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DUKE
UNIVERSITY
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Duke University Libraries
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CONSIDERATIONS
SUR LES
CORPS ORGANISES-
Tome Second.
CONSIDERATIONS
V I
s U R L E s
CORPS ORGANISÉS p
Où l'on traite de leur Origine, de leur Développement,
de leur Réproduction , &c. & où l'on a raflemblé en
abré^gé tout ce que. l'Hiftoire Naturelle offre de pluç
certain & de plus intérefîant fur ce lujet.
Par C. bonnet,
des Académies d^J»gleUrrc , de Suède , de Vlaftitut
" de Bologne^ Correfpondant de VAcad. Royale
NC des Sciences , ^V.
TOME, SECOND.
/! J\.^r J./.tTJl.
À AMSTERDAM,
Chez MARC -MICHEL REY^
MDCCLXIl,
TABLE
^leiogy Ubraiy
CHAPITRES ET ARTICLES
CONTENUS DANS CE
Second Tome.
CHAPITRE I.
Rxpofîùon abrégée de divers Faits concer-
nants les Boutures &f les Greffes anp
maies.
Ohfervations fur la RéproduBion des Vers
de terre , fur celle des Fers d^eau dou-
ce , & fur la Régénération des Pattes
de PEcreviffe,
Effai d'explication de ces Faits,
Pag. I
242. Introduction,
Î43. Invitation à faire de nouvelles Expé-
riences fur les Vers de terre , pour perfec-'
tioner la Théorie des Reproductions anima-
les & celle de la Génération,
*3
VI Table des Chapitres
244. Expériences de l'Auteur fur la RéprO'
duction des Vers de terre.
245. Conféquences de ces Expériences. Pa*
rallèle des Réproducîions des Vers de terre
avec celles des Végétaux, Conformités des
unes & des autres.
246. Expériences de f Auteur fur la Répro-
ducHon d'ime efpece de Vers d'eau douce.
247. Manière dont fe fait la Réproduction.
Cir confiances qui la précèdent & qui la fui-
vent,
248. Tubercules que pouffent les Portions de
cette Efpece de Vers, Conjectures fur leur
nature.
249. Continuation du même fujet. Fer à
deux Têtes & à deux volontés.
250. Très -petits Vers fortis de r intérieur de
quelques Portions du grand Ver.
251. Expériences de ï" Auteur fur une autre
Efpece de Ver d'eau douce. Combien cet-
te Efpece efi remarquable par la fin^ularitê
defes Réproductions , & en quoi confifle cet'
te fingularité. QjPelle poujje aujfi des Tu-
hercules.
252. Phénomènes de- la Reproduction des Pat'
tes de /'Ecrevifle.
253. Efai d'explication des Faits expnfés dans
ce Chapitre, Principes importuns tirés des
Eéprodu&ions végétales. ^ApUcation de ces
ET DES Articles^ v«
Principes aux Reproductions atiîmaïss dont
il eft ici quefîion,
254,. Conféquence.
255. Examen de la queflion ^ fi les mêmes
Germes fervent ^ à la multiplication na-
turelle de VEfpèce & à la Réproduélion
des parties coupées ? Comparai/on tirée de
la différence ejfentielle qui eft entre la Plan-
tule logée dans la Graine , ^ celle qui eft
logée dans le Bouton à Bois.
256. Indifférence de la que ft ion au but de V Au-
teur, Raifons de la laiffor indécife,
257. Réftexions fur la préexiftence des Par-
ties ou des Touts qui paroijjcnt réproduits
ou engendrés.
258. De r union de la Partie réproduite avec
le Tronçon : comment elle s'opère,
259. Régularité parfaite des Réproductions
' dans les Vers d'eau douce de là V^, Ef-
pèce.
260. Recherches fur les caufes qui déterminent
ici le développement d'un Germe préféra-
hlement à celui d'un autre dans un lieu
donné,
261. Conje&ures fur cette Efpèce de Fers d*eau
douce ^ qui , dans de certaines cir confian-
ces , poujfent une Qtieuë au lieu d'une Tête.
262. Tentatives pour expliquer la Réproduc-
tion des Pattes de l'Ecreviffe-,
*4
▼ur Table'des Chapitres
CHAPITREII.
Contmuaùon de VHtfto'ire des Boutures
&f des Greffes animales.
Ejpii d* explication des Polypes. Pag. 45
263. hîrodu&kn à la Théorie des RéproduC'
lions du Tolype. Vues de V.iateur,
264. Comment s'opère' la Réprodu&ion du Po-
lype paita^é tranfverfalemenî. Energie de
' la Force reproductrice.
^6^, Comment on peut concevoir que s^opere
la Reproduction du Polype partagé par le
milieu fuivant fa longueur,
266. Explication des Hydres &' de la manière
dont fe forme un nouvel Ejîomach dans de
très ' petits fragmens du Polype,
2.6j, Grande fmgularïté qu'ojfrent les frag-
mens du Polype devenus eux - mêmes de vé-
ritables Polypes, Conféquence relative à la
ftru&ure de rinfedte éf à fon retourne-
ment.
268. Comment des Portions du Polype par^
viennent à fe greffer les unes aux autres,
2^9. Comment on peut concevoir que s'' opère
TUmon nu la Gre,fe de deux Polypes mis
Pun dans t autre.
270. Jpréciation des merveilles du Polype,
ET DES Article s. ix
Que la Régénération des playes des grands
Animaux nous offre des Faits aujji merveil-
leux. Belle expérience de Mr, Duhamel
fitr ce fujet.
z'pi. Explication de la Greffe de l* Ergot du
Coq fur fa Crête.
272. Tentatives pour rendre raifn des divers
phénomènes que pré [entent les Polypes dé-
retOLirnés en partie.
273. Explication du Polype coupé ^ retourné^
recoupé , ^c. Réflexions fur nos Idées d'A-
nimalité.
274. Explication de la multiplication du Po-
lype par Rejetcons. Argument en faveur
de rÈmboitemenc.
275. Comment de fîmples Portions du Polype
font par eUes-:nêm':s de nouvelles productions.
Effets des dérivations.
276. Nouvelles conRdérations fur la queflion^
fi la multiplication naturelle par Rejettons ,
(S? celle de Bouture , s'opèrent par des Ger-
mes identiques.
277. Monftruofirés. Qjielle Idée on peut fe
faire de la muUiplicaiion naturelle de Bou-
ture.
378. Conclusion. Rai fin de la grande févon*
■dite du Polype.
279. Comment on peut rendre raifon de la
*5
X Table des Chapitres
multiplication naturelle pat' Bouture d'une
Efpèce de Mille -pié.
280. Analogie entre la multiplication du Po-
lype en Entonnoir cf celte du Mille -pié à
Dard.
281. Difficultés d'expliquer la midtiplication
par divifon naturelle du Polype à Bulbe.
Motif du fiknce que r Auteur s'impofe à
cet égard,
2 8'2. Pourquoi les InfeBes qui fuhijfient des trans-
formations , ne paroifjent pas propres à être
multipliés de Bouture, FJfiexion fur cefu-
jet.
CHAPITRE III.
Idées fur le métaphyfique des InfeSles
qui peuvent être multipliés de Coutu-
re ^ ^c, Pag. 76
283. Q^ue le Polype n'eft pas plus favorable
au Maîérialifte quau Cartéfien, Faufjh
idées quon s'eft faites fur ce pujet pour ne
V avoir pas af[ez médité. Bih de r Au-
teur,
284. Siège de l'Ame. Senfations. Moi du
Polype.
285. Où refîde le Moi dans V Infecte quon vient
de partager en deux tranfverfalement V Des
mouvemens qui paroiffent fpontanés ^ qui
ET DE s Articles. xi
fie font que machinaux. Principes propres à
les expliquer tirés de la Dothine de l'Irri-
tabilité.
286. Nouveau Moi qui eft produit & corn-
ment,
287. Que les Hydres /o/;/ des Terfonnes com-
pofées. Explication du Ver à deux Tètes
S à deux Volontés, Remarque fur le phè*
mmene métaph^pque que préfentent les Hy-
dres.
288. Du Moi d^ns les Polypes greffes.
*2,'^<^, Du Moi dm^is les Rejettons,
î2yo. Du Moi dans les Infect es qui fe meta-
morpbofent,
CHAPITRE IV.
De la Fécondation & de la Génération
des Ammaux,
I
Variétés qu^on y ohferve. Ohfervathns fur
quelques endroits de l'iniïoitQ Naturelle
de Mr, DE BuFFON. Pag. 88.
s^gi. De (fin de ce Chapitre,
292. Bornes étroites de nos conjjoi/fances fur
le Syjîème général, Conféquence pratique.
293. Manière dont s'opère la Fécondation dans
la plupart des Animaux,
»ii Table des Chapitres
294. Manière fmgulihre dont s^ opère la Fécon-
dation dans l&s Poijfons à Ecailles.
595. Exception remarquable à la règle de Vin-
tromiffim. Mouche des apartetnens,
*ig6. Autre exception remarquable dans la fï'
tuation des Organes de la Génération, A-
inonrs des Demoifelles ^ ceux des Araig-
nées.
297. Fécondation & Ponte de la Reine -A-
beille.
298. Continuation du même fujet. Individus
privés de Sexe. Principe de la Police des A-
beilles. Idées fur leur Jnftin&, Obfervations
fur le fentiment de Mr. de Buffon tou*
chant la conflrudtion des Alvéoles.
299 . Différences frappantes entre le Mâle &' la
Femelle dam quelques efpèces. Les Papillons
dépourvus ^' Ailes. Le Ver-luifant. Autre
Scarabé fînguUer. Les GaU'Infecles.
300. Amours du Crapaud <SP Fonte de la Fe-
melle. Fécondation & Ponte des Grenouil-
les. Découvertes de Swammekdam âP de
M. M. DeMOURS (S? ROESEL.
301. Les Animaux Hermaphrodite j. Le Ver
de terre. La Limace. Qiielques efpèces
^^Coquillages. Découvertes de Mr. Ad an-
SON.
302. Q^f^s les Hermaphrodites qui ne peuvent
fe fuffire à eux-mêmes ^rendoient Vexiflence
des vrais AnûïogYnQs plus douteufe encore.
ET DES Articles. xiii
Nouvelle raifon d'en douter, Frohléme phy^
fique,
303. Découvertes de F Auteur fur les Pucerons^
Solution du Frohléme pbyfique. Suite ds
Générations élevées en folitude ^ leur ré-
fuit aï s.
304. Diftin&ion réelle de Sexe chez les Puce^
rons & leurs accouplemens, Obfcrvaîionfur
un pajfage de Mr, de Buffon relatif a cô
fujet.
305. Différences remarquables entre les In-
dividus de la même efpèce chez les PuGC"
rons,
305. Que les Pucerons font vivipares dans la
belle faifon , & ovipares fur la fin de Vau*
tomne,
Conje&ures fur Vufage de leurs accouplemens.
Expérience à tenter pour vérifier cette con'
jecture,
307. Que les Folypes n'ofrent point de dif
tinction de Sexes , & qu'ils font de vrais An-
drogynes.
308. Infectes privés de Sexe pendant une gran*
de partie de leur vie,
309. Réfutation du feiiù^ncnt de il/r.nE Buf-
fon y?/-;- les MéiaiEorphofes des Infectes,
310. Péfutation de V opinion du même Auteur
fur la G é\é ration des Vers da/:s les En^
f^nSy ^ fur les Générations équivoques.
XI7 Ta BLE DES CHAPITRES
CHAPITRE Vo
Snhe des Variétés qu^on ohferve dans la
Fécondation 6f^(r?;/5 /^Génération des
Animaux^ Pag. 147
311. Introduction,
312. Variétés dans les temps de la CoPula*
tiorj,
313. Variétés dans les effets que la Copulation
produit fur les Individus générateurs,
314. Variétés dans les temps de r Accouche-
ment & de l'Incubation.
315. Efpècesw\v\\)^\'e^. Efpêces ovipares, Ef-
pèces gui femblent être également vivipm^es
âf ovipares, Efpêces vivipares & Efpèces
ovipoi^es dans la même cla\fe S dans le mê-
me gen^e.
Matrice fmgullère d'une Mouche vivipare,
2,16. Efpèces vivipares ^ ovipares à la fois»
Les Pucerons é' les Polypes à Pennache.
3 1 7. Nouvelle ohfervation de Mr, Trembley
fur une efpèce de Polype à Pennache, dont
les Oeufs peuvent être confervés au v^zpen*
dant plufteurs mois,
318. Raifons qui indiquent qi^e les Polypes \
^ï'di^font vivipares éf ovipares.
etdesArticles, XV
Pourquoi certaines ef[èces font à la fols vivi»
pares & ovipares,
Commefiî les Oeufs des Poijfons peuvent repeii*
pler des étangs dejféchés. Expérience à ten-
ter fur cefujet,
319. Efpèces qui ne font proprement ni vi"
vipares ni ovipares. Les Polypes qui muU
îiplient par divifions ^ fubdivifwns natu-
relles.
Manière dont on peut concevoir la Qéfiéra-
tion des Polypes ^ Bulbes.
Réflexion fur la flru&ure des Polypes & fur
l'Animalité.
320. Mouvemens remarquables que fe don-
nent la Tige S les Branches des Polypes à
Bouquet.
Principe de ces mouvemens , â? ce que font les
Branches.
321. Nouvelle découverte de Mr. Trembley
fur les Polypes en Nafle.
Corps oviformes auocquels ilsdoivefit leur ori-
gine.
Singularité de leur manière de naître. Re-
marques /ii^r cefujet.
322. Efpèce dont les Petits naijfent au jfi grands
que leur Mère. Zt-? Mouche-Araignée. Prin-
cipes fur les Métamorphofes des Inpe&es en
général. De la Métamorphofe en boule - al-
longée en particulier. Nouvelle preuve de
XVI Table des Chapitres
la faujjetê de l'Epigénèfe.
323. Explication de la Mouche - Araignée,
Nouvel argument en faveur ^^l'Evolution.
324. Ohfervations de l'Auteur fur la Mou-
che-Araignée.
325. Oeufs qui croiflent après avoir été pon-
dus.
Galles des Plantes: manière dont elles font
produites.
Oeufs des Mouches à Scie.
32(5. Oeufs qui renferment plufieurs Em^
Irions,
347. Le Pipa ou Crapaud de Surinam.
328. Fécondité des Animaux.
CHAPITRE VI.
Découveftes mtcrofcoptques de Mr.
Nebdham, Remarques fur ce% Décou^
vertes. Pag. 10 j
329. F r ogre s de VHifîoire Naturelle depuis
l'année 1740.
Réflexions fur ce fujet,
330. Découvertes de Mr, Needham fur les
Animalcules des Infufions,
331. Conféquences de iIf/\ Needham, &
Oh*
ET DES ARTICtE»; CKVÏÏ
Ohfervattoni fur ces conféquenceS* ! i.vi
Lettre de V Auteur à ce NaîuraUfle& Rin
ponfe,
CHAPITRE VIL
Idées fur la manïère dont la FécoUr
dation s^ opère chez les Animaux^
Pag. 227
332. But de V Auteur.
333. Principes généraux fur h Fécondation.
334. Deux points principaux qui refîent à
éclaircir,
^"^S. Comment le Sperme peut parvenir an
Germe,
Découvertes de Malpighi fur la Fécondation
des Oeufs du Papillon,
Ohfervation de l^ Auteur fur cefujeî.
336. Dernières tentatives de r Auteur pour
tâcher à' éclair cir le Myfère de la Généra-
tion,
337. Expériences à tenter pour décider d&S
Idées de l'Auteur fur la Fécondation,
Réflexions fur ces Expériences.
338. Sources de la rejfemblance dei Enfa0,
à kurs Farens &c,
n ?
<;^T!aci Table des Chapitres
Des Envies 4es Mares,
" . 339- J^e la Fécondation des Germes qui doi-
vent donner des Femelles ^ S de celle des
Germes de Neutres.
340. Remarques fur l'Organe de la Voix du
Mulet.
341. Que le Germe croit avant la Féconda-
tion : pourquoi il n^ achève pas de fe déve-
lopper fans elle?
542. Faits qui indiquent l^Emhoitement,
Réponfe à un calcul contre cette Hypothèfe,
343 . Sentiment de Mr, Bourguet f/r la
Génération,
Jugement fur cet Auteur,
344. Sentiment d^unEncycUpédlfle fur la Gé-
nération.
345. Sentiment de Mr, de Haller fur la
Génération,
346. Nouvelle confiâèration fur la Multipli-
cation fans accouplement.
CHAPITRE VIII.
^- Confidêrat'tons fur la F or mat ton des
Mon/ires. Pag. ii6
.^<Çonclufio-n,
347. Dijpute célèbre fiir les Monflres, -
ET DES Articles. xix
348. Faits favorables à rhypothèje des eau fis
accidentelles.
349. Monjïres par accident, àonî la forma-
tion ne tient pas à runion de deux Ger-
mes.
350. Divers exemples de Monfîres.
351. Remarques importantes en faveur des
Monftres par accident. '
Différences entre le Germe & le Fœtus réla*
tivement à la forme & à rarrangement
des Parties,
Inégalités dans r Evolution.
352. jiutre remarque en faveur des Monf-
tres par accident.
Différence entre le Germe ^ le Fœtus relati-
vement à la confîftence.
353. Monflre qu^on cite en preuve de r exis-
tence des Germes monflruetix.
Réflexions fur ce/ujet.
Manière dont on peut concevoir que s^opèrenî
certaines divifîons accidentelles.
354. Influence que peut avoir la Liqueur fè-
minale fur la formation des Monflres,
355. Famille de Monftres qui fe propagent.
356. Eflai d'explication des Monftres qui fi
propagent.
Nouveaux éclair ci ftemcns des Principes â$
i Auteur fur la Génération.
♦* 2
ijBt Table des Chapitres &c.
357. Qu'il fer oit pojjîbîe que les caufes acci-
dentelles agijfent avant la Fécondation,
358. Individus dont les Vi fier es fint trans-
pofés.
Remarques fitr cette tranfpofition.
359. Maladies organiques ; dernière rai fin
en faveur des Monftres par accident.
360. Des rai fins métaphyfiques.
Conclusion.
CON1
CONSIDERATIONS
s U R L ES
CORPS ORGANISÉS.
CHAPITRE I. '
Expofiûon abrégée de dkiers FatU CO^
cernants les Boutures & les Gr effet
animales.
Obfervations fur laRéproduBton desYtt%
de terre , fur celle des Vers d'eau dou-»
ce , Êf fur là Régénération des Pat'*
tes de /'EcreviiTe.
'EJfai d^ explication de ces Faits^
242. Intrûductiorto
J' 'ai parcouru tout ce qui concerne les Répro*
duétions végétales de différents genres ; j'ai
tiré des Faits les conféquences naturelles qui
pouvoient me conduire à une explication fatis-
faifante de ces Réprodaélions : je vais mainte-
îiant confidérer dans la rhêifie vue ,- tout ce qui
concerne les Reproductions animales ^ & m'ai-^
àtx des Faits que nous offrent les Végétaux j
ToM. II» h
2 Considérations Sur Les
pour effayer de ri^andre quelque jour fur la
Régénération des Polypes & des autres Infeéles ,
qui peuvent être greffés & multipliés de Bou^
Sure &c.
z/[^. Invitation à faire derioUveîles lExpérieri'
CCS fur /^i Vers de xzxx^ ^pour perfectionner
la Théorie des Reproductions animales &
celle de la Génération^
Les plus grands Polypes d'eau douce font en-
'core de biéfti petits Infedes en comparaifon des
Vers de tet re : c'efl donc en étudiant avec foin
ce qui" fe pafle dans la Réproduclion de ces
derniers , qu'on peut efpérer d'acquérir des lu-
îïiières fur la manière dont s'opèrent toutes les
Réproductions du même genre. Ce fut en par-
tie.ce qui nous engagea, Mr. de Reaumur &
Moi, h tenter des expériences fur les Vers de'
terfe. Outre qu'ils font très gros & très com-
muns, ils ont encore les deux fexes à la fois,
& cette fingularité fi remarquable préparoit à de
nouveaux prodiges. La mort de ce grand Ob-
fervateur , qui avoic tant enrichi rHilloire Na-
turelle, & qui en avoit répanda le goût, a pri-
vé le Public du détail de fes Expériences. Nous
n'avons de lui fur ce fujet intérellimt , que le
peu qu'il en a publié dans la Belle Préfîice du'
Sixième Tome de fes Mémoires pour fervir à
tHifloire des Irjfe&es , pages 64. & 65^ Je ne
tranfcrirai pas ici le paffage , parce qu'il ne nous
apprend rien du tout fur la manière dont fe fait
la Réproduélion qui nous occupe. Mr, de Reau'
Corps Ô r g a n i s e' S. 5
MUR s'efl contenté d'aflurer qu'il réfukoit de fes
Expériences 5 que les Vers de terre fe réprodui-
foicnt aprèâ avoir été partagés , & il p'aroît qu'on
l'en a cru facilement fur fa parole ; au moins ne
comiois-jé aucun Naturalise qui ait vérifié le
Fait 5 & qui ait publié iS deffus de nouvelles Ex-
périencel Je fliis donc obligé de recourir à
mes propres Obfervations, Je les jugeai fi im-
parfaites quand je donnai au Public mon Traité
d*lnfeBoIogie , que j'évitai d'en faire un arcicle
à part & de les annoncer dans le Titre : je les
tejettai à ïa fin du Livre, & dan^ un endroit
où peu de Leéleiirs les auront aperçues;, je
veux dire dans V Explication des Figures, Qu'il
me foit permis aujourd'hui de les tirer de cette
efpèce d'obfcurité ; car tout imparfaites qu'elles
font, elles renferment des particularités effen-
tielles à mon buto Je ne les euffe pas laiffées
auifi incompletteSj fi mes yeux ne fe fulfent
pas ufés à contempler la Nature; mais je ne
puis qu'exhorter fortement lesPhyficiens qui ont
à cœur d'éclaircir le grand myftère de la Géné-
ration 5 à les reprendre & à s'y attacher par pré=
férence. Ce fujet efc fi fécond en merveilles,
qu'ils ne tarderont pas à être récompenfés de
^eurs travaux. If y a Heu de s'étonner que de-
puis qu'on a fçu que les Vers de terre fe répro-
duifoient de Bouture, il ne fe foit pas trouvé
des Oblèrvateurs qui en ayent fait Tobjet prin-
cipal de leurs recherches; mais parmi le pétft
ïîombre d'Hommes qui cultivent fEiftoire Ni=
Considérations Sur Les
ew
turelle , combien en effc - il qui fe plaifent h Yé
tude des Inlèéles ? & parmi ces derniers , com
bien en efl-il qui veuillent ic confacrer à l'étu-
de d'un feul Inié6te ? CependaiK il y a telle ef-
pèce d'Infe6les qui pourroit épuifer la patience
& la fagacité de rObfervateur le plus kbo.ieux;
& le plus intelligent: le Polype en fournit un-
bel exemple, & le Ver de terre, fi: vil en ap-
parence, ne le cède point à cet égard au Poly-
pe. L' AuTEup. de la Nature a imprimé , pour
ainfi dire; à toutes fes Oeuvres la marque de
Son Infinité', & il n'en eft aucune dont nous-
puilTions efpérer d'atteindre le fond.
244. Expériences de V Auteur fur la Répro-^
ducîion des Fers de terre.
Un Ver de terre pnrtagé transverfalement etf
deux ou plufieurs portions , ne meurt pas ; mais,
fi l'on a foin de tenir chaque portion dans un'
lieu convenable, elle s'y régénérera au bout d'un-
tems plus ou moins long. Souvent néanrnoins
il arrivera que toutes , ou prefque toutes péri-
ront fans avoir donné aucune preuve de Régé-
nération; c'eft ce que j'éprouvai en 1742. Je^
fus plus heureux en 1743 ; & fi je ne vis pas
alors tout ce que je défirois de voir , j'en vis au
moins alTez pour être très flir, que le Ver de ter-
re fe réproduit de Bouture,
Un Ver de^ cette efpèce que j'avois partagé
transverlàlement par le milieu du Corps le 27^^
^e Juillet p commença le 15. d'Aouft àfatisfai*
Corps Organise' s* ^ 5
T€ ma curiofité. Du bout poftérieur de la Par-
tie antérieure , de celle où tenoit la Tête de l'In-
fecle , fortoit un appendice vermiforme , fort dé-
lié , long de 8. à 9. lignes , & d'une couleur plus
claire que le refte du Corps. Obfervé de plus
près , il paroiflbit être un petit Ver qui'' poulFoit
à l'extrémité du grand & fur la même ligne. Je
puis aiFurer que cette comparaifon eftexaâ:e,&:
ceux qui répéteront cette Expérience , en con-
viendront facilement. Cet appendice , ou pour
m'exprimer plus ex? clément , cette nouvelle Par-
tie poiléxieure étoit très organifée. Elle étoit
formée d'une fLiite d'anneaux fort ferrés, & fur
les côtés defquels on aperce voit les ouvertures
deftinées à la Refpiration , & qu'on a nommées
des Stigmates, Onfçait qu'à chacun de ces Stig-
mates, répond un paquet de Tracbées qui imitent
parfaitement celles desPlantes dont j'ai parié dans
l'Article 220. La Régénération des Stigmates
fuppofe donc celle des Trachées & de leurs Ra-
mifications. Mais, ce que la production de
cette nouvelle Partie poflérieure m/olfrit de plus
intérelTant, fut la grande Artère ^ ou ce Vais-
feau qui tient lieu de Cœur aux Infectes. II
règnoit d'un bout à l'autre de cette nouvelle
Partie, & fes mouvements alternatifs defyftole
& de dyaftok étoient extrêmement fenfibies. 11
paroilToit fe contraâ:er& fe dilater fur une plus
grande partie de fon étendue , que ne le fait
la principale Artère des Vers d'eau douce , que
.As
|Ç Considérations Sur Les
j'ai multipliés de Bouture Qa'). Dans ceux-cj
l'Artère paroît fe contrarier & fe dilater d'an-
neau en anneau. On diroit que chaque anneau
renferme lui petit Coeur qui a Tes ryftoles & fes
dyailoles , & que toute l'Artère n'efh ainfi qu'u-
ne fuite de petits Coeurs mis bout à bout , &
qui le transmettent le fang fuccelfivement. Oi^
voit quelque chofe d'analogue dans l'Artère du
Fer à Soye , & c'efl: ce qui avoit fait croire k
Malpigiii qu'elle étoit une chaîne de Cœurs Qb^»
Mais, quand l'injedion de ce Vaifleau n'auroit
pas prouvé le contraire à Mr. de Reaumur (0>
l'Artère de nos Vers de terre fuffiroit pour nous
convaincre de fon imité ; chaque fyftole & cha-
que dyaftole n'ctoient point renfermées dans 1^
longueur d'-un anneau ; elles paroillbient mani-
feftement en embrafler plufieurs* La circula-
tion du fang fe failbit dans cette nouvelle Pro-
duction, comme dans le refte du Corps , de
l'extrémité pollérieure vers l'antérieure. Le
ilmg de la plupart des Infecles efb une liqueur
transparente , prefque lans couleur , & qui fans
être fpiritueufe peut dans quelques efpèces re-
fifber à un froid fapériear à celui de 1709. (</):
le fang des V^ers de terre a la couleur propre
nu fang des AnimaiLX les plus connus; il efl:
d'an affés beau rpuge : il m'étoit donc d'autant
(«■) Voyez l'Article Tça. & mon Traité d' InfeEtologîe pagq
jo. & IT. de \a ^àc. Partie.
( 6 ) DiJJert. de Bomhyce.
(c) Mém. pour fervir àTHiftoiie des Infecles Tom i»
Xd) Ibid. Tom. 2.
Corps Organise 'â; 7^
plus facile de m'afllirer de la direction de fou
mouvement dans la produ6lion que j'examinois.
Au bout d'un mois & demi à compter du
jjour de l'opération , cette nouvelle Partie porte-
rie ure , d'abord fi effilée , a voit acquis une gros-
feur égale ou à peu près , à celle du relie du
Corps, & elle avoit crû proportionnellement
en longueur. Sa couleur avoit pris une teinte
plus foncée , & les nouveaux Intefîins étoient
pleins de terre. On fait que cette efpèce de
Ver s'en nourrit. Les Inteftins nouvellement
régénérés étoient donc capables de s'acquitter
de leurs fonétions.
Apres avoir vu ce que je viens de raporter , il
n'étoic pas douteux qu'il n'eut été accordé au
Ver de terre de fe réproduire àe Bouture: il ne
s'agilToit plus que de fuivre les progrès de cette
Réprodudion,
On fe rappelle que le Ver dont je parle , a-'
voit été partagé tranfverfalement par le milieu
du Corps : j'ai raconté les progrès de la premiè-
re moitié: la féconde avoit à réproduire une
nouvelle Partie antérieure 5 où de voit fe trou-
ver une Tête , & à peu de didance de celle-
ci des Organes très compofés , je veux dire , ceux
qui caraàérifent les deux fexes. Je f obferval
plus de neuf mois fans qu'elle m'offrit aucun fig-
ne de Reproduction, & quoiqu'elle n'eut point
pu prendre de nourriture pendant un tems fl
long, elle ne paroilToit pas avoir rien perdu dç
A 4
s ^ Considérations Sur Les
fon agilité. Elle étoit ordinairement immobile
& repliée fur elle - même ^ mais dès que je la
luettois fur ma main , elle s'y donppit des m.ou-
vements très vifs. Je la voyois n^ême s'enfon-
cer enterre comme i'auroitpû faire un Ver com-
plet. On juge bien que fa taille ayoit fouffert
une din)inution confidérable. iiije ayoit pris
une couleur blanchâtre & affés de tranfparence.
Elle ptrit enfin d'inanition. Comme la Partie
antérieure du Ver de terre renferme ini beau-
coup plus grand appareil d'Organes que la Par-
tie ppftévieure , la Réprodudioq de celle - là ne
peut fe faire auiTi promptement que la Répro°
dudion de celle - ci ; la Nature a donc mis le
Ver (Je terre en état de foutenir de très longs
jeûnes.
Dans la vue de parvenir à obferver la Repro-
duction dé la Partie antérieure , je fis plufieurs
autres Expériences. ]e rétranchai à un Ver de
terre fiH* la fin de Juillet, la Tête & les premiers
anneaux. Vers le milieu d'Aoïiil cette énorme
playc s'étoit parfaitement cicatrifée ; mai> l'A-
nimal ne dpnnoit encore aucune marque deRé-
prpdudion. La playe étoit circonfcripte par
un rebord affés faillant que formoient les an-
ciennes chairs , & Faire de la coupe paroiffoiç
creuféè en manière de baflinet. Au bout de
plufieurs jours j'aperçus au centre de cet enfon-
cement un point blanc , qui en groffifiîant peu
à peu , prir la forme d'un petit Bouton. C'étoit
lane nouvelle Partie antérieure qui commençoit
à fe développer. Le vingtième de Septembre
GoRPS Organise' s; 5
fte Bouton s'étoit allongé & il fe terminoit en
pointe mouiTe. Le 2. d'Odobre rallongement
étoit bien plus (enfible ; la nouvelle Production
le moniroit alors Ibus l'apparence d'un petie
Ver 5 qui naiiToic du milieu delà cicatrice. Dans
les mois de Novembre & de Décembre , la nou-
velle Partie antérieure continua à fe prolonger ;
eile groHît nroportionnellement , & l'enfonce-
ment de la cicatrice s'efïaça infenfiblement. La
mort de rinfecl:e vint interrompre ces obferva-
tions. Si l'on veut acquérir une idée plus nette
4e5^ p/ogrès de ce développement , il fiuc con-
fulter les Figures I. IL IIL IV. de la Planche
3 me. de la 2^6. Partie de mon Traité ^Infèdtolo'
gie. Quoique ces Figures ne foient que des
efquiQes aifés groffières, je puis dire que les
proportions en font exaéles.
J'Observai les mêmes phénomènes fur des
Vers de terre partagés en 3, 4, ou 5. portions.
Je vis des iX)r£ions intermédiaires poufler à la
fois une Partie antérieure & une Partie porté-
rieure ; mais les progrès de celle - ci furent con-
ftamment plus grands , en temps égal , que les
progrès de celle - là. Lorfque la Partie pofté-
rieure avoit déjà trois lignes de longueur , la
Partie antérieure ne fe montroit encore que fous
k forme d'un petit Bouton; & lorfque ceti:e
dernière avoit acquis une longueur de deux à
tiôis lignes , f autre en avoit au moins fix.
Tous ces Vers périrent avant qu'il me fut
4 5
t
lo Considérations Sur Les
permis de voir la Réproduclion complecte d'u-
ne Partie antérieure- J'écois au moins parve-
nu à me fatisfaire fur les premiers progrès de
la Régénération ; & je ;prie mon Leàleur dé
fe rendre attentif aux conféquençes qui en dé-
coulent, .
45. Conféquençes âe ces Expériences, Pa*
rallèle des ^éprodu&ions des Vers de terre
avec celles des Végétaux, Conformités des.
unes & des autres.
Lorsqu'on étête un Arbre , ou qu'on coupe
une de fes maîtrefles Branches à quelque diltan-
ce de Ton origine , le Tronçon ne fe prolonge
pas ; mais il fe forme fur les bords de faire de
la coupe un Bourlet , d'où fortent de petits Bou-
tons qui donnent naiflance à de nouveaux Bour-
geons. Ces Bourgeons ne font pas proprement
des prolongements du Tronçon : ils ont une
Organifation particulière ; ils offrent des Parties
qui les diilinguent , & que l'on voit renfermées
très en petit dans le Bouton. En un mot ils
font eux-mêmes des Arbres très complets, &
qui ne diffèrent de celui fur lequel ils ont crû ,
que par leur délicateffe & leur petitelfe extrê*
mes. Mon Leéleur n'a pas oublié ce qu'il a
vu là - deffus dans le Chapitre précédent & dans
plufieurs endroits de cet Ouvrage. Je le ren-
voyé furtQut à ce que j'ai die ^ dans; l'Article
238.
J'Ai rappelle à deffein ce qui fe paffe dans la
G O R P s O R G A N I s e' s. II
Eégénération des Végétaux ; fi on le compare
avec ce qui fe pafle dans la Régénération des
Vers de terre, l'on fera frappé, je m'alîlire,
,de l'analogie qu'on remarquera à cet égard en-
tre le Végétal & l'Animal. Dans les Vers de
terre qu'on a partagés , le tronçon ne fe prolon-
ge point non plus , il demeure' tel qvi'il étoit a-
yant l'opération ; mais du centre de la cicatrice
fort un petit Bouton qui groffit & s'allonge de
jour en jour, & fe montre enfin fous l'apparen-
ce d'un Ver naiffant greffé en quelque forte fur
le tronçon. On reconnoit évidemment que ce
ne font point les anciennes Chairs du tronçon qui
en fe prolongeant ont fourni à cette Produ6lion.
Qn ne peut fe diffimuler que ce ne foit ici un
nouveau Tout organique qui fe développe , un
Tout dont les Parties conftituantes, renfermées
d'abord très en petit dans un Bouton , s'éten-
flent en tout fens & fe montrent peu à peu fous
la forme d'un petit Ver enté fur le grand. On
ne peut s'empêcher de comparer ce Bouton a»
vïmal au Bouton légétal^ & le petit Ver au
Bourgeon, La nouvelle Produélion dans l'Ani-
mal comme dans le Végétal , eft à fa naiflance
d'un tiifu fort délicat; tout y eft mol ou her-
bacé, & fa couleur d'abord très claire fe ren-
force par dégrés.
Je n'indique que les trajts les plus frappants
de cette analogie : ils fuilifent , ce me femble ,
pour en faire fentir la vérité. Ils me ferviront
bientôt à expliquer des cas plus difficiles.
ï2 GoNsinERATioNs Sur Les
246. Expériences de routeur fur la Rêpro-
du&ion d'une efpèce de Vers d'eau douce.
]La Réprodu6lion des Vers d'eau douce que
j'ai multipliés de Bouture , offre les mêmes par-
ticularités efîentielles que celle des Vers de ter-
re ; mais , tout s'opère bien plus promptemeiit
dans ceux - là que dans ceux • ci. Il ne faut
ordinairement que peu de jours en été pour que
des Portions de nos Vers d'eau douce devien-
nent des AniiTiaux complets , & auxquels il ne
relie plus qu'à prendre plus d^accroiffement,
JLes Parties antérieures & poflérieures , que
ces Vers réproduifent, fe montrent de même
fucceffivement fous les formes de Bouton , de
Jointe mouffe , de Ver naifîant. L'ancien tron-
çon comme je l'ai dit dans f Article 167. ne
fe prolonge point. Je l'ai mefuré bien des fois;
immédiatement après l'opération, & au bout
de deux ans jp lui V- trouvé les mêmes dimen-
iions. Pendant tout ce long intervalle de temps
il m'a toujours été facile de le diflinguer par fa
couleur , des Parties réproduites. Il efl: d'un
rouge brun ; les Parties qui repouffent à fes
extrémités, font d'abord blanchâtres ou jaunâ-
tres , & ce n'efl: que fort à la longue qu'elles
fe rembruniffenc.
247. Blanière do?tt fe fait la RéproduStîon,
Circonftances qui la précèdent & qui la
fuivent.
Avant que des Portions de ces Vers comi
Corps O Pv g a n î s e' s. 13
mençafTent à fe completter , j'ai fouvént aper-
çu aux extrémités du tronçon un petit renfle-
ment , une efpèce de Boiirlet qui me paroif-
foit analogue à celui que nous avons vu fe
former fur les playes des Arbres. 11 étoit plus
apparent à l'extrémité antérieure qu'à l'extré-
mité oppofée. Du centre de ce Bourlet for-
toit bientôt un petit Bouton , qui en fe déve-
loppant devenoit une nouvelle Partie antérieure
ou poltérieure.
Il y avoit cette différence remarquable entre
l'accroilfement de la Partie antérieure & celui
de la poltérieure , que la première ceiToit He
croître dès qu'elle avoit atteint la longueur d'u-
ne ligne à une ligne & demi ; l'autre au con«
traire continuoic à fe prolonger, & acquéroit
quelquefois une longueur de plofieurs pouces.
La Partie antérieure de ces Vers contient la
Tête & un aflemblage d'anneaux qui fe déve-
loppent à fa fuite. J'ai décrit dans mon Traité
la figure de cette Tête & les diiférentes formes
fous lefquelles fe montre la Bouche : j'ai décrit
aufli celles de XAmis Qay
Lors que j'ai féparé la Partîe antérieure du
refte du Corps , elle eft morte au bout d'un
jour ou deux fans faire aucune produftion. Je
n'ai jamais vu d'exception à cette Loi , & mes
Expériences fur ce point font en grand nomr
bre. 11 en a été de même de la Partie polté-
rieure : je donne ici cette dénomination à l'ex^
(«) Obf. I. pagç 7 ,• tj 9. de U féconde Fartic»
14 Considérations Sur Les
trèmité du Corps où tient l'Anus & une fuite
d'anneaux de la longueur d'une ligne à une li-
gne & demi. On ne doit pas chercher la rai-
fon de ce Fait dans le peu de longueur des
Parties , car des Portions beaucoup plus cour-
tes 5 mais prifes fur le milieu dit tronc , par-
viennent fort bien h réproduire une Tcte & une
Queue (/t). Nous verrons bientôt ce que
l'on peut penfer de plus probable fur ce fujet.
248. Tubercules ^ue poUjJent les Pûrtions de
cette Efpèce de F'ers.
Conjectures fur leur nature.
Tandis que j'étoîs occupé à fuivre la végéta-
tion des différentes Portions de mes Vers a-
quatiques , j'aperçus fur le dos de plufieurs ,-
près du bout antérieur ou à l'origine de la Par-
tie nouvellement réproduite , une efpèce de
Bouton ou de Tubercule , de couleur blanchâ-
tre, & qui formoit avec le Corps, un Angle plu?
ou moins ouvert,- J'obfervai encore de ces Tu-
bercules aux deux côtés de la Tête & à peu
de dilîance de l'Anus. Ils me rappcllèrent là
multiplication des Polypes par rejettons. Je
ne pus m'empêcher de foupçonner qu'ils étoient
des Vers nailTants , des Vers qui venoient au
jour à la manière des Polypes. Je m'attendois
donc à les voir croître & le féparer enfuite de
feur Mère : mais je fus trompé dans mon at-
tente , & tous ces Boutons ou Tubercules dif-
(«; Obferv, XIIÎ.
Corps Organise' So 15
parurent au bout d^environ trois femaines , fans
avoir rien produit (rtî). Je communiquai mon
obfervation & ma conjedure à Mr. de Reau-
MUR 3 qui me fit cette réponfe en datte du
iieme, pbre, 17^2. Mes Fer S affèz fembkhles
aux vôtres , que jai trouvés en quantité aux en-
virons de Reaumur , 6* qti^on trouve aujfi iti ,
vfont fait voir de ces Tubercules^ qiiil et oit ajjèz
naturel de foupçonrKr être des Fetits qui com*
mençoient à pouffer. Mais fur mes Vers com-
me fur les vôtres^ ces Tubercules n^ont rien don^
né.
24.^. Continuation du même fujet.
Ver à deux Têtes ^ & à deux volontés.
Je ne déciderai pas cependant fi ces Tuber-
cules ne font point des Parties antérieures ou
poftérieures furnuméraires qui commencent à fe
développer. Ils fe montrent au moins fous la
forme qu'elles aifedtent en naiffant. Ce qui
fembleroit le confirmer c'efi: une Expérience
que j'ai rapportée afiez en détail à la page 113.
& fuivantes de la 2^^. partie de monTraitéd'In'
Jfectologie, J'y ai fait mention d'un de ces Vers
aquatiques à qui j'étois parvenu à donner deux
Têtes , en coupant l'extrémité d'un Tubercule
qui s'étoit élevé près de la Partie antérieure
nouvellement régénérée. La Partie que je noin-
Sx^ti2xfurnumêraire formoit un angle à peu près
droit avec le tronc. Elle paroiflToit au Micros-
(ff) Obfeïy. XIX, XX, pag. iiï, 120, iji, a<Je. ?ai^«
i6 GoNsiDERATioNs Sur Lés
cope auiïi parfaite que celle qui s etoit dévelopV
pée dans l'ordre naturel: mais ayant retranché
cette dernière , l'ancien Eftomach ne fe remplit
point de terre ; ce qui proave ^ ou que cette
Partie furnuméraire n*étoit .pas aulli parfaite
qu'elle le paroiffoit , ou qu'elîe n'avoit point de
communication avec l'ancien Eftomach ; car ces
Vers fe nourriffent du même, limon dans lequel
ils font leur demeure. J'ai fait remarquer dans
mon Livre 55 que les deux Têtes n'avoient pas
,5 une même volonté; que lors qtie l'une tiroit
55 d'un côté 5- Fautre tiroit du côté oppofé; &
„ qu'ordinairement la plus ancienne , ou celle
5, qui avoit pOufTé la première , femporcoit fur
„ la plus jeune '\ J'ajouterai que celle - ci étoic
un peu inférieure à l'autre en grandeur ; mais ,
elle n'étoic pas à beaucoup près aulfî petite qu'un
Ver naiffant auroit dû îe paroître , &. elle n'ob-
fervoit point dans fes accroîilements les mêmes
proportions qu'il auroit dû fuivre. Elle a voie
toutes les proportions ou à peu près , qui fonè
propres à la Partie aiTtérieure. On peut conful-
ter la Figure 16^. de la i'^. Planche de nies Ob-
fervaùons fur les Vers d'eau doiice &c. ( a ).
Ce furent ces confîdérations qui ne me permi-
rent pas de la regarder comme un petit Ver qui
étoit refté enté fur le grand. Mr. de Reau-
MUR n'a pas laiifé néanmoins de préférer cette
dernière conje6lure , comme on le voit par l'ex-
trait
C 6 K P s O R G A N I S E' S, if
trait fuivant d'une Lettre qu'il m'écrivit le ne,
i^bre. 1743. Deux Têtes que vous êtes parvenu
à donner à un Ver , fiw le Corps duquel il y
avoit de ces Tubercules femblabks à ceux qut
mus avons obfervés vous & moi fur des Por^
îions de Vers coupés'^ ces deux Têtes dis- je ^ m
me paroîjjent point contraires à Vidée qui nous
parût alors la plus probable par rapport à la na^
ture de ces Tubercules ; à celle qui nous les fit
JbupçCnner des Vers naij/ants ; car au moyen ds
lafedtion^ il femble que le Ver qui devoit naitre^
foit refté enté fur l'autre : les deux volontés dif
fér entes que vous croyez avoir obfervées dans les
deux Têtes ^faixorifent ce fentiment. Je n'infifte-
fai pas aéluellement fur les deux volontés dont
parle Mr. f)E Reaumur,- je m'expliquerai ail-;
leurs fur ce point de Métaphyfiqué;
250. Très petits Vers for ti s de l'intérieur dt
quelques Portions du grand Ver,
En partageant de ces Vers' , îl m'efl arrivé plus
d'une fois de voir fortir de l'intérieur de quel-
ques - unes de leurs Portions , de petits Vers vi-
vants , d'un blanc affés vif, & qui nageoient a-
vec beaucoup de vitelfe. Dans l'oblervâtiori
XVII. de la 1^^, Partie de mon Traité , }e me
fuis arrêté à décrire la figure & les mouvements
variés d'un de ces petits Vers venu au jour fous
mes yeux , par une opération équivalente à la
céfarienne. J'ai cherché à prouver que ce petit
Ver étoit de h même efpèce que celui de i'm-
ToM. II, B
t8 Considérations Sur les
térieur duquel je Tavois en quelque forte extraie,
& j'ai paru en inférer que. cette efpèce efl livi"
pare. Mais un examen plus fcrupuleux du fait^
me porte aujourd'hui à penfer que |e n'ai pas
été exaét dans la conféquence que j'en ai tirée.
L'extérieur du petit Ver offroit des particula-
rités qu'on ne voit point dans Tefpèce dont Je
parle : fes Anneaux étoient fort marqués , &
fa Queue fe terminoit par une houppe de pe?*
tits poils en manière de nageoires , & qui pa-
roiribient en faire les fondions* Ses mouve-
mens difFèroient aufli beaucoup de ceux qui
font propres à l'efpèce dont il s'agit. Je foup-
çonnerois donc plus volontiers que ce petit Ver-
avoit été avalé par celui de l'Eftomach duquel
je Tavois fait fortir. Ce qui confirme encore ce
foupçon 5 c'efl qu'il étoit enveloppé à fa naif^
fance de la même matière terreufe dont l'Eflo-
mach de Flnfeéte efl: ordinairement rempli. Un
accident imprévu me l'ayant enlevé au bout de
lîx femaines , je ne pus avoir la fuite de foi»
hiflioire : mais , je dirai qu'il avort pris un ac-
croifTement très fenfible.
251. Expériences de l'Auteur fur une autre
Efpèce de Ver d'eau douce.
Combien cette Efpèce eft remarquable par la
fmguîariîë de fes Réprodu&ions^ ^ en quoi
confifte cette fmgularité. Qt^elle potiffe aujjt
des Tubercules*
L'espèce de Vers d^éau douce, & fans Jam-
bes, fur laquelle j'ai fait le plus grand noinbre
Corps Organise' s; ïjfi
àe nies Expériences, efl: d'un brun rougeâtre;
j'en ai découvert une autre qui n'en difFère
prefque que par la couleur : celle dont je veux
parier à préfent efl: blancheâtre ou grifâtre. J'ai
fait voir dans la 2'^«. Partie de mon Traité ,
Obfl- XXIII , XXIV , XXV, XXVI , txvîi ,
Combien cette nouvelle Efpèce mérite l'atten--
tion des Naturalifl:és. Lors que j'ai partagé
tranfverfalement le Tronc en deux ou plufieurs
Portions, cîhaque Portion a poulTé à fon bout
antérieur une Queue au lieu d'une Tête ; mais
lors que je n'ai fait que rétrancher Ja Tête ou
la Partie antérieure , l'Infeéte en a reproduit u-
ne nouvelle fembiable , à celle qui lui a voit été
enlevée.. On ne doit pas préfumer que je m'ea
fois laifle impofer à l'égard de cette Queucî fur*
numéraire ï j'ai vu ce fait fingulier un trop
grand nombre de fois , & je l'ai obfervé aved
trop d'attention pour que j'aye pu m'y mépren-
dre. Si on lit ce que j'en ai rapporté à la page
152. de la 2^«. Partie de mon Traité, il ne ref-»
tera , je penfe , aucun doute fur la vérité def
î'obfervation. ,, Ce n'étoit point, ai -je dit,^
„ comme on pourroit le foupçonner, une Tê-
„ te plus effilée qu'à l'ordinaire , une façon
pour ainfi dire ^ de Tête & de Queue : c'é-
toit une Queue très bien formée où TAnui
étoit très diftinffe ; en un mot , Une Queu^
abfolument telle que doit l'être celle de ces
5>
^, fortes de Vers. Et pour achever de met*
5., tre la obofe hors de toute conteUaÉion ; c«6*
B 12
>5
59
^o Considérations Sur Lè^
te Partie qui avoit pouffé à la place de la
Tête , n'étoit capable d'aucun des mouve-
n^ens qu'on voit faire à celle-ci : elle ne fe
raccGurciffoit ni ne s'allongeoit , elle ne fe
contraéloit ni ne fe dilatoit^ Le Ver n'en
faifoit aucun ufage ni pour fe nourrir , ni
pour s'aider à ramper ; on le voyoit feule-
j, ment agiter de tems en tems fa Partie anté-
„ rieure , la porter à droite & à gauche , mais
5, fans faire la moindre tentative pour changer
^, de place. On auroit dit qu'il fentoit fon é-
5.5 tat : il avoit l'air , pour ainfi dire , embarraf-
„ fé. Au refte , & c'eft ce que je ne dois pas
,5 négliger de faire remarquer j le cours du
^, Sang n'avoit point changé de direction. Il
.5, continuoit à fe faire du bout poftérieur au
5, bout antérieur ". Enfin , pour ne laiffer
rien à défirer , je dirai- encore , que les Portions
de ces Vers à qui il étoit arrivé de pouffer une
Queue au lieu d'une Tête , n'ont pris aucune
nourriture ; leur Eftomach & leurs Inteftins
font toujours demeurés fort tranfparents , & ce
qui eft affés r-ema-rquable , j'en ai eu qui ont vé-
cu environ fept mois dans cet état. Ce cas re-
vient à celui de cette moitié de Ver de terre"
dont j'ai parlé , & qui avoit foutenu un jeûné
encore plus long.
Au relie, cette Efpèce de Vers d'eau dou-
ce pouffe auffi de ces Tubercules qui paroiffent
analogues aux Réjettons des Polypes à Bras :
j'en ai compté jufqu'à huit fur la même Por-
jtion y quatre de chaque côté ; mais , ils ont
Corps O r e a n i s e' s; ii
difparû peu à peu fans rien produire , commô
je l'ai raconté de ceux des Vers d'eau douce
de la première Efpè.ce.
252. Phénomènes de la Reproduction des
Pattes de /'EcrevilTe.
Je n-ai placé ici mes Obfervations fur les
Vers d'eau douce à la fuite de celles fur les
Vers de terre , que par la raifon des rapports
qu'on obferve dans la manière dont les uns &
les autres fe régénèrent. Car mon but avoit
d'abord été de chercher dans des Animaux plus
grands que les Polypes , des faits , qui puflent
m'aider à expliquer la reproduction de ces der-
niers : mais , les Vers aquatiques que j'ai le
plus fuivis , ne font pas plus gros que les Poly-
pes. Je reviens donc maintenant à mon pre-
mier but ; & je vais dire quelque chofe d'une
Régénération fmgulière que nous offre un Ani-
mal d'une grandeur monftureufe en comparaifon
des Polypes \ j'ai en vue XEcreviffe d'eau dou-
ce.
LoNG-TEMs avant qu'on connut la Répro-
duélion du Polype , les Phyficiens admiroient
celle des Pattes de l'Ecreviffe : mais , perfon-
ne ne l'avoit fuivie avec plus d'exaélitude Sç de
fagacité que Mr. de Reaumur (^).
Les Pattes de l'EcreviiTe ont cinq articul'A-
(•) Mémmsi ie l'Acad, Royale des Scîencss : An. I7ii.
B3
ft Considérations Sur Les
tions : fi l'on compte du bout de la Pince , c'eft ^
à la quatrième que la Patte fe caffe le plus fré-
qviemmenî: & qu'elle fe réproduit le plus façL-
iement.
Lors que la Patte a été calTée à cet endroit
pu près de cet endroit , par accident ou ^
defîein , la Partie qui refte attachée au Corps
& qui contient deux articulations , montre à fon
bout antérieur une ouverture ronde , qu'on
peut comparer à celle d'un Etui d'écaillé. Une
fubftance charnue occupe tout l'intérieur de
cet Etui. Au bout d'un jour ou deux , fi c'eft
en été, une Meinbrane rougeâtre vient fermer
Touverture , en s'étendant defTus comme un
morceau d'étoffe. Elle eft d'abord plane ; qua-
tre à cinq jours après , elle prend de la con*
vexité. Cette convexité augmente. Le milieu
ou le Gpntre, s'élève plus que le relie ; il s'élè-
ve de plus en plus : un petit cône paroît ; &
ce cône n'a guères qu'une ligne de hauteur.
Il s'allonge fans que la baze s'élargiffe , & au
bout d'environ dix jours , il a quelquefois plus
de trois lignes de hauteur. Il n'efl pas creux ;
des Chairs le rempliffent ; & ces Chairs font les
éléments d'une nouvelle Patte. La Membra-
ne qui les enveloppe fait à l'égard de la Patte
nailTante l'office des Membranes du Fœtus. El^
le s'étend à mefure que l'Embryon croît. Com-
me elle eft affés épaiffe , elle ne laiffe voir
qu'un cône allongé. Quinze jours s'étant é-
coulés ce cône s'incline vers la Tête de l'Ani-
mal. Il fe recourbe de plus en plus les jours
Corps Organise**; aj
fuivants. Il commence ^ prendre la figure d'u-
ne Patte d'Ecreviire morte. Cette Patte enco-
re incapable d'aélion, acquiert jufqu'à fix à fept
lignes de longueur dans un mois ou cinq fe-
maines. La Membrane qui la renferme deve-
nant plus mince à niefure qu'elle s'étend , per-
met d'apercevoir les Parties propres à la Patte ,
& l'on reconnoic alors que cette mafle conique
n'efl pas une fimple carnofité. Le moment efl:
venu où la Patte va éclorre. A force de s'a-
mincir la Membrane fe déchire , & laifle à dé-
couvert la nouvelle Patte encore molle , & qui
au bout de peu de jours fe trouve recouverte
d'une Ecaille aufli dure que celle de l'ancienne
Patte. Elle n'a guères que la moitié de fa lon-
gueur , & elle efl: fort déliée ; déjà nçanmoius
elle ^'acquitte de toutes fes fonctions.
Si au lieu de caiTer la Patte à la 4^6. jointu-
re 5 on la calTe ailleurs , ou fi on ne feit fim«
plen^ent qu'emporter la Pince , ou une partie
de la Pince , l'Animal fecouvrera précifçment ce
qu'il aura perdu,
La même Reproduction s'opère dans les Jam-
bes & dans les Cornes ; mais la Queue ne le
régénère point, & l'Ecrevifle à qui on l'a cou-
pée 5 ne furvit que peu de jours à l'opération,
253. EJJai d'explication des Faits expofèi
dans ce Chapitre, principes imporîam H*
tés des Réprodu&ions végMç.s*
B 4
«4 Considérations Sur Les
Aplî cation de ces Principes aux Réprù;
ductiom animales dont il eft ici quejîion.
Avant que d'elFayer d'appliquer ces Obfer-
vations à la multiplicaripii des Polypes , re-
venons fur pos pas & tâchons à déduire des
faits , les conféquencés naturelles qui peuvent
nous conduire à une explication philofophi-
que des Réproductions que je yiens de dé-
crire.
J'ai fait voir dans ce Chapitre combien la
Reproduction des Vers de terre eft analogue
à celle des Végétaux : j'ai montré enfuite qu'il
n'y a pas moins d'analogie entre la Répro-
duélion des Vers d'eau douce & celle des
Vers de terre. Une nouvelle Ecorce , un nou-
veau Bois, doivent leur nailTance à des efpè-
ces de filaments cachés dans l'ancienne Ecorce
ou dans l'ancien Bois , qui s'étendent , s'é^
painTifTent & forment peu à peu des lames min-
ces concentriques les unes au^ autres. Une
nouvelle Branche tire fon origine d'un Bou-
ton qui renferme un Bourgeon , & ce Bour-
geon efl une Branche en raccourci, ou dont
toutes les Parties déjà préformées coexiftent
cnfemble. Je nomme ce Bourgeon un Tout
organique^ parce qu'il repréfente l'Efpèce en
petit. Il eft aifé de voir qu'une Branche efl
un petit Arbre qui croît fur un grand Arbre
de même efpèce. Je ne regarde pas comme
de vrais Touts organiques les filaments , ou les
lamelles dont l'Ecqrcç & ie Bois tirent leur
Corps O r g a k i s e' s. 25
origine. L'Ecorpe ou le Bois ne font à pro-
prement parler que des Parties conftituantes
d'un Tout organique. Ils ne le repréfentenc
point en petit , parce que cette repréientatioii
tient à des formes y à des proportions , à un
arrangement , à une organifation qui ne fe
trouvent point dans de fimples feuillets cortir
eaux ou ligneux. Mais , ces feuillets font re-
préfentés en petit par les filaments gélatineux
qui les produifent, & qui fe développent de
la manière que j'ai décrite dans le Chapitre
précédent.
Ainsi dans l'Animal la Régénération d'une
nouvelle Peau tient comme celle d'une nou-
velle Ecorce à des filaments gélatineux, qu'-
une dérivation accidentelle des fucs nourri-
ciers met en état de fe développer. C'efl ce
que l'on reconnoit en obfervant tout ce qui
fe pafle dans la confolidation des Playes. Oa
voit affez que ces filaments étoient des Par-
ties infiniment petites de l'ancienne Peau , qui
ne fe feroient peut-être jamais développées
lans fintervention d'une circonflance acciden-
telle , & qui avoient été mifes en referve pour
cette circonft^nce ou pour d'autres circonllan-
ces analogues. Je renvoyé fur cela à l'Ar-
ticle 23(5.
Mais , quand il s'agit de produire dans
l'Animal un nouveau Tout organique , ou une
nouvelle Partie intégrante , qui eft elle même
B 5
2j^ Considérations Sur Le«
à quelques égards un petit Tout organique,
la Nature paroît s'y prendre de la même ma-
nière que pour produire dans le Végétal une
nouvelle Branche, tlle a préformé cette Bran-
che , elle l'a renfermée en petit dans un Bou-
ton , & fa produftion eft moins une vraye
Génération que le fimple développement de ce
qui étoit déjà tout formé. La Nature paroît a-
voir de même renfermé en petit dans une efpé-
ce de Bouton les Parties que les Infedles répro-
duifent à la place de celles qu'ils ont perdues.
C'eil ce que l'on voit pour ainfi dire à l'œil
dans la Multiplication des Vers de Bouture
& dans la Réproduélion des Pattes de l'Ecre-
vifle. La nouvelle Partie pafle par tous les
dégrés d'accroiffement par lesquels l'Animal
lui même a paiTé pour parvenir à l'état de
perfeélion. On lui retrouve dans les premiers
tems la mçme forme efTentielle , les mêmes
Organes qu'elle offrira dans la fuite plus en
grand. La circulation du Sang eft très via-
ble dans cet appendice vermiforme fi délié,
qui pouffe au bout poftérieur d'un Ver de Ter-
re , & qui doit devenir une nouvelle Partie
poftérieure. Des Artères fuppofent des Vei-
nes ; les unes & les autres fuppofent des Nerfs
& bien d'autres Organes, Tout cela coëxifte
donc à la fois , car comment concevoir que
différentes Parties dellinées à former un même
Tout , à concourir enfemble au même but , &
dont par conféquent toutes les aélions font
gonfpirantes ou relatives , foient produites les
Corps O r g a n i s e' s. 27
unes après les autres p^r appofition^ ou par une
méchanique fecrette ? Comment pourroit - on
admettre une telle formation, quand on eft par-
venu à s'afliirer que toutes les Parties du Pour
let coëxiftent enfemble long-tems avant qu'elf
les tombent fous nos fens (^) ? Pourquoi la
Partie qu} fe réproduit eft- elle fi difpropor-
tionnée à celle qu'elle va remplacer ? pourquoi
eft -elle fi molle, fi délicate, fi déliée ? pour-
quoi fes articulations font - elles fi ferrées , fi
rapprochées les unes des autres? Ceft que
ce n'eft pas Fancien Tout , ou le Tronçon qui
croît & forme cette nouvelle produélion ; c'eft
un nouveau Tout qui fe développe dans l'an-
cien & à l'aide des fucs que celui-ci lui four-
nit. Je ne crois pas qu'il foit poffible de fe
refufer à cette conféquence lors qu'on a fuivi
avec foin la Régénération des Vers qui mul-
tiplient de Bouture , & qu'on a vu & revu
cent fois par fes propres yeux cette Régéné-
ration merveilleufe. Mais les Phyficiens qui
ont combattu le fentiment que j'adopte, paroif-
fent avoir été plus touchés de • la gloire d'en-
fanter un nouveau Syftème , que du plaifir
plus philofophique & moins bruyant d'étudier
la Nature dans un Infeéle. Je ne fais point
ici de Syftème ; car je n'entreprens point d'ex-
pliquer comment l'Animal fe forme : je le fup.
pôle préformé dès le commencement, & ma
fuppofition repofe fiir de§ Faits qui ont été bien
<l) Voy?z le Chap. IX. du Tome I.
îil Considérations Sur Les
obfervés. Ge feroit en vain qu-on obje6leroit
que fi l'on pouvoit prendre l'Animal de plus
haut 5 on ne le trouveroit pas préformé : je
n'imagine pas qu'on puifTe le prendre de plus
haut que l'a fait Mr. de Haller , quand il a
démontré que le Poulet préexifte dans l'Oeuf
à la fécondation C^)'
254, Çonféquençe,
L' Auteur de la Nature a donc renfermé
dans les Ovaires de la Poule les Germes des
Poulets qui en doivent naître. L'on peut dire
qu'iL a de même placé dans le Corps de dif-
férents Vers des efpèces d'Ovaires qui contien-
nent des Germes prolifiques. Mais , au lieu
que les Ovaires de la Poule occupent une ré-
gion particulière, ceux de nos Vers font ré-
pandus dans tout le Tronc. L'expérience Je
démontre , puisqu'en quelque endroit du Tronc
qu'on falTe la feâion , il réproduit de nouveaux
Organes.
255. Examen de la queflîon , fi les mêmes
Germes fervent & à la Mulùplication
naturelle de rEfpèce & à la Réproduc-
tion des Parties coupées?
Comparaifon tirée de la différence effentïelk
qui ejl entre la Plant ule logée dam la
Graine , & celle qui e/l logée dans le Bou-
ton à Bois.
Si l'on regarde les Tubercules que j'ai vus
(41) Ihid, Preuie» Fait,
Corps Organise' s» sj>
5'élever fur le Gorps des Vers d'eau douce,
comme étant analogues aux Rejettons des Po-
lypes à Bras ^ ce feront de petits Vers dont
les Germes cachés dans l'intérieur de la Mère
fe développeront fuivant certaines îoix.
Ces Gernies doivent repréfenter en petit uii
Animal entier , puisqu'ils font préparés pour la
multiplication naturelle de l'Infeéte- Mais , eii
eft-il de même des Germes deftinés à repa-
rer la perte de Tune ou de l'autre des Extré-
mités ? Ces Germes contiennent -ils auffi les
Eléments de toutes les Parties propres à l'In-
feéle? Sont -ils l'Infeéle lui-même très en pe-
tit? N'y - a- 1- il que la Partie antérieure qui
fe développe dans le Germe deftiné à reparer
la perte de la Tête? ôce^ J'ai paru l'admet-
tre dans le Chapitre IV, Articles 50, 51, &
52. & j'ai indiqué quelques Caufes qui peu-
Vent empêcher l'accroiflement de la Partie du
Germe qui ne doit point fe développer. Au-
jourd'hui que j'y réfléchis davantage , je ne
vois aucun inconvénient à fuppofer dans ces
fortes de Vers, des Germes de Parties anté-
rieures & des Germes de Parties poftérieures.
Cette hypothèfe me paroît fujette à moins de
difficultés que celle de l'oblitération d'une par-
tie du Germe. Si l'on admet des Germes par-
ticuliers pour la produd"ion des Dents , pour-
quoi refnfercit - on d'en admettre pour la pro-
dudion des Parties beaucoup plus compofées ,
& dont la fonr>ation répugne encore davan-;
,èage aux explications méchaniques?
go Considérations Sur Les
Une obrervation prife des Végétaux ipà"
roît confirmer cette diverfité des Germes dan^
le même Individu. La Graine qui opère la(
multiplication la plus naturelle du Végétal, ren-
ferme une Plante en entier^ Une difleftion
groflière fuffit pour inettréf en évidence les
principales Parties de cette petite Plante , je
veux dire la Pîumuîe & la Radicule. On fçait
que le développement de la première produit
la Tige & fes Branches , & que le dévelop-
pement de la féconde produit la maîtrefTe Ra-
cine & fes Ramifications. Le Germe contenu
originairement dans la Oraîne efl: donc une
Plante entière en raccourcie Un Bouton à
Bois ne renferme au contraire que la Flumule;
j'en ai dit ailleurs la raifon. Les Racines qui
partent des Bourlets, tirent leur origine de Ma-
melons ^ & ces Mamelons femblent faire à leur
égard l'office de Boutons. Un femblable Bou-
ton ne contient non plus que la Radicule, I!
efl donc dans le Végétal des Germes de Plu-
mules & des Germes de Radicules , comme iî
en efl qui contiennent à U fois & la Plumule
& la Radicule.
Dans les Vers qu^oa fnultiplie de Bouture,
les Germes qui ne contiennent que des Parties
antérieures ou poltérieures, peuvent être com-
parés aux Germes végétaux qui ne contien-
nent que des Plumules ou des Radicules. Les
Germes deftinés à opérer la multiplication na-
turelle de rinfeéte , peuvent être comparés de
même aux Germes contenus dans les Craîûe&,.
CdR?s Organise' Si 31
On peut être curieux de favoir ce que Mr.
DE Reaumur penlbit fur la queftion dont il
s'agit : on le verra dans l'extrait fuivant d'une
Lettre qu'il m'écrivit le 2i"'e. Décembre 1742.
La fuite de vos Obfervations fur les Boutures
des Vers aquatiques ^ contient un grand nombre
défaits extrêmement curieux ^ ce ne fera qu'a-
près quHly en aura beaucoup de rajjemblés , de
tels que ceux que vous avez raportés dans vôtre
Lettre , que nous pourrons raifonner fur une
réprodudiion fi étrange. Ces obfirvations , de
Queues qui font nées où des Têtes dévoient naî-
tre ^ font extrêmement fîngulières ^ & je ne dé-
fefpère pas qu'il ne vous arrive de les refaire
plus d^une fois.* Le fait étant bien confiâtes
rembaras ne fera pas de trouver le Germe de
la Partie pofîérieure qui a été produite , car il
faut qu'il y ait partout dans ces animaux des
Germes de Parties antérieures & de Parties
pojîérieures qui Je touchent , ^ les unes ne Jonî
déterminées à fe développer préférablement aux
autres^ que lors que le bout où elles fe trouvent
efl le plus favorable à leur développement ; ref
tera à fçavoir ce qui peut en quelques circon^
fiances faciliter le développement d'une Partie
poftérieure fur un bout antérieur y f appelle ainfi^
le plus proche de la Tête.
256. Indifférence de la queflim au but de
routeur: Raifons de la laijfer indécife.
Quoi qu'il en foit de la fimilarité ou de la
^iffimilarité organique des Germes dans le mê^
2[2 Considérations Sur Les
nie Individu , je dirai que cette queflion efi:
très indifférente à mon but , & nous ne fômmes
pas à portée de la décider. Si la flfuéturè inti-
me des Parties les plus groffières nous échap-
pe 5 comment pourrions - nous îftteindre à la
connoifTance de Parties d'une finefle & d'une
petitefle extrêmes? La matière' à été prodigieU-
îement divifée , & les Germes font en quelque
forte les dernières divifions de la* matière orga-
nifée. Je n'ai ici d'autre objet que de chercher
à établir que , ce que nous nommons Produdtiort
ou Réproduâion dans nos éfpèces de Zoophy»
tes y n'eft que le développement de petits Touts
organiques qui préexiftoient dans le grand Tout
dont ils réparent les pertes. Ainfi , foit que cet-
te réparation dépende de Germes qlii ne con-
tiennent précifément que ce qu'il s'agit de ré-
parer ; foit qu'elle dépende de Germes qui con-
tiennent un Animal entier & dont il ne fe dé-
veloppe qu'une Partie , précifément femblablé
à celle qui a été enlevée , tout revient au mê-
me dans Tune & l'autre fuppôfition : ce n'ell
jamais une Génération proprement ditte ; c'eft
toujours là fimple Evolution de ce qui étoit dé-
jà engerîdré. Tant de Faits très certains que
j'ai raflemblés dans cet Ouvrage ^concourrent fi
évidemment à établir ce grand Principe , qu'il
n'y a que îa plus forte, prédilediion pour de
nouvelles idées , qui puiiîe engager à le combat-
tre. Je rappellerai encore ici ce que j'ai dit dans
le Chapitre X.' duTome I. fur la préexiftence dit Pa-
CôRips Organise' #. 33^
pillon dans la Chenille. Un Ver qui fe nour*
rit de l'intérieur de celle - ci, fait n'attaquer que
les Parties propres au Papillon : la Chenille con-
tinue à s'acquiter de toutes fes manœuvres; el-
le vit & fait vivre forî ennemi , m^is elle ne
donne point de Papillon.
257. Réflexions fur la préexiflénce des Far'
* ties ou des Touts qui paroijjent reproduits
pu engendrés^
Tout nous indique que la Nature a préparé
de loin dans les Corps organifés, les diverfes Pro-
du6lions qu'elle y doit mettre au jour. Tandis
qu'elles commencent déjà à fe développer, nous
ne nous doutons point de leur exiltence , &
nous difons qu'elles naijjent lors qu'elles fe font
alTés développées pour tomber fous nos fens*
Une Intelligence qui auroit des yeux plus per-
çants que les nôtres, reculeroit bien loin le mo-
ment de cette prétendue nailTance. Il peut nous
être permis de raifonner fur les Fins de l'Au-
teur de laNature , quand ces Fins font éviden-
tes. 11 paroît qu'iL a voulu que des hifeéles
dont le Corps efl très cafTant , ou dont l'une
& l'autre des Extrémités étoient expofées à
fervir de pâture à différents Animaux voraces p
puffent réparer les pertes que ces accidents dé-
voient leur occafionner. Sa Sagesse a donc
ménagé dans ces Infeéles des fources fécondes
de réparation. Elle a conflruit leur Corps
fur un modèle particulier : Elle y a femé 4^1
ToM. IL C
^4 Considérations Sur les
Germes dont le développement opère ces Ré-
produélions que nous ne nous laffons point d'ad-
mirer. Le retranchement d'une Partie antéri-
eure ou poftérieure détourne au profit du Ger-
me placé au bout correfpondant du Tronçon ,
les fucs nourriciers qui auroient été employés
à l'entretien de cette Partie. Ce Germe com-
mence donc à fe développer ; il fe montre d'a-
bord fous rafpeél d'un petit Bouton arrondi ,
qui décèle en quelque forte fon premier état de
Corps oviforme,
258. Be l'union de la Partie reproduite a*
vec le Tronçon: comment elle s^ opère,
L*uNioN que la nouvelle Partie contrafte a-
vec le Tronçon, n'a rien de plus embaraflanc
que celle du Bourgeon avec l'Arbre , ou de la
Greffe avec le Sujet, On voit affés qu'à me-
fure que les Vaifteaux du Germe fe dévelop-
pent, ils peuvent s'aboucher par différents points
à ceux du Tronçon , & de cet abouchement
doit réfulter une circulation commune. Mais
la petitefTe & la tranfparence des Vaiffeaux ne
permettent pas d'oblerver ici ces anaftomofes
comme on les obferve dans les Greffes végéta-
les.- La réunion qui s'opère quelquefois dans
les Chairs des grands Animaux., répand encore
du jour fur celle dont il s'agit: j'en parlerai ail-
leurs.
259. Régularité parfaite des Rêprodu^km
I
Corps Organise' s. 35
^ans les Fers d'eau douce , de k i'«.
Efpèce.
Ce font apparemment des loix très fimples
que celles qui préfident aux Réprodudions de
mes Vers aquatiques de la première Elpèce,
ou de ceux que j'ai gommés rougeàîres (^a^ :
il eft remarquable qus parmi un grand nombre
d'expériences que j'ai tentées fur cette Efpèce ,
il n'y en ait eu aucune qui ait été fuivie de
produ6lion monftrueufe. J'ai vu conftamment
une nouvelle Partie antérieure fe développer
au bout antérieur de l'ancien Tronçon , & une
nouvelle Partie poftérieure pouffer au bout cor-
refpondant de ce même Tronçon. La Partie
réproduite a toujours été précifément femblable
à celle que j'avois retranchée , & capable des
mêmes fonélions ; nulle irrégularité apparente ,
nulle différence fenfible dans l'Organifation ; i-
dentité parfaite dans la forme , dans la pofiti-
on, dans les mouvements foit extérieurs, foie
intérieurs.
260. Recherches fur les caufes qui àétermW
nent ici le développement d'un Germe pré»
fèrahlement à celui d'un autre dam un lieu
donné.
, Mais quelle efl: la caufe qui détermine une
Partie antérieure à fe développer préférablemeûl
(a) Ty%\xi ^hfeQolosie, Seconde Partie, Obf. I.
G a
^6 Considérations Sur Lks
à une Partie poflérieure ? Pourquoi une Tête
fe développe -t- elle fur le bouc antérieur , une'
Queue fur le poftérieur ? Il efl très manifef-
te que le bout qui eft l'antérieur dans un Tron-
çon quelconque , anroit pu devenir le poftéri*
eur fi la fe6lion avoit été faite dans un autre
point ; le hazard feul en a décidé. Il y a donc
à chaque bout un Germe de Tête & un Ger-
me de Queue : d'où vient que ces deux Ger-
mes ne fe développent pas à la fois fur le mê-
me bout? pourquoi le Tronçon ne pôufTe-t-iî
pas à la fois h fes deux extrémités une Tête &
une Queue ? J'efTayerai de répondre à cette
queftion par une conjeélure qui ne me paroîc
pas dépourvue de vraifemblance & que je tire
d'un Fait très certain.
J'ai dit que la circulation du Sang s'exécute
dans ces Vefs de la Queue vers la Tête, du
bout poilérieur vers l'antérieur. J'ai fait admi-
rer ailleurs, la rés^iîaricé confiante de ce mou-
vement que les feétions les plus multipliées ne
troublent jamais Qa^, H y a donc dans cette
Efpèce de Vers un fuc afcenddnt ; je nomme
ainfi ce fuc dont la dkeélion conftante ell: de
la Queue vers la Tête. Seroit-ce abufer de la
permifTion de conjecturer que de fuppofer qu'il
y a aufli un fuc defcendant , ou dont la direc-
tion eft en fens oppofé? car il faut bien que
la Partie poflérieure de Tlnfeéle reçoive la nour^
îiture qui lui eft nécefîaire : il eft donc pro-
4<î) Voyez le Tome I. page x8s»
GoRPS Organise' s. 37
babîe qu'elle la reçoit par des Artères qu'on
peut nommer defcendantes & qui tirent leur 0-
tigine de la principale Artère. J'ai fait remar-
quer dans mes obrervations fur ces Vers , que la
Tête eft à rordifiaire la Partie qui fe développe
kl première (^^}. Le développement eft tou-
jours l'effet de la nutrition : le Germe de la
Tête reçoit donc à f ordinaire le premier les fucs
appropriés au développement. Il paroit qu'il
les recevra le premier , s'il les reçoit par ce
Vaiiîeau qui poulTe continuellement le Sang
vers le bout antérieur. Le Germe de la Tête
a donc probablement avec ce Vaifleau des îiai-
fons directes & immédiates que n'a pas le Germe
deftiné à produire une Queue. Celui-ci nour-
ri probablement par des Vaiifeaux defcendants,
ne fe développe qu'au bout où ces VailTeaux ten-
dent. Ceci a quelque analogie avec ce qu'on
obferve dans les Arbres : on a vu dans le Cha-
pitre précédent, que les Branches font nourries
par un fuc afcendant , les Racines par un fuc
defcendant. Mais les Branches peuvent fe dé-
velopper fur les Racines , \^.?> Racines fur les
Branches ; il ne faut donc pas trop prefler cet-
te comparaifon.
25i. Conjectures fur cette Efpèce de Fers
à^eau douce qui , dans certaines clrconilan~
ces , pouffent une Qtieuë au lieu d'une Tête,
..Mes Vers aquatiques de la féconde Efpèce ,'
{«) Traité d'InfeSlolcgie , aiîe. Part, page 24»
c 3
jJL Considérations Sur Le 8
ou dont la couleur efl blanchâtre ( ^ ) , ne fô
réproduifent pas avec la même régularité. Si
Ton ne fait que retrancher à un de ces Vers
la Partie antérieure , il en réproduit une nou-
velle. Mais fi on le partage transverfaleraent
en deux ou plufieurs Portions , toutes répro*
duilent une Queue à la place où elles auroient
dû réproduire une Tête. L'éfpèce de con-
fiance du phénomène ne permet pas de le
mettre au rang de ces productions fortuites &
monftrueufes que l'on voit quelquefois dans le
Règne animal Les Polypes à Bras oiFrent
de femblabies produftions : on voit s'élever
fur leur Corps des Queues furnuraéraires , dont
ils fe fervent comme de leur bout, poltérieur
pour fe cramponner. Mais Mr. Trembley fait
allez fentir que c'eft-là un cas extraordinaire en
difant , qu'on ne l'ob/erve que quelquefois ; ce fonç
fes termes (^). Je ne chercherai point à de^
viner pourquoi les Portions de nos Vers blan^
châtres pouffent une Queue à la place où el»
les auroient dû poufîer une Tête ; je ne con-
nois aucun Fait qui puilîe m'éclairer là-delTus;
je ferai feulement remarquer que cette Qtieuô
furnuméraire étant aiilTi bien conformée que.
celle qui croît au bout poflérieur , il efl vrai-
femhlable qu'elle a la même origine. Elle pro-
vient d'un Germe qui s'eft développé à la pla-
cé où une Partie antérieure auroic dû naître,
îl^femble qu'on puilTe inférer de mesExpcrien-
C<) ibid. obr. xxfi, xxui.
(i) Mém. fur les Fol, à ^fA^i ia Svo, Toa, 2. pag. m.
i '
C 0 R P s O R G A N I s fi'ff. "39
ces que cette Efpèce de Ver a été conîlmite
de manière qu'il ne fe trouve des Germes de
Tête que vers la Partie antérieure de TlnfeC'-
te 5 & que par - tout ailleurs il n'y ait que des
Germes de Queue. Nous ignorons pourquoi
l'AuTEUR de la Nature 3 rellerré ici la Ré-
produflion dans de telles limites , & pourquoi
IL les a fi fort étendues dans d'autres Infeftes;
mais nous voyons au moins, qu'iL a mis nos
Vers blanchâtres en état de reparer la perte
qu'ils étoient le plus fouvent expofés à faire,
je veux dire celle de leur Partie ppllérieure.
Ils la tiennent ordinairement hors du limon
dans lequel ils font leur demeure : elle eft donc
plus expofée à être mangée par des Infeéles
vpraces que ne l'eft le relie du Corps.
A' l'égard du développement de la Queue
furnuméraire , il peut dépendre en partie de
l'abfence d'un Germe de Tête. Le Germe
de Queue placé au bout antérieur reçoit feul
les fucs nourriciers qui vont à ce bout pour
la nourriture des Parties qu'il renferme. Mais
tout ceci n'efl que conjecture, & je n'y in-
fifterai pas davantage: la Itruélure de ces Vers
m'efl trop peu connue,
262. Tentatives pour expliquer la Répro-^
du&ïon des Pattes de l'EcreviJJe.
Ce que la Réprodu6lion d'une Tête & d'u-
ne Queue eft aux Vers que j'ai multipliés de
Bouture , la Képroduélion des Jambes & des
C 4
4J> Considérations Sur Les
Cornes Tefl: à l'Ecrevifle. Nous avons vu que
la Patte nailFante fe montre d'abord fous la
forme d'un Mamelon conique qui s'allonge de
jour en jour. Une Membrane affez épaifle
qui recouvre les Chairs, & l'extrême délicateife
de celles-ci, ne perpiettent pas dans ces pre-
miers tems à l'Obfervateur , de diflinguer les Par-
ties propres h la Patte. Mais lors qu'elles fa
font un peu fortifiées, elles deviennent lènfibles,
& en perçant alors l'enveloppe , on met à dé-
couvert des articulations très reconnoiffables,
Nous fommes donc fondés à regarder la nou-?
velle Patte comme un nouveau Tout organiT
que , dont le Germe exifloit dans le Tronçon
de l'ancienne Patte, La rupture de celle - ci a
donné lieu au développement de ce Germe , eii
détournant à fon profit dés fucs qui fe feroienc
portés à d'autres Parties.
Il fe préfente ici une difficulté qui mérite
que je m'y arrête. J'ai dit ci-delfus, qu'en quel-
qu'endroit qu'on coupe la Patte , ce qui fe ré?
produit ell toujours précifément femblable à ce
qu'on a r-etranché. M^. de Reaumur a beau-
coup infiftéfur cette difficulté, ^ il convient de
l'entendre lui-même.
5, Devons -NOUS entreprendre, dit-il(^^),
3, d'expliquer commerw:" fe font ces Réproduc-
^5 tions ! Nous ne pourrions tout au plus que
3, bazarder quelques coiijcftures ; & quelle foi
j, ajoûteroit - on à des conjeiitures ^ lors qu'il
(#) Mém. 4e l'Jcnd, Roy ait d:s Sciences, Aa. 17 iz, ":
Corps Organise' s, 4v
^, s'agit de rendre raifon de Faits , dont les rai-
„ fonnemens clairs ferabloient prouver l'impof-
55
35
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5»
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>5
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55
55
fibilité ! Nous dirions bien que vers la Partie
coupce il fe porte beaucoup de fac nourri-
cier, & alTezpour former de nouvelles Chairs.
55
55
5, Mais où trouver la caufe qui divife ces Chairs
par diveries articulations, qui en forme des
Nerfs, des Mufcles,des Tendons diffcrents.
Tout ce que nous pourrions avancer & de
plus commode , & peut - être de plus raiibn-
nable ; ce feroit de fuppofer que ces petites
Jambes que nous voyons naître , étoient clia-
cune renfermées dans de petits Oeufs , &
qu'ayant coupé une Partie de la Jambe , les
mêmes fucs qui fervoient à nourrir & faire
croître cette Partie , font employés â faire dé-
^5 velopper & naître l'efpèce de petit Germe
de Jambe renfermé dans cet Oeuf. Quelque
commode après tout que foi t cette fuppofi-
tion , peu de gens fe refoudront à l'admettre.
Elle engagerait à fuppofer encore, qu'il n'eft
point d'endroit de la Jambe d'une Ecrevalfe,
où il n'y ait un Oeuf qui renferme une autre
Jambe ; ou ce qui eft plus merveilleux , une
Partie de Jambe femblable à celle qui eil de-
puis l'endroit où cet Oeuf eft placé jusqu'au
bout de la Jambe : de forte que queîque en-
droit de la Jambe que Ton ailignât , il s'y
trouveroitun de ces Oeufs, qui contiendroit
une autre Partie de Jambe, que l'Oeuf qui
eft un peu aa - deflùs , ou que celui qui eft
■ Ç 5 ■
^2 Considérations Sur Les
5, un peu au - deflbus. Les Oeufe qui feroient
5, à l'origine de chaque Pince, par exemple,
„ ne contiendroient qu'une Pince ; près du
5, bout des Pinces iJ en fàudroic placer d'autres
„ qui ne continuent que des bouts de Pinces.
„ Peut-être airaeroit-on mieux croire que cha-
5, cun de ces Oeufs contient une Jambe entiè-
5, re : mais ne feroit - on pas encore plus em-
5 5 barralTé 5 lors qu'il faudroit rendre raifon pour-
55 quoi de chacune de ces petites Jambes, il
,, n'en renaîtroit qu'une Partie femblable à celle
5, que l'on a retranchée à l'EcrevilTe ? Ce ne fe-
55 roit pas même allez de fuppofer qu'il y a un
5, Oeuf à chaque endroit de la Jambe d'une E-
5j creviiTç , il faudroit y en imaginer plufieurs ,
,, & nous ne faurions déterminer combien. Si
5, l'on coupe la nouvelle Jambe , il en renaît une
5, autre dans la même place. Enfin il faudroit
5, encore admettre que chaque nouvelle Jambe
„ eft comme l'ancienne , remplie d'une infinité
5, d'Oeufs , qui chacun peuvent fervir à renou-
;, veiler la Partie de la Jambe qui pourroit lui
5, être enlevée.
5, Peut-être pourtant, que dans chaque Jambe
,5 l'Ecrevifle il n'y a qu'une certaine provifion
,, de Jambes nouvelles , ou de Parties de Jam-
j, bes. Comme la plupart des jeunes Animaux
,5 ont une petite Dent cachée au - deflbus de
5, chacune des leurs : de là il arrive que fi on
5, leur arrache une Dent, il en revient une au-
55 tre dans la place; mais fi on arraciie cette
,5 dernière, la pince demeure vuide, la Nature
Corps Organise'?. 43
,, n'en a pas mis d'autres en referve fous cel-
„ le -ci. 11 feroit curieux de favoir fi de mê-
j, me les Ecreviffes ont en chaque endroit de
,, leurs Jambes, une provifion de Parties de Jam-
„ bes qui puiiTe s'épuifer. C'eft fur quoi je
„ ne faurois encore rien décider ".
On ne peut aflurément fe dilTimuler que la
Régénération des Pattes de l'EcreviiTc ne pré-
fente comme toutes les autres Reproductions
de même genre des côtés obfcurs ; mais ces
ombres n'éteignent pas la lumière que réilèchif-
fent divers Faits 5 & c'eft à la clarté de cette
lumière que le Philofophe doit marcher. J'ai
établi les fondemens de la préexiftence des Ger-
mes , & j'ai fait fentir l'infuiîifance des exph'-
cations purement méchaniques. Mr. de PvE-
AUMUR étoit bien éloigné de recourir à de
femblables explications , comme on le voit par
le paiiage que je viens de citer , & mieux en-
core par l'extrait de la Lettre qu'il m'écrivit
le 21. de Décembre 1742. que j'ai rapporté
ci-defTus. Toute la difficulté fe réduit donc
à expliquer fuivant l'hypothèfe des Germes , la
Régénération d'une Partie déterminée de Pat-
te, d'une moitié , d'un quart &c. Si la Ré-
produftion de la Patte entière ne peut être le
produit d'une méchanique fecrette , la Régé"
nération d'une Partie de cette Patte ne fauroit
l'être non plus. Il faut donc que ce qui fe ré-
génère préexiftât originairement en petit ,'car
nous ne concevons pas mieux la production
méchanique d'une Partie de Patte , que celle d'u-
44- Considérations Sur Les
ne Patte entière, & l'une & l'autre font égaîe-î.
jnent oppofées aux Faits qui prouvent la prér
exiftence des Germes. Je ne vois d'ailleurs au-
cun inconvénient à admettre qu'il y a dans cha-
que Patte de l'EcreviiTe-upe iliite de Germes
qui renferment en petit des Parties femblable^
à celles que la Nature a intention de remplacer*
Je conçois donc que le Germe placé à forigine
^e l'ancienne Patte , contient une Patte entiè-
re 5OU cinq articulations ; que celui qui le fuit
immédiatement contient une Patte qui n'a que
quatre articulations , & ainfi des autres. Si Mr.
DE Reaumur nous eut dit tout ce qui fe paf-^
fe dans la Régénération d'une fimple Pince , nous
ferions plus en état d'analyfer ceci. Je me pro-
pofe de tenter quelques expériences pour m'en
mflruire , & j'invite les Phyficiens à remanier
ce fujet intéreffant & qui a tant d'analogie avec
fimportante matière de la Génération. La nou-
velle Patte femblable en tout à l'ancienne , con-
tient aulfi des Germes deftinés aux mêmes fins,
& femboitement de ces Germes les uns dans
ies autres, n'effraye que l'Imagination comme je
fai dit ailleurs. Le Philofophe ne mettra pas
ici les Sens à la place de l'Entendement pur ;
raifonner n'ell pas imaginer.
Corps- Organise' s» 45
CHAPITRE II.
Continuation de l'Hifio'tre des Boutures
^ des Greffes animales.
Effai d'explkathn des Polypes.
1263. Inîrodudtion à la Théorie des Réproàuc^
lions du Polype.
Vues de l^ Auteur.
ÎL efl tems enfin que je revienne aux Poly-
pes : on ne me reprochera pas d'avoir différé
jufqu'ici à elTayer d'expliquer \^^ Faits qu'ils nous
offrent , & dont j'ai crayoné le tableau dans le
Ch. XL du Tome ï. Je voulois me faciliter à moi-
même cette entreprife en puifant dans l'examen
de Faits analogues, des principes de folution,
dont jepuffe faire une application heureufe aux
î'olypes. Tel a été le but de mon travail dans
les deux Chapitres qui ont précédé immédiate-
ment celui-ci: j'ai comparé entre eux les Faits
que me fourniJToient les Végétaux ; j'ai étendu
les comparaifons aux Faits que j'ai obfervés
dans différentes efpèces de Vers qui peuvent
être multipliés de Bouture , & de cet examen
réfléchi j'ai vu naître une conféquence générale
en faveur de VEvoluîion. Cette conféquence
ne paroîtra pas précipitée à ceux de mes Lec-
teurs qui fe donneront la peine de fuivre ma
marche , & de méditer mes idées. Ils juge-
4<5 Considérations Sur Les
ront , comme moi , que les Faits concourent h
établir le grand principe de la Préexillence des
Germes. Ils ne croiront pas devoir l'abandon-
ner à la vue des prodiges que THiftoire des Po-
lypes nous préfente ; mais ils préféreront de
chercher avec moi comment ces Faits étranges
fe concilient avec la loi de l'Evolution. Je ne
forcerai point ces Faits a venir fe ranger fous
cette loi ; je me bornerai h les comparer aux
Faits analogues qui lui font évidemment fou-
rnis , & là où je n'entreverrai point de folution
fatisfaifante , j'en avertirai ; je tâcherai à ne ja-
mais confondre le douteux avec le probable ,
& l'aveu de mon ignorance ne me coûtera point
d'effort. Nous ne fommes encore qu'à la naif-
fance des chofes ; pourquoi un Philofophe rou-
girait-il de ne pas expliquer toutP il y a mille
cas où un je nenfçais rien vaut mieux qu'une
tentative préfompcueufe.
264. Comment s* opère la Reproduction du
Polype partagé transverfàlement» Energie
de la Force réproduélrice.
Il n'y a pas de difficulté à l'égard de la Ré^»
production du Polype coupé transverfalement^
on voit nfTez que ce Fait revient à celui des
Vers que j'ai coupés de cette manière , & avoir
expliqué l'un c'eft avoir expliqué l'autre. Seu-
lement tout paroît s'opérer plus proraptement &
plus facilement dans le Polype. La force ré-
produMce y eft douée d'une plus grande éner-
gie , & elle ,y exerce fon activité jusques dans
Corps O r g a n i s e' s. 47
les moindres Parties. En qaelqu'endroit qu'on
coupe le Polype , & quelque petite que foit la
Partie qu'on retranche , la Rcproduâion a lieu
ordinairement & dans cette Partie & dans le
Tronc. Un Polype haché fe réproduit pareille-
ment , & donne autant de Polypes que la divi-
fion a fait de portioncules. Enfin, Mr. Roe-
ZEL 5 bon Oblervateur , affure qu'il a vu les
Bras du Polype divifés , devenir des Polypes
complets. Mr. Trembley avoit cherché à voir
ce Fait , il n'y avoit pas reûlTi ; mais il a averti
qu'il ne le jugeoit pas irapofîible Qa^,
Le Polype eft donc un Tout organique dcmt
chaque Partie, Chaque molécule, chaque ato-
me tend continuellement à produire. Il eft,
pour ainfi dire , tout Ovaire , tout Germes. En
mettant un Polype en pièces , on détourne au
profit des Germes cachés dans chaque portion-
cule 5 le fuc nourricier , qui auroit été employé
â raccroiffement du Tout ou à d'autres ufages.
Ceci n'a pas befoin d'explication après ce
qu'on a lu dans les Chapitres précédents fur les
Réprodudions des Végétaux , & fur celles des
Vers que j'ai multipliés en les coupant transver-
falement , je paffe donc à d'autres Faits.
26$, Comment on peut concevoir que s*Qpère
la RèproàuElion du Polype partagé par k
milieu fuivant fa longueur.
C'est une chofe indifférente à la Réproduc*-
(«) Mitn, fur Im Pilypts à Bras in go, T. 3. p. 171,
48 CoNâlDÈRATlONS SUR LeS
tion du Polype, qu'il foit coupé fuivant fa lon-
gueur ou fuivant fa largeur: dans un Polypd
partagé par le milieu fuivant fa longueur , cha-
que moitié repréfente d'abord un demi tuyau ;
les bords oppofés de ce demi- tuyau fe rapro-
chent bientôt, & en moins d'une heure il devient
un tuyau parfaite La réunion des bords efl fi
exaéle qu'elle ne laifle fuir le Corps aucune
fnarque de cicatrice. Tout cela va fi vite , qu'il
n'a pas été poffible à Mr. Trembley de fuivre
les progrès de cette régénération : au bout de trois
heures il a vu le Polype régénéré prendre de la
noiUTiture ; la Tête s*étoit refaite ; mais elle
n'avoit que la moitié des Bras qui avoient ap-
partenus à l'ancien Polype. De nouveaux Bras
ne tardèrent pas à pouffer à l'oppofite des an-
ciens , & rien ne manqua plus à la perfeélion
del'Infeae(^).
QuoiQiTE des yeux perçants & éclairés n'ayenc
pu découvrir tout ce qui le paffe dans la réu-
nion des bords d'une moitié de Polype partagé
fuivant fa longueur , on peut fans préfomption ,
chercher à fé faire une idée de la manière dont
cette réunion s'opère. Au fond, elle n'a dé
furprenant que fon extrême promptitude , &
elle revient d'ailleurs pour felfentiel, à celle de
deux Ecorces ou de deux Peaux qui végètent
encore. Un certain degré de contraction , ou
certains mouvements de l'Infeéte, peuvent fufti-
xe pour raprocher l'un de l'autre les bords op-
pofé-3 ,
(ff) nfd. p. IC8. &G,
Corps O r g a n i s e's. 4^
pofés, & même pour en procurer le contaél.
Dès que les bords de la playe fe touchent , les
VailFeaux correfpondants s'abouchent ; de nou-
veaux VailFeaux fe développent , comme dans
les Greffes, & multiplient les points de liaifon
ou d'abouchement; le cours des Liqueurs eft
rétabli & avec lui l'œconomie vitale. Dans un
Infe6te,qui n'eft presque qu'une gelée épaifiie,
les Fibres ont tant de fouplelTe, tant de duc-
tilité 5 qu'il n'eft pas étonnant que des playes
énormes s'y confolident lans cicatrice apparente.
Il ne l'efl pas davantage que la confolidation y
foit très prompte : les tems du développement
répondent à la délicatefle des Organes ; plus ils
font délicats ou extenfibles , & plus le déve-
loppement efl prompt (^/). L'Elément que
le Polype habite , contribue encore à la rapidité
de l'accroîffement en confervant aux Fibres leur
extrême fouplelTe.
2(5(5. Explication «r/i^j- Hydres , & de la maniè-
re dont fe forme un nouvel Eflomach dans
de très petits fragmens du Polype,
Ce que je viens de dire s'applique facilement
aux Hydres dont j'ai parlé Article 190. Si une
Portion de Polype coupé en partie fuivant fa
longueur , conferve alTez de largeur , pour que
les bords oppofés puiffent fe raprocher jusqu'à
fe toucher , cette Portion prendra bientôt la
forme d'un tuyau, & ce tuyau deviendra ua
Ca) Voyez l'Anicle 167.
? ToM. IL D
^ô GoNSiDERATioKs Sur Les
Polype. Mais il n'en va pas de même de Por-
tions fort étroites ou de très petits fragments:
j'ai dit d'après Mr. Trembley , que ces Por-
tions ou fragments fe renflent , & que l'intérieur
du renflement efl: le nouvel EfliomaG^i Qa^,
f CI l'on ne peut pas tout voir ; il fluit fou-
vent fe contenter d'entrevoir. J'ai afTez prouvé
que la Nature ne crée rien; elle ne crée donc
.pas ce nouvel Eliomach : mais l'on comprend
que la Peau du Polype peut n'être pas fimple ,
qu'elle peut être compofée de deux Membra*
nés principales dont la duplicature fournit au.
nouvel Efl:omach, Je ne fçais pas précifément
pourquoi ces, deux Membranes fe fcparent dans
de très petites Portions , & pourquoi elles ne
fè féparenc pas dans des Portions plus larges :
j'entrevois feulement que dans celles-ci, les
bords oppofés fe raprochant promptement , ces
Membranes peuvent n'avoir ni le tems ni les
moyens de fe fcparer. Dans le premier cas ,
les Chairs ont des points d'appui qui leur per-
mettent les mouvements nécelîaires à la réunion
des bords; dans le fécond, elles en font dé-
pourvues , & la caufe qui opère la féparation
peut agir. J'ignore quelle efl: cette caufe & je
ne cherche point à la pénétrer ; il me fuffit que
ce petit Fait ne choque point mes principes.
267. Grande fingularité qù* offrent les frag-
mens du Polype devenus eux-mêmes de vé-
ritables Polypes.
(«) Menu fur les Po/jf« 4 £ras in 8«. Tom. i, page 20(S. &c«
Corps Organise' s. 51
Confèquence relative à la ftructure de rin-
fe&e S à fin retournement.
Ces fragments de Polype, devenus eux-mê-
mes des Polypes , nous offrent une grande lin-
gularité ; ce qui formoit J'intérieur de Tancien
Éftomach , compofe à prêtent une partie de l'ex-
térieur de l'Infecle : car un des côtés de cha-
que fragment appartenoit à l'intérieur de l'an-
cien Polype. Le dedans du Polype ed donc
fi femblable au dehors , qu'ils peuvent être fub-
ftitués l'un à l'autre , fans que les fonctions vi-
tales en fouffrent. II régne donc beaucoup
de fimplicité & d'uniformité dans les Organes.
L'obfervation , comme l'expérience , conduit
à ce réfultat: je l'ai déjà remarqué; à l'aide des
meilleurs Microfcopes on ne voit dans le Po-
lype qu'un amas de petits grains répandus par-
tout. Sans doute qu'il yen a encore dans tou-
te l'épaifleur de la Peau, & dans cette duplica-
ture qu'on peut yfoupçonner. Quand on con-
noit cette flrudure, & qu'on fçait ce qui arri-
ve aux fragments du Polype , l'on n'ell plus
furpris du fuccès de ce retournement que j'ai
décrit dans l'Article 205. ; mais on ne celle point
d'admirer le Génie qui a concCi & exécuté le
premier une opération fi neuve & fi délicate.
Le Polype n'étoit pas appelle par la Nature à
être retourné & déreîoirnê^ mais il éroit Fait
de manière qu'il pouvoit l'être. Son Organifa-
tionétoiten rapport avec différents cas poiîibles,
dont plulieurs fuppofoient la main de l'Homme.
D 2
§a Considérations Sur Les
268. Comment des Portions du Polype par ^
viennent à fe greffer les unes aux autres.
Nous avons vu combien les Vaifleaux du
Polype ont de difpofition à s'aboucher & à s\i-
nir : ils ne la doivent peut - être qu'à leur con-
fiftence prefque gélatineufe. Des Parties foli-
des de l'Embrion , des Doigts , par exemple ,
s'uniflent dans la Matrice : des Fruits , des
Feuilles encore tendres , s'unifient pareillement.
Il eil donc très naturel que. les Portions du mê-
me Polype 5 & que des Portions de Polypes
différents , raprochées & mifes bout à bout ,
fe greffent les unes aux autres par aproche. Un
Polype ne diffère apparemment pas plus d'un
autre Polype , que le Prunier ne diffère de l'A-
mandier. J'ai prouvé que l'union de la Gref-
fe avec le Sujet ^ s'opère par le développement
de petits Vaiffeaux , d'abord gélatineux , puis
herbacés , enfuite corticaux , qui paffent réci-
proquement de l'un à fautre. Il y a lieu de
préfumer qu'il fe fait quelque chofe d'analogue
dans les Portions d'un ou de plufieurs Polypes ,
qu'on force à fe toucher. Elles ne s'unifient
d'abord que par un fil délié , mais f union de-
vient plus intime & plus parfaite à mefure qu'il
fe développe de nouveaux Vaiffeaux , & que
les points de communication fe multiplient. Le
Fait n'eft pas plus merveilleux dans fAnimal
que dans le Végétal ; car le Polype effc presque
une Plante par la fimplicité de fa flru6i:ure. El-
le eft d'ailleurs telle , que des Portions de Po-
lype prifes à volonté, contiennent, comme un
Corps Organise' s. 53
Rameau , ou une Feuille , tous les Organes
eflenciels à la Vie végétative. Elles peuvent
donc végéter à part êc faire de nouvelles pro-
dudions. Ifoléag , elles pouiïeroient une Tê-
te 5 des Bras , une Queue ; mifes bout à bout ,
elles ne font que s'unir. La mollefle de Tln-
fecte rend môme cette Greffe moins fingulière
que celle du Végétal : mais on étoit familiari-
fé avec les Greffes végétales , & on ne l'étoit
pas encore avec les Greffes animales.
269. Comment on peut concevoir que s'opère
r Union ou la Greffe de deux Tolypes mis
l'un dans l'autre.
En avallant une proye, le Polype avalle fou-
vent fes propres Bras ; quelquefois deux Po-
lypes fe difputent la môme proye & l'un aval-
le les Bras de Tautre : on s'attend qu'ils vont
être digérés avec la proye ; point du tout , il3
reflbrtent de l'Eftomach fans altération appa-
rente. Ce qui opère la digeftion dans le Po-
lype , n'a donc pas de prife fur les Parties pro-
pres à rinfeéle. Mr. Trembley a vu un Po-
lype demeurer quatre jours dans l'Eftomach d'un
autre Polype & en rellbrtir plein de vie Qa^,
L'Obfervateur , toujours fécond en vues fines,
Tavoit introduit dans le Corps de l'autre pour
tenter par ce moyen ingénieux une nouvelle
forte de Greffe. 11 femble donc qu'un Polype
(«) Ihid. page 274.
D 3
54 Considérations Sur les
ne puifîc en dillbiidre un autre ; mais une por-
tion de Polype peut s'unir extérieurement à u-
ne autre , & l'intérieur de quelque portion que
ce foit ne diffère point de Ion extérieur : en-
fin , il n'eil aucun point de l'extérieur ou de
l'intérieur d'un Polype qui ne puifTe faire des
productions. Si donc ou parvenoit à retenir un
Polype dans un autre Polype , il efl probable
qu'il s'y grefforoit , & qu'il doubleroit , en quel-
que forte , le Polype extérieur. Mr. T r e m-
BLEY a fçû l'exécuter , comme j'e l'ai raconté
Article 202.: les deux Polypes fe font exaéle-
ment confondus , & les deux Têtes n'en ont
formé lurement qu'une feule ; mais la fage dé-
fiance de l'Auteur ne lui a pas permis de pro-
noncer fur la réalité de funion des deux Corps :
je nefatiroh dire^ remarque-t-il (jî)^ ce qu'eft
devenu le Corps du Polype intérieur , s'il a été
diJ]ous dans VEjîomach du Polype extérieur ou
s'il sejl incorporé avec ce dernier Polype : mais
je puis ajjiirer que j'ai vu ce Corps de Polype
intérieur dans le Polype extérieur plu/leurs jours
après qu*il y a été introduit. Par rapport à la
Téîe du Polype intérieur , je fuis ajjuré quelle
s'e[i réunie avec celle du Polype extérieur. Je
ne raifonne ici que fur les Faits que nôtre ex-
cellent Obfervateur me fournit , & je ne dois
pas tirer de ces Faits des conféquences que Kii
même n'a pas ofé tirer. Ainfi, je me bornerai
\ faire obferver , qu'en admettant la réalité de
(«) Viii. page 283,
Corps Organis e's. J5
îunion dont il s'agit , elle s'expliqueroit heureu-
fement par les principes que nous offrent di-
vers Faits analogues. Cette efpèce de Greffe
en fliite ne diffère pas extremeraent de celle
qu'on exécute fur le Végétal ; & s'il étoit une
fois prouvé que le Polype qu'on retient dans
l'intérieur d'un autre , ne s'y diffout pas , on
comprendroit que les deux Polypes devroient
s'unir plus facilement que deux Ecorces ; car
les deux côtés d'une Ecorc^ , ne fe reflémblent
pas autant que les deux côtés d'un Polype , &
une Ecorce n'a ni la molelfe ni la dudilité de
la Peau de cet Infecte. Je prie qu'on fe rap-
pelle ici ce que j'ai dit dans le Chapitre XII.,
du Volume précédent, fur la nécefCté à^ïAna»
logie entre la Greffe & le SuJeL
270. Jpréciûtion des merveilles du Polype,
Oiie la régénération des playes des grands A--
nimaux nous offre des Faits aujjï merveiU
leiix.
Belle Expérience de Mr. Duhamel fur et
fujet.
Lors qu'on entend dire qu'un Phyficien a
greffe la Tête d'un Arûmal fur le Tronc d'un
autre , qu'il a introduit un Animal dans l'inté-
rieur d'un autre Animal , & que les deux Ani-
maux n'en ont fîiit qu'un , qui a vécu & mul-
tiplié , le merveilleux s'empare de l'efprit au
point qu'il n'y refte pas de place pour des ex-
plications fimples & caiurelles. Cependant dès
D 4
55 GoNStDERATIONS SUR Les
qu'un Philofophe examine de fens froid les Faits,
qu'il les compare entre eux , qu'il les compare
aux Faits relatifs , & furtout , dès qu'il réflé-
chit fur la nature du Polype , le merveilleux dif-
paroit, & il ne refte plus que l'impreffion pafla-
gère de la nouveauté. Je ne dis point ceci
pour afFoiblir la jufte admiration que les Poly-
pes doivent nous infpirer , non pour eux - mê-
mes , mais pour l'étonnante fagacité de celui qui
nous les a fait connoitre. Les grands Animaux
nous offrent des particularités , qu'un Anato-
mifte inflruit jugeroit plus remarquables encore
que celles que renferment les Polypes. Je di-
fois il y a 13. ans, dans ce Parallèle des Plan-
tes & des Animaux , que je publierai peut - ê-
tre un jour , que fi l'on poujjoit les recherches
fur les places , on y découvriroit plus de mer-
veilles que dans le Polype, Je fondois ma ré-
flexion fur la compofition & fur la variété des
Parties qui peuvent fe régénérer & s'unir. J'i-
gnorois alors une belle Expérience de Mr. Du-
HAMPL Ç<^) , qui met cette réflexion dans un
grand jour , & la juftifie. Après avoir rompu
f Os de la Jambe d'tm Poulet , & avoir donné
au Cal le tems de fe former , il a coupé les
Chairs vis-à-vis dans un tiers de la circonfé-
rence de la Jambe, en pénétrant jufqu'à l'Os,
qu'il a même ratifl*é. La confolidation s'étant
faite , il a coupé de même, les Chairs du fécond
tiers 5 en anticipant un peu fur l'ancienne playe.
■(«} Mim, de l'Aead, Afi. I74^«
Corps Organise' s. 57
11 eu a fait autant dans l'autre tiers. Par là ,
toutes les Parties folides ont foufîert une folu-
tion de continuité , & pourtant la Nature a ré-
paré ce grand défordre : toutes ces Parties fe
font régénérées , réunies , greffées ; de nou-
velles Fibres , de nouveaux VaiiTeaux fe font
développés au-delfus & au-deilbus de fincifi-
on; ils fe font abouchés ; la circulation a été
rétablie , & Xinjedîion a palle librement d'un
bout à l'autre de la Jambe. Qu'on médite un
peu cette Expérience , qu'on réflêchiile fur le
nombre de Veines , d'Artères , de Vailleaux
lymphatiques , de Fibres charnues , tendineu*
fes , mufcLilaires , qui ont dû fe réproduire ,
croître , fe réunir , & l'on conviendra , je m'af-
fure 5 que la régénération de tant de Parties
àijfimïlaires eft plus remarquable encore que
celle du Polype dont toutes les Parties font
"ç^xqÇc^xxq fimilaires. J'ai indiqué en plufieurs en-
droits de ce Livre, ce qu'on peut penfer de plus
raifonnable fur la manière dont ces forces de
réproduélions s'opèrent : confultez en particulier
l'Article 236.
271. Explication âe la Greffe de l'Ergot
du Coq fur fa Crète,
Il ne faut pas aller dans le cabinet d'un Ob-
fervateur de Polypes pour voir un exemple
frappant de Greffes animales ; il en eft une que
les Gens de la campagne exécutent dans les
, baJGTes- cours, & qui a dequoi épuifer la fagacité
D 5
$5 Considérations Sur Les
du plus habile Phyficien. Mon Leèleur com-
prend que j'ai en vue cette Greffe de l'Ergot
du Coq fur fa Crête , dont j'ai parlé dans le
Ch. XI. du Tome l. ; j'ai réfervé pour celui-ci ce
qu'elle offre de plus fingulier & de plus emba-
raflant. Cet Ergot qui n'eft pas plus gros qu'un
grain de Chenevis quand on l'infère dans la du-
plicature de la Crête coupée , y prend racine ,
& croît en fix mois de demi pouce. Au bout
de quatre ans , il devient une Corne de trois à
quatre pouces de longueur. L'expreflion effc
exafle ,* c'eft une véritable Corne , femblable
à celle du Bœuf5& qui a comme elle, un noy-
au ofîeux. Elle parvient à s'articuler avec la
Tête par un ligament capfulaire & par diverfes
bandes ligamenteufes. Mais , ce ligament &
ces bandes n'exifbent point dans l'Ergot ni dans
la Crête : la plus fine Anatomie ne peut les y
retrouver. En conclurons -nous que la Natu-
re crée ces nouveaux Organes ? je ne le pei>
fe pas ; elle ne crée ni le B ourlet des Greffes ,
ni le Cal , ni la Patte de l'Ecrevifîe , ni la Tê-
te du Polype, &c. Nous adm.ettrons plus vo-
lontiers que ces Organes préexiftoient invifibles
dans l'Ergot & dans la Crête , mais avec des
déterminations différentes de celles qu'ils ont
reçues de la Greffe. La Tête eit pour l'Er-
got , un terrein bien différent de celui où il é-
toit appelle h croître. L'on n'ignore pas com-
bien la qualité des fucs, leur abondance ou leur
difette modifient les productions. On fait en-
core qu'une légère altération qui furvient à des
Corps O r g a n i s e' s. 519
Fibres tendres , porte fur toute la durée de Tac-
croillement , & fuffit pour changer les formes ,
les proportions , la confiflence. La fubilance
cornée de l'Ergot , fe mêlant à la fubdance
charnue de la Crête , peut donner naiiiance .à
de nouvelles variétés. Le tilTu d'un Ergot imi-
te aflés celui d'une Corne , & fi la Crête ell
charnue , combien de Parties molles qui s'olli-
fient par accident ? Combien de monitruofités
qui fcéleroient leur origine , fi un exam.en at-
tentif ne la dévoiloit ? C'ell: ici une monliruo-
fité par art. Rappellerai -je les Exoflûfes'^ Par-
lerai-je de Cornes qui ont poulfé fur différents
endroits du Corps humain ? Je dois éviter ces
détails 5 qui m'éloigneroient de mon objet prin-
cipal. Si des Parties aufli peu analogues qu'un
Ergot & une Crête , fe greffent , y a - 1 - il lieu
de s'étonner que cela arrive à des Portions, du
Polype ? L'AuïEUR de la Nature n'a pas
plus Mt l'Ergot pour être greffé , que le Poly-
pe pour être retourné ; mais il leur a donné
une Structure qui répond a divers cas polTibles.
Il a pourvu aux circonfcances les plus rares,
comme aux plus communes ; & les conditions
relatives aux premières, embraiibient des cir-
conftances plus rares encore.
272. Tentatives pour rendre raifon des di-
vers phénomènes que préfentent les Poly-
pes déretournés en partie.
Un Polype déretourné (jf) en partie fe gref-
(a) Voyez l'Arcicle 205 >
6o Considérations Sur Les
fe fur lui-même en partie; au moins les deux
Peaux s'appliquent -elles immédiatement l'une
h l'autre & paroiflent-elles s'unir. Ce Fait ren-
tre donc dans la théorie des Greffes , & il n'eft
pas plus fmgulier que deux Peaux s'uniffent,
qu'il ne l'efl: que deux Têtes fe greffent. Mais
pourquoi le bout antérieur fe ferme-t-il? pour-
quoi une ou plufieurs Bouches fe forment -elles
fur le milieu du Corps , près des anciennes Lè-
vres? pourquoi ces formes bizarres que les Po-
lypes déretournés en partie revêtent fuccelfive-
ment? pourquoi car il n'y a point ici
de fin aux pourquoi. Je pourrois répondre à
toutes ces queftions & à beaucoup d'autres,
que je n'en Jais rien. Combien de connoifîan-
ces qui nous manquent encore fur le Polype!
combien de circonftances particulières , com-
bien de petits Faits inftruftifs qui ont échapé à
la pénétration de Mr. Tremble y, & qui
échaperont par conféquent à bien d'autres ! Ce
que je vois clairement & que Texpérience m'ap-
prend 5 c'eft qu'il n'eft aucun point dans le Po-
lype, qui ne puilTe faire des productions ; qu'il
n'eft aucun point où il ne puiffe fe former une
Tête , une Bouche , des Bras. Une multitude
d'autres Faits m'apprend qu'il n'eft point de
Génération proprement dite ; mais que tout ce
qui paroît engendré , étoit auparavant préfor-
mé. Les nouvelles Têtes , les nouvelles Bou-
ches qui paroiifent fur le Polype déretourné en
partie , prée^illoient donc à cette apparition. 11
lelle à aiïigner les caufes de leur développe-
Corps Organise' s. 6t
ment ; je ne chercherai point à les deviner : je
me contenterai de rappeller deux Faits ; l'un ,
que la moindre déchirure fuffit pour faire déve-
lopper une loouvelle Tôte (^) ; l'autre, que
dans le Polype déretourné en partie , l'extrèmi-
té antérieure forme une efpèce de Bourlet Q') ;
les anciennes Lèvres font donc diftenduës; il
peut s'y faire des déchirures invifibles à l'Obfer-
vateur, & nous avons vu combien les Bourlet s
favorifent l'éruption des Germes. Qu'une Bou-
che foit formée en partie par les anciennes Lè-
vres , & en partie par de nouvelles Lèvres qui
fe développent; que cette Bouch,e foit garnie
d'une partie des anciens Bras , & qu'il s'en dé-
veloppe de nouveaux i\ l'oppofite ; c'eft un Fait
qui fuppofe qu'un développement qui fe feroit
fait en entier dans un Polype coupé transverfa-
lement , ne fe fait qu'à moitié dans le Polype
déretourné en partie. La nouvelle Bouche , ou
les nouvelles Bouches prennent de la nourritu-
re; cette nourriture fe répand de tous cotés;
le bout antérieur fe prolonge donc , & voik\
une Queue furnuméraire. Je ne fçais pas pour-
quoi le bout antérieur fe ferme; je ne fçais pas
non plus , pourquoi l'Infeéle fe coude ; j'entre-
vois feulement que les mouvements de la nou-
velle Partie antérieure peuvent contribuer à cet-
te inflexion. Mais il m'importe fort peu de fa-
voir la raifon de toutes les bizarreries du Poly-
pe; probablement elles ne font qu'appai*entes,
(fl) Mém.fur les Polyp, à Bras, T. 2. Pag, 224 & 235. in 8» •
(fc^ lbi4, page 236.
62 Considérations Sur jes
& un Etre qui connoîtroit la nature intime de
rinfedle, les rameneroit, peut-être, à des loix
confiantes.
273. Explication du Polype coupé , retour-
né , recoupé , Çs'c
Réflexions fur nos Idées d'Animalité.
Je ne reprends ici que les Faits efTentiels , &
relatifs au plan que je me fuis propofé dans cec
Ouvrage : je fuppofe toujours que mon Ledenr
n'a pas oublié l'Abrégé que j'ai donné de l'His-
toire des Polypes dans le Ch. Xi. du Tome I.
Un Polype coupé , retourné , recoupé , retourné
encore , ne préfente qu'une répétition de la mô-
me merveille , fi h préfent c'en eft une . au fens
du vulgaire. Ce n'efc jamais qu'une efpèce de
Boyau qu'on retourne & qu'on recoupe : il eft
vrai que ce Boyau a une Tête , une Bouche ,
des Bras ; qu'il eft un véritable Animal ; mais
l'intérieur de cet Animal eft comme fon exté-
rieur, fes Vifcéres font logés dans fépaiffeurde
fa Peau , & il répare facilement ce qu'il a per-
du. Il eft donc après l'opération ce qu'il étoit
auparavant. Tout cela fuit naturellement de
fon Organifation/fadreire de fObfervateur fait
le refte. Le plus fingulier pour nous5éft donc
qu'il exifte un Animal fait de cette manière :
nous n'avions pas foupçonné le moins du mon-
de fon exiftence, & quand il a paru, il n'a trou-
vé dans nôtre Cerveau aucune idée analogue
du Régne animal. Nous ne jugeons des chofes
<jue par comparaifon : nous avions pris nos idées
Corps O r g a n i s e" s. 63
d'ÂnîmaUté chez les grands Animaux , & un
Animal qu'on coupe , qu'on retourne , qu'on
recoupe & qui le porte bien , les choquoient
directement. Combien de Faits , encore igno-
rés , & qui viendront un jour déranger nos
idées fur des fujets que nous croyons connoître!
Nous en fçavons au moins afTez pour que nous
ne devions être furpris de rien, La furprife fied
peu à un Philofophe ; ce qui lui fied eft d'ob-
ferver, de fe fouvenir de fon ignorance, & de
s'attendre à tout.
274. Explication de la multiplication du
Polype par Rejettons.
Argument en faveur de l'Emboitemenc.
Dans les Animaux dont la llrudlure nous ell:
h plus familière, la Nature a afligné un lieu
particulier pour le développement des Embrions
& pour leur fortie. Mais , dans un Animal dont
tout le Corps, comme celui d'un Arbre , eft
femé de Germes prolifiques , il efl: naturel qua
les Petits naiflent comme les Branches. Le Po ^
lype multiplie donc par Rejetions : il met Tes
Petits au jour , comme un Arbre y met Tes Bran-
ches Çay La Mère & les Petits ne fornfent
qu'un même Tout ; elle les nourrit & ils la nour-
riflent : un Arbre nourrit fes Branches & il en
eft nourri ; les Feuilles mêmes fe nourriffent ré-
ciproquement.
Le Polype chargé de fa nombreufepoftérité^
(«) Voyea TArticlc 185,
64 Considérations Sur Les
compofe avec elle une efpèce d'Arbre généa-
logique , qui paroît favorable au Syllême de
f Emboîtement, 11 nous montre plufieurs Géné-
rations liées encore les unes aux autres , & qui
toutes le font ^ la première. L^airemblage de
tous ces Etres organifés , qui tiennent à un tronc
commun., femble nous dire , qu'ils étoienc tous
renfermés originairement dans ce Tronc. L'ex-
emple n'eft que nouveau dans le Règne animal ;
le Végétal en montroit un pareil aux yeux les
moins attentifs. Il effc peu philofophique d'op-
pofer à cette réflexion des calculs fans fin , &
de remplir des pages de zéros pour prouver que
l'Emboitement efl: abfurde. Nous ne favons
point dans quelle proportion précifément les di-
vers Ordres de Générations fe dégradent. Nous
ne fommes pas plus inftruits du rapport des
tems de leurs accroîffements. Nous calculons
fur des fuppofitionsplus ou moins incertaines: &
îe répéterai -je encore? tous ces calculs effray-
ants ne terraffent que l'Imagination , & la Rai-
fon trouve toujours un refuge alfuré dans la di-
vifion indéfinie de la matière. Nous ne fom-
mes pas faits pour connoitre les derniers termes
de cette divifion : nôtre vue obtufe ne décou-
vre que les Cordelières du Monde des infîni-
ments petits , & quand nous recourons à nos
meilleures Lunettes , nous n'apercevons que les
Montagnes fubal ternes , que quelques - uns s'a-
vifent de prendre pour des Coteaux j que dis-
3e ! pour des Taupinières.
275.
Corps Organise' s, 6$
S75. Comment de fiffiples Portions du Polype
fojjtpar elles-mêmes de nouvelles produ&mis.
Effet des dérivations.
Si de fnnples Boutures de Polype , je veux
dire , des Portions qui n'ont encore ni Tête ni
Bras 5 poulFent des Rejettons ; c'eft qu'elles
ont, comme les Boutures des Plantes, tout ce
qui leur efl néceflaire pour végéter à part , &
pour faire de nouvelles produdions. Je l'ai ex-
pliqué dans le Chapitre IV , Art. 47. du To'
me 1. & dans le Chapitre XII. Article £40.
Si un Polype qui demeure retourné ou qui fe
déretourne en partie , poulTe de même des Pe-
tits ; c'eft que l'opération fmgulière qu'on lui a
fait fubir, ne dérange point l'œconomie vitale,
& qu'il eft toujours en pleine végétation.
Enfin, fi la fortie des Rejettons a paru quel-
quefois retarder celle des Bras de la Bouture (a) ,
c'eft que les Rejettons attirent à eux une par-
tie des fucs &c. Tout cela efî: à préfent fi fim-
ple & fi clair , qu'il ne vaut plus la peine que
je m'y arrête.
276. Nouvelles conftdérations fur la quejîîon^
fi la multiplication naturelle par Rejettons ,
S celle de Bouture , s^ opèrent par des Ger*
mes identiques.
Les Germes qui donnent naiflance aux Rc^
(a) Mém. fur les Fol^p, T. 2. p. 167. la ««*»
ToM. U, E
66 Considérations Sur Les
jetions^ font -ils les mêmes qui opèrent la ré-
produâion de Bouture? J'ai difcuté cette quef-
tion dans le Chapitre précédent , j'y renvoyé ;
je renvoyé en particulier à l'Article 256. où
j'ai montré que la [décifion de [ce point obf-
cur, eft indifférente au principe de V Evolution.
Le Polype me fournit là-deflus de nouvelles
remarques que j'indiquerai.
LoRS que l'on compare ce qui fe pafTe dans
la multiplication de Bouture , avec ce qui fe
pafledans la multiplication par Rejettons , on
feroit tenté de foupçonner que ces deux maniè-
res de multiplier , ne dépendent pas de Ger-
mes identiques» Pour en £iire juger , je n'ai
qu'à rapporter les propres termes de Mr. Trem-
bley: voici comment il décrit la réprodu6tion
de Bouture (_a^.
. „ La féconde Partie , après s'être un peu
^, étendue , eft pour l'ordinaire ouverte à fon
,5 bout antérieur > les bords de l'ouverture
y, font un peu renverfés en dehors. Ils fe re-
5, plient enfuite en dedans ; & le replis qu'ils
„ forment , fert à boucher l'ouverture dont je
;, viens de parler. Le bout antérieur paroit a-
,-, lors fimplement renflé; & il l'eft ordinaire-
„ ment plus ou moins , jufqu'à ce que la ré-
„ produ6lion qui doit s'y faire , foit achevée . . •
„ Les Bras qui pouffent à l'extrémité antérieu-
re de la féconde Partie , croilTent précifémeat
^9
(a) un, page 164, 165,
99
99
35
5?
55
55
Corps O r g a n i s e's. 67
comme ceux des jeunes Polypes. On voit
d'abord les pointes de trois ou quatre qui
fortent des bords de cette extrémité ^ & pen-
dant que ces premiers croifTent , il en pa-
„ roit d'autres dans les intervalles qu'ils laifîent
35 entr'eux ".
Voici maintenant comment TAuteur s'expri-
me fur la multiplication par Rejeîtons (a),
„ Lors qu'un jeune Polype commence à
pouffer 5 on ne voit d'abord qu'une petite
excrefcence , qui ordinairement fe termine
^^ en pointe. Elle a à peu près la figure d'un
5, cône , mais d'un cône dont la bafe efl gran-
de à proportion de fa hauteur. La couleur
de cette excrefcence , de ce petit Bouton, eft:
d'ordinaire plus foncée que celle du Corps de
la Mère. Peu à peu ce Bouton s'clève da-
vantage , & à mefure qu'il s'allonge, il forme
un cône dont la bafe devient plus petite , à
mefure qu'il augmente en hauteur. Ce cô-
ne eft fouvent mal formé , fa pointe eft ar-
rondie , ou bien il paroit tronqué. Quel-
,, ques dégrés d'accroiffement de plus , font en-
,5 fin perdre au jeune Polype la forme conique:
,5 il devient à peu près cylindrique ; & c'eft
„ alors, ou environ ce tem<î-là, que les Bras
„ commencent à pouffer à fon extrémité anté-
„ rieure. Ce jeune Polype ne conferve pas
„ long-tems la figure d'un cylindre , fon bout
5, poftérieur par lequel il tient à fa Mère , s'é*
(«) Uid. pages 9, & 10.
l E 3
35
3?
58 .Considérations Sur Les
trefllt peu à peu , il s'étrangle , & enfin iî
ne paroit la toucher que par un point. Le
jeune Polype qui dans Tes commencemens
étoit beaucoup plus large à Ton bout poflé-
rieur , n'efl: nulle part fi mince après qu'il efl
formé ".
Les Chairs du bout antérieur d'une féconde
Partie fe replient donc en dehors , puis en de-
dans 5 & ferment l'ouverture. Ce bout fe ren-
fle ; nous l'avons vu fe renfler dans mes Vers.
Une nouvelle Bouche fe forme ; des Bras pouf-
fent autour, & voilà le Polype en état de man-
ger. Il femble donc qu'il en foit de ces Bras
comme des Pattes de l'Ecrevifle ; qu'il y ait
aulfi des Germes appropriés à leur produftion.
Au moins voit - on quelquefois un Bras pouffer
feul hors de la place naturelle , & ce Bras efl
un Corps très organifé.
Ainsi la nouvelle Tête de la Bouture , ne
fe montre pas fous la forme d'un Mamelon ;
car le renflement n'en efb point un. Le Rejet-
ton , au contraire , paroit d'abord fous cette
forme ; Ton voit un petit Bouton conique s'é-
lever fur la Mère ; ce Bouton s'allonge ; fa
Éafe diminue ; il devient cylindrique ; fon ex-
trémité groiïit un peu , de petits Bras en for-
tenc , & voilà les progrès d'un jeune Polype.
La. différence de ces deux produétions efl
lènfibh. D'un autre côté , on obferve des Hy-
dres dont les Têtes & les Queues fe détachent
d'elles-mêmes de leur Tronc & deviennent de^
Corps Organise' s. 69
Polypes parfaits (^^). On a vu deux Têtes
fe former à la fois fur un jeune Polype , s'al-
longer infenfiblement , & Je trouver enfuiîe au
bout d'une Branche, Chaque Branche Je rèu-
nijfoit au refte du Corps qui étoit commun Qb^,
Je cite les termes mêmes de Mr. T r e m b l e y.
Jl ajoute que fi ces Têtes étoient deux jeunes
Polypes qui commençoient à pouffer , ils au-
roient dû fe féparer enfin l'un de l'autre , &
que c'eft ce qui neft point -arrivé à rés,ard de
plu fleurs Qc^, On voit encore la Tête d'un
jeune Polype prendre la place de celle qui au-
roit dû venir à la Bouture Qd^. Enfin , j'ai
parlé Article 205. d'un Rejetton de Polype
déretourné en partie , qui fe grelFa avec celui-
ci & ne compofa plus qu'un même Tout.
Ces Faits ne paroiffent - ils pas indiquer que
les Tètes ont la même origine que les Rejet-
tons 5 puisqu'en certains cas , elles affectenc,
toutes les apparences de Rejettons, & que ceux-
ci femblent quelquefois prendre la place de cel-
les-là ? Je lailfe donc cette queflion indécife,
& je fufpendrai fans peine mon jugement , juf^
ques à ce que la Nature elle-même veuille bien
prononcer par la bouche d'un autre Trembley;
mais elle ne prodigue pas de tels Hommes.
(a) Ibid. page 197.
(b) Ibid. page 108.
(c) ïbid. page 109.
(<{) Voyez i'ArùcIe 190.
£ 3
70 Considérations Sur Les
377. Monlîruofttês. Qjjelie Idée on peut fe
faire de la multiplication naturelle de Bou-
ture,
pOMETS quelques monflruofîîés du Polype :
les monftruofités ne combattent point les Ger-
mes ; elles font des écarts de la Nature , qui
ont eux - mêmes leurs loix à nous inconnues.
La multiplication naturelle par Boutures pour-
roit n'être que l'eiFet d'une maladie , qui occa-
fionne de profonds étranglements (<^). Je
nomme cette raultiplicrUion naturelle , , par op-
pofition à celle que la feélion produit. Mais
il y a lieu de préfumer , que k première efl: auffi
accidentelle 'j Mr. Trembley femble l'infmuer,
lors qu'il remarque (Z') , que cela eft arrivé
trop rarement , pour quon puijje dire que cette
manière de fe multiplier foit ordinaire & natu-
relle aux Polies, Ce qui paroitroit confinner
que cette forte de multiplication efl l'effet de
quelque maladie ou de quelque dérangement
extraordinaire , qui furvient dans fintérieur du
Polype, c'eft ce qu'ajoute l'Auteur (r) , que
la reproduction qui devoit fe faire dans des Por-
tions qui s'ètoienî partagées d'elles - mêmes , n'a
eu lieu , même en été , quau bout de quinze
jours ou trois femaines.
278. Conclufton, Raifon de la grande fé-
cmdiîé du Polype,
Voila ce que j'avois à expofcr pour effayer
C«) Voyez TArticle 197.
(ô) Mm. fur lu Felypes i Bras Tom. 2. page 147. & 148.
(t) Ibid. page 95.
CorpsOrganise's. 71
de rendre raifon des principaux Phénomènes
des Polypes à Bras» Si nous ne voulons pas
recourir à des explications purement méchani-
ques, que l'Expérience ne juftifie point & que
la bonne Philofophie reprouve , nous penferons ,
que le Polype eft , pour ainfi dire , formé de
la répétition d'une infinité de petits Polypes,
qui n'attendent, pour venir au jour, que des
circonilances favorables.
Cet Infecle eft très vorace : des Parties ani-
males fourniflent plus de fucs nourriciers que
toutes autres ; elles font plus analogues à l'Ani-
mal , & s'ajfimïlent mieux. Le Polype fe régé-
nère donc très promptement & multiplie prodi-
gieufement. 11 multiplie d'autant plus , qu'il
confume davantage.
Mes Vers aquatiques qui fe nourriffent fur-
tout de terre , ne font pas fi féconds : je n'ai
vu ordinairement qu'un feu! Rejetton fur leur
Corps.
279. Comment on peut rendre raifon de la
multiplication naturelle par Bouture dune
Efpèce de Mille- pi é.
Comme il fe développe une Tête au bout an-
térieur d'un Vers ou d'un Polype , il s'en déve-
loppe une près du bout poftérieur du Mille-pié
à Dard; mais au lieu que dans les premiers ,
ce développement eft occafionné par la feclion
ou par quelqu'accident analogue j dans le fe-
E 4
7a Considérations Sur Les
cond au contraire 5 ce développement efl d'in-
ilitution de la Nature, qui s'eft plu à varier
les moyens de multiplication , comme les carac-
tères 5 les formes & les couleurs. 11 fe forme
donc une nouvelle Tête vers le bout pollérieur
de ce Mille-pié : on voit un nouveau Dard s'é-
lever peu à peu fur le Dos de l'Infede. Des
Organes qui ne paroiiToient point exilter , com-
mencent à devenir fenfibles. A' mefure qu'ils
fe développent , les Vailleaux qui uniffoient le
bout pollérieur au refle de l'Animal , s'effacent
ou s'oblitèrent : la nouvelle Tête les prelfe ap-
paremment 5 & intercepte les fucs nourriciers ;
c'eft au moins ce qu'on peut conjedurer de
plus vraifemblable. Dès que toute liaifon efl
rompue , le bout pollérieur , pourvu de la nou-
velle Tête, fe fépare du Mille-pié, & déjà il
efl lui-même un petit Mille-pié qui n'a plus
qu'à croître. Cet Infede fmgulier ne nous efl
pas bien connu encore : le peu que j'en ai rap-
porté C^), d'après Mr. Trembley (^), ne
fufïït point pour nous fatisfaire fur la manière
dont s'opère cette multiplication naturelle par
Bouture. Mr. Trembley fe propofe d'apro-
fondir davantage tout ce qui concerne ce fujet
intéreffant , & que ne pouvons - nous pas nous
promettre de l'habileté de l'Auteur des Polypes !
280. Analogie entre la multiplication du Po'
(a) Article 158.
(fc) Mém./itr iss Fok/pes à Brqs i Toir.. 2. pa^es 152, 153;
2n 8»,
Corps O r g a n i s e's. 73
lype en Entonnoir âf celle du MilU-pié k
Dard.
Il y a une forte d*an:ilogie entre la multipli-
cation des Polypes en Entonnoir ^ &z celle du
Mille - pié à Dard, On peut dire que le Poly-
pe en Entonnoir multiplie naturellemeni/>i7r Bou-
ture. 11 fe partage de lui-même Le d'un feul
Polype il s'en forme deux. Une nouvelle Tê-
te, de nouvelles Lèvres fe développent far le
milieu du Corps de l'ancien Polype , & ce dé-
veloppement qui eft très rapide , prépare la fé-
paration des deux moitiés de flnfede : bientôt
ce ne font plus deux moitiés , mais deux Tout s
très complets & plus petits que le premier. Si
l'accroifTement eft prompt dans les Polypes à
Bras 5 il doit l'être bien davantage dans les Po-
lypes en Entonnoir , plus délicats & plus géla-
tineux encore. Les progrès du Fœtus font tout
autrement rapides que ceux de l'Enfant ou de
l'Adulte. Ainfi dans ces Atomes organifés , qui
ne font presque qu'une goutte de Liqueur é-
paiffie 5 V Evolution eft fi rapide , qu'on croiroit
voir une création , fi le raifonnement n'éclairoit
la marche de la Nature.
281. Difficultés d'expliquer la n7ultipli cation
par divifîon naturelle du Polype à Bulbe.
Motif du fdence que V Auteur s'impofe à cet
égard.
Les Polvpes en Cloche^e partagent auifi d'eux-
Es
74 Considérations Sur Les
mêmes ; mais différemment des Polypes en En-
tonnoir , comme je l'ai expliqué dans un autre
endroit Çd). Les Polypes en Cloche , qui doi-
vent leur naiiïance à des Boutons en fonne de
Galles (Z») , multiplient d'une façon encore
plus extraordinaire. Ici commence un nouvel
ordre de chofes ; l'Analogie nous abandonne ,
& rObfervateur n'a pas même des termes pro-
pres pour repréfenter ce qu'il aperçoit. Je me
tairai donc fur ce Polype ; car il eft plus raifon-
nable de fe taire , que de bazarder des conjec-
tures vagues , fur des objets qu'on entrevoit à
peine, & qui s'éloignent de tous les objets con-
nus. Les Partifans les plus zélés de rEpigéné-
fe ne fe prévaudront pas contre moi du filence
que je m'impofe ; l'ignorance fur un objet , ne
peut devenir un titre en faveur de quelque Syf-
tème que ce foit ; & fi je voulois eflayer de ti-
rer des découvertes en queftion , les conféquen-
ces qui en découlent le plus naturellement, je
ferois affez fentir, qu'elles ne font point con-
traires à r Evolution,
S82. Pourquoi les Infe&es qui fuhijjent des
transformations ne par oijjent pas propres à
être multipliés de Bouture, Réflexion fur
ce fujet.
Au relie , tous les Infeéles , connus jusqu'ici ,
qui peuvent être multipliés de Bouture , appar-
tiennent à la clalfe de ceux qui ne fe métamor-
(0) Article 199.
(i) Article 201.
Corps O r* g a n i s e' s. 75
phofent point. J'ai donné dans le Ch. X. du Tom.
1. les Principes généraux de ces Métamorphofes,
. on pourroit en inférer , que les Infedes appel-
lés à les iubir, ne font pas propres à être mul-
tipliés de Bouture. Us ont plus de Parties diffi-
mlaires , & celles dont ils font pourvus ^ ont pour
dernière fin le développement d'un nutre Tout
organique logé dans un lieu particulier : c'eO: ce
Tout qui conftitue proprement rEfpèce , & qui
eft deltiné à la conferver. Mais comme tous les
Infe6les qui ne fe transforment point , ne mul-
tiplient pas de Bouture ; de même auffi , parmi
ceux qui fe transforment , iJ pourroit s'en trou-
ver qui multiplieroient par cette voye. Ne
nous preflbns pas de faire des Règles généra-
les ; les Pucerons & les Polypes nous ont appris
à nous en défier.
76 Considérations Sur Les
CHAPITRE III.
Idées fur le métaphyfique des InfeBes
qui peuvent être multipliés de
Bouture y &c,
Û83. Qtie le Polype n'eft pas plus favorable au
Maîénalijîe qu'au Cartéfien.
FauJJes idées qu\n s^efi fait-es fur ce fujet
pour ne f avoir pas ajfez médité.
But de r Auteur,
Descartes auroit triomphé à la vue du Po-
lype : un Animal qu'on multiplie en le coupant
par morceaux , fournilToit un bel argument en
laveur du Syftème ingénieux de ce Philofophe.
Te ne foutiendrai pourtant pas ici ce Syftème;
quoiqu'il nous débarafle de bien des difficultés ;
il eft , , d'un autre côté , trop contraire à l'ana-
iogie que nous obfervons entre nôtre Organifa-
tion & celle des grands Animaux ; & s'il ell au
moins probable que ces Animaux ont une Ame ,
il Tefl que tout ce qui efl Animal^ en a une
suffi. Je re regarde donc l'exiftence de l'Ame
des Bêtes que comme probable , puis qu'elle ne
repofe que fur l'analogie: le Peuple, conduit
par le fentiment , va plus loin ; il décide fur la
réalité de cette- exiftence , & le Philofophe mê-
me , a bien de la peine à ne pas le fuivre. Mais ,
en accordant une Ame au Polype, mon Lee-
Corps Organise' s. 7^
teur craint apparemment que je ne me prépare
des tortures. Prefque tous les Hommes ont
dans l'Efprit , certaines idées métaphyfiques fur
lefquelles ils raifonnent : prefque tous fçavent ,
à peu près, que l'Ame efl un ^txQ /Impie ^ d'oii
ils concluent facilement qu'elle ne peut être di-
vifée. Comment donc , par un coup de fcal-
pel , d'un feul Ver ou d'un feul Polype , fait-on
plufieurs Animaux ? Ce qui m'étonne le plus
ici 5 eft que les Philofophes , comme le Vulgai-
re , fe foient , en quelque forte , bornés à fen-
tir la difficulté, & qu'ils n'ayent pas fait d'heu-
reux efforts pour la refoudre. II me paroît qu'-
en général , on l'a regardée comme irréfoluble.
Aulfi n'eft-il rien fur quoi on ait plus infillé dès
que la découverte du Polype a été répandue.
On s'en eft tenu à admirer , & à déclamer fur
l'incertitude de nos connoilTances en Métaphy-
fique. On auroit mieux fait d'employer à mé-
diter , le tems qu'on a perdu à difcourir. Je ne
finirois point, fi je voulois réfuter tous les mau-
vais raiibnnemens dont le Polype a été le fujet
ou foccafion : peu de gens fçavent fe faire des
idées nettes fur cette matière abftraite ; il en efl:
même qui traiteroient volontiers de téméraire
quiconque oferoit en promettre de telles. Je ne
promets rien ; m^ais je vais expofer fimplement
les principes que mes IMéditations m'ont fournis,
284. Siège de V Ame, Senfatîons, Moi
du Polype,
La découverte de rorîgim des Nerfs a doii^
78 Considérations Sur les
né lieu de placer l'Ame dans le Cerveau. II n'eft
pas befoin que je dife qu'elle n'y refide pas i\ la
manière d'un Corps ; elle n'ell pas Corps : mais
elle y eft préfente à la manière d'une fubftance
fimple. Qu'on ne me demande pas ce que c'efl:
que cette préfence; je fais profeiTion d'ignorer
profondément la Nature intime de l'Ame , &
je ne la connois un peu elle-même que par quel-
ques-un es de fes Facultés.
Je fuppofe donc une Ame dans la Tête du
Polype. Cette Ame a des fenfations , que lui
procurent les Organes dont l'Infeéle eft doué.
Elle a un fentiment de la préfence de fes fenfa-
tions; car une Ame ne peut avoir une fenfa-
tion, qu'elle v\& fente ^ en même tems qu'elle
l!à. Je ne puis dire ce que c'eft que ce fenti^
ment ; mon Ame n'eft pas faite pour fentir à la
manière de celle du Polype : mais , je vois afTez
qu'il n'eft pas précifément ce que nous nom-
mons en nous Confcience ou Aperception, La
Confcience fuppofe toujours un peu de Ré-
flexion;^ l'on n'accordera pas la Réflexion à un
Infecle. Tout ce qu'on peut raifonnablemenc
lui accorder , c'eft une forte de Réinimfcence.
Le Polype fent qu'il faifit une proye , qu'il Ta-
vale , il fent encore qu'il a du plaifir à la faifir
& à l'avaler : il en conferve un certain Jouve-
nir , qui lie les fenfations qui furviennent à cel-
les qui ont précédé. Ce fouvenir conftitue
l'efpèce de Perfonnalité de l'Infefte. Il ne peut
dire Moi; mais il poffède un Moi à fi manière.
Ce Moi s'approprie toutes les fenfations ; il
Corps Organise' s. 7p
s'identifie avec toutes. Il eft le Moi qui faifit
un Puceron , qui l'avale , qui l'a faifi , qui Ta
avalé.
285. Où réfîde 'le Moi dans Vlnfe&e qu'on
vient de partager en deux tranfuerfale-
ment ? Des mouvemens qui paroijjent fpon-
tanés â? qui 71e font que machinaux.
Principes propres à les expliquer tirés de In
Bo&rine de /'Irritabilité.
Je partage l'Infeéle par le milieu fuivant fa
largeur ; il eft bien évident que la Portion oii
tient la Tête , eft la feule qui conferve le Moi
ou la Perfonnalîté,
Il n'y a donc plus de I\loi dans l'autre Por-
tion ; car nous avons admis que l'Ame réfide
dans la Tête ; mais , cette Portion paroit pour-
tant y^/?//r ,* elle fe donne divers mouvemens, &
j'ai vu une moitié de Ver de terre (ji) , & des
tronçons de m.esVers aquatiques, ramper com-
me i'auroit fait un Ver complet ; il y a plus ,
ils fembloient conferver encore toutes les in-
clinations propres à leur Efpèce. Je ne veux
rien diiTimuler ; je vais donc augmenter la dif-
ficulté en tranfcrivant ici un pallage très remar-
quable de mon Traité d'Infe&ologie , Partie 2.
pages 93. & 94. Qby
Dans le compte que j'ai rendu (^Obf. II.)
de ma première Expérience fur ces Vers
95
5>
(a) Voyez l'Article 244.
O) Obferv. XIV.
go "^^ Considérations SurLes
55 je me fuis arrêté quelque tems à décrire les
5, mouvements de chaque moitié pendant les
5, premiers jours après l'opération. J'ai fait re-
5, marquer que la féconde , celle qui n'avoit
55 point de Tête , alloit en avant à peu près
5, comme fi elle en avoit eu une ; qu'elle fem-
55 bloic chercher à fe cacher , qu'elle favoit fe
55 détourner à la rencontre de quelque obfta-
5, clc , &c. Tout cela , quoique fort remar-
5 5 quable , ne l'eft pas néanmoins autant que
55 ce que j'ai obfervé fur de femblables Vers ,
55 peu de tems après leur avoir coupé la Tête.
55 Je les ai vus , à mon grand étonnement ,
5 5 s'e: foncer dans la boue en fe fervant de leur
55 bout antérieur comme d'une Tête , pour s'y
55 frayer un chemin. J'ai vu le Ver N°. Il-
^ de la Tab. II. ramper le long des parois du
5,, vafe de verre 5 où je le tenois renfermé, &
55 faire effort pour en fortir5 quoiqu'il n'eut ni
55 Tête ni Queue ".
Ceux de mes Ledeurs qui ont lu les beaux
M-moires de Mr. de Haller fur V Irritabilité^
entrevoyent déjà ce qu'on peut dire pour tâ-
cher à réfoudre la difficulté dont il s'agit ici.
On fût que V Irritabilité eft cette • propriété de
la Fibre mufcu'aire en vertu de laquelle elle fe
contracte d'elle - miême 5 à l'attouchement de
tout Corps , foit folide , foit fluïde. C'elt par
elle , que le Cœur , détaché de la Poitrine ,
Continue quelque tems à battre. C'eft par el-
le 5 que les Intellins, féparés du Bas -Ventre,
&
Corps Organise'». 8ï
i& partagés en plufieurs portions , comme nos
Vers , continuent pendant un tems , à exercer
leur mouvement périfîaltique. C'eft par elle
enfin , que les Membres de quantité d'Animaux,
continuent à fe mouvoir après avoir été fépa-
rés de leur Tronc. Dira - 1 - on que ces porti-
ons d'inteftins, qu'on voit ramper lur une Ta-
ble comme de$ Vers , font mifes en mouve-
ment par une Ame qui réfide dans leurs Mem-
branes ? Admettra - 1 - on auffi une Ame dans
la Queue du Lézard, pour rendre raifon des
mouvements fi vifs & fi durables qu'on y ob-
ferve après qu'on l'a coupée ? Voudra -t- on
encore que ce foit une Ame logée dans l'Ai-
guillon de la Guêpe , qui le darde au dehors ,
affés long- tems après que le Ventre a été féparé
du Corcelet?Alfurément ces Faits font bien auiîi
fmguliers & auffi embarrafTants , que ceux que
j'ai raportés dans le paflage cité ci deiTus: qui
ne voit pourtant que les uns & les autres ne
font que les réfultats d'une raéchanique fecret-
te ? Mr. DE Haller a prouvé , que le
Cœur, féparé de la Poitrine , cefle de battre,
dès qu'on purge les Ventricules du peu de
Sang qu'ils renfermoient encore : X Irritabilité^
cette Force dont la nature nous eft inconnue ,
n'agit plus alors ; rien ne l'excite. C'eft donc
par les contrarions que l'attouchement d'an
Corps étranger , produit dans les Fibres mufcu-
laires de nos Vers , dans celles des portions
d'inteftins , dans celles de la Queue du Lé-
ToM. il. F
^J2 Considérations Sur Les
zard, &c. que s'opèrenc ces mouvements qui
nous paroiffent volontaires , & qui ne font
pourtant que purement machinaux. La Ma-
chine ell montée pour les exécuter , & elle les
exécute dès qu'elle el1: mife en jeu.
28(5. Nouveau Moi qui eft produit 6f com-
ment.
Cette Portion du Polype qui n'a voit ni
Tête ni Bras , ne tarde pas à en pouller de
nouveaux, & déjà elle eifl un Polype parfait,
qui faifit des proyes & les avale. S'il n'eft point
de nouvelle création dans les Corps , pourquoi
en fuppoferions- nous dans les Ames ? Si TAu-
TEUR de la Nature a jugé convenable de ren-
fermer d'abord tous les Corps organifés dans
des Germes , n'eft-il pas probable qu'iL y a ren-
fermé auffi 5 dès le commencement , les Ames
qui y deviendront un jour le principe du fen-
timent & des mouvements volontaires ? Ima-
ginera-t- on qu'à chaque, nouveau coup de
fcalpel , DIEU crée une Ame pour le Germe
> qui va fe développer ? Cela feroit certes bien
peu philofophique ; furtout fi l'on admettoit des
Volontés fuccejfives dans la Raison suprême.
Comment fuppofer une fuccelTion d'aéles dans
cette Volonté' qui a pu créer tout par un feul
acte ?
Le Polype qui vient de fe développer fous
nos yeux , efl donc une nouvelle Perfonne ;
qu'on me permette ces expreflions : il n'a pu
Corps Organise' s. 83
conferver aucun fouvenir des fenflitions qui a-
voient affedé le Polype dont il faifoit aupara-
vant partie. Ce fouvenir efi: demeuré attaché
au Cerveau de l'ancien Polype : un nouveau
Cerveau s eft développé dans le Polype 'que
nous confidérons; & les premières impreffions
qui affectent le Polype nailTajit , font le fonde-
ment d'une nouvelle Perfonalité, Il en elt pré-
cifément de ce Polype comme du Fœtus de
quelque Animal que ce foit : l'Ame de la Mè-
re ne fe partage pas entr'elle & le Fœtus ; mais
celui - ci polTcdoit déjà dans fon état de Ger-
me , une Ame qui lui étoit propre , & qui
commence à f^ntir dès que les Organes fe font
développés à un certain point.
287. Qjie les Hyàres/o^iS des Perfonnes zom^
pofées.
Explication du Ver à deux Têtes ^ à deux
Volontés.
Remarque fur le phénomène métaphyfiquê
que préfentent les Hydres.
Une H^âre eft un compofé de plufieurs P^r-
fonnes réunies fur un Tronc commun: Quand
on partage un Polype fuivant fa longueur , en
commençant par la Tête , on ne divife pas l'A-
me ; mais elle demeure dans celle des deux
moitiés où fon fîéiJe continue à rénder. L'O'
pération peut néanmoins occafionner un tel dé-
rangement dans cet Organe , que la Perfoaa-
F 2
84 Considérations Sur Les
lité en foit entièrement détruite. 11 s'en for-
mera donc une nouvelle , dès que l'Organe au-
ra acquis ce qui lui manquoit pour tranfmettre
à l'Ame de nouvelles fenfations.
Il feroit inutile que je m'arrêtalTe ici à prou-
ver que le fouvenir tient , non à l'Ame , mais
au Corps : ceux de mes Leéleurs qui auront
médité les Principes que j'ai expofés dans mon
ElJaï Analytique C^) 5 n'auront pas de peine
à en convenir.
C E Ver à deux Têtes & h deux Volon-
tés , dont il a été beaucoup parlé cy devant
(Z?), renfermoit en effet, deux Perfonalités.
i)eux Têtes s'étoient développées fur le même
Tronc, & chaque Tête ayant fon Ame propre,
il n'eft pas étonnant que ce Ver ait paru avoir
deux Volontés.
S'il en faut croire Mr. Roezel , cette miil'
îîpUcné de Volontés eft bien plus frappante
dans les Hydres* Je n'ai pas lu cet Auteur ;
tnais voici ce que m'en écrivoit Mr. de Hal-
L E R. // a vu des Têtes de Polypes fendues , c5*
devenus Hydres , fe faire la guerre , ^ une Tê'
te du même Animal dévorer une autre Tête ,
qui avoit fait -partie à^ elle- même quelques jours
auparavant. Ce Phénomène fait de la peine :
fendre des Volontés ? en faire deux d'une feule
{a") Ejjai Jnalpîque fur les Facultés de l'Jme : à Copenha-
gue & à Genève, chez les Frères Philibert , 1760. in 40,
Ciiap. VII. paragr. 5«7. &c. Chap. XXII. paragr. 626. & fuU
yants.
(fc j Artide 245,
Corps Organise' s. S5
avec des cîzeaux ! La manière funple dont
j'explique ce phénomène , lève la difficulté qui
fiiifoit de la peine à Mr. de Halllr. On ne
fend pas des Volontés ; mais d'une feule Tête
Ton en fait deux 5 & dans le Germe de chaque
Tcte réfidoit originairement une Ame.
288. Du Moi dans les Polypes grejfés.
Quand on greffe la Tête d'un Polype fur le
Tronçon d'un autre Polype , il efi: bien clair
que la Perfonalité ne change pas , puifque
cette opération n'intérefTe point le Cerveau.
Quand on met bout à bout plufieurs Por-
tions de Polypes , elles fe greffent les unes aux
autres , & ne forment enf liite qu'un feul Ani-
mal. La Tête qui fe développe dans la pre-
mière Portion , devient le fiége d'une nouvel-
le Perfonalité.
Je ne fais pas ce qui arrive au Cerveau de deux
Polypes que Ton infère l'un dans l'autre , &
dont les Têtes fe greffent. Mais je conçois
qu'il peut y furvenir l'une ou l'autre de ces
trois chofes :
i". ou les deux Cerveaux fubfiilent fans al-
tération , & alors il y a deux Perfonalités dis-
tindes :
2**. ou fun des Cerveaux s'oblitère par la
prelfion de fautre , & alors il n'y a qu'une feu-
le Perfonalité :
F 3
26 Considérations Sur Les
3^ ou les deux Cerveaux font détruits , &
alors il fe forme une nouvelle Perfonalité par le
développement d'un autre Cerveau.
IL' pourroit y avoir un quatrième cas plus
rare & plus embaraiîant ; ce feroit celui où les
deux Cerveaux fe confondroient l'un dans l'au-
tre fms périr. Alors il y auroit deux Moi dans
le même Cerveau. Mais il n'y a pas d'appa-
rence que les deux Moi. puffent avoir la même
fenfation au même iniTiant indivifible ; parce
qu'il n'y a pas d'apparence que la confufion
pût être affés parfaite , pour que toutes les Fi-
bres des deux Cerveaux allaffent fe réunir dans
un point commun , & ne formalTent ainfi qu'un
feul Senforium,
289. Du Moi dans les Rejeîtons,
Si la production d'une nouvelle Tête fuppo-
fe la préexiftence d'un Germe , la produélion
d'un Rejetton la fuppofe auiTi. J'ai écabli les
fondemens de l'une & de l'autre fuppolition.
Dans le Germe du Rejetton e(t donc logée une
i\me , oui commence à fentir des que le Ger-
me a pris un certain accroiffement.
Une Mère Poîype , chargée de fa nombreu-
fe Poftérité , compofe bien avec elle un feul
Tout phypqtie , ir.ais non une feule Verfonne.
Chaque Rejetton a fon Mol , puifqu'il a fon
Cerveau propre , & l'on obfervc qu'il pour-
voit par lui-même à fa fubfiftance , en fii-
filTant de petites proyes, & en les avalant , com-
Corps O r g a n i s e' s, B/
me le feroit tout autre Polype.
L'Union étroite de la Mère & de Tes Pe-
tits & des Petits entr'eux , établit dans ce Tout
fingulier, une forte de communauté de fenti-
mens & de befoins. L'état de la Mère influe
fur celui des Petits , & l'état des Petits fur ce-
lui de la Mère , &c.
290. Du Moi dans les Infectes qui fe mê*
îamorphofent,
L'Insecte qui eft d'abord Chenille ^ puis
ChryfrJide , & enfin Papillon , ne revêt pas au-
tafit de Pèrfunalilés différentes qu'il revêt de
formes-^ ou pour m'exprimer plus correctement,
il n'y a pas trois Moi dans la Chenille. On a vu
dans le Ch. X. du Tome L à quoi fe réduifent ces
Métamorphojes. Les lumières que nous avons
acquifes fur \q phyftque du phénomène, nous é-
clairent fur le p/ychologique. La Chenille n'efl
que le masque du Papillon : c'ell donc toujours
la même Individualité ^ le même Moi , mais
qui eil: appelle à fentir & à agir par différents
Organes en différents périodes de fa vie. Je
renvoyé là-defTus à mon Ejfai analytique fur
les Facultés de VAme Qay
(a) Chap. XXIV. Paragr. 714. & fuivans.
F 4
83 Considérations Sur Les
CHAPITRE IV.
De la Fécondation & de la Généra-
tion de% Animaux,
Variétés qu^on )/ obferve.
Ohfervaùons fur quelques endroits de l'Hiis-
toire Naturelle de Mr. de Buffon.
291. Dejfein de ce Chapitre,
Je ne veux que parcourir rapidement les
particularités les plus remarquables que renfer-
me ce fujet. J'indiquerai les analogies & les
exceptions: j'infillerai un peu plus fur celles-
ci ; elles font de bons préfervatifs contre les
conféquences trop générales. Si je voulois dé-
crire tout , je ferois une Hilloire Naturelle , &
j'oublierois que je compofe un Ecrit fur la Gé»
néraîion*
292. Bornes étroites de nos connoîjjances /ur
le Syftème général.
Conséquence pratique.
Nous ignorons pourquoi L'Auteur de la
Nature a établi que la plupart des Animaux fe
perpétueroient par le concours de deux Indivi-
dus. J'ai bazardé là delTus quelques réflexions
à la fin du Chapitre V. du Tome 1, j'étois jeune
encore quand je faifois ces réflexions : aujour-
Corps Organise' s. 89
dhui que ma Raifon a meuri , je n'en bazarde-
rai aucune. Pour avoir fur ce point , comme
fur une infinité d'autres , plus que des conjeélu-
res & des foupçons , il fiiudroic que nous puf-
fions embralîer d'une feule vue , la totalité des
Etres. C'elt de leur enchaînement que réfulte
le Syftème général^ & dans le Syftème général
ell ia raifon des Syftèmes particuliers. Nous
n'entrevoyons encore que quelques-uns de ces
Syftèmes, & leur Uaifon avec le grand Tout
nous échappe. Nous appercevons bien aflez
de Rûports & de Fi?7S pour juger que la Cause
Première eft Intelligente , mais nous n'en dé-
couvrons point alfez pour juger de fon Flan,
Pourquoi tel ou tel Animal ne peut-il perpétuer
fon efpèce, qu'en fe joignant à fon femblable?
pourquoi un autre Animal eft -il Hermaphrodi-
te fans pouvoir néanmoins fe féconder lui-mê-
me? pourquoi en eft -il une autre efpèce chez
qui on obferve une diftindion de Sexes & un
accouplement , & qui multiplie pourtant fans le
concours des Sexes? Ce font là autant d'énig-
mes , dont nous n'aurons le mot , que lors que
nous aurons acquis d'autres yeux, & une In-
telligence fupérieure à celle de nôtre état pré-
fent. En attendant, obfervons avec foin tout
ce qui eft à nôtre portée. Plus les obfervations
fe multiplieront , & plus nos connoiffances s'é-
tendront & fe perfectionneront. S'il ne nous ell
pas permis encore de lire d'un bout à l'autre le
Livre de la Nature , tâchons au moins ù tirer
F <
po Considérations Sur les
le meilleur parti poffible du petit nombre de pa-
ges qu'elle offre à nôtre examen. Le feul moyen
d'y parvenir , eft de fe fou venir que nous n'a-
vons point l'Index de ce Livre , & que nous
fommes réduits, pour ne pas nous égarer, à
confidérer chaque objet en lui-même, & dans
fes rapports aux objets les plus voilins, La lu-
mière qui fe réfléchit de proche en proche,
augmente la clarté de la lumière directe.
293. Manière dont s'opère la Fécondation
dans la plupart des Animaux.
Dans l'Homme , dans les Quadrupèdes , dans
les grands Poiifons , connus fous le nom géné-
ral de Cétacées , dans différentes Efpèces d'Oi-
feaux 5 de Teftacées , de Reptiles , d'Infeéles ,
&c. le Mâle eft pourvu d'une Partie , qu'il in-
troduit dans celle de la Femelle , deftinée à la
recevoir , & qui opère la Fécondation,
Dans beaucoup d'Efpèces d'Oifeaux, par
exemple , dans la Poule , le Moineau , le Pi-
geon , l'intromiffion eft équivoque. Le Coq ,
pourvu d'un double Membre , femble ne faire
que comprimer fortement la Femelle (^), &
cet accouplement toujours inftantané,fufïït pour
mettre la Poule en état de pondre des Oeufs
féconds 5 au moins pendant piufieurs femai-
nes (^).
^ (a) Bîfl. Nat. Gen. &:c. Tom. 2. pag. 311. in 4.0.
(&) ^rt. de faire éclorre les Fêukts, &,c, 2de Edit. 1751. Pa-
ris, Tom, 2. pag. 328.
Corps Organise' s. 91
294. Mûmère JînguUère dont s'opère la Fé-
condation dans les Poijfins à Ecailles.
Les Poiflbns paroiiTent encore plus chafles
dans leurs -amours. Il n'elt gu jres douteux qu'ils
ne s'accoupleiu point, puiique le Mdle cil dé-
pourvu de la Partie nécefiaire à la Copulation.
Quelquefois il fe retourne iur le dos afin de
rencontrer le ventre de la Femelle , & ce n'elt
pomtant que pour répandre les Laites fur les
Oeufs qu'elle va pondre. Eux feuls l'excitent;
il les arrofe, lors même qu'ils flottent au gré
des eaux, & qu'il ne peut découvrir la Femelle
qui les a pondus Qa^.
295. Exception remarquable à la régie de
rintromifjmu
Mouche des appartemens.
Chez les Efpèces où l'on obferve une vérita-
ble inîrcmjjîon , c'eft le ÎVlâle qui întrodint.
L'Efpèce àz Mouches la plus commune dans nos
appartemens , forme une exception très remar-
quable à cette règle efliraée générale. Ici c'cll
la Femelle qui introduit , & le Mâle qui reçoit.
Pour cet effet ; le Mâle eft pourvu d'une Par-
tie analogue à celle des Femelles , & la Femelle
d'une Partie analogue à celle des Mâles (/'):
tant il a plû à L'Auteur de la Nature de va-
rier les moyens qui conduifoient à la mêiiie lin.
(fl) Ui^. Nat. Gen. &c. T. 2. p. 311., &c.
( h ) Mém. pour fervir à l'HiJî. des InfeSies : Tom. 4. pag.
384, 385 > in Q}iarto,
92 Considérations Sur Les
296. j4utre exception remarquable dans la
jîtuation des Organes de la Génération,
Amours des Demoifelles S ceux des Araignées.
C'est encore une règle qu'on juge généra-
le , que dans les Efpèces dont les Individus
font diilingués de Sexes , la Partie qui caraélè-
rife le Sexe , foit placée à l'extrémité du Corps.
Les Mouches nommées Demoifelles , nous of-
frent une exception à cette règle. La Partie
propre à la Femelle , y efl: bien placée comme
à l'ordinaire ; mais , celle qui efl propre au Mâ-
le , efl: placée aflez près de fon Corcelet & à
une grande diftance de l'extrémité du Corps.
Cette fituation femble peu favorable à la Copu-
lation; aufîi le Mâle a -t- il été inftruit à forcer
la Femelle à venir loger le bout de fon derrière
où il doit l'être pour qu'elle foit fécondée, h-
vec deux crochets dont l'extrémité de fon Corp?
efl: armée, il faifit le Col de la Femelle, &
l'emporte dans les Airs. Gagnée par fes caref-
fes , vaincue par fa longue confl:ance , animée
enfin du même defir , elle ceffe de refifter &
devient féconde (^).
L'araignée nous offre une exception plus
fmgulière encore , & qu'un bon Obfervateur (/;)
ajjure avoir vue plus d'une fois. On connoit
en général les Antennes des Infeéles : on fçait
que ce font ces deux petites Cornes mobiles
(0) Ibid. Tora. 6. pag. 426, &c.
(&) Mr. Lyonet, Théol. des InfeB. de Lesser, T. i. pag.
184. T- 2- pag* 48. à la Haye 1742. in 8^.
Corps O r g a n i s e' s. 93
qu'ils portent fur le devant de ia Tête , & dont
on ignore l'ufage. Souvent elles font formées
d'une fuite de Vertèbres ou de Nœuds: telles
font en particulier celles de l'Araignée. Mais
ce qui effc fort étrange , c'eft que les Parties de
la Génération du Maie font dans fes Antennes;
tandis que celles de la Femelle font placées fous
le Ventre , affez près du Corcelet. Le Mâle
& la Femelle femblent craindre de s'aprocher :
les Araignées fe dévorent les unes les autres , &
leur naturel féroce & cruel n'efl adouci que par
l'Amour. Après s'être données réciproquement
bien des marques de défiance , les deux Araij^-
nées s'aprochent peu à peu jusqu'à fe toucher,
& comme fi une frayeur fubite les faififToic , el-
les fe îaiffent tomber , & demeurent quelque
tems furpendiies à leurs fils : elles remontent en-
fuite fur la toile , fe tâtent encore , fe rapro-
chent de nouveau & fe joignent enfin. Un des
Nœuds des Antennes du Mâle s'ouvre tout d'un
coup y & comme par r effort; il hilTe paroître un
corps blanc ^ P Antenne fe plie par un mouve"
ment tortueux , ce Corps fe joint au Ventre de la
Femelle , & c'elt ainfî que s'opère l'accouple-
ment.
2p7. Fécondation & Ponte de la Reine-
Abeille.
Il femble qu'il ait été généralement établi,
que le Mâle feroit les avances: dans la Répu-
blique des Abeilles , cette République fi célè-
bre, c'élt la Femelle qui oblige le Mâle à coi>
94 Considérations Sur Les
defcendre à fes défirs. On fçait que peiidant
presque toute l'année , il n'y a dans chaque Ru-
che, qu'une feule Femelle : c'efh cette Mou-
che , fi chère aux autres Abeilles , que l'on nom-
me ia Reine , & que les Anciens peu inilruirs ,
avoient nommée le Roi. J'ai été témoin mille
fois de l'attachement fmgulier des Abeilles pour
leur Reine, & je puis aifurer que tout ce que
Mr. DE Reaumur en a raconté, n'eft point
exaggéré (a). Mais cette Reine , l'objet con-
tinuel des attentions , des prévenances & des
carelfes des autres Abeilles, prodigue les fiennes
au Maie qu'elle veut exciter, & qui y demeure
long tems infenfible. Placce vis à vis de lui ,
elle le lëche avec fa Trompe, elle lui préfente
du Miel, elle le liatte avec fes Pattes, elle tour-
ne autour de lui , & toujours en redoublant fes
agaceries; enfin, réduite à prendre la pofture
qu'il dcvroit prendre, elle monte fur fon Dos,
& tâche à appliquer le bout de fon derrière con-
tre celui du Mâle , & elle l'y applique. Cet ac-
couplement, fi c'en efi: un, ne dure comme
celui du Coq , qu'un initant , & fe réitère plu-
fieurs fois. On a vu des Mâles, qui l'a voient
fouffert , périr immédiatement après , & la Rei-
ne redoubler fes careiïes pour les rappeller à la
vie ; elle paroifîbit même indifférente pour les
Mâles vivants qu'on lui fubftituoit (/;). Mr.
deReaumur n'a pu s'alTurer , s'il y a ici une vé- 1
ritable Copulation. L'appareil prodigieux des
( a ;) Mém. pour fervir à l' Uifl. des InfçStes, Mém. 5*dii Tome 5,
(i) il/id. pag. 503. & fuivantes.
Corps Organis e's. 95
Parties propres au Mâle , leur retournement fur-
prenant , leur apparition au dehors fous la for-
me de deux Cornes allez longues & charnues ,
au milieu desquelles fe trouve placé un petit
Corps recourbé en enhaut , une Liqueur blan-
che & un peu vifqueufe qui fe rend à ces Par-
ties {a) ; tout , en un mot, femble indiquer que
l'accouplement des Abeilles ne fe réduit point
à ce que je vienfi d'en rapporter d'après nôtre
llluilre Auteur. D'ailleurs les Bourdons s'ac-
couplent réellement , & les Bourdons appartien-
nent au Genre des Abeilles , avec lefquelles ib
ont de grands rapports (F). Quoiqu'il en foit,
& c'ell une autre fmgularité que nous offre la
Reine-Abeille, dès qu'une fois elle a été fécon-
dée, je fuppofe que ce foit au printemps , elle
ne ceffe point de pondre des Oei-fs féconds, au
moins jusqu'au printemps fuivant. UnQ expé-
rience décifive prouve qu'il eft des Ruches où
il n'y a pas un feul Mâle pendant tout ce long
intervalle de tems C^), & la Reine ne fort
point de la Ruche. Sa fécondicé fjrpalfe en-
core fon incontinence; au bout d'un an la Ré«
publique peut compter 20 , 30 ou 40. mille Ci-
toyens qui lui doivent la naiifance. Elle eft à
la lettre , la Mère , la feule Mère de tout ce
grand Peuple.
298. Continuation du même fujet,
(a") Ihii, pag. 486. & fuîvantee.
(fc) IhU. ïom. 6. pag. 20, 21.
(c; llt\i. Mém. 10. du Tom. 5, ,
ç6 Considérations Sur le9
Individus privés de Sexe,
Principe de la Police des Abeilles. Idées fur
leur Inftincl.
Ohfervation fur le pentimenî de Mr, de Buf-
FON 5 touchant la conjiruction des Alvéo*
les,
La République , ou fi Ton aime mieux , la
Monarchie des Abeilles , me donne lieu de par-
ler d'une exception très remarquable. Dans
prefque toutes les efpèces d'Animaux , les In-
dividus font tous Mâles ou Femelles , ou bien
ils pofledent les deux Sexes à la fois. Chez
les Abeilles , les Guêpes , &c. le plus grand
nombre des Individus eft abfolument dépourvu
de Sexe. Ils n'ont aucune des Parties relati-
ves à la Génération ; mais ils font pourvus
d'Organes & d'Inllruments relatifs à la con-
llrudion des gâteaux, & à pi ufieurs autres fonc-
tions auxquelles la Nature les a dellinés. On
les a nommés Mulets , & improprement ; car
le Mulet a un Sexe : ils ont été mieux défig-
nés par l'épithète de Neutres,
Les Ovaires de la Mère Abeille contiennent
donc trois fortes d'Oeufs , d'où éclorront trois
fortes iS: Individus \ àe^ Reines ^ des A4 aies ou
faux Bourdons, & des Neutres. Les Mâles fonc
ordinairement au nombre de 5 à 600 , affés
fouvent de mille. La Reine a donc un Serrail
de Mâles : leur grand nombre nous apprend
pourquoi la Nature les a fiits fi froids ; s'ils
eulTent été aulTi ardents que ceux de la plupart
des
Corps Organise' s. 97
des Animaux, la Reine n'eut pas eu le tems
de pondre.
Le nombre des Reines qui éclofent dans cha-
que Ruche, efl toujours très petit; ce font ces
jeunes Reines qui coniervent l'elpèce , & qui
fondent, pour ainfi dire ^ de nouvelles colonies.
■ Peu de tems après être éclofes & avoir été fé-
condées , elles Ibrtent de la Ruehe , accompa-
gnées de plufieurs milliers de Neutres, quicom-
pofent ce qu'on nomme un Ejjàim,
Chaque EiTaim a fa Reine , & ce n'efl
Iju'autant qu'il en pofledc une , que les Neu-
tres fe mettent à l'ouvrage. L'Effaim le plus
laborieux qu'on prive de fa Reine , cefTe tout
travail , & ne le reprend que lors qu'elle lui eft
rendue. Il femble même qu'il proportionne le
travail à la fécondité de celle - ci : plus elle eft
féconde , & plus les Neutres conftnùfent de cel-
lules ou de gâteaux.
C'est dans ces Cellules que la Mère va de-
pofer fes Oeufs, & elles fervent de berceaux
aux Petits qui en éclofent. Mais comme la
Mère met au jour de trois fortes d'Individus,
dont les tailles diffèrent , les Neutres conflrui-
fent de trois fortes de cellules , dont les dimen-
fions diffèrent dans un raport déteiminé & con-
ftant à la diverfité de taille des trois fortes d'In-
dividus. Inflruite par la Nature , la Mère fait
précifément quelle forte d'Oeuf elle va pondre 3
ToM. IL G
pB Considérations Sur Les
& elle ne fe méprend point dans le choix de la
cellule.
Non -feulement les Neutres font chargés de
recueillir le Miel & la Cire, & de la mettre en
couvre; ce font eux encore qui élèvent les Pe-'
tits & qui pourvoyent h leur nécelîaire , ainfi
qu'à celui de toute la Communauté. Rien ne
furpafle l'attachement des Neutres pour ces Pe--
tits qu'ils n'ont point faits , & qu'ils n'ont pil
faire. La Reine n'étoit point appellée à par-
tager ces foins , la ponte devoir l'occuper af-
fés; & les fervices que rendent les FauxBour-?
dons, fe bornent à la fécondation. Il n'y a donc
qu'un tems où ils foient utiles , & ce tems ell;;
affés court: dès qu'ils cellent de l'être, les
Neutres les mettent à mort , & en peu de
jours il ne refle pas un feul IndividtiIVJâledans,
la Ruche.
Toutes les jeunes Reines ne parvienneiic
pas à fortir à la tête d'un Eifaim ; pkifieurs de-
meurent dans la Ruche & y périlfent. De.
quelque manière que la chofe fe pafle , il eit
fur que toutes les Reines furnuméraires font fa-
crifiées , & qu'il ne refte jamais dans la Ruche
qu'une feule Reine (^).
Ne cherchons pas dans les Abeilles un mer-
veilleux qui n'y ell: point ; on s'elt plu h l'y
prodiguer; mais on s'eft plu auffi à y réduire
tout à la pure Méchanique. Gardons un mi-
lieu : nous avons accordé une Âme au Polype
(•) Jbid. Mém. 5.
Corps O r g a n i s e' s. g^
prefquc Plante ; nous n'en refuferons pas une
à rindalirieufe Abeille. Nous lui accorderons
du Sentiment , mais non de l'Intelligence , en-
core moins de la Géométrie.
La Reine afFe6le , peut-être , l'Odorat ou
quelque autre Sens des Neutres , d'une ma-
nière analogue à celle dont le Rû( affecle les
Mâles de la plupart des Animaux : je veux di-
re, que' l'impreilion que la Reine fait fur les
Neutres, efl purement pbyfique, & telle qu'elle
les excite au travail.
Les Pe.tits font apparemment fur eux quel-
que impreflion femblable & qui les détermine h
dégorger dans leurs cellules l'efpèce de boullie
qui eft la nourriture appropriée à cet âge ten-
dre.
Les Oeufs diffèrent en groffeur , la Mère
peut fentir quel efl: celui qui efl: prêt à fortir de
ion Ventre , & ce fentiment peut être alîbciô
à quelqu'autre fentiment qui détermine l'efpèce
de choix de la cellule.
Si les Mâles font facrifiés , c'efl: qu'il vient
peut-être un tems où ils exhalent une odeur
infuportable aux Neutres ; ou c'efl: que les
Mâles font fur eux quelqu'autre impreflion qui
les irrite & les provoque.
Les Reines peuvent fe livrer des combats
fmguliers ; elles font armées d'un fort Aiguil-
lon, & celle qui- furvit peut refl;er mâîtrelTe de
la Ruche.
G 2
ïoo Considérations Sur Les
Enfin, l'on conçoit que h conflruclion fi
fçavante & fi géométrique des cellules , peut
n'être que le fimple réfulfat de l'organifiition
de l'Abeille , & du plaifir attaché h certain exer-
cice de fes Organes.
Je fais gré à l'éloquent Auteur de VHifioire
Naturelle , de s'être tenu en garde contre l'ad-
miration que les Abeilles infpirent , & d'avoir
cherché h le faire des idées philofophiques de
leur travail. Mais s'il l'eût plus étudié, il ne
Teût pas comparé à ce qui le palfe dans des
Pois qu'on fait bouillir dans un vafe fermé ex-
aélement , & qui prennent naturellement une
forme exagone Qay Cette comparaifon , &
toute autre du même genre , ne répondent
point h toutes les conditions du Problême.
Les fix pans des cellules ne font pas égaux ;
il y en a deux oppofés qui font conftamment
plus petits que les autres (/>). Les dimen-
fions des cellules varient dans un raport détermi-
né à la taille des Vers qui doivent y croitrc :
ce font pourtant les mêmes Mouches- qui con-
flruifent les unes & les autres ; comment donc
pourroif-on dire avec Mr. de Buffon, ^t/e
chaque Abeille cherchant , comme les Pois , à
occuper le plus â'efpace poffible dans un efpace
• donné , il eft nécejj'aire aufji , piViSque le Corps
des Abeilles eft cylindrique , que leurs cellules
foienî exagones , par la même raifon des ohfla»
des réciproques?
(a) Hift, Nat. Gen. &c. Tom. 4. pag. 99.
(^b) Mém, pourfervir à VHiJl, des Injec. Tom. 5. pag. 398,
Corps O r g a n i s e' s. ioi
m Tl y a plus ; le fond de chaque cellule eil
pyramidal ; il efl: formé de trois rhombes é-
gaux & femblables*. les Neutres commencent
par façonner ces rhombes , & fur ces rhombes
ils élèvent peu à peu les pans Qa"). Cet ou-
vrage eil fouvent interrompu, & ils le repren-
nent ; les uns fébauchent , les autres le dé-
grodiÔent , d'autres le finilTent.
Qu£ dirai -je encore ! les cellules qui fervent-
de berceau aux Reines, ont une forme, une
j poficion & une grandeur très différentes de cel-
les des autres cellules C^}-
Tout cela démontre fuffifamment que la
conftruclion des gâteaux des Abeilles , n'eft
point le ûmple réfultat d'une Méchanique auffi
groffière que l'a penfé Mr. de Buffon, &
que ces Mouches Mais je m'aper-
çois que le plaifir de parler des Abeilles m'a dé-
jà trop écarté de mon fujet, je me hâte d'y
revenir.
299. Différences frapantes entre le Mâle &
la Femelle dans quelques efpeces.
Les Papillons dépourvus ^" Ailes.
Le Ver - luifmt.
Autre Scarabé fiugidier»
Les Gair Infectes.
O.^DiNx\iREMENT il n'y a pas une difpropor-
(a") Ihid. p.i^e 305.
Ib) mi. Mém. 9.
102 Considérations Sur Les
tion marquée de taille & de forme entre le Md-
le & la Femelle : chez les grands Animaux ,
une des différences les plus frappantes , eil celle
que préfentent les Cornes , les Défences , le
Bols , la Crête , &c. dont la Tête des Mâles
eft garnie , & qui manquent en tout ou en par-
tie à celle des Femelles.
Chez les Infedes , au contraire , il n'eft pas
rare de voir des Malcs qui diffèrent autant de
leurs Femelles-, que peuvent dilférer des Ani-
maux de genres , ou même de claifes éloi-
gnées.
Je ne parle pas des Papillons dont les Fe-
melles font dépourvues d'Aîles , tandis que les
Maies en ont de très amples C ^ ) : c'ell déjà
néanmoins une différence qu'on jugeroit bien
eifentielle , que celle d'être aîlé , ou non - aîlé.
Mais auroit - on foupçonné qu'un Ver con-
damné à ramper toute fa vie , dût être fécon-
dé par un Animal aîlé du genre des Scarahés ?
On comprend qu'il s'agit ici du Ver-hiifant :
l'efpèce de Phofphore qui brille à fon derrière ,
attire le Mâle ; il accourt en volant & s'unit
à cette étrange Femelle par une vraye copula-
tion.
Je viens de nommer les Scarahés : on défi-
gne par ce mot tous les Infecles qui ont quatre
Ailes, dont deux fervent d'étui aux^ntrcs; cet
étui eft toujours écailleux. 11 en eft une efpè-
(a) Ihià. Tom. I. Mém. 7.
Corps Organise' s. 103
ce dont la Femelle , toute charnue , n'a pas le
moindre vellige d'Aîles , & cette Femelle a
pour Mâle un vrai Scarabé qui eft fi petit par
rapport à elle , que leur accouplement doit pa-
roitre nuOTi fingulier, que le paroitroit celui d'un
Bélier ou d'un Lièvre avec la plus grande Va-
che (^'^).
Voici pourtant un aflbrtiment plus bizarre
encore. On voit au Printemps fur les Branches
de quantité d'Arbres & d'Arbuftes, & principa-
lement fur celles du Pefcber ^ des efpèces de
Galles^ qui reflemblent à celles qui croiflent
communément fur les Plantes. Leur extérieur
cil. liiTe , & imite parfaitement celui de la plu-
part des Galles. Quelquefois même , il eft lé-
gèrement poudré d'une fleur femblable i\ celle
des Prunes , & qui donne ^ la Galle fair d'un
Fruit. Les unes font fphèriques , les autres hé-
mifphèriques, d'autres cll^^ptiques &c. Il y eii
a dont la grolleur égale celle d'une petite Ceri-
fe , d'autres n'ont que la grolTeur d'un Pois , ou
même d'un grain de Poivre. Plufieurs paroif-
iQrx tenir à la Branche par un court Pédicule ,
comme y tiennent tant d'autres Galles. Mon
Leclcur foupçonne- t-il que je viens d'ébau-
cher la defcription d'un véritable Animal ? C'en
eft un pourtant , mais fi bien déguife , qu'il a
ké' méconnu par d'habiles Naturaliftes. Mr. de
ReaumuRj qui a feu fobferver dans tous fes
(a) Ibid. Tom. 4. pag. 30.
G 4
c
104 CoNSiDERATioisfs Sur L'ES'
états , lui îi donné le nom de GalUnCeBe , & ce
nom eft très propre à dcfigner fa forme & fa
nature (^).
CROHioiT-on à préfent , que cet Animal , qui fe
confond avec les Galles par f\ forme & par fon
immobilité , eft fécondé par un très petit & très
joli Moucheron à deux Ailes blanches , bordées
d'un beau rouge de carmin , & qui fe promène
fur fa Femelle comme fur un terrein fpacieux ?
Sa vivacité '& fon agilité extrêmes contraftenc
fi prodigieufement avec l'immobilité & finfenfi-
bilité apparente de la Femelle , qu'on feroit ten-
té de le prendre pour une khneumon qui cher-
che à dépofer fes Oeufs dans la Galle. Un pe-
tit Aiguillon qu'il porte au derrière , & qu'il in-
cline continuellement vers la Galle, fortifie en-
core le foupçon. Mais ce prétendu Aiguillon
eft la Partie qui caraé\érife le Mâle ; il ne veut
que l'introduire dans une petite fente placée au
bout poftérieur de la Femelle , & après de lon-
gues promenades fur le Dos de celle-ci, il par-
vient i\ l'y introduire & à s'unir à cette lourde
maife, de l'union la plus intime (Z^).
La ponte fuit de près l'accouplement , car
la Galîinfe6le eft ovipare , & tandis qu'elle ref-
femble le moins à un Animal, c'eft alors pré-
cif^ment qu'elle s'acquitte des fondions les plus
effentielles à l'Animal , qu'elle s'accouple &
qu'elle donne naiîTance à une nombreufe pof-
térité.
(/») Mim. pour fervir à VHiJi, des TnJ. Tom. 4. Mém. r.
(i) Ihid. pag. 3/. & fniv.
Corps O r g a n i s e' s. 105
On ne peut pas dire que les Oeufs de la
Gallinfeéle vieniienc au jour; à peine ont -ils
commencé à fortir par cette fente dont j'ai par-
lé , qu'ils paifent fous le ventre , où ils fe fuc-
cèdent à la file. A mefure que la Gallinfede
fe vuide , la Peau de fon Ventre s'approche
de celle du Dos , & quand la ponte eil finie ,
les deux Peaux réunies ne compofent plus qu'u-
ne efpèce de Coque , qui renferme 2 à 3 mille
Oeufs (^). Déjà la Gallinlede ne vit plus,
& quoi que morte , on la prendroit pour une
Gallinfede vivante , tant il y a peu d'apparen-
ce de vie dans cet étrange Animal.
Lps Petits ne tardent pas à éclorre, & à for-
tir par la même fente qui avoit donné pafiTage
aux Oeufs. Ce ne font pas de petites Galles
que fon aperçoit alors ; ce font de petites Mem-
branes ovales , légèrement cannelées , garnies
de deux Antennes, portées fur fix Jambes , &
qui courent avec une grande viteiTe (Z?).
I L s fe répandent d'abord fur les' Feuilles ,
plus fuccuhntes que TEcorce des Branches ;
mais fur la fin de fAutomne , ils fe retirent fur
celle-ci Çc'). Ils s'y fixent, & perdent la
faculté de marcher. Ils s'arrondifiTent peu à
peu , & revêtent enfin la forme d'une Galle.
Le court Pédicule par lequel cette Galle pa-
(a) Ibid. pag. 14. & 15.
(b } Ibid. pag. 16. & 17.
(c) Ibid. pag. 19, îo, 24.
G s
io(5 Considérations Sur Les
roit tenir à l'Ecorce , efl la Trompe qui met
rJnfecte en état de pomper le fuc de l'Arbre.
Parmi les petites Membranes ovales, il en
■ eft qui ne parviennent point à acquérir la grof-
feur des autres , & à s'arrondir. Elles n'y é-
toient point appellées: ce font elles qui doivent
donner les Maies. Ils s'y transforment en Nym-
phes , & en fortent au Printemps fous la forme
de Mouche («^). Cette Mouche n'a ni Bou-
che 5 ni Dents , ni Trompe ; deux yeux fem-
blcnt occuper la place de la Bouche. Elle ne
prend donc aucune nourriture (^) , & toute
lii vie eO: confacrée à l'amour.
Ainsi le Mâle des Gallinfeftes ne diffère
pas feulement par fa forme & par fon agilité
de la Femelle ; il en diffère encore par fes Mé-
tamo'rphofes , mais c'eft peut - être une auffi
grande Métamorphofe , que celle qui change
un Infede plat & agile , en une ma fie ronde
fans mouvement & prefque fans vie.
Pour achever de faire connoitre les Gallin-
fectes à mes Lefteurs , j'ajouterai que cet In-
fefte fi redoutable à l Oranger , & que l'on
nomme improprement Piinaife , efl une vraye
Gaïïmfecîe, Le Kermès , que la Médecine &
les Arts fçavent employer utilement , eft enco-
re une Gallinfecle , qui naît fur un petit Chê-
ne verd commun en Provence (^i;}*
(«^. Ibià. pag. 33.
• ( è) Ihii. pag. 40. .
(c) Ihii. pag. 4(5. & fuir.
Corps Organise' s, 107
300. Amours du Crapaud & Ponte de la
Femelle,
Fécondation ^ Tonte des Grenouilles.
Découvertes de Svvammerdam & de M, M
De Mours cP Roesel.
Passerai. JE fous filence les Amours du Cra-
paud , cet Animal hideux , & qui peut néan-
moins nous intérelîer par la conitance , par fa
patience , & par fa dextérité à fervir à\iC'
coucheur à fa Femelle ? i^Ue e(t ovipare : les
Oeufs , formés d'une Coque membraneufe très
ferme , font liés les uns aux autres par un fort
cordon , comme les grains d'un chapelet. Le '
réfervoir qui les contient , s'ouvre dans le Rec-
tum ou le gros Boyau : ils fortent donc par
TAnus, au lieu que dans les Femelles de pref-
que tous les Animaux , il y a une ouverture
appropriée à la fortie des Oeufs ou des Petits.
C'eft un grand travail pour la Femelle du Cra-
paud , que de mettre dehors le premier Oeuf;
mais cela une fois exécuté , c'efl: au Mâle à fai-
re le relie , & il commence aufTi - tôt fes fonc-
tions d'Accoucheur. Monté fur le Dos de fa
Femelle , il fembralTe avec les Pattes de de-
vant , qu'il tient appliquées fur fa Poitrine fi
fortement , qu'il s'y forme quelquefois une " in-
flammation. Avec une de les Pattes de derriè-
re il fiifit le premier Oeuf & le bout du cor-
don ; il les fut palier entre fes Doigts ; car il
a , comme nous , des Doigts articulés. Il al-
longe la Patte & fait effort poux extraire le fe-
io8 Considérations Sur Les
cond Oeuf. Il y parvient ; & bientôt il peut
fhifir de l'autre Patte une portion plus élevée
du cordon, & amène un troifième Oeuf. On
comprend affés qu'en répétant ce petit manè-
ge , il réuffit à extraire enfin tout le chapelet.
Pendant l'opération , la Femelle eft immobile ;
fans doute qu'il fe pafle dans fon intérieur des
mouvements qui aident aufîi à la ponte. La
préfence de rObfervateur les trouble & les in-
quiette un peu ; le Mâle jette fur lui des re-
gards qui prouvent fon embarras & fa crainte.
11 interrompt de tems en tems fes manœuvres ,
& les reprend enfuite avec une nouvelle ar-
deiu*. 11 eft fi attaché à fon travail , que l'Ob-
fervateur peut bazarder de mettre les deux A-
mans fur fa main : il en fuiVra mieux tous
leurs procédés , & l'opération ne fera inter-
rompue que pour quelques moments.
Mr. de Mours (^), à qui nous fommes
redevable? de cette hiftoire intérelîante , n'a
rien néglige pour s'aiTurer , fi le Maie arrofoit
les Oeufs de fon Sperme , tandis qu'il les ex-
traiibit : mais aucune de fes obervations n'a
confirmé l'idée de Swammerdam.
Ce grand Obfervateur penfoit que la Fécon-
dation s'opèroit chez les Grenouilles de la mê-
me manière que chez les PoiJJons. Selon lui ,
(/;) les V^\i\e'mx déférents fe rendent au Rec-
tum , & c'eft par XJms que le Mâle fait for-
(/i") Hi/î. àe l' Acad. Roy. dis Sciences, An. 1741.
(I?) Jiiblia iVaJwr« ," pag. 789. &c.
Corps Organise' s. 109
vir ia Liqueur qu il répand fur les Oeufs , &
qui les féconde. Les Oeufs fe décachent de
XOvaire , placé fur la Matrice ; ils fe répan-
dent dans le Bas - Ventre ; ils entrent enfuite
dans les Trompes , qui font comme pelottonées ,
& dont la longueur eft d'environ deux pieds.
Ils parcourent tout cet efpace , & arrivent en-
fin dans la Matrice. , Celle-ci s'ouvre dans le
gj-os Boyau , & les Oeufs fortent par TAnus. Le
Mâle aide à la ponte foit en coinprimant for-
tement le Ventre de la Femelle , foit en recou-
rant à d'autres manœuvres. Mais . il montre
bien moins de dextérité que le Crapaud. A la
vérité, une plus grande dextérité feroit ici très
fuperlluë; car la Grenouille parvient fort promp-
tement à fe délivrer de tous fes Oeufs. Pen-
dant qu'ils fortent , le Mâle cramponé fur le
Dos de la Femelle , les arrofe de la Liqueur ;
& ce n'^eft que lorfqae la ponte eft finie , qu'il
abandonne la Femelle , après l'avoir tenue em-
bralfée 40 jours confécutifs.
Voila' un léger précis des obfervations de
SwAMMERDAM : Mr. RoESRL , qui a donné
des preuves de fa fagacité & de fes rares ta-
lents dans fa magnifique Hiftoire ô.qs, Grenouil-
les (a) , a poulfé fes recherches beaucoup plus
loin que l'Obfervateur LIollandois. Ce dernier
avoit découvert dans le Mâle des Tellicules fi-
tués près des Reins , des Véficules féminales ^
(«) IlîftoTîa Natiiralîs Ranurvm , &'c. Norîinhcrfa, 1758.,
enrichie de très belles Hgures eniuminées , in fclio.
iio Considérations Sur les
& des Vaifîeaax défé'-ents^ qu'il croyoit, com-
me je l'ai dit , s'ouvrir dans le Reclum ; mais
il n'avoit point découvert de Partie extérieure
de la Génération. Cette découverte étoit ré-
fervée à Mr. Roesel (^) : en portant fon
attention fur les Véûcules fémïnaks , il fut fur-
pris de ne leur point trouver d'ifllië , & venant
à les confidérer de plus près , il remarqua qu'el-
les communiquoient avec un petit Corps lon-
guet & charnu, placé au bas & au dehors du
Redum , & fait en manière de Papille, Ayant
cnluite introduit de l'Air dans les Véficules , il
vit cette Papille s'élever , & alors il lui fut fa-
cile d'inférer dans fon extrémité une foye de
Porc , qui en pénétrant dans la Véficule , lui
démontra la communication qu'il cherchoit. Il
faut confulter là-deffus la Figure v^. de la
Planche VI., qui met tout cela dans un grand
jour.
Mr. Roesel ne doute donc pas que la Pa-
pille dont il s'agit , ne foit la Partie qui carac-
térife le Maie. Je puis confirmer le témoigna-
ge de cet Auteur , par celui de mon Illurtre
Confrère Mr de Haller , qui a beaucoup é-
tudié les Grenouilles , & avec ces mêmes yeux
auxquels nous devons tant de chofes intéref-
fantes fur le Poulet : il m'écrivoit qi/e le Mâle
de la Grenouille a un Pénis très marqué^ &
qum avoit fouvent vu. Il feroit à défirer que
Mr. Roesel eut vu cette Partie en fonélion ;
(a) liid. pag, 2(5. Ranafufca terre/trit.
Corps Organise' s. iir
mais il avoue lui-même quil n'a pu y parve-
nir.
Il rapporte d'ailleurs plufieurs obfervatidns
qui vont à l'appui de l'Idée de Swammerdam ,
fur la Fécondation. En traitant de Ja Grenouil-
le verte aquatique , Mr. Roesel ^it expreiTé-
ment (i^), que le Mâle monté fur le Dos de la
Femelle^ répand fa Liqueur fur les Oeufs ^ & il
ajoute quil a ohfervé ce Fait plus d'une fois, 11
l'a admirablement exprimé dans la Figure 2. de
la Planche XIII.
Les Oeufs du Crapaud font fécondés de la
môme manière. Le Crapaud aquatique (Z')
cramponé fur le Dos de fa Femelle, retient les
Oeufs entre fes Pattes de derrière , jufques h
ce qu'il les ait arrofés de la Liqueur fémi-
nale , & tandis qu'il Iqs en arrofc, il fe don-
ne les mêmes mouvements que le Chien dans
le coït. Les Oeufs forment un chapelet d'en-
viron deux pieds de longueur : après que le
Mâle a fécondé les Oeufs compris dans l'éten-
due d'un pouce , il lâche cette portion du cha-
pelet , & en faifit une autre avec fes Pattes ,
qu'il arrofe pareillement. Confultez les Figures
I. & 2. de la Planche XVil.
Le Crapaud terreftre (r) fe donne dans le
coït les mômes mouvements que le Crapaud a-
quatique. Il femble vouloir extraire de force
(rt) Ihîd. page 56, 57. Rana vîridis aquatîca,
(fc) Ibid. pag, 75. Biifo aquatîeus , allinm redoUns.
(c) Ibid. pag. 90. Bufo terrejiris , dorjo tuberculis exa/per^i
tOf «cuiis rubris.
112 Considérations Sur Les
les Oeufs hors du Corps de la Fenielle : il ne
le fait pas pourtant, mais il les ramalle & les
niej; en monceau , comme fi fon but étoit de
les arrofer tous plus faciienient & plus promp-
tement. L'Auteur a vu l'Anus s'ouvrir trans-
verfilement & laiifer fortir une goutte de Li-
queur trouble qui fe répandoit fur les Oeufs.
Il arrive fouvent que tous les Oeufs ne font
pas arrofés de la Liqueur que le Mâle fournit ,
& ceux qui ne le font pas demeurent ftériles ;
'Ûs coulent ^ comme s'exprime Mr.RoESEL Qa)y
& fe corrompent , fans produire autre choie
qu'une fermentation , qui nuit aux Fœtus ren-
fermés dans les Oeufs féconds.
30 î. Les AnimauxVïevm^)\\ïoà\tQ^. LeVex.
de Terre. La Limace. Qj-ielques efpèces
de Coquillages.
Découvertes de Mr. Adanson.
Les Vers de terre , les Limaces , les Lima-
çons, plufieurs efpèces de Coquillages ont les
deux Sexes à la fois , & ce* qui confond tous
nos raifonnemens , c'eil que Tlndividu ne peut
pourtant fe féconder lui ^ même. 11 i^iut que
deux Individus, qui font, à la fois Mâle & Fe-
melle , s'unillent pour produire d'autres Indivi-
dus de leur efpèce.
C'EST à la Tête, ou dans la Partie antérieu-
re de l'Animal , que font les Organes de la Gé-
né-
ra) Ihii. pag. SV3,
Corps Organise' s. JI3
nération. Chez le Limaçon terrellre , il faut
les chercher entre les deux Cornes , du côté
droit. Lors que les deux Individus veulent s'u-
nir , ils s'aprochent l'un de l'autre en élevant
la Tête & le Col ; & s'entrelacent bientôt par
de longs Cordons charnus, qu'ils font fortir de
leur intérieur. Je lailfe à l'Auteur voluptueux
de la Vénus phyfî'qns à peindre leurs amours , &
à en tirer des conféquences afîbrties à ces pein-
tures Qa').
Personne avant Mr. Adanson , de l'Aca-
démie Royale des Sciences , n'avoit étudié les
Coquillages comme ils demandoient à l'être.
Nous fommes redevables à fon courage pres-
que héroïque , à fa fagacité & à les talents,
d'une excellente Hilloirc Naturelle du Sénégal,
Q?) qu'il publia en 1757, & dans laquelle l'on
trouve une Defcription détaillée d'un très grand
nombre de Coquillages dcfTmés avec exaditude
& avec goût , & diltribués fuivant une Mé-
thode nouvelle , fruit des obfervations multi-
■ pliées d'un Efprit vraiment philofophique.
En confidérant les Coquillages relativement
au Sexe , Mr. Adanson les diftribuë en quatre
claifes Qc), Il place dans la première ceux
(fl) Vin. phyf. Chao. XI pag. 78. & fuiv.
( & ) Hiftoire Naturelle du Sénégal, Coquillages. Avec la relation
abrégée d'un Voyage fait en ce pays , pendant les années 1749^
50, 51, 52, ^ 53. Ouvrage orné de Figures, à Parti cb^i
Claude Jean Baptifte Bauche , Quai des yiug. 17 57. in 40»
(c) Ibid. pag. 57. de la Dé^nitton des Parties,
ToM. II. H
114 Considérations SurLes
dont le Sexe efl: partagé , ou chez lefquels on
trouve des Individus Mâles & des Individus
Femelles : la Pourpre en eil un exemple. Le
Mâle laifTe fortir de tems en tems , du coté
droit , une Languette triangulaire & applatie ,
qui conflituë le Sexe Qa\
La féconde clafle renferme les Coquillages
que l'Auteur croit fe fiiffire à eux-mêmes , ou
dans lefquels on ri aperçoit^ dit -il , aucune des
Parties de la Génération ni aucun accouple
ment (J?), Telles font les Conques , dont Inui'
ire elt une efpèce. Je ferai cependant remar-
quer que l'Auteur n'a point d'expérience di-
recte fur ce fujet : c'eft uniquement par la
voye du raifonnement qu'il infère que les Huî-
tres fe fuffifent à elles-mêmes. Il importe que
je cite fes propres termes. „ Quelques Au-
„ teurs modernes, dit- il, ont afluré que l'on
5, avoit diftingué les Huitres Mâles d'avec les
„ Femelles : cependant il eft certain que la
5, plupart de ces Animaux qui vivent éloignés
5, les uns des autres , & dans l'impuiflance de
„ fe joindre par la Copulation , engendrent
3, leurs femblables ; d'où l'on peut conclurre
„ qu'ils n'ont befoin d'aucun Sexe pour fe ré-
„ produire , ou que chaque Individu les réunit'
5, tous deux (f) ".
La troifième claiTe comprend les Coquilla-
(a) Ibîd. pag. 103. de la Defcription des Coquillages*
(t) Ibid. pag. 57. de la Déf. des Part.
(ff) Ibid. pag. ip^ ieUk i^ejcri^t, 4e f Co^uilla^es^
Corps Organise' s. 115
ges qui ont les deux Sexes à la fois , mais qui
ne peuvent le féconder eux-mêmes. Le Z/-
maçon commun en eft un exemple ([^).
La quatrième claiTe nous offre un trait nou-
veau*& bien fi-apant,de la diverfité des moyens
que la Sagesse Divine a chgifis pour la pro-
pagation des elpèces. Les Coquillages qui ap-
partiennent à cette claffe , polledent bien les
deux Sexes à la fois ; mais deux Individus ne
peuvent fe féconder réciproquement & en
même tems , comme les Limaçons. La fi-
tiuition défavorable des Parties fexuelles s*y
oppofe. Chaque Partie a fon ouverture pro-
pre ; l'une eft placée à l'origine des Cornes ,
Tautre Teft beaucoup au - dellous Çh^* Mais
ce Fait eft fi nouveau & fi particulier , que
dans la crainte de ne le rendre pas avec afles
d'exactitude , je tranfcrirai ici le paffage en en-
tier : le voici (c). „ La quatrième clalTe
5, efl de ceux qui poffédant les deux Sexes à
„ la fois , ont befoin de monter les uns fur les
5, autres pendant l'accouplement , à caufe de
5, la fituation défavantageufe de leurs Organes.
5, Tel efl l'Hermaphrodisme du Bvlin & du
5, Qoret : fi un Individu fait à l'égard de Tau-
„ tre la fonélion de Mâle , ce Mâle ne peuc
5, être fécondé en même cems par fa Femelle,
„ quoi qu'Hermaphrodite ; il ne le peut être
(fl") VoM, pag. 57. àt laDéf, des Part,
(i) Ibid. pag. 58. dfUDéf, des Fart,,
(i) Ibid, pag. 57,
0 *
ii6 Considérations Sur Les
„ que par un troifième Individu qui fe met fur
j, lui vers" le côté , en qualité de Maie. C'cll
j, pour cette railon que Ton voit ibuvent un
„ grand nombre de ces Animaux accouplés en
5, chapelet les uns à la Queue des autres. Le
j, feul avantage que cette efpèce d'Hermaphro-
5, dite ait fur les Limaçons , dont le Sexe eft
5, partagé , c'eft de pouvoir féconder comme
' Mà!e un fécond Individu , & d'être fécondé
j, en même tems comme Femelle par un troi-
^, fième Individu '*.
Ainsi , comme le remarque Qa") fort bien
nôtre fçavant Naturalifte , „ il ne manque-
3, roit plus aux Coquillages , pour réunir tou-
55 tes les efpèces d'Hermaphrodisme , que de
5, pouvoir s'accoupler à eux-mêmes , & être
en même tems le Père & la Mère du même
Anim.al. La chofe , ajoute - 1 • il , n'eft pas
impoflible, puis que piufieurs l^nt pourvus
dès deux Organes nécellaires : & peut-être
quelque Observateur y découvrira -t - il un
jour cette forte de Génération ".
302. Qî/e les Hermaphrodites qui ne peu-
vent fe fujfire à eux - mêmes , r en dotent
rexifîence des vrais Androgynes plus dou-
teufe encore.
JNottvelle raifon d'en douter.
Problême phyflque.
L A découverte de divers Animaux , pour-
(a) Mi. pag. 57. ^ 58,
55
33
Corps O r g a n i s e' s. 117
vus à la fois des deux Sexes , & qui néanmoins
ne peuvent fe féconder eux-mêmes , éroic bien
propre à perfuader de plus en plus la nécelTité
du concours de deux Individus pour opérer la
Génération. L'univerfilité de cette loi a dû
paroitre démontrée , dès qu'on a pu s'aflurer
que de vrais Hermaphrodites lui étoient fournis.
En un mot , dit Mr. de Reaumur (^} , //
n'a pas été accordé à ces fortes d* Hermaphrodi-
tes de fe féconder eux - mêmes : des Faits fans
nombre ont donc confirmé une régie qui jnfqu'à
nos jours n'avoit paru démentie pm^ aucun Fait
ûjjés pofîtif II étoit donc naturel que les Phy-
ficiens fe rendiffent très difficiles fur les preu-
ves par lefquelles on tenteroit d'établir , qu'il
ell des Animaux qui fe fuififenc à eux mêmes.
Des Obfervateurs célèbres avoient admis l'exis-
tence de femblables Animaux fur des préfompi
tions allez plaufibles , mais parmi les efpèces
qu'ils avoient mifes au rang de ces Hermaphro-
dites fmguliers , il s'en étoit trouvé dans les-
quelles un Obfervateur plus exacl avoit décou-
vert depuis des Mâles & des Femelles, qu'il
av^oit vu s'accoupler. Les GalUnfecîes , dont
j'ai beaucoup parlé dans ce Chnpitre , en étoient
un exemple remarquable. Des Infeéles qui ne
peuvent changer de place , & qui femblent fai-
re corps avec la Plante où ils font fixés, étoient
dans un cas qui les raprochoit bien des Huîtres^
(a) JWen». pour fervir à l'Hift.desInJeUes, Tome 6. page 515,
H 3
xi8 Considérations Sur Le»'
qu'on juge fe multiplier fans accouplement. Cé-
toit donc encore une nouvelle raifon pour dou-
ter de l'exiftence des Animaux qui fe fuffifent
à eux-mêmes, & c'étoit un nouveau motif
pour ne fe rendre que fur les expériences les
plus dire6tes & les plus démonftratives. Ce fu-
rent de femblables confidérations qui portèrent
en 1733, un habile Naturalifte , Mr. Brey-
N I u s , à propofer aux Phyficiens le Problême
fuivant Qa^.
PROBLEMA PHYSICUM.
5, An indubitate demonfhari poflît ,' in rerum
„ Natura , genus aliquod Animalium vere An-
„ drogynum , id eft , quod fine adminiculo Ma-
,, ris fui generis , ova in & a fe ipfo fœcundata
5, parère , adeoque folum ex & a fe ipfo genus
,5 fuum propagare poflit?"
Genus AmmaUiim ejusmoâi Anàrog^-
f;^//;? 5 ajoute Mr. Breynius, Ucet a multis iisque
prîmi orainis Natura Confidtis patuatur , a ne-
mine tamen quod eqiiidem jciam , ita dèinonjlra-
, tum fuit ^ ut non multa^ eaque haudlevia^ et
pojjînt objîci dubia.
303. Découvertes de routeur fur les Puce-
rons.
Solution du Problême phyftque.
(ë") Jdks ies Curieux de lu JKatnre, pour Tan 1733, pag. if,
4t rAppendicc.
Corps Organise' s. 119
Suites de Générations élevées en foïiîude S
leurs réfultats.
Tel étoit l'état de l'Hiftoire Naturelle relati-
vement à la queftion fi fouvent agitée des An»
drogynes ; & telle étoit en général la difpofition
des ËfpritSjlors que j'entrepris il y a 21 ans, en
May 1740, ma première Expérience fur les Pu»
cerons. Ces Infectes fi féconds , & dont les
efpèces font fi nombreufes, étoient depuis long-
tems au rang de ces Animaux , qu'on s'étoic
hâté de mettre dans la clafie des vrais Andro»
gynes dont parle Mr. Breynius; & cette con-
clufion précipitée ne prouvoit autre chofe finon
que de bons Obfervateurs peuvent quelquefois
manquer de Logique : parce qu'ils n'étoient ja-
mais parvenus à furp rendre des Pucerons accou-
plés , ils s'étoient preiTés d'en conclurre , que les
Pucerons multiplioient fms accouplement. Ce
n'étoit pourtant là qu'un doute ou au plus qu'un
fimple foupçon ; mais ce foupçon , Mr. de
Reaumur l'avoit accrédité en l'adoptant , & en
rétayant de quelques obfervations qui lui étoient
propres , & qui laiifoient toujours la queftion
indécife Qa').
Ma première Expérience la décida, & elle
m'apprit que les Pucerons étoient de vrais An-
drogynes. On a vu dans le Tome VI. des Mé"
C«) Mém. pour fervir à VHill. dis InJ. Tom. III. Mém. 3.
iorn. Vi. pages 523. & fuivantes.
H4
120 Considérations Sur Les
moires àe Mr. de Reaumur (^), & dans la
lere. Partie de mon Traité d Inje&ologie (^5,
quels furent les foins & les précautions avec lef-
quels je tentai cette Expérience importante Un
Puceron pris au moment de fa nailîance & ren-
fermé à l'inftant dans la plus parfiite folitude ,
y mit au jour , fous mes yeux , 95 Petits.
Je me hâtai de faire part des détails de cette
Expérience h feu mon lUuftre Ami Mr. de
Reaumur, qui la jugea digne d'être communi-
quée à la fçavante Compagnie dont il étoit un
des principaux ornements. „ vSûr, dit- il (r).
„ du plaifir que les obfervationa de Mr. Bonnet
j, feroient à l'Académie, je tardai peu à lui lire
39
fa Lettre du 13e Juillet, dans laquelle elles
écoient détaillées. Il parût à l'Académie en-
'^ tière que Mr. Bonnet avoit porté les pré-
cautions & les foins même au de - là de ce
qu'on eut ofé le fouhaiter : quelque couvain-
, eue qu'elle fût qu'il n'avoit rien négligé pour
éclairer toutes les démarches de fon Puce-
ron , qu'il avoit été pour lui un Argus plus
difficile à tromper que celui de la fable , elle
jugea néanmoins qu'une feule Expérience,
quoique très bien faite , ne fuffifoit pas pour
ôter tout doute par rapport à un Fait con-
traire à une loi dont la généralité avoit fem-
blé établie par le concours unanime de tous
les Faits vus jusqu'alors. On n'a que trop
39
(0) Pages 530. & fuivantes.
(fe) Pases 26. & fuivantes.
(c) im. Tom. VI. pag. 537*
Corps Organis e's. 121
„ d'exemples de circonftances qui ont échappé
„ à des yeux clairvoyants & attentifs. L'Aca-
„ demie ne pût donc s'empêcher de défirer que
5, la même Expérience fût répétée 'par Mr.
„ Bonnet, autant de fois, & fur le plus de
,, Pucerons de différentes efpèces qu'il lui fe-
5, roit pofTible ; je fus chargé de l'en prier de
5, fa part, & je le fis."
Je ne pouvois manquer de répondre au defir
de l'Académie ; je répétai donc ma première Ex-
périence fur la même efpèce de Pucerons , &
je rétendis, en même tems, à plufieurs autres
efpèces C^)* ^^ ^^^^ toujours le même fuc-
cès ; tous les Pucerons élevés en folitude depuis
l'inftant de leur nailîance, devinrent Mères, &
mirent au jour, fous mes yeux, une nombreu-
fe poftérité. Je portai même l'exailitude au
point de drelTer des Tables des jours & heures
des accouchements de chaque Solitaire^ & je me
ferois difpenfé de publier ces Tables , fi le fujet
que je traitois eut été moins neuf, & û je n'a-
vois pas eu des raifons de préfumer qu'elles poiir-
roient fervir à des comparaifons utiles. Ces nou-
velles Expériences , faites avec un foin vraiment
fcrupuleux, latisfirent pleinement f Académie
Royale des Sciences & Mr. de Reaumur,- &
l'aprobation dont ils les honorèrent , ne laifibic
pas lieu de douter, que le Problême de Mr.
Breynius n'eut été bien refola
(#) Traité d'InJtMogie &c. prem Part. Obferr. II. III.
H5
122 Considérations Sur Les
Je fongeois donc à lailTer repofer mes yeux,
fatigués par l'attention foutenuë quejlwois don-
née à de fi petits Infeétes , lorfqu'un foupçon
imprévu & fort étrange que me communiqua
Mr. Trembley , vint m'engager dans une fuite
de recherches plus pénibles encore que les pré-
cédentes. Dans une Lettre que ce célèbre
Obfervateur m'écrivit de la Haye , le 27. Jan-
vier 1741 5 il s'exprimoit ainfi. J'ai formé de-
puis le mois de Novembre le dejfein d'élever phi-
fleurs Générations de fuite de Pucerons Jblitai'
res 5 pour voir s'ils feroient toujours également
des Petits. Dans des cas fi éloignés des circon^
fiances ordinaires ^ il eft permis de tout tenter.
Je me difois^ qui fçait fîim accouplement ne fert
poifit à plu fleurs Générations ? Il faut avouer
que ce qui fçait étoit bien gratuit ; mais il
partoit de Mr. Trembley , & c'en fût alfezpour
me perfuader que je n'avois pas pouifé la dé-
monftration affez loin. L'aprobation d'une Com-
pagnie refpeétable m'avoit rendu jaloux de mes
premières Expériences, & fort jeune encore je
ne pouvois fouifrir qu'elles fufTent , en quelque
forte , infirmées par un foupçon même très lé-
ger* Ce foupçon excitant mon amour-propre ,
je me mis à élever en folitude plufieurs Généra-
tions confécutives de Pucerons de différentes
efpèces. J'élevai ainfi quatre Générations d'une
efpèce, cinq d'une autre, fix d'une troifième
(â). Il écoit donc rigoureufement démontré
par ces nouvelles Expériences , que fi la fécon*
(a) Tmti d'InjèSltl i. Part. Obf.III, IV, V.
Corps OrcAnise's. 123
dation des Pucerons étoit due à l'accouplement
fecret dont me paiioit Mr. Trembley, cet ac-
couplement fervoit au moins à cinq Générations
coniecutives. C'étoit déjà un grand prodige à
digérer 3 que des Arrières petit-fils fulTent rendus
féconds par leur Quinqu'ayeul ou feulem.ent par
leur Trilàyeul , & je vois que mon Ledeur
n'héfite pas à préférer d'admettre que les Puce-
rons fe propagent ians aucune forte de Copula-
tion. Je ne crûs pas néanmoins en avoir fait
affez pour détruire un fimple foupçon : il eue
été à defirer pour mes yeux, que je ne luieuiïe
pas donné autant de poids ; je n'aurois pas au-
jourd'hui à regretter de les avoir trop fatigués ,
& la tendre amitié de Mr. Trembley n'aurolt pas
à partager avec moi ces juftes regrets.J'élevai donc
encore jusqu'à la dixième Génération de Puce-
rons folitaires, & j'eus la patience, je devrois
dire la folie , de drefler des Tables des jours
& heures des accouchements de chaque Géné-
ration C^). Pendant que j'écris ceci , j'ai fous
les yeux l'Obfervation VI. de la i^re. Partie de
mon Traité^ & j'avoue que je ne puis y lire
fansétonnement ce qui fuit Qb^. „ Si malgré des
5, Expériences pouffées auffiloin que celles dont
5, je rends compte aétuellement, on n'eftimoit
„ pas que j'eulfe encore démontré la fauffeté
55 du foupçon indiqué dans l'Obfervation III. ; on
,5 feroit toujours forcé de convenir qu'admettre
„ avec moi que les Pucerons perpétuent leur
(tf) Ibid. Obf. VI.
(i) Ibid. pag. io«, lo».
124 Considérations Sur Les
j, efpèce abfolument fans accouplement , ou
„ admettre qu'un accouplement fert au moins à
5, neuf Générations confécutives , ce feroit ad-
„ mettre une chofe également éloignée des rè-
„ gles ordinaires , fi même la dernière ne l'étoit
5, beaucoup plus. Qu'on ne croye pas cepen-
„ dant, que je dife ceci pour me difpenfer de
5, reprendre ces Expériences , & de les étendre
,5 à un plus grand nombre de Générations : on
5, fe tromperoiti mon delTein eft au contraire
„ de mettre à profit les connoilfances que j'ai
„ acquifes fur cette matière, & d'y répandre
5, plus de jour; je ne défefpère pas même de
5, parvenir au moins à élever en folitude jus-
„ qu'à la trentième Génération de ces petits In-
,5 fedes. " C'efl ainfi que je raifonnois il y a
i8 ans, & qu'animé de cette forte d'enthou-
fiafme , que fuppofe ordinairement toute entre-
prife longue & pénible, je me préparois à en-
Laller preuves fur preuves. Il me fembloit que
je n'avois encore que préludé, & je comptois
presque pour rien tout ce que j'avois fait. Je
rirois aujourd'hui de cet enthoufiafme , fi les fui-
tes en avoient été moins fâcheufes ; mais , je
leur ai dû les Recherches fur les Feuilles des.
Plantes 5 & /'^«^/)[/^ des Facultés de nôtre Ame.
304. Diftin&ion réelle de Sexe chez les Puce-
rons & leurs accouplemeris.
Ohfervatim fur un paj[age de Mr. de Buffon
relatif à ce fujet.
Apres avoir établi , fur tant d'Expérience:5
Corps O.rganis e's. 155
répétées plufieurs fois avec le plus grand foin ,
que les Pucerons multiplient fans aucun commer-
ce avec leurs femblables , je n'avois pas lieu de
m'attendre que je découvrirois chez ces Infec-
tes , des Mâles & des Femelles , & que je les
verrois s'accoupler. La nouveauté & la fingu-
larité de ce Fait exigeoient néceffairement que
j'entraile dans des détails que j'aurois fouhaité
d'épargner à mes Lecteurs. J'ai donc été obli-
gé de m'étendre fur les amours d'une efpèce de
Pucerons (<^). J'ai décrit les Parties fexuelles;
j'ai raconté les différentes manoeuvres du Mâle
& de la Femelle. J'ai prouvé par nombre d'ob-
fervations, que le Mâle eft peut-être un des
plus ardents qu'il y ait dans la Nature. Enfin ,
j'ai démontré que la même efpèce où j'avois
obfervé une diftinction réelle de Sexe & un vé-
ritable accouplement , multiplioit pourtant fans
accouplement (Z').
La manière dont Mr. de Buffon indique
tous ces Faits , efl fi obfcure & fi équivoque ,
qu'elle laiiïeroit douter à ceux qui n'ont pas lu
mon Livre , fi ces Faits ont été bien oblervés.
,, D'autres Animaux /' dit-il (c), „ comme
„ les Pucerons , n'ont point de Sexe , font éga-
3, lement Père ou Mère , & engendrent d'eux-
,, mômes & fans Copulation , quoi qu'ils s'ac-
„ couplent aiilii quand il leur plait , fans qu'on
„ puille fuvoir trop pourquoi, ou, pour mieux
(«) IViL Obf. VIL
(fc) IbiL Obf. XIII, XIV.
\ç) Hiji, Natur, àc. Tom. 2. pag. 312, ^13,
126 Considérations Sur les
^5 dire, fans qu'on puifle (avoir fi cet accou-
„ plement eft une conjon6lion de Sexes , puis
55 qu'ils en paroiflent tous également privés ou
5, également pourvus ; à moins qu'on ne veuille
5, fuppofer que la Nature a voulu renfermer
5, dans l'Individu de cette petite Bête , plus de
,5 facultés pour la Génération que dans aucune
„ efpèce d'Animal , & qu'elle lui aura accordé
„ non - feulement la puilfance de fe réproduire
3, tout feul, mais encore le moyen de pouvoir
„ aufli fe multiplier par la communication d'un
55 autre Individu." Si cet habile Homme avoit
bien voulu donner quelque attention à mon Ou-
vrage , il fe feroit exprimé avec plus de clarté
& d'exaclitude. 11 dit d'abord , que les Pucerons
n'ont point de Sexes , & qu'ils engendrent fans
Copulation, Il dit en fuite, qu'ils s'accouplent^
fans qu'on puife favoir fi cet accouplement eft
une conjon&on de Sexes ^ puisqu'ils en paroijfent
tous également privés , ou également pourvus.
Enfin , il ajoute , qu'ils s'accouplent quand il
leur plait ; ce qui donneroit à entendre qu'ils
peuvent le faire en tout tems , & je ferai bien-
tôt remarquer , qu'il n'y a qu'un tems dans l'an-
née où l'on puiile obferver de ces accouplemens.
Les fçavants Auteurs du Journal de Trévoux ,
en faifant l'extrait Qa') de mon Traité d'Infeclo-
logie 5 m'ont fait un reproche auquel je ne m'é-
tois pas attendu ; il s'agiflbit des amours des Pu-
cerons : le détail , ont - ils dit , où il entre fur
cela , eft d'un homme inftruiî. On pourrait même
(a) Mars, 174^. pag. 413.
Corps Organise* s. 127
fe plaindre qu'à cet égard ^ il n'a pas ajfez mé-
nagé la fage délicatejje de bien des Ledteurs. Ces
Meflieurs n'a voient pas foupçonné que malgré
ce détail d'un homme inftruit , on mettroit un
jour en queftion , fi les Pucerons ont un Sexe ,
ou n'en ont point ; & moi je n'avois pas foup-
çonné le moins du monde qu'en décrivant en
Naturalifte les amours de fi petits Infeéles , je
choquerois la fage délicatejje de bien des Lec-
teurs, Les Ecrivains d'Anatomie & de Phyfio-
logie la choquent donc bien davantage.
305. Différences remarquables entre les In*
dividus de la même efpèce chez les Puce-
rons.
J'ai fait mention dans ce Chapitre de quel-
ques efpèces d'infeftes , dont le Maie efl ailé ,
tandis que la Femelle eft toute fa vie dépour-
vue d'Ailes. Les Pucerons ont plus à nous of-
frir en ce genre. Il y a aulTi parmi eux des
Mâles ailés & des Femelles non- ailées ; mais
il s'y trouve encore des Mîîles non -ailés & des
Femelles ailées. Pour lever toute équivoque ,
je dois ajouter, que les Mdies & les Femelles
non -ailés dont je parle , font effentiellement
tels , & qu'ils ne font jamais appelles à prendre
des Ailes. Jufqu'ici ces Mâles non -ailés n'ont
été obfervés que chez nos Pucerons , & je n'en
ai découvert que dans une feule efpèce de ces
Infedes (^). C'eft encore une chofe remar-
(a) Truiiti i'IiifsM, Obf. XV.
128 Considérations Sur les
quable , que la fgrande difproportion de taille qui
eil entre les Mâles & les Femelles : les pre-
miers , & fur tout les m^! - aîlés , font fî petits,
qu'ils fe promènent fur le Dos de la Femelle ,
comme je l'ai raconté des Maies des Gallinfec-
tes. Souvent pendant ces promenades , qui
durent un tems, la Femelle eft presqu'aufli im-
mobile qu'une Gallinfecle. Autant elle mon-
tre d'infenfibilité & de pefanteur , autant le Md-
le montre d'ardeur & d'agilité. Il pafle des
journées entières fans prendre de nourriture ;
tout elt chez lui en aflion , & toujours occu-
pé de fa Femelle , il ne fait que fe promener
autour d'elle <Sc fur elle , & ne fe fixe que lors
qu'il ne défire plus.
306. Qfie les Pucerons font vivipares dans
la belle faifon , & ovipares fur la fin de
Vauîomne,
Conjethires fur Tifage de leurs accouplemens.
Expérience à tenter pour vérifier cette con-
je&ure.
Mon Le6i:eur demande avec impatience , à
quoi fert \ accouplement dans des Infedes , qui
fe fuffifants à eux - mêmes , peuvent propager
fans fon fécours ? Avant que de toucher à
cette quellion , je rappellerai un Fait dont je
n'ai dit qu'un mot (^), & qui eft une des gran-
des fmgularités que l'Hiftoire des infectes ait à
nous offrir.
Pen-
(«) Voyez Article I49«
Corps O r © a n i s e' s. isp
Pendant la belle faifon, les Femelles des
Pucerons mettent au jour des Petits vivants ;
elles font donc alors vivipares : vers le milieu
de l'automne , elles pondent de véritables
Oeufs ; elles ceirent donc alors d'être vivipa-
res & deviennent ovipares. Je fis cette dé-
couverte dans l'automne de 1740 (^), qui a
été confirmée depuis par d'excellents Obferva-
teurs. J'ai montré dans mon Livre (^^), que
\qs Femelles lavent varier leurs procédés lors
qu'elles ont à mettre au jour des Petits , ou
qu'elles ont à pondre des Oeufs. J'ai décrit ces
Oeufs ( c^ 5 les précautions avec lesquelles ils
font dépofés , ce qui précède , accompagne &
fuit la ponte. Enfin , après avoir d'abord re-
gardé ces Oeufs comme des Fœtus venus au
jour avant terme , j'indiquai les raifons qui me
perfuadèrent enfuite, qu'ils étoient de véritables
Oeufs (^).
Je communiquai tout cela à Mr. de Reau-
MUR , qui s'empreffa d'en rendre compte au
Public dans le Tome VI. de fes Mémoires , pa-
ge 55(5. & fuiv. Jl préféra d'adopter ma pre-
mière conjeftiire : il crût devoir prendre pour
de fimples Fœtus ces petits Corps oblongs que
j'avois vus dépofer avec tant de précautions , &
dont tout l'extérieur étoit fi femblable à celui
(a^ Traité d' Infe&ol I. Part. pag. 125, J39, & fttiv,^
(&) Ibid. pag. 141. &.fuivantes.
Ce) Ibid. pag. 139, 148, JS2, 153.
(d) Ibid. Obf. IX.
JOM. IL I
I30 Considérations Sur Leô
d*un Oeuf d'Infeéle. Trop plein de cette idée,
notre Illuftre Académicien forma, fur fufage de
l'accouplement , une conjecture qui a dû pa-
roitre bien étrange , & qu'il expofe à la page
552. Il imagina que l'accouplement ne fervoit
peut - être qu'à aider les Mères à fe délivrer de
ces prétendus Avortons , qui les feroient périr
pendant Thyver en fe corrompant dans leur
Matrice.
Mais , une obfervation intérefTante , qui nV
voit pas encore été faite lors que Mr. de
Reaumur compofoit le Vln^e. Volume de fes
Mémoires 3 me difpenfe de réfuter fa conjefture.
Ces Corps oblongs , que je n'avois pu celfer un
inftant de regarder comme de véritables Oeufs ,
en font fi bien , que Mr. Lyonnet en a vu for-
tir au m.ois d'Avril 1743. de petits Pucerons
vivants. C'efb dequoi Mr. Tre mb l e y a in~
Itruit le Public dans la Préface de fon Pliftoire
des Polypes : il ajoute même que Mr. Lyonnet
lui a fait voir un Petit qui for toit de rOeuf,
Si le témoignage de pareils Obfervateurs de-
mandoit à être confirmé , je dirois que j'ai auffi
obfervé de petits Pucerons , qui étoient fortis '
des Oeufs que j'avois renfermés dans un Pou-
drier à la fin de Novembre, 1743. (^). Au-
- refle , ces Pucerons étoient fenfiblement plus pe-
tits , que ceux dont les Mères accouchent vi-
vants , & la petiteffe des Oeufs me l'avoit dé-
jà annoncé.
(a) md, Obf. XIX,
Corps Organise' s. igî
Mr. de Geer, de l'Académie de Suède,
dont la fugacité & l'exacHtiide brillent dans les
beaux Mémoires qu'il nous a donnés fur les In-
feéles, a vérifié. une partie de ces Faits, & je
raporterai ici l'extrait d'une Lettre qu'il m'é-
crivit de Stockholm le 24. d'Août 1759. Tou-
tes les efpèces de Pucerons , que fai ohferzées^
[oit d'Arbres 5 foit d'Herbes , m'ont fait voir
des Mâles , & des accouplemens ; les Femelles
ont conjlammenî pondus des Oeufs , dejîinés à
confervtr l'efpèce pendant l'hiver. y*ofe donc
croire qtï'il en eft ainfî de tous les Fucerons,
Ce n'eft qu'à Taproche de l'hyver que les
Femelles des Pucerons pondent des Oeufs , &
e'ell: à peu près vers ce tems - là que les Mâles
commencent à paroitre. Il y a donc un ra-
port fecret entre Tapparition des Mâles & la
ponté. C'efl ce raport que nous cherchons , &
qui doit renfermer la raifon de l'accouplement;
Dans quelque faifon qu'on ouvre le Ventre
d'une Femelle , on y trouve des Oeufs ; & fi
c'eft en été , on y trouve des Oeufs & des Pe-
tits prêts à naître. Les Petits des Vivipares é-
clofent dans le Ventre de leur Mère , les Pe-
tits des Ovipares , après en être fortis. Les
Petits des Vivipares prennent donc dans le Ven-
tre de leur Mère , un accroiflement que n'y
•prennent pas les Petits des Ovipares. Les Pu-
cerons qui nailTent vivants , fe développent
^pncj jufqu'à un certain point , avant que dé
13a Considérations Sur Les
paroître au jour: ceux qui nailTent renfermés
dans des Oeufs , n'étoient pas appelles h fe dé-
velopper fi tôt. Ils étoient deflinés à conferver
Tefpèce pendant l'hy ver , & ne dévoient éclorre
qu'au retour de la faifon propre h leur procurer
la nourriture.
Mais le Développement fuppofe la Nutri-
tion : les Pucerons qui naiflent vivans , ont donc
reçu dans le Ventre de leur Mère une nourri-
ture que n'ont pu y recevoir ceux qui demeu-
rent renfermés dans des Oeufs : cette nourriture
a opéré chez les premiers un développement
qui n'a pu s'opérer chez les derniers. L'accou-
plement n'auroit-il point pour principale fin, de
fuppléer dans ceux-ci, à ce défiut de nourri-
ture? La Liqueur féminale que le Mâle fournit
ne feroit-elle point deftinée à remplacer les' fucs
que le Germe n'a pu tirer de la Mère? Ce n'efl
là qu'une fmiple conjeélure , mais qui n'efl pas
deftituée de vraifemblance.
Il feroit aifé de la vérifier , en privant de
Mâles un certain nombre de Femelles : on s'af-
fureroit par cette Expérience , fi les Oeufs qu'el-
les pondroient , feroient féconds (//). Ainfi mal-
gré toute l'attention qu'on a donnée aux Fuce^
rons , ils n'ont pas encore été affez étudiés ,
& leur Hifloire nous préfente des Faits intéref-
fans qui refient à éclaircir. Ceux fur lesquels il
n'y a maintenant plus de doute , parce qu'ils ont
(a) Voyez ce que j'ai dit là-dcflus, ire. Part. d« Vlnfe&ol,
pag. 175. & ^iJiv. & pag. sQ2v 203.
Corps Organise' s. 133
été confiâtes par une longue fuite d'Expérien-
ces & d'Obfervations , font bien propres , com-
me le dit Mr. DE Reaumur C^), à jujîifier
remploi du teins pajjfé à obferver les plus petits
Infectes.
•^oy. Que les Polypes n'offrent point de difîinc*
tien de Sexes & qu'' ils font de vrais Andro-
gynej.
Dans un tronçon de Ver , dans un tronçon,
de Polype) la produ6lion d'une nouvelle Tête,
d'une nouvelle Queue 5 ne paroît pas plus dé*
pendre d'une fécondation par accouplement,
que les différentes productions d'une Bouture ne
paroiflent dépendre du concours de la PoufTière
des Etaraines. Ainfi la production des Rejet-
tons d'un Polype , comme celle des Branches
d'un Arbre, ne paroifTent pas non plus fuppofer
cette forte de fécondation. Il étoit donc affez
naturel de préfumer, que les Polypes d'eau dou-
ce mukiplioient fans accouplement. Mr. Trem-
BLEY , qui les a fuivis avec tant de foins & d'at«
tention, alTure auiïi qu'il ne les a jamais vus s'ac-
coupler, & que quelques recherches qu'il aie
faites , il n'a rien découvert qui indiquât chez
eux aucune force de Copulation, Il nous don-
ne lui-même, en peu de mots, le réfultat de
toutes fes recherches, que je ne puis me difpen-
fer de mettre ici fous les yeux de mon Lecteur,
\b) Mém. fur les Infe&. Tom. VI. page 524.
I3
134 GoNsiDEHATioKs Sur Les
„ On peut conckirre , dit -il Ç^)? de ires
j, Expériences , lur le principe de la fécondité
„ des Polypes;
i\ „ Qu'un jeune Polype, depuis qu'il efl
5j fcparé de fa Mère , n'a pas befoin de la com-
3, pagnie d'un autre Polype pour fe multiplier.
2». „ Que iiiême avant que de s'en féparer,
3, il a le principe de la fécondité , puisque dès-
5, lors il multiplie.
3°. ,, Que fi c'ell la Mère qui lui communi-
„ que ce principe pendant qu'il lui efl uni , ce
5, ri'eft point qu'il y ait aucune communication
„ entre la Tête & les Bras de cette Mère , ou
5, bien entre la Tête & les Bras d'un jeune Po-
« lype.
5, 4-^. Qu'il n'efl; pas non plus fécondé de cet-
5, te manière par un autre jeune , qui fort de
3, la même Mère en même tems que lui.
„ 5°. „ Que s'il fe féconde lui-même, il eft
5, affez vraifemblable que c'eil; d'une manière
3, imperceptible."
Non feulement les Polypes paroiiïent être.
de vrais Androgiyncs , mais , ils paroillent encore
abfolument privés de Sexes. A l'aide des meil-
leurs Microfcopes, on n'y a rien aperçu qui
reflemblâtle moins du monde aux Parties /é^t*//^/-
les. Je l'ai dit & répété plufieurs fois : tout le
Corps du Polype n'efl: qu'une forte de Boyau ,
dont les parois font garnies intérieurement d'une
(«; Mém.fur les P&Jypes, Tom. a. in ^o. pa^e çi , 92*
Corps Organise' s, 135
multitude de petits Grains. Ce Boyau porte h
une de fes extrémités une Tête & des Bras ;
l'extrémité oppofée qui fe termine en pointe ,
eft exadement fermée , & l'Infeéle ne s'en fert
que pour fe cramponer à quelqu'appui. Si donc
les Polypes font de vrais yindrogyms ; & com-
ment en douter? ce font des Androgynes bien
différents de ceux que les fucerons nous ont
fait voir; car j'ai prouvé que les Pucerons font
diftingués de Sexes, qu'ils s'accouplent , & que
néanmoins ils peuvent fe fuffire à eux - mêmes,
308. Infectes privés de Sexe pendant une
grande partie de leur vie.
Il y a une clalfe très nombreufe d'Animaux
qui font abfolument dépourvus de Sexes pen-
dant la plus grande partie de leur vie : tels font
tous les Infeélcs qui fubiffent des Métamorpho^
fes. Tandis que flnfede eft fous la forme de
Ver ou fous celle de Chenille, il n'eft, à pro-
prement parler, ni Mâle ni Femelle ; mais il
fera Mâle ou Femelle lors qu'il aura pris fa der-
nière forme , celle de Mouche ou de Papillon.
C'eft fous cette dernière forme que flnfeàe eft
appelle à perpétuer fefpèce. J'ai prouvé dans
le Ch. X. du Tome I , que les Parties propres au
Papillon^ font renfermées originairement dans cel-
les qui conftituent l'état de Chenille, J'ajouterai
ici , que le Papillon prend tout fon accroiffement
fous la forme de Chenille. Il elt même des
efpèces qui ne prennent , & ne peuvent prea-
1 4
1^6 Considérations Sur Le^
dre de la nourriture , que fous leur première
forme: dès que l'infede eft devenu Mouche
ou Papillon, il n'a plus befoin de fe nourrir;
il a fait, pour ainfi dire , fa provifioii d'aliments
pendant qu'il étoit Ver ou Chenille ; & cela
efl: fi vrai , qu'il eft même deftitué , fous fa der-
nière forme , de tous les Organes extérieurs re-
latifs à la nutrition.
309. Réfutation du fentlment de Mr. de
Buffon/^/;^ les Métamorphofes /3^^^ 7«-
fe&es.
Dans le fécond Volume de l'Hilloire Natu-
relle , Mr. DE BuFFON a inféré un Chapitre qui
a beaucoup de rapport avec celui - ci , & qu'il
a intitulé Variétés dans la Génération des Ani-
maux, Il y fait mention des Infedes qui n'ont
point de Sexe^ pendant une partie de leur vie ,
& fa manière de raifonner fur ce fujet, eft fi éloi-
gnée des idées reçues, que mon Lecteur me
pardonnera , fi je tranfcris ici le pafTage en en-
tier. „ Je veux parler, dit -il (^), des In-
55 fecles & de leurs Mctamorphofes. Il me pa-
3, roît que ce changement , cette efpèce de trans-
5, formation qui leur arrive , n'elt qu'une pro-
5, duclion nouvelle qui leur donne la puiflance
55 d'engendrer; c'eft au moyen de cette produc-
3, tion que les Organes de la Génération fe dé-
5, veloppent & fe mettent en état de pouvoir
3^, agir , car l'accroiflement de l'Animal eft pris
5, en entier avant qu'il fe transforme ; il celTe
(«) Pages 315, 3itf.
Corps Or g a n i s e' s. 137
,5 alors de prendre de la nourriture , & le Corps
„ fous cette première forme n'a aucun Organe
5, pour la Génération, aucun moy-en de trans-
5, former cette nourriture, dont ces Animaux ont
5, une quantité fort fur-abondante , en Oeufs &
55 en Liqueur féminale ; & dès lors , cette quan-
„ tité fur-abondante de nourriture , qui elt plus
5, grande dans les Infeétes que dans aucune au-
5, tre efpèce d'Animal, fe moule & fe réunit
„ toute entière, d'abord fous une forme qui
„ dépend beaucoup de celle de l'Animal même,
5, & qui y relTemble en partie : la Chenille de-
„ vient Papillon 5 parce que n'ayant aucun Or-
„ gane, aucun Vifcére capable de contenir le
„ fuperflu de la nourriture , & ne pouvant par
„ conféquent produire de petits Etres organifés,
„ femblables au grand , cette nourriture organi-
„ que toujours aélive , prend une autre forme
5, en fe joignant en total félon les combinaiforis
„ qui réfultentde la figure de la Chenille, & elle
„ forme un Papillon , dont la figure répond en
„ partie , & même pour la conftitution elfen-
,,, tielle , à celle de la Chenille , mais dans lequel
„ les Organes de la Génération font dévelop-
,, pés, & peuvent recevoir & tranfmettre les
„ Parties organiques de la nourriture qui for-
„ ment les Oeufs & les Individus de l'efpèce ,
„ qui doivent en un mot opérer la Génération ;
„ & les Individus qui proviennent du Papillon ,
„ ne doivent pas être des Papillons , mais des
„ Chenilles, parce qu'en eftet, c'eit la Chenille
I 5
138 Considérations Sur Les
5, qui a pris la nourriture , & que les Parties
5, organiques de cette nourriture fe font aflîmi-
5, lées à la forme de la Chenille & non pas à
3, celle du Papillon , qui n'eft qu'une produc-
5, tion accidentelle de cette môme nourriture
„ fur- abondante , qui précède la produdion
,, réelle des Animaux de cette efpcce , & qui
5, n'eft qu'un moyen que la Nature employé
55 pour y arriver ".
C'est à regret que je relève encore cet Au-
teur, dont j'admire le génie & les talents; ma'is^
je dois prémunir mes Lecteurs contre l'impref-
fion 5 trop ordinaire , d'une grande célébrité. Il
avoue lui-même quelque part (<^) , que fa
Théorie a précédé fes Expériences , & l'on fait
combien la manière de voir , dépend de la ma-
nière de penfer. On retrouve dans le pafTiige
que je viens de citer , le principe favori de
l'Auteur : qu'il me foit permis d'en faire une
courte réfutation, en oppofant fimplement la
Nature à fon Hiftorien , & cet Hiftorien à lui-
même.
Il me par oit ^ dit -il, que cette transforma-
tion qui arrive aux Infectes , n^efl quhine pro-
duction nouvelle qui leur donne la puijfance d'en-
gendrer. Les obfervations de Swammkrdam
fur la préexiftence du Papillon dans la Chenil-
le (^), & celles de Mr. de Haller fur la
formation du Poulet dans l'Oeuf C^) > Kion-,
(fl) Jfîjt. Natur. Tom. 2. pag. 168.
(6) Voyez le Chap. X. du Tome I.
(c) Voyez le Chap. IX. du Tome I.
Corps Organise' s. 13^
trent afles qu'il ne fe fait point de produ&ion
nouvelle ; mais , ce qui nous paroit produit ,
rétoit déjà & n'a fait que fe développer. Tout
ce Livre eit plein de Faits qui concourent à
établir cette vérité.
La Chenille devient Papillon ^ parce que n^ay^
anî aucun Organe , aucun Vifcere capable dt
contenir h fuperflu de la nourriture , ^ ne pou*
vant par conféquent produire de petits Etres or-
gamfés femhlables au grand , cette nourriture
organique toujours a&ive , prend une autre for-^
me en fe joignant en total filon les comhinaifons
qui rêfuhent de la figure de la Chenille , ^ elle
forme un Papillon dont la figure répond en par-
tie , & même pour la conjUtution ejjentielle , à
celle de la Chenille. Notre Auteur admet donc
exprelTément, que les Molécules organiques de
la Chenille , en fe combinant fous certains ra-
ports , forment le Papillon, Mais , félon les
principes de cet Auteur , les Molécules organi-
ques ne forment un Tout organifé, que lors
qu'elles ont été moulées dans le Corps où ce
Tout doit fe former & croitre. Je ne cherche
point ici à combattre l'exiftence , plus que dou-
teufe , des Moules intérieurs ; je fuppofe qu'ils
exiitent. Le Corps de la Chenille elt donc le
Moule où fe façonnent les différentes Parties
propres au Papillon. Maintenant je demande ,
quelles font les Parties de la Chenille qui peu-
vent mouler les quatre Aîles du Papillon , fes
milliers de Yeux , fa Trompe , & fur - tout les
Organes de la «Génération ? 11 eft bien recon-
140 Considérations Sur Les
nu que la Chenille eft abfolument privée de la
plupart de ces Organes , & que fes fix Yeux
ne reflemblent point du tout h ceux du Papil-
lon. Mr. DE BuFFON femble vouloir aller au
devant de cette objection , lors qu'il ajoute ,
que la figure du Papillon répond en partie , 6?
même pour la conflitution tjjlntielle , à celle de
la Chenille ; c'efl: ramener de force les Faits à
un Syflème chéri. Si Ton compare la ftruélu-
re de la Chenille -h celle du Papillon , j'ofe af-
furer qu'on y trouvera plus de diflemblances
que de refîemblances. Mais , quand il n'y au-
roit dans le Papillon qu'un feul Organe qui
n'exiftât pas dans la Chenille, c'en feroit ailes
pour détruire le Syftème mal lié de l'Auteur.
On feroit toujours en droit de demander , où
réfideroit le Moule de cet Organe?-
Les Individus qui proviennent du Papillon^
ne doivent pas être des Papillons , mais des Che-
nilles , parce qti'en effet c'eft la Chenille qui a
pris- la nourriture , ér* que les Parties organi'
ques de cette nourriture fe font affimilées à la
forme de la Chenille ^ non pas à celle du Pa-
pillon, Il n'y a qu'un moment que l'Auteur a-
voit befoin d'admettre , que la forme de la Che-
nille ne diifère presque pas de celle du Papil-
lon ; à préfent , qu'il s'agit d'expliquer pour-
quoi le Papillon ne fait pas des Papillons , il
en donne pour raifon , que c'efl la Chenille qui
a pris la nourriture , ^ que les Parties organi-
ques de cette nourriture Je font affimilées à la
■forme de la Chenille & non pas à -celle du Fa*
Corps Organise' s. 141
pUlon. Ici l'Auteur efl d'accord avec Tes prin-
cipes ; c'eit la Chenille qui moule ; elle ne peut
donc mouler que des Chenilles : cependant il
venoit de lui faire mouler un Papillon. Je di-
rai quelque chofe de plus : il elt des efpèces
de Papillons qui prennent de la nourriture ; el-
les pompent le fuc des Fleurs ; cette nourritu-
re abonde , fuivant Mr. de Buffon , en Mo-
lécules organiques : le Corps du Papillon fe
Taflimile , & le fuperflu efl: renvoyé aux Orga-
nes de la Génération , réfervoir commun de
toutes ces Molécules. Comment donc arrive-
t - il , qu'elles y repréfentent en petit des Che-
nilles & non pas des Papillons ?
Le Papillon fie[i qihme prodiiBion acciden-
telle de cette même nourriture fur - abondante ,
qui précède la production réelle des Animaux de
cette efpece^ & qui neft qu^un moyen que la Na-
ture employé pour y arriver, La chofe du
monde la plus confiante , la plus invariab/le, eft-
elle une chofe accidentelle ? Toujours T^^tat de
Papillon fuccédera à celui de Chenille. Le pre-
mier eft le terme .... mais , je m'aperçois
que l'Auteur diftingue ici deux fortes de pro-
ductions ; une production accidentelle qui efl
celle du Papillon 'daiiè la Chenille , & une pro-
du6lion réelle , qui efl: celle qui s'opère par les
Oeufs que pond le Papillon. Je laifl^e au Lec-
teur à juger fi cette difl:inâ:ion efl bien philo-
fophique. Je prie qu'on relife ce que j'ai dit
fur les Méîamorphofes dans le Chapitre X. du
Tome I. , & l'on préférera d'admettre , que la
t^2 Considérations Sur Les
Chenille & le Papillon ne font au fond que îé
même Animal , appelle à revêrir difF:rentes for-
mes. La Chenille ell , en quelque forte , au
Papillon, ce que l'Oeuf eit au Poulet. Le Pa-
pillon pond des Oeufs , & chaque Oeuf renfer-
me une petite Chenille , qui renferme elle - mê-
me tous les Organes propres au Papillon , & dont
elle procurera un jour le développem:^nt. Voi-
là ce qu'un examen attentifs impartial des Faits,
nous découvre, & ce qu'il auroit dkouvert à
Mr. DE BuFFON, s'il avoit plus confulté la Na-
ture que fon Imagination. Elle e(t belle & ri-
che , mais la Nature vaut mieux encore.
310. Réfutation de r opinion du même Auteur
fur la Génération des Vers dans Us En*'
fans y & fut les Générations équivoques^
Au refte , je n'ai rien dit de l'obfcurité & de
l'embarras qui régnent dans tout ce paifage : je
me fuis borné à l'examiner & à tâcher de l'en-
tendre. Ce palfage n'elt pas le feul où l'Auteur
ait choqué la bonne Phyfique ; en voici un au-
tre fur la Génération des Vers dans les Enfuits ,
que je n'ai pu lire fans farprife. ,, Le Lait,
5, dit -il C^), eil: une efpèce de Chyle, une
j, nourriture dépurée qm contient par confé-
j, quent plus de nourriture réelle , plus de cet-
j, te matière organique & produclive , dont
3, nous avons parlé , & qui lors qu'elle n'eft
j, pas digérée par l'Eflomach de l'Enfant pouF
(a) Hijit iJaU Toa. z> pag. 46P, & 47<fr
Corps O r g a n i s e' s. 143
j, fervir à fa nutrition & à l'accroifleraent de
5, fon Corps , prend par l'activité qui lui eft
„ eflentielle , d'autres formes , & produit des
53 Etres animes , des Vers en fi grande quantité
„ que l'Enfant eft fouvent en danger d'en pé-
3, rir. " Remarquez que Mr. de Buffon , ne
dit pas que le Lait non digéré donne lieu au dé-
veloppement des Vers ; m.ais que cette matière
p- en cl par r activité qui lui ift ejjenîielle d'autres
formes ^ & produit des Etres animés ^ des Vers,
J'oppoferai encore nôtre Auteur à lui-même.
Dans fes principes , les Molécules organiques ,
vivantes , actives , font communes au Végétal &
à l'Animal. Elle peuvent également produire
une Plante ou un Animal , & telle ou telle Plan-
te , tel ou tel Animal. Lors donc qu'elles pro-
duifent une certaine efpèce d'Animal , plutôt
que toute autre qu'elles pourroient également
produire , il faut en afligner une raifon. Cette
raifon ne peut être dans Va&ivitè des Molécu-
les; puisque, fuivant l'Auteur , cette aélivité
s'étend indifféremment à toutes les efpèces foit
végétales , foit animales. Quelle eft donc la
raifon qui détermine les Mokcules organiques à
former un Ver & non pas une Plante , un Ver
rond^ & non pas un Ver platl Pour raifonner
conféquemment au Syftème de l'Auteur , il fau-
droit répondre , que ce font les Moules intérieurs
qui déterminent V activité des Molécules à pren-
dre une forme plutôt que toute autre. Mais ,
où fera dans l'Enfant , le Moule d'un Ver rond y
où celui d'un Ver 'plat? J'ai montré dans jiîia
144- Considérations Sur Lks
Difiertation fur le Tania , combien la ftriictiire
de ce Ver eft régulière & conltante : celle des
autres Vers du Corps Humain ne l'eft pas moins.
Un Phyficien qui ignoreroit la véritable origine
des Vers du Nez des Moutons, feroit-il bien
reçu à nous dire , qu'ils font produits par les Mo-
lécules de la Pituite ? On lui feroit voir la Mou-
che qui enfile les conduits du Nez , & va pon-
dre dans les fmus frontaux les Oeufs d'où for-
tent ces Vers Qci^- Nous devons pardonner
aux Anciens leur Dodciine des Gêné/ atiom équi-
voques 5 parce qu'ils n'étoient pas inllruits ; mais
que devons -nous penfer d'un Sçavant du iS®.
Siècle qui la reffufcite ? Et qu'on ne croye pas
que je preffe trop ici les idées de Mr. de Buf-
FON : il s'explique lui-même plus clairement en-
core dans le palTage fuivant. „ La Génération
„ des Animaux & des Végétaux, dit -il (^),
„ n'eft pas univoque; il y a peut-être autant
„ d'Etres, foit vivans , foit végétans , qui fe
5, produifent par l'aflemblage fortuit des Molé-
5, cnles organiques , qu'il y a d'Animaux ou de
,, Végétaux qui peuvent fe réproduire par la fuc-
„ ceriion conltante de Générations ; c'efl à la
,, production de ces efpèces d'Etres , qu'on
5, doit appliquer l'axiome des Anciens : Corrup*
„ tio unius , gemratio alîerius, "
Quand un Phyficien a le malheur de partir
de
(a) Mr. DE Reaumur , Mém. pour fervîr à l^HiJl. des InJcS»
Tom. 4.
(i) Hijl. Nat. Tom. 2. p. 320»
Corps Organise' s. 145
de femblables principes, il n'y a plus lieu de
s'étonner , qu'il entreprenne d'expliquer mécha-
niqtiement la formation de certaines Anguilles ^
& celle de divers Animaux de la même claiTe.
Les Molécules organiques font dans fes mains,
ce qu'étoit la matière fubtile dans celle de Des-
cARTfS. ,, Les Anguilles qui fe forment dans
5, la colle fiite avec de la farine , ajoute Mr.
5, DE BuîTON (^}, n'ont d'autre origine que
„ la réunion des Molécules organiques de la par-
5, tie la plus fubftantielle du Grain; les premiè-
5, res Anguilles qui paroillent, ne font certai-
5, nement pas produites par d'autres Anguilles,
5, cependant quoi qu'elles n'ayent pas été en-
5, gendrées , elles ne laiiTent pas d'engendrer el-
35 les -mêmes d'autres Anguilles vivantes ; on
55 peut en les coupant avec la pointe d'une lan-
55 cette , voir les petites Anguilles fortir de leur
35 Corps, & même en très grand nombre.'' Un
Auteur qui avance formellement qu'une efpèce
d'Animal «'^y^/^^j engendrée^ doit fans doute,
en donner une démonflration rigoureufe. Je
puis néanmoins alfurer que je n'en ai trouvé au-
cune preuve dans tout ^e Livre. J'invite le
Leéleur judicieux & éclairé, à faire le même exa-
men.
En général , Mr. de Buffon ne paroît pas \
■ polTéder l'efprit d'analyfe , ou s'il le poiTède ,
fon Imagination ne lui a pas perrr.is d'en fui'.e
une application heureufe. Trop prévenu d'une
(a) Ibii. pag. 322.
ToM. II. k;
14^ Considérations Sur les
théorie que fon Génie fécond avoit fçu inven-
ter , il n'a vu qu'elle dans les phénomènes , &
la Nature qu'il aimoit, lui a échappé. Il fe fe-
roit lui-même convaincu de Tinruffifance de fes
principes , s'il avoit pris la peine de les rapro-
cher les uns des autres & d'en former une chaî-
ne ; il auroit bientôt reconnu l'incohérence des
chaînons , & fa Raifon auroit triomphé de l'Ef-
prit de Syftème. Je pourrois appliquer ici à
Mr. DE BuFFON ce qu'il dit lui-même d'AitisTO-
.TE C ^ ) • 95 J'obferverai qu'il m'a paru , que ce
3, grand homme cherchoit exprès les moyens de
„ s'éloigner des fentimens des Philofophes qui
5, l'avoient précédé ; & je fuis perfuadé que
^, quiconque lira fon traité de la Génération a-
^, vec attention , reconnoitra que le deffein for-
3, mé de donner un Syftème nouveau «Se diffé*
„ rent de celui des Anciens , l'oblige à préférer
3, toujours, & dans tous les cas, les raifons les
3, moins probables , & à éluder , autant qu'il
5, peut , la force des preuves , lors qu'elles font
,, contraires à fes principes généraux de Philo-
5, fophie.'*
(a) Hifi. Nat. Tom. 2. pag. 87, S8«
Corps Organise' s. 14^
CHAPITRE V.
Suite de% Variétés qîî!on ohferve dam Ici
Fécondation Sf dans la Génération
des Animaux.
311. Ifjîroâu&îon.
Je n'ai pas achevé de crayonner refquilTe
des Variétés que nous offrent la Fécondation &
la Génération des Animaux. Ce fujet eft fi
riche, que je fuis plus occupé à écarter qu'à raf-
fembler. Je continuerai à infiller fur les excep*
lions ^ parce qu'elles font une branche intérelr
fante de la Logique du Phylicien. Les Etres
qui choquent nos règles générales , ne cho-
quent pas 5 fans doute 5 le fyltème général. Ils
tiennent à d'autres Etres, & ceux-ci à d'au-
tres encore , par des rapports qui nous font in-
connus. Obfervons donc & comparons ; mais
défions- nous toujours des affertions générales.
N'oublions point que nous n'avons que des
prémijfes particulières fur la plupart des fujets
de Phyfique & d'Hiftoire Naturelle.
312. Varié tés dans les temps de la CopU"
laîion.
Les Animaux ont , en général , des tems
marqués pour la Génération : ces tems font
ceux du Riit, Cela étoit appaj:emtaeqt aécefe
K 2
148 Considérations Sur Les
faire à raccroiffement des Fœtus & à Téduca-
tion des Petits. Le printemps ell: la faifoii des
amours des Oifeaux, & de ceux de pluiieurs
éfpèces de Poiflbns , comme les Brochets , les
Barbeaux &c. D'autres efpèces de PoilTons ,
comme les Carpes , fe cherchent en été , les
Chats en Janvier, May & Septembre; les Che-
vreuils en Décembre ; les Loups & les Re-
nards en Janvier ; les Cerfs en Septembre &
Odobre ; les Chevaux en été (^). Parmi
les Infeélies, le plus grand nombre des efpèces
fe joignent au printemps, ou en été.
_ 3.13. Variétés dans les effets que la Copulation
produit fur les Individus générateurs.
Presque tous les Infedes s'épuifent par l'ac-
te de la Génération , au point qu'ils meurent
bientôt après. Tout le monde a pu le remar-
"quer dans les Hannetons , & dans les Papillons
"des Vers à Soye : les Mâles des Abeilles nous
en ont oiFert ci-delTus un exemple plus frap-
pant encore. Ainfi la plupart des Infectes ne
s'accouplent qu'une fois en leur vie , & les Fe-
melles achèvent leur ponte en alTez peu de
tems. Celles de quelques efpèces fe déchar-
gent à la fois de tous leurs Oeufs : tel elt le
cas de cette Mouche fmgulière , que la courte
durée de fa vie a fait nommer Ephémère , &
rce nom ne rend même que très imparfaitement
ri'extrème brièveté de cette vie. L'Ephémère
. f«) -^î/ï' -^«f. Tojn. \, pag. 318,
Corps Organise' s. 149
dont je parle C^)^ "^ ^^^ guères que quatre à
cinq heures , & jamais une Mouche de cette
eipèce n'a vu lever le Soleil ; mais j'ajouterai
qu'elle vit environ deux ans fous la forme d'un
Ver aquatique. Une Mouche fi prelTée de vi-
vre n'a pas de tems h perdre ; à peine efl: - elle
née 5 qu'elle fe délivre de deux grappes qui con-
tiennent chacune plus de trois cents Oeufs : el-
le pond donc en un inftant plus de fix cents
Oeufs. On ignore encore comment cette Mou-
che ell; fécondée : Swammerdam a prétendu
que le Mdle répandoit fes Laites fur les Oeufs:
Mr.DEREAUMUR n'a rien obfervédefemblable;
mais , il a crû voir de courts accouplements.
Le nombre des Ephémères qui fortent de l'eau
à la même heure , pour voltiger dans l'air , efh
fi prodigieux , qu'il ne peut être comparé qu*à
celui des plus épais floccons de neige : l'air en
eft obfcurci. Au milieu d'une telle confufion,
comment s'alFurer de la réalité de l'accouple-
ment ? Tout concourt néanmoins à perfuader
que ces Ephémères s'accouplent : les Mâles &
les Femelles font pourvus d'Organes qui fupo-
fent une véritable Copulation ( Z' ).
Quelques efpèces d'Infedles ne s'épuifent
pas par un feul aéle : les Mâles & les Femel-
les s'accouplent plufieurs fois , & celles-ci pon-
dent à plufieurs reprifes. La Reine Abeille &
( « ) Mém. pour fervir à l'Hijl. des InfeSes , Tome (5. pa^,
475. & fuiv.
[h) Ibid. page 501.
K 3
150 Considérations Sur Les
les Pucerons nous en ont fourni des exemples.
Une efpèce de Mouche, qui dépofe fes Oeufs
dans les excréments du Cochon , nous en four-
nit un autre, fur lequel Mr. de Reaumur a
crû devoir infifter C<^). La ponte de cette
Mouche reflemble moins à celle de la plupart
des autres Mouches & des Papillons qu'à celle
des Oifeaux.
Les grands Animaux s'accouplent plufieurs
fois en leur vie , & les Femelles font plufieurs
pontes ou plufieurs portées. Quelques Qua-
drupèdes , comme le Cerf, ne s'épuifent pas
jufqu'à la perte de la vie ; mais iîs deviennent
exceflivement maigres, & il leur faut un tems çon-
fidérable pour fe refaire. D'autres Quadrupèdes,
comme le Cheval , le Taureau , le Chien , &c.
ne s'épuifent prefque pas , & font en état d'en-
gendrer fouvent. Il en efl: de même de divers
Oifeaux, comme le Coq, le Canard, &c.
314. Variétés dans les temps de V Accou-
chement & de r Incubation.
Si le Rut a fes tems marqué , r Accouche-
ment a auifi les fiens. La Jument porte onze
à douze mois ; la Vache 3 la Biche neuf mois;
La Louve, le Renard cipq mois ; la Chienne
neuf femaines ; la Chate fix feninines ; la La-
pine 31. jours. La plupart des Oifeaux éclo-
ieftt au bout de trois femaines ; quelques - uns ,
(«) Ibid* Tom. 4. pa^e 380.
Corps Organise' s, i$î
comme le Serin, éclofent au bout de 13. jours,
315. Efpéces vivipares. Efpèces ovipares,
Efpèces qui femblent être également vivi-
pares & ovipares, Efpèces vivipares &
Efpèces ovipares dans la même claffe S
dans le même genre,
Motrice ftngulière c^unç Mouche vivipare.
Tous les Quadrupèdes couverts de poils,
font vivipares : les grands Poiffons nommés
Cétacées , comme la Baleine , le Dauphin , (Sec.
le font aufli.
Les Quadrupèdes couverts d'écailles , tels
que le Crocodile , la Tortue , fi l'on veut en-
core, le Lézard , & tous les Oifeaux, font ovi-
pares,
La Salamandre îerreflre , efpèce de petit
Quadrupède qui refTemBle par fon Corps & par
fa Queue au Lézard , par fa Tète & par fes
Pattes au Crapaud, n'eH: pas proprement ovi^-
pare. Mr. de Maupertuis qui aimoit les pe-
tits Animaux & qui fa voit les obferver , nous a
donné des obfer varions curieufes fur cette Sa-
lamandre (^). 11 a trouvé à la fois dans fon
intérieur des Oeufs & des Petits vivants. Les
Oeufs formoient deux grappes femblables aux
Ovaires des Oifeaux , mais plus allongées ; 6ç
.(a) HiÇt. Nat. Gen. ^ part. Tom. 2. pag. 319.
(i) Mém, de l'Acad, An. 172.7. pag. a?. & fuiv. Ib 40»
K4
i5a Considérations Sur Les
les Petits plus agiles que les grandes Salaman-
dres 5 étoient renfermés dans deux longs tuyaux
fi tranfparents , qu'on les voyoit diftinétement
à travers. Le célèbre Académicien compta 42.
Petits dans une Salamandre , & 54. d^ns une
autre. Il a eu raifon d'ajouter, que cet Ani"
mal paroît bien propre à éclair cir le myftère de
la Génération (r/). 11 fournit au moins un nou-
vel argument en faveur du fentiment des Phy-
ficiens qui penfent que les Petits des Vivipares
font renfermés originairement dans des Oeufs.
Cela fe voit à l'œil dans la Salamandre : Ton
n'a qu'à l'ouvrir pour y reconnoitre de vérita-
bles Oeufs. Des que les Petits font éclos , ils
paffent apparemment dans ces longs tuyaux dont
j'ai parlé. 11 feroit à défirer , que nôtre Au-
teur eût plus aprofondi cette partie de Thiftoire
de la Salamandre ; mais il eft allez clair qu'elle
appartient plus à la claiTe des Vivipares qu'à cel-
le des Ovipares,
Les PoifTons couverts d'écaillés , les Gre-
nouilles & les Reptiles , tels que les Serpents ,
font ovipares. Mais , la Vipère , comme fon
nom Tindique , eft vivipare. On lui trouve
aufTi de véritables Oeufs , & les Petits de la
Vipère , comme ceux de la Salamandre , éclo-
fent dans le Ventre de leur Mère Qb ).
La clafîe nombreufe des Coquilla^s nous
offre des efpèces vivipares & des efpeces ovi-
C«) Mém. de VAcad. An. 17^7., pag. 32. in 40.
{h) Hi[t, Nui, Gm, &ç, Tom, 2, pag. 311.
Corps Organise' s. 153
pares. La plupart des Conques font vivipares ;
quelques Limaçons^ comme XTet ^ le font auiTi
(^û'). Les Limaçons terjeftres , les Pourpres
& quantité d'autres Coquillages , font ovipa-
res (Z'). £n général, il paroit qu'il y a beau-
coup plus de Coquillages ovipares , que de vi-
vipares.
Il en eft de même de la clafTe plus nom-
breufe encore des ïnleclcs : la plupart font ovi-
pares , mais les Scorpions , les Progallinfecles ,
les Cochenilles , les Cloportes font vivipares.
Les Animalcules des Liqueurs grolTiroient fins
doute beaucoup cette courte lifte. Je viens de
nommer les Trogallïnfecies ; ce font de fiiujjes
Gallinfecles , qu'on diftingue des vrayes par les
incifions annulaires qu'elles retiennent toujours,
& qui s'effacent entièrement dans les Gallinfec-
tes proprement dites Çr). La Cochenille qui
eft devenue un fi grand objet de commerce , &
dont la véritable nature avoit été fi long-tems
inconnue , efl: une ProgalUnfecte Qd'), Les
Vers de terre, les Sang-fuës , les Arraignées,
les Poux , les Puces , les Sauterelles , les Pa-
pillons , les Scarabés , la plupart des Mouches
à deux ailes , prefque toutes les Mouches à
quatre ailes &c. pondent des Oeufs. Mais il
eftalTez remarquable, que dans le même genre
(a"; Hift. Nat. du Sénégal, pag. 58. delà Déf. des F orties,
(b) Ibid .
(c) Mém, pour fervir à l'H'ifi. des InJ. Tom. 4. pag. 81.
{d) Ibid. pag. 87. & fui van ces.
K S
154 Considérations Sur les
d'Infeftes , il y ait des efpèces vivipares & des
efpèces ovipares. Mr. de Reaumur fait
mention de fix à fept efpèces de Mouches à
deux ailes , qui mettent au jour des Petits vi-
vants C*^}' ^^ ^^^^ ^^^ ^^^'^ ^"'-^i ^^ transfor-
ment par la fuite en des Mouches femblables à
leur Mère. La Matrice d'une de ces Mouches
efl une petite curiofité : elle eft formée d'une
lame roulée en fpirale , longue d'environ deux
pouces & demi, c'efl- à-dire, fept à huit fois plus
longue que le Corps , & toute compofée de
Vers placés les uns à côté des autres avec beau-
coup d'art, & au nombre de plus de vingt mil-
le (^).
3 1 6. Efpèces vivipares âf ovipares à la fols.
Les Pucerons â? les Polypes à Pennache.
. r Nous avons vu que les Pucerons font à la
fois vivipares & ovipares , mais en diiférens
tems de l'année. Il y a dans les eaux douces
des Polypes à Pennache^ qui multiplient comme
ceux à Bras , par Rejettons , & dont les Re-
mettons font logés dans des tuyaux analogues à
ceux des Polypes de Mer dont j'ai parlé Article
i88. Mr. Trembley a décrit ces Polypes àPeU"
nache & leur manière de multiplier dans le s^fne.
Mémoire de fon Hiftoire des Polypes. C'ell
cette efpèce de Polype qui a mis fur les voyes
de reconnoître que diverfes Productions mari-
nes qu'on avoit prifes pour des Plantes, ne font
(«) Ihii. page 406.
(i) lb\i, pag. 415, & ruirantes.
Corps Organise' s. 155
que des Polypiers , ou des afTemblages de tuyaux
dans chacun desquels un Polype eft logé. MM.
DE Reaumur & B. DE JussiEU fe font afllirés
que les Polypes à tennache , lorsqu'ils font déjà
vieux ^^ peut-être prêts à périr , pondent des-
Oeufs bruns, un peu applatis, JIs ont vu des
Petits naître de ces Oeufs (^) : ainfi ces Poly-
pes font réellement vivipares & ovipares à la
fois 3 car les Rejettons qu'ils pouffent de diffé-
rents points de leur Corps , font des Petits vi-
vants. Si les Graines peuvent être comparées
aux Oeufs de ces Polypes , fi les Branches ref-
femblent aux Rejettons de ces derniers , on pour-
roit dire qu'ils font vivipares & ovipares à la
ipanière des Végétaux.
317. Nouvelle obfervûtion ûe Mv.Tremble'i
fur une efpèce de Polype à Pennache ,
doî'it les Oeufs peuvent être confervés au fec
pendant plu fleurs mois,
Mr. Trembley , à qui il avoit été réfervé de
nous découvrir un nouveau Monde dans les Po-
lypes, m'a communiqué une obfervanon inté-
rellante fur une efpèce de Polypes à Pennache^
différente de celle qu'il a décrite dans fes Mé-
moires. ]e raporterai cette obfervation avec
d'autant plus de plaifir , que tout ce qui vient de
cet excellent Obfervateur, eft précieux , & que
d'ailleurs il ne- l'a point encore publiée : la
voici donc dans fes propres termes. VeJ^èce
(«) Mém. pur Servir k l'HiJi, dss In/eci. Tom. 6. Préface^
pag. 7<5.
156 COHSIDERATIONS SuR LeS
de Polypes à Pennache ^ dont les tuyaux fe rami-
fient le plus , eft celle dont les Oeufs ont été le plus
obfervés. Ils fe trouvejjt dans la cavité de ces
tuyaux. Ils y paroijj'ent environ dans le mois
, d'Aouft, Ils font d'abord blancs , & deviennetit
enfuit e bruns. Ih font à peu près ronds , un peu
ûpplatiSy^ le tour garni dune efpèce de bourlet^
fort peu relevé. Au mois de Septembre , on trou*
ve des amas de Polypiers de Polypes à Pennache ,
qui renferment un prodigieux nombre d'^Oeufs.
Les Polypiers fe décomposent & périjfent la plu-
part peu à peu. Les Oeufs en fortent à mefurt
& font élevés par leur légèreté fur la fur face de
leau. yen ai amaffé une très grande quantité
en Angleterre en 1745. 'Je les ai fait fécher à
V ombre, y ai emporté ces Oeufs en Hollande dans
un papier , comme faurois fait de la Graine de
Vers à Soye. Je les ai gardés au fec depuis le
mois de Septembre jusqû au mois de Janvier fui"
vanî. Je les ai mis alors fur la fur face de l'eau
que je tenois dans de grands vafes , qui étoient
dans mon cabinet. Au printemps , fai vu plU'
fleurs de ces Oeufs s"* ouvrir'^ les commencemens
d'un Polype à Pennache , paraître fur une matiè-
re blanchâtre ; cette matière s'étendre peu à peu ,
& fe ramifier, A mefure qvUlle fe ramifioit ou
'végétait , ilfortoit de ces ramifications , de nou-
veaux Polypes.
318. Raifons qui indiquent que les Polypes à
Bvsis font vivipares & ovipares.
Pourquoi certaines efpèces font à la fois vivi'
pares & ovipares.
Corps Organise' s. 157
Comment les Oeufs des Poîjfons peuvent repeu*
pler des étangs defjechès.
Expérience à tenter fur ce fujet.
Les Polypes à Bras en forme de Cornes , dont
j'ai tant parlé , multiplient , comme nous l'avons
vu (<^), pcir Rejetions: ces Rejettons font de
véritables Polypes naillants , qui fortent du Corps
de leur Mère, comme une Branche fort du tronc
d'un Arbre. Ces Polypes font donc vivipares;
mais ce font des vivipares bien différents de tous
ceux que nous connoiffions auparavant. Si l'on
"vouloit les caraélérifer il' faudroit inventer un
nouveau terme & les nommer Ramîpares ; car
il eft bien évident que ces Infeéles font vivipa-
res , plutôt à la manière des Arbres , qu'à celle
des Quadrupèdes & des autres Animaux, qui
mettent au jour des Petits vivants. Il n'eft pas
encore démontré que les Polypes à Bras en for-
me de Cornes foient auffi ovipares , & c'eft un
point de leur hiiloire qui refte à éclaircîr. Mr.
Trkmbley a vu fur leur Corps de petites excref-
• cences fphériques , qui y tenoient par un court
Pédicule. Il a obfervé que ces excrefcences fe
détachoient du Polype auboutdeqtielque tems,
& qu'elles tomboient au fond du Vafe. Toutes
fe reduifoient à rien; mnis il en a vu une qu'il
• n'a ofé aflurer être devenue un Polype , parce
■'qu'il n'avoit pu la fuivre fans interruption, &
qu'il y avoit de pefits Polypes dans le môme va-
fe. Lorsqu'il revint examiner cette excrefcen-
158 Considérations Sur Les
ce , il trouva à la place où il l'avoit lailTée deux
jours auparavant , un Polype informe , qui pa-
roijjoit réellement venir d'un Corps fphèrique ,
qui s'allongeoit du côté par lequel il touchoit le
fond du verre. Le côté oppofé étoit encore ar-
rondi^ & l'on y appercevoit les bouts de trois Bras
qui commençoient à fortir. Peu à peu ce Polype
s'allo?7gea , è* prit la forme ordinaire de ces Ani-
maux (^ci^*
Il y a tant de rapport entre les Polypes r>^rjj
& les Polypes à Pennache , qu'on ne peut guè-
res douter que les exerefcences dont je viens de
parler, ne foient des efpèces d'Oeufs^ & que
les premiers comme les derniers ne foient à la
fois vivipares & ovipares. 11 eft des tems &
des circonftances où l'elpèce peut fe conferver
par le moyen des Rejetions , & il en effc d'autres
où elle ne fauroit apparemment fe perpétuer que
par le moyen des Oeufs, Les Pucerons nous
en ont déjà donné un exemple : les Petits qui
naîtroient en automne nepourroientfubfifterfur ,
les Arbres pendant l'hiver ; ils font alors cachés
dans des Oeufs, & n'éclofent qu'au retour du
printemps. Nous avons vu , il n'y a qu'un mo-
ment , que Mr. Trembley a confervé 4 à 5 mois
au fcc , les Oeufs d'une efpèce de Polypes à
Pennache^ qu'il les a enfuite femés fur l'eau com-
me des Graines de Plantes aquatiques , & que
ces Graines animales ont donné des Polypes de
la même efpèce. Ainfi une mare qui auroic
été très peuplée de ces Polypes & qui demeu*
(a) Mèm.Jur les Ptlyp. ^c. Tom. 2. page 97 & 98,
Corps Organise' s. 159
reroit à fec pendant quelques mois , pourroit en-
core s'en trouver très peuplée au retour des
pluyes : les Oeufs qui fe feroient confervés dans
la vafe donneroienc naiiî^mce à de nouvelles Gé-
nérations de Polypes. C'eft ce que Texpérience
a confirmé à Mr. Trembley, foit à l'égard des
Polypes à Penmche , foit à l'égard des Polypes
à Bras en forme de Cornes: il a vu des Polypes
de cette féconde efpèce , reparoître dans des
lieux qui avoient été quelque tems à fec. On
pourroit conjecturer avec vraifemblance , que les
Oeufs des PoifTons fe confervent de la même
manière au fond des étangs deiTéchés , qu'ils re-
peuplent quand ces étangs fe reraplifîent de nou-
veau. C'eft au moins ce qu'on a obfervé avec
furprife dans un étang mis à fec & repeuplé en-
. fuite des mêmes PoifTons dont on ne pouvoic
découvrir l'origine. L'on imaginoit que des Ci-
gognes ayant porté dans leur Bec de ces Poif-
fons , les avoient lailfé tomber par hazard dans
rétang rempli de nouveau , & que c'étoit à ces
PoifTons qu'étoit due la nouvelle peuplade. El-
le rétoit peut - être aux Oeufs demeurés dans la
vafe & qui avoient pu s'y conlerver fains. Ce
feroit une expérience curieufe à tenter , que cel-
le de garder ^/^y^r les Oeufs de diverfes efpèces
de PoifTons , & de les répandre enfuite dans des
lieux convenables & apropriés. On s'alTureroit
, par ce 'moyen très fimple s'ils peuvent fervir ain-
fi à perpétuer l'efpèce. La Nature n'a pas été
alTuiettie à une précifion extrême ; il eft dans
fa manière d'opérer , une certaine latitude que le
i6o C;ONsiDERATroNs Sur Les
Phyficien doit étudier , & que rExpérience lui
découvre. On n'a pas oublié ce que j'ai rappor-
té dans le Chapitre X. du Tome I. fur la maniè-
re d'abréger & de prolonger a volonté la durée
de la vie de divers Animaux. En confervantau
fec, pendant 4^5 mois, des Oeufs de Poly-
pes, on prolonge réellement d'autant la durée
de la vie des Germes logés dans ces Oeufs. Com-
bien de Générations de Polypes fc feroient fuc-
cédées durant cet intervalle de tems , 11 les Oeufs
avoienc été laiiTés dans leur élément naturel ?
319. EJpèces qui ne font proprement ni vivi'
pares ni ovipares.
Les Polypes qui multiplient par divifions ^
fiihdivifions naturelles.
Manière dont on peut concevoir la Génération
des Polypes à Bulbes.
Réflexions fur la flru^ure des Polypes & fur
l'Animalité.
Lrs Petits des Ovipares fortent du V^entre de
leur Mère renfermés fous une Enveloppe molle
ou crultacée. Nous nommons cette Envelop-
pe, un Oeuf^ & nous difons que les Petits éclo-
fent quand ils fortent de l'Oeuf. Les décou-
vertes de Mr. Trkmbley , fur différentes efpè-
ces de Polypes d'eau douce, nous ont appris
qu'il e(t des Animaux qui femblent n'appartenir
proprement ni à la claffe des Vivipares ni à celle
des Ovipares , & qui demandent à être rangés
dans une claiTe particulière , pour laquelle nous
n'a-
Corps Organise* s. i5i
n'avons point encore de nom. J'ai donné dans
le Chapitre XI. du Tome 1. un précis de l'I^iftoi-
re des Polypes à Bouquet : j'y ai raportc d'après
Mr. Trembley , la manière fingulière dont ils
multiplient. J'ai dit qu'il en a obfervé deux efpè-
ees , dont j'ai indiqué les caradères : les Poly-
pes de l'une & de l'autre ont la forme d'une Clo-
che renverfée. On a vu que lorsque les Poly-
pes de la première efpèce font fur le point de
multiplier , ils perdent leur forme de Cloche , &
prennent celle d'un Corps arrondi , qui fe parta-
ge fuivant fa longueur en deux Corps arrondis
plus petits, qui ne tardent pas à prendre la for-
me de Cloche. Ce font deux Polypes parfaits
attachés à la même Tige par un Pédicule propre.
Ils s'arrondilfent enfuite bientôt , & fe partagent
comme le premier en deux , fuivant leur longueur.
Le Bouquet efl: alors compofé de quatre Clo-
ches. Il continue à s'accroître par de femblables
divifions & fubdivifions. Toutes les Cloches
tiennent , comme autant de Fleurs , à une Tige
commune , & compofent ainfi un Bouquet qu'on
ne fe lalfe point d'admirer au Microfcope , &
qu'on prendroit à la vue fimple pour une tache
de moifijfure.
Les Polypes à Bouquet de la féconde ef-
pèce, ne doivent pas leur première origine à
la divifion d'une Cloche ; mais , nous avons
vu qu'il naît çà & là fur les Branches du Bou-
quet de petits Boutons , de petites Bulbes,
femblables, en quelque forte, aux Galles des
ToM. II. L
î6a Considérations Sur les
Plantes , & qui grofTiflent peu à peu. Parvenus
enfin à leur dernier terme d'accroilTeinent , ces
Corps ronds , ces efpeces de Bulbes fe déta-
chent du Bouquet , & vont en nageant fe fixer
fur quelque appui. lis s'y attachent par un
court Pédicule qui s'allonge en peu de tems.
Chaque Bulbe perd fa forme fphérique & de-
vient ellyptique. Cette efpèce de Bulbe eft
mcomparablement plus grolTe qu'un Polype en
Cloche. Elle fe partage par le milieu longitu-
dinalement , & les divifions & fubdivifions con-
tinuent de la même manière dans tous les Bou-
tons , jufques à ce qu'ils foient tous parvenus
à n'avoir que la grofiTeur propre aux Cloches.
Alors ils s'épanouïfiTent & fe montrent fous la
forme de Cloches. Toutes ces Cloches font de
véritables Polypes, & toutes font attachées aune
Tige commune par un Pédicule particulier. Le
Bouquet 5 qui réiiilte de leur afiémblage , acquiert
enfuite de nouvelles Branches & de nouveaux
Rameaux par la divifion même des Cloches.
Cette courte récapitulation de l'Hiftoire
des Polypes àBouqtiet^ fait allés connoitre , que
leur façon de multiplier n'a rien de commun
avec celle des Vivipares , ni avec celle des Ovi-
pares. \\ faudroit inventer des termes pour
exprimer la Génération de ces Polypes , &
nommer , fi l'on veut , ceux de la première ef-
pèce GemmiMres , & ceux de la féconde Bul-
hipares. Mais les mots n'augmentent pas nos
connciflances fur les chofes qu'ils repréfentent.
Quand on aura trouvé des termes propres à
Corps Organise' s. 163
fixer nos idées fur cette nouvelle clafle de Corps
organifés , nous n'en pénétrerons pas mieux le
fecret de leur multiplication. Ils font fi petits ,
que le Microfcope ne peut nous découvrir que
leur forme extérieure , & tout ce qui fe pafTe
dans leur intérieur avant , pendant & après la
divifion, nous demeure caché. Combien de Faits
intéreiïants s'offriroient ici à nôtre examen , fi
la méchanique de ces petits Corps étoit ex-
pofée à nos yeux ! Leur organifation eft fans
doute très fimple ; nous en pouvons juger par
celle du Polype à Bras. J'ai comparé la Che-
nille à un Oeuf (^); elle en fait au moins les
fondtions à l'égard du Papillon ; mais cet Oeuf
mange , croît , rampe , &;c. La Bulbe , qui
efl le principe d'un Polype à Bouquet de la fé-
conde efpècQ , feroit-elle une forte à'Ovaire
animé , qui renfermeroit actuellement tous les
Polypes , toutes les petites Cloches qui naîtront
de fa divifion ou de fa décompofition graduelle
& fucceffive ? Imaginer cela & cent chofes pa-
reilles, c'eft vouloir deviner la Nature , & ja-
mais l'on ne court plus de rifque de fe tromper
en tentant de la deviner , que lors qu'on ne
peut pas même s'aider de Xanalogie, L'extrê-
me fimplicité de la ftruéture des Polypes qui
nous font les plus connus , indique fuflifam-
ment que tous les Animaux de cette clalTe ne
font prefque formés que de Parties fimilaires,
(«) Voyez le Chap. X. du Tome I,
L 2
1^4 COÎÏSIDERATIONS SUR LeS
C'efl ainfi que dans le Polype à Bras , chaque
fragment , & pour dire plus , chaque molécule
peut repréfenter un Polype en petit. Or , les
réfultats naturels d'une femblable ftruélure doi-
vent différer beaucoup de ceux d'une ilrufture
fort compofée & où il entre un grand nombre
de Parties diffimilaîres. Les Polypes femblent
occuper les plus bas échellons de l'Echelle de
V Animalité: places à une fi prodigieule dillan-
ce de l'Homme & des grands Animaux, il fe-
roit peu philofophique de fe croire toujours en
droit de tirer des induélions des uns aux autres.
Mais , nous avons puifé chez les grands Ani-
maux des idées d'Oeufs, d'Ovaire, de Matri-
ce, de Ponte, d'Accouchement, &c. & nous
tranfportons ces idées , fans y réfléchir , à tout
ce qui a le caradère d'Animal. Nous ne fouî-
mes pourtant pas encore parvenus à fixer nos i-
dées fur X Animalité , & les Polypes nous ont
appris, que des caractères o^^xi avoir jugés pro-
pres au Végétal , conviennent aulTi à l'Animal.
Les Polypes nous apreni:ent donc à ufer fo-
brement de VinduBioîi. Je fais que nos con-
noiffances s'étendent par la voye des compa-
raifons ; mais je n'ignore pas non plus , que VArt
de comparer a fes règles fur lefquelles les Logi-
ques ordinaires n'infiltent pas afles. Ne com-
parons donc les Polypes qu'à eux-mêmes ou
aux Etres dont ils paroifTent fe raprocher le
plus. C'efl ce que j'ai effayé de faire dans les
deux premiers Chapitres de ce Volume , lor^
que j'ai tenté de rendre raifon des Boutures &
Corps Organise 's. 165
des Greffes animales. Cependant comme il n'efl
pas toujours facile d'inventer des termes qui re-
préfentent parfaitement des objets dont on n'a-
voit point encore les idées , il arrive quelque-
fois qu'on fe fert , pour cet effet , de termes déjà
confaerés à fignifîer des objets très connus , &
cet ufage ne fauroit être vicieux dès qu'on a
foin de montrer la différence des objets repré-
fentés par les mêmes termes. Ainfi , lors que
je me fuis fervi de ces expreffions , que le Po-
lype eft tout Ovaire , je n'ai point prétendu don-
ner à entendre, que le Polype entier fût un
Ovaire femblable à ceux que nous connoiffons,
ni qu'il renferm-it des Oeufs femblables à ceux
des autres Infeéles \ mais , j'ai voulu fimple-
ment faire entendre en peu de mots , qu'au lieu
que chez la plupart des Animaux , les Embrions
font raifemblés dans un lieu particulier , ils font
répandus chez le Polype dans toute l'étendue
de fon Corps.
3 20. Mouvemens remarquables que fe donnent
la Tige & les Branches des Pflypes à Bou-
quet. Principe de ces mouvemens ^ & C6
que font les Branches,
Je ne l'ai pas dit encore , & je dois le dire
à préfent , pour faire mieux fentir la difficulté
d'expliquer la Génération des Polypes à Bow
quet , & pour juftifîer le filence que j'ai gardé
fur ce fujet à la fin du Chapitre IL de ce Vo-
lume : la Tige & les Branches ne compofenÈ
L 3
t66 Considérations Sur Li$
avec les Cloches qu'un feul Tout organique , &
le même principe de vie paroit animer les unes
& les autres. La Tige^ & les Branches font
fufceptibles de mouvemens très remarquables ,
& qiti fe diverfifient beaucoup. Dans une ef-
pèce de ces Polypes à Bouquet , qu'on pour-
roit nommer Polypes en Houppe , à caufe de la
forme du Bouquet, la Tige & les Branches fe
retirent fur elles - mêmes avec une promptitu-
pe extrême , pour peu qu'on agite l'eau. Elles
exécutent ce mouvement en fe difpofant en
fpirales, dont les tours fe touchent tous ou à peu
près. Chaque Branche peut fe retirer indépen-
damment d'une autre Branche. Mais lors que
la Tige fe retire , toutes les Branches fe retirent
aulTi. Dès que le calme eft rendu aux Poly-
pes 5 la Tige & les Branches s'étendent ou fe
déployent de nouveau. Lors que le Bouquet
eft déjà fort avancé , la Tige ne fe retire plus ;
on diroit qu'elle s'eft endurcie. Les Cloches ,
comme je l'ai dit , fe détachent enfin du Bou-
quet : quand il en eft fort dégarni , les Bran-
ches ne fe retirent plus avec la même prompti-
tude ; & lors que le Bouquet efl encore plus
dégarni de Cloches, il n'y a plus que les Bran-
ches qui en font pourvues , qui fe retirent en-
core. Enfin , lors que le Bouquet a perdu tou-
tes fes Cloches , les Branches ne jouent plus.
On peut inférer de ces Faits , que le principe
de ces mouvemens eft dans les Cloches. Ce
font elles aufll qui fourniffent à l'accroifiTement
de la Tige & des Branches. Jl ne faut pour-
Corps Orcanîs e's. î6^
tant pas comparer ces Branches à celles des
i\rbres ; elles font plutôt des efpèces de Raci-
neâ que pouffent les Cloches, & qui fe dévelop-
pent peu à peu. Quand un de ces très petits
Polypes fe détache d'un Bouquet , il va en na-
geant fe fixer contre quelque appui. Il fort
de fa Partie inférieure un court Pédicule qui l'at-
tache à cet appui. Ce Pédicule s'allonge de plus
en plus, Se bientôt il devient la Tige d*un nouveau
Bouquet. Le Polype placé à l'extrémité de la
Tige fe partage en deux inégalement. Le plus
gros Polype demeure attaché au bout de cette
Tige ; l'autre fe trouve placé un peu plus bas.
Il poulie auffi un Pédicule par lequel il tient à
la Tige. Ce Pédicule s'allonge & c'eft une
Branche. Le Polype placé au bout de cette
Branche , fe partage bientôt comme le premier,
& poulfe , comme lui , un Pédicule , & voilà
une nouvelle Branche qui s'implante fur la pre-
mière , &c. AinCi ce ne font pas les Bran-
ches qui produifent les Cloches , comme une
Branche végétale produit un Bouton ou une
Fleur ; mais ce font les Cloches qui produifent
les Branches , & celles - ci celTent de croître dès
que celles - là s'en féparent naturellement ou par
accident.
Les Polypes à Bulbes font , comme Ton a
vu, au nombre des Polypes à Bouquet. D'une x
Tige commune partent huit à neuf Branches
principales , qui font avec la Tige un angle un
peu plus grand qu'un droit. De toutes ces
L 4
i68 Considérations Sur Les
Branches fortent des Branches latérales plus pe-
tites ; & à l'extrémité des unes & des autres efl
une Cloche ou un Polype. Quand on touche
légèrement le Bouquet, & fouv^ent fans qu'on
le touche , les Branches fe replient fubitement
de dehors en dedans , & en le raprochant elles
fe difpofent de façon à former une petite maffe
ronde. La Tige fe retire en même tems , & fe
plie de la même manière que l'on plie une me-
fure qui a des charnières , en deux ou trois en-
droits.
321. Nouvelle découverte de Mr. Trembley
fur les Polypes en Nafîes.
Corps oviformes auxquels ils doivent leur ori"
gine.
Singularité de leur manière de naître, Remar-
ques fur ce fujet.
Il femble que les Polypes foient faits pour
déranger toutes nos idées d'œconomie animale.
Je l'ai dit , & je ne crains point de le répéter ici ,
ils ont été conltruits fur des modèles qui diffè-
rent fi prodigieufement de tous ceux qui nous
étoient connus , que nous fommes mêmes em-
baraifés à nommer ce qu'ils nous montrent. Nous
entendons par un Oeuf un corps rond ou oblon^,
dont l'Enveloppe , foit molle , foit cruftacée
renferme avec différentes fubflances, un Embrion
appelle à y prendre fes premiers accroillemens. ;
Il efl: une efpèce très fmgulière de Polypes qui
paroilfent d'abord fous la forme d'un très petit
Corps oblong & blanchâtre, qu'on jugeroit être
Corps Organise'*. i5^
un Oeiif^ & qui pourtant n'en efb point un. li
efl: l'Animal lui-même déguifé Ibus cette appa-
rence trompeufe. C'ell: encore une découverte
de Mr. Trembley, qu'il n'avoit point rendue
publique , & dont il m'a fait part. Je la produis
ici dans les propres termes de l'Auteur.
Voici m'écriv^oit - il , de quelle manière multi-
plie rEfpèce de petit Infe&e aquatique que fat
appellée Polypes en Naffes , â? que je nai décrite
encore nulle part. On les trouve rajjemhlés en grou-
pes , & fixés fur tous les Corps qui fe rencontrent
dans les eaux. Comme T Animal efttranfparent y
on voit qu'' il fe forme au dedans de lui ^tm corps
oblong é' blanchâtre. Ce corps , lors qu'il efl
formé , de/cendenfuite peu à peu , fort du Polype
par un endroit marqué ^ & rejïe fixé perpendicu-
lairement fur le Polype. Chaque jour ils'enpro'
duit un nouveau , ^ le groupe qui fe forme fur
le corps du Polype , augmente. Ces petits corps
oblongs font des efpèces d'Oeufs, ils n'ont point
de Peau ou de Coque. Sept ou huit jours après
quils font fortis du corps du Polype , ils fe dévelop-
pent. Ce développement efl l'affaire de peu de
minutes \i après lequel ils font tels que leur Mère.
Je connois d'autres efpèces de petits Polypes
d'eau douce , qui pour le fond multiplient de la
même manière, Je puis ajouter qu'ils font tous
Mère.
Les petits Boutons qui s'élèvent çà & là fur
I- 5
170 Considérations Sur Les
le Corps des Polypes h Bras ( ^ ) , & qui folit
autant de Polypes naiilans , paroiirent d'une na-
ture fort analogue à celle de ces petits Corps ovi-
formes qui deviennent des Polypes en Nû/Jes.
Les uns & les autres font de petits Toi/ (s orga-
nifés, qui prennent leurs premiers accroilTemens
à découvert , au lieu que les Petits des Ovipares
prennent les leurs dans une efpèce de boëte ou
de fac. Repréfentez- vous un Oifeau qui naî-
troit fans enveloppe, replié fur lui-même en
forme de boule, & qui fe déployeroit enfuitepeu
à peu 5 & vous aurez une image , à la vérité
très 'imparfute , de la manière dont naiflent les
Polypes en NaJJes. L'on peut conjeéturer avec
vraifemblance , que tandis que le Polype eil dans
fon premier état de Corps ovifhrme , toutes fes
Parties foit extérieures , foit intérieures , ont des
formes , des proportions , des fituations qui dif-
fèrent beaucoup de celles qu'elles auront dans
l'Animal développé. L'on n'a. pas oublié les
changemens que le Poulet fubit dans l'Oeuf (Z^) :
nous n'admirerions fins doute pas moins ceux
que le Polype en Nûjjes fubit hors du Corps de la
Mère , fi nos Microfcopes pouvoient atteindre
à cet ordre d'infinimens petits. 11 fe fait aulTi
une forte de Génération à découv^ert dans les
Parties que réproduifcnt les divers Infedes qu'on
multiplie en les coupant par morceaux. C'eft
fur tout chez les Vers de terre qu'on peut fuivre
à l'oeil les progrès d'un développement fi remar-
(û) Article 185.
(i>) Article 146.
Corps Organise' s. 171
quable & qu'on ne fe lafle point de revoir. Je
m'en luis beaucoup occupé dans le Chapitre I.
de ce Volume : nous ne préfumerons pas que
ces différentes Parties qui naiflent fous nos yeux,
fuirent renfermées originairement dans de véri-
tables Oeufs, Nous foupçonnerons plus volon-
tiers, qu'elles ont pour principe de petits Corps
analogues à ceux qui font le principe des Poly-
pes en Naljes.
322. Efpèce dont les Petits ndijfenî aujjî grands
que leur Mère.
La Mouche - Araignée.
Principes fur les Métamorphofes des Infediès
' en général.
De la Métamorphofe en boule -allongée en
particulier,
JSouvelle preuve de la fauffeîê de l'Epigénéfe.
S'il eft une loi de la Nature , qui paroifle ne
devoir fouifrir aucune exception , c'efl afluré-
ment celle qui veut que tout Animal ait à croî-
tre après fa naiffance. Une Mouche qui fe tient
fur les Chevaux , que Ton trouve auili dans
les Nids des Hirondelles , & que la forme a-
platie de fon Corps a fait nommer par Mr. de
Reaumur Mouche- Araignée^ nous offre en ce
genre un prodige que fllluflre Obfervateur nous
décrit , à fon ordinaire , d'une manière bien
propre à intéreffer nôtre curiofité.
„ Si quelqu'un, dit -il (^), au retour d'un
5, voyage en des Pais très -éloignés & peu fré^
(«) Tom, 6. des Mémoires fur Us Infe&es, Préface page 4I4
172 Considérations Sur Les
,, quentés, ofoit nous raconter qu'il a vu un grand
„ Oifeau , une Poule , par exemple , d'une cer-
,5 taine efpèce , qui pond un Oeuf d'une grof.
55 feur déméfurée , duquel fort un Poulet , qui
,, dès l'inflant qu'il eft hors de la Coque, n'a
5, plus à croître , parce qu'il égale fa Mère en
5, grandeur , ou même le Coq par qui elle a été
„ fécondée; fi quelqu'un , dis -je, ofoit nous
„ rapporter un pareil Fait, croirions - nous qu'il
„ méritât d'être écouté ? Quand il fattribuëroit
„ à rOifeau de la plus petite efpèce , à un Co-
„ libri, ou à un Oifeau - Mouche , fon récit ne
„ nous en fembleroit pas moins fabuleux. L'i-
„ magination ne fauroit fe prêter à concevoir un
„ Animal qui dès le moment de fa naiflance , a
„ toute la grandeur de fon Père ou de fa Mè-
„ re : qu'on veuille nous le faire croire d'un
„ Eléphant, d'un Colibri, ou d'une Mouche,
j, la difficulté fera par -tout la même. Il efl:
5, pourtant très vrai , & je n'oferois l'alfurer , fi
„ pour le revoir il falloit aller aux Indes , qu'il
jj y a une Mouche, c'eft nôtre Mouche- Araig-
j, née , qui pond un Oeuf fi gros , qu'on a peine
3, à concevoir qu'il ait pu être contenu dans fon
j, Corps. Sa Coque eft noire , luifante , dure
„ & hicapable d'extenfion; auffi TOeuf conferve-
j, t-il la forme & le volume qu'il avoit lorfqu'il
3, a été pondu. Il vient cependant un tems où
35 il en fort une Mouche qui , dans l'inftant de
„ fa naiflance , eft dans le cas du Poulet qui
,, naîtroit Poule parfaite , ou Coq parfait. "
Mon Lecteur a déjà pris l'idée d'un Oeuf j.
Corps O r g a n i s e' s. 173
d'un véritable Oeuf, d'un Oeuf femblable en
petit à celui d'une Poule , & d'où fort un Vola-
til qui a , en naiflant , toute la grandeur de fa
Mère. • Cette idée d'Oeuf n'eft pourtant pas ex-
aéte , & Mr. de Reaumur l'a expofée ailleurs
( ^ ) avec plus de précifion : en la rendant d'a-
près fes obfervations & d'après les miennes pro-
pres , je ne ferai presque que changer le mot , &
la merveille fubfiilera toute entière. Mais , a-
vant que de donner à mon Leéleur le véritable
mot de cette énigme , je l'entretiendrai d'une
Métamorphofe très fmgulière, que fubiifent des
Vers qui deviennent des Mouches de la claffe
de ceile dont il s agit.
On connoit en général les Métamorphofes du
Ver 'à-Soye: elles reviennent précifément à cel-
les que toutes les Chenilles & quantité d'autres
Infeéles ont à fubir pour arriver à l'état de per-
feélion , à cet état dans lequel feul ils peuvent
propager leur efpèce (/'). L'on fçait que i'In-
fede fe dépouille de la Peau de Ver , lors qu'il
revêt la forme de Chryfalide ou celle de Nym-
phe. Il fe dépouille pareillement de l'enveloppe
de Chryndide ou de celle de Nymphe , lors qu'il
paroit fous fa véritable forme de Papillon , de
Mouche ou de S carabe. J'ajouterai qu'il y a cet-
te différence effentielle entre l'état de Chryfalidc
& celui de Nymphe , que dans le premier , tou-
tes les Parties extérieures de l'Infede font revê-
tues d'une enveloppe membraneufe &très fine^
(4) Ibid. Mém. 14. page 586, & fuivantes.
(*) Voyez Article 309.
174 Considérations Sur Les
propre à chacune , & que de plus elles font re-
couvertes d'une enveloppe générale & crultacée
qui les affujettit toutes au Corps. Cette enve-
loppe cruftacée manque aux Nymphes propre-
ment dites ;auiîi toutes les Parties extérieures de
TAnimal y font-elles beaucoup plus vifibles que
dans les Cbryfalides, Toutes les Chenilles que
nous connoiffbns , palTent par l'état moyen de
Chryfalîde avant que de parvenir à celui de Pa-
pillon. Beaucoup d'efpèces de Fers palfent par
l'état 77ioyen de Nymphe , avant que de parvenir
à celui de Mouche, Je traiterai ce fujet plus en
détail , lorsque j'aprofondirai dans la fuite de cet
Ouvrage la manière dont s'opère raccroifTement
des différens Animaux. Je donnerai en même
teras une méthode de diftribuer les Infectes en
claffes 5 que leurs Métamorphofes m'ont fournie.
Les Vers C^) , que je veux faire connoitre à
préfent , vivent dans les Chairs corrompues , &
dans les matières les plus abjedles. Ils n'ont
point de Jambes ; ils refpirent par des efpèces
de Bouches placées à leur derrière. Ils font blan-
châtres , mois , presque tranfparens : leur Tête ,
armée de deux Crochets, ne reflemble point k
celle des autres Animaux : elle change de forme
à chaque inllant: elle fe dilate, fe contracte,
s'allonge , fe raccourcit de mille manières : fln-
fecle peut la faire rentrer dans fon Ventre , &
l'en faire fortir à fon gré.
(a) Mémoires pour fervir à l'HiJîoire des Infères , Tome 4,
Mém. 7. Pag. 289. & fuivantes.
Corps O r g a n i s e' s. 175
Lorsque ces Vers font prêts à fe métan^or-
phofer, ils prennent la forme d'un Oeuf. Sous
cette forme , ils font abfolument incapables de
mouvement : leur Peau devient caflante & fria-
ble, & leur couleur fe change en un brun mar-
ron. En un mot , ils ne retiennent plus de leur
première forme que quelques vertiges d'anneaux.
En fe métamorphofant , l'Infecle ne fe dé-
pouille point , comme tant d'autres , de la Peau
de Ver; mais toutes fes Parties extérieures s'en
retirent peu à peu , & s'en détachent enfin en-
tièrement. Elles fe trouvent alors renfermées
dans une Coque bien clofe , & cette Coque ei\
formée de la Peau même du Ver. Ainfi la Na-
ture qui a refufé à nôtre Infeéle ce fil brillant ,
qu'elle a accordé au V^er-à-Soye & à un grand
nombre d'autres Chenilles, l'en a dédommagé
en lui enfeignantafe faire une Coque de fa pro-
pre Peau, dont fufage répond exadement à ce-
lui de la Coque du Ver- à-Soye. Elle a mê-
me tout difpofé de loin pour que cette Coque
fingulière , eût le degré de confiftence néceilai-
re aux befoins du petit Animal. On fçait que
les Chenilles changent planeurs fois de Peau
dans le cours de leur vie : Ton connoit les mi/è's
ou les maladies du Ver - à - Soye. Mais , on ne
fçait pas aufïi bien tout ce que ces mues ont de
remarquable : l'on n'imagine pas qu'à chaque
mue , rinfefte fe dépouille de fon Crâne , de
fes Yeux , de fes Dents , de fes ïambes ; en un
mot de toutes fes Parties extérieures.
On les retrouve très complettes dans la dé-
176 Considérations Sur Les
pouille, & fi complettes, que celle-ci ne diffère
point extérieurement de l'Animal lui-même.
Paré de fa nouvelle Peau , il offre pourtant les
mêmes Parties , & Ton reconnoit qu'elles étoient
logées avec un grand art , dans celles de la dé-
pouille, comme dans autant de fourreaux. Nos
Vers qui ont ^ fe faire une Coque de leur pro-
pre Peau , n'ont point de mues à fubir : ils
prennent donc tout leuraccroiffement fans chan-
ger de Peau. Celle jqui les recouvroit en nail^
font , a donc tout le tems de fe fortifier , de s'é-
paiffir & d'acquérir le degré de confiffence qui
la mettra en état de fervir iin jour de Coque à
rinfede.
J'ai eu bien des occafions dans le cours de
cet Ouvrage , d'infifter fur la fagefle avec la-
quelle l'on doit ufer de V Analogie : fi nous
jugions de nôtre Infeéte par cette voye , nous
penferions , qu'immédiatement, après que tous
fes Membres fe font détachés de la Peau de
Ver, il revêt la forme de Nymphe, C'eft au
moins ce qui arrive à tant d'autres Infeéles qui
paflent par cet état moyen : dès qu'ils ont aban-
donné leur première enveloppe , ils paroifTent
de véritables Nymphes , & nous lai lient voir
diflinétement fous cette nouvelle forme , toutes
les Parties propres à la Mouche, Mr. de Reau-
MUR nous a apris , que ce n'eft point ainfi que
la Nature procède à l'égard de l'Infeéle dont
nous parlons : elle fait varier au befoin fes pro-
cédés, & parvenir au même but par des rou-
tes
Corps Organise' s. 17^
tes très diirérentes. Ne cherchons donc point
à la devmer ; mais interrogeons - la comme elle
veut l'être. L'Hifloire naturelle efl la meilleu-
re Logique , parce qu elle efl celle qui nous
inllruic par des exemples plus frappans.
Ouvrons avec précaution refpèce de Coque
dans laquelle Tlnfede s'efl; renfermé. Au lieu
d'une véritable Nymphe que nous nous atten-
dions à y trouver , nous n'y trouverons qu'une
petite maffe de Chair oblongue , blanchâtre , &
îlir laquelle nous n'apercevrons pas , même à
la Loupe , le moindre vertige de Membres ou
d'Organes. Loin donc de fe métamorphofer
en Nymphe , l'hifeéle s'elt métamorphofé en
Boule- allongez , & c'efl le nom que Mr. de
Reaumur a donné à cette efpèce fingulière
de transformation.
Mais, au moins l'Infeéle fe produira - 1 - il
en Nymphe au moment qu'il fe dépouillera de
ce fac, qui lui donne la forme d'une Boule -al-
longée f La plupart des Infeétes qui partent par
un état moyen , le ré vêtent tout entier au mo-
ment qu'ils fe dépouillent de leur première en-
veloppe.
Ici il faut encore abandonner l'analogie, &
nous en avions déjà été avertis par ce qui avoic
précédé. Ce n'eft que par dé grés aflez mar-
qués , que l'Infecte parte de fétat de Boule - al"
longée à celui de Nymphe proprement dite. Si
l'on ouvre de jour en jour plufieurs de ces Co-
ToM. II. M
X7S GoNsiDiRATioKs Sur Les
ques, voici ce qu'on y découvrira.
Au bout de deux ou trois jours , on verra
des Jambes très -courtes qui ibrtiront de la Par-
tie antérieure de la Boule. Le jomTuivant, les
Ailes commenceront à fe montrer , & les Jam-
bes en s'étendant davantage, fe raprocheront de
la Partie poftérieure de la Boule. Un autre jour,
on apercevra le bout de la Trompe de la Mou-
che ; la Trompe entière paroitra enfuite , & la
Tête la fuivra de près. Enfin , on ouvrira des
Coques où l'on trouvera une Nymphe dont
toutes les Parties auront la grandeur & la fitua-
tion propres à cet état moyen.
Un Partifan de XEpigénêfe croiroit voir ici
une Nymphe qui fe façonne peu à peu , qui
croît par appofition , comme Ton a imaginé que
croilTent le Fœtus de la Biche , le Poulet , &
depuis peu le Fœtus humain . Mais , il demeu-
re toujours fi vrai que ïEpigéîTéfe n'eft point
du tout une loi de la Nature , que dans ce cas
même qui lui paroit fi favorable , nous avons
des preuves direéles de VEvolunon , & des
preuves auxquelles on ne s'attendroit pas. Tan-
dis que l'Jnfecle efl fous la forme de Boule-aU
longée & qu'il ne montre pas le moindre vefti-
ge des Parties d'une Nymphe , l'on peut obli-
ger ces Parties à fe produire au grand jour; on
peut faire naître à volonté une Nymphe qui ne
paroilToit pas exifter encore. Il ne faut pour
cet effet , que prefTer avec précaution le bout
poftérieur de la Boule , au même inftant , on
yerra fortir d'un enfoncement qui eft à fon bout
Corps Organise' s. 17g
antérieur , toutes les Parties d'une Nymphe , qui
fe prolongeront de plus en plus à mefure qu'on
augmentera la preifion. Elles préexiftoient donc
à leur apparition naturelle ou forcée ; elles é-
toient donc renferméee & repliées dans Tinté-
rieur de la Boule , à peu près comme une Fleur
dans Ton Bouton. En un mot, il en eft de
ces Pardes , pour me fervir de la comparaifon
de Mr. de Reaumur , comme des doigts d'un
gand , qu'on auroit fait rentrer dans la main du
gand , & qu'on en retireroit enfuite. S*il nous
étoit poffible d'en ufer de même à l'égard des
petits Boutons & des Corps ovifjrmes donc
naiflTent diffcrens Polypes , il y a lieu de pr6-
fumer que nous en ferions fortir pareillement
toutes les Parties propres à ces Infectes , & que
nous hâterions ainfi le moment de leur préten»
due naiflance. Je rapporterai bientôt une ex-
périence fur les Boules-allongées , qui mettra cet*
te vérité dans le jour le plus lumineux.
323. Explication de la Mouche- Araignée. Nou*
vel argument en faveur de /'Evoludon.
Je reviens maintenant à la produâ:ion ovî-
forme de la Mouche - Araignée , à cette efpèce
d'Oeuf d'une gro fleur diméfurée, d'où fort une
Mouche auiTi grande que Père & Mère. J'ai
averri que cette production n'efl point un véri-
table Oeuf : quelle eft donc fa nature ? Nous
ne pouvons l'aprendre que de l'obfervation ôc
de l'expérience.
M %
ïlo Considérations Sur Les
Dans un de ces Corps oviformes ouvert qua-
tre jours avant celui où la Mouche en auroit
dû fortir naturellement, Mr. de Rlaumur Qî)
a trouvé une Nymphe dont toutes les Parties
étoient très-diflinctes , & auxquelles il manquoit
peu du côté de la confiftence. L'efpèce d'Oeuf
dont je parle, a un de fes bouts plus arrondi que
Tautre : le bout le plus arrondi eft l'antérieur ;
le bout poltérieur fe termine par deux Cornes
moufles. La Nymphe , très - ailée à reconnoitre
pour une Nymphe de Mouche- Araignée ^ étoit
placée de manière que fa Tête répondoit au bout
antérieur de la Coque , & que Ton derrière étoit
apuïé fur le bout oppofé. Au bout antérieur
eft une efpèce de calotte qui s'enlève facilement,
& qui a été ménagée pour la fortie de la Mou-
che.
Nous fommes donc afTurés , qu'il eft un tems
cil le Corps oviforme dont nous recherchons la
nature , renferme une véritable Nymphe, Cette
Nymphe a fans doute été un rer : ce Ver fe
feroit-il transformé en Boule- allongée? Le Corps
oviforme feroit-il cette Boule- allongée , ou pour
parler plus exa6lement,renfermeroit-il flnfeéle
fous cette forme? Pour tâcher de le découvrir,
Mr. DE Reaumur a ouvert des Coques un jour
ou deux après la ponte. Il n'a vu dans leur in-
térieur qu'une bouillie blanchâtre , presque flui-
de , & dans laquelle il n'a pu démêler aucune
forte d'organilation. Lorsqu'il a ouvert de ces
(«) Mèm. pr. fervir à l'Hift, des InfeQ. Tom. 6, Uém. 14,
pag. s 8 7. & fui vastes.
Corps O r g a n i s e' s. i8i
Coques plus tard , il a remarqué que la bouillie
étoic moins fluide, & qu'elle avoit même quelque
confiftence ; mais toujours fans aucune apparen-
ce d'organifation. Enfin, dans quelque tems
qu'il ait ouvert de pareilles Coques ,11 n'eft jamais
parvenu k y découvrir un Fer,
Ainsi , l'on ne trouve dans nos Coques nou-
vellement pondues , qu'une bouillie plus ou moins
fluïde, & où l'on n'aperçoit aucune trace des
Parties propres à un Ver ou à une Mouche.
Quelle lumière pouvons -nous efpèrer de tirer
d'une femblable bouillie? Comment la Nature
débrouille-t-elle ce petit cahos , & en fait - elle
fortir un Tout très organifé? Nous venons de
voir une véritable Nymphe occuper la place de
cette bouillie : peu de jours ont fuffi pour que
cette Nymphe ait achevé de fe former & pour
qu'elle ait acquis un certain degré de confiften-
ce. Immédiatement auparavant elle n'étoit qu'u-
ne fubflance laiteufe ou caféeufe: eft-ce donc
que la Nature fait un Infeéle comme nous fai-
fons un fromage ? ou pour recourir à une Phy-
fique moins grofîière, eft-ce que des Molécu-
les organiques éparfes dans la bouillie, venant
à fe réunir en vertu de certaines forces de ra-
port , produifent une Tête , des Yeux , une
Trompe, des Jambes, &c.? Il n'y a qu'un mo-
ment, qu'en prefTant le bout poftérieur d'une
Boule-allongée , nous en faifions fortir toutes les
Parties extérieures d'une Nymphe , qui ne fem-
bloient pas exilter. Lors qu'on ouvre une de
M 3
lîa Considérations Sur Les
ces Boules immédiatement après que Tlnfeéle a
achevé de fe détacher de la Peau de Ver, on
n*y trouve qu'une bouillie précif^mentfemblable
à celle que nous venons d'ob.erver dans les Co-
cfues des Moucb^'s- Araignées, 11 femble que
rinfeéte fe foit liqu£lié en entier, qu'il fe foit
réfolu en une fubitance purement laiteufe; au
moins eft-il certain que la Loupe même ne peut
faire découvrir dans cette bouillie aucun indice
d'organifation. Elle eft pourtant très organifée;
que dis- je ! Elle ell une véritable Nymphe dé-
guifée fous l'apparence trorapeufe d'un Fluïde.
Un moyen très fimple va mettre fous nos yeux
toutes les Parties de cette Nymphe , & la ridi-
cule Epîgéièfe fuira pour toujours dans les té-
pèbres de l'Ecole , d'où un Auteur moderne a-
voit entrepris de la tirer à force de génie &
d'invention. J'ai parlé dans l'Article 1 67 , de la
tranfpiration infenfible qui doit fe faire dans la
Chryfalide pour que le Papillon foit en état de
paroître au jour. J'ai montré , comment en ac-
célérant ou en retardant cette tranfpiration , on
abrège ou l'on prolonge à volonté la vie de fln-
feèle, tandis qu'il eil encore renfermé fous l'en-
veloppe de Chryf-ilide. Effayons de hâter beau-
coup plus la tranfpiration qui doit fe faire aulQ
dans nos Boules allongées '.ïû^oxuA^i cuire quel-
ques minutes dans l'eau chaude & ouvrons - les
cnfuite. Qu'y voyons- nous? toute la bouillie
adifparu, & une véritable Afy/;;^^f a pris fa place.
Cette Nymphe ne s'ell pas formée dans quelques
minutes ; mais fes Parties auparavant trop mol-
i
Corps Organise* s. 185
les , trop abreuvées & comme dilToutes , échap-
poient à nos yeux & à nos inftrumens. Don-
nons une femblable préparation à nos Coques de
Mouches- Ar ai gnéei>^ & nous aurons prccifémenc
les mêmes réfultats La bouillie s'épailîîra , &
nous verrons paroître auffi - tôt une Nytîrphe a-
vec toutes les Parties qui la caradérifent.
Cette Coque déméfurément grolTe relative-
ment à la Mouche qui la met au jour, n'eft donc
point proprement un Oeuf, Elle eft Tlnfeéle lui-
même qui a révêtu la forme de Bouk- allongée
& qui s'eft fliit cette Coque de fa propre Peau.
Mais il a fubi cette métamorphofe dans le ven*
tre même de fa Mère , il y a pris tout fon ac-
croiflement , & voilà le vrai de la merveille que
j'avois à décrire.
Lors qu'on a divifé les Animaux en Vivipa*
res & en Ovipares ^ on a crû que ces deux claf-
fes générales épuifoient le Règne animal. Les
Pucerons nous ont démontré les premiers l'infuf-
fifance d'une divifion fi facile & fi commode.
Les Polypes ont paru enfuite , & nous avons été
invités à former une clafle de Ramipares , & une
autre de Bulbipares. Nôtre Mouche - Araignée
exige que nous falTions une cinquième clafTe,
que nous nommerons , avec Mr. de Reaumur ,
la clafle des Nymphipares. Trop de Faits nous
ont apris qu'il n'eft point d'exception unique dans
la Nature, pour que je ne fois pas fondé à pré-
dire qu'on découvrira un jour bien d'autres In*^
fectes qui viendront fe ranger fous la clajGTe défi
M 4
184- Considérations Sur Les
Nymphipïircs. Il faudra bien encore créer de
nouvelles claffes; car l'Hilloire Naturelle ne fait
que de naître. C'eft un Païs dont nous con-
noiffons à peine les frontières, & dont néan-
moins on fe prefTe de drefler la carre.
Les Coques de Mouches -Araignées pondues
depuis quelques heures , ont déjà une figure auiTi
confiante que l'efl celle des Oeufs ordinaires.
Elles ne laifTent pas foupçonner le moins du
inonde qu'elles foyent elles-mêmes de véritables
Animaux. Mais quand on les examine immé-
diatement après qu'elles ont été pondues , on y
aperçoit des mouvemens qui décèlent leur natu-
re. Leur bout le plus arrondi s'allonge de tems
à autre , & prend la forme d'un Mamelon conique.
Il fe racourcit enfuite pour s'allonger de nouveau.
L'on obferve des mouvemens analogues fur les
côtés de la Coque : mais peu à peu cette Coque
s'endurcit & tout mouvement celTe, Ces mou-
vemens paroiffent tendre à détacher l'Infedle de
fa première Peau , de celle de Fer,
Nous ne connoifTons encore aucun Tnfedle qui
ait à croître lorsqu'il a révêtu une fois l'état de
Nymphe ou de Chryfalide proprement dites.
Tous les Infeéles qui fe métamorphofent , pren-
nent leur dernier accroiffement fous leur premiè-
re forme de Fer ou de Chenille. Avant que de
devenir Boule-allongée , avant que de révêtir l'é-
tat de ISiymphe , nôtre Mouche-Araignée a donc
paffé probablement par l'état de Fer, J'ai dit
qu'il n'eft aucun tems où Ton puiffe parvenir à
découvrir un Ver dans la Coque pondue à ter-
Corps Organise' s. 185
me. Mr. de Reaumur a donc pris le parti de
le chercher dans le Ventre de la Mère, il a ou-
vert des Mouches à différens termes , & il a vi-
fité avec foin leur intcrieur. „ Dans quelques-
,, unes, dit-il(^0> J'^^ trouvé un Corps en-
„ tièrement blanc qui avoit déjà la figure qu'a
5, la Coque qui vient d'être pondue , quoi qu'il
„ n'eût pas la moitié du volume de cette demie-
,5 re. Ce Corps ne rellembloit donc en rien par
5, fa forme aux Vers les plus connus , & ne m'a
„ paru capable d'aucun mouvement progreffif :
„ le nom de Ver ne lui en étoit peut - être pas
,5 moins dû. La Nature qui s'eft fi fort plû à
„ varier les figures des Infeéles, peut avoir don-
5, né à un Ver celle d'un Oeuf; elle en a pro-
,, duit qui font incapables de changer de place;
„ & il n'y en a point à qui il fût plus inutile de
„ fe mouvoir , qu'à ceux qui doivent ceiler
„ d'être Vers , avant que d'être hors du Corps
„ de la Mère."
Les Corps oviformes de différentes grofleurs,
que Mr. de Reaumur a trouvés dans l'intérieur
des Mouches-Araignées , étoient contenus dans
un Canal membraneux , très dilatable , & qu'on
peut regarder comme rOvidu&iis , & qui n'a à
fon origine , que le diamètre d'un fil dclié. A
cette Partie déliée du Canal , vont aboutir deux
autres Canaux , dans chacun defquels , nôtre II-
luflre Obfervateur a découvert un petit Corps
blanc , de forme cylindrique , & dont les deux
(») Ibid. pag. 595.
M 5
f85 Considérations Sur les
bouts étoient arrondis. 11 conjeélure avec vraî-
femblance qu'ils étoient appelles à venir prendre
la place de la Coque que la Mouche auroit pon-
due à terme , & qu'ils auroient fourni ainfi à de
nouvelles pontes fucceiTives. Leur figure indi-
quoit alFez qu'ils étoient de jeunes Vers qui dé-
voient prendre leur dernier accroifîement & fe
lîiétamorpholer dans l'OviduBus. Il eft vrai qu'on
ne leur voyoit ni Tête ni Bouche : mais par com-
bien de moyens différens la Nature ne peut- elle
pas nourrir un Etre organifé ? Elle nourrit peut-
être ces Vers fmguliers , comme elle nourrit les
Oeufs des Oifeaux dans leurs Ovaires.
Tel eft le précis des Découvertes de Mr. de
Reaumur fur la Mouche- Araignée. Aucomp^
te détaillé qu'il en a lui-même rendu dans fes
Mémoires , il a joint un court expofé de quel-
ques-unes de mes obfervations (^;}. Comme
le Fait eft jufques ici unique ,'& qu'il n'eft point
encore fuffifamment éclairci , je crois devoir ex-
traire de mes Journaux tout ce qu'ils renferment
ds plus elfentiel fur ce fujet , & le placer ici fous
les yeux de mes Leéleurs.
324. Ohfervations de l'Auteur fur /^Mou-
che - Araignée.
Sur la fin d'Aouft 1741 , obfervant attentive-
ment à la Loupe une Coque qu'une Mouche-
Araignée venoit de pondre en ma préfence , j'ai
vu très diftinélement le bout le plus arrondi de
(a) Tome 6 pag. 593 * S9i«
F
Corps Organise'». 187
k Coque , s*enfoncer & s'élever alternativement ,
devenir tantôt très -concave & tantôt trôs-con«
vexe à diverfes repriies. Ce bouc a voie une
efpèce de court appendice qui participoit à ces
mouvemens , & que je iuupçonnerois ècre i'ex-
trêmité des VaiiTeaux quiapportoient la nourri-
ture à l'Embrion , tandis qu'il ctoit encore ren-
fermé dans le Ventre de Hi Mère.
En continuant d'obferver , j'ai remarqué des
mouvemens analogues fur les côtes de la Coque.
De grandes portions s'enfonçoient & fe rele-
voient de même alternativement.
On fçait que la plupart des Infefles refpirent
par de petites ouvertures placées fur les côtés
de leur Corps , & que Ton nomme des Stigma-
tes, Le Ver-à-Soye & toutes les Chenilles ont
dix -huit de ces Bouches ou Stigmates. Quand
on les ferme avec des enduits graiifeux , rinfe6le
périt fur le champ : cela ell très-connu. Tandis
que la Coque de nôtre Mouche fe donnoit les
mouvemens dont je viens de parler , & pendant
que fès côtés étoient le plus enfonçais ) j'y ai
apperçu très nettement, de petits creux, de pe-
tites foffettes , efpacées régulièrement comme le
font des Stigmates. Dès que les côtés de la Co-
que fe relevoienc , ces foifettes difparoiflbient en-
tièrement.
A' chaque Stigmate d'une Chenille , aboutit
un paquet de VaiiTeaux , d'un blanc argenté,
formés d'une lame mince roulée en fpirale à la
manière d'un reflbrt à bQudin : ce font les Tror
i88 Considérations Sur, Les
chées. Un longVaiiïeaude même nature règne
d'un bout à l'autre de rAnimal, & c'efl le prin-
cipal Tronc des Trachées. Il y a de chaque cô-
té un pareil Tronc, & toutes ces Trachées fe
divifent & fe fubdivifent de mille manières poiir
fe diftribuer à toutes les Parties ; enforte que
rinfede femble être tout Poumon. En regar-
dant obliquement nôtre Coque. & toujours à la
Loupe , j'ai découvert fur les côtés & vis-à-vis
ces folfettes que je prends pour des Stigmates , un
Vaifleau qu'il m'a été aifé de reconnoitre à fa
couleur & à fon luftre , pour un Tronc de Tra-
chées. Il fe divifoit ça & là en une infinité d'au-
tres Vaiifeaux , beaucoup plus petits , & qui fe
divifoient eux-mêmes en d'autres plus petits en-
core. Le principal Tronc de ces Trachées al-
loic aboutir à une des petites Cornes placées au
bout poflérieur de la Coque. 11 avoit là plus de
diamètre que par tout ailleurs , & il diminuoit
infenfiblement à mefure qu'il s'approchoit du
bout oppofé.
Ces particularités , & fur-tout les mouvemens
que j'ai décrits , prouvent aflez que cette Coque
eft vraiement ^«/>;;^/(? , & qu'elle ne reffemble
point du tout à celles que fe conftruifent tant
d'efpèces de Chenilles & en particulier les Vers-
à-Soye, à l'approche de leur Métamorphofe.
Mais je puis dire plus; j'ai vu cette Coque fe
donner des mouvemens femblables à ceux que
fe donneroit un Ver rond & fans Jambes qui fe-
roit effort pour changer de place. Je l'ai vue ie
renverfer fur un de fes côtés , reprendre enfuite
Corps Organise' s. 1S9
fa première fituation & répéter ces balancemens
plufieuiS fois.
En obfervant cette Coque à la Loupe avec
la plus grande attention , j'ai aperçu dans fon in-
térieur des lignes circulaires , efpacées comme le
feroient celles qui marqueroient la jonction des
Anneaux d'un Infeéle. Ces lignes avoient leur-
concavité tournée vers le bout poflérieur de la
Coque. Et ce qui ne permettoit guères de dou-
ter , qu'elles ne fulfent les incifions annulaires
d'un Infeéle logé dans la Coque , c'eft que , lors
que les côtés de celle - ci s'enfonçoient , ils de-
venoient tranfparens. En fe contraélant alors ,
finfeéle laiflbit apparemment unpaflage plus li-
bre à la lumière à travers les parois de l'enve-
loppe.
Dans l'intérieur de quelques Mouches à deux
ailes, dont le Corps elt demi - tranfparent , on
voit un fpeélacle qui fixe agréablement fatten-
tion. Ce font des couches de nuages minces,
qui marchent parallèlement les unes aux autres ,
& qui vont conitamment du bout antérieur du
Corps au bout oppofé. Mr. de Reaumur (a)
a beaucoup aprofondi ce petit phénomène , &
il a prouvé qu'il tient à une illufion d'optique ,
occafionnée par le jeu de deux grands facs poul-
monaires logés dans la Partie antérieure du Corps
de la Mouche. L'intérieur des Coques que nos
Mouches - Araignées pondent à terme , m'a of-
fert le même phénomène , & qui dépendoit pro*
(a) Mé».Jur Us In/e^, Tora, 4. pag. 167. & fuivantei.
ipo Considérations Sur les
bablement de la même caufe. Les couches né-
buleufes m'ont toujours paru fe porter d'un mou-
vement uniforme du bout poflé rieur au bout an-
térieur. On n'a pas oublié que le bout anté-
rieur eit celui auquel répond la 1 été de l'infeéle.
Les Coques pondues récemment font blan-
ches ; bientôt elles prennent une teinte de jau-
ne , à laquelle fuccède une teinte d'un rouge
marron ; ce rouge fe rembrunit peu à peu & fait
place enfin à un afTez beau noir. Dès que les
Coques commencent àperdre leur première cou«
leur, elles acquièrent une opacité qui ne permet
plus de voir dans leur intérieur. J'ai imaginé de
retarder les progrès de l'opacité, ou ce qui revient
au même, de rendurcliFement , en plongeant la
Coque dans l'eau. Tout mouvement a bientôt
celle, & je n'ai vu paroître aucune bulle d'air.
Au bout d'une heure, j'ai retiré la Coque de
l'eau ; le petit appendice n'a pas tardé à repren-
dre fes mouvemens ordinaires, 6c les couches né-
buleufes ont reparu.
Tandis que la Coque étoit plongée fous l'eau ,
j'ai remarqué que les côtés demeuroient fort trans-
parens. L'Infeéle , qui étoit alors dans un état
de contra6tion,occupoic moins déplace dans cet-
te efpèce de boëce , & la lumière en traverfoit
plus librement les bords.
I'ai replongé la Coque fous l'eau , je l'y ai
lailTée environ trois heures , & l'en ayant enfuite
retirée , j'ai vu reparoître les couches nébuleu-
fes , dont la marche toujours régulière , s'elt
Corps Organise' s. ipt
faite , comme à Tordinaire , du bout poftérieur
vers l'antérieur : mais le petit appendice ne s'efl
donné aucun mouvement.
Cette fois j'ai eu le plaifir de m'afTurer de
Texiftence des Stigmates de la Coque. Je les
ai défignés ci-defTus par le terme de fojjeîtes , &
j'ai dit que ces follettes n'étoient vifibles que
dans l'inftant où les côtés de la Coque s'enfon-
çoient : je les voyois difparoitre lors que la Co-
que reprenoit fa convexité naturelle. Il n'en
a pas été de même dans le cas particulier dont
je rends compte à piéfent. La Coque ne fe
donnoit pas le plus léger mouvement , & fes
côtés étoient par tout très arrondis : cependant
on diftinguoit très- bien à la Loupe les foflettes.
Leur fituation , leur arrangement fymétrique,
leur figure ovale & leur grand diamètre pofé
perpendiculairement à l'axe de la Coque, neper-
mettoient pas de les méconnoitre pour de vrais
Stigmates. Nous avons donc ici une preuve
direcle , que l'enveloppe dont cette Coque fin-
gulière elt formée , a appartenu à un Ver ,
qu'elle à été pendant un tems la Peau même de
ce Ver , & cette preuve lève tous les doutes
fur la nature de ce Corps oviforme.
Dans une Coque pondue avant terme , &
qui n'avoit pas la moitié de fa grolTeur naturel-
le , j'ai vu diitinélement le jeu des couches né-
buleufes ; mais , ce qui m'a paru extrêmement
remarquable , c'eft qu'il fe faifoit ici en fens
contraire , je veux dire du bout antérieur au
poftérieur. J'ai obfervé la même chofe après
I92 Considérations Sur Les
avoir tenu la Coque fous Teau pendant trois
heures. En racontant ce Fait fur mon témoi-
gnage, Mr. DE Reaumur ajoute ce qui fuit
Ça'), 5, Nous avons rapporté comme un fait
fmgulier , que la circulation des Liqueurs nous
avoit paru fe faire dans le Papillon en un fens
contraire à celui où elle fe faifoic dans fon
Corps , lors qu'il étoit Chenille. La circu-
lation des lames nébuleufes , qui dans F Oeuf
à terme a un cours oppofé i\ celui qu'elle a
dans l'Oeuf qui n'y eft pas , paroit donc
prouver que l'Oeuf à terme renferme un In-
fed:^ qui a changé d'état ; & ce changement
n'a pu être que celui de Ver en Boule - al-
longée ".
Lors que ce grand Obfervateur , dont la mé-
moire me fera toujours chère , s'emprefla obli-
geamment à m'annoncer fa découverte fur la
Mouche - Araignée , dans une de fes Lettres
en datte du 30^. Avril 1741.; il me parla de
la Coque en queftion comme d'un véritable
Oeuf. Il penfoit alors qu'elle en étoit un. Je
ne tardai pas moi-même à l'obferver fur fon
invitation. Je découvris les couches nébuleu-
fes , & je lui écrivis le 28e. Juillet fuivant, le
foupçon qu'elles m'avoient fait naître. Le Vo-
lume de ces Mémoires que je viens de citer,
ne parût que Tannée fuivante. Cel Oeuf, di-
fois-je à mon lUultre Ami , feroit' il moins un
Oeuf,
(•) Tom. 6. pag. 594.'
Corps Organise' s. 193
Oeuf ^ qiiune efpèce très ftnguUere de Ver ^ ou
qu'une efpèce auffi fmgulière de Nymphe P Ces
couches néhuleufes indiquer oicnî - elles une ■ Cir^
' ciilaîïon ? ou n'efî • ce ici qu'une illufion d'opti-
que analogue à celle que vous avez obferzée dans
quelques Mmches ? Je crois avoir vu dans imt
des articulations des Jambes de nôtre Mouche^
une véritable Circulation ; mais je n'ai garde de
prononcer encore fur ce fujet. Je m'expliquois
plus précifémeiit dans une autre Lettre en dat-
te du 23e. Juin 1742, & j'y comparois nôtre
Coque à une Boule -allongée. Mr. de Reau-
MUR adopta lui- même cette idée & la vérifia
par quantité d'obfervations très curieufes , dont
j'ai donné ci - delliis le précis. J'invite les Na-
turalises à aprofondir davantage un fujet qui
touche de fi près à la Théorie de la Généra-
tion.
325. Oeufs qui croiflent après avoir été- pon-
dus,
Galles des Plantes : manière dont elles font
produites.
Oeufs des Mouches à Scie.
Apres qu'un Oeuf fécond a été pondu ,
l'Embrion y prend un accrcifTement relatif à
celui que le Fœtus acquiert dans la Matrice :
mais , la capacité de l'Oeuf n'augmente pas
comme cçlle de la Matrice. Nous ne fommes
pas encore f^miiliarifés avec l'idée d'un Oeuf
qui croît : il en eil; pourtant qui foijt appelle»
TûM. IL N
ip4 Considérations Sur Les
à croître & à croître beaucoup. On penfe bien
que leur enveloppe n'efl: pas cruftacée comme
Tell celle des Oeufs des Oi féaux , des Papil-
lons , & de plufieurs autres Infeéles. Les Oeufs,
dont je veux parler , font purement membra-
neux; on ne fe prelfera pas d'en inférer que
tous les Oeufs membraneux croilfent ; ceux de
beaucoup d'autres efpèces font tels , & ne croif-
fent point : c'eft donc ici une exception remar-
quable à une règle qu'on juge générale.
Tout le monde connoit les Galles qui s'élè-
vent fur différentes Parties des Plantes. Leur
forme , leur ftrudure , leur confiilence , leur
texture , leurs proportions , leur couleur , va-
rient prefque ^ l'infini , & offrent aux yeux de
rObfervateur mille particularités intérellantes.
Quand Malpighi n'auroit ïmt que Ion Traiié
des Galles^ il n'en feroit pas moins l'immortel
Malpighi. Mr. de R eau mur fon égal , qui
a fait tant de. découvertes , & qui en a perfec-
tionné tant d'autres , a confidérnblcment ajou-
té à celles du Naturalifte de Bologne fur ces
Excroiffances des Végétaux. On peut conful-
ter là - defliis le beau Mémoire qui termine le
^me. Volume de fon Hiftoire des infedes.
Les Galles dont il s'agit, doivent toutes leur
origine h la picquure d'un Jnfeéle , qui appar-
tient pour fordinaire à la clalfe des Mouches.
A l'aide d'une efpèce de Tarrière , il fait une
incifîon dans quelque Partie de la Plante ; il y
dépofe un Oeuf qui fe trouve bientôt renfermé
dans une Galle naiflante.
Corps 0 r g a n i s e's* 195
Au lortir du Ventre de la Mouche , cet Oeuf
eft d'une petitelTe extrême. Au bout d'un cer-
tain teras , il acquiert une grolfeur confidérable,
& la Galle a déjà pris tout Ton accroiflement
avant que le Ver éclofe.
L'on peut donc comparer cet Oeuf aux
Membranes qui enveloppent le Fœtus, & qui
fonc capables de céder & de s'étendre en tout
fens pendant que le Fœtus croît. Nôtre Oeuf
croît auiîi : il a fans doute à fon extérieur des
Vaiffeaux , des efpèces de Radicules qui pom-
pent les fucs qui afluent dans la caviré de la
Galle. Cette Galle eft à TOeuf, ce que la
Matrice eft au Fœtus.
Malpighi penfoit que la produflion de la
Galle étoit due principalement à une Liqueur
corrofive que la Mouche introduifoit dans la
playe. Mr. de P.kaumur a prouvé qu'il n'ell
pas néceffaire de recourir à l'intervention d'une
femblable Liqueur pour rendre raifon de l'ac-
croillement de la Galle. Il l'attribue à la fur-a-
bondance des fucs nourriciers qu'occafionne l'ac-
tion continuelle des V^aifTeaux abforbans dô
rOeuf. Ils déterminent ainfi la Sève à fe por-
ter en plus grande quantité vers la Galle , & en
faut -il davantage pour que celle-ci croifTe plus
que les Parties voifmes ? Joignez , fi vous vou-
lez, à cette caufe méchanique, la chaleur mê-
me de l'Oeuf, & comparez -le h un petit foyer
placé nu centre de la Tumeur (^ ).
(a; Mém. pouf fervir à fHiji. des Inf.Tom, 3. pag. 504»
N a
196 Considérations Sur Lbs
Il naît des Galles fur toutes les Parties des
Plantes , & principalement fur les Feuilles. Le
Chêne feul en montre de toutes les efpèces.
Mais , il efl une Mouche qui ne confie fes
Oeufs qu'aux Branches , & c'efl: dans celles du
Rozier qu'elle fait les dépofer. Vallisnieri
l'a rendue célèbre par l'Hiftoire qu'il en a pu-
bliée (^), & que Mr. de REAUMURa de
même enrichie d'obfervations nouvelles Qb'^,
Les Branches où la Mouche a dépofé fes
Oeufs, fe diftinguent par de petites élévations
oblongues qu'on voit fur l'Ecorce. C'efl: dans
le Bois même que les Oeufs font introduits,
L'Inftrument qui a été donné à la Mouche
pour y pratiquer des entailles , efl d'une ftruc-
ture qu'on ne fe lafle point d'admirer : il réu-
nit à la fois le? conditions de trois Jnftrumens
différens , d'une double Scie , d'une Râpe , d'u-
ne Tarrière. J'ai regret que mon plan ne me
conduife point à le décrire, & à indiquer la
manière dont la Mouche le met en jeu.
Avec un Inflrument fi compofé , & pour-
tant très fimple dans fli compoîition , elle pra-
tique quelquefois jufques à 24. entailles ou
îogettes dans la même Branche. Elle les dif-
tribue fymécriquement , & pond dans chacune
un Oeuf.
Si l'on compare les Oeufs qui ont été dé-
(a") Gillerie as Minerve.
<&; Mm. Sur les InJ. Tom. 5. pag. 114. & fuivante».
Corps Organise' s. 197
pofés depuis quelque tems , avec ceux qui
viennent de l'être, l'on trouvera les premiers
beaucoup plus gros que les autres. C'eft que
ces Oeufs croiiïent réellement dans les entailles ,
comme ceux des Galles croifient au centre de
celles-ci.
A mefure que les Oeufs de la Mouche à
Scie prennent plus d'accroifîement , ils forcent
les parois des logettes à s'élever ; leur capacité
augmente en tout fens, & voilà l'origine de
ces petites élévations qu'on remarque fur la
Branche. Je parle ici d'après Mr. de Reau-
MUR Qa^: il me paroitroit cependant plus na-
turel d'attribuer ces petites élévations à la mê-
me caufe qui fait naître les Galles. On ne
comprend pas trop comment un Oeuf purement
membraneux peut forcer des Parties ligneufes
& afles roides à s'élever , & à prendre une
convexité auifi fenfible.
Une autre Mouche , de même genre , dé-
pofe Amplement fes Oeufs fur une Feuille d'O-
zier. Ils croilTent auiTi, & leur accroiffement
efl: fi confidérable , que l'Auteur ayant corapa-,
ré de ces Oeufs dont le Ver étoit fur le point
d'éclorre , avec d'autres Oeufs alTés nouvelle-
ment pondus, il a trouvé que les premiers a-,
voient au moins le double de la groifeur des
autres Qby
(*) Totn. 5- pag. 12t.
(h) ibi4, pag. 127.
N 3
ip8 Considérations Sur Les
Ces Oeufs font demi- tranfparens ; quelque
tems avant que le Ver éclofe , on le découvre
dans Tintérieur de la Coque , où il paroît plié
en deux.
Mr. de Reaumur conjedure , que l'accroifTe-
ment des Oeufs eft dû ici aux lues qui tranfudent
de la Feuille , & qui en pénétrant dans TOeuf
comme dans une efpèce de petit Placenta^
augmentent fes diraenfions en tout fens. Peut-
être encore que l'Oeuf a des VaiiTeaux afpirans
qui s'adaptent en quelque forte aux pores excré-
toires de la Feuille. Si l'on détache celle-ci de
l'Arbre , & qu'on la lailTe fécher , les Oeufs fe
rident & les Embrions périfient , ce qui n'arri-
veroit point en pareil cas aux Oeufs des autres
Infeéles. Cette expérience prouve la vérité de
la conjedlure que je viens d'mdiquer.
326. Oeufs qui renferment plufieurs Emhrîons,
Chaque Oeuf, dans l'ordre naturel, ne ren-
ferme qu'un feul Erabrion, & cola ell vrai des
Oeufs de tous les Ovipares qui nous font con-
nus. Il faut pourtant en excepter des Oeufs très-
finguliers que riliuftre Mr. Folkes, Préfident de
la Société Royale, a découvert, & dont il a com-
muniqué l'oblervation à Mr. Bakek, qui la ra-
porte dans fon Hifîoire dit Polype, pages 99 &
100, de la tradu6lion Françoife. Mr. Folkes
les a trouvés en grand nombre dans le limon des
ruilleaux. Ils égalent en grofTeur la tête d'une
épingle moyenne. Ils font de couleur brune &
Corps Organise' s. ipp
revêtus d'une enveloppe cruftacée , au travers
de laquelle l'Obfervateur apercevoit diflindemenc
au Microfcope de petits Vers vivans. Il les obli-
gea à venir au jour , en brifanc adroitement la
Coquille , & il compta alors avec furprife jus-
qu'à huit ou neuf petits Vers qui fortoient du
même Oeuf, ils étoient tous très-bien confor-
més & fe mouvoient avec une agilité merveil-
leufe. Chacun d'eux avoit une enveloppe pro-
pre extrêmement mince & tranfparente , qu'il
déchira dès que la Coquille fut brifée. On voyoit
de ces enveloppes qui flottoient fur feau , &
d'autres qui demeuroient attachées à rimèfle
qui avoit de la peine à s'en débaraiîer.
327. Le Pipa ou Crapaud de Surinam,
On avoit cru longtems que le Pipa ou Crapaud
de Surinam multiplioit d'une façon fort extraor-
dinaire.
L'on avoit dit & répété, que fes Petits for-
toient de fon Dos , fous lequel étoit un grand
nombre de petites Matrices, où ils prenoienc
leurs premiers accroifTemens. Le célèbre Ruisch
avoit décrit tout cela , & l'avoit accrédité par
fon témoignage. MM. Folkes & Baker avoient
paru le confirmer. Ces diverfes obfervations ne
repofoient pourtant que fur des apparences irom-
peufes 5 & je n'en fais mention ici que pour mon-
trer combien il faut être fcrupuleux dans l'exa-
men des Faits d'Hiltoire naturelle.
N 4
soo Considérations Sur Les
L'on s'étoit abufé fur la Génération du Pipa.
Il pond Çq'^ Oeufs comme les autres Animaux de
fon efpèce, & quand il les a pondus, il fe roule
delTus. Ils s'attachent ainfi à fon Dos, & il fe
forme autour un£ croûte glaireufe, que l'on a-
voic prife pour le Corps même de f Animal. La
lotion la fait difparoitrç , & alors les Oeufs tom-
bent.
328. Fécondité des Animaux,
Les grands Animaux font, en général, bien
moins féconds que les petits. Les premiers ne
portent qu'un ou deux Fœtus; les autres en
portent plufieurs , & fouvent des milliers.
Les Ovipares font ordinairement plus petits &
plus féconds que les Vivipares, Les Fœtus de
ceux - ci dévoient croître dans la Matrice ; les
Fœtus de ceux - là au dehors.
La fécondité de quelques PoifTons à Ecailles
eft merveilleufe. Une Carpe ^\y.\\^ Purcbe ^t^on-
dent 9 à 10. mille Oeufs C^), un FvJerlus 20
mille. La Mon/è' & le flarang ne font pas moins
féconds. On peut juger de la fécondité de la
Morue par le grand nombre de VaifTcc^ux em-
ployés annuellement à la pêche de ce PoiiTon.
Jl pond deux fois l'année , & dépofe fes Oeufs
fous le fable. Ils éclofent ainfi plus fûrement ,
parce que la Mer ne les difperfe point (Z'). D'é^
paiifes & nombreufes nuées de Harangs tranfmi-
(a) Mr. ScHEFFER Pîfcion Bavarcio Ratisbonjîoji» Pentas, Ra-
tisbor;^ 1 7(^.1 in 4^. pa^. "p,^.
(*) Foyagt de D. ULWJ, Tom. î.
Corps Organise' s. 201
grent de l'Océan Polaire fur les côtes d'EcofTe
& de Hollande , pourfuivis par les grands Poif-
fons qui habitent les profondeurs de cet Océan.
Ce petit Poilfon femble être une Manne prépa-
rée par la Providence pour la nourriture des
Monftres marins & pour celle de quantité d'au-
tres Poiffons & d'Oifeaux de Mer, Kntin l'Hom-
me lui fait la plus cruelle guerre : plufieurs mil-
liers d'Hollandois font occupés annuellement à
la pêche de ce Poiffon (^). La fécondité de
chaque efpèce a été proportionnée aux dangers
qui menaçoient les Individus , & aux moyens
qu'ils avoient de s'y foultraire.
Les Araignées, les Papillons, différentes ef-
pèces de Mouches &c. pondent des centaines
d'Oeufs; les Gall' Infectes, des milliers, j'ai
parlé d'une Mouche vivipare , dont la Matrice
eft une vraye merveille & qui renferme vingt
mille Petits (/;). Les Ovaires de la Reine- A-
heîlle ne font pas moins admirables. Ils font dis-
tribués en deux paquets, qui ne reiîemblent
pas mal à iln écheveau ou à un pinceau ; mais
les nls de ces écheveaux font aulfi déliés que des
fils de Vers - à- Soye , s'ils ne les furpaifent mê-
me en iineffe. Chaque fil eft néanmoins une
forte d'inteflin, qui contient une fuite déter-
minée d'Oeufs, dont la groffeur diminue gra-
duellement depuis le bout inférieur de fOvaire
(a) Avantages {5* Défavantages de la France ^ de l'Jngkter*
its &c.
(,b) Anklê 31Ç, à la fin,
N,5
SOI Considérations Sur les
JufqLies vers fon bout fupérieur. Ici les Oeufs
font d'une telle petiteffe qu'on a peine à les
apercevoir avec le fecours des V^erres. Ces
Oeufs fi petits , reffemblent pourtant plus aux
Oeufs ordinaires que ceux qui font les plus a-
vancés , dont la forme allongée pnroit imiter
celle d'un Ver nailTant. L'infatigable S w a m-
MERDAM a ofé entreprendre de nombrer les
fils de chaque écheveau , & il croit en avoir
compté au moins 150, dans chacun defquels
il diftinguoit 17 Oeufs. Il feroit donc parvenu
à voir 5 1 00 Oeufs dans les Ovaires de la Rei-
ne-Abeille (^). Combien étoit plus grand
encore le nombre de ceux qui lui ont échapés ,
puis qu'il effc prouvé qu'une Mère-Abeille don-
ne naiifance à 30 , 40 ou 50 mille Mouches
En calculant d'après mes Expériences la fé-
condité des Pucerons , Mr. de Reaumur s'ex-
prime ainfi Qc^'f o Si on fait un calcul grof-
5, fier de tous les Pucerons qui peuvent venir
5, d'un feul dans le cours d'une année , il fem-
55 blera que quand il ne s'en fauveroit qu'un
„ chaque hyver dans un jardin , toutes les
5, Feuilles des Arbres de ce jardin ne fliffiroient
,,. pas pour donner des places à ceux qui en
55 naîtroient; la terre même fembleroit devoir
j, en être couverte. Car fi on fuppofe à cha-
(a) Bihlîa Natura.
(b) Voyez les Articles 297. & 298.
(c) Mém.Jurleé Inf. Tom. 6. pag. 565. & S<î(5.
Corps Organise' s. Î203
„ cun de ces Pucerons du Sureau une fécoii-
3, dicé égale à ceile des Pucerons du Fufain,
5, que chacun mette de même au jour 90 à
j, 95 Petits, la première Génération d'un Pu-
„ ceron fera au moins de 90 Petits. Si cha-
^ cun de ceux-ci en donne à fon tour 90,
5, la féconde fera de 8100 Pucerons. La troi-
fième fera de 8100 multiplié par 90 ou de
729000 Pucerons. Ce dernier nombre doit
encore être multiplié par 90 , pour avoir
celui des Pucerons de la quatrième Généra-
,, tion , qui fera 65610C00 Pucerons , & en
„ multipliant encore ce nom^bre par 90 pour
5, avoir les Pucerons de la cinquième , celle- ci
„ fera trouvée de 5904900000. Nous ne fom-
„ mes encore qu'à la cinquième Génération,
„ fi nous prenions toutes celles qui peuvent
5, venir d'un Puceron qui a commencé à accou-
35 cher dès le mois d'Avril , & qui ne finit
„ qu'en Novembre, combien pourroit-il don-
^. ncr de Générations dans le cours de l'année,
,, ou feulement en fix mois ? A les mettre au
„ rabais il y en auroit plus de 20. Or fi cinq
,, Générations ont produit 5904900000 Puce-
,, rons , quelle innombrable quantité de ces
„ petits Infecles doit venir de 20 Générations?
j, Mais on efl: bientôt raifuré contre les in-
5, quiétudes qu'une fi grande fécondité pour-
,, roit donner, quand on fait combien d'autres
5, Infeéles font occupés journellement h les dé-
j, truire pour s'en nourrir ".
La fécondité de quelques efpèces de Polypes ^
204 Considérations Sur Les
& fur -tout des Polypes à Bulbes ^ eft plus fur-
prenante encore que celle des Pucerons. Nous
avons vu (<^), que d'une feule Bulbe ^ il naît
en 24 heures , par des divifions & fubdivifions
fucceffives & graduelles au moins iio Polypes,
qui tous peuvent donner naiffance dans le mê-
me intervalle de tems à une fuite pareille de
Polypes.
Mr. de Buffon remarque Ç^) , que les
Animaux qui ne produifent qu'un petit nombre
de Fœtus , prennent la plus grande -partie de
leur accroilfement avant que d'être en état d'en-
gendrer.
Les Animaux qui multiplient au contraire ,
beaucoup , engendrent avant même que leur
Corps ait pris la moitié ou même le quart de
fon accroilfement.
L'HoMîyiE , le Cheval , le Taureau font des
exemples des premiers , ainfi que les Pigeons
& les autres Oifeaux qui ne pondent qu'un pe-
tit nombre d'Oeufs. Les Poiflbns , les Poules
font des exemples des derniers.
(«) Article 201.
(6) mji, Ikt. Gin, tf Part. Tom. 2. pag. 30S.
Corps Orcanise's. 205
CHAPITRE VI.
Découvertes Mkro/copique$ de Mî\
N E E D H A M.
Remarques fur ces Découvertes.
325^. Progrès de rHifloire Naturelle depuis
P année 1740.
Réflexions fur ce fujet.
Il n'y a que 22 ans que nous ignorions la
manière étrange dont multiplient les Pucerons ,
les Polypes, différentes efpèces de Vers -d'eau
douce , les Vers de terre , les Etoiles & les
Orties de mer, les Mouches- Araignées, &c.
En moins de quatre ans , nous avons acquis
plus d'idées abfolument neuves fur le Règne
animal, qu'on n'en avoit acquis pendant une
longue fuite de Siècles. A peine les Reaumur,
les ^Trembley , les JussiEU , les Lyonnet ont
paru , que la Nature s'eit empreflee à leur éta-
ler fes tréfors , & à leur découvrir fes fecrets
les plus cachés. Aujourd'hui que grâces à fes-
excellens Obfervateurs , nous fommes plus in-
ftruits 5 nous ne préfumerons pas , que nous
connoilTions toutes les manières dont l'Animal
multiplie. Nous penferons plutôt que la Na-
ture ne fait que commencer à parler ; parce
qu'il n'y a pour ainfî dire, qu'un jour qu'elle
eft interrogée comme elle demandoit à l'être.
fo5 Considérations Sur Les
Les Siècles fatUrS auront fans doute leurs RëaU-
MUR & leurs Trembley, auxquels elle fe plai-
ra a révéler de nouveaux prodiges & de plus,
grands encore. Tant de vérités inconnues aux
Anciens & réf-^rvées à nos Modernes , peuvent
nous aider k juger de celles que découvrij'ont
d'autres Modernes , pour lefquels ceux - là fe-
ront des Anciens très ignorans. Il y a apure-
ment bien loin de la manière dont fe propa-
gent les Polypes à Bouquet , à celle dont fe
propagent les Animaux qui nous font les plus
connus. Il exifle peut -être des Animalcules
qui diffèrent beaucoup plus h cet égird des Po-
lypes à Bouquet , que ceux - ci ne diffèrent
d'un Quadrupède, d'un Oifeau, ou d'un Poif-
fon. Combien de merveilles que nôtre Langue
ne fuffiroit point à décrire , ne nous ofFriroient
pas en ce genre , les Animalcules /ies L/fuftons,
û leur effroyable petiteile ne les mettoit trop
hors de la portée de nos meilleurs Microfco-
pes ! Ici commence un autre Univers dont
nos CoLOMBS & nos Viispucts n'ont entrevu
que les bords , & dont ils nous font des def-
criptions qui ne reffemblent pas mal à celles
que les premiers Voyageurs publièrent de l'A-
mérique.
Ceci me conduit aux découvertes microfco-
piques Qa') de Mr. Neediiam , un de ces
(a) Sommaire des Expériences faites dernièrement fur la Géné-
ration^ la Compefition ^ la Décompofuion des Sublîances des jini'
maux S des Végéîahles.^ Traduction de i'Anglois. Ce M^
moire a été inféré dans les TrarifaSions Pbiloffpbiques, .
Corps Organise' s. 207
Colombs modernes qui auront la gloire d'avoir
les premiers côtoyé cette Région des infini-
mens petits. La nouveauté de ces découver-
tes , la fingularité des objets qu'elles préfen-
tent , la réputation bien méritée de leur Au-
teur , & le but que je me fuis propofé dans
cet Ouvrage , m'engagent à en donner un ex-
trait. |e me fuis peut-être trop arrêté dans le
Chapitre VII. du Tome I. fur les obferva*
dons que Mr. de Buffon a publiées dans le
même genre. Celles de Mf-Needham leur font
fort analogues ; mais elles renferment des par-
ticularités qui les diftinguent , & que j'ai d'au-
tant plus de plaifir à rapporter , que je fais plus
de cas de la fagacité & des talens du célèbre
Obfervateur. Nous devons regretter que fes
Yeux ayent fouffert de Tatrention qu'il a don-
née à de fi petits objets : Il auroit repris fes
curieufes recherches & les auroit portées à une
plus grande perfection.
330. Découvertes deMi\ 'Nekdhau fur les
Anmalcules des InfuHons.
Première Expérience. Nôtre Phyficien a
rempli une phiole de jus de Mouton fore
chaud. Il l'a fcellée avec autant d'exa-ilitude ,
que fi elle l'avoit été hermétiquemet , & il l'a
tenue dans des cendres chaudes.
Par cette manière de procéder , il penfè
s'être affuré , qu'il n'y avoit ni Oeufs ni Infec-
tes vivans , foit dans la Liqueur qu'il vouloic
2o8 Considérations Sur Le5
obferver , foit dans l'Air qui occupoit le vuide
de la phiole.
Il nous apprend néanmoins que cette phiole
fourmilla enfuite d'Animalcules de différentes di-
menfions. La première goûte de Liqueur qu'il
obferva immédiatement après l'avoir tirée de la
bouteille, en renfermoit une multitude. Ils étoienc
parf^iitement formés , & tous leurs mouvemens
indiquoient de la fpontanéïté & de la vie.
Seconde Expérience. Mr. Needham a ré-
pété la même Expérience , avec le même fuccès
lur d'autres fubltances animales , comme le Sang ,
l'Urine, &c.
Troisième Expérience. 11 a comparé les
Animalcules de toutes ces Infufions avec ceux
qui étoient nés dans des Infufions de même ef-
pèce, qui n'avoient été 'ni échaufées, ni ren-
fermées , & il s'eft convaincu que les uns & les
autres étoient précifément femblables.
Quatrième Expérience. Dans des Infufions
de Germes d'Amandes & de différentes Graines,,
il a remarqué au bout de huit jours de légers mou-
vemens. Un Atome diilincl fe détachoit fou-
vent d'un amas de pareils Atomes , & s'en
éloignoic un peu.
Quinze jours après que les Germes & les
Graines avoient commencé à infufer , la Liqueur
étoit peuplée d'une infinité d'Atomes mouvans
excelîivement petits.
Les
Corps Organis e^s. 2op
Les Infufions du Bled pilé, lui ont offert d'in-
nombrables filamens , qui étoient , félon lui , de
parfaits Zoophytes , prêts à produire , & qui fe
mouvoient par eux-mêmes. Plufieurs relfem-
bloient à des coliers de Perles ou à des chape-
lets. Ils n'étoient pas eux mêmes des Animal-
cules microfcopiques.; mais ils en étoient le
principe. Toute la fubftance , dit - il , après une
certaine féparaîion des fels & des parties volatiles ,
s'efl partagée en filaments , qui ont produit tou-
tes les différentes fortes d'Animaux microfiopi- ■
ques.
Notre habile Obfervateur ajoute une chofe
bien extraordinaire , & qui mérite la plus grande
attention. Je la raporterai encore dans fes pro-
pres termes. Ces mêmes Animaux microfcopi»
ques 5 après s"* être rajjemblés au fond du verre &
avoir perdu tout mouvement ^_ fe font réduits de
nouveau en une fuhfîance filamenteufe , fi? ont
donné aes Zoophytes ^ des Animaux d*une plus
petite ejpèce. On voit cette opération fe réïcé-
rer, jusques à ce que les filamens &. les Animal-
cules, en le dégradant continuellement, ayent
atteint à une telle petitefle , qu'ils ne foient plus
perceptibles au iVficrofcope.
CINQUIEME Expérience. L'Ingénieux Phy-
iicien a feu varier fes procédés. Au lieu de fai-
re infufer' les Grains , il leur a retranché les ex-
trémités pour les empêcher de germer ; il les a
fichés perpendiculairement par \x^ bout dans un
Liège fort ijiuce qui flottoit fur feau.
ToM. II. O
210 Considérations Sur Les
Ces Grains , ainfi hume6lés , ont bientôt pouf-
fé par leur bout inférieur de longs & nombreux
filamens , qui s'étendoient dans l'eau , & qui
étoient très vifibles à la vue Ample.
Il a coupé de ces filamens ; il en a mis les
fragmens dans de petits verres concaves , qu'il
a remplis d'eau ; c'étoient des verres de Lunet-
tes qui lui fournilToient ces baflins commodes , &
fi bien apropriés à la petitefle & à la nature des
objets qu'il fe propofoit de fuivre.
Les fragmens qui flottoient fur l'eau de ces
petits baffins , font devenus pour lui des Illes mïH
crofcopiques & enchantées , qui fe font peu "
plées fous fes yeux d'un nombre innombrable
d'habitans. En un mot, & pour m'exprimer en
termes moins figurés , il a vu reparoitre ici tous
les phénomènes des infufions. Il a vu les fila-
mens prendre de nouvelles formes, s'animer,
& produire des Animalcules femblables en touc
à ceux des Infufions ordinaires.
ASSUREMENT il n'eft perfonne qui n'eut pris
ces filamens de Grains humectés, pour une vé-
ritable Moifîjjure , & conféquemment pour une
produdion purement végétale. Mr. Needham
en fait , comme l'on voit , de vrais Zoopbytes ,
& il penfe que toutes les Moifilfûres font pré-
cifément de la même nature.
Sixième Expérience. Avant que d'avoir été
acheminé à tenter ces Expériences , l'Auteur
avoit aperçu de pareils filamens dans la farine du
Bled niellé! Il avoit obfervé cette farine corrom-
Corps Organise' s. 211
puë s'animer , toutes les fois qu'il rhumeéloit,
& quand il la laiiToit fe deflecher pendant des
femaines & des mois , il lui fufRfoit d'y répan-
dre une goutte d'eau nour la ranimer , & pour
contempler de nouveau le fpeélacle incéreflaut
qu'elle lui avoit préfenté tandis qu'elle étoit en-
core fraiche. 11 compara alors les filamens de
ce Bled aux Anguilles de l'eau douce. Ces An-
guilles microfcopiques ne fe mouvoient pas d'un
mouvement progrelTif ; mais elles fe contournoient
fur elles-mêmes en manière de Vis. Elles fe
balançoient ainfi à diverfes reprifes , & cette
forte de mouvement ofcillatoire ne ceflbit que
lors que toute fhumidité avoit achevé de s'é-
vaporer. Du Bled niellé , gardé au fec pen*
dant deux ans, lui avoit offert les mêmes phé-
nomènes , dès qu'il étoit venu à l'humecLer QÇ),
Eclaire' depuis par les Expériences que j'ai
raportées, Mr. Needham a penfé que les fila-
mens du Bled niellé , n'ctoient point de vérita-
bles Anguilles ; mais il a crû devoir les ranger
parmi les Zoophytes des Infufions & leur aflig-
ner la même origine.
Septième Expérience. Il a obfervé les mê-
mes iilamens naître , s'animer & produire dans
le fuc laiteux des Graines n & da is un fngmenc
de l'Allé d'un Papillon cache encore fous l'en-
veloppe de Chrylalide.
('a) Nouvelles Défouvertes faîtes au Mkrofcope , traduites éê
J*An^lois à Lèide 1747. page 99 & fuivantcs.
O 2
fti2 Considérations Sur Les
Huitième Expérience. Enfin , il a retroi>
vé de ces filamens jusques dans les Liqueurs fé-
minales. Il a fuivi leur formation , leurs déve-
loppeméns & leurs efpèces de Métamorphofes^
& de Génération , & il a reconnu que tout fe
pafle incomparablement plus vite dans ces Li-
queurs que dans les Infufions. 11 penfe que les
Anim?\cu\Qs Jpermaiiques font produits par les
filamens.
331. Cofiféquences de Mr. Needham, ^
Obfervations fur ces conféquences.
Lettre de routeur à ce NaPuralifte^& Riponfe, |
Plus on réfléchit fur ces diverfes Expérien-
ces, & plus on fent combien il efb difficile de
s'alTurer ici du vrai, &de dilTiper tous les doutes
qu'elles font naître. J'ai indiqué dans la premiè-
re Expérience, les précautions que Mr. Need-
HAM avoit prifes pour interdire l'entrée de ces
phioles aux Infe6les du ddiors ou à leurs Semen-
ces. Fondé fur ces précautions , il fe croit en
droit d'en conclurre , que les Animalcules qu'il
a découverts s'étoient formes dans les Liqueurs
mêmes , en vertu d'une Force prodti&rice ou
^végétative répandue dans toutes les Parties de
la Nature.
Mais , eft-il bien fur que ces phioles enflent
été fcellées aufli exaélement que fi elles l'avoient
été hermétiquement? N'y refloit-il point des
•ouvertures invifibles qui pouvoient être des por-
tes cochères pour des Animalcules d'une aufli
prodigieufe petitelTe que ceux dont il efl; quef-
CoRfs Organise' S. 213
tion ? Eft - il bien fur qu'il n'y ait point d'Ani-
maux ou d'Oeufs qui puiiïent foutenir une cha-
leur égale à celle des cendres chaudes , fans pé-
rir ou fans perdre leur qualité prolifique ? Eft- il
bien fur , que tandis que l'Obfervateur préfen-
toit la goutte de Liqueur au Microfcope & qu'il
ajuftoit rinftrument, des Animalcules qui volti-
geoient dans l'air, ou fimplement leurs Semen-
ces, ne fe foient point précipités dans cette
goutte? Eft- il bien fur enfin, qu'il n'exifte pas
des Animaux dont l'accroiflement foit fi rapide ,
qu'il ne leur faille que quelques minutes pour pa-
roître tout formés? Des Animaux qui ne font,
pour ainfi dire , qu'une gelée épailîie , les Po-
lypes à Bouquet , nous ont fournis des exemples
d'un accroifleraent très - accéléré : des Animalcu-
les d'une confiftence incomparablement plus dé-
licate ou plus rare fe développeroient bien plus
rapidement, car les tems des développemens
doivent être relatifs aux dégrés de réfiftance des
Solides.
Tandis que l'on ignoroit la véritable origine
des Vers de la Viande , & qu'une faine Philofo-
phie n'éclairoit point encore les Efprits , on pen-
foit bonnement , que les molécules de la Vian-
de , mifes en aclion par une fermentation con-
venable , s'arrangeoient & s'organifoient de ma-
nière à produire des Infeftes. On n'imaginoit
pas que la Nature dût fe mettre en plus grands
frâix pour former des Etres fi vils & qui méri-
toicnt à peine le nom d'Animaux. Comme l'oa
03
ÎI4 Considérations Su» Les
ne foupçonnoit pas le moins du monde qu'ils
eufTent un Cerveau , un Cœur , des Artères ,
des Veines , un Eftomach , des Trachées innom-
brables , des milliers de Yeux , &c. , on jugeoit
facilement que leur Génération ne devoit pas
être aufli régulière que celle des grands Animaux,
dont l'admirable organifacion ne pouvoit être mé-
connue. Ri.Di parût: il couvrit la Viande d'un
rézeau ; il en interdit ainfi l'aproche aux Mou-
ches ; la Viande fe corrompit & ne produifit pas
un feul Ver. Les mailles des rézeaux de Mr.
Needham étoient- elles aflez ferrées?
Quand pour expliquer l'apparition de certains
Animalcules dans une Liqueur, on recourt à des
Forces producîrîces ^ à des Vertus végétatives ^
ne met - on pas des mots à la place des chofes ?
Quelle idée a-t-on de ces Forces? Comment
conçoit-on qu'elles organifent la matière , qu'el-
les transforment des molécules inanimées en E-
•très vivans, le Végétal en Animal? Cette mer-
veilleufe opération s'exécute - 1 - elle tout d'un
coup ou par dégrés ? Ce n'eft pas tout d'un coup ,
puis que l'on nous en décrit les progrès : ce n'eft
pas non plus par dégrés , ou par une forte ^E-
voluîion , puisque le développement fuppofe l'ac-
tion combinée de tous les Organes. Pourra -t-
on fe réibudre à admettre que le Cerveau foit
formé après le Cœur , lors qu'on fongera aux ra-
ports fi nombreux, fi variés, fi compliqués qui
lient le Cœur au Cerveau? Croira -t -on que le
Cœur puiffe agir avant le Cerveau , dès que l'on
fçaura que l'aàion du premier fuppofe néceifai-
Corps Organise' s. 215
rement celle da fécond ? Plus on aprofondit la
nature de l'Animal , plus on s'aide des lumières
de l'Anatomie, & plus on fe perfuade qu'un
Tout û harmonique n'a pu être formé pièces
après pièces. Et fi l'on fe retranchoit à dire que
la Force génératrice produit fon effet d'un feul
coup , je demanderois quel grand avantage Ton
trouve à mettre une telle P'orce à la place du
Créateur qui fûrement agit ainfi , & dont nô-
tre eilimable Auteur eft très-éloigné de combat-
tre fexiftence ? Nous avons ri d'EPicuRE qui
formoit un Monde avec des* Atomes : faire un
Animal avec du jus de Mouton, feroit- ce moins
choquer la bonne Philofophie ?
La Nature entière dépofe contre les Généra-
tions équivoques, V^oyez les variétés de la Fé-
^condation & de la Génération ; j'en ai tracé le
tableau dans ce Chapitre & dans le précédent:
cependant tous les Animaux fi diiîèmblables en-
tr'eux par la manière dont ils font fécondés &
dont ils engendrent , fe relîémblent tous en ce-
ci, qu'ils tirent leur origine d'un i\nimal de mê-
me efpcce. Les Polypes , fi différens de tous
les autres Animaux par les propriétés fmgulières
qui les cara6lérifent , n'en ont pas une Généra*
tion moins régulière , moins tmivoque. Je fcais
que nous devons nous tenir en garde contre les
règles générales ; je Pai, ce me femble, aflez
prouve : mais , je fçais auifi , que les exceptions
doivent être rigoureufement démontrées pour,
être admifes, fur -tout lors qu'elles choquent la
O4
ai(5 Considérations Sur les
loi la plus iiniverfelle , la plus conftante , la plus
invariable de toutes celles que nous connoif-
fons. Or, je demande à Mr. Neildham , s'il
eft aufli rigoureufement démontré que les Ani-
malcules des Infufions n'ont point une origine
femblable à celle des autres Animaux , qu'il l'eft
que les Pucerons multiplient fans accouplement?
Ces filamens , que Mr. N e e d h a m tranf-
forme en parfaits ILooph^tes , en font - ils réel-
lement? ou plutôt, avons -nous des preuves
qu'il exifle de vrais Zoophytes ; je veux dire ,
des Etres qui foient à la fois & dans le fens
propre , Végétaux & Animaux ? Pour juger
de cette quellidn, il faudroit connoitre le ca-
radtère qui différentie l'Animal de la Plante , &
ceux qui ont le plus médité ce fujet , avouent
de bonne foi leur ignorance. Quand on abftrait
de l'Animal, tout ce qu'il a de commun avec la
Plante , on eft furpris de voir , qu'il ne refte
aucun caraélère qu'on puifTe regarder comme
diftin&if. Boerhaave difoit que la Plante fe
nourrit par des Racines exiérieures , & l'Ani-
mal par des Racines intérieures. Il compa-
roit les Veines lactées à des Racines ? Mais
n'y a - il pas un tems où l'Homme , le plus par-
fait des Animaux , fe nourrit par des Racines
extérieures V L'Embrion ne pouiîe-t-il pas
dans la Matrice des efpèces de Racines P Et
les Oeufs qui croijjent au centre des Galles , ne
font -ils pas des efpèces fui^^ulières d'Animaux,
qui fe nourriffent à la manière des Plantes (a)l
(tf) Voyez l'Artkle 315.
Corps Organisi^s. £17
V Ir-ntahiliîé , cette propriété fi remarquable de
la Fibre mufculaire , paroitroit nous fournir un
caraftère plus diftindif : mais , efl: - il certain
qu'aucune Partie du Végétal ne foit irritable ?
Des Animaux qu'on multiplie de Bouture &
que l'on greffe, des Animaux qui multiplient
naturellement par Rejeltons , ne font pas plus
de vrais Zoophyîes que la Chenille ou le Chien.
Ce font feulement des Animaux qui ont plus
de propriétés commîmes avec les Plantes , que
n'en ont la Chenille ou le Chien. Un AnimaU
fiante ne feroit à proprement parler ni Animal,
ni Plante ; il formeroit une claiGTe à part , une
nouvelle nuance , un nouvel échellon dans l'E-
chelle de la Nature.
Mais, les fîlamens de Mr. Neediiam ont
du mouvement & une forte de vie. Des Ato-
mes s'en détachent & s'en éloignent un peu. La
Tige & les Branches de quelques Polypes à
Bouquet , fe donnent auffi des mouvemens :
des Atomes s'en détachent & s'en éloignent. Si
ces Polypes étoient auîTi petits que les Animal-
cules des Infufions , ne nous méprendrions-
nous pas fur leur véritable nature ? Démêle-
rions-nous la forme de flnfeéle ? Apercevri-
ons-nous diftinélement cet afîemblage admira-
ble de Branches , de Rameaux & de Cloches ?
Devinerions -nous la divifion naturelle de celles-
ci 5 & tout ce qui concerne une multiplication
dont le Règne animal ne nous offre point d'au-
tre exemple ? Je ne veux point inflnuer par -là
2i8 Considérations Sur les
que les Animalcules des Infufions appartiennent
au genre des Polypes ; j'ignore profondément
la Itruclure de ces Animalcules , leur origine
& leur manière de multiplier : mais je veux
donner à entendre que leur exceUive petitefle
ne nous permet pas de juger de ce qu'ils font.
Mr. Needham conclud encore de fes ob-
fervations , que les Animalcules, qui fe déta-
chent des filamens , font produits par les fila-
mens. Je n'en vois aucune preuve. Des Ani-
■ malcules aë riens ou aquatiques , d'une petiteffe
extrême , qui s'introduiroient en grand nombre
dans la fubftance filamenteufe du Grain , qui
s'en nourriroient , qui s'y développeroient &
s'y multiplieroient , & qui l'abandonneroient en-
fuite les uns après les autres , ne produiroient-
ils pas des apparences qui fe rapprocheroient
beaucoup de tout ce que nôtre Auteur nous
raconte? J'en dis autant de femblables Animal-
cules qui fe logeroient dans une Moififlure &
qui y multiplieroient , comme quantité d'Infec-
tes le logent & multiplient dans différentes Par-
ties des Plantes.
Les filamens qu'on découve dans la Liqueur
féminale peuvent être d'une toute autre natu-
re que ceux des Infufions, & je ne trouve pas
qu'il foit mieux prouvé que les Animalcules fper-
matïques nailTent de ces filamens , qu'il l'efl que
les Atomes des Infufions nailTent de cette for-
te de Moififfure dont j'ai parlé. Nous ne con-
noiflbns point l'origine des Vers fpermatiques ;
Corps Orcanise's. 219
c'eft beaucoup que nous fâchions feulement
qu'ils exiftent. Sommes - nous plus au fait de
l'origine des autres Vers du Corps humain , qui
font d'énormes Colofles en comparaifon ? En
conclurons - nous qu'ils la doivent à une Force
produdrice , ou au concours de certaines mo-
lécules organiques communes au Végétal & à
l'Animal ? Mais , pourrions -nous oublier ces
Mouches Ichneumons qui vont dépofer leurs
Oeufs dans le Corps des Infeétes vivans , &
d'autres Mouches plus hardies qui vont pondre
dans le Nez du Mouton, dans le Reclum du
Cheval , dans le Gozier du Cerf ? Combien
d'Infeéles invifibles qui , femblables en ce point
à ces Mouches , donnent naiffance à des mil-
liers d'Animalcules , fur l'origine desquels on s'é-
puife en vains fyftêmes !
J'ai dit que Mr. Needham avoit reconnu ,
que les prétendues Anguilles qu'il croyoit avoir
vues dans le Bled niellé , étoient des filamens
ou des Zoophytes pareils à ceux des Infufions.
Son excellent Traducteur , dont le Gàiie phi-
lofophique & lumineux éclairciroit des matiè-
res plus difficiles & plus obfcures encore que
celle-ci, fait fur ces prétendues Anguilles une
remarque importante , qui , fi elle étoit plus a-
profondie , pourroit nous donner la clef de ces
Découvertes. Voici cette remarque. „ Il ar-
5, rive 5 dit - il ( ^ ) , afles fouvent , à ces An-
(«) Nouvelles Découvertes faites avec le Microfcope, &c. page
103.
39
59
59
59
220 Considérations Sur Les
„ guilles de fe rompre , & alors on voit fortîr
„ de leur Corps plufieurs petits globules , noi-
„ râtres ; enveloppés dans une fine Membrane;
5, or j'ai obfervé plufieurs fois que de ces pa-
5, quets de globules , il fortoit de petits Corps
„ qui nageoient dans l'eau avec beaucoup de
„ vicefle. Ces globules qu*on peut même dé-
couvrir dans le Corps de TAnguille à caufe
de fa tranfparence , font -ils donc de petits
Animaux , renfermés dans l'Anguille comme
dans un étui ? Pour être en état de réfoudre
5, la queftion , il faut obferver de fuite une
„ Anguille jufqu'à-ce qu'on ait vu tous les glo-
5, bules en fortir ; examiner ce qu elle devient
5, alors, & fuivre les progrès de ces derniers".
Telle eft , en effet , la meilleure route à fuivre
pour s'inrtruire de l'hiftoire fecrette de ces pe-
tits Corps , & fi Mr. Neediîam l'avoit fuivie ,
nous ne ferions peut-être pas réduits aujour-
d'hui à de pures conjeélures. Remarquez , je
vous prie , que le Tradu6leur n'infinue point ,
que les Anguilles ou filamens foient des Zoo-
phyîes , qui produifent des Animalcules. L'ob-
fervation n'a point fait naître cette idée dans
fon Efprit : il fe borne fagement au fimple ré-
cit de ce qu'il a vu, & il fait très -bien voir.
Il dit qu'il arrive fouvenî aux Anguilles de fe
rompre , ^ qii alors on en voit fortir des glo'
luks noi^'ùtres. Il ajoute , quHl a obfervé plu-
fieurs fois ^ qu'il fortoit de ces paquets de globu-
les de petits C^rps qui nageoient avec viteffe. Il
E'ofe pas même décider que ces petits Corps
Corps Organise' s. 221
fuient des Animalcules. Admettons néanmoins
avecMr.NEEDHAM, que c-en font réellement:
puifqu'ils paroilfent renfermés dans le filament
comme dam un étui , ne feroit - ce pas une rai-
fon de foupçonner que cet étui eil leur ouvra-
ge ? Les mouvemens très fenfibles des étuis,
dépendaient ainfi de ceux des Animalcules, s'ils
ne tenoient encore au relFort naturel des Parties
du Grain ou à Tadlion de l'eau fur ces Parties.
Quoi qu'il en foit , cette curieufe obferva-
tion eft 5 à mon avis , une preuve ailes direéle,
que les filamens du Bled niellé ^ dont parle Mr.
Needham , ne font point de vrais Zoophytes ,
qui engendrent des Animalcules. Et comme il
penfe , que ces filamens font de même nature
que ceux des Infufions ; nous pouvons en in-
férer , que ces derniers ne font pas non plus des
Zoophytes ; mais qu'ils font probablement des
efpèces de fourreaux habités par des Animalcu-
les, ou pleins de Globules mouvans.
Je ne cherche point à deviner quelle eft To-
rigine de ces fourreaux , quelle en eft la natu-
re , comment ils font formés , pourquoi ils fe
rompent , &c. , je ne cherche qu'à prémui.ir
mes Leéleurs contre des conféquences qui re
relfortent pas immédiatement des Faits , & qii
font contraires à tout ce que nous connoilTons
de plus certain de l'Hiftoire des Animaux.
Je fuis donc fort difpenfé d'examiner d'où
provient cette dégradation continuelle des fila-
jnens & des Animalcules , ou pour fuivre l'idée
122 Considérations Sur Les
de nôtre Auteur , cette converfion graduelle
des Zoophytes en Animalcules , & des Animal-
cules en Zoophytes toujours décroiflans. Ce
ne font là que de pures apparences , & Mr.
Needham l'auroit fans doute reconnu , fi fes
Yeux qui nous ont découvert tant de chofes ,
lui avoient permis de reprendre des obferva-
tions qui auroient exigé de leur part de nou-
veaux efforts. Mr. de Reaumur n'avoit point
été trompé par. ces apparences. On peut fe
rappeller ce qu'il en écrivoit à Mr. Trembley,
& qu'il m'avoit confirmé à moi-même dans
fes Lettres (jf). Il eft très -faux , difoit ce grand
Obfervateur , qui ne voyoit dans la Nature que
ce qui y étoit; il eft très -faux que les Gé fiera-
lions de ces Animalcules foyent d'Animaux de
plus en plus petits , comme Vont avancé M. M.
JnJeedham & de Buffon ; tout va ici comme
à l'ordinaire , les petits deviennent grands à leur
tour.
Au refte , fi l'on foupçonnoit le moins du
monde , que j'euife trop preffé les idées de
Mr. Needham, fur la manière dont il penfe
que les Animalcules des Infufions font formés ,
je n'aurois , pour diifiper ce foupçon , qu'à ci-
ter le paffage fuivant de l'Auteur lui-même.
Les Animalcules microfcopiques , dit - il , ne font
pas engendrés & n engendrent pas de la manié'
re ordinaire ; mais , ils fervent cependant corn-
'me de clef pour conduire à la Génération des
(a) Voyez l'Article 135.
Corps Organise 's. Î223
mitres Animaux. Ces expreïïlons , il eft vrai ,
ne rcveillent pas des idies bien claires : TAu-
teiir les développe un peu plus en parlant des
Anguilles de la Colle, W nous aprend qu'elles
font vivipares. Il dit qu'elles peuvent conti-
nuer à multiplier ainfi tandis qu'elles font dans
l'élément qui leur convient. Mais , il ajoute ,
autant qu'il en peut juger par fes obfervations ^
que leur première origine eft telle que celle
de tous les Animalcules microfcopiques- ^ Jl fait
entendre , qu'avant que d'arriver à l'état c^An-
giiilks 5 elles pafîent par plus de changemens ,
que n'en éprouvent les Animalcules des Infu-
fions , & qu'enfin elles parviennent à l'état
à'Oeiifou. de Chryfalide , qui les conduit immé-
diatement à celui d'Anguilles.
On voit par ce court expofé , que Mr. Need-
HAAi penfe fur ces Anguilles comme Mr. de
BuFFON (d) , & ni l'un ni l'autre ne nous don-
nent aucune preuve démonftrative de la vérité
d'une opinion fi étrange. J'aimerois , je l'a-
voue , à me perfuader à moi- même , qu^an
aulTi bon Efprit que l'eft Mr. Needham , &
pour lequel j'ai une eftime fi fmcère , n'a point
adopté de tels paradoxes. Je le prie de réflé-
chir de nouveau fur les Faits & fur leurs réful-
tats les plus immédiats, & j'attends de la jus-
telTe de fon Efprit , de fa candeur & de fon
amour pour le vrai , qu'il reconnoitra que fes
confequences vont beaucoup plus loin que les
(») Voyez rArliele 31»,
224 Considérations Sur Les
obfervadons ne le comportoient. Il voudra bien
me pardonner la liberté avec laquelle je me fuis
exprimé fur fes fentimens : je ne confondrai ja-
mais avec eux les Faits précieux dont il a enri-
chi l'Hiftoire Naturelle.
Je le difois ailleurs ; les Etres fentans ont été
variés & multipliés autant que le plan de la Créa-
tion le permettoit. La Matière brute a pour
dernière fin la Matière organique, & celle -ci
les Ames ou les fubfhances fmiples qui lui font
unies , & qui en reçoivent différentes modifica-
tions. Une portioncule de Matière morte ou
vivante fert de retraite ou de pâture à des Ani-
malcules qui lui font alfortis. Ce qui fe pafle
très en grand dans un morceau de Chair qui fe
corrompt à l'air libre , fe pafle très en petit dans
mie goutte d'Infuuon ou dans une Graine. In-
dépendamment des Animalcules du dehors, con-
tre les aproches defquels on ne fçauroit multiplier
trop fcrupuleufement les précautions dans ces
forces d'Expériences , leurs Oeufs ou leurs Se-
mences peuvent fe conferver au fec bien plus
longtems peut-être que les Oeufs de certains
Polypes (^), & donner ainfi naiflance à de nou-
velles Générations dont on cherche ailleurs l'o-
rioine. Ne feroit»ce point ici une des principa-
les fources des phénomènes que préfente le Bled
niellé^ & que j'ai indiqués dans la fixième Ex-
périence de fArticle précédent?
Apres
(a) Article 317. ,,. ^.^ '.
Corps Organise' s. iî^
Apres avoir comporéce Chapitre, j'ai cru de-
voir écrire à Mr. NeedHx^m , pour le prier de
m'aprendre s'il étoic toujours dans les mêraes
idées fur l'origine des Animalcules ; car j'aimois
à penfer qu'il les avoit abandonnées. Voici l'ex-
trait de ma Lettre en date du 31. de Décembre
lyôi. N'avez' vous rien découvert de nouveau
fur les Animalcules micro fcopiques depuis les oh^
fervaîions que vous avez publiées dans les Trans-
actions Philofophiques ? Eus-vous toujours dans
les mêmes idées fur l'origine de ces Animalcules'^
PenfeZ'Vous quils la doivent toujours à ces fila"
mens que vous avez regardés comme des Zoophy-
tes ? Admettez-vous encore cette dégradation con-
tinuelle des filamens & des Animalcules , &' cetts
converfion des filamens en Animalcules , & des
Animalcules en filamens qui décroijfent graduel'
lement jusques à ce quils foyenî devenus invifïbles
au Micro fcope? Avez -vous répété de nouveau
vos curieufes Expériences fur le Bled 7nellé , jô
veux dire fur ces filamens animés que pré fente la
poudre corrompue qu'il renferme ?
Mr. Needham m'a répondu en ces termes.
Je n'ai pas trouvé encore aucune raifon de chan»
ger mes fentimens fur l'origine des Animalcules
en queflion. J'ai fouvent répété depuis les mê*
mes Expériences , avec^ le même fuccïs , 6* ^«-
core depuis peu un Projejfuir de Reggio vient de
m' écrire^ qu'il a fait précifé ment les mêmes ob*
fervations , auxquelles il en a ajouté plujîeur s au"
très pour confirmer mes fentimens là-dejfus. M
ToM. IL J»
da6 Considérations Sur Les
va les publier en forme de Lettres , & vous les
verrez bientôt.
En attendant la publication de ces nouvelles
obfervations , j'oferois bien prédire qu'elles ne
démontreront pas que les Animalcules dont il s'a-
git 5 ayent une origine auiïi étrange que l'a penfé
& que le penfe encore mon célèbre Confrère.
Je m'en tiens donc , fans balancer , aux réflexions
que je viens de foumettre au jugement du Lec-
teur éclairé & impartial.
Corps Orsanise's. «127
CHAPITRE VII.
Idées fur la manière dont la Féconda-
tion s'opère chez les Animaux.
332. But de V Auteur»
Tant de Faits divers que j'ai raflemblés dan«
cet Ouvrage en fiweurde/'jEi;o/////o«, prouvent
aflez que les Corps Organifés ne font point pro-
prement engendrée ;m'\\^ qu'ils préexiftoient oru
ginairement en petit. Jl s'agit donc pour expli-
quer le grand myitère de la Génération , d'afli-
gner les caufes phyfiques qui opèrent les pre-
miers développemens de ces Corps : car fi rien
n'eft produit, tout fe développe , & il n'eft pas
plus de vrayes Générations que de vrayes Mé-
tamorphofes.
Les belles obfervations de Mr. de Haller
fur le Poulet, nous ont démontré ce que Ton
n'avoit que foupçonné , que l'Embrion préexifle
dans l'Oeuf à la Fécondation {a). On a vu ci-
defllis Ç^), que plufieurs années avant cette
importante découverte , j'étois parti de ce prin-
cipe fondamental , que la Liqueur féminale n'é-
toit qu'un Fluïde llimulant & alimentaire , qui en
pénétrant dans l'Oeuf, y devenoit la fource de
l'Evolution du Germe {c). J'ai bazardé là-dei-
(a) Voyez Ici Articles 14,1, 143*. & fuivans.
C>) Art. 25» a6, ajj al, 29> 38» &c. Att. I4»i
Ce) Art. 43.
P a
ta8 Considérations Sur Les
fus quelques conjectures que je n'ai données que
pour ce qu'elles valoient t ^ )•
Mon delTein n'efl pns aduellement de déve-
lopper beaucoup ces conjeélures, & d'en faire
une aplication fuivie aux divers cas que préfente
mon fujet. Je reierve ces détails pour un troi-
fième Volume que je publierai peut - être. Je
me bornerai ici à des confidérations aflez géné-
rales qui me paroiflent refuker naturellement des
Faits.
333. Principes généraux fur la Fécondation,
Un Oeuf infécond n'efl donc pas privé de
Germe ; mais , le Germe invifible qu'il renferme
ne fe développera jamais , parce qu'il a manqué
d'une condition néceiTaire au développement , il
n'a pas été fécondé.
La Fécondation n'introduit donc pas dans
rOeuf ou dans la Véficule un Germe qui exiftoit
auparavant chez le Màle; elle ne fournit pas
des Molécules organiques , qui en s'uniiiant en
vertu de certaines Forces de raporî à celles de
la Femelle, produifent le Fœtus: mais le Germe
logé dès le commencement dans l'Oeuf ou dans
la Véficule , reçoit de la Liqueur que fournit le
Mâle , le principe d'une nouvelle vie. Elle le
met en état de fe développer , & de franchir
les bornes étroites qui le renfermoient.
A mefure que le Germe fe développe , il aug-
mente.en même tems de volume éc de majp^
Corps O r g à N i s i' s. stj
Une Force impulfive ou expanfive agit donc en
lui , & des Molécules étrangères viennent sHn^
corporer h. fes Parties élémentaires.
Cette incorporation fuppofe la Nutrition^ &
celle-ci la Circulation, Il faut que les fucs nour-
riciers foient portés à toutes les Parties pour
qu'ils s'incorporent avec elles j & c'efl: là un des
principaux ulages de la Circulation.
Comme la Liqueur féminale ne forme point le
Tout entier , elle ne forme point non plus une
Partie intégrante de ce Tout. Elle n'ajoute point
à l'Embrion un Cœur qu'il n'avoir pas: mais,
elle donne au Cœm préfbrwé de l'Embrion une
aélivité , Hins laquelle il ne parviendroit point à
furmonter la refillance des Solides,
La caufe phy/lque des mouvemens du Cœur
eft dans Ton Irritabilité : des Expériences réité-
rées le prouvent (ji). La Liqueur férainale eft
donc une forte de jlimulant , qui en irritant le
Cœur de l'Embrion lui imprime un dégréde For-
ce qu'il ne pouvoir recevoir que de cette feule
Liqueur.
Le mouvement une fois imprimé au Mobile ,
s'y conferv^e par r Irritabilité , toujours fubfif-
tante , toujours inhérente au Miifcle, Voilà
donc la petite Machine montée; mais fon jeu
n'eft pas Amplement celui d'une Montre. Le
RefTort, les Pignons 3 les Roues de nôtre petite
î
(a) Confukez l'Article 285, & la DilTertation de Mr. DR .
Haller far l' Irritabilité ^ &, celle fur les Mouv^imensdU Cœur,
P 3
t.%o Considérations Sur Les
Machine animale , doivent revêtir peu à peu de
nouvelles formes & de nouvelles fituations ref-
pedives: enfin, ils doivent croître , fe dévelop-
per, & les changemens de formes & de fitua-
tions dépendent du développement ( a ).
Le développement fuppofe faction d'un Flui-
de. Un Fluide eft donc chaffé par le Cœur de
l'Embrion dans fes Artères qui le tranfmettent à
toutes les Parties , d'où il eft raporté au Cœur
par les Veines.
Ce Fluide doit être proportioné à la prodi-
gieufe finefle desVailfeaux du Germe. Un Sang
tel que le nôtre , n'y feroit pas admis. Le Sang
de fEmbrion elt d'abord une Liqueur tranfpa-
rente & prefque fans couleur. 11 devient bien-
tôt jaunâtre , puis rougeâtre, & enfin rouge. Je
prie que l'on veuille bien relire l'Article 163.
Le Fluïde qui circule dans l'Embrion acquiert
donc par dégrés des Molécules de plus en plus
grofTières , & qui changent de plus en-plus fa
couleur primitive. Il étoit donc d'abord très dé-
lié , très atténué , & probablement moins hété-
rogène. L'impulfion continuelle du Cœur agran-
dit le calibre des Vaiifeaux dont la foupleife eft
encore extrême. Ils admettent des particules
plus groffières. Le fang s'épailfit , fe colore &
devient toujours plus hétérogène.
La reffemblânce plus ou moins marquée des
En fans au Père & à la Mère , & fur- tout la ref-
fembla^ice plus décidée du 3Iukt à l'Ane & à la
(«) Confultez le Chapitre XX. Tom, z^^.
Corps Organise' s. 13!
Jument , doivent avoir une raifon primitive , qu'on
ne peut trouver que dans la Fécondation, Le
Sperme du M^le a donc fur les folides de l'Em-
brion une influence qui porte fur toute la vie de
l'Enfant oa du Mulet ; car les traits qu'il leur
imprime 5 ne s'cifacent jamais.
Cette refTemblance n'afFeéle pas feulement
l^ extérieur de l'Embrion , elle affede encore fon
intérieur. Le Mulet a une Voix qui imite fore
la Voix de l'Ane , & qui ne reffemble point du
tout à celle du Cheval. L'Organe de la Voix
de l'Ane eft un Inftrument plus compofé qu'on
ne l'imagineroit, & qu'un habile Anatomifte a
fçu nous faire admirer (a). Un Tambour d'une
conftrudion très fingulière , placé dans le La-
rynx , eft la Partie principale de cet Inftrument.
Or , ce Tambour , qui a été accordé à l'Ane ,
fe retrouve dans le Mulet , & le Cheval en eft
privé.
Le Sperme pénètre donc le Germe, & fon
influence ne fe borne pas à animer le Co&ur. Le
Cheval , defliné en miniature dans l'Ovaire de
la Jument , reçoit de l'impreiTion du Sperme un
Organe qu'il n'avoit pas originairement. La Li-
queur de l'Ane paroît donc le transformer en
Mulet,
Pour que le Sperme opère de tels changemens
dans l'Embrion, il faut, ce me femble, qu'il ar-
rive de deux chofes l'une ; ou qu'il foit porté
(4) Mr. Herrissant,M»w. de VAcaà. 1753. pag. i%j. in4o,
P4
t3* Considérations Sur Les
lui-même par les Artères de l'Embrion à toutes
les Parties , ou qu'il détermine les Fluides de
l'Embrion à fe porter avec plus ou moins d'a-
bondance à certaines Parties.
La furabondance des fucs fufFit feule pour
changer une Partie à nos yeux. Quelques Fi-
bres d'une Feuille deviennent une grolTe Galle ,
lors qu'elles font trop abreuvées : & combien de
Tumeurs animales qui n'ont pas d'autre origine !
La difette des fucs , au contraire , apauvrit les
VaifTeaux : ils s'oblitèrent enfin , & la Partie de-
vient presque méconnoiifable , fi même elle ne
s'efface entièrement.
Les triftes effets de l'épuifement indiquent af-
fez que la Liqueur féminale eft portée aux Nerfs
du Sujet 5 & qu'elle efb très analogue aux Efprits
animaux , dont elle elt peut - être toute imprég-
née. La partie la plus fubrile d'une Liqueur fi
élaborée , paroît très-propre à s'infinuer dans les
Vaifleaux infiniment déliés du Germe. Les Faits
prouvent qu'elle pénètre celui - ci. Elle pourroit
encore y circuler, & produire par ion aélion
immédiatte fur différentes Parties ces traits frap-
pans de reffemblance , dont nous tâchons de dé-
couvrir les caufes. C'eft ce que j'avois admis
dans mes premières méditations , & que j'ai ex-
pofé dans le Chapitre 111. du Tome i°^ de cet
Ouvrage.
Sx rien n'ell engendre^ les longues Oreilles du
Mulet & le Tambour de fon Larynx ne le font
pas. Le Ligament capfulaire & les Bandes liga*
Corps Organise' s,' 233
menteufes qu'on obferve dans la Greffe de l'Er-
got du Coq fur fa Crête , ne font certainement
pas engendrés : la plus fine dilTeclion ne peut
pourtant les démontrer ni dans l'Ergot ni dans
la Crête. Ils y étoient néanmoins , mais fous
une autre forme , & la Greffe les a rendus vifi-
bles fous celle qu'elle leur a fait revêtir Qa), Le
Cœur du Poulet ne fe montre d'abord que fous
la forme d'un demi anneau : point de Fenîricu-
les , point d'Oreillettes du moins apparentes;
voyez dans les beaux Mémoires de Mr. de Hal-
LER comment la fmiple Evolution amène au jour
ces divers Organes auparavant invifibles ou trop
déguifés QP). Si donc on ne voit point au La-
rynx du Cheval , le Tambour qui eft fi vifible
dans celui du Mulet, ilne s'enfuit point du
tout, qu'il n'y ait dans le Larynx du premier au-
cune Partie qui en recevant de l'imprefiion du
Sperme , certaines modifications, ne puifie s'ac-
quiter des fondions propres à cet In0;rument3&
imiter ainfi celui de l'Ane.
Q u E le Sperme agiflTe fur certaines Parties ,
qu'il les modifie, qu'il les faffe germer, croître,
développer , meurir , c'eil ce qui eft évident par
la mue de la Voix , par la végétation du Bois
du Cerf, par celle des Défences , des Cornes
de la Crête , de la Barbe , &:c. & par bien d'au-
tres Faits du même genre , qu'on ne fçauroit ré-
voquer en doute.
(a) Confultez rArtîcIe 271. ,
(t; Art. J44 & 146.
PS
534 Considérations Sur Les
S I le Sperme modifie la Voix , ce ne peut
être qu'en modifiant l'Organe même de la Voix,
& puisqu'il eft capable de produire un tel effet
dans l'Adulte , dont les Fibres déjà très dévelop-
pées, ont acquis de la confidence, quels chan-
gemens ne peut -il pas opérer fur l'Organe de la
Voix du Germe , qui n'elt presque qu'une gout-
te de mucofité organifée ?
Dans ces premiers tems , où tout efl: d'une dé-
licatelTe inconcevable , la plus petite quantité de
matière , le plus léger mouvement , peuvent chan-
ger l'œconomie d'une Partie , & la changer pour
toujours. Car cette Partie fe nourrit & elle croît.
Les Atomes alimentaires qu'elle reçoit , s'y ar-
rangent conféquemment aux modifications fur-
venuës. Ils fortifient ainfi l'imprelTion originelle
du Sperme ; ils la rendent faiilante , durable , in-
effaçable. Je renvoyé à l'Article 170.
On a crû trop légèrement , que la Liqueur
féminale fourniiïbit à l'Embrion des Parties
intégrantes. On a pris pour telles des Parties
même de l'Embrion , modifiées originairement
par l'aétion de cette Liqueur. Un examen
plus fcrupuleux de ces Parties l'auroit démon-
tré ; mais on s'elt hâté de conclurre. Le Pou-
let appartient à la Poule , le Mulet à la Jument ;
les preuves en font direéles (^), tout le refte
n'eft qu'indireél. Apuïons nos raifonnemens fur
la baze la plus folide. Le Tambour du Mulet
peut imiter le Tambour de l'Ane ; mais fûrement
(«) Article 242.
Corps Orsakisi's. 135
il n'eft pas celui de TAne. J'invite Mr. Herris-
SANT à faire de nouvelles recherches & à recou-
rir à des diiredions plus délicates. J'ofeiois lui
prédire qu'il trouvera au moins autant de diirem-
blances que de refTemblances. MM. de Reau-
MUR (tf ) & de BuFFON (F) avouent tous deux
qu'ils ne font point parvenus à fe fatisfaire fur
les Millets, Les réfultats des Expériences n'ont
pas été invariables , & fouven^ les Expériences
elles-mêmes n'ont rien produit : preuve évidente
qu'il n'eft pas fi facile d'établir les raports au Mâle.
Observons , difféquons , comparons. Le
Taureau a quatre Eftomachs, l'AnelTe n'en a
qu'un. De l'accouplement du Taureau avec
TAnelTe il naît un Jumar. Nous n'avons point
la diffeélion de ce Mulet , & elle feroit à défi-
rer. Si les principes dont je pars font vrais , le
Jumar ne doit point avoir les quatre Eftomachs
de fon Père; mais 3 il ell: poiîible que TEflomach
unique qu'il avoit dans l'Ovaire de fa Mère,
éprouve de grands changemens de l'influence du
Sperme , & que ces changemens aillent au point
que TEftomach en paroîtra comme divifé ou mul«
tiplié. L'on alFure , que de l'accouplement du
Coq avec la Canne , il naît un Mulet qui a les
Pieds du Coq : je fais fur ces Pieds le même rai-
fonnement que fur leTambour du Mulet propre-
ment dit. Je rétendrai encore à cette Famille
de l'Ifle de Malthe dont Mr. de Reaumur nous
(a) Art de faire éclerre les Poulets &c. Toin. 2, pag. 371. de
Ja 2<ie. Edition.
{b) mji. Nat. T©m. V. pag, 6ie. & fuivaotcs.
•3(5 Considérations Sur Les
donne THifloire , & dont les Individus viennent
au Monde avec ûx Doigts aux Pieds & aux
Mains (a'). Ces Pieds de Coq étoient-iis donc
de vrais Pieds de Coq? ces Doigts furnuméraires
étoient - ils de véritables Doigts ? les uns & les
autres avoient-ils la ftruclure extérieure & inté-
rieure propres à de telles Parties ? C ell furquoi
l'on ne nous a point mis en état de prononcer.
Une altération un peu confidérable dans les Pieds
du Canard , un prolongement exceiïif de certai-
nes Parties ofTeufes ou membraneufes des Mains
& des Pieds , ont pu facilement induire ici en
erreur, & donner lieu à tirer des conféquences
plus générales que les prémifles.
Encore une fois, & puis -je trop le répéter?
le Poulet étoit tout formé avant que l'Oeuf fut
fécondé par le Coq. Le Sperme du Mâle fub-
fcitueroit-il aux Pieds de l'Embrion déjà préfor-
més , des Pieds d'une autre efpèce ? A-t-on
bien médité fur tout ce que fuppoferoit une pa-
reille fubftitution dans un Tout fi harmonique ?
Et fi Ton dit que le Sperme transforme , une
femblable transformation répugneroit-elle moins
au fens commun que les Métamorphofes des
Poètes ?
334. Deux points' principaux qui rejlent
à éclaircir.
Voila quelques principes généraux fur la Fé*
condation. Ceux que j'ai plus développés dans
(«) An de faire éclorre lès Poulets, &c. Tom. 2, page 377
& Cuivames de la Seconde Edition.
Corps Organise' s. 23?
les Chapitres III, V & VI. du Tome premier,
ont avec eux une grande analogie. Mais, je
manquois alors d'un Fait eiTentiel qui n'étoit pas
encore découvert , & que je ne failbis que fup-
pofer. Depuis , la Nature elle-même a pronon-
cé ; la préexiftence du Germe a été démontrée ,
& j'ai vu que j 'a vois bien raifonné.
Si Ton a été beaucoup trop loin , quand on
a admis que le Sperme fournilToit au Germe des
Parties intégrfintes , on ne peut , d'un autre
côté 5 difconvenir qu'il n'y produife de grands
changemens. Je prends toujours le Mulet pour
exemple , comme le plus frappant , le plus dé-
cidé.
Il refte donc deux cliofes à faire , & le Myf-
tère de la Génération fera dévoilé. Il faut mon-
trer comment le Sperme arrive au Germe, &
comment il agit fur lui & lui imprime ces traits
inefiFh cables qui cara6térifent le Mulet,
335* Comment le Sperme peut parvenir au
Germe,
Découvertes de Malpighi fur la Fécondation
des Oeufs du Papillon,
Ohjervation de r Auteur fur ce fujet.
Nous avons des preuves que le Sperme peut
agir par dehors. Les Oeufs des Poiflbns Çcf) , &
plus fûrement encore ceux des Grenouilles (^)
font fécondés ainli. L-e Mâle les arrofe de fa
(fl) Article 294,
138 Considérations Sur leô
Liqueur. On peut fuppofer à l'extérieur de
rOeuf de petites ouvertures , des efpèces de fuc-
çoirs ou de trompes qui pompent la Liqueur
fécondante.
On a beaucoup difputé fur la queflion fi le
Sperme entroit dans la Matrice. Ceux qui le
nioient , le faifoient pafler par les routes longues
& tortueufes de la Circulation. Verrheyen &
RuYscH ont mieux ùit que de difputer ; ils ont
diflequé & obfervé. Le premier ayant ouvert
une Vache feize heures après l'accouplement ,
a trouvé une grande quantité de Sperme dans
la Matrice (^). Le fécond ayant ouvert fur
le champ une Femme furprife en adultère , &
qui venoit d'être mife à mort, afTure avoir vu
beaucoup de Sperme, non feulement dans la
Matrice , mais encore dans les Trompes C ^ }•
Le Sperme entre donc dans la Matrice, il
parvient même jusques dans les Trompes , & il
faut bien qu'il parvienne encore jusqu'à r Ovai-
re^ puisque Mr. Littre y a découvert un Fœ-
tus tout formé (r). On a d'ailleurs des hiftoi-
res de Fœtus adhérens à quelques Parties du
Bas - Ventre , & qui s'étoient développés aufli
dans l'Ovaire , & de Fœtus qui s'étoient déve-
loppés dans les Trompes. Je ne puis omettre
la belle Expérience de Nuck Qd'^, Il a lié la
Trompe d'une Chienne trois jours après la co-
" (a) Anat. TràU. V. Cap. III.
(6) Thef. Jnat. Tah. VI. '
(c) Mém. de l'Acad. 1707.
(d) Encyclop. Toin. VII. pag. 568.
Corps Organise' s. 239
pulation. Au bout de vingt & un jour il a trou-
vé deux Fœtus placés entre l'Ovaire & la liga-
ture. Le relte de la Trompe & la Matrice é-
toient vuides.
La Liqueur féminale peut s'élever dans les
Trompes à l'aide d'un mouvement périftaltiqus
qu'on croit leur avoir obfervé , ou par une force
analogue à celle qui s'exerce dans les Tubes ca-
pillaires. L'on peut fe méprendre fur Ja caufe
de cette afcenfion, mais, toujours eft-il cer-
tain que la Liqueur féminale agit fur l'Oeuf con-
tenu encore dans l'Ovaire.
Si Malpighi a bien vu , & comment en dou-
ter? la Fécondation des Oeufs du Papillon s'o-
père tout autrement. La Liqueur du Mâle efl:
mife en referve dans une efpèce de Matrice,
placée à côté du Conduit des Oeufs. Ce Con-
duit aboutit à l'Anus , & c'elt par l'Anus que
les Oeufs fortent. L'ouverture deilinée à rece-
voir la Partie du Mâle , eR diftinéle de l'Anus.
La Matrice a deux Canaux ; l'un s'ouvre dans
le Conduit des Oeufs , l'autre fe rend à la Par-
tie qui caraélérife le Sexe. Les Branches defO-
vaire ,ou les Trompes qui contiennent les Oeufs,
fe déchargent dans le Conduit par deux Troncs
principaux. Au moment où les Oeufs traver-
■fent ce Conduit pour venir au jour, au moment
où ils palfent devant l'embouchure du Canal de
la Matrice , ils font fécondés. Un inftant fuffit
donc pour les rendre féconds. La Liqueur fé-
condante mife en dépôt dans la Matrice, agit
don« continuellement fur les Oeufs qui defceu-
^4-0 Considérations Sur Les
dent des Branches & traverfent le Conduit. Les
Oeufs que l'on décache de l'Ovaire, avant qu'ils
ayent paiTé devant le Canal de la Matrice, de-
meurent inféconds : ceux que l'on prend au-def-
fous de ce Canal, font féconds. Enfin l'Au-
teur a trouvé dans la Matrice la même Liqueur
qu'il avoic obfervée à la Partie du Mâle Qa^.
C'est fur le Papillon du Ver-à-Soye que
Malpighi a fait ces curieufes obfervations. Il
remarque , que les Oeufs qui ont été fécondés ,
font d'abord d'un jaune qui tire fur celui du fou-
phre; il fe change enfuite en violet, & la Co-
que demeure toujours très-arrondie. Les Oeufs
ftèriles, au contraire, confervent leur couleur
de fouphre , & il fe fait à la Coque un enfonce-
ment très-marqué (Z?).
S I Ton penfoit que ce cara6lère de Stérilité
efl: univerfel, & peut-être Malpighi Ta-t-il
penfé,ron fe tromperoit. Des Oeufs d'un brun
marbré , pondus fous mes yeux par un grand
Papillon , m'ont offert précifément le contraire.
Les uns confervèrent leur couleur natale , & la
Coque fouifrit un enfoncement confidérable ; les
autres prirent une teinte de violet^ & la Coque
demeura toujours très arrondie. Les premiers
étoient pourtant féconds , & j'en vis fortir des
Chenilles ; les derniers ne produifirent rien.
.(a) Differt. Epijl. de Bomb. Mém. pr.ferv, à Vliijl.des InJeSi,
Tarn. 2. Mém. 2 pig. 82, & fuivantçs,
(fc) Ibid. pag. 84.
Mal-
Corps Organise' s. 041
Malpighi a imaginé une Expérience ingénieu-
fe , qui , à la vérité , n'a poinc eu de fuccès ,
mais que je ne puis trop exhorter à répéter & à
varier. Il a détaché les O^ufs de l'Ovaire , &
il les a arrofés de la Liqueur du Mâle» S'ils a-
voient été ainfi fécondés , ils l'auroient été , en
quelque forte , par art , & h la manière de ceux
des Grenouilles*
3'iGNORE à quelle hauteur la Liqueur féminale
s'élève dans la Trompe ; car on ne l'a pas trou-
vée encore fur l'Ovaire même. D'habiles Gens
penfent que la vapeur odorante qui s'exhale de
cette Liqueur, fuffit pour opérer la Fécondation.
Les odeurs pénètrent fort l3ien dans des cavités
peu différentes de celle - ci : mais, il me paroît
qu'il faut ici plus que des odeurs. J'en ai déjà
indiqué les raifons ; je vais y revenir.
33(5. Dernières tentatives de V Auteur pour
tacher d' éclair cir le Myftère de la Génération.
La queflion comment la Liqueur féminale a-
git dans le Germe , comment elle imprime au
Mulet ces traits qui le différentient du Cheval ,
paffe généralement pour infoluble, & Ton n'a
pas manqué de la tourner en objedion contre la
préexiftence des Germes. Je la crois au moins
une des plus difficiles de la Phyfique , & je ne
me fuis jamais flatté de la réfoudre. L'on a vu
dans les Chapitres 111. & VI. du Tome 1er. de
cet Ouvrage , les idées qu'elle m'avoit fait naî-
tre, le fuis appelle maintenant à les rema-
ToM. IL Q
24!^ Considérations SurLes
nier de nouveau, & à les perfectionner -fi je le
puis.
On a dit, & on l'a répété dans cent Ecrits,
que la Liqueur féminale eft un extrait du Tout
individuel. On a fuppofé cela pour rendre rai-
fon de la refîemblance des EnRms à leurs Parens.
Mais on ne nous avoit point dit comment cet
extrait fe prépare, & jufqu'à Mr. deBuffon,
je ne vois aucun Auteur qui ait conçu un Syftè-
me en forme fur ce fujet. J'ai donné le précis
du Syftème de ce Phyficien (a) , & j'ai montré
qu'il pèche par les fondemens (Z?). Des Mo-
lécules organiques renvoyées de toutes les Par-
ties du Corps aux Organes de la Génération ,
parce qu'elles n'ont pu être admifes dans ces Par-
ties , comment y auroient- elles été mcû^éesf
Quelle idée ie faire des Moules intérieurs de nô-
tre Auteur, & de cette force qui, félon lui,
a^t comme la Pefanteur , en pénétrant les maf-
fes? Je choqucrois le Le6leur judicieux , il je
m'arrètois encore à? combattre cesfçavances chi-
mères trop careiTées par le célèbre Naturalise ,
& dont je m'étonne qu'il fe foit contenté. Je
voudrois bien ne pas publier auiîi des chimères :
on me jugera fur la fuite de mes principes & de
leurs conféquences.
Le Germe , qui préexifte à la Fécondation ,
ne peut fe développer fans elle.
Par elle , non feulement il fe développe , mais
(û) Art. 112. & fuivans.
(fe) Art. 122, 1*3, 124, 171, 173, 174, 177, 30P, &
3x0.
Corps Organisb's. 243
il reçoit encore de nouvelles modifications ^ qui
aiTectent fon extérieur & Ion intérieur.
Ces modifications ont toujours un raport plus
ou moins marqué avec l'Individu qui opère la
Fécondation.
Il l'opère par la Liqueur qu'il répand dans
l'aéle de la Génération.
Cette Liqueur introduite dans la Matrice,
s'élève dans la Trompe , & l'Oeuf eft fécondé
dans l'Ovaire même.
La Liqueur fécondante pénètre le Germe,
puis qu'elle modifie fon intérieur.
Et fi elle le modifie dans un raport au Mâle,
elle eft donc elle-même dans un raport avec lui.
La Liqueur féminale renferme donc des Mo»
lécules qui correfpondent à différentes Partiel
du Mâle; car elle imprime au Germe des traits
de reflemblance avec différentes Parties de ce-
lui-là.
Chaque Partie du grand Tout organique a fa
nature propre. Elle le nourrit par elle-même,
elle croît , & tandis qu'elle croît , elle retient fa
llruélûre & fes fondions primitives.
Elle eft donc conftruite de manière , qu'elle
n'admet que les Molécules qui lui conviennent ,
& qu'elle leur donne un arrangement relatif à fa
Itruclûre & à fes fondions.
Ces Molécules font féparées du Sang ou de
la Lymphe. Si elles y retournoient, elles s'y
Q ^
Ê44- CONS IDERATIONS SuR LeS
confondroient de nouveau, & il faudroit enco-
re des Organes pour les en féparer.
Mais , la Partie augmente de mafle à mefure
qu'elle croît; elle acquiert journellement plus de
confiftence. Elle retient donc les Molécules
qui ont fervi à fa nutrition & à Ton développe-
ment. Ces Molécules ne font donc pas ren-
voyées aux Organes de la Génération , comme
à un dépôt général.
Il faut pourtant que la Liqueur féminale ren-
ferme des Molécules analogues à différentes Par-
ties du Mâle. Les Organes de la Génération
du Maie féparent donc de fon Sang ou de fa
Lymphe, des Molécules analogues à différentes
Parties de fon Corps.
Il y a donc dans les Organes de la Génération
du Mâle des Vaiffeaux analogues à ceux qui ,
dans ces différentes Parties , féparent les Molé-
cules qui leur conviennent.
Les Organes de la Génération du Mâle font
donc pour ainfi dire ^ une yîngiologie en raccour-
ci. La même Main qui a deffmé fi en petit le
grand Tout organique, a bien pu deffiner moins
en petit le Syftème de fes Vaifleaux Sêcrétoires
fous des proportions relatives au grand.
L A Liqueur féminale de l'Ane renfermeroit
ainfi des Molécules correfpondantes aux Oreilles
& aux Larynx qui ne le trouveroient pas dans
la Liqueur féminale du Cheval: & celle-ci ren-
fermeroit des Molécules relatives au développe^
Corps Organise' s." 1145
ment de la Queue , qui ne fe rencontreroient pas
dans la Liqueur féminale de l'Ane.
La petitefle&la délicatefle extrêmes du Ger-
me, indiquent que fes Parties ont befoinpour fe
nourrir & pour le développer , d'un Fluide apro-
prié à leur état actuel. J'ai crû trouver ce Flui-
de dans la Liqueur que le Mâle fournit.
Elle ell le principe d'un développement qui
ne commenceroit point fans elle , & qui fuppofe
une véritable Circulation. Elle efl doncleprin-
,cipe de cette Circulation. Elle agit donc fur
les Organes de la Circulation du Germe , elle en
pénètre le Cœur , elle l'anime , & fi elle l'anime ,
fi elle s'y introduit, elle peut encore circuler
dans toutes les Parties,
Elle y répandra plus de chaleur & de vie;
elle leur donnera plus de confidence. Elle dé-
ployera les VaiiTeaux, elle ouvrira les mailles
des Fibres. Elle mettra le Germe en état de
recevoir des nourritures plus fortes , que la Ma-
trice lui fournira.
Porte'e ainfi h toutes les Parties, elle leur
imprimera plus ou moins de ces caraétères qu'el-
le tient du Mâle qui l'a fournie. Elle n'agira
pas feulement comme nourriture , elle agira en-
core comme Fluide doué de certaines proprié-
tés qui le diftinguent, & donc les effets doivent
varier dans un raport déterminé au fujet fur le-
quel fon aélivité fe déployé.
Q$
t/^6 Considérations Sur Les
Ce fujet efl: le Germe , dont les Organes con-
centrés, afFaifîes , pliirés & repliés fur eux- mê-
mes , ont des form.es, des proportions & un
arrangement très différent de ceux qu'ils auront
dans fAdulte. Les révolutions du Poulet en
font une belle démonftration.
En commençant l'Evolution , la Liqueur fé-
condante tendra donc à ouvrir , à redrelfer , à
déployer les Organes du Germe , & fon a(5tion
différemment modiiiée par le plus ou le moins
de Molécules de chaque genre , précipitera ou
accroîtra fEvolution de quelques- Organes , tan-
dis qu'elle retardera ou empêchera celle de quel-
ques autres.
Comme Fluïde nourricier, elle s'incorporera
aux Solides dans le raport de l'analogie des Mo-
lécules à tel ou tel Solide particulier. Les Mo-
lécules analogues ou correfpondantes feront ad-
iTiifes; les autres rejettées ou renvoyées.
S'il y a plus de Molécules apropriées à im
certain Organe, ou fi ces Molécules font plus ac-
tives, cet Organe fe développera davantage. II
recevra de leur impreffion d'autres modificarions
particulières en conféquence de leur dilpofition
à lui donner plus ou moins de confidence , a le
laiffer membraneux ou à déterminer l'offification.
Ainsi le Sperme de l'Ane porté dans- le Ger-
me du Cheval , y déployera fon acflivité dans le
raport à la nature propre de chaque Organe du
Germe & à celle des Molécules fécondantes qui
îui correfpondront. De -là rallongement des
Corps Organise' s. 247
Oreilles du Chev.al,la nouvelle modification de Ton
Larynx, & l'altération de fa Queue. De -là, la
transformation apparente du Cheval en Mulet,
Par cette forte de transformation , le Cheval
perd la fi^culté d'engendrer. Les Anciens ont
dit pourtant que le Mulet engendroit ; mais cela
n'a pas été vériiié. La Semence de l'Ane n'ou-
vre pas tous les Vaiifeaux propres à l'Organe de
la Génération du Cheval: une partie de ces Vaif-
feaux s'oblitère donc , & c'en eil alfez pour que
le Mulet foit impuiifmt (^j).
(a) Depuis l'envoi de mon Manufcript au Libraire,
j'ai kl dans la 2<'e Partie de Marx dix Journal Encyclopédique de
cette année 1762. des recherches ciirieufes de feu Mr. Hs-
BENSTREiT fiir Ics Organcs de la Génération du Mulet & fur
les caufes de ÇaJiérilUé: En commenceant fes diffeélions, ce
fçnvanc Naturaliile s'attendoii , comme il nous le dit lui-
niêiiie , à trouver un défaut confidérable dans les Organes du Sexe
des Mâles, Ce ne fut donc point fans une extrême furprife,
qu'il reconnut que le Mulet comparé à l'Etalon , ^ même à
l'Homme, ne leur cédait en rien dans l'exa^e configuration desPa/f'
ties jexuelLs- iVîêmes Corps caverneux, même Urètre, mê-
mes Artères, mêmes Veines, mêmes Mufcles, mêmes Nerfs»
^ ce qui étoii encore plus remarquable , les VaiJJeaux fpermati'
ques étaient dans le meilleur état ; les Tejlicuks placés deifis leur
lourfe étoient attachés à leurs Muscles, ^ avaient leur double Peau»
Leur intérieur étoit un tijju de millions de VaijJeaux capillaires»
Le Rejervoir Jpermatique , en particulier , s' élevait au - dejjus de Jet
place ordinaire , ^ allait Je rendre , comme on l'objerve dans les
Quadrupèdes , à fan lisu déterminé. Là , il fe déchargeait dans
les Véficules Séminales dont la JiruFlure avait plus de rapport à la
confarmation du Cbeval , qu'à celle de l'Homme ., &c.
Mr. Hebenstreit ne découvrant donc rien dans les Orga-
nes de la Génération du Mulet qui put lui donner les caufes
de fa ftériliié, s'arrêta à en confidérer la Liqueur féuiinale qui
eft très- abondante. Il ne lui trouva aucune conformité avec le
Spenm dei Animmx Miks féconds , quoique d'abord les apparm»
Q4
248 Considérations Sur Les
Les Organes de la Génération ont pour fia
principale la confervation des efpèces, & non
l'augmentation du nombre des efpèces. Ils fonc
pourvus de VaifTeaux qui fép^irent les Molécu-
les apropriées au développement de cts Organes
ces fujjent encore les mimes n qu'à légard des Organes. Ces Mo-
lécules animées, qu'on découvre en fi grande quantité, à l'ai-
de du Mifcroscope , dans les Liqueurs féaiinales des N.àies,
& qu'on a nommées ArÀmalcuks jpermatiques , échappent ict en»
tiè'ement à l'objeivation. H ejl certaîi, ajoute notre hab'Ie Phy-
fîcien , qiLe ces Animalcules placés Joig^eufement ^ à [ilafiiurs re-
■prijes , (j' examinés au fo-jer de la Lentille, n'ont jamais pu être
aperçus. L? Confsiller Walter ^ le ProfeJJeur}iAvss.L qui ont fait
chacun léparment leurs obfervatioi s ■, Je Jont trouvés d'accord dans
ce réfvltat. La manière éroit encore cbmde, on avait ouvert le Mu-
Ist aiijfi tét qu'il avoit été égorgé , £jf l'on avait pris tontes ks pré"
cautions néce-jj'aires pour qu'it ne rejldt aucun doute jur cefujet.
Mr. HEaEKSTRKiT conctud de ces obfervations, que l'on doit
chercher la cauje de laftérinté du Mulet dans le défaut de la Par-
tie animée, ^ pour ainh dire ignée de la Semence: car il ne veut
pas rtconnoî'.re les Molécules en quelUon pour de vrais Ani-
malcules. /' eft plui prohabie dit -il que ces Particules agitées
qui ont des divcrfîtéi de figure relatives à celles des Espèces , jont
la partie aBive ds la Semence par laquelle ejt animé l'Embrign, qui
exifte toûjmrs dans l'Ovaire.
On a vu dans la Note que j'ai mife au bas de l'Article I35'.
que Mr. Dii Reaumur croyoir s'être alTjré que ces Molécules
é. oient de vr.is Animalcules qui fe propageoient , & Mr. He-
BEKSTREiT I iguoroit Mais quiind cela ne feroit pas certain,
l'abfence de ces Molécules de quelque nature qu'on les fupo-
fat , prouveroit toujours un vice dans la Liqueur féminale du
Mulet ; puis qu'on les découvre conftamment dans les Liqueurs
féminales des Animaux féconds , & qu'elles manquent dans
ceux qui ne font pas encore en état d'engendrer ou qui en
font devenus incapables Or ce vice de la Liqueur féminale
du Mulet •,x)Q Vi-int lui même dépendre que d'un vie." fecret dans
les Ora^ines qui la préparent. La plus fine Anatomie ne fçau-
ro't fans doute , le découvrir. Il tient apparemment à des
tuÏHUX fi déliés, que nos meilleurs Microfcopes ne pourr.->îent
y atteindre. Je penfe donc qu'on ne doit pas affirmer avec Mr.
HEBENSTseiT , quc Ics Organes de la Génération du Mulet
font auffi bien condiiionés que ceux du Œevai ou de l'Hom-
Corps Organise'». 24^
dans le Germe. Ces Vaifleaux peuvent avoir
été conftruks ou calibrés de manière qu'il n'y
ait que ceux de la même efpèce qui le correft
pondent exaclement dans le grand & dans h
petit.
me. Il n'a vu de ces Orgnnes que les Parties les plus grofCè'
res ou qui en conitituent la charpente. Et ces millions de Vais-
Jeaux capillaines dont il parle, auroil-il jamais pu les démêler
& les comparer à ceux du Chevnl ou de l'Honimc?
NÔTRE fçivant Profelli-ur paiTe em'uice à la defcription des
Organes de la Mule. Les Parties extérieures ne lui ont point
paru différer de celles de la Jument Mais ce qu'il y a de fni'
guliir dit il, ^ qu'aucun Auteur n'a décrit, c'ejt que la Mule a
le conduit de l'urine place d'une manière di^erente de celle qui a
lieu dans les autres Animaux ; il ne va point à la l'ulve en paffant
entre le Citoris ^ l' orifice extérieur de la Matrice, tnais il eft ren-
fermé dans l' Etui même de la Matrise , (^ c'ejt de là que l'urine
coule L'Auteur de cecre découverte en infère avec fonde-
ment, que cette feule confor;na:iom paroitr oit Juffijante pour faufer
la ftérilité de la Mufe : elh doit emporter , ajoute ■ t - il , avec fou
urine la Sémevce qu'elle a reçue. Joîç^nez à cela, que cet écoule»
ment perpétuel d'urine, durcit l'Etui de li Ma' rie e en forte qu'on
n'y trouve pas, mé.ne lorsque que la Muls ed i<:uni ^ les plis ^ les
rides ordtnairei.
Une féconde obrervation importante de Mr. Hebenstreit
regarde l'Ov'aire. // a, dit-il , les VM(Jeaux ordinaires , Artères ,
Veines, Kerfs; ils procèaent tous ies lieux accoutumés , ^ Je par-
tagent dans l'Ovah-e, comme on le voit diffinclement après les avoir
préparés par l'injerdon du Mercure. Mais ca Ovaire ne contenoit
aucune des Veficulfs transparentes qu'on a coutume de nommer Oeufs,
à moins que ces Oeufs , qui dans leur origijie font presque imp^r-
centihies , n'ayent été encore cachés dans la partie jaune de l'Ovaw
re; cependant comme le fujet de la diffeÙion avoit d.jà l'âge requis
pour l'accouplement , quelques Oeufs du moins auroient dû s'y ma-
nifejier comme dans les autres F^^melles de cet âge, Ainfi l'on efi
en droit de conclurre de l'abjence des Oeu^s la ftérilité. » ,. -^X
Enfin, une troifième obfervstion très remarquable, eft
celle par laquelle Mr. Hebenstreit termine la Lettre dont je
donne l'extrait Elle roule fur la Marijce de la Mule. Je
ne connais pafnt, dit- il , de Matrice dans aucune antre Femelle, qui
sit la Peau aujji déliée , ^ dont la circonférence fois aujfijpacieufe
Q 5
S50 GONSIDERATIONS SurLeS
Il y aura eu plus de latitude à Tégard des au-
tres Organes. Nous ignorons les limites de cet-
te latitude. L'expérience feule peut nous les
faire connoître : mais , il n'y a pas d'apparence
qu'elle s'étende du Quadrupède à l'Oifeau. Un
que dans la Mule. L'Utérus des Jnhnaux eji en général d'une fub ■
fiance fort compatle , celle de la Mule eji à peine égale enjolidité à
la Fejjle de l'urine. Cela mêla fait croire inhabile à porter, ayaîit
beaucoup trop de transparence ^ de rareté en comparai/on de celle
des autres animaux , pour Joiitenir le poids du Foetus^
Il paroît donc que l'altération des Organes fexuels , qui ne
fe manifefte chez le Mulet que par fes effets, je veux dire par
l'état de la Liqueur féminale, fe manifefte chez la Mule dans
les Organes eux - mômes. On n'attend pas de moi que je ren-
de raifon du déplacement de l'Urètre, il faudroit d'ailleurs s'as-
furer qu'il eft confiant. A l'égard de l'abfence vraye ou ap-
parente des Oeufs & du peu d'épaifleur de la Matrice, ce font
des Faits dont l'explication rentre dans lafphère de mes princi-
pes & qui les confirment.
Tout ceci nous démontre de plus en plus, combien les Ex-
périences fur les Mulets peuvent répandre de jour fur le myf-
tère de la Génération, & il eut été bien à défirer , qu'au- litu
de differter fans tin fur cette matière, l'on fe fut adreffé direc-
tement à la Nature, le fcaîpel & la lentille à la main. N'eft-
11 pas étonnant qu'on n'ait pas cherché plutôt par cutte voye,
les caufes de l'impuiflance du Mulet?
Dans la Partie (uivaate du même Journal eft une Lettre du
célèbre Mr. Klein, relative à la précédente, mais bien moins
inilruélive. L'Auteur y applaudit aux obfervations du Profts-
fcur de Leipfig, & fait fur le myftère d la Génération des ré-
flexions qui prouvent, qu'il n'avoit pas cherché à aprofondir
ce fujet. 11 rejeite la préexiftence du Germe dans l'Oeuf,
& fe déclare Pirrhonien à l'égard de tous les Syftèmcs connus.
Mr. HEBENSTPETTdit- il, admet que l'Embrion exijîe toujours dans
les Oeufs de la Mère. Mais n'ejUce pas un paradoxe ? L'Embrion
du Mulet exifte toujours dans les Oeufs de la Jument^ [5' l'Ane
l'anime. Four moi je trouve ici de la contradiciion. Ajoutez que
le defjèin de l'Animal dans l'Oeuf^ ce qu'on n'a jamais pu objerver
avec les meilleurs Microjcopes, a bien l'air d'être une Jupo/ition gja-
tuïte, un être de raifon, on ne le trouve point dans les Atiimalcu-
les fpermatiques. Je demanderai enfuite en quoi confifie ce dejjein
^ qu'efi'ce qui efi dejjiné ? cela rejjemble -t -il aux premiers coups
I
Corps Organise' s. 251
grand Obfervateur a rendus fameux les amours
du Lapin & de la Poule Qh'), Probablement il
en avoit trop efpèré. Mr. de Buffon l'a relevé
avec rairon,en faifant remarquer que de l'union
du Lièvre & de la Lapine, efpèces très voilî-
nes, il n*a rien refulté (r). Je n'ai point de
foi aux amours du Lapin ^ de la Poule , m'écri-
voit Mr. DE Hallkr ; j.\n vérifié r expérience
de Mr. de Reaumur , & fai des rai fou s fuffi-
fautes de croire que ce né coi sut que des badi nages
d'un Animal extrêmement vif c^ fé mi liant, Con-
fultez l'Article 139.
Mais, chez les Cifeaux, les Mulets propa-
gent pourtant. Mr. de Haller m'écrivoit en-
core ; les Oiftaux Mulets font des exemples évi-
dens du concours des deux Sexes , avec une cer*
taine prérogative du Mâle. Mr. Sprengel a
étudié la multiplication des Bâtards qui nailjènt
de t accouplement des Serins & des Chardonnerets»
Le Bec plus épais de ceux-ci s'efi confervé dans
de crayon d'un Peintre qui font encore bien éloignés de la perfeUion,
mais qui préjentent poiirWit une image reconnotjjable ? çj'c.
Si Mr. Klein avoit plus médité ce fujet difficile, il auroit
compris, qu'il ne falloit pas chercher un Germe de Mulet dans
les Ovaires de la Jument, & qu'il n'y avoit point de contradic-
; ion à admettre que le Sperme de l'Ane modifie le Germe du
Cheval. J'ai montré comment on peut le concevoir.
En parlant du déplacement de l'Urètre de la Mule, il aioû-
te ; je vie rapelle une chofe , que j'ai remarquée dans mon Traite de
V origine des Poijjons, page 5. c'ejl que les Oifeaux comme les Pois-
Jons, rendent l'urine ^ les excrémens par un Jeul ^ même conduit ,
je n'ai aucune expérience qui m'indique fi le conduit de l'urine cjl
aujji caché dans celui des Oeufs.
{b) Mr. DE Reaumur, Art de faire éclorre les Poulets, Toui»
a. pag. 340. & fuivantcs, 2-^-. Edition,
(c; Hijl Nat. Tom. VI. pag. 303, & 304.
^$1 Considérations Sur Les
plu/ieurs Géf^îérations, Car dans des O'ifeaux
auffi femblables ^ les Bâtards ont multiplié &' en-
tr^eux , 6? avec leurs races paternelles & mater-
nelles,
L A Semence du Chardonneret efl donc pro-
pre à faire développer en entier les Organes de
la Génération du Serin. Ces Organes font en
raport avec les autres Parties ; ils les repréfentent
en quelque forte. Le Chardonneret ne paroît
pas différer beaucoup du Serin; au moins a-t-il
avec lui de grands raports. Les Organes de la
Génération du premier doivent donc être fore
analogues à ceux du fécond , & les Semences
font entr'elles comme les Organes qui les prépa-
rent. Si le Bec du Chardonneret s'eft confervé
dans plufieurs Générations , ce n'effc pas qu'il en-
voyé des Molécules moulées aux Organes de la
Génération: mais c'efl: que ceux-ci ont un ra-
port avec le Bec , & que les Molécules corref-
pondantes qu'ils féparent^ont pu agir fur la Par-
tie de fOrgane de la Génération du Germe qui
répond au Bec. Cet Organe aura donc filtré
des Molécules propres à modifier le Bec du Se-
rin. On n'exigera pas davantage de mes prin-
cipes ; je ne fçaurois en pouffer plus loin la dé-
du6tion. C'eft beaucoup qu'ils m'ayent conduit
jufqu'ici.
Une nouvelle modification qui fur vient à une
Partie organique , affoiblit ou éteint une modi-
fication antécédente. Le Bec de Chardonneret
fe changera peu à peu en Bec de Serin , par l'ac-
Corps Organise 's. 155
tion répétée de la Semence du Serin far plufieurs
Générations.
Mr. deBuffon regarde comme des Animaux
de même ejpèce , tous ceux de l'union defquels
refukent des Individus capables d'engendrer (ci).
Suivant cette notion , l'Ane & le Cheval n'ap-
partiennent pas à la même efpèce; le Mulet
n'engendre point. Par la raifon des contraires ,
le Chardonneret & le Serin feroient de même
efpèce. Je fuppofe toujours que Mr. Sprengel
a bien obfervé.
337. Expériences à tenter pour âéciâer des
Idées de r Auteur fur la Fécondation»
Réflexions fur ces Expériences,
Il eflune efpèce de Poule qui a cinq Doigts;
les efpèces communes n'en ont que quatre. Mr.
DE Reaumur propofe des mariages entre des
Coqs i\ cinq Doigts & des Poules à quatre Doigts ,
& entre des Coqs à quatre Doigts & des Poules
à cinq Doigts (Ji), Je ne prétends pas deviner
les réfultats qu'auront des Expériences 0 propres
à éclaircir le myllère de la Génération. Je di-
rai feulement , que fi mes principes fur cette ma-
tière font vrais , la Semence du Coq à cinq Doigcs ,
fera développer dans le Germe à quatre Doigts
quelque chofé qui aura l'air d'un Doigt furnu-
méraire. Peut-être encore qu'elle changera un
peu la conformation ou les proportions des Doigts
(a') Hîll. Nat. Tora. IV. pag. 384.
(b ) Art de faire éçlorre les boulets, Tom. II. pag ^66. He»
Edition.
t54 Considérations Sur les
naturels. La Semence du Coq à quatre Doigts ,
portée dans le Germe à cinq Doigts, devra, au
contraire, laiffer le cinquième Doigt imparfait
ou le rendre mal conformé , & altérer fes pro-
portions. Ce vice de conformation ou de pro-
portion pourra s'étendre encore aux autres Doigts,
&c. Mr. DE Reaumur n'a pas anoncé de feVi-
blables réfultats : il n'étoit pas parti des mêmes
principes que moi. „ Si les Germes , dit-^il Qi) ,
„ font dans la Poule , celle qui a cinq Doigts ,
,, a des Germes à cinq Doigts , & quoi qu'elle
„ ait été fécondée par un Coq commun, elle don-
„ nera des Poulets à cinq Doigts. Ceux qu'el-
,, le donnera n'en auront que quatre comme le
„ Coq. avec qui elle a habité , fi les Germes font
„ dans le Coq. De même la Poule commune
3, qui doit la Fécondation de fes Oeufs à un
5, Coq qui a cinq Doigts, produira des Poulets
3^ à quatre Doigts , fi les Germes des Poulets
„ étoient en elle , & elle produira des Poulets
„ à cinq Doigts, fi les Germes lui ont été ap-
„ portés par le Coq. "
AujoiiRDHui il eft démontré , que les Germes
font dans la Foule ^ & nôtre Illuftre Académi-
, cien rignoroit. Mais, de ce que les Germes
font dans la Poule , il ne s'enfuit point du tout ,
qu'une Poule à quatre Doigts , fécondée par un
Coq à cinq Doigts , produira des Poulets à qua-
tre Doigts, ni qu'une Poule à cinq Doigts, fé-
condée par un Coq à quatre Doigts , fera des
Poulets à cinq Doigts. Cette conclufion relTem-
(•) Ibid. pag. 367,
Corps Organise' a. 255
bîe à celle que T Auteur tire des Oeufs qui au-
roient été fécondés par un Lapin , lors qu'il a-
vanee (^) quils mus vaucir oient des Poulets
vêtus de poils ^ ou des Lapins couverts de plumes.
Ce ne feroient proprement ni des Poulets ni des
Lapins , ni des poils ni des plumes. Les Ger-
mes qui exiflent dans la Poule font des Germes
de Poulets qui renferment des Germes de plu-
mes. La Semence du Lapin ne transformeroit
pas les Poulets en Lapins , les plumes en poils.
De pareilles transformations n'ont point lieu dans
la Nature; je l'ai fuffifamment prouvé en divers
endroits de ce Livre. Mais, la Semence du
Lapin , portée dans les Germes des Poulets, y
produiroit des modifications plus ou moins frap-
pantes 5 qui changeroient plus ou moins la for-
me extérieure & intérieure des individus. Tou-
jours pourtant ce feroient au fond des Poulets ,
comme le Mulet eft au fond un Cheval modi-
fié. L'aOion de la Liqueur féminale doit varier
dans un raport déterminé au fujet fur lequel elle
travaille.
L'Auteur de la Vémts Phyflque propofe d'au-
tres Expériences, qui feroient encore bien pro-
pres à vériiier mes principes. „ Ce feroit af-
„ furément , dit -il (Z?) , quelque chofe qui
5, mériteroit bien l'attention des Philofophes,
„ que d'éprouver fi certaines fmgularités arti-
„ ficielles des Animaux ne paiferoient pas après
„ plufieurs Générations aux Animaux qui naî-
(c) Ibid. pag. 351.
(&) Venus Fbyf^que ikçoïïic Partie, pag. 159. Edit. deJ74Si
^^6 Considérations Sûr Les
5, troient de ceux • là. Si des Queues ou de-g
5, Oreilles coupées de Génération en Génériuion
5, ne diîViinueroient pas, ou même ne s'anéan-
3, tiroient pas à la fin ". On voie que luivanc
mes idées, des Queues retranchées aux Maies
de Générations en Générations , ne diminue-
roient pas ou n'anéantiroient pas à la fin les
Queues dont les Germes auroient été originai-
rement pourvus. Cela arriveroit infailliblement,
fi la Queue du Mâle fournifToit des iMolécules
de la réunion defquelles fe formât celle des Ger-
mes. Mais , en retranchant la Queue au Mâ-
le, on ne lui retranche pas la Partie des Or-
ganes de la Génération que je fuppofe corref-
pondre au Coccix.
338. Sources de la rejjembîafice des En fa fis à
leurs Farens^ &c.
Des Envies des Mères.
Il ne faut pas croire que le Germe ait très
en petit tous les traits qui caraftérifent la Mè-*
re comme Individu. Le Germe porte l'em-
preinte originelle de 1': fpèce, & non celle de
l'Individualité. Ceft très en petit un Homme,
un Cheval 5 un Taureau, &c. mais, c^ n'ell
pas un certain Homme , un certain Cheval ,
un certain Taureau , &c. Tous les Germes
font contemporains dans le Synème de révo-
lution. Ils ne fe font pas communiqués les uns
aux autres leurs traits , leurs cara-flères diftinc-
tifs. Je ne dis pas que tous ceux d'une même
efpèce
Corps Organise'», i^^
fefpèce foient parfaitement identiques. Je ne
vois rien d'identique dans la Nature ; & fans
recourir au principe des LuHfcernahles , il ell
très clair , que tous les Germes d'une même ef^
pèce n'achèv^ent pas de fe développer dans la
même Matrice , dans le même tems , dans le
même lieu, dans le même climat, en un mot,
dans les mêmes circonflances. Voilà bien des
caufes de variétés. Il en ell d'autres plus efE-
caces encore; ce font les Liqueurs féminales.
Les raports que je conçois entre l'Organe de
la Génération du Mâle & les différentes Parties
de fon Corps , fe tranfmettent jufqu'à un cer-
tain point au Germe par l'aclion de la Liqueur-
féminale. Le tempéramment de la Mère, fes
inclinations , fes palfions , les alimens dont elle
fe nourrit , l'éducation qu'elle a reçue, fon gen-
re de vie, le climat qu'elle habite , peuvent
aufli modifier plus ou moins l'Erabrion. £t fi
l'on admettoit avec divers Auteurs , que la Fe-
melle fournit une Liqueur prolifique , cette Li-
queur produiroit dans le Germe des modifica*
tions analogues à celles qu'y produit le Sperme
du Mâle. Mais cette Liqueur de la Femelle
eft au moins douteufe. Des Femelles , qui
conçoivent très bien , ne répandent aucune Li-
queur dans fade de la Génération. RuiscH
n'a trouvé que celle du Mâle dans la Matrice
& dans la Trompe. Si les Femelles étoienc
pourvues d'une telle Liqueur , elle devroit lea
exciter à l'amour , comme elle y ej^cite les Ma*»
TOM. II. R
158 Considérations Sur Les
les. Pourquoi donc le Cerf , & le Chevreuil
d'Angleterre ufent - ils de violence pour fe fou-
mettre leurs Femelles? Les Qoï"^?, jaunes ^ qui
fuivant Mr. de Buffon fourniflent la Liqueur
fécondante de la Femelle , ne font point nécef-
faires à la conception. Mr. de Haller ne les
a point trouvés dans des centaines de Femmes
& de Filles qu'il a ouvertes ; mais , il les a vus
dans celles qui étoient enceintes ou accouchées
depuis peu. Ils font donc plutôt l'effet que la
caufe de la Fécondation Qa^,
Ce feroit dans les fources que je viens d'in-
diquer, que je puiferois les raifons de la ref-
femblance des Enfans au Père & à la Mère ,
de l'air de famille , & encore de l'air national.
L'Ane & le Cheval diffèrent beaucoup. Si la
Semence du premier produit de fi grands ef-
fets fur le Germe du fécond , pourquoi celle de
l'Homme n'imprimeroit-elle pas à fes Enflms
divers traits de fa reflemblance ? Des difformi-
■ tés purement accidentelles ne feront pas trans-
mifes, fi les accidens n'ont pas porté fur les
Organes de la Génération du Mâle, ou fi ces
difformités ne font pas de nature à influer fur
fes humeurs. Mais , les maladies héréditaires
fe tranfmettront , parce qu'elles affeélent les
humeurs , & par elles la Liqueur fécondante.
Une violente commotion de la Mère pourra
porter fur fon Fœtus; mais l'envie d'un Fruit
(n^, Bîhliothêque raîfomée , Tom, 46. Extrait de {'Hiftoir$
S^aturelïe Générale ^ Fartkulièrc, ^
Corps Organise' s. sjf
n'ira pas peindre fur lui la figure de ce Fruit ;
parce que ce défir n'appartient qu'à l'Ame , &
que l'Ame & les Sens de l'Embrion ne font pas
l'Ame & les Sens de fa Mère. Les Envies font
comme les nuées ; on y voit ce que l'on veut.
L'Auteur de la Fénus Phypque l'a crès-bien re-
marqué. 5, Cependant, dit -il (^), rienn'eft
55 fi fréquent que de rencontrer de ces Si,enes
5, qu'on prétend formés par les Envies desMè-
5, res. Tantôt c'eft une Cerife , tantôt c'efl:
„ un Raifm, tantôt c'eft un PoifTon. J'en ai
5, obfervé un grand Hombre ; mais j'avoue que
55 je n'en ai jamais vu qui ne pût être facile-
5, ment réduic à quelque excroiifance ou quel-
5, que tache accidentelle. J'ai vu jufqu'à une
55 Souris fur le cou d'une Demoifelle dont la
35 Mère avoit été épouvantée par cet Animal;
55 une autre portoit au bras un PoifTon que fa
5, Mère avoit eu envie de manger. Ces Ani-
5, maux paroifToient à quelques-uns parfaite-
55 ment deffinés: mais pour moi fun fe rédui-
55 fit à une tache noire & velue de l'efpèce de
55 quelques autres qu'on voit quelquefois pla*
55 cées fur la joue , & auxquelles on ne donne
j5 aucun nom , faute de trouver à quoi des
3, reffemblent. Le PoilTon ne fût qu'une ca-
55 che grife. Le rapport des Mères , le fou-
5, venir qu'elles ont d'avoir eu telles craintes
55 ou tels defi.s , ne doit pas beaucoup erabar-
(«) Vinm Fbyftq^ue, ire. Partie, page 83. &Q*
i5o Considérations Sur Les
j, rafîer ; elles ne fe fouvîeniaent d'avoir eu ces
j, défirs ou ces craintes , qu'après qu'elles font
„ accouchées d'un Enfant marqué ^ leur mé-
,, moire alors leur fournit tout ce qu'elles veu-
5, lent , & en efret il ell difficile que dans un .
3, efpace de neuf mois , une Femme n'ait ja-
5, mais eu peur d'aucun Animal, ni envie de
„ manger d'aucun Fruit 'V
Je le répète fouvent ; la Liqueur fcminale
ne forme rien à parler philofophiquement ; elle
ne fait que modifier ce qui étoit déjà préformé.
Les divers traits de reflemblance que la Fécon-
dation imprime nu Germe , ne fauroient repré-
fenter avec précifion VOriginaL Ils n'en font
pas proprement des Copies : ils n'y ont pas pris
leur empreinte comme dans un Moule, Aufll
les Enfans ni les iVlulets ne reffemblent-ils ja-
mais parfaitement à leur Père. Si la Liqueur
féminale modifie le Germe , celui-ci modifie
à fon tour Taélion de cette Liqueur dans un
raport à fa manière de la recevoir & de fe l'in-
corporer.
339. De la Fécondation des Germes qui doi-
vent donner des Femelles^ & de celle des
Germes de Neutres.
Mais , après qu'un Germe Femelle a été fé-
condé, il fe développe chez lui des Parties qui
n'exiltoient point dans le Mâle , des Ovaires,
des Trompes , une Matrice , &:c. Si la Li-
queur fcminale eft néceffaire pour procurer les
premiers développemems de toutes les Partiel
Corps Organise' s. a6i
du Germe , comment peut - elle procurer celui
de Parties que le Mâle n'a point , & dont par
conféquent il ne fauroit fournir les Molécules
correlpondantes ?
Je ne diffimule point la difficulté. Elle fe-
roit bientôt réfoluë , fi le concours des deux
Semences étoit prouvé. Non - feulement il ne
î'eft: point Qa^ ; mais on a vu ci-delfus les
raifons qui indiquent que les Femelles ne font
pas pourvues d'une Liqueur prolifique. J'ajou-
te, que fi elles en étoient pourvues, on ne
verroit pas trop pourquoi un Quadrupède , un
Oifeau, ne muldplieroient pas fans accouple-
ment , à la manière du Puceron.
Je me renfermerai donc dans cette quellion ;
s'il eft abfurde d'imaginer, que les Organes de
la Génération du Mâle ont été aulTi conftruits
fur des raports déterminés à différens Organes
de la Femelle? Cette nouvelle fuppofition ne
révoltera pas ceux de mes Leéleurs qui auront
bien médité la fuite de mes principes , & qui
regarderont avec moi la Liqueur fcminale com-
me un Fluide nourricier^ & la Génération com-
me un fimple Développement opéré par la JSlu-,
îrition. Et combien de Faits nous ramènent
à cette conclufion î
J'ai fait remarquer dans l'Article 175. l'oppo-
fition frappante qui efl: entre le Syftème de Mr.
DJ£ BuFFON , & la Génération des Neutres chez
(«) Article 338.
R 3 .-.^^
t6z Considérations Sur les
les Abeilles (^). Ces Neutres, comme leur
nom l'indique , font de parfaits Mulets» Non feu-
lement ils n'engendrentpoint;ils font même ab-
folument privés de Sexe, La plus fine diffeélion,
aidée des meilleurs microfcopes ^ ne fçauroit y
découvrir le moindre veflige des Organes exté-
rieurs & intérieurs de la Génération; Ce font
donc des Muleis que la Nature a faits tels dès le
commencement. Elle les avoit deflinés unique-
ment au travail , & elle leur a donné , dans cet-
te vue , des inftramens , des efpèces d'outils &
de laboratoires , qu'elle a rcfafé aux Mâles &
aux Femelles. Ces inftrumens accordés aux
Neutres , font relatifs à la récolte du Miel &
de la Cire , à la préparation de celle - ci , à fon
emploi, à la conftruction des CnUeaux, à l'édu-
cation des Petits , &c. Si les Molécules devi-
nées à la produélion de TEmbrion , fe moûloient
dans les Parties du Mâle & de la Femelle , fi el-
les étoient renvoyées enfuite par ces Parties aux
Organes de la Génération , comme le penfe Mr.
DE BuFFON , il feroit impoflible d'expliquer fui-
vant cette hypothèfe, la formation des divers
Organes propres aux Neutres: car où prendre
les Moules de pareils Organes? Les Individus
générateurs en font dépourvus. Mais, fi l'on
admet, que les Organes de la Génération des
î^âles ont été conltruits de manière , qu'ils fil-
trent & préparent les Molécules relatives au dé*
veloppement des trois fortes d'Individus, la diiR-
culté difparoîtra , & on concevra comment s'o-
(a) ConfukezicirArdcIezptk
Corps OrgaKxs e's. 2^3
père l'Evolution des Neutres. Les trois fortes
d'Individus ont été deflînés originairement en pe-
tit dans les Ovaires de la Reine- Abeille : la Fé-
condation ne procure pas aux Germes des Neu-
tres de nouveaux Organes , elle n'y anéantit pas
ceux de la Génération qu'ils n'ont jamais pofTédés;
elle ne fait que les mettre en état de fe dévelop*
per & de paroître au jour.
340. Remarques fur V Organe de la Voix
du Mulet.
Un Phyficien qui parviendroit à expliquer
d'une manière fatisfaifante , cette modification fi
remarquable , que la Liqueur féminale de fAne
produit dans FOrgane de la Voix du Cheval, lors
qu'elle le convertit , pour ainfi dire , en Mulet ,
expliqueroic par le même moyen tous les phé-
nomènes de la Génération. Je difois dans l'Ar-
ticle 136, que fi l'on poulToit les recherches fur
le Mulet jufqu à fon intérieur , les difficultés fe
multiplieroient à proportion que l'examen feroit
plus aprofondi. La découverte de Mr. Héris-
sant en ed une belle preuve , & elle aprend aux
Anatomides combien ils peuvent fe promettre
de ce genre de recherches. Après avoir compo-
fé l'Article précédent , j'ai voulu rejire le Mé-
moire intérefTant de ce fçavant Académicien fur
les Organes de la Voix des Quadrupèdes ^ dt
celle des Oi féaux (a) , & je vais mettre fous les
(«) Mm» di VAcad. An. 1753. pag. 279. in 4,,
R 4
^04 Considérations Sur Les
yeux du Leéleur le paiTage qui concerne le MiU"
leî,
,, Le Mulet, dit -il (a) ^ a une Voix qui fe
3^ rapproche beaucoup de celle de fon Père , &
5, ne reflemble nullement à celle d'un Cheval
55 qui hennit: auffi les Organes par lefquelsil en
3, forme les fons, font presque autant multipliés
P5 que ceux de la Voix de l'Ane , & conftruits
5, à peu près de la même manière. Le Tambour
5, d'une compofition fi fingulière , qui fe trouve
„ au Larynx de l'Ane , & qu'on ne voit point
,5 à celui du Cheval , a été accordé au Mulet.
,, Voilà donc un Animal qui doit fanaiffanceà
5, deux Animaux d'efpèce différente , qui a en
„ partage une Partie d'une (Iruôture très fingu-
5, lière , propre au Mâle ; c'efl un Fait dont la
55 connoiifance ne fauroit être indifférente à ceax
,, qui cherchent à répandre du jourfurlemyftè-
,5 re de la Génération , & qui penfent comme
„ Mr. deReaumur avec beaucoup de vraifem-
„ blance , que les Mulets de diiférentes efpèces
„ d'Animaux doivent nous fournir les Faits les
5, plus propres à décider laquelle des opinions
5, entre lelquelles on eft partagé , par raport à
„ cette importante matière 5 eft vraye."
J'OBSERVE d'abord, que Mr. Hérissant ne
dit point que l'Organe de la Voix du Mulet foit
préciféme'^t: fembtable à celui de l'Ane. Lacom-
paraifon qu'il a faite entre les deux Organes,
l'oblige à fe fervir des ^immiiï^presq^ue^àpeu
(«) nu, ftg i87.
Corps Orcanïsi's. %ê^
près. Il a donc aperçu des dijjemblances , & il eut
été à défirer qu'il les eut détaillées , & qu'il eut
pouffé le parallèle fur ce point effentiel jufqu'à
fes derniers termes. La queltion importante qu'il
s'agiffoic de décider Texigeoit abrolument. Je
fuis donc toujours très bien fonde à rappeller cet
habile Anatomifte à un examen plus fcrupuleux.
Il tenoit lui-même un fil qui pouvoit le condui-
re à la découverte du myfière de la Génération.
Il divife les Organes de la Voix en fimpks &
en compofés. Les premiers n'ont proprement que
la Glotte ; elle y conftituë feule la Partie effen-
tielle de riaftrument. Les autres ont , outre la
Glotte , une ou plufieurs Membranes tendineu-
fes , difpofées avec art , ou des efpèces de facs
plus ou moins amples, & plus ou moins épais,
tantôt membraneux, tantôt offeax , ou enfin
une efpèce de Caiffe ou de Tambour , & ce
font ces différentes pièces ajoutées k la Glotte ,
qui produifent ici les principales modifications dd
la Voix (^). C'eft à regret que je ne fais que
nommer des chofes fi peu connues encore , &
qui ont tant de droit à nôtre admiration ; mais ,
je fortirois de mon fujet en me laiffant entraîner
par le plaifir de les décrire.
Le Cheval & l'Ane ont tous deux des Orga-
nes compofés; cette remarque me paroît mériter
une grande attention. Il efl: vrai que l'Organe
de la Voix du Cheval eft bien moins compofé
(«) IbiL pag. %lx & aSs.
■t66 Considérations Sur Les
que celui de l'Ane. Il n'efl: formé que de la
Glotte & d'une Membrane triangulaire & ten-
dineufe , pofée à plat fur chaque extrémité des
Lèvres de la Glotte. C'efl: au jeu de cette Mem-
brane que font dûs les tons aigus du Z-?^;?;?///^^^;;/.
Il y a plus d'appareil dans l'Organe de la Voix
de l'Ane. Un profond enfoncement du Carti-
lage thyroïde , forme une efpèce de Caiffe ou
de Tambour. Ce Tambour effc recouvert d'une
Membrane tendineufe & lâche , pofée verticale-
ment , & à l'extrémité des Lèvres de la Glotte.
Là eft une petite ouverture qui communique dans
le Tambour. Au-delTus des Lèvres de la Glot-
te, font deux facs , qui ont chacun un trou pres-
que rond, taillé en bizeau, tourné du côté de
l'ouverture du Tambour Qa^,
Voila affurément un Organe bien compofè-î
mais toute cette compofition ne palTe pas dans
le MukL Mr. Hérissant l'infuiile aiïez , lors-
qu'il dit , que les Organes de la Voix du Mulet ,
font presque autant multipliés que ceux de la Voix
de rjne. Ceux-là ne le font donc pas autant
que ceux-ci. Les premiers ne renferment donc
pas toutes les pièces que nous offrent les féconds.
Le mot presque m'autorife fuffifamment à tirer
cette conféquence , fi conforme d'ailleurs à mes
principes.
On n'a pas encore examiné tous les recoins
du Larynx du Cheval. On n'en connoit pas tou-
tes les pièces qui , modifiées par le Sperme de
(fl) Ibîd, pag. 285 & 28<5.
Corps Organise' s. 2^7
TAne , peuvent faire paroître l'Organe de la Voix
du Mulet plus compofé que celui du Cheval.
Je ne veux pas me livrer aux conjectures qui
me viennent aéluellement dans l'erpric. Elles
n'auroient guères de fondement que dans mon
ignorance. J'attendrai de nouvelles lumières des
talens & de la dextérité de Mr. Hérissant , &
je m'en tiendrai aux Faits qui prouvent incon-
teftablement la préformation des Corps organi-
fés.
341. Que le Germe croît avant la Féconda*
tion : pourquoi il n'achève pas de fe déve-
lopper fans elle?
Les Oeufs croiflent dans les Poulets vierges:
leurs Ovaires en contiennent de toute grandeur.
Le Germe y croît donc auffi. Le Jawie eft une
Partie effentielle du Poulet (^), & le Jaune
exifte dans les Oeufs qui n'ont point été fécon-
dés. Pourquoi les fucs de la Poule qui peuvent
faire développer le Jaune , ne peuvent-ils opé-
rer le développement des autres Parties du Ger-
me? Pourquoi la Liqueur du Mâle eft -elle né-
celfaire à ce développement?
Certaines Parties réfîjîent plus que d'autres;
les Os 5 plus que les Membranes. Le repliement
ajoute à la réfiftance : l'Evolution eft plus diffi-
cile dans des Parties contournées , repliées , &
qui doivent s'étendre, fe redreifer, fe déployer.
Si le Cœur du Germe bat avant la Féconda-
^•) Âxtkles 242, 151.
ft6S Considérations Sur Les
don , c'eft trop foiblement pour farraonter la ré-
fiftance des Solides. La Liqueur féminale lui
imprime un nouveau degré d'aélivité. Elle aug-
mente la force impulfive. Elle le met en état
d'ouvrir davantage les Vaifleaux &c.
L'Incubation entretient cette adivité. Une
chaleur de 30 à 32. dégrés du Thermomètre de
Mr. DE Reaumur 5 eO: néceflaire pour faire éclor-
re les Poulets.
Les Oeufs qui n'ont pas été fécondés , fou-
tiennent cette chaleur pendant 30, 40, ou mê-
me 50. jours fans presque s'altérer. Gardés dans
un lieu frais les Oeufs inféconds , font encore
très mangeables au bout de cinq à fix mois (a).
Les Oeufs inféconds n'ont donc pas le même
principe de corruption qui réfide xlans les Oeufs
féconds Ceux - ci fe corrompent bien vite fous
"la Poule ou dans un four à Poulets lorfque l'Em-
brion ne parvient pas à s'y développer.
Ce principe de corruption efl donc du unique-
ment à la Fécondation. Un mouvement inteltin
hâte la corruption des humeurs. La Féconda-
tion occafionne donc un mouvement inceftin
dans les humeurs de l'Oeuf.
Ce mouvement différeroit-il de ceiui de la Cir-
culation , que la Fécondation augmente , & que
des accidens interrompent?
Si le Cœur du Germe battoitafîez fortement,
(«) Art de faire éclorre les Piulets, &c. par Mr. de R£AUUU&«
Tooa.H, pag. zgo, ôc luivantes de la 2^^. Edition.
Corps Organise' s. ^6^
avant la Fécondation, pour faire développer tou-
tes les Parties , pourquoi le Germe entier ne fe
développeroit-il point fans le fecours de la Li-
queur que le Mâle fournit?
342. Faits qui indiquent l'Emboitement.
Réponfe à un calcul contre cette Hypothèfe,
Je n'ai pas rejette la Dijfémination des Ger-
mes ; mais j'ai lailfé voir que je panchois vers
V Emboîtement. J'ai indiqué divers Faits qui le
favorifent. 11 en eft d'autres qui ne le favori-
fent pas moins. Je ne parle pas de Fœtus trou-
vés dans d'autres Fœtus : les hiftoires en font
trop fufpedes. Mais on a trouvé plus d'une
fois un Oeuf renfermé dans un autre Oeuf {a).
On a vu encore des Parties olfeufes d'un Fœ-
tus renfermées dans un autre Fœtus ([^),
On oppofeà V Emhoitement d'éfrayans calculs.'
Hartsoeker alTûroit que la première Graine fc*
roit à la dernière & la plus petite qui paroîtroit
la dernière année du foixanîième Siècle^ comms
r unité fuivie de trente mille zéros eft à r unité ^
d'où il concluoit que l'Emboitement étoit ab-
furde.
Mr. Bourguet lui a très bien répondu , &
en fa perfonne à tous les adverfaires de l'Emboi-
tement. J'inférerai ici fa réponfe, quoique un
peu longue.
(a') Hîjîoire de l' ^cadêmîe , 1742. pag. 42. oïl MM. PKtl"i^
& WiNSLOW atteOent ce fait.
(èjl Ibiit ^746, pag. 41. Jlr, Morand,
tjo Considérations Sur Les
„ Cet Auteur, dit- il Qa'), calcule la peti-
tefle d'un Grain de Semence fur le rapport
de groffeur qu'acquiert , par exemple , une
Plante dans une année ; au lieu que ce calcul
ne doit fe prendre , fi je ne me trompe , que
du tems qu'il faut, pour faire paroîcre le Grain
de Semence depuis la conception jufqu'à fa
maturité. J'appelle conception , l'état dans le-
quel eft une Graine dès que la précédente efl:
fortie de fa Plante féminale ; parce que l'ex-
périence a appris (F) que les Graines font déjà
dans la petite Plante , où elles croifTent dans
une certaine proportion , pendant que toutes
les Parties de la Plante qui les porte, croiffent
aulTi de leur côté. Cette proportion donc,
doit être prife , du tems qui fe palfe entre
cette efpèce de conception & l'entière per-
fe6tion de la Semence. Ainfi le même tems
qui eft employé à faire croître une Plante ou
un Arbre , fert dans des efpaces égaux à per-
fe6tionner une , ou plufieurs Générations de
Graines. Il femble que l'origine de l'équivo-
que vient de ce que Mr. Hartsoeker paroic
fuppofer,que les Auteurs qui fuivent le Syftè-
me des Développemens , croyent que toutes
les Parties qui forment le volume d'une Plan-
te dans fa parfaite grandeur, exiftoient aupara-
vant dans la Semence.
{a) Lettres Pbilofopbîques , &c. pag. 134. & fuivantes.
(&) lln'yavoit point d'expérience qui démontrât cela avant
ia découverte de Mr. de Haller fur la préexKtence du Poulet.
Mr. BouRGURT fuppofe donc ce qui étoit en quellion quand il
éciivgic. Voyez l'arc. 178.
Corps Organise' s. 271
?) On s'éloigneroit , fans doute,
beaucoup de la vérité , fi l'on jugeoit de la
5, petitefle primitive de la Semence des Plan-
„ tes , & de celle des Oeufs , dans l'hypothè-
„ fe de Mr. Hartsoeker lui-même , en les
5, comparant avec la grofleur &la grandeur que
55 ces divers Corps organifés acquièrent après
un certain tems plus ou moins confidérable.
Car cette comparaifon mèneroit infaillible- ■
ment à l'équivoque , que l'on doit éviter;
puis qu'il faudroit dire , en admettant le prin-
cipe de Mr. Hartsoeker , que les Oeufs
des Animaux d'une même efpèce auroient
été infiniment différens en grofleur, & que
^^ les Semences d'une même efpèce de Plante ,
5, feroient entièrement diflemblables. La gran-
5, de égalité que l'on remarque dans la Graine
de la plupart des Plantes , dès qu'elle com-
mence à paroitre , & celle qu'ont d'abord
les Oeufs de toute forte d'Animaux , ou leurs
prétendus Vers féminaux , ne détruit -elle
pas le fondement du calcul de Mr. Hart-
soeker ? 11 ne fmt pas même fonder telle-
ment le calcul dont il s'agit, fur le tems,
5, que Ton oublie d'avoir égard à la différente
,5 contexture des Germes & à mille circonftan-
55 ces qui rendent le Développement plus prompt
5, ou plus tardif : autrement il faudroit dire ,
„ qu'un Géant de trente ans, auroit vécu au-
„ tant de plus , que fa maife excède celle d*ua
5, Nain de même âge ".
,, Cependant , continue Mr. Bourguet j
3J
5?
55
??
55
55
55
55
55
55
35
55
55
35
33
273t Considérations Sur Les
3, fi Ton examine la que (lion de ce côté , il
„ paroitra que le calcul ne fera pas fi épouvan^
table , & Ton verra que les proportions y fe-
ront gardées , félon les mouvemens plus ou
moins prompts de la progreiïion que font
les Corps organifés dans leur accroiflement.
,5 Le moindre Jardin , & les Plantes les plus
communes fourniffent plufieurs exemples de
cette variété de progreffions, furquoi les Géo-
mètres n'ont point encore exercé la fcience
du calcul , fi je ne me trompe. Mais quelle
qu'ait été la proportion de la petitelfe de la
Graine de cette année avec celle de l'année
précédente dont elle eft ilTuë ; elle ne peut
être que comme le teras qu'il a fallu pour
rendre la dernière parfaitement femblable à
celle qui l'a précédé. Suppofons , par exem-
)5
J5
99
35
35
99
99
99
>'
55
55
55
5, pie 5 que la Graine dont nous parlons ait été
„ d'abord renfermée dans celle dont elle efl:
5, fortie , dans une raifon réciproque de fon
„ volume à cinq minutes ou trois cens fécon-
des 5 elle aura pu augmenter cent mille fois
fon volume dans une année , puis que trois
cens foixante- cinq jours , contiennent cinq
cens vingt-cinq mille & ftx cens minutes, 11
5, me paroit qu'il s'enfuit de là , que la Graine
„ qui parût la première année du Monde , au-
„ roit été à celle qui doit paroitre la dernière
5, année du foi xantième Siècle, comme le nora-
5, bre des minutes que contiennent {ml mille anSj
elt à cinq. Soixante Siècles n'ont que troii
miU
5»
55
55
55
55
Corps Organise' s. 273
55 miiliars , cent cinquante -trois millions ^ â?
55 fix-cens mille minutes. Cefi-là un nombre
53 fort petit en comparaifon de ceux que Mr.
5, Hartsoeker employé ".
Je prie qu'on relife l'Article 274, Hartsoe-
ker & fes pareils mettent ici les Sens & l'Ima-
gination à la place de l'Entendement pur. Ils
voudroient , pour ainfi dire , voir & palper ce
que la Raifon feule peut faifir.
343. Sentiment de Mr. BouRGUExy^r la
Génération.
Jugement fur cet Auteur*
Mr. Bourguet fuivoit une bonne routé
pour éclaircir la matière de la Génération. Mais,
il manquoit d'une multitude de Faits intéref-
fans , qui n'ont été découverts que bien des
années après la publication de fon Livre en
1729. Son Génie vrayement philofophique fe
feroit fûrement refufé aux nouvelles opinions
qu'on a tenté depuis peu d'introduire dans la
Phyfique des Corps Organifés. Il admettoit
leur préformation dans les Oeufs, & il ne re-
gardoit la Génération que comme un fimple
Développement , qui s'opéroit par l'influence
de la Liqueur féminale , qu'il confidéroit aufli
en qualité de Fluïde nourricier, il la dçfînif-
foit une Liqueur fpiritueufe , qui n\jî qu'un eX'
trait des Parties de V Animal qui la communi-
que Qay II admettoit encore le coiieours des
(a) Ibîd. pag. 149.
ToM. II. s
?5
99
99
^74 Considérations Sur les
deux Semences, & voici comment il concevoit
la Génération.
5, La Liqueur extraite des deux Animaux ,
difoit il C^)? ^^ mêle, & agit fur l'Oeuf ,
enforte que les Parties les plus fubtiles de la
Liqueur y entrent & s'uniflent avec le Fluï-
5, de qui environne la petite machine organifée,
^, y excitent un mouvement , qui met le petit
^5 Animal en état de fe développer, par la nour-
,, riture qu'elles lui fourniffent en s'infmuant
dans fes Organes , qui font alors d'une telle
délicatelfe , que toute autre nourriture ne
fauroit lui convenir. La quintefTence , pour
ainfi dire, du grand Animal, fert d'abord de
nourriture à TEmbrion ".
J'iGNORois les principes de cet habile Natu-
ralifte , lors que je compofois les Chapitres III.
V. & VI. du Tome I. de cet Ouvrage , &
puis qu'il m'a prévenu fur un point eiîentiel ,
je me fuis fait un devoir de le reconnoitre, en
tranfcrivant le paifage qu'on vient de lire. Il
auroit été à délirer , que cet eflimable Auteur
eût plus aprofondi fon idée fur la Liqueur fé-
minale, & qu'il l'eût appliquée plus en détail,
& avec plus de netteté aux divers cas qu'il s'é-
toit propofé de réfoudre. Il n'explique nulle
part comment fe forme cet E xîrait^ cette Quint-
ejjence du grand Animal , & quel mouvement il
imprime au Germe. Si Ton fe donne la peine
de lire la manière dont il entreprend de rendre
(a) Ibid,
59
35
5>
»9
Corps Organise' s.' 2j'5
i-aifon de la reflembhnce des Enfans au Père &
à la Mère, (^), des Mulets, desjumars (y)y
&c. on trouvera , je m'alîlire , qu'il n'a pas ti-
ré un aflez grand parti de fes principes , qu'il ne
les a pas allez analyfés , & l'on regrettera avec
moi , qu'il ait confumé à réfuter les Natures
Plaftiques , un tems précieux, qu'il auroit pu
employer plus utilement à creufer davantage fon
fujet, & à décompofer les Faits qu'il avoit en
main. Il dit d'excellentes choies llir le Mécha'*
nifme Organique Çf) ; mais tout cela ne m'a pa-
ru qu'ébauché , & j'aurois fouhaité par tout plus
de clarté , de précifion & d'analyfe. Sa défi-
nition du Méchûnifine Organique paroitra un
peu obfcure : il vouioit concilier divers Syftè-
mes. Le Méchanifine Orgainque ^ dit -il (^),
n^ejl autre cbofe que la comhinaifon du mouve^
ment d'une infinité de Molécules éthériennes^ ûè'ri'
ennes , aqueufes , olèa^ineufes , falines , terres*
ires &€. accommodées à des Sy/iémes particuliers
déterminés dès le commencement par la Sagef-
fe fuprême , ^ unis chacun à une ABiviîé ou
Monade fingulière & dominante , à laquelle cet*
les qui entrent dans fon Syjième font fuboràon»
nées.
Il s'explique un peu plus clairement dans le
paflage fuivant , qui forme avec le préccdenc la
(«) Ihii. pag. 154, & 155.
(6) Ihii. pa^. 161.
(c) Ma. pag. 142. & fuivantes,
Crf) lb'%L pag. 164. & I6S.
S %
njé Considérations Sur Les
concïufion de tous fes principes.
„ On peut, continue -t- il (^) , en fui*
^, vant cette idée fur le Méchanifine Organi-
„ que 5 concilier tous les Syftèraes , n'y en
j, ayant aucun qui ne contienne quelque véri-
^5 té. Les Moules fe trouvent dans toutes les
^, Parties du Corps humain : la figure idéale ou
35 figil'^^ ^e trouve dans les Parties les plus fpi-
5, ritueufes du Sperme des Mâles & des Fe-
.j, nielles , parce qu'elles renferment en petit
-„ tout ce qu'il y a de différens mouvemens
5, dans les grands Corps Organifés. Et c'efb
-j, l'opération de cette Liqueur , femblable à cel-
5, le des Elixirs & des Efprits de la fiçon des
5, Chymiftes , qui a donné lieu à tant de pen-
,5 fées bizarres , qu'on a débitées fur ce fujet ;
,, VEmhrion préformé , fe trouve enfin dans
5, l'Oeuf 5 au fens du Syfième des Développe-
'j, mens ^ qui contient les autres, fans en avoir
3, les difficultés. 11 y a beaucoup de confor-
j, mité entre l'emploi de la grande quantité de
3, matière qui fert à TaccroilTement des Plan-
-„ tes & des Animaux, & une infinité de dif-
'3, férens matériaux que les Hommes employent
j, dans les Arts raéchaniques. Il fe fait ici une
c„ circulation merveilleufe : ce que l'indullrie
:,, des Hommes & le Méchanifme organique
5, ôtent à la terre , lui efb rendu avec le tems
„ d'une autre manière. Tous les divers ma-
33 tériaux dont les Hommes fe fervent , ne
(«) îh%L pag. 165. It 2^5.
Corps Organise' s. 2^7
5, changent jamais de nature : ce n'efl que mê-
5, langes & arrangemens. De même les Molé-
'5, CLiles qui entrent dans les Corps Organifés,
,, peuvent en s'uniffant & en fe fcparant , former
,5 tous les changemens ncceffaires, lans qu'il y
,5 ait de véritable transformation dans l'intérieur
,5 des chofes. Elles fuffifent à tout , en reliant ce
5, qu'elles font , par le Méchanifme que Dieu
5, a inftitué dès le commencement. Les Corps
5, donc des Plantes & des Animaux font à la let-
53 tre des Petits Motides ; des Séries infinies en
5, leur genre qui renferment une infinité d'au-
5, très Séries dans des expreffions moindres à
5, l'infini.'*
Au refte , nôtre Auteur tiroit de la confidéra-
tion des Mulets un argument en fiveur de la
préexifience du Germe dans la Femelle. 11 faut
encore que je le laiffe parler lui-même; le pafla-
ge eft remarquable.
Rien ne me paroît plus propre, dit il (/T) ,
à prouver la réalité de l'action de l'extrait fpi-
55 ritueux des corps du Mâle & de la Femelle
5, fur le Fœtus 5 que l'exemple des Petits qui ont
5, été engendrés par des Animaux de diverfe efpè-
3, ce. L'on voit en Qi) Piémont des Jumarres
5, qu'on divife en deux efpèces : la première qui
5, vient d'une AneiTe & d'un Taureau eft ap-
59
?5
(a) Ibîd. pag. i6o. & fuivante.
ib) Voyez l'Hilloire Générale des Eglifes Evangcliques des
Vallées de Piémonc par Mr. Léger Chap. I. pag. 7 & 8. folio.
Xciden 1669.
s 3
fyg Considérations Sur Les
pellée />//, & la féconde qui vient d'une Ju-
ment & d'un Taureau eil appel] ée Baf. Ces
Animaux qui font v^^^tableme^t des Anes &
des Chevaux , parce que les Petits appartiens
nent à fefpèce de la Femelle (^) , portent néan-
moins des marques du Mâle jc'elt à-dire qu'ils
ont le Front un peu bolTu aux endroits où les
Taureaux ont des Cornes , leur Mâchoire eft
un peu plus courte l'une que l'autre , & leur
Queue tient quelque chofe de celle du Bœuf.
Quant aux Mulets qui font communs en Pié-
mont & dans tous les Pays méridionaux de
l'Europe ; comme l'Ane ne diffère pas autant
du Cheval que le Taureau , les efpèces font
plus confondues dans les Petits: cependant
les marques du Mâle y font fort fenfibles,
bien que le Mulet foit un Cheval , & non un
Ane vicie , comme l'on peut s'en convaincre
en l'examinant avec attention. Cette double
5, efpèce deMonftres prouve évidemment, que
5, les Corpufcules organif«:s primitifs font dans
j, les Oeufs des Femelles, & non dans le Sper-
„ me des Mâles , & que cette Liqueur mêlée
„ avec celle de la Femelle agit fur le corps pré-
„ exiilant organile, pour fon développement
„ & fa première nutrition. Les Enfms qui
,, naifTent d'un Père blanc & d'une Mère noire
3, ou d'une Mère blanche & d'un Père noir ,
(tf ) L'îrgument que Mr. Bourghet tire ici àz7>Mulets en fa-
veur de ' préexiftence du Germe dnns la Femelle, n'étoit pas
^Kci «.oncluant pour fonder cette affertion, qu'il n'auroit dû
donner en borne Logique que pour une fuppofition probible.
Voyei l'article 333. fur iz fin.
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Corps Organise' s, 279
„ prouvent abfolument la même chofe par ra-
,5 port aux Hommes. '*
QuAKD ceux qui ont écrit fur la Génération
depuis Mr. Bourguet , n'auroient fait que re-
manier fes principes , les perfeôlionner , les dé-
velopper , les appliquer à de nouveaux cas , ils
auroient , ce me lèmble , travaillé avec plus de
fruit , que n'ont fait en particulier les Auteurs
des nouvelles opinions.
344. Senîim&nt d'un Encyclopédifîe fur la
Génération.
Le fçavant Auteur de l'intérefTant Article Gé^
fiéraîlon dans l'Encyclopédie , a aufïï eflayéde
pénétrer le myftère ; mais , je ne fçais fi fa fo-
lution paroîcra lumineufe. Je la tranfcrirai néan-
moins , parce que je dois faire mention des fen-
tiraens des Phyficiens qui fe font le plus rapro-
chés de mes principes.
Si le Fœtus, dit cet Auteur (a) , eft pré-
exiftant dans l'Oeuf de la Mère , comment
fe peut-il que l'Enfant reiTemble à fon Père.?
Cette objeclion pafle communément pour ê-
5, tre infurmontable ; mais ne pourroit - on pas
la faire cefTer d'être telle , en répondant que
53 la difpofition des Organes de l'Embrion , a-
vant & après la Fécondation , dépend beau-
,5 coup de l'activité plus ou moins grande , avec
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(a) Ene^elop, Tom, VII. pag. 569. ide. Colonne vers lé
«iîicB.
S 4
48ô Considérations Sur Les
5, laquelle s'exerce , s'entretient la vie de la Mè-
„ re , & de Tinfluence de cette aftivité , pour
„ qu'il foit conformé de telle forte ou de telle
5, manière , analogue à celle dont cette même
5, aiSlion de la vie Qvîs vita^ dans la Mère a
,5 conformé fes propres Organes, & que cette
5, même difpoficion des Parties de l'Embrion ne
„ peut que dépendre auiTi plus ou moins de la
35 force avec laquelle elles ont été mifes en jeu
5, par l'effet de l'efprit f. minai du Père , dont
5, elles ont été imprégnées : d'où il s'enfuit
„ que la reifemblance tient plus ou moins du
5, Père ou de la Mère , félon que l'un ou
,3 l'autre a plus ou moins influé , par cela mê-
,5 me qu'il fournit dans la Génération & la for-
5, mation «Se le développement du Fœtus fur le
3, principe de vie & l'organifition de l'Embrion ,
35 qui en reçoit à proportion une forme plus ou
„ moins approchante de celle du Père ou de la
3, Mère ; ce qui peut rendre raifon , non feule-
3, ment de ce qu'on obferve par rapport à la
3, reffemblance quant à la figure , mais encore
,3 par rapport à celle du cnraâère. "
3^5. Sentiment de Mr. de HALLERy//r la
Génération,
Dans fes Corollaires mêlés fur le Poulet, pu-
blics à Laufanne en 1758 , Mr. de Haller
donne un léger précis de fes idées fur la Géné-
ration. C'ert une efpèce de folution qu'il dé-
duit de fes découvertes fur la Formation du Pou-
let, & qu'il préfente comme un réfultat de l'ob-
Corps Organise' s. 281
fervation. Je ne rendrois pas à cet Illiiftre Phy-
ficien toute la juftice qui lui eft due , & que
j'ai tant de plaifir à lui rendre , fi je ne plaçois
ici les premières ébauches d'une théorie qu'il
fçaura perfectionner & embellir dans fon grand
Ouvrage de la Phyfiologie,
Qu'on m'oppofe, dit -il (/z), l'exemple
des iVIulets, & des Animaux hprides ^ qui
5, eifedivement reffemblent fouvent au Mâle
par des marques diftinclives ; je croirois pou-
voir répondre encore. Mes preuves font di-
re6les : s'il n'y a pas quelque faute dans les
Faits, il ne lauroit y en avoir dans les Con-
5, clufions. Il feroit peu philofophique de dire
que l'Artère du Jaune efc née autrefois d'une
Artère de la Mère , qu'elle s'en eft détachée ,
dans la" ponte, & qu'elle s'eft entée fur un
bout d'Artère méfentérique du Fœtus préparé
pour elle : que la Veine en a fait de même,
& que le Jaune tout entier s'eft enté en mô-
me tems par un petit canal dans un Inteitiii
„ de l'Embrion.
„ Mais comment expliquer dans mon Syflè-
,5 me les grandes Oreilles du Mulet: les Pieds
„ de Poule de l'Oifeau né d'un Coq & d'une
„ Canne: le gros Bec de l'Oifeau bâtard, que
„ le Chardonneret a engendré avec' un Serin
„ femelle? Je nefcaurois l'expliquer méchani-
5, quement , mais je vais faire voir que ces phé-
(a) Mémoires fur la Formation du Poulet &.c. Mém II 'Seftion
XIII , pag. 189 &. lyo. ' *'
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282 GoNsiDiRATioNs Sur Les
5, nomènes ne font rien contre le Syflème des.
.5 O variées.
„ Le Sperme du Mâle a fans contredit le pou-
„ voir de faire croître quelque Partie de TAni-
„ mal plus que les autres: il fait croître les Poils
j, de la Barbe dans l'Individu , dont il fait par-
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tie , & il n'en fiit pas croître les Cheveux.
Il poulie les Cornes des Animaux , depuis le
Cerf jufqu'au Cerf volant, il prolonge les Dé-
fences des Sangliers & de l'Eléphant. S'il a
le pouvoir de faire germer de certaines Par-
ties du Corps plus que les autres dans le Corps
môme, qai le prépare, il peut l'avoir dans
le Corps du Fœtus , qu'il anime. Il peut
pouffer le Sang avec plus de force dans les
Artères de l'Oreille, ou du Bec, & l'objec-
tion efl réfoluë (^).
„ Il eft bien vrai, que maréponfe n'explique
pas le comment , ni le méchanifme , par le-
quel le Sperme du Mâle réveille le Germe de
rOreille , & en grandit le développement.
Mais je ne dois pas être obligé à expliquer
ce comment , pourvu que mes Faits foyent
avérés. L'influence du Sperme fur l'accroif-
fement de la Barbe & des Cornes, efl démon-
trée , quoi que le comment en foit peut-être
ignoré pour toûjor.rs."
Avant & après la publication des Poulets de
(fl) Il me femble q;ie cela ne fuffiroit pas pour rendre raifon
des changeaiens furprenans qui s'opèrent dans l'Organe de la
Voix du Mulet. Voyez ce que j'ai dit là- deflus dans les Ar-
ticles 331. & 33Û.
Corps Organise' s. 283
Mr. DE Haller 5 nous nous étions fouvent en-
tretenus par Lettres fur \2iGénération^ & j'avois
eu bien des occafions dem'airùrerquenoasp- a-
fions de même fur le développement , & fur l'in-
fluence de la Liqueur féminale. Cette confor-
mité, dont je fais gloire , m'a donné un peu de
confiance pour mes premières idées , & m'a en-
gagé à les retoucher avec plus de foin, àlesapro-
fondir davantage , & à les enchainer plus étroi-
tement les unes aux autres. C'eft ce que j'ai tâ-
ché d'exécuter dans ce Chapitre.
Une des difficultés que j'ai le plus preffées a-
vec Mr. de Haller , a été celle que préfente
l'accroilTement des Oeufs dans les Poules vier-
ges. Les Oeufs croijfent dans ces Poules , lui di-
fois - je ; le Germe y croît donc aujfi. Tour quoi
ne peut -il par le même moyen achever defe dé-
velopper ? Tour quoi lui faut - // le fecours de la
Fécondation ? Nous répondons que les fucs de la
Mère peuvent bien faire développer le "Jaune ^
mais non les Parties offeufes du Germe, Cepen-
dant les fucs de la Mère font développer ft s pro-
pres Os beaucoup plus durs. Je dis là-dejjus que
les Parties ojfeufes du Genne ne peuvent fe dé VC'
lopper que par l'action de [on Cœur , ^ que s'' il
bat avant la Fécondation , c'eft trop foiblQmenî,
La réponfe de mon Illaftre Confrère a été
telle que je l'avois prévue, y ai déjà parlé.,
m'écrivoit - il , delà faculté irritante du Sperme
Mâle dans ma Thyfiologie, Je crois la chofe
vraye. Car d'où vient queTEmbrion qui vivait
m croijjbit point? c*ejl que fes Faiffeaux nétoient
£84 Considérations Sur Les
pas dilatés. Et pourquoi ne rétoient-ils pas'^
ceft que le Cœur ne battoit pas avec ajjez de for-
ce. Et pourquoi cette force nouvelle après tac*
coupkment ? il ne s'eft rien pajfé a'eff'entiel que
Vaproche du Sperme du Mâle : la feule agitation
de P accouplement ne réveille pas ffans elle , l'Em-
hrion,
346. Nouvelle confiâération fur la Multi-
plication fans accouplement.
J'ai eflliyé dans l'Article 73 , de répondre à
la queftion, comment fe fak la Multiplication
fans accouplement ? J'ai préfentemenc une nou-
velle confidération à offrir. Les Infeéles qui
multiplient fans accouplement, & ceux qui mul-
tiplient de Bouture , font tous très mois : la plû-
' part font même gélatineux. Leurs Enibrions
doivent être bien plus mois, bien plus délicats
encore. Les Parties de ces Embrions réfiltent
donc infiniment peu.- Le Cœur ou l'Organe qui
en tient lieu , pourroit donc avoir aifez de for -
ce pour ouvrir par lui-même les Vaiffeaux, &.
pour furmonterla réfiitance de Solides qui n'ont
guères que la confiftence d'un Fluïde. Les In-
fectes fournis à la loi de l'accouplement ont plus
ou moins de Parties écailleufes & très -dures,
qui originairement réfiftent davantage que celles
qui doivent refter toujours molles ou même gé-
ladneufes.
Ainsi dans les Androg^nes , les fucs préparés
que la Mère envoyé aux Embrions , fufïifent
pour les faire développer. Les Mues des Oi-
Corps Organise* s. 285
féaux , celles des Infectes nous offrent des exem-
ples d'un développement analogue dans les Touts
très-organifés. Les Germes des nouvelles Plu-
mes , ceux des nouvelles Peaux fe développent
fans autre fecours que celui des fucs qu'ils reçoi-
vent de l'Individu. C'effc encore de la même
manière ou à peu près, que la Chenille fait croî-
tre le Papillon ( ^ ) , que l'Ecrevifle pouffe de
nouvelles Pattes (Z')? le Polype une nouvelle
Tête, &c. (^) Et comme je le difois dans
l'Article 7 3, la Multiplication fans accouplement
nous paroîtroit la plus naturelle, fi elle nous
étoit plus familière. 11 eft bien plus furprenanc
que pour produire un Individu , il faille le con-
cours de deux autres Individus.
Ca) Art. 160 & 161.
(b) Art. 262.
(c) Art. 264.
ft86 Considérations Sur les
CHAPITRE VIII.
Confidératîons fur la Formation des
Monftres.
Conclufton,
347. Difpuîe célèbre fur les Monflres.
Mon plan n'efl pas de traiter à fond des
Monflres, Cette matière aulTi variée que diffi-
cile 5 fourniroit feule à un gros volume. Je ne
j'ai que très légèrement effleurée dans le Cha-
pitre III. du Tome I. On connoit la longue
& fameufe difpute de MM. Lemery & Wins-
Low , qui ne finit que par la mort de l'un des
combattans. On combattoit de part & d'au-
tre avec des Monftres , & quand la viétoire ba-
lançoit, on recouroit aux fubtilités de là Mé-
taphyfique. Mr. Lemery foutenoit que la
formation des Monftres étoit due uniquement
à des caufes accidentelles , qu'il affignoit , &
qu'il favoit employer avec beaucoup de fagaci-
té & d'efprit. Mr. Winslow lailfoit là tout
cet attirail d'explications phyfiques , & le fca-
pel à la main , il prétendoit trouver dans cer-
tains Monftres des preuves inconteftables que
leur formation étoit due uniquement à des Oeufs
originairement monftrueux. Un Hiflorien (a)
digne de juger les deux célèbres Adverfaires,
(«) Mr. DB FONTENELLJE. / J \4,cHi>v /-» '-^
Corps Organise'*. 287
nous a donné la relation abrégée de leur com-
bat. On la lira avec plaifir dans l'Hiftoire de
FAcadémie Royale des Sciences pour l'année
1740.
348. Faits favorables à Vhypothèfe des eau-
fes accidentelles.
Ce n'eft point à moi à décider une queftion
qui a partagé , & qui partage encore les plus
grands Phyficiens -^ mais je dirai bien , que di-
vers Faits me paroiflent confirmer le fentiment.
de Mr. Lemery. J'en indiquerai quelques uns.
Si l'on nomme Monflre une Produclion or-
ganique 5 dont la conformation extérieure & in-
térieure diffère de celle qui efb propre à l'ef-
pèce , les Mulets feront de véritables B'Ionftres.
Faudra -t- il pour expliquer de tels Monftres
recourir à des Oeufs originairement monflrueux?
Je m'alfure qu'on ne le penfe point. Et puis ,
comment un Germe de Mulet vicndroit-il fe
préfenter à point nommé, au moment qu'un A-
ne féconderoit une Jument ? Voil^ donc déjà
une efpèce de Monilres qui doit fa formation
à des caufes purement phyjjqucsj & l'on a vu
dans le Chapitre précédent la manière naturel^
le dont j'ai tenté d'expliquer cette formation.
Une Branche fe colle à une autre Branche ,
un Fruit à un autre Fruit , une Feuille à une
autre Feuille , &c. & cette union acciàentelk
devient fi intime , que les deux Touts n'en for-
ment plus qu'un feul. Le quatrième Mémoif
288 Considérations Sur Les
re de mes Recherches fur rufage des Feuilles
dans les Plantes ^ préfence des exemples frap-
pans & variés de cette forte de Greffe , & de»
Moiiitruofités qui en réfultent.
Les Greffés que l'Art exécute foit fur les
Végétaux , foit fur les Animaux , donnent n?jf-
fance à d'autres Genres de Monftres. Je m'en
fuis beaucoup occupé dans cet Ouvrage , lors
que j'ai entrepris de rendre raifon des Reproduc-
tions végétales & animales. Ces Mondres ne
réfidoient pas originairement dans des Germes
qui les repréfentoient en petit. On pourroit les
nommer artifickh , par oppofition aux Monftres
purement naturels.
Ce qui fe pafle au grand jour entre deux
Branches qui fe collent l'une à l'autre , fe pafle
dans fobfcurité d'un Ovaire ou d'une Matrice
entre deux Oeufs qui viennent à fe toucher par
quelque point de leur furface. Deux Fœtus
humains qui ne font unis que par l'Epine , imi-
tent fort bien deux Branches ou deux Fruits
greffés />^r aproche.
On voit quelquefois des Oeufs qui renfer-
ment deux Jaunes. Ils renferment donc deux
Germes. Si ces Germes parvenoient à s'y dé-
velopper 5 il eft bien clair qu'ils pourroient fa-
cilement s'unir ou fe greffer par différens points
(ie leur extérieur. Telle étoit apparemment l'o-
rigine de ce Poulet monftrueux à quatre Jam-
bes & à quatre Pieds , que Mr. de Reaumur.
trouva
Corps Organise' s. sSp
trouva dans un Oeuf couvé pendant dix -neuf
jours ([^^). Cet excellent Phyficien recourt
lui-nxênie à Texplication que je viens de don-
ner, & il ne croit pas qu'on puifTe mettre la
choie en queftion. „ il y avoit eu, dit il ,
3, un Germe de plus dans cet Oeuf, que dans
3, le commun des Oeufs ; les deux Germes s'é-
3, toient réunis, & il n'étoit relié à l'extérieur
„ que les deux Cuifles , & les deux Jambes
5, de l'Animal d'un de ces Germes. Tout ce-
5, la, ajoute -t-il 5 n'eft pas nécelfaire à prou-
,3 ver."
J'ai infiflé bien des fois fur la délicatefîepro^
digieufe des Parties de l'Embrion. Je les ai re-
préfentées comme prefque fluides: Elles font
donc alors très - pénétrablcs. Dans cet état , il
efl facile que deux Germes fe confondent en
tout ou en partie. Une confufion entière en-
traîneroit la deftruélion totale des Organes :
mais , des Organes femhlaUes qui ne fe confon-
droîent qu'à moitié, pourroient fe réunir par
celles de leurs moitiés correfpondantes qui fub-
fifteroient , & ne former ainfi qu'un feul Or-
gane , un feul Tout individuel. C'ell de cette
manière que Mr. Lemery rendoit raifon d'un
Monftre humain à deux Têtes fur un feul Corps.
La diflTeflion faifoit , pour ainfi dire, toucher
au doigt la réunion des deux moitiés de deux
Fœtus , qui é toient parvenus à n'en compofer
(a) Mim. fur les hfsSieSi Toin. II. pag. 42, & 43.
JOM. II. T
î90 Considérations Sur Les
plus qu'un feul. Il faut lire dans l'Hiftoire de
l'Académie de 1740. le précis très clair & très
ingénieux des obier vations du fçavant Anato-
mifte.
Suivant cette hypothèfe , les Monflres par
excès , ou qui ont un ou plufieurs Membres
furnuméraires , les tiennent d'un autre Germe
dont tout le leile a péri.
. 349. Monftres par accident , âoj7î la for-
mation ne tient pas à P union de deux Ger-
mes,
Mais, il efl d'autres Monflres ^^r excès ^
dont l'origine eil très différente , & ceci méri-
te qu'on y falle attention. Un Fœtus humain
à 26 Côtes appartient bien à la clafle des
Monftres par excès, Mr. Hunauld , qui pof-
fédoit à un fi haut point l'art de voir & de dif-
féquer, a démontré que ces Côtes furnumérai-
res ne font dues qu'à un développement excef-
fif d'une efpècc d'appendice olfeux des Apo-
phyfes trmfverfes de la feptième Vertèbre. Je
ne détaillerai pas ce Fait remarquable : je dois
renvoyer mon Lecleur aux Mémoires de l'Aca-
démie des Sciences de 1740. pages 377. &
fuivantes de l'Edition in 4°.
Les mêmes caufes , ou des caufes analo-
gues , peuvent donner lieu à d'autres excès , &
conféquemment à d'autres Bïonftruofîîés , donc
il ne faUdroit pas chercher l'origine dans la con-
fufion partiale des Germes ou dans leur réu-
Corps O r g a n i s e' s. spr
tiion par une forte de Greffe. Le Sperme de
TA ne qui agrandie les Oreilles du Cheval & mo-
dilie fon Larynx , agit à peu près comme les
caufes dont nous parlons.
Des caufes contraires produiront les Mons-
tres/>^r définit ^ les plus faciles de tous à expli-
quer. Une certaine prefilon fur des folides en-
core gélatineux & qui fe touchent prefque ,
pourra auffi les réunir en une feule mafîe. Des
Fœtus humains qui n'ont que 20 ou 22 Côtes
font des efpèces de Monftres/'jr défaut, Mr.
HuNAULD démontroit encore que ce défaut pro-
venoit quelquefois de la réunion de deux Cô-
tes en une feule (^). L'on a vu une fembla-
ble réunion dans les Doigts , & dans quantité
d'autres Parties foit molles , foit offeufes. Que
dis -je! on a vu un Enfant de vingt-deux mois,
privé d'Articulations , & dont toute la Char-
pente 5 ne compofoit en quelque forte qu'un
feul Os (/O-
On imagine affés deî? caufes naturelles capa-
bles d'ahérer dans le Germe divers Organes,
d'en fuprimer l'Evolution en tout ou en partie,
de changer leu: forme , leurs proportions , leur
arrangement refpeccîf , &c. Ces changemens
qui paroiiTent prodigieux dans le Fœtus à ter-
me, & plus encore dans TEnfant, parce quç
(fl") Mémoire de V Jcadé^ni.e 1 740. pa'/e 377.
(fc) Mémoire de Mr. Lemery fur divers Monflres. Méoi.'
d$ l'Acad. 1740, pag. 439. & fuivantes,
T i
5^4 Considérations Sur Les
l'Evolution groffit tout , peuvent ne tenir dans
le Germe qu'à très -peu de chofe. Une Gelée
cède facilement aux moindres impulfions , &
revêt aifément de nouvelles formes. Au lieu
de s'étonner des Montres , on devroit bien plu-
tôt s'étonner qu'ils ne foyent pas plus communs
encore.
350. Divers exemples de Monflres,
Je ferois un Livre plus volumineux que ce-
lui-ci , fi je voulois feulement indiquer tous
les Monflres & toutes les Monftruofités de dif-
férens genres , dont les Anciens <Sc les Moder-
nes nous ont donné des defcriptions. Tantôt
c'eft une eipèce de Cyclope, fans Nez ni Bou-
che 5 & qui n'a qu'un Oeil au milieu du Front
((^). Tantôt c'eft un Fœtus abfolument privé
de Sexe & d'Anus (Z^). Tantôt c'eft un En-
fant qui porte fon Cœur pendu au Col comme
une Médaille (^). Une autre fois, c'eft un
Fœtus fans Cerveau , lans Cervelet , fans Moel-
le épinière , au moins apparens , car on a vu
de tels Monftres qui ont vécu plufieurs heures,
& qui ont pris de la nourriture (^'). Ailleurs
c'eft une Mafle prcfque informe qui n'a ni Tê-
te 5 ni Col , ni Omoplates , ni* Bras , ni Pou-
mon, ni Cœur, niEftomach, ni Rate, niPan^
créas , ni Inteftin grêle (^}. Voilà quelques
(a) Ibid. Mr. Mert 1709.
Ib) Ibid. Mr. Merv 1716.
(c) Ibid. Mr. DE Vaubonais, 17x2,
(d) Ibid. Mr. Mery 171 1.
(«} Jbid, Mr. Mehï t720.
Corps Organise 's. S93
exemples de Monftres par défaut , & de ceux
par tranfpofition ^^x\s dans refpèce humaine: en
voici quelques autres de Monftres/'^r excès.
On voit des Monftres i\ deux Têtes , pla-
cées à côté l'une de l'autre , & dont tout le
reite du Corps eft conformé comme à l'ordi-
naire ou à peu près Qa^. D'autres Monftres
ont avec deux Têtes , quatre Bras & quatre
jambes. Ces Monftres fe diverfiiient par la
manière dont fe fait la jonclion des deux Ger-
mes. Les deux Têtes ne fe trouvent pas tou-
jours placées à côté l'une de l'autre, & la fi-
tuation refpeclive des extrémités change en con-
lequence (^). Comme il eft des Monftres à
deux Têtes fur un feul Corps , il eft aulfi des
Monftres à deux Corps fous une feule Tête , &
chaque Corps a toutes les Parties qui font pro-
pres à l'elpèce (^). Quelquefois la jonélion
des deux Germes fe fîiit vers le milieu du Corps,
& fun des deux ne retient qu'une partie de fes
Membres : on a obfervé une Fille bien formée
qui avoit à la région de fEftomach la moitié
inférieure & les extrémités correfpondantes d'un
Fœtus (^).
Dans les Monftres par défaut^ une ou plu-
fieurs Parties s'effiicent , s'oblitèrent , périlTent.
Dans les Monftres par excès , une ou plufteurs
fa> Ihîd. Mr. Lemery 1724.
(i) Jbid. Mr. du Verney 1706.
le) Ibîd.
Id) Ibid, Mr. Wimhow.
T 3
294- Considérations Sur Les
Parties d'an Germe s'uniiTent , s'ûtiaftomofent
avec un autre Germe ; ou bien deux ou plu-
lieurs Parties d'un même Germe fe réunifient
pour n'en former qu'une feule. L'analogie en-
tre le? Parties fivorife cette imion , comme elle
favorife celle de la (Greffe avec fon Sujet,
On diroit que toutes les combinaifons pofli-
bles ayent été fûtes. Si deux Parties fe réunif-
fent pour n'en former qu'une feule , une Partie
tmique fe divife quelquefois pour en former deux
cliilincles & femblables. Une Femme qui avoic
eu plufieurs Enfms , & qui étoit morte à l'âge
de 40. ans d'une maladie de Poitrine , avoit une
double Matrice , très bien organifœ, & faite en
Cœur. Le Vagin étoit fmiple , mais il y avoit
au Col deux Orifices , qui répondoient à deux
Cavités ou à deux Matrices diilinéles & fembla-
bles. La lame interne du Péritoine les fépa-
roit & fournilToit à chacune une enveloppe par-
ticulière. L'infpeélion prouva que toutes deux
avoient été occupées, (ans qu'on pût dire quel-
le étoit celle qui l'a voit été le plus fouvent. Les
autres Parties du Vifcère, lavoir les Ovaires,
les Trompes , les Ligamens étoient comme dans
l'état naturel (^). Une pareille Matrice ren-
doit \q.% fuperfêtaîions Eiciles : elles font ordinai-
res chez les Animaux dont les Femelles ont,
comme celle du Lièvre , plufieurs Matrices.
On voit bien qu'il ne faut pas chercher l'ori-
gine de cette double Matrice dans l'union de
(a) Hijloire de VAcadimie des Sciences, an. I7S2.pag, 75 & 7^.
Corps Organise' s. 195
deux Germes. Elle avoit dépendu probablement
de caufes qui avoient agi lur le V^ifcère même ,
& en particulier fur la lame interne du Péritoi-
ne, qui l'avoient prolongée avec excès, & qui
en avoient dirigé l'Evolution de manière à en
fciire naître une duplicature monftrueufe.
351. Remarques importantes en faveur dei
Monftres par accident.
-Différences entre le Germe & le Fœtus , rêla"
îivement à la forme & à r arrangement des
Parties.
l'négaUiés dans l^ Evolution,
]b ferai fur les Monftres une remarque impor-
tante , & qui me paroît très favorable au Syltè-
me des Caufes accidentelles. Tandis que le Pou-
let efl encore dans fétat de Gerjne , toutes 'i.Q%
Parties ont des formes , des proportions , des
fituations qui diffèrent extrêmement de celles que
l'Evolution leur fera revêtir. Cela va au point,
que fi nous pouvions voir ce Germe en grand,
tel qu'il eil en petit , il nous feroit impoffible
de le reconnoître pour un Poulet. On n'a , pour
s'en convaincre , qu'à relire l'i^rticle 146. Le
Poulet étendu alors en ligne droite , ne préfen-
te , comme le Ver fpermatique , qu'une grofle
Tête & une Queue effilée , qui renferme les
ébauches du Tronc & des Extrémités. Cette
forme & cette fituation de la Charpente , qu'on
n'auroit fûrement pas devinée , peuvent rendre
faciles certaines unions entre deux Germes, qui
T4
zg6 Considérations Sur Les
cleviendroic;nt difficiles entre deu?: Erabrions un
peu développés, & abfoluraent impoffibles en-
tre deux Fœtus prefque à terme. Le Germe
n'eft, pour ainfi dire, compofé que d'une fuite
de points, qui formeront dans la fuite des lig-
nes. Ces lignes le prolongeront, fe multiplie-
ront & produiront des furfaces. L'Homme &
les Quadrupèdes , dans l'état de Germe , ont
fans doute auffi des formes & des fituations qui
ne relfemblent nullement à celles qu'ils acquier-
rent par le développement. De là des abouche-
mens , des anaflomofes entre deux ou plufieurs
Germes , qui donnent nailfance à différentes for-
tes de Monftres , dont la formation exerce la
fagacité du Phyficien. On remarque que les
Monftres p^.r excès , font plus communs chez
les Animaux qui produifent plufieurs petits à la
fois , que chez ceux qui n'en produifent qu'un
ou deux : c'eil qu'il doit arriver bien plus fré-
quemment dans les premiers que deux Germes
fe rencontrent que dans les derniers. La ftruc-
ture particulière des Ovaires , des Trompes,
des Matrices , & diverfes circonftances qui tien-
nent à tout cela , peuvent encore influer beau-
coup dans ces rencontres fortuites.
Enfin , toutes les Parties du Germe ne fe dé-
veloppent pas à la fois & uniformément: les
obfervations fur l'Incubation des Oeufs le dé-
montrent (^), & cette inégalité dan? l'Evolu-
tion doit modifier les effets du contad, de la
(ffl) Confultez Malpighi de Ovo încubato , & fur -tout le a^»
Mémoire de Mr. de Haller fur la Formation du Poulet.
Corps Organise' s.' ngj
prefîlon, de l'adhérence, de la pénétration ré-
ciproque , de la Greffe , &c. C'efb encore ici
une remarque importante , & elle n'a pas échap-
pé à Mr. LEMiiRY. Voici comment Mr. de
FoNTENELLE Ta rcnduë d'après les réflexions de
l'habile Phyficien. ,, 11 ne faut pas , dit-il (^a') ,
,5 fe repréfenter les deux Embrions qui fe dé-
5, truifent à demi l'un l'autre , comme deux j^ni-
„ maux qui ne diffèrent qu'en grandeur d'avec
5, des Animaux venus au jour. Ils en diffèrent
5, plus effentiellement , en ce qu'ils peuvent n'a-
voir pas encore toutes leurs Parties dévelop-
pées, ou en ce qu'ils les auront plus ou moins
développées les unes que les autres ; car com-
me on l'a vu dansl'Hiftoire de 1739. d'après
35
3*
5, Mr. Lemery même, j& dans_celle de 1701 ,
33
le développement du Fœtus eft non feulement
3, fucceffif ainfi qu'il doit l'être naturellement,
,-^ mais inégalement diftribiié entre fes différen-
„ tes Parties; cela dépend de fon âge. Parla
3, on conçoit aifément que telle Partie qui aura
,, été détruite par la preffion naturelle de deux
3, Fœtus, ne l'aura pas été par une preffion par-
„ faiteraent égale de deux autres , parce qu'elle
„ n'exiiloit pas encore dans ces deux derniers,
,5 qu'on fupofera plus jeunes." Il fe peut aulîi
5, que deux Embrions de différent âge, fe cho-
5, quent ou fe preffent, de fiiçon que ce qui
3, aura été détruit dans l'un , ne le foit pas dans
5, l'autre. Il fuffiroit même de la feule différen-
ce) Hijî. àeVAcad. 1740.
T5
apS Considérations Sur Les
5, ce de force avec un âge égal. Il doit naître
5, encore de ces principes généraux beaucoup
2, de variétés."
352. Autre remarque en faveur des Monjîres
par accident.
Différence entre le Germe ^ le Fœtus relati-
vement à la conftjlence.
Le Germe de l'Homme , celui d'un Quadru-
pède ou d'un Oifeau, ont après la fécondation ,
une confidence , qui probablement ne diffère pas
beaucoup de celle d'un Polype. Or , rien ne fa-
vorife plus f union entre des Touts organiques ,
que la dudt'dité des Parties , & la quantité ainfi
que la qualité des fucs dont elles font continuel-
lement abreuvées. Des gouttes de la même Ge-
lée ou d'une Gelée analogue n'ont pas de peine
à s'unir. Beaucoup moins d'analogie encore ., &
plus de confidence n'empêcheroient pas même
que deux Touts organiques ne puflent fe greffer.
Combien l'Ergot du Coq diffère-t-il de fa Crê-
te C^)^ L'Art, & affez fouvent lehazard, réu-
iiiffent des portions de Polype ou diffirens Po-
lypes, d'où naiffent cent fortes de Mondres.
J'ai raconté bien des merveilles en ce genre (^Z;).
Si Mr. Lemkry les avoit connues , avec quel
plaifir & avec quelle dextérité ne les auroit - il
pas fiit fervir à étayer fon hypothèfe !
Et qu'on ne dife pas que la fimplicité de l'or-
(û) Article 271.
(6) Chap. XI, Tom. I.
Corps Ouganise's. sp^
ganifation du Polype, ne permet pas que je le
compare ici à l'Homme & aux .i:;rands Animaux.
Combien de Parties fimïlaires dans ces derniers !
Combien encore de Parties diffimilaircs que l'Ex-
périence démontre pouvoir le réunir pour ne for-
mer qu'un feul Corps ! J'en ai raporté un bel
exemple dans l'Article 270 , que mon Lcéleur
voudra bien confulter. Si toutes les Parties qui
entrent dans la compofition d'une Cuifle , peu-
vent fe refaire & fe réunir, après avoir été cou-
pées & féparées entièrement , pourquoi deux
CuiiTes, deux Bras, deux Epines, &c. encore
gélatineux , ne pourroient-ils ié grelTer par apro-
che'l II efl d'ailleurs des Monltres dont la feule
infpeclion fuffit pour établir que leur formation
eit due à une pareille Greffe. Mr. Lemery en
produit des exemples décifits , & ceux que ]\îr.
WiNSLOW lui objecle, ne me femblent prouver
autre chofe , fmon qu'on ne fçauroit concevoir
dans certains Fœtus monfcrucux comment telle
ou telle union a pu s'opérer entre deux Germes.
Mais cet ïlluftre Anatomilteneferappelloitpas,
fans doute , les obfervations de Malpigiii fur le
Poulet , qui prouvent , comme celles de Mr.
DE Halleii , que la forme & la fituation des .
Parties du Germe, ne relfemblent point à celles
des Parties du Fcstus. Si nous pouvions fuivre
les progrès de la Greffe entre deux Germes , ob^
ferver les effets divers qu'elle y produit, & les
comparer enfuice aux changemens que l'Evolu-
tion amène infenfiblement , l'explication de ces
Monitres ne nous embarafieroit plus , & nous
300 Considérations Sur les
aurions le mot de l'énigme. Il en feroit de mê-
me encore , s'il nous écoit poffible d'opérer fur
deux Germes comme nous opérons fur deux
Polypes: nous produirions à volonté différentes
efpèces de Monllres humains.
353. Monftre qu'on cite en preuve de rexiften-
ce des Germes monftrueux.
Réflexions fur ce fujet.
Manière dont on peut concevoir que s' opèrent
certaines divifions accidentelles.
Comme il efl des unions dont on ne fçauroit
concevoir la manière , lors qu'on vient à les con-
fidérer dans l'Animal développé, il efl; auiïï des
divifions de Parties dont on ne fçauroit non plus
affigner la véritable caufe , fans que néanmoins
ni les unes ni les autres puiflent être regardées ,
en bonne Logique , comme des preuves incon*
tefliables de l'exiftence des Germes originaire-
ment momtrueux. On allègue cependant com-
me une démonfl:ration rigoureufe de l'exiflience
de pareils Germes , deux Cerveaux dans une feu-
le Tête ^ lefquels ^ dit Mr. Winslow (^), on
juger oit ajjèz facilement avoir été formés par la
confufion de deux Corps unis enfemhle; mais ^
ajoute - 1 - il , de ces deux Cerveaux fort oient des
Nerfs qui s'* accompagnaient deux à deux dans le
même Corps, Il demande là - deffus fi ces Nerfs
particuliers étoient de l'autre Corps qui aurait
été anéanti , excepté le Cerveau feul dont ils par-
(fl) Mémoires de l'Académie, an. 1741^ Vallisnieri a cité
ce cas.
Corps Organise' s. 301
îQÏent ? Il demande encore , comment ces Nerfs
avùient pu être tirés [euh du Corps anéanti , &
comment ils avoïent pu être ft artiflemefit ajfo-
ciés avec les Nerfs pareils du Corps confervé?
Aflurément , le fimple énoncé du Fait prouve
que ce Monflre ne devoit pas Ton origine à la
confufion de deux Germes , & à cet égard je
penfe comme Mr. Winslow ; je défirerois à
la vérité plus de détails. Mais , ce fçavant A-
cadémicien ne commet- il point ici le Sophifme
qu'on nomme émimération imparfaite P parce
que le Monllre dont il s'agit , ne devoit pas
fbn origine à la confufion de deux Germes, s'en-
fuit - il néceffairement qu'il la devoit h un Ger-
me originairement monftrueux ? Ne feroit - il
pas pofîible qu'il y eût des caufes accidentelles ,
i\ nous inconnues , capables de divifer dans le
Germe le Cerveau & les Nerfs ? Le cas en
queftion ne feroit - il point analogue à celui de
cette double Matrice dont j'ai parlé Ç*^)?
Encore une fois ; ce que nous ne jugeons
^2iS poljîble 5 quand nous le confidérons après
l'Evolution 5 & qui en effet ne l'eil plus alors ,
pourroit en certaines circonflances , que nous
ne fommes pas encore en état d'aiïïgner , s'o-
pérer facilement dans le Germe , fi dilférent en
tout du Fœtus à terme. Quelle conféquence
tirer de la forme , des proportions & de la il-
tuation relatives des Parties du Fœtus , à cel-
les des Parties du Germe , qu'on ne prendrojc
(«) Art. 350,
302 Considérations Sur Les
pas pour le même Animal ? Que (lavons- nous
môme ; car il doit être permis de haza^-der ici
des conjedures , quand on a foin d'avertir qu'on
ne les donne que pour celles ; que favons-nous ,
dis-je, il quelques-uns de ces Monilres h vmgc-
quatre Doigts, ou au moins à 21 ou 22 Doigts,
dont les exemples ne font pas bien rares, ne
tenoient point leurs Doigts furnuméraires d'une
diviuon accidentelle , opérée fur le Doigt voi-
fm , tandis que le Germe n'étoit prefque qu'u-
ne goutte de Fluïde épaiiîi ? Dans cet état de
mollefle extrême les Doigts du Germe , les
Tendons & les Vaiffeaux qui y aboutiifent , peu-
vent être comparés , en quelque forte , au Corps
du Polype , qu'on divife fuivant fi longueuif
& qui le réproduit enfuite. Comme I'Auteur
DE LA Nature a mis en réferve chez lesVé^é-
taux & chez les Animaux das Germes pour la
réproduélion & pour la multiplication des Touts
organiques C^), il a auiTi mis en réferve dans
chaque Partie d'un Tout organique, des Fibres
& des Fibrilles relatives aux divers cas fortuits
qui en exigeroient TEvolution, & qui pourroient
eux-mêmes la faire naître (^'^'). Ces Fibres &
ces Fibrilles n'ctoienc donc appellées à le déve-
lopper que lors que de tels cas furviendroient ,
& la divifion accidentelle en fuprimant f Evolu-
tion de beaucoup d'autresFibres,détourne au pro-
fit des Fibres mifes en réferve , les fucs nourri-
ciers qui auroient été employés à raccroiile-
(a) Art. 238. 153. & 257,
(b) Art. 236.
Corps Organis e's. 303
ment des autres. Ces Fibres fubfidiaires fe
prolongent donc en tout fens , & conféquem-
ment à la détermination fortuite qu'elles ont
reçue 5 & la Partie à qui elles appartiennent fe
répare & fe façonne, C'eft ainfi que je con-
cevrois qu'un Doigt encore gélatineux , divifé
par accident , pourroit fournir dans certains cas,
un Doigt de plus à la main ou au Pied. Des
VailTeaux , des Tendons , des Os déchirés , cou-
pés, frvicturés, rompus de mille manières dans
l'Adulte, fe réparent très -bien ; il s'y fût donc
de nouvelles Evolutions , qui fuppofent la pré-
exiilencc des Parties à développer. Combien
de playes énormes qui fe font parfiitement ci-
catrifées ! Quelles reifources n'ont pas été mé-
nagées dans le Règne végétnl & dans le Règne
animal par TIntelligencs adorable qui a
tout prévu & qui connoit seule le fond de fes
Oeuvres ! Je ne puis m'empêcher de rappeller
encore à mon Lecleur la Greffe fmgulière de
l'Ergot du Coq fur fa Crête , les Bandes liga-
raenteufes qui en naiifent & qui ne paroiffoienc
point exiller auparavant Ça^ , & la belle Ex-
périence que Mr. Duhamel a fi heureufemenc
exécutée far la CuifTe d'un Poulet (Z'). Quel-
le fource d'explications ces deux Expériences
ne nous ouvrent • elles point ! quelles idées ne
nous donnent- elles pas de l'œconomie organi-
que & des richefles de la Nature ! S'il fe fait
dans l'Adulte des réparations & des produélions
(o) Art. 271.
(&) Aît. 270»
3Ô4 CONSÎDERATIONS SûR LeS
qu'on n'eCic ofé prédire , quelles ne doivent pas
être celles qui peuvent s'opérer dans le Germe ,
dont toutes les Fibres font fi diicliles , & où
tout eil encore à développer ! Si les Doigts de
chaque Main & de chaque Pied fe touchoienc
dans le Germe , il arriveroit trop fouvent qu'ils
fe colleroient enlemble ; car dans des Farcies
aufli pénécrables , l'adhérence feroit facile ; je
conçois donc qu'il eft une caufe qui tend à les
tenir féparées & à prévenir leur union. Si cet-
te caufe , quelle qu'elle foit , aidée du concours
de circonftances particulières , agiifoit trop for-
tement, il feroit poffible qu'elle tendit alors à
divifer les Os du Métacarpe & du Métatarfe ,
& avec eux les Doigts correfpondans. Les Os
qui réfiileroient le moins , feroient ceux qui
feroient les plus expofés à cette divifion acci-
dentelle.
354. Influence que peut avoir la Liqueur fé'
mlnale fur la formation des Monjîres.
Il exifle peut-être une autre caufe à^Mons-
truofités plus cachée , & dont il feroit pofiible
que les eifets fe diverfifialfent beaucoup & mê-
me fe propageaifent. Je veux parler des modi-
fications fortuites qui peuvent furvenir aux Or-
ganes de la Génération des Mâles , en vertu
defquelles ils fépareroient plus ou moins des
Molécules apropriées à telle ou telle Partie du
Germe , ou des Molécules d'une activité &
d*une qualité différentes de celles qui font pro-
pres à l'efpècc. L'on
Corps Organise' s. 305
L'on a pu juger par l'expofé de mes princi-
pes fur la formation du Mulet , jufqu'oii peut
aller l'influence de la Liqueur féminale fur les
Solides du Germe. Il eft déjà démontré qu'el-
le ne modifie pas feulement l'extérieur , mais
qu'elle modifie encore l'intérieur ; & qu'elle
change en particulier toute l'œconomie du La-
rynx. Nous ne favons pas précifément com-
ment cela s'opère ; mais nous fommes très-aflu-
rés que le Fait exifle & qu'il n'exifte que par
l'intervention du Sperme. Savons -nous mieux
comment cette Liqueur f^iit croître un Bois de
Cerf, une Défence, une Crète, &c.?
Il y a donc dans les Organes de la Généra-
tion de l'Ane quelque choie qui correfpond à
fon Larynx , & qui fe communique à celui du
Germe. La conféquence ell: légitime , puisque
l'Organe de la Voix du Cheval imite conflam-
ment celui de l'Ane , toutes les fois que le pre-
mier a dû fon développement à l'adion de- la
Liqueur féminale du dernier.
Supposons maintenant que la Partie des Or-
■ ganes de la Génération de l'Ane , qui répond à
fon Larynx , change par accident , & qu elle
vienne à imiter celle de l'Organe de la Géné-
ration du Cheval, qui correfpond aufll à fon La-
rynx; il en réfulteroit , par la copulation , un
Mulet dont l'extérieur feroit celui du Mulet or-
dinaire , mais dont la Voix imiteroit celle du
Cheval.
ToM. IL Y
3o6 Considérations Sur Les
Ainsi en fuppofant d'autres fortes de modi-
fications dans les Organes de la Génération de
l'Individu fécondateur, on auroit d'autres réful-
tats dans le Germe fécondé.
Le Mulet n''engendre point : les Organes de
la Génération du Cheval Ibuffrent donc un chan-
gement par la différence du Sperme qui fécon-
de le Germe. Le Sperme de l'Ane ne peut
donc les développer en entier comme le fait
celui du Cheval. Le développement parfait de
ces Organes dé{)end donc originairement du
concours de la Liqueur fécondante propre à leur
efpèce.
Mais , fi la modification furvenuë dans le
Germe à ces Organes , n'étoit pas de nature à
entraîner la jîérïlité , l'Animal en contracleroit
la capacité de produire des Monjîres ^ qui pour-
roient eux-mêmes en produire d'autres , avec
de nouvelles modifications que la fubféquence
des Générations & diverfes circonftances fe-
roient naître peu à peu , & qui changeroienc
infenfiblement les effets de l'imprellion primi-
tive.
355. Famille de Monjlres qui fe propagent.
Ce feroit fur de femblables principes que je
tenterois d'expliquer le plus embarafiant de tous
les Faits, & fur la certitude duquel nous ne
faurions former le moindre doute. Je ne l'ai
encore qu'indiqué , & je redoutois d'avoir à en
entreprendre l'explication. Il faut pourtant que
Corps Organise' s. 307
je le tranfcrive, & que je tâche de ranalyfer. Si
je l'omettois , on auroit droit de me l'objeder.
Nous le devons à un excellent Obfervateur , Mr.
GoDEHEu DE RiviLLE Commandeur de Malte
& Correfpondantde l'Académie Royale des Scien-
ces , qui en a communiqué la relation à Mr. de
Reaûmur : la voici telle que cet Illuftre Acadé-
micien l'a publiée dans Ton Jrî de faire èclorre
les Poulets T.ome IL pages 377. «Se fuivantes de
la féconde Edition.
5, G RATIO Kalleia , né d'un Père qui avoit
5, lept Enfans , eft venu au monde avec llx
j, Doigts aux Mains & aux Pieds; les fix Doigts
3, des Mains font parfaitement bien formés , il
55 les remue tous avec une égale facilité; celui
5, qui eft de furplus , tient de l'index & du mé-
5, dius* Ceux des Pieds font difformes, & for-
5, ment une efpèce de couronne qui rend le Pied
55 d'une figure défagréable. Ce Gratio Kalleïa
5, s'étant marié à i'àge de vingt -deux ans, a eu
^, quatre Enfans , Salvator , George , André &
5, Marie. Salvator l'aîné de tous eft né avec
„ fix Doigts aux Mains & aux Pieds ; les Mains
„ ne font pas auiîi bien formées que celles du
„ Père, mais les Doigts des Pieds font bien ar-
„ rangés; le fixième Doigt eft un peu plus court
5, que les autres , mais cela n'empêche pas que
„ îe Pied ne foit d'une belle forme. Ce Salva-
„ tor s'eft marié à fàge de dix -neuf ans, & a
,, eu jufqu'à préfent deux Garçons & une Fille
5, avec fix Doigts aux Mains & aux Pieds , &
V 2
3o8 Considérations Sur Les
j3 un autre Garçon qui n'en a que cinq.
,, George fécond fils de Graîio^ eft né avec
^, cinq Doigts aux Mains & aux Pieds. On remar-
j, que cependant une difformité dans les Mains ;
lès deux Pouces font plus longs & plus gros
3*»
qu ils ne devroient l'être , & en les maniant
on fent dans le milieu une efpèce de répara-
tion comme s'il y avoit deux Doigts renfer-
més fous une même Peau. Les cinq Doigts
des Pieds font à fordinaire , exceptés les deux
premiers Doigts du Pied gauche , qui font col-
lés enfemble. Ce George s'étant marié, a
eu trois Filles & un Garçon ; les deux Filles
5?
>3
aux Pieds , & la troifième qui a fix Doigts à
chaque Main & au Pied droit , n'en a que
cinq au Pied gauche qui eft très - bien formé.
Le Garçon qui ei1; encore à la mamelle n'a
que cinq Doigts aux Mains & aux Pieds.
5, André', troifième iîls de Graîio^ eft né
avec cinq Doigts bien formés à chaque Mem-
bre , & a fait plufieurs Enfans qui n'ont au-
cune difformité.
„ Marie fille de Gratîo , eft née avec cinq
5, Doigts aux Mains & aux Pieds, mais elle a
39
55
55
35
35
dans les deux Pouces la même difformité que
George. Les cinq Doigts des Pieds font à
l'ordinaire. Elle s'eft mariée à Page de dix-
huit ans , & a eu deux Garçons & deux
Filles ; un des Garçons a fix Doigts à un Pied ,
& les trois autres font formés à l'ordinaire-
Corps Organise' s. 309
„ Il flmt remarquer que les Enfansde Geor-
5, ge qui ont fix Doigts, font, pour ainfi dire,
3, elbopiés; à peine peuvent -ils fe fervir de
5, leurs Mains pour fliire quelque travail; un de
5, ces Knfans a deux Doigts lans ongle, & un
5, autre en a deux crochus , & presque paraly-
5, tiques : la difformité des Mains de George
5, auroit-elle pafle dans fes Enfans? Les Fils
5, de Salvator ont les Mains & les Pieds mieux
55 formés, & ils peuvent travailler. Je m'inté-
9, relfe au mariage de fa Fille , qui a déjà qua-
5, torze ans, & dont les Pieds & les Mains ne
5, font aucunement difformes; je fuis curieux
3, de favoir fi elle aura des Enfans à fix Doigts ,
,, quoi qu'elle époufe un Mari qui n'en ait que
5, cinq. Si cela arrive , voilà des exemples con-
5, traires , & alors il fera vrai de dire que le
5, principe de la Génération réfide dans l'un &
3, l'autre fexe. Nous avons déjà pour première
5, preuve, Marie Fille de Gratio ^ qui a eu un
5, Garçon avec fix Doigts au Pied gauche , mais
35
la Fille de ce Salvator pourra nous fournir
5, quelque chofe de plus inil:ru6lif. ''
Ce Grntio qui avoit ûx Doigts aux Mains &
aux Pieds, mais dont les Pieds étoient diffor-
mes 3 a donc eu trois Fils & une Fille , Salva"
tor ^ George y Andréa Marie.
Salvator eft né , comme fon Père , avec
fix Doigts aux Mains & aux Pieds; ceux-ci
font bien formés , le fixième Doigt eft feulement
un peu plus court que les autres \ mais les Mains
V 3
310 Considérations Sur Les
p^ font pas auffi bien faites que celles de Ton
Père.
Il a eu deux Fils & une Fille à vingt-quatre
Doigts, & un autre Fils qui n'en a que vingt.
Geokge , né avec cinq Doigts aux Mains &
aux Pieds, a néanmoins une difformité dans les
Mains; Tes deux Pouces font plus gros & plus
longs qu'ils ne devroient fctre, & lors qu'on
les manie , Ton fent dans le milieu une féparation
qui indique qu'ils font doubles. Il a encore une
efpèce de difformité au Pied gauche , les deux
premiers Doigts font collés l'un à l'autre.
Il a eu un Fils & trois Filles. Le Fils a les
Mains & les Pieds conformés h l'ordinaire. Les
deux Filles aînées ont fix Doigts aux Mains &
aux Pieds; mais la Cadette qui a fix Doigts à
chaque Main & au Pied droit, n'en a que cinq
au Pied gauche.
Remarquez que îesFnfans de George qui ont
fix Doigts , font , en quelque forte , eftropiés ,
& qu'ils ne peuvent fe fervir de leurs Mains
pour travailler.
André', troifième Fils de Gratio , ell: venu
au monde avec cinq Doigts bien formés aux
Mains & aux Pieds, & il a fait plufieurs En-
flms qui n'offrent aucune Monilruofité.
Marie , Fille de Gratio , efl née avec cinq
Doigts aux Mains & aux Pieds ; mais elle a dans
les deux Pouces la même difformité que George
îbn Frère.
Corps Organise'». 311
Elle a mis au monde deux Fils & deux Fil-
les ; un des Fils a fix Doigts à un Pied. Les
trois autres Enfans ne renferment rien de mon-
llrueux.
356. Ejpii d'explication des Blonfires qui fs
propagent.
Nouveaux éclair cijfemens desFrincipes de V Au-
teur fur la Génération,
pAi récapitulé les principales circonflances du
Fait , afin que mon Leéieur les faifît mieux.
Voilà donc une Famille de Monftres , qui fe pro-
pagent , mais avec des variétés plus ou moins
remarquables , & que l'ignorance des caufes por-
teroit à regarder comme des bizarreries. La
fréquence & la propagation du phénomène ne
permettent pas , ce me femble , de recourir ici
à l'hypothèfe des Germes originairemcBt mon-
llrueux.
G RATIO , Monftre à vingt -quatre Doigts,
tranfmet donc fes Monftruofités , en tout ou en
partie , à la plupart de fes Enfans.
Comme il effc démontré que le Germe appar-
tient à la Femelle, & qu'il préexiile à la Fécon*
dation (<^), on ne fçauroit refufer d'admettre
que les Enfans de Gratio ne fuifent originaire-
ment bien conformés. Les Germes qui les re-
préfentoient très en petit n'avoient que cinq
Doigts aux Mains & aux Pieds.
(«) Art. 142, IS4» I5<5.
V 4
512 Considérations Sur Les
Ils ne font devenus des Mûnjîres que par l'ac-
te de la Génération.
Cet aéle n*envoye au Germe qu'une Liqueur.
Cette Liqueur a donc renfermé quelque chofe
qui a fait naître la Monltruonté.
Pour que la Liqueur fécondante aye renfer-
mé cette chofe, fource de la Mondruofité , il a
fallu que les Organes de Gratio qui l'ont prépa-
rée, renfennafTent une autre chofe, qui corref-
pondiiTe à la conformation monftrueufe de fes
Mains & de fes Pieds.
Un accident, à nous inconnu , avoit donc
modifié les Organes de la Génération de Gratio ,
dans un rapport plus ou moins déterminé à la
difformité dont il s'agit.
Cette difformité eft par excès , & cet excès
fuppofe que les Molécules du vSperme apropriées
à l'Evolution des Mains & des Pieds , étoient
plus a6lives ou plus abondantes dans Gratio ^
qu'elles n'ont coutume d*être dans l'Homme.
Puisque la Monftruofité s'eft propagés , le cas
revient à celui du Mulet. Le Sperme de l'Ane
agit par excès fur le Germe du Cheval: il y mo-
difie fingulièrement l'Organe de la Voix. 11 y a
donc dans le^ Organes de la Génération de l'Ane
quelque chofe d'excédent^ qui ne fe trouve pas
dans ceux du Cheval..
Tl y avoit donc dans les Organes de la Géné-
ration de Gratio^ quelque chofe d'excédent^ qui
ne fe rencontre pas communément dansl'efpèce
humaine.
Corps Organise' s. 313
Ces Organes renfermoicnt donc chez Gratio
plus de Vailîeaux fécrétoires d'un certain genre ,
ou des Vaifleaux autrement conftitués que chez
le commun des Hommes.
Ainsi la Liqueur féminale de Gratio a pu a-
gir fur les Germes de ^qs, Enfans dans un cer-
tain rapport aux difformités de leur Père.
Elle n'y aura pas engendré de nouvelles Par-
ties , dont les ébauches n'exiltoient point aupa-
ravant : il ell allez établi que rien n'eit engen-
dré. Mais , elle y aura déterminé avec plus de
force & fuivant des directions contraires à l'ordre
naturel^ l'Evolution de différentes Parties ibic
membraneuies , foit cartilagineufes ou oileufes
du Métacarpe & du Métatarfe. Elle y aura oc-
cafionné des divifions & un excès d'accroilfe-
ment, qui auront donné naiffance à ces Monftruo-
fités dont nous tâchons de découvrir les caufes.
Les Solides font originairement formés de di-
verfes lames , que fArt fçait démontrer en les
féparant. Ces lames font les rudimens des Par-
ties que le Germe offrira dans la fuite plus en
grand. Ce que l'Art exécute fur de pareilles
lames, 4es caufes naturelles ne pourroient- elles
l'opérer aulfi ? Une trop forte im.pulfion d'une
Liqueur très-aélive , ou une certaine manière d'a-
gir de cette Liqueur , ne pourroient-elles fcparer
quelques-unes de ces lames, qui deviendroient
ainfi le principe de Parties furnuméraires?
Il faut bien que la Liqueur féminale produife
V 5
314 Considérations Sur Les
cet effet ou un effet analogue , puis que la Mon-
ftruoficé fe propage , & qu'il eft prouve: que cet-
te Liqueur n'engendre rien. Il exilloit donc a-
vaut fon îactiondes Parties qu'elle a multipliées,
& qu elle n'a pu multiplier , qu'en les divilant &
en les fiiifant croître avec excès.
L'on juge facilement que cette Evolution con-
tre nature doit être toujours plus ou moins irré-
gulière. Les Parties excédentes ne fçauroient
être conformées extérieurement & intérieurement
d'une manière précifcment femblable à celle dont
font conformées les Parties qui fe développent
dans f ordre naturel. Celles - là doivent différer
de celles-ci par des caractères plus ou moins
marqués & plus ou moins nombreux. La dif-
fection nous donneroit ces caractères, comme
elle nous donne ceux du Mulet, Mais , nous
n'avons point la dilfeélion des Mains & des
Pieds de Gratio, ni celle des Mains & des Pieds
de fes Enfans. La difformité qu'on remarquoit
dans la conformation des Pieds du premier &
dans celle des Mains de fes deux Fils aînés & de
fa Fille, prouve fufîifamment que l'Evolution
avoit été irrégulière.
Mais , fi l'adtion d'un certain Sperme modifie
extraordinairemenî différentes Parties d'un Ger-
me , cette a6tion peut être modifiée , à fon
tour, par la conftitution particulière & parla
réfiftance de ces Parties dans d'autres Germes de
la même efpèce : car on m'accordera fans peine
que les Germes fpécifiqueiiient femblables , peu-
vent ne fètre pas individuellement.
Corps Organise' s. 315
Il arrivera de là, que la même Liqueur fé-
n-iinale ne produira pas les mêmes effets eflen-
tiels far tous les Germes qu'elle fécondera. El-
le eft très-hécérogène , & les Solides des Ger-
mes ne le font pas moins. Et combien de cir-
conftances concomitantes & fubfcquentes qui
peuvent faire naître de nouvelles irrégularités !
Si la conftitution originelle des Solides efl:
telle qu'ils retiennent leur conformation primi-
tive & qu'ils ne fe laiflent point xiivifer ou al-
térer^ la Liqueur féminale du Moniire fe bor-
nera à faire développer le Germe , & ce Ger-
me ne fera point un Monftre.
; C'est ainfi (\\ji André , troifième Fils de Gra-
tio, a pu venir au jour fans aucune difformité,
au moins fenfible , & il n'eft pas furprenant qu'il
ait £iit des Lnfans qui lui ayent relTemblé en
ce point.
' "Mais, les Enfans monftrueux de Grailo ont
fait au fil des Enfans 7nonfîrueux\ Comment
la Mdhdruofité s'eft elle propagée ? C'elt ici,
ce me femble , la partie la plus difficile du pro-
blème.
Je n'abandonnerai pas les principes que j'ai
tâché d'établir dans le Chapitre précédent Ar-
ticles 332 & 33(5. Puisque les Enfans mons-
trueux de Grûtio ont engendré des Monfires ,
il faut, fuivant mes principes , que la Liqueur
féminale du Père ait agi fur lesOr^.fanes de la
Génération de fes Enfans , de manière à mo-
difier ces Organes dans un raport à la Mons-
3i6 Considérations Sur les
truofité en queition. On voudra bien conful-
ter encore l'Article 354.
J'ai admis cela pour les Organes de la Gé-
nération de* l'Ayeul , & j'en ai dit la raifon. En
même tems que la Liqueur férainale de celui-
ci a agi fur les Mains & fur les Pieds de fes
Enfans , elle aura agi encore fur la Partie des
Organes de la Génération qui correfpondoit dans
les Enfans , à leurs extrémités fupérieures & in-
férieures. Elle aura imprimé ainfi à ces Orga-
nes une difpofition à réproduire la Monftruo-
fité.
Je ne fais fi je me trompe ; mais il me pa-
roit que la conféquence eil néceffaire. Poar
qu'une certaine propagation s'opère , il faut que
les Organes qui fervent à la propagation , ayent
un certain raport avec la chofe à propagea
Je ne puis dire précifément en quoi confifle
ce raport^ parce que la itru6lure intime des
Organes de la Génération ne m'eft pas con-
nue. Je conçois feulement que comme leFoye,
par exemple , eft conftruit de manière à fépa-
rer & à préparer la Bile ; il y a de maême dans
les Organes dé la Génération , des efpèces de très-
petits Vifcères qui féparent & préparent les Mo-
lécules relatives aux différentes Parties du Tout.
Si la ftruélure du Foye changeoit , il eft bien
évident qu'il ne fépareroit plus la Bile comme
auparavant. De même aufli , quand les petits
Vifcères que je fuppofe contenus dans les Or-
ganes de la Génération , viennent à changer.
Corps Organise' s. 317
ies fécrétions pafticuîières doivent changer pa-
reillement , foit en plus ou en moins , Ibit re-
lativement aux qualités des Molécules répa-
rées.
Le nombre prodigieux des différens Vaif-
feaux, dont font compofés les Organes qui pré-
parent la Liqueur féminale , leurs entrelacemens
merveilleux , leurs plis & leurs replis , leurs
circonvolutions , leur fineile extrême, nous don-
nent les plus grandes idées de la ftrufture de
ces Organes , & peuvent nous aider à conce-
voir la poffibilité de la compofition que je leur
fuppofe. Combien nôtre admiration ne s'ac-
croitroit-elle point , s'il nous étoit permis de dé-
mêler toute cette compofition , & d'obferver
nettement la forme , le jeu & les opérations
diverfes de cette multitude innombrable de Vaif-
feaux fécrétoires ! Les belles découvertes de
Mr. Ferrein (^) fur la flru6ture des Vifcè-
res nommés glanduleux , rendent ceci plus frap-
pant encore. Les Anatomiftes fa vent queMAL-
piGHi avoit penfé que le Foye , la Rate , les
Reins , &c. étoient compofés d'un nombre pres-
que infini de petites Glandes. Ils favent enco-
re que RuYscH s'étoit élevé contre ce fenti-
ment, & qu'il prétendoit avoir découvert que
ces Vifcères étoient formés uniquement de l'en-
trelacement d'une multitude de petits ^'aii^eaux
fanguins. Mr. Ferrein , qui a percé bien
{a) Mémoire fur la Stru&ure de^ Vifcères rmnmés glanduîeuK,
^ particulièrement fur celle des Reins ^ du Foy. Mèm. de
l'4ca>d. Ro'^ule des Sciences, an. 1749. pag. 489. & fuivantes.
3i8 Considérations Sur les
plus avant que ces grands Phyficiens , dans ror-
ganifation des Vifcères , a démontré la faufle-
té de leurs opinions. Il a vCi & revu avec é-
tonnement, que la fubftance propre du Foye &
des Reins, étoit toute compofée d'une infinité
de très-petits Tuïaux, blancs, cylindriques , re-
pliés fur eux-mêmes de mille manières diffé-
rentes , & dont l'admirable aflèmblage n*a rien
de commun , ni avec les Glandules de M a l-
piGHi , ni avec les Pelotons vafculeux de
RuYscH. Une injeclion rouge , fort pénétran-
te , n'a point paile dans ces petits Tuïaux , &
la couleur blanche de la fubllance propre , n'en
a pas été le moins du monde altérée. Mr. Fer-
rein a retrouvé la même ftruélure dans d'autres
Vifcères, & de Graaf avoit prouvé qu'elle
efi: auffi celle de l'Organe qui prépare la Liqueur
féminale.
La découverte de ce Syllème merveilleux
de Tuïaux, eft un des grands pas que l'Anato-
mie ait fait de nos jours, & la fagacité de l'habi-
le Académicien brille dansfon expofition. Mais,
il y a bien loin , fans doute , du point où il ell
parvenu à celui oii nous défirerions d'aller. Que
de chofes intéreifa-ntes & qui nous feront long-
tems inconnues ne renferment point ces pe-
tits cylindres creux , fi artidement groupés , re-
pliés, contournés ! Quelle diverfité ne peut- il
pas y avoir dans leur forme intérieuie, dans leur
tiffu, dans leur calibre, dans leurs fondions,
&c. 1 fi l'on réfléchit fur tout cela , l'on trou-
vera 5 je m'alFure , que moû hypothéfè n'eft pas
Corps Organise' a. 319
dépourvue de fondement dans la Nature ; car
ces petits Tuïaux, ou différentes portions d'un
même Tuïau , peuvent fournir à l'Organe des
Filtres de différens ordres. On ne revient point
de fon étonnement , quand on fonge , que tous
les Tuïaux blancs d'un Rein humain , mis bout
à bout, formeroient une longueur de dix-mille
toifes : Mr. Ferrein l'a prouvé. J'invite le
Ledeur à confulter fon beau Mémoire ; j'ai
regret de ne pouvoir que l'exquifler.
Maintenant , je prie les vrais Phyficiens
de mé dire , fi j'ai jufqu'ici bien raifonné, ii
j'ai choqué les Faits , fi j'ai contredit mes prin-
cipes ?
Mais , une grande difficulté fe préfente. Ma-
rie 5 Fille unique de Gratio , née avec cinq
Doigts aux Mains & aux Pieds , a eu deux
Fils & deux Filles , & un des Fils a fix Doigts
à un Pied.
Mr. de PaviLLE en conclud , que le prin-
cipe de la Génération r épi de dans Tun & r autre
Sexe C ^ ) , & Mr. de Reaumur paroit adop-
ter cette conclufion , lors qu'il dit Qh^ ^ que
ces Faits ne paroijjent pas favorables à la pré-
exiftence des Germes. Cependant il efl certain
que le Germe réfide originairement dans la Fe-
melle (r) 5 & ces deux habiles Naturaliftes
(a) Voyez l'Article précédent.
(&) Art défaire éclorre &c. Tom. IL pag. 37^. féconde £•
dition.
(c) Article 14 j.
320 GoNsiDEHATioNs Sur Les
l'ignoroient. Il n^eft guères moins certain que
le Germe n'eft point engendré dans la Femelle ,
& qu'il a exiffcd de tout tems. Comment con-
cilier avec ces principes le Fait fingulier qui s'of-
fre à notre examen ?
Quoique cette Marie , Fille de Graîio , eue
le nombre ordinaire de Doigts , l'Obfervateur
attentif nous fait remarquer , qu'elle avoit aux
deux Pouces la même difformité que George
fon Frère. Si les Femelles étoient douées d'u-
ne Liqueur prolifique, il feroit bien facile d'ap-
pliquer aux Organes de la Génération de Ma-
7'ie , ce que j'ai dit de ceux de fon Père & de
fes Frères. Mais nous avons vu dans l'Article
338 , les raifons qui fembient prouver que les
Femelles n'ont point une femblable Liqueur.
Js ne recourrai pas à l'imagination de la Mè-
re ; refuge familier à divers Auteurs qui n'a-
voient pas alTés médité fur la Méchanique
de nôtre Etre. J'avouerai que je ne conçois
point comment l'Imagination pourroit multiplier
& façonner les Doigts du Germe, & je deman-
de à mon Leéleur s'il le conçoit.
Je ne dirai pas non plus , que la Liqueur fé-
minale de Qraîio avoit agi fur un des Germes
de la féconde Génération , en vertu de /'£/;;-
boitement. Si cela étoit , Marie auroit pu ac-
coucher de ce Fils à vingt -un Doigts fans avoir
eu commerce avec aucun homme ; car le Ger-
me de ce Fils auroit été ainli fécondé par
l'AyeuL Mais
CôR?s Organise' S. 321
Mais , quelles raifons nous forcent d'admet-
tre que ce Fils de Maris tenoit fon Doigt fur-
numcraire de fa Mère ou de fon Ayeul ? Je
prie mon Leéleur de remarquer, que les trois
autres Enfans de la Fille de Gratio n'avoîent
rien du tout de monltrueux. Ne me feroit - il
pas permis d'en infcrer , que le Doigt en ques-
tion ne tenoit pas à la Fccoi.dation) & qu'il é-
toit l'effet d'une caufe acàclentelle , concomi-^
tante ou fubféquente , qui avoit divife un des
Doigts du Pied , &c. conformément à ce que
j'ai expofé dans f Article 353? N'a-t-on pas vu
des Enfans naître avec un qu plufieurs Doigts
furnuméraires , fans que ni le Père ni la Mère ,
ni aucun des Ancêtres renfermaffent rien de
monftrueux au moins extérieurement. Si Ma-'
rie n'étoit pas née dans une Famille de Mons-
tres qui fe propagent de Pore en Fils, l'on n'au-
roit pas attribué à la Fécondation l'origine du
Doigt excédent d'un de fes Enfans.
Je ne fais ce que Mr. Lemery auroit penfc
de nôtre Famille de Malte , ni comment il au-
roit expliqué ces Monllres qui fe perpétuent.
Je foupçonnerois fort néanmoins , qu'il auroit
cherché la raifon de ce Doigt furnuméraire du Fils
de M^r/Vdans l'union de deux Germes, en fup-
pofant^ comme il favoit fut pour d'autres Mons-
tres femblables ou analogues, que l'un des deux
Germes avoit été détruit , & qu'il n'étoit relié
de fes débris que le feul Doigt dont nous par-
lons.
ToM. II. X
.'3^2 CoNlIDKRATIONf SurLes
Mais , en recourant ici à cette hypothèfe,
Ton s*expofe aux objeélions tirées de la Do&ru
ne des Probabilités que Mr. de M air an lui a
•oppofées dans THilloire de TAcadémie Royale
des Sciences pour Tannée I7^f3., pages 58 &
fuivantes , auxquelles je renvoyé le Ledeur»
Je prendrai cependant la liberté de faire ob-
ferver , que les objections de cet Illuflre Acadé-
micien perdroient , fans doute , de leur force ,
fî nous connoiffions toutes les circonflances qui
peuvent procurer l'union partiale de deux Ger-
mes, & produire la deftrudion presque totale
de l'un des deux. Le nombre des connues efl
bien petit dans ce Problême.
Les Monftruofités qui fe propagent , doivent ,
fuivant mes principes , aller toujours en décroil^
fant de Génération en Génération. L'effet de
la première caufe,qui devient caufe à fon tour,
ne fçauroit produire un effet qui lui foit précifé-
ment égal & femblable : les Germes n'étant pas
originairement monflrueux, tendent toujours à
retenir leur conformation naturelle & primitive.
Ils modifient donc l'aclion des Liqueurs fémina-
îes, qui s'aifoiblit ainfi de plus en plus. C'ell ce
qui fe confirmeroit apparemment , fi nous avions
]a fuite de l'Hifcoire des Defcendans de Gratio
■Kalkïa ^ & j'invite Mr. le Commandeur de Ri-
'VILLE à nous la donner. Ce fujet efl: peut-être
le plus difficile & le plus intéreflant de tous ceux
qui peuvent s'offrir à la méditation d'un Phyfi-
cien. Je fouhaiterois d'y avoir répandu plus de
jour: j'ai au moins tâché d'aller aufli loin que
Corps Oroanisï's. 35g
mes principes pouvoient me conduire. Je laifle
aux Phyfiologiftes à juger de l'application que
j'ai tenté d'en faire, & j'attends de nouvelles
inftruélions de leur fagacité & de leurs recher-
ches.
357. Qu'il ferait poffihle que les caufes tcccI"
dentelles agijftnt avant la Fécondation.
J'aperçois une autre fource àeMonftruofîîés',
raccroiffement des Oeufs dans les Poules vier*
ges , ne nous permet pas de douter que le Ger-
me ne croifîe avant la Fécondation (^). II
pourroit donc contra6ler avaat la Fécondation ,
des difpofitions à certaines Monftruofités ; & il
feroit mcme poiTible que ces difpofitions ne de-
vinfTent fenfibles qu'après la naiffance. Pour-
quoi en effet n'exifteroit - il pas des caufes acci-
dentelles^ qui agiroient fur le Germe avant la
conception , & qui modifieroient la conforma-
tion originelle de quelques-unes de fes Parties?
Il y a peut-être des modifications monftrueufes y
qu'on attribue à la Fécondation ou à des caufes
concomitantes 5 & qui leur font de beaucoup an-
térieures.
358. Individus dont les Vifchres font tranlpo
fés.
Remarques fur cette tranfpofition.
Il exifte une forte d'Hommes , que Mr. LjS;
(a) Voyez rAilidc 341.
324 Considérations Sur Les
MERY ne vouloit pas , avec raifon , que l'on
qualifiât de Monftres , & que les Adveriaires des
c au/es acadentelles lui oppofoient avec confian-
ce. Ici la conformation extérieure & intérieure
eft précifén-ient la même que chez les autres
Hommes , & ces prétendus Monftres s'acquitent
de toutes les fonèlions propres à Tefpèce. Mais,
leurs Vifcères femblent avoir été tranfpofés ; le
Cœur & la Rate font à droite , le Foye à gau-
che , &c. „ Qu'on imagine , dit Mr. de
5, FoNTENELLE Ç^a^ ^ deux Maifons parfaite-
,, ment fèmblables en tout , hormis que l'une eft
5, tournée de fiiçon que l'efcalier eft à droite de
35 ceux qui entrent , & dans l'autre à la gauche ;
3, la mode fera, fi Ton veut, pour l'efcalier à
,, droite. Mais fautre Maifon ne laiflera pas
„ d'être abfolument aulfi régulière , aufli com-
5, mode, auifi bien entendue."
Ainsi une pareille tranfpofition ne change
rien du tout à Vejjence de l'oeconomie organique ,
ni par conféquent aux fondions vitales. Elle ne
fçauroit donc être envifigée comme une vraye
Monfiruofiîé. AuîTi le Sujet , où elle a été dé-
montrée pour la première fois, avoit vécu 72.
ans , fans qu'il fe fut jamais douté de la fmgula-
îité que fon Corps renfermoit.
Il n'avoit pas été marié, & l'Hiftorien de Xhr
cadémie ajoute à cette occafion , qu'il auroît été
euy'ieux de fçavoir fi fes Enfans aur oient eu les
T viriles intérieures tratifpofées comme lui ^ ou du
(,§} Hijleire de l'Académie, 1740.
Corps O r c a n i s i' s. 325
moins fî [es Parens les avoient eues. On voit
bien , que fuivant mes idées , une femblable
tranfpofition n*efl: pas de nature à pafTer du Pè-
re dans fes Enfans. La Liqueur féminale ne
peut pas plus opérer de tels changemens , qu'elle
ne peut produire un Cœur ou un Foye.
Cet exemple de tranfpofition générale n'efl
point unique ([ ^ ) , & fans doute que ces fortes
de cas fe multiplieroient plus qu'on ne penfe,
fi le nombre des Cadavres qu'on diflèque , n'é-
toit pas fi difproportionjié à celui des Cadavres
qu'on ne diffèque point. Mr. Sue , qui donne
le détail & la figure d'une femblable tranfpofi-
tion , ell fi convaincu de la fréquence du cas >
qu'il exhorte les Médecins & les Chirurgiens
à s'en afilirer avant que d'agir ,& il leur indique
les moyens de la reconnoître. „ Ileil, ajoute-
„ t-il (Z»), des maladies internes , & il fe ren-
5, contre à faire des opérations Chirurgicales,
„ où le Médecin & le Chirurgien s'expofent i
„ des méprifes , s'ils ne font, avant de traiter les
„ maladies, ou de faire les opérations, la re-
■5, cherche & l'examen d'un pareil changement."
Comme les Germes, dont toutes les Parties
ont été originairement tranfpofées , n'en don-
nent pas des Touts organiques moins parfaits ,
ia) Voyez rHiftoLre de l'Académie avant 1699, en Fran-
çois, Tome II. page 44. année 1688, * & le Recueil des Mé-
moires avant 1699, Totae X. page 731.
( h ) Mémoires des Sçavans Etrangers publiés par l'Académie
4les Sciences de Paris, Tom. I. page 294, 17SO.
X3
226 Considérations Sur Le*
moins réguliers , moins fains , Mr. Lemery ad-
metLoit volontiers dans les Oeufs cette tranfpo-
lltion originelle , & elle lui paroiflbit , ainfi qu'à
Mr. DE FoNTENELLE , une preuve inconteftable
de la Liberté' Divine.
359. Maladies organiques ; dernière raifon
en faveur des Monftres par accident.
Enfin , s'il efl: , dans Tadolefcence & même
dans l'âge viril , des Maladies qui peuvent ren-
dre difformes ou monflrueufes différentes Par-
ties du Corps humain , c'eft une dernière raifon
«n faveur des Monftres par accident^ & Mr.
Lemery n*a pas manqué de la faire valoir. 11
dtte fur ce fujet des exemples de Cerveaux , de
Membranes, d*Epiploons,&c. pétrifiés, en tout
ou en partie , de courbures extraordinaires de
FEpine, de Cornes qui ont pouffé en différens
endroits du Corps (/?). Ce dernier cas n'efl
pas le moins remarquable : Ton en lit un détail
dans les Transa6lions Philo fopjoiques Q') qui pal^
feroit pour fabuleux s'il n'étoit attefté par des
témoins irréprochables. On nous affure , qu'à
l'âge de trois ans , une Fille commença à pouf-
ler des Cornes de divers endroits de fon Corps,
& en particulier des jointures & des articulations.
Ces Cornes fe multiplièrent d'année en année ,
& à l'âge de treize ans elle en étoit toute hérif-
fée. Les Mamelles n'en étoient pas même exemp*
(0) Mirmhes de P académie 1740. ,
(b ) Année 168$. Obfervations curieuftS JtW tmtes Iss PartilS
de h Fbyfiia» Tom. I. page a 20.
Corps Organise' s. 32^
tes. Elles relTembloient par leur baze à deâ
Verrues , & par leur extrémité à de véritables
Cornes. Quelques-unes étoient contournées à
la manière de celles du Bélier. Il y en avoit une
à l'extrémité de tous les Doigts des Mains &
des Pieds, & fa longueur étoit de deux à trois
Pouces. P^nfin , quand quelques unes de ces
Cornes venoient à tomber , il en renailToit d'au-
très à leur place C^)»
Mr. Lemery tire de ces Faits extraordinaires
cette conféquence légitime 5 que fi de pareilles
Maladies organiques s'étoient manifeflées dans
un Fœtus , on Tauroit nommé un Monftre,
360. Des raifo7is métaphyfiques.
Je ne toucherai point aux raifons méî<iphyft'.
ques pour & contre Texiftence des Germes origi-
nairement monftrueux. C'étoit, à mon avis,
bien inutilement , que les deux célèbres Antago -
niftes abandonnoient la Phyfique, pour fe jetcer
dans des difcuflTions qui lui étoient tout à fait
étrangères. 11 ne falloic pas dire , cela ell fage,
donc Dieu l'a fait : mais , il falloit dire , Dieu
Ta fait, donc cela eft fage. Or, on ne démon-
troit point que Dieu eût fait des Germes mon-
Itrueux.
Conclusion.
Tout ce que j'ai expofé dans cet Ouvrage
{a^ Voyez un Recueil de quantité d'exemples analogues
d«rs la Bihliotlèque des Sciences, Tome XVI, Ire. part, i?^!^
pages 154. âc fuivantes»
328 Considérations Sur Le^ &:c*
fur la Génération des Animaux ^ s'applique na-
turellement à celle des Végétaux. Rien ne prou-
ve mieux l'analogie de ces deux clafles d'Etres
Organifés, que la belle découverte du Sexe des
Plantes. Ce que la Liqueur féminaleeft à l'Oeuf,
la PoiiJJîère des Eîamines l'ell à la Graine. Je
puis donc raifonner fur celle-ci , comme j'ai rai-
îbnné fur celle-là. Si le Poulet exilte dans l'Oeuf
avant la Fécondation , la Plantule préexifle pa-
reillement dans la Graine, & la PoulUère des
Etamines n'eft que le principe de fon dévelop-
pement. Je l'ai montré dans l'Article 178.
J'ai déjà traité afîez à fond àQ^Réprodu&ioni
des Végétaux C^) • j^ devrois maintenant trai-
ter des Variétés qu'on obferve dans leur Fécon-
dation & dans leur Génération , paffer enfuite
aux Mon jiruo fîtes de tout genre qu'ils nous of-
frent , & prouver ainfi par de pouvelles recher-
ches/'/;/«w^r/^///^ de la Loi de V Evolution, Ce
fera peut-être le fujet d'un ti'oifième Volume,
où après avoir expofé , comme dans un tableau,
les différentes manières dont les Animaux & les
Végétaux parviennent à l'état de perfeélion, je
tâcherai d'aprofondir davantage la méchanique
de l'accroijjement,
(«) Voyez le Chapitre XII. du Tome I.
à Genève le ne. de Février ij6z»
FIN*
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