen- 
fions  diffèrent  dans  un  raport  déteiminé  &  con- 
ftant  à  la  diverfité  de  taille  des  trois  fortes  d'In- 
dividus. Inflruite  par  la  Nature  ,  la  Mère  fait 
précifément  quelle  forte  d'Oeuf  elle  va  pondre 3 

ToM.  IL  G 


pB        Considérations  Sur  Les 

&  elle  ne  fe  méprend  point  dans  le  choix  de  la 
cellule. 

Non -feulement  les  Neutres  font  chargés  de 
recueillir  le  Miel  &  la  Cire,  &  de  la  mettre  en 
couvre;  ce  font  eux  encore  qui  élèvent  les  Pe-' 
tits  &  qui  pourvoyent  h  leur  nécelîaire  ,  ainfi 
qu'à  celui  de  toute  la  Communauté.     Rien  ne 
furpafle  l'attachement  des  Neutres  pour  ces  Pe-- 
tits  qu'ils  n'ont  point  faits ,  &  qu'ils  n'ont  pil 
faire.     La  Reine  n'étoit  point  appellée  à  par- 
tager ces  foins ,  la  ponte  devoir  l'occuper  af- 
fés;  &  les  fervices  que  rendent  les  FauxBour-? 
dons,  fe  bornent  à  la  fécondation.  Il  n'y  a  donc 
qu'un  tems  où  ils  foient  utiles ,  &  ce  tems  ell;; 
affés  court:    dès  qu'ils  cellent  de  l'être,   les 
Neutres  les  mettent  à  mort  ,   &  en  peu  de 
jours  il  ne  refle  pas  un  feul  IndividtiIVJâledans, 
la  Ruche. 

Toutes  les  jeunes  Reines  ne  parvienneiic 
pas  à  fortir  à  la  tête  d'un  Eifaim  ;  pkifieurs  de- 
meurent dans  la  Ruche  &  y  périlfent.  De. 
quelque  manière  que  la  chofe  fe  pafle ,  il  eit 
fur  que  toutes  les  Reines  furnuméraires  font  fa- 
crifiées ,  &  qu'il  ne  refte  jamais  dans  la  Ruche 
qu'une  feule  Reine  (^). 

Ne  cherchons  pas  dans  les  Abeilles  un  mer- 
veilleux qui  n'y  ell:  point  ;  on  s'elt  plu  h  l'y 
prodiguer;  mais  on  s'eft  plu  auffi  à  y  réduire 
tout  à  la  pure  Méchanique.  Gardons  un  mi- 
lieu :  nous  avons  accordé  une  Âme  au  Polype 

(•)  Jbid.  Mém.  5. 


Corps     O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      g^ 

prefquc  Plante  ;  nous  n'en  refuferons  pas  une 
à  rindalirieufe  Abeille.  Nous  lui  accorderons 
du  Sentiment ,  mais  non  de  l'Intelligence  ,  en- 
core moins  de  la  Géométrie. 

La  Reine  afFe6le  ,  peut-être  ,  l'Odorat  ou 
quelque  autre  Sens  des  Neutres  ,  d'une  ma- 
nière analogue  à  celle  dont  le  Rû(  affecle  les 
Mâles  de  la  plupart  des  Animaux  :  je  veux  di- 
re, que'  l'impreilion  que  la  Reine  fait  fur  les 
Neutres,  efl  purement  pbyfique,  &  telle  qu'elle 
les  excite  au  travail. 

Les  Pe.tits  font  apparemment  fur  eux  quel- 
que impreflion  femblable  &  qui  les  détermine  h 
dégorger  dans  leurs  cellules  l'efpèce  de  boullie 
qui  eft  la  nourriture  appropriée  à  cet  âge  ten- 
dre. 

Les  Oeufs  diffèrent  en  groffeur ,  la  Mère 
peut  fentir  quel  efl:  celui  qui  efl:  prêt  à  fortir  de 
ion  Ventre ,  &  ce  fentiment  peut  être  alîbciô 
à  quelqu'autre  fentiment  qui  détermine  l'efpèce 
de  choix  de  la  cellule. 

Si  les  Mâles  font  facrifiés ,  c'efl:  qu'il  vient 
peut-être  un  tems  où  ils  exhalent  une  odeur 
infuportable  aux  Neutres  ;  ou  c'efl:  que  les 
Mâles  font  fur  eux  quelqu'autre  impreflion  qui 
les  irrite  &  les  provoque. 

Les  Reines  peuvent  fe  livrer  des  combats 
fmguliers  ;  elles  font  armées  d'un  fort  Aiguil- 
lon, &  celle  qui- furvit  peut  refl;er  mâîtrelTe  de 
la  Ruche. 

G  2 


ïoo      Considérations  Sur  Les 

Enfin,  l'on  conçoit  que  h  conflruclion  fi 
fçavante  &  fi  géométrique  des  cellules  ,  peut 
n'être  que  le  fimple  réfulfat  de  l'organifiition 
de  l'Abeille ,  &  du  plaifir  attaché  h  certain  exer- 
cice de  fes  Organes. 

Je  fais  gré  à  l'éloquent  Auteur  de  VHifioire 
Naturelle  ,  de  s'être  tenu  en  garde  contre  l'ad- 
miration que  les  Abeilles  infpirent ,  &  d'avoir 
cherché  h  le  faire  des  idées  philofophiques  de 
leur  travail.  Mais  s'il  l'eût  plus  étudié,  il  ne 
Teût  pas  comparé  à  ce  qui  le  palfe  dans  des 
Pois  qu'on  fait  bouillir  dans  un  vafe  fermé  ex- 
aélement ,  &  qui  prennent  naturellement  une 
forme  exagone  Qay  Cette  comparaifon  ,  & 
toute  autre  du  même  genre  ,  ne  répondent 
point  h  toutes  les  conditions  du  Problême. 

Les  fix  pans  des  cellules  ne  font  pas  égaux  ; 
il  y  en  a  deux  oppofés  qui  font  conftamment 
plus  petits  que  les  autres  (/>).  Les  dimen- 
fions  des  cellules  varient  dans  un  raport  détermi- 
né à  la  taille  des  Vers  qui  doivent  y  croitrc  : 
ce  font  pourtant  les  mêmes  Mouches-  qui  con- 
flruifent  les  unes  &  les  autres  ;  comment  donc 
pourroif-on  dire  avec  Mr.  de  Buffon,  ^t/e 
chaque  Abeille  cherchant ,  comme  les  Pois  ,  à 
occuper  le  plus  â'efpace  poffible  dans  un  efpace 
•  donné ,  il  eft  nécejj'aire  aufji ,  piViSque  le  Corps 
des  Abeilles  eft  cylindrique  ,  que  leurs  cellules 
foienî  exagones ,  par  la  même  raifon  des  ohfla» 
des  réciproques? 

(a)  Hift,  Nat.  Gen.  &c.  Tom.  4.  pag.  99. 

(^b)  Mém,  pourfervir  à  VHiJl,  des  Injec.  Tom.  5.  pag.  398, 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.    ioi 

m  Tl  y  a  plus  ;  le  fond  de  chaque  cellule  eil 
pyramidal  ;  il  efl:  formé  de  trois  rhombes  é- 
gaux  &  femblables*.  les  Neutres  commencent 
par  façonner  ces  rhombes ,  &  fur  ces  rhombes 
ils  élèvent  peu  à  peu  les  pans  Qa").  Cet  ou- 
vrage eil  fouvent  interrompu,  &  ils  le  repren- 
nent ;  les  uns  fébauchent  ,  les  autres  le  dé- 
grodiÔent ,  d'autres  le  finilTent. 

Qu£  dirai -je  encore  !  les  cellules  qui  fervent- 
de  berceau  aux  Reines,  ont  une  forme,  une 
j  poficion  &  une  grandeur  très  différentes  de  cel- 
les des  autres  cellules  C^}- 

Tout  cela  démontre  fuffifamment  que  la 
conftruclion  des  gâteaux  des  Abeilles ,  n'eft 
point  le  ûmple  réfultat  d'une  Méchanique  auffi 
groffière  que  l'a  penfé  Mr.  de  Buffon,  & 
que  ces  Mouches Mais  je  m'aper- 
çois que  le  plaifir  de  parler  des  Abeilles  m'a  dé- 
jà trop  écarté  de  mon  fujet,  je  me  hâte  d'y 
revenir. 

299.  Différences  frapantes  entre  le  Mâle  & 

la  Femelle  dans  quelques  efpeces. 
Les  Papillons  dépourvus  ^" Ailes. 
Le  Ver  -  luifmt. 
Autre  Scarabé  fiugidier» 
Les  Gair Infectes. 

O.^DiNx\iREMENT  il  n'y  a  pas  une  difpropor- 

(a")  Ihid.  p.i^e  305. 
Ib)  mi.  Mém.  9. 


102      Considérations  Sur  Les 

tion  marquée  de  taille  &  de  forme  entre  le  Md- 
le  &  la  Femelle  :  chez  les  grands  Animaux  , 
une  des  différences  les  plus  frappantes ,  eil  celle 
que  préfentent  les  Cornes  ,  les  Défences  ,  le 
Bols  ,  la  Crête  ,  &c.  dont  la  Tête  des  Mâles 
eft  garnie ,  &  qui  manquent  en  tout  ou  en  par- 
tie à  celle  des  Femelles. 

Chez  les  Infedes ,  au  contraire  ,  il  n'eft  pas 
rare  de  voir  des  Malcs  qui  diffèrent  autant  de 
leurs  Femelles-,  que  peuvent  dilférer  des  Ani- 
maux de  genres ,  ou  même  de  claifes  éloi- 
gnées. 

Je  ne  parle  pas  des  Papillons  dont  les  Fe- 
melles font  dépourvues  d'Aîles ,  tandis  que  les 
Maies  en  ont  de  très  amples  C  ^  )  :  c'ell  déjà 
néanmoins  une  différence  qu'on  jugeroit  bien 
eifentielle ,  que  celle  d'être  aîlé ,  ou  non  -  aîlé. 

Mais  auroit  -  on  foupçonné  qu'un  Ver  con- 
damné à  ramper  toute  fa  vie  ,  dût  être  fécon- 
dé par  un  Animal  aîlé  du  genre  des  Scarahés  ? 
On  comprend  qu'il  s'agit  ici  du  Ver-hiifant  : 
l'efpèce  de  Phofphore  qui  brille  à  fon  derrière , 
attire  le  Mâle  ;  il  accourt  en  volant  &  s'unit 
à  cette  étrange  Femelle  par  une  vraye  copula- 
tion. 

Je  viens  de  nommer  les  Scarahés  :  on  défi- 
gne  par  ce  mot  tous  les  Infecles  qui  ont  quatre 
Ailes,  dont  deux  fervent  d'étui  aux^ntrcs;  cet 
étui  eft  toujours  écailleux.     11  en  eft  une  efpè- 

(a)  Ihià.  Tom.  I.  Mém.  7. 


Corps    Organise' s.     103 

ce  dont  la  Femelle ,  toute  charnue ,  n'a  pas  le 
moindre  vellige  d'Aîles  ,  &  cette  Femelle  a 
pour  Mâle  un  vrai  Scarabé  qui  eft  fi  petit  par 
rapport  à  elle ,  que  leur  accouplement  doit  pa- 
roitre  nuOTi  fingulier,  que  le  paroitroit  celui  d'un 
Bélier  ou  d'un  Lièvre  avec  la  plus  grande  Va- 
che (^'^). 

Voici  pourtant  un   aflbrtiment  plus  bizarre 
encore.     On  voit  au  Printemps  fur  les  Branches 
de  quantité  d'Arbres  &  d'Arbuftes,  &  principa- 
lement fur  celles  du  Pefcber  ^  des  efpèces   de 
Galles^  qui  reflemblent  à  celles  qui  croiflent 
communément  fur  les  Plantes.     Leur  extérieur 
cil.  liiTe ,  &  imite  parfaitement  celui  de  la  plu- 
part des  Galles.     Quelquefois  même  ,  il  eft  lé- 
gèrement poudré  d'une  fleur  femblable  i\  celle 
des  Prunes ,  &  qui  donne  ^  la  Galle  fair  d'un 
Fruit.     Les  unes  font  fphèriques ,  les  autres  hé- 
mifphèriques,  d'autres  cll^^ptiques  &c.   Il  y  eii 
a  dont  la  grolleur  égale  celle  d'une  petite  Ceri- 
fe ,  d'autres  n'ont  que  la  grolTeur  d'un  Pois ,  ou 
même  d'un  grain  de  Poivre.     Plufieurs  paroif- 
iQrx  tenir  à  la  Branche  par  un  court  Pédicule , 
comme  y  tiennent  tant  d'autres  Galles.     Mon 
Leclcur  foupçonne- t-il  que  je  viens  d'ébau- 
cher la  defcription  d'un  véritable  Animal  ?  C'en 
eft  un  pourtant ,  mais  fi  bien  déguife ,  qu'il  a 
ké' méconnu  par  d'habiles  Naturaliftes.  Mr.  de 
ReaumuRj  qui  a  feu  fobferver  dans  tous  fes 

(a)  Ibid.  Tom.  4.  pag.  30. 

G  4 


c 


104     CoNSiDERATioisfs  Sur  L'ES' 

états ,  lui  îi  donné  le  nom  de  GalUnCeBe ,  &  ce 
nom  eft  très  propre  à  dcfigner  fa  forme  &  fa 
nature  (^). 

CROHioiT-on  à  préfent ,  que  cet  Animal ,  qui  fe 
confond  avec  les  Galles  par  f\  forme  &  par  fon 
immobilité ,  eft  fécondé  par  un  très  petit  &  très 
joli  Moucheron  à  deux  Ailes  blanches ,  bordées 
d'un  beau  rouge  de  carmin ,  &  qui  fe  promène 
fur  fa  Femelle  comme  fur  un  terrein  fpacieux  ? 
Sa  vivacité '&  fon  agilité  extrêmes  contraftenc 
fi  prodigieufement  avec  l'immobilité  &  finfenfi- 
bilité  apparente  de  la  Femelle ,  qu'on  feroit  ten- 
té de  le  prendre  pour  une  khneumon  qui  cher- 
che à  dépofer  fes  Oeufs  dans  la  Galle.     Un  pe- 
tit Aiguillon  qu'il  porte  au  derrière ,  &  qu'il  in- 
cline continuellement  vers  la  Galle,  fortifie  en- 
core le  foupçon.     Mais  ce  prétendu  Aiguillon 
eft  la  Partie  qui  caraé\érife  le  Mâle  ;  il  ne  veut 
que  l'introduire  dans  une  petite  fente  placée  au 
bout  poftérieur  de  la  Femelle ,  &  après  de  lon- 
gues promenades  fur  le  Dos  de  celle-ci,  il  par- 
vient i\  l'y  introduire  &  à  s'unir  à  cette  lourde 
maife,  de  l'union  la  plus  intime  (Z^). 

La  ponte  fuit  de  près  l'accouplement ,  car 
la  Galîinfe6le  eft  ovipare ,  &  tandis  qu'elle  ref- 
femble  le  moins  à  un  Animal,  c'eft  alors  pré- 
cif^ment  qu'elle  s'acquitte  des  fondions  les  plus 
effentielles  à  l'Animal  ,  qu'elle  s'accouple  & 
qu'elle  donne  naiîTance  à  une  nombreufe  pof- 
térité. 

(/»)  Mim.  pour  fervir  à  VHiJi,  des  TnJ.  Tom.  4.  Mém.   r. 
(i)  Ihid.  pag.  3/.  &  fniv. 


Corps     O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      105 

On  ne  peut  pas  dire  que  les  Oeufs  de  la 
Gallinfeéle  vieniienc  au  jour;  à  peine  ont -ils 
commencé  à  fortir  par  cette  fente  dont  j'ai  par- 
lé ,  qu'ils  paifent  fous  le  ventre ,  où  ils  fe  fuc- 
cèdent  à  la  file.  A  mefure  que  la  Gallinfede 
fe  vuide  ,  la  Peau  de  fon  Ventre  s'approche 
de  celle  du  Dos  ,  &  quand  la  ponte  eil  finie  , 
les  deux  Peaux  réunies  ne  compofent  plus  qu'u- 
ne efpèce  de  Coque ,  qui  renferme  2  à  3  mille 
Oeufs  (^).  Déjà  la  Gallinlede  ne  vit  plus, 
&  quoi  que  morte ,  on  la  prendroit  pour  une 
Gallinfede  vivante  ,  tant  il  y  a  peu  d'apparen- 
ce de  vie  dans  cet  étrange  Animal. 

Lps  Petits  ne  tardent  pas  à  éclorre,  &  à  for- 
tir  par  la  même  fente  qui  avoit  donné  pafiTage 
aux  Oeufs.  Ce  ne  font  pas  de  petites  Galles 
que  fon  aperçoit  alors  ;  ce  font  de  petites  Mem- 
branes ovales  ,  légèrement  cannelées  ,  garnies 
de  deux  Antennes,  portées  fur  fix  Jambes  ,  & 
qui  courent  avec  une  grande  viteiTe  (Z?). 

I L  s  fe  répandent  d'abord  fur  les'  Feuilles , 
plus  fuccuhntes  que  TEcorce  des  Branches  ; 
mais  fur  la  fin  de  fAutomne ,  ils  fe  retirent  fur 
celle-ci  Çc').  Ils  s'y  fixent,  &  perdent  la 
faculté  de  marcher.  Ils  s'arrondifiTent  peu  à 
peu ,  &  revêtent  enfin  la  forme  d'une  Galle. 

Le  court  Pédicule  par  lequel  cette  Galle  pa- 

(a)  Ibid.  pag.  14.  &  15. 
(b }  Ibid.  pag.  16.  &  17. 
(c)  Ibid.  pag.  19,  îo,  24. 

G  s 


io(5      Considérations  Sur  Les 

roit  tenir  à  l'Ecorce  ,   efl  la  Trompe  qui  met 
rJnfecte  en  état  de  pomper  le  fuc  de  l'Arbre. 

Parmi  les  petites  Membranes  ovales,  il  en 
■  eft  qui  ne  parviennent  point  à  acquérir  la  grof- 
feur  des  autres  ,  &  à  s'arrondir.  Elles  n'y  é- 
toient  point  appellées:  ce  font  elles  qui  doivent 
donner  les  Maies.  Ils  s'y  transforment  en  Nym- 
phes ,  &  en  fortent  au  Printemps  fous  la  forme 
de  Mouche  («^).  Cette  Mouche  n'a  ni  Bou- 
che 5  ni  Dents ,  ni  Trompe  ;  deux  yeux  fem- 
blcnt  occuper  la  place  de  la  Bouche.  Elle  ne 
prend  donc  aucune  nourriture  (^)  ,  &  toute 
lii  vie  eO:  confacrée  à  l'amour. 

Ainsi  le  Mâle  des  Gallinfeftes  ne  diffère 
pas  feulement  par  fa  forme  &  par  fon  agilité 
de  la  Femelle  ;  il  en  diffère  encore  par  fes  Mé- 
tamo'rphofes ,  mais  c'eft  peut  -  être  une  auffi 
grande  Métamorphofe  ,  que  celle  qui  change 
un  Infede  plat  &  agile ,  en  une  ma  fie  ronde 
fans  mouvement  &  prefque  fans  vie. 

Pour  achever  de  faire  connoitre  les  Gallin- 
fectes  à  mes  Lefteurs  ,  j'ajouterai  que  cet  In- 
fefte  fi  redoutable  à  l  Oranger  ,  &  que  l'on 
nomme  improprement  Piinaife  ,  efl  une  vraye 
Gaïïmfecîe,  Le  Kermès  ,  que  la  Médecine  & 
les  Arts  fçavent  employer  utilement  ,  eft  enco- 
re une  Gallinfecle ,  qui  naît  fur  un  petit  Chê- 
ne verd  commun  en  Provence  (^i;}* 


(«^.  Ibià.   pag.  33. 
•  (  è)  Ihii.   pag.  40.  . 
(c)  Ihii.   pag.  4(5.  &  fuir. 


Corps    Organise' s,     107 

300.  Amours  du  Crapaud   &  Ponte  de  la 

Femelle, 
Fécondation  ^  Tonte  des  Grenouilles. 
Découvertes  de  Svvammerdam  &  de  M,  M 

De  Mours  cP  Roesel. 

Passerai.  JE  fous  filence  les  Amours  du  Cra- 
paud ,  cet  Animal  hideux  ,  &  qui  peut  néan- 
moins nous  intérelîer  par  la  conitance ,  par  fa 
patience  ,    &  par   fa  dextérité  à  fervir   à\iC' 
coucheur  à  fa  Femelle  ?  i^Ue  e(t  ovipare  :  les 
Oeufs ,  formés  d'une  Coque  membraneufe  très 
ferme ,  font  liés  les  uns  aux  autres  par  un  fort 
cordon  ,  comme  les  grains  d'un  chapelet.     Le  ' 
réfervoir  qui  les  contient ,  s'ouvre  dans  le  Rec- 
tum ou  le  gros  Boyau  :   ils  fortent  donc  par 
TAnus,  au  lieu  que  dans  les  Femelles  de  pref- 
que  tous  les  Animaux  ,  il  y  a  une  ouverture 
appropriée  à  la  fortie  des  Oeufs  ou  des  Petits. 
C'eft  un  grand  travail  pour  la  Femelle  du  Cra- 
paud ,  que  de  mettre  dehors  le  premier  Oeuf; 
mais  cela  une  fois  exécuté ,  c'efl:  au  Mâle  à  fai- 
re le  relie ,  &  il  commence  aufTi  -  tôt  fes  fonc- 
tions d'Accoucheur.     Monté  fur  le  Dos  de  fa 
Femelle  ,  il  fembralTe  avec  les  Pattes  de  de- 
vant ,  qu'il  tient  appliquées  fur  fa  Poitrine  fi 
fortement ,  qu'il  s'y  forme  quelquefois  une  "  in- 
flammation.    Avec  une  de  les  Pattes  de  derriè- 
re il  fiifit  le  premier  Oeuf  &  le  bout  du  cor- 
don ;  il  les  fut  palier  entre  fes  Doigts  ;  car  il 
a ,  comme  nous ,  des  Doigts  articulés.     Il  al- 
longe la  Patte  &  fait  effort  poux  extraire  le  fe- 


io8     Considérations  Sur  Les 

cond  Oeuf.  Il  y  parvient  ;  &  bientôt  il  peut 
fhifir  de  l'autre  Patte  une  portion  plus  élevée 
du  cordon,  &  amène  un  troifième  Oeuf.  On 
comprend  affés  qu'en  répétant  ce  petit  manè- 
ge ,  il  réuffit  à  extraire  enfin  tout  le  chapelet. 
Pendant  l'opération  ,  la  Femelle  eft  immobile  ; 
fans  doute  qu'il  fe  pafle  dans  fon  intérieur  des 
mouvements  qui  aident  aufîi  à  la  ponte.  La 
préfence  de  rObfervateur  les  trouble  &  les  in- 
quiette  un  peu  ;  le  Mâle  jette  fur  lui  des  re- 
gards qui  prouvent  fon  embarras  &  fa  crainte. 
11  interrompt  de  tems  en  tems  fes  manœuvres , 
&  les  reprend  enfuite  avec  une  nouvelle  ar- 
deiu*.  11  eft  fi  attaché  à  fon  travail ,  que  l'Ob- 
fervateur  peut  bazarder  de  mettre  les  deux  A- 
mans  fur  fa  main  :  il  en  fuiVra  mieux  tous 
leurs  procédés ,  &  l'opération  ne  fera  inter- 
rompue que  pour  quelques  moments. 

Mr.  de  Mours  (^),  à  qui  nous  fommes 
redevable?  de  cette  hiftoire  intérelîante  ,  n'a 
rien  néglige  pour  s'aiTurer  ,  fi  le  Maie  arrofoit 
les  Oeufs  de  fon  Sperme  ,  tandis  qu'il  les  ex- 
traiibit  :  mais  aucune  de  fes  obervations  n'a 
confirmé  l'idée  de  Swammerdam. 

Ce  grand  Obfervateur  penfoit  que  la  Fécon- 
dation s'opèroit  chez  les  Grenouilles  de  la  mê- 
me manière  que  chez  les  PoiJJons.  Selon  lui , 
(/;)  les  V^\i\e'mx  déférents  fe  rendent  au  Rec- 
tum ,  &  c'eft  par  XJms  que  le  Mâle  fait  for- 

(/i")  Hi/î.  àe  l' Acad.  Roy.  dis  Sciences,  An.   1741. 
(I?)  Jiiblia  iVaJwr« ,"  pag.  789.  &c. 


Corps    Organise' s.     109 

vir  ia  Liqueur  qu  il  répand  fur  les  Oeufs ,  & 
qui  les  féconde.  Les  Oeufs  fe  décachent  de 
XOvaire  ,  placé  fur  la  Matrice  ;  ils  fe  répan- 
dent dans  le  Bas  -  Ventre  ;  ils  entrent  enfuite 
dans  les  Trompes ,  qui  font  comme  pelottonées , 
&  dont  la  longueur  eft  d'environ  deux  pieds. 
Ils  parcourent  tout  cet  efpace  ,  &  arrivent  en- 
fin dans  la  Matrice. ,  Celle-ci  s'ouvre  dans  le 
gj-os  Boyau ,  &  les  Oeufs  fortent  par  TAnus.  Le 
Mâle  aide  à  la  ponte  foit  en  coinprimant  for- 
tement le  Ventre  de  la  Femelle ,  foit  en  recou- 
rant à  d'autres  manœuvres.  Mais .  il  montre 
bien  moins  de  dextérité  que  le  Crapaud.  A  la 
vérité,  une  plus  grande  dextérité  feroit  ici  très 
fuperlluë;  car  la  Grenouille  parvient  fort  promp- 
tement  à  fe  délivrer  de  tous  fes  Oeufs.  Pen- 
dant qu'ils  fortent ,  le  Mâle  cramponé  fur  le 
Dos  de  la  Femelle ,  les  arrofe  de  la  Liqueur  ; 
&  ce  n'^eft  que  lorfqae  la  ponte  eft  finie  ,  qu'il 
abandonne  la  Femelle ,  après  l'avoir  tenue  em- 
bralfée  40  jours  confécutifs. 

Voila'  un  léger  précis  des  obfervations  de 
SwAMMERDAM  :  Mr.  RoESRL  ,  qui  a  donné 
des  preuves  de  fa  fagacité  &  de  fes  rares  ta- 
lents dans  fa  magnifique  Hiftoire  ô.qs,  Grenouil- 
les (a) ,  a  poulfé  fes  recherches  beaucoup  plus 
loin  que  l'Obfervateur  LIollandois.  Ce  dernier 
avoit  découvert  dans  le  Mâle  des  Tellicules  fi- 
tués  près  des  Reins  ,  des  Véficules  féminales  ^ 


(«)  IlîftoTîa  Natiiralîs  Ranurvm  ,  &'c.  Norîinhcrfa,   1758., 
enrichie  de  très  belles  Hgures  eniuminées  ,  in  fclio. 


iio      Considérations  Sur  les 

&  des  Vaifîeaax  défé'-ents^  qu'il  croyoit,  com- 
me je  l'ai  dit ,  s'ouvrir  dans  le  Reclum  ;  mais 
il  n'avoit  point  découvert  de  Partie  extérieure 
de  la  Génération.  Cette  découverte  étoit  ré- 
fervée  à  Mr.  Roesel  (^)  :  en  portant  fon 
attention  fur  les  Véûcules  fémïnaks ,  il  fut  fur- 
pris  de  ne  leur  point  trouver  d'ifllië ,  &  venant 
à  les  confidérer  de  plus  près ,  il  remarqua  qu'el- 
les communiquoient  avec  un  petit  Corps  lon- 
guet &  charnu,  placé  au  bas  &  au  dehors  du 
Redum  ,  &  fait  en  manière  de  Papille,  Ayant 
cnluite  introduit  de  l'Air  dans  les  Véficules  ,  il 
vit  cette  Papille  s'élever ,  &  alors  il  lui  fut  fa- 
cile d'inférer  dans  fon  extrémité  une  foye  de 
Porc ,  qui  en  pénétrant  dans  la  Véficule  ,  lui 
démontra  la  communication  qu'il  cherchoit.  Il 
faut  confulter  là-deffus  la  Figure  v^.  de  la 
Planche  VI.,  qui  met  tout  cela  dans  un  grand 
jour. 

Mr.  Roesel  ne  doute  donc  pas  que  la  Pa- 
pille dont  il  s'agit  ,  ne  foit  la  Partie  qui  carac- 
térife  le  Maie.  Je  puis  confirmer  le  témoigna- 
ge de  cet  Auteur  ,  par  celui  de  mon  Illurtre 
Confrère  Mr  de  Haller  ,  qui  a  beaucoup  é- 
tudié  les  Grenouilles ,  &  avec  ces  mêmes  yeux 
auxquels  nous  devons  tant  de  chofes  intéref- 
fantes  fur  le  Poulet  :  il  m'écrivoit  qi/e  le  Mâle 
de  la  Grenouille  a  un  Pénis  très  marqué^  & 
qum  avoit  fouvent  vu.  Il  feroit  à  défirer  que 
Mr.  Roesel  eut  vu  cette  Partie  en  fonélion  ; 

(a)  liid.  pag,  2(5.  Ranafufca  terre/trit. 


Corps    Organise' s.     iir 

mais  il  avoue  lui-même  quil  n'a  pu  y  parve- 
nir. 

Il  rapporte  d'ailleurs  plufieurs  obfervatidns 
qui  vont  à  l'appui  de  l'Idée  de  Swammerdam  , 
fur  la  Fécondation.  En  traitant  de  Ja  Grenouil- 
le verte  aquatique  ,  Mr.  Roesel  ^it  expreiTé- 
ment  (i^),  que  le  Mâle  monté  fur  le  Dos  de  la 
Femelle^  répand  fa  Liqueur  fur  les  Oeufs  ^  &  il 
ajoute  quil  a  ohfervé  ce  Fait  plus  d'une  fois,  11 
l'a  admirablement  exprimé  dans  la  Figure  2.  de 
la  Planche  XIII. 

Les  Oeufs  du  Crapaud  font  fécondés  de  la 
môme  manière.  Le  Crapaud  aquatique  (Z') 
cramponé  fur  le  Dos  de  fa  Femelle,  retient  les 
Oeufs  entre  fes  Pattes  de  derrière  ,  jufques  h 
ce  qu'il  les  ait  arrofés  de  la  Liqueur  fémi- 
nale  ,  &  tandis  qu'il  Iqs  en  arrofc,  il  fe  don- 
ne les  mêmes  mouvements  que  le  Chien  dans 
le  coït.  Les  Oeufs  forment  un  chapelet  d'en- 
viron deux  pieds  de  longueur  :  après  que  le 
Mâle  a  fécondé  les  Oeufs  compris  dans  l'éten- 
due d'un  pouce ,  il  lâche  cette  portion  du  cha- 
pelet ,  &  en  faifit  une  autre  avec  fes  Pattes  , 
qu'il  arrofe  pareillement.  Confultez  les  Figures 
I.  &  2.  de  la  Planche  XVil. 

Le  Crapaud  terreftre  (r)  fe  donne  dans  le 
coït  les  mômes  mouvements  que  le  Crapaud  a- 
quatique.     Il  femble  vouloir  extraire  de  force 

(rt)  Ihîd.  page  56,  57.  Rana  vîridis   aquatîca, 
(fc)  Ibid.  pag,  75.  Biifo  aquatîeus  ,  allinm  redoUns. 
(c)  Ibid.  pag.  90.  Bufo  terrejiris  ,   dorjo  tuberculis  exa/per^i 
tOf  «cuiis  rubris. 


112      Considérations  Sur  Les 

les  Oeufs  hors  du  Corps  de  la  Fenielle  :  il  ne 
le  fait  pas  pourtant,  mais  il  les  ramalle  &  les 
niej;  en  monceau  ,  comme  fi  fon  but  étoit  de 
les  arrofer  tous  plus  faciienient  &  plus  promp- 
tement.  L'Auteur  a  vu  l'Anus  s'ouvrir  trans- 
verfilement  &  laiifer  fortir  une  goutte  de  Li- 
queur trouble  qui  fe  répandoit  fur  les  Oeufs. 

Il  arrive  fouvent  que  tous  les  Oeufs  ne  font 
pas  arrofés  de  la  Liqueur  que  le  Mâle  fournit , 
&  ceux  qui  ne  le  font  pas  demeurent  ftériles  ; 
'Ûs  coulent  ^  comme  s'exprime  Mr.RoESEL  Qa)y 
&  fe  corrompent  ,  fans  produire  autre  choie 
qu'une  fermentation ,  qui  nuit  aux  Fœtus  ren- 
fermés dans  les  Oeufs  féconds. 

30 î.  Les  AnimauxVïevm^)\\ïoà\tQ^.   LeVex. 

de  Terre.     La  Limace.    Qj-ielques  efpèces 

de  Coquillages. 
Découvertes  de  Mr.  Adanson. 

Les  Vers  de  terre ,  les  Limaces  ,  les  Lima- 
çons, plufieurs  efpèces  de  Coquillages  ont  les 
deux  Sexes  à  la  fois ,  &  ce*  qui  confond  tous 
nos  raifonnemens ,  c'eil  que  Tlndividu  ne  peut 
pourtant  fe  féconder  lui  ^  même.  11  i^iut  que 
deux  Individus,  qui  font,  à  la  fois  Mâle  &  Fe- 
melle ,  s'unillent  pour  produire  d'autres  Indivi- 
dus de  leur  efpèce. 

C'EST  à  la  Tête,  ou  dans  la  Partie  antérieu- 
re de  l'Animal ,  que  font  les  Organes  de  la  Gé- 
né- 
ra) Ihii.  pag.  SV3, 


Corps    Organise' s.     JI3 

nération.  Chez  le  Limaçon  terrellre  ,  il  faut 
les  chercher  entre  les  deux  Cornes  ,  du  côté 
droit.  Lors  que  les  deux  Individus  veulent  s'u- 
nir ,  ils  s'aprochent  l'un  de  l'autre  en  élevant 
la  Tête  &  le  Col  ;  &  s'entrelacent  bientôt  par 
de  longs  Cordons  charnus,  qu'ils  font  fortir  de 
leur  intérieur.  Je  lailfe  à  l'Auteur  voluptueux 
de  la  Vénus  phyfî'qns  à  peindre  leurs  amours ,  & 
à  en  tirer  des  conféquences  afîbrties  à  ces  pein- 
tures Qa'). 

Personne  avant  Mr.  Adanson  ,  de  l'Aca- 
démie Royale  des  Sciences ,  n'avoit  étudié  les 
Coquillages  comme  ils  demandoient  à  l'être. 
Nous  fommes  redevables  à  fon  courage  pres- 
que héroïque  ,  à  fa  fagacité  &  à  les  talents, 
d'une  excellente  Hilloirc  Naturelle  du  Sénégal, 
Q?)  qu'il  publia  en  1757,  &  dans  laquelle  l'on 
trouve  une  Defcription  détaillée  d'un  très  grand 
nombre  de  Coquillages  dcfTmés  avec  exaditude 
&  avec  goût  ,  &  diltribués  fuivant  une  Mé- 
thode nouvelle  ,  fruit  des  obfervations  multi- 
■  pliées  d'un  Efprit  vraiment  philofophique. 

En  confidérant  les  Coquillages  relativement 
au  Sexe  ,  Mr.  Adanson  les  diftribuë  en  quatre 
claifes  Qc),    Il  place  dans   la  première  ceux 

(fl)  Vin.  phyf.  Chao.  XI    pag.  78.  &  fuiv. 

(  &  )  Hiftoire  Naturelle  du  Sénégal,  Coquillages.  Avec  la  relation 
abrégée  d'un  Voyage  fait  en  ce  pays  ,  pendant  les  années  1749^ 
50,  51,  52,  ^  53.  Ouvrage  orné  de  Figures,  à  Parti  cb^i 
Claude  Jean  Baptifte  Bauche ,  Quai  des  yiug.   17 57.  in  40» 

(c)  Ibid.  pag.  57.  de  la  Dé^nitton  des  Parties, 

ToM.  II.  H 


114     Considérations  SurLes 

dont  le  Sexe  efl:  partagé  ,  ou  chez  lefquels  on 
trouve  des  Individus  Mâles  &  des  Individus 
Femelles  :  la  Pourpre  en  eil  un  exemple.  Le 
Mâle  laifTe  fortir  de  tems  en  tems  ,  du  coté 
droit ,  une  Languette  triangulaire  &  applatie , 
qui  conflituë  le  Sexe  Qa\ 

La  féconde  clafle  renferme  les  Coquillages 
que  l'Auteur  croit  fe  fiiffire  à  eux-mêmes  ,  ou 
dans  lefquels  on  ri  aperçoit^  dit -il  ,  aucune  des 
Parties  de  la  Génération   ni  aucun  accouple 
ment  (J?),  Telles  font  les  Conques ,  dont  Inui' 
ire  elt  une  efpèce.    Je  ferai  cependant  remar- 
quer que  l'Auteur  n'a  point   d'expérience  di- 
recte fur  ce  fujet  :   c'eft   uniquement   par  la 
voye  du  raifonnement  qu'il  infère  que  les  Huî- 
tres fe  fuffifent  à  elles-mêmes.    Il  importe  que 
je  cite  fes  propres  termes.     „  Quelques  Au- 
„  teurs  modernes,  dit- il,  ont  afluré  que  l'on 
5,  avoit  diftingué  les  Huitres  Mâles  d'avec  les 
„  Femelles  :    cependant  il  eft  certain  que  la 
5,  plupart  de  ces  Animaux  qui  vivent  éloignés 
5,  les  uns  des  autres ,  &  dans  l'impuiflance  de 
„  fe  joindre    par  la  Copulation  ,   engendrent 
3,  leurs  femblables  ;  d'où  l'on  peut  conclurre 
„  qu'ils  n'ont  befoin  d'aucun  Sexe  pour  fe  ré- 
„  produire ,  ou  que  chaque  Individu  les  réunit' 
5,  tous  deux  (f)  ". 

La  troifième  claiTe  comprend  les  Coquilla- 

(a)  Ibîd.  pag.  103.  de  la  Defcription  des  Coquillages* 

(t)  Ibid.  pag.  57.  de  la  Déf.  des  Part. 

(ff)  Ibid.  pag.  ip^  ieUk  i^ejcri^t,  4e f  Co^uilla^es^ 


Corps    Organise' s.    115 

ges  qui  ont  les  deux  Sexes  à  la  fois  ,  mais  qui 
ne  peuvent  le  féconder  eux-mêmes.  Le  Z/- 
maçon  commun  en  eft  un  exemple  ([^). 

La  quatrième  claiTe  nous  offre  un  trait  nou- 
veau*&  bien  fi-apant,de  la  diverfité  des  moyens 
que  la  Sagesse  Divine  a  chgifis  pour  la  pro- 
pagation des  elpèces.  Les  Coquillages  qui  ap- 
partiennent à  cette  claffe  ,  polledent  bien  les 
deux  Sexes  à  la  fois  ;  mais  deux  Individus  ne 
peuvent  fe  féconder  réciproquement  &  en 
même  tems ,  comme  les  Limaçons.  La  fi- 
tiuition  défavorable  des  Parties  fexuelles  s*y 
oppofe.  Chaque  Partie  a  fon  ouverture  pro- 
pre ;  l'une  eft  placée  à  l'origine  des  Cornes  , 
Tautre  Teft  beaucoup  au  -  dellous  Çh^*  Mais 
ce  Fait  eft  fi  nouveau  &  fi  particulier  ,  que 
dans  la  crainte  de  ne  le  rendre  pas  avec  afles 
d'exactitude ,  je  tranfcrirai  ici  le  paffage  en  en- 
tier :  le  voici  (c).  „  La  quatrième  clalTe 
5,  efl  de  ceux  qui  poffédant  les  deux  Sexes  à 
„  la  fois ,  ont  befoin  de  monter  les  uns  fur  les 
5,  autres  pendant  l'accouplement  ,  à  caufe  de 
5,  la  fituation  défavantageufe  de  leurs  Organes. 
5,  Tel  efl  l'Hermaphrodisme  du  Bvlin  &  du 
5,  Qoret  :  fi  un  Individu  fait  à  l'égard  de  Tau- 
„  tre  la  fonélion  de  Mâle ,  ce  Mâle  ne  peuc 
5,  être  fécondé  en  même  cems  par  fa  Femelle, 
„  quoi  qu'Hermaphrodite  ;  il  ne  le  peut  être 

(fl")  VoM,  pag.  57.  àt  laDéf,  des  Part, 
(i)  Ibid.  pag.  58.  dfUDéf,  des  Fart,, 
(i)  Ibid,  pag.  57, 

0  * 


ii6    Considérations  Sur  Les 

„  que  par  un  troifième  Individu  qui  fe  met  fur 
j,  lui  vers"  le  côté  ,  en  qualité  de  Maie.     C'cll 
j,  pour  cette  railon  que  Ton  voit  ibuvent  un 
„  grand  nombre  de  ces  Animaux  accouplés  en 
5,  chapelet  les  uns  à  la  Queue  des  autres.     Le 
j,  feul  avantage  que  cette  efpèce  d'Hermaphro- 
5,  dite  ait  fur  les  Limaçons ,  dont  le  Sexe  eft 
5,  partagé  ,   c'eft  de  pouvoir  féconder  comme 
'    Mà!e  un  fécond  Individu ,  &  d'être  fécondé 
j,  en  même  tems  comme  Femelle  par  un  troi- 
^,  fième  Individu  '*. 

Ainsi  ,  comme  le  remarque  Qa")  fort  bien 
nôtre  fçavant  Naturalifte  ,  „  il  ne  manque- 
3,  roit  plus  aux  Coquillages  ,  pour  réunir  tou- 
55  tes  les  efpèces  d'Hermaphrodisme  ,  que  de 
5,  pouvoir  s'accoupler  à  eux-mêmes  ,  &  être 
en  même  tems  le  Père  &  la  Mère  du  même 
Anim.al.  La  chofe  ,  ajoute  - 1  •  il ,  n'eft  pas 
impoflible,  puis  que  piufieurs  l^nt  pourvus 
dès  deux  Organes  nécellaires  :  &  peut-être 
quelque  Observateur  y  découvrira -t  -  il  un 
jour  cette  forte  de  Génération  ". 

302.  Qî/e  les  Hermaphrodites  qui  ne  peu- 
vent fe  fujfire  à  eux  -  mêmes  ,  r  en  dotent 
rexifîence  des  vrais  Androgynes  plus  dou- 
teufe  encore. 

JNottvelle  raifon  d'en  douter. 

Problême  phyflque. 

L  A  découverte  de  divers  Animaux  ,  pour- 

(a)  Mi.  pag.  57.  ^  58, 


55 

33 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.    117 

vus  à  la  fois  des  deux  Sexes ,  &  qui  néanmoins 
ne  peuvent  fe  féconder  eux-mêmes ,  éroic  bien 
propre  à  perfuader  de  plus  en  plus  la  nécelTité 
du  concours  de  deux  Individus  pour  opérer  la 
Génération.  L'univerfilité  de  cette  loi  a  dû 
paroitre  démontrée  ,  dès  qu'on  a  pu  s'aflurer 
que  de  vrais  Hermaphrodites  lui  étoient  fournis. 
En  un  mot  ,  dit  Mr.  de  Reaumur  (^}  ,  // 
n'a  pas  été  accordé  à  ces  fortes  d* Hermaphrodi- 
tes de  fe  féconder  eux  -  mêmes  :  des  Faits  fans 
nombre  ont  donc  confirmé  une  régie  qui  jnfqu'à 
nos  jours  n'avoit  paru  démentie  pm^  aucun  Fait 
ûjjés  pofîtif  II  étoit  donc  naturel  que  les  Phy- 
ficiens  fe  rendiffent  très  difficiles  fur  les  preu- 
ves par  lefquelles  on  tenteroit  d'établir  ,  qu'il 
ell  des  Animaux  qui  fe  fuififenc  à  eux  mêmes. 
Des  Obfervateurs  célèbres  avoient  admis  l'exis- 
tence de  femblables  Animaux  fur  des  préfompi 
tions  allez  plaufibles  ,  mais  parmi  les  efpèces 
qu'ils  avoient  mifes  au  rang  de  ces  Hermaphro- 
dites fmguliers ,  il  s'en  étoit  trouvé  dans  les- 
quelles un  Obfervateur  plus  exacl  avoit  décou- 
vert depuis  des  Mâles  &  des  Femelles,  qu'il 
av^oit  vu  s'accoupler.  Les  GalUnfecîes  ,  dont 
j'ai  beaucoup  parlé  dans  ce  Chnpitre ,  en  étoient 
un  exemple  remarquable.  Des  Infeéles  qui  ne 
peuvent  changer  de  place ,  &  qui  femblent  fai- 
re corps  avec  la  Plante  où  ils  font  fixés,  étoient 
dans  un  cas  qui  les  raprochoit  bien  des  Huîtres^ 

(a)  JWen».  pour  fervir  à  l'Hift.desInJeUes,  Tome  6.  page  515, 

H  3 


xi8      Considérations  Sur  Le»' 

qu'on  juge  fe  multiplier  fans  accouplement.  Cé- 
toit  donc  encore  une  nouvelle  raifon  pour  dou- 
ter de  l'exiftence  des  Animaux  qui  fe  fuffifent 
à  eux-mêmes,  &  c'étoit  un  nouveau  motif 
pour  ne  fe  rendre  que  fur  les  expériences  les 
plus  dire6tes  &  les  plus  démonftratives.  Ce  fu- 
rent de  femblables  confidérations  qui  portèrent 
en  1733,  un  habile  Naturalifte  ,  Mr.  Brey- 
N I  u  s ,  à  propofer  aux  Phyficiens  le  Problême 
fuivant  Qa^. 

PROBLEMA  PHYSICUM. 

5,  An  indubitate  demonfhari  poflît ,'  in  rerum 
„  Natura ,  genus  aliquod  Animalium  vere  An- 
„  drogynum ,  id  eft ,  quod  fine  adminiculo  Ma- 
,,  ris  fui  generis ,  ova  in  &  a  fe  ipfo  fœcundata 
5,  parère ,  adeoque  folum  ex  &  a  fe  ipfo  genus 
,5  fuum  propagare  poflit?" 

Genus  AmmaUiim  ejusmoâi  Anàrog^- 

f;^//;?  5  ajoute  Mr.  Breynius,  Ucet  a  multis  iisque 
prîmi  orainis  Natura  Confidtis  patuatur ,  a  ne- 
mine  tamen  quod  eqiiidem  jciam ,  ita  dèinonjlra- 
,  tum  fuit  ^  ut  non  multa^  eaque  haudlevia^  et 
pojjînt  objîci  dubia. 

303.  Découvertes  de  routeur  fur  les  Puce- 
rons. 
Solution  du  Problême  phyftque. 

(ë")  Jdks  ies  Curieux  de  lu  JKatnre,  pour  Tan  1733,  pag.  if, 
4t  rAppendicc. 


Corps    Organise' s.     119 

Suites  de  Générations  élevées  en  foïiîude  S 
leurs  réfultats. 

Tel  étoit  l'état  de  l'Hiftoire  Naturelle  relati- 
vement à  la  queftion  fi  fouvent  agitée  des  An» 
drogynes  ;  &  telle  étoit  en  général  la  difpofition 
des  ËfpritSjlors  que  j'entrepris  il  y  a  21  ans, en 
May  1740, ma  première  Expérience  fur  les  Pu» 
cerons.  Ces  Infectes  fi  féconds  ,  &  dont  les 
efpèces  font  fi  nombreufes,  étoient  depuis  long- 
tems  au  rang  de  ces  Animaux  ,  qu'on  s'étoic 
hâté  de  mettre  dans  la  clafie  des  vrais  Andro» 
gynes  dont  parle  Mr.  Breynius;  &  cette  con- 
clufion  précipitée  ne  prouvoit  autre  chofe  finon 
que  de  bons  Obfervateurs  peuvent  quelquefois 
manquer  de  Logique  :  parce  qu'ils  n'étoient  ja- 
mais parvenus  à  furp rendre  des  Pucerons  accou- 
plés ,  ils  s'étoient  preiTés  d'en  conclurre ,  que  les 
Pucerons  multiplioient  fms  accouplement.  Ce 
n'étoit  pourtant  là  qu'un  doute  ou  au  plus  qu'un 
fimple  foupçon  ;  mais  ce  foupçon  ,  Mr.  de 
Reaumur  l'avoit  accrédité  en  l'adoptant ,  &  en 
rétayant  de  quelques  obfervations  qui  lui  étoient 
propres  ,  &  qui  laiifoient  toujours  la  queftion 
indécife  Qa'). 

Ma  première  Expérience  la  décida,  &  elle 
m'apprit  que  les  Pucerons  étoient  de  vrais  An- 
drogynes.     On  a  vu  dans  le  Tome  VI.  des  Mé" 

C«)  Mém.  pour  fervir  à  VHill.  dis  InJ.  Tom.  III.  Mém.  3. 
iorn.  Vi.  pages  523.  &  fuivantes. 

H4 


120     Considérations  Sur  Les 

moires  àe  Mr.  de  Reaumur  (^),  &  dans  la 
lere.  Partie  de  mon  Traité  d  Inje&ologie  (^5, 
quels  furent  les  foins  &  les  précautions  avec  lef- 
quels  je  tentai  cette  Expérience  importante  Un 
Puceron  pris  au  moment  de  fa  nailîance  &  ren- 
fermé à  l'inftant  dans  la  plus  parfiite  folitude , 
y  mit  au  jour ,  fous  mes  yeux ,  95  Petits. 

Je  me  hâtai  de  faire  part  des  détails  de  cette 
Expérience  h  feu  mon  lUuftre  Ami  Mr.  de 
Reaumur,  qui  la  jugea  digne  d'être  communi- 
quée à  la  fçavante  Compagnie  dont  il  étoit  un 
des  principaux  ornements.     „  vSûr,  dit- il  (r). 


„  du  plaifir  que  les  obfervationa  de  Mr.  Bonnet 
j,  feroient  à  l'Académie,  je  tardai  peu  à  lui  lire 

39 


fa  Lettre  du  13e  Juillet,  dans  laquelle  elles 
écoient  détaillées.     Il  parût  à  l'Académie  en- 

'^  tière  que  Mr.  Bonnet  avoit  porté  les  pré- 
cautions &  les  foins  même  au  de  -  là  de  ce 
qu'on  eut  ofé  le  fouhaiter  :  quelque  couvain- 

,  eue  qu'elle  fût  qu'il  n'avoit  rien  négligé  pour 
éclairer  toutes  les  démarches  de  fon  Puce- 
ron ,  qu'il  avoit  été  pour  lui  un  Argus  plus 
difficile  à  tromper  que  celui  de  la  fable ,  elle 
jugea  néanmoins  qu'une  feule  Expérience, 
quoique  très  bien  faite ,  ne  fuffifoit  pas  pour 
ôter  tout  doute  par  rapport  à  un  Fait  con- 
traire à  une  loi  dont  la  généralité  avoit  fem- 
blé  établie  par  le  concours  unanime  de  tous 
les  Faits  vus  jusqu'alors.     On  n'a  que  trop 


39 


(0)  Pages  530.  &  fuivantes. 
(fe)  Pases  26.  &  fuivantes. 
(c)  im.  Tom.  VI.  pag.  537* 


Corps    Organis  e's.     121 

„  d'exemples  de  circonftances  qui  ont  échappé 
„  à  des  yeux  clairvoyants  &  attentifs.  L'Aca- 
„  demie  ne  pût  donc  s'empêcher  de  défirer  que 
5,  la  même  Expérience  fût  répétée  'par  Mr. 
„  Bonnet,  autant  de  fois,  &  fur  le  plus  de 
,,  Pucerons  de  différentes  efpèces  qu'il  lui  fe- 
5,  roit  pofTible  ;  je  fus  chargé  de  l'en  prier  de 
5,  fa  part,  &  je  le  fis." 

Je  ne  pouvois  manquer  de  répondre  au  defir 
de  l'Académie  ;  je  répétai  donc  ma  première  Ex- 
périence fur  la  même  efpèce  de  Pucerons ,  & 
je  rétendis,  en  même  tems,  à  plufieurs  autres 
efpèces  C^)*  ^^  ^^^^  toujours  le  même  fuc- 
cès  ;  tous  les  Pucerons  élevés  en  folitude  depuis 
l'inftant  de  leur  nailîance,  devinrent  Mères,  & 
mirent  au  jour,  fous  mes  yeux,  une  nombreu- 
fe  poftérité.  Je  portai  même  l'exailitude  au 
point  de  drelTer  des  Tables  des  jours  &  heures 
des  accouchements  de  chaque  Solitaire^  &  je  me 
ferois  difpenfé  de  publier  ces  Tables ,  fi  le  fujet 
que  je  traitois  eut  été  moins  neuf,  &  û  je  n'a- 
vois  pas  eu  des  raifons  de  préfumer  qu'elles  poiir- 
roient  fervir  à  des  comparaifons  utiles.  Ces  nou- 
velles Expériences ,  faites  avec  un  foin  vraiment 
fcrupuleux,  latisfirent  pleinement  f  Académie 
Royale  des  Sciences  &  Mr.  de  Reaumur,-  & 
l'aprobation  dont  ils  les  honorèrent ,  ne  laifibic 
pas  lieu  de  douter,  que  le  Problême  de  Mr. 
Breynius  n'eut  été  bien  refola 

(#)  Traité  d'InJtMogie  &c.  prem  Part.  Obferr.  II.  III. 

H5 


122      Considérations  Sur  Les 

Je  fongeois  donc  à  lailTer  repofer  mes  yeux, 
fatigués  par  l'attention  foutenuë  quejlwois  don- 
née à  de  fi  petits  Infeétes ,  lorfqu'un  foupçon 
imprévu  &  fort  étrange  que  me  communiqua 
Mr.  Trembley  ,  vint  m'engager  dans  une  fuite 
de  recherches  plus  pénibles  encore  que  les  pré- 
cédentes.    Dans  une  Lettre   que  ce  célèbre 
Obfervateur  m'écrivit  de  la  Haye ,  le  27.  Jan- 
vier 1741 5  il  s'exprimoit  ainfi.    J'ai  formé  de- 
puis le  mois  de  Novembre  le  dejfein  d'élever  phi- 
fleurs  Générations  de  fuite  de  Pucerons  Jblitai' 
res  5  pour  voir  s'ils  feroient  toujours  également 
des  Petits.     Dans  des  cas  fi  éloignés  des  circon^ 
fiances  ordinaires  ^  il  eft  permis  de  tout  tenter. 
Je  me  difois^  qui  fçait  fîim  accouplement  ne  fert 
poifit  à  plu  fleurs  Générations  ?  Il  faut  avouer 
que  ce  qui  fçait  étoit  bien   gratuit  ;   mais   il 
partoit  de  Mr.  Trembley  ,  &  c'en  fût  alfezpour 
me  perfuader  que  je  n'avois  pas  pouifé  la  dé- 
monftration  affez  loin.  L'aprobation  d'une  Com- 
pagnie refpeétable  m'avoit  rendu  jaloux  de  mes 
premières  Expériences,  &  fort  jeune  encore  je 
ne  pouvois  fouifrir  qu'elles  fufTent ,  en  quelque 
forte ,  infirmées  par  un  foupçon  même  très  lé- 
ger*    Ce  foupçon  excitant  mon  amour-propre , 
je  me  mis  à  élever  en  folitude  plufieurs  Généra- 
tions confécutives   de  Pucerons  de  différentes 
efpèces.    J'élevai  ainfi  quatre  Générations  d'une 
efpèce,  cinq  d'une  autre,  fix  d'une  troifième 
(â).     Il  écoit  donc  rigoureufement  démontré 
par  ces  nouvelles  Expériences ,  que  fi  la  fécon* 

(a)  Tmti  d'InjèSltl  i.  Part.  Obf.III,  IV,  V. 


Corps    OrcAnise's.     123 

dation  des  Pucerons  étoit  due  à  l'accouplement 
fecret  dont  me  paiioit  Mr.  Trembley,  cet  ac- 
couplement fervoit  au  moins  à  cinq  Générations 
coniecutives.     C'étoit  déjà  un  grand  prodige  à 
digérer  3  que  des  Arrières  petit-fils  fulTent  rendus 
féconds  par  leur  Quinqu'ayeul  ou  feulem.ent  par 
leur  Trilàyeul  ,   &  je  vois  que  mon  Ledeur 
n'héfite  pas  à  préférer  d'admettre  que  les  Puce- 
rons fe  propagent  ians  aucune  forte  de  Copula- 
tion.   Je  ne  crûs  pas  néanmoins  en  avoir  fait 
affez  pour  détruire  un  fimple  foupçon  :  il  eue 
été  à  defirer  pour  mes  yeux, que  je  ne  luieuiïe 
pas  donné  autant  de  poids  ;  je  n'aurois  pas  au- 
jourd'hui à  regretter  de  les  avoir  trop  fatigués , 
&  la  tendre  amitié  de  Mr.  Trembley  n'aurolt  pas 
à  partager  avec  moi  ces  juftes  regrets.J'élevai  donc 
encore  jusqu'à  la  dixième  Génération  de  Puce- 
rons folitaires,  &  j'eus  la  patience,  je  devrois 
dire  la  folie ,  de  drefler  des  Tables  des  jours 
&  heures  des  accouchements  de  chaque  Géné- 
ration C^).     Pendant  que  j'écris  ceci ,  j'ai  fous 
les  yeux  l'Obfervation  VI.  de  la  i^re.  Partie  de 
mon  Traité^  &  j'avoue  que  je  ne  puis  y  lire 
fansétonnement  ce  qui  fuit  Qb^.  „  Si  malgré  des 
5,  Expériences  pouffées  auffiloin  que  celles  dont 
5,  je  rends  compte  aétuellement,  on  n'eftimoit 
„  pas  que  j'eulfe  encore  démontré  la  fauffeté 
55  du  foupçon  indiqué  dans  l'Obfervation  III.  ;  on 
,5  feroit  toujours  forcé  de  convenir  qu'admettre 
„  avec  moi  que  les  Pucerons  perpétuent  leur 

(tf)  Ibid.  Obf.  VI. 

(i)  Ibid.  pag.  io«,  lo». 


124     Considérations   Sur  Les 

j,  efpèce  abfolument  fans  accouplement  ,  ou 
„  admettre  qu'un  accouplement  fert  au  moins  à 
5,  neuf  Générations  confécutives ,  ce  feroit  ad- 
„  mettre  une  chofe  également  éloignée  des  rè- 
„  gles  ordinaires ,  fi  même  la  dernière  ne  l'étoit 
5,  beaucoup  plus.  Qu'on  ne  croye  pas  cepen- 
„  dant,  que  je  dife  ceci  pour  me  difpenfer  de 
5,  reprendre  ces  Expériences ,  &  de  les  étendre 
,5  à  un  plus  grand  nombre  de  Générations  :  on 
5,  fe  tromperoiti  mon  delTein  eft  au  contraire 
„  de  mettre  à  profit  les  connoilfances  que  j'ai 
„  acquifes  fur  cette  matière,  &  d'y  répandre 
5,  plus  de  jour;  je  ne  défefpère  pas  même  de 
5,  parvenir  au  moins  à  élever  en  folitude  jus- 
„  qu'à  la  trentième  Génération  de  ces  petits  In- 
,5  fedes.  "  C'efl  ainfi  que  je  raifonnois  il  y  a 
i8  ans,  &  qu'animé  de  cette  forte  d'enthou- 
fiafme ,  que  fuppofe  ordinairement  toute  entre- 
prife  longue  &  pénible,  je  me  préparois  à  en- 
Laller  preuves  fur  preuves.  Il  me  fembloit  que 
je  n'avois  encore  que  préludé,  &  je  comptois 
presque  pour  rien  tout  ce  que  j'avois  fait.  Je 
rirois  aujourd'hui  de  cet  enthoufiafme ,  fi  les  fui- 
tes en  avoient  été  moins  fâcheufes  ;  mais  ,  je 
leur  ai  dû  les  Recherches  fur  les  Feuilles  des. 
Plantes  5  & /'^«^/)[/^  des  Facultés  de  nôtre  Ame. 

304.  Diftin&ion  réelle  de  Sexe  chez  les  Puce- 
rons &  leurs  accouplemeris. 

Ohfervatim  fur  un  paj[age  de  Mr.  de  Buffon 
relatif  à  ce  fujet. 

Apres  avoir  établi ,  fur  tant  d'Expérience:5 


Corps    O.rganis  e's.     155 

répétées  plufieurs  fois  avec  le  plus  grand  foin , 
que  les  Pucerons  multiplient  fans  aucun  commer- 
ce avec  leurs  femblables ,  je  n'avois  pas  lieu  de 
m'attendre  que  je  découvrirois  chez  ces  Infec- 
tes ,  des  Mâles  &  des  Femelles ,  &  que  je  les 
verrois  s'accoupler.     La  nouveauté  &  la  fingu- 
larité  de  ce  Fait  exigeoient  néceffairement  que 
j'entraile  dans  des  détails  que  j'aurois  fouhaité 
d'épargner  à  mes  Lecteurs.    J'ai  donc  été  obli- 
gé de  m'étendre  fur  les  amours  d'une  efpèce  de 
Pucerons  (<^).    J'ai  décrit  les  Parties  fexuelles; 
j'ai  raconté  les  différentes  manoeuvres  du  Mâle 
&  de  la  Femelle.    J'ai  prouvé  par  nombre  d'ob- 
fervations,  que  le  Mâle  eft  peut-être  un  des 
plus  ardents  qu'il  y  ait  dans  la  Nature.     Enfin , 
j'ai  démontré  que  la  même  efpèce  où  j'avois 
obfervé  une  diftinction  réelle  de  Sexe  &  un  vé- 
ritable accouplement ,  multiplioit  pourtant  fans 
accouplement  (Z'). 

La  manière  dont  Mr.  de  Buffon  indique 
tous  ces  Faits ,  efl  fi  obfcure  &  fi  équivoque , 
qu'elle  laiiïeroit  douter  à  ceux  qui  n'ont  pas  lu 
mon  Livre ,  fi  ces  Faits  ont  été  bien  oblervés. 
,,  D'autres  Animaux /'  dit-il  (c),  „  comme 
„  les  Pucerons ,  n'ont  point  de  Sexe ,  font  éga- 
3,  lement  Père  ou  Mère ,  &  engendrent  d'eux- 
,,  mômes  &  fans  Copulation ,  quoi  qu'ils  s'ac- 
„  couplent  aiilii  quand  il  leur  plait ,  fans  qu'on 
„  puille  fuvoir  trop  pourquoi,  ou,  pour  mieux 


(«)  IViL  Obf.  VIL 

(fc)  IbiL  Obf.  XIII,  XIV. 

\ç)  Hiji,  Natur,  àc.  Tom.  2.  pag.  312,  ^13, 


126     Considérations  Sur   les 

^5  dire,  fans  qu'on  puifle  (avoir  fi  cet  accou- 
„  plement  eft  une  conjon6lion  de  Sexes ,  puis 
55  qu'ils  en  paroiflent  tous  également  privés  ou 
5,  également  pourvus  ;  à  moins  qu'on  ne  veuille 
5,  fuppofer  que  la  Nature  a  voulu  renfermer 
5,  dans  l'Individu  de  cette  petite  Bête ,  plus  de 
,5  facultés  pour  la  Génération  que  dans  aucune 
„  efpèce  d'Animal ,  &  qu'elle  lui  aura  accordé 
„  non  -  feulement  la  puilfance  de  fe  réproduire 
3,  tout  feul,  mais  encore  le  moyen  de  pouvoir 
„  aufli  fe  multiplier  par  la  communication  d'un 
55  autre  Individu."  Si  cet  habile  Homme  avoit 
bien  voulu  donner  quelque  attention  à  mon  Ou- 
vrage ,  il  fe  feroit  exprimé  avec  plus  de  clarté 
&  d'exaclitude.  11  dit  d'abord ,  que  les  Pucerons 
n'ont  point  de  Sexes ,  &  qu'ils  engendrent  fans 
Copulation,  Il  dit  en  fuite,  qu'ils  s'accouplent^ 
fans  qu'on  puife  favoir  fi  cet  accouplement  eft 
une  conjon&on  de  Sexes  ^  puisqu'ils  en  paroijfent 
tous  également  privés  ,  ou  également  pourvus. 
Enfin  ,  il  ajoute  ,  qu'ils  s'accouplent  quand  il 
leur  plait  ;  ce  qui  donneroit  à  entendre  qu'ils 
peuvent  le  faire  en  tout  tems ,  &  je  ferai  bien- 
tôt remarquer ,  qu'il  n'y  a  qu'un  tems  dans  l'an- 
née où  l'on  puiile  obferver  de  ces  accouplemens. 
Les  fçavants  Auteurs  du  Journal  de  Trévoux , 
en  faifant  l'extrait  Qa')  de  mon  Traité  d'Infeclo- 
logie  5  m'ont  fait  un  reproche  auquel  je  ne  m'é- 
tois  pas  attendu  ;  il  s'agiflbit  des  amours  des  Pu- 
cerons :  le  détail ,  ont  -  ils  dit ,  où  il  entre  fur 
cela ,  eft  d'un  homme  inftruiî.    On  pourrait  même 

(a)  Mars,  174^.  pag.  413. 


Corps    Organise*  s.     127 

fe  plaindre  qu'à  cet  égard  ^  il  n'a  pas  ajfez  mé- 
nagé la  fage  délicatejje  de  bien  des  Ledteurs.  Ces 
Meflieurs  n'a  voient  pas  foupçonné  que  malgré 
ce  détail  d'un  homme  inftruit ,  on  mettroit  un 
jour  en  queftion ,  fi  les  Pucerons  ont  un  Sexe , 
ou  n'en  ont  point  ;  &  moi  je  n'avois  pas  foup- 
çonné le  moins  du  monde  qu'en  décrivant  en 
Naturalifte  les  amours  de  fi  petits  Infeéles  ,  je 
choquerois  la  fage  délicatejje  de  bien  des  Lec- 
teurs, Les  Ecrivains  d'Anatomie  &  de  Phyfio- 
logie  la  choquent  donc  bien  davantage. 

305.  Différences  remarquables  entre  les  In* 
dividus  de  la  même  efpèce  chez  les  Puce- 
rons. 

J'ai  fait  mention  dans  ce  Chapitre  de  quel- 
ques efpèces  d'infeftes ,  dont  le  Maie  efl  ailé , 
tandis  que  la  Femelle  eft  toute  fa  vie  dépour- 
vue d'Ailes.  Les  Pucerons  ont  plus  à  nous  of- 
frir en  ce  genre.  Il  y  a  aulTi  parmi  eux  des 
Mâles  ailés  &  des  Femelles  non- ailées  ;  mais 
il  s'y  trouve  encore  des  Mîîles  non -ailés  &  des 
Femelles  ailées.  Pour  lever  toute  équivoque , 
je  dois  ajouter,  que  les  Mdies  &  les  Femelles 
non -ailés  dont  je  parle  ,  font  effentiellement 
tels ,  &  qu'ils  ne  font  jamais  appelles  à  prendre 
des  Ailes.  Jufqu'ici  ces  Mâles  non -ailés  n'ont 
été  obfervés  que  chez  nos  Pucerons ,  &  je  n'en 
ai  découvert  que  dans  une  feule  efpèce  de  ces 
Infedes  (^).    C'eft  encore  une  chofe  remar- 

(a)  Truiiti  i'IiifsM,  Obf.  XV. 


128      Considérations  Sur  les 

quable ,  que  la  fgrande  difproportion  de  taille  qui 
eil  entre  les  Mâles  &  les  Femelles  :  les  pre- 
miers ,  &  fur  tout  les  m^!  -  aîlés ,  font  fî  petits, 
qu'ils  fe  promènent  fur  le  Dos  de  la  Femelle , 
comme  je  l'ai  raconté  des  Maies  des  Gallinfec- 
tes.  Souvent  pendant  ces  promenades  ,  qui 
durent  un  tems,  la  Femelle  eft  presqu'aufli  im- 
mobile qu'une  Gallinfecle.  Autant  elle  mon- 
tre d'infenfibilité  &  de  pefanteur ,  autant  le  Md- 
le  montre  d'ardeur  &  d'agilité.  Il  pafle  des 
journées  entières  fans  prendre  de  nourriture  ; 
tout  elt  chez  lui  en  aflion ,  &  toujours  occu- 
pé de  fa  Femelle ,  il  ne  fait  que  fe  promener 
autour  d'elle  <Sc  fur  elle ,  &  ne  fe  fixe  que  lors 
qu'il  ne  défire  plus. 

306.  Qfie  les  Pucerons  font  vivipares  dans 

la  belle  faifon ,  &  ovipares  fur  la  fin  de 

Vauîomne, 

Conjethires  fur  Tifage  de  leurs  accouplemens. 

Expérience  à  tenter  pour  vérifier  cette  con- 

je&ure. 

Mon  Le6i:eur  demande  avec  impatience  ,  à 
quoi  fert  \ accouplement  dans  des  Infedes  ,  qui 
fe  fuffifants  à  eux  -  mêmes ,  peuvent  propager 
fans  fon  fécours  ?  Avant  que  de  toucher  à 
cette  quellion  ,  je  rappellerai  un  Fait  dont  je 
n'ai  dit  qu'un  mot  (^),  &  qui  eft  une  des  gran- 
des fmgularités  que  l'Hiftoire  des  infectes  ait  à 
nous  offrir. 

Pen- 

(«)  Voyez  Article  I49« 


Corps    O  r  ©  a  n  i  s  e'  s.      isp 

Pendant  la  belle  faifon,  les  Femelles  des 
Pucerons  mettent  au  jour  des  Petits  vivants  ; 
elles  font  donc  alors  vivipares  :  vers  le  milieu 
de  l'automne  ,  elles  pondent  de  véritables 
Oeufs  ;  elles  ceirent  donc  alors  d'être  vivipa- 
res &  deviennent  ovipares.  Je  fis  cette  dé- 
couverte dans  l'automne  de  1740  (^),  qui  a 
été  confirmée  depuis  par  d'excellents  Obferva- 
teurs.  J'ai  montré  dans  mon  Livre  (^^),  que 
\qs  Femelles  lavent  varier  leurs  procédés  lors 
qu'elles  ont  à  mettre  au  jour  des  Petits  ,  ou 
qu'elles  ont  à  pondre  des  Oeufs.  J'ai  décrit  ces 
Oeufs  (  c^  5  les  précautions  avec  lesquelles  ils 
font  dépofés ,  ce  qui  précède  ,  accompagne  & 
fuit  la  ponte.  Enfin  ,  après  avoir  d'abord  re- 
gardé ces  Oeufs  comme  des  Fœtus  venus  au 
jour  avant  terme  ,  j'indiquai  les  raifons  qui  me 
perfuadèrent  enfuite,  qu'ils  étoient  de  véritables 
Oeufs  (^). 

Je  communiquai  tout  cela  à  Mr.  de  Reau- 
MUR  ,  qui  s'empreffa  d'en  rendre  compte  au 
Public  dans  le  Tome  VI.  de  fes  Mémoires ,  pa- 
ge 55(5.  &  fuiv.  Jl  préféra  d'adopter  ma  pre- 
mière conjeftiire  :  il  crût  devoir  prendre  pour 
de  fimples  Fœtus  ces  petits  Corps  oblongs  que 
j'avois  vus  dépofer  avec  tant  de  précautions ,  & 
dont  tout  l'extérieur  étoit  fi  femblable  à  celui 

(a^  Traité  d' Infe&ol  I.  Part.  pag.  125,  J39,  &  fttiv,^ 
(&)  Ibid.  pag.  141.  &.fuivantes. 
Ce)  Ibid.  pag.  139,  148,  JS2,  153. 
(d)  Ibid.  Obf.  IX. 

JOM.   IL  I 


I30    Considérations  Sur  Leô 

d*un  Oeuf  d'Infeéle.  Trop  plein  de  cette  idée, 
notre  Illuftre  Académicien  forma,  fur  fufage  de 
l'accouplement  ,  une  conjecture  qui  a  dû  pa- 
roitre  bien  étrange ,  &  qu'il  expofe  à  la  page 
552.  Il  imagina  que  l'accouplement  ne  fervoit 
peut  -  être  qu'à  aider  les  Mères  à  fe  délivrer  de 
ces  prétendus  Avortons ,  qui  les  feroient  périr 
pendant  Thyver  en  fe  corrompant  dans  leur 
Matrice. 

Mais  ,  une  obfervation  intérefTante ,  qui  nV 
voit  pas  encore  été  faite  lors  que  Mr.  de 
Reaumur  compofoit  le  Vln^e.  Volume  de  fes 
Mémoires  3  me  difpenfe  de  réfuter  fa  conjefture. 
Ces  Corps  oblongs ,  que  je  n'avois  pu  celfer  un 
inftant  de  regarder  comme  de  véritables  Oeufs , 
en  font  fi  bien ,  que  Mr.  Lyonnet  en  a  vu  for- 
tir  au  m.ois  d'Avril  1743.  de  petits  Pucerons 
vivants.  C'efb  dequoi  Mr.  Tre mb  l  e  y  a  in~ 
Itruit  le  Public  dans  la  Préface  de  fon  Pliftoire 
des  Polypes  :  il  ajoute  même  que  Mr.  Lyonnet 
lui  a  fait  voir  un  Petit  qui  for  toit  de  rOeuf, 

Si  le  témoignage  de  pareils  Obfervateurs  de- 
mandoit  à  être  confirmé ,  je  dirois  que  j'ai  auffi 
obfervé  de  petits  Pucerons  ,  qui  étoient  fortis  ' 
des  Oeufs  que  j'avois  renfermés  dans  un  Pou- 
drier à  la  fin  de  Novembre,  1743.  (^).  Au- 
-  refle ,  ces  Pucerons  étoient  fenfiblement  plus  pe- 
tits ,  que  ceux  dont  les  Mères  accouchent  vi- 
vants ,  &  la  petiteffe  des  Oeufs  me  l'avoit  dé- 
jà annoncé. 

(a)  md,  Obf.  XIX, 


Corps    Organise' s.     igî 

Mr.  de  Geer,  de  l'Académie  de  Suède, 
dont  la  fugacité  &  l'exacHtiide  brillent  dans  les 
beaux  Mémoires  qu'il  nous  a  donnés  fur  les  In- 
feéles,  a  vérifié. une  partie  de  ces  Faits,  &  je 
raporterai  ici  l'extrait  d'une  Lettre  qu'il  m'é- 
crivit de  Stockholm  le  24.  d'Août  1759.  Tou- 
tes les  efpèces  de  Pucerons  ,  que  fai  ohferzées^ 
[oit  d'Arbres  5  foit  d'Herbes  ,  m'ont  fait  voir 
des  Mâles  ,  &  des  accouplemens  ;  les  Femelles 
ont  conjlammenî  pondus  des  Oeufs ,  dejîinés  à 
confervtr  l'efpèce  pendant  l'hiver.  y*ofe  donc 
croire  qtï'il  en  eft  ainfî  de  tous  les  Fucerons, 

Ce  n'eft  qu'à  Taproche  de  l'hyver  que  les 
Femelles  des  Pucerons  pondent  des  Oeufs  ,  & 
e'ell:  à  peu  près  vers  ce  tems  -  là  que  les  Mâles 
commencent  à  paroitre.  Il  y  a  donc  un  ra- 
port  fecret  entre  Tapparition  des  Mâles  &  la 
ponté.  C'efl  ce  raport  que  nous  cherchons ,  & 
qui  doit  renfermer  la  raifon  de  l'accouplement; 

Dans  quelque  faifon  qu'on  ouvre  le  Ventre 
d'une  Femelle  ,  on  y  trouve  des  Oeufs  ;  &  fi 
c'eft  en  été ,  on  y  trouve  des  Oeufs  &  des  Pe- 
tits prêts  à  naître.  Les  Petits  des  Vivipares  é- 
clofent  dans  le  Ventre  de  leur  Mère  ,  les  Pe- 
tits des  Ovipares ,  après  en  être  fortis.  Les 
Petits  des  Vivipares  prennent  donc  dans  le  Ven- 
tre de  leur  Mère  ,  un  accroiflement  que  n'y 
•prennent  pas  les  Petits  des  Ovipares.  Les  Pu- 
cerons qui  nailTent  vivants  ,  fe  développent 
^pncj  jufqu'à  un  certain  point  ,  avant  que  dé 


13a    Considérations  Sur  Les 

paroître  au  jour:  ceux  qui  nailTent  renfermés 
dans  des  Oeufs ,  n'étoient  pas  appelles  h  fe  dé- 
velopper fi  tôt.  Ils  étoient  deflinés  à  conferver 
Tefpèce  pendant  l'hy ver ,  &  ne  dévoient  éclorre 
qu'au  retour  de  la  faifon  propre  h  leur  procurer 
la  nourriture. 

Mais  le  Développement  fuppofe  la  Nutri- 
tion :  les  Pucerons  qui  naiflent  vivans ,  ont  donc 
reçu  dans  le  Ventre  de  leur  Mère  une  nourri- 
ture que  n'ont  pu  y  recevoir  ceux  qui  demeu- 
rent renfermés  dans  des  Oeufs  :  cette  nourriture 
a  opéré  chez  les  premiers  un  développement 
qui  n'a  pu  s'opérer  chez  les  derniers.  L'accou- 
plement n'auroit-il  point  pour  principale  fin,  de 
fuppléer  dans  ceux-ci,  à  ce  défiut  de  nourri- 
ture? La  Liqueur  féminale  que  le  Mâle  fournit 
ne  feroit-elle  point  deftinée  à  remplacer  les'  fucs 
que  le  Germe  n'a  pu  tirer  de  la  Mère?  Ce  n'efl 
là  qu'une  fmiple  conjeélure ,  mais  qui  n'efl  pas 
deftituée  de  vraifemblance. 

Il  feroit  aifé  de  la  vérifier  ,  en  privant  de 
Mâles  un  certain  nombre  de  Femelles  :  on  s'af- 
fureroit  par  cette  Expérience ,  fi  les  Oeufs  qu'el- 
les pondroient ,  feroient  féconds  (//).  Ainfi  mal- 
gré toute  l'attention  qu'on  a  donnée  aux  Fuce^ 
rons  ,  ils  n'ont  pas  encore  été  affez  étudiés , 
&  leur  Hifloire  nous  préfente  des  Faits  intéref- 
fans  qui  refient  à  éclaircir.  Ceux  fur  lesquels  il 
n'y  a  maintenant  plus  de  doute ,  parce  qu'ils  ont 

(a)  Voyez  ce  que  j'ai  dit  là-dcflus,  ire.  Part.  d«  Vlnfe&ol, 
pag.  175.  &  ^iJiv.  &  pag.  sQ2v  203. 


Corps    Organise' s.     133 

été  confiâtes  par  une  longue  fuite  d'Expérien- 
ces &  d'Obfervations ,  font  bien  propres ,  com- 
me le  dit  Mr.  DE  Reaumur  C^),  à  jujîifier 
remploi  du  teins  pajjfé  à  obferver  les  plus  petits 
Infectes. 

•^oy.  Que  les  Polypes  n'offrent  point  de  difîinc* 
tien  de  Sexes  &  qu'' ils  font  de  vrais  Andro- 
gynej. 

Dans  un  tronçon  de  Ver ,  dans  un  tronçon, 
de  Polype)  la  produ6lion  d'une  nouvelle  Tête, 
d'une  nouvelle  Queue  5  ne  paroît  pas  plus  dé* 
pendre  d'une  fécondation  par  accouplement, 
que  les  différentes  productions  d'une  Bouture  ne 
paroiflent  dépendre  du  concours  de  la  PoufTière 
des  Etaraines.  Ainfi  la  production  des  Rejet- 
tons  d'un  Polype ,  comme  celle  des  Branches 
d'un  Arbre,  ne  paroifTent  pas  non  plus  fuppofer 
cette  forte  de  fécondation.  Il  étoit  donc  affez 
naturel  de  préfumer,  que  les  Polypes  d'eau  dou- 
ce mukiplioient  fans  accouplement.  Mr.  Trem- 
BLEY ,  qui  les  a  fuivis  avec  tant  de  foins  &  d'at« 
tention,  alTure  auiïi  qu'il  ne  les  a  jamais  vus  s'ac- 
coupler, &  que  quelques  recherches  qu'il  aie 
faites ,  il  n'a  rien  découvert  qui  indiquât  chez 
eux  aucune  force  de  Copulation,  Il  nous  don- 
ne lui-même,  en  peu  de  mots,  le  réfultat  de 
toutes  fes  recherches, que  je  ne  puis  me  difpen- 
fer  de  mettre  ici  fous  les  yeux  de  mon  Lecteur, 

\b)  Mém.  fur  les  Infe&.  Tom.  VI.  page  524. 

I3 


134       GoNsiDEHATioKs  Sur  Les 

„  On  peut  conckirre  ,  dit -il  Ç^)?  de  ires 
j,  Expériences ,  lur  le  principe  de  la  fécondité 
„  des  Polypes; 

i\  „  Qu'un  jeune  Polype,  depuis  qu'il  efl 
5j  fcparé  de  fa  Mère ,  n'a  pas  befoin  de  la  com- 
3,  pagnie  d'un  autre  Polype  pour  fe  multiplier. 

2».  „  Que  iiiême  avant  que  de  s'en  féparer, 
3,  il  a  le  principe  de  la  fécondité ,  puisque  dès- 
5,  lors  il  multiplie. 

3°.  ,,  Que  fi  c'ell  la  Mère  qui  lui  communi- 
„  que  ce  principe  pendant  qu'il  lui  efl  uni ,  ce 
5,  ri'eft  point  qu'il  y  ait  aucune  communication 
„  entre  la  Tête  &  les  Bras  de  cette  Mère ,  ou 
5,  bien  entre  la  Tête  &  les  Bras  d'un  jeune  Po- 

«  lype. 

5,  4-^.  Qu'il  n'efl;  pas  non  plus  fécondé  de  cet- 
5,  te  manière  par  un  autre  jeune ,  qui  fort  de 
3,  la  même  Mère  en  même  tems  que  lui. 

„  5°.  „  Que  s'il  fe  féconde  lui-même,  il  eft 
5,  affez  vraifemblable  que  c'eil;  d'une  manière 
3,  imperceptible." 

Non  feulement  les  Polypes  paroiiïent  être. 
de  vrais  Androgiyncs ,  mais ,  ils  paroillent  encore 
abfolument  privés  de  Sexes.  A  l'aide  des  meil- 
leurs Microfcopes,  on  n'y  a  rien  aperçu  qui 
reflemblâtle  moins  du  monde  aux  Parties /é^t*//^/- 
les.  Je  l'ai  dit  &  répété  plufieurs  fois  :  tout  le 
Corps  du  Polype  n'efl:  qu'une  forte  de  Boyau , 
dont  les  parois  font  garnies  intérieurement  d'une 

(«;  Mém.fur  les  P&Jypes,  Tom.  a.  in  ^o.  pa^e  çi ,  92* 


Corps    Organise' s,     135 

multitude  de  petits  Grains.    Ce  Boyau  porte  h 
une  de  fes  extrémités  une  Tête  &  des  Bras  ; 
l'extrémité  oppofée  qui  fe  termine  en  pointe , 
eft  exadement  fermée ,  &  l'Infeéle  ne  s'en  fert 
que  pour  fe  cramponer  à  quelqu'appui.    Si  donc 
les  Polypes  font  de  vrais  yindrogyms  ;  &  com- 
ment en  douter?  ce  font  des  Androgynes  bien 
différents  de  ceux  que  les  fucerons  nous  ont 
fait  voir;  car  j'ai  prouvé  que  les  Pucerons  font 
diftingués  de  Sexes,  qu'ils  s'accouplent ,  &  que 
néanmoins  ils  peuvent  fe  fuffire  à  eux  -  mêmes, 

308.  Infectes  privés  de  Sexe  pendant  une 
grande  partie  de  leur  vie. 

Il  y  a  une  clalfe  très  nombreufe  d'Animaux 
qui  font  abfolument  dépourvus  de  Sexes  pen- 
dant la  plus  grande  partie  de  leur  vie  :  tels  font 
tous  les  Infeélcs  qui  fubiffent  des  Métamorpho^ 
fes.     Tandis  que  flnfede  eft  fous  la  forme  de 
Ver  ou  fous  celle  de  Chenille,  il  n'eft,  à  pro- 
prement parler,  ni  Mâle  ni  Femelle  ;  mais  il 
fera  Mâle  ou  Femelle  lors  qu'il  aura  pris  fa  der- 
nière forme ,  celle  de  Mouche  ou  de  Papillon. 
C'eft  fous  cette  dernière  forme  que  flnfeàe  eft 
appelle  à  perpétuer  fefpèce.    J'ai  prouvé  dans 
le  Ch.  X.  du  Tome  I ,  que  les  Parties  propres  au 
Papillon^  font  renfermées  originairement  dans  cel- 
les qui  conftituent  l'état  de  Chenille,    J'ajouterai 
ici ,  que  le  Papillon  prend  tout  fon  accroiffement 
fous  la  forme  de  Chenille.     Il  elt  même  des 
efpèces  qui  ne  prennent ,  &  ne  peuvent  prea- 

1  4 


1^6     Considérations  Sur  Le^ 

dre  de  la  nourriture  ,  que  fous  leur  première 
forme:  dès  que  l'infede  eft  devenu  Mouche 
ou  Papillon,  il  n'a  plus  befoin  de  fe  nourrir; 
il  a  fait,  pour  ainfi  dire ,  fa  provifioii  d'aliments 
pendant  qu'il  étoit  Ver  ou  Chenille  ;  &  cela 
efl:  fi  vrai ,  qu'il  eft  même  deftitué ,  fous  fa  der- 
nière forme ,  de  tous  les  Organes  extérieurs  re- 
latifs à  la  nutrition. 

309.  Réfutation  du  fentlment  de  Mr.  de 
Buffon/^/;^  les  Métamorphofes /3^^^ 7«- 
fe&es. 

Dans  le  fécond  Volume  de  l'Hilloire  Natu- 
relle ,  Mr.  DE  BuFFON  a  inféré  un  Chapitre  qui 
a  beaucoup  de  rapport  avec  celui  -  ci ,  &  qu'il 
a  intitulé  Variétés  dans  la  Génération  des  Ani- 
maux, Il  y  fait  mention  des  Infedes  qui  n'ont 
point  de  Sexe^  pendant  une  partie  de  leur  vie , 
&  fa  manière  de  raifonner  fur  ce  fujet,  eft  fi  éloi- 
gnée des  idées  reçues,  que  mon  Lecteur  me 
pardonnera ,  fi  je  tranfcris  ici  le  pafTage  en  en- 
tier. „  Je  veux  parler,  dit -il  (^),  des  In- 
55  fecles  &  de  leurs  Mctamorphofes.  Il  me  pa- 
3,  roît  que  ce  changement ,  cette  efpèce  de  trans- 
5,  formation  qui  leur  arrive ,  n'elt  qu'une  pro- 
5,  duclion  nouvelle  qui  leur  donne  la  puiflance 
55  d'engendrer;  c'eft  au  moyen  de  cette  produc- 
3,  tion  que  les  Organes  de  la  Génération  fe  dé- 
5,  veloppent  &  fe  mettent  en  état  de  pouvoir 
3^,  agir ,  car  l'accroiflement  de  l'Animal  eft  pris 
5,  en  entier  avant  qu'il  fe  transforme  ;  il  celTe 

(«)  Pages  315,  3itf. 


Corps    Or  g  a  n  i  s  e'  s.     137 

,5  alors  de  prendre  de  la  nourriture ,  &  le  Corps 
„  fous  cette  première  forme  n'a  aucun  Organe 
5,  pour  la  Génération,  aucun  moy-en  de  trans- 
5,  former  cette  nourriture,  dont  ces  Animaux  ont 
5,  une  quantité  fort  fur-abondante ,  en  Oeufs  & 
55  en  Liqueur  féminale  ;  &  dès  lors ,  cette  quan- 
„  tité  fur-abondante  de  nourriture ,  qui  elt  plus 
5,  grande  dans  les  Infeétes  que  dans  aucune  au- 
5,  tre  efpèce  d'Animal,  fe  moule  &  fe  réunit 
„  toute  entière,  d'abord  fous  une  forme  qui 
„  dépend  beaucoup  de  celle  de  l'Animal  même, 
5,  &  qui  y  relTemble  en  partie  :  la  Chenille  de- 
„  vient  Papillon  5  parce  que  n'ayant  aucun  Or- 
„  gane,  aucun  Vifcére  capable  de  contenir  le 
„  fuperflu  de  la  nourriture ,  &  ne  pouvant  par 
„  conféquent  produire  de  petits  Etres  organifés, 
„  femblables  au  grand ,  cette  nourriture  organi- 
„  que  toujours  aélive ,  prend  une  autre  forme 
5,  en  fe  joignant  en  total  félon  les  combinaiforis 
„  qui  réfultentde  la  figure  de  la  Chenille,  &  elle 
„  forme  un  Papillon ,  dont  la  figure  répond  en 
„  partie ,  &  même  pour  la  conftitution  elfen- 
,,,  tielle ,  à  celle  de  la  Chenille ,  mais  dans  lequel 
„  les  Organes  de  la  Génération  font  dévelop- 
,,  pés,  &  peuvent  recevoir  &  tranfmettre  les 
„  Parties  organiques  de  la  nourriture  qui  for- 
„  ment  les  Oeufs  &  les  Individus  de  l'efpèce , 
„  qui  doivent  en  un  mot  opérer  la  Génération  ; 
„  &  les  Individus  qui  proviennent  du  Papillon , 
„  ne  doivent  pas  être  des  Papillons ,  mais  des 
„  Chenilles,  parce  qu'en  eftet,  c'eit  la  Chenille 

I  5 


138      Considérations  Sur  Les 

5,  qui  a  pris  la  nourriture  ,  &  que  les  Parties 
5,  organiques  de  cette  nourriture  fe  font  aflîmi- 
5,  lées  à  la  forme  de  la  Chenille  &  non  pas  à 
3,  celle  du  Papillon ,  qui  n'eft  qu'une  produc- 
5,  tion  accidentelle  de  cette  môme  nourriture 
„  fur-  abondante  ,  qui  précède  la  produdion 
,,  réelle  des  Animaux  de  cette  efpcce  ,  &  qui 
5,  n'eft  qu'un  moyen  que  la  Nature  employé 
55  pour  y  arriver  ". 

C'est  à  regret  que  je  relève  encore  cet  Au- 
teur, dont  j'admire  le  génie  &  les  talents;  ma'is^ 
je  dois  prémunir  mes  Lecteurs  contre  l'impref- 
fion  5  trop  ordinaire ,  d'une  grande  célébrité.  Il 
avoue  lui-même  quelque  part  (<^)  ,  que  fa 
Théorie  a  précédé  fes  Expériences ,  &  l'on  fait 
combien  la  manière  de  voir ,  dépend  de  la  ma- 
nière de  penfer.  On  retrouve  dans  le  pafTiige 
que  je  viens  de  citer  ,  le  principe  favori  de 
l'Auteur  :  qu'il  me  foit  permis  d'en  faire  une 
courte  réfutation,  en  oppofant  fimplement  la 
Nature  à  fon  Hiftorien ,  &  cet  Hiftorien  à  lui- 
même. 

Il  me  par  oit  ^  dit -il,  que  cette  transforma- 
tion qui  arrive  aux  Infectes  ,  n^efl  quhine  pro- 
duction nouvelle  qui  leur  donne  la  puijfance  d'en- 
gendrer. Les  obfervations  de  Swammkrdam 
fur  la  préexiftence  du  Papillon  dans  la  Chenil- 
le (^),  &  celles  de  Mr.  de  Haller  fur  la 
formation  du  Poulet  dans  l'Oeuf  C^)  >  Kion-, 

(fl)  Jfîjt.  Natur.  Tom.  2.  pag.  168. 
(6)  Voyez  le  Chap.  X.  du  Tome  I. 
(c)  Voyez  le  Chap.  IX.  du  Tome  I. 


Corps    Organise' s.    13^ 

trent  afles  qu'il  ne  fe  fait  point  de  produ&ion 
nouvelle  ;  mais  ,  ce  qui  nous  paroit  produit  , 
rétoit  déjà  &  n'a  fait  que  fe  développer.  Tout 
ce  Livre  eit  plein  de  Faits  qui  concourent  à 
établir  cette  vérité. 

La  Chenille  devient  Papillon  ^  parce  que  n^ay^ 
anî  aucun  Organe  ,  aucun  Vifcere  capable  dt 
contenir  h  fuperflu  de  la  nourriture ,  ^  ne  pou* 
vant  par  conféquent  produire  de  petits  Etres  or- 
gamfés  femhlables  au  grand  ,  cette  nourriture 
organique  toujours  a&ive ,  prend  une  autre  for-^ 
me  en  fe  joignant  en  total  filon  les  comhinaifons 
qui  rêfuhent  de  la  figure  de  la  Chenille  ,  ^  elle 
forme  un  Papillon  dont  la  figure  répond  en  par- 
tie ,  &  même  pour  la  conjUtution  ejjentielle  ,  à 
celle  de  la  Chenille.  Notre  Auteur  admet  donc 
exprelTément,  que  les  Molécules  organiques  de 
la  Chenille ,  en  fe  combinant  fous  certains  ra- 
ports  ,  forment  le  Papillon,  Mais  ,  félon  les 
principes  de  cet  Auteur ,  les  Molécules  organi- 
ques ne  forment  un  Tout  organifé,  que  lors 
qu'elles  ont  été  moulées  dans  le  Corps  où  ce 
Tout  doit  fe  former  &  croitre.  Je  ne  cherche 
point  ici  à  combattre  l'exiftence ,  plus  que  dou- 
teufe ,  des  Moules  intérieurs  ;  je  fuppofe  qu'ils 
exiitent.  Le  Corps  de  la  Chenille  elt  donc  le 
Moule  où  fe  façonnent  les  différentes  Parties 
propres  au  Papillon.  Maintenant  je  demande , 
quelles  font  les  Parties  de  la  Chenille  qui  peu- 
vent mouler  les  quatre  Aîles  du  Papillon  ,  fes 
milliers  de  Yeux ,  fa  Trompe ,  &  fur  -  tout  les 
Organes  de  la  «Génération  ?    11  eft  bien  recon- 


140     Considérations  Sur  Les 

nu  que  la  Chenille  eft  abfolument  privée  de  la 
plupart  de  ces  Organes  ,  &  que  fes  fix  Yeux 
ne  reflemblent  point  du  tout  h  ceux  du  Papil- 
lon. Mr.  DE  BuFFON  femble  vouloir  aller  au 
devant  de  cette  objection  ,  lors  qu'il  ajoute  , 
que  la  figure  du  Papillon  répond  en  partie  ,  6? 
même  pour  la  conflitution  tjjlntielle ,  à  celle  de 
la  Chenille  ;  c'efl:  ramener  de  force  les  Faits  à 
un  Syflème  chéri.  Si  Ton  compare  la  ftruélu- 
re  de  la  Chenille  -h  celle  du  Papillon  ,  j'ofe  af- 
furer  qu'on  y  trouvera  plus  de  diflemblances 
que  de  refîemblances.  Mais ,  quand  il  n'y  au- 
roit  dans  le  Papillon  qu'un  feul  Organe  qui 
n'exiftât  pas  dans  la  Chenille,  c'en  feroit  ailes 
pour  détruire  le  Syftème  mal  lié  de  l'Auteur. 
On  feroit  toujours  en  droit  de  demander  ,  où 
réfideroit  le  Moule  de  cet  Organe?- 

Les  Individus  qui  proviennent  du  Papillon^ 
ne  doivent  pas  être  des  Papillons ,  mais  des  Che- 
nilles ,  parce  qti'en  effet  c'eft  la  Chenille  qui  a 
pris-  la  nourriture  ,  ér*  que  les  Parties  organi' 
ques  de  cette  nourriture  fe  font  affimilées  à  la 
forme  de  la  Chenille  ^  non  pas  à  celle  du  Pa- 
pillon,   Il  n'y  a  qu'un  moment  que  l'Auteur  a- 
voit  befoin  d'admettre ,  que  la  forme  de  la  Che- 
nille ne  diifère  presque  pas  de  celle  du  Papil- 
lon ;  à  préfent  ,  qu'il  s'agit  d'expliquer  pour- 
quoi le  Papillon  ne  fait  pas  des  Papillons  ,  il 
en  donne  pour  raifon ,  que  c'efl  la  Chenille  qui 
a  pris  la  nourriture ,  ^  que  les  Parties  organi- 
ques de  cette  nourriture  Je  font  affimilées  à  la 
■forme  de  la  Chenille  &  non  pas  à -celle  du  Fa* 


Corps    Organise' s.     141 

pUlon.  Ici  l'Auteur  efl  d'accord  avec  Tes  prin- 
cipes ;  c'eit  la  Chenille  qui  moule  ;  elle  ne  peut 
donc  mouler  que  des  Chenilles  :  cependant  il 
venoit  de  lui  faire  mouler  un  Papillon.  Je  di- 
rai quelque  chofe  de  plus  :  il  elt  des  efpèces 
de  Papillons  qui  prennent  de  la  nourriture  ;  el- 
les pompent  le  fuc  des  Fleurs  ;  cette  nourritu- 
re abonde ,  fuivant  Mr.  de  Buffon  ,  en  Mo- 
lécules organiques  :  le  Corps  du  Papillon  fe 
Taflimile ,  &  le  fuperflu  efl:  renvoyé  aux  Orga- 
nes de  la  Génération  ,  réfervoir  commun  de 
toutes  ces  Molécules.  Comment  donc  arrive- 
t  -  il ,  qu'elles  y  repréfentent  en  petit  des  Che- 
nilles &  non  pas  des  Papillons  ? 

Le  Papillon  fie[i  qihme  prodiiBion  acciden- 
telle de  cette  même  nourriture  fur  -  abondante  , 
qui  précède  la  production  réelle  des  Animaux  de 
cette  efpece^  &  qui  neft  qu^un  moyen  que  la  Na- 
ture employé  pour  y  arriver,  La  chofe  du 
monde  la  plus  confiante ,  la  plus  invariab/le,  eft- 
elle  une  chofe  accidentelle  ?  Toujours  T^^tat  de 
Papillon  fuccédera  à  celui  de  Chenille.  Le  pre- 
mier eft  le  terme  ....  mais ,  je  m'aperçois 
que  l'Auteur  diftingue  ici  deux  fortes  de  pro- 
ductions ;  une  production  accidentelle  qui  efl 
celle  du  Papillon  'daiiè  la  Chenille ,  &  une  pro- 
du6lion  réelle ,  qui  efl:  celle  qui  s'opère  par  les 
Oeufs  que  pond  le  Papillon.  Je  laifl^e  au  Lec- 
teur à  juger  fi  cette  difl:inâ:ion  efl  bien  philo- 
fophique.  Je  prie  qu'on  relife  ce  que  j'ai  dit 
fur  les  Méîamorphofes  dans  le  Chapitre  X.  du 
Tome  I. ,  &  l'on  préférera  d'admettre ,  que  la 


t^2      Considérations  Sur  Les 

Chenille  &  le  Papillon  ne  font  au  fond  que  îé 
même  Animal ,  appelle  à  revêrir  difF:rentes  for- 
mes. La  Chenille  ell  ,  en  quelque  forte  ,  au 
Papillon,  ce  que  l'Oeuf  eit  au  Poulet.  Le  Pa- 
pillon pond  des  Oeufs ,  &  chaque  Oeuf  renfer- 
me une  petite  Chenille ,  qui  renferme  elle  -  mê- 
me tous  les  Organes  propres  au  Papillon ,  &  dont 
elle  procurera  un  jour  le  développem:^nt.  Voi- 
là ce  qu'un  examen  attentifs  impartial  des  Faits, 
nous  découvre,  &  ce  qu'il  auroit  dkouvert  à 
Mr.  DE  BuFFON,  s'il  avoit  plus  confulté  la  Na- 
ture que  fon  Imagination.  Elle  e(t  belle  &  ri- 
che ,  mais  la  Nature  vaut  mieux  encore. 

310.  Réfutation  de  r opinion  du  même  Auteur 
fur  la  Génération  des  Vers  dans  Us  En*' 
fans  y  &  fut  les  Générations  équivoques^ 

Au  refte ,  je  n'ai  rien  dit  de  l'obfcurité  &  de 
l'embarras  qui  régnent  dans  tout  ce  paifage  :  je 
me  fuis  borné  à  l'examiner  &  à  tâcher  de  l'en- 
tendre. Ce  palfage  n'elt  pas  le  feul  où  l'Auteur 
ait  choqué  la  bonne  Phyfique  ;  en  voici  un  au- 
tre fur  la  Génération  des  Vers  dans  les  Enfuits , 
que  je  n'ai  pu  lire  fans  farprife.  ,,  Le  Lait, 
5,  dit -il  C^),  eil:  une  efpèce  de  Chyle,  une 
j,  nourriture  dépurée  qm  contient  par  confé- 
j,  quent  plus  de  nourriture  réelle ,  plus  de  cet- 
j,  te  matière  organique  &  produclive  ,  dont 
3,  nous  avons  parlé  ,  &  qui  lors  qu'elle  n'eft 
j,  pas  digérée  par  l'Eflomach  de  l'Enfant  pouF 

(a)  Hijit  iJaU  Toa.  z>  pag.  46P,  &  47<fr 


Corps     O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      143 

j,  fervir  à  fa  nutrition  &  à  l'accroifleraent  de 
5,  fon  Corps  ,  prend  par  l'activité  qui  lui  eft 
„  eflentielle  ,  d'autres  formes ,  &  produit  des 
53  Etres  animes ,  des  Vers  en  fi  grande  quantité 
„  que  l'Enfant  eft  fouvent  en  danger  d'en  pé- 
3,  rir.  "     Remarquez  que  Mr.  de  Buffon  ,  ne 
dit  pas  que  le  Lait  non  digéré  donne  lieu  au  dé- 
veloppement des  Vers  ;  m.ais  que  cette  matière 
p- en  cl  par  r  activité  qui  lui  ift  ejjenîielle  d'autres 
formes  ^  &  produit  des  Etres  animés  ^  des  Vers, 
J'oppoferai  encore  nôtre  Auteur  à  lui-même. 
Dans  fes  principes ,  les  Molécules  organiques , 
vivantes ,  actives ,  font  communes  au  Végétal  & 
à  l'Animal.     Elle  peuvent  également  produire 
une  Plante  ou  un  Animal ,  &  telle  ou  telle  Plan- 
te ,  tel  ou  tel  Animal.    Lors  donc  qu'elles  pro- 
duifent  une  certaine  efpèce  d'Animal  ,   plutôt 
que  toute  autre  qu'elles  pourroient  également 
produire ,  il  faut  en  afligner  une  raifon.    Cette 
raifon  ne  peut  être  dans  Va&ivitè  des  Molécu- 
les; puisque,  fuivant  l'Auteur  ,  cette  aélivité 
s'étend  indifféremment  à  toutes  les  efpèces  foit 
végétales  ,   foit  animales.     Quelle  eft  donc  la 
raifon  qui  détermine  les  Mokcules  organiques  à 
former  un  Ver  &  non  pas  une  Plante ,  un  Ver 
rond^  &  non  pas  un  Ver  platl  Pour  raifonner 
conféquemment  au  Syftème  de  l'Auteur  ,  il  fau- 
droit  répondre ,  que  ce  font  les  Moules  intérieurs 
qui  déterminent  V activité  des  Molécules  à  pren- 
dre une  forme  plutôt  que  toute  autre.    Mais , 
où  fera  dans  l'Enfant ,  le  Moule  d'un  Ver  rond  y 
où  celui  d'un  Ver  'plat?  J'ai  montré  dans  jiîia 


144-     Considérations  Sur  Lks 

Difiertation  fur  le  Tania ,  combien  la  ftriictiire 
de  ce  Ver  eft  régulière  &  conltante  :  celle  des 
autres  Vers  du  Corps  Humain  ne  l'eft  pas  moins. 
Un  Phyficien  qui  ignoreroit  la  véritable  origine 
des  Vers  du  Nez  des  Moutons,  feroit-il  bien 
reçu  à  nous  dire ,  qu'ils  font  produits  par  les  Mo- 
lécules de  la  Pituite  ?  On  lui  feroit  voir  la  Mou- 
che qui  enfile  les  conduits  du  Nez ,  &  va  pon- 
dre dans  les  fmus  frontaux  les  Oeufs  d'où  for- 
tent  ces  Vers  Qci^-  Nous  devons  pardonner 
aux  Anciens  leur  Dodciine  des  Gêné/ atiom  équi- 
voques 5  parce  qu'ils  n'étoient  pas  inllruits  ;  mais 
que  devons -nous  penfer  d'un  Sçavant  du  iS®. 
Siècle  qui  la  reffufcite  ?  Et  qu'on  ne  croye  pas 
que  je  preffe  trop  ici  les  idées  de  Mr.  de  Buf- 
FON  :  il  s'explique  lui-même  plus  clairement  en- 
core dans  le  palTage  fuivant.  „  La  Génération 
„  des  Animaux  &  des  Végétaux,  dit -il  (^), 
„  n'eft  pas  univoque;  il  y  a  peut-être  autant 
„  d'Etres,  foit  vivans  ,  foit  végétans  ,  qui  fe 
5,  produifent  par  l'aflemblage  fortuit  des  Molé- 
5,  cnles  organiques ,  qu'il  y  a  d'Animaux  ou  de 
,,  Végétaux  qui  peuvent  fe  réproduire  par  la  fuc- 
„  ceriion  conltante  de  Générations  ;  c'efl  à  la 
,,  production  de  ces  efpèces  d'Etres  ,  qu'on 
5,  doit  appliquer  l'axiome  des  Anciens  :  Corrup* 
„  tio  unius ,  gemratio  alîerius,  " 

Quand  un  Phyficien  a  le  malheur  de  partir 

de 

(a)  Mr.  DE  Reaumur ,  Mém.  pour  fervîr  à  l^HiJl.  des  InJcS» 
Tom.  4. 
(i)  Hijl.  Nat.  Tom.  2.  p.  320» 


Corps    Organise' s.    145 

de  femblables  principes,  il  n'y  a  plus  lieu  de 
s'étonner ,  qu'il  entreprenne  d'expliquer  mécha- 
niqtiement  la  formation  de  certaines  Anguilles  ^ 
&  celle  de  divers  Animaux  de  la  même  claiTe. 
Les  Molécules  organiques  font  dans  fes  mains, 
ce  qu'étoit  la  matière  fubtile  dans  celle  de  Des- 
cARTfS.     ,,  Les  Anguilles  qui  fe  forment  dans 
5,  la  colle  fiite  avec  de  la  farine ,  ajoute  Mr. 
5,  DE  BuîTON  (^},  n'ont  d'autre  origine  que 
„  la  réunion  des  Molécules  organiques  de  la  par- 
5,  tie  la  plus  fubftantielle  du  Grain; les  premiè- 
5,  res  Anguilles  qui  paroillent,  ne  font  certai- 
5,  nement  pas  produites  par  d'autres  Anguilles, 
5,  cependant  quoi  qu'elles  n'ayent  pas  été  en- 
5,  gendrées ,  elles  ne  laiiTent  pas  d'engendrer  el- 
35  les -mêmes  d'autres  Anguilles  vivantes  ;   on 
55  peut  en  les  coupant  avec  la  pointe  d'une  lan- 
55  cette ,  voir  les  petites  Anguilles  fortir  de  leur 
35  Corps,  &  même  en  très  grand  nombre.''    Un 
Auteur  qui  avance  formellement  qu'une  efpèce 
d'Animal  «'^y^/^^j  engendrée^  doit  fans  doute, 
en  donner  une  démonflration   rigoureufe.     Je 
puis  néanmoins  alfurer  que  je  n'en  ai  trouvé  au- 
cune preuve  dans  tout  ^e   Livre.     J'invite  le 
Leéleur  judicieux  &  éclairé,  à  faire  le  même  exa- 
men. 

En  général ,  Mr.  de  Buffon  ne  paroît  pas  \ 
■    polTéder  l'efprit  d'analyfe ,  ou  s'il  le  poiTède , 
fon  Imagination  ne  lui  a  pas  perrr.is  d'en  fui'.e 
une  application  heureufe.    Trop  prévenu  d'une 

(a)   Ibii.  pag.  322. 

ToM.  II.  k; 


14^     Considérations  Sur  les 

théorie  que  fon  Génie  fécond  avoit  fçu  inven- 
ter ,  il  n'a  vu  qu'elle  dans  les  phénomènes ,  & 
la  Nature  qu'il  aimoit,  lui  a  échappé.     Il  fe  fe- 
roit  lui-même  convaincu  de  Tinruffifance  de  fes 
principes ,  s'il  avoit  pris  la  peine  de  les  rapro- 
cher  les  uns  des  autres  &  d'en  former  une  chaî- 
ne ;  il  auroit  bientôt  reconnu  l'incohérence  des 
chaînons ,  &  fa  Raifon  auroit  triomphé  de  l'Ef- 
prit  de  Syftème.     Je  pourrois  appliquer  ici  à 
Mr.  DE  BuFFON  ce  qu'il  dit  lui-même  d'AitisTO- 
.TE  C  ^  )  •  95  J'obferverai  qu'il  m'a  paru ,  que  ce 
3,  grand  homme  cherchoit  exprès  les  moyens  de 
„  s'éloigner  des  fentimens  des  Philofophes  qui 
5,  l'avoient  précédé  ;   &  je  fuis  perfuadé  que 
^,  quiconque  lira  fon  traité  de  la  Génération  a- 
^,  vec  attention ,  reconnoitra  que  le  deffein  for- 
3,  mé  de  donner  un  Syftème  nouveau  «Se  diffé* 
„  rent  de  celui  des  Anciens ,  l'oblige  à  préférer 
3,  toujours,  &  dans  tous  les  cas,  les  raifons  les 
3,  moins  probables ,  &  à  éluder ,  autant  qu'il 
5,  peut ,  la  force  des  preuves ,  lors  qu'elles  font 
,,  contraires  à  fes  principes  généraux  de  Philo- 
5,  fophie.'* 

(a)  Hifi.  Nat.  Tom.  2.  pag.  87,  S8« 


Corps    Organise' s.    14^ 

CHAPITRE     V. 

Suite  de%  Variétés  qîî!on  ohferve  dam  Ici 

Fécondation  Sf  dans  la  Génération 

des  Animaux. 

311.  Ifjîroâu&îon. 

Je  n'ai  pas  achevé  de  crayonner  refquilTe 
des  Variétés  que  nous  offrent  la  Fécondation  & 
la  Génération  des  Animaux.  Ce  fujet  eft  fi 
riche,  que  je  fuis  plus  occupé  à  écarter  qu'à  raf- 
fembler.  Je  continuerai  à  infiller  fur  les  excep* 
lions  ^  parce  qu'elles  font  une  branche  intérelr 
fante  de  la  Logique  du  Phylicien.  Les  Etres 
qui  choquent  nos  règles  générales  ,  ne  cho- 
quent pas  5  fans  doute  5  le  fyltème  général.  Ils 
tiennent  à  d'autres  Etres,  &  ceux-ci  à  d'au- 
tres encore  ,  par  des  rapports  qui  nous  font  in- 
connus. Obfervons  donc  &  comparons  ;  mais 
défions- nous  toujours  des  affertions  générales. 
N'oublions  point  que  nous  n'avons  que  des 
prémijfes  particulières  fur  la  plupart  des  fujets 
de  Phyfique  &  d'Hiftoire  Naturelle. 

312.  Varié  tés  dans  les  temps  de  la  CopU" 
laîion. 

Les  Animaux  ont ,  en  général ,  des  tems 
marqués  pour  la  Génération  :  ces  tems  font 
ceux  du  Riit,    Cela  étoit  appaj:emtaeqt  aécefe 

K  2 


148      Considérations  Sur  Les 

faire  à  raccroiffement  des  Fœtus  &  à  Téduca- 
tion  des  Petits.     Le  printemps  ell:  la  faifoii  des 
amours  des  Oifeaux,  &  de  ceux  de  pluiieurs 
éfpèces  de  Poiflbns ,  comme  les  Brochets  ,  les 
Barbeaux  &c.    D'autres   efpèces  de  PoilTons  , 
comme  les  Carpes  ,  fe  cherchent  en  été  ,  les 
Chats  en  Janvier,  May  &  Septembre;  les  Che- 
vreuils  en  Décembre  ;   les  Loups  &  les  Re- 
nards en  Janvier  ;   les  Cerfs  en  Septembre  & 
Odobre  ;   les  Chevaux  en  été   (^).     Parmi 
les  Infeélies,  le  plus  grand  nombre  des  efpèces 
fe  joignent  au  printemps,  ou  en  été. 

_  3.13.  Variétés  dans  les  effets  que  la  Copulation 
produit  fur  les  Individus  générateurs. 

Presque  tous  les  Infedes  s'épuifent  par  l'ac- 
te de  la  Génération  ,  au  point  qu'ils  meurent 
bientôt  après.     Tout  le  monde  a  pu  le  remar- 
"quer  dans  les  Hannetons ,  &  dans  les  Papillons 
"des  Vers  à  Soye  :  les  Mâles  des  Abeilles  nous 
en  ont  oiFert  ci-delTus  un  exemple  plus  frap- 
pant encore.    Ainfi  la  plupart  des  Infectes  ne 
s'accouplent  qu'une  fois  en  leur  vie ,  &  les  Fe- 
melles  achèvent  leur  ponte  en   alTez  peu   de 
tems.     Celles  de   quelques  efpèces  fe  déchar- 
gent à  la  fois  de  tous  leurs  Oeufs  :  tel  elt  le 
cas  de  cette  Mouche  fmgulière ,  que  la  courte 
durée  de  fa  vie  a  fait  nommer  Ephémère  ,  & 
rce  nom  ne  rend  même  que  très  imparfaitement 
ri'extrème  brièveté  de  cette  vie.    L'Ephémère 

.    f«)  -^î/ï'  -^«f.  Tojn.  \,  pag.  318, 


Corps    Organise' s.     149 

dont  je  parle  C^)^  "^  ^^^  guères  que  quatre  à 
cinq  heures  ,  &  jamais  une  Mouche  de  cette 
eipèce  n'a  vu  lever  le  Soleil  ;  mais  j'ajouterai 
qu'elle  vit  environ  deux  ans  fous  la  forme  d'un 
Ver  aquatique.     Une  Mouche  fi  prelTée  de  vi- 
vre n'a  pas  de  tems  h  perdre  ;  à  peine  efl:  -  elle 
née  5  qu'elle  fe  délivre  de  deux  grappes  qui  con- 
tiennent chacune  plus  de  trois  cents  Oeufs  :  el- 
le pond  donc  en  un  inftant  plus  de  fix  cents 
Oeufs.   On  ignore  encore  comment  cette  Mou- 
che ell;  fécondée  :    Swammerdam  a  prétendu 
que  le  Mdle  répandoit  fes  Laites  fur  les  Oeufs: 
Mr.DEREAUMUR  n'a  rien  obfervédefemblable; 
mais  ,  il  a  crû  voir  de  courts   accouplements. 
Le  nombre  des  Ephémères  qui  fortent  de  l'eau 
à  la  même  heure ,  pour  voltiger  dans  l'air ,  efh 
fi  prodigieux ,  qu'il  ne  peut  être  comparé  qu*à 
celui  des  plus  épais  floccons  de  neige  :  l'air  en 
eft  obfcurci.     Au  milieu  d'une  telle  confufion, 
comment  s'alFurer  de  la  réalité  de  l'accouple- 
ment ?   Tout  concourt  néanmoins  à  perfuader 
que  ces  Ephémères  s'accouplent  :  les  Mâles  & 
les  Femelles  font  pourvus  d'Organes  qui  fupo- 
fent  une  véritable  Copulation  (  Z'  ). 

Quelques  efpèces  d'Infedles  ne  s'épuifent 
pas  par  un  feul  aéle  :  les  Mâles  &  les  Femel- 
les s'accouplent  plufieurs fois ,  &  celles-ci  pon- 
dent à  plufieurs  reprifes.    La  Reine  Abeille  & 

(  «  )  Mém.  pour  fervir  à  l'Hijl.  des  InfeSes ,    Tome  (5.  pa^, 
475.  &  fuiv. 

[h)  Ibid.  page  501. 

K  3 


150      Considérations  Sur  Les 

les  Pucerons  nous  en  ont  fourni  des  exemples. 
Une  efpèce  de  Mouche,  qui  dépofe  fes  Oeufs 
dans  les  excréments  du  Cochon ,  nous  en  four- 
nit un  autre,  fur  lequel  Mr.  de  Reaumur  a 
crû  devoir  infifter  C<^).  La  ponte  de  cette 
Mouche  reflemble  moins  à  celle  de  la  plupart 
des  autres  Mouches  &  des  Papillons  qu'à  celle 
des  Oifeaux. 

Les  grands  Animaux  s'accouplent  plufieurs 
fois  en  leur  vie ,  &  les  Femelles  font  plufieurs 
pontes  ou  plufieurs  portées.  Quelques  Qua- 
drupèdes ,  comme  le  Cerf,  ne  s'épuifent  pas 
jufqu'à  la  perte  de  la  vie  ;  mais  iîs  deviennent 
exceflivement  maigres,  &  il  leur  faut  un  tems  çon- 
fidérable  pour  fe  refaire.  D'autres  Quadrupèdes, 
comme  le  Cheval ,  le  Taureau ,  le  Chien ,  &c. 
ne  s'épuifent  prefque  pas ,  &  font  en  état  d'en- 
gendrer fouvent.  Il  en  efl:  de  même  de  divers 
Oifeaux,  comme  le  Coq,  le  Canard,  &c. 

314.   Variétés  dans  les  temps  de  V Accou- 
chement &  de  r Incubation. 

Si  le  Rut  a  fes  tems  marqué  ,  r Accouche- 
ment a  auifi  les  fiens.  La  Jument  porte  onze 
à  douze  mois  ;  la  Vache 3  la  Biche  neuf  mois; 
La  Louve,  le  Renard  cipq  mois  ;  la  Chienne 
neuf  femaines  ;  la  Chate  fix  feninines  ;  la  La- 
pine 31.  jours.  La  plupart  des  Oifeaux  éclo- 
ieftt  au  bout  de  trois  femaines  ;  quelques  -  uns , 

(«)  Ibid*  Tom.  4.  pa^e  380. 


Corps    Organise' s,    i$î 

comme  le  Serin,  éclofent  au  bout  de  13.  jours, 

315.  Efpéces  vivipares.  Efpèces  ovipares, 
Efpèces  qui  femblent  être  également  vivi- 
pares &  ovipares,  Efpèces  vivipares  & 
Efpèces  ovipares  dans  la  même  claffe  S 
dans  le  même  genre, 
Motrice  ftngulière  c^unç  Mouche  vivipare. 

Tous  les  Quadrupèdes  couverts  de  poils, 
font  vivipares  :  les  grands  Poiffons  nommés 
Cétacées ,  comme  la  Baleine ,  le  Dauphin ,  (Sec. 
le  font  aufli. 

Les  Quadrupèdes  couverts  d'écailles  ,  tels 
que  le  Crocodile ,  la  Tortue  ,  fi  l'on  veut  en- 
core, le  Lézard ,  &  tous  les  Oifeaux,  font  ovi- 
pares, 

La  Salamandre  îerreflre  ,  efpèce  de  petit 
Quadrupède  qui  refTemBle  par  fon  Corps  &  par 
fa  Queue  au  Lézard  ,  par  fa  Tète  &  par  fes 
Pattes  au  Crapaud,  n'eH:  pas  proprement  ovi^- 
pare.  Mr.  de  Maupertuis  qui  aimoit  les  pe- 
tits Animaux  &  qui  fa  voit  les  obferver ,  nous  a 
donné  des  obfer varions  curieufes  fur  cette  Sa- 
lamandre (^).  11  a  trouvé  à  la  fois  dans  fon 
intérieur  des  Oeufs  &  des  Petits  vivants.  Les 
Oeufs  formoient  deux  grappes  femblables  aux 
Ovaires  des  Oifeaux  ,  mais  plus  allongées  ;  6ç 

.(a)  HiÇt.  Nat.   Gen.  ^  part.  Tom.  2.  pag.  319. 

(i)  Mém,  de  l'Acad,  An.  172.7.  pag.  a?.  &  fuiv.  Ib  40» 

K4 


i5a      Considérations  Sur  Les 

les  Petits  plus  agiles  que  les  grandes  Salaman- 
dres 5  étoient  renfermés  dans  deux  longs  tuyaux 
fi  tranfparents  ,  qu'on  les  voyoit  diftinétement 
à  travers.  Le  célèbre  Académicien  compta  42. 
Petits  dans  une  Salamandre  ,  &  54.  d^ns  une 
autre.  Il  a  eu  raifon  d'ajouter,  que  cet  Ani" 
mal  paroît  bien  propre  à  éclair cir  le  myftère  de 
la  Génération  (r/).  11  fournit  au  moins  un  nou- 
vel argument  en  faveur  du  fentiment  des  Phy- 
ficiens  qui  penfent  que  les  Petits  des  Vivipares 
font  renfermés  originairement  dans  des  Oeufs. 
Cela  fe  voit  à  l'œil  dans  la  Salamandre  :  Ton 
n'a  qu'à  l'ouvrir  pour  y  reconnoitre  de  vérita- 
bles Oeufs.  Des  que  les  Petits  font  éclos  ,  ils 
paffent  apparemment  dans  ces  longs  tuyaux  dont 
j'ai  parlé.  11  feroit  à  défirer  ,  que  nôtre  Au- 
teur eût  plus  aprofondi  cette  partie  de  Thiftoire 
de  la  Salamandre  ;  mais  il  eft  allez  clair  qu'elle 
appartient  plus  à  la  claiTe  des  Vivipares  qu'à  cel- 
le des  Ovipares, 

Les  PoifTons  couverts  d'écaillés  ,  les  Gre- 
nouilles &  les  Reptiles ,  tels  que  les  Serpents , 
font  ovipares.  Mais ,  la  Vipère  ,  comme  fon 
nom  Tindique  ,  eft  vivipare.  On  lui  trouve 
aufTi  de  véritables  Oeufs  ,  &  les  Petits  de  la 
Vipère ,  comme  ceux  de  la  Salamandre ,  éclo- 
fent  dans  le  Ventre  de  leur  Mère  Qb ). 

La  clafîe  nombreufe  des  Coquilla^s  nous 
offre  des  efpèces  vivipares  &  des  efpeces  ovi- 

C«)  Mém.  de  VAcad.  An.  17^7.,  pag.  32.  in  40. 
{h)  Hi[t,  Nui,  Gm,  &ç,  Tom,  2,  pag.  311. 


Corps    Organise' s.     153 

pares.  La  plupart  des  Conques  font  vivipares  ; 
quelques  Limaçons^  comme  XTet ^  le  font  auiTi 
(^û').  Les  Limaçons  terjeftres  ,  les  Pourpres 
&  quantité  d'autres  Coquillages  ,  font  ovipa- 
res (Z').  £n  général,  il  paroit  qu'il  y  a  beau- 
coup plus  de  Coquillages  ovipares ,  que  de  vi- 
vipares. 

Il  en  eft  de  même  de  la  clafTe  plus  nom- 
breufe  encore  des  ïnleclcs  :  la  plupart  font  ovi- 
pares ,  mais  les  Scorpions ,  les  Progallinfecles , 
les  Cochenilles  ,  les  Cloportes  font  vivipares. 
Les  Animalcules  des  Liqueurs  grolTiroient  fins 
doute  beaucoup  cette  courte  lifte.  Je  viens  de 
nommer  les  Trogallïnfecies  ;  ce  font  de  fiiujjes 
Gallinfecles ,  qu'on  diftingue  des  vrayes  par  les 
incifions  annulaires  qu'elles  retiennent  toujours, 
&  qui  s'effacent  entièrement  dans  les  Gallinfec- 
tes  proprement  dites  Çr).  La  Cochenille  qui 
eft  devenue  un  fi  grand  objet  de  commerce ,  & 
dont  la  véritable  nature  avoit  été  fi  long-tems 
inconnue  ,  efl:  une  ProgalUnfecte  Qd'),  Les 
Vers  de  terre,  les  Sang-fuës  ,  les  Arraignées, 
les  Poux  ,  les  Puces ,  les  Sauterelles  ,  les  Pa- 
pillons ,  les  Scarabés ,  la  plupart  des  Mouches 
à  deux  ailes ,  prefque  toutes  les  Mouches  à 
quatre  ailes  &c.  pondent  des  Oeufs.  Mais  il 
eftalTez  remarquable,  que  dans  le  même  genre 

(a";  Hift.  Nat.  du  Sénégal,  pag.  58.  delà  Déf.  des  F  orties, 

(b)  Ibid  . 

(c)  Mém,  pour  fervir  à  l'H'ifi.  des  InJ.  Tom.  4.  pag.  81. 
{d)  Ibid.  pag.  87.  &  fui  van  ces. 

K  S 


154     Considérations  Sur  les 

d'Infeftes  ,  il  y  ait  des  efpèces  vivipares  &  des 
efpèces  ovipares.  Mr.  de  Reaumur  fait 
mention  de  fix  à  fept  efpèces  de  Mouches  à 
deux  ailes  ,  qui  mettent  au  jour  des  Petits  vi- 
vants C*^}'  ^^  ^^^^  ^^^  ^^^'^  ^"'-^i  ^^  transfor- 
ment par  la  fuite  en  des  Mouches  femblables  à 
leur  Mère.  La  Matrice  d'une  de  ces  Mouches 
efl  une  petite  curiofité  :  elle  eft  formée  d'une 
lame  roulée  en  fpirale  ,  longue  d'environ  deux 
pouces  &  demi,  c'efl- à-dire,  fept  à  huit  fois  plus 
longue  que  le  Corps ,  &  toute  compofée  de 
Vers  placés  les  uns  à  côté  des  autres  avec  beau- 
coup d'art,  &  au  nombre  de  plus  de  vingt  mil- 
le (^). 

3 1 6.  Efpèces  vivipares  âf  ovipares  à  la  fols. 
Les  Pucerons  â?  les  Polypes  à  Pennache. 

.  r  Nous  avons  vu  que  les  Pucerons  font  à  la 
fois  vivipares  &  ovipares  ,  mais  en  diiférens 
tems  de  l'année.  Il  y  a  dans  les  eaux  douces 
des  Polypes  à  Pennache^  qui  multiplient  comme 
ceux  à  Bras ,  par  Rejettons ,  &  dont  les  Re- 
mettons font  logés  dans  des  tuyaux  analogues  à 
ceux  des  Polypes  de  Mer  dont  j'ai  parlé  Article 
i88.  Mr.  Trembley  a  décrit  ces  Polypes  àPeU" 
nache  &  leur  manière  de  multiplier  dans  le  s^fne. 
Mémoire  de  fon  Hiftoire  des  Polypes.  C'ell 
cette  efpèce  de  Polype  qui  a  mis  fur  les  voyes 
de  reconnoître  que  diverfes  Productions  mari- 
nes qu'on  avoit  prifes  pour  des  Plantes,  ne  font 

(«)  Ihii.  page  406. 

(i)  lb\i,  pag.  415,  &  ruirantes. 


Corps    Organise' s.     155 

que  des  Polypiers ,  ou  des  afTemblages  de  tuyaux 
dans  chacun  desquels  un  Polype  eft  logé.  MM. 
DE  Reaumur  &  B.  DE  JussiEU  fe  font  afllirés 
que  les  Polypes  à  tennache ,  lorsqu'ils  font  déjà 
vieux  ^^ peut-être  prêts  à  périr ,  pondent  des- 
Oeufs  bruns,  un  peu  applatis,  JIs  ont  vu  des 
Petits  naître  de  ces  Oeufs  (^)  :  ainfi  ces  Poly- 
pes font  réellement  vivipares  &  ovipares  à  la 
fois  3  car  les  Rejettons  qu'ils  pouffent  de  diffé- 
rents points  de  leur  Corps ,  font  des  Petits  vi- 
vants. Si  les  Graines  peuvent  être  comparées 
aux  Oeufs  de  ces  Polypes ,  fi  les  Branches  ref- 
femblent  aux  Rejettons  de  ces  derniers ,  on  pour- 
roit  dire  qu'ils  font  vivipares  &  ovipares  à  la 
ipanière  des  Végétaux. 

317.  Nouvelle  obfervûtion  ûe  Mv.Tremble'i 
fur  une  efpèce  de  Polype  à  Pennache  , 
doî'it  les  Oeufs  peuvent  être  confervés  au  fec 
pendant  plu  fleurs  mois, 

Mr.  Trembley  ,  à  qui  il  avoit  été  réfervé  de 
nous  découvrir  un  nouveau  Monde  dans  les  Po- 
lypes, m'a  communiqué  une  obfervanon  inté- 
rellante  fur  une  efpèce  de  Polypes  à  Pennache^ 
différente  de  celle  qu'il  a  décrite  dans  fes  Mé- 
moires. ]e  raporterai  cette  obfervation  avec 
d'autant  plus  de  plaifir ,  que  tout  ce  qui  vient  de 
cet  excellent  Obfervateur,  eft  précieux ,  &  que 
d'ailleurs  il  ne-  l'a  point  encore  publiée  :  la 
voici  donc  dans  fes  propres   termes.     VeJ^èce 

(«)  Mém.  pur  Servir  k  l'HiJi,  dss  In/eci.  Tom.  6.    Préface^ 
pag.  7<5. 


156         COHSIDERATIONS   SuR  LeS 

de  Polypes  à  Pennache  ^  dont  les  tuyaux  fe  rami- 
fient le  plus ,  eft  celle  dont  les  Oeufs  ont  été  le  plus 
obfervés.  Ils  fe  trouvejjt  dans  la  cavité  de  ces 
tuyaux.  Ils  y  paroijj'ent  environ  dans  le  mois 
,  d'Aouft,  Ils  font  d'abord  blancs ,  &  deviennetit 
enfuit  e  bruns.  Ih  font  à  peu  près  ronds ,  un  peu 
ûpplatiSy^  le  tour  garni  dune  efpèce  de  bourlet^ 
fort  peu  relevé.  Au  mois  de  Septembre ,  on  trou* 
ve  des  amas  de  Polypiers  de  Polypes  à  Pennache , 
qui  renferment  un  prodigieux  nombre  d'^Oeufs. 
Les  Polypiers  fe  décomposent  &  périjfent  la  plu- 
part peu  à  peu.  Les  Oeufs  en  fortent  à  mefurt 
&  font  élevés  par  leur  légèreté  fur  la  fur  face  de 
leau.  yen  ai  amaffé  une  très  grande  quantité 
en  Angleterre  en  1745.  'Je  les  ai  fait  fécher  à 
V  ombre,  y  ai  emporté  ces  Oeufs  en  Hollande  dans 
un  papier ,  comme  faurois  fait  de  la  Graine  de 
Vers  à  Soye.  Je  les  ai  gardés  au  fec  depuis  le 
mois  de  Septembre  jusqû au  mois  de  Janvier  fui" 
vanî.  Je  les  ai  mis  alors  fur  la  fur  face  de  l'eau 
que  je  tenois  dans  de  grands  vafes ,  qui  étoient 
dans  mon  cabinet.  Au  printemps ,  fai  vu  plU' 
fleurs  de  ces  Oeufs  s"* ouvrir'^  les  commencemens 
d'un  Polype  à  Pennache ,  paraître  fur  une  matiè- 
re blanchâtre  ;  cette  matière  s'étendre  peu  à  peu , 
&  fe  ramifier,  A  mefure  qvUlle  fe  ramifioit  ou 
'végétait ,  ilfortoit  de  ces  ramifications ,  de  nou- 
veaux Polypes. 

318.  Raifons  qui  indiquent  que  les  Polypes  à 
Bvsis  font  vivipares  &  ovipares. 

Pourquoi  certaines  efpèces  font  à  la  fois  vivi' 
pares  &  ovipares. 


Corps    Organise' s.     157 

Comment  les  Oeufs  des  Poîjfons  peuvent  repeu* 

pler  des  étangs  defjechès. 
Expérience  à  tenter  fur  ce  fujet. 

Les  Polypes  à  Bras  en  forme  de  Cornes ,  dont 
j'ai  tant  parlé ,  multiplient ,  comme  nous  l'avons 
vu  (<^),  pcir  Rejetions:  ces  Rejettons  font  de 
véritables  Polypes  naillants ,  qui  fortent  du  Corps 
de  leur  Mère,  comme  une  Branche  fort  du  tronc 
d'un  Arbre.    Ces  Polypes  font  donc  vivipares; 
mais  ce  font  des  vivipares  bien  différents  de  tous 
ceux  que  nous  connoiffions  auparavant.    Si  l'on 
"vouloit  les  caraélérifer  il' faudroit  inventer  un 
nouveau  terme  &  les  nommer  Ramîpares  ;  car 
il  eft  bien  évident  que  ces  Infeéles  font  vivipa- 
res ,  plutôt  à  la  manière  des  Arbres ,  qu'à  celle 
des  Quadrupèdes  &  des  autres  Animaux,  qui 
mettent  au  jour  des  Petits  vivants.     Il  n'eft  pas 
encore  démontré  que  les  Polypes  à  Bras  en  for- 
me de  Cornes  foient  auffi  ovipares ,  &  c'eft  un 
point  de  leur  hiiloire  qui  refte  à  éclaircîr.     Mr. 
Trkmbley  a  vu  fur  leur  Corps  de  petites  excref- 

•  cences  fphériques ,  qui  y  tenoient  par  un  court 
Pédicule.  Il  a  obfervé  que  ces  excrefcences  fe 
détachoient  du  Polype  auboutdeqtielque  tems, 
&  qu'elles  tomboient  au  fond  du  Vafe.  Toutes 
fe  reduifoient  à  rien;  mnis  il  en  a  vu  une  qu'il 

•  n'a  ofé  aflurer  être  devenue  un  Polype ,  parce 
■'qu'il  n'avoit  pu  la  fuivre  fans  interruption,  & 

qu'il  y  avoit  de  pefits  Polypes  dans  le  môme  va- 
fe.   Lorsqu'il  revint  examiner  cette  excrefcen- 


158      Considérations  Sur  Les 

ce ,  il  trouva  à  la  place  où  il  l'avoit  lailTée  deux 
jours  auparavant ,  un  Polype  informe ,  qui  pa- 
roijjoit  réellement  venir  d'un  Corps  fphèrique , 
qui  s'allongeoit  du  côté  par  lequel  il  touchoit  le 
fond  du  verre.  Le  côté  oppofé  étoit  encore  ar- 
rondi^ &  l'on  y  appercevoit  les  bouts  de  trois  Bras 
qui  commençoient  à  fortir.  Peu  à  peu  ce  Polype 
s'allo?7gea ,  è*  prit  la  forme  ordinaire  de  ces  Ani- 
maux (^ci^* 

Il  y  a  tant  de  rapport  entre  les  Polypes  r>^rjj 
&  les  Polypes  à  Pennache ,  qu'on  ne  peut  guè- 
res  douter  que  les  exerefcences  dont  je  viens  de 
parler,  ne  foient  des  efpèces  d'Oeufs^  &  que 
les  premiers  comme  les  derniers  ne  foient  à  la 
fois  vivipares  &  ovipares.  11  eft  des  tems  & 
des  circonftances  où  l'elpèce  peut  fe  conferver 
par  le  moyen  des  Rejetions ,  &  il  en  effc  d'autres 
où  elle  ne  fauroit  apparemment  fe  perpétuer  que 
par  le  moyen  des  Oeufs,  Les  Pucerons  nous 
en  ont  déjà  donné  un  exemple  :  les  Petits  qui 
naîtroient  en  automne  nepourroientfubfifterfur  , 
les  Arbres  pendant  l'hiver  ;  ils  font  alors  cachés 
dans  des  Oeufs,  &  n'éclofent  qu'au  retour  du 
printemps.  Nous  avons  vu ,  il  n'y  a  qu'un  mo- 
ment ,  que  Mr.  Trembley  a  confervé  4  à  5  mois 
au  fcc ,  les  Oeufs  d'une  efpèce  de  Polypes  à 
Pennache^  qu'il  les  a  enfuite  femés  fur  l'eau  com- 
me des  Graines  de  Plantes  aquatiques ,  &  que 
ces  Graines  animales  ont  donné  des  Polypes  de 
la  même  efpèce.  Ainfi  une  mare  qui  auroic 
été  très  peuplée  de  ces  Polypes  &  qui  demeu* 

(a)  Mèm.Jur  les  Ptlyp.  ^c.  Tom.  2.  page  97  &  98, 


Corps    Organise' s.     159 

reroit  à  fec  pendant  quelques  mois ,  pourroit  en- 
core s'en  trouver  très   peuplée  au  retour  des 
pluyes  :  les  Oeufs  qui  fe  feroient  confervés  dans 
la  vafe  donneroienc  naiiî^mce  à  de  nouvelles  Gé- 
nérations de  Polypes.    C'eft  ce  que  Texpérience 
a  confirmé  à  Mr.  Trembley,  foit  à  l'égard  des 
Polypes  à  Penmche ,  foit  à  l'égard  des  Polypes 
à  Bras  en  forme  de  Cornes:  il  a  vu  des  Polypes 
de  cette  féconde  efpèce  ,   reparoître  dans  des 
lieux  qui  avoient  été  quelque  tems  à  fec.     On 
pourroit  conjecturer  avec  vraifemblance ,  que  les 
Oeufs  des  PoifTons  fe  confervent  de  la  même 
manière  au  fond  des  étangs  deiTéchés ,  qu'ils  re- 
peuplent quand  ces  étangs  fe  reraplifîent  de  nou- 
veau.    C'eft  au  moins  ce  qu'on  a  obfervé  avec 
furprife  dans  un  étang  mis  à  fec  &  repeuplé  en- 
.  fuite  des  mêmes  PoifTons  dont  on  ne  pouvoic 
découvrir  l'origine.     L'on  imaginoit  que  des  Ci- 
gognes ayant  porté  dans  leur  Bec  de  ces  Poif- 
fons ,  les  avoient  lailfé  tomber  par  hazard  dans 
rétang  rempli  de  nouveau ,  &  que  c'étoit  à  ces 
PoifTons  qu'étoit  due  la  nouvelle  peuplade.    El- 
le rétoit  peut  -  être  aux  Oeufs  demeurés  dans  la 
vafe  &  qui  avoient  pu  s'y  conlerver  fains.    Ce 
feroit  une  expérience  curieufe  à  tenter ,  que  cel- 
le de  garder  ^/^y^r  les  Oeufs  de  diverfes  efpèces 
de  PoifTons ,  &  de  les  répandre  enfuite  dans  des 
lieux  convenables  &  apropriés.    On  s'alTureroit 
,  par  ce 'moyen  très  fimple  s'ils  peuvent  fervir  ain- 
fi  à  perpétuer  l'efpèce.    La  Nature  n'a  pas  été 
alTuiettie  à  une  précifion  extrême  ;  il  eft  dans 
fa  manière  d'opérer ,  une  certaine  latitude  que  le 


i6o      C;ONsiDERATroNs  Sur  Les 

Phyficien  doit  étudier ,  &  que  rExpérience  lui 
découvre.  On  n'a  pas  oublié  ce  que  j'ai  rappor- 
té dans  le  Chapitre  X.  du  Tome  I.  fur  la  maniè- 
re d'abréger  &  de  prolonger  a  volonté  la  durée 
de  la  vie  de  divers  Animaux.  En  confervantau 
fec,  pendant  4^5  mois,  des  Oeufs  de  Poly- 
pes, on  prolonge  réellement  d'autant  la  durée 
de  la  vie  des  Germes  logés  dans  ces  Oeufs.  Com- 
bien de  Générations  de  Polypes  fc  feroient  fuc- 
cédées  durant  cet  intervalle  de  tems ,  11  les  Oeufs 
avoienc  été  laiiTés  dans  leur  élément  naturel  ? 

319.  EJpèces  qui  ne  font  proprement  ni  vivi' 

pares  ni  ovipares. 
Les  Polypes  qui  multiplient  par  divifions  ^ 

fiihdivifions  naturelles. 
Manière  dont  on  peut  concevoir  la  Génération 

des  Polypes  à  Bulbes. 
Réflexions  fur  la  flru^ure  des  Polypes  &  fur 

l'Animalité. 

Lrs  Petits  des  Ovipares  fortent  du  V^entre  de 
leur  Mère  renfermés  fous  une  Enveloppe  molle 
ou  crultacée.  Nous  nommons  cette  Envelop- 
pe, un  Oeuf^  &  nous  difons  que  les  Petits  éclo- 
fent  quand  ils  fortent  de  l'Oeuf.  Les  décou- 
vertes de  Mr.  Trkmbley  ,  fur  différentes  efpè- 
ces  de  Polypes  d'eau  douce,  nous  ont  appris 
qu'il  e(t  des  Animaux  qui  femblent  n'appartenir 
proprement  ni  à  la  claffe  des  Vivipares  ni  à  celle 
des  Ovipares ,  &  qui  demandent  à  être  rangés 
dans  une  claiTe  particulière ,  pour  laquelle  nous 

n'a- 


Corps    Organise*  s.     i5i 

n'avons  point  encore  de  nom.    J'ai  donné  dans 
le  Chapitre  XI.  du  Tome  1.  un  précis  de  l'I^iftoi- 
re  des  Polypes  à  Bouquet  :  j'y  ai  raportc  d'après 
Mr.  Trembley  ,  la  manière  fingulière  dont  ils 
multiplient.    J'ai  dit  qu'il  en  a  obfervé  deux  efpè- 
ees ,  dont  j'ai  indiqué  les  caradères  :  les  Poly- 
pes de  l'une  &  de  l'autre  ont  la  forme  d'une  Clo- 
che renverfée.     On  a  vu  que  lorsque  les  Poly- 
pes de  la  première  efpèce  font  fur  le  point  de 
multiplier ,  ils  perdent  leur  forme  de  Cloche ,  & 
prennent  celle  d'un  Corps  arrondi ,  qui  fe  parta- 
ge fuivant  fa  longueur  en  deux  Corps  arrondis 
plus  petits,  qui  ne  tardent  pas  à  prendre  la  for- 
me de  Cloche.     Ce  font  deux  Polypes  parfaits 
attachés  à  la  même  Tige  par  un  Pédicule  propre. 
Ils  s'arrondilfent  enfuite  bientôt ,  &  fe  partagent 
comme  le  premier  en  deux ,  fuivant  leur  longueur. 
Le  Bouquet  efl:  alors  compofé  de  quatre  Clo- 
ches.  Il  continue  à  s'accroître  par  de  femblables 
divifions  &  fubdivifions.     Toutes  les  Cloches 
tiennent ,  comme  autant  de  Fleurs ,  à  une  Tige 
commune ,  &  compofent  ainfi  un  Bouquet  qu'on 
ne  fe  lalfe  point  d'admirer  au  Microfcope ,  & 
qu'on  prendroit  à  la  vue  fimple  pour  une  tache 
de  moifijfure. 

Les  Polypes  à  Bouquet  de  la  féconde  ef- 
pèce, ne  doivent  pas  leur  première  origine  à 
la  divifion  d'une  Cloche  ;  mais  ,  nous  avons 
vu  qu'il  naît  çà  &  là  fur  les  Branches  du  Bou- 
quet de  petits  Boutons  ,  de  petites  Bulbes, 
femblables,  en  quelque  forte,  aux  Galles  des 

ToM.  II.  L 


î6a     Considérations  Sur  les 

Plantes ,  &  qui  grofTiflent  peu  à  peu.    Parvenus 
enfin  à  leur  dernier  terme  d'accroilTeinent ,  ces 
Corps  ronds  ,  ces  efpeces  de  Bulbes  fe  déta- 
chent du  Bouquet ,  &  vont  en  nageant  fe  fixer 
fur  quelque  appui.     lis   s'y  attachent  par  un 
court  Pédicule  qui  s'allonge  en  peu  de  tems. 
Chaque  Bulbe  perd  fa  forme  fphérique  &  de- 
vient ellyptique.      Cette  efpèce  de  Bulbe  eft 
mcomparablement  plus  grolTe  qu'un  Polype  en 
Cloche.     Elle  fe  partage  par  le  milieu  longitu- 
dinalement ,  &  les  divifions  &  fubdivifions  con- 
tinuent de  la  même  manière  dans  tous  les  Bou- 
tons ,  jufques  à  ce  qu'ils  foient  tous  parvenus 
à  n'avoir  que  la  grofiTeur  propre  aux  Cloches. 
Alors  ils  s'épanouïfiTent  &  fe  montrent  fous  la 
forme  de  Cloches.     Toutes  ces  Cloches  font  de 
véritables  Polypes,  &  toutes  font  attachées  aune 
Tige  commune  par  un  Pédicule  particulier.    Le 
Bouquet  5  qui  réiiilte  de  leur  afiémblage ,  acquiert 
enfuite  de  nouvelles  Branches  &  de  nouveaux 
Rameaux  par  la  divifion  même  des  Cloches. 

Cette  courte  récapitulation  de  l'Hiftoire 
des  Polypes  àBouqtiet^  fait  allés  connoitre  ,  que 
leur  façon  de  multiplier  n'a  rien  de  commun 
avec  celle  des  Vivipares ,  ni  avec  celle  des  Ovi- 
pares. \\  faudroit  inventer  des  termes  pour 
exprimer  la  Génération  de  ces  Polypes  ,  & 
nommer ,  fi  l'on  veut ,  ceux  de  la  première  ef- 
pèce GemmiMres ,  &  ceux  de  la  féconde  Bul- 
hipares.  Mais  les  mots  n'augmentent  pas  nos 
connciflances  fur  les  chofes  qu'ils  repréfentent. 
Quand  on  aura  trouvé  des  termes  propres  à 


Corps    Organise' s.    163 

fixer  nos  idées  fur  cette  nouvelle  clafle  de  Corps 
organifés ,  nous  n'en  pénétrerons  pas  mieux  le 
fecret  de  leur  multiplication.  Ils  font  fi  petits , 
que  le  Microfcope  ne  peut  nous  découvrir  que 
leur  forme  extérieure ,  &  tout  ce  qui  fe  pafTe 
dans  leur  intérieur  avant  ,  pendant  &  après  la 
divifion,  nous  demeure  caché.  Combien  de  Faits 
intéreiïants  s'offriroient  ici  à  nôtre  examen  ,  fi 
la  méchanique  de  ces  petits  Corps  étoit  ex- 
pofée  à  nos  yeux  !  Leur  organifation  eft  fans 
doute  très  fimple  ;  nous  en  pouvons  juger  par 
celle  du  Polype  à  Bras.  J'ai  comparé  la  Che- 
nille à  un  Oeuf  (^);  elle  en  fait  au  moins  les 
fondtions  à  l'égard  du  Papillon  ;  mais  cet  Oeuf 
mange  ,  croît  ,  rampe  ,  &;c.  La  Bulbe  ,  qui 
efl  le  principe  d'un  Polype  à  Bouquet  de  la  fé- 
conde efpècQ  ,  feroit-elle  une  forte  à'Ovaire 
animé  ,  qui  renfermeroit  actuellement  tous  les 
Polypes ,  toutes  les  petites  Cloches  qui  naîtront 
de  fa  divifion  ou  de  fa  décompofition  graduelle 
&  fucceffive  ?  Imaginer  cela  &  cent  chofes  pa- 
reilles, c'eft  vouloir  deviner  la  Nature  ,  &  ja- 
mais l'on  ne  court  plus  de  rifque  de  fe  tromper 
en  tentant  de  la  deviner  ,  que  lors  qu'on  ne 
peut  pas  même  s'aider  de  Xanalogie,  L'extrê- 
me fimplicité  de  la  ftruéture  des  Polypes  qui 
nous  font  les  plus  connus  ,  indique  fuflifam- 
ment  que  tous  les  Animaux  de  cette  clalTe  ne 
font  prefque  formés  que  de  Parties  fimilaires, 

(«)  Voyez  le  Chap.  X.  du  Tome  I, 

L  2 


1^4      COÎÏSIDERATIONS   SUR  LeS 

C'efl  ainfi  que  dans  le  Polype  à  Bras  ,  chaque 
fragment ,  &  pour  dire  plus ,  chaque  molécule 
peut  repréfenter  un  Polype  en  petit.    Or  ,  les 
réfultats  naturels  d'une  femblable  ftruélure  doi- 
vent différer  beaucoup  de  ceux  d'une  ilrufture 
fort  compofée  &  où  il  entre  un  grand  nombre 
de  Parties  diffimilaîres.    Les  Polypes  femblent 
occuper  les  plus  bas  échellons  de  l'Echelle  de 
V Animalité:  places  à  une  fi  prodigieule  dillan- 
ce  de  l'Homme  &  des  grands  Animaux,  il  fe- 
roit  peu  philofophique  de  fe  croire  toujours  en 
droit  de  tirer  des  induélions  des  uns  aux  autres. 
Mais ,  nous  avons  puifé  chez  les  grands  Ani- 
maux des  idées  d'Oeufs,  d'Ovaire,  de  Matri- 
ce, de  Ponte,  d'Accouchement,  &c.  &  nous 
tranfportons  ces  idées ,  fans  y  réfléchir ,  à  tout 
ce  qui  a  le  caradère  d'Animal.     Nous  ne  fouî- 
mes pourtant  pas  encore  parvenus  à  fixer  nos  i- 
dées  fur  X Animalité ,  &  les  Polypes  nous  ont 
appris, que  des  caractères o^^xi  avoir  jugés  pro- 
pres au  Végétal ,  conviennent  aulTi  à  l'Animal. 
Les  Polypes  nous  apreni:ent  donc  à  ufer  fo- 
brement  de  VinduBioîi.     Je  fais  que  nos  con- 
noiffances  s'étendent  par  la  voye  des  compa- 
raifons  ;  mais  je  n'ignore  pas  non  plus ,  que  VArt 
de  comparer  a  fes  règles  fur  lefquelles  les  Logi- 
ques ordinaires  n'infiltent  pas  afles.     Ne  com- 
parons donc  les  Polypes  qu'à  eux-mêmes  ou 
aux  Etres  dont  ils  paroifTent  fe   raprocher  le 
plus.     C'efl  ce  que  j'ai  effayé  de  faire  dans  les 
deux  premiers  Chapitres  de  ce  Volume  ,  lor^ 
que  j'ai  tenté  de  rendre  raifon  des  Boutures  & 


Corps    Organise 's.     165 

des  Greffes  animales.  Cependant  comme  il  n'efl 
pas  toujours  facile  d'inventer  des  termes  qui  re- 
préfentent  parfaitement  des  objets  dont  on  n'a- 
voit  point  encore  les  idées  ,  il  arrive  quelque- 
fois qu'on  fe  fert ,  pour  cet  effet ,  de  termes  déjà 
confaerés  à  fignifîer  des  objets  très  connus ,  & 
cet  ufage  ne  fauroit  être  vicieux  dès  qu'on  a 
foin  de  montrer  la  différence  des  objets  repré- 
fentés  par  les  mêmes  termes.  Ainfi ,  lors  que 
je  me  fuis  fervi  de  ces  expreffions ,  que  le  Po- 
lype eft  tout  Ovaire ,  je  n'ai  point  prétendu  don- 
ner à  entendre,  que  le  Polype  entier  fût  un 
Ovaire  femblable  à  ceux  que  nous  connoiffons, 
ni  qu'il  renferm-it  des  Oeufs  femblables  à  ceux 
des  autres  Infeéles  \  mais  ,  j'ai  voulu  fimple- 
ment  faire  entendre  en  peu  de  mots ,  qu'au  lieu 
que  chez  la  plupart  des  Animaux ,  les  Embrions 
font  raifemblés  dans  un  lieu  particulier ,  ils  font 
répandus  chez  le  Polype  dans  toute  l'étendue 
de  fon  Corps. 

3  20.  Mouvemens  remarquables  que  fe  donnent 
la  Tige  &  les  Branches  des  Pflypes  à  Bou- 
quet. Principe  de  ces  mouvemens  ^  &  C6 
que  font  les  Branches, 

Je  ne  l'ai  pas  dit  encore  ,  &  je  dois  le  dire 
à  préfent ,  pour  faire  mieux  fentir  la  difficulté 
d'expliquer  la  Génération  des  Polypes  à  Bow 
quet ,  &  pour  juftifîer  le  filence  que  j'ai  gardé 
fur  ce  fujet  à  la  fin  du  Chapitre  IL  de  ce  Vo- 
lume :  la  Tige  &  les  Branches  ne  compofenÈ 

L  3 


t66     Considérations  Sur  Li$ 

avec  les  Cloches  qu'un  feul  Tout  organique ,  & 
le  même  principe  de  vie  paroit  animer  les  unes 
&  les  autres.    La  Tige^  &  les  Branches  font 
fufceptibles  de  mouvemens  très  remarquables , 
&  qiti  fe  diverfifient  beaucoup.     Dans  une  ef- 
pèce  de  ces  Polypes  à  Bouquet  ,  qu'on  pour- 
roit  nommer  Polypes  en  Houppe ,  à  caufe  de  la 
forme  du  Bouquet,  la  Tige  &  les  Branches  fe 
retirent  fur  elles  -  mêmes  avec  une  promptitu- 
pe  extrême ,  pour  peu  qu'on  agite  l'eau.     Elles 
exécutent  ce  mouvement  en   fe   difpofant  en 
fpirales,  dont  les  tours  fe  touchent  tous  ou  à  peu 
près.    Chaque  Branche  peut  fe  retirer  indépen- 
damment d'une  autre  Branche.     Mais  lors  que 
la  Tige  fe  retire ,  toutes  les  Branches  fe  retirent 
aulTi.     Dès  que  le  calme  eft  rendu  aux  Poly- 
pes 5  la  Tige  &  les  Branches  s'étendent  ou  fe 
déployent  de  nouveau.     Lors  que  le  Bouquet 
eft  déjà  fort  avancé ,  la  Tige  ne  fe  retire  plus  ; 
on  diroit  qu'elle  s'eft  endurcie.     Les  Cloches , 
comme  je  l'ai  dit ,  fe  détachent  enfin  du  Bou- 
quet :  quand  il  en  eft  fort  dégarni  ,  les  Bran- 
ches ne  fe  retirent  plus  avec  la  même  prompti- 
tude ;  &  lors  que  le  Bouquet  efl  encore  plus 
dégarni  de  Cloches,  il  n'y  a  plus  que  les  Bran- 
ches qui  en  font  pourvues ,  qui  fe  retirent  en- 
core. Enfin  ,  lors  que  le  Bouquet  a  perdu  tou- 
tes fes  Cloches ,  les  Branches  ne  jouent  plus. 
On  peut  inférer  de  ces  Faits  ,  que  le  principe 
de  ces  mouvemens  eft  dans  les  Cloches.     Ce 
font  elles  aufll  qui  fourniffent  à  l'accroifiTement 
de  la  Tige  &  des  Branches.    Jl  ne  faut  pour- 


Corps    Orcanîs  e's.     î6^ 

tant  pas  comparer  ces  Branches  à  celles  des 
i\rbres  ;  elles  font  plutôt  des  efpèces  de  Raci- 
neâ  que  pouffent  les  Cloches,  &  qui  fe  dévelop- 
pent peu  à  peu.     Quand  un  de  ces  très  petits 
Polypes  fe  détache  d'un  Bouquet ,  il  va  en  na- 
geant fe  fixer  contre  quelque  appui.      Il  fort 
de  fa  Partie  inférieure  un  court  Pédicule  qui  l'at- 
tache à  cet  appui.    Ce  Pédicule  s'allonge  de  plus 
en  plus,  Se  bientôt  il  devient  la  Tige  d*un  nouveau 
Bouquet.     Le  Polype  placé  à  l'extrémité  de  la 
Tige  fe  partage  en  deux  inégalement.    Le  plus 
gros  Polype  demeure  attaché  au  bout  de  cette 
Tige  ;  l'autre  fe  trouve  placé  un  peu  plus  bas. 
Il  poulie  auffi  un  Pédicule  par  lequel  il  tient  à 
la  Tige.     Ce  Pédicule  s'allonge    &   c'eft  une 
Branche.     Le  Polype  placé  au  bout  de  cette 
Branche ,  fe  partage  bientôt  comme  le  premier, 
&  poulfe ,  comme  lui ,  un  Pédicule  ,  &  voilà 
une  nouvelle  Branche  qui  s'implante  fur  la  pre- 
mière ,   &c.     AinCi  ce  ne  font  pas  les  Bran- 
ches qui  produifent  les  Cloches  ,  comme   une 
Branche  végétale  produit  un  Bouton  ou   une 
Fleur  ;  mais  ce  font  les  Cloches  qui  produifent 
les  Branches ,  &  celles  -  ci  celTent  de  croître  dès 
que  celles  -  là  s'en  féparent  naturellement  ou  par 
accident. 

Les  Polypes  à  Bulbes  font ,  comme  Ton  a 
vu,  au  nombre  des  Polypes  à  Bouquet.     D'une  x 
Tige  commune  partent  huit  à  neuf  Branches 
principales ,  qui  font  avec  la  Tige  un  angle  un 
peu  plus  grand  qu'un  droit.     De  toutes  ces 

L  4 


i68    Considérations  Sur  Les 

Branches  fortent  des  Branches  latérales  plus  pe- 
tites ;  &  à  l'extrémité  des  unes  &  des  autres  efl 
une  Cloche  ou  un  Polype.  Quand  on  touche 
légèrement  le  Bouquet,  &  fouv^ent  fans  qu'on 
le  touche ,  les  Branches  fe  replient  fubitement 
de  dehors  en  dedans ,  &  en  le  raprochant  elles 
fe  difpofent  de  façon  à  former  une  petite  maffe 
ronde.  La  Tige  fe  retire  en  même  tems ,  &  fe 
plie  de  la  même  manière  que  l'on  plie  une  me- 
fure  qui  a  des  charnières ,  en  deux  ou  trois  en- 
droits. 

321.  Nouvelle  découverte  de  Mr.  Trembley 

fur  les  Polypes  en  Nafîes. 
Corps  oviformes  auxquels  ils  doivent  leur  ori" 

gine. 
Singularité  de  leur  manière  de  naître,   Remar- 

ques  fur  ce  fujet. 

Il  femble  que  les  Polypes  foient  faits  pour 
déranger  toutes  nos  idées  d'œconomie  animale. 
Je  l'ai  dit ,  &  je  ne  crains  point  de  le  répéter  ici , 
ils  ont  été  conltruits  fur  des  modèles  qui  diffè- 
rent fi  prodigieufement  de  tous  ceux  qui  nous 
étoient  connus ,  que  nous  fommes  mêmes  em- 
baraifés  à  nommer  ce  qu'ils  nous  montrent.  Nous 
entendons  par  un  Oeuf  un  corps  rond  ou  oblon^, 
dont  l'Enveloppe  ,  foit  molle  ,  foit  cruftacée 
renferme  avec  différentes  fubflances,  un  Embrion 
appelle  à  y  prendre  fes  premiers  accroillemens.  ; 
Il  efl:  une  efpèce  très  fmgulière  de  Polypes  qui 
paroilfent  d'abord  fous  la  forme  d'un  très  petit 
Corps  oblong  &  blanchâtre,  qu'on  jugeroit  être 


Corps    Organise'*.      i5^ 

un  Oeiif^  &  qui  pourtant  n'en  efb  point  un.  li 
efl:  l'Animal  lui-même  déguifé  Ibus  cette  appa- 
rence trompeufe.  C'ell:  encore  une  découverte 
de  Mr.  Trembley,  qu'il  n'avoit  point  rendue 
publique ,  &  dont  il  m'a  fait  part.  Je  la  produis 
ici  dans  les  propres  termes  de  l'Auteur. 

Voici  m'écriv^oit  -  il ,  de  quelle  manière  multi- 
plie rEfpèce  de  petit  Infe&e  aquatique  que  fat 
appellée  Polypes  en  Naffes ,  â?  que  je  nai  décrite 
encore  nulle  part.  On  les  trouve  rajjemhlés  en  grou- 
pes ,  &  fixés  fur  tous  les  Corps  qui  fe  rencontrent 
dans  les  eaux.  Comme  T Animal  efttranfparent  y 
on  voit  qu'' il  fe  forme  au  dedans  de  lui  ^tm  corps 
oblong  é'  blanchâtre.  Ce  corps  ,  lors  qu'il  efl 
formé ,  de/cendenfuite  peu  à  peu ,  fort  du  Polype 
par  un  endroit  marqué  ^  &  rejïe  fixé  perpendicu- 
lairement fur  le  Polype.  Chaque  jour  ils'enpro' 
duit  un  nouveau ,  ^  le  groupe  qui  fe  forme  fur 
le  corps  du  Polype ,  augmente.  Ces  petits  corps 
oblongs  font  des  efpèces  d'Oeufs,  ils  n'ont  point 
de  Peau  ou  de  Coque.  Sept  ou  huit  jours  après 
quils  font  fortis  du  corps  du  Polype ,  ils  fe  dévelop- 
pent. Ce  développement  efl  l'affaire  de  peu  de 
minutes  \i  après  lequel  ils  font  tels  que  leur  Mère. 

Je  connois  d'autres  efpèces  de  petits  Polypes 
d'eau  douce ,  qui  pour  le  fond  multiplient  de  la 
même  manière,  Je  puis  ajouter  qu'ils  font  tous 
Mère. 

Les  petits  Boutons  qui  s'élèvent  çà  &  là  fur 

I-  5 


170    Considérations  Sur  Les 

le  Corps  des  Polypes  h  Bras  (  ^  )  ,  &  qui  folit 
autant  de  Polypes  naiilans ,  paroiirent  d'une  na- 
ture fort  analogue  à  celle  de  ces  petits  Corps  ovi- 
formes  qui  deviennent  des  Polypes  en  Nû/Jes. 
Les  uns  &  les  autres  font  de  petits  Toi/ (s  orga- 
nifés,  qui  prennent  leurs  premiers  accroilTemens 
à  découvert ,  au  lieu  que  les  Petits  des  Ovipares 
prennent  les  leurs  dans  une  efpèce  de  boëte  ou 
de  fac.     Repréfentez- vous  un  Oifeau  qui  naî- 
troit  fans  enveloppe,  replié  fur  lui-même  en 
forme  de  boule,  &  qui  fe  déployeroit  enfuitepeu 
à  peu  5  &  vous  aurez  une  image ,  à  la  vérité 
très  'imparfute ,  de  la  manière  dont  naiflent  les 
Polypes  en  NaJJes.    L'on  peut  conjeéturer  avec 
vraifemblance ,  que  tandis  que  le  Polype  eil  dans 
fon  premier  état  de  Corps  ovifhrme ,  toutes  fes 
Parties  foit  extérieures ,  foit  intérieures ,  ont  des 
formes ,  des  proportions ,  des  fituations  qui  dif- 
fèrent beaucoup  de  celles  qu'elles  auront  dans 
l'Animal  développé.     L'on  n'a. pas  oublié  les 
changemens  que  le  Poulet  fubit  dans  l'Oeuf  (Z^)  : 
nous  n'admirerions  fins  doute  pas  moins  ceux 
que  le  Polype  en  Nûjjes  fubit  hors  du  Corps  de  la 
Mère ,  fi  nos  Microfcopes  pouvoient  atteindre 
à  cet  ordre  d'infinimens  petits.     11  fe  fait  aulTi 
une  forte  de  Génération  à  découv^ert  dans  les 
Parties  que  réproduifcnt  les  divers  Infedes  qu'on 
multiplie  en  les  coupant  par  morceaux.     C'eft 
fur  tout  chez  les  Vers  de  terre  qu'on  peut  fuivre 
à  l'oeil  les  progrès  d'un  développement  fi  remar- 

(û)  Article  185. 
(i>)  Article  146. 


Corps    Organise' s.     171 

quable  &  qu'on  ne  fe  lafle  point  de  revoir.  Je 
m'en  luis  beaucoup  occupé  dans  le  Chapitre  I. 
de  ce  Volume  :  nous  ne  préfumerons  pas  que 
ces  différentes  Parties  qui  naiflent  fous  nos  yeux, 
fuirent  renfermées  originairement  dans  de  véri- 
tables Oeufs,  Nous  foupçonnerons  plus  volon- 
tiers, qu'elles  ont  pour  principe  de  petits  Corps 
analogues  à  ceux  qui  font  le  principe  des  Poly- 
pes en  Naljes. 

322.  Efpèce  dont  les  Petits  ndijfenî  aujjî  grands 

que  leur  Mère. 
La  Mouche  -  Araignée. 
Principes  fur  les  Métamorphofes  des  Infediès 
'        en  général. 

De  la  Métamorphofe  en  boule -allongée  en 

particulier, 
JSouvelle  preuve  de  la  fauffeîê  de  l'Epigénéfe. 

S'il  eft  une  loi  de  la  Nature ,  qui  paroifle  ne 
devoir  fouifrir  aucune  exception ,  c'efl  afluré- 
ment  celle  qui  veut  que  tout  Animal  ait  à  croî- 
tre après  fa  naiffance.  Une  Mouche  qui  fe  tient 
fur  les  Chevaux  ,  que  Ton  trouve  auili  dans 
les  Nids  des  Hirondelles ,  &  que  la  forme  a- 
platie  de  fon  Corps  a  fait  nommer  par  Mr.  de 
Reaumur  Mouche- Araignée^  nous  offre  en  ce 
genre  un  prodige  que  fllluflre  Obfervateur  nous 
décrit  ,  à  fon  ordinaire  ,  d'une  manière  bien 
propre  à  intéreffer  nôtre  curiofité. 

„  Si  quelqu'un,  dit -il  (^),  au  retour  d'un 
5,  voyage  en  des  Pais  très -éloignés  &  peu  fré^ 

(«)  Tom,  6.  des  Mémoires  fur  Us  Infe&es,  Préface  page  4I4 


172     Considérations  Sur  Les 

,,  quentés,  ofoit  nous  raconter  qu'il  a  vu  un  grand 
„  Oifeau ,  une  Poule ,  par  exemple ,  d'une  cer- 
,5  taine  efpèce ,  qui  pond  un  Oeuf  d'une  grof. 
55  feur  déméfurée ,  duquel  fort  un  Poulet ,  qui 
,,  dès  l'inflant  qu'il  eft  hors  de  la  Coque,  n'a 
5,  plus  à  croître ,  parce  qu'il  égale  fa  Mère  en 
5,  grandeur ,  ou  même  le  Coq  par  qui  elle  a  été 
„  fécondée;  fi  quelqu'un  ,  dis -je,  ofoit  nous 
„  rapporter  un  pareil  Fait,  croirions  -  nous  qu'il 
„  méritât  d'être  écouté  ?  Quand  il  fattribuëroit 
„  à  rOifeau  de  la  plus  petite  efpèce ,  à  un  Co- 
„  libri,  ou  à  un  Oifeau  -  Mouche ,  fon  récit  ne 
„  nous  en  fembleroit  pas  moins  fabuleux.  L'i- 
„  magination  ne  fauroit  fe  prêter  à  concevoir  un 
„  Animal  qui  dès  le  moment  de  fa  naiflance ,  a 
„  toute  la  grandeur  de  fon  Père  ou  de  fa  Mè- 
„  re  :  qu'on  veuille  nous  le  faire  croire  d'un 
„  Eléphant,  d'un  Colibri,  ou  d'une  Mouche, 
j,  la  difficulté  fera  par -tout  la  même.  Il  efl: 
5,  pourtant  très  vrai ,  &  je  n'oferois  l'alfurer ,  fi 
„  pour  le  revoir  il  falloit  aller  aux  Indes ,  qu'il 
jj  y  a  une  Mouche,  c'eft  nôtre  Mouche- Araig- 
j,  née ,  qui  pond  un  Oeuf  fi  gros ,  qu'on  a  peine 
3,  à  concevoir  qu'il  ait  pu  être  contenu  dans  fon 
j,  Corps.  Sa  Coque  eft  noire ,  luifante ,  dure 
„  &  hicapable  d'extenfion;  auffi  TOeuf conferve- 
j,  t-il  la  forme  &  le  volume  qu'il  avoit  lorfqu'il 
3,  a  été  pondu.  Il  vient  cependant  un  tems  où 
35  il  en  fort  une  Mouche  qui ,  dans  l'inftant  de 
„  fa  naiflance ,  eft  dans  le  cas  du  Poulet  qui 
,,  naîtroit  Poule  parfaite ,  ou  Coq  parfait.  " 

Mon  Lecteur  a  déjà  pris  l'idée  d'un  Oeuf  j. 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.     173 

d'un  véritable  Oeuf,  d'un  Oeuf  femblable  en 
petit  à  celui  d'une  Poule ,  &  d'où  fort  un  Vola- 
til qui  a ,  en  naiflant ,  toute  la  grandeur  de  fa 
Mère.  •  Cette  idée  d'Oeuf  n'eft  pourtant  pas  ex- 
aéte ,  &  Mr.  de  Reaumur  l'a  expofée  ailleurs 
(  ^  )  avec  plus  de  précifion  :  en  la  rendant  d'a- 
près fes  obfervations  &  d'après  les  miennes  pro- 
pres ,  je  ne  ferai  presque  que  changer  le  mot ,  & 
la  merveille  fubfiilera  toute  entière.  Mais ,  a- 
vant  que  de  donner  à  mon  Leéleur  le  véritable 
mot  de  cette  énigme  ,  je  l'entretiendrai  d'une 
Métamorphofe  très  fmgulière,  que  fubiifent  des 
Vers  qui  deviennent  des  Mouches  de  la  claffe 
de  ceile  dont  il  s  agit. 

On  connoit  en  général  les  Métamorphofes  du 
Ver  'à-Soye:  elles  reviennent  précifément  à  cel- 
les que  toutes  les  Chenilles  &  quantité  d'autres 
Infeéles  ont  à  fubir  pour  arriver  à  l'état  de  per- 
feélion ,  à  cet  état  dans  lequel  feul  ils  peuvent 
propager  leur  efpèce  (/').  L'on  fçait  que  i'In- 
fede  fe  dépouille  de  la  Peau  de  Ver ,  lors  qu'il 
revêt  la  forme  de  Chryfalide  ou  celle  de  Nym- 
phe. Il  fe  dépouille  pareillement  de  l'enveloppe 
de  Chryndide  ou  de  celle  de  Nymphe ,  lors  qu'il 
paroit  fous  fa  véritable  forme  de  Papillon ,  de 
Mouche  ou  de  S  carabe.  J'ajouterai  qu'il  y  a  cet- 
te différence  effentielle  entre  l'état  de  Chryfalidc 
&  celui  de  Nymphe ,  que  dans  le  premier ,  tou- 
tes les  Parties  extérieures  de  l'Infede  font  revê- 
tues d'une  enveloppe  membraneufe  &très  fine^ 

(4)  Ibid.  Mém.  14.  page  586,  &  fuivantes. 
(*)  Voyez  Article  309. 


174     Considérations  Sur  Les 

propre  à  chacune ,  &  que  de  plus  elles  font  re- 
couvertes d'une  enveloppe  générale  &  crultacée 
qui  les  affujettit  toutes  au  Corps.  Cette  enve- 
loppe cruftacée  manque  aux  Nymphes  propre- 
ment dites  ;auiîi  toutes  les  Parties  extérieures  de 
TAnimal  y  font-elles  beaucoup  plus  vifibles  que 
dans  les  Cbryfalides,  Toutes  les  Chenilles  que 
nous  connoiffbns ,  palTent  par  l'état  moyen  de 
Chryfalîde  avant  que  de  parvenir  à  celui  de  Pa- 
pillon. Beaucoup  d'efpèces  de  Fers  palfent  par 
l'état  77ioyen  de  Nymphe ,  avant  que  de  parvenir 
à  celui  de  Mouche,  Je  traiterai  ce  fujet  plus  en 
détail ,  lorsque  j'aprofondirai  dans  la  fuite  de  cet 
Ouvrage  la  manière  dont  s'opère  raccroifTement 
des  différens  Animaux.  Je  donnerai  en  même 
teras  une  méthode  de  diftribuer  les  Infectes  en 
claffes  5  que  leurs  Métamorphofes  m'ont  fournie. 

Les  Vers  C^) ,  que  je  veux  faire  connoitre  à 
préfent ,  vivent  dans  les  Chairs  corrompues ,  & 
dans  les  matières  les  plus  abjedles.  Ils  n'ont 
point  de  Jambes  ;  ils  refpirent  par  des  efpèces 
de  Bouches  placées  à  leur  derrière.  Ils  font  blan- 
châtres ,  mois  ,  presque  tranfparens  :  leur  Tête , 
armée  de  deux  Crochets,  ne  reflemble  point  k 
celle  des  autres  Animaux  :  elle  change  de  forme 
à  chaque  inllant:  elle  fe  dilate,  fe  contracte, 
s'allonge ,  fe  raccourcit  de  mille  manières  :  fln- 
fecle  peut  la  faire  rentrer  dans  fon  Ventre ,  & 
l'en  faire  fortir  à  fon  gré. 

(a)  Mémoires  pour  fervir  à  l'HiJîoire  des  Infères  ,   Tome  4, 
Mém.  7.  Pag.  289.  &  fuivantes. 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      175 

Lorsque  ces  Vers  font  prêts  à  fe  métan^or- 
phofer,  ils  prennent  la  forme  d'un  Oeuf.  Sous 
cette  forme ,  ils  font  abfolument  incapables  de 
mouvement  :  leur  Peau  devient  caflante  &  fria- 
ble,  &  leur  couleur  fe  change  en  un  brun  mar- 
ron. En  un  mot ,  ils  ne  retiennent  plus  de  leur 
première  forme  que  quelques  vertiges  d'anneaux. 

En  fe  métamorphofant ,  l'Infecle  ne  fe  dé- 
pouille point ,  comme  tant  d'autres ,  de  la  Peau 
de  Ver;  mais  toutes  fes  Parties  extérieures  s'en 
retirent  peu  à  peu ,  &  s'en  détachent  enfin  en- 
tièrement.    Elles  fe  trouvent  alors  renfermées 
dans  une  Coque  bien  clofe ,  &  cette  Coque  ei\ 
formée  de  la  Peau  même  du  Ver.     Ainfi  la  Na- 
ture qui  a  refufé  à  nôtre  Infeéle  ce  fil  brillant , 
qu'elle  a  accordé  au  V^er-à-Soye  &  à  un  grand 
nombre  d'autres  Chenilles,  l'en  a  dédommagé 
en  lui  enfeignantafe  faire  une  Coque  de  fa  pro- 
pre Peau,  dont  fufage  répond  exadement  à  ce- 
lui  de  la  Coque  du  Ver-  à-Soye.     Elle  a  mê- 
me tout  difpofé  de  loin  pour  que  cette  Coque 
fingulière ,  eût  le  degré  de  confiftence  néceilai- 
re  aux  befoins  du  petit  Animal.     On  fçait  que 
les  Chenilles  changent   planeurs  fois  de  Peau 
dans  le  cours  de  leur  vie  :  Ton  connoit  les  mi/è's 
ou  les  maladies  du  Ver  -  à  -  Soye.     Mais ,  on  ne 
fçait  pas  aufïi  bien  tout  ce  que  ces  mues  ont  de 
remarquable  :   l'on   n'imagine   pas  qu'à  chaque 
mue ,  rinfefte  fe  dépouille  de  fon  Crâne ,  de 
fes  Yeux ,  de  fes  Dents ,  de  fes  ïambes  ;  en  un 
mot  de  toutes  fes  Parties  extérieures. 

On  les  retrouve  très  complettes  dans  la  dé- 


176     Considérations  Sur  Les 

pouille,  &  fi  complettes,  que  celle-ci  ne  diffère 
point  extérieurement  de  l'Animal  lui-même. 
Paré  de  fa  nouvelle  Peau ,  il  offre  pourtant  les 
mêmes  Parties ,  &  Ton  reconnoit  qu'elles  étoient 
logées  avec  un  grand  art ,  dans  celles  de  la  dé- 
pouille, comme  dans  autant  de  fourreaux.  Nos 
Vers  qui  ont  ^  fe  faire  une  Coque  de  leur  pro- 
pre Peau  ,  n'ont  point  de  mues  à  fubir  :  ils 
prennent  donc  tout  leuraccroiffement  fans  chan- 
ger de  Peau.  Celle  jqui  les  recouvroit  en  nail^ 
font ,  a  donc  tout  le  tems  de  fe  fortifier ,  de  s'é- 
paiffir  &  d'acquérir  le  degré  de  confiffence  qui 
la  mettra  en  état  de  fervir  iin  jour  de  Coque  à 
rinfede. 

J'ai  eu  bien  des  occafions  dans  le  cours  de 
cet  Ouvrage  ,  d'infifter  fur  la  fagefle  avec  la- 
quelle l'on  doit  ufer  de  V Analogie  :  fi  nous 
jugions  de  nôtre  Infeéte  par  cette  voye  ,  nous 
penferions ,  qu'immédiatement,  après  que  tous 
fes  Membres  fe  font  détachés  de  la  Peau  de 
Ver,  il  revêt  la  forme  de  Nymphe,  C'eft  au 
moins  ce  qui  arrive  à  tant  d'autres  Infeéles  qui 
paflent  par  cet  état  moyen  :  dès  qu'ils  ont  aban- 
donné leur  première  enveloppe  ,  ils  paroifTent 
de  véritables  Nymphes  ,  &  nous  lai  lient  voir 
diflinétement  fous  cette  nouvelle  forme ,  toutes 
les  Parties  propres  à  la  Mouche,  Mr.  de  Reau- 
MUR  nous  a  apris ,  que  ce  n'eft  point  ainfi  que 
la  Nature  procède  à  l'égard  de  l'Infeéle  dont 
nous  parlons  :  elle  fait  varier  au  befoin  fes  pro- 
cédés, &  parvenir  au  même  but  par  des  rou- 
tes 


Corps    Organise' s.     17^ 

tes  très  diirérentes.  Ne  cherchons  donc  point 
à  la  devmer  ;  mais  interrogeons  -  la  comme  elle 
veut  l'être.  L'Hifloire  naturelle  efl  la  meilleu- 
re Logique  ,  parce  qu  elle  efl  celle  qui  nous 
inllruic  par  des  exemples  plus  frappans. 

Ouvrons  avec  précaution  refpèce  de  Coque 
dans  laquelle  Tlnfede  s'efl;  renfermé.  Au  lieu 
d'une  véritable  Nymphe  que  nous  nous  atten- 
dions à  y  trouver ,  nous  n'y  trouverons  qu'une 
petite  maffe  de  Chair  oblongue ,  blanchâtre ,  & 
îlir  laquelle  nous  n'apercevrons  pas  ,  même  à 
la  Loupe ,  le  moindre  vertige  de  Membres  ou 
d'Organes.  Loin  donc  de  fe  métamorphofer 
en  Nymphe  ,  l'hifeéle  s'elt  métamorphofé  en 
Boule- allongez  ,  &  c'efl  le  nom  que  Mr.  de 
Reaumur  a  donné  à  cette  efpèce  fingulière 
de  transformation. 

Mais,  au  moins  l'Infeéle  fe  produira  - 1  -  il 
en  Nymphe  au  moment  qu'il  fe  dépouillera  de 
ce  fac,  qui  lui  donne  la  forme  d'une  Boule -al- 
longée f  La  plupart  des  Infeétes  qui  partent  par 
un  état  moyen ,  le  ré  vêtent  tout  entier  au  mo- 
ment qu'ils  fe  dépouillent  de  leur  première  en- 
veloppe. 

Ici  il  faut  encore  abandonner  l'analogie,  & 
nous  en  avions  déjà  été  avertis  par  ce  qui  avoic 
précédé.  Ce  n'eft  que  par  dé  grés  aflez  mar- 
qués ,  que  l'Infecte  parte  de  fétat  de  Boule  -  al" 
longée  à  celui  de  Nymphe  proprement  dite.  Si 
l'on  ouvre  de  jour  en  jour  plufieurs  de  ces  Co- 

ToM.  II.  M 


X7S       GoNsiDiRATioKs  Sur  Les 

ques,  voici  ce  qu'on  y  découvrira. 

Au  bout  de  deux  ou  trois  jours ,  on  verra 
des  Jambes  très -courtes  qui  ibrtiront  de  la  Par- 
tie antérieure  de  la  Boule.  Le  jomTuivant,  les 
Ailes  commenceront  à  fe  montrer ,  &  les  Jam- 
bes en  s'étendant  davantage,  fe  raprocheront  de 
la  Partie  poftérieure  de  la  Boule.  Un  autre  jour, 
on  apercevra  le  bout  de  la  Trompe  de  la  Mou- 
che ;  la  Trompe  entière  paroitra  enfuite ,  &  la 
Tête  la  fuivra  de  près.  Enfin ,  on  ouvrira  des 
Coques  où  l'on  trouvera  une  Nymphe  dont 
toutes  les  Parties  auront  la  grandeur  &  la  fitua- 
tion  propres  à  cet  état  moyen. 

Un  Partifan  de  XEpigénêfe  croiroit  voir  ici 
une  Nymphe  qui  fe  façonne  peu  à  peu  ,  qui 
croît  par  appofition ,  comme  Ton  a  imaginé  que 
croilTent  le  Fœtus  de  la  Biche  ,  le  Poulet ,  & 
depuis  peu  le  Fœtus  humain .  Mais ,  il  demeu- 
re toujours  fi  vrai  que  ïEpigéîTéfe  n'eft  point 
du  tout  une  loi  de  la  Nature ,  que  dans  ce  cas 
même  qui  lui  paroit  fi  favorable  ,  nous  avons 
des  preuves  direéles  de  VEvolunon  ,  &  des 
preuves  auxquelles  on  ne  s'attendroit  pas.  Tan- 
dis que  l'Jnfecle  efl  fous  la  forme  de  Boule-aU 
longée  &  qu'il  ne  montre  pas  le  moindre  vefti- 
ge  des  Parties  d'une  Nymphe ,  l'on  peut  obli- 
ger ces  Parties  à  fe  produire  au  grand  jour;  on 
peut  faire  naître  à  volonté  une  Nymphe  qui  ne 
paroilToit  pas  exifter  encore.  Il  ne  faut  pour 
cet  effet ,  que  prefTer  avec  précaution  le  bout 
poftérieur  de  la  Boule  ,  au  même  inftant  ,  on 
yerra  fortir  d'un  enfoncement  qui  eft  à  fon  bout 


Corps    Organise' s.    17g 

antérieur ,  toutes  les  Parties  d'une  Nymphe ,  qui 
fe  prolongeront  de  plus  en  plus  à  mefure  qu'on 
augmentera  la  preifion.  Elles  préexiftoient  donc 
à  leur  apparition  naturelle  ou  forcée  ;  elles  é- 
toient  donc  renferméee  &  repliées  dans  Tinté- 
rieur  de  la  Boule ,  à  peu  près  comme  une  Fleur 
dans  Ton  Bouton.     En  un  mot,  il  en  eft  de 
ces  Pardes ,  pour  me  fervir  de  la  comparaifon 
de  Mr.  de  Reaumur  ,  comme  des  doigts  d'un 
gand ,  qu'on  auroit  fait  rentrer  dans  la  main  du 
gand ,  &  qu'on  en  retireroit  enfuite.     S*il  nous 
étoit  poffible  d'en  ufer  de  même  à  l'égard  des 
petits  Boutons  &  des  Corps    ovifjrmes  donc 
naiflTent  diffcrens  Polypes ,  il  y  a  lieu  de  pr6- 
fumer  que  nous  en  ferions  fortir  pareillement 
toutes  les  Parties  propres  à  ces  Infectes ,  &  que 
nous  hâterions  ainfi  le  moment  de  leur  préten» 
due  naiflance.     Je  rapporterai  bientôt  une  ex- 
périence fur  les  Boules-allongées ,  qui  mettra  cet* 
te  vérité  dans  le  jour  le  plus  lumineux. 

323.  Explication  de  la  Mouche- Araignée.   Nou* 
vel  argument  en  faveur  de  /'Evoludon. 

Je  reviens  maintenant  à  la  produâ:ion  ovî- 
forme  de  la  Mouche  -  Araignée  ,  à  cette  efpèce 
d'Oeuf  d'une  gro fleur  diméfurée,  d'où  fort  une 
Mouche  auiTi  grande  que  Père  &  Mère.  J'ai 
averri  que  cette  production  n'efl  point  un  véri- 
table Oeuf  :  quelle  eft  donc  fa  nature  ?  Nous 
ne  pouvons  l'aprendre  que  de  l'obfervation  ôc 
de  l'expérience. 

M  % 


ïlo     Considérations  Sur  Les 

Dans  un  de  ces  Corps  oviformes  ouvert  qua- 
tre jours  avant  celui  où  la  Mouche  en  auroit 
dû  fortir  naturellement,  Mr.  de  Rlaumur  Qî) 
a  trouvé  une  Nymphe  dont  toutes  les  Parties 
étoient  très-diflinctes ,  &  auxquelles  il  manquoit 
peu  du  côté  de  la  confiftence.     L'efpèce  d'Oeuf 
dont  je  parle,  a  un  de  fes  bouts  plus  arrondi  que 
Tautre  :  le  bout  le  plus  arrondi  eft  l'antérieur  ; 
le  bout  poltérieur  fe  termine  par  deux  Cornes 
moufles.    La  Nymphe ,  très  -  ailée  à  reconnoitre 
pour  une  Nymphe  de  Mouche-  Araignée  ^  étoit 
placée  de  manière  que  fa  Tête  répondoit  au  bout 
antérieur  de  la  Coque ,  &  que  Ton  derrière  étoit 
apuïé  fur  le  bout  oppofé.     Au  bout  antérieur 
eft  une  efpèce  de  calotte  qui  s'enlève  facilement, 
&  qui  a  été  ménagée  pour  la  fortie  de  la  Mou- 
che. 

Nous  fommes  donc  afTurés ,  qu'il  eft  un  tems 
cil  le  Corps  oviforme  dont  nous  recherchons  la 
nature ,  renferme  une  véritable  Nymphe,  Cette 
Nymphe  a  fans  doute  été  un  rer  :  ce  Ver  fe 
feroit-il  transformé  en  Boule- allongée?  Le  Corps 
oviforme  feroit-il  cette  Boule- allongée ,  ou  pour 
parler  plus  exa6lement,renfermeroit-il  flnfeéle 
fous  cette  forme?  Pour  tâcher  de  le  découvrir, 
Mr.  DE  Reaumur  a  ouvert  des  Coques  un  jour 
ou  deux  après  la  ponte.  Il  n'a  vu  dans  leur  in- 
térieur qu'une  bouillie  blanchâtre ,  presque  flui- 
de ,  &  dans  laquelle  il  n'a  pu  démêler  aucune 
forte  d'organilation.    Lorsqu'il  a  ouvert  de  ces 

(«)  Mèm.  pr.  fervir  à  l'Hift,  des  InfeQ.  Tom.  6,  Uém.  14, 
pag.  s  8  7.  &  fui  vastes. 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.      i8i 

Coques  plus  tard ,  il  a  remarqué  que  la  bouillie 
étoic  moins  fluide,  &  qu'elle  avoit  même  quelque 
confiftence  ;  mais  toujours  fans  aucune  apparen- 
ce d'organifation.  Enfin,  dans  quelque  tems 
qu'il  ait  ouvert  de  pareilles  Coques  ,11  n'eft  jamais 
parvenu  k  y  découvrir  un  Fer, 

Ainsi  ,  l'on  ne  trouve  dans  nos  Coques  nou- 
vellement pondues ,  qu'une  bouillie  plus  ou  moins 
fluïde,  &  où  l'on  n'aperçoit  aucune  trace  des 
Parties  propres  à  un  Ver  ou  à  une  Mouche. 
Quelle  lumière  pouvons -nous  efpèrer  de  tirer 
d'une  femblable  bouillie?  Comment  la  Nature 
débrouille-t-elle  ce  petit  cahos ,  &  en  fait  -  elle 
fortir  un  Tout  très  organifé?  Nous  venons  de 
voir  une  véritable  Nymphe  occuper  la  place  de 
cette  bouillie  :  peu  de  jours  ont  fuffi  pour  que 
cette  Nymphe  ait  achevé  de  fe  former  &  pour 
qu'elle  ait  acquis  un  certain  degré  de  confiften- 
ce. Immédiatement  auparavant  elle  n'étoit  qu'u- 
ne fubflance  laiteufe  ou  caféeufe:  eft-ce  donc 
que  la  Nature  fait  un  Infeéle  comme  nous  fai- 
fons  un  fromage  ?  ou  pour  recourir  à  une  Phy- 
fique  moins  grofîière,  eft-ce  que  des  Molécu- 
les organiques  éparfes  dans  la  bouillie,  venant 
à  fe  réunir  en  vertu  de  certaines  forces  de  ra- 
port ,  produifent  une  Tête  ,  des  Yeux  ,  une 
Trompe,  des  Jambes,  &c.?  Il  n'y  a  qu'un  mo- 
ment, qu'en  prefTant  le  bout  poftérieur  d'une 
Boule-allongée  ,  nous  en  faifions  fortir  toutes  les 
Parties  extérieures  d'une  Nymphe ,  qui  ne  fem- 
bloient  pas  exilter.    Lors  qu'on  ouvre  une  de 

M  3 


lîa     Considérations  Sur  Les 

ces  Boules  immédiatement  après  que  Tlnfeéle  a 
achevé  de  fe  détacher  de  la  Peau  de  Ver,  on 
n*y  trouve  qu'une  bouillie  précif^mentfemblable 
à  celle  que  nous  venons  d'ob.erver  dans  les  Co- 
cfues  des  Moucb^'s-  Araignées,     11  femble  que 
rinfeéte  fe  foit  liqu£lié  en  entier,  qu'il  fe  foit 
réfolu  en  une  fubitance  purement  laiteufe;  au 
moins  eft-il  certain  que  la  Loupe  même  ne  peut 
faire  découvrir  dans  cette  bouillie  aucun  indice 
d'organifation.     Elle  eft  pourtant  très  organifée; 
que  dis- je  !  Elle  ell  une  véritable  Nymphe  dé- 
guifée  fous  l'apparence  trorapeufe  d'un  Fluïde. 
Un  moyen  très  fimple  va  mettre  fous  nos  yeux 
toutes  les  Parties  de  cette  Nymphe ,  &  la  ridi- 
cule Epîgéièfe  fuira  pour  toujours  dans  les  té- 
pèbres  de  l'Ecole ,  d'où  un  Auteur  moderne  a- 
voit  entrepris  de  la  tirer  à  force  de  génie  & 
d'invention.  J'ai  parlé  dans  l'Article  1 67 ,  de  la 
tranfpiration  infenfible  qui  doit  fe  faire  dans  la 
Chryfalide  pour  que  le  Papillon  foit  en  état  de 
paroître  au  jour.    J'ai  montré ,  comment  en  ac- 
célérant ou  en  retardant  cette  tranfpiration ,  on 
abrège  ou  l'on  prolonge  à  volonté  la  vie  de  fln- 
feèle,  tandis  qu'il  eil  encore  renfermé  fous  l'en- 
veloppe de  Chryf-ilide.     Effayons  de  hâter  beau- 
coup plus  la  tranfpiration  qui  doit  fe  faire  aulQ 
dans  nos  Boules  allongées '.ïû^oxuA^i  cuire  quel- 
ques minutes  dans  l'eau  chaude  &  ouvrons  -  les 
cnfuite.    Qu'y  voyons- nous?  toute  la  bouillie 
adifparu,  &  une  véritable  Afy/;;^^f  a  pris  fa  place. 
Cette  Nymphe  ne  s'ell  pas  formée  dans  quelques 
minutes  ;  mais  fes  Parties  auparavant  trop  mol- 


i 


Corps    Organise*  s.     185 

les ,  trop  abreuvées  &  comme  dilToutes ,  échap- 
poient  à  nos  yeux  &  à  nos  inftrumens.  Don- 
nons une  femblable  préparation  à  nos  Coques  de 
Mouches- Ar ai gnéei>^  &  nous  aurons  prccifémenc 
les  mêmes  réfultats  La  bouillie  s'épailîîra ,  & 
nous  verrons  paroître  auffi  -  tôt  une  Nytîrphe  a- 
vec  toutes  les  Parties  qui  la  caradérifent. 

Cette  Coque  déméfurément  grolTe  relative- 
ment à  la  Mouche  qui  la  met  au  jour,  n'eft  donc 
point  proprement  un  Oeuf,  Elle  eft  Tlnfeéle  lui- 
même  qui  a  révêtu  la  forme  de  Bouk- allongée 
&  qui  s'eft  fliit  cette  Coque  de  fa  propre  Peau. 
Mais  il  a  fubi  cette  métamorphofe  dans  le  ven* 
tre  même  de  fa  Mère ,  il  y  a  pris  tout  fon  ac- 
croiflement ,  &  voilà  le  vrai  de  la  merveille  que 
j'avois  à  décrire. 

Lors  qu'on  a  divifé  les  Animaux  en  Vivipa* 
res  &  en  Ovipares  ^  on  a  crû  que  ces  deux  claf- 
fes  générales  épuifoient  le  Règne  animal.  Les 
Pucerons  nous  ont  démontré  les  premiers  l'infuf- 
fifance  d'une  divifion  fi  facile  &  fi  commode. 
Les  Polypes  ont  paru  enfuite ,  &  nous  avons  été 
invités  à  former  une  clafle  de  Ramipares ,  &  une 
autre  de  Bulbipares.  Nôtre  Mouche  -  Araignée 
exige  que  nous  falTions  une  cinquième  clafTe, 
que  nous  nommerons ,  avec  Mr.  de  Reaumur  , 
la  clafle  des  Nymphipares.  Trop  de  Faits  nous 
ont  apris  qu'il  n'eft  point  d'exception  unique  dans 
la  Nature, pour  que  je  ne  fois  pas  fondé  à  pré- 
dire qu'on  découvrira  un  jour  bien  d'autres  In*^ 
fectes  qui  viendront  fe  ranger  fous  la  clajGTe  défi 

M  4 


184-     Considérations  Sur  Les 

Nymphipïircs.  Il  faudra  bien  encore  créer  de 
nouvelles  claffes;  car  l'Hilloire  Naturelle  ne  fait 
que  de  naître.  C'eft  un  Païs  dont  nous  con- 
noiffons  à  peine  les  frontières,  &  dont  néan- 
moins on  fe  prefTe  de  drefler  la  carre. 

Les  Coques  de  Mouches -Araignées  pondues 
depuis  quelques  heures ,  ont  déjà  une  figure  auiTi 
confiante  que  l'efl  celle  des  Oeufs  ordinaires. 
Elles  ne  laifTent  pas  foupçonner  le  moins  du 
inonde  qu'elles  foyent  elles-mêmes  de  véritables 
Animaux.  Mais  quand  on  les  examine  immé- 
diatement après  qu'elles  ont  été  pondues ,  on  y 
aperçoit  des  mouvemens  qui  décèlent  leur  natu- 
re. Leur  bout  le  plus  arrondi  s'allonge  de  tems 
à  autre ,  &  prend  la  forme  d'un  Mamelon  conique. 
Il  fe  racourcit  enfuite  pour  s'allonger  de  nouveau. 
L'on  obferve  des  mouvemens  analogues  fur  les 
côtés  de  la  Coque  :  mais  peu  à  peu  cette  Coque 
s'endurcit  &  tout  mouvement  celTe,  Ces  mou- 
vemens paroiffent  tendre  à  détacher  l'Infedle  de 
fa  première  Peau ,  de  celle  de  Fer, 

Nous  ne  connoifTons  encore  aucun  Tnfedle  qui 
ait  à  croître  lorsqu'il  a  révêtu  une  fois  l'état  de 
Nymphe  ou  de  Chryfalide  proprement  dites. 
Tous  les  Infeéles  qui  fe  métamorphofent ,  pren- 
nent leur  dernier  accroiffement  fous  leur  premiè- 
re forme  de  Fer  ou  de  Chenille.  Avant  que  de 
devenir  Boule-allongée ,  avant  que  de  révêtir  l'é- 
tat de  ISiymphe ,  nôtre  Mouche-Araignée  a  donc 
paffé  probablement  par  l'état  de  Fer,  J'ai  dit 
qu'il  n'eft  aucun  tems  où  Ton  puiffe  parvenir  à 
découvrir  un  Ver  dans  la  Coque  pondue  à  ter- 


Corps    Organise' s.     185 

me.    Mr.  de  Reaumur  a  donc  pris  le  parti  de 
le  chercher  dans  le  Ventre  de  la  Mère,    il  a  ou- 
vert des  Mouches  à  différens  termes ,  &  il  a  vi- 
fité  avec  foin  leur  intcrieur.     „  Dans  quelques- 
,,  unes,  dit-il(^0>  J'^^  trouvé  un  Corps  en- 
„  tièrement  blanc  qui  avoit  déjà  la  figure  qu'a 
5,  la  Coque  qui  vient  d'être  pondue ,  quoi  qu'il 
„  n'eût  pas  la  moitié  du  volume  de  cette  demie- 
,5  re.     Ce  Corps  ne  rellembloit  donc  en  rien  par 
5,  fa  forme  aux  Vers  les  plus  connus ,  &  ne  m'a 
„  paru  capable  d'aucun  mouvement  progreffif  : 
„  le  nom  de  Ver  ne  lui  en  étoit  peut  -  être  pas 
,5  moins  dû.     La  Nature  qui  s'eft  fi  fort  plû  à 
„  varier  les  figures  des  Infeéles,  peut  avoir  don- 
5,  né  à  un  Ver  celle  d'un  Oeuf;  elle  en  a  pro- 
,,  duit  qui  font  incapables  de  changer  de  place; 
„  &  il  n'y  en  a  point  à  qui  il  fût  plus  inutile  de 
„  fe  mouvoir  ,   qu'à  ceux  qui  doivent  ceiler 
„  d'être  Vers ,  avant  que  d'être  hors  du  Corps 
„  de  la  Mère." 

Les  Corps  oviformes  de  différentes  grofleurs, 
que  Mr.  de  Reaumur  a  trouvés  dans  l'intérieur 
des  Mouches-Araignées ,  étoient  contenus  dans 
un  Canal  membraneux ,  très  dilatable ,  &  qu'on 
peut  regarder  comme  rOvidu&iis ,  &  qui  n'a  à 
fon  origine ,  que  le  diamètre  d'un  fil  dclié.  A 
cette  Partie  déliée  du  Canal ,  vont  aboutir  deux 
autres  Canaux ,  dans  chacun  defquels ,  nôtre  II- 
luflre  Obfervateur  a  découvert  un  petit  Corps 
blanc ,  de  forme  cylindrique ,  &  dont  les  deux 

(»)  Ibid.  pag.  595. 

M  5 


f85     Considérations  Sur  les 

bouts  étoient  arrondis.  11  conjeélure  avec  vraî- 
femblance  qu'ils  étoient  appelles  à  venir  prendre 
la  place  de  la  Coque  que  la  Mouche  auroit  pon- 
due à  terme ,  &  qu'ils  auroient  fourni  ainfi  à  de 
nouvelles  pontes  fucceiTives.  Leur  figure  indi- 
quoit  alFez  qu'ils  étoient  de  jeunes  Vers  qui  dé- 
voient prendre  leur  dernier  accroifîement  &  fe 
lîiétamorpholer  dans  l'OviduBus.  Il  eft  vrai  qu'on 
ne  leur  voyoit  ni  Tête  ni  Bouche  :  mais  par  com- 
bien de  moyens  différens  la  Nature  ne  peut- elle 
pas  nourrir  un  Etre  organifé  ?  Elle  nourrit  peut- 
être  ces  Vers  fmguliers ,  comme  elle  nourrit  les 
Oeufs  des  Oifeaux  dans  leurs  Ovaires. 

Tel  eft  le  précis  des  Découvertes  de  Mr.  de 
Reaumur  fur  la  Mouche-  Araignée.  Aucomp^ 
te  détaillé  qu'il  en  a  lui-même  rendu  dans  fes 
Mémoires ,  il  a  joint  un  court  expofé  de  quel- 
ques-unes de  mes  obfervations  (^;}.  Comme 
le  Fait  eft  jufques  ici  unique  ,'&  qu'il  n'eft  point 
encore  fuffifamment  éclairci ,  je  crois  devoir  ex- 
traire de  mes  Journaux  tout  ce  qu'ils  renferment 
ds  plus  elfentiel  fur  ce  fujet ,  &  le  placer  ici  fous 
les  yeux  de  mes  Leéleurs. 

324.  Ohfervations  de  l'Auteur  fur  /^Mou- 
che -  Araignée. 

Sur  la  fin  d'Aouft  1741 ,  obfervant  attentive- 
ment à  la  Loupe  une  Coque  qu'une  Mouche- 
Araignée  venoit  de  pondre  en  ma  préfence ,  j'ai 
vu  très  diftinélement  le  bout  le  plus  arrondi  de 

(a)  Tome  6  pag.  593  *  S9i« 


F 


Corps    Organise'».     187 

k  Coque ,  s*enfoncer  &  s'élever  alternativement , 
devenir  tantôt  très -concave  &  tantôt  trôs-con« 
vexe  à  diverfes  repriies.  Ce  bouc  a  voie  une 
efpèce  de  court  appendice  qui  participoit  à  ces 
mouvemens ,  &  que  je  iuupçonnerois  ècre  i'ex- 
trêmité  des  VaiiTeaux  quiapportoient  la  nourri- 
ture à  l'Embrion ,  tandis  qu'il  ctoit  encore  ren- 
fermé dans  le  Ventre  de  Hi  Mère. 

En  continuant  d'obferver ,  j'ai  remarqué  des 
mouvemens  analogues  fur  les  côtes  de  la  Coque. 
De  grandes  portions  s'enfonçoient  &  fe  rele- 
voient  de  même  alternativement. 

On  fçait  que  la  plupart  des  Infefles  refpirent 
par  de  petites  ouvertures  placées  fur  les  côtés 
de  leur  Corps ,  &  que  Ton  nomme  des  Stigma- 
tes,   Le  Ver-à-Soye  &  toutes  les  Chenilles  ont 
dix -huit  de  ces  Bouches  ou  Stigmates.    Quand 
on  les  ferme  avec  des  enduits  graiifeux ,  rinfe6le 
périt  fur  le  champ  :  cela  ell  très-connu.     Tandis 
que  la  Coque  de  nôtre  Mouche  fe  donnoit  les 
mouvemens  dont  je  viens  de  parler ,  &  pendant 
que  fès  côtés  étoient  le  plus  enfonçais  )  j'y  ai 
apperçu  très  nettement,  de  petits  creux, de  pe- 
tites foffettes ,  efpacées  régulièrement  comme  le 
font  des  Stigmates.   Dès  que  les  côtés  de  la  Co- 
que fe  relevoienc ,  ces  foifettes  difparoiflbient  en- 
tièrement. 

A'  chaque  Stigmate  d'une  Chenille ,  aboutit 
un  paquet  de  VaiiTeaux  ,  d'un  blanc  argenté, 
formés  d'une  lame  mince  roulée  en  fpirale  à  la 
manière  d'un  reflbrt  à  bQudin  :  ce  font  les  Tror 


i88       Considérations  Sur,  Les 

chées.  Un  longVaiiïeaude  même  nature  règne 
d'un  bout  à  l'autre  de  rAnimal,  &  c'efl  le  prin- 
cipal Tronc  des  Trachées.  Il  y  a  de  chaque  cô- 
té un  pareil  Tronc,  &  toutes  ces  Trachées  fe 
divifent  &  fe  fubdivifent  de  mille  manières  poiir 
fe  diftribuer  à  toutes  les  Parties  ;  enforte  que 
rinfede  femble  être  tout  Poumon.  En  regar- 
dant obliquement  nôtre  Coque.  &  toujours  à  la 
Loupe ,  j'ai  découvert  fur  les  côtés  &  vis-à-vis 
ces  folfettes  que  je  prends  pour  des  Stigmates ,  un 
Vaifleau  qu'il  m'a  été  aifé  de  reconnoitre  à  fa 
couleur  &  à  fon  luftre ,  pour  un  Tronc  de  Tra- 
chées. Il  fe  divifoit  ça  &  là  en  une  infinité  d'au- 
tres Vaiifeaux ,  beaucoup  plus  petits ,  &  qui  fe 
divifoient  eux-mêmes  en  d'autres  plus  petits  en- 
core. Le  principal  Tronc  de  ces  Trachées  al- 
loic  aboutir  à  une  des  petites  Cornes  placées  au 
bout  poflérieur  de  la  Coque.  11  avoit  là  plus  de 
diamètre  que  par  tout  ailleurs ,  &  il  diminuoit 
infenfiblement  à  mefure  qu'il  s'approchoit  du 
bout  oppofé. 

Ces  particularités ,  &  fur-tout  les  mouvemens 
que  j'ai  décrits ,  prouvent  aflez  que  cette  Coque 
eft  vraiement  ^«/>;;^/(? ,  &  qu'elle  ne  reffemble 
point  du  tout  à  celles  que  fe  conftruifent  tant 
d'efpèces  de  Chenilles  &  en  particulier  les  Vers- 
à-Soye,  à  l'approche  de  leur  Métamorphofe. 
Mais  je  puis  dire  plus;  j'ai  vu  cette  Coque  fe 
donner  des  mouvemens  femblables  à  ceux  que 
fe  donneroit  un  Ver  rond  &  fans  Jambes  qui  fe- 
roit  effort  pour  changer  de  place.  Je  l'ai  vue  ie 
renverfer  fur  un  de  fes  côtés ,  reprendre  enfuite 


Corps    Organise' s.     1S9 

fa  première  fituation  &  répéter  ces  balancemens 
plufieuiS  fois. 

En  obfervant  cette  Coque  à  la  Loupe  avec 
la  plus  grande  attention ,  j'ai  aperçu  dans  fon  in- 
térieur des  lignes  circulaires ,  efpacées  comme  le 
feroient  celles  qui  marqueroient  la  jonction  des 
Anneaux  d'un  Infeéle.  Ces  lignes  avoient  leur- 
concavité  tournée  vers  le  bout  poflérieur  de  la 
Coque.  Et  ce  qui  ne  permettoit  guères  de  dou- 
ter ,  qu'elles  ne  fulfent  les  incifions  annulaires 
d'un  Infeéle  logé  dans  la  Coque ,  c'eft  que ,  lors 
que  les  côtés  de  celle  -  ci  s'enfonçoient ,  ils  de- 
venoient  tranfparens.  En  fe  contraélant  alors , 
finfeéle  laiflbit  apparemment  unpaflage  plus  li- 
bre à  la  lumière  à  travers  les  parois  de  l'enve- 
loppe. 

Dans  l'intérieur  de  quelques  Mouches  à  deux 
ailes,  dont  le  Corps  elt  demi  -  tranfparent ,  on 
voit  un  fpeélacle  qui  fixe  agréablement  fatten- 
tion.     Ce  font  des  couches  de  nuages  minces, 
qui  marchent  parallèlement  les  unes  aux  autres , 
&  qui  vont  conitamment  du  bout  antérieur  du 
Corps  au  bout  oppofé.    Mr.  de  Reaumur  (a) 
a  beaucoup  aprofondi  ce  petit  phénomène ,  & 
il  a  prouvé  qu'il  tient  à  une  illufion  d'optique , 
occafionnée  par  le  jeu  de  deux  grands  facs  poul- 
monaires  logés  dans  la  Partie  antérieure  du  Corps 
de  la  Mouche.     L'intérieur  des  Coques  que  nos 
Mouches  -  Araignées  pondent  à  terme ,  m'a  of- 
fert le  même  phénomène ,  &  qui  dépendoit  pro* 

(a)  Mé».Jur  Us  In/e^,  Tora,  4.  pag.  167.  &  fuivantei. 


ipo     Considérations  Sur  les 

bablement  de  la  même  caufe.  Les  couches  né- 
buleufes  m'ont  toujours  paru  fe  porter  d'un  mou- 
vement uniforme  du  bout  poflé  rieur  au  bout  an- 
térieur. On  n'a  pas  oublié  que  le  bout  anté- 
rieur eit  celui  auquel  répond  la  1  été  de  l'infeéle. 

Les  Coques  pondues  récemment  font  blan- 
ches ;  bientôt  elles  prennent  une  teinte  de  jau- 
ne ,  à  laquelle  fuccède  une  teinte  d'un  rouge 
marron  ;  ce  rouge  fe  rembrunit  peu  à  peu  &  fait 
place  enfin  à  un  afTez  beau  noir.  Dès  que  les 
Coques  commencent  àperdre  leur  première cou« 
leur,  elles  acquièrent  une  opacité  qui  ne  permet 
plus  de  voir  dans  leur  intérieur.  J'ai  imaginé  de 
retarder  les  progrès  de  l'opacité,  ou  ce  qui  revient 
au  même,  de  rendurcliFement ,  en  plongeant  la 
Coque  dans  l'eau.  Tout  mouvement  a  bientôt 
celle,  &  je  n'ai  vu  paroître  aucune  bulle  d'air. 
Au  bout  d'une  heure,  j'ai  retiré  la  Coque  de 
l'eau  ;  le  petit  appendice  n'a  pas  tardé  à  repren- 
dre fes  mouvemens  ordinaires,  6c  les  couches  né- 
buleufes  ont  reparu. 

Tandis  que  la  Coque  étoit  plongée  fous  l'eau , 
j'ai  remarqué  que  les  côtés  demeuroient  fort  trans- 
parens.  L'Infeéle ,  qui  étoit  alors  dans  un  état 
de  contra6tion,occupoic moins  déplace  dans  cet- 
te efpèce  de  boëce ,  &  la  lumière  en  traverfoit 
plus  librement  les  bords. 

I'ai  replongé  la  Coque  fous  l'eau ,  je  l'y  ai 
lailTée  environ  trois  heures ,  &  l'en  ayant  enfuite 
retirée ,  j'ai  vu  reparoître  les  couches  nébuleu- 
fes ,  dont  la  marche  toujours  régulière  ,  s'elt 


Corps    Organise' s.    ipt 

faite ,  comme  à  Tordinaire ,  du  bout  poftérieur 
vers  l'antérieur  :  mais  le  petit  appendice  ne  s'efl 
donné  aucun  mouvement. 

Cette  fois  j'ai  eu  le  plaifir  de  m'afTurer  de 
Texiftence  des  Stigmates  de  la  Coque.  Je  les 
ai  défignés  ci-defTus  par  le  terme  de  fojjeîtes ,  & 
j'ai  dit  que  ces  follettes  n'étoient  vifibles  que 
dans  l'inftant  où  les  côtés  de  la  Coque  s'enfon- 
çoient  :  je  les  voyois  difparoitre  lors  que  la  Co- 
que reprenoit  fa  convexité  naturelle.  Il  n'en 
a  pas  été  de  même  dans  le  cas  particulier  dont 
je  rends  compte  à  piéfent.  La  Coque  ne  fe 
donnoit  pas  le  plus  léger  mouvement  ,  &  fes 
côtés  étoient  par  tout  très  arrondis  :  cependant 
on  diftinguoit  très- bien  à  la  Loupe  les  foflettes. 
Leur  fituation  ,  leur  arrangement  fymétrique, 
leur  figure  ovale  &  leur  grand  diamètre  pofé 
perpendiculairement  à  l'axe  de  la  Coque,  neper- 
mettoient  pas  de  les  méconnoitre  pour  de  vrais 
Stigmates.  Nous  avons  donc  ici  une  preuve 
direcle ,  que  l'enveloppe  dont  cette  Coque  fin- 
gulière  elt  formée  ,  a  appartenu  à  un  Ver  , 
qu'elle  à  été  pendant  un  tems  la  Peau  même  de 
ce  Ver ,  &  cette  preuve  lève  tous  les  doutes 
fur  la  nature  de  ce  Corps  oviforme. 

Dans  une  Coque  pondue  avant  terme  ,  & 
qui  n'avoit  pas  la  moitié  de  fa  grolTeur  naturel- 
le ,  j'ai  vu  diitinélement  le  jeu  des  couches  né- 
buleufes  ;  mais ,  ce  qui  m'a  paru  extrêmement 
remarquable  ,  c'eft  qu'il  fe  faifoit  ici  en  fens 
contraire  ,  je  veux  dire  du  bout  antérieur  au 
poftérieur.    J'ai  obfervé  la  même  chofe  après 


I92      Considérations  Sur  Les 

avoir  tenu  la  Coque  fous  Teau  pendant  trois 
heures.  En  racontant  ce  Fait  fur  mon  témoi- 
gnage, Mr.  DE  Reaumur  ajoute  ce  qui  fuit 
Ça'),  5,  Nous  avons  rapporté  comme  un  fait 
fmgulier ,  que  la  circulation  des  Liqueurs  nous 
avoit  paru  fe  faire  dans  le  Papillon  en  un  fens 
contraire  à  celui  où  elle  fe  faifoic  dans  fon 
Corps ,  lors  qu'il  étoit  Chenille.  La  circu- 
lation des  lames  nébuleufes ,  qui  dans  F  Oeuf 
à  terme  a  un  cours  oppofé  i\  celui  qu'elle  a 
dans  l'Oeuf  qui  n'y  eft  pas  ,  paroit  donc 
prouver  que  l'Oeuf  à  terme  renferme  un  In- 
fed:^  qui  a  changé  d'état  ;  &  ce  changement 
n'a  pu  être  que  celui  de  Ver  en  Boule  -  al- 
longée ". 

Lors  que  ce  grand  Obfervateur ,  dont  la  mé- 
moire me  fera  toujours  chère  ,  s'emprefla  obli- 
geamment à  m'annoncer  fa  découverte  fur  la 
Mouche  -  Araignée  ,  dans  une  de  fes  Lettres 
en  datte  du  30^.  Avril  1741.;  il  me  parla  de 
la  Coque  en  queftion  comme  d'un  véritable 
Oeuf.  Il  penfoit  alors  qu'elle  en  étoit  un.  Je 
ne  tardai  pas  moi-même  à  l'obferver  fur  fon 
invitation.  Je  découvris  les  couches  nébuleu- 
fes ,  &  je  lui  écrivis  le  28e.  Juillet  fuivant,  le 
foupçon  qu'elles  m'avoient  fait  naître.  Le  Vo- 
lume de  ces  Mémoires  que  je  viens  de  citer, 
ne  parût  que  Tannée  fuivante.  Cel  Oeuf,  di- 
fois-je  à  mon  lUultre  Ami ,  feroit' il  moins  un 

Oeuf, 

(•)  Tom.  6.  pag.  594.' 


Corps    Organise' s.     193 

Oeuf  ^  qiiune  efpèce  très  ftnguUere  de  Ver  ^  ou 
qu'une  efpèce  auffi  fmgulière  de  Nymphe  P    Ces 
couches  néhuleufes  indiquer oicnî  -  elles  une  ■  Cir^ 
'  ciilaîïon  ?   ou  n'efî  •  ce  ici  qu'une  illufion  d'opti- 
que analogue  à  celle  que  vous  avez  obferzée  dans 
quelques  Mmches  ?    Je  crois  avoir  vu  dans  imt 
des  articulations  des  Jambes  de  nôtre  Mouche^ 
une  véritable  Circulation  ;  mais  je  n'ai  garde  de 
prononcer  encore  fur  ce  fujet.     Je  m'expliquois 
plus  précifémeiit  dans  une  autre  Lettre  en  dat- 
te du  23e.  Juin  1742,  &  j'y  comparois  nôtre 
Coque  à  une  Boule -allongée.    Mr.  de  Reau- 
MUR  adopta  lui- même  cette  idée  &  la  vérifia 
par  quantité  d'obfervations  très  curieufes ,  dont 
j'ai  donné  ci  -  delliis  le  précis.    J'invite  les  Na- 
turalises à  aprofondir   davantage  un  fujet  qui 
touche  de  fi  près  à  la  Théorie  de  la  Généra- 
tion. 

325.  Oeufs  qui  croiflent  après  avoir  été- pon- 
dus, 

Galles  des  Plantes  :  manière  dont  elles  font 
produites. 

Oeufs  des  Mouches  à  Scie. 

Apres  qu'un  Oeuf  fécond  a  été  pondu  , 
l'Embrion  y  prend  un  accrcifTement  relatif  à 
celui  que  le  Fœtus  acquiert  dans  la  Matrice  : 
mais  ,  la  capacité  de  l'Oeuf  n'augmente  pas 
comme  cçlle  de  la  Matrice.  Nous  ne  fommes 
pas  encore  f^miiliarifés  avec  l'idée  d'un  Oeuf 
qui  croît  :  il  en  eil;  pourtant  qui  foijt  appelle» 

TûM.  IL  N 


ip4      Considérations  Sur  Les 

à  croître  &  à  croître  beaucoup.  On  penfe  bien 
que  leur  enveloppe  n'efl:  pas  cruftacée  comme 
Tell  celle  des  Oeufs  des  Oi féaux  ,  des  Papil- 
lons ,  &  de  plufieurs  autres  Infeéles.  Les  Oeufs, 
dont  je  veux  parler ,  font  purement  membra- 
neux; on  ne  fe  prelfera  pas  d'en  inférer  que 
tous  les  Oeufs  membraneux  croilfent  ;  ceux  de 
beaucoup  d'autres  efpèces  font  tels ,  &  ne  croif- 
fent  point  :  c'eft  donc  ici  une  exception  remar- 
quable à  une  règle  qu'on  juge  générale. 

Tout  le  monde  connoit  les  Galles  qui  s'élè- 
vent fur  différentes  Parties  des  Plantes.  Leur 
forme  ,  leur  ftrudure  ,  leur  confiilence  ,  leur 
texture  ,  leurs  proportions ,  leur  couleur ,  va- 
rient prefque  ^  l'infini ,  &  offrent  aux  yeux  de 
rObfervateur  mille  particularités  intérellantes. 
Quand  Malpighi  n'auroit  ïmt  que  Ion  Traiié 
des  Galles^  il  n'en  feroit  pas  moins  l'immortel 
Malpighi.  Mr.  de  R  eau  mur  fon  égal  ,  qui 
a  fait  tant  de.  découvertes ,  &  qui  en  a  perfec- 
tionné tant  d'autres  ,  a  confidérnblcment  ajou- 
té à  celles  du  Naturalifte  de  Bologne  fur  ces 
Excroiffances  des  Végétaux.  On  peut  conful- 
ter  là  -  defliis  le  beau  Mémoire  qui  termine  le 
^me.  Volume  de  fon  Hiftoire  des  infedes. 

Les  Galles  dont  il  s'agit,  doivent  toutes  leur 
origine  h  la  picquure  d'un  Jnfeéle  ,  qui  appar- 
tient pour  fordinaire  à  la  clalfe  des  Mouches. 
A  l'aide  d'une  efpèce  de  Tarrière  ,  il  fait  une 
incifîon  dans  quelque  Partie  de  la  Plante  ;  il  y 
dépofe  un  Oeuf  qui  fe  trouve  bientôt  renfermé 
dans  une  Galle  naiflante. 


Corps    0  r  g  a  n  i  s  e's*     195 

Au  lortir  du  Ventre  de  la  Mouche ,  cet  Oeuf 
eft  d'une  petitelTe  extrême.  Au  bout  d'un  cer- 
tain teras ,  il  acquiert  une  grolfeur  confidérable, 
&  la  Galle  a  déjà  pris  tout  Ton  accroiflement 
avant  que  le  Ver  éclofe. 

L'on  peut  donc  comparer  cet  Oeuf  aux 
Membranes  qui  enveloppent  le  Fœtus,  &  qui 
fonc  capables  de  céder  &  de  s'étendre  en  tout 
fens  pendant  que  le  Fœtus  croît.  Nôtre  Oeuf 
croît  auiîi  :  il  a  fans  doute  à  fon  extérieur  des 
Vaiffeaux ,  des  efpèces  de  Radicules  qui  pom- 
pent les  fucs  qui  afluent  dans  la  caviré  de  la 
Galle.  Cette  Galle  eft  à  TOeuf,  ce  que  la 
Matrice  eft  au  Fœtus. 

Malpighi  penfoit  que  la  produflion  de  la 
Galle  étoit  due  principalement  à  une  Liqueur 
corrofive  que  la  Mouche  introduifoit  dans  la 
playe.  Mr.  de  P.kaumur  a  prouvé  qu'il  n'ell 
pas  néceffaire  de  recourir  à  l'intervention  d'une 
femblable  Liqueur  pour  rendre  raifon  de  l'ac- 
croillement  de  la  Galle.  Il  l'attribue  à  la  fur-a- 
bondance des  fucs  nourriciers  qu'occafionne  l'ac- 
tion continuelle  des  V^aifTeaux  abforbans  dô 
rOeuf.  Ils  déterminent  ainfi  la  Sève  à  fe  por- 
ter en  plus  grande  quantité  vers  la  Galle ,  &  en 
faut -il  davantage  pour  que  celle-ci  croifTe  plus 
que  les  Parties  voifmes  ?  Joignez ,  fi  vous  vou- 
lez, à  cette  caufe  méchanique,  la  chaleur  mê- 
me de  l'Oeuf,  &  comparez -le  h  un  petit  foyer 
placé  nu  centre  de  la  Tumeur  (^ ). 

(a;  Mém.  pouf  fervir  à  fHiji.  des  Inf.Tom,  3.  pag.  504» 

N  a 


196      Considérations  Sur  Lbs 

Il  naît  des  Galles  fur  toutes  les  Parties  des 
Plantes ,  &  principalement  fur  les  Feuilles.  Le 
Chêne  feul  en  montre  de  toutes  les  efpèces. 
Mais ,  il  efl  une  Mouche  qui  ne  confie  fes 
Oeufs  qu'aux  Branches ,  &  c'efl:  dans  celles  du 
Rozier  qu'elle  fait  les  dépofer.  Vallisnieri 
l'a  rendue  célèbre  par  l'Hiftoire  qu'il  en  a  pu- 
bliée (^),  &  que  Mr.  de  REAUMURa  de 
même  enrichie  d'obfervations  nouvelles  Qb'^, 

Les  Branches  où  la  Mouche  a  dépofé  fes 
Oeufs,  fe  diftinguent  par  de  petites  élévations 
oblongues  qu'on  voit  fur  l'Ecorce.  C'efl:  dans 
le  Bois  même  que  les  Oeufs  font  introduits, 
L'Inftrument  qui  a  été  donné  à  la  Mouche 
pour  y  pratiquer  des  entailles ,  efl  d'une  ftruc- 
ture  qu'on  ne  fe  lafle  point  d'admirer  :  il  réu- 
nit à  la  fois  le?  conditions  de  trois  Jnftrumens 
différens ,  d'une  double  Scie  ,  d'une  Râpe ,  d'u- 
ne Tarrière.  J'ai  regret  que  mon  plan  ne  me 
conduife  point  à  le  décrire,  &  à  indiquer  la 
manière  dont  la  Mouche  le  met  en  jeu. 

Avec  un  Inflrument  fi  compofé  ,  &  pour- 
tant très  fimple  dans  fli  compoîition  ,  elle  pra- 
tique quelquefois  jufques  à  24.  entailles  ou 
îogettes  dans  la  même  Branche.  Elle  les  dif- 
tribue  fymécriquement ,  &  pond  dans  chacune 
un  Oeuf. 

Si  l'on  compare  les  Oeufs  qui  ont  été  dé- 

(a")  Gillerie  as  Minerve. 

<&;  Mm. Sur  les  InJ.  Tom.  5.  pag.  114.  &  fuivante». 


Corps    Organise' s.     197 

pofés  depuis  quelque  tems  ,  avec  ceux  qui 
viennent  de  l'être,  l'on  trouvera  les  premiers 
beaucoup  plus  gros  que  les  autres.  C'eft  que 
ces  Oeufs  croiiïent  réellement  dans  les  entailles , 
comme  ceux  des  Galles  croifient  au  centre  de 
celles-ci. 

A  mefure  que  les  Oeufs  de  la  Mouche  à 
Scie  prennent  plus  d'accroifîement  ,  ils  forcent 
les  parois  des  logettes  à  s'élever  ;  leur  capacité 
augmente  en  tout  fens,  &  voilà  l'origine  de 
ces  petites  élévations  qu'on  remarque  fur  la 
Branche.  Je  parle  ici  d'après  Mr.  de  Reau- 
MUR  Qa^:  il  me  paroitroit  cependant  plus  na- 
turel d'attribuer  ces  petites  élévations  à  la  mê- 
me caufe  qui  fait  naître  les  Galles.  On  ne 
comprend  pas  trop  comment  un  Oeuf  purement 
membraneux  peut  forcer  des  Parties  ligneufes 
&  afles  roides  à  s'élever  ,  &  à  prendre  une 
convexité  auifi  fenfible. 

Une  autre  Mouche  ,  de  même  genre  ,  dé- 
pofe  Amplement  fes  Oeufs  fur  une  Feuille  d'O- 
zier.  Ils  croilTent  auiTi,  &  leur  accroiffement 
efl:  fi  confidérable  ,  que  l'Auteur  ayant  corapa-, 
ré  de  ces  Oeufs  dont  le  Ver  étoit  fur  le  point 
d'éclorre  ,  avec  d'autres  Oeufs  alTés  nouvelle- 
ment pondus,  il  a  trouvé  que  les  premiers  a-, 
voient  au  moins  le  double  de  la  groifeur  des 
autres  Qby 


(*)  Totn.  5-  pag.  12t. 
(h)  ibi4,  pag.  127. 


N  3 


ip8      Considérations  Sur  Les 

Ces  Oeufs  font  demi- tranfparens  ;  quelque 
tems  avant  que  le  Ver  éclofe ,  on  le  découvre 
dans  Tintérieur  de  la  Coque ,  où  il  paroît  plié 
en  deux. 

Mr.  de  Reaumur  conjedure ,  que  l'accroifTe- 
ment  des  Oeufs  eft  dû  ici  aux  lues  qui  tranfudent 
de  la  Feuille ,  &  qui  en  pénétrant  dans  TOeuf 
comme  dans  une  efpèce  de  petit  Placenta^ 
augmentent  fes  diraenfions  en  tout  fens.  Peut- 
être  encore  que  l'Oeuf  a  des  VaiiTeaux  afpirans 
qui  s'adaptent  en  quelque  forte  aux  pores  excré- 
toires de  la  Feuille.  Si  l'on  détache  celle-ci  de 
l'Arbre ,  &  qu'on  la  lailTe  fécher ,  les  Oeufs  fe 
rident  &  les  Embrions  périfient ,  ce  qui  n'arri- 
veroit  point  en  pareil  cas  aux  Oeufs  des  autres 
Infeéles.  Cette  expérience  prouve  la  vérité  de 
la  conjedlure  que  je  viens  d'mdiquer. 

326.  Oeufs  qui  renferment  plufieurs  Emhrîons, 

Chaque  Oeuf,  dans  l'ordre  naturel,  ne  ren- 
ferme qu'un  feul  Erabrion,  &  cola  ell  vrai  des 
Oeufs  de  tous  les  Ovipares  qui  nous  font  con- 
nus. Il  faut  pourtant  en  excepter  des  Oeufs  très- 
finguliers  que  riliuftre  Mr.  Folkes,  Préfident  de 
la  Société  Royale,  a  découvert,  &  dont  il  a  com- 
muniqué l'oblervation  à  Mr.  Bakek,  qui  la  ra- 
porte  dans  fon  Hifîoire  dit  Polype,  pages  99  & 
100,  de  la  tradu6lion  Françoife.  Mr.  Folkes 
les  a  trouvés  en  grand  nombre  dans  le  limon  des 
ruilleaux.  Ils  égalent  en  grofTeur  la  tête  d'une 
épingle  moyenne.     Ils  font  de  couleur  brune  & 


Corps    Organise' s.     ipp 

revêtus  d'une  enveloppe  cruftacée  ,  au  travers 
de  laquelle  l'Obfervateur  apercevoit  diflindemenc 
au  Microfcope  de  petits  Vers  vivans.  Il  les  obli- 
gea à  venir  au  jour ,  en  brifanc  adroitement  la 
Coquille ,  &  il  compta  alors  avec  furprife  jus- 
qu'à huit  ou  neuf  petits  Vers  qui  fortoient  du 
même  Oeuf,  ils  étoient  tous  très-bien  confor- 
més &  fe  mouvoient  avec  une  agilité  merveil- 
leufe.  Chacun  d'eux  avoit  une  enveloppe  pro- 
pre extrêmement  mince  &  tranfparente  ,  qu'il 
déchira  dès  que  la  Coquille  fut  brifée.  On  voyoit 
de  ces  enveloppes  qui  flottoient  fur  feau ,  & 
d'autres  qui  demeuroient  attachées  à  rimèfle 
qui  avoit  de  la  peine  à  s'en  débaraiîer. 

327.  Le  Pipa  ou  Crapaud  de  Surinam, 

On  avoit  cru  longtems  que  le  Pipa  ou  Crapaud 
de  Surinam  multiplioit  d'une  façon  fort  extraor- 
dinaire. 

L'on  avoit  dit  &  répété,  que  fes  Petits  for- 
toient de  fon  Dos ,  fous  lequel  étoit  un  grand 
nombre  de  petites  Matrices,  où  ils  prenoienc 
leurs  premiers  accroifTemens.  Le  célèbre  Ruisch 
avoit  décrit  tout  cela ,  &  l'avoit  accrédité  par 
fon  témoignage.  MM.  Folkes  &  Baker  avoient 
paru  le  confirmer.  Ces  diverfes  obfervations  ne 
repofoient  pourtant  que  fur  des  apparences  irom- 
peufes  5  &  je  n'en  fais  mention  ici  que  pour  mon- 
trer combien  il  faut  être  fcrupuleux  dans  l'exa- 
men des  Faits  d'Hiltoire  naturelle. 

N  4 


soo      Considérations  Sur  Les 

L'on  s'étoit  abufé  fur  la  Génération  du  Pipa. 
Il  pond  Çq'^  Oeufs  comme  les  autres  Animaux  de 
fon  efpèce,  &  quand  il  les  a  pondus,  il  fe  roule 
delTus.  Ils  s'attachent  ainfi  à  fon  Dos,  &  il  fe 
forme  autour  un£  croûte  glaireufe,  que  l'on  a- 
voic  prife  pour  le  Corps  même  de  f  Animal.  La 
lotion  la  fait  difparoitrç ,  &  alors  les  Oeufs  tom- 
bent. 

328.  Fécondité  des  Animaux, 

Les  grands  Animaux  font,  en  général,  bien 
moins  féconds  que  les  petits.  Les  premiers  ne 
portent  qu'un  ou  deux  Fœtus;  les  autres  en 
portent  plufieurs ,  &  fouvent  des  milliers. 

Les  Ovipares  font  ordinairement  plus  petits  & 
plus  féconds  que  les  Vivipares,  Les  Fœtus  de 
ceux  -  ci  dévoient  croître  dans  la  Matrice  ;  les 
Fœtus  de  ceux  -  là  au  dehors. 

La  fécondité  de  quelques  PoifTons  à  Ecailles 
eft  merveilleufe.  Une  Carpe ^\y.\\^  Purcbe ^t^on- 
dent  9  à  10.  mille  Oeufs  C^),  un  FvJerlus  20 
mille.  La  Mon/è'  &  le  flarang  ne  font  pas  moins 
féconds.  On  peut  juger  de  la  fécondité  de  la 
Morue  par  le  grand  nombre  de  VaifTcc^ux  em- 
ployés annuellement  à  la  pêche  de  ce  PoiiTon. 
Jl  pond  deux  fois  l'année ,  &  dépofe  fes  Oeufs 
fous  le  fable.  Ils  éclofent  ainfi  plus  fûrement , 
parce  que  la  Mer  ne  les  difperfe  point  (Z').  D'é^ 
paiifes  &  nombreufes  nuées  de  Harangs  tranfmi- 

(a)  Mr.  ScHEFFER  Pîfcion  Bavarcio  Ratisbonjîoji»  Pentas,  Ra- 
tisbor;^  1 7(^.1    in  4^.  pa^.  "p,^. 
(*)  Foyagt  de  D.  ULWJ,  Tom.  î. 


Corps     Organise' s.    201 

grent  de  l'Océan  Polaire  fur  les  côtes  d'EcofTe 
&  de  Hollande ,  pourfuivis  par  les  grands  Poif- 
fons  qui  habitent  les  profondeurs  de  cet  Océan. 
Ce  petit  Poilfon  femble  être  une  Manne  prépa- 
rée par  la  Providence  pour  la  nourriture  des 
Monftres  marins  &  pour  celle  de  quantité  d'au- 
tres Poiffons  &  d'Oifeaux  de  Mer,  Kntin  l'Hom- 
me lui  fait  la  plus  cruelle  guerre  :  plufieurs  mil- 
liers d'Hollandois  font  occupés  annuellement  à 
la  pêche  de  ce  Poiffon  (^).  La  fécondité  de 
chaque  efpèce  a  été  proportionnée  aux  dangers 
qui  menaçoient  les  Individus ,  &  aux  moyens 
qu'ils  avoient  de  s'y  foultraire. 

Les  Araignées,  les  Papillons,  différentes  ef- 
pèces  de  Mouches  &c.  pondent  des  centaines 
d'Oeufs;  les  Gall'  Infectes,  des  milliers,  j'ai 
parlé  d'une  Mouche  vivipare ,  dont  la  Matrice 
eft  une  vraye  merveille  &  qui  renferme  vingt 
mille  Petits  (/;).  Les  Ovaires  de  la  Reine- A- 
heîlle  ne  font  pas  moins  admirables.  Ils  font  dis- 
tribués en  deux  paquets,  qui  ne  reiîemblent 
pas  mal  à  iln  écheveau  ou  à  un  pinceau  ;  mais 
les  nls  de  ces  écheveaux  font  aulfi  déliés  que  des 
fils  de  Vers  -  à-  Soye ,  s'ils  ne  les  furpaifent  mê- 
me en  iineffe.  Chaque  fil  eft  néanmoins  une 
forte  d'inteflin,  qui  contient  une  fuite  déter- 
minée d'Oeufs,  dont  la  groffeur  diminue  gra- 
duellement depuis  le  bout  inférieur  de  fOvaire 

(a)  Avantages  {5*  Défavantages  de  la  France  ^  de  l'Jngkter* 
its  &c. 
(,b)  Anklê  31Ç,  à  la  fin, 

N,5 


SOI      Considérations  Sur  les 

JufqLies  vers  fon  bout  fupérieur.  Ici  les  Oeufs 
font  d'une  telle  petiteffe  qu'on  a  peine  à  les 
apercevoir  avec  le  fecours  des  V^erres.  Ces 
Oeufs  fi  petits ,  reffemblent  pourtant  plus  aux 
Oeufs  ordinaires  que  ceux  qui  font  les  plus  a- 
vancés  ,  dont  la  forme  allongée  pnroit  imiter 
celle  d'un  Ver  nailTant.  L'infatigable  S  w  a  m- 
MERDAM  a  ofé  entreprendre  de  nombrer  les 
fils  de  chaque  écheveau  ,  &  il  croit  en  avoir 
compté  au  moins  150,  dans  chacun  defquels 
il  diftinguoit  17  Oeufs.  Il  feroit  donc  parvenu 
à  voir  5 1 00  Oeufs  dans  les  Ovaires  de  la  Rei- 
ne-Abeille (^).  Combien  étoit  plus  grand 
encore  le  nombre  de  ceux  qui  lui  ont  échapés , 
puis  qu'il  effc  prouvé  qu'une  Mère-Abeille  don- 
ne naiifance  à  30  ,  40  ou  50  mille  Mouches 

En  calculant  d'après  mes  Expériences  la  fé- 
condité des  Pucerons ,  Mr.  de  Reaumur  s'ex- 
prime ainfi  Qc^'f  o  Si  on  fait  un  calcul  grof- 
5,  fier  de  tous  les  Pucerons  qui  peuvent  venir 
5,  d'un  feul  dans  le  cours  d'une  année ,  il  fem- 
55  blera  que  quand  il  ne  s'en  fauveroit  qu'un 
„  chaque  hyver  dans  un  jardin  ,  toutes  les 
5,  Feuilles  des  Arbres  de  ce  jardin  ne  fliffiroient 
,,.  pas  pour  donner  des  places  à  ceux  qui  en 
55  naîtroient;  la  terre  même  fembleroit  devoir 
j,  en  être  couverte.    Car  fi  on  fuppofe  à  cha- 


(a)  Bihlîa  Natura. 

(b)  Voyez  les  Articles  297.  &  298. 

(c)  Mém.Jurleé  Inf.  Tom.  6.  pag.  565.  &  S<î(5. 


Corps    Organise' s.    Î203 

„  cun  de  ces  Pucerons  du  Sureau  une  fécoii- 
3,  dicé  égale  à  ceile  des  Pucerons  du  Fufain, 
5,  que  chacun  mette  de  même  au  jour  90  à 
j,  95  Petits,  la  première  Génération  d'un  Pu- 
„  ceron  fera  au  moins  de  90  Petits.  Si  cha- 
^  cun  de  ceux-ci  en  donne  à  fon  tour  90, 
5,  la  féconde  fera  de  8100  Pucerons.     La  troi- 


fième  fera  de  8100  multiplié  par  90  ou  de 
729000  Pucerons.  Ce  dernier  nombre  doit 
encore  être  multiplié  par  90  ,  pour  avoir 
celui  des  Pucerons  de  la  quatrième  Généra- 
,,  tion  ,  qui  fera  65610C00  Pucerons  ,  &  en 
„  multipliant  encore  ce  nom^bre  par  90  pour 
5,  avoir  les  Pucerons  de  la  cinquième  ,  celle-  ci 
„  fera  trouvée  de  5904900000.  Nous  ne  fom- 
„  mes  encore  qu'à  la  cinquième  Génération, 
„  fi  nous  prenions  toutes  celles  qui  peuvent 
5,  venir  d'un  Puceron  qui  a  commencé  à  accou- 
35  cher  dès  le  mois  d'Avril  ,  &  qui  ne  finit 
„  qu'en  Novembre,  combien  pourroit-il  don- 
^.  ncr  de  Générations  dans  le  cours  de  l'année, 
,,  ou  feulement  en  fix  mois  ?  A  les  mettre  au 
„  rabais  il  y  en  auroit  plus  de  20.  Or  fi  cinq 
,,  Générations  ont  produit  5904900000  Puce- 
,,  rons  ,  quelle  innombrable  quantité  de  ces 
„  petits  Infecles  doit  venir  de  20  Générations? 
j,  Mais  on  efl:  bientôt  raifuré  contre  les  in- 
5,  quiétudes  qu'une  fi  grande  fécondité  pour- 
,,  roit  donner,  quand  on  fait  combien  d'autres 
5,  Infeéles  font  occupés  journellement  h  les  dé- 
j,  truire  pour  s'en  nourrir  ". 

La  fécondité  de  quelques  efpèces  de  Polypes  ^ 


204     Considérations  Sur  Les 

&  fur -tout  des  Polypes  à  Bulbes  ^  eft  plus  fur- 
prenante  encore  que  celle  des  Pucerons.  Nous 
avons  vu  (<^),  que  d'une  feule  Bulbe  ^  il  naît 
en  24  heures ,  par  des  divifions  &  fubdivifions 
fucceffives  &  graduelles  au  moins  iio  Polypes, 
qui  tous  peuvent  donner  naiffance  dans  le  mê- 
me intervalle  de  tems  à  une  fuite  pareille  de 
Polypes. 

Mr.  de  Buffon  remarque  Ç^)  ,  que  les 
Animaux  qui  ne  produifent  qu'un  petit  nombre 
de  Fœtus  ,  prennent  la  plus  grande  -partie  de 
leur  accroilfement  avant  que  d'être  en  état  d'en- 
gendrer. 

Les  Animaux  qui  multiplient  au  contraire , 
beaucoup  ,  engendrent  avant  même  que  leur 
Corps  ait  pris  la  moitié  ou  même  le  quart  de 
fon  accroilfement. 

L'HoMîyiE ,  le  Cheval ,  le  Taureau  font  des 
exemples  des  premiers ,  ainfi  que  les  Pigeons 
&  les  autres  Oifeaux  qui  ne  pondent  qu'un  pe- 
tit nombre  d'Oeufs.  Les  Poiflbns ,  les  Poules 
font  des  exemples  des  derniers. 

(«)  Article  201. 

(6)  mji,  Ikt.  Gin,  tf  Part.  Tom.  2.  pag.  30S. 


Corps    Orcanise's.     205 
CHAPITRE     VI. 

Découvertes  Mkro/copique$  de  Mî\ 

N  E  E  D  H  A  M. 

Remarques  fur  ces  Découvertes. 

325^.  Progrès  de  rHifloire  Naturelle  depuis 

P année  1740. 
Réflexions  fur  ce  fujet. 

Il  n'y  a  que  22  ans  que  nous  ignorions  la 
manière  étrange  dont  multiplient  les  Pucerons , 
les  Polypes,  différentes  efpèces  de  Vers -d'eau 
douce  ,  les  Vers  de  terre  ,  les  Etoiles  &  les 
Orties  de  mer,  les  Mouches- Araignées,  &c. 
En  moins  de  quatre  ans  ,  nous  avons  acquis 
plus  d'idées  abfolument  neuves  fur  le  Règne 
animal,  qu'on  n'en  avoit  acquis  pendant  une 
longue  fuite  de  Siècles.  A  peine  les  Reaumur, 
les  ^Trembley  ,  les  JussiEU  ,  les  Lyonnet  ont 
paru ,  que  la  Nature  s'eit  empreflee  à  leur  éta- 
ler fes  tréfors ,  &  à  leur  découvrir  fes  fecrets 
les  plus  cachés.  Aujourd'hui  que  grâces  à  fes- 
excellens  Obfervateurs ,  nous  fommes  plus  in- 
ftruits  5  nous  ne  préfumerons  pas  ,  que  nous 
connoilTions  toutes  les  manières  dont  l'Animal 
multiplie.  Nous  penferons  plutôt  que  la  Na- 
ture ne  fait  que  commencer  à  parler  ;  parce 
qu'il  n'y  a  pour  ainfî  dire,  qu'un  jour  qu'elle 
eft  interrogée  comme  elle  demandoit  à  l'être. 


fo5     Considérations  Sur  Les 

Les  Siècles  fatUrS  auront  fans  doute  leurs  RëaU- 
MUR  &  leurs  Trembley,  auxquels  elle  fe  plai- 
ra a  révéler  de  nouveaux  prodiges  &  de  plus, 
grands  encore.  Tant  de  vérités  inconnues  aux 
Anciens  &  réf-^rvées  à  nos  Modernes ,  peuvent 
nous  aider  k  juger  de  celles  que  découvrij'ont 
d'autres  Modernes  ,  pour  lefquels  ceux  -  là  fe- 
ront des  Anciens  très  ignorans.  Il  y  a  apure- 
ment bien  loin  de  la  manière  dont  fe  propa- 
gent les  Polypes  à  Bouquet  ,  à  celle  dont  fe 
propagent  les  Animaux  qui  nous  font  les  plus 
connus.  Il  exifle  peut  -être  des  Animalcules 
qui  diffèrent  beaucoup  plus  h  cet  égird  des  Po- 
lypes à  Bouquet ,  que  ceux  -  ci  ne  diffèrent 
d'un  Quadrupède,  d'un  Oifeau,  ou  d'un  Poif- 
fon.  Combien  de  merveilles  que  nôtre  Langue 
ne  fuffiroit  point  à  décrire  ,  ne  nous  ofFriroient 
pas  en  ce  genre ,  les  Animalcules  /ies  L/fuftons, 
û  leur  effroyable  petiteile  ne  les  mettoit  trop 
hors  de  la  portée  de  nos  meilleurs  Microfco- 
pes  !  Ici  commence  un  autre  Univers  dont 
nos  CoLOMBS  &  nos  Viispucts  n'ont  entrevu 
que  les  bords  ,  &  dont  ils  nous  font  des  def- 
criptions  qui  ne  reffemblent  pas  mal  à  celles 
que  les  premiers  Voyageurs  publièrent  de  l'A- 
mérique. 

Ceci  me  conduit  aux  découvertes  microfco- 
piques  Qa')   de   Mr.  Neediiam  ,  un    de  ces 

(a)  Sommaire  des  Expériences  faites  dernièrement  fur  la  Géné- 
ration^ la  Compefition  ^  la  Décompofuion  des  Sublîances  des  jini' 
maux  S  des  Végéîahles.^  Traduction  de  i'Anglois.  Ce  M^ 
moire  a  été  inféré  dans  les  TrarifaSions  Pbiloffpbiques,  . 


Corps    Organise' s.    207 

Colombs  modernes  qui  auront  la  gloire  d'avoir 
les  premiers  côtoyé  cette  Région  des  infini- 
mens  petits.  La  nouveauté  de  ces  découver- 
tes ,  la  fingularité  des  objets  qu'elles  préfen- 
tent  ,  la  réputation  bien  méritée  de  leur  Au- 
teur ,  &  le  but  que  je  me  fuis  propofé  dans 
cet  Ouvrage ,  m'engagent  à  en  donner  un  ex- 
trait. |e  me  fuis  peut-être  trop  arrêté  dans  le 
Chapitre  VII.  du  Tome  I.  fur  les  obferva* 
dons  que  Mr.  de  Buffon  a  publiées  dans  le 
même  genre.  Celles  de  Mf-Needham  leur  font 
fort  analogues  ;  mais  elles  renferment  des  par- 
ticularités qui  les  diftinguent  ,  &  que  j'ai  d'au- 
tant plus  de  plaifir  à  rapporter ,  que  je  fais  plus 
de  cas  de  la  fagacité  &  des  talens  du  célèbre 
Obfervateur.  Nous  devons  regretter  que  fes 
Yeux  ayent  fouffert  de  Tatrention  qu'il  a  don- 
née à  de  fi  petits  objets  :  Il  auroit  repris  fes 
curieufes  recherches  &  les  auroit  portées  à  une 
plus  grande  perfection. 

330.  Découvertes  deMi\  'Nekdhau  fur  les 

Anmalcules  des  InfuHons. 

Première  Expérience.  Nôtre  Phyficien  a 
rempli  une  phiole  de  jus  de  Mouton  fore 
chaud.  Il  l'a  fcellée  avec  autant  d'exa-ilitude , 
que  fi  elle  l'avoit  été  hermétiquemet ,  &  il  l'a 
tenue  dans  des  cendres  chaudes. 

Par  cette  manière  de  procéder  ,  il  penfè 
s'être  affuré ,  qu'il  n'y  avoit  ni  Oeufs  ni  Infec- 
tes vivans  ,  foit  dans  la  Liqueur  qu'il  vouloic 


2o8    Considérations  Sur  Le5 

obferver ,  foit  dans  l'Air  qui  occupoit  le  vuide 
de  la  phiole. 

Il  nous  apprend  néanmoins  que  cette  phiole 
fourmilla  enfuite  d'Animalcules  de  différentes  di- 
menfions.  La  première  goûte  de  Liqueur  qu'il 
obferva  immédiatement  après  l'avoir  tirée  de  la 
bouteille,  en  renfermoit  une  multitude.  Ils  étoienc 
parf^iitement  formés ,  &  tous  leurs  mouvemens 
indiquoient  de  la  fpontanéïté  &  de  la  vie. 

Seconde  Expérience.  Mr.  Needham  a  ré- 
pété la  même  Expérience ,  avec  le  même  fuccès 
lur  d'autres  fubltances  animales ,  comme  le  Sang , 
l'Urine,  &c. 

Troisième  Expérience.  11  a  comparé  les 
Animalcules  de  toutes  ces  Infufions  avec  ceux 
qui  étoient  nés  dans  des  Infufions  de  même  ef- 
pèce,  qui  n'avoient  été 'ni  échaufées,  ni  ren- 
fermées ,  &  il  s'eft  convaincu  que  les  uns  &  les 
autres  étoient  précifément  femblables. 

Quatrième  Expérience.  Dans  des  Infufions 
de  Germes  d'Amandes  &  de  différentes  Graines,, 
il  a  remarqué  au  bout  de  huit  jours  de  légers  mou- 
vemens. Un  Atome  diilincl  fe  détachoit  fou- 
vent  d'un  amas  de  pareils  Atomes  ,  &  s'en 
éloignoic  un  peu. 

Quinze  jours  après  que  les  Germes  &  les 
Graines  avoient  commencé  à  infufer ,  la  Liqueur 
étoit  peuplée  d'une  infinité  d'Atomes  mouvans 
excelîivement  petits. 

Les 


Corps    Organis  e^s.     2op 

Les  Infufions  du  Bled  pilé,  lui  ont  offert  d'in- 
nombrables filamens ,  qui  étoient ,  félon  lui ,  de 
parfaits  Zoophytes ,  prêts  à  produire ,  &  qui  fe 
mouvoient  par  eux-mêmes.  Plufieurs  relfem- 
bloient  à  des  coliers  de  Perles  ou  à  des  chape- 
lets. Ils  n'étoient  pas  eux  mêmes  des  Animal- 
cules microfcopiques.;  mais  ils  en  étoient  le 
principe.  Toute  la  fubftance ,  dit  -  il ,  après  une 
certaine  féparaîion  des  fels  &  des  parties  volatiles , 
s'efl  partagée  en  filaments ,  qui  ont  produit  tou- 
tes les  différentes  fortes  d'Animaux  microfiopi-  ■ 
ques. 

Notre  habile  Obfervateur  ajoute  une  chofe 
bien  extraordinaire ,  &  qui  mérite  la  plus  grande 
attention.  Je  la  raporterai  encore  dans  fes  pro- 
pres termes.  Ces  mêmes  Animaux  microfcopi» 
ques  5  après  s"* être  rajjemblés  au  fond  du  verre  & 
avoir  perdu  tout  mouvement  ^_  fe  font  réduits  de 
nouveau  en  une  fuhfîance  filamenteufe  ,  fi?  ont 
donné  aes  Zoophytes  ^  des  Animaux  d*une  plus 
petite  ejpèce.  On  voit  cette  opération  fe  réïcé- 
rer,  jusques  à  ce  que  les  filamens  &.  les  Animal- 
cules, en  le  dégradant  continuellement,  ayent 
atteint  à  une  telle  petitefle ,  qu'ils  ne  foient  plus 
perceptibles  au  iVficrofcope. 

CINQUIEME  Expérience.  L'Ingénieux  Phy- 
iicien  a  feu  varier  fes  procédés.  Au  lieu  de  fai- 
re infufer'  les  Grains ,  il  leur  a  retranché  les  ex- 
trémités pour  les  empêcher  de  germer  ;  il  les  a 
fichés  perpendiculairement  par  \x^  bout  dans  un 
Liège  fort  ijiuce  qui  flottoit  fur  feau. 

ToM.  II.  O 


210     Considérations  Sur  Les 

Ces  Grains ,  ainfi  hume6lés ,  ont  bientôt  pouf- 
fé par  leur  bout  inférieur  de  longs  &  nombreux 
filamens  ,  qui  s'étendoient  dans  l'eau  ,  &  qui 
étoient  très  vifibles  à  la  vue  Ample. 

Il  a  coupé  de  ces  filamens  ;  il  en  a  mis  les 
fragmens  dans  de  petits  verres  concaves ,  qu'il 
a  remplis  d'eau  ;  c'étoient  des  verres  de  Lunet- 
tes qui  lui  fournilToient  ces  baflins  commodes ,  & 
fi  bien  apropriés  à  la  petitefle  &  à  la  nature  des 
objets  qu'il  fe  propofoit  de  fuivre. 

Les  fragmens  qui  flottoient  fur  l'eau  de  ces 
petits  baffins ,  font  devenus  pour  lui  des  Illes  mïH 
crofcopiques  &  enchantées ,  qui  fe  font  peu  " 
plées  fous  fes  yeux  d'un  nombre  innombrable 
d'habitans.  En  un  mot,  &  pour  m'exprimer  en 
termes  moins  figurés ,  il  a  vu  reparoitre  ici  tous 
les  phénomènes  des  infufions.  Il  a  vu  les  fila- 
mens prendre  de  nouvelles  formes,  s'animer, 
&  produire  des  Animalcules  femblables  en  touc 
à  ceux  des  Infufions  ordinaires. 

ASSUREMENT  il  n'eft  perfonne  qui  n'eut  pris 
ces  filamens  de  Grains  humectés,  pour  une  vé- 
ritable Moifîjjure ,  &  conféquemment  pour  une 
produdion  purement  végétale.  Mr.  Needham 
en  fait ,  comme  l'on  voit ,  de  vrais  Zoopbytes , 
&  il  penfe  que  toutes  les  Moifilfûres  font  pré- 
cifément  de  la  même  nature. 

Sixième  Expérience.  Avant  que  d'avoir  été 
acheminé  à  tenter  ces  Expériences ,  l'Auteur 
avoit  aperçu  de  pareils  filamens  dans  la  farine  du 
Bled  niellé!  Il  avoit  obfervé  cette  farine  corrom- 


Corps    Organise' s.     211 

puë  s'animer ,  toutes  les  fois  qu'il  rhumeéloit, 
&  quand  il  la  laiiToit  fe  deflecher  pendant  des 
femaines  &  des  mois ,  il  lui  fufRfoit  d'y  répan- 
dre une  goutte  d'eau  nour  la  ranimer ,  &  pour 
contempler  de  nouveau  le  fpeélacle  incéreflaut 
qu'elle  lui  avoit  préfenté  tandis  qu'elle  étoit  en- 
core fraiche.  11  compara  alors  les  filamens  de 
ce  Bled  aux  Anguilles  de  l'eau  douce.  Ces  An- 
guilles microfcopiques  ne  fe  mouvoient  pas  d'un 
mouvement  progrelTif  ;  mais  elles  fe  contournoient 
fur  elles-mêmes  en  manière  de  Vis.  Elles  fe 
balançoient  ainfi  à  diverfes  reprifes  ,  &  cette 
forte  de  mouvement  ofcillatoire  ne  ceflbit  que 
lors  que  toute  fhumidité  avoit  achevé  de  s'é- 
vaporer. Du  Bled  niellé  ,  gardé  au  fec  pen* 
dant  deux  ans,  lui  avoit  offert  les  mêmes  phé- 
nomènes ,  dès  qu'il  étoit  venu  à  l'humecLer  QÇ), 

Eclaire'  depuis  par  les  Expériences  que  j'ai 
raportées,  Mr.  Needham  a  penfé  que  les  fila- 
mens du  Bled  niellé ,  n'ctoient  point  de  vérita- 
bles Anguilles  ;  mais  il  a  crû  devoir  les  ranger 
parmi  les  Zoophytes  des  Infufions  &  leur  aflig- 
ner  la  même  origine. 

Septième  Expérience.  Il  a  obfervé  les  mê- 
mes iilamens  naître ,  s'animer  &  produire  dans 
le  fuc  laiteux  des  Graines  n  &  da  is  un  fngmenc 
de  l'Allé  d'un  Papillon  cache  encore  fous  l'en- 
veloppe de  Chrylalide. 

('a)  Nouvelles  Défouvertes  faîtes  au  Mkrofcope  ,  traduites  éê 
J*An^lois  à  Lèide  1747.  page  99  &  fuivantcs. 

O    2 


fti2     Considérations  Sur  Les 

Huitième  Expérience.  Enfin ,  il  a  retroi> 
vé  de  ces  filamens  jusques  dans  les  Liqueurs  fé- 
minales.  Il  a  fuivi  leur  formation ,  leurs  déve- 
loppeméns  &  leurs  efpèces  de  Métamorphofes^ 
&  de  Génération ,  &  il  a  reconnu  que  tout  fe 
pafle  incomparablement  plus  vite  dans  ces  Li- 
queurs que  dans  les  Infufions.  11  penfe  que  les 
Anim?\cu\Qs  Jpermaiiques  font  produits  par  les 
filamens. 

331.  Cofiféquences  de  Mr.  Needham,  ^ 
Obfervations  fur  ces  conféquences. 
Lettre  de  routeur  à  ce  NaPuralifte^&  Riponfe,  | 

Plus  on  réfléchit  fur  ces  diverfes  Expérien- 
ces, &  plus  on  fent  combien  il  efb  difficile  de 
s'alTurer  ici  du  vrai,  &de  dilTiper  tous  les  doutes 
qu'elles  font  naître.  J'ai  indiqué  dans  la  premiè- 
re Expérience,  les  précautions  que  Mr.  Need- 
HAM  avoit  prifes  pour  interdire  l'entrée  de  ces 
phioles  aux  Infe6les  du  ddiors  ou  à  leurs  Semen- 
ces. Fondé  fur  ces  précautions ,  il  fe  croit  en 
droit  d'en  conclurre ,  que  les  Animalcules  qu'il 
a  découverts  s'étoient  formes  dans  les  Liqueurs 
mêmes ,  en  vertu  d'une  Force  prodti&rice  ou 
^végétative  répandue  dans  toutes  les  Parties  de 
la  Nature. 

Mais  ,  eft-il  bien  fur  que  ces  phioles  enflent 
été  fcellées  aufli  exaélement  que  fi  elles  l'avoient 
été  hermétiquement?  N'y  refloit-il  point  des 
•ouvertures  invifibles  qui  pouvoient  être  des  por- 
tes cochères  pour  des  Animalcules  d'une  aufli 
prodigieufe  petitelTe  que  ceux  dont  il  efl;  quef- 


CoRfs    Organise' S.     213 

tion  ?  Eft  -  il  bien  fur  qu'il  n'y  ait  point  d'Ani- 
maux ou  d'Oeufs  qui  puiiïent  foutenir  une  cha- 
leur égale  à  celle  des  cendres  chaudes ,  fans  pé- 
rir ou  fans  perdre  leur  qualité  prolifique  ?  Eft- il 
bien  fur ,  que  tandis  que  l'Obfervateur  préfen- 
toit  la  goutte  de  Liqueur  au  Microfcope  &  qu'il 
ajuftoit  rinftrument,  des  Animalcules  qui  volti- 
geoient  dans  l'air,  ou  fimplement  leurs  Semen- 
ces, ne  fe  foient  point  précipités  dans  cette 
goutte?  Eft- il  bien  fur  enfin,  qu'il  n'exifte  pas 
des  Animaux  dont  l'accroiflement  foit  fi  rapide , 
qu'il  ne  leur  faille  que  quelques  minutes  pour  pa- 
roître  tout  formés?  Des  Animaux  qui  ne  font, 
pour  ainfi  dire ,  qu'une  gelée  épailîie ,  les  Po- 
lypes à  Bouquet ,  nous  ont  fournis  des  exemples 
d'un  accroifleraent  très  -  accéléré  :  des  Animalcu- 
les d'une  confiftence  incomparablement  plus  dé- 
licate ou  plus  rare  fe  développeroient  bien  plus 
rapidement,  car  les  tems  des  développemens 
doivent  être  relatifs  aux  dégrés  de  réfiftance  des 
Solides. 

Tandis  que  l'on  ignoroit  la  véritable  origine 
des  Vers  de  la  Viande ,  &  qu'une  faine  Philofo- 
phie  n'éclairoit  point  encore  les  Efprits ,  on  pen- 
foit  bonnement ,  que  les  molécules  de  la  Vian- 
de ,  mifes  en  aclion  par  une  fermentation  con- 
venable ,  s'arrangeoient  &  s'organifoient  de  ma- 
nière à  produire  des  Infeftes.  On  n'imaginoit 
pas  que  la  Nature  dût  fe  mettre  en  plus  grands 
frâix  pour  former  des  Etres  fi  vils  &  qui  méri- 
toicnt  à  peine  le  nom  d'Animaux.    Comme  l'oa 

03 


ÎI4    Considérations  Su»  Les 

ne  foupçonnoit  pas  le  moins  du  monde  qu'ils 
eufTent  un  Cerveau ,  un  Cœur  ,  des  Artères , 
des  Veines ,  un  Eftomach ,  des  Trachées  innom- 
brables ,  des  milliers  de  Yeux ,  &c. ,  on  jugeoit 
facilement  que  leur  Génération  ne  devoit  pas 
être  aufli  régulière  que  celle  des  grands  Animaux, 
dont  l'admirable  organifacion  ne  pouvoit  être  mé- 
connue. Ri.Di  parût:  il  couvrit  la  Viande  d'un 
rézeau  ;  il  en  interdit  ainfi  l'aproche  aux  Mou- 
ches ;  la  Viande  fe  corrompit  &  ne  produifit  pas 
un  feul  Ver.  Les  mailles  des  rézeaux  de  Mr. 
Needham  étoient- elles  aflez  ferrées? 

Quand  pour  expliquer  l'apparition  de  certains 
Animalcules  dans  une  Liqueur,  on  recourt  à  des 
Forces  producîrîces  ^  à  des  Vertus  végétatives  ^ 
ne  met  -  on  pas  des  mots  à  la  place  des  chofes  ? 
Quelle  idée  a-t-on  de  ces  Forces?  Comment 
conçoit-on  qu'elles  organifent  la  matière ,  qu'el- 
les transforment  des  molécules  inanimées  en  E- 
•très  vivans,  le  Végétal  en  Animal?  Cette  mer- 
veilleufe  opération  s'exécute  - 1  -  elle  tout  d'un 
coup  ou  par  dégrés  ?  Ce  n'eft  pas  tout  d'un  coup , 
puis  que  l'on  nous  en  décrit  les  progrès  :  ce  n'eft 
pas  non  plus  par  dégrés ,  ou  par  une  forte  ^E- 
voluîion ,  puisque  le  développement  fuppofe  l'ac- 
tion combinée  de  tous  les  Organes.  Pourra -t- 
on  fe  réibudre  à  admettre  que  le  Cerveau  foit 
formé  après  le  Cœur ,  lors  qu'on  fongera  aux  ra- 
ports  fi  nombreux,  fi  variés,  fi  compliqués  qui 
lient  le  Cœur  au  Cerveau?  Croira -t -on  que  le 
Cœur  puiffe  agir  avant  le  Cerveau ,  dès  que  l'on 
fçaura  que  l'aàion  du  premier  fuppofe  néceifai- 


Corps    Organise' s.     215 

rement  celle  da  fécond  ?  Plus  on  aprofondit  la 
nature  de  l'Animal ,  plus  on  s'aide  des  lumières 
de  l'Anatomie,  &  plus  on  fe  perfuade  qu'un 
Tout  û  harmonique  n'a  pu  être  formé  pièces 
après  pièces.  Et  fi  l'on  fe  retranchoit  à  dire  que 
la  Force  génératrice  produit  fon  effet  d'un  feul 
coup ,  je  demanderois  quel  grand  avantage  Ton 
trouve  à  mettre  une  telle  P'orce  à  la  place  du 
Créateur  qui  fûrement  agit  ainfi ,  &  dont  nô- 
tre eilimable  Auteur  eft  très-éloigné  de  combat- 
tre fexiftence  ?  Nous  avons  ri  d'EPicuRE  qui 
formoit  un  Monde  avec  des*  Atomes  :  faire  un 
Animal  avec  du  jus  de  Mouton, feroit- ce  moins 
choquer  la  bonne  Philofophie  ? 

La  Nature  entière  dépofe  contre  les  Généra- 
tions équivoques,  V^oyez  les  variétés  de  la  Fé- 
^condation  &  de  la  Génération  ;  j'en  ai  tracé  le 
tableau  dans  ce  Chapitre  &  dans  le  précédent: 
cependant  tous  les  Animaux  fi  diiîèmblables  en- 
tr'eux  par  la  manière  dont  ils  font  fécondés  & 
dont  ils  engendrent ,  fe  relîémblent  tous  en  ce- 
ci,  qu'ils  tirent  leur  origine  d'un  i\nimal  de  mê- 
me efpcce.  Les  Polypes ,  fi  différens  de  tous 
les  autres  Animaux  par  les  propriétés  fmgulières 
qui  les  cara6lérifent ,  n'en  ont  pas  une  Généra* 
tion  moins  régulière ,  moins  tmivoque.  Je  fcais 
que  nous  devons  nous  tenir  en  garde  contre  les 
règles  générales  ;  je  Pai,  ce  me  femble,  aflez 
prouve  :  mais ,  je  fçais  auifi ,  que  les  exceptions 
doivent  être  rigoureufement  démontrées  pour, 
être  admifes,  fur -tout  lors  qu'elles  choquent  la 

O4 


ai(5     Considérations  Sur  les 

loi  la  plus  iiniverfelle ,  la  plus  conftante ,  la  plus 
invariable  de  toutes  celles  que  nous  connoif- 
fons.  Or,  je  demande  à  Mr.  Neildham  ,  s'il 
eft  aufli  rigoureufement  démontré  que  les  Ani- 
malcules des  Infufions  n'ont  point  une  origine 
femblable  à  celle  des  autres  Animaux ,  qu'il  l'eft 
que  les  Pucerons  multiplient  fans  accouplement? 

Ces  filamens  ,  que  Mr.  N  e  e  d  h  a  m  tranf- 
forme  en  parfaits  ILooph^tes  ,  en  font  -  ils  réel- 
lement? ou  plutôt,  avons -nous  des  preuves 
qu'il  exifle  de  vrais  Zoophytes  ;  je  veux  dire , 
des  Etres  qui  foient  à  la  fois  &  dans  le  fens 
propre  ,  Végétaux  &  Animaux  ?  Pour  juger 
de  cette  quellidn,  il  faudroit  connoitre  le  ca- 
radtère  qui  différentie  l'Animal  de  la  Plante ,  & 
ceux  qui  ont  le  plus  médité  ce  fujet ,  avouent 
de  bonne  foi  leur  ignorance.  Quand  on  abftrait 
de  l'Animal,  tout  ce  qu'il  a  de  commun  avec  la 
Plante ,  on  eft  furpris  de  voir ,  qu'il  ne  refte 
aucun  caraélère  qu'on  puifTe  regarder  comme 
diftin&if.  Boerhaave  difoit  que  la  Plante  fe 
nourrit  par  des  Racines  exiérieures ,  &  l'Ani- 
mal par  des  Racines  intérieures.  Il  compa- 
roit  les  Veines  lactées  à  des  Racines  ?  Mais 
n'y  a  -  il  pas  un  tems  où  l'Homme ,  le  plus  par- 
fait des  Animaux  ,  fe  nourrit  par  des  Racines 
extérieures  V  L'Embrion  ne  pouiîe-t-il  pas 
dans  la  Matrice  des  efpèces  de  Racines  P  Et 
les  Oeufs  qui  croijjent  au  centre  des  Galles ,  ne 
font -ils  pas  des  efpèces  fui^^ulières  d'Animaux, 
qui  fe  nourriffent  à  la  manière  des  Plantes  (a)l 

(tf)  Voyez  l'Artkle  315. 


Corps    Organisi^s.    £17 

V Ir-ntahiliîé ,  cette  propriété  fi  remarquable  de 
la  Fibre  mufculaire ,  paroitroit  nous  fournir  un 
caraftère  plus  diftindif  :   mais ,  efl:  -  il  certain 
qu'aucune  Partie  du  Végétal  ne  foit  irritable  ? 
Des  Animaux  qu'on  multiplie  de  Bouture  & 
que  l'on  greffe,   des  Animaux   qui  multiplient 
naturellement  par  Rejeltons ,  ne  font  pas  plus 
de  vrais  Zoophyîes  que  la  Chenille  ou  le  Chien. 
Ce  font  feulement  des  Animaux  qui  ont  plus 
de  propriétés  commîmes  avec  les  Plantes  ,  que 
n'en  ont  la  Chenille  ou  le  Chien.     Un  AnimaU 
fiante  ne  feroit  à  proprement  parler  ni  Animal, 
ni  Plante  ;  il  formeroit  une  claiGTe  à  part  ,  une 
nouvelle  nuance ,  un  nouvel  échellon  dans  l'E- 
chelle de  la  Nature. 

Mais,  les  fîlamens  de  Mr.  Neediiam  ont 
du  mouvement  &  une  forte  de  vie.  Des  Ato- 
mes s'en  détachent  &  s'en  éloignent  un  peu.  La 
Tige  &  les  Branches  de  quelques  Polypes  à 
Bouquet  ,  fe  donnent  auffi  des  mouvemens  : 
des  Atomes  s'en  détachent  &  s'en  éloignent.  Si 
ces  Polypes  étoient  auîTi  petits  que  les  Animal- 
cules des  Infufions  ,  ne  nous  méprendrions- 
nous  pas  fur  leur  véritable  nature  ?  Démêle- 
rions-nous la  forme  de  flnfeéle  ?  Apercevri- 
ons-nous diftinélement  cet  afîemblage  admira- 
ble de  Branches  ,  de  Rameaux  &  de  Cloches  ? 
Devinerions -nous  la  divifion  naturelle  de  celles- 
ci  5  &  tout  ce  qui  concerne  une  multiplication 
dont  le  Règne  animal  ne  nous  offre  point  d'au- 
tre exemple  ?  Je  ne  veux  point  inflnuer  par -là 


2i8     Considérations  Sur  les 

que  les  Animalcules  des  Infufions  appartiennent 
au  genre  des  Polypes  ;  j'ignore  profondément 
la  Itruclure  de  ces  Animalcules  ,  leur  origine 
&  leur  manière  de  multiplier  :  mais  je  veux 
donner  à  entendre  que  leur  exceUive  petitefle 
ne  nous  permet  pas  de  juger  de  ce  qu'ils  font. 

Mr.  Needham  conclud  encore  de  fes  ob- 
fervations  ,  que  les  Animalcules,  qui  fe  déta- 
chent des  filamens ,  font  produits  par  les  fila- 
mens.  Je  n'en  vois  aucune  preuve.  Des  Ani- 
■  malcules  aë riens  ou  aquatiques ,  d'une  petiteffe 
extrême ,  qui  s'introduiroient  en  grand  nombre 
dans  la  fubftance  filamenteufe  du  Grain ,  qui 
s'en  nourriroient  ,  qui  s'y  développeroient  & 
s'y  multiplieroient ,  &  qui  l'abandonneroient  en- 
fuite  les  uns  après  les  autres  ,  ne  produiroient- 
ils  pas  des  apparences  qui  fe  rapprocheroient 
beaucoup  de  tout  ce  que  nôtre  Auteur  nous 
raconte?  J'en  dis  autant  de  femblables  Animal- 
cules qui  fe  logeroient  dans  une  Moififlure  & 
qui  y  multiplieroient ,  comme  quantité  d'Infec- 
tes le  logent  &  multiplient  dans  différentes  Par- 
ties des  Plantes. 

Les  filamens  qu'on  découve  dans  la  Liqueur 
féminale  peuvent  être  d'une  toute  autre  natu- 
re que  ceux  des  Infufions,  &  je  ne  trouve  pas 
qu'il  foit  mieux  prouvé  que  les  Animalcules  fper- 
matïques  nailTent  de  ces  filamens ,  qu'il  l'efl  que 
les  Atomes  des  Infufions  nailTent  de  cette  for- 
te de  Moififfure  dont  j'ai  parlé.  Nous  ne  con- 
noiflbns  point  l'origine  des  Vers  fpermatiques  ; 


Corps    Orcanise's.     219 

c'eft  beaucoup   que  nous  fâchions  feulement 
qu'ils  exiftent.     Sommes  -  nous  plus  au  fait  de 
l'origine  des  autres  Vers  du  Corps  humain ,  qui 
font  d'énormes  Colofles  en  comparaifon  ?     En 
conclurons  -  nous  qu'ils  la  doivent  à  une  Force 
produdrice ,  ou  au  concours  de  certaines  mo- 
lécules organiques  communes  au  Végétal  &  à 
l'Animal  ?  Mais  ,  pourrions -nous  oublier  ces 
Mouches  Ichneumons  qui  vont   dépofer  leurs 
Oeufs  dans  le  Corps  des  Infeétes  vivans  ,   & 
d'autres  Mouches  plus  hardies  qui  vont  pondre 
dans  le  Nez  du  Mouton,  dans  le  Reclum  du 
Cheval ,  dans  le  Gozier  du  Cerf  ?     Combien 
d'Infeéles  invifibles  qui ,  femblables  en  ce  point 
à  ces  Mouches  ,  donnent  naiffance  à  des  mil- 
liers d'Animalcules ,  fur  l'origine  desquels  on  s'é- 
puife  en  vains  fyftêmes  ! 

J'ai  dit  que  Mr.  Needham  avoit  reconnu , 
que  les  prétendues  Anguilles  qu'il  croyoit  avoir 
vues  dans  le  Bled  niellé  ,  étoient  des  filamens 
ou  des  Zoophytes  pareils  à  ceux  des  Infufions. 
Son  excellent  Traducteur ,  dont  le  Gàiie  phi- 
lofophique  &  lumineux  éclairciroit  des  matiè- 
res plus  difficiles  &  plus  obfcures  encore  que 
celle-ci,  fait  fur  ces  prétendues  Anguilles  une 
remarque  importante ,  qui ,  fi  elle  étoit  plus  a- 
profondie ,  pourroit  nous  donner  la  clef  de  ces 
Découvertes.  Voici  cette  remarque.  „  Il  ar- 
5,  rive  5  dit  -  il  (  ^  ) ,  afles  fouvent ,  à  ces  An- 


(«)  Nouvelles  Découvertes  faites  avec  le  Microfcope,  &c.  page 
103. 


39 
59 
59 
59 


220     Considérations  Sur  Les 

„  guilles  de  fe  rompre ,  &  alors  on  voit  fortîr 
„  de  leur  Corps  plufieurs  petits  globules  ,  noi- 
„  râtres  ;  enveloppés  dans  une  fine  Membrane; 
5,  or  j'ai  obfervé  plufieurs  fois  que  de  ces  pa- 
5,  quets  de  globules  ,  il  fortoit  de  petits  Corps 
„  qui  nageoient  dans  l'eau  avec  beaucoup  de 
„  vicefle.  Ces  globules  qu*on  peut  même  dé- 
couvrir dans  le  Corps  de  TAnguille  à  caufe 
de  fa  tranfparence  ,  font -ils  donc  de  petits 
Animaux ,  renfermés  dans  l'Anguille  comme 
dans  un  étui  ?  Pour  être  en  état  de  réfoudre 
5,  la  queftion  ,  il  faut  obferver  de  fuite  une 
„  Anguille  jufqu'à-ce  qu'on  ait  vu  tous  les  glo- 
5,  bules  en  fortir  ;  examiner  ce  qu  elle  devient 
5,  alors,  &  fuivre  les  progrès  de  ces  derniers". 
Telle  eft ,  en  effet ,  la  meilleure  route  à  fuivre 
pour  s'inrtruire  de  l'hiftoire  fecrette  de  ces  pe- 
tits Corps ,  &  fi  Mr.  Neediîam  l'avoit  fuivie , 
nous  ne  ferions  peut-être  pas  réduits  aujour- 
d'hui à  de  pures  conjeélures.  Remarquez ,  je 
vous  prie ,  que  le  Tradu6leur  n'infinue  point , 
que  les  Anguilles  ou  filamens  foient  des  Zoo- 
phyîes ,  qui  produifent  des  Animalcules.  L'ob- 
fervation  n'a  point  fait  naître  cette  idée  dans 
fon  Efprit  :  il  fe  borne  fagement  au  fimple  ré- 
cit de  ce  qu'il  a  vu,  &  il  fait  très -bien  voir. 
Il  dit  qu'il  arrive  fouvenî  aux  Anguilles  de  fe 
rompre  ,  ^  qii alors  on  en  voit  fortir  des  glo' 
luks  noi^'ùtres.  Il  ajoute ,  quHl  a  obfervé  plu- 
fieurs fois  ^  qu'il  fortoit  de  ces  paquets  de  globu- 
les de  petits  C^rps  qui  nageoient  avec  viteffe.  Il 
E'ofe  pas  même  décider  que  ces  petits  Corps 


Corps    Organise' s.    221 

fuient  des  Animalcules.  Admettons  néanmoins 
avecMr.NEEDHAM,  que  c-en  font  réellement: 
puifqu'ils  paroilfent  renfermés  dans  le  filament 
comme  dam  un  étui ,  ne  feroit  -  ce  pas  une  rai- 
fon  de  foupçonner  que  cet  étui  eil  leur  ouvra- 
ge ?  Les  mouvemens  très  fenfibles  des  étuis, 
dépendaient  ainfi  de  ceux  des  Animalcules,  s'ils 
ne  tenoient  encore  au  relFort  naturel  des  Parties 
du  Grain  ou  à  Tadlion  de  l'eau  fur  ces  Parties. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  cette  curieufe  obferva- 
tion  eft  5  à  mon  avis ,  une  preuve  ailes  direéle, 
que  les  filamens  du  Bled  niellé  ^  dont  parle  Mr. 
Needham  ,  ne  font  point  de  vrais  Zoophytes , 
qui  engendrent  des  Animalcules.  Et  comme  il 
penfe ,  que  ces  filamens  font  de  même  nature 
que  ceux  des  Infufions  ;  nous  pouvons  en  in- 
férer ,  que  ces  derniers  ne  font  pas  non  plus  des 
Zoophytes  ;  mais  qu'ils  font  probablement  des 
efpèces  de  fourreaux  habités  par  des  Animalcu- 
les, ou  pleins  de  Globules  mouvans. 

Je  ne  cherche  point  à  deviner  quelle  eft  To- 
rigine  de  ces  fourreaux ,  quelle  en  eft  la  natu- 
re ,  comment  ils  font  formés ,  pourquoi  ils  fe 
rompent ,  &c. ,  je  ne  cherche  qu'à  prémui.ir 
mes  Leéleurs  contre  des  conféquences  qui  re 
relfortent  pas  immédiatement  des  Faits  ,  &  qii 
font  contraires  à  tout  ce  que  nous  connoilTons 
de  plus  certain  de  l'Hiftoire  des  Animaux. 

Je  fuis  donc  fort  difpenfé  d'examiner  d'où 
provient  cette  dégradation  continuelle  des  fila- 
jnens  &  des  Animalcules ,  ou  pour  fuivre  l'idée 


122       Considérations  Sur  Les 

de  nôtre  Auteur  ,  cette  converfion  graduelle 
des  Zoophytes  en  Animalcules ,  &  des  Animal- 
cules en  Zoophytes  toujours  décroiflans.  Ce 
ne  font  là  que  de  pures  apparences  ,  &  Mr. 
Needham  l'auroit  fans  doute  reconnu  ,  fi  fes 
Yeux  qui  nous  ont  découvert  tant  de  chofes  , 
lui  avoient  permis  de  reprendre  des  obferva- 
tions  qui  auroient  exigé  de  leur  part  de  nou- 
veaux efforts.  Mr.  de  Reaumur  n'avoit  point 
été  trompé  par. ces  apparences.  On  peut  fe 
rappeller  ce  qu'il  en  écrivoit  à  Mr.  Trembley, 
&  qu'il  m'avoit  confirmé  à  moi-même  dans 
fes  Lettres  (jf).  Il  eft  très  -faux ,  difoit  ce  grand 
Obfervateur ,  qui  ne  voyoit  dans  la  Nature  que 
ce  qui  y  étoit;  il  eft  très -faux  que  les  Gé  fiera- 
lions  de  ces  Animalcules  foyent  d'Animaux  de 
plus  en  plus  petits  ,  comme  Vont  avancé  M.  M. 
JnJeedham  &  de  Buffon  ;  tout  va  ici  comme 
à  l'ordinaire ,  les  petits  deviennent  grands  à  leur 
tour. 

Au  refte  ,  fi  l'on  foupçonnoit  le  moins  du 
monde ,  que  j'euife  trop  preffé  les  idées  de 
Mr.  Needham,  fur  la  manière  dont  il  penfe 
que  les  Animalcules  des  Infufions  font  formés , 
je  n'aurois ,  pour  diifiper  ce  foupçon ,  qu'à  ci- 
ter le  paffage  fuivant  de  l'Auteur  lui-même. 
Les  Animalcules  microfcopiques ,  dit  -  il ,  ne  font 
pas  engendrés  &  n  engendrent  pas  de  la  manié' 
re  ordinaire  ;  mais ,  ils  fervent  cependant  corn- 
'me  de  clef  pour  conduire  à  la  Génération  des 

(a)  Voyez  l'Article  135. 


Corps    Organise 's.     Î223 

mitres  Animaux.  Ces  expreïïlons ,  il  eft  vrai , 
ne  rcveillent  pas  des  idies  bien  claires  :  TAu- 
teiir  les  développe  un  peu  plus  en  parlant  des 
Anguilles  de  la  Colle,  W  nous  aprend  qu'elles 
font  vivipares.  Il  dit  qu'elles  peuvent  conti- 
nuer à  multiplier  ainfi  tandis  qu'elles  font  dans 
l'élément  qui  leur  convient.  Mais ,  il  ajoute , 
autant  qu'il  en  peut  juger  par  fes  obfervations  ^ 
que  leur  première  origine  eft  telle  que  celle 
de  tous  les  Animalcules  microfcopiques- ^  Jl  fait 
entendre ,  qu'avant  que  d'arriver  à  l'état  c^An- 
giiilks  5  elles  pafîent  par  plus  de  changemens , 
que  n'en  éprouvent  les  Animalcules  des  Infu- 
fions  ,  &  qu'enfin  elles  parviennent  à  l'état 
à'Oeiifou.  de  Chryfalide ,  qui  les  conduit  immé- 
diatement à  celui  d'Anguilles. 

On  voit  par  ce  court  expofé ,  que  Mr.  Need- 
HAAi  penfe  fur  ces  Anguilles  comme  Mr.  de 
BuFFON  (d) ,  &  ni  l'un  ni  l'autre  ne  nous  don- 
nent aucune  preuve  démonftrative  de  la  vérité 
d'une  opinion  fi  étrange.  J'aimerois ,  je  l'a- 
voue ,  à  me  perfuader  à  moi-  même  ,  qu^an 
aulTi  bon  Efprit  que  l'eft  Mr.  Needham  ,  & 
pour  lequel  j'ai  une  eftime  fi  fmcère ,  n'a  point 
adopté  de  tels  paradoxes.  Je  le  prie  de  réflé- 
chir de  nouveau  fur  les  Faits  &  fur  leurs  réful- 
tats  les  plus  immédiats,  &  j'attends  de  la  jus- 
telTe  de  fon  Efprit ,  de  fa  candeur  &  de  fon 
amour  pour  le  vrai  ,  qu'il  reconnoitra  que  fes 
confequences  vont  beaucoup  plus  loin  que  les 

(»)  Voyez  rArliele  31», 


224     Considérations  Sur  Les 

obfervadons  ne  le  comportoient.  Il  voudra  bien 
me  pardonner  la  liberté  avec  laquelle  je  me  fuis 
exprimé  fur  fes  fentimens  :  je  ne  confondrai  ja- 
mais avec  eux  les  Faits  précieux  dont  il  a  enri- 
chi l'Hiftoire  Naturelle. 

Je  le  difois  ailleurs  ;  les  Etres  fentans  ont  été 
variés  &  multipliés  autant  que  le  plan  de  la  Créa- 
tion le  permettoit.  La  Matière  brute  a  pour 
dernière  fin  la  Matière  organique,  &  celle -ci 
les  Ames  ou  les  fubfhances  fmiples  qui  lui  font 
unies ,  &  qui  en  reçoivent  différentes  modifica- 
tions. Une  portioncule  de  Matière  morte  ou 
vivante  fert  de  retraite  ou  de  pâture  à  des  Ani- 
malcules qui  lui  font  alfortis.  Ce  qui  fe  pafle 
très  en  grand  dans  un  morceau  de  Chair  qui  fe 
corrompt  à  l'air  libre ,  fe  pafle  très  en  petit  dans 
mie  goutte  d'Infuuon  ou  dans  une  Graine.  In- 
dépendamment des  Animalcules  du  dehors,  con- 
tre les  aproches  defquels  on  ne  fçauroit  multiplier 
trop  fcrupuleufement  les  précautions  dans  ces 
forces  d'Expériences ,  leurs  Oeufs  ou  leurs  Se- 
mences peuvent  fe  conferver  au  fec  bien  plus 
longtems  peut-être  que  les  Oeufs  de  certains 
Polypes  (^),  &  donner ainfi  naiflance  à  de  nou- 
velles Générations  dont  on  cherche  ailleurs  l'o- 
rioine.  Ne  feroit»ce  point  ici  une  des  principa- 
les fources  des  phénomènes  que  préfente  le  Bled 
niellé^  &  que  j'ai  indiqués  dans  la  fixième  Ex- 
périence de  fArticle  précédent? 

Apres 

(a)  Article  317.  ,,.  ^.^     '. 


Corps    Organise' s.     iî^ 

Apres  avoir  comporéce  Chapitre,  j'ai  cru  de- 
voir écrire  à  Mr.  NeedHx^m  ,  pour  le  prier  de 
m'aprendre  s'il  étoic  toujours  dans  les  mêraes 
idées  fur  l'origine  des  Animalcules  ;  car  j'aimois 
à  penfer  qu'il  les  avoit  abandonnées.   Voici  l'ex- 
trait de  ma  Lettre  en  date  du  31.  de  Décembre 
lyôi.    N'avez' vous  rien  découvert  de  nouveau 
fur  les  Animalcules  micro fcopiques  depuis  les  oh^ 
fervaîions  que  vous  avez  publiées  dans  les  Trans- 
actions Philofophiques  ?  Eus-vous  toujours  dans 
les  mêmes  idées  fur  l'origine  de  ces  Animalcules'^ 
PenfeZ'Vous  quils  la  doivent  toujours  à  ces  fila" 
mens  que  vous  avez  regardés  comme  des  Zoophy- 
tes  ?  Admettez-vous  encore  cette  dégradation  con- 
tinuelle des  filamens  &  des  Animalcules ,  &'  cetts 
converfion  des  filamens  en  Animalcules ,  &  des 
Animalcules  en  filamens  qui  décroijfent  graduel' 
lement  jusques  à  ce  quils  foyenî devenus invifïbles 
au  Micro fcope?  Avez -vous  répété  de  nouveau 
vos  curieufes  Expériences  fur  le  Bled  7nellé ,  jô 
veux  dire  fur  ces  filamens  animés  que  pré  fente  la 
poudre  corrompue  qu'il  renferme  ? 

Mr.  Needham  m'a  répondu  en  ces  termes. 
Je  n'ai  pas  trouvé  encore  aucune  raifon  de  chan» 
ger  mes  fentimens  fur  l'origine  des  Animalcules 
en  queflion.  J'ai  fouvent  répété  depuis  les  mê* 
mes  Expériences ,  avec^  le  même  fuccïs ,  6*  ^«- 
core  depuis  peu  un  Projejfuir  de  Reggio  vient  de 
m' écrire^  qu'il  a  fait précifé ment  les  mêmes  ob* 
fervations ,  auxquelles  il  en  a  ajouté plujîeur s  au" 
très  pour  confirmer  mes  fentimens  là-dejfus.    M 

ToM.  IL  J» 


da6      Considérations  Sur  Les 

va  les  publier  en  forme  de  Lettres ,  &  vous  les 
verrez  bientôt. 

En  attendant  la  publication  de  ces  nouvelles 
obfervations ,  j'oferois  bien  prédire  qu'elles  ne 
démontreront  pas  que  les  Animalcules  dont  il  s'a- 
git 5  ayent  une  origine  auiïi  étrange  que  l'a  penfé 
&  que  le  penfe  encore  mon  célèbre  Confrère. 
Je  m'en  tiens  donc ,  fans  balancer ,  aux  réflexions 
que  je  viens  de  foumettre  au  jugement  du  Lec- 
teur éclairé  &  impartial. 


Corps    Orsanise's.    «127 

CHAPITRE     VII. 

Idées  fur  la  manière  dont  la  Féconda- 
tion s'opère  chez  les  Animaux. 

332.  But  de  V Auteur» 

Tant  de  Faits  divers  que  j'ai  raflemblés  dan« 
cet  Ouvrage  en  fiweurde/'jEi;o/////o«, prouvent 
aflez  que  les  Corps  Organifés  ne  font  point  pro- 
prement engendrée ;m'\\^  qu'ils préexiftoient  oru 
ginairement  en  petit.  Jl  s'agit  donc  pour  expli- 
quer le  grand  myitère  de  la  Génération ,  d'afli- 
gner  les  caufes  phyfiques  qui  opèrent  les  pre- 
miers développemens  de  ces  Corps  :  car  fi  rien 
n'eft  produit,  tout  fe  développe ,  &  il  n'eft  pas 
plus  de  vrayes  Générations  que  de  vrayes  Mé- 
tamorphofes. 

Les  belles  obfervations  de  Mr.  de  Haller 
fur  le  Poulet,  nous  ont  démontré  ce  que  Ton 
n'avoit  que  foupçonné ,  que  l'Embrion  préexifle 
dans  l'Oeuf  à  la  Fécondation  {a).  On  a  vu  ci- 
defllis  Ç^),  que  plufieurs  années  avant  cette 
importante  découverte ,  j'étois  parti  de  ce  prin- 
cipe fondamental ,  que  la  Liqueur  féminale  n'é- 
toit  qu'un  Fluïde  llimulant  &  alimentaire ,  qui  en 
pénétrant  dans  l'Oeuf,  y  devenoit  la  fource  de 
l'Evolution  du  Germe  {c).    J'ai  bazardé  là-dei- 

(a)  Voyez  Ici  Articles  14,1,  143*.  &  fuivans. 

C>)  Art.  25»  a6,  ajj  al,  29>  38»  &c.  Att.  I4»i 

Ce)  Art.  43. 

P  a 


ta8      Considérations  Sur  Les 

fus  quelques  conjectures  que  je  n'ai  données  que 
pour  ce  qu'elles  valoient  t  ^  )• 

Mon  delTein  n'efl  pns  aduellement  de  déve- 
lopper beaucoup  ces  conjeélures,  &  d'en  faire 
une  aplication  fuivie  aux  divers  cas  que  préfente 
mon  fujet.  Je  reierve  ces  détails  pour  un  troi- 
fième  Volume  que  je  publierai  peut  -  être.  Je 
me  bornerai  ici  à  des  confidérations  aflez  géné- 
rales qui  me  paroiflent  refuker  naturellement  des 
Faits. 

333.  Principes  généraux  fur  la  Fécondation, 

Un  Oeuf  infécond  n'efl  donc  pas  privé  de 
Germe  ;  mais ,  le  Germe  invifible  qu'il  renferme 
ne  fe  développera  jamais ,  parce  qu'il  a  manqué 
d'une  condition  néceiTaire  au  développement ,  il 
n'a  pas  été  fécondé. 

La  Fécondation  n'introduit  donc  pas  dans 
rOeuf  ou  dans  la  Véficule  un  Germe  qui  exiftoit 
auparavant  chez  le  Màle;  elle  ne  fournit  pas 
des  Molécules  organiques ,  qui  en  s'uniiiant  en 
vertu  de  certaines  Forces  de  raporî  à  celles  de 
la  Femelle,  produifent  le  Fœtus:  mais  le  Germe 
logé  dès  le  commencement  dans  l'Oeuf  ou  dans 
la  Véficule ,  reçoit  de  la  Liqueur  que  fournit  le 
Mâle ,  le  principe  d'une  nouvelle  vie.  Elle  le 
met  en  état  de  fe  développer ,  &  de  franchir 
les  bornes  étroites  qui  le  renfermoient. 

A  mefure  que  le  Germe  fe  développe ,  il  aug- 
mente.en  même  tems  de  volume  éc  de  majp^ 


Corps    O  r  g  à  N  i  s  i'  s.     stj 

Une  Force  impulfive  ou  expanfive  agit  donc  en 
lui ,  &  des  Molécules  étrangères  viennent  sHn^ 
corporer  h.  fes  Parties  élémentaires. 

Cette  incorporation  fuppofe  la  Nutrition^  & 
celle-ci  la  Circulation,  Il  faut  que  les  fucs  nour- 
riciers foient  portés  à  toutes  les  Parties  pour 
qu'ils  s'incorporent  avec  elles  j  &  c'efl:  là  un  des 
principaux  ulages  de  la  Circulation. 

Comme  la  Liqueur  féminale  ne  forme  point  le 
Tout  entier ,  elle  ne  forme  point  non  plus  une 
Partie  intégrante  de  ce  Tout.  Elle  n'ajoute  point 
à  l'Embrion  un  Cœur  qu'il  n'avoir  pas:  mais, 
elle  donne  au  Cœm  préfbrwé  de  l'Embrion  une 
aélivité ,  Hins  laquelle  il  ne  parviendroit  point  à 
furmonter  la  refillance  des  Solides, 

La  caufe  phy/lque  des  mouvemens  du  Cœur 
eft  dans  Ton  Irritabilité  :  des  Expériences  réité- 
rées le  prouvent  (ji).  La  Liqueur  férainale  eft 
donc  une  forte  de  jlimulant ,  qui  en  irritant  le 
Cœur  de  l'Embrion  lui  imprime  un dégréde  For- 
ce qu'il  ne  pouvoir  recevoir  que  de  cette  feule 
Liqueur. 

Le  mouvement  une  fois  imprimé  au  Mobile , 
s'y  conferv^e  par  r Irritabilité ,  toujours  fubfif- 
tante  ,  toujours  inhérente  au  Miifcle,  Voilà 
donc  la  petite  Machine  montée;  mais  fon  jeu 
n'eft  pas  Amplement  celui  d'une  Montre.     Le 

RefTort,  les  Pignons  3  les  Roues  de  nôtre  petite 

î 

(a)  Confukez  l'Article  285,  &  la  DilTertation  de  Mr.  DR  . 
Haller  far  l' Irritabilité  ^  &,  celle  fur  les  Mouv^imensdU  Cœur, 

P  3 


t.%o     Considérations  Sur  Les 

Machine  animale ,  doivent  revêtir  peu  à  peu  de 
nouvelles  formes  &  de  nouvelles  fituations  ref- 
pedives:  enfin,  ils  doivent  croître ,  fe  dévelop- 
per, &  les  changemens  de  formes  &  de  fitua- 
tions dépendent  du  développement  (  a  ). 

Le  développement  fuppofe  faction  d'un  Flui- 
de. Un  Fluide  eft  donc  chaffé  par  le  Cœur  de 
l'Embrion  dans  fes  Artères  qui  le  tranfmettent  à 
toutes  les  Parties ,  d'où  il  eft  raporté  au  Cœur 
par  les  Veines. 

Ce  Fluide  doit  être  proportioné  à  la  prodi- 
gieufe  finefle  desVailfeaux  du  Germe.  Un  Sang 
tel  que  le  nôtre ,  n'y  feroit  pas  admis.  Le  Sang 
de  fEmbrion  elt  d'abord  une  Liqueur  tranfpa- 
rente  &  prefque  fans  couleur.  11  devient  bien- 
tôt jaunâtre ,  puis  rougeâtre,  &  enfin  rouge.  Je 
prie  que  l'on  veuille  bien  relire  l'Article  163. 

Le  Fluïde  qui  circule  dans  l'Embrion  acquiert 
donc  par  dégrés  des  Molécules  de  plus  en  plus 
grofTières ,  &  qui  changent  de  plus  en-plus  fa 
couleur  primitive.  Il  étoit  donc  d'abord  très  dé- 
lié ,  très  atténué ,  &  probablement  moins  hété- 
rogène. L'impulfion  continuelle  du  Cœur  agran- 
dit le  calibre  des  Vaiifeaux  dont  la  foupleife  eft 
encore  extrême.  Ils  admettent  des  particules 
plus  groffières.  Le  fang  s'épailfit ,  fe  colore  & 
devient  toujours  plus  hétérogène. 

La  reffemblânce  plus  ou  moins  marquée  des 
En  fans  au  Père  &  à  la  Mère ,  &  fur- tout  la  ref- 
fembla^ice  plus  décidée  du  3Iukt  à  l'Ane  &  à  la 

(«)  Confultez  le  Chapitre  XX.  Tom,  z^^. 


Corps    Organise' s.     13! 

Jument ,  doivent  avoir  une  raifon  primitive ,  qu'on 
ne  peut  trouver  que  dans  la  Fécondation,  Le 
Sperme  du  M^le  a  donc  fur  les  folides  de  l'Em- 
brion  une  influence  qui  porte  fur  toute  la  vie  de 
l'Enfant  oa  du  Mulet  ;  car  les  traits  qu'il  leur 
imprime  5  ne  s'cifacent  jamais. 

Cette  refTemblance  n'afFeéle  pas  feulement 
l^ extérieur  de  l'Embrion ,  elle  affede  encore  fon 
intérieur.  Le  Mulet  a  une  Voix  qui  imite  fore 
la  Voix  de  l'Ane ,  &  qui  ne  reffemble  point  du 
tout  à  celle  du  Cheval.  L'Organe  de  la  Voix 
de  l'Ane  eft  un  Inftrument  plus  compofé  qu'on 
ne  l'imagineroit,  &  qu'un  habile  Anatomifte  a 
fçu  nous  faire  admirer  (a).  Un  Tambour  d'une 
conftrudion  très  fingulière ,  placé  dans  le  La- 
rynx ,  eft  la  Partie  principale  de  cet  Inftrument. 
Or ,  ce  Tambour ,  qui  a  été  accordé  à  l'Ane , 
fe  retrouve  dans  le  Mulet ,  &  le  Cheval  en  eft 
privé. 

Le  Sperme  pénètre  donc  le  Germe,  &  fon 
influence  ne  fe  borne  pas  à  animer  le  Co&ur.  Le 
Cheval ,  defliné  en  miniature  dans  l'Ovaire  de 
la  Jument ,  reçoit  de  l'impreiTion  du  Sperme  un 
Organe  qu'il  n'avoit  pas  originairement.  La  Li- 
queur de  l'Ane  paroît  donc  le  transformer  en 
Mulet, 

Pour  que  le  Sperme  opère  de  tels  changemens 
dans  l'Embrion,  il  faut,  ce  me  femble,  qu'il  ar- 
rive de  deux  chofes  l'une  ;  ou  qu'il  foit  porté 

(4)  Mr.  Herrissant,M»w.  de  VAcaà.  1753.  pag.  i%j.  in4o, 

P4 


t3*     Considérations  Sur  Les 

lui-même  par  les  Artères  de  l'Embrion  à  toutes 
les  Parties  ,  ou  qu'il  détermine  les  Fluides  de 
l'Embrion  à  fe  porter  avec  plus  ou  moins  d'a- 
bondance à  certaines  Parties. 

La  furabondance  des  fucs  fufFit  feule  pour 
changer  une  Partie  à  nos  yeux.  Quelques  Fi- 
bres d'une  Feuille  deviennent  une  grolTe  Galle , 
lors  qu'elles  font  trop  abreuvées  :  &  combien  de 
Tumeurs  animales  qui  n'ont  pas  d'autre  origine  ! 
La  difette  des  fucs ,  au  contraire ,  apauvrit  les 
VaifTeaux  :  ils  s'oblitèrent  enfin ,  &  la  Partie  de- 
vient presque  méconnoiifable ,  fi  même  elle  ne 
s'efface  entièrement. 

Les  triftes  effets  de  l'épuifement  indiquent  af- 
fez  que  la  Liqueur  féminale  eft  portée  aux  Nerfs 
du  Sujet  5  &  qu'elle  efb  très  analogue  aux  Efprits 
animaux ,  dont  elle  elt  peut  -  être  toute  imprég- 
née. La  partie  la  plus  fubrile  d'une  Liqueur  fi 
élaborée ,  paroît  très-propre  à  s'infinuer  dans  les 
Vaifleaux  infiniment  déliés  du  Germe.  Les  Faits 
prouvent  qu'elle  pénètre  celui  -  ci.  Elle  pourroit 
encore  y  circuler,  &  produire  par  ion  aélion 
immédiatte  fur  différentes  Parties  ces  traits  frap- 
pans  de  reffemblance ,  dont  nous  tâchons  de  dé- 
couvrir les  caufes.  C'eft  ce  que  j'avois  admis 
dans  mes  premières  méditations ,  &  que  j'ai  ex- 
pofé  dans  le  Chapitre  111.  du  Tome  i°^  de  cet 
Ouvrage. 

Sx  rien  n'ell  engendre^  les  longues  Oreilles  du 
Mulet  &  le  Tambour  de  fon  Larynx  ne  le  font 
pas.  Le  Ligament  capfulaire  &  les  Bandes  liga* 


Corps    Organise' s,'     233 

menteufes  qu'on  obferve  dans  la  Greffe  de  l'Er- 
got du  Coq  fur  fa  Crête ,  ne  font  certainement 
pas  engendrés  :  la  plus  fine  dilTeclion  ne  peut 
pourtant  les  démontrer  ni  dans  l'Ergot  ni  dans 
la  Crête.  Ils  y  étoient  néanmoins ,  mais  fous 
une  autre  forme ,  &  la  Greffe  les  a  rendus  vifi- 
bles  fous  celle  qu'elle  leur  a  fait  revêtir  Qa),  Le 
Cœur  du  Poulet  ne  fe  montre  d'abord  que  fous 
la  forme  d'un  demi  anneau  :  point  de  Fenîricu- 
les  ,  point  d'Oreillettes  du  moins  apparentes; 
voyez  dans  les  beaux  Mémoires  de  Mr.  de  Hal- 
LER  comment  la  fmiple  Evolution  amène  au  jour 
ces  divers  Organes  auparavant  invifibles  ou  trop 
déguifés  QP).  Si  donc  on  ne  voit  point  au  La- 
rynx du  Cheval ,  le  Tambour  qui  eft  fi  vifible 
dans  celui  du  Mulet,  ilne  s'enfuit  point  du 
tout,  qu'il  n'y  ait  dans  le  Larynx  du  premier  au- 
cune Partie  qui  en  recevant  de  l'imprefiion  du 
Sperme ,  certaines  modifications,  ne  puifie  s'ac- 
quiter  des  fondions  propres  à  cet  In0;rument3& 
imiter  ainfi  celui  de  l'Ane. 

Q  u  E  le  Sperme  agiflTe  fur  certaines  Parties , 
qu'il  les  modifie,  qu'il  les  faffe  germer,  croître, 
développer ,  meurir ,  c'eil  ce  qui  eft  évident  par 
la  mue  de  la  Voix ,  par  la  végétation  du  Bois 
du  Cerf,  par  celle  des  Défences ,  des  Cornes 
de  la  Crête ,  de  la  Barbe ,  &:c.  &  par  bien  d'au- 
tres Faits  du  même  genre ,  qu'on  ne  fçauroit  ré- 
voquer en  doute. 

(a)  Confultez  rArtîcIe  271.  , 

(t;  Art.  J44  &  146. 

PS 


534      Considérations  Sur  Les 

S I  le  Sperme  modifie  la  Voix ,  ce  ne  peut 
être  qu'en  modifiant  l'Organe  même  de  la  Voix, 
&  puisqu'il  eft  capable  de  produire  un  tel  effet 
dans  l'Adulte ,  dont  les  Fibres  déjà  très  dévelop- 
pées, ont  acquis  de  la  confidence,  quels  chan- 
gemens  ne  peut -il  pas  opérer  fur  l'Organe  de  la 
Voix  du  Germe ,  qui  n'elt  presque  qu'une  gout- 
te de  mucofité  organifée  ? 

Dans  ces  premiers  tems ,  où  tout  efl:  d'une  dé- 
licatelTe  inconcevable ,  la  plus  petite  quantité  de 
matière ,  le  plus  léger  mouvement ,  peuvent  chan- 
ger l'œconomie  d'une  Partie ,  &  la  changer  pour 
toujours.  Car  cette  Partie  fe  nourrit  &  elle  croît. 
Les  Atomes  alimentaires  qu'elle  reçoit ,  s'y  ar- 
rangent conféquemment  aux  modifications  fur- 
venuës.  Ils  fortifient  ainfi  l'imprelTion  originelle 
du  Sperme  ;  ils  la  rendent  faiilante ,  durable ,  in- 
effaçable.   Je  renvoyé  à  l'Article  170. 

On  a  crû  trop  légèrement ,  que  la  Liqueur 
féminale  fourniiïbit  à  l'Embrion  des  Parties 
intégrantes.  On  a  pris  pour  telles  des  Parties 
même  de  l'Embrion ,  modifiées  originairement 
par  l'aétion  de  cette  Liqueur.  Un  examen 
plus  fcrupuleux  de  ces  Parties  l'auroit  démon- 
tré ;  mais  on  s'elt  hâté  de  conclurre.  Le  Pou- 
let appartient  à  la  Poule ,  le  Mulet  à  la  Jument  ; 
les  preuves  en  font  direéles  (^),  tout  le  refte 
n'eft  qu'indireél.  Apuïons  nos  raifonnemens  fur 
la  baze  la  plus  folide.  Le  Tambour  du  Mulet 
peut  imiter  le  Tambour  de  l'Ane  ;  mais  fûrement 

(«)  Article  242. 


Corps    Orsakisi's.     135 

il  n'eft  pas  celui  de  TAne.  J'invite  Mr.  Herris- 
SANT  à  faire  de  nouvelles  recherches  &  à  recou- 
rir à  des  diiredions  plus  délicates.    J'ofeiois  lui 
prédire  qu'il  trouvera  au  moins  autant  de  diirem- 
blances  que  de  refTemblances.    MM.  de  Reau- 
MUR  (tf  )  &  de  BuFFON  (F)  avouent  tous  deux 
qu'ils  ne  font  point  parvenus  à  fe  fatisfaire  fur 
les  Millets,    Les  réfultats  des  Expériences  n'ont 
pas  été  invariables ,  &  fouven^  les  Expériences 
elles-mêmes  n'ont  rien  produit  :  preuve  évidente 
qu'il  n'eft  pas  fi  facile  d'établir  les  raports  au  Mâle. 
Observons  ,  difféquons  ,   comparons.    Le 
Taureau  a  quatre  Eftomachs,  l'AnelTe  n'en  a 
qu'un.     De  l'accouplement  du  Taureau  avec 
TAnelTe  il  naît  un  Jumar.    Nous  n'avons  point 
la  diffeélion  de  ce  Mulet ,  &  elle  feroit  à  défi- 
rer.     Si  les  principes  dont  je  pars  font  vrais ,  le 
Jumar  ne  doit  point  avoir  les  quatre  Eftomachs 
de  fon  Père; mais 3 il  ell:  poiîible  que  TEflomach 
unique  qu'il  avoit  dans  l'Ovaire  de  fa  Mère, 
éprouve  de  grands  changemens  de  l'influence  du 
Sperme ,  &  que  ces  changemens  aillent  au  point 
que  TEftomach  en  paroîtra  comme  divifé  ou  mul« 
tiplié.    L'on  alFure ,  que  de  l'accouplement  du 
Coq  avec  la  Canne ,  il  naît  un  Mulet  qui  a  les 
Pieds  du  Coq  :  je  fais  fur  ces  Pieds  le  même  rai- 
fonnement  que  fur  leTambour  du  Mulet  propre- 
ment dit.    Je  rétendrai  encore  à  cette  Famille 
de  l'Ifle  de  Malthe  dont  Mr.  de  Reaumur  nous 

(a)  Art  de  faire  éclerre  les  Poulets  &c.  Toin.  2,  pag.  371.  de 
Ja  2<ie.  Edition. 
{b)  mji.  Nat.  T©m.  V.  pag,  6ie.  &  fuivaotcs. 


•3(5     Considérations  Sur  Les 

donne  THifloire ,  &  dont  les  Individus  viennent 
au  Monde  avec  ûx  Doigts  aux  Pieds  &  aux 
Mains  (a').  Ces  Pieds  de  Coq  étoient-iis  donc 
de  vrais  Pieds  de  Coq? ces  Doigts  furnuméraires 
étoient  -  ils  de  véritables  Doigts  ?  les  uns  &  les 
autres  avoient-ils  la  ftruclure  extérieure  &  inté- 
rieure propres  à  de  telles  Parties  ?  C  ell  furquoi 
l'on  ne  nous  a  point  mis  en  état  de  prononcer. 
Une  altération  un  peu  confidérable  dans  les  Pieds 
du  Canard ,  un  prolongement  exceiïif  de  certai- 
nes Parties  ofTeufes  ou  membraneufes  des  Mains 
&  des  Pieds ,  ont  pu  facilement  induire  ici  en 
erreur,  &  donner  lieu  à  tirer  des  conféquences 
plus  générales  que  les  prémifles. 

Encore  une  fois,  &  puis -je  trop  le  répéter? 
le  Poulet  étoit  tout  formé  avant  que  l'Oeuf  fut 
fécondé  par  le  Coq.  Le  Sperme  du  Mâle  fub- 
fcitueroit-il  aux  Pieds  de  l'Embrion  déjà  préfor- 
més ,  des  Pieds  d'une  autre  efpèce  ?  A-t-on 
bien  médité  fur  tout  ce  que  fuppoferoit  une  pa- 
reille fubftitution  dans  un  Tout  fi  harmonique  ? 
Et  fi  Ton  dit  que  le  Sperme  transforme ,  une 
femblable  transformation  répugneroit-elle  moins 
au  fens  commun  que  les  Métamorphofes  des 
Poètes  ? 

334.  Deux  points' principaux  qui  rejlent 
à  éclaircir. 

Voila  quelques  principes  généraux  fur  la  Fé* 
condation.    Ceux  que  j'ai  plus  développés  dans 

(«)  An  de  faire  éclorre  lès  Poulets,  &c.  Tom.  2,  page  377 
&  Cuivames  de  la  Seconde  Edition. 


Corps    Organise' s.     23? 

les  Chapitres  III,  V  &  VI.  du  Tome  premier, 
ont  avec  eux  une  grande  analogie.  Mais,  je 
manquois  alors  d'un  Fait  eiTentiel  qui  n'étoit  pas 
encore  découvert ,  &  que  je  ne  failbis  que  fup- 
pofer.  Depuis ,  la  Nature  elle-même  a  pronon- 
cé ;  la  préexiftence  du  Germe  a  été  démontrée , 
&  j'ai  vu  que  j 'a vois  bien  raifonné. 

Si  Ton  a  été  beaucoup  trop  loin ,  quand  on 
a  admis  que  le  Sperme  fournilToit  au  Germe  des 
Parties  intégrfintes  ,  on  ne  peut  ,  d'un  autre 
côté  5  difconvenir  qu'il  n'y  produife  de  grands 
changemens.  Je  prends  toujours  le  Mulet  pour 
exemple ,  comme  le  plus  frappant ,  le  plus  dé- 
cidé. 

Il  refte  donc  deux  cliofes  à  faire ,  &  le  Myf- 
tère  de  la  Génération  fera  dévoilé.  Il  faut  mon- 
trer comment  le  Sperme  arrive  au  Germe,  & 
comment  il  agit  fur  lui  &  lui  imprime  ces  traits 
inefiFh cables  qui  cara6térifent  le  Mulet, 

335*  Comment  le  Sperme  peut  parvenir  au 

Germe, 
Découvertes  de  Malpighi  fur  la  Fécondation 

des  Oeufs  du  Papillon, 
Ohjervation  de  r  Auteur  fur  ce  fujet. 

Nous  avons  des  preuves  que  le  Sperme  peut 
agir  par  dehors.  Les  Oeufs  des  Poiflbns  Çcf) ,  & 
plus  fûrement  encore  ceux  des  Grenouilles  (^) 
font  fécondés  ainli.    L-e  Mâle  les  arrofe  de  fa 

(fl)  Article  294, 


138      Considérations  Sur  leô 

Liqueur.  On  peut  fuppofer  à  l'extérieur  de 
rOeuf  de  petites  ouvertures ,  des  efpèces  de  fuc- 
çoirs  ou  de  trompes  qui  pompent  la  Liqueur 
fécondante. 

On  a  beaucoup  difputé  fur  la  queflion  fi  le 
Sperme  entroit  dans  la  Matrice.  Ceux  qui  le 
nioient ,  le  faifoient  pafler  par  les  routes  longues 
&  tortueufes  de  la  Circulation.  Verrheyen  & 
RuYscH  ont  mieux  ùit  que  de  difputer  ;  ils  ont 
diflequé  &  obfervé.  Le  premier  ayant  ouvert 
une  Vache  feize  heures  après  l'accouplement , 
a  trouvé  une  grande  quantité  de  Sperme  dans 
la  Matrice  (^).  Le  fécond  ayant  ouvert  fur 
le  champ  une  Femme  furprife  en  adultère ,  & 
qui  venoit  d'être  mife  à  mort,  afTure  avoir  vu 
beaucoup  de  Sperme,  non  feulement  dans  la 
Matrice ,  mais  encore  dans  les  Trompes  C  ^  }• 

Le  Sperme  entre  donc  dans  la  Matrice,  il 
parvient  même  jusques  dans  les  Trompes ,  &  il 
faut  bien  qu'il  parvienne  encore  jusqu'à  r Ovai- 
re^ puisque  Mr.  Littre  y  a  découvert  un  Fœ- 
tus tout  formé  (r).  On  a  d'ailleurs  des  hiftoi- 
res  de  Fœtus  adhérens  à  quelques  Parties  du 
Bas  -  Ventre ,  &  qui  s'étoient  développés  aufli 
dans  l'Ovaire ,  &  de  Fœtus  qui  s'étoient  déve- 
loppés dans  les  Trompes.  Je  ne  puis  omettre 
la  belle  Expérience  de  Nuck  Qd'^,  Il  a  lié  la 
Trompe  d'une  Chienne  trois  jours  après  la  co- 

"    (a)  Anat.  TràU.  V.  Cap.  III. 
(6)  Thef.  Jnat.   Tah.  VI.     ' 

(c)  Mém.  de  l'Acad.   1707. 

(d)  Encyclop.  Toin.  VII.  pag.  568. 


Corps    Organise' s.    239 

pulation.  Au  bout  de  vingt  &  un  jour  il  a  trou- 
vé deux  Fœtus  placés  entre  l'Ovaire  &  la  liga- 
ture. Le  relte  de  la  Trompe  &  la  Matrice  é- 
toient  vuides. 

La  Liqueur  féminale  peut  s'élever  dans  les 
Trompes  à  l'aide  d'un  mouvement  périftaltiqus 
qu'on  croit  leur  avoir  obfervé ,  ou  par  une  force 
analogue  à  celle  qui  s'exerce  dans  les  Tubes  ca- 
pillaires. L'on  peut  fe  méprendre  fur  Ja  caufe 
de  cette  afcenfion,  mais,  toujours  eft-il  cer- 
tain que  la  Liqueur  féminale  agit  fur  l'Oeuf  con- 
tenu encore  dans  l'Ovaire. 

Si  Malpighi  a  bien  vu ,  &  comment  en  dou- 
ter? la  Fécondation  des  Oeufs  du  Papillon  s'o- 
père tout  autrement.  La  Liqueur  du  Mâle  efl: 
mife  en  referve  dans  une  efpèce  de  Matrice, 
placée  à  côté  du  Conduit  des  Oeufs.  Ce  Con- 
duit aboutit  à  l'Anus ,  &  c'elt  par  l'Anus  que 
les  Oeufs  fortent.  L'ouverture  deilinée  à  rece- 
voir la  Partie  du  Mâle ,  eR  diftinéle  de  l'Anus. 
La  Matrice  a  deux  Canaux  ;  l'un  s'ouvre  dans 
le  Conduit  des  Oeufs ,  l'autre  fe  rend  à  la  Par- 
tie qui  caraélérife  le  Sexe.  Les  Branches defO- 
vaire  ,ou  les  Trompes  qui  contiennent  les  Oeufs, 
fe  déchargent  dans  le  Conduit  par  deux  Troncs 
principaux.  Au  moment  où  les  Oeufs  traver- 
■fent  ce  Conduit  pour  venir  au  jour,  au  moment 
où  ils  palfent  devant  l'embouchure  du  Canal  de 
la  Matrice ,  ils  font  fécondés.  Un  inftant  fuffit 
donc  pour  les  rendre  féconds.  La  Liqueur  fé- 
condante mife  en  dépôt  dans  la  Matrice,  agit 
don«  continuellement  fur  les  Oeufs  qui  defceu- 


^4-0      Considérations  Sur  Les 

dent  des  Branches  &  traverfent  le  Conduit.  Les 
Oeufs  que  l'on  décache  de  l'Ovaire, avant  qu'ils 
ayent  paiTé  devant  le  Canal  de  la  Matrice,  de- 
meurent inféconds  :  ceux  que  l'on  prend  au-def- 
fous  de  ce  Canal,  font  féconds.  Enfin  l'Au- 
teur a  trouvé  dans  la  Matrice  la  même  Liqueur 
qu'il  avoic  obfervée  à  la  Partie  du  Mâle  Qa^. 

C'est  fur  le  Papillon  du  Ver-à-Soye  que 
Malpighi  a  fait  ces  curieufes  obfervations.  Il 
remarque ,  que  les  Oeufs  qui  ont  été  fécondés , 
font  d'abord  d'un  jaune  qui  tire  fur  celui  du  fou- 
phre;  il  fe  change  enfuite  en  violet,  &  la  Co- 
que demeure  toujours  très-arrondie.  Les  Oeufs 
ftèriles,  au  contraire,  confervent  leur  couleur 
de  fouphre ,  &  il  fe  fait  à  la  Coque  un  enfonce- 
ment très-marqué  (Z?). 

S I  Ton  penfoit  que  ce  cara6lère  de  Stérilité 
efl:  univerfel,  &  peut-être  Malpighi  Ta-t-il 
penfé,ron  fe  tromperoit.  Des  Oeufs  d'un  brun 
marbré ,  pondus  fous  mes  yeux  par  un  grand 
Papillon ,  m'ont  offert  précifément  le  contraire. 
Les  uns  confervèrent  leur  couleur  natale ,  &  la 
Coque  fouifrit  un  enfoncement  confidérable  ;  les 
autres  prirent  une  teinte  de  violet^  &  la  Coque 
demeura  toujours  très  arrondie.  Les  premiers 
étoient  pourtant  féconds ,  &  j'en  vis  fortir  des 
Chenilles  ;  les  derniers  ne  produifirent  rien. 

.(a)  Differt.  Epijl.  de  Bomb.  Mém.  pr.ferv,  à  Vliijl.des  InJeSi, 
Tarn.  2.  Mém.  2  pig.  82,  &  fuivantçs, 
(fc)  Ibid.  pag.  84. 

Mal- 


Corps    Organise' s.    041 

Malpighi  a  imaginé  une  Expérience  ingénieu- 
fe ,  qui ,  à  la  vérité ,  n'a  poinc  eu  de  fuccès , 
mais  que  je  ne  puis  trop  exhorter  à  répéter  &  à 
varier.  Il  a  détaché  les  O^ufs  de  l'Ovaire ,  & 
il  les  a  arrofés  de  la  Liqueur  du  Mâle»  S'ils  a- 
voient  été  ainfi  fécondés ,  ils  l'auroient  été ,  en 
quelque  forte ,  par  art ,  &  h  la  manière  de  ceux 
des  Grenouilles* 

3'iGNORE  à  quelle  hauteur  la  Liqueur  féminale 
s'élève  dans  la  Trompe  ;  car  on  ne  l'a  pas  trou- 
vée encore  fur  l'Ovaire  même.  D'habiles  Gens 
penfent  que  la  vapeur  odorante  qui  s'exhale  de 
cette  Liqueur,  fuffit  pour  opérer  la  Fécondation. 
Les  odeurs  pénètrent  fort  l3ien  dans  des  cavités 
peu  différentes  de  celle  -  ci  :  mais,  il  me  paroît 
qu'il  faut  ici  plus  que  des  odeurs.  J'en  ai  déjà 
indiqué  les  raifons  ;  je  vais  y  revenir. 

33(5.  Dernières  tentatives  de  V Auteur  pour 
tacher  d' éclair cir  le  Myftère  de  la  Génération. 

La  queflion  comment  la  Liqueur  féminale  a- 
git  dans  le  Germe ,  comment  elle  imprime  au 
Mulet  ces  traits  qui  le  différentient  du  Cheval , 
paffe  généralement  pour  infoluble,  &  Ton  n'a 
pas  manqué  de  la  tourner  en  objedion  contre  la 
préexiftence  des  Germes.  Je  la  crois  au  moins 
une  des  plus  difficiles  de  la  Phyfique ,  &  je  ne 
me  fuis  jamais  flatté  de  la  réfoudre.  L'on  a  vu 
dans  les  Chapitres  111.  &  VI.  du  Tome  1er.  de 
cet  Ouvrage ,  les  idées  qu'elle  m'avoit  fait  naî- 
tre,     le  fuis  appelle  maintenant  à  les  rema- 

ToM.  IL  Q 


24!^     Considérations  SurLes 

nier  de  nouveau,  &  à  les  perfectionner  -fi  je  le 
puis. 

On  a  dit,  &  on  l'a  répété  dans  cent  Ecrits, 
que  la  Liqueur  féminale  eft  un  extrait  du  Tout 
individuel.     On  a  fuppofé  cela  pour  rendre  rai- 
fon  de  la  refîemblance  des  EnRms  à  leurs  Parens. 
Mais  on  ne  nous  avoit  point  dit  comment  cet 
extrait  fe prépare,  &  jufqu'à  Mr.  deBuffon, 
je  ne  vois  aucun  Auteur  qui  ait  conçu  un  Syftè- 
me  en  forme  fur  ce  fujet.    J'ai  donné  le  précis 
du  Syftème  de  ce  Phyficien  (a) ,  &  j'ai  montré 
qu'il  pèche  par  les  fondemens  (Z?).     Des  Mo- 
lécules organiques  renvoyées  de  toutes  les  Par- 
ties du  Corps  aux  Organes  de  la  Génération , 
parce  qu'elles  n'ont  pu  être  admifes  dans  ces  Par- 
ties ,   comment  y  auroient- elles  été  mcû^éesf 
Quelle  idée  ie  faire  des  Moules  intérieurs  de  nô- 
tre Auteur,  &  de  cette  force  qui,  félon  lui, 
a^t  comme  la  Pefanteur ,  en  pénétrant  les  maf- 
fes?  Je  choqucrois  le  Le6leur  judicieux ,  il  je 
m'arrètois  encore  à?  combattre  cesfçavances  chi- 
mères trop  careiTées  par  le  célèbre  Naturalise , 
&  dont  je  m'étonne  qu'il  fe  foit  contenté.    Je 
voudrois  bien  ne  pas  publier  auiîi  des  chimères  : 
on  me  jugera  fur  la  fuite  de  mes  principes  &  de 
leurs  conféquences. 

Le  Germe ,  qui  préexifte  à  la  Fécondation , 
ne  peut  fe  développer  fans  elle. 

Par  elle ,  non  feulement  il  fe  développe ,  mais 

(û)  Art.  112.  &  fuivans. 

(fe)  Art.  122,  1*3,  124,  171,  173,  174,    177,    30P,   & 
3x0. 


Corps    Organisb's.    243 

il  reçoit  encore  de  nouvelles  modifications  ^  qui 
aiTectent  fon  extérieur  &  Ion  intérieur. 

Ces  modifications  ont  toujours  un  raport  plus 
ou  moins  marqué  avec  l'Individu  qui  opère  la 
Fécondation. 

Il  l'opère  par  la  Liqueur  qu'il  répand  dans 
l'aéle  de  la  Génération. 

Cette  Liqueur  introduite  dans  la  Matrice, 
s'élève  dans  la  Trompe ,  &  l'Oeuf  eft  fécondé 
dans  l'Ovaire  même. 

La  Liqueur  fécondante  pénètre  le  Germe, 
puis  qu'elle  modifie  fon  intérieur. 

Et  fi  elle  le  modifie  dans  un  raport  au  Mâle, 
elle  eft  donc  elle-même  dans  un  raport  avec  lui. 

La  Liqueur  féminale  renferme  donc  des  Mo» 
lécules  qui  correfpondent  à  différentes  Partiel 
du  Mâle;  car  elle  imprime  au  Germe  des  traits 
de  reflemblance  avec  différentes  Parties  de  ce- 
lui-là. 

Chaque  Partie  du  grand  Tout  organique  a  fa 
nature  propre.  Elle  le  nourrit  par  elle-même, 
elle  croît ,  &  tandis  qu'elle  croît ,  elle  retient  fa 
llruélûre  &  fes  fondions  primitives. 

Elle  eft  donc  conftruite  de  manière ,  qu'elle 
n'admet  que  les  Molécules  qui  lui  conviennent , 
&  qu'elle  leur  donne  un  arrangement  relatif  à  fa 
Itruclûre  &  à  fes  fondions. 

Ces  Molécules  font  féparées  du  Sang  ou  de 
la  Lymphe.    Si  elles  y  retournoient,  elles  s'y 

Q  ^ 


Ê44-      CONS  IDERATIONS    SuR   LeS 

confondroient  de  nouveau,  &  il  faudroit  enco- 
re des  Organes  pour  les  en  féparer. 

Mais  ,  la  Partie  augmente  de  mafle  à  mefure 
qu'elle  croît;  elle  acquiert  journellement  plus  de 
confiftence.  Elle  retient  donc  les  Molécules 
qui  ont  fervi  à  fa  nutrition  &  à  Ton  développe- 
ment. Ces  Molécules  ne  font  donc  pas  ren- 
voyées aux  Organes  de  la  Génération ,  comme 
à  un  dépôt  général. 

Il  faut  pourtant  que  la  Liqueur  féminale  ren- 
ferme des  Molécules  analogues  à  différentes  Par- 
ties du  Mâle.  Les  Organes  de  la  Génération 
du  Maie  féparent  donc  de  fon  Sang  ou  de  fa 
Lymphe,  des  Molécules  analogues  à  différentes 
Parties  de  fon  Corps. 

Il  y  a  donc  dans  les  Organes  de  la  Génération 
du  Mâle  des  Vaiffeaux  analogues  à  ceux  qui , 
dans  ces  différentes  Parties ,  féparent  les  Molé- 
cules qui  leur  conviennent. 

Les  Organes  de  la  Génération  du  Mâle  font 
donc  pour  ainfi  dire  ^  une  yîngiologie  en  raccour- 
ci. La  même  Main  qui  a  deffmé  fi  en  petit  le 
grand  Tout  organique,  a  bien  pu  deffiner  moins 
en  petit  le  Syftème  de  fes  Vaifleaux  Sêcrétoires 
fous  des  proportions  relatives  au  grand. 

L  A  Liqueur  féminale  de  l'Ane  renfermeroit 
ainfi  des  Molécules  correfpondantes  aux  Oreilles 
&  aux  Larynx  qui  ne  le  trouveroient  pas  dans 
la  Liqueur  féminale  du  Cheval:  &  celle-ci  ren- 
fermeroit des  Molécules  relatives  au  développe^ 


Corps    Organise' s."  1145 

ment  de  la  Queue ,  qui  ne  fe  rencontreroient  pas 
dans  la  Liqueur  féminale  de  l'Ane. 

La  petitefle&la  délicatefle  extrêmes  du  Ger- 
me, indiquent  que  fes  Parties  ont  befoinpour  fe 
nourrir  &  pour  le  développer ,  d'un  Fluide  apro- 
prié  à  leur  état  actuel.  J'ai  crû  trouver  ce  Flui- 
de dans  la  Liqueur  que  le  Mâle  fournit. 

Elle  ell  le  principe  d'un  développement  qui 
ne  commenceroit  point  fans  elle ,  &  qui  fuppofe 
une  véritable  Circulation.  Elle  efl  doncleprin- 
,cipe  de  cette  Circulation.  Elle  agit  donc  fur 
les  Organes  de  la  Circulation  du  Germe ,  elle  en 
pénètre  le  Cœur ,  elle  l'anime ,  &  fi  elle  l'anime , 
fi  elle  s'y  introduit,  elle  peut  encore  circuler 
dans  toutes  les  Parties, 

Elle  y  répandra  plus  de  chaleur  &  de  vie; 
elle  leur  donnera  plus  de  confidence.  Elle  dé- 
ployera  les  VaiiTeaux,  elle  ouvrira  les  mailles 
des  Fibres.  Elle  mettra  le  Germe  en  état  de 
recevoir  des  nourritures  plus  fortes ,  que  la  Ma- 
trice lui  fournira. 

Porte'e  ainfi  h  toutes  les  Parties,  elle  leur 
imprimera  plus  ou  moins  de  ces  caraétères  qu'el- 
le tient  du  Mâle  qui  l'a  fournie.  Elle  n'agira 
pas  feulement  comme  nourriture ,  elle  agira  en- 
core comme  Fluide  doué  de  certaines  proprié- 
tés qui  le  diftinguent,  &  donc  les  effets  doivent 
varier  dans  un  raport  déterminé  au  fujet  fur  le- 
quel fon  aélivité  fe  déployé. 

Q$ 


t/^6    Considérations  Sur  Les 

Ce  fujet  efl:  le  Germe ,  dont  les  Organes  con- 
centrés, afFaifîes , pliirés  &  repliés  fur  eux- mê- 
mes ,  ont  des  form.es,  des  proportions  &  un 
arrangement  très  différent  de  ceux  qu'ils  auront 
dans  fAdulte.  Les  révolutions  du  Poulet  en 
font  une  belle  démonftration. 

En  commençant  l'Evolution ,  la  Liqueur  fé- 
condante tendra  donc  à  ouvrir ,  à  redrelfer  ,  à 
déployer  les  Organes  du  Germe ,  &  fon  a(5tion 
différemment  modiiiée  par  le  plus  ou  le  moins 
de  Molécules  de  chaque  genre ,  précipitera  ou 
accroîtra  fEvolution  de  quelques-  Organes ,  tan- 
dis qu'elle  retardera  ou  empêchera  celle  de  quel- 
ques autres. 

Comme  Fluïde  nourricier,  elle  s'incorporera 
aux  Solides  dans  le  raport  de  l'analogie  des  Mo- 
lécules à  tel  ou  tel  Solide  particulier.  Les  Mo- 
lécules analogues  ou  correfpondantes  feront  ad- 
iTiifes;  les  autres  rejettées  ou  renvoyées. 

S'il  y  a  plus  de  Molécules  apropriées  à  im 
certain  Organe,  ou  fi  ces  Molécules  font  plus  ac- 
tives, cet  Organe  fe  développera  davantage.  II 
recevra  de  leur  impreffion  d'autres  modificarions 
particulières  en  conféquence  de  leur  dilpofition 
à  lui  donner  plus  ou  moins  de  confidence ,  a  le 
laiffer  membraneux  ou  à  déterminer  l'offification. 

Ainsi  le  Sperme  de  l'Ane  porté  dans- le  Ger- 
me du  Cheval ,  y  déployera  fon  acflivité  dans  le 
raport  à  la  nature  propre  de  chaque  Organe  du 
Germe  &  à  celle  des  Molécules  fécondantes  qui 
îui  correfpondront.    De -là   rallongement  des 


Corps     Organise' s.     247 

Oreilles  du  Chev.al,la  nouvelle  modification  de  Ton 
Larynx,  &  l'altération  de  fa  Queue.  De -là,  la 
transformation  apparente  du  Cheval  en  Mulet, 

Par  cette  forte  de  transformation ,  le  Cheval 
perd  la  fi^culté  d'engendrer.  Les  Anciens  ont 
dit  pourtant  que  le  Mulet  engendroit  ;  mais  cela 
n'a  pas  été  vériiié.  La  Semence  de  l'Ane  n'ou- 
vre pas  tous  les  Vaiifeaux  propres  à  l'Organe  de 
la  Génération  du  Cheval:  une  partie  de  ces  Vaif- 
feaux  s'oblitère  donc ,  &  c'en  eil  alfez  pour  que 
le  Mulet  foit  impuiifmt  (^j). 

(a)  Depuis  l'envoi  de  mon  Manufcript  au  Libraire, 
j'ai  kl  dans  la  2<'e  Partie  de  Marx  dix  Journal  Encyclopédique  de 
cette  année  1762.  des  recherches  ciirieufes  de  feu  Mr.  Hs- 
BENSTREiT  fiir  Ics  Organcs  de  la  Génération  du  Mulet  &  fur 
les  caufes  de  ÇaJiérilUé:  En  commenceant  fes  diffeélions,  ce 
fçnvanc  Naturaliile  s'attendoii  ,  comme  il  nous  le  dit  lui- 
niêiiie ,  à  trouver  un  défaut  confidérable  dans  les  Organes  du  Sexe 
des  Mâles,  Ce  ne  fut  donc  point  fans  une  extrême  furprife, 
qu'il  reconnut  que  le  Mulet  comparé  à  l'Etalon  ,  ^  même  à 
l'Homme,  ne  leur  cédait  en  rien  dans  l'exa^e  configuration  desPa/f' 
ties  jexuelLs-  iVîêmes  Corps  caverneux,  même  Urètre,  mê- 
mes Artères,  mêmes  Veines,  mêmes  Mufcles,  mêmes  Nerfs» 
^  ce  qui  étoii  encore  plus  remarquable  ,  les  VaiJJeaux  fpermati' 
ques  étaient  dans  le  meilleur  état  ;  les  Tejlicuks  placés  deifis  leur 
lourfe  étoient  attachés  à  leurs  Muscles,  ^  avaient  leur  double  Peau» 
Leur  intérieur  étoit  un  tijju  de  millions  de  VaijJeaux  capillaires» 
Le  Rejervoir  Jpermatique ,  en  particulier ,  s' élevait  au  -  dejjus  de  Jet 
place  ordinaire  ,  ^  allait  Je  rendre ,  comme  on  l'objerve  dans  les 
Quadrupèdes  ,  à  fan  lisu  déterminé.  Là  ,  il  fe  déchargeait  dans 
les  Véficules  Séminales  dont  la  JiruFlure  avait  plus  de  rapport  à  la 
confarmation  du  Cbeval ,  qu'à  celle  de  l'Homme .,   &c. 

Mr.  Hebenstreit  ne  découvrant  donc  rien  dans  les  Orga- 
nes de  la  Génération  du  Mulet  qui  put  lui  donner  les  caufes 
de  fa  ftériliié,  s'arrêta  à  en  confidérer  la  Liqueur  féuiinale  qui 
eft  très- abondante.  Il  ne  lui  trouva  aucune  conformité  avec  le 
Spenm  dei  Animmx  Miks  féconds ,  quoique  d'abord  les  apparm» 

Q4 


248       Considérations  Sur  Les 

Les  Organes  de  la  Génération  ont  pour  fia 
principale  la  confervation  des  efpèces,  &  non 
l'augmentation  du  nombre  des  efpèces.  Ils  fonc 
pourvus  de  VaifTeaux  qui  fép^irent  les  Molécu- 
les apropriées  au  développement  de  cts  Organes 

ces  fujjent  encore  les  mimes  n  qu'à  légard  des  Organes.  Ces  Mo- 
lécules animées,  qu'on  découvre  en  fi  grande  quantité,  à  l'ai- 
de du  Mifcroscope  ,  dans  les  Liqueurs  féaiinales  des  N.àies, 
&  qu'on  a  nommées  ArÀmalcuks  jpermatiques  ,  échappent  ict  en» 
tiè'ement  à  l'objeivation.  H  ejl  certaîi,  ajoute  notre  hab'Ie  Phy- 
fîcien ,  qiLe  ces  Animalcules  placés  Joig^eufement  ^  à  [ilafiiurs  re- 
■prijes ,  (j' examinés  au  fo-jer  de  la  Lentille,  n'ont  jamais  pu  être 
aperçus.  L?  Confsiller  Walter  ^  le  ProfeJJeur}iAvss.L  qui  ont  fait 
chacun  léparment  leurs  obfervatioi  s  ■,  Je  Jont  trouvés  d'accord  dans 
ce  réfvltat.  La  manière  éroit  encore  cbmde,  on  avait  ouvert  le  Mu- 
Ist  aiijfi  tét  qu'il  avoit  été  égorgé ,  £jf  l'on  avait  pris  tontes  ks  pré" 
cautions  néce-jj'aires  pour  qu'it  ne  rejldt  aucun  doute  jur  cefujet. 

Mr.  HEaEKSTRKiT  conctud  de  ces  obfervations,  que  l'on  doit 
chercher  la  cauje  de  laftérinté  du  Mulet  dans  le  défaut  de  la  Par- 
tie animée,  ^  pour  ainh  dire  ignée  de  la  Semence:  car  il  ne  veut 
pas  rtconnoî'.re  les  Molécules  en  quelUon  pour  de  vrais  Ani- 
malcules. /'  eft  plui  prohabie  dit -il  que  ces  Particules  agitées 
qui  ont  des  divcrfîtéi  de  figure  relatives  à  celles  des  Espèces ,  jont 
la  partie  aBive  ds  la  Semence  par  laquelle  ejt  animé  l'Embrign,  qui 
exifte  toûjmrs  dans  l'Ovaire. 

On  a  vu  dans  la  Note  que  j'ai  mife  au  bas  de  l'Article  I35'. 
que  Mr.  Dii  Reaumur  croyoir  s'être  alTjré  que  ces  Molécules 
é. oient  de  vr.is  Animalcules  qui  fe  propageoient ,  &  Mr.  He- 
BEKSTREiT  I  iguoroit  Mais  quiind  cela  ne  feroit  pas  certain, 
l'abfence  de  ces  Molécules  de  quelque  nature  qu'on  les  fupo- 
fat ,  prouveroit  toujours  un  vice  dans  la  Liqueur  féminale  du 
Mulet  ;  puis  qu'on  les  découvre  conftamment  dans  les  Liqueurs 
féminales  des  Animaux  féconds  ,  &  qu'elles  manquent  dans 
ceux  qui  ne  font  pas  encore  en  état  d'engendrer  ou  qui  en 
font  devenus  incapables  Or  ce  vice  de  la  Liqueur  féminale 
du  Mulet  •,x)Q  Vi-int  lui  même  dépendre  que  d'un  vie."  fecret  dans 
les  Ora^ines  qui  la  préparent.  La  plus  fine  Anatomie  ne  fçau- 
ro't  fans  doute  ,  le  découvrir.  Il  tient  apparemment  à  des 
tuÏHUX  fi  déliés,  que  nos  meilleurs  Microfcopes  ne  pourr.->îent 
y  atteindre.  Je  penfe  donc  qu'on  ne  doit  pas  affirmer  avec  Mr. 
HEBENSTseiT  ,  quc  Ics  Organes  de  la  Génération  du  Mulet 
font  auffi  bien  condiiionés  que  ceux  du  Œevai  ou  de  l'Hom- 


Corps    Organise'».      24^ 

dans  le  Germe.  Ces  Vaifleaux  peuvent  avoir 
été  conftruks  ou  calibrés  de  manière  qu'il  n'y 
ait  que  ceux  de  la  même  efpèce  qui  le  correft 
pondent  exaclement  dans  le  grand  &  dans  h 
petit. 

me.  Il  n'a  vu  de  ces  Orgnnes  que  les  Parties  les  plus  grofCè' 
res  ou  qui  en  conitituent  la  charpente.  Et  ces  millions  de  Vais- 
Jeaux  capillaines  dont  il  parle,  auroil-il  jamais  pu  les  démêler 
&  les  comparer  à  ceux  du  Chevnl  ou  de  l'Honimc? 

NÔTRE  fçivant  Profelli-ur  paiTe  em'uice  à  la  defcription  des 
Organes  de  la  Mule.  Les  Parties  extérieures  ne  lui  ont  point 
paru  différer  de  celles  de  la  Jument  Mais  ce  qu'il  y  a  de  fni' 
guliir  dit  il,  ^  qu'aucun  Auteur  n'a  décrit,  c'ejt  que  la  Mule  a 
le  conduit  de  l'urine  place  d'une  manière  di^erente  de  celle  qui  a 
lieu  dans  les  autres  Animaux  ;  il  ne  va  point  à  la  l'ulve  en  paffant 
entre  le  Citoris  ^  l' orifice  extérieur  de  la  Matrice,  tnais  il  eft  ren- 
fermé dans  l' Etui  même  de  la  Matrise ,  (^  c'ejt  de  là  que  l'urine 
coule  L'Auteur  de  cecre  découverte  en  infère  avec  fonde- 
ment,  que  cette  feule  confor;na:iom  paroitr oit  Juffijante  pour  faufer 
la  ftérilité  de  la  Mufe  :  elh  doit  emporter ,  ajoute  ■  t  -  il ,  avec  fou 
urine  la  Sémevce  qu'elle  a  reçue.  Joîç^nez  à  cela,  que  cet  écoule» 
ment  perpétuel  d'urine,  durcit  l'Etui  de  li  Ma' rie e  en  forte  qu'on 
n'y  trouve  pas,  mé.ne  lorsque  que  la  Muls  ed  i<:uni  ^  les  plis  ^  les 
rides  ordtnairei. 

Une  féconde  obrervation  importante  de  Mr.  Hebenstreit 
regarde  l'Ov'aire.  //  a,  dit-il ,  les  VM(Jeaux  ordinaires ,  Artères , 
Veines,  Kerfs;  ils  procèaent  tous  ies  lieux  accoutumés ,  ^ Je  par- 
tagent dans  l'Ovah-e,  comme  on  le  voit  diffinclement  après  les  avoir 
préparés  par  l'injerdon  du  Mercure.  Mais  ca  Ovaire  ne  contenoit 
aucune  des  Veficulfs  transparentes  qu'on  a  coutume  de  nommer  Oeufs, 
à  moins  que  ces  Oeufs ,  qui  dans  leur  origijie  font  presque  imp^r- 
centihies  ,  n'ayent  été  encore  cachés  dans  la  partie  jaune  de  l'Ovaw 
re;  cependant  comme  le  fujet  de  la  diffeÙion  avoit  d.jà  l'âge  requis 
pour  l'accouplement ,  quelques  Oeufs  du  moins  auroient  dû  s'y  ma- 
nifejier  comme  dans  les  autres  F^^melles  de  cet  âge,  Ainfi  l'on  efi 
en  droit  de  conclurre  de  l'abjence  des  Oeu^s  la  ftérilité.      »         ,.  -^X 

Enfin,  une  troifième  obfervstion  très  remarquable,  eft 
celle  par  laquelle  Mr.  Hebenstreit  termine  la  Lettre  dont  je 
donne  l'extrait  Elle  roule  fur  la  Marijce  de  la  Mule.  Je 
ne  connais  pafnt,  dit-  il ,  de  Matrice  dans  aucune  antre  Femelle,  qui 
sit  la  Peau  aujji  déliée ,  ^  dont  la  circonférence  fois  aujfijpacieufe 

Q  5 


S50         GONSIDERATIONS  SurLeS 

Il  y  aura  eu  plus  de  latitude  à  Tégard  des  au- 
tres Organes.  Nous  ignorons  les  limites  de  cet- 
te  latitude.  L'expérience  feule  peut  nous  les 
faire  connoître  :  mais ,  il  n'y  a  pas  d'apparence 
qu'elle  s'étende  du  Quadrupède  à  l'Oifeau.    Un 

que  dans  la  Mule.  L'Utérus  des  Jnhnaux  eji  en  général  d'une  fub ■ 
fiance  fort  compatle ,  celle  de  la  Mule  eji  à  peine  égale  enjolidité  à 
la  Fejjle  de  l'urine.  Cela  mêla  fait  croire  inhabile  à  porter,  ayaîit 
beaucoup  trop  de  transparence  ^  de  rareté  en  comparai/on  de  celle 
des  autres  animaux ,  pour  Joiitenir  le  poids  du  Foetus^ 

Il  paroît  donc  que  l'altération  des  Organes  fexuels  ,  qui  ne 
fe  manifefte  chez  le  Mulet  que  par  fes  effets,  je  veux  dire  par 
l'état  de  la  Liqueur  féminale,  fe  manifefte  chez  la  Mule  dans 
les  Organes  eux  -  mômes.  On  n'attend  pas  de  moi  que  je  ren- 
de raifon  du  déplacement  de  l'Urètre,  il  faudroit  d'ailleurs  s'as- 
furer  qu'il  eft  confiant.  A  l'égard  de  l'abfence  vraye  ou  ap- 
parente des  Oeufs  &  du  peu  d'épaifleur  de  la  Matrice,  ce  font 
des  Faits  dont  l'explication  rentre  dans  lafphère  de  mes  princi- 
pes &  qui  les  confirment. 

Tout  ceci  nous  démontre  de  plus  en  plus,  combien  les  Ex- 
périences fur  les  Mulets  peuvent  répandre  de  jour  fur  le  myf- 
tère  de  la  Génération,  &  il  eut  été  bien  à  défirer ,  qu'au-  litu 
de  differter  fans  tin  fur  cette  matière,  l'on  fe  fut  adreffé  direc- 
tement à  la  Nature,  le  fcaîpel  &  la  lentille  à  la  main.  N'eft- 
11  pas  étonnant  qu'on  n'ait  pas  cherché  plutôt  par  cutte  voye, 
les  caufes  de  l'impuiflance  du  Mulet? 

Dans  la  Partie  (uivaate  du  même  Journal  eft  une  Lettre  du 
célèbre  Mr.  Klein,  relative  à  la  précédente,  mais  bien  moins 
inilruélive.  L'Auteur  y  applaudit  aux  obfervations  du  Profts- 
fcur  de  Leipfig,  &  fait  fur  le  myftère  d  la  Génération  des  ré- 
flexions qui  prouvent,  qu'il  n'avoit  pas  cherché  à  aprofondir 
ce  fujet.  11  rejeite  la  préexiftence  du  Germe  dans  l'Oeuf, 
&  fe  déclare  Pirrhonien  à  l'égard  de  tous  les  Syftèmcs  connus. 
Mr.  HEBENSTPETTdit-  il,  admet  que  l'Embrion  exijîe  toujours  dans 
les  Oeufs  de  la  Mère.  Mais  n'ejUce  pas  un  paradoxe  ?  L'Embrion 
du  Mulet  exifte  toujours  dans  les  Oeufs  de  la  Jument^  [5'  l'Ane 
l'anime.  Four  moi  je  trouve  ici  de  la  contradiciion.  Ajoutez  que 
le  defjèin  de  l'Animal  dans  l'Oeuf^  ce  qu'on  n'a  jamais  pu  objerver 
avec  les  meilleurs  Microjcopes,  a  bien  l'air  d'être  une  Jupo/ition  gja- 
tuïte,  un  être  de  raifon,  on  ne  le  trouve  point  dans  les  Atiimalcu- 
les  fpermatiques.  Je  demanderai  enfuite  en  quoi  confifie  ce  dejjein 
^  qu'efi'ce  qui  efi  dejjiné ?  cela  rejjemble -t -il  aux  premiers  coups 


I 


Corps    Organise' s.     251 

grand  Obfervateur  a  rendus  fameux  les  amours 
du  Lapin  &  de  la  Poule  Qh'),  Probablement  il 
en  avoit  trop  efpèré.  Mr.  de  Buffon  l'a  relevé 
avec  rairon,en  faifant  remarquer  que  de  l'union 
du  Lièvre  &  de  la  Lapine,  efpèces  très  voilî- 
nes,  il  n*a  rien  refulté  (r).  Je  n'ai  point  de 
foi  aux  amours  du  Lapin  ^  de  la  Poule ,  m'écri- 
voit  Mr.  DE  Hallkr  ;  j.\n  vérifié  r expérience 
de  Mr.  de  Reaumur  ,  &  fai  des  rai  fou  s  fuffi- 
fautes  de  croire  que  ce  né  coi  sut  que  des  badi nages 
d'un  Animal  extrêmement  vif  c^  fé  mi  liant,  Con- 
fultez  l'Article  139. 

Mais,  chez  les  Cifeaux,  les  Mulets  propa- 
gent pourtant.  Mr.  de  Haller  m'écrivoit  en- 
core ;  les  Oiftaux  Mulets  font  des  exemples  évi- 
dens  du  concours  des  deux  Sexes ,  avec  une  cer* 
taine  prérogative  du  Mâle.  Mr.  Sprengel  a 
étudié  la  multiplication  des  Bâtards  qui  nailjènt 
de  t accouplement  des  Serins  &  des  Chardonnerets» 
Le  Bec  plus  épais  de  ceux-ci  s'efi  confervé  dans 

de  crayon  d'un  Peintre  qui  font  encore  bien  éloignés  de  la  perfeUion, 
mais  qui  préjentent  poiirWit  une  image  reconnotjjable  ?  çj'c. 

Si  Mr.  Klein  avoit  plus  médité  ce  fujet  difficile,  il  auroit 
compris,  qu'il  ne  falloit  pas  chercher  un  Germe  de  Mulet  dans 
les  Ovaires  de  la  Jument,  &  qu'il  n'y  avoit  point  de  contradic- 
;  ion  à  admettre  que  le  Sperme  de  l'Ane  modifie  le  Germe  du 
Cheval.     J'ai  montré  comment  on  peut  le  concevoir. 

En  parlant  du  déplacement  de  l'Urètre  de  la  Mule,  il  aioû- 
te  ;  je  vie  rapelle  une  chofe ,  que  j'ai  remarquée  dans  mon  Traite  de 
V origine  des  Poijjons,  page  5.  c'ejl  que  les  Oifeaux  comme  les  Pois- 
Jons,  rendent  l'urine  ^  les  excrémens  par  un  Jeul  ^  même  conduit , 
je  n'ai  aucune  expérience  qui  m'indique  fi  le  conduit  de  l'urine  cjl 
aujji  caché  dans  celui  des  Oeufs. 

{b)  Mr.  DE  Reaumur,  Art  de  faire  éclorre  les  Poulets,  Toui» 
a.  pag.  340.  &  fuivantcs,  2-^-.  Edition, 

(c;  Hijl  Nat.  Tom.  VI.  pag.  303,  &  304. 


^$1     Considérations  Sur  Les 

plu/ieurs  Géf^îérations,  Car  dans  des  O'ifeaux 
auffi  femblables  ^  les  Bâtards  ont  multiplié  &'  en- 
tr^eux ,  6?  avec  leurs  races  paternelles  &  mater- 
nelles, 

L  A  Semence  du  Chardonneret  efl  donc  pro- 
pre à  faire  développer  en  entier  les  Organes  de 
la  Génération  du  Serin.  Ces  Organes  font  en 
raport  avec  les  autres  Parties  ;  ils  les  repréfentent 
en  quelque  forte.  Le  Chardonneret  ne  paroît 
pas  différer  beaucoup  du  Serin;  au  moins  a-t-il 
avec  lui  de  grands  raports.  Les  Organes  de  la 
Génération  du  premier  doivent  donc  être  fore 
analogues  à  ceux  du  fécond ,  &  les  Semences 
font  entr'elles  comme  les  Organes  qui  les  prépa- 
rent. Si  le  Bec  du  Chardonneret  s'eft  confervé 
dans  plufieurs  Générations ,  ce  n'effc  pas  qu'il  en- 
voyé des  Molécules  moulées  aux  Organes  de  la 
Génération:  mais  c'efl:  que  ceux-ci  ont  un  ra- 
port avec  le  Bec ,  &  que  les  Molécules  corref- 
pondantes  qu'ils  féparent^ont  pu  agir  fur  la  Par- 
tie de  fOrgane  de  la  Génération  du  Germe  qui 
répond  au  Bec.  Cet  Organe  aura  donc  filtré 
des  Molécules  propres  à  modifier  le  Bec  du  Se- 
rin. On  n'exigera  pas  davantage  de  mes  prin- 
cipes ;  je  ne  fçaurois  en  pouffer  plus  loin  la  dé- 
du6tion.  C'eft  beaucoup  qu'ils  m'ayent  conduit 
jufqu'ici. 

Une  nouvelle  modification  qui  fur  vient  à  une 
Partie  organique ,  affoiblit  ou  éteint  une  modi- 
fication antécédente.  Le  Bec  de  Chardonneret 
fe  changera  peu  à  peu  en  Bec  de  Serin ,  par  l'ac- 


Corps    Organise 's.     155 

tion  répétée  de  la  Semence  du  Serin  far  plufieurs 
Générations. 

Mr.  deBuffon  regarde  comme  des  Animaux 
de  même  ejpèce ,  tous  ceux  de  l'union  defquels 
refukent  des  Individus  capables  d'engendrer  (ci). 
Suivant  cette  notion ,  l'Ane  &  le  Cheval  n'ap- 
partiennent pas  à  la  même  efpèce;  le  Mulet 
n'engendre  point.  Par  la  raifon  des  contraires , 
le  Chardonneret  &  le  Serin  feroient  de  même 
efpèce.  Je  fuppofe  toujours  que  Mr.  Sprengel 
a  bien  obfervé. 

337.  Expériences  à  tenter  pour  âéciâer  des 

Idées  de  r  Auteur  fur  la  Fécondation» 
Réflexions  fur  ces  Expériences, 

Il  eflune  efpèce  de  Poule  qui  a  cinq  Doigts; 
les  efpèces  communes  n'en  ont  que  quatre.  Mr. 
DE  Reaumur  propofe  des  mariages  entre  des 
Coqs  i\  cinq  Doigts  &  des  Poules  à  quatre  Doigts , 
&  entre  des  Coqs  à  quatre  Doigts  &  des  Poules 
à  cinq  Doigts  (Ji),  Je  ne  prétends  pas  deviner 
les  réfultats  qu'auront  des  Expériences  0  propres 
à  éclaircir  le  myllère  de  la  Génération.  Je  di- 
rai feulement ,  que  fi  mes  principes  fur  cette  ma- 
tière font  vrais ,  la  Semence  du  Coq  à  cinq  Doigcs , 
fera  développer  dans  le  Germe  à  quatre  Doigts 
quelque  chofé  qui  aura  l'air  d'un  Doigt  furnu- 
méraire.  Peut-être  encore  qu'elle  changera  un 
peu  la  conformation  ou  les  proportions  des  Doigts 

(a')  Hîll.  Nat.  Tora.  IV.  pag.  384. 

(b  )  Art  de  faire  éçlorre  les  boulets,  Tom.  II.  pag  ^66.  He» 
Edition. 


t54     Considérations  Sur  les 

naturels.  La  Semence  du  Coq  à  quatre  Doigts , 
portée  dans  le  Germe  à  cinq  Doigts,  devra,  au 
contraire,  laiffer  le  cinquième  Doigt  imparfait 
ou  le  rendre  mal  conformé ,  &  altérer  fes  pro- 
portions. Ce  vice  de  conformation  ou  de  pro- 
portion pourra  s'étendre  encore  aux  autres  Doigts, 
&c.  Mr.  DE  Reaumur  n'a  pas  anoncé  de  feVi- 
blables  réfultats  :  il  n'étoit  pas  parti  des  mêmes 
principes  que  moi.  „  Si  les  Germes ,  dit-^il  Qi)  , 
„  font  dans  la  Poule ,  celle  qui  a  cinq  Doigts , 
,,  a  des  Germes  à  cinq  Doigts ,  &  quoi  qu'elle 
„  ait  été  fécondée  par  un  Coq  commun,  elle  don- 
„  nera  des  Poulets  à  cinq  Doigts.  Ceux  qu'el- 
,,  le  donnera  n'en  auront  que  quatre  comme  le 
„  Coq.  avec  qui  elle  a  habité ,  fi  les  Germes  font 
„  dans  le  Coq.  De  même  la  Poule  commune 
3,  qui  doit  la  Fécondation  de  fes  Oeufs  à  un 
5,  Coq  qui  a  cinq  Doigts,  produira  des  Poulets 
3^  à  quatre  Doigts ,  fi  les  Germes  des  Poulets 
„  étoient  en  elle ,  &  elle  produira  des  Poulets 
„  à  cinq  Doigts,  fi  les  Germes  lui  ont  été  ap- 
„  portés  par  le  Coq.  " 

AujoiiRDHui  il  eft  démontré ,  que  les  Germes 
font  dans  la  Foule  ^  &  nôtre  Illuftre  Académi- 
,  cien  rignoroit.  Mais,  de  ce  que  les  Germes 
font  dans  la  Poule ,  il  ne  s'enfuit  point  du  tout , 
qu'une  Poule  à  quatre  Doigts ,  fécondée  par  un 
Coq  à  cinq  Doigts ,  produira  des  Poulets  à  qua- 
tre Doigts,  ni  qu'une  Poule  à  cinq  Doigts,  fé- 
condée par  un  Coq  à  quatre  Doigts ,  fera  des 
Poulets  à  cinq  Doigts.  Cette  conclufion  relTem- 

(•)  Ibid.  pag.  367, 


Corps    Organise' a.     255 

bîe  à  celle  que  T Auteur  tire  des  Oeufs  qui  au- 
roient  été  fécondés  par  un  Lapin ,  lors  qu'il  a- 
vanee  (^)  quils  mus  vaucir oient  des  Poulets 
vêtus  de  poils ^  ou  des  Lapins  couverts  de  plumes. 
Ce  ne  feroient  proprement  ni  des  Poulets  ni  des 
Lapins ,  ni  des  poils  ni  des  plumes.     Les  Ger- 
mes qui  exiflent  dans  la  Poule  font  des  Germes 
de  Poulets  qui  renferment  des  Germes  de  plu- 
mes.    La  Semence  du  Lapin  ne  transformeroit 
pas  les  Poulets  en  Lapins ,  les  plumes  en  poils. 
De  pareilles  transformations  n'ont  point  lieu  dans 
la  Nature;  je  l'ai  fuffifamment  prouvé  en  divers 
endroits  de   ce  Livre.     Mais,  la  Semence  du 
Lapin ,  portée  dans  les  Germes  des  Poulets,  y 
produiroit  des  modifications  plus  ou  moins  frap- 
pantes 5  qui  changeroient  plus  ou  moins  la  for- 
me extérieure  &  intérieure  des  individus.  Tou- 
jours pourtant  ce  feroient  au  fond  des  Poulets , 
comme  le  Mulet  eft  au  fond  un  Cheval  modi- 
fié.   L'aOion  de  la  Liqueur  féminale  doit  varier 
dans  un  raport  déterminé  au  fujet  fur  lequel  elle 
travaille. 

L'Auteur  de  la  Vémts  Phyflque  propofe  d'au- 
tres Expériences,  qui  feroient  encore  bien  pro- 
pres à  vériiier  mes  principes.  „  Ce  feroit  af- 
„  furément ,  dit -il  (Z?)  ,  quelque  chofe  qui 
5,  mériteroit  bien  l'attention  des  Philofophes, 
„  que  d'éprouver  fi  certaines  fmgularités  arti- 
„  ficielles  des  Animaux  ne  paiferoient  pas  après 
„  plufieurs  Générations  aux  Animaux  qui  naî- 

(c)  Ibid.  pag.  351. 

(&)  Venus  Fbyf^que  ikçoïïic  Partie,  pag.  159.  Edit.  deJ74Si 


^^6    Considérations  Sûr  Les 

5,  troient  de  ceux  •  là.  Si  des  Queues  ou  de-g 
5,  Oreilles  coupées  de  Génération  en  Génériuion 
5,  ne  diîViinueroient  pas,  ou  même  ne  s'anéan- 
3,  tiroient  pas  à  la  fin  ".  On  voie  que  luivanc 
mes  idées,  des  Queues  retranchées  aux  Maies 
de  Générations  en  Générations  ,  ne  diminue- 
roient  pas  ou  n'anéantiroient  pas  à  la  fin  les 
Queues  dont  les  Germes  auroient  été  originai- 
rement pourvus.  Cela  arriveroit  infailliblement, 
fi  la  Queue  du  Mâle  fournifToit  des  iMolécules 
de  la  réunion  defquelles  fe  formât  celle  des  Ger- 
mes. Mais ,  en  retranchant  la  Queue  au  Mâ- 
le, on  ne  lui  retranche  pas  la  Partie  des  Or- 
ganes de  la  Génération  que  je  fuppofe  corref- 
pondre  au  Coccix. 

338.  Sources  de  la  rejjembîafice  des  En  fa  fis  à 

leurs  Farens^  &c. 
Des  Envies  des  Mères. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  le  Germe  ait  très 
en  petit  tous  les  traits  qui  caraftérifent  la  Mè-* 
re  comme  Individu.  Le  Germe  porte  l'em- 
preinte originelle  de  1':  fpèce,  &  non  celle  de 
l'Individualité.  Ceft  très  en  petit  un  Homme, 
un  Cheval  5  un  Taureau,  &c.  mais,  c^  n'ell 
pas  un  certain  Homme  ,  un  certain  Cheval , 
un  certain  Taureau  ,  &c.  Tous  les  Germes 
font  contemporains  dans  le  Synème  de  révo- 
lution. Ils  ne  fe  font  pas  communiqués  les  uns 
aux  autres  leurs  traits ,  leurs  cara-flères  diftinc- 
tifs.    Je  ne  dis  pas  que  tous  ceux  d'une  même 

efpèce 


Corps    Organise'»,     i^^ 

fefpèce  foient  parfaitement  identiques.  Je  ne 
vois  rien  d'identique  dans  la  Nature  ;  &  fans 
recourir  au  principe  des  LuHfcernahles  ,  il  ell 
très  clair ,  que  tous  les  Germes  d'une  même  ef^ 
pèce  n'achèv^ent  pas  de  fe  développer  dans  la 
même  Matrice ,  dans  le  même  tems ,  dans  le 
même  lieu,  dans  le  même  climat,  en  un  mot, 
dans  les  mêmes  circonflances.  Voilà  bien  des 
caufes  de  variétés.  Il  en  ell  d'autres  plus  efE- 
caces  encore;  ce  font  les  Liqueurs  féminales. 

Les  raports  que  je  conçois  entre  l'Organe  de 
la  Génération  du  Mâle  &  les  différentes  Parties 
de  fon  Corps  ,  fe  tranfmettent  jufqu'à  un  cer- 
tain point  au  Germe  par  l'aclion  de  la  Liqueur- 
féminale.     Le  tempéramment  de  la  Mère,  fes 
inclinations ,  fes  palfions ,  les  alimens  dont  elle 
fe  nourrit ,  l'éducation  qu'elle  a  reçue,  fon  gen- 
re de  vie,  le  climat  qu'elle  habite  ,    peuvent 
aufli  modifier  plus  ou  moins  l'Erabrion.     £t  fi 
l'on  admettoit  avec  divers  Auteurs ,  que  la  Fe- 
melle fournit  une  Liqueur  prolifique ,  cette  Li- 
queur produiroit  dans  le  Germe  des  modifica* 
tions  analogues  à  celles  qu'y  produit  le  Sperme 
du  Mâle.     Mais  cette  Liqueur  de  la  Femelle 
eft  au   moins  douteufe.     Des  Femelles  ,   qui 
conçoivent  très  bien ,  ne  répandent  aucune  Li- 
queur dans  fade  de  la  Génération.     RuiscH 
n'a  trouvé  que  celle  du  Mâle  dans  la  Matrice 
&  dans  la  Trompe.     Si   les  Femelles  étoienc 
pourvues  d'une  telle  Liqueur  ,  elle  devroit  lea 
exciter  à  l'amour ,  comme  elle  y  ej^cite  les  Ma*» 

TOM.  II.  R 


158     Considérations  Sur  Les 

les.  Pourquoi  donc  le  Cerf ,  &  le  Chevreuil 
d'Angleterre  ufent  -  ils  de  violence  pour  fe  fou- 
mettre  leurs  Femelles?  Les  Qoï"^?,  jaunes ^  qui 
fuivant  Mr.  de  Buffon  fourniflent  la  Liqueur 
fécondante  de  la  Femelle ,  ne  font  point  nécef- 
faires  à  la  conception.  Mr.  de  Haller  ne  les 
a  point  trouvés  dans  des  centaines  de  Femmes 
&  de  Filles  qu'il  a  ouvertes  ;  mais ,  il  les  a  vus 
dans  celles  qui  étoient  enceintes  ou  accouchées 
depuis  peu.  Ils  font  donc  plutôt  l'effet  que  la 
caufe  de  la  Fécondation  Qa^, 

Ce  feroit  dans  les  fources  que  je  viens  d'in- 
diquer, que  je  puiferois  les  raifons  de  la  ref- 
femblance  des  Enfans  au  Père  &  à  la  Mère , 
de  l'air  de  famille  ,  &  encore  de  l'air  national. 
L'Ane  &  le  Cheval  diffèrent  beaucoup.     Si  la 
Semence  du  premier  produit  de  fi  grands  ef- 
fets fur  le  Germe  du  fécond ,  pourquoi  celle  de 
l'Homme  n'imprimeroit-elle  pas   à  fes  Enflms 
divers  traits  de  fa  reflemblance  ?   Des  difformi- 
■  tés  purement  accidentelles  ne  feront  pas  trans- 
mifes,  fi  les  accidens  n'ont  pas  porté  fur  les 
Organes  de  la  Génération  du  Mâle,  ou  fi  ces 
difformités  ne  font  pas  de  nature  à  influer  fur 
fes  humeurs.     Mais  ,  les  maladies  héréditaires 
fe  tranfmettront  ,   parce  qu'elles  affeélent  les 
humeurs ,  &  par  elles  la  Liqueur  fécondante. 
Une  violente  commotion  de  la  Mère  pourra 
porter  fur  fon  Fœtus;  mais  l'envie  d'un  Fruit 

(n^,  Bîhliothêque  raîfomée  ,  Tom,   46.  Extrait  de  {'Hiftoir$ 

S^aturelïe  Générale  ^  Fartkulièrc,  ^ 


Corps    Organise' s.     sjf 

n'ira  pas  peindre  fur  lui  la  figure  de  ce  Fruit  ; 
parce  que  ce  défir  n'appartient  qu'à  l'Ame ,  & 
que  l'Ame  &  les  Sens  de  l'Embrion  ne  font  pas 
l'Ame  &  les  Sens  de  fa  Mère.  Les  Envies  font 
comme  les  nuées  ;  on  y  voit  ce  que  l'on  veut. 
L'Auteur  de  la  Fénus  Phypque  l'a  crès-bien  re- 
marqué. 5,  Cependant,  dit -il  (^),  rienn'eft 
55  fi  fréquent  que  de  rencontrer  de  ces  Si,enes 
5,  qu'on  prétend  formés  par  les  Envies  desMè- 
5,  res.  Tantôt  c'eft  une  Cerife  ,  tantôt  c'efl: 
„  un  Raifm,  tantôt  c'eft  un  PoifTon.  J'en  ai 
5,  obfervé  un  grand  Hombre  ;  mais  j'avoue  que 
55  je  n'en  ai  jamais  vu  qui  ne  pût  être  facile- 
5,  ment  réduic  à  quelque  excroiifance  ou  quel- 
5,  que  tache  accidentelle.  J'ai  vu  jufqu'à  une 
55  Souris  fur  le  cou  d'une  Demoifelle  dont  la 
35  Mère  avoit  été  épouvantée  par  cet  Animal; 
55  une  autre  portoit  au  bras  un  PoifTon  que  fa 
5,  Mère  avoit  eu  envie  de  manger.  Ces  Ani- 
5,  maux  paroifToient  à  quelques-uns  parfaite- 
55  ment  deffinés:  mais  pour  moi  fun  fe  rédui- 
55  fit  à  une  tache  noire  &  velue  de  l'efpèce  de 
55  quelques  autres  qu'on  voit  quelquefois  pla* 
55  cées  fur  la  joue ,  &  auxquelles  on  ne  donne 
j5  aucun  nom  ,  faute  de  trouver  à  quoi  des 
3,  reffemblent.  Le  PoilTon  ne  fût  qu'une  ca- 
55  che  grife.  Le  rapport  des  Mères  ,  le  fou- 
5,  venir  qu'elles  ont  d'avoir  eu  telles  craintes 
55  ou  tels  defi.s ,  ne  doit  pas  beaucoup  erabar- 


(«)  Vinm  Fbyftq^ue,  ire.  Partie,  page  83.  &Q* 


i5o     Considérations  Sur  Les 

j,  rafîer  ;  elles  ne  fe  fouvîeniaent  d'avoir  eu  ces 
j,  défirs  ou  ces  craintes ,  qu'après  qu'elles  font 
„  accouchées  d'un  Enfant  marqué  ^  leur  mé- 
,,  moire  alors  leur  fournit  tout  ce  qu'elles  veu- 
5,  lent ,  &  en  efret  il  ell  difficile  que  dans  un  . 
3,  efpace  de  neuf  mois ,  une  Femme  n'ait  ja- 
5,  mais  eu  peur  d'aucun  Animal,  ni  envie  de 
„  manger  d'aucun  Fruit  'V 

Je  le  répète  fouvent  ;  la  Liqueur  fcminale 
ne  forme  rien  à  parler  philofophiquement  ;  elle 
ne  fait  que  modifier  ce  qui  étoit  déjà  préformé. 
Les  divers  traits  de  reflemblance  que  la  Fécon- 
dation imprime  nu  Germe ,  ne  fauroient  repré- 
fenter  avec  précifion  VOriginaL  Ils  n'en  font 
pas  proprement  des  Copies  :  ils  n'y  ont  pas  pris 
leur  empreinte  comme  dans  un  Moule,  Aufll 
les  Enfans  ni  les  iVlulets  ne  reffemblent-ils  ja- 
mais parfaitement  à  leur  Père.  Si  la  Liqueur 
féminale  modifie  le  Germe  ,  celui-ci  modifie 
à  fon  tour  Taélion  de  cette  Liqueur  dans  un 
raport  à  fa  manière  de  la  recevoir  &  de  fe  l'in- 
corporer. 

339.  De  la  Fécondation  des  Germes  qui  doi- 
vent donner  des  Femelles^  &  de  celle  des 
Germes  de  Neutres. 

Mais  ,  après  qu'un  Germe  Femelle  a  été  fé- 
condé, il  fe  développe  chez  lui  des  Parties  qui 
n'exiltoient  point  dans  le  Mâle  ,  des  Ovaires, 
des  Trompes  ,  une  Matrice  ,  &:c.  Si  la  Li- 
queur fcminale  eft  néceffaire  pour  procurer  les 
premiers  développemems  de  toutes  les  Partiel 


Corps    Organise' s.    a6i 

du  Germe  ,  comment  peut  -  elle  procurer  celui 
de  Parties  que  le  Mâle  n'a  point  ,  &  dont  par 
conféquent  il  ne  fauroit  fournir  les  Molécules 
correlpondantes  ? 

Je  ne  diffimule  point  la  difficulté.  Elle  fe- 
roit  bientôt  réfoluë ,  fi  le  concours  des  deux 
Semences  étoit  prouvé.  Non  -  feulement  il  ne 
î'eft:  point  Qa^  ;  mais  on  a  vu  ci-delfus  les 
raifons  qui  indiquent  que  les  Femelles  ne  font 
pas  pourvues  d'une  Liqueur  prolifique.  J'ajou- 
te, que  fi  elles  en  étoient  pourvues,  on  ne 
verroit  pas  trop  pourquoi  un  Quadrupède  ,  un 
Oifeau,  ne  muldplieroient  pas  fans  accouple- 
ment ,  à  la  manière  du  Puceron. 

Je  me  renfermerai  donc  dans  cette  quellion  ; 
s'il  eft  abfurde  d'imaginer,  que  les  Organes  de 
la  Génération  du  Mâle  ont  été  aulTi  conftruits 
fur  des  raports  déterminés  à  différens  Organes 
de  la  Femelle?  Cette  nouvelle  fuppofition  ne 
révoltera  pas  ceux  de  mes  Leéleurs  qui  auront 
bien  médité  la  fuite  de  mes  principes  ,  &  qui 
regarderont  avec  moi  la  Liqueur  fcminale  com- 
me un  Fluide  nourricier^  &  la  Génération  com- 
me un  fimple  Développement  opéré  par  la  JSlu-, 
îrition.  Et  combien  de  Faits  nous  ramènent 
à  cette  conclufion  î 

J'ai  fait  remarquer  dans  l'Article  175.  l'oppo- 
fition  frappante  qui  efl:  entre  le  Syftème  de  Mr. 
DJ£  BuFFON ,  &  la  Génération  des  Neutres  chez 

(«)  Article  338. 

R  3  .-.^^ 


t6z     Considérations  Sur  les 

les  Abeilles  (^).    Ces  Neutres,  comme  leur 
nom  l'indique ,  font  de  parfaits  Mulets»  Non  feu- 
lement ils  n'engendrentpoint;ils  font  même  ab- 
folument  privés  de  Sexe,  La  plus  fine  diffeélion, 
aidée  des  meilleurs  microfcopes  ^  ne  fçauroit  y 
découvrir  le  moindre  veflige  des  Organes  exté- 
rieurs &  intérieurs  de  la  Génération;     Ce  font 
donc  des  Muleis  que  la  Nature  a  faits  tels  dès  le 
commencement.     Elle  les  avoit  deflinés  unique- 
ment au  travail ,  &  elle  leur  a  donné ,  dans  cet- 
te vue  ,  des  inftramens ,  des  efpèces  d'outils  & 
de  laboratoires ,  qu'elle  a  rcfafé  aux  Mâles  & 
aux  Femelles.     Ces  inftrumens   accordés  aux 
Neutres ,  font  relatifs  à  la  récolte  du  Miel  & 
de  la  Cire ,  à  la  préparation  de  celle  -  ci ,  à  fon 
emploi,  à  la  conftruction  des  CnUeaux,  à  l'édu- 
cation des  Petits ,  &c.     Si  les  Molécules  devi- 
nées à  la  produélion  de  TEmbrion ,  fe  moûloient 
dans  les  Parties  du  Mâle  &  de  la  Femelle ,  fi  el- 
les étoient  renvoyées  enfuite  par  ces  Parties  aux 
Organes  de  la  Génération ,  comme  le  penfe  Mr. 
DE  BuFFON ,  il  feroit  impoflible  d'expliquer  fui- 
vant  cette  hypothèfe,  la  formation  des  divers 
Organes  propres  aux  Neutres:  car  où  prendre 
les  Moules  de  pareils  Organes?  Les  Individus 
générateurs  en  font  dépourvus.     Mais,  fi  l'on 
admet,  que  les  Organes  de  la  Génération  des 
î^âles  ont  été  conltruits  de  manière ,  qu'ils  fil- 
trent &  préparent  les  Molécules  relatives  au  dé* 
veloppement  des  trois  fortes  d'Individus, la  diiR- 
culté  difparoîtra ,  &  on  concevra  comment  s'o- 

(a)  ConfukezicirArdcIezptk 


Corps    OrgaKxs  e's.     2^3 

père  l'Evolution  des  Neutres.  Les  trois  fortes 
d'Individus  ont  été  deflînés  originairement  en  pe- 
tit dans  les  Ovaires  de  la  Reine- Abeille  :  la  Fé- 
condation ne  procure  pas  aux  Germes  des  Neu- 
tres de  nouveaux  Organes ,  elle  n'y  anéantit  pas 
ceux  de  la  Génération  qu'ils  n'ont  jamais  pofTédés; 
elle  ne  fait  que  les  mettre  en  état  de  fe  dévelop* 
per  &  de  paroître  au  jour. 

340.  Remarques  fur  V Organe  de  la  Voix 
du  Mulet. 

Un  Phyficien  qui  parviendroit  à  expliquer 
d'une  manière  fatisfaifante ,  cette  modification  fi 
remarquable ,  que  la  Liqueur  féminale  de  fAne 
produit  dans  FOrgane  de  la  Voix  du  Cheval,  lors 
qu'elle  le  convertit ,  pour  ainfi  dire ,  en  Mulet , 
expliqueroic  par  le  même  moyen  tous  les  phé- 
nomènes de  la  Génération.  Je  difois  dans  l'Ar- 
ticle 136,  que  fi  l'on  poulToit  les  recherches  fur 
le  Mulet  jufqu  à  fon  intérieur ,  les  difficultés  fe 
multiplieroient  à  proportion  que  l'examen  feroit 
plus  aprofondi.  La  découverte  de  Mr.  Héris- 
sant en  ed  une  belle  preuve ,  &  elle  aprend  aux 
Anatomides  combien  ils  peuvent  fe  promettre 
de  ce  genre  de  recherches.  Après  avoir  compo- 
fé  l'Article  précédent ,  j'ai  voulu  rejire  le  Mé- 
moire intérefTant  de  ce  fçavant  Académicien  fur 
les  Organes  de  la  Voix  des  Quadrupèdes  ^  dt 
celle  des  Oi féaux  (a) ,  &  je  vais  mettre  fous  les 

(«)  Mm»  di  VAcad.  An.  1753.  pag.  279.  in  4,, 

R  4 


^04     Considérations  Sur  Les 

yeux  du  Leéleur  le  paiTage  qui  concerne  le  MiU" 
leî, 

,,  Le  Mulet,  dit -il  (a)  ^  a  une  Voix  qui  fe 
3^  rapproche  beaucoup  de  celle  de  fon  Père ,  & 
5,  ne  reflemble  nullement  à  celle  d'un  Cheval 
55  qui  hennit:  auffi  les  Organes  par  lefquelsil  en 
3,  forme  les  fons,  font  presque  autant  multipliés 
P5  que  ceux  de  la  Voix  de  l'Ane ,  &  conftruits 
5,  à  peu  près  de  la  même  manière.  Le  Tambour 
5,  d'une  compofition  fi  fingulière ,  qui  fe  trouve 
„  au  Larynx  de  l'Ane ,  &  qu'on  ne  voit  point 
,5  à  celui  du  Cheval ,  a  été  accordé  au  Mulet. 
,,  Voilà  donc  un  Animal  qui  doit  fanaiffanceà 
5,  deux  Animaux  d'efpèce  différente ,  qui  a  en 
„  partage  une  Partie  d'une  (Iruôture  très  fingu- 
5,  lière ,  propre  au  Mâle  ;  c'efl  un  Fait  dont  la 
55  connoiifance  ne  fauroit  être  indifférente  à  ceax 
,,  qui  cherchent  à  répandre  du  jourfurlemyftè- 
,5  re  de  la  Génération ,  &  qui  penfent  comme 
„  Mr.  deReaumur  avec  beaucoup  de  vraifem- 
„  blance ,  que  les  Mulets  de  diiférentes  efpèces 
„  d'Animaux  doivent  nous  fournir  les  Faits  les 
5,  plus  propres  à  décider  laquelle  des  opinions 
5,  entre  lelquelles  on  eft  partagé ,  par  raport  à 
„  cette  importante  matière  5  eft  vraye." 

J'OBSERVE  d'abord,  que  Mr.  Hérissant  ne 
dit  point  que  l'Organe  de  la  Voix  du  Mulet  foit 
préciféme'^t:  fembtable  à  celui  de  l'Ane.  Lacom- 
paraifon  qu'il  a  faite  entre  les  deux  Organes, 
l'oblige  à  fe  fervir  des  ^immiiï^presq^ue^àpeu 

(«)  nu,  ftg  i87. 


Corps    Orcanïsi's.    %ê^ 

près.  Il  a  donc  aperçu  des  dijjemblances ,  &  il  eut 
été  à  défirer  qu'il  les  eut  détaillées ,  &  qu'il  eut 
pouffé  le  parallèle  fur  ce  point  effentiel  jufqu'à 
fes  derniers  termes.  La  queltion  importante  qu'il 
s'agiffoic  de  décider  Texigeoit  abrolument.  Je 
fuis  donc  toujours  très  bien  fonde  à  rappeller  cet 
habile  Anatomifte  à  un  examen  plus  fcrupuleux. 
Il  tenoit  lui-même  un  fil  qui  pouvoit  le  condui- 
re à  la  découverte  du  myfière  de  la  Génération. 

Il  divife  les  Organes  de  la  Voix  en  fimpks  & 
en  compofés.  Les  premiers  n'ont  proprement  que 
la  Glotte  ;  elle  y  conftituë  feule  la  Partie  effen- 
tielle  de  riaftrument.  Les  autres  ont ,  outre  la 
Glotte ,  une  ou  plufieurs  Membranes  tendineu- 
fes ,  difpofées  avec  art ,  ou  des  efpèces  de  facs 
plus  ou  moins  amples,  &  plus  ou  moins  épais, 
tantôt  membraneux,  tantôt  offeax  ,  ou  enfin 
une  efpèce  de  Caiffe  ou  de  Tambour ,  &  ce 
font  ces  différentes  pièces  ajoutées  k  la  Glotte , 
qui  produifent  ici  les  principales  modifications  dd 
la  Voix  (^).  C'eft  à  regret  que  je  ne  fais  que 
nommer  des  chofes  fi  peu  connues  encore ,  & 
qui  ont  tant  de  droit  à  nôtre  admiration  ;  mais , 
je  fortirois  de  mon  fujet  en  me  laiffant  entraîner 
par  le  plaifir  de  les  décrire. 

Le  Cheval  &  l'Ane  ont  tous  deux  des  Orga- 
nes compofés;  cette  remarque  me  paroît  mériter 
une  grande  attention.  Il  efl:  vrai  que  l'Organe 
de  la  Voix  du  Cheval  eft  bien  moins  compofé 

(«)  IbiL  pag.  %lx  &  aSs. 


■t66     Considérations  Sur  Les 

que  celui  de  l'Ane.  Il  n'efl:  formé  que  de  la 
Glotte  &  d'une  Membrane  triangulaire  &  ten- 
dineufe ,  pofée  à  plat  fur  chaque  extrémité  des 
Lèvres  de  la  Glotte.  C'efl:  au  jeu  de  cette  Mem- 
brane que  font  dûs  les  tons  aigus  du  Z-?^;?;?///^^^;;/. 
Il  y  a  plus  d'appareil  dans  l'Organe  de  la  Voix 
de  l'Ane.  Un  profond  enfoncement  du  Carti- 
lage thyroïde ,  forme  une  efpèce  de  Caiffe  ou 
de  Tambour.  Ce  Tambour  effc  recouvert  d'une 
Membrane  tendineufe  &  lâche ,  pofée  verticale- 
ment ,  &  à  l'extrémité  des  Lèvres  de  la  Glotte. 
Là  eft  une  petite  ouverture  qui  communique  dans 
le  Tambour.  Au-delTus  des  Lèvres  de  la  Glot- 
te, font  deux  facs ,  qui  ont  chacun  un  trou  pres- 
que rond,  taillé  en  bizeau,  tourné  du  côté  de 
l'ouverture  du  Tambour  Qa^, 

Voila  affurément  un  Organe  bien  compofè-î 
mais  toute  cette  compofition  ne  palTe  pas  dans 
le  MukL  Mr.  Hérissant  l'infuiile  aiïez ,  lors- 
qu'il dit ,  que  les  Organes  de  la  Voix  du  Mulet , 
font  presque  autant  multipliés  que  ceux  de  la  Voix 
de  rjne.  Ceux-là  ne  le  font  donc  pas  autant 
que  ceux-ci.  Les  premiers  ne  renferment  donc 
pas  toutes  les  pièces  que  nous  offrent  les  féconds. 
Le  mot  presque  m'autorife  fuffifamment  à  tirer 
cette  conféquence ,  fi  conforme  d'ailleurs  à  mes 
principes. 

On  n'a  pas  encore  examiné  tous  les  recoins 
du  Larynx  du  Cheval.  On  n'en  connoit  pas  tou- 
tes les  pièces  qui ,  modifiées  par  le  Sperme  de 

(fl)  Ibîd,  pag.  285  &  28<5. 


Corps    Organise' s.    2^7 

TAne ,  peuvent  faire  paroître  l'Organe  de  la  Voix 
du  Mulet  plus  compofé  que  celui  du  Cheval. 

Je  ne  veux  pas  me  livrer  aux  conjectures  qui 
me  viennent  aéluellement  dans  l'erpric.  Elles 
n'auroient  guères  de  fondement  que  dans  mon 
ignorance.  J'attendrai  de  nouvelles  lumières  des 
talens  &  de  la  dextérité  de  Mr.  Hérissant  ,  & 
je  m'en  tiendrai  aux  Faits  qui  prouvent  incon- 
teftablement  la  préformation  des  Corps  organi- 
fés. 

341.  Que  le  Germe  croît  avant  la  Féconda* 
tion  :  pourquoi  il  n'achève  pas  de  fe  déve- 
lopper fans  elle? 

Les  Oeufs  croiflent  dans  les  Poulets  vierges: 
leurs  Ovaires  en  contiennent  de  toute  grandeur. 
Le  Germe  y  croît  donc  auffi.  Le  Jawie  eft  une 
Partie  effentielle  du  Poulet  (^),  &  le  Jaune 
exifte  dans  les  Oeufs  qui  n'ont  point  été  fécon- 
dés. Pourquoi  les  fucs  de  la  Poule  qui  peuvent 
faire  développer  le  Jaune ,  ne  peuvent-ils  opé- 
rer le  développement  des  autres  Parties  du  Ger- 
me? Pourquoi  la  Liqueur  du  Mâle  eft -elle  né- 
celfaire  à  ce  développement? 

Certaines  Parties  réfîjîent  plus  que  d'autres; 
les  Os  5  plus  que  les  Membranes.  Le  repliement 
ajoute  à  la  réfiftance  :  l'Evolution  eft  plus  diffi- 
cile dans  des  Parties  contournées ,  repliées ,  & 
qui  doivent  s'étendre,  fe  redreifer,  fe  déployer. 

Si  le  Cœur  du  Germe  bat  avant  la  Féconda- 

^•)  Âxtkles  242,  151. 


ft6S      Considérations  Sur  Les 

don ,  c'eft  trop  foiblement  pour  farraonter  la  ré- 
fiftance  des  Solides.  La  Liqueur  féminale  lui 
imprime  un  nouveau  degré  d'aélivité.  Elle  aug- 
mente la  force  impulfive.  Elle  le  met  en  état 
d'ouvrir  davantage  les  Vaifleaux  &c. 

L'Incubation  entretient  cette  adivité.  Une 
chaleur  de  30  à  32.  dégrés  du  Thermomètre  de 
Mr.  DE  Reaumur  5  eO:  néceflaire  pour  faire  éclor- 
re  les  Poulets. 

Les  Oeufs  qui  n'ont  pas  été  fécondés ,  fou- 
tiennent  cette  chaleur  pendant  30,  40,  ou  mê- 
me 50.  jours  fans  presque  s'altérer.  Gardés  dans 
un  lieu  frais  les  Oeufs  inféconds ,  font  encore 
très  mangeables  au  bout  de  cinq  à  fix  mois  (a). 

Les  Oeufs  inféconds  n'ont  donc  pas  le  même 
principe  de  corruption  qui  réfide  xlans  les  Oeufs 
féconds  Ceux  -  ci  fe  corrompent  bien  vite  fous 
"la  Poule  ou  dans  un  four  à  Poulets  lorfque  l'Em- 
brion  ne  parvient  pas  à  s'y  développer. 

Ce  principe  de  corruption  efl  donc  du  unique- 
ment à  la  Fécondation.  Un  mouvement  inteltin 
hâte  la  corruption  des  humeurs.  La  Féconda- 
tion occafionne  donc  un  mouvement  inceftin 
dans  les  humeurs  de  l'Oeuf. 

Ce  mouvement  différeroit-il  de  ceiui  de  la  Cir- 
culation ,  que  la  Fécondation  augmente ,  &  que 
des  accidens  interrompent? 

Si  le  Cœur  du  Germe  battoitafîez  fortement, 

(«)  Art  de  faire  éclorre  les  Piulets,  &c.  par  Mr.  de  R£AUUU&« 
Tooa.H,  pag.  zgo,  ôc  luivantes  de  la  2^^.  Edition. 


Corps    Organise' s.     ^6^ 

avant  la  Fécondation,  pour  faire  développer  tou- 
tes les  Parties ,  pourquoi  le  Germe  entier  ne  fe 
développeroit-il  point  fans  le  fecours  de  la  Li- 
queur que  le  Mâle  fournit? 

342.  Faits  qui  indiquent  l'Emboitement. 
Réponfe  à  un  calcul  contre  cette  Hypothèfe, 

Je  n'ai  pas  rejette  la  Dijfémination  des  Ger- 
mes ;  mais  j'ai  lailfé  voir  que  je  panchois  vers 
V Emboîtement.  J'ai  indiqué  divers  Faits  qui  le 
favorifent.  11  en  eft  d'autres  qui  ne  le  favori- 
fent  pas  moins.  Je  ne  parle  pas  de  Fœtus  trou- 
vés dans  d'autres  Fœtus  :  les  hiftoires  en  font 
trop  fufpedes.  Mais  on  a  trouvé  plus  d'une 
fois  un  Oeuf  renfermé  dans  un  autre  Oeuf  {a). 
On  a  vu  encore  des  Parties  olfeufes  d'un  Fœ- 
tus renfermées  dans  un  autre  Fœtus  ([^), 

On  oppofeà  V Emhoitement  d'éfrayans  calculs.' 
Hartsoeker  alTûroit  que  la  première  Graine  fc* 
roit  à  la  dernière  &  la  plus  petite  qui  paroîtroit 
la  dernière  année  du  foixanîième  Siècle^  comms 
r unité  fuivie  de  trente  mille  zéros  eft  à  r unité  ^ 
d'où  il  concluoit  que  l'Emboitement  étoit  ab- 
furde. 

Mr.  Bourguet  lui  a  très  bien  répondu ,  & 
en  fa  perfonne  à  tous  les  adverfaires  de  l'Emboi- 
tement. J'inférerai  ici  fa  réponfe,  quoique  un 
peu  longue. 

(a')  Hîjîoire  de  l' ^cadêmîe ,  1742.  pag.  42.  oïl  MM.  PKtl"i^ 
&  WiNSLOW  atteOent  ce  fait. 

(èjl  Ibiit  ^746,  pag.  41.  Jlr,  Morand, 


tjo       Considérations  Sur  Les 

„  Cet  Auteur,  dit- il  Qa'),  calcule  la  peti- 
tefle  d'un  Grain  de  Semence  fur  le  rapport 
de  groffeur  qu'acquiert ,  par  exemple  ,  une 
Plante  dans  une  année  ;  au  lieu  que  ce  calcul 
ne  doit  fe  prendre ,  fi  je  ne  me  trompe ,  que 
du  tems  qu'il  faut,  pour  faire  paroîcre  le  Grain 
de  Semence  depuis  la  conception  jufqu'à  fa 
maturité.  J'appelle  conception ,  l'état  dans  le- 
quel eft  une  Graine  dès  que  la  précédente  efl: 
fortie  de  fa  Plante  féminale  ;  parce  que  l'ex- 
périence a  appris  (F)  que  les  Graines  font  déjà 
dans  la  petite  Plante ,  où  elles  croifTent  dans 
une  certaine  proportion ,  pendant  que  toutes 
les  Parties  de  la  Plante  qui  les  porte,  croiffent 
aulTi  de  leur  côté.  Cette  proportion  donc, 
doit  être  prife ,  du  tems  qui  fe  palfe  entre 
cette  efpèce  de  conception  &  l'entière  per- 
fe6tion  de  la  Semence.  Ainfi  le  même  tems 
qui  eft  employé  à  faire  croître  une  Plante  ou 
un  Arbre ,  fert  dans  des  efpaces  égaux  à  per- 
fe6tionner  une ,  ou  plufieurs  Générations  de 
Graines.  Il  femble  que  l'origine  de  l'équivo- 
que vient  de  ce  que  Mr.  Hartsoeker  paroic 
fuppofer,que  les  Auteurs  qui  fuivent  le  Syftè- 
me  des  Développemens ,  croyent  que  toutes 
les  Parties  qui  forment  le  volume  d'une  Plan- 
te dans  fa  parfaite  grandeur,  exiftoient  aupara- 
vant dans  la  Semence. 

{a)  Lettres  Pbilofopbîques ,  &c.  pag.  134.  &  fuivantes. 

(&)  lln'yavoit  point  d'expérience  qui  démontrât  cela  avant 
ia  découverte  de  Mr.  de  Haller  fur  la  préexKtence  du  Poulet. 
Mr.  BouRGURT  fuppofe  donc  ce  qui  étoit  en  quellion  quand  il 
éciivgic.    Voyez  l'arc.  178. 


Corps    Organise' s.     271 

?)  On  s'éloigneroit ,  fans  doute, 

beaucoup  de  la  vérité ,  fi  l'on  jugeoit  de  la 
5,  petitefle  primitive  de  la  Semence  des  Plan- 
„  tes ,  &  de  celle  des  Oeufs  ,  dans  l'hypothè- 
„  fe  de  Mr.  Hartsoeker  lui-même  ,  en  les 
5,  comparant  avec  la  grofleur  &la  grandeur  que 
55  ces  divers  Corps  organifés  acquièrent  après 
un  certain  tems  plus  ou  moins  confidérable. 
Car  cette   comparaifon  mèneroit  infaillible-  ■ 
ment  à  l'équivoque  ,    que  l'on  doit  éviter; 
puis  qu'il  faudroit  dire ,  en  admettant  le  prin- 
cipe de  Mr.  Hartsoeker  ,   que  les  Oeufs 
des  Animaux  d'une  même  efpèce  auroient 
été  infiniment  différens  en  grofleur,  &  que 
^^  les  Semences  d'une  même  efpèce  de  Plante , 
5,  feroient  entièrement  diflemblables.    La  gran- 
5,  de  égalité  que  l'on  remarque  dans  la  Graine 
de  la  plupart  des  Plantes  ,  dès  qu'elle  com- 
mence à  paroitre  ,    &  celle  qu'ont  d'abord 
les  Oeufs  de  toute  forte  d'Animaux ,  ou  leurs 
prétendus  Vers  féminaux  ,    ne  détruit -elle 
pas  le  fondement  du  calcul  de  Mr.  Hart- 
soeker ?   11  ne  fmt  pas  même  fonder  telle- 
ment le  calcul  dont  il  s'agit,  fur  le  tems, 
5,  que  Ton  oublie  d'avoir  égard  à  la  différente 
,5  contexture  des  Germes  &  à  mille  circonftan- 
55  ces  qui  rendent  le  Développement  plus  prompt 
5,  ou  plus  tardif  :  autrement  il  faudroit  dire , 
„  qu'un  Géant  de  trente  ans,  auroit  vécu  au- 
„  tant  de  plus ,  que  fa  maife  excède  celle  d*ua 
5,  Nain  de  même  âge  ". 

,,  Cependant  ,  continue  Mr.  Bourguet  j 


3J 


5? 
55 
?? 

55 
55 
55 
55 


55 
55 
35 
55 
55 
35 
33 


273t      Considérations  Sur  Les 

3,  fi  Ton  examine  la  que  (lion  de  ce  côté ,  il 
„  paroitra  que  le  calcul  ne  fera  pas  fi  épouvan^ 
table ,  &  Ton  verra  que  les  proportions  y  fe- 
ront gardées ,  félon  les  mouvemens  plus  ou 
moins  prompts  de  la  progreiïion  que  font 
les  Corps  organifés  dans  leur  accroiflement. 
,5  Le  moindre  Jardin  ,  &  les  Plantes  les  plus 
communes  fourniffent  plufieurs  exemples  de 
cette  variété  de  progreffions,  furquoi  les  Géo- 
mètres n'ont  point  encore  exercé  la  fcience 
du  calcul ,  fi  je  ne  me  trompe.  Mais  quelle 
qu'ait  été  la  proportion  de  la  petitelfe  de  la 
Graine  de  cette  année  avec  celle  de  l'année 
précédente  dont  elle  eft  ilTuë  ;  elle  ne  peut 
être  que  comme  le  teras  qu'il  a  fallu  pour 
rendre  la  dernière  parfaitement  femblable  à 
celle  qui  l'a  précédé.   Suppofons ,  par  exem- 


)5 
J5 


99 

35 
35 
99 
99 
99 
>' 
55 
55 


55 


5,  pie  5  que  la  Graine  dont  nous  parlons  ait  été 
„  d'abord  renfermée  dans  celle  dont  elle  efl: 
5,  fortie  ,  dans  une  raifon  réciproque  de  fon 
„  volume  à  cinq  minutes  ou  trois  cens  fécon- 
des 5  elle  aura  pu  augmenter  cent  mille  fois 
fon  volume  dans  une  année ,  puis  que  trois 
cens  foixante- cinq  jours  ,  contiennent  cinq 
cens  vingt-cinq  mille  &  ftx  cens  minutes,  11 
5,  me  paroit  qu'il  s'enfuit  de  là ,  que  la  Graine 
„  qui  parût  la  première  année  du  Monde  ,  au- 
„  roit  été  à  celle  qui  doit  paroitre  la  dernière 
5,  année  du  foi xantième Siècle, comme  le  nora- 
5,  bre  des  minutes  que  contiennent  {ml  mille  anSj 
elt  à  cinq.    Soixante  Siècles  n'ont  que  troii 

miU 


5» 
55 
55 
55 


55 


Corps    Organise' s.    273 

55  miiliars  ,  cent  cinquante -trois  millions  ^  â? 
55  fix-cens  mille  minutes.  Cefi-là  un  nombre 
53  fort  petit  en  comparaifon  de  ceux  que  Mr. 
5,  Hartsoeker  employé  ". 

Je  prie  qu'on  relife  l'Article  274,  Hartsoe- 
ker &  fes  pareils  mettent  ici  les  Sens  &  l'Ima- 
gination à  la  place  de  l'Entendement  pur.  Ils 
voudroient ,  pour  ainfi  dire ,  voir  &  palper  ce 
que  la  Raifon  feule  peut  faifir. 

343.  Sentiment  de  Mr.  BouRGUExy^r  la 
Génération. 

Jugement  fur  cet  Auteur* 

Mr.  Bourguet  fuivoit  une  bonne  routé 
pour  éclaircir  la  matière  de  la  Génération.  Mais, 
il  manquoit  d'une  multitude  de  Faits  intéref- 
fans  ,  qui  n'ont  été  découverts  que  bien  des 
années  après  la  publication  de  fon  Livre  en 
1729.  Son  Génie  vrayement  philofophique  fe 
feroit  fûrement  refufé  aux  nouvelles  opinions 
qu'on  a  tenté  depuis  peu  d'introduire  dans  la 
Phyfique  des  Corps  Organifés.  Il  admettoit 
leur  préformation  dans  les  Oeufs,  &  il  ne  re- 
gardoit  la  Génération  que  comme  un  fimple 
Développement ,  qui  s'opéroit  par  l'influence 
de  la  Liqueur  féminale  ,  qu'il  confidéroit  aufli 
en  qualité  de  Fluïde  nourricier,  il  la  dçfînif- 
foit  une  Liqueur  fpiritueufe ,  qui  n\jî  qu'un  eX' 
trait  des  Parties  de  V Animal  qui  la  communi- 
que Qay    II  admettoit  encore  le  coiieours  des 

(a)  Ibîd.  pag.  149. 

ToM.  II.  s 


?5 
99 
99 


^74     Considérations  Sur  les 

deux  Semences,  &  voici  comment  il  concevoit 
la  Génération. 

5,  La  Liqueur  extraite  des  deux  Animaux , 
difoit  il  C^)?  ^^  mêle,  &  agit  fur  l'Oeuf , 
enforte  que  les  Parties  les  plus  fubtiles  de  la 
Liqueur  y  entrent  &  s'uniflent  avec  le  Fluï- 
5,  de  qui  environne  la  petite  machine  organifée, 
^,  y  excitent  un  mouvement ,  qui  met  le  petit 
^5  Animal  en  état  de  fe  développer,  par  la  nour- 
,,  riture  qu'elles  lui  fourniffent  en  s'infmuant 
dans  fes  Organes ,  qui  font  alors  d'une  telle 
délicatelfe  ,  que  toute  autre  nourriture  ne 
fauroit  lui  convenir.  La  quintefTence  ,  pour 
ainfi  dire,  du  grand  Animal,  fert  d'abord  de 
nourriture  à  TEmbrion  ". 

J'iGNORois  les  principes  de  cet  habile  Natu- 
ralifte ,  lors  que  je  compofois  les  Chapitres  III. 
V.  &  VI.  du  Tome  I.  de  cet  Ouvrage  ,  & 
puis  qu'il  m'a  prévenu  fur  un  point  eiîentiel  , 
je  me  fuis  fait  un  devoir  de  le  reconnoitre,  en 
tranfcrivant  le  paifage  qu'on  vient  de  lire.  Il 
auroit  été  à  délirer ,  que  cet  eflimable  Auteur 
eût  plus  aprofondi  fon  idée  fur  la  Liqueur  fé- 
minale,  &  qu'il  l'eût  appliquée  plus  en  détail, 
&  avec  plus  de  netteté  aux  divers  cas  qu'il  s'é- 
toit  propofé  de  réfoudre.  Il  n'explique  nulle 
part  comment  fe  forme  cet  E  xîrait^  cette  Quint- 
ejjence  du  grand  Animal ,  &  quel  mouvement  il 
imprime  au  Germe.  Si  Ton  fe  donne  la  peine 
de  lire  la  manière  dont  il  entreprend  de  rendre 

(a)  Ibid, 


59 
35 
5> 

»9 


Corps    Organise' s.'     2j'5 

i-aifon  de  la  reflembhnce  des  Enfans  au  Père  & 
à  la  Mère,  (^),  des  Mulets,  desjumars  (y)y 
&c.  on  trouvera ,  je  m'alîlire ,  qu'il  n'a  pas  ti- 
ré un  aflez  grand  parti  de  fes  principes ,  qu'il  ne 
les  a  pas  allez  analyfés ,  &  l'on  regrettera  avec 
moi ,  qu'il  ait  confumé  à  réfuter  les  Natures 
Plaftiques  ,  un  tems  précieux,  qu'il  auroit  pu 
employer  plus  utilement  à  creufer  davantage  fon 
fujet,  &  à  décompofer  les  Faits  qu'il  avoit  en 
main.     Il  dit  d'excellentes  choies  llir  le  Mécha'* 
nifme  Organique  Çf)  ;  mais  tout  cela  ne  m'a  pa- 
ru qu'ébauché ,  &  j'aurois  fouhaité  par  tout  plus 
de  clarté ,  de  précifion  &  d'analyfe.     Sa  défi- 
nition du  Méchûnifine    Organique  paroitra   un 
peu  obfcure  :  il  vouioit  concilier  divers  Syftè- 
mes.     Le  Méchanifine  Orgainque  ^  dit -il  (^), 
n^ejl  autre  cbofe  que  la  comhinaifon  du  mouve^ 
ment  d'une  infinité  de  Molécules  éthériennes^  ûè'ri' 
ennes ,  aqueufes  ,  olèa^ineufes ,  falines  ,  terres* 
ires  &€.  accommodées  à  des  Sy/iémes  particuliers 
déterminés  dès  le  commencement  par  la  Sagef- 
fe  fuprême ,  ^  unis  chacun  à  une  ABiviîé  ou 
Monade  fingulière  &  dominante ,  à  laquelle  cet* 
les  qui  entrent  dans  fon  Syjième  font  fuboràon» 
nées. 

Il  s'explique  un  peu  plus  clairement  dans  le 
paflage  fuivant ,  qui  forme  avec  le  préccdenc  la 

(«)  Ihii.  pag.  154,  &  155. 
(6)    Ihii.  pa^.   161. 
(c)  Ma.  pag.  142.  &  fuivantes, 
Crf)  lb'%L  pag.  164.  &  I6S. 

S  % 


njé      Considérations  Sur  Les 

concïufion  de  tous  fes  principes. 

„  On  peut,   continue -t- il  (^)  ,   en  fui* 

^,  vant  cette  idée  fur  le  Méchanifine  Organi- 

„  que  5   concilier  tous  les  Syftèraes  ,   n'y  en 

j,  ayant  aucun  qui  ne  contienne  quelque  véri- 

^5  té.     Les  Moules  fe  trouvent  dans  toutes  les 

^,  Parties  du  Corps  humain  :  la  figure  idéale  ou 

35  figil'^^  ^e  trouve  dans  les  Parties  les  plus  fpi- 

5,  ritueufes  du  Sperme  des  Mâles  &  des  Fe- 

.j,  nielles  ,   parce  qu'elles  renferment  en  petit 

-„  tout  ce  qu'il  y  a  de  différens  mouvemens 

5,  dans  les  grands  Corps  Organifés.     Et  c'efb 

-j,  l'opération  de  cette  Liqueur ,  femblable  à  cel- 

5,  le  des  Elixirs  &  des  Efprits  de  la  fiçon  des 

5,  Chymiftes ,  qui  a  donné  lieu  à  tant  de  pen- 

,5  fées  bizarres ,  qu'on  a  débitées  fur  ce  fujet  ; 

,,  VEmhrion  préformé  ,    fe  trouve  enfin  dans 

5,  l'Oeuf  5   au  fens  du  Syfième  des  Développe- 

'j,  mens ^  qui  contient  les  autres,  fans  en  avoir 

3,  les  difficultés.     11  y  a  beaucoup  de  confor- 

j,  mité  entre  l'emploi  de  la  grande  quantité  de 

3,  matière  qui  fert  à  TaccroilTement  des  Plan- 

-„  tes  &  des  Animaux,  &  une  infinité  de  dif- 

'3,  férens  matériaux  que  les  Hommes  employent 

j,  dans  les  Arts  raéchaniques.    Il  fe  fait  ici  une 

c„  circulation  merveilleufe  :    ce   que  l'indullrie 

:,,  des  Hommes  &  le  Méchanifme    organique 

5,  ôtent  à  la  terre ,  lui  efb  rendu  avec  le  tems 

„  d'une  autre  manière.     Tous  les  divers  ma- 

33  tériaux  dont  les  Hommes  fe  fervent ,  ne 

(«)  îh%L  pag.  165.  It  2^5. 


Corps    Organise' s.     2^7 

5,  changent  jamais  de  nature  :  ce  n'efl  que  mê- 
5,  langes  &  arrangemens.  De  même  les  Molé- 
'5,  CLiles  qui  entrent  dans  les  Corps  Organifés, 
,,  peuvent  en  s'uniffant  &  en  fe  fcparant ,  former 
,5  tous  les  changemens  ncceffaires,  lans  qu'il  y 
,5  ait  de  véritable  transformation  dans  l'intérieur 
,5  des  chofes.  Elles  fuffifent  à  tout ,  en  reliant  ce 
5,  qu'elles  font ,  par  le  Méchanifme  que  Dieu 
5,  a  inftitué  dès  le  commencement.  Les  Corps 
5,  donc  des  Plantes  &  des  Animaux  font  à  la  let- 
53  tre  des  Petits  Motides  ;  des  Séries  infinies  en 
5,  leur  genre  qui  renferment  une  infinité  d'au- 
5,  très  Séries  dans  des  expreffions  moindres  à 
5,  l'infini.'* 

Au  refte ,  nôtre  Auteur  tiroit  de  la  confidéra- 
tion  des  Mulets  un  argument  en  fiveur  de  la 
préexifience  du  Germe  dans  la  Femelle.  11  faut 
encore  que  je  le  laiffe  parler  lui-même;  le  pafla- 
ge  eft  remarquable. 

Rien  ne  me  paroît  plus  propre,  dit  il  (/T) , 
à  prouver  la  réalité  de  l'action  de  l'extrait  fpi- 
55  ritueux  des  corps  du  Mâle  &  de  la  Femelle 
5,  fur  le  Fœtus  5  que  l'exemple  des  Petits  qui  ont 
5,  été  engendrés  par  des  Animaux  de  diverfe  efpè- 
3,  ce.  L'on  voit  en  Qi)  Piémont  des  Jumarres 
5,  qu'on  divife  en  deux  efpèces  :  la  première  qui 
5,  vient  d'une  AneiTe  &  d'un  Taureau  eft  ap- 


59 

?5 


(a)  Ibîd.  pag.  i6o.  &  fuivante. 

ib)  Voyez  l'Hilloire  Générale  des  Eglifes  Evangcliques  des 
Vallées  de  Piémonc  par  Mr.  Léger  Chap.  I.  pag.  7  &  8.  folio. 
Xciden  1669. 

s  3 


fyg     Considérations  Sur  Les 

pellée  />//,  &  la  féconde  qui  vient  d'une  Ju- 
ment &  d'un  Taureau  eil  appel] ée  Baf.   Ces 
Animaux  qui  font  v^^^tableme^t  des  Anes  & 
des  Chevaux ,  parce  que  les  Petits  appartiens 
nent  à  fefpèce  de  la  Femelle  (^) ,  portent  néan- 
moins des  marques  du  Mâle  jc'elt  à-dire  qu'ils 
ont  le  Front  un  peu  bolTu  aux  endroits  où  les 
Taureaux  ont  des  Cornes ,  leur  Mâchoire  eft 
un  peu  plus  courte  l'une  que  l'autre ,  &  leur 
Queue  tient  quelque  chofe  de  celle  du  Bœuf. 
Quant  aux  Mulets  qui  font  communs  en  Pié- 
mont &  dans  tous  les  Pays  méridionaux  de 
l'Europe  ;  comme  l'Ane  ne  diffère  pas  autant 
du  Cheval  que  le  Taureau ,  les  efpèces  font 
plus  confondues  dans  les  Petits:  cependant 
les  marques  du  Mâle  y  font  fort  fenfibles, 
bien  que  le  Mulet  foit  un  Cheval ,  &  non  un 
Ane  vicie ,  comme  l'on  peut  s'en  convaincre 
en  l'examinant  avec  attention.    Cette  double 
5,  efpèce  deMonftres  prouve  évidemment,  que 
5,  les  Corpufcules  organif«:s  primitifs  font  dans 
j,  les  Oeufs  des  Femelles,  &  non  dans  le  Sper- 
„  me  des  Mâles ,  &  que  cette  Liqueur  mêlée 
„  avec  celle  de  la  Femelle  agit  fur  le  corps  pré- 
„  exiilant  organile,  pour  fon  développement 
„  &  fa  première   nutrition.     Les  Enfms  qui 
,,  naifTent  d'un  Père  blanc  &  d'une  Mère  noire 
3,  ou  d'une  Mère  blanche  &  d'un  Père  noir , 

(tf  )  L'îrgument  que  Mr.  Bourghet  tire  ici  àz7>Mulets  en  fa- 
veur de  '  préexiftence  du  Germe  dnns  la  Femelle,  n'étoit  pas 
^Kci  «.oncluant  pour  fonder  cette  affertion,  qu'il  n'auroit  dû 
donner  en  borne  Logique  que  pour  une  fuppofition probible. 
Voyei  l'article  333.  fur  iz  fin. 


>; 
3> 
5J 
3> 
5> 
35 

>> 

55 
55 
35 
55 
55 
55 
55 
55 
55 
55 


Corps    Organise' s,     279 

„  prouvent    abfolument  la  même  chofe  par  ra- 
,5  port  aux  Hommes.  '* 

QuAKD  ceux  qui  ont  écrit  fur  la  Génération 
depuis  Mr.  Bourguet  ,  n'auroient  fait  que  re- 
manier fes  principes ,  les  perfeôlionner ,  les  dé- 
velopper ,  les  appliquer  à  de  nouveaux  cas ,  ils 
auroient ,  ce  me  lèmble ,  travaillé  avec  plus  de 
fruit ,  que  n'ont  fait  en  particulier  les  Auteurs 
des  nouvelles  opinions. 

344.  Senîim&nt  d'un  Encyclopédifîe  fur  la 
Génération. 

Le  fçavant  Auteur  de  l'intérefTant  Article  Gé^ 
fiéraîlon  dans  l'Encyclopédie ,  a  aufïï  eflayéde 
pénétrer  le  myftère  ;  mais ,  je  ne  fçais  fi  fa  fo- 
lution  paroîcra  lumineufe.  Je  la  tranfcrirai  néan- 
moins ,  parce  que  je  dois  faire  mention  des  fen- 
tiraens  des  Phyficiens  qui  fe  font  le  plus  rapro- 
chés  de  mes  principes. 

Si  le  Fœtus,  dit  cet  Auteur  (a) ,  eft  pré- 
exiftant  dans  l'Oeuf  de  la  Mère ,  comment 
fe  peut-il  que  l'Enfant  reiTemble  à  fon  Père.? 
Cette  objeclion  pafle  communément  pour  ê- 

5,  tre  infurmontable  ;  mais  ne  pourroit  -  on  pas 
la  faire  cefTer  d'être  telle ,  en  répondant  que 

53  la  difpofition  des  Organes  de  l'Embrion ,  a- 
vant  &  après  la  Fécondation ,  dépend  beau- 

,5  coup  de  l'activité  plus  ou  moins  grande ,  avec 


55 
39 

59 
99 
99 
99 
93 
99 


(a)  Ene^elop,  Tom,   VII.   pag.  569.  ide.   Colonne  vers  lé 
«iîicB. 

S  4 


48ô      Considérations  Sur  Les 

5,  laquelle  s'exerce ,  s'entretient  la  vie  de  la  Mè- 
„  re ,  &  de  Tinfluence  de  cette  aftivité ,  pour 
„  qu'il  foit  conformé  de  telle  forte  ou  de  telle 
5,  manière ,  analogue  à  celle  dont  cette  même 
5,  aiSlion  de  la  vie  Qvîs  vita^  dans  la  Mère  a 
,5  conformé  fes  propres  Organes,  &  que  cette 
5,  même  difpoficion  des  Parties  de  l'Embrion  ne 
„  peut  que  dépendre  auiTi  plus  ou  moins  de  la 
35  force  avec  laquelle  elles  ont  été  mifes  en  jeu 
5,  par  l'effet  de  l'efprit  f. minai  du  Père ,  dont 
5,  elles  ont  été  imprégnées  :  d'où  il  s'enfuit 
„  que  la  reifemblance  tient  plus  ou  moins  du 
5,  Père  ou  de  la  Mère  ,  félon  que  l'un  ou 
,3  l'autre  a  plus  ou  moins  influé ,  par  cela  mê- 
,5  me  qu'il  fournit  dans  la  Génération  &  la  for- 
5,  mation  «Se  le  développement  du  Fœtus  fur  le 
3,  principe  de  vie  &  l'organifition  de  l'Embrion , 
35  qui  en  reçoit  à  proportion  une  forme  plus  ou 
„  moins  approchante  de  celle  du  Père  ou  de  la 
3,  Mère  ;  ce  qui  peut  rendre  raifon ,  non  feule- 
3,  ment  de  ce  qu'on  obferve  par  rapport  à  la 
3,  reffemblance  quant  à  la  figure ,  mais  encore 
,3  par  rapport  à  celle  du  cnraâère.  " 

3^5.  Sentiment  de  Mr.  de  HALLERy//r  la 
Génération, 

Dans  fes  Corollaires  mêlés  fur  le  Poulet,  pu- 
blics à  Laufanne  en  1758  ,  Mr.  de  Haller 
donne  un  léger  précis  de  fes  idées  fur  la  Géné- 
ration. C'ert  une  efpèce  de  folution  qu'il  dé- 
duit de  fes  découvertes  fur  la  Formation  du  Pou- 
let, &  qu'il  préfente  comme  un  réfultat  de  l'ob- 


Corps    Organise' s.     281 

fervation.  Je  ne  rendrois  pas  à  cet  Illiiftre  Phy- 
ficien  toute  la  juftice  qui  lui  eft  due ,  &  que 
j'ai  tant  de  plaifir  à  lui  rendre ,  fi  je  ne  plaçois 
ici  les  premières  ébauches  d'une  théorie  qu'il 
fçaura  perfectionner  &  embellir  dans  fon  grand 
Ouvrage  de  la  Phyfiologie, 

Qu'on  m'oppofe,  dit -il  (/z),  l'exemple 
des  iVIulets,  &  des  Animaux  hprides  ^  qui 

5,  eifedivement  reffemblent  fouvent  au  Mâle 
par  des  marques  diftinclives  ;  je  croirois  pou- 
voir répondre  encore.  Mes  preuves  font  di- 
re6les  :  s'il  n'y  a  pas  quelque  faute  dans  les 
Faits,  il  ne  lauroit  y  en  avoir  dans  les  Con- 

5,  clufions.  Il  feroit  peu  philofophique  de  dire 
que  l'Artère  du  Jaune  efc  née  autrefois  d'une 
Artère  de  la  Mère ,  qu'elle  s'en  eft  détachée , 
dans  la"  ponte,  &  qu'elle  s'eft  entée  fur  un 
bout  d'Artère  méfentérique  du  Fœtus  préparé 
pour  elle  :  que  la  Veine  en  a  fait  de  même, 
&  que  le  Jaune  tout  entier  s'eft  enté  en  mô- 
me tems  par  un  petit  canal  dans  un  Inteitiii 

„  de  l'Embrion. 

„  Mais  comment  expliquer  dans  mon  Syflè- 
,5  me  les  grandes  Oreilles  du  Mulet:  les  Pieds 
„  de  Poule  de  l'Oifeau  né  d'un  Coq  &  d'une 
„  Canne:  le  gros  Bec  de  l'Oifeau  bâtard,  que 
„  le  Chardonneret  a  engendré  avec' un  Serin 
„  femelle?  Je  nefcaurois  l'expliquer  méchani- 
5,  quement ,  mais  je  vais  faire  voir  que  ces  phé- 

(a)  Mémoires  fur  la  Formation  du  Poulet  &.c.  Mém  II  'Seftion 
XIII ,  pag.  189  &.  lyo.  '    *' 

S5 


95 
95 

9Î 
99 
39 
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99 

99 

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39 

99 

99 


282       GoNsiDiRATioNs  Sur  Les 

5,  nomènes  ne  font  rien  contre  le  Syflème  des. 
.5  O  variées. 

„  Le  Sperme  du  Mâle  a  fans  contredit  le  pou- 
„  voir  de  faire  croître  quelque  Partie  de  TAni- 
„  mal  plus  que  les  autres:  il  fait  croître  les  Poils 
j,  de  la  Barbe  dans  l'Individu ,  dont  il  fait  par- 


35 
53 
33 
55 
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tie ,  &  il  n'en  fiit  pas  croître  les  Cheveux. 
Il  poulie  les  Cornes  des  Animaux ,  depuis  le 
Cerf  jufqu'au  Cerf  volant,  il  prolonge  les  Dé- 
fences  des  Sangliers  &  de  l'Eléphant.  S'il  a 
le  pouvoir  de  faire  germer  de  certaines  Par- 
ties du  Corps  plus  que  les  autres  dans  le  Corps 
môme,  qai  le  prépare,  il  peut  l'avoir  dans 
le  Corps  du  Fœtus  ,  qu'il  anime.  Il  peut 
pouffer  le  Sang  avec  plus  de  force  dans  les 
Artères  de  l'Oreille,  ou  du  Bec,  &  l'objec- 
tion efl  réfoluë  (^). 

„  Il  eft  bien  vrai, que  maréponfe  n'explique 
pas  le  comment ,  ni  le  méchanifme ,  par  le- 
quel le  Sperme  du  Mâle  réveille  le  Germe  de 
rOreille  ,  &  en  grandit  le  développement. 
Mais  je  ne  dois  pas  être  obligé  à  expliquer 
ce  comment ,  pourvu  que  mes  Faits  foyent 
avérés.  L'influence  du  Sperme  fur  l'accroif- 
fement  de  la  Barbe  &  des  Cornes,  efl  démon- 
trée ,  quoi  que  le  comment  en  foit  peut-être 
ignoré  pour  toûjor.rs." 
Avant  &  après  la  publication  des  Poulets  de 


(fl)  Il  me  femble  q;ie  cela  ne  fuffiroit  pas  pour  rendre  raifon 
des  changeaiens  furprenans  qui  s'opèrent  dans  l'Organe  de  la 
Voix  du  Mulet.  Voyez  ce  que  j'ai  dit  là-  deflus  dans  les  Ar- 
ticles 331.  &  33Û. 


Corps    Organise' s.     283 

Mr.  DE  Haller  5  nous  nous  étions  fouvent  en- 
tretenus par  Lettres  fur  \2iGénération^  &  j'avois 
eu  bien  des  occafions  dem'airùrerquenoasp-  a- 
fions  de  même  fur  le  développement ,  &  fur  l'in- 
fluence de  la  Liqueur  féminale.  Cette  confor- 
mité, dont  je  fais  gloire ,  m'a  donné  un  peu  de 
confiance  pour  mes  premières  idées ,  &  m'a  en- 
gagé à  les  retoucher  avec  plus  de  foin,  àlesapro- 
fondir  davantage ,  &  à  les  enchainer  plus  étroi- 
tement les  unes  aux  autres.  C'eft  ce  que  j'ai  tâ- 
ché d'exécuter  dans  ce  Chapitre. 

Une  des  difficultés  que  j'ai  le  plus  preffées  a- 
vec  Mr.  de  Haller  ,  a  été  celle  que  préfente 
l'accroilTement  des  Oeufs  dans  les  Poules  vier- 
ges.   Les  Oeufs  croijfent  dans  ces  Poules ,  lui  di- 
fois  -  je  ;  le  Germe  y  croît  donc  aujfi.     Tour  quoi 
ne  peut -il par  le  même  moyen  achever  defe  dé- 
velopper ?  Tour  quoi  lui  faut  -  //  le  fecours  de  la 
Fécondation  ?  Nous  répondons  que  les  fucs  de  la 
Mère  peuvent  bien  faire   développer  le  "Jaune  ^ 
mais  non  les  Parties  offeufes  du  Germe,     Cepen- 
dant les  fucs  de  la  Mère  font  développer  ft s  pro- 
pres Os  beaucoup  plus  durs.  Je  dis  là-dejjus  que 
les  Parties  ojfeufes  du  Genne  ne  peuvent  fe  dé  VC' 
lopper  que  par  l'action  de  [on  Cœur ,  ^  que  s'' il 
bat  avant  la  Fécondation ,  c'eft  trop  foiblQmenî, 
La  réponfe  de  mon  Illaftre  Confrère  a  été 
telle  que  je  l'avois  prévue,     y  ai  déjà  parlé., 
m'écrivoit  -  il ,  delà  faculté  irritante  du  Sperme 
Mâle  dans  ma  Thyfiologie,      Je  crois  la  chofe 
vraye.  Car  d'où  vient  queTEmbrion  qui  vivait 
m  croijjbit point?  c*ejl  que  fes Faiffeaux nétoient 


£84     Considérations  Sur  Les 

pas  dilatés.  Et  pourquoi  ne  rétoient-ils  pas'^ 
ceft  que  le  Cœur  ne  battoit  pas  avec  ajjez  de  for- 
ce. Et  pourquoi  cette  force  nouvelle  après  tac* 
coupkment  ?  il  ne  s'eft  rien  pajfé  a'eff'entiel  que 
Vaproche  du  Sperme  du  Mâle  :  la  feule  agitation 
de  P accouplement  ne  réveille  pas  ffans  elle ,  l'Em- 
hrion, 

346.  Nouvelle  confiâération  fur  la  Multi- 
plication fans  accouplement. 

J'ai  eflliyé  dans  l'Article  73 ,  de  répondre  à 
la  queftion,  comment  fe  fak  la  Multiplication 
fans  accouplement  ?  J'ai  préfentemenc  une  nou- 
velle confidération  à  offrir.  Les  Infeéles  qui 
multiplient  fans  accouplement,  &  ceux  qui  mul- 
tiplient de  Bouture ,  font  tous  très  mois  :  la  plû- 
'  part  font  même  gélatineux.  Leurs  Enibrions 
doivent  être  bien  plus  mois,  bien  plus  délicats 
encore.  Les  Parties  de  ces  Embrions  réfiltent 
donc  infiniment  peu.-  Le  Cœur  ou  l'Organe  qui 
en  tient  lieu ,  pourroit  donc  avoir  aifez  de  for  - 
ce  pour  ouvrir  par  lui-même  les  Vaiffeaux,  &. 
pour  furmonterla  réfiitance  de  Solides  qui  n'ont 
guères  que  la  confiftence  d'un  Fluïde.  Les  In- 
fectes fournis  à  la  loi  de  l'accouplement  ont  plus 
ou  moins  de  Parties  écailleufes  &  très -dures, 
qui  originairement  réfiftent  davantage  que  celles 
qui  doivent  refter  toujours  molles  ou  même  gé- 
ladneufes. 

Ainsi  dans  les  Androg^nes ,  les  fucs  préparés 
que  la  Mère  envoyé  aux  Embrions  ,  fufïifent 
pour  les  faire  développer.    Les  Mues  des  Oi- 


Corps    Organise*  s.     285 

féaux ,  celles  des  Infectes  nous  offrent  des  exem- 
ples d'un  développement  analogue  dans  les  Touts 
très-organifés.  Les  Germes  des  nouvelles  Plu- 
mes ,  ceux  des  nouvelles  Peaux  fe  développent 
fans  autre  fecours  que  celui  des  fucs  qu'ils  reçoi- 
vent de  l'Individu.  C'effc  encore  de  la  même 
manière  ou  à  peu  près,  que  la  Chenille  fait  croî- 
tre le  Papillon  (  ^  ) ,  que  l'Ecrevifle  pouffe  de 
nouvelles  Pattes  (Z')?  le  Polype  une  nouvelle 
Tête,  &c.  (^)  Et  comme  je  le  difois  dans 
l'Article  7  3,  la  Multiplication  fans  accouplement 
nous  paroîtroit  la  plus  naturelle,  fi  elle  nous 
étoit  plus  familière.  11  eft  bien  plus  furprenanc 
que  pour  produire  un  Individu ,  il  faille  le  con- 
cours de  deux  autres  Individus. 

Ca)  Art.  160  &  161. 

(b)  Art.  262. 

(c)  Art.  264. 


ft86     Considérations  Sur  les 
CHAPITRE     VIII. 

Confidératîons  fur  la  Formation  des 
Monftres. 

Conclufton, 

347.  Difpuîe  célèbre  fur  les  Monflres. 

Mon  plan  n'efl  pas  de  traiter  à  fond  des 
Monflres,  Cette  matière  aulTi  variée  que  diffi- 
cile 5  fourniroit  feule  à  un  gros  volume.  Je  ne 
j'ai  que  très  légèrement  effleurée  dans  le  Cha- 
pitre III.  du  Tome  I.  On  connoit  la  longue 
&  fameufe  difpute  de  MM.  Lemery  &  Wins- 
Low ,  qui  ne  finit  que  par  la  mort  de  l'un  des 
combattans.  On  combattoit  de  part  &  d'au- 
tre avec  des  Monftres ,  &  quand  la  viétoire  ba- 
lançoit,  on  recouroit  aux  fubtilités  de  là  Mé- 
taphyfique.  Mr.  Lemery  foutenoit  que  la 
formation  des  Monftres  étoit  due  uniquement 
à  des  caufes  accidentelles  ,  qu'il  affignoit  ,  & 
qu'il  favoit  employer  avec  beaucoup  de  fagaci- 
té  &  d'efprit.  Mr.  Winslow  lailfoit  là  tout 
cet  attirail  d'explications  phyfiques ,  &  le  fca- 
pel  à  la  main ,  il  prétendoit  trouver  dans  cer- 
tains Monftres  des  preuves  inconteftables  que 
leur  formation  étoit  due  uniquement  à  des  Oeufs 
originairement  monftrueux.  Un  Hiflorien  (a) 
digne  de  juger  les  deux  célèbres  Adverfaires, 

(«)  Mr.  DB  FONTENELLJE.      /        J  \4,cHi>v   /-»  '-^ 


Corps    Organise'*.     287 

nous  a  donné  la  relation  abrégée  de  leur  com- 
bat. On  la  lira  avec  plaifir  dans  l'Hiftoire  de 
FAcadémie  Royale  des  Sciences  pour  l'année 
1740. 

348.  Faits  favorables  à  Vhypothèfe  des  eau- 
fes  accidentelles. 

Ce  n'eft  point  à  moi  à  décider  une  queftion 
qui  a  partagé  ,  &  qui  partage  encore  les  plus 
grands  Phyficiens  -^  mais  je  dirai  bien  ,  que  di- 
vers Faits  me  paroiflent  confirmer  le  fentiment. 
de  Mr.  Lemery.    J'en  indiquerai  quelques  uns. 

Si  l'on  nomme  Monflre  une  Produclion  or- 
ganique 5  dont  la  conformation  extérieure  &  in- 
térieure diffère  de  celle  qui  efb  propre  à  l'ef- 
pèce ,  les  Mulets  feront  de  véritables  B'Ionftres. 
Faudra -t- il  pour  expliquer  de  tels  Monftres 
recourir  à  des  Oeufs  originairement  monflrueux? 
Je  m'alfure  qu'on  ne  le  penfe  point.  Et  puis , 
comment  un  Germe  de  Mulet  vicndroit-il  fe 
préfenter  à  point  nommé,  au  moment  qu'un  A- 
ne  féconderoit  une  Jument  ?  Voil^  donc  déjà 
une  efpèce  de  Monilres  qui  doit  fa  formation 
à  des  caufes  purement  phyjjqucsj  &  l'on  a  vu 
dans  le  Chapitre  précédent  la  manière  naturel^ 
le  dont  j'ai  tenté  d'expliquer  cette  formation. 

Une  Branche  fe  colle  à  une  autre  Branche , 
un  Fruit  à  un  autre  Fruit ,  une  Feuille  à  une 
autre  Feuille  ,  &c.  &  cette  union  acciàentelk 
devient  fi  intime ,  que  les  deux  Touts  n'en  for- 
ment plus  qu'un  feul.    Le  quatrième  Mémoif 


288      Considérations  Sur  Les 

re  de  mes  Recherches  fur  rufage  des  Feuilles 
dans  les  Plantes  ^  préfence  des  exemples  frap- 
pans  &  variés  de  cette  forte  de  Greffe  ,  &  de» 
Moiiitruofités  qui  en  réfultent. 

Les  Greffés  que  l'Art  exécute  foit  fur  les 
Végétaux  ,  foit  fur  les  Animaux ,  donnent  n?jf- 
fance  à  d'autres  Genres  de  Monftres.  Je  m'en 
fuis  beaucoup  occupé  dans  cet  Ouvrage ,  lors 
que  j'ai  entrepris  de  rendre  raifon  des  Reproduc- 
tions végétales  &  animales.  Ces  Mondres  ne 
réfidoient  pas  originairement  dans  des  Germes 
qui  les  repréfentoient  en  petit.  On  pourroit  les 
nommer  artifickh ,  par  oppofition  aux  Monftres 
purement  naturels. 

Ce  qui  fe  pafle  au  grand  jour  entre  deux 
Branches  qui  fe  collent  l'une  à  l'autre ,  fe  pafle 
dans  fobfcurité  d'un  Ovaire  ou  d'une  Matrice 
entre  deux  Oeufs  qui  viennent  à  fe  toucher  par 
quelque  point  de  leur  furface.  Deux  Fœtus 
humains  qui  ne  font  unis  que  par  l'Epine  ,  imi- 
tent fort  bien  deux  Branches  ou  deux  Fruits 
greffés />^r  aproche. 

On  voit  quelquefois  des  Oeufs  qui  renfer- 
ment deux  Jaunes.  Ils  renferment  donc  deux 
Germes.  Si  ces  Germes  parvenoient  à  s'y  dé- 
velopper 5  il  eft  bien  clair  qu'ils  pourroient  fa- 
cilement s'unir  ou  fe  greffer  par  différens  points 
(ie  leur  extérieur.  Telle  étoit  apparemment  l'o- 
rigine de  ce  Poulet  monftrueux  à  quatre  Jam- 
bes &  à  quatre  Pieds ,  que  Mr.  de  Reaumur. 

trouva 


Corps    Organise' s.    sSp 

trouva  dans  un  Oeuf  couvé  pendant  dix -neuf 
jours  ([^^).  Cet  excellent  Phyficien  recourt 
lui-nxênie  à  Texplication  que  je  viens  de  don- 
ner, &  il  ne  croit  pas  qu'on  puifTe  mettre  la 
choie  en  queftion.  „  il  y  avoit  eu,  dit  il  , 
3,  un  Germe  de  plus  dans  cet  Oeuf,  que  dans 
3,  le  commun  des  Oeufs  ;  les  deux  Germes  s'é- 
3,  toient  réunis,  &  il  n'étoit  relié  à  l'extérieur 
„  que  les  deux  Cuifles ,  &  les  deux  Jambes 
5,  de  l'Animal  d'un  de  ces  Germes.  Tout  ce- 
5,  la,  ajoute -t-il 5  n'eft  pas  nécelfaire  à prou- 
,3  ver." 

J'ai  infiflé  bien  des  fois  fur  la  délicatefîepro^ 
digieufe  des  Parties  de  l'Embrion.     Je  les  ai  re- 
préfentées  comme  prefque  fluides:     Elles  font 
donc  alors  très  -  pénétrablcs.     Dans  cet  état ,  il 
efl  facile  que  deux  Germes  fe  confondent  en 
tout  ou  en  partie.     Une  confufion  entière  en- 
traîneroit  la  deftruélion   totale   des  Organes  : 
mais ,  des  Organes  femhlaUes  qui  ne  fe  confon- 
droîent  qu'à  moitié,  pourroient  fe  réunir  par 
celles  de  leurs  moitiés  correfpondantes  qui  fub- 
fifteroient ,  &  ne  former  ainfi  qu'un  feul  Or- 
gane ,  un  feul  Tout  individuel.     C'ell  de  cette 
manière  que  Mr.  Lemery  rendoit  raifon  d'un 
Monftre  humain  à  deux  Têtes  fur  un  feul  Corps. 
La  diflTeflion  faifoit ,  pour  ainfi  dire,  toucher 
au  doigt  la  réunion  des  deux  moitiés  de  deux 
Fœtus ,  qui  é toient  parvenus  à  n'en  compofer 

(a)  Mim.  fur  les  hfsSieSi  Toin.  II.  pag.  42,  &  43. 
JOM.   II.  T 


î90     Considérations  Sur  Les 

plus  qu'un  feul.  Il  faut  lire  dans  l'Hiftoire  de 
l'Académie  de  1740.  le  précis  très  clair  &  très 
ingénieux  des  obier vations  du  fçavant  Anato- 
mifte. 

Suivant  cette  hypothèfe  ,  les  Monflres  par 
excès  ,  ou  qui  ont  un  ou  plufieurs  Membres 
furnuméraires  ,  les  tiennent  d'un  autre  Germe 
dont  tout  le  leile  a  péri. 

.  349.  Monftres  par  accident  ,  âoj7î  la  for- 
mation ne  tient  pas  à  P union  de  deux  Ger- 
mes, 

Mais,  il  efl  d'autres  Monflres  ^^r  excès  ^ 
dont  l'origine  eil  très  différente ,  &  ceci  méri- 
te qu'on  y  falle  attention.  Un  Fœtus  humain 
à  26  Côtes  appartient  bien  à  la  clafle  des 
Monftres  par  excès,  Mr.  Hunauld  ,  qui  pof- 
fédoit  à  un  fi  haut  point  l'art  de  voir  &  de  dif- 
féquer,  a  démontré  que  ces  Côtes  furnumérai- 
res ne  font  dues  qu'à  un  développement  excef- 
fif  d'une  efpècc  d'appendice  olfeux  des  Apo- 
phyfes  trmfverfes  de  la  feptième  Vertèbre.  Je 
ne  détaillerai  pas  ce  Fait  remarquable  :  je  dois 
renvoyer  mon  Lecleur  aux  Mémoires  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  1740.  pages  377.  & 
fuivantes  de  l'Edition  in  4°. 

Les  mêmes  caufes ,  ou  des  caufes  analo- 
gues ,  peuvent  donner  lieu  à  d'autres  excès ,  & 
conféquemment  à  d'autres  Bïonftruofîîés ,  donc 
il  ne  faUdroit  pas  chercher  l'origine  dans  la  con- 
fufion  partiale  des  Germes  ou  dans  leur  réu- 


Corps    O  r  g  a  n  i  s  e'  s.    spr 

tiion  par  une  forte  de  Greffe.  Le  Sperme  de 
TA  ne  qui  agrandie  les  Oreilles  du  Cheval  &  mo- 
dilie  fon  Larynx  ,  agit  à  peu  près  comme  les 
caufes  dont  nous  parlons. 

Des  caufes  contraires  produiront  les  Mons- 
tres/>^r  définit  ^  les  plus  faciles  de  tous  à  expli- 
quer. Une  certaine  prefilon  fur  des  folides  en- 
core gélatineux  &  qui  fe  touchent  prefque  , 
pourra  auffi  les  réunir  en  une  feule  mafîe.  Des 
Fœtus  humains  qui  n'ont  que  20  ou  22  Côtes 
font  des  efpèces  de  Monftres/'jr  défaut,  Mr. 
HuNAULD  démontroit  encore  que  ce  défaut  pro- 
venoit  quelquefois  de  la  réunion  de  deux  Cô- 
tes en  une  feule  (^).  L'on  a  vu  une  fembla- 
ble  réunion  dans  les  Doigts  ,  &  dans  quantité 
d'autres  Parties  foit  molles ,  foit  offeufes.  Que 
dis -je!  on  a  vu  un  Enfant  de  vingt-deux  mois, 
privé  d'Articulations  ,  &  dont  toute  la  Char- 
pente 5  ne  compofoit  en  quelque  forte  qu'un 
feul  Os  (/O- 

On  imagine  affés  deî?  caufes  naturelles  capa- 
bles d'ahérer  dans  le  Germe  divers  Organes, 
d'en  fuprimer  l'Evolution  en  tout  ou  en  partie, 
de  changer  leu:  forme ,  leurs  proportions  ,  leur 
arrangement  refpeccîf ,  &c.  Ces  changemens 
qui  paroiiTent  prodigieux  dans  le  Fœtus  à  ter- 
me, &  plus  encore   dans  TEnfant,  parce  quç 

(fl")  Mémoire  de  V  Jcadé^ni.e  1 740.  pa'/e  377. 
(fc)  Mémoire  de  Mr.  Lemery  fur  divers  Monflres.     Méoi.' 
d$  l'Acad.  1740,  pag.  439.  &  fuivantes, 

T  i 


5^4    Considérations  Sur  Les 

l'Evolution  groffit  tout ,  peuvent  ne  tenir  dans 
le  Germe  qu'à  très -peu  de  chofe.  Une  Gelée 
cède  facilement  aux  moindres  impulfions  ,  & 
revêt  aifément  de  nouvelles  formes.  Au  lieu 
de  s'étonner  des  Montres ,  on  devroit  bien  plu- 
tôt s'étonner  qu'ils  ne  foyent  pas  plus  communs 
encore. 

350.  Divers  exemples  de  Monflres, 

Je  ferois  un  Livre  plus  volumineux  que  ce- 
lui-ci ,  fi  je  voulois  feulement  indiquer  tous 
les  Monflres  &  toutes  les  Monftruofités  de  dif- 
férens  genres ,  dont  les  Anciens  <Sc  les  Moder- 
nes nous  ont  donné  des  defcriptions.  Tantôt 
c'eft  une  eipèce  de  Cyclope,  fans  Nez  ni  Bou- 
che 5  &  qui  n'a  qu'un  Oeil  au  milieu  du  Front 
((^).  Tantôt  c'eft  un  Fœtus  abfolument  privé 
de  Sexe  &  d'Anus  (Z^).  Tantôt  c'eft  un  En- 
fant qui  porte  fon  Cœur  pendu  au  Col  comme 
une  Médaille  (^).  Une  autre  fois,  c'eft  un 
Fœtus  fans  Cerveau ,  lans  Cervelet ,  fans  Moel- 
le épinière ,  au  moins  apparens ,  car  on  a  vu 
de  tels  Monftres  qui  ont  vécu  plufieurs  heures, 
&  qui  ont  pris  de  la  nourriture  (^').  Ailleurs 
c'eft  une  Mafle  prcfque  informe  qui  n'a  ni  Tê- 
te 5  ni  Col ,  ni  Omoplates  ,  ni*  Bras  ,  ni  Pou- 
mon, ni  Cœur,  niEftomach,  ni  Rate,  niPan^ 
créas  ,  ni  Inteftin  grêle  (^}.    Voilà  quelques 

(a)  Ibid.  Mr.  Mert  1709. 
Ib)  Ibid.  Mr.  Merv  1716. 

(c)  Ibid.  Mr.  DE  Vaubonais,  17x2, 

(d)  Ibid.  Mr.  Mery   171 1. 
(«}  Jbid,  Mr.  Mehï  t720. 


Corps    Organise 's.     S93 

exemples  de  Monftres  par  défaut ,  &  de  ceux 
par  tranfpofition ^^x\s  dans  refpèce  humaine:  en 
voici  quelques  autres  de  Monftres/'^r  excès. 

On  voit  des  Monftres  i\  deux  Têtes  ,  pla- 
cées à  côté  l'une  de  l'autre  ,  &  dont  tout  le 
reite  du  Corps  eft  conformé  comme  à  l'ordi- 
naire ou  à  peu  près  Qa^.  D'autres  Monftres 
ont  avec  deux  Têtes  ,  quatre  Bras  &  quatre 
jambes.  Ces  Monftres  fe  diverfiiient  par  la 
manière  dont  fe  fait  la  jonclion  des  deux  Ger- 
mes. Les  deux  Têtes  ne  fe  trouvent  pas  tou- 
jours placées  à  côté  l'une  de  l'autre,  &  la  fi- 
tuation  refpeclive  des  extrémités  change  en  con- 
lequence  (^).  Comme  il  eft  des  Monftres  à 
deux  Têtes  fur  un  feul  Corps ,  il  eft  aulfi  des 
Monftres  à  deux  Corps  fous  une  feule  Tête ,  & 
chaque  Corps  a  toutes  les  Parties  qui  font  pro- 
pres à  l'elpèce  (^).  Quelquefois  la  jonélion 
des  deux  Germes  fe  fîiit  vers  le  milieu  du  Corps, 
&  fun  des  deux  ne  retient  qu'une  partie  de  fes 
Membres  :  on  a  obfervé  une  Fille  bien  formée 
qui  avoit  à  la  région  de  fEftomach  la  moitié 
inférieure  &  les  extrémités  correfpondantes  d'un 
Fœtus  (^). 

Dans  les  Monftres  par  défaut^  une  ou  plu- 
fieurs  Parties  s'effiicent ,  s'oblitèrent ,  périlTent. 
Dans  les  Monftres  par  excès ,  une  ou  plufteurs 

fa>  Ihîd.  Mr.  Lemery  1724. 
(i)  Jbid.  Mr.  du  Verney  1706. 
le)  Ibîd. 
Id)  Ibid,  Mr.  Wimhow. 

T  3 


294-    Considérations  Sur  Les 

Parties  d'an  Germe  s'uniiTent  ,  s'ûtiaftomofent 
avec  un  autre  Germe  ;  ou  bien  deux  ou  plu- 
lieurs  Parties  d'un  même  Germe  fe  réunifient 
pour  n'en  former  qu'une  feule.  L'analogie  en- 
tre le?  Parties  fivorife  cette  imion ,  comme  elle 
favorife  celle  de  la  (Greffe  avec  fon  Sujet, 

On  diroit  que  toutes  les  combinaifons  pofli- 
bles  ayent  été  fûtes.  Si  deux  Parties  fe  réunif- 
fent  pour  n'en  former  qu'une  feule ,  une  Partie 
tmique  fe  divife  quelquefois  pour  en  former  deux 
cliilincles  &  femblables.  Une  Femme  qui  avoic 
eu  plufieurs  Enfms ,  &  qui  étoit  morte  à  l'âge 
de  40.  ans  d'une  maladie  de  Poitrine ,  avoit  une 
double  Matrice ,  très  bien  organifœ,  &  faite  en 
Cœur.  Le  Vagin  étoit  fmiple ,  mais  il  y  avoit 
au  Col  deux  Orifices ,  qui  répondoient  à  deux 
Cavités  ou  à  deux  Matrices  diilinéles  &  fembla- 
bles. La  lame  interne  du  Péritoine  les  fépa- 
roit  &  fournilToit  à  chacune  une  enveloppe  par- 
ticulière. L'infpeélion  prouva  que  toutes  deux 
avoient  été  occupées,  (ans  qu'on  pût  dire  quel- 
le étoit  celle  qui  l'a  voit  été  le  plus  fouvent.  Les 
autres  Parties  du  Vifcère,  lavoir  les  Ovaires, 
les  Trompes ,  les  Ligamens  étoient  comme  dans 
l'état  naturel  (^).  Une  pareille  Matrice  ren- 
doit  \q.%  fuperfêtaîions  Eiciles  :  elles  font  ordinai- 
res chez  les  Animaux  dont  les  Femelles  ont, 
comme  celle  du  Lièvre ,  plufieurs  Matrices. 

On  voit  bien  qu'il  ne  faut  pas  chercher  l'ori- 
gine de  cette  double  Matrice  dans  l'union  de 

(a)  Hijloire  de  VAcadimie  des  Sciences,  an.  I7S2.pag,  75 &  7^. 


Corps    Organise' s.     195 

deux  Germes.  Elle  avoit  dépendu  probablement 
de  caufes  qui  avoient  agi  lur  le  V^ifcère  même , 
&  en  particulier  fur  la  lame  interne  du  Péritoi- 
ne, qui  l'avoient  prolongée  avec  excès,  &  qui 
en  avoient  dirigé  l'Evolution  de  manière  à  en 
fciire  naître  une  duplicature  monftrueufe. 

351.  Remarques  importantes  en  faveur  dei 

Monftres  par  accident. 
-Différences  entre  le  Germe  &  le  Fœtus ,  rêla" 

îivement  à  la  forme  &  à  r arrangement  des 

Parties. 
l'négaUiés  dans  l^ Evolution, 

]b  ferai  fur  les  Monftres  une  remarque  impor- 
tante ,  &  qui  me  paroît  très  favorable  au  Syltè- 
me  des  Caufes  accidentelles.  Tandis  que  le  Pou- 
let efl  encore  dans  fétat  de  Gerjne ,  toutes  'i.Q% 
Parties  ont  des  formes ,  des  proportions  ,  des 
fituations  qui  diffèrent  extrêmement  de  celles  que 
l'Evolution  leur  fera  revêtir.  Cela  va  au  point, 
que  fi  nous  pouvions  voir  ce  Germe  en  grand, 
tel  qu'il  eil  en  petit ,  il  nous  feroit  impoffible 
de  le  reconnoître  pour  un  Poulet.  On  n'a ,  pour 
s'en  convaincre ,  qu'à  relire  l'i^rticle  146.  Le 
Poulet  étendu  alors  en  ligne  droite ,  ne  préfen- 
te ,  comme  le  Ver  fpermatique ,  qu'une  grofle 
Tête  &  une  Queue  effilée  ,  qui  renferme  les 
ébauches  du  Tronc  &  des  Extrémités.  Cette 
forme  &  cette  fituation  de  la  Charpente ,  qu'on 
n'auroit  fûrement  pas  devinée ,  peuvent  rendre 
faciles  certaines  unions  entre  deux  Germes,  qui 

T4 


zg6      Considérations  Sur  Les 

cleviendroic;nt  difficiles  entre  deu?:  Erabrions  un 
peu  développés,  &  abfoluraent  impoffibles  en- 
tre deux  Fœtus  prefque  à  terme.  Le  Germe 
n'eft,  pour  ainfi  dire,  compofé  que  d'une  fuite 
de  points,  qui  formeront  dans  la  fuite  des  lig- 
nes. Ces  lignes  le  prolongeront,  fe  multiplie- 
ront &  produiront  des  furfaces.  L'Homme  & 
les  Quadrupèdes  ,  dans  l'état  de  Germe  ,  ont 
fans  doute  auffi  des  formes  &  des  fituations  qui 
ne  relfemblent  nullement  à  celles  qu'ils  acquier- 
rent  par  le  développement.  De  là  des  abouche- 
mens ,  des  anaflomofes  entre  deux  ou  plufieurs 
Germes ,  qui  donnent  nailfance  à  différentes  for- 
tes de  Monftres ,  dont  la  formation  exerce  la 
fagacité  du  Phyficien.  On  remarque  que  les 
Monftres  p^.r  excès ,  font  plus  communs  chez 
les  Animaux  qui  produifent  plufieurs  petits  à  la 
fois ,  que  chez  ceux  qui  n'en  produifent  qu'un 
ou  deux  :  c'eil  qu'il  doit  arriver  bien  plus  fré- 
quemment dans  les  premiers  que  deux  Germes 
fe  rencontrent  que  dans  les  derniers.  La  ftruc- 
ture  particulière  des  Ovaires  ,  des  Trompes, 
des  Matrices ,  &  diverfes  circonftances  qui  tien- 
nent à  tout  cela ,  peuvent  encore  influer  beau- 
coup dans  ces  rencontres  fortuites. 

Enfin  ,  toutes  les  Parties  du  Germe  ne  fe  dé- 
veloppent pas  à  la  fois  &  uniformément:  les 
obfervations  fur  l'Incubation  des  Oeufs  le  dé- 
montrent (^),  &  cette  inégalité  dan?  l'Evolu- 
tion doit  modifier  les  effets  du  contad,  de  la 

(ffl)  Confultez  Malpighi  de  Ovo  încubato ,  &  fur -tout  le  a^» 
Mémoire  de  Mr.  de  Haller  fur  la  Formation  du  Poulet. 


Corps    Organise' s.'     ngj 

prefîlon,  de  l'adhérence,  de  la  pénétration  ré- 
ciproque ,  de  la  Greffe ,  &c.  C'efb  encore  ici 
une  remarque  importante ,  &  elle  n'a  pas  échap- 
pé à  Mr.  LEMiiRY.  Voici  comment  Mr.  de 
FoNTENELLE  Ta  rcnduë  d'après  les  réflexions  de 
l'habile  Phyficien.  ,,  11  ne  faut  pas ,  dit-il  (^a') , 
,5  fe  repréfenter  les  deux  Embrions  qui  fe  dé- 
5,  truifent  à  demi  l'un  l'autre  ,  comme  deux  j^ni- 
„  maux  qui  ne  diffèrent  qu'en  grandeur  d'avec 
5,  des  Animaux  venus  au  jour.  Ils  en  diffèrent 
5,  plus  effentiellement ,  en  ce  qu'ils  peuvent  n'a- 
voir pas  encore  toutes  leurs  Parties  dévelop- 
pées, ou  en  ce  qu'ils  les  auront  plus  ou  moins 
développées  les  unes  que  les  autres  ;  car  com- 
me on  l'a  vu  dansl'Hiftoire  de  1739.  d'après 


35 

3* 

5,  Mr.  Lemery  même,  j&  dans_celle  de  1701 , 

33 


le  développement  du  Fœtus  eft  non  feulement 
3,  fucceffif  ainfi  qu'il  doit  l'être  naturellement, 
,-^  mais  inégalement  diftribiié  entre  fes  différen- 
„  tes  Parties;  cela  dépend  de  fon  âge.  Parla 
3,  on  conçoit  aifément  que  telle  Partie  qui  aura 
,,  été  détruite  par  la  preffion  naturelle  de  deux 
3,  Fœtus, ne  l'aura  pas  été  par  une  preffion par- 
„  faiteraent  égale  de  deux  autres ,  parce  qu'elle 
„  n'exiiloit  pas  encore  dans  ces  deux  derniers, 
,5  qu'on  fupofera  plus  jeunes."  Il  fe  peut  aulîi 
5,  que  deux  Embrions  de  différent  âge,  fe  cho- 
5,  quent  ou  fe  preffent,  de  fiiçon  que  ce  qui 
3,  aura  été  détruit  dans  l'un ,  ne  le  foit  pas  dans 
5,  l'autre.  Il  fuffiroit  même  de  la  feule  différen- 
ce) Hijî.  àeVAcad.  1740. 

T5 


apS     Considérations  Sur  Les 

5,  ce  de  force  avec  un  âge  égal.  Il  doit  naître 
5,  encore  de  ces  principes  généraux  beaucoup 
2,  de  variétés." 

352.  Autre  remarque  en  faveur  des  Monjîres 
par  accident. 

Différence  entre  le  Germe  ^  le  Fœtus  relati- 
vement à  la  conftjlence. 

Le  Germe  de  l'Homme ,  celui  d'un  Quadru- 
pède ou  d'un  Oifeau,  ont  après  la  fécondation , 
une  confidence ,  qui  probablement  ne  diffère  pas 
beaucoup  de  celle  d'un  Polype.    Or ,  rien  ne  fa- 
vorife  plus  f  union  entre  des  Touts  organiques , 
que  la  dudt'dité  des  Parties ,  &  la  quantité  ainfi 
que  la  qualité  des  fucs  dont  elles  font  continuel- 
lement abreuvées.  Des  gouttes  de  la  même  Ge- 
lée ou  d'une  Gelée  analogue  n'ont  pas  de  peine 
à  s'unir.    Beaucoup  moins  d'analogie  encore .,  & 
plus  de  confidence  n'empêcheroient  pas  même 
que  deux  Touts  organiques  ne  puflent  fe  greffer. 
Combien  l'Ergot  du  Coq  diffère-t-il  de  fa  Crê- 
te C^)^  L'Art, &  affez  fouvent  lehazard,  réu- 
iiiffent  des  portions  de  Polype  ou  diffirens  Po- 
lypes, d'où  naiffent  cent  fortes  de  Mondres. 
J'ai  raconté  bien  des  merveilles  en  ce  genre  (^Z;). 
Si  Mr.  Lemkry  les  avoit  connues ,  avec  quel 
plaifir  &  avec  quelle  dextérité  ne  les  auroit  -  il 
pas  fiit  fervir  à  étayer  fon  hypothèfe  ! 

Et  qu'on  ne  dife  pas  que  la  fimplicité  de  l'or- 

(û)  Article  271. 

(6)  Chap.  XI,  Tom.  I. 


Corps    Ouganise's.    sp^ 

ganifation  du  Polype,  ne  permet  pas  que  je  le 
compare  ici  à  l'Homme  &  aux  .i:;rands  Animaux. 
Combien  de  Parties  fimïlaires  dans  ces  derniers  ! 
Combien  encore  de  Parties  diffimilaircs  que  l'Ex- 
périence démontre  pouvoir  le  réunir  pour  ne  for- 
mer qu'un  feul  Corps  !  J'en  ai  raporté  un  bel 
exemple  dans  l'Article  270 ,  que  mon  Lcéleur 
voudra  bien  confulter.     Si  toutes  les  Parties  qui 
entrent  dans  la  compofition  d'une  Cuifle ,  peu- 
vent fe  refaire  &  fe  réunir,  après  avoir  été  cou- 
pées &  féparées  entièrement ,  pourquoi  deux 
CuiiTes,  deux  Bras,  deux  Epines,  &c.  encore 
gélatineux ,  ne  pourroient-ils  ié  grelTer  par  apro- 
che'l  II  efl  d'ailleurs  des  Monltres  dont  la  feule 
infpeclion  fuffit  pour  établir  que  leur  formation 
eit  due  à  une  pareille  Greffe.     Mr.  Lemery  en 
produit  des  exemples  décifits ,  &  ceux  que  ]\îr. 
WiNSLOW  lui  objecle,  ne  me  femblent  prouver 
autre  chofe ,  fmon  qu'on  ne  fçauroit  concevoir 
dans  certains  Fœtus  monfcrucux  comment  telle 
ou  telle  union  a  pu  s'opérer  entre  deux  Germes. 
Mais  cet  ïlluftre  Anatomilteneferappelloitpas, 
fans  doute ,  les  obfervations  de  Malpigiii  fur  le 
Poulet ,  qui  prouvent ,  comme  celles  de  Mr. 
DE  Halleii  ,  que  la  forme  &  la  fituation  des . 
Parties  du  Germe, ne  relfemblent  point  à  celles 
des  Parties  du  Fcstus.     Si  nous  pouvions  fuivre 
les  progrès  de  la  Greffe  entre  deux  Germes ,  ob^ 
ferver  les  effets  divers  qu'elle  y  produit,  &  les 
comparer  enfuice  aux  changemens  que  l'Evolu- 
tion amène  infenfiblement ,  l'explication  de  ces 
Monitres  ne  nous  embarafieroit  plus ,  &  nous 


300     Considérations  Sur  les 

aurions  le  mot  de  l'énigme.  Il  en  feroit  de  mê- 
me encore ,  s'il  nous  écoit  poffible  d'opérer  fur 
deux  Germes  comme  nous  opérons  fur  deux 
Polypes:  nous  produirions  à  volonté  différentes 
efpèces  de  Monllres  humains. 

353.  Monftre  qu'on  cite  en  preuve  de  rexiften- 

ce  des  Germes  monftrueux. 
Réflexions  fur  ce  fujet. 
Manière  dont  on  peut  concevoir  que  s' opèrent 

certaines  divifions  accidentelles. 

Comme  il  efl  des  unions  dont  on  ne  fçauroit 
concevoir  la  manière ,  lors  qu'on  vient  à  les  con- 
fidérer  dans  l'Animal  développé,  il  efl;  auiïï  des 
divifions  de  Parties  dont  on  ne  fçauroit  non  plus 
affigner  la  véritable  caufe ,  fans  que  néanmoins 
ni  les  unes  ni  les  autres  puiflent  être  regardées , 
en  bonne  Logique ,  comme  des  preuves  incon* 
tefliables  de  l'exiftence  des  Germes  originaire- 
ment momtrueux.  On  allègue  cependant  com- 
me une  démonfl:ration  rigoureufe  de  l'exiflience 
de  pareils  Germes ,  deux  Cerveaux  dans  une  feu- 
le Tête  ^  lefquels ^  dit  Mr.  Winslow  (^),  on 
juger  oit  ajjèz  facilement  avoir  été  formés  par  la 
confufion  de  deux  Corps  unis  enfemhle;  mais  ^ 
ajoute  - 1  -  il ,  de  ces  deux  Cerveaux  fort  oient  des 
Nerfs  qui  s'* accompagnaient  deux  à  deux  dans  le 
même  Corps,  Il  demande  là  -  deffus  fi  ces  Nerfs 
particuliers  étoient  de  l'autre  Corps  qui  aurait 
été  anéanti ,  excepté  le  Cerveau  feul  dont  ils  par- 

(fl)  Mémoires  de  l'Académie,  an.  1741^  Vallisnieri  a  cité 
ce  cas. 


Corps    Organise' s.    301 

îQÏent  ?  Il  demande  encore ,  comment  ces  Nerfs 
avùient  pu  être  tirés  [euh  du  Corps  anéanti ,  & 
comment  ils  avoïent  pu  être  ft  artiflemefit  ajfo- 
ciés  avec  les  Nerfs  pareils  du  Corps  confervé? 
Aflurément ,  le  fimple  énoncé  du  Fait  prouve 
que  ce  Monflre  ne  devoit  pas  Ton  origine  à  la 
confufion  de  deux  Germes  ,  &  à  cet  égard  je 
penfe  comme  Mr.  Winslow  ;  je  défirerois  à 
la  vérité  plus  de  détails.  Mais ,  ce  fçavant  A- 
cadémicien  ne  commet- il  point  ici  le  Sophifme 
qu'on  nomme  émimération  imparfaite  P  parce 
que  le  Monllre  dont  il  s'agit ,  ne  devoit  pas 
fbn  origine  à  la  confufion  de  deux  Germes,  s'en- 
fuit -  il  néceffairement  qu'il  la  devoit  h  un  Ger- 
me originairement  monftrueux  ?  Ne  feroit  -  il 
pas  pofîible  qu'il  y  eût  des  caufes  accidentelles , 
i\  nous  inconnues  ,  capables  de  divifer  dans  le 
Germe  le  Cerveau  &  les  Nerfs  ?  Le  cas  en 
queftion  ne  feroit  -  il  point  analogue  à  celui  de 
cette  double  Matrice  dont  j'ai  parlé  Ç*^)? 

Encore  une  fois  ;  ce  que  nous  ne  jugeons 
^2iS  poljîble  5  quand  nous  le  confidérons  après 
l'Evolution  5  &  qui  en  effet  ne  l'eil  plus  alors , 
pourroit  en  certaines  circonflances  ,  que  nous 
ne  fommes  pas  encore  en  état  d'aiïïgner  ,  s'o- 
pérer facilement  dans  le  Germe ,  fi  dilférent  en 
tout  du  Fœtus  à  terme.  Quelle  conféquence 
tirer  de  la  forme ,  des  proportions  &  de  la  il- 
tuation  relatives  des  Parties  du  Fœtus  ,  à  cel- 
les des  Parties  du  Germe  ,  qu'on  ne  prendrojc 

(«)  Art.  350, 


302      Considérations  Sur  Les 

pas  pour  le  même  Animal  ?  Que  (lavons- nous 
môme  ;  car  il  doit  être  permis  de  haza^-der  ici 
des  conjedures ,  quand  on  a  foin  d'avertir  qu'on 
ne  les  donne  que  pour  celles  ;  que  favons-nous , 
dis-je,  il  quelques-uns  de  ces  Monilres  h  vmgc- 
quatre  Doigts,  ou  au  moins  à  21  ou  22  Doigts, 
dont  les  exemples  ne  font  pas  bien  rares,  ne 
tenoient  point  leurs  Doigts  furnuméraires  d'une 
diviuon  accidentelle ,  opérée  fur  le  Doigt  voi- 
fm ,  tandis  que  le  Germe  n'étoit  prefque  qu'u- 
ne goutte  de  Fluïde  épaiiîi  ?  Dans  cet  état  de 
mollefle  extrême  les  Doigts  du  Germe  ,  les 
Tendons  &  les  Vaiffeaux  qui  y  aboutiifent ,  peu- 
vent être  comparés ,  en  quelque  forte ,  au  Corps 
du  Polype ,  qu'on  divife  fuivant  fi  longueuif 
&  qui  le  réproduit  enfuite.  Comme  I'Auteur 
DE  LA  Nature  a  mis  en  réferve  chez  lesVé^é- 
taux  &  chez  les  Animaux  das  Germes  pour  la 
réproduélion  &  pour  la  multiplication  des  Touts 
organiques  C^),  il  a  auiTi  mis  en  réferve  dans 
chaque  Partie  d'un  Tout  organique,  des  Fibres 
&  des  Fibrilles  relatives  aux  divers  cas  fortuits 
qui  en  exigeroient  TEvolution,  &  qui  pourroient 
eux-mêmes  la  faire  naître  (^'^').  Ces  Fibres  & 
ces  Fibrilles  n'ctoienc  donc  appellées  à  le  déve- 
lopper que  lors  que  de  tels  cas  furviendroient , 
&  la  divifion  accidentelle  en  fuprimant  f  Evolu- 
tion de  beaucoup  d'autresFibres,détourne  au  pro- 
fit des  Fibres  mifes  en  réferve  ,  les  fucs  nourri- 
ciers qui  auroient   été  employés  à  raccroiile- 

(a)  Art.  238.  153.  &  257, 

(b)  Art.  236. 


Corps    Organis  e's.     303 

ment  des  autres.      Ces  Fibres  fubfidiaires  fe 
prolongent  donc  en  tout  fens  ,  &  conféquem- 
ment  à  la   détermination  fortuite   qu'elles  ont 
reçue  5  &  la  Partie  à  qui  elles  appartiennent  fe 
répare  &  fe  façonne,     C'eft  ainfi  que  je  con- 
cevrois  qu'un  Doigt  encore  gélatineux  ,  divifé 
par  accident ,  pourroit  fournir  dans  certains  cas, 
un  Doigt  de  plus  à  la  main  ou  au  Pied.    Des 
VailTeaux ,  des  Tendons ,  des  Os  déchirés ,  cou- 
pés, frvicturés,  rompus  de  mille  manières  dans 
l'Adulte,  fe  réparent  très -bien  ;  il  s'y  fût  donc 
de  nouvelles  Evolutions ,  qui  fuppofent  la  pré- 
exiilencc  des  Parties  à  développer.     Combien 
de  playes  énormes  qui  fe  font  parfiitement  ci- 
catrifées  !  Quelles  reifources  n'ont  pas  été  mé- 
nagées dans  le  Règne  végétnl  &  dans  le  Règne 
animal    par    TIntelligencs  adorable  qui  a 
tout  prévu  &  qui  connoit  seule  le  fond  de  fes 
Oeuvres  !   Je  ne  puis  m'empêcher  de  rappeller 
encore  à  mon  Lecleur  la  Greffe  fmgulière  de 
l'Ergot   du  Coq  fur  fa  Crête ,  les  Bandes  liga- 
raenteufes  qui  en  naiifent  &  qui  ne  paroiffoienc 
point  exiller  auparavant  Ça^  ,  &  la  belle  Ex- 
périence que  Mr.  Duhamel  a  fi  heureufemenc 
exécutée  far  la  CuifTe  d'un  Poulet  (Z').   Quel- 
le fource  d'explications  ces  deux  Expériences 
ne  nous  ouvrent  •  elles  point  !  quelles  idées  ne 
nous  donnent- elles  pas  de  l'œconomie  organi- 
que &  des  richefles  de  la  Nature  !    S'il  fe  fait 
dans  l'Adulte  des  réparations  &  des  produélions 

(o)  Art.  271. 
(&)  Aît.  270» 


3Ô4        CONSÎDERATIONS   SûR   LeS 

qu'on  n'eCic  ofé  prédire ,  quelles  ne  doivent  pas 
être  celles  qui  peuvent  s'opérer  dans  le  Germe , 
dont  toutes  les  Fibres  font  fi  diicliles ,  &  où 
tout  eil  encore  à  développer  !  Si  les  Doigts  de 
chaque  Main  &  de  chaque  Pied  fe  touchoienc 
dans  le  Germe ,  il  arriveroit  trop  fouvent  qu'ils 
fe  colleroient  enlemble  ;  car  dans  des  Farcies 
aufli  pénécrables  ,  l'adhérence  feroit  facile  ;  je 
conçois  donc  qu'il  eft  une  caufe  qui  tend  à  les 
tenir  féparées  &  à  prévenir  leur  union.  Si  cet- 
te caufe ,  quelle  qu'elle  foit ,  aidée  du  concours 
de  circonftances  particulières ,  agiifoit  trop  for- 
tement, il  feroit  poffible  qu'elle  tendit  alors  à 
divifer  les  Os  du  Métacarpe  &  du  Métatarfe , 
&  avec  eux  les  Doigts  correfpondans.  Les  Os 
qui  réfiileroient  le  moins  ,  feroient  ceux  qui 
feroient  les  plus  expofés  à  cette  divifion  acci- 
dentelle. 

354.  Influence  que  peut  avoir  la  Liqueur  fé' 
mlnale  fur  la  formation  des  Monjîres. 

Il  exifle  peut-être  une  autre  caufe  à^Mons- 
truofités  plus  cachée ,  &  dont  il  feroit  pofiible 
que  les  eifets  fe  diverfifialfent  beaucoup  &  mê- 
me fe  propageaifent.  Je  veux  parler  des  modi- 
fications fortuites  qui  peuvent  furvenir  aux  Or- 
ganes de  la  Génération  des  Mâles  ,  en  vertu 
defquelles  ils  fépareroient  plus  ou  moins  des 
Molécules  apropriées  à  telle  ou  telle  Partie  du 
Germe  ,  ou  des  Molécules  d'une  activité  & 
d*une  qualité  différentes  de  celles  qui  font  pro- 
pres à  l'efpècc.  L'on 


Corps    Organise' s.     305 

L'on  a  pu  juger  par  l'expofé  de  mes  princi- 
pes fur  la  formation  du  Mulet  ,  jufqu'oii  peut 
aller  l'influence  de  la  Liqueur  féminale  fur  les 
Solides  du  Germe.  Il  eft  déjà  démontré  qu'el- 
le ne  modifie  pas  feulement  l'extérieur  ,  mais 
qu'elle  modifie  encore  l'intérieur  ;  &  qu'elle 
change  en  particulier  toute  l'œconomie  du  La- 
rynx. Nous  ne  favons  pas  précifément  com- 
ment cela  s'opère  ;  mais  nous  fommes  très-aflu- 
rés  que  le  Fait  exifle  &  qu'il  n'exifte  que  par 
l'intervention  du  Sperme.  Savons -nous  mieux 
comment  cette  Liqueur  f^iit  croître  un  Bois  de 
Cerf,  une  Défence,  une  Crète,  &c.? 

Il  y  a  donc  dans  les  Organes  de  la  Généra- 
tion de  l'Ane  quelque  choie  qui  correfpond  à 
fon  Larynx ,  &  qui  fe  communique  à  celui  du 
Germe.  La  conféquence  ell:  légitime ,  puisque 
l'Organe  de  la  Voix  du  Cheval  imite  conflam- 
ment  celui  de  l'Ane ,  toutes  les  fois  que  le  pre- 
mier a  dû  fon  développement  à  l'adion  de-  la 
Liqueur  féminale  du  dernier. 

Supposons  maintenant  que  la  Partie  des  Or- 
■  ganes  de  la  Génération  de  l'Ane ,  qui  répond  à 
fon  Larynx  ,  change  par  accident  ,  &  qu  elle 
vienne  à  imiter  celle  de  l'Organe  de  la  Géné- 
ration du  Cheval,  qui  correfpond  aufll  à  fon  La- 
rynx; il  en  réfulteroit ,  par  la  copulation  ,  un 
Mulet  dont  l'extérieur  feroit  celui  du  Mulet  or- 
dinaire ,  mais  dont  la  Voix  imiteroit  celle  du 
Cheval. 

ToM.  IL  Y 


3o6      Considérations  Sur  Les 

Ainsi  en  fuppofant  d'autres  fortes  de  modi- 
fications dans  les  Organes  de  la  Génération  de 
l'Individu  fécondateur,  on  auroit  d'autres réful- 
tats  dans  le  Germe  fécondé. 

Le  Mulet  n''engendre  point  :  les  Organes  de 
la  Génération  du  Cheval  Ibuffrent  donc  un  chan- 
gement par  la  différence  du  Sperme  qui  fécon- 
de le  Germe.  Le  Sperme  de  l'Ane  ne  peut 
donc  les  développer  en  entier  comme  le  fait 
celui  du  Cheval.  Le  développement  parfait  de 
ces  Organes  dé{)end  donc  originairement  du 
concours  de  la  Liqueur  fécondante  propre  à  leur 
efpèce. 

Mais  ,  fi  la  modification  furvenuë  dans  le 
Germe  à  ces  Organes ,  n'étoit  pas  de  nature  à 
entraîner  la  jîérïlité  ,  l'Animal  en  contracleroit 
la  capacité  de  produire  des  Monjîres  ^  qui  pour- 
roient  eux-mêmes  en  produire  d'autres ,  avec 
de  nouvelles  modifications  que  la  fubféquence 
des  Générations  &  diverfes  circonftances  fe- 
roient  naître  peu  à  peu  ,  &  qui  changeroienc 
infenfiblement  les  effets  de  l'imprellion  primi- 
tive. 

355.  Famille  de  Monjlres  qui  fe  propagent. 

Ce  feroit  fur  de  femblables  principes  que  je 
tenterois  d'expliquer  le  plus  embarafiant  de  tous 
les  Faits,  &  fur  la  certitude  duquel  nous  ne 
faurions  former  le  moindre  doute.  Je  ne  l'ai 
encore  qu'indiqué ,  &  je  redoutois  d'avoir  à  en 
entreprendre  l'explication.  Il  faut  pourtant  que 


Corps    Organise' s.    307 

je  le  tranfcrive,  &  que  je  tâche  de  ranalyfer.  Si 
je  l'omettois ,  on  auroit  droit  de  me  l'objeder. 
Nous  le  devons  à  un  excellent  Obfervateur ,  Mr. 
GoDEHEu  DE  RiviLLE  Commandeur  de  Malte 
&  Correfpondantde  l'Académie  Royale  des  Scien- 
ces ,  qui  en  a  communiqué  la  relation  à  Mr.  de 
Reaûmur  :  la  voici  telle  que  cet  Illuftre  Acadé- 
micien l'a  publiée  dans  Ton  Jrî  de  faire  èclorre 
les  Poulets  T.ome  IL  pages  377.  «Se  fuivantes  de 
la  féconde  Edition. 

5,  G  RATIO  Kalleia  ,  né  d'un  Père  qui  avoit 
5,  lept  Enfans  ,  eft  venu  au  monde  avec  llx 
j,  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds;  les  fix Doigts 
3,  des  Mains  font  parfaitement  bien  formés ,  il 
55  les  remue  tous  avec  une  égale  facilité;  celui 
5,  qui  eft  de  furplus ,  tient  de  l'index  &  du  mé- 
5,  dius*  Ceux  des  Pieds  font  difformes,  &  for- 
5,  ment  une  efpèce  de  couronne  qui  rend  le  Pied 
55  d'une  figure  défagréable.  Ce  Gratio  Kalleïa 
5,  s'étant  marié  à  i'àge  de  vingt -deux  ans,  a  eu 
^,  quatre  Enfans ,  Salvator ,  George ,  André  & 
5,  Marie.  Salvator  l'aîné  de  tous  eft  né  avec 
„  fix  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds  ;  les  Mains 
„  ne  font  pas  auiîi  bien  formées  que  celles  du 
„  Père,  mais  les  Doigts  des  Pieds  font  bien  ar- 
„  rangés;  le  fixième  Doigt  eft  un  peu  plus  court 
5,  que  les  autres ,  mais  cela  n'empêche  pas  que 
„  îe  Pied  ne  foit  d'une  belle  forme.  Ce  Salva- 
„  tor  s'eft  marié  à  fàge  de  dix -neuf  ans,  &  a 
,,  eu  jufqu'à  préfent  deux  Garçons  &  une  Fille 
5,  avec  fix  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds ,  & 

V  2 


3o8     Considérations  Sur  Les 

j3  un  autre  Garçon  qui  n'en  a  que  cinq. 

,,  George  fécond  fils  de  Graîio^  eft  né  avec 
^,  cinq  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds.  On  remar- 
j,  que  cependant  une  difformité  dans  les  Mains  ; 

lès  deux  Pouces  font  plus  longs  &  plus  gros 

3*» 


qu  ils  ne  devroient  l'être ,  &  en  les  maniant 
on  fent  dans  le  milieu  une  efpèce  de  répara- 
tion comme  s'il  y  avoit  deux  Doigts  renfer- 
més fous  une  même  Peau.  Les  cinq  Doigts 
des  Pieds  font  à  fordinaire ,  exceptés  les  deux 
premiers  Doigts  du  Pied  gauche ,  qui  font  col- 
lés enfemble.  Ce  George  s'étant  marié,  a 
eu  trois  Filles  &  un  Garçon  ;  les  deux  Filles 


5? 
>3 


aux  Pieds ,  &  la  troifième  qui  a  fix  Doigts  à 
chaque  Main  &  au  Pied  droit ,  n'en  a  que 
cinq  au  Pied  gauche  qui  eft  très  -  bien  formé. 
Le  Garçon  qui  ei1;  encore  à  la  mamelle  n'a 
que  cinq  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds. 

5,  André',  troifième  iîls  de  Graîio^  eft  né 
avec  cinq  Doigts  bien  formés  à  chaque  Mem- 
bre ,  &  a  fait  plufieurs  Enfans  qui  n'ont  au- 
cune difformité. 


„  Marie  fille  de  Gratîo ,  eft  née  avec  cinq 
5,  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds,  mais  elle  a 


39 
55 
55 
35 
35 


dans  les  deux  Pouces  la  même  difformité  que 
George.  Les  cinq  Doigts  des  Pieds  font  à 
l'ordinaire.  Elle  s'eft  mariée  à  Page  de  dix- 
huit  ans  ,  &  a  eu  deux  Garçons  &  deux 
Filles  ;  un  des  Garçons  a  fix  Doigts  à  un  Pied , 
&  les  trois  autres  font  formés  à  l'ordinaire- 


Corps    Organise' s.     309 

„  Il  flmt  remarquer  que  les  Enfansde  Geor- 
5,  ge  qui  ont  fix  Doigts,  font,  pour  ainfi  dire, 
3,  elbopiés;  à  peine  peuvent -ils  fe  fervir  de 
5,  leurs  Mains  pour  fliire  quelque  travail;  un  de 
5,  ces  Knfans  a  deux  Doigts  lans  ongle,  &  un 
5,  autre  en  a  deux  crochus ,  &  presque  paraly- 
5,  tiques  :  la  difformité  des  Mains  de  George 
5,  auroit-elle  pafle  dans  fes  Enfans?  Les  Fils 
5,  de  Salvator  ont  les  Mains  &  les  Pieds  mieux 
55  formés,  &  ils  peuvent  travailler.  Je  m'inté- 
9,  relfe  au  mariage  de  fa  Fille ,  qui  a  déjà  qua- 
5,  torze  ans,  &  dont  les  Pieds  &  les  Mains  ne 
5,  font  aucunement  difformes;  je  fuis  curieux 
3,  de  favoir  fi  elle  aura  des  Enfans  à  fix  Doigts , 
,,  quoi  qu'elle  époufe  un  Mari  qui  n'en  ait  que 
5,  cinq.  Si  cela  arrive ,  voilà  des  exemples  con- 
5,  traires ,  &  alors  il  fera  vrai  de  dire  que  le 
5,  principe  de  la  Génération  réfide  dans  l'un  & 
3,  l'autre  fexe.  Nous  avons  déjà  pour  première 
5,  preuve,  Marie  Fille  de  Gratio  ^  qui  a  eu  un 
5,  Garçon  avec  fix  Doigts  au  Pied  gauche ,  mais 


35 


la  Fille  de  ce  Salvator  pourra  nous  fournir 
5,  quelque  chofe  de  plus  inil:ru6lif. '' 

Ce  Grntio  qui  avoit  ûx  Doigts  aux  Mains  & 
aux  Pieds,  mais  dont  les  Pieds  étoient  diffor- 
mes 3  a  donc  eu  trois  Fils  &  une  Fille ,  Salva" 
tor  ^  George  y  Andréa  Marie. 

Salvator  eft  né  ,  comme  fon  Père  ,  avec 
fix  Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds;  ceux-ci 
font  bien  formés ,  le  fixième  Doigt  eft  feulement 
un  peu  plus  court  que  les  autres  \  mais  les  Mains 

V  3 


310       Considérations  Sur  Les 

p^  font  pas  auffi  bien  faites  que  celles  de  Ton 
Père. 

Il  a  eu  deux  Fils  &  une  Fille  à  vingt-quatre 
Doigts,  &  un  autre  Fils  qui  n'en  a  que  vingt. 

Geokge  ,  né  avec  cinq  Doigts  aux  Mains  & 
aux  Pieds,  a  néanmoins  une  difformité  dans  les 
Mains;  Tes  deux  Pouces  font  plus  gros  &  plus 
longs  qu'ils  ne  devroient  fctre,  &  lors  qu'on 
les  manie ,  Ton  fent  dans  le  milieu  une  féparation 
qui  indique  qu'ils  font  doubles.  Il  a  encore  une 
efpèce  de  difformité  au  Pied  gauche ,  les  deux 
premiers  Doigts  font  collés  l'un  à  l'autre. 

Il  a  eu  un  Fils  &  trois  Filles.  Le  Fils  a  les 
Mains  &  les  Pieds  conformés  h  l'ordinaire.  Les 
deux  Filles  aînées  ont  fix  Doigts  aux  Mains  & 
aux  Pieds;  mais  la  Cadette  qui  a  fix  Doigts  à 
chaque  Main  &  au  Pied  droit,  n'en  a  que  cinq 
au  Pied  gauche. 

Remarquez  que  îesFnfans  de  George  qui  ont 
fix  Doigts ,  font ,  en  quelque  forte  ,  eftropiés , 
&  qu'ils  ne  peuvent  fe  fervir  de  leurs  Mains 
pour  travailler. 

André',  troifième  Fils  de  Gratio ,  ell:  venu 
au  monde  avec  cinq  Doigts  bien  formés  aux 
Mains  &  aux  Pieds,  &  il  a  fait  plufieurs  En- 
flms  qui  n'offrent  aucune  Monilruofité. 

Marie  ,  Fille  de  Gratio ,  efl  née  avec  cinq 
Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds  ;  mais  elle  a  dans 
les  deux  Pouces  la  même  difformité  que  George 
îbn  Frère. 


Corps    Organise'».     311 

Elle  a  mis  au  monde  deux  Fils  &  deux  Fil- 
les ;  un  des  Fils  a  fix  Doigts  à  un  Pied.  Les 
trois  autres  Enfans  ne  renferment  rien  de  mon- 
llrueux. 

356.  Ejpii  d'explication  des  Blonfires  qui  fs 
propagent. 

Nouveaux  éclair cijfemens  desFrincipes  de  V Au- 
teur fur  la  Génération, 

pAi  récapitulé  les  principales  circonflances  du 
Fait  ,  afin  que  mon  Leéieur  les  faifît  mieux. 
Voilà  donc  une  Famille  de  Monftres ,  qui  fe  pro- 
pagent ,  mais  avec  des  variétés  plus  ou  moins 
remarquables ,  &  que  l'ignorance  des  caufes  por- 
teroit  à  regarder  comme  des  bizarreries.  La 
fréquence  &  la  propagation  du  phénomène  ne 
permettent  pas ,  ce  me  femble ,  de  recourir  ici 
à  l'hypothèfe  des  Germes  originairemcBt  mon- 
llrueux. 

G  RATIO  ,  Monftre  à  vingt -quatre  Doigts, 
tranfmet  donc  fes  Monftruofités ,  en  tout  ou  en 
partie ,  à  la  plupart  de  fes  Enfans. 

Comme  il  effc  démontré  que  le  Germe  appar- 
tient à  la  Femelle,  &  qu'il  préexiile  à  la  Fécon* 
dation  (<^),  on  ne  fçauroit  refufer  d'admettre 
que  les  Enfans  de  Gratio  ne  fuifent  originaire- 
ment bien  conformés.  Les  Germes  qui  les  re- 
préfentoient  très  en  petit  n'avoient  que  cinq 
Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds. 

(«)  Art.  142,  IS4»  I5<5. 

V  4 


512      Considérations  Sur  Les 

Ils  ne  font  devenus  des  Mûnjîres  que  par  l'ac- 
te de  la  Génération. 

Cet  aéle  n*envoye  au  Germe  qu'une  Liqueur. 
Cette  Liqueur  a  donc  renfermé  quelque  chofe 
qui  a  fait  naître  la  Monltruonté. 

Pour  que  la  Liqueur  fécondante  aye  renfer- 
mé cette  chofe,  fource  de  la  Mondruofité ,  il  a 
fallu  que  les  Organes  de  Gratio  qui  l'ont  prépa- 
rée, renfennafTent  une  autre  chofe,  qui  corref- 
pondiiTe  à  la  conformation  monftrueufe  de  fes 
Mains  &  de  fes  Pieds. 

Un  accident,  à  nous  inconnu  ,  avoit  donc 
modifié  les  Organes  de  la  Génération  de  Gratio , 
dans  un  rapport  plus  ou  moins  déterminé  à  la 
difformité  dont  il  s'agit. 

Cette  difformité  eft  par  excès ,  &  cet  excès 
fuppofe  que  les  Molécules  du  vSperme  apropriées 
à  l'Evolution  des  Mains  &  des  Pieds ,  étoient 
plus  a6lives  ou  plus  abondantes  dans  Gratio  ^ 
qu'elles  n'ont  coutume  d*être  dans  l'Homme. 

Puisque  la  Monftruofité  s'eft  propagés ,  le  cas 
revient  à  celui  du  Mulet.  Le  Sperme  de  l'Ane 
agit  par  excès  fur  le  Germe  du  Cheval:  il  y  mo- 
difie fingulièrement  l'Organe  de  la  Voix.  11  y  a 
donc  dans  le^  Organes  de  la  Génération  de  l'Ane 
quelque  chofe  d'excédent^  qui  ne  fe  trouve  pas 
dans  ceux  du  Cheval.. 

Tl  y  avoit  donc  dans  les  Organes  de  la  Géné- 
ration de  Gratio^  quelque  chofe  d'excédent^  qui 
ne  fe  rencontre  pas  communément  dansl'efpèce 
humaine. 


Corps    Organise' s.    313 

Ces  Organes  renfermoicnt  donc  chez  Gratio 
plus  de  Vailîeaux  fécrétoires  d'un  certain  genre , 
ou  des  Vaifleaux  autrement  conftitués  que  chez 
le  commun  des  Hommes. 

Ainsi  la  Liqueur  féminale  de  Gratio  a  pu  a- 
gir  fur  les  Germes  de  ^qs,  Enfans  dans  un  cer- 
tain rapport  aux  difformités  de  leur  Père. 

Elle  n'y  aura  pas  engendré  de  nouvelles  Par- 
ties ,  dont  les  ébauches  n'exiltoient  point  aupa- 
ravant :  il  ell  allez  établi  que  rien  n'eit  engen- 
dré. Mais ,  elle  y  aura  déterminé  avec  plus  de 
force  &  fuivant  des  directions  contraires  à  l'ordre 
naturel^  l'Evolution  de  différentes  Parties  ibic 
membraneuies ,  foit  cartilagineufes  ou  oileufes 
du  Métacarpe  &  du  Métatarfe.  Elle  y  aura  oc- 
cafionné  des  divifions  &  un  excès  d'accroilfe- 
ment,  qui  auront  donné  naiffance  à  ces  Monftruo- 
fités  dont  nous  tâchons  de  découvrir  les  caufes. 

Les  Solides  font  originairement  formés  de  di- 
verfes  lames ,  que  fArt  fçait  démontrer  en  les 
féparant.  Ces  lames  font  les  rudimens  des  Par- 
ties que  le  Germe  offrira  dans  la  fuite  plus  en 
grand.  Ce  que  l'Art  exécute  fur  de  pareilles 
lames,  4es  caufes  naturelles  ne  pourroient- elles 
l'opérer  aulfi  ?  Une  trop  forte  im.pulfion  d'une 
Liqueur  très-aélive ,  ou  une  certaine  manière  d'a- 
gir de  cette  Liqueur ,  ne  pourroient-elles  fcparer 
quelques-unes  de  ces  lames,  qui  deviendroient 
ainfi  le  principe  de  Parties  furnuméraires? 

Il  faut  bien  que  la  Liqueur  féminale  produife 

V  5 


314     Considérations  Sur  Les 

cet  effet  ou  un  effet  analogue ,  puis  que  la  Mon- 
ftruoficé  fe  propage ,  &  qu'il  eft  prouve:  que  cet- 
te Liqueur  n'engendre  rien.  Il  exilloit  donc  a- 
vaut  fon  îactiondes  Parties  qu'elle  a  multipliées, 
&  qu  elle  n'a  pu  multiplier ,  qu'en  les  divilant  & 
en  les  fiiifant  croître  avec  excès. 

L'on  juge  facilement  que  cette  Evolution  con- 
tre nature  doit  être  toujours  plus  ou  moins  irré- 
gulière. Les  Parties  excédentes  ne  fçauroient 
être  conformées  extérieurement  &  intérieurement 
d'une  manière  précifcment  femblable  à  celle  dont 
font  conformées  les  Parties  qui  fe  développent 
dans  f  ordre  naturel.  Celles  -  là  doivent  différer 
de  celles-ci  par  des  caractères  plus  ou  moins 
marqués  &  plus  ou  moins  nombreux.  La  dif- 
fection  nous  donneroit  ces  caractères,  comme 
elle  nous  donne  ceux  du  Mulet,  Mais ,  nous 
n'avons  point  la  dilfeélion  des  Mains  &  des 
Pieds  de  Gratio,  ni  celle  des  Mains  &  des  Pieds 
de  fes  Enfans.  La  difformité  qu'on  remarquoit 
dans  la  conformation  des  Pieds  du  premier  & 
dans  celle  des  Mains  de  fes  deux  Fils  aînés  &  de 
fa  Fille,  prouve  fufîifamment  que  l'Evolution 
avoit  été  irrégulière. 

Mais  ,  fi  l'adtion  d'un  certain  Sperme  modifie 
extraordinairemenî  différentes  Parties  d'un  Ger- 
me ,  cette  a6tion  peut  être  modifiée  ,  à  fon 
tour,  par  la  conftitution  particulière  &  parla 
réfiftance  de  ces  Parties  dans  d'autres  Germes  de 
la  même  efpèce  :  car  on  m'accordera  fans  peine 
que  les  Germes  fpécifiqueiiient  femblables ,  peu- 
vent ne  fètre  pas  individuellement. 


Corps    Organise' s.     315 

Il  arrivera  de  là,  que  la  même  Liqueur  fé- 
n-iinale  ne  produira  pas  les  mêmes  effets  eflen- 
tiels  far  tous  les  Germes  qu'elle  fécondera.  El- 
le eft  très-hécérogène  ,  &  les  Solides  des  Ger- 
mes ne  le  font  pas  moins.  Et  combien  de  cir- 
conftances  concomitantes  &  fubfcquentes  qui 
peuvent  faire  naître  de  nouvelles  irrégularités  ! 

Si  la  conftitution  originelle  des  Solides  efl: 
telle  qu'ils  retiennent  leur  conformation  primi- 
tive &  qu'ils  ne  fe  laiflent  point  xiivifer  ou  al- 
térer^ la  Liqueur  féminale  du  Moniire  fe  bor- 
nera à  faire  développer  le  Germe ,  &  ce  Ger- 
me ne  fera  point  un  Monftre. 

;  C'est  ainfi  (\\ji  André ,  troifième  Fils  de  Gra- 
tio,  a  pu  venir  au  jour  fans  aucune  difformité, 
au  moins  fenfible ,  &  il  n'eft  pas  furprenant  qu'il 
ait  £iit  des  Lnfans  qui  lui  ayent  relTemblé  en 
ce  point. 

'  "Mais,  les  Enfans  monftrueux  de  Grailo  ont 
fait  au  fil  des  Enfans  7nonfîrueux\  Comment 
la  Mdhdruofité  s'eft  elle  propagée  ?  C'elt  ici, 
ce  me  femble ,  la  partie  la  plus  difficile  du  pro- 
blème. 

Je  n'abandonnerai  pas  les  principes  que  j'ai 
tâché  d'établir  dans  le  Chapitre  précédent  Ar- 
ticles 332  &  33(5.  Puisque  les  Enfans  mons- 
trueux de  Grûtio  ont  engendré  des  Monfires  , 
il  faut,  fuivant  mes  principes  ,  que  la  Liqueur 
féminale  du  Père  ait  agi  fur  lesOr^.fanes  de  la 
Génération  de  fes  Enfans  ,  de  manière  à  mo- 
difier ces  Organes  dans  un  raport  à  la  Mons- 


3i6     Considérations  Sur  les 

truofité  en  queition.     On  voudra  bien  conful- 
ter  encore  l'Article  354. 

J'ai  admis  cela  pour  les  Organes  de  la  Gé- 
nération de*  l'Ayeul ,  &  j'en  ai  dit  la  raifon.  En 
même  tems  que  la  Liqueur  férainale  de  celui- 
ci  a  agi  fur  les  Mains  &  fur  les  Pieds  de  fes 
Enfans ,  elle  aura  agi  encore  fur  la  Partie  des 
Organes  de  la  Génération  qui  correfpondoit  dans 
les  Enfans ,  à  leurs  extrémités  fupérieures  &  in- 
férieures. Elle  aura  imprimé  ainfi  à  ces  Orga- 
nes une  difpofition  à  réproduire  la  Monftruo- 
fité. 

Je  ne  fais  fi  je  me  trompe  ;  mais  il  me  pa- 
roit  que  la  conféquence  eil  néceffaire.  Poar 
qu'une  certaine  propagation  s'opère ,  il  faut  que 
les  Organes  qui  fervent  à  la  propagation ,  ayent 
un  certain  raport  avec  la  chofe  à  propagea 

Je  ne  puis  dire  précifément  en  quoi  confifle 
ce  raport^  parce  que  la  itru6lure  intime  des 
Organes  de  la  Génération  ne  m'eft  pas  con- 
nue. Je  conçois  feulement  que  comme  leFoye, 
par  exemple ,  eft  conftruit  de  manière  à  fépa- 
rer  &  à  préparer  la  Bile  ;  il  y  a  de  maême  dans 
les  Organes  dé  la  Génération ,  des  efpèces  de  très- 
petits  Vifcères  qui  féparent  &  préparent  les  Mo- 
lécules relatives  aux  différentes  Parties  du  Tout. 
Si  la  ftruélure  du  Foye  changeoit ,  il  eft  bien 
évident  qu'il  ne  fépareroit  plus  la  Bile  comme 
auparavant.  De  même  aufli ,  quand  les  petits 
Vifcères  que  je  fuppofe  contenus  dans  les  Or- 
ganes de  la  Génération  ,  viennent  à  changer. 


Corps    Organise' s.      317 

ies  fécrétions  pafticuîières  doivent  changer  pa- 
reillement ,  foit  en  plus  ou  en  moins ,  Ibit  re- 
lativement aux  qualités  des  Molécules  répa- 
rées. 

Le  nombre  prodigieux  des  différens  Vaif- 
feaux,  dont  font  compofés  les  Organes  qui  pré- 
parent la  Liqueur  féminale ,  leurs  entrelacemens 
merveilleux  ,   leurs  plis  &  leurs   replis  ,  leurs 
circonvolutions , leur  fineile  extrême, nous  don- 
nent les  plus  grandes  idées  de  la  ftrufture  de 
ces  Organes  ,  &  peuvent  nous  aider  à  conce- 
voir la  poffibilité  de  la  compofition  que  je  leur 
fuppofe.     Combien   nôtre  admiration   ne  s'ac- 
croitroit-elle  point ,  s'il  nous  étoit  permis  de  dé- 
mêler toute  cette  compofition  ,    &  d'obferver 
nettement  la  forme  ,   le  jeu  &  les  opérations 
diverfes  de  cette  multitude  innombrable  de  Vaif- 
feaux  fécrétoires  !  Les  belles  découvertes  de 
Mr.  Ferrein  (^)  fur  la  flru6ture  des  Vifcè- 
res  nommés  glanduleux ,  rendent  ceci  plus  frap- 
pant encore.   Les  Anatomiftes  fa  vent  queMAL- 
piGHi  avoit  penfé  que  le  Foye  ,  la  Rate  ,   les 
Reins ,  &c.  étoient  compofés  d'un  nombre  pres- 
que infini  de  petites  Glandes.     Ils  favent  enco- 
re que  RuYscH  s'étoit  élevé  contre  ce  fenti- 
ment,  &  qu'il  prétendoit  avoir  découvert  que 
ces  Vifcères  étoient  formés  uniquement  de  l'en- 
trelacement d'une  multitude  de  petits  ^'aii^eaux 
fanguins.     Mr.  Ferrein  ,  qui  a  percé  bien 

{a)  Mémoire  fur  la  Stru&ure  de^  Vifcères  rmnmés  glanduîeuK, 
^  particulièrement  fur  celle  des  Reins  ^  du  Foy.  Mèm.  de 
l'4ca>d.  Ro'^ule  des  Sciences,  an.  1749.  pag.  489.  &  fuivantes. 


3i8     Considérations  Sur  les 

plus  avant  que  ces  grands  Phyficiens ,  dans  ror- 
ganifation  des  Vifcères ,  a  démontré  la  faufle- 
té  de  leurs  opinions.     Il  a  vCi  &  revu  avec  é- 
tonnement,  que  la  fubftance  propre  du  Foye  & 
des  Reins,  étoit  toute  compofée  d'une  infinité 
de  très-petits  Tuïaux,  blancs,  cylindriques  ,  re- 
pliés fur  eux-mêmes  de  mille  manières  diffé- 
rentes ,  &  dont  l'admirable  aflèmblage  n*a  rien 
de  commun ,  ni  avec  les  Glandules  de  M  a  l- 
piGHi  ,    ni  avec   les  Pelotons  vafculeux  de 
RuYscH.     Une  injeclion  rouge  ,  fort  pénétran- 
te ,  n'a  point  paile  dans  ces  petits  Tuïaux ,  & 
la  couleur  blanche  de  la  fubllance  propre ,  n'en 
a  pas  été  le  moins  du  monde  altérée.  Mr.  Fer- 
rein  a  retrouvé  la  même  ftruélure  dans  d'autres 
Vifcères,  &  de  Graaf  avoit  prouvé  qu'elle 
efi:  auffi  celle  de  l'Organe  qui  prépare  la  Liqueur 
féminale. 

La  découverte  de  ce  Syllème  merveilleux 
de  Tuïaux,  eft  un  des  grands  pas  que  l'Anato- 
mie  ait  fait  de  nos  jours,  &  la  fagacité  de  l'habi- 
le Académicien  brille  dansfon  expofition.  Mais, 
il  y  a  bien  loin ,  fans  doute ,  du  point  où  il  ell 
parvenu  à  celui  oii  nous  défirerions  d'aller.  Que 
de  chofes  intéreifa-ntes  &  qui  nous  feront  long- 
tems  inconnues  ne  renferment  point  ces  pe- 
tits cylindres  creux ,  fi  artidement  groupés ,  re- 
pliés, contournés  !  Quelle  diverfité  ne  peut- il 
pas  y  avoir  dans  leur  forme  intérieuie,  dans  leur 
tiffu,  dans  leur  calibre,  dans  leurs  fondions, 
&c.  1  fi  l'on  réfléchit  fur  tout  cela  ,  l'on  trou- 
vera 5  je  m'alFure ,  que  moû  hypothéfè  n'eft  pas 


Corps    Organise' a.     319 

dépourvue  de  fondement  dans  la  Nature  ;  car 
ces  petits  Tuïaux,  ou  différentes  portions  d'un 
même  Tuïau ,  peuvent  fournir  à  l'Organe  des 
Filtres  de  différens  ordres.  On  ne  revient  point 
de  fon  étonnement ,  quand  on  fonge ,  que  tous 
les  Tuïaux  blancs  d'un  Rein  humain ,  mis  bout 
à  bout,  formeroient  une  longueur  de  dix-mille 
toifes  :  Mr.  Ferrein  l'a  prouvé.  J'invite  le 
Ledeur  à  confulter  fon  beau  Mémoire  ;  j'ai 
regret  de  ne  pouvoir  que  l'exquifler. 

Maintenant  ,  je  prie  les  vrais  Phyficiens 
de  mé  dire  ,  fi  j'ai  jufqu'ici  bien  raifonné,  ii 
j'ai  choqué  les  Faits ,  fi  j'ai  contredit  mes  prin- 
cipes ? 

Mais  ,  une  grande  difficulté  fe  préfente.  Ma- 
rie 5  Fille  unique  de  Gratio  ,  née  avec  cinq 
Doigts  aux  Mains  &  aux  Pieds  ,  a  eu  deux 
Fils  &  deux  Filles ,  &  un  des  Fils  a  fix  Doigts 
à  un  Pied. 

Mr.  de  PaviLLE  en  conclud ,  que  le  prin- 
cipe de  la  Génération  r épi  de  dans  Tun  &  r autre 
Sexe  C  ^  ) ,  &  Mr.  de  Reaumur  paroit  adop- 
ter cette  conclufion  ,  lors  qu'il  dit  Qh^  ^  que 
ces  Faits  ne  paroijjent  pas  favorables  à  la  pré- 
exiftence  des  Germes.  Cependant  il  efl  certain 
que  le  Germe  réfide  originairement  dans  la  Fe- 
melle (r)  5   &  ces  deux   habiles  Naturaliftes 

(a)  Voyez  l'Article  précédent. 

(&)  Art  défaire  éclorre  &c.   Tom.  IL  pag.  37^.  féconde  £• 
dition. 
(c)  Article  14 j. 


320       GoNsiDEHATioNs  Sur  Les 

l'ignoroient.  Il  n^eft  guères  moins  certain  que 
le  Germe  n'eft  point  engendré  dans  la  Femelle , 
&  qu'il  a  exiffcd  de  tout  tems.  Comment  con- 
cilier avec  ces  principes  le  Fait  fingulier  qui  s'of- 
fre à  notre  examen  ? 

Quoique  cette  Marie ,  Fille  de  Graîio ,  eue 
le  nombre  ordinaire  de  Doigts  ,  l'Obfervateur 
attentif  nous  fait  remarquer ,  qu'elle  avoit  aux 
deux  Pouces  la  même  difformité  que  George 
fon  Frère.  Si  les  Femelles  étoient  douées  d'u- 
ne Liqueur  prolifique,  il  feroit  bien  facile  d'ap- 
pliquer aux  Organes  de  la  Génération  de  Ma- 
7'ie ,  ce  que  j'ai  dit  de  ceux  de  fon  Père  &  de 
fes  Frères.  Mais  nous  avons  vu  dans  l'Article 
338  ,  les  raifons  qui  fembient  prouver  que  les 
Femelles  n'ont  point  une  femblable  Liqueur. 

Js  ne  recourrai  pas  à  l'imagination  de  la  Mè- 
re ;  refuge  familier  à  divers  Auteurs  qui  n'a- 
voient  pas  alTés  médité  fur  la  Méchanique 
de  nôtre  Etre.  J'avouerai  que  je  ne  conçois 
point  comment  l'Imagination  pourroit  multiplier 
&  façonner  les  Doigts  du  Germe,  &  je  deman- 
de à  mon  Leéleur  s'il  le  conçoit. 

Je  ne  dirai  pas  non  plus ,  que  la  Liqueur  fé- 
minale  de  Qraîio  avoit  agi  fur  un  des  Germes 
de  la  féconde  Génération  ,  en  vertu  de  /'£/;;- 
boitement.  Si  cela  étoit ,  Marie  auroit  pu  ac- 
coucher de  ce  Fils  à  vingt -un  Doigts  fans  avoir 
eu  commerce  avec  aucun  homme  ;  car  le  Ger- 
me de  ce  Fils  auroit  été  ainli  fécondé  par 
l'AyeuL  Mais 


CôR?s    Organise' S.     321 

Mais  ,  quelles  raifons  nous  forcent  d'admet- 
tre que  ce  Fils  de  Maris  tenoit  fon  Doigt  fur- 
numcraire  de  fa  Mère  ou  de  fon  Ayeul  ?  Je 
prie  mon  Leéleur  de  remarquer,  que  les  trois 
autres  Enfans  de  la  Fille  de  Gratio  n'avoîent 
rien  du  tout  de  monltrueux.  Ne  me  feroit  -  il 
pas  permis  d'en  infcrer ,  que  le  Doigt  en  ques- 
tion ne  tenoit  pas  à  la  Fccoi.dation)  &  qu'il  é- 
toit  l'effet  d'une  caufe  acàclentelle  ,  concomi-^ 
tante  ou  fubféquente ,  qui  avoit  divife  un  des 
Doigts  du  Pied ,  &c.  conformément  à  ce  que 
j'ai  expofé  dans  f  Article  353?  N'a-t-on  pas  vu 
des  Enfans  naître  avec  un  qu  plufieurs  Doigts 
furnuméraires ,  fans  que  ni  le  Père  ni  la  Mère , 
ni  aucun  des  Ancêtres  renfermaffent  rien  de 
monftrueux  au  moins  extérieurement.  Si  Ma-' 
rie  n'étoit  pas  née  dans  une  Famille  de  Mons- 
tres qui  fe  propagent  de  Pore  en  Fils,  l'on  n'au- 
roit  pas  attribué  à  la  Fécondation  l'origine  du 
Doigt  excédent  d'un  de  fes  Enfans. 

Je  ne  fais  ce  que  Mr.  Lemery  auroit  penfc 
de  nôtre  Famille  de  Malte ,  ni  comment  il  au- 
roit expliqué  ces  Monllres  qui  fe  perpétuent. 
Je  foupçonnerois  fort  néanmoins ,  qu'il  auroit 
cherché  la  raifon  de  ce  Doigt  furnuméraire  du  Fils 
de  M^r/Vdans  l'union  de  deux  Germes,  en  fup- 
pofant^  comme  il  favoit  fut  pour  d'autres  Mons- 
tres femblables  ou  analogues,  que  l'un  des  deux 
Germes  avoit  été  détruit ,  &  qu'il  n'étoit  relié 
de  fes  débris  que  le  feul  Doigt  dont  nous  par- 
lons. 

ToM.  II.  X 


.'3^2        CoNlIDKRATIONf  SurLes 

Mais  ,  en  recourant  ici  à  cette  hypothèfe, 
Ton  s*expofe  aux  objeélions  tirées  de  la  Do&ru 
ne  des  Probabilités  que  Mr.  de  M  air  an  lui  a 
•oppofées  dans  THilloire  de  TAcadémie  Royale 
des  Sciences  pour  Tannée  I7^f3.,  pages  58  & 
fuivantes ,  auxquelles  je  renvoyé  le  Ledeur» 

Je  prendrai  cependant  la  liberté  de  faire  ob- 
ferver ,  que  les  objections  de  cet  Illuflre  Acadé- 
micien perdroient ,  fans  doute ,  de  leur  force , 
fî  nous  connoiffions  toutes  les  circonflances  qui 
peuvent  procurer  l'union  partiale  de  deux  Ger- 
mes, &  produire  la  deftrudion  presque  totale 
de  l'un  des  deux.  Le  nombre  des  connues  efl 
bien  petit  dans  ce  Problême. 

Les  Monftruofités  qui  fe  propagent ,  doivent , 
fuivant  mes  principes ,  aller  toujours  en  décroil^ 
fant  de  Génération  en  Génération.  L'effet  de 
la  première  caufe,qui  devient  caufe  à  fon  tour, 
ne  fçauroit  produire  un  effet  qui  lui  foit  précifé- 
ment  égal  &  femblable  :  les  Germes  n'étant  pas 
originairement  monflrueux,  tendent  toujours  à 
retenir  leur  conformation  naturelle  &  primitive. 
Ils  modifient  donc  l'aclion  des  Liqueurs  fémina- 
îes,  qui  s'aifoiblit  ainfi  de  plus  en  plus.  C'ell  ce 
qui  fe  confirmeroit  apparemment ,  fi  nous  avions 
]a  fuite  de  l'Hifcoire  des  Defcendans  de  Gratio 
■Kalkïa  ^  &  j'invite  Mr.  le  Commandeur  de  Ri- 
'VILLE  à  nous  la  donner.  Ce  fujet  efl:  peut-être 
le  plus  difficile  &  le  plus  intéreflant  de  tous  ceux 
qui  peuvent  s'offrir  à  la  méditation  d'un  Phyfi- 
cien.  Je  fouhaiterois  d'y  avoir  répandu  plus  de 
jour:  j'ai  au  moins  tâché  d'aller  aufli  loin  que 


Corps    Oroanisï's.     35g 

mes  principes  pouvoient  me  conduire.  Je  laifle 
aux  Phyfiologiftes  à  juger  de  l'application  que 
j'ai  tenté  d'en  faire,  &  j'attends  de  nouvelles 
inftruélions  de  leur  fagacité  &  de  leurs  recher- 
ches. 

357.  Qu'il  ferait  poffihle  que  les  caufes  tcccI" 
dentelles  agijftnt  avant  la  Fécondation. 

J'aperçois  une  autre  fource  àeMonftruofîîés', 
raccroiffement  des  Oeufs  dans  les  Poules  vier* 
ges ,  ne  nous  permet  pas  de  douter  que  le  Ger- 
me ne  croifîe  avant  la  Fécondation  (^).  II 
pourroit  donc  contra6ler  avaat  la  Fécondation , 
des  difpofitions  à  certaines  Monftruofités  ;  &  il 
feroit  mcme  poiTible  que  ces  difpofitions  ne  de- 
vinfTent  fenfibles  qu'après  la  naiffance.  Pour- 
quoi en  effet  n'exifteroit  -  il  pas  des  caufes  acci- 
dentelles^ qui  agiroient  fur  le  Germe  avant  la 
conception ,  &  qui  modifieroient  la  conforma- 
tion originelle  de  quelques-unes  de  fes  Parties? 
Il  y  a  peut-être  des  modifications  monftrueufes  y 
qu'on  attribue  à  la  Fécondation  ou  à  des  caufes 
concomitantes  5  &  qui  leur  font  de  beaucoup  an- 
térieures. 

358.  Individus  dont  les  Vifchres  font  tranlpo 

fés. 
Remarques  fur  cette  tranfpofition. 

Il  exifte  une  forte  d'Hommes ,  que  Mr.  LjS; 

(a)  Voyez  rAilidc  341. 


324      Considérations  Sur  Les 

MERY  ne  vouloit  pas  ,  avec  raifon  ,  que  l'on 
qualifiât  de  Monftres ,  &  que  les  Adveriaires  des 
c au/es  acadentelles  lui  oppofoient  avec  confian- 
ce. Ici  la  conformation  extérieure  &  intérieure 
eft  précifén-ient  la  même  que  chez  les  autres 
Hommes ,  &  ces  prétendus  Monftres  s'acquitent 
de  toutes  les  fonèlions  propres  à  Tefpèce.  Mais, 
leurs  Vifcères  femblent  avoir  été  tranfpofés  ;  le 
Cœur  &  la  Rate  font  à  droite ,  le  Foye  à  gau- 
che ,  &c.  „  Qu'on  imagine  ,  dit  Mr.  de 
5,  FoNTENELLE  Ç^a^ ^  deux  Maifons  parfaite- 
,,  ment  fèmblables  en  tout ,  hormis  que  l'une  eft 
5,  tournée  de  fiiçon  que  l'efcalier  eft  à  droite  de 
35  ceux  qui  entrent ,  &  dans  l'autre  à  la  gauche  ; 
3,  la  mode  fera,  fi  Ton  veut,  pour  l'efcalier  à 
,,  droite.  Mais  fautre  Maifon  ne  laiflera  pas 
„  d'être  abfolument  aulfi  régulière ,  aufli  com- 
5,  mode,  auifi  bien  entendue." 

Ainsi  une  pareille  tranfpofition  ne  change 
rien  du  tout  à  Vejjence  de  l'oeconomie  organique , 
ni  par  conféquent  aux  fondions  vitales.  Elle  ne 
fçauroit  donc  être  envifigée  comme  une  vraye 
Monfiruofiîé.  AuîTi  le  Sujet ,  où  elle  a  été  dé- 
montrée pour  la  première  fois,  avoit  vécu  72. 
ans ,  fans  qu'il  fe  fut  jamais  douté  de  la  fmgula- 
îité  que  fon  Corps  renfermoit. 

Il  n'avoit  pas  été  marié,  &  l'Hiftorien  de  Xhr 
cadémie  ajoute  à  cette  occafion ,  qu'il  auroît  été 
euy'ieux  de  fçavoir  fi  fes  Enfans  aur oient  eu  les 
T viriles  intérieures  tratifpofées  comme  lui  ^  ou  du 

(,§}  Hijleire  de  l'Académie,  1740. 


Corps    O  r  c  a  n  i  s  i'  s.     325 

moins  fî  [es  Parens  les  avoient  eues.  On  voit 
bien  ,  que  fuivant  mes  idées  ,  une  femblable 
tranfpofition  n*efl:  pas  de  nature  à  pafTer  du  Pè- 
re dans  fes  Enfans.  La  Liqueur  féminale  ne 
peut  pas  plus  opérer  de  tels  changemens ,  qu'elle 
ne  peut  produire  un  Cœur  ou  un  Foye. 

Cet  exemple  de  tranfpofition  générale  n'efl 
point  unique  ([  ^  ) ,  &  fans  doute  que  ces  fortes 
de  cas  fe  multiplieroient  plus  qu'on  ne  penfe, 
fi  le  nombre  des  Cadavres  qu'on  diflèque ,  n'é- 
toit  pas  fi  difproportionjié  à  celui  des  Cadavres 
qu'on  ne  diffèque  point.     Mr.  Sue  ,  qui  donne 
le  détail  &  la  figure  d'une  femblable  tranfpofi- 
tion ,  ell  fi  convaincu  de  la  fréquence  du  cas  > 
qu'il  exhorte  les  Médecins   &  les  Chirurgiens 
à  s'en  afilirer  avant  que  d'agir  ,&  il  leur  indique 
les  moyens  de  la  reconnoître.    „  Ileil,  ajoute- 
„  t-il  (Z»),  des  maladies  internes ,  &  il  fe  ren- 
5,  contre  à  faire  des  opérations  Chirurgicales, 
„  où  le  Médecin  &  le  Chirurgien  s'expofent  i 
„  des  méprifes ,  s'ils  ne  font,  avant  de  traiter  les 
„  maladies,  ou  de  faire  les  opérations,  la  re- 
■5,  cherche  &  l'examen  d'un  pareil  changement." 

Comme  les  Germes,  dont  toutes  les  Parties 
ont  été  originairement  tranfpofées  ,  n'en  don- 
nent  pas  des  Touts  organiques  moins  parfaits , 

ia)  Voyez  rHiftoLre  de  l'Académie  avant  1699,  en  Fran- 
çois, Tome  II.  page  44.  année  1688, *  &  le  Recueil  des  Mé- 
moires avant  1699,  Totae  X.  page  731. 

(  h  )  Mémoires  des  Sçavans  Etrangers  publiés  par  l'Académie 
4les  Sciences  de  Paris,  Tom.  I.  page  294,  17SO. 

X3 


226    Considérations  Sur  Le* 

moins  réguliers ,  moins  fains ,  Mr.  Lemery  ad- 
metLoit  volontiers  dans  les  Oeufs  cette  tranfpo- 
lltion  originelle ,  &  elle  lui  paroiflbit ,  ainfi  qu'à 
Mr.  DE  FoNTENELLE ,  une  preuve  inconteftable 
de  la  Liberté'  Divine. 

359.  Maladies  organiques  ;   dernière  raifon 
en  faveur  des  Monftres  par  accident. 

Enfin  ,  s'il  efl: ,  dans  Tadolefcence  &  même 
dans  l'âge  viril ,  des  Maladies  qui  peuvent  ren- 
dre difformes  ou  monflrueufes  différentes  Par- 
ties du  Corps  humain ,  c'eft  une  dernière  raifon 
«n  faveur  des  Monftres  par  accident^  &  Mr. 
Lemery  n*a  pas  manqué  de  la  faire  valoir.  11 
dtte  fur  ce  fujet  des  exemples  de  Cerveaux ,  de 
Membranes, d*Epiploons,&c.  pétrifiés,  en  tout 
ou  en  partie  ,  de  courbures  extraordinaires  de 
FEpine,  de  Cornes  qui  ont  pouffé  en  différens 
endroits  du  Corps  (/?).  Ce  dernier  cas  n'efl 
pas  le  moins  remarquable  :  Ton  en  lit  un  détail 
dans  les  Transa6lions  Philo fopjoiques  Q')  qui  pal^ 
feroit  pour  fabuleux  s'il  n'étoit  attefté  par  des 
témoins  irréprochables.  On  nous  affure ,  qu'à 
l'âge  de  trois  ans ,  une  Fille  commença  à  pouf- 
ler  des  Cornes  de  divers  endroits  de  fon  Corps, 
&  en  particulier  des  jointures  &  des  articulations. 
Ces  Cornes  fe  multiplièrent  d'année  en  année , 
&  à  l'âge  de  treize  ans  elle  en  étoit  toute  hérif- 
fée.  Les  Mamelles  n'en  étoient  pas  même  exemp* 

(0)  Mirmhes  de  P académie  1740.  , 

(b  )  Année  168$.  Obfervations  curieuftS  JtW  tmtes  Iss  PartilS 
de  h  Fbyfiia»  Tom.  I.  page  a  20. 


Corps    Organise' s.    32^ 

tes.  Elles  relTembloient  par  leur  baze  à  deâ 
Verrues ,  &  par  leur  extrémité  à  de  véritables 
Cornes.  Quelques-unes  étoient  contournées  à 
la  manière  de  celles  du  Bélier.  Il  y  en  avoit  une 
à  l'extrémité  de  tous  les  Doigts  des  Mains  & 
des  Pieds,  &  fa  longueur  étoit  de  deux  à  trois 
Pouces.  P^nfin  ,  quand  quelques  unes  de  ces 
Cornes  venoient  à  tomber ,  il  en  renailToit  d'au- 
très  à  leur  place  C^)» 

Mr.  Lemery  tire  de  ces  Faits  extraordinaires 
cette  conféquence  légitime  5  que  fi  de  pareilles 
Maladies  organiques  s'étoient  manifeflées  dans 
un  Fœtus ,  on  Tauroit  nommé  un  Monftre, 

360.  Des  raifo7is  métaphyfiques. 

Je  ne  toucherai  point  aux  raifons  méî<iphyft'. 
ques  pour  &  contre  Texiftence  des  Germes  origi- 
nairement monftrueux.  C'étoit,  à  mon  avis, 
bien  inutilement ,  que  les  deux  célèbres  Antago  - 
niftes  abandonnoient  la  Phyfique,  pour  fe  jetcer 
dans  des  difcuflTions  qui  lui  étoient  tout  à  fait 
étrangères.  11  ne  falloic  pas  dire ,  cela  ell  fage, 
donc  Dieu  l'a  fait  :  mais ,  il  falloit  dire ,  Dieu 
Ta  fait,  donc  cela  eft  fage.  Or,  on  ne  démon- 
troit  point  que  Dieu  eût  fait  des  Germes  mon- 
Itrueux. 

Conclusion. 

Tout  ce  que  j'ai  expofé  dans  cet  Ouvrage 

{a^  Voyez  un  Recueil  de  quantité  d'exemples  analogues 
d«rs  la  Bihliotlèque  des  Sciences,  Tome  XVI,  Ire.  part,  i?^!^ 
pages  154.  âc  fuivantes» 


328     Considérations  Sur  Le^  &:c* 

fur  la  Génération  des  Animaux  ^  s'applique  na- 
turellement à  celle  des  Végétaux.  Rien  ne  prou- 
ve mieux  l'analogie  de  ces  deux  clafles  d'Etres 
Organifés,  que  la  belle  découverte  du  Sexe  des 
Plantes.  Ce  que  la  Liqueur  féminaleeft  à  l'Oeuf, 
la  PoiiJJîère  des  Eîamines  l'ell  à  la  Graine.  Je 
puis  donc  raifonner  fur  celle-ci ,  comme  j'ai  rai- 
îbnné  fur  celle-là.  Si  le  Poulet  exilte  dans  l'Oeuf 
avant  la  Fécondation ,  la  Plantule  préexifle  pa- 
reillement dans  la  Graine,  &  la  PoulUère  des 
Etamines  n'eft  que  le  principe  de  fon  dévelop- 
pement.   Je  l'ai  montré  dans  l'Article  178. 

J'ai  déjà  traité  afîez  à  fond  àQ^Réprodu&ioni 
des  Végétaux  C^)  •  j^  devrois  maintenant  trai- 
ter des  Variétés  qu'on  obferve  dans  leur  Fécon- 
dation &  dans  leur  Génération ,  paffer  enfuite 
aux  Mon jiruo fîtes  de  tout  genre  qu'ils  nous  of- 
frent ,  &  prouver  ainfi  par  de  pouvelles  recher- 
ches/'/;/«w^r/^///^  de  la  Loi  de  V Evolution,  Ce 
fera  peut-être  le  fujet  d'un  ti'oifième  Volume, 
où  après  avoir  expofé ,  comme  dans  un  tableau, 
les  différentes  manières  dont  les  Animaux  &  les 
Végétaux  parviennent  à  l'état  de  perfeélion,  je 
tâcherai  d'aprofondir  davantage  la  méchanique 
de  l'accroijjement, 

(«)  Voyez  le  Chapitre  XII.  du  Tome  I. 

à  Genève  le  ne.  de  Février  ij6z» 

FIN* 


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