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CONTEMPLATION
DE
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PAR CET. . BONNET,
De P Académie pride lip, de gel de
Saint-Pétersbourg ; des Académies royal des
Sciences de Londres , de Montpellier à de Lyon,
de Gottingue, de Stockholm , de Copenhague ;
Honoraire de celle des Beaux-Arts de la même
Ville ; des Académies de Pinflitut de Bologne ,
de Harlem, de Munich, de Sienne , de Caffel ;
des Curieux de la Nature de Berlin 3 Correfpou-
dant de l Académie Royale des Sciences de Paris.
MALE RLE ÉDITION."
Corrigée €ÿ confidérablement auginentée.
TOME SECOND.
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SEPTIEME PARTIE.
DE L'ECONOMIE ANIMALE
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GHAPITRE PREMIER.
Les nerfs. Les efprits.
L Es nerfs, qui du cerveau s'étendent à toutes
les parties, fe partagent en plufieurs divifions
principales, plus ou moins nombreufes, ou plus
où moins étendues (1).
(0) tt De toutes les parties du Corpsihumain, les nerfs font
celles dont la connoiflance intérefle fle plus le Philofophe. Lis
Tome IL
Sp
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. Li +
a CONTEMPLATION
Cuaque divifion fe rend à la partie poué
Jaquelle elle elt deftinée, & dont la ftrudture
répond aux fonétions qu’elle doit exercer , ou au
fentiment que les nerfs de cette divilion doivent
y occafionner.
Le toucher, la vue, l’ouie, le goût, l’odorat;
font cinq genres de fenfations, qui ont fous eux
un nombre prefau’infini d’efpeces.
font, pour ainfi dire, l'intormede qui unit l'Ame au Corps, &
par lequel elle agit fur différentes parties de fon Cerps. Mais
précifément parce que les nerfs touchent de plus près à l'Ame,
leur ftru&ure paroît plus profondément caehée , & tout ce que
la plus fine anatomie peut nous en découvrir, fe rédnit à bieit
peu de chofe. Nous favons feulement que les nerfs font des cor-
dons blanchâtres , formés de divers faifceaux de filets droits &
paralleles , liés eufemble par un tifu cellulaire, & qui compo-
£ent ce qu’on nomme la fubftance pulpeufe ou médullaire du nerf.
Les divifions des nerfs font les différentes paÿres par lefquelles
ils Ce diftribuent à toutes les parties. On compte communément
dix paires de nerfs, qui partent immédiatement du cerveau, &
trente qui partent de la moëlle épiniere. Mais le nombre & la
maniere de ces diftributions varient beaucoup dans les divers
ordres d'Animaux. Nous en avons vu ci-deffus plufieurs exenr.
ples dans les Animaux des ordres inférieurs. (Part. III, dans
les Notes. )
Les filets nerveux font fi prodigienfement fins, que les meile
leurs microfcopes ne fauroient nous aider à décider s'ils font
ereux ou folides. Mais il eft des confidérations très-fortes qui
perfuadent qu'ils font creux , & deftinés à la traufmilfion d’un
fluide extrémement fubtil & atif, qui a reçu le nom de fluide
nerveux.
DE LA NATURE. VIL Par. %
3
L'ÉBRANLEMENT que l’impreflion médiate où
Émmédiate des objets produit fur les nerfs , donne
naiflance à ces diférens genres de fenfations , qui
peuvent tous fe réduire au toucher, dont ils ne
{ont proprement que des modifications.
LES organes des fens {ont donc les inftrumens
de ces modifications. Le nombre, l'étendue & la
fineffe des fens, conftituent le degré de perfetion
animale.
Les nerfs, qui femblent imiter les cordes
d’un inftrument de mufique, ne {ont pas ten-
dus comme elles. Il eft des Animaux doués
d’un fentiment exquis, & qui ne font prefque
qu'une gelée épaiflie : comment admettre des
cordes élaftiques dans cette gelée? Tandis que
le fœtus eft lui- même tout gélatineux, il régit
déja es membres. Et quelle n’eft point la mer-
veilleufe célerité avec laquelle les impreflions
des objets fe communiquent à l’Ame! Quelle
Les nerfs font revêtus d’une double enveloppe, qui n’eft qu’un
prolongement des méninges ou des deux enveloppes qui recout«
vrent le cerveau. Mais les nerfs fe dépouillert de letir enveloppe
à ieur extrémité, @& fe terminent par une forte de pulpe. Les
nerfs qui entrent dans la compofition des organes des fens, font
entiérement à nud, & cela était néceflaire pour leur donner ua
plus grand degré de fenfibilité ou de délicatefle,
À 2
4 TONTEMPLATION
n’eft point encore celle avec laquelle les membres
obéiffent à la Volonté!
Ainsi nous fommes conduits à fuppofer dans
les nerfs un fluide très fubtil; très-élaftique, &
dont les mouvemens, analogues à ceux de la
lumiere ou du Auide électrique, produifent tous
jes phénomenes de la vie.
Les efprits animaux font ce fluide , que le cer-
veau extrait & prépare , & qu’il envoie fans cefle
dans les nerfs, & par les nerfs à toutes les parties
qu’il nourrit, meut, anime (2).
(2) tt Le cerveau, principe des nerfs, ne nous eft guere
mieux connu que les nerfs. Le cerveau eft un vrai dédale où
f'Anotomifte fe perd dès qu’il tente d’y pénétrer un peu profon-
dément : il s’y trouve même un affez grand nombre de pieces
très-apparentes, dont il ignore abfolument l'ufsge, ou fur lef-
quelles il ne peut former que des conjeétures plus ou moins in-
certaines.
Deux fubftances affez diftinétes compofent la mafle du cer-
veau ; la fubftance corticale ou cendrée , & la fubftance médul=
laire, connues de tout le monde fous le nom de cervelles. LE
fubftance corticale, placée à l'extérieur, & qui recouvre comme
une écorce la fubftance médullaire, eft un aflemblage merveil-
leux d'une multitude innombrable de vaiffleaux fanguins d’une
fineffe extrême , & que les injections feules peuvent rendre bien
{enfibles. Les artérioles qui fe ramifient à l'infini dans cette fuh-
ftance, fe dégradant continuellement , dégénerent enfin en des
vaifleaux blancs, tranfparens & comme cryftallins, qui donnent
DE LA NATURE. VIL Pas
waiffance à la fubftance médullaire, toute compofée de tubules
plus blancs & plus déliés encore, & dans lefquels aucune injee.
tion ne fauroit pénétrer, Ces tubules infiniment petits fe group+
pent, en quelque forte, pour former les nerfs, qui ne font ainf
qu'ua prolongement de la fabftance médullaire.
À la bafe ou à la partie poftérieure du crâne eft une autre fube
ftance de même nature, qu’on nomme la sroë/le ulongée, & qui
n'eft point revétue de fubftance corticale. La fubftance médal-
laite fe prolonge dans l'épine du dos, & y prend le nom de
tnoëlle épiniere. Elle y eft accompagnée d’une fubftance corticale
ou cendrée Mais qui, au lieu de la recouvrir , en eft elle-même
xecouverte,
Les deux fubftances du cervean & de 4 moëlle épiniere ne
forment donc proprement qu'une feule. fubfanee, mais qui
change d’afpe& par la gradation des vaiffeaux qui la compofent.
On ne gent au moins douter que laccroiffement des deux fub-
ftances ne foit fimultané, & que leurs vaifleaux ne foient
continus,
Cet étonnant appareil d’artérioles & de tubules , que préfente
la fubftance du cerveau, & que l'œil perçant de l'Anatomitte,
armé des meilleurs vetres, ne fait guere qu’entrevoir, irdique
affez que ce grand vifccre eft un véritable organe fecrétoire,
deftiné à préparer & à filtrer un fuc très-important. On n'en
doute plus , quand on réflécuit au nombre & à ja grandeur des
arterés qui s’y rendeñt, & qui y portent environ ja fixieme
partie de tonte la malle du fang. Enfin » tous les doutes difpa.
roiffent quand on wient à apprendre que cette firuéture du cer-
veau eft précifément la même que celle de divers organes bier
reconnus pour fecrétoires.
Ce fluide précieux, que le cerveau eft deftiné à préparer
& à £ltrer, eft le fluide nerveux, dont lee foné@ions font fi
variées , fi étendues, & d’une fi haute importance. Il eft extrais
A3
6 cONTEMPLATION
de la maffe du fang par les artérioles de la fubfiance corticale w
qui, dans leurs dernieres ramifcations, n’admettent plus de
globules rouges, & ne laiflent paffer qu'un fue tranfparent &
œwryftallin, qu'on croit avoir apperçu au microfcope , & qui
fubit, Las doute, de nouvelles préparations dans les tubules de
ja fobftance médullaire. Elaboré ainfi par les millions ou plu-
tôt par les milliards de couloirs , de’plus en plus déliés, qu'il eit
forcé de parcourir , il devient Auide nerveux, & c’eft fous eette
derniere forme qu’il entre dans les nerfs, & qu'il communique
à toutes les parties le mouvement, le fentiment & la vie.
Il n’eft pas toujours également abondant dans les nerfs, il ne
s'y meut pas toujours avec LIRE égale célérité. Mais, foumis à
V'ation de la Volonté, & à celle de quelques autres eaufes pie
tement méchaniques, il afflue avec plus ou moins d’abondance
& plus ou moins de célérité dans différentes parties, & en parti=
culier dans les mufcles dont il opere tous les mouvemens.
Deux fortes de vaifleaux fanguins. fe vamifient dans la fub-
fance corticale , des artérioles & des vénules : & s’il eft prouvé
que les artérioles font continues avec les tubules ou les filets de
la fubftance médullaire, & conféquemmient avec ceux des nerfs,
ne fcroit-on pas fondé à en inférer qu'il eft encore dans les nerfs
d'autres tubules ou filets qui font continus avec les vénules de
Ja fubftance corticale, & qui y rappottenr le réfidu du fiuide
nerveux, pour le faire rentrer de nouveau dans les routes de la
cireulation ? I y auroit ainfi dans les nerfs des vaiffeaux de
deux genres, des vaifleaux analogues aux afteres ; & qui porte-
roient le fluide nerveux à toutes les parties ; & des vailleaux
analogues aux veines, qui rapporteroïent ce Auide au cerveau.
Cette opinion adeptée par des anatomiftes célébres , a bien de la
vraifemblance, & fournit d’heuren£es explications de divers phé
nomenes de la vie.
Mais ce fluide fingulier, ce puiffant agent qui regne comme
DE LA NATURE. VIL Part. 7
EE ——— a
GHAPITRE IL
Les muftles:.
Ex vain l’Animal auroit-il recu des fens, au
moyen defquels il démèle ce qui lui eft avan-
tageux ou nuifible, s’il ne pouvoit fe donner
un efprit invifible dans le monde organique, & en fait mouvofr
tous les refforts , fe dérobe à toutes les recherches du Phyfolo.
gifte avide de le connoître. Le nombre & la diverfité des hypo-
thefes qu’on a imaginées pour rendre raifon de fa nature & de fes
effets, prouvent affez combien il nous elt encore inconnu. Les
Phyfologiftes qui le croient analogue à l’éthèr ou an Auide
életrique, fe fondent fur des faits qui paroiffent leur être bien
favorables. Mon Leéteur n’a pas oublié les curieufes expériences
qui ont été tentées dans ces derniers temps fur la Torpille & {ur
l'Anguille de Surinam , & qui paroiffent toutes dépofer en faveur
de la nature éleétrique du fluide nerveux. [ Part. V. Chap. XHIT,
dans les Notes. ] Tous les phénomenes de l’animalité concourent
au moins à établir que ce fluide eft un des plus fubtils & des
plus aétifs qui nous foient connus.
Au relte, les Phyfolegiftes qui avoient cru que les lets ner.
veux étoient folides , avoient cédé à des apparences trompeufes,
Ils vouloient d'ailleurs faire ofciller les nerfs pour rendre raifon
des fenfations , & les nerfs ne peuvent ofciller. Ils font mous &
nullement élaftiques. Un nerf couvé ne fe retire point. C’eft le
Buide invifible que les nerfs renferment , qui eft doué de cette
Élañticité qu'on leur attribuoit,& d’une plus grande élaftité encore:
À 4
8 CONTEMPLATIOMN
aucun mouvement pour atteindre à l’un & éviter
l'autre. Il a donc été pourvu d'organes qui lui
procurent cette faculté. Ces organes font les muf-
cles qui, par la dilatation & la contraction , par le
raccourciflement & l’alongement des fibres & des
véficules qui les compofent, communiquent à
toutes les parties les mouvemens & le jeu nécef-
aires aux befoins de lAnimal [ 1].
Cr] tf Les véficules que j'admettois ici dans les mufcles,
font une pure fuppofition, admife par quelques Phyfologiftes
vour expliquer le jeu des mufcles. L’obfervation anatomique ne
s'accorde pas avec cette fuppoñition. ‘loutes les fibres du corps
animal font cylindriques, & le microfcope n°y montre point de
véficules. Des fibres charnues , longues , gréles, médiocrement
élaftiques, prefque toujours paralleles, & revêtues d’un tiffu
cellulaire, font les élémens du mufcle. Ces fibres font raffem…
blées par paquets, qui compofent eux-mêmes des faifceaux plus
on mgÿos confidérables, enveioppés de même d’un tiflu cellu-
laire, & féparés par des cloifons membraneufes.
Le ventre ou le milieu du mufcle eft un peu renf£lé ; les paquets
fibreux y font moins preTës. Ils le font beaucoup aux extrémités
& y prennent beaucoup de fermeté & de confftance. Ces ex
trêmités portent le nom de tesdons. Les tendons s’atta chent d’un
côté à un point fixe ou à un os, &@ de l’autre à la partie à
mouvoir.
Dans l’action le mufele fe contrate on fe raccourcit, & les
tendons fe rapprochent du ventre. Il eft relâché dans le repos.
C'elt en fe raccourciffant qu’il fait changer de place à la partie
qu’il eft deftiné à mouvoir.;
Des arteres, des veines, des vaifleaux lymphatiques, & des
est
DE LA NATURE. VIL Par. $
L'EXPÉRIENCE prouve que les nerfs concou-
rent au jeu des mufcles. Les efprits qu’ils y ré-
pandent s’infinuent dans toutes les velicules, les
dilatent & mettent ainfi l'organe en action [2].
nerfs fe plongent dans les mufcles & s’y ramifent. Le fang que
l'artere y apporte les teint en rouge. Ils blanchifent dans la ma-
cération. j
[21 tt La caufe du mouvement mufculaire demeure eñfe-
velie dans nne nuit profonde; mais probablement un trait de
lumiere y percera enfin. La lumiere a bien percé dans des téne-
bres auf épaifles. Une feule chofe ef ici bien conftatée ; c’eft
que la ligature du nerf fnfpend l’action du mufcle. Or, il cit
aflez évident que la ligature ne fauroit fufpeudre cette aétion,
qu’en interceptant le cours d’un fluide que le nerf tranfmet au
mufcle. L’aétion du mufcle dépend done de celle du fluide,
Mais comment le fluide met-il le mufcle en jeu ? C’efl ce que la
Phyfologie ne nous apprend point encore.
La force prodigieufe des mufcles, fur-tout chez le Maniaque,
& leur difpofition contraire à ce que les loix de la méchanique
exigeroient , mais que les belles vroportions du corps humain
excluroient , porteroient à préfumer que l'effet étonnant de ces
organes moteurs dépend principalement de ia prodigieufe accé-
lération dont le fluide rerveux cft {ufceptible.
Un équilibre admirable regne par-tout entre les forces muf-
culaires. L'action de chaque mufcle eft balancée par celle d’un
autre mufcle, qu'on nomme fon extesonifie 11
, ou elle eft balancée
par le propre reort du mufcie ou par un poids oppofé, &c.
C’eft de la favante combinaifon & du balancement de ces diffé-
rentes puiflances , que réfuitent l'attitude & les mouvemens
divers du Corps humain, ainf que ja Aexion & l'extenfon de
£cs membres,
50 CONTEMPLATION
Uxe propriété de la fibre mufculaire, dont les
effets fe diverffient de mille manieres, & dont la
caufe nous demeurera long-temps voilée , eft celle
en vertu de laquelle elle fe contracte d’elle- mème,
à Pattouchement de quelque corps que ce foit,
{olide ou liquide. On la nomme l’irritabilité : c’eft
par elle que différentes parties du corps animal
continuent à fe mouvoir après avoir été féparées
de leur Tout, & que le cœur détaché de la poi-
trine exécute une fuite de battemens qui furpren-
nent l'Obfervateur, & qui cefflent dès qu'il ne
refte plus de fang dans la cavité [ 3 ].
[31+} Je traite en particulier de l'irritabilité dans un autre
endroit de cet Ouvrage : je ne m’y arréterai pas ici.
Ra
DELA NATURE: VII. Part: TE
a È ————— ———— LE)
ES
PA PAT RW IIE
Les organes de la nutrition.
D E la partie qui donne entrée aux alimens,
jufqu’à celle qui en laiffe fortir le réfidu le plus
grofler, s'étend un canal continu, figuré &
replié différemment en difiérentes portions de
{on étendue.
Ox y diftingue trois parties principales,
Pœfophage, l’eftomac & les inteltins.
TouTes çes parties font formées de diverfes
membranes appliquées les unes fur les autres,
& compolées elles-mèmes de fibres différemment
entrelacées. Les mufcles, dont une ou plufieurs
de ces membranes font garnies, impriment à
l’organe divers mouvemens, dont le principal,
nommé périfialsique on d’ondulation, brife les
alimens, & les chafñfe de place en place. D’au-
tres membranes font pourvues de petits tuyaux
qui répandent un fuc diflolvant, propre à aug-
menter l’eficace de cette trituration [1].
[1] ff Cette ation de l’eftomac , par laquelle il fconvertit
Les alimens fen uue forte de bouillie grisètre, eft ce qu'on
13 CONTEMPLATION
L’OESOPHAGE recoit la nourriture encor2
grofliere, & la tranfmet à l’eftomac, qui la
nomme la digeflion ou plurôt la premiere digeftion, pour la
diftinguer de la feconde qui s’opere dans les inteftins.
Les Phyfologiltes avoient beaucoup difputé fur la maniere
dont fe fait la premiere digeftion : les uns prétendoient que
c’etoit par trituration, les autres par diffolution, d'autres par
les deux enfemble, &c. On eût mieux fait d'employer à ex-
périmenter le temps qu’on perdoit à difputer. Deux grands
Obfervatenrs avoient ouvert dans le fiecle dernier la feule
reute qui pouvoit conduire à la décifion de la queiftion. REDI
& BORELLI s'étant avifés de faire avaler à des Dindons &
à des Canards des boules de verrés, virent avec étonnement
que ces boules étoient pulvérifées en peu de temps par lation
de leftormac. L’illuftre REAUMUR étoit bien fait pour pou£er
plus loin cette curienfe expérience : aufli lui a-telle valu des
vérités beaucoup plus intéreffantes encore. En voici un léger
précis.
Parmi les Oifeaux, es uns ont l'eftomac charmu, compact,
quelquefois calleux : les antres ont un eftomac mince on pure-
ment membraneux, en forme de poche, & plus ample que
celui des premiers: d'autres, enfin, ont nn effomac, en quels
que forte, double ou compofé de deux parties dfinétes, l'une
membraneufe, nommée le fabot, l'autre compañte & mufcu-
aire, rommée le géfor.
Les Dindens font au nombre des Oifeaux pourvus de géfer.
L'Académ'cien François ayant fait avaler à des Oiïfeaux de
de cette efpece, des tubes de verre, de cinq lignes de longueur
fur wuatre lignes de diametre, ces tubes furent partagés en
vingt-quatre heures, par l'aétion du géfisr, en deux moitiés,
fuivant leur longueur.
DE LA NATURE VII. Part. 1%
5
Drépare : elle entre enfuite dans les inteftins,
où elle fubit de nouvelles préparations. De
A ces tubes de verre l'ingénieux Phyficien en fit fuccéder
d’autres de fer-blanc, de fept lignes de longueur fur un peu
moins de deux ligres de diametre. Ils étoient fermés par
les deux bouts avec une platine de foudure, d'une ligne &
demie d'épaifleur. Ii fit avaler à la fois jufqu'à fix de ces
tubes à fes Diné‘ons. Au bout de vingt-quatre heures , quelques
uns des tubes offroient une rainure de chaque côté, qui divi-
foit le tube en deux parties égales, fuivant fa longueur : d’au-
tres tubes étoient plus ou moin; applatis : dans d’autres enfin
les platines étoient om enfoncées dans l’intérieur du tube on
pouflées en dehors. Voilà affurément des effets bien remar-
quables de laétion d’un organe qui n’eft pourtant que charnu.
Mais il s'agifloit d'apprécier la force de l'organe : le moyen
en étoit Facile. L'Obfervateur placa de femblables tubes entre
les deux branches d'une tenaille; & ayant chargé fuccefli-
vement une des branches de diffèrens poids, ce ne fut que
par un poids de quatre cents trente- fept livres & demie,
qu'il parvint à produire dans les tubes des effets femblables à
ceux de l’eftomac de l’Oifeau. La force de cet eftomac équivaut
donc au moins à un poids de quatre cents trente-fept livres &
demie.
De pareils réfultats militoient bien fortement en faveur de
la trituration. Mais le fage Phyficien vouloit s’aurer encore
fi la diffulution n’entroit point pour quelque chofe dans la
digeftlon de l'Oifeau. Pour y parvenir, il renferma dans des
tubes de fer-blancs, plus épais que les précédens, & ouverts
aux extrémités, des grains d'orge, les uns cruds, les autreq
cuits, d’autres #mondés; & les tubes ayant féjourné un jour
ou deux dans l’eftomac, les grains d'orge ue parurent qu'un
ñ4 CONTEMPLATION
là elle pafle, fous la forme de fluide, danà
des vaifleaux fort déliés, qui la conduifent à
peu renflés. La même expérience exécutée avec de la viande,
offrit les mêmes réfultats effentiels : la viande ne parut pas
Tenfiblement altérée , & ne donnoit pas même de l'odeur,
L'Obfervateur crut être en droit de tirer de ces expériences
une conclufion générale; c’eft que chez les Oifeaux pourvus
de géfer, la digeftion fe fait principalement par trituration. Le
gélier eft ainfi une forte de meule. On connoît même une efpece
de Pigeon de l'Inde, dont le géfier renferme de vraies meules.
Cependant l'habile Naturalifte , toujours réfervé dans fes juge
mens, ne difconvenoit pas que le géfier ne püt fournirun fuc
propre à accroître l'effet de la trituration , & le ramolliflemeut
des alimens dans les tubes l’indiqnoit affez.
Le géfier ef prefque tout mufculeux, & nous venons d’ad-
mirer la force de ce mufcle. Il offte de bien plus grands pro.
diges encore, que je ne tarderai pas à raconter. Des Ha
minces & purement membraneux ne fauroient agir à la ma
nicre des géfiers, & on fent bien qu'il faut que la digeftion s’y
opere par une autre voie. Mais c’étoit à la Nature elle - même
à nous Faire connoître cette voie, & REAUMUR a été ici fon
fidele interprete.
Les Oifeaux de proie font de la claffe des Oifeaux à eftomacs
purement membraneux. Ils rejettent facilement par Île bec ee
qu'ils ne peuvent digérer, & cela même les rendoit plus
propres encore aux expériences que le Naturalifte méditoit.
Des tubes de fer-blanc, longs de dix lignes, larges de fept,
remplis de viande de boucherie, & grillés avec des fils de
lin aux extrémités, furent introduits dans l’éftomac de diffé-
rentes Bufes. Rejettés au bout de vingt-quatre heures, la
viande ‘qu'ils contenoient parut! diffoute ou réduite en uze
1
DELA NATURE. VII Part. 1$
&eux de la circulation, où elle prend le nom
de fang.
pâte grisâtre, onétueufe & fans odeuf. Au bout de quarante-
cinq heures, la décompofition de l'aliment fut plus parfaite,
Ja pâte plus divifée, plus blanchie, & toujours fans{odeur,
Des os de jeunes Pigcons ayant été fubftitués à la viande de bau-
cherie , furent convertis en gelée dans l'efpace de vingt - quatre
heures. Des os de Bœuf très-durs, abfolument dépourvus de
- chair & de moëlle, du poids de quarante grains, perdirent
en vingt-quatre heures dix-huit grains, & furent entiérement
diffous en trois jours. Ils ne peloient plus alors que quatre
grains. Des graines & des fruits, foumis à la même expé.
rience, n'éprouverent pas d’altération fenfble, & ne furent
qu'un peu ramollis. Les Oïfeaux de proie n’avoient pas été
appelés à vivre de grains & de fruits.
C'eft donc au moyen d’un fuc diflolvant que la digeftion
s'opere dans l’Oifeau de proie, & ce fuc n’a de prife que fur
les matieres animales. Il eft très-abondant: de petites épon-
ges, du poids de treize grains, renfermées dans les tubes,
en pefoient foixante-trois quand les tubes furent rejetés par
l'Gifeau.
Des expériences auf propres à fixer nos idées fur la ma-
niere dont s’opere la premiere digeftien , devoient, fans
doute, exciter beaucoup l'attention des Phyfologiftes, &
. les engager à les répéter. & à les varier. Cependant depuis
Yilluftre REAUMUR, il n’y a eu qu'un feul Obfervateur
qui ait fu remanier éet intéreffant fujet comme il demandoit
à l'être. Mais nommer cet Ohfervateur, c’eft annoncer déja
que ce fnjet eft devenu prefque tout neuf entre fes mains.
Je parle de M. SPpALLANZANI, dont les Limaçons &
les Salamandres ont rendu le nom fi célebre , & qui eit fi
4% CEONTEMPLATIGN
PENDANT que la partie la plus délicate deg
alimens éprouve toutes ces préparations, la
digne de cette célébrité pat les grandes vérités dont il a enrichi
lHiftoire Naturelle. Ce n’étoit qu'à un Obfervateur de cet
ordre qu'il appartenoit d’égaler REAUMUR , & d'aller même
plus loin que lui dans cette carriere trop peu fréquentée, où
il avoit fait de fi grands pas, Les profondes recherches de
l'habile Obfervateur de Reggio paroïtront hientôt, & je puis
prédire hardiment qu’elles feront regazdées par tous les con-
noiffeurs, comme un modele des plus parfait de l’art d’obferver
& d'expérimenter. Je tiens de fon amitié le précis que je vais er
offrir à mon Lecteur.
Comme REAUMUR , il range les eftomacs des Oïfeaux fous
trois claffes générales; les eftomacs #ufculeux , les eftomacs
menbraneux, & les eftomacs qu’on peut nommer wifoyens ,
parce qu’ils femblent tenir le milieu entre les membraneux &
les mufculeux. Ses recherches ent embraf£ également ces trois
fortes d’eftomacs.
Il a répété d'abord toutes les expériences de fes devanciers
fur les eftomacs mufculeux ou les géfiers, & a vu tout ce
qu'ils avoient vu, & beaucoup plus encore. Il s’eft aMuré que
les eftomacs de cette clafe émoufent, caffent & brifent les
aiguilles d'acier, & les lancettes profondément enfoncées par
la tête dans de petites boules de plomb que l’on fait defcendre
dans le géfier. Les boules elles-mêmes en reçoivent des em-
preintes plus ou moins profondes. Que dis-je! le grenat’, cette
pierre fi dure, n’eft pas plus à l'abri de l’aétion méchanique
du géfier ; elle eft affez puiffänte pour émoufler à la longue les
angles de cette pierre. Et ce qu’on aura peine à croire, tout cela
eft opéré par le géfier, fans que fes tuniques en foient le moins
du monde excoriées. d
partie
DE LA NATURE. VIL Paré 17
partie la plus groffiere eft évacuée par différentes
voies. Tantôt l’Animal la rejette fous la forme
Cependant, malgré des effets auf prodigieux de la puif-
Fance des géfiers, M. SPALLANZANI eft bien éloigné de
penfer, avec le [avant Académicien François, que la digeftion
s’y opere principalement par trituration. D'autres expériences
Jui ont appris, qu'ici comme ailleurs, la digeftion dépend
principalement des fucs difolvans que fournit l'eftomac, &
“que fon aétion méchanique, qui répond à celle des dents,
z'eft que fimplement préparatoire, & n’a pour fin que de
divifer les alimens pour les rendre plus pénétrables aux fucs
qui en operent la vraie digeftion. Si l’Académicien François
avoit pouffé plus loin fes ingénieufes expériences ; fi fes tubes
avoient féjourné plus long-temps dans les géfiers , il auroit eu
les mêmes réfultats que l'Académicien Italien, & auroit re-
connu, comme lui, que cette grande puiffance mufculaire
_dont ils font doués , n’eft point le véritable agent de la digeftion.
Elle fuppofe une vraie diflolution, & le mufcle n’opere qu’une
divifion méchanique.
Mon Lecteur n’a plus befoin à préfent que je lui dife com-
ment fe fait la digeftionu dans les eftomacs membraneux &
dans les efomacs mitoyens : il voit aflez qu’elle doit dépendre
prefqu'en entier des fucs difMfolvans que filtrent ces eftomacs.
Mais ce qu’il ne devine pas, c'eft ce que le defir ardent de con-
noître a fait entreprendre au patient & zélé Obfervateur: il a
fait fur lui-même les expériences qu'il avoit fi bien exécutées fur
les Animaux, Après avoir avalé de petits tubes qui renfermuient
différentes matieres alimentaires, il s’eft procuré des vomiffe-
mens qui l'ont mis à portée de juger des changemens que ces
matieres avoient fubi dans {on eftomac.
De cette longue fuite d'expériences variées prefqu'à l'infini,
Tome Il, B
18 :CONTEMPEL A FDON
d'un fédiment plus ou moins épais : tantôë
transformée dans une liqueur fubtile, elle eft
eft forti un réfultat général qui décide pletnement la queftion qui
partageoit les Phyfologiftes ; c’eft que cette admirable opération
que nous nommons la digeftion, dépend effentiellement chez
tous les Animaux de l’action des fncs gaffriques.
L'Obfervateur à plus fait encore : il a confirmé ce réfultat
par des expériences d’un autre genre : il eft parvenu à opérer
dans des vafes de vraies digeftions artificielles, à l’aide des fucs
gattrigaes qu'il avoit extraits de différens eftomacs, & même
du fien propre. Il eft donc bien démontré aujourd'hui que la
digeftion eft une forte d'opération chymique, & que les fucs
gaftriques font de vrais menftrues. Il en eft de fi puiMfans , qu'ils
diffolvent les os & même l'émail des dents , incomparablement
plus dur qu'aucun os.
Ce fuc diffolvant, qui abonde toujours plus ou moins dans
l'eftomac, peut agir après la mort de l'Animal. Notre infati-
gable Naturalifle s'en eft convaincu par les expériences les plus
décifives.
Mais une autre découverte aufli neuve qu'importante, que
nous devons à fes profondes recherches fur la digeftion, c'eft
celle de la nature anti-feptique des fucs gaftriques. Verfés fur de
la viande corrompue, ils la dépouillent de fa qualité fœtide.
Hs overent le même effet dans l’eftomac : on n’en doutera point,
fi j'ajoute que l'inventeur ne s’eft pas borné à s’en affurer
fur différens Animaux, mais qu'il s’en eft encore affuré fur
lui même.
C'eft fur-tout dans les fubftances végétales & dans les fub-
ftances animales, que réfident les matieres alimentaires. Mais
tout n’eft pas également alimentaire dans ces fubftances. Ce
qui left le plus, c'eft la partie muqueufe ou gélatincufe,
DE LA NATURE. VII Part. Y9
portée à la furface de la peau par un nombre
infini de vaifleaux très - fins, dont les ouver-
dont la quantité varie fuivant la nature des fubftances. La
craie des os n’eft pas digérée par l’eftomac du Chien : elle fe re.
trouve dans {es excrémens. L’eftomac du Chien ne digere pro«
prement que le parenchyme ou la partie animale de l'os, & c’eft
ce parenchyme qui contient la mucofité. Mais il eft des parti-
_cules de plufeurs autres genres, qui s’aflocient aux matieres
alimentaires qui contribuent plus ou moins à la perfeétion du
chyle , & conféquemment à celle des humeurs qui en font ex-
traites.
J'excéderois de beaucoup les bornes que je me fuis prefcrites
dans ces Notes , fi je traçois ici le tableau des variétés que
nous ofrent les organes digeftifs dans les Animaux de dif_
Férentes clafles , depuis l'Homme jufqu'au Polype. Je me
contenterai de frire remarquer en général, que ces organes
font toujours admirablement bien affortis au genre de vie de
chaque efpece , ou à la qualité & à là quantité des alimens
dont elle fe nourrit. Ainfi , les Herbivores ont l’eftomac plus
ample & les inteftins plus longs que les Carnivores : c’eft que
Pherbe, moins fucculente que la chair, devoit être prife en
plus grande quantité pour fournir le chyle néceMaire à l’ac-
croifement & à l'entretien de l’Animal. On fait que les or-
ganes digeftifs font fort multipliés chez les Ruminans : on
connoît leurs quatre eftomacs ; c’eft principalement dans le der-
nier que s'acheve ia premiere digeftion ; le premier qui fuit
immédiatement l’æfophage , eft fur-tout approprié à la rumina.
tion, & la ftriéture de l'œlophage ne l’eft pas moins à cette opé-
ration remarquable. L'eftomac des Oifeaux de proie a du rap-
port avec celui de l'Homme : mais les [nes gaftriques dont il
abonde font plus aétifs. Nous avons contempié les prodiges du
5,2
bo C0 N TE M PL A TA OM
tures extérieures font quelquefois d’une tellé
géfier des Oifeaux granivotes , du genre des Gallinacées : mais
je ne veux pas laiffer croire que ce mufcle fi puiffant ne fe
trouve que dans ces feuls Oifeaux : des Oifeaux qui, comme
YHirondelle & la Bécafline, ne vivent que d'Infectes aîlés où
rampans, ont un véritable géfier. On le retrouve aufli dans
divers Poiffons, entr'autres dans la Raie, le Merlan , &c:
Mais les organes digeftifs offrent chez les Poiflons, des pat
ticularités qu’on ne retrouve pas dans les Animaux des autres
cles : je veux parler fur-tout de ces finguliers appendices
vermiformes, qui accompagnent le ventricule, & qui filtrent
ÿne mucofité abondante, qu'on croit fe dégorger dans le
ventrieule pour y perfectionner la digeition, Enfin, nous avons
vu zilleurs (Part, IL Chap. XV.) que le Polype eft en
quelque forte tout eftomac : il n’eft d’un bout à l'autre qu'un
petit boyau prefque tranfparent, dans lequel les alimens font
balottés & divifés fous les yeux de l'Obfervateur. Les fucs
nourriciers palent enfuite dans une multitude de très- petits
grains dont tout le corps du Polype eft parfemé, & qui font
probablement eux-mêmes autant de petits organes digeftifs ; car
on les voit fe teindre de la couleur des alimens.
Au relte, notre diftribution des Animaux en Carnivores ,
en Herbivores , en Granivores, &c. n'eft pas plus dans la
marche de la Nature, que ne le font toutes nos diftributions
méthodiques. La Nature, qui na point tiré de lignes de
démarcation, n'avone point ces partitions fcientifiques , qui
fo: agent tant notre efptit, & elle les contredit fouvent :
en donnant de vrais géfiers à divers Oifeaux carnivores , elle
nous apprend affez qu’elle a voulu qu'ils puflent au befoin
devenir Granivores. Elle a même fait des Animaux Owui-
œores : l'Homune , le Chien , la Poule, &c. font de ce nombre.
<
En ———
D£ LA NATURE. VII Part. 2f
petitelle, qu’un grain de fable en pourroit couvrir
plufeurs milliers [2].
[2] ff Cent viagt-cinq mille fuivant LEUWENHOECK. On
fait que les infiniment petits de la Création étoient fon domaine;
mais en fait aufli qu'il eft des raifons de fe défier quelquefois
de fes effroyablee calculs. Il nous manque un bon examen cri-
tique des Oeuvres de ce pénétrant & infatigable ferutateur des
merveilles de la Nature,
On était bieu-loin de fonpconner , au commencement lu der
nier fiecte , que nous perdons chaque jour une quantité confide-
rable de notre fubftance par une voie invifible. SANCTORIUS,
Profefleur de Padoue, dont les longues & curieufes expériences
fur la tranfpiration ont rendu le nom immortel, apprit au
Monde favant que ce qui s’échappe de notre corps par cette
{orte d'évacuation, dans l’efpace de vingt-quatre heures & dans
l'âge moyen , eft aux autres évacuations en railon de cinq à trois.
Mais on comprend facilement que le climat, le genre de vie,
le tempérament, les nourritures, les affe&tions de l'ame, &
bien d’autres caufes particulieres, font varier plus ou moins
cette proportion. On comprend encore, par la quantité con-
fidérable de cette évacuation, comhien elle peut influer fur la
fanté, felon qu'elle augmente ou qu'elle diminue dans une trop
grande proportion.
La peau eft l'organe de cette tranfpiration infenfüle, comme
elie l'eft de cette tranfpiration fenfible, quelquefois fi abon-
dante, connue fons le-nom de Jzesr, Les vailleaux extréme-
ment déliés, qui portent à la pean la matiere iubtile & plus
ou moins âçre, qui s'échappe par cette double voie, ne tra-
verfent pas l’épiderme, comme on l’avoit cru; mais ils verfent
la matiere fous l’épiderme, au travers duquel elle tranfude,
ge la même maniere dont l'eau ou le mercure traverfe un cuir.
E 3
22 CONTEMPLATION
D'AUTRES vaifleaux qui, comme ceux-là,
communiquent à la furface de la peau, port-
pent les vapeurs & les exhalaifons qui flottent
dans l'air, & les portent dans le fang [3].
Il eft très- prouvé aujourd’hui que l’épiderme, cette cuticule
analogue à la corne, n’adhere à la peau par aucun vaifleau,
& que le microfcope ni les injeétions n’y montrent aucune appa-
rence d'organifation. Le célebre MECKEL , qui avoit beaucoup
étudié cette membrane, penfoit donc qu’elle fe régénéroit par
l'épaififlement de la partie la plus gélatineufe de la tranfpi-
ration.
Cette évacuation qui décharge l'intérieur des matieres nuifibles
ou fuperflues, s'opere dans toute l'étendue du Regne organi=
que, mais avec des variétés relatives à la diverfité prefqu’infiuie
des efpeces, & qu'il feroit impoffible d'indiquer. Il eft, par
exemple, de très-petits Animaux @hez lefquels la matiere de la
tranfpiration revêt la forme d’un duvet catonneux qui demeure
adhérent à la peau, & qui donne à ces Animaux air de petits
Barbets. J'ajoute ici que la peau n’eft pas le feul organe de Ia
tranfpiration : elle s'exécute encore par les poumons, & dans
une proportion bien confidérable. HALES a prouvé qu’en fupj'o
fant douze cents expirations par heure, nous évacuons en un
jour, par les poumon$, environ une livre & un tiers de vapeurs
ou d’exhalaifons.
[31 tt L'augmentation de poids après le bain, & langmen-
tation exceffive des urines dans certaines circenftances , pro
vent aflez l’exiftence des vaifleaux afpirans de la peau, que dé-
montrent encore certains effets des topiques.
DE LA NATURE. VII Parr. 23
CHAPITRE IV.
Les organes de la circulation.
F, À circulation et ce mouvement perpétuel &
réglé par lequel le fang eft porté d’un point de
intérieur aux extrémités, & revient des extrè-
mités à ce point.
La principale puiffance de la circulation, le
point d’où part le fang, fe nomme le cœur.
_ ÎL a deux mouvemens, lun de contraction ou
de fyffole, par lequel il fe refferre & chaffe le fang
renfermé dans fa cavité, l’autre de dilatation ou
de dyaftole , par lequel il s'ouvre & recoit de nou-
veau le fang.
Du cœur partent deux genres de vaiffeaux,
les arteres, qui conduifent le fang aux extrèmutes,
les veines, qui le rapportent des extrèmités au
cœur [1].
LES arteres ont, comme le cœur, leur fyftole
{11 ff Jetraite ailleurs, plus en détail, de la circulation’ dv
fang dans l'Homme. ['Part. X, Chap. XXVII, ]
B 4
24 CONTEMPLATION
& leur dyaftole, & elles fe divifent & fe fous
divifent, ænfi que les veines, en une infinité
de branches & de rameaux, qui diminuent de
diametre à mefure qu’elles s’éloignent de leur
origine.
LE mouvement perpétuel de la circulation
prévient la corruption & l’extravafation du fluide
nourricier , l'élabore de plus en plus, & le dif.
pofe infenfiblement à revètir la nature de lA-
nimal [2].
Le Fœtus, encore gélatineux , n’a point un
fang femblable à celui de lAdulte. Dans ces
premiers temps, le fang n’elt qu'une lymphe
blanchâtre. Mais Pimpulfion du cœur ouvrant de
-plus en plus les vaifleaux, ils admettent des par-
ticules plus hétérogenes & plus colorantes. Le
F [2] tt Les obfervations des Naturaliftes les plus modernos
nous ont appris que la Nature peut opérer les mêmes effets
effentiels par d’autres moyens que celui de la circulation. On
ne découvre, à l’aide des meilleurs verres, aucun veftige de
ce mouvement régulier dans les Animaux des claffes les plus
inférieures ; & leur intérieur, quoique tranfparent, ne laiffe
entrevoir aucun organe relatif à une circulation proprement
dite. Les Polypes & quantité. d'Agimalcules des infuñuns ea
font des exemples,
DELA NATURE. VIL Pert. 2$
fang prend une teinte jaunâtre, & fa couleur
fe renforçant par degrés, il devient rouge (3).
(3) ++ Si l’on donne le nom de fang à toute liqueur ren-
Fermée dans des vaiffeaux deftinés à la faire cirouler, quantité
d'Infectes auront du fang comme les Animaux les plus parfaits ;
car nous avons vu que beaucoup d’Infeétes ont une maîtreffe
artere, qui chaffe de place en place une liqueur tranfparente,
analogue au fang. (Part. III, Chap. XIX, derniere Note]
Mais on reftreint communément le nom de Jarg à ne fignifier
que cette liqueur rouge, qui circule dans les Amphibies &
dans les Animaux des claffes fupérieures ; & à cet égard, on
diftingue les Animaux en Animaux à /ang chaud, & en Ani-
maux à Jang froid. Les Amphibies, tels que la Grenouille,
la Salamandre, &c. & les Poiflons à écailles, font dans la
clafle des Animaux à Jung froid.
Le fang proprement dit contient trois parties diftinétes; la
partie féreufe, la partie muqueufe & la partie rouge. La férofité
eft fpécifiquement plus légere que les deux autres.” Elle s’en
fépare d'elle-même dans le fang en repos, & demeure fluide à
l'air extérieur & au froid; mais elle fe condenfe par les acides
minéraux , & à une chaleur qui approche de celle de l’eau bouil-
ante, La fubftance muqueufe, toujeurs réunie à la partie rouge,
fe condenfe à l'air libre, mais conferve fa fluidité par l’inter-
veutiou du phlogiftique. C’eft elle qui forme, par le rappre-
chement de fes molécules, ce qu'on nomme la coëre du fang ,
& qui en compofe la paîtie la plus confidérable. La fubftance
rouge eÆ, comme l'on fait, tonte compofée de molécules de
cette couleur, d’une figure plus ou moins réguliere & conf-
tante, au centre de chacune defquelles on découvre an microl-
cope un point brun & opaque, environné d'une matiere dia-
phane. C’eit dans ce point, fuivant le Doéteur MoscarTi ,
| |
|
26 CONTEMPLATION
ER EE
CH A PAR RUE
AC
Le a
Les orzanes de la refpiration.
Lux eft néceflaire à la vie de PAnimal, foit
qu'il rafraichiile le fang que le mouvement de
que réfide la matiere colorante, & il doit lui même fa couleur
à uu principe terreux, originairement verdätre, qui, en s'im-
prégusnt de phiagiftique, prend cette teinte rouge qui colore
Ja mafle du fang. Les molécules dont il s’agit font d’une-
grande petitele. Des Obfervateurs qui ont tenté de l’apprécier,
nous affurent que le diametre d'une de ces molécules n’eft que-
la trois mille deux cents quarantieme d’un pouce.
On avoit cru généralement que ces molécules rouges étoient
de figure exaétement fphérique , & elles en avoient pris le nom
de globules rouges. Mais un habile Obfervateur Anglois, qui
a apporté dans cette recherche délicate l'attention & les boins
qu'elle exigeoit, a fort re&ifié nos idées fur un fujet qu'on
penfoit avoir été fort approfondi par LEUWENHOECK, & qu'il
n’avoit, en quelque forte , qu'effeuré.
M. HERwsoON’, c’eft le nom de l'Obfervateur dont je parle,
a etendu fes recherches depuis l'Homme jufqu’aux plus petits
Infeftes, & par-tout il a retrouvé ces molécules de Hgure ré.
galiere , qui étoient le principal objet de fon travail. Elles font
conffamment rouges dans tous les Animaux qui ont un vrai
fang , mais elles font blanches dans quelques Cruitacées, & ver
dâtres dans divers Infeétes , tels que la Chenille & la Santerelle.
Elles ne font point fphériques, comme on l’avoit penfé ; elles
font, au contraire, auf applaties que de petites pieces de
DE LA NATURE. VII Part. 9%
la circulation échaufferoit trop ; foit qu’en en
brûlant les molécules, il le rende p'us fluide;
monnoie, auxquelles l’'Obfervateur les compare. Il réfulte bien
clairement de fes curieufes recherches , que ces molécules ont
une conformation qui leur eft propre, & qui ne varie point
tandis qu’elles circulent dans les vaifleaux. Chaque molécule eft
une forte de véficule tranfparente, dont le centre eft occupé par
un corpufeule opaque d’un rouge brun. On n'imagine pas appa-
remment que PObfervateur ait pu {e procurer la preuve la plus
décifive d’une femblable conformation dans des molécules d’une
fi grande petitefTe : il nous apprend néanmoins qu’il a vu très-
diftinftement la véficule s'ouvrir ou fe crever, & laiffer échap-
per le corpufcule central. Dans d'autres expériences, il a vu
les côtés diaphanes de la véficule fe rapprocher du corpufcule
central ou opaque, & s’y appliquer.
Quand ie fang qu'on a tiré de l’Animal fe corrompt, les
molécules fe décompofent ou fe partagent en plufieurs fragmens,
comme il arrive aux parties charnues qui tombent en pourri.
ture. C’eft , fans doute , un cas femblable ou anilogne, qui avoit
trompé LEUWENHOECK, & lui avoit perfuadé que chaque mo-
lécule était formée de la réunon de fix molézules fubordonnées.
Cet Obfervateur avoit affuré encore, que ies molécules dont
il s'agit n’étoient pas plus groffes dans la Baleine que dans le
plus petit Animal. Il s'étoit encore trompé fur ce point. Ces
fiugulieres molécules font plus petites dans les énormes Cétacées
que dans la Grenouille on l'Ecreviffe, & elles font anffi groffes
dans la Souris que dans le Bœuf, Chez les Poiffons à écailles ,
elles font un peu plus petites que dans les Amphibies. Elles font
plus dégradées dans les Oifeaux , & plas encore dans l'Homme.
Enfin il eft des Quadruperes qui ont des molécules beaucoup
plus petites que cellesde l'Homme. Ainf, il ef bien démontré
28 CONTEMPLATION
{oitenfin qu'il donne plus de reffort aux fibres
ou qu'il produife tous ces effets à la fais.
que les dimenfions des molécules ne font point du tout en rap-
port avec celles du Sujet. Mais on obferve un certain rappott
entre la groffeur des molécules & l’âge du Sujet. Elles font plus
grofles, par exemple, dans le Pouiet au fixieme jour de l’inca-
bation , que dans la Poule. L'eau commune diffout les molé- :
cules , & les contraëe lorfqu’elle eft imprégnée de certains fels.
Le contaét de l'air extérieur influe auf fur leur figure, & la
rend fphérique.
On fait que les jamhes de la Grenouille font tranfparentes
à leur extrémité , & qu'on peut y obderver diftinétement avec
le fecours des verres, la circulation du fang. Notre Phyfiola-
gifte n'a pas manqué de profiter de cet avantage pour obferver
les molécules rouges lorfqu’elles arrivent à la bifurcation de
deux vaiffeaux , on qu’elles enfilent des vaiffeaux fort étroits,
Son objet étoit alors de s’afurer, { les molécules changent de
figure dans ces diverfes circonftances ; il lui a toujours paru
que leur figure demeuroit invariable.
On avoit regardé la partie rouxe du fang comme la plus hui-
leufe & la plus inflammable, Sa dilfolution facile dans l’eau
prouve déja qu'elle n'eft pas hüilente , & M. HERWwSON alure
qu'elle brûle fonplement comme la corne ; ce font fes termes.
Comment les molécules rosges du fang acquierent - elles cette
Forme réguliere qui paroït leur étre propre? Exiftoient-elles
déja fous cette forme dans le chvle & même dans les alimens ?
ou la doivent-elles à des mouies; & où réfilent ces moules ?
Seroit-ce dans le poumon, ergane principal de la fanguilica-
tion ? Quel rôle jouent ces molécules dans l’économie animale ?
que deviennent-elles enfin? Nous ne faurions efpérer que la
Phyfologie réfolve bientôt des queftions de cet ordre; mais nous
DE LA NATURE. VII. Part. 29
La refpiration eft l'opération par laquelle cela
s'exécute. Elle renferme deux mouvemens alter-
matifs; l’un d’infpiration, qui donne entrée à
Pair dans l’intérieur ; l’autre d’expiration , qui le
rejette chargé des vapeurs de lAnimal [1].
LEs poumons font le principal inftrument
ne faurions douter que les Obfervateurs qui fe fuccéderont dans
la fuite des âges, ne découvrent ici bien des chofes qui recule-
ront beaucoup les bornes de nos cannoiffinces fur l’act profond
que la Nature emploie pour opérer la fanguification, & cette
affimilation des matieres étrangeres, qyi les rend propres à
s'incorporer à la fubftance de l'Animal.
[1] +t La refpiration préfente au Phyfologifte bien des pro-
blèmes à réfonudre. Nous fommes encore fort pen éclairés fur fes
principaux ufages. Nous ne favons pas précifément quel rôle
l'air joue dans les poumons. Il eft au moins bien probable qu'il
rafraïchit le fang & qu'il le colore. Une expérience directe
prouve cette coloration; mais elle ne prouve pas que ce füit
l'air feul qui colore. ( Confultez la pénultieme Note du Ch. XI
de la Partie V, ) On ne peut douter au moins que la refpiration
ne décharge l'intérieur du phlogiftique furabondant, dont le
féjour pervertiroit les humeurs ; car il fe fait une grande tranf-
piration par les poumons. Mais immédiatement après que l’air
chargé d’exhalaifons nuifibies , a été chaff£ au dehors par l'expi-
ration, l’infpiration introduit dans le poumon un nouvel air,
& avec lui bien des principes qui influent plus ou moins fur la
fanguification.
35 CONTEMPLATION
de Ja refpiration. Ils font fur-tout formés de
lafflemblage de vailleaux cartilagineux & élafti-
ques, qui après s'être divilés” & fous - divifés
en un prodigieux nombre de rameaux, fe ren-
dent à différentes branches, qui aboutiffent
elles-mèmes à un ou plufieurs troncs communs,
nommés #rachées , dont l'ouverture eft à l’exté-
rieur du Corps.
LEs ramifications des vaifleaux à air sappli-
quent aux vaifleaux de Ja circulation, & les
accompagnent dans leur pañlage par le pou-
mon [2].
[2] ff Daos l'Homme & dans les Animaux des ordres fu-
périeurs, le poumon eft partagé en deux lobes principaux,
qui fe divifent & fe fous -divifent eux - mêmes en un grand
nombre d’autres lobes toujours décroiffans. La trachée - artere,
qui du larynx fe rend au poumon, eft un tuyau toujours
ouvert, formé d'une fuite d'anneaux en grande partie cartila-
gineux , unis par des membranes. Ce tuyau fe divife en deux
branches à fon entr£e dans le poumon. Ce font les bronches,
qui, à mefure qu’eiies s’enfoncent dans le vifcere, fe divifent
& fe fous-divifent en une infinité de rameaux, qui fe dépouil-
lant peu-à peu de leur nature cartilagineufe , deviennent en-
fin entiérement menbraneux , & fe terminent en des véficules ,
qui communiquent toutes les unes avec les autres. Les in-
tervalles que laifent entr’elles ces véficules font remplis par
un tiffu cellulaire, & une infinité de vaiffleaux fanguins & de
filets nerveux font répandus dans tout l’'aflemblage.
DE LA-NATURE. VIL Part. 3x
CHAPÆETRE VE
Les fecrétions.
L E fang eft le riche fond où la Nature puile
les divers matériaux qu’elle emploie avec tant
De petites glandes, placées aux angles des ramifications des
bronches , féparent du fang une forte de lymphe qui humecte le
vifcere.
Les Phyfologiftes remarquent, que tous les Animaux qui
refpirent & qui ont deux ventricules au cœur, ont le fang
chaud. Ils en concluent, que le poumon engendre la chaleur
du fang, par l’extenfion & la contraction alternative de fes.
vaifeaux ; mais cette conclufion ne paroît encore que pro-
bable.
Lés Animaux les plus parfaits n’ont donc qu’une maïître[Ue
trachée, qui fe ramifie à l'infini dans ie poumon, Les Poif-
fons à écailles ont des owies qui leur tiennent lieu de pou-
mon (Part. IT, Chap. XXV, Note 3.) Les Infe&es,
placés plus bas dans l'échelle de l’Animalité, n'ont ni vrais
poumons m1 vraies ouies ; imais la plupart (ont pourvus de deux
maîtreffes trachées, couchées fur les côtés du corps, & qui
diftribuent des rameaux à toutes les parties ( Part. IL, Chap.
XIX , derniere Note }. Quelques Infeétes ni fe métamorpho-
fent en Mouches, offrent fous cette derniere forme deux ef.
peces de facs, qu'uu grand Obfervatenr à nommés poumonaires,
32 CONTEMPLATION
d'art dans la conftruction de fon merveilleux
édifice.
& qui occupent la partie fupérieure du ventre, Ces Infeétes
ont auf des trachées , comme tant d’autres.
Les Plantes, qui fe rapprochent tant des Infeétes, ont de
même des trachées difperfées dans tout leur intérieur, & ces
trachées reffemblent fi fort à celles des Infeétes, qu’on vait-
bien qu'elles ont été Faites fur le même modele & pour des
fins femblables ou analogues. Ainfi, les trachées font un
genre de vaifleaux très - généralement répandus dans le Regne
organique : & puiiqu’une de leurs principales fonctions pa-
reît être d'introduire l'air athmofphérique dans l'intétieur de
la Plante & de l’Animal, nous pouvons en inférer que cette
Voie eft au nombre de celles dont la Nature fe fert pour
opérer dans les Etres organifés ces admirables combinaifons
des élémens, fi fécondes en grands effets. ( Voyez Pare. V,
Chap. XVII, feconde Note ).
Je ne faurois terminer ces Notes fur la refpiration, fans
dire un mot de la formation de la voix, qui en eft une dépen-
dance. J'ai efquiffé l'organe de l'ouie ( Part. V, Chap. XIV,
derniere Note). Il faut bien que je crayonne auf l’ergane de
la voix, quilui eftrelatif, & qui ne préfente pas moins de
merveilles aux yeux du Contemplateur Philofophe.
Au fond de la gorge & au fommet de la trachée - artere ,
cft une machine affez compofée, formée de l’afemblage de
différentes pieces, différemment configurées, les’ unes carti-
lagineufes, les autres ligamenteufes & tendineufes : cette ma-
chine eft le larynx ou Île principal organe de la voix. Au
milieu eft une ouverture en forme de bec d’aiguiere , qu’on
nomme la glotte, & qui elt recouverte par un petit cartilage
EN
DE LA NATURE. VIL Part. 33
nômmé l’épiglotte, qui peut s'élever & s’abaiffer comme uit
pont.levis, pour ouvrir & fermer le canal. Tont l'air que le
poumon chaffe dans la trachée au moment de l'expiration, eft
forcé d’enfiler ouverture étroite de la glotte, & c’eft du frôle-
ment de cet air contre les levres de celle-ci, que dépend en
général la formation de Ja voix.
Mais il ne fant pas s’imaginer que ce foit à cela feul que
fe réduife tont lë méchanifme de la voix : il y a‘ici bien
plus d'art qu'il men paroît d’abord; car l'organe de la voix
eft deftiné à rendre tous les tons & toutes les nuances de
tons, que l'oreille eft capable de faïfir, Les Anciens avoient
comparé l'organe de ia voix à un ivftrument à vent, &
penfoient l'avoir bien défini. Un habile Moderné (a), qui
étoit parti de la même comparailon, avoit admis que la di-
verfité des tons dépendoit principalement du plus ou du moins
d'ouverture de la glotte; que lorfque cette ouverture augmen«
toit, les tons devenoient graves, & qu'ils devenoient aigus
lorfqu'elle diminuoit. Ce Modèérne étoit allé bien plus loin que
les Anciens, & n’étoit pas encore allé aflez loin. L'organe
de la voix n’eft pas fimplement un inftrument à vent ; il eft à
a fois un inftrument à vent & un inftrument à cordes , & beau-
eoup plus à cordes qu’à vent.
Sur chaque levre de la glotte ef un ruban tendineux &
élaftique, que différens cartilages font chargés de raccourcir
ou d’alonger, de tendre ou de relàcher; & l'on voit déja
que de ces tenfons ou de ces lengueurs différentes doit dé:
pendre la diverfité des tons. Ces rubans de la glotte font donc
des cordes- vocales ; mais il faut un archet pour Faire vibrer ces
sordes : l'air que le poumon chaffe vers la glotte eft cet archet.
Qu'on ne croie pas néanmoins que ces nouvelles connoif+
. (s) M: Doparr.
Tosie IT. G
3 CONTEMPLATION
fances fur l'organe de la voix, ne foient que le fimple rélul-
tat de l'infpection des pieces qui le composent : le profond
Anatomiite (a) à qui nous les devons , ces connoiMances , ne
s’étoit pas borné à voir; il avoit [a encore expérimenter,
æ faire rendre à un Animal mort depuis plufieurs jours,
les mêmes fons ou les mêmes cris qu'il rendoit de fon vi-
vant. Je ne dis pas affez : après avoir détaché du Caidavie
la trachée avec les principales pieces du. Jarynx, il s’avifa
de foufler fortement dans cette trachée pat fon extrémité
inférieure, en même temps qu'il tenoit les rubans de la
glotte plus ou moins bandés; & aufli-tôt il entendit la
voix ou le cri propre à l’Efpece de l'Animal, @ cette voix
ou ce cri hauffer ou baiffer de ton, fuivant qu'il tendoit on
qu'il relàchoit les rubans de la glotte. Et ce qui étoit bien
digne d’être remarqué dans cette finguliere expérience, c’eft
que la voix ou le cri étoit toujours parfritement reconnoif-
fable, foit que la trachée eût appartenu à un Homme ou à
quelqu'antre Animal. Le mugiflement du Taureau, le Lèle.
ment de la Brebis, le cri du Chien qui fouffre , celui du
Coq, &c. étoient fi bien caractérifés, qu'on ne pouvoit s'ÿ
méprendre. Cependant, combien de chofes manquoient ici à
l'inftrument vocal pour modifier & déterminer la voix! Non-
feulement le larynx avoit été Fort mautié, mais encore il n'exi-
toit plus ni palais, mu langue, ni dents , ni levres, &c.
Rien n'eft plus propre que cette ingénieufe expérience ; à
démontrer que la diverfité des tons ne dépend point du plus
ou moins d'ouverture de la glotte, puifqu'on peut y faire
varier à volonté cette ouverture. en même temps qu’on tend
ou qu’on relâche à volonté les rubans de ‘la lotte. Or, f
l'on donne à la glotte une grande ouverture, tandis qu’on
raccourcit ou qu'on tend les cordes vocales, on n'aura point un
fon grave, mais on aura un fon aigu. Çe fera précifément
(a) M. FERRIN.
DE LA NATURE. :VIL Pt. 3
le contraire, fi l'on refferre la glotte & qu'on relâche les
cordes,‘ on aura un fon grave, & jamais un fon aigu. Enfin
la tenue du fon ne variera point, fi la tenfion des cordes de.
meure la inémé à différentes ouvertures de la glotte. À
Au refte, on voit les cordes vacales frémir comme celles
d'un inftramént de mufiqne, & on $aflure qu'elles peuvent
rendre enfemble & féparément différens tons. On peut, pat
exemple , accorder l'octave aiguë de l’une avec l’oétave grave
de l’autre, & partazer ces cordes fuivant leur longueur, &
faire fonuer leuts moitiés , léurs tiers, &c.
L'organe de la voix a été fort diverfifié dans les difé-
rentes Efpeces d'Animaux, & les variétés qu'il y préfente
fourniroient fenles la matiete d’un grand Ouvrage. T1 eft beau-
coup plus compofé dans quelques Quadrupedes, qu'il ne lÆ
dans l'Homme, & il doit paroître fingulier que les Efpeces
où cet organe eft le plus compliqué, foient prérifément celles
qui rendent les fons les plus défagréables à notre oreille. Le
Chevat, l’'Ane, le Cochon, font de ce nombre. Dans ces
Efpeces , la glotte n'eft pas la principale piece de linfiru-
ment vocal. On s'en affure en foulant dans la trachée, &
en fe rendant attentif à ce qui fe pafle alors dans les difé-
rentes pieces du larynx, Le henniMement du Cheval réfulte
du mélange de tons graves & de tons aigus. Les premiers
font bien produits par Îles rubans tendincux de 11 glotte,
mais les feconds le font uniquement par une membrane à
reort , de forme triangulaire, affujettie à l'extrémité de cha-
que levre de ia glotfe. L'infupportable Eraiement de l'Ane
eft dù à un inftrument d’une conftrnéion bien pins recher-
chée encore, & qu’un favant Anatomifte (4) a fu nous faire
admirer. Au fond de fon larynx éft une profonde cavité.
recouverte d'une membrane élaftique, en maniere de
tambours & qui communique avec la trachée par une
(a) M. HERISSANT,
C 3
36 . C0: NNT'E Mi Fi L'ANTMISONN
EN s’éloignant du cœur, le fang rencontre
cà & là fur fa route, des mafles organiques
à
petite ouverture, fituée à Flextrémité des levres de la
glotte. Au-deffus de ces levres fe trouvent encore deux grands
facs allez épais , qui ont chacun une ouverture taillée en
bifeau, & qui regarde la caifie du tambour. L'air qui eft chaflé
avec force par les poumons, dans ces différentes cavités,
met en jeu leurs membranes élaftiques, & de-là naiffent ces
tons fi difcordans & fi éclatans que l'Animal fait entendre.
C’eft auffi à deux grands facs membraneux qui accompagnent
12 layynx du Cochon, qu'eft dû le grognement non moins
déplaifant de cet Animal. Mais il a une autre fingularité à
nous offrir en ce genre : il a , en quelque forte, une triple
glotte. De part & d'autre de la fente de la vraie glotte, eft
une autre fente qui donne entrée à l'air dans les facs mem-
brancux,
Chez les Oifeaux parmi lefquels fe trouvent de fi grands
mufciens, l'organe de la voix eft d'une ftruture bien diffé.
rente, & qui offre des particularitis qui font propres à cette
claffe d’Animaux. Ils ont, comme l'Homme & les Quadrupedes,
une vraie glotte placée à l'entrée: de la trachée, mais dont
les levres n’exercent pas les mêmes fonétions , & ne contri-
buent pas autant à la formation de la voix. C’eft à l’ex-
trémité inférieure de la trachée, & vers l'origine des prin-
cipales bronches, que réfile chez les Oifeaux le principal or-
gane de la voix. Ils ont donc proprement deux larynx ,
l'un fupérieur ou externe, l'autre inférienr ou interne. Mais
toutes les pieces du larynx interne r'influent pas également
fur la produétion & fur les modifications de la voix : la plus
néceffaire de toutes elt une membrane plus ou moins folide,
fituée tranfverfalement entre les deux bronches, & qui com-
munique avec d’autres membranes difpofées de maniere à imi
DE LA NATURE. VII. Part. 3/7
{r], & comme pelotonnées, qu'il traverfe,
& dans lefquelles il fe dépouille d’une partie de
fes principes [2].
ter les hanches du hautbois. D'antrefois les bronches elles.
mêmes font garnies intérieurement de petites membranes , en
forme de croiffant, placées les unes au-deflus des autres, &
qui n’occupent que la moitié du canal. Dans d’autres Efpeces
la trachée offre des pieces analogues , fituées tantôt vers fa partie
moyenne, & tantôt vers fa partie inférieure. On juge aifément
des effets qui doivent réfulter de l'attion de l'air fur ces dif-
férentes pieces plus ou moins élaftiques , lorfqu’il eft chaffé avec
Force par les poumons, & forcé d'enfiler le canal rétréci des
bronches, & qu'il heurte contre les membranes de ce canal &
contre celles du larynx interne.
[11 ff Ce font les glandes ou ces corps charnus, ronds ou
oblongs, formés de l’entrelacement de différens vaifieaux,
deftinés à féparer du fang différentes humeurs, Il eft de ces
mafles pelotonnées en je ne fais combien d’endroits du corps
de l'Homme & de celui des Animaux. Les Anatomiftes les
diftinguent en fimples comglobées, & en compofées ou co-
glomérées : celles-ci font formées de l’affemblage d’un nombré
plus ou moins grand de glandes fimples,
[21 tt Ce n’eft point à dire que toutes les fécrétions s’o-
perent par le miniftere de ces mafles organiques ou des glandes.
Il paroït même que beaucoup s'exécutent par des vaifleaux
plus ou moins fins, continus aux arteres, fans qu'il inter
vienne aucune mafle organique intermédiaire. Les injeétions
le montrent affez. C’eft par de femblables vaifleaux que fe
féparent les humeurs groffieres , coagulables, inflammables ,
aqueufes, &c. telles que la graifle, le fuc gaftrique , !e
C3
38 CONTEMPLATION
ON a cru que ces mafles étoient des efneces
de filtres, imprégnés originairement de la liqueur
qu’ils devoient un jour féparer du fang. On
les à comparés à ces bandes de drap, dont
l'extrémité a été imbibée de telle ou de telle
liqueur, & qui ne tirent précilément que celle
dont elles ont d’abord été imprégnées. . Cette
conjecture, qui a un fi grand air de vraifem-
blance, a été détruite par de nouvelles obfer-
vations. Il eft prouvé aujourd’hui que le mème
organe fépare , en différens temps, des liqueurs
diérentes. La bile eft tranfparente & fans amer-
tume dans le Poulet de neuf jours, & la liqueur
prolifique n’eft dans fon origine qu’une pure
férofité.
Nous ne pénétrons point encore la véritable
méchanique des /écrétions ; nous entrevoyons
feulement qu’elles peuvent s’opérer par une
diminution graduelle des vaifleaux, qui les
proportionne à la petitefle des moiecules qu'il
——
fuc inteftinal, Purine, &c. LEës liqueurs les plus fubtiles
font extraites ‘par des vaiffeaux prodigieufement déliés, qui
ne procedent pas immédiatement des arteres fanguines; mais
qui naiflent d’arteres incomparablement plus fines. Telle eit,
en particulier, la fécrétion des Efprits, qui s'exécute dans
la fubftance cendrée du cerveau. ( Part, VII, Chap. I, der-
niere Note, )
DE LA NATURE. VII Par. 39
s’agit de féparer. Ils peuvent encore avoir du
rapport avec la configuration de ces Gifférentes
molécu'es, & en favorifer l’extraction à la
du ralentiement que leurs plis &
circonvolutions diverfes apportent à la circula-
tio n[3].
[3] +f Les angles que les vaifleaux fécrétoires forment
avec les troncs dont ils patent, doivent entrer ici en con-
fidération. Il eft démontré que la viteffle du mouvement des
liqueurs diminue ou augmente felon que les angles font plus
ou moins ouverts. Les liqueurs épaiffes ou vifqueufes, &
dont ke mouvement eft plus lent, font donc féparées par des
vaiffeanx qui forment avec leurs troncs un angle droit ou
approchant du droit, tandis que des liqueurs qui fe meuvent
rapidement , font extraites par des vaiffleaux dont la direétion
s'éloigne peu de celle du tronc. Mais écoutons 1à- deffus un
des plus grands Püyhologifes du fiecle. ‘ La firuéture
., du corps, dit-il, fait voir que l'effet de ces angles
» doit entrer pour quelque chofe dans les fécrétions,
> puifque les angles que les rameaux forment avec leurs
» trones font différens , aini que les rameaux , en differentes
» parties : auf les plus petits vaifleaux repréfentent-ils en
» différens endroits de petits arbres ,. dont les principales
» branches envoient des rameaux de toutes parts, mais fous
» différens angles ; par exanple , fous de petits angles dans
» les gros intcitins, & fous de plus grands dans les grèles.
» Les artérioles rouges ont dans H rate la figure d’un af
» perfoir, & fortent en quantité de leurs petits troncs : elles
» repréfentent un pinceau dans les inteftins, un ferpentin
2 dans les reins, un€ étoile dans le foie, un cercle daus
(a) HALLER.
C4
4 CONTEMPLATION
»» l'uvée : ne penferons nous donc pas avec taifon que l'Au-
>» teur de la Nature n’a point produit en vain ces diverfités de
» frudture?,,
Non-feulement les flexions multipliées des vaiMeaux Fivo-
tifent l'extraction des molécules de tel ou tel ordre, en ralen-
tiffant le mouvement du fang, mais elles donnent lieu encore
au rapprochement de ces molécules, & contribuent ainfi à la
formation des humeurs, qui, dans l'inftitution de la Nature,
doivent avoir une certaine vifcofité ou une certaine confiftance.
Les liqueurs les plus fubtiles s’échappent alors par les vaifleaux
les plus droits ou par d’autres voies.
Dans les glandes proprement dites, il y a toujours une
attériole qui y apporte le fang, un vaiffeau fécrétoire qui fé-
pare de ce fang les molécules d’un certain ordre, un ou plu-
fieurs vaifleaux lymphatiques, qui verfent une liqueur propre à
rendre l'humeur plus ceulante , & à y opérer une certaine pré-
paration & une veinule , qui rapporte dans la maffe du fang le
réfidu des liqueurs PE |
C'eft par ces divers procédés, & par bien d’autres encore, que
je ne faurois détailler , que la Nature fépare peu à-peu du fang
les différentes humeurs dont il eft originairement imprégné, &
qu’elle leur donne par degrés les différentes préparations né-
ceffaires à l'entretien du fyitème organique dans chaque Efpece
d'Animal, |
Le célebre MECKEL , cet excellent Anatomifte, qui, à l'aide
de fes admirables injeétions, avoit découvert tant de chofes
dans fa ftruéture du Corps humain, démontroit que les vaif-
feaux lymphatiques des glandes fimples , fi univerfellement ré-
pandues , s'abouchent immédiatement avec les veines, pour
introduire dans la maffe du {ang la partie la plus féreufe de la
lympüe, & le rendre plus coulant, tandis que la partie de cette
lymphe , deftinée à la nourriture des folides, prend ainfi plus
de confiftance dans la glande.
DELA NA T U RE: VII: Part. fi
C'EST ainfi qu’en faifant pafler laliment par
une multitude innombrable de couloirs, dont
les calibres fe modifient fans cefle, la Nature
parvient à l'affimiler à Animal, & à lincor-
porer dans fes chairs. Ce n’eft plus alors du
chyle ni du fang, c'eft une liqueur bien plus
L’habile Phyfologifte, toujours occupé des fages vues de
lAuteur de la Nature, remarquoit encore que toutes les
fois que la rentrée d’une certaine liqueur dans le fang eft
d'une grande utilité aux fonétions animales, cette rentrée à
été rendue très - facile par la multiplication des veines réfor-
bantes, & par l'augmentation du calibre de ces veines, C’eft
ce qu'il avoit fur-tout admiré dans la réforbtion de cette li.
queur précieufe , dont dépendent la confervation, de J'Efpece
& les forces de l’Individu. Ses injetions lui avoient démon-
tré combien le retour de cette liqueur dans le fang a été
rendu facile par les veines qui abondent dans les véficules
féminales, & par l’ampliation de ces veines. Il obfervoit en-
fin que pour obvier au trop grand épaifhiffement de la liqueur ,
Auteur de la Nature a diftribué dans les véficules un grand
nombre de vaifleaux lymphatiques qui la rendent plus cou-
Jante, & en favorifent la réforbtion.
Ces différentes liqueurs que des organes fi artiftement conf
truits féparent fans ceffe de la mafle du fang, s’altéreroient
bientôt fi elles féjournoient trop long-temps dans ces organes ;
& c’eft pour prévenir les fuites fatales de cette altération,
qu’elles {ont continuellement repompées par des vaifleaux qui
les font rentrer dans le torrent de la circulation : économie
merveilleufe, qu’on admire d'autant plus, qu'on eft plus pre-
Fondément initié dans les fecrets de la Phyfique animale!
4 CONTEMPLATION
élaborée, & qui eft connue fous ie nom affez
vague de lyinphe.
Nous ne faurions fuffire à admirer l’appa-
reil prodigieux de vailleaux divers qui exccu-
tent les fécrétions de différens genres. Les
reins , le foie, le pancréas, &c. font des laby-
inthes où l’Anatomifte le plus confommé va fe
perdre. La fubftance propre de ces vifceres
n’elt, à proprement parler, ni glanduleufe ni
vafculeufe. L'on sétoit fort partagé fur ce
point, faute d’avoir pénétré plus avant dans
ces routes ténébreufes. Un habile Académicien ,
qui a eu le courage de s’y enfoncer, n’a
vu, à fon grand étonnement, qu'un amas in-
concevable de tuyaux blancs, d’une petitefle
extrème, repliés fur eux-mêmes de mille &
mille manieres différentes, qui an’admettoient
aucune injection, quoique liés aux vaifleaux
{anguins, & qui, mis bout à bout par la pen-
fée, auroient formé une chaîne de plufeurs
lieues de longueur [4]. Voilà tout ce que Part
[4] +f De dix mille toifes ou de cinq lieues. On voit
affez que je parle des belles découvzrtes du célebre FERREIN
for la ftruéture des reins. Il a démontré que dans l’efpace
d’une ligne quarrée d’un rein humain, font contenus environ
deux mile cinq cents de ces admirables tubules. On peut
juger par-Rà de leur petiteffe , & pourtant l’Anatomifte a très-
bien démêlé des vaiffleaux fanguins qui rampent: {ur la
DE LA NATURE. VII Part. 43
découvre dans les organes fécrétoires. Mais
combien ces petits cylindres creux renferment.
ils de particularicés intéreffantes , qui échap-
pent à nos veux & à nos inftrumens! Que
de variétés dans leur ftruéture, dans leurs
fonctions, dans leur jeu … n’y. découvririons-
nous point, s’il nous étoit permis de defcen-
dre jufqu’au fond de cet abyme qui recele un
des pius grands myfteres de la Nature! Toutes
les liqueurs animaies {ont plus ou moins më-
langées, & ces petits tuyaux fe diverffent
fans doute affez pour féparer les différentes
molécules qui doivent entrer dans la compofi-
tion de chaque liqueur. Quelles ne font donc
point la firuéture & la finefle de ceux qui &l-
furface de ces tubules , & qui pénétrent dans leur intérieur,
C'eft dans ces tubules que fe fépare la matiere de l'urine,
qui y eft apportée par les vaifleaux fanguins. D’autres tabu-
es, continus avec ceux-ci, recoivent l'urine, @& s'ouvrent
dans des efpeces de culs-de-facs qui correfpondent aux ypa-
pilles du baffinet. On ne fauroit douter que l’organifation de
la fubftance corticale du cerveau ne refflemble fort à celle
des reins, & on a déjà des preuves qu'il en eft de même
de l’organifation du foie, & de celle de quelques autres or-
gancs fécrétoires. Je ne connois aucune découverte qui foit
plus propre à faire jnger de tout ce qn'on peut fe promettre
du fualpel, des irjeétions & du microfcope , quand ils fe-
ront maniés par des mains auffi habiles que celles de notre
Académicien,
44 CONTEMPLATION
trent ce fluide fi fubtil, que nous avons com-
paré à l’éthèr ou à la lumiere, & dont les opé-
rations fe diverfifient prefqu’à linfini !
75
CH A PT TRE VUE
ES— ——— À (—_——
L’accroiffement.
Sr nous favions comment une fimple fibre
croit, nous pourrions dire comment l’Animal
croit; car tout fon Corps n’eft qu’un affem-
blage de fibres différemment figurées & eom-
binées.
L’ACCROISSEMENT s’opere toujours par la
nutrition.
CELLE-CI incorpore à la fibre des molécules
étrangeres , qui l’étendent en tout fens (1).
(1) ff On feroit fondé à foupçonner qu'un Corps orga-
nifé eft originairement tout vafculeux, & que les fibres qui
forment les folides ne font d'abord que les extrémités les
plus ténues des vaifleaux. Peu-à-peu ces extrémités capillaires
fe rempliffent de la matiere nourriciere, deviennent folides
intérieurement, & revêtent la nature fibreufe. 11 eft afez
connu que le nombre des vaiffeaux eft beanconp plus grand
dans le Fœtus que dans l'Enfant nouveau-né, & beaucoup
DE LA NATURE. VIL Part. 4$
CETTE forte d’extenfion eff ce que l’on nomme
le développement.
Mais, tandis que la fibre croit, elle retient
plus grand dans celui ci que dans l’Adulte. Les plus gros mêmes
s’obftruent fouvent , & deviennent folides ou offeux dans le
Vieillard.
Ce n’eft pas le fang qui nourrit les folides : il feroit trop
groffier pour être admis dans les fibres qui font les élémens
de ces derniers, Mais le fang eft le réfervoir de la matiere nour-
riciere , & cette matiere eft une forte de férofité ou de lymphe
coagulable , femblable ou analogue au blanc de l'œuf.
La nutrition des fibres fuppofe donc deux opérations efer
tielles ; l’extra@ion de la lymphe, & fon incorporation dans le
tiffu des fibres.
Nous voyons à-peu-près comment s’opere l’extraétion : nous
en jugeons par d’autres fécrétions que nous fuivons à l'œil :
mais nous n'entrevoyors pas de même comment s’opere l'in-
corporation. C’eft ici que la Nature s’enveloppe des plus épaiffes
ténebres,
L’extraétion de la lymphe nourriciere s'exécute par des
Vaiffeaux dont la fineffe extrême correfpond à celle des parties
à nourrir. Et comme ces parties different beaucoup par le
degré de délicatefe on de ,çconâftance, on comprend qu'il eft
dans les fues nourriciers des diverfités relatives. Il feroit
même poflible qu’il y eût dans le Corps animal des parties
d'une fi prodigieufe finefle , qu'elles ne puffent être nourries
que par le fluide nerveux. Ce feroient fur-tout les fbrilles de
la fubftance médullaire des nerfs, qui paroitroiert exiger un
femblable aliment.
\
46 CONTEMPLATION
fa nature propre, & fes fonctions eflentielles ne
changent point.
LA fibre s’incorpore donc les molécules étran-
geres dans un rappott direct à fa nature propre
ou à fa conftitution particuliere.
Sa ftructure renferme donc des conditions
qui déterminent par elles-mèmes l’affimilation (2).
La fibre n’eft pas compofée elle-mème d’au-
tres fibres; celles - ci d’autres fibres encore :
(2) +f C'eft ici précifément que gît le point le plus dif.
ficile de la méchanique fecrete de l’accroiffement. Chaque or-
gane à fa fin, & fa ftructure propre eft l'enfemble des moyens
relatifs à cette fin. Tandis qu'une fibre vifuelle croit, elle
retient conftamment les qualités qui la caraétérifent, comme
fibre de l'œil, & qui la diftinguent de toute autre fibre. Il
faut douc que la ftruéture de cette fibre, qwon peut envilager
elle-même comme un très-petit organe , feit telle qu'elle dit.
pofe les molécules noutricieres à s'arranger dans un rapport
déterminé à l'efpece particuliere de la fibre, enforte que
cette efpece ne change point pour l’effentiel. Si les Phyfiolo-
giftes avoient donné plus d'attention à ce fait, ils en auroient
fenti plus fortement la difficulté du problème. Ce fait fem-
ble au moins indiquer qu'une fibre n’eft pas une chofe auffi
Æmple qu'on le croit communément. L'organifme s'étend bien
loin dans les machines animales, & il eft arrivé bien des
fois qu'on a pris pour inorganifé , ce qui étoit très - orga-
nié.
DE LA NATURE. VII Part. 47
cela ne finiroit point. Mais ia fibre et formée
de molécules ou d’élémens, dont la nature, Îles
proportions & larrangement refpedtifs détermi-
neat l’efpece de la fibre, & la rendent propre à
telle ou telle fonction.
CE font ainfi les élémens de la fibre, qui
operent en dernier refort l’affimilation, & qui
en s’uniffant aux molécules nourricieres aui
ont avec eux de laffiuité, leur donnent en
mème temps un arrangement relatif à celui qu’ils
ont dans la fibre.
L’EXTENSION de.la fibre fuppofe que fes
élémens peuvent changer de pofition refpecive,
qu'ils peuvent s’écarter plus ou moins les uns
des autres ; mais cet écartement a {es bornes, &
ces bornes font celles de l’accroiffement.
À mefure que la fibre croît, elle acquiert plus
de folidité; car le nombre des molécules incor-
porées augmente de jour en jour, puifqu’eile ne
croit que par l’incorporation fucceflive de molé-
cules étrangeres.
PLus la folidité augmente, & plus la fou-
plefle ou la dudtilité diminue. Il y a plus de
molécules fous un mème volume, pius de
Lé
48 CONTEMPLATION
cohérence, plus d'attraction. La fibre tend
donc contiauellement à s’endurcir , & le dernier
terme de l’endurciffement eft le dernier terme
du croit (3).
Lors donc que la fibre a pris tout fon accroif-
(3) tt Le bois d'un Arbre, les os d’un Animal ne font plus
fufceptibles d’extenfion , dès qu'ils fe font endurcis jufqu'à uw
certain point, Nous avons là- defus les expériences les plus
décifives. Les plaies qui intéreffent un bois ou un os déja For-
més, ne fe cicatrifent point par le prolongement des anciennes
fibres ; mais de nouvelles fibres, mifes en réferve, fe déve:
loppent & produifent la cicatrice.
Ce ne font pas feulement les parties dures qui fuivent cette
loi ; les parties molles ou purement charnues la fuivent auf.
C'eft ce que j'ai obfervé conftamment dans les Vers d’eaw
douce & dans les Vers de térre , que j'ai multipliés par bou-
ture. L'ancien tronc ne s’eft jamais prolongé; & n’a jamais
fourni de fa propre fubftance à la reprodn@ion des nouvelles
parties. Nous avons vu la même chofe, M. SPALLANZANI
& moi , lorfque nous avons fuivi les admirables reproduétions des
membres du Limaçon terreftre & de la Salamandre aquatique.
Ainfi plus les fibres acquierent de mafle ou de folidité par
l'incorporation des molécules nourricieres, & plus elles ap-
portent de réfiftance à la force qui tend à les déployer. Cette
Force réfide dans le cœur & l'artere, En s’alongeant par l'im-
pulfion du cœur , l’artere fait effort contre toutes les parties
auxquelles elle tient, & le; étend proportionnellement. Le
Poulet met ceci dans un grand jour; car on y fuit à l'œil les
progrès de l’accroiffement, & ils y font bien plus rapides que’
dans l'Homme & le Quädrupede.
fement
DE LA NATURE. VII Part. 49
fement , elle eft un petit tout organique, com-
polég® fes molécules élémentaires, & de toutes
celles que la nutrition leur a incorporées pendant
la durée de laccroiflement.
Si donc nous pouvions fépärer de la fibre
toutes ces molécules qu’elle s’eft aflimilées , nous
la ramenerions à {on état primitif.
Ceci s'applique à tous les Corps organifés.
Ils font, fi lon veut, des Ouvrages à réfeau.
Une force fecrete chaffe l'aliment dans les mailles.
Il les agrandit & les garnit peu-àa-peu. Il s’in-
finue encore entre les élémens du tiflu mème.
Le réfeau s'étend, s’endurcit & s’épaiflit em
fin [4].
[41 tt Ces idées fur l’accroiffement, que j'ébauchois dans
ma jeuneffe, & que le grand HaLLER avoit goûtées, ont
£té confirmées bien des années après par les découvertes de
M. HERISSANT , fur l’accroiflement des os, @ fur celui
des Coquillages & de différens Corps marins. Il à démontré,
que dans les uns & les autres fe trouve conftamment une
fubftance purement animale, un tiflu parenchymateux , qu
fait le fon ou la bafe de l'os ou de la coquille, & que c'e
ce tiffu parenchymateux qui s’incrufte intérieurement, &
peu-à-peu de la matiere terreufe à laquelle l'os ou la coquille
doit fa dureté. Ce réfeau parenchymateux, que des expériences
curieufes ont mis fous les yeux de l’Anatomifte, nous re-
préfente très-bien ce fond primordial que je fuppolois dans
Tome Il. D
fa CON E, M PL, 2 TT 0 N
CHAPITRE "VTT
Les Gersnes.
Lrosseux la Phyfique a entrepris d’expli-
quer #échanigueinent la formation des Corps
toutes mes méditations fur laccroiMement; & la matiere ter-
renfe dont ils'incrufte, ne repréfente pas moins bicn lés mo
lécules nourricieres, que je fuppofois que la nuttition faifoit
pénétrer dans les mailles du t#lu primordial de l'embryon, &
qui donnoient peu-à-peu à toutes fes parties le degré de confif.
tance qui leur convient.
Il faut donc concevoir que les mailles du téfeau primor-
diat, ont été diverfifées dans ua rapport dire& à la nature
& aux fonétions de chaque partie. On ne doit pas fe les
repréfenter précifément comme les mailles d'un tiffu ou comme
les trous d’un crible: cette image groffiere ne répondroit
pes à toutes les conditions que la nutrition & l’accroifement
fuppofent. La conformation du réfeau dont il s'agit, doit
renfermer des particularités qui le différencient beäycoup des
réfeaux que l’art exécute, & auxquels nous voudrions Île
comparer. Hl doit féparer, arranger & retenir les molécules
nourricieres dans un rapport direct à l'économie propre de cha-
cue ilide, & tort cela paroît fuppofer beaucoup plis que de
£moles mailles ou de fimples trous. Ainfi, dans ,mes idées , le
réfean primordial n'eft pas feulement un organe fecréteur uni-
verfellement répandu , il eft encore un organe ordonnateur ,
chargé de difpofer les molécules nourricieres dans un ordre dé-
téminé & conftant.
DE LA NATURE. VII Part. SŸ
otganilés ; elle s’eft perdue dans la nuit des con«
jectures, & il a fallu que la Philofophie lui ait
.prèté fon flambeau pour lui aider à en découvrir
la véritable origine.
Sans être un MORGAGNI, un HALLER , un
ALBINUS, on compreud très - bien que toutes
les parties d’un Animal ont entr’elles des rap-
ports fi directs, fi variés, fi multipliés; des
liaifons fi étroites, fi indiflolubles, qu’elles doi-
vent avoir touiours exifté enfemble. Les ar-
teres fuppolent les veines : les unes & les
autres fuppofent les nerfs; ceux-ci, le cer-
veau ; ce dernier, le cœur, & tous fuppofent
une multitude d'autres organes.
Vouroir qu'un Animal fe forme, comme
un Sel où un Cryftal, de la réunion de dif-
férentes molécuies , qui s’affemblent en vertu de
certaines forces de rapport ; admettre que le cœur
elt furmé avant le cerveau, celui - ci avant les
nerfs ; en un mot, foutenir que l’Animal fe
façonne par appoñtion, c’eft préférer SCUDÉRE
à Bossusr, le Roman à l'Hiftoire.
Des Sages , appellés à éclairer le Monde , ont
choqué les regles de la Logique la plus com-
mune : ils ont jugé du temps où les parties d’un
D 2
_
52 CONTEMPLATION
Animal ont commencé d’exilter, par celui où
elles ont commencé à devenir vifibles ; & tout ce
qu'ils ne voyoient point , n’exiftoit point. ”
CE que l’on appercçoit d’abord dans le Germe
du Poulet eft un point vivant, dont le mouve-
ment perpétuel fixe agréablement l'attention
de l'Obfervateur. Les contractions & les dila-
tations alternatives & très-promptes de ce point
vivant, apprennent affez qu'il eft le cœur du
petit Animal. Mais ce cœur femble être à nud
& placé à l'extérieur du Corps. Au lieu de fe
montrer fous la forme d’une petite mafle pyra-
midale , il fe montre fous la forme d’un demi-
anneau [1]. Les autres vifceres apparoiflent en-
[1] tt Les mouvemens du point vivant font fi vifs dans lee
premiers temps, qu'on a peine à les fuivre de l'œi. On et
parvenu à compter jufqu'à cent quarante pulfations par mi-
nute. On ne diftingue bien les pulfations qu’au commencement
du fecond jour de l’incubation.
Le ventricule gauche & la bulbe que forme alors l’artere,
fe mettent les premiers en mouvement : peu de temps après,
on apperçoit une fyftole & une dyaftole dans trois véficules
qui battent par ordre & féparément ; ce font le ventricule
gauche, l'aorte & l’ébauche de la veine cave & de loreil-
lette droite. Dans ce jeu alternatif, c’eft cette dernicre qui
commence, puis le ventricule gauche, enfuite l'aorte. Ces
dilatations & ces contractions alternatives férment un fpec-
acle qu'on ne fe laffe point d'admirer ; mais elles deviennent
A
DE LA NÂTURE. VIL Part. $3
fuite fucceflivement , & femblent venir fe ran-
ger, les uns apres les autres, autour du point
vivant. On ne découvre point encore d’enve-
loppe générale; tout eft tranfparent ou à-peu-
près, & ce n’eft que peu-à-peu qu’on voit fe for-
mer des tégumens deftinés à recouvrir toutes les
parties.
CEST fur ces apparences trompenfes qu’on.
a imaginé que l’Animal fe formoit par appo-
fition, comme une végétation chymique. L’on
a bâti là - deflus des {yftèmes plus hardis que fo-
lides, & qu’un intérèt fecret étaie, défend &
propage.
Mass le Philofophe ne prète point à la Na-
ture fes vues particulieres : il ne fe prefle point
de tirer des conféquences de faits douteux : il
veut voir & revoir, & il fe voit, Toute cette.
Yormation du Poulet, qu’on fe plait à nous dé-
guifer , n’eft qu’une petite décoration qui trompe
les yeux, & dont un grand Obfervateur nous à
dévoilé le myftere.
moins apparentes , dès que l'oreillette & le ventricale droit
fe font affez réunis pour faire corps avec les premieres ébau-
ches du cœur. Je parle ici d’après cet excellent Obfervateur (*}
à qui la Nature avoit révélé tant de particularités fecretes de
l'hiftoire du-Poulet;
(*) Hazzer.
D 3
è
yA\
f4 °©C'ONIT\ELM P\L'V4 TT 0%
Daxs ces premiers commencemens, lAni-
mal eft prefque fluide. Il prend par degrés la
confiftance d’une gelée. Toutes les parties ont
alors des fituations , des formes, des proportions,
qui different beaucoup de celles qu’elles obtien-
dront dans la fuite. Leur petitefle, leur mollefle,
leur tranfparence fortifient lillufion. L'on fe
perfuade qu’un vifcere eft à nud, parce que la
tranfparence de fes enveloppes les dérobe à la
vue. On le méconnoit, parce qu’il eft très.de-
guifé. On le cherche où il n’eft point; on ne
le trouve pas où il eft. Et fi l’illufion rencontre
dans lefprit quelque motif ou quelque préjugé
qui la favorife, elle prendra la place de la réalité,
& l’interprete de la Nature n’en fera plus que le
Romancier.
Voulez - vous une démonitration courte &
facile de tout ceci? Quand le poumon du Pou-
Jet commence à tomber fous les fens, fa gran-
deur eft déja de dix centiemes de pouce. Il ef
prouvé qu'il auroit été vifible avec quatre de
ces centiemes , s’il n’avoit pas été de la tranf-
parence la plus parfaite. Le foie et plus grand
encore à fa premiere apparition ; fa tran{parence
feule le rendoit invilible. IE en eft de mème des
reins : tandis qu’ils ne paroiflent point exifter
encore, ils {éparent déja l'urine. Le cœur poule
DE LA NATURE. VIL Parf $<
le fang dans les arteres avant qu’on ait pu
s’en douter, & on ne le reconnoït que par
les accroiemens de l'embryon, qui ne font
jamais plus accélérés que dans les premieres
heures. |
BIEN. d’autres faits concourent avec ceux-ci à
établir la préexiltence des Touts organiques.
On fait aujourd’hui que beaucoup d’Infe@es
multiplient, comme les Plantes, de bouture.
On les coupe par morceaux, & chaque mor-
ceau {e régénere & devient un Animal parfait.
Ees Vers de terre font au nombre de ces In-
Sectes qui renaiffeñt de leurs débris; & comme
ils font fort gres, les phénômenes de leur
récénération foht très-fenfibles.. Le troncois
ui-mème ne prend jamais aucun accroifement ;
4 refte toujours tel que la feétion Pa donné;
feulemenc il maigrit plus ou moins. Mais au
bout de quelque temps, on voit paroiître à fon
extrèmité un tres-petit bouton blanchâtre , qui
groffit & s’alonge peu à-peu. Bientôt on vient
à y démèler des anneaux. Ils font d’abord très.
ferrés , très - rapprochés. Ils s'étendent infenfi-
blement en tout fers. On apperçoit des ftig.
mates (2) à leur extrèmité, & la tranfparence
(2) tt Je me trompois : le Ver de terre n'offre ni fliyma.
tes ni trachées. M. SPALLANZANT s'en eft afluré. Auf le
D 4
6 CONTEMPLATION
de leurs membranes permet de pénétrer dans
leur intérieur, & d'y obferver la circulation
du fang. De nouveaux poumons, un nouveau
cœur , un nouvel eftomac, fe font développés ,
& avec eux quantité d’autres organes. Cette
portion nouvellement reproduite eft extrème-
ment effilée, & tout - à - fait difproportionnée
au tronçon fur lequel elle a crû. L'on croit
voir un Ver naïflant, qui s’eft enté au bout
de ce tronçon , & qui tend à le prolonger. Ce
petit appendice vermiforme fe développe lente-
ment. Îl parvient enfin à égaler le tronçon en
groffeur, & à le furpañfer en longueur. Il n’eft
plus poffble de l'en diftinguer que par fa cou-
leur , qui demeure un peu plus foible que celle
de ce dernier.
VoiLa donc un nouveau Tout organique,
qui poulle fur un ancien Tout, & fait Corps
avec lui: voila un bouton animal, qui naît
& s'épanouit fur le tronçon d’un Animal, com-
me un bouton végétal fur le tronc d’un Arbre.
Remarquez fur: tout ; car ceci elt effentiel, que
Ver de terre peut-il être plongé entier dans l'huile, & même y
féjourner des heures fans en fouffrir. Il périt néanmoins , s’il
demeure privé d'air pendant un certain temps, ou fi l'air qui
l'environne ne fe renouvelle point. Quelques obfervations fem
blent indiquer qu'il refpire par la bouche.
L
DE LA NATURE. VII Part, $7
les chairs du tronçon ne concourent point à
la formation de la partie qui {e régenere: le
tronçon ne fait que nourrir le bouton ; il n’elt
que le terrein dans lequel celui-ci vegete. La
partie qui fe reproduit pañle donc par tous les
états & par tous les degrés d’accroiflement , par
lefquels Animal entier avoit pañlé lui- mème.
Elle a donc probablement la mème origine :
elle eft un véritable Animal, qui préexiftoit très-
en petit dans le grand Animal qui lui a fervi
de matrice.
LEs mèmes chofes s’obfervent dans la régé-
nération de certains Vers d’eau douce; mais elles
y font moins fenfibles, parce qu’ils font petits,
fort mols & prefque gélatineux.
Nous avons vu que le Polype multiplie na-
turellement par rejettons. Il met fes Petits au
jour , comme un Arbre y met fes branches. Il
fort ou peut fortir de tous les points de fon
extérieur de petits boutons. Ces boutons ne ren-
ferment pas un Polype, comme le bouton vé-
gétal renferme un Arbre en petit; ils font eux-
mèmes un Polype qui n’a pas achevé de fe déve-
lopper.
LEs reproductions végétales nous offrent les
tr —
$ÿ CONTEMPLATION
mèmes réfultats. Si l’on étète un Arbre, le tronc
ne fe prolonge point, mais il poufle une multi-
tude de boutons , dans chacun defquels un petit
Arbre eft logé; car le bourgeon ou la branche
qui en fort, et un Arbre greffé, en quelque for-
te, fur le tronc qui le nourrit.
CHAQUE graine renferme pareillement une
Plante en miniature. Des yeux médiocrement
exercés à voir, découvrent facilement la tige,
les feuilles & la racine de cette petite Plante.
Mais PObfervateur remonte bien plus haut,
& va démèler dans un oignon ou dans un bou-
ton naïfant, les fleurs qui n’éclorront que l’année
fuivante.
QuaAxp l'évolution commence dans un Tout:
organique, fa forme differe fi prodigieufement.
de celle qu’il revètira, qu’on le méconnoitroit
fi on ne Pavoit fuivi dans toutes fes révolutions.
Voyez comment les parties d’une Plante font
replices , contournées , concentrées dans la graine
ou dans le bouton ? Et - ce là cet Arbre majef-
tueux qui ombragera un jour un grand ter-
rein, cette fleur qui s'ouvrira avec grace, ce
fruit qui s’arrondira réguliérement ? Vous n’ap-
percevez qu’un amas informe de filamens pelo-
tonnés, & pourtant ce petit cahos renferme
DE LA NATURE. VII Part. 59
déja un Monde, où tout elt organife & fymmé-
trique.
L
Vous avez vu cent fois les Grenouilles fous
leur premiere forme , fous cette forme qui leux
a fait donner le nom de Tétards. Elles ne mon-
trent alors qu’une grofle tète & une longue
queue. Tel eft le Poulet quand il commence à
fe développer. Une queue très efhlée & éten-
due en ligne droite, eft attachée à une grofle
tète, & cette queue contient tous les rudimeus
de la charpente : que dis je, elle eft la charpente
elle-mème ; & le Auide tranfparent où elle paroit
nager , eft Penfemble des parties molles qui la
recouvriront dans la fuite.
LES mèmes révolutions ou des révolutions
analogues à celles qui font pañer le cœur du
Poulet, de la premiere forme de demi-anneau
à celle du pyramide , conduifent donc le Pou-
let lui-mème à l’état de perfe@ion (3). S'il nous
G) tt L'Hiftorien du Poulet a reconnu & caradtérifé
quatre révolutions ou quatre phafes principales du cœur du
Poulet: mais on conçoit facilement qu’il avoit pu en fabir
bien d’autres, avant le temps où il commence à devenir vi-
fible. Toutes ces révotations font déterminées les unes par les
autres, & la derniere tenoit à la premiere par une multitude
de chainons intermédiaires, que l'œil humain ne fauroit faifir
en détain
V4
re
é CONTEMPLATION
étoit permis de pénétrer jufqu’au fond dans Îa
méchanique qui opere ces changemens fucceflifs ,
combien nos connoiflances d'économie animale
acquerroient.elles de précifion & de certitude !
nous contemplerions dans un œuf les myfteres
des deux Regnes : & combien notre admiration
accroîtroit-elle pour cette Sagefle Adorable, qui,
par les moyens les plus fimples, parvient tou-
jours à la plus noble fin!
EE ————— 157)
CH, AP, PAPERS TES
Continuation du même [ujet.
Fe plus on remonte dans Porigine des
Etres organifés, & plus: on fe perfuade qu'ils
ont préexifté à leur premiere apparition; now
pas tels qu'ils apparoïfflent d’abord, mais plus
déguifés : & s’il nous étoit poflible de les pren-
dre de plus haut, nous les trouverions, fans
doute, plus déguifés encore, & nous ferions
à comprendre comment ils pourroient revêtir
cette premiere forme fous laquelle ils s’affrent
à nous, quand ils commencent à tomber fous
nos fens.
DELA NATURE. VIL Part. 6
Nous ne faurions donc nous faire aucune
idée de létat primitif des Etres organifés; je
parle de cet état que je concois qu'ils tiennent
de la MaiN mème de Celui qui a tout or-
donné dés le eommencement. Les faits nous con
duifent à admettre une telle préordination ; mais
ils he nous en découvrent point la maniere.
L’infufifance de toutes les folutions purement
meéchaniques , eft un nouveau motif de recourir
a un arrangement préétabli. Pourquoi ferions-
nous de vains & ridicules efforts pour nous
pafler de l’Etre Ordonnateur ? Ne faut-il pas
toujours que l’enfemble des Caufes fecondes aille
enfin fe réfoudre dans la Caufe premiere , dont
Vidée fublime & confolante eit fi propre à fati£
faire & à pertectionner le Cœur & l'Efprit ?
Les forines, fi élégamment variées, des Vé-
gétaux & des Animaux qui ornent la furface
de notre Globe, ne font dans le Syftème de
cette admirable préordination , que les derniers
rélultats d’une multitude de révolutions fuc-
cefñves, qu'ils ont fubies avant que de naître,
& qui ont peut-être commencé des la Création.
Quel feroit notre étonnement, f: nouSmpouvions
pénéirer dans fes profondeurs, &"promener
nos regards dans cet abime! Nous y décou-
vritions un Monde bien diérent du nôtre,
en de en D
6? CONTE M'P L'ATION
& dont les décorations bizarres nous jettes
roient dans un embarras qui accroitroit fans
celle. Un Reaumur, un Jussieu , un Lin-
NEUS, sy perdroient. Nous y chercherions nos
Quadrupedes, nos Oifeaux , nos Reptiles, nos
Infetes, &c. & nous ne verrions à leur place
que des figures bizarrement découpées, dont
- les traits irréguliers & informes nous laiferoient
incertains fi ce que nous aurions fous les yeux
feroit un Quadrupede où un Oifeau. Il en {e-
roit de ces figures comme de celles de POpti-
que, qu'on ne parvient à reconnoître qu’en les
redrefänt avec un miroir. La fécondation fait ici
Poffice de ce miroir; elle eft le principe d’un dé-
Veloppement , qui redreffe les formes & nous les
rend fenfbles.
CET état dans lequel nous concevons qu'ont
été d’abord tous les Corps organifés, eft l’état de
Germe, & nous difons que le Germe contient
en raccourci toutes les parties du Végéial ou de.
FPAnimal futurs.
IL n’acquiert donc pas des organes qu’il n’avoit
point; maïsMdes organes qui n'apparoifloient
point encore, commencent à devenir vifbles.
Nous ne connoifons point les dernieres bot-
nes de la divifion de Ja matiere ; mais nous
DELA NATURE. VIL Port. 63
voyons qu'elle a Cté prodigieufement divifée.
De lEléphant à la Mitte, de la Baleine à l’A-
nimalcule, vingt-fept millions de fois plus petit
que la Mitte; du Globe du Soleil à un globule
de lumiere, quelle multitude inconcevable de
degrés intermédiaires! Cet Animalcule jouit de
la lumiere ; elle pénetre donc dans fon œil; elle
y trace l’image des objets ; quelle effroyable pe-
titefle que celle de cette image! Quelle petitefe
plus etfroyable encore que celle d’un globule
de lumiere , dont plulieurs milliers, & peut-être
plufieurs millions entrent à la fois dans cet œil (1)!
Mars le grand & le petit ne font rien en
eux-mêmes, & n’ont de réalicé que dans notre
imagination. Il eft poffible que tous les Germes
d’une mème efpece atent été originairement em-
boités les uns dans les autres, & qu’ils ne faf.
fent que fe développer de génération en géné-
ration , fuivant une progreffion que la Géométrie
tente d’affizner (2).
(1) tt Après de tels exemples, il ne vaut preîque pas la
peine que j'en indique un autre, que nous fournit le célebre
100KE. Il nous apprend que les graines d’une certaine Mouffe
font d'une G prodigieufe petitefe, qu'il en faut plus de fept cents
foixante.dix millions pour ésrler le poids d’un grain.
(2) ff Le terme d'exbostement dont on fe fert en par-
Jant des Girmes, réveille une idée qui n'’eft point du tout
art to re es tot ete
6 CONTEMPLATION
CETTE hypothefe de l'emboitement eft une
des plus belles victoires que l’entendement pur
exacte. Les Germes ne font pas renfermés comme des boîtes
ou des étuis , les uns dans Îles autres : mais un Germe fait par-
tie d’un autre Germe , comme une graine fait partie de la Plante
fur laquelle elle fe développe. Cette graine renferme une petite
Plante, qui a auf fes graines, dans chacune defquelles fe trouve
une Piantule d’une petitefle proportionnée. Cette Plantule a
elle même fes graines, & celles-ci des Plantules incomparable.
ment plus petites, &c. & toute cette fuite d’Etres organifés,
toujours décroiffans, fait pattie de la premiere Plante, & y
prend fes premiers accroifflemens.
Ceci cit exait : les Germes croiflent les uns dans les autres,
& les uns par les autres. Il eft très- connu que les œufs
eroilfent dans les Poules vierges, & il eft bien démontré
aujourd'hui que le Germe y préexifte. Ce Germe y croît
donc auf, mais ce Germe en renferme d’autres qui croif.
fent avec lui & par lui. J'ai eMayé dans un petit Ecrit, de
montrer comment cet accroilement des Germes fubordounés
peut s'apérer dans l’hypothefe de l’emboîtement. On préfume
bien que des (rermes d’une fi efFroyable petitefle ne font
pas nourris par cette lymphe que le grand Tout organifé
qui les renferme, extrait de la maffe du fang. Cette lym-
phe, queique fubtilité qu'on lui fuppofat, feroit beaucoup
trop grofMiere pour être admife dans les vaifleaux infiniment
déliés des Germes. Mais nous concevons fans peine, que le
fluide nerveux du grand Tout peut renfermer des molécules
nourricieres , de différens ordres correfpondans aux différens
termes de la fuite des Germes, & que leurs vaifleaux extraifent
&: travaillent.
ait
DE LA NATURE. VII Part. 6ÿ
ait remporté fur les fens. Les calculs effrayans
par lefquels on entreprend de là combattre,
prouvent feulement qu’on peut toujours ajouter
des zéros à-des unités, & accabler l’imagination
fous le poids des nombres.
Mais, en accumulant des nombres, on n’ac-
cumule pas des faits, & la Nature elle- mème
femble nous fournir des preuves directes de
lemboîtement. Elle nous montre des parties
offeules d’un Fœtus, renfermées dans un autre
Fœtus ; un œuf, renferme dans un autre œuf;
_ un fruit, dans un autre fruit; un Fœtus, dans
‘un autre Fœtus, &c. (3).
(2) tt Le Polype à bras, chargé de fa nombreufe Pofté-
rité, & qui repréfente fi bien un petit Arbre généalogique,
eft une de ces Produétions animales, qui femblent dépofer
le plus clairement en faveur de l’emboîtement, Du tronc du
petit Arbre fortent de part & d’autre plufeurs branches,
qui portent elles-mêmes d’autres branches, & celles - ci des
rameaux. Cet afemblage ne forme qu'un même Tout orga-
nique, dont tous les membres participent à la même vie &
aux mêmes befains. Les branches & les rameaux font autant
de générations qui demeurent liées les unes aux autres pen-
dant un certain temps, & qui indiquent aflez qu’elles étoieut
| toutes renfermées originairement dans la premiere ou dans
le Polype- Mere, & qu'elles n'ont fait que s’y développer.
Un Arbre ne compofe pas plus un même Tout avec fes
branches & fes rameaux, qu'un Polype avec fes Petits : a
Tome Il. E
66 ,.CLOMNAT 'E MP. L'ANT MIONN
Des Philofophes très-convaiucus de la préexif-
tence des Germes, ont tenté de foulager un
peu limagination , en inventant une autre hypo.
thefe. Ils ont fuppofé que les Germes étoient
répandus univerfellement dans toutes les parties
de notre Globe, dans Air, dans l'Eau , dans
la Terre, dans le corps des Plantes & des Ani-
maux, &c. mais qu'ils ne parvenoient à fe dé-
feule différence effentielle qu’il y ait ici entre le Tout végé-
tal & le Tout animal, c’eft que, dans le premier , les bran-
ches & les rameaux demeurent toujours unis au tronc, au lieu
que dans le fecond , cette union n’eft qu’à temps. Si donc on
admet que l’Arbre n’a pas exifté fans fes branches & fes rameaux,
on devra admettre pareïllement que Le Polype n’a pas exifté fans
fes rejettons ou fes Petits.
Les eaux croupiflantes & certaines infufisns recelent un
Animalcule fphérique, que fon tournoiement fur lui - même
a fait nommer Vozvox, & qui eft bien plus favorable encore
à l'hypothefe de l'emboîtement. Tout fon intérieur eft tranf- !
parent, @& permet d'y appercevoir au microfcope de petites :
fpheres ; dans celles-ci, d’autres fpheres ; dans ces dernieres,
d'autres encore; @ toutes ces fphérules font autant d’Ani-
cules d° méme efpece, renfermés les uns dans les autres,
qui fe développent fucceflivement, & parviennent bientôt à
la grandeur de lAnimalcule - Mere, qui les contient tous.
On eft parvenu à découvrir dans ce furprenant Animalcule
jufqu'à la cinquieme génération , & il y a bien lieu de
penfer qu'on pénétreroit plus avant dans ce petit abyme de.
générations, fi l’on parvenoit à perfeétionner davantage nos
microfcopes.
DELA NATURE. VII Part.) 67
velopper que dans des matrices appropriées.
Ainfi dans cette hypothele de la diffémination ,
les Germes d’une efpece donnée ne peuvent
fe développer que dans des Touts organiques
de mème cfpece : ils font les feuls qui renfer-
ment les conditions nécellaires au développement.
Les autres Corps ne font proprement que
des réceptacles de Germes : ils y demeurent
tant que ces Corps fubfiftent : ils en fortent
dès qu’ils font détruits.
Das cette hypothefe, les Germes font donc
inaltérables. Leur petitefle eft telle, qu’elle les
met hors de la portée des caufes qui operent
la diflolution des autres compolés; & cette pe-
titefle mème, ramenée au calcul, {eroit encore
bien effrayante, Il y a plus; comment des Ger-
mes snaltérables parviennent-ils à fe développer 2?
Il eft donc des caufes qui agiflent fur eux &
qui les modifient ? D’où vient que ces caufes
n’ont pu agir plutôt? Elles exigent pour fe
déployer un concours de circonftances qui ne
fe rencontrent que dans la fécondation. Pour-
quoi les Germes du Pècher ne peuvent-ils {e
développer dans le Prunier, qui nourrit fort bien
une greffe de Pècher (4) ?
(4) tt Un citron, gros au plus comme un pois, greffé
E 2
68 C10: NUE MOPNE ANT NOR
EY
C'E:A.P: ER EHESS
La génération. Le Poulet.
Ux œuf infécond a un jaune comme un œuf
fécond. Les Femmelettes ont fu cela de tout
temps ; & c’eft pourtant de ce petit fait fi connu,
fi peu approfondi & fi digne de l'être, que vient
de fortir un trait de lumiere, qui a fort éclairci
les ombres dont le grand myftere de la génération
eit encore enveloppe.
CEs Génies hardis, qui aiment tant à de-
viner la Nature, qui inventent des théories
avaut que d’avoir obfervé, & qui effaient en-
fuite de les vérifier par des obfervations où ils
ne voient encore que ces théories; ces Gé-
nies, dis-je, plus {yitématiques qu’obfervateurs,
avoient-ils deviné que le jaune de l'œuf fût
linteftin du Poulet ? Non; & s'ils l’avoient en-
fur une branche d'Oranger, y parvient à fa pleine maturité,
comme il l'auroit fait fur fon propre Sujet, & retient conf-
tamment fes qualités de citron. On ne voit donc pas dans
l'hypothefe de la diffémination , pourquoi les Germes du
Citronnier ne te développent pas dans l’Oranger, ou pour-
quoi celui-ci ne porte pas à la fois des oranges & des citrons.
DELA NATURE VII Port. 69
trevu, je ne fais fi l'Efprit de fyftème leur auroit
permis d’avouer les conféquences qui en décou-
lent naturellement.
DoxxNez toute votre attention à ceci; vous
allez toucher du doigt une vérité hnportante.
Une membrane tapifle intérieurement le jaune
de l'œuf, & cette membrane, qui n’elt que la
continuation de celle qui revèt l'inteftin grele
du Poulet, eft commune à Peftomac, au pha-
rinx , à la bouche, à la peau, à l’épiderme.
Une autre membrane revèt extérieurement le
jaune, & cette membrane n’eit que la conti-
nuation de celle qui recouvre l'inteftin : elle s’u-
nit au méfentere & au péritoine. Les arteres
& les veines qui rampent dans le jaune, tirent
leur origine des arteres & des veines mefen-
tériques de l'embryon. Le {ang, qui circule
dans le jaune , recoit du cœur le principe de
fon mouvement.
LE jaune eft donc effentiellement une dépen-
dance des inteftins de l’embryon, & ne com-
pofe avec lui qu'un mème Tout organique (1).
(1) ff Ceci demande un petit éclairciflement : car je pré-
fume que mon Leéteur ne comprend pas bien comment le
jaune eft une dépendance effentielle de l'inteftin de l'embryon. Ii
E3
ro CONTEMPLATION
Ainfi, dans les premiers temps, le Poulet eft,
en quelque forte, un Animal à deux corps ; la
tète, le tronc & les extrèmités compofent l’un
de ces corps ; les inteftins & le iaune eompofent
Pautre. À la fin de l’incubation , le fecond corps
eft repoufé dans le premier, & les deux n’en
font plus qu’un feul.
fais, puifque le jaune exifte dans les œufs
qui n’ont point été fécondés, il s’enfuit nécef-
y a ici une forte d’équivoque que je ne dois pas laiffer fub.
filter. Ce n'eft pas le jaune lui-même qui eft une dépendance
de l’inteftin de l'embryon : le jaune n’eft qu'une liqueur hui-
jeufe & nourriciere; mais cette liqueur eft renfermée dans
une double enveloppe, fine & tranfparente, & c'eft cette
enveloppe qui eft une dépendance ou une eontinuation de
l'inteftin de l'embryon. Ainfi, tandis que le Poulet ne fe
montre encore que fous l’afpe&t d’un petit Ver étendu en
ligne droïte , il fort de fon inteftin un appendice énorme, une
forte d’hernie ou de fac plein d’une liqueur jaune, deftinée à
ie nourrir.
Le jaune tient pat des vaiffeaux à la matrice de la Poule.
& par d’autres vaileaux au cœur de lembryon. Pendant le
féjour de l'œuf dans la matrice, c’eft celle-ci qui fait croître
toutes les parties de celui-là. Vient-il à s’en détacher ? il ne
refte plus que l'impuilfion très-foible du cœur de l’embryon ;
mais cette impulfon acquiert une nouvelle force au moment
que l'œuf eft Fécondé, & toutes les’ parties de l’embryon com-
mencent à fe déployer & à revêtir de nouvelles formes & un
nouvel arrangement.
DE LA'NATURE. VII Part. 5x
fairement que le Germe préexifte à la féconda.
tion. Cette conféquence faute aux yeux: vous
venez de voir que le jaune eft une partie eflen.
tielle du Poulet: vous avec reconnu l’étroite
communication qui eft entre l’un & l’autre. Le
Poulet na donc pas exifte fans lui. Les mem-
branes. & les vaiffeaux de celui-là ne font qu’une
continuation des membranes & des vaifleaux de
celui-ci. Et combien d’autres chofes qui leur
font communes, & qui prouvent qu'ils n’ont
jamais exifté {éparément! Le Poulet étoit donc
tout entier dans l’œuf avant la fécondation. Il
ne doit donc pas fon origine à la liqueur que
le Cog fournit : il étoit defliné en petit dans
l'œuf, antérieurement au commerce des fexes.
Le Germe appartient donc uniquement à la
Femelle (2).
(2) tt Divers Amphibies nous fourniffent d’autres preuves
de cette grande vérité, & ces preuves font plus direétes encore.
M. SPALLANZANI a démontré par une fuite nombreufe d’ob-
fervations bien faites, que ce qu'on nomme les œufs dans la
Grenouille ou le Crapaud, n’en font point, mais qu’ils font
réellement le petit Animal ou le Tétard, hien complet, re-
plié fur lui-même, & qu'on appercoit diftinétement dans les
drétendus œufs non fécondés, comme dans ceïx qui l'ont
“*t£. L'Obfervateur a démontré la même ehofe dans les Sa-
iamandres aquatiques. Il a plus fait encore : il a fécondé
artificiellement les embryons préexiftans de ces divers Amphi-
bies , & il lui a fuff , pour opérer cette finguliere fécondation,
E 4
72 CONTE M P L'A TION
Tezre eft la grande conclufion qui découle
immédiatement des faits, & qu’on ne fauroit
de toucher l’efpece d'œuf avec la pointe d’une aiguille ou d’un
pinceau humedtés légérement de la liqueur du Male.
C’eft à-peu-près de la méme maniere que s’opere la féconda-
tion naturelle de ces Amphibies : on n’ignore pas , en effet,
qu’elle ne s'exécute point dans l’intérieur de la Femelle. Le
Mâle de ia Grenouille ou du Crapaud répand fa liqueur fur
les œufs que la Femelle vient de pondre, & lépaiffe cou-
che de glaire dont ils font alors enveloppés , n'empêche point
que cette liqueur ne pénetre jufqu’à l'embryon. Il en eft de
méme encore de la fécondation chez les Poidons à écailles.
Le Mâle répand fes laites {ur les uves, après que la Femelle
s'en ef déchargée. Avant qu: M. SPALLANZANI eût tenté
de fecondet artificiellement les efpeces d'œufs de la Grenouille
& du Crapaud , un autre Obfervateur avoit réuMi à Féconder
de la forte les œufs de divers Poiffons. 4
Ainfi, ce qui fe paffe à découvert dans a fécondation
des œufs des Poiffons & des Amphibies, fe pafle dans l’obf-
curité d'un ovaire chez les autres Animaux. C’eft donc tou-
jours pat dehors que l'œuf eft fécandé, foit chez les Ovi-
pares , foit chez les Vivipares; & il étoit bien naturel de le
fuppofer, dès qu'on admettoit que l'embryon préexifte tout
entier dans l'œuf; car on devoit en inférer que le fperme
n'agifloit que comme un principe ftimulant & nourricier.
Mais cette maniere fi fimple & fi philofophique de conce-
voir la fécondation , ne devoit pas venir à l'efprit des Phy-
ficiens, qui rejetoient toute préformation organique, & qui
imaginoient que l'embryon fe formoit méchaniquement par
certain s forces de rapport, ou par la réunion fucceflive de
certaines srolécules émanées du Mâle & de la Femelle, &
moulées dans iur intérieur.
rte
DE LA NATURE. VIL Pur. 73
infirmer fans infirmer la vérité des faits. Voilà
ce que la Nature elle-mème a révélé à un Ob-
fervateur attentif, qui avoit fu l’interroger com-
me elle veut l'être. il ne s’étoit pas attendu
à cette réponfe, & fon témoignage en eft d’au-
tant moins fufpe. Quelques obfervations moins
exactes le failoient pencher vers l’épigénefe (3) ;
il n’a été ramené à l’évolution que par la force
des preuves. Mais tous ceux qui font profef.
fion de chercher la vérité, n’ont pas pour
elle le mème zele: quand on a élevé à grands
frais un fyftème nouveau, & qu’on a déployé
toutes les reflources de fon art pour l’étayer
& l’embellir, on fouffre impatiemment de le
voir s’évanouir à la préfence d’un petit fait,
& avec lui toute la gloire qu’on s’en étoit pro-
mile. Un petit caillou eft venu frapper contre
le Colofle, & la renverfé : c’eft que fes pieds
étoient de terre. L’on tentera fans doute de
relever ce Coloffe & de l’affermir. La greffe
s’unit à fon fujet, & ne fait plus avec lui qu’un
feul corps : l’ergot du Coq peut être greffé fur
fa tète, & y donner naïflance à des organes
(3) Epigénefe. Opinion de ceux qui n’admettent point de
Germes préformés, & qui veulent que l'Animal foit réellement
engendré pares après parties , de la réunion de différentes molé-
cules qui s’affemblent en vertu de certains rapports.
#4 CONTEMPLATION
qui ne paroïfoient point exifter auparavant. Des
tronçons de diHérens Poiypes, mis bout à bout,
fe greffent de mème les uns aux autres, & ne
compofent plus qu'un Polype unique. Sur de
pareilles analogies, on prétendra que le jaune
fourni par la Poule fe greffe avec le Germe
fourni par le Coq. Il faut donc éter encore
cette refource aux opiniâtres défenfeurs de l’e-
pigénefe.
LE jaune a fes liqueurs, qui lui font appor-
tées par fes arteres. Elles circulent, & fans les
veines point de circulation. Mais les arteres &
les veines du jaune tirent leur origine des ar-
teres & des veines méfentériques du Fœtus :
le cœur de celui-ci eft donc le principe de la
circulation qui s’opere dans le jaune. Au temps
de la fécondation , le Fœtus ne pefe pas la cen-
tieme d'un grain. Le jaune eft alors du poids
d’une dragme. Il a des vaifleaux proportionnés
à fon énorme taille. Détachez par la penfée
une artere ombilicale du Foœtus ; greffez-là fur
le bout rompu de celle qui unifloit le jaune au
corps de la Poule, vous voudriez, par un vaif
feau qui n’a qu'un dix-millieme de ligne de
diametre, faire circuler le fang du jaune, dont
lartere a un dixieme de ligne de largeur ! D'un
autre côté, vous voudriez enter le conduit du
es
DE LA NATURE. VII Part. 75
jaune, grand de demi-ligne, fur un inteftin
qui n’a pas la millieme partie de ce diametre,
entreprendriez- vous de mettre la Machine de
Marly en mouvement avec un filet d’eau d'un
pouce? Et puis, quelle foule de circonftances
ne faudroit-il pas qui concouruffent à la fois
pour faire réuflir une greffe pareille à celle que
vous fuppofez (4)?
ABANDONNEZ donc cet entaflement monf-
trueux de fuppofitions gratuites, & laiflez:vous
aller au courant des faits; vous lui réfifteriez
vainement, il vous entraîneroit enfin. Si le Ger-
me préexilte tout entier à la fécondation, ce
que nous nommons génération n’en elt point
une ; mais ce n’eft que le commencement d’une
évolution qui amenera peu-à-peu au grand jout
des parties cachées auparavant dans une nuit
impénétrable.
L’EVOLUTION ou le développement s’opere
(4) Ceci m'a été communiqué par M. de HALLER , depuis
la publication de mes Confidérations fur les Corps organifés.
tt Une autre confidération bien propre à faire fentir l’im-
probabilité de la greffe dont il s’agit, fe tire des nerfs qui
accompagnent par-tout les vaiffeaux , & qui rendent le cas plus
compliqué encore,
76 C'ONTE M D'LA T'PUN
par la nutrition : vous l'avez vu. La nutrition
fuppote la circulation ; vous l'avez vu encore.
Enfin, vous avez vu que le cœur eft le prin-
cipe de la circulation.
S'IL fe fait une circulation dans le Germe
avant la fécondation, vous conviendrez au moins
qu’elle n’eft pas {ufhfante pour opérer cette
évolution totale, qui. rend le Germe vifble,
& qui donne à toutes fes parties les formes,
les proportions & l’arrangement qui caradtérifent
J'Efpece.
LE Germe ne peut donc achever de fe dé-
velopper dans un œuf qui n’a point été fécondé,
& l’incubation ne feroit que hâter fa corrup-
tion. Cependant, que lui manque-t-il pour con-
tinuer à croître? Il a tous les organes nécel-
faires à l’évolution. Il a mème déja pris un cer-
tain accroiflement; car les œufs croifflent dans
les Poules vierges, leurs ovaires en renferment
de toutes grandeurs. Le Germe y croît donc
auf. Pourquoi ne peut-il fe développer davan-
tage ? Quelle force fecrete le retient dans les
limites de linvifibilité 2
L'ACCROISSEMENT dépend de l’impulfion du
cœur. Un plus grand accroiflement dépend donc
D'EFEA NA TUR E.';VIL «Part. 97
d’une plus grande impulfion. Ce degré d’impul-
fion manque donc au cœur du Germe qui n’a pas
été fécondé.
CEcr démontre une certaine réfiftance dans
les parties du Germe. À mefure qu’il croît, cette
’ in F
réfiftance augmente. Les unes réliftent plus que
les autres; les parties offeufes ou qui doivent
le devenir plus que les membraneufes, ou qui
doivent toujours demeurer telles.
LE cœur du Germe a donc befcin d’un degré
de force déterminé pour furmonter cette réfif-
tance. Sa force eft dans fon irritabilité où dans
le pouvoir de fe contracter de lui-mème à lat-
touchement d’un liquide. Augmenter l’irritabi-
lité (s) du cœur, c’eft donc augmenter fa force
impulfive.
La fécondation accroît fans doute cette force ,
& elle peut feule laccroître, puifque ce n’eit
que par fon intervention que le Germe parvient
à franchir les limites étroites qui le retenoient
dans fon premier état.
La liqueur fécondante eft done un vrai fH.
{s) Voy. Chap. IT, fur la fin,
oo
7% CONTEMPLATION
mulant , qui, porté au cœur du Germe, l’excite
puiffamment & lui communique une nouvelle
activité. Voilà en quoi confifte ce que nous nom-
mons la conception. Le mouvement une fois im-
primé au petit mobile, s’y conferve par la feule
"2 . . , .
énergie de {on admirable méchanique.
Mars il ne fuffit pas que le cœur acquiere
une force capable de furmonter la réfiftance des
{olides ; il faut encore que le fluide qu’il leur
envoie & qui doit les nourrir, foit propor-
tionné à la prodigieule finefle des vaifleaux. Un
fang tel que le nôtre n’y circuleroit pas. Le
fang de l'embryon eft d’abord une liqueur blan-
châtre; elle jaunit par degrés, & rougit en-
fuite. Plus limpulfion du cœur dilate les vaif-
feaux, & plus ils admettent de molécules grof-
fieres, hétérogenes & colorantes.
La liqueur prolifique n’eft donc pas un fim-
ple flimulant; elle eft encore un fluide nourri-
cier, approprié à l’extrème délicatefle des par-
ties du Germe. Elle s’acquittoit déja dans l’'in-
dividu fécondateur des fonctions de fluide nour-
icier : elle failoit croître fa crête , fes ergots, &c.
& donnoit de la force à toutes fes parties.
Vous connoïfflez la dégénération du Chapon,
& combien elle le différencie du Coq. Vous
DE LA NATURE. VII Part. 79
aurez bientôt d’autres preuves que la liqueur
prolifique eft le premier aliment du Germe (6).
(6) tt Chez le Poulet, le fecond aliment du Germe ef
le blanc de l'œuf , plus étendu que le jaune. & Fort femblable
à la lymphe de l'Homme & des Quadrupedes. Il fe méle au
jaune fans s'y confondre, & prend facilement la confiftance de
gelée. Ii fe coagule par la chaleur ; & comme il eft fufceptible
d'endurcifle ment , il faut qu’il contienne un pen de terre. L’ex-
périence le prouve en effet, & c’elt de cette terre que dépen.
dent les premiers degrés de confiftance que prennent peu-à-peun
les folides.
Ainf, au commencement de la premiere période de fa vie,
l'embryon n’eft nourri que par un fluide tranfparent & prefque
fans couleur. Peu-à-peu le calibre des vaifleaux ombilicaux
augmente , & on voit apparoitre le premier fang. Il eft fourni
par le jaune. Il eft donc d’abord jaunâtre, puis jaune; enfuite
rougeûtre, & enfin rouge.
On a vu les vaiffeaux ombilicaux rougir au bout de dix
- jours dans la Truie & dans le Fæœtus d’une Chienne , qui ne
paroifoit pas plus gros qu’une graine de Lupin ; le onzieme
jour dans le Fætus d’une Lapine ; le quatorzieme dans le Fœtus
humain; le dix-neuvieme dans celui de la Brebis,
L'embryon eft d’abord tout tranfparent & prefque fans cou-
leur, comme la lymphe qui le nourrit. Il prerd enfuite une
teinte de blanc. Le blanc eft donc la premiere conleur de
l'Animal.
L’urine eft l'humeur qui paroît fe féparer la premiere dans
le Poulet. Le réfervoir où elle s’amafle eft déja très - grand,
tandis que les autres vifceres ne fe diftinguent point encure.
L’urine m’eft alors qu’une pure férofité fans couleur & fans
goût. Iljen eft à-peu-près de même de la bile : elle eft d’abord
$8o CONTEMPLATION
PORTÉE par les arteres à toutes les parties,
elle s’unit à elles dans un rapport déterminé à
la nature propre de chacune. De-là laccroifle-
ment dont nous nous fommes aflez occupés.
LE Poulet ne tarde pas à perdre {a forme de
fans couleur, revêt enfuite différentes nuances de verd pour
arriver au jaune. Sa faveur fuit des gradations analogues.
Au refte, quoique la fécrétion de l'urine {vit celle qui fe
manifefte la premiere dans l'embryon du Poulet, il ne faut
pas croire que les autres fécrétions ne s’operent pas en même
temps. Tous les organes font contemporains dans lembryon,
& il n'acquiett pas dans un temps des organes qu’il n'avoit
pas dans un autre. Tous travaillent donc à la fois; mais les
réfultats de ce travail n’apparoiflent pas à la fois ou ne font
pas également perceptibles, & l'on voit aMez que la fécrétion
de l'urine elle-même fuppofe effentiellement une multitude
d’autres opérations animales, & en particulier la filtration
du fluide nerveux. Avant la fin du fecond jour, la tête eft
déja très-apparente & fe montre fous la forme de trois petites
bulles, @& dès le commencement du troilieme jour on voit
apparoître les arteres qui portent le fang au cerveau. Elles
avoient toujours exifté , mais leur tranfparence & celle du fluide
fufifoient pour les dérober aux yeux.
Il eft fi vrai que l'embryon lui-même eft déja tout formé,
Jorlqu'il ne fe montre que fous l'apparence trompeufe d’une
goutte de mucofité, que fi on le touche avec un pinceau hu-
mecté d’efprit-de-vin ou de vinaigre, il deviendra auffi-tôt
vifible d'invifible qu’il éteit auparavant , & on ne pourra plus
méconnoître {on organifation,
Tétard.
DE LA NATURE. Wii. Part. 81
Tétard. Des aîles, des cuifles, des jambes, des
pieds fortent de fa longue queue. Tout fe dé-
ploie, fe façonne , s'arrange fur un nouveau
modele. Le petit Animal, étendu auparavant en
ligne droite , fe courbe de plus en plus. Il fe
revèt fucceflivement de mufcles, de tendons,
de chairs, de plumes, & en dix-huit ou vingt
jours il eft un Poulet parfait, :
Ce SL
{it
PME LRE X"E
Continuation du même [ujet. La génération du
Mulet.
S: le Poulet préexifte dans la Poule, il y a
bien de l’apparence que le Cheval préexifte dans
la Jument. La chofe feroit plus que probable,
s’il étoit démontré que les Petits des Vivipares
{ont d’abord renfermés dans des œufs, & que
toute la différence qui eft entre les Vivipares
& les Ovipares, fe réduit à ceci, que les pre-
miers éclofent dans le ventre de leur Mere, &
les derniers après en être fortis.
Aux deux côtés des Femelles vivipares eft
un corps en maniere de grappe’, dont les grains.
Tome Il. |
g2 C:0: NN E MP E 4 FE GUN
font des efpeces de vélicules , pleines d’une li-
queur affez limpide. Ce font les ovaires. Ils com-
muniquent avec la matrice par deux canaux
qu’on nomme les trompes. Des obfervations fûres
prouvent que la liqueur prolifique pénetre dans
la matrice, &s’éleve par les trompes jufqu'aux
ovaires. C’eft-là que la fécondation s’opere. Plus
d'une fois on a trouvé des Fœtus dans l'ovaire
mème. Ily a plus, & ce fait eft bien important;
on a trouvé dans une véficule de l'ovaire, un
Faœtus complet, defliné en miniature [1].
Les véficules de l'ovaire ne font donc pas de
fimples hydatides ou des tumeurs pleines d’eau ,
comme on l’avoit cru; ce font de petits corps
très-organifés , de véritables œufs, qui, apres la
fécondation, defcendent par les trompes dans
[1] ++ La plus remarquable des obfervations de ce genre,
eft celle du célebre LITTRE, dont. le témoignage eft d’un G
grand poids. Le Fæœtus qu'il découvrit dans la véficule, n’a-
voit que trois lignes de lonçueur fur une ligne & demie de
largeur. Il nageoit dans une liqueur vifqueufe , analogue ‘au
blanc de l'œuf, La tête y était apparente, & on y diftin*
gquoit même une petite ouverture à l'endroit de la bouche,
& une petite éminence à celui du nez. IL eft bien d'autres
obfervations qui vont à l'appui de celle-ci, &.qui concou-
rent toutes à établir l'opinion de plufeurs Phyfiologiftes, que
les véficules de l'ovaire chez les Vivipares, font de véritables
œufs.
og ANT
DE LA NATURE. VII Part, 83
la matrice, & y font en quelque forte couvés.
Ils y pouffent bientôt de petites racines, qui
portent la nourriture à l'embryon. La foupleffe
de leurs membranes leur permet de s'étendre
& de fe prèter aux accroiflemens du petit Ani-
mal qu’elles renferment [2]. Îl eft vrai que nous
ne fommes pas familiarifés avec des œufs qui
troiflent. Mais l'Hiftoire des Infeétes nous four-
nit en ce genre divers exemples [3]. Elle nous
montre mème des Infeétes qui font vivipares
[21 tt On connoît les fimeufes obfervations de HARVEY
£ur les Biches, & celles de M. de HazLER fur les Brebis,
11 réfute des unes & des autres, que l'embryon de ces dif-
Férens Quadrnpedes n’eft d’abord qu’une forte de mucofité
où l’on ne déméle rien d’organique. L’embryon de la Brebis
eft prefque fluide jufqu’au dix-feptieme jour. On n'imagine-
toit point alors qu’on a fous les yeux un Tout très-organifé ;
mais après ce terme, on découvre un Fœtus bien formé,
d'environ trois lignes de longueur, & renfermé däns fes en
veloppes. Ainf il avoit pris fes premiers accroiflemens fous
la forme trompeufe d’un petit corps gélatineux, en apparence
inorganique : il étoit donc déja tout organifé, puifqu'il croif-
Soit, & que l’accroiflement qui fuppofe effentiellement la nu-
trition, fuppofe par conféquent le concours d’une multitude
d'organes.
[3] Les œufs des Mouches des galles & éeux des Mouches
à fcie, croiffent confidérablement après avoir été pondus. Leur
enveloppe purement membraneufe leur permet de s'étendre en
tout fens.
F 2
84 CONTEMPLATION
dans un temps, & ovipares dans un autre [4i:
Les Petits étoient donc logés d'abord dans des
œufs; tantôt la Mere pond fes œufs, & tantôt
elle fait des Petits vivans, qui éclofent de ces
œufs , tandis qu’ils font encore dans la matrice.
IL n’eft donc pas douteux que les Petits des
Vivipares ne foient contenus originairement dans
des œufs. Il en eft donc des véficules de l'ovaire ;
comme des œufs de la Poule: un Germe y
préexifte; mais fa fluidité & fa tranfparence
nous le dérobent: la fécondation le rend vifble.
Mas fi un Ane féconde une Jument, il naîtra
de ce commerce un Animal, qui ne fera point
proprement un Cheval, & que lon connoît
fous le nom de Mulet. C'étoit pourtant un Che-
[4] +f Il s’agit ici des Pucerons : mais chez ces petits In-
fees, ce ne font pas les mêmes Individus qui ont été trouvés
vivipares dans un temps ; & ovipares dans un autre, comme
je le laiflois penfer. 11 eft feulement bien prouvé que dans
cette Efpece il ef des Individas ovipares qui fuccedent dans
Yarriere faifon ‘aux Individus vivipares. Mais on trouve
dans l'intérieur de ceux-ci des corps arrondis, précifément
femblables aux œufs que ponéent ceux à. Le Polype à pa-
nache eft bien à la fois vivipare & ovipare : il pouffe des re-
jettons, & pond des œufs. On trouve à la fois dans la
Salamandre & dans la Vipere, des œufs & des Petits vivans.
DEL À NATURE. VIE Part. $4
val qui étoit deffiné en petit dans l’œuf de la
Jument : comment a-t-il été transformé en Mu-
lec? D'ou lui viennent ces longues oreilles &
cette queue effilée , fi différentes de celles du
Cheval ? La diftin@tion augmente la difhcuité;
elle nous apprend que cette efpece de transforma-
tion n’aflecte pas feulement l'extérieur de PA-
nimal, mais qu’elle porte encore fur fon inté-
rieur. La voix du Mulet imite beaucoup celle
de lAne, & ne reflemble point du tout au hen-
nifement du Cheval. L’organe de la voix de
PAne eft un inftrument très-compofé. Un tam-
bour d'une ftru@ure finguliere, logé dans le la-
rynx , eft la piece principale de l’inftrument. Ce
tambour n’exifte point dans le Cheval, & on
le trouve dans le Mulet [ÿ].
La liqueur que le Mâle fournit pénetre donc
le Germe, puifqu’elle y produit de fi grands
changemens [6]. Elle eft donc en rapport avec
Cs] #t Confultez fur l'organe de la voix de l'Ane, & fur
celui de la voix du Cheval, la deiniere Note du Chap. V de
cètte Partie. j
[61 ff Remzrquez que je dis ici, comme je l'ai dit ail-
leurs, & comme je l'ai toujours penfé, que c’eft la liqueur
féminale elle-même qui pénetre le Germe , & non la fimple
. odeur de cette liqueur, l’uvra feminalis, comme l’avoient cru
F 3
36 C'ONTEMEPF L A4 TON
le Mâle, puifqu’elle imprime au Germe différens
traits de ce dernier.
Maïs ces rapports de la liqueur prolifique au
Mâle qui la fournit, doivent dépendre nécef-
fairement des organes qui la préparent. On fait
quelle eft leur admirable compoftion. On n’ad-
mettra pas que cette liqueur, après avoir été
moulée dans le corps du Mäle, eft renvoyée
de toutes fes parties aux organes de la géné-
ration , comme à un dépôt commun, pour y
repréfenter le tout en petit. Elle ne peut arri.
ver à ce dépôt commun que par les routes de
la circulation. Elle rentreroit donc dans la male
du fang; il faudroit des organes pour l’en fépa-
rer de nouveau, & ces organes feroient encore
ceux de la génération.
IL y a donc dans ces organes des vaifleaux
qui féparent des molécules relatives à différentes
parties du grand Tout. Ces molécules font por-
tées aux parties correfpondantes du Germe,
puifque ces parties font modifiées par l’action
de grands Phyfologiftes, & en particulier l'illuftte HALLER.
La fécondation artificielle a démontré rigoureufement à M.
SPALLANZANI que l'odeur la plus concentrée du fperme eft
dans l’impuiffance abfolue de féconder le Germe.
DELA NATURE. VIL Part. 87
de la liqueur prolifique. Elle s’incorpore donc au
Germe : elle eft donc le premier aliment du Ger-
me, comme je le difois plus haut.
Les divers fyflèmes de vaifleaux qui prépa-
rent cette liqueur , repréfentent donc, pour ainfi
dire, en petit, différentes parties du graud Ani-
mal. Ils font des efpeces de modeles où diffé-
rentes molécules vont fe faconner ; ou plutôt
ils {ont des efpeces de filtres , de couloirs ou de
filieres , appropriés à des molécules diverfement
proportionnées & figurées [7].
Les organes de la génération de l’Ane ont
donc du rapport à fes oreilles & à fon larynx;
car ils préparent une liqueur qui modifie les
oreilles & le larynx du petit Cheval renfermé
dans l’œuf.
Sr tout eft préformé, fi rien n’eft engendré,
les longues oreilles & le tambour du Mulet n'ont
5 4.
pas été engendrés non plus. La liqueur proii-
fique ne crée rien, mais elle peut changer ce
q [ 8
qui exiftoit déja. Elle n’engendre pas le Poulet
qui préexiftoit à la fécondation.
[7] tt On peut juger de Part prodigieux qui regne dans
les organes de la génération , par ce que j'ai expoié fur ceux
des fécrétions dans la Note 4 du Chap. VI de cette Partie.
F4
ER RE EEE
88 CONTEMPLATION
L’ACCROISSEMENT dépend de la nutrition;
celle-ci, de lincorporation. En mème temps
qu'une partie croit, elle acquiert de la folidité.
Un exces d’accroiffement dans une partie, fup-
pofe donc une furabondance de fucs nourriciers ,
ou de fucs plus actifs. L’excès d’accroiffement
qu’éprouvent les orcilles du Cheval par l'in-
fluence de la liqueur de l’Ane, indique donc
que cette liqueur contient plus de molécules ap-
propriées au développement des oreilles, que
ceile du Cheval, ou que les molécules de la
premiere font plus actives que celles de la {e-
conde.
S1 la liqueur prolifique s’incorpore au Germe ,
elle doit renfermer des molécules analogues aux
élémens des différentes parties du Germe; car
nous avons vu que l’incorporation réfulte en
dernier reflort de l’analogie qui eft entre ce qui
nourrit & ce qui eft nourri. Cette liqueur doit
être encore en rapport avec le plus ou le moins
de parties à développer dans chaque organe. Il
y a plus de parties à développer dans les oreilles
& dans le larynx de l’Ane, que dans ceux du
Cheval. La liqueur du premier , portée dans
le Germe du Cheval, y travaillera donc davan-
tage fur les oreilles & fur le larynx , que n’au-
roit fait celle du fecond. Élle ne s’y bornera pas
“nié np
DE LA NATURE. VIL Pt. 89
à changer les proportions , elle changera encore
les formes, & ce changement de formes peut
réfulter de celui des proportions. Certaines parties
font déterminées à croître plus que d’autres,
& beaucoup plus qu’il ne convient à lEfpece.
L’excès d’accroiffement des unes occañonnera
dans les autres des preflions qui changeront
leur forme, leur direction , leur pofition, &c.
Les unes feront déterminées à s’oflifier, les au-
tres à refter molles, &c.
CE ne font là, à parler exatement, que de
fimples modifications de ce qui étoit déja pré-
forme. N’imaginez pas que le larynx du Mulet
{oit précifément femblable à celui de lAne; il
n’en elt qu’une imitation ; & celui du Cheval,
qui eft aufli afez compofé , peut renfermer des
pieces encore inconnues, capables d’être mo-
difiées dans un certain rapport au larynx de
lAne.
L’EXTREME mollefle, je devrois dire la flui-
dité du Germe, rend toutes {es parties très-
modifiabies. Des changemens que vous ne fau-
tiez concevoir dans l’Adulte, dépendent ici des
plus légeres caufes.
Mars fi la liqueur fécondante modifie le Germe,
go GO NTE MP L AT TO NN
celui-ci modifie à fou tour l’action de cette li-
queur. En vertu de fon organifation, il tend
à conferver fon état primitif; il réfifte plus ou
moins à un nouvel arrangement, & il ne cede
qu’en retenant toujours quelque chofe de fa pre-
miere forme.
Le Mulet eft ftérile (8): ce neft pas que fes
organes générateurs foient extérieurement mal
conformés; mais ils le font intérieurement , &
ce défaut de conformation intérieure, nous ne
pouvons le reconnoître que par la liqueur que
le Mulet fournit. Elle manque de ces Animal-
cules qui fourmillent dans toutes les liqueurs
prolifiques. Elle n’a donc pas les qualités requi-
les à ces Animalcules ; elle eft. dans le cas des
liqueurs infécondes qui en font toujours pri-
vées (9). On voit bien qu’elles ne font pas
(3) ft Je ne connois au moins aucune obfervation qui
prouve qu'un Mulet ait engendré. Mais il eft des obferva-
tions bien atteftées , qui prouvent que des Mules ont engendré
un Muleton.
(9) +f Je raifonnois ici d’après les obfervations du Dr.
H£BENSTREIT , qui aMuroit qu'il n'y a point d'Animalcules
dans le fperme du Mulet proprement dit. Mais il s’étoit trompé :
feu M. BOURGELAT s’étoit convaincu par fes propres yeux,
que le fperme du Mulet eft auffi peuplé d’Animalcules que
PRERB AN À FT U-R E: VIL Pars. gx
infécondes , précifément parce qu’elles manquent
de ces Animalcules ; mais qu’elles manquent de
ces Animaicules, précifement parce qu’elles font
infécondes. Ces Vermifleaux fi petits, auxquels
on failoit jouer un fi grand rôle dans la géné-
ration, n’en peuvent plus ètre les principaux
acteurs, des qu'il eft démontré que le Germe
préexifte tout entier dans la Femelle. La feule
infpeétion d'un œuf de Poule a fufñ pour dé-
truire ce fyflème, & tous ceux qu’on avoit
élevés fur la mème bafe. Mais, fi ces Animal-
cules ne fe trouvent point dans la liqueur du
Mulet, c’eft un indice certain du défordre fur-
venu aux organes générateurs du Cheval, &
ce défordre eft la fuite naturelle du commerce
de lÂue avec la Jument. La liqueur de lAÂne,
qui peut développer tant d’autres organes du
Cheval, & qui en développe quelques-uns avec
excès , ne peut apparemment développer qu’en
partie ceux dont la confervation de l'Efpece dé-
celui du Cheval ; auf n’avoit- il apperçu aucüne différence
entre l'organe de la génération du premier & celui du fecond.
Il y a, au refte, deux fortes de Mulets, le grand Mulet
ou le Mulet proprement dit, qui provient de l'union de l'Ane
avec la Jument; & le petit Mulet ou le Bardeau, qui naît
du commerce du Cheval avec l’Aneffe. La feule infpeétion de
ces deux Mulets indique qu'ils tiennent plus en général de la
Femelle que du: Mâle.
92 CON TEMPLATION
pend. Différens vaiffleaux s’obliterent, & il em
eft de mème de la queue qui ne fe développe
qu'imparfaitement.
Toures fortes de liqueurs prolifiques ne fe-
condent pas toutes fortes de Germes. Il y a
bien ici une ceitaine latitude , mais cette lati-
tude a fes bornes. Il en eft de ceci comme de
Vanalogie des greffes avec leurs Sujets ( 10 ).
Trop de difparité entre les Efpeces en met trop
entre les liqueurs & les Germes (11). L’évo-
lution comilete des organes générateurs exige
fans doute plus de précifion que celle des autres
organes. Teiles font les barrieres éternelles que
PAuteur de la Nature a mifes à l'augmentation
du nombre de certaines Efpeces. Il femble donc
que nous puiflions regarder comme Animaux
de mème Efpece, tous ceux du commerce def
quels naifflent des Individus mitoyens qui fe
propagent.
(so) Voy. Part. VI, Chap. IX.
Çrr) Ft I eft très-fir que les Mulets chez les Oifeaux pro-
gagent. Ceux qui proviennent du Chardonneret & du Serin,
ne propagent pas fenlement entr'eux , mais encore avec leurs
races paternelles & maternelies.
LS
DELANATURE. VIL Part. 93
EE — "#7?
PMR LTRE XIL
— A (=
Continuation du méme fujet.
Formation des Monftres. Application aux Végéraux.
Tu Production organique qui a plus ou
moins de parties que l’Efpece ne comporte, ou
qui les a autrement conformées, eft un Monÿre.
Le Mulet , qui wengendre point, eft donc un
Monjtre.
__ Uxe difpute célebre avoit pour objet de fa-
voir, fi certains Monitres étoient tels origina-
renent OU par accident.
IL eft déja bien évident que le Muler n’eft
pas un Monître d’origine. Les Monftres n’offrent
pas tant de conftance & d’uniformitée. Un œuf
du Mulet fe rencontreroit-il dans l'ovaire de la
Jument, précifément au mème inftant que l'Ane
la féconde ?
Deux branches, deux fruits, deux feuilles,
fe greffent accidentellement, & ne compofent
plus qu'un mème Tout. L'art exécute d’autres
|
|
É
bts
g4 .C:0 NTEME LAT RON
greffes plus fingulieres, & dans tout cela rien
d’originairement monitrueux.
CE qui fe pañle entre deux fruits qui fe gref.
fent ou qu’on force à fe greffer, peut fe pañer
dans ja matrice entre deux œufs, ou dans un
œuf entre deux Germes. Deux Fœtus unis feu-
lement par l’épine, imitent parfaitement deux
fruits greffés par approche. Un œuf renferme
quelquefois deux jaunes ; il renferme donc deux
Germes. Combien eft il facile qu'ils fe greffent
en fe développant ? On a vu un Poulet à quatre
pieds, qui réfultoit, fans doute , d’une pareille
union.
Les Germes, d’abord prefque fluides, &
affez long-temps gélatineux , font très - pénétra-
bles (1). S'ils viennent à fe toucher, ils fe
confondront au moins en partie. Des organes
femblables, qui ne fe pénétreront qu'à moitié,
fubfifteront dans l’autre moitié. L’on touchoit
(1) tt Comme il eït bien prouvé qne les Germes croiffent
avant la fécondation, puifque Les œufs croiflent dans les Poulets .
vierges, & que l'œuf & le Germe ne forment qu’an même Tout,
il eft pofible que certaines monftruofités foient produites par
des caufes antérieures, & peut-être fort antérieures à la fécon-
dation ; & cette confidération n’eft pas indifférente à la grande
aueftion de l'origine des Monftres.
DELANATURE. VII Part. 94
au doigt cette pénétration réciproque dans un
Fœtus humain , à deux têtes fur un feul corps.
Ce Monftre eétoit évidemment formé de deux
moities de Fœtus foudées lune à l’autre:
S1 l’état de fluidité ou de gelée rend Îles
Germes très - pénétrables, il favorife , à plus
forte raifon, leur union par la greffe ou celle
de quelques parties entr'elles, foit du mème
Germe, foit de deux ou de plufieurs Germes.
La greffe ne s’'unit au Sujet que par des
fibres gélatineufes où au moiñs encore kRer-
bacées. De telles fibres font propres à faire de
nouvelles productions, à s’aboucher & à s’en-
trelacer enfemble. Deux Polypes s’uniffleut plus
facilement que deux écorces ; ils font {ur-tout
plus mols.
Les grefles accidentelle ‘peuvent donner
naïiffance à des Monftres qu’on diroit inexpli-
cables par ce principe, Mais vous n'avez pas
oublié que toutes les païties organiques ont
dans le Germe des formes & des fituations
qui different prodigieufement de celles qu’elles
auront dans le Fœtus développé. Rappellez à
votre cfprit le Poulet fous fa premiere forme
de Tétard, fon cœur fous celle de demi-anneau ,
& vous comprendrez que des äbouchemens qui
ÿ5 CONTEMPLATION
vous paroiflent impofhbles dans le Fœtus,
peuvent devenir faciles dans le Germe.
L’ANALOGIE des parties favorile encore leur
union. Cette analogie réfulte de celle des élé-
mens. Deux membranes ont plus de difpofition
à s'unir, qu’une membrane & un os ; des par-
ties femblables d’un mème organe, que des
parties d'organes differens.
ENFIN, l’évolution n’eft pas uniforme dans
toutes les parties du Germe; elles croient
inégalement, & cette inégalité dans l’accroiffe-
ment peut influer fur les effets du contact, de
la preffon, de adhérence, &c.
AINSI un monftre qui naît avec des mem-
bres furnuméraires, peut les tenir d’un Germe
e TA: . , S #
qui a péri, & dont il n’eft refté que ces mem-
bres.
OX voit afflez combien de caufes peuvent
produire ou oblitérer telles on telles parties, &
produire un Monitre par défaut.
Mars tous les Monftres par exçés ne doi-
vent pas leur origine à l’union de deux Ger-
mes, Certaines parties peuvent croître excefli.
vement
DELA NATURE. VII. Part. 97
vement par le concours de circonftances par-
ticulieres, & augmenter le nombre des par-
ties femblables dans le mème Individu. Un
fujet à vingt-fix côtes elt réèllement un Monitre
par exces. Il eft prouvé, que les côtes furnumé-
raires ne font dûes qu’au développement con-
0
tre nature, d’un appendice offeux des apophy-
{es tranfverfes d’une des vertebres [2]. Les caufes
[2] ff Ceci n'eft qu'un exemple des changemens confidé-
rables que des caufes purement accidentelles peuvent opérer
dans des parties offeufes. On fe tromperoit beaucoup , fi l'on
préfumoit que les côtes furnuméraires doivent toujours leur
naiflance à un prolongement excellif des apophyfes d'une ou
de plufieurs vertebres. Un habile Anatomifte (a) peu connu
encore dans le monde favant, mais qui le fera beaucoup un
jour , parce qu'il le méritera beaucoup , m’écrivoit en Septembre
1779, qu'il avoit rencontré dans trois Sujets différens, des cotes
Jurnusméraires qui n'ecoient abfolument rien à fuire avec aucune des
apophyfes tranfuc:fes de quelque vertebre que ce fut. A1 m'ap-
prenoit encore, qu'il Jui étoit au arrivé de trouver des
_vertebres furnuméraires de la plus belle conformation, Voilà
NS
des obfervations qui paroïiffent bien favorables à l’hypothefe
des Germes originairement monftrueux. Les parties molles,
& en particulier celles de {a poitrine, ont offert à notre Ana-
tomilte d'autres conformations monftrueufes, frès - élégantes ,
» érès-Jymétriques , 7, pour ainfi dire, utiles à l'Individu, qu’il
m'a expofées daus un grand détail. Mais l’Anatomifte Phi
lofophe ne fe preffe point de prononcer fur de tels faits, parce
(a) M. MaLacagNs, Profeffeur de Chirurgie à Aqui dans
le Montferrat.
Tome IL, G
93 CONTEM P L A T.I30"N
qui operent de pareils développemens, agiffent
à-peu-près comme la la liqueur de PAne fur les
oreilles & le larynx du cheval.
Comme des côtes furauméraires fe dévelop-
pent, deux ou plufieurs côtes Îe réuniflent en
une feule, & ces fortes de cas ne font
rares ni dans le regne végétal, ni dans le regne
animal. Des parties qui fe touchent prefque,
font bien près de s'unir : deux gouttes de gelée
& de la mème gelée , s’uniffent bien facilement.
Mais il eft des Monftres qui fe propagent.
Une famille naît avec fix doigts aux mains &
aux pieds (3). Des monftruofités qui fe pro-
pagent, tiennent aux Organes de la généra-
qu'il fent très-bien qu'il ne fauroit juger de tout ce que peuvent
ou ne peuvent pas les caufes accidentelles , in#rienres où exté-
rieures, & que la plupart lui font inconnues.
(3) tt C'étoit de cette Famille de Maîthe, dont M. de,
Réaumur avoit donné lhiftoire, que je parlois ici. Mais il
eft d’autres exemples de ces Familles fexdigitaires , dont dif.
férens Individus paroiffent tranfmettre en tout ou en partie
les monftruofités de leurs mains & de leurs pieds à leurs
Enfans. Je me fuis fort occupé dans un autre Ecrit, de ces
monftruofités qui femblent héréditaires. Ce n’elt pas ici le lieu
d'entrer là- deflus dans de plus grands détails que ceux de mon
texte,
|
DE LA NATURE. VII Pers. 99
tion. Des monftruofités par excès & qui fe
propagent, fuppofent un excès relatif dans
les organes fécondateurs. Ils féparent donc plus
de molécules appropriées au développement des
doigts , ou des mo'écules plus actives que dans
ordre naturel. Elles travaillent donc davan-
tage fur les mains & fur les pieds du Germe ;-
elles y produifent des changemens, ou une
évolution analogue à celle des côtes furnumé-
raires dont je viens de parler. Elles agident
encore fur les vaiffèaux correfpondans des or-
ganes dela génération du Germe; elles leur
impriment une difpofition à filtrer plus de ces
molécules ; elles. ......,.. mais, fi J'eatrepre.
nois d'approfondir cette queftion obfcure , jou.
blierois. que je ne fais ici que les fonctions de
Contemplateur de la Nature, & je les ai déja
h
trop méconnues,
LES principes que j'ai indiqués fur la généra-
tion des Animaux, s'appliquent d’eux-mèmes à
celle des Plantes. Ce que la liqueur prolifique eft
à ceux-là, la pouffiere des étamines J’eft à celles-
ci. Îl eft une merveilleufe analogie entre ces
deux clafles de Corps organifés; nous la con-
templerons bientôt. La graine, fi femblable à
œuf, renferme donc probablement un Germe
qui préexifte à la fécondation d'une maniere
G2
160 : CHOUN: TE AL PCEVA TION
invifible, & qu’elle rend fenfible. IL apparoit
d’abord comme uu point verdâtre ou Jaunâtre.
L'on a cru reconnoitre dans ce point un grain
de la poufliere des étamines. On a donc placé
les Germes dans cette poufliere, & l’on a fup-
pofé qu'ils s’introduifoient dans les graines def-
tinées à les recevoir & à les nourrir. Mais,
découvre-t-on le Germe dans Pœuf avant la
fécondation ? Il y préexifte pourtant. Il eft
très-probable qu'il préexifle de même dans la
graine, & que la petitefle , la tranfparence &
VPuniformité de fes parties les dérobent à nos
fens. Un Philofophe argumentera - t-il de lin-
vifibilité à la non-exiftence (4) ?
(4) tt Les Naturaliftes qui avoient admis que la Plantule
réfide originairement dans la pouiliere des étamines, & que
la graine n’eft que le logement deftiné à la recevoir , n’avoient
pas déduit cette opinion d'obfervations directes, faites fur les
Plantes : mais ils n’avoient fait proprement qu'appliquer aux
Plantes une opinion fort -accréditée fur la génératien des Ani.
maux. On voit que je parle de la famenfe hypothefe des Ani-
malcules fpermatiques , adoptée par des Pli yficiens d’un grand
som , & dont la fauffeté eft aujourd'hui fi bien démontrée.
La graine eft bien réellement à la Plante, ce que l'œuf
eft à l'Animal. Or, nous avons vu que la Plantule fait corps
avec la graine, comme le Germe du Poulet fait corps avec
Yœuf, (Part. VI, Chap. VI, derniere Note.) Si donc la
graine préexifte à la fécondation, l'on eft très- fondé à pré-
fumer que la Plantule y préexifte auffi, Et il ne faut pas
D
D E LE, NATURE. V IL. Pari. JO
UN Obfervateur exact a fuivi une bonne
route pour éclaircir le myftere de la génération
s'imaginer qu'il foit bien difficile de s'aflurer de cette préexif-
tence de la graine: une loupe médiocre fuffit à la démontrer;
il eft même des Efpeces où l'on peut s’en affurer à la vue
fimple.
Mais il ef d’antres obfervations qui prouvent, d'une ma-
niere plas démonitrative, que le Germe ou la Plantule ne
doit point fon origine à la poufficre des étamines , & qu’elle
préexifte dans la graine. Ces obfervations très - neuves & qui
ont été exécutées avec toutes les précantions qu’elles exigeoient ,
ont d'autant plus de quoi nous furprendre, qu elles paroiffent
contredire ce que nons connoiffons de plus certain fur lu-
fage des pouflieres. J'ai raflemblé dans le Chapitre VII de la
Partie VI, & dans les Notes, uu bon nombre de faits vus
& revus bien des fois par les meilleurs Obfervateuts , qui
concourent tous à établir que la poulliere des étamines eft le
_principe fécondateur des Plantes. Je me borne à rappeller à
mon Leéteur la fécondation artificielle du Palmier & du Thé-
rébinthe. Le favant Auteur de ia Phyfique des Arbres nous four-
nit une autre preuve affez finguliere de la même vérité, II
a vu un pied de Vigne & des Fraifiers qui fleurifloient tous
les ans, & ne donnoient jamais de fruits, parce que leurs
fleurs mauquoient d’un des fexes.
Cependant le célebre SPALLANZANT, à qui il avoit été
donné de percer beaucoup plus avaut que Les Devanciers dans
les myfteres les plus cachés de la Nature, ayant eflayvé d'i-
foler des pieds femelles de différentes Efpeces de Plantes, a
reconnu avec furprife que ces Plantes élevées dans la foli-
tude la plus parfaite, produifoient des graines fécondes. Il a
a obtenu’ les mêmes réfultats eflentiels lorfqu'il a opéré par le
G 3
102 C OX N'T EM PLAT MON
des Plantes. Il a étudié ce qui a refulté de la
fécondation de diverfes Efpeces par les pouflieres
d'Efpeces différentes. il en a vu naître des
Mulets bien caracérifes. Ces Mulets, combinés
avec d’autres Efpeces, en ont donné de nou-
veaux. Par-tout les reffemblances ont été en
railon directe des pouffieres. Toujours les chan-
gemens ou les altérations ont été fenfibles. La
Femelle a eu quelque fupériorité. Le privilege
de la fécondité a adhéré plus exactement à ce
qui venoit d'elle, qu’à ce qui procédoit du Mäle.
Ces curieufes obfervations n’indiquent-eiles pas,
que dans les Végétiux comme dans les Ani-
maux, le Germe appartient originairement à
la Femelle ?
même procédé, fur des Efpeces à fleurs hermaphrodites , aux
quelles il avoit retranché les étamines avant l’émiflion des
pouffieres. Plufeurs graifes avortoient alors, mais d’antres
continuoient à croître, & la Plantule s’y montroit dans toute
fa perfection.
Mon Leéteur tire de lui-même de ces faits fi imprévus
deux conféquences très-importantes dans l’hiftoire des Végé.
taux. La premiere, que la néceffité des pouflieres pour [a
fécondation n’eft pas aufli nniverfelle qu’on l'avoit pen; la.
feconde, que ce ne fon: point du tout ces poufheres qui in-
troduifent la Plantule dans la graine, mais qu'elle y réfide
originairement , & qu’elle peut dans certaines Efpeces s’y dé-
velopper par le feul fecours des fucs nourriciers qu'elle tire
de la Plante - mere.
|
|
a —-
DE LA NATURE. VII Part. 193
L'on a admis la dégénération de différentes
Efpeces fur des fondemens qui n’étoient pas
plus folides. On a été plus loin; on a foutenu
que certaines Efpeces fe transformoient réelle-
ment en d’autres. On a admis la converfioit
du Bled en Ivraie, de l’Avoine en Seigle, &c.
on a préteudu que l'expérience confirmoit cette
converfion : & il a fallu que des Phyficiens de
profeffion tentaflent, fans rougir, des expérien.
ces dont une faine Philofophie montroit affez
quels devoient être les réfultats. Ces expérien-
ces ont donc été faites, & l’on a pouffé les
précautions jufqu’au fcrupule, & la prétendue
métamorphofe eft demeurée dans lordre des
préjugés. j
S'1L eft une fource de dégénération propre-
ment dite dans les Efpeces; ceft aflurément
la fécondation. Quand les pouflieres dune
Plante fécondent les graines d’une autre Plante,
il doit en réfulter des Etres mitoyens, des
Efpeces de Mulets. Nous venons de le voir. Mais
l'vraie ou le Seigle, qui devroient leur origine
à une femblable caufe, ne retiendroient-ils rieu
de leur état primitif? Examinez avec la plus
_grande attention l’vraie ou le Seigle que vous
_ jugez provenir de la dégénération du Bled ou de
VAvoine, & vous n’y appercevrez rien que Vous
G4
304 CONTE M PL. A TANOMN
puifliez rapporter légitimement au Bled ou à
l'Avoine. Et fi vous recourez à d'autres fources-
de dégénération, comme à la nature du terreih ,
à l'humidité ou à la féchereñe, &c. il fera aifé
de vous démontrer l'impuifflance de pareilles
caufes. Changeriez-vous par-là un Poirier en
Pommier ? Elt-ce donc que, parce que le Bled
n'eft qu’une Herbe & non un Arbre, fa ftruc-
ture en eft moins eflentiellement déterminée ?
Eff-ce qu'une Herbe en a moins des vaifleaux
qui s’aflimilent les fucs nourriciers ?
Mais le terrein, la culture & d’autres cir-
confiances patticulieres peuvent influer fur
les proportions & fur certaines qualités au
point de rendre les Efpeces méconnoiflables.
Ici ce fera un Nain, là un Géant. Ne vous
en Jaiflez point impofer ; rappellez lun & lau-
tre à un examen fÂcrupuleux, & vous retrou-
verez l'Efpece au milieu de ces apparences trom-
peufes. Les formes pourront s’altérer aufli, &
déguifer davantage l’Efpece ; redoublez d’at-
tention ; vous reconnoîtrez le déguifement.
LE Mulet eft fiérile ; ce n’eft pas une preuve que
les Mulets de toutes les Efpeces le foient (5).
El eft chez les Oifeaux des Muleis qu'on
(5) +} Voyez les Notes 8 & 25 du Chap. XI.
DE LA, NATURE. VII Part. 30;
aflure qui fe propagent. Il peut donc s’en trou-
ver aufli chez d’autres animaux, & fur-tout
chez les Végétaux. Tout ce que nous nom-
mous Efpece dans ces derniers, n’eft pas orz-
ginel; il eft ici des Efpeces dérivées, qui en
s’éloignant de plus en plus de leur fource, &
en fe combinant, fe montrent fous des afpects
qui celent, leur véritable origine.
IL y a lieu de s'étonner, que les Naturalif-
tes mnaient pas tenté en ce genre des expé-
riences fur les Infeétes. Il eft à préfumer qu’el-
les ne feroient pas fans fuccès. On n’ignore
pas, que dans cette claffe fi nombreufe de petits
Animaux, il exifte des Müles tés.ardens. Si
lon donnoïit, par exemple, au Papillon Mile
du Ver-à-foie, une Femelle d'Efpece différente,
& qui lui fût proportionnée, il la fécondroit
peut-être, & les Chenilles qui en proviendroient,
nous vaudroient, fans doute, des vérités nou-
velles & intéreflantes. Il faudroit tenter la
mème chofe fur des Mouches, fur des Sca-
rabées, &c. (6)
(6) tt Les Naturaliftes nomment Srarahée tout Infeéte qui
a quatre aîles, dont les extérieures , toujours cruftacées ou
écailleufes, fervent de fourreau aux autres. Le Hanneton eft
un Scurabée.
1066 CONTEMPLATION
+} Ces expériences intéréMantes que je propofois à la fin
de ce Chapitre, © que je w’étonnois qu’on n’eût pas encore
tentées , l'ont été il y a quelques années par un Amateur, dont
l'Ecrit fe trouve dans le Journal de Phyfique. Cit Amateur,
M. Nicocas, avoit imaginé de renfermer dans des chaffis
de cinq pieds de hauteur, garnis de gaze, des Papillons d’'EF
peces différentes. Un Arbrifleau étoit planté au milieu du
châfis ; & l’on juge bien que fes feuilles étoient la nourri-
ture des Chenilles dont provenoient les Papillons. Ce petit
appareil étoit placé dans un Jardin, ‘ Les Papillons , dit l'Au.
teur ,ont vécu quelque temps fans paroître fe rechercher :
je commencois même à défefpérer de la réuflite, lorfqu'un
matin je trouvai deux Femelles de l'Apparent accouplées
avec deux Æinimes à bandes. La Femelle dépofa fes œufs
fur lPArbrifsau, & les petites Chenilles qui en éclorent,
ne différoient de celles de l'Apparent que par leurs couleurs
qui étoicnt beaucoup plus foncées , par uüe ligne de points
d'un jaune roux, qu’elles-avoient fur le dos, tandis que
celles de l’Apparent l'ont de couleur citron , fouvent même
plus foncée. Leurs Chryfalides étoient plus grofles & moins
noires que celles de l'Apparent : enfin l'Infette parfait pat-
ticipoit de l'une & de l’autre Efpece , ayant la partie fu-
»» périeure des aîles fauve, & l’inférieure blanche, avec une
»» ligne tranfverfale. J'ai procédé de la même maniere à l'é-
» gard des Zigzugs Mâles & Femelles, de l’Ecaille martre
» bériflonnée. Cela m'a donné des Papillons d'uñe variété fin-
» guliere, ee qui me perfuade que par ce moyen on pout-
» toit s’en procurer de la plus grande beauté ,,.
Il auroit été à defirer que notre Amateur ne fe fût pas
borné à l'examen des couleurs, & qu'il eût porté fon atten-
tion fur les divers changemens qui pouvoient être furvenus
5)
DE LA-NATURÉ. VII Part. 107
par la génération, aux parties extérienres & intérieures de
fes Métifs. Il paroît avoir opéré plutôt en fimple Amateur,
qu'en Naturalifte. Il eût été encore à fouhaiter qu'il eût varié
davantage fes expériences, & qu'il les eût étendues à des
Individus de genres différens, & même de claffes diffé-
rentes.
109 CONTEMPLATION
LPS ESP SES ER SES
LÉSIS SIT ÈS E
RU FEAT K «*
HUITIEME PARTIE.
DE L’'ECONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE
DANS LES INSECTES.
15
CHA PA TRE E
Introduéfion.
L ‘Esquisse que je viens de tracer de l’Eco-
nomie animale , donne une légere idée de ce
qui conftitue l’effence de la vie dans la plupart
des Animaux. El s’agiroit maintenant de par-
courir les principales variétés que préfente lor-
ganifation des différentes Efpeces. Les Infedtes ,
jufqu’ici trop peu connus, & fi dignes de l'être,
nous offrent en ce genre des fingularités aux-
quelles nous nous bornerons par préférence,
pour éviter des détails qui nous conduiroient
trop loin.
# Nous avons déja entrevu [1] les principa-
les pieces qui entrent dans la compofition de
[ul Part. HE, Chap. XVHI, XVIII, XIX.
SE ————
DE LA NATURE. VIIL Part. 109
ces petites Machines: contemplons à préfent
leur jeu & leurs effets divers. Nous nous tien-
drons en garde contre la fécondité du fujet,
& nous ne lenvifagerons que par fes côtés les
plus faillans & les plus effentiels.
CHA PT TIRE 2:11
Le principe des nerfs.
à ee un ver-à-foie le long du dos : en-
levez le cœur [1], le fac inteftinal, & toutes
les parties qui couvrent la moëlle {pinale ou
lé principal tronc des nerfs. Piquez légérement
les nœuds qui le divifent; vous exciterez dans
les mufcles voifins des mouvemens qui fixe-
ront agréablement votre attention [2].
C1] Part. III, Chap. XIX.
[2] ff Quand je failois cette expérience il y a plus de
quarante ans , je n’avois aucune connoiffance de l'irrétabilité,
qui n'avoit pas encore commencé à faire bruit dans le Monde
favant. C'étoit néanmoins cette admirable propriété de {a fi
bre mufculaire, dont je contemplois alors les effets mexveil-
leux fans la connoître. Le Ver-à-foie dont il eft “queftion
dans ce Chapitre, avoit été ouvert vivant. Dépouiilé de tous
les vifceres qui recouvrent la moëlle fpinalé ; 1l°ne lui 4eftoit
,
l
Ë
|
|
uo CONTEMPLATION
CHAPITRE CHE
ae
La refpiration
É.4 méchanique de la refpiration eft encore
fort obfcure dans les Infectes. On fait feule-
ment qu’elle y differe beaucoup de celle des
Animaux qui nous font les plus connus, Mais
on juge plus de cette différence par la compa-
raifon des organes, que par celle de leur jeu.
On a cru fur des expériences fpécieufes,
que les ftigmates ne fervoient qu’à l’infpiraion, &
que l’expiration fe failoit par les pores de la peau.
Mais des expériences faites avec plus de foin, fur
des Chenilles de tout âge, tenues fous l’eau , après
avoir pris la précaution de chañer l'air de leur
plus que la peau du ventre, fur laquelle étoit couche le
cordon médullaire , les mufcles de l’abdomen & ceux des jam-
bes, en forme de bandelettes, diftribuées par paquet:. C'e-
toient ces mufcles que je mettois en aétion en touchant avec
la pointe d'une aiguille, les nœuds correfpondans du cordon
médullaire.
Dans la derniere Note du Chap. XIX de ja Part. III, je
me fuis affez étendu fur la ftructure finguliere de ce cordon, &
fur celle des qrineipan vifceres de la Cheniile. Je dois y
eéteur.
al
#envoyer mon
———————
BEULANNAT'URE. VIIL Part. «a
extérieur , ont perfuadé que les ftigmates fer-
voient également à l’infpiration & à lexpira-
tion. Les expirations n’ont rien offert de ré-
gulier; elles ont paru dépendre principalement
des mouvemens de l’Animal [1].
UXE de ces Chenilles, dont tout le corps
étoit plonge dans l’eau, à lexception des deux
ftigmates poltérieurs, a vécu plufieurs jours
dans une efpece de létargie, pendant laquelle
le cœur a paru abfolument immobile.
(1) ff Le Lecteur confultera fur la refpiration des Infees,
la grande Note que j'ai placée à la fn du Chap. XIX de la
Part. III.
J'ai raconté dans un autre Ecrit, les nombreufes expérien-
ces que javois tentées fur la refpiration des Chenilles, &
qui m’aVoient valu des réfultats intéreffans, dont je ne donnois
ici qu'une légere indication. Monilluftre Maitre, REAUMUR,
s'étoit certainement trompé. lorfqu'il avoit cru, d’après fes
propres expériences, que les ftigmates ne fervoient qu’à l'inf-
piration, & que l'expiration fe faifoit par les pores de la peau.
J1 avoit pris pour de l’air expiré ou forti de l'intérieur de
l'Animal, l'air extérieur demeuré adhérent à l'épiderme, &
qui avoit fuivi la Chenille fous l’eau. Si l'on a foin de chaf-
fer cet air extérieur de defus l'épiderme, en mouillant celui-
ci avec un pinceau, il ne paroîtra aucune bulle fur la peau
lorfqu’on fiübmergera l'Infeéte. Mais on verra fouvent de grof-
fes bulles qui feront lancées avec force par un on plufeurs
figmates, & qui gagneront la furface de l'eau.
112 CONTEM P L.A\T INOUN
LorsQU'oN applique une goutte de liqueur
grafle fur un ou plufieurs ftigmates , les par-
ties correfpondantes deviennent paralytiques.
L’interception dé l'air dans une partie eft donc
fuivie ici de celle des liqueurs ou des efprits.
Des trachées accompagneroient-elles les vaif-
feaux fanguins dans tout leur cours? Produi-
roient-elles fur ces vaifleaux l'effet qu’on fup-
pofe que produifent celles des Plantes fur les
fibres ligneufes ?
Lorsqu'on bouche tous les ftigmates, l’In-
feéte meurt fur-le-champ. Si on l’ouvre en-
fuite, on verr: l'intérieur fe ranimer. L’air
qui pénetre alors les orifices ouverts des tra-
chées, produit apparemment cette efpece de
réfurreétion.
Les trachées fe divifent & fe fous - divifent
prodigieufement. Seroient- elles des efpeces de
cribles, qui, par des féparations ménagées à
propos, fourniroient à chaque pattie un ait !
plus ou moins fubtil, fuivant fes befoins ?
ORDINAIREMENT on compte neuf ftigmates
de chaque côté du corps, mais quelquefois ils
font en plus grand nombre; d'autrefois il y en a
mOoInNs,
LE
‘DELA NATURE. VIIL Part. 113
LE même Infette en à qui font plus ou
moins (2) importans, ou dont les fonctions
lui font plus ou moins néceflaires (3).
Daxs plufeurs Efpeces, les principaux ftig-
mates font placés au derriere; dans d’autres,
a la tète.
Assez fouvent, au lieu de ftigmates, on
obferve des petits tuyaux plus ou moins longs(4).
(2) tt L'Abeille, par exemple, a dix ftigmates de chaque
côté ; le Pou n'en a que fept.
(3) tt Mes expériences fur la refpirâtion des Chenilles
m'ont paru prouver que les deux ftigmates antérieurs & les
deux poftérieurs font les plus importans.
-(&) tt Entre les Vers qui portent au derriere des tuyaux
par lefquels ils refpirent , les plus remarquables font cer-
tains Vers aquatiques, fort communs dans les privés, & que
M. de REAUMUR a nommés Vers à queue de Rat. Ils ne por-
tent au derriere qu’un feul tuyau affez effilé, de plufieurs li.
gnes de longueur , & qui imite en effet la queue d’un Rat,
Ce n'eft pas par ce tuyau lui-même que l'Infeéte relpire : il
n'eft que l'étui un peu cruftacé d’un autre tuyau en partie
charnu , incomparablement plus délié, & que l'Infeéte peut
alonger de plufieurs pouces, pour en porter l'extrémité à la
furfice de l'eau, & infpirer l'air. Le Ver à queue de Rat
fe change en une Mouche à deux ailes, fi femblable à nre
Abeille, qu'il Faut être Naturalifte pour ne s'y mépreumidre
point.
Toine Il. H
x14 CONTEMPLATI O.N
ES
© AP LT RE EN
La Circulation.
ha circulation du fang fe fait chez les In-
£ectes avec beaucoup de régularité. On la fuit,
pour ainfi dire à Pœil, dans quelques Efpeces
de Vers longs & tranfparens. On voit le cœur
ou la principale artere fe contracter & fe dila-
ter fucceflivement dans tous les points de fon
étendue : il femble qu’elle foit compofée d’un
grand nombre de petits cœurs, mis bout a
bout, & qui fe tranfmeitent le fang les uns
aux autres. C’eft mème l’idée qu’un grand Ob-
fervateur s’en étoit faite. Mais l'injection ne
lui a pas été favorable ; la grande artere s’eft
foutenue, & les petits cœurs ont difparu.
CEPENDANT il refte toujours douteux, fi
ce vifcere n’elt pas comme partagé par des
efpeces de diaphragmes ou de valvules, qui,
en empèchant le retour du fang, rendent Pim-
pulfion du vaiñeau plus efficace. C’elt ce qu’on
croit appercevoir dans certaines Efpeces de Vers
dont le corps elt fort tranfparent, & qui peuvent
être multipliés de bouture,
DE LA NATURE. VII Part. 116
On ignore encore comment le {ang eft porté
dans la grande artere. Ses principales ramifi-
cations & les conduits analogues aux veines,
font pareillement inconnus.
On fait feulement que dans beaucoup d'Ef-
peces, la plupart rampantes, le principe de la
circulation eft vers le derriere; au lieu que
dans d’autres il elt vers la tète.
IL y a beaucoup d'apparence que la grande
artere jette de côté & d'autre, divers rameaux
invifibles par leur extrème finefle ou par leur
tranfparence, & qui diftribuent le fang à tou-
tes les parties. D’autres rameaux s’aboucheat
fans doute à ceux-là, & rapportent le réfidu
du fang au principal tronc des veines, qu’on
croit avoir entrevu à l’oppofite du cœur. Nous
tifquons néanmoins de nous tromper lorfque
nous voulons juger de ce qui fe pafle dans les
Infetes, par ce qui fe pañle dans les Animaux
qui nous font les plus connus. Il feroit peut-
ètre plus für de nous écarter de cette voie,
& de fimplifier, fi imaginer c’étoit raifonner (1).
(1) tt Je n'ai rien à ajouter ici fur les organes d« la
circulation chez les Infeétes, à ce que j'ai expolé dans la
derniere Nôte dun Chapitre KIX de Îa Partie III, -que mon
Leéteur voudra bien confulter, Je remarquerai feulemens
H 2
u6 CONTEMPLATION
Le {ang des Infectes eft une liqueur fub-
tile, tranfparente & ordinairement fans cou-
leur, & qui, quoiqu'elle ne foit nullement
inflammable, réfitte dans quelques Efpeces à
un degré de froid fupérieur à celui de nos plus
rudes hivers [2].
que ce principal tronc des veines que j'avois entrevu dans
quelques Chenilles, & que j'avois fuppofé exifter dans mes
Vers d'eau donce, que j'ai multipliés par la feétion, a été
vu depuis dans des Vers de ce genre, par deux bons Obfer-
vateurs, MM. GoEse & MuLcer. C'eft ce qui a été mieux
obfervé encore par M. SPALI ANZANI dans le Ver de terre.
T1 ef même parvenu à découvrir l’abouchement de la princi-
pile artere avec la princigaie Veine, & les ramifications de
celle-Jà. Aureîte, c’eft le long du ventre qu'eft couchée cette
principale veine que jl'indudrizux LYONET avoit cherchée
inutiiement dans la Chenille,
[2] tt C'eft ce que M. de REAUMUR avoit expérimenté
ur de tres-jeunes Chenilles qui vivent en fociété, & aux-
quelles il avoit fait fubir un froid artificiel de quinze de-
grés de fon Thermometre. Elles en furent gelées fi à fond,
qu'en les laiant tomber fur une taffe de porcelaine, elles
y rendoient le mème fon que de petites pierres ; & pourtant
elles n’étoient point mortes, & l’Obfer vateur les vit avec fur-
prife reprendre peu-à-peu leurs monvemens , dès qu’il les eut
expofées à une chaleur douce. J'ai vu à-peu-près la même
chofe fur des Chryfalides de Fapillons diurnes, que j'avois
Æexpolés toute une nuit à un froid naturel de treize degrés
Ju même Thermometre. Mais il eft hien plus remarquable
que les Infeétes dans l'étit de Germe fupportent, ‘fans périr ,
DELA NATURE. VIIL Part. 17
EE ME ——— 7
CÉRAR ICTIR EME ©
Exception a une regle efliinée. générale.
Ux grand Médecin a pofé en principe, qu’il
#y a point de véritable acide dans l’Animal,
bors des prenrieres voies ou du canal inteftinal.
Une Chenille remarquable par fa forme, & qui
{e nourrit des feuilles du faule, nous offre une
petite vefle, placée {ous lœfophage, près de
la bouche [1]. Certains organes {éparent de
mène du fang des Fourmis un acide très-péné-
trant, & qui a fait l’objet des recherches d’un
habile Chymilte.
un froid beaucoup plus grand encore. Le Ver.à-foie dans fon
œuf réfifte au froid énorme de vingt-quatre degrés; & dès qu'il
a pris un certain accroiffement, il périt au froid médiocre de
£ept degrés.
C1] ++ IL s’agit ici de la Chenille à queue fourchue du Saule ,
dont j'ai donné ailleurs l'intérefante hiftoire. J'ai fait voir
qu’il eft probable que l'acide très-développé qu’on trouve dans
cette Chenille finguliere, y eft préparé de loin par la Nature,
pour fournir au Papillon un puiflant diflolvant de la colle
qui lie fortement entr'eux les petits fragmens de bois dont
eft conftruite la coque dans laquelle la Cheniile fe renferme.
Mais çette liqueur fi élaborée peut avoir d’autres ufages pro-
pres à la Chenille elle-même, & qui ne me font pas connus.
H3
ug8 CONTEMPLATION
Be —
E Hy A UP LIN TR VENUE
Les organes de la génération €3 leurs dépes.
dances.
Le à l’extrémité du ventre, que les orga-
nes de la génération font placés dans la plu-
part des Infeétes [r]. Celui qui caradérife le
Mâle, confifte principalement dans une ou plu-
fieurs Efpeces de cornes charnues, qui fe con-
tournent en différens fens, & qui à l’ordinaire
font retirées dans l'intérieur du corps, mais
que l’Infecte en fait fortir à fon gré.
Le derriere de beaucoup de Mäles eft encore
[11 ft Les Mouches les plus communes, les Papillons , les
Scarabées , &c. en fourniffent des exemples.
Mais, chez les Araignées , l’organe de la génération du
Mâle fe trouve daus un endroit où l’on ne s’aviferoit pas de
le chercher : il eft logé dans les antennes. Chez ces grandes
Mouches à corps long & effilé, qu'on nomme Demoïifelles ,
la partie fexuelle du Mâie eft placée tont près de la poitrine,
au lieu que celle de la Femelle fe trouve au derriere. Cette
étrange difpofition des organes paroît choquer le vœu de la
Nature. Mais elle a enfeigné au Mâle des procédés au moyen
defqueleil s'aujetit fa Femelle, & la force à amener Le bout de
fon derriere où il le veut.
DE LA NATURE. VIIL Pari. n19
garni de crochets, au moyen defaquels ils faifi-
fent celui des Femelles, & l'afujettiffent (2X
Daxs l'intérieur font logés différens vaif-
feaux, qui tiennent au principal organe de
la génération , & féparent de la mañle du fang
la liqueur fécondante.
À l'ouverture ménagée dans la Femelle pour
lintromiflion , aboutit une efpece de con-
duit, qui, dans les Infectes ovipares, jette
plufieu:s branches qu’on nomme #rompes où
ovaires. Ce font des Efpeces d’inteftins extrè-
mement fins, dans lefquels les œufs font ran-
gés à la fle, à-peu-près comme les grains d’un
chapelet.
Les œufs les plus avancés vers l'ouverture,
font les plus gros ou les plus à terme. Ils di-
minuent graduellement à mefure qu'ils s’en
éloignent. Enfin, ils deviennent abfolument.
invifibles (3 ).
(2) tt C'eft ce qw'il eft très - Facile d'obferver chez les Pa-
pillons, dont un grand Obfervateur (a) s'eft plu à décrire aæ
long les amours.
(3) tt Pour prendre une grande idée de la ftruéture des.
(4) REAUMUR.
H4
120 . CONTEMPLATIOM
Daxs le conduit commun où les trompes
aboutiflent, s’infere dans quelques Efpeces un
caual fort court, qui communique à une cavité
oblongue, qu'on regarde comme analogue à la
matrice. C’eft dans cette cavité que la liqueur
du Mäle et dépofée. Un obfervateur célebre
établit que cette liqueur pénetre enfuite dans
le conduit commun par le canal de communi-
cation, & qu’elle y féconde les œufs dans l’inf-
tant où ils pañlent devant l’embouchure de ce
canal pour venir au jour.
Cuez les Infe@es ovipares, l’économie des
trompes change. Tantôt les Petits font arran.
gés par paquéts : tantôt ils compofent une efpece
de cordon roulé en fpirale, dont la longueur,
la largeur & l’épaifleur répoudent précifément
au nombre, à la longueur & à la groffeur des
Petits qui le compofent (4).
ovaires chez les Infeétes , il faut lire la defcription que SwAM-
MERDAM a donnée de ceux de la Reine - abeille, & jetter un
coup - d'œil fur l'élégante figure qui l'accompagne. Cette fi-
gure elle-même eft plus propre à frapper le Lecteur que la
defcription, parce qu'elle parle aux yeux, & par eux à l'i-
imagination. Celle que MaLpiGHt a donnée des ovaires du
Papillon du Ver-à-foie, ne mérite pas moins d’être confultée ,
& c'eit de ces ovaires dont il eft queftion dans le paragraphe
fuivant de mon texte.
(4) FF Cet.cxemple fi remarquable nous eft fourni par une.
DENEA4 NATURE. VIIL Port. A
Les Petits de quelques Jnfeétes vivipares dé-
chirent, avant que de venir au jour, la meme
brane ou la trompe qui les renfermoit : ils ont ,
pour ainfi dire, à naître deux fois.
Les œufs des Infectes font de deux genres :
les uns font membraneux, comme ceux des
Tortues & des Reptiles : les autres font cru-
ftacés, comme’ ceux des Oifeaux.
Mais, au lieu que daus les grands Ani-
maux, les Efpeces contenues fous ces genres,
ne different les unes des autres que par de
légeres variétés, chez les Infectes ces variétés
font fi grandes, qu'un Animal ne differe pas
plus d’un autre Animal, qu'un œuf y differe
d'un autre œuf.
IL en eft des ronds, d’ellyptiques, de len-
ticulaires, de cylindriques, de pyramidaux,
de plats, &c. Les uns font tout unis, les
autres font fculptés ou cannelés (5).
Mouche vivipare à deux aîles, de taille médiocre, dont M.
de REAUMUR a donné l’hiftoire. Le cordon fpiral ou la ma-
trice de cette Mouche, qui a près de deux pouces & demi
de longueur, renferme plus de vingt mille Petits.
(5) tt Les œufs des Pagillons fourniffent feuls des exemples
de toutes ces variétés,
r
22 CONTEMPLATION
ENFIN, ce qui dt plus exraordinaire, il
éft de ces œufs qui croiffent après avoir été
pondus. On juge aifément qu’ils font purement
membraneux. La fouplefle de leurs membranes
leur permet de s'étendre. Ils ont des pores qui
s'imbibent des fucs de la Plante où ils font
dépofés. Ce font des petits placenta qui tranf-
snettent la nourriture à l'Embryon [6].
[6] ++ Voyez la troifieme Note du Chap. XI de la Part. VIT.
J'ajonterai ici que le derriere des Femelles offre dans cer
taines Efpeces de Mouches & de Papillons, des inftrumens
d'une ftrud&ure admirable, deftinés à dépofer les œufs dans
des lieux convenables. Il eft des Papillons Femelles qui ont
au derriere une forte de main fort adroite, à l'aide de la-
quelle ils s’arrachent leurs propres poils pour en recouvrir
teurs œufs. On connoît les tuyaux plus cu moins longs &
plus ou moins compofés, que diverfes Mouches ichneumones
portent au derriere, at moyen defquels elies font pénétrer
leurs œufs dans le corps de divers Infcétes vivans. Mais le
plus admirable de tous ces inftrumens , eft cette double fcie
qui a été donnée à la Mouche du Rofer, &. qui la met
en état de pratiquer dans le hoiïs de l'Arbriffeau differentes
logettes où elle renferme’ fes œhfs. J'invite le Lecteur cu-
rieux à contempler la ftruéture de ce bel inftrument dans
jes Planches des Mémoires fur les Infeétes, & mieux encore
dans la Nature elle-même. Enfin, cette forte de fabre que les
Sauterelles ont an derriere, ef encore un inftrument appro-
prié à la ponte: il eft une maniere de plantoir avec lequel
l'Infeéte pratique en terre des trous où il dépofe fes œufs.
Certaines Mouches à deux ailes, fort femblables aux Cou-
CE sù «ou a —
DE LA NATURE. VIII Part. 123
NV (A mcm « 2x
—————— —— —_—_—_—_——_———— —
li
RÉ HNPITRE VIL
Variétés de la génération.
=
La diflinétion des Infedtes en Vivipares &
en Ovipares, n’a pas lieu feulement dans des
Éfpeces de clafles différentes ; elle a lieu encore
dans des Efpeces de mème genre. Il eft des
Mouches à deux ailes, vivipares, & des Mou-
ches à deux aîles, ovipares.
IL y a plus, quelques Efpeces font vivipares
dans un tems, & ovipares dans un autre.
Le Puceron nous en fournit un exemple [1].
Tous les grands Animaux qui nous font
connus, fe diftinguent en Mâles & en Femelles,
& propagent l’Efsece par la voie de laccou-
plement. Le même ordre regne chez les Infec-
tes; mais toutes les Efpeces ne lui font pas
fins, mais bien plus grandes, & qui ont été nommées 7ipules,
portent de même au derriere une forte de plantoir, dont elles
fe fervent avec adrefie, pour loger leurs œufs dans la terre.
. [x] #f Voyez-en d'autres exemples dans la Note 4 du Chap.
ZI de la Part. VIL
24 CONTEMPLATION
{oumifes, & entre celles qui le font, plufieurs
mous offrent des fingularités très-remarquables.
Daxs plufeurs Efpeces, le Mâle eft aîle &
la Femelle non aîlée. Le Ver-luifant, condam-
né à ramper toute fa vie, eft fécondé par un
Tnfecte pourvu de quatre aîles (2).
QUELQUEFOIS cette fingularité affez frap-
pante, eft jointe à d’autres qui furprennent
davantage. Partout ailleurs on obferve une
certaine proportion entre le Mäle & la Femelle :
ici, cette proportion difparoïit entierement.
La Femelle eft un Colofle fur lequel le Mäle
fe promene comme fur un terrein fpacieux.
L’ardeur & l’agilité de ce Mâle font extrèmes.
Il eft dans un mouvement prefque continuel.
La Femelle, au contraire, ne fe meut que ra-
rement & pefamment. Quelquefois même elle
pañle la plus grande partie de fa vie dans la
plus parfaite immobilité. Enfin le Mâle eft un
»
(2) tt Il eft bien d’autres exemples de la même fingularité.
Chez plufeurs Efpeces de Papillons nocturnes, le Mâle eft
aîlé, & la Femelle non-ailée. On obierve la même chofe dans
une Efpece de gros Scarahée. Les Pucerons nous offrent en
ce genre de plus grandes fingnlarités encore. On trouve dans
les nombreufes Familles de ces petits Infectes, des Femelles
aîlées & des Femelles non-aîlées ; des Mâles aîlés & des Males
- non-ailés.
DE LA NATURE. VIII Part. 12$
Infecte proprement dit [3]; fon corps eft cou-
pé par des incifions très-marquées : la Femelle
eft une mañle fphérique ou ellyptique, collée à
üne branche, & qu’on prendroit pour une
tumeur ou une gale de cette branche. L'on
comprend que je parle des Gallinfeëtes, dont
le nom rend fi bien les apparences trdmpeufes.
On les trouve en grand nombre fur les bran-
ches de quantités d'Arbres & d’Arbuftes. Elles
fe diverfifient beaucoup; mais elles affectent
toujours la forme de Galles plus ou moins arron-
dies. Elles pompent le fuc de lArbre à laide
dune petite trompe, qu’elles tiennent fichée
dans l’écorce. Elles pondènt des milliers d'œufs,
qui s’empilent fous le ventre de la Mere, à
mefure qu’ils en fortent. La ponte finie, la
Gallinfette meurt, & fon cadavre demeure collé
à la branche. Ce n’eft plus qu’une coque pleine
d'œufs, qu’on prendroit encore pour une. Gal-
linfete vivante, tanc il y a peu d’apparence
de vie dans cet étrange Animal. Les Petits ne
tardent pas à éclorre, & l’on voit paroître aufli-
tôt une multitude de très - petites membranes
animées, ovales ou circulaires, portées {ur fix
jambes, & qui fe répandent de tous côtés avec
une célérité merveilleufe. Eût-on jamais deviné
£3] Part. HI, Chap. KVH,
Wé EVOL NUIT EM 'B'ENANT 60m
que des Infectes fi petits, fi plats, fi agiles;
{e confondroient un jour avec ies Galles (4) ?
CHEZ tous les Animaux diftingués de fexes,
c'eft le Mâle qui introduit, Il eft une efpece
de Mouche, fort commune dans nos apparte-
mens, qui fait une exception’à cette regle fi
génerale. Îci, c’eft la Femelle qui introduit &
le Mäle qui reçoit.
Parmi les Efpeces qui vivent en fociété,
plufieurs nous offrent de trois fortes d'individus,
des Mäles, des Femelles & des Neutres, ou
des individus qui demeurent toujours privés
de fexe. C’eit ce qu’on obferve dans les Ré-
publiques des Abeilles, des Guèpes des Four-
mis. On fait que chaque Effaim d’Abeilles n'a
qu'une Femelle, qui porte le nom de Kexe;
les Mäles, nommés Fazx-bourdons, font aflez
fouvent au nombre de quatre ou cinq cents;
(4) +} Le genre des Gallinfeétes eft très- fécond en Efpe-
ces. Il eft peu d'Arbres où d'Arbriffeaux qui n'aient leurs
Gallinfectes. Ceux de l'Oranger font très-connus faus le nom
impropre de Psmaifes. Ceux dn Pècher ne le font pas moins
par leur multiplication exceffive. 1 y a d’affez grandes ana-
logies entre ces Infeîtes & les Pucerons, Le Kermès & la
Cochenille, dont la véritable nature avoit été fi long - temps
iguorée, appartiennent au Peuple nombreux des Gallinfectes.
DELA NATURE. VIIL Part. 127
%s Neutres, bien plus nombreux, vont quel-
quefois à quarante ou cinquante mille. Ceux-ci
{ont les Ilotes de la petite Sparte : ils font char.
gés de tous les travaux. La Reine & les Faux.
bourdons ne s’oceupent qu’à donner des Citoyens
à l'Etat. Mais fi ces Faux - bourdons avoiene
été auf ardens que les Mäles de quelques
Efpeces, la Reine, placée au milieu d’un Se.
rail de pareils Mäles, n’auroit pas eu le temps
de pondre. Il a donc été ordonné, que les Faux
bourdons ne rechercheroient jamais la Reine ;
mais que ce {eroit elle qui les rechercheroit, &
qui les exciteroit par Îes agaceries à la fécon-
der. Sa fécondité furpañfe fon incontinence ; elle
pond dans l’année plus de cinquante mille œufs.
Elle en pond de trois fortes, d’où éclofent trois
fortes d'individus différens de taille. Les Neu-
tres conttruilent donc trois fortes de cellules
proportionnelles, deftinées à recevoir les œufs
& à loger les Petits qui en doivent éclorre (5).
(5) tt C'étoit, comme l’on voit, d’après le plus grand
Hiftorien des Abeïlles , que j'efquiffois ces premiers traits de leur
hiftoire. Mais, depuis la mort de cet excellent Obfervateur,
on a découvert chez ces Mouches laborieutes des chofes bien
lingulieres, & qui s’éloignent beauconp de tout ce qu'il avoit
raconté de leur génération & de leur police. Cette Kein:-
abeille qu'il nous repréfentoit comme une Mefäline au milieu
sénat
F
DIET —…
128 CONTEMPLATION
Diverses Efpeces d'Infectes font de vérita-
bles Hermaphrodites : chaque individu y réunit
les deux fexes: mais il ne peut fe féconder
lui-même, la génération dépend ici comme
ailleurs , du concours de deux individus. Il y
a de ces Hermaphrodites qui peuvent être mul-
tipliés de bouture : d'un mème Ver de terre
Pon peut faire plufieurs Vers de terre, en le
coupant par morceaux , & files Vers provenus
de cette divilion, venoient enfuite à s’accou-
pler, ils fe fécondroient, en quelque forte
eux-mêmes.
D’auTres Infectes font des Hermaphrodites
d'un ordre plus fingulier : chaque individu fe
fuit à luimème & propage, fans aucun com-
merce avec fon femblable. Le Puceron nous en
d'un Serrail de Miles, nous eft donnée aujourd’hui pour une
Veftaje qui, condamnée À un célibat perpétuel, n'a jamais de
‘commerce avec les Mâles fi nombreux au milieu defquels
elle vit, Si l’on doit s'en rapporter à des obfervations qui
paroiflent bien faites, & qui ont été répétées plus d'une fois,
les œufs que la Reine pond en fi grand nombre font fécondés
dans les alvéoles, à la maniere de ceux de divers Amphibies &
des Poiffons à écailles : les Mâles les arrofent de leur fperme.
Je n'en dirai pas davantage aétuellement fur ces nouvelles dé-
couvertes, parce que je ferai appellé à y revenir dans un autre
endroit de cet Ouvrage,
a
DE LA NATURE VIII Part. 129
a fourni le premier un exemple qui mérite de
nous occuper quelques momens [6]
EE —— —— T3
PAP ED T RE IN ETT
a
Le Puceron.
Vous avez vu cent fois de petits Mouche-
rons attachés en grand nombre aux fommités
& aux feuilles des Plantes, & qui les contour-
nent en divers fens [1]: ce font les Pucerons,
dont les Efpeces font prefque auf nombreufes
que celles des Végétaux, & dont les fingula-
rités fe font multipliées à mefure qu’on leur a
donné plus d’attention.
C6] tt Il eft rigoureufement démontré que dans la même
Famille de Pucerons où fe trouvent des individus qui fe fuf.
fifent à eux-mêmes, il eft néanmoins une diftinétion réelle
de fexe & un véritable accouplement, comme je le ditai bien-
tôt. Mais chez les Polypes, incomparablement plus nom-
breux en Efpeces que les Pucerons , & dont la multiplication eft
beaucoup plus grande encore, il n’eft aucun veltige de fexe
ni aucune copulation. Chaque individu eft Androgyne au fens le
plus étroit.
C1] ft Non-feulement les Pucerons contournent les feuilles
des Plantes en divers fens, ils y occafionent encore par leurs
piguures fans ceffe réitérées, des excroiflances quelquefois
Tome II. I
130 C ON TE MVP 'L AUT.L OR
ÎLs mettent au jour des Petits vivans. Leurs
accouchemens font faciles à {uivre ; il ne faut
que de bons yeux & un peu de patience.
Saififlez un Petit à fa naifflance 3 renfermez-le à
linftant dans la folitude la plus parfaite ; &
pour mieux aflurer fa virginité, pouflez les
précautions juiqu’au f{crupule; devenez pour
lui un Argus plus vigilant que celui de la Fable;
quand le petit folitaire aura pris un certain ac-
croiflement, il commencera d’accoucher, & au
bout de quelques iours, vous le trouverez au
milieu d’une nombreufe Famille.
FarrTes {ur un des individus de cette Famille
monftrueufes. Telles font, en particulier, ces groffes veflies
de l’'Orme, qu’on trouve remplies de Pucerons, qui doivent
leur origine à une feule Mere, qui a piqué une feuille de
J'Atbre, & qui y a occafoné ainfi une tumeur dans laquelle
elle s’eft laile renfermer. La Famille plus ou moins nombreufe
a laquelle elle v donne naïiflance, contribue à l'augmenta-
tion de la tumeur en y faifant affluer les fucs noutriciers en
plus grande abondance. Il eft dans le Levant de ces tumeurs
produites par nos Pucerons, dont on fait ufage pour les tein-
tures en cramoili.
La claffe des Pucerons eft fi nombrenfe en Efpeces , qu’on
peut douter raifonnablement s’il n’y a pas au moins autant d'El.
peces de ces Infeétes, qu’il y a d'Efpeces de Végétaux. La plu-
part font très-petits , & leurs couleurs très-variées. Il en eft
qui font recouverts d’un long duvet cotonneux , quelquefois forc
joliment frifé.
DELA NATURE. VIII. Part. 137
la mème expérience que vous avez tentée fur
le Chef; le nouvel Hermite multipliera comme
fon Pere; & cette feconde génération élevée
en folitude, ne fera pas moins féconde que la
premiere.
RÉPÉTEZ l'expérience de génération en gé=
ration , ne relâchez rien de vos foins, de vos
précautions, de votre défiance : pouflez, fi
votre patience vous le permet, jufqu’à la neu-
vieme génération, & toutes vous donneront
des Vierges fécondes.
APRÈS ces expériences fi décifives & réité
rées, vous vous perfuadez aifément qu’il n’eft
point de diftinétion de fexe dans les Pucerons.
Quel feroit en cHet ’ufage d’une pareille diftinc.
tion chez un petit Peuple dont tous les indi-
vidus fe fufffent conftamment à eux - mêmes 2
L'Hiftoire naturelle eft la meilleure Logique,
parce qu'elle eft celle qui nous apprend le mieux
à fufpendre nos jugemens, Les Pucerons font
réellement diftingués de fexes ; il eft parmi eux
des Mäles & des Femelles, & leurs amours font
M chofe du monde la moins équivoque. Je ne
| fais méme s'il eft dans la nature des Mâles
plus ardens que ceux-ci.
132 CONTEMPLATION
Quel eft donc l’ufage de l'accouplement chez
des Infectes qui multiplient fans fon fecouts ?
À quoi peut fervir une dictinétion réelle de fexe
x de véritables Androgyñes ? L’éclaircifflement de
ce point tient à une autre grande fingularité que
nous offrent ces petits Animaux. Pendant toute
la belle faifon ils font vivipares; tous pon-
dent alors de véritables œufs , qui éclofent au
retour du Printemps [2]. Les Mâles commen-
cent à fe temontrer précifément dans le temps
où les Femelles commencent à pondre. Il y a
donc un rapport fecret entre lapparition des
Mäles & la ponte des Femelles (3). En tout
[21 +t L'illuftrede G5ER, à qui l'Hiftoire naturelle eft fi
redevable, ne croyoit pas que les mêmes Pucerons qui font
vivipares en Eté, devinffent ovipares en Automne. Il avoit
fait, fur les Pucerons du Rofer, des obfervations qui lavoient .
convaincu que les Individus qui font ovipares dans l'arriere
faifon, n'ont jamais été vivipares ; & que les Individus aîlés
vivipares, qui précédent les Individus ovipares, ne pondent
jamais des œufs. Ces obfervations demandent à être 16.
pétées. I1 Faudroit fur - tout s'afurer s’il eft des Individus
ovipares parmi les Pucerons de la Zone torride.
(3) tt Mr. de GEER raconte, quelle fut fa furprife de
piouver , au milieu de l'Eté , des Pucerons Mâles dans une Ef-
pece qui vit fur le Saule, & de les voir s'acconpler avec des.
4 MES Ee »
DELA NATURE. VIIL Paré. 133
temps on trouve dans le corps des Femelles,
des œufs & des Petits plus ou moins prêts à
EEE È : à , +
naître. Les petits étoient donc renfermés ofri-
ginaitément dans des œufs (4). Pendant la belle
faifon , ils éclofent dans le ventre de leur Mere
& paroiffent au jour vivans. Les Plantes leur
fournifflent alofs une norriture convenable,
Femelles vivipares. Mais il y a lieu de ‘étonner que l'Obfer-
vateur n’eûüt pas fongé à élever de ces Pucerons en folitude,
pour tâcher de découvrir Pufige fecret de l'accouplement. Il
autoit été intére{lant de faveir fi des Pucerons de cette Efpece,
privés de Mäles , auroient multiplié comme les autres.
(4) tt Notre ingénieux Obfervateur Suédois rapporte une
obfervation qui conGrme bien ceci, & qu’il avoit faite fur les
Pucerons qui contournent les feuilles de l'Orme: il aure qu'ils
naiffent revêtus d’une enveloppe qu'ils rejettent à leur fortie du
ventre de leur Mere. -
Il avoit très-bien vu auffi comment les Petits fortent dés
œufs pondus avant l’Hiver. L'œuf s'ouvre à une de fes extré-
mités, & le petit Puceron en fort la tête la premiere : tous
fes membres font étendus en ligne droite fur fa poitrine, pré-
cilément comme chez les Pucerons qui fortent vivans du ventre
de la Mere.
Il nous apprend encore qu’il eft des Pucerons qui favent
couvrir leurs œufs de l’efpece de duvet dont ils font eux- mêmes
garnis : ils les détachent de leur ventre avec leurs jambes de
derriere qui s’en chargent plus ou moins, & en les frottant
enfuite contre leurs œufs, le duvet s’en fépare & demeure
adhérent à ces derniers.
13
ë
en SERRE Er
134 CONTEMPLATION
qu’ils ne tardent pas à pomper à l’aide d’une
trompe fort déliée & quelquefois tres - longue.
À l’approche des froids, les Petits ne peuvent
plus fe développer afflez dans le ventre de leur
Mere, pour venir au jour vivans : ils demeu-
rent renfermés dans leurs œufs, où ils fe con-
fervent pendant l'hiver. S'ils éclofoient à l’en-
trée de cette faifon ils périroient bientôt faute
de nourriture. Le developpement dépend en
dernier reflort de la nutrition: les Pucerons
qui naiflent vivans, fe font plus développés
dans la matrice que ceux qui naïiflent renfer-
més dans des œufs. Les premiers ont donc
reçu dans la matrice une nourriture que les
autres n’ont pu y recevoir. Cette nourriture a
fu pour opérer le plein développement des
Germes. L’accouplement n’auroit-il donc point
pour principale fin de fuppléer au défaut de
cette nourriture dans les Germes qui ne doivent
éclorre qu'après ètre fortis du ventre de leur
Mere ? Nous avons vu [5 | que la liqueur du
Mâle eft un fluide nourricier. On vérifieroit
cette conjecture en élevant en folitude des Pu-
cerons appellés à pondre. I! refte donc encore
des expériences curieufes à tenter fur les Puce-
rons , malgré le grand nombre de celles qu’on
Cstt Part. VII, Chap. X, XE
DELANATURE VIII Part. 13
a déja faites. Combien ces petits Infeétes méri-
toient-ils d’être étudiés ! Il demeurera toujours
vrai que les plus petits fujets de Phyfique font
inépuifables. [6 ].
[GT # Je difois de Phyfque, & non fimplement d'Hif-
toire naturelle, parce que j'envifagcois ici les Pucerons dans
le rapport à l'hiftoire de la génération, fur laquelle ils peu-
vent répandre beaucoup de jour , & qui eft une des plus belles
parties de la Phyfique. C'étoit, fans doute, fous le même
point de vue que M. de REAUMUR confidéoit nos Pucerons,
lorfqu’en parlant de leur maniere de multiplier, il ajoutoit :
qu'elle étoit pent-être la plus grande fingularité que l'Hifloire
- maturelle nous et fuit voir jufqw'ici, une fagularité intérefunte
pour les Phyfciens, € mime pour les Métaphyficiens, £T très-
propre à juflifer l'emploi du terps paflé à obferver les plus petits
Infeëtes. Le grand HaLLer penloit de même fur les Pucerons :
il les regatdoit comme des Etres importans en Phyfique, 6
s'étoit plu à le Faire fentir.
Nous avons vu que dans la même Famille de ces petits
Infe&es , il eft des individus vivipares & des individus ovi-
pares : nous ne fommes pas même afurés que le méme in-
dividu qui, pendant un temps plus ou moins long, a mis
conftamment au jour des Petits vivans, ne vienne pas en-
fuite à pondre des œufs. Mais l'hiftoire des Pucerons nous
offre en ce genre une nouvelle fingularité, qui n'en auroit
_ point été une pour les Obfervateurs , s’ils n’avoient été accou-
ne GE MERE LL. — =
tumés à voir les Pucerons accoucher de Petite vivans. Sur
les Sapins de la Suede s’élevent des galles en forme d’Artichatt,
-& ces galles très - remarquables doivent leur naiflance à des
Pucerons fi eMfentiellement ovipares , qu’on ne les a jamais vu
mettre au jour des petits vivans: Îls pondent conffærment
la
136 CONTEMPLATION
Jar parlé de quelques Efpeces d’Infectes ,
dont les Mâles font aîlés & les Femelles non-
aîlées. On retrouve cette fingularité chez les
Pucerons : mais ils ont plus à nous offrir en
ce genre. Il eft parmi eux des Mäles aîlés, &
des œufs de génération en génération, & c'eft aux piquures
réitérées des Petits qui en éclofent, que les galles doivent leur
plus grand acctoiffement. Elles ne font proprement que les
boutons mêmes de l'Arbre, rendus monftrueux par les piquures
de nos Infectes : ils s’établiffent dans les cavités nombreufes
des galles. M. de GEER, à qui nous devons cette décou-
verte, a trouvé au Printemps dans chaque galle une groffe
Puceronne, à laquelle feule il attribue la premiere forma-
tion de la tumeur. Au dehors & autour de celle-ci, il a ob-
fervé un grand nombre de petits œufs, d’où fortoient de très-
petits Pucerans qui entroient dans les cavités de la tumeur,
& qui proñftoient ainfi du domicile que la Mere - Puceronne
fembloit leur avoir préparé. Ii a frouvé de ces Meres - Puce-
ronnes fur les pouffes du Sapin dès l’Automne précédente.
Elles y étoient raffemblées par grouppes , & paroifloient fort
jeunes encore. Toutes étoient immobiles & recouvertes d’un
duvet blanchätre. Elles ne croifloient que très - lentement pen-
dant l’Hiver ; mais au retour du Printemps , elles prenoient des
‘accroïiflemens rapides.
Les petits Pucerons qui éclofent des œufs que ces Meres
pondent , fortent des galles en Juillet, prennent des aîles,
après en être fortis. & pondent des œufs d’où éclofent des
Pucerons qui fe rafflemblent par grouppes fur les tiges du
Sapin, depuis l’Automne jufqu’au Printemps, & qui donnent
ces Meres auxquelles les galles doivent leur origine.
D'EXBA NAT U R EF: VIII. Part. #37
des Mäles qui demeurent toute leur vie privés
d’aîles. Il y a aufli des Femelles aïlées, & des
Femelles qui ne prennent jamais d’ailes. Ce
n’eft pas tout encore: les Mâles & fur-tout
les non-aîlés, font fi petits en comparaifon des
Femelles, qu’on les voit fe promener fur elles,
comme un Moucheron fur un fruit, tant la
Nature s’eft plue à accumuler ici les fingularités
de différens genres.
EE—— re
CHAPITRE IX
ER —
Les Zoophytes ou les Animaux-plantes.
J E demande grace pour cette expreflion bar-
bare, qui n’elt pas mème philofophique. Je
voudrois rendre par un feul mot ces propriétés
fi remarquables, communes à divers Infectes,
& qui femblent les rapprocher beaucoup des
Plantes. Des Animaux qui multiplient comme
elles, de bouture & par rejettons, des Animaux
qu’on greffe paroiflent ètre de vrais Zoophytes
ou des Animaux -plantes. Je fais bien que ce
font au fond de purs Animaux, mais qui ont
plus d’affinité avec les plantes que n’en ont les
Animaux plus généralement connus; & c'eit
POP
De -
pa
18 CONTEMPLATION”
En]
cette forte d’affinité que le mot de Zoophytes
doit réveiller dans l’efprit.
PHYSICIENS, qui aviez approfondi les fecrets
de l’économie animale; Anatomiftes, qui aviez
confacré vos favantes veilles à l'étude du Corps
humain, aviez-vous foupçonné qu'il exiftät
des Animaux, dont la ftruéture imitât aflez
celle des Plantes, pour renaître comme elles
de leurs débris? Non, vous ne l'aviez point
foupconné , & plus vos connoiffances anatomi-
ques étoient profondes, plus vous vous feriez re-
fufés à un foupcon qui les choquoit toutes. Pleins
des Modeles que vous offroient les grands Ani-
maux, vous aviez puifé dans ces Modeles vos idées
d'Animalité. Et comment, fur de pareilles idées,
euffiez-vous imaginé la réproduétion totale d'un
cerveau, d'un cœur, d'un eftomac & de tous
les vifceres effentiels à la vie? Une femblable
régénération étoit déja très-merveilleufe dans
le Végétal; & combien l’organifation de lAni-
mal vous paroifloit-elle différer de celle du
Végétal! Combien les organes du premier vous
paroifloient-ils plus compofés, plus muitipliés,
plus divers, plus dépendans & plus infépara-
bles les uns des autres ! Comment donc euffez-
vous deviné lexiftence d’un Animal, qui ne
montre ni cerveau ni cœur ni arteres ni VE
ER RE RE ET te RE le ns
PP —
DE LA NATURE. VIIL Part. 139
nes, & qui femble être tout eftomac, tout in-
teftin, & dont les jambes ou les bras font en-
core eftomac & inteftin ? Comment enfin euffez-
vous préfumé l’exiftence d’un Animal qui peut
ètre greffé comme un Prunier, & retourné.
comme un gant, & qui met fes Petits au jour
“comme un Ârbre y met fes branches. ?
Deux mille ans s’étoient écoulés depuis que
l'Ecole avoit commencé de bégayer & de tâton-
ner, l’orfque la fagacité d’un feul Oblervateur
ut tirer d’un heureux hafard toutes ces belles
découvertes. L'art s’uniflant alors à la Nature,
la féconda, & de ce commerce naquirent de
nouveaux prodiges, plus étonnans encore que ;
ceux des tems fabuleux. Que font néanmoins
tous ces prodiges auprès de ceux que les fiecles
futurs verront éclorre! Quelle n’'eft point l’im-
menfité de la Nature! Quelles ne font point
les richefles cachées dans fon fein , & la variété
prefqu’infinie de fes productions! Combien ces
inftrumens qui nous ont valu tant de vérités,
font-ils encore imparfaits! Quelle perfection
ne pourront-ils pas recevoir un jour du hafard
ou de lPhabileté des Artiftes !
SR me
Nous étions à peine revenus du profond
“ étonnement où le Polype 4 bras nous avoit
4 CONTEMPLATION
jettés, que les Polypes à borquet ont paru &
nous ont offert des phénomenes fi étranges,
fi éloignés de tout ce que nous connoiflions,
que nous n'avons pas mème trouvé dans la lan-
gue des termes propres à les exprimer. Que de-
vons-nous donc penfer de ces Nomenclatures
faftueufes, qu’on ofe nous donner pour le
Syflême de la Nature? Je crois voir un Ecolier
qui entrepend de faire l'index d’un gros in-#lio,
dont il n’a lu que le titre & les premieres pages,
Et mème ces premieres pages du Livre de la
Nature les pofflédons-nous ? Combien s’y trou-
ve-t-il de pafñlages que nous n’entendons pas,
& dont le fens caché renferme probablement
des vérités intéreffantes !
Je ne fais point le procès aux Nomencla-
teurs ; ils s'efforcent de mettre de l’ordre dans
nos connoiflances ; mais je dirai bien, qu’un
fimple Nomenclateur ne fera jamais de grandes
découvertes. Je dirai bien encore, que je fais plus
de cas d’un bon Traité fur un feul Infete,
que de toute une Nomenclature snfecfologique :
c’eft que des définitions & des divifions ne font
pas de PHiftoire; c’eit qu’on {e perfuade trop
facilement qu’on fait PHiftoire, quand on fait
en gros comment les Perfonnages font faits.
Il vaudroit bien mieux favoir ce qui réfulte de
DE LA NATURE. VIII. Part. 141
la maniere dont ils font faits, & ce qu'ils
font,
Nos claffes & nos genres feront fouvent de-
rangés par de nouveaux Etres qu’on ne faura
où loger, parce qu'on fe fera trop prefle de
faire des diftributions. Si tout eft nuance dans
le Monde phyfique, nos partitions fi tranchées
ne peuvent être bien naturelles ; elles ne font
que commodes, & l’on facrifie fouvent à cette
commodité des avantages plus réels.
L'auTEuR de la Nature a marqué du fceau
de fon Infinité fes moindres Productions : il
n’en eft point qui ne puiffe occuper utilement
un Obférvateur tout entier. Comment donc {e
trouve-t-il des Ohfervateurs ; qui ofent embraf-
fer à la fois plufeurs branches d'Hiftoire natu-
relle? Ce feroit déja trop d’une feule branche,
que dis-je, d'un feul rameau. Méditez l’admi-
rable Hifloire du Polype; lifez les beaux AMe-
moires fur les Infectes, & comparez l'utilité de
ces Chefs-d'œuvres à celle des Nomenclatures les
plus vantées. Quels font ceux de ces Ouvrages
que vous aimeriez mieux avoir fait, & qui
vous paroïflent fuppoler plus de fagacité, de,
génie, d'invention, & contribuer davantage
aux progrès de l'Anatomie & de la Phyfique ?
|
|
PR ET CS Te ss
RE SAT S
142 CONTEMPLATION
Il me femble, qu’on devroit être moins em:
preflé à faire le catalogue de nos connoiffances,
qu'a les augmenter. Amaflons plus de matériaux
avant que de fonger à élever le Temple de la
Nature; elle refuferoit d'y habiter ; il ne feroit
pas proportionné à {a grandeur; il ne le feroit
qu’à la pctitcile de l'architecte (1 ).
(x) +f Ceci étoit imprimé depuis plufieurs années, lor£
qu'un des plus habiles & des plus infatigables Naturaliftes
de notre fiecle (*) écrivoit ce qui fuit à un defes intimes
Amis, en date de l'Isle de Bourbon, le 18 d'Avril 1771.
Quel admirable pays que Madagafcar ! Ce n’eft point
» dans une courfe rapide qu'on peut parvenir à reconnoître
# fes riches produétions : ce feroit l'étude d’une longue fuite
>» d'années; encore faudroit-il des Académies enticres pour
» uue fi abondante moiflon.
» C'eft à Madagafcar qu'eft la véitable Terre de promiffion
5 pour les Naturaliftes : c’eft - là que la nature femble s'être
» retirée comme dans un fanétuaire particulier, pour y
>, travailler fur d'autres modeles que ceux auxquels elle
» Sel aflervie dans d'autres Contrées. Les formes les plus
infolites & les plus merveilleufes s’y rencontrent à chaque
ss pas. Le Di0SCorIDE du Nord y trouverait de quoi faire
:, dix Editions revues & augmentées de fon Syflema nqture,
»» &finiroit, fans doute, par convenir de bonne foi, qu'on
» Ma encore foulevé qu’un coin du voile qui couvre les pro=
s duétions éparfes.de la Nature. On ne peut s'empécher, à
y» Ja vue des tréfois répandus à pleines mains fur cette Terre
(*) COMMERSON.
DE LA NATURE. VIIL Part. 143
EVE
GHAPTTRE X
Ce —
Les Zoophytes apodes ou les Animaux-plantes ;
Jans pieds.
Les Vers d’eau douce.
BP les Zoophytes, les uns ont des pieds
ou des membres, les autres en font dépourvus.
Nous contemplerons d’abord ces derniers.
» fertile, de regarder en pitié ces fombres Spéculateurs de
» Cabinet, qui paflent leur vie à forger de vains fyftêmes,
» @& dont tous les efforts n’aboutiflent qu'à faire des châteaux
n» de cartes. Ne les comparerions-nous pas à ce Fils d'Eole,
> dont nous parlent les Poëtes ? comme Sifyphe, ne Îe re.
3 buteront-ils jamais de rouler le rocher du bas d’une Mon-
» tagne en haut, d’où il retombe fur le champ? Ils devroient
» favoir cependant qu'ils n'ont peut-être pas encore un feul
genre déterminé ; que tous leurs caraéteres claffiques, gé-
» nériques, &c. font précaires ; que toutes les lignes de dé-
» marcation qu'ils ont tracées , s’'évanouiflent à mefure que les
,, Genres & les Efpeces intermédiaires commparoiffent. Quelle
; préfomption de prononcer fur le nombre & la qualité des
»» Plantes que peut produire la Nature, malgré toutes les
découvertes qui reftent à faire ! LINNEUS ne propofe gueres
que fept à huit mille Efpeces de Plantes. Ou prétend que
le célebre SHERARDEN en connoifloit plus de feize mille ;
» & un Cultivateur moderne a cru entrevoir le #axiam du
»
2
“
=
LT
…
…
144 CONTEMPLATION
Nous avons déja entrevu la régénération du
Ver de terre; nous n’y reviendrons pas. D’au-
tres merveilles nous appellent, & elles font
regne végétal, en le portant à vingt mille Efpeces. J'ole
dire cependant que j'en ai déja fait à moi feul une col-
lection de vingt-cinq mille, & je ne crains point d'annoncer
qu’il en exifte au moins quatre à cinq fois autant fur la
furface de la Terre: car je ne puis raifonnablement me
latter d’être parvenu à en recueillir la quatrieme ou la
cinquieme partie. ...... Un Ami abien vouiu me faireun
herbier des Plantes de la Côte de Goromandel ; je n’en ai pas
reconnu une vingtaine dans lÆortus de la Côte de Malabar.
Il faut donc regarder tous les Syflêmes Faits & à faire
encore pendant long-temps , comme autant de procès-verbaux
des différens états de pauvreté où en étoient la fcience &
l'Auteur à l'époque de fon SMtéme.
» Le bon Chevalier de l'Etoile polaire me fait fourire,
lorfqu’il nous affure qu'il a fait la voûte de fon édifice.
I1 me femble le voir au milieu de toutes Îles refontes de
fon Pisux, occupé à remonter un modele de la Machine
de Marly, dont on ne lui préfenteroit les pieces de rap.
port qu'après lui en avoir préalablement fouftrait les neuf
dixiemes. Je ne prétends point par-là déroger au refpeét qui
lui eft dû ; j'ai toujours été un de fes zélés Difciples ...
Celui qui s’exprimoit avec tant de feu & d'agrément, avoit
fait le tour du Globe, pour accroître nos connoiflances en
Hiftoire naturelle. Combien les Amis de la Nature ont-ils à
regretter qu’une mort prématurée l'ait enlevé à une Science
au perfeétionnement de laquelle il avoit confacré tous les mo-
mens de fa laborieufe & trop courte vie!
(age à
.
DE LA NATURE. VIIl Part. 14f
en grand nombre. Nous n’aurons que le regret
de les parcourir trop rapidement.
C’EST prefque une chofe refpectable que la
boue qui couvre le fond des marais & des étangs :
c’eft-là que le GRAND ÊTRE n’a pas dédaigné
d’accumuler les traits de Sa PuissANcE & de
SA SaGessE. ÎL avoit lié l’exiltence de cette
matiere vile à celle de diférentes Efpeces de Vers,
deftimés à y vivre & à s’en nourrir, & qui
devoient un jour nous offrir le fpectacle intéref
{ant d’une réproduétion qu’on ne fe laffe point
d'admirer, & qu’on admire d'autant plus, qu’on
eft plus éclairé.
Tous ces Vers font longs & effilés. Ils ne
reflemblent pas mal à la chenterelle d'un Violon :
on pourroit mème leur en donner le nom,
Leur. corps elt formé d’une fuite très-nombreule
de petits anneaux, qui décroiffent graduelle.
ment à melure qu'ils approchent des extémités.
Ils font très-mous; leur tète, qui fe termine en
pointe moufle, eft {ufceptible de mouvemens
variés. Elle fe conttate, fe dilate, s’alonge,
{e racourcit au gré de l’infecte. La bouche
elt garnie d’un mufcle qui en dirige les fonctions,
& dont le jeu eft aflez fenfible. L’anus, placé
à l’extrèmité oppofée, eft une petite fente ob-
Tome Il, K
46: CONTEMPLATIONK
longue, bordée d'un mufcle analogue, mais
moins apparent. Toute la peau eff fitranfparente ,
qu’elle permet de voir jufque dans l’intérieur, &
nous devons nous en féliciter, car il prélente un
grand fpectacle. Le Polype, fi célébré & fi digne
de l’ètre, ne montre rien qui ait l'air de vifceres :
toute fa fubftance, qui eft aufli très-diaphane,
ne paroït compofée que d’un amas de petits
grains fimilaires. Nos chanterelles font de petits
Étres tout autrement organifés, & lappareil
de vifceres, que le microfcope nous y décou-
vre, paroît les élever bien au deflus du Polype
dans l'Echelle de lAnimalité. Un long vaifeau,
qui va en ferpentant, de la tète vers da queue;
eft ce qui frappe le plus les-yeux de PObfer-
fervateur : il a peine à s’en détacher. À fes mou-
vemens réguliers & alternatifs de dilatation & de
contraction , il le reconnoît bientôt pour le cœur
ou la principale artere. La liqueur qui circule
dans ces routes tortueufes, eft limpide. Elle fe
rend fenfible par les battemens qu’elle excite
dans chaque portion de l’artere, comprife entre
deux anneaux. On diroit que chacune de ces
portions eft un véritable cœur, & que toute
Parcere eft une chaîne de petits cœurs, mis bout”
à bout, qui chañfent le fang de place en place.
Qn le voit parcourir d’un mouvement unifor:
D 7
Le
k
| |
…
DE LA NATURE. VIII Part. 147
me tous ces petits cœurs , & s'élever ainfi comme
par autant d'échelons , de la queue vers la tête,
près de laquelle il difparoït enfin. De part &
d'autre de lartere, on découvre de belles ra-
mifications de vaiffeaux, qu’on prendroit pour
des veines, parce qu'on n'y apperçoit aucun
battement. Au deflous & le long de lartere eft
un canal, dont le diametre varie en différens
points de fon étendue. C’eft le conduit intef-
tinal, qui comprend l’œfophage , Peftomac & les
_inteftins. Les alimens s’y digerent fous les yeux
de lPObfervateur : il les ie dans leur route;
il les voit defcendre de la bouche vers l'anus,
& enfiler tous les points du canal compris en-
tre ces deux extrémités. Quelquefois il Jes ob-
ferve rétrograder ; d'autrefois iis lui paroilfent
ftationnaires. Il démèle. ... Mais mon Lecteur a
déja pris une aflez grande idée de la ftruéture
de ces Vers, & il s'étonne que des Machines
auf compofées puiffent ètre mifes en pieces
fans que leur économie en foufre.
ELLE n’en fouffre pas le moins du monde.
Au pied de la lettre, ce n’eft rien pour ces In-
fectes que d’être partagés par le milieu du corps.
Non-feulement chaque partie continue de vivre
& de fe mouvoir; mais celle qui n’a point de
tète en refait bientôt une autre; & l’on juge
K 2
148 CONTE MP ETAT I0O M
bien qu’une nouvelle queue ne tarde pas à pou£-
fer dans la moitié qui n’en avoit point. En moins
de trois jours, quelquefois plutôt, les deux
moitiés font deux Vers très - complets, & qui
n’ont plus qu’à acquérir la longueur du premier.
CE n'eft pas une plus grande affaire pour
des quarts, des huitiemes, des feiziemes de nos
Vers, de reprendre une tête & une queue; cela
va fi vite & fi bien, qu’en peu de jours, tous
ces fragmens font autant d’infetes parfaits; &
au bout de quelques femaines, ils font déja
auffi longs que.le Ver entier. De nouveaux an-
neaux & de nouveaux vifceres {e développen®
à la fuite des premiers, & les parties repro-
duites ne différent point des anciennes. Ainfr
la Machine {e remonte par fes propres forces,
& la fection, qui devroit les détruire, ne fait
que les déployer.
Je n’ai pas dit affez; dois-je craindre de n'en
ètre pas cru {ur ma parole, après tant de mer- :
veilles du mème genre, que l’Hiftoire naturelle
nous prodigue? Des vingt - fixiemes de Ver,
c’elt-à-dire de vrais atômes, parviennent très-
bien à fe réintégrer, & dans l’efpace de quel-
ques mois, ce font des Vers de plufieurs pou-
ces de longueur. Dans ces atômes vivans comme
. ati
DE LA NATURE. VIII Part. 149
dans des fragmens plus confidérables, la circu-
“jation pakoît fe faire avec la mème régularité
que dans le Ver entier. Chaque atôme a fon
petit cœur, & l'on voit affez que ce Cœur n’eft
autre chofe qu’une très-petite portion de la gran-
de artere du Ver dont l’atôme faifoit aupara-
vaut partie.
On fe laffe de couper la tète au mème in-
dividu : il faut toujours y revenir, parce que
touours il repoufle une nouvelle tête. On peut
mème lui en faire pouffer deux à la fois, qui
auront chacune leur volonté propre.
IL ef une autre Efpece de ces Vers, chez
qui la propriété de fe réintégrer a été refferrée
dans des bornes fort fingulieres. Elle refait au
mieux une tète & une queue, mais f on la.
coupe en trois ou quatre portions, les por-
tions intermédiaires pouilent une queuë à la
place ou elles auroient dû pouffer une tête. Cette
queue furnuméraire, tres- bien otganifée & à
qui rien ne manque, ne fauroit s'acquitter des
fonctions de la tète, & le malheureux Infeéte
eft condamné à mourir de faim.
SI
150 CONTEMPLATION
CLEA P TA CRMESPANE
Les Polypes a bouquet.
Led dans ce ruifleau, dont le fond
eit couvert de débris de Plantes : qu’appercevez-
- vous fur ces débris ? Des taches de moifiäure :
ne vous y méprenez pas; ces moififlures ne font
pas ce qu'elles paroident ètre, & vous le foup-
çounez déja: vous penfez les ennoblir beau-
coup en les élevant au rang des Végétaux : vous
conjecturez que ce font des Plantes en minia-
ture, qui ont leurs fleurs & leurs graines, &
vous vous applaudifez de ne pas juger de ces
moilifiures comme le Vulgaite,
PRENEZ une loupe : que découvrez - vous ?
De très - jolis bouquets, dont toutes, les fleurs
font en cloches. Caaque cloche eft portée par
une petite tige, qui s'implante dans une tige
communè: vous ne doutez plus à préfent de
la vérité de votre conjecture, & je ne puis vous
détacher de ce parterre microfcopique.
Vous ne l’avez pourtant pas affez obfervé.
Fixez vos regards fur l'ouverture d’une de ces
1!
|
F
DALZA N ATiUR E: VIII. ‘Pari. "x ÿs
cloches, vous y appercevez avec furprife un
mouvement tres-rapide, qu@gvous ne pouvez
vous lafer de contempler, & que vous com-
parez à celui d’un moulinet (1). Ce mouve-
ment excite dans l’eau de petits courans, qui
entraînent vers lacloche une multitude de cor-
pufcules qu’elle engloutit, & qui s’y diffolvent.
Vous commencez à douter que ces cloches foient
de véritables fleurs, & les mouvemens ‘en ap-
parence fpontanés des tiges, accroiflent encore
vos doutes. Continuez d’obferver : la Nature
elle-mème vous apprendra ce que vous devez
penfer de cette finguliere Produétion , & vous
fournira de nouveaux motifs d'admirer la fécon-
dite de fes voies.
VoiLa une cloche qui fe détache d’elle-mème
du bouquet, & qui va en nageant fe fixer à
quelque appui : fuivez-là. Un court pédicule
part de fon extrémité, & c’eft par le bout de
(1) +# Cette apparence de moulinet eft une pure ilinfon
_ d'Optique, produite par le mouvement ondulatoire & très.
accéléré des levres du Polype. Quantité d’autres Animalcules
de la même claffe & de clafles différentes, ofrent la mème
particularité. Ce mouvement ondulatoire a chez tous la même
fn : il tend à exciter dans l’eau un petit courant qui entraine
vers la bouche de l’Animal, les corpufcules qui lui fervent
de pâture.
K 4
552 CONTEMPLATION
ce pédicule qu’elle s’attache. II fe prolonge &
devient une petite tige. Ce n’eft plus un bou-
quet que vous avez fous les yeux, c’eft uue
fleur unique. Redoublez d'attention ; vous tou.
chez au moment le plus intérefant. La fleur
s'eft fermée, elle à perdu fà forme de cloche,
& à pris celle d’un bouton. Vous foupconnez
peut-être que ce bouton eft un fruit ou une
graine qui a fuccédé à la fleur ; car vous avez
de la peine à abandonner votre premiere con-
jeéture. Ne perdez Point de vue ce bouton :
le voilà qui fe Partage peu-a-peu fuivant {à lon-
gueur, & la tige eft furmontée à préfent de
deux boutons plus pétits que le premier. Exa-
minez ce qui fe pafle dans l’un & dans lautre.
Ts s’évafent infeufiblement, & Vous apperce-
vez dans les bords de l’évafement uñ mouve-
ment qui s’accélere à mefure que le bouton s’ou-
vre. Déja le moulinet reparoit, & les deux bou.
tons ont pris la forme d’une cloche.
UX fruit qui fe convertit en fleurs, feroit
il un véritable fruit ? Des fleurs dont l’intérieur
eft animé, & qui avaleñt de petits Infetes,
feroient-elles de véritables Beurs ? Laiffez repo.
fer vos yeux, & revenez obferver au bout de
quelques heures.
————————
DE LA NATURE. VIIL Part. 153
Vos fleurs fe font fermées comme la pre.
miere ; vous devinez ailément qu’elles vont fe
partager de mème, s’évafer enfuite, & vous
donner quatre cloches. Cela eft déja fait, & vous
avez un petit bouquet formé de quatre fleurs.
Si vous continuez d’obferver, vous le verrez
: groflit par de nouvelles divifions de deux en
deux; bientôt vous lui compterez feize , trente-
| deux, foixante-quatre fleurs , &c.
TELLE eft l’origine de ce Parterre microfco.
| pique, qui s’étoit d’abord attiré votre atten.
tion : combien étoit.il plus admirable encore que
vous ne le penfez! quelle foule de merveilles
une tache de moififlure préfente-t-elle au Phy-
ficien étonné! Quelles fcenes intéreffantes ua
riées , imprévues, fe pafent fur un brin de bois
pourri! quelithéatre pour celui qui fait pen-
fer! Mais notre loge eft fi reculée , que nous
ne faïfons qu’entrevoir : quel feroit notre ra-
viflement , fi tout le fpedtacle fe dévoilant à nos
Yeux, nous pénétrions jufques dans la ftruc-
ture intime de ce merveilleux affemblage d’Atô-
mes vivans ! Nos fens obtus n’en démèlent que
les parties les plus faillantes; ils ne faifffent
que le gros des décorations, & les machines
| qui les exécutent demeurent cachées dans une
nuit impénétrable, Qui éclairera cette nuit pro-
-
154 : CON TE M PE A4 TUNONM
fonde? Qui percera dans cet abyme où la rai-
fon va fe perdre? Qui en retirera les trélors
de Puiffance & de Sagefle qu’il recele? Sachons
nous contenter du peu qu'il nous eft permis
d’entrevoir. & contemplons avec reconnoiflance
ces premiers pas de l’Intelligence humaine vers,
un Monde placé à une fi grande diftance de nous.
REPRENEZ votre microfcope, & confidérez.
cet autre bouquet. Il n’eft pas fait précifénent
comme le précédent. Ses fleurs font aufli en clo-
ches. De la maîtreffe tige partent, à la vérité,
des tiges plus petites ou des branches latéra-
les; mais ces branches en portent elles-mêmes
de fubordonnées. A lextrémité de toutes les
branches & de tous les rameaux eft une clo-
che. Touchez légérement ce bouquet, il fe re-
plie à l’inftant fur lui-même, & fe met en boule.
Attendez un moment, & vous le verrez s'épa-
nouir de nouveau. La tige & les branches fe
déploieront, & vous offriront l'agréable fpecs
tacle de leurs cloches.
Vous favez maintenant que! chaque cloche
#t un Polype; que l'ouverture de la cloche eff,
en quelque forte, la bouche de lAnimal, &
ae cet affemblage fingulier ne compole qu’ un
L Tout organique, formé d’une multitude
DELA NN AT ÜURE. VIIL Part. 15%
-de Touts particuliers & fmilaires. C’eft une ef
pece bien nouvelle de Société , dont tous les
individus font Membres les uns des autres,
au fens le plus étroit, & participent tous à la
mème vie.
COMMENT penfez-vous que fe propagent ces
Polypes fi branchus ? Vous n’héfitez pas à ré-
pondre que c’eft par la divifion naturelle des
cioches , comme dans les Polypes que vous ve-
nez d'admirer. Sufpendez, fi vous le pouvez,
votre Jugement; obfervez ; & apprenez à l’école
des Polypes , à vous défier des analozies. N’ap-
percevez- vous dans tout l’afemblage que des
. branches & des cloches? Vous découvrez en-
_core Gà & la, fur les tigos & fur les branches, de
_ petits corps ronds, des efpeces de bulbes, affez
{emblables aux Galles àes Plantes. Fixez-vous
à une de ces bulbes, & donnez-lui toute lat-
tention qu’elle mérite. H]le eft très-petite , mais
elle groffit vite, & en peu de temps vous la
voyez furpañler de beaucoup les cloches en grof-
feur.
. VoTre curiofité s’accroit, & vous êtes im-
patient. de lavoir ce que fait la cette bulbe, &
ce qu’elle deviendra. Ne tentez pas de le devi-
ner; laiflez parler la Nature. Voilà votre bulbe
56 CONTEMPLATION
qui fe détache de la tige, & qui va en nageant
{e fixer fur une Plante. Elle s’y attache par un
pédicule très-court, qui s’alonge beaucoup en
peu d'heures. La bulbe perd fa forme fphérique 3
elle prend celle d’un bouton ovale. Ce bouton
fe partage fuivant fa longueur en deux autres
plus petits, mais bien plus gros encore qu’une
cloche. Ils ne tardent pas à fe partager comme
le premier , & voilà quatre boutons fur la mème
tige. Tous fe partagent encore, & vous donnent
huit boutons : bientôt vous en comptez feize.
Ils tiennent tous à la tige par un pédicule pro-
pre, & ne font pas tous égaux en grofleur. Les
plus gros continuent à fe partager ; les plus petits
commencent à s'ouvrir, & à fe montrer {ous la
forme d'une cloche. Ceux-ci font des Polypes par-
faits ; ceux-là, des Polypes qui ne font pas ache-
vés ; il leur faut de nouvelles divifions pour dé-
ployer leurs organes.
-
MaiNTENANT vous avez le mot de l'énigme,
& vous êtes forcé d’avouer que vous ne lau-
riez pas devinée. Un Habitanc de Saturne de-
vineroit-il l’'Hiftoire d'un gland ou d'un œuf?
Quelle Plante , quel Animal pouvoit nous con-
duire à foupçonner l’exiftence des Polypes 4 bulbe?
Mais ce bouquet qui vient de fe former
sm. x + sud de de mr
DE LA NATURE. VIII. Part. 157
fous vos yeux, n’eft pas aufli fourni de clo-
ches que celui dont la buibe s’étoit détachée :
reftera-t-il tel qu'il eft ou s’accroitra-til? S'il
s’accroit, fera-ce encore par des bulbes? Vous
n’ofez plus entreprendre de deviner ; vous avez
fait chez nos Polypes un excellent cours de Lo-
gique, & vous vous en tenez à l’obfervation.
Une des cloches s’eft fermée; elle s’eft arron-
die en maniere de bouton, & vous la voyez
fe partager. Les mêmes divifions s’operent dans
d’autres cleches, & en moins de 24 heures vous
comptez plus de cent cloches à ce bouquet, qui
n’en avoit d’abord qu’une vingtaine. }
"3
ae
=.
CE —
x
CHAPITRE XII.
Les Polypes en entonnoir.
Vous ne pouvez quitter ce ruifleau où vous
avez puilé tant de vérités, & des vérités fi éton-
nantes & fi imprévues. Vous y découvrez d’au-
tres Animaux microfcopiques, dont la forme
imite celle d'un entonnoir. Ce font encore des
Polypes. Ils ne compofent point de bouquet :
ils tiennent à quelque corps par leur extrémit£
18 CONTEMPLATION
t
inférieure. Vous êtes curieux de connoître jeur
maniere de multiplier. Pour y parvenir, vous
fixez le microfcope fur un de ces entonnoirs de
vous vous attendez bien que ce fera ici un nou.
veau Chapitre à ajouter à votre Logique,
: D'ux feul entonnoir il s’en forme deux, par
une divifion naturelle, mais très - différente de
celle des Polypes en cloche, tant la Nature s’eft
plue à varier ici fes procédés & à dérouter lOb-
fervateur.
CONSIDÉREZ ce qui fe pañle vers le milieu
de l’entonnoir. Une bande tranfverfale & obli-
que vous indique l'endroit où le Polype va fe
partager. La divifion fe fait donc de biais ou
en écharpe. La bande détermine les bords du
nouvel entonnoir, & ces bords ne font autre
chofe que les levres du nouveau Polype. Vous
Y aPPercévez Un mouvement aflez lent, qui
aide à vous les faire reconnoitre. Elles {e rap-
prochent infenfiblement ; le corps fe ramaffe peu-
à-peu ; il fe forme fur le côté un petit renfe-
ment qui eft une nouvelle tête. Déja vous dif.
tinguez nettement deux Polypes placés l’un au-
deflus de Pautre. Le Polype fupérieur a Pan-
cienne tête & une nouvelle queue; le Polype
inférieur , une nouvelle tète & l’ancienne queue,
DE LA NATURE. VIIL Part. 159
Le Polype fupérieur ne tient plus à l’autre que
par fon bout inférieur. Un mouvement qu'il fe
- donne l'en détache enfin, & il va en nageant fe
fixer ailleurs. Le Polype inferieur refte attaché à
la mème place où étoit l’entonnoir avant la
divifion.
=>
2e és
E=
EC LSLOR CE XCETZ
Les Polypes en naffe.
Cr encore à la forme extérieure de leur
corps, que ces petits Polypes doivent leur nom;
ils imicent afez celle d’une nañe de Poiflon.
Îis fe raffemblent par grouppes (1), & fe fixent
dur tous les corps qui fe rencontrent dans les
eaux douces : ils font fort tranfparens,
ON voit fe former dans l’intérieur du Polype
Cr) ft Ces petits Polypes parviennent à former ees group-
pes, en s’uniffant les uns aux autres par le bout de leur queue.
| Is compofent ainfi une forte de fphere , qui porte à fon centre
toutes les queues, & à fa circonférence toutes les têtes. Cette
fphere tourne fur eîle- même, & cet ainfi que cette fingu-
liere fociété de Poiypes fe tranfporte çà & là dans les eaux,
160 CONTEMPLATION
un corps oblong & blanchâtre. Dès qu'il eft for:
mé, il defcend peu-à-peu , fe montre au dehors,
& demeure fixé perpendiculairement {ur le Po-
lype. De jour en jour il s’en produit de nou-
veaux , & le grouppe qu’ils compofent à l'exté.
rieur du Polype s’accroit.
SI ces petits corps font des œufs, ce font !
des œufs d’une efpece unique; ils n’ont abfo-
lument aucune enveloppe ni membraneufe ni
cruftacée. On ne peut pas dire de femblables
œufs, que les Petits en é:lofent, mais il faut
dire que ces petits Corps oviformes {e dévelop
pent. En peu de minutes, ce développement
eft achevé, & le Polype eft tel que fa Mere.
Imaginez un Oifeau qui fortiroit du ventre de
fa Mere, abfolument nud, replié fur lui-mème.
en forme de boule, & dont tous les membres
viendroient enfuite à fe déployer, & vous au-
rez une image de la naiflance des Polypes ex
naîe (2).
(23 C'eft à Mr. TREMBLEY qu'on doit la connoiffance de
ces Polypes, comme on lui doit celle de tant d’autres EL
peces de ces petits Animaux, qui ont rendu fon nom fi CÉ=
lebre dans la République des Lettres. V
Prime fur ces Polypes en nafle, dans fon excellente Zuffruca
tion.
‘* Is font tous Meres : lorfqu’ils font en train de produire,
CHAPITRE
oici comme ils'ex- |
DE LA NATURE. VIIL Part. 161
RE
CARA PEL TRES X'T V.
Les Zoophytes polypodes ou les Anisnaux-Plautes
a plufieurs pieds. Le Mille-pieds à dard.
Ox fait qu'on a donné le nom général de
Mille-pieds à tous ces Infectes qui ont des cen-
taines de jambes, avec lelquelles ils ne vont
s
CE.
1
”
|
|
|
|
on découvre dans le groupe, que chaque Polype qui Je
compofe, a fur fon corps un paquet de ces corps obiongs,
qui en eît forti. H en fort un à-peu-près chaque jour ; & à
peu-près chaque jour , il y en a un de chaque Polype qui fe dé-
veloppe, & qui eft en état d'agir, de nager, Le jeune
Polype en näffe ne s'éloigne pas feul du grouppe dans le-
quel ila pris naifance. Ceux qui fe développent en même
temps, fe meuvent dans le grouppe, fe cherchent, s'u.
nifflent par leur extrémité poftérieute; & lorfqu’an certain
nombre eft réuni, le grouppe qui s'eft formé s'échappe ;
cette fphere nage en tournant en quelque maniere fur fon
axe : le mouvement de chaque Animal contribue au mou*
vement commun du grouppe fphérique. Il s'échappe quelque
fois dans un jour, des deux ou trois grouppes du grou-
pe Mere, qui, après avoir nagé pendant quelque temps»
vont fe fixer pour devenir Meres à leur tour. Ainfi , pour
qu'un grouppe de jeunes Polypes en naffe puiffe fe former,
il eft néceMlaire que plufieurs Petits fe développent en
même temps dans le grouppe Mere, ,,
Tome IL, L
PE
62 CO NT E M P L'ATAIIONN
fouvent pas plus vite que d’autres Infectes avec
fix ou huit. Il eft certainement des fins dans
la Nature, mais nous ne fommes pas à portée
de les démèler toutes, & nous lui en prètons
quelquefois qu’elle ne s’eft point propofées. Les
fins particulieres dépendent de la grande fin
générale que nous ne faurions embrafler. Le
Mille-pieds étoit, fans doute, un des moyens
relatifs à cette fin : les rapports du moyen à
la fin nous échappent, parce que nous ne fai-
fifons pas la totalité ou l’enfemble des moyens.
ON avoit fort admiré les mouvemens , en
apparence fpontanés, que fe donnent les por-
tions de divers Mille-pieds partagés, mais l’on
s’en étoit tenu à cette ftérile admiration, & il
n’étoit pas venu en penfée de fuivre ces por-
tions pour favoir ce qu’elles devenoient. On
auroit vu quelque chofe de plus admirable, &
qui auroit frayé la route à des découvertes im-
portantes. On fe feroit afluté, par fes propres
yeux, que chaque portion poufloit une nouvelle
tête & de nouvelles jambes.
C’EST au moins ce que nous offre le Mille-
pieds qui fait le fujet de ce Chapitre. Il eft
aquatique, & doit fon nom à un dard charnu, |
dont fa tête eft munie, Nous venons de voir
DELANATURE. VIIL Part. 3163
qu'il multiplie pat la feétion , comme les Vers
que j'ai décrits. Il multiplie encore en fe par-
tageant de lu-mème , & ce fait eft très-fingu.
lier. Il fe développe une nouvelle tèce à quel-
que diftance du bout poltérieur. Un nouveau
dard s’éleve perpendiculairement fur le Mille-
pieds. Le bout poftérieur, garni de fa nouvelle
tète, fe fépare du refte du corps, & c’elt ainfi
que d’un feul Mille-pieds il s’en forme deux (1).
C1) tt Ce que je difois ici ‘le ce Milie-pieds, eft bien peu
de chofe en comparaifon de tout ce. qu’il a offert à un excel-
lent Obfervateur ( le célebre O. F. MuLrer, Danois ), qu:
s’eft plu à approfondir fon hiltoire. Ce petit Etre aquatique
eft beaucoup plus curieux encore qu'on ne l’avoit préfumé,
& fans doute qu’il recele bien d'autres merveilles que nous
ne foupçonnons noint.
Notre Obfervateur lui a donné le nom de Naïle, & il ne
Faut pas l’appeller Naide à durd, parce que ce n’eft point pro-
prement un dard qu’elle porte à Ja tête, c'eft plutôt une forte
d'antenne, qui lui fert à täter les objets. Cette antenne rel-
femble plus à une trompe qu'à un Dard; au moins eft-il fur
gu'elle n’eft point une arme offenfive.
Le corps d'une Naïde vierge eit compofe de feize anneaux,
& on y compte une vingtaine. de Jambes. Le dernier anneau
eft le glus Jong de tous : il eft auf le plus remarquable par
les admirables produétions qui s’y operent.
Si l'on fuit quelques jours la Naïde, on verra apparoître
dans ce dernier anneau , des Ligues tranfverfes, au nombre
de dix ou douze. Bientôt on reconnoitra que ce font de nou-
Veaux annpaux, qui fe développent dans l’ancien. Ils font
La
]
164 CONTEMPLATION
EE
CHA P LT RER
Le Polype à bras.
Ux torrent nous. entraine ; nous courons
rapidement de merveilles en merveilles, & nous
renfermés fous la peau de la Naïde.mere, & la tranfparence
de cette peau permet de les diftinguer. On y déméle déja des
jambes naiffantes, & les mouvemens alternatifs de contraction
& de dilatation de Ja grande artere, y font très-fenfibles. La
liqueur analogue au fang circule dans cet Infeéte, comme
dans tant d’autres, de la queue vers la tête.
Les nouvelles jambes ne tardent pas à fe montrer au de-
hors, & les unes après les autres. Les nouveaux auneanx
s’alongent, fe faconnent; & c’eft une petite Naïde qui com-
mence à fe développer, & qui a déja pris un accroiflement
confidérable.
Tandis que ce merveilleux changement s'opere, on dé-
couvre par delà le milieu du dernier anneau de la Mere, ou
de cet annean qui devient Îui- même une Naïde, une raie
tranfverfe, noirâtre, bien différente de celles qui caradérifent
les nouveaux anneaux. Elle annonce l'apparition prochaine
du dard ou plutôt de l'antenne, dont fa petite Naïde doit
être pourvue. Cette antenne s’alonge & groflit de jour en
jout.
Enfin, au dedans de la raie tranfverfe apparoïflent deux
points noirs. Ce font les yeux de la Naïde naiflante.
À cétte époque, l'ancienne Naïde eft devenue Mere, &
DE LANATURE. VIIL Port. 165
voici parvenus à ce fameux Polype qui a tant
étonné le Monde. C’eft encore un Habitant des
on la voit nager quelque temps avec {a Fille, qui continue
à faire corps avec elle. Mon Leéteur imagine apparemment
qu'elle va fe féparer de fa Mere, & que c'eft à cela que fe
réduit la multiplication de notre Mille-pieds. Point du tout,
cette multiplication a bien d’autres fingularités à nous offrir ,
que je me bornerai à efqüiffer. |
Pendant que ia jeune Naïde fe développe dans le dernier
anneau de fa Mere, on obferve à la partie antérieure de cet
anneau des traits tranfverfaux , faibles encore & fort rappro-
chés les uns des autres. (C’eit une feconde génération qui
commence à {e développer, & daus laquelle on appercoit les
indices-de nouveaux afneaux. Ces anneaux croiffent peu-à-
peu comme ceux de la premiere génération. Tous fe déve-
loppent donc à la fois ; mais ceux de la feconde génération
doivent arriver plus tard à leur parfait accroiffement que
ceux de la premiere.
A peine la feconde génération a-+-elle atteint la longueur
de deux anneaux ordinaires, qu'une troifieme génération ap-
paroît, dont les développemens fuivent les mêmes loix qu?
ceux des deux premieres. On parvient même quelquefois à
entrevoir les premieres ébauches d’une quatrieme génération.
Ainf une Naïde en pleine multiplication peut être à Ja Fois
Mere de quatre Naïdes de différens âges; & ce qui et plus
étonnant, les jeunes Naides en produifent d'autres, tandis
qu’elles tiennent encore à la Naïde mere. Celle-ci porte donc à
la fois fes Enfans & fes Petits-enfans; & ce qui eft bien digne
d'être remarqué, toutes ces générations {uceefives ne Forment
avec la Mere ou l’Ayeule qu'un feul Tout organique. Elles
vs, qu'une meme
L 3
n'ont qu'une même bouche, qu'un méne an
166 CONTEMPLATION
LA
eaux : C'étoit-là qu'il falloit aller chercher les
Eipeces les plus curieufes de notre Globe. Pre-
nons une idée un peu nette de la ftructure de
artere, qu’un même conduit inteftinal, &c. Je ne fache rien
de plus propre que cette communauté de vifceres, à faire
fentir fortement qu’il n'y a point ici de génération proprement
dite, & que tout fe réduit à un fimple développement de par-
ties préexiftantes dans la Naïde mere, & qui apparoïflent fuc-
ceffivement & dans un certain ordre.
Quand, Ia premiere génération a acquis toutes les parties,
qui caratérifent l'efpece, & que ces parties n'ont plus qu’à
prendre tout l'accroiffement qui leur convient, le moment eft
venu où cette génération doit fe féparer de la Mere. Cela
s'opere peu à-peu par des petits mouvemens de la Mere & de
la Fille. Ii fe forme à l'endroit de la féparation, un étran-
glement qui augmente d’inftant en infant; & lorfque la Fille
ne tient plus à la Mere que par un fil extrêmement délié, le
plus petit mouvement acheve la féparation.
Dès que la jeune Naïde eft en liberté, les traces de l’an-
cien conduit inteftinial qui exiftoit encore dans fa tête », S'eFa-
cent, & le dard on l'antenne s'alonge & groffit.
En fe féparant de fa Mere, la nouvelle Naïde emporte avec
elle l'ancien anus, & toutes les générations qui ont commencé
à le développer. Mais alors le dernier anneau de la Mere re-
produit un nouvel anus. La grande artere de celle-ci fe ré-
pare auf; elle raffemble le fang, & continue à le pouffer
du dernier anneau vers le premier.
La Naïde dont j'ébaucke l'hiftoire, a encore une autre
maniere de multiplier. Vers le tiers de la longueut de fon
corps fe développe nn nouveau Tout organique, fans qu’on
Y apperçoive le moindre veftige de ces lignes tranfverfes qui
DE LA NATURE. VIII. Part. 167
cet étrange Animal; nous en faifirons mieux
tout ce qu'il a à nous offrir, & nous écarterons
de notre Efprit des idées d’Animalité, que nous
avons puilées chez les autres Animaux, & qui
nous embarraferoient fi nous les confultions.
Nous parcourons un Pays où lon diroit que
la Nature n’eft plus femblable à elle-même. Ce
font par-tout des modeles entiérement diffé-
rens; & entre un modele & un autre modele ,
carattérifent la premiere maniere de multiplier. On n’apper-
çoit pas même d'indice d'une nouvelle tête. On diroit que la
Naïde ne fait que s’alonger beaucoup; & au lieu de feize
anneaux on lui en compte trente à quarante. Mais on ne
tarde pas à découvrir la raie tranfverfe & noirâtre , dont j'ai
parlé; le dard on l'antenne paroïît; les yeux fe montrent, &
la Naïde fe partage en deux vers le milieu de fa longueur.
Il y a donc cette différence entre la multiplication ordi-
maire, & celle que je viens de décrire, que dans la premiere
la tête fe développe en même tems que les autres parties ;
au lieu que dans la feconde, elle ne commence à fe montrer
ue oi les autres parties ont pris leur parfait accroil-
emen
Cette admirable Naïde peut auffi être multipliée de bou-
ture, & reproduire les parties qu’elle a perdues, Si on lui
coupe la tête tandis qu’elle eft en pleine multiplication, elle
en produit une nouvelle, & les nonvelles générations qui
s'opérent dans fon dernier anneau ne laïffent pas de fe déve-
lopper. La multiplication artificielle va même plus vite que
la naturelle. Il faut dix à douze jours à une Naïde pour pro-
duire une premiere génération; il ne lui en faut que trois à
quatre pour la réproduétion d’une tête ou d'une queue.
L4
168 CON TE M PSI) ATOM
il eft encore de grandes diverfités. Combien les
Vers qu’on multiplie par la fection, different-ils
des Polypes 4 bouquets! Quelle différence encore
entre un Polype à bouquet & un autre Polype
a bouquet! Combien enfin ces Polypes different-
ils de ceux ex entonnoir,; @& ces derniers, du
Polype à bras!
C’est une chofe qui paroïit fort fimple , que
la ftrudture de ce Polype. Figurez-vous le doigt
d’un gant; ce doigt eft exactement fermé par
un bout, & ce bout vous repréfente la queue
du Polype. Elle lui fert à fe cramponner : il n’a
donc point d’anus, & rejette fes excrémens par
la bouche. Le bout ouvert du doigt eft une bou-
che ; les bords de l'ouverture en font les levres.
Placez autour de l'ouverture huit ou dix cor-
dons déliés, faits de la mème peau que le doigt,
& qui puiflent s’alonger & fe raccourcir comme
les cornes du Limaçons ce feront les bras du
Polype. Ils font encore la fonétion de pieds (1). :
Suppofez que le doigt lui-mème a une fouplefle
proportionnée à celle des cordons, & que toute
fa fubftance eft gélatineufe. Imaginez, enfin,
qu’elle eft toute parfemée, tant au dehors qu’au.
dedans, d’un nombre prodigieux de petits grains
Cr] C'eft à fa forme, à la configuration & au nembre de
fes pieds, que le Polype doit fon nom.
TS TT
DE LA NATURE. VIII. Part. 169
Emilaires , & vous aurez un portrait affez reflem-
blant du Po/ype a bras.
Il eft très- vurace, & fe fert de fes bras,
comme le Pècheur de {on filet. Quoiqu'il n’ait
lui-mème que quelques lignes de longueur , il les
alonge de plufeurs pouces. Il les tient fort écar-
tés ies uns des autres, & occupe ainfi dans l’eau
un aflez grand efpace : ils font alors d’une finefle
qui égale celle des fils de foie: ils ont un fen-
timent exquis. Si un Vermifleau vient à toucher
en pañlant un de ces bras, c’en eft affez pour
qu'il ne puifle échapper. Ce bras s’entortille
autour de la proie; d’autres bras ajoutent de
nouveaux liens au premier : tous fe raccour-
ciflent, & portent la proie à la bouche qui
avale à l’inftant avec les bras qui la tiennent
liée : elle eft balottée dans l’eftomac; elle s’y
diflout , s’y digere, & les bras en reflortent fains.
Vous comprenez que cet eftomac n’eft propre-
ment que l’intérieur du doigt du gant; car le
Polype eft tout eftomac: c’eft un petit boyau
aveugle, un petit fac membraneux , qui en-
gloutit des Infectes vivans : il fe teint de la cou-
leur des proies. dont il fe nourrit; elle pañle
dans les grains dont fa fubftance elt parfemée ,
& va même colorer l’intérieur des bras. Ils font
wo CONTEMPLATION
creux aufli, & façonnés, comme le corps, et
maniere d’inteftin.
Vous avez vu que les Polypes à bouquet
fe propagent en fe partageant par le milieu : ce
n’eft point ainfi que le Polype à bras multiplie.
Il met fes Petits au jour, à - peu - près comme
un Arbre y met fes branches. Un petit bouton
fe montre fur le côté du Polype. N’allez pas
imaginer que ce bouton renferme un Polype,
comme le bouton végétal renferme une bran.
che ; il eft lui-mème le Polype naiffant: il groffit ,
s’alonge & fe détache enfin de fa Mere. Pendant
qu’il lui eft encore uni , il fait corps avec elle,
comme la branche avec lPArbre. Prenez ceci au
fens le plus étroit; les proies que la Mere ava-
le paflent immédiatement dans fon Petit & le
colorent. C’eft qu’il eft un petit boyau continu :
au grand. Les proies que le Petit faifit, car il
pèche des qu’il a des bras, paflent de mème
dans fa Mere : ils fe nourriflent donc récipro-
quement.
IL n’eft prefque aucun point du Polype dont
il ne forte des boutons. Tous font donc autant
de Polypes, autant de reiettons, qui croiflent
fut un tronc commun. Tandis qu’ils fe déve-
loppent, ils pouflent eux - mêmes des rejettons
DELA NATURE. VIIL Part. 171
plus petits ; ceux-ci, de plus petits encore. Tous
étendent leurs bras de côté & d’autre. Vous
croyez voir un petit Arbre fort touffu. La nour-
titure que prend un des rejettons , fe communi-
que bientôt à tous les autres, & à leur Mere
commune : le Chef de la Société & fes Membres
ne font qu'un. La Société fe diflout peu-à-peu :
les Membres fe féparent, fe difperfent, & cha-
que rejetton devient à fon tour un petit Arbre
généalogique.
TELLE eft la maniere naturelle dont le Po-
lype à bras multiplie : il peut auf ètre multi-
plié de bouture. Il ne vaut pas la peine de dire
que lorfqu’ on le coupe par morceaux, chaque
morceau devient en peu de temps un Polype
parfait : il fera mieux de dire tout d’un coup
que le Polype haché renaît de fes débris, & que
les petits fragmens donnent autant de Polypes.
Coupé en long ou en large, cet étrange Animal
le reproduit également, & les fources ds: la vie
font chez lui inépuifables.
La Fable étoit reftée trop au-deflous de la réa-
lité avec fa fameufe Hydre de Lerne. Les têtes
de cette Hydre, féparées du tronc, ne repro-
duifoient pas autant d'Hydres, & celles-ci d’au-
tres Hydres encore : Hercule n’en feroit pas venu
à bout. Un Polype refendu en fix ou fept
572 C'ONTEMP L'A TION
portions, devient uue Hydre à fix ou fept tètes.
Refendez chaque tête, vous aurez bientôt une
Hydre à quatorze têtes, qui {e nourrira par qua-
torze bouches. Abattez toutes ces têtes, il en
renaîtra d’autres à leur place, & les tètes abat-
tues produiront autant de Polypes, dont vous
ferez, fi vous le voulez, autant de. nouvelles
Hydres.
Mais voici ce que la Fable elle-même n’eût
pas ofé inventer : rapprochez de leur tronc les
tètes abattues , elles s’y réuniront, & vous ren.
drez au Polype fa tète. Vous pouvez encore ;
fi la fantaifie vous en prend, lui donner la tète
d’un autre Polype; il s’en accommodera comme
de la fienne propre. Les tronçons du mème Po-
lype ou de différens Polypes mis bout à bout,
fe réuniflent de mème, & ne font plus qu’un
feul Polype.
Que dirai-je encore! Il n’eft point de pro-
dige qu’on 1’enfante avec le Polype ; mais les
merveilles, à force de fe multiplier , ne font pref-
que plus des merveilles. On peut introduire par
fa queue un Polype dans le corps d’un autre
Polype. Les deux individus s’uniflent, leurs
têtes {e greflent, & ce Polype, d’abord double,
DE RNA TUEUR FE: VIII Part. 173
devient un Polype unique qui mange, croît &
multiplie.
Ici le vrai m’elt pas feulement vraifemblable :
j'ai encore un prodige à décrire, je devrois dire
à conter; car on douteroit fi ceft une Hiitoire
que jextrais. fai comparé le Polype au doigt
d’un gant: ce doigt peut-être retourné; le Po-
lype peut lêcre aufi, & le Polype retourné pè-
che, avale, & multiplie par rejettons & de
bouture.
À
OX croira fans peine que le Polype n’aime
pas à demeurer retourné : il fait eMort pour fe
déretourner , & il y parvient fouvent en tout ou
en partie. Le Polype déretourné en partie eft
un véritable Protée qui revèt toutes fortes de
formes plus bizarres les unes que les autres.
Tâchez de vous repréfenter le Polype ainfi dé-
retourné. Vous vous fouvenez que l’Infecte eft
façonné en maniere de boyau. Une partie du
boyau eft donc renverfée fur l’autre; elle s’y
applique & s’y greffe. Là, le Polype eft comme
doublé. La bouche embraffe le corps comme une
ceinture garnie de franges ; les bras font ces
franges : ils regardent alors la queue. Le bout
antérieur refte ouvert ; l’autre eft fermé comme
à l’ordinaire. Vous vous attendez, fans doute,
a ee
174 CONTEMPLATION
qu'une nouvelle tête & de nouveaux bras vont
pouffer au bout antérieur ; c’eft ce que vous avez
obfervé dans tous les Polypes que vous avez
partagés tran{verfalement. Mais le Polype fe com-
bine de mille manieres, & chaque combinai-
fon a fes réfultats, que l'expérience feule peut
vous découvrir. Le bout antérieur fe ferme,
il devient une queue furnuméraire. Le Polype,
étendu d’abord en ligue droite, fe courbe de
plus en plus. La queue furiuméraire s'alonge
de jour en jour. Les deux queues imitent les
jambes d’un compas. Ce compas eft entr’ouvert.
L'ancienne bouche eft à la tète du compas. Cette
bouche collée au corps, & qui lembrafle comme
un anneau, ne peut plus s'acquitter de fes fonc-
tions. Que deviendra donc l’infortuné polype
avec deux queues & fans tête 2? Comment vi-
vra-t-il? penfez-vous avoir pris ici la Nature
au dépourvu? Vous vous tromperiez. Vers le
haut du Polype, près des anciennes levres, il
fe forme , non une feule bouche , mais plufieurs,
& ce Polype dont vous demandiez, il n'y à
qu'un inftant, comment il vivroit, eft mainte-
nant une efpece d'Hydre à plufieurs têtes & à
plufieurs bouches, & qui dévore par toutes ces
bouches,
DE LA NATURE. VIIL Part. 17ç
= ÎEe—
= 7)
PO PiICT RE XVE
Confidérations philofophiques au Jujet des Polypes.
Réflexions fur nos idées d'Animalité €S [ur
P'Analogie.
"er qu'on eût découvert les différentes
Efpeces de Polypes que vous venez de contem-
pler, pouvoit-on {e flatter de connoitre la Na-
ture animale ? L’on s’en flattoit pourtant; car
en failoit des regles fur les Animaux. On les
diviloit en vivipares & en ovipares, & l’on re-
gardoit la propriété de multiplier par rejettons
& de bouture, comme propre au Végétal. On
ne s'étoit pas avifé de foupconner que l’Animal
pût être greflé, bien moins encore retourné.
Et le moyen, je vous prie, qu’on l’eût foup-
çonné, tandis qu’on ne jugeoit des Animaux
inconnus que par ceux que l’on connoifloit.
Ox avoit difléqué un grand nombre d’A-
nimaux de claffes très-différentes; on avoit mème
beaucoup difféqué les Infectes, & lon sé.
toit étonné de rencontrer dans des Animaux
fi vils, un appareil d'organes & de vikeres qui
à
376 CONTEMPLATION
en les ennobliflant , les élevoit fort au-deflus
de la Plante. Des expériences décifives avoient
encore démontre la nobleffe de leur origine, &.
relégué les Générations équivoques dans les té-
nebres de l'Ecole (r). On avoit la tète pleine
de magnifiques defcriptions anatomiques; c’é-
toient chaque jour de nouvelles Planches con-
facrées à nous donner les plus hautes idées de
lorganifation de l’Animal. L’efprit s’échauffoit
fur ces merveilles anatomiques, & il les admi-
roit plus dans l’Infecte que dans le Quadrupede,
précifément parce qu’il s'étoit moins attendu à
les trouver dans celui.là.
Ainsi plus les idées d’Animalité fe perfection-
noient, s’élevoient, plus on fe pénétroit de la
grandeur de lAnimal, fi je puis m’exprimer de
la forte, & plus on séloignoit de la décou-
verte des Polypes. Il eft vrai que la Métaphy-
fique d’un grand Homme lavoit conduit à pré-
(1) ff On fait que les Anciens admettoient comme. un fait
certain, que de la corruption des Subftances organifées s’en-
gendroïient naturellement d’autres Subftances organifées, d’un
genrc inférieur. C’eft à cette forte de génération fortuite qu’on
a donné le nom d'éguisoque. REDt combattit le premier ce
vieux préjugé par des expériences décifives auxquelles les
Anciens n’avoient point fongé; @& ce premier pas vers la bonne
Phyfique fut un pas de Géant.
dire
RE — —
PL
»
_w
2
DE LA NATURE. VIIL Part. 177
dire cette découverte, mais ce n’étoic que de la
Métaphyfque , & que pouvoit-elle contre l’Ana-
tomie & fes prodiges (2)? On avoit vu mille
C2] ff LEIBNITZ admettoit comme un principe fonda-
mental de fa fublime Philofophie, qu'il n’y à jamais de fauts
dans la Nature, & que tout eft continu ou nuancé dans ïe
phyfique & dans le moral. C’étoit fa fameufe Loz de continuité,
qu'il croyoit retronver encore dans les M:thématiques, & c’avoit
été cette Loi qui lui avoit infpiré la finguliere prédiétion dont
je parlois. “ Tous les Etres, difoit-il, ne forment qu’une
>» feule chaîne, dans laquelle les différentes clafes, comme
» autant d’anneaux, fe tiennent fi étroitement les unes aux
» autres, qu'il eft impoflible aux fens & à l'imagination de
» fixer précifément Îe point où quelqu’une commence ou finit :
» toutes les Efpeces qui bordent ou qui occupent, pour ainf
» dire, les régions d’inflexion & de rebrouflement, devant
3, être équivoques, & douées de caracteres qui peuvent fe
> rapporter aux Efpeces voifines également. Ainfi, lexiftence
>» des Zoophytes ou de Animaux - Plantes n’a rien-de mon£-
>» trueux; il eft même convenable à l’ordre de la Nature
,» qu'il y en ait. Et telle eft la force du principe de con-
5 tinuité chez moi, que non-feulement je ne ferois point
» étonné d'apprendre qu’on eut trouvé des Etres, qui par
,, rapport à plufieurs propriétés, par exemple, celle de fe
» nourrir ou de multiplier, puiflent pafler pour des Ve.
5» Sétaux à anfli bon droit que pour des Animaux. ... J'en
>» ferois fi peu étonné, dis-je, que même je {uis convaincu
qu'il doit y en avoir de tels, que l'Hiftoire naturelle par.
viendra peut-être à connoître un jour, &c. ,,
Quelle nent donc point été la fatisfaion de notre Méta.
phyficien à l’ouie des merveilles du Polvpe! Il n'eût pas
Tome II. M
RS ed gi mm à
AT
L
1
È
4
Îr
17% CONTEMPLATION
fois des portions de Vers de terre fe mouvoir
après la fedtion , fans qu’on eût fongé à les fui-
vre. Comment y auroit-on fongé ? Un Animal
multipliant de bouture, étoit une contradiction
à toutes les idées d’Animalite.
IL fembloit donc que nous duffions ètre pri-
vés pour jamais de la connoiffance du Polype;
mais par un hafard heureux, ç’a été le préjugé
lui-mème qui nous a valu cette connoiflance.
L’inventeur du Polype étoit imbu de ce préjugé ,
comme tous les Phyficiens, & ce fut pour s’af
furer fi cet Infecte étoit une Plante ou un
Animal, qu'il imagina de le partager. La repro-
duétion fut prompte & entiere, & le premier
coup de cifeau fit tomber le voile qui nous ca-
choit un autre Monde.
Nous favons donc aujourd'hui qu'il eft des
Animaux qui ne font, à proprement parler,
ni vivipares, ni ovipares, & qui multiplient par
des divifions & des fous-divifions naturelles &
eu befoin affurément de les contempler fous fes propres yeux
pour les croire: elles lui auroient paru découler comme au-
tant de corollaires, des principes de fa Métaphyfique. Il eft
fingulier que cette Métaphyfique fût devenue pour lui uu Att
devinatoire, & qu’elle l’eût conduit à prédire la découverte
d'un Etre tel que le Polype,
DE LA NATURE. VIIL Part. 179
fucceflives. Nous avons déja été furpris que le
Puceron fût à la fois vivipare & ovipare (1),
& cette fingularité préludoit à de plus grandes.
Le Puceron étoit le précurfeur du Polype.
Nous connoiflions quantité d’Animaux qui
vivent en fociété, mais nous n’imaginions pas
qu’il exiftât des fociétés du genre de celles que
les Polypes à bouquet & les rejettons du Po-
lype à bras forment entr'eux, & qui font fi
intimes , que tous les individus ne compofent
qu'un même Tout organique , femblable à un
Arbrifleau.
Nous avons encore appris qu'il eft un genre
de Polype (2) qui, fans ètre exactement vivi-
pare ou ovipare , fe propage par de petits corps
oviformes qui s’aflemblent en grouppes, & qui
£e développent peu-à-peu.
Ux autre Animal (3), très-différent du Po-
lype , & qui multiplie, comme lui, par la feétion,
fe propage encore en fe partageant de lui-mème,
(1) Voy. le Chap. VIII de cette Partie.
(2) Le Polype en safe. Chap. XIII.
(3) Le Mille-pieds à dard. Chap. XIV, & fur-tont la Note,
M 2
>=
80 CONTEMPLATION
de maniere qu’une partie de fon corps fe fépare
entiérement du relte, pour fournir à cette fin.
guliere propagation.
ENFIN, quelle foule de vérités phyfologiques
inconnues jufqu’à nous dans le regne animal,
le feul Polype à bras ne nous a-til point en-
feignées? Combien ces vérités affectent - elles
Pair de paradoxes; & pourtant combien font-
elles rigoureufement démontrées! Qui peut dou-
ter aujourd’hui qu’il n’exifte un Animal, tres-
Animal, puifqu’il eft très-vorace , dont les Petits
naïiflent comme des branches ; qui, mis en pieces,
& réellement haché, fe résénere dans toutes
| des pieces, & jufques daas les plus petits frag-
mens ; qui peut être greflé par approche & en
flâte, retourné comme un gant, coupé enfuite,
retourné & recoupé encore, fans cefler de vivre,
de dévorer, de croître , de multiplier ?
IL m’étoit donc pas temps de faire des re-
gles générales, d’arranger la Nature, d’établir
des diftributions, d’enfanter des ordres iyfté-
matiques, & d'élever un édifice que les fiecles
futurs, mieux inftruits & plus philofophes,
redouteront mème de projeter. Nous connoif
fions à peine l’Animal, quand nous entrepre-
nions de le définir. A préfent que nous le con-
Le
DE LA NATURE. VII. Part. 181
noiffons un peu plus, oferons-nous penfer que
nous le connoiffions à fond ? Les Polypes nous
ont étonné , parce qu’à leur apparition, ils n'ont
trouvé dans notre cerveau aucune idée analogue ,
& que nous avions pris grand foin d’en écarter
jufques à la poffibilité de leur exiftence.
ComBiEn exifte-t-il d'Animaux plus étranges
encore que les Polypes, & qui confondroient
tous nos raifonnemens fi nous venions à les dé-
couvrir? fl nous faudroit alors inventer une
nouvelle langue pour décrire ce que nous ob-
ferverions.
Les Polypes font placés fur les frontieres dur
autre Univers, qui aura un jour fes COLOMBS
& fes Vespuces. Imaginerons-nous que
nous ayons pénétré dans l'intérieur des Con-
tinens, pour avoir entrevu de loin quelques
Côtes ? Nous nous formerons de plus grandes
idées de la Nature; nous la regarderons comme
un Tout immenfe, & nous nous perfuaderons
fortement que ce que nous en découvrons ,
n’eft que la plus petite partie de ce qu’elle reni-
ferme. À force d’avoir été étonnés, nous ne le
ferons plus; mais nous obferverons, nous amaf-
ferons de nouvelles vérités , nous les lierons IF
nous pouvons , & nous nous attendrons à tout
M 3
182 CO NF EU PDA MANN
parce que nous nous dirons fans ceffe, que le
connu ne peut fervit de modele à l’inconnu ,
& que les modeles ont été variés à l'infini.
Les Polypes à bouquet multiplient en fe divi-
fant: qui fait fion ne découvrira point quelque
jour des Animaux qui, au lieu de fe divifer, fe
réuniflent & fe foudent les uns aux autres pour ne
compofer plus qu’un {eul Animal. ? Qui fait fi la
multiplication d’un tel Animal n’a pas pour condi- :
tion eflentielle, la confolidation de plufieurs Ani.
malcules en un feui? Nous difons qu’un Animal
doit avoir un cerveau, un cœur, des arteres,
des veines, des nerfs, un eftomac, &c. voilà des,
idées que nous avons puifées chez les grands Âni-
maux, & que nous tranfportons par-tout avec con
fance. Nous reflemblons à un Voyageur Fran-
GOIs , qui s’attendroit à retrouver dans les Terres
Auftrales les modes de fon Pays, & qui feroit fort
{candalifé de ne les y point voir. Le Regne ani-
mal a auf fes Terres Auftrales » Où probablement
ce m’eft point la mode d’avoir un cerveau, ur
cœur, un eltomac, &c.
POuRQUOr voulons-nous que la Nature s’affu
jettifle toujours à faire un Animal avec les élé
mens dun autre ? Elle y feroit bien forcée , fi A
fécondité ne furpañloit point celle de nos chétives
L|
DELA NATURE. VIII Part. 183
conceptions. Mais la Main qui a faconné le
Polype, nous a montré qu'ELce fait, quand il le
faut, animalifer la matiere à bien moins de frais.
Ere l'a animalifée ailleurs à moins de frais en-
core. ELLE eft defcendue par des degrés pref-
qu’infenfibles, de ces grandes Mafles organiques,
que nous nommons les Quadrupedes , à ces peti-
tes Mañles organiques, que nous nommons les
Infectes ; & par des fouftractions graduelles &
habilement ménagées, ÊLLE a réduit enfin l’Ani-
malité à fes plus petits termes. Nous ne connoif-
fons point fes plus petits termes. Le Polype,
tout fimple qu'il nous paroït, elt, fans doute,
très-compolé , en comparaifon des Animaux pla.
cés au deflous de lui dans l’Echelle. Il eft, pour
ainf dire, trop Animal pour être le dernier terme
de l’Animalité.
Nous favons que le cerveau eff le principe
des nerfs, qu'il filtre les Efprits, que les perfs
font l'organe du fentiment, que le cœur eft le
principal mobile de la circulation , que les arteres
& les veines en font les dépendances, &c. nous
avions vu tout cela dans les grands Animaux ;
nous l'avions retrouvé avec furprife dans les
Infectes, quoique fous des formes différentes :
nous nous étions ainfi accoutumés à regarder
ces divers organes & quelques autres, comme
M4
184 CONTEMPLATION
effentiels à l’'Animal. Le Polype ne nous offre
pourtant rien de femblable ou d’analogue : les
meilleurs microfcopes ne nous y montrent qu’une
fnfinité de petits grains difléminés dans toute fa
fubftance, & l’expérience fi neuve & fi imprévue
du retonrnement, prouve aflez que fa ftructure
n’a rien de commun avec celle des Animaux que
nous connoiflions.
SI nous ne pouvions deviner qu’il eût êté
donné à PAnimal d’ètre provigné & greffé com-
me la Plante, 1l nous étoit bien moins poflible
de foupconner qu'il lui eût été accordé de pou-
voir être retourné comme un gant. Le Polype à
bras eft néanmoins tres. Animals {a voracité eft
extrème ; il engloutit tous les petits Infeétes qui
viennent à le toucher, & les faifit avec une forte
d’adrefie, qui femble le rapprocher des Animaux
chañeurs.
LE Polype à bouquet tout autrement conf-
truit, n’a pas les mèmes avantages, mais il en
a de relatifs; il fait exciter dans l’eau un mou-
vement rapide, qui entraîne vers lui les Corpuf-
cules vivans dont il s’alimente. Il et, fans doute,
des Animaux beaucoup plus déguifés encore que
le Polype à bouquet, & qui ne donnant aucun
figne extérieur d’Animalité, nous laifferoient
EE
DELANATURE VIIL Part. 18
long - temps incertains de leur véritable nature.
Lorfqu’une bulbe d’un tel Polype s’eft détachée,
& qu’elle s’eft fixée par {on court pédicule à quel-
que appui , la prendroit-on pour une production
‘animale ? la Gallinfeéte (4) ia:t.elle pas été
ptife pour une véritable galle vegétale par des
Obfervateufs qui ne l’avoient pas vue dans fon
premier état? La Moule des étangs ne manque-
t-elle pas d'une grande partie des chofes que nous
jugeons néceflaires à lAnimal ? Combien eft- il
de Coquillages plus dégradés encore! Je ne dis
pas afflez ; il exifte probablement des Animaux,
qu’il nous feroit impoflible de reconnoître pour
Animaux, lors mème que nous verrions à nud
toute leur ftrudture tant intérieure qu’exté-
rieure; Ceft que nous ne jugeons que par
comparailon, & que fur nos notions actuelles ,
nous ne pourrions déduire de cette ftruéture le
fentiment & la vie.
JE ne puis quitter ce fujet. Nous n’imaginons
point tous les moyens par lefquels l'AUTEUR de
Ja Nature a pu faire vivre & fentir un nombre
prodigieux d’Etres différens. Jugeons en au moins
par la comparaifon du petit nombre d'Etres
animés que nous connoiflons. Combien la vie
differe-t-elle dans le Singe & dans le Polype en
(4) Chap. VIL
mn
PP CE
den
186 C GO N\T E MP L'A TION
cloche! Que de degrés intermédiaires entre ces
deux termes ! Peut-ètre qu’il en eft plus encore
entre ce Polype & le dernier des Animaux.
JE n’examine point fi les Ames ont été variées
comme les corps; mais je concois que la Matiere
organifée a été modifiée d’une infinité de facons
différentes. auxquelles ont répondu autant de
manieres différentes de participer à la vie & au
fentiment. Je conçois encore que la mème Ame,
placée fucceflivement dans tous les Corps orga-
nilés qui exiltent, y éprouveroit fucceflivement
toures les modifications pofhbles de la vie & de
la fenfbilité. Cette Ame pañleroit par tous les
degrés de l’Animalité, & fielle fe fouvenoit de
tous, & qu’elle pût les comparer, elle égaleroit
en connoiffance les Intelligences fupérieures. Elle
contempleroit notre Monde par toutes les lunet-
tes qui ont été données aux didérens Etres qui
l’habitent.
Que le fiege de l’Ame foit dans le corps calleux
ou dans la moëélle alongée, la Nature à fu fe
paller de lun & de l’autre dans la formation
de quantité d’Animaux. Nous en connoiffons
qui font, pour ainfi dire, tout eftomac : il en
eft peut-être qui font tout cerveau ; mais un
Animal qui feroit tout cerveau, n’auroit point.
DELA NATURE. VIIL Part. 187
proprement de cerveau. En feroit-il moins Ani-
mal? Le fentiment a pu ètre attaché à des or-
ganes abfolument différens des nerfs. Le mème
organe qui, dans certains Animaux, fert au
mouvement, a pu fervir encore au fentiment.
TiroNSs de tout ceci une conféquence gé-
nérale ; c’eft que l’Analogie, qui eft un des flam-
beaux de la Phyfique n’en peut difiper toutes
les ombres. Ce flambeau s'éteint fouvent à l’ap.
proche de certains Corps, qu'on eft réduit à
tâter avec les doigts de l'expérience.
À quoi nous fert l’Analogie dans l’examen
du Polype à bulbes ? Nous ne faurions mème dé-
finir ces bulbes, & le nom que nous leur don-
nons, exprime-t-il autre chofe que de pures
apparences ? Comment l’Analogie nous éclaire-
roit-elle fur la nature de ces petits corps, &
fur la maniere dont ils font engendrés & dont
ils engendrent, tandis qu’elle ne nous offre rien
ni dans le Regne végétal ni dans le Regne ani-
mal, qui ait le moindre rapport avec ces pro-
duétions fi différentes de toutes celles qui nous
ont connues ?
J'EN dis autant de la divifion naturelle des
cloches & du retournement du Polype à bras.
”
RTE QE
+:
ER EE- — _ Ju +
ordi
st mes te. à us cé.
188 CONTEMPLATION
C’eft ici un ordre tout nouveau de chofes, qui
a fes loix particulieres, que nous découvririons
apparemment, fi nous avions quelque moyen
de pénétrer dans le fecret de la méchanique
de ces petits Etres. Nous verrions alors tous
les côtés par lefquels ils tiennent aux autres
Parties du Monde organique.
IL neft aucune branche de la Phyfique, qui
foit plus propre que l’'Hiftoire naturelle, à nous
faire fentir avec quelle référve l'on doit ufer de
VAnalogie dans l'interprétation de la Nature.
Je m'écarterois de mon plan ,G je raffemblois
ici fous un feul point de vue, toutes les pro-
pofitions analogiques qui ont été contredites par
les nouvelles découvertes. Il en réfulteroit que
la voie de l’obfervation doit toujours être pré-
férée, comme la plus füre. Les Polypes fuff-
roient pour le prouver.
JE ne veux point bannir de la Phyfique la
Méthode analogique : elle conduit elle-même à
l’obfervation , par les idées qu’elle aflocie fur
chaque {u'et : je veux fimplement donner à en-
tendre, que cette Méthode, d’une utilité d’ai-
leurs fi générale, ne fauroit ètre appliquée en
Phyfique avec trop de circonfpection & de {a-
geffe.
DE LA NATURE. VIIL Part. 189
Les Logiques les plus vantées font trop dé-
poutvues d'exemples puilés dans la Nature. Je
ne dois pas faire difficulté de le répéter : une
meilleure Logique encore eft un Ouvrage d'Hif-
toire naturelle, bien fait & bien penfé. Là, fe
trouvent peu de préceptes, mais beaucoup d’ex-
emples, qui inftruifent davantage, & fe gra-
vent mieux dans le cerveau. La marche d’un
REAUMUR, d’un TREMLEY, en dit plus que
les NicoLE & les Wozr.
S1 jamais nous avons un bon Traité de l’A-
nalogie ; & combien un pareil Traïté nous man-
que-t-il! nous le devrons à un Philofophe Na-
turalifte. L’analogie eft liée à la doctrine des hy-
pothefes & des probabilités ; à melure que nos
connoiflances s’étendront & fe perfectionneront,
les probabilités en chaque genre approcheront
de la certitude. Si nous pouvions embraffer la
totalité des Etres de notre Globe, la méthode
analogique feroit une Méthode démonftrative.
Plus les Parties rationnelles de la Philofophie
s’aideront de la Phyfique, & plus elles fe per-
fetionneront.
Les Maîtres de Logique fe renferment trop
dans ces Parties: c’eft qu’ils s’imaginent fauf-
fement que cette Science pratique n’a pas be.
|
|
10 CONTEMPLATION
foin d’un grand aflortiment de connoiffances na-
turelles. Toutes nos Théories, & mème les plus
abftraites, ne fortent-elles pas du fein de la
Phyfique ? l'Art de généralifer les idées eft-il
autre chofe que l’Art d’obferver? Cet Art fi
univerfel, fi fécond, fi précieux, n’a-til pas
pour premier objet les Corps & leurs modifi-
cations diverfes? C’eft lui qui faifit les rapports
généraux qui font entre les Etres, & qui en
découvre l’enchainement, l’harmonie & la fin.
Nos abftractions de tout genre ne font donc au
fond que des idées purement phyfiques, plus
ou moins déguifées, ou qui fe font éloignées
plus ou moins de leur origine.
CHAPITRE XVIL
Continuation du même fujet.
Nouvelles confidérations fur les sradatibns € fur
lEchelle des Etres.
Je romps le fil de ces réflexions; fi je les
étendois davantage, j'en ferois un livre. Quoi-
que les Polypes ne foient point probablement
DÆE LA NATURE. VIIL Part. 491
les Animaux des derniers ordres, rien n’em-
pèche néanmoins que nous ne les regardions
comme un des liens qui uniflent le Regne vé-
gétal au Regne animal. La Nature paroît aller
par degrés d’une Production à une autre Pro-
duétion; point de fauts dans fa marche , encore
moins de cataractes. Il femble que la loi de cou-
tinuité foit la loi univerfelle; & le Philofophe
qui l’a introduite dans la Phylique nous a ou-
vert un grand fpectacle (1). Nous nous fommes
déja arrêtés à le contempler ; mais les Polypes
nous y ramenent. Long-temps avant qu’on les
connût, on avoit remarqué bien des traits d’a-
nalogie entre le Végétal & PAnimal; & la dé-
couverte des parties fexuelles des Plantes, qui
avoit furpris fi agréablemert les Phyficiens,
leur avoit paru mettre le fceau à cette analogie.
On n’imaginoit pas qu’elle dût renfermer des
traits plus particuliers & plus frappans encore.
LA Plante venoit de s'élever vers | Animal
C1] tft C'eft en conféquence de cette loi, que LEIBNITZ
foutenoit que la Nature va toujours par nuances on par gra-
dations , d’une Produétion à une autre Produétion , & que tous
les états par lefquels un Etre pañle fucceflivement, font tous
déterminés les uns par les autres; enforte que l’état fubfé.
quent étoit renfermé dans l'état antécédent, comme l'effet
dans fa caufe. Voy. la Note 2, du Chap. XVL |
ES ST
192 CONTEMPLATION
en empruntant un fexe : on ne fe doutoit pas
que PAnimal s’abaifleroit vers la Plante en em-
pruntant fes différentes manieres de multiplier,
& en fe régénérant commeelle. Le Polype à
bras eft affurément de toutes les Productions
animales que nous connoiflons , celle qui fe rap-
proche le plus du végétal; on diroit qu’elle
en pofñlede quelques - unes des principales pro-
priétés à un plus haut degré que le végétal
lui-même.
Pour venir de l’homme au Polype, la Na-
ture defcend par bien des échelons; mais la
fuite naturelle de ces échellons , ne nous eft guere
connue. Nous découvrons dans chaque clafe
des Etres mitoyens, qui femblent défigner au-
tant de points de paflage d’une clafle à une
autre, & dont nous compofons notre Echelle
des Etres naturels. Mais nous n’appercevons
pas tous les points intermédiaires; & l’ordre
dans lequel nous diftribuons nos échelons, dif
fere fans doute, plus ou moins de celui que
la nature a fuivi (2). |
QuAND on confidere d’un point de vue un
[2] C’eft d’après ces réflexions, que je prie mon Letteur
de juger de tout ce que j'ai expofé fur l'Echelle des Etres,
dans les Parties III & IV de cet Ouvrage.
peu
DE LA NATURE. VIII. Part. 193
| peu général la charpente de l'Homme & des
| Quadrupedes , on reconnoït bientôt que c’eft chez
“ tous le mème fond de ftructure, modifié diffé-
‘ remment en différentes Efpeces. Il ne faut pour
“ s’en convaincre, que jetter les yeux fur les
“ Planches anatomiques, où font repréfentés les
» fquelettes de divers Animaux qu’on à difféqués.
“ Depuis l'Homme, le Singe, le Cheval, jufqu’à
- l'Ecureuil, la Belette, la Souris, on verra par-
« tout le mème deffein, la même ordonnance,
» les mèmes rapports effentiels , à quelques variétés
- près. L'épine, formée d’une fuite de pieces ar-
- ticulées les unes aux autres, comme par autant
de charnieres , porte à fon extrémité fupérieure
une forte de boîte offeufe , plus ou moins alon-
“gée. Des arcs offeux, qui d’un côté s’articulent
“avec l’épine, & de l’autre avec une piece qui
lui eft oppolée, forment une autre boîte plus
“fpacieufe. Les extrémités fupérieures & infé-
“rieures tiennent encore à l’épine par différens
Wliens interpofés, & maintiennent le Corps dans
les diverfes attitudes que fes befoins exigent.
Cette économie elt fi généralement obfervée,
qu'on a mème remarqué que les vertebres du
cou font au nombre de fept dans toutes les
Efpeces [2].
(2) Cette remarque de Mr. de BurroN fur le nombre
les vertebres du cou, a; été confirmée parles diffe&ions très
Tone II. N
194 CONTEMPLATION
OX retrouve à-peu-près la mème charpente
dans les Oifeaux & dans les Poiffons. Elle change
de plus en plus dans les Reptiles , dans les Co-
quillages, dans les Infeétes. Ces derhiers ont
pourtant aufli leurs os, dont pluficurs pieces
femblent imiter les pieces correfpondantes des
grands Animaux; mais, au lieu que chez ceux-
muitipliées de Mr. CAMPER. Elles lui ont prouvé, que ces
vertebres font conftämment au nombre de fept dans tous les
Quadrupedes ; enforte que les Quadrupedes dont le con eft le
plus long, tels que le Chameau & le Dromadaire, n’y ont pas
plus de vertebres que les Animaux dont le con eft le plus
court, tels que l'Eléphant & l’Orang-ontang. Il y a même des
taifons de penfer que cette économie s'étend encore à tous
les Poiflons qui refpirent.
Mais elle varie beaucoup chez les Oifeaux, Dans l’Aigle
d'Egypte, dans le Pinguin du Cap, dans la Colombe, &c,
les vertebres du cotù font au nombre de treize. Chez le His
bou & le Corbeau, on n’en comnte que douze. L'Oie de
Mér en offre quinze; & la Cigogne & ie Cafoar en offtent
dix-fept. On voit par ces exemples, que le nombre des ver-
tebres du col n’eft point le même dans les différentes Efpeces
d'Oifeaux, & qu’il n’eft point en proportion de la longueur
du cou.
En pouffant cette forte de parallele anatomique jufqu'aux.
parties molles, notre Obfervateur Hollandois a fait une ob-
fervation bien remarquable; c’eft que dans tous les Animaux,
depuis le Quadrupede jufqu'au Poiffon, la diftribution des
nerfs de la troifieme, de la quatrieme, de la cinquieme &
fixieme paire eft conftamment la même chez toutes les Efpecess
ee
DELANATURE. VIII Parr. 19$
*i les chairs recouvrent les os, chez les Infectes
les os recouvrent les chairs.
C'EST {ur-tout dans cette clafle fi nombreufe
de petits Animaux, que la Nature diverfifie le
plus fes modeles, & qu’elle déploie la merveilleufe
fécondité de fes inventions. Dans les grandes
parties du Regne animal, elle fuit affez le mème
plan d'Architecture, & ne diverfifie gueres que
les ordres. Ici, c’eft la force & la majefté du
Tofcun ; ailleurs, l'élégance & la délicatefle du
Corinthien. Mais, lorfqu’elle defcend aux Infectes,
elle paroïit changer totalement de plan & de
vues, & ne retenir des fes premiers modeles
que le moins qu’il eft poflible. Elle paroît les
abandonner enfin entiérement quand elles tra-
vaille à un Polype à bras ou à un Polype en
cloche.
Ecre conftruit les Plantes fur d’autres mo-
deles encore; mais ces modeles retiennent quelque
chofe de l’organifation des Animaux, & en:
particulier de celle des Infeétes. Les orgaries de
la refpiration font prefque les mêmes dans la
Plante & dans l'Infeéte. Les parties eflentielles
à la vie font répandues dans tout le corps de
là Plante, comme eles le font dans les In-
feétes qui renaifient de bouture. Les Plantes
N 2
ee
st ce RE 27
RS dé CD dé à.
me. ee ÉRIC DEE >
196 CONTEMPELEATION
qui nous paroiflent les plus élevées dans VE,
chelle, nous montrent une tige; des branches,
des racines , des feuilles, des fleurs, des fruits.
Une Truffe, un Agaric, un Lychen, au con-
traire, font des Plantes fi bien déguifées , & en
apparence fi peu Plantes, qu’il faut l’œil de POb-
fervateur pour les reconnoître & pour les carac-
térifer. Ces Productions demi- végétales, fi je
puis parler ainfi, femblent être au Regne vé-
gétal, ce que la Gallinfeéte, les Polypes, la
Moule font au Regne animal. Elles ne paroif-
fent pas plus organifées qu’un Amiante , un Talc,
un Cryftal.
IL y a pourtant bien-loin encore du Foffile |
le plus régulier ou le plus reflemblant au Vé-
gétal, à la Plante la moins Plante ou Ja moins
organifée. Le Foflile ne croit point, à propres
ment parler; il ne fe nourrit point ; il n’engendre
point : il fe forme de l’appofition fucceffive de
différentes molécules, qui s’uniflant fous cer:
tains rapports, déterminent fa figure. La Plante
et un Corps vraiment organifé, qui travaille
lui-même les molécules deftinées à s’incorporer «
à fa fubftance, & à l’étendre en tout fens, &
qui renferme de petits Corps femblables à lui,
qu'il nourrit, qu'il fait développer , & par lef
quels il multiplie fon Etre.
DELA NATURE. VIIL Part. 197
La Nature femble donc faire un grand faut
en pañlant du Végétal au Foffile; point de
liens, point de chaînons à nous connus, qui
qui uiflent le Regne végétal au minéral. Mais,
jugerons-nous de la chaîne des Etres par nos
connoiffances actuelles? Parce que nous y dé-
couvrons çà & là quelques interruptions, quel-
ques vuides, en conclurons - nous que ces vui-
des font réels ? Imaginerons- nous qu'une Co-
mete eft venue brifer l’Echelle de notre Monde,
& en détruire l'harmonie? Mais nous ne fai-
fons que commencer à parcourir les riches &
vaftes Cabinets de la Nature ; & parmi cette
multitude innombrable de Productions diverfes
qu’elle a refflemblées, combien en eft-il que
nous n'avons pas mème entrevues , & dont nous
ne foupconnons pas l’exiftence? nous preffe-
rons-nous de décider fur la fuite de ces Pro-
ductions, avant que de les avoir toutes exa-
minées , & d’en avoir dreflé la nomenclature
exacte ? Ce vuide que nous remarquons entre
le Végétal & le Minéral, fe remplira apparem.
ment quelque jour : il y avoit un femblable
vuide entre lAnimal & le Végétal; le Polype
eft venu le remplir, & mettre en évidence l’ad:
mirable gradation qui eft entre tous les Etres.
Nous ne faurions , il eft vrai, nous former
N3
PONT, US JE
93 CONTEMPLATION
aucune idée d’une Produétion moyenne entre
la Plante & le Foffile;s nous n’imaginons point
de nuance entre l’accroiffement & l’appofition :
mais avions-nous imaginé les propriétés du Po-
lype? Si ces Productions marines, qu'on avoit
nommées des Plantes pierreufes, étoient en effet
de véritables Plantes, elles feroient, en quel-
que forte, un des chainons qui uniroient le
Regne végétal au Regne minéral. Mais les nou-
velles découvertes nous ont appris que ces pré-
tendues Plantes ne font que des Polypiers, ou-
vrages de certains Polypes, qui favent fe conf
truire des fourreaux (3). Ces fleurs du Corail,
qui avoient été tant célébrées, étoient de vrais
Polypes , & c’eft ici une autre vérité dont le Pot
lype a enrichi la Phyfique.
Le Réformateur, j'ai prefque dit le Légif
(3) tt On dit un Guépier, pour fignifier un nid de Gué-
pes: un Polypier feroit donc un nid de Polypes. On fe trom-
peroit pourtant beaucoup fi on le penfit. Un Polypier n'eft
point du tout un nid de Poiypes, comme Favoient cru des :
Naturaliftes célebres, qui n’avoient pas encore affez approfondi
ce fujet. Un Polypier eft proprement un affemblage de Poly-
pes ramifiés, dont la fubitance gélatineufe ou animale s’in-
crufte peu-à-peu d'une forte de matiere crétacée, que les
organes extraifent des nourritures de l'Animal. Il encft préc
fément de cette incruftation, comme de celle des coquilles
& des os. Voy, Note 2, Chap. XXI, Part. I.
DE LA NATURE. VIII Parf: 199
lateur de la Botanique (4) , n’auroit pas été em-
barraffé à trouver ie lien qui unit la Plante au
Fofile : il avoit transformé les Pierres en Plantes ;
il étoit perfuadé que les Pierres végétoient, &
il décrivoit de la meilleure foi du monde cette
merveilleufe végétation. Sa paflion favorite re-
trouvoit par-tout ce qu’elle chérifloit. Il ne fa-
voit pas que l’Ârt imiteroit un jour la Nature,
& qu’il feroit comme elle de véritables Pierres.
UXE imagination. hardie & pittorefque eft
allée bien plus loin dans ces derniers temps, &a
tout transformé en Animal. Les Foffiles de tout
genre, les demi- Métaux, les Métaux, l'Eau,
l'Air, le Feu inème, ont été placés au rang
des Animaux, & le Regne animal eft devenu
le Regne univerfel. Que dis-je ! Il a étendu fon
- domaine jufques fur les Planetes, qui ont été
aufli travefties en Animaux: & fi l’on demande
pourquoi les Satellites de Jupiter n’avoient pas
été obfervés avant l’année 1610, on répond
gravement qu'ils n'avoient pas encore été er-
gendrés par la Planete principale : l’ingénieux
Auteur de ce Roman phylque avoit oublié le
Chapitre de la génération des télefcopes.($).
[41 TourNEroRr. On connoit {fa fameufe obfervation de,
la,grotte d'Antiparos. a
[s] tt Le mén Ecrivain diloit enære du ton le plus
N 4
C2
Tr NT RIT
PU PP CE OR I Ve TE
en
200 CONTEMPLATION
QuAND on n’a pas affez médité fur la na-
ture & fur les effets immédiats de l’organifa-
tion , on fe livre facilement aux premieres ap-
parences ; les chofes les plus éloignées fe ‘rap-
prochent, les plus diflemblables s’identifient, &
il n’en coûte que quelques traits de plume pour
organiler la Matiere brute & créer un nouvel
Univers.
UN génie non moins fyftématique a vu dans la
Nature deux fortes de Matieres, une Matiere
morte, & une Matiere vivante. Celle-ci lui à
paru compofée de Molécules organiques , vivantes,
actives , impériflables , qui ne font proprement ni
végétales ni animales ; mais qui, réunies par une
force fecrete, & faconnées dans certains moules
intérieurs, produifent les Végétaux & les Ani-
maux. La plus grande merveille ne feroit pas
qu’il exiftât de pareiiles molécules; mais qu’un
Phyficien du dix-huitieme Siecle les eût imagi-
nées, qu'il eût cru enfuite les voir , & qu’il les
eût produites au grand jour, comme des Etres
très-réels d’un ordre fingulier.
férieux ; que lorfque l'eau fe convertit en glace, elle fe tranE
forme en Chryfalide; que les Pierres croiflent au moyen d’un
cordon ombilical ; que laiguille aimüntée fent le fervice qu’elle
send aux Matelots, &c. &c. Nommerai-je l'Auteur fameux
de ces étranges paradoxes ? Mon Leéteur l’a déja nommé.
DE LA NATURE. VIII Pürt. 201
Ux autre Phyfcien, qui n’imaginoit point
avant que de voir, & qui ne voyoit que ce
qui elt, a voulu aufli contempler ces fimeufes
molécules organiques , & il n’a trouvé à leur
place que des Animalcules qui croifloient & en-
gendroient comme tant d’autres (6).
(6) Le Phyfcien dont je parlais-ici, eft Mr. de REAU-
MUR. Il m'avoit écrit à moi-même le réfultat de fes obfétva-
tions fnr les prétendues Molécules organiques, & s’étoit étonné
des méprifes & des affertions de l’Inventeur. Mais un autre
Phyficien, Mr. l'Abbé SPALLANZANI, qui a fait en dernier
lieu l'étude la plus approfondie des petits Etres dont il s’agit ,
a démontré plus rigoureufement encore la fauffeté du fyftêème
des molécules organiques, & mis dans le plus grand jour
l'origine des méprifes fingulieres de l'Inventeur. On fait que
l'illuftre Auteur de L'Hifhoire naturelle, générale £T particuliere,
né croit point à l’animalité des fers fpermatiques. Il les à
transformés en fimples globules mouvans, auxquels il a impofé
le nom de s#olécules organiques. Il penfe s'être bien affuré par
fes propres obfervations, que la longue queue ou le filet
délié, qu’on remarque dans les Vers fpermatiques , n’eft point
du tout une partie effentielle de leur corps ; qu'il n’eft qu’un
filament du fperme, que le globule mouvant entraîne avec
lui, en le traverfant d’un mouvement plus ou moins rapide.
Selon lui, ces corpufcules organiques s’arrondiflent de plus
en plus, acquiérent de jour en jour plus de vitefle, & dimi-
nuent graduellement de grandeur, jufqu’à ce qu’ils devien-
nent enfin prefgn’imperceptibles, même aux plus fortes len-
tilles. Qui le croiroit néanmoins ? Toutes ces aflertions ne
repofent que fur des obfervations équivoques o® fur des ap-
parences trompeufes., La petite queue ou le filet eft fi bien
202 CONTEMPEATION
CELUI qui a découvert les molécules orga-
niques , a vu bien d’autres prodiges dont on
ne fe doutoit point, parce qu’on s’étoit trop
preffé d'abandonner la Phyfique de l'Ecole. Il
a vu, par exemple, du jus de viande s’animer ,
& un petit anras de colle de farine s’organifer ,
& fe façonner en Anguilles vivantes, qui en-
gendroient d'autres Anguilles , quoiqu’elles n’euf-
une dépendance effentielle de l’Animalcule, qu'il s’en fert à
nager, & ne s’en défait jamais. Il ne s’arrondit point; ül
acquiert point plus de mouvement ; il ne diminue point gra-
duellement de grandeur; mais an bout de quelques jours,
Ja liqueur peuplée de Vers fpermatiques commence à fe cor-
rompre; les Vers périflent; & des Animalcules d’une toute
autre Efpece leur fuccédent. I font fphériques, & fe meu-
vent avec beaucoup de vitefle: ils périffent à leur tour; &_
des Animalcules arrondis, beaucoup plus petits, & d’une
autre Efpece encore, viennent les remplacer; ils le font eux-
mêmes par d’autres Animalcules différens, bien plus dégradés.
encore, & qu’on à peine à appercevoir avec les meilleurs
verres. Ce font ces différens ordres fucceflifs d’Animalcules,
fshériques qu'on nous a donnés pour des molécules organi-
ques, qui ne font proprement ni végétales ni animales; mais
dont la Nature fe fert pour former les Végétaux & les Ani-
maux,
On voit affez par ce court expofé, qu’il en eft de la liqueur
féminale comme de toutes les infufions, qui fe peuplent de
différentes Efpeces d’Animalcules qui fe fuccédent dans le
rapport aux divers états de corruption, que les infulons.
révétent, ,
DE LA NATURE. VIII Part. 203
fent point été elles-mêmes engendrées (7). Il
a vu certains filamens, certaines moififlures
naître, végéter & fe convertir enfuite en Ani-
maux vivans. Il s’en eft même peu fallu qu’il
avait vu le Fœtus humain naître de femblables
filamens , & fe modeler comme une Anguille de
ja farine.
(7) tt Ce Naturalifte avoit dit & répété ; que “ les An-
» guilles qui Je forment dans la colle de farine, r'ont d'au
»» tre origine que la réunion des molécules organiques de la
, partie la plus fubftantielle du grain : les premieres Anguil-
+» les qui paroiflent, ne font cerfaisement pas produites par
» d'autres Anguilles ; cependant, quoiqu’elles n’ayent pas été
»» engendrées , elles ne laiffent pas d'engendrer elles-mêmes
» d'autres Anguilles vivantes, &c. ,, Rien de plus pofitif
que ces affertions fi remarquables, & rien de plus formelle.
ment contredit par la Nature elle-même. Un Obfervateur (*}
qui entend mieux à l’interroger, nous a rendu très-en détail fes
réponfes. Il a vu & revu bien des fois chez ces Anguilles de
la colle de farine, des Miles & des Femelles, en nombre à-
peu-près égal. Il a obfcrvé diftinétement & décrit avec exac-
titude les parties fexuelles des uns & des autres. Il les a re-
ptéfentées par de bonnes Figures. Il a vu dans l’intérieur des
Femelles une fuite d'œufs qui augmentoient graduellement de
grandeur, à mefure qu'ils approchoient de l’orifice de la ma-
trice. IL y a découvert encore des Petits vivans qui s’y pro-
menvient comme dans un tube. Que dirai-je encore ? Il a vu
les Mäles s’accoupler avec les Femelles, & dévoiler tont le
myftere de leurs amours.
(*) D. ROFFREDI,
‘
204 CONTEMPLATION
Sr ce célebre faifeur d’Animaux avoit appercu
le premier les Polypes à bouquet, & que nous
n’euflions pu les obferver que par fes yeux, il
y a bien de l’apparence que nous ignorerions
encore leur véritable nature : ils fe feroient trop
altérés en pañlant par de telles lunettes. Si la
Nature ne l’a pas fait Obfervateur, en revan-
che elle la enrichi de fes dons les plus brillans,
& en a fait l'Homme le plus éloquent de fon
Siecle. S'il n’eft pas un MaALPiGHi, un REAU:
MUR, il eft un PLATON, un MIiLTON; & fes
Ecrits, pleins de feu & de vie, diront à la Pofté. :
rité , que le Peintre de la Nature n’en fut pas
toujouts le Deffinateur.
Les Corps organifés {ont des tiflus plus ow
moins fins, des ouvrages à réfeaux , des efpeces
d’étoffes dont la chaîne forme elle-mème la rame
par un art que nous ne nous lafflerions point
d'admirer, s’il nous étoit connu. Les Fofliles
font, pour ainfi dire, des Ouvrages de marque-
terie ou de pieces de rapport.
Nous ne favons point où l’organifation finit,
& quel eft fon plus petit terme. Mais, en cef-
fant d’organifer , la Nature ne cefle pas d’or-
donner & d’arranger ; il femble mème qu’elle
organife encore, lorfqu’elle n’organife plus. On
DE LA NATURE. VIII Part. 205$
diroit que les Pierres fbreufes & les Pierres feuil-
letées font desV égétaux un peu traveftis.
La régularité fi conftante des Sels & des Cryf-
taux ne nous frappe pas moins. On peut s’af-
furer que le Cryftal eft formé de la répétition
d’une infinité de petits Corps réguliers & pyra-
midaux , appliqués proprement les uns aux au-
tres, & qui repréfentent, en quelque forte,
le Tout très en raccourci [8]. On fe trompe-
roit beaucoup néanmoins, fi lon regardoit une
de ces petites pyramides comme le germe du
.Cryftal ; elle n’en eft, à parler exactement,
qu’un élément ou une particule intégrante. Elle
ne fe développe pas; elle demeure ce qu’elle ef;
mais elle fert de point d’appui à d’autres pyra-
mides femblables, qui viennent s’y appliquer
& augmenter ainfi la mafle cryftalline par des
agrégats fucceffifs. Le fuc cryftallin n’eft pas recu,
élaboré , affimilé par des couloirs ou des vaif-
feaux plus ou moins fins, plus ou moins re-
pliés, dont l’intérieur de la pyramide foit pourvu;
il eft déja tout préparé quand il procure la réu-
nion de différentes molécules dans une même
C8] ++ Cette obfervation fur le Cryftal eft du favant Bour-
GUET , qui l’a rapporté en détail! dans fes Zettres philofophi-
ques. On peut confulter fa defcription & fes Figures.
2066 CONTEMPLATION
mañle pyramidale, en vertu des loix du mou
vement & de l'attraction. Voilà le caractere pri-
mordial qui diftingue les Corps bruts des Corps
organiés ; caractere qu’on ne doit jamais perdre
de vue, quand on compare les Etres de ces deux
claffes.
AINSI le corps des Plantes & celui des Ani-
maux font des e{peces de sétiers , dés machines
plus ou moins compolées , qui convertiflent en la
propre fubftance de la Plante ou de PAnimal, les
diverles matieres foumifes à l’action de leurs
reflorts & de leurs liqueurs. Ces machines, fi {u-
périeures par leur ftruéture à celles de l'Art, le
paroiflent encore davantage , quand on les com-
pare dans leurs effets eflentiels.
Les Maticres que les Machines organiques
élaborent, elles fe les aflimilent, elles fe les in-
corporent ; elles croiflent par cette incorporation,
elles augmentent de dimenfions en tout fens,
& tandis qu’elles croiflent , toutes leurs pieces
confervent entr'elles les mèmes rapports, les
mèmes proportions, le mème Jeu; toutes con-
. tinuent à s'acquitter de leurs fonctions ; la ma-
chine demeure en grand ce qu’elle étoit en petit.
Elle eft un fyftème, un afflemblage merveilleux
d'un nombre prefqu'infini de tuyaux différent--
|
D E LA NATURE. VIIL Part. 207
F
ment a , repliés, qui, comme au-
tant de filier épurent, façonnent , affinent
les matieres nourricieres [9 |.
CHaquE fibre; que dis-je! chaque fibrille
eft elle-même très-en petit une Machine , qui
en exécutant des préparations analogues, s’ap-
proprie les fucs alimentaires, & leur donne Par.
rangement qui convient à fa forme & à fes fonc-
tions. La Machine entiere n’eft en quelque forte,
que la répétition de toutes ces s7achinules, dont
les forces confpirent au même but général.
L'EXCELLENCE des Machines organiques brille
par d’autres traits plus frappans encore. Non-
feulement elles produifent de leur propre fond
des Machines qui leur font femblables, mais
il en eft un grand nombre qui reproduifent par
elles-mèmes les pieces qui leur ont été enlevées ;
& dont les différentes pieces deviennent autant
de machines aufli parfaites que celles dont elles
failoient partie.
OX fent à préfent, combien il y a loin du
Foffile le plus régulier à la Machine organique
C9] Confultez les Notes 1, 2, du Chap. VII de Ia
Bart, VII
|
PP ES ES
lan ete ++.
2% CONTEMPLATION.
la plus fimple; d'un Sel, d'umCryfal, par
exemple, à un Lychen, à un BPype; & com-
bien le Phyficien eftimable , à qui nous devons
les connoiffances les plus approfondies fur la
formation des Sels & des Cryftaux, avoit abufé
des termes, en nous les préfentant comme des
efbpeces de Productions organiques, placées dans
l'Echelle entre le Végétal & le Minéral [ro].
Les Sels, les Cryltaux & tous les autres Fofli-
les de ce genre, ne font pas plus organifés
qu'un Obélifque ou un Portique. L'Art affem-
ble des matériaux pour conftruire un Obélifque;
il fait les tailler fous certaines proportions , & les
arranger fuivant certaines regles. La Nature en
ufe à-peu-près de la même maniere dans la conf.
truétion de ces petits Obélifques, que nous nom-
mons des Sels ou des Cryffaux. Elle les conftruit
d’une infinité de petits Corps réguliers, taillés fur
des principes invariables, &qui font les maté-
riaux de ces édifices.
D’AUTREFOIS elle ne fe pique pas de tant
Lio] tt BourGuEerT. Mais cet Auteur eftimable avoit exe
pofé fur la génération, des idées vraiment philofophiques,
dont quelques Naturaliftes cékebres auroïent bien fait de pro-
fiter. Ils euflent mieux fervi le Public en les développant &
en les perfetionnant, qu'ils ne l'ont fait par les étranges
hypothefes qu’ils leur ont préférées.
de
DE LA NATURE. VIII Pur. 603
de régularité & de fymiétrie : elle amañle pèle.
fnèle des matériaux de différens genres qu’elle
ne fe met pas en peine de tailler, & dont elle
compofe des mafles plus ou moins irrégulieres.
Quantité de pierres, de Cuilloux ; de Miné-
raux font des ouvrages de cette forte.
ELLE met, fans doute, beaucoup d'art dans
la formation des Métaux, & fur-tout dans celle
des Métaux les plus parfaits: mais cet art eft
fort caché; il ne fe manifefte guere au dehors,
& nous n’en jugeous un peu que par quelques
effets & quelques propriétés remarquables qui
en réfultent. Les caffures de divers Métaux
offrent des grains qui affectent une forte de ré-
gularité ou d’uniformité, qui peuvent fervir
à caractérifer les Efpeces d’un mème Genre.
La malléabilité & la dud@ilité de l’Or tiennent
du prodige (11), & fuppofent dans les élémens
de ce métal, une homogénité, une configura.,
tion, un arrangement, une liaifon que nous
admirerions ; comme nous admirons le travail
qui brille dans certains Fofliles, s’il nous avoit
été donné de pénétrer le myltere, & d’en dé-
Voiler les merveilles | r2].
(11) On fait qu'une once d'or s'étend à la filiere, au
point de couvrir un fik d'argent de 444cco toiles, où 227
Jieues de longueur.
E12] tt Toutes les fubftances métalliques affeétent des
Tome 1 | O
20 CONTEMPLATION
D'aurres Corps ne compofent point des
males liées ; ils font répandus par couches, for-
figures déterminées, lorfqu'après avoir été mifes en fufon!on
les laiffe refroidir lentement. Ces figures, quelquefois très-
recherchées, & prefque toujours deffinées avec beaucoup d'art,
préfentent un fpeétacle très - intéreffant aux yeux de l'Obfer.
vateur, L'Or, par exemple, montre alors à fa furfice une
agréable imitation dés fleurs de l'Oeillet. Cet arrangement
fymétrique ou régulier s’obferve plus facilement encore dans
les demi-Métaux, que dans les Métaux parfaits ; & l’on con-
noît dès long-temps les belles étoiles de l'Antimoine, fi bien
décrites par REAUMUR, & qu'il avoit tant admirées.
La retraite lente & graduée du feu permet aux particules
intégrantes du métal, qu’il tenoit féparées, de fe rapprocher
peu-à-peu, & de s'unir enfin dans un rapport déterminé à leur
figure & à leurs attra@ions refpeétives. C’eft ici une vraie
cryftallifation, foumife probablement aux mêmes loix effen-
tielles que celles des Cryltaux, des Sels, & de quantité de
Matieres minérales, Les molécules d’un Cryftal ou d'un Sel
ont une tendance naturelle à fe rapprocher les unes des au-
tres, & à s’unir par celles de leurs facettes, qui favorifent le
plus l’adhéfion. Lors donc que le liquide qui les tient en dif.
folution s'évapore peu à-peu, il donne lien au rapprochement
fuccefif des molécules, & à ieur réunion dans ne mème
mafle cryftalline. Mais diverfes circonftances extérieures fin-
Auent fur la cryftallifation, & la rendent plus ou moins ré-
guliere. Un refroidiffement ou une évapotation trop fubits
nuifent à cette régularité; les particules intégrantes n’ont pas
le temps de difpofer leurs facettes dans le rapport qui conftitue
la eryMallifation la plus parfaite. Des molécules qui devroient
s'unir par leurs plus grandes faces , ne s’uniffent que par leur&
tranches ou par leurs angles, &c.
|
{
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F
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ñ
4
‘DE LANATURE VIII Part. St£
nces de grains peu adhérens les uns aux autres,
& dont les figures n’ont rien de régulier. Tels
font les Sables & les Terres. Les Sables, vus
à la loupe, préfentent un amas de rocailles où
de cailloux, fouvent demi-tranfparens, diverfe-
ment figurés & colorés. Les Terres font des
amas de grains où de molécules fpongieufes,
qui en s'imbibant de l’humidité, augmentent
confidérablement de volume & font effort con-
tre les abftacles qui s’oppofent à leur extenfion.
ENFIN, les Fluides, comme l'Eau, l'Air, le
Feu, paroiflent formés de molécules qui ne font
que fe toucher. On fe repréfente communément
ces molécules, fous l'image de très-pctites fphe-
res, extrèmement lies, qui cedent à la moin-
dre force qui tend à les féparer. Mais 1l y a lieu
de douter, fi la compoftion de tous ces Flui-
des eft auffi fimple que nous l’imaginons. Ils
nous montrent divers phénomenes , qui femblent
réfulter d’une méchanique affez recherchée.
EN perdant fa fluidité, en devenant glace,
| PEau ne change pas de nature; fes molécules
prennent feulement de nouveaux arrangemens,
de nouvelles poñtions refpedtives. Elles tre-
cent diverfes figures où l'imagination fe plait
4 trouver des imitations affez exactes de diffé
O 2
212 CO'NT E M P'L'AVTA D 'N
rens objets : ce font ordinairement de longues
aiguilles implantées les unes fur les autres, &
qui forment des angles plus ou moins aigus.
Aujourd’hui lon épluche tout: on a étè agréa-
blement furpris de voir qu'ils étoient la plu-
part de 60 degrés. Cette proportion affez conf-
tante & fi remarquable, dépend apparemment
de quelque chofe de particulier dans la natu-
re ou dans la configuration des molécules de !
YEau [:x3 1.
[131] tt Avant la publication de l'excellent écrit de l’illuftre
MairAN, fur la formation de la glace, on étoit bien loin de
foupconner tout ce que ce phénomene fi commun renferme de
curieux. Si le terme de cry/fallifation doit exprimer tout arran-
gement régulier que prennent entr'elles Les particules intégran<
tes des corps bruts, la congélation de l'Eau fera une véritable
cryftallifation, & même une des plus régulieres. Des expé-
riences mille fois répétées ont démontré, que les molécules de
l'Eau qui fe géle, font déterminées par une caufe fecrete à
compofer des filets, qui s'affemblent fous des angles de 60
degrés : & c'eft ce qu'on admire fur-tout dans la neige étoilée,
dont les jolies étoiles font formées de fix rayons égaux, tan-
tôt fimples, tantôt compofés, efpacés fi réguliérement, que
le compas le plus fin, & la main la plus füre pourroient
difficilement les imiter.
C'eft probablement à cette tendance feerete des molécules
de l’eau à s’affembier fous un certain angle, que les terres
& les bois doivent leur grande force expanfive. Un peu de
pouficre terreufe s'infinue dans les joints de deux marches
d’efcaliers orizontales, expofées à l'air. L'eau des pluies &
!
DELA N'ATURE. VIII Pmt. 213
CeLzes de l'Air renferment probablement des
particularités plus remarquables encore. Son
des rofées, qui vient à pénétrer cette pouffiere, s’y difpofe,
comme dans la congélation, fous l'angle de 60 degrés. De là
l'écartement des molécules de la terre, & conféquemment l'é-
cattement proportionnel des pierres de l’efcalier. Il eft d’abord
infenfible; mais la qualité de la pouflere terreufe angmen-
tant peu-ä-peu, la pouffée devient enfin appréciable. La même
chofe fe pale dans ces coins de faule, defléchés & humed@és
enfuite, qui en fe gonflant peu-à-peu par l’aétion de l’eau in-
terpofée, parviennent à féparer les énormes blocs de pierre
entre lefquels on les a logés.
Mais quand on dit, que les molécules intégrantes de l'eau
ont dans certaines circonitances une tendance à s’affembler
fous un angle déterminé, on comprend bien que cela ne doit
pas s'entendre des molécules elles-mêmes; puifque les corps
en vertu de leur inertie, font indiflérens à toutes fortes de
pofitions , de direétions & ile mouvemens. La tendance qu'affec-
tent les molécules. de l'Eau, comme celles qu'affectent les
molécules de toutes les Matieres qui fe cryftallifent, dépend
donc de quelque caufe étrangere & très-cachée, qui, par fon
impulfion, combinée avec la nature propre & la figure des
molécules, détermine méchaniquement l’arrangement de celles-
ci. Cette force fecrete, qui anime les molécules primitives
des Corps bruts , & qui en compofe ces Touts. admirables où
lon a cru reconnoître une, forte d’organifme, influe, fans
doute, beaucoup. fur la autrition & le développement des
Corps organifés. Mais nous touchons ici à des profondeurs
que nous ne faurions fonder. Il eft bon toutefois que nous les
entrevoyionsi au moins, quand ce ne feroit que pour nons
Pénétrer du fentiment de notrexignorance. 0
3
214 CONTEMP LATION
élalticité, & la maniere dont illa perd .&. dont
il Ja recouvre, fon aptitude à tranfmettre le fon
& à partager avec la plus grande précifion tous
les tons & tous les accords ; indiquent dans la
compofition de ce F] uide un art fecret & très-
favant. vbs
IL n’y en a fürement pas moins dans la for-
mation d’un rayon folaire : grace au Génie im-
mortel qui ofa le premier en. faire la diltinction,
nous {avons qu'il eft compoié originairement
de fept rayons principaux, effentiellement dif-
férens, & qui ont chacun leur réfrangibilité [14]
propre ; réfultat naturel de la diverfité fpécifi-
que des molécules qui entrent dans leur compo.
fition. Que de merveilles cachées dans l’abime
d'un rayon de lumiere! Mais combien œil de
Ja Mite, qui raflémblé cette LERIREE : et il un
abime plus profond! re |
UxX mème deffin général embraffe toutes les
parties de la Création verreftre. Un globule
de lumiere, une molécule de terre ; un grain
de fel, une Moififfure, un Polype, un Co-
quillage, un Oifeau, un Quadrupede , l'Homme
ue font que différens traits de ce deflin, qui
Li4] Part. V, Chap. XL.
DE LA NATURE. VIIL Part. 21%
repréfente toutes les modifications poflibles de
la Matiere de notre Globe. Mon expreflion eft
trop au-deflous de la réalité : ces Productions
diverfes ne font pas diflérens traits du mème
deflin; elles ne font que différens points d’un
trait unique, qui par fes circonvoiutions inf-
niment variées , trace aux yeux du CHÉRUBIN
étonné, les formes, les proportions & l’enchai.
nement de tous les Etres terreltres. Ce trait
unique crayonne tous les Mondes; le CHÉRUBIN
lui- mème n’en elt qu'un point, & la Main
ADORABLE qui traça ce trait, poflede feule la
maniere de le décrire.
BE —— ee
ÉRLURE XVIIT
EE
Continuation du même [ujet.
Idées fur l'affimilation €ÿ [ur les régénérations
organiques.
Les idées s'offrent en foule dans un fujet fi
riche: lon ne fait ce qu’on doit écarter ou
retenir; & l’on regrette autant ce qu’on écarte,
que l’on craint de ne pas rendre affez bien ce
que l’on retient. Le Polype met tout en mou.
O 4
816 CONTEMPLATION
vement dans le cerveau d’un Naturalifte: une
mulutude de branches & de rameaux tiennent
ù + 2 EE
a ce petit tronc. Nous devons nous borner ici
aux branches principales & abandonner les ra.
meaux au Naturalifte.
Nous difons, que les Machines organiques
convertiflent en leur propre fubftance les ma-
tieres foumifes à leur action. Cette facon de
s'exprimer eft peu philofophique. Comme il n’eft
point de vraie génération (1}),il ne paroït pas
non plus qu'il yait de vraies converfions, de
véritables srétamorphofes. Les Infectes nous en
convaincront bientôt. Tout fe réduit au fond
à de nouvelles combinailons , à des nouveaux
arrangemens, que nous prenons pour des tranf-
formations. La mème matiere deviene fuccefi-
vement Plante, Infecte, Coquillage, Poifon,
Oïfeau, Quadrupede, Homme, à- peu - près
comme le mème Animal fe montre fucceflive-
ment fous les formes très- différentes de Che-
nille, de Chryfalide, de Papillon. Le Végétal
nourrit l’Animal, }’Animal nourrit le Végétal.
Les Végétaux & les Animaux fe décompofent
& fe réduifent peu-à-peu en terre. La Terre,
qui renouvelle chaque année fes Productions,
n’eft que le débris de ces mèmes Produétions.
(3) Part. VIL Chap. X,
st non
"1
DE LA NATURE. VIIL Pur 217
Le Ver de terre fe faifit de ces débris: il eft
pourvu d'organes qui en extraifent les particu-
les organiques qu’ils renferment, qui les pré-
parent, les modifient, & les incorpotent à cha-
que partie dans un rapport dire à fa ftructure
& à fa fin. La Plante puife de mème dans la
Terre dans l'Eau, dans l'Air, les molécules
nourricieres qui y font difléminées : elle les tra-
vaille, les décompofe plus ou moins, {épare
les unes, affemble les autres, & fait revètir
à toutes les modifications & l’arrangement qui
conviennent à fon organifation (2).
Nous avons entrevu de loin le principe gé-
néral de laffimilation [ 3 ]. Ce qui eft analogue à
la nature de l’Etre organife eft élaboré & admis:
ce qui lui eft diffemblable ou contraire, eft re-
jetté. Ainfi, au lieu que dans le Minéral les
molécules s’arrangent extérieurement, dans l'E.
tre organifé, elles s’arrarffent intérieurement.
Elles pañfent par une infinité de vaifleaux plus
ou moins déliés, & pénétrent enfin dans les
mailles de chaque fibre, qu’elles agrandiffent
en tous fens.
(2) Part, VI, Chap. III, V, & les Notes.
[3] Part. VII, Chap. VI, VII, & les Notes,
28 CONTEMPLATION
IL y a donc toujours dans le Végétal & dans
VAnimal un fond préexiftant d’organifation , qui
détermine le choix & l’arrangement des matieres
deltinées à groflir ce fond. Les matieres alimen-
taires ne produifent rien par elles-mèmes : elles
ne fauroient former la moindre fibre: mais elles
peuvent la faire développer, & en s’incorpo-
rant à fon tiffu, devenir parties iutégrantes du
Tout organique.
Si le Génie élevé & brillant qui a inventé
les molécules organiques, n’avoit point voulu
qu’elles organifaflent; s’il ne leur avoit point
fait former le Végétal & l’Animal ; sil Le füt
borné à les faire envifager. comme la matiere
deftinée à opérer le développement du Végé-
tal & de lAnimal , il auroit donné à fon 1ÿy£
tème une forme philofophique qu’il n’a point,
& dont il ne pouvoit fe pañler.
. 6
Les Corps organifés de tout genre fe répa-
rent ; leurs playes fe cicatrifent, fe confolident ;
& cette confolidation renferme mille particula-
rités qui furprennent, & qu’on a de la peine
à expliquer, parce qu’on ne fauroit lire dans
la ftruéture intime des parties, & y découvrir
les caufes fecretes de tant d'effets divers.
— —
DE LA NATURE. VIIL Part. 219
ON a vu une jambe de Poulet fe régénérer
en entier (4), & combien une telle régénération
fuppofe-telle de régénérations particulieres !
Combien-d’arteres, de veines, de nerfs, de
£bres mufculaires, &c. qui s’étoient régénérés
dans cette cuife! Le Polype nous aide à con-
cevoir ces reproductions merveilleufes. Les f-
bres qui entrent dans la compofñtion du Corps
des grands Animaux, peuvent être regardées
comme des efpeces de Polypes qui repouffent
après la feétion, & qui fe grefflent les unes aux
autres. Toutes les fibres d’un Corps organifé
(4) tt Ces expreffions ne font peint du tont exactes. On
a'a jamais vu une jambe de Poulet fe révénérer en entier, comme
une jambe de Salamandre. Îl s’agifloit ici d'une expérience
curieufe de M. DUHAMEL, que je ne faifois qu'indiquer. IL
avoit café la jambe d’un Poulet, & après en avoir fait la ré-
duétion , il avoit laifé le cal fe furmer , puis il avoit coupé les
chairs vis à-vis le cal, mais feulement dans le tiers de la cir-
conférence de la jambe , & en pésétrant jufqu’à l'os, qu'il ra-
tifloit avec le fcalpel. La plaie s’étant bien confolidée, il ft fur
le fecond tiers de la circonférence de la jambe, la méme opéra-
tion qu’il avoit faite fur ie premier ; & après Ja confolidation de
cette feconde plaie, il opéra de la même maniere fur le dernier
tiers. Ain toutes les parties offeufes & charnues de cette jambe
£e reproduifirent fous fes veux , & cette reproduétion fut fi par-
faite, que la circulation des liqueurs fe failoit librement d’un
bout de la jambe à l’autre, comme l’injeétion acheva de le dé-
montrer,
220 CONTEMPLATION
ne doivent pas parvenir à fe développer : il en
eft une multitude qui y ont été miles en ré-'
ferve pour fubvenir aux divers accidens qui le
menacoient. Une bleflure, une fraéture met-
tent ces fibres en valeur; elles en procurent
le développement en détournant, à leur profit,
les fucs qui auroient été employés à l’accroifle-
ment ou à l'entretien des fibres que la bleffure
a détruites, & que la Nature prévoyante fait
remplacer.
ENFIN , quel jour ne répand point encore le
Polype fur la premiere origine des Etres orga-
nifés! Une Mere Polype, chargée à la fois de
plufieurs Générations de Polypes, & qui com-
pofe avec eux un Arbre généalogique, ne fem-
ble-t-elle pas nous dire affez clairement que toutes
ces Générations étoient renfermées dans la pre-
miere, comme celle-ci l’étoit dans la Génération,
qui l’avoit précédée (532
(5) Confultez la Note 3 du Chap. IX de la Part. VIT.
be
\
DE LA NATURE VIIL Part. 22%
LMHAPITRE,XIX.
Les Animalcules des infufions.
++ Nos ne quittons point les Polypes en paf_
fant chez les Animalcules des infufons; car ce
petit Peuple fi nombreux a auffi fes Polypes; tant
les Polypes ont été généralement répandus {ur
notre Globe.
CE fut autrefois une nouveauté bien inté-
reffante pour les Amateurs des Infectes, que
ces Etres microfcopiques qui apparoiffent dans
l’eau où lon a fait infufer quelque temps des
parties de Plantes ou d’Animaux. Une goutte
d’une pareille infufion paroît au microfcope un
petit Lac, peuplé d’une multitude de Poifons,
dont la taille & la figure font très-diverlifiées.
Ce font ces petits Etres , découverts dans le der-
nier fiecle, qui ont reçu le nom d’Anänelcules
€
des infufions [1].
IL en eft qui imitent fi bien les Polypes en
C1] L'efquiffe légere que je vais craçonner de l'hiftoire
de ces Animalcules , fera tirée des belles obfervations de M.
SPALLANZANI. .
222 CONTEMPLATION
cloche, qu'on ne peut s’empècher de les rar
ger dans la mème clafle. D’autres font ronds
ou oblongs, fans aucuns membres apparens.
D'autres refemblent à des bulbes garnies d’une
longue queue très-effilée; & ceux-ci paroiflent
encore appartenir à la nombreufe claffe des
Polypes. D’autres, dont la figure approche de
la fphérique, montrent à leur partie antérieure
une forte de bec crochu. D’autres femblent
étoilés, &c. &c.
Tous font véficuiaires & tranfparens , & fe
meuvent avec plus ou moins de rapidité.
EN général, ils font très - petitss il en eff
même d'une fi prodigieufe pctitefle que les plus
fortes lentilles fuient à peine pour les décou-
vrir. Mais d’autres dont la taille eft beaucoup
moins dégradée, peuvent ètre obfervés avec
uue loupe médiocre. Ceux - ci feront des Ani-
malcules des premiers Ordres ou des Ordres
fupérieurs ; ceux-là des Animalcules des derniers.
Ordres ou des Ordres in férieurs.
IL doit paroître prefqu'impoffible de claffer
des Animalcules, dont les différences fpécifiques
vont fe perdre dans l’abime de Pinfiniment petit.
Un habile Obfervateur ( Mr. MULLER ) eft
DE LA NATURE. VIII Part. 223
pourtant par venu à en caractérifer des centaines
d'Efpeces.
Toures ces Efpeces d’Etres microfcopiques
ent une origine aufli réguliere que celle des
plus grands Animaux de notre Planete. Mais
leur extrème petitefle permet bien rarement d’en-
trevoir les corpufcules ou les germes dont ils
proviennent. On eft feulement tres-afluré, que
la maniere de multiplier de chaque Efpece ef fou-
mife à des Loix conftantes & invariables, &
qu'il n'y a rien ici qui tienne le moins du
monde de ces générations ëéquivoques , adoptées
par Pancienne Ecole & qu’on a tenté de nos
jours de faire revivre.
Ox juge facilement, que des Animalcules
fi petits, tous véficulaires & prefque gélatineux ,
doivent ètre bien délicats. Les Animalcules des
Ordres inférieurs fembleroient donc devoir l'être
bien davantage encore. Et que ne préfumeroit-
on point de la délicateffe de leurs germes ! Com-
ment imagineroit-on apres cela, que ces Ger-
mes , fi délicats en apparence , réfiftent à la cha-
leur de l’eau bouillante, tandis que les Animal.
cules eux-mêmes périflent au trente-quatrieme
degré du thermometre de REAUMUR ? C’eft bien
iei fur-tout qu’on rifque de fe tromper en ten.
%4 CONTEMPLATION
tant de deviner la Nature : les germes des Ans:
malcules des Ordres fupérieurs périflent ow n’é:
clofent point à la chaleur médiocre de vingt-
huit degrés.
Les Animalcules des infufions font des Etres
aquatiques, qui ne peuvent vivre que dans
l’eau qui conferve fa liquidité. C’eft moins l’in-
tenfité du froid qu’ils ont 4 redouter, que la
congélation qui en eft effet. On fait que l’eau
peut en certaines circonftances foutenir le neu-
vieme degré au-deflous de la congélation, fans
perdre fa liquidité : les Animalcules qui peu-
plent une infufion refroidie à ce degré, & encore
liquide, n’y périflent point, & leurs mou-
vemens n’en font que ralentis. Les germes de
ces Animalcules ont été rendus capables de fup-
porter un degré de froid bien plus confidé-
rable encore: il eft au moins très für qu’ils ne
périflent pas au quinzieme degré. Et combien
eft-il probable qu’ils peuvent réfifter à un froid
fort fupérieur!
Mais ces petits Étres , qui réfiftent fi bien
au froid & à la chaleur, meurent au moment
qu’on les expole à des odeurs pénétrantes, fe.
tides ou fpiritueufes. L'huile les tue pareille-
ment ; & ces faits concourent avec bien d’autres
à!
#
PT
mn. st fun à
DELANATURE. VIIL Port. 22ç
à prouver leur animalité qui avoit été fi conteftée.
Le fimple écoulement du fluide électrique ne
nuit point du tout aux Animalcules des infu-
fions : mais l’étincelle les tue fur le champ &
| les déchire.
|
|
IL en eft qui fupportent le vuide pendant un
mois. Îls s’y meuvent, s’y nourriflent & s’y
multiplient. D'autres Efpeces y meurent en
moins de deux jours.
Les grains qu’on fait macérer dans l’eau s’y
couvrent de Moififfures. Ces Moiffures fon
de véritables Plantes. Les filamens cotonneux ou
les très-petites tiges de ces Plantes microfcopi-
ques portent à leur fommet une tête arrondie,
qui cit le’logement des graines. Des Animal-
cules, dont la tête imite fort celle des Moi-
fiures, dont le corps et très-éfilé, sat.
tachent fouvent à ces petites Plantes; & il n’en
a pas fallu davantage à un Obfervateur célebre
CMr. NeEpHaMm) pour lui perfuader que les
Moilflures fe transformoient en Animalcules.
l
EX fe décompofant dans linfufon, la fubf
tance des grains fe divife en véficules De très-
petits Animalcules fe gliffent dans ces véficules
| pour s’en nourrir, & leur impriment des mou.
(" Tome II. P
RE —
SR — |
226 :G\0 N°T E MPOE A FR 0"N
vemens qui ont fait croire encore à cet Obfer-
vateur, & à un autre non moins célebre ( Mr
MuLzcer ), que les véficules s’animoient ou
s'animaliloient peu-à-peu. De pareilles méprifes
font bien inftructives pout ceux qui fe livrent
à Pétude de la Nature.
Nous avons vu différentes Efpeces de Po-
lypes multiplier par des divifions & des fous-
divifions naturelles : cette maniere de propager
eft. très-commune chez les Animalcules des in-
fufons, & elle y préfente bien des variétés re-
marquables. Beaucoup d'Efpeces de ces Animal-
cules multiplient en fe partageant en deux tranf
verfalement. Il fe forme au milieu de leur lon-
gueur un étranglement qui augmente d’inftant
en inftant : bientôt les deux parties ne tiennent
plus Pune à l’autre que par un filet très-délié,
Ce font deux Animalcules qui vont fe féparer,
& qu’on croiroit accouplés. Ils fe donnent tous
deux de petits mouvemens qui aident à la fe-
paration : telle eft, en particulier , la maniere de
multiplier de certains Animalcules ronds ou ob-
longs, dont l'inftinét offre quelque chofe de
bien fingulier. A lordinaire ils ne fe heurtent
poiut dans leurs courfes rapides, & favent s’e-
viter adroitement : mais lorfqu’un des Animal-
cules eft dans le travail de la multiplication
|
}
|
1
DE LA NATURE. VIII: Parf, 227
& que la divifion eft déja fort avancée, on en
voit qui fe précipitent entre les deux Animalcules ,
comme pour accélérer leur féparation.
Les Polypes microfcopiques que nous avons
obfervé fe multiplier par divifion naturelle, fe
partageoient conftamment en deux, les uns de
biais ou en écharpe, les autres par le milieu,
fuivant leur longueur. Une Efpece de nos Ani-
malcules des infufons nous offre en ce genre
une grande nouveauté, & qui a fort excité l’at-
| tention de l'excellent Obfervateur (M. de Saus-
SURE ) qui nous l’a découverte. L’Animalcule
dont je veux parler fe trouve dans linfufon
de la graine de Chanvre. Il eft au nombre de
ceux dont la partie antérieure elt façonnée en
maniere de bec crochu. Il eft oblong & fort
agile. Quand il eft fur le point de multiplier ,
il fe fixe au fond de l’infufon, fait difparoitre
fon bec crochu, & revèt la figure d’une petite
. fphere. Immédiatement après il commence peu-
àä-peu à tourner fur lui-même , de maniere que
le centre de fon mouvement demeure fixe, &
que la fphérule ne change point de place. Ce
| mouvement s'exécute avec la plus parfaite ré-
gularité, mais non conftamment dans le mème
fens ; car la direction de la rotation change con.
tinuellement : on voit lAnimalcule tourner d’a-
P2
RE ns
©
2283 CONTEMPLATION
bord de droite à gauche, puis d'avant en ar-
riere , enfuite de gauche à droite, puis d’arriere
en avant, @&c. Tous ces mouvemens s’accéle-
rent par degrés, & on n’en démèle pas d’abord
le but: mais au bout d’un certain temps, on
commence à appercevoir fur la furface unie de
la fphérule, deux petits traits qui y tracent la
figure d'une croix. La fphérule ne refflemble
pas mal alors à une coque de marron qui va
s'ouvrir. Le moment eft en effet venu où lA-
nimalcule va fe partager. Il s’agite , fe trémoufle
& fe divife en quatre Animalcules parfaitement
Temblables à celui dont ils faifoient partie, mais
feulement plus petits. Ils croifflent rapidement,
fe divifent de mème en quatre, &il pu a point
de fin à ces fous-divifions.
Jar dit que le Peuple nombreux des infu-
fions a auf {es Polypes : ces très-petits Polypes
multiplient comme ceux en cloche, par une divi:
fion longitudinale, qui d’un feul Polype en fait
deux. Chez la plupart la divifion commence par
la partie antérieure; chez quelques autres, par
la partie poftérieure [2].
[2] tt Quand la divifion eft très- avancée, & qu’elle ef
parvenue jufqu’auprès de la tête, l’Animalcule paroït nn
petit Monftre à deux corps. Dans cet état, M. MuLrer l'a
DELA NATURE. VII Part. 229
Mais tous les Polypes des infufions ne mul-
tiplient pas en fe partageant fuivant leur lon-
gueur. On en connoît une Efpece dont la mul-
tiplication a quelqu’analogie avec ce qu’on croit
avoir obfervé chez les Lychens [3]. Cette EC
pece a le corps arrondi, & elle eft pourvue d’une
petite queue très-effilée. Dans le temps de la
multiplication , il fe détache de la partie infé-
rieure du corps un petit fragment, dont le mou-
vement eft continuel, & qui nage avec vitefle,
Ce fragment afflez alongé eft le principe d’un
nouvel Animalcule. Il ne lui faut que quelques
heures pour devenir parfaitement femblable à
celui dont il s’étoit détaché.
ON rencontre encore dans les infufions de pe-
tits Etres fort finguliers , & dont la multipli-
cation n’a que peu ou point de rapport avec
celles que je viens d'indiquer. Ce font de petites
vu nager avec autant de liberté & de vitefle qu'aucun autre
Animalcule de fon Efpece. Tantôt les deux moitiés s'écartent
l'une de l’autre, au point de former un angle droit : tantôt
elles fe rapprochent & Forment un angle plus ou moins aigu «
d'autrefois elles fe sapprochent davantage encore, reprennent
lsur parallélifme, & s’écartent de nouveau comme les jambes
d'un compas.
{31 Part. IN, Chap. VII, Note 3.
Pix
230 CON TEMPLATION
fpheres animées, qui femblent formées d’une
multitude de fphérules qui fe féparent fucceffi-
vement les unes des autres, & propagent ainfi
lEfpece.
VorLa déja bien des manieres de multiplier
des nos Animalcules des infufons, & toutes très-
caractérifées : fans doute qu’il en exifte un beau-
coup plus grand nombre , que de nouvelles re-
cherches découvriront au Naturalifte; car c’eft
fur-tout' dans cette Région d’infiniment petits
qu’éclate la merveilleufe fécondité de la Nature,
ENFIN , les Animalcules des liqueurs multi-
plient encore comme les Animaux que nous ju-
géons les plus parfaits, par des œufs & par des
petits vivans. On les a vu pondre, & on les
a vu accoucher comme les Pucerons. Il y a
plus, on s’eft affuré que parmi les mèmes Ef
peces qui multiplient par divifion naturelle, il
en eft qui pondent des œufs. Telle eff entr'autre
l'Efpece à bec crochu. À fa fortie de. l’œuf, le
Petit eft {pherique; il devient bientôt oblong,
& le bec crochu fe montre enfin. |
L'HERMAPHRODISME regne fur-tout chez les
Animalcules des infufions, & on peut juger
par-là de: l'étendue de {on domaine, Jamais on
DELA NATURE. VIII Part. 231
n’a vu ces Animalcules s’accoupler; & quand
on a élevé dans une parfaite folitude des E£
peces ovipares ou des Efpeces vivipares , elles y
ont conftamment propagé.
Diverses Efpeces de ces Animalcules favent
comme les Polypes microfcepiques , exciter dans
l'eau un petit tourbillon qui précipite vers leur
bouche les corpufcules dont ils fe nourriflent.
I en eft dont la bouche eft garnie à cette fin
de barbillons qu’ils meuvent avec une grande
vitefe.
Iz eft bien prouvé que plufeurs Efpeces de
ces Etres microfcopiques font carnivores, &
qu’elles fe dévorent les unes les autres. On en
voit qui fe gorgent d’Animalcules vivans , qu’on
obferve s’agiter quelque temps dans l’intérieur
de l’Animal vorace : quelquefois mème les Ani-
malcules captifs parviennent à s'échapper de leur
prifon (4).
-(4) Les Animaleules des infufions rappellent à l'efprit d’au-
tres Animalcules non moins curieux , & dont la Nature, pros
digue d’Animaux , a peuplé les liqueurs prolifiques de quantité
d'Efpeces. Le Naturalifte qui les apperçut le premier dans le
fperme humain , eut peine à en croire fes propres yeux, & l'on
m'ignore pas à combien d'opinions erronées cette famenfe dé-
couverte a donné naiffance, La vérité a percé enfin, & l'Hiftoire
a fuccédé au Roman,
P 4
232 CONTEMPLATION
Il eft bien prouvé aujourd'hui que ces Etres microfcopiques
font de yrais Animalcules qui habitent les liqueurs féminales,
comme tant d’autres Efpeces d'Animalcules habitent les infu-
fions. Les plus connus reffemblent affez aux Tétards. Leur tête
groffie , arrondie & obiongne, fe termine par un appendice délié
en forme de queue.
Ceux qui peuplent le fperme humain font fi petits, qu'ils
p'égalent pas la groffeur d’une molécule rouge du fang. [ Con-
fultez la Note 3 du Chap. IV de la Part. VIL ]
Ces Animalcules ont deux mouvemens, lun ofcillatoire,
Pantre progre(Mf, Ils nagent avec vitelè, & leur queue leur fert
de nagevire. Leur agilite égale celle des Poiffons.
Is meurent au bout de quelques heures dans le fperme expolé
à lariils vivent moins encore fi l’air eft froid. Après leur
mort ils demeurent étendus en ligne droite.
Une goutte d’eau qu’on laife tomber fur le fserme leur ôte la
vie ou au moins le mouvement, Hs le confervent dans la falive.
Je parle ici des Vers fpermatiques de l'Homme.
Tous les individus de la même Efpece ne font pas égaux
en grandeurs; je devrois dire en petitelle ; mais ces diféren-
ces de taiile font plus frappantes encore d'Efpece à Efpece.
Les Animalcules du ‘Tanreau & du Bélier font bien plus
grands que ceux de Homme. Les Animalcules du Cheval
égalent à-peu-près ces derniers. Ceux du Lapin font fort in-
Férieurs.
Il n’y a pas moins de diverfité dans la population. Les
“Animalcules du Taureau , par exemple, font beaucoup plus
nombreux que ceux de l'Homme. C'eft le contraire chez ceux
du Cheval.
Les Animaux à fang froid, tels que les Poiffons à écailles
& les Amphibies, ont auf leurs Animaloules fpermatiquess
& ceux-ci diFerent beancoup des Animalcules dont je viens
de; parler. Je dois me borner à un petit nombre d'exemples.
\
DE LA NATURE. VIIL Part. 233
Les Animalcules de la Carpe font prefque fphériques & fans
aucun appeadice : ils reMemblent beaucoup à certains Animal-
cules des infufons. Ceux de la Grenouille ont la figure d'une
boule alongée ; mais les plus remarquables font ceux de la Sala-
mandre aquatique : leur tête grofle & oblongue, comme celle
des Vers des Animaux à fang c'aud, eft accompagnée d’an ap.
pendice démefurément long, moins efhlé, & tout garni de poils
courts qui font des efpeces de nageoires.
Des Etres animés appellés à vivre dans les plus profondés
ténebres , ne femblent pas avoir beloin d'yeux. Il eft pour-
tant des obfervations qui paroiflent prouver que les Vers
fpermatiques font au moins doués de quelque fens qui équi-
vaut pour enx à la vue. Lorique la liquenr où ils nagent
elt renfermée dans un tube de verre fcellé hermétiquement ,
on les voit fe détourner à propos à la rencontre des obfta-
cles, précipiter leur marche, la retarder, la fufpendre, ia
reprendre enfuite fuivant les occurrences , & Faire tout ce que
des Animaux doués de la vue feroient en pareil cas. Un tou-
cher prodigieufement fn fuffroit peut être à expliquer tout
cela.
Les Vers fpermatiques ne font point auf délicats que les
Animalcules des infufons ; c’eft qu’ils ne foint point, comme
eux, véficulaires. L’urine qui tue & déchire prefqne fur.le.champ
les premiers, ne produit cet effet qu'à la longue fur ces derniers,
, Ceux - ci ne furnagent point, comme les autres, après leur
| mort, mais ils tombent au fond de la liqueur, & s’y con-
fervent entiers pendant plufeurs femaines. D'un autre côté,
les Animalcules des infufons fupportent mieux le froid que
les Vers fpermâtiques. Le degré-de la congélation engourdit
ces Vers au point de les rendre immobiles. Mais ils foutien-
vent mieux que les Habitans des infufiuns une chaleur un
peu forte, & on pourroit facilement le préfumer des Vers
qui habitent les fpermes des Animaux à [ang chaud. Ceux
on élit qeemernes.
2343 CONTEMPLATION
de l'Homme ne périflent qu'au quarantieme degré, & ceux du
Taureau qu'au quarante-cinquieme.
Il n’en doit donc paroître que plus fingulier, que des Etres
microfcopiques ne puiffent foutenir la chaleur directe du Soleil
qui eft beaucoup moindre. Ils y périflent affez promptement ,
quand la liqueur eft Jaiflée à découvert, mais ils y périffent
plus tard, quand on la renferme dans un tube fcellé hermé-
tiquement. Seroit-ce que l’aétion du Soleil accroît trop l’irrita-
bilité de ces petits Etres.
Aurefte, je ne dois pas laiffer croire à mon Lecteur que les
Vers fpermatiques ne fe trouvent que dans lès liqueurs fémina-
les. Le célebre Obfervateur ( a) qui me fournit les particula-
tités de leur hifoire que je raffemble ici , les a rencontrées dans
les vaiffeaux fanguins du Veau & du Mouton; & ce qui eft bien
remarquable encore, il en a apperçu dans ceux d'une Grenouille
& d’une Salamandre aquatique, toutes deux Femelles. Mais fes
profondes recherches ne nous apprennent point comment ils fe
trouvent là, ni comment ïls propagent. Il eft au moins pro-
bable qu’ils paffent du fang dans les liqueurs féminales, & il ya
bien de l'apparence encore qu'ils s’introduifent dans le fang par
les nourritures. Ils vièndroient donc du dehors, & leur origine
auroit du rapport à celle des Animalcules des infufions. Nous ne
nous étonnerons pas, fans doute , que l’hiftoire de ces Atomes
vivans foit fi imparfaite encore : nous admirerons bien plutôt
qu'il ait été donné à l'Homme de pénétrer aufi avant dans ces
extrémités fi reculées de la Création terreftre,
(«) M. SPALLANZANI.
HORS
DE LANATURE.-IX Part. - 23
PRESENT PRE Er
NEUVIEME PARTIE.
SUITE DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CON-
SIDÉRÉE DANS LES INSÈCTES.
5 Sn PS
CHAPITRE PREMIER.
Idées fur la maniere dont s’operent la régénéra-
tion € la multiplication du Polype à bras.
Le Poulet, n’eft pas engendré [1]; la Plante
ne left pas non plus [2]: les parties que repro-
duit un Poiype à bras, feroient -elles donc en-
gendrées ? Si la Nature a préordonné le Poulet,
. s’il étoit deffiné en miniature dans l’œuf avant
la fécondation, il eft au moins très - probable
que les parties qui fe régénerent chez le Polype,
étoient auffi deffinées en petit dans des Germes ;
& que leur génération apparente 1’eft qu’un put
développement.
Ux vrai Philofophe n’entreprendroit pas d’ex-
[1] Part, VIT, Chap. X.
[2] Part. VI, Chap. X ; Part, VII, Chap. XII.
236 C ON T\E M P L A T'I ON
pliquer méchaniquement la formatiou d’une tête ;
d’un bras, quelque fimple que fût la ftruéture
de cette tète ou de ce bras. Dans la ftructure
organique la plus fimple, il eft encore tant de
rapports ; ces rapports font fi variés, fi dires,
toutes les paries font fi étroitement liées, fi
dépendantes les unes des autres, fi confpiran-
tes au même but, qu’on ne fauroit concevoir
qu’elles ayent été formées les unes après les
autres, & arrangées fucceffivement comme les
molécules d’un Sel ou d’un Cryftd, La faine
Philofophie a des yeux qui découvrent dans
tout Corps organifé, l'empreinte ineffacable
d'un ouvrage fait d’un feul coup, & qui eft
lexpreffion de cette VOLONTÉ ADORABLE qui
a dit, que les Corps orgamifes foient, € ils ont
été. Is ont été dès le commencement, & leur
premiere apparition elt ce que nous nommons
très-impropremeut géuération. nmiffance.
Les œufs des Ovipares, les grappes véficu-
laires des Vivipares, qui font encore des œufs,
ont été raflemblés dans un lieu déterminé. Cha-
que œuf, chaque vélicule contient originaire-
ment un Germe (3). Les Germes occupent donc
chez la plupart des Animaux un lieu particulier,
(3) Part, VII, Chap. VIII & IX.
DELAMNATURE. IX. Parr. 237
où ils font gardés pour la fécondation. Les ovai-
res font ce lieu. Imaginez un Animal chez qui
les œufs ou les Germes foient répandus uni-
verfellement. Suppofez qu’il n’eft pas un feul
point de fon Corps où il ne fe trouve un ou
plufeurs Germes. Suppofez encore que tous ces
Germes font féconds par eux-mêmes, & qu'ils
n’ont befoin pour fe développer que du con-
cours de certaines circonftances. Concevez en-
fin que toutes les parties néceflaires à la vie
font répandues dans tout l’Animal, comme les
Germes, & qu’elles y font placées dans la du-
plicature d’une membrane un peu charnue &
prefque gélatineufe, qui forme une efpece de
boyau ou de fac qui eft l’Animal lui - mème :
vous aurez dans cette fition une forte de re-
préfentation du Polype ; & l'explication de ces
prodiges qui vous ont tant étonné [4], ne fera
plus pour vous qu’un jeu philofophique. La {o-
lution de tous ces petits problèmes phyfiques,
en apparence fi embarraffans , fi compliqués,
ne fera ainfi que le fimpie réfultat d’une orga-
nifation préétablie, dont une multitude de faits
concourent à nous perfuader la certitude. Au
relte, & je prie qu’on le remarque, quand je
me fers du mot de Germe, en parlant du
[4] Veuillez relire le Chapitre XV de la Partie VIIL.
ES
238 CONTEMPLATION
Polype , j'entends en général par ce mot toute
préformation, toute préorganifation, dont un
nouvel Être, un nouveau Potype eft le réfultat
immédiat. Par combien de moyens divers lAu-
TEUR de la Nature n’a-t-il pas pu préorganifer les
Etres, & combien de faits qui prouvent une
préorganilation !
Vous avez vu le Polype multiplier naturelle-
ment par rejettons. Ces rejettons ne fe forment
pas des fucs du Polype; ils ne réfultent pas im-
médiatement de l’affemblage ou de la réunion
de certaines molécules ; ils ne font pas jetés
au moule; je reviens fouvent à ceci, & puis-je
trop y revenir ? Ces rejettons, qui font de vrais
Polypes, préexiftoient en petit dans ces Germes,
logés fous la peau : ils ne font que fe développer ,
& la Mere les nourrit comme un Arbre nourrit
{es branches.
RaAPPELLEZ - VOUS ces Corps oviformes qui
font le principe des Polypes en maffes [5]. Ce
‘ ne font point de véritables œufs; on ne fau-
roit dire que les Petits ex éclofent : dans le vrai,
ils font l’Animal lui-mème, replié en maniere
de peloton , & fans aucune enveloppe qui le re-
[5] Voy. le Chap. XIII de la Part. VII.
DE LA NATURE. IX. Part. 239
couvre. Probablement il en va ainfi des rejet-
tons du Polype à bras : dans leur premier état,
ce font peut-être aufli des corps oviformes ;
ils fe montrent enfuite fous la forme d'un petit
bouton qui groffit & s’alonge par degrés; &
ce bouton eft Jui-mème un vrai Polype. L’In-
fete étoit encore plus déguilé avant fon appa-
rition. Il n’étoit peut-être originairement qu’une
certaine préorganifation de la Peau du Polype
Mere, en vertu de laquelle elle eft capable de
fournir à cette nouvelle Production.
PENDANT qu’un rejetton fe développe, il
poufle lui-même d’autres rejettons ; ceux-ci d’au-
tres encore: cet que tous font fournis de
Germes prolifiques, que la nutrition déploie.
UNE moitié de Polype partagé tranfverfale-
_ ment, acquiert une nouvelle tète & de nou-
veaux bras. La fection n’a pas fait cette tète
& ces bras: qu’a-t-elle donc fait ? Elle a dé-
tourné vers les Germes logés près du bout an-
térieur du tronçon, les fucs nourriciers qui
auroient été portés ailleurs. Cette furabondance
de nourriture a déployé ce qui feroit demeuré
replié. :
UNE moitié de Polype partagé fuivant fa lon.
s
245 CONTEMPLATION
gueur, prend d’abord la forme d’un demi-tuyau:
cela doit ètre, puifque le Polype entier a Fa
forme d’un tuyau, Les bords oppolés du demi-
tuyau fe rapprochent, & en moins d’une heure
il eft un tuyau parfait, fans aucune foudure
apparente. Cette régénération eft fi prompte,
qu’au bout de trois heures le petit tuyau a déja
une tête, une bouche, & qu'il faifit & dévore
les proies. La nouvelle tête n’a encore que la
moitié des bras qui appartenoient à l’ancien Po-
lype ; mais de nouveaux bras ne tardent pas à
pouffer à l’oppolite de ceux-là, & voilà l’infeéte
entiérement régénéré.
IL n’eft pas plus furprenant de voir les bords
d’une moitié de Polype fe réunir, fe grefer,
qu’il left de voir une pareille réunion entre
deux morceaux d'Ecorce qui végetent. Il Pelt
mème moins, parce que le Polype eft prefque
gélatineux , que toutes fes parties font très duc-
tiles, & qu’elles renferment une infinité de fi-
bres & de fibrilles qui ne demandent qu’à fe
développer : la feétion leur en fournit le moyen.
APPLIQUEZ ces principes aux Hydres, & vous
les expliquercz heureufement. Elles ne préfen-
tent que le mème phénomenc, combiné diffé-
remment.
La
DE LA NATURE. IX. Part. 241
© La ffrudure du Polype eft fi fimple, qu’il fe-
roit poflible que ia production d’une nouvelle
| bouche n’exigeât pas indifpenfablement le con-
cours d’un Germe préexiftant & approprié. La
| nature, la difpofition & l’arrangement de cer-
| taines fibres ou de certaines particules préor-
| ganifées, qui fe développent, pourroient peut-
| être fufñire à cet ouvrage. Les bouches qui fe
: forment fur le milieu du corps d’un Polype de-
retourné en partie, ont bien lair de dépendre
d’une pareille caufe. Il en eft peut-être de mème
de la bouche qui fe forme dans une bouture
quelconque.
|
Comme es bords d’une moitié de Polype
fe réuniflent pour former un tuyau, de mème
auffi plufieurs portions de Polype, mifes bout
à bout, fe greffent les unes aux autres, & ne
| forment plus qu'un feul Tout individuel. Si la
foupleffle & l’analogie des parties aident fi fort
à ia réuffite des greffes dans les Plantes(6),
combien plus les greffes qu’on exécute avec le
: Polype doivent-elles avoir de difpofition à réuffir,
puifque toutes les parties de cet Infeéte font
prefque fimilaires ou homogenes, que {a fubf_
| fance eft toujours très-molle, & qu’il habite un
élément très - propre à entretenir {a fouplefle?
CG) Part. VI, Chap. IX & X.
Tome IL. Q
242 CONTEM PLAT ION
CHAQUE portion d'un Polype partagé a;
comme une bouture végétale, tous les vifceres
néceflaires à la vie: elle peut dont végéter par
elle-mème. Quand elle demeure ifolée , elle pouffe
une tête & une queue. Quand on la met bout
à bout avec d’autres portions, la végétation fe
borne à l’unir aux portions qui la touchent im-
médiatement. Les vaifleaux des diérentes por-
tions fe prolongent, s’abouchent les uns aux
autres, & établiflent entre toutes uné commu
nication directe , d’où réfulte l'unité du Tout.
UX Polype inféré dans un autre Polype, s’y
oreffe, & les deux Polypes n’en font qu’un.
Ce fait n’eft pas plus merveilleux que le précé-
dent. La peau du Polype intérieur fe colle à la
peau du Polype extérieur. Celui-ci eft alors comme
doubié. L’analogie eft la même dans les deux
cas ; & l’abouchement femble encore plus facile
dans le fecond.
OX réuflit à greffer des Polypes 4 bras de
dir érentes Efpeces, mais il y a plus d’analogie
encore entre de tels Polypes, qu'entre le Pru-
nier & l’Amandier qui fe greffent fort bien. Dé-
fionsinous d'un merveilleux, que nous admi-
rons trop dans l’Animal, & point aflez dans le
Vegétal,
DE LA NATURE. IX. Part. 243
Un Polype haché donne autant de petits Po-
iypes , qu’on a fait de fragmens. Ces fragmens ne
fe façconnent pas en tuyau, comme les moîitiés
d'un Polype partagé fuivant fa longueur. La Na-
ture varie {es procédés au befoin. Chaque frag-
ment Le renfle ; un vuide naît dans fon intérieur,
& ce vuide eft un nouvel eftomac. Une tète & des
bras pouffent où ils doivent poufler, & bientôt
ce fragment elt un Polype parfait.
La peau du Polype neft donc pas fimple,
puifque dans certains cas il s’y fait un vuide.
Deux membranes fe féparent donc pour former
une cavité, & cette cavité eft un eftomac. Il
vous importe peu de connoître la caufe qui opere
cette féparation : il vous fuffit de favoir que ce
nouvel eftomac n’eft pas plus engendré que tout
le refte. Mais vous appercevez-vous d’une grande
fingularité qui eft ici fous vos yeux? Ce petit
Polype, ou, fi vous voulez, ce nouvel eftomac
n’étoit d’abord qu’un fragment de la peau d’un
autre Polype , ou une très-petite portion de fon
eftomac. L'intérieur de cette peau eft donc à
préfent une partie de l'extérieur du nouveau
Polype, & cer extérieur ne differe point de
celui de tout autre Polype : c’eft que l’intérieur
de l'Infée eft précifément femblable à fon
extérieur,
Q 2
SL
244 CONTEMPLATION
Vous voyez donc pourquoi le Polype peut
êtré retourné fans cefler de vivre & de multiplier.
Ses vifceres font logés dans l’épaifleur de la peau.
Cette peau eft par-tout identique. Il eft donc in-
différent à ld vie de l’Animal que cette peau foit
tournée dans un fens ou dans un autre : le corps
garde toujours la forme de tuyau ou de fac. L’ex-
térieur du fac a, comme l’intérieur, des pores
abforbans, qui peuvent pomper la nourriture,
& devenir au befoin les organes d’un nouvel efto-
mac. Le Polype n’étoit pas fait pour fe retourner
lui-mème , mais il étoit fait de maniere qu’il pou-
voit l’être (7).
LA furprife & l'admiration ne favent qu’exal-
ter leur objet, & ne l’expliquent guere. Com-
bien de mauvais raifonnemens n’avoit - on pas
débité fur le Polype! Que de miférables objec-
tions n’en avoit-on point tiré contre l’immaté-
rialité de l’Ame! Quand on n’a pas beaucoup :
réfléchi fur la nature des Efres mixtes, le Po-
lype eft une énigme indéchiffrable (8). Quelques
(7) Voy. le Chap. XV de la Part, II.
(3) +t Je pourrois citer à ce fujet un Naturalifte le-
bre, qui concluoit des expériences fur le Polype, que fon
Âme eft divifible comme fon corps. Il ignoroit apparemment
que fi l’on peut démontrer quelque chofe en Métaphyfique
DELA NATURE. IX. Part. 924$
pas de plus vers la bonne Philofophie donnent
le mot de cette énigme, & le Polype n’embar-
rafle plus. Il a probablement une Ame. Cette
Ame eft, comme toute autre, indivifible. Elle
eft le fiege du Moi ou de la Perfonnalité de l’A-
nimal. Elle réfide apparemment dans la tête;
nous ne favons comment, & qu'importe ? Un
troncon, un fragment de Polype n’eft pas une
perfonne , mais il en deviendra une, dès qu'il
aura pris une tête. Cette tète préexiftoit dans
un Germe : pourquoi une Ame n’y préexifteroit-
elle pas aufli? La mème VOLONTÉ qui a ox
donné la préexiftence des Touts organiques,
n’auroit-ELLE pu ordonner la préexiftence des
Âmes ? Aura-t-ELLE attendu pour animer le
Germe qu'il fût fécondé? Quel feroit le motit
d’un tel renvoi? CELUI qui a pu creer tout d’ux
feul mot, & par une VOLONTÉ unique, aura-t-
IL eu une infinité de Volontés particulieres ,
momentanées & fucceflives ? Ne rendons pas
après l’Exiftence du GRAND ETRE, c’eft l’immatérialité des
Ames. La Métaphyfique peut donc éclairer quelquefois ceux
qui s'occupent de la Nature; & les détraéteurs de cette belle
Science ne la calomnieroient plus , s’ils la connoifloient mieux,
Ils la confondent avec cette Science vaine, qui met les mot
à la place des chofes , & qui n’eft faite que pour gater l'Efprit.
Ce jargon fcientifique eft à la faine Métephyfique , ce que la
Charlatanerie eft à la Médecine, Q
3
246 CONTEMPLATION
très-difficile une chofe très-fimple. Si chaque
Germe a fon Ame, chaque Germe eft un fre
mixte. Cet Etre deviendra un Moi, une perfonne,
dès que les organes fe feront aflez développés
pour tranfmettre à l’Ame l’impreflion des objets,
Dans un Polype partagé fuivant fa largeur ,
la perfonnalité demeure dans la’portion qui con:
ferve la tète. En acquérant une tête, l’autre
portion devient une nouvelle Perfonne, aufl
diftinéte de la premiere, que le Petit d’un Animak
eft diftinét de fa Mere.
UXE Hydre eft ainfi un compofe de pluficurs
perfonnes, qui ont chacune leur volonté propre.
Il en eft de mème d’une Mere Polype transfor.
mée en Arbre généalogique.
Des portions de Polype, grefflées les unes
aux autres, & qui ne forment plus qu’un feul
Polype , ne font qu'une Perfonne unique.
VoïrLa, ce me femble, des idées aflez nettes
fur la régénération du Polype. Jugez entre ces
idées & celles que quelques Phyfciens voudroiené
leur fubftituer. Nous verrons ailleurs quel ef
le principe fecret des mouvemens, en appa-
rence volontaires, que fe donnent les portions
DELA NATURE. IX. Part. 247
de pareils Infectes , lorfqu’elles n’ont pas encore
commencé à-fe régénérer [9].
CFA 0BPSI MORE: I E
ae
Application de ces idées à la régénération des autres
Zoophytes.
Dis le Chapitre huitieme de la feptieme:
Partie, vous avez vu le Ver de terre fe régé-
nérer ; vous avez contemplé de fort près les pro-.
grès de cette régénérations vous avez remar-
qué un petit bouton qui naifloit au bout an-
térieur du tronçon, & qui fe développant par
degrés , devenoit un appendice vermiforme, une.
maniere de petit Ver qui paroïfoit s’ètre enté {ur
le tronçon.
CE. bouton animal vous a décelé la. premiere
origine de la partie qui fe reproduit. Vous avez
[9] tt Les Anémones de Mer, qu'on eft fondé à ranger dans
la claffe des Polypes., n’ofrent rien de plus fingulier-que le
Polype à bras ; & tout ce qu’on rapnorte de leur multiplication
& de leur régénération, peut s'expliquer facilement par les
principes que j'ai expofés en raccourci dans ce Chapitre. Je ne
m'y arrêterai donc pas.
Q-4
=
248 CONTEMPLATION
reconnu qu'elle étoit logée en petit fous les chairs
du tronçon, & que celui-ci ne fournit pas plus
à cette produ@ion , que la terre ne fournit aux
Plantes qui y font enracinées.
C4
AINs1, le Ver-de-terre contient, comme le
Polype, une muititude de germes qui commen-
cent à fe développer, dès que certains acci-
dens détournent vers eux les fucs nourriciers.
Les fources de réparation font ici en propor-
tion des accidens qui menaçoient l’Animal. Mais
la réproduétion du Ver-de-terre eft bien plus
étonnante que celle du Polype. Non-feulement
le Ver-de-terre eft un énorme Coloffe en com-
paraïfon du Polype : fa fruéture eft encore beau-
coup plus compolée. Il offre un grand appareil
de vifceres, de vaifleaux, de trachées(r), de
mufcles, &c. Il a du véritable fang, & ce fang
circule. Mais il eft fur-tout Hermaphrodite 3 il réu«
nit à la fois les organes propres aux deux Sexes, &
ces o'ganes ont une ftrudure très-recherchée. Cet
Infeéte, en apparence le plus vil des Animaux, é-
puiferoit la fagacité du plus habile Obfervateur ,
qui auroit l’efpece de conftance philofophique de
(x) tt Le Ver-de-terre n’a point de trachées, ou dn moins
on n’a pu parvenir à en découvrit aucune dans fon intérieur.
Elles font pourtant très - apparentes dans tous les Infeîes,
£ Confultez la Note 2 du Chap. VHII de la_ Part, VII. ]
ns
41
PRE RC ne 2
DE LA NATURE. IX. Par. 249
s’en occuper uniquement. Combien la Phyfolo-
gie gagneroit-elle à une femblable recherche!
Que de vérités, dont nous ne nous doutons point,
viendroient groflir le trélor de nos connoif
fances phyfiques'! Il ne manque au Ver-de-
terre pour être admiré, qu’un Hiftorien tel que
celui du Polype. L’Obfervateur qui a crayonné
les premiers traits de l’Hiftoire de ce Ver, a re-
gretté de ne pouvoir pénétrer plus avant dans
le myftere de fa reproduction; mais il a dit
tout ce qu'on peut fe promettre des obferva-
tions qui l’auront pour objet [2].
{2] Tf J'ai eu fort à m'applaudir de l’exhortation que je
failois ici aux Naturaliftes d'approfondir la régénération du
Ver-de-terre , puifqu’elle a engagé M, SPALLANZANt: à le
foumettre à quantité d'expériences ingénicufes |, qui nous
ont appris bien des vérités intéreMantes. Il a vu beaucoup
plus loin que PObfervateur dont ÿ parlois, & même que
l'illuftre ReaumuRr , dans l’admirable reprodu&ion de ce Ver.
Il à obfervé le premier plufieurs reproduétions eonfécutives
de la tête dans le même individu ; il a vu des tronçons dé-
tachés du milieu du corps, devenir des Vers complets par
le développement d’une nouvelle tête & d’une nouvelle queue.
F1 a varié les fetions tranfverfales, & déterminé les points
du corps où la reproduétion n’a pas lieu ; il a déterminé ‘de
imême on à-peu-près, quelle longueur il faut laiffer à cha-
que tronçon pour qu'il puiffe fe réintégrer, & il a fuiviavec
foin les progrès & la maniere de cette réintégration: il n’a
pas moins varié les feétions longitudinales ; il ajtenté auf
250 CONTEMPLATION
LA régénération des Vers d’eau douce pré-
fente les mèmes phénomenes que celle du Ver-
de-terre, & vous avez vu [ 3 ]Jque leur ftruure
eft aufli très-compofce. Il en eft de plufieurs ef-
peces , qui {e diltinguent principalement par leur
couleur. Toutes ne pofledent pas au mème de-
gré la propriété de multiplier de bouture. En
général le Polype tes furpalfe beaucoup à cet égard;
peut. être, parce que fa ftru@ure ef plus fimple ;
peut-être encore, parce qu'il a une plus ample
provifion de germes. Quoi qu’il en foit, quand
on coupe la tète & la queue aux Vers dont il
s’agit, elles ne deviennent point elles - mèmes
des Vers; mais toutes ou prefque toutes les.
portions intermédiaires, quelque petites qu’elles:
foient, parviennent très - bien à fe régénérer,
& en aflez peu de temps elles donnent autant
de Vers complets.
À l'ordinaire, la régénération s'annonce par,
de Faire des Hydres; mais fes nombreufes tentatives en ce-
genre n'ont pas eu le fuccès defire. Le Ver-de-terre eft tout
autrement organifé que le Polype à bras, & n'eft pas géla-
tineux comme Îni. Enfin, l'Obfervateur s’eft aMuré que lac-
croiflement du Ver ne fe fait que par la fimple évolution des
anciens anneaux, @& non par le développement de nouveaux.
anneaux, comme on auroit pu le prélumer.
[3] Confultez le Chap. X de la Part. VIIL
DELA NATURE. IX. Part. 9$f
un petit renflement au bout antérieur : ce ren-
flement paroït analogue au bourrelet végétal (4).
La plaie fe ferme & fe confolide promptement.
Un petit bouton fe moatre au centre du bourrelet.
Ce bouton groflit & s’alonge peu-à-peu. De nou-
veaux anneaux & de nouveaux vifceres com-
mencent à paroître, Vous voyez de refte tout
ce qui va fuivre.
Vous comprenez très- bien auf, comment
chaque portion végete par elle-même. Elle a en
petit les mèmes vifceres que le Tout offroit en
grand. Vous n'avez pas oublié que les parties
effentielles à la vie font répandues ici dans tout
le corps, & que la circulation s’opere chez les
plus petites portions comme chez le Ver entier.
DE petits boutons ou tubercules s’élevent quel-
quefois fur le corps de ces Vers, & lon eft
fondé à penfer que ce font des Petits naiflans ,
des rejettons femblables à ceux du Polype, &
qui ont la mème origine & la mème fin.
CETTE Efpece de Ver, dont certaines por-
tions pouflent une queue à la place où une tête
auroit dù naître, nous offre un phénomene
(4) Part. VI, Chap. X,
23 CONTEMPLATION
bien fingulier, & que fa fréquence ne permet
pas de regarder comme un jeu du hafard (5),
C’eft encore moins un jeu du hafard que la pro-
duction de cette queue furnuméraire. Elle eft trop
bien orgauilce pour n’avoir pas la mème origine
que celle qui poufle au bout poftérieur. Mais
nous ne faurions dire qu’elles fonc les caufes
qui déterminent ici une queue à prendre la
place d’une tête. Nous favons feulement, que
cette Efpece de Ver eit fort expofée à perdre fa
partie poftérieure : elle a donc probablement
plus de moyens de réparer cette perte, que celle
de la partie antérieure.
La nature de ce Livre m'interdit les details,
Je dois me borner à faire fentir l’analogie des
reprodu@ions, & à les ramener à des principes
que la Philofophie avoue. Je n’examine donc
point fi les Germes qui operent la reproduc-
tion d’une nouvelle partie, font les mêmes qui
operent la multiplication naturelle de lEfpece (6).
(5) Voy. le Chap. X de la Part. VIIT.
(6) +f Quand je m’occupois de cette queftion, l’on n’avoit
point encore découvert la furprenante reproduction des mem-
bres de la Salamandre aquatique, qui y répand un fi grand
jour. On fait que ce petit Quadrupede a, comme le Lézard,
auquel il reflemble, des mains & des pieds façonnés à-peu-
PARA NATURE. IX. Part: (93
La décifion de cette queftion nous importe fort
peu : ce qui nous importe elt de favoir que
toute production organique fuppole une pré-
formation, un deflein primordial, que le dé-
près à la maniere de ceux des Fiffpedes, & dont tous les doigts
font bien articulés & pourvus de plufieurs phalanges.
Il réfulte, en général, des nombreufes expériences qu’on à
tentées fur cette efpece de Salamandre, qu’elle reproduit conf-
tamment une partie égale & femblable à celle qui a été retran-
chée. Ainf, lerfqu’on lui coupe un bras ou une jambe, elle en
reproduit un autre précifément femblable. Si on ne Ini conpe
qu'une main ou un pied , elle ne reproduira qu’une main ou
qu'un pied. Enfin, fi on ne lui coupe qu’un feul doigt, elle ne
reproduira que ce doigt, & le reproduira dans la même place
qu’occupoit l’ancien.
Si donc la reproduétion de membres aufli compofés que le
font des doigts, des bras, des jambes, &c. ne peut s'ex-
pliquer raifonnablement par des caufes purement méchaniques ;
il faudra bien admettre qu’il eft ici des germes appropriés
à la reproduétion de chaque membre , & même à celle de
chaque partie intégrante du même membre: car il eft bien
manifefte que le germe qui fournit à la reproduétion «un
doigt, ne contenoit pas originairement un bras ou une jambe
entiers , & bien moins encore l’Animal lui-même avec tous fes
membres.
Or, ce que la Nature nous montre fi clairement dans la
reproduétion des membres de la Syamandre, s'applique faci-
lement aux reproduétions analogues des Infeétes qui muiti-
plient de bonture, & décide, ce femble, la queftion que je
m'étois propofée.
254 CONTEMPLATION
veloppement met fous nos yeux, dont la Raïi-
fon découvre facilement la beauté, la néceflité
& le but.
Comme ilfe développe une tète au bout an:
térieur d’un Polype ou d’un Ver, il s’en dé-
veloppe une aufhi près du bout poftérieur du
Mille-pieds 4 dard [7]3 mais au lieu que dans
ceux-là, ce développement eft occafioné par quel-
que accident; dans celui-ci, il eft dû unique-
ment à la Nature, qui a varié, comme illui a
plu , les manieres de multiplier , en les foumet-
tant toutes à la loi univerlelle de lévolution.
En mème temps qu’une nouvelle tète fe déve-
loppe chez le Mille-pieds , les liaifons du bout
poltérieur avec le refte du corps s’affoibliflent.
Différens vaiffleaux fe rompent ou s’obliterent,
& de-là réfulte la féparation du bout poñte-
rieur, devenu lui-mème un Mille-pieds parfait.
Ic fe pañle fans doute quelque chofe d’ana-
logue dans le Polype en entonnoir [8]. Mais
toute analogie cefle chez les Polypes à bou-
quet (9): par conféquent , point de conjecture,
[7] Voy. le Chap. XIV de la Part. VIII, & la Note.
[81 Voy. le Chap. XII de la Part. VIIL.
(9) Ibid. Chap. XI:
DELA NATURE. IX. Pari. 235$
point d’hypothefe qui puifle nous aider à con-
cevoir le {ecret de leur multipleation. D'ailleurs,
comment foumettre à l'expérience des Corps fi
petits? C’eft déja beaucoup que nous apperce-
vions leurs formes & leurs divifions. Quand
on diroit, que la bulbe eft une efpece fingu-
liere d’ovaire, qui contient actuellement en petit
toutes les cloches qui doivent naître de fes
divifions graduelles ; on compareroit entr’elles
des chofes très-diflemblables. Les Polypes à bou-
quet font placés à une fi grande diftance des
Animaux qui nous font les plus familiers, que
aous 1ifquerions fort de nous tromper en em-
pruntant de ceux-ci des comparailons pour ex-
pliquer ceux là. (10)
RENONGONS fans peine à deviner ce que la
Nature nous cache. Les Devins en Hifloire Na-
turelle font des efpeces d’'Empiriques, qui frap-
pent rarement au but; & quand il leur arrive
de le rencontrer, c’eft prefque toujours par
hafard. L’Obfervateur philofophe fait mettre des
bornes à fa curiofité, Il fait douter, & plus
encore, ignorer. Sa marche eft dirigée par les
regles d’une faine Logique, qu’il w’enfreint ja.
mais. Quoique la maniere d’engendrer des Po-
(12) Confultez le Chap. XVI de la Part, VIIL
g$é CONTEMPLATAI ON
lypes 4 bouquet, ne reflemble à aucune de celles
qui nous étoient connues, il faut néanmoins
reconnoître qu’elle eft toujours conftante, uni-
forme, réguliere; & cela feul prouve aflez
qu’elle n’eft point le réfultat immédiat du con-
cours fortuit de certaines molécules, & des loix
communes du mouvement. Îl y a ici comme
par-tout ailleurs, un deflein originel, qui dé-
termine la nature, les temps & les progrès de
l'évolution.
LES Polypes nous ont fourni bien des ré.
flexions philofophiques [ 11 ]. Ils’en faut de beau-
coup que nous les ayions épuilées. On ne s’é-
toit pas attendu à voir de pareils Animaux : on
n’avoit pas prélumé non plus qu'on en ren-
contreroit de tant d'Efpeces différentes & de
formes fi bizarres, dans les infufions de tout
genre. Combien certains Animalcules de diver-
fes infufions different-ils encore de tous les au.
tres Animaux, par leur maniere de vivre, de
croître, d’engendrer ! Mais, comme on avoit
refufé de reconnoître pour Animal ce qui étoit
réellement Animal; on a pris d’un autre côté
pour Animal ce qui étoit réellement Végétal.
On a prétendu avoir découvert de véritables
Cuir] Part ; VIII, Chap} XV ,2 XVI & XVIII.
Anguilles
DE LA NATURE. IX. Part. 253
Anguilles vivantes dans la farine du bled siele «
on a décrit avec complaifance les mouvemens
fpontanés & variés de ces Anguilles microfco-
piques: on nous a étonné en nous apprenant
qu’elles fe confervent vivantes dans le grain
pendant des années, & que pour les ranimer
il fuit d’humeéter un peu la farine. On eft
venu enfuite à penfer que ces Anguilles n’é-
toient pas de véritables Anguilles, mais qu’elles
étoient de vrais Zoopythes, qui devoient leur
origine à une certaine décompofition des parties
du grain:
» C'EsT à l'excellent Obfervateur qui nous a
dévoilé l’admirable méchanique des /aites du
Culinar , que nous devons un expolé fi etrange
(12). Il en eût, fahs doute, démèlé le faux,
(u2) + C'avoit été l'opinion de M. NEEDHAM, qui avoit
découvert le premier ces Etres microfcopiques, & qui les
avoit produits au Monde favant comme des efpeces de Z00-
phytes. ILa abandonné cette opinion depuis quelques années,
d'après les découvertes de Dom RorFREDI, qui ont fi bien
conftaté la nature vraiement animale de ces Etres, comine
je le ditai bientôt, Au refte ; ce n’eft pas dans le bled sjellè
qu'on les rencontre : cette expreflion employée par PObfervateur
Anglois & par d’autres Naturaliftes , eft tont-à-fait impropre:
oelt dans le bled rachitique on avorté qu'il faut chercher ces
: Etres finguliers.
C'eft encore Monfeur NEEDHAM qui a découvert dans les
Tome IL kR
258 CONTEMPLATION
fi des apparences trompeufes ne lavoient pré- |
venu en faveur des générations éguivoques. Un
Phyficien plus exact, qui a confacré fes talens |
à rechercher les caufes de la corruption des grains, »
s’eft afluré que ce qu’on avoit pris d’abord pour M
des Anguilles, & enfuite pour des Zoophytes,
n’eft quela partie fibreufe du grain, que l’hu-
midité met en mouvement. Ce n’eft pas mème
à ces fibres que le mouvement lui a paru ap- 4
partenir proprement, mais aux globules de la
feve qu’elles renferment; car felon lui, la feve M
eft toute compofée de corps globuleux , qui font
fufceptibles de certains mouvemens. Il faut bien
l'en croire, puifqu'indépendamment des preu- M
ves qu’il donne de fa fagacité &-de fon exac- M
tude, il ajoute: ceci foit dit par amour de la
vérité, €ÿ nullement pour démontrer faux le
Jffême que de grands Phyficiens ont mis au Jo
depuis peu d'années [| 13].
laites du Calmar, de petits Corps à reflort, d'une ftruéture
très-remarquable, qui jouent dans le temps de la fécondation,
& qu'on prendroit pour des machines animées. Je ferai ce
pendant remarquer , que M. NEEDHAM n’efk pas le premier
qui ait découvert ces petites machines : elles avoient été dé"
crites & repréfentées par SWAMMERDAM, mais il n'en avoit !
pas autant approfondi la ftruéture &:le jeu que l’Obfervateur |
Anglois.
C131 Sevans Etrangers, Tome IV, pag. 374. ,
DE LA NATURE. IX. Part. 259
L'ART de voir, cet Art fi utile, fi univer-
{el, neft pas commun: je renvoie aux AMé-
tt M. AYMEN, ce Phyfcien eftimable, dont. je tranf-
crivois ici les expreflions, s’étoit lui - même étrangement mé-
pris fur la nature des Etres microfcopiques en queftion, &
j'avois donné trop de confiance à fes obfervations , précifé-
ment parce que je me défiois davantage de celles de l'Obferva-
teur Anglois. Je cherchcis le vrai, & la maniere fi aflir-
mative dont M. AYMEN s’'énonçot, me perfuadoit qu’il l'avoit
trouvé. D. RorrrEDI & M. F. FONTANA, n’avoient point Fait
Ÿ encore les curieufes recherches dont je vais indiquer les prin-
cipaux réfultats.
Entre une multitude de grains pris au hafard dans le même
tas d: bled , il s’en rencontre de fois à autre d'un brun obf-
eur, qui femblent avortés , rabougris ou comme rachitiques 5
& ce font ces grains difformes qui renferment une des plus
grandes merveilles de la Nature. Si, après les avoir partagés,
on les humecte avec une goutte d’eau, on y contemplera
au microfcope un fpeétacle étounant. Tout leur intérieur pa-
roîtra s’animer, & l’on y appercevra bientôt une multitude
de filamens déliés, femblables à des Anguilles, qui fe plie-
ront & fe replieront en divers fens, à la maniere des Ser-
pens. Dans les premiers momens de la furprife, on pourroit
douter fi ces Etres microfcopiques font de vraies Anguilles
vivantes; car on aura peine à fe perfuader que des Etres
qui, quelques inftans auparavant, ne donnoient aucun figne
de vie, & étoient enfevelis dans le grain comme des cada-
vres dans la terre, prennent prefque tout d’un coup la vie
& le mouvement au feul attouchement de l’eau. Mais, fi
l'on continue d’obferver , tous les doutes fe difliperont peu.
àpeu, & l'on fe convaincra enfin que ces Etres fi étranges
K 2
260 CONTEMPLATION
moires fur les Iufees & à l'Hifloire des Polypes
tous ceux qui n’en poffedent pas les regles, &
qui ont intérèt de les pofléder.
font bien réellement des Anguilles vivantes. On parviendra
même à ydiftinguer des Mâles & des Femelles, & à recon-
noîtte les parties fexuelles des uns & des autres : on démé-
lera l'ovaire dans l’intérieur des Femelles ; dans cet ovaire,
des œufs rangés à la file ; & dans ces œufs , le Petit vivant,
La fubftance des grains rachitiques eft glaireufe & blan-
châtre , & na rien de commun avec la #ielle ni avec Ver
got. Les grains rachitiques qui végetent encore, renferment …
à Ja fois des Miles, des Femelles , des Petits de toute gran- …
deur, & des œufs difléminés dans l'efpece de glaire, & tout
cela offre au microfcope folaire un fpeétacle magnifique qu'on
ne fe laffe point d'admirer. Que de richeffes concentrées dans:
un grain de bled avorté! re
Mais combien l'admiration & l’étonnement accroiffent-ils
quand on vient à apprendre qu'il eft rigoureufement prouvé
que ces Anguilles peuvent fe conferver dans le grain defléchén
au moins peadant vingt-fept ans , & reprendre la vie, comme
à l'ordinaire, au bout d’an fi long efpace de temps! à
Ce n’eft pas felement dans le grain qu'on trouve ces
Etres admirables ; on eft parvenu encore à les déconvrit”
dans la tige, dans la racine, & même dans la terre. Ils”
paffent donc de la terre dans le grain par la racine & par la
tse, & c’eit dans le grain qu’ils achevent de fe perfece
tionner. 1:10
Ces Anguilles qu’on poutroit nommer immottelles , fe
confervent dans la terre. defféchée comme dans le grain; & |
c'eft par cette prérogative fi finguliere , que la Nature conferve
DE EA NATURE. IX. Pay. 267
T'Efpece elle-même. Mais il faut hien que je le dife; tous les
individus de l'Efpece ne jouiflent pas de cette prérogative,
Les vieilles Anguilles, ainfi que les plus jeunes, ne refluf.
citentpoint : il n'y a que celles d’un âge moyen ou à reu-
près, qui reviennent à la vie quand on humeéte le grain. Celles.
ci ont environ un tiers de ligne de longuevur fur un cent foixante-
> dix-neuvieme de ligne de largeur. Les plus grandes Anguilles
qu’on rencontre dans les grains qui végetent encore, ont jufqu’à
deux lignes de longueur fur un dixieme de largeur.
J'ajoute que c’eft toujours en vain qu’on humeéte les œufs
defféches ; ils ne produifent rien. Ilétoit pourtant aflez naturel
de préfumer que , deftinés à perpétuer lEfpece, ils ponvoient
fe conferver au fec pendant un temps plus ou moins long ,
comme ceux de certains Polypes. Mais c’eft fur-tout dans l'Hif-
“toire naturelle qu'il faut apprendre le grand Art d’ufer fobre-
… ment de l’analogie.
| Les Anguilles du bled rachitique ne font pas les feuls Fnfectes
qui jouiflent de cette forte d’immortalité que je viens de faire
‘admirer à mon Lecteur: quelques Efpeces d’Anguilles de la colle
| de farine poffedent le même privilege , à la vérité dans un degré
1 bien inférieur. -
… Mais il ef un autre Etre microfcopique qui paroït le
difputer en ce genre aux Anguilles du bled rachitique : je
“ parle du Rotifere, fi célébré par LEUWENHOECK, & fi digne,
“de l'être. Les eaux donces font fa vraie patrie, & pourtant.
ce n'eft point du tout comme Animalcule aquatique qu'il
1 ft le plus connu : il l’eft principalement comme Animalcule
- terreftre & fort terreftre; car c'eft dans la poufliere des toits.
qu'on l'a d’abord rencontré. Il y demeure enfeveli, comme
les Anguilles dans le grain ou dans la terre, & c’eft-là qu'ik
_ brave les plus grandes ardeurs de la canicule, &:les plus.
….srandes rigueurs de l'hiver. H y ef tranfporté par les vents.
R 3
26 CONTEMPLATION
Gélatineux, tranfparent & fort agile, il revêt comme un
petit Protée, toutes fortes de formes. Son ventre eft renfé ,
& l’on découvre dans fon intérieur nn petit organe, dont
les mouvemens continuels imitent ceux du cœur, & qui n’ef
cependant point un cœur. Sa partie antérieure, façonnée en
entonnoir , fe divife dans quelques Efpeces en deux touril-
lons, dont le fommet, ciuronné de pointes mobiles, paroît
tourier rapidement à la maniere d’une roue. De- là le nom
de Rofifère, qui a été donné à l’Animalcule. Ce n’'eft pas
néanmoins qu'il porte à {a tête deux roues mobiles, comme
Plinveuteur l'avoit cru: il y a ici une illufion d'optique, &
le jeu de ces prétendues roues , analogue à celui du prétendu
moulinet de certains Polypes, n’elt antre chofe qu’un mouve-
ment ondulatoire très-rapide des barbillons qui environnent la
bouche & qui excitent dans l'eau un tourbillon qui entraîne vers
PAnimal les corpufcules dont il fe nourrit. La partie poftérièure
du Rotifere eft garnie d’une forte de trident qui lui fert d’ancre
pour fe fixer.
Pour jouir de l'agréable fpectacle que préfente le jeu de
l'organe coridiforme & des efpeces de roues, il faut mettre
le Rotifere dans une goutte d’eau. Là , comme dans fon élé-
ment naturel, il déploie toutes fes facultés ; mais à mefure
que l’eau s’évapore , il fe contracte de plus en plus, fe ride, fe :
déforme & ne paroît plus enfin que fous l'afpeét d’un fragment
de parchemin deféché. On le croiroit mort : il ne left pas néan-
moins ; & gardé des années entieres dans cet état de defléche- !
ment parfait, il reprend la vie & le mouvement, dès qu’on
lhumecte de nouveau.
Mais une circonftance tout-à-fait extérieure eft abfolument
néceflaire pour que cette forte de réfurreétion puiffe s’opé-
rer; & ceci n’eft pas un des traits les moins finguliers de
Y'hiftoire du Rotifere. S'il eft entiérement à nud quand il fe
“
DE LA NATURE. IX. Part. 262
deffeche, il ne reflufcite jamais : mais & on le couvre de pouf.
_ fiere avant fon defféchement, il revient conftamment à la vie,
_ lorfqu'on humeéte la poufliere, Le conta&t immédiat de l'air
feroit-il done fatal à notre Animalcule ?
Hi peut reflufciter bien des fois, & l’on a vu jufqu'à onze
réfurreétions confécutives. dans le même individu. Les temps
des réfurrettions varient fuivant certaines circonftances. Il eft
des Rotiferes qui refnfcitent au bout de quelques minutes , &
d’autres qui ne reflufcitent qu’au bout de quelques heures. Il n'ÿ
a pas même de diFférence fenfible à cet égard entre les Rotiferes
enfevelis des mois & des années ,-& les Rotiferes enfevelis depuis
peu de jours. La chaleur fur-tout favorife beauceup cette efpece
de réfurreétion.
Tranfportés par les vents fur les toits de nos maifons,
. & enfevelis dans la pouffiere des gouttieres , les Rotiferes
y font expofés à toutes les viciflitudes du chaud & du froid,
| M&àtoutes les intempéries des faifons; & ces rudes éprenves
ne font rien pour ces Animalcules en apparence fi délicats.
Hs foutiennent fans périr une chaleur artificielle de $6 de-
grés, & un froid artificiel de 19. Mais ce n'eft que dans
Vétat de defléchement que les Rotiferes peuvent réfifter
à de fi fortes épreuves. Cependant les odeurs fétides on pé-
nétrantes , les liqueurs haileufes , fpiritueufes ou falines , tuent
les Rotiferes, conme elles tuent les Animalcules des infu-
fions,
Le Rotifere eff rigoureufement androgyne. M. SPALLANZANE
a élevé dans une parfaite folitude jufqu’à la cinquieme généra…
tion de cet Animalcule. ILeft ovipare, & on a vu le Petit fortir
_ de l'œuf.
Le Tardigrade, ainfi nommé de fa lenteur extrême de fa
marche, reMufcite comme le Rotifere. Il eft bien moins petit,
& porté far fix jambes, Sa forme imite celle d’ane feve de:
R 4
è
\
264 CON TEMP£EATION
haricot. Sa partie antérieure eft arrondie , & la poftérieure
garnie de petits crochets , au moyen defquels il fe cramponne.
IL n'eft pas diaphane comme le Rotifere. Quand il commence
à fe deffécher, fes jambes &@z: fes crochets rentrent dans fon
corps, & il revêt peu-à-peu la figure d’une fphérule. I ne ni
eft point auffi néceflaire qu'au Rotifere d’être enfeveli dans la
pouffiere, pour étre en état de refufciter : il left bien moins
\
encore à une petite Anguille fort tranfparente , qui habite
avec le Rotifere dans la poudre des gouttieres , & qui y eft roulée |
en fpirale. Elle reflufcite fort bien, quoique laiflée entiérement
à nud,
Il eft probablement bien d’autres Animaux qui jouifflent de
la même prérogative : certains faits femblent l'indiquer. On
pourroit fur-tout le préfumet des Polypes à bouquet, & de
la plupart des Polypes microfcopiquess Mais il paroit prouvé
que le Polype à bras ne reprend point la vie après avoir été
defféché. Cependant il faut encore fe défier ici de Fanalogie.
& attendre la décilion de l'expérience. Les Animalcules des
änfufons ont bien des analogies avec les Animalcules qui
reflufcitent , & pourtant il femble bien prouvé qu’ils ne reffu£-
citent point. Je hafarderai ailleurs ma penfée fur les mere
veilleux phénomenes que nous préfentent les Animalcules qui …
reMufcitent. |
Au refte, malgré les expériences qui paroiffent établir que à
ms ES
les Polypes à bras & les Animalcules des infufions ne peu-"
vent fe conferver au fec, je ne voudrois pas qu'on fe prefsät
de croire qu’il n'eft aucun état de la vie de ces Etres où
ils ne puiffent réfifter au defféchement. Des foflés, des mares , à
des étangs, &c. très-peuplés de ces Etres, & mis à fec par
les chaleurs de l'Eté, s’en trouvent tout aufi peuplés lorle
que des pluies abondantes viennent à les remplir de nouveau.
F1 y a donc bien de l'apparençe que ces Animaux eux-mêmes à
DELA NATURE. IX. Part. 26$
Ce PE TIR E :TIT.
ae
Idées fur la multiplication qui s’opere fans le con-
cours des deux Sexes.
Ïe eft très-évident, que fi nous n’avions ja-
mais vu d'Animaux s’accoupler, nous 'm’aurions
pu foupconner, que pour produire un individu
il fallut le concours de deux individus de fon
_ Efpece ou d'Efpeces différentes. La génération
… du Puceron (1) nous paroït bien plus fimple,
& elle left en effet. Les Polypes multiplient
auffi fans copulation ou fans aucune féconda-
/
L!
ou au moins leurs femences ou leurs germes s'étoient con-
fervés au fec dans la vafe; & que c’et par ce moyen
M Mingulier que la Nature perpétue les Kfpeces dans ces : dif-
= férens lieux. Il pourroit en être de même des œufs d’Ani-
… maux beaucoup plus grands, de ceux des Poiffons, par exem-
D pie; & ceci invite les Naturaliftes à faire en ce genre de
4% nouvelles tentatives. Il feroit encore pofible, que les Ani-
Wa: malcules des infufions on leurs germes s'introduififfent dans
| es fnbftances végétales & animales; qu'ils s'y confervaffent
“au fec, comme les Anguilles dans le sriin rachitique; &
La qu'ils fe développaffent enfuite dans ces infufons où on les
… voit apparoître en fi grand nombre,
+ 112 (1) Chap. VIII de la Part, VIIL
à |
Dr:
26 CONTEMPLATION
tion fenfible. Les végétaux nous offrent la mème
multiplication , à laquelle nous ne prenons pas
garde. Ils produifent chaque année des Touts
organiques, qui ne femblent point devoir leur
développement à l’action des poufferes des éta-
mines [2]: ces Touts font les branches & lee
rejetons.
QuaxD on fait que chaque Corps organifé
eft contenu en petit dans un autre Corps de
mème efpece, il ne paroïît pas qu’il faille autre
chofe pour le faire développer, que la nour-
riture qu’il peut tirer de fa Mere. L'expérience
nous apprend pourtant, que la génération de
la plupart des Animaux, & celle des graines
exige un fecours étranger, & que la diftinétion
de Sexes eft le fondement du moyen fingulier
que la Nature met ici en œuvre.
Nous nous fommes fort occupés de ce moye#
dans la feptieme Partie. Nous y avons tracé
les principes généraux de la fécondation [ 3 ].
Nous y avons indiqué les raifons qui concou-
rent à établir que la liqueut fécondante elt à la
fois un vrai ftimulant & un fluide nourricier.
[21 Part. VI Chap. VII.
(31 Part. VII, Chap. X,
ui
DE LA NATURE. IX. Part. 267
Nous avons montré que le cœur de l'Embryon
a befoin de lation de ce ftimulant pour fur-
monter la réfiftance des folides & {ur-tout des
folides offeux, & que les différentes parties de
la petite Machine organique , trouvent dans le
fluide fécondant un aliment proportionné à leur
extrème délicateffle. Rappellez à votre efprit ces
principes aflez lumineux, & méditez un peu
avec moi fur la multiplication qui s’opere fans
le concours des Sexes.
IL eft un fens dans lequel on peut dire, que
les parties que reproduit un Polype, un Ver-
de-terre, &c. font aufli réellement engendrées,
que le font les Petits d’un Animal. Ceiles: la,
comme ceux-ci, font de petits Touts organi-
ques, qui {e développent dans un grand Tout
qui les fomente & les nourrit. Les premieres
ont pour fin la réintégration de l’Animal; les
derniers, la confervation de l’Efpece. La rein-
tégration ne devoit pas dépendre du mème moyen
qui procure la confervation de l’Efpece chez la
- plupart des Animaux. Le moyen n'auroit pas
répondu ici à la fin. Les tronçons d’un Ver ne
pouvoient s’accoupler. Chaque tronçon renfer-
me donc des germes féconds par eux-mêmes, ou
« qui peuvent fe développer fans autre fecours
que les fucs que leur fournit le tronçon.
468 CO NITEM'PLATION !
R1ex de plus fimple & de plus facile à con-
gevoir que cette forte de génération. Nous avons
bien d’autres exemples de corps organifés, qui
fe développent de la mème maniere. Les mues
des Animaux s’operent ainfi. Les germes des
nouveaux poils, des nouvelles plumes, des nou-
velles peaux, fe développent par eux-mêmes;
& nous verrons que c’eft encore la maniere dont
le Papillon fe développe dans la Chenille.
IL faut donc que les germes dont nous par-
ions, réfifent moins que les autres. Ils font
plus penétrables. Îls ont avec les vaifleaux de
PAnimal dans léquel ils croiflent, des liaifons
particulieres que le commun des germes n’a point.
En vertu de ces liaifons, les germes recoivent
immédiatement de l'Animal la nourriture qui les:
fait croître. Ils fe développent dans lAnimal,
comme les graines fe développent dans la terre. à
En vertu de leur conftitution propre & de leur
pénétrabilité, ils admettent cette nourriture #
plus où moins élaborée; ïils la travaillent en-
core, fe lincorporent, & s'étendent ainfi en
tout fens. Apppliquez cela aux branches & aux
reJetons des Arbres. à
Les germes des rejetons du Polype à bras:
{ont faits, fans doute, fur le mème modele
DE LA NATURE. IX. Part. 269
l'organe qui conftitue dans ces germes la prin-
cipale puiffance de la vie, poflede une force
fufhfante pour furmonter la réfiftance des par-
ties purement gélatineufes, & qui doivent tou-
jours demeurer telles. Remarquez à cette oc-
cafion, que tous ou prefque tous les Animaux
qui multiplient fans accouplement, n’ont rien de
véritablement ofeux [4].
LE Puceron eft plus embarraffant. Il efttrès-
für qu’il propage fans copulation. Il a pour-
- ta un fexe très-bien caractérifé, & il s’accou-
+ ple. Nous n'avons encore que des conjectures
fur l'ufage de cet accoupiement. Je renvoye là-
deffus au Chapitre huitieme de la Partie huitieme,
Les petits du Puceron font originairement ren-
(4) tt L'empire de l’hermapbrodifime s'eft fi prodigieufement
“étendu depuis la découverte des Pucerons @& des Polypes à
bras, qu'on pourroit douter fi le nombre des Efpeces qui lui
“ font foumiles, n’eft pas beancoup plus grand que celni des
» Efpeces qui obéifflent à la loi des Sexes. Les ruifleaux, les
étangs, les lacs & les mers, fourmillent d'Animaux de diffé-
rentes clafles, qui multiplient fans copulation. Telle eft la
mañiere de multiplier de ces familles innumérables de Poly-
pes, connus fous les noms de Coraux, de Corallines , de
Pores , de Maürépores, de Lytophites, &c. &c. Telle ef
. encore la façon engendrer de quantité de Coquillages & d'au-
tres corps marins, qui ne changent jamais de place , & qui
multiplient avec excès.
5
270 CONTEMPLATION
fermés dans des efpeces d'œufs. Ils ont hefoin
d’un certain degré de chaleur pour éclore dans
le ventre de leur Mere, & pour venir au jour
vivans. Si ce degré de chaleur leur manque, ils
ne fe développent point ou ne fe développent
que fort peu. La liqueur du Mäle fupplée peut-
ètre à ce défaut, & donne au cœur une force
qu’il n’auroit pu acquérir fans elle.
(UE
ae tement tentant ans ronstmmmnnne) ”
a
CHA PET RESEV:
Mille-pieds qui pouffe de nouvelles jambes à mefure
qu'il croit.
Nous avons jetté un coup d'œil fur un Mil-
le-pieds [ r ] qui propage d'une maniere fort fin-
guliere : en voici un autre qui n’eft pas moins
remarquable par fa maniere de croître. Quand
il a pris tout fon accroiflement, il n’a pas moins
de deux cents jambes. Quand ii ne fait que d’é-
clore, il n’en a que fix. Mais en quatre jours,
il en pouffe huit autres. Le nombre de fes an-
neaux augmente auili avec l’âge, & par ce dé-
veloppement fingulier de jambes & d’anneaux,
(1) Le Mille-pieds à dard, Chap. XIV de ka Part. VII.
DE LA NATURE. IX. Part. 271
_ileft conduit par degré à l’état de perfection
fans fubir aucune métamorphole [2 ].
Ox diroit que la Nature fe joue dans les In-
fectes. Elle leur prodigue des membres & des
organes, qu’elle n’a diftribué qu'avec épargne
aux autres Animaux. Elle donne à l’un d’eux
cent jambes; à l’autre vingt mille yeux; à
un troifieme, des centaines de poumons, &c.
La production de nouvelles jambes, de nou-
veaux anneaux, d'une nouvelle tête, de nou-
veaux vifceres, ne femble pas ici lui coûter
plus, qu'ailleurs la produétion de nouveaux poils
& de nouvelles plumes.
_ SOUVENT encore elle traveftit le mème in-
fete, & nous le montre fucceflivement fous
des formes fi oppofées, qu’elle femble en faire
autant d'Etres diftinéts. Ceci nous conduit aux
_métamorphofes des Infectes.
C2) ff C’eft à l'illuftre de GEER qu'on doit la connoif-
fance de ce Mille-pieds. Il eft ovipare & il y a lieu de penfer
que le nombre de fes jambes & de fes anneaux accroît gra-
duellement fans qu’il change de peau.
3
HO
à CONTEMPLATION
Ge
C'H APE LT ER EU
Les mmétamorphofes dés Infeêtes [11].
L: plupart des Animaux, & même un grand
nombre d'Infeétes, confervent«toute leur vie
la forme qu'ils ont apportée en naïflant. Ils
font effentiellement dans la vieillefle ce qu’ils
ont été dans l’enfance. Ils croiflent, meuriffent
& vicillifent, fans éprouver d’autres change:
mens que quelques altérations dans leurs cou-
leurs, dans leurs traits, & dans le tiffu de leurs
membranes,
Les infectes que nous avons actuellement
fous les yeux, éprouvent, au contraire, de f£
grands changemens, foit dans leur extérieur,
foit dans leur intérieur, qu’un individu de ce
genre, pris à fa naïiflance, differe totalement
de ce mème individu parvenu à l’âge de ma-
turité. Ce ne font pas feulement d’autres cou-
(1) tt Mon but dans ce Chapitre n'étoit point de décrire
en Naturalifte les métamorphofes des Infeétes. Je ne voulois
que raffembler dans un même tableau , quelges-uns des traits
les plus frappans qu'elles offrent au Contemplateur de la
Nature, pour donner une idée des grands changemens que
fubifient les Infectes qui fe transforment,
: leurs
ne
nn —
DE LA NATURE. IX. Part. 273
leurs, d’autres traits, d’autres tiflus: ce font
encore d’autres mouvemens, d’autres formes,
d’autres proportions, d’autres organes, d’au-
tres procédés. La vie de ces infectes fe partage
naturellement en trois périodes principales , qui
offrent différentes fcenes, que le Contemplateur
de la Nature confidere avec autant de furprife
que de plaifir.
- Daxs la premiere période, l’infecte fe pro-
duit fous la forme de Ver (2). Son corps eft
alongé , & formé d’une fuite d'anneaux ordi-
nairement membraneux, & emboîtés les uns
dans les autres. Il rampe, foit à l’aide de fes
anneaux ou des crochets dont ils font fouvent
garnis, foit à l’aide de diverfes paires de jambes
dont le nombre eft quelquefois aflez grand. Sa
tête eft armée de dents ou de pinces ; quelque-
[2] tt Je prenois ici le mot de Ver dans un fens -trop
étendu, mais qui convenoit à mon but. Je comprenois fous
cette dénomination tous les Infeétes, dont le corps plus ou
moins alongé , eft formé d’une fuite d’anneaux qui gliflent les
uns fur les autres, & à l’aide defquels ils rampent. Dans ce
fens, la Chenille étoit donc un Z/er : mais la Chenille fe change
en Papillon, & le Ver qui fe transforme fe change en Mouche
où en Scarabée. La Chenille n’eft donc pas proprement un Ver,
& les Naturaliftes favent bien cela. Mais je vouiois ici oppofer
l'individu qui rampe fous fa premiere forme, à ce même individu
qui voltige fous la derniere,
Tome Il. S
9*4 CONTEMPLATION
Fois de crochets ou de pioches. Ses yeux font
lifes [3] & peu nombreux. Il eft abfolument
dépourvu de fexe. Son fang circule du derriere
vers la tète. Il refpire, foit par de petites ou-
vertures ou ftigmates (4) placés de chaque
côté du corps, foit par un ou plufieurs tuyaux
fitués à fa partie poltérieure [ $ |.
Dans la feconde période, linfecte paroît
fous la forme de Nymphe ou fous celle de Chry-
falide. Ce n’elt plus un Ver; c’eft un infe&e
proprement dit [6], mais dont tous les mem-
bres renfermés fous une ou plufeurs enveloppes,
font couchés fur la poitrine, & ne fe donnent
aucun mouvement.
CETTE métamorphofe s’opere de plufeurs
manieres en différentes Efpeces. Tantôt la peau
du Ver s'ouvre, & laifle fortir le nouvel in-
(3) Voy. le Chap. XVII de la Part. III. Confultez en par-.
&iculier la Note 2 de ce Chapitre.
(a) tt Tel eft le cas des Chenilles, & de quantité de Vers
qui fe transforment en Mouches ou en Scarabées.
(5) ++ C’eft ce qu’on obferve, par exemple, dans le Ver du
Tonufin , dans les Vers de la Viande, dans ceux des tumeurs des
Hôtes à cornes, &c.
(6) Vey. le Chap, XVII de la Part. LIT,
DE LA NATURE. IX. Parr. 9%
feéte, revêtu des tégumens quidui font propres.
Tantôt cette peau fe durcit autour de lui, &
devient une efpece de coque qui le cache en«
tiérement [7].
Lorsque l'infeéte , après avoir rejeté la
dépouille de Ver, fe montre avec toutes fes
parties extérieures, revêtues feulement d’en<
veloppes particulieres, molles & tranfparentes
qi ne les tiennent point aflujetties au corps,
on nomme cela une Nymphe (8 ).
LorsQU’A ces enveloppes particulieres ef£
jointe une enveloppe commune & cruftacée, qui
les aflujettit toutes au corps, & qui les recou-
vre fans les cacher ; on nomme cela une Chry+
Jalide [ 9 1. x
Enrix, lorfque la Nymphe demeure renfer-
iée fous la peau de Ver, elle peut - ètre deéfi-
gnée par l’épithete de Nymphe à peau de Ver.
(7) tt C'eft ce qui arrive aux Vers de la Viande qui fe chan«
gent en Mouches.
(8) tt Les Mouches & les Scarabées paflent par cet étaé
moyen de Nymphe.
(9) tt Tous les Papillons revétent la forme de Chry/ülide ;
après avoir rejeté la dépouille de Chenille.
S 2
076 CONTEMPLATION
L'ÉTAT de Nymphe, ainfi que celui de Chry-
falide , {ont ordinairement un état d’inaétion,
où l’infecte ne femble pas avoir de vie. Plongé
alors dans une efpece de fommeil,. les objets
extérieurs ne l’affectent pas ou ne laffectent
que foiblement. Il ne fauroit faire ufage de fes
yeux, de fa bouche ni d’aucun de fes mem-
bres. Sa vie eft, en quelque forte, toute inté-
tieure. Nul befoin ne le prefle; nul foin ne l’oc-
cupe. Privé de la faculté de fe mouvoir , il de-
meure fixé au lieu où le hafard l’a placé. Quel-
quefois néanmoins il a la liberté de changer de
place [10]; mais fa démarche eft à l'ordinaire
lente, pénible ou gènée. Son fang circule; mais
au lieu que dans le Ver cette circulation fe fai-
foit du derriere vers la tête, elle fe fait ici de
la tête vers le derriere [11]. La refpiration n’a
[ro] +t Le Coufin & quelques-unes de ces Mouches qui lui
reffemblent beaucoup, & qu'on nomme Zpules | confervent
dans leur état de Nymphe la Faculté loco-motive, Les Chryfa-
lides de certaines Chenilles ne font pas non plus condamnées à
une parfaite immobilité.
‘ [ui] tt Ce changement de dire@ion du fang après la méta.
morphofe, que M. de REA UMUR avoit admis d’après fes propres
obfervations, eft formellement contredit par celles de M.
LYOoNET, qui afure avoir vu précifément le contraire dans
une Chryfalide fort tranfparente. Pent-être que le fang n’a pas
une direction bien conftante dans les temps qui fuivent immé=,
diatement la métamorphofe,
DE LA NATURE. IX. Pwt. 277
pas fouffert de moindres changemens; dans le
Ver, les principaux organes qui l’exécutoient ,
étoient placés à fa partie poltérieure : ces mèmes
organes fe trouvent à préfent à la partie anté-
rieure de l’Animal (12).
Dans la troifieme période, l’infeéte s’éleve
a toute la perfection organique qui convenoit
au rang qu'il devoit occuper dans le monde
corporel. Déja les liens de la Nymphe ou de la
Chryfalide font brifés : l’infecte commence une
nouvelle vie. Tous fes membres, auparavant
repliés, mous & fans action, fe déploient, fe
fortifient ;& {e mettent en jeu. Sous la forme
de Ver, il rampoit ; fous celle de Nymphe ou de
Chryfalide, il fe traînoit : fous la derniere forme,
il marche porté fur fix jambes écailleufes [13].
À fon corfelet tiennent deux ou quatre aîles,
avec lefquelles il voltige dans Pair. Sa tête elt
ornée d'antennes (14) ou de panaches. Au lieu
de dents ou de crochets, qui diviloient un ali-
ment grofher , il a une trompe qui pompe les
fucs les plus délicats des fleurs [ r$ ]. Au lieu du
[12] tt Le Coufin & différentes Efpeces de Tipules en four-
niffent des exemples.
Ci13] Chap. XVII, Part. III.
Cr4] Zbid. -
Lis] tt Ce n’eft point à dire que tous les Infe&tes, fous
S 3
es CONTEMPLATION
petit nombre d’yeux liffes qui avoient été donnés
au Ver, le nouvel infecte en avoit recu de liffes
& de chagtinés (16), & ceux-ci font au nom-
bre de plufeurs mille. Enfin les petits tuyaux,
qui dans quelques Efpeces font placés à la par-
tie antérieure de la Nymphe, ont difparu, &
les feuls ftigmates latéraux fubfftent.
L'INTÉRIEUR de l’infecte n’a pas fouffert
moins de changemens que lextérieur; & ces
Jeur derniere forme, foient dépourvus de dents. Les Scarabées
& piufieurs Efpeces de Mouches, telles que les Dewoifelles,
ont la bouche armée de dents, qui ne font proprement que
deux écailles qui jouent horizontalement. D’autres Efpeces
de Mouches, telles que les Abeilles, les Bourdons, &c. ont
à la fois des dents & une trompe. Parmi les Papillons, les
uns font pourvus d'une trompe, quelquefois démefurément
Jongue, & qui fe roule en fpirale avec beaucoup d'art ; les
autres, entiérement dégourvus de trompe , ne prennent aucune
nourriture. C’étoit en particulier des Papillons à trompe que je
parlois dans le paffage de mon Texte, auquel cette Note fe
rapporte. Mais M. MULLER a découvert en ce genre une
grande nouveauté : il a vu un Papillon dont la tête étoit entie-
rement femblable à une tête de Chenille, & fournie de tous
les organes qui mettent la Chenille en état de ronger les feuilles.
Cet étrange Papillon n'avoit ni antennes ni trompe. L'Obferva-
teur n'a pu en favoir l’hiftoire; il l’avoit rencontré par hafard
Fur la tige d'une Plante; il étoit Femelle, & malheureufement
les œufs qu'il pondit furent inféconds.
‘f16) Chap. XVII , Part. ILE, Note a.
DE LA NATURE. IX. Part. 979
ehangemens ont dû être d'autant plus confidé.
xables, que le genre de vie de la premiere pé-
riode a différé davantage de celui de la der.
niere. Souvent le même infecte, qui dans les
deux premieres périodes , étoit habitant de l’eau,
devient habitant de l’air dans la derniere (17).
Le tiflu, les proportions & le nombre des
vifceres fubifflent donc de grandes modifications.
Les uns acquierent plus de confiftance : d’autres,
au contraire, font rendus plus fins & plus dé-
licats: d’autres recoivent une nouvelle forme :
d’autres font fupprimés en entier : d’autres ne
le font qu’en partie : d’autres enfin, qui ne
fembloient pas exifter, fe développent & de-
viennent fenfibles. Du nombre de ces derniers
font principalement les organes de la généra-
tion (18). Le Ver n’avoit point de fexe : en
revêtant une nouvelle forme, l’infete a été
rendu capable d’engendrer.
IL y a des infectes qui tiennent le milieu
entre ceux qui confervent pendant toute leur
(17) ft On fait que le Coufin, bien des Efpeces de Ti.
pules, & d’autres infeétes aîlés, vivent feus leurs premieres
formes dans les eaux, & qu'ils vont y dépofer leurs œufs.
(18) tf Les infetes qui fe métamorphofent, ne montrent
S 4
RE
288 CON TEMPLATION
vie la mème forme, & ceux qui fubfftent des
transformations. Les infectes dont je veux par-
ler, ne pañlent proprement ni par l’état de Nym-
phe ni par celui de Chryfalide. Leur, vie n’eft
partagée qu’en deux périodes: ils marchent dans
la premiere; ils volent dans la feconde. Ainfi
toute leur métamorphofe fe réduit principale-
ment à prendre des aîles, & cela s'exécute fans
que leur forme & leur genre de vie fouffrent
d’altération confidérable. L'état où fe trouvent
ces infeétes lorfqu’ils font près de devenir aîlés,
peut recevoir le nom de Nymphe ümpropremens
dite [19 |.
LA plupart des infectes qui fe transforment,
fe dépouillent de la peau de Ver; mais nous
avons vu qu'il en eft qui la confervent : ceux-
ci ont à pañler par un état moyen avant que
de paroître {ous celui de Nymphe. Ils revètent
la forme de Boule alongée, {ous laquelle ils ne
laiflent voir aucune des parties propres à la
Nymphe. Cette finguliere métamorphofe mérite
que nous la confidérions de plus près.
point de fexe dans leur premier état de Ver ou de Chenille.
(19) tt On pourroit les nommer auffi faufles - Nysphes ou
Jémi-Nymphes. Les Grillons, les Sauterelles , les Punaifes , &e.
paflent par cet état de jaufe-Nymphe.
DE ——
DELA NAT U RE. 1X. Part. 281
Er 5
DR ALP'I ER:E :V EL
Ye
La métamorphofe en Boule alongée.
Quaxn ona vu un très-grand nombre d’in-
fectes rejeter la peau qui leur donnoit leur
premiere forme, pour revêtir celle de Nymphe,
on eft fort tenté de croire, qu’il en eft de mème
de tous les infectes qui fubiflent cette forte
de métamorphofe. Nous avons déja eu bien
des occafions de reconnoïître que la marche de
la Nature n’eft pas toujours uniforme, & qu’elle
fait parvenir à la mème fin par des routes très-
différentes. Voyez cette petite coque oblongue,
noire , life, luifante. Elle imite au mieux les co-
ques que fe conftruifent quantité d’infectes pour
s'y métamorphofer. Élle en differe pourtant par
des endroits bien effentiels. Regardez-la au mi-
crofcope: vous y appercevez des incifions an-
nulaires, mais peu protondes, qui vous dé-
celent fa véritable nature, & qui vous ap-
prennent qu’elle n’eft autre chofe que la peau
mème d’un Ver, qui s’eft arrondie, & qui a pris
de la dureté. Ouvrez -la délicatement avec la
pointe d’une aiguille: vous êtes furpris de n’y
trouver qu'un amas de bouillie, où vous ne
ant tt
282 CONTEMPLATION
démèlez rien. Il n’y a que peu de temps que
Vinfette a perdu fa forme de Ver: comment
s’eft-il réduit en bouillie ? Comment cette bouilie
deviendra-t-elle un infecte 2 Sufpendez vos quef
tions, & ouvrez une coque moins récente.
Qu’y découvrez - vous ? Une petite mafle de
chair , oblongue, blanchâtre, & où vous n’ap-
percevez, mème à la loupe, aucun veftige de
membres ou d'organes. En un mot; vous avez
fous les yeux une houle alongée. N’allez pas imae
giner que cette boule eft une enveloppe qui ren-
ferme une Nymphe: elle eft elle- mème une
Nymphe très-déguifée. Preffez un peu la boule :
Voilà des jambes qui commencent à fe montrer :
elles fortent d'un petit enfoncement qui eft à
une des extrémités de la boule. Augmentez la
preffion par degrés , vous forcerez toutes les par-
ties de la Nymphe à venir au jour. Elles exif-
toient donc déja, & vous ne vous en doutiez
point. Elles étoient enfoncées & repliées dans
l'intérieur de la boule, à-peu-près comme le {e-
roient les doigts d’un gant dans la main de ce
gant.
Si vous pouviez exécuter fur les COfPS ovi-
forines des Polypes ex naffes (1), & fur les bou-
C1) Chap. XIII de la Part. VU.
DELANATURE. IX. Part. 283
tons du Polype à bras (2) , la mème expérience
que vous venez d'exécuter fi heureufement
fur la Boule alongée, vous obligeriez probable.
ment le petit Polype à fe produire, & vous hä.
teriez ainfi le moment de fa naiffance.
Les infees qui pañlent par l’état de Boule
alongée {avent donc fe faire une coque de leur
propre peau. Toutes les parties de la Nymphe
{e détachent peu-à-peu de cette peau. Elle s’ar-
rondit & fe durcit autour d’elles, & fous cette
finguliere voûte elles achevent de fe perfection-
ner. Elles n’ont d’abord que la confiftance d’une
bouillie. Cette bouillie s’épaiflit par degrés. Elle
prend la forme d’une Boule alongée, & lorfque
tous les membres de la Nymphe ont acquis une
certaine confiftance, ils fortent les uns après
les autres de l’intérieur de la Boule, & s’ar-
rangent comme ceux des autres Nymphes [3 ].
L21 Zbid, Chap. XV.
[3] FF SwammERDAM avoit obfervé le premier ce genre
fingulier de métamorphofes ; mais il ne l’avoit pas autant ap-
profondi que M. de REAUMUR. C’eft dans les Vers de la viande
que cet illuftre Académicien a fuivi de jour à jour les pro-
grès de la transformation, &, pour ainf dire, les différentes
phofes fous lefquelles l’Infeéte fe montre depuis le moment
de la formation de la cogne, jufqu’à celui où il paroît fous
la forme de Mouche à deux aîles. Cette fuite d'obfervations
284 CONTEM PEL A TTOM
EN devenant une efpece de coque, la peau
de linfecte ne perd pas dans toutes les Efpe-
ces, la forme qui étoit propre au Ver: il en
eft où elle la conferve fi bien, que le Ver méta-
morphofé ne differe prefque pas du Ver qui
ne s’eft point encore transforme.
EE ——
C:H AP E T'RESAN EE
VIE =
n°)
La Mouche-Araignée.
Le Poule qui pondroit un œuf aufli gros
qu’elle, & dont il écloroit un Coq ou une Poule,
nous offriroit un prodige que nous aurions
peine à croire fur le rapport de nos propres
yeux. Une Mouche qui hante les Chevaux [1],
fur la métamorphofe en Boule alongée | eft d'autant plus pré-
cieufe, qu’elle met dans le jour le plus lumineux cette grande
vérité fur laquelle j'ai fi fouvent inffté ; que toutes les parties
d'un Corps organifé ont toujours coexifté enfemble, & que
celles qui paroiffent Le former fous nos yeux, ne font réellement
que fe développer.
C1) tt On la trouve auffi fur le Bétail, fur les Chiens &
sans les nids des Hirondelles. Elle eft à deux aîles : fa cou-
leur ef brune; fa Forme très - applatie ; fa tête aflez petite
proportionnellement au corps, & de figure approchante de la
_ sureté
DE LA NATURE.IX.Purt. 28$
& que fa forme a fait nommer Mouche-Araignée ,
nous offre un pareil prodige; il ne doit pas
nous paroître moins étrange pour n'avoir lieu
que dans un infecte. S'il étoit une loi du Regne
organique, à laquelle nous ne connuflions au-
cune exception, c’étoit aflurément celle qui
veut que tout Corps organifé ait à croître après
{à naiffance. Voici néanmoins une Mouche qui
pond une-efpece d’œuf, d’où fort une Mouche
auffi grande & aufli parfaite que fa Mere. Cet
œuf eft prefque rond, d’abord blanc, -puis d’un
noir d'Ebene, & qui a de l'éclat. Sa coque et
ferme & polie... mais je me hâte de détrom-
per mon Lecteur : ceci n’eft point un véritable
œuf; il n’en a que les apparences: c’eft lin-
fecte lui-même qui a pris la forme de Boule alon-
gée dans une coque faite de fa propre peau.
La chofe n’en devient pas moins merveilleufe.
Tous les infeétes qui {fe métamorphofent, fu-
biffent leurs diverfes transformations hors du
ventre de leur Mere. Ils ont mème beaucoup
à œoître avant que de fubir leur premiere trans-
formation, & ne croiflent plus après lavoir fu-
bie. Nous avons donc ici un infecte qui {e
triangulaire. Elle court plus qu'elle ne vole. Le grand Mé-
thodifte de la Suede l’a défignée fous le nom Latin d'Hiy-
tobofca.
2966 CONTÉMPLATION
transforme fnème dans le ventre de fa Merej
& qui n’a plus à croître dès qu’il en eft forti.
NE vous défiez pas de Îa vérité de ce faits
il eft trop bien attefté: mais je ne veux laiffer
aucun doute dans votre efprit. On a ouvert à
diférens termes de ces coques de la Mouche-
Araignée, dé ces prétendus œufs, & l’on y a
trouvé les mêmes chofes qu'on voit dans les
Nymphes ex Boule alongée, obfervées dans leurs
différens âges. Je puis vous dite plus, on a
découvert des fligmates à cette efpece de coque
qu’on prendroit pour un véritable œuf; preuve
évidente qu’elle etoit la peau d’un Ver qui s’eft
transformé fous cette peau même. Un œuf ne
fe donne pas des mouvemens: notre coque
s’en donne quelquefois de très-fenfibles ; & dans
certaines circonftances , l’intérieur en laifle ap-
percevoir qui s’attirent l'attention de l’Obfer-
vateur. [l lui femble voir de petit nuages qui
fe fuccedent fans interruption, & qui vont
d’un mouvement prosreflif & affez uniforme,
d’un bout de la coque au bout oppofé. Dans
les coques avortées ou pondues avant terme,
ces couches nébuleufes ont une direétion con-
traire à celle qu’elles ont dans les coques à terme.
Vous avez vu que la circulation change de di-
DE LA NATURE. IX. Part. 29
tetion chez la Nymphe (2): puifque nos cou-
ches nébuleufes en changent aufli , elles nous
indiquent aflez clairement, que la coque avor-
tée eft le Ver lui-mème, qui n’a pas encore
fubi fa métamorphofe. Ce Ver eft à la vérité
un Etre fort fingulier : il n’a ni tète ni bouche
ni aucun membre: mais un infecte appellé à
\ prendre tout fon accroifflement dans une forte
d’ovaire, n’avoit befoin ni de bouche ni de
membres : il y eft nourri apparemment comme
le font les œufs des Oifeaux dans les srompes
qui les renferment. Une difletion délicate dé-
montre l'ovaire de la Mouche, & le Ver logé
_ au milieu.
ES
1 =
=
CEA MIILRE, VIH.
Réflexions [ur les progres de l'Hifloire naturelle.
Le Naturalifte Philofophe doit fur -tout in-
filter fur les exceptions aux regles qu’on eftime
générales. Rien n’eft plus propre à former le
jugement & à le prémunir contre les conclu-
fions précipitées, qui font l’écueil le plus dan
gereux de la Phyfique.
(2) Chap. V. de çette Partie,
288 CONTEMPLATION
QuanpD on divifa les Animaux en Vivipares
& en Ovipares, on crut embrafler toutes les
Efpeces, & épuifer le Regne animal. Le Puce-
ron elt venu le premier. choquer cette fameufe
divifion, & nous montrer un Animal à la fois
vivipare & ovipare. Le Polype à bras a paru
enfuite, & nous a offert un Animal qui, mul-
tipliant par rejetons, peut être nommé à bon
droit Ramipare. Il ya même des obfervations
qui femblent prouver qu’il eft encore ovipare.
Une autre efpece de Polype, qui multiplie auffi
par rejetons, & qui eft très-bien caractérifée
par une forte de panache, pond de véritables
œufs. Ces œufs peuvent être gardés au fec des
mois entiers, comme la graine des Vers-à-foie;
& fi on les feme enfuite dans l’eau, il en naîtra
autant de Polypes. Le Polype à bulbes [1] pout-
roit être défigné par l’épithete de Bulbipare. Mais
comment défigner la multiplication des autres
Polypes à bouquet, celle des Polypes ex saffe [2],
celle du Mille-pieds à dard (3)2 Enfin, la Mou-
che-Araignéè nous préfente une autre maniere
de multiplier, qui n’a rien de commun avec
aucune de celles que je viens d'indiquer, &
(x) Chap. XI de la Part. VIII.
(2) Chap. XIII de la Part. VIII.
(3) Ibid. Chap. XIV.
qu'on
|
|
DE LA NATURE. IX. Part. 289
qu’on a effayé de rendre par le terme de Nyw-
_ phipare. Combien d’autres manieres de propager ,
qu’on découvrira un jour, & pour lefquelles
il faudra créer de nouveaux termes ! Contem-
plez les progrès rapides de l'Hiftoire naturelle
depuis trente ans: vous croirez voir un Géant
s’avancer dans la carriere, & compter fes pas
par fes conquêtes. Il avoit langui des fiecles
dans l’obfcurité & dans la barbarie de l'Ecole ,
lorfqu’éveillé par la voix d’un Repi, animé
par celle des MaLpriGHi, des SWAMMERDAM,
foutenu, encouragé, excité par celle des VaL-
LisNieRi, des REAUMUR , il a franchi la nuit
du Cahos, & terraflé l’ignorance, l’erreur , le
préjugé, qui, comme autant de Monftres, dé-
fendoient les approches de la Nature. Qui peut
dire où fe termineront les conquêtes de cet
Homme puiflant ? Il conquerra enfin la Nature
entiere , & les Annales de fa vie feront l’Hiftoire
de nôtre Globe.
Les Anciens, qui ne pouvoient guerc qu’en.
trevoir, n’ont prefque fait que {e copier les
uns les autres. Les premiers Modernes les ont
copiés à leur tour. Ils lifoient dans les Anciens,
ce qu’il falloit lire dans la Nature; mais les
fceaux du Livre de la Nature n’avoient pas
encore été enlevés, Un coup du hafard a enri-
Tome II. É
299 CONTEMPLATION
chi d’autres Modernes de nouveaux yeux, &
les Anciens ont été trop méprifés, parce qu'ils
ont paru des efpeces d’aveugles. Le halard ou
Vart donneront peut-ètre de meilleurs yeux en-
core aux Modernes futurs, & nos Modernes,
qui nous paroiffent fi éclairés, feront regardes
eux-mèmes comme des aveugles.
C.H A2P.0 TR ER EE
Êbanche d'une Divifion générale des Infectes.
Lr différentes manieres dont les infectes
parviennent à l’état de perfection, femblent les
divifer naturellement en autant de Clailes. Je
vais effayer de crayonner les principaux traits
de cette Divifion; mais je déclare par avance,
que je la regarde moins comme une Divifion;
que comme un fimple Tableau des #étamor-
pholes. Je n’ai pas oublié mes réflexions {ur les
Nomenclatures [1], & fur l'imperfection de nos
connoifances en Hiftoire naturelle. Nous ne
fommes pas à beaucoup près au temps où l'on.
ourra former une bonne diftribution des In-
P
Ç:) Chap. X de la Partie VIU.
|
[l
:
RE ER PR OS DO ECO où a
Re + Se Bras Me dt us ml ml it.
|
|
|
|
|
DE LA NATURE. IX. Part. 291
feétes. Celle dont je hafarde l’ébauche , avoit
déja été adoptée dans le dernier fiecie par un
grand Obfervateur [ 2 ], qui en avoit defliné les
principaux linéamens.
Jai donné le nom d’Iufe‘ologie à cette Par-
tie de l’'Hiftoire naturelle qui a les Infectes pour
objet : celui d’Entomologie, qui eft tout Grec,
convenoit mieux, fans doute, & on l’a remar-
qué; mais fa barbarie m'a effrayé. Si le Public
décide fur ce point, je me conformerai à fa
décifion.
Les infectes, confidérés à leur naiffance , fe ran«
gent naturellement fous deux Clafles générales.
La premiere comprend les infeétes 4 forme
invariable , ou qui confervent la mème forme
pendant toute leur vie.
La feconde comprend les infedtes 4 forme
variable, ou qui ont des sétamorphofes à fubir.
[21 tt SWAMMERDAM, qui avoit diftribué tous les infectes
en quatre Claffes générales, dont les caratteres étoient pris des
transformations qu'ils fubiffent, J'ai tâché de perfeétionner un
peu cette méthode , qui eft toute à l'Obfervateur Hollandois,
foit en définiflant clairement & avec précifion les caraéteres de
chaque Claffe, foit en indiquant quelques (ources de Sous-
divifions.
T2
292 CONTEMPLATION
À la premiere Clañle appaïtiennent tous des
infectes qui peuvent être multipliés de bou-
ture , & qu’on a défignés par l’épithete affez im-
propre de Zoophytes ; les Sanglues, le Vers du
Corps humain, les Mites ou Cirons, les Arai-
gnées , les Cloportes , les Mille-pieds , Re. &c.
On ne manqueroit pas de caraéteres pour
fous-divifer cette Clañe. Les jambes en fourni-
roient un qui feroit pris de la ft:uéture mème,
& qui donneroit deux Clafles fubordonnées.
La premiere embrafleroit les Apodes ou les in-
fectes qui naiflent fans pieds; la feconde, les
Polypes ou les infectes qui naiflent avec plu-
fieurs pieds. Celle-ci fe fous-diviferoit par le
nombre des pieds : ainfi le Mille-pieds, le Clo-
porte , l’Araignée, appartiendroient à des Ordres
diférens.
Mais la maniere de multiplier préfenteroit
d’autres caracteres mieux aflortis aux principes
de cette méthode. Les infectes qu'on multiplie
par la fe&ion , & qu’on pourroit nommer Seéxiles,
les Rawipares , les Bulbipares (3), &c. forme-
roient divers Ordres très-bien caractérifés.
La maniere de croître & de propager de cer-
G) Voy. le Chap. VII de cette Partie.
DE LA NATURE. IX. Part. 293
tains Mille-pieds [4], donneroit heu à des fous.
divifions fort naturelles ; car ils ne font pas pro-
bablement les feuls infeétes qui croiflent & pro-
pagent ainfi.
La feconde Claffe générale ou celle des Infectes
a forme variable, {e divife en quatre Claffes
fubordonnées.
I. La Claffe des Fauffes-Nymphes.
IL La Claffe des Nymphes.
III. La Claffe des Nymphes à peau de Ver.
IV. La Claffe des Chryfulides.
Les infectes qui appartiennent à la Claffe des
Fauffes-Nymphes , naiflent ordinairement avec fix
pieds & fans ailes. Sous cette forme ils fautent,
ils courent, ils cherchent leur nourriture,jufqu’au
moment où quittant leur derniere peau,ils paflent
du rang d’infectes rampans au rang d’infeétes ai
lés. A'ors deux tubercules placés fur le dos de lin.
fecte, & qui conftituoient la Fauffe-Nymphe, fe
crevent & laiffent fortir les ailes qui étoient pliées
C4] Zoid. Chap. XIV de a Partie VIII, & Chap. IŸ de cette
Partie.
Ti3
294 CONTEMPLATION
& empaquetées dans ces enveloppes, comme une
fleur dans fon bouton [5]. De ce nombre font
les Demoilelles, les Grillons, les Sauterelles , les
Cigales, les Taupes-Grillons, les Punaifes des
champs & les aquatiques, les Ephémeres, les
Perce-oreilles, &c. &c.
Uxe Efpece de cette Claffe nous offre un
caractere remarquable, qu’on découvrira appa-
remment à d’autres Efpeces de la mème Clafle,
& qui pourroit fournir à une fous-divifion. On
fait que la plupart des inféctes changent plu-
fieurs fois de peau dans le cours de leur vie.
On connoît les mues ou les maladies du Ver-
à-foie : mais après la derniere métamorphofe,
les infeétes ne fe dépouillent plus. Une jolie
Efpece de ces Mouches, que wa courte durée
de leur vie a fait nommer Ephémeres, a “encore
une dépouille à rejeter après avoir pris des
ailes, & c’eft pour elle un grand travail que de
fe tirer de cette dépouille, dans laquelle toutes
fes parties extérieures font logées , comme dans
autant de fourreaux. f
Les infectes qui viennent fe ranger fous la |
[5] Coniultez le Chap. V de cette Partie, pénultieme Para
graphe.
14
DE LA NATURE. IX. Part. 295$
Clafle des Nyimphes, après avoit rejeté la peau
qui leur donnoit leur premiere forme, laiflent
paroître toutes les parties de lPAnimal futur,
mais qui n'ayant pas encore reçu le degré de
confiftance néceffaire pour que l’infecte en puifle
faire ufage, font ramenées fur fa poitrine, fur
laquelle elles reftent couchées fans aucun jeu,
recouvertes d’une peau fine & tranfparente,
qui, s'appliquant exactement fur la furface de
chacune de fes parties, permet d’en obferver
diftinétement la forme. C’eft cet état #10yen entre
Pâge d’imperfection & celui de perfection , qui
conftitue le caractere propre de la Nysmphe. Les
Abeilles , les Guèpes, les Frelons, les Bourdons,
quantité d’autres Mouches, les Fourmis, les
Scarabées, Re. &c. fubiffent ce genre de tranf.
formation. Prefque tous ces infectes font im-
mobiles dans l’état de Nywphe : quelques uns
néanmoins confervent la faculté de fe mouvoir ,
& fe meuvent avec agilité le Coufin en eft un
exemple.
Les Infe@es qui appartiennent à la Claffe des
Nymphes à peau de Ver, ne rejetent pas en
revêrant là forme de Nyrmphe, la peau qui leur
donnoit leur ancienne forme, mais la confer.
vent, fans pourtant y être aucunement adhé-
rens ; de la mème maniere à-peu-près qu'un
T4
296 C0. N\TE-M;P:. L'ANTT ON
Homme retire {es bras de dedans ceux de fa robe
de chambre, fans néanmoins la quitter Ce chan-
gement elt précédé dans ces infectes de celui
qu'on nomme ex Boule alongée, fous lequel PAni-
mal ne montre aucune des parties qui forment la :
Nymphe, mais qui fe développent & s’arrangent
enfuite fucceflivement (6).
Cette Clafle peut ètre fous-divifée :
1. En Clafle des Nymphes oviformes.
2. En Clañfe des Nymphes vermiformies.
Les infectes de la premiere de ces Clafles,
confidérés dans leur ètat de Nymphes, reflem-
blent beaucoup à des œufs : on les a mème pris
pour tels, mais il y en a qui retiennent les inci-
fions annulaires de la peau de Ver, qui peuvent
fervir à ‘es faire reconnoître. Il faut confidérer la
peau du Ver fous laquelle cette forte de Nymphe
eft renfermée, comme une véritable coque, ou fi
l’on veut, comme un étui qui s’ajufte fi bien fur
fon extérieur, que non-feulement il ne permet
pas d’en découvrir les traits, mais qu’il ne laifle
encore à l’Animal aucun mouvement fenfible. Les
Mouches qui dépofent leurs œufs {ur la viande
(8) Voyez le Chapitre VI de cette Partie,
DE LA NATURE. IX. Part. 297
& fur les chairs corrompues , plufieurs de celles
qui proviennent de Vers mangeurs de Cheniiles,
celles qui hantent les privés, & que leur reflem.
blance avec les Abeilles a fait nommer Æbelii-
formes , les Taons, &c. fe rangent fous cette
Claffe fubordonnée.
Les infectes de la feconde Claffe ou de celle
des Nymphes vermiformes, confervent dans cet
état moyen la forme de Ver; enforte que la
Nymphe ne differe principalement de celui-ci que
par fon immobilité. On ne connoît encore qu’une
efpecè-d’infee qui appartienne à cette Clafe,
favoir la Mouche nommée 4 corfelet armé: mais
il n’y a pas lieu de douter qu’on ne découvre
d’autres efpeces qui grofliront cette Claffe; il
n'eft rien d’unique dans la Nature.
Les infecteS qui appartiennent à la Claffe des
Chryfalides , après avoir rejeté la peau qui leur
donnoiït leur premiere forme, laifflent bien ap-
percevoir toutes les parties de l’Animal futur;
mais moins diftinctement que dans la Nymphe
proprement dite; à caufe d’une feconde enve-
loppe épaifle, opaque & cruftacée, qui les re-
couvre toutes enfemble. La Famille fi nombreufe
& fi variée des Papillons fe range fous cette
Clañe, & l’on fait que tous les Papillons ont été
Chenilles.
508 CONTEMPLATION
La forme des Chryfalides fournit quelques
caraéteres pour des fous- divifions de cette
Claffe. Les unes font eoniques & unies: les
autres font angulaires & hériflées de pointes , de
piquants ou de crochets.
Au refte, la Mouche- Aruignée (7), qui appar-
tient à la Clafñle des Nymphes oviforines, doit
être rangée dans un ordre particulier, où pro-
bablement elle ne demeurera pas folitaire.
DE ee ee
"CHA PI TREUS
Explication des métamorphofes. Les mues des
Infectes.
Nous l'avons déja obfervé; un Animal ne
differe pas plus d’un autre Animal , qu'un Ver ne
differe d’une Nymphe. Et ce qui rend cette mé-
tamorphofe encore plus furprenante, c’eft qu’elle
femble s’opérer tout d’un coup, & prefqu’à la
maniere de celles de la Fable.
QueLce eft donc ici la marche de la Nature?
Par-tout ailleurs elle va par degrés. Un déve.
(7) Chap. VIL de cette Part,
DE LA NATURE. IX. Part. 299
loppement infenfible conduit tous les Corps or-
ganifés à l’état de perfection. Cette loi fi uni.
verfelle fouffriroit -ellé ici une exception ? Un
fait que je vais indiquer, nous aidera à pénétrer
ce myftere.
BorNoNs-Nous aux Chenilles ; elles font affez
connues, puifque le Ver-a-foie elt une véritable
Chenille. De temps en temps la Chenille change
de peau, & cela lui eft commun avec la plupart
des infeétes [1 ]. Ce font ces mues qu’on nomme
Maladies dans le Ver-èà-foie, & qui en font ef.
fetivement. Mais, ce qu'il cft important de re-
marquer, c’eft que la dépouille que la Chenille
rejete à chaque mue elft fi complete, qu’elle
paroïît elle-même une véritable Chenille. On lui
trouve une tête, des yeux, une bouche, des
ftigmates, & généralement toutes les parties ex-
térieures qui font propres à l’infecte.
COMMENT la Chenille eft-elle parvenue à fe
défaire de tant d’organcs, & à en revêtir de
nouveaux , femblables aux premiers? Rien de
Cr] tf La plupart des Chenilles ne changent que trois à
quätre fois de peau avant que de fe transformer en Chryfa-
lide. Mais il en eft qui en changent jufqu'à huit & même
jufqu’à neuf fois. Mr. LYONET en a vu des exemples.
350 CONTEMPLATION
plus fimple : les nouveaux organes étoient logés
dans les anciens comme dans autant d’étuis ou
de fourreaux. En changeant de peau, la Che-
aille n’a fait que les en retirer, & elle les en a
retirés, parce que les fourreaux étoient devenus
trop étroits.
CET emboïitement eft fi réel qu’on le voit à
œil. On peut encore le démontrer par une
expérience très-facile. Si à approche de la mue,
on coupe les premieres jambes de la Chenille,
elle fortira de fa dépouille, privée de ces jambes.
Ainsi, cette Chenille que nous regardions
comme un Etre fimple & unique, étoit, en
quelque forte, un Etre multiple ou compofé de
plufieurs Etres femblables, emboîtés les uns
daus les autres, & qui fe développent fuccefli-
vement.
DE-La naît une conjeure très-vraifemblable;
la Chryfalide n’auroit-elle point été logée fous la
derniere peau que la Chenille doit rejeter ?
Cette peau ne feroit-elle point un mafque qui
la dérobe à nos yeux ?
UX célebre Obfervateur [2] s’eft affuré par
[2] SWAMMERDAM: il fit voir vers l'an 1667, au Grand
|
|
DEEA NATURE. IX. Part. 301
une expérience décifive de la vérité de cette con-
jecture, Il a effayé de faire tomber le mafque,
& il a eu le premier la gloire d’y réufhr: il a
mis ainfi à découvert une Chryfalide très-aifée
à reconnoître. Îl a vu les fix jambes de cette
Chryfalide fortir des fix premieres jambes de la
Chenille, & tous les autres membres de celle-
là, ployés ou couchés fous différentes parties
de celle-ci.
LES métamorphofes des infeétes rentrent donc
dans l’ordre des développemens & le confirment.
La Chryfalide ou plutôt le Papillon, car elle n'eft
au fond qu’un Papillon emmailloté ; la Chryfa-
lide, dis-je, préexiftoit dans la Chenille. Elle ne
fait que s’y développer , & la Chenille eft l’efpec
de Machine préparée pour opérer de loin ce dé-
veloppement. Elle eft, en quelque forte, à la
Chryfalide, ce que l'œuf eft au Poulet.
NoTre curiofité s’excite à la vue de ces véri-
tés : nous voudrions voir plus loin, & fuivre
tous les changemens progreflifs qui fe font dans
l'intérieur de linfecte, lorfqu’il pañle de la pre-
miere période à la feconde. Nous defrerions de
pénétrer le fecret de tous ces changemens. Nous
Duc de Tofcane, cette forte d’emboîtement du Papillon daus
la Chenille.
30% C'O'NTEM EL E AM MOER
{ouhaiterions de furprendre la Nature, tandis
qu’elle eft occupée à perfectionner & à finir fon
ouvrage, en le faifant pafler par divers degrés de
compofition & de confiftance. L'Art n’eft point
encore parvenu juiques-là : mais lon ne peut
trop exhorter les Naturaliftes à diriger leur re-
cherches vers ce fujet iutérefiant, & qui a des
liaifons fi étroites avec les points les plus im-
portans de l'Economie animale. Voici là-deflus
quelques faits qui éclairciflent un peu cette -ma-
tiere obfcure, & qui peuvent frayer une route
à de nouvelles découvertes.
C' HIANP'INPURUE v, 74 à
Faits relatifs à la nas'ere dont les métamorphofes
s’operent.
Ds les Chenilles, le fac inteftinal eft formé
de deux membranes principales, ou de deux facs
très-diftindts, inférés l’un dans l’autre: le fac
extérieur eft compact & charnu. Le fac inte-
rieur eft mince & tranfparent. Queiques jours
avant la métamorphofe, la Chenille fe vide
& rejcte avec fes excrémens la membrane qui
revêt intérieurement fon eftomac & fes inteltins,
|
DE LA NATURE. IX. Part. 303
UNE matiere grafle, ordinairement jaune, ré-
pandue dans tout l’intérieur de la Chenille, & qui
y prend le nom de corps graiffeux , s’épaiffit de
plus en plus après la métamorphofe, & paroît
être à la Chryfalide, ce qu’on a cru que le jaune
de l'œuf étoit au Poulet. |
PENDANT la métamorphofe, l’on voit des pa-
quets de trachées qui fortent des ftigmates de la
Chryfalide, & qui demeurent attachés à la dé-
pouille de Chenille.
La mème chofe s’obferve dans les différentes
mues qui précedent la métamorphofe.
IMMÉDIATEMENT avant & après la transfor-
mation, toutes les parties de la Chryfalide font
d’une molleffe extrème. Ce n’eft que par degrés
infenfibles qu’elles prennent de la confiftance.
L'on pourroit légitimement en inférer , que dans
des temps fort éloignés de la transformation, la
Chryfalide eft prefque fluide (1). Vous avez
(1) SWAMMERDAM avoit déja remarqué que les mem
bres de la Mouche font fluides comme l'eau, dans l'état de
Nymphe. On juge bien que cette fluidité n’eft qu'une pure
apparence, & qu’elle cache une véritable organifation, qu'une
goutte de vinaigre ou d’efprit-de-vin verfée dans le prétendu
fluide, décéleroit. Ce cas eft analogue à celui de l'Embryon
“ -
304 CONTEMPLATION
vu [2] que le Végétal & l’Animal ne font d’abord
qu'une forte de gelée.
LE fuperfu des liqueurs qui baignent intérieu-
rement toutes les parties de la Chryfalide, doit
s'évaporer, pour que ces parties acquierent le
degré de confiftance qui leur convient. Cela
s’exécute par une tranfpiration infenfible, mais
quelquefois fi abondante , qu’elle égale la ving-
tieme du poids de l’infecte.
Si l’on retarde cette tranfpiration , foit en en.
duifant la Chryfalide d’un vernis impénétrable à
l'eau , foit en la tenant dans un lieu froid , on pro-
longera fa vie dans un rapport direct à la dimi-
nution de la tranfpiration. Le contraire arrivera fi
on l’expofe à un air plus chaud que celui auquel
elle auroit été expolée naturellement ; par exem-
ple, à celui d’une étuve.
Arnsr, telinfeéte qui, laiffé à lui-mème , n’au-
roit vécu que quelques femaines , pourra par ces
divers moyens n’achever fa carriere qu’au bout
de quelques mois , ou l’achever , au contraire , au
bout de quelques jours.
du Poulet ou de la Rrebis. ( Confultez la Note 6 du Chap X'de
la"Part. VII, & la Note 2 du Chap. XI de la même Part.
C2] Part. VI & VIL
IL
DE LA NATURE. IX. Part. 304
IL en eft à-peu-prés d’un œuf de Poule , com-
me d’une Chryfalide. Il doit auffi tranfpirer , &
tranfbirer beaucoup : fi on l’enduit de vernis ou
fimplement de graifle, on le confervera frais des
mois entiers.
Ces Sauvages de l'Amérique qui fe peignent
de diverfes couleurs, ou qui s’enduifent d’une
épaifle couche de graifle, auroient-ils été confir-
més dans cette pratique bilarre par des raifons
de fanté (3)? La chaleur exceffive des Climats
qu’ils habitent, leur auroit-elle enfeigné utilité
de cette précaution ? Les Hottentots, fcrupuleux
obfervateurs de ces coutumes, vivent long-
temps. Les Peuples du Nord parviennent aufli à
une grande vieillefle. Les Poifons, qui tranfpi-
rent bien moins encore, vivent des fiecles. Les
Marmottes, les Loirs & bien d’autres Efpeces
d'Animaux, pañlent l’hiver dans une forte de
léthargie : comme ils ne tranfpirent alors que
tres peu, ils n’ont pas befoin de manger (4).
(3) tt Il ne s’agit ici que d’une tranfpiration exceflive ; car
on fait affez combien il feroit nuifible à la fanté de diminuer trop
Ja tran{piration infenfible. [ Confultez la Note 2 du Chap. If de
la Part. VII. ]
(4) tt Ce weft point que les parties, foit extérieures, foit
intérieures, ne reçoivent aucune nourriture pendant ce fom-
meil léthargique. Il eft prouvé qu'il ef dans ces Animaux une
Tome II. V
306 CONTEMPLATION
Peu de temps après que le Papillon s’elt défait
de l'enveloppe de Chryfalide, il fe vide de nou-
veau, & ce qu’il rejete paroït être un amas de
chairs difloutes. La couleur rouge que ces déjec-
tions affectent quelquefois, nous donne la caufe
naturelle des prétendues pluies de fang.
À la foible lueur de ces faits, hafardons de
fäire quelques pas dans les fentiers ténébreux des
métamorphofes.
Ée —— mmmme gmnee LUS
C H'A'P TR EMEA:
Ebauche d’une Théorie des métamorphofes.
Ur infecte qui doit muer cinq fois avant que
de revêtir la forme de Chryfulide, eft un compofé
de cinq Corps organifés , enfermés les uns dans
les autres, & nourris par des vifceres communs , !
placés au centre. |
abondante provifion de graiffe , qui paîle dans le fang, & qui
eft élaborée de nouveau par les organes de la nutrition & des
fécrétions , & portée enfuite à toutes les parties pour leur en- !
tretien. C’eft à-peu-près ainfi que les parties du Papillon font k
nourries dans la Chenille par le corps graifleux , comme je le dirai
bientôt,
WE —
s
DE LA NATURE. IX. Part. 307
CE qu’eft le bouton d’un Arbre aux boutons
invifibles qu’il renferme, le corps extérieur de
la Chenille nouvellement éclofe left aux corps
intérieurs, qu’elle recéle dans fon fein.
QuaTRE de ces corps ont la mème ftruéture
eflentielle, & cette ftructure eft celle qui eft
propre à l’infecte dans l'etat de Chenille. Le cin-
quieme corps, très- différent, eft celui de la
Chryfalide.
L'Érar refpedtif de ces corps fuit les pro-
portions de leur diftance au centre de l’Animal.
Ceux qui en font les plus éloignés ont le plus
de confiftance ou fe développent le plutôt.
LORsQUE le corps extérieur a pris tout fon
accroiflement, le corps intérieur qui le fuit im-
médiatement, eft déja fort développé. Bientôt
il fe trouve logé trop à l’étroit. Il diftend de
toutes parts les fourreaux qui le renterment. Les
vaifleaux qui portoient la nourriture à ces enve-
loppes, rompus ou étranglés par cette forte
diftenfion , ceffent de fervir. La peau fe ride &
fe defleche. Elle s'ouvre enfin; & l’infecte pa-
roit revètu d’une peau nouvelle & d’organes
nouveaux.
UX jeûne d'un jour ou deux précede chaque
V 2 |
808 C'O NT EM P LA BB FOM
mue. Il eft probablement occafioné par l'état
violent où fe trouvent alors tous les organes.
Peut-être aufli qu'il étoit néceflaire à la réuilite
de l'opération , & qu’il prévient les obftruétions,
les dépôts, &c.
Quorqu’iz en foit, l’infecte eft toujours très-
foibie au fortir de chaque mue. Tous fes organes
fe reffentent encore de l’état où ils étoient fous
l'enveloppe dont ils viennent d’être débarrafés.
Les parties écailleufes, comme la tête & les jam-
bes, ne font prefque que membraneufes, &
toutes font baignées d’une liqueur qui fe gliffe
avant la mue entre les deux peaux, & en facilite
la féparation. Mais peu-à-peu cette humidité
s'évapore: toutes les parties prennent de la
confiftance , & l’infecte eft en état d'agir. Le
premier ufage que quelques efpeces de Che-
nilles, qui ne vivent que de Feuilles, font de
leurs nouvelles dents, eft de dévorer avidement
leur dépouille : quelquefois même elles n’atten-
dent pas à le faire que leur mâchoires aient
achevé de fe fortifier. Cette dépouille feroit-
elle pour elles un aliment propre à réparer leurs
forces & à les augmenter? On voit aufli des.
Chenilles, qui rongent la coque de leurs œufs
après en être orties, & qui vont même ronger
celle des œufs dont les Chenilles ne font pas
encore éclofes,
DELA NATURE. IX. Part. 309
Dès qu’on a une fois conçu que toutes les
parties extérieures de mème genre font emboi-
tées les unes dans les autres, ou pofées les
unes fous les autres, la production des nou-
veaux organes n’a plus rien d’embarrafflant, &
il ne doit yavoir à cet égard aucune différence
elfentielle entre les cinq mues , que nous avons
fuppofé précéder la transformation. Il ne s’agit
dans tout cela que d’un fimple développement.
Mais il n’en eft pas abfolument de mème
_ des changemens qui fe font dans les vifceres,
avant, pendant, & après la métamorphofe. Ici
la lumiere qui nous éclairoit, s'éteint prefqu’en-
tierement , & nous fommes réduits à tâtonner.
Il ne paroït pas que l’infete change de vif
ceres, comme il change de peau. Ceux qui exif- -
toient dans la Chenille exiftent encore dans la
Chryfalide , mais modifiés; & ce font la nature
de ces modifications & la maniere dont elles
s’operent, que nous voud#ions pénétrer , & qui
nous échappent. .
Nous avons vu (1), que peu de temps avant
la métamorphofe, la Chenille rejete la mem-
brane qui tapifle intérieurement le fac inteftinal.
(1) Chap. X de cette Part,
#10 CONTEMPLATION
Ce vifcere, qui n’a encore digéré que des nour-
titures aflez groffieres, doit déformais en digérer
de tres-délicates. Le fang qui circuloit dans la
Chenille. du derricre vers la tète, circule en
fens contraire après la transformation. Si ce ren-
verfement eft auf réel que les obfervations
paroiflent l'indiquer , quelle idée ne donne:t:il
pas des changemens que fouffre l’intérieur de
l'Animal [2] !Ceux, qu'éprouve la circulgtion du
fing dans l'Enfant nouveau né, ne font pref-
que rien en comparaifon (3 ).
Jar dit, qu'il ne paroïifloit pas que l’infeéte
changeit de vifceres: cela n’eft pas exact, fi l’on
met les trachées au rang des vifceres. Jai fait
remarquer, que pendant la mue, l’on voit des
paquets de ces vaifleaux qui fuivent la dépouille,
& font rejetés avec elle (4). De nouvelles
(2) tt Ce donte que je manifeltois ici par ces exprefhñons :
Si ce renverfement eft auff réel que les obfervations paroiflent
l'indiquer, eft bien fortifié par l'obfervation de M. Lyoner,
dont j'ai fait mention, Note 1 du Chap. V de cette Partie.
(3) tt On fait que chez le Fætus le fang ne traverfe point
le poumon : le Fœ@tus ne refpire pas; le fang y pale immé.
diatement du ventricule droit du cœur dans le ganche , par un
trou de commugication, connu fous le nom de érox ovale. Ce
trou fe ferme après la naiflance , & le fang eft forcé d’enfiler la
route du poumon.
(4) Chap. X de cette Partie.
DE LA NATURE. IX. Part. 311
trachées font donc fubftituées aux anciennes :
mais, comment fe fait cette fubftitution ?
Comment des poumons font-ils remplacés pat
d'autres poumons ? Plus on -cherche à appro-
fondir cette matiere, & plus lobfcurité s’ac-
croit (5). Mais quel eff le fujet de Phyfique où
nous mnéprouvions pas de pareilles difficultés ,
lorfque nous voulons en atteindre le fond? Il
femble que notre condition actuelle foit de ne
voir que la premiere furface des chofes.
PEnpanT que la Nature travaille à changer
les vifcetes & à leur donner une nouvelle vie,
elle s'occupe en même temps du développement
de divers organes qui étoient inutiles à Pnfecte,
tandis qu'il vivoit fous la forme de Chenille ,
& que le nouvel état auquel il eft appellé ; lui
rend nécefaires. Pour mieux aflurer le fuccès
de fes différentes opérations, elle fait tomber
(s) ++ M. de GEER, qui a fuivi de fort près la transfor=
mation de la Chryfalile en Papillon, a très-bien vu des filets
blancs qui fortoient alors de l'intérieur des ftigmates du Papil-
lon, & qui demeuroient alhérens à la dépouille de Chryfalide.
Il conjecture que ces filets font la membrane fine qui tapiMloit
intérieurement les trachées , & dont elles fe dépouillent comme
par nne forte de mue analogue à celle de l'eftomac de l'Ecrevifle
ou de celle dela Chenille, M. LYONEr confirme quelque part
cette conjecture.
VIA
312. CONTEM P.L A TI.0.N
linfecte dans un profond fommeil pendant le.
quel elle opere à loifir, & par degrés infen fibles.
LE corps graiffeux, fubitance délicate & pré-
parée de loin, paroït être le principal fond de
la nourriture qu’elle diftribue à toutes les pat-
tics, pour les conduire > la perfeion. L’éva-
poration qui fe fait des humeurs aqueufes ou
fuperflues, donne lieu aux élémens des fibres
de fe rapprocher & de s'unir plus étroitement.
De-là naît une augmentation de confiflance dans
tous les organes. Les petites plaies que la rup-
ture de plufeurs vaifleaux à occafonces en di-
vers endroits de l'intérieur, {e confolident in-
fenfiblement. Les parties qui ont été mifes dans
un état violent, ou dont les formes & les pro-
portions ont été modifiées jufqu'à un certain
point, fe plient par degrés à ces changemens.
Les liqueurs obligées d’enfiler de nouvelles rou-
tes, prennent peu-à-peu cette direction. Enfin
les vaiffeaux qui étoient propres à la Chenille,
& dont quelques-uns occupoient une place con-
fidérable dans fon intérieur, font effacés où con-
vertis en un fédiment liquide, que le Papillon
rejete après avoir dépofé le fourreau de Chry-
falide [6]. | ;
(6) +t Voilà une très-légere idée de la Théorie des méta-
morphofes de la Chenille, d'après les obfervations de l'illnftre
DE LA NATURE. IX. Part. 313
Chaque métamorphofe a fes modifications
particulieres, qui la préparent & l’achevent. Les
REAauMUR. L'infatigable LYONET , qui a percé bien plus avant
dans ces ténebres, nous donne dans fon étonnant 7ruité, de bien
plus grandes idées des changemens qui furviennent dans l'inté-
rieur de l'infeéte, avant , pendant & après la métamorphofe. Je
dois le laiffer parler lui-même ; car qui a plus de droit que lui
d'être écouté fur cette matiere ? \
>» Quel méchanifme furprenant , dit-il, ne doit pas renfer-
» mer un Animal, dont la ftruéture intérieure ne change pas
+ moins du tout au tout que l’extérieure! C’eft encore le cas
» de notre infeéte. Devenu Phalene, on n'y trouve prefque
,,. Plus aucune trace de ce qu'il étoit dans fon état de Chenille.
» Ce nombre proiigieux de mufcles , répandus dans tout fon
» Corps, & arrangé avec tant d'ordre, a difparu dans la
» Paalenc, pour faire place à des mufcies d'une forme &
»» d'une ftruéture entiérement différentes. Il n’y refte plus
» que quelques débris groffers de l’æfophage , du ventricule,
» des inteftins & des vaifleaux foyeux & diffolvans. L'éco-
» nomie du cœur y eft entiérement changée, de même que
>> celle des nerfs, dont neuf ganglions ont difparu. Les
5 branches n’ont plus qu’une feule tunique. La plupart ont
» perdu ieur ufage, & ne tiennent à rien. En la vlace de
» tout cela, l'on trouve une tête entiérement nouvelle, à
» tous cgards différente de celle de la Chenille, & pourvue
» de plus de vingt-deux mille yeux , dont chaque œil eft pro-
# bablement un télefcope àtrois lentilles pour le moins. Un
3» corfelet, dont la charpente écailleufe, intérieure & exté-
>, rieure , forme un affemblage très-compofé de pieces d’une
» fruure Fort finguliere, auquel tiennent des mufcles auffi
fingaliers, qui font agir des jambes bien différentes des
s
…
314 CONTEMPLATION
Nymphes 4 peau de Ver [7] ne paroiflent d’a-
bord qu’une bouillie plus ou moins épaifle, &
e , . ; 072 mm .
qui n'offre rien d’organifé. Vous laifleriez-vous
tromper par cette apparence ? Admettriez-vous
que les molécules de cette bouillie, en s’accro-
chant les unes aux autres, vont faire un Ani-
mal comme nous faifons un fromage ? Vous
rougiriez d’une telle Phyfique! Des Phyficiens |
célebres n’en ont pourtant pas rougi, & cela
3» Premieres, & des ailes d’une, compofition admirable, Un
>» Corps qui renferme, dans les Femelles, um utérus, um
» ovaire rempli de quelques centaines d'œufs, des vaiffeaux ,
, dont le fuc rend les œufs gluans, & un inftrument artif-
» tement compofé & très-agile pour pondre les œufs. Dans
5 le corps des Miles, on ne vVoit rien de pareil, mais en
» la place on y tronve les parties propres à la génération &
5 à l'accouplement. Et qu'a-t-on vu dans cet Ouvrage, tout
3» détaillé qu'il eft, qui indique tant de nouvelles parties,
» après la diflolution des premieres ? Prefque rien du tout. .
Un examen circonftancié de ces nouvelles produétions dans [4
grefMf qu’elle fubit en paflant d'un état à l'autre, eft cer-
tainement digne de toute notre attention ..
LT
vs
2
…
On fentira plus fortement encore tout ce qne ces transfot-
imations recélent d'admirable, fi l’on, prend la peine de relire la
Note où j'ai tenté de crayonner, d’après notre Auteur, l’éton-
nant appareil des vifceres de la Chenille. ( Note 1, Chap. XIX,
Part. IL. )
(7) Confultez le Chap, IX de cette Partie.
Phalene qui naît de notre Chenille, & du changement pro-
PSE
és De CR Sp mc.
DE LA NATURE. IX. Part. 315
mème eft un des phénomenes les plus étranges
que nous préfente notre fiecle, ce fiecle de Phi-
lofophie. Vous venez d'apprendre que c’elt par
l’évaporation du liquide fuperfu , que les organes
très-mous & prelque Auides prennent de la con-
fitance. Hâtons cette évaporation , nous les ame-
nerons plutôt à cet état de confiftance. Dans cette
vue , faifons cuire nos Nymphes à peau de Ver;
cette bouillie qui ne paroiflo point organifée,
s’épaifira beaucoup , & nous montrera toutes les
parties d’une Nymphe. Ces parties préexiftoient
donc à leur premiere apparition, mais leur flui-
dité & leur tranfparence les déroboient à nos re-
gards. Vous êtes encore ramené ici au Poulet, qui
a auffi fes métamorphofes, dont on vous a dé.
voilé le myftere (8).
EE —
CHAPITRE XIIL
SA ÎLE ere
#7)
Réflexions [ur les métamorphofes.
Qui on confidere d’un œil métaphyfique
les métamorphofes des infees, on eft furpris
de ia fingularité des moyens que l'AUTEUR de la
Nature à jugé à propos de choifir pour conduire
(8) Part. VIE, Chap. IX, X. 3 | »
3146 CONTEMPLATION
différentes Efpeces d’Animaux à la perfection.
Pourquoi le Papillon ne naïît-il pas Papillon ?
Pourquoi paffe-t-il par l’état de Chenille, & par
celui de Chryfalide? Pourquoi tous les infectes
qui fe métamorphofent, ne fubiffent-ils pas les
mêmes changemens ? D’où vient que parmi les
Efpeces qui revetent la forme de Nymphe, les
unes rejetent la peau de Ver, tandis que d’au-
tres la confervent ? D'où vient encore que
parmi les infeétes qui paflent par l'état de Nym-
phe à peau de Ver, il en eft un qui prend cette
forme dans le ventre mème de fa Mere ?
CEs queftions, comme toutes celles qu’on
peut faire {ur les Æjences, ont leurs folutions
dans le Syffême général, qui nous eft inconnu. Si
tous les degrés de la perfection ont dû être rem-
plis, il y auroit eu apparemment une lacune dans :
la fuite, fi les infectes qui fe métamorphofent
m’avoient été appellés à l’exiftence.
ENTRE les Animaux, les uns naiflent vivans.,
& teis qu’ils feront eflentiellement pendant tout le
cours de leur vie.
Les autres viennent au monde renfermés dans
un œuf, dont ils fortent fous une forme qui ne
doit point varier.
L
DE LA NATURE. IX: Part 317
D’AUTRES naïflent dans un état qui differe
fort peu, quant à la ftruéture , de celui qui eft
propre à l’âge de maturité.
D’AUTRES, après être nés, revêtent fuccefli-
vementc plufieurs formes, plus ou moins éloi-
gnées de celle qui conftitue l’état de perfection.
D’auTRres enfin fubiffent une partie de ces
transformations dans le ventre de leur Mere, &
* naiflent auffi grands que celle qui leur a donné le
jour.
JE laiffe les Efpeces contenues fous ces Clafles
générales.
Maïs fans chercher à pénétrer la raifon méta-
phyfique des métamorphofes , obfervons attenti-
vement le fait & fes conféquences immédiates.
ConsIPÉRONS la variété que ces métamor-
phofes répandent dans la Nature. Un feul in-
dividu réunit en foi deux à trois Efpeces diffé-
rentes. Le mème infette habite fucceflivement
deux à trois Mondes: & quelle n’eft point la
diverfité de fes manœuvres dans ces différens
féjours!
REMARQUONS encore à quel point les rela<
318 .C. O:N TE. MP. BeA TI ON
tions , que la Mouche ou le Papillon foutiennent
avec les Etres qui les environnent, fe multi-
plient par leur métamorpholes. Arrètons nos
regards fur la coque du Ver-à-foie : admirons
combien de mains & de machines ce petit globe
met en jeu. De quelles richefles n’aurions-nous
pas été privés, file Papillon du Ver-à-foie füt
né Papillon [1]!
Les infectes qui fubiflent des transformations
ne nous ont point encore offert d’Efpece qui
multiplie de bouture ou var rejetons. On n’en
fera pas furpris, quand on réfléchira fur la
(11) +t Les Chenilles nous vaudroient bien d’autres richeffes,
fi nous entreprenions de mettre en œuvre les coques de foie,
que diverfes Efpeces de ces infeétes favent fe conftruire. Celles
qui ne pourroient pas être filées, pourroient au moins ètre
cardées, & fervir utilement en différentes Fabriques, telles
que celles des bas, des draps, des feutres, des ouates, du
papier, &c. Les épreuves qu’on a déja faites cn quelques-uns
de ces genres, font très- propres à encourager les Amis des
Arts. Mais ce ne font pas feulemznt les coques de nos Che-
nilles dont on pourroit tirer parti; il eft de ces infeétes qui
vivent en fociété dans des nids de pure foie, qui fouruiroient
abondamment à des eflais utiles. L'illuftre RrAuUMUR , aufi
bon Citoyen que grand Obfervateur, & qui s’étoit tant occupé
de la pratique des Arts, n’avoit pas manqué d’infifter beaucoup
fur ces objets d'utilité publique, & de faire fentir tout ce qu’on
pouvoit s’en promettre.
DELA NATURE. IX. Part. 319
grande compofition du corps de ces infedtes &
fur fes réfultats les plus eflentiels. Mais ne préci-
pitons point notre Jugement , & n’en concluons
pas que la propriété de multiplier de bouture ou
par rejetons eft incompatible avec les métamor-
phofes [2]. La Nature nous cft trop peu connue,
pour que nous foyions en drojt de former de
femblables conclufions. Le Puceron & les Polypes
nous ont fourni de bons préfervatifs contre les
conclufions trop générales [3].
[21 ++ La Grenouille & le Crapaud font venus confirmer
cette réflexion logique. On n’ignore pas que ces Amphibies
fubiffent des efpeces de métamorphofes, & que fous leur pre-
miere forme de Tétards , ils n'ont qu’une grofle téte &
une longue queue, M. SPALLANZANI s’eft affuré que dans ce
premier état, ils peuvent reproduire les membres qu'on leur
a retranchés. IL faudroit tenter fur les infectes qui fe méta-
morphofent, des expériences analegues , & les varier aptant
qu'elles demandent à l'être, foit dans le rapport à l’âge, foit
dans le rapport aux procédés.
_ (3) Chap. IX, XVI, XVII, de la Part. VIII.
ape
ES
320 CONTEMPLATION
C HAE LT RE SE
AE
De la perfonnalité chez les Infectes qui fe
métamorphofent.
Di qu’il eft prouvé que la Chenille eft le
Papillon lui-mème , rampant, broutant, filant;
& que la Chryfalide eft encore le Papillon em-
maillotté , il eft affez évident qu’il n’y a pas dans
la Chenille trois Moi ou trois Perfonnes (1). Le
RER —
(Gi) tt M. de GEER fait une remarque qui prouve bien
que la Chenille & le Papillon ne compofent qu'un même Tout
individuel. Je la tranfcrirai ici dans fes propres termes.
3 Nous voyons, dit-il, par ces obfervations, que les Papil-
» Jons font garnis de dix-huit ftigmates, dont il y en a neuf
» de chaque côté du corps, tout comme fur les Chenilles ;
» que les huit premiers anneaux du ventre ont chacun une
3» paire de fligmates, mais que le neuvieme & dernier an-
» neau en manque. Le dernier anneau du corps des Chenilles
» €ft aufli dépourvu de ftigmates. Nous voyons encore que
» la partie membraneufe en forme de cou, qui unit la tête
»» & le corfelet enfemble, & à laquelle les deux jambes an-
n térieures font attachées, eft aufli garnie de deux ftigmates,
»» qui répondent à ceux du premier anneau de la Chenille.
12 Les fecond & troifieme anneaux du corps de la Chenille
» L'ont point de ftigmates ; ce font ces anneaux qui répondent
:, au corfelet écailleux du Papillon, qui manquent de ftig-
méme
»
DE LA NATURE. IX. Part. 224
mème Individu fent, touche, goûte, voit, agit
par différens-organes en différentes périodes de
fa vie. Il a dans un temps des fenfations & des
befoins qu’il n’a pas dans un autre, & ces {en-
fations & ces befoins font toujours dans le rap-
port aux organes qui les excitent. Il ne faut pas
embarraffer ce fujet de difficultés qui n’en nait
ent pas immédiatement. Îl ne faut pas ñon pius
poufler la curiofité au - delà des bornes que la
Raifon lui afligne.
5 mates. Ceci nous montre en même tems la conformité de la
» correfpondance remarquable qu’il y a entre les parties de la
# Chenille & celles du Papillon
Tone Il. hs
322 CONTEMPLATION
,,: DUE À MAD. |
PCR RL eLSeS.,
re
DIXIEME PARTIE.
PARALLELE DES PLANTES ET DES
ANIMAUX.
ED =——m—— Y TS
CHAPITRE PRIME
Introduéfion.
ot nous nous fommes occupés de la
progreffion graduelle des Etres & de l’économie
organique, nous avons eu de fréquentes occa-
fions de comparer les Végétaux & les Animaux.
Raffemblons ici ces divers traits d’analogie, épars
ça & là : compofons-en un tableau, où plus
rapprochés & plus finis, ils fixent agréablement
notre attention [1]. Nous rechercherons enfuite
.
[1] ff Tout ce que j'ai raffemblé dans ce Parallele touchant
la Phylique des Plantes & celle des Animaux; n'étant qu'un
très-léger précis de ce que j'ai expofé affez en détail fur ces
fujets, dans les Parties VI, VIT, VIII, & fur- tout dans les
Notes additionnelles, mon Leéteur voudra bien recourir au
beloin à ces divers endroits de l'Ouvrage. Je dois éviter ici de
multiplier les citations on les renvois.
——
r »
a
te. ce tt
DE LA NATURE. X. Part. 323
s’il eft quelque caractere qui diftingue effentielle-
ment le Végétal de l’'Animal,
CHAPITRE TE
AC
La graine.
Ur: graine féconde eft un corps organifé,
qui, fous diverfes enveloppes plus ou moins
épailles & plus ou moins nombreufes, contient
une Plante en raccourci.
UNE fubftance blanchitre, délicate & fpon-
gieufe, remplit la capacité de la graine. De pe-
tits vaifleaux qui partent du germe, parcourent
cette fubftance en fe divifant & fe fous-divifant
fans cefe.
Mise en terre, humectée & échauffée juf.
qu'à un certain point, la graine commencè
à germer. L’humidité qui a pénétré {es enve-
loppes, difout la fübftance fpongieule ou fari-
neufe , & fe mèle avec elle. Il. {e forme de ce
mélange une efpece de lait, qui, porté par les
petits vaiffleaux à l’'Embrion , lui fournit une
nourriture proportionnée à fon extrème déli.
gateffe,
X 2
524 CONTÉMPLATION
La tadicule commence ainf à fe développer.
Elle groffit & s'étend de jour en jour. Bientôt
elle fe trouve trop refferrée. Elle fait effort pour
{ortir. Un petit trou ménagé à la furface exté-
rieure de la graine facilite cette fortie. La radi-
cule s'enfonce en terre infenfiblement, & y
puife des nourritures plus fortes & plus abon-
dantes.
La petite fige, cachée jufques-là fous les en-
veloppes de la graine, fe montre à fon tour.
Les tégumens s’ouvrent pour lui laiffer un libre
paflage. Fortifiée par les nouveaux fucs qu’elle
tecoit , elle perce la terre & s’éleve dans l'air.
CH MPTF RENE
L'euf. |
Ur œuf fécond eft un corps organifé , qui,
fous diverfes enveloppes plus où moins fortes,
& plus où moins nornbreufes renferme un
Animal en petit.
ET
UXE matiere fluide, fuceulente & gélatineufe
remplit la capacité de l'œuf, Des vaifleaux infe
DELA NATURE. X.Parr. 325
niment déliés fe ramifient dans cette matiere, &
aboutifent au Germe par différens rameaux.
_ ÉCHAUFFÉ d'une maniere convenable, {oit
pat la feule Nature. foit par le fecours de
VArt [x], l’intérieur de l'œuf commence à sa.
Ci] ft Je faifois ici alufion à l'Art ingénieux de faire
éclore les Oïifeaux au moyen de différentes fortes de fours ou
d'étuves. On connoît les fours des Egyptiens, dans lefquels
ils font éclore à la fois des centaines ou même des milliers
de Poulets. M. de REAUMUER étoit parvenu à fimplifier beau-
eoup cette pratique fi ancienne des Egyptiens, & à la mettre
à la portée des Gens de Ja Campagne. Il avoit heurenfement
imaginé de fubftituer à la chaleur du feu ordinaire celie du
fumier, & aux fours de maçonnerie, de fimples tonneaux.
It avoit porté cet Art utile à an grand point de perfeétion,
& divers Amateurs François qni s’étoient empreffés à mar-
cher fur fes traces, avoient eu des fuceès étonnans. Il m'é-
crivoit lui-mème un jour, qu'une Dame de fes Ainies , qui
n'en étoit qu'à [es premiers eflais fur les fours à fumier, avoif
eu fur cinquante œufs quarante-fix Poulets. 1 ajoutoit, que deux
œufs s'étoient trouvés clairs. Je n’avois pas été, à beaucoup près,
auf heureux dans mes tentatives fur les œufs de Poule: je
m'avois obtenu en Poulets bien vivans qu’un peu plus de læ
moitié du nombre des œufs mis en expérience dans des fours
verticaux, & chaufés par la chaleur du fumier. Divers acci-
dens imprévus étoient venus à la traverfe. Mais j'avois eu
les plus grands fuccès avec des œuf de Caille, puifque fur dix
à douze de ces œufs, j'étois parvena à avoir huit à dix Cailletaux
bien conditionnés.
X 3
326 CON TEMPLATION
nimer. Excitée par une douce chaleur , la ma-
tiere qui environne le Germe s’infinue dans
les petites ramifications , d’où elle pañle dans le
cœur dont elle auginente le mouvement. L’Ani-
mal devient ainfi un Etre vivant. Il croit & fe
fortifie chaque jour par l’affluence de nouveaux
fucs, plus nourriflans & plus travaillés.
ENrin, lorfque ces fucs font épuifés , Animal
a pris tout l’accroifflement qu'il pouvoit recevoir
dans l'œuf. Il s’y trouve: logé trop à Pétroit.
Cet œuf eft devenu pour lui une prifon : il
cherche à fe mettre en liberté. La Nature lui en
a facilité les moyens , foit en le munilfant d'inf-
trumens propres à percer ou à déchirer les en-
veloppes qui le renferment [24, foit en donnant
D’autres Phyficiens ont eu recours à des moyens différens
pour faire développer le Germe dans l'œuf. Au lieu de fumier,
il en ef qui ont employé avec fuccès la fannée. D’autres ont
réuffi à opérer ce développement dans de petits fours de bois,
échaufés par la chaleur d’une lampe. Enfin, on a imaginé ré-
cemment (4) de fubftituer le Auide électrique au feu & aux ma
tieres qui fermentent; & cette expérience qu’on fent bien qui
n’eft que de pure curiofité, a déja eu des fuccès frappans, &
bien propres à faire juger de ce que peut le fluide électrique fur
le développement des Corps organifés.
(a) M, AcHarp, de l’Académie de Pruffe.
[25 tt C’elt avec fon bec que le Poulet brife : circulaire-
DE LA NATURE. X: Part. 327
° à l'œuf une ftrudure qui favorife fes efforts [3].
L'Animal paroit au jour & jouit d'une nou-
velle vie.
EYe
TS
AY C————
CRAN PULTURE LAVE
Le Bourgeon.
L: graine eft donc à la Plante, ce que Pœuf
eft à PAnimal. Mais la Plante n’eft pas feulement
ovipare; elle eft aufli vivipare;s & ce que le
Fœtus eft à l’Animal , le Bourgeon left au Vé-
®
gétal.
Cacué fous l'écorce, le Bourgeon y prend
fes premiers accroiflemens. Ily elt d'abord ren-
fermé en petit dans des enveloppes membra-
neufes, analogues à celles de la graine. Il tient
à l'écorce par des menues fibres qui lui tranfmet-
ment fa coquille ; & il femble que ce foit pour mieux afuret
les coups qu'il lni porte, que la tête fe tronve placée alors
entre l'aile & le corps. Divers Infeétes pourvus de dents fa-
vent s'en fervir pour la même fin.
[31 Il eft, par exemple, des œufs d'Infétes, qui act
une forte de couvercle que le Petit fait fauter où qu'il fou-
leve pour venir au jour,
X 4
323 CONTEMPLATIOCON
tent une nourriture appropriée à fon état. Par-
venu à une certaine groffeur, il perce lécorce
pour venir au jour. Ïl apporte en naiffant les
enveloppes qui le renfermoient & dont il fe dé-
fait bientôt. Cependant, trop foible pour fe pañler
‘ des alimens que fa Mere lui fournit, il lui de-
meure encore attaché; & ce n’eft qu'au bout.
de quelque tems qu’il peut en. ètre féparé fans
rifque.
_#"
CHAPITRE V.
ER — a —
Le Ferus.
Dr dans la matrice, le Fœtus*y prend {es
prem ers accroillemens. E y eft d’abord contenu
en raccourci dans des enveloppes membraneufss ,
analogues à celles de l’œuf. Il jete dans la ma-
trice de petits vaifleaux, qui y pompent la nour-
riture deftinée à le faire croître. Parvenu à une
certaine grandeur, il rompt {es enveloppes & pa-
roît au jour. Quelquefois ces enveloppes l’accom-
pagnent à fa fortie. Après être né, le petit Ani-
mal ieft pas toujours en état de fe paffer du fe-
cours de fa Mere. Êlle doit lui fournir encore
une nourriture, dont il ne fauroit ètre privé
fans rifque, qu’au bout d’un certain tems.
DE LA NATURE. X. Part. 329
CHAPETRE VL
La nutrition de la Plante.
La Plante fe nourrit par incorporation des
matieres qu’elle recoit du dehors. Ces matieres
font très-hétérogenes ou très-mélangées. Pom-
pées par des pores des racines ou par ceux des
feuilles , elles nt probablement conduites dans
les utricules, où elles fermentent & fe digerent.
Elles pafñlent delà dans les fibres ligneufes, qui
les cranfmettent aux vafes propres, où elles pa-
roiient fous la forme d’un fuc plus ou moins ce-
lore & plus où moins coulant. Les ranriñcations
des vafes propres les diftribuent enfuite à toutes
les parties, auxquelles elles s'unilent par de
nouvelles fitrations.
DEs tuyaux faits d’une lame argentée, élaf.
tique, & tournée en fpirale, à la maniere d’un
reflort à boudin, accompagnent les vaifleaux
feveux dans leur cours. Deftinés à la refpiration,
ces tuyaux iutroduilent dans la Plante un air
frais & élaftique, qui prépare la feve, la fubrilife,
la colore peut-être, & aide encore à fon mou-
vement: le fuperflu des matieres ou la partie
538 CONTEMPFL A TION
la moins propre à s’unir à la Plante, eft portée
à la furface des feuilles, d’où elle s'échappe par
une tranfpiration infenfible, mais très-abon-
dante [1]. Des globules, des véficules ou d’au-
tres organes excrétoircs , diftribués fur les jeu-
nes poufles & fur les feuilles, procurent lé-
vacuation des matieres les plus groflieres ou les
plus épaiflies.
DS
NE ee mm
GC: HA P LE RPE LIVE:
La nutrition de l'Animal.
Lo. fe nourrit par l’incorporation des
matieres qui lui viennent du dehors, Ces ma-
tieres font très-hétérogenes. Recues par la bou-
che ou par d’autres ouvertures analogues, elles
font conduites dans l’eftomac & les inteftins,
où elles fubiffent différentes préparations : elles
paflent de-là dans les veines laées & leurs
dépendances, ou dans d’autres vaifleaux ana-
logues, qui les tranfmettent aux vaifleaux fan-
guins, où elles fe montrent fous la forme d’un
Cr] tt Il eft des Efpeces qui rejetent en vingt-quatre
heures par cette tranfpiration, une quantitéjde matiere égale
au poids total de leur cerps,
DELA NATURE X. Paré 93Y
Auide plus ou moins coloré, ou plus ou moins
coulant. Les ramifications des vaifleaux fanguins
les diltribuent enfuite à toutes les parties, aux-
quelles elles s’incorporent par de nouvelles pré-
parations.
Des tuyaux compofés d’anneaux cartilagineux
ou d’une lame argentée & élaftique, tournée
en fpirale (1), communiquent avec les vaif-
feaux fanguins ou les fuivent dans leur cours.
Appropriés à la refpiration , ils introduifent
(1) tt Je rappellois ici à môn Le@eur les trachées des
Infeétes, dont j'ai beaucoup parlé dans la Note 1 du Chap.
XIX de la Part. II. Mais en touchant dans le Chapitre pré-
cédent de la même Partie, aux organes de Ja refpiration, qui
fe montrent à l'extérieur, je n'ai rien dit de quelques autres
organes analogues, qui ont reçu le nom d'oufes, & qui fem-
blent imiter par leurs fonctions celles des Poiflons , quoique
bien différens par leur pofition & Leur ftru@ure. C’eft fur le
Ver & fur la Nymphe de l'Ephémere , & fur certaines Teignes
aquatiques qu’on trouve de ces ouïes. Elles font placées à
Vextérieur du corps, où elles fe montrent fous la forme de
poils ou de filets blancs, plus ou moins longs. Plufieurs an
neaux font garnis de ces fortes d’ouies. Tantôt elles forment
des houppes ou des aigrettes ; tantôt elles font,difpofées de
maniere qu’elles imitent des feuilles de Plantes. L'Infecte les
- agite fouvent avec vitefle, & leur donne toutes fortes de di-
reétions. Mais nous manquons de recherches aflez approfondies
fur egs organes finguliers.
332 CONTEMPLATION
dans l’Animal un air frais & élaftique, qui pre.
pare le fang, l’atténue, le colo:e peut-être, &
aide encore à fon mouvement. Le. fuperflu des
matieres où la partie la moins propre à s'unir
à l’Animal, eft portée à la furface de la peau,
d’où elle s'échappe par une tranfpiration in-
fenfible, mais trés-abondante. Des glandes ou
d’autres organes émondcoires, placés en diffé.
rens endroits du corps, procurent l'évacuation
des matieres les plus groffieres ou les plus épaiflies.
Op
CAHARBRTITIRE,; VIIL
L'accreiflement de la Plante.
Ex Plante croît par développement, ou par
l’extenfion graduelle de fes parties en longueur .
& en largeur. Cette extenfion eft fuivie d’un
certain degré d’endurciflement dans les fibres.
Elle diminue à mefure que lPendurciflement aug-
mente. Elle cefle lorfque les fibres fe font en-
durcies au point de ne plus céder à la force
qui tend ‘à agrandir leurs mailles.
Les Plantes où l’endurcifflement fe fait le
plus tard, font celles qui croiffent le plus longs
> bts cet LE RÉ a EE
—. ”
a Et ter Cite à À ue -
nd dt di Me ee
DE LA NATURE. X. Part. 333
temps. Les Herbes croiflent & s’endurciflent
plus promptement que les Arbres. Parmi celles-là,
il en eft dont laccroiflement cefle au bout
de quelques femaines ou mène de quelques
jours [r]. Parmi ceux-ci, il en eft dont Paccroifle.
ment ne cefle qu’au bout d’un grand nombre
d'années ou mème de plufieurs fiecles (2).
Ox obferve des différences analogues entre
les Individus d’une même Elfpece: les uns
s’endurciffant plutôt, croiflent moins ou reftent
plus petits: les autres s’endurcifflant plus tard,
deviennent plus grands.
Le Bourgeon n'offre rien de ligneux. Hey-
bacé dans toute fa fubftance, il ne devient lie
gneux que par degrés. Sa tige elt formée d’un
nombre prodigieux de lames concentriques les
unes aux autres, couchées fuivant {a longueur,
& -compofées de différens faifeaux de fibres,
[1] Les Champignons, par exemple, qui n’offrent rien de
ligneux, dont toute la fubftance paroîit membraneufe ou
parenchymateufe, parviennent la plupart à l’âge de maturité
dans un petit nombre de jours, les Moififlures en quel.
ques heures,
(2) Le Chêne, le Châtaignier, l'Orme, &c. vivent des
fiecles; & un Obfervateur célebre croit que le Baohab dn
Sénégal vit des milliers d'années,
334 CONTEMPLATION
formées elles-mèmes de l’affemblage d’un très:
grand nombre de fibrilles.
Au centre de la tige eft placée la moëlles
& les efpaces que les lames laiflent entr’elles,
font aufli remplis par une fubftance médullaire.
DE l’épaifliffement des lames réfulte l’ac-
croiflement en largeur. De l’alongement des la.
mes réfulte l’accroiffement en longueur. Toutes
les lames croiffent & s’endurciflent les unes après
les autres. Chaque lame croît & s’endurcit de
même fucceflivement dans toute fa longueur.
La partie de chaque lame qui croît & s’endurcit
la premiere, eft celle qui compofe le collet ou
la bafe de la tige. La lame qui croît & s’en:
durcit la premiere, eff la plus intérieure ou celle
qui environne immédiatement la moëlle. Cette
lame eft recouverte d’une feconde lame, qui de:
meurant plus duétile ou plus herbacée , s'étend
davantage. Une troifieme lame renferme celle-
ci, qui s’endurcifant encore plus tard, prend
encore plus d’accroiflement. Il en eft de mème
d'une quatrieme, d’une cinquieme ou d’une
fixieme lame. Toutes diminuant ainfi d’épaif.
feur, & s’inclinant vers l’axe de la tige à me-
fure qu’elles approchent de fon extrémité fu.
périeure, forment autant de petits cônes in£
DELA NATURE. X. Part. 33$
ærits les uns dans les autres, d’où réfulte la fi
gure conique de la tige & des branches.
DE Paflemblage des petits cônes qui fe font
endurcis pendant la premiere année, fe forme
un cône ligneux, qui détermine la crue de cette
année. Ce cône eft renfermé dans un autre cône
herbacé, qui n’eft autre chofe que l'écorce,
& qui fournira l’année fuivante un autre cône
ligneux, &c. Le bois une fois formé ne s’é-
tend donc plus.
Ainsi, dans les cicatrices, dans les greffes,
dans les différentes efpeces de tumeurs, lé-
corce eft la feule partie de la Plante qui tra-
vaille. En s'étendant, en s’épaififfant, en fe
tuméfant, l'écorce recouvre infenfiblement le
bois, elle forme le bourrelet, & produit des ex-
crefcences plus ou moins confidérables, fuivant
qu’elle eft plus ou moins facile à diftendre, ou
plus ou moins abreuvée de fucs [3],
(£) ff Si l'on fait paffer un fl d'argent dans l'épaiffeur
de l'écorce d’un Arbre en pleine végétation, on verra ce fil
s'avancer chaque année vers l'extérieur de l’Arbre, parce
qu’il fera emporté par les couches corticales qui fuivront Ja
même direction, Cette expérience ingénieufe de Mr. Dunamer
montre à l'œil le travail annuel de l'écorce.
36 CONTEMPLATION
— 45
C-H A PT TR ENRER
EN rer —— je
L’Accroiffement de V’ Animal.
Mn a croit par développement où par
l’extenfion graduelle de fes parties en tout fens.
À cette extenfion fuccede un endurcifement
dans les fibres. L’extenfion diminue à mefure
que l’endurciflement augmente. Elle ceffe lorf-
que l’endurciflement a été porté au point de
ne plus permettre aux fibres de céder à la force
qui tend à agrandir leurs mailles.
Les Animaux où l’enaurcifflement fe fait le
plus tard, font ceux qui croïiffent le plus long-
temps. Les Infectes croiflent & s’endurcifflent
plus promptement que les grands Animaux. Par-
mi ceux-là, il y en a dont laccroiflement cefle
au bout de quelques femaines ou mème de quel-
ques jours (1 ). Parmi ceux-ci, il y en a dont
(1) +t L'Ephémere fi célebre par la courte durée de fa
vie, née vit pas même un jouf fous la forme de Mouche,
Dans l’efpace de quelques heures, & quelquefois dans PEfpace
d'une heure, elle naît, s'acéouple , pond & meurt. Mais
qn ne doit pas oublier que l'Infeéte vit environ deux ans,
laccroifiement
DE LA NATURE. X. Part. 337
Paccroiffement ne cefle qu’au bout d’un grand
nombre d'années ou même de plufieurs fecles [2].
-ON obferve des différences analogues dans
Paccroiflement d'Iudividus d’une mème Efpece :
les uns s’endurciflant plus tard que les autres ;
acquierent une taille plus avantageufe.
Le Fœtus , pris dans fon! origine , n’offre tien
d’ofleux. Membraneux dans toute {à fubftance 3
il ne devient offeux que pas degrés. Ses os
font compofés d’un nombre prodigieux de James
enveloppées les unes dans les autres ; couchées
fuivant la longueur de Pos , & formées de di£.
fous fes premieres formes de Ver & de Nymphe,
La vie de certains Vers qui vivent dans les excrémens de
diver: Animaux ou dans les chairs Corrompues , eft pour
l'ordinaire très-courte. Mais c’eft fur-tout chez les Animalcules
des liqueurs, qu’on peut trouver des Efpeces pour qui un
jour eft, comme à nous , un fiecle où même davantage.
(2) ff On croit que l’Eléphant dan l'état de liberté vit
environ deux fiecles. Les Anciens avoient parlé de la ioggue
vie des Cerfs. L'Aigle & les grands Perroquets vivent un ou
deux fiecles. Les Poiffons & fur-tout les Cétacées pouflent leur
carriere bien plus loin encore,
On remarque en général, que chez les Animaux h durée
de la vie eft environ quintuple on fextuple de celle de l'ace
croiflement.
Tone II, Y
338 CONTEM P L AT I ON
férens faifceaux de fibres compofées elles-mêmes
de la réunion d’un très-grand nombre de fibrilles.
. Au centre de los eft placée la moëlle. Les
efpaces que les lames laiflent entr’elles , font
occupées par une fubftance médullaire.
jee 84
DE l’épaifliflement des lames réfulte l’accroif-
fement en largeur. Du prolongement des lames
rélulte laccroiflement en longueur. Toutes ces
lames croiflent & s’endurciflent les unes après
les autres. Chaque lame croît: & s’endurcit de
mème fucceflivement dans toute {a longueur.
La partie de chaque lame qui croît & s’endurcit
la premiere, elt celle qui compofe le milieu ou
le corps de los. La lame qui croit & s’endurcit
la premiere, eft la plus intérieure ou celle qui
environrne immédiatement la moëlle. Cette lame
eft recouverte d’une feconde lame qui demeu-
rant plus dudtile ou plus, membraneufe, sé-
tend davantage. Une troifieme lame renferme
celle-ci, qui s’endurcillant encore plus tard,
prend encore plus d’accroiffement. Il en eft de mê-
me d’une quatrieme, d’une cinquieme ou d’une
fixieme. Toutes diminuant ainfi d’épaifleur, &
s’'écartant de l'axe de los, à mefure qu’elles
approchent de fes extrémités, forment autant
de petites colonnes renfermées les unes dans
DE LA NATURE. X. Part. 339
les autres, & qui augmentent de diametre à
leurs extrémités. De là, la figure propre aux
os longs.
DE Paflemblage des lames qui fe font endur-
cies pendant la premiere année, rélulte la crue
de l’os pour cette année. Cet os demeure re-
couvert d’un grand nombre de lames membrd-
neufes ou tendineufes, qui portent le nom de
périofte, & qui en s’étendant & en s’endurcif-
: fant peu-à-peu, augmenteront l’os en tout fens.
L'os une fois formé ne s'étend donc plus (3).
(3) tt En compofant ce parallele des Plantes & des Ani.
maux, je ne pouvois manquer de toucher aux curieufes 6b-
fervations de Mr. DuHaAMEzL fur l'analogie des Arbres & des
os. Ce font aufli ces obfervations que j'efquiflais ici, & dont
je m'étois beaucouv occupé dans un autre Ouvrage.
Ce que l'écorce eft au corps ligneux, le périofte, paroït
. être à l'os. Et comme.il fe détache de l'écorce des lames
minces, qui fourniflent à l’accroiflement ou à la réparation
du corps ligneux, il fe détache de même du périofte des la-
mes minces, qui fourniffent à l’accroifiement ou à la répa-
ration de l'os.
L'écorce & le périofte font également formés d’une mul-
titude de lames concentriques, qui n'ayant pas toutes préci-
fément la même firuéture ni la même confiftance, n'ont pas
précifément la même fin.
Ce ne font que les lames les plus intérieures de l'écorce,
qui ont été deftinées à devenir bois, Ce ne font non plus
bé
340 CONTEMPLATION.
AtNst, dans Îles fractures, dans les anchylo.
fes, & dans les différentes efpeces d’excref-
que les lames les plus intérieures du périofte, qui devien-
nent os. {
L'écorce ne fe convertit pas proprement en bois. Le pé-
tiofte ne fe convertit pas proprement en os. Mais les lames
internes & herbacées de l'écorce ont originairement une orga-
nifation qui né convient qu'au bois. Les lames internes &
membraneufes du périofée ont de même une organifation pri-
mitive, qui ne conVient qu’à l'os.
Les lames internes de l'écorce & celles du périofte paffent
par degrés, de l'état herbacé ou membraneux à l'état ligneux
ou offeux.
Quand les unes ou les autres ont acquis par fucceffion
de temps le degré de dureté qui eft propre au bois ou à l'os,
elles né font plus fufceptibles d’accroiffement, & conféquem-
ment elles ne peuvent plus contribuer à la réparation du
bois ou de l'os.
Ainfñ, dans les plaies qui intéreffent le bois ou l'os, les
fibres vraiment ligneufes ou vraiment offeufes ne font aucun
travail. “La cicatrice ou le cal n’eft produit que par des fibres
herbacées où membraneufes , qui prennent peu-à-peu la*con.
fiflance du boïs ou de los. !
L'état herbacé ou membraneux eft tonjonrs précédé de l’état de
gelée ou de mucilage. Cette gelée, qu’on prendroit au premier
coup-d'œil, pour un fimple fuc épaifi , & qui a trompé d’hahi-
les Gens, eft fi bien un Tout organifé , que fi on la tient plon-
gée dans l’eau , )fans la détacher de fon fujet , elle n’y perdra
point fa forme, & continuera d'y végéter.
Cette analogie fi remarquable du périofte avec l'écorce, fe
manifefte fur-tout daus deux expériences qui paroiffent fort
DELANATURE. X. Part. 341
cences, foit naturelles , foit accidentelles, le pé-
riofte eft la feule partie de l’os qui travaille. En
s'étendant, en s’épaifliffant, en fe tuméfant,
le périofte recouvre l'os infenfiblement; il pro-
duit le canal, & forme des tumeurs plus ou moins
confidérables, fuivant qu'il a plus ou moins de
facilité à s'étendre, ou qu'il eft plus ou moins
décifives. Si l’on perce l’us de la jambe de quelqu’Animal vi-
vant, Le trou fe remplit bientôt par un tampon, d’abord
membraneux, puis cartilagineux, enfin offeux; & ce tampon
émane f eflentiellement du périofte, que fi l’on enleve celui-ci,
un peu au-defus de la plaie ; & que l’on continue à le détacher
de l'os, on enlevera en même temps le tampon. Si au lieu
de percer l'os, on le fraéture, & qu’on infere un fil de mé
tal entre les lames encore molles eu membraneufes du pé-
riofte : ee fil fe trouvera renfermé au,bout de quelquetemps,
eùtre des lames vraiment offeufes. Ces lames vraiment offeue
fes doivent donc leur origine à des lames purement mem-
braneufes du périofte ; ou pour parler plus exaétement, elles
ne font que ces lames purement membraneufes, devenues
offeufes par la nutrition.
Il y a donc toujours dans l’épaiffeur du périofte, des la-
mes difpofées à devenir os, comme il eft toujours dans l’é-
gorce des lames difpofées à devenir bais.
Toutes ces lames, comme je l'ai dit, ne font pas précis
fément femblables. Les lames internes du périofte font for
mées de fibres plus droites & plus ferrées que celles des Ia-
mes externes. Il en eft de même des lames internes de l’é-
corce; & elles ont de. plus des trachées , dont les lames ex.
ternes font privées. y .
3
332 CONTEMPLATION
abreuvé de fucs, ou de fucs plus ou moins
vifqueux.
CEe——— re
TS
CHA POI TORE 4
La fécondation de la Plente.
L: poufliere des étamines eft le principe qui
féconde la graine. Le pifkil eft le lieu où s’opere
cette fecondation.
RENFERMÉE dans des efpeces de véficules (1),
la pouihere fécondante y paroïît au microfcope,
fous l’'afpect d’un amas de petits Corps régu-
hers , ordinairement de figure fphérique ou ellyp-
tique, qui, humectés, s’ouvrent & laiffent échap-
per une légere vapeur dans laquelle nage une
grande quantité de grains d’une petitefle ex-
trème, qui paroifflent fe mouvoir de côté &
d'autre. Les pouflieres elles-mèmes, mifes dans
une goutte d’eau, s’y meuvent en divers fens
avec beaucoup de rapidité.
TROIS parties principales compofent le piftils
Ci) Les antheres ou fommets des étamines.
DE LA NATURE. X.Port. 343
la bafe, les conduits où trompes & le fom-
met [2]. La bafe contient une ou plufieurs ca-
vités où la graine elt logée. Les trompes font
des tuyaux coniques ou des efpeces d’enton
noirs fort alongés , dont l4 bafe ou l'ouverture
eft tournée vers le fommet. Celui-ci eft ordi-
nairement garni de plufieurs mamelons, percés
chacun d’un trou dont le diametre répond à
celui d’un globule de la poufliere.
DescenNpus dans les trompes, les globules
y font preñlés de plus en plus par le rétréciife-
ment de ces conduits. Ils y font humedés par
un fuc qui en enduit les parois. Ils s'ouvrent
& dardent la vapeur féminale, qui pénetre ainfi
jufqu'à la graine, & en procure la fécondation
PLusteurs Efpeces de Plantes ont de deux
fortes d’Individus ; des Individus qui ne por-
tent que les étamines, & ce font des Individus
Mäles ; & des Individus qui n’ont que le piftil,
& ce font des Individus Femelles.
Dans un grand nombre d’autres Efpeces
chaque Individu eft un véritable Hermaphro-
dite, qui réunit les deux fexes, les étamines &
[21] Ou ffiginate.
Ya
344 CONTEMPLATION
le piftil Tantôt cette réunion fe fait fur la
mème fleur; enforte que les étamines y environ-
nent le piftil. Tantôt cette réunion n’a lieu que
fur la mème branche; enforte que les étamines
$y trouvent placées fur un endroit, & le piftil
fur un autre.
Erin, il eft des Plantes dans lefquelles on
foupconne qu’il ne s’opére aucune féconda-
tion, du moius extérieure ou apparente, & dont
tous les Individus portent des femences fécon-
des par elles-mèmes.
E—— — 75
CHAPITRE XL.
AXE
La fécondation de l Animal.
La liqueur féminale eft le principe qui féconde
VPœuf. La matrice ou les ovaires font le lieu où
fe fait cette fécondation.
RERFERME’E dans les véficules féminales, la
liqueur fécondante y paroît au microfcope un
amas de petits corps réguliers, de figure plus
ou moins alongée, qui femblent fe divifer en
ya plus grand nombre de globules d’une petiteffe
DELANATURE X. Part. 34
extrème, & qui fe meuvent en différens fens [1].
Quelquefois ces petits corps font des efpeces
d'étuis à reforts, ‘qui étant humeétés s’ouvrent
& dardent au dehors une matiere limpide,
dans laquelle nage une grande quantité de très.
petits globules (2).
Troïs parties principales conftituent la ma.
trice ou fes dépendances ; le fond, les trompes
& les ovaires. Le fond renferme une ou plu-
fieurs cavités dans lefquelles les Embryons font
nourris & fe développent: il a un orifice à fa
partie antérieure. Les trompes font des tuyaux
coniques ou des efpeces d’entonnoirs très-alon-
gés, dont l'ouverture fe dirige vers les ovaires
& y aboutit. Les ovaires font des amas de vé-”
ficules qui font de véritables œufs.
PARVENUE par les trompes jufqu’aux ovaires,
(1) tt Je parlois ici d’après les obfervations de Mr. de
Burron fur les Corpufcules mouvans des liqueurs féminales;
mais il eft bien démontré aujourdhui, qu'il s’en étoit
Jaiffé impofer par des apparences trompeufes. Ces Corpufcules,
dont il nioit lPanimalité, font réellement des Animaux, dont
la forme alongée eft conftante, & qui ne prennent point une
figure fphérique. Voy. Note 6, Chap. XVII, Part. VIII
(2) tt Les laites du Calmar,
346 CONTEMPLATION
la partie la plus fubtile de la liqueur féminale
y féconde un ou plufeurs œufs. Ceux-ci def-
cendent alors par les trompes dans la matrice,
où ils fe fixent & fe développent.
CHEZ les Femelles ovipares, les œufs font
contenus dans des efpeces de boyaux ou d’in-
teftins dans lefquels ils prennent leur accroif-
fement : la liqueur féminale, dépofée dans une
ou plufeurs cavités, les féconde.
La plupart des Efpeces d’Animaux ont de deux
fortes d’Individus ; des Individus Mäles & des
Individus Femelles. Mais il eft d’autres Efpeces
dont chaque Individu eft un véritable Herma-
phrodite qui réunit les deux fexes, quoiqu'il
ne puifle {e féconder lui-mème.
Dans quelques Efpeces où la diftinétion de
fexes s’obferve , il ne fe fait aucun accouple-
ment proprement dit: le Mäle ne fait que ré-
pandre fa liqueur fur les œufs que la Femelle
a dépofés.
ENFIN, il eft des Efpeces qui fe propagent
fans aucune fécondation apparente ou extérieure.
HE Ne
DELA NATURE. X. Part. 347
CHAPITRE XIL
— se
La multiplication de la plante.
L: Plante ne multiplie pas feulement de graine
& de bourgeons ; elle fe propage encore par
Rejetons. Elle peut auf fe multiplier de bou-
ture & par les fecours de la greffe.
Ux Arbre poufle de différens endroits de fa
furface de petits boutons. Ces boutons grof-
fifent , ils s'ouvrent & laiflent paroître le Reje-
ton qui s'étend chaque jour. Pendant qu’il fe
développe , il poufle lui-mème d’autres Reje-
tons plus petits. Ceux-ci en pouffent à leur tout
de plus petits encore. Tous ces Rejetons font
autant d’Arbres en raccourci, & la nourriture
. que prend un de ces Rejetons fe communique
a toute la Plante.
PARVENUS à une certaine grandeur, & fé-
parés alors du tronc ou de la tige principale,
foit par la Nature, foit autrement, ces Reje-
tous fe foutiendront par eux-mêmes, & devien-
dront ainfi autant d’Arbres individuels.
348 CONTEMPLATION
COUPÉS par morceaux, felon leur largeur,
où mème felon leur longueur, ces Rejetons, re-
naitront d'eux-mêmes & deviendront autant
d’Arbres qu’on aura fait de morceaux. Les feuils
les elles-mêmes féparées de leurs Rejetons, pour-
ront donner autant de Plantes completes.
COLLÉS fortement les uns aux autres, ou
inférés les uns dans les autres, plufieurs Re-
jetons, foit du mème Individu, foit d’Indivi-
dus différens, s’uniront d’une maniere fi in-
time, qu'ils fe nourriront réciproquement, &
qu'ils ne formeront ainfi qu'un mème Tout
individuel.
GE —— CS
CH AP TTUR D PORN
La multiplication de l Animal.
SAGE ne Îe propage pas feulement pat
des œufs & par des petits vivans; il fe mul.
tipliè encore par Rejetons. Il peut aufli étre
multiplié de bouture & par le moyen de la greffe.
UXx Polype poufle de différens endroits de {on
corps de petits boutons. Ces boutons groffiflent
DE LA NATURE. X. Part. 349
& s’alongent infenfiblement. Chacun d'eux eft
un Rejeton. Pendant qu’il fe développe , il
poufle lui-mème d’autres Rejetons plus petits.
Ceux-ci en pouflent à leur tour de plus petits
encore. Tous ces Rejetons font autant de petits
Polypes, & la nourriture que prend un de ces
Polypes fe communique à tout l’affemblage.
PARVENUS à une certaine grandeur , ils fe {6
parent du tronc ou de la tige principale , & de.
viennent ainfi de nouveaux Individus.
CourÉs par morceaux tranfverfalement ou
mème longitudinalement, les Polypes renaiflent
de leurs débris, & deviennent autant de Poly-
pes complets, que la fection a donné de mor-
ceaux. Il n’eft pas jufqu’à la peau & juiqu’au
moindre de fes fragmens, quine puiflent donner
un ou plufeurs Polypes.
Mises bout à bout ou appliquées les unes
aux autres, les portions d’un même Polype ou
celles de différens Polypes s’unifflent d’une facon
fiintime, qu’elles fe nourriffent réciproquement,
& parviennent ainfi à ne former qu’un même
Tout individuel. |
Cr
39 CONTEMPLATION
Er —— —— 0 |
CH. APT TRE; XI:
Irrégularités dans la génération de la Plante.
La génération des Végétaux n’a pas une ré-
gularité conftante : les loix fuivant lefquelles elle
s’opere font quelquefois troublées ou modifiées
par divers. accidens. De là naiflent différentes
efpeces de Monftres & de Mulets.
! TANTÔT ce font des feuilles compofées, dont
les Folioles font plus ou moins nombreufes,
ou façonnées moins réguliérement, ou diftri-
buées d’une maniere moins fymétrique qu’elles
ne le font à l'ordinaire.
TANTÔT ce font des fleurs qui n’ont ni éta-
mines ni piftils, & dont les pétales (1) fort
multipliés paroiflent avoir abforbé ces parties fi
eflentielles.
TANTÔT ce font deux fruits collés l’un à
[1] On nomme ainfi les feuilles des fleurs. Leur affemblage
forme ce que les Botaniftes appellent la corolle. Mais toutes les
fleurs n’ont pas des pétales: Ceux-ci font toujours colorés, &
les fleurs leur doivent leur ptincipale parure.
DE LA NATURE. X. Part. 3S1
Vautre par une greffe naturelle, ou renfermés
l’un dans lautre.
TANTÔT ce font des fleurs ou des fruits dont
la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft pro-
pre à l'Efpece , &c.
ENFIN, ce font des produétions qui n’ap-
partiennent proprement à aucune Efpece, parce
qu’elles tirent leur origine de graines qui ont
été fécondées par des pouflieres d’Efpece diffé.
rente. :
(QE
NE
CRRA PTT KE. XV
\ rrégularités dans la génération de l’Animal.
L: génération des Animaux n’eft pas tou-
jours réguliere: les loix dont elle dépend font
quelquefois troublées ou modifiées par diverfes
circonftances. De là différentes efpeces de Monf-
tres & de Mulets.
TaNTÔT ce font des mains ou des pieds
dont les doigts font plus ou moins nombreux,
où figurés d’une maniere moins réguliere, ou
arrangés différemment qu’à l'ordinaire.
3532 CONTEMPLATION
TANTÔT ce font des Fœtus dans lefquels les
parties de la génération font oblitérées.
TANTÔT ce font deux œufs ou deux Fœtus
collés l’un à Pautre par une greffe naturelle , ou
contenus l’un dans l’autre.
Tanrôr ce font des œufs où des Fœtus dont
la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft pro-
pre à l'Efpece, &c.
ENFIN, ce fout des productions qui parti-
cipent de deux Efpeces, parce qu’elles provien-
nent de Femelles fécondées par des Mäles d'E£
pece différente.
CH'A PI TR A ARUNME
Maladies de la Plante.
Le. loix de la nutrition & de l’accroifflement
des Végétaux éprouvent encofe de plus grands
dérangemens ou des modifications plus fréquen-
tes & plus variées que celles de la génération.
De là, dérivent différentes efpeces de maladies
auxquelles la Plante eft fujette. : |
ENTRE
DE LANATURE. X.Purs. 353
ENTRE ces maladies, les unes n’attaquent
que les feuilles, & y font naître des taches de
différentes couleurs , des rugofités, des puftules ,
des galles, &c.
D’AUTRES attaquent les principaux vifceres ,
& y occafionnent des engorgemens, des obftruc-
tions , des dépôts, des tumeurs, des chancres,
des épanchemens, &c.
D’auTREs ont leur fiege dans les fleurs ou
dans les fruits.
D'’auTrEs n’affectent que le corps ligneux,
qu’elles font tomber en pourriture, tandis que
Pécorce demeure faine.
D’AUTRES proviennent de petites Piantes ou
de divers Infectes qui, placés fur lextérieur ou
dans Pintérieur des Végétaux, en détournent
la nourriture à leur profit ou en alterent l'or-
ganifation.
D’AUTRES tirent leur origine du changement
de climat, d’alimens, de culture, &c.
ESS
Tome IL Z
3544 CONTEMPLATION
ES 73
= A6
CH APT RES XVI
Maladies de V Animal.
Le loix de la nutrition & de l’accroifflement
des Animaux font troublées ou modifiées plus
fréquemment & plus diverfement encore que
celles de la génération. De là procedent les dif-
férentes efpeces de maladies auxquelles PAni-
mal eft expofc.
ENTRE ces maladies, les unes n’attaquent que
là peau & y produifent des taches de diverfes
couleurs, des rugofités, des puftules, des bou.
tons, &c.
D'AUTRES attaquent les principaux vifceres
& y occafionnent des engorgemens, des obftruc-
tions, des dépôts, des tumeurs, des abcès,
des épanchemens , &c.
D’autres ont leur fiege dans les organes
de la génération.
D’auTREs n'affectent que les os, & en pro-
bi.
DE LA NATURE. X. Part. 35$
duifent la carie, pendant que le périofte {e con
ferve fain.
D’AuTres ont leur fource dans différentes
Efpeces d’Infectes qui, logés fur l'extérieur ou
dans l’intérieur des Animaux , en détournent
la nourriture à leur avantage ou en alterent la
conftitution.
D’auTREs font occafionnces par le change-
ment de climat , de nourriture, d'éducation , &c.
EE: VS
ÉE—
CHAPITRE XVIII.
La Vieillefe €ÿ la mort de la Plante.
Ever la Plante, échappée aux différentes
maladies qui menaçoient fes jours, n'échappe
point à la lente vieilleffe & à la mort inévitable
qui la fuit [1].
[1] H Mr. Gzepirscw:! obferve que la culture peut pro-
longer la vie de la plante, Elle peut porter à deux, trois
ou quatre ans la durée d'une Plante qui, laiée à elle-même,
n'auroit vécu qu’un an. Le Cultivateur y parvient par le re-
tranchement fuccefif des fleurs, des graines & quelquefois
des fommités, On fait végéter ainfj plus long-temps d’autres
Z 2
vs
356 CONTEMPLATION
Expurcis par fucceflion de temps, les vaif-
{eaux perdent de leur jeu & s’obftruent. Les
liqueurs ne s’y meuvent plus avec la mème
facilité; elles ne font plus filtrées & repompées
avec la mème précifion. Elles croupiflent & fe
corrompent , & cette corruption fe communi-
quant bientôt aux vaifleaux qui les renferment,
les fonctions vitales ceflent de s’opérer , la Plante
meurt & fe réduit en poufliere.
CT QE a
CHAPITRE XIX.
La vicilleffe € la mort de l'Animal.
Exers lAnimal, préfervé des maladies qui
confpiroient contre lui, ne fauroit fe dérober
à la trifle vicillefe, & à la mort inexorable
qu’elle traine à fa fuite. [r}
parties de la Plante, qui fe feroient endurcies platôt,, & on
lui fait pouffer des rejetons qui ne fe feroient point déve-
loppés fans ce procédé, & qui prolongent la durée de l’In-
dividu en lui prétant de nouvelles forces.
(1) tt Comme lon prolonge la vie de diverfes Efpecés
de Plantes en empêchant leur Aeuratfon & leur fru&ifcation
pair le retranchement des boutons à fleurs , on peut de même
brolonger la vie de diverfes Efpeces d'Inféêtes eu retardant
dass ns > pen
k
DE LANATURE. X. Per. 357
Enpurcis par le temps, les vaifleaux per.
dent de leur action & s’obftruent. Les liqueurs
n’y circulent plus avec la mème vitefle: elles
ou en empêchant leur copulation. Les Sauterelles en four
aifflent un exemple; & c’eft encore une obfervation de Mr.
GLEDITSCH. Si lon empêche tes deux fexes de s'unir, on
prolongera leur vie de huit à neuf femaines.
Onremarque à cet égard une autre aualogie entre les Plantes
& les Animaux. Dans les Plantes qui portent fur un pied
les Rleurs mâles & fur un autre pied Les fleurs femelles,
telles que la Mercurielle, lEpinard, le Chanvre, &c. la
Plante mâle périt avant la Plante femelle, & la mort de
celle-là fuit prefqu’immédiatement l'émiflion des pouflieres
fécondantes. La Plante femelle , au contraire , lui furvit pen-
dant un temps plus ou moins long. Il en eft de même chez
divers Infeétes qui s'accouplent en Automne. Le Mâle perit
après l’accouplement , tandis que la Femelle pañle l'Hiver &
ne pond qu’au retour du Printems.
Nous avons vu des Arimaux qui fe confervent au fec des
années entieres dans un état de mort apparente, & qui re=
prennent la vie & le mouvement dès qu’on les humecte.
(Note 13, Chap. IE, Part. IX.) La durée de leur vie
eft fort prolongée par cette forte de fommeil, & cette pro-
longation tient du prodige dans quelques Efpeces. Certains
Végétaux nous offrent la même merveille; & ce nouveau
trait d'analogie entre les Plantes & les Animaux n’en eft pas
un des moins frappans. Les Byflus, les Noftochs, les Mouf.
fes, &c. peyvent être confervés au fec des mois & des
années; reverdir & végéter enfuite , lorfqu’ils viennent à
être humeétés de nouveau. (Conf. la Note 1 du Chap. VE
de la Part. LL, }
Z 3
338 CONTEMPLATION
ne font plus filtrées & repompées que très-im-
ne / A CF
parfaitement. Elles féjournent & s’alterent, &
cette altération fe communiquant bientôt aux
vaifleaux qui les contiennent , la circulation
celle, l’Animal meurt & fe réduit en poudre.
GR
CEA PP TRENRE
Autres fources d'Analogie entre la Plante €&
l'Animal.
N Ous avons pouflé le parallele de la Plante
& de l’Animal depuis la naiffance jufqu’à la mort.
Les traits qui le compofent établiffent avec beau-
coup d’évidence la grande analogie qui regne
entre ces deux Clafles de Corps organifés.
Maïs il cft d’autres fources de comparaifons
où nous avons évité de puifer Pour ne pas ren-
dre le tableau confus, ou que nous n'avons
envifagées que fous certains points de vue Telles
font celles que nous offrent le lieu , le uombre,
la fécondité, la grandeur , la forme, la ftruc
ture, la circulation des liqueurs , la faculté loco-
motive , le fentiment, la nutrition.
..… .
DE LANATURE. X. Part. 359
Parcourons ces différentes fources, & fans
chercher à les épuifer, contentons- nous d’in-
diquer ce qu’elles renferment de plus remar-
quable ou de plus caraétériftique.
EE =————— Sd)
PRIE TIRE OX TL r
MNE=————
Le lieu.
Les Végétaux & les Animaux habitent le
mème féjour. Deftinés à peupler & à embellir
notre Globe, ils ont été répandus fur toute {a
furface & placés les uns auprès des autres pour
s'aider réciproquement. Tels que deux grands
Arbres qui ont crà dans le mème terrein, le
Regne végétal & le Regne: animal entrelaffent
leurs branches les unes dans les autres, & éten-
dent leurs rameaux & leurs racines jufau’aux
extrémités du Monde.
Les dehors & l'intérieur de la terre, les mon-
tagnes & les vallées, les lieux arides & les lieux
fertiles , les pays découverts & les pays ombrés ,
les régions du nord & celles du midi, les ruifleaux,
les rivieres, les étangs, les lacs, les mers ont
leurs Végétaux & leurs Animaux. La Trufle & le
Z 4
7 —
EE ——
nb
36 CONTEMPLATION
Ver de terre , l’Erable & le Chamois, le Bouleau
& le Lievre, le Genfeng (1) & l’'Hermine , le
Palmier & le Singe, le Conferve (2), & la Sang- |
fue, le Nénuphar (3) & la Teigne aquatique »
{1] tt Plante fameufe, qui croît en Tartarie & en Chine,
& dont les vertus ont été fort exagérées par les Médecins
Chinois qui en ont fait une forte de panacée univerfelle. C'eft
dans la racine que réfident les vertus de la Plante. Cette
racine fe divife en deux ou trois branches de {a groffeur du
petit doigt, longues de deux à trois pouces, raboteufes, bril”
Jantes, demi tranfparentes, fibreufes, jaunâtres , légérement
âcres, un peu ameres & aromatiques. La tige, haute d’en-
viron un pied, eft unie & d’un rouge noirâtre. De fa fom-
mité partent trois à quatre pédicules creufés en gouttiere,
difpofés en rayons & qui portent cinq feuilles inégales &
dentelées : de laiffelle des feuilles naît un petit bouquet de
Beurs jaunes, garnies d'un long pédiçule. Mais mon deffein
n’eft pas de décrire le Genfeng. Il eft fi recherché qu'il fe
vend au poids de l'or. HN réfulte en général de tout ee qui a
été débité fur les vertus médicinales de cette Plante, qu’elle
eft un puiffant Fortifiant.
[2] ft Plante aquatique de la famille des Byfus. (Conf,
Note 1 du Chap. VIT. de la Part: HI. )
[31 tt Plante aquatique , plus connue fous le nom de
Zys d'en, dont les feuilles grandes, arrondies , liffes , épaif.
fes, charnues, en forme de fer à cheval, & portées par un
long & gros pédicule, s'appliquent par leur face inférieure à
la fuperficie de l’eau. Les fleurs de cette belle Plante ne ref-
femblent ‘pas mal à un volant & ont la blancheur de celles
du Lys. Le Nénuphar poufle dans la vafe une forte raciné
charnue, fongeufe & abreuvée d’un fuc vifqueux.
pm
RS
Eure «mn
DE LA NATURE. X. Part. 361
‘VAlgue & la Morue fe trouvent dans les mèmes
lieux ou habitent le mème élément.
QUANTITÉ d'Efpeces de Plantes & d’Ani-
maux paroiflent s’açcommoder également de dif.
férens climats. Le Maronnier & le Cog-d’Inde,
tranfportés dans nos contrées , femblent y avoir
oublié leur pays natal.
D’AUTRES Efpeces font amphibies, & vivent
naturellement dans l’eau & hors de l’eau. Le
Jonc & la Grenouille habitent les prairies &
le fond des étangs.
D’AUTRES font parafites & {e aourriflent des
fucs qu’elles puifent fur d’autres Efpeces. Tels
_ ont le Gui & le Pou.
ENFIN, quelques Efpeces parafites fervent à
leur tout aux befoins de parafites didérens. Le
Gui a fes Lychens (4), certains Poux ont leurs
Poux (5).
[41 ff En difant ici que le Gui a fes Lychens , je laiffe
penfer à mon Lecteur, que les Lychens font au nombre des
Plantes vraiment parafites, & pourtant ils n'en font point
Les Botaniftes font à ce fujet une diftin&@ion bien fondée
que je dois indiquer. ls nomment vraies Parafites les Plan.
tes qui croiffent fur d’autres Plantcs, qui pouflent des ra-
362 CONTEMPLATION
cines ou qui en tirent leur nourriture ; & ils appellent fauf-
fes Parafites les Plantes qui croïflent bien fur d’autres Plan.
tes, mais qui n'y pouflent point de racines & qui n’en tirent
aucune nourriture. Le Gui, la Cufcute , l'Orobanche, &c.
appartiennent au premier genre ; les Lychens, les Agarics,
les Mouffes, &c. {e rangent fous le fecond.
Une preuve inconteftable , que les fazfles Parafites ne tirent
aucune nourriture des Plantes fur lefquelles elles croïffent ,
c’eft qu'on les trouve en pleine végétation fur les bois fecs.,
fur ies tuiles, fur les rochers les plus durs. Il y a donc lieu
de préfumer , qu’elles fe nourriffent de l’humidité qui s'infi-
nue entre leur pied & la bafe ligneufe ou pierreule fur la-
quelle il repofe, & de celle qu’elles pompent par toute l’ha-
bitude de leur corps. Aïnfi, les Lychens qu’on rencontre quel-
quefuis fur le Gui, ne s'alimentent point de la feve du Gui.
Les diférens corps, foit bruts, foit organifés, fur lefquels
végetent les fauffes - Parafites, ne leur fervent proprement
que de bafe ou d'appui.
Le Gui tient à bon droit le premier rang parmi les Végé-
taux vraiment parafites, & il étoit bien digne de l'attention
{outenue que lni a donné un excellent Obfervateur (*). Au
premier coup-d'œil on croiroit qu’il n'eft que greffé fur l'Ar-
bre qui le porte; mais un examen plus approfondi apprend
qu'il y ef enraciné comme VArbre lui-même left dans la
terre. Une diffeétion faite avec art après une longue macé-
ration, produit au grand jour les racines du Gui, & démon-
tre qu'elles pénetrent dans l'épaiffeur de l'écorce de l'Arbre
nourricier, & qu'elles atteignent même jufqu’au bois.
Le Gui eft au nombre de ces Plantes qui portent fur un
pied les fleurs mâles, & fur un autre pied les fleurs femelles.
Son fruit eft une forte de baie ou de véficule molle , rende,
(*) Mr. DUHAMEL.
DE LA NATURE. X. Part 363
Juifante, demi-tranfparente, de la groffeur d’un pois , qui
dans l'état de maturité renferme une fubftance vifqueufe, où
font logés de petits corps verdâtres , tantôtovales, tantôt trian-
gulaires, tantôt quadrilateres , &c. qui font les femences de la
Plante.
Les baïes s'ouvrent dans le temps de la maturité, & lai£-
fent échapper la fubftance vifqueufe qui colle les graines à
l'écorce de l'Arbre, fur laquelle elles ne tardent pas à ger-
mer. Cette germination offre une particularité qui mérite
d'être connue, parce qu’on ne l'a trouvée jufqu'ici qu’à la
feule graine du Gui. On fait qu'à leur naiffance toutes les
Plantes ne pouffent qu’une feule radicule: le Gui, au con-
traire, en poule deux , trois & même quatre, fuivant la
figure qu’affectent fes graines ; c’eft-à-dire , ‘que fi les graines
font à plufieurs angles, il fort à la fois ou fucceflivement
des radicules, de deux, trois ou quatre de ces angles.
Ces radicules du Gui ont une ftruéture particuliere & bien
remarquable : elles font des efpeces de trompes, terminées
d'abord en boule, que la Plante naiffante parvient à ficher
dans l'écorce de l’Arbre nourricier, comme les Pucerons f-
’chent la leur dans l'écorce d’une branche ou d’une feuille.
Dès que lestrompes du Gui, en s’alongeant peu-à-peu , ont at-
teint la furface de l'écorce où elles doivent pénétrer, la petite
boule revêt la forme d’un entonnoir , dont les bords s'appliquent
exactement à l'écorce. Du centre de lentonnoir , part enfuite
un petit corps fpongieux , longuet, qui s'infinue dans l’épaif-
feur de l'écorce & qui y devient une vraie racine.
Des Phyficiens Botaniftes nous avoient fait admirer le re-
tournement de la radicule & de la plumule dans les graines
femées à contre.fens. La radicule, qui fe dirige d'abord ver-
ticalement en en-haut, fe replie enfuite verticalement en en-
bas pour s'enfoncer dans l'intérieur de la terre : la plumule ,
364 CONTEMPLATION
au contraire, qui s'étoit dirigée d'abord verticalement en
en-bas, fe replie verticalement en en-hsut pour gagner l'air
fon élement naturel. Cette forte d'inftin@ végétal eft plus
frappant encore dans les radicules ou trompes du Gui. Om
les voit fe diriger toujours par la route la plus courte vers
l'écorce où elles doivent s'implanter. Elles fe dirigent donc
en en-Haut, en en-bas ou de côté, {uivant que la pofition de:
la graine relativement à l'écorce l'exige. Un Animal ne pare
viendroit pas plus fürement au même but. Nousne prêterons:
pourtant pas aux radicules du Gui un inftin® femblable ow.
analogue à celui de l'Animal: mais nous p'éfumerons que ces
mouvemens, en quelque forte fpontanés, qu’elles exécutent
fi à propos, dépendent d'une petite méchanique que nous ne
tenons pas encore, & fur laquelle on peut former des con-
eétures plus ou moins probables. La tranfpiration qui fe fait
au travers de l'écorce de l'Arbre nomrricier , on l'humidité qui
y adhere plus où moins, détermine apparemment les Lradi=
cules du Gni à fe diriger vers cette écorce. (Part. VE,
IV & les Notes. )
Bien différent des toutes les autres Plantes , le Gui peut
végéter fous toutes fortes de directions ; & il paroît lui être:
abfolument indifférent de croître verticalement en en-bas ou
verticalement en en-haut ou horifontalement, &c. Sa tige ni
fes rameaux ne fe redreffent point, & fes feuilles, dont les
denx furfaces n’offrent pas de différence fenfible , n’exécutent
L
point ces admirables retournemens dort j'ai parlé ailleurs.
.TBi& ) Tont fon inftin& patoît réfider dans fes trompes s
& cela fuMfoit à la confervation de l'Efpece du Gui; car les
deux furfices de ces feuilles ayant la même organifation ow
le même tiflu, il n'étoit pas néceflaire qu’elles. puflent fe.
retourner.
Le Gui végete à découvert fur les branches des Arbres.
DELA NATURE. X. Part. 36
& on ne l'a jamais vu prendre racine en terre: mais il
une aütre Plante vraiment parafite, dont les femences ne
font point vifqueufes comme celles du Gui, qui germe ca
terre, y fait des racines & pouffe hors de terre une tige lon-
gue & déliée, qui va s'attacher aux rameaux & aux feuilles
des herbes voifines. Cette Plante eft la Cufcute , connue des
Payfans de nos Gontrées fous le nom de Rache , & qui dé-
truit fi feuvent les Treffles. Dès que fa tige s’eft entortillée
autour d'une Plante , il en part çà & là uñe multitude de
petits mamelons, qui font autant de fucoirs , à l’aide défquels
la Parafite pompe la feve de la Plante nourriciere & l’affame.
Ces mamelons font un petit organe très- curieux, & qui à
été bien étudié par un Obfervateur exaét [*]. Il tire fon
origine de la fubftancé véficulaire dé la tige, & fe Fäit jour
au travers de l'écorce de celle-ci, Sa Forme eft conique. JL
s'ouvre à fon fommet, s’évafe à la manisre des trompes du
Gui, & poufle entre les fibres de la Plante nourriciere
* une forte de vailleau ou de filament délié, qui n'éft pas
proprément uné racine, mais qui en fait les fonétivns. Alors
la Cufeuté n'a plus befoin des fucs qu’elle tiroit de la terre:
fa racine fe deffeche & elle ne s’alimente plus que de la
feve qu’elle détobe à la Plante fur faquelle elle s'eft cram-
ponnée.
Il eft d'autres Plantes vraiment parañites qui, comme la
Cufcute, germent en terre, & y pouffent des racinés; mais
| qui en different beaucoup par leur genre de vie & leuts in-
clinations. Les Paraltes dont je parle exercent leurs pillages
dans la plus profonde obfcurité, & n’en font que plus dan-
gereufes. Elles n’attaquent que les racines des Plantes qui
les avoifinent, & s'y attachent par leur tige, d’autres Fois
[*] Mr. Gusrrarp.
366 CONTEMPLATION
par leurs propres racines, dont il fort des mamelons anato-
gues à ceux de la Cufcute. Aflez fouvent ces Parafites s’'at-
tachent les unes aux autres par leurs racines & fe dérobent
réciproquement la nourriture. Toutes fe nourriflent en même
temns & des fucs qu’elles tirent de la terre & de ceux qu’elles
enlevent aux Plantes auxquelles elles fe font attachées. Au
nombre de ces Parafites fouterraines font l’Orokaxche, la
Clandefline, la petite Truffe du Safran, &c.
Au refte, le Lierre, fi célébré par les Poëtes, & qui
rampe autout des Arbres, fur lefquels il fe cramponne au
moyen de petites mains qui ont l'air de racines ; le Lierre,
dis-je, n’eft point du tout parafite , quoique je l’aie préfenté
comme tel dans le Chap. XV de la Part. V. Ses petits
crampons font fi peu des racines, que fi on coupe fa tige au-
deffus du collet, elle périt bientôt. D'ailleurs, le Lierre
rampe le long des murs & des rochers qui ne pourroient lui
fournir aucune nourriture, quand même fes nombreux cram-
pons feroient de vraies racines.
Je ne quitterai pas nos Parafites fans dire un mot d’une
autre Parafite fort finguliere, fur laquelle on avoit débité
bien des contes , & dont nous n’avons pas encore l’hiftoire
complete. Il s’agit d’un Champignon du genre des Clavaires,
qui, au lieu de croître fur terre, fur le fumier ou fur des
troncs d’Arbres, croît conftamment fhr le corps d’un Animag
mort ou vivant. On comprend que je veux parler des fameu-
fes Mouches végétantes des Caraïbes , qui auroïent mieux été
nommées Cigales végétantes; car ce font bien des Cigales &
point du tout des Mouches.
C'eft fur la tête, fur le corfelet ou fur le corps de la
Cigale ou de fa Nymphe, que s'attache toujours la Clavaire,
Quelquefois on trouve jufqu’à trois Clavaires fur la même
Nymphe. Leur grandeur varie beauçoup: il en eft de _très=
‘qe
DEUE AN NANT IUIR E. X. Part. 567
courtes: d’autres ont jufqu’à deux à trois pouces de longueur.
La tige, tantôt droite, tantôt receurbée fur la Nymphe, £
termine par un bouton en mafle: de là, le nom de Clawaire
qui a été donné au Champignon. Il y a de ces Clavaires
qui font ramifées ou qui pouflent des rameaux Abou de
même par un bouton en maffe.
La Clavaire ne paroît pas tenir à la Cigale par des racines;
elle n’y tient que par une forte de petit empatement, dans
l'intérieur duquel on apperçoit des fillons longitudinaux , qui
femblent n’être que les empreintes du corps de la Cigale.
Avant que de revêtir la forme de Nymphe, la Cigale s'en-
terre ; & c’eft pendant qu’elle eft, enfevelie fous terre ou fous
des feuilles, que la Clavaire naît & fe développe fur fon
corps. Les femences inviäbles du Champignon font répandues
par-tout ; mais elles re germent pas par-tout ; & fi elles ne
germent que fur certains endroits du corps de la Cigale,
c'eft peut-être parce que les fucs qui tranf{fudent de ces en-
droits font plus favorables à leur germination. Si le Cham-
pignon ne croit que fur la partie fupérieure de lInfecte,
c'eft peut-être encore parce qu'il y participe plus à l'in-
fluence de l'air extérieur qui eft, fans doute, néceflaire à fa
végétation,
Tout cela eft bien fimple, & nous n’imaginerons pas que
ce. petit fait, qui paroît d'abord fi myftérieux, indique le
moins du monde la converfion de l’Animal en Végétal. Une
opinion fi étrange choqueroit trop la faine Phyfique; & c'eft
pourtant celle qu'adopte un Naturalifte célehre (a), à qui nous
devons d’ailleurs d’excellentes obfervatians fur divers fujets
d'Hiftoire naturelle. On ne revient point de fa furprife quand
en lit dans fon Ecrit; que les Champignons des Cigales peu-
(a) Mr. NEEDHAM.
368 CONTEMPLATION
vent Je former par végétation de ia Jubflance morte de L'Animal.
Celu, ajoute-t-il, revient entiérement à mes Principes, ET ne
Sera certainement pas défapprouvé Par aucun Phyficien qui pren.
dra la Nature dans toute fon étendue,
Au refte, la Clavaire dont il s'agit, s'attache aux Ciga-
les comme nous voyons certaines Efpeces de corps; & cela
v'offre rien que de très-naturel.
Les Champignons logent fouvent dans leut intérieur, des
Vers qui s’en nourtiffent & qui fe transforment en Mouches :
nos Clavaires des Cigales fourtiffent pareillement de petits
Vers qui fe changent auffi en Mouches 5 & l’on penfe bien
que ce fait très-commun a paru une autre grande merveille
de nos Cigales à des Hommes peu inftruits.
Le favänt FouGEroux, qui nous a denné un très- bon
Mémoire fur les prétendues Mouches végétantes des Caraïbes ,
a rencontté des Clavaires fur des Vers deffechés, qui fem-
bloient appartenir au gente du Hanneton, & qu'on peut
croire avec fondement , qui avoient végété fur le Ver vi-
vant. I] eft apparemment bien d'autres Infectes fur lefquels
végctent des Plantes parañites, foit pendant qu’ils vivent en-
core, foit après leur mort. On ctoit déja avoir apperçu quel-
que chofé d’analogue fur la tête de quelques Abeilles vis
vantes. J'ai moi-même rencontré une de ces Mouches vi-
vantes, dont le devant de la tête étoit fort paré par des
efpeces d'aigrettes, que je n'ai pu pfendre que pout un
amas de très-pétites Clavaires.
(5) tt Les Poux auxquels je faifois ici allufion font ceux.
des Plantes, connus fous lé noni de Pucérons. Quoique la
plupart foient fôrt pétits, il eft néañimoins dés Efpeces pd-
tafites , bien plus petites encore, qui s'introduifent dans
l'intérieur
L
DELANATURE. X. Parf. 36ÿ
intérieur de ces Infedes, y vivent à leurs dépens. & les
Font enfin périr. Nous ignorons encore, fi les Poux des Anis
maux ont de femblables enn-mis;s mais nous pourrions l’ine
férer de leur exceflive multiplication; cat chez les Infectes
les Efpeces qui multiplient le plus, font ;our l'ordinaire
celles qui ont le plus d'ennemis.
Le Pou eft bien une Efpece parafite. Il fiut voir dans
les Planches de Rept les Figures fi finguliérement variées
des Poux de différens Quadrupedes & de différens Offeaux :
en les parcourant , on s'étonnera de la diverfité des modeles
fur lefquels l'Efpece des Poux a été rravaillée; & on ne paf.
fera point fans plaifr du Pou très -efilé de la Colombe au
Pou prefque rond du Cigne ou du Paon.
On avoit cru trop légérement, que chaque Efpece d’Oifeau
ou de Quadrupede avoit fon Efpece particuliere de Pou : REDE
- avoit trouvé deux Efpeces différentes de Poux fur le Cigne
& fur le. Pluvier ; trois fur l'Epervier & fur la Pintade, &
quatre fur le Canard fauvage. Il remarque encore , qu'il eft
certains Genres d'Oifeaux dont les Poux n’offrent pas de dif.
Férences frappantes. Il obferve enfin, que la grandeur des
Poux ne répond pas à celle del’Oifeau, & qu'il a trouvé fur
le Merie des Poux qui ne le cédoient point en grandeur à
ceux du Cigne. : *
La couleur des Poux nevarieguere moins que leur forme."
Rent va méme jufqu'à dire que la couleur de Poux des Oi-
feaux imite fouvent celle de Jeurs plumes.
Ce célebre Naturalifte ne nous a pas donné l’Anatomie du
Pou , & nous n'avons pas lieu d'y avoir regret, puifqu'elle
avoit été réfervée an fcalpel de SwamMmERDAM. Il femble
“méme que ce grand Anatomifle n'avait creufé dans la ftruce
“ture du Pou, que pour nous convaincre que ce petit Ani.
mal fi vil & fi dégoutant n'eft pas moins un tréfor de puif-
Œince & de fagelle, que les Animaux les plus nobles ou
Tome. II. À a
3ro. C.O:N TE M.P. LA TT OR
Res plus élévés dans l'Echelle des Etres. J’entre dans les vues
louables de SwAMMERDAM , & je ne crains point de re-
pouffer le Leéteur Philofophe en Tentretenant quelques me-
mens de ladimirable fabrique du Pou.
Le Pou. eft ovipare. Son œuf ou fa Lente, qu'il colle
adroitement aux cheveux , eft une petite chofe fort cnrieufe.
Sa figure tient de la cylindriqæe. Son bout inférieur eft
arrondi; le fupérieur eft, au contraire, très-applati, &
façonné en manicre de couvercle ; car Ha lente eft une ,
forte de très -petite boîte qui renferme un Animalcule
vivant. Lorfqu'il eft fur le point de venir au jour, la
boîte s'ouvre pour le laiffer fortir, & on voit le couvercle
fe mouvoir comme par une charniere. Cette boîte a prefque
la tranfparence du cryftal: on y déméle très - bien le petit
Animal : on découvre fes yeux ; & on appergoit dans fon
intérienr, des mouvemens alternatifs de contration & de
dilatation , qui fixent agréablement l’attention de l'Obferva-
teur, & auxquels jé reviendrai bientôt.
Comme la plupart des Infeétes, le Pou change plufieurs
fois de peau avant que de parvenir à l'âge de maturité; &
. c’eft lorfqu’il y eft parvenu, que le microfcope y. fait dé-
couvrir le plus de particularités intéreflantes.
Sa peau, qui a beaucoup de tranfparence, eft une forte
de vélin, où l’on remarque çà & là de petites ftries ou de M
petits fillons qui reffemblent fort à ceux de nos doigts 5 mais [.
qui ont une tout autre origine. Ils font formés par les ra-
mifications des trachées qui rampent fous la peau. Cà & là
encore on appercoit fur celle-ci de très-petits globules «
qui lui donnent un œil chagriné & qui diverffient fes
afpeéts.
Le Pou cft porté fur fix jambes pourvues de plufieurs “ 2
articulations, & le pied fe termine par deux crochets iné-
gaux &itrès -aigus. La tête, petite & affez applatie , ef
|
|
!
|
re
t
DELA NATURE. X. Par. 373
£atnie’ d'un aiguillon ou d'une trompe qu'on regrette quà
foit fi difficile à obferver; cat le peu que notre Auteur en ra.
conte fait aifément juger de tout ce qu'on y déconvriroi: dæ&
merveilleux , fi elle étoit plus acceflible aux recherches de
lObfezsrteur, Elle eft logée dans une gaîne membraneufe ,
dont le jeu imite au mieux celui des cornes du Limaçon,
& dont la forme retrace l’image d'une tête de Saule ébrana
ché. Les chicots qui hérifent cette tête font repréfentés dang
la gaine du Pou par plufieurs rangs de petits crochets qui
fe cramponnent à la peau & aident la trompe à s'y fixer
pendant la fucion. Les yeux, placés des deux côtés de la
tête, font noirs & iuifans. Les antennes... Mais je me fuis
affez arrêté aux parties extérieures du Pou ; je me hâte d’efs
quiffer fon intérieur.
Il préfente un fpe“acle magnifique par le nombre prodi.
gieux de ces vaifleaux brillans & argentés, connus fous lé,
nom de trachées, qui s'y ramiñent de toutes parts, & qui
forment en divers endroits des läcis qu’on ne fe laffe point
d'admirer, Le Pou femble étre tout trachée ; au moins nf
ast-il aucune partie de fon corps qui n'en foit richement
pourvue, Il ne faut pas même recourir à la diffe&ticn pous
jouir du beau fpectacle qu'offre ce grand appareil de trachées 2
on le contemple facilement au travers de Ia peau. Mais if
falloit tonte la dextérité de SWAMMERDAM pour s'afluter
que ces vaifleaux à air font formés dans le Pou, comme
dans beaucoup d’autres Infeétes, d'un feul fil roulé artifte-
ment en fpirale, & dont les différens tours font afujottis paf
une memhrane qui conférve au vaiflean le degré de fow«
pleffe qu'exigent fes fonétions. Ees principales trachées fe
tendent aux ftigmates : c’eft-là que font leurs orifices. [ Conf,
Part IT, Chap. XIX & la Note. ] On compte quatorze de ces
M figmates, fept de chaque côté du corps. Ils reffemblent à de petits
mamelons. Les maîtrefles trachées qui vont ahoutir à ces fligma
e Aa 2
872 CONTEMPLATION.
tes, Sabouchent à peu de diftance les unes aux autres, &
Ton obferve une multitude de ces abouchemens entre les
bronches ou les trachées fubordonnées.
On trouve fous la peau trois genres de mufcles bien ca+
tra@érilés , formés d’un affemblage de fibres paralleles , qui
paroiflent formées elles - mêmes d’une file de globules.
:. Après le fyftême poulmonaire, ricn ne frappe plus dans le
Pou que le canal inteftinal, qui comprend l’œfophage, l’ef
tomac & les inteftins ; car le Pou a, comme les Animaux
es plus parfaits, tous ces vifceres ; ils y font méme fort
diftin@s. L'œfophage, qui part de la bafe de la trompe, eft
æn canal cxtrêmement délié, qu’on ne parvient à bien voie
que lorfque la trompe eft en action. Il en eft de même de
l'eftomac @& des inteftins: ils font formés de membranes ft
fines & fi tranfparentes, qu’ils ne deviennent bien vifibles
que lorfqu'ils font gorgés du fang que le Pou fuce avec avi-
dité. L’eftomac, qui eft fort long & aflez ample, eft logé
partie dans la poitrine & partie dans le bas-ventre. Il mon-
tre à fon extrémité fupérieure deux appendices aveugles quê
fe font beaucoup remarquer.
Vers le milieu de l’eftomac fe trouve un petit corps jau«
aûtre, adhérent à fes parois, & qui a plus de confiftance
que les autres vifceres. Sa forme eft fi variable & fi irrégue M,
liere, qu’il eft difficile de la caractérifer. SwAMMEBDAM l'a
nommé le pancréas 3 mais on poutroit lui reprocher d’avoir
trop donné à l’analogie à l'égard de cette dénomination, pui£=
qu’elle n’a d'autre fondement que la place qu'occupe ce petiÿ
corps, dont les ufages lui étoient d’ailleurs inconnus.
De l'extrémité inférieure de l'eftomac partent les inteftinss
au nombre de quatre, différemment repliés en différentes k
poitions de leur étendue,
#
” |
Quand un Pou affamé a fait pénétrer {a trompe dans un !
#aifleau fanguin, le fang palle avec tant de rapidité & d'a
4
DE LA NATURE. X. Parn 373
#
Bondance dans le tube inteftinal, que l'Otfervateur qui le
contemple au microfcope , en elt prefqu’effrayé. Alors s’ouvré
une fcene intéreflante & imprévue , que l'Obfervateur defire
qui fe prolonge. IL voit le fang parcourir en peu de temps
tout le canal inteftinal & le remplir entiérement. Tout l’ine
térieur s’anime aufli-tôt, & paroit agité de grands mouve-
mens alternatifs de contra&tion & de dilatation, qui brifent
le fang, le décompofent, le rembruniffent, & le difpofent
peu-à-peu par eette premiere digeltion à revêtir la nature
d'un fuc nourricier. L’eflomac femble alors pofféder une vie
qui lui eft propre, & à la vue des grands mouvemens dont
il eft agité, on lef prendroit, comme le dit fort bien l’Au-
teur ; pour un Animal renfermé dans un autre Animal,
_ Le Pou a un cerveau & une moëlle épiniere; mais qui
different à plufieurs égards de ceux de la Chenille & de beau-
coup d’autres Infeétes conftruits fur le méme modele ou à-
peu-près que la Chenille. Le cerveau du Pou reffemble à,
deux poires réunies par le gros bout. Une multitude de
trachées rampent à fa furface. Du cerveau naiffent différens
nerfs, dont les plus apparens font les nerfs optiques. Les
yeux, auxquels ils aboutiflent, femblent être à facettes, &
ils font pourvus d’une uvée que notre Obfervateur eft par.
venu à détacher.
La moelle épiniere, placée comme dans la Chenille, diw
côté du ventre, ne s'étend que depuis la tête jufqu’à l'ori-
gine des dernieres jambes. Elle noccupe donc dans le Pou
que la région de la poitrine ou du corcelet. A fon originæ
dans le cerveau, elle ne paroît que comme un fil extrème
ment déhié Elle n'a que trois nœuds ou renflemens ; mais
beaucoup plus gros proportionnellement que ceux qu’on ob«
ferve dans la moëlle épiniere de la Chenille. Chacun de ces
"nœuds fournit un tronc de nerfs, qui fe rend aux mufeles.
des jambes: & de l'extrémité poftérieure du dernier nœug
-À a 3
ÿ74 CONTE M PL ATIINO'N
rayonnent fix autres troncs qni fe diftribuent aux vifceres.
Les nœuds & les nerfs qui en partent, font parfemés de
trachées dont l'effet elt très-agréable au microfcope.
Le corps graifieux , fi généralement répandu dans l’inté-
rieur de la plupart des Enfectes , & qui joue un fi grand
rôle chez ceux qui fe métamorphofent ,me fe fait pas moins
remarquer chez le Pou, qui ne fe métamorphofe point. Il
s’y montre fous l’afpe&t d’une gelée, où l'on découvre une
multitude de moléculis, les unes fphériques, les autres de
figure plus ou moins irréguliere.
- Mon Leéteur eft, fans doute, furpris que je ne lui parle
point du cœur ou de la grande artere du Pou, dont il eft fi
facile d’obferver les battemens chez un grand nombre d'Ef-
peces d’Infeétes : mais, quelques recherches que SwAMMER-
Dam ait faites, il n'a jamais pu parvenir à découvrir ‘cet
organe dans le Pou. Nous n’en conclurons pas néanmoins,
que le Pou en foit privé; cette conclufion feroit trop préci-
pitée.
Une des plus belles chofes que le Pou ait à offrir aux te-
gards de lObfervateur, eft aflurément fon ovaire ; & la
figure fi bien entendue qu’en a donné SWAMMERDAM, fuf-
froit feule pour faire juger de fon habileté dans l’art des
diffections. Cet ovaire eft double , je veux dire qu’il y en a
un de chaque côté du corps. Il eft en forme de grappes &
les” œufs font les grains de ® grappe. Mais ils n’y tiennent
pas par un pédicule : ils font rangés à la file dans une forte
de boyau, formé d'une membrane prodigieufement fine, &
qui a auf fes trachées. Il y a dans chaque evaire cinq tubes
pareils, ou f Yon veut cinq branches qui fe réuniflent à fon
fommet. Les cing branches vont aboutir à un canal com-
mun, qui communique avec une partie analogue à la matrice.
Les œufs les plus près du eanal commun font les plus gros
ou des, plus à terme. Leur grandeur diminue graduellement
DELANATURE. X. Port. 37
& mefure qu'ils s'éloignent du canal commun. L'orifice le
celui ci eft diftiné de l'anus, @& placé au - deflous de ce der-
nier. Notre patient Obfervateur a réufi à compter dans cha-
que ovaire cinquante-quatre œufs; mais ils deviennent fi ’pe-
tits dans la partie fupérieure, qu’ils échappent enfin aux plus
fortes lentilles. Des deux côtés de la matrice fe trouve un
réfervoir plein d’un liqueur vifqueufe, deftinée à coler les
œufs au corps fur lequel le Pou les dépofe. Les ovaires oc.
cupent une grande place dans l'abdomen & s'étendent dans
toute fa longueur.
Nous ignorons encore fi le Pou eft diftingué de fexes. On
ne l’a jamais vu s’accoupler, & à en juger par les obfer-
wations de SWAMMERDAM, on feroit tenté de le croire an-
drogyne. Il eft au moins bien fingulier, que fur 40 Poux
qu'il avoit difléqués, il ne s’en fût pas trouvé un feul qui
a'eût des ovaires.
SWAMMERDAM regrettoit de m'avoir qu’ébauché l’hiftoire
du Pou : fans doute que les Naturaliftes n'auraient rien à de-
firer fur ce fujet, G un autre SwaMMEBDAM, l'induftrieux
LYONET, publioit les recherches plus approfondies qu’il a fai-
tes fur différentes Efpeces de Poux, & les belles Planches
qu’il en a lui-même exécutées. C’eft-là, qu’on admireroit
bien plus encore que dans REDI & dans SWAMMERDAM, les
merveilles de divers geures , qui ont été accumulées dans ces
petits Infeétes , fi chétifs en apparence , & pourtant fi dignes
de fixer les regards du Contemplateur Philofophe.
ESS
376 CONTEMPLATION
CH AC POI FH EAENRET: k
ee
Ye
Le nombre.
O N connoît plus de vingt mille Efpeces de
Pilates , & chaque jour on en découvre de.
nouvelles. Une Botanique microfcopique à éten-
du le domaine de l’ancienne Botanique. Les M
Moules, les Champignons (1), les Lychens , 1
dont les Familles ne finiflent point, font ve. +
nus prendre leur place parmi les Végétaux, &
offrir aux Curieux des fleurs & des graines !
qu’ils avoient ignorées ou méconnues.
WE ues AE EE LT
Sp ER ET
LE microfcope nous montre aujourd'hui deg
Plantes où l’on n’en eût jamais foupçonné. La
pierre de taille fe couvre fouvent de taches de
diverfes couleurs, ordinairement brunes ou
noirâtres. Le verre, malgre fon extrème poli,
Ne ME
(x) +f Un Obfervateur Hollandois qui a beaucoup étu
dié les Champignons de la Hollande, en a décrit & repré-
fenté plus de trois cents Efpeces. Mais il eft permis de dou-
ter, fi dans ce grand nombre d’Efpeces, il a’y en a pas qui
ne font proprement que de fimples variétés. Il eft bien fan
cilc de fe tromper ici fur les caraéteres vraiment fpécifiques.
La Botanique microfcopique eft encore au berceau.
£
DELA NATURE. X. Part. 377
n’eft pas exempt de taches analogues. On ob-
ferve des Moififures fur prefque tous les Corps.
Ces taches, ces Moïiflures foit devenues des
jardins , des prairies, des forèts en miniature,
dont les Plantes, infiniment petites, laiffent
pourtant entrevoir leurs fleurs & leurs fe-
mences. |
CEPENDANT , quoique très- nombreux en
Efpeces , les Végétaux le font beaucoup moins
que Îles Animaux. Non-feulement chaque EL
pece de Plante a fon Efpece particuliere d’Ani-
mal ; mais il eft un très- grand nombre d'E£
peces de Plantes qui nourriflent plufieurs EE
peces d'Animaux. Le Chène feul en nourrit
plus de deux cents Efpeces. Les unes attaquent
les racines de cet Arbre, elles les creufent ou
y produifent différentes tubérofités. D’autres fe
logent dans le tronc, & y pratiquent des rou-
tes tortueufes. D’autres s’infinuent entre l'écorce
& le bois. D’autres fe fixent fur les parties
extérieures dont elles pompent le fuc. D’autres
rongent fimplement les feuilles. D’autres les
plient ou les roulent artiftement. D’autres y
font naître des galles dont la grofleur, la cou-
leur , la forme & la ftruéture exercent la faga-
cite du Naturalifte. D’autres trouvent dans le
fruit leur logement & leur nourriture. Que
578 CONTEMPLATION
dis-je ? cueillez une fleur au hafard , une mar
guerite, un coquelicot , une rofe; vous y ob-
ferverez un peuple d’Infectes, dont les figures
& les mouvemens fixeront quelque temps votre
attention.
ENFIN, où ne voit-on point d'Animaux ?
La NATURE les a femés par-tout à pleines
mains. Ils étoient fes plus belles productions ;
ELLE les a prodiguées. ELLE a renfermé les
Animaux dans les Animaux. ELLE a voulu qu’un
Animal füt un Monde pour d’autres Animaux,
& que ceux-ci y trouvañlent! de quoi fournir
à tous leurs befoins. L'air, les liqueurs végéta-
les & les liqueurs animales, les matieres cor-
rompues , les boues , les fumiers, les bois fecs,
les coquillages , les pierres mêmes, tout eft
animé , tout fourmille d’Habitans. Que dirai - je
encore ? La Mer elle - mème paroït quelquefois
n'ètre qu'un compofé d’Animaux. La lumiere
dont elle brille la nuit, pendant les chaleurs,
elt produite par un nombre infini de très - pe-
tits Vers-luifans , d’un jaune brun , d’une
fubftance molle, affez femblables à des Chenil-
les, & dont toutes les parties divifées & même
corrompues brillent du même éclat que le Ver
entier & vivant. Des Efpeces de puces de mer
font aufli lumineufes , & communiquent leur
DELANATURE.X. Part. 379
éclat aux eaux. I fort de leur intérieur une
matiere globulaire, qui eft encore phofpho-
rique (2).
(2) tt On ne fauroit douter, que cette lumiere vive &
azurée dont la Mer étincelle en divers parages, & fur - tout
dans les lagunes de Venife , ne foit due en partie à de très-
petits Infectes pleins d’une matiere phofphorique qui s’en
échappe à la moindre agitation des eaux. {On a obfervé plu-
fieurs Elpeces de ces Infetes Inifans, mais Ia plupart n’ont
point été caractérifées antant qu’elles demandoient à l'être. On
les a comparces à des Scolopendres, à des Chenilles , à des
Vers, &c. ; & toutes ces comparaifons ne donnent de ces In-
feétes que des idées très-vagues. Mr. NOLLFT en avoit un
peu plus caraétérifé une Efpece qu'il avoit obfervée dans les
Jagunes de Venife. Elle eft de couleur jaunâtre. Son corps
alongé & d’une confiftance très- molle, eft formé d’une fuite
d'anneaux. La partie roftérieure eft garnie de nageoires & de
deux filets en maniere de queue.
Ces très- petits phofphores animés font répandus abondam-
ment furtous les corps fubmergés, & en particulier far
les Plantes marines. Dès qu'on les touche légérement on
qu'on agite un peu l’eau dans laquelle ils nagent, an voit
s’élancer de leur intérieur des traits de lumiere. Chaque Ani-
malcule devient alors un point brillant ou une petite étoile.
Des milliards de ces étailes étincellent de toutes parts fur
les flots dans les belles nuits d'Eté , & l'éclat de la Mer fem-
ble le difputer à celui du Firmament.
La Mer des Indes offre le même fpeétacle , fur-tont aux
environs des Maldives, Mr. de RIVILLE, qui l’avoit fort
admiré, compare l'éclat de la Mer dans ces ‘parages , à celui
d'une étoffe d'argent qu'on éleétrife dans l'obfcurité. Le fil.
380 CONTEMPLATION.
Les Herbes font plus nombreufes en Efpeä
ces & en Individus que les Arbrifleaux & les
age de fon Vailleau offroit pareillement une longue bande
argentée, toute refplendiffante de lumiere phofphorique.
Curieux de connoître la caufe fecrete d’un fi beau phéno-
mene, l'Obfervateur filtra l’eau de la Mer au travers d’un
linge. Elle perdit auf -tôt tout fon éclat; mais au même
inftant le linge devint auf lumineux que la Mer. Il étoit
tout parfemé d’Atomes brillans, qui, obfervés à la loupe,
paroilloient fort femblables aux Puces branchues qu’on trouve
dans les eaux douces, & qui appartiennent au genre des
Monocles. |
L'ingénieux Naturalifte a décrit & repréfenté avec foin fa
Puce de Mer ou fon Monocle luifant. Le corps du petis
Animal eft logé dans une écaille qui a de la tranfparence,
& dont la forme imite affez celle d’une Amande. De la
partie antérieure fortent quatre cornes mobiles, articulées.
& garnies de poils très-fins. Deux efpeces de bras armés de
crochets accompagnent les cornes. La 4e eft placée au cen-
tre , & au-deffous de celle - ci eft une forte de gouvernail dont
l'Infecte fait fe fer vir adroitement pour diriger fa marche dans
fa courfe rapide. Vers l'extrémité poftérieure du corps, on
apperçoit au travers de la peau une multitude de petits corps
fphériques , difpofés en grappes, qui ont bien l'air d’être des
œufs, & qui renferment la matiere phofphorique. La lumiere
azurée dont elle brille eft f vive, qu’elle fe fait remarquer
même en plein jour. La liqueur qui la produit paroît hui-
leufe. Elle ne fe méle pas avec l’eau de la Mer, & revêt
comme les particules de l'huile la forme fphérique. |
L'infete mis à fec ne brille plus, & il périt fur-le-champ
dans l’eau douce; mais la liqueur qu’il répand alors, ne lai
pas de luire comme dans l’eau de la Mer,
DE LA NATURE. X. Part. 38%
Arbres. Les Infectes font plus nombreux ent
Efpeces & en Individus que les Oïfeaux & les
Quadrupedes. Il y a plus de Renoncules que de
Rofiers , plus de Gramens que de Chènes. Il
ÿ a plus de Papillons que de Poules , plus de
Pucerons que de Chiens.
Quand on renferme dans une bouteille de l’eau de Mer
bien peuplée de ces Animalcules , & qu'on lagite un pen,
elle devient très-luminenfe. Il ne faut de même que toucher
très légérement les Animalcules pour qu'ils répandent à l'inf-
tant leur matiere phofphorique.
Des faits fi bien obfervés prouvent inconteftablement que
la lumiere de la Mer dépend au moins en partie, de la mul-
titude inconcevable de petits Infetes phofphoriques dont
elle eft peuplée. Mais on fe tromperoit fort fi l’on penfoit,
avec quelques Phyfciens célebres , que la Mer ne doit fa
lumiere qu’à cette feule caufe. Un habile Phyfcien Anglois,
Mr. CANTON, ayant mis macérer une Merluche & un Ha-
eng dans de l’eau de Mer, cette eau devint bientôt lumi-
neufe : elle l’étoit même fans qu’on l’agitât. Elle fe couvroit
d'une fubttance huileule qui étoit le principe de fa lumiere,
Mr. CANTON obferva le même phénomene dans de l’eau
douce chargée de fel, & où il avoit mis en expérience un
Hareng frais. Cette eau conferva même fa lumiere auffi long-
tems que celle de Mer, & demeura phofphorique fix à fept
jours. Mr. de RiVILLE avoit aufi remarqué que certains Poif£.
fons rendent une matiere huileufe & phofpherique , qui tranf-
met fa lumiere à l'eau de la Mer. La Mer recele donc une
matiere phofphorique qui paroît réfulter de la combinaifon de
fes fels avec les émanations ou les débris des Animaux qui
gaillent, croiffent & meurent dans fon fein,
382 CONTEMPL ATION
FE
a 3
CH A P'DEPRE CARRE
La fécondité.
L À magnificence de la Création terreftre ne
brille nulte part avec plus d'éclat que dans la
prodigieufe fécondité d’un grand nombre d'E£
peces de Plantes & d’Animaux. Un feul Indi-
vidu peut donner naiflance à des milliers ou
mème à des millions d’Individus femblables à
lui. Formé fur des proportions qui ne font
connues que de la SAGESSE ADORABLE qui les
a établies, ce grand Peuple eft d’abord ren-
fermé dans l’étroite capacité d’une écorce ou
d'un ovaire. C’eft dans ce féjour d’obfcurité
qu’il recoit fa premiere vie, qu'il prend es
premiers accroiflemens, & qu’il fe difpofe à
paroître fur le vafte théatre du Monde vifible.
À confidérer les chofes d’un point de vue
général, les Végétaux font plus féconds que
les Animaux. On s’en convaincra fur-tout , fi
Von compare les Arbres aux Quadrupedes.
Les Arbres produifent toutes les années,
quelquefois pendant plufieurs fiecles, & leurs
A A ee
PR LA NATURE. X. Part. 2383
productions font toujours très-nombreufes. Les
grands Quadrupedes , tels que lEléphant, la
Jument, la Biche, la Vache, &c. ne font
guere! qu'un Petit à la fois , rarement deux,
& le nombre de leurs portées elt toujours très-
médiocre. Les petits Quadrupedes, tels que le
Chien (1), le Lapin (2), le Chat (3), le
Rat (4), &c. font beaucoup plus féconds,
(1) +tf La Chienne produit fix, fept, & quelquefois
juiqu'à douze Petits. À j
(2) ff La Lapine produit jufqu'à fept ou huit Petits de
la même portée, & elle porte plufieurs fois l’année. Prefque
toujours elle ef en état de recevoir le Mâle.
(3) tt La Chatte met bas trois fois l’année, & fes por-
tées ordinaires font de cinq ou fix Petits.
C4) tt Chez les Rats, la Femelle produit pluficurs fois
par an, @ les portées font ordinairement de cinq ou fix Pe-
tits. La fécondité de la Souris eft plus grande encore. Elle
produit dans toutes les faifons & plufieurs fois par an ; cha.
que fois elle met bas au moins cinq ou {fix Petits. Le Mu.
lot pullule bien plus encore que la Souris : non - feulement
. il produit plus d’une fois par an; mais fes portées font fou-
vent de neuf à dix Petits. Cette pullulation n'eft pourtant
que médiocre, comparée à celle du Cochon: d'Inde ; car il
produit tous les deux mois, & avec ure feule couple de ces
petits Quadrupedes on pourroit en avoir un millier dans
vu 2%
3$4 CONTEMPLATION
mais leur fécondité melft prefque rien, com:
parée à celle des Plantes ligneufes.. L’Orme pro-
duit chaque année plus de 300 mille Graines,
& cette étonnante multiplication peut conti-
nuer pendant plus d’un fiecle.
Les Poiflons & les Infetes fe rapprochent
beaucoup des Végétaux par leur fécondité ( $ ).
Une Tanche pond environ dix mille Oeufs ;
une Carpe en pond vingt mille; un Merlus en
pond un million (6). Une Galle-Infecte fait
quatre à cinq mille Oeufs, une Mere Abeille
quarante-cinq à cinquante mille (7 ).
Cs)tt Mr. de BurroN obferve, que les Quadrupedes
engendrent guere que lorfqu'ils ont atteint on à - peu - près
deur parfait accroiflement ; mais que les Poiflons, au con-
traire, produifent avant que d’avoir atteint le quart ou même
la huitieme de la grandeur propre à l'Efpece. Et l'on fait
que les Poiflons font de tous les Animaux ceux qui vivent
le plus long-temps.
(6) tf S'il faut s’en rapporter aux calenls de LEUWEN-
HoEK, les ovaires de la Morue renferment plus de neuf
millions d'œufs. Le célebre PErIT en avoit compté plus de
trois cents quarante-deux mille dans ceux d’une Carpe, de
grandeur moyenne.
(7) ft En calculant d'après mes expériences les produits
d’un feul Puceron, Mr. de REAUMUR avoit trouvé que la
cinquieme génération de ces petits Infeétes pouvoit donner
E\
x
pe mt =
ER.
Re mm me. St Se SE ss
DE LA NATURE. X. Parf. 38$
À cette merveilleufe fécondité, oppofez celle
du Coquelicot, de la Moutarde, de la Fou.
gere, &c. & n'oubliez pas de remarquer que
la plupart des Végétaux fe propagent par plu-
fieurs voies, au lieu que le plus grand nombre
des Animaux ne fe propage que par une {eule (8).
UX Arbre peut être décompolé en autant
d’Arbres qu’il a de branches, de rameaux ou
mème de feuilles. Les Plantes deftinées princi.
palement à fournir aux befoins des Animaux,
ne pouvoient jouir d’une trop grande fécon-
dité (9).
cing milliards neuf cert quatre millions neuf cent mille Pu-
cerons. Et que feroit- ce fi j'ajoute, qu'il peut y avoir au
moins vingt générations dans une année!
La pullulation des Polypes à bonquet eft bieu plus éton«
nante encore. D'une feule bulbe naiffent en vingt-quatre heu-
res par des divifions & foudivilions naturelles, plus de cent
vingt Polypes.
C8) tt Il eft prouvé qu'un feul grain d'Orge peut donner
en deux ans quarante-cinq boifeaux. Et combien la multi-
plication des Moififlures & des Champignons nous étonne-
rvit-elle davantage , fi nous ponvions la ramener au calcul?
(9 ) Puifque je touche dans ce Chapitre à la propagation
de l’Efpeee , j'indiquerai ici quelqnes faits importants relati.
vement à l’hiftuire de la génération dont je me fuis tant oc-
gupé, & qui et une des branches les plus intéreflantes de
Tome IL. Bb
ren
5886 CON TEMPLATION
T'Hiftoire de la Nature. Je ne connoiflois pas ces faits quand
ÿe compolois mes Notes fur la Partie VII de cet Ouvrage.
J'avois dit, Note 1rtdu Chap. XI; qw'il efè très-für que ‘les
Mulets chez les Oifeaux propagent. Je citois peur exemple les
Mulets qui proviennent du commerce du Serin avec le Char-
donneret. La curieufe Hiftoire du Serin, publiée par le PLINE
de la France, me fournit fur ce fujet quelques détails qui
manqueroient effentiellement à mon Livre fi je n’en failois
peint mention.
Ce n'eft pas feulement avec le ’Chardonneret que le Serin
propage: il peut propager encore avec le Tarin, le Bruant,
le Pinfon, la Linotte, & même avec le Meineau. Mais il
xéfulte de toutes les expériences qu’on a faites en ce genre,
qu'il n'y a parmi ces Oifeaux que le Tarin, dont le Mâle
& la Femelle propagent également avec le Mâle ou la Fe-
melle du Serin des Canaries. Cette Serine produit moins fa-
£ilement avec le Mâle-Linatte qu'avec le Chardonneret, &
moins facilement encore avec le Piufon , le Bruant & le
Moineau. Il n'en va pas de même du Mâle-Serin:il ne
peut féconder les femelles de ces derniers.
L'AUTEUR conelut de ces expériences, que le type de l’'Ef-
pece eft moins ferme dans la Femelle que dans le Male, &
que celui-ci en eft le vrai modele. Il remarque à cette oc-
cafion, que la Brebis produit facilement avec le Bouc, &
que le Bélier ne produit pas avec la Chevres que la Jument
produit plus aifément avec l’Ane, que le Cheval avec lA-
neffe. I! en feroit donc à cet égard, des Quadrupedes comme
des Oifeaux. Mais on ne doit pas fe preffer de tirer des con-
féquences d'expériences qui n’ont point encore été affez mul-
tipliées ni affez variées.
Les Mulets qui proviennent du commerce des Canaris avee,
les Tarins , les Pinfons, les Bruants , &c. ne font pas moins
Féconds que ceux qui proviennent du commerce de la Sering
DE LA NATURE X. Prk 39%
Svec le Chardonneret, Tous produifent non-feulement avec
leurs races maternelles ou paternelles, mais ils peuvent en
core reproduire entr'eux des Individus Féconds. I1 en naît
de nouvelles variétés qui peuvent auffi fe méler & fe perpé-
tuer. À la vérité les produits de ces différens ordres de Mu
lets ne font ni auf certains ni auffi nombreux que dans les
Efpeces pures. On prétend que, parmi ces Métis, il fe trouve
ordinairement plus de Mâles que de Femelles: mais c'eft en=
core iei une de ces affertions qui, pour être admife comme
regle générale , demanderoit à être vérifiée par un grand
aombre d'expériences.
Une obfervation plus importante & qui paroït mieux éta-
blie. c'eft que les Mulets qui proviennent du mélange des
Serins foit entr'eux, foit avec des Oifeaux différens , tefflem.
blent à leur Pere par la tête, les jambes & la queue , & à
leur Mere par le refte du corps. On fait la même obferya-
tion frr les Mulets dés Quadrupedes : ceux qui naiflent du
commerce de l’Ane avec la Jument ent le corps auf grand
que leur Mere, & tiennent de leur Pere les oreilles, la
queue & les jambes. La peau, le poil & les couleurs appa-
tiennent plus aufli au Pére qu'à la Mere, Des Muicts pro=
venus de Brebis couvertes par un Bouc, avoient tous, au
lieu de laine, le poil rude de leur Pere, On croit avoir re-
marqué la même chofe dans PEfpece humaine : communément
le Fils reffemble plus à fon Pere qu'à fa Mere par les ex-
trémités, par la qualité de la peau ; pat la groffeur de la tête,
par la quantité & la couleur des cheveux.
Notre Naturalifte, fidele à fes principes fur la génération ;
tire de tous ces faits une derniere conféquence que le Lec-
teur Philofophe ne fe preffera pas , fans doute, d'adopter.
EI! patoit donc, dit-il, que dans le mélange des deux Li-
>» Queurs {éminales, quelqu'intime qu'on deive le füppofer
» Pour l’accompliffement de la génération, les molécules er
Bb 2
388 CON TEMPLATION
saniques fournies par la Femelle, occupent le centre de
>» cette fphere vivante qui s'accroît dans toutes les dimenfons,
) & que les molécules données par le Mâle environnent cel.
les de la Femelle, de maniere que l'enveloppe & les ex-
trémités du corps appartiennent plus au Pere qu'à l&
Mere... Tous ces faits femblent prouver que dans l'éta-
bliffement local des molécules organiques fournies par les
deux fexes, celles du Mâle furmontent & enveloppent
celles de la Femelle, lefquelles forment le premier point
d'appui, &, pour ainf dire , le noyau de l’être qui s’orgas
» nife, &c.” Il manque au moins à ce railonnement une
chofe bien effentielle; c’eft qu'il foit prouvé que les molécue
Les organiques exiftent; & nous avons vu, (Part. VIH,
Chap: XVII, Note 6) qu'il eft au contraire rigoureufement
démontré qu’elles n'exiftent point, & que ces prétendues mo-
lécules font de vrais Animalcules, très-différens des Vers fper-
matiques, & dont les divers ordres fe fuccedent dans les: Ii
queurs féminales fuivant certains rapports au degré de cor-
æuption que contractent ces liqueurs. IL eft prouvé encore
par des obfervations directes , que le Germe préexifte dans
la Femelle à la fécondation , & que la liqueur que fournit
le Mäle n’eft que le principe d’un développement ultérieur
de ce Germe préformé & des modifeations plus ou moine
remarquables de quelques-unes de fes parties. ( Voy. Part.
VII, Chap. X. Note 1,2, 6. Chap. XI, XII, Note 4.)
J'ai dit aillenrs un mot de la fécondation artificielle que
Mr. SPALLANZANI a exécutée avec tant de fuccès fur divers
Amphibies. (Part. VII, Chap. X. Note 2. ) J'y reviens ici.
Cet infatigable Scrutateur des fecrets de la Nature ayant in«
çcorporé trois grains de fperme de Crapaud à dix onces d’eau,
ila tiré de ce mélange avec la pointe d’une aiguille, une
gouttelette dont le diametre égaloit à-peu-près la cinquantieme
partie d'une ligne ; & cette gouttelette, dont le volume état
LE]
%
»
99
-
DELANATURE X Pt. 389
* & celui de l'Embryon comme un à un milliard foixante-quas
tre millions fept cent feptante-fept mille fept cent feptante-
fept, a {ufh pour le féconder; & cet Embryon s’eft déve-
loppé auffi bien & aufli promptement que ceux qui ont été
plongés dans le fperme. Mais, ce qui furprendra bien plus
encore , c'eft que ces trois grains de fperme, incorporés à
deux cent foixante-quatre onces d’eau, retenoieunt encore af-
fez de leur vertu fécondante pour que les effets en fuffent
fenfbles. Quelle n’eft donc point la merveilleufe énergie de
cette liqueur prolifique! Nous voudrions pénétrer le fond de
cet efprit vivifiant qui pique fi fort notre curiofité: mais ce
que nous en cofnoiflens ne la fatisfait pas pleinement : nous
favons au moins qu'il eft clair comme l’eau, qu’il n’eft pas
fenfiblement vifqaeux ; qu’il n’eft peint inflammable, & qu'il
re fait aucune efervefcence ni avec les acides ni avec. les
alkalis. Il s’évapore à-peu-près comme l’eau. Sa partie la plus
volatile eft précifément celle qui eft inhabile à la Fécondation.
Le réfidu feul ou la partie la moins volatile eft propre à
l'opérer.
En feroit - il de même de la fécondation des grands Ani-
maux? Une très-petite dofe de [perme fuit - elle à l'opérer ?
Ï n'y avoit pas trop lieu d’efpérer qu’on parviendroit bientôt
à fatisfaire à une pareille queftion : mais la Nature a les plus
grandes complaifances pour fon Favori: à peine l'a-t-il inter-
rogée fur les plus profonds myfteres, qu'il en obtient des ré-
ponfes les plus inftruétives. A l’aide d'une feringue, il a in-
troduit dans la matrice d’une Chienue en chaleur, treize grains:
de fperme d'un Barbet: la Chienne avoit été féqueftrée exac-
tement vingt-trois jours avant l'opération & vingt-cinq après 3
& au bout de foixante-deux , à compter de l'injeétion, elle a
mis bas trois Petits bien vivans & bien conditionnés, qui
avoient des traits de reflemhlance avec la Mere & avec le:
Chien. qui avoit fourni le ffperme. Deux étoient Males, le
Bb 3
566 CONTE M PL ANTON
troifieme étoit Femelle. On juge facilement que es treize.
grains de fperme n'avoient pas été employés à cette féconda-
tion; cat il devoit en être refté plufeurs dans la matrice &
dans les trompes. Ce n’a donc été qu'une très-petite dofe. de
fperme, qui a opéré cette fécondation d’un genre fi nouveau:
Cette expérience fe rapproche donc beaucoup de celle que
notre Naturalifte avoit exécutée fi heureufement fur fes Am-
phibies. é
MacpriGHi avoit imaginé le premier de féconder artificiel.
lement les œufs du Papillon 4u Ver.à-foie, & n'y avoit pas
réufi. Son célebre Compatriote , l'Abbé SPALLANZANI, à
été plus heureux que lui, & a très-bien réuffi à exécuter
complétement cette forte de fécondation dans les mêmes œufc.
J'avois invité notre Philofophe à eMayer de fübftituer aw
fperme le fluide éleétrique pour féconder artificiellement les
Embryons de fes Amphibies : il l'a fait, & on ne fera pas
furpris d'apprendre qu'il n’y a point eu de fécondation: le
fluide électrique a feulement paru propre à accélérer le déve
loppement des Embryons déja fécondés.
Comme j'avois toujours penfé que la fécondation devoit
s’opérer par dehors & au travers des enveloppes du Germe,
(ibid.) , j'avois été naturellement conduit à fuppofer dans
ces enveloppes, de petites ouvertures ménagées par la Na
ture pour l'introduétion du fperme. Je n’avois pas même dé«
fefpéré qu’un bon Obfervateur ne put parvenir àles découvrir
au microfcope. Et à qui pouvois-je mieux m'adrefler pour
une recherche fi fine, qu'à ce même Obfervateur à qui la
Nature avoit déja révélé tant de fecrets ? J1 a donc cherché
dans les Embryons des Amphibies les petites ouvertures dont
il s'agit, & il s'eft affuré par l’obfervation la plus éirecte ,
que l'enveloppe du Tétard eft toute parfemée de petits trous,
qui s’y montrent fous :l'appareñce de points luifants, tandis
que le refte de l'enveloppe eft obfcur. Ces très-petites bouches
ne
a —
DELLA NATURE. X. Parx 59%
bu ces pores deftinés à ablorber le fperme, font fi univer«
Æellement répandus dans l'enveloppe, qu’en quelqu’endroît
que tombe la gouttelette de la liqueur prolifique, elle y
xencontre des ouvertures qui l’admettent, & la fécondation
s'opere à l'inftant.
Qu'on veuille bien mointenant comparer des faits fi nor
veaux & fi bien. conftatés avec les différentes hypothefes de
hos Epigénéfiftes modernes, & on fentira, je m'aflure , com-
bien ces faits font oppolés à ces hypothefes.
Ce feroit un procédé bien propre à répañdte de nouvelles
lumieres fur le grand myltere de la génération , que celui qui
mettroit l'Obfervateur en.état de produire à volonté différentes
fortes de Mulets dahs les Amphibies. La facilité avec la-
quelle ils fe prêtent aux fécondations artificielles , donnoïit lie:r
d’efpérer beaucoup en ce genre. Mais ici comme ailleurs,
Vexpérience dément quelquefois les meilleurs raifonnemens,
Mr. SPALLANZ:ANI à trouvé , que le fperme des Salamandres
eft inhabile à féconder les Embryons des Grenouiiles & des
Crapauds ; & que réciproquement le fperme des Grenouilles
_ & des Crapands eft inhabile à féconder les Embryons des
Saiamandres. Il y a plus le- fperme des Cripauds eit tout
auf impropre à féconder les Embryons des Grenouilles &
réciproquement. Ainfi la Nature qui produit fi facilement des
Mulets chez les grands Quadrupedes & chez les Oileaux,
qui en preduit même chez les {nfeétes, & plus fréquemment
dans les Plantes, paroît refuler abfolument d'en produire chez
nos Amphibies, La Grenouille femble pourtant différer bien
amoins du Crapaud que le Serin ne differe du Chardonneret
ou du Pinfon, ou que l'Ane ne differe du Cheval. Mais nous
@e perçons pas ici la premiere écorce du, fujet.
Bb 4
3092 CONTEMPEATION
EE:
Le)
=
CHAPERRERX ENT.
La grandeur.
Le volume des plus grands Arbres eft affez
égal à celui des plus grands Animaux. Le vo.
lume de lOrme ne differe pas beaucoup de
celui de Ja Baleine. Mais il n’en eft pas ici du
petit comme du grand. Le volume des plus
petites Plantes microfcopiques furpañle celui des
Animalcules qui leur font analogues. Il y à
plus loin de la Baleine à l'Animalcule qui nage.
dans l’infuñon du Poivre, qu’il n’y a de l'Orme
à la plus petite Moififlure (1 J.
(1)+t Le Baobab du Sénégai, cet Arbre fi monftrreux
par fa groffeur, eft bien aflurément aux Végétaux ce que
la Baleine eft aux Animaux. On voit des Baobabs de trente
à trente-cinq pieds de, diametre fur {oixante-cing à foixante-
dix de hauteur. Le célebre Hiftorien du Sénégal, qui nous 2
donné une bonne defcription du Baobab, croit qu’il eft de
ces Arbres dont l’âge remonte au tems du Déluge. J’aurois
peine à ladmettre, puifque cet Auteur lui- même nous ap.
prend, que le bois du Baobab r’eft point dur , que les Vers
le rédrifent facilement en poufliere, & qu’une plaie qui l'ile
térefle met toujours en danger la vie de l’Arbre.
LE eme 22
DE LA NATURE. X. Part. 393
TS
Ye ;
ce
MARAPETRE XXV.
La forme.
LL eft peu de fpectacles plus intéreffants aux
yeux du Contemplateur de là Nature, que celui
que lui offrent les formes infiniment variées
des Plantes & des Animaux. Soit qu’il compare
q Ë
les Efpeces les moins parfaites à celles qui le
P P q
font le plus; foit qu’il compare entreltes les
Efpeces d'une mème Clañle, il eft également
frappé de la diverfité des modeles fur lefquels
la NATURE a travaillé dans le Regne végétal
& dans le Regne animal.
IL pañle avec étonnement de la Truffe à la
Senfitive, du Champisnon à l’Ocillet, de l’Aga-
tic au Lilas, du Noftoch (1) au Rofer, du
Cr)tt Le Moffoch eft une de ces produétions fingulieres
de la Nature, qu'on ne peut encore rapporter à aucun genre
connu, & qui eft par cela même bien digne des recherches
du Naturalifte. Au premier coup-d'œil on fe nprendroit pour
une gelée : il eft tremblant comme elle & ii en a la demi-
tranfparence. Sa figure très- irréguliere eft aflez celle d'une
membrane chifonnée ou goudronnée. Il faut Îe toucher pour
s'aflurer qu'il n’eft point une gelée : on s’en affwre mieux
encore en le déchirant; on croit déchirer une :feuille tendre.
Do4 4C ON TE MP, LUAVTAN ON
Lichen au Cerifier, de la Moififfure au Chè:
taignier , de la, Morille au Chène, de la Mouffe
Il n’eft pourtant pas une feuille : il n'en a ni les fibres ni Îles.
nervures; il i’en a que la couleur: la fienne eft d’un verd:
brun.
Le Noftoch: n’apparoît que dans les jours pluvieux. On le
trouve en toute faifon dans les prairies , le long des che.
mins @& dans les allées fablées des jardins. Il ne tient à rien,
car il n’a point de racines. Il eft fimplement appliqué fur
le terrein.
J'ai dit qu'il apparoît ; & ce mot lui convient à merveille;
fa végétation femble inftantanée, & celle des Champignons
eft lente en comparailon. En moins d’unc heure, après une
pluie d'orage, on en voit des centaines dans des endroits où
immédiatement auparavant on n’en découvroit pas un feul.
On les diroit tombés du Ciel. Auf le Noftoch atil été
nommé Fleur du Ciel par des Hommes qui ne connnifoient
pas le myftere de cette végétation. Ces Noïtochs qni appa-
roifient fi fubitement & en fi grand nombre, n’ont pas pro-
prement végété : la végétation ne va pas fi vite, & la Nature
n'en viole pas les loix en faveur de l'être fixgulier dont now®
parlons. Voici tout le myftere. Le Noftoch eft gorgé d’eau:
de-là fa molleffe & fon air de gelce, Quelques quarts-d'heure
d'un Soleil un peu ardent on d’un vent un peu cha, [ufe
fifent à lui enlever fon eau; il fe deffeche alors, fe ride.,
fe contraëte, fe déforme, perd fa tranfparence , fa couleur,
& devenu méconnoiffable fous ce déguifement, il difparoïit.
Mais vient-il à être hume‘é par une pluie abondante? il re-
prend bien vite tous fes caracteres & reparoit de nouveau,
Ainfi le Noftoch femble pafler fubitement de la vie à la
mort & de la mort à la vie; & on préfume facilement qu'ik
éprouve un bon nombre de ces alternatives pendant la .dus
DELANATURE. X. Port. 395
Gu Tilleul, du Gui à l'Oranger, du Lierre au
Sapin.
rée de, fa végétation. On peut même les multiplier à volonté :
dans un aflez court efpace de temps on peut voir le Noftoch
mourir & reflufciter bien des fois. J'ai opéré moi-même
plufieurs de ces réfurreétions , & elles me rappelloient chaque
#ois celles du Rotifere & de la Tremelle.
C'eft au célebre REAUMUR que nous devons les premieres
æonnoiffances un peu exactes fer la nature du Noftoch. E1
Tobfervant avec attention, il y avoit découvert une multi-
tude de petits grains d’inégale groffeur , de figure fphérigue,
Æ qui lui avoient paru devoir être les femences ou les em.
bryons de le Plante. Il les avoit femés dans des vafes pleins
fe terre de jardin: ils y avoient crü lentement ; & à me
dure qu’ils fe développoient , ïls perdoient leur figure fphé-
rique, ’applatifloient de plus en plus & revétoient peu-à-peu
Ja forme d'une piece de monnoie. Au bout d'un an, les plus
avancés étoient auf grands qu’une piece de cinquante fuls
& aufli épais qu'un écu. La vie du Noftech eft donc de plus
d’une année. Quand il a pris l’accroiffement dont je viens de
parler, il perd fa forme applatie & arrondie : il commence
à fe goudronner , à fe chiffonner, & ce changement paroit
dû à l'accroiffement des grains qui fe grouppent plus ou
moins dans fon intérieur, & fercent les membränes à fe
<ontourner en différens fens, Comme le Noftoch eft dépourvu
de racines, il y a lieu de penfer qu’il pompe l'humidité par
toute Phabitude de fon corps, comme on l’a cru de certaines
Plantes marines. Le froid lui eft très-contraire. Il ne rélifte
pas à la gelée; & lorfqu'il y a été expofé , il nè revient point
dla vie, quoiqu'on l'humeéte. Il noircit alors & fe conver-
tit en une véritable gelée.
La fubftauce du Noftoch paroît affez uniforme; mais l'af
396 CONTEMPLATION
IL confidere avec furptife le Peuple nom
breux des Champignons ou celui des Lichens,
pet de fon intérieur varie fuivant la force des verres avec
lefquels on l'obferve, L'âge varie encore ces afpects. L'Obfer-
vateur que j'ai cité remarque ; que les grains ou les femences
font invifibles dans les Noftochs qui n’ont point encore perdu
la forme de lames circulaires. Dans des Noftochs goudron-
nés, ces grains m'ontf paru y tracer itantôt des courbes,
tantôt des lignes droites en maniere de rayons. On voyoit.
à & Ià des taches brunes iplus grandes que les grains,
& de figure à-peu-près circulaire. D’autrefois, j'ai crw
voir {des véficules oblongues, difféminces fans aucun: or-
dre dans l'intérieur. D'autres Noftochs m'ont offert des efpe-
ces de ftries , dont quelques-unes étoient en fpirale, & dans.
les environs de ces ftries je découvrois des grains, les uns
ifolés, les autres grouppés, & dont la grofleur varioit beau-
coup. |
Toutes ces obfervations font bien imparfaites, & nous
fommes encore dans une grande ignorance fur la ftruéture
intérieure du Noïîtoch. Je n'oferois même afurer que nous
counoiffions aflez fa véritable nature pour être certain qu'ik
appartient en propre au Regne végétal. [1 pourroit bien être-
une de ces produétions mitoyennes qui uniflent le Regne vé-
gétal au Regne animal.
Au refte, le Noftoch & les Tremelles ou les Byfus ,
(Part. III, Chap. VII. Note :) ne font pas les feules Pro-
duétions réputées végétales, qui reverdiffent ou reviennent:
à la vie lorfqu’elles font humeétées après un long defféche
ment: différentes efpeces de Mouffes paroïiffent jouir de Iæ
même prérogative : quoique confervées au fec pendant une
très-longne fuite d'années , elles reverdiflent pareillement dès.
qu’elles viennent à être humectées.
DELANATURE. X.Part. 397?
& il ne £e laffe point d'admirer la fécondité de
la Nature dans la production de ces Plantes
fi éloignées des autres par leurs formes , & qu’ors
a peine à mettre au rang des Végétaux.
PassanT enfuite aux Plantes qui font plus,
élevées dans l'échelle, il s’arrète avec plaifir à
obferver les gradations des Plantes à tuyau,
depuis le Gramen, qui croit entre les pierres,
jufqu’à la Plante précieufe, l’ornement de nos
uérets, dont l’épi nous fournit l'aliment le
lus fain & le plus nécefäire. Il confidere les
variétés des Plantes qui rampent , depuis le ten-
dre Lizeron jufqu'au Pampre qui couronne
nos côteaux, & dont la grappe nous procure
une boiffon également agréable & falutaire. Il
parcourt encore les Arbres qui portent des fruits
à noyau, depuis le Prunier fauvage jufqu’au
Pècher dont le fruit ne fe fait pas moins admi-
rer par la douceur de fon velouté & par la
beauté de fon coloris, que par labondance &
le goût exquis de {on eau.
Sr du Regne végétal notre Contemplateur le
trahfporte dans le Regne animal, la perfpec-
tive devient encore plus intéreflante. Il voit
oppofés dans le mème tableau Île Polype & le
Chien de Mer , l'Ephémere & le Poiflon-velant,
3998 CONTEMPLATION
le Notonecti (2) & le Canard, la Demoifellé
& lAigle, la Sauterelle & l’Écureuil- volant »
V'Araignée & le Chat, la Fourmi & le Cerf,
le Grillo-talpa( 3) &le KRhinoceros, le Mille-
pié & le Crocodile, le Scorpion & le Singe.
(2) ff Le Motoneéti eft une forte de Punaife aquatique,
dont les dernieres jambes, beaucoup plus iongues que les
autres , font artiftement faconnées en maniere d’avirons. Cet
Infete offre une fingalarité remarquable : il nage toujours
fur le dos, & fe fert adroitement de fes avirons pour diriger
fa marche.
C2) tt Le Grillo-talpa ou le Taupe-grillon , très-connn des
Jardiniers fous le nom de Courtiliere , eft un des plus grands
Infeétes de nos Contrées. Il a pris fon nom de Taupe -grillon,
de certains rapports avec le Grillon & la Taupe. Son corps
imite un peu celui du Grillon, & fes pattes de devant font
terminées par des efpeces de mains écailleufes, tournées en
dehors à la maniere de celles de la Taupe. Il fe creufe aufli
comme elle des routes fouterraines, Je ne décris pas ile Taupe-
grillon; il eft affez connu par les ravages qu'il fait dans les
jardins & dans les prairies. Le bon GOEDAERT avoit débité
fur cet Infeéte un joli petit Roman que l'ingénieux Auteur
du Speéfacle de la Nature n'avoit pas manqué d’embellir de
fes agréables couleurs. Ce qu'il y a de plus vrai dans ce Ro-
man , c'eft que le Taupe- grillon a grand foin de fes œufs,
& qu’il les renferme dans une motte de terre qu’il creufe
avec art. REAUMUR qui releve GOEDAERr fur fon Roman,
nous auroit donné la vraie hiftoire de l'Infeéte , fi la mort ne
l'eût prévenu, & nous avons d’antant plus à; la regretter s
qu'il excelloit davantage à découvrir & à décrire les procédés
DOPAINATURE X Part. 399
UN autre tableau lui préfente la fuite nom-
breule des Papillons ou celle des Mouches , &
en la confidérant, il s'étonne de la complai-
fance avec laquelle la NATURE a diverfifié les
Efpeces de ces petits Animaux, fi diférens des
grands par leurs formes, & qu’on a traités
d'Animaux manqués ou imparfaits.
PORTANT enfuite fes regards fur les Efpeces
placées immédiatement au-deflus , il contemple
les Coquillages , depuis celui dont la liqueur
précieufe teignoit les vêtemens des Rois, juf
qu'au Nautile (4) qui vogue avec tant de
induftrieux des petits Animaux auxquels il avoit confacré fes
veilles.
(4) tt Le Mautile eft un Coquillæe dont la coquille,
faconnée agréablement en maniere de gondole, & incruftée
d'une belle nacre, préfente différens tours de fpirale fitués
dans le même plan. Le Nautile reffemble fi bien à une gon-
dole, & il fait fi bien gouverner fon petit vaiffleau, qu'on à
eru qu'il avoit enfeigné à l'Homme le grand art de naviger,
Rien en effet de plus reffemblant à un navire que fa coquille,
& l'on diroit que l'Animal qui l’habite poflede tous les ta-
lens du Pilote. Il ef pourvu d'un bon nombre de bras, qui
lui ont fait donner le nom de Polype teflacé. Quand il vent
avancer fur le flot, il éleve une partie de fes bras & déploie
une membrane fine & légere dont ils foht garnis, & qui fait
admirablement bien l'offise de voile. Certains appeñdices
qu'il peut enfoncer plus ou moins dans la mer, compofent
400 CONTEMPLATION
grace & d’adreffe {ur le flot inconftant. Il obferve
les différentes Efpeces de Poiflons , depuis ia dan
gereule Torpille jufqu’au puiffant Nerval, & de
puis le joli Poiflon doré de la Chine (5),
le refte de fon petit attirail : les uns lui tiennent lieu de
rames ; un autre lui fert de gouvernail. Sa coquille admet
autant d’eau qu’il en veut , & cette eau fert à lefter fa gon-
dole. A l'approche d’un ennemi ou dans la tempête, l’adroit
Nautile ferle fa voile, retire fes rames & fon gouvernail,
laiffe entrer l’eau dans la coquille, & fe précipite ainfi au
fond de la mer. Veut-il remonter à la furface? Il met fa
gondole fens-deAus-defous , & au moyen des dilatations &
des contrations alternatives qu’il fait exciter dans différentes
parties de fon corps , il s’éleve de plus en plus ; & lorfqu’il
a atteint la furface de l’eau , il remet fon bâtiment fur fa
quille, le vuile d’eau, déploie fa voile, fait jouer fes ra.
mes & fon gouvernail, & reprend fa navigation. Ainfi le gen-
til Nautile eft à la fois & dans le fens le plus littéral , le Pi«
lote & Le vaifleau. On voit fur la mer des Indes de petites
Flottes de ces Nautiles qui y manœuvrent avec autant de
grace que d'adrefle & de légéreté. x
C5) tt Ce charmant petit Poifon, qu'on range parmi
les Carpes, & qui vit comme elles dans les eaux douces,
eft un vrai bijou de la Nature. Sa couleur eft du plus beau
rouge, fur lequel eft répandue une poudre d’or ou d'argent ,
du plus grand éclat. La vivacité de ce Poiflon eft extrême,
J1 fe joue agréablement à la furface de l'eau & y fait briller
fes riches couleurs. Les Orientaux le renferment dans des
vafes de porcelaine pleins d’eau, & en ornent ainfi leurs
appartemens. Il s’apprivoife facilement, & on l'accoutume À
jufqu’au
DE LA NATURE. X. Par. 4ot
jufqu’au Dauphin qui fend l’onde avec la célé-
rité d’un trait (6).
. 4, .
IL fait auf pañer en revue les Oifeaux qui
vivent d’Herbes ou de Grains, depuis le Serin,
qui nous réjouit par fon ramage (7), jufqu’au
accourir au fon du filet ou de la voix pour recevoir [a nour-
titure. On peut le tranfporter vivant dans nos Contrées &
jouir de l'agréable fpeétacle qu'il préfente. 11 multiplie avec
excès,
C6) ff Le Dauphin appartient au genre des Baleines ;
mais fa taille ef bien inférieure à celle des grandes Baleines :
il n’a que fix à fept pieds de long fur une groffeur propor-
tionnée. Il refpire & rejette l’eau de la mer, comme les B4-
Jeines , «par deux ouvertures placées fur fa tête. Son mufeau
imite affez le bec d’une Oie. Il nage avec une fi grande vi-
teffe qu’il en à reçu le nom de feche-de- mer. Sa figure ne
reffemble point du tout à celle fous laquelle il ett repréfenté
dans les armoiries & dans les tableaux; & ce que -les Poëtes
nous racontent de fon attachement pour l'Homme eft une
Fable. Il ne fuit les vaifleaux que pour recueillir ce que les
Matelots jettent dans la mer, Les Dauphins émigrent par
troupes d'une mer dans une autre.
(7) ff Au moment que je diétois à une fœur chérie cet
droit de mon Texte, un Serin domeltique f£étoit mis à.
grzouiller au.deflus de’ ‘ma téte : j'allois oppofer le Roffignol
au Paon; les doux accens de mon Serin Ini obtinrent fur-le-
champ la préférence, & il fe placa comme de lui-même fous
Ja plume de celle qui fe plaifoit à me fervir de Secrétaires
Tome, IL Cc
402 CONTEMPLATION
Paon, qui étale pompeufement dans nos baf:
fes - cours l'or & Pazur dont il eft enrichi. IE
obferve encore les Oïfeaux de proie, depuis
lÉmérillon plein de feu, jufqu’à lAigle, que
fa force & fon courage ont élevé à l'empire
des Oifeaux. Il parcourt de mème les Quadru.
pedes, depuis le Lievre léger & timide, juf-
qu'à l'Éléphant, dont l'énorme corpulence fixe
tous les yeux; & depuis le rufé Renard juf-
qu'a ce noble & généreux Quadrupede qui
» Sile Rofignol eft Le Chantre des bois, le Serin eft Île
»; Muficien de Îa chambre ; le premier tient tout de la Nae !
ture, le fecond participe à nos Arts. Avec moins de force
» d'organe , moins d’étendue dans la voix, moins de variétés
, dans les fons, le Serin a plus d'oreille, plus de facilité
d'imitation , plus de mémoire; & comme la différence du
» caractere ( fur-tout dans les Animaux }) tient de très - près
ferver les impreflions étrangeres , devient auf plus focial,
plus doux, plus familier ; il eft capable de çonnoiflance
& même d’attachement ; fes carefles font aimables , fes pe
Son éducation plus facile eft aufli plus heureule : on lé.
leveavec plailir , parce qu’on l'inftruit avec fuccès ; il quitte
la mélodie de fon chant naturel pour fe ‘prêter à l’har-
monie de nos voix & de nos inftrumens; il appiaudit, il
accompagne & nous rend au-delà de ce qu’on peut lui don:
, ner. Le Roffignol plus fier de fon talent, femble vouloir
w» le conferver dags toute fa pureté; au moins paroit- il, |
à celle qui fe trouve entre leurs fens, le Serin, dont l’ouie |
eft plus attentive, plus fufceptible de recevoir & de con- |
tits dépits innocents, & fa colere ne bleffe ni n'offenfe..…… !
Li
ÿ
DELA NATURE. X. Pars. 403
Femble né pour dominer fur tous les Ati
maux (8).
: faire aflez peu de cas des notres? ce n'eft qu'avec peine
+ qu'on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chan“
>» fons. Le Serin peut parler & filer, le Roffignol méprife
» la parole autant que le fifflet, & revient fans cefle à {or
» brillant ramage. Son gofier, toujours nouveau, eft un
s, chef-d'œuvre de la Nature auquel l’art humain ne peut
» rien changer , rien ajouter ; celui du Serin eft un modele
» de graces, d’une trempe moins ferme, que nous pouvons
» modifier. L'un a donc bien plus de part que Pautre aux
» agrémens de la Société; le Serin chante en tout temps,
» il nous técrée dans les jours les plus fombres , il con.
» tribue même à notre bonheur, car ïl fait l’'amufement
, de toutes les jeunes Perfonnes, les délices des Reclufes,
» il charme au moins les ennuis du Cloître, porte de 14
,» gaieté dans les ames innocentes & captives ; &:ifes petites
» amours, qu'on peut confidérer de près en le faifant ni-
>, cher, ont rappellé milte & mille fois à la tendreffe des
A» cœurs facrifiés ; c’eft faire autant de bien que nos Vau-
» tours favent faire de mal”. Le grand Peintre qui à
crayonné ce charmant parallele, n’a pas befoin que je le
nomme ; on le reconnoît affez à fa touche.
(8) tft Le plus puiffant, le plus courageux, le plus rez
doutable de tous fes Quadrupedes eft, fans doute, le Lions
& pourtant cet Animal terrible féchit fous la main de l'Ilomme
& fe prête jufqu'à un certain point à une ‘éducation domef-
tique : quelquefois néanmoins le Lion apprivoifé reprend fa
férocité naturelle ; mais fes bienfaiteurs en font rarement les
vi&imes. H conferve fidélement le fouvenir des bienfaits,
Noble dans fa colere, magnanime dans fon courage, fenfiblé
Ec2
TER À
404 CONTE MP LATIOX
Les Plantes, quoique prodigieufement va:
riées dans leurs formes, le Âont cevendant
moins que les Animaux. Jl y a moins d’éche-
lons de la Truffe à la Serfitive, ou de ia Mo-
rille au Chêne, qu'il n'y en a de lHuiître à
l’Autruche, ou de l’'Ortie de Mer à l'Orang-
Outang. Les Plantes étant eflentieliement plus
fimples que les Animaux, n’ont pu donner
naiffance à autant de combinaifons.
Les formes des Animaux nous offrent une
fingularité extrèmement remarquable, & qui
fembleroit fournir un caractere propre à les dif_
pat caractere, il dédaigne de foibles ennemis & leur par-
donne des infultes que le Tigre cruel laveroït dans leur fang.
On l'a vu avec étonnement fauver la vie à un Bienfaiteur
que la cruauté d'un Tyran avoit condamné à lui fervir de
proie, le prendre fous fa garde, vivre en fociété avec lui
& lui faire part de fa fublftance. L'extérieur du Lion ré.
pond à la nobleffe de fon caraétere, & fi j'ofois le dire , aux
grendes qualités de fon Ame. Une figure impofante & ma-
Jeftueufe, un regard affuré, une démarche grave & fiere,
une voix tonnante, une taille admirablement bien propor-
tionnée & qui annonce autant de foupleffe que de force,
une criniere fuperbe dont la face eft ornée, & que l’Animal
hérifle & agite en tout fens dans fa fureur, une queue
longue, forte & nerveufe, dont les mouvemens précipités
terrafferoient un Homme; tels font, en général, les caraca
teres phyfiques qui diftinguent le Lion de la foule des Qua-
drupedes.
DELANATURE. X. Part. 40
tinguer des Végétaux ; je veux parler de ces
admirablss métamorphofes, qui nous montrent
fuccefivement le mème Infeéte fous plufeurs
afpe&s, quelquefois fi oppoliés, qu’il ne paroît
plus le mème Animal.
Maïs, ne pourroit-on poitit comparer le bou-
ton dans lequel une Plante ou une fleur font
renfermées , à l’enveloppe de Chryfalide qui
nous cache le Papillon ? Et de mème que [a
Plante ne produit point de graines qne la fleur
ne foit fortie de fon bouton, de mème auffi le
Papillon ne propage point qu'il n'ait rejetté le
fourreau de Chryfalide ( 9 ).
(9) tft Je faifois ïci allufion à l'ingénieufe comoaraifon
que SWAMMERDAM avoit infituée entre l'Oeillet & la Gre-
nouille, confidérés dans les divers états par lefquels ils paf.
fent depuis leur n:ifance ju"qu’à leur parfait accroiflement.
J'invite mon Lecteur à fuivre dans la Table & dans les
Bfaches de lAuteur la férie des changemens de formes
du'offre cette fcene mouvante.
GA
VS
#6 CONTEMPLATION
#73
E 1
—————— M —————
CG H'A P'IXT RE OR.
La ffrucrure.
( L n’eft pas aufli facile de comparer les Plan-
tes & les Animaux dans leurs formes intérieu-
res ou leur ftructure, qu'il eft de les comparer
«ans leurs formes extérieures. Nous pouvons
juger de celles-ci fur un fimple coup - d’eil : il
faut toujours une certaine attention & fouvent
‘le fecours de divers inftrumens pour juger de
celles-là. Nous pénétrons, ce femble, plus dif
ficilement dans lintérieur d’une Plante, que
dans celui d’un Animal. Là, tout paroît plus
confondu, plus uniforme, plus fin, moins ani-
mé. Îci tout paroît fe démèler mieux , foit parce
que la forme, le tiflu, la couleur & la fituation
des différentes parties y préfentent plus dea.
riétés , foit parce que le jeu des principaux
vifceres y eft toujours plus ou moins fenfible.
Le microfcope , le fcalpel & les injections qui
nous conduifent fi loin dans l’'Anatomie des Ani-
maux, refufent fouvent de nous fervir , ou ne
nous ‘fervent qu'imparfaitement dans celle des
Plantes. Il eft vrai aufli que cette partie de l’é-
gonomie organique a été moins ctudiée que
L.
DE LA NATURE X.Part. 407
celle qui a les Animaux pour objet. La ftruc-
ture de ces derniers nous intérefloit davantage
par fes rapports avec celle de notre propre
æor ps.
CEPENDANT, quelqu’imparfaite que foit en-
core l’Anatomie des Plantes, elle ne laifle pas
de nous découvrir quelques-uns de leurs prin-
cipaux vaifleaux , & d’en fuivre les ramifications
jufqu’à un certain point. On peut renger..ces
vaifeaux fous deux clafles générales; les vaif
feaux longitudinaux ou qui s'étendent fuivant
la longueur de la Plante ;. & les vaifeaux tran£
verfaux ou qui font placés fuivant fa largeur.
Les vaifleaux féveux & les trachées appar-
ai
tiennent à la premiere clañle; les utticules où
les. infections appartiennent à la feconde (1).
Ar) TE Je reviens toujours avec plaifir à l'Anatomie des
Plantes : elle fut une des études favorites de mon adolefcence 2
& je l’aime encore dans l’âge qui touche à à la vieilleffe. C’eft
MaLpiGHi qui avait. donné. le nom d’uricules à la fubftance
Méficulaire qui remplit les intervalles que laiffent entr'eux les
vaiffeaux longitudinaux. GREW délignoit, cette fubftance par
de terme d'énfer tions. I la nommoit encore le purenchyme. Mr.
Duxaxez Pa mieux défignée. par le terme de #;//u- cellulaire.
Avec une très-Forte lentille il a apperçu: des vaifleanx_ infi-
‘ siment déliés, qui paroifloient | fe plonger dans les utricilesr
&. les traverfer, Il en infere avec fondement, que .ÇeS Utties
CG æ
48 CONTEMPLATION
Les vaifleaux {éveux paroïffent principalement
deftinés à conduire le fuc. Les utriculés paroif-
fent fur-tout fervir à le préparer ou à le di.
gérer. Ce font des clpeces d’eltomacs, comme
je l'ai déja infinué,
Iz eft des Plantes qui ne femblent ètre com-
polées que d’utricules. Telles font quelques
efpeces de Racines & de Plantes-marines , dont
le tifiu eft prefque entiétement parenchymateux
ou véficulaire (2). Il eft pareillement des Ani-
culés ne font pas des organes auf fimples qu'ils femblent ,
l'être, ‘Leurs dimenfons varient béancoup : il en eft de pro-
digieufement petits. Les plus grands fe trouvent dans la moëlle.
La Av! ÿfance parenchymateufe des fruits paroît n'être qu’un
amas d' atricules, Une bonne vue les démêle très-bien fur le
bois de Sapin uni avec le rabot. L'entrelacement des fibres
Tigneules aveo les plans d’utricutes qui les traverfent, donne
à ce bois l'air d'une natte on d'une claie, MaLp:GHI avoit
trouvé dans le Chêne des ntriculés exceflivement amplifiés
&. pleins’ d'une forte de tartre,
<Shtoi ( DA
C2 9 ++ Le Fucus on 1e Prec nous fournit un exemple
remarquable de ses Plantes marines qui femblent fe nourrir
par toute l'habitude de leër corps. RrAUMuR qui l'avoit
beaucoup étudié, nous apprend quete fingulier Végétal n’a poiht
proprement de racifles. [l na à la place qu'une forte d'empa-
tement par lequel if s'attache aûx pierres, aux eoquilles &
aux autres corps durs qui fe‘trôuvent au fond de la Mer. I
remarque qu'il en eft de même-de bien d’autres Plantes mas
DE LA NATURE. X.Part. 409
maux qui femblent être tout eftomac, tels font
_ Je Polype & le Tænia.
rines, dont le corps entier femble être tout racine. Il n’y
point de canaux de communication dans ces fortes de Plan-
tes; point de vaifleaux longitudinaux qui aillent de l’'empa-
tement à la fommité de la tige. Une expérience facile le dé-
montre. Si l’on met tremper dans de l’eau de Mer une feuille
de Fucus ou de quelqu'autre Plante marine , de maniere qu’il
n’y ait qu'une partie de la feuille qui foit humeétée, cette
partie reprendra en peu de temps fa premiere figure & fa
confiftance naturelle ; tandis que la partie qui demeurera hors
de l’eau confervera fon état de racornifflement.
Le Fucus n'eft, en quelque forte, qu'une feule feuille,
profondément découpée en maniere de main, & dont toutes
les divifions font dans le même plan. Une nervure très - fen-
fible partage la feuille & chacnne de fes divifions fuivant
leur longueur , & cette nervure ne jette point de nervures
latérales. Dans les Plantes terreftres, les deux furfaces des
feuilles different plus ou moins par leur tiflu & par leurs
couleurs: dans le Fucus, au contraire, ces deux furfaces
fe refemblent parfaitement. Les fleurs {ont diftribuées irrégu-
liérement fur les deux furfaces, & font formées de filets
auffi déliés que des fils d’Araignée, difpolés en aigrettes,
& qui fortent d’une petite cavité ménagée dans l'épalfleur de
la feuille ,. & qui eft comme le calice de cette fleur fingu-
liere. Les filets ne montrent point de fommets ou d'antheres ,
& pourtant on ne peut guere les prendre que pour des éta-
mines.
Lorfque les fleurs font fur le point de tomber, les extré.
mités des feuilles s’enflent & fe Façonnent en maniere de
filiques , & pouflent deux efpeces de cornes. Une matiere vif.
queufe & tranfparente rémplit les filiques, & on découvre
410 CONTEMPLATION
UN des principaux caracteres qui peuvent
aider à diftinguer les Infectes des grands Ani-
maux, elt que ceux-là n’ont point d'os dans.
leur intérieur.” Ce qu’ils ont d’offeux ou d’é-
cailleux, eft p'acé à l’extérieur pour fervir d’ap-
pui ou de défenfes aux parties plus délicates
fituées au - deflous, ou pour foutenir le corps
avec plus d'avantage, Cet ainfi que dans pref-
que tous les Infectes proprement dits (3), la
tète, le corcelet, les jambes, les anneaux ; &c«
font recouverts d’écailles en tout ou en partie.
Les Herbes different principalement des Ar-
bres par un caractere analogue. Elles n’ont point
de corps ligneux dans leur centre. Ce qu’elles
dans cette matiere de petits grains ronds & rougeûtres , at-
tachés aux parois intérieures de la filique , & qu'on croiroit
être les graines de la Plante. Ils n’en font pas néanmoins:
ïls ne font encore que les capfules des véritables graines,
Une matiere vifqueufe & tranfparente remplit. encore ces cap-
fules; & au milieu de cette matiere on apperçoit de très-
petits grains ronds, jaunâtres ou rougeñtres, attachés aux
patois de la capfule comme celle-ci left aux parois de la fr-
lique, & ce font ces très-petits grains qui prepagent l'efpece
de la Plante. |
Le ZLycoperdon n'eft, fuivant le célebre PaLLAS, qu'un petit à
fac plein de femences, & qui fe nourrit comme le Fucus,
par toute l'habitude de fon corps.
E C3) Part. II, Chap. XVEL
DE LA NATURE. X. Part. 4x1
ont de ligneux ou de moins herbacé, paroït
à l'extérieur , & fert à protéger les parties les
plus foibles ou à fortifier le corps de la Plante.
C’eft ainfi que les Plantes à tuyaux ont été af
fermies par des nœuds placés réguliérement de
diftance en diftance, enforte que les nœuds in-
férieurs , deftinés à {ervir de bafe, font plus
forts & plus rapprochés que ne le font les
nœuds fupérieurs. C’eft dans la mème vue que
les Racines de beaucoup de Plantes herbacées,
ainfi que les calices des fleurs , & les capfules
ou enveloppes des graines ont été rendues pref-
que ligneules.
Les Herbes croïflent & s’endurciflent plus
promptement que les Arbres. Les Infectes croif-
fent & s’endurciflent plus promptement que
les grands Animaux. Les Herbes & les Infectes
étant d’une confiance plus molle que ne le
dont les, Arbres & les grands Animaux , doi-
. vent avoir plus de facilité à s'étendre en tout
fens, & atteindre plutôt le dernier terme de
leur extenfion. D'ailleurs, les couches concen-
triques de l'écorce des Aïbres & celles du pé-
riofte des Animaux, étaut beaucoup plus nom-
_ breufes que les couches relatives des Herbes &
des Infeétes, doivent fournir plus long - tems
à laccroiflement,,
412 CON TEM PL NP
OX diftingue deux fortes de parties dans les «
Corps organifés; les parties fimilaires, & les
parties dillimilaires. Celles-là font formées de
fibres du mème genre. Celles-ci font compo-
fées de fibres ou de vailleaux de différens gen- w
res. Les nerfs, les arteres , les veines , les vai£
feaux lymphatiques, &c. font des parties fimi-
laires de notre corps : le cerveau , le cœur , les
poumons, l’eflomac, &c. en font des parties w
diflimilaires. Les Plantes ne font prefque com-
pofées que de parties fimilaires. Les vaifleaux w
féveux , les trachées, les utricules font de ce
genre. Ces différens vaifleaux ont été répandus
aflez uniformément dans tout le corps de la
Plante: ils entrent dans la compofition de tou-
tes fes parties. On les trouve dans la =acine,
dans la tige, dans les branches, dans les feuil-
les, dans les fleurs, dans les fruits. Le moin-
dre fragment, la plus petite feuille eft une re-
préfentation du Tout, un abrégé de la Plante.
IL y a de même des Animaux qui ne font
prefque compalés que de parties fimilaires. De
ce nombre font quantité d'Efpeces de Vers longs,
fans jambes, & quelques Miitepieds aquatiques ;
certaines Sangfues , les Oïties & les Etoiles de
mer, les Polypes, les Tænia, les Vers - de-
terre, &c. Tous ces Animeux ont été conf
DE LA NATURE. X. Part, 413
truits de maniere que chacune de leurs por-
tions, même la plus petite, eft en raccourci
ce que le Tout eft en grand.
Daxs les Vers longs que je viens de nom-
mer, on obferve très-diftinctement un eftomac,
un cœur , & de fort petits vaifleaux qui femblent
ètre des dépendances de ce dernier. On ne peut
mème douter qu’il n'y ait au-deflous de l’eftomac
un cordon médullaire femblable à celui qu’on
obferve dans d’autres Efpeces de Vers & dans
les Chenilles. Ces vifceres ne font pas diftri-
bués dans certaines régions du corps : ils font
répandus univerfellement dans toute fa lon-
gueur ; enforte qu’on peut dire que ces Infec-
tes font tout cerveau, tout eftomac, tout cœur.
Mais ce cerveau, cet eftomac & ce cœur pa-
roiflent extrèmement fimples : le premier n’eft
prefque qu'un filet nerveux, le fecond un fae
membraneux , le troifieme une grande artere.
Les Polypes, plus fimples dans leur ftruc-
ture, ne font qu'une efpece de boyau, femé
d’une multitude innombrable de petits grains,
qui fe teignent de la couleur des alimens. Ce
boyau peut être tourné & retourné comme un
bas, fans que lAnimal paroifle en {ouftir.
44 CONTEMPLATION
Les Tænia ont quelque chofe de la ftructuré
des Polypes, mais ils femblent plus compofés. ”
Ils font formés d’une chaine d’anneaux plats,
membraneux & blanchäâtres, & emboïtés les uns
dans les autres comme les divifions dur Ro-
feau. Chaque anneau a dans {à partie fupérieure
ou fur un de fes côtés une éminence plus ou
moins fenfible, au centre de laquelle eft une
petite ouverture ronde. Le milieu de l'anneau.
eft occupé par des vifceres de couleur pourpre
ou blanchätre, qui forment un travail qui s’at-
tire attention de l'Obfervateur. Le refte de l’an-
neau eft rempli d’un nombre infini de petits
grains blancs. Telle eft efentiellement la ftruc-
ture du Tænia dans toute fon étendue ; nulle
variété, reffemblance parfaite entre tous les an-
neaux dont l’affemblage compofe une efpece de
ruban ou de lacet, qui atteint quelquefois à
une longueur de plufieurs centaines de pieds (4 ).
C4) FF Quand je difois dans ce paragraphe , que chaqu'an-
meau du Teuia a dans Ja partie Jupérieure ou fur un de fes
côtés une petite ouverture ronde, j'indiquois deux Efpeces de
Tænia du Corps humain, très-bien cara@érifées par la pof-
tion de cette petite ouverture, que j'ai nommée le fliginate.
Dans la premiere Efpece le ftigmate eft placé en effet au mi-
lieu de l'anneau; dans la feconde, fur le côté. Ces deux
Efpeces fe diftinguent encore par la longueur des anneaux &
par la forme ou par l’organifation de la tête. Mais ces petits
détails de nomenclature n'appytiennent pas à cette Note.
DIERLA NATURE. °X:,Parf, Axç
_ Les Vérs-de-terre font de tous les Infectes
… Que j'ai nommés, ceux dont l’intérieur paroit
_ C'eft un Etre bien fingulier que le Tænia : il eft du très-
petit nombre de ces Animaux qui femblent faits fur un mo-
_ dele particulier, & qui n’ont pas d’analogues connus. On l’a
comparé à un tuban, & cette comparaifon eft affez juite,
Mais ce ruban, plus ou moins épais, ouvré & quelquefois
_ dentelé , n’eft pas par-tout de la mème largeur. La partie an-
… térieure du Tænia fe termine par un fil délié ordinairement
applati, & dont les articulations font fi rapprochées qu’elles
paroiffent fe toucher. Le Tænia va enfuite en s’élargifant par
degrés , & les anneaux les plus larges occupent le milieu du
&orps. Non-feulement il a une bouche qui, dans une des
deux Efpeces dont j'ai parlé , eft pourvue de quatre fucoirs
au moyen defquels il pompe le chyle de nos inteftins; mais
a plupart des anneaux font encore pourvus d’un fucoir ana
logue. Le ftigmate eft la logette qui recele ce fucoir. Le Te,
nia l'en fait fortir à volonté. Il fe montre alors fous la forme
d’un très-petit corps longuet, conique & charnu , qui faille plus
ou moins hors du ftigmate. Le Tænia a donc des centaines
de bouches, ou, fi l'on aime mieux, des centaines de trompes
à l’aide defquelles il pompe fa nourriture.
Dans les principaux anneaux de la premiere Efpece de
"Fænia on appercoit deux ftigmates placés l'an au-deflus de
Yautre : l'inférieur, qui ef le plus apparent , eft le feul qui
renferme un fucoir. Autour des ftigmates on découvre un af-
femblage de facs ovales, d’inégale grandeur , dont les rius
apparens font pleins d'une matiere purpurine, & qui for-
ment fur l'anneau un travail qui fe fait beaucoup remarquer.
Ils n’y repréfentent pas mal les pétales de certaines leurs À
demi-ébauchées. Ces petits vifceres, analogues à l’eftomac &
aux inteftins, communiquent avec les ftigmates; & fi le plus
416 CONTEMPLATION
ètre le plus compofé, principalement parce
qu’ils réuniflent les deux fexes : mais les Organes
grand de ces ftigmates fait la fonétion de bouche, on pré
fume aflez que l’autre s'acquitte de celle d’anus. Ceft, ene£
et, par celui-ci qu'on voit fortir la matiere Purpurine des
grands facs lorfqu’on les preffe avec l'ongle. Ces grands facs
feroïent donc les gros inteftins , & les petits, ordinairement
pleins d’une matiere blanchâtre, tépondroient aux inteftins
grèles.
Cette organifation remarquable ne fe retronve pas dans
tous les anneaux de cette Efpeces de Tænia : on ne la découvre
point, même au microfcope, dans les très-petits anneaux de
ce fil délié par lequel fe termine la partie antérieure. Mais
Pextrémité de ce fil offre une particularité qui mérite une
grande attention: elle eft renflées &@ le renflement imite fort
bien la tête d'un Poiffon ou d'un Lézard : obfervé au mi-
crofcope, on croit y voir une grande bouche entr'ouverte ,
dont on diftingue les levres ou les mâchoires: mais l’inter-
valle compris entre ces levres ou ces mächoires eft plein :
une fubftance charnue le remplit, & fa couleur plus claire
que les levres, accioit l'illufion. Si ce renflement eft une
tête, comme les apparences portent à le préfumer , la forte
de bouche que je viens d’efgniffer doit avoir nne organifa=
tion fecrete, bien différente de celle que la fimple infpe&ion
Fait imaginer. Il eft au moins prouvé par une obfervation di-
recte, que la partie antérieure du Tænia des Poules ov fon
extrémité efflée eft prefque toujours fixée dans la tunique
intérieure des intefiins de l'Oifeau. On peut donc en iuférer
légitimement, que le petit renflement on l'efpece de tête qui
termine cette extrémité effilée dans le Tœænia de l'Homme,
de l'Efpece dont je parle, cft organifée de maniere qu'elle
peut fe cramponner aux inteftins > & prubablement encore
en
,
!
DE LA NATURE. X. Part. 417
en tirer une certaine nourriture. On n’en doute prefque plas ,
quand on confidere que le renflement qui termine l'extrémité
efilée du Tænia de la feceride Efpece, eft garnie de quatre
mamelons ou fucoirs dont l’exiftence a été bien conftatée.
Sur les côtés des deux Efpeces de :Tænia regne un long
vaifleau très-délié & tranfparent, qui établit une communica-
tion entre les différentes articulations. On ne le déméle bien
- que dans les plus grands anneaux. Un habile Anatomifte à
fu l'injeéter, & cette injetion lui a démontré la liaifon qui
eft entre les anneaux. Mais on n'y découvre aucun mouve-
ment , & ce feroit en vain qu’on chercheroit dans le Tænia
une grande Artere femblable à celle des Chenilles & de tant
d'autres Infeétes. |
De part & d’autre des vifosres, dans le Tænia de la pre.
miere Efpece, s’obferve cette multitude de petits grains dont
je parlois dans mon texte. Leur figure a paru tenir de l'el.
yptique. On'ignore encore quel rôle ils jouent dans léco-
nomie organique du Ver. Ils rappellent à Pefprit les petits
grains dont tout le corps du Poiype à bras eft parfemé , & qui
fe teignent des couleurs des alimens dont il fe nourrit.
Au lieu de cet afflemblage de faes ou de petits inteflins
qu'on découvre dans les principaux anneaux du Tænia de ia
premiere Efpece , on ne voit dans ceux de la feconde qu'un
amas ée ramifications plus ou moins irrégulieres , que jette
de côté & d'autre am tronc commun, couché au milien de
l'anneau & qui s'étend dans tonte fa longueur. Ces ramifica-
tions ont probablement les mêmes unfages effentiels que les
facs ovales de l’autre Efpece de Tænia.
Ordinairement les fpécifiques qu’on emploie pour expul®re
cet étrange Parafite, lui donnent la mort; mais il arrive quel.
mmquefois qu'il fort vivant ; & fi on le met dans un baïlin plein
d'eau tiedc, on le voit alors fe donner de grands mouvemens
endulatoires & darder de tous côtés fa partie antérieure os
Tome EH. D d
\
#13. C: 0 N'TVE MP, L'ACPITMONR\
fon extrémité eMilée, comimne pour chercher à la fixer quéta
que part. Je n'ai pas vu ces mouvemens dans le Tænia dè
l'Homme ; mais j'en ai obfervé de femblables dans des Tæ-
nia d'Efpece très-diférente & qui n’étoient pas moins remar.
quables. Ils contraétoient & dilatoient alternativement diffé.
rentes portions de leur corps, & ces contraétions & ces di
latations alternatives fe fuccéàcient affez rapidement,
Le Tænia eft très-commun chez les Qualrupedes, chez les
Oifeaux & chez les Poiflons ; & fa conf’rmation varie beau-
coup dans ces différentes claffes d’Animaux. On avoit cru
que le Tæyia de l'Homme étoit renfermé dans les inteftins,
comme un Hermite dans fa cellule; qu'il y étoit toujours
feul de fon Efpece, d’où lui étoit venu le nom de Solitaire
qu'il conferve encore: mais ce nom ne fauroit plus lui con-
venir depuis qu’on s’eft affuré qu’il n'eft pas rare que le même
fujet nourriffe à la fois plufieurs Tænia. Il eft des Animaux
où il femble vivre en grande Société : on a vu des Poiflons
qui renfermoient plus de trois mille de ces Vers.
On n’a point encore rencontré le Tænia de l'Homme hors
du canal inteftinal: mais on a vu des Quadrupedes & des
Poiflons qui logeoient des T'ænia dans d’autres vifceres du
bas - ventre.
Nous formes bien-loin encore d’avoir une bonne Hifboire
du Tænia; mais nous avons au moins quelques Mémoires
pour fervir à cette Hiftoire. Ce n'eft pas chofe facile que
d'étudier à fond un Aniinal appellé à vivre dans les retraites
les plus obfcures. Nous fommes en particulier fort peu éclais
rés fur la maniere dont il multiplie. Un habile Obfervateur ,
qui nous en promet une Hiftoire, aflure qu’il eft ovipare.
Un autre Obfervateur nous apprend, que les Tænia de di.
vers Animaux multiplient par une forte de divifion naturelle;
Ja partie poltérieure fe fépare d’elle- même du refte du corps,
& va végéter à part. Mais c'eft principalement fur l'origine
ri
ee
=>
Re OS A
.. R.
LA
= DE LA NATURE. X. Part. At9
cs plus eflentiels à la vie, y font répandus
de mème dans toute la longueur de PAni-
mal (5 ).
de ce Ver fingalier que nous manquons de lumieres: eft -11
effentiellement parafite? Le corps de l'Homme & des Ani-
maux eft-il fa vraie patrie où provient-il du dehors? Quel-
ques confidérations femblent militer en faveur de cette der-
niere opinion; mais il faut avouer qu'elles ne repolent en
gore que fur des faits affez équivoques, & dont.une Logique
un peu févere ne fauroit fe contenter.
(5) tft Ona faiten dernier lien fur 1e Ver-de-terre
une petite découverte qui mérite que je l'indique, parce
qu'elle m'a paru neuve. Une jeune Obfervatenr, Mr. FLau-
-GERGUES , m'a appris que le Ver-de-terre elt phofphorique
en Automne: ce n’a été au moins que dans cette faifon qu’il
l'a vu luire. Sa lumiere, légérement azurée & affez femblable
à celle du bois pourri, eft répandue uniformément dans
toute l'étendue de fon corps; mais elle paroît un peu plus ”
vive dans la partie qui répond aux organes de la génération.
L'Obfervateur étoit tenté d'en imférer qu’elle pouvoit dépen-
dre de quelqu’efervefcence amoureufe, analogue à celle qu'on
fuppofoit dans le Ver-luifant. Mais le célebre de GEER à
prouvé ,il y a bien des années, que le Ver - luifant efc phof.
phorique dans des tems fort éloignés de ceux de la métamor-
phofe. J'ajouterai, que le hafard m'a fourni une preuve plus
direéte, que le pholpliore du Ver-de-terre ne tient point
à fes amours : j'ai furpris en Novembre deux Vers- de - terre
accouplés : je les ai tranfportés aufMi-tôt dans un lien trèg.
obfeur; j'y fuis refté renfermé avec eux pendant quelques
quarts - d'heure, & je n'y ai pas apperçu la plus légere lueur.
Le phofphore s’éteindroit.il douc au moment de la jouiffance ?
D d 2
420 CONTEMPLATION
Les Corps organifés dont la ftructure eft K
fimple ou fi uniforme, que chacune de leurs
portions a en petit une organifation femblable
à celle que le Tout a plus en grand, jouif.,
fent de diverfes prérogatives qui ont été refu-
fées aux Corps organilés d’une ftructure plus
recherchée. Les premicts ne font point dé-
truits, lorfqu’on les divife ou qu’on les met
en pieces. Leurs différentes portions continuent
de vivre, & les plaies qui leur ont été faites
fe confolident facilement. Ces portions végé-
tent; elles prennent de la nourriture: elles
produifent de nouveaux organes ; elles multi-
‘plient. Ce font là les merveilles que les Végé-
raux @& les Infectes dont nous venons de par
ler, mettent tous les jours fous nos yeux :
merveilles qu’on n’a point aflez admirées dans
ceux-là, & qu’on admire peut-être trop dans
-CeUX - Ci.
Les grands Animaux ne nous offrent pas de
femblables prodiges. La confolidation de leurs
plaies, & la réunion de leurs fraétures, quoi-
qu'accompagnées fouvent de circonftances qui
Mais les deux Amans ne paroïiffoient point du tout langui£
fans : je fais cette remarque, parce que l'Obfervateur aflurs
que la lumiere eft d'autant plus foible, que le Ver eft moin&
vigoureux : elle difparoît entiérement lorfqu'il ne vit plus.
DELANATURE. X:Part. 421
les rendent très - remarquables , ne nous frap-
pent que médiocrement, comparées aux faits
analogues que nous obfervons dans les Polypes
& dans les autres Inféctes qui multiplient de
bouture. Les mouvemens que fe donirent cer-
taines parties des grands Animaux , lorfqu’elles
ont été féparées du corps, eu que l'Animal a
clé de vivre , ne nous caufent non plus qu’une
médiocre furprife , quand nous confidérons les
mouvemens que fe donnent les différentes por-
tions de certains Vers, ou celles de quelques
Mille - pieds,
Mais nentie-t-il aucune fédnction dans
ces divers jugemens ? Nous jugeons de l’eflet
produit , confidéré en lui- mème & féparé des.
circonftances qui l’accompagnent ; au lieu qu’il
faudroit en juger relativement au plus ou au
moins de compoftion du corps dans lequel cet
effet elt produit. I y a mème autant & plus
de merveilleux dans la confolidation de certai-
nes fractures de notre corps, qu'il n'y en a
dans la confolidation des plaies des Polypes ou.
dans la réunion des parties qui en ont été fé-
parées. Une machine tres - fimple fe répare ai-
fément; une machine extrèmement compoñée:
ne fe répare pas avec la mème facilité. Quand
nous penferons au nombre prodigieux de pars
D d 3
422 CONTEMPLATION
tics fimilaires & diffimilaires qui entrent dans
la compofition du corps des grands Animaux ,
& fur-tout dans celle du corps humain 5 quand
nous ferons attention à la liaifon étroite de
toutes ces parties, & aux dégrés de compoli-
#ion de chacune, nous ne pourrons aflez nous
Ctonner que divers accidens qui furviennent
a ces corps, n'aient pas de plus grandes fuites.
Nous, fentirons en mème temps pourquoi il ne
leur eft pas donné de fe propager comme les
corps dont l’organifation eft plus fimple (6).
C6) + Les réflexions que je faifois dars ce Chapitre fur
Îes merveilles que recelë, la confolidation de certaines plaies
des Animaux qu'on juge les plus parfaits, font bin jnfti.
fées par des exemples frappans & ce genres fres-divers. On
Se rappellera ces furprenantes régénérations que l'illuftre
DUHAMEL a vu s'opérer dans la jambe d’un Pouiet. ( Part.
VIII. Chap. XVII. Note 4.) Le Poulet eft déja bicn élevé
dans l'échelle de l'animalité : mais que d’étonnantes repro-
ductions ne s'exécutent point encore dans le Corps humain,
ce chef-d'œuvre de la Création tetreftre! On a vu le cuir
chevelu de la tête, les tégumens du bas-ventre @& quelques
vifceres {e réparer en entier ou en très- grande partie ; la
langue repouffer après avoir été coupée ; de profondes cou-
pures du bras, du poignet, de la main, des doigts, &c. fe
confolider , & le membre , prêt à tomber, fe réunir à fon
fujet & fe greffer avec Ini. Que dirai- je encore ! on a vu
des parties étrangeres au Sujet {e greffer ou s'incorporer fi
bien avec lui, qu’elles y prenoïent vie, que la circulation
S'y établioit & que le fentiment s'y développoit, La théorie
D£ LA NATURE. X. Pari. 423
Mars, indépendamment du plus ou du moins
de compoñtion des parties néceflaires à la vie,
dès que ces parties fe trouvent placées en
des plaies eft une des plus belles parties de la fcience chi-
rurgicale, & celle qui nous donne les plus hautes idées de
Forganifation du Corps humain.
J'avois trop attribué, fans doute , à la fimplicité de l'or-
ganifation : c’eft que j'avois fur-tout dans l'efprit les admi-
gables reproduétions qui s’operent dans les Infetes qui mul-
tiplient de bouture, & dont la ftruéture paroît beauconp
moins compufée que ceile des Animaux des claffes fupérieu-
res. Les reproluétions plus admirables encore du Limacon
terreftre & de la Salamandre aquatique, m’avoient point en-
core été découvertes & n'avoient pas même été. foupçonnées.
Et comment auroit-on fonpgonné, qu'un petit Quadrupede
pouvoit réparer-en entier la perte de fes bras, de fes mains,
de fes jambes, de fes pieds, de fes mächoires, &c.! Com-
ment auroit-on foupconné, que des membres fi compofés »
pourvus de tant d'oflulets, de mufcles , de-nerfs, d’arteres, .
de veines, &c. pouvoient fe réintégrer fi parfaitement ; que
les nouveaux .membres ne différaflent en rien des anciens !
Plus.on eft verfé dans l'anatomie, & plus on s'étonne de
ces reproductions dans des Touts fi compofés. J'ai fait admi..
rer ailleurs (Part. III. Chap. XXI. Notes 4 & s)le grand
apnareil d'organes divers qui: entrent dans la compofition de :
Ja tête du Limaçon terreltre; &- pourtant cette tête fe re-
produit.en entier comme les membres de la Salamandre. Ce:
n'eft donc pas principalement de la fimplicité de l'organifation
que dépendent ces reproduétions qui nous étonnent ; c'eft fur-
tout de la nature particuliere de l'organifation, du degré de
eoufiftance des folides, du genre & de le température des su
Dd 4.
424 CON TEMPLATION
!
différentes régions du corps, dès qu’elles ne
font pas répandues dans toute fa longueur,
ce corps ne fauroit être multiplié de bouture.
meurs. La MAIN ADORABLE qui a façonné tous les Etres,
a pu renfermer très en petit dans des germes, des organes
extrêmement compofés: fi elle a placé de femblables germes
dans un Coquillage ou dans un petit Quadrupede ; fi elle les
y a diftribués dans un ordre relatif aux pertes que ce Co-
quillage ou ce Quadrupede pouvoient faire de dilférens or-
ganes ou de difiérens membres ; fi elle en a confitué les £o-
lides & les humeurs de maniere à y prévenir les hémorrha-
gies , les inflammations, les dépôts qui accompagnent ‘ordi-
nairement les grandes plaies chez les Animaux à fang chaud,
ce Coquillage ou ce Quadrupede, quoique très - compolé,
pourra fontenir les opérations les plus cruelles, réfifter aux
plaies les plus énormes, & réparer en entier la perte de tous
fes membres. Quand on coupe le bras, la cuiffe ou la queue
à une grande Salamandre, l’on en voit jaillir un jet de fang,
gros comme une foie de Porc, qui coule fans interruption
pendant plus de deux minutes, & qui teint l'eäu en rouge
comme tout autre fang. Mais les vaifleaux fe ferment bien
tôt d'eux-mêmes, & la force contradile dont ils font doués
eft telle, qu'ils réfiftent conffamment à la force impulfive du
cœur & à toutes les ‘impulfions qu'occafonent les divers
mouvemens que l'Animal ne cefle point de fe donner: car
il montre à-peu-près autant d’agilité après l'opération qn'au-
paravant; & fi au bout d'un quatt-d'heure on lui préfente
un Ver-de-terre vivant, il le faifira avec avidité & l’englou-
tira. Les folides de la Salamandre font gélatineux : ils con-
fervent toujours une certaine foupleffe : les os eux-mêmes
demeu:cnt flexibles & n’acquierent jamais, ni à beaucoup
DE LA NATURE. X. Part. 42
En refufant, dans Sa SAGESSE , cette propriété
aux grands Animaux , en reflerrant chez eux
les {ources de la vie dans un cercle aflez étroit,
près, le degré de dureté propre aux os:des grands Ani-
maux.
La Limaçon, qui n’a d’offeux que fa coquille, ef plus
gélatineux encore que la Salamandre , & l’on connoit la vif-
cofité de fes humeurs par ces traces luifantes qu’il laifle
fur les corps qu'il parcourt. Immédiatement après qu’on lui
a coupé la tête, fes vaifleaux & fes chairs fe contraétent
avec, force : il fe retire aufi-tôt bien avant dans fa coquille,
& y refte fouvent des femaines & des mois fans en fortir.
C'eft dans ce long repos qu’il travaille à réparer la perte de
fa tête: il n'y réuflit pas toujours, & le plus fouvent il pé-
rit d'inanition avant que ‘de lavoir refaite en entier. Tantôt
il ne parvient à reproduire qu'une des grandes cornes ou
une des petites ; tantôt il en reproduit en même tems deux
ou trois. D'autrefois il ne refait que fes levres, &c. Il n’eft
pas bien rare encore que toutes ces reproductions foienti"monf-
trueufes : les deux grandes cornes, par exemple, fe gref-
fent l'une à l'autre dans toute leur longueur, & ne compo-
fent plus qu’une feule corne en forme de mufeau, au bout
duquel font deux, veux en guife de narines. Rien de plus
. varié que ces fortes de monftruofités , & rien de plus propre
à répandre du jour fur l’hiftoire ténébreufe des monftres.
Mais quand le Limacon parvient à refaire fa tête en entier!,
cette tête eft aufli parfaite, foit à l'extérieur ,! foit dans l’inté-
teur, que celle qui Ini avoit été enlevée. La difleétion anats-
mique en fournit la preuve la plus démonftrative.
Les reproduétions de la Salamandre offrent auffi des monf-
aruofités très-remarquables, foit par défaut, foit par excés.
n
46 CONTEMPLATION
l'AuTEUR de la Nature les en a dédommagéæ.
par bien des avantages. Comparez la fuite des:
mouvemens ou des actions d’une Ortie de mer ».
*
Non-feulement il arrive affez fouvent que les doigts des mains
& des pieds qui fe reproduifent, fe greffent les uus aux au
tres dans une partie plus ou moins confidérable de leur lon-
gueur; mais il arrive encore que le nombre des doigts varie,
€ qu'il eft tantôt plus grand, tantôt plus petit que dans
ordre naturel. On fait que la Salamandre a quatre doigts
aux mains @& cinq aëx pieds. On voit affez fréquemment des
Salamandres dont la main & le pied nouvellemert reproduits
ne montrent que trois doigts; & l’on en obferve dont la nou-
velle main a cinq doigts & le pied huit. L'art de l'Obferva.
teur peut même déterminer la Nature à reproduire plus de
doigts qu’elle n'en a donné aux mains & aux pieds de l'Am-
phibie; & ces doigts furnuméraires fuivent dans leur accroit-
fement les mêmes loix que les autres, & font aufi bien or.
ganifés. En général les reproductions des membres font très-
régulieres, & le membre qui fe reproduit aétuellement, cf
la plus jelie miniature qui renferme très-en petit tout ce-
que l’ancien membre ofroit en grand. Le membre qui fe re-
produit & qui n'eft encore qu’une miniature, contient ac-
tuellement les mêmes feurces de réparations que l’ancien : fi
où en retranche une partie, il reproduira une partie fem-
blablement organifée, & qui ne différera que par fa petitelle-
& fa mollefle de celle qu'on aura retranchée. Si l'on répete
l'opération fur cette partie nouvellement reproduite, elle en-
pouffera elle - même lune troifieme , femblable pour leffentiel
aux deux précédentes, & nous ignorons encore le terme af.
figné à ces fortes de reproduétions. L'on en a déja obfervé.
fept à huit confécutives dans le même membre. Je renvois.
1
RÉ cs
DELA NATURE. X. Part. 427
avec la fuite des mouvemens ou des actions
du Singe , & vous fentirez bientôt quel cit ce-
lui de ces Animaux qui a été le plus favorile-
ENFIN , les Corps o’ganifés auxquels il a
êté accordé de multiplier par une voie qui fem-
bleroit ne tendre qu'à leur deltruétion, font
ceux qui étoient expofés à de plus grands dan-
gers, & dont jia_vie devoit ètre menacée à
chaque inftant de mille accidens divers ( 7).
mon Lecteur fur les autres merveilles de la Salamandre , à
la Note 6 du Chap. II de la Part. IX. Je le renvoie encot
fur le méchanifme de la confolidation des plaies, à ce que
jen ai dit Chap. XVIII de la Part. VIIL.
(7) tt Tous les Animaux qui jouiflent du privilege de
refaire leurs membres, font expofés à les perdre par je ne
fais combien d’sccidens. On péche dans les mares, de ces
Vers longs & caffans qui multiplient de bonture, dont les
uns font privés de tête, les autres de queue; d’autres des
deux extrémités à la fois. On pêche de même des Polypes
& des Etoiles de mer à qui il manque un ou plufieurs mem-
bres. Le Ver-de-terre perd fouvent fa tète ou fa queue, &
guelquefois les deux enfemble qui lui font enlevées par les
Taupes ou qu'il perd par d’autres caufes accidentelles. On
retire des étangs des Salamandres dont les membres conier-
vent des indices très-marqués de mutilation, Il n’eft pas
rare qn’elles perdent quelques doigts dans les mues qui font
fréquentes. Enfin, on rencontre dans la Campagne, des Li-
maçons dont une ou deux cornes ont été pareillemeut mu
tilées.
428 CONTEMPLATION
EE: a
G'H' 4 ED RUE FOOT
La Circulation.
FE NTRE les mouvemens que nous obfervons:
dans l’intérieur des Machines animales, celut
de la circulation tient le premier rang, loit
par fon importance, {oit par fa nature, foit
part fa durée & l’appareil d'organes au moyen
duquel il s'exécute. Il regne dans ce mouve-
ment un air de grandeur qui faifit fortement
PEfprit, & qui lui fafant fentir les bornes Ctroi-
tes de l’Intelligence humaine , le penetre du
plus profond refpe&, & le remplit de la plus vive
admiration pour INTELLIGENCE INFINIE qui
brille dans {on Divin AUTEUR.
\
C'eft une claffe immenfe que celle de ces Animaux aux-
quels il a été donné de refaire leurs membres. Tous les Zoo-
phytes lui appartiennent, & leurs Familles innombrables
tapiffent le fond des ruiffeaux, des étangs & des mers. Les:
Coquillages , dont les Familles ne font pas moins nombreules ,
les Crabes & divers Amphibies lui appartiennent encore;
& fans doute qu'il eft bien d’autres Efpeces d'Animaux qui
fe rapprochent à cet égard des Plantes, & qui exerceront l’in-
duftrie des Naturaliftes des fiecles à venir. Voyez dans com-
bien d’Efpeces d'Animaux cette propriété a été découverte
depuis 1712, que REAUMUR la fit admirer dans l'Ecrevifté.
DE£ LA NATURE. X. Paré. 429
Au centre de la poitrine, entre deux mafles
fpongieufes ou vafculeufes, connues fous le
nom de poumons, eft couchée une pyramide
charnue , dont la bafe porte deux petits enton.
noirs, en maniere d’oreillettes, qui commu.
niquent à deux cavités contenues dans l'inté-
rieur de la pyramide , & qui le partagent fui-
vant fa longueur en deux chambres ou ven-
tricules, le ventricule droit & le ventricule
gauche. Cette pyramide eft le cœur ou le prin-
cipal reflort de la Machine. Il a deux ordres
principaux de fibres mufculaires; les unes vont
obliquement de la bafe à la pointe : les autres
coupent celles - ci tranfverfalement. Du jeu de
ces fibres réfultent deux mouvemens oppolés ,
lun de raccourciflement ou de dilatation ; l’au-
tre d’alongement ou de contraction. Le cœur
paroît exécuter ces mouvemens en tournant fur
lui- mème en forme de vis. Sa pointe fe rap-
proche ou s'éloigne de la bafe, en montant ou
en defcendant obliquement.
Deux gros vaifleaux communiquent avec
chaque ventricule, une artere & une veine.
L’artere (1) qui communique avec le ventri-
cule droit, porte le fang au poumon. La
(1) L'artere poulmonaire.
%o CONTEMPLATION
veine (2) qui communique avec le mème ven:
tricule, forme le principal tronc des veines, &
rapporte le fang de toutes les parties au cœur.
L'’artere (3) qui entre dans le ventricule gauche,
elt le principal tronc des arteres; & c’elt elle
qui porte le fang à toutes les parties. La veine (4) ,
qui aboutit au mème ventricule, lui tranfmet
le fang qu'elle a rapporté du poumon.
Les principaux troncs des arteres & des vei-
nes fe divifent en plufieurs branches à peu de
diftance du cœur. Les unes tendent vers les
extrémités fupérieures; les autres vers les in-
férieures.
Les arteres & les veines diminuent de dia-
metre & fe ramifient de plus en plus à mefure
qu’elles s’éloignent de leur origine. Il n’eft point
de parties auxquelles elles ne diltribuent un
ou plufieurs rameaux.
PARVENUES aux parties les plus reculées,
les arteres s’abouchent aux veines, foit que
(2) La veine - cave.
(3) La grande artere ou l’aoris.
! (4) La veine poulmonuire,
ES TT. TS ES ee Re
DE LA NATURE X. Parti 43%
et abouchement foit réel ou immédiat, foit
qu’il fe fafle par linterpofition d’un tiffu très.
fin (5), ou que le mème vaifleau fe prolonge
à la maniere d’un fyphon à deux branches.
(s)tt L'obfervation ne dépofe point en faveur de ce
#iff4 très- fin qu’on fuppoloit gratuitemest former la eommu.
ñication des arteres avec les veines. On peut s’en rapporter
à - deffus à l'illuftre HaLzLer, dont je tranfcrirai Jes pro=
pres termes. ,, On s’eft afuré, dit-il, par des expériences
>» faites au microfcope, fur les queues, les pattes, les mé-
» fenteres des Leézards, des Grenouilles, &c. que le fang
> pouflé par les arteres vers les extrémités, eft porté ou
> dans les veines continues à ces arteres réfléchies fur elles-
mêmes, ou dans des rameaux qui communiquent du tronc
>» artériel avec la veine parallele, @& qu'il revient par les
» Veines dans la partie la plus proche du cœur. Cette circu-
» lation a lieu, tant dans les petites veines qui ne peuvent
,, laifler paffer qu’un feul globule de fang , que dans celles
» Qui font un peu plus grandes, & par lefquelles il pale
,, alors deux globules. On ne peut découvrir dans ancune
» partie aucune matiere fpongieufe ni aucun parenchyme en-
*,, tre les arteres & les veines; c’eft ce que confirment Île
» microfcope & fur-tont l’injeétion qui formeroit en s'épan
n» chant des mafles informes, s’il y avoit des efpaces cellu-
» laires entre l’artere & la veine ”.
Mr. SPALLANZANI s'eft aufli affuré, que l’aétion du
eœur porte fon influence non - feulement jufqu'aux extrémités
les plus ténues des arteres, mais encore jufqu'à l'entrée des
veines : car il a vu le mouvement du fang s’accélérer dans
celles- ci à chaque pulfation du cœur. Ceci n'avait point er-
core été apperçu,
43: CONTEMPLATION
Les arteres {ont compofées de plufieurs memi
branes principales, pofées les unes fur les au-
tres, & qui leur donnent le mouvement & le
fentiment. Les veines ont de femblables mem-
branes; mais elles y font plus minces ou plus
foibles. Les veines n’étoient pas appellées à exer-
cer la mème puiflance que les arteres. Celles-ci
devoient , comme le cœur & pour la mème fin,
£e dilater & fe contracter ; elles ont donc été
poutvues d’une membrane fort élaftique. Les
veines ne devoient pas avoir de jeu fenfible.
À la naïflance des arteres & dans l’intérieur
des veines, font placées de petites éclufes ou
de petites valvules, qui en s'abaiffant & en fe
relevant, ouvrent & ferment le canal. Ces val-
vüles font pofées dans les veines en fens con-
traire à celui qu’elles ont dans les arteres. Nous
verrons bientôt la caufe finale de cette dif-
férence.
APRÈS avoir été broyés & diflous dans la
bouche & dans l’eftomac, les alimens defcen-
dent dans les inteltins , où ils reçoivent une n5u-
velle préparation par le mélange de deux li-
queurs, dont l’une eft fournie par le foie, &
{e nomme la bile, & dont lautre eft fournie
pat
DE LA NATURE. X. Fur. 433
bar tine efpece de glande (6) fituée fous ef
tomac,.
Les alimens font convertis en une efpece
de bouillie grifätre qui à recu le nom de chyle;
Chaflé de place en placé par le mouvement
vermiculaire ou périftaltique (7) des intef.
tins ; preflé fortement contre leurs parois dans
Pinftant de leur contraction, le chyle pénetre
. dans des vaifleaux extrèmement déliés (8) qui
s’ouvrent dans la membrane interne du con-
duit inteftinal (9). Ces vaileaux tran{mettent
. (6) Le pancréas & le fuc pancréatique.
(7) Voyez le Chap. 3 de la Part. VIE
C 8 ) Les veines Zactées fremiéres:
Co) ff Liererrünn, fi célebre par fes belles décou:
Vertes microfcopiques, a prouvé que les petits poils qui
compofent la tunique vileufe ‘ou le velouté des inteftins ,
étoient autant d’efpeces de petites ainpoules fpongieufes, per-
tées d’un trou; & qu’à chaque poil aboutit un vaifleau ladé
Qui paït de la turique vafculeufe, Des artérioles, & ordis
nairemènt une feule veinule fe rendeñt encore à chaque pôiL.
Le liquide artériel eft verfé en partie dans l'amponle aveé
le chyle, & une portion de celui-ci eft tréforbée par It
veinule. Le pénétrant Obfervateut a découvert encore autout
de chaque poil plufieurs cavités ou follicules, qui font Îes
Sources long - temps cherchées de la mucofité qui enduit it
térieurement les inteftins, à
Tom, IL E 6
s ©
g34 CTCONTEMPLATION
le chyle à de très - petites glandes dont eft par
femée une efpece de membrane (10) fituée au "|
milieu des inteftins, & autour de laquelie ils M
font comme rouiés. Fitré & travaillé dans ces
glandes , le chyle y elt repris par d’autres vaif
«faux (11) qui le conduifent dans un ca-
nal (12) placé le long de Pépine, & qui le
verfent dans une veine fituée fous la clavi-
cule gauche. Là, il entre dans le fang, & perd
le nom de chyle (13). De cette veine le
nouveau fang pañle dans la branche fupérieure
du principal tronc des veines, qui le conduit
vers le cœur. Il entre dans l'oreillette droite ,
qui s'ouvre à fon approche, & qui en fe ref
{errant aufi-tôt, le pouffe dans le ventricule
droit, dilaté pour le recevoir. Le cœur fe con-
(10) Le méfentére & jes glandes s#éfentériques.
( 11) Les veines Zacfées fecomdaires.
(12) Le canal #horachique.
(13) ft Quelques Phyfologiftes avoient cru que les gies
bules du fang tournoient fur eux-mêmes en même temps qu'ils
exécutoicnt leur mouvement progrefif. Mr. SPALLANZANI,
qui a obfervé ces globules dans les vaiffeaux de différens Ani-
maux vivans, a reconnu avec la plus grande évidence,
qu'ils n’ont pas d'autre monvement que celui que leur im
prime le courant lymphatique on féreux, qui les enriaine,
|
“
DE LANATURE. X. Port. 43$
tracte à l’inftant ; les valvules, dont le ven.
tricule eft garni, s’élevent pour s’oppoler au
reflux du fang dans l'oreillette # il eft forcé d’en-
filer la route de l’artere qui doit le porter au
poumon. Les valvules pofées à l’entrée de cette
artere, s’abaiffent ; l’artere fe dilate, & le fang
s’avance dans le canal. Les valvules fe redref
Sent & préviennent fon retour vers le cœur.
L’artere fe contracte , le fang eft pouffé plus
loin, & par ces dilatations & ces contractions
alternatives du vaifleau, il eft porté au pou-
mon, dont il parcourt tous les plis & Îles rez
plis. Les ramifications de la trachée (14), ré-
pandues dans le vifcere, y pottent un air frais
& élaftique , qui, en agiffant fur le tiflu liche
& fpongieux du poumon, le dilate, le dévide,
“étend, le déploie, & facilite par-là le cours
du fang dans les plus petites ramifications de
lartere. De plus, imprégné de cet air, le fang
s’y atténue, {e rafraichit & prend une couleur
_ plus vive. Parvenu aux extrémités de l’artere,
il pale dans celle de la veine pulmonaire qui
le conduit au ventricule gauche du cœur. Celui-ci
en fe contractant, le poufle dans l'aorte (15),
qui, en fe divifant & fe fubdivifant fans cefle,
(14) Les bronches.
” (15) Le principal tronc des arteres.
Ee 3
435 CONTEMPLATION
diftribue cette liqueur balfamique à toutes léé
parties , pour fournir à leur accroïfflement ou à
leur entretien, & pour donner lieu à différentes
fécrétions (15 ). Les valvules de l'aorte...
mais mon Lecteur m'a déja prévenu. Des ex-
trémités de cette artere, le \fang pañle dans
celles de la veine cave (17), qui rapporte an
cœur le réfidu du fang , pour le faîre rentrer
de nouveau dans les routes de la circulation.
C’elt ainfi que la grande énergie du cœur, fe. …
condée de celle dés arteres (18), tranfmét.
(16) Voyez le Chapitre V de la Part. VIT.
(17) Le principal tronc des veines.
(18) ff Aucun Phyfologifie n'a plus approfondi fa eir+
“culation du fang, que l'Abbé SPALLANZANI. Son Ouvrage -
fur ce grand fujet ajoute beaucoup à la Phyfique organique.
L'Auteur a recherché, en particulier, fi le mouvement dw
fang dépend uniquement de limpulfon du cœur, ou fi la
contraction des arteres @& d’autres puiffances fecondent cette:
impullion. Mais toutes fes obfervations orit concouru à éta=
blir, que Îe principe de ce mouvement perpétuel réfide uni-
quement dans la force impulfive du cœur. Il a démontré,
que les calibres étant égaux, le fang fe meut avec- autant de
viteffe dans les veines que dans les arteres. Ce réfultat eft
bien contraire à l'opinion des Phyfiologiftes qui penfent que
le fang artériel fe meut plus rapidement que le fang vei-
neux
@n avoit cru encore que le mouvement du fang artérick
DELA NATURE. X Port. 437
le fang aux parties les plus reculées du corps,
malgre la réfiltance que la gravité, les frotre-
mens & mille autres circonftances apportent à
fe ralentifloit beaucoup à mefure qu'il s'éloignoit du cœur,
& l’on avoit affigné différentes caufes de ce ralentiffement,
Notre Obfervateur s’eft convaincu par fes longues recherches,
que le fang conferve aux extrémités les plus déliées des ar-
teres , une très-grande vitelfe. |
Ce font encore les Amphibies qui ont valu à notre Auteur
ces vérités importantes fur la cireulation. 11 l’a aufli étudiée
dans le Poulet en fuivant les traces des MarPiGHr & des
Hazrrer. Ce mouvement, qu’on croiroit fi régulier dans
l'Adulte , y eft pourtant fujet à des anomalies fingulieres.
Dans une portion de l'aorte contiguë au cœur, & rame dans
une portion de l'aorte defcendante , le fang s’arrète par
momens pendant la dyaftole du cœur ; tandis que daus une
portion différente du même vaiffeau, il court inégalement,
plus vîte dans la fyftole & plus lentement dans 11 dyaftole:
mais dans les arteres d’un plus petit diametre , on n’appercoit
pas ces irrégularités, & le fang s'y meut d'un mouvement
égal ou uniforme: Chez le Poulet d'un jour ou deux, le
mouvement du fang eft fouvent interrompu: ii s'arrête dans
a dyaftole; & la fyftole me lui fait parcourir qu'un chemin
très - court : mais à mefure que l'Embryon fe développe, les
xepos deviennent moins fréquens ; les efpaces parcourus aug-
mentent ; & fur la fin de l'incubation le fang a déja acquis
une très-grande rapidité.
Il nous manque encore bien des lumieres touchant l'aétion
de l'air fur le fang pulmonaire. Notre ingénieux Naturalifte
a découvert, que ce fluide fubtil inAue beaucoup fur la con-
- fervation du mouvement du fang pendant fon paflage dans
Ee:3
483 CONTEMPLATION
fa marche. La forte preflion que le fang arté-
riel exerce continuellement fur le fang veineux,
furmontant de mème a pefanteur naturelle,
(
Les poumons. Il a démontré en même temps la faufeté ds
Y'opinion qui attribue au fang pulmonaire une viîtefe fingu.
liere.
Nous l'avons vu : l’Embryon eft blanchâtre, tranfparent
& preïque fluide dans les premiers temps. Ses vaifleaux ne
montrent point alors cette liqueur rouge qu'ils feront circuler
un jout avec tant de régularité & de conftance, Ce n’eft que
peu-à-peu que les folides & les fluides fe colorent, parce que
ce n’eft que peu-à-peu que le calibre des vaifleaux accroît,
& qu'ils parviennent à admettre des molécules plus hétéro-
genes, moins fubtiles & plus colorantes. L'Obfervateur ne
fauroit faifir le temps précis où le fang commence à fe colo-
rer en rouge. Il pañle probablement par bien des nuances
avant que de fe colorer ainf. Mais, il eft une chofe dont
notre Naturalifte croît s'être bien affuré par des procédés qui
n'avoient pas été employés avant lui : c’eft que le fang qui
paroïît jaune au travers du vaifleau quand on l'obferve par
une lumiere réfradtée, paroît conftamment rougeñtre , ob-
fervé par une lumiere réfléchie. On s’en convainc fur le
Tétard. Mais cette couleur rougeûtre fe renforce de plus en
plus à melure que le Tétard avance en âge. J1 eft chez le
Poulet une autre caufe altératrice de la couleur du fang ; c’eft
le jaune de l'œuf. On ne peut obferver les vaifleanx fanguins
du petit Volatiie, fans que leu: couleur propre ne fe reffente
plus on moins de celle du jaune : les deux couleurs fe con-
foncent ainfi & produifent une apparence de jaune. Un ha-
bile Obfervateur paroit y avoir été trompé. Notre Phyfo-
logifte, plus circonfpe& & plus adroit, a fu faire difparoitre
DE LA NATURE. X. Part. 43%
Te force de s'élever des parties inférieures au
cœur. Les efpeces de valvules diftribuées cà &
là dans l’intérieur des veines afcendantes, &
qui font comme de petits echellons, le batte-
ment continuel des arteres qui rampent à leur
côté , le jeu des mufcles, &c. aident encore le
retour du fang.
TELLE eft, très. en raccourci, l’admirable
méchanique de la circulation du fang dans
PHomme & dans les Animaux les plus connus.
Mais combien cette légere efquiile eft-elle au
deffous de la réalité ! Combien ces traits font-
ils foibles pour exprimer les beautés de ce grand
fujet! Que jenvie votre favoir, Phyficiens ,
qui connoifez mieux que moi ces beautés, qui
voyez plus à découvert Cette merveilleufè éco-
nomie, & qui avez ramené au calcul l’action
de ces puiflances qui entretiennent en nous la
.
lillufion, en dégageant du jaune de lœuf la membrane vaf
oculaire & en la plaçant fur une glace: la couleur jaune s'eft
évanouie auf -tôt, & les vaifleaux ent paru rouges.
Tous les vaifleaux fanguins n’apparoiffent pas en même
temps dans i'Embryon : notre Phyfologifte a été conduit à.
rechercher fi les vaiffeaux qui n’apparoiffent point encore,
préexiftoient déja dans le Tout organique ; & c’eft une vérité
qui lui a paru découler de toutes fes obférvations, & qui
va À l'appui de tant d’autres Faits qui concourent à établir la:
bi f univerfelle de la préformation des Etres vivans,
E'e-4
410 CONTEMPLATION
vie & le mouvement! Que font cependant en:
core vos brillantes découvertes , auprès des beau- |
tés qui vous demeurent cachées! Que font vos |
favantes & curieufes defcriptions, relativement
à ce que le fujet eft en lui- même! Les figu-
res groflieres qu'une main enfantine crayonne
fur un mur, font peut-être moins éloignées
des chefs - d'œuvres d’un RuBENs ou d’un Ra-
PHAEL. Voyez - vous diftinétement comment les
forces de la vie fe réparent? Concevez - vous
nettement la caufe de ce mouvement perpétuel
du cœur, qui continue fans interruption pen.
dant 70,80 ou mème 100 ans, qui a duré
des fiecles dans les premiers Hommes, & qui
dure encore pendant un temps prefque auffi
long dans quelques Efpeces d’Animaux { 19)?
Âvez- vous découvert le point où lartere fe
change en veine? Avez-vous pénétré dans le
myftere de la fécrétion de ces efprits, dont la
fubtilité & l’activité. prodigieufes femblent les
(19) ft On fait aujourd'hui que la caufe des mouvemens
du cœur eft dans fon irritabilité : cela n'avoit pas encore été
démontré, quand je compolois ce paragraphe de mon Texte. 7
Mais il refte à découvrir ce qu'eft l'irritabilité elle - méme.
On entrevoit bien qu’elle doit dépendre de lation d’ur Auide l
invifible fur les fibres mufculaires ; mais ce n’eft-là qu'un \
fimple apperçu ou une foible lueur, & on defireroit la lue
miere du grand jour.
BL AËEN AT UR E.' X Pari. ‘444
rapprocher de la lumiere ? Pouvez - vous mème
décider fur la maniere dont fe font les fécrée-
tions les plus groilieres ( 20 ) ? Connoïffez-vous
la véritable méchanique des mouvemens muf-
culaires ? Avez- vous découvert d’où leur vient
cette grande force, fouvent fi fupérieure à celie
du cœur (21)? Toutes ces dépendances de la
circulation nous demeurent voilées. Une fombre
nuit couvre encore ces régions, & vous de-
firez avec ardeur le lever de l’Aftre qui doit
diffiper ces ombres. L’Aurore de ce jour dorera-t-
elle bientôt l’horifon du Monde favant ? ou fa
naiflance eft - elle encore fort éloignée ?
Mais fi nous ne découvrons pas tout, nous
en voyons du moins-aflez pour que notre ad-
miration ne foit point aveugle; & l’efquifle que
je viens de crayonner de la circulation, fuffit
pour nous faire concevoir les plus hautes idées
de la SOUVERAINE INTELLIGENCE qui en à
ordonné la maniere, la durée & la fin.
(20) tft On a fait de nos jours d'aflez grands pas dans
la théorie des fécrétions. Conful, le Chap. VI de a Part,
VII, & les Notes,
(21) tt Le problème du jeu des mufcles n’eft pas encore
pleinement réfolu. Voyez Part, VII, Chap. II, Note 2.
442 CONTEMPLATION
Moixs magnifique dans fes plans, moins:
habile dans l'exécution , Hydraulique ne nous.
offre de cette merveille que de foibles images
dans les machines au moyen defquelles elle éleve
l'eau au - deflus des Montagnes, pour la diftri.
buer dans tous les quarticrs d’une grande Ville,
& pour la faire circuler ou jaillir fous cent for.
mes, dans ces Jardins que l'Art & ia Nature.
embelliflent à l’envi.
Les Ouvrages du CRÉATEUR veulent être-
comparés aux Ouvrages du CRÉATEUR. Tou-
jours femblable à Lu - mème, I£ a imprimé à
toutes Ses Piodudions un caractere de nobleffe
& d'excellence, qui démontre la grandeur de
leur origine. De cet immenfe amas d’eau ; qui
ceint les grands Continents, s’éleve fans ceffe
un Océan de vapeurs (22), qui, raréfiées par
(22) tt Je n'exagérais pas ici, en parlant d’un Océax de
vapeurs. Le grand calculateur HALLEY avoit trouvé, qu'une
furface d'eau exhale en deux heures un cinquante - troifieme-
d'un pouce à une température égale à celle de nos jours d'Eté.
Il en avoit conclu , qu'il s’exhale journellement en douze-
heures. de la Méditerranée plus de cinq mille deux cent quatre-
Vingt millions de muids d’eau. On fait que le muid eft de
deux cent quatre - vingt- huit pintes de Paris, & que la pinte:
vele deux livres. C'étoit ainf que HALLEY prouvoit, que.
lévaporation des Mers {ufit à l'entretien des fontaines & des
Reuves.
DE LA NATURE. X.Part. 413
Paction combinée du Soleil & de l'air, s’éten-
dent dans les couches fupérieures de l'Athmof-
phere, où elles demeurent fufpendues en équi-
libre , confondues avec le fluide dans lequel elles
nagent, & pefent avec lui. Raffemblées enfuite
en nuages plus ou moins denles, & portées fut
les aîles des vents, elles parcourent les plaines
céleftes qu’elles ornent de leurs riches couleurs ,
& de leurs formes toujours variées. Fixées enfin
fur le fommet des Montagnes, elles y verfent
les pluies abondantes , qui, recueillies dans les
valtes réfervoirs que renferme leur fein, four-
niffent par une heureufe circulation à l'entretien
des fontaines ,ides fleuves, des lacs & des mers.
Semblables aux arteres & aux veines , les denves
ferpentent & fe ramifient fur la furface de la
Terre; ils parcourent d’immendes Contreées , ils
les arrofent, les fertilifent, les uniflent paru
commerce réciproque, & roulant majettueule-
ment leurs flots vers la mer, ils s’y plongent ,
pour être de nouveau élevés en vapeurs, &
rentrer ainfi dans les routes de cette magnifique
circulation,
Fe
444 CONTEMPLATION
3
G'H A Pl TIRE RUE
VE
Continuation du même [ujet.
EL À feve circule-t-elle dans les Plantes,
comme le fang circule dans les Animaux? Ce .
nouveau trait d’analogie entre ces deux claf-
fes de Corps organifés , eft- il auf réel qu’il a
- paru l'être?
DE petites veflies pleines d’air, qu’on a cru
découvrir dans l’intérieur des feuilles ( 1) ; les
ramifications fans nombre & l’entrelacement de
leurs vaifleaux , ont perfuadé qu’elles étoient les
poumons de la Plante (2). On a conjeduré
(1) tt C’eft le célebre GREW qui avoit découvert ou
eru découvrir ces véficules dans les feuilles des Plantes. On
fait que tandis qu’il travailloit à fon Anatomie des Végétaux ,
MazpiGHi travailloit à la fienne, fans rien favoir du tra.
vail du Naturalifte Anglois, comme celui-ci ne favoit rien
non plus du travail du Naturalifte Italien. Bien des vérités
importantes de la Phyfique des végétaux n’en ont été ainf que
rieux conftatées.
U2) tt Si les Plantes refpirent, ce n’eft affurément pas
à la maniere des grands Animaux: elles n’ont point de vrais
poumons : ce feroit donc plutôt à la maniere des \Infeétes ;
car leurs trachées ou leurs vailleaux à air reMemblent fort
dire
DE LA NATURE. X. Part. 44%
aue la feve montoit par les fibres du bois, des
racines aux feuilles pour y recevoir différentes
préparations, & qu’elle defcendoit par les fibres
aux trachées des Infeëtes; & dans les unes comme dans les
autres, ces trachées font répandues par tout le corps. Maïs
nous ignorons encore fi l'air que les Infeétes afpirent par
leurs ftigmates, fert chez eux aux mêmes ufages effentiels
que celui que les grands Animaux afpirent par leur bouche
&z par leurs narines. On eft fort porté à en douter, lorfqn’on
retrouve -des trachées jufques dans le cerveau & dans les yeux
des Infeétes. [ Part. III. Chap. XIX. Note 1.1]
L'AUTEUR des Recherches fur l'ufige des feuilles dazs Les
Plantes, avoit Fait autrefois bien des expériences fur les bulles
d'air dont fe couvrent les feuilles vivantes, plongées fous l’eau
T& expofées au foleil ou au grand jour. Des raifons plaufiüles
lavoient porté à croire que ‘cet air ne furtoit pas de l’'inté-
“rieur des feuilles par une forte de refpiration ou par quel-
“qu'autre mouvement vital ; mais qu'il n’étoit autre chofe qu'une
portion d’air atmofphérique demeuré adhérent aux feuilles, &
qui les avoit fuivies fous l'eau, Cet Auteur avoit donc pente,
"qu'il en étoit à cet égard, des feuilles comme de tous les
corps fecs qu'on plonge fous l’eau, & qui ne manquent pas
‘de s’y couvrir de bulles d’air plus ou moins apparentes &
plus ou moins nombreufes. Une expérience fort fimple l'avoit
-affermi dans cette idée ; car ayant pris la précaution de chaf.
fer l'air de l'extérieur des feuilles avant que de les plonger
fous l’eau, ces feuilles n'avoient montré que peu on point
de bulles d'air. Enfin, il voyoit conftimment ces bulles dif,
paroître à l'entrée de la nuit, & il préfumoit qu’elles deve-
noient alors invifibles, parce que la fraîcheur de la nuit co®æ
denfeit l'air adhérent à la fur£ce des feuilles,
346 CON TEMPLATION
de l'écorce, des feuilles aux racines, pour ètre
difiribuée enfuite à toutes les parties. On a
tenté d'appuyer cette ingénieufe hypothefe de
C'étoit dans l'Eté de 1747 que cet Autenr faifoit ces expé-
riences. Les Phyfciens ne s’occupoient point encore de cet
air déphlogiftiqué qui Fait aujourd'hui tant de bruit dans le
monde favant. Le nom de cet air n’avoit pas même été in-
venté ; car on n’impofe des noms qu'aux Etres nouveaux qu’on
vient à découvrir ; & il n'étoit point encore queftion de la
belle découverte du célebre PR1ESTLEY fur l'air déphlogif-
tiqué. Rien ne conduifoit donc l’Auteur de POuvrage fur les
feuilles des Plantes , à foupconner que l'air qu'il voyoit ad-
hérer aux feuilles vivantes qu’il tenoit plongées fous. l’eau,
fût d'une nature particuliere & digne des plus profondes re-
cherches du Phyficien. Il marchoit fur les bords d’une mine,
fans fe douter le moins du monde des richeffes qu'elle rece-
loit. Ce n’a été qu'en 1779 qu'un ingénieux Obfervateur Hol-
landois , frappé des découvertes du Phyficien Anglois, & éclairé
des lumieres qu’il avoit déja répandues fur l'air des différen-
tes fubftances, a imaginé de pénétrer dans l’intérieur de la
mine & de l'exploiter comme elle demandoit à l'être. On
comprend que je parle des curieufes expériences de Mr. IN-
GEN- Housz, fi propres à perfectionner lhiftoire de Pair &
à agrandir nos idées fur le fyftéme de notre Monde. Je pré-
fenterai ici quelques-uns des principaux réfultats de fes ex-
périences, en regrettant que le genre de mon travail & les
bornes d’une Note m'interdifent des détails qui fatisferoient
davantage la curiofité de mon Lecteur.
L'air qui fe montre fur les feuilles & les jeunes poufles
plongées fous l’eau, & expofées aux rayons du Soleil, n’eft
point fimplement un air adhérent à la furface de ces parties
nee …
DE LA NATURE. X. Part. 447
plufieurs faits, mais tous fi équivoques, qu’il
fera mieux de les omettre & de n’indiquer que
de la Plante, & qui, dilaté par la chaleur , revêt la forme de
balles : c’eft un air qui fort de l’intérieur de la Plante par un
mouvement vital ou par un jeu fecret des vailleaux. Il ef
beaucoup plus pur que l'air atmofphérique ou comman, &
très - dépouillé de particules inflammables ou de phlogiftique :
il eft, en un mot, de l’asr déphlogiffiqué. Cette forte d'air
eft admirable pour la refpiration : un Animal y vit fix à fept
fois plus que dans l'air commun; la flamme d’une bougie s'y
dilate beaucoup & y acquiert le plus grand éclat. Mais cet
air fi favorable à l’Animal ne convient point au Végétal, &
il s’en décharge comme d’un fuperflu nuifible, Nous avons
vu ci- deffus , [Part. V. Chap. XIV. Note 2.] que les Vé
gétaux s’accommodent fort bien d’un air phlogiftiqué on mé-
phitique ; ils l’abforbent avec avidité, & travaillé dans leurs
vaifleaux, il s’y dépouille de fon phloziftique qui paroïît s'unir
au Végétal comme aliment; & le réfidu déphlogiftiqué eft re-
jetté comme excrément. Un excellent Phyficien [ +] a pour-
tant expérimenté que les graines germent à- peu - près auf
vite & aufhi-bien dans un air déphlogiftiqué que dans un air
phlogiftiqué ou dans l'air atmofphérique. Mais on n'inférera
pas de cette expérience, que la Plante prendroit fou plein
accroifflemenc dans un air très-déphlogiftiqué. Un air trop
pur, comme une eau trop pure ne lui Fourniroit pas les ali.
mens qui lui font nécefaires. Les particules de divers genres,
dont l'air & l'eau ordinaires font toujours imprégnés, confti.
tuent le fond précieux de cette nourriture que la Plante pompe
par fes Feuilles & par fes racines.
Cet air déphlogiftiqué que les feuilles rejettent comme ur
[+] Mr. ACHART, de l'Académie de Pruffe,
443, C.O N-T:EM P LA TION
les raifons oppolées, beaucoup plus conväiit
cantes.
Tuperfu nuifble, eft bien le réfultat d’un jeu fecret des orgas
ries excrétoires; mais ce qu’on n'autoif pas foupconné, c'eft
que ce jeu dépend eflenñtieliement de laétion du Soleil ou du
grand jour fur les feuiiles & les jeunes poufles de la Plante.
Pendant la nuit ou à l'ombre, les feuilles, loin de rendre
un air déphlogiftiqué , rendent au contraire un air méphitique
qui corrompt l'air commun. Les feuilles exercent donc deux
opérations oppofées & qui dépendent des aléernatives du jour
& de la nuit; mais le travail du jour eft plus confidérable
que celui de la nuit,
L'Atmofphere ef plus chargée d’exhalaifons nuifibles en Eté
qu'en Hiver: c’eft aufB dans les jours d'Eté que les Plantes
y répandent le plus de cet ait déphlogiftiqué qui l’épure. Les
Plantes travaillent donc ainä pour les Animaux en rendant
l'air atmofphérique plus propre à la refpiration; & les Ani-
maux travaillent à leur tour pour les Plantes, en exhatant
dans l’atmofphere beancoup de ces vapeurs méphitiques ou de
éet air plilogiftiqué dont elles font avides. Economie admi-
rable, qui établit en faveur des deux Régaes- un équilibre
qui aflure la durée des Efpcces en préfervant les Individus !
Tels font les liens qui, en uniffant les grandes parties de l«
Nature, les font converger vers une fin comune & la
meilleure fin; & c’eft ainfi qu'à mefure que nos recherches
fe multiplient, nous découvrons par-tout de nouveaux traits de
cette SAGESSE ORDONNATRICE qui a piéfidé à {a coordi-
nation de toutes les Pieces de notre Monde.
L'air des marais eft toujours plis on moins méphitique 3
& Von fait qu'il fort du terrein un air inflammable. Il ef
bien remarquaïle afurément, que l'expérience ait appris à
notre Obfervateur que les Plantes aquatiques où maréçageufes
51
»
+
ls.
DE LA NATURE: X. Part. 449
Sr la feve s’élevoit des racines aux feuilles
par les fibres du bois; fi elle defcendoit des
feuilles aux racines par les fibres de l'écorce ;
font précifément celles qui rendent Le plus d'air déphlogi£:
tiqué, & qui par conféquent puriflent lé plus l'ait commun.
Ce ne font pas feulement les Plantes falubres ou d'une
odeur fuave, qui purifient l’atmofphere par les pluies invi-
fibles & abondantes d'air déphlogiftiqué qu’elles y verfent
pendant le jour ; les Plantes les plus Venimeufes & les plus
puantes, nous rendent le même fervice. C’eft principalement
par la furface inférieure de leurs feuilles , que les Arbres éva-
êuent cet air épuré qui corfige fans ceffe l'air atmofphérique.
Ce ne font que les Plantes faines & en pleine végétation,
qui purifient ainfi l'atmofphere : celles qui fout malades ou
qui languiffent la cofrompent, au contraire, par l’air méphi.
tique qu’elles y répandent.
Les Plantes qui occupent les derniers échellons de l'échelle
des Végétaux , telles que les Moufles, les Lychens, les By£
fus, &c. exercent, comme les autres , les deux opérations doné
jai parlé : mais il eft fingulier que les Champignons répandent
en tout femps un air mal- faifant.
Notre habile Phyficien a découvert encore, que l'émanation
diurne des Plantes eft toujours fimple ; c’eft-à-dire, qu’elle
ne confifte qu'en air déphlogiftiqué ; mais que l’émanation
no@urne eft , en quelque forte, double, parce qu’elle 2 k 4
fa fois d'air fixe & d’air méphitique.
C'eft donc une vérité d'expérience autant que de raifonre:
ment, que tout a fes utilités au fa fin dans l’arrangement
univerfel. Il n’eft pas jufqu’au moindre brin d’herbe, jufqu'à
la plus petite Moufle ou au moindre Lychen, qui ne joue
fon rôle dans cette merveilleufe économie, & qui ne travaille
Tome. IL FF
40 CONTEMPLATION
l'extrémité fupérieure des Arbres devroit ëtrà
humectée au Printemps avant l'extrémité infé-
rieure. On oblerve cependant le contraire. Les
Aibres dont le corps ligneux eft détruit, ne
laifient pas de végeter (3). On n’a point dé-
en filence pour le plus grand bonheur dés Etres fentans.
Des recherches plus approfondies modifieront probablement
les réfultats que je viens de mettre fous les yeux de mon
Lecteur : nous ne fommes encore qu'à la naiffance de cette
nouvelle Phyfique végétale; & combien de vérités anffi im
prévues qu'importantes , ne femble-t.eile pas promettre à ceux
qui la cultiveront ! Nous ne nous preflerons pas de raifon=
ner fur les faits qui ont déja été découverts: nous ne cher-
cherons pas à pénétrer la maniere dont la Plante fépare le
phlogiftique de Fair commun où il eft incotporé. Nous ne
fommes pas encore initiés dans ces fecrets de la végétation,
Mais nous nous rappellerons que les Végétaux font les grands
Combinateurs des: Elémens, les principaux magafins de la
matiere combuitible , & que leurs trachées & leurs vaifleanx
divers fant fufceptibles d’une divifñion extrêmes [ Part. V.
Chap. XVII. Note 2.]
(3) tft Les conches intérieures de Fécorce contiennent
les élémens d’un nouveau bois, qui fe développe peu-à-peu,
& fupplée au bois détruit. Mais il n’en va pas de même des
Arbres entiérement écorcés fur pial, ou fimplement cernés
au collet dans le temps de la feve. Is confervent bien leur
verdure jufques dans l’arriere.faifon : ils repouffent même aw
Printemps, & font un peu plus hâtifs que les Arbres de même
efpece non écorcés: mais ils périflent enfin la feconde ou la
troifieme année, Des expériences bien faites & (ouvent répé-
:
;
DELANATURE. X. larl ff
Évuvert dans les Plantes, de vailleaux analo-
gues aux arteres & aux veines. On n’y a point
vu d’organe qui y fañle les fonctions du cœur.
Un Arbre pianté à coBtre-fens, les racines en
en-haut , les branches en en-bas, vit, croît ;
fruifie; de fes racines fortent des branches 3
de fes branches fortent des racines. Il en eft da
même des bontures & des marcottes. Une jeune
‘tées , ont preuvé que le bois de ces Arbres féchés fur piod efË
plus compaét, plus due, plus Fort que le bois de fembla-
ies Arbres coupés par le pied & qui ont féché dans leu“
‘écorce. La feve des Arbres écotcés ne ponvant travailler fur
une écorce qui n’exifte plus, fe porte toute entiere dans les
Æbres du bois, & en augmente ainft le poids, la force & læ
dureté.
: Si, au lieu d’écorcer les Arbres en entier. on fe borne à
enlever des afneaux d’écorce em pénétrant jufqu'an bois, om
aura les mêmes effets effentiels. Ces Arbres ferout conftame
ment plus hâtffs ; ils Aenriront & noueront plntôt leur fruit
& ce fruit fera affez bon, quelquefois aufMi bon que ie com-
portera l’efpece. Mais ces produ@ions ne fe renouvelleron£
guere que pendant deux ou trois ans dans certains [ujets, &
elles'iront toujours en diminuañt. Ce moyen très- fimple peut
opérér un autre effet utile; il peut mettre À fruit des Ar.
bres demeurés ftériles pendant nn temps plus où moiss long,
On en pénetre la canfe : fa féve ralentie dans fon mouves
ment & moins abondante travaille plns fur les boutons #
fruit. Les Cultivateurs favent affez que pour mettre à fru
#n Arbre trop vigoureux, il ne fant que l'affoiblir, & iÿ
eft plus d’un moyen de procurer cet affviblilement.
Ff2
492 CONTEMPLATIOW
branche, un jeune fruit, greffés fur un Sujet
étranger, s’incorporent avec lui & y prennent
tout l’accroiflement qu’ils auroient pris fur la
Plante dont ils ont été détachés. Des expé-
tiences faites par une main très - habile, qe
montrent que le mouvement de la feve dépend
uniquement des alternatives du chaud & du
froid, des viciffitudes du jour & de la nuit.
Ces ex,ériences prouvent que ce mouvement
eft progreffif pendant le jour , rétrograde pen-
dant la nuit; que la feve s’éleve pendant le
jour , des racines aux feuilles; qu’elle defcend
pendant la nuit, des feuilles aux racines. Ont
voit cette liqueur foulever, pendant le jour,
le mercure contenu dans un tuyau de verre
adapté à une branche qui végete, & le liffer
retomber à l'approche de la nuit. En un mot,
il en eft de la marche de la feve, à- peu - près
comme de celle de la liqueur contenue dans le
tuyau d'un thermometre. Tout fe réduit à de
fimples balancemens (4 ).
(4) tf Je ne voudrois pas qu'on imaginât , que fout Je
réduit ici à de famples balancemens. La feve doit être élaborée
pour opérer la nutrition & le développement des différentes
parties du Végétal; & cette élaboration fuppofe beaucoup
plus qu'un fimple balancement. Les vaifleaux féveux ne font
pas desftubes comme ceux de nos thermometres. Ils ne font
pas rigides comme ces derniers, & tous n€ font pas éten
ST ne SN
DE LA NATURE. X. Part. 453
L'OPin1oN de la circulation de la feve dans
les Plantes , autrefois fi fuivie, eft donc aujour.
d’hui très - fufpecte de fauñeté , pour ne rien
dire de plus. Ceux qui ont cherché à l’établir,
paroiffent avoir été plus touchés de la beauté
de la fuppoñition que de fon utilité; ou plutôt
ils n'ont pas afflez confidéré que Putile eft la
vraie mefure du beau. La nourriture des Ani-
maux les plus parfaits demandoit à être plus
travaillée que celle des Plantes, dans la pro.
dus en ligne droites il en ef qui forment une infinité de
plis & de replis, qu’il faut pourtant que la feve parcoure &
qu’elle parcourt en effet. Que de circonvolutions, par exemple,
que d’entrelacemens ne découvre-t-on point dans les vaifleaux
des feuilles, des fleurs, des fruits, & fur-tout dans ces vail-
feaux fi fins qui portent la nourriture au pepin ou à l’'amande!
La feve parvient donc à ces dernieres extrémités du fyftème
vafcuieux 3 mais elle ne doit pas y féjourner , & après y
avoir fubi diverfes modifications , elle doit être repompée par
d'autres vaifleaux qui ia ramenent au centre. Tout cela fap-
pofe manifeftement dans les vaiffeaux un jeu fecret, ana-
logue à celui des vaifleaux de l’Animal ; mais plus lent &
plus foible, & que les meilleurs verres n’ont pu encore nous
faire découvrir. On a au moins apperçu dans les trachées des
mouvemens très- remarquables, qui peuvent mous faire juger
de ceux qui nous échappent. En un mot, l'aflimilation des
matieres nourricieres ne fauroit dépendre d’un mouvement
auf fimple que l'eft celui d’une liqueur qui s'éleve & s’a-
bäifle alternativement dans un tube. [ Conf. Part, VI. Chag.
HL Note 5, 2.]
F£f3
a
\
454 CONTEMPLATION
portion de l'excellence de ceux-là, à la per-
fe&ion de celles - ci. De-là, la néceffité de la
circulation du fang. Les préparations de la feve
n’exigeoient pas un mouvement auf compulé,
auif régulier, aufli foutenu: de fimples balan-
cemens fuMfoient. Les grands Animaux ne
mangent qu’en certains temps; le fentiment vif
& prefant qui les porte à prendre de la nour-
iture , n’agit pas en eux à chaque inftant. Les
différentes préparations que leurs alimens de.
YVoient recevoir, auroient été troublées ou in-
terrompucs fi de nouveaux alimens avoient êté
reçus dans leur intérieur avant que les premiers
euffent été fuMifamment digérés ($ ).
(5) tt Un mouvement fingulier qu'un excellent Obfer.
vateur, l'Abbé CoRTI, a découvert le premier dans l'inté.
rieur de la Chara, efpece de petite Prèle aquatique , & que
l'Abbé FELICE FONTANA a auf obfervé & décrit, eft bien
propre à en impofer à ceux qui ne fe tiennent pas aflez en
garde contre les apparences, & fe plaifent trop aux analogies,
Ce mouvement, qui s’attire fortement l'attention de l'Obfer.
vateur, par fa permanence & par fa régularité, n'eft pour-
tant poiut celui d'une véritable circulation, quoiqu'il paroife
s'en rapprocher beaucoup. La Chara eft formée d'un affem-
blags: de petites tiges cylindriques , creufes & tranfparentes.
On peut les comparer à de petits tubes de cryftal: ces tubes,
ex plutôt! ces tubules. font artidulés les uns aux autres, &
féparés par de petits diaphragmes placés à chaque articulation,
& formes d'une membranc très - mince. On ne déçouvre painé
DE LA NATURE. X. Pt. 45$
Les Plantes, au contraire , font dans un état
de perpétuelle fuccion; elles tirent continuelle-
ment de la nourriture & en très - grande quan.
N N
de communication entre les tubules que ces diaphragmes fem-
blent féparer. Un Auide tranfparent remplit chaque tubule,
& dans ce fluide nagent des corpufcules qui ont l'air de vé-
ficules. On voit ces corpufeules s'élever continuellement du
bas du tube vers le haut, en fuivant une ligne parallele à un
de fes côtés. Parvenus au diaphragme, ils defcendent par
une ligne parallele au côté oppofé, artivent au bas du-tube,
remontent comme la premiere fois pour redefcendre encore;
& ce mouvement perpéiuel, qu'on pourroit nommer rotatoire,
ne finit qu'avec la- vie de la Plante. Ainfi, la force qui chaffe
es corpulcules, de bas en haut, n’agit immédiatement que
fur la partie de la colonne du fuide qui touche à un des côtés
du tube. Cette partie du fluide, confervant le mouvement
qu’elle a reçu, coule fous le diaphragme, chafle devant elle
les corpufcules & les force de defcendre par le coté oppofé
XL faut des yeux très-exercés à voir pour diftinguer ici la-
réalité. d'avec l'apparence, & pour bien juges de cette forte
de circulation. Mr. FONTANA, qui a recherché le principe
caché de ce mouvement rotatoire, affüre fort qu'il ne tient
point à l'irritabilité, dont il n’a apperçu aucun figne dans la
Chara,
Une antre chefe qu'il importe beauconp de remarquer au
fujet de cette Plante aquatique, c’eft qu’on. n'apperçoit dans.
fon iutérieur ni fibres ni vaifleaux; enforte que la compa-.
raifon de fes tiges avec des tubes paroïît exacte. Je dis parosés
parce qu’il feroit poflible que les fibres ou les vaiffeaux Fuf.
fent fi déliés ou fi tranfparens , qu'ils échappalfent au microf.
çope. Il fervit poffible encore, que les vaifleaux on les par,
FE 4
46 CONTEMPLATION
cité, le jour par leurs racines, la nuit par leurs
feuilles. Il y a telle Plante qui tire & tranfpire
ties qui en tiennent lieu, fuffent logés dans l’épaiffeur des
parois du tube. Si cela étoit, la Chara reffembleroit à cet
égard au Polype à bras, dont les vifceres font logés dans
l'épaiffeur de la peau, & dont le corps eft auffi une forte
de tube.
De ces obfervations fur la Chara, Mr. CORTI à déduit
quelques réfultats généraux qui feront, fi l’on veut , les loix
qui préfident à la circulation du fluide nourricier de cette
Plante. Voici ces réfultats. Chaque tubule dont la tige ef
compofée , a fa eirculation propre. La circulation d’un tubule
eft indépendante de celle de fes voifins. La colonne du fluide,
où nagent les corpufcules, tourne fans cefle en rafant les
côtés du tube, & s'accommode aux irrégularités qui peuvent
fe rencontrer dans fes bords. Le cours du Auide eft uniforme
dans tous les tubules, & pour l'ordinaire il ne change pas
de direétion.
Mais ce mouvement fi régulier de rotation eft facilement
troublé par des impulfions étrangeres. On voit alors les cor-
pufcules s'arrêter, fe groupper, & fe remettre bientôt en
mouvement, mais fans ordre: tantôt ils font portés vers l’axe
du tube, tantôt ils prennent une direction oblique à cet axe.
On obferve encore la lymphe où ils nagent s’amafler auprès
des diaphragmes, fous la forme d'un petit nuage, qui femble
envelopper tous les petits corps qui fe trouvent ftationnaires
à cet endroit : puis un chemin s'ouvre infenfiblement ; le
nuage fe diffpe; le petit cahos fe débrouille, & les corpuf-
gules reprennent leur mouvement naturel.
On tetrouve cette forte de circulation dans les moindres
fragmens de l'écorce de la tige & des feuilles ; & on peut Py
DELA NATURE. X. Port. 457
en vingt-quatre heures quinze à vingt fois plus
que l'Homme.
obferver des heures entieres, & dans certaines circonftances
des jours entiers. Mais elle ceffe entiérement dans le vuide.
Après avoir obfervé bien des fois le mouvement de rota-
tion qui s'exécute dans fon efpece de Préle, Mr. CoRTI a
étendu fes obfervations à d’autres Plantes , foit aquatiques foit
terreftres, & il a retrouvé le même mouvement dans un affez
grand nombre d’Efpeces de l’une & de l’autre claffe. Parmi
les terreftres , les renoncules des prés , les Courges , les Mau-
ves , les Feves, &c. lui ont offert les mêmes phénomenes
effentiels que la Prêle aquatique. Mais il a conftamment re-
marqué, que les mouvemens étrangers qui fe communiquent
à la Plante, & en particulier ceux qu’on ne manque point
d’exciter en la préparant pour lobfervation, fufpendent tou.
jours plus ou moins le curieux phénomene de la circulation,
& il faut attendre quelque temps pour qu’il reparoifle & re-
prenne toute fa régularité.
+ Notre Obfervateur n’explique point comment le fluide con-
tenu dans les tubules pafle d’une articulation à une autre pour
s'élever graduellement de la racine au fommet de la tige;
mais il ne doute pas qu'il ne traverfe les diaphragmes , parce
que lés faits lui paroïiffent l’exiger abfolument. Peut - être que
les diaphragmes ne s'appliquent pas exactement aux parois
des tubes, & qu'il eft des ouvertures ménagées pour le paf.
fage du fluide d’un tube dans un autre.
Mais que font les finguliers corpufcules qui nagent dans
ce fluide & qu'il entraîne avec lui? Sont-ils des particules
nourricieres , deftinées à s’incorporer quelque part au tiflu de
la Plante ? Les recherches de notre ingénieux Naturalifte ne
répandent encore aucune lumiere fur ce fujet ténébreux: c’eft
déja beaucoup qu'il fe {oit affuré de l’exiftence de ces cor«
458 CONTEMPLATION
Mais fi les Plantes different beaucoup des
grands Animaux par la circulation, d’un autre
côté, d’autres Efpeces d'Animaux paroiffent fe
rapprocher beaucoup des Plantes par le défaut
de cette mème circulation. On n’appercoit au-
cune trace de ce mouvement dans le Polype,
dans le Tænia, dans la Moule des étangs, &
dans divers autres Coquillages.
Jar nommé plufieurs fois la Moule des étangs.
Sa ftrudure eft quelque chofe de fort étrange.
Elle ne reçoit {a nourriture & ne refpire que
par lanus. Elle n’a point proprement de cer-
pufcules mouvans, © qu'il ait découvert quelques-unes des
loix qui les régifent. IT feroit bien plus intéreffant encore de
connoître la force qui les anime ; & pourquoi après avoir
été quelques momens ffationnaires ou rétrogrades , ils repren-
nent leur cours avec la même régularité qu'auparavant.
Il y a bien de l'apparence qu'il fe pale dans les Arbriffleaux
& dans les Arbres quelque chofe d'analogue à ce mouvement
admirable que Mr. Corri a déja découvert dans une tren:
taine d'Efpeces d'Herbacées, IL a, fans doute, pour princi-
pale fin la tranfmiffion & le perfectionnement des fucs nour-
riciers. Que de chofes merveilleufes fe paflent donc en filence.
dans l'intérieur de ces beaux Arbres qui parent nos Cam-
pagnes, & dont nous ne découvrons guere que Îles dehors ?
Que de mouvemens inteftins @& de mouvemens variés & har.
moniques s'exécutent dans les plus profondes ténebres, &
dont les derniers réfultats font feuls expofés aux regards de:
tous Les Hommes!
x
TS PE
DE LA NATURE. X. Part. Aç9
veau. Ce qu’on prend pour la tête, préfente
une ouverture, qu'on peut regarder comme la
bouche de l’Animal. Il à une forte de cœur,
pourvu d’un ventricule & de deux oreillettes.
À un certain mouvement de la Moule, l'anus
s’oûvre & tranfmec la nourriture à certains ca-
naux qui fe rendent à la bouche. Cette nour-
riture n’elt guere que de l'eau. Au fond de la
bouche fe préfentent deux autres canaux. L'un
va fe terminer au cœur; l’autre pañle par le
cerveau & par une forte de vifcere qui paroit
analogue au foie, & qui n’eft pas plus un foie,
que le cerveau n’eft un véritable cerveau. L'eau
que la bouche envoie au cœur par le canal de
communication , tombe du ventricule dans les
oreillettes, & retourne des oreillettes dans le
ventricule. Voilà 4 quoi paroït fe réduire, dans
la Moule des étangs, tout le fyftème de la cir-
culation. Pas le moindre veftige d’arteres ni
de veines. Combien cette image de la circula-
tion eff - elle imparfaite! Ce n’eft en effet qu'une
image; car le fimple balottement d’une liqueur
nourriciere ne fauroit être une circulation pro-
prement dire.
Ainsi les Phyficiens, qui, fur des raifons
de beauté & d'harmonie, ont voulu que la feve
circulât chez les Plantes, comme le fang circule
460 CONTEMPLATION
chez les grands Animaux , n’ont pas eu des no:
tions aflez exactes du fyftème du Monde & de
la variété des Productions de la Nature. L’é.
chelle des Corps organilés eft beaucoup plus
étendue qu'ils n’ont paru le penfer. Sur les
échellons inférieurs de cette échelle, nous voyons
des Corps organilés dont les liqueurs font fim-
plement balancées de bas en-haut, & de haut
en bas. Un peu au-deffus, nous appercevons d'au.
tres corps dont les liqueurs font agitées en diffc-
rens fens. Si nous nous élevons davantage, nous
découvrirons un commencement de circulation ,
mais dont l'appareil fe réduit principalement à
un ou deux grands vaifleaux. Cet appareil de-
vient plus compofé dans les échellons fupé-
rieurs; d’abord c’elt un cœur de forme ordi-
naire, mais qui n’a qu’une feule oreillette:
enfuite ce font deux oreillettes & un beau- -
coup plus grand afortiment d'organes & de
vaifleaux.
&n
Ye
DE LA NATURE. X. Port. 46%
_ HOPPER gs
CHAPITRE XXIX,
La faculté loco - motive
Ux» Ancien définifloit la Plante, un Ani-
mal enraciné. Il eût défini, fans doute, l’Ani-
mal une Plante vagabonde. La faculté loco-mo-
tive eft, en effet, un des caraéteres qui s’of-
frent les premiers à l'Efprit, lorfque l’on com-
pare le Regne végétal & le Regne animal. Nous
voyons les Plantes attachées conftamment à la
terre. Incapables d’aller chercher leur nourri.
ture , il elt ordonné que cette nourriture ira les
chercher. Et fi quelques Plantes aquatiques fem-
blent fe tranfporter d’un lieu dans un autre,
ce n'eft point par un mouvement qui leur foit
propre , mais par celui du fluide dans lequel
elles font fufpendues. C’eft ainfi, à-peu près,
que différentes fortes de graines voltigent en
l'air au moyen des petites aîles dont elles ont
été pourvues, & qu’elles font portées en des
Heux quelquefois très-éloignés , pour y pro-
pager l’Efpece.
La plupart des Animaux, au contraire , ont
té chargés du foin de pourvoir à leur {ubl£
tance. La NATURE n’a pas toujours placé am
près d'eux les nourritures qui leur étoient ne-
ceffaires. ELLE a voulu qu’ils fuffent obligés de
fe les procurer, fouvent avec beaucoup de tra-
vail & d’induftrie. Et les diférens moyens qu’elle
a enfeignés à chaque Efpece pour parvenir à
cette fin, ne font pas ce qui diverfifie le moins
la fcene de notre Monde.
PENDANT que le Laboutreur ouvre le fein de
la terre pour lui confier le grain qui doit fer-
vir à entretenir & à réparer fes forces, la Faupe
& le Taupe-grillon fe fraient dans le mème
fein différentes routes, pour y chercher la pä-
ture qui leur a été aflignée. Le Chafeur infa-
tigabie pourfuit fa proie avec opiniâtrete : il
Jance fur elle des traits invifñoles, & triomphe
ainfi de fa légéreté ou de fa force. D'autres fois,
préférant la rufe à la force ouverte, il s’en rend
maître en lui dreffant un piege. Le Tigre féroce
fe jette fur le Faon qui folatre dans la prairie.
Le Chat, plein de rules, attend immobile &
dans le filence , que la jeune Souris forte de fa
retraite, pour s’élancer fur elle avec agilité ou lui
couper adroitement le chemin. La Guëpe cruelle
fond fur l’Abeille laborieufe qui revient à la
ruche , chargée de miel: elle fait puifer dans
fes inteftins la liqueur délicieufe dont elle ef
DÉ LA NATURE. X. Par 463
#ävide. L’Araignée , également adroite & patiente,
tend à la Mouche un filet dont on admire la
fruture & la finefle. Le Eourmi-lion , non
moins patient ni moins induftrieux, creufe dans
le fable un précipice à la Fourmi, au fond du-
quel il fe tient en embuicade. Quelques Efpeces
d'Animaux, s’elevant en quelque forte jufqu’à
la prudence humaine , favent amañler des pro-
vifions pour les temps ficheux : ils fe conftrui-
fent des magafins où regnent de fi juftes pro-
portions, & des proportions quelquefois fi géo.
métriques ; qu'on douteroit avec fondement
qu'ils fuffent louvrage d’une Brute, fi cette
Brute n’étoit elle - même l’ouvrage de la RAISON
SOUVERAINE. ,
Qu'iz y a loin en ce genre, du Caftor &
de lAbeille, à la Galle - infecte , à l’'Huitre, à
lOrtie de mer & à plufeurs autres Efpeces
d'Infectes & de Coquillages ! Confondue par fon
immobilité & par fa forme avec la branche fur
laquelle elle vit, la Galle-infete fe borne à
en pomper le fuc: rien n’annonce en elle PAni-
mal; & il faut y regarder de fort près & avec
des yeux très-exercés à voir, pour s’aflurer
qu’elle n’eft point une véritable Galle. Portée
par le flot fur le rivage de la mer, lHuitre y
demeure fixée, & tous fes mouvemens fe ré-
464 CONTEMPLATION
duifent à ouvrir & à fermer fon écailles L’Ortié
de mer & tous les différens Polypes à tuyaux
pourroient être pris, & l’ont été en effét pour
des productions du Regne végétal ( r ) : fixés à
la mème place, ils s'ouvrent & fe ferment comme
une fleur; ils s'étendent & fe refferrent comme
une Senfitive : ils alongent au dehors des efpeces
de bras au moyen defquels ils faififlent Les In-
fectes que le hazard conduit auprès d’eux. C'eft
ici leur principal mouvement, & le caractere le
moins équivoque de leur Animalité.
Ainsi la faculté loco- motive n’eft pas plus
propre à diftinguer le Végétal de l’Animal,
que ne le font les autres caracteres que nous
avons parcourus précédemment. Ce ne font par-
tout que propriétés ou accidens communs, fans:
aucune différence réelle. Cependant, quoi de
plus diftinét en apparence, que left une Plante
d'un Animal ? quoi de plus facile à caraétérifer
(x) tt On fait que l’illuftre MarSiGLr eft un des Na.
turaliftes qui avoient pris les Coraux & les Corallines pour
de véritables Plantes, & les Polypes qu’on y trouve, pour
de véritables fleurs. On fait encore que PEYSSONEL a été le
premier qui a prouvé par des obfervations exactes, que ces’
précendues fleurs font de vrais Animaux. Le favant HE’r1s.
SANT a achevé de démontrer, après les Jussieu & les GuET-
TABD, la nature vraiment animale des Coraux & des Pro- _
duétions analogues.
aux
DE LA NATURE. X. Pars. 416$
aux yeux de la plupart des Hommes ? Mais
dés qu’on fait que tout eft nuancé dans la Na
ture, on n’eft point furpris des difficultés qu’on
éprouve lorfqu’il s’agit de différenciet les Etres.
On s'attend nécefairement à voir les Efpeces
rentrer les unes dans les autres, & on {e borne
à la plus petite latitude, ou à ce qu'il y a de
moins vague. Achevons dans ce principe le
parallele que nous avons entrepris : voyons fi le
fentiment & la maniere dont les Végétaux &
les Animaux font nourris, nous offriront quel:
que chofe de plus précis ou de plus caracté:
riftique,
MD RME XX
Lé fenfiment.
Sr: eft une faculté qui paroifle propre à
PAnimal , exclufivement à la Plante, c’elt alu.
rément celle d’être Animal; je veux dire d’ètre
oué d’une Ame capable de fentir. Unie à une
Subltance-organifée , par des nœuds qui ne font
peut - être connus que de Dieu feul, cette Ame
eompofe avec cette Subftance , un Etre mixte,
un Etre qui participe à la nature des Corps &
à celle des Efprits. Comme portion de matiere,
Tome.lL Gg
à66 CONTEMPLATION
éet Etre eft une Machine admirable dans {a
ftrudure, & fur laquelle les objets corporels
agiffent d’une maniere abfolument méchanique.
Comme fubftance fpirituelle, cet Etre eft affecté
à la préfence des objets corporels, d’une ma-
niere qui ne paroît avoir aucun rapport avec
celle dont les fubftances matérielles agiffent les
ünes fur les autres. De l’impreflion des objets
éxtérieurs {ut la Machine, réfulte un certain
mouvement dans la Machine. De ce mouvement
réfulte dans l’Âme un certain fentiment , qui eft
fuivi de la réaction de la Subftance fpirituelle
fur la Subflance corporelle; réaction qui ma-
nifefte au- dehors le fentiment , & qui en eft
lexpreffion ou le figne.
Les divers fentimens qui s’excitent dans l’Ani-
mal peuvent tous fe réduire à deux claffes gé-
nérales, an plaifir & à la douleur , féparés lun
de Pautre par des degrés fouvent infenfibles ,
& iffus de la mème origine. Le plaifir porte
Y'Animal à rechercher ce qui convient à fa con-
férvation ou à celle de l'Efpece. La douleur le
porte à fuir tout ce qui peut nuire à cette dou-
ble fin. L’expreffion du plaifir & de la douleur
n'eft pas la même chez tous les Animaux ; foit,
parce que l’intenfité ou la quantité du plaifir &
de la douleur varie en différentes Efpeces , foit
DE LA NATURE. X. Part. 467
parce que les érganes au moyen defquels l'Ame
manifete es fentimens, ne font pas les mèmes
chez tous les Animaux.
IL eft des Efpeces où le fentiment fe mani.
fefte par un plus grand nombre de fignes, par
des fignes plus variés, plus expreflifs , moins
équivoques; & ces Efpeces font les plus par-
faites, celles qui ont avec nous des rapports
plus prochains. Que d'expreffion , par exemple,
dans Pair, dans les mouvemens, & dans les
diverfes attitudes du Singe, du Cheval, du
Chien, du Chat, de l’Ecureil !
ÎL n’y a guere moins d'expreffion chez les
Oifeaux que chez les Quadrupedes. Il ne faut ,
pour s'en convaincre , que jetter les yeux {ur
une bafle - cour : mais les Oifeaux de proie font
peut - être encore plus expreffifs que les Oifeaux
domeftiques.
Les Poifons ne s’expriment pas avec autant
de clarté & d'énergie ; ils forment un peuple
de muets chez qui le langage des fignes eft peu
abondant : mais l’extrème vivacité des mouve-
mens femble y compenfer en pattie la ftérilité
de l’exprellion,
G g 2
488 CONFEMPLATION
Les Reptiles, les Coquillages & les Infectes,
encore plus éloignés de nous que ne le font les
Poifons, nous rendent aufli leurs fentimens
d'une maniere plus obfcure, mais que nous
faifidons pourtant jufqu’à un certain point, &
que nous nous plailons fouvent à trouver très-
expreflive.
ENFIN, les Animaux les moins Animaux,
les Orties & les Polypes, nous donnent des
marques de fentiment , auxquelles nous ne pou-
vons nous refufer, lorfque nous les obfervons
avec quelque attention. La promptitude avee
faquelle ils {e contractent dès qu’on vient à les
toucher , quoique tres - légérement ; la maniere
dont ils alongent & dont ils raccourciffent leurs
bras pour faifir leur proie & la porter à leur
bouche, ne nous peïmettent pas de les retran-
cher du nombre des Etres fentans (1 ).
(1) ft Tout cela s'offre plus en grand dans ces Animaux
finguliers, que certaines reemblances avec les Anémones de
nos parterres ont fait nommer ÆAwénones - de - mer. Ces fortes
de Zoophites ont le toucher exquis & font très- fenfibles à
ja lumiere. Il eu eft qui ont des centaines de membres , qu'ils
peuvent alonger & raccourcir à volonté, & au moyen def-
quels ils faififfent leurs proies. Tout le corps eft aufli flexible
que les membres, parce qu’il eft tout membraneux ou plutôt
gélatineux. On y apperçoit des veftises de vifceres, & l’ex-
trémité inférieure fe termine par un large empatement. L’ALbé
DE LA NATURE. X. Pur. 469
Nous ne découvrons , au contraire, dans
la Plante , aucun figne de fentiment. Tout nous
y paroïit purement méchanique. Sa vie nous
femble moins une vie qu'une fimple durée. Nous
cultivons une Plante où nous la détruifons , fans
éprouver rien de femblable à ce que nous éprou-
vons lorfque nous foignons un Animal ou que
nous le faifons périr: Nous voyons la Piante
naître, croître, fleurir & fruétifier, comme nous
voyons laiguille d'une horloge parcourir d’un
mouvement infenfible tous les points du: cadran.
Non - feulement la Plante nous paroït inani-
mée , confidérée extérieurement ou dans ja fuite
de fes actions 3 mais elle nous le paroït encore.,
confidérée intérieurement ou dans fa ftructure.
L'Anatomie la plus fine & la plus recherchée
ne nous y découvre aucun orgaue qu’on puiile
dire analogue à ceux qui font le fiege du jen-
timent dans lAnimal.
DICQUEMARE, qui a fort étudié ks Anémones-de- mer,
s'eft donné beaucoup de peine pour prouver qu’elles font de
vrais Animaux , & non fimplement des Zoophites ; mais il n’a
pas Fait attention que la dénomination de Zoophites wexclut
point du tout la notion d'Animal: elle igdique feulement que
l'Animal qu'on défigne par ce mot a des rapports plus man.
qués avec le Végétal qu'avec les autres Animaux. { Voyez
Part. VIIL Chap. IX.]
Gg3
470 CONTEMPLATION
Ce font ces différentes confidérations qui
pourroient porter à regarder le fentiment ou
organe du fentiment, comme un caractere pro-
pre à diftinguer le Végétal de l’Animal, Mais il
y a lieu encore de nous défier de la bonté de
ce caractere. Nous l'avons obfervé ; tout eft gra-
dué ou nuancé dans la Nature ; nous ne pou.
vons donc fixer le point précis où commence
le fentiment ; il fe pourroit qu'il s’étendit juf-
qu'aux Plantes, du moins jufqu’à celles qui
font les plus voifines des Animaux. Approfon-
difions ceci un peu plus.
LE fentiment eft cette impreflion agréable ou
défagréable que certains objets produifent fur
un Etre organifé & animé , en vertu de laquelle
il recherche les uns & fuit les autres. Nous ju-
geons de l’exiftence du fentiment dans un Etre
organife, foit par la conformité ou l’analogie de
fes organes avec les nôtres, foit par la conformité
ou lanalogie que nous remarquons entré les
mouvemens qu'il fe donne dans certaines cir-
conitances , & ceux que nous nous donnerions
fi nous étions placés dans les mèmes circonf
tances. La premiere maniere de juger eft afez
füre : ileft très - probable qu'un Etre crganifé
qui a des yeux, des oreilles, un nez, eft doué
des mèmes fentimens que ces fens excitent chez
DELA NATURE. X.Parf. 471
nous. La feconde maniere de juger paroït moins
fûre ou moins exempte d’équivoque , parce qu’il
nous arrive {ouvent de tranfporter aux autres
Etres des fentimens qui nous font propres.
CEPENDANT lorfque nous voyons un Corps
organilé, dont la ftruéture n’a aucun rapport
avec la nôtre, & dans lequel nous ne décoy-
vrons pas même les organes des fens , fe con-
tra@èr avec une extrème promptitude à lat-
touchement de quelque corps; fe diriger veus
la lumiere; étendre de longs bras pour faific
les Infectes qui pañlent auprès de lui; porter
ces Infectes près d’une ouverture placée à fa
partie antérieure ; lors, dis - je, que nous voyons
tout cela, nous n’héfitons guere à ranger ce
Corps au nombre des Corps animés, & ce ju-
gement eft très - naturel.
RETRANCHONS à ce Corps fes longs bras ;
reduifons - le à ne faire que fe reflerrer & s'é-
tendre : il n’en fera pas moins un Animal; mais
les fignes par lefquels il nous manifeftera ce
qu'il eft, feront moins nombreux & plus équi-
| voques.
OToxs- LUI encore la faculté de fe refferrer
& de s'étendre, ou du moins ne lui laiflons
Gg4
472 CONTEMPLATION
qu'un mouvement prefqu'infenfble ; le fond de
Jon être n’en fera pas changé; mais il devien-
dra plus obfcur pour nous. Tel eft à - peu - près
Vétat où fe trouvent les plus petites portions
d'un Polype, avant qu’elles aient commencé
à reprendre une tête. Quelqu'un qui. les verroit
alors , méconnoitroit , fans doute , leur véritable
nature.
Ne feroit-ce point la le cas des Plant®. &
€e Philofophe qui les définifloit des Animoux
enracinés , n’auroit - il point dit une chofe très.
raifonnable ? Nous Pavons déja remarqué , l’ex-
preflion du fentiment eft relative aux organes
qui le manifeftent. Les Plantes font dans une
entiere impuiflance de nous faire connoître leur
fentiment; ce fentiment elt extrèmement foible.,
peut-être fans volonté & fans defir, puifque
Pimpuiffance où elles font de nous le manifelter ,
provient de leur organifation , & qu'il y a lieu
de penfer que le degré de perfection fpirituelte
répond au degré de perfection corporelle.
Quor au’iz en fait, en privant les Plantes
du fentiment, nous failons faire un faut à la
Nature, fans en afhgner de raifon ; nous voyons
Je fentiment decroitre par degrés de l'Homme à
VOrtie ou à la Moule, & nous neus perfuadous
DE LA NATURE. X. Part. 473
qu'il s’arrète là, en regardant ces derniers Ani-
maux comme les moins parfaits. Mais il y a
‘peut-être encore bien des degrés entre le fen-
timent de la Moule & celui de la Plante. Il y
en a peut - ètre encore davantage entre la Plante
la plus fenfible & celle qui left le moins. Les
gradations que nous obfervons par-tout, de.
vroient nous perfuader cette philofophie : le
nouveau degré de beauté qu’elle paroït ajouter
au fyflème du Monde, & le plaifir qu'il y a à
multiplier les Etres fentans, devroienc encore
contribuer à nous la faire admettre. J’avouerai
donc volontiers ‘que cette philofophie eft fort de
mon goût. J'aime à me perfuader que ces Fleurs
qui parent nos campagnes & nos jardins d’un
éclat toujours nouveau; ces Arbres fruitiers
dont les fruits affeétent fi agréablement nos yeux
& notre palais ; ces Arbres majeltueux qui com-
pofént ces valtes forèts que les temps femblent
avoir refpectées , font autant d’Etres fentans qui
goûtent à leur maniere les douceurs de l’exif
tence,
. ME
474 CONTEMPLATION
CH A: P; TU REP OEONANE
Continuation du méme [ujet.
No s avons vu qu’on ne trouvoit dans ia
Plante aucun organe propre au fentiment : mais
fi la NATURE a dù faire fervir le mème inftru-
ment à plufieurs fins ; fi ELLE a dû éviter de
multiplier les pieces, c’eft aflurément dans la
conftruction de Machines extrèmement fimples,
tel que left le corps d’une Plante. Des vaiffeaux
que nous croyons deftinés uniquement à con-
duire l’air ou la feve, peuvent ètre encore dans
la Plante le fiege du fentiment ou de quel-
qu'autre faculté dont nous n’avons point d'idées.
Les nerfs de la Plante different, fans doute,
autant de ceux de l’Animal, que la ftructure
de celle-là differe de la ftrudture de celui - ci.
Les Plantes nous offrent quelques faits qui
fembleroient indiquer qu’elles ont du fentiment:
mais je ne fais fi nous fommes bien placés pour
voir ces faits, & fi la forte perfuafon où nous
fommes depuis fi long -temps, qu’elles font in-
fenfibles, nous permet d’en bien juger. Il fau-
droit pour cela être table rafe fur la queftion,
DELA NATURE. X. Part. 47$
& rappeller les Plantes à un nouvel examen
plus impartial & plus exempt de préjugés. Un
Häabitant de la Lune qui auroit les mèmes fens
& le mème fond d’efprit que nous, mais qui
ne feroit point prévenu fur l’infenfibilité des
Plantes, feroit le Philofophe que nous cher-
chons.
IMAGINONS qu'un tel Obfervateur vienne
étudier les productions de notre Terre, & qu’a-
près avoir donné fon attention aux Polypes, &
aux autres [ufectes qui multiplient de bouture,
il pañle à la contemplation des Végétaux, il
voudra , fans doute, les prendre à leur naif-
fance. Pour cet effet, il femera des graines de
différentes efpeces , & il fera attentif à les voir
germer. Suppofons en mème temps que quel-
ques - unes de ces graines ont été femées à con-
tre-fens , la radicule tournée vers le haut, la
plumule ou la petite tige tournée vers le bas;
fuppofons en mème temps que notre Obfer-
vateur fait diftinguer la radicule de la plumule,
& qu’il corinoît les fonctions de l'une & de
l’autre; au bout de quelques jours, il remar-
quera que la radicule fe fera élevée à la furface
de la terre, & que la plantule fe fera enfoncée
dans l’intérieur. Il ne fera pas furpris de cette
direction fi nuifible à la vie de la Plante : il lat-
46 CONTEMPLATION
tribuera à la pofition qu’il avoit donnée à ces
graines en les femant. Il continuera d'obferver ;
& il verra bientôt la radicule fe replier fur elle-
mème, pour gagner l’intérieur de la terre & la
plumule fe recourber pareillement pour s'élever
dans Pair. Ce changement de direction lui pa-
roitra très -remarquable, & il commencera à
foupc onner quelEtre organilé qu’il étudie eft
doué d’un certain difcernement. Trop fage néan-
moins pour prononcer fur ces premieres indi-
cations , il fufpendra fon jugement & pourfuivra
{es recherches.
Les Plantes dont notre Phyfcien vient d’ob-
ferver la germination, ont pris nailance dans
le voifinage d’un abri. Favorilées de cette ex-
pofition , & cultivées avec foin, elles ont fait
en peu de temps de grands progres. Le terrein
qui les environne à quelque diftance eft de deux
qualités très - oppolées. La partie qui eft a ja
droite des Plantes eft humide, grañle & fpou-
gieufe : la partie qui elt à la gauche eft feche,
dure & graveleufe. Notre Oblervateur remarque
que les racines , après avoir commencé à s’éten-
dre affez également de tous côtes, ont changé
de route, & fe font toutes dirigées vers la
partie du terrein qui elt graffe & humide. EL
les s y font mème proloñgées, au point de lui
DE LA NATURE. X. Part. 479
faire craindre qu’elles n’interceptent la nourri-
ture aux Plantes voifines. Pour prévenir cet in-
convénient, il imagine de faire un foffé qui
{épare les Plantes qu’il obferve , de celles qu’e!-
les menacent d'afamer , & par-là il croit avoir
pourvu à tout. Mais ces Plantes qu’il prétend
ainfi maîtrifer, trompent fa prudence : elles
font pañler leurs racines fous le foñlé, & les
conduifent à l’autre bord.
Surpris de cette marche, il découvre une
de ces racines, mais fans l’expofer à la cha-
leur : il lui préfente une éponge imbibée d’eau :
la racine fe porte bientôt vers cette éponge. El
fait changer de place plufieurs fois à celle-ci ;
la racine la fuit & fe conforme à toutes ces
pofitions.
PENDANT que notre Philofophe médite pro-
fondément fur ces faits, d’autres faits aufli re-
marquables s'offrent à lui prefque en mème
temps. Il oblerve que toutes fes Plantes ont
quitté l'abri, & fe font inclinées en-avänt,
comme pour préfenter aux regards bienfaifans
du Soleil toutes les parties de leur corps. Il
obferve encore que les feuilles font toutes dirigées
de maniere que leur furface fupérieure regarde
Je Soleil ou le plein air, & que la furface infé-
48 CONTEMPLATION
rieure regarde l’abri ou le terrein. Quelques expé-
riences qu’il a faites auparavant, lui ont appris
que la furface fupérieure des feuilles fert prin-
cipalement de défenfe à la furface inférieure,
& que cette derniere eft principalement deftinée
à pomper l'humidité qui s’éleve de la terre, &
à procurer l’évacuation du fuperflu. La direc-
tion qu’il obferve dans Îles feuilles lui paroit
donc très-conforme à fes expériences. Il en
devient plus attentif à étudier cette partie de
Ja Plante.
IL renarque que les feuilles de quelques Ef
peces femblent fuivre les mouvemens du Soleil,
enforte que le matinelles font tournées vers le
Jevant , le {oir vers le couchant. Il voit d’autres
feuilles {e fermer au Soleil dans un fens, & à
la rofée dans un fens oppofé. Il obferve un
mouvement analogue dans quelques fleurs (1).
C1) +t Il eft des fleurs qui ne s'ouvrent qu'à certaines
heures du jour, d’autres ne s'ouvrent qu’à certaines heures
de la nuit. Cela eft affez conftant dans chaque Efpece. Les
Convoluulus s'ouvrent le matin & fe ferment le foir: es
Mauves ne s'ouvrent que vers les dix à onze heutes du matin.
La Belle-de-nuit , les Geranions triftes, &c. ne s'ouvrent que
le foir. C’eft ce qui a fait imaginer au PLINE de la Suede fon
ingénieufe horloge botanique , qui confifte dans un aflemblage
de Plantes, dont les fleurs s'ouvrent & fe ferment à de
feures à-peu-près réglées. re tit
DE LA NATURE. X. Part. 479
CoNsipÉRANT enfuite, que, quelle que foit
la pofition des Plantes relativement à l’horifon,
la direction des feuilles eft toujours à - peu - près
telle qu'il la d’abord obfervée , il lui vient en
penfée de changer cette direétion, & de mettre
les feuilles dans une fituation précifément con-
traire à celle qui leur eft naturelle. Il à déja eu
recours à de femblables moyens pour s’aflurer
de l'inftinét des Animaux & pour en connoître
la portée. Dans cette vue, il incline à l'hori.
fon des Plantes qui lui étoient perpendiculai.
res, & il les retient dans cette fituation. Par-là,
la direction des feuilles fe trouve abfolument
changée : la furface fupérieure , qui auparavant
regardoit le Ciel ou Pair libre, regarde la terre
ou l'intérieur de la Plante; & la furface infé-
ricure, qui auparavant regardoit la Terre ow
l'intérieur de la Plante, regardele Ciel ou Pair
Jibre. Maïs bientôt toutes ces feuilles fe mettent
en mouvement: ‘elles tournent fur leur pédi-
eule comme fur un pivot, & au bout de quel:
ques heures elles reprennent leur premiere fitua-
tion. La tige & les rameaux fe redreflent aufü,
& fe difpofent perpendiculairement à l’horifon.
CHAQYE. portion d’une Étoile, d’une Ortie,
d’un Polype , aeffentiellement en petit la même
ftruture que le tout a plus en grand. Il en cf
489 CONTEMPLATION
de mème des Plantes. Notre Obfervateur, qifi
ne l’ignore pas, veut s’aflurer fi des feuilles &
des rameaux détachés de leur Sujet, & plongés
dans des vafes pleins d’eau, y conferveront les
mèmes inclinations qu'ils avoient fur la Plante
dont ils faifoient partie; & c'elt ce que l’ex-
périence lui prouve, de maniere à ne lui lailer
aucun doute.
IL place fous quelques feuilles des éponges
mouillées : il voit ces feuilles s’incliner verts les
éponges , & tâcher de s’y appliquer par leur fur-
face inférieure.
IL obferve encore que quelques Plantes qu’il
a renfermées dans fon cabinet, & d’autres qu'il
a portées dans une cave, fe font dirigées vers
la fenètre ou vers les {oupiraux.
ENFIN, les phénomenes de la Senfitive , fes
mouvemens variés , la promptitude avec laquelle
elle fe contracte lorfqu’on la touche, font le
fujet intéreffant qui termine fes recherches (2 ).
(2) tt Que diroit encore notre Philofophe de la Lune à
la vue de la Zrémelle de l'ingénieux Corrt , fi néanmoins
les Trémelles appartiennent proprement au Regne végétal ?
CVoy. Part. III. Chap. VII. Note 1.) La Trémelle dont je
veux parler ne reflemble pas mal à un gros fil. On voit de
ACCABLÉ.
DE LA NATURE, X Part. 481
ACCABLÉ de tant de faits qui paroiflent tous
dépofer en faveur du fentiment des Plantes,
quel parti prendra notre Philofophe? Se ren
ces fils entrelacés les uns dans les autres en maniere de grouppe
ou de peloton. Ils font gélatineux, & par conféquent d’une
Rexibilité extrême. Quelle n'eft point la furprife de l'Obfer-
Vateur , lorfque contemplant ces fils, il les voit fe donner les
plus grands mouvemens, faire effort pour fe défentrelacer ,
fe plier & fe replier de mille & mille manieres, Vibrer comme
un pendule, changer continuellement leurs apparences, fe
débarraffer enfin & s'échapper avec viteffe par différens côtés,
s'arrêter enfuite, rétrograder , puis reprendre leur courfe pro-
greflve ; exécuter , en un mot, tous les mouvemens qu'on
obferve dans ces Vers qui reffemblent à des foies ou à des
crins, & qui ont été nommés Gordius !
Les amours des Plantes préfenteroient à notre Philofophe
hien d’autres faits non moins intéreffans, & qui ne lui paroî-
troient pas dépofer moins fortement en faveur de la fenfibi-
lité de ces Etres organifés 11 commenceroit , fans doute, par
comparer les parties fexuelles des Piantes avec celles des
Animaux , & en particulier des Infetes; & il s'étonneroit de
trouver dans la conformation extérieure & intérieure des or-
ganes de la génération des Plantes, des rapports fi nombreux
& fi divers avec les organes de la génération des Animaux.
Mais , ce qui fixeroit le plus fonattention, feroient les mou-
vemens fi remarquables qu’on obferve dans les parties fexuel-
les au temps de la fécondation, & qui ont été fi bien décrits
par le PLINE ‘du Nord. Notre curieux Lunicole ne fe lafleroit
point d'admirer la manicre dont le ftigmate du piftil ‘ouvre
pour recevoir la poufliere fécondante, & dont il fe referme
après l'avoir reçue ; la forte d’avidité avec laquelle il la de.
Tome Il. Hh
282 CONTEMPLATION
dra-t-il à ces preuves? ou fufpendra: t - it
encore fon jugement en vrai Pyrrhonnien? Il
me femble qu'il embraflera le premier parti,
Tur-tout s'il compare de nouveau ces faits
mande & 1» recoit; l’art avec lequel les fommets s'ouvrent &
répandent la poufiere fur le figmate; les monvemens, en
quelque forte, fpontanés que fe donnent dans certaines efpe-
ces les étamines pour opérer plus fürement la fécondation;
l'accord marqué de ces mouvemens avee ceux du piftil qui
leur correfpondent, &c.: tous ces traits comparés à ceux
qu'offriroient à notre Contemplateur les amours de certains
Infetes ou de certains Coquilla ges , ne lui fembleroient pas
moins décififs en faveur de la fenfibilité des Plantes qu’en fa-
veur de celle des Animaux. S'il venoit enfuite à jetter les
yeux fur les Plantes aquatiques ; s’il venait. à remarquer que
celles qui, à l'ordinaire, font entiérement plongées fous l’eau,
s'élevent à la furface lorfque la leur doit s'épanouir , & que la
fécondation va s’opérer; s’il remarquoit enfin, qu'immédiate-
ment après la fécondation, la Plante s'enfonce de nouveau
fous l’eau ; fi, dis-je, notre Contemplateur obfervoit tous
ces faits, pourroit-il héfiter encore de croire à la fenfibilité
des Plantes, & ne viendroit-il pas à penfer qu’elles ne come
pofent avee les Animaux qu’une feule grande Famille ?
Un Ecrivain célebre pole en principe ; que ff un Etre or
ganifé a du fentiment , il l'exprimera par des m1ouvemens ex têx
rieurs. Ainff, ajoute-t-il, les Plantes, quoique bien organifées,
font des Etres infenfibles auffi-bien que les Animaux qui, comme
elles, n'ont sul mouvement cpparent. Le Lecteur éclairé ju.
gera-t-il cette Logique plus exaéte que celle de notre Phi-
lofophe de la Lune ?
DE LA NATURE. X. Por. 483
avec ceux que lui offrent les Animaux qui {e
rapprochent le plus des Plantes.
Mais, dira-t-on,; votre Philofophe de-
Vroit comprendre qu'il eft facile d’expliquer
méchaniquement tous ces faits qui lui paroif
fent prouver que les Plantes font fenfibles. Il
fufit d'admettre que les Végétaux ont des fibres
qui fe contractent à lhümidité, & d'autres qui
fe contraétent à la féchereffe. Cela eft vrai, &
notre Philofophe le fait très bien : mais il
fait auffi qu’on a entrepris d'expliquer mécha-
niquement toutes les actions des Animaux, non-
feulement celles qui démontrent qu’ils ont du
fentiment, mais encore celles qui paroiffent prou-
ver qu'ils {ont doués d’un certain degré d’iu-
telligence. Procédé fisgultier de lEfprit humain !
pendant que quelques Philofophes s'efforcent
d’ennoblir les Plantes en les élevant au rang
d’Etres fentans, d’autres Philofophes s'efforcent
d’abaifler les Animaux en les réduifant au rang
de fimples Machines.
Au refte , le Lecteur judicieux comprend aflez
que je n’ai voulu que faire fentir par une fic-
tion combien nos jugemens fur l’infenfbilité
des Plantes font hafardés. Je nai pas prétendu
prouver que les Plantes font fenfibles; mais j'ai
H h 2
44aCONTEMPLATION
voulu montrer qu’il n’eft pas prouvé qu’elles
ne le font point.
NE
C'H AcP-I TR En 2ERORE
La nutrition.
P U 15 donc que la faculté de fentir ne nous
fournit qu’un caractere équivoque pour diftin-
guer le Végétal de l’Animal , quel fera celui au-
quel: nous aurons recours dans cette vue? Il
femble que nous les ayionstous épuilés. Nous
les avons du moins tous parcourus. Mais nous
né les avons pas tous envifagés fous leurs dif-
férentes faces. Il en eft un, qui confidéré fous
un certain point de vue, nous procurera peut-
être ce que nous avons cherché vainement dans
les autres.
IL s’agit de la pofition des organes par lef-
quels les Plantes & les Animaux reçoivent leur
nourriture. Ces organes font dans les Plantes
les racines & les feuilles. Les unes & les au-
tres font garnies de vores au moyen defquels
elles pompent le fuc nourricier. Ce pores abou-
tiflent à de petits vaifleaux, qui tranfmettent
DE LA NATURE. X. Pox -48ç
le fuc dans l’intérieur , ou plutôt ces pores ne
font que l'extrémité des ces vaifleaux.
Les Animaux ont des organes tout - à - fait
analogues aux racines & aux feuilles. Je veux
parler des veines lactées ou des vaifleaux qui
en tiennent lieu. Ces veines s'ouvrent dans les
inteftins & y pompent le chyle, qu’elles con-
duifent dans les voies de la circulation.
L’AximaLz eft donc un Corps organifé, qui
fe nourrit par des racines placées au - dedans
de lui. La Piante eft un Corps organifé, qui
tire fa nourriture par des racines placées 4 fon
extérieur (1).
(1) tt C'étoit le caractere qu'employoit l'illuftre Borr-
HAAVE pour diftinguer la Plante de l'Animal. Mais toutes
les Plantes n’ont pas des racines proprement dites. Le Fucus,
pat exemple, n’en a point: nous l’avons vu [ Chap. XXVI,
Note 2.1]; &c'eft probablement le cas de bien d'autres Plan,
tes marines. Les Plantes terreïtres nous en fourniflent d’au-
tres exemples.’ On ne trouve point de racines à la Truffe
CPart. IIL. Chap. VII. Note 1.]. Le Savant Auteur de la
Phyfologie des Mouÿes aflure que c’eft encore le cas des Ly-
chens: les courts filimens qu’on avoit pris dans ces faufles-
parafites pour de vraies racines, ne font proprement que de
petits crochets qui leur fervent à fe cramponner auxi corps
fecs fur lefquels elles croiffent. Il prétend auf que les racines
des Moufles ne fervent qu'à les fixer, & qu’elles fe nourrif-
Hb 3
486 CONTEMPLATION
VoiLa certes une différence bien légere entre
la Plante, & l’Animal : ceft pourtant tout ce
que nous avons trouvé de plus diftin@f parmi
les divers caracteres qui fe font offerts à notre
examen. [l n’eit pas meme certain que ce nou-
veau caractere foit aulli diftin@if qu'il a paru
Vêcre, & que des découvertes imprévues ne le
détruifent point. Un Animal qui fe nourriroit
par toute l’habitude de fon corps ou par des po-
res diftribués fur fon extérieur , rendroit ce ca-
raétere infufffant ou équivoque. Le Tænia ne
paroît pas s'éloigner beaucoup d’un tel Animal.
Ce Ver, comme nous l'avons déja remarqué,
et d’une prodigieufe longueur. Il forme dans
les inteftins un grand nombre de plis & de re-
fent par les pores dont leurs feuilles font criblées. Il le
prouve par une expérience. Des Moufles dont les racines feu-
les plongent dans l’eau, périflent au bout de quelques jours,
comme fi elles avoient été brülées par le Soleil; tandis que
celles qui y font plongées par leurs tiges, eontinuent à vivre
& font mème de nouvelles produétions,
Il eft d'ailleurs très- indifférent à la queftion qui nous oc-
cupe, qu’une Plante fe nourrifle par de vraies racines ou par
fes Feuilles; puifque les Feuilles équivaudront pour elle aux
racines, & le caraétere diftinétif employé par l'HIPPOCRATE
de Leyde pourroit fubfifter encore : mais ce qui le rend équi-
Voque, ce font des produétions vraiment animales qui fe
nourriflent , comme différentes Plantes, par toute l'habitude
de leur corps.
DE LA NATURE. X. Part. 287
plis, & quelquefois il remplit entiérement la
capacité de ce canal. Chacun des anneaux qui
le compofent, & dont la longueur n’eft fouvent
que d’une à deux lignes, eft percé d’une petite
ouverture ronde par laquelle on voit fortir le
chyle dont le Ver eft plein , & qui fait fa prin-
cipale nourriture. Si cette ouverture eft une
efpece de fucoir à l’aide duquel lInfe@&e pompe
le chyle qui l’environne, cette maniere de fe
nourrir ne differe pas beaucoup de celle des Plan-
tes. Il eft vrai qu’on a découvert à l'extrémité
la plus effilée de ce Ver, une tête pourvue de
quatre mamelons , qui ont paru autant de pom-
pes ou de fucoirs. Mais cette découverte ne dé-
truit point la conjetture qu’on vient de hafar-
der fur l’ufage des ouvertures ménagées dans
les anneaux ( 2).
On connoît une autre production animale
qui paroît fe nourrir d’une maniere qui a beau-
coup de rapport à celle dont les Plantes fe nour-
riflent. Cette production eft l’œuf d’une Mouche
qui pique la feuille du Chène & qui y fait naître
une galle, au centre de laquelle l'œuf fe trouve
placé. Il eft membraneux & d’un tifflu uniforme.
(2) tt Ce que je difois ici fur la meniere dont le Tænia
fe nourrit, n'eft pas aflez exact. On voudra bien relire la
Note 3 du Chap. :XXVI de cette Partie.
H h 4
488 CONTEMPLATION
On n’y découvre aucune ouverture particuliere
par laquelle il fe nourrifle. Cependant 1l eft cer-
tain qu'il fe nourrit & qu’il prend beaucoup
d’accroiement: ce qui donne lieu de penfer
que ces membranes font conftruites avec un
tel art, qu’elles pompent les fucs qui les abreu-
vent. Lorfqu’on ouvre des galles qui ne font
que de naître, on y trouve l’æuf encore très-
petit. [l eft beaucoup plus gros dans des galles
plus avancées. On conjecture mème avec vrai-
femblance, que Paccroilement de l'œuf opere
celui de la galle, & que la confommation con-
tinuelle des fucs les détermine à Sy porter avec
plus d’abondance (3 ).
Maïs fans alier chercher bien loin des exem-
ples d’Animaux qui fe nourriffent à la maniere
des Plantes, ce cas eft celui de tous les Ani-
maux , fuit ovipares, foit vivipares, pendant
qu'ils font encore renfermés dans l’œuf ou dans
le ventre de leur mere. Les vaiffleaux ombili-
caux peuvent être regardés comme des racines
qui vont puiler dans les matieres de l’œuf ou
dans la matrice les nourritures appropriées au
(3) tt Les œufs des induftrieufes Mouches à fie croif-
fent de même après avoir été pondus ; & on découvrira pro-
bablement bien d’autres Efpeces d'œufs, qui offriront la mème
fingularité,
DE LA NATURE. X. Part. 489
fœtus. Il en eft de mème des Infectes qui mul-
tiplieut par rejettons. Pendant que le Petit tient
encore à fa Mere, il paroït fe nourrir d’une
maniere qui differe peu de celle qui eft propre
aux branches. Les greffes animales fe rappro-
chent aufli à cet égard des greffes végétales.
ENFIN, la peau du Corps humain pompe,
comme les feuilles des Plantes, les vapeurs &
les exhalaifons répandues dans l'air ; & quoique
l'Homme tire bien moins de nourriture par
cette voie que n’en tirent les Végétaux, il
demeure toujours vrai que la peau & les feuilles
ont, en ce genre, de grands rapports. Peut.
ètre découvrira-t-on quelque jour des Ani-
maux qui ne fe nourrifflent que par leur pezu,
comme certaines Plantes ne fe nourriflent que
par leurs feuilles.
+
490 CONTEMPLATION
CEE cr 20 me ES
C'H'A P D'TORIE TROP
L'ivrirabilite.
E ST-CcE donc en vain que nous cherchons
un caractere propre à diftinguer le Végétal de
l’'Animal? Devons - nous renoncer\à cette re-
cherche, & laifler au temps à réfoudre ce pro-
blème ? J'apperçois une nouvelle propriété qui
nous fournira peut-être ce que nous avons
cherché inutilement ailleurs. Voyons ce qu’il
faut en penfer.
UXxE fibre mufculaire fe contracte ou fe rac-
courcit d'elle - mème à l’attouchement de tout
corps foit folide foit liquide. Cette propriété fi
remarquable eft connue fous le nom d’irritabi-
lité. Nous l'avons entrevue à la fin du Cha-
pitre IE de la Partie VII (1 ).
ELLE n’a rien de commun avec la fenfibilité.
(1) tft Le degré de contraétion ou de raccourciffement de
la fibre eft la melure de fon irritabilité. Toutes chofes d’ail-
leurs égales, le mufcle qui fe raccourcit davantage, eft le
plus irritable. Celui qui fe contracte au plus léger attouche-
ment ,eft donc très - irritable.
DE LA NATURE. X. Part. 49t
Les parties les plus fenfibles ne font point ir-
ritables, & les parties les plus irritables ne font
point fenfibles ( 2).
IL ne faut pas non plus confondre lirrita-
bilité avec lélafticité. Une fibre feche eft très-
élaftique , & point du tout irritable. On ne foup-
gonnera pas que des Animaux purement géla-
tineux foient étatiques, & ils font néanmoins
très - irritables. On ne découvre point d’yeux
au Polype ; il fe dirige pourtant vers la lu-
miere, probablement par une fuite de Pirrita-
bilité exquife dont il eft doué. Enfin , les fibres
des Vieillards , quoique beaucoup plus élaftiques
que celles des Enfans, font bien moins irri-
tables.
Si lon prive un mufcle quelconque de tout
commerce avec le cerveau, foit en liant les
nerfs, foit en les coupant , & qu’on irrite ce
mufcle avec la pointe d’une aiguille ou avec-une
liqueur un peu acide, il entrera aufli-tôt en
® C2) tt L'irritabilité n’eft point proportionnelle à la fenf-
bilité. L’eftomac, plus fenfible que les inteftins, eft moins
irritable qu'eux. Le cœur, doué d’une irritabilité fi exquife,
eft peu fenfible. On ne peut donc tirer aucune conclufion de
la fenfibilité à l’irritabilité, Elles ont d'ailleurs un fiege bien
éifférent : l’une réfide dans les nerfs, l’autre dans les mufeles.
492 CONTEMPLATION
contraction & fe relâchera enfuite, & l’on pourta
lui faire répéter bien des fois le mème jeu.
Nous avons vu que le cœur elt un véritable
mufcle. Si on lextrait de la poitrine , il con-
tinuera à fe mouvoir jufqu’à ce qu'il ait perdu
fa chaleur naturelle. Le cœur d’une Vipere ou
d’une Tortue bat fort bien vingt à trente heures
après la mort de l’Animal. L’eau ou l'air, in<
troduits dans le ventricule , fufffent pour ren-
dre au cœur le mouvement qu'il a perdu.
LE mouvement périftaltique des inteftins eft
encore dù à leur irritabilité. Mais voici ce qu’on
n’auroit pas deviné. Si on les arrache prompte-
ment du bas - ventre, & qu'on les coupe par
morceaux , tous ces morceaux ramperont , comme
des Vers, & fe contracteront au plus léger at-
touchement. Il n’elt donc pas bien merveilleux
que des portions d’Infectes vivans , fe meuvent
encore après leur féparation du Tout. Le fait
dont jai parlé dans le Chapitre IT de la Partie
VIIT, eft du mème genre, & dépend du mème
principe.
AINSI, non-feulement tout mufcle, mais
encore tout fragment de mufcle, & mème toute
fibre mufculaire fe contractent plus ou moins
DE LA NATURE. X. Part. 493
à l’attouchement de quelque corps que ce foit,
fur - tout fi ce corps elt du genre des ftimu-
lans. Et comme la fibre fe contracte d’elle -
mème , elle fe rétablit aufli d’elle - mème ; &
ce jeu alternatif dure un temps proportionné
au degré de lirritabilité.
Ux Phyficien (3 ) qui a placé dans l’Ame la
caufe de tous les mouvemens du corps, a été ré-
duit pour expliquer ceux dont il s’agit ici, à
fuppofer que lAme eft divifible. Il y a donc une
portion d’Âme ou une petite Ame dans chaque
mulfcle, dans chaque fragment de mufcle, daus
chaque fibre mufculaire, dans laiguillon de la
Guëpe, (4) dans la queue du Lézard, &c. ?
C3) ff Le Savant Wuvr, Anglois, dont l'illuftre Phyfo.
logifte de Berne n’a pas eu beaucoup de peine à refuter foli.
dement l'étrange opinion. C’eft auf celle au’adopte le célebre
Anatomifte de la Chenille, qui ne concoit pas qu’on puille
expliquer autrement les phénomenes que préfentent certaines
parties qu’on coupe à des Infectes vivans , & fur-tout ceux qu’of-
frent les Animaux qu’on multiplie en les mettant en pieces.
Quand on n’a pas aflez profondément médité fur la nature de
l'Ame, on ne trouve pas grande difficuité à fuppofer qu’elle
eft divifible comme le corps: il eft même un Métaphyficien
par état, qui, dans les meilleures intentions, a täché en der-
nier lieu d'établir que l’Ame eft une machine organifée, très.
diftinéte du corps qu’elle anime.
(4) tt L'aiguillon de la Guêpe, féparé du corps de l'In-
494 CONTEMPLATION
Mais l’Ame qui perd un membre, ne change
point ; toujours mème volonté, mèmes idées , &c.
L’Ame n’étoit donc pas dans ce membre , il n’ap-
partenoit pas au fond de fon Etre; il apparte-
fete vivant , mais pourvu encore de fes mufcles, fait effort
pour piquer comme s’il tenoit encore à l’Infecte. Il eft une
multitude d'autres exemples de parties organiques qui conti-
nuent à fe mouvoir, quoique féparées de l’Animal auquel
elles appartenoient. Je citerai encore celui de la trompe du
Papillon. Ceux qui ont lu les Æfémoires pour fervir à l'Hif-
toire des Infeéles, favent tout ce que cette trompe renferme
d'admirable. Elle eft en partie écailleufe & en partie mem-
braneufe. Le Papillon la tient ordinairement roulée en fpirale,
à la maniere d’un reflort de montre; mais il la déroule &
l'étend quand il veut pomper le miel des fleurs. Elle eft éten.
due en ligne droite far la poitrine de fa Chryfalide: dans
certaines Efpeces, elle y eft recourbée en maniere de long nez.
Immédiatement après que le Papillon a rejetté le fourreau de
Chryfalide, toutes fes parties écailleufes font très - molles : la
trompe l’eft donc aufi, Si on la coupe alors tranfverfalement
avec des cifeaux, les parties conpées continueront à fe mou-
voir, à fe rouler & à fe dérouler à plafieurs reprifes , comme
fi elles tenoient éncore à la tête du Papillon. Bientôt néan-
moins elles ceferont de fe mouvoir; mais fi au bout de
trois à quatre heures on vient à les toucher , elles fe remet«
tront en mouvement, fe rouleront & fe dérouleront comme
auparavant. La partie membraneufe de la trompe eft garnie
de mufcles, dont lirritabilité entretient & renouvelle le jeu
de l'organe. Mais à mefure que les mufcles fe deflechent, le
jeu fe ralentit, & il cefle enfin lorfque les’ mufcles fout er
tiérement defléchés,
DE LA NATURE. X.Part. 49$
noît encore moins à une autre Âme ; il n’étoit
pas...... mais jai déja trop infifte fur une opi-
nion qui choque autant le fens commun que
la -Métaphyfique.
Ox favoit depuis bien des fiecles, que lo-
reillette & le ventricule droits du cœur étoient
les parties du corps animal , qui fe mouvoient
le plus long-temps après la mort. Il avoit
été réfervé à un illuftre Moderne ( $) de nous
découvrir la caufe de ce phénomene, & en gé-
néral celle des mouvemens du cœur. Nous avons
admiré la merveilleufe irritabilité de ce mufcle.
Le contact du fang eft uniquement ce qui la
déploie. Si on empèche le fang d’agir fur l’oreil-
lette ou fur le venticule , tout mouvement cefe
a l’inftant, & on le fait renaître à linftant, fi
on laifle rentrer le fang (6). Il neft pas mème
befoin de fang ; tout autre liquide produit des
effets analogues , & nous avons vu, que l’eau
& Pair, agiflent ici comme le fang.
(5) Mr. DE HaLrer,
(6) tt Le grand Phyfologifte que je viens de citer pen.
foit, que le cœur fe vuide entiérement de fang dans la fyfe
tole : c’eft une erreur ; Mr. SPALLANZANI l’a démontré. 11
refte toujours un peu de fang dans le ventricule après chagre
fyftole, & les arteres reftent toujours pleines après la con-
traion.
495 CONTEMPLATION
IL réfulte de toutes les expériences fur l'ir=
ritabilité , que les parties vitales font les plus
irritables. Le cœur eft la plus irritable de tou-
tes, & après lui les inteftins & le diaphragme.
La fibre mufculaire eft compofée de deux
principes très -différens, d’une terre friable,
& dune efpece de glu. C’eft dans celle - ci que
l'irritabilité réfide ; car on fent bien qu’une
terre friable n’eft pas propre à exécuter par
elle- mème des contraétions & des relächemens
alternatifs (7).
(7) tt L'irritabilité paroïit donc devoir réfider dans la ge-
lée animale, puifque la gelée a une difpofition naturelle à fe
contracter. Les Animaux très-gélatineux , comme les Polypes
& les Animalcules des infufions , doivent donc être fort irri-
tables : mais ils peuvent aufli être fort fenfibles; & il n’eft
pas facile de diftinguer ici ce qui appartient à l’irritabilité , de
ee qui elt propre à la fenfibilité. J'ai dit que la tendance na-
turelle du Polype vers la lumiere pouvoit tenir à fon irrita-
bilité : c’eft l'opinion de l’habile Phyfologifte à qui nous de-
vons les plus belles connoiïffances fur cette propriété ; mais
les organes qui font le fiege de la fenfbilité chez le Polype,
pourroient être d’une telle délicateffe, qu'ils fuffent fufcepti-
bles des impreflions de la lumiere. Le Polype ne verroit pas
la lumiere , car il n’a point d’yeux, mais il la fentiroit à
fa maniere. Si les nerfs de notre main étoient aufhi délicats
& aufli à nud que ceux de notre rétine, il feroit pofible
que nous euflions par notre main un certain fentiment de la
préfnce de la lumiere, très-diférent , à la vérité, de celui
La
DE LA NATUÜRÉ. X. Part. 497
La nature de l'irritabilité eft auf inconnue
que celle de toute autre force: nous n’en ju-
geons que par fes effets. Mais nous concevons
de la vifion. Ce cas eft probablement celui d’un grand noms
bre d'Animaux des clafles les plus inférieures qui , privés
de la vue, font dédommagés en partie de cette privatiori
par la délicatefle extrême de leur toucher, qui les met ainf
à portée de jouir à leur maniere, d'un des plus grands bien«
faits de la Création.
Ce feroit dans l'irritabilité que je chercherois 14 fofntion
d'un des plus beaux problèmes de la Phyfique animale : je
parle du merveilleux phénomene que préfentent ces Animal.
cules aquatiques qui femblent reflufciter après avoir été con
lervés au fec des mois & des années. J'ai tracé ailleurs um
léger précis de l’hiftoire de ces Animalcules admirables, que
mon Lecteur voudra bien confulter. (Part, IX. Chap. IL
Note 13.) On a vu que, dès qu'on vient à humeder avec
une goutte d'ean ces Animaleules fi deféchés, ils reprennent
affez promptement la vie & le mouvement. Ils peuvent même,
en quelque forte, mourir & reMufciter bien des fois au gré
de lObfervateur. Ces Animalcules femblent n'être qu’une
goutte de gelée épaiflie. Cette gelée paroît bien propre à être
le fiege de l'irritabilité. Dans le defféchement tous les élémens
ofganiques fe rapprochent, & toutes les parties fe plient ou
fe refferrent à - peu - près comme les plis d'une bourfe ov d’an
éventail. Ce repliement s'exécute avec un tel art que lorga.
Mifme général n'en fouffre point, Mais, fi uous fuppofons que
| l'eau dont on humeéte ces Animalcules deftéchés , ‘eft une
| forte de ftimulant qui éxcite leur irritabilité affoupie, en
paëme temps qu’elle rend aux parties leur premiere fouplefe,
Tome IL, Ji
499 CONTEM P L A T.TON
très- bien que la fibre mufculaire doit avoir éte
conftruite fur des rapports déterminés à la
mäniere d’agir de cette force fecrete. L’efpece,
nous concevrons, ce me femble , comment ils reprennent
la vie & le mouvement.
Nous connoiffons un autre Animal très- fingulier & très-
différent des Anguilles & des Rotiferes, qui participe , comme
eux , à la même prérogative. IL eft connu fous le nom Jatin
de Seta equina où de Crin - de - Cheval. Xl a encore été nommé
Gordius. Il reflemble, en effet, beaucoup à uñ crin-de-Che-
val, & le Vulgaire croit bonnement qu’il tire fon origine des
crins-de-Cheval, qui en féjournant dans l’eau y prennent la
vie & le mouvement. Il en eft de blanchâtres, de jaunâtres
& d’un rouge brun. Ils font fort longs & prefqu'auf effilés
qu'un gros crin. J'ai eu plus d’une occafion d'obferver long-
temps cet étrange ‘Animal. J'avois fur-tout tâché de décou-
vrir dans fon intérieur des veftiges de ces vifceres qui font
fi apparens dans la plupart des Vers; & quelqu’attention que
j'y aie apporté, foit à la vue fimple, foit à la louppe, je ne
fuis jamais parvenu à y rien déméler, qui eût l’air de vaif-
feaux. Tout l’Animal m’a femblé n’être qu’un tube capillaire
Fort tranfparent. J'ai fur - tout été très - frappé des monvemens
ondulatoires & continuels que ce Ver fe donnoit dans l’eau
très-claire où je le tenois. Jamais il ne m’eft arrivé de faifir
un feul inftant où il ne füt pas en mouvement. Tantôt il
s'élevoit jufques près de la furface de l’eau; tantôt il fe re-
plioit vers le fond. Il traçoit une multitude de lacis très-
agréables : d'autrefois il s’eutortilloit fur lui- même en ma-
niere de peloton. Sa tête qui et très - petite , ne fe diftingue
de la queue , que par fa couleur d’an brun noïrâtre, & par
deux petits’ crochets ou pinces qui la terminent,
I —
DELA NATURE. X. Port. 499
la forme & l’arrangement refpectif des élémens
de la fibre font donc en rapport dire avec
cette force.
Le Gordius fe trouve dans les fontaines & dans la terre;
mais ce qu'on n'avoit pas foupconné, c’eft qu'il fe trouve
auf dans interieur de quelques Infeétes vivans. I1 ef donc
carnacier. L'illuftre de GEER l’avoit tronvé dans une Teigne
aquatique; & un Eccléfiaftique eftimable [ f ] la rencontré
fréquemment dans les Sauterelles. Il en a même trouvé plu-
fieurs dans la même Sauterclle, & qui n’avoient pris encore
qu'une partie de leur accroiffement. Cependant ce même Ver
qui vit aux dépens d’Animaux vivans, peut vivre des mois
entiers dans de l’eau claire & y exécuter fes mouvemens per-
pétuels. Divers Obfervateurs fe font affurés qu’il peut multi-
plier de bouture ; & ceci n’a plus rien de frappant dans un
Ver long & fans jambes, après tout ce qu'on à obfervé en
ce genre fur différentes Efpeces de Vers longs aquatiques.
Mais le Gordius a plus à nous offrir : confervé au fec pen-
dant un temps plus ou moins long, & expofé en Eté à toute
l’ardeur du Soleil, il retient conftamment un principe de vie,
qui reprend fa premiere énergie dès que l’Animal refte une
demi-heure dans l’eau. C’eft à l'Abbé F. FONTANA que
nous devons cette obfervation.
L'efpece de réfurreétion des Tremelles, du Noftoch, des
Mouffes, &c. pourroit dépendre encore d’une forte d’irrita-
bilité propre au Végétal ; car nous verrons bientôt qu’il eft
des raifons affez fortes de croire à l'exiftence de cette pro-
priété dans le Végétal.
Si les différens Etres dont je viens de faire mention, onk
Cf] Mr. CLEMENT, domicilié à Champéri dans le Valais
li 2
oo CO: N'T'ETM P L'A TION
ELe réfide probablement dans le fluide élaf-
tique difléminé entre les lamelles de la fibre;
car il ne fufiroit point de recourir à ia ftruc-
une Ame, [ & comment en douter, puifqu'ils offrent les
fignes les moins équivoques d’animalité?] nous ne pen-
ferons pas que cette Ame quitte fon fiege lorfque l’Ani-
mal s’eft defféché jufqu’à un certain point, & qu'elle le re-
prend lorfqu'il vient à être humecté. Cette opinion choquerot
trop les idées que la faine Phyfologie nous donne de l’'Etre
mixte. Nous ne dirons donc pas que l’Animal zeurt & qu'il
reffsfcite, ou au moins nous ne le dirons qu’en ftyle figuré.
Mais nous l’envifagerons dans fon état de defféchement comme
dans un état de fommeil ou de léthargie. Nous concevrons
que l'exercice de toutes fes facultés eft alors fufpendu , parce
qu’il tient effentiellement au jeu des organes, & que tons
les organes font alors captifs. On fent d'ailleurs affez, que
nous ne faurions avoir que des notions très-imparfaites de
l'état d’un Animal qui paffe des années entieres enfeveli dans
un grain de Froment ou dans la poufliere, fans y donner
le moindre ‘figne de vie. Il nous fuit de comprendre, que
cet état fingulier ne fauroit être celui d’une véritable mort;
puifqu'une véritable mort fuppoferoit la rupture de tous les
liens qui uniffent le vrai fiege de l’'Âme au corps de l’Animal.
[Conf. Part. IV. Chap. XII. Note 2, 5. ] Mais ce n'eft pas
ici le lieu d’approfundir ce que C’eft que la #ort, fujet d'au-
tant plus intéreffant qu'il eft lié à tout ce que nous avons.
de plus cher. Je pourrai bien m'en occuper dans un autre
Ecrit. LEIRNITZ, qui avoit fur l'Animalité des idées très-
philofophiques, difoit que la génération nef qu'un développe-
ment, ÊT la mort un enveloppement. S'il eût connu ces Etres
organilés qui reviennent à la vie après un long defléchementi,
2 +
DE LA NATURE X Part. 650
ture primordiale de celle-ci pour rendre rai-
fon de fon irritabilité. Le corps; indifférent au
repos & au mouvement, ne l’eft pas moins à
toute forte de fituation. Les élémens rapprochés
dans la contraction, ne fe rétabliroient point
fans l’intervention d’une force étrangere. Mais
cette force fuppofe à fon tour dans les é'émens
des conditions particulieres, & ce font ces con-
ditions qui diftinguent la fbre mufculaire de
toute autre fibre,
Les nerfs ne font point irritables; cela eft
aujourd’hui bien démontré: mais fi l'on pique
un nerf, le mufcle auquel il aboutit entrera en
contracton. Vous lavez vu dans le Ver- à.
foie (8). Le nerfs peuvent donc imprimer le
mouvement aux muscles; ils ne leur commu-
niquent pas une irritabilité qu'ils ne pofledent
pas eux-mêmes, ils ne font que la mettre en
action, & c’eft ainfi qu’ils font les miniftres des
volontés de l’Ame. Ils ne le font pourtant pas
par eux - mêmes ; diverfes expériences indiquent
il en eût, fans doute, tiré grand parti pour étayer fon ingé_
nieufe opinion. Ils peuvent au moins nous aider à concevoir
«la pofhbilité de cette reftitution future de tous les Etres vi.
vans , que j'ai eMayé de rendre probable dans un autre Ecrit.
(8) Part, VIIL :Chap. II.
15 2
02 : C0: NT EME D'ATMONN
que c’eft par l’entremife d’un fluide très - fubtil
& très- actif. Le fluide nerveux agiroit - il donc
fur les muicles comme un vrai ftimulant # ac-
croitroit - il leur tendance naturelle à fe con-
tracter ( 9)?
(9) tft On ne peut guere douter que le fluide nerveux,
foumis jufqu'à un certain point à l'empire de l'Ame, ne foit
le fimulant des mufcles. { Part. VII. Chap. I. Note 2. Chap.
II. Note 1, 2. ] Mais le fluide nerveux n’opéreroit pas dans
les mufeles ces puiflantes contrattions quetnous y obfervons,
s’il n’étoit fecondé par la ftruéture propre à ces organes mo-
teurs, & par la conftitution particuliere de leurs fibres. C'eft
ainfi qu'un filet d’eau qui met en mouvement une certaine
Machine, produit des effets furprenans.
Aùfi-tét qu'un ftimulant quelconque vient à toucher un
mufcle, un fragment de mufcle ou une fimple fibre mufcu-
laire, ils entrent en contraétion, fe relâchent .un moment
après pour, fe contraéter encore, & ce jeu alternatif dure
pendant un temps proportionné à lation du flimulant & au
degré de Pirritabilité propre à l'organe, Nous ne découvrons
pas le méchanifme de ce jeu; nous ne faifons que l’entrevoir
confufément. Nous concevons très-bien que le mufcle ne peut
fe: contracter & fe relacher de lui- même, parce que le corps
eft indifférent dé fa nature au mouvement @& au repos & à
auelque fituation que ce foit. Le jeu du mufcle doit donc
dépendre de l’aétion de quelque fluide invifibleque le ftimu-
lant excite Ce fluide feroit-il différent dn Auide nerveux ?
Nous favons que les nerfs qui fe plongent dans les mufcles,
y verfent un Auide très-fubtil &_-très-aétif: 11 fe répand fous
une certaine proportion dans toutes les fibres du mufcle: il
peut y être retenu pendant un. femps ‘plüs. ou moins long.
“DE LA NATURE. X. Part. $03
L’'IRRITABILITÉ paroît donc être ce qui conf.
titue dans l’Animal la puifflance vitale. On n’a
point encore apperçu cette propriété dans le
Un fragment de mufcle, une fibre mufculaire détachés du
eorps peuvent donc contenir encore une certaine portion de
ce fluide; & fi nous fuppofons qu'il eft doué d'élafticité, les
condenfations & les raréfactions alternatives qu’il éprouveroit
par l’action du ftimulant , exeiteroient dans les parties inté-
grantes de la fibre ces mouvemens alternatifs de contraétion
& de relâchement , qui caraétérifent l'irritabilité. Ce feroit un
nouveau rôle bien important que joueroit le fluide nerveux
dans le fyftême vital. Il feroit ainfi la principale puiffance
du fyftême. Cette puiMance feroit fubordonnée à divers égards
à la puifflance immatérielle; mais elle en auroit été rendue
indépendante à d’autres égards.
Nous voyons par-tout dans la Nature, que les effets les
plus confidérables tiennent aux agens les plus fubtils , à des
agens dont la plupart fe dérobent à nos fens. L'air, la ma-
tiere électrique, la matiere magnétique, le feu élémentaire,
l'éther en font des exemples qu'il fuit de nommer. Nous
ebfervons encore , que le SAGE AUTEUR de la Nature ne
multiplie noint les agens fans néceflité ; & qu'il fait fervir le
même agent au plus grand nombre de fins poMbles.
Mais, en fuppofant la difflémination d'un fluide élaftique
dans les fibres mufculaires, nous ne voyons point encore com.
ment un ftimulant quelconque réveille l’irritabilité d’un cœur
de Vipere féparé du corps du Reptile. Quel rapport fecret y
a-t-il ici entre le ftimulant & le fluide élaftique caché dans
les fibres de ce cœur ? Dira-t-on que dans l’état de relâche-
ment du mufcle , il y a équilibre entre le fluide difféminé
& les parties intégrantes des fibres; que lation du ftimu«
I 4
$4 CONTEMPLATION
Végétal. Seroit - elle ce caractere diftinctif que
nous cherchions ? Mais eft. il bien für que les
Végétaux ne foient point irritables? À -t-on
foumis toutes leurs parties aux épreuves requi-
fes ? N’a-ton point attribué à l’élaflicité de
quelques-unes, des phénomenes qui dépen-
doicnt peut-être de l'irritabilité ? Eft-il bien
fûr que ces mouvemens en apparence fi {pon-
tanés, des racines, des tiges, des feuilles, des
fleurs, &c. dont je parlois dans le Chapitre
XXXI, ne doivent rien à itritabilité ? Elle
réfide dans Ja fubftance gélatineufe de lAni.
mal: a-t-on bien étudié la fubftance gélatineufe
du Végétal? ‘Le bois le plus dur n’a d’abord
été qu’une gelée, & le Cedre majeftueux du Li.
ban qu'une goutte de mucofité. Une faine Lo.
gique veut que nous fufpendions encore notre
lant rompt cet équilibre, fait ofciller le Auide, & par lui
les fibres dans les interftices defquelles il eft rcpandu ? Dira.
- ton encore, que le fluide diféminé paffe fubitement de la
fibre dans le fimulant; & que la petite portion de fluide qui
eft ainfi tranfmife au ftimulant, eft fur le champ remplacée
par celle qui afue des parties voifines, comme dans les
cluences & afMluencés életriques ou magnétiques ? & feroit.
ce de la forte que naïtroit le jeu alternatif qu'on obferve dans
Ja fibre mufculaire ? Mais tout cela eft bien Vague & bien
conjetturel ; & je renonce fans peine à pénétrer au-delà du
Voile épais :dont fe convre ici la Nature.
a ts
DE LA NATURE. X. Parr. 50ÿ
jugement, & que nous attendions la décifion
de l'expérience (10 ).
(10) ++ Dans le temps que j'écrivois ceci, je connoiflois
bien quelques faits qui fembloient indiquer l’exiftence d’une
forte d’irritabilité chez le Végétal. Mais ces faits, quoique
très divers, me paroifloient trop équivoques pour fonder en
bonne Logique une conclufon affirmative. Je fufpendoïs donc
mon jugement, & j'attendois de l'expérience de nouvelles
lumieres. Je n’ignorois point que lorfqu’on touche les étami-
nes du Figuier d'Inde, elles fe rapprochent aufli-tôt du pif-
til; & qu’il en eft de même de celles de l'Epine - vinette.
J'avois contemplé encore bien des fois les mouvemens en
apparence fpontanés des tiges, des feuilles & des fleurs de
quantité d’efpeces , foit herbacées foit ligneufes, Néanmoins
tous ces mouvemens, d'ailleurs fi remarquables , ne me pa-
roifloient point dépofer d’une maniere aflez décifive en faveur
de l'irritabilité des Plantes ; parce que je découvrois des cau-
fes extérieures qui pouvoient les opérer. Mais de nouvelles
recherches que divers Naturaliftes ont faites dans ces der-
niers temps, ont un peu éclairci les ombres de ce fujet, &
augmenté la fomme des probabilités en faveur de l’irritabilité
végétale,
Si l’on doit s’en rapporter fur ce point aux obfervations
du célebre GMELIN , on ne fauroit guere douter que diffé.
rentes Efpeces de Plantes ne pofledent une propriété qui fe
rapproche beaucoup de l'irritabilité, fi elle n’eft l’irritabilité
elle - mème. Les étamines des Orchis lui en ont fourni le pre-
mier exemple. Leurs étamines fraîches encore & irritées dans
un lieu chaud, lui ont paru fe contraéter & fe relacher al.
ternativement, & éprouver enfuite un certain trémouflement.
D'autres exemples, plus frappans encore , lui ont été offerts
506 CONTEMPLATION
par ces fleurs que les Botaniftes nomment compoftes, telles
que celles du Chardon, de,la Jacée , de la Centaurée, &c.
L'étamine touchée avec la pointe d’une aiguille , fe contrac-
toit en deflous. Les filets, auparavant prefque droits, fe cour-
boient de maniere à imiter un mufcle qui entre en contrac-
tion. Le ftyle, jufqu’alors emprifonné , s’élançoit au - dehors
par la contraétion de l’anthere, & fe chargeoïit en paffant de
la poufliere fécondante. Les filets, laiflés à eux-mêmes,
s’étendoient de nouveau en ligne droite; fe contractoient
quelquefois de nouveau pour fe relächer enfuite ; puis on voyoit
fuccéder quelques ofcillations.
Notre curieux Obfervateur a appereu de même des fignes
afez marqués d'irritabilité dans bes fleurs de bien d’autres
Plantes. Il fait là-deffus deux remarques importantes : la
premiere , que l’irritabilité fe manifefte fur- tout dans les
fleurs prêtes à s'épanouir; ou épanouies depuis peu; & qu’elle
décroit graduellement à mefure que la fleur perd de fa frai.
cheur, La feconde, qu’on n’apperçoit des fignes d'irritabilité,
que lorfqu’on applique immédiatement le ftimulant à la partie
dont on veut éprouver la forte de fenfibilité.
Voici encore quelques réfultats principaux, que le favant
Naturalifte tire de fes nombreufes expériences.
1°. L'irritabilité végétale, comme l'irritabilité animale, ne
fe manifefte que dans les parties molles. Elle diminue peu-
à-peu, à mefure que ces parties perdent leur foupleffe. Elle
difparoît enfin quand elles ont achevé de fe deffécher.
2°. L'irritabilité végétale eft excitée par un ftimulant comme
l'irritabilité animale.
3. À la contraéion des fibres fuccede un relächement fen-
fibles & les alternatives de contraétion & de relâchement
font proportionnelles au degré de l'irritabilité & à l’action du
ftimulant,
DE LA NATURE. X. Part. 507
4%. Lorfque le jeu a ceffé dans les parties irritables, on
peut l'y faire renaître par un nouveau ftimulant.
5°. Un temps chaud & un peu fec favorife toujours plus
ou moins l’aétion du ftimulant.
6°. Ce ne font pas feulement des parties entieres qui don-
nent des fignes d’irritabilité: elles en donnent encore après
qu'on les a mutilées on coupées par morceaux.
7. L'irritabilité végétale a moins d'énergie que l'irritabi-
lité animale ; & elle a auf moins d’étendue. On ne l'apperçoit
guere que dans les parties fexuelles, & on ne la retrouve pas
dans celles de toutes les Plantes.
Si les mouvemene de la Senfitive dépendent d’une vraie ir-
ritabilité, il faudra dire que cette irritabilité eft répandue
dans tous le cerps de la Plante. Les jeux de l’Attrape mouche
tiendroient donc aufi à l'irritabilité. [ Part. IL. Chap. X{L.
Noie 1.]
Un irgénieux Obfervateur Italien, Mr. Covoro , a fait
fur l'irritabilité des Plantes bien des expériences curieufes qui
confirment celles de l'Académicien de Pétersbourg. Il a vu,
comme lui, les jeux variés des étamines de la Centaurée,
& il s’eft convaincu par plufieurs procédés, que l’irritahilité
de ces parties fexuelles eft abfolument indépendante des autres
parties de la eur. Il s’eft afluré encore que chaqu’étamine a
fon irritabilité propre, indépendante de celle des fes voifines,
Après avoir obfervé la force contraétile fe déployer à la fois
dans toutes les étamines, par un léger mouvement imprimé
à la fleur, il l'a vu fe déployer féparément dans chaqu’étamine
lorfqu'il venoit à les toucher. Coupées tranfverfalement, &
touchées un moment après, les étamines Ini ont paru fe
mouvoir à la maniere des bras du Polype. Enfin, ila vu
une étamine féparée entiérement de la fleur, fe contourner
d'elle - même en différens fens comme un petit Ver, dès qu'il
venoit à la piquer ; & ce qui eft bien plus rema: quabie , il
v08 CON: TNEM PLDMASTEMONN
a vu ces mouvemens s’exécuter dans des fragmens d’étamine ,
comme dans l'étamine entiere.
Je dois ajouter, que Mr. Covoco a obfervé les mêmes
Faits effentiels dans les parties mâles de quantité d’autres Ef-
veces de Plantes, dont il donne l’énumération. Le favant Bo-
tanifte KOLREUTER , a aufli remarqué que les parties femel-
les fe contraétent avec plus on moins de promptitude, Sui-
vant que le ftigmate ef arrofé par la poufliere fécondante.
Il femble donc qu’on ne puiffe plus douter, que les parties
fexuelles de beaucoup de Végétaux ne poffedent une forte d’ir-
titabilité fort. femblable à celle qu’on obferve dans l’Animal,
& qui fe manifefte par les mêmes fignes ou par des fignes
analogues. Et dès qu’on l’a reconnue dans les fleurs d’un fi
grand nombre de Plantes, il devient affez probable qu'elle
réfide de même dans celles où l’on n’a pu encore la décou.
vrir ; apparemment parce qu’elle y réfide dans un degré
trop inférieur. On ne verroit pas au moins pourquoi certais
nes Plantes feroient douées d'irritabilité, tandis que d’autres
en feroient entiérement privées ; car nous obfervons que tous
les Animaux, depuis l'Homme jufqu'à l’Infe&e, en font
doués.
C'eft fur - tout par leurs parties fexuelles que les Plantes,
fe rapprochent le plus des Animaux ; & nous apprenons de
l'expérience, que c’eft auffi dans les parties fexuelles des
Plantes, que lirritabilité fe manifefte par les fignes les moins
équivoques. Mais cette admirable propriété qui femble conf
tituer dans l’Animal le principe de la vie, & qui eft répan-
due dans tous fes mufcles & dans toutes les fibres de ces
mufcles, ne réfideroit - elle chez le Végétal, que dans les
feules parties fexuelles ? Je w'inclinerois pas à le préfumer :
il eft un trop grand'nombre de faits qui concourent à établir
que les Animaux & les Végétaux ne compofent qu'une même
Famiile, J'ai fait fentir ailleurs, que les fécrétions végétales.
DE LA NATURE. X. Part. sog
eomme les fécrétions animales, fuppofent dans les vaiffeaux
un jeu fecret, dont l’effet eft très-différent de ce balancement
qu’on obferve dans la feve [ Chap. XXVIII, Note 4.]. Ce
jeu ne dépendroit - il point de la même force qui anime les
parties fexuelles ? n’auroit -il point quelque analogie avec
cclui des vaifleaux de lAnimal? Je hafarderai fur ce fujet
une conjecture qui ne me paroît pas dépourvue de probabi-
lité. De tous les vaifleaux de la Plante, les trachées font
eeux qui femblent les plus propres au mouvement. La lame
fpirale & écailleufe dont elles font formées , eft douée d’une
élafticité qui fuppofe une action à exercer. Ces trachées fi uni-
verfeliement répandues dans le corps de la Plante, imitent
perfaitement celles des Infectes. Mais nous avons vu que les
trachées des Infeétes font pourvues de membranes : ( Part,
III, Chap. XIX, Note 1). Les trachées des Plantes pour-
roient donc aufli ètre pourvues de membranes, & ces mem-
branes pourroient être des efpeces de mufcles où réfideroit
une irritabilité aflortie à la nature du Végétal. Ce feroient
donc les trachées répandues dans les parties fexuelles, qui y
opéreroient ces jeux variés qu'en y admire. J'ai fait admirer
ceux que fe donnent les fragmens de la trompe du Papillon
lorfqu'on vient à les toucher ( Note 4). Ils ont bien du rap-
port avec ceux des étamines de la Centaurée ; & on fent bien
que ce n'eft pas la partie écailleufe de la trompe, qui exé-
eute ces mouvemens. Il faudroit obferver au microfcope les
trachées des Plantes dans d’autres parties que les fleurs , dans
les jeunes pouffes des Arbres, par exemple, & tenter fur
ces parties en différens temps, des expériences femblables à
celles qu'on a exécutées fur les parties fexuelles. Suivant la
gonjeéture que je hafarde, les trachées ne feroient donc pas
feulement les poumons de la Plante; elles en feroient encore
les mufcles, & ces mufcles influeroient fur les mouvemen,
des tiges & des feuilles, comme fur ceux des! parties fexnel-
©OCONTEMPLATION
GR me CUS
CH AP ER: ENTICOODMNNT
Conclufion.
D) ÎITES au Vulgaire que fes Philofophes ont
de Ja peine à diftinguer un Chat d’un Rofier :
il tira des Philofophes, & demandera s’il eft
rien dans le monde, qui foit plus facile à dif
tinguer ? C’eft que le Vulgaire qui ignore l’art
d’abftraire , juge fur des idées particulieres , &
que les Philofophes jugent fur des idées géné-
rales. Retranchez de la notion du Chat & de
celle du Rofier toutes les propriétés qui conf-
tituent dans l’un & dans l'autre l'Efpece, le
Genre, la Clafle, pour ne retenir que les pro-
priétés les plus générales, qui caractérifent
lPAnimal ou la Plante, & il ne vous reftera
aucune marque vraiment diftinctive entre le
Chat & le Rofier. Le parallele que nous venons
les. Je naffirmereis pas néanmoins, que les trachées foient
les feules parties irritables de la Plante; car l’irritabilité pour-
roit réfider encore dans d’autres vaiffeaux.
Au refle, le degré d'irritabilité propre à chaque Plante peut
dépendre de Îa quantité & de la nature de la gelée. La pro-
portion de cette gelée avec la terre doit beaucoup varier dans
les différentes Efpeces de Végétaux.
-
DL AÆ NATURE “X. Part. STE
de faire des Plantes & des Animaux met ceci
dans le plus grand jour ( 1 ).
ON s’eft preflé d'établir des regles générales
(Cr) tf Ce que je dis ici du Végétal & de l'Animal, con.
fidérés dans leur organifation & dans leurs opérations , eft
vrai encore relativement à leurs principes conftituans. La
Chymie retire de l’un & de l’autre les mêmes principes eWen-
tiels, & ils ne different à cet égard que du plus au moins.
L’acide domine plus chez le Végétal; l’alkali chez l’Animal.
Celui - ci eft donc plus difpofé que l’autre à la putréfaétion.
Tous deux contiennent une fubftance graffe & huileufe, qui
ne fe retrouve pas dans le minéral proprement dit.
Voilà donc des différences chymiques bien légeres entre le
Végétal & l’Animal; & ce qui les rapproche davantage en-
core à cet égard, c’eft qu’il eft des Plantes, telles que celles
dont les fleurs font en croix, & qui en ont pris le nom de
Cruciferes , qui abondent autant en alkali que les Animaux,
& qui ont la méme tendance à la putréfattion.
On pourroit encore comparer le Végétal & l'Animal dans
le rapport à leur chaleur intérieure; car quoiqu’une Plante
ne nous paroifle pas chaude au toucher, on ne fauroit douter
néanmoins qu’elle ne poflede un certain degré de chaleur qui
lui eft propre , & qui pendant l'Hiver furpafñle celui de l'air
ambiant. La circulation des fucs ne ceffe pas dans cette fai-
fon ; elle n’eft que ralentie ; & cette circulation fuppofe effen-
tiellement une certaine chaleur qu'on a tenté d'évaluer. Il
réfulte en général de ces tentatives, que la chaleur des Vé.
gétaux fe rapprochetaffez de celle des Animaux à fang, froid ,
tels que Jes Poifons à écailles, les Amphibies & les In-
£ectes.
#12 C.O:NYT EUM:P. L' A) BRON
fur la nature des’ Plantes & des Animaux. On
a voulu juger de l'inconnu parle connu, & ott
a renfermé la Nature dans les bornes étroites
des connoiflances actuelles. Pouvoïit - on juger
du Polype par les Animaux connus ? Et les Ani-
maux que nous croyons connoître, combiért
renferment-ils de propriétés que nous igno-
rons ? Combien le nombre des Animaux & des
Végétaux connus eft-il petit en comparaifon
de celui des Animaux & des Végétaux qui n’ont
pas encore éte découverts ? Combien exifte-t-il
d'Animaux inconnus , dont les propriétés nous
furprendroient autant que celles du Polype, &
qui en different peut-être davantage, que les
propriétés du Polype ne different de celles des
Animaux qui nous font les plus familiers !
Voyez combien les Polypes 4 bouquet different
des Polypes 4 bras dans leur maniere de vivre;
de croître, de multiplier. Rappellez à votre ef-
ptit la maniere de naître de la Mouche-arai-
gnée (2), & celle dont certains Mille-pieds (3 }
croiflent & propagent, & vous comprendrez que
l'Hiftoire naturelle eft la meilleure Logique. Le
Monde ne fait que de naître: nous n’obfer-
(2) Part. IX, Chap. VII.
(3) Ibid. Chap. XIV de la Pat. VIII, & Chap. IV de
la Part. IX,
Wols
DE LA NATURE. X. Pari. 13
Vons que depuis une heure, & nous oferions
q P
prononcer {ur les voies de la NATURE !
SI, avant la découverte du Polype, on eût
demandé aux Faifeurs de regles générales, ce
qu'ils penfoient d’un Etre qui multiplie de bou-
ture & par rejettons, & qui peut être greffé,
ils n’auroient pas, fans doute, manqué de ré-
pondre que cet Etre étoit une Plante. Mais fi
on leur eût dit que cet Etre vit de proie, qu'il
fait la faifir avec un filet, qu’il l’avale & la
digere, ils auroient nommé cet Etre un Animal.
plante, & ils auroient cru l'avoir heureufement
défini. S'ils avoient enfuite appris qu’il poflede
une propriété inconnue dans la Plante , celle de
pouvoir être retourné comme un gant, ils
auroient jugé apparemment qu’un tel Etre n’étoit
ni Animal ni Plante, & ils l’auroient placé dans
une Clafle particuliere,
Le Polype n’eft point, à parler exaétement ,
un Animal-plante : il et encore moins un Etre
qui n’appartienne ni à la Clafle des Animaux
ni à celle des Végétaux : il eft un véritable
Animal; mais un Animal qui a plus de rap-
ports avec la Plante, que n’en ont les autres Ani-
maux.
Tome: IL, Kk
$t4 CONTEMPLATION
La Nature defcend par degrés, de l'Homme aw
Polype, du Polype à la Senfitive, de la Senfitive
à la Truffe, &c. Les Efpeces fupérieures tien-
nent toujours par quelque caractere aux Éfpeces
inférieures ; celles-ci aux Efpeces plus inférieures
encore. Nous avons beaucoup contemplé cette
chaine merveilleufe [4]. La Matiere organifée a
recu un nombre prefqu’infini de modifications
diverfes, & toutes font nuancées comme les
couleurs du prifme. Nous faifons des points
fur limage, nous y traçons des lignes , &
nous appellons cela faire des Genres & des
Claffes. Nous n’appercevons que - les teintes
dominantes , & les nuances délicates nous échap-
pent.
Les Plantes & les Animaux ne font donc que
des modifications de la Matiere organifée. Ils
participent tous à une mème eflence, & lattri-
but diftin@if nous eft inconnu. Nous penfons
connoître les principales propriétés du Corps
animal : l’irritabilité eft venue nous convaincre
de notre ignorance, & cette nouvelle propriété
fur laquelle nous faifons tant & de fi curieufes
C4] Part, IN, III, IV, VIII, Chap. XVI.
DE LA NATURE. X. Part. $1$
expériences, ne nous eft encore connue que par
quelques effets [$].
Es] t# Je ne faurois quitter ce parallele des Plantes & des
Animaux, fans revenir à un des principaux traits de reflem-
blance qu’on obferve entre ces deux Ordres d’Etres organifés ; je
veux parler de la maniere dont la propagation de l’'Efpece s’0-
pere chez les uns & chez les autres. Nous avons vu des Ani
maux qui multiplient fans aucune fécondation apparente : j'ai
même fait remarquer que cette maniere de propager eft çom-
mune à un très-grand nombre d'Efpeces de Claffes différentes ,
qui vivent dans le fein des eaux. On ne favoit pas qu'il eft de
même bien des Efpeces de Plantes qui, quoique pourvues de
parties fexuelles, peuvent néanmoins propager fans féconda-
tion. J'ai déja touché à cette découverte importante dans 12
Note 4 du Chapitre XII de la Partie VII, & jai dit à quel
Obfervateur nous en fommes redevables. J'ai été fouvent appellé
à le citer, cet Obfervateur , parce qu'il eft du petit nombre
de ceux qui ont le plus enrichi l’hiftoire de la Nature. La Note
à laquelle je viens de renvoyer mon Lecteur, étoit déja im-
primée , lorfque M. SPALLANZANI m'a communiqué par Let-
tre le précis de fes nouvelles recherches fur la Fécondation des
Plantes, dont il publiera incefamment les détails. Je fuis done
dans l'obligation de placer ici l’efquifle de ces intéreMantes
nouveautés.
Dans les Efpeces légumineufes & dans d’autres Elpeces, la
_ graine apparoît long-tems avant la fécondation, fans néanmoins
qu'on puifle parvenir à y découvrir nj la Plantule ni les
lobes.
Quelque tems après la fécondation , on apperçoit dans la
Kk 2
«
6éCONTEMPLATION
graine un petit corps gélatineux , plus ou moins informe, logé
au centre d’une cavité. Bientôt on reconnoît que ce petit corps
ft la Piantule pourvue de fes lobes. Il tient à la graine pi
des attaches ou par une forte de toile gélatinenfe.
Si l’on refranche les étamines des fleurs du Bafilic, de {à
Guimauve, &c. avant la fécondation, & fi l’on ifole exacte.
ment la Plante, les graines ne laifferont pas de croître, mais
ces graines feront infécondes , plnfenrs même avorteront. Dans
celles qui parviendront à mürir, on appercevra la Plantule & les
lobes ; mais ces graines n’en demeureront pas moins ftériles.
‘
Si l'on fait la même expérience fur certaines Efpeces de
Cucurbitacées, elles produiront des graines fécondes, qui en
produiront elles-mêmes de Fécondes. Ainfi dans ces Efpeces la
propagation peut s’opérer fans aucune intervention des pouf-
etes.
T1 en va de même dans quelques Efpeces dont les Individus
£ont diftingués de fexes. Des pieds femelles de Chanvre & d'E-
pinard, renfermés dans nne parfaite folitude, ou qu’on avoit
fait croître & grainer fix femaines avant le tems ordinaire, ont
donné des graines fécondes qui en ont produit elles-mêmes de
Fécondes.
Mais il n'en a pas été de même de la Mercurielle, dont Îles
Individus font aufli diftingués de fexes : l'ifolement parfait des
pieds femelles rend Îles graines ftériles. Cependant ces graines
infécondes contiennent une Plantule & des lobes comme les
graines fécondes.
11 réfulte donc de ces expériences, 1, que la Plantule & le
eee. 78
DE LA NATURE. X. Park $1#
lobes ne'doivent point leur exiftence à la nouffiere des étamines:
2. que les graines préexiftent dans l'ovaire , indépendamment
de la pouffere fécondante: 3. que la Plantute n’eft point le ré.
{ultat de la combinaifon du fuc des poufferes avec celui du piftil.
Cette hypothefe admife par des Auteurs célebres, ef aujour-
d'hui défavouée par la Nature elle-même.
Dès qu'il eft fi bien prouvé que la Plantule préexifte tonte en.
tiere à la fécondation dans diverfes Efpeces , il y a bien lieu de
préfumer qu’il en eft de même de toutes les Efpeces : il en eft
donc à cet égard des Plantes comme des Animaux. On n’a pas
oublié les preuves que nous avons de la préexiftence de l’'Animal
dans l'ovaire de la Femelle, à
Au refte, il ne doit pas paroître plus étrange que des Plantes
pourvues de parties fexuelles puiffent propager fans Fécondation,
qu’il l’eft que les Pucerons pourvus auf& de parties fexueiles,
multiplient fans copulation. Il n’y a pas lieu non plus de s’é-
tonnet qu’il y ait des Plantes qui ne fauroient produire des
graines fécondes fans l'intervention des pouflieres , tandis que
d’autres peuvent propager fans ce fecours. C'eft encore ici un
de ces rapports qui enchaînent la Plante à l'Animal. Les Ani-
maux qui nous font Les plus connus font diftingués de fexes, &
me multiplient que par copulation : mais combien en eft-il qui
font de vrais Androgynes ! Nous ne fommes pas encore affez
éclairés, pour pénétrer les raifons d’un tel arrangement, Mais
nous {avons au moins que toutes les parties du fyftème général
ont des dépendances réciproques, qui renferment la raifon fecrete
de l’exiftence de chacune.
Ces Plantes qui, quoique pourvues de parties fexuelles ,” peu-
vent néanmoins produire des graines prolifiques , indépendam-
Kk 3
$s18 CON T EM\P: L'A TI ON; &c
ment du concours des parties mâles, ne prouvent point l’inu-
tilité de ces parties dans ces mêmes Rfpeces. Elles ont des rap-
ports trop marqués à la génération, pour qu’on ne doive pas-
préfumer qu'il eft des cas où leur intervention devient nécef-
faire pour afurer la propagation de l'Efpece, & obvier à cer-
tains accidens qui la rendroient incertaine ou en dimiuueroient
trop les produits.
Fin du fecond Volume,
519
CRD LLLLLLL LL,
ELLE LA A AXES
FABLE
DES CHAPITRES
Contenus dans ce fecond Volume.
op
SEPTIEME PARTIE,
DE L'ÉCONOMIE ANIMALE,
| BEN PREMIER. Les nerfs, les efprits. X
Car À
CHap. IL Les mufcles. è
Cape. IL Les organes de la nutrition. II
Cuap.IV. Les organes de la circulation. 23
CHap. V. Les organes de la refpiration. 26
CHae. VI. Les fecrétions. 31
Car. VIL L’accroiffement. 44
Cuaep. VIIL Les Germes. $9
CHap.IX. Continuation du même fujet. 69
CHar.X. La génération. Le Poulet. 53
CHar. XL. Continuation du même fujet. La géne-
ration du Mulet. 81
CHae. XIL. Continuation du même fujet. Forration
des Monfires. Application aux Végétaux, 93
Kk 4
520 rit :BUDE
|
HUITÉFEME PARMIE
DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE DANS
LES INSECTES.
une PREMIER. Jntroducrion. Page 108
Cap. Il. Le principe des nerfs. 109
Cap. IL La refpiration. T10
Cap. IV. La circulation. 114
CHap. V. Exception a une regle eflimée générale.
| 117
Cuar. VI. Les organes de la génération € leurs
dépendances. 118
Cap. VIL Variétés de la génération. 123
CHar. VIIL Le Puceron. 129
Car. IX. Les Zoophytes ou les Animaux-plantes.
137
Cuar. X. Les Zoophytes apodes ou les Animaux-
plantes Jans pieds. Les Vers d’eau douce.
143
CHar. XI. Les Polypes à bouquet. 150
Cap. XIT. Les Polypes en entonnoir. 157
CHae. XIIL Les Polypes en naffe. 159
CHar. XIV. Les Zoophytes polypodes ou les Ani-
maux-plantes à plufieurs pieds. Le Mille-pied
à dard, 161
Crap. XV. Le Polype a bras. 164
Cuar. XVL Cosfdérations philofophiques au fu-
jet des Polypes. Réflexions fur nos idées d’Ani-
|
|
DESCHADATRES t#
malité € [ur l'analogie. sA/Pape 17$
Cap. XVIL Continuation du même fujet. Nou-
velles confdérations fur les gradations € fur
l Echelle des Étres. 190
CHap. XVIII. Continuation du inême [ujet. Idées
[ur laffimilation € fur les révénéretions or-
£ganiques. 21$
CHar. XIX. Les Animalcules des infufions. 221
) — —
mm
NEUMIEME PARTIE.
SUITE DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE
DANS LES INSECTES.
Cu PREMIER. Idées fur la maniere dont
s'operent la régénération € la multiplication
du Polype à bras. 235$
Cap. IL Application de ces idées a la régénération
des autres Zoophytes. 247
Cap. IIL Idées fur la multiplication qui sopere
Jens le concours des [exes. 26$
Cap. IV. Mille-pied qui pouffe de nouvelles jam-
- bes à mefure qw'il croit. 270
CHap. V. Les métamorphofes des Infeëles. 272
Caap. VI La métamorphofe en boule alonsée.
281
CHap. VIL La Mouche-Araignée. 284
CHar. VIIL Réflexions. 287
‘22 T AB LOE
Cxap. IX. Fhauche d'une divifion générale des
Infeites. 299
CHapr. X. Explication des métainorphofes. Les mues
ou les maludies des Infectes. 298
Cap. XI Faits relatifs à la maniere dont les mé-
tamorphoes s'operent. 302
Cuap. XIL Æbauche d’une théorie des métamor-
phofes. 306
CHap. XIIL Réflexions fur les métamorpholes. 315$
CHar. XIV. De la perfonnalité chez les Infectes
qui Je métamorphofent. 320
oo Ÿ
DE XIE MEGE PRMAITE
PARALLELE DES PLANTES ET DES ANIMAUX.
CHR PREMIER. J##roduition. 322
Cap. IL. La graine. 323
CHar. IIL L’Oeuf. 324
Car. IV. Le bourgeon. 327
CHap. V. Le Fefus. 328
Car. VE La nutrition de la Plante. 329
Cap. VIL La nutrition de P Animal. 330
CHap. VIIL L'accroiffement de la Plante. 332
Cap. IX. L’accroiffement de P Animal. 336
Car. X. La fécondation de la Plante. 342
CHap. XL La fécondation de P Animal. 344
CHar. XII. La multiplication de la Plante. 347
CHar. XIII. La multiplication de l Animal, 348
DES eC HirA:P'ET'R:E S. 523
Car. XIV. Irrégularités dans la génération de la
Plante. Page 350
CHar. XV. Irrégularités dans la génération de
l Animal. 3$1
CHar. XVI. Maladies de la Plante. 352
Cuar. XVII. Maladies de L Animal. 354
Caar. XVIIL La vieillefe € le mort de la
Plante. 35$
CHar. XIX. La vieilleffe €S la mort de l Animal.
356
CHar. XX. Autres fources d'analogie entre la
Plante €5 LV Animal. 358
CHar. XXI. Le lieu. 359
Car. XXII. Le nombre. 376
CHapr. XXIII La fécondité. 382
Car. XXIV. La grandeur. 392
CHap. XXV. La forme. 393
CHar. XXVI. La firuture. 406
CHar. XXVIL La circulation. 428
CHar. XXVIIL Continuation du même [ujet.444
CHar. XXIX. La faculté loco-motive. 461
CHar, XXX. Le fentiment. 46$
CHar. XXXI Continuation du même fujer. 474
CHap. XXXII La nutrition. 484
Caar. XXXIIL L'irritabilité. 499
CHar, XXXIV, Conclufron. 519
=
V4 | LND CA TION
ee SE SENS SES SR SALE
SOS Me ee EEE SE SES SEE MESSE SE
IN D XCATION
Des nouveaux Chapitres & des Notes princi-
\
pales ajoutées pa l’Auteur à cette nouvelle
Edition.
RARE RE PERTE DER DR RS RER GRR GODURRRS RUE RTS 2
2 ——_—@—_—_—_—_—_— A ——@ © — 2
| ue |
SE PT KE M EMPODIRINNE,
CHAPITRENVERENMER.
No 1. Struifure des nerfs € leuys divifions
principales. Page I
NOTE 2. Sur l’organifation du cerveau € fur les
deux fubfiances qui le compofent. Du fluide
nerveux , de fa prépwration €S de fa circula-
#107.
C'H AE FETE RE
NOTE 1. Sur la firutfure des mufc'es. 8
NOTE 2. Sur la caufe fecrete des mouvemens muf-
culaires. | 9
C'H APT T RTE NOIRS
NoTE 1. Précis des découvertes de Meffieurs de
Reaumur €ÿ SpAL&ANZANI fur la digef-
tion. kéfultat général des expériences de l’Ob-
fervateur liulien. Variétés des organes de la
nutrition dans différens Animaux. 11
a
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 525$
Note 2. Sur la tranfpiration fenfible € infen=
Jible. Page 2t
CE A BLL TR Eu BV.
Note 3. Sur les différentes [ubftances dont le fans
humain ef} compolé. Nouvelle découverte fur
les globules rouges. Erreurs qu'on avoit com-
miles fur ce fujet. 25
CHAT ECET ROBE
NoTE 1. Sur quelques ufuges de la refpiration. 29
NoTE 2. Variétés qu'on obferve dans les organes
de la refpiration de V Hoinine €S des Animaux.
De la formation de la voix. Idée de la flruc-
ture de l’injfrument vocal dans l Homrine 3 les
ANIMAUX. 30
CMP QI T R'E -VL
NOTE 1. Sur les glandes. 37
NOTE 2. Remarque fur les différentes manieres
dont s’'operent les Jecrétions. ibid.
Note 3. Sur la inéchanique qui exécute les fecré é-
tions, ©ÿ de celle qui opere la reforprion des
liqueurs animales. 39
NOTE 4. Sur la firutlure des organes fécréteurs. 42
CPR RTRE VII
NOTE 1: Qu'on peut corgetturer que les Corps
ordanilés [ont d'abord tout vafculeux. De la
nutrition des fibres élémentaires. 44
Nore 2. De l'affimilation € de l'arrangement des
Jucs nourriciers dans les fibres. Dificulré du
JuJ88, 46
\
526 INDICATION
NoTE 3. Que lorfque le bois ou les os fe font en-
durcis jufgwa un certain point, ils ne font
plus fufceptibles d'extenfion. Obfervations qui
prouvent que la inême chofe a lieu dans les
parties purement charnues. De la puiffance
qui opere l'extenfion des folides. : 48
NoTE 4. Maniere dont on peut concevoir que s’o.
pere l'incorporation des molécules nourricieres
dans le tifu des folides. Découvertes fur ce
Jujet. 49
C HA P'ECE RTS
NoTE 1. Sur les mouvemens du point vivant dans
l'œuf de Poule. S2
Norte 2. Redreflement dune erreur de l? Auteur
Jur le Ver de terre. 5$
CH AP LL EURNE ! 2
NoTE 2. Détermination du vrai fens du terme
d'emboîitement , relativement aux Geriues.
Maniere de concevoir la nutrition € lac-
croiffement des Germes avant la fécondation,
dans l’hypothefe de Pemboëtement. 63
NoTE 3. Preuve diretle de la réalité d’un emboi.
tement dans quelques Efpeces des ordres inf
rieurs. Le Polype à bras : le Volvox, 6$
CG H'AP L'TRUENSS
NoTE 1. Comment le jaune de l'œuf ef une dépen
deuce de l'inteflin du Poulet. Eclairciffement
a cefujet. 69
NoïTE 2.;Preuves rigoureufes de la préexiflence
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. $27
des Germes à la fécondation , fournies par di-
vers Aimphibies. Fécondation naturelle €ÿ ar-
#ificielle de ces Amphibies. Application à la ma-
niere dont les Germes font fécondés chez les
Animaux des clalles fupérieures. Page 71
NoTEe 6. De l'aliment du Germe dans l'œuf. Pro-
gres du petit Animal. Sécrétions qui s’operent
dans fon intérieur. Expérience qui prouve qu'il
préexifloit avec tous fes organes, lorfqw'il ne
Je montroit encore que fous l'apparence trom-
peufe d’une goutte de mucofité. 79
SRB ITRE. XIE
NOTE 1. Obfervation importante de LITTRE fr
un Fetus trouvé dans l'ovaire. 82
NoTE 2. Obfervation de HALLER fur l'œuf de la
Brebis. 83
NoTE 4. Efpeces vivipares €$ ovipares à la fois. 84
NoTE 6. Que lodeur la plus concentrée du [pere
ne fauroit opérer la fécondation. 85
NoTE 9. Sur les Mulets. Qu'il eff faux que le
Jperme du Mulet proprement dit, ne contienne
point de Vers [permatiques. 99
NoTE 11. Que chez les Oifeaux les Mulets propa-
gent. 92
CRE RTRE XIT
NOTE 1. Que certaines monfruofités peuvent étre
produites par des caufes fecretes fort anté-
rieures à la fécondation. 54
NoTE 2. Sur des côtes furnuméraires qui ne de-
voient pointé leur origine au prolongement
528 FN AD NC À T'ON
°« excefff de certuines apophyfes des ver
Page 97
NOTE 4. Réflexion fur Popinion qui place le Germe
dans un grain de la poufliere des étamines.
Nouvelles preuves démnonfiratives de la fauf-
Jeté de cette opinion. Plantes qui ont produit .
des graines fécondes fans l'intervention des
poujlieres. Conféquences. 100
NoTE 6. Métifs chez les Infeites. 10$
RE ee ——— |
HU, TT EME NV PRET PTE:
CL A PAIE
N OTE 2. Sur une expérience relative à Pirrira-
bilité chez les Ifectes. 1C9
CHA PETER SERRE
NOTE 1. Sur la refpiration des Cheuilles. IfI
CH A: PAL TIBMETENE
NOTE 1. Sur le principal tronc des veines chez les
In/ecles. T1
Notre 2. Sur le degré de froid que certains Infectes
peuvent Joutenir fans périr. 116
CH AP D ' PRENONS
Nore 1. Difpofition fr nguliere des organes de la
génératiog dans quelques Efpeces d'Infeiles.
118
CHAPITRE
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 623
Note 6. Sur les infirumens au moyen defquels les
Femelles de divers Infeites dépojent lenrs œufs.
123
G HA PLÆIRE VUE
Norte 5. Nouvelles découvertes fur la maniere doné
les œufs de la Reine-abeille [ont fécondés. 127
MAAPITRE VEITL
NOTE 1. Sur les altérations plus ou moins remar-
quables que les piquures des Pucerons occa-
fronent aux feuilles des Plantes. 129
Note 2. Obfervation par laquelle M. de GEER
prétend prouver, que les Pucerons qui Jon£
ovipares dans l'arriere faifon , ont jamais été
vivipares. F3
NoTE 3. Autre obfervation du mème Auteur, quë
prouve qu’il eff au moins une Efpece de Pure-
rons qui offre des Miles au milieu de l'Eté.
ibid.
NoTE 4. Diverfes obfervations du même Auteur
fur les mêmes Infeites. 133
Norte 6. Autre objervation du méme Naturalifie
fur une Efpece frnguliere de Puceroïs qui
habite dans certaines gailes du fapin. 13$
GER AE ET R KonlXx
NoTE 1. Extrait d'une Lettre de COMMERSON
au fujet des Noimenclateurs. 14Z
BR PIETRE. XIPE
NoTE 2. Sur les Polypes en nel]e. 169
Tome IL.
jet
IN DCA TION
A AS BAL SEL R ES LES
Multiplication finguliere du Mille- pied
a dard. Page 163
CHA PILITRIE KNE
NoTE 2. Paffage de LEIBNITZ fur la gradation .
des Etres , © fa prédiction fur le Polype. 177
C'ÉL'A, PER UE ONE
NoTE 2. Sur le nombre des vertebres du col chez
les Quadrnpedes &$ les Oifeaux. Obfervation
perticuliere fur Puniformité de la difiribution
de certaines paires de nerfs dans les différens
ANIMAUX. 193
NoTE 6. Obfervations qui démontrent la fauffeté
du fyfléme des molécules organiques , ©ÿ Pori.
gine des méprifes fingulieres de l’Auteur de
ce fyfféme. 20E:
NOTE 7. Étrange erreur fur la génération des
Anguilles de la colle de farine. : 203
NOTE 12. Sur l’arrangement que prennent les
particules intévrantes des matieres métalliques
en fe refroidiffant. 209
NoTE 17. Sur la maniere réguliere €S conftante
dont S'arr angent les molécules de l’eau pendant
la congelation. Réflexions [ur cette forte de
cryflallifation. | 212
CH API T.KR E: XVRIT
NOTE 4. Éclirciffement fur lefpece de régénéra-
tion d’une jambe de Poulet. 219
DES NOUVEAUX CHAPITRES , &e. $3r
CEA PAT RE 'X.E X.
(Chapitre entiérement neuf. ) Les Animalcules
des infufions. Page 227
NoTE 4. Faits principaux de l'Hifloire des Vers
fpermatiques. 231
ET
NEUVIEME PARTIE.
L'OREMRLRE PREMIER.
No 8. Sur la perfonnalité chez les Infees
qu'on multiplie de bouture : exemple des fer-
vices qu'une faine Métaphylique peut vendre
au Naturalifte. 244
CHÉPORRLE TURÉE. EE
NOTE 2. Sur la régénération du Ver-de-terre. 249
NOTE 6. Faits qui prouvent que chez les Infe&tes
qui réparent la perte de leurs membres , il eff
des germes appropriés à la régénération de
chaque membre. 252
= Note 12. Remarques au fujet des Anguilles de
NEEDHAM, ES fur fa découverte des To :
Calmar.
Note 13. Précis de l’hifloire des Anguilles du bd
rachitique , €ÿ à cette occafion du Rotifere,
du Tardigrade , ©c. Réflexions au [ujet de
ces différentes Efpeces d’Animalcules qui re
viennent 4 la vie après un long defféchemenr.
359
L13
422 INDICATION
CHAPITRE: HER
Note 4. Idée du nombre prodisieux d’ Animaux
aguatiques qui multiplient fans le concours des
Jexes. 269
C'A/A PE FT RENE
NoTe 2. Remarque [ur le mot de Ver employé
par l'Auteur dans ce Chapitre. 273
NoTE 11. Obfervation de M. LYONET qui cou-
tredit ce que M. de REAUMUR avoit avancé
fur le changement de direction que la circula.
tion du fang éprouve dans la Chryfalide. 276
NoTE 15. Remarque [ur divers organes exté.
rieurs relatifs à la nutrition, que l'Infeite
ecquiert lorfqwil revêt [a derniere forme de
Papillon ou de Mouche. Papillon extrêmement
fingulier, dont la tête étoit conformée à lx
maniere de celle des Chenlles. 277
D Sp à D Vo a DR
NoTE 3. Huportauce des obfervations de REAU-
MUR fur la métamorphofe en boule-alongée.
| 283
CHA, DA PURGE EN
NoTE 1. Sur l'état de fluidité apparente où fe
trouvent tous les membres de l'Infele ar
moment qu'il revêt la forme de Nymphe où
de Chryjalide. 302
CH À PPT RE LAIEUR
Note 5. Cbfervation de M. de GeEr fur la mens.
| branetres-fine dont les trachées fe dépouillent ,
DES NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 533
lorfque le Papillon fe tire du fourreau de
Chryfalide. Page 37£
NoTE G. Tableau en raccourci des grands cha
gemens qui furviennent à l’orcanifation des
Infeites qui Je métamorphofent : exemple pris
du Papillon de la Chenille de LYONET. 312
CIEAMP,E T KR E SXMILT.
Note 1. Diverfes utilités que les Arts pourroient
retirer des coques €ÿ des nids que fe confirui-
fent différentes efpeces de Chenilles. … 318
NoTe 2. Que les membres que la Grenouille € le
Crapaud reproduifent doivent nous porter à
fufpendre notre jugement [ur la quefion , fr
parmi les Infectes qui fe métamorphofent il n'en
eff point qui puille être multiplié de bouture.
319
CABANE. RE, XV.
Norte. 1. Obfervation qui prouve d'une maniere
directe que la Chenille € le Papillon ne font
qu'un feul €ÿ même Animal. 320
ten moe)
mt eme
a —— © —
DIEXIEME PARTIE.
CHAPITRE III
OTE I. Indication des différens procédés qui
ont été imaginés pour faire éclorre des Poulets
Jens le concours de la Poule. | 325
L13
‘34 IN DICATION
CHAPITRE TS
NOTE 1. Sur la courte durée de la vie de l'Ephé-
mere &ÿ de quelques autres Infectes. Page 336
NOTE 3. Parallele des Arbres © des Os, relati-
veinent à la maniere dont S’opere leur accroif-
Jement. 4 339
CHA P ET R EOMVIER F
NOTE 1. Procédés au moyen defquels on parvient
a prolonger la durée de la vie de différentes
Efpeces de Plantes. 355$
C'H'A° PT FRET
NoTE 1. Procédé au moyen duquel on parvient à
prolonger la durée de la vie de certains Lr-
fetes. Analogie remarquable entre certaines
Plantes qui reprennent la vie après un long
de eJécheinent , 5 certains Infeëles qui jouif[ent
de la même prérogative 356
CH'A'P IT R E XX. Le
NOTE 4. Particularités intéreflantes de l'hifloire
de quelques Plantes parafites, €ÿ en particu-
lier du Gui. 361
NOTE 5. Efquille de l'anatomie du Pou. 368
CHA PI TRE: NET.
NOTE 2. Sur le lumiere phofphorique de la Mer.
CHAPITRELVAREITS
NOTE 1,2, 3, 4 Sur la fécondité de divers
Quadrupedes. 383
NOTE 5. Du temps auquel divers Animaux font
capables d'engendrer. 384
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 535
NoTE 6. Fécondité merveilleufe des Poiffons à
écailles. Page 384
NoTE 7. Surprenante fécondité des Pucerons €ÿ
des Polypes à bouquet. ibid.
NoTE 8. Fécondité non moins admirable des Plan-
Les. 338$
NoTEe 9. Des Mulets chez les Oifeaux. Leur pro-
pagation entr'eux ES avec leurs races pater-
nelles &$ maternelles. Reffemblances des Mu-
lets chez les Quadrupedes ES chez les Oifeaux
avec leurs Parens. Pafflage remarquable de
M. de BUFFON /i:7 la maniere dont les molé-
cules organiques s’arrangent pour former le
Mulet. Remarques la-deffus. Sur la féconda-
tion artificielle des Amphibies, opérée par
P Abbé SPALLANZANI. Procédé auquel il à
eu recours. Extréme petitelle de la gouttelette
de fperine qui fufit à la fécondation. Energie
€3 nature du fperme. Belle expérience tentée
fur une Chienne, que le même Obfervateur &
fécondée artificiellement. Fécondation artifi.
cielle des œufs du Papillon, du Ver-a-foie,
exécutée par le même Auteur. Fluide éleütrique
inhabile à opérer la fécondation artificielle,
mais très-propre a accélérer le développement
des Embryons fécondés. Ouvertures ménarrées
par la Nature dans l'enveloppe de l'Embr:
pour l'introduétion du [perme , €ÿ que l'A
SPALLANZANI a découvert. Inutilité de
tentatives pour faire naître des Mulets c
les Amphibies , par la fécondation artif:
536 IND.ICAT.IO.N
CHAPITRE, XXAM
NoTE 1. Sur le Nofloch €$ La maniere dont il v®
geie. Page 393
Note 3. Le Grillo-talpa on Taupe-grillon. 398
NOTE 4. Sur le Nautile. 399
Nors $. Sur le petit Poilon doré de la Chine,
400
NoTE 6. Sur le Dauphin. MU AGE
NoTE 7. Sur le Serin. ibid.
NOTE 8. Sur le Lion. 403
CH A PAT RE: XXVI
NoTE 1. Sur les utricules ou le tifu cellulaire des
Plantes. 407
NOTE 2. Sur le Fucus ou le Varec. 408
NoTe 4. Sur le Taenia. Nouvelles particularités
découvertes dans fa flructure. 414
NOTE $. Sur la lumiere phofphorique dont le Ver
de terre brille dans larriere-[ai[on. 419
NoTE 6. Merveilles que recele la confolidation de
différentes plaies des grands Aniinaux. Que
ce nef pas principalement à la fimplicité de
lorganifation qu'il faut attribuer la régéné.
ration des membres de différentes Efpeces
d'Animaux, Généralités à ce fujet [ur les
reproductions de lx Salamandre aquatique €
du Limacon terrefire. Monfiruofités remar.
quables qu'offrent affez fouvent ces reproduc-
tions, Eÿ que l'art peut quelquefois opérer.
472
NoTe 7. Queles Animaux auxquels il a été donné
de refaire leurs membres; font expolés à les
perdre
DES NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 537
perdre par divers accidens. Exemples. Que
cette claffe d' Animaux ainfr privilégiés g imi-
menfe. » 427
D'ARPTER E"XXVIE
Note $. Qu'il n'y a point de tiffu interpolé entre
les extrémités des arteres € les extrémités des
veines, © que les unes communiquent avec
les autres immédiatement. Obfervation int-
portante de M. SPALLANZANI à ce Jujet. 43X
Note 9. Obfervation curieufe de LIEBERKüHN
fur la tunique veloutée des intefhins. 433
NoTE 13. Sur le mouvement des globules du [ang
daus les vaiffeaux où ils circulent. 434
NoTE 18. Kéfultats de quelques obfervations im-
portantes de l'Abbé SPALLANZANI , fur le
mouvement du fans. PET du même
Naturalifle [ur la couleur du fong dans les
premiers temps de la vie de l'Enbryon. Cou-
clufion du même Auteur en faveur de la pré.
exiflence des vaifleaux duns l'Exbryon. 436
NoTE 22. Sur l’évaporation de la Mer. 442
ORNE I TRE SCRVITIE
NorTe 2. Kéflexion [ur la forte de refpiration q1'on
attribue aux Plantes. Précis des découvertes
du Dr. INGEN-Housz, fur Pair déphlogifrii.
que que fouruiffent les Plantes. Lioifon de ces
découvertes avec le [yfféme de notre Monde.
Services mutuels que fe rendent les Végétaux
ES les Animaux, 444
NOTE 3. Faits qui concernent les Arbres écorcés
Jur pied. 450
538 EN'D'ECA TE 'EONN
NOTE 4. Raifons qui perf[uadent à l Auteur que
les mouvemens de la [eve ne fe réduifent pas à
un Jgmple balancement. Page 452
NorE $. Mouvemens finguliers de rotation décou-
verts par l'Abbé Corr1 dens Pintérieur de
différentes Efpeces de Plantes, €& en particu-
lier dans la Chara. 454
CHA PET, RER
NOTE 1. Senjbilité des Anémones de Mer. Re-
sayque au fujet du nom de Zoophyte donné
a ces ANIMAUX. 46
CHAPITRE SXARE
NoTEe 1. Horloge botanique de LINNE’. 478
NoTE 2. Mouvemens fpontanés des filets de la
Trémelle, qui dépoferoient en faveur de la
fenfibilité des Plantes, fi la Trémelle eff une
véritable Plante. Particularité des amours des
Plantes, qui femblent indiquer qu’elles ne font
pas abfolument infenfibles. 489
CHAMRBI TRE Re 2.
NoTE 1. Sur le caraffere employé par BOER-
HAAVE pour diflinguer la Plante de l Animal.
Faits à ce fujet. 485
C H'AËPTLR E LR SRRE
NOTE 1. Mefure de lirritabilité. 490
NoTE 2. Que lirritabilité n'eft point proportiou-
nelle à la fenfibilité. 497
NoTE 3. Erreurs de quelques Phyficiens au fujet
de lP Ame. 493
NoTE 4. Mouverens remarquables de la trompe
du Papillon après qwon la Jéparée du corps
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 539
dans les momens qui fuivent la métamorphofe.
Page 493
NorTE 6. Que le cœur ne fe vuide pas entiérement
de fang dans la [yftolz. 495$
Note 7. De l'impreflion que la lumiere produit
fur le Polype €$ [ur d'autres Animaux des
claffes inférieures. Application de Pirritabilité
aux phénomenes frguliers que préfentent les
Animaux qui, comme les Anguilles de la fa-
rine © les Roriferes , paroiflent revenir à la
vie après un long defféchement. Du Gordius
ou Crin de cheval : qu'il jouit de la même pré.
rogative que les Anguilles €ÿ les Rotiferer.
Quelle idée on doit [e faire de Pétat de ces
Animaux pendant leur defféchement , €ÿ de
leur efpece de refurrection. 496
NOTE 9. Idée fur la caufe fecrete de l'irritabilité.
02
NoTE 10. Précis de diverfes expériences qui fem-
blent prouver que les Plantes pofledent une
forte d’irritabilité. Conjecture [ur le principal
frege de cette irritabilite. 590$
DORA EL ER E -XXX E V.
NoTe 1. Rapports du Végétal & de l Animal dans
leurs principes conflituans. Autres rapports
fondés [ur le degré de chaleur intérieure. $11x
Nore $. Réfultats généraux des nouvelles recher-
ches de M. SPALLANZANI fur la fécondation
des Plantes. Réflexions à ce fujet, SIS
Fin de la Table,
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