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Full text of "Contemplation de la nature"

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CONTEMPLATION 


DE 


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CONTEMPLATI ON 


PAR CET. . BONNET, 


De P Académie pride lip, de gel de 
Saint-Pétersbourg ; des Académies royal des 


Sciences de Londres , de Montpellier à de Lyon, 
de Gottingue, de Stockholm , de Copenhague ; 
Honoraire de celle des Beaux-Arts de la même 
Ville ; des Académies de Pinflitut de Bologne , 
de Harlem, de Munich, de Sienne , de Caffel ; 
des Curieux de la Nature de Berlin 3 Correfpou- 
dant de l Académie Royale des Sciences de Paris. 


MALE RLE ÉDITION." 


Corrigée €ÿ confidérablement auginentée. 


TOME SECOND. 


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€hez J.G. VircHaux & Compagnie, Libraires F 


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SEPTIEME PARTIE. 


DE L'ECONOMIE ANIMALE 
€ * ui.) 


GHAPITRE PREMIER. 
Les nerfs. Les efprits. 


L Es nerfs, qui du cerveau s'étendent à toutes 
les parties, fe partagent en plufieurs divifions 


principales, plus ou moins nombreufes, ou plus 
où moins étendues (1). 


(0) tt De toutes les parties du Corpsihumain, les nerfs font 


celles dont la connoiflance intérefle fle plus le Philofophe. Lis 
Tome IL 


Sp 


. >» 


. Li + 


a CONTEMPLATION 


Cuaque divifion fe rend à la partie poué 
Jaquelle elle elt deftinée, & dont la ftrudture 
répond aux fonétions qu’elle doit exercer , ou au 
fentiment que les nerfs de cette divilion doivent 
y occafionner. 


Le toucher, la vue, l’ouie, le goût, l’odorat; 
font cinq genres de fenfations, qui ont fous eux 
un nombre prefau’infini d’efpeces. 


font, pour ainfi dire, l'intormede qui unit l'Ame au Corps, & 
par lequel elle agit fur différentes parties de fon Cerps. Mais 
précifément parce que les nerfs touchent de plus près à l'Ame, 
leur ftru&ure paroît plus profondément caehée , & tout ce que 
la plus fine anatomie peut nous en découvrir, fe rédnit à bieit 
peu de chofe. Nous favons feulement que les nerfs font des cor- 
dons blanchâtres , formés de divers faifceaux de filets droits & 
paralleles , liés eufemble par un tifu cellulaire, & qui compo- 
£ent ce qu’on nomme la fubftance pulpeufe ou médullaire du nerf. 

Les divifions des nerfs font les différentes paÿres par lefquelles 
ils Ce diftribuent à toutes les parties. On compte communément 
dix paires de nerfs, qui partent immédiatement du cerveau, & 
trente qui partent de la moëlle épiniere. Mais le nombre & la 
maniere de ces diftributions varient beaucoup dans les divers 
ordres d'Animaux. Nous en avons vu ci-deffus plufieurs exenr. 
ples dans les Animaux des ordres inférieurs. (Part. III, dans 
les Notes. ) 

Les filets nerveux font fi prodigienfement fins, que les meile 
leurs microfcopes ne fauroient nous aider à décider s'ils font 
ereux ou folides. Mais il eft des confidérations très-fortes qui 
perfuadent qu'ils font creux , & deftinés à la traufmilfion d’un 
fluide extrémement fubtil & atif, qui a reçu le nom de fluide 
nerveux. 


DE LA NATURE. VIL Par. % 


3 


L'ÉBRANLEMENT que l’impreflion médiate où 
Émmédiate des objets produit fur les nerfs , donne 
naiflance à ces diférens genres de fenfations , qui 
peuvent tous fe réduire au toucher, dont ils ne 
{ont proprement que des modifications. 


LES organes des fens {ont donc les inftrumens 
de ces modifications. Le nombre, l'étendue & la 
fineffe des fens, conftituent le degré de perfetion 
animale. 


Les nerfs, qui femblent imiter les cordes 
d’un inftrument de mufique, ne {ont pas ten- 
dus comme elles. Il eft des Animaux doués 
d’un fentiment exquis, & qui ne font prefque 
qu'une gelée épaiflie : comment admettre des 
cordes élaftiques dans cette gelée? Tandis que 
le fœtus eft lui- même tout gélatineux, il régit 
déja es membres. Et quelle n’eft point la mer- 
veilleufe célerité avec laquelle les impreflions 
des objets fe communiquent à l’Ame! Quelle 


Les nerfs font revêtus d’une double enveloppe, qui n’eft qu’un 
prolongement des méninges ou des deux enveloppes qui recout« 
vrent le cerveau. Mais les nerfs fe dépouillert de letir enveloppe 
à ieur extrémité, @& fe terminent par une forte de pulpe. Les 
nerfs qui entrent dans la compofition des organes des fens, font 
entiérement à nud, & cela était néceflaire pour leur donner ua 
plus grand degré de fenfibilité ou de délicatefle, 


À 2 


4 TONTEMPLATION 


n’eft point encore celle avec laquelle les membres 
obéiffent à la Volonté! 


Ainsi nous fommes conduits à fuppofer dans 
les nerfs un fluide très fubtil; très-élaftique, & 
dont les mouvemens, analogues à ceux de la 
lumiere ou du Auide électrique, produifent tous 
jes phénomenes de la vie. 


Les efprits animaux font ce fluide , que le cer- 
veau extrait & prépare , & qu’il envoie fans cefle 
dans les nerfs, & par les nerfs à toutes les parties 
qu’il nourrit, meut, anime (2). 


(2) tt Le cerveau, principe des nerfs, ne nous eft guere 
mieux connu que les nerfs. Le cerveau eft un vrai dédale où 
f'Anotomifte fe perd dès qu’il tente d’y pénétrer un peu profon- 
dément : il s’y trouve même un affez grand nombre de pieces 
très-apparentes, dont il ignore abfolument l'ufsge, ou fur lef- 
quelles il ne peut former que des conjeétures plus ou moins in- 
certaines. 

Deux fubftances affez diftinétes compofent la mafle du cer- 
veau ; la fubftance corticale ou cendrée , & la fubftance médul= 
laire, connues de tout le monde fous le nom de cervelles. LE 
fubftance corticale, placée à l'extérieur, & qui recouvre comme 
une écorce la fubftance médullaire, eft un aflemblage merveil- 
leux d'une multitude innombrable de vaiffleaux fanguins d’une 
fineffe extrême , & que les injections feules peuvent rendre bien 
{enfibles. Les artérioles qui fe ramifient à l'infini dans cette fuh- 
ftance, fe dégradant continuellement , dégénerent enfin en des 
vaifleaux blancs, tranfparens & comme cryftallins, qui donnent 


DE LA NATURE. VIL Pas 


waiffance à la fubftance médullaire, toute compofée de tubules 

plus blancs & plus déliés encore, & dans lefquels aucune injee. 

tion ne fauroit pénétrer, Ces tubules infiniment petits fe group+ 
pent, en quelque forte, pour former les nerfs, qui ne font ainf 
qu'ua prolongement de la fabftance médullaire. 

À la bafe ou à la partie poftérieure du crâne eft une autre fube 
ftance de même nature, qu’on nomme la sroë/le ulongée, & qui 
n'eft point revétue de fubftance corticale. La fubftance médal- 
laite fe prolonge dans l'épine du dos, & y prend le nom de 
tnoëlle épiniere. Elle y eft accompagnée d’une fubftance corticale 
ou cendrée Mais qui, au lieu de la recouvrir , en eft elle-même 
xecouverte, 

Les deux fubftances du cervean & de 4 moëlle épiniere ne 
forment donc proprement qu'une feule. fubfanee, mais qui 
change d’afpe& par la gradation des vaiffeaux qui la compofent. 
On ne gent au moins douter que laccroiffement des deux fub- 
ftances ne foit fimultané, & que leurs vaifleaux ne foient 
continus, 

Cet étonnant appareil d’artérioles & de tubules , que préfente 
la fubftance du cerveau, & que l'œil perçant de l'Anatomitte, 
armé des meilleurs vetres, ne fait guere qu’entrevoir, irdique 
affez que ce grand vifccre eft un véritable organe fecrétoire, 
deftiné à préparer & à filtrer un fuc très-important. On n'en 
doute plus , quand on réflécuit au nombre & à ja grandeur des 
arterés qui s’y rendeñt, & qui y portent environ ja fixieme 
partie de tonte la malle du fang. Enfin » tous les doutes difpa. 
roiffent quand on wient à apprendre que cette firuéture du cer- 
veau eft précifément la même que celle de divers organes bier 
reconnus pour fecrétoires. 

Ce fluide précieux, que le cerveau eft deftiné à préparer 
& à £ltrer, eft le fluide nerveux, dont lee foné@ions font fi 
variées , fi étendues, & d’une fi haute importance. Il eft extrais 


A3 


6 cONTEMPLATION 


de la maffe du fang par les artérioles de la fubfiance corticale w 
qui, dans leurs dernieres ramifcations, n’admettent plus de 

globules rouges, & ne laiflent paffer qu'un fue tranfparent & 

œwryftallin, qu'on croit avoir apperçu au microfcope , & qui 

fubit, Las doute, de nouvelles préparations dans les tubules de 

ja fobftance médullaire. Elaboré ainfi par les millions ou plu- 

tôt par les milliards de couloirs , de’plus en plus déliés, qu'il eit 

forcé de parcourir , il devient Auide nerveux, & c’eft fous eette 
derniere forme qu’il entre dans les nerfs, & qu'il communique 

à toutes les parties le mouvement, le fentiment & la vie. 

Il n’eft pas toujours également abondant dans les nerfs, il ne 
s'y meut pas toujours avec LIRE égale célérité. Mais, foumis à 
V'ation de la Volonté, & à celle de quelques autres eaufes pie 
tement méchaniques, il afflue avec plus ou moins d’abondance 
& plus ou moins de célérité dans différentes parties, & en parti= 
culier dans les mufcles dont il opere tous les mouvemens. 

Deux fortes de vaifleaux fanguins. fe vamifient dans la fub- 
fance corticale , des artérioles & des vénules : & s’il eft prouvé 
que les artérioles font continues avec les tubules ou les filets de 
la fubftance médullaire, & conféquemmient avec ceux des nerfs, 
ne fcroit-on pas fondé à en inférer qu'il eft encore dans les nerfs 
d'autres tubules ou filets qui font continus avec les vénules de 
Ja fubftance corticale, & qui y rappottenr le réfidu du fiuide 
nerveux, pour le faire rentrer de nouveau dans les routes de la 
cireulation ? I y auroit ainfi dans les nerfs des vaiffeaux de 
deux genres, des vaifleaux analogues aux afteres ; & qui porte- 
roient le fluide nerveux à toutes les parties ; & des vailleaux 

analogues aux veines, qui rapporteroïent ce Auide au cerveau. 
Cette opinion adeptée par des anatomiftes célébres , a bien de la 
vraifemblance, & fournit d’heuren£es explications de divers phé 
nomenes de la vie. 
Mais ce fluide fingulier, ce puiffant agent qui regne comme 


DE LA NATURE. VIL Part. 7 
EE ——— a 
GHAPITRE IL 


Les muftles:. 


Ex vain l’Animal auroit-il recu des fens, au 
moyen defquels il démèle ce qui lui eft avan- 
tageux ou nuifible, s’il ne pouvoit fe donner 


un efprit invifible dans le monde organique, & en fait mouvofr 
tous les refforts , fe dérobe à toutes les recherches du Phyfolo. 
gifte avide de le connoître. Le nombre & la diverfité des hypo- 
thefes qu’on a imaginées pour rendre raifon de fa nature & de fes 
effets, prouvent affez combien il nous elt encore inconnu. Les 
Phyfologiftes qui le croient analogue à l’éthèr ou an Auide 
életrique, fe fondent fur des faits qui paroiffent leur être bien 
favorables. Mon Leéteur n’a pas oublié les curieufes expériences 
qui ont été tentées dans ces derniers temps fur la Torpille & {ur 
l'Anguille de Surinam , & qui paroiffent toutes dépofer en faveur 
de la nature éleétrique du fluide nerveux. [ Part. V. Chap. XHIT, 
dans les Notes. ] Tous les phénomenes de l’animalité concourent 
au moins à établir que ce fluide eft un des plus fubtils & des 
plus aétifs qui nous foient connus. 

Au relte, les Phyfolegiftes qui avoient cru que les lets ner. 
veux étoient folides , avoient cédé à des apparences trompeufes, 
Ils vouloient d'ailleurs faire ofciller les nerfs pour rendre raifon 
des fenfations , & les nerfs ne peuvent ofciller. Ils font mous & 
nullement élaftiques. Un nerf couvé ne fe retire point. C’eft le 
Buide invifible que les nerfs renferment , qui eft doué de cette 
Élañticité qu'on leur attribuoit,& d’une plus grande élaftité encore: 


À 4 


8 CONTEMPLATIOMN 


aucun mouvement pour atteindre à l’un & éviter 
l'autre. Il a donc été pourvu d'organes qui lui 
procurent cette faculté. Ces organes font les muf- 
cles qui, par la dilatation & la contraction , par le 
raccourciflement & l’alongement des fibres & des 
véficules qui les compofent, communiquent à 
toutes les parties les mouvemens & le jeu nécef- 
aires aux befoins de lAnimal [ 1]. 


Cr] tf Les véficules que j'admettois ici dans les mufcles, 
font une pure fuppofition, admife par quelques Phyfologiftes 
vour expliquer le jeu des mufcles. L’obfervation anatomique ne 
s'accorde pas avec cette fuppoñition. ‘loutes les fibres du corps 
animal font cylindriques, & le microfcope n°y montre point de 
véficules. Des fibres charnues , longues , gréles, médiocrement 
élaftiques, prefque toujours paralleles, & revêtues d’un tiffu 
cellulaire, font les élémens du mufcle. Ces fibres font raffem… 
blées par paquets, qui compofent eux-mêmes des faifceaux plus 
on mgÿos confidérables, enveioppés de même d’un tiflu cellu- 
laire, & féparés par des cloifons membraneufes. 

Le ventre ou le milieu du mufcle eft un peu renf£lé ; les paquets 
fibreux y font moins preTës. Ils le font beaucoup aux extrémités 
& y prennent beaucoup de fermeté & de confftance. Ces ex 
trêmités portent le nom de tesdons. Les tendons s’atta chent d’un 
côté à un point fixe ou à un os, &@ de l’autre à la partie à 
mouvoir. 

Dans l’action le mufele fe contrate on fe raccourcit, & les 
tendons fe rapprochent du ventre. Il eft relâché dans le repos. 
C'elt en fe raccourciffant qu’il fait changer de place à la partie 
qu’il eft deftiné à mouvoir.; 


Des arteres, des veines, des vaifleaux lymphatiques, & des 


est 


DE LA NATURE. VIL Par. $ 


L'EXPÉRIENCE prouve que les nerfs concou- 
rent au jeu des mufcles. Les efprits qu’ils y ré- 
pandent s’infinuent dans toutes les velicules, les 
dilatent & mettent ainfi l'organe en action [2]. 


nerfs fe plongent dans les mufcles & s’y ramifent. Le fang que 
l'artere y apporte les teint en rouge. Ils blanchifent dans la ma- 
cération. j 

[21 tt La caufe du mouvement mufculaire demeure eñfe- 
velie dans nne nuit profonde; mais probablement un trait de 
lumiere y percera enfin. La lumiere a bien percé dans des téne- 
bres auf épaifles. Une feule chofe ef ici bien conftatée ; c’eft 
que la ligature du nerf fnfpend l’action du mufcle. Or, il cit 
aflez évident que la ligature ne fauroit fufpeudre cette aétion, 
qu’en interceptant le cours d’un fluide que le nerf tranfmet au 
mufcle. L’aétion du mufcle dépend done de celle du fluide, 
Mais comment le fluide met-il le mufcle en jeu ? C’efl ce que la 
Phyfologie ne nous apprend point encore. 

La force prodigieufe des mufcles, fur-tout chez le Maniaque, 
& leur difpofition contraire à ce que les loix de la méchanique 
exigeroient , mais que les belles vroportions du corps humain 
excluroient , porteroient à préfumer que l'effet étonnant de ces 
organes moteurs dépend principalement de ia prodigieufe accé- 
lération dont le fluide rerveux cft {ufceptible. 

Un équilibre admirable regne par-tout entre les forces muf- 
culaires. L'action de chaque mufcle eft balancée par celle d’un 


autre mufcle, qu'on nomme fon extesonifie 11 


, ou elle eft balancée 
par le propre reort du mufcie ou par un poids oppofé, &c. 
C’eft de la favante combinaifon & du balancement de ces diffé- 
rentes puiflances , que réfuitent l'attitude & les mouvemens 
divers du Corps humain, ainf que ja Aexion & l'extenfon de 
£cs membres, 


50 CONTEMPLATION 


Uxe propriété de la fibre mufculaire, dont les 
effets fe diverffient de mille manieres, & dont la 
caufe nous demeurera long-temps voilée , eft celle 
en vertu de laquelle elle fe contracte d’elle- mème, 
à Pattouchement de quelque corps que ce foit, 
{olide ou liquide. On la nomme l’irritabilité : c’eft 
par elle que différentes parties du corps animal 
continuent à fe mouvoir après avoir été féparées 
de leur Tout, & que le cœur détaché de la poi- 
trine exécute une fuite de battemens qui furpren- 
nent l'Obfervateur, & qui cefflent dès qu'il ne 
refte plus de fang dans la cavité [ 3 ]. 


[31+} Je traite en particulier de l'irritabilité dans un autre 
endroit de cet Ouvrage : je ne m’y arréterai pas ici. 


Ra 


DELA NATURE: VII. Part: TE 


a È ————— ———— LE) 


ES 
PA PAT RW IIE 
Les organes de la nutrition. 


D E la partie qui donne entrée aux alimens, 
jufqu’à celle qui en laiffe fortir le réfidu le plus 
grofler, s'étend un canal continu, figuré & 
replié différemment en difiérentes portions de 
{on étendue. 


Ox y diftingue trois parties principales, 
Pœfophage, l’eftomac & les inteltins. 


TouTes çes parties font formées de diverfes 
membranes appliquées les unes fur les autres, 
& compolées elles-mèmes de fibres différemment 
entrelacées. Les mufcles, dont une ou plufieurs 
de ces membranes font garnies, impriment à 
l’organe divers mouvemens, dont le principal, 
nommé périfialsique on d’ondulation, brife les 
alimens, & les chafñfe de place en place. D’au- 
tres membranes font pourvues de petits tuyaux 
qui répandent un fuc diflolvant, propre à aug- 
menter l’eficace de cette trituration [1]. 


[1] ff Cette ation de l’eftomac , par laquelle il fconvertit 
Les alimens fen uue forte de bouillie grisètre, eft ce qu'on 


13 CONTEMPLATION 


L’OESOPHAGE recoit la nourriture encor2 
grofliere, & la tranfmet à l’eftomac, qui la 


nomme la digeflion ou plurôt la premiere digeftion, pour la 
diftinguer de la feconde qui s’opere dans les inteftins. 

Les Phyfologiltes avoient beaucoup difputé fur la maniere 
dont fe fait la premiere digeftion : les uns prétendoient que 
c’etoit par trituration, les autres par diffolution, d'autres par 
les deux enfemble, &c. On eût mieux fait d'employer à ex- 
périmenter le temps qu’on perdoit à difputer. Deux grands 
Obfervatenrs avoient ouvert dans le fiecle dernier la feule 
reute qui pouvoit conduire à la décifion de la queiftion. REDI 
& BORELLI s'étant avifés de faire avaler à des Dindons & 
à des Canards des boules de verrés, virent avec étonnement 
que ces boules étoient pulvérifées en peu de temps par lation 
de leftormac. L’illuftre REAUMUR étoit bien fait pour pou£er 
plus loin cette curienfe expérience : aufli lui a-telle valu des 
vérités beaucoup plus intéreffantes encore. En voici un léger 
précis. 

Parmi les Oifeaux, es uns ont l'eftomac charmu, compact, 
quelquefois calleux : les antres ont un eftomac mince on pure- 
ment membraneux, en forme de poche, & plus ample que 
celui des premiers: d'autres, enfin, ont nn effomac, en quels 
que forte, double ou compofé de deux parties dfinétes, l'une 
membraneufe, nommée le fabot, l'autre compañte & mufcu- 
aire, rommée le géfor. 

Les Dindens font au nombre des Oifeaux pourvus de géfer. 
L'Académ'cien François ayant fait avaler à des Oiïfeaux de 
de cette efpece, des tubes de verre, de cinq lignes de longueur 
fur wuatre lignes de diametre, ces tubes furent partagés en 
vingt-quatre heures, par l'aétion du géfisr, en deux moitiés, 
fuivant leur longueur. 


DE LA NATURE VII. Part. 1% 


5 
Drépare : elle entre enfuite dans les inteftins, 
où elle fubit de nouvelles préparations. De 


A ces tubes de verre l'ingénieux Phyficien en fit fuccéder 
d’autres de fer-blanc, de fept lignes de longueur fur un peu 
moins de deux ligres de diametre. Ils étoient fermés par 
les deux bouts avec une platine de foudure, d'une ligne & 
demie d'épaifleur. Ii fit avaler à la fois jufqu'à fix de ces 
tubes à fes Diné‘ons. Au bout de vingt-quatre heures , quelques 
uns des tubes offroient une rainure de chaque côté, qui divi- 
foit le tube en deux parties égales, fuivant fa longueur : d’au- 
tres tubes étoient plus ou moin; applatis : dans d’autres enfin 
les platines étoient om enfoncées dans l’intérieur du tube on 
pouflées en dehors. Voilà affurément des effets bien remar- 
quables de laétion d’un organe qui n’eft pourtant que charnu. 
Mais il s'agifloit d'apprécier la force de l'organe : le moyen 
en étoit Facile. L'Obfervateur placa de femblables tubes entre 
les deux branches d'une tenaille; & ayant chargé fuccefli- 
vement une des branches de diffèrens poids, ce ne fut que 
par un poids de quatre cents trente- fept livres & demie, 
qu'il parvint à produire dans les tubes des effets femblables à 
ceux de l’eftomac de l’Oifeau. La force de cet eftomac équivaut 
donc au moins à un poids de quatre cents trente-fept livres & 
demie. 

De pareils réfultats militoient bien fortement en faveur de 
la trituration. Mais le fage Phyficien vouloit s’aurer encore 
fi la diffulution n’entroit point pour quelque chofe dans la 
digeftlon de l'Oifeau. Pour y parvenir, il renferma dans des 
tubes de fer-blancs, plus épais que les précédens, & ouverts 
aux extrémités, des grains d'orge, les uns cruds, les autreq 
cuits, d’autres #mondés; & les tubes ayant féjourné un jour 
ou deux dans l’eftomac, les grains d'orge ue parurent qu'un 


ñ4 CONTEMPLATION 


là elle pafle, fous la forme de fluide, danà 
des vaifleaux fort déliés, qui la conduifent à 


peu renflés. La même expérience exécutée avec de la viande, 
offrit les mêmes réfultats effentiels : la viande ne parut pas 
Tenfiblement altérée , & ne donnoit pas même de l'odeur, 

L'Obfervateur crut être en droit de tirer de ces expériences 
une conclufion générale; c’eft que chez les Oifeaux pourvus 
de géfer, la digeftion fe fait principalement par trituration. Le 
gélier eft ainfi une forte de meule. On connoît même une efpece 
de Pigeon de l'Inde, dont le géfier renferme de vraies meules. 
Cependant l'habile Naturalifte , toujours réfervé dans fes juge 
mens, ne difconvenoit pas que le géfier ne püt fournirun fuc 
propre à accroître l'effet de la trituration , & le ramolliflemeut 
des alimens dans les tubes l’indiqnoit affez. 

Le géfier ef prefque tout mufculeux, & nous venons d’ad- 
mirer la force de ce mufcle. Il offte de bien plus grands pro. 
diges encore, que je ne tarderai pas à raconter. Des Ha 
minces & purement membraneux ne fauroient agir à la ma 
nicre des géfiers, & on fent bien qu'il faut que la digeftion s’y 
opere par une autre voie. Mais c’étoit à la Nature elle - même 
à nous Faire connoître cette voie, & REAUMUR a été ici fon 
fidele interprete. 

Les Oifeaux de proie font de la claffe des Oifeaux à eftomacs 
purement membraneux. Ils rejettent facilement par Île bec ee 
qu'ils ne peuvent digérer, & cela même les rendoit plus 
propres encore aux expériences que le Naturalifte méditoit. 
Des tubes de fer-blanc, longs de dix lignes, larges de fept, 
remplis de viande de boucherie, & grillés avec des fils de 
lin aux extrémités, furent introduits dans l’éftomac de diffé- 
rentes Bufes. Rejettés au bout de vingt-quatre heures, la 
viande ‘qu'ils contenoient parut! diffoute ou réduite en uze 


1 


DELA NATURE. VII Part. 1$ 


&eux de la circulation, où elle prend le nom 


de fang. 


pâte grisâtre, onétueufe & fans odeuf. Au bout de quarante- 
cinq heures, la décompofition de l'aliment fut plus parfaite, 
Ja pâte plus divifée, plus blanchie, & toujours fans{odeur, 
Des os de jeunes Pigcons ayant été fubftitués à la viande de bau- 
cherie , furent convertis en gelée dans l'efpace de vingt - quatre 
heures. Des os de Bœuf très-durs, abfolument dépourvus de 
- chair & de moëlle, du poids de quarante grains, perdirent 
en vingt-quatre heures dix-huit grains, & furent entiérement 
diffous en trois jours. Ils ne peloient plus alors que quatre 
grains. Des graines & des fruits, foumis à la même expé. 
rience, n'éprouverent pas d’altération fenfble, & ne furent 
qu'un peu ramollis. Les Oïfeaux de proie n’avoient pas été 
appelés à vivre de grains & de fruits. 

C'eft donc au moyen d’un fuc diflolvant que la digeftion 
s'opere dans l’Oifeau de proie, & ce fuc n’a de prife que fur 
les matieres animales. Il eft très-abondant: de petites épon- 
ges, du poids de treize grains, renfermées dans les tubes, 
en pefoient foixante-trois quand les tubes furent rejetés par 
l'Gifeau. 

Des expériences auf propres à fixer nos idées fur la ma- 
niere dont s’opere la premiere digeftien , devoient, fans 
doute, exciter beaucoup l'attention des Phyfologiftes, & 
. les engager à les répéter. & à les varier. Cependant depuis 
Yilluftre REAUMUR, il n’y a eu qu'un feul Obfervateur 
qui ait fu remanier éet intéreffant fujet comme il demandoit 
à l'être. Mais nommer cet Ohfervateur, c’eft annoncer déja 
que ce fnjet eft devenu prefque tout neuf entre fes mains. 
Je parle de M. SPpALLANZANI, dont les Limaçons & 
les Salamandres ont rendu le nom fi célebre , & qui eit fi 


4% CEONTEMPLATIGN 


PENDANT que la partie la plus délicate deg 
alimens éprouve toutes ces préparations, la 


digne de cette célébrité pat les grandes vérités dont il a enrichi 
lHiftoire Naturelle. Ce n’étoit qu'à un Obfervateur de cet 


ordre qu'il appartenoit d’égaler REAUMUR , & d'aller même 


plus loin que lui dans cette carriere trop peu fréquentée, où 
il avoit fait de fi grands pas, Les profondes recherches de 
l'habile Obfervateur de Reggio paroïtront hientôt, & je puis 
prédire hardiment qu’elles feront regazdées par tous les con- 
noiffeurs, comme un modele des plus parfait de l’art d’obferver 
& d'expérimenter. Je tiens de fon amitié le précis que je vais er 
offrir à mon Lecteur. 

Comme REAUMUR , il range les eftomacs des Oïfeaux fous 
trois claffes générales; les eftomacs #ufculeux , les eftomacs 
menbraneux, & les eftomacs qu’on peut nommer wifoyens , 
parce qu’ils femblent tenir le milieu entre les membraneux & 
les mufculeux. Ses recherches ent embraf£ également ces trois 
fortes d’eftomacs. 

Il a répété d'abord toutes les expériences de fes devanciers 
fur les eftomacs mufculeux ou les géfiers, & a vu tout ce 
qu'ils avoient vu, & beaucoup plus encore. Il s’eft aMuré que 
les eftomacs de cette clafe émoufent, caffent & brifent les 
aiguilles d'acier, & les lancettes profondément enfoncées par 
la tête dans de petites boules de plomb que l’on fait defcendre 
dans le géfier. Les boules elles-mêmes en reçoivent des em- 
preintes plus ou moins profondes. Que dis-je! le grenat’, cette 
pierre fi dure, n’eft pas plus à l'abri de l’aétion méchanique 
du géfier ; elle eft affez puiffänte pour émoufler à la longue les 
angles de cette pierre. Et ce qu’on aura peine à croire, tout cela 
eft opéré par le géfier, fans que fes tuniques en foient le moins 
du monde excoriées. d 


partie 


DE LA NATURE. VIL Paré 17 


partie la plus groffiere eft évacuée par différentes 
voies. Tantôt l’Animal la rejette fous la forme 


Cependant, malgré des effets auf prodigieux de la puif- 
Fance des géfiers, M. SPALLANZANI eft bien éloigné de 
penfer, avec le [avant Académicien François, que la digeftion 
s’y opere principalement par trituration. D'autres expériences 
Jui ont appris, qu'ici comme ailleurs, la digeftion dépend 
principalement des fucs difolvans que fournit l'eftomac, & 
“que fon aétion méchanique, qui répond à celle des dents, 
z'eft que fimplement préparatoire, & n’a pour fin que de 
divifer les alimens pour les rendre plus pénétrables aux fucs 
qui en operent la vraie digeftion. Si l’Académicien François 
avoit pouffé plus loin fes ingénieufes expériences ; fi fes tubes 
avoient féjourné plus long-temps dans les géfiers , il auroit eu 
les mêmes réfultats que l'Académicien Italien, & auroit re- 
connu, comme lui, que cette grande puiffance mufculaire 
_dont ils font doués , n’eft point le véritable agent de la digeftion. 
Elle fuppofe une vraie diflolution, & le mufcle n’opere qu’une 
divifion méchanique. 

Mon Lecteur n’a plus befoin à préfent que je lui dife com- 
ment fe fait la digeftionu dans les eftomacs membraneux & 
dans les efomacs mitoyens : il voit aflez qu’elle doit dépendre 
prefqu'en entier des fucs difMfolvans que filtrent ces eftomacs. 
Mais ce qu’il ne devine pas, c'eft ce que le defir ardent de con- 
noître a fait entreprendre au patient & zélé Obfervateur: il a 
fait fur lui-même les expériences qu'il avoit fi bien exécutées fur 
les Animaux, Après avoir avalé de petits tubes qui renfermuient 
différentes matieres alimentaires, il s’eft procuré des vomiffe- 
mens qui l'ont mis à portée de juger des changemens que ces 
matieres avoient fubi dans {on eftomac. 

De cette longue fuite d'expériences variées prefqu'à l'infini, 


Tome Il, B 


18 :CONTEMPEL A FDON 


d'un fédiment plus ou moins épais : tantôë 
transformée dans une liqueur fubtile, elle eft 


eft forti un réfultat général qui décide pletnement la queftion qui 
partageoit les Phyfologiftes ; c’eft que cette admirable opération 
que nous nommons la digeftion, dépend effentiellement chez 
tous les Animaux de l’action des fncs gaffriques. 

L'Obfervateur à plus fait encore : il a confirmé ce réfultat 
par des expériences d’un autre genre : il eft parvenu à opérer 
dans des vafes de vraies digeftions artificielles, à l’aide des fucs 
gattrigaes qu'il avoit extraits de différens eftomacs, & même 
du fien propre. Il eft donc bien démontré aujourd'hui que la 
digeftion eft une forte d'opération chymique, & que les fucs 
gaftriques font de vrais menftrues. Il en eft de fi puiMfans , qu'ils 
diffolvent les os & même l'émail des dents , incomparablement 
plus dur qu'aucun os. 

Ce fuc diffolvant, qui abonde toujours plus ou moins dans 
l'eftomac, peut agir après la mort de l'Animal. Notre infati- 
gable Naturalifle s'en eft convaincu par les expériences les plus 
décifives. 

Mais une autre découverte aufli neuve qu'importante, que 
nous devons à fes profondes recherches fur la digeftion, c'eft 
celle de la nature anti-feptique des fucs gaftriques. Verfés fur de 
la viande corrompue, ils la dépouillent de fa qualité fœtide. 
Hs overent le même effet dans l’eftomac : on n’en doutera point, 
fi j'ajoute que l'inventeur ne s’eft pas borné à s’en affurer 
fur différens Animaux, mais qu'il s’en eft encore affuré fur 
lui même. 

C'eft fur-tout dans les fubftances végétales & dans les fub- 
ftances animales, que réfident les matieres alimentaires. Mais 
tout n’eft pas également alimentaire dans ces fubftances. Ce 
qui left le plus, c'eft la partie muqueufe ou gélatincufe, 


DE LA NATURE. VII Part. Y9 


portée à la furface de la peau par un nombre 
infini de vaifleaux très - fins, dont les ouver- 


dont la quantité varie fuivant la nature des fubftances. La 
craie des os n’eft pas digérée par l’eftomac du Chien : elle fe re. 
trouve dans {es excrémens. L’eftomac du Chien ne digere pro« 
prement que le parenchyme ou la partie animale de l'os, & c’eft 
ce parenchyme qui contient la mucofité. Mais il eft des parti- 
_cules de plufeurs autres genres, qui s’aflocient aux matieres 
alimentaires qui contribuent plus ou moins à la perfeétion du 
chyle , & conféquemment à celle des humeurs qui en font ex- 
traites. 

J'excéderois de beaucoup les bornes que je me fuis prefcrites 
dans ces Notes , fi je traçois ici le tableau des variétés que 
nous ofrent les organes digeftifs dans les Animaux de dif_ 
Férentes clafles , depuis l'Homme jufqu'au Polype. Je me 
contenterai de frire remarquer en général, que ces organes 
font toujours admirablement bien affortis au genre de vie de 
chaque efpece , ou à la qualité & à là quantité des alimens 
dont elle fe nourrit. Ainfi , les Herbivores ont l’eftomac plus 
ample & les inteftins plus longs que les Carnivores : c’eft que 
Pherbe, moins fucculente que la chair, devoit être prife en 
plus grande quantité pour fournir le chyle néceMaire à l’ac- 
croifement & à l'entretien de l’Animal. On fait que les or- 
ganes digeftifs font fort multipliés chez les Ruminans : on 
connoît leurs quatre eftomacs ; c’eft principalement dans le der- 
nier que s'acheve ia premiere digeftion ; le premier qui fuit 
immédiatement l’æfophage , eft fur-tout approprié à la rumina. 
tion, & la ftriéture de l'œlophage ne l’eft pas moins à cette opé- 
ration remarquable. L'eftomac des Oifeaux de proie a du rap- 
port avec celui de l'Homme : mais les [nes gaftriques dont il 
abonde font plus aétifs. Nous avons contempié les prodiges du 


5,2 


bo C0 N TE M PL A TA OM 


tures extérieures font quelquefois d’une tellé 


géfier des Oifeaux granivotes , du genre des Gallinacées : mais 
je ne veux pas laiffer croire que ce mufcle fi puiffant ne fe 
trouve que dans ces feuls Oifeaux : des Oifeaux qui, comme 
YHirondelle & la Bécafline, ne vivent que d'Infectes aîlés où 
rampans, ont un véritable géfier. On le retrouve aufli dans 
divers Poiffons, entr'autres dans la Raie, le Merlan , &c: 
Mais les organes digeftifs offrent chez les Poiflons, des pat 
ticularités qu’on ne retrouve pas dans les Animaux des autres 
cles : je veux parler fur-tout de ces finguliers appendices 
vermiformes, qui accompagnent le ventricule, & qui filtrent 
ÿne mucofité abondante, qu'on croit fe dégorger dans le 
ventrieule pour y perfectionner la digeition, Enfin, nous avons 
vu zilleurs (Part, IL Chap. XV.) que le Polype eft en 
quelque forte tout eftomac : il n’eft d’un bout à l'autre qu'un 
petit boyau prefque tranfparent, dans lequel les alimens font 
balottés & divifés fous les yeux de l'Obfervateur. Les fucs 
nourriciers palent enfuite dans une multitude de très- petits 
grains dont tout le corps du Polype eft parfemé, & qui font 
probablement eux-mêmes autant de petits organes digeftifs ; car 
on les voit fe teindre de la couleur des alimens. 

Au relte, notre diftribution des Animaux en Carnivores , 
en Herbivores , en Granivores, &c. n'eft pas plus dans la 
marche de la Nature, que ne le font toutes nos diftributions 
méthodiques. La Nature, qui na point tiré de lignes de 
démarcation, n'avone point ces partitions fcientifiques , qui 
fo: agent tant notre efptit, & elle les contredit fouvent : 
en donnant de vrais géfiers à divers Oifeaux carnivores , elle 
nous apprend affez qu’elle a voulu qu'ils puflent au befoin 
devenir Granivores. Elle a même fait des Animaux Owui- 
œores : l'Homune , le Chien , la Poule, &c. font de ce nombre. 


< 


En ——— 


D£ LA NATURE. VII Part. 2f 


petitelle, qu’un grain de fable en pourroit couvrir 
plufeurs milliers [2]. 


[2] ff Cent viagt-cinq mille fuivant LEUWENHOECK. On 

fait que les infiniment petits de la Création étoient fon domaine; 
mais en fait aufli qu'il eft des raifons de fe défier quelquefois 
de fes effroyablee calculs. Il nous manque un bon examen cri- 
tique des Oeuvres de ce pénétrant & infatigable ferutateur des 
merveilles de la Nature, 
On était bieu-loin de fonpconner , au commencement lu der 
nier fiecte , que nous perdons chaque jour une quantité confide- 
rable de notre fubftance par une voie invifible. SANCTORIUS, 
Profefleur de Padoue, dont les longues & curieufes expériences 
fur la tranfpiration ont rendu le nom immortel, apprit au 
Monde favant que ce qui s’échappe de notre corps par cette 
{orte d'évacuation, dans l’efpace de vingt-quatre heures & dans 
l'âge moyen , eft aux autres évacuations en railon de cinq à trois. 
Mais on comprend facilement que le climat, le genre de vie, 
le tempérament, les nourritures, les affe&tions de l'ame, & 
bien d’autres caufes particulieres, font varier plus ou moins 
cette proportion. On comprend encore, par la quantité  con- 
fidérable de cette évacuation, comhien elle peut influer fur la 
fanté, felon qu'elle augmente ou qu'elle diminue dans une trop 
grande proportion. 

La peau eft l'organe de cette tranfpiration infenfüle, comme 
elie l'eft de cette tranfpiration fenfible, quelquefois fi abon- 
dante, connue fons le-nom de Jzesr, Les vailleaux extréme- 
ment déliés, qui portent à la pean la matiere iubtile & plus 
ou moins âçre, qui s'échappe par cette double voie, ne tra- 
verfent pas l’épiderme, comme on l’avoit cru; mais ils verfent 
la matiere fous l’épiderme, au travers duquel elle tranfude, 
ge la même maniere dont l'eau ou le mercure traverfe un cuir. 


E 3 


22 CONTEMPLATION 


D'AUTRES vaifleaux qui, comme ceux-là, 
communiquent à la furface de la peau, port- 
pent les vapeurs & les exhalaifons qui flottent 
dans l'air, & les portent dans le fang [3]. 


Il eft très- prouvé aujourd’hui que l’épiderme, cette cuticule 
analogue à la corne, n’adhere à la peau par aucun vaifleau, 
& que le microfcope ni les injeétions n’y montrent aucune appa- 
rence d'organifation. Le célebre MECKEL , qui avoit beaucoup 
étudié cette membrane, penfoit donc qu’elle fe régénéroit par 
l'épaififlement de la partie la plus gélatineufe de la tranfpi- 
ration. 

Cette évacuation qui décharge l'intérieur des matieres nuifibles 
ou fuperflues, s'opere dans toute l'étendue du Regne organi= 
que, mais avec des variétés relatives à la diverfité prefqu’infiuie 
des efpeces, & qu'il feroit impoffible d'indiquer. Il eft, par 
exemple, de très-petits Animaux @hez lefquels la matiere de la 
tranfpiration revêt la forme d’un duvet catonneux qui demeure 
adhérent à la peau, & qui donne à ces Animaux air de petits 
Barbets. J'ajoute ici que la peau n’eft pas le feul organe de Ia 
tranfpiration : elle s'exécute encore par les poumons, & dans 
une proportion bien confidérable. HALES a prouvé qu’en fupj'o 
fant douze cents expirations par heure, nous évacuons en un 
jour, par les poumon$, environ une livre & un tiers de vapeurs 
ou d’exhalaifons. 


[31 tt L'augmentation de poids après le bain, & langmen- 
tation exceffive des urines dans certaines circenftances , pro 
vent aflez l’exiftence des vaifleaux afpirans de la peau, que dé- 
montrent encore certains effets des topiques. 


DE LA NATURE. VII Parr. 23 


CHAPITRE IV. 


Les organes de la circulation. 


F, À circulation et ce mouvement perpétuel & 
réglé par lequel le fang eft porté d’un point de 
intérieur aux extrémités, & revient des extrè- 
mités à ce point. 


La principale puiffance de la circulation, le 
point d’où part le fang, fe nomme le cœur. 


_ ÎL a deux mouvemens, lun de contraction ou 
de fyffole, par lequel il fe refferre & chaffe le fang 
renfermé dans fa cavité, l’autre de dilatation ou 
de dyaftole , par lequel il s'ouvre & recoit de nou- 
veau le fang. 


Du cœur partent deux genres de vaiffeaux, 
les arteres, qui conduifent le fang aux extrèmutes, 
les veines, qui le rapportent des extrèmités au 
cœur [1]. 


LES arteres ont, comme le cœur, leur fyftole 
{11 ff Jetraite ailleurs, plus en détail, de la circulation’ dv 


fang dans l'Homme. ['Part. X, Chap. XXVII, ] 
B 4 


24 CONTEMPLATION 
& leur dyaftole, & elles fe divifent & fe fous 


divifent, ænfi que les veines, en une infinité 
de branches & de rameaux, qui diminuent de 
diametre à mefure qu’elles s’éloignent de leur 
origine. 


LE mouvement perpétuel de la circulation 
prévient la corruption & l’extravafation du fluide 
nourricier , l'élabore de plus en plus, & le dif. 
pofe infenfiblement à revètir la nature de lA- 
nimal [2]. 


Le Fœtus, encore gélatineux , n’a point un 
fang femblable à celui de lAdulte. Dans ces 
premiers temps, le fang n’elt qu'une lymphe 
blanchâtre. Mais Pimpulfion du cœur ouvrant de 
-plus en plus les vaifleaux, ils admettent des par- 
ticules plus hétérogenes & plus colorantes. Le 


F [2] tt Les obfervations des Naturaliftes les plus modernos 
nous ont appris que la Nature peut opérer les mêmes effets 
effentiels par d’autres moyens que celui de la circulation. On 
ne découvre, à l’aide des meilleurs verres, aucun veftige de 
ce mouvement régulier dans les Animaux des claffes les plus 
inférieures ; & leur intérieur, quoique tranfparent, ne laiffe 
entrevoir aucun organe relatif à une circulation proprement 
dite. Les Polypes & quantité. d'Agimalcules des infuñuns ea 
font des exemples, 


DELA NATURE. VIL Pert. 2$ 


fang prend une teinte jaunâtre, & fa couleur 
fe renforçant par degrés, il devient rouge (3). 


(3) ++ Si l’on donne le nom de fang à toute liqueur ren- 
Fermée dans des vaiffeaux deftinés à la faire cirouler, quantité 
d'Infectes auront du fang comme les Animaux les plus parfaits ; 
car nous avons vu que beaucoup d’Infeétes ont une maîtreffe 
artere, qui chaffe de place en place une liqueur tranfparente, 
analogue au fang. (Part. III, Chap. XIX, derniere Note] 
Mais on reftreint communément le nom de Jarg à ne fignifier 
que cette liqueur rouge, qui circule dans les Amphibies & 
dans les Animaux des claffes fupérieures ; & à cet égard, on 
diftingue les Animaux en Animaux à /ang chaud, & en Ani- 
maux à Jang froid. Les Amphibies, tels que la Grenouille, 
la Salamandre, &c. & les Poiflons à écailles, font dans la 
clafle des Animaux à Jung froid. 

Le fang proprement dit contient trois parties diftinétes; la 
partie féreufe, la partie muqueufe & la partie rouge. La férofité 
eft fpécifiquement plus légere que les deux autres.” Elle s’en 
fépare d'elle-même dans le fang en repos, & demeure fluide à 
l'air extérieur & au froid; mais elle fe condenfe par les acides 
minéraux , & à une chaleur qui approche de celle de l’eau bouil- 
ante, La fubftance muqueufe, toujeurs réunie à la partie rouge, 
fe condenfe à l'air libre, mais conferve fa fluidité par l’inter- 
veutiou du phlogiftique. C’eft elle qui forme, par le rappre- 
chement de fes molécules, ce qu'on nomme la coëre du fang , 
& qui en compofe la paîtie la plus confidérable. La fubftance 
rouge eÆ, comme l'on fait, tonte compofée de molécules de 
cette couleur, d’une figure plus ou moins réguliere & conf- 
tante, au centre de chacune defquelles on découvre an microl- 
cope un point brun & opaque, environné d'une matiere dia- 
phane. C’eit dans ce point, fuivant le Doéteur MoscarTi , 


| | 
| 


26 CONTEMPLATION 
ER EE 


CH A PAR RUE 


AC 
Le a 


Les orzanes de la refpiration. 


Lux eft néceflaire à la vie de PAnimal, foit 
qu'il rafraichiile le fang que le mouvement de 


que réfide la matiere colorante, & il doit lui même fa couleur 
à uu principe terreux, originairement verdätre, qui, en s'im- 
prégusnt de phiagiftique, prend cette teinte rouge qui colore 
Ja mafle du fang. Les molécules dont il s’agit font d’une- 
grande petitele. Des Obfervateurs qui ont tenté de l’apprécier, 
nous affurent que le diametre d'une de ces molécules n’eft que- 
la trois mille deux cents quarantieme d’un pouce. 

On avoit cru généralement que ces molécules rouges étoient 
de figure exaétement fphérique , & elles en avoient pris le nom 
de globules rouges. Mais un habile Obfervateur Anglois, qui 
a apporté dans cette recherche délicate l'attention & les boins 
qu'elle exigeoit, a fort re&ifié nos idées fur un fujet qu'on 
penfoit avoir été fort approfondi par LEUWENHOECK, & qu'il 
n’avoit, en quelque forte , qu'effeuré. 

M. HERwsoON’, c’eft le nom de l'Obfervateur dont je parle, 
a etendu fes recherches depuis l'Homme jufqu’aux plus petits 
Infeftes, & par-tout il a retrouvé ces molécules de Hgure ré. 
galiere , qui étoient le principal objet de fon travail. Elles font 
conffamment rouges dans tous les Animaux qui ont un vrai 
fang , mais elles font blanches dans quelques Cruitacées, & ver 
dâtres dans divers Infeétes , tels que la Chenille & la Santerelle. 
Elles ne font point fphériques, comme on l’avoit penfé ; elles 
font, au contraire, auf applaties que de petites pieces de 


DE LA NATURE. VII Part. 9% 


la circulation échaufferoit trop ; foit qu’en en 
brûlant les molécules, il le rende p'us fluide; 


monnoie, auxquelles l’'Obfervateur les compare. Il réfulte bien 
clairement de fes curieufes recherches , que ces molécules ont 
une conformation qui leur eft propre, & qui ne varie point 
tandis qu’elles circulent dans les vaifleaux. Chaque molécule eft 
une forte de véficule tranfparente, dont le centre eft occupé par 
un corpufeule opaque d’un rouge brun. On n'imagine pas appa- 
remment que PObfervateur ait pu {e procurer la preuve la plus 
décifive d’une femblable conformation dans des molécules d’une 
fi grande petitefTe : il nous apprend néanmoins qu’il a vu très- 
diftinftement la véficule s'ouvrir ou fe crever, & laiffer échap- 
per le corpufcule central. Dans d'autres expériences, il a vu 
les côtés diaphanes de la véficule fe rapprocher du corpufcule 
central ou opaque, & s’y appliquer. 

Quand ie fang qu'on a tiré de l’Animal fe corrompt, les 
molécules fe décompofent ou fe partagent en plufieurs fragmens, 
comme il arrive aux parties charnues qui tombent en pourri. 
ture. C’eft , fans doute , un cas femblable ou anilogne, qui avoit 
trompé LEUWENHOECK, & lui avoit perfuadé que chaque mo- 
lécule était formée de la réunon de fix molézules fubordonnées. 

Cet Obfervateur avoit affuré encore, que ies molécules dont 
il s'agit n’étoient pas plus groffes dans la Baleine que dans le 
plus petit Animal. Il s'étoit encore trompé fur ce point. Ces 
fiugulieres molécules font plus petites dans les énormes Cétacées 
que dans la Grenouille on l'Ecreviffe, & elles font anffi groffes 
dans la Souris que dans le Bœuf, Chez les Poiffons à écailles , 
elles font un peu plus petites que dans les Amphibies. Elles font 
plus dégradées dans les Oifeaux , & plas encore dans l'Homme. 
Enfin il eft des Quadruperes qui ont des molécules beaucoup 
plus petites que cellesde l'Homme. Ainf, il ef bien démontré 


28 CONTEMPLATION 


{oitenfin qu'il donne plus de reffort aux fibres 
ou qu'il produife tous ces effets à la fais. 


que les dimenfions des molécules ne font point du tout en rap- 
port avec celles du Sujet. Mais on obferve un certain rappott 
entre la groffeur des molécules & l’âge du Sujet. Elles font plus 
grofles, par exemple, dans le Pouiet au fixieme jour de l’inca- 


bation , que dans la Poule. L'eau commune diffout les molé- : 


cules , & les contraëe lorfqu’elle eft imprégnée de certains fels. 
Le contaét de l'air extérieur influe auf fur leur figure, & la 
rend fphérique. 

On fait que les jamhes de la Grenouille font tranfparentes 
à leur extrémité , & qu'on peut y obderver diftinétement avec 
le fecours des verres, la circulation du fang. Notre Phyfiola- 
gifte n'a pas manqué de profiter de cet avantage pour obferver 
les molécules rouges lorfqu’elles arrivent à la bifurcation de 
deux vaiffeaux , on qu’elles enfilent des vaiffeaux fort étroits, 
Son objet étoit alors de s’afurer, { les molécules changent de 
figure dans ces diverfes circonftances ; il lui a toujours paru 
que leur figure demeuroit invariable. 

On avoit regardé la partie rouxe du fang comme la plus hui- 
leufe & la plus inflammable, Sa dilfolution facile dans l’eau 
prouve déja qu'elle n'eft pas hüilente , & M. HERWwSON alure 
qu'elle brûle fonplement comme la corne ; ce font fes termes. 

Comment les molécules rosges du fang acquierent - elles cette 
Forme réguliere qui paroït leur étre propre? Exiftoient-elles 
déja fous cette forme dans le chvle & même dans les alimens ? 
ou la doivent-elles à des mouies; & où réfilent ces moules ? 
Seroit-ce dans le poumon, ergane principal de la fanguilica- 
tion ? Quel rôle jouent ces molécules dans l’économie animale ? 
que deviennent-elles enfin? Nous ne faurions efpérer que la 
Phyfologie réfolve bientôt des queftions de cet ordre; mais nous 


DE LA NATURE. VII. Part. 29 


La refpiration eft l'opération par laquelle cela 
s'exécute. Elle renferme deux mouvemens alter- 
matifs; l’un d’infpiration, qui donne entrée à 
Pair dans l’intérieur ; l’autre d’expiration , qui le 
rejette chargé des vapeurs de lAnimal [1]. 


LEs poumons font le principal inftrument 


ne faurions douter que les Obfervateurs qui fe fuccéderont dans 
la fuite des âges, ne découvrent ici bien des chofes qui recule- 
ront beaucoup les bornes de nos cannoiffinces fur l’act profond 
que la Nature emploie pour opérer la fanguification, & cette 
affimilation des matieres étrangeres, qyi les rend propres à 
s'incorporer à la fubftance de l'Animal. 


[1] +t La refpiration préfente au Phyfologifte bien des pro- 
blèmes à réfonudre. Nous fommes encore fort pen éclairés fur fes 
principaux ufages. Nous ne favons pas précifément quel rôle 
l'air joue dans les poumons. Il eft au moins bien probable qu'il 
rafraïchit le fang & qu'il le colore. Une expérience directe 
prouve cette coloration; mais elle ne prouve pas que ce füit 
l'air feul qui colore. ( Confultez la pénultieme Note du Ch. XI 
de la Partie V, ) On ne peut douter au moins que la refpiration 
ne décharge l'intérieur du phlogiftique furabondant, dont le 
féjour pervertiroit les humeurs ; car il fe fait une grande tranf- 
piration par les poumons. Mais immédiatement après que l’air 
chargé d’exhalaifons nuifibies , a été chaff£ au dehors par l'expi- 
ration, l’infpiration introduit dans le poumon un nouvel air, 


& avec lui bien des principes qui influent plus ou moins fur la 
fanguification. 


35 CONTEMPLATION 


de Ja refpiration. Ils font fur-tout formés de 
lafflemblage de vailleaux cartilagineux & élafti- 
ques, qui après s'être divilés” & fous - divifés 
en un prodigieux nombre de rameaux, fe ren- 
dent à différentes branches, qui aboutiffent 
elles-mèmes à un ou plufieurs troncs communs, 
nommés #rachées , dont l'ouverture eft à l’exté- 
rieur du Corps. 


LEs ramifications des vaifleaux à air sappli- 
quent aux vaifleaux de Ja circulation, & les 
accompagnent dans leur pañlage par le pou- 
mon [2]. 


[2] ff Daos l'Homme & dans les Animaux des ordres fu- 
périeurs, le poumon eft partagé en deux lobes principaux, 
qui fe divifent & fe fous -divifent eux - mêmes en un grand 
nombre d’autres lobes toujours décroiffans. La trachée - artere, 
qui du larynx fe rend au poumon, eft un tuyau toujours 
ouvert, formé d'une fuite d'anneaux en grande partie cartila- 
gineux , unis par des membranes. Ce tuyau fe divife en deux 
branches à fon entr£e dans le poumon. Ce font les bronches, 
qui, à mefure qu’eiies s’enfoncent dans le vifcere, fe divifent 
& fe fous-divifent en une infinité de rameaux, qui fe dépouil- 
lant peu-à peu de leur nature cartilagineufe , deviennent en- 
fin entiérement menbraneux , & fe terminent en des véficules , 
qui communiquent toutes les unes avec les autres. Les in- 
tervalles que laifent entr’elles ces véficules font remplis par 
un tiffu cellulaire, & une infinité de vaiffleaux fanguins & de 
filets nerveux font répandus dans tout l’'aflemblage. 


DE LA-NATURE. VIL Part. 3x 


CHAPÆETRE VE 


Les fecrétions. 


L E fang eft le riche fond où la Nature puile 


les divers matériaux qu’elle emploie avec tant 


De petites glandes, placées aux angles des ramifications des 
bronches , féparent du fang une forte de lymphe qui humecte le 
vifcere. 

Les Phyfologiftes remarquent, que tous les Animaux qui 
refpirent & qui ont deux ventricules au cœur, ont le fang 
chaud. Ils en concluent, que le poumon engendre la chaleur 
du fang, par l’extenfion & la contraction alternative de fes. 
vaifeaux ; mais cette conclufion ne paroît encore que pro- 
bable. 

Lés Animaux les plus parfaits n’ont donc qu’une maïître[Ue 
trachée, qui fe ramifie à l'infini dans ie poumon, Les Poif- 
fons à écailles ont des owies qui leur tiennent lieu de pou- 
mon (Part. IT, Chap. XXV, Note 3.) Les Infe&es, 
placés plus bas dans l'échelle de l’Animalité, n'ont ni vrais 
poumons m1 vraies ouies ; imais la plupart (ont pourvus de deux 
maîtreffes trachées, couchées fur les côtés du corps, & qui 
diftribuent des rameaux à toutes les parties ( Part. IL, Chap. 
XIX , derniere Note }. Quelques Infeétes ni fe métamorpho- 
fent en Mouches, offrent fous cette derniere forme deux ef. 
peces de facs, qu'uu grand Obfervatenr à nommés poumonaires, 


32 CONTEMPLATION 


d'art dans la conftruction de fon merveilleux 
édifice. 


& qui occupent la partie fupérieure du ventre, Ces Infeétes 
ont auf des trachées , comme tant d’autres. 

Les Plantes, qui fe rapprochent tant des Infeétes, ont de 
même des trachées difperfées dans tout leur intérieur, & ces 


trachées reffemblent fi fort à celles des Infeétes, qu’on vait- 


bien qu'elles ont été Faites fur le même modele & pour des 
fins femblables ou analogues. Ainfi, les trachées font un 
genre de vaifleaux très - généralement répandus dans le Regne 
organique : & puiiqu’une de leurs principales fonctions pa- 
reît être d'introduire l'air athmofphérique dans l'intétieur de 
la Plante & de l’Animal, nous pouvons en inférer que cette 
Voie eft au nombre de celles dont la Nature fe fert pour 
opérer dans les Etres organifés ces admirables combinaifons 
des élémens, fi fécondes en grands effets. ( Voyez Pare. V, 
Chap. XVII, feconde Note ). 

Je ne faurois terminer ces Notes fur la refpiration, fans 
dire un mot de la formation de la voix, qui en eft une dépen- 
dance. J'ai efquiffé l'organe de l'ouie ( Part. V, Chap. XIV, 
derniere Note). Il faut bien que je crayonne auf l’ergane de 
la voix, quilui eftrelatif, & qui ne préfente pas moins de 
merveilles aux yeux du Contemplateur Philofophe. 

Au fond de la gorge & au fommet de la trachée - artere , 
cft une machine affez compofée, formée de l’afemblage de 
différentes pieces, différemment configurées, les’ unes carti- 
lagineufes, les autres ligamenteufes & tendineufes : cette ma- 
chine eft le larynx ou Île principal organe de la voix. Au 
milieu eft une ouverture en forme de bec d’aiguiere , qu’on 
nomme la glotte, & qui elt recouverte par un petit cartilage 


EN 


DE LA NATURE. VIL Part. 33 


nômmé l’épiglotte, qui peut s'élever & s’abaiffer comme uit 
pont.levis, pour ouvrir & fermer le canal. Tont l'air que le 
poumon chaffe dans la trachée au moment de l'expiration, eft 
forcé d’enfiler ouverture étroite de la glotte, & c’eft du frôle- 
ment de cet air contre les levres de celle-ci, que dépend en 
général la formation de Ja voix. 

Mais il ne fant pas s’imaginer que ce foit à cela feul que 
fe réduife tont lë méchanifme de la voix : il y a‘ici bien 
plus d'art qu'il men paroît d’abord; car l'organe de la voix 
eft deftiné à rendre tous les tons & toutes les nuances de 
tons, que l'oreille eft capable de faïfir, Les Anciens avoient 
comparé l'organe de ia voix à un ivftrument à vent, & 
penfoient l'avoir bien défini. Un habile Moderné (a), qui 
étoit parti de la même comparailon, avoit admis que la di- 
verfité des tons dépendoit principalement du plus ou du moins 
d'ouverture de la glotte; que lorfque cette ouverture augmen« 
toit, les tons devenoient graves, & qu'ils devenoient aigus 
lorfqu'elle diminuoit. Ce Modèérne étoit allé bien plus loin que 
les Anciens, & n’étoit pas encore allé aflez loin. L'organe 
de la voix n’eft pas fimplement un inftrument à vent ; il eft à 
a fois un inftrument à vent & un inftrument à cordes , & beau- 
eoup plus à cordes qu’à vent. 

Sur chaque levre de la glotte ef un ruban tendineux & 
élaftique, que différens cartilages font chargés de raccourcir 
ou d’alonger, de tendre ou de relàcher; & l'on voit déja 
que de ces tenfons ou de ces lengueurs différentes doit dé: 
pendre la diverfité des tons. Ces rubans de la glotte font donc 
des cordes- vocales ; mais il faut un archet pour Faire vibrer ces 
sordes : l'air que le poumon chaffe vers la glotte eft cet archet. 

Qu'on ne croie pas néanmoins que ces nouvelles connoif+ 


. (s) M: Doparr. 


Tosie IT. G 


3 CONTEMPLATION 


fances fur l'organe de la voix, ne foient que le fimple rélul- 
tat de l'infpection des pieces qui le composent : le profond 
Anatomiite (a) à qui nous les devons , ces connoiMances , ne 
s’étoit pas borné à voir; il avoit [a encore expérimenter, 
æ faire rendre à un Animal mort depuis plufieurs jours, 
les mêmes fons ou les mêmes cris qu'il rendoit de fon vi- 
vant. Je ne dis pas affez : après avoir détaché du Caidavie 
la trachée avec les principales pieces du. Jarynx, il s’avifa 
de foufler fortement dans cette trachée pat fon extrémité 
inférieure, en même temps qu'il tenoit les rubans de la 
glotte plus ou moins bandés; & aufli-tôt il entendit la 
voix ou le cri propre à l’Efpece de l'Animal, @ cette voix 
ou ce cri hauffer ou baiffer de ton, fuivant qu'il tendoit on 
qu'il relàchoit les rubans de la glotte. Et ce qui étoit bien 
digne d’être remarqué dans cette finguliere expérience, c’eft 
que la voix ou le cri étoit toujours parfritement reconnoif- 
fable, foit que la trachée eût appartenu à un Homme ou à 
quelqu'antre Animal. Le mugiflement du Taureau, le Lèle. 
ment de la Brebis, le cri du Chien qui fouffre , celui du 
Coq, &c. étoient fi bien caractérifés, qu'on ne pouvoit s'ÿ 
méprendre. Cependant, combien de chofes manquoient ici à 
l'inftrument vocal pour modifier & déterminer la voix! Non- 
feulement le larynx avoit été Fort mautié, mais encore il n'exi- 
toit plus ni palais, mu langue, ni dents , ni levres, &c. 

Rien n'eft plus propre que cette ingénieufe expérience ; à 
démontrer que la diverfité des tons ne dépend point du plus 
ou moins d'ouverture de la glotte, puifqu'on peut y faire 
varier à volonté cette ouverture. en même temps qu’on tend 
ou qu’on relâche à volonté les rubans de ‘la lotte. Or, f 
l'on donne à la glotte une grande ouverture, tandis qu’on 
raccourcit ou qu'on tend les cordes vocales, on n'aura point un 
fon grave, mais on aura un fon aigu. Çe fera précifément 

(a) M. FERRIN. 


DE LA NATURE. :VIL Pt. 3 


le contraire, fi l'on refferre la glotte & qu'on relâche les 
cordes,‘ on aura un fon grave, & jamais un fon aigu. Enfin 
la tenue du fon ne variera point, fi la tenfion des cordes de. 
meure la inémé à différentes ouvertures de la glotte. À 

Au refte, on voit les cordes vacales frémir comme celles 
d'un inftramént de mufiqne, & on $aflure qu'elles peuvent 
rendre enfemble & féparément différens tons. On peut, pat 
exemple , accorder l'octave aiguë de l’une avec l’oétave grave 
de l’autre, & partazer ces cordes fuivant leur longueur, & 
faire fonuer leuts moitiés , léurs tiers, &c. 

L'organe de la voix a été fort diverfifié dans les difé- 
rentes Efpeces d'Animaux, & les variétés qu'il y préfente 
fourniroient fenles la matiete d’un grand Ouvrage. T1 eft beau- 
coup plus compofé dans quelques Quadrupedes, qu'il ne lÆ 
dans l'Homme, & il doit paroître fingulier que les Efpeces 
où cet organe eft le plus compliqué, foient prérifément celles 
qui rendent les fons les plus défagréables à notre oreille. Le 
Chevat, l’'Ane, le Cochon, font de ce nombre. Dans ces 
Efpeces , la glotte n'eft pas la principale piece de linfiru- 
ment vocal. On s'en affure en foulant dans la trachée, & 
en fe rendant attentif à ce qui fe pafle alors dans les difé- 
rentes pieces du larynx, Le henniMement du Cheval réfulte 
du mélange de tons graves & de tons aigus. Les premiers 
font bien produits par Îles rubans tendincux de 11 glotte, 
mais les feconds le font uniquement par une membrane à 
reort , de forme triangulaire, affujettie à l'extrémité de cha- 
que levre de ia glotfe. L'infupportable Eraiement de l'Ane 
eft dù à un inftrument d’une conftrnéion bien pins recher- 
chée encore, & qu’un favant Anatomifte (4) a fu nous faire 
admirer. Au fond de fon larynx éft une profonde cavité. 
recouverte d'une membrane élaftique, en maniere de 


tambours & qui communique avec la trachée par une 
(a) M. HERISSANT, 
C 3 


36 . C0: NNT'E Mi Fi L'ANTMISONN 


EN s’éloignant du cœur, le fang rencontre 
cà & là fur fa route, des mafles organiques 


à 


petite ouverture, fituée à Flextrémité des levres de la 
glotte. Au-deffus de ces levres fe trouvent encore deux grands 
facs allez épais , qui ont chacun une ouverture taillée en 
bifeau, & qui regarde la caifie du tambour. L'air qui eft chaflé 
avec force par les poumons, dans ces différentes cavités, 
met en jeu leurs membranes élaftiques, & de-là naiffent ces 
tons fi difcordans & fi éclatans que l'Animal fait entendre. 
C’eft auffi à deux grands facs membraneux qui accompagnent 
12 layynx du Cochon, qu'eft dû le grognement non moins 
déplaifant de cet Animal. Mais il a une autre fingularité à 
nous offrir en ce genre : il a , en quelque forte, une triple 
glotte. De part & d'autre de la fente de la vraie glotte, eft 
une autre fente qui donne entrée à l'air dans les facs mem- 
brancux, 

Chez les Oifeaux parmi lefquels fe trouvent de fi grands 
mufciens, l'organe de la voix eft d'une ftruture bien diffé. 
rente, & qui offre des particularitis qui font propres à cette 
claffe d’Animaux. Ils ont, comme l'Homme & les Quadrupedes, 
une vraie glotte placée à l'entrée: de la trachée, mais dont 
les levres n’exercent pas les mêmes fonétions , & ne contri- 
buent pas autant à la formation de la voix. C’eft à l’ex- 
trémité inférieure de la trachée, & vers l'origine des prin- 
cipales bronches, que réfile chez les Oifeaux le principal or- 
gane de la voix. Ils ont donc proprement deux larynx , 
l'un fupérieur ou externe, l'autre inférienr ou interne. Mais 
toutes les pieces du larynx interne r'influent pas également 
fur la produétion & fur les modifications de la voix : la plus 
néceffaire de toutes elt une membrane plus ou moins folide, 
fituée tranfverfalement entre les deux bronches, & qui com- 
munique avec d’autres membranes difpofées de maniere à imi 


DE LA NATURE. VII. Part. 3/7 


{r], & comme pelotonnées, qu'il traverfe, 
& dans lefquelles il fe dépouille d’une partie de 
fes principes [2]. 


ter les hanches du hautbois. D'antrefois les bronches elles. 
mêmes font garnies intérieurement de petites membranes , en 
forme de croiffant, placées les unes au-deflus des autres, & 
qui n’occupent que la moitié du canal. Dans d’autres Efpeces 
la trachée offre des pieces analogues , fituées tantôt vers fa partie 
moyenne, & tantôt vers fa partie inférieure. On juge aifément 
des effets qui doivent réfulter de l'attion de l'air fur ces dif- 
férentes pieces plus ou moins élaftiques , lorfqu’il eft chaffé avec 
Force par les poumons, & forcé d'enfiler le canal rétréci des 
bronches, & qu'il heurte contre les membranes de ce canal & 
contre celles du larynx interne. 


[11 ff Ce font les glandes ou ces corps charnus, ronds ou 
oblongs, formés de l’entrelacement de différens vaifieaux, 
deftinés à féparer du fang différentes humeurs, Il eft de ces 
mafles pelotonnées en je ne fais combien d’endroits du corps 
de l'Homme & de celui des Animaux. Les Anatomiftes les 
diftinguent en fimples comglobées, & en compofées ou co- 
glomérées : celles-ci font formées de l’affemblage d’un nombré 
plus ou moins grand de glandes fimples, 


[21 tt Ce n’eft point à dire que toutes les fécrétions s’o- 
perent par le miniftere de ces mafles organiques ou des glandes. 
Il paroït même que beaucoup s'exécutent par des vaifleaux 
plus ou moins fins, continus aux arteres, fans qu'il inter 
vienne aucune mafle organique intermédiaire. Les injeétions 
le montrent affez. C’eft par de femblables vaifleaux que fe 
féparent les humeurs groffieres , coagulables, inflammables , 
aqueufes, &c. telles que la graifle, le fuc gaftrique , !e 


C3 


38 CONTEMPLATION 


ON a cru que ces mafles étoient des efneces 
de filtres, imprégnés originairement de la liqueur 
qu’ils devoient un jour féparer du fang. On 
les à comparés à ces bandes de drap, dont 
l'extrémité a été imbibée de telle ou de telle 
liqueur, & qui ne tirent précilément que celle 
dont elles ont d’abord été imprégnées. . Cette 
conjecture, qui a un fi grand air de vraifem- 
blance, a été détruite par de nouvelles obfer- 
vations. Il eft prouvé aujourd’hui que le mème 
organe fépare , en différens temps, des liqueurs 
diérentes. La bile eft tranfparente & fans amer- 
tume dans le Poulet de neuf jours, & la liqueur 
prolifique n’eft dans fon origine qu’une pure 
férofité. 


Nous ne pénétrons point encore la véritable 
méchanique des /écrétions ; nous entrevoyons 
feulement qu’elles peuvent s’opérer par une 
diminution graduelle des vaifleaux, qui les 
proportionne à la petitefle des moiecules qu'il 


—— 


fuc inteftinal, Purine, &c. LEës liqueurs les plus fubtiles 
font extraites ‘par des vaiffeaux prodigieufement déliés, qui 
ne procedent pas immédiatement des arteres fanguines; mais 
qui naiflent d’arteres incomparablement plus fines. Telle eit, 
en particulier, la fécrétion des Efprits, qui s'exécute dans 
la fubftance cendrée du cerveau. ( Part, VII, Chap. I, der- 
niere Note, ) 


DE LA NATURE. VII Par. 39 


s’agit de féparer. Ils peuvent encore avoir du 
rapport avec la configuration de ces Gifférentes 
molécu'es, & en favorifer l’extraction à la 
du ralentiement que leurs plis & 
circonvolutions diverfes apportent à la circula- 


tio n[3]. 


[3] +f Les angles que les vaifleaux fécrétoires forment 
avec les troncs dont ils patent, doivent entrer ici en con- 
fidération. Il eft démontré que la viteffle du mouvement des 
liqueurs diminue ou augmente felon que les angles font plus 
ou moins ouverts. Les liqueurs épaiffes ou vifqueufes, & 
dont ke mouvement eft plus lent, font donc féparées par des 
vaiffeanx qui forment avec leurs troncs un angle droit ou 
approchant du droit, tandis que des liqueurs qui fe meuvent 
rapidement , font extraites par des vaiffleaux dont la direétion 
s'éloigne peu de celle du tronc. Mais écoutons 1à- deffus un 
des plus grands Püyhologifes du fiecle. ‘ La firuéture 
., du corps, dit-il, fait voir que l'effet de ces angles 
» doit entrer pour quelque chofe dans les fécrétions, 
> puifque les angles que les rameaux forment avec leurs 
» trones font différens , aini que les rameaux , en differentes 
» parties : auf les plus petits vaifleaux repréfentent-ils en 
» différens endroits de petits arbres ,. dont les principales 
» branches envoient des rameaux de toutes parts, mais fous 
» différens angles ; par exanple , fous de petits angles dans 
» les gros intcitins, & fous de plus grands dans les grèles. 
» Les artérioles rouges ont dans H rate la figure d’un af 
» perfoir, & fortent en quantité de leurs petits troncs : elles 
» repréfentent un pinceau dans les inteftins, un ferpentin 
2 dans les reins, un€ étoile dans le foie, un cercle daus 


(a) HALLER. 
C4 


4 CONTEMPLATION 


»» l'uvée : ne penferons nous donc pas avec taifon que l'Au- 
>» teur de la Nature n’a point produit en vain ces diverfités de 
» frudture?,, 

Non-feulement les flexions multipliées des vaiMeaux Fivo- 
tifent l'extraction des molécules de tel ou tel ordre, en ralen- 
tiffant le mouvement du fang, mais elles donnent lieu encore 
au rapprochement de ces molécules, & contribuent ainfi à la 
formation des humeurs, qui, dans l'inftitution de la Nature, 
doivent avoir une certaine vifcofité ou une certaine confiftance. 
Les liqueurs les plus fubtiles s’échappent alors par les vaifleaux 
les plus droits ou par d’autres voies. 

Dans les glandes proprement dites, il y a toujours une 
attériole qui y apporte le fang, un vaiffeau fécrétoire qui fé- 
pare de ce fang les molécules d’un certain ordre, un ou plu- 
fieurs vaifleaux lymphatiques, qui verfent une liqueur propre à 
rendre l'humeur plus ceulante , & à y opérer une certaine pré- 
paration & une veinule , qui rapporte dans la maffe du fang le 
réfidu des liqueurs PE | 

C'eft par ces divers procédés, & par bien d’autres encore, que 
je ne faurois détailler , que la Nature fépare peu à-peu du fang 
les différentes humeurs dont il eft originairement imprégné, & 
qu’elle leur donne par degrés les différentes préparations né- 
ceffaires à l'entretien du fyitème organique dans chaque Efpece 
d'Animal, | 

Le célebre MECKEL , cet excellent Anatomifte, qui, à l'aide 
de fes admirables injeétions, avoit découvert tant de chofes 
dans fa ftruéture du Corps humain, démontroit que les vaif- 
feaux lymphatiques des glandes fimples , fi univerfellement ré- 
pandues , s'abouchent immédiatement avec les veines, pour 
introduire dans la maffe du {ang la partie la plus féreufe de la 
lympüe, & le rendre plus coulant, tandis que la partie de cette 
lymphe , deftinée à la nourriture des folides, prend ainfi plus 
de confiftance dans la glande. 


DELA NA T U RE: VII: Part. fi 


C'EST ainfi qu’en faifant pafler laliment par 
une multitude innombrable de couloirs, dont 
les calibres fe modifient fans cefle, la Nature 
parvient à l'affimiler à Animal, & à lincor- 
porer dans fes chairs. Ce n’eft plus alors du 
chyle ni du fang, c'eft une liqueur bien plus 


L’habile Phyfologifte, toujours occupé des fages vues de 
lAuteur de la Nature, remarquoit encore que toutes les 
fois que la rentrée d’une certaine liqueur dans le fang eft 
d'une grande utilité aux fonétions animales, cette rentrée à 
été rendue très - facile par la multiplication des veines réfor- 
bantes, & par l'augmentation du calibre de ces veines, C’eft 
ce qu'il avoit fur-tout admiré dans la réforbtion de cette li. 
queur précieufe , dont dépendent la confervation, de J'Efpece 
& les forces de l’Individu. Ses injetions lui avoient démon- 
tré combien le retour de cette liqueur dans le fang a été 
rendu facile par les veines qui abondent dans les véficules 
féminales, & par l’ampliation de ces veines. Il obfervoit en- 
fin que pour obvier au trop grand épaifhiffement de la liqueur , 
Auteur de la Nature a diftribué dans les véficules un grand 
nombre de vaifleaux lymphatiques qui la rendent plus cou- 
Jante, & en favorifent la réforbtion. 

Ces différentes liqueurs que des organes fi artiftement conf 
truits féparent fans ceffe de la mafle du fang, s’altéreroient 
bientôt fi elles féjournoient trop long-temps dans ces organes ; 
& c’eft pour prévenir les fuites fatales de cette altération, 
qu’elles {ont continuellement repompées par des vaifleaux qui 
les font rentrer dans le torrent de la circulation : économie 
merveilleufe, qu’on admire d'autant plus, qu'on eft plus pre- 
Fondément initié dans les fecrets de la Phyfique animale! 


4 CONTEMPLATION 


élaborée, & qui eft connue fous ie nom affez 
vague de lyinphe. 


Nous ne faurions fuffire à admirer l’appa- 
reil prodigieux de vailleaux divers qui exccu- 
tent les fécrétions de différens genres. Les 
reins , le foie, le pancréas, &c. font des laby- 
inthes où l’Anatomifte le plus confommé va fe 
perdre. La fubftance propre de ces vifceres 
n’elt, à proprement parler, ni glanduleufe ni 
vafculeufe. L'on sétoit fort partagé fur ce 
point, faute d’avoir pénétré plus avant dans 
ces routes ténébreufes. Un habile Académicien , 
qui a eu le courage de s’y enfoncer, n’a 
vu, à fon grand étonnement, qu'un amas in- 
concevable de tuyaux blancs, d’une petitefle 
extrème, repliés fur eux-mêmes de mille & 
mille manieres différentes, qui an’admettoient 
aucune injection, quoique liés aux vaifleaux 
{anguins, & qui, mis bout à bout par la pen- 
fée, auroient formé une chaîne de plufeurs 
lieues de longueur [4]. Voilà tout ce que Part 


[4] +f De dix mille toifes ou de cinq lieues. On voit 
affez que je parle des belles découvzrtes du célebre FERREIN 
for la ftruéture des reins. Il a démontré que dans l’efpace 
d’une ligne quarrée d’un rein humain, font contenus environ 
deux mile cinq cents de ces admirables tubules. On peut 
juger par-Rà de leur petiteffe , & pourtant l’Anatomifte a très- 
bien démêlé des vaiffleaux fanguins qui rampent: {ur la 


DE LA NATURE. VII Part. 43 


découvre dans les organes fécrétoires. Mais 
combien ces petits cylindres creux renferment. 
ils de particularicés intéreffantes , qui échap- 
pent à nos veux & à nos inftrumens! Que 
de variétés dans leur ftruéture, dans leurs 
fonctions, dans leur jeu … n’y. découvririons- 
nous point, s’il nous étoit permis de defcen- 
dre jufqu’au fond de cet abyme qui recele un 
des pius grands myfteres de la Nature! Toutes 
les liqueurs animaies {ont plus ou moins më- 
langées, & ces petits tuyaux fe diverffent 
fans doute affez pour féparer les différentes 
molécules qui doivent entrer dans la compofi- 
tion de chaque liqueur. Quelles ne font donc 
point la firuéture & la finefle de ceux qui &l- 


furface de ces tubules , & qui pénétrent dans leur intérieur, 
C'eft dans ces tubules que fe fépare la matiere de l'urine, 
qui y eft apportée par les vaifleaux fanguins. D’autres tabu- 
es, continus avec ceux-ci, recoivent l'urine, @& s'ouvrent 
dans des efpeces de culs-de-facs qui correfpondent aux ypa- 
pilles du baffinet. On ne fauroit douter que l’organifation de 
la fubftance corticale du cerveau ne refflemble fort à celle 
des reins, & on a déjà des preuves qu'il en eft de même 
de l’organifation du foie, & de celle de quelques autres or- 
gancs fécrétoires. Je ne connois aucune découverte qui foit 
plus propre à faire jnger de tout ce qn'on peut fe promettre 
du fualpel, des irjeétions & du microfcope , quand ils fe- 
ront maniés par des mains auffi habiles que celles de notre 
Académicien, 


44 CONTEMPLATION 


trent ce fluide fi fubtil, que nous avons com- 
paré à l’éthèr ou à la lumiere, & dont les opé- 
rations fe diverfifient prefqu’à linfini ! 


75 
CH A PT TRE VUE 


ES— ——— À (—_—— 


L’accroiffement. 


Sr nous favions comment une fimple fibre 
croit, nous pourrions dire comment l’Animal 
croit; car tout fon Corps n’eft qu’un affem- 
blage de fibres différemment figurées & eom- 
binées. 


L’ACCROISSEMENT s’opere toujours par la 
nutrition. 


CELLE-CI incorpore à la fibre des molécules 
étrangeres , qui l’étendent en tout fens (1). 


(1) ff On feroit fondé à foupçonner qu'un Corps orga- 
nifé eft originairement tout vafculeux, & que les fibres qui 
forment les folides ne font d'abord que les extrémités les 
plus ténues des vaifleaux. Peu-à-peu ces extrémités capillaires 
fe rempliffent de la matiere nourriciere, deviennent folides 
intérieurement, & revêtent la nature fibreufe. 11 eft afez 
connu que le nombre des vaiffeaux eft beanconp plus grand 
dans le Fœtus que dans l'Enfant nouveau-né, & beaucoup 


DE LA NATURE. VIL Part. 4$ 


CETTE forte d’extenfion eff ce que l’on nomme 


le développement. 


Mais, tandis que la fibre croit, elle retient 


plus grand dans celui ci que dans l’Adulte. Les plus gros mêmes 
s’obftruent fouvent , & deviennent folides ou offeux dans le 
Vieillard. 

Ce n’eft pas le fang qui nourrit les folides : il feroit trop 
groffier pour être admis dans les fibres qui font les élémens 
de ces derniers, Mais le fang eft le réfervoir de la matiere nour- 
riciere , & cette matiere eft une forte de férofité ou de lymphe 
coagulable , femblable ou analogue au blanc de l'œuf. 

La nutrition des fibres fuppofe donc deux opérations efer 
tielles ; l’extra@ion de la lymphe, & fon incorporation dans le 
tiffu des fibres. 

Nous voyons à-peu-près comment s’opere l’extraétion : nous 
en jugeons par d’autres fécrétions que nous fuivons à l'œil : 
mais nous n'entrevoyors pas de même comment s’opere l'in- 
corporation. C’eft ici que la Nature s’enveloppe des plus épaiffes 
ténebres, 

L’extraétion de la lymphe nourriciere s'exécute par des 
Vaiffeaux dont la fineffe extrême correfpond à celle des parties 
à nourrir. Et comme ces parties different beaucoup par le 
degré de délicatefe on de ,çconâftance, on comprend qu'il eft 
dans les fues nourriciers des diverfités relatives. Il feroit 
même poflible qu’il y eût dans le Corps animal des parties 
d'une fi prodigieufe finefle , qu'elles ne puffent être nourries 
que par le fluide nerveux. Ce feroient fur-tout les fbrilles de 
la fubftance médullaire des nerfs, qui paroitroiert exiger un 
femblable aliment. 


\ 


46 CONTEMPLATION 


fa nature propre, & fes fonctions eflentielles ne 
changent point. 


LA fibre s’incorpore donc les molécules étran- 
geres dans un rappott direct à fa nature propre 
ou à fa conftitution particuliere. 


Sa ftructure renferme donc des conditions 
qui déterminent par elles-mèmes l’affimilation (2). 


La fibre n’eft pas compofée elle-mème d’au- 
tres fibres; celles - ci d’autres fibres encore : 


(2) +f C'eft ici précifément que gît le point le plus dif. 
ficile de la méchanique fecrete de l’accroiffement. Chaque or- 
gane à fa fin, & fa ftructure propre eft l'enfemble des moyens 
relatifs à cette fin. Tandis qu'une fibre vifuelle croit, elle 
retient conftamment les qualités qui la caraétérifent, comme 
fibre de l'œil, & qui la diftinguent de toute autre fibre. Il 
faut douc que la ftruéture de cette fibre, qwon peut envilager 
elle-même comme un très-petit organe , feit telle qu'elle dit. 
pofe les molécules noutricieres à s'arranger dans un rapport 
déterminé à l'efpece particuliere de la fibre, enforte que 
cette efpece ne change point pour l’effentiel. Si les Phyfiolo- 
giftes avoient donné plus d'attention à ce fait, ils en auroient 
fenti plus fortement la difficulté du problème. Ce fait fem- 
ble au moins indiquer qu'une fibre n’eft pas une chofe auffi 
Æmple qu'on le croit communément. L'organifme s'étend bien 
loin dans les machines animales, & il eft arrivé bien des 
fois qu'on a pris pour inorganifé , ce qui étoit très - orga- 
nié. 


DE LA NATURE. VII Part. 47 


cela ne finiroit point. Mais ia fibre et formée 
de molécules ou d’élémens, dont la nature, Îles 
proportions & larrangement refpedtifs détermi- 
neat l’efpece de la fibre, & la rendent propre à 


telle ou telle fonction. 


CE font ainfi les élémens de la fibre, qui 
operent en dernier refort l’affimilation, & qui 
en s’uniffant aux molécules nourricieres aui 
ont avec eux de laffiuité, leur donnent en 
mème temps un arrangement relatif à celui qu’ils 
ont dans la fibre. 


L’EXTENSION de.la fibre fuppofe que fes 
élémens peuvent changer de pofition refpecive, 
qu'ils peuvent s’écarter plus ou moins les uns 
des autres ; mais cet écartement a {es bornes, & 
ces bornes font celles de l’accroiffement. 


À mefure que la fibre croît, elle acquiert plus 
de folidité; car le nombre des molécules incor- 
porées augmente de jour en jour, puifqu’eile ne 
croit que par l’incorporation fucceflive de molé- 
cules étrangeres. 


PLus la folidité augmente, & plus la fou- 
plefle ou la dudtilité diminue. Il y a plus de 
molécules fous un mème volume, pius de 


Lé 


48 CONTEMPLATION 


cohérence, plus d'attraction. La fibre tend 
donc contiauellement à s’endurcir , & le dernier 
terme de l’endurciffement eft le dernier terme 
du croit (3). 


Lors donc que la fibre a pris tout fon accroif- 


(3) tt Le bois d'un Arbre, les os d’un Animal ne font plus 
fufceptibles d’extenfion , dès qu'ils fe font endurcis jufqu'à uw 
certain point, Nous avons là- defus les expériences les plus 
décifives. Les plaies qui intéreffent un bois ou un os déja For- 
més, ne fe cicatrifent point par le prolongement des anciennes 
fibres ; mais de nouvelles fibres, mifes en réferve, fe déve: 
loppent & produifent la cicatrice. 

Ce ne font pas feulement les parties dures qui fuivent cette 
loi ; les parties molles ou purement charnues la fuivent auf. 
C'eft ce que j'ai obfervé conftamment dans les Vers d’eaw 
douce & dans les Vers de térre , que j'ai multipliés par bou- 
ture. L'ancien tronc ne s’eft jamais prolongé; & n’a jamais 
fourni de fa propre fubftance à la reprodn@ion des nouvelles 
parties. Nous avons vu la même chofe, M. SPALLANZANI 
& moi , lorfque nous avons fuivi les admirables reproduétions des 
membres du Limaçon terreftre & de la Salamandre aquatique. 

Ainfi plus les fibres acquierent de mafle ou de folidité par 
l'incorporation des molécules nourricieres, & plus elles ap- 
portent de réfiftance à la force qui tend à les déployer. Cette 
Force réfide dans le cœur & l'artere, En s’alongeant par l'im- 
pulfion du cœur , l’artere fait effort contre toutes les parties 
auxquelles elle tient, & le; étend proportionnellement. Le 
Poulet met ceci dans un grand jour; car on y fuit à l'œil les 
progrès de l’accroiffement, & ils y font bien plus rapides que’ 
dans l'Homme & le Quädrupede. 

fement 


DE LA NATURE. VII Part. 49 


fement , elle eft un petit tout organique, com- 
polég® fes molécules élémentaires, & de toutes 
celles que la nutrition leur a incorporées pendant 
la durée de laccroiflement. 


Si donc nous pouvions fépärer de la fibre 
toutes ces molécules qu’elle s’eft aflimilées , nous 
la ramenerions à {on état primitif. 


Ceci s'applique à tous les Corps organifés. 
Ils font, fi lon veut, des Ouvrages à réfeau. 
Une force fecrete chaffe l'aliment dans les mailles. 
Il les agrandit & les garnit peu-àa-peu. Il s’in- 
finue encore entre les élémens du tiflu mème. 
Le réfeau s'étend, s’endurcit & s’épaiflit em 


fin [4]. 


[41 tt Ces idées fur l’accroiffement, que j'ébauchois dans 
ma jeuneffe, & que le grand HaLLER avoit goûtées, ont 
£té confirmées bien des années après par les découvertes de 
M. HERISSANT , fur l’accroiflement des os, @ fur celui 
des Coquillages & de différens Corps marins. Il à démontré, 
que dans les uns & les autres fe trouve conftamment une 
fubftance purement animale, un tiflu parenchymateux , qu 
fait le fon ou la bafe de l'os ou de la coquille, & que c'e 
ce tiffu parenchymateux qui s’incrufte intérieurement, & 
peu-à-peu de la matiere terreufe à laquelle l'os ou la coquille 
doit fa dureté. Ce réfeau parenchymateux, que des expériences 
curieufes ont mis fous les yeux de l’Anatomifte, nous re- 
préfente très-bien ce fond primordial que je fuppolois dans 


Tome Il. D 


fa CON E, M PL, 2 TT 0 N 


CHAPITRE "VTT 


Les Gersnes. 


Lrosseux la Phyfique a entrepris d’expli- 
quer #échanigueinent la formation des Corps 


toutes mes méditations fur laccroiMement; & la matiere ter- 
renfe dont ils'incrufte, ne repréfente pas moins bicn lés mo 
lécules nourricieres, que je fuppofois que la nuttition faifoit 
pénétrer dans les mailles du t#lu primordial de l'embryon, & 
qui donnoient peu-à-peu à toutes fes parties le degré de confif. 
tance qui leur convient. 

Il faut donc concevoir que les mailles du téfeau primor- 
diat, ont été diverfifées dans ua rapport dire& à la nature 
& aux fonétions de chaque partie. On ne doit pas fe les 
repréfenter précifément comme les mailles d'un tiffu ou comme 
les trous d’un crible: cette image groffiere ne répondroit 
pes à toutes les conditions que la nutrition & l’accroifement 
fuppofent. La conformation du réfeau dont il s'agit, doit 
renfermer des particularités qui le différencient beäycoup des 
réfeaux que l’art exécute, & auxquels nous voudrions Île 
comparer. Hl doit féparer, arranger & retenir les molécules 
nourricieres dans un rapport direct à l'économie propre de cha- 
cue ilide, & tort cela paroît fuppofer beaucoup plis que de 
£moles mailles ou de fimples trous. Ainfi, dans ,mes idées , le 
réfean primordial n'eft pas feulement un organe fecréteur uni- 
verfellement répandu , il eft encore un organe ordonnateur , 
chargé de difpofer les molécules nourricieres dans un ordre dé- 
téminé & conftant. 


DE LA NATURE. VII Part. SŸ 


otganilés ; elle s’eft perdue dans la nuit des con« 
jectures, & il a fallu que la Philofophie lui ait 
.prèté fon flambeau pour lui aider à en découvrir 
la véritable origine. 


Sans être un MORGAGNI, un HALLER , un 
ALBINUS, on compreud très - bien que toutes 
les parties d’un Animal ont entr’elles des rap- 
ports fi directs, fi variés, fi multipliés; des 
liaifons fi étroites, fi indiflolubles, qu’elles doi- 
vent avoir touiours exifté enfemble. Les ar- 
teres fuppolent les veines : les unes & les 
autres fuppofent les nerfs; ceux-ci, le cer- 
veau ; ce dernier, le cœur, & tous fuppofent 
une multitude d'autres organes. 


Vouroir qu'un Animal fe forme, comme 
un Sel où un Cryftal, de la réunion de dif- 
férentes molécuies , qui s’affemblent en vertu de 
certaines forces de rapport ; admettre que le cœur 
elt furmé avant le cerveau, celui - ci avant les 
nerfs ; en un mot, foutenir que l’Animal fe 
façonne par appoñtion, c’eft préférer SCUDÉRE 
à Bossusr, le Roman à l'Hiftoire. 


Des Sages , appellés à éclairer le Monde , ont 
choqué les regles de la Logique la plus com- 
mune : ils ont jugé du temps où les parties d’un 


D 2 


_ 


52 CONTEMPLATION 


Animal ont commencé d’exilter, par celui où 
elles ont commencé à devenir vifibles ; & tout ce 
qu'ils ne voyoient point , n’exiftoit point. ” 


CE que l’on appercçoit d’abord dans le Germe 
du Poulet eft un point vivant, dont le mouve- 
ment perpétuel fixe agréablement l'attention 
de l'Obfervateur. Les contractions & les dila- 
tations alternatives & très-promptes de ce point 
vivant, apprennent affez qu'il eft le cœur du 
petit Animal. Mais ce cœur femble être à nud 
& placé à l'extérieur du Corps. Au lieu de fe 
montrer fous la forme d’une petite mafle pyra- 
midale , il fe montre fous la forme d’un demi- 
anneau [1]. Les autres vifceres apparoiflent en- 


[1] tt Les mouvemens du point vivant font fi vifs dans lee 
premiers temps, qu'on a peine à les fuivre de l'œi. On et 
parvenu à compter jufqu'à cent quarante pulfations par mi- 
nute. On ne diftingue bien les pulfations qu’au commencement 
du fecond jour de l’incubation. 

Le ventricule gauche & la bulbe que forme alors l’artere, 
fe mettent les premiers en mouvement : peu de temps après, 
on apperçoit une fyftole & une dyaftole dans trois véficules 
qui battent par ordre & féparément ; ce font le ventricule 
gauche, l'aorte & l’ébauche de la veine cave & de loreil- 
lette droite. Dans ce jeu alternatif, c’eft cette dernicre qui 
commence, puis le ventricule gauche, enfuite l'aorte. Ces 
dilatations & ces contractions alternatives férment un fpec- 
acle qu'on ne fe laffe point d'admirer ; mais elles deviennent 


A 


DE LA NÂTURE. VIL Part. $3 


fuite fucceflivement , & femblent venir fe ran- 
ger, les uns apres les autres, autour du point 
vivant. On ne découvre point encore d’enve- 
loppe générale; tout eft tranfparent ou à-peu- 
près, & ce n’eft que peu-à-peu qu’on voit fe for- 
mer des tégumens deftinés à recouvrir toutes les 
parties. 


CEST fur ces apparences trompenfes qu’on. 
a imaginé que l’Animal fe formoit par appo- 
fition, comme une végétation chymique. L’on 
a bâti là - deflus des {yftèmes plus hardis que fo- 
lides, & qu’un intérèt fecret étaie, défend & 
propage. 


Mass le Philofophe ne prète point à la Na- 
ture fes vues particulieres : il ne fe prefle point 
de tirer des conféquences de faits douteux : il 
veut voir & revoir, & il fe voit, Toute cette. 
Yormation du Poulet, qu’on fe plait à nous dé- 
guifer , n’eft qu’une petite décoration qui trompe 
les yeux, & dont un grand Obfervateur nous à 
dévoilé le myftere. 
moins apparentes , dès que l'oreillette & le ventricale droit 
fe font affez réunis pour faire corps avec les premieres ébau- 
ches du cœur. Je parle ici d’après cet excellent Obfervateur (*} 
à qui la Nature avoit révélé tant de particularités fecretes de 
l'hiftoire du-Poulet; 

(*) Hazzer. 


D 3 


è 


yA\ 


f4 °©C'ONIT\ELM P\L'V4 TT 0% 


Daxs ces premiers commencemens, lAni- 
mal eft prefque fluide. Il prend par degrés la 
confiftance d’une gelée. Toutes les parties ont 
alors des fituations , des formes, des proportions, 
qui different beaucoup de celles qu’elles obtien- 
dront dans la fuite. Leur petitefle, leur mollefle, 
leur tranfparence fortifient lillufion. L'on fe 
perfuade qu’un vifcere eft à nud, parce que la 
tranfparence de fes enveloppes les dérobe à la 
vue. On le méconnoit, parce qu’il eft très.de- 
guifé. On le cherche où il n’eft point; on ne 
le trouve pas où il eft. Et fi l’illufion rencontre 
dans lefprit quelque motif ou quelque préjugé 
qui la favorife, elle prendra la place de la réalité, 
& l’interprete de la Nature n’en fera plus que le 
Romancier. 


Voulez - vous une démonitration courte & 
facile de tout ceci? Quand le poumon du Pou- 
Jet commence à tomber fous les fens, fa gran- 
deur eft déja de dix centiemes de pouce. Il ef 
prouvé qu'il auroit été vifible avec quatre de 
ces centiemes , s’il n’avoit pas été de la tranf- 
parence la plus parfaite. Le foie et plus grand 
encore à fa premiere apparition ; fa tran{parence 
feule le rendoit invilible. IE en eft de mème des 
reins : tandis qu’ils ne paroiflent point exifter 
encore, ils {éparent déja l'urine. Le cœur poule 


DE LA NATURE. VIL Parf $< 


le fang dans les arteres avant qu’on ait pu 
s’en douter, & on ne le reconnoït que par 
les accroiemens de l'embryon, qui ne font 
jamais plus accélérés que dans les premieres 
heures. | 


BIEN. d’autres faits concourent avec ceux-ci à 
établir la préexiltence des Touts organiques. 
On fait aujourd’hui que beaucoup d’Infe@es 
multiplient, comme les Plantes, de bouture. 
On les coupe par morceaux, & chaque mor- 
ceau {e régénere & devient un Animal parfait. 
Ees Vers de terre font au nombre de ces In- 


Sectes qui renaiffeñt de leurs débris; & comme 


ils font fort gres, les phénômenes de leur 
récénération foht très-fenfibles.. Le troncois 
ui-mème ne prend jamais aucun accroifement ; 
4 refte toujours tel que la feétion Pa donné; 
feulemenc il maigrit plus ou moins. Mais au 
bout de quelque temps, on voit paroiître à fon 
extrèmité un tres-petit bouton blanchâtre , qui 
groffit & s’alonge peu à-peu. Bientôt on vient 
à y démèler des anneaux. Ils font d’abord très. 
ferrés , très - rapprochés. Ils s'étendent infenfi- 
blement en tout fers. On apperçoit des ftig. 
mates (2) à leur extrèmité, & la tranfparence 


(2) tt Je me trompois : le Ver de terre n'offre ni fliyma. 
tes ni trachées. M. SPALLANZANT s'en eft afluré. Auf le 


D 4 


6 CONTEMPLATION 


de leurs membranes permet de pénétrer dans 
leur intérieur, & d'y obferver la circulation 
du fang. De nouveaux poumons, un nouveau 
cœur , un nouvel eftomac, fe font développés , 
& avec eux quantité d’autres organes. Cette 
portion nouvellement reproduite eft extrème- 
ment effilée, & tout - à - fait difproportionnée 
au tronçon fur lequel elle a crû. L'on croit 
voir un Ver naïflant, qui s’eft enté au bout 
de ce tronçon , & qui tend à le prolonger. Ce 
petit appendice vermiforme fe développe lente- 
ment. Îl parvient enfin à égaler le tronçon en 
groffeur, & à le furpañfer en longueur. Il n’eft 
plus poffble de l'en diftinguer que par fa cou- 
leur , qui demeure un peu plus foible que celle 
de ce dernier. 


VoiLa donc un nouveau Tout organique, 
qui poulle fur un ancien Tout, & fait Corps 
avec lui: voila un bouton animal, qui naît 
& s'épanouit fur le tronçon d’un Animal, com- 
me un bouton végétal fur le tronc d’un Arbre. 
Remarquez fur: tout ; car ceci elt effentiel, que 


Ver de terre peut-il être plongé entier dans l'huile, & même y 
féjourner des heures fans en fouffrir. Il périt néanmoins , s’il 
demeure privé d'air pendant un certain temps, ou fi l'air qui 
l'environne ne fe renouvelle point. Quelques obfervations fem 
blent indiquer qu'il refpire par la bouche. 


L 


DE LA NATURE. VII Part, $7 


les chairs du tronçon ne concourent point à 
la formation de la partie qui {e régenere: le 
tronçon ne fait que nourrir le bouton ; il n’elt 
que le terrein dans lequel celui-ci vegete. La 
partie qui fe reproduit pañle donc par tous les 
états & par tous les degrés d’accroiflement , par 
lefquels Animal entier avoit pañlé lui- mème. 
Elle a donc probablement la mème origine : 
elle eft un véritable Animal, qui préexiftoit très- 
en petit dans le grand Animal qui lui a fervi 
de matrice. 


LEs mèmes chofes s’obfervent dans la régé- 
nération de certains Vers d’eau douce; mais elles 
y font moins fenfibles, parce qu’ils font petits, 
fort mols & prefque gélatineux. 


Nous avons vu que le Polype multiplie na- 
turellement par rejettons. Il met fes Petits au 
jour , comme un Arbre y met fes branches. Il 
fort ou peut fortir de tous les points de fon 
extérieur de petits boutons. Ces boutons ne ren- 
ferment pas un Polype, comme le bouton vé- 
gétal renferme un Arbre en petit; ils font eux- 
mèmes un Polype qui n’a pas achevé de fe déve- 
lopper. 


LEs reproductions végétales nous offrent les 


tr — 


$ÿ CONTEMPLATION 


mèmes réfultats. Si l’on étète un Arbre, le tronc 
ne fe prolonge point, mais il poufle une multi- 
tude de boutons , dans chacun defquels un petit 
Arbre eft logé; car le bourgeon ou la branche 
qui en fort, et un Arbre greffé, en quelque for- 
te, fur le tronc qui le nourrit. 


CHAQUE graine renferme pareillement une 
Plante en miniature. Des yeux médiocrement 
exercés à voir, découvrent facilement la tige, 
les feuilles & la racine de cette petite Plante. 
Mais PObfervateur remonte bien plus haut, 
& va démèler dans un oignon ou dans un bou- 
ton naïfant, les fleurs qui n’éclorront que l’année 
fuivante. 


QuaAxp l'évolution commence dans un Tout: 
organique, fa forme differe fi prodigieufement. 
de celle qu’il revètira, qu’on le méconnoitroit 
fi on ne Pavoit fuivi dans toutes fes révolutions. 
Voyez comment les parties d’une Plante font 
replices , contournées , concentrées dans la graine 
ou dans le bouton ? Et - ce là cet Arbre majef- 
tueux qui ombragera un jour un grand ter- 
rein, cette fleur qui s'ouvrira avec grace, ce 
fruit qui s’arrondira réguliérement ? Vous n’ap- 
percevez qu’un amas informe de filamens pelo- 
tonnés, & pourtant ce petit cahos renferme 


DE LA NATURE. VII Part. 59 


déja un Monde, où tout elt organife & fymmé- 
trique. 


L 


Vous avez vu cent fois les Grenouilles fous 
leur premiere forme , fous cette forme qui leux 
a fait donner le nom de Tétards. Elles ne mon- 
trent alors qu’une grofle tète & une longue 
queue. Tel eft le Poulet quand il commence à 
fe développer. Une queue très efhlée & éten- 
due en ligne droite, eft attachée à une grofle 
tète, & cette queue contient tous les rudimeus 
de la charpente : que dis je, elle eft la charpente 
elle-mème ; & le Auide tranfparent où elle paroit 
nager , eft Penfemble des parties molles qui la 
recouvriront dans la fuite. 


LES mèmes révolutions ou des révolutions 
analogues à celles qui font pañer le cœur du 
Poulet, de la premiere forme de demi-anneau 
à celle du pyramide , conduifent donc le Pou- 
let lui-mème à l’état de perfe@ion (3). S'il nous 


G) tt L'Hiftorien du Poulet a reconnu & caradtérifé 
quatre révolutions ou quatre phafes principales du cœur du 
Poulet: mais on conçoit facilement qu’il avoit pu en fabir 
bien d’autres, avant le temps où il commence à devenir vi- 
fible. Toutes ces révotations font déterminées les unes par les 
autres, & la derniere tenoit à la premiere par une multitude 


de chainons intermédiaires, que l'œil humain ne fauroit faifir 
en détain 


V4 


re 


é CONTEMPLATION 


étoit permis de pénétrer jufqu’au fond dans Îa 
méchanique qui opere ces changemens fucceflifs , 
combien nos connoiflances d'économie animale 
acquerroient.elles de précifion & de certitude ! 
nous contemplerions dans un œuf les myfteres 
des deux Regnes : & combien notre admiration 
accroîtroit-elle pour cette Sagefle Adorable, qui, 
par les moyens les plus fimples, parvient tou- 
jours à la plus noble fin! 


EE ————— 157) 


CH, AP, PAPERS TES 


Continuation du même [ujet. 


Fe plus on remonte dans Porigine des 
Etres organifés, & plus: on fe perfuade qu'ils 
ont préexifté à leur premiere apparition; now 
pas tels qu'ils apparoïfflent d’abord, mais plus 
déguifés : & s’il nous étoit poflible de les pren- 
dre de plus haut, nous les trouverions, fans 
doute, plus déguifés encore, & nous ferions 
à comprendre comment ils pourroient revêtir 
cette premiere forme fous laquelle ils s’affrent 
à nous, quand ils commencent à tomber fous 
nos fens. 


DELA NATURE. VIL Part. 6 


Nous ne faurions donc nous faire aucune 
idée de létat primitif des Etres organifés; je 
parle de cet état que je concois qu'ils tiennent 
de la MaiN mème de Celui qui a tout or- 
donné dés le eommencement. Les faits nous con 
duifent à admettre une telle préordination ; mais 
ils he nous en découvrent point la maniere. 
L’infufifance de toutes les folutions purement 
meéchaniques , eft un nouveau motif de recourir 
a un arrangement préétabli. Pourquoi ferions- 
nous de vains & ridicules efforts pour nous 
pafler de l’Etre Ordonnateur ? Ne faut-il pas 
toujours que l’enfemble des Caufes fecondes aille 
enfin fe réfoudre dans la Caufe premiere , dont 
Vidée fublime & confolante eit fi propre à fati£ 
faire & à pertectionner le Cœur & l'Efprit ? 


Les forines, fi élégamment variées, des Vé- 
gétaux & des Animaux qui ornent la furface 
de notre Globe, ne font dans le Syftème de 
cette admirable préordination , que les derniers 
rélultats d’une multitude de révolutions fuc- 
cefñves, qu'ils ont fubies avant que de naître, 
& qui ont peut-être commencé des la Création. 
Quel feroit notre étonnement, f: nouSmpouvions 
pénéirer dans fes profondeurs, &"promener 
nos regards dans cet abime! Nous y décou- 
vritions un Monde bien diérent du nôtre, 


en de en D 


6? CONTE M'P L'ATION 


& dont les décorations bizarres nous jettes 
roient dans un embarras qui accroitroit fans 
celle. Un Reaumur, un Jussieu , un Lin- 
NEUS, sy perdroient. Nous y chercherions nos 
Quadrupedes, nos Oifeaux , nos Reptiles, nos 
Infetes, &c. & nous ne verrions à leur place 
que des figures bizarrement découpées, dont 
- les traits irréguliers & informes nous laiferoient 
incertains fi ce que nous aurions fous les yeux 
feroit un Quadrupede où un Oifeau. Il en {e- 
roit de ces figures comme de celles de POpti- 
que, qu'on ne parvient à reconnoître qu’en les 
redrefänt avec un miroir. La fécondation fait ici 
Poffice de ce miroir; elle eft le principe d’un dé- 
Veloppement , qui redreffe les formes & nous les 
rend fenfbles. 


CET état dans lequel nous concevons qu'ont 
été d’abord tous les Corps organifés, eft l’état de 
Germe, & nous difons que le Germe contient 
en raccourci toutes les parties du Végéial ou de. 
FPAnimal futurs. 


IL n’acquiert donc pas des organes qu’il n’avoit 
point; maïsMdes organes qui n'apparoifloient 
point encore, commencent à devenir vifbles. 


Nous ne connoifons point les dernieres bot- 
nes de la divifion de Ja matiere ; mais nous 


DELA NATURE. VIL Port. 63 


voyons qu'elle a Cté prodigieufement divifée. 
De lEléphant à la Mitte, de la Baleine à l’A- 
nimalcule, vingt-fept millions de fois plus petit 
que la Mitte; du Globe du Soleil à un globule 
de lumiere, quelle multitude inconcevable de 
degrés intermédiaires! Cet Animalcule jouit de 
la lumiere ; elle pénetre donc dans fon œil; elle 
y trace l’image des objets ; quelle effroyable pe- 
titefle que celle de cette image! Quelle petitefe 
plus etfroyable encore que celle d’un globule 
de lumiere , dont plulieurs milliers, & peut-être 
plufieurs millions entrent à la fois dans cet œil (1)! 


Mars le grand & le petit ne font rien en 
eux-mêmes, & n’ont de réalicé que dans notre 
imagination. Il eft poffible que tous les Germes 
d’une mème efpece atent été originairement em- 
boités les uns dans les autres, & qu’ils ne faf. 
fent que fe développer de génération en géné- 
ration , fuivant une progreffion que la Géométrie 
tente d’affizner (2). 


(1) tt Après de tels exemples, il ne vaut preîque pas la 
peine que j'en indique un autre, que nous fournit le célebre 
100KE. Il nous apprend que les graines d’une certaine Mouffe 
font d'une G prodigieufe petitefe, qu'il en faut plus de fept cents 
foixante.dix millions pour ésrler le poids d’un grain. 

(2) ff Le terme d'exbostement dont on fe fert en par- 
Jant des Girmes, réveille une idée qui n'’eft point du tout 


art to re es tot ete 


6 CONTEMPLATION 


CETTE hypothefe de l'emboitement eft une 
des plus belles victoires que l’entendement pur 


exacte. Les Germes ne font pas renfermés comme des boîtes 
ou des étuis , les uns dans Îles autres : mais un Germe fait par- 
tie d’un autre Germe , comme une graine fait partie de la Plante 
fur laquelle elle fe développe. Cette graine renferme une petite 
Plante, qui a auf fes graines, dans chacune defquelles fe trouve 
une Piantule d’une petitefle proportionnée. Cette Plantule a 
elle même fes graines, & celles-ci des Plantules incomparable. 
ment plus petites, &c. & toute cette fuite d’Etres organifés, 
toujours décroiffans, fait pattie de la premiere Plante, & y 
prend fes premiers accroifflemens. 

Ceci cit exait : les Germes croiflent les uns dans les autres, 
& les uns par les autres. Il eft très- connu que les œufs 
eroilfent dans les Poules vierges, & il eft bien démontré 
aujourd'hui que le Germe y préexifte. Ce Germe y croît 
donc auf, mais ce Germe en renferme d’autres qui croif. 
fent avec lui & par lui. J'ai eMayé dans un petit Ecrit, de 
montrer comment cet accroilement des Germes fubordounés 
peut s'apérer dans l’hypothefe de l’emboîtement. On préfume 
bien que des (rermes d’une fi efFroyable petitefle ne font 
pas nourris par cette lymphe que le grand Tout organifé 
qui les renferme, extrait de la maffe du fang. Cette lym- 
phe, queique fubtilité qu'on lui fuppofat, feroit beaucoup 
trop grofMiere pour être admife dans les vaifleaux infiniment 
déliés des Germes. Mais nous concevons fans peine, que le 
fluide nerveux du grand Tout peut renfermer des molécules 
nourricieres , de différens ordres correfpondans aux différens 
termes de la fuite des Germes, & que leurs vaifleaux extraifent 
&: travaillent. 

ait 


DE LA NATURE. VII Part. 6ÿ 


ait remporté fur les fens. Les calculs effrayans 
par lefquels on entreprend de là combattre, 
prouvent feulement qu’on peut toujours ajouter 
des zéros à-des unités, & accabler l’imagination 
fous le poids des nombres. 


Mais, en accumulant des nombres, on n’ac- 
cumule pas des faits, & la Nature elle- mème 
femble nous fournir des preuves directes de 
lemboîtement. Elle nous montre des parties 
offeules d’un Fœtus, renfermées dans un autre 
Fœtus ; un œuf, renferme dans un autre œuf; 

_ un fruit, dans un autre fruit; un Fœtus, dans 
‘un autre Fœtus, &c. (3). 


(2) tt Le Polype à bras, chargé de fa nombreufe Pofté- 
rité, & qui repréfente fi bien un petit Arbre généalogique, 
eft une de ces Produétions animales, qui femblent dépofer 
le plus clairement en faveur de l’emboîtement, Du tronc du 
petit Arbre fortent de part & d’autre plufeurs branches, 
qui portent elles-mêmes d’autres branches, & celles - ci des 
rameaux. Cet afemblage ne forme qu'un même Tout orga- 
nique, dont tous les membres participent à la même vie & 
aux mêmes befains. Les branches & les rameaux font autant 
de générations qui demeurent liées les unes aux autres pen- 
dant un certain temps, & qui indiquent aflez qu’elles étoieut 
| toutes renfermées originairement dans la premiere ou dans 
le Polype- Mere, & qu'elles n'ont fait que s’y développer. 
Un Arbre ne compofe pas plus un même Tout avec fes 
branches & fes rameaux, qu'un Polype avec fes Petits : a 


Tome Il. E 


66 ,.CLOMNAT 'E MP. L'ANT MIONN 


Des Philofophes très-convaiucus de la préexif- 
tence des Germes, ont tenté de foulager un 
peu limagination , en inventant une autre hypo. 
thefe. Ils ont fuppofé que les Germes étoient 
répandus univerfellement dans toutes les parties 
de notre Globe, dans Air, dans l'Eau , dans 
la Terre, dans le corps des Plantes & des Ani- 
maux, &c. mais qu'ils ne parvenoient à fe dé- 


feule différence effentielle qu’il y ait ici entre le Tout végé- 
tal & le Tout animal, c’eft que, dans le premier , les bran- 
ches & les rameaux demeurent toujours unis au tronc, au lieu 
que dans le fecond , cette union n’eft qu’à temps. Si donc on 
admet que l’Arbre n’a pas exifté fans fes branches & fes rameaux, 
on devra admettre pareïllement que Le Polype n’a pas exifté fans 
fes rejettons ou fes Petits. 

Les eaux croupiflantes & certaines infufisns recelent un 
Animalcule fphérique, que fon tournoiement fur lui - même 
a fait nommer Vozvox, & qui eft bien plus favorable encore 
à l'hypothefe de l'emboîtement. Tout fon intérieur eft tranf- ! 
parent, @& permet d'y appercevoir au microfcope de petites : 
fpheres ; dans celles-ci, d’autres fpheres ; dans ces dernieres, 
d'autres encore; @ toutes ces fphérules font autant d’Ani- 
cules d° méme efpece, renfermés les uns dans les autres, 
qui fe développent fucceflivement, & parviennent bientôt à 
la grandeur de lAnimalcule - Mere, qui les contient tous. 
On eft parvenu à découvrir dans ce furprenant Animalcule 
jufqu'à la cinquieme génération , & il y a bien lieu de 
penfer qu'on pénétreroit plus avant dans ce petit abyme de. 
générations, fi l’on parvenoit à perfeétionner davantage nos 
microfcopes. 


DELA NATURE. VII Part.) 67 


velopper que dans des matrices appropriées. 
Ainfi dans cette hypothele de la diffémination , 
les Germes d’une efpece donnée ne peuvent 
fe développer que dans des Touts organiques 
de mème cfpece : ils font les feuls qui renfer- 
ment les conditions nécellaires au développement. 


Les autres Corps ne font proprement que 
des réceptacles de Germes : ils y demeurent 
tant que ces Corps fubfiftent : ils en fortent 
dès qu’ils font détruits. 


Das cette hypothefe, les Germes font donc 
inaltérables. Leur petitefle eft telle, qu’elle les 
met hors de la portée des caufes qui operent 
la diflolution des autres compolés; & cette pe- 
titefle mème, ramenée au calcul, {eroit encore 
bien effrayante, Il y a plus; comment des Ger- 
mes snaltérables parviennent-ils à fe développer 2? 
Il eft donc des caufes qui agiflent fur eux & 
qui les modifient ? D’où vient que ces caufes 
n’ont pu agir plutôt? Elles exigent pour fe 
déployer un concours de circonftances qui ne 
fe rencontrent que dans la fécondation. Pour- 
quoi les Germes du Pècher ne peuvent-ils {e 
développer dans le Prunier, qui nourrit fort bien 
une greffe de Pècher (4) ? 


(4) tt Un citron, gros au plus comme un pois, greffé 
E 2 


68 C10: NUE MOPNE ANT NOR 
EY 


C'E:A.P: ER EHESS 


La génération. Le Poulet. 


Ux œuf infécond a un jaune comme un œuf 
fécond. Les Femmelettes ont fu cela de tout 
temps ; & c’eft pourtant de ce petit fait fi connu, 
fi peu approfondi & fi digne de l'être, que vient 
de fortir un trait de lumiere, qui a fort éclairci 
les ombres dont le grand myftere de la génération 
eit encore enveloppe. 


CEs Génies hardis, qui aiment tant à de- 
viner la Nature, qui inventent des théories 
avaut que d’avoir obfervé, & qui effaient en- 
fuite de les vérifier par des obfervations où ils 
ne voient encore que ces théories; ces Gé- 
nies, dis-je, plus {yitématiques qu’obfervateurs, 
avoient-ils deviné que le jaune de l'œuf fût 
linteftin du Poulet ? Non; & s'ils l’avoient en- 


fur une branche d'Oranger, y parvient à fa pleine maturité, 
comme il l'auroit fait fur fon propre Sujet, & retient conf- 
tamment fes qualités de citron. On ne voit donc pas dans 
l'hypothefe de la diffémination , pourquoi les Germes du 
Citronnier ne te développent pas dans l’Oranger, ou pour- 
quoi celui-ci ne porte pas à la fois des oranges & des citrons. 


DELA NATURE VII Port. 69 


trevu, je ne fais fi l'Efprit de fyftème leur auroit 
permis d’avouer les conféquences qui en décou- 
lent naturellement. 


DoxxNez toute votre attention à ceci; vous 
allez toucher du doigt une vérité hnportante. 
Une membrane tapifle intérieurement le jaune 
de l'œuf, & cette membrane, qui n’elt que la 
continuation de celle qui revèt l'inteftin grele 
du Poulet, eft commune à Peftomac, au pha- 
rinx , à la bouche, à la peau, à l’épiderme. 
Une autre membrane revèt extérieurement le 
jaune, & cette membrane n’eit que la conti- 
nuation de celle qui recouvre l'inteftin : elle s’u- 
nit au méfentere & au péritoine. Les arteres 
& les veines qui rampent dans le jaune, tirent 
leur origine des arteres & des veines mefen- 
tériques de l'embryon. Le {ang, qui circule 
dans le jaune , recoit du cœur le principe de 
fon mouvement. 


LE jaune eft donc effentiellement une dépen- 
dance des inteftins de l’embryon, & ne com- 
pofe avec lui qu'un mème Tout organique (1). 


(1) ff Ceci demande un petit éclairciflement : car je pré- 
fume que mon Leéteur ne comprend pas bien comment le 
jaune eft une dépendance effentielle de l'inteftin de l'embryon. Ii 


E3 


ro CONTEMPLATION 


Ainfi, dans les premiers temps, le Poulet eft, 
en quelque forte, un Animal à deux corps ; la 
tète, le tronc & les extrèmités compofent l’un 
de ces corps ; les inteftins & le iaune eompofent 
Pautre. À la fin de l’incubation , le fecond corps 
eft repoufé dans le premier, & les deux n’en 
font plus qu’un feul. 


fais, puifque le jaune exifte dans les œufs 
qui n’ont point été fécondés, il s’enfuit nécef- 


y a ici une forte d’équivoque que je ne dois pas laiffer fub. 
filter. Ce n'eft pas le jaune lui-même qui eft une dépendance 
de l’inteftin de l'embryon : le jaune n’eft qu'une liqueur hui- 
jeufe & nourriciere; mais cette liqueur eft renfermée dans 
une double enveloppe, fine & tranfparente, & c'eft cette 
enveloppe qui eft une dépendance ou une eontinuation de 
l'inteftin de l'embryon. Ainfi, tandis que le Poulet ne fe 
montre encore que fous l’afpe&t d’un petit Ver étendu en 
ligne droïte , il fort de fon inteftin un appendice énorme, une 
forte d’hernie ou de fac plein d’une liqueur jaune, deftinée à 
ie nourrir. 

Le jaune tient pat des vaiffeaux à la matrice de la Poule. 
& par d’autres vaileaux au cœur de lembryon. Pendant le 
féjour de l'œuf dans la matrice, c’eft celle-ci qui fait croître 
toutes les parties de celui-là. Vient-il à s’en détacher ? il ne 
refte plus que l'impuilfion très-foible du cœur de l’embryon ; 
mais cette impulfon acquiert une nouvelle force au moment 
que l'œuf eft Fécondé, & toutes les’ parties de l’embryon com- 
mencent à fe déployer & à revêtir de nouvelles formes & un 
nouvel arrangement. 


DE LA'NATURE. VII Part. 5x 


fairement que le Germe préexifte à la féconda. 
tion. Cette conféquence faute aux yeux: vous 
venez de voir que le jaune eft une partie eflen. 
tielle du Poulet: vous avec reconnu l’étroite 
communication qui eft entre l’un & l’autre. Le 
Poulet na donc pas exifte fans lui. Les mem- 
branes. & les vaiffeaux de celui-là ne font qu’une 
continuation des membranes & des vaifleaux de 
celui-ci. Et combien d’autres chofes qui leur 
font communes, & qui prouvent qu'ils n’ont 
jamais exifté {éparément! Le Poulet étoit donc 
tout entier dans l’œuf avant la fécondation. Il 
ne doit donc pas fon origine à la liqueur que 
le Cog fournit : il étoit defliné en petit dans 
l'œuf, antérieurement au commerce des fexes. 
Le Germe appartient donc uniquement à la 
Femelle (2). 


(2) tt Divers Amphibies nous fourniffent d’autres preuves 
de cette grande vérité, & ces preuves font plus direétes encore. 
M. SPALLANZANI a démontré par une fuite nombreufe d’ob- 
fervations bien faites, que ce qu'on nomme les œufs dans la 
Grenouille ou le Crapaud, n’en font point, mais qu’ils font 
réellement le petit Animal ou le Tétard, hien complet, re- 
plié fur lui-même, & qu'on appercoit diftinétement dans les 
drétendus œufs non fécondés, comme dans ceïx qui l'ont 
“*t£. L'Obfervateur a démontré la même ehofe dans les Sa- 
iamandres aquatiques. Il a plus fait encore : il a fécondé 
artificiellement les embryons préexiftans de ces divers Amphi- 
bies , & il lui a fuff , pour opérer cette finguliere fécondation, 


E 4 


72 CONTE M P L'A TION 


Tezre eft la grande conclufion qui découle 
immédiatement des faits, & qu’on ne fauroit 


de toucher l’efpece d'œuf avec la pointe d’une aiguille ou d’un 
pinceau humedtés légérement de la liqueur du Male. 

C’eft à-peu-près de la méme maniere que s’opere la féconda- 
tion naturelle de ces Amphibies : on n’ignore pas , en effet, 
qu’elle ne s'exécute point dans l’intérieur de la Femelle. Le 
Mâle de ia Grenouille ou du Crapaud répand fa liqueur fur 
les œufs que la Femelle vient de pondre, & lépaiffe cou- 
che de glaire dont ils font alors enveloppés , n'empêche point 
que cette liqueur ne pénetre jufqu’à l'embryon. Il en eft de 
méme encore de la fécondation chez les Poidons à écailles. 
Le Mâle répand fes laites {ur les uves, après que la Femelle 
s'en ef déchargée. Avant qu: M. SPALLANZANI eût tenté 
de fecondet artificiellement les efpeces d'œufs de la Grenouille 
& du Crapaud , un autre Obfervateur avoit réuMi à Féconder 
de la forte les œufs de divers Poiffons. 4 

Ainfi, ce qui fe paffe à découvert dans a fécondation 
des œufs des Poiffons & des Amphibies, fe pafle dans l’obf- 
curité d'un ovaire chez les autres Animaux. C’eft donc tou- 
jours pat dehors que l'œuf eft fécandé, foit chez les Ovi- 
pares , foit chez les Vivipares; & il étoit bien naturel de le 
fuppofer, dès qu'on admettoit que l'embryon préexifte tout 
entier dans l'œuf; car on devoit en inférer que le fperme 
n'agifloit que comme un principe ftimulant & nourricier. 
Mais cette maniere fi fimple & fi philofophique de conce- 
voir la fécondation , ne devoit pas venir à l'efprit des Phy- 
ficiens, qui rejetoient toute préformation organique, & qui 
imaginoient que l'embryon fe formoit méchaniquement par 
certain s forces de rapport, ou par la réunion fucceflive de 
certaines srolécules émanées du Mâle & de la Femelle, & 
moulées dans iur intérieur. 


rte 


DE LA NATURE. VIL Pur. 73 


infirmer fans infirmer la vérité des faits. Voilà 
ce que la Nature elle-mème a révélé à un Ob- 
fervateur attentif, qui avoit fu l’interroger com- 
me elle veut l'être. il ne s’étoit pas attendu 
à cette réponfe, & fon témoignage en eft d’au- 
tant moins fufpe. Quelques obfervations moins 
exactes le failoient pencher vers l’épigénefe (3) ; 
il n’a été ramené à l’évolution que par la force 
des preuves. Mais tous ceux qui font profef. 
fion de chercher la vérité, n’ont pas pour 
elle le mème zele: quand on a élevé à grands 
frais un fyftème nouveau, & qu’on a déployé 
toutes les reflources de fon art pour l’étayer 
& l’embellir, on fouffre impatiemment de le 
voir s’évanouir à la préfence d’un petit fait, 
& avec lui toute la gloire qu’on s’en étoit pro- 
mile. Un petit caillou eft venu frapper contre 
le Colofle, & la renverfé : c’eft que fes pieds 
étoient de terre. L’on tentera fans doute de 
relever ce Coloffe & de l’affermir. La greffe 
s’unit à fon fujet, & ne fait plus avec lui qu’un 
feul corps : l’ergot du Coq peut être greffé fur 
fa tète, & y donner naïflance à des organes 


(3) Epigénefe. Opinion de ceux qui n’admettent point de 
Germes préformés, & qui veulent que l'Animal foit réellement 
engendré pares après parties , de la réunion de différentes molé- 
cules qui s’affemblent en vertu de certains rapports. 


#4 CONTEMPLATION 


qui ne paroïfoient point exifter auparavant. Des 
tronçons de diHérens Poiypes, mis bout à bout, 
fe greffent de mème les uns aux autres, & ne 
compofent plus qu'un Polype unique. Sur de 
pareilles analogies, on prétendra que le jaune 
fourni par la Poule fe greffe avec le Germe 
fourni par le Coq. Il faut donc éter encore 
cette refource aux opiniâtres défenfeurs de l’e- 
pigénefe. 


LE jaune a fes liqueurs, qui lui font appor- 
tées par fes arteres. Elles circulent, & fans les 
veines point de circulation. Mais les arteres & 
les veines du jaune tirent leur origine des ar- 
teres & des veines méfentériques du Fœtus : 
le cœur de celui-ci eft donc le principe de la 
circulation qui s’opere dans le jaune. Au temps 
de la fécondation , le Fœtus ne pefe pas la cen- 
tieme d'un grain. Le jaune eft alors du poids 
d’une dragme. Il a des vaifleaux proportionnés 
à fon énorme taille. Détachez par la penfée 
une artere ombilicale du Foœtus ; greffez-là fur 
le bout rompu de celle qui unifloit le jaune au 
corps de la Poule, vous voudriez, par un vaif 
feau qui n’a qu'un dix-millieme de ligne de 
diametre, faire circuler le fang du jaune, dont 
lartere a un dixieme de ligne de largeur ! D'un 
autre côté, vous voudriez enter le conduit du 


es 


DE LA NATURE. VII Part. 75 


jaune, grand de demi-ligne, fur un inteftin 
qui n’a pas la millieme partie de ce diametre, 
entreprendriez- vous de mettre la Machine de 
Marly en mouvement avec un filet d’eau d'un 
pouce? Et puis, quelle foule de circonftances 
ne faudroit-il pas qui concouruffent à la fois 
pour faire réuflir une greffe pareille à celle que 
vous fuppofez (4)? 


ABANDONNEZ donc cet entaflement monf- 
trueux de fuppofitions gratuites, & laiflez:vous 
aller au courant des faits; vous lui réfifteriez 
vainement, il vous entraîneroit enfin. Si le Ger- 
me préexilte tout entier à la fécondation, ce 
que nous nommons génération n’en elt point 
une ; mais ce n’eft que le commencement d’une 
évolution qui amenera peu-à-peu au grand jout 
des parties cachées auparavant dans une nuit 
impénétrable. 


L’EVOLUTION ou le développement s’opere 


(4) Ceci m'a été communiqué par M. de HALLER , depuis 
la publication de mes Confidérations fur les Corps organifés. 


tt Une autre confidération bien propre à faire fentir l’im- 
probabilité de la greffe dont il s’agit, fe tire des nerfs qui 
accompagnent par-tout les vaiffeaux , & qui rendent le cas plus 
compliqué encore, 


76 C'ONTE M D'LA T'PUN 


par la nutrition : vous l'avez vu. La nutrition 
fuppote la circulation ; vous l'avez vu encore. 
Enfin, vous avez vu que le cœur eft le prin- 
cipe de la circulation. 


S'IL fe fait une circulation dans le Germe 
avant la fécondation, vous conviendrez au moins 
qu’elle n’eft pas {ufhfante pour opérer cette 
évolution totale, qui. rend le Germe vifble, 
& qui donne à toutes fes parties les formes, 
les proportions & l’arrangement qui caradtérifent 
J'Efpece. 


LE Germe ne peut donc achever de fe dé- 
velopper dans un œuf qui n’a point été fécondé, 
& l’incubation ne feroit que hâter fa corrup- 
tion. Cependant, que lui manque-t-il pour con- 
tinuer à croître? Il a tous les organes nécel- 
faires à l’évolution. Il a mème déja pris un cer- 
tain accroiflement; car les œufs croifflent dans 
les Poules vierges, leurs ovaires en renferment 
de toutes grandeurs. Le Germe y croît donc 
auf. Pourquoi ne peut-il fe développer davan- 
tage ? Quelle force fecrete le retient dans les 
limites de linvifibilité 2 


L'ACCROISSEMENT dépend de l’impulfion du 
cœur. Un plus grand accroiflement dépend donc 


D'EFEA NA TUR E.';VIL «Part. 97 


d’une plus grande impulfion. Ce degré d’impul- 
fion manque donc au cœur du Germe qui n’a pas 
été fécondé. 


CEcr démontre une certaine réfiftance dans 
les parties du Germe. À mefure qu’il croît, cette 
’ in F 
réfiftance augmente. Les unes réliftent plus que 
les autres; les parties offeufes ou qui doivent 
le devenir plus que les membraneufes, ou qui 
doivent toujours demeurer telles. 


LE cœur du Germe a donc befcin d’un degré 
de force déterminé pour furmonter cette réfif- 
tance. Sa force eft dans fon irritabilité où dans 
le pouvoir de fe contracter de lui-mème à lat- 
touchement d’un liquide. Augmenter l’irritabi- 
lité (s) du cœur, c’eft donc augmenter fa force 
impulfive. 


La fécondation accroît fans doute cette force , 
& elle peut feule laccroître, puifque ce n’eit 
que par fon intervention que le Germe parvient 
à franchir les limites étroites qui le retenoient 
dans fon premier état. 


La liqueur fécondante eft done un vrai fH. 


{s) Voy. Chap. IT, fur la fin, 


oo 


7% CONTEMPLATION 


mulant , qui, porté au cœur du Germe, l’excite 
puiffamment & lui communique une nouvelle 
activité. Voilà en quoi confifte ce que nous nom- 
mons la conception. Le mouvement une fois im- 
primé au petit mobile, s’y conferve par la feule 
"2 . . , . 

énergie de {on admirable méchanique. 


Mars il ne fuffit pas que le cœur acquiere 
une force capable de furmonter la réfiftance des 
{olides ; il faut encore que le fluide qu’il leur 
envoie & qui doit les nourrir, foit propor- 
tionné à la prodigieule finefle des vaifleaux. Un 
fang tel que le nôtre n’y circuleroit pas. Le 
fang de l'embryon eft d’abord une liqueur blan- 
châtre; elle jaunit par degrés, & rougit en- 
fuite. Plus limpulfion du cœur dilate les vaif- 
feaux, & plus ils admettent de molécules grof- 
fieres, hétérogenes & colorantes. 


La liqueur prolifique n’eft donc pas un fim- 
ple flimulant; elle eft encore un fluide nourri- 
cier, approprié à l’extrème délicatefle des par- 
ties du Germe. Elle s’acquittoit déja dans l’'in- 
dividu fécondateur des fonctions de fluide nour- 
icier : elle failoit croître fa crête , fes ergots, &c. 
& donnoit de la force à toutes fes parties. 
Vous connoïfflez la dégénération du Chapon, 
& combien elle le différencie du Coq. Vous 


DE LA NATURE. VII Part. 79 


aurez bientôt d’autres preuves que la liqueur 
prolifique eft le premier aliment du Germe (6). 


(6) tt Chez le Poulet, le fecond aliment du Germe ef 
le blanc de l'œuf , plus étendu que le jaune. & Fort femblable 
à la lymphe de l'Homme & des Quadrupedes. Il fe méle au 
jaune fans s'y confondre, & prend facilement la confiftance de 
gelée. Ii fe coagule par la chaleur ; & comme il eft fufceptible 
d'endurcifle ment , il faut qu’il contienne un pen de terre. L’ex- 
périence le prouve en effet, & c’elt de cette terre que dépen. 
dent les premiers degrés de confiftance que prennent peu-à-peun 
les folides. 

Ainf, au commencement de la premiere période de fa vie, 
l'embryon n’eft nourri que par un fluide tranfparent & prefque 
fans couleur. Peu-à-peu le calibre des vaifleaux ombilicaux 
augmente , & on voit apparoitre le premier fang. Il eft fourni 
par le jaune. Il eft donc d’abord jaunâtre, puis jaune; enfuite 
rougeûtre, & enfin rouge. 

On a vu les vaiffeaux ombilicaux rougir au bout de dix 
- jours dans la Truie & dans le Fæœtus d’une Chienne , qui ne 
paroifoit pas plus gros qu’une graine de Lupin ; le onzieme 
jour dans le Fætus d’une Lapine ; le quatorzieme dans le Fœtus 
humain; le dix-neuvieme dans celui de la Brebis, 

L'embryon eft d’abord tout tranfparent & prefque fans cou- 
leur, comme la lymphe qui le nourrit. Il prerd enfuite une 
teinte de blanc. Le blanc eft donc la premiere conleur de 
l'Animal. 

L’urine eft l'humeur qui paroît fe féparer la premiere dans 
le Poulet. Le réfervoir où elle s’amafle eft déja très - grand, 
tandis que les autres vifceres ne fe diftinguent point encure. 
L’urine m’eft alors qu’une pure férofité fans couleur & fans 
goût. Iljen eft à-peu-près de même de la bile : elle eft d’abord 


$8o CONTEMPLATION 


PORTÉE par les arteres à toutes les parties, 
elle s’unit à elles dans un rapport déterminé à 
la nature propre de chacune. De-là laccroifle- 
ment dont nous nous fommes aflez occupés. 


LE Poulet ne tarde pas à perdre {a forme de 


fans couleur, revêt enfuite différentes nuances de verd pour 
arriver au jaune. Sa faveur fuit des gradations analogues. 

Au refte, quoique la fécrétion de l'urine {vit celle qui fe 
manifefte la premiere dans l'embryon du Poulet, il ne faut 
pas croire que les autres fécrétions ne s’operent pas en même 
temps. Tous les organes font contemporains dans lembryon, 
& il n'acquiett pas dans un temps des organes qu’il n'avoit 
pas dans un autre. Tous travaillent donc à la fois; mais les 
réfultats de ce travail n’apparoiflent pas à la fois ou ne font 
pas également perceptibles, & l'on voit aMez que la fécrétion 
de l'urine elle-même fuppofe effentiellement une multitude 
d’autres opérations animales, & en particulier la filtration 
du fluide nerveux. Avant la fin du fecond jour, la tête eft 
déja très-apparente & fe montre fous la forme de trois petites 
bulles, @& dès le commencement du troilieme jour on voit 
apparoître les arteres qui portent le fang au cerveau. Elles 
avoient toujours exifté , mais leur tranfparence & celle du fluide 
fufifoient pour les dérober aux yeux. 

Il eft fi vrai que l'embryon lui-même eft déja tout formé, 
Jorlqu'il ne fe montre que fous l'apparence trompeufe d’une 
goutte de mucofité, que fi on le touche avec un pinceau hu- 
mecté d’efprit-de-vin ou de vinaigre, il deviendra auffi-tôt 
vifible d'invifible qu’il éteit auparavant , & on ne pourra plus 
méconnoître {on organifation, 


Tétard. 


DE LA NATURE. Wii. Part. 81 


Tétard. Des aîles, des cuifles, des jambes, des 
pieds fortent de fa longue queue. Tout fe dé- 
ploie, fe façonne , s'arrange fur un nouveau 
modele. Le petit Animal, étendu auparavant en 
ligne droite , fe courbe de plus en plus. Il fe 
revèt fucceflivement de mufcles, de tendons, 
de chairs, de plumes, & en dix-huit ou vingt 
jours il eft un Poulet parfait, : 


Ce SL 


{it 


PME LRE X"E 


Continuation du même [ujet. La génération du 
Mulet. 


S: le Poulet préexifte dans la Poule, il y a 
bien de l’apparence que le Cheval préexifte dans 
la Jument. La chofe feroit plus que probable, 
s’il étoit démontré que les Petits des Vivipares 
{ont d’abord renfermés dans des œufs, & que 
toute la différence qui eft entre les Vivipares 
& les Ovipares, fe réduit à ceci, que les pre- 
miers éclofent dans le ventre de leur Mere, & 
les derniers après en être fortis. 


Aux deux côtés des Femelles vivipares eft 
un corps en maniere de grappe’, dont les grains. 
Tome Il. | 


g2 C:0: NN E MP E 4 FE GUN 


font des efpeces de vélicules , pleines d’une li- 
queur affez limpide. Ce font les ovaires. Ils com- 
muniquent avec la matrice par deux canaux 
qu’on nomme les trompes. Des obfervations fûres 
prouvent que la liqueur prolifique pénetre dans 
la matrice, &s’éleve par les trompes jufqu'aux 
ovaires. C’eft-là que la fécondation s’opere. Plus 
d'une fois on a trouvé des Fœtus dans l'ovaire 
mème. Ily a plus, & ce fait eft bien important; 
on a trouvé dans une véficule de l'ovaire, un 
Faœtus complet, defliné en miniature [1]. 


Les véficules de l'ovaire ne font donc pas de 
fimples hydatides ou des tumeurs pleines d’eau , 
comme on l’avoit cru; ce font de petits corps 
très-organifés , de véritables œufs, qui, apres la 
fécondation, defcendent par les trompes dans 


[1] ++ La plus remarquable des obfervations de ce genre, 
eft celle du célebre LITTRE, dont. le témoignage eft d’un G 
grand poids. Le Fæœtus qu'il découvrit dans la véficule, n’a- 
voit que trois lignes de lonçueur fur une ligne & demie de 
largeur. Il nageoit dans une liqueur vifqueufe , analogue ‘au 
blanc de l'œuf, La tête y était apparente, & on y diftin* 
gquoit même une petite ouverture à l'endroit de la bouche, 
& une petite éminence à celui du nez. IL eft bien d'autres 
obfervations qui vont à l'appui de celle-ci, &.qui concou- 
rent toutes à établir l'opinion de plufeurs Phyfiologiftes, que 
les véficules de l'ovaire chez les Vivipares, font de véritables 
œufs. 


og ANT 


DE LA NATURE. VII Part, 83 


la matrice, & y font en quelque forte couvés. 
Ils y pouffent bientôt de petites racines, qui 
portent la nourriture à l'embryon. La foupleffe 
de leurs membranes leur permet de s'étendre 
& de fe prèter aux accroiflemens du petit Ani- 
mal qu’elles renferment [2]. Îl eft vrai que nous 
ne fommes pas familiarifés avec des œufs qui 
troiflent. Mais l'Hiftoire des Infeétes nous four- 
nit en ce genre divers exemples [3]. Elle nous 
montre mème des Infeétes qui font vivipares 


[21 tt On connoît les fimeufes obfervations de HARVEY 
£ur les Biches, & celles de M. de HazLER fur les Brebis, 
11 réfute des unes & des autres, que l'embryon de ces dif- 
Férens Quadrnpedes n’eft d’abord qu’une forte de mucofité 
où l’on ne déméle rien d’organique. L’embryon de la Brebis 
eft prefque fluide jufqu’au dix-feptieme jour. On n'imagine- 
toit point alors qu’on a fous les yeux un Tout très-organifé ; 
mais après ce terme, on découvre un Fœtus bien formé, 
d'environ trois lignes de longueur, & renfermé däns fes en 
veloppes. Ainf il avoit pris fes premiers accroiflemens fous 
la forme trompeufe d’un petit corps gélatineux, en apparence 
inorganique : il étoit donc déja tout organifé, puifqu'il croif- 
Soit, & que l’accroiflement qui fuppofe effentiellement la nu- 


trition, fuppofe par conféquent le concours d’une multitude 
d'organes. 


[3] Les œufs des Mouches des galles & éeux des Mouches 
à fcie, croiffent confidérablement après avoir été pondus. Leur 


enveloppe purement membraneufe leur permet de s'étendre en 
tout fens. 


F 2 


84 CONTEMPLATION 


dans un temps, & ovipares dans un autre [4i: 
Les Petits étoient donc logés d'abord dans des 
œufs; tantôt la Mere pond fes œufs, & tantôt 
elle fait des Petits vivans, qui éclofent de ces 
œufs , tandis qu’ils font encore dans la matrice. 


IL n’eft donc pas douteux que les Petits des 
Vivipares ne foient contenus originairement dans 
des œufs. Il en eft donc des véficules de l'ovaire ; 
comme des œufs de la Poule: un Germe y 
préexifte; mais fa fluidité & fa tranfparence 
nous le dérobent: la fécondation le rend vifble. 


Mas fi un Ane féconde une Jument, il naîtra 
de ce commerce un Animal, qui ne fera point 
proprement un Cheval, & que lon connoît 
fous le nom de Mulet. C'étoit pourtant un Che- 


[4] +f Il s’agit ici des Pucerons : mais chez ces petits In- 
fees, ce ne font pas les mêmes Individus qui ont été trouvés 
vivipares dans un temps ; & ovipares dans un autre, comme 
je le laiflois penfer. 11 eft feulement bien prouvé que dans 
cette Efpece il ef des Individas ovipares qui fuccedent dans 
Yarriere faifon ‘aux Individus vivipares. Mais on trouve 
dans l'intérieur de ceux-ci des corps arrondis, précifément 
femblables aux œufs que ponéent ceux à. Le Polype à pa- 
nache eft bien à la fois vivipare & ovipare : il pouffe des re- 
jettons, & pond des œufs. On trouve à la fois dans la 
Salamandre & dans la Vipere, des œufs & des Petits vivans. 


DEL À NATURE. VIE Part. $4 


val qui étoit deffiné en petit dans l’œuf de la 
Jument : comment a-t-il été transformé en Mu- 
lec? D'ou lui viennent ces longues oreilles & 
cette queue effilée , fi différentes de celles du 
Cheval ? La diftin@tion augmente la difhcuité; 
elle nous apprend que cette efpece de transforma- 
tion n’aflecte pas feulement l'extérieur de PA- 
nimal, mais qu’elle porte encore fur fon inté- 
rieur. La voix du Mulet imite beaucoup celle 
de lAne, & ne reflemble point du tout au hen- 
nifement du Cheval. L’organe de la voix de 
PAne eft un inftrument très-compofé. Un tam- 
bour d'une ftru@ure finguliere, logé dans le la- 
rynx , eft la piece principale de l’inftrument. Ce 
tambour n’exifte point dans le Cheval, & on 
le trouve dans le Mulet [ÿ]. 


La liqueur que le Mâle fournit pénetre donc 
le Germe, puifqu’elle y produit de fi grands 
changemens [6]. Elle eft donc en rapport avec 


Cs] #t Confultez fur l'organe de la voix de l'Ane, & fur 
celui de la voix du Cheval, la deiniere Note du Chap. V de 
cètte Partie. j 


[61 ff Remzrquez que je dis ici, comme je l'ai dit ail- 
leurs, & comme je l'ai toujours penfé, que c’eft la liqueur 
féminale elle-même qui pénetre le Germe , & non la fimple 


. odeur de cette liqueur, l’uvra feminalis, comme l’avoient cru 


F 3 


36 C'ONTEMEPF L A4 TON 


le Mâle, puifqu’elle imprime au Germe différens 
traits de ce dernier. 


Maïs ces rapports de la liqueur prolifique au 
Mâle qui la fournit, doivent dépendre nécef- 
fairement des organes qui la préparent. On fait 
quelle eft leur admirable compoftion. On n’ad- 
mettra pas que cette liqueur, après avoir été 
moulée dans le corps du Mäle, eft renvoyée 
de toutes fes parties aux organes de la géné- 
ration , comme à un dépôt commun, pour y 
repréfenter le tout en petit. Elle ne peut arri. 
ver à ce dépôt commun que par les routes de 
la circulation. Elle rentreroit donc dans la male 
du fang; il faudroit des organes pour l’en fépa- 
rer de nouveau, & ces organes feroient encore 
ceux de la génération. 


IL y a donc dans ces organes des vaifleaux 
qui féparent des molécules relatives à différentes 
parties du grand Tout. Ces molécules font por- 
tées aux parties correfpondantes du Germe, 
puifque ces parties font modifiées par l’action 


de grands Phyfologiftes, & en particulier l'illuftte HALLER. 
La fécondation artificielle a démontré rigoureufement à M. 
SPALLANZANI que l'odeur la plus concentrée du fperme eft 
dans l’impuiffance abfolue de féconder le Germe. 


DELA NATURE. VIL Part. 87 


de la liqueur prolifique. Elle s’incorpore donc au 
Germe : elle eft donc le premier aliment du Ger- 
me, comme je le difois plus haut. 


Les divers fyflèmes de vaifleaux qui prépa- 
rent cette liqueur , repréfentent donc, pour ainfi 
dire, en petit, différentes parties du graud Ani- 
mal. Ils font des efpeces de modeles où diffé- 
rentes molécules vont fe faconner ; ou plutôt 
ils {ont des efpeces de filtres , de couloirs ou de 
filieres , appropriés à des molécules diverfement 
proportionnées & figurées [7]. 


Les organes de la génération de l’Ane ont 
donc du rapport à fes oreilles & à fon larynx; 
car ils préparent une liqueur qui modifie les 
oreilles & le larynx du petit Cheval renfermé 
dans l’œuf. 


Sr tout eft préformé, fi rien n’eft engendré, 
les longues oreilles & le tambour du Mulet n'ont 
5 4. 
pas été engendrés non plus. La liqueur proii- 
fique ne crée rien, mais elle peut changer ce 
q [ 8 
qui exiftoit déja. Elle n’engendre pas le Poulet 
qui préexiftoit à la fécondation. 


[7] tt On peut juger de Part prodigieux qui regne dans 
les organes de la génération , par ce que j'ai expoié fur ceux 
des fécrétions dans la Note 4 du Chap. VI de cette Partie. 


F4 


ER RE EEE 


88 CONTEMPLATION 


L’ACCROISSEMENT dépend de la nutrition; 
celle-ci, de lincorporation. En mème temps 
qu'une partie croit, elle acquiert de la folidité. 
Un exces d’accroiffement dans une partie, fup- 
pofe donc une furabondance de fucs nourriciers , 
ou de fucs plus actifs. L’excès d’accroiffement 
qu’éprouvent les orcilles du Cheval par l'in- 
fluence de la liqueur de l’Ane, indique donc 
que cette liqueur contient plus de molécules ap- 
propriées au développement des oreilles, que 
ceile du Cheval, ou que les molécules de la 
premiere font plus actives que celles de la {e- 
conde. 


S1 la liqueur prolifique s’incorpore au Germe , 
elle doit renfermer des molécules analogues aux 
élémens des différentes parties du Germe; car 
nous avons vu que l’incorporation réfulte en 
dernier reflort de l’analogie qui eft entre ce qui 
nourrit & ce qui eft nourri. Cette liqueur doit 
être encore en rapport avec le plus ou le moins 
de parties à développer dans chaque organe. Il 
y a plus de parties à développer dans les oreilles 
& dans le larynx de l’Ane, que dans ceux du 
Cheval. La liqueur du premier , portée dans 
le Germe du Cheval, y travaillera donc davan- 
tage fur les oreilles & fur le larynx , que n’au- 
roit fait celle du fecond. Élle ne s’y bornera pas 


“nié np 


DE LA NATURE. VIL Pt. 89 


à changer les proportions , elle changera encore 
les formes, & ce changement de formes peut 
réfulter de celui des proportions. Certaines parties 
font déterminées à croître plus que d’autres, 
& beaucoup plus qu’il ne convient à lEfpece. 
L’excès d’accroiffement des unes occañonnera 
dans les autres des preflions qui changeront 
leur forme, leur direction , leur pofition, &c. 
Les unes feront déterminées à s’oflifier, les au- 
tres à refter molles, &c. 


CE ne font là, à parler exatement, que de 
fimples modifications de ce qui étoit déja pré- 
forme. N’imaginez pas que le larynx du Mulet 
{oit précifément femblable à celui de lAne; il 
n’en elt qu’une imitation ; & celui du Cheval, 
qui eft aufli afez compofé , peut renfermer des 
pieces encore inconnues, capables d’être mo- 


difiées dans un certain rapport au larynx de 
lAne. 


L’EXTREME mollefle, je devrois dire la flui- 
dité du Germe, rend toutes {es parties très- 
modifiabies. Des changemens que vous ne fau- 
tiez concevoir dans l’Adulte, dépendent ici des 
plus légeres caufes. 


Mars fi la liqueur fécondante modifie le Germe, 


go GO NTE MP L AT TO NN 


celui-ci modifie à fou tour l’action de cette li- 
queur. En vertu de fon organifation, il tend 
à conferver fon état primitif; il réfifte plus ou 
moins à un nouvel arrangement, & il ne cede 
qu’en retenant toujours quelque chofe de fa pre- 
miere forme. 


Le Mulet eft ftérile (8): ce neft pas que fes 
organes générateurs foient extérieurement mal 
conformés; mais ils le font intérieurement , & 
ce défaut de conformation intérieure, nous ne 
pouvons le reconnoître que par la liqueur que 
le Mulet fournit. Elle manque de ces Animal- 
cules qui fourmillent dans toutes les liqueurs 
prolifiques. Elle n’a donc pas les qualités requi- 
les à ces Animalcules ; elle eft. dans le cas des 
liqueurs infécondes qui en font toujours pri- 
vées (9). On voit bien qu’elles ne font pas 


(3) ft Je ne connois au moins aucune obfervation qui 
prouve qu'un Mulet ait engendré. Mais il eft des obferva- 
tions bien atteftées , qui prouvent que des Mules ont engendré 
un Muleton. 


(9) +f Je raifonnois ici d’après les obfervations du Dr. 
H£BENSTREIT , qui aMuroit qu'il n'y a point d'Animalcules 
dans le fperme du Mulet proprement dit. Mais il s’étoit trompé : 
feu M. BOURGELAT s’étoit convaincu par fes propres yeux, 
que le fperme du Mulet eft auffi peuplé d’Animalcules que 


PRERB AN À FT U-R E: VIL Pars. gx 


infécondes , précifément parce qu’elles manquent 
de ces Animalcules ; mais qu’elles manquent de 
ces Animaicules, précifement parce qu’elles font 
infécondes. Ces Vermifleaux fi petits, auxquels 
on failoit jouer un fi grand rôle dans la géné- 
ration, n’en peuvent plus ètre les principaux 
acteurs, des qu'il eft démontré que le Germe 
préexifte tout entier dans la Femelle. La feule 
infpeétion d'un œuf de Poule a fufñ pour dé- 
truire ce fyflème, & tous ceux qu’on avoit 
élevés fur la mème bafe. Mais, fi ces Animal- 
cules ne fe trouvent point dans la liqueur du 
Mulet, c’eft un indice certain du défordre fur- 
venu aux organes générateurs du Cheval, & 
ce défordre eft la fuite naturelle du commerce 
de lÂue avec la Jument. La liqueur de lAÂne, 
qui peut développer tant d’autres organes du 
Cheval, & qui en développe quelques-uns avec 
excès , ne peut apparemment développer qu’en 
partie ceux dont la confervation de l'Efpece dé- 


celui du Cheval ; auf n’avoit- il apperçu aucüne différence 
entre l'organe de la génération du premier & celui du fecond. 

Il y a, au refte, deux fortes de Mulets, le grand Mulet 
ou le Mulet proprement dit, qui provient de l'union de l'Ane 
avec la Jument; & le petit Mulet ou le Bardeau, qui naît 
du commerce du Cheval avec l’Aneffe. La feule infpeétion de 
ces deux Mulets indique qu'ils tiennent plus en général de la 
Femelle que du: Mâle. 


92 CON TEMPLATION 


pend. Différens vaiffleaux s’obliterent, & il em 
eft de mème de la queue qui ne fe développe 
qu'imparfaitement. 


Toures fortes de liqueurs prolifiques ne fe- 
condent pas toutes fortes de Germes. Il y a 
bien ici une ceitaine latitude , mais cette lati- 
tude a fes bornes. Il en eft de ceci comme de 
Vanalogie des greffes avec leurs Sujets ( 10 ). 
Trop de difparité entre les Efpeces en met trop 
entre les liqueurs & les Germes (11). L’évo- 
lution comilete des organes générateurs exige 
fans doute plus de précifion que celle des autres 
organes. Teiles font les barrieres éternelles que 
PAuteur de la Nature a mifes à l'augmentation 
du nombre de certaines Efpeces. Il femble donc 
que nous puiflions regarder comme Animaux 
de mème Efpece, tous ceux du commerce def 
quels naifflent des Individus mitoyens qui fe 
propagent. 


(so) Voy. Part. VI, Chap. IX. 

Çrr) Ft I eft très-fir que les Mulets chez les Oifeaux pro- 
gagent. Ceux qui proviennent du Chardonneret & du Serin, 
ne propagent pas fenlement entr'eux , mais encore avec leurs 
races paternelles & maternelies. 


LS 


DELANATURE. VIL Part. 93 
EE — "#7? 
PMR LTRE XIL 


— A (= 


Continuation du méme fujet. 


Formation des Monftres. Application aux Végéraux. 


Tu Production organique qui a plus ou 
moins de parties que l’Efpece ne comporte, ou 
qui les a autrement conformées, eft un Monÿre. 
Le Mulet , qui wengendre point, eft donc un 
Monjtre. 


__ Uxe difpute célebre avoit pour objet de fa- 
voir, fi certains Monitres étoient tels origina- 
renent OU par accident. 


IL eft déja bien évident que le Muler n’eft 
pas un Monître d’origine. Les Monftres n’offrent 
pas tant de conftance & d’uniformitée. Un œuf 
du Mulet fe rencontreroit-il dans l'ovaire de la 
Jument, précifément au mème inftant que l'Ane 
la féconde ? 


Deux branches, deux fruits, deux feuilles, 
fe greffent accidentellement, & ne compofent 
plus qu'un mème Tout. L'art exécute d’autres 


| 
| 
É 


bts 


g4 .C:0 NTEME LAT RON 


greffes plus fingulieres, & dans tout cela rien 
d’originairement monitrueux. 


CE qui fe pañle entre deux fruits qui fe gref. 
fent ou qu’on force à fe greffer, peut fe pañer 
dans ja matrice entre deux œufs, ou dans un 
œuf entre deux Germes. Deux Fœtus unis feu- 
lement par l’épine, imitent parfaitement deux 
fruits greffés par approche. Un œuf renferme 
quelquefois deux jaunes ; il renferme donc deux 
Germes. Combien eft il facile qu'ils fe greffent 
en fe développant ? On a vu un Poulet à quatre 
pieds, qui réfultoit, fans doute , d’une pareille 
union. 


Les Germes, d’abord prefque fluides, & 
affez long-temps gélatineux , font très - pénétra- 
bles (1). S'ils viennent à fe toucher, ils fe 
confondront au moins en partie. Des organes 
femblables, qui ne fe pénétreront qu'à moitié, 
fubfifteront dans l’autre moitié. L’on touchoit 


(1) tt Comme il eït bien prouvé qne les Germes croiffent 
avant la fécondation, puifque Les œufs croiflent dans les Poulets . 
vierges, & que l'œuf & le Germe ne forment qu’an même Tout, 
il eft pofible que certaines monftruofités foient produites par 
des caufes antérieures, & peut-être fort antérieures à la fécon- 
dation ; & cette confidération n’eft pas indifférente à la grande 
aueftion de l'origine des Monftres. 


DELANATURE. VII Part. 94 


au doigt cette pénétration réciproque dans un 
Fœtus humain , à deux têtes fur un feul corps. 


Ce Monftre eétoit évidemment formé de deux 
moities de Fœtus foudées lune à l’autre: 


S1 l’état de fluidité ou de gelée rend Îles 
Germes très - pénétrables, il favorife , à plus 
forte raifon, leur union par la greffe ou celle 
de quelques parties entr'elles, foit du mème 
Germe, foit de deux ou de plufieurs Germes. 
La greffe ne s’'unit au Sujet que par des 
fibres gélatineufes où au moiñs encore kRer- 
bacées. De telles fibres font propres à faire de 
nouvelles productions, à s’aboucher & à s’en- 
trelacer enfemble. Deux Polypes s’uniffleut plus 
facilement que deux écorces ; ils font {ur-tout 
plus mols. 


Les grefles accidentelle ‘peuvent donner 
naïiffance à des Monftres qu’on diroit inexpli- 
cables par ce principe, Mais vous n'avez pas 
oublié que toutes les païties organiques ont 
dans le Germe des formes & des fituations 
qui different prodigieufement de celles qu’elles 
auront dans le Fœtus développé. Rappellez à 
votre cfprit le Poulet fous fa premiere forme 
de Tétard, fon cœur fous celle de demi-anneau , 
& vous comprendrez que des äbouchemens qui 


ÿ5 CONTEMPLATION 


vous paroiflent impofhbles dans le Fœtus, 
peuvent devenir faciles dans le Germe. 


L’ANALOGIE des parties favorile encore leur 
union. Cette analogie réfulte de celle des élé- 
mens. Deux membranes ont plus de difpofition 
à s'unir, qu’une membrane & un os ; des par- 
ties femblables d’un mème organe, que des 
parties d'organes differens. 


ENFIN, l’évolution n’eft pas uniforme dans 
toutes les parties du Germe; elles croient 
inégalement, & cette inégalité dans l’accroiffe- 
ment peut influer fur les effets du contact, de 
la preffon, de adhérence, &c. 


AINSI un monftre qui naît avec des mem- 
bres furnuméraires, peut les tenir d’un Germe 
e TA: . , S # 
qui a péri, & dont il n’eft refté que ces mem- 
bres. 


OX voit afflez combien de caufes peuvent 
produire ou oblitérer telles on telles parties, & 
produire un Monitre par défaut. 


Mars tous les Monftres par exçés ne doi- 
vent pas leur origine à l’union de deux Ger- 
mes, Certaines parties peuvent croître excefli. 

vement 


DELA NATURE. VII. Part. 97 


vement par le concours de circonftances par- 
ticulieres, & augmenter le nombre des par- 
ties femblables dans le mème Individu. Un 
fujet à vingt-fix côtes elt réèllement un Monitre 
par exces. Il eft prouvé, que les côtes furnumé- 


 raires ne font dûes qu’au développement con- 


0 


tre nature, d’un appendice offeux des apophy- 
{es tranfverfes d’une des vertebres [2]. Les caufes 


[2] ff Ceci n'eft qu'un exemple des changemens confidé- 
rables que des caufes purement accidentelles peuvent opérer 
dans des parties offeufes. On fe tromperoit beaucoup , fi l'on 
préfumoit que les côtes furnuméraires doivent toujours leur 
naiflance à un prolongement excellif des apophyfes d'une ou 
de plufieurs vertebres. Un habile Anatomifte (a) peu connu 
encore dans le monde favant, mais qui le fera beaucoup un 
jour , parce qu'il le méritera beaucoup , m’écrivoit en Septembre 
1779, qu'il avoit rencontré dans trois Sujets différens, des cotes 
Jurnusméraires qui n'ecoient abfolument rien à fuire avec aucune des 
apophyfes tranfuc:fes de quelque vertebre que ce fut. A1 m'ap- 
prenoit encore, qu'il Jui étoit au arrivé de trouver des 


_vertebres furnuméraires de la plus belle conformation, Voilà 


NS 


des obfervations qui paroïiffent bien favorables à l’hypothefe 
des Germes originairement monftrueux. Les parties molles, 
& en particulier celles de {a poitrine, ont offert à notre Ana- 
tomilte d'autres conformations monftrueufes, frès - élégantes , 


» érès-Jymétriques , 7, pour ainfi dire, utiles à l'Individu, qu’il 


m'a expofées daus un grand détail. Mais l’Anatomifte Phi 
lofophe ne fe preffe point de prononcer fur de tels faits, parce 

(a) M. MaLacagNs, Profeffeur de Chirurgie à Aqui dans 
le Montferrat. 


Tome IL, G 


93 CONTEM P L A T.I30"N 


qui operent de pareils développemens, agiffent 
à-peu-près comme la la liqueur de PAne fur les 
oreilles & le larynx du cheval. 


Comme des côtes furauméraires fe dévelop- 
pent, deux ou plufieurs côtes Îe réuniflent en 
une feule, & ces fortes de cas ne font 
rares ni dans le regne végétal, ni dans le regne 
animal. Des parties qui fe touchent prefque, 
font bien près de s'unir : deux gouttes de gelée 
& de la mème gelée , s’uniffent bien facilement. 


Mais il eft des Monftres qui fe propagent. 
Une famille naît avec fix doigts aux mains & 
aux pieds (3). Des monftruofités qui fe pro- 
pagent, tiennent aux Organes de la généra- 


qu'il fent très-bien qu'il ne fauroit juger de tout ce que peuvent 
ou ne peuvent pas les caufes accidentelles , in#rienres où exté- 
rieures, & que la plupart lui font inconnues. 


(3) tt C'étoit de cette Famille de Maîthe, dont M. de, 


Réaumur avoit donné lhiftoire, que je parlois ici. Mais il 
eft d’autres exemples de ces Familles fexdigitaires , dont dif. 
férens Individus paroiffent tranfmettre en tout ou en partie 
les monftruofités de leurs mains & de leurs pieds à leurs 
Enfans. Je me fuis fort occupé dans un autre Ecrit, de ces 
monftruofités qui femblent héréditaires. Ce n’elt pas ici le lieu 
d'entrer là- deflus dans de plus grands détails que ceux de mon 


texte, 


| 


DE LA NATURE. VII Pers. 99 


tion. Des monftruofités par excès & qui fe 
propagent, fuppofent un excès relatif dans 
les organes fécondateurs. Ils féparent donc plus 
de molécules appropriées au développement des 
doigts , ou des mo'écules plus actives que dans 
ordre naturel. Elles travaillent donc davan- 


tage fur les mains & fur les pieds du Germe ;- 


elles y produifent des changemens, ou une 
évolution analogue à celle des côtes furnumé- 
raires dont je viens de parler. Elles agident 
encore fur les vaiffèaux correfpondans des or- 
ganes dela génération du Germe; elles leur 
impriment une difpofition à filtrer plus de ces 
molécules ; elles. ......,.. mais, fi J'eatrepre. 
nois d'approfondir cette queftion obfcure , jou. 
blierois. que je ne fais ici que les fonctions de 
Contemplateur de la Nature, & je les ai déja 
h 
trop méconnues, 


LES principes que j'ai indiqués fur la généra- 
tion des Animaux, s'appliquent d’eux-mèmes à 
celle des Plantes. Ce que la liqueur prolifique eft 
à ceux-là, la pouffiere des étamines J’eft à celles- 
ci. Îl eft une merveilleufe analogie entre ces 
deux clafles de Corps organifés; nous la con- 
templerons bientôt. La graine, fi femblable à 
œuf, renferme donc probablement un Germe 
qui préexifte à la fécondation d'une maniere 

G2 


160 : CHOUN: TE AL PCEVA TION 


invifible, & qu’elle rend fenfible. IL apparoit 
d’abord comme uu point verdâtre ou Jaunâtre. 
L'on a cru reconnoitre dans ce point un grain 
de la poufliere des étamines. On a donc placé 
les Germes dans cette poufliere, & l’on a fup- 
pofé qu'ils s’introduifoient dans les graines def- 
tinées à les recevoir & à les nourrir. Mais, 
découvre-t-on le Germe dans Pœuf avant la 
fécondation ? Il y préexifte pourtant. Il eft 
très-probable qu'il préexifle de même dans la 
graine, & que la petitefle , la tranfparence & 
VPuniformité de fes parties les dérobent à nos 
fens. Un Philofophe argumentera - t-il de lin- 
vifibilité à la non-exiftence (4) ? 


(4) tt Les Naturaliftes qui avoient admis que la Plantule 
réfide originairement dans la pouiliere des étamines, & que 
la graine n’eft que le logement deftiné à la recevoir , n’avoient 
pas déduit cette opinion d'obfervations directes, faites fur les 
Plantes : mais ils n’avoient fait proprement qu'appliquer aux 
Plantes une opinion fort -accréditée fur la génératien des Ani. 
maux. On voit que je parle de la famenfe hypothefe des Ani- 
malcules fpermatiques , adoptée par des Pli yficiens d’un grand 
som , & dont la fauffeté eft aujourd'hui fi bien démontrée. 

La graine eft bien réellement à la Plante, ce que l'œuf 
eft à l'Animal. Or, nous avons vu que la Plantule fait corps 
avec la graine, comme le Germe du Poulet fait corps avec 
Yœuf, (Part. VI, Chap. VI, derniere Note.) Si donc la 
graine préexifte à la fécondation, l'on eft très- fondé à pré- 
fumer que la Plantule y préexifte auffi, Et il ne faut pas 


D 


D E LE, NATURE. V IL. Pari. JO 


UN Obfervateur exact a fuivi une bonne 
route pour éclaircir le myftere de la génération 


s'imaginer qu'il foit bien difficile de s'aflurer de cette préexif- 
tence de la graine: une loupe médiocre fuffit à la démontrer; 
il eft même des Efpeces où l'on peut s’en affurer à la vue 
fimple. 

Mais il ef d’antres obfervations qui prouvent, d'une ma- 
niere plas démonitrative, que le Germe ou la Plantule ne 
doit point fon origine à la poufficre des étamines , & qu’elle 
préexifte dans la graine. Ces obfervations très - neuves & qui 
ont été exécutées avec toutes les précantions qu’elles exigeoient , 
ont d'autant plus de quoi nous furprendre, qu elles paroiffent 
contredire ce que nons connoiffons de plus certain fur lu- 
fage des pouflieres. J'ai raflemblé dans le Chapitre VII de la 
Partie VI, & dans les Notes, uu bon nombre de faits vus 
& revus bien des fois par les meilleurs Obfervateuts , qui 
concourent tous à établir que la poulliere des étamines eft le 


_principe fécondateur des Plantes. Je me borne à rappeller à 


mon Leéteur la fécondation artificielle du Palmier & du Thé- 
rébinthe. Le favant Auteur de ia Phyfique des Arbres nous four- 
nit une autre preuve affez finguliere de la même vérité, II 
a vu un pied de Vigne & des Fraifiers qui fleurifloient tous 
les ans, & ne donnoient jamais de fruits, parce que leurs 
fleurs mauquoient d’un des fexes. 

Cependant le célebre SPALLANZANT, à qui il avoit été 
donné de percer beaucoup plus avaut que Les Devanciers dans 
les myfteres les plus cachés de la Nature, ayant eflayvé d'i- 
foler des pieds femelles de différentes Efpeces de Plantes, a 
reconnu avec furprife que ces Plantes élevées dans la foli- 
tude la plus parfaite, produifoient des graines fécondes. Il a 
a obtenu’ les mêmes réfultats eflentiels lorfqu'il a opéré par le 


G 3 


102 C OX N'T EM PLAT MON 


des Plantes. Il a étudié ce qui a refulté de la 
fécondation de diverfes Efpeces par les pouflieres 
d'Efpeces différentes. il en a vu naître des 
Mulets bien caracérifes. Ces Mulets, combinés 
avec d’autres Efpeces, en ont donné de nou- 
veaux. Par-tout les reffemblances ont été en 
railon directe des pouffieres. Toujours les chan- 
gemens ou les altérations ont été fenfibles. La 
Femelle a eu quelque fupériorité. Le privilege 
de la fécondité a adhéré plus exactement à ce 
qui venoit d'elle, qu’à ce qui procédoit du Mäle. 
Ces curieufes obfervations n’indiquent-eiles pas, 
que dans les Végétiux comme dans les Ani- 
maux, le Germe appartient originairement à 
la Femelle ? 


même procédé, fur des Efpeces à fleurs hermaphrodites , aux 
quelles il avoit retranché les étamines avant l’émiflion des 
pouffieres. Plufeurs graifes avortoient alors, mais d’antres 
continuoient à croître, & la Plantule s’y montroit dans toute 
fa perfection. 

Mon Leéteur tire de lui-même de ces faits fi imprévus 
deux conféquences très-importantes dans l’hiftoire des Végé. 
taux. La premiere, que la néceffité des pouflieres pour [a 
fécondation n’eft pas aufli nniverfelle qu’on l'avoit pen; la. 
feconde, que ce ne fon: point du tout ces poufheres qui in- 
troduifent la Plantule dans la graine, mais qu'elle y réfide 
originairement , & qu’elle peut dans certaines Efpeces s’y dé- 
velopper par le feul fecours des fucs nourriciers qu'elle tire 
de la Plante - mere. 


| 
| 


a —- 


DE LA NATURE. VII Part. 193 


L'on a admis la dégénération de différentes 
Efpeces fur des fondemens qui n’étoient pas 
plus folides. On a été plus loin; on a foutenu 
que certaines Efpeces fe transformoient réelle- 
ment en d’autres. On a admis la converfioit 
du Bled en Ivraie, de l’Avoine en Seigle, &c. 
on a préteudu que l'expérience confirmoit cette 
converfion : & il a fallu que des Phyficiens de 
profeffion tentaflent, fans rougir, des expérien. 
ces dont une faine Philofophie montroit affez 
quels devoient être les réfultats. Ces expérien- 
ces ont donc été faites, & l’on a pouffé les 
précautions jufqu’au fcrupule, & la prétendue 
métamorphofe eft demeurée dans lordre des 
préjugés. j 


S'1L eft une fource de dégénération propre- 
ment dite dans les Efpeces; ceft aflurément 
la fécondation. Quand les pouflieres dune 
Plante fécondent les graines d’une autre Plante, 
il doit en réfulter des Etres mitoyens, des 
Efpeces de Mulets. Nous venons de le voir. Mais 
l'vraie ou le Seigle, qui devroient leur origine 
à une femblable caufe, ne retiendroient-ils rieu 
de leur état primitif? Examinez avec la plus 
_grande attention l’vraie ou le Seigle que vous 
_ jugez provenir de la dégénération du Bled ou de 
VAvoine, & vous n’y appercevrez rien que Vous 


G4 


304 CONTE M PL. A TANOMN 


puifliez rapporter légitimement au Bled ou à 
l'Avoine. Et fi vous recourez à d'autres fources- 
de dégénération, comme à la nature du terreih , 
à l'humidité ou à la féchereñe, &c. il fera aifé 
de vous démontrer l'impuifflance de pareilles 
caufes. Changeriez-vous par-là un Poirier en 
Pommier ? Elt-ce donc que, parce que le Bled 
n'eft qu’une Herbe & non un Arbre, fa ftruc- 
ture en eft moins eflentiellement déterminée ? 
Eff-ce qu'une Herbe en a moins des vaifleaux 
qui s’aflimilent les fucs nourriciers ? 


Mais le terrein, la culture & d’autres cir- 
confiances patticulieres peuvent influer fur 
les proportions & fur certaines qualités au 
point de rendre les Efpeces méconnoiflables. 
Ici ce fera un Nain, là un Géant. Ne vous 
en Jaiflez point impofer ; rappellez lun & lau- 
tre à un examen fÂcrupuleux, & vous retrou- 
verez l'Efpece au milieu de ces apparences trom- 
peufes. Les formes pourront s’altérer aufli, & 
déguifer davantage l’Efpece ; redoublez d’at- 
tention ; vous reconnoîtrez le déguifement. 


LE Mulet eft fiérile ; ce n’eft pas une preuve que 
les Mulets de toutes les Efpeces le foient (5). 
El eft chez les Oifeaux des Muleis qu'on 


(5) +} Voyez les Notes 8 & 25 du Chap. XI. 


DE LA, NATURE. VII Part. 30; 


aflure qui fe propagent. Il peut donc s’en trou- 
ver aufli chez d’autres animaux, & fur-tout 
chez les Végétaux. Tout ce que nous nom- 
mous Efpece dans ces derniers, n’eft pas orz- 


ginel; il eft ici des Efpeces dérivées, qui en 


s’éloignant de plus en plus de leur fource, & 
en fe combinant, fe montrent fous des afpects 
qui celent, leur véritable origine. 


IL y a lieu de s'étonner, que les Naturalif- 


tes mnaient pas tenté en ce genre des expé- 


riences fur les Infeétes. Il eft à préfumer qu’el- 
les ne feroient pas fans fuccès. On n’ignore 
pas, que dans cette claffe fi nombreufe de petits 
Animaux, il exifte des Müles tés.ardens. Si 
lon donnoïit, par exemple, au Papillon Mile 
du Ver-à-foie, une Femelle d'Efpece différente, 
& qui lui fût proportionnée, il la fécondroit 
peut-être, & les Chenilles qui en proviendroient, 
nous vaudroient, fans doute, des vérités nou- 
velles & intéreflantes. Il faudroit tenter la 
mème chofe fur des Mouches, fur des Sca- 
rabées, &c. (6) 


(6) tt Les Naturaliftes nomment Srarahée tout Infeéte qui 
a quatre aîles, dont les extérieures , toujours cruftacées ou 
écailleufes, fervent de fourreau aux autres. Le Hanneton eft 
un Scurabée. 


1066 CONTEMPLATION 


+} Ces expériences intéréMantes que je propofois à la fin 
de ce Chapitre, © que je w’étonnois qu’on n’eût pas encore 
tentées , l'ont été il y a quelques années par un Amateur, dont 
l'Ecrit fe trouve dans le Journal de Phyfique. Cit Amateur, 
M. Nicocas, avoit imaginé de renfermer dans des chaffis 
de cinq pieds de hauteur, garnis de gaze, des Papillons d’'EF 
peces différentes. Un Arbrifleau étoit planté au milieu du 
châfis ; & l’on juge bien que fes feuilles étoient la nourri- 
ture des Chenilles dont provenoient les Papillons. Ce petit 
appareil étoit placé dans un Jardin, ‘ Les Papillons , dit l'Au. 
teur ,ont vécu quelque temps fans paroître fe rechercher : 
je commencois même à défefpérer de la réuflite, lorfqu'un 
matin je trouvai deux Femelles de l'Apparent accouplées 
avec deux Æinimes à bandes. La Femelle dépofa fes œufs 
fur lPArbrifsau, & les petites Chenilles qui en éclorent, 
ne différoient de celles de l'Apparent que par leurs couleurs 
qui étoicnt beaucoup plus foncées , par uüe ligne de points 
d'un jaune roux, qu’elles-avoient fur le dos, tandis que 
celles de l’Apparent l'ont de couleur citron , fouvent même 
plus foncée. Leurs Chryfalides étoient plus grofles & moins 
noires que celles de l'Apparent : enfin l'Infette parfait pat- 
 ticipoit de l'une & de l’autre Efpece , ayant la partie fu- 
»» périeure des aîles fauve, & l’inférieure blanche, avec une 
»» ligne tranfverfale. J'ai procédé de la même maniere à l'é- 
» gard des Zigzugs Mâles & Femelles, de l’Ecaille martre 
» bériflonnée. Cela m'a donné des Papillons d'uñe variété fin- 
» guliere, ee qui me perfuade que par ce moyen on pout- 
» toit s’en procurer de la plus grande beauté ,,. 

Il auroit été à defirer que notre Amateur ne fe fût pas 
borné à l'examen des couleurs, & qu'il eût porté fon atten- 
tion fur les divers changemens qui pouvoient être furvenus 


5) 


DE LA-NATURÉ. VII Part. 107 


par la génération, aux parties extérienres & intérieures de 
fes Métifs. Il paroît avoir opéré plutôt en fimple Amateur, 
qu'en Naturalifte. Il eût été encore à fouhaiter qu'il eût varié 
davantage fes expériences, & qu'il les eût étendues à des 
Individus de genres différens, & même de claffes diffé- 
rentes. 


109 CONTEMPLATION 
LPS ESP SES ER SES 
LÉSIS SIT ÈS E 


RU FEAT K «* 


HUITIEME PARTIE. 


DE L’'ECONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE 
DANS LES INSECTES. 


15 
CHA PA TRE E 


Introduéfion. 


L ‘Esquisse que je viens de tracer de l’Eco- 
nomie animale , donne une légere idée de ce 
qui conftitue l’effence de la vie dans la plupart 
des Animaux. El s’agiroit maintenant de par- 
courir les principales variétés que préfente lor- 
ganifation des différentes Efpeces. Les Infedtes , 
jufqu’ici trop peu connus, & fi dignes de l'être, 
nous offrent en ce genre des fingularités aux- 
quelles nous nous bornerons par préférence, 
pour éviter des détails qui nous conduiroient 
trop loin. 


# Nous avons déja entrevu [1] les principa- 
les pieces qui entrent dans la compofition de 


[ul Part. HE, Chap. XVHI, XVIII, XIX. 


SE ———— 


DE LA NATURE. VIIL Part. 109 


ces petites Machines: contemplons à préfent 
leur jeu & leurs effets divers. Nous nous tien- 
drons en garde contre la fécondité du fujet, 
& nous ne lenvifagerons que par fes côtés les 
plus faillans & les plus effentiels. 


CHA PT TIRE 2:11 


Le principe des nerfs. 


à ee un ver-à-foie le long du dos : en- 
levez le cœur [1], le fac inteftinal, & toutes 
les parties qui couvrent la moëlle {pinale ou 
lé principal tronc des nerfs. Piquez légérement 
les nœuds qui le divifent; vous exciterez dans 
les mufcles voifins des mouvemens qui fixe- 
ront agréablement votre attention [2]. 


C1] Part. III, Chap. XIX. 


[2] ff Quand je failois cette expérience il y a plus de 
quarante ans , je n’avois aucune connoiffance de l'irrétabilité, 
qui n'avoit pas encore commencé à faire bruit dans le Monde 
favant. C'étoit néanmoins cette admirable propriété de {a fi 
bre mufculaire, dont je contemplois alors les effets mexveil- 
leux fans la connoître. Le Ver-à-foie dont il eft “queftion 
dans ce Chapitre, avoit été ouvert vivant. Dépouiilé de tous 
les vifceres qui recouvrent la moëlle fpinalé ; 1l°ne lui 4eftoit 


, 
l 
Ë 
| 
| 


uo CONTEMPLATION 
CHAPITRE CHE 


ae 


La refpiration 


É.4 méchanique de la refpiration eft encore 
fort obfcure dans les Infectes. On fait feule- 
ment qu’elle y differe beaucoup de celle des 
Animaux qui nous font les plus connus, Mais 
on juge plus de cette différence par la compa- 
raifon des organes, que par celle de leur jeu. 


On a cru fur des expériences fpécieufes, 
que les ftigmates ne fervoient qu’à l’infpiraion, & 
que l’expiration fe failoit par les pores de la peau. 
Mais des expériences faites avec plus de foin, fur 
des Chenilles de tout âge, tenues fous l’eau , après 
avoir pris la précaution de chañer l'air de leur 


plus que la peau du ventre, fur laquelle étoit couche le 
cordon médullaire , les mufcles de l’abdomen & ceux des jam- 
bes, en forme de bandelettes, diftribuées par paquet:. C'e- 
toient ces mufcles que je mettois en aétion en touchant avec 
la pointe d'une aiguille, les nœuds correfpondans du cordon 
médullaire. 

Dans la derniere Note du Chap. XIX de ja Part. III, je 
me fuis affez étendu fur la ftructure finguliere de ce cordon, & 
fur celle des qrineipan vifceres de la Cheniile. Je dois y 
eéteur. 


al 
#envoyer mon 


——————— 


BEULANNAT'URE. VIIL Part. «a 


extérieur , ont perfuadé que les ftigmates fer- 
voient également à l’infpiration & à lexpira- 
tion. Les expirations n’ont rien offert de ré- 
gulier; elles ont paru dépendre principalement 
des mouvemens de l’Animal [1]. 


 UXE de ces Chenilles, dont tout le corps 
étoit plonge dans l’eau, à lexception des deux 
ftigmates poltérieurs, a vécu plufieurs jours 
dans une efpece de létargie, pendant laquelle 
le cœur a paru abfolument immobile. 


(1) ff Le Lecteur confultera fur la refpiration des Infees, 
la grande Note que j'ai placée à la fn du Chap. XIX de la 
Part. III. 

J'ai raconté dans un autre Ecrit, les nombreufes expérien- 
ces que javois tentées fur la refpiration des Chenilles, & 
qui m’aVoient valu des réfultats intéreffans, dont je ne donnois 
ici qu'une légere indication. Monilluftre Maitre, REAUMUR, 
s'étoit certainement trompé. lorfqu'il avoit cru, d’après fes 
propres expériences, que les ftigmates ne fervoient qu’à l'inf- 
piration, & que l'expiration fe faifoit par les pores de la peau. 
J1 avoit pris pour de l’air expiré ou forti de l'intérieur de 
l'Animal, l'air extérieur demeuré adhérent à l'épiderme, & 
qui avoit fuivi la Chenille fous l’eau. Si l'on a foin de chaf- 
fer cet air extérieur de defus l'épiderme, en mouillant celui- 
ci avec un pinceau, il ne paroîtra aucune bulle fur la peau 
lorfqu’on fiübmergera l'Infeéte. Mais on verra fouvent de grof- 
fes bulles qui feront lancées avec force par un on plufeurs 
figmates, & qui gagneront la furface de l'eau. 


112 CONTEM P L.A\T INOUN 


LorsQU'oN applique une goutte de liqueur 
grafle fur un ou plufieurs ftigmates , les par- 
ties correfpondantes deviennent paralytiques. 
L’interception dé l'air dans une partie eft donc 
fuivie ici de celle des liqueurs ou des efprits. 
Des trachées accompagneroient-elles les vaif- 
feaux fanguins dans tout leur cours? Produi- 
roient-elles fur ces vaifleaux l'effet qu’on fup- 
pofe que produifent celles des Plantes fur les 
fibres ligneufes ? 


Lorsqu'on bouche tous les ftigmates, l’In- 
feéte meurt fur-le-champ. Si on l’ouvre en- 
fuite, on verr: l'intérieur fe ranimer. L’air 
qui pénetre alors les orifices ouverts des tra- 
chées, produit apparemment cette efpece de 
réfurreétion. 


Les trachées fe divifent & fe fous - divifent 
prodigieufement. Seroient- elles des efpeces de 
cribles, qui, par des féparations ménagées à 


propos, fourniroient à chaque pattie un ait ! 


plus ou moins fubtil, fuivant fes befoins ? 


ORDINAIREMENT on compte neuf ftigmates 
de chaque côté du corps, mais quelquefois ils 
font en plus grand nombre; d'autrefois il y en a 
mOoInNs, 


LE 


‘DELA NATURE. VIIL Part. 113 


LE même Infette en à qui font plus ou 
moins (2) importans, ou dont les fonctions 
lui font plus ou moins néceflaires (3). 


Daxs plufeurs Efpeces, les principaux ftig- 
mates font placés au derriere; dans d’autres, 
a la tète. 


Assez fouvent, au lieu de ftigmates, on 
obferve des petits tuyaux plus ou moins longs(4). 


(2) tt L'Abeille, par exemple, a dix ftigmates de chaque 
côté ; le Pou n'en a que fept. 


(3) tt Mes expériences fur la refpirâtion des Chenilles 
m'ont paru prouver que les deux ftigmates antérieurs & les 
deux poftérieurs font les plus importans. 


-(&) tt Entre les Vers qui portent au derriere des tuyaux 
par lefquels ils refpirent , les plus remarquables font cer- 
tains Vers aquatiques, fort communs dans les privés, & que 
M. de REAUMUR a nommés Vers à queue de Rat. Ils ne por- 
tent au derriere qu’un feul tuyau affez effilé, de plufieurs li. 
gnes de longueur , & qui imite en effet la queue d’un Rat, 
Ce n'eft pas par ce tuyau lui-même que l'Infeéte relpire : il 
n'eft que l'étui un peu cruftacé d’un autre tuyau en partie 
charnu , incomparablement plus délié, & que l'Infeéte peut 
alonger de plufieurs pouces, pour en porter l'extrémité à la 
furfice de l'eau, & infpirer l'air. Le Ver à queue de Rat 
fe change en une Mouche à deux ailes, fi femblable à nre 
Abeille, qu'il Faut être Naturalifte pour ne s'y mépreumidre 
point. 


Toine Il. H 


x14 CONTEMPLATI O.N 
ES 


© AP LT RE EN 


La Circulation. 


ha circulation du fang fe fait chez les In- 
£ectes avec beaucoup de régularité. On la fuit, 
pour ainfi dire à Pœil, dans quelques Efpeces 
de Vers longs & tranfparens. On voit le cœur 
ou la principale artere fe contracter & fe dila- 
ter fucceflivement dans tous les points de fon 
étendue : il femble qu’elle foit compofée d’un 
grand nombre de petits cœurs, mis bout a 
bout, & qui fe tranfmeitent le fang les uns 
aux autres. C’eft mème l’idée qu’un grand Ob- 
fervateur s’en étoit faite. Mais l'injection ne 
lui a pas été favorable ; la grande artere s’eft 
foutenue, & les petits cœurs ont difparu. 


CEPENDANT il refte toujours douteux, fi 
ce vifcere n’elt pas comme partagé par des 
efpeces de diaphragmes ou de valvules, qui, 
en empèchant le retour du fang, rendent Pim- 
pulfion du vaiñeau plus efficace. C’elt ce qu’on 
croit appercevoir dans certaines Efpeces de Vers 
dont le corps elt fort tranfparent, & qui peuvent 
être multipliés de bouture, 


DE LA NATURE. VII Part. 116 
On ignore encore comment le {ang eft porté 
dans la grande artere. Ses principales ramifi- 


cations & les conduits analogues aux veines, 
font pareillement inconnus. 


On fait feulement que dans beaucoup d'Ef- 
peces, la plupart rampantes, le principe de la 
circulation eft vers le derriere; au lieu que 
dans d’autres il elt vers la tète. 


IL y a beaucoup d'apparence que la grande 
artere jette de côté & d'autre, divers rameaux 
invifibles par leur extrème finefle ou par leur 
tranfparence, & qui diftribuent le fang à tou- 
tes les parties. D’autres rameaux s’aboucheat 
fans doute à ceux-là, & rapportent le réfidu 
du fang au principal tronc des veines, qu’on 
croit avoir entrevu à l’oppofite du cœur. Nous 
tifquons néanmoins de nous tromper lorfque 
nous voulons juger de ce qui fe pafle dans les 
Infetes, par ce qui fe pañle dans les Animaux 
qui nous font les plus connus. Il feroit peut- 
ètre plus für de nous écarter de cette voie, 
& de fimplifier, fi imaginer c’étoit raifonner (1). 


(1) tt Je n'ai rien à ajouter ici fur les organes d« la 


circulation chez les Infeétes, à ce que j'ai expolé dans la 


derniere Nôte dun Chapitre KIX de Îa Partie III, -que mon 
Leéteur voudra bien confulter, Je remarquerai feulemens 


H 2 


u6 CONTEMPLATION 


Le {ang des Infectes eft une liqueur fub- 
tile, tranfparente & ordinairement fans cou- 
leur, & qui, quoiqu'elle ne foit nullement 
inflammable, réfitte dans quelques Efpeces à 
un degré de froid fupérieur à celui de nos plus 
rudes hivers [2]. 


que ce principal tronc des veines que j'avois entrevu dans 
quelques Chenilles, & que j'avois fuppofé exifter dans mes 
Vers d'eau donce, que j'ai multipliés par la feétion, a été 
vu depuis dans des Vers de ce genre, par deux bons Obfer- 
vateurs, MM. GoEse & MuLcer. C'eft ce qui a été mieux 
obfervé encore par M. SPALI ANZANI dans le Ver de terre. 
T1 ef même parvenu à découvrir l’abouchement de la princi- 
pile artere avec la princigaie Veine, & les ramifications de 
celle-Jà. Aureîte, c’eft le long du ventre qu'eft couchée cette 
principale veine que jl'indudrizux LYONET avoit cherchée 


inutiiement dans la Chenille, 


[2] tt C'eft ce que M. de REAUMUR avoit expérimenté 
ur de tres-jeunes Chenilles qui vivent en fociété, & aux- 
quelles il avoit fait fubir un froid artificiel de quinze de- 
grés de fon Thermometre. Elles en furent gelées fi à fond, 
qu'en les laiant tomber fur une taffe de porcelaine, elles 
y rendoient le mème fon que de petites pierres ; & pourtant 
elles n’étoient point mortes, & l’Obfer vateur les vit avec fur- 
prife reprendre peu-à-peu leurs monvemens , dès qu’il les eut 
expofées à une chaleur douce. J'ai vu à-peu-près la même 
chofe fur des Chryfalides de Fapillons diurnes, que j'avois 
Æexpolés toute une nuit à un froid naturel de treize degrés 
Ju même Thermometre. Mais il eft hien plus remarquable 
que les Infeétes dans l'étit de Germe fupportent, ‘fans périr , 


DELA NATURE. VIIL Part. 17 
EE ME ——— 7 
CÉRAR ICTIR EME © 


Exception a une regle efliinée. générale. 


Ux grand Médecin a pofé en principe, qu’il 
#y a point de véritable acide dans l’Animal, 
bors des prenrieres voies ou du canal inteftinal. 
Une Chenille remarquable par fa forme, & qui 
{e nourrit des feuilles du faule, nous offre une 
petite vefle, placée {ous lœfophage, près de 
la bouche [1]. Certains organes {éparent de 
mène du fang des Fourmis un acide très-péné- 
trant, & qui a fait l’objet des recherches d’un 
habile Chymilte. 


un froid beaucoup plus grand encore. Le Ver.à-foie dans fon 
œuf réfifte au froid énorme de vingt-quatre degrés; & dès qu'il 
a pris un certain accroiffement, il périt au froid médiocre de 
£ept degrés. 


C1] ++ IL s’agit ici de la Chenille à queue fourchue du Saule , 
dont j'ai donné ailleurs l'intérefante hiftoire. J'ai fait voir 
qu’il eft probable que l'acide très-développé qu’on trouve dans 
cette Chenille finguliere, y eft préparé de loin par la Nature, 
pour fournir au Papillon un puiflant diflolvant de la colle 
qui lie fortement entr'eux les petits fragmens de bois dont 
eft conftruite la coque dans laquelle la Cheniile fe renferme. 
Mais çette liqueur fi élaborée peut avoir d’autres ufages pro- 
pres à la Chenille elle-même, & qui ne me font pas connus. 


H3 


ug8 CONTEMPLATION 
Be — 
E Hy A UP LIN TR VENUE 


Les organes de la génération €3 leurs dépes. 
dances. 


Le à l’extrémité du ventre, que les orga- 
nes de la génération font placés dans la plu- 
part des Infeétes [r]. Celui qui caradérife le 
Mâle, confifte principalement dans une ou plu- 
fieurs Efpeces de cornes charnues, qui fe con- 
tournent en différens fens, & qui à l’ordinaire 
font retirées dans l'intérieur du corps, mais 
que l’Infecte en fait fortir à fon gré. 


Le derriere de beaucoup de Mäles eft encore 


[11 ft Les Mouches les plus communes, les Papillons , les 
Scarabées , &c. en fourniffent des exemples. 

Mais, chez les Araignées , l’organe de la génération du 
Mâle fe trouve daus un endroit où l’on ne s’aviferoit pas de 
le chercher : il eft logé dans les antennes. Chez ces grandes 
Mouches à corps long & effilé, qu'on nomme Demoïifelles , 
la partie fexuelle du Mâie eft placée tont près de la poitrine, 
au lieu que celle de la Femelle fe trouve au derriere. Cette 
étrange difpofition des organes paroît choquer le vœu de la 
Nature. Mais elle a enfeigné au Mâle des procédés au moyen 


defqueleil s'aujetit fa Femelle, & la force à amener Le bout de 
fon derriere où il le veut. 


DE LA NATURE. VIIL Pari. n19 


garni de crochets, au moyen defaquels ils faifi- 
fent celui des Femelles, & l'afujettiffent (2X 

Daxs l'intérieur font logés différens vaif- 
feaux, qui tiennent au principal organe de 
la génération , & féparent de la mañle du fang 
la liqueur fécondante. 


À l'ouverture ménagée dans la Femelle pour 
lintromiflion , aboutit une efpece de con- 
duit, qui, dans les Infectes ovipares, jette 
plufieu:s branches qu’on nomme #rompes où 
ovaires. Ce font des Efpeces d’inteftins extrè- 
mement fins, dans lefquels les œufs font ran- 
gés à la fle, à-peu-près comme les grains d’un 
chapelet. 


Les œufs les plus avancés vers l'ouverture, 
font les plus gros ou les plus à terme. Ils di- 
minuent graduellement à mefure qu'ils s’en 
éloignent. Enfin, ils deviennent abfolument. 
invifibles (3 ). 


(2) tt C'eft ce qw'il eft très - Facile d'obferver chez les Pa- 
pillons, dont un grand Obfervateur (a) s'eft plu à décrire aæ 
long les amours. 


(3) tt Pour prendre une grande idée de la ftruéture des. 
(4) REAUMUR. 


H4 


120 . CONTEMPLATIOM 


Daxs le conduit commun où les trompes 
aboutiflent, s’infere dans quelques Efpeces un 
caual fort court, qui communique à une cavité 
oblongue, qu'on regarde comme analogue à la 
matrice. C’eft dans cette cavité que la liqueur 
du Mäle et dépofée. Un obfervateur célebre 
établit que cette liqueur pénetre enfuite dans 
le conduit commun par le canal de communi- 
cation, & qu’elle y féconde les œufs dans l’inf- 
tant où ils pañlent devant l’embouchure de ce 
canal pour venir au jour. 


Cuez les Infe@es ovipares, l’économie des 
trompes change. Tantôt les Petits font arran. 
gés par paquéts : tantôt ils compofent une efpece 
de cordon roulé en fpirale, dont la longueur, 
la largeur & l’épaifleur répoudent précifément 
au nombre, à la longueur & à la groffeur des 
Petits qui le compofent (4). 


ovaires chez les Infeétes , il faut lire la defcription que SwAM- 
MERDAM a donnée de ceux de la Reine - abeille, & jetter un 
coup - d'œil fur l'élégante figure qui l'accompagne. Cette fi- 
gure elle-même eft plus propre à frapper le Lecteur que la 
defcription, parce qu'elle parle aux yeux, & par eux à l'i- 
imagination. Celle que MaLpiGHt a donnée des ovaires du 
Papillon du Ver-à-foie, ne mérite pas moins d’être confultée , 
& c'eit de ces ovaires dont il eft queftion dans le paragraphe 
fuivant de mon texte. 

(4) FF Cet.cxemple fi remarquable nous eft fourni par une. 


DENEA4 NATURE. VIIL Port. A 


Les Petits de quelques Jnfeétes vivipares dé- 
chirent, avant que de venir au jour, la meme 
brane ou la trompe qui les renfermoit : ils ont , 
pour ainfi dire, à naître deux fois. 


Les œufs des Infectes font de deux genres : 
les uns font membraneux, comme ceux des 
Tortues & des Reptiles : les autres font cru- 
ftacés, comme’ ceux des Oifeaux. 


Mais, au lieu que daus les grands Ani- 
maux, les Efpeces contenues fous ces genres, 
ne different les unes des autres que par de 
légeres variétés, chez les Infectes ces variétés 
font fi grandes, qu'un Animal ne differe pas 
plus d’un autre Animal, qu'un œuf y differe 
d'un autre œuf. 


IL en eft des ronds, d’ellyptiques, de len- 
ticulaires, de cylindriques, de pyramidaux, 
de plats, &c. Les uns font tout unis, les 
autres font fculptés ou cannelés (5). 


Mouche vivipare à deux aîles, de taille médiocre, dont M. 


de REAUMUR a donné l’hiftoire. Le cordon fpiral ou la ma- 
trice de cette Mouche, qui a près de deux pouces & demi 
de longueur, renferme plus de vingt mille Petits. 

(5) tt Les œufs des Pagillons fourniffent feuls des exemples 
de toutes ces variétés, 


r 


22 CONTEMPLATION 


ENFIN, ce qui dt plus exraordinaire, il 
éft de ces œufs qui croiffent après avoir été 
pondus. On juge aifément qu’ils font purement 
membraneux. La fouplefle de leurs membranes 
leur permet de s'étendre. Ils ont des pores qui 
s'imbibent des fucs de la Plante où ils font 
dépofés. Ce font des petits placenta qui tranf- 
snettent la nourriture à l'Embryon [6]. 


[6] ++ Voyez la troifieme Note du Chap. XI de la Part. VIT. 

J'ajonterai ici que le derriere des Femelles offre dans cer 
taines Efpeces de Mouches & de Papillons, des inftrumens 
d'une ftrud&ure admirable, deftinés à dépofer les œufs dans 
des lieux convenables. Il eft des Papillons Femelles qui ont 
au derriere une forte de main fort adroite, à l'aide de la- 
quelle ils s’arrachent leurs propres poils pour en recouvrir 
teurs œufs. On connoît les tuyaux plus cu moins longs & 
plus ou moins compofés, que diverfes Mouches ichneumones 
portent au derriere, at moyen defquels elies font pénétrer 
leurs œufs dans le corps de divers Infcétes vivans. Mais le 
plus admirable de tous ces inftrumens , eft cette double fcie 
qui a été donnée à la Mouche du Rofer, &. qui la met 
en état de pratiquer dans le hoiïs de l'Arbriffeau differentes 
logettes où elle renferme’ fes œhfs. J'invite le Lecteur cu- 
rieux à contempler la ftruéture de ce bel inftrument dans 
jes Planches des Mémoires fur les Infeétes, & mieux encore 
dans la Nature elle-même. Enfin, cette forte de fabre que les 
Sauterelles ont an derriere, ef encore un inftrument appro- 
prié à la ponte: il eft une maniere de plantoir avec lequel 
l'Infeéte pratique en terre des trous où il dépofe fes œufs. 
Certaines Mouches à deux ailes, fort femblables aux Cou- 


CE sù «ou a — 


DE LA NATURE. VIII Part. 123 


NV (A mcm « 2x 


—————— —— —_—_—_—_——_———— — 


li 


RÉ HNPITRE VIL 


Variétés de la génération. 


= 


La diflinétion des Infedtes en Vivipares & 
en Ovipares, n’a pas lieu feulement dans des 
Éfpeces de clafles différentes ; elle a lieu encore 
dans des Efpeces de mème genre. Il eft des 
Mouches à deux ailes, vivipares, & des Mou- 
ches à deux aîles, ovipares. 


IL y a plus, quelques Efpeces font vivipares 
dans un tems, & ovipares dans un autre. 
Le Puceron nous en fournit un exemple [1]. 


Tous les grands Animaux qui nous font 
connus, fe diftinguent en Mâles & en Femelles, 
& propagent l’Efsece par la voie de laccou- 
plement. Le même ordre regne chez les Infec- 
tes; mais toutes les Efpeces ne lui font pas 


fins, mais bien plus grandes, & qui ont été nommées 7ipules, 
portent de même au derriere une forte de plantoir, dont elles 
fe fervent avec adrefie, pour loger leurs œufs dans la terre. 


. [x] #f Voyez-en d'autres exemples dans la Note 4 du Chap. 
ZI de la Part. VIL 


24 CONTEMPLATION 


{oumifes, & entre celles qui le font, plufieurs 
mous offrent des fingularités très-remarquables. 


Daxs plufeurs Efpeces, le Mâle eft aîle & 
la Femelle non aîlée. Le Ver-luifant, condam- 
né à ramper toute fa vie, eft fécondé par un 
Tnfecte pourvu de quatre aîles (2). 


QUELQUEFOIS cette fingularité affez frap- 
pante, eft jointe à d’autres qui furprennent 
davantage. Partout ailleurs on obferve une 
certaine proportion entre le Mäle & la Femelle : 
ici, cette proportion difparoïit entierement. 
La Femelle eft un Colofle fur lequel le Mäle 
fe promene comme fur un terrein fpacieux. 
L’ardeur & l’agilité de ce Mâle font extrèmes. 
Il eft dans un mouvement prefque continuel. 
La Femelle, au contraire, ne fe meut que ra- 
rement & pefamment. Quelquefois même elle 
pañle la plus grande partie de fa vie dans la 


plus parfaite immobilité. Enfin le Mâle eft un 
» 

(2) tt Il eft bien d’autres exemples de la même fingularité. 
Chez plufeurs Efpeces de Papillons nocturnes, le Mâle eft 
aîlé, & la Femelle non-ailée. On obierve la même chofe dans 
une Efpece de gros Scarahée. Les Pucerons nous offrent en 
ce genre de plus grandes fingnlarités encore. On trouve dans 
les nombreufes Familles de ces petits Infectes, des Femelles 
aîlées & des Femelles non-aîlées ; des Mâles aîlés & des Males 
- non-ailés. 


DE LA NATURE. VIII Part. 12$ 


Infecte proprement dit [3]; fon corps eft cou- 
pé par des incifions très-marquées : la Femelle 
eft une mañle fphérique ou ellyptique, collée à 
üne branche, & qu’on prendroit pour une 
tumeur ou une gale de cette branche. L'on 
comprend que je parle des Gallinfeëtes, dont 
le nom rend fi bien les apparences trdmpeufes. 
On les trouve en grand nombre fur les bran- 
ches de quantités d'Arbres & d’Arbuftes. Elles 
fe diverfifient beaucoup; mais elles affectent 
toujours la forme de Galles plus ou moins arron- 
dies. Elles pompent le fuc de lArbre à laide 
dune petite trompe, qu’elles tiennent fichée 
dans l’écorce. Elles pondènt des milliers d'œufs, 
qui s’empilent fous le ventre de la Mere, à 
mefure qu’ils en fortent. La ponte finie, la 
Gallinfette meurt, & fon cadavre demeure collé 
à la branche. Ce n’eft plus qu’une coque pleine 
d'œufs, qu’on prendroit encore pour une. Gal- 
linfete vivante, tanc il y a peu d’apparence 
de vie dans cet étrange Animal. Les Petits ne 


tardent pas à éclorre, & l’on voit paroître aufli- 


tôt une multitude de très - petites membranes 
animées, ovales ou circulaires, portées {ur fix 
jambes, & qui fe répandent de tous côtés avec 
une célérité merveilleufe. Eût-on jamais deviné 


£3] Part. HI, Chap. KVH, 


Wé EVOL NUIT EM 'B'ENANT 60m 


que des Infectes fi petits, fi plats, fi agiles; 
{e confondroient un jour avec ies Galles (4) ? 


CHEZ tous les Animaux diftingués de fexes, 
c'eft le Mâle qui introduit, Il eft une efpece 
de Mouche, fort commune dans nos apparte- 
mens, qui fait une exception’à cette regle fi 
génerale. Îci, c’eft la Femelle qui introduit & 
le Mäle qui reçoit. 


Parmi les Efpeces qui vivent en fociété, 
plufieurs nous offrent de trois fortes d'individus, 
des Mäles, des Femelles & des Neutres, ou 
des individus qui demeurent toujours privés 
de fexe. C’eit ce qu’on obferve dans les Ré- 
publiques des Abeilles, des Guèpes des Four- 
mis. On fait que chaque Effaim d’Abeilles n'a 
qu'une Femelle, qui porte le nom de Kexe; 
les Mäles, nommés Fazx-bourdons, font aflez 
fouvent au nombre de quatre ou cinq cents; 


(4) +} Le genre des Gallinfeétes eft très- fécond en Efpe- 
ces. Il eft peu d'Arbres où d'Arbriffeaux qui n'aient leurs 
Gallinfectes. Ceux de l'Oranger font très-connus faus le nom 
impropre de Psmaifes. Ceux dn Pècher ne le font pas moins 
par leur multiplication exceffive. 1 y a d’affez grandes ana- 
logies entre ces Infeîtes & les Pucerons, Le Kermès & la 
Cochenille, dont la véritable nature avoit été fi long - temps 
iguorée, appartiennent au Peuple nombreux des Gallinfectes. 


DELA NATURE. VIIL Part. 127 


%s Neutres, bien plus nombreux, vont quel- 
quefois à quarante ou cinquante mille. Ceux-ci 
{ont les Ilotes de la petite Sparte : ils font char. 
gés de tous les travaux. La Reine & les Faux. 
bourdons ne s’oceupent qu’à donner des Citoyens 
à l'Etat. Mais fi ces Faux - bourdons avoiene 
été auf ardens que les Mäles de quelques 
Efpeces, la Reine, placée au milieu d’un Se. 
rail de pareils Mäles, n’auroit pas eu le temps 
de pondre. Il a donc été ordonné, que les Faux 
bourdons ne rechercheroient jamais la Reine ; 
mais que ce {eroit elle qui les rechercheroit, & 
qui les exciteroit par Îes agaceries à la fécon- 
der. Sa fécondité furpañfe fon incontinence ; elle 
pond dans l’année plus de cinquante mille œufs. 
Elle en pond de trois fortes, d’où éclofent trois 
fortes d'individus différens de taille. Les Neu- 
tres conttruilent donc trois fortes de cellules 
proportionnelles, deftinées à recevoir les œufs 
& à loger les Petits qui en doivent éclorre (5). 


(5) tt C'étoit, comme l’on voit, d’après le plus grand 
Hiftorien des Abeïlles , que j'efquiffois ces premiers traits de leur 
hiftoire. Mais, depuis la mort de cet excellent Obfervateur, 
on a découvert chez ces Mouches laborieutes des chofes bien 
lingulieres, & qui s’éloignent beauconp de tout ce qu'il avoit 
raconté de leur génération & de leur police. Cette Kein:- 
abeille qu'il nous repréfentoit comme une Mefäline au milieu 


sénat 


F 


DIET —… 


128 CONTEMPLATION 


Diverses Efpeces d'Infectes font de vérita- 
bles Hermaphrodites : chaque individu y réunit 
les deux fexes: mais il ne peut fe féconder 
lui-même, la génération dépend ici comme 
ailleurs , du concours de deux individus. Il y 
a de ces Hermaphrodites qui peuvent être mul- 
tipliés de bouture : d'un mème Ver de terre 
Pon peut faire plufieurs Vers de terre, en le 
coupant par morceaux , & files Vers provenus 
de cette divilion, venoient enfuite à s’accou- 
pler, ils fe fécondroient, en quelque forte 
eux-mêmes. 


D’auTres Infectes font des Hermaphrodites 
d'un ordre plus fingulier : chaque individu fe 
fuit à luimème & propage, fans aucun com- 


merce avec fon femblable. Le Puceron nous en 


d'un Serrail de Miles, nous eft donnée aujourd’hui pour une 
Veftaje qui, condamnée À un célibat perpétuel, n'a jamais de 
‘commerce avec les Mâles fi nombreux au milieu defquels 
elle vit, Si l’on doit s'en rapporter à des obfervations qui 
paroiflent bien faites, & qui ont été répétées plus d'une fois, 
les œufs que la Reine pond en fi grand nombre font fécondés 
dans les alvéoles, à la maniere de ceux de divers Amphibies & 
des Poiffons à écailles : les Mâles les arrofent de leur fperme. 
Je n'en dirai pas davantage aétuellement fur ces nouvelles dé- 
couvertes, parce que je ferai appellé à y revenir dans un autre 
endroit de cet Ouvrage, 

a 


DE LA NATURE VIII Part. 129 


a fourni le premier un exemple qui mérite de 
nous occuper quelques momens [6] 


EE —— —— T3 
PAP ED T RE IN ETT 


a 


Le Puceron. 


Vous avez vu cent fois de petits Mouche- 
rons attachés en grand nombre aux fommités 
& aux feuilles des Plantes, & qui les contour- 
nent en divers fens [1]: ce font les Pucerons, 
dont les Efpeces font prefque auf nombreufes 
que celles des Végétaux, & dont les fingula- 
rités fe font multipliées à mefure qu’on leur a 
donné plus d’attention. 


C6] tt Il eft rigoureufement démontré que dans la même 
Famille de Pucerons où fe trouvent des individus qui fe fuf. 
fifent à eux-mêmes, il eft néanmoins une diftinétion réelle 
de fexe & un véritable accouplement, comme je le ditai bien- 
tôt. Mais chez les Polypes, incomparablement plus nom- 
breux en Efpeces que les Pucerons , & dont la multiplication eft 
beaucoup plus grande encore, il n’eft aucun veltige de fexe 
ni aucune copulation. Chaque individu eft Androgyne au fens le 
plus étroit. 


C1] ft Non-feulement les Pucerons contournent les feuilles 
des Plantes en divers fens, ils y occafionent encore par leurs 
piguures fans ceffe réitérées, des excroiflances quelquefois 


Tome II. I 


130 C ON TE MVP 'L AUT.L OR 


ÎLs mettent au jour des Petits vivans. Leurs 
accouchemens font faciles à {uivre ; il ne faut 
que de bons yeux & un peu de patience. 
Saififlez un Petit à fa naifflance 3 renfermez-le à 
linftant dans la folitude la plus parfaite ; & 
pour mieux aflurer fa virginité, pouflez les 
précautions juiqu’au f{crupule; devenez pour 
lui un Argus plus vigilant que celui de la Fable; 
quand le petit folitaire aura pris un certain ac- 
croiflement, il commencera d’accoucher, & au 
bout de quelques iours, vous le trouverez au 
milieu d’une nombreufe Famille. 


FarrTes {ur un des individus de cette Famille 


monftrueufes. Telles font, en particulier, ces groffes veflies 
de l’'Orme, qu’on trouve remplies de Pucerons, qui doivent 
leur origine à une feule Mere, qui a piqué une feuille de 
J'Atbre, & qui y a occafoné ainfi une tumeur dans laquelle 
elle s’eft laile renfermer. La Famille plus ou moins nombreufe 
a laquelle elle v donne naïiflance, contribue à l'augmenta- 
tion de la tumeur en y faifant affluer les fucs noutriciers en 
plus grande abondance. Il eft dans le Levant de ces tumeurs 
produites par nos Pucerons, dont on fait ufage pour les tein- 
tures en cramoili. 

La claffe des Pucerons eft fi nombrenfe en Efpeces , qu’on 
peut douter raifonnablement s’il n’y a pas au moins autant d'El. 
peces de ces Infeétes, qu’il y a d'Efpeces de Végétaux. La plu- 
part font très-petits , & leurs couleurs très-variées. Il en eft 
qui font recouverts d’un long duvet cotonneux , quelquefois forc 
joliment frifé. 


DELA NATURE. VIII. Part. 137 


la mème expérience que vous avez tentée fur 
le Chef; le nouvel Hermite multipliera comme 
fon Pere; & cette feconde génération élevée 
en folitude, ne fera pas moins féconde que la 
premiere. 


RÉPÉTEZ l'expérience de génération en gé= 
ration , ne relâchez rien de vos foins, de vos 
précautions, de votre défiance : pouflez, fi 
votre patience vous le permet, jufqu’à la neu- 
vieme génération, & toutes vous donneront 
des Vierges fécondes. 


APRÈS ces expériences fi décifives & réité 


 rées, vous vous perfuadez aifément qu’il n’eft 


point de diftinétion de fexe dans les Pucerons. 
Quel feroit en cHet ’ufage d’une pareille diftinc. 
tion chez un petit Peuple dont tous les indi- 
vidus fe fufffent conftamment à eux - mêmes 2 
L'Hiftoire naturelle eft la meilleure Logique, 
parce qu'elle eft celle qui nous apprend le mieux 
à fufpendre nos jugemens, Les Pucerons font 
réellement diftingués de fexes ; il eft parmi eux 
des Mäles & des Femelles, & leurs amours font 
M chofe du monde la moins équivoque. Je ne 


| fais méme s'il eft dans la nature des Mâles 


plus ardens que ceux-ci. 


132 CONTEMPLATION 


Quel eft donc l’ufage de l'accouplement chez 
des Infectes qui multiplient fans fon fecouts ? 
À quoi peut fervir une dictinétion réelle de fexe 
x de véritables Androgyñes ? L’éclaircifflement de 
ce point tient à une autre grande fingularité que 
nous offrent ces petits Animaux. Pendant toute 
la belle faifon ils font vivipares; tous pon- 
dent alors de véritables œufs , qui éclofent au 
retour du Printemps [2]. Les Mâles commen- 
cent à fe temontrer précifément dans le temps 
où les Femelles commencent à pondre. Il y a 
donc un rapport fecret entre lapparition des 
Mäles & la ponte des Femelles (3). En tout 


[21 +t L'illuftrede G5ER, à qui l'Hiftoire naturelle eft fi 
redevable, ne croyoit pas que les mêmes Pucerons qui font 
vivipares en Eté, devinffent ovipares en Automne. Il avoit 
fait, fur les Pucerons du Rofer, des obfervations qui lavoient . 
convaincu que les Individus qui font ovipares dans l'arriere 
faifon, n'ont jamais été vivipares ; & que les Individus aîlés 
vivipares, qui précédent les Individus ovipares, ne pondent 
jamais des œufs. Ces obfervations demandent à être 16. 
pétées. I1 Faudroit fur - tout s'afurer s’il eft des Individus 


ovipares parmi les Pucerons de la Zone torride. 


(3) tt Mr. de GEER raconte, quelle fut fa furprife de 
piouver , au milieu de l'Eté , des Pucerons Mâles dans une Ef- 
pece qui vit fur le Saule, & de les voir s'acconpler avec des. 


4 MES Ee » 


DELA NATURE. VIIL Paré. 133 


temps on trouve dans le corps des Femelles, 
des œufs & des Petits plus ou moins prêts à 


EEE È : à , + 
naître. Les petits étoient donc renfermés ofri- 


ginaitément dans des œufs (4). Pendant la belle 
faifon , ils éclofent dans le ventre de leur Mere 
& paroiffent au jour vivans. Les Plantes leur 
fournifflent alofs une norriture convenable, 


Femelles vivipares. Mais il y a lieu de ‘étonner que l'Obfer- 
vateur n’eûüt pas fongé à élever de ces Pucerons en folitude, 
pour tâcher de découvrir Pufige fecret de l'accouplement. Il 
autoit été intére{lant de faveir fi des Pucerons de cette Efpece, 
privés de Mäles , auroient multiplié comme les autres. 


(4) tt Notre ingénieux Obfervateur Suédois rapporte une 
obfervation qui conGrme bien ceci, & qu’il avoit faite fur les 
Pucerons qui contournent les feuilles de l'Orme: il aure qu'ils 
naiffent revêtus d’une enveloppe qu'ils rejettent à leur fortie du 
ventre de leur Mere. - 

Il avoit très-bien vu auffi comment les Petits fortent dés 
œufs pondus avant l’Hiver. L'œuf s'ouvre à une de fes extré- 
mités, & le petit Puceron en fort la tête la premiere : tous 
fes membres font étendus en ligne droite fur fa poitrine, pré- 
cilément comme chez les Pucerons qui fortent vivans du ventre 
de la Mere. 

Il nous apprend encore qu’il eft des Pucerons qui favent 
couvrir leurs œufs de l’efpece de duvet dont ils font eux- mêmes 
garnis : ils les détachent de leur ventre avec leurs jambes de 
derriere qui s’en chargent plus ou moins, & en les frottant 
enfuite contre leurs œufs, le duvet s’en fépare & demeure 
adhérent à ces derniers. 


13 


ë 


en SERRE Er 


134 CONTEMPLATION 


qu’ils ne tardent pas à pomper à l’aide d’une 
trompe fort déliée & quelquefois tres - longue. 
À l’approche des froids, les Petits ne peuvent 
plus fe développer afflez dans le ventre de leur 
Mere, pour venir au jour vivans : ils demeu- 
rent renfermés dans leurs œufs, où ils fe con- 
fervent pendant l'hiver. S'ils éclofoient à l’en- 
trée de cette faifon ils périroient bientôt faute 
de nourriture. Le developpement dépend en 
dernier reflort de la nutrition: les Pucerons 
qui naiflent vivans, fe font plus développés 
dans la matrice que ceux qui naïiflent renfer- 
més dans des œufs. Les premiers ont donc 
reçu dans la matrice une nourriture que les 
autres n’ont pu y recevoir. Cette nourriture a 
fu pour opérer le plein développement des 
Germes. L’accouplement n’auroit-il donc point 
pour principale fin de fuppléer au défaut de 
cette nourriture dans les Germes qui ne doivent 
éclorre qu'après ètre fortis du ventre de leur 
Mere ? Nous avons vu [5 | que la liqueur du 
Mâle eft un fluide nourricier. On vérifieroit 
cette conjecture en élevant en folitude des Pu- 
cerons appellés à pondre. I! refte donc encore 
des expériences curieufes à tenter fur les Puce- 
rons , malgré le grand nombre de celles qu’on 


Cstt Part. VII, Chap. X, XE 


DELANATURE VIII Part. 13 


a déja faites. Combien ces petits Infeétes méri- 
toient-ils d’être étudiés ! Il demeurera toujours 
vrai que les plus petits fujets de Phyfique font 


inépuifables. [6 ]. 


[GT # Je difois de Phyfque, & non fimplement d'Hif- 
toire naturelle, parce que j'envifagcois ici les Pucerons dans 
le rapport à l'hiftoire de la génération, fur laquelle ils peu- 
vent répandre beaucoup de jour , & qui eft une des plus belles 
parties de la Phyfique. C'étoit, fans doute, fous le même 
point de vue que M. de REAUMUR confidéoit nos Pucerons, 
lorfqu’en parlant de leur maniere de multiplier, il ajoutoit : 
qu'elle étoit pent-être la plus grande fingularité que l'Hifloire 


- maturelle nous et fuit voir jufqw'ici, une fagularité intérefunte 


pour les Phyfciens, € mime pour les Métaphyficiens, £T très- 
propre à juflifer l'emploi du terps paflé à obferver les plus petits 
Infeëtes. Le grand HaLLer penloit de même fur les Pucerons : 
il les regatdoit comme des Etres importans en Phyfique, 6 
s'étoit plu à le Faire fentir. 

Nous avons vu que dans la même Famille de ces petits 
Infe&es , il eft des individus vivipares & des individus ovi- 
pares : nous ne fommes pas même afurés que le méme in- 
dividu qui, pendant un temps plus ou moins long, a mis 
conftamment au jour des Petits vivans, ne vienne pas en- 
fuite à pondre des œufs. Mais l'hiftoire des Pucerons nous 
offre en ce genre une nouvelle fingularité, qui n'en auroit 


_ point été une pour les Obfervateurs , s’ils n’avoient été accou- 


ne GE MERE LL. — = 


tumés à voir les Pucerons accoucher de Petite vivans. Sur 
les Sapins de la Suede s’élevent des galles en forme d’Artichatt, 


-& ces galles très - remarquables doivent leur naiflance à des 


Pucerons fi eMfentiellement ovipares , qu’on ne les a jamais vu 
mettre au jour des petits vivans: Îls pondent conffærment 


la 


136 CONTEMPLATION 


Jar parlé de quelques Efpeces d’Infectes , 
dont les Mâles font aîlés & les Femelles non- 
aîlées. On retrouve cette fingularité chez les 
Pucerons : mais ils ont plus à nous offrir en 
ce genre. Il eft parmi eux des Mäles aîlés, & 


des œufs de génération en génération, & c'eft aux piquures 
réitérées des Petits qui en éclofent, que les galles doivent leur 
plus grand acctoiffement. Elles ne font proprement que les 
boutons mêmes de l'Arbre, rendus monftrueux par les piquures 
de nos Infectes : ils s’établiffent dans les cavités nombreufes 
des galles. M. de GEER, à qui nous devons cette décou- 
verte, a trouvé au Printemps dans chaque galle une groffe 
Puceronne, à laquelle feule il attribue la premiere forma- 
tion de la tumeur. Au dehors & autour de celle-ci, il a ob- 
fervé un grand nombre de petits œufs, d’où fortoient de très- 
petits Pucerans qui entroient dans les cavités de la tumeur, 
& qui proñftoient ainfi du domicile que la Mere - Puceronne 
fembloit leur avoir préparé. Ii a frouvé de ces Meres - Puce- 
ronnes fur les pouffes du Sapin dès l’Automne précédente. 
Elles y étoient raffemblées par grouppes , & paroifloient fort 
jeunes encore. Toutes étoient immobiles & recouvertes d’un 
duvet blanchätre. Elles ne croifloient que très - lentement pen- 
dant l’Hiver ; mais au retour du Printemps , elles prenoient des 
‘accroïiflemens rapides. 

Les petits Pucerons qui éclofent des œufs que ces Meres 
pondent , fortent des galles en Juillet, prennent des aîles, 
après en être fortis. & pondent des œufs d’où éclofent des 
Pucerons qui fe rafflemblent par grouppes fur les tiges du 
Sapin, depuis l’Automne jufqu’au Printemps, & qui donnent 
ces Meres auxquelles les galles doivent leur origine. 


D'EXBA NAT U R EF: VIII. Part. #37 


des Mäles qui demeurent toute leur vie privés 
d’aîles. Il y a aufli des Femelles aïlées, & des 
Femelles qui ne prennent jamais d’ailes. Ce 
n’eft pas tout encore: les Mâles & fur-tout 
les non-aîlés, font fi petits en comparaifon des 
Femelles, qu’on les voit fe promener fur elles, 
comme un Moucheron fur un fruit, tant la 
Nature s’eft plue à accumuler ici les fingularités 
de différens genres. 


EE—— re 
CHAPITRE IX 


ER — 


Les Zoophytes ou les Animaux-plantes. 


J E demande grace pour cette expreflion bar- 
bare, qui n’elt pas mème philofophique. Je 
voudrois rendre par un feul mot ces propriétés 
fi remarquables, communes à divers Infectes, 
& qui femblent les rapprocher beaucoup des 
Plantes. Des Animaux qui multiplient comme 
elles, de bouture & par rejettons, des Animaux 
qu’on greffe paroiflent ètre de vrais Zoophytes 
ou des Animaux -plantes. Je fais bien que ce 
font au fond de purs Animaux, mais qui ont 
plus d’affinité avec les plantes que n’en ont les 
Animaux plus généralement connus; & c'eit 


POP 


De - 


pa 


18 CONTEMPLATION” 
En] 


cette forte d’affinité que le mot de Zoophytes 
doit réveiller dans l’efprit. 


PHYSICIENS, qui aviez approfondi les fecrets 
de l’économie animale; Anatomiftes, qui aviez 
confacré vos favantes veilles à l'étude du Corps 
humain, aviez-vous foupçonné qu'il exiftät 
des Animaux, dont la ftruéture imitât aflez 
celle des Plantes, pour renaître comme elles 
de leurs débris? Non, vous ne l'aviez point 
foupconné , & plus vos connoiffances anatomi- 
ques étoient profondes, plus vous vous feriez re- 
fufés à un foupcon qui les choquoit toutes. Pleins 
des Modeles que vous offroient les grands Ani- 
maux, vous aviez puifé dans ces Modeles vos idées 
d'Animalité. Et comment, fur de pareilles idées, 
euffiez-vous imaginé la réproduétion totale d'un 
cerveau, d'un cœur, d'un eftomac & de tous 
les vifceres effentiels à la vie? Une femblable 
régénération étoit déja très-merveilleufe dans 
le Végétal; & combien l’organifation de lAni- 
mal vous paroifloit-elle différer de celle du 
Végétal! Combien les organes du premier vous 
paroifloient-ils plus compofés, plus muitipliés, 
plus divers, plus dépendans & plus infépara- 
bles les uns des autres ! Comment donc euffez- 
vous deviné lexiftence d’un Animal, qui ne 
montre ni cerveau ni cœur ni arteres ni VE 


ER RE RE ET te RE le ns 


PP — 


DE LA NATURE. VIIL Part. 139 


nes, & qui femble être tout eftomac, tout in- 
teftin, & dont les jambes ou les bras font en- 
core eftomac & inteftin ? Comment enfin euffez- 
vous préfumé l’exiftence d’un Animal qui peut 
ètre greffé comme un Prunier, & retourné. 
comme un gant, & qui met fes Petits au jour 
“comme un Ârbre y met fes branches. ? 


Deux mille ans s’étoient écoulés depuis que 
l'Ecole avoit commencé de bégayer & de tâton- 
ner, l’orfque la fagacité d’un feul Oblervateur 
ut tirer d’un heureux hafard toutes ces belles 
découvertes. L'art s’uniflant alors à la Nature, 
la féconda, & de ce commerce naquirent de 
nouveaux prodiges, plus étonnans encore que ; 
ceux des tems fabuleux. Que font néanmoins 
tous ces prodiges auprès de ceux que les fiecles 
futurs verront éclorre! Quelle n’'eft point l’im- 
menfité de la Nature! Quelles ne font point 
les richefles cachées dans fon fein , & la variété 
prefqu’infinie de fes productions! Combien ces 
 inftrumens qui nous ont valu tant de vérités, 
font-ils encore imparfaits! Quelle perfection 
ne pourront-ils pas recevoir un jour du hafard 


ou de lPhabileté des Artiftes ! 


SR me 


Nous étions à peine revenus du profond 
“ étonnement où le Polype 4 bras nous avoit 


4 CONTEMPLATION 


jettés, que les Polypes à borquet ont paru & 
nous ont offert des phénomenes fi étranges, 
fi éloignés de tout ce que nous connoiflions, 
que nous n'avons pas mème trouvé dans la lan- 
gue des termes propres à les exprimer. Que de- 
vons-nous donc penfer de ces Nomenclatures 
faftueufes, qu’on ofe nous donner pour le 
Syflême de la Nature? Je crois voir un Ecolier 
qui entrepend de faire l'index d’un gros in-#lio, 
dont il n’a lu que le titre & les premieres pages, 
Et mème ces premieres pages du Livre de la 
Nature les pofflédons-nous ? Combien s’y trou- 
ve-t-il de pafñlages que nous n’entendons pas, 
& dont le fens caché renferme probablement 
des vérités intéreffantes ! 


Je ne fais point le procès aux Nomencla- 
teurs ; ils s'efforcent de mettre de l’ordre dans 
nos connoiflances ; mais je dirai bien, qu’un 
fimple Nomenclateur ne fera jamais de grandes 
découvertes. Je dirai bien encore, que je fais plus 
de cas d’un bon Traité fur un feul Infete, 
que de toute une Nomenclature snfecfologique : 
c’eft que des définitions & des divifions ne font 
pas de PHiftoire; c’eit qu’on {e perfuade trop 
facilement qu’on fait PHiftoire, quand on fait 
en gros comment les Perfonnages font faits. 
Il vaudroit bien mieux favoir ce qui réfulte de 


DE LA NATURE. VIII. Part. 141 


la maniere dont ils font faits, & ce qu'ils 


font, 


Nos claffes & nos genres feront fouvent de- 
rangés par de nouveaux Etres qu’on ne faura 
où loger, parce qu'on fe fera trop prefle de 
faire des diftributions. Si tout eft nuance dans 
le Monde phyfique, nos partitions fi tranchées 
ne peuvent être bien naturelles ; elles ne font 


que commodes, & l’on facrifie fouvent à cette 
commodité des avantages plus réels. 


L'auTEuR de la Nature a marqué du fceau 
de fon Infinité fes moindres Productions : il 
n’en eft point qui ne puiffe occuper utilement 
un Obférvateur tout entier. Comment donc {e 
trouve-t-il des Ohfervateurs ; qui ofent embraf- 
fer à la fois plufeurs branches d'Hiftoire natu- 
relle? Ce feroit déja trop d’une feule branche, 
que dis-je, d'un feul rameau. Méditez l’admi- 
rable Hifloire du Polype; lifez les beaux AMe- 
moires fur les Infectes, & comparez l'utilité de 
ces Chefs-d'œuvres à celle des Nomenclatures les 
plus vantées. Quels font ceux de ces Ouvrages 
que vous aimeriez mieux avoir fait, & qui 


vous paroïflent fuppoler plus de fagacité, de, 


génie, d'invention, & contribuer davantage 


aux progrès de l'Anatomie & de la Phyfique ? 


| 
| 


PR ET CS Te ss 


RE SAT S 


142 CONTEMPLATION 


Il me femble, qu’on devroit être moins em: 
preflé à faire le catalogue de nos connoiffances, 
qu'a les augmenter. Amaflons plus de matériaux 
avant que de fonger à élever le Temple de la 
Nature; elle refuferoit d'y habiter ; il ne feroit 
pas proportionné à {a grandeur; il ne le feroit 
qu’à la pctitcile de l'architecte (1 ). 


(x) +f Ceci étoit imprimé depuis plufieurs années, lor£ 
qu'un des plus habiles & des plus infatigables Naturaliftes 
de notre fiecle (*) écrivoit ce qui fuit à un defes intimes 
Amis, en date de l'Isle de Bourbon, le 18 d'Avril 1771. 

Quel admirable pays que Madagafcar ! Ce n’eft point 
» dans une courfe rapide qu'on peut parvenir à reconnoître 
# fes riches produétions : ce feroit l'étude d’une longue fuite 
>» d'années; encore faudroit-il des Académies enticres pour 
» uue fi abondante moiflon. 

» C'eft à Madagafcar qu'eft la véitable Terre de promiffion 
5 pour les Naturaliftes : c’eft - là que la nature femble s'être 
» retirée comme dans un fanétuaire particulier, pour y 
>, travailler fur d'autres modeles que ceux auxquels elle 
» Sel aflervie dans d'autres Contrées. Les formes les plus 
 infolites & les plus merveilleufes s’y rencontrent à chaque 
ss pas. Le Di0SCorIDE du Nord y trouverait de quoi faire 
:, dix Editions revues & augmentées de fon Syflema nqture, 
»» &finiroit, fans doute, par convenir de bonne foi, qu'on 
» Ma encore foulevé qu’un coin du voile qui couvre les pro= 
s duétions éparfes.de la Nature. On ne peut s'empécher, à 
y» Ja vue des tréfois répandus à pleines mains fur cette Terre 


(*) COMMERSON. 


DE LA NATURE. VIIL Part. 143 
EVE 
GHAPTTRE X 


Ce — 


Les Zoophytes apodes ou les Animaux-plantes ; 
Jans pieds. 


Les Vers d’eau douce. 


BP les Zoophytes, les uns ont des pieds 
ou des membres, les autres en font dépourvus. 
Nous contemplerons d’abord ces derniers. 


» fertile, de regarder en pitié ces fombres Spéculateurs de 
» Cabinet, qui paflent leur vie à forger de vains fyftêmes, 
» @& dont tous les efforts n’aboutiflent qu'à faire des châteaux 
n» de cartes. Ne les comparerions-nous pas à ce Fils d'Eole, 
> dont nous parlent les Poëtes ? comme Sifyphe, ne Îe re. 
3 buteront-ils jamais de rouler le rocher du bas d’une Mon- 
» tagne en haut, d’où il retombe fur le champ? Ils devroient 
» favoir cependant qu'ils n'ont peut-être pas encore un feul 
genre déterminé ; que tous leurs caraéteres claffiques, gé- 
» nériques, &c. font précaires ; que toutes les lignes de dé- 
» marcation qu'ils ont tracées , s’'évanouiflent à mefure que les 
,, Genres & les Efpeces intermédiaires commparoiffent. Quelle 
; préfomption de prononcer fur le nombre & la qualité des 
»» Plantes que peut produire la Nature, malgré toutes les 
découvertes qui reftent à faire ! LINNEUS ne propofe gueres 
que fept à huit mille Efpeces de Plantes. Ou prétend que 
le célebre SHERARDEN en connoifloit plus de feize mille ; 
» & un Cultivateur moderne a cru entrevoir le #axiam du 


» 


2 
“ 


= 
LT 


… 
… 


144 CONTEMPLATION 


Nous avons déja entrevu la régénération du 


Ver de terre; nous n’y reviendrons pas. D’au- 
tres merveilles nous appellent, & elles font 


regne végétal, en le portant à vingt mille Efpeces. J'ole 
dire cependant que j'en ai déja fait à moi feul une col- 
lection de vingt-cinq mille, & je ne crains point d'annoncer 
qu’il en exifte au moins quatre à cinq fois autant fur la 
furface de la Terre: car je ne puis raifonnablement me 
latter d’être parvenu à en recueillir la quatrieme ou la 
cinquieme partie. ...... Un Ami abien vouiu me faireun 
herbier des Plantes de la Côte de Goromandel ; je n’en ai pas 
reconnu une vingtaine dans lÆortus de la Côte de Malabar. 
Il faut donc regarder tous les Syflêmes Faits & à faire 
encore pendant long-temps , comme autant de procès-verbaux 


des différens états de pauvreté où en étoient la fcience & 
l'Auteur à l'époque de fon SMtéme. 


» Le bon Chevalier de l'Etoile polaire me fait fourire, 
lorfqu’il nous affure qu'il a fait la voûte de fon édifice. 
I1 me femble le voir au milieu de toutes Îles refontes de 
fon Pisux, occupé à remonter un modele de la Machine 
de Marly, dont on ne lui préfenteroit les pieces de rap. 
port qu'après lui en avoir préalablement fouftrait les neuf 
dixiemes. Je ne prétends point par-là déroger au refpeét qui 
lui eft dû ; j'ai toujours été un de fes zélés Difciples ... 

Celui qui s’exprimoit avec tant de feu & d'agrément, avoit 


fait le tour du Globe, pour accroître nos connoiflances en 
Hiftoire naturelle. Combien les Amis de la Nature ont-ils à 
regretter qu’une mort prématurée l'ait enlevé à une Science 
au perfeétionnement de laquelle il avoit confacré tous les mo- 
mens de fa laborieufe & trop courte vie! 


(age à 


. 


DE LA NATURE. VIIl Part. 14f 


en grand nombre. Nous n’aurons que le regret 
de les parcourir trop rapidement. 


C’EST prefque une chofe refpectable que la 
boue qui couvre le fond des marais & des étangs : 
c’eft-là que le GRAND ÊTRE n’a pas dédaigné 
d’accumuler les traits de Sa PuissANcE & de 
SA SaGessE. ÎL avoit lié l’exiltence de cette 
matiere vile à celle de diférentes Efpeces de Vers, 
deftimés à y vivre & à s’en nourrir, & qui 
devoient un jour nous offrir le fpectacle intéref 
{ant d’une réproduétion qu’on ne fe laffe point 
d'admirer, & qu’on admire d'autant plus, qu’on 
eft plus éclairé. 


Tous ces Vers font longs & effilés. Ils ne 
reflemblent pas mal à la chenterelle d'un Violon : 
on pourroit mème leur en donner le nom, 
Leur. corps elt formé d’une fuite très-nombreule 
de petits anneaux, qui décroiffent graduelle. 
ment à melure qu'ils approchent des extémités. 


Ils font très-mous; leur tète, qui fe termine en 


pointe moufle, eft {ufceptible de mouvemens 

variés. Elle fe conttate, fe dilate, s’alonge, 

{e racourcit au gré de l’infecte. La bouche 

elt garnie d’un mufcle qui en dirige les fonctions, 

& dont le jeu eft aflez fenfible. L’anus, placé 

à l’extrèmité oppofée, eft une petite fente ob- 
Tome Il, K 


46: CONTEMPLATIONK 


longue, bordée d'un mufcle analogue, mais 
moins apparent. Toute la peau eff fitranfparente , 
qu’elle permet de voir jufque dans l’intérieur, & 
nous devons nous en féliciter, car il prélente un 
grand fpectacle. Le Polype, fi célébré & fi digne 
de l’ètre, ne montre rien qui ait l'air de vifceres : 
toute fa fubftance, qui eft aufli très-diaphane, 
ne paroït compofée que d’un amas de petits 
grains fimilaires. Nos chanterelles font de petits 
Étres tout autrement organifés, & lappareil 
de vifceres, que le microfcope nous y décou- 
vre, paroît les élever bien au deflus du Polype 
dans l'Echelle de lAnimalité. Un long vaifeau, 
qui va en ferpentant, de la tète vers da queue; 
eft ce qui frappe le plus les-yeux de PObfer- 
fervateur : il a peine à s’en détacher. À fes mou- 
vemens réguliers & alternatifs de dilatation & de 
contraction , il le reconnoît bientôt pour le cœur 
ou la principale artere. La liqueur qui circule 
dans ces routes tortueufes, eft limpide. Elle fe 
rend fenfible par les battemens qu’elle excite 
dans chaque portion de l’artere, comprife entre 
deux anneaux. On diroit que chacune de ces 
portions eft un véritable cœur, & que toute 
Parcere eft une chaîne de petits cœurs, mis bout” 
à bout, qui chañfent le fang de place en place. 
Qn le voit parcourir d’un mouvement unifor: 


D 7 


Le 
k 
| | 


… 


DE LA NATURE. VIII Part. 147 


me tous ces petits cœurs , & s'élever ainfi comme 


par autant d'échelons , de la queue vers la tête, 
près de laquelle il difparoït enfin. De part & 
d'autre de lartere, on découvre de belles ra- 
mifications de vaiffeaux, qu’on prendroit pour 
des veines, parce qu'on n'y apperçoit aucun 
battement. Au deflous & le long de lartere eft 
un canal, dont le diametre varie en différens 
points de fon étendue. C’eft le conduit intef- 
tinal, qui comprend l’œfophage , Peftomac & les 
_inteftins. Les alimens s’y digerent fous les yeux 
de lPObfervateur : il les ie dans leur route; 
il les voit defcendre de la bouche vers l'anus, 

& enfiler tous les points du canal compris en- 
tre ces deux extrémités. Quelquefois il Jes ob- 
ferve rétrograder ; d'autrefois iis lui paroilfent 
ftationnaires. Il démèle. ... Mais mon Lecteur a 
déja pris une aflez grande idée de la ftruéture 
de ces Vers, & il s'étonne que des Machines 
auf compofées puiffent ètre mifes en pieces 
fans que leur économie en foufre. 

ELLE n’en fouffre pas le moins du monde. 
Au pied de la lettre, ce n’eft rien pour ces In- 
fectes que d’être partagés par le milieu du corps. 
Non-feulement chaque partie continue de vivre 
& de fe mouvoir; mais celle qui n’a point de 
tète en refait bientôt une autre; & l’on juge 


K 2 


148 CONTE MP ETAT I0O M 


bien qu’une nouvelle queue ne tarde pas à pou£- 
fer dans la moitié qui n’en avoit point. En moins 
de trois jours, quelquefois plutôt, les deux 
moitiés font deux Vers très - complets, & qui 
n’ont plus qu’à acquérir la longueur du premier. 


CE n'eft pas une plus grande affaire pour 
des quarts, des huitiemes, des feiziemes de nos 
Vers, de reprendre une tête & une queue; cela 
va fi vite & fi bien, qu’en peu de jours, tous 
ces fragmens font autant d’infetes parfaits; & 
au bout de quelques femaines, ils font déja 
auffi longs que.le Ver entier. De nouveaux an- 
neaux & de nouveaux vifceres {e développen® 
à la fuite des premiers, & les parties repro- 
duites ne différent point des anciennes. Ainfr 
la Machine {e remonte par fes propres forces, 
& la fection, qui devroit les détruire, ne fait 


que les déployer. 


Je n’ai pas dit affez; dois-je craindre de n'en 


ètre pas cru {ur ma parole, après tant de mer- : 


veilles du mème genre, que l’Hiftoire naturelle 
nous prodigue? Des vingt - fixiemes de Ver, 
c’elt-à-dire de vrais atômes, parviennent très- 
bien à fe réintégrer, & dans l’efpace de quel- 
ques mois, ce font des Vers de plufieurs pou- 
ces de longueur. Dans ces atômes vivans comme 


. ati 


DE LA NATURE. VIII Part. 149 


dans des fragmens plus confidérables, la circu- 

“jation pakoît fe faire avec la mème régularité 
que dans le Ver entier. Chaque atôme a fon 
petit cœur, & l'on voit affez que ce Cœur n’eft 
autre chofe qu’une très-petite portion de la gran- 
de artere du Ver dont l’atôme faifoit aupara- 
vaut partie. 


On fe laffe de couper la tète au mème in- 
dividu : il faut toujours y revenir, parce que 
touours il repoufle une nouvelle tête. On peut 
mème lui en faire pouffer deux à la fois, qui 
auront chacune leur volonté propre. 


IL ef une autre Efpece de ces Vers, chez 


qui la propriété de fe réintégrer a été refferrée 
dans des bornes fort fingulieres. Elle refait au 


mieux une tète & une queue, mais f on la. 


coupe en trois ou quatre portions, les por- 
tions intermédiaires pouilent une queuë à la 
place ou elles auroient dû pouffer une tête. Cette 
queue furnuméraire, tres- bien otganifée & à 
qui rien ne manque, ne fauroit s'acquitter des 
fonctions de la tète, & le malheureux Infeéte 
eft condamné à mourir de faim. 


SI 


150 CONTEMPLATION 
CLEA P TA CRMESPANE 


Les Polypes a bouquet. 


Led dans ce ruifleau, dont le fond 


eit couvert de débris de Plantes : qu’appercevez- 


- vous fur ces débris ? Des taches de moifiäure : 
ne vous y méprenez pas; ces moififlures ne font 
pas ce qu'elles paroident ètre, & vous le foup- 
çounez déja: vous penfez les ennoblir beau- 
coup en les élevant au rang des Végétaux : vous 
conjecturez que ce font des Plantes en minia- 
ture, qui ont leurs fleurs & leurs graines, & 
vous vous applaudifez de ne pas juger de ces 
moilifiures comme le Vulgaite, 


PRENEZ une loupe : que découvrez - vous ? 
De très - jolis bouquets, dont toutes, les fleurs 
font en cloches. Caaque cloche eft portée par 
une petite tige, qui s'implante dans une tige 


communè: vous ne doutez plus à préfent de 


la vérité de votre conjecture, & je ne puis vous 
détacher de ce parterre microfcopique. 


Vous ne l’avez pourtant pas affez obfervé. 
Fixez vos regards fur l'ouverture d’une de ces 


1! 


| 
F 


DALZA N ATiUR E: VIII. ‘Pari. "x ÿs 


cloches, vous y appercevez avec furprife un 
mouvement tres-rapide, qu@gvous ne pouvez 
vous lafer de contempler, & que vous com- 
parez à celui d’un moulinet (1). Ce mouve- 
ment excite dans l’eau de petits courans, qui 
entraînent vers lacloche une multitude de cor- 
pufcules qu’elle engloutit, & qui s’y diffolvent. 
Vous commencez à douter que ces cloches foient 
de véritables fleurs, & les mouvemens ‘en ap- 
parence fpontanés des tiges, accroiflent encore 
vos doutes. Continuez d’obferver : la Nature 
elle-mème vous apprendra ce que vous devez 
penfer de cette finguliere Produétion , & vous 
fournira de nouveaux motifs d'admirer la fécon- 
dite de fes voies. 


VoiLa une cloche qui fe détache d’elle-mème 
du bouquet, & qui va en nageant fe fixer à 
quelque appui : fuivez-là. Un court pédicule 
part de fon extrémité, & c’eft par le bout de 


(1) +# Cette apparence de moulinet eft une pure ilinfon 


_ d'Optique, produite par le mouvement ondulatoire & très. 


accéléré des levres du Polype. Quantité d’autres Animalcules 
de la même claffe & de clafles différentes, ofrent la mème 
particularité. Ce mouvement ondulatoire a chez tous la même 
fn : il tend à exciter dans l’eau un petit courant qui entraine 
vers la bouche de l’Animal, les corpufcules qui lui fervent 


de pâture. 
K 4 


552 CONTEMPLATION 


ce pédicule qu’elle s’attache. II fe prolonge & 
devient une petite tige. Ce n’eft plus un bou- 


quet que vous avez fous les yeux, c’eft uue 


fleur unique. Redoublez d'attention ; vous tou. 
chez au moment le plus intérefant. La fleur 
s'eft fermée, elle à perdu fà forme de cloche, 
& à pris celle d’un bouton. Vous foupconnez 
peut-être que ce bouton eft un fruit ou une 
graine qui a fuccédé à la fleur ; car vous avez 
de la peine à abandonner votre premiere con- 
jeéture. Ne perdez Point de vue ce bouton : 
le voilà qui fe Partage peu-a-peu fuivant {à lon- 
gueur, & la tige eft furmontée à préfent de 
deux boutons plus pétits que le premier. Exa- 
minez ce qui fe pafle dans l’un & dans lautre. 
Ts s’évafent infeufiblement, & Vous apperce- 
vez dans les bords de l’évafement uñ mouve- 
ment qui s’accélere à mefure que le bouton s’ou- 
vre. Déja le moulinet reparoit, & les deux bou. 
tons ont pris la forme d’une cloche. 


UX fruit qui fe convertit en fleurs, feroit 
il un véritable fruit ? Des fleurs dont l’intérieur 
eft animé, & qui avaleñt de petits Infetes, 
feroient-elles de véritables Beurs ? Laiffez repo. 


fer vos yeux, & revenez obferver au bout de 
quelques heures. 


———————— 


DE LA NATURE. VIIL Part. 153 


Vos fleurs fe font fermées comme la pre. 
miere ; vous devinez ailément qu’elles vont fe 
partager de mème, s’évafer enfuite, & vous 
donner quatre cloches. Cela eft déja fait, & vous 
avez un petit bouquet formé de quatre fleurs. 
Si vous continuez d’obferver, vous le verrez 

: groflit par de nouvelles divifions de deux en 
deux; bientôt vous lui compterez feize , trente- 
| deux, foixante-quatre fleurs , &c. 


TELLE eft l’origine de ce Parterre microfco. 
| pique, qui s’étoit d’abord attiré votre atten. 
tion : combien étoit.il plus admirable encore que 
vous ne le penfez! quelle foule de merveilles 
une tache de moififlure préfente-t-elle au Phy- 
ficien étonné! Quelles fcenes intéreffantes ua 
riées , imprévues, fe pafent fur un brin de bois 
pourri! quelithéatre pour celui qui fait pen- 
fer! Mais notre loge eft fi reculée , que nous 
ne faïfons qu’entrevoir : quel feroit notre ra- 
viflement , fi tout le fpedtacle fe dévoilant à nos 
Yeux, nous pénétrions jufques dans la ftruc- 
ture intime de ce merveilleux affemblage d’Atô- 
mes vivans ! Nos fens obtus n’en démèlent que 
les parties les plus faillantes; ils ne faifffent 
que le gros des décorations, & les machines 
| qui les exécutent demeurent cachées dans une 
nuit impénétrable, Qui éclairera cette nuit pro- 


- 


154 : CON TE M PE A4 TUNONM 


fonde? Qui percera dans cet abyme où la rai- 
fon va fe perdre? Qui en retirera les trélors 
de Puiffance & de Sagefle qu’il recele? Sachons 
nous contenter du peu qu'il nous eft permis 
d’entrevoir. & contemplons avec reconnoiflance 


ces premiers pas de l’Intelligence humaine vers, 


un Monde placé à une fi grande diftance de nous. 


REPRENEZ votre microfcope, & confidérez. 


cet autre bouquet. Il n’eft pas fait précifénent 
comme le précédent. Ses fleurs font aufli en clo- 
ches. De la maîtreffe tige partent, à la vérité, 
des tiges plus petites ou des branches latéra- 
les; mais ces branches en portent elles-mêmes 
de fubordonnées. A lextrémité de toutes les 
branches & de tous les rameaux eft une clo- 
che. Touchez légérement ce bouquet, il fe re- 
plie à l’inftant fur lui-même, & fe met en boule. 
Attendez un moment, & vous le verrez s'épa- 
nouir de nouveau. La tige & les branches fe 
déploieront, & vous offriront l'agréable fpecs 
tacle de leurs cloches. 


Vous favez maintenant que! chaque cloche 


#t un Polype; que l'ouverture de la cloche eff, 
en quelque forte, la bouche de lAnimal, & 
ae cet affemblage fingulier ne compole qu’ un 

L Tout organique, formé d’une multitude 


DELA NN AT ÜURE. VIIL Part. 15% 


-de Touts particuliers & fmilaires. C’eft une ef 
pece bien nouvelle de Société , dont tous les 
individus font Membres les uns des autres, 
au fens le plus étroit, & participent tous à la 
mème vie. 


COMMENT penfez-vous que fe propagent ces 
Polypes fi branchus ? Vous n’héfitez pas à ré- 
pondre que c’eft par la divifion naturelle des 
cioches , comme dans les Polypes que vous ve- 
nez d'admirer. Sufpendez, fi vous le pouvez, 
votre Jugement; obfervez ; & apprenez à l’école 
des Polypes , à vous défier des analozies. N’ap- 
percevez- vous dans tout l’afemblage que des 
. branches & des cloches? Vous découvrez en- 
_core Gà & la, fur les tigos & fur les branches, de 
_ petits corps ronds, des efpeces de bulbes, affez 
 {emblables aux Galles àes Plantes. Fixez-vous 
à une de ces bulbes, & donnez-lui toute lat- 
tention qu’elle mérite. H]le eft très-petite , mais 
elle groffit vite, & en peu de temps vous la 
voyez furpañler de beaucoup les cloches en grof- 
feur. 


. VoTre curiofité s’accroit, & vous êtes im- 
patient. de lavoir ce que fait la cette bulbe, & 
ce qu’elle deviendra. Ne tentez pas de le devi- 
ner; laiflez parler la Nature. Voilà votre bulbe 


56 CONTEMPLATION 


qui fe détache de la tige, & qui va en nageant 
{e fixer fur une Plante. Elle s’y attache par un 
pédicule très-court, qui s’alonge beaucoup en 
peu d'heures. La bulbe perd fa forme fphérique 3 
elle prend celle d’un bouton ovale. Ce bouton 
fe partage fuivant fa longueur en deux autres 
plus petits, mais bien plus gros encore qu’une 
cloche. Ils ne tardent pas à fe partager comme 
le premier , & voilà quatre boutons fur la mème 
tige. Tous fe partagent encore, & vous donnent 
huit boutons : bientôt vous en comptez feize. 
Ils tiennent tous à la tige par un pédicule pro- 
pre, & ne font pas tous égaux en grofleur. Les 
plus gros continuent à fe partager ; les plus petits 
commencent à s'ouvrir, & à fe montrer {ous la 
forme d'une cloche. Ceux-ci font des Polypes par- 
faits ; ceux-là, des Polypes qui ne font pas ache- 
vés ; il leur faut de nouvelles divifions pour dé- 
ployer leurs organes. 
- 

MaiNTENANT vous avez le mot de l'énigme, 
& vous êtes forcé d’avouer que vous ne lau- 
riez pas devinée. Un Habitanc de Saturne de- 
vineroit-il l’'Hiftoire d'un gland ou d'un œuf? 
Quelle Plante , quel Animal pouvoit nous con- 
duire à foupçonner l’exiftence des Polypes 4 bulbe? 


Mais ce bouquet qui vient de fe former 


sm. x + sud de de mr 


DE LA NATURE. VIII. Part. 157 


fous vos yeux, n’eft pas aufli fourni de clo- 
ches que celui dont la buibe s’étoit détachée : 
reftera-t-il tel qu'il eft ou s’accroitra-til? S'il 
s’accroit, fera-ce encore par des bulbes? Vous 
n’ofez plus entreprendre de deviner ; vous avez 
fait chez nos Polypes un excellent cours de Lo- 


gique, & vous vous en tenez à l’obfervation. 


Une des cloches s’eft fermée; elle s’eft arron- 
die en maniere de bouton, & vous la voyez 
fe partager. Les mêmes divifions s’operent dans 
d’autres cleches, & en moins de 24 heures vous 
comptez plus de cent cloches à ce bouquet, qui 
n’en avoit d’abord qu’une vingtaine. } 


"3 


ae 


=. 
CE — 
x 


CHAPITRE XII. 


Les Polypes en entonnoir. 


Vous ne pouvez quitter ce ruifleau où vous 
avez puilé tant de vérités, & des vérités fi éton- 
nantes & fi imprévues. Vous y découvrez d’au- 
tres Animaux microfcopiques, dont la forme 
imite celle d'un entonnoir. Ce font encore des 
Polypes. Ils ne compofent point de bouquet : 
ils tiennent à quelque corps par leur extrémit£ 


18 CONTEMPLATION 


t 


inférieure. Vous êtes curieux de connoître jeur 
maniere de multiplier. Pour y parvenir, vous 
fixez le microfcope fur un de ces entonnoirs de 
vous vous attendez bien que ce fera ici un nou. 
veau Chapitre à ajouter à votre Logique, 


: D'ux feul entonnoir il s’en forme deux, par 
une divifion naturelle, mais très - différente de 
celle des Polypes en cloche, tant la Nature s’eft 
plue à varier ici fes procédés & à dérouter lOb- 
fervateur. 


CONSIDÉREZ ce qui fe pañle vers le milieu 
de l’entonnoir. Une bande tranfverfale & obli- 
que vous indique l'endroit où le Polype va fe 
partager. La divifion fe fait donc de biais ou 
en écharpe. La bande détermine les bords du 
nouvel entonnoir, & ces bords ne font autre 
chofe que les levres du nouveau Polype. Vous 
Y aPPercévez Un mouvement aflez lent, qui 
aide à vous les faire reconnoitre. Elles {e rap- 
prochent infenfiblement ; le corps fe ramaffe peu- 
à-peu ; il fe forme fur le côté un petit renfe- 
ment qui eft une nouvelle tête. Déja vous dif. 
tinguez nettement deux Polypes placés l’un au- 
deflus de Pautre. Le Polype fupérieur a Pan- 
cienne tête & une nouvelle queue; le Polype 
inférieur , une nouvelle tète & l’ancienne queue, 


DE LA NATURE. VIIL Part. 159 


Le Polype fupérieur ne tient plus à l’autre que 
par fon bout inférieur. Un mouvement qu'il fe 
- donne l'en détache enfin, & il va en nageant fe 
fixer ailleurs. Le Polype inferieur refte attaché à 
la mème place où étoit l’entonnoir avant la 
divifion. 


=> 


2e és 


E= 
EC LSLOR CE XCETZ 


Les Polypes en naffe. 


Cr encore à la forme extérieure de leur 
corps, que ces petits Polypes doivent leur nom; 
ils imicent afez celle d’une nañe de Poiflon. 
Îis fe raffemblent par grouppes (1), & fe fixent 
dur tous les corps qui fe rencontrent dans les 
eaux douces : ils font fort tranfparens, 


ON voit fe former dans l’intérieur du Polype 


Cr) ft Ces petits Polypes parviennent à former ees group- 
pes, en s’uniffant les uns aux autres par le bout de leur queue. 
| Is compofent ainfi une forte de fphere , qui porte à fon centre 
toutes les queues, & à fa circonférence toutes les têtes. Cette 
fphere tourne fur eîle- même, & cet ainfi que cette fingu- 
liere fociété de Poiypes fe tranfporte çà & là dans les eaux, 


160 CONTEMPLATION 


un corps oblong & blanchâtre. Dès qu'il eft for: 
mé, il defcend peu-à-peu , fe montre au dehors, 
& demeure fixé perpendiculairement {ur le Po- 
lype. De jour en jour il s’en produit de nou- 
veaux , & le grouppe qu’ils compofent à l'exté. 
rieur du Polype s’accroit. 


SI ces petits corps font des œufs, ce font ! 
des œufs d’une efpece unique; ils n’ont abfo- 
lument aucune enveloppe ni membraneufe ni 
cruftacée. On ne peut pas dire de femblables 
œufs, que les Petits en é:lofent, mais il faut 
dire que ces petits Corps oviformes {e dévelop 
pent. En peu de minutes, ce développement 
eft achevé, & le Polype eft tel que fa Mere. 
Imaginez un Oifeau qui fortiroit du ventre de 
fa Mere, abfolument nud, replié fur lui-mème. 
en forme de boule, & dont tous les membres 
viendroient enfuite à fe déployer, & vous au- 
rez une image de la naiflance des Polypes ex 


naîe (2). 


(23 C'eft à Mr. TREMBLEY qu'on doit la connoiffance de 
ces Polypes, comme on lui doit celle de tant d’autres EL 
peces de ces petits Animaux, qui ont rendu fon nom fi CÉ= 
lebre dans la République des Lettres. V 
Prime fur ces Polypes en nafle, dans fon excellente Zuffruca 
tion. 


‘* Is font tous Meres : lorfqu’ils font en train de produire, 


CHAPITRE 


oici comme ils'ex- | 


DE LA NATURE. VIIL Part. 161 


RE 


CARA PEL TRES X'T V. 


Les Zoophytes polypodes ou les Anisnaux-Plautes 


a plufieurs pieds. Le Mille-pieds à dard. 


Ox fait qu'on a donné le nom général de 
Mille-pieds à tous ces Infectes qui ont des cen- 
taines de jambes, avec lelquelles ils ne vont 


s 
CE. 


1 
” 


| 
| 
| 
| 


on découvre dans le groupe, que chaque Polype qui Je 
compofe, a fur fon corps un paquet de ces corps obiongs, 
qui en eît forti. H en fort un à-peu-près chaque jour ; & à 
peu-près chaque jour , il y en a un de chaque Polype qui fe dé- 
veloppe, & qui eft en état d'agir, de nager, Le jeune 
Polype en näffe ne s'éloigne pas feul du grouppe dans le- 
quel ila pris naifance. Ceux qui fe développent en même 
temps, fe meuvent dans le grouppe, fe cherchent, s'u. 
nifflent par leur extrémité poftérieute; & lorfqu’an certain 
nombre eft réuni, le grouppe qui s'eft formé s'échappe ; 
cette fphere nage en tournant en quelque maniere fur fon 
axe : le mouvement de chaque Animal contribue au mou* 
vement commun du grouppe fphérique. Il s'échappe quelque 
fois dans un jour, des deux ou trois grouppes du grou- 
pe Mere, qui, après avoir nagé pendant quelque temps» 
vont fe fixer pour devenir Meres à leur tour. Ainfi , pour 
qu'un grouppe de jeunes Polypes en naffe puiffe fe former, 
il eft néceMlaire que plufieurs Petits fe développent en 
même temps dans le grouppe Mere, ,, 


Tome IL, L 


PE 


62 CO NT E M P L'ATAIIONN 


fouvent pas plus vite que d’autres Infectes avec 
fix ou huit. Il eft certainement des fins dans 
la Nature, mais nous ne fommes pas à portée 
de les démèler toutes, & nous lui en prètons 
quelquefois qu’elle ne s’eft point propofées. Les 
fins particulieres dépendent de la grande fin 
générale que nous ne faurions embrafler. Le 
Mille-pieds étoit, fans doute, un des moyens 
relatifs à cette fin : les rapports du moyen à 
la fin nous échappent, parce que nous ne fai- 
fifons pas la totalité ou l’enfemble des moyens. 


ON avoit fort admiré les mouvemens , en 
apparence fpontanés, que fe donnent les por- 
tions de divers Mille-pieds partagés, mais l’on 
s’en étoit tenu à cette ftérile admiration, & il 
n’étoit pas venu en penfée de fuivre ces por- 
tions pour favoir ce qu’elles devenoient. On 
auroit vu quelque chofe de plus admirable, & 
qui auroit frayé la route à des découvertes im- 
portantes. On fe feroit afluté, par fes propres 
yeux, que chaque portion poufloit une nouvelle 
tête & de nouvelles jambes. 


C’EST au moins ce que nous offre le Mille- 
pieds qui fait le fujet de ce Chapitre. Il eft 
aquatique, & doit fon nom à un dard charnu, | 
dont fa tête eft munie, Nous venons de voir 


DELANATURE. VIIL Part. 3163 


qu'il multiplie pat la feétion , comme les Vers 
que j'ai décrits. Il multiplie encore en fe par- 
tageant de lu-mème , & ce fait eft très-fingu. 
lier. Il fe développe une nouvelle tèce à quel- 
que diftance du bout poltérieur. Un nouveau 
dard s’éleve perpendiculairement fur le Mille- 
pieds. Le bout poftérieur, garni de fa nouvelle 
tète, fe fépare du refte du corps, & c’elt ainfi 
que d’un feul Mille-pieds il s’en forme deux (1). 


C1) tt Ce que je difois ici ‘le ce Milie-pieds, eft bien peu 
de chofe en comparaifon de tout ce. qu’il a offert à un excel- 
lent Obfervateur ( le célebre O. F. MuLrer, Danois ), qu: 
s’eft plu à approfondir fon hiltoire. Ce petit Etre aquatique 
eft beaucoup plus curieux encore qu'on ne l’avoit préfumé, 
& fans doute qu’il recele bien d'autres merveilles que nous 
ne foupçonnons noint. 

Notre Obfervateur lui a donné le nom de Naïle, & il ne 
Faut pas l’appeller Naide à durd, parce que ce n’eft point pro- 
prement un dard qu’elle porte à Ja tête, c'eft plutôt une forte 
d'antenne, qui lui fert à täter les objets. Cette antenne rel- 
femble plus à une trompe qu'à un Dard; au moins eft-il fur 
gu'elle n’eft point une arme offenfive. 

Le corps d'une Naïde vierge eit compofe de feize anneaux, 
& on y compte une vingtaine. de Jambes. Le dernier anneau 
eft le glus Jong de tous : il eft auf le plus remarquable par 
les admirables produétions qui s’y operent. 

Si l'on fuit quelques jours la Naïde, on verra apparoître 
dans ce dernier anneau , des Ligues tranfverfes, au nombre 
de dix ou douze. Bientôt on reconnoitra que ce font de nou- 


Veaux annpaux, qui fe développent dans l’ancien. Ils font 


La 


] 


164 CONTEMPLATION 


EE 
CHA P LT RER 


Le Polype à bras. 


Ux torrent nous. entraine ; nous courons 
rapidement de merveilles en merveilles, & nous 


renfermés fous la peau de la Naïde.mere, & la tranfparence 
de cette peau permet de les diftinguer. On y déméle déja des 
jambes naiffantes, & les mouvemens alternatifs de contraction 
& de dilatation de Ja grande artere, y font très-fenfibles. La 
liqueur analogue au fang circule dans cet Infeéte, comme 
dans tant d’autres, de la queue vers la tête. 

Les nouvelles jambes ne tardent pas à fe montrer au de- 
hors, & les unes après les autres. Les nouveaux auneanx 
s’alongent, fe faconnent; & c’eft une petite Naïde qui com- 
mence à fe développer, & qui a déja pris un accroiflement 
confidérable. 

Tandis que ce merveilleux changement s'opere, on dé- 
couvre par delà le milieu du dernier anneau de la Mere, ou 
de cet annean qui devient Îui- même une Naïde, une raie 
tranfverfe, noirâtre, bien différente de celles qui caradérifent 
les nouveaux anneaux. Elle annonce l'apparition prochaine 
du dard ou plutôt de l'antenne, dont fa petite Naïde doit 
être pourvue. Cette antenne s’alonge & groflit de jour en 
jout. 

Enfin, au dedans de la raie tranfverfe apparoïflent deux 
points noirs. Ce font les yeux de la Naïde naiflante. 

À cétte époque, l'ancienne Naïde eft devenue Mere, & 


DE LANATURE. VIIL Port. 165 


voici parvenus à ce fameux Polype qui a tant 
étonné le Monde. C’eft encore un Habitant des 


on la voit nager quelque temps avec {a Fille, qui continue 
à faire corps avec elle. Mon Leéteur imagine apparemment 
qu'elle va fe féparer de fa Mere, & que c'eft à cela que fe 
réduit la multiplication de notre Mille-pieds. Point du tout, 
cette multiplication a bien d’autres fingularités à nous offrir , 
que je me bornerai à efqüiffer. | 

Pendant que ia jeune Naïde fe développe dans le dernier 
anneau de fa Mere, on obferve à la partie antérieure de cet 
anneau des traits tranfverfaux , faibles encore & fort rappro- 
chés les uns des autres. (C’eit une feconde génération qui 
commence à {e développer, & daus laquelle on appercoit les 
indices-de nouveaux afneaux. Ces anneaux croiffent peu-à- 
peu comme ceux de la premiere génération. Tous fe déve- 
loppent donc à la fois ; mais ceux de la feconde génération 
doivent arriver plus tard à leur parfait accroiffement que 
ceux de la premiere. 

A peine la feconde génération a-+-elle atteint la longueur 
de deux anneaux ordinaires, qu'une troifieme génération ap- 
paroît, dont les développemens fuivent les mêmes loix qu? 
ceux des deux premieres. On parvient même quelquefois à 
entrevoir les premieres ébauches d’une quatrieme génération. 

Ainf une Naïde en pleine multiplication peut être à Ja Fois 
Mere de quatre Naïdes de différens âges; & ce qui et plus 
étonnant, les jeunes Naides en produifent d'autres, tandis 
qu’elles tiennent encore à la Naïde mere. Celle-ci porte donc à 
la fois fes Enfans & fes Petits-enfans; & ce qui eft bien digne 
d'être remarqué, toutes ces générations {uceefives ne Forment 
avec la Mere ou l’Ayeule qu'un feul Tout organique. Elles 


vs, qu'une meme 


L 3 


n'ont qu'une même bouche, qu'un méne an 


166 CONTEMPLATION 


LA 


eaux : C'étoit-là qu'il falloit aller chercher les 
Eipeces les plus curieufes de notre Globe. Pre- 
nons une idée un peu nette de la ftructure de 


artere, qu’un même conduit inteftinal, &c. Je ne fache rien 
de plus propre que cette communauté de vifceres, à faire 
fentir fortement qu’il n'y a point ici de génération proprement 
dite, & que tout fe réduit à un fimple développement de par- 
ties préexiftantes dans la Naïde mere, & qui apparoïflent fuc- 
ceffivement & dans un certain ordre. 

Quand, Ia premiere génération a acquis toutes les parties, 
qui caratérifent l'efpece, & que ces parties n'ont plus qu’à 
prendre tout l'accroiffement qui leur convient, le moment eft 
venu où cette génération doit fe féparer de la Mere. Cela 
s'opere peu à-peu par des petits mouvemens de la Mere & de 
la Fille. Ii fe forme à l'endroit de la féparation, un étran- 
glement qui augmente d’inftant en infant; & lorfque la Fille 
ne tient plus à la Mere que par un fil extrêmement délié, le 
plus petit mouvement acheve la féparation. 

Dès que la jeune Naïde eft en liberté, les traces de l’an- 
cien conduit inteftinial qui exiftoit encore dans fa tête », S'eFa- 
cent, & le dard on l'antenne s'alonge & groffit. 

En fe féparant de fa Mere, la nouvelle Naïde emporte avec 
elle l'ancien anus, & toutes les générations qui ont commencé 
à le développer. Mais alors le dernier anneau de la Mere re- 
produit un nouvel anus. La grande artere de celle-ci fe ré- 
pare auf; elle raffemble le fang, & continue à le pouffer 
du dernier anneau vers le premier. 

La Naïde dont j'ébaucke l'hiftoire, a encore une autre 
maniere de multiplier. Vers le tiers de la longueut de fon 
corps fe développe nn nouveau Tout organique, fans qu’on 
Y apperçoive le moindre veftige de ces lignes tranfverfes qui 


DE LA NATURE. VIII. Part. 167 


cet étrange Animal; nous en faifirons mieux 
tout ce qu'il a à nous offrir, & nous écarterons 
de notre Efprit des idées d’Animalité, que nous 
avons puilées chez les autres Animaux, & qui 
nous embarraferoient fi nous les confultions. 
Nous parcourons un Pays où lon diroit que 
la Nature n’eft plus femblable à elle-même. Ce 
font par-tout des modeles entiérement diffé- 
rens; & entre un modele & un autre modele , 


carattérifent la premiere maniere de multiplier. On n’apper- 
çoit pas même d'indice d'une nouvelle tête. On diroit que la 
Naïde ne fait que s’alonger beaucoup; & au lieu de feize 
anneaux on lui en compte trente à quarante. Mais on ne 
tarde pas à découvrir la raie tranfverfe & noirâtre , dont j'ai 
parlé; le dard on l'antenne paroïît; les yeux fe montrent, & 
la Naïde fe partage en deux vers le milieu de fa longueur. 

Il y a donc cette différence entre la multiplication ordi- 
maire, & celle que je viens de décrire, que dans la premiere 
la tête fe développe en même tems que les autres parties ; 
au lieu que dans la feconde, elle ne commence à fe montrer 
ue oi les autres parties ont pris leur parfait accroil- 
emen 

Cette admirable Naïde peut auffi être multipliée de bou- 
ture, & reproduire les parties qu’elle a perdues, Si on lui 
coupe la tête tandis qu’elle eft en pleine multiplication, elle 
en produit une nouvelle, & les nonvelles générations qui 


s'opérent dans fon dernier anneau ne laïffent pas de fe déve- 
lopper. La multiplication artificielle va même plus vite que 
la naturelle. Il faut dix à douze jours à une Naïde pour pro- 
duire une premiere génération; il ne lui en faut que trois à 
quatre pour la réproduétion d’une tête ou d'une queue. 


L4 


168 CON TE M PSI) ATOM 


il eft encore de grandes diverfités. Combien les 
Vers qu’on multiplie par la fection, different-ils 
des Polypes 4 bouquets! Quelle différence encore 
entre un Polype à bouquet & un autre Polype 
a bouquet! Combien enfin ces Polypes different- 
ils de ceux ex entonnoir,; @& ces derniers, du 
Polype à bras! 


C’est une chofe qui paroïit fort fimple , que 
la ftrudture de ce Polype. Figurez-vous le doigt 
d’un gant; ce doigt eft exactement fermé par 
un bout, & ce bout vous repréfente la queue 
du Polype. Elle lui fert à fe cramponner : il n’a 
donc point d’anus, & rejette fes excrémens par 
la bouche. Le bout ouvert du doigt eft une bou- 
che ; les bords de l'ouverture en font les levres. 
Placez autour de l'ouverture huit ou dix cor- 
dons déliés, faits de la mème peau que le doigt, 
& qui puiflent s’alonger & fe raccourcir comme 
les cornes du Limaçons ce feront les bras du 


Polype. Ils font encore la fonétion de pieds (1). : 


Suppofez que le doigt lui-mème a une fouplefle 
proportionnée à celle des cordons, & que toute 
fa fubftance eft gélatineufe. Imaginez, enfin, 


qu’elle eft toute parfemée, tant au dehors qu’au. 


dedans, d’un nombre prodigieux de petits grains 


Cr] C'eft à fa forme, à la configuration & au nembre de 
fes pieds, que le Polype doit fon nom. 


TS TT 


DE LA NATURE. VIII. Part. 169 


Emilaires , & vous aurez un portrait affez reflem- 
blant du Po/ype a bras. 


Il eft très- vurace, & fe fert de fes bras, 
comme le Pècheur de {on filet. Quoiqu'il n’ait 


lui-mème que quelques lignes de longueur , il les 


alonge de plufeurs pouces. Il les tient fort écar- 
tés ies uns des autres, & occupe ainfi dans l’eau 
un aflez grand efpace : ils font alors d’une finefle 
qui égale celle des fils de foie: ils ont un fen- 
timent exquis. Si un Vermifleau vient à toucher 
en pañlant un de ces bras, c’en eft affez pour 
qu'il ne puifle échapper. Ce bras s’entortille 
autour de la proie; d’autres bras ajoutent de 
nouveaux liens au premier : tous fe raccour- 


ciflent, & portent la proie à la bouche qui 


avale à l’inftant avec les bras qui la tiennent 
liée : elle eft balottée dans l’eftomac; elle s’y 
diflout , s’y digere, & les bras en reflortent fains. 
Vous comprenez que cet eftomac n’eft propre- 
ment que l’intérieur du doigt du gant; car le 
Polype eft tout eftomac: c’eft un petit boyau 
aveugle, un petit fac membraneux , qui en- 
gloutit des Infectes vivans : il fe teint de la cou- 
leur des proies. dont il fe nourrit; elle pañle 
dans les grains dont fa fubftance elt parfemée , 
& va même colorer l’intérieur des bras. Ils font 


wo CONTEMPLATION 


creux aufli, & façonnés, comme le corps, et 
maniere d’inteftin. 


Vous avez vu que les Polypes à bouquet 
fe propagent en fe partageant par le milieu : ce 
n’eft point ainfi que le Polype à bras multiplie. 
Il met fes Petits au jour, à - peu - près comme 
un Arbre y met fes branches. Un petit bouton 
fe montre fur le côté du Polype. N’allez pas 
imaginer que ce bouton renferme un Polype, 
comme le bouton végétal renferme une bran. 
che ; il eft lui-mème le Polype naiffant: il groffit , 
s’alonge & fe détache enfin de fa Mere. Pendant 
qu’il lui eft encore uni , il fait corps avec elle, 
comme la branche avec lPArbre. Prenez ceci au 
fens le plus étroit; les proies que la Mere ava- 
le paflent immédiatement dans fon Petit & le 


colorent. C’eft qu’il eft un petit boyau continu : 


au grand. Les proies que le Petit faifit, car il 
pèche des qu’il a des bras, paflent de mème 
dans fa Mere : ils fe nourriflent donc récipro- 
quement. 


IL n’eft prefque aucun point du Polype dont 
il ne forte des boutons. Tous font donc autant 
de Polypes, autant de reiettons, qui croiflent 
fut un tronc commun. Tandis qu’ils fe déve- 
loppent, ils pouflent eux - mêmes des rejettons 


DELA NATURE. VIIL Part. 171 


plus petits ; ceux-ci, de plus petits encore. Tous 
étendent leurs bras de côté & d’autre. Vous 
croyez voir un petit Arbre fort touffu. La nour- 
titure que prend un des rejettons , fe communi- 
que bientôt à tous les autres, & à leur Mere 
commune : le Chef de la Société & fes Membres 
ne font qu'un. La Société fe diflout peu-à-peu : 
les Membres fe féparent, fe difperfent, & cha- 
que rejetton devient à fon tour un petit Arbre 
généalogique. 


TELLE eft la maniere naturelle dont le Po- 
lype à bras multiplie : il peut auf ètre multi- 
plié de bouture. Il ne vaut pas la peine de dire 
que lorfqu’ on le coupe par morceaux, chaque 
morceau devient en peu de temps un Polype 
parfait : il fera mieux de dire tout d’un coup 
que le Polype haché renaît de fes débris, & que 
les petits fragmens donnent autant de Polypes. 
Coupé en long ou en large, cet étrange Animal 
le reproduit également, & les fources ds: la vie 
font chez lui inépuifables. 


La Fable étoit reftée trop au-deflous de la réa- 
lité avec fa fameufe Hydre de Lerne. Les têtes 
de cette Hydre, féparées du tronc, ne repro- 
duifoient pas autant d'Hydres, & celles-ci d’au- 
tres Hydres encore : Hercule n’en feroit pas venu 
à bout. Un Polype refendu en fix ou fept 


572 C'ONTEMP L'A TION 


portions, devient uue Hydre à fix ou fept tètes. 
Refendez chaque tête, vous aurez bientôt une 
Hydre à quatorze têtes, qui {e nourrira par qua- 
torze bouches. Abattez toutes ces têtes, il en 
renaîtra d’autres à leur place, & les tètes abat- 
tues produiront autant de Polypes, dont vous 
ferez, fi vous le voulez, autant de. nouvelles 
Hydres. 


Mais voici ce que la Fable elle-même n’eût 
pas ofé inventer : rapprochez de leur tronc les 
tètes abattues , elles s’y réuniront, & vous ren. 
drez au Polype fa tète. Vous pouvez encore ; 
fi la fantaifie vous en prend, lui donner la tète 
d’un autre Polype; il s’en accommodera comme 
de la fienne propre. Les tronçons du mème Po- 
lype ou de différens Polypes mis bout à bout, 
fe réuniflent de mème, & ne font plus qu’un 
feul Polype. 


Que dirai-je encore! Il n’eft point de pro- 
dige qu’on 1’enfante avec le Polype ; mais les 
merveilles, à force de fe multiplier , ne font pref- 
que plus des merveilles. On peut introduire par 
fa queue un Polype dans le corps d’un autre 
Polype. Les deux individus s’uniflent, leurs 
têtes {e greflent, & ce Polype, d’abord double, 


DE RNA TUEUR FE: VIII Part. 173 


devient un Polype unique qui mange, croît & 
multiplie. 


Ici le vrai m’elt pas feulement vraifemblable : 
j'ai encore un prodige à décrire, je devrois dire 
à conter; car on douteroit fi ceft une Hiitoire 
que jextrais. fai comparé le Polype au doigt 
d’un gant: ce doigt peut-être retourné; le Po- 
lype peut lêcre aufi, & le Polype retourné pè- 
che, avale, & multiplie par rejettons & de 
bouture. 


À 


OX croira fans peine que le Polype n’aime 
pas à demeurer retourné : il fait eMort pour fe 
déretourner , & il y parvient fouvent en tout ou 
en partie. Le Polype déretourné en partie eft 
un véritable Protée qui revèt toutes fortes de 
formes plus bizarres les unes que les autres. 
Tâchez de vous repréfenter le Polype ainfi dé- 
retourné. Vous vous fouvenez que l’Infecte eft 
façonné en maniere de boyau. Une partie du 
boyau eft donc renverfée fur l’autre; elle s’y 
applique & s’y greffe. Là, le Polype eft comme 
doublé. La bouche embraffe le corps comme une 
ceinture garnie de franges ; les bras font ces 
franges : ils regardent alors la queue. Le bout 
antérieur refte ouvert ; l’autre eft fermé comme 
à l’ordinaire. Vous vous attendez, fans doute, 


a ee 


174 CONTEMPLATION 


qu'une nouvelle tête & de nouveaux bras vont 
pouffer au bout antérieur ; c’eft ce que vous avez 
obfervé dans tous les Polypes que vous avez 
partagés tran{verfalement. Mais le Polype fe com- 
bine de mille manieres, & chaque combinai- 
fon a fes réfultats, que l'expérience feule peut 
vous découvrir. Le bout antérieur fe ferme, 
il devient une queue furnuméraire. Le Polype, 
étendu d’abord en ligue droite, fe courbe de 
plus en plus. La queue furiuméraire s'alonge 
de jour en jour. Les deux queues imitent les 
jambes d’un compas. Ce compas eft entr’ouvert. 
L'ancienne bouche eft à la tète du compas. Cette 
bouche collée au corps, & qui lembrafle comme 
un anneau, ne peut plus s'acquitter de fes fonc- 
tions. Que deviendra donc l’infortuné polype 
avec deux queues & fans tête 2? Comment vi- 
vra-t-il? penfez-vous avoir pris ici la Nature 
au dépourvu? Vous vous tromperiez. Vers le 
haut du Polype, près des anciennes levres, il 
fe forme , non une feule bouche , mais plufieurs, 
& ce Polype dont vous demandiez, il n'y à 
qu'un inftant, comment il vivroit, eft mainte- 
nant une efpece d'Hydre à plufieurs têtes & à 


plufieurs bouches, & qui dévore par toutes ces 
bouches, 


DE LA NATURE. VIIL Part. 17ç 


= ÎEe— 


= 7) 
PO PiICT RE XVE 


Confidérations philofophiques au Jujet des Polypes. 


Réflexions fur nos idées d'Animalité €S [ur 
P'Analogie. 


"er qu'on eût découvert les différentes 
Efpeces de Polypes que vous venez de contem- 
pler, pouvoit-on {e flatter de connoitre la Na- 
ture animale ? L’on s’en flattoit pourtant; car 
en failoit des regles fur les Animaux. On les 
diviloit en vivipares & en ovipares, & l’on re- 
gardoit la propriété de multiplier par rejettons 
& de bouture, comme propre au Végétal. On 
ne s'étoit pas avifé de foupconner que l’Animal 
pût être greflé, bien moins encore retourné. 
Et le moyen, je vous prie, qu’on l’eût foup- 
çonné, tandis qu’on ne jugeoit des Animaux 
inconnus que par ceux que l’on connoifloit. 


Ox avoit difléqué un grand nombre d’A- 
nimaux de claffes très-différentes; on avoit mème 
beaucoup difféqué les Infectes, & lon sé. 
toit étonné de rencontrer dans des Animaux 
fi vils, un appareil d'organes & de vikeres qui 


à 


376 CONTEMPLATION 


en les ennobliflant , les élevoit fort au-deflus 
de la Plante. Des expériences décifives avoient 


encore démontre la nobleffe de leur origine, &. 


relégué les Générations équivoques dans les té- 


nebres de l'Ecole (r). On avoit la tète pleine 


de magnifiques defcriptions anatomiques; c’é- 
toient chaque jour de nouvelles Planches con- 
facrées à nous donner les plus hautes idées de 
lorganifation de l’Animal. L’efprit s’échauffoit 
fur ces merveilles anatomiques, & il les admi- 
roit plus dans l’Infecte que dans le Quadrupede, 
précifément parce qu’il s'étoit moins attendu à 
les trouver dans celui.là. 


Ainsi plus les idées d’Animalité fe perfection- 
noient, s’élevoient, plus on fe pénétroit de la 
grandeur de lAnimal, fi je puis m’exprimer de 
la forte, & plus on séloignoit de la décou- 
verte des Polypes. Il eft vrai que la Métaphy- 
fique d’un grand Homme lavoit conduit à pré- 


(1) ff On fait que les Anciens admettoient comme. un fait 
certain, que de la corruption des Subftances organifées s’en- 
gendroïient naturellement d’autres Subftances organifées, d’un 
genrc inférieur. C’eft à cette forte de génération fortuite qu’on 
a donné le nom d'éguisoque. REDt combattit le premier ce 
vieux préjugé par des expériences décifives auxquelles les 
Anciens n’avoient point fongé; @& ce premier pas vers la bonne 
Phyfique fut un pas de Géant. 

dire 


RE —  — 


PL 
» 


_w 
2 


DE LA NATURE. VIIL Part. 177 


dire cette découverte, mais ce n’étoic que de la 
Métaphyfque , & que pouvoit-elle contre l’Ana- 
tomie & fes prodiges (2)? On avoit vu mille 


C2] ff LEIBNITZ admettoit comme un principe fonda- 
mental de fa fublime Philofophie, qu'il n’y à jamais de fauts 
dans la Nature, & que tout eft continu ou nuancé dans ïe 
phyfique & dans le moral. C’étoit fa fameufe Loz de continuité, 
qu'il croyoit retronver encore dans les M:thématiques, & c’avoit 
été cette Loi qui lui avoit infpiré la finguliere prédiétion dont 
je parlois. “ Tous les Etres, difoit-il, ne forment qu’une 
>» feule chaîne, dans laquelle les différentes clafes, comme 
» autant d’anneaux, fe tiennent fi étroitement les unes aux 
» autres, qu'il eft impoflible aux fens & à l'imagination de 
» fixer précifément Îe point où quelqu’une commence ou finit : 
» toutes les Efpeces qui bordent ou qui occupent, pour ainf 


» dire, les régions d’inflexion & de rebrouflement, devant 


3, être équivoques, & douées de caracteres qui peuvent fe 
> rapporter aux Efpeces voifines également. Ainfi, lexiftence 
>» des Zoophytes ou de Animaux - Plantes n’a rien-de mon£- 
>» trueux; il eft même convenable à l’ordre de la Nature 
,» qu'il y en ait. Et telle eft la force du principe de con- 
5 tinuité chez moi, que non-feulement je ne ferois point 
» étonné d'apprendre qu’on eut trouvé des Etres, qui par 
,, rapport à plufieurs propriétés, par exemple, celle de fe 


» nourrir ou de multiplier, puiflent pafler pour des Ve. 


5» Sétaux à anfli bon droit que pour des Animaux. ... J'en 
>» ferois fi peu étonné, dis-je, que même je {uis convaincu 
qu'il doit y en avoir de tels, que l'Hiftoire naturelle par. 
viendra peut-être à connoître un jour, &c. ,, 

Quelle nent donc point été la fatisfaion de notre Méta. 
phyficien à l’ouie des merveilles du Polvpe! Il n'eût pas 


Tome II. M 


RS ed gi mm à 


AT 


L 
1 
È 
4 
Îr 


17% CONTEMPLATION 


fois des portions de Vers de terre fe mouvoir 
après la fedtion , fans qu’on eût fongé à les fui- 
vre. Comment y auroit-on fongé ? Un Animal 
multipliant de bouture, étoit une contradiction 
à toutes les idées d’Animalite. 


IL fembloit donc que nous duffions ètre pri- 
vés pour jamais de la connoiffance du Polype; 
mais par un hafard heureux, ç’a été le préjugé 
lui-mème qui nous a valu cette connoiflance. 
L’inventeur du Polype étoit imbu de ce préjugé , 
comme tous les Phyficiens, & ce fut pour s’af 
furer fi cet Infecte étoit une Plante ou un 
Animal, qu'il imagina de le partager. La repro- 
duétion fut prompte & entiere, & le premier 
coup de cifeau fit tomber le voile qui nous ca- 
choit un autre Monde. 


Nous favons donc aujourd'hui qu'il eft des 
Animaux qui ne font, à proprement parler, 
ni vivipares, ni ovipares, & qui multiplient par 
des divifions & des fous-divifions naturelles & 


eu befoin affurément de les contempler fous fes propres yeux 
pour les croire: elles lui auroient paru découler comme au- 
tant de corollaires, des principes de fa Métaphyfique. Il eft 
fingulier que cette Métaphyfique fût devenue pour lui uu Att 
devinatoire, & qu’elle l’eût conduit à prédire la découverte 
d'un Etre tel que le Polype, 


DE LA NATURE. VIIL Part. 179 


fucceflives. Nous avons déja été furpris que le 
Puceron fût à la fois vivipare & ovipare (1), 
& cette fingularité préludoit à de plus grandes. 
Le Puceron étoit le précurfeur du Polype. 


Nous connoiflions quantité d’Animaux qui 
vivent en fociété, mais nous n’imaginions pas 
qu’il exiftât des fociétés du genre de celles que 
les Polypes à bouquet & les rejettons du Po- 
lype à bras forment entr'eux, & qui font fi 
intimes , que tous les individus ne compofent 
qu'un même Tout organique , femblable à un 


Arbrifleau. 


Nous avons encore appris qu'il eft un genre 


de Polype (2) qui, fans ètre exactement vivi- 
pare ou ovipare , fe propage par de petits corps 
oviformes qui s’aflemblent en grouppes, & qui 
£e développent peu-à-peu. 


Ux autre Animal (3), très-différent du Po- 
lype , & qui multiplie, comme lui, par la feétion, 
fe propage encore en fe partageant de lui-mème, 


(1) Voy. le Chap. VIII de cette Partie. 
(2) Le Polype en safe. Chap. XIII. 


(3) Le Mille-pieds à dard. Chap. XIV, & fur-tont la Note, 
M 2 


>= 


80 CONTEMPLATION 


de maniere qu’une partie de fon corps fe fépare 
entiérement du relte, pour fournir à cette fin. 
guliere propagation. 


ENFIN, quelle foule de vérités phyfologiques 
inconnues jufqu’à nous dans le regne animal, 
le feul Polype à bras ne nous a-til point en- 
feignées? Combien ces vérités affectent - elles 
Pair de paradoxes; & pourtant combien font- 
elles rigoureufement démontrées! Qui peut dou- 
ter aujourd’hui qu’il n’exifte un Animal, tres- 
Animal, puifqu’il eft très-vorace , dont les Petits 
naïiflent comme des branches ; qui, mis en pieces, 
& réellement haché, fe résénere dans toutes 


| des pieces, & jufques daas les plus petits frag- 


mens ; qui peut être greflé par approche & en 
flâte, retourné comme un gant, coupé enfuite, 
retourné & recoupé encore, fans cefler de vivre, 
de dévorer, de croître , de multiplier ? 


IL m’étoit donc pas temps de faire des re- 
gles générales, d’arranger la Nature, d’établir 
des diftributions, d’enfanter des ordres iyfté- 
matiques, & d'élever un édifice que les fiecles 
futurs, mieux inftruits & plus philofophes, 
redouteront mème de projeter. Nous connoif 
fions à peine l’Animal, quand nous entrepre- 
nions de le définir. A préfent que nous le con- 


Le 


DE LA NATURE. VII. Part. 181 


noiffons un peu plus, oferons-nous penfer que 
nous le connoiffions à fond ? Les Polypes nous 
ont étonné , parce qu’à leur apparition, ils n'ont 
trouvé dans notre cerveau aucune idée analogue , 
& que nous avions pris grand foin d’en écarter 
jufques à la poffibilité de leur exiftence. 


ComBiEn exifte-t-il d'Animaux plus étranges 
encore que les Polypes, & qui confondroient 
tous nos raifonnemens fi nous venions à les dé- 
couvrir? fl nous faudroit alors inventer une 


nouvelle langue pour décrire ce que nous ob- 
ferverions. 


Les Polypes font placés fur les frontieres dur 
autre Univers, qui aura un jour fes COLOMBS 
& fes Vespuces. Imaginerons-nous que 
nous ayons pénétré dans l'intérieur des Con- 
tinens, pour avoir entrevu de loin quelques 
Côtes ? Nous nous formerons de plus grandes 
idées de la Nature; nous la regarderons comme 
un Tout immenfe, & nous nous perfuaderons 
fortement que ce que nous en découvrons , 
n’eft que la plus petite partie de ce qu’elle reni- 
ferme. À force d’avoir été étonnés, nous ne le 
ferons plus; mais nous obferverons, nous amaf- 
ferons de nouvelles vérités , nous les lierons IF 
nous pouvons , & nous nous attendrons à tout 


M 3 


182 CO NF EU PDA MANN 


parce que nous nous dirons fans ceffe, que le 
connu ne peut fervit de modele à l’inconnu , 
& que les modeles ont été variés à l'infini. 


Les Polypes à bouquet multiplient en fe divi- 
fant: qui fait fion ne découvrira point quelque 
jour des Animaux qui, au lieu de fe divifer, fe 
réuniflent & fe foudent les uns aux autres pour ne 
compofer plus qu’un {eul Animal. ? Qui fait fi la 
multiplication d’un tel Animal n’a pas pour condi- : 
tion eflentielle, la confolidation de plufieurs Ani. 
malcules en un feui? Nous difons qu’un Animal 
doit avoir un cerveau, un cœur, des arteres, 
des veines, des nerfs, un eftomac, &c. voilà des, 
idées que nous avons puifées chez les grands Âni- 
maux, & que nous tranfportons par-tout avec con 
fance. Nous reflemblons à un Voyageur Fran- 
GOIs , qui s’attendroit à retrouver dans les Terres 
Auftrales les modes de fon Pays, & qui feroit fort 
{candalifé de ne les y point voir. Le Regne ani- 
mal a auf fes Terres Auftrales » Où probablement 
ce m’eft point la mode d’avoir un cerveau, ur 
cœur, un eltomac, &c. 


POuRQUOr voulons-nous que la Nature s’affu 
jettifle toujours à faire un Animal avec les élé 
mens dun autre ? Elle y feroit bien forcée , fi A 
fécondité ne furpañloit point celle de nos chétives 


L| 


DELA NATURE. VIII Part. 183 


conceptions. Mais la Main qui a faconné le 
Polype, nous a montré qu'ELce fait, quand il le 
faut, animalifer la matiere à bien moins de frais. 
Ere l'a animalifée ailleurs à moins de frais en- 
core. ELLE eft defcendue par des degrés pref- 
qu’infenfibles, de ces grandes Mafles organiques, 
que nous nommons les Quadrupedes , à ces peti- 
tes Mañles organiques, que nous nommons les 
Infectes ; & par des fouftractions graduelles & 
habilement ménagées, ÊLLE a réduit enfin l’Ani- 
malité à fes plus petits termes. Nous ne connoif- 
fons point fes plus petits termes. Le Polype, 
tout fimple qu'il nous paroït, elt, fans doute, 
très-compolé , en comparaifon des Animaux pla. 
cés au deflous de lui dans l’Echelle. Il eft, pour 
ainf dire, trop Animal pour être le dernier terme 
de l’Animalité. 


Nous favons que le cerveau eff le principe 
des nerfs, qu'il filtre les Efprits, que les perfs 
font l'organe du fentiment, que le cœur eft le 
principal mobile de la circulation , que les arteres 
& les veines en font les dépendances, &c. nous 
avions vu tout cela dans les grands Animaux ; 
nous l'avions retrouvé avec furprife dans les 
Infectes, quoique fous des formes différentes : 
nous nous étions ainfi accoutumés à regarder 
ces divers organes & quelques autres, comme 


M4 


184 CONTEMPLATION 


effentiels à l’'Animal. Le Polype ne nous offre 
pourtant rien de femblable ou d’analogue : les 
meilleurs microfcopes ne nous y montrent qu’une 
fnfinité de petits grains difléminés dans toute fa 
fubftance, & l’expérience fi neuve & fi imprévue 
du retonrnement, prouve aflez que fa ftructure 
n’a rien de commun avec celle des Animaux que 
nous connoiflions. 


SI nous ne pouvions deviner qu’il eût êté 
donné à PAnimal d’ètre provigné & greffé com- 
me la Plante, 1l nous étoit bien moins poflible 
de foupconner qu'il lui eût été accordé de pou- 
voir être retourné comme un gant. Le Polype à 
bras eft néanmoins tres. Animals {a voracité eft 
extrème ; il engloutit tous les petits Infeétes qui 
viennent à le toucher, & les faifit avec une forte 
d’adrefie, qui femble le rapprocher des Animaux 
chañeurs. 


LE Polype à bouquet tout autrement conf- 
truit, n’a pas les mèmes avantages, mais il en 
a de relatifs; il fait exciter dans l’eau un mou- 
vement rapide, qui entraîne vers lui les Corpuf- 
cules vivans dont il s’alimente. Il et, fans doute, 
des Animaux beaucoup plus déguifés encore que 
le Polype à bouquet, & qui ne donnant aucun 
figne extérieur d’Animalité, nous laifferoient 


EE 


DELANATURE VIIL Part. 18 


long - temps incertains de leur véritable nature. 
Lorfqu’une bulbe d’un tel Polype s’eft détachée, 
& qu’elle s’eft fixée par {on court pédicule à quel- 
que appui , la prendroit-on pour une production 


‘animale ? la Gallinfeéte (4) ia:t.elle pas été 


ptife pour une véritable galle vegétale par des 
Obfervateufs qui ne l’avoient pas vue dans fon 
premier état? La Moule des étangs ne manque- 
t-elle pas d'une grande partie des chofes que nous 
jugeons néceflaires à lAnimal ? Combien eft- il 
de Coquillages plus dégradés encore! Je ne dis 
pas afflez ; il exifte probablement des Animaux, 
qu’il nous feroit impoflible de reconnoître pour 
Animaux, lors mème que nous verrions à nud 
toute leur ftrudture tant intérieure qu’exté- 
rieure; Ceft que nous ne jugeons que par 
comparailon, & que fur nos notions actuelles , 
nous ne pourrions déduire de cette ftruéture le 
fentiment & la vie. 


JE ne puis quitter ce fujet. Nous n’imaginons 
point tous les moyens par lefquels l'AUTEUR de 
Ja Nature a pu faire vivre & fentir un nombre 
prodigieux d’Etres différens. Jugeons en au moins 
par la comparaifon du petit nombre d'Etres 
animés que nous connoiflons. Combien la vie 


differe-t-elle dans le Singe & dans le Polype en 


(4) Chap. VIL 


mn 


PP CE 


den 


186 C GO N\T E MP L'A TION 


cloche! Que de degrés intermédiaires entre ces 
deux termes ! Peut-ètre qu’il en eft plus encore 
entre ce Polype & le dernier des Animaux. 


JE n’examine point fi les Ames ont été variées 
comme les corps; mais je concois que la Matiere 
organifée a été modifiée d’une infinité de facons 
différentes. auxquelles ont répondu autant de 
manieres différentes de participer à la vie & au 
fentiment. Je conçois encore que la mème Ame, 
placée fucceflivement dans tous les Corps orga- 
nilés qui exiltent, y éprouveroit fucceflivement 
toures les modifications pofhbles de la vie & de 
la fenfbilité. Cette Ame pañleroit par tous les 
degrés de l’Animalité, & fielle fe fouvenoit de 
tous, & qu’elle pût les comparer, elle égaleroit 
en connoiffance les Intelligences fupérieures. Elle 
contempleroit notre Monde par toutes les lunet- 
tes qui ont été données aux didérens Etres qui 
l’habitent. 


Que le fiege de l’Ame foit dans le corps calleux 
ou dans la moëélle alongée, la Nature à fu fe 
paller de lun & de l’autre dans la formation 
de quantité d’Animaux. Nous en connoiffons 
qui font, pour ainfi dire, tout eftomac : il en 
eft peut-être qui font tout cerveau ; mais un 
Animal qui feroit tout cerveau, n’auroit point. 


DELA NATURE. VIIL Part. 187 


proprement de cerveau. En feroit-il moins Ani- 
mal? Le fentiment a pu ètre attaché à des or- 
ganes abfolument différens des nerfs. Le mème 
organe qui, dans certains Animaux, fert au 
mouvement, a pu fervir encore au fentiment. 


TiroNSs de tout ceci une conféquence gé- 
nérale ; c’eft que l’Analogie, qui eft un des flam- 
beaux de la Phyfique n’en peut difiper toutes 
les ombres. Ce flambeau s'éteint fouvent à l’ap. 
proche de certains Corps, qu'on eft réduit à 
tâter avec les doigts de l'expérience. 


À quoi nous fert l’Analogie dans l’examen 
du Polype à bulbes ? Nous ne faurions mème dé- 
finir ces bulbes, & le nom que nous leur don- 
nons, exprime-t-il autre chofe que de pures 
apparences ? Comment l’Analogie nous éclaire- 
roit-elle fur la nature de ces petits corps, & 
fur la maniere dont ils font engendrés & dont 
ils engendrent, tandis qu’elle ne nous offre rien 
ni dans le Regne végétal ni dans le Regne ani- 
mal, qui ait le moindre rapport avec ces pro- 
duétions fi différentes de toutes celles qui nous 
ont connues ? 


J'EN dis autant de la divifion naturelle des 
cloches & du retournement du Polype à bras. 


” 
RTE QE 


+: 


ER EE- — _ Ju + 


ordi 


st mes te. à us cé. 


188 CONTEMPLATION 


C’eft ici un ordre tout nouveau de chofes, qui 
a fes loix particulieres, que nous découvririons 
apparemment, fi nous avions quelque moyen 
de pénétrer dans le fecret de la méchanique 
de ces petits Etres. Nous verrions alors tous 
les côtés par lefquels ils tiennent aux autres 
Parties du Monde organique. 


IL neft aucune branche de la Phyfique, qui 
foit plus propre que l’'Hiftoire naturelle, à nous 
faire fentir avec quelle référve l'on doit ufer de 
VAnalogie dans l'interprétation de la Nature. 
Je m'écarterois de mon plan ,G je raffemblois 
ici fous un feul point de vue, toutes les pro- 
pofitions analogiques qui ont été contredites par 
les nouvelles découvertes. Il en réfulteroit que 
la voie de l’obfervation doit toujours être pré- 
férée, comme la plus füre. Les Polypes fuff- 
roient pour le prouver. 


JE ne veux point bannir de la Phyfique la 
Méthode analogique : elle conduit elle-même à 
l’obfervation , par les idées qu’elle aflocie fur 
chaque {u'et : je veux fimplement donner à en- 
tendre, que cette Méthode, d’une utilité d’ai- 
leurs fi générale, ne fauroit ètre appliquée en 


Phyfique avec trop de circonfpection & de {a- 
geffe. 


DE LA NATURE. VIIL Part. 189 


Les Logiques les plus vantées font trop dé- 
poutvues d'exemples puilés dans la Nature. Je 
ne dois pas faire difficulté de le répéter : une 
meilleure Logique encore eft un Ouvrage d'Hif- 
toire naturelle, bien fait & bien penfé. Là, fe 
trouvent peu de préceptes, mais beaucoup d’ex- 
emples, qui inftruifent davantage, & fe gra- 
vent mieux dans le cerveau. La marche d’un 
REAUMUR, d’un TREMLEY, en dit plus que 
les NicoLE & les Wozr. 


S1 jamais nous avons un bon Traité de l’A- 
nalogie ; & combien un pareil Traïté nous man- 
que-t-il! nous le devrons à un Philofophe Na- 
turalifte. L’analogie eft liée à la doctrine des hy- 
pothefes & des probabilités ; à melure que nos 
connoiflances s’étendront & fe perfectionneront, 
les probabilités en chaque genre approcheront 
de la certitude. Si nous pouvions embraffer la 


totalité des Etres de notre Globe, la méthode 


analogique feroit une Méthode démonftrative. 
Plus les Parties rationnelles de la Philofophie 
s’aideront de la Phyfique, & plus elles fe per- 
fetionneront. 


Les Maîtres de Logique fe renferment trop 
dans ces Parties: c’eft qu’ils s’imaginent fauf- 
fement que cette Science pratique n’a pas be. 


| 
| 


10 CONTEMPLATION 


foin d’un grand aflortiment de connoiffances na- 
turelles. Toutes nos Théories, & mème les plus 
abftraites, ne fortent-elles pas du fein de la 
Phyfique ? l'Art de généralifer les idées eft-il 
autre chofe que l’Art d’obferver? Cet Art fi 
univerfel, fi fécond, fi précieux, n’a-til pas 
pour premier objet les Corps & leurs modifi- 
cations diverfes? C’eft lui qui faifit les rapports 
généraux qui font entre les Etres, & qui en 
découvre l’enchainement, l’harmonie & la fin. 
Nos abftractions de tout genre ne font donc au 
fond que des idées purement phyfiques, plus 
ou moins déguifées, ou qui fe font éloignées 
plus ou moins de leur origine. 


CHAPITRE XVIL 


Continuation du même fujet. 


Nouvelles confidérations fur les sradatibns € fur 
lEchelle des Etres. 


Je romps le fil de ces réflexions; fi je les 
étendois davantage, j'en ferois un livre. Quoi- 
que les Polypes ne foient point probablement 


DÆE LA NATURE. VIIL Part. 491 


les Animaux des derniers ordres, rien n’em- 
pèche néanmoins que nous ne les regardions 


comme un des liens qui uniflent le Regne vé- 


gétal au Regne animal. La Nature paroît aller 
par degrés d’une Production à une autre Pro- 
duétion; point de fauts dans fa marche , encore 
moins de cataractes. Il femble que la loi de cou- 
tinuité foit la loi univerfelle; & le Philofophe 
qui l’a introduite dans la Phylique nous a ou- 
vert un grand fpectacle (1). Nous nous fommes 
déja arrêtés à le contempler ; mais les Polypes 
nous y ramenent. Long-temps avant qu’on les 
connût, on avoit remarqué bien des traits d’a- 
nalogie entre le Végétal & PAnimal; & la dé- 


couverte des parties fexuelles des Plantes, qui 


avoit furpris fi agréablemert les Phyficiens, 
leur avoit paru mettre le fceau à cette analogie. 
On n’imaginoit pas qu’elle dût renfermer des 
traits plus particuliers & plus frappans encore. 


LA Plante venoit de s'élever vers | Animal 


C1] tft C'eft en conféquence de cette loi, que LEIBNITZ 
foutenoit que la Nature va toujours par nuances on par gra- 
dations , d’une Produétion à une autre Produétion , & que tous 
les états par lefquels un Etre pañle fucceflivement, font tous 
déterminés les uns par les autres; enforte que l’état fubfé. 
quent étoit renfermé dans l'état antécédent, comme l'effet 
dans fa caufe. Voy. la Note 2, du Chap. XVL | 


ES ST 


192 CONTEMPLATION 


en empruntant un fexe : on ne fe doutoit pas 
que PAnimal s’abaifleroit vers la Plante en em- 
pruntant fes différentes manieres de multiplier, 
& en fe régénérant commeelle. Le Polype à 
bras eft affurément de toutes les Productions 
animales que nous connoiflons , celle qui fe rap- 
proche le plus du végétal; on diroit qu’elle 
en pofñlede quelques - unes des principales pro- 
priétés à un plus haut degré que le végétal 
lui-même. 

Pour venir de l’homme au Polype, la Na- 
ture defcend par bien des échelons; mais la 
fuite naturelle de ces échellons , ne nous eft guere 
connue. Nous découvrons dans chaque clafe 
des Etres mitoyens, qui femblent défigner au- 
tant de points de paflage d’une clafle à une 
autre, & dont nous compofons notre Echelle 
des Etres naturels. Mais nous n’appercevons 
pas tous les points intermédiaires; & l’ordre 
dans lequel nous diftribuons nos échelons, dif 
fere fans doute, plus ou moins de celui que 
la nature a fuivi (2). | 


QuAND on confidere d’un point de vue un 


[2] C’eft d’après ces réflexions, que je prie mon Letteur 
de juger de tout ce que j'ai expofé fur l'Echelle des Etres, 
dans les Parties III & IV de cet Ouvrage. 


peu 


DE LA NATURE. VIII. Part. 193 


| peu général la charpente de l'Homme & des 
| Quadrupedes , on reconnoït bientôt que c’eft chez 
“ tous le mème fond de ftructure, modifié diffé- 
‘ remment en différentes Efpeces. Il ne faut pour 
“ s’en convaincre, que jetter les yeux fur les 
“ Planches anatomiques, où font repréfentés les 
» fquelettes de divers Animaux qu’on à difféqués. 
“ Depuis l'Homme, le Singe, le Cheval, jufqu’à 
- l'Ecureuil, la Belette, la Souris, on verra par- 
« tout le mème deffein, la même ordonnance, 
» les mèmes rapports effentiels , à quelques variétés 
- près. L'épine, formée d’une fuite de pieces ar- 
- ticulées les unes aux autres, comme par autant 
de charnieres , porte à fon extrémité fupérieure 
une forte de boîte offeufe , plus ou moins alon- 
“gée. Des arcs offeux, qui d’un côté s’articulent 
“avec l’épine, & de l’autre avec une piece qui 
lui eft oppolée, forment une autre boîte plus 
“fpacieufe. Les extrémités fupérieures & infé- 
“rieures tiennent encore à l’épine par différens 
Wliens interpofés, & maintiennent le Corps dans 
les diverfes attitudes que fes befoins exigent. 
Cette économie elt fi généralement obfervée, 
qu'on a mème remarqué que les vertebres du 
cou font au nombre de fept dans toutes les 
Efpeces [2]. 


(2) Cette remarque de Mr. de BurroN fur le nombre 
les vertebres du cou, a; été confirmée parles diffe&ions très 


Tone II. N 


194 CONTEMPLATION 


OX retrouve à-peu-près la mème charpente 
dans les Oifeaux & dans les Poiffons. Elle change 
de plus en plus dans les Reptiles , dans les Co- 
quillages, dans les Infeétes. Ces derhiers ont 
pourtant aufli leurs os, dont pluficurs pieces 
femblent imiter les pieces correfpondantes des 
grands Animaux; mais, au lieu que chez ceux- 


muitipliées de Mr. CAMPER. Elles lui ont prouvé, que ces 
vertebres font conftämment au nombre de fept dans tous les 
Quadrupedes ; enforte que les Quadrupedes dont le con eft le 
plus long, tels que le Chameau & le Dromadaire, n’y ont pas 
plus de vertebres que les Animaux dont le con eft le plus 
court, tels que l'Eléphant & l’Orang-ontang. Il y a même des 
taifons de penfer que cette économie s'étend encore à tous 
les Poiflons qui refpirent. 

Mais elle varie beaucoup chez les Oifeaux, Dans l’Aigle 
d'Egypte, dans le Pinguin du Cap, dans la Colombe, &c, 
les vertebres du cotù font au nombre de treize. Chez le His 
bou & le Corbeau, on n’en comnte que douze. L'Oie de 
Mér en offre quinze; & la Cigogne & ie Cafoar en offtent 
dix-fept. On voit par ces exemples, que le nombre des ver- 
tebres du col n’eft point le même dans les différentes Efpeces 
d'Oifeaux, & qu’il n’eft point en proportion de la longueur 


du cou. 


En pouffant cette forte de parallele anatomique jufqu'aux. 


parties molles, notre Obfervateur Hollandois a fait une ob- 
fervation bien remarquable; c’eft que dans tous les Animaux, 


depuis le Quadrupede jufqu'au Poiffon, la diftribution des 
nerfs de la troifieme, de la quatrieme, de la cinquieme & 


fixieme paire eft conftamment la même chez toutes les Efpecess 


ee 


DELANATURE. VIII Parr. 19$ 


*i les chairs recouvrent les os, chez les Infectes 
les os recouvrent les chairs. 


C'EST {ur-tout dans cette clafle fi nombreufe 


de petits Animaux, que la Nature diverfifie le 


plus fes modeles, & qu’elle déploie la merveilleufe 
fécondité de fes inventions. Dans les grandes 
parties du Regne animal, elle fuit affez le mème 
plan d'Architecture, & ne diverfifie gueres que 
les ordres. Ici, c’eft la force & la majefté du 
Tofcun ; ailleurs, l'élégance & la délicatefle du 
Corinthien. Mais, lorfqu’elle defcend aux Infectes, 
elle paroïit changer totalement de plan & de 
vues, & ne retenir des fes premiers modeles 
que le moins qu’il eft poflible. Elle paroît les 
abandonner enfin entiérement quand elles tra- 
vaille à un Polype à bras ou à un Polype en 
cloche. 


Ecre conftruit les Plantes fur d’autres mo- 
deles encore; mais ces modeles retiennent quelque 
chofe de l’organifation des Animaux, & en: 
particulier de celle des Infeétes. Les orgaries de 
la refpiration font prefque les mêmes dans la 
Plante & dans l'Infeéte. Les parties eflentielles 
à la vie font répandues dans tout le corps de 
là Plante, comme eles le font dans les In- 
feétes qui renaifient de bouture. Les Plantes 

N 2 


ee 


st ce RE 27 


RS dé CD dé à. 


me. ee ÉRIC DEE > 


196 CONTEMPELEATION 


qui nous paroiflent les plus élevées dans VE, 
chelle, nous montrent une tige; des branches, 
des racines , des feuilles, des fleurs, des fruits. 
Une Truffe, un Agaric, un Lychen, au con- 
traire, font des Plantes fi bien déguifées , & en 
apparence fi peu Plantes, qu’il faut l’œil de POb- 
fervateur pour les reconnoître & pour les carac- 
térifer. Ces Productions demi- végétales, fi je 
puis parler ainfi, femblent être au Regne vé- 
gétal, ce que la Gallinfeéte, les Polypes, la 
Moule font au Regne animal. Elles ne paroif- 
fent pas plus organifées qu’un Amiante , un Talc, 
un Cryftal. 


IL y a pourtant bien-loin encore du Foffile | 


le plus régulier ou le plus reflemblant au Vé- 
gétal, à la Plante la moins Plante ou Ja moins 
organifée. Le Foflile ne croit point, à propres 
ment parler; il ne fe nourrit point ; il n’engendre 
point : il fe forme de l’appofition fucceffive de 


différentes molécules, qui s’uniflant fous cer: 


tains rapports, déterminent fa figure. La Plante 
et un Corps vraiment organifé, qui travaille 


lui-même les molécules deftinées à s’incorporer « 


à fa fubftance, & à l’étendre en tout fens, & 
qui renferme de petits Corps femblables à lui, 
qu'il nourrit, qu'il fait développer , & par lef 
quels il multiplie fon Etre. 


DELA NATURE. VIIL Part. 197 


La Nature femble donc faire un grand faut 
en pañlant du Végétal au Foffile; point de 
liens, point de chaînons à nous connus, qui 
qui uiflent le Regne végétal au minéral. Mais, 
jugerons-nous de la chaîne des Etres par nos 
connoiffances actuelles? Parce que nous y dé- 
couvrons çà & là quelques interruptions, quel- 
ques vuides, en conclurons - nous que ces vui- 
des font réels ? Imaginerons- nous qu'une Co- 
mete eft venue brifer l’Echelle de notre Monde, 
& en détruire l'harmonie? Mais nous ne fai- 
fons que commencer à parcourir les riches & 
vaftes Cabinets de la Nature ; & parmi cette 
multitude innombrable de Productions diverfes 
qu’elle a refflemblées, combien en eft-il que 
nous n'avons pas mème entrevues , & dont nous 
ne foupconnons pas l’exiftence? nous preffe- 
rons-nous de décider fur la fuite de ces Pro- 
ductions, avant que de les avoir toutes exa- 
minées , & d’en avoir dreflé la nomenclature 
exacte ? Ce vuide que nous remarquons entre 
le Végétal & le Minéral, fe remplira apparem. 
ment quelque jour : il y avoit un femblable 
vuide entre lAnimal & le Végétal; le Polype 
eft venu le remplir, & mettre en évidence l’ad: 
mirable gradation qui eft entre tous les Etres. 


Nous ne faurions , il eft vrai, nous former 
N3 


PONT, US JE 


93 CONTEMPLATION 


aucune idée d’une Produétion moyenne entre 
la Plante & le Foffile;s nous n’imaginons point 
de nuance entre l’accroiffement & l’appofition : 
mais avions-nous imaginé les propriétés du Po- 
lype? Si ces Productions marines, qu'on avoit 
nommées des Plantes pierreufes, étoient en effet 
de véritables Plantes, elles feroient, en quel- 
que forte, un des chainons qui uniroient le 
Regne végétal au Regne minéral. Mais les nou- 
velles découvertes nous ont appris que ces pré- 
tendues Plantes ne font que des Polypiers, ou- 
vrages de certains Polypes, qui favent fe conf 
truire des fourreaux (3). Ces fleurs du Corail, 
qui avoient été tant célébrées, étoient de vrais 
Polypes , & c’eft ici une autre vérité dont le Pot 
lype a enrichi la Phyfique. 


Le Réformateur, j'ai prefque dit le Légif 


(3) tt On dit un Guépier, pour fignifier un nid de Gué- 
pes: un Polypier feroit donc un nid de Polypes. On fe trom- 
peroit pourtant beaucoup fi on le penfit. Un Polypier n'eft 
point du tout un nid de Poiypes, comme Favoient cru des : 
Naturaliftes célebres, qui n’avoient pas encore affez approfondi 
ce fujet. Un Polypier eft proprement un affemblage de Poly- 
pes ramifiés, dont la fubitance gélatineufe ou animale s’in- 
crufte peu-à-peu d'une forte de matiere crétacée, que les 
organes extraifent des nourritures de l'Animal. Il encft préc 
fément de cette incruftation, comme de celle des coquilles 
& des os. Voy, Note 2, Chap. XXI, Part. I. 


DE LA NATURE. VIII Parf: 199 


lateur de la Botanique (4) , n’auroit pas été em- 
barraffé à trouver ie lien qui unit la Plante au 
Fofile : il avoit transformé les Pierres en Plantes ; 
il étoit perfuadé que les Pierres végétoient, & 
il décrivoit de la meilleure foi du monde cette 
merveilleufe végétation. Sa paflion favorite re- 
 trouvoit par-tout ce qu’elle chérifloit. Il ne fa- 
voit pas que l’Ârt imiteroit un jour la Nature, 
& qu’il feroit comme elle de véritables Pierres. 


UXE imagination. hardie & pittorefque eft 
allée bien plus loin dans ces derniers temps, &a 
tout transformé en Animal. Les Foffiles de tout 
genre, les demi- Métaux, les Métaux, l'Eau, 
l'Air, le Feu inème, ont été placés au rang 
des Animaux, & le Regne animal eft devenu 
le Regne univerfel. Que dis-je ! Il a étendu fon 
- domaine jufques fur les Planetes, qui ont été 
aufli travefties en Animaux: & fi l’on demande 
pourquoi les Satellites de Jupiter n’avoient pas 
été obfervés avant l’année 1610, on répond 
gravement qu'ils n'avoient pas encore été er- 
gendrés par la Planete principale : l’ingénieux 
Auteur de ce Roman phylque avoit oublié le 
Chapitre de la génération des télefcopes.($). 


[41 TourNEroRr. On connoit {fa fameufe obfervation de, 
la,grotte d'Antiparos. a 

[s] tt Le mén Ecrivain diloit enære du ton le plus 
N 4 


C2 


Tr NT RIT 


PU PP CE OR I Ve TE 


en 


200 CONTEMPLATION 


QuAND on n’a pas affez médité fur la na- 
ture & fur les effets immédiats de l’organifa- 
tion , on fe livre facilement aux premieres ap- 
parences ; les chofes les plus éloignées fe ‘rap- 
prochent, les plus diflemblables s’identifient, & 
il n’en coûte que quelques traits de plume pour 
organiler la Matiere brute & créer un nouvel 
Univers. 


UN génie non moins fyftématique a vu dans la 
Nature deux fortes de Matieres, une Matiere 
morte, & une Matiere vivante. Celle-ci lui à 
paru compofée de Molécules organiques , vivantes, 
actives , impériflables , qui ne font proprement ni 
végétales ni animales ; mais qui, réunies par une 
force fecrete, & faconnées dans certains moules 
intérieurs, produifent les Végétaux & les Ani- 
maux. La plus grande merveille ne feroit pas 
qu’il exiftât de pareiiles molécules; mais qu’un 
Phyficien du dix-huitieme Siecle les eût imagi- 
nées, qu'il eût cru enfuite les voir , & qu’il les 
eût produites au grand jour, comme des Etres 
très-réels d’un ordre fingulier. 


férieux ; que lorfque l'eau fe convertit en glace, elle fe tranE 
forme en Chryfalide; que les Pierres croiflent au moyen d’un 
cordon ombilical ; que laiguille aimüntée fent le fervice qu’elle 
send aux Matelots, &c. &c. Nommerai-je l'Auteur fameux 
de ces étranges paradoxes ? Mon Leéteur l’a déja nommé. 


DE LA NATURE. VIII Pürt. 201 


Ux autre Phyfcien, qui n’imaginoit point 
avant que de voir, & qui ne voyoit que ce 
qui elt, a voulu aufli contempler ces fimeufes 
molécules organiques , & il n’a trouvé à leur 
place que des Animalcules qui croifloient & en- 
gendroient comme tant d’autres (6). 


(6) Le Phyfcien dont je parlais-ici, eft Mr. de REAU- 
MUR. Il m'avoit écrit à moi-même le réfultat de fes obfétva- 
tions fnr les prétendues Molécules organiques, & s’étoit étonné 
des méprifes & des affertions de l’Inventeur. Mais un autre 
Phyficien, Mr. l'Abbé SPALLANZANI, qui a fait en dernier 
lieu l'étude la plus approfondie des petits Etres dont il s’agit , 
a démontré plus rigoureufement encore la fauffeté du fyftêème 
des molécules organiques, & mis dans le plus grand jour 
l'origine des méprifes fingulieres de l'Inventeur. On fait que 
l'illuftre Auteur de L'Hifhoire naturelle, générale £T particuliere, 
né croit point à l’animalité des fers fpermatiques. Il les à 
transformés en fimples globules mouvans, auxquels il a impofé 
le nom de s#olécules organiques. Il penfe s'être bien affuré par 
fes propres obfervations, que la longue queue ou le filet 
délié, qu’on remarque dans les Vers fpermatiques , n’eft point 
du tout une partie effentielle de leur corps ; qu'il n’eft qu’un 
filament du fperme, que le globule mouvant entraîne avec 
lui, en le traverfant d’un mouvement plus ou moins rapide. 
Selon lui, ces corpufcules organiques s’arrondiflent de plus 
en plus, acquiérent de jour en jour plus de vitefle, & dimi- 
nuent graduellement de grandeur, jufqu’à ce qu’ils devien- 
nent enfin prefgn’imperceptibles, même aux plus fortes len- 
tilles. Qui le croiroit néanmoins ? Toutes ces aflertions ne 
repofent que fur des obfervations équivoques o® fur des ap- 
parences trompeufes., La petite queue ou le filet eft fi bien 


202 CONTEMPEATION 


CELUI qui a découvert les molécules orga- 
niques , a vu bien d’autres prodiges dont on 
ne fe doutoit point, parce qu’on s’étoit trop 
preffé d'abandonner la Phyfique de l'Ecole. Il 
a vu, par exemple, du jus de viande s’animer , 
& un petit anras de colle de farine s’organifer , 
& fe façonner en Anguilles vivantes, qui en- 
gendroient d'autres Anguilles , quoiqu’elles n’euf- 


une dépendance effentielle de l’Animalcule, qu'il s’en fert à 
nager, & ne s’en défait jamais. Il ne s’arrondit point; ül 
acquiert point plus de mouvement ; il ne diminue point gra- 
duellement de grandeur; mais an bout de quelques jours, 
Ja liqueur peuplée de Vers fpermatiques commence à fe cor- 
rompre; les Vers périflent; & des Animalcules d’une toute 
autre Efpece leur fuccédent. I font fphériques, & fe meu- 
vent avec beaucoup de vitefle: ils périffent à leur tour; &_ 
des Animalcules arrondis, beaucoup plus petits, & d’une 
autre Efpece encore, viennent les remplacer; ils le font eux- 
mêmes par d’autres Animalcules différens, bien plus dégradés. 
encore, & qu’on à peine à appercevoir avec les meilleurs 
verres. Ce font ces différens ordres fucceflifs d’Animalcules, 
fshériques qu'on nous a donnés pour des molécules organi- 
ques, qui ne font proprement ni végétales ni animales; mais 
dont la Nature fe fert pour former les Végétaux & les Ani- 
maux, 

On voit affez par ce court expofé, qu’il en eft de la liqueur 
féminale comme de toutes les infufions, qui fe peuplent de 
différentes Efpeces d’Animalcules qui fe fuccédent dans le 
rapport aux divers états de corruption, que les infulons. 
révétent, , 


DE LA NATURE. VIII Part. 203 


fent point été elles-mêmes engendrées (7). Il 
a vu certains filamens, certaines moififlures 
naître, végéter & fe convertir enfuite en Ani- 
maux vivans. Il s’en eft même peu fallu qu’il 


avait vu le Fœtus humain naître de femblables 


filamens , & fe modeler comme une Anguille de 
ja farine. 


(7) tt Ce Naturalifte avoit dit & répété ; que “ les An- 
» guilles qui Je forment dans la colle de farine, r'ont d'au 
»» tre origine que la réunion des molécules organiques de la 


, partie la plus fubftantielle du grain : les premieres Anguil- 
+» les qui paroiflent, ne font cerfaisement pas produites par 
» d'autres Anguilles ; cependant, quoiqu’elles n’ayent pas été 
»» engendrées , elles ne laiffent pas d'engendrer elles-mêmes 
» d'autres Anguilles vivantes, &c. ,, Rien de plus pofitif 
que ces affertions fi remarquables, & rien de plus formelle. 
ment contredit par la Nature elle-même. Un Obfervateur (*} 
qui entend mieux à l’interroger, nous a rendu très-en détail fes 


réponfes. Il a vu & revu bien des fois chez ces Anguilles de 
la colle de farine, des Miles & des Femelles, en nombre à- 
peu-près égal. Il a obfcrvé diftinétement & décrit avec exac- 
titude les parties fexuelles des uns & des autres. Il les a re- 
ptéfentées par de bonnes Figures. Il a vu dans l’intérieur des 
Femelles une fuite d'œufs qui augmentoient graduellement de 
grandeur, à mefure qu'ils approchoient de l’orifice de la ma- 
trice. IL y a découvert encore des Petits vivans qui s’y pro- 
menvient comme dans un tube. Que dirai-je encore ? Il a vu 
les Mäles s’accoupler avec les Femelles, & dévoiler tont le 
myftere de leurs amours. 


(*) D. ROFFREDI, 


‘ 


204 CONTEMPLATION 


Sr ce célebre faifeur d’Animaux avoit appercu 
le premier les Polypes à bouquet, & que nous 
n’euflions pu les obferver que par fes yeux, il 
y a bien de l’apparence que nous ignorerions 
encore leur véritable nature : ils fe feroient trop 
altérés en pañlant par de telles lunettes. Si la 
Nature ne l’a pas fait Obfervateur, en revan- 
che elle la enrichi de fes dons les plus brillans, 
& en a fait l'Homme le plus éloquent de fon 
Siecle. S'il n’eft pas un MaALPiGHi, un REAU: 
MUR, il eft un PLATON, un MIiLTON; & fes 
Ecrits, pleins de feu & de vie, diront à la Pofté. : 
rité , que le Peintre de la Nature n’en fut pas 
toujouts le Deffinateur. 


Les Corps organifés {ont des tiflus plus ow 
moins fins, des ouvrages à réfeaux , des efpeces 
d’étoffes dont la chaîne forme elle-mème la rame 
par un art que nous ne nous lafflerions point 
d'admirer, s’il nous étoit connu. Les Fofliles 
font, pour ainfi dire, des Ouvrages de marque- 
terie ou de pieces de rapport. 


Nous ne favons point où l’organifation finit, 
& quel eft fon plus petit terme. Mais, en cef- 
fant d’organifer , la Nature ne cefle pas d’or- 
donner & d’arranger ; il femble mème qu’elle 
organife encore, lorfqu’elle n’organife plus. On 


DE LA NATURE. VIII Part. 205$ 


diroit que les Pierres fbreufes & les Pierres feuil- 
letées font desV égétaux un peu traveftis. 


La régularité fi conftante des Sels & des Cryf- 
taux ne nous frappe pas moins. On peut s’af- 


furer que le Cryftal eft formé de la répétition 


d’une infinité de petits Corps réguliers & pyra- 
midaux , appliqués proprement les uns aux au- 
tres, & qui repréfentent, en quelque forte, 
le Tout très en raccourci [8]. On fe trompe- 
roit beaucoup néanmoins, fi lon regardoit une 
de ces petites pyramides comme le germe du 
.Cryftal ; elle n’en eft, à parler exactement, 
qu’un élément ou une particule intégrante. Elle 
ne fe développe pas; elle demeure ce qu’elle ef; 
mais elle fert de point d’appui à d’autres pyra- 
mides femblables, qui viennent s’y appliquer 
& augmenter ainfi la mafle cryftalline par des 
agrégats fucceffifs. Le fuc cryftallin n’eft pas recu, 
élaboré , affimilé par des couloirs ou des vaif- 
feaux plus ou moins fins, plus ou moins re- 
pliés, dont l’intérieur de la pyramide foit pourvu; 
il eft déja tout préparé quand il procure la réu- 
nion de différentes molécules dans une même 


C8] ++ Cette obfervation fur le Cryftal eft du favant Bour- 
GUET , qui l’a rapporté en détail! dans fes Zettres philofophi- 
ques. On peut confulter fa defcription & fes Figures. 


2066 CONTEMPLATION 


mañle pyramidale, en vertu des loix du mou 
vement & de l'attraction. Voilà le caractere pri- 
mordial qui diftingue les Corps bruts des Corps 
organiés ; caractere qu’on ne doit jamais perdre 
de vue, quand on compare les Etres de ces deux 
claffes. 


AINSI le corps des Plantes & celui des Ani- 
maux font des e{peces de sétiers , dés machines 
plus ou moins compolées , qui convertiflent en la 
propre fubftance de la Plante ou de PAnimal, les 
diverles matieres foumifes à l’action de leurs 
reflorts & de leurs liqueurs. Ces machines, fi {u- 
périeures par leur ftruéture à celles de l'Art, le 
paroiflent encore davantage , quand on les com- 
pare dans leurs effets eflentiels. 


Les Maticres que les Machines organiques 
élaborent, elles fe les aflimilent, elles fe les in- 
corporent ; elles croiflent par cette incorporation, 
elles augmentent de dimenfions en tout fens, 
& tandis qu’elles croiflent , toutes leurs pieces 
confervent entr'elles les mèmes rapports, les 
mèmes proportions, le mème Jeu; toutes con- 


. tinuent à s'acquitter de leurs fonctions ; la ma- 


chine demeure en grand ce qu’elle étoit en petit. 
Elle eft un fyftème, un afflemblage merveilleux 
d'un nombre prefqu'infini de tuyaux différent-- 


| 


D E LA NATURE. VIIL Part. 207 


F 


ment a , repliés, qui, comme au- 


tant de filier épurent, façonnent , affinent 
les matieres nourricieres [9 |. 


CHaquE fibre; que dis-je! chaque fibrille 
eft elle-même très-en petit une Machine , qui 
en exécutant des préparations analogues, s’ap- 
proprie les fucs alimentaires, & leur donne Par. 
rangement qui convient à fa forme & à fes fonc- 
tions. La Machine entiere n’eft en quelque forte, 
que la répétition de toutes ces s7achinules, dont 
les forces confpirent au même but général. 


L'EXCELLENCE des Machines organiques brille 
par d’autres traits plus frappans encore. Non- 
feulement elles produifent de leur propre fond 
des Machines qui leur font femblables, mais 
il en eft un grand nombre qui reproduifent par 
elles-mèmes les pieces qui leur ont été enlevées ; 
& dont les différentes pieces deviennent autant 
de machines aufli parfaites que celles dont elles 
failoient partie. 


OX fent à préfent, combien il y a loin du 
Foffile le plus régulier à la Machine organique 


C9] Confultez les Notes 1, 2, du Chap. VII de Ia 
Bart, VII 


| 


PP ES ES 


lan ete ++. 


2% CONTEMPLATION. 


la plus fimple; d'un Sel, d'umCryfal, par 
exemple, à un Lychen, à un BPype; & com- 
bien le Phyficien eftimable , à qui nous devons 
les connoiffances les plus approfondies fur la 
formation des Sels & des Cryftaux, avoit abufé 
des termes, en nous les préfentant comme des 
efbpeces de Productions organiques, placées dans 
l'Echelle entre le Végétal & le Minéral [ro]. 
Les Sels, les Cryltaux & tous les autres Fofli- 
les de ce genre, ne font pas plus organifés 
qu'un Obélifque ou un Portique. L'Art affem- 
ble des matériaux pour conftruire un Obélifque; 
il fait les tailler fous certaines proportions , & les 
arranger fuivant certaines regles. La Nature en 
ufe à-peu-près de la même maniere dans la conf. 
truétion de ces petits Obélifques, que nous nom- 
mons des Sels ou des Cryffaux. Elle les conftruit 
d’une infinité de petits Corps réguliers, taillés fur 
des principes invariables, &qui font les maté- 
riaux de ces édifices. 


D’AUTREFOIS elle ne fe pique pas de tant 


Lio] tt BourGuEerT. Mais cet Auteur eftimable avoit exe 
pofé fur la génération, des idées vraiment philofophiques, 
dont quelques Naturaliftes cékebres auroïent bien fait de pro- 
fiter. Ils euflent mieux fervi le Public en les développant & 


en les perfetionnant, qu'ils ne l'ont fait par les étranges 


hypothefes qu’ils leur ont préférées. 


de 


DE LA NATURE. VIII Pur. 603 


de régularité & de fymiétrie : elle amañle pèle. 
fnèle des matériaux de différens genres qu’elle 
ne fe met pas en peine de tailler, & dont elle 
compofe des mafles plus ou moins irrégulieres. 
Quantité de pierres, de Cuilloux ; de Miné- 
raux font des ouvrages de cette forte. 


ELLE met, fans doute, beaucoup d'art dans 
la formation des Métaux, & fur-tout dans celle 
des Métaux les plus parfaits: mais cet art eft 
fort caché; il ne fe manifefte guere au dehors, 
& nous n’en jugeous un peu que par quelques 
effets & quelques propriétés remarquables qui 
en réfultent. Les caffures de divers Métaux 
offrent des grains qui affectent une forte de ré- 
gularité ou d’uniformité, qui peuvent fervir 
à caractérifer les Efpeces d’un mème Genre. 
La malléabilité & la dud@ilité de l’Or tiennent 
du prodige (11), & fuppofent dans les élémens 


de ce métal, une homogénité, une configura., 


tion, un arrangement, une liaifon que nous 
admirerions ; comme nous admirons le travail 
qui brille dans certains Fofliles, s’il nous avoit 
été donné de pénétrer le myltere, & d’en dé- 
Voiler les merveilles | r2]. 

(11) On fait qu'une once d'or s'étend à la filiere, au 
point de couvrir un fik d'argent de 444cco toiles, où 227 
Jieues de longueur. 

E12] tt Toutes les fubftances métalliques affeétent des 

Tome 1 | O 


20 CONTEMPLATION 


D'aurres Corps ne compofent point des 
males liées ; ils font répandus par couches, for- 


figures déterminées, lorfqu'après avoir été mifes en fufon!on 
les laiffe refroidir lentement. Ces figures, quelquefois très- 
recherchées, & prefque toujours deffinées avec beaucoup d'art, 
préfentent un fpeétacle très - intéreffant aux yeux de l'Obfer. 
vateur, L'Or, par exemple, montre alors à fa furfice une 
agréable imitation dés fleurs de l'Oeillet. Cet arrangement 
fymétrique ou régulier s’obferve plus facilement encore dans 
les demi-Métaux, que dans les Métaux parfaits ; & l’on con- 
noît dès long-temps les belles étoiles de l'Antimoine, fi bien 
décrites par REAUMUR, & qu'il avoit tant admirées. 

La retraite lente & graduée du feu permet aux particules 
intégrantes du métal, qu’il tenoit féparées, de fe rapprocher 
peu-à-peu, & de s'unir enfin dans un rapport déterminé à leur 
figure & à leurs attra@ions refpeétives. C’eft ici une vraie 
cryftallifation, foumife probablement aux mêmes loix effen- 
tielles que celles des Cryltaux, des Sels, & de quantité de 
Matieres minérales, Les molécules d’un Cryftal ou d'un Sel 
ont une tendance naturelle à fe rapprocher les unes des au- 
tres, & à s’unir par celles de leurs facettes, qui favorifent le 
plus l’adhéfion. Lors donc que le liquide qui les tient en dif. 
folution s'évapore peu à-peu, il donne lien au rapprochement 
fuccefif des molécules, & à ieur réunion dans ne mème 
mafle cryftalline. Mais diverfes circonftances extérieures fin- 
Auent fur la cryftallifation, & la rendent plus ou moins ré- 
guliere. Un refroidiffement ou une évapotation trop fubits 
nuifent à cette régularité; les particules intégrantes n’ont pas 
le temps de difpofer leurs facettes dans le rapport qui conftitue 
la eryMallifation la plus parfaite. Des molécules qui devroient 
s'unir par leurs plus grandes faces , ne s’uniffent que par leur& 
tranches ou par leurs angles, &c. 


| 
{ 
k 
F 
| 
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} 
‘ 
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4 


‘DE LANATURE VIII Part. St£ 


nces de grains peu adhérens les uns aux autres, 
& dont les figures n’ont rien de régulier. Tels 
font les Sables & les Terres. Les Sables, vus 
à la loupe, préfentent un amas de rocailles où 
de cailloux, fouvent demi-tranfparens, diverfe- 
ment figurés & colorés. Les Terres font des 
amas de grains où de molécules fpongieufes, 
qui en s'imbibant de l’humidité, augmentent 
confidérablement de volume & font effort con- 
tre les abftacles qui s’oppofent à leur extenfion. 


ENFIN, les Fluides, comme l'Eau, l'Air, le 
Feu, paroiflent formés de molécules qui ne font 
que fe toucher. On fe repréfente communément 
ces molécules, fous l'image de très-pctites fphe- 
res, extrèmement lies, qui cedent à la moin- 
dre force qui tend à les féparer. Mais 1l y a lieu 
de douter, fi la compoftion de tous ces Flui- 
des eft auffi fimple que nous l’imaginons. Ils 
nous montrent divers phénomenes , qui femblent 
réfulter d’une méchanique affez recherchée. 


EN perdant fa fluidité, en devenant glace, 


| PEau ne change pas de nature; fes molécules 


prennent feulement de nouveaux arrangemens, 

de nouvelles poñtions refpedtives. Elles tre- 

cent diverfes figures où l'imagination fe plait 

4 trouver des imitations affez exactes de diffé 
O 2 


212 CO'NT E M P'L'AVTA D 'N 


rens objets : ce font ordinairement de longues 
aiguilles implantées les unes fur les autres, & 
qui forment des angles plus ou moins aigus. 
Aujourd’hui lon épluche tout: on a étè agréa- 
blement furpris de voir qu'ils étoient la plu- 
part de 60 degrés. Cette proportion affez conf- 
tante & fi remarquable, dépend apparemment 
de quelque chofe de particulier dans la natu- 


re ou dans la configuration des molécules de ! 


YEau [:x3 1. 


[131] tt Avant la publication de l'excellent écrit de l’illuftre 
MairAN, fur la formation de la glace, on étoit bien loin de 
foupconner tout ce que ce phénomene fi commun renferme de 
curieux. Si le terme de cry/fallifation doit exprimer tout arran- 
gement régulier que prennent entr'elles Les particules intégran< 
tes des corps bruts, la congélation de l'Eau fera une véritable 
cryftallifation, & même une des plus régulieres. Des expé- 
riences mille fois répétées ont démontré, que les molécules de 
l'Eau qui fe géle, font déterminées par une caufe fecrete à 
compofer des filets, qui s'affemblent fous des angles de 60 
degrés : & c'eft ce qu'on admire fur-tout dans la neige étoilée, 
dont les jolies étoiles font formées de fix rayons égaux, tan- 
tôt fimples, tantôt compofés, efpacés fi réguliérement, que 
le compas le plus fin, & la main la plus füre pourroient 
difficilement les imiter. 

C'eft probablement à cette tendance feerete des molécules 
de l’eau à s’affembier fous un certain angle, que les terres 
& les bois doivent leur grande force expanfive. Un peu de 
pouficre terreufe s'infinue dans les joints de deux marches 
d’efcaliers orizontales, expofées à l'air. L'eau des pluies & 


! 


DELA N'ATURE. VIII Pmt. 213 


CeLzes de l'Air renferment probablement des 
particularités plus remarquables encore. Son 


des rofées, qui vient à pénétrer cette pouffiere, s’y difpofe, 
comme dans la congélation, fous l'angle de 60 degrés. De là 
l'écartement des molécules de la terre, & conféquemment l'é- 
cattement proportionnel des pierres de l’efcalier. Il eft d’abord 
infenfible; mais la qualité de la pouflere terreufe angmen- 
tant peu-ä-peu, la pouffée devient enfin appréciable. La même 
chofe fe pale dans ces coins de faule, defléchés & humed@és 
enfuite, qui en fe gonflant peu-à-peu par l’aétion de l’eau in- 
terpofée, parviennent à féparer les énormes blocs de pierre 
entre lefquels on les a logés. 

Mais quand on dit, que les molécules intégrantes de l'eau 
ont dans certaines circonitances une tendance à s’affembler 
fous un angle déterminé, on comprend bien que cela ne doit 
pas s'entendre des molécules elles-mêmes; puifque les corps 
en vertu de leur inertie, font indiflérens à toutes fortes de 
pofitions , de direétions & ile mouvemens. La tendance qu'affec- 
tent les molécules. de l'Eau, comme celles qu'affectent les 
molécules de toutes les Matieres qui fe cryftallifent, dépend 
donc de quelque caufe étrangere & très-cachée, qui, par fon 
impulfion, combinée avec la nature propre & la figure des 
molécules, détermine méchaniquement l’arrangement de celles- 
ci. Cette force fecrete, qui anime les molécules primitives 
des Corps bruts , & qui en compofe ces Touts. admirables où 
lon a cru reconnoître une, forte d’organifme, influe, fans 
doute, beaucoup. fur la autrition & le développement des 
Corps organifés. Mais nous touchons ici à des profondeurs 
que nous ne faurions fonder. Il eft bon toutefois que nous les 
entrevoyionsi au moins, quand ce ne feroit que pour nons 
Pénétrer du fentiment de notrexignorance. 0 

3 


214 CONTEMP LATION 


élalticité, & la maniere dont illa perd .&. dont 
il Ja recouvre, fon aptitude à tranfmettre le fon 
& à partager avec la plus grande précifion tous 
les tons & tous les accords ; indiquent dans la 
compofition de ce F] uide un art fecret & très- 
favant. vbs 


IL n’y en a fürement pas moins dans la for- 
mation d’un rayon folaire : grace au Génie im- 
mortel qui ofa le premier en. faire la diltinction, 
nous {avons qu'il eft compoié  originairement 
de fept rayons principaux, effentiellement dif- 
férens, & qui ont chacun leur réfrangibilité [14] 
propre ; réfultat naturel de la diverfité fpécifi- 
que des molécules qui entrent dans leur compo. 
fition. Que de merveilles cachées dans l’abime 
d'un rayon de lumiere! Mais combien œil de 
Ja Mite, qui raflémblé cette LERIREE : et il un 
abime plus profond! re | 

UxX mème deffin général embraffe toutes les 
parties de la Création verreftre. Un globule 
de lumiere, une molécule de terre ; un grain 
de fel, une Moififfure, un Polype, un Co- 
quillage, un Oifeau, un Quadrupede , l'Homme 
ue font que différens traits de ce deflin, qui 


Li4] Part. V, Chap. XL. 


DE LA NATURE. VIIL Part. 21% 


repréfente toutes les modifications poflibles de 
la Matiere de notre Globe. Mon expreflion eft 
trop au-deflous de la réalité : ces Productions 
diverfes ne font pas diflérens traits du mème 
deflin; elles ne font que différens points d’un 
trait unique, qui par fes circonvoiutions inf- 
niment variées , trace aux yeux du CHÉRUBIN 
étonné, les formes, les proportions & l’enchai. 
nement de tous les Etres terreltres. Ce trait 
unique crayonne tous les Mondes; le CHÉRUBIN 
lui- mème n’en elt qu'un point, & la Main 
ADORABLE qui traça ce trait, poflede feule la 
maniere de le décrire. 


BE —— ee 
ÉRLURE XVIIT 


EE 


Continuation du même [ujet. 


Idées fur l'affimilation €ÿ [ur les régénérations 
organiques. 


Les idées s'offrent en foule dans un fujet fi 

riche: lon ne fait ce qu’on doit écarter ou 

retenir; & l’on regrette autant ce qu’on écarte, 

que l’on craint de ne pas rendre affez bien ce 

que l’on retient. Le Polype met tout en mou. 
O 4 


816 CONTEMPLATION 


vement dans le cerveau d’un Naturalifte: une 
mulutude de branches & de rameaux tiennent 


ù + 2 EE 
a ce petit tronc. Nous devons nous borner ici 


aux branches principales & abandonner les ra. 
meaux au Naturalifte. 


Nous difons, que les Machines organiques 
convertiflent en leur propre fubftance les ma- 
tieres foumifes à leur action. Cette facon de 
s'exprimer eft peu philofophique. Comme il n’eft 
point de vraie génération (1}),il ne paroït pas 
non plus qu'il yait de vraies converfions, de 
véritables srétamorphofes. Les Infectes nous en 
convaincront bientôt. Tout fe réduit au fond 
à de nouvelles combinailons , à des nouveaux 
arrangemens, que nous prenons pour des tranf- 
formations. La mème matiere deviene fuccefi- 
vement Plante, Infecte, Coquillage, Poifon, 
Oïfeau, Quadrupede, Homme, à- peu - près 
comme le mème Animal fe montre fucceflive- 
ment fous les formes très- différentes de Che- 
nille, de Chryfalide, de Papillon. Le Végétal 
nourrit l’Animal, }’Animal nourrit le Végétal. 
Les Végétaux & les Animaux fe décompofent 
& fe réduifent peu-à-peu en terre. La Terre, 
qui renouvelle chaque année fes Productions, 
n’eft que le débris de ces mèmes Produétions. 


(3) Part. VIL Chap. X, 


st non 


"1 
DE LA NATURE. VIIL Pur 217 


Le Ver de terre fe faifit de ces débris: il eft 
pourvu d'organes qui en extraifent les particu- 
les organiques qu’ils renferment, qui les pré- 
parent, les modifient, & les incorpotent à cha- 
que partie dans un rapport dire à fa ftructure 
& à fa fin. La Plante puife de mème dans la 
Terre dans l'Eau, dans l'Air, les molécules 
nourricieres qui y font difléminées : elle les tra- 
vaille, les décompofe plus ou moins, {épare 
les unes, affemble les autres, & fait revètir 
à toutes les modifications & l’arrangement qui 
conviennent à fon organifation (2). 


Nous avons entrevu de loin le principe gé- 
néral de laffimilation [ 3 ]. Ce qui eft analogue à 
la nature de l’Etre organife eft élaboré & admis: 
ce qui lui eft diffemblable ou contraire, eft re- 
jetté. Ainfi, au lieu que dans le Minéral les 
molécules s’arrangent extérieurement, dans l'E. 
tre organifé, elles s’arrarffent intérieurement. 
Elles pañfent par une infinité de vaifleaux plus 
ou moins déliés, & pénétrent enfin dans les 
mailles de chaque fibre, qu’elles agrandiffent 
en tous fens. 


(2) Part, VI, Chap. III, V, & les Notes. 


[3] Part. VII, Chap. VI, VII, & les Notes, 


28 CONTEMPLATION 


IL y a donc toujours dans le Végétal & dans 
VAnimal un fond préexiftant d’organifation , qui 
détermine le choix & l’arrangement des matieres 
deltinées à groflir ce fond. Les matieres alimen- 
taires ne produifent rien par elles-mèmes : elles 
ne fauroient former la moindre fibre: mais elles 
peuvent la faire développer, & en s’incorpo- 
rant à fon tiffu, devenir parties iutégrantes du 
Tout organique. 


Si le Génie élevé & brillant qui a inventé 
les molécules organiques, n’avoit point voulu 
qu’elles organifaflent; s’il ne leur avoit point 
fait former le Végétal & l’Animal ; sil Le füt 
borné à les faire envifager. comme la matiere 
deftinée à opérer le développement du Végé- 
tal & de lAnimal , il auroit donné à fon 1ÿy£ 
tème une forme philofophique qu’il n’a point, 
& dont il ne pouvoit fe pañler. 

. 6 

Les Corps organifés de tout genre fe répa- 
rent ; leurs playes fe cicatrifent, fe confolident ; 
& cette confolidation renferme mille particula- 
rités qui furprennent, & qu’on a de la peine 
à expliquer, parce qu’on ne fauroit lire dans 
la ftruéture intime des parties, & y découvrir 
les caufes fecretes de tant d'effets divers. 


—  — 


DE LA NATURE. VIIL Part. 219 


ON a vu une jambe de Poulet fe régénérer 
en entier (4), & combien une telle régénération 
fuppofe-telle de régénérations particulieres ! 
Combien-d’arteres, de veines, de nerfs, de 
£bres mufculaires, &c. qui s’étoient régénérés 
dans cette cuife! Le Polype nous aide à con- 
cevoir ces reproductions merveilleufes. Les f- 
bres qui entrent dans la compofñtion du Corps 
des grands Animaux, peuvent être regardées 
comme des efpeces de Polypes qui repouffent 
après la feétion, & qui fe grefflent les unes aux 
autres. Toutes les fibres d’un Corps organifé 


(4) tt Ces expreffions ne font peint du tont exactes. On 
a'a jamais vu une jambe de Poulet fe révénérer en entier, comme 
une jambe de Salamandre. Îl s’agifloit ici d'une expérience 
curieufe de M. DUHAMEL, que je ne faifois qu'indiquer. IL 
avoit café la jambe d’un Poulet, & après en avoir fait la ré- 
duétion , il avoit laifé le cal fe furmer , puis il avoit coupé les 
chairs vis à-vis le cal, mais feulement dans le tiers de la cir- 
conférence de la jambe , & en pésétrant jufqu’à l'os, qu'il ra- 
tifloit avec le fcalpel. La plaie s’étant bien confolidée, il ft fur 
le fecond tiers de la circonférence de la jambe, la méme opéra- 
tion qu’il avoit faite fur ie premier ; & après Ja confolidation de 
cette feconde plaie, il opéra de la même maniere fur le dernier 
tiers. Ain toutes les parties offeufes & charnues de cette jambe 
£e reproduifirent fous fes veux , & cette reproduétion fut fi par- 
faite, que la circulation des liqueurs fe failoit librement d’un 
bout de la jambe à l’autre, comme l’injeétion acheva de le dé- 
montrer, 


220 CONTEMPLATION 


ne doivent pas parvenir à fe développer : il en 


eft une multitude qui y ont été miles en ré-' 


ferve pour fubvenir aux divers accidens qui le 
menacoient. Une bleflure, une fraéture met- 
tent ces fibres en valeur; elles en procurent 
le développement en détournant, à leur profit, 
les fucs qui auroient été employés à l’accroifle- 
ment ou à l'entretien des fibres que la bleffure 
a détruites, & que la Nature prévoyante fait 
remplacer. 


ENFIN , quel jour ne répand point encore le 
Polype fur la premiere origine des Etres orga- 
nifés! Une Mere Polype, chargée à la fois de 


plufieurs Générations de Polypes, & qui com- 


pofe avec eux un Arbre généalogique, ne fem- 


ble-t-elle pas nous dire affez clairement que toutes 
ces Générations étoient renfermées dans la pre- 
miere, comme celle-ci l’étoit dans la Génération, 


qui l’avoit précédée (532 


(5) Confultez la Note 3 du Chap. IX de la Part. VIT. 


be 


\ 


DE LA NATURE VIIL Part. 22% 


LMHAPITRE,XIX. 


Les Animalcules des infufions. 


++ Nos ne quittons point les Polypes en paf_ 
fant chez les Animalcules des infufons; car ce 
petit Peuple fi nombreux a auffi fes Polypes; tant 
les Polypes ont été généralement répandus {ur 
notre Globe. 


CE fut autrefois une nouveauté bien inté- 
reffante pour les Amateurs des Infectes, que 
ces Etres microfcopiques qui apparoiffent dans 
l’eau où lon a fait infufer quelque temps des 
parties de Plantes ou d’Animaux. Une goutte 
d’une pareille infufion paroît au microfcope un 
petit Lac, peuplé d’une multitude de Poifons, 
dont la taille & la figure font très-diverlifiées. 
Ce font ces petits Etres , découverts dans le der- 
nier fiecle, qui ont reçu le nom d’Anänelcules 


€ 

des infufions [1]. 
IL en eft qui imitent fi bien les Polypes en 
C1] L'efquiffe légere que je vais craçonner de l'hiftoire 


de ces Animalcules , fera tirée des belles obfervations de M. 
SPALLANZANI. . 


222 CONTEMPLATION 


cloche, qu'on ne peut s’empècher de les rar 
ger dans la mème clafle. D’autres font ronds 
ou oblongs, fans aucuns membres apparens. 
D'autres refemblent à des bulbes garnies d’une 
longue queue très-effilée; & ceux-ci paroiflent 
encore appartenir à la nombreufe claffe des 
Polypes. D’autres, dont la figure approche de 
la fphérique, montrent à leur partie antérieure 
une forte de bec crochu. D’autres femblent 
étoilés, &c. &c. 


Tous font véficuiaires & tranfparens , & fe 
meuvent avec plus ou moins de rapidité. 


EN général, ils font très - petitss il en eff 
même d'une fi prodigieufe pctitefle que les plus 
fortes lentilles fuient à peine pour les décou- 
vrir. Mais d’autres dont la taille eft beaucoup 
moins dégradée, peuvent ètre obfervés avec 
uue loupe médiocre. Ceux - ci feront des Ani- 
malcules des premiers Ordres ou des Ordres 


fupérieurs ; ceux-là des Animalcules des derniers. 


Ordres ou des Ordres in férieurs. 


IL doit paroître prefqu'impoffible de claffer 
des Animalcules, dont les différences fpécifiques 
vont fe perdre dans l’abime de Pinfiniment petit. 
Un habile Obfervateur ( Mr. MULLER ) eft 


DE LA NATURE. VIII Part. 223 


pourtant par venu à en caractérifer des centaines 
d'Efpeces. 


Toures ces Efpeces d’Etres microfcopiques 
ent une origine aufli réguliere que celle des 
plus grands Animaux de notre Planete. Mais 
leur extrème petitefle permet bien rarement d’en- 
trevoir les corpufcules ou les germes dont ils 
proviennent. On eft feulement tres-afluré, que 
la maniere de multiplier de chaque Efpece ef fou- 
mife à des Loix conftantes & invariables, & 
qu'il n'y a rien ici qui tienne le moins du 
monde de ces générations ëéquivoques , adoptées 
par Pancienne Ecole & qu’on a tenté de nos 
jours de faire revivre. 


Ox juge facilement, que des Animalcules 
fi petits, tous véficulaires & prefque gélatineux , 
doivent ètre bien délicats. Les Animalcules des 
Ordres inférieurs fembleroient donc devoir l'être 
bien davantage encore. Et que ne préfumeroit- 
on point de la délicateffe de leurs germes ! Com- 
ment imagineroit-on apres cela, que ces Ger- 
mes , fi délicats en apparence , réfiftent à la cha- 
leur de l’eau bouillante, tandis que les Animal. 
cules eux-mêmes périflent au trente-quatrieme 
degré du thermometre de REAUMUR ? C’eft bien 
iei fur-tout qu’on rifque de fe tromper en ten. 


%4 CONTEMPLATION 


tant de deviner la Nature : les germes des Ans: 
malcules des Ordres fupérieurs périflent ow n’é: 
clofent point à la chaleur médiocre de vingt- 
huit degrés. 


Les Animalcules des infufions font des Etres 
aquatiques, qui ne peuvent vivre que dans 
l’eau qui conferve fa liquidité. C’eft moins l’in- 
tenfité du froid qu’ils ont 4 redouter, que la 
congélation qui en eft effet. On fait que l’eau 
peut en certaines circonftances foutenir le neu- 


vieme degré au-deflous de la congélation, fans 


perdre fa liquidité : les Animalcules qui peu- 
plent une infufion refroidie à ce degré, & encore 
liquide, n’y périflent point, & leurs mou- 
vemens n’en font que ralentis. Les germes de 
ces Animalcules ont été rendus capables de fup- 
porter un degré de froid bien plus confidé- 
rable encore: il eft au moins très für qu’ils ne 
périflent pas au quinzieme degré. Et combien 
eft-il probable qu’ils peuvent réfifter à un froid 
fort fupérieur! 


Mais ces petits Étres , qui réfiftent fi bien 


au froid & à la chaleur, meurent au moment 
qu’on les expole à des odeurs pénétrantes, fe. 
tides ou fpiritueufes. L'huile les tue pareille- 
ment ; & ces faits concourent avec bien d’autres 


à! 


# 


PT 


mn. st fun à 


DELANATURE. VIIL Port. 22ç 


à prouver leur animalité qui avoit été fi conteftée. 


Le fimple écoulement du fluide électrique ne 
nuit point du tout aux Animalcules des infu- 

fions : mais l’étincelle les tue fur le champ & 

| les déchire. 

| 

| 


IL en eft qui fupportent le vuide pendant un 
mois. Îls s’y meuvent, s’y nourriflent & s’y 
multiplient. D'autres Efpeces y meurent en 
moins de deux jours. 


Les grains qu’on fait macérer dans l’eau s’y 
couvrent de Moififfures. Ces Moiffures fon 
de véritables Plantes. Les filamens cotonneux ou 
les très-petites tiges de ces Plantes microfcopi- 
ques portent à leur fommet une tête arrondie, 
qui cit le’logement des graines. Des Animal- 
cules, dont la tête imite fort celle des Moi- 
fiures, dont le corps et très-éfilé, sat. 
tachent fouvent à ces petites Plantes; & il n’en 
a pas fallu davantage à un Obfervateur célebre 
CMr. NeEpHaMm) pour lui perfuader que les 
Moilflures fe transformoient en Animalcules. 


l 


EX fe décompofant dans linfufon, la fubf 
tance des grains fe divife en véficules De très- 
petits Animalcules fe gliffent dans ces véficules 
| pour s’en nourrir, & leur impriment des mou. 
(" Tome II. P 


RE — 


SR  — | 


226 :G\0 N°T E MPOE A FR 0"N 


vemens qui ont fait croire encore à cet Obfer- 
vateur, & à un autre non moins célebre ( Mr 
MuLzcer ), que les véficules s’animoient ou 
s'animaliloient peu-à-peu. De pareilles méprifes 
font bien inftructives pout ceux qui fe livrent 
à Pétude de la Nature. 


Nous avons vu différentes Efpeces de Po- 
lypes multiplier par des divifions & des fous- 
divifions naturelles : cette maniere de propager 
eft. très-commune chez les Animalcules des in- 
fufons, & elle y préfente bien des variétés re- 
marquables. Beaucoup d'Efpeces de ces Animal- 
cules multiplient en fe partageant en deux tranf 
verfalement. Il fe forme au milieu de leur lon- 
gueur un étranglement qui augmente d’inftant 
en inftant : bientôt les deux parties ne tiennent 
plus Pune à l’autre que par un filet très-délié, 
Ce font deux Animalcules qui vont fe féparer, 
& qu’on croiroit accouplés. Ils fe donnent tous 
deux de petits mouvemens qui aident à la fe- 
paration : telle eft, en particulier , la maniere de 
multiplier de certains Animalcules ronds ou ob- 
longs, dont l'inftinét offre quelque chofe de 
bien fingulier. A lordinaire ils ne fe heurtent 
poiut dans leurs courfes rapides, & favent s’e- 
viter adroitement : mais lorfqu’un des Animal- 
cules eft dans le travail de la multiplication 


| 
} 
| 
1 


DE LA NATURE. VIII: Parf, 227 


& que la divifion eft déja fort avancée, on en 
voit qui fe précipitent entre les deux Animalcules , 
comme pour accélérer leur féparation. 


Les Polypes microfcopiques que nous avons 
obfervé fe multiplier par divifion naturelle, fe 
partageoient conftamment en deux, les uns de 
biais ou en écharpe, les autres par le milieu, 
fuivant leur longueur. Une Efpece de nos Ani- 
malcules des infufons nous offre en ce genre 
une grande nouveauté, & qui a fort excité l’at- 


| tention de l'excellent Obfervateur (M. de Saus- 


SURE ) qui nous l’a découverte. L’Animalcule 
dont je veux parler fe trouve dans linfufon 
de la graine de Chanvre. Il eft au nombre de 
ceux dont la partie antérieure elt façonnée en 
maniere de bec crochu. Il eft oblong & fort 
agile. Quand il eft fur le point de multiplier , 


il fe fixe au fond de l’infufon, fait difparoitre 


fon bec crochu, & revèt la figure d’une petite 


. fphere. Immédiatement après il commence peu- 


àä-peu à tourner fur lui-même , de maniere que 
le centre de fon mouvement demeure fixe, & 


que la fphérule ne change point de place. Ce 
| mouvement s'exécute avec la plus parfaite ré- 


gularité, mais non conftamment dans le mème 

fens ; car la direction de la rotation change con. 

tinuellement : on voit lAnimalcule tourner d’a- 
P2 


RE ns 


© 


2283 CONTEMPLATION 


bord de droite à gauche, puis d'avant en ar- 
riere , enfuite de gauche à droite, puis d’arriere 
en avant, @&c. Tous ces mouvemens s’accéle- 
rent par degrés, & on n’en démèle pas d’abord 
le but: mais au bout d’un certain temps, on 


commence à appercevoir fur la furface unie de 


la fphérule, deux petits traits qui y tracent la 
figure d'une croix. La fphérule ne refflemble 
pas mal alors à une coque de marron qui va 
s'ouvrir. Le moment eft en effet venu où lA- 
nimalcule va fe partager. Il s’agite , fe trémoufle 
& fe divife en quatre Animalcules parfaitement 
Temblables à celui dont ils faifoient partie, mais 
feulement plus petits. Ils croifflent rapidement, 
fe divifent de mème en quatre, &il pu a point 
de fin à ces fous-divifions. 


Jar dit que le Peuple nombreux des infu- 
fions a auf {es Polypes : ces très-petits Polypes 
multiplient comme ceux en cloche, par une divi: 
fion longitudinale, qui d’un feul Polype en fait 
deux. Chez la plupart la divifion commence par 
la partie antérieure; chez quelques autres, par 
la partie poftérieure [2]. 


[2] tt Quand la divifion eft très- avancée, & qu’elle ef 
parvenue jufqu’auprès de la tête, l’Animalcule paroït nn 
petit Monftre à deux corps. Dans cet état, M. MuLrer l'a 


DELA NATURE. VII Part. 229 


Mais tous les Polypes des infufions ne mul- 
tiplient pas en fe partageant fuivant leur lon- 
gueur. On en connoît une Efpece dont la mul- 
tiplication a quelqu’analogie avec ce qu’on croit 
avoir obfervé chez les Lychens [3]. Cette EC 
pece a le corps arrondi, & elle eft pourvue d’une 
petite queue très-effilée. Dans le temps de la 
multiplication , il fe détache de la partie infé- 
rieure du corps un petit fragment, dont le mou- 
vement eft continuel, & qui nage avec vitefle, 
Ce fragment afflez alongé eft le principe d’un 
nouvel Animalcule. Il ne lui faut que quelques 
heures pour devenir parfaitement femblable à 
celui dont il s’étoit détaché. 


ON rencontre encore dans les infufions de pe- 
tits Etres fort finguliers , & dont la multipli- 
cation n’a que peu ou point de rapport avec 
celles que je viens d'indiquer. Ce font de petites 


vu nager avec autant de liberté & de vitefle qu'aucun autre 
Animalcule de fon Efpece. Tantôt les deux moitiés s'écartent 
l'une de l’autre, au point de former un angle droit : tantôt 
elles fe rapprochent & Forment un angle plus ou moins aigu « 
d'autrefois elles fe sapprochent davantage encore, reprennent 
lsur parallélifme, & s’écartent de nouveau comme les jambes 
d'un compas. 


{31 Part. IN, Chap. VII, Note 3. 
Pix 


230 CON TEMPLATION 


fpheres animées, qui femblent formées d’une 
multitude de fphérules qui fe féparent fucceffi- 
vement les unes des autres, & propagent ainfi 
lEfpece. 


VorLa déja bien des manieres de multiplier 
des nos Animalcules des infufons, & toutes très- 
caractérifées : fans doute qu’il en exifte un beau- 
coup plus grand nombre , que de nouvelles re- 
cherches découvriront au Naturalifte; car c’eft 
fur-tout' dans cette Région d’infiniment petits 
qu’éclate la merveilleufe fécondité de la Nature, 


ENFIN , les Animalcules des liqueurs multi- 
plient encore comme les Animaux que nous ju- 
géons les plus parfaits, par des œufs & par des 
petits vivans. On les a vu pondre, & on les 
a vu accoucher comme les Pucerons. Il y a 
plus, on s’eft affuré que parmi les mèmes Ef 
peces qui multiplient par divifion naturelle, il 
en eft qui pondent des œufs. Telle eff entr'autre 
l'Efpece à bec crochu. À fa fortie de. l’œuf, le 
Petit eft {pherique; il devient bientôt oblong, 
& le bec crochu fe montre enfin. | 


L'HERMAPHRODISME regne fur-tout chez les 
Animalcules des infufions, & on peut juger 
par-là de: l'étendue de {on domaine, Jamais on 


DELA NATURE. VIII Part. 231 


n’a vu ces Animalcules s’accoupler; & quand 
on a élevé dans une parfaite folitude des E£ 
peces ovipares ou des Efpeces vivipares , elles y 
ont conftamment propagé. 


Diverses Efpeces de ces Animalcules favent 
comme les Polypes microfcepiques , exciter dans 
l'eau un petit tourbillon qui précipite vers leur 
bouche les corpufcules dont ils fe nourriflent. 
I en eft dont la bouche eft garnie à cette fin 
de barbillons qu’ils meuvent avec une grande 
vitefe. 


Iz eft bien prouvé que plufeurs Efpeces de 
ces Etres microfcopiques font carnivores, & 
qu’elles fe dévorent les unes les autres. On en 
voit qui fe gorgent d’Animalcules vivans , qu’on 
obferve s’agiter quelque temps dans l’intérieur 
de l’Animal vorace : quelquefois mème les Ani- 
malcules captifs parviennent à s'échapper de leur 


prifon (4). 


-(4) Les Animaleules des infufions rappellent à l'efprit d’au- 
tres Animalcules non moins curieux , & dont la Nature, pros 
digue d’Animaux , a peuplé les liqueurs prolifiques de quantité 
d'Efpeces. Le Naturalifte qui les apperçut le premier dans le 
fperme humain , eut peine à en croire fes propres yeux, & l'on 
m'ignore pas à combien d'opinions erronées cette famenfe dé- 
couverte a donné naiffance, La vérité a percé enfin, & l'Hiftoire 
a fuccédé au Roman, 


P 4 


232 CONTEMPLATION 


Il eft bien prouvé aujourd'hui que ces Etres microfcopiques 
font de yrais Animalcules qui habitent les liqueurs féminales, 
comme tant d’autres Efpeces d'Animalcules habitent les infu- 
fions. Les plus connus reffemblent affez aux Tétards. Leur tête 
groffie , arrondie & obiongne, fe termine par un appendice délié 
en forme de queue. 

Ceux qui peuplent le fperme humain font fi petits, qu'ils 
p'égalent pas la groffeur d’une molécule rouge du fang. [ Con- 
fultez la Note 3 du Chap. IV de la Part. VIL ] 

Ces Animalcules ont deux mouvemens, lun ofcillatoire, 
Pantre progre(Mf, Ils nagent avec vitelè, & leur queue leur fert 
de nagevire. Leur agilite égale celle des Poiffons. 

Is meurent au bout de quelques heures dans le fperme expolé 
à lariils vivent moins encore fi l’air eft froid. Après leur 
mort ils demeurent étendus en ligne droite. 

Une goutte d’eau qu’on laife tomber fur le fserme leur ôte la 
vie ou au moins le mouvement, Hs le confervent dans la falive. 
Je parle ici des Vers fpermatiques de l'Homme. 

Tous les individus de la même Efpece ne font pas égaux 
en grandeurs; je devrois dire en petitelle ; mais ces diféren- 
ces de taiile font plus frappantes encore d'Efpece à Efpece. 
Les Animalcules du ‘Tanreau & du Bélier font bien plus 
grands que ceux de Homme. Les Animalcules du Cheval 
égalent à-peu-près ces derniers. Ceux du Lapin font fort in- 
Férieurs. 

Il n’y a pas moins de diverfité dans la population. Les 

“Animalcules du Taureau , par exemple, font beaucoup plus 


nombreux que ceux de l'Homme. C'eft le contraire chez ceux 


du Cheval. 

Les Animaux à fang froid, tels que les Poiffons à écailles 
& les Amphibies, ont auf leurs Animaloules fpermatiquess 
& ceux-ci diFerent beancoup des Animalcules dont je viens 
de; parler. Je dois me borner à un petit nombre d'exemples. 


\ 


DE LA NATURE. VIIL Part. 233 


Les Animalcules de la Carpe font prefque fphériques & fans 
aucun appeadice : ils reMemblent beaucoup à certains Animal- 
cules des infufons. Ceux de la Grenouille ont la figure d'une 
boule alongée ; mais les plus remarquables font ceux de la Sala- 
mandre aquatique : leur tête grofle & oblongue, comme celle 
des Vers des Animaux à fang c'aud, eft accompagnée d’an ap. 
pendice démefurément long, moins efhlé, & tout garni de poils 
courts qui font des efpeces de nageoires. 

Des Etres animés appellés à vivre dans les plus profondés 
ténebres , ne femblent pas avoir beloin d'yeux. Il eft pour- 
tant des obfervations qui paroiflent prouver que les Vers 
fpermatiques font au moins doués de quelque fens qui équi- 
vaut pour enx à la vue. Lorique la liquenr où ils nagent 
elt renfermée dans un tube de verre fcellé hermétiquement , 
on les voit fe détourner à propos à la rencontre des obfta- 
cles, précipiter leur marche, la retarder, la fufpendre, ia 
reprendre enfuite fuivant les occurrences , & Faire tout ce que 
des Animaux doués de la vue feroient en pareil cas. Un tou- 
cher prodigieufement fn fuffroit peut être à expliquer tout 
cela. 

Les Vers fpermatiques ne font point auf délicats que les 
Animalcules des infufons ; c’eft qu’ils ne foint point, comme 
eux, véficulaires. L’urine qui tue & déchire prefqne fur.le.champ 
les premiers, ne produit cet effet qu'à la longue fur ces derniers, 

, Ceux - ci ne furnagent point, comme les autres, après leur 
| mort, mais ils tombent au fond de la liqueur, & s’y con- 
fervent entiers pendant plufeurs femaines. D'un autre côté, 
les Animalcules des infufons fupportent mieux le froid que 
les Vers fpermâtiques. Le degré-de la congélation engourdit 
ces Vers au point de les rendre immobiles. Mais ils foutien- 
vent mieux que les Habitans des infufiuns une chaleur un 
peu forte, & on pourroit facilement le préfumer des Vers 
qui habitent les fpermes des Animaux à [ang chaud. Ceux 


on élit qeemernes. 


2343 CONTEMPLATION 


de l'Homme ne périflent qu'au quarantieme degré, & ceux du 
Taureau qu'au quarante-cinquieme. 

Il n’en doit donc paroître que plus fingulier, que des Etres 
microfcopiques ne puiffent foutenir la chaleur directe du Soleil 
qui eft beaucoup moindre. Ils y périflent affez promptement , 
quand la liqueur eft Jaiflée à découvert, mais ils y périffent 
plus tard, quand on la renferme dans un tube fcellé hermé- 
tiquement. Seroit-ce que l’aétion du Soleil accroît trop l’irrita- 
bilité de ces petits Etres. 

Aurefte, je ne dois pas laiffer croire à mon Lecteur que les 
Vers fpermatiques ne fe trouvent que dans lès liqueurs fémina- 
les. Le célebre Obfervateur ( a) qui me fournit les particula- 
tités de leur hifoire que je raffemble ici , les a rencontrées dans 
les vaiffeaux fanguins du Veau & du Mouton; & ce qui eft bien 
remarquable encore, il en a apperçu dans ceux d'une Grenouille 
& d’une Salamandre aquatique, toutes deux Femelles. Mais fes 
profondes recherches ne nous apprennent point comment ils fe 
trouvent là, ni comment ïls propagent. Il eft au moins pro- 
bable qu’ils paffent du fang dans les liqueurs féminales, & il ya 
bien de l'apparence encore qu'ils s’introduifent dans le fang par 


les nourritures. Ils vièndroient donc du dehors, & leur origine 


auroit du rapport à celle des Animalcules des infufions. Nous ne 
nous étonnerons pas, fans doute , que l’hiftoire de ces Atomes 
vivans foit fi imparfaite encore : nous admirerons bien plutôt 
qu'il ait été donné à l'Homme de pénétrer aufi avant dans ces 
extrémités fi reculées de la Création terreftre, 


(«) M. SPALLANZANI. 


HORS 


DE LANATURE.-IX Part. - 23 
PRESENT PRE Er 
NEUVIEME PARTIE. 


SUITE DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CON- 
SIDÉRÉE DANS LES INSÈCTES. 


5 Sn PS 
CHAPITRE PREMIER. 


Idées fur la maniere dont s’operent la régénéra- 
tion € la multiplication du Polype à bras. 


Le Poulet, n’eft pas engendré [1]; la Plante 
ne left pas non plus [2]: les parties que repro- 
duit un Poiype à bras, feroient -elles donc en- 
gendrées ? Si la Nature a préordonné le Poulet, 
. s’il étoit deffiné en miniature dans l’œuf avant 
la fécondation, il eft au moins très - probable 
que les parties qui fe régénerent chez le Polype, 


étoient auffi deffinées en petit dans des Germes ; 


& que leur génération apparente 1’eft qu’un put 
développement. 


Ux vrai Philofophe n’entreprendroit pas d’ex- 


[1] Part, VIT, Chap. X. 
[2] Part. VI, Chap. X ; Part, VII, Chap. XII. 


236 C ON T\E M P L A T'I ON 


pliquer méchaniquement la formatiou d’une tête ; 
d’un bras, quelque fimple que fût la ftruéture 
de cette tète ou de ce bras. Dans la ftructure 
organique la plus fimple, il eft encore tant de 
rapports ; ces rapports font fi variés, fi dires, 
toutes les paries font fi étroitement liées, fi 
dépendantes les unes des autres, fi confpiran- 
tes au même but, qu’on ne fauroit concevoir 
qu’elles ayent été formées les unes après les 
autres, & arrangées fucceffivement comme les 
molécules d’un Sel ou d’un Cryftd, La faine 
Philofophie a des yeux qui découvrent dans 
tout Corps organifé, l'empreinte ineffacable 


d'un ouvrage fait d’un feul coup, & qui eft 


lexpreffion de cette VOLONTÉ ADORABLE qui 
a dit, que les Corps orgamifes foient, € ils ont 
été. Is ont été dès le commencement, & leur 
premiere apparition elt ce que nous nommons 
très-impropremeut géuération. nmiffance. 


Les œufs des Ovipares, les grappes véficu- 
laires des Vivipares, qui font encore des œufs, 
ont été raflemblés dans un lieu déterminé. Cha- 
que œuf, chaque vélicule contient originaire- 
ment un Germe (3). Les Germes occupent donc 
chez la plupart des Animaux un lieu particulier, 


(3) Part, VII, Chap. VIII & IX. 


DELAMNATURE. IX. Parr. 237 


où ils font gardés pour la fécondation. Les ovai- 
res font ce lieu. Imaginez un Animal chez qui 
les œufs ou les Germes foient répandus uni- 
verfellement. Suppofez qu’il n’eft pas un feul 
point de fon Corps où il ne fe trouve un ou 
plufeurs Germes. Suppofez encore que tous ces 
Germes font féconds par eux-mêmes, & qu'ils 
n’ont befoin pour fe développer que du con- 
cours de certaines circonftances. Concevez en- 
fin que toutes les parties néceflaires à la vie 
font répandues dans tout l’Animal, comme les 
Germes, & qu’elles y font placées dans la du- 
plicature d’une membrane un peu charnue & 
prefque gélatineufe, qui forme une efpece de 
boyau ou de fac qui eft l’Animal lui - mème : 
vous aurez dans cette fition une forte de re- 
préfentation du Polype ; & l'explication de ces 
prodiges qui vous ont tant étonné [4], ne fera 
plus pour vous qu’un jeu philofophique. La {o- 
lution de tous ces petits problèmes phyfiques, 
en apparence fi embarraffans , fi compliqués, 
ne fera ainfi que le fimpie réfultat d’une orga- 
nifation préétablie, dont une multitude de faits 
concourent à nous perfuader la certitude. Au 
relte, & je prie qu’on le remarque, quand je 
me fers du mot de Germe, en parlant du 


[4] Veuillez relire le Chapitre XV de la Partie VIIL. 


ES 


238 CONTEMPLATION 


Polype , j'entends en général par ce mot toute 
préformation, toute préorganifation, dont un 
nouvel Être, un nouveau Potype eft le réfultat 
immédiat. Par combien de moyens divers lAu- 
TEUR de la Nature n’a-t-il pas pu préorganifer les 
Etres, & combien de faits qui prouvent une 
préorganilation ! 


Vous avez vu le Polype multiplier naturelle- 
ment par rejettons. Ces rejettons ne fe forment 
pas des fucs du Polype; ils ne réfultent pas im- 
médiatement de l’affemblage ou de la réunion 
de certaines molécules ; ils ne font pas jetés 
au moule; je reviens fouvent à ceci, & puis-je 
trop y revenir ? Ces rejettons, qui font de vrais 
Polypes, préexiftoient en petit dans ces Germes, 
logés fous la peau : ils ne font que fe développer , 
& la Mere les nourrit comme un Arbre nourrit 


{es branches. 


RaAPPELLEZ - VOUS ces Corps oviformes qui 
font le principe des Polypes en maffes [5]. Ce 


‘ ne font point de véritables œufs; on ne fau- 


roit dire que les Petits ex éclofent : dans le vrai, 
ils font l’Animal lui-mème, replié en maniere 
de peloton , & fans aucune enveloppe qui le re- 


[5] Voy. le Chap. XIII de la Part. VII. 


DE LA NATURE. IX. Part. 239 


couvre. Probablement il en va ainfi des rejet- 
tons du Polype à bras : dans leur premier état, 
ce font peut-être aufli des corps oviformes ; 
ils fe montrent enfuite fous la forme d'un petit 
bouton qui groffit & s’alonge par degrés; & 
ce bouton eft Jui-mème un vrai Polype. L’In- 
fete étoit encore plus déguilé avant fon appa- 
rition. Il n’étoit peut-être originairement qu’une 
certaine préorganifation de la Peau du Polype 
Mere, en vertu de laquelle elle eft capable de 
fournir à cette nouvelle Production. 


PENDANT qu’un rejetton fe développe, il 
poufle lui-même d’autres rejettons ; ceux-ci d’au- 
tres encore: cet que tous font fournis de 
Germes prolifiques, que la nutrition déploie. 


UNE moitié de Polype partagé tranfverfale- 


_ ment, acquiert une nouvelle tète & de nou- 


veaux bras. La fection n’a pas fait cette tète 
& ces bras: qu’a-t-elle donc fait ? Elle a dé- 
tourné vers les Germes logés près du bout an- 
térieur du tronçon, les fucs nourriciers qui 
auroient été portés ailleurs. Cette furabondance 
de nourriture a déployé ce qui feroit demeuré 
replié. : 


UNE moitié de Polype partagé fuivant fa lon. 


s 


245 CONTEMPLATION 


gueur, prend d’abord la forme d’un demi-tuyau: 
cela doit ètre, puifque le Polype entier a Fa 
forme d’un tuyau, Les bords oppolés du demi- 
tuyau fe rapprochent, & en moins d’une heure 
il eft un tuyau parfait, fans aucune foudure 
apparente. Cette régénération eft fi prompte, 
qu’au bout de trois heures le petit tuyau a déja 
une tête, une bouche, & qu'il faifit & dévore 
les proies. La nouvelle tête n’a encore que la 
moitié des bras qui appartenoient à l’ancien Po- 
lype ; mais de nouveaux bras ne tardent pas à 
pouffer à l’oppolite de ceux-là, & voilà l’infeéte 
entiérement régénéré. 


IL n’eft pas plus furprenant de voir les bords 
d’une moitié de Polype fe réunir, fe grefer, 
qu’il left de voir une pareille réunion entre 
deux morceaux d'Ecorce qui végetent. Il Pelt 
mème moins, parce que le Polype eft prefque 


gélatineux , que toutes fes parties font très duc- 


tiles, & qu’elles renferment une infinité de fi- 
bres & de fibrilles qui ne demandent qu’à fe 
développer : la feétion leur en fournit le moyen. 


APPLIQUEZ ces principes aux Hydres, & vous 
les expliquercz heureufement. Elles ne préfen- 
tent que le mème phénomenc, combiné diffé- 


remment. 
La 


DE LA NATURE. IX. Part. 241 


© La ffrudure du Polype eft fi fimple, qu’il fe- 
roit poflible que ia production d’une nouvelle 

| bouche n’exigeât pas indifpenfablement le con- 
cours d’un Germe préexiftant & approprié. La 

| nature, la difpofition & l’arrangement de cer- 
| taines fibres ou de certaines particules préor- 
| ganifées, qui fe développent, pourroient peut- 


| être fufñire à cet ouvrage. Les bouches qui fe 
: forment fur le milieu du corps d’un Polype de- 
retourné en partie, ont bien lair de dépendre 
d’une pareille caufe. Il en eft peut-être de mème 
de la bouche qui fe forme dans une bouture 


quelconque. 


| 


Comme es bords d’une moitié de Polype 
fe réuniflent pour former un tuyau, de mème 
auffi plufieurs portions de Polype, mifes bout 
à bout, fe greffent les unes aux autres, & ne 
| forment plus qu'un feul Tout individuel. Si la 
foupleffle & l’analogie des parties aident fi fort 
à ia réuffite des greffes dans les Plantes(6), 
combien plus les greffes qu’on exécute avec le 
: Polype doivent-elles avoir de difpofition à réuffir, 
puifque toutes les parties de cet Infeéte font 
 prefque fimilaires ou homogenes, que {a fubf_ 
| fance eft toujours très-molle, & qu’il habite un 
élément très - propre à entretenir {a fouplefle? 


CG) Part. VI, Chap. IX & X. 
Tome IL. Q 


242 CONTEM PLAT ION 


CHAQUE portion d'un Polype partagé a; 
comme une bouture végétale, tous les vifceres 
néceflaires à la vie: elle peut dont végéter par 
elle-mème. Quand elle demeure ifolée , elle pouffe 
une tête & une queue. Quand on la met bout 
à bout avec d’autres portions, la végétation fe 
borne à l’unir aux portions qui la touchent im- 
médiatement. Les vaifleaux des diérentes por- 
tions fe prolongent, s’abouchent les uns aux 
autres, & établiflent entre toutes uné commu 
nication directe , d’où réfulte l'unité du Tout. 


UX Polype inféré dans un autre Polype, s’y 
oreffe, & les deux Polypes n’en font qu’un. 
Ce fait n’eft pas plus merveilleux que le précé- 
dent. La peau du Polype intérieur fe colle à la 
peau du Polype extérieur. Celui-ci eft alors comme 
doubié. L’analogie eft la même dans les deux 
cas ; & l’abouchement femble encore plus facile 
dans le fecond. 


OX réuflit à greffer des Polypes 4 bras de 
dir érentes Efpeces, mais il y a plus d’analogie 
encore entre de tels Polypes, qu'entre le Pru- 
nier & l’Amandier qui fe greffent fort bien. Dé- 
fionsinous d'un merveilleux, que nous admi- 
rons trop dans l’Animal, & point aflez dans le 
Vegétal, 


DE LA NATURE. IX. Part. 243 


Un Polype haché donne autant de petits Po- 
iypes , qu’on a fait de fragmens. Ces fragmens ne 
fe façconnent pas en tuyau, comme les moîitiés 
d'un Polype partagé fuivant fa longueur. La Na- 
ture varie {es procédés au befoin. Chaque frag- 
ment Le renfle ; un vuide naît dans fon intérieur, 
& ce vuide eft un nouvel eftomac. Une tète & des 
bras pouffent où ils doivent poufler, & bientôt 
ce fragment elt un Polype parfait. 


La peau du Polype neft donc pas fimple, 
puifque dans certains cas il s’y fait un vuide. 
Deux membranes fe féparent donc pour former 
une cavité, & cette cavité eft un eftomac. Il 
vous importe peu de connoître la caufe qui opere 
cette féparation : il vous fuffit de favoir que ce 
nouvel eftomac n’eft pas plus engendré que tout 
le refte. Mais vous appercevez-vous d’une grande 
fingularité qui eft ici fous vos yeux? Ce petit 
Polype, ou, fi vous voulez, ce nouvel eftomac 
n’étoit d’abord qu’un fragment de la peau d’un 
autre Polype , ou une très-petite portion de fon 
eftomac. L'intérieur de cette peau eft donc à 
préfent une partie de l'extérieur du nouveau 
Polype, & cer extérieur ne differe point de 
celui de tout autre Polype : c’eft que l’intérieur 
de l'Infée eft précifément femblable à fon 
extérieur, 

Q 2 


SL 


244 CONTEMPLATION 


Vous voyez donc pourquoi le Polype peut 
êtré retourné fans cefler de vivre & de multiplier. 
Ses vifceres font logés dans l’épaifleur de la peau. 
Cette peau eft par-tout identique. Il eft donc in- 
différent à ld vie de l’Animal que cette peau foit 
tournée dans un fens ou dans un autre : le corps 
garde toujours la forme de tuyau ou de fac. L’ex- 
térieur du fac a, comme l’intérieur, des pores 
abforbans, qui peuvent pomper la nourriture, 
& devenir au befoin les organes d’un nouvel efto- 
mac. Le Polype n’étoit pas fait pour fe retourner 
lui-mème , mais il étoit fait de maniere qu’il pou- 
voit l’être (7). 


LA furprife & l'admiration ne favent qu’exal- 
ter leur objet, & ne l’expliquent guere. Com- 
bien de mauvais raifonnemens n’avoit - on pas 
débité fur le Polype! Que de miférables objec- 
tions n’en avoit-on point tiré contre l’immaté- 


rialité de l’Ame! Quand on n’a pas beaucoup : 


réfléchi fur la nature des Efres mixtes, le Po- 
lype eft une énigme indéchiffrable (8). Quelques 


(7) Voy. le Chap. XV de la Part, II. 


(3) +t Je pourrois citer à ce fujet un Naturalifte le- 
bre, qui concluoit des expériences fur le Polype, que fon 
Âme eft divifible comme fon corps. Il ignoroit apparemment 
que fi l’on peut démontrer quelque chofe en Métaphyfique 


DELA NATURE. IX. Part. 924$ 


pas de plus vers la bonne Philofophie donnent 
le mot de cette énigme, & le Polype n’embar- 
rafle plus. Il a probablement une Ame. Cette 
Ame eft, comme toute autre, indivifible. Elle 
eft le fiege du Moi ou de la Perfonnalité de l’A- 
nimal. Elle réfide apparemment dans la tête; 
nous ne favons comment, & qu'importe ? Un 
troncon, un fragment de Polype n’eft pas une 
perfonne , mais il en deviendra une, dès qu'il 
aura pris une tête. Cette tète préexiftoit dans 
un Germe : pourquoi une Ame n’y préexifteroit- 
elle pas aufli? La mème VOLONTÉ qui a ox 
donné la préexiftence des Touts organiques, 
n’auroit-ELLE pu ordonner la préexiftence des 
Âmes ? Aura-t-ELLE attendu pour animer le 
Germe qu'il fût fécondé? Quel feroit le motit 
d’un tel renvoi? CELUI qui a pu creer tout d’ux 
feul mot, & par une VOLONTÉ unique, aura-t- 
IL eu une infinité de Volontés particulieres , 
momentanées & fucceflives ? Ne rendons pas 


après l’Exiftence du GRAND ETRE, c’eft l’immatérialité des 
Ames. La Métaphyfique peut donc éclairer quelquefois ceux 
qui s'occupent de la Nature; & les détraéteurs de cette belle 
Science ne la calomnieroient plus , s’ils la connoifloient mieux, 
Ils la confondent avec cette Science vaine, qui met les mot 
à la place des chofes , & qui n’eft faite que pour gater l'Efprit. 
Ce jargon fcientifique eft à la faine Métephyfique , ce que la 
Charlatanerie eft à la Médecine, Q 
3 


246 CONTEMPLATION 


très-difficile une chofe très-fimple. Si chaque 
Germe a fon Ame, chaque Germe eft un fre 
mixte. Cet Etre deviendra un Moi, une perfonne, 
dès que les organes fe feront aflez développés 
pour tranfmettre à l’Ame l’impreflion des objets, 


Dans un Polype partagé fuivant fa largeur , 
la perfonnalité demeure dans la’portion qui con: 
ferve la tète. En acquérant une tête, l’autre 
portion devient une nouvelle Perfonne, aufl 
diftinéte de la premiere, que le Petit d’un Animak 
eft diftinét de fa Mere. 


UXE Hydre eft ainfi un compofe de pluficurs 
perfonnes, qui ont chacune leur volonté propre. 
Il en eft de mème d’une Mere Polype transfor. 
mée en Arbre généalogique. 


Des portions de Polype, grefflées les unes 
aux autres, & qui ne forment plus qu’un feul 
Polype , ne font qu'une Perfonne unique. 


VoïrLa, ce me femble, des idées aflez nettes 
fur la régénération du Polype. Jugez entre ces 


idées & celles que quelques Phyfciens voudroiené 


leur fubftituer. Nous verrons ailleurs quel ef 
le principe fecret des mouvemens, en appa- 
rence volontaires, que fe donnent les portions 


DELA NATURE. IX. Part. 247 


de pareils Infectes , lorfqu’elles n’ont pas encore 
commencé à-fe régénérer [9]. 


CFA 0BPSI MORE: I E 


ae 


Application de ces idées à la régénération des autres 
Zoophytes. 


Dis le Chapitre huitieme de la feptieme: 
Partie, vous avez vu le Ver de terre fe régé- 
nérer ; vous avez contemplé de fort près les pro-. 
grès de cette régénérations vous avez remar- 
qué un petit bouton qui naifloit au bout an- 
térieur du tronçon, & qui fe développant par 
degrés , devenoit un appendice vermiforme, une. 
maniere de petit Ver qui paroïfoit s’ètre enté {ur 
le tronçon. 


CE. bouton animal vous a décelé la. premiere 
origine de la partie qui fe reproduit. Vous avez 


[9] tt Les Anémones de Mer, qu'on eft fondé à ranger dans 
la claffe des Polypes., n’ofrent rien de plus fingulier-que le 
Polype à bras ; & tout ce qu’on rapnorte de leur multiplication 
& de leur régénération, peut s'expliquer facilement par les 
principes que j'ai expofés en raccourci dans ce Chapitre. Je ne 
m'y arrêterai donc pas. 

Q-4 


= 


248 CONTEMPLATION 


reconnu qu'elle étoit logée en petit fous les chairs 
du tronçon, & que celui-ci ne fournit pas plus 
à cette produ@ion , que la terre ne fournit aux 
Plantes qui y font enracinées. 


C4 


AINs1, le Ver-de-terre contient, comme le 
Polype, une muititude de germes qui commen- 
cent à fe développer, dès que certains acci- 
dens détournent vers eux les fucs nourriciers. 
Les fources de réparation font ici en propor- 
tion des accidens qui menaçoient l’Animal. Mais 
la réproduétion du Ver-de-terre eft bien plus 
étonnante que celle du Polype. Non-feulement 
le Ver-de-terre eft un énorme Coloffe en com- 
paraïfon du Polype : fa fruéture eft encore beau- 
coup plus compolée. Il offre un grand appareil 
de vifceres, de vaifleaux, de trachées(r), de 
mufcles, &c. Il a du véritable fang, & ce fang 
circule. Mais il eft fur-tout Hermaphrodite 3 il réu« 
nit à la fois les organes propres aux deux Sexes, & 
ces o'ganes ont une ftrudure très-recherchée. Cet 
Infeéte, en apparence le plus vil des Animaux, é- 
puiferoit la fagacité du plus habile Obfervateur , 
qui auroit l’efpece de conftance philofophique de 


(x) tt Le Ver-de-terre n’a point de trachées, ou dn moins 
on n’a pu parvenir à en découvrit aucune dans fon intérieur. 
Elles font pourtant très - apparentes dans tous les Infeîes, 
£ Confultez la Note 2 du Chap. VHII de la_ Part, VII. ] 


ns 


41 


PRE RC ne 2 


DE LA NATURE. IX. Par. 249 


s’en occuper uniquement. Combien la Phyfolo- 
gie gagneroit-elle à une femblable recherche! 
Que de vérités, dont nous ne nous doutons point, 
viendroient groflir le trélor de nos connoif 
fances phyfiques'! Il ne manque au Ver-de- 
terre pour être admiré, qu’un Hiftorien tel que 
celui du Polype. L’Obfervateur qui a crayonné 
les premiers traits de l’Hiftoire de ce Ver, a re- 
gretté de ne pouvoir pénétrer plus avant dans 
le myftere de fa reproduction; mais il a dit 
tout ce qu'on peut fe promettre des obferva- 
tions qui l’auront pour objet [2]. 


{2] Tf J'ai eu fort à m'applaudir de l’exhortation que je 
failois ici aux Naturaliftes d'approfondir la régénération du 
Ver-de-terre , puifqu’elle a engagé M, SPALLANZANt: à le 
foumettre à quantité d'expériences ingénicufes |, qui nous 
ont appris bien des vérités intéreMantes. Il a vu beaucoup 
plus loin que PObfervateur dont ÿ parlois, & même que 
l'illuftre ReaumuRr , dans l’admirable reprodu&ion de ce Ver. 
Il à obfervé le premier plufieurs reproduétions eonfécutives 
de la tête dans le même individu ; il a vu des tronçons dé- 
tachés du milieu du corps, devenir des Vers complets par 
le développement d’une nouvelle tête & d’une nouvelle queue. 
F1 a varié les fetions tranfverfales, & déterminé les points 
du corps où la reproduétion n’a pas lieu ; il a déterminé ‘de 
imême on à-peu-près, quelle longueur il faut laiffer à cha- 
que tronçon pour qu'il puiffe fe réintégrer, & il a fuiviavec 
foin les progrès & la maniere de cette réintégration: il n’a 
pas moins varié les feétions longitudinales ; il ajtenté auf 


250 CONTEMPLATION 


LA régénération des Vers d’eau douce pré- 
fente les mèmes phénomenes que celle du Ver- 
de-terre, & vous avez vu [ 3 ]Jque leur ftruure 
eft aufli très-compofce. Il en eft de plufieurs ef- 
peces , qui {e diltinguent principalement par leur 
couleur. Toutes ne pofledent pas au mème de- 
gré la propriété de multiplier de bouture. En 
général le Polype tes furpalfe beaucoup à cet égard; 
peut. être, parce que fa ftru@ure ef plus fimple ; 
peut-être encore, parce qu'il a une plus ample 
provifion de germes. Quoi qu’il en foit, quand 
on coupe la tète & la queue aux Vers dont il 
s’agit, elles ne deviennent point elles - mèmes 


des Vers; mais toutes ou prefque toutes les. 


portions intermédiaires, quelque petites qu’elles: 
foient, parviennent très - bien à fe régénérer, 
& en aflez peu de temps elles donnent autant 
de Vers complets. 


À l'ordinaire, la régénération s'annonce par, 


de Faire des Hydres; mais fes nombreufes tentatives en ce- 


genre n'ont pas eu le fuccès defire. Le Ver-de-terre eft tout 
autrement organifé que le Polype à bras, & n'eft pas géla- 
tineux comme Îni. Enfin, l'Obfervateur s’eft aMuré que lac- 
croiflement du Ver ne fe fait que par la fimple évolution des 


anciens anneaux, @& non par le développement de nouveaux. 


anneaux, comme on auroit pu le prélumer. 


[3] Confultez le Chap. X de la Part. VIIL 


DELA NATURE. IX. Part. 9$f 


un petit renflement au bout antérieur : ce ren- 
flement paroït analogue au bourrelet végétal (4). 
La plaie fe ferme & fe confolide promptement. 
Un petit bouton fe moatre au centre du bourrelet. 
Ce bouton groflit & s’alonge peu-à-peu. De nou- 
veaux anneaux & de nouveaux vifceres com- 
mencent à paroître, Vous voyez de refte tout 
ce qui va fuivre. 


Vous comprenez très- bien auf, comment 
chaque portion végete par elle-même. Elle a en 
petit les mèmes vifceres que le Tout offroit en 
grand. Vous n'avez pas oublié que les parties 
effentielles à la vie font répandues ici dans tout 
le corps, & que la circulation s’opere chez les 
plus petites portions comme chez le Ver entier. 


DE petits boutons ou tubercules s’élevent quel- 
quefois fur le corps de ces Vers, & lon eft 
fondé à penfer que ce font des Petits naiflans , 
des rejettons femblables à ceux du Polype, & 
qui ont la mème origine & la mème fin. 


CETTE Efpece de Ver, dont certaines por- 
tions pouflent une queue à la place où une tête 
auroit dù naître, nous offre un phénomene 


(4) Part. VI, Chap. X, 


23 CONTEMPLATION 


bien fingulier, & que fa fréquence ne permet 
pas de regarder comme un jeu du hafard (5), 
C’eft encore moins un jeu du hafard que la pro- 
duction de cette queue furnuméraire. Elle eft trop 
bien orgauilce pour n’avoir pas la mème origine 
que celle qui poufle au bout poftérieur. Mais 
nous ne faurions dire qu’elles fonc les caufes 
qui déterminent ici une queue à prendre la 
place d’une tête. Nous favons feulement, que 
cette Efpece de Ver eit fort expofée à perdre fa 
partie poftérieure : elle a donc probablement 
plus de moyens de réparer cette perte, que celle 
de la partie antérieure. 


La nature de ce Livre m'interdit les details, 
Je dois me borner à faire fentir l’analogie des 
reprodu@ions, & à les ramener à des principes 
que la Philofophie avoue. Je n’examine donc 
point fi les Germes qui operent la reproduc- 
tion d’une nouvelle partie, font les mêmes qui 
operent la multiplication naturelle de lEfpece (6). 


(5) Voy. le Chap. X de la Part. VIIT. 

(6) +f Quand je m’occupois de cette queftion, l’on n’avoit 
point encore découvert la furprenante reproduction des mem- 
bres de la Salamandre aquatique, qui y répand un fi grand 
jour. On fait que ce petit Quadrupede a, comme le Lézard, 
auquel il reflemble, des mains & des pieds façonnés à-peu- 


PARA NATURE. IX. Part: (93 


La décifion de cette queftion nous importe fort 
peu : ce qui nous importe elt de favoir que 


toute production organique fuppole une pré- 
formation, un deflein primordial, que le dé- 


près à la maniere de ceux des Fiffpedes, & dont tous les doigts 
font bien articulés & pourvus de plufieurs phalanges. 

Il réfulte, en général, des nombreufes expériences qu’on à 
tentées fur cette efpece de Salamandre, qu’elle reproduit conf- 
tamment une partie égale & femblable à celle qui a été retran- 
chée. Ainf, lerfqu’on lui coupe un bras ou une jambe, elle en 
reproduit un autre précifément femblable. Si on ne Ini conpe 
qu'une main ou un pied , elle ne reproduira qu’une main ou 
qu'un pied. Enfin, fi on ne lui coupe qu’un feul doigt, elle ne 
reproduira que ce doigt, & le reproduira dans la même place 
qu’occupoit l’ancien. 

Si donc la reproduétion de membres aufli compofés que le 
font des doigts, des bras, des jambes, &c. ne peut s'ex- 
pliquer raifonnablement par des caufes purement méchaniques ; 
il faudra bien admettre qu’il eft ici des germes appropriés 
à la reproduétion de chaque membre , & même à celle de 
chaque partie intégrante du même membre: car il eft bien 
manifefte que le germe qui fournit à la reproduétion «un 
doigt, ne contenoit pas originairement un bras ou une jambe 
entiers , & bien moins encore l’Animal lui-même avec tous fes 
membres. 

Or, ce que la Nature nous montre fi clairement dans la 
reproduétion des membres de la Syamandre, s'applique faci- 
lement aux reproduétions analogues des Infeétes qui muiti- 
plient de bonture, & décide, ce femble, la queftion que je 
m'étois propofée. 


254 CONTEMPLATION 


veloppement met fous nos yeux, dont la Raïi- 
fon découvre facilement la beauté, la néceflité 
& le but. 


Comme ilfe développe une tète au bout an: 
térieur d’un Polype ou d’un Ver, il s’en dé- 
veloppe une aufhi près du bout poftérieur du 
Mille-pieds 4 dard [7]3 mais au lieu que dans 
ceux-là, ce développement eft occafioné par quel- 
que accident; dans celui-ci, il eft dû unique- 
ment à la Nature, qui a varié, comme illui a 
plu , les manieres de multiplier , en les foumet- 
tant toutes à la loi univerlelle de lévolution. 
En mème temps qu’une nouvelle tète fe déve- 
loppe chez le Mille-pieds , les liaifons du bout 
poltérieur avec le refte du corps s’affoibliflent. 
Différens vaiffleaux fe rompent ou s’obliterent, 
& de-là réfulte la féparation du bout poñte- 
rieur, devenu lui-mème un Mille-pieds parfait. 


Ic fe pañle fans doute quelque chofe d’ana- 
logue dans le Polype en entonnoir [8]. Mais 
toute analogie cefle chez les Polypes à bou- 
quet (9): par conféquent , point de conjecture, 

[7] Voy. le Chap. XIV de la Part. VIII, & la Note. 

[81 Voy. le Chap. XII de la Part. VIIL. 

(9) Ibid. Chap. XI: 


DELA NATURE. IX. Pari. 235$ 


point d’hypothefe qui puifle nous aider à con- 
cevoir le {ecret de leur multipleation. D'ailleurs, 
comment foumettre à l'expérience des Corps fi 
petits? C’eft déja beaucoup que nous apperce- 
vions leurs formes & leurs divifions. Quand 
on diroit, que la bulbe eft une efpece fingu- 
liere d’ovaire, qui contient actuellement en petit 
toutes les cloches qui doivent naître de fes 
divifions graduelles ; on compareroit entr’elles 
des chofes très-diflemblables. Les Polypes à bou- 
quet font placés à une fi grande diftance des 
Animaux qui nous font les plus familiers, que 
aous 1ifquerions fort de nous tromper en em- 
pruntant de ceux-ci des comparailons pour ex- 
pliquer ceux là. (10) 


RENONGONS fans peine à deviner ce que la 
Nature nous cache. Les Devins en Hifloire Na- 
turelle font des efpeces d’'Empiriques, qui frap- 
pent rarement au but; & quand il leur arrive 
de le rencontrer, c’eft prefque toujours par 
hafard. L’Obfervateur philofophe fait mettre des 
bornes à fa curiofité, Il fait douter, & plus 
encore, ignorer. Sa marche eft dirigée par les 
regles d’une faine Logique, qu’il w’enfreint ja. 
mais. Quoique la maniere d’engendrer des Po- 


(12) Confultez le Chap. XVI de la Part, VIIL 


g$é CONTEMPLATAI ON 


lypes 4 bouquet, ne reflemble à aucune de celles 
qui nous étoient connues, il faut néanmoins 
reconnoître qu’elle eft toujours conftante, uni- 
forme, réguliere; & cela feul prouve aflez 
qu’elle n’eft point le réfultat immédiat du con- 
cours fortuit de certaines molécules, & des loix 
communes du mouvement. Îl y a ici comme 
par-tout ailleurs, un deflein originel, qui dé- 
termine la nature, les temps & les progrès de 
l'évolution. 


LES Polypes nous ont fourni bien des ré. 
flexions philofophiques [ 11 ]. Ils’en faut de beau- 
coup que nous les ayions épuilées. On ne s’é- 
toit pas attendu à voir de pareils Animaux : on 
n’avoit pas prélumé non plus qu'on en ren- 
contreroit de tant d'Efpeces différentes & de 
formes fi bizarres, dans les infufions de tout 
genre. Combien certains Animalcules de diver- 
fes infufions different-ils encore de tous les au. 
tres Animaux, par leur maniere de vivre, de 
croître, d’engendrer ! Mais, comme on avoit 
refufé de reconnoître pour Animal ce qui étoit 
réellement Animal; on a pris d’un autre côté 
pour Animal ce qui étoit réellement Végétal. 
On a prétendu avoir découvert de véritables 


Cuir] Part ; VIII, Chap} XV ,2 XVI & XVIII. 
Anguilles 


DE LA NATURE. IX. Part. 253 


Anguilles vivantes dans la farine du bled siele « 
on a décrit avec complaifance les mouvemens 
fpontanés & variés de ces Anguilles microfco- 
piques: on nous a étonné en nous apprenant 
qu’elles fe confervent vivantes dans le grain 
pendant des années, & que pour les ranimer 
il fuit d’humeéter un peu la farine. On eft 
venu enfuite à penfer que ces Anguilles n’é- 
toient pas de véritables Anguilles, mais qu’elles 
étoient de vrais Zoopythes, qui devoient leur 
origine à une certaine décompofition des parties 
du grain: 


» C'EsT à l'excellent Obfervateur qui nous a 
dévoilé l’admirable méchanique des /aites du 
Culinar , que nous devons un expolé fi etrange 
(12). Il en eût, fahs doute, démèlé le faux, 


(u2) + C'avoit été l'opinion de M. NEEDHAM, qui avoit 
découvert le premier ces Etres microfcopiques, & qui les 
avoit produits au Monde favant comme des efpeces de Z00- 
phytes. ILa abandonné cette opinion depuis quelques années, 
d'après les découvertes de Dom RorFREDI, qui ont fi bien 
conftaté la nature vraiement animale de ces Etres, comine 
je le ditai bientôt, Au refte ; ce n’eft pas dans le bled sjellè 
qu'on les rencontre : cette expreflion employée par PObfervateur 
Anglois & par d’autres Naturaliftes , eft tont-à-fait impropre: 
oelt dans le bled rachitique on avorté qu'il faut chercher ces 
: Etres finguliers. 

C'eft encore Monfeur NEEDHAM qui a découvert dans les 


Tome IL kR 


258 CONTEMPLATION 


fi des apparences trompeufes ne lavoient pré- | 
venu en faveur des générations éguivoques. Un 
Phyficien plus exact, qui a confacré fes talens | 
à rechercher les caufes de la corruption des grains, » 
s’eft afluré que ce qu’on avoit pris d’abord pour M 
des Anguilles, & enfuite pour des Zoophytes, 
n’eft quela partie fibreufe du grain, que l’hu- 
midité met en mouvement. Ce n’eft pas mème 
à ces fibres que le mouvement lui a paru ap- 4 
partenir proprement, mais aux globules de la 
feve qu’elles renferment; car felon lui, la feve M 
eft toute compofée de corps globuleux , qui font 
fufceptibles de certains mouvemens. Il faut bien 
l'en croire, puifqu'indépendamment des preu- M 
ves qu’il donne de fa fagacité &-de fon exac- M 
tude, il ajoute: ceci foit dit par amour de la 
vérité, €ÿ nullement pour démontrer faux le 
Jffême que de grands Phyficiens ont mis au Jo 
depuis peu d'années [| 13]. 


laites du Calmar, de petits Corps à reflort, d'une ftruéture 


très-remarquable, qui jouent dans le temps de la fécondation, 


& qu'on prendroit pour des machines animées. Je ferai ce 
pendant remarquer , que M. NEEDHAM n’efk pas le premier 


qui ait découvert ces petites machines : elles avoient été dé" 


crites & repréfentées par SWAMMERDAM, mais il n'en avoit ! 
pas autant approfondi la ftruéture &:le jeu que l’Obfervateur | 
Anglois. 

C131 Sevans Etrangers, Tome IV, pag. 374. , 


DE LA NATURE. IX. Part. 259 


L'ART de voir, cet Art fi utile, fi univer- 
{el, neft pas commun: je renvoie aux AMé- 


tt M. AYMEN, ce Phyfcien eftimable, dont. je tranf- 
crivois ici les expreflions, s’étoit lui - même étrangement mé- 
pris fur la nature des Etres microfcopiques en queftion, & 
j'avois donné trop de confiance à fes obfervations , précifé- 
ment parce que je me défiois davantage de celles de l'Obferva- 
teur Anglois. Je cherchcis le vrai, & la maniere fi aflir- 
mative dont M. AYMEN s’'énonçot, me perfuadoit qu’il l'avoit 
trouvé. D. RorrrEDI & M. F. FONTANA, n’avoient point Fait 
Ÿ encore les curieufes recherches dont je vais indiquer les prin- 
cipaux réfultats. 

Entre une multitude de grains pris au hafard dans le même 
tas d: bled , il s’en rencontre de fois à autre d'un brun obf- 
eur, qui femblent avortés , rabougris ou comme rachitiques 5 
& ce font ces grains difformes qui renferment une des plus 
grandes merveilles de la Nature. Si, après les avoir partagés, 
on les humecte avec une goutte d’eau, on y contemplera 
au microfcope un fpeétacle étounant. Tout leur intérieur pa- 
roîtra s’animer, & l’on y appercevra bientôt une multitude 
de filamens déliés, femblables à des Anguilles, qui fe plie- 
ront & fe replieront en divers fens, à la maniere des Ser- 
pens. Dans les premiers momens de la furprife, on pourroit 
douter fi ces Etres microfcopiques font de vraies Anguilles 
vivantes; car on aura peine à fe perfuader que des Etres 
qui, quelques inftans auparavant, ne donnoient aucun figne 
de vie, & étoient enfevelis dans le grain comme des cada- 
vres dans la terre, prennent prefque tout d’un coup la vie 
& le mouvement au feul attouchement de l’eau. Mais, fi 
l'on continue d’obferver , tous les doutes fe difliperont peu. 
àpeu, & l'on fe convaincra enfin que ces Etres fi étranges 


K 2 


260 CONTEMPLATION 


moires fur les Iufees & à l'Hifloire des Polypes 
tous ceux qui n’en poffedent pas les regles, & 
qui ont intérèt de les pofléder. 


font bien réellement des Anguilles vivantes. On parviendra 
même à ydiftinguer des Mâles & des Femelles, & à recon- 
noîtte les parties fexuelles des uns & des autres : on démé- 
lera l'ovaire dans l’intérieur des Femelles ; dans cet ovaire, 
des œufs rangés à la file ; & dans ces œufs , le Petit vivant, 

La fubftance des grains rachitiques eft glaireufe & blan- 
châtre , & na rien de commun avec la #ielle ni avec Ver 
got. Les grains rachitiques qui végetent encore, renferment … 
à Ja fois des Miles, des Femelles , des Petits de toute gran- … 
deur, & des œufs difléminés dans l'efpece de glaire, & tout 
cela offre au microfcope folaire un fpeétacle magnifique qu'on 
ne fe laffe point d'admirer. Que de richeffes concentrées dans: 
un grain de bled avorté! re 

Mais combien l'admiration & l’étonnement accroiffent-ils 
quand on vient à apprendre qu'il eft rigoureufement prouvé 
que ces Anguilles peuvent fe conferver dans le grain defléchén 
au moins peadant vingt-fept ans , & reprendre la vie, comme 
à l'ordinaire, au bout d’an fi long efpace de temps! à 

Ce n’eft pas felement dans le grain qu'on trouve ces 
Etres admirables ; on eft parvenu encore à les déconvrit” 
dans la tige, dans la racine, & même dans la terre. Ils” 
paffent donc de la terre dans le grain par la racine & par la 
tse, & c’eit dans le grain qu’ils achevent de fe perfece 
tionner. 1:10 

Ces Anguilles qu’on poutroit nommer immottelles , fe 
confervent dans la terre. defféchée comme dans le grain; & | 
c'eft par cette prérogative fi finguliere , que la Nature conferve 


DE EA NATURE. IX. Pay. 267 


 T'Efpece elle-même. Mais il faut hien que je le dife; tous les 
individus de l'Efpece ne jouiflent pas de cette prérogative, 
Les vieilles Anguilles, ainfi que les plus jeunes, ne refluf. 
citentpoint : il n'y a que celles d’un âge moyen ou à reu- 
près, qui reviennent à la vie quand on humeéte le grain. Celles. 
ci ont environ un tiers de ligne de longuevur fur un cent foixante- 

> dix-neuvieme de ligne de largeur. Les plus grandes Anguilles 
qu’on rencontre dans les grains qui végetent encore, ont jufqu’à 
deux lignes de longueur fur un dixieme de largeur. 

J'ajoute que c’eft toujours en vain qu’on humeéte les œufs 
defféches ; ils ne produifent rien. Ilétoit pourtant aflez naturel 
de préfumer que , deftinés à perpétuer lEfpece, ils ponvoient 

fe conferver au fec pendant un temps plus ou moins long , 
comme ceux de certains Polypes. Mais c’eft fur-tout dans l'Hif- 
“toire naturelle qu'il faut apprendre le grand Art d’ufer fobre- 

… ment de l’analogie. 
| Les Anguilles du bled rachitique ne font pas les feuls Fnfectes 
qui jouiflent de cette forte d’immortalité que je viens de faire 
‘admirer à mon Lecteur: quelques Efpeces d’Anguilles de la colle 
| de farine poffedent le même privilege , à la vérité dans un degré 
1 bien inférieur. - 
… Mais il ef un autre Etre microfcopique qui paroït le 
difputer en ce genre aux Anguilles du bled rachitique : je 
“ parle du Rotifere, fi célébré par LEUWENHOECK, & fi digne, 
“de l'être. Les eaux donces font fa vraie patrie, & pourtant. 
ce n'eft point du tout comme Animalcule aquatique qu'il 
1 ft le plus connu : il l’eft principalement comme Animalcule 
- terreftre & fort terreftre; car c'eft dans la poufliere des toits. 
qu'on l'a d’abord rencontré. Il y demeure enfeveli, comme 
les Anguilles dans le grain ou dans la terre, & c’eft-là qu'ik 
_ brave les plus grandes ardeurs de la canicule, &:les plus. 
….srandes rigueurs de l'hiver. H y ef tranfporté par les vents. 


R 3 


26 CONTEMPLATION 


Gélatineux, tranfparent & fort agile, il revêt comme un 
petit Protée, toutes fortes de formes. Son ventre eft renfé , 
& l’on découvre dans fon intérieur nn petit organe, dont 
les mouvemens continuels imitent ceux du cœur, & qui n’ef 
cependant point un cœur. Sa partie antérieure, façonnée en 
entonnoir , fe divife dans quelques Efpeces en deux touril- 
lons, dont le fommet, ciuronné de pointes mobiles, paroît 
tourier rapidement à la maniere d’une roue. De- là le nom 
de Rofifère, qui a été donné à l’Animalcule. Ce n’'eft pas 
néanmoins qu'il porte à {a tête deux roues mobiles, comme 
Plinveuteur l'avoit cru: il y a ici une illufion d'optique, & 
le jeu de ces prétendues roues , analogue à celui du prétendu 
moulinet de certains Polypes, n’elt antre chofe qu’un mouve- 
ment ondulatoire très-rapide des barbillons qui environnent la 
bouche & qui excitent dans l'eau un tourbillon qui entraîne vers 
PAnimal les corpufcules dont il fe nourrit. La partie poftérièure 
du Rotifere eft garnie d’une forte de trident qui lui fert d’ancre 
pour fe fixer. 

Pour jouir de l'agréable fpectacle que préfente le jeu de 
l'organe coridiforme & des efpeces de roues, il faut mettre 
le Rotifere dans une goutte d’eau. Là , comme dans fon élé- 
ment naturel, il déploie toutes fes facultés ; mais à mefure 
que l’eau s’évapore , il fe contracte de plus en plus, fe ride, fe : 
déforme & ne paroît plus enfin que fous l'afpeét d’un fragment 
de parchemin deféché. On le croiroit mort : il ne left pas néan- 


moins ; & gardé des années entieres dans cet état de defléche- ! 


ment parfait, il reprend la vie & le mouvement, dès qu’on 
lhumecte de nouveau. 

Mais une circonftance tout-à-fait extérieure eft abfolument 
néceflaire pour que cette forte de réfurreétion puiffe s’opé- 
rer; & ceci n’eft pas un des traits les moins finguliers de 
Y'hiftoire du Rotifere. S'il eft entiérement à nud quand il fe 


“ 


DE LA NATURE. IX. Part. 262 


deffeche, il ne reflufcite jamais : mais & on le couvre de pouf. 
_ fiere avant fon defféchement, il revient conftamment à la vie, 
_ lorfqu'on humeéte la poufliere, Le conta&t immédiat de l'air 
feroit-il done fatal à notre Animalcule ? 

Hi peut reflufciter bien des fois, & l’on a vu jufqu'à onze 
réfurreétions confécutives. dans le même individu. Les temps 
des réfurrettions varient fuivant certaines circonftances. Il eft 
des Rotiferes qui refnfcitent au bout de quelques minutes , & 
d’autres qui ne reflufcitent qu’au bout de quelques heures. Il n'ÿ 
a pas même de diFférence fenfible à cet égard entre les Rotiferes 
enfevelis des mois & des années ,-& les Rotiferes enfevelis depuis 
peu de jours. La chaleur fur-tout favorife beauceup cette efpece 
de réfurreétion. 

Tranfportés par les vents fur les toits de nos maifons, 

. & enfevelis dans la pouffiere des gouttieres , les Rotiferes 
y font expofés à toutes les viciflitudes du chaud & du froid, 
| M&àtoutes les intempéries des faifons; & ces rudes éprenves 
ne font rien pour ces Animalcules en apparence fi délicats. 
Hs foutiennent fans périr une chaleur artificielle de $6 de- 
grés, & un froid artificiel de 19. Mais ce n'eft que dans 
Vétat de defléchement que les Rotiferes peuvent réfifter 
à de fi fortes épreuves. Cependant les odeurs fétides on pé- 
nétrantes , les liqueurs haileufes , fpiritueufes ou falines , tuent 
les Rotiferes, conme elles tuent les Animalcules des infu- 
fions, 

Le Rotifere eff rigoureufement androgyne. M. SPALLANZANE 
a élevé dans une parfaite folitude jufqu’à la cinquieme généra… 
tion de cet Animalcule. ILeft ovipare, & on a vu le Petit fortir 

_ de l'œuf. 
Le Tardigrade, ainfi nommé de fa lenteur extrême de fa 
marche, reMufcite comme le Rotifere. Il eft bien moins petit, 
& porté far fix jambes, Sa forme imite celle d’ane feve de: 


R 4 


è 
\ 


264 CON TEMP£EATION 


haricot. Sa partie antérieure eft arrondie , & la poftérieure 
garnie de petits crochets , au moyen defquels il fe cramponne. 
IL n'eft pas diaphane comme le Rotifere. Quand il commence 
à fe deffécher, fes jambes &@z: fes crochets rentrent dans fon 
corps, & il revêt peu-à-peu la figure d’une fphérule. I ne ni 
eft point auffi néceflaire qu'au Rotifere d’être enfeveli dans la 
pouffiere, pour étre en état de refufciter : il left bien moins 


\ 


encore à une petite Anguille fort tranfparente , qui habite 


avec le Rotifere dans la poudre des gouttieres , & qui y eft roulée | 


en fpirale. Elle reflufcite fort bien, quoique laiflée entiérement 
à nud, 

Il eft probablement bien d’autres Animaux qui jouifflent de 
la même prérogative : certains faits femblent l'indiquer. On 
pourroit fur-tout le préfumet des Polypes à bouquet, & de 


la plupart des Polypes microfcopiquess Mais il paroit prouvé 


que le Polype à bras ne reprend point la vie après avoir été 


defféché. Cependant il faut encore fe défier ici de Fanalogie. 


& attendre la décilion de l'expérience. Les Animalcules des 
änfufons ont bien des analogies avec les Animalcules qui 
reflufcitent , & pourtant il femble bien prouvé qu’ils ne reffu£- 


citent point. Je hafarderai ailleurs ma penfée fur les mere 


veilleux phénomenes que nous préfentent les Animalcules qui … 


reMufcitent. | 


Au refte, malgré les expériences qui paroiffent établir que à 


ms ES 


les Polypes à bras & les Animalcules des infufions ne peu-" 


vent fe conferver au fec, je ne voudrois pas qu'on fe prefsät 
de croire qu’il n'eft aucun état de la vie de ces Etres où 
ils ne puiffent réfifter au defféchement. Des foflés, des mares , à 


des étangs, &c. très-peuplés de ces Etres, & mis à fec par 


les chaleurs de l'Eté, s’en trouvent tout aufi peuplés lorle 


que des pluies abondantes viennent à les remplir de nouveau. 


F1 y a donc bien de l'apparençe que ces Animaux eux-mêmes à 


DELA NATURE. IX. Part. 26$ 
Ce PE TIR E :TIT. 


ae 


Idées fur la multiplication qui s’opere fans le con- 
cours des deux Sexes. 


Ïe eft très-évident, que fi nous n’avions ja- 
mais vu d'Animaux s’accoupler, nous 'm’aurions 
pu foupconner, que pour produire un individu 
il fallut le concours de deux individus de fon 
_ Efpece ou d'Efpeces différentes. La génération 
… du Puceron (1) nous paroït bien plus fimple, 

& elle left en effet. Les Polypes multiplient 

auffi fans copulation ou fans aucune féconda- 


/ 


L! 


ou au moins leurs femences ou leurs germes s'étoient con- 
fervés au fec dans la vafe; & que c’et par ce moyen 
M Mingulier que la Nature perpétue les Kfpeces dans ces : dif- 
= férens lieux. Il pourroit en être de même des œufs d’Ani- 
… maux beaucoup plus grands, de ceux des Poiffons, par exem- 
D pie; & ceci invite les Naturaliftes à faire en ce genre de 
4% nouvelles tentatives. Il feroit encore pofible, que les Ani- 
Wa: malcules des infufions on leurs germes s'introduififfent dans 
| es fnbftances végétales & animales; qu'ils s'y confervaffent 
“au fec, comme les Anguilles dans le sriin rachitique; & 
La qu'ils fe développaffent enfuite dans ces infufons où on les 
… voit apparoître en fi grand nombre, 


+ 112 (1) Chap. VIII de la Part, VIIL 
à | 


Dr: 


26 CONTEMPLATION 


tion fenfible. Les végétaux nous offrent la mème 
multiplication , à laquelle nous ne prenons pas 
garde. Ils produifent chaque année des Touts 
organiques, qui ne femblent point devoir leur 
développement à l’action des poufferes des éta- 
mines [2]: ces Touts font les branches & lee 
rejetons. 


QuaxD on fait que chaque Corps organifé 


eft contenu en petit dans un autre Corps de 
mème efpece, il ne paroïît pas qu’il faille autre 
chofe pour le faire développer, que la nour- 
riture qu’il peut tirer de fa Mere. L'expérience 
nous apprend pourtant, que la génération de 
la plupart des Animaux, & celle des graines 
exige un fecours étranger, & que la diftinétion 
de Sexes eft le fondement du moyen fingulier 
que la Nature met ici en œuvre. 


Nous nous fommes fort occupés de ce moye# 
dans la feptieme Partie. Nous y avons tracé 
les principes généraux de la fécondation [ 3 ]. 


Nous y avons indiqué les raifons qui concou- 


rent à établir que la liqueut fécondante elt à la 
fois un vrai ftimulant & un fluide nourricier. 


[21 Part. VI Chap. VII. 
(31 Part. VII, Chap. X, 


ui 


DE LA NATURE. IX. Part. 267 


Nous avons montré que le cœur de l'Embryon 
a befoin de lation de ce ftimulant pour fur- 
monter la réfiftance des folides & {ur-tout des 
folides offeux, & que les différentes parties de 
la petite Machine organique , trouvent dans le 
fluide fécondant un aliment proportionné à leur 
extrème délicateffle. Rappellez à votre efprit ces 
principes aflez lumineux, & méditez un peu 
avec moi fur la multiplication qui s’opere fans 
le concours des Sexes. 


IL eft un fens dans lequel on peut dire, que 
les parties que reproduit un Polype, un Ver- 
de-terre, &c. font aufli réellement engendrées, 
que le font les Petits d’un Animal. Ceiles: la, 
comme ceux-ci, font de petits Touts organi- 
ques, qui {e développent dans un grand Tout 
qui les fomente & les nourrit. Les premieres 
ont pour fin la réintégration de l’Animal; les 
derniers, la confervation de l’Efpece. La rein- 
tégration ne devoit pas dépendre du mème moyen 
qui procure la confervation de l’Efpece chez la 


- plupart des Animaux. Le moyen n'auroit pas 
répondu ici à la fin. Les tronçons d’un Ver ne 


pouvoient s’accoupler. Chaque tronçon renfer- 
me donc des germes féconds par eux-mêmes, ou 


« qui peuvent fe développer fans autre fecours 


que les fucs que leur fournit le tronçon. 


468 CO NITEM'PLATION ! 


R1ex de plus fimple & de plus facile à con- 
gevoir que cette forte de génération. Nous avons 
bien d’autres exemples de corps organifés, qui 
fe développent de la mème maniere. Les mues 
des Animaux s’operent ainfi. Les germes des 
nouveaux poils, des nouvelles plumes, des nou- 
velles peaux, fe développent par eux-mêmes; 
& nous verrons que c’eft encore la maniere dont 
le Papillon fe développe dans la Chenille. 


IL faut donc que les germes dont nous par- 
ions, réfifent moins que les autres. Ils font 
plus penétrables. Îls ont avec les vaifleaux de 
PAnimal dans léquel ils croiflent, des liaifons 
particulieres que le commun des germes n’a point. 
En vertu de ces liaifons, les germes recoivent 
immédiatement de l'Animal la nourriture qui les: 
fait croître. Ils fe développent dans lAnimal, 
comme les graines fe développent dans la terre. à 
En vertu de leur conftitution propre & de leur 
pénétrabilité, ils admettent cette nourriture # 
plus où moins élaborée; ïils la travaillent en- 
core, fe lincorporent, & s'étendent ainfi en 
tout fens. Apppliquez cela aux branches & aux 
reJetons des Arbres. à 


Les germes des rejetons du Polype à bras: 
{ont faits, fans doute, fur le mème modele 


DE LA NATURE. IX. Part. 269 


l'organe qui conftitue dans ces germes la prin- 
cipale puiffance de la vie, poflede une force 
fufhfante pour furmonter la réfiftance des par- 
ties purement gélatineufes, & qui doivent tou- 
jours demeurer telles. Remarquez à cette oc- 
cafion, que tous ou prefque tous les Animaux 

qui multiplient fans accouplement, n’ont rien de 
véritablement ofeux [4]. 


LE Puceron eft plus embarraffant. Il efttrès- 

für qu’il propage fans copulation. Il a pour- 

- ta un fexe très-bien caractérifé, & il s’accou- 
+ ple. Nous n'avons encore que des conjectures 
fur l'ufage de cet accoupiement. Je renvoye là- 
deffus au Chapitre huitieme de la Partie huitieme, 
Les petits du Puceron font originairement ren- 


(4) tt L'empire de l’hermapbrodifime s'eft fi prodigieufement 
“étendu depuis la découverte des Pucerons @& des Polypes à 
bras, qu'on pourroit douter fi le nombre des Efpeces qui lui 

“ font foumiles, n’eft pas beancoup plus grand que celni des 
» Efpeces qui obéifflent à la loi des Sexes. Les ruifleaux, les 
étangs, les lacs & les mers, fourmillent d'Animaux de diffé- 
rentes clafles, qui multiplient fans copulation. Telle eft la 
mañiere de multiplier de ces familles innumérables de Poly- 
pes, connus fous les noms de Coraux, de Corallines , de 
Pores , de Maürépores, de Lytophites, &c. &c. Telle ef 

. encore la façon engendrer de quantité de Coquillages & d'au- 
tres corps marins, qui ne changent jamais de place , & qui 
multiplient avec excès. 


5 


270 CONTEMPLATION 


fermés dans des efpeces d'œufs. Ils ont hefoin 
d’un certain degré de chaleur pour éclore dans 
le ventre de leur Mere, & pour venir au jour 
vivans. Si ce degré de chaleur leur manque, ils 
ne fe développent point ou ne fe développent 
que fort peu. La liqueur du Mäle fupplée peut- 
ètre à ce défaut, & donne au cœur une force 
qu’il n’auroit pu acquérir fans elle. 


(UE 


ae tement tentant ans ronstmmmnnne) ” 
a 


CHA PET RESEV: 


Mille-pieds qui pouffe de nouvelles jambes à mefure 
qu'il croit. 


Nous avons jetté un coup d'œil fur un Mil- 
le-pieds [ r ] qui propage d'une maniere fort fin- 

guliere : en voici un autre qui n’eft pas moins 
remarquable par fa maniere de croître. Quand 
il a pris tout fon accroiflement, il n’a pas moins 
de deux cents jambes. Quand ii ne fait que d’é- 
clore, il n’en a que fix. Mais en quatre jours, 
il en pouffe huit autres. Le nombre de fes an- 
neaux augmente auili avec l’âge, & par ce dé- 
veloppement fingulier de jambes & d’anneaux, 


(1) Le Mille-pieds à dard, Chap. XIV de ka Part. VII. 


DE LA NATURE. IX. Part. 271 


_ileft conduit par degré à l’état de perfection 
fans fubir aucune métamorphole [2 ]. 


Ox diroit que la Nature fe joue dans les In- 
fectes. Elle leur prodigue des membres & des 
organes, qu’elle n’a diftribué qu'avec épargne 
aux autres Animaux. Elle donne à l’un d’eux 
cent jambes; à l’autre vingt mille yeux; à 
un troifieme, des centaines de poumons, &c. 
La production de nouvelles jambes, de nou- 
veaux anneaux, d'une nouvelle tête, de nou- 
veaux vifceres, ne femble pas ici lui coûter 
plus, qu'ailleurs la produétion de nouveaux poils 
& de nouvelles plumes. 

_ SOUVENT encore elle traveftit le mème in- 
fete, & nous le montre fucceflivement fous 
des formes fi oppofées, qu’elle femble en faire 
autant d'Etres diftinéts. Ceci nous conduit aux 
_métamorphofes des Infectes. 


C2) ff C’eft à l'illuftre de GEER qu'on doit la connoif- 
fance de ce Mille-pieds. Il eft ovipare & il y a lieu de penfer 
que le nombre de fes jambes & de fes anneaux accroît gra- 
duellement fans qu’il change de peau. 


3 


HO 


à CONTEMPLATION 
Ge 
C'H APE LT ER EU 


Les mmétamorphofes dés Infeêtes [11]. 


L: plupart des Animaux, & même un grand 
nombre d'Infeétes, confervent«toute leur vie 
la forme qu'ils ont apportée en naïflant. Ils 
font effentiellement dans la vieillefle ce qu’ils 
ont été dans l’enfance. Ils croiflent, meuriffent 
& vicillifent, fans éprouver d’autres change: 
mens que quelques altérations dans leurs cou- 
leurs, dans leurs traits, & dans le tiffu de leurs 
membranes, 


Les infectes que nous avons actuellement 
fous les yeux, éprouvent, au contraire, de f£ 
grands changemens, foit dans leur extérieur, 
foit dans leur intérieur, qu’un individu de ce 
genre, pris à fa naïiflance, differe totalement 
de ce mème individu parvenu à l’âge de ma- 
turité. Ce ne font pas feulement d’autres cou- 


(1) tt Mon but dans ce Chapitre n'étoit point de décrire 
en Naturalifte les métamorphofes des Infeétes. Je ne voulois 
que raffembler dans un même tableau , quelges-uns des traits 
les plus frappans qu'elles offrent au Contemplateur de la 
Nature, pour donner une idée des grands changemens que 
fubifient les Infectes qui fe transforment, 

: leurs 


ne 


nn — 


DE LA NATURE. IX. Part. 273 


leurs, d’autres traits, d’autres tiflus: ce font 
encore d’autres mouvemens, d’autres formes, 
d’autres proportions, d’autres organes, d’au- 
tres procédés. La vie de ces infectes fe partage 
naturellement en trois périodes principales , qui 
offrent différentes fcenes, que le Contemplateur 
de la Nature confidere avec autant de furprife 
que de plaifir. 


- Daxs la premiere période, l’infecte fe pro- 
duit fous la forme de Ver (2). Son corps eft 
alongé , & formé d’une fuite d'anneaux ordi- 
nairement membraneux, & emboîtés les uns 
dans les autres. Il rampe, foit à l’aide de fes 
anneaux ou des crochets dont ils font fouvent 
garnis, foit à l’aide de diverfes paires de jambes 
dont le nombre eft quelquefois aflez grand. Sa 
tête eft armée de dents ou de pinces ; quelque- 


[2] tt Je prenois ici le mot de Ver dans un fens -trop 
étendu, mais qui convenoit à mon but. Je comprenois fous 
cette dénomination tous les Infeétes, dont le corps plus ou 
moins alongé , eft formé d’une fuite d’anneaux qui gliflent les 
uns fur les autres, & à l’aide defquels ils rampent. Dans ce 
fens, la Chenille étoit donc un Z/er : mais la Chenille fe change 
en Papillon, & le Ver qui fe transforme fe change en Mouche 
où en Scarabée. La Chenille n’eft donc pas proprement un Ver, 
& les Naturaliftes favent bien cela. Mais je vouiois ici oppofer 
l'individu qui rampe fous fa premiere forme, à ce même individu 
qui voltige fous la derniere, 


Tome Il. S 


9*4 CONTEMPLATION 


Fois de crochets ou de pioches. Ses yeux font 
lifes [3] & peu nombreux. Il eft abfolument 
dépourvu de fexe. Son fang circule du derriere 
vers la tète. Il refpire, foit par de petites ou- 
vertures ou ftigmates (4) placés de chaque 
côté du corps, foit par un ou plufieurs tuyaux 
fitués à fa partie poltérieure [ $ |. 


Dans la feconde période, linfecte paroît 
fous la forme de Nymphe ou fous celle de Chry- 
falide. Ce n’elt plus un Ver; c’eft un infe&e 
proprement dit [6], mais dont tous les mem- 
bres renfermés fous une ou plufeurs enveloppes, 
font couchés fur la poitrine, & ne fe donnent 
aucun mouvement. 


CETTE métamorphofe s’opere de plufeurs 
manieres en différentes Efpeces. Tantôt la peau 
du Ver s'ouvre, & laifle fortir le nouvel in- 


(3) Voy. le Chap. XVII de la Part. III. Confultez en par-. 
&iculier la Note 2 de ce Chapitre. 


(a) tt Tel eft le cas des Chenilles, & de quantité de Vers 
qui fe transforment en Mouches ou en Scarabées. 


(5) ++ C’eft ce qu’on obferve, par exemple, dans le Ver du 
Tonufin , dans les Vers de la Viande, dans ceux des tumeurs des 
Hôtes à cornes, &c. 


(6) Vey. le Chap, XVII de la Part. LIT, 


DE LA NATURE. IX. Parr. 9% 


feéte, revêtu des tégumens quidui font propres. 
Tantôt cette peau fe durcit autour de lui, & 
devient une efpece de coque qui le cache en« 


tiérement [7]. 


Lorsque l'infeéte , après avoir rejeté la 
dépouille de Ver, fe montre avec toutes fes 
parties extérieures, revêtues feulement d’en< 
veloppes particulieres, molles & tranfparentes 
qi ne les tiennent point aflujetties au corps, 
on nomme cela une Nymphe (8 ). 


LorsQU’A ces enveloppes particulieres ef£ 
jointe une enveloppe commune & cruftacée, qui 
les aflujettit toutes au corps, & qui les recou- 
vre fans les cacher ; on nomme cela une Chry+ 


Jalide [ 9 1. x 


Enrix, lorfque la Nymphe demeure renfer- 
iée fous la peau de Ver, elle peut - ètre deéfi- 
gnée par l’épithete de Nymphe à peau de Ver. 


(7) tt C'eft ce qui arrive aux Vers de la Viande qui fe chan« 
gent en Mouches. 
(8) tt Les Mouches & les Scarabées paflent par cet étaé 
moyen de Nymphe. 
(9) tt Tous les Papillons revétent la forme de Chry/ülide ; 
après avoir rejeté la dépouille de Chenille. 
S 2 


076 CONTEMPLATION 


L'ÉTAT de Nymphe, ainfi que celui de Chry- 
falide , {ont ordinairement un état d’inaétion, 
où l’infecte ne femble pas avoir de vie. Plongé 
alors dans une efpece de fommeil,. les objets 
extérieurs ne l’affectent pas ou ne laffectent 
que foiblement. Il ne fauroit faire ufage de fes 
yeux, de fa bouche ni d’aucun de fes mem- 
bres. Sa vie eft, en quelque forte, toute inté- 
tieure. Nul befoin ne le prefle; nul foin ne l’oc- 
cupe. Privé de la faculté de fe mouvoir , il de- 
meure fixé au lieu où le hafard l’a placé. Quel- 
quefois néanmoins il a la liberté de changer de 
place [10]; mais fa démarche eft à l'ordinaire 
lente, pénible ou gènée. Son fang circule; mais 
au lieu que dans le Ver cette circulation fe fai- 
foit du derriere vers la tête, elle fe fait ici de 
la tête vers le derriere [11]. La refpiration n’a 


[ro] +t Le Coufin & quelques-unes de ces Mouches qui lui 
reffemblent beaucoup, & qu'on nomme Zpules | confervent 
dans leur état de Nymphe la Faculté loco-motive, Les Chryfa- 
lides de certaines Chenilles ne font pas non plus condamnées à 
une parfaite immobilité. 

‘ [ui] tt Ce changement de dire@ion du fang après la méta. 
morphofe, que M. de REA UMUR avoit admis d’après fes propres 
obfervations, eft formellement contredit par celles de M. 

LYOoNET, qui afure avoir vu précifément le contraire dans 
une Chryfalide fort tranfparente. Pent-être que le fang n’a pas 


une direction bien conftante dans les temps qui fuivent immé=, 
diatement la métamorphofe, 


DE LA NATURE. IX. Pwt. 277 


pas fouffert de moindres changemens; dans le 
Ver, les principaux organes qui l’exécutoient , 
étoient placés à fa partie poltérieure : ces mèmes 
organes fe trouvent à préfent à la partie anté- 
rieure de l’Animal (12). 


Dans la troifieme période, l’infeéte s’éleve 
a toute la perfection organique qui convenoit 
au rang qu'il devoit occuper dans le monde 
corporel. Déja les liens de la Nymphe ou de la 
Chryfalide font brifés : l’infecte commence une 
nouvelle vie. Tous fes membres, auparavant 
repliés, mous & fans action, fe déploient, fe 
fortifient ;& {e mettent en jeu. Sous la forme 
de Ver, il rampoit ; fous celle de Nymphe ou de 
Chryfalide, il fe traînoit : fous la derniere forme, 
il marche porté fur fix jambes écailleufes [13]. 
À fon corfelet tiennent deux ou quatre aîles, 
avec lefquelles il voltige dans Pair. Sa tête elt 
ornée d'antennes (14) ou de panaches. Au lieu 
de dents ou de crochets, qui diviloient un ali- 
ment grofher , il a une trompe qui pompe les 
fucs les plus délicats des fleurs [ r$ ]. Au lieu du 


[12] tt Le Coufin & différentes Efpeces de Tipules en four- 
niffent des exemples. 
Ci13] Chap. XVII, Part. III. 
Cr4] Zbid. - 
Lis] tt Ce n’eft point à dire que tous les Infe&tes, fous 
S 3 


es CONTEMPLATION 


petit nombre d’yeux liffes qui avoient été donnés 
au Ver, le nouvel infecte en avoit recu de liffes 
& de chagtinés (16), & ceux-ci font au nom- 
bre de plufeurs mille. Enfin les petits tuyaux, 
qui dans quelques Efpeces font placés à la par- 
tie antérieure de la Nymphe, ont difparu, & 
les feuls ftigmates latéraux fubfftent. 


L'INTÉRIEUR de l’infecte n’a pas fouffert 
moins de changemens que lextérieur; & ces 


Jeur derniere forme, foient dépourvus de dents. Les Scarabées 
& piufieurs Efpeces de Mouches, telles que les Dewoifelles, 
ont la bouche armée de dents, qui ne font proprement que 
deux écailles qui jouent horizontalement. D’autres Efpeces 
de Mouches, telles que les Abeilles, les Bourdons, &c. ont 
à la fois des dents & une trompe. Parmi les Papillons, les 
uns font pourvus d'une trompe, quelquefois démefurément 
Jongue, & qui fe roule en fpirale avec beaucoup d'art ; les 
autres, entiérement dégourvus de trompe , ne prennent aucune 
nourriture. C’étoit en particulier des Papillons à trompe que je 
parlois dans le paffage de mon Texte, auquel cette Note fe 
rapporte. Mais M. MULLER a découvert en ce genre une 
grande nouveauté : il a vu un Papillon dont la tête étoit entie- 
rement femblable à une tête de Chenille, & fournie de tous 
les organes qui mettent la Chenille en état de ronger les feuilles. 
Cet étrange Papillon n'avoit ni antennes ni trompe. L'Obferva- 
teur n'a pu en favoir l’hiftoire; il l’avoit rencontré par hafard 
Fur la tige d'une Plante; il étoit Femelle, & malheureufement 
les œufs qu'il pondit furent inféconds. 
‘f16) Chap. XVII , Part. ILE, Note a. 


DE LA NATURE. IX. Part. 979 


ehangemens ont dû être d'autant plus confidé. 
xables, que le genre de vie de la premiere pé- 
riode a différé davantage de celui de la der. 
niere. Souvent le même infecte, qui dans les 
deux premieres périodes , étoit habitant de l’eau, 
devient habitant de l’air dans la derniere (17). 


Le tiflu, les proportions & le nombre des 
vifceres fubifflent donc de grandes modifications. 
Les uns acquierent plus de confiftance : d’autres, 
au contraire, font rendus plus fins & plus dé- 
licats: d’autres recoivent une nouvelle forme : 
d’autres font fupprimés en entier : d’autres ne 
le font qu’en partie : d’autres enfin, qui ne 
fembloient pas exifter, fe développent & de- 
viennent fenfibles. Du nombre de ces derniers 
font principalement les organes de la généra- 
tion (18). Le Ver n’avoit point de fexe : en 
revêtant une nouvelle forme, l’infete a été 
rendu capable d’engendrer. 


IL y a des infectes qui tiennent le milieu 
entre ceux qui confervent pendant toute leur 


(17) ft On fait que le Coufin, bien des Efpeces de Ti. 
pules, & d’autres infeétes aîlés, vivent feus leurs premieres 
formes dans les eaux, & qu'ils vont y dépofer leurs œufs. 


(18) tf Les infetes qui fe métamorphofent, ne montrent 


S 4 


RE 


288 CON TEMPLATION 


vie la mème forme, & ceux qui fubfftent des 
transformations. Les infectes dont je veux par- 
ler, ne pañlent proprement ni par l’état de Nym- 
phe ni par celui de Chryfalide. Leur, vie n’eft 
partagée qu’en deux périodes: ils marchent dans 
la premiere; ils volent dans la feconde. Ainfi 
toute leur métamorphofe fe réduit principale- 
ment à prendre des aîles, & cela s'exécute fans 
que leur forme & leur genre de vie fouffrent 
d’altération confidérable. L'état où fe trouvent 
ces infeétes lorfqu’ils font près de devenir aîlés, 
peut recevoir le nom de Nymphe ümpropremens 


dite [19 |. 


LA plupart des infectes qui fe transforment, 
fe dépouillent de la peau de Ver; mais nous 
avons vu qu'il en eft qui la confervent : ceux- 
ci ont à pañler par un état moyen avant que 
de paroître {ous celui de Nymphe. Ils revètent 


la forme de Boule alongée, {ous laquelle ils ne 


laiflent voir aucune des parties propres à la 
Nymphe. Cette finguliere métamorphofe mérite 
que nous la confidérions de plus près. 


point de fexe dans leur premier état de Ver ou de Chenille. 


(19) tt On pourroit les nommer auffi faufles - Nysphes ou 
Jémi-Nymphes. Les Grillons, les Sauterelles , les Punaifes , &e. 
paflent par cet état de jaufe-Nymphe. 


DE —— 


DELA NAT U RE. 1X. Part. 281 
Er 5 
DR ALP'I ER:E :V EL 


Ye 


La métamorphofe en Boule alongée. 


Quaxn ona vu un très-grand nombre d’in- 
fectes rejeter la peau qui leur donnoit leur 
premiere forme, pour revêtir celle de Nymphe, 
on eft fort tenté de croire, qu’il en eft de mème 
de tous les infectes qui fubiflent cette forte 
de métamorphofe. Nous avons déja eu bien 
des occafions de reconnoïître que la marche de 
la Nature n’eft pas toujours uniforme, & qu’elle 
fait parvenir à la mème fin par des routes très- 
différentes. Voyez cette petite coque oblongue, 
noire , life, luifante. Elle imite au mieux les co- 
ques que fe conftruifent quantité d’infectes pour 
s'y métamorphofer. Élle en differe pourtant par 
des endroits bien effentiels. Regardez-la au mi- 
crofcope: vous y appercevez des incifions an- 
nulaires, mais peu protondes, qui vous dé- 
celent fa véritable nature, & qui vous ap- 
prennent qu’elle n’eft autre chofe que la peau 
mème d’un Ver, qui s’eft arrondie, & qui a pris 
de la dureté. Ouvrez -la délicatement avec la 
pointe d’une aiguille: vous êtes furpris de n’y 
trouver qu'un amas de bouillie, où vous ne 


ant tt 


282 CONTEMPLATION 


démèlez rien. Il n’y a que peu de temps que 
Vinfette a perdu fa forme de Ver: comment 
s’eft-il réduit en bouillie ? Comment cette bouilie 
deviendra-t-elle un infecte 2 Sufpendez vos quef 
tions, & ouvrez une coque moins récente. 
Qu’y découvrez - vous ? Une petite mafle de 
chair , oblongue, blanchâtre, & où vous n’ap- 
percevez, mème à la loupe, aucun veftige de 
membres ou d'organes. En un mot; vous avez 
fous les yeux une houle alongée. N’allez pas imae 
giner que cette boule eft une enveloppe qui ren- 
ferme une Nymphe: elle eft elle- mème une 
Nymphe très-déguifée. Preffez un peu la boule : 
Voilà des jambes qui commencent à fe montrer : 
elles fortent d'un petit enfoncement qui eft à 
une des extrémités de la boule. Augmentez la 
preffion par degrés , vous forcerez toutes les par- 
ties de la Nymphe à venir au jour. Elles exif- 
toient donc déja, & vous ne vous en doutiez 
point. Elles étoient enfoncées & repliées dans 
l'intérieur de la boule, à-peu-près comme le {e- 
roient les doigts d’un gant dans la main de ce 
gant. 


Si vous pouviez exécuter fur les COfPS ovi- 
forines des Polypes ex naffes (1), & fur les bou- 


C1) Chap. XIII de la Part. VU. 


DELANATURE. IX. Part. 283 


tons du Polype à bras (2) , la mème expérience 
que vous venez d'exécuter fi heureufement 
fur la Boule alongée, vous obligeriez probable. 
ment le petit Polype à fe produire, & vous hä. 
teriez ainfi le moment de fa naiffance. 


Les infees qui pañlent par l’état de Boule 
alongée {avent donc fe faire une coque de leur 
propre peau. Toutes les parties de la Nymphe 
{e détachent peu-à-peu de cette peau. Elle s’ar- 
rondit & fe durcit autour d’elles, & fous cette 
finguliere voûte elles achevent de fe perfection- 
ner. Elles n’ont d’abord que la confiftance d’une 
bouillie. Cette bouillie s’épaiflit par degrés. Elle 
prend la forme d’une Boule alongée, & lorfque 
tous les membres de la Nymphe ont acquis une 
certaine confiftance, ils fortent les uns après 
les autres de l’intérieur de la Boule, & s’ar- 
rangent comme ceux des autres Nymphes [3 ]. 


L21 Zbid, Chap. XV. 

[3] FF SwammERDAM avoit obfervé le premier ce genre 
fingulier de métamorphofes ; mais il ne l’avoit pas autant ap- 
profondi que M. de REAUMUR. C’eft dans les Vers de la viande 
que cet illuftre Académicien a fuivi de jour à jour les pro- 
grès de la transformation, &, pour ainf dire, les différentes 
phofes fous lefquelles l’Infeéte fe montre depuis le moment 
de la formation de la cogne, jufqu’à celui où il paroît fous 
la forme de Mouche à deux aîles. Cette fuite d'obfervations 


284 CONTEM PEL A TTOM 


EN devenant une efpece de coque, la peau 
de linfecte ne perd pas dans toutes les Efpe- 
ces, la forme qui étoit propre au Ver: il en 
eft où elle la conferve fi bien, que le Ver méta- 
morphofé ne differe prefque pas du Ver qui 
ne s’eft point encore transforme. 


EE —— 
C:H AP E T'RESAN EE 


VIE = 


n°) 


La Mouche-Araignée. 


Le Poule qui pondroit un œuf aufli gros 
qu’elle, & dont il écloroit un Coq ou une Poule, 
nous offriroit un prodige que nous aurions 
peine à croire fur le rapport de nos propres 
yeux. Une Mouche qui hante les Chevaux [1], 


fur la métamorphofe en Boule alongée | eft d'autant plus pré- 
cieufe, qu’elle met dans le jour le plus lumineux cette grande 
vérité fur laquelle j'ai fi fouvent inffté ; que toutes les parties 
d'un Corps organifé ont toujours coexifté enfemble, & que 
celles qui paroiffent Le former fous nos yeux, ne font réellement 
que fe développer. 


C1) tt On la trouve auffi fur le Bétail, fur les Chiens & 
sans les nids des Hirondelles. Elle eft à deux aîles : fa cou- 
leur ef brune; fa Forme très - applatie ; fa tête aflez petite 
proportionnellement au corps, & de figure approchante de la 


_ sureté 


DE LA NATURE.IX.Purt. 28$ 


& que fa forme a fait nommer Mouche-Araignée , 
nous offre un pareil prodige; il ne doit pas 
nous paroître moins étrange pour n'avoir lieu 
que dans un infecte. S'il étoit une loi du Regne 
organique, à laquelle nous ne connuflions au- 
cune exception, c’étoit aflurément celle qui 
veut que tout Corps organifé ait à croître après 
{à naiffance. Voici néanmoins une Mouche qui 
pond une-efpece d’œuf, d’où fort une Mouche 
auffi grande & aufli parfaite que fa Mere. Cet 
œuf eft prefque rond, d’abord blanc, -puis d’un 
noir d'Ebene, & qui a de l'éclat. Sa coque et 
ferme & polie... mais je me hâte de détrom- 
per mon Lecteur : ceci n’eft point un véritable 
œuf; il n’en a que les apparences: c’eft lin- 
fecte lui-même qui a pris la forme de Boule alon- 
gée dans une coque faite de fa propre peau. 
La chofe n’en devient pas moins merveilleufe. 
Tous les infeétes qui {fe métamorphofent, fu- 
biffent leurs diverfes transformations hors du 
ventre de leur Mere. Ils ont mème beaucoup 
à œoître avant que de fubir leur premiere trans- 
formation, & ne croiflent plus après lavoir fu- 
bie. Nous avons donc ici un infecte qui {e 


triangulaire. Elle court plus qu'elle ne vole. Le grand Mé- 


thodifte de la Suede l’a défignée fous le nom Latin d'Hiy- 
tobofca. 


2966 CONTÉMPLATION 


transforme fnème dans le ventre de fa Merej 
& qui n’a plus à croître dès qu’il en eft forti. 


NE vous défiez pas de Îa vérité de ce faits 
il eft trop bien attefté: mais je ne veux laiffer 
aucun doute dans votre efprit. On a ouvert à 
diférens termes de ces coques de la Mouche- 
Araignée, dé ces prétendus œufs, & l’on y a 
trouvé les mêmes chofes qu'on voit dans les 
Nymphes ex Boule alongée, obfervées dans leurs 
différens âges. Je puis vous dite plus, on a 
découvert des fligmates à cette efpece de coque 
qu’on prendroit pour un véritable œuf; preuve 
évidente qu’elle etoit la peau d’un Ver qui s’eft 
transformé fous cette peau même. Un œuf ne 
fe donne pas des mouvemens: notre coque 
s’en donne quelquefois de très-fenfibles ; & dans 
certaines circonftances , l’intérieur en laifle ap- 
percevoir qui s’attirent l'attention de l’Obfer- 
vateur. [l lui femble voir de petit nuages qui 
fe fuccedent fans interruption, & qui vont 
d’un mouvement prosreflif & affez uniforme, 
d’un bout de la coque au bout oppofé. Dans 
les coques avortées ou pondues avant terme, 
ces couches nébuleufes ont une direétion con- 
traire à celle qu’elles ont dans les coques à terme. 
Vous avez vu que la circulation change de di- 


DE LA NATURE. IX. Part. 29 


tetion chez la Nymphe (2): puifque nos cou- 
ches nébuleufes en changent aufli , elles nous 
indiquent aflez clairement, que la coque avor- 
tée eft le Ver lui-mème, qui n’a pas encore 
fubi fa métamorphofe. Ce Ver eft à la vérité 
un Etre fort fingulier : il n’a ni tète ni bouche 
ni aucun membre: mais un infecte appellé à 
\ prendre tout fon accroifflement dans une forte 
d’ovaire, n’avoit befoin ni de bouche ni de 
membres : il y eft nourri apparemment comme 
le font les œufs des Oifeaux dans les srompes 
qui les renferment. Une difletion délicate dé- 
montre l'ovaire de la Mouche, & le Ver logé 
_ au milieu. 


ES 


1 = 


= 
CEA MIILRE, VIH. 


Réflexions [ur les progres de l'Hifloire naturelle. 


Le Naturalifte Philofophe doit fur -tout in- 
filter fur les exceptions aux regles qu’on eftime 
générales. Rien n’eft plus propre à former le 
jugement & à le prémunir contre les conclu- 
fions précipitées, qui font l’écueil le plus dan 
gereux de la Phyfique. 


(2) Chap. V. de çette Partie, 


288 CONTEMPLATION 


QuanpD on divifa les Animaux en Vivipares 
& en Ovipares, on crut embrafler toutes les 
Efpeces, & épuifer le Regne animal. Le Puce- 
ron elt venu le premier. choquer cette fameufe 
divifion, & nous montrer un Animal à la fois 
vivipare & ovipare. Le Polype à bras a paru 
enfuite, & nous a offert un Animal qui, mul- 
tipliant par rejetons, peut être nommé à bon 
droit Ramipare. Il ya même des obfervations 
qui femblent prouver qu’il eft encore ovipare. 
Une autre efpece de Polype, qui multiplie auffi 
par rejetons, & qui eft très-bien caractérifée 
par une forte de panache, pond de véritables 
œufs. Ces œufs peuvent être gardés au fec des 
mois entiers, comme la graine des Vers-à-foie; 


& fi on les feme enfuite dans l’eau, il en naîtra 


autant de Polypes. Le Polype à bulbes [1] pout- 
roit être défigné par l’épithete de Bulbipare. Mais 
comment défigner la multiplication des autres 
Polypes à bouquet, celle des Polypes ex saffe [2], 
celle du Mille-pieds à dard (3)2 Enfin, la Mou- 
che-Araignéè nous préfente une autre maniere 
de multiplier, qui n’a rien de commun avec 
aucune de celles que je viens d'indiquer, & 


(x) Chap. XI de la Part. VIII. 
(2) Chap. XIII de la Part. VIII. 
(3) Ibid. Chap. XIV. 


qu'on 


| 
| 


DE LA NATURE. IX. Part. 289 


qu’on a effayé de rendre par le terme de Nyw- 
_ phipare. Combien d’autres manieres de propager , 
qu’on découvrira un jour, & pour lefquelles 
il faudra créer de nouveaux termes ! Contem- 
plez les progrès rapides de l'Hiftoire naturelle 
depuis trente ans: vous croirez voir un Géant 
s’avancer dans la carriere, & compter fes pas 
par fes conquêtes. Il avoit langui des fiecles 
dans l’obfcurité & dans la barbarie de l'Ecole , 
lorfqu’éveillé par la voix d’un Repi, animé 
par celle des MaLpriGHi, des SWAMMERDAM, 
foutenu, encouragé, excité par celle des VaL- 
LisNieRi, des REAUMUR , il a franchi la nuit 
du Cahos, & terraflé l’ignorance, l’erreur , le 
préjugé, qui, comme autant de Monftres, dé- 
fendoient les approches de la Nature. Qui peut 
dire où fe termineront les conquêtes de cet 
Homme puiflant ? Il conquerra enfin la Nature 
entiere , & les Annales de fa vie feront l’Hiftoire 
de nôtre Globe. 


Les Anciens, qui ne pouvoient guerc qu’en. 
trevoir, n’ont prefque fait que {e copier les 
uns les autres. Les premiers Modernes les ont 
copiés à leur tour. Ils lifoient dans les Anciens, 
ce qu’il falloit lire dans la Nature; mais les 
fceaux du Livre de la Nature n’avoient pas 


encore été enlevés, Un coup du hafard a enri- 
Tome II. É 


299 CONTEMPLATION 


chi d’autres Modernes de nouveaux yeux, & 
les Anciens ont été trop méprifés, parce qu'ils 
ont paru des efpeces d’aveugles. Le halard ou 
Vart donneront peut-ètre de meilleurs yeux en- 
core aux Modernes futurs, & nos Modernes, 
qui nous paroiffent fi éclairés, feront regardes 
eux-mèmes comme des aveugles. 


C.H A2P.0 TR ER EE 


Êbanche d'une Divifion générale des Infectes. 


Lr différentes manieres dont les infectes 
parviennent à l’état de perfection, femblent les 


divifer naturellement en autant de Clailes. Je 
vais effayer de crayonner les principaux traits 
de cette Divifion; mais je déclare par avance, 
que je la regarde moins comme une Divifion; 
que comme un fimple Tableau des #étamor- 
pholes. Je n’ai pas oublié mes réflexions {ur les 
Nomenclatures [1], & fur l'imperfection de nos 


connoifances en Hiftoire naturelle. Nous ne 


fommes pas à beaucoup près au temps où l'on. 
ourra former une bonne diftribution des In- 


P 
Ç:) Chap. X de la Partie VIU. 


| 
[l 


: 


RE ER PR OS DO ECO où a 
Re + Se Bras Me dt us ml ml it. 


| 
| 
| 
| 
| 


DE LA NATURE. IX. Part. 291 


 feétes. Celle dont je hafarde l’ébauche , avoit 


déja été adoptée dans le dernier fiecie par un 
grand Obfervateur [ 2 ], qui en avoit defliné les 


principaux linéamens. 


Jai donné le nom d’Iufe‘ologie à cette Par- 
tie de l’'Hiftoire naturelle qui a les Infectes pour 
objet : celui d’Entomologie, qui eft tout Grec, 
convenoit mieux, fans doute, & on l’a remar- 
qué; mais fa barbarie m'a effrayé. Si le Public 
décide fur ce point, je me conformerai à fa 
décifion. 


Les infectes, confidérés à leur naiffance , fe ran« 
gent naturellement fous deux Clafles générales. 


La premiere comprend les infeétes 4 forme 
invariable , ou qui confervent la mème forme 
pendant toute leur vie. 


La feconde comprend les infedtes 4 forme 
variable, ou qui ont des sétamorphofes à fubir. 


[21 tt SWAMMERDAM, qui avoit diftribué tous les infectes 
en quatre Claffes générales, dont les caratteres étoient pris des 
transformations qu'ils fubiffent, J'ai tâché de perfeétionner un 
peu cette méthode , qui eft toute à l'Obfervateur Hollandois, 
foit en définiflant clairement & avec précifion les caraéteres de 
chaque Claffe, foit en indiquant quelques (ources de Sous- 
divifions. 

T2 


292 CONTEMPLATION 


À la premiere Clañle appaïtiennent tous des 
infectes qui peuvent être multipliés de bou- 
ture , & qu’on a défignés par l’épithete affez im- 
propre de Zoophytes ; les Sanglues, le Vers du 
Corps humain, les Mites ou Cirons, les Arai- 
gnées , les Cloportes , les Mille-pieds , Re. &c. 


On ne manqueroit pas de caraéteres pour 
fous-divifer cette Clañe. Les jambes en fourni- 
roient un qui feroit pris de la ft:uéture mème, 
& qui donneroit deux Clafles fubordonnées. 
La premiere embrafleroit les Apodes ou les in- 
fectes qui naiflent fans pieds; la feconde, les 
Polypes ou les infectes qui naiflent avec plu- 
fieurs pieds. Celle-ci fe fous-diviferoit par le 
nombre des pieds : ainfi le Mille-pieds, le Clo- 
porte , l’Araignée, appartiendroient à des Ordres 
diférens. 


Mais la maniere de multiplier préfenteroit 
d’autres caracteres mieux aflortis aux principes 
de cette méthode. Les infectes qu'on multiplie 
par la fe&ion , & qu’on pourroit nommer Seéxiles, 
les Rawipares , les Bulbipares (3), &c. forme- 
roient divers Ordres très-bien caractérifés. 


La maniere de croître & de propager de cer- 


G) Voy. le Chap. VII de cette Partie. 


DE LA NATURE. IX. Part. 293 


tains Mille-pieds [4], donneroit heu à des fous. 
divifions fort naturelles ; car ils ne font pas pro- 
bablement les feuls infeétes qui croiflent & pro- 
pagent ainfi. 


La feconde Claffe générale ou celle des Infectes 
a forme variable, {e divife en quatre Claffes 
fubordonnées. 


I. La Claffe des Fauffes-Nymphes. 

IL La Claffe des Nymphes. 

III. La Claffe des Nymphes à peau de Ver. 
IV. La Claffe des Chryfulides. 


Les infectes qui appartiennent à la Claffe des 
Fauffes-Nymphes , naiflent ordinairement avec fix 
pieds & fans ailes. Sous cette forme ils fautent, 
ils courent, ils cherchent leur nourriture,jufqu’au 
moment où quittant leur derniere peau,ils paflent 
du rang d’infectes rampans au rang d’infeétes ai 
lés. A'ors deux tubercules placés fur le dos de lin. 
fecte, & qui conftituoient la Fauffe-Nymphe, fe 
crevent & laiffent fortir les ailes qui étoient pliées 


C4] Zoid. Chap. XIV de a Partie VIII, & Chap. IŸ de cette 


Partie. 
Ti3 


294 CONTEMPLATION 


& empaquetées dans ces enveloppes, comme une 
fleur dans fon bouton [5]. De ce nombre font 
les Demoilelles, les Grillons, les Sauterelles , les 
Cigales, les Taupes-Grillons, les Punaifes des 
champs & les aquatiques, les Ephémeres, les 
Perce-oreilles, &c. &c. 


Uxe Efpece de cette Claffe nous offre un 
caractere remarquable, qu’on découvrira appa- 
remment à d’autres Efpeces de la mème Clafle, 
& qui pourroit fournir à une fous-divifion. On 
fait que la plupart des inféctes changent plu- 
fieurs fois de peau dans le cours de leur vie. 


On connoît les mues ou les maladies du Ver- 


à-foie : mais après la derniere métamorphofe, 
les infeétes ne fe dépouillent plus. Une jolie 
Efpece de ces Mouches, que wa courte durée 
de leur vie a fait nommer Ephémeres, a “encore 
une dépouille à rejeter après avoir pris des 
ailes, & c’eft pour elle un grand travail que de 
fe tirer de cette dépouille, dans laquelle toutes 
fes parties extérieures font logées , comme dans 
autant de fourreaux. f 


Les infectes qui viennent fe ranger fous la | 


[5] Coniultez le Chap. V de cette Partie, pénultieme Para 
graphe. 


14 


DE LA NATURE. IX. Part. 295$ 


Clafle des Nyimphes, après avoit rejeté la peau 


qui leur donnoit leur premiere forme, laiflent 


paroître toutes les parties de lPAnimal futur, 
mais qui n'ayant pas encore reçu le degré de 
confiftance néceffaire pour que l’infecte en puifle 
faire ufage, font ramenées fur fa poitrine, fur 
laquelle elles reftent couchées fans aucun jeu, 
recouvertes d’une peau fine & tranfparente, 


qui, s'appliquant exactement fur la furface de 


chacune de fes parties, permet d’en obferver 
diftinétement la forme. C’eft cet état #10yen entre 
Pâge d’imperfection & celui de perfection , qui 
conftitue le caractere propre de la Nysmphe. Les 
Abeilles , les Guèpes, les Frelons, les Bourdons, 
quantité d’autres Mouches, les Fourmis, les 
Scarabées, Re. &c. fubiffent ce genre de tranf. 
formation. Prefque tous ces infectes font im- 
mobiles dans l’état de Nywphe : quelques uns 
néanmoins confervent la faculté de fe mouvoir , 
& fe meuvent avec agilité le Coufin en eft un 
exemple. 


Les Infe@es qui appartiennent à la Claffe des 
Nymphes à peau de Ver, ne rejetent pas en 
revêrant là forme de Nyrmphe, la peau qui leur 
donnoit leur ancienne forme, mais la confer. 
vent, fans pourtant y être aucunement adhé- 
rens ; de la mème maniere à-peu-près qu'un 


T4 


296 C0. N\TE-M;P:. L'ANTT ON 


Homme retire {es bras de dedans ceux de fa robe 
de chambre, fans néanmoins la quitter Ce chan- 
gement elt précédé dans ces infectes de celui 
qu'on nomme ex Boule alongée, fous lequel PAni- 


mal ne montre aucune des parties qui forment la : 


Nymphe, mais qui fe développent & s’arrangent 
enfuite fucceflivement (6). 


Cette Clafle peut ètre fous-divifée : 
1. En Clafle des Nymphes oviformes. 


2. En Clañfe des Nymphes vermiformies. 


Les infectes de la premiere de ces Clafles, 
confidérés dans leur ètat de Nymphes, reflem- 
blent beaucoup à des œufs : on les a mème pris 
pour tels, mais il y en a qui retiennent les inci- 
fions annulaires de la peau de Ver, qui peuvent 
fervir à ‘es faire reconnoître. Il faut confidérer la 
peau du Ver fous laquelle cette forte de Nymphe 
eft renfermée, comme une véritable coque, ou fi 
l’on veut, comme un étui qui s’ajufte fi bien fur 
fon extérieur, que non-feulement il ne permet 
pas d’en découvrir les traits, mais qu’il ne laifle 
encore à l’Animal aucun mouvement fenfible. Les 


Mouches qui dépofent leurs œufs {ur la viande 


(8) Voyez le Chapitre VI de cette Partie, 


DE LA NATURE. IX. Part. 297 


& fur les chairs corrompues , plufieurs de celles 
qui proviennent de Vers mangeurs de Cheniiles, 
celles qui hantent les privés, & que leur reflem. 
blance avec les Abeilles a fait nommer Æbelii- 
formes , les Taons, &c. fe rangent fous cette 
Claffe fubordonnée. 


Les infectes de la feconde Claffe ou de celle 
des Nymphes vermiformes, confervent dans cet 
état moyen la forme de Ver; enforte que la 
Nymphe ne differe principalement de celui-ci que 
par fon immobilité. On ne connoît encore qu’une 
efpecè-d’infee qui appartienne à cette Clafe, 
favoir la Mouche nommée 4 corfelet armé: mais 
il n’y a pas lieu de douter qu’on ne découvre 
d’autres efpeces qui grofliront cette Claffe; il 
n'eft rien d’unique dans la Nature. 


Les infecteS qui appartiennent à la Claffe des 
Chryfalides , après avoir rejeté la peau qui leur 
donnoiït leur premiere forme, laifflent bien ap- 
percevoir toutes les parties de l’Animal futur; 
mais moins diftinctement que dans la Nymphe 
proprement dite; à caufe d’une feconde enve- 
loppe épaifle, opaque & cruftacée, qui les re- 
couvre toutes enfemble. La Famille fi nombreufe 
& fi variée des Papillons fe range fous cette 


Clañe, & l’on fait que tous les Papillons ont été 
Chenilles. 


508 CONTEMPLATION 


La forme des Chryfalides fournit quelques 
caraéteres pour des fous- divifions de cette 
Claffe. Les unes font eoniques & unies: les 
autres font angulaires & hériflées de pointes , de 
piquants ou de crochets. 


Au refte, la Mouche- Aruignée (7), qui appar- 
tient à la Clafñle des Nymphes oviforines, doit 
être rangée dans un ordre particulier, où pro- 
bablement elle ne demeurera pas folitaire. 


DE ee ee 
"CHA PI TREUS 


Explication des métamorphofes. Les mues des 
Infectes. 


Nous l'avons déja obfervé; un Animal ne 
differe pas plus d’un autre Animal , qu'un Ver ne 
differe d’une Nymphe. Et ce qui rend cette mé- 
tamorphofe encore plus furprenante, c’eft qu’elle 
femble s’opérer tout d’un coup, & prefqu’à la 
maniere de celles de la Fable. 


QueLce eft donc ici la marche de la Nature? 
Par-tout ailleurs elle va par degrés. Un déve. 


(7) Chap. VIL de cette Part, 


DE LA NATURE. IX. Part. 299 


loppement infenfible conduit tous les Corps or- 
ganifés à l’état de perfection. Cette loi fi uni. 
verfelle fouffriroit -ellé ici une exception ? Un 
fait que je vais indiquer, nous aidera à pénétrer 
ce myftere. 


BorNoNs-Nous aux Chenilles ; elles font affez 
connues, puifque le Ver-a-foie elt une véritable 
Chenille. De temps en temps la Chenille change 
de peau, & cela lui eft commun avec la plupart 
des infeétes [1 ]. Ce font ces mues qu’on nomme 
Maladies dans le Ver-èà-foie, & qui en font ef. 
fetivement. Mais, ce qu'il cft important de re- 
marquer, c’eft que la dépouille que la Chenille 
rejete à chaque mue elft fi complete, qu’elle 
paroïît elle-même une véritable Chenille. On lui 
trouve une tête, des yeux, une bouche, des 
ftigmates, & généralement toutes les parties ex- 
térieures qui font propres à l’infecte. 


COMMENT la Chenille eft-elle parvenue à fe 
défaire de tant d’organcs, & à en revêtir de 
nouveaux , femblables aux premiers? Rien de 


Cr] tf La plupart des Chenilles ne changent que trois à 
quätre fois de peau avant que de fe transformer en Chryfa- 
lide. Mais il en eft qui en changent jufqu'à huit & même 
jufqu’à neuf fois. Mr. LYONET en a vu des exemples. 


350 CONTEMPLATION 


plus fimple : les nouveaux organes étoient logés 
dans les anciens comme dans autant d’étuis ou 
de fourreaux. En changeant de peau, la Che- 
aille n’a fait que les en retirer, & elle les en a 
retirés, parce que les fourreaux étoient devenus 
trop étroits. 


CET emboïitement eft fi réel qu’on le voit à 
œil. On peut encore le démontrer par une 
expérience très-facile. Si à approche de la mue, 
on coupe les premieres jambes de la Chenille, 
elle fortira de fa dépouille, privée de ces jambes. 


Ainsi, cette Chenille que nous regardions 
comme un Etre fimple & unique, étoit, en 
quelque forte, un Etre multiple ou compofé de 
plufieurs Etres femblables, emboîtés les uns 
daus les autres, & qui fe développent fuccefli- 
vement. 


DE-La naît une conjeure très-vraifemblable; 
la Chryfalide n’auroit-elle point été logée fous la 
derniere peau que la Chenille doit rejeter ? 
Cette peau ne feroit-elle point un mafque qui 
la dérobe à nos yeux ? 


UX célebre Obfervateur [2] s’eft affuré par 


[2] SWAMMERDAM: il fit voir vers l'an 1667, au Grand 


| 


| 


DEEA NATURE. IX. Part. 301 


une expérience décifive de la vérité de cette con- 
jecture, Il a effayé de faire tomber le mafque, 
& il a eu le premier la gloire d’y réufhr: il a 
mis ainfi à découvert une Chryfalide très-aifée 
à reconnoître. Îl a vu les fix jambes de cette 
Chryfalide fortir des fix premieres jambes de la 
Chenille, & tous les autres membres de celle- 
là, ployés ou couchés fous différentes parties 
de celle-ci. 


LES métamorphofes des infeétes rentrent donc 
dans l’ordre des développemens & le confirment. 
La Chryfalide ou plutôt le Papillon, car elle n'eft 
au fond qu’un Papillon emmailloté ; la Chryfa- 
lide, dis-je, préexiftoit dans la Chenille. Elle ne 
fait que s’y développer , & la Chenille eft l’efpec 
de Machine préparée pour opérer de loin ce dé- 
veloppement. Elle eft, en quelque forte, à la 
Chryfalide, ce que l'œuf eft au Poulet. 


NoTre curiofité s’excite à la vue de ces véri- 
tés : nous voudrions voir plus loin, & fuivre 
tous les changemens progreflifs qui fe font dans 
l'intérieur de linfecte, lorfqu’il pañle de la pre- 
miere période à la feconde. Nous defrerions de 
pénétrer le fecret de tous ces changemens. Nous 


Duc de Tofcane, cette forte d’emboîtement du Papillon daus 
la Chenille. 


30% C'O'NTEM EL E AM MOER 


{ouhaiterions de furprendre la Nature, tandis 
qu’elle eft occupée à perfectionner & à finir fon 
ouvrage, en le faifant pafler par divers degrés de 
compofition & de confiftance. L'Art n’eft point 
encore parvenu juiques-là : mais lon ne peut 
trop exhorter les Naturaliftes à diriger leur re- 
cherches vers ce fujet iutérefiant, & qui a des 
liaifons fi étroites avec les points les plus im- 
portans de l'Economie animale. Voici là-deflus 
quelques faits qui éclairciflent un peu cette -ma- 
tiere obfcure, & qui peuvent frayer une route 
à de nouvelles découvertes. 


C' HIANP'INPURUE v, 74 à 


Faits relatifs à la nas'ere dont les métamorphofes 
s’operent. 


Ds les Chenilles, le fac inteftinal eft formé 
de deux membranes principales, ou de deux facs 
très-diftindts, inférés l’un dans l’autre: le fac 
extérieur eft compact & charnu. Le fac inte- 
rieur eft mince & tranfparent. Queiques jours 
avant la métamorphofe, la Chenille fe vide 
& rejcte avec fes excrémens la membrane qui 
revêt intérieurement fon eftomac & fes inteltins, 


| 


DE LA NATURE. IX. Part. 303 


UNE matiere grafle, ordinairement jaune, ré- 
pandue dans tout l’intérieur de la Chenille, & qui 
y prend le nom de corps graiffeux , s’épaiffit de 
plus en plus après la métamorphofe, & paroît 
être à la Chryfalide, ce qu’on a cru que le jaune 
de l'œuf étoit au Poulet. | 


PENDANT la métamorphofe, l’on voit des pa- 
quets de trachées qui fortent des ftigmates de la 
Chryfalide, & qui demeurent attachés à la dé- 
pouille de Chenille. 


La mème chofe s’obferve dans les différentes 
mues qui précedent la métamorphofe. 


IMMÉDIATEMENT avant & après la transfor- 
mation, toutes les parties de la Chryfalide font 
d’une molleffe extrème. Ce n’eft que par degrés 
infenfibles qu’elles prennent de la confiftance. 
L'on pourroit légitimement en inférer , que dans 
des temps fort éloignés de la transformation, la 
Chryfalide eft prefque fluide (1). Vous avez 


(1) SWAMMERDAM avoit déja remarqué que les mem 
bres de la Mouche font fluides comme l'eau, dans l'état de 
Nymphe. On juge bien que cette fluidité n’eft qu'une pure 
apparence, & qu’elle cache une véritable organifation, qu'une 
goutte de vinaigre ou d’efprit-de-vin verfée dans le prétendu 


fluide, décéleroit. Ce cas eft analogue à celui de l'Embryon 
“ - 


304 CONTEMPLATION 


vu [2] que le Végétal & l’Animal ne font d’abord 
qu'une forte de gelée. 


LE fuperfu des liqueurs qui baignent intérieu- 
rement toutes les parties de la Chryfalide, doit 
s'évaporer, pour que ces parties acquierent le 
degré de confiftance qui leur convient. Cela 
s’exécute par une tranfpiration infenfible, mais 
quelquefois fi abondante , qu’elle égale la ving- 
tieme du poids de l’infecte. 


Si l’on retarde cette tranfpiration , foit en en. 
duifant la Chryfalide d’un vernis impénétrable à 
l'eau , foit en la tenant dans un lieu froid , on pro- 
longera fa vie dans un rapport direct à la dimi- 
nution de la tranfpiration. Le contraire arrivera fi 
on l’expofe à un air plus chaud que celui auquel 
elle auroit été expolée naturellement ; par exem- 
ple, à celui d’une étuve. 


Arnsr, telinfeéte qui, laiffé à lui-mème , n’au- 
roit vécu que quelques femaines , pourra par ces 
divers moyens n’achever fa carriere qu’au bout 
de quelques mois , ou l’achever , au contraire , au 
bout de quelques jours. 


du Poulet ou de la Rrebis. ( Confultez la Note 6 du Chap X'de 
la"Part. VII, & la Note 2 du Chap. XI de la même Part. 
C2] Part. VI & VIL 
IL 


DE LA NATURE. IX. Part. 304 


IL en eft à-peu-prés d’un œuf de Poule , com- 
me d’une Chryfalide. Il doit auffi tranfpirer , & 
tranfbirer beaucoup : fi on l’enduit de vernis ou 
fimplement de graifle, on le confervera frais des 
mois entiers. 


Ces Sauvages de l'Amérique qui fe peignent 
de diverfes couleurs, ou qui s’enduifent d’une 
épaifle couche de graifle, auroient-ils été confir- 
més dans cette pratique bilarre par des raifons 
de fanté (3)? La chaleur exceffive des Climats 
qu’ils habitent, leur auroit-elle enfeigné utilité 
de cette précaution ? Les Hottentots, fcrupuleux 
obfervateurs de ces coutumes, vivent long- 
temps. Les Peuples du Nord parviennent aufli à 
une grande vieillefle. Les Poifons, qui tranfpi- 
rent bien moins encore, vivent des fiecles. Les 
Marmottes, les Loirs & bien d’autres Efpeces 
d'Animaux, pañlent l’hiver dans une forte de 
léthargie : comme ils ne tranfpirent alors que 
tres peu, ils n’ont pas befoin de manger (4). 


(3) tt Il ne s’agit ici que d’une tranfpiration exceflive ; car 
on fait affez combien il feroit nuifible à la fanté de diminuer trop 
Ja tran{piration infenfible. [ Confultez la Note 2 du Chap. If de 
la Part. VII. ] 

(4) tt Ce weft point que les parties, foit extérieures, foit 
intérieures, ne reçoivent aucune nourriture pendant ce fom- 
meil léthargique. Il eft prouvé qu'il ef dans ces Animaux une 


Tome II. V 


306 CONTEMPLATION 


Peu de temps après que le Papillon s’elt défait 
de l'enveloppe de Chryfalide, il fe vide de nou- 
veau, & ce qu’il rejete paroït être un amas de 
chairs difloutes. La couleur rouge que ces déjec- 
tions affectent quelquefois, nous donne la caufe 
naturelle des prétendues pluies de fang. 


À la foible lueur de ces faits, hafardons de 
fäire quelques pas dans les fentiers ténébreux des 
métamorphofes. 


Ée —— mmmme gmnee LUS 
C H'A'P TR EMEA: 


Ebauche d’une Théorie des métamorphofes. 


Ur infecte qui doit muer cinq fois avant que 
de revêtir la forme de Chryfulide, eft un compofé 
de cinq Corps organifés , enfermés les uns dans 
les autres, & nourris par des vifceres communs , ! 
placés au centre. | 


abondante provifion de graiffe , qui paîle dans le fang, & qui 
eft élaborée de nouveau par les organes de la nutrition & des 
fécrétions , & portée enfuite à toutes les parties pour leur en- ! 
tretien. C’eft à-peu-près ainfi que les parties du Papillon font k 
nourries dans la Chenille par le corps graifleux , comme je le dirai 
bientôt, 


WE — 


s 


DE LA NATURE. IX. Part. 307 


CE qu’eft le bouton d’un Arbre aux boutons 
invifibles qu’il renferme, le corps extérieur de 
la Chenille nouvellement éclofe left aux corps 
intérieurs, qu’elle recéle dans fon fein. 


QuaTRE de ces corps ont la mème ftruéture 
eflentielle, & cette ftructure eft celle qui eft 
propre à l’infecte dans l'etat de Chenille. Le cin- 


quieme corps, très- différent, eft celui de la 
Chryfalide. 


L'Érar refpedtif de ces corps fuit les pro- 
portions de leur diftance au centre de l’Animal. 
Ceux qui en font les plus éloignés ont le plus 
de confiftance ou fe développent le plutôt. 


LORsQUE le corps extérieur a pris tout fon 
accroiflement, le corps intérieur qui le fuit im- 


médiatement, eft déja fort développé. Bientôt 


il fe trouve logé trop à l’étroit. Il diftend de 


toutes parts les fourreaux qui le renterment. Les 


vaifleaux qui portoient la nourriture à ces enve- 
loppes, rompus ou étranglés par cette forte 
diftenfion , ceffent de fervir. La peau fe ride & 
fe defleche. Elle s'ouvre enfin; & l’infecte pa- 


roit revètu d’une peau nouvelle & d’organes 
nouveaux. 


UX jeûne d'un jour ou deux précede chaque 
V 2 | 


808 C'O NT EM P LA BB FOM 


mue. Il eft probablement occafioné par l'état 
violent où fe trouvent alors tous les organes. 
Peut-être aufli qu'il étoit néceflaire à la réuilite 
de l'opération , & qu’il prévient les obftruétions, 
les dépôts, &c. 


Quorqu’iz en foit, l’infecte eft toujours très- 
foibie au fortir de chaque mue. Tous fes organes 
fe reffentent encore de l’état où ils étoient fous 
l'enveloppe dont ils viennent d’être débarrafés. 
Les parties écailleufes, comme la tête & les jam- 
bes, ne font prefque que membraneufes, & 
toutes font baignées d’une liqueur qui fe gliffe 
avant la mue entre les deux peaux, & en facilite 
la féparation. Mais peu-à-peu cette humidité 
s'évapore: toutes les parties prennent de la 
confiftance , & l’infecte eft en état d'agir. Le 
premier ufage que quelques efpeces de Che- 
nilles, qui ne vivent que de Feuilles, font de 
leurs nouvelles dents, eft de dévorer avidement 
leur dépouille : quelquefois même elles n’atten- 
dent pas à le faire que leur mâchoires aient 
achevé de fe fortifier. Cette dépouille feroit- 
elle pour elles un aliment propre à réparer leurs 
forces & à les augmenter? On voit aufli des. 
Chenilles, qui rongent la coque de leurs œufs 
après en être orties, & qui vont même ronger 
celle des œufs dont les Chenilles ne font pas 
encore éclofes, 


DELA NATURE. IX. Part. 309 


Dès qu’on a une fois conçu que toutes les 
parties extérieures de mème genre font emboi- 
tées les unes dans les autres, ou pofées les 
unes fous les autres, la production des nou- 
veaux organes n’a plus rien d’embarrafflant, & 
il ne doit yavoir à cet égard aucune différence 
elfentielle entre les cinq mues , que nous avons 
fuppofé précéder la transformation. Il ne s’agit 
dans tout cela que d’un fimple développement. 


Mais il n’en eft pas abfolument de mème 
_ des changemens qui fe font dans les vifceres, 
avant, pendant, & après la métamorphofe. Ici 
la lumiere qui nous éclairoit, s'éteint prefqu’en- 
tierement , & nous fommes réduits à tâtonner. 


Il ne paroït pas que l’infete change de vif 
ceres, comme il change de peau. Ceux qui exif- - 
toient dans la Chenille exiftent encore dans la 
Chryfalide , mais modifiés; & ce font la nature 
de ces modifications & la maniere dont elles 
s’operent, que nous voud#ions pénétrer , & qui 
nous échappent. . 


Nous avons vu (1), que peu de temps avant 
la métamorphofe, la Chenille rejete la mem- 
brane qui tapifle intérieurement le fac inteftinal. 


(1) Chap. X de cette Part, 


#10 CONTEMPLATION 


Ce vifcere, qui n’a encore digéré que des nour- 
titures aflez groffieres, doit déformais en digérer 
de tres-délicates. Le fang qui circuloit dans la 
Chenille. du derricre vers la tète, circule en 
fens contraire après la transformation. Si ce ren- 
verfement eft auf réel que les obfervations 
paroiflent l'indiquer , quelle idée ne donne:t:il 
pas des changemens que fouffre l’intérieur de 
l'Animal [2] !Ceux, qu'éprouve la circulgtion du 
fing dans l'Enfant nouveau né, ne font pref- 
que rien en comparaifon (3 ). 


Jar dit, qu'il ne paroïifloit pas que l’infeéte 
changeit de vifceres: cela n’eft pas exact, fi l’on 
met les trachées au rang des vifceres. Jai fait 
remarquer, que pendant la mue, l’on voit des 
paquets de ces vaifleaux qui fuivent la dépouille, 
& font rejetés avec elle (4). De nouvelles 


(2) tt Ce donte que je manifeltois ici par ces exprefhñons : 
Si ce renverfement eft auff réel que les obfervations paroiflent 
l'indiquer, eft bien fortifié par l'obfervation de M. Lyoner, 
dont j'ai fait mention, Note 1 du Chap. V de cette Partie. 

(3) tt On fait que chez le Fætus le fang ne traverfe point 
le poumon : le Fœ@tus ne refpire pas; le fang y pale immé. 
diatement du ventricule droit du cœur dans le ganche , par un 
trou de commugication, connu fous le nom de érox ovale. Ce 
trou fe ferme après la naiflance , & le fang eft forcé d’enfiler la 
route du poumon. 

(4) Chap. X de cette Partie. 


DE LA NATURE. IX. Part. 311 


trachées font donc fubftituées aux anciennes : 
mais, comment fe fait cette fubftitution ? 
Comment des poumons font-ils remplacés pat 
d'autres poumons ? Plus on -cherche à appro- 
fondir cette matiere, & plus lobfcurité s’ac- 
croit (5). Mais quel eff le fujet de Phyfique où 
nous mnéprouvions pas de pareilles difficultés , 
lorfque nous voulons en atteindre le fond? Il 
femble que notre condition actuelle foit de ne 
voir que la premiere furface des chofes. 


PEnpanT que la Nature travaille à changer 
les vifcetes & à leur donner une nouvelle vie, 
elle s'occupe en même temps du développement 
de divers organes qui étoient inutiles à Pnfecte, 
tandis qu'il vivoit fous la forme de Chenille , 
& que le nouvel état auquel il eft appellé ; lui 
rend nécefaires. Pour mieux aflurer le fuccès 
de fes différentes opérations, elle fait tomber 


(s) ++ M. de GEER, qui a fuivi de fort près la transfor= 
mation de la Chryfalile en Papillon, a très-bien vu des filets 
blancs qui fortoient alors de l'intérieur des ftigmates du Papil- 
lon, & qui demeuroient alhérens à la dépouille de Chryfalide. 
Il conjecture que ces filets font la membrane fine qui tapiMloit 
intérieurement les trachées , & dont elles fe dépouillent comme 
par nne forte de mue analogue à celle de l'eftomac de l'Ecrevifle 
ou de celle dela Chenille, M. LYONEr confirme quelque part 
cette conjecture. 

VIA 


312. CONTEM P.L A TI.0.N 


linfecte dans un profond fommeil pendant le. 
quel elle opere à loifir, & par degrés infen fibles. 


LE corps graiffeux, fubitance délicate & pré- 
parée de loin, paroït être le principal fond de 
la nourriture qu’elle diftribue à toutes les pat- 
tics, pour les conduire > la perfeion. L’éva- 
poration qui fe fait des humeurs aqueufes ou 
fuperflues, donne lieu aux élémens des fibres 
de fe rapprocher & de s'unir plus étroitement. 
De-là naît une augmentation de confiflance dans 
tous les organes. Les petites plaies que la rup- 
ture de plufeurs vaifleaux à occafonces en di- 
vers endroits de l'intérieur, {e confolident in- 
fenfiblement. Les parties qui ont été mifes dans 
un état violent, ou dont les formes & les pro- 
portions ont été modifiées jufqu'à un certain 
point, fe plient par degrés à ces changemens. 
Les liqueurs obligées d’enfiler de nouvelles rou- 
tes, prennent peu-à-peu cette direction. Enfin 
les vaiffeaux qui étoient propres à la Chenille, 
& dont quelques-uns occupoient une place con- 
fidérable dans fon intérieur, font effacés où con- 
vertis en un fédiment liquide, que le Papillon 
rejete après avoir dépofé le fourreau de Chry- 
falide [6]. | ; 

(6) +t Voilà une très-légere idée de la Théorie des méta- 
morphofes de la Chenille, d'après les obfervations de l'illnftre 


DE LA NATURE. IX. Part. 313 


Chaque métamorphofe a fes modifications 
particulieres, qui la préparent & l’achevent. Les 


REAauMUR. L'infatigable LYONET , qui a percé bien plus avant 
dans ces ténebres, nous donne dans fon étonnant 7ruité, de bien 
plus grandes idées des changemens qui furviennent dans l'inté- 
rieur de l'infeéte, avant , pendant & après la métamorphofe. Je 
dois le laiffer parler lui-même ; car qui a plus de droit que lui 
d'être écouté fur cette matiere ? \ 

>» Quel méchanifme furprenant , dit-il, ne doit pas renfer- 
» mer un Animal, dont la ftruéture intérieure ne change pas 
+ moins du tout au tout que l’extérieure! C’eft encore le cas 
» de notre infeéte. Devenu Phalene, on n'y trouve prefque 
,,. Plus aucune trace de ce qu'il étoit dans fon état de Chenille. 
» Ce nombre proiigieux de mufcles , répandus dans tout fon 
» Corps, & arrangé avec tant d'ordre, a difparu dans la 
» Paalenc, pour faire place à des mufcies d'une forme & 
»» d'une ftruéture entiérement différentes. Il n’y refte plus 
» que quelques débris groffers de l’æfophage , du ventricule, 
» des inteftins & des vaifleaux foyeux & diffolvans. L'éco- 
» nomie du cœur y eft entiérement changée, de même que 
>> celle des nerfs, dont neuf ganglions ont difparu. Les 
5 branches n’ont plus qu’une feule tunique. La plupart ont 
» perdu ieur ufage, & ne tiennent à rien. En la vlace de 
» tout cela, l'on trouve une tête entiérement nouvelle, à 
» tous cgards différente de celle de la Chenille, & pourvue 
» de plus de vingt-deux mille yeux , dont chaque œil eft pro- 
# bablement un télefcope àtrois lentilles pour le moins. Un 
3» corfelet, dont la charpente écailleufe, intérieure & exté- 
>, rieure , forme un affemblage très-compofé de pieces d’une 
» fruure Fort finguliere, auquel tiennent des mufcles auffi 
fingaliers, qui font agir des jambes bien différentes des 


s 
… 


314 CONTEMPLATION 


Nymphes 4 peau de Ver [7] ne paroiflent d’a- 
bord qu’une bouillie plus ou moins épaifle, & 
e , . ; 072 mm . 
qui n'offre rien d’organifé. Vous laifleriez-vous 
tromper par cette apparence ? Admettriez-vous 
que les molécules de cette bouillie, en s’accro- 
chant les unes aux autres, vont faire un Ani- 
mal comme nous faifons un fromage ? Vous 


rougiriez d’une telle Phyfique! Des Phyficiens | 


célebres n’en ont pourtant pas rougi, & cela 


3» Premieres, & des ailes d’une, compofition admirable, Un 
>» Corps qui renferme, dans les Femelles, um utérus, um 
» ovaire rempli de quelques centaines d'œufs, des vaiffeaux , 
, dont le fuc rend les œufs gluans, & un inftrument artif- 
» tement compofé & très-agile pour pondre les œufs. Dans 
5 le corps des Miles, on ne vVoit rien de pareil, mais en 
» la place on y tronve les parties propres à la génération & 
5 à l'accouplement. Et qu'a-t-on vu dans cet Ouvrage, tout 
3» détaillé qu'il eft, qui indique tant de nouvelles parties, 


» après la diflolution des premieres ? Prefque rien du tout. . 


Un examen circonftancié de ces nouvelles produétions dans [4 


grefMf qu’elle fubit en paflant d'un état à l'autre, eft cer- 
tainement digne de toute notre attention .. 


LT 
vs 


2 
… 


On fentira plus fortement encore tout ce qne ces transfot- 
imations recélent d'admirable, fi l’on, prend la peine de relire la 
Note où j'ai tenté de crayonner, d’après notre Auteur, l’éton- 
nant appareil des vifceres de la Chenille. ( Note 1, Chap. XIX, 
Part. IL. ) 


(7) Confultez le Chap, IX de cette Partie. 


Phalene qui naît de notre Chenille, & du changement pro- 


PSE 


és De CR Sp mc. 


DE LA NATURE. IX. Part. 315 


mème eft un des phénomenes les plus étranges 
que nous préfente notre fiecle, ce fiecle de Phi- 
lofophie. Vous venez d'apprendre que c’elt par 
l’évaporation du liquide fuperfu , que les organes 
très-mous & prelque Auides prennent de la con- 
fitance. Hâtons cette évaporation , nous les ame- 
nerons plutôt à cet état de confiftance. Dans cette 
vue , faifons cuire nos Nymphes à peau de Ver; 
cette bouillie qui ne paroiflo point organifée, 
s’épaifira beaucoup , & nous montrera toutes les 
parties d’une Nymphe. Ces parties préexiftoient 
donc à leur premiere apparition, mais leur flui- 
dité & leur tranfparence les déroboient à nos re- 
gards. Vous êtes encore ramené ici au Poulet, qui 
a auffi fes métamorphofes, dont on vous a dé. 
voilé le myftere (8). 


EE — 
CHAPITRE XIIL 


SA ÎLE ere 


#7) 


Réflexions [ur les métamorphofes. 


Qui on confidere d’un œil métaphyfique 
les métamorphofes des infees, on eft furpris 
de ia fingularité des moyens que l'AUTEUR de la 
Nature à jugé à propos de choifir pour conduire 


(8) Part. VIE, Chap. IX, X. 3 | » 


3146 CONTEMPLATION 


différentes Efpeces d’Animaux à la perfection. 


Pourquoi le Papillon ne naïît-il pas Papillon ? 
Pourquoi paffe-t-il par l’état de Chenille, & par 
celui de Chryfalide? Pourquoi tous les infectes 
qui fe métamorphofent, ne fubiffent-ils pas les 
mêmes changemens ? D’où vient que parmi les 
Efpeces qui revetent la forme de Nymphe, les 
unes rejetent la peau de Ver, tandis que d’au- 
tres la confervent ? D'où vient encore que 
parmi les infeétes qui paflent par l'état de Nym- 
phe à peau de Ver, il en eft un qui prend cette 
forme dans le ventre mème de fa Mere ? 


CEs queftions, comme toutes celles qu’on 
peut faire {ur les Æjences, ont leurs folutions 
dans le Syffême général, qui nous eft inconnu. Si 
tous les degrés de la perfection ont dû être rem- 
plis, il y auroit eu apparemment une lacune dans : 
la fuite, fi les infectes qui fe métamorphofent 
m’avoient été appellés à l’exiftence. 


ENTRE les Animaux, les uns naiflent vivans., 
& teis qu’ils feront eflentiellement pendant tout le 
cours de leur vie. 


Les autres viennent au monde renfermés dans 
un œuf, dont ils fortent fous une forme qui ne 
doit point varier. 


L 


DE LA NATURE. IX: Part 317 


D’AUTRES naïflent dans un état qui differe 
fort peu, quant à la ftruéture , de celui qui eft 
propre à l’âge de maturité. 


D’AUTRES, après être nés, revêtent fuccefli- 
vementc plufieurs formes, plus ou moins éloi- 
gnées de celle qui conftitue l’état de perfection. 


D’auTRres enfin fubiffent une partie de ces 
transformations dans le ventre de leur Mere, & 
* naiflent auffi grands que celle qui leur a donné le 
jour. 


JE laiffe les Efpeces contenues fous ces Clafles 
générales. 


Maïs fans chercher à pénétrer la raifon méta- 
phyfique des métamorphofes , obfervons attenti- 
vement le fait & fes conféquences immédiates. 


ConsIPÉRONS la variété que ces métamor- 
phofes répandent dans la Nature. Un feul in- 
dividu réunit en foi deux à trois Efpeces diffé- 
rentes. Le mème infette habite fucceflivement 
deux à trois Mondes: & quelle n’eft point la 
diverfité de fes manœuvres dans ces différens 
féjours! 


REMARQUONS encore à quel point les rela< 


318 .C. O:N TE. MP. BeA TI ON 


tions , que la Mouche ou le Papillon foutiennent 
avec les Etres qui les environnent, fe multi- 
plient par leur métamorpholes. Arrètons nos 
regards fur la coque du Ver-à-foie : admirons 
combien de mains & de machines ce petit globe 
met en jeu. De quelles richefles n’aurions-nous 
pas été privés, file Papillon du Ver-à-foie füt 
né Papillon [1]! 


Les infectes qui fubiflent des transformations 
ne nous ont point encore offert d’Efpece qui 
multiplie de bouture ou var rejetons. On n’en 


fera pas furpris, quand on réfléchira fur la 


(11) +t Les Chenilles nous vaudroient bien d’autres richeffes, 
fi nous entreprenions de mettre en œuvre les coques de foie, 
que diverfes Efpeces de ces infeétes favent fe conftruire. Celles 
qui ne pourroient pas être filées, pourroient au moins ètre 
cardées, & fervir utilement en différentes Fabriques, telles 
que celles des bas, des draps, des feutres, des ouates, du 
papier, &c. Les épreuves qu’on a déja faites cn quelques-uns 
de ces genres, font très- propres à encourager les Amis des 
Arts. Mais ce ne font pas feulemznt les coques de nos Che- 
nilles dont on pourroit tirer parti; il eft de ces infeétes qui 
vivent en fociété dans des nids de pure foie, qui fouruiroient 
abondamment à des eflais utiles. L'illuftre RrAuUMUR , aufi 
bon Citoyen que grand Obfervateur, & qui s’étoit tant occupé 
de la pratique des Arts, n’avoit pas manqué d’infifter beaucoup 
fur ces objets d'utilité publique, & de faire fentir tout ce qu’on 
pouvoit s’en promettre. 


DELA NATURE. IX. Part. 319 


grande compofition du corps de ces infedtes & 
fur fes réfultats les plus eflentiels. Mais ne préci- 
pitons point notre Jugement , & n’en concluons 
pas que la propriété de multiplier de bouture ou 
par rejetons eft incompatible avec les métamor- 
phofes [2]. La Nature nous cft trop peu connue, 
pour que nous foyions en drojt de former de 
femblables conclufions. Le Puceron & les Polypes 
nous ont fourni de bons préfervatifs contre les 
conclufions trop générales [3]. 


[21 ++ La Grenouille & le Crapaud font venus confirmer 
cette réflexion logique. On n’ignore pas que ces Amphibies 
fubiffent des efpeces de métamorphofes, & que fous leur pre- 
miere forme de Tétards , ils n'ont qu’une grofle téte & 
une longue queue, M. SPALLANZANI s’eft affuré que dans ce 
premier état, ils peuvent reproduire les membres qu'on leur 
a retranchés. IL faudroit tenter fur les infectes qui fe méta- 
morphofent, des expériences analegues , & les varier aptant 
qu'elles demandent à l'être, foit dans le rapport à l’âge, foit 
dans le rapport aux procédés. 

_ (3) Chap. IX, XVI, XVII, de la Part. VIII. 


ape 


ES 


320 CONTEMPLATION 
C HAE LT RE SE 


AE 


De la perfonnalité chez les Infectes qui fe 
métamorphofent. 


Di qu’il eft prouvé que la Chenille eft le 
Papillon lui-mème , rampant, broutant, filant; 
& que la Chryfalide eft encore le Papillon em- 
maillotté , il eft affez évident qu’il n’y a pas dans 
la Chenille trois Moi ou trois Perfonnes (1). Le 


RER — 


(Gi) tt M. de GEER fait une remarque qui prouve bien 
que la Chenille & le Papillon ne compofent qu'un même Tout 
individuel. Je la tranfcrirai ici dans fes propres termes. 

3 Nous voyons, dit-il, par ces obfervations, que les Papil- 
» Jons font garnis de dix-huit ftigmates, dont il y en a neuf 
» de chaque côté du corps, tout comme fur les Chenilles ; 
» que les huit premiers anneaux du ventre ont chacun une 
3» paire de fligmates, mais que le neuvieme & dernier an- 
» neau en manque. Le dernier anneau du corps des Chenilles 
» €ft aufli dépourvu de ftigmates. Nous voyons encore que 
» la partie membraneufe en forme de cou, qui unit la tête 
»» & le corfelet enfemble, & à laquelle les deux jambes an- 
n térieures font attachées, eft aufli garnie de deux ftigmates, 
»» qui répondent à ceux du premier anneau de la Chenille. 
12 Les fecond & troifieme anneaux du corps de la Chenille 
» L'ont point de ftigmates ; ce font ces anneaux qui répondent 
:, au corfelet écailleux du Papillon, qui manquent de ftig- 


méme 


» 


DE LA NATURE. IX. Part. 224 


mème Individu fent, touche, goûte, voit, agit 
par différens-organes en différentes périodes de 
fa vie. Il a dans un temps des fenfations & des 
befoins qu’il n’a pas dans un autre, & ces {en- 
fations & ces befoins font toujours dans le rap- 
port aux organes qui les excitent. Il ne faut pas 
embarraffer ce fujet de difficultés qui n’en nait 
ent pas immédiatement. Îl ne faut pas ñon pius 
poufler la curiofité au - delà des bornes que la 
Raifon lui afligne. 


5 mates. Ceci nous montre en même tems la conformité de la 
» correfpondance remarquable qu’il y a entre les parties de la 
# Chenille & celles du Papillon 


Tone Il. hs 


322 CONTEMPLATION 
,,: DUE À MAD. | 
PCR RL eLSeS., 


re 


DIXIEME PARTIE. 


PARALLELE DES PLANTES ET DES 
ANIMAUX. 


ED =——m—— Y TS 
CHAPITRE PRIME 


Introduéfion. 


ot nous nous fommes occupés de la 
progreffion graduelle des Etres & de l’économie 
organique, nous avons eu de fréquentes occa- 
fions de comparer les Végétaux & les Animaux. 
Raffemblons ici ces divers traits d’analogie, épars 
ça & là : compofons-en un tableau, où plus 
rapprochés & plus finis, ils fixent agréablement 
notre attention [1]. Nous rechercherons enfuite 


. 

[1] ff Tout ce que j'ai raffemblé dans ce Parallele touchant 
la Phylique des Plantes & celle des Animaux; n'étant qu'un 
très-léger précis de ce que j'ai expofé affez en détail fur ces 
fujets, dans les Parties VI, VIT, VIII, & fur- tout dans les 
Notes additionnelles, mon Leéteur voudra bien recourir au 
beloin à ces divers endroits de l'Ouvrage. Je dois éviter ici de 
multiplier les citations on les renvois. 


 —— 


r » 
a 


te. ce tt 


DE LA NATURE. X. Part. 323 


s’il eft quelque caractere qui diftingue effentielle- 
ment le Végétal de l’'Animal, 


CHAPITRE TE 


AC 


La graine. 


Ur: graine féconde eft un corps organifé, 
qui, fous diverfes enveloppes plus ou moins 
épailles & plus ou moins nombreufes, contient 
une Plante en raccourci. 


UNE fubftance blanchitre, délicate & fpon- 
gieufe, remplit la capacité de la graine. De pe- 
tits vaifleaux qui partent du germe, parcourent 
cette fubftance en fe divifant & fe fous-divifant 
fans cefe. 


Mise en terre, humectée & échauffée juf. 
qu'à un certain point, la graine commencè 
à germer. L’humidité qui a pénétré {es enve- 
loppes, difout la fübftance fpongieule ou fari- 
neufe , & fe mèle avec elle. Il. {e forme de ce 
mélange une efpece de lait, qui, porté par les 
petits vaiffleaux à l’'Embrion , lui fournit une 
nourriture proportionnée à fon extrème déli. 
gateffe, 

X 2 


524 CONTÉMPLATION 

La tadicule commence ainf à fe développer. 
Elle groffit & s'étend de jour en jour. Bientôt 
elle fe trouve trop refferrée. Elle fait effort pour 
{ortir. Un petit trou ménagé à la furface exté- 
rieure de la graine facilite cette fortie. La radi- 
cule s'enfonce en terre infenfiblement, & y 
puife des nourritures plus fortes & plus abon- 
dantes. 


La petite fige, cachée jufques-là fous les en- 
veloppes de la graine, fe montre à fon tour. 
Les tégumens s’ouvrent pour lui laiffer un libre 
paflage. Fortifiée par les nouveaux fucs qu’elle 
tecoit , elle perce la terre & s’éleve dans l'air. 


CH MPTF RENE 
L'euf. | 


Ur œuf fécond eft un corps organifé , qui, 
fous diverfes enveloppes plus où moins fortes, 
& plus où moins nornbreufes renferme un 
Animal en petit. 


ET 


UXE matiere fluide, fuceulente & gélatineufe 
remplit la capacité de l'œuf, Des vaifleaux infe 


DELA NATURE. X.Parr. 325 


niment déliés fe ramifient dans cette matiere, & 
aboutifent au Germe par différens rameaux. 


_ ÉCHAUFFÉ d'une maniere convenable, {oit 
pat la feule Nature. foit par le fecours de 
VArt [x], l’intérieur de l'œuf commence à sa. 


Ci] ft Je faifois ici alufion à l'Art ingénieux de faire 
éclore les Oïifeaux au moyen de différentes fortes de fours ou 
d'étuves. On connoît les fours des Egyptiens, dans lefquels 
ils font éclore à la fois des centaines ou même des milliers 
de Poulets. M. de REAUMUER étoit parvenu à fimplifier beau- 
eoup cette pratique fi ancienne des Egyptiens, & à la mettre 
à la portée des Gens de Ja Campagne. Il avoit heurenfement 
imaginé de fubftituer à la chaleur du feu ordinaire celie du 
fumier, & aux fours de maçonnerie, de fimples tonneaux. 
It avoit porté cet Art utile à an grand point de perfeétion, 
& divers Amateurs François qni s’étoient empreffés à mar- 
cher fur fes traces, avoient eu des fuceès étonnans. Il m'é- 
crivoit lui-mème un jour, qu'une Dame de fes Ainies , qui 
n'en étoit qu'à [es premiers eflais fur les fours à fumier, avoif 
eu fur cinquante œufs quarante-fix Poulets. 1 ajoutoit, que deux 
œufs s'étoient trouvés clairs. Je n’avois pas été, à beaucoup près, 
auf heureux dans mes tentatives fur les œufs de Poule: je 
m'avois obtenu en Poulets bien vivans qu’un peu plus de læ 
moitié du nombre des œufs mis en expérience dans des fours 
verticaux, & chaufés par la chaleur du fumier. Divers acci- 
dens imprévus étoient venus à la traverfe. Mais j'avois eu 
les plus grands fuccès avec des œuf de Caille, puifque fur dix 
à douze de ces œufs, j'étois parvena à avoir huit à dix Cailletaux 
bien conditionnés. 

X 3 


326 CON TEMPLATION 


nimer. Excitée par une douce chaleur , la ma- 
tiere qui environne le Germe s’infinue dans 
les petites ramifications , d’où elle pañle dans le 
cœur dont elle auginente le mouvement. L’Ani- 
mal devient ainfi un Etre vivant. Il croit & fe 
fortifie chaque jour par l’affluence de nouveaux 
fucs, plus nourriflans & plus travaillés. 


ENrin, lorfque ces fucs font épuifés , Animal 
a pris tout l’accroifflement qu'il pouvoit recevoir 
dans l'œuf. Il s’y trouve: logé trop à Pétroit. 
Cet œuf eft devenu pour lui une prifon : il 
cherche à fe mettre en liberté. La Nature lui en 
a facilité les moyens , foit en le munilfant d'inf- 
trumens propres à percer ou à déchirer les en- 
veloppes qui le renferment [24, foit en donnant 


D’autres Phyficiens ont eu recours à des moyens différens 
pour faire développer le Germe dans l'œuf. Au lieu de fumier, 
il en ef qui ont employé avec fuccès la fannée. D’autres ont 
réuffi à opérer ce développement dans de petits fours de bois, 
échaufés par la chaleur d’une lampe. Enfin, on a imaginé ré- 
cemment (4) de fubftituer le Auide électrique au feu & aux ma 
tieres qui fermentent; & cette expérience qu’on fent bien qui 
n’eft que de pure curiofité, a déja eu des fuccès frappans, & 
bien propres à faire juger de ce que peut le fluide électrique fur 
le développement des Corps organifés. 


(a) M, AcHarp, de l’Académie de Pruffe. 


[25 tt C’elt avec fon bec que le Poulet brife : circulaire- 


DE LA NATURE. X: Part. 327 


° à l'œuf une ftrudure qui favorife fes efforts [3]. 
L'Animal paroit au jour & jouit d'une nou- 
velle vie. 


EYe 


TS 


AY C———— 


CRAN PULTURE LAVE 


Le Bourgeon. 


L: graine eft donc à la Plante, ce que Pœuf 
eft à PAnimal. Mais la Plante n’eft pas feulement 
ovipare; elle eft aufli vivipare;s & ce que le 
Fœtus eft à l’Animal , le Bourgeon left au Vé- 


® 


gétal. 


Cacué fous l'écorce, le Bourgeon y prend 
fes premiers accroiflemens. Ily elt d'abord ren- 
fermé en petit dans des enveloppes membra- 
neufes, analogues à celles de la graine. Il tient 
à l'écorce par des menues fibres qui lui tranfmet- 


ment fa coquille ; & il femble que ce foit pour mieux afuret 
les coups qu'il lni porte, que la tête fe tronve placée alors 
entre l'aile & le corps. Divers Infeétes pourvus de dents fa- 
vent s'en fervir pour la même fin. 


[31 Il eft, par exemple, des œufs d'Infétes, qui act 
une forte de couvercle que le Petit fait fauter où qu'il fou- 
leve pour venir au jour, 


X 4 


323 CONTEMPLATIOCON 


tent une nourriture appropriée à fon état. Par- 
venu à une certaine groffeur, il perce lécorce 
pour venir au jour. Ïl apporte en naiffant les 


enveloppes qui le renfermoient & dont il fe dé- 


fait bientôt. Cependant, trop foible pour fe pañler 
‘ des alimens que fa Mere lui fournit, il lui de- 


meure encore attaché; & ce n’eft qu'au bout. 


de quelque tems qu’il peut en. ètre féparé fans 
rifque. 


_#" 
CHAPITRE V. 


ER — a  — 


Le Ferus. 


Dr dans la matrice, le Fœtus*y prend {es 
prem ers accroillemens. E y eft d’abord contenu 
en raccourci dans des enveloppes membraneufss , 
analogues à celles de l’œuf. Il jete dans la ma- 
trice de petits vaifleaux, qui y pompent la nour- 
riture deftinée à le faire croître. Parvenu à une 
certaine grandeur, il rompt {es enveloppes & pa- 
roît au jour. Quelquefois ces enveloppes l’accom- 
pagnent à fa fortie. Après être né, le petit Ani- 
mal ieft pas toujours en état de fe paffer du fe- 
cours de fa Mere. Êlle doit lui fournir encore 
une nourriture, dont il ne fauroit ètre privé 
fans rifque, qu’au bout d’un certain tems. 


DE LA NATURE. X. Part. 329 
CHAPETRE VL 


La nutrition de la Plante. 


La Plante fe nourrit par incorporation des 
matieres qu’elle recoit du dehors. Ces matieres 
font très-hétérogenes ou très-mélangées. Pom- 
pées par des pores des racines ou par ceux des 
feuilles , elles nt probablement conduites dans 
les utricules, où elles fermentent & fe digerent. 
Elles pafñlent delà dans les fibres ligneufes, qui 
les cranfmettent aux vafes propres, où elles pa- 
roiient fous la forme d’un fuc plus ou moins ce- 
lore & plus où moins coulant. Les ranriñcations 
des vafes propres les diftribuent enfuite à toutes 
les parties, auxquelles elles s'unilent par de 
nouvelles fitrations. 


DEs tuyaux faits d’une lame argentée, élaf. 
tique, & tournée en fpirale, à la maniere d’un 
reflort à boudin, accompagnent les vaifleaux 
feveux dans leur cours. Deftinés à la refpiration, 
ces tuyaux iutroduilent dans la Plante un air 
frais & élaftique, qui prépare la feve, la fubrilife, 
la colore peut-être, & aide encore à fon mou- 
vement: le fuperflu des matieres ou la partie 


538 CONTEMPFL A TION 


la moins propre à s’unir à la Plante, eft portée 
à la furface des feuilles, d’où elle s'échappe par 
une tranfpiration infenfible, mais très-abon- 
dante [1]. Des globules, des véficules ou d’au- 
tres organes excrétoircs , diftribués fur les jeu- 
nes poufles & fur les feuilles, procurent lé- 
vacuation des matieres les plus groflieres ou les 
plus épaiflies. 


DS 


NE ee mm 
GC: HA P LE RPE LIVE: 


La nutrition de l'Animal. 


Lo. fe nourrit par l’incorporation des 
matieres qui lui viennent du dehors, Ces ma- 
tieres font très-hétérogenes. Recues par la bou- 
che ou par d’autres ouvertures analogues, elles 
font conduites dans l’eftomac & les inteftins, 
où elles fubiffent différentes préparations : elles 
paflent de-là dans les veines laées & leurs 
dépendances, ou dans d’autres vaifleaux ana- 
logues, qui les tranfmettent aux vaifleaux fan- 
guins, où elles fe montrent fous la forme d’un 


Cr] tt Il eft des Efpeces qui rejetent en vingt-quatre 
heures par cette tranfpiration, une quantitéjde matiere égale 
au poids total de leur cerps, 


DELA NATURE X. Paré  93Y 


Auide plus ou moins coloré, ou plus ou moins 
coulant. Les ramifications des vaifleaux fanguins 
les diltribuent enfuite à toutes les parties, aux- 
quelles elles s’incorporent par de nouvelles pré- 
parations. 


Des tuyaux compofés d’anneaux cartilagineux 
ou d’une lame argentée & élaftique, tournée 
en fpirale (1), communiquent avec les vaif- 
feaux fanguins ou les fuivent dans leur cours. 
Appropriés à la refpiration , ils introduifent 


(1) tt Je rappellois ici à môn Le@eur les trachées des 
Infeétes, dont j'ai beaucoup parlé dans la Note 1 du Chap. 
XIX de la Part. II. Mais en touchant dans le Chapitre pré- 
cédent de la même Partie, aux organes de Ja refpiration, qui 
fe montrent à l'extérieur, je n'ai rien dit de quelques autres 
organes analogues, qui ont reçu le nom d'oufes, & qui fem- 
blent imiter par leurs fonctions celles des Poiflons , quoique 
bien différens par leur pofition & Leur ftru@ure. C’eft fur le 
Ver & fur la Nymphe de l'Ephémere , & fur certaines Teignes 
aquatiques qu’on trouve de ces ouïes. Elles font placées à 
Vextérieur du corps, où elles fe montrent fous la forme de 
poils ou de filets blancs, plus ou moins longs. Plufieurs an 
neaux font garnis de ces fortes d’ouies. Tantôt elles forment 
des houppes ou des aigrettes ; tantôt elles font,difpofées de 
maniere qu’elles imitent des feuilles de Plantes. L'Infecte les 
- agite fouvent avec vitefle, & leur donne toutes fortes de di- 
reétions. Mais nous manquons de recherches aflez approfondies 
fur egs organes finguliers. 


332 CONTEMPLATION 


dans l’Animal un air frais & élaftique, qui pre. 
pare le fang, l’atténue, le colo:e peut-être, & 
aide encore à fon mouvement. Le. fuperflu des 
matieres où la partie la moins propre à s'unir 
à l’Animal, eft portée à la furface de la peau, 
d’où elle s'échappe par une tranfpiration in- 
fenfible, mais trés-abondante. Des glandes ou 
d’autres organes émondcoires, placés en diffé. 
rens endroits du corps, procurent l'évacuation 
des matieres les plus groffieres ou les plus épaiflies. 


Op 


CAHARBRTITIRE,; VIIL 


L'accreiflement de la Plante. 


Ex Plante croît par développement, ou par 


l’extenfion graduelle de fes parties en longueur . 


& en largeur. Cette extenfion eft fuivie d’un 
certain degré d’endurciflement dans les fibres. 
Elle diminue à mefure que lPendurciflement aug- 
mente. Elle cefle lorfque les fibres fe font en- 
durcies au point de ne plus céder à la force 
qui tend ‘à agrandir leurs mailles. 


Les Plantes où l’endurcifflement fe fait le 
plus tard, font celles qui croiffent le plus longs 


> bts cet LE RÉ a EE 


—. ” 


a Et ter Cite à À ue - 


nd dt di Me ee 


DE LA NATURE. X. Part. 333 


temps. Les Herbes croiflent & s’endurciflent 
plus promptement que les Arbres. Parmi celles-là, 
il en eft dont laccroiflement cefle au bout 
de quelques femaines ou mène de quelques 
jours [r]. Parmi ceux-ci, il en eft dont Paccroifle. 
ment ne cefle qu’au bout d’un grand nombre 
d'années ou mème de plufieurs fiecles (2). 


Ox obferve des différences analogues entre 
les Individus d’une même Elfpece: les uns 
s’endurciffant plutôt, croiflent moins ou reftent 
plus petits: les autres s’endurcifflant plus tard, 
deviennent plus grands. 


Le Bourgeon n'offre rien de ligneux. Hey- 
bacé dans toute fa fubftance, il ne devient lie 
gneux que par degrés. Sa tige elt formée d’un 
nombre prodigieux de lames concentriques les 
unes aux autres, couchées fuivant {a longueur, 
& -compofées de différens faifeaux de fibres, 


[1] Les Champignons, par exemple, qui n’offrent rien de 
ligneux, dont toute la fubftance paroîit membraneufe ou 
parenchymateufe, parviennent la plupart à l’âge de maturité 
dans un petit nombre de jours, les Moififlures en quel. 
ques heures, 


(2) Le Chêne, le Châtaignier, l'Orme, &c. vivent des 
fiecles; & un Obfervateur célebre croit que le Baohab dn 
Sénégal vit des milliers d'années, 


334 CONTEMPLATION 


formées elles-mèmes de l’affemblage d’un très: 
grand nombre de fibrilles. 


Au centre de la tige eft placée la moëlles 
& les efpaces que les lames laiflent entr’elles, 
font aufli remplis par une fubftance médullaire. 


DE l’épaifliffement des lames réfulte l’ac- 
croiflement en largeur. De l’alongement des la. 
mes réfulte l’accroiffement en longueur. Toutes 
les lames croiffent & s’endurciflent les unes après 
les autres. Chaque lame croît & s’endurcit de 
même fucceflivement dans toute fa longueur. 
La partie de chaque lame qui croît & s’endurcit 
la premiere, eft celle qui compofe le collet ou 
la bafe de la tige. La lame qui croît & s’en: 
durcit la premiere, eff la plus intérieure ou celle 
qui environne immédiatement la moëlle. Cette 
lame eft recouverte d’une feconde lame, qui de: 
meurant plus duétile ou plus herbacée , s'étend 
davantage. Une troifieme lame renferme celle- 
ci, qui s’endurcifant encore plus tard, prend 
encore plus d’accroiflement. Il en eft de mème 
d'une quatrieme, d’une cinquieme ou d’une 
fixieme lame. Toutes diminuant ainfi d’épaif. 
feur, & s’inclinant vers l’axe de la tige à me- 
fure qu’elles approchent de fon extrémité fu. 
périeure, forment autant de petits cônes in£ 


DELA NATURE. X. Part. 33$ 


ærits les uns dans les autres, d’où réfulte la fi 
gure conique de la tige & des branches. 


DE Paflemblage des petits cônes qui fe font 
endurcis pendant la premiere année, fe forme 
un cône ligneux, qui détermine la crue de cette 
année. Ce cône eft renfermé dans un autre cône 
herbacé, qui n’eft autre chofe que l'écorce, 
& qui fournira l’année fuivante un autre cône 
ligneux, &c. Le bois une fois formé ne s’é- 
tend donc plus. 


Ainsi, dans les cicatrices, dans les greffes, 
dans les différentes efpeces de tumeurs, lé- 
corce eft la feule partie de la Plante qui tra- 
vaille. En s'étendant, en s’épaififfant, en fe 
 tuméfant, l'écorce recouvre infenfiblement le 
bois, elle forme le bourrelet, & produit des ex- 
crefcences plus ou moins confidérables, fuivant 
qu’elle eft plus ou moins facile à diftendre, ou 
plus ou moins abreuvée de fucs [3], 


(£) ff Si l'on fait paffer un fl d'argent dans l'épaiffeur 
de l'écorce d’un Arbre en pleine végétation, on verra ce fil 
s'avancer chaque année vers l'extérieur de l’Arbre, parce 
qu’il fera emporté par les couches corticales qui fuivront Ja 
même direction, Cette expérience ingénieufe de Mr. Dunamer 
montre à l'œil le travail annuel de l'écorce. 


36 CONTEMPLATION 
— 45 
C-H A PT TR ENRER 


EN rer —— je 


L’Accroiffement de V’ Animal. 


Mn a croit par développement où par 
l’extenfion graduelle de fes parties en tout fens. 
À cette extenfion fuccede un endurcifement 
dans les fibres. L’extenfion diminue à mefure 
que l’endurciflement augmente. Elle ceffe lorf- 
que l’endurciflement a été porté au point de 
ne plus permettre aux fibres de céder à la force 
qui tend à agrandir leurs mailles. 


Les Animaux où l’enaurcifflement fe fait le 
plus tard, font ceux qui croïiffent le plus long- 
temps. Les Infectes croiflent & s’endurcifflent 
plus promptement que les grands Animaux. Par- 
mi ceux-là, il y en a dont laccroiflement cefle 
au bout de quelques femaines ou mème de quel- 
ques jours (1 ). Parmi ceux-ci, il y en a dont 


(1) +t L'Ephémere fi célebre par la courte durée de fa 
vie, née vit pas même un jouf fous la forme de Mouche, 
Dans l’efpace de quelques heures, & quelquefois dans PEfpace 
d'une heure, elle naît, s'acéouple , pond & meurt. Mais 
qn ne doit pas oublier que l'Infeéte vit environ deux ans, 


laccroifiement 


DE LA NATURE. X. Part. 337 


Paccroiffement ne cefle qu’au bout d’un grand 
nombre d'années ou même de plufieurs fecles [2]. 


-ON obferve des différences analogues dans 
Paccroiflement d'Iudividus d’une mème Efpece : 
les uns s’endurciflant plus tard que les autres ; 
acquierent une taille plus avantageufe. 


Le Fœtus , pris dans fon! origine , n’offre tien 
d’ofleux. Membraneux dans toute {à fubftance 3 
il ne devient offeux que pas degrés. Ses os 
font compofés d’un nombre prodigieux de James 
enveloppées les unes dans les autres ; couchées 
fuivant la longueur de Pos , & formées de di£. 


fous fes premieres formes de Ver & de Nymphe, 

La vie de certains Vers qui vivent dans les excrémens de 
diver: Animaux ou dans les chairs Corrompues , eft pour 
l'ordinaire très-courte. Mais c’eft fur-tout chez les Animalcules 
des liqueurs, qu’on peut trouver des Efpeces pour qui un 
jour eft, comme à nous , un fiecle où même davantage. 


(2) ff On croit que l’Eléphant dan l'état de liberté vit 
environ deux fiecles. Les Anciens avoient parlé de la ioggue 
vie des Cerfs. L'Aigle & les grands Perroquets vivent un ou 
deux fiecles. Les Poiffons & fur-tout les Cétacées pouflent leur 
carriere bien plus loin encore, 

On remarque en général, que chez les Animaux h durée 


de la vie eft environ quintuple on fextuple de celle de l'ace 
croiflement. 


Tone II, Y 


338 CONTEM P L AT I ON 


férens faifceaux de fibres compofées elles-mêmes 
de la réunion d’un très-grand nombre de fibrilles. 


. Au centre de los eft placée la moëlle. Les 
efpaces que les lames laiflent entr’elles , font 
occupées par une fubftance médullaire. 
jee 84 

DE l’épaifliflement des lames réfulte l’accroif- 
fement en largeur. Du prolongement des lames 
rélulte laccroiflement en longueur. Toutes ces 
lames croiflent & s’endurciflent les unes après 
les autres. Chaque lame croît: & s’endurcit de 
mème fucceflivement dans toute {a longueur. 
La partie de chaque lame qui croît & s’endurcit 
la premiere, elt celle qui compofe le milieu ou 
le corps de los. La lame qui croit & s’endurcit 
la premiere, eft la plus intérieure ou celle qui 
environrne immédiatement la moëlle. Cette lame 
eft recouverte d’une feconde lame qui demeu- 
rant plus dudtile ou plus, membraneufe, sé- 
tend davantage. Une troifieme lame renferme 
celle-ci, qui s’endurcillant encore plus tard, 
prend encore plus d’accroiffement. Il en eft de mê- 
me d’une quatrieme, d’une cinquieme ou d’une 
fixieme. Toutes diminuant ainfi d’épaifleur, & 
s’'écartant de l'axe de los, à mefure qu’elles 
approchent de fes extrémités, forment autant 
de petites colonnes renfermées les unes dans 


DE LA NATURE. X. Part. 339 


les autres, & qui augmentent de diametre à 
leurs extrémités. De là, la figure propre aux 
os longs. 


DE Paflemblage des lames qui fe font endur- 
cies pendant la premiere année, rélulte la crue 
de l’os pour cette année. Cet os demeure re- 
couvert d’un grand nombre de lames membrd- 
neufes ou tendineufes, qui portent le nom de 
périofte, & qui en s’étendant & en s’endurcif- 
: fant peu-à-peu, augmenteront l’os en tout fens. 
L'os une fois formé ne s'étend donc plus (3). 


(3) tt En compofant ce parallele des Plantes & des Ani. 
maux, je ne pouvois manquer de toucher aux curieufes 6b- 
fervations de Mr. DuHaAMEzL fur l'analogie des Arbres & des 
os. Ce font aufli ces obfervations que j'efquiflais ici, & dont 
je m'étois beaucouv occupé dans un autre Ouvrage. 

Ce que l'écorce eft au corps ligneux, le périofte, paroït 
. être à l'os. Et comme.il fe détache de l'écorce des lames 
minces, qui fourniflent à l’accroiflement ou à la réparation 
du corps ligneux, il fe détache de même du périofte des la- 
mes minces, qui fourniffent à l’accroifiement ou à la répa- 
ration de l'os. 

L'écorce & le périofte font également formés d’une mul- 
titude de lames concentriques, qui n'ayant pas toutes préci- 
fément la même firuéture ni la même confiftance, n'ont pas 
précifément la même fin. 

Ce ne font que les lames les plus intérieures de l'écorce, 
qui ont été deftinées à devenir bois, Ce ne font non plus 


bé 


340 CONTEMPLATION. 


AtNst, dans Îles fractures, dans les anchylo. 
fes, & dans les différentes efpeces d’excref- 


que les lames les plus intérieures du périofte, qui devien- 
nent os. { 

L'écorce ne fe convertit pas proprement en bois. Le pé- 
tiofte ne fe convertit pas proprement en os. Mais les lames 
internes & herbacées de l'écorce ont originairement une orga- 
nifation qui né convient qu'au bois. Les lames internes & 
membraneufes du périofée ont de même une organifation pri- 
mitive, qui ne conVient qu’à l'os. 

Les lames internes de l'écorce & celles du périofte paffent 
par degrés, de l'état herbacé ou membraneux à l'état ligneux 
ou offeux. 

Quand les unes ou les autres ont acquis par fucceffion 
de temps le degré de dureté qui eft propre au bois ou à l'os, 
elles né font plus fufceptibles d’accroiffement, & conféquem- 
ment elles ne peuvent plus contribuer à la réparation du 
bois ou de l'os. 

Ainfñ, dans les plaies qui intéreffent le bois ou l'os, les 
fibres vraiment ligneufes ou vraiment offeufes ne font aucun 
travail. “La cicatrice ou le cal n’eft produit que par des fibres 
herbacées où membraneufes , qui prennent peu-à-peu la*con. 
fiflance du boïs ou de los. ! 

L'état herbacé ou membraneux eft tonjonrs précédé de l’état de 
gelée ou de mucilage. Cette gelée, qu’on prendroit au premier 
coup-d'œil, pour un fimple fuc épaifi , & qui a trompé d’hahi- 
les Gens, eft fi bien un Tout organifé , que fi on la tient plon- 
gée dans l’eau , )fans la détacher de fon fujet , elle n’y perdra 
point fa forme, & continuera d'y végéter. 

Cette analogie fi remarquable du périofte avec l'écorce, fe 
manifefte fur-tout daus deux expériences qui paroiffent fort 


DELANATURE. X. Part. 341 


cences, foit naturelles , foit accidentelles, le pé- 
riofte eft la feule partie de l’os qui travaille. En 
s'étendant, en s’épaifliffant, en fe tuméfant, 
le périofte recouvre l'os infenfiblement; il pro- 
duit le canal, & forme des tumeurs plus ou moins 
confidérables, fuivant qu'il a plus ou moins de 
facilité à s'étendre, ou qu'il eft plus ou moins 


décifives. Si l’on perce l’us de la jambe de quelqu’Animal vi- 
vant, Le trou fe remplit bientôt par un tampon, d’abord 
membraneux, puis cartilagineux, enfin offeux; & ce tampon 
émane f eflentiellement du périofte, que fi l’on enleve celui-ci, 
un peu au-defus de la plaie ; & que l’on continue à le détacher 
de l'os, on enlevera en même temps le tampon. Si au lieu 
de percer l'os, on le fraéture, & qu’on infere un fil de mé 
tal entre les lames encore molles eu membraneufes du pé- 
riofte : ee fil fe trouvera renfermé au,bout de quelquetemps, 
eùtre des lames vraiment offeufes. Ces lames vraiment offeue 
fes doivent donc leur origine à des lames purement mem- 
braneufes du périofte ; ou pour parler plus exaétement, elles 
ne font que ces lames purement membraneufes, devenues 
offeufes par la nutrition. 

Il y a donc toujours dans l’épaiffeur du périofte, des la- 
mes difpofées à devenir os, comme il eft toujours dans l’é- 
gorce des lames difpofées à devenir bais. 

Toutes ces lames, comme je l'ai dit, ne font pas précis 
fément femblables. Les lames internes du périofte font for 
mées de fibres plus droites & plus ferrées que celles des Ia- 
mes externes. Il en eft de même des lames internes de l’é- 
corce; & elles ont de. plus des trachées , dont les lames ex. 
ternes font privées. y . 

3 


332 CONTEMPLATION 


abreuvé de fucs, ou de fucs plus ou moins 
vifqueux. 


CEe——— re 


TS 
CHA POI TORE 4 


La fécondation de la Plente. 


L: poufliere des étamines eft le principe qui 
féconde la graine. Le pifkil eft le lieu où s’opere 
cette fecondation. 


RENFERMÉE dans des efpeces de véficules (1), 
la pouihere fécondante y paroïît au microfcope, 
fous l’'afpect d’un amas de petits Corps régu- 
hers , ordinairement de figure fphérique ou ellyp- 
tique, qui, humectés, s’ouvrent & laiffent échap- 
per une légere vapeur dans laquelle nage une 
grande quantité de grains d’une petitefle ex- 
trème, qui paroifflent fe mouvoir de côté & 
d'autre. Les pouflieres elles-mèmes, mifes dans 
une goutte d’eau, s’y meuvent en divers fens 
avec beaucoup de rapidité. 


TROIS parties principales compofent le piftils 


Ci) Les antheres ou fommets des étamines. 


DE LA NATURE. X.Port. 343 


la bafe, les conduits où trompes & le fom- 
met [2]. La bafe contient une ou plufieurs ca- 
vités où la graine elt logée. Les trompes font 
des tuyaux coniques ou des efpeces d’enton 
noirs fort alongés , dont l4 bafe ou l'ouverture 
eft tournée vers le fommet. Celui-ci eft ordi- 
nairement garni de plufieurs mamelons, percés 
chacun d’un trou dont le diametre répond à 
celui d’un globule de la poufliere. 


DescenNpus dans les trompes, les globules 
y font preñlés de plus en plus par le rétréciife- 
ment de ces conduits. Ils y font humedés par 
un fuc qui en enduit les parois. Ils s'ouvrent 
& dardent la vapeur féminale, qui pénetre ainfi 
jufqu'à la graine, & en procure la fécondation 


PLusteurs Efpeces de Plantes ont de deux 
fortes d’Individus ; des Individus qui ne por- 
tent que les étamines, & ce font des Individus 
Mäles ; & des Individus qui n’ont que le piftil, 
& ce font des Individus Femelles. 


Dans un grand nombre d’autres Efpeces 
chaque Individu eft un véritable Hermaphro- 
dite, qui réunit les deux fexes, les étamines & 


[21] Ou ffiginate. 
Ya 


344 CONTEMPLATION 


le piftil Tantôt cette réunion fe fait fur la 
mème fleur; enforte que les étamines y environ- 
nent le piftil. Tantôt cette réunion n’a lieu que 
fur la mème branche; enforte que les étamines 
$y trouvent placées fur un endroit, & le piftil 
fur un autre. 


Erin, il eft des Plantes dans lefquelles on 
foupconne qu’il ne s’opére aucune féconda- 
tion, du moius extérieure ou apparente, & dont 
tous les Individus portent des femences fécon- 
des par elles-mèmes. 


E—— — 75 
CHAPITRE XL. 


AXE 


La fécondation de l Animal. 


La liqueur féminale eft le principe qui féconde 
VPœuf. La matrice ou les ovaires font le lieu où 
fe fait cette fécondation. 


RERFERME’E dans les véficules féminales, la 
liqueur fécondante y paroît au microfcope un 
amas de petits corps réguliers, de figure plus 
ou moins alongée, qui femblent fe divifer en 
ya plus grand nombre de globules d’une petiteffe 


DELANATURE X. Part. 34 


extrème, & qui fe meuvent en différens fens [1]. 
Quelquefois ces petits corps font des efpeces 
d'étuis à reforts, ‘qui étant humeétés s’ouvrent 
& dardent au dehors une matiere limpide, 
dans laquelle nage une grande quantité de très. 
petits globules (2). 


Troïs parties principales conftituent la ma. 
trice ou fes dépendances ; le fond, les trompes 
& les ovaires. Le fond renferme une ou plu- 
fieurs cavités dans lefquelles les Embryons font 
nourris & fe développent: il a un orifice à fa 
partie antérieure. Les trompes font des tuyaux 
coniques ou des efpeces d’entonnoirs très-alon- 
gés, dont l'ouverture fe dirige vers les ovaires 
& y aboutit. Les ovaires font des amas de vé-” 
ficules qui font de véritables œufs. 


PARVENUE par les trompes jufqu’aux ovaires, 


(1) tt Je parlois ici d’après les obfervations de Mr. de 
Burron fur les Corpufcules mouvans des liqueurs féminales; 
mais il eft bien démontré aujourdhui, qu'il s’en étoit 
Jaiffé impofer par des apparences trompeufes. Ces Corpufcules, 
dont il nioit lPanimalité, font réellement des Animaux, dont 
la forme alongée eft conftante, & qui ne prennent point une 
figure fphérique. Voy. Note 6, Chap. XVII, Part. VIII 


(2) tt Les laites du Calmar, 


346 CONTEMPLATION 


la partie la plus fubtile de la liqueur féminale 
y féconde un ou plufeurs œufs. Ceux-ci def- 
cendent alors par les trompes dans la matrice, 
où ils fe fixent & fe développent. 


CHEZ les Femelles ovipares, les œufs font 
contenus dans des efpeces de boyaux ou d’in- 
teftins dans lefquels ils prennent leur accroif- 
fement : la liqueur féminale, dépofée dans une 
ou plufeurs cavités, les féconde. 


La plupart des Efpeces d’Animaux ont de deux 
fortes d’Individus ; des Individus Mäles & des 
Individus Femelles. Mais il eft d’autres Efpeces 
dont chaque Individu eft un véritable Herma- 
phrodite qui réunit les deux fexes, quoiqu'il 
ne puifle {e féconder lui-mème. 


Dans quelques Efpeces où la diftinétion de 
fexes s’obferve , il ne fe fait aucun accouple- 
ment proprement dit: le Mäle ne fait que ré- 
pandre fa liqueur fur les œufs que la Femelle 
a dépofés. 


ENFIN, il eft des Efpeces qui fe propagent 
fans aucune fécondation apparente ou extérieure. 


HE Ne 


DELA NATURE. X. Part. 347 
CHAPITRE XIL 


— se 


La multiplication de la plante. 


L: Plante ne multiplie pas feulement de graine 
& de bourgeons ; elle fe propage encore par 
Rejetons. Elle peut auf fe multiplier de bou- 
ture & par les fecours de la greffe. 


Ux Arbre poufle de différens endroits de fa 
furface de petits boutons. Ces boutons grof- 
fifent , ils s'ouvrent & laiflent paroître le Reje- 
ton qui s'étend chaque jour. Pendant qu’il fe 
développe , il poufle lui-mème d’autres Reje- 
tons plus petits. Ceux-ci en pouffent à leur tout 
de plus petits encore. Tous ces Rejetons font 
autant d’Arbres en raccourci, & la nourriture 
. que prend un de ces Rejetons fe communique 
a toute la Plante. 


PARVENUS à une certaine grandeur, & fé- 
parés alors du tronc ou de la tige principale, 
foit par la Nature, foit autrement, ces Reje- 
tous fe foutiendront par eux-mêmes, & devien- 
dront ainfi autant d’Arbres individuels. 


348 CONTEMPLATION 


COUPÉS par morceaux, felon leur largeur, 
où mème felon leur longueur, ces Rejetons, re- 
naitront d'eux-mêmes & deviendront autant 
d’Arbres qu’on aura fait de morceaux. Les feuils 
les elles-mêmes féparées de leurs Rejetons, pour- 
ront donner autant de Plantes completes. 


COLLÉS fortement les uns aux autres, ou 
inférés les uns dans les autres, plufieurs Re- 
jetons, foit du mème Individu, foit d’Indivi- 
dus différens, s’uniront d’une maniere fi in- 
time, qu'ils fe nourriront réciproquement, & 
qu'ils ne formeront ainfi qu'un mème Tout 
individuel. 


GE —— CS 
CH AP TTUR D PORN 


La multiplication de l Animal. 


SAGE ne Îe propage pas feulement pat 
des œufs & par des petits vivans; il fe mul. 
tipliè encore par Rejetons. Il peut aufli étre 
multiplié de bouture & par le moyen de la greffe. 


UXx Polype poufle de différens endroits de {on 
corps de petits boutons. Ces boutons groffiflent 


DE LA NATURE. X. Part. 349 


& s’alongent infenfiblement. Chacun d'eux eft 
un Rejeton. Pendant qu’il fe développe , il 
poufle lui-mème d’autres Rejetons plus petits. 
Ceux-ci en pouflent à leur tour de plus petits 
encore. Tous ces Rejetons font autant de petits 
Polypes, & la nourriture que prend un de ces 
Polypes fe communique à tout l’affemblage. 


PARVENUS à une certaine grandeur , ils fe {6 
parent du tronc ou de la tige principale , & de. 
viennent ainfi de nouveaux Individus. 


CourÉs par morceaux tranfverfalement ou 
mème longitudinalement, les Polypes renaiflent 
de leurs débris, & deviennent autant de Poly- 
pes complets, que la fection a donné de mor- 
ceaux. Il n’eft pas jufqu’à la peau & juiqu’au 
moindre de fes fragmens, quine puiflent donner 
un ou plufeurs Polypes. 


Mises bout à bout ou appliquées les unes 
aux autres, les portions d’un même Polype ou 
celles de différens Polypes s’unifflent d’une facon 
fiintime, qu’elles fe nourriffent réciproquement, 
& parviennent ainfi à ne former qu’un même 
Tout individuel. | 


Cr 


39 CONTEMPLATION 
Er —— —— 0 | 
CH. APT TRE; XI: 


Irrégularités dans la génération de la Plante. 


La génération des Végétaux n’a pas une ré- 
gularité conftante : les loix fuivant lefquelles elle 
s’opere font quelquefois troublées ou modifiées 
par divers. accidens. De là naiflent différentes 
efpeces de Monftres & de Mulets. 


! TANTÔT ce font des feuilles compofées, dont 
les Folioles font plus ou moins nombreufes, 
ou façonnées moins réguliérement, ou diftri- 
buées d’une maniere moins fymétrique qu’elles 
ne le font à l'ordinaire. 


TANTÔT ce font des fleurs qui n’ont ni éta- 
mines ni piftils, & dont les pétales (1) fort 
multipliés paroiflent avoir abforbé ces parties fi 
eflentielles. 


TANTÔT ce font deux fruits collés l’un à 


[1] On nomme ainfi les feuilles des fleurs. Leur affemblage 
forme ce que les Botaniftes appellent la corolle. Mais toutes les 
fleurs n’ont pas des pétales: Ceux-ci font toujours colorés, & 
les fleurs leur doivent leur ptincipale parure. 


DE LA NATURE. X. Part. 3S1 


Vautre par une greffe naturelle, ou renfermés 
l’un dans lautre. 


TANTÔT ce font des fleurs ou des fruits dont 
la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft pro- 
pre à l'Efpece , &c. 


ENFIN, ce font des produétions qui n’ap- 


 partiennent proprement à aucune Efpece, parce 


qu’elles tirent leur origine de graines qui ont 
été fécondées par des pouflieres d’Efpece diffé. 
rente. : 


(QE 


NE 


CRRA PTT KE. XV 


\ rrégularités dans la génération de l’Animal. 


L: génération des Animaux n’eft pas tou- 
jours réguliere: les loix dont elle dépend font 
quelquefois troublées ou modifiées par diverfes 
circonftances. De là différentes efpeces de Monf- 
tres & de Mulets. 


TaNTÔT ce font des mains ou des pieds 
dont les doigts font plus ou moins nombreux, 
où figurés d’une maniere moins réguliere, ou 
arrangés différemment qu’à l'ordinaire. 


3532 CONTEMPLATION 


TANTÔT ce font des Fœtus dans lefquels les 
parties de la génération font oblitérées. 


TANTÔT ce font deux œufs ou deux Fœtus 
collés l’un à Pautre par une greffe naturelle , ou 
contenus l’un dans l’autre. 


Tanrôr ce font des œufs où des Fœtus dont 
la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft pro- 
pre à l'Efpece, &c. 


ENFIN, ce fout des productions qui parti- 
cipent de deux Efpeces, parce qu’elles provien- 
nent de Femelles fécondées par des Mäles d'E£ 
pece différente. 


CH'A PI TR A ARUNME 


Maladies de la Plante. 


Le. loix de la nutrition & de l’accroifflement 
des Végétaux éprouvent encofe de plus grands 
dérangemens ou des modifications plus fréquen- 
tes & plus variées que celles de la génération. 
De là, dérivent différentes efpeces de maladies 
auxquelles la Plante eft fujette. : | 
ENTRE 


DE LANATURE. X.Purs. 353 


ENTRE ces maladies, les unes n’attaquent 
que les feuilles, & y font naître des taches de 
différentes couleurs , des rugofités, des puftules , 
des galles, &c. 


D’AUTRES attaquent les principaux vifceres , 
& y occafionnent des engorgemens, des obftruc- 
tions , des dépôts, des tumeurs, des chancres, 
des épanchemens, &c. 


D’auTREs ont leur fiege dans les fleurs ou 
dans les fruits. 


D'’auTrEs n’affectent que le corps ligneux, 


qu’elles font tomber en pourriture, tandis que 
Pécorce demeure faine. 


D’AUTRES proviennent de petites Piantes ou 
de divers Infectes qui, placés fur lextérieur ou 
dans Pintérieur des Végétaux, en détournent 


la nourriture à leur profit ou en alterent l'or- 
ganifation. 


D’AUTRES tirent leur origine du changement 
de climat, d’alimens, de culture, &c. 


ESS 


Tome IL Z 


3544 CONTEMPLATION 


ES 73 


= A6 


CH APT RES XVI 


Maladies de V Animal. 


Le loix de la nutrition & de l’accroifflement 
des Animaux font troublées ou modifiées plus 
fréquemment & plus diverfement encore que 
celles de la génération. De là procedent les dif- 
férentes efpeces de maladies auxquelles PAni- 
mal eft expofc. 


ENTRE ces maladies, les unes n’attaquent que 
là peau & y produifent des taches de diverfes 
couleurs, des rugofités, des puftules, des bou. 
tons, &c. 


D'AUTRES attaquent les principaux vifceres 


& y occafionnent des engorgemens, des obftruc- 


tions, des dépôts, des tumeurs, des abcès, 
des épanchemens , &c. 


D’autres ont leur fiege dans les organes 
de la génération. 


D’auTREs n'affectent que les os, & en pro- 


bi. 


DE LA NATURE. X. Part. 35$ 


duifent la carie, pendant que le périofte {e con 
ferve fain. 


D’AuTres ont leur fource dans différentes 
Efpeces d’Infectes qui, logés fur l'extérieur ou 
dans l’intérieur des Animaux , en détournent 
la nourriture à leur avantage ou en alterent la 


conftitution. 


D’auTREs font occafionnces par le change- 
ment de climat , de nourriture, d'éducation , &c. 


EE: VS 


ÉE— 


CHAPITRE XVIII. 


La Vieillefe €ÿ la mort de la Plante. 


Ever la Plante, échappée aux différentes 
maladies qui menaçoient fes jours, n'échappe 
point à la lente vieilleffe & à la mort inévitable 
qui la fuit [1]. 


[1] H Mr. Gzepirscw:! obferve que la culture peut pro- 
longer la vie de la plante, Elle peut porter à deux, trois 
ou quatre ans la durée d'une Plante qui, laiée à elle-même, 
n'auroit vécu qu’un an. Le Cultivateur y parvient par le re- 
tranchement fuccefif des fleurs, des graines & quelquefois 
des fommités, On fait végéter ainfj plus long-temps d’autres 


Z 2 


vs 


356 CONTEMPLATION 


Expurcis par fucceflion de temps, les vaif- 
{eaux perdent de leur jeu & s’obftruent. Les 
liqueurs ne s’y meuvent plus avec la mème 
facilité; elles ne font plus filtrées & repompées 
avec la mème précifion. Elles croupiflent & fe 
corrompent , & cette corruption fe communi- 
quant bientôt aux vaifleaux qui les renferment, 
les fonctions vitales ceflent de s’opérer , la Plante 
meurt & fe réduit en poufliere. 


CT QE a 
CHAPITRE XIX. 


La vicilleffe € la mort de l'Animal. 


Exers lAnimal, préfervé des maladies qui 
confpiroient contre lui, ne fauroit fe dérober 
à la trifle vicillefe, & à la mort inexorable 
qu’elle traine à fa fuite. [r} 


parties de la Plante, qui fe feroient endurcies platôt,, & on 
lui fait pouffer des rejetons qui ne fe feroient point déve- 
loppés fans ce procédé, & qui prolongent la durée de l’In- 
dividu en lui prétant de nouvelles forces. 


(1) tt Comme lon prolonge la vie de diverfes Efpecés 
de Plantes en empêchant leur Aeuratfon & leur fru&ifcation 
pair le retranchement des boutons à fleurs , on peut de même 
brolonger la vie de diverfes Efpeces d'Inféêtes eu retardant 


dass ns > pen 


k 


DE LANATURE. X. Per. 357 


Enpurcis par le temps, les vaifleaux per. 
dent de leur action & s’obftruent. Les liqueurs 
n’y circulent plus avec la mème vitefle: elles 


ou en empêchant leur copulation. Les Sauterelles en four 
aifflent un exemple; & c’eft encore une obfervation de Mr. 


GLEDITSCH. Si lon empêche tes deux fexes de s'unir, on 


prolongera leur vie de huit à neuf femaines. 

Onremarque à cet égard une autre aualogie entre les Plantes 
& les Animaux. Dans les Plantes qui portent fur un pied 
les Rleurs mâles & fur un autre pied Les fleurs femelles, 
telles que la Mercurielle, lEpinard, le Chanvre, &c. la 
Plante mâle périt avant la Plante femelle, & la mort de 
celle-là fuit prefqu’immédiatement l'émiflion des pouflieres 
fécondantes. La Plante femelle , au contraire , lui furvit pen- 
dant un temps plus ou moins long. Il en eft de même chez 
divers Infeétes qui s'accouplent en Automne. Le Mâle perit 
après l’accouplement , tandis que la Femelle pañle l'Hiver & 
ne pond qu’au retour du Printems. 

Nous avons vu des Arimaux qui fe confervent au fec des 
années entieres dans un état de mort apparente, & qui re= 
prennent la vie & le mouvement dès qu’on les humecte. 
(Note 13, Chap. IE, Part. IX.) La durée de leur vie 
eft fort prolongée par cette forte de fommeil, & cette pro- 
longation tient du prodige dans quelques Efpeces. Certains 
Végétaux nous offrent la même merveille; & ce nouveau 
trait d'analogie entre les Plantes & les Animaux n’en eft pas 
un des moins frappans. Les Byflus, les Noftochs, les Mouf. 
fes, &c. peyvent être confervés au fec des mois & des 
années; reverdir & végéter enfuite , lorfqu’ils viennent à 
être humeétés de nouveau. (Conf. la Note 1 du Chap. VE 
de la Part. LL, } 

Z 3 


338 CONTEMPLATION 


ne font plus filtrées & repompées que très-im- 
ne / A CF 
parfaitement. Elles féjournent & s’alterent, & 
cette altération fe communiquant bientôt aux 
vaifleaux qui les contiennent , la circulation 
celle, l’Animal meurt & fe réduit en poudre. 


GR 
CEA PP TRENRE 


Autres fources d'Analogie entre la Plante €& 
l'Animal. 


N Ous avons pouflé le parallele de la Plante 


& de l’Animal depuis la naiffance jufqu’à la mort. 
Les traits qui le compofent établiffent avec beau- 
coup d’évidence la grande analogie qui regne 
entre ces deux Clafles de Corps organifés. 


Maïs il cft d’autres fources de comparaifons 
où nous avons évité de puifer Pour ne pas ren- 
dre le tableau confus, ou que nous n'avons 
envifagées que fous certains points de vue Telles 
font celles que nous offrent le lieu , le uombre, 


la fécondité, la grandeur , la forme, la ftruc 


ture, la circulation des liqueurs , la faculté loco- 
motive , le fentiment, la nutrition. 


..… . 


DE LANATURE. X. Part. 359 


Parcourons ces différentes fources, & fans 
chercher à les épuifer, contentons- nous d’in- 


diquer ce qu’elles renferment de plus remar- 
quable ou de plus caraétériftique. 


EE =————— Sd) 
PRIE TIRE OX TL r 


MNE=———— 


Le lieu. 


Les Végétaux & les Animaux habitent le 
mème féjour. Deftinés à peupler & à embellir 
notre Globe, ils ont été répandus fur toute {a 
furface & placés les uns auprès des autres pour 
s'aider réciproquement. Tels que deux grands 
Arbres qui ont crà dans le mème terrein, le 
Regne végétal & le Regne: animal entrelaffent 
leurs branches les unes dans les autres, & éten- 
dent leurs rameaux & leurs racines jufau’aux 
extrémités du Monde. 


Les dehors & l'intérieur de la terre, les mon- 
tagnes & les vallées, les lieux arides & les lieux 
fertiles , les pays découverts & les pays ombrés , 
les régions du nord & celles du midi, les ruifleaux, 
les rivieres, les étangs, les lacs, les mers ont 
leurs Végétaux & leurs Animaux. La Trufle & le 

Z 4 


7 — 
EE —— 
nb 


36 CONTEMPLATION 


Ver de terre , l’Erable & le Chamois, le Bouleau 
& le Lievre, le Genfeng (1) & l’'Hermine , le 


Palmier & le Singe, le Conferve (2), & la Sang- | 


fue, le Nénuphar (3) & la Teigne aquatique » 


{1] tt Plante fameufe, qui croît en Tartarie & en Chine, 
& dont les vertus ont été fort exagérées par les Médecins 
Chinois qui en ont fait une forte de panacée univerfelle. C'eft 
dans la racine que réfident les vertus de la Plante. Cette 
racine fe divife en deux ou trois branches de {a groffeur du 
petit doigt, longues de deux à trois pouces, raboteufes, bril” 
Jantes, demi tranfparentes, fibreufes, jaunâtres , légérement 
âcres, un peu ameres & aromatiques. La tige, haute d’en- 
viron un pied, eft unie & d’un rouge noirâtre. De fa fom- 
mité partent trois à quatre pédicules creufés en gouttiere, 
difpofés en rayons & qui portent cinq feuilles inégales & 
dentelées : de laiffelle des feuilles naît un petit bouquet de 
Beurs jaunes, garnies d'un long pédiçule. Mais mon deffein 
n’eft pas de décrire le Genfeng. Il eft fi recherché qu'il fe 
vend au poids de l'or. HN réfulte en général de tout ee qui a 
été débité fur les vertus médicinales de cette Plante, qu’elle 
eft un puiffant Fortifiant. 

[2] ft Plante aquatique de la famille des Byfus. (Conf, 
Note 1 du Chap. VIT. de la Part: HI. ) 

[31 tt Plante aquatique , plus connue fous le nom de 
Zys d'en, dont les feuilles grandes, arrondies , liffes , épaif. 
fes, charnues, en forme de fer à cheval, & portées par un 
long & gros pédicule, s'appliquent par leur face inférieure à 
la fuperficie de l’eau. Les fleurs de cette belle Plante ne ref- 
femblent ‘pas mal à un volant & ont la blancheur de celles 
du Lys. Le Nénuphar poufle dans la vafe une forte raciné 
charnue, fongeufe & abreuvée d’un fuc vifqueux. 


pm 


RS 


Eure «mn 


DE LA NATURE. X. Part. 361 


‘VAlgue & la Morue fe trouvent dans les mèmes 
lieux ou habitent le mème élément. 


QUANTITÉ d'Efpeces de Plantes & d’Ani- 
maux paroiflent s’açcommoder également de dif. 
férens climats. Le Maronnier & le Cog-d’Inde, 
tranfportés dans nos contrées , femblent y avoir 
oublié leur pays natal. 


D’AUTRES Efpeces font amphibies, & vivent 
naturellement dans l’eau & hors de l’eau. Le 
Jonc & la Grenouille habitent les prairies & 
le fond des étangs. 


D’AUTRES font parafites & {e aourriflent des 
fucs qu’elles puifent fur d’autres Efpeces. Tels 
_ ont le Gui & le Pou. 


ENFIN, quelques Efpeces parafites fervent à 
leur tout aux befoins de parafites didérens. Le 


Gui a fes Lychens (4), certains Poux ont leurs 
Poux (5). 


[41 ff En difant ici que le Gui a fes Lychens , je laiffe 
penfer à mon Lecteur, que les Lychens font au nombre des 
Plantes vraiment parafites, & pourtant ils n'en font point 
Les Botaniftes font à ce fujet une diftin&@ion bien fondée 
que je dois indiquer. ls nomment vraies Parafites les Plan. 
tes qui croiffent fur d’autres Plantcs, qui pouflent des ra- 


362 CONTEMPLATION 


cines ou qui en tirent leur nourriture ; & ils appellent fauf- 
fes Parafites les Plantes qui croïflent bien fur d’autres Plan. 
tes, mais qui n'y pouflent point de racines & qui n’en tirent 
aucune nourriture. Le Gui, la Cufcute , l'Orobanche, &c. 
appartiennent au premier genre ; les Lychens, les Agarics, 
les Mouffes, &c. {e rangent fous le fecond. 

Une preuve inconteftable , que les fazfles Parafites ne tirent 
aucune nourriture des Plantes fur lefquelles elles croïffent , 
c’eft qu'on les trouve en pleine végétation fur les bois fecs., 
fur ies tuiles, fur les rochers les plus durs. Il y a donc lieu 
de préfumer , qu’elles fe nourriffent de l’humidité qui s'infi- 
nue entre leur pied & la bafe ligneufe ou pierreule fur la- 
quelle il repofe, & de celle qu’elles pompent par toute l’ha- 
bitude de leur corps. Aïnfi, les Lychens qu’on rencontre quel- 
quefuis fur le Gui, ne s'alimentent point de la feve du Gui. 
Les diférens corps, foit bruts, foit organifés, fur lefquels 
végetent les fauffes - Parafites, ne leur fervent proprement 
que de bafe ou d'appui. 

Le Gui tient à bon droit le premier rang parmi les Végé- 
taux vraiment parafites, & il étoit bien digne de l'attention 
{outenue que lni a donné un excellent Obfervateur (*). Au 
premier coup-d'œil on croiroit qu’il n'eft que greffé fur l'Ar- 
bre qui le porte; mais un examen plus approfondi apprend 
qu'il y ef enraciné comme VArbre lui-même left dans la 
terre. Une diffeétion faite avec art après une longue macé- 
ration, produit au grand jour les racines du Gui, & démon- 
tre qu'elles pénetrent dans l'épaiffeur de l'écorce de l'Arbre 
nourricier, & qu'elles atteignent même jufqu’au bois. 

Le Gui eft au nombre de ces Plantes qui portent fur un 
pied les fleurs mâles, & fur un autre pied les fleurs femelles. 
Son fruit eft une forte de baie ou de véficule molle , rende, 


(*) Mr. DUHAMEL. 


DE LA NATURE. X. Part 363 


Juifante, demi-tranfparente, de la groffeur d’un pois , qui 
dans l'état de maturité renferme une fubftance vifqueufe, où 
font logés de petits corps verdâtres , tantôtovales, tantôt trian- 
gulaires, tantôt quadrilateres , &c. qui font les femences de la 
Plante. 

Les baïes s'ouvrent dans le temps de la maturité, & lai£- 
fent échapper la fubftance vifqueufe qui colle les graines à 
l'écorce de l'Arbre, fur laquelle elles ne tardent pas à ger- 
mer. Cette germination offre une particularité qui mérite 
d'être connue, parce qu’on ne l'a trouvée jufqu'ici qu’à la 
feule graine du Gui. On fait qu'à leur naiffance toutes les 
Plantes ne pouffent qu’une feule radicule: le Gui, au con- 
traire, en poule deux , trois & même quatre, fuivant la 
figure qu’affectent fes graines ; c’eft-à-dire , ‘que fi les graines 
font à plufieurs angles, il fort à la fois ou fucceflivement 
des radicules, de deux, trois ou quatre de ces angles. 

Ces radicules du Gui ont une ftruéture particuliere & bien 
remarquable : elles font des efpeces de trompes, terminées 
d'abord en boule, que la Plante naiffante parvient à ficher 
dans l'écorce de l’Arbre nourricier, comme les Pucerons f- 
’chent la leur dans l'écorce d’une branche ou d’une feuille. 
Dès que lestrompes du Gui, en s’alongeant peu-à-peu , ont at- 
teint la furface de l'écorce où elles doivent pénétrer, la petite 
boule revêt la forme d’un entonnoir , dont les bords s'appliquent 
exactement à l'écorce. Du centre de lentonnoir , part enfuite 
un petit corps fpongieux , longuet, qui s'infinue dans l’épaif- 
feur de l'écorce & qui y devient une vraie racine. 

Des Phyficiens Botaniftes nous avoient fait admirer le re- 
tournement de la radicule & de la plumule dans les graines 
femées à contre.fens. La radicule, qui fe dirige d'abord ver- 
ticalement en en-haut, fe replie enfuite verticalement en en- 
bas pour s'enfoncer dans l'intérieur de la terre : la plumule , 


364 CONTEMPLATION 


au contraire, qui s'étoit dirigée d'abord verticalement en 
en-bas, fe replie verticalement en en-hsut pour gagner l'air 
fon élement naturel. Cette forte d'inftin@ végétal eft plus 
frappant encore dans les radicules ou trompes du Gui. Om 
les voit fe diriger toujours par la route la plus courte vers 
l'écorce où elles doivent s'implanter. Elles fe dirigent donc 
en en-Haut, en en-bas ou de côté, {uivant que la pofition de: 
la graine relativement à l'écorce l'exige. Un Animal ne pare 
viendroit pas plus fürement au même but. Nousne prêterons: 
pourtant pas aux radicules du Gui un inftin® femblable ow. 
analogue à celui de l'Animal: mais nous p'éfumerons que ces 
mouvemens, en quelque forte fpontanés, qu’elles exécutent 
fi à propos, dépendent d'une petite méchanique que nous ne 
tenons pas encore, & fur laquelle on peut former des con- 
eétures plus ou moins probables. La tranfpiration qui fe fait 
au travers de l'écorce de l'Arbre nomrricier , on l'humidité qui 
y adhere plus où moins, détermine apparemment les Lradi= 
cules du Gni à fe diriger vers cette écorce. (Part. VE, 

IV & les Notes. ) 

Bien différent des toutes les autres Plantes , le Gui peut 
végéter fous toutes fortes de directions ; & il paroît lui être: 
abfolument indifférent de croître verticalement en en-bas ou 
verticalement en en-haut ou horifontalement, &c. Sa tige ni 
fes rameaux ne fe redreffent point, & fes feuilles, dont les 


denx furfaces n’offrent pas de différence fenfible , n’exécutent 
L 


point ces admirables retournemens dort j'ai parlé ailleurs. 
.TBi& ) Tont fon inftin& patoît réfider dans fes trompes s 
& cela fuMfoit à la confervation de l'Efpece du Gui; car les 
deux furfices de ces feuilles ayant la même organifation ow 
le même tiflu, il n'étoit pas néceflaire qu’elles. puflent fe. 
retourner. 

Le Gui végete à découvert fur les branches des Arbres. 


DELA NATURE. X. Part. 36 


& on ne l'a jamais vu prendre racine en terre: mais il 
une aütre Plante vraiment parafite, dont les femences ne 
font point vifqueufes comme celles du Gui, qui germe ca 
terre, y fait des racines & pouffe hors de terre une tige lon- 
gue & déliée, qui va s'attacher aux rameaux & aux feuilles 
des herbes voifines. Cette Plante eft la Cufcute , connue des 
Payfans de nos Gontrées fous le nom de Rache , & qui dé- 
truit fi feuvent les Treffles. Dès que fa tige s’eft entortillée 
autour d'une Plante , il en part çà & là uñe multitude de 
petits mamelons, qui font autant de fucoirs , à l’aide défquels 
la Parafite pompe la feve de la Plante nourriciere & l’affame. 
Ces mamelons font un petit organe très- curieux, & qui à 
été bien étudié par un Obfervateur exaét [*]. Il tire fon 
origine de la fubftancé véficulaire dé la tige, & fe Fäit jour 
au travers de l'écorce de celle-ci, Sa Forme eft conique. JL 
s'ouvre à fon fommet, s’évafe à la manisre des trompes du 
Gui, & poufle entre les fibres de la Plante nourriciere 
* une forte de vailleau ou de filament délié, qui n'éft pas 
proprément uné racine, mais qui en fait les fonétivns. Alors 
la Cufeuté n'a plus befoin des fucs qu’elle tiroit de la terre: 
fa racine fe deffeche & elle ne s’alimente plus que de la 
feve qu’elle détobe à la Plante fur faquelle elle s'eft cram- 
ponnée. 

Il eft d'autres Plantes vraiment parañites qui, comme la 
Cufcute, germent en terre, & y pouffent des racinés; mais 


| qui en different beaucoup par leur genre de vie & leuts in- 


clinations. Les Paraltes dont je parle exercent leurs pillages 
dans la plus profonde obfcurité, & n’en font que plus dan- 
gereufes. Elles n’attaquent que les racines des Plantes qui 
les avoifinent, & s'y attachent par leur tige, d’autres Fois 


[*] Mr. Gusrrarp. 


366 CONTEMPLATION 


par leurs propres racines, dont il fort des mamelons anato- 
gues à ceux de la Cufcute. Aflez fouvent ces Parafites s’'at- 
tachent les unes aux autres par leurs racines & fe dérobent 
réciproquement la nourriture. Toutes fe nourriflent en même 
temns & des fucs qu’elles tirent de la terre & de ceux qu’elles 
enlevent aux Plantes auxquelles elles fe font attachées. Au 
nombre de ces Parafites fouterraines font l’Orokaxche, la 
Clandefline, la petite Truffe du Safran, &c. 

Au refte, le Lierre, fi célébré par les Poëtes, & qui 
rampe autout des Arbres, fur lefquels il fe cramponne au 
moyen de petites mains qui ont l'air de racines ; le Lierre, 
dis-je, n’eft point du tout parafite , quoique je l’aie préfenté 
comme tel dans le Chap. XV de la Part. V. Ses petits 
crampons font fi peu des racines, que fi on coupe fa tige au- 
deffus du collet, elle périt bientôt. D'ailleurs, le Lierre 
rampe le long des murs & des rochers qui ne pourroient lui 
fournir aucune nourriture, quand même fes nombreux cram- 
pons feroient de vraies racines. 

Je ne quitterai pas nos Parafites fans dire un mot d’une 
autre Parafite fort finguliere, fur laquelle on avoit débité 
bien des contes , & dont nous n’avons pas encore l’hiftoire 
complete. Il s’agit d’un Champignon du genre des Clavaires, 
qui, au lieu de croître fur terre, fur le fumier ou fur des 
troncs d’Arbres, croît conftamment fhr le corps d’un Animag 
mort ou vivant. On comprend que je veux parler des fameu- 
fes Mouches végétantes des Caraïbes , qui auroïent mieux été 
nommées Cigales végétantes; car ce font bien des Cigales & 
point du tout des Mouches. 

C'eft fur la tête, fur le corfelet ou fur le corps de la 
Cigale ou de fa Nymphe, que s'attache toujours la Clavaire, 
Quelquefois on trouve jufqu’à trois Clavaires fur la même 
Nymphe. Leur grandeur varie beauçoup: il en eft de _très= 


‘qe 


DEUE AN NANT IUIR E. X. Part. 567 


courtes: d’autres ont jufqu’à deux à trois pouces de longueur. 
La tige, tantôt droite, tantôt receurbée fur la Nymphe, £ 
termine par un bouton en mafle: de là, le nom de Clawaire 
qui a été donné au Champignon. Il y a de ces Clavaires 
qui font ramifées ou qui pouflent des rameaux Abou de 
même par un bouton en maffe. 

La Clavaire ne paroît pas tenir à la Cigale par des racines; 
elle n’y tient que par une forte de petit empatement, dans 
l'intérieur duquel on apperçoit des fillons longitudinaux , qui 
femblent n’être que les empreintes du corps de la Cigale. 

Avant que de revêtir la forme de Nymphe, la Cigale s'en- 
terre ; & c’eft pendant qu’elle eft, enfevelie fous terre ou fous 
des feuilles, que la Clavaire naît & fe développe fur fon 
corps. Les femences inviäbles du Champignon font répandues 
par-tout ; mais elles re germent pas par-tout ; & fi elles ne 
germent que fur certains endroits du corps de la Cigale, 
c'eft peut-être parce que les fucs qui tranf{fudent de ces en- 
droits font plus favorables à leur germination. Si le Cham- 
pignon ne croit que fur la partie fupérieure de lInfecte, 
c'eft peut-être encore parce qu'il y participe plus à l'in- 
fluence de l'air extérieur qui eft, fans doute, néceflaire à fa 
végétation, 

Tout cela eft bien fimple, & nous n’imaginerons pas que 
ce. petit fait, qui paroît d'abord fi myftérieux, indique le 
moins du monde la converfion de l’Animal en Végétal. Une 
opinion fi étrange choqueroit trop la faine Phyfique; & c'eft 
pourtant celle qu'adopte un Naturalifte célehre (a), à qui nous 
devons d’ailleurs d’excellentes obfervatians fur divers fujets 
d'Hiftoire naturelle. On ne revient point de fa furprife quand 
en lit dans fon Ecrit; que les Champignons des Cigales peu- 


(a) Mr. NEEDHAM. 


368 CONTEMPLATION 


vent Je former par végétation de ia Jubflance morte de L'Animal. 
Celu, ajoute-t-il, revient entiérement à mes Principes, ET ne 
Sera certainement pas défapprouvé Par aucun Phyficien qui pren. 
dra la Nature dans toute fon étendue, 

Au refte, la Clavaire dont il s'agit, s'attache aux Ciga- 
les comme nous voyons certaines Efpeces de corps; & cela 
v'offre rien que de très-naturel. 

Les Champignons logent fouvent dans leut intérieur, des 
Vers qui s’en nourtiffent & qui fe transforment en Mouches : 
nos Clavaires des Cigales fourtiffent pareillement de petits 
Vers qui fe changent auffi en Mouches 5 & l’on penfe bien 
que ce fait très-commun a paru une autre grande merveille 
de nos Cigales à des Hommes peu inftruits. 

Le favänt FouGEroux, qui nous a denné un très- bon 
Mémoire fur les prétendues Mouches végétantes des Caraïbes , 
a rencontté des Clavaires fur des Vers deffechés, qui fem- 
bloient appartenir au gente du Hanneton, & qu'on peut 
croire avec fondement , qui avoient végété fur le Ver vi- 
vant. I] eft apparemment bien d'autres Infectes fur lefquels 
végctent des Plantes parañites, foit pendant qu’ils vivent en- 
core, foit après leur mort. On ctoit déja avoir apperçu quel- 
que chofé d’analogue fur la tête de quelques Abeilles vis 
vantes. J'ai moi-même rencontré une de ces Mouches vi- 
vantes, dont le devant de la tête étoit fort paré par des 
efpeces d'aigrettes, que je n'ai pu pfendre que pout un 
amas de très-pétites Clavaires. 


(5) tt Les Poux auxquels je faifois ici allufion font ceux. 
des Plantes, connus fous lé noni de Pucérons. Quoique la 
plupart foient fôrt pétits, il eft néañimoins dés Efpeces pd- 
tafites , bien plus petites encore, qui s'introduifent dans 

l'intérieur 


L 


DELANATURE. X. Parf. 36ÿ 


intérieur de ces Infedes, y vivent à leurs dépens. & les 
Font enfin périr. Nous ignorons encore, fi les Poux des Anis 
maux ont de femblables enn-mis;s mais nous pourrions l’ine 
férer de leur exceflive multiplication; cat chez les Infectes 
les Efpeces qui multiplient le plus, font ;our l'ordinaire 
celles qui ont le plus d'ennemis. 

Le Pou eft bien une Efpece parafite. Il fiut voir dans 
les Planches de Rept les Figures fi finguliérement variées 
des Poux de différens Quadrupedes & de différens Offeaux : 
en les parcourant , on s'étonnera de la diverfité des modeles 
fur lefquels l'Efpece des Poux a été rravaillée; & on ne paf. 

fera point fans plaifr du Pou très -efilé de la Colombe au 
Pou prefque rond du Cigne ou du Paon. 

On avoit cru trop légérement, que chaque Efpece d’Oifeau 

ou de Quadrupede avoit fon Efpece particuliere de Pou : REDE 


- avoit trouvé deux Efpeces différentes de Poux fur le Cigne 


& fur le. Pluvier ; trois fur l'Epervier & fur la Pintade, & 
quatre fur le Canard fauvage. Il remarque encore , qu'il eft 
certains Genres d'Oifeaux dont les Poux n’offrent pas de dif. 
Férences frappantes. Il obferve enfin, que la grandeur des 
Poux ne répond pas à celle del’Oifeau, & qu'il a trouvé fur 
le Merie des Poux qui ne le cédoient point en grandeur à 
ceux du Cigne. : * 

La couleur des Poux nevarieguere moins que leur forme." 
Rent va méme jufqu'à dire que la couleur de Poux des Oi- 
feaux imite fouvent celle de Jeurs plumes. 

Ce célebre Naturalifte ne nous a pas donné l’Anatomie du 
Pou , & nous n'avons pas lieu d'y avoir regret, puifqu'elle 
avoit été réfervée an fcalpel de SwamMmERDAM. Il femble 

“méme que ce grand Anatomifle n'avait creufé dans la ftruce 
“ture du Pou, que pour nous convaincre que ce petit Ani. 
mal fi vil & fi dégoutant n'eft pas moins un tréfor de puif- 
Œince & de fagelle, que les Animaux les plus nobles ou 


Tome. II. À a 


3ro. C.O:N TE M.P. LA TT OR 


Res plus élévés dans l'Echelle des Etres. J’entre dans les vues 
louables de SwAMMERDAM , & je ne crains point de re- 
pouffer le Leéteur Philofophe en Tentretenant quelques me- 
mens de ladimirable fabrique du Pou. 

Le Pou. eft ovipare. Son œuf ou fa Lente, qu'il colle 
adroitement aux cheveux , eft une petite chofe fort cnrieufe. 
Sa figure tient de la cylindriqæe. Son bout inférieur eft 
arrondi; le fupérieur eft, au contraire, très-applati, & 
façonné en manicre de couvercle ; car Ha lente eft une , 
forte de très -petite boîte qui renferme un Animalcule 
vivant. Lorfqu'il eft fur le point de venir au jour, la 
boîte s'ouvre pour le laiffer fortir, & on voit le couvercle 
fe mouvoir comme par une charniere. Cette boîte a prefque 
la tranfparence du cryftal: on y déméle très - bien le petit 
Animal : on découvre fes yeux ; & on appergoit dans fon 
intérienr, des mouvemens alternatifs de contration & de 
dilatation , qui fixent agréablement l’attention de l'Obferva- 
teur, & auxquels jé reviendrai bientôt. 

Comme la plupart des Infeétes, le Pou change plufieurs 
fois de peau avant que de parvenir à l'âge de maturité; & 

. c’eft lorfqu’il y eft parvenu, que le microfcope y. fait dé- 
couvrir le plus de particularités intéreflantes. 

Sa peau, qui a beaucoup de tranfparence, eft une forte 
de vélin, où l’on remarque çà & là de petites ftries ou de M 
petits fillons qui reffemblent fort à ceux de nos doigts 5 mais [. 
qui ont une tout autre origine. Ils font formés par les ra- 
mifications des trachées qui rampent fous la peau. Cà & là 
encore on appercoit fur celle-ci de très-petits globules « 
qui lui donnent un œil chagriné & qui diverffient fes 
afpeéts. 

Le Pou cft porté fur fix jambes pourvues de plufieurs “ 2 


articulations, & le pied fe termine par deux crochets iné- 
gaux &itrès -aigus. La tête, petite & affez applatie , ef 


| 


| 
! 
| 


re 


t 
DELA NATURE. X. Par. 373 


£atnie’ d'un aiguillon ou d'une trompe qu'on regrette quà 
foit fi difficile à obferver; cat le peu que notre Auteur en ra. 
conte fait aifément juger de tout ce qu'on y déconvriroi: dæ& 
merveilleux , fi elle étoit plus acceflible aux recherches de 
lObfezsrteur, Elle eft logée dans une gaîne membraneufe , 
dont le jeu imite au mieux celui des cornes du Limaçon, 
& dont la forme retrace l’image d'une tête de Saule ébrana 
ché. Les chicots qui hérifent cette tête font repréfentés dang 
la gaine du Pou par plufieurs rangs de petits crochets qui 
fe cramponnent à la peau & aident la trompe à s'y fixer 
pendant la fucion. Les yeux, placés des deux côtés de la 
tête, font noirs & iuifans. Les antennes... Mais je me fuis 
affez arrêté aux parties extérieures du Pou ; je me hâte d’efs 
quiffer fon intérieur. 

Il préfente un fpe“acle magnifique par le nombre prodi. 
gieux de ces vaifleaux brillans & argentés, connus fous lé, 
nom de trachées, qui s'y ramiñent de toutes parts, & qui 
forment en divers endroits des läcis qu’on ne fe laffe point 
d'admirer, Le Pou femble étre tout trachée ; au moins nf 
ast-il aucune partie de fon corps qui n'en foit richement 
pourvue, Il ne faut pas même recourir à la diffe&ticn pous 
jouir du beau fpectacle qu'offre ce grand appareil de trachées 2 
on le contemple facilement au travers de Ia peau. Mais if 
falloit tonte la dextérité de SWAMMERDAM pour s'afluter 
que ces vaifleaux à air font formés dans le Pou, comme 
dans beaucoup d’autres Infeétes, d'un feul fil roulé artifte- 
ment en fpirale, & dont les différens tours font afujottis paf 
une memhrane qui conférve au vaiflean le degré de fow« 
pleffe qu'exigent fes fonétions. Ees principales trachées fe 
tendent aux ftigmates : c’eft-là que font leurs orifices. [ Conf, 


Part IT, Chap. XIX & la Note. ] On compte quatorze de ces 


M figmates, fept de chaque côté du corps. Ils reffemblent à de petits 


mamelons. Les maîtrefles trachées qui vont ahoutir à ces fligma 


e Aa 2 


872 CONTEMPLATION. 
tes, Sabouchent à peu de diftance les unes aux autres, & 
Ton obferve une multitude de ces abouchemens entre les 
bronches ou les trachées fubordonnées. 

On trouve fous la peau trois genres de mufcles bien ca+ 

tra@érilés , formés d’un affemblage de fibres paralleles , qui 
paroiflent formées elles - mêmes d’une file de globules. 
:. Après le fyftême poulmonaire, ricn ne frappe plus dans le 
Pou que le canal inteftinal, qui comprend l’œfophage, l’ef 
tomac & les inteftins ; car le Pou a, comme les Animaux 
es plus parfaits, tous ces vifceres ; ils y font méme fort 
diftin@s. L'œfophage, qui part de la bafe de la trompe, eft 
æn canal cxtrêmement délié, qu’on ne parvient à bien voie 
que lorfque la trompe eft en action. Il en eft de même de 
l'eftomac @& des inteftins: ils font formés de membranes ft 
fines & fi tranfparentes, qu’ils ne deviennent bien vifibles 
que lorfqu'ils font gorgés du fang que le Pou fuce avec avi- 
dité. L’eftomac, qui eft fort long & aflez ample, eft logé 
partie dans la poitrine & partie dans le bas-ventre. Il mon- 
tre à fon extrémité fupérieure deux appendices aveugles quê 
fe font beaucoup remarquer. 

Vers le milieu de l’eftomac fe trouve un petit corps jau« 
aûtre, adhérent à fes parois, & qui a plus de confiftance 


que les autres vifceres. Sa forme eft fi variable & fi irrégue M, 


liere, qu’il eft difficile de la caractérifer. SwAMMEBDAM l'a 
nommé le pancréas 3 mais on poutroit lui reprocher d’avoir 
trop donné à l’analogie à l'égard de cette dénomination, pui£= 
qu’elle n’a d'autre fondement que la place qu'occupe ce petiÿ 
corps, dont les ufages lui étoient d’ailleurs inconnus. 

De l'extrémité inférieure de l'eftomac partent les inteftinss 


au nombre de quatre, différemment repliés en différentes k 


poitions de leur étendue, 


# 


” | 


Quand un Pou affamé a fait pénétrer {a trompe dans un ! 


#aifleau fanguin, le fang palle avec tant de rapidité & d'a 


4 


DE LA NATURE. X. Parn 373 


# 

Bondance dans le tube inteftinal, que l'Otfervateur qui le 
contemple au microfcope , en elt prefqu’effrayé. Alors s’ouvré 
une fcene intéreflante & imprévue , que l'Obfervateur defire 
qui fe prolonge. IL voit le fang parcourir en peu de temps 
tout le canal inteftinal & le remplir entiérement. Tout l’ine 
térieur s’anime aufli-tôt, & paroit agité de grands mouve- 
mens alternatifs de contra&tion & de dilatation, qui brifent 
le fang, le décompofent, le rembruniffent, & le difpofent 
peu-à-peu par eette premiere digeltion à revêtir la nature 
d'un fuc nourricier. L’eflomac femble alors pofféder une vie 
qui lui eft propre, & à la vue des grands mouvemens dont 
il eft agité, on lef prendroit, comme le dit fort bien l’Au- 
teur ; pour un Animal renfermé dans un autre Animal, 

_ Le Pou a un cerveau & une moëlle épiniere; mais qui 
different à plufieurs égards de ceux de la Chenille & de beau- 
coup d’autres Infeétes conftruits fur le méme modele ou à- 
peu-près que la Chenille. Le cerveau du Pou reffemble à, 
deux poires réunies par le gros bout. Une multitude de 
trachées rampent à fa furface. Du cerveau naiffent différens 
nerfs, dont les plus apparens font les nerfs optiques. Les 


yeux, auxquels ils aboutiflent, femblent être à facettes, & 


ils font pourvus d’une uvée que notre Obfervateur eft par. 
venu à détacher. 

La moelle épiniere, placée comme dans la Chenille, diw 
côté du ventre, ne s'étend que depuis la tête jufqu’à l'ori- 


gine des dernieres jambes. Elle noccupe donc dans le Pou 


que la région de la poitrine ou du corcelet. A fon originæ 
dans le cerveau, elle ne paroît que comme un fil extrème 


ment déhié Elle n'a que trois nœuds ou renflemens ; mais 


beaucoup plus gros proportionnellement que ceux qu’on ob« 
ferve dans la moëlle épiniere de la Chenille. Chacun de ces 


"nœuds fournit un tronc de nerfs, qui fe rend aux mufeles. 
des jambes: & de l'extrémité poftérieure du dernier nœug 


-À a 3 


ÿ74 CONTE M PL ATIINO'N 


rayonnent fix autres troncs qni fe diftribuent aux vifceres. 
Les nœuds & les nerfs qui en partent, font parfemés de 
trachées dont l'effet elt très-agréable au microfcope. 

Le corps graifieux , fi généralement répandu dans l’inté- 
rieur de la plupart des Enfectes , & qui joue un fi grand 
rôle chez ceux qui fe métamorphofent ,me fe fait pas moins 
remarquer chez le Pou, qui ne fe métamorphofe point. Il 
s’y montre fous l’afpe&t d’une gelée, où l'on découvre une 
multitude de moléculis, les unes fphériques, les autres de 
figure plus ou moins irréguliere. 

- Mon Leéteur eft, fans doute, furpris que je ne lui parle 
point du cœur ou de la grande artere du Pou, dont il eft fi 
facile d’obferver les battemens chez un grand nombre d'Ef- 
peces d’Infeétes : mais, quelques recherches que SwAMMER- 
Dam ait faites, il n'a jamais pu parvenir à découvrir ‘cet 
organe dans le Pou. Nous n’en conclurons pas néanmoins, 
que le Pou en foit privé; cette conclufion feroit trop préci- 
pitée. 

Une des plus belles chofes que le Pou ait à offrir aux te- 
gards de lObfervateur, eft aflurément fon ovaire ; & la 
figure fi bien entendue qu’en a donné SWAMMERDAM, fuf- 
froit feule pour faire juger de fon habileté dans l’art des 
diffections. Cet ovaire eft double , je veux dire qu’il y en a 
un de chaque côté du corps. Il eft en forme de grappes & 
les” œufs font les grains de ® grappe. Mais ils n’y tiennent 
pas par un pédicule : ils font rangés à la file dans une forte 
de boyau, formé d'une membrane prodigieufement fine, & 
qui a auf fes trachées. Il y a dans chaque evaire cinq tubes 
pareils, ou f Yon veut cinq branches qui fe réuniflent à fon 
fommet. Les cing branches vont aboutir à un canal com- 
mun, qui communique avec une partie analogue à la matrice. 
Les œufs les plus près du eanal commun font les plus gros 
ou des, plus à terme. Leur grandeur diminue graduellement 


DELANATURE. X. Port. 37 


& mefure qu'ils s'éloignent du canal commun. L'orifice le 
celui ci eft diftiné de l'anus, @& placé au - deflous de ce der- 
nier. Notre patient Obfervateur a réufi à compter dans cha- 
que ovaire cinquante-quatre œufs; mais ils deviennent fi ’pe- 
tits dans la partie fupérieure, qu’ils échappent enfin aux plus 
fortes lentilles. Des deux côtés de la matrice fe trouve un 
réfervoir plein d’un liqueur vifqueufe, deftinée à coler les 
œufs au corps fur lequel le Pou les dépofe. Les ovaires oc. 
cupent une grande place dans l'abdomen & s'étendent dans 
toute fa longueur. 

Nous ignorons encore fi le Pou eft diftingué de fexes. On 
ne l’a jamais vu s’accoupler, & à en juger par les obfer- 
wations de SWAMMERDAM, on feroit tenté de le croire an- 
drogyne. Il eft au moins bien fingulier, que fur 40 Poux 
qu'il avoit difléqués, il ne s’en fût pas trouvé un feul qui 
a'eût des ovaires. 

SWAMMERDAM regrettoit de m'avoir qu’ébauché l’hiftoire 
du Pou : fans doute que les Naturaliftes n'auraient rien à de- 
firer fur ce fujet, G un autre SwaMMEBDAM, l'induftrieux 
LYONET, publioit les recherches plus approfondies qu’il a fai- 
tes fur différentes Efpeces de Poux, & les belles Planches 
qu’il en a lui-même exécutées. C’eft-là, qu’on admireroit 
bien plus encore que dans REDI & dans SWAMMERDAM, les 
merveilles de divers geures , qui ont été accumulées dans ces 
petits Infeétes , fi chétifs en apparence , & pourtant fi dignes 
de fixer les regards du Contemplateur Philofophe. 


ESS 


376 CONTEMPLATION 
CH AC POI FH EAENRET: k 


ee 


Ye 


Le nombre. 


O N connoît plus de vingt mille Efpeces de 
Pilates , & chaque jour on en découvre de. 
nouvelles. Une Botanique microfcopique à éten- 
du le domaine de l’ancienne Botanique. Les M 
Moules, les Champignons (1), les Lychens , 1 
dont les Familles ne finiflent point, font ve. + 
nus prendre leur place parmi les Végétaux, & 
offrir aux Curieux des fleurs & des graines ! 


qu’ils avoient ignorées ou méconnues. 


WE ues AE EE LT 
Sp ER ET 


LE microfcope nous montre aujourd'hui deg 
Plantes où l’on n’en eût jamais foupçonné. La 
pierre de taille fe couvre fouvent de taches de 
diverfes couleurs, ordinairement brunes ou 
noirâtres. Le verre, malgre fon extrème poli, 


Ne ME 


(x) +f Un Obfervateur Hollandois qui a beaucoup étu 
dié les Champignons de la Hollande, en a décrit & repré- 
fenté plus de trois cents Efpeces. Mais il eft permis de dou- 
ter, fi dans ce grand nombre d’Efpeces, il a’y en a pas qui 
ne font proprement que de fimples variétés. Il eft bien fan 
cilc de fe tromper ici fur les caraéteres vraiment fpécifiques. 
La Botanique microfcopique eft encore au berceau. 


£ 


DELA NATURE. X. Part. 377 


n’eft pas exempt de taches analogues. On ob- 
ferve des Moififures fur prefque tous les Corps. 
Ces taches, ces Moïiflures foit devenues des 
jardins , des prairies, des forèts en miniature, 
dont les Plantes, infiniment petites, laiffent 
pourtant entrevoir leurs fleurs & leurs fe- 


mences. | 

CEPENDANT , quoique très- nombreux en 
Efpeces , les Végétaux le font beaucoup moins 
que Îles Animaux. Non-feulement chaque EL 
pece de Plante a fon Efpece particuliere d’Ani- 
mal ; mais il eft un très- grand nombre d'E£ 
peces de Plantes qui nourriflent plufieurs EE 
peces d'Animaux. Le Chène feul en nourrit 
plus de deux cents Efpeces. Les unes attaquent 
les racines de cet Arbre, elles les creufent ou 
y produifent différentes tubérofités. D’autres fe 
logent dans le tronc, & y pratiquent des rou- 
tes tortueufes. D’autres s’infinuent entre l'écorce 
& le bois. D’autres fe fixent fur les parties 
extérieures dont elles pompent le fuc. D’autres 
rongent fimplement les feuilles. D’autres les 
plient ou les roulent artiftement. D’autres y 
font naître des galles dont la grofleur, la cou- 
leur , la forme & la ftruéture exercent la faga- 
cite du Naturalifte. D’autres trouvent dans le 
fruit leur logement & leur nourriture. Que 


578 CONTEMPLATION 


dis-je ? cueillez une fleur au hafard , une mar 
guerite, un coquelicot , une rofe; vous y ob- 
ferverez un peuple d’Infectes, dont les figures 
& les mouvemens fixeront quelque temps votre 
attention. 


ENFIN, où ne voit-on point d'Animaux ? 
La NATURE les a femés par-tout à pleines 
mains. Ils étoient fes plus belles productions ; 
ELLE les a prodiguées. ELLE a renfermé les 
Animaux dans les Animaux. ELLE a voulu qu’un 
Animal füt un Monde pour d’autres Animaux, 
& que ceux-ci y trouvañlent! de quoi fournir 
à tous leurs befoins. L'air, les liqueurs végéta- 
les & les liqueurs animales, les matieres cor- 
rompues , les boues , les fumiers, les bois fecs, 
les coquillages , les pierres mêmes, tout eft 
animé , tout fourmille d’Habitans. Que dirai - je 
encore ? La Mer elle - mème paroït quelquefois 
n'ètre qu'un compofé d’Animaux. La lumiere 
dont elle brille la nuit, pendant les chaleurs, 
elt produite par un nombre infini de très - pe- 
tits Vers-luifans , d’un jaune brun , d’une 
fubftance molle, affez femblables à des Chenil- 
les, & dont toutes les parties divifées & même 
corrompues brillent du même éclat que le Ver 
entier & vivant. Des Efpeces de puces de mer 
font aufli lumineufes , & communiquent leur 


DELANATURE.X. Part. 379 


éclat aux eaux. I fort de leur intérieur une 
matiere globulaire, qui eft encore phofpho- 
rique (2). 


(2) tt On ne fauroit douter, que cette lumiere vive & 
azurée dont la Mer étincelle en divers parages, & fur - tout 
dans les lagunes de Venife , ne foit due en partie à de très- 
petits Infectes pleins d’une matiere phofphorique qui s’en 
échappe à la moindre agitation des eaux. {On a obfervé plu- 
fieurs Elpeces de ces Infetes Inifans, mais Ia plupart n’ont 
point été caractérifées antant qu’elles demandoient à l'être. On 
les a comparces à des Scolopendres, à des Chenilles , à des 
Vers, &c. ; & toutes ces comparaifons ne donnent de ces In- 
feétes que des idées très-vagues. Mr. NOLLFT en avoit un 
peu plus caraétérifé une Efpece qu'il avoit obfervée dans les 
Jagunes de Venife. Elle eft de couleur jaunâtre. Son corps 
alongé & d’une confiftance très- molle, eft formé d’une fuite 
d'anneaux. La partie roftérieure eft garnie de nageoires & de 
deux filets en maniere de queue. 

Ces très- petits phofphores animés font répandus abondam- 
ment furtous les corps fubmergés, & en particulier far 
les Plantes marines. Dès qu'on les touche légérement on 
qu'on agite un peu l’eau dans laquelle ils nagent, an voit 
s’élancer de leur intérieur des traits de lumiere. Chaque Ani- 
malcule devient alors un point brillant ou une petite étoile. 
Des milliards de ces étailes étincellent de toutes parts fur 
les flots dans les belles nuits d'Eté , & l'éclat de la Mer fem- 
ble le difputer à celui du Firmament. 

La Mer des Indes offre le même fpeétacle , fur-tont aux 
environs des Maldives, Mr. de RIVILLE, qui l’avoit fort 
admiré, compare l'éclat de la Mer dans ces ‘parages , à celui 
d'une étoffe d'argent qu'on éleétrife dans l'obfcurité. Le fil. 


380 CONTEMPLATION. 


Les Herbes font plus nombreufes en Efpeä 
ces & en Individus que les Arbrifleaux & les 


age de fon Vailleau offroit pareillement une longue bande 
argentée, toute refplendiffante de lumiere phofphorique. 
Curieux de connoître la caufe fecrete d’un fi beau phéno- 
mene, l'Obfervateur filtra l’eau de la Mer au travers d’un 
linge. Elle perdit auf -tôt tout fon éclat; mais au même 
inftant le linge devint auf lumineux que la Mer. Il étoit 
tout parfemé d’Atomes brillans, qui, obfervés à la loupe, 
paroilloient fort femblables aux Puces branchues qu’on trouve 
dans les eaux douces, & qui appartiennent au genre des 
Monocles. | 
L'ingénieux Naturalifte a décrit & repréfenté avec foin fa 
Puce de Mer ou fon Monocle luifant. Le corps du petis 
Animal eft logé dans une écaille qui a de la tranfparence, 
& dont la forme imite affez celle d’une Amande. De la 
partie antérieure fortent quatre cornes mobiles, articulées. 
& garnies de poils très-fins. Deux efpeces de bras armés de 
crochets accompagnent les cornes. La 4e eft placée au cen- 
tre , & au-deffous de celle - ci eft une forte de gouvernail dont 
l'Infecte fait fe fer vir adroitement pour diriger fa marche dans 
fa courfe rapide. Vers l'extrémité poftérieure du corps, on 
apperçoit au travers de la peau une multitude de petits corps 
fphériques , difpofés en grappes, qui ont bien l'air d’être des 
œufs, & qui renferment la matiere phofphorique. La lumiere 
azurée dont elle brille eft f vive, qu’elle fe fait remarquer 
même en plein jour. La liqueur qui la produit paroît hui- 
leufe. Elle ne fe méle pas avec l’eau de la Mer, & revêt 
comme les particules de l'huile la forme fphérique. | 
L'infete mis à fec ne brille plus, & il périt fur-le-champ 
dans l’eau douce; mais la liqueur qu’il répand alors, ne lai 
pas de luire comme dans l’eau de la Mer, 


DE LA NATURE. X. Part. 38% 


Arbres. Les Infectes font plus nombreux ent 
Efpeces & en Individus que les Oïfeaux & les 
Quadrupedes. Il y a plus de Renoncules que de 
Rofiers , plus de Gramens que de Chènes. Il 
ÿ a plus de Papillons que de Poules , plus de 
Pucerons que de Chiens. 


Quand on renferme dans une bouteille de l’eau de Mer 
bien peuplée de ces Animalcules , & qu'on lagite un pen, 


elle devient très-luminenfe. Il ne faut de même que toucher 


très légérement les Animalcules pour qu'ils répandent à l'inf- 
tant leur matiere phofphorique. 

Des faits fi bien obfervés prouvent inconteftablement que 
la lumiere de la Mer dépend au moins en partie, de la mul- 
titude inconcevable de petits Infetes phofphoriques dont 
elle eft peuplée. Mais on fe tromperoit fort fi l’on penfoit, 
avec quelques Phyfciens célebres , que la Mer ne doit fa 
lumiere qu’à cette feule caufe. Un habile Phyfcien Anglois, 
Mr. CANTON, ayant mis macérer une Merluche & un Ha- 
eng dans de l’eau de Mer, cette eau devint bientôt lumi- 
neufe : elle l’étoit même fans qu’on l’agitât. Elle fe couvroit 
d'une fubttance huileule qui étoit le principe de fa lumiere, 
Mr. CANTON obferva le même phénomene dans de l’eau 
douce chargée de fel, & où il avoit mis en expérience un 
Hareng frais. Cette eau conferva même fa lumiere auffi long- 
tems que celle de Mer, & demeura phofphorique fix à fept 
jours. Mr. de RiVILLE avoit aufi remarqué que certains Poif£. 
fons rendent une matiere huileufe & phofpherique , qui tranf- 
met fa lumiere à l'eau de la Mer. La Mer recele donc une 
matiere phofphorique qui paroît réfulter de la combinaifon de 
fes fels avec les émanations ou les débris des Animaux qui 
gaillent, croiffent & meurent dans fon fein, 


382 CONTEMPL ATION 
FE 


a 3 


CH A P'DEPRE CARRE 


La fécondité. 


L À magnificence de la Création terreftre ne 
brille nulte part avec plus d'éclat que dans la 
prodigieufe fécondité d’un grand nombre d'E£ 
peces de Plantes & d’Animaux. Un feul Indi- 
vidu peut donner naiflance à des milliers ou 
mème à des millions d’Individus femblables à 
lui. Formé fur des proportions qui ne font 
connues que de la SAGESSE ADORABLE qui les 
a établies, ce grand Peuple eft d’abord ren- 
fermé dans l’étroite capacité d’une écorce ou 
d'un ovaire. C’eft dans ce féjour d’obfcurité 
qu’il recoit fa premiere vie, qu'il prend es 
premiers accroiflemens, & qu’il fe difpofe à 
paroître fur le vafte théatre du Monde vifible. 


À confidérer les chofes d’un point de vue 
général, les Végétaux font plus féconds que 
les Animaux. On s’en convaincra fur-tout , fi 
Von compare les Arbres aux Quadrupedes. 


Les Arbres produifent toutes les années, 
quelquefois pendant plufieurs fiecles, & leurs 


A A ee 


PR LA NATURE. X. Part. 2383 


productions font toujours très-nombreufes. Les 
grands Quadrupedes , tels que lEléphant, la 
Jument, la Biche, la Vache, &c. ne font 
guere! qu'un Petit à la fois , rarement deux, 
& le nombre de leurs portées elt toujours très- 
médiocre. Les petits Quadrupedes, tels que le 
Chien (1), le Lapin (2), le Chat (3), le 
Rat (4), &c. font beaucoup plus féconds, 


(1) +tf La Chienne produit fix, fept, & quelquefois 
juiqu'à douze Petits. À j 

(2) ff La Lapine produit jufqu'à fept ou huit Petits de 
la même portée, & elle porte plufieurs fois l’année. Prefque 
toujours elle ef en état de recevoir le Mâle. 


(3) tt La Chatte met bas trois fois l’année, & fes por- 
tées ordinaires font de cinq ou fix Petits. 


C4) tt Chez les Rats, la Femelle produit pluficurs fois 
par an, @ les portées font ordinairement de cinq ou fix Pe- 
tits. La fécondité de la Souris eft plus grande encore. Elle 
produit dans toutes les faifons & plufieurs fois par an ; cha. 
que fois elle met bas au moins cinq ou {fix Petits. Le Mu. 
lot pullule bien plus encore que la Souris : non - feulement 
. il produit plus d’une fois par an; mais fes portées font fou- 
vent de neuf à dix Petits. Cette pullulation n'eft pourtant 
que médiocre, comparée à celle du Cochon: d'Inde ; car il 
produit tous les deux mois, & avec ure feule couple de ces 
petits Quadrupedes on pourroit en avoir un millier dans 
vu 2% 


3$4 CONTEMPLATION 


mais leur fécondité melft prefque rien, com: 
parée à celle des Plantes ligneufes.. L’Orme pro- 
duit chaque année plus de 300 mille Graines, 
& cette étonnante multiplication peut conti- 
nuer pendant plus d’un fiecle. 


Les Poiflons & les Infetes fe rapprochent 
beaucoup des Végétaux par leur fécondité ( $ ). 
Une Tanche pond environ dix mille Oeufs ; 
une Carpe en pond vingt mille; un Merlus en 
pond un million (6). Une Galle-Infecte fait 
quatre à cinq mille Oeufs, une Mere Abeille 
quarante-cinq à cinquante mille (7 ). 


Cs)tt Mr. de BurroN obferve, que les Quadrupedes 
engendrent guere que lorfqu'ils ont atteint on à - peu - près 
deur parfait accroiflement ; mais que les Poiflons, au con- 
traire, produifent avant que d’avoir atteint le quart ou même 
la huitieme de la grandeur propre à l'Efpece. Et l'on fait 
que les Poiflons font de tous les Animaux ceux qui vivent 
le plus long-temps. 


(6) tf S'il faut s’en rapporter aux calenls de LEUWEN- 
HoEK, les ovaires de la Morue renferment plus de neuf 
millions d'œufs. Le célebre PErIT en avoit compté plus de 
trois cents quarante-deux mille dans ceux d’une Carpe, de 
grandeur moyenne. 


(7) ft En calculant d'après mes expériences les produits 
d’un feul Puceron, Mr. de REAUMUR avoit trouvé que la 
cinquieme génération de ces petits Infeétes pouvoit donner 


E\ 


x 


pe mt = 


ER. 


Re mm me. St Se SE ss 


DE LA NATURE. X. Parf. 38$ 


À cette merveilleufe fécondité, oppofez celle 
du Coquelicot, de la Moutarde, de la Fou. 
gere, &c. & n'oubliez pas de remarquer que 
la plupart des Végétaux fe propagent par plu- 
fieurs voies, au lieu que le plus grand nombre 
des Animaux ne fe propage que par une {eule (8). 


UX Arbre peut être décompolé en autant 
d’Arbres qu’il a de branches, de rameaux ou 
mème de feuilles. Les Plantes deftinées princi. 
palement à fournir aux befoins des Animaux, 
ne pouvoient jouir d’une trop grande fécon- 


dité (9). 


cing milliards neuf cert quatre millions neuf cent mille Pu- 
cerons. Et que feroit- ce fi j'ajoute, qu'il peut y avoir au 
moins vingt générations dans une année! 

La pullulation des Polypes à bonquet eft bieu plus éton« 
nante encore. D'une feule bulbe naiffent en vingt-quatre heu- 
res par des divifions & foudivilions naturelles, plus de cent 
vingt Polypes. 


C8) tt Il eft prouvé qu'un feul grain d'Orge peut donner 
en deux ans quarante-cinq boifeaux. Et combien la multi- 
plication des Moififlures & des Champignons nous étonne- 
rvit-elle davantage , fi nous ponvions la ramener au calcul? 


(9 ) Puifque je touche dans ce Chapitre à la propagation 
de l’Efpeee , j'indiquerai ici quelqnes faits importants relati. 
vement à l’hiftuire de la génération dont je me fuis tant oc- 
gupé, & qui et une des branches les plus intéreflantes de 


Tome IL. Bb 


ren 


5886 CON TEMPLATION 


T'Hiftoire de la Nature. Je ne connoiflois pas ces faits quand 
ÿe compolois mes Notes fur la Partie VII de cet Ouvrage. 
J'avois dit, Note 1rtdu Chap. XI; qw'il efè très-für que ‘les 
Mulets chez les Oifeaux propagent. Je citois peur exemple les 
Mulets qui proviennent du commerce du Serin avec le Char- 
donneret. La curieufe Hiftoire du Serin, publiée par le PLINE 
de la France, me fournit fur ce fujet quelques détails qui 
manqueroient effentiellement à mon Livre fi je n’en failois 
peint mention. 

Ce n'eft pas feulement avec le ’Chardonneret que le Serin 
propage: il peut propager encore avec le Tarin, le Bruant, 
le Pinfon, la Linotte, & même avec le Meineau. Mais il 
xéfulte de toutes les expériences qu’on a faites en ce genre, 
qu'il n'y a parmi ces Oifeaux que le Tarin, dont le Mâle 
& la Femelle propagent également avec le Mâle ou la Fe- 
melle du Serin des Canaries. Cette Serine produit moins fa- 
£ilement avec le Mâle-Linatte qu'avec le Chardonneret, & 
moins facilement encore avec le Piufon , le Bruant & le 


Moineau. Il n'en va pas de même du Mâle-Serin:il ne 
peut féconder les femelles de ces derniers. 

L'AUTEUR conelut de ces expériences, que le type de l’'Ef- 
pece eft moins ferme dans la Femelle que dans le Male, & 
que celui-ci en eft le vrai modele. Il remarque à cette oc- 
cafion, que la Brebis produit facilement avec le Bouc, & 
que le Bélier ne produit pas avec la Chevres que la Jument 
produit plus aifément avec l’Ane, que le Cheval avec lA- 
neffe. I! en feroit donc à cet égard, des Quadrupedes comme 
des Oifeaux. Mais on ne doit pas fe preffer de tirer des con- 
féquences d'expériences qui n’ont point encore été affez mul- 
tipliées ni affez variées. 

Les Mulets qui proviennent du commerce des Canaris avee, 
les Tarins , les Pinfons, les Bruants , &c. ne font pas moins 
Féconds que ceux qui proviennent du commerce de la Sering 


DE LA NATURE X. Prk 39% 


Svec le Chardonneret, Tous produifent non-feulement avec 
leurs races maternelles ou paternelles, mais ils peuvent en 
core reproduire entr'eux des Individus Féconds. I1 en naît 
de nouvelles variétés qui peuvent auffi fe méler & fe perpé- 
tuer. À la vérité les produits de ces différens ordres de Mu 
lets ne font ni auf certains ni auffi nombreux que dans les 
Efpeces pures. On prétend que, parmi ces Métis, il fe trouve 
ordinairement plus de Mâles que de Femelles: mais c'eft en= 
core iei une de ces affertions qui, pour être admife comme 
regle générale , demanderoit à être vérifiée par un grand 
aombre d'expériences. 

Une obfervation plus importante & qui paroït mieux éta- 


blie. c'eft que les Mulets qui proviennent du mélange des 


Serins foit entr'eux, foit avec des Oifeaux différens , tefflem. 
blent à leur Pere par la tête, les jambes & la queue , & à 
leur Mere par le refte du corps. On fait la même obferya- 
tion frr les Mulets dés Quadrupedes : ceux qui naiflent du 
commerce de l’Ane avec la Jument ent le corps auf grand 
que leur Mere, & tiennent de leur Pere les oreilles, la 
queue & les jambes. La peau, le poil & les couleurs appa- 
tiennent plus aufli au Pére qu'à la Mere, Des Muicts pro= 
venus de Brebis couvertes par un Bouc, avoient tous, au 
lieu de laine, le poil rude de leur Pere, On croit avoir re- 
marqué la même chofe dans PEfpece humaine : communément 
le Fils reffemble plus à fon Pere qu'à fa Mere par les ex- 
trémités, par la qualité de la peau ; pat la groffeur de la tête, 
par la quantité & la couleur des cheveux. 

Notre Naturalifte, fidele à fes principes fur la génération ; 
tire de tous ces faits une derniere conféquence que le Lec- 
teur Philofophe ne fe preffera pas , fans doute, d'adopter. 


EI! patoit donc, dit-il, que dans le mélange des deux Li- 


>» Queurs {éminales, quelqu'intime qu'on deive le füppofer 
» Pour l’accompliffement de la génération, les molécules er 


Bb 2 


388 CON TEMPLATION 


saniques fournies par la Femelle, occupent le centre de 
>» cette fphere vivante qui s'accroît dans toutes les dimenfons, 
) & que les molécules données par le Mâle environnent cel. 
les de la Femelle, de maniere que l'enveloppe & les ex- 
trémités du corps appartiennent plus au Pere qu'à l& 
Mere... Tous ces faits femblent prouver que dans l'éta- 
bliffement local des molécules organiques fournies par les 
deux fexes, celles du Mâle furmontent & enveloppent 
celles de la Femelle, lefquelles forment le premier point 
d'appui, &, pour ainf dire , le noyau de l’être qui s’orgas 
» nife, &c.” Il manque au moins à ce railonnement une 
chofe bien effentielle; c’eft qu'il foit prouvé que les molécue 
Les organiques exiftent; & nous avons vu, (Part. VIH, 
Chap: XVII, Note 6) qu'il eft au contraire rigoureufement 
démontré qu’elles n'exiftent point, & que ces prétendues mo- 
lécules font de vrais Animalcules, très-différens des Vers fper- 
matiques, & dont les divers ordres fe fuccedent dans les: Ii 
queurs féminales fuivant certains rapports au degré de cor- 
æuption que contractent ces liqueurs. IL eft prouvé encore 
par des obfervations directes , que le Germe préexifte dans 
la Femelle à la fécondation , & que la liqueur que fournit 
le Mäle n’eft que le principe d’un développement ultérieur 
de ce Germe préformé & des modifeations plus ou moine 
remarquables de quelques-unes de fes parties. ( Voy. Part. 
VII, Chap. X. Note 1,2, 6. Chap. XI, XII, Note 4.) 
J'ai dit aillenrs un mot de la fécondation artificielle que 
Mr. SPALLANZANI a exécutée avec tant de fuccès fur divers 
Amphibies. (Part. VII, Chap. X. Note 2. ) J'y reviens ici. 
Cet infatigable Scrutateur des fecrets de la Nature ayant in« 
çcorporé trois grains de fperme de Crapaud à dix onces d’eau, 
ila tiré de ce mélange avec la pointe d’une aiguille, une 
gouttelette dont le diametre égaloit à-peu-près la cinquantieme 
partie d'une ligne ; & cette gouttelette, dont le volume état 


LE] 


% 
» 


99 


 - 


DELANATURE X Pt. 389 


* & celui de l'Embryon comme un à un milliard foixante-quas 
tre millions fept cent feptante-fept mille fept cent feptante- 
fept, a {ufh pour le féconder; & cet Embryon s’eft déve- 
loppé auffi bien & aufli promptement que ceux qui ont été 
plongés dans le fperme. Mais, ce qui furprendra bien plus 
encore , c'eft que ces trois grains de fperme, incorporés à 
deux cent foixante-quatre onces d’eau, retenoieunt encore af- 
fez de leur vertu fécondante pour que les effets en fuffent 
fenfbles. Quelle n’eft donc point la merveilleufe énergie de 
cette liqueur prolifique! Nous voudrions pénétrer le fond de 
cet efprit vivifiant qui pique fi fort notre curiofité: mais ce 
que nous en cofnoiflens ne la fatisfait pas pleinement : nous 
favons au moins qu'il eft clair comme l’eau, qu’il n’eft pas 
fenfiblement vifqaeux ; qu’il n’eft peint inflammable, & qu'il 
re fait aucune efervefcence ni avec les acides ni avec. les 
alkalis. Il s’évapore à-peu-près comme l’eau. Sa partie la plus 
volatile eft précifément celle qui eft inhabile à la Fécondation. 
Le réfidu feul ou la partie la moins volatile eft propre à 
l'opérer. 

En feroit - il de même de la fécondation des grands Ani- 
maux? Une très-petite dofe de [perme fuit - elle à l'opérer ? 
Ï n'y avoit pas trop lieu d’efpérer qu’on parviendroit bientôt 
à fatisfaire à une pareille queftion : mais la Nature a les plus 
grandes complaifances pour fon Favori: à peine l'a-t-il inter- 
rogée fur les plus profonds myfteres, qu'il en obtient des ré- 
ponfes les plus inftruétives. A l’aide d'une feringue, il a in- 
troduit dans la matrice d’une Chienue en chaleur, treize grains: 
de fperme d'un Barbet: la Chienne avoit été féqueftrée exac- 
tement vingt-trois jours avant l'opération & vingt-cinq après 3 
& au bout de foixante-deux , à compter de l'injeétion, elle a 
mis bas trois Petits bien vivans & bien conditionnés, qui 
avoient des traits de reflemhlance avec la Mere & avec le: 
Chien. qui avoit fourni le ffperme. Deux étoient Males, le 


Bb 3 


566 CONTE M PL ANTON 


troifieme étoit Femelle. On juge facilement que es treize. 


grains de fperme n'avoient pas été employés à cette féconda- 
tion; cat il devoit en être refté plufeurs dans la matrice & 
dans les trompes. Ce n’a donc été qu'une très-petite dofe. de 
fperme, qui a opéré cette fécondation d’un genre fi nouveau: 
Cette expérience fe rapproche donc beaucoup de celle que 
notre Naturalifte avoit exécutée fi heureufement fur fes Am- 
phibies. é 

MacpriGHi avoit imaginé le premier de féconder artificiel. 
lement les œufs du Papillon 4u Ver.à-foie, & n'y avoit pas 
réufi. Son célebre Compatriote , l'Abbé SPALLANZANI, à 
été plus heureux que lui, & a très-bien réuffi à exécuter 
complétement cette forte de fécondation dans les mêmes œufc. 

J'avois invité notre Philofophe à eMayer de fübftituer aw 
fperme le fluide éleétrique pour féconder artificiellement les 
Embryons de fes Amphibies : il l'a fait, & on ne fera pas 
furpris d'apprendre qu'il n’y a point eu de fécondation: le 
fluide électrique a feulement paru propre à accélérer le déve 
loppement des Embryons déja fécondés. 

Comme j'avois toujours penfé que la fécondation devoit 
s’opérer par dehors & au travers des enveloppes du Germe, 
(ibid.) , j'avois été naturellement conduit à fuppofer dans 
ces enveloppes, de petites ouvertures ménagées par la Na 
ture pour l'introduétion du fperme. Je n’avois pas même dé« 
fefpéré qu’un bon Obfervateur ne put parvenir àles découvrir 
au microfcope. Et à qui pouvois-je mieux m'adrefler pour 
une recherche fi fine, qu'à ce même Obfervateur à qui la 
Nature avoit déja révélé tant de fecrets ? J1 a donc cherché 
dans les Embryons des Amphibies les petites ouvertures dont 
il s'agit, & il s'eft affuré par l’obfervation la plus éirecte , 
que l'enveloppe du Tétard eft toute parfemée de petits trous, 
qui s’y montrent fous :l'appareñce de points luifants, tandis 
que le refte de l'enveloppe eft obfcur. Ces très-petites bouches 


ne 


a  — 


DELLA NATURE. X. Parx 59% 


bu ces pores deftinés à ablorber le fperme, font fi univer« 
Æellement répandus dans l'enveloppe, qu’en quelqu’endroît 
que tombe la gouttelette de la liqueur prolifique, elle y 
xencontre des ouvertures qui l’admettent, & la fécondation 
s'opere à l'inftant. 

Qu'on veuille bien mointenant comparer des faits fi nor 
veaux & fi bien. conftatés avec les différentes hypothefes de 
hos Epigénéfiftes modernes, & on fentira, je m'aflure , com- 
bien ces faits font oppolés à ces hypothefes. 

Ce feroit un procédé bien propre à répañdte de nouvelles 
lumieres fur le grand myltere de la génération , que celui qui 
mettroit l'Obfervateur en.état de produire à volonté différentes 
fortes de Mulets dahs les Amphibies. La facilité avec la- 
quelle ils fe prêtent aux fécondations artificielles , donnoïit lie:r 
d’efpérer beaucoup en ce genre. Mais ici comme ailleurs, 
Vexpérience dément quelquefois les meilleurs raifonnemens, 
Mr. SPALLANZ:ANI à trouvé , que le fperme des Salamandres 
eft inhabile à féconder les Embryons des Grenouiiles & des 
Crapauds ; & que réciproquement le fperme des Grenouilles 
_ & des Crapands eft inhabile à féconder les Embryons des 
Saiamandres. Il y a plus le- fperme des Cripauds eit tout 
auf impropre à féconder les Embryons des Grenouilles & 
réciproquement. Ainfi la Nature qui produit fi facilement des 
Mulets chez les grands Quadrupedes & chez les Oileaux, 
qui en preduit même chez les {nfeétes, & plus fréquemment 
dans les Plantes, paroît refuler abfolument d'en produire chez 
nos Amphibies, La Grenouille femble pourtant différer bien 
amoins du Crapaud que le Serin ne differe du Chardonneret 
ou du Pinfon, ou que l'Ane ne differe du Cheval. Mais nous 
@e perçons pas ici la premiere écorce du, fujet. 


Bb 4 


3092 CONTEMPEATION 
EE: 


Le) 


= 


CHAPERRERX ENT. 


La grandeur. 


Le volume des plus grands Arbres eft affez 
égal à celui des plus grands Animaux. Le vo. 
lume de lOrme ne differe pas beaucoup de 
celui de Ja Baleine. Mais il n’en eft pas ici du 
petit comme du grand. Le volume des plus 
petites Plantes microfcopiques furpañle celui des 
Animalcules qui leur font analogues. Il y à 
plus loin de la Baleine à l'Animalcule qui nage. 
dans l’infuñon du Poivre, qu’il n’y a de l'Orme 
à la plus petite Moififlure (1 J. 


(1)+t Le Baobab du Sénégai, cet Arbre fi monftrreux 
par fa groffeur, eft bien aflurément aux Végétaux ce que 
la Baleine eft aux Animaux. On voit des Baobabs de trente 
à trente-cinq pieds de, diametre fur {oixante-cing à foixante- 
dix de hauteur. Le célebre Hiftorien du Sénégal, qui nous 2 
donné une bonne defcription du Baobab, croit qu’il eft de 
ces Arbres dont l’âge remonte au tems du Déluge. J’aurois 
peine à ladmettre, puifque cet Auteur lui- même nous ap. 
prend, que le bois du Baobab r’eft point dur , que les Vers 
le rédrifent facilement en poufliere, & qu’une plaie qui l'ile 
térefle met toujours en danger la vie de l’Arbre. 


LE eme 22 


DE LA NATURE. X. Part. 393 
TS 


Ye ; 


ce 


MARAPETRE  XXV. 


La forme. 


LL eft peu de fpectacles plus intéreffants aux 


yeux du Contemplateur de là Nature, que celui 
que lui offrent les formes infiniment variées 
des Plantes & des Animaux. Soit qu’il compare 
q Ë 
les Efpeces les moins parfaites à celles qui le 
P P q 
font le plus; foit qu’il compare entreltes les 
Efpeces d'une mème Clañle, il eft également 


frappé de la diverfité des modeles fur lefquels 


la NATURE a travaillé dans le Regne végétal 
& dans le Regne animal. 


IL pañle avec étonnement de la Truffe à la 
Senfitive, du Champisnon à l’Ocillet, de l’Aga- 
tic au Lilas, du Noftoch (1) au Rofer, du 


Cr)tt Le Moffoch eft une de ces produétions fingulieres 
de la Nature, qu'on ne peut encore rapporter à aucun genre 
connu, & qui eft par cela même bien digne des recherches 
du Naturalifte. Au premier coup-d'œil on fe nprendroit pour 
une gelée : il eft tremblant comme elle & ii en a la demi- 
tranfparence. Sa figure très- irréguliere eft aflez celle d'une 
membrane chifonnée ou goudronnée. Il faut Îe toucher pour 
s'aflurer qu'il n’eft point une gelée : on s’en affwre mieux 
encore en le déchirant; on croit déchirer une :feuille tendre. 


Do4 4C ON TE MP, LUAVTAN ON 


Lichen au Cerifier, de la Moififfure au Chè: 
taignier , de la, Morille au Chène, de la Mouffe 


Il n’eft pourtant pas une feuille : il n'en a ni les fibres ni Îles. 
nervures; il i’en a que la couleur: la fienne eft d’un verd: 
brun. 

Le Noftoch: n’apparoît que dans les jours pluvieux. On le 
trouve en toute faifon dans les prairies , le long des che. 
mins @& dans les allées fablées des jardins. Il ne tient à rien, 
car il n’a point de racines. Il eft fimplement appliqué fur 
le terrein. 

J'ai dit qu'il apparoît ; & ce mot lui convient à merveille; 
fa végétation femble inftantanée, & celle des Champignons 
eft lente en comparailon. En moins d’unc heure, après une 
pluie d'orage, on en voit des centaines dans des endroits où 
immédiatement auparavant on n’en découvroit pas un feul. 
On les diroit tombés du Ciel. Auf le Noftoch atil été 
nommé Fleur du Ciel par des Hommes qui ne connnifoient 
pas le myftere de cette végétation. Ces Noïtochs qni appa- 
roifient fi fubitement & en fi grand nombre, n’ont pas pro- 
prement végété : la végétation ne va pas fi vite, & la Nature 
n'en viole pas les loix en faveur de l'être fixgulier dont now® 
parlons. Voici tout le myftere. Le Noftoch eft gorgé d’eau: 
de-là fa molleffe & fon air de gelce, Quelques quarts-d'heure 
d'un Soleil un peu ardent on d’un vent un peu cha, [ufe 
fifent à lui enlever fon eau; il fe deffeche alors, fe ride., 
fe contraëte, fe déforme, perd fa tranfparence , fa couleur, 
& devenu méconnoiffable fous ce déguifement, il difparoïit. 
Mais vient-il à être hume‘é par une pluie abondante? il re- 
prend bien vite tous fes caracteres & reparoit de nouveau, 
Ainfi le Noftoch femble pafler fubitement de la vie à la 
mort & de la mort à la vie; & on préfume facilement qu'ik 
éprouve un bon nombre de ces alternatives pendant la .dus 


DELANATURE. X. Port. 395 


Gu Tilleul, du Gui à l'Oranger, du Lierre au 
Sapin. 

rée de, fa végétation. On peut même les multiplier à volonté : 
dans un aflez court efpace de temps on peut voir le Noftoch 
mourir & reflufciter bien des fois. J'ai opéré moi-même 
plufieurs de ces réfurreétions , & elles me rappelloient chaque 
#ois celles du Rotifere & de la Tremelle. 

C'eft au célebre REAUMUR que nous devons les premieres 
æonnoiffances un peu exactes fer la nature du Noftoch. E1 
Tobfervant avec attention, il y avoit découvert une multi- 
tude de petits grains d’inégale groffeur , de figure fphérigue, 
Æ qui lui avoient paru devoir être les femences ou les em. 
bryons de le Plante. Il les avoit femés dans des vafes pleins 
fe terre de jardin: ils y avoient crü lentement ; & à me 
dure qu’ils fe développoient , ïls perdoient leur figure fphé- 
rique, ’applatifloient de plus en plus & revétoient peu-à-peu 
Ja forme d'une piece de monnoie. Au bout d'un an, les plus 
avancés étoient auf grands qu’une piece de cinquante fuls 
& aufli épais qu'un écu. La vie du Noftech eft donc de plus 
d’une année. Quand il a pris l’accroiffement dont je viens de 
parler, il perd fa forme applatie & arrondie : il commence 
à fe goudronner , à fe chiffonner, & ce changement paroit 
dû à l'accroiffement des grains qui fe grouppent plus ou 
moins dans fon intérieur, & fercent les membränes à fe 
<ontourner en différens fens, Comme le Noftoch eft dépourvu 
de racines, il y a lieu de penfer qu’il pompe l'humidité par 
toute Phabitude de fon corps, comme on l’a cru de certaines 
Plantes marines. Le froid lui eft très-contraire. Il ne rélifte 
pas à la gelée; & lorfqu'il y a été expofé , il nè revient point 
dla vie, quoiqu'on l'humeéte. Il noircit alors & fe conver- 
tit en une véritable gelée. 

La fubftauce du Noftoch paroît affez uniforme; mais l'af 


396 CONTEMPLATION 


IL confidere avec furptife le Peuple nom 
breux des Champignons ou celui des Lichens, 


pet de fon intérieur varie fuivant la force des verres avec 
lefquels on l'obferve, L'âge varie encore ces afpects. L'Obfer- 
vateur que j'ai cité remarque ; que les grains ou les femences 
font invifibles dans les Noftochs qui n’ont point encore perdu 
la forme de lames circulaires. Dans des Noftochs goudron- 
nés, ces grains m'ontf paru y tracer itantôt des courbes, 
tantôt des lignes droites en maniere de rayons. On voyoit. 
à & Ià des taches brunes iplus grandes que les grains, 
& de figure à-peu-près circulaire. D’autrefois, j'ai crw 
voir {des véficules oblongues, difféminces fans aucun: or- 
dre dans l'intérieur. D'autres Noftochs m'ont offert des efpe- 
ces de ftries , dont quelques-unes étoient en fpirale, & dans. 
les environs de ces ftries je découvrois des grains, les uns 
ifolés, les autres grouppés, & dont la grofleur varioit beau- 
coup. | 

Toutes ces obfervations font bien imparfaites, & nous 
fommes encore dans une grande ignorance fur la ftruéture 
intérieure du Noïîtoch. Je n'oferois même afurer que nous 
counoiffions aflez fa véritable nature pour être certain qu'ik 
appartient en propre au Regne végétal. [1 pourroit bien être- 
une de ces produétions mitoyennes qui uniflent le Regne vé- 
gétal au Regne animal. 

Au refte, le Noftoch & les Tremelles ou les Byfus , 
(Part. III, Chap. VII. Note :) ne font pas les feules Pro- 
duétions réputées végétales, qui reverdiffent ou reviennent: 
à la vie lorfqu’elles font humeétées après un long defféche 
ment: différentes efpeces de Mouffes paroïiffent jouir de Iæ 
même prérogative : quoique confervées au fec pendant une 
très-longne fuite d'années , elles reverdiflent pareillement dès. 
qu’elles viennent à être humectées. 


DELANATURE. X.Part. 397? 


& il ne £e laffe point d'admirer la fécondité de 
la Nature dans la production de ces Plantes 
fi éloignées des autres par leurs formes , & qu’ors 
a peine à mettre au rang des Végétaux. 


PassanT enfuite aux Plantes qui font plus, 
élevées dans l'échelle, il s’arrète avec plaifir à 
obferver les gradations des Plantes à tuyau, 
depuis le Gramen, qui croit entre les pierres, 
jufqu’à la Plante précieufe, l’ornement de nos 

uérets, dont l’épi nous fournit l'aliment le 

lus fain & le plus nécefäire. Il confidere les 
variétés des Plantes qui rampent , depuis le ten- 
dre Lizeron jufqu'au Pampre qui couronne 
nos côteaux, & dont la grappe nous procure 
une boiffon également agréable & falutaire. Il 
parcourt encore les Arbres qui portent des fruits 
à noyau, depuis le Prunier fauvage jufqu’au 
Pècher dont le fruit ne fe fait pas moins admi- 
rer par la douceur de fon velouté & par la 
beauté de fon coloris, que par labondance & 
le goût exquis de {on eau. 


Sr du Regne végétal notre Contemplateur le 
trahfporte dans le Regne animal, la perfpec- 
tive devient encore plus intéreflante. Il voit 
oppofés dans le mème tableau Île Polype & le 
Chien de Mer , l'Ephémere & le Poiflon-velant, 


3998 CONTEMPLATION 


le Notonecti (2) & le Canard, la Demoifellé 
& lAigle, la Sauterelle & l’Écureuil- volant » 
V'Araignée & le Chat, la Fourmi & le Cerf, 
le Grillo-talpa( 3) &le KRhinoceros, le Mille- 
pié & le Crocodile, le Scorpion & le Singe. 


(2) ff Le Motoneéti eft une forte de Punaife aquatique, 
dont les dernieres jambes, beaucoup plus iongues que les 
autres , font artiftement faconnées en maniere d’avirons. Cet 
Infete offre une fingalarité remarquable : il nage toujours 
fur le dos, & fe fert adroitement de fes avirons pour diriger 
fa marche. 


C2) tt Le Grillo-talpa ou le Taupe-grillon , très-connn des 
Jardiniers fous le nom de Courtiliere , eft un des plus grands 
Infeétes de nos Contrées. Il a pris fon nom de Taupe -grillon, 
de certains rapports avec le Grillon & la Taupe. Son corps 
imite un peu celui du Grillon, & fes pattes de devant font 
terminées par des efpeces de mains écailleufes, tournées en 
dehors à la maniere de celles de la Taupe. Il fe creufe aufli 
comme elle des routes fouterraines, Je ne décris pas ile Taupe- 
grillon; il eft affez connu par les ravages qu'il fait dans les 
jardins & dans les prairies. Le bon GOEDAERT avoit débité 
fur cet Infeéte un joli petit Roman que l'ingénieux Auteur 
du Speéfacle de la Nature n'avoit pas manqué d’embellir de 
fes agréables couleurs. Ce qu'il y a de plus vrai dans ce Ro- 
man , c'eft que le Taupe- grillon a grand foin de fes œufs, 
& qu’il les renferme dans une motte de terre qu’il creufe 
avec art. REAUMUR qui releve GOEDAERr fur fon Roman, 
nous auroit donné la vraie hiftoire de l'Infeéte , fi la mort ne 
l'eût prévenu, & nous avons d’antant plus à; la regretter s 
qu'il excelloit davantage à découvrir & à décrire les procédés 


DOPAINATURE X Part. 399 


UN autre tableau lui préfente la fuite nom- 
breule des Papillons ou celle des Mouches , & 
en la confidérant, il s'étonne de la complai- 
fance avec laquelle la NATURE a diverfifié les 
Efpeces de ces petits Animaux, fi diférens des 
grands par leurs formes, & qu’on a traités 
d'Animaux manqués ou imparfaits. 


PORTANT enfuite fes regards fur les Efpeces 
placées immédiatement au-deflus , il contemple 
les Coquillages , depuis celui dont la liqueur 
précieufe teignoit les vêtemens des Rois, juf 
qu'au Nautile (4) qui vogue avec tant de 


induftrieux des petits Animaux auxquels il avoit confacré fes 
veilles. 


(4) tt Le Mautile eft un Coquillæe dont la coquille, 
faconnée agréablement en maniere de gondole, & incruftée 
d'une belle nacre, préfente différens tours de fpirale fitués 
dans le même plan. Le Nautile reffemble fi bien à une gon- 
dole, & il fait fi bien gouverner fon petit vaiffleau, qu'on à 
eru qu'il avoit enfeigné à l'Homme le grand art de naviger, 
Rien en effet de plus reffemblant à un navire que fa coquille, 
& l'on diroit que l'Animal qui l’habite poflede tous les ta- 
lens du Pilote. Il ef pourvu d'un bon nombre de bras, qui 
lui ont fait donner le nom de Polype teflacé. Quand il vent 
avancer fur le flot, il éleve une partie de fes bras & déploie 
une membrane fine & légere dont ils foht garnis, & qui fait 
admirablement bien l'offise de voile. Certains appeñdices 
qu'il peut enfoncer plus ou moins dans la mer, compofent 


400 CONTEMPLATION 


grace & d’adreffe {ur le flot inconftant. Il obferve 
les différentes Efpeces de Poiflons , depuis ia dan 
gereule Torpille jufqu’au puiffant Nerval, & de 
puis le joli Poiflon doré de la Chine (5), 


le refte de fon petit attirail : les uns lui tiennent lieu de 
rames ; un autre lui fert de gouvernail. Sa coquille admet 
autant d’eau qu’il en veut , & cette eau fert à lefter fa gon- 
dole. A l'approche d’un ennemi ou dans la tempête, l’adroit 
Nautile ferle fa voile, retire fes rames & fon gouvernail, 
laiffe entrer l’eau dans la coquille, & fe précipite ainfi au 
fond de la mer. Veut-il remonter à la furface? Il met fa 
gondole fens-deAus-defous , & au moyen des dilatations & 
des contrations alternatives qu’il fait exciter dans différentes 
parties de fon corps , il s’éleve de plus en plus ; & lorfqu’il 
a atteint la furface de l’eau , il remet fon bâtiment fur fa 
quille, le vuile d’eau, déploie fa voile, fait jouer fes ra. 
mes & fon gouvernail, & reprend fa navigation. Ainfi le gen- 
til Nautile eft à la fois & dans le fens le plus littéral , le Pi« 
lote & Le vaifleau. On voit fur la mer des Indes de petites 
Flottes de ces Nautiles qui y manœuvrent avec autant de 
grace que d'adrefle & de légéreté. x 


C5) tt Ce charmant petit Poifon, qu'on range parmi 
les Carpes, & qui vit comme elles dans les eaux douces, 
eft un vrai bijou de la Nature. Sa couleur eft du plus beau 
rouge, fur lequel eft répandue une poudre d’or ou d'argent , 
du plus grand éclat. La vivacité de ce Poiflon eft extrême, 
J1 fe joue agréablement à la furface de l'eau & y fait briller 
fes riches couleurs. Les Orientaux le renferment dans des 
vafes de porcelaine pleins d’eau, & en ornent ainfi leurs 
appartemens. Il s’apprivoife facilement, & on l'accoutume À 

jufqu’au 


DE LA NATURE. X. Par. 4ot 


jufqu’au Dauphin qui fend l’onde avec la célé- 
rité d’un trait (6). 


. 4, . 

IL fait auf pañer en revue les Oifeaux qui 
vivent d’Herbes ou de Grains, depuis le Serin, 
qui nous réjouit par fon ramage (7), jufqu’au 


accourir au fon du filet ou de la voix pour recevoir [a nour- 
titure. On peut le tranfporter vivant dans nos Contrées & 


jouir de l'agréable fpeétacle qu'il préfente. 11 multiplie avec 


excès, 


C6) ff Le Dauphin appartient au genre des Baleines ; 
mais fa taille ef bien inférieure à celle des grandes Baleines : 
il n’a que fix à fept pieds de long fur une groffeur propor- 
tionnée. Il refpire & rejette l’eau de la mer, comme les B4- 
Jeines , «par deux ouvertures placées fur fa tête. Son mufeau 
imite affez le bec d’une Oie. Il nage avec une fi grande vi- 
teffe qu’il en à reçu le nom de feche-de- mer. Sa figure ne 
reffemble point du tout à celle fous laquelle il ett repréfenté 
dans les armoiries & dans les tableaux; & ce que -les Poëtes 
nous racontent de fon attachement pour l'Homme eft une 
Fable. Il ne fuit les vaifleaux que pour recueillir ce que les 
Matelots jettent dans la mer, Les Dauphins émigrent par 
troupes d'une mer dans une autre. 


(7) ff Au moment que je diétois à une fœur chérie cet 


droit de mon Texte, un Serin domeltique f£étoit mis à. 


grzouiller au.deflus de’ ‘ma téte : j'allois oppofer le Roffignol 
au Paon; les doux accens de mon Serin Ini obtinrent fur-le- 
champ la préférence, & il fe placa comme de lui-même fous 
Ja plume de celle qui fe plaifoit à me fervir de Secrétaires 


Tome, IL Cc 


402 CONTEMPLATION 


Paon, qui étale pompeufement dans nos baf: 


fes - cours l'or & Pazur dont il eft enrichi. IE 


obferve encore les Oïfeaux de proie, depuis 
lÉmérillon plein de feu, jufqu’à lAigle, que 
fa force & fon courage ont élevé à l'empire 
des Oifeaux. Il parcourt de mème les Quadru. 
pedes, depuis le Lievre léger & timide, juf- 
qu'à l'Éléphant, dont l'énorme corpulence fixe 
tous les yeux; & depuis le rufé Renard juf- 
qu'a ce noble & généreux Quadrupede qui 


» Sile Rofignol eft Le Chantre des bois, le Serin eft Île 


»; Muficien de Îa chambre ; le premier tient tout de la Nae ! 
ture, le fecond participe à nos Arts. Avec moins de force 


» d'organe , moins d’étendue dans la voix, moins de variétés 
, dans les fons, le Serin a plus d'oreille, plus de facilité 
d'imitation , plus de mémoire; & comme la différence du 
» caractere ( fur-tout dans les Animaux }) tient de très - près 


ferver les impreflions étrangeres , devient auf plus focial, 
plus doux, plus familier ; il eft capable de çonnoiflance 
& même d’attachement ; fes carefles font aimables , fes pe 


Son éducation plus facile eft aufli plus heureule : on lé. 
leveavec plailir , parce qu’on l'inftruit avec fuccès ; il quitte 
la mélodie de fon chant naturel pour fe ‘prêter à l’har- 
monie de nos voix & de nos inftrumens; il appiaudit, il 
accompagne & nous rend au-delà de ce qu’on peut lui don: 
, ner. Le Roffignol plus fier de fon talent, femble vouloir 


w» le conferver dags toute fa pureté; au moins paroit- il, | 


à celle qui fe trouve entre leurs fens, le Serin, dont l’ouie | 
eft plus attentive, plus fufceptible de recevoir & de con- | 


tits dépits innocents, & fa colere ne bleffe ni n'offenfe..…… ! 


Li 


ÿ 


DELA NATURE. X. Pars. 403 


Femble né pour dominer fur tous les Ati 
maux (8). 


: faire aflez peu de cas des notres? ce n'eft qu'avec peine 
+ qu'on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chan“ 
>» fons. Le Serin peut parler & filer, le Roffignol méprife 
» la parole autant que le fifflet, & revient fans cefle à {or 
» brillant ramage. Son gofier, toujours nouveau, eft un 
s, chef-d'œuvre de la Nature auquel l’art humain ne peut 
» rien changer , rien ajouter ; celui du Serin eft un modele 
» de graces, d’une trempe moins ferme, que nous pouvons 
» modifier. L'un a donc bien plus de part que Pautre aux 
» agrémens de la Société; le Serin chante en tout temps, 
» il nous técrée dans les jours les plus fombres , il con. 
» tribue même à notre bonheur, car ïl fait l’'amufement 
, de toutes les jeunes Perfonnes, les délices des Reclufes, 
» il charme au moins les ennuis du Cloître, porte de 14 
,» gaieté dans les ames innocentes & captives ; &:ifes petites 
» amours, qu'on peut confidérer de près en le faifant ni- 
>, cher, ont rappellé milte & mille fois à la tendreffe des 
A» cœurs facrifiés ; c’eft faire autant de bien que nos Vau- 
» tours favent faire de mal”. Le grand Peintre qui à 
crayonné ce charmant parallele, n’a pas befoin que je le 
nomme ; on le reconnoît affez à fa touche. 


(8) tft Le plus puiffant, le plus courageux, le plus rez 
doutable de tous fes Quadrupedes eft, fans doute, le Lions 
& pourtant cet Animal terrible féchit fous la main de l'Ilomme 
& fe prête jufqu'à un certain point à une ‘éducation domef- 
tique : quelquefois néanmoins le Lion apprivoifé reprend fa 
férocité naturelle ; mais fes bienfaiteurs en font rarement les 
vi&imes. H conferve fidélement le fouvenir des bienfaits, 
Noble dans fa colere, magnanime dans fon courage, fenfiblé 


Ec2 


TER À 


404 CONTE MP LATIOX 


Les Plantes, quoique prodigieufement va: 
riées dans leurs formes, le Âont cevendant 
moins que les Animaux. Jl y a moins d’éche- 
lons de la Truffe à la Serfitive, ou de ia Mo- 
rille au Chêne, qu'il n'y en a de lHuiître à 
l’Autruche, ou de l’'Ortie de Mer à l'Orang- 
Outang. Les Plantes étant eflentieliement plus 
fimples que les Animaux, n’ont pu donner 
naiffance à autant de combinaifons. 


Les formes des Animaux nous offrent une 
fingularité extrèmement remarquable, & qui 
fembleroit fournir un caractere propre à les dif_ 


pat caractere, il dédaigne de foibles ennemis & leur par- 
donne des infultes que le Tigre cruel laveroït dans leur fang. 
On l'a vu avec étonnement fauver la vie à un Bienfaiteur 
que la cruauté d'un Tyran avoit condamné à lui fervir de 
proie, le prendre fous fa garde, vivre en fociété avec lui 
& lui faire part de fa fublftance. L'extérieur du Lion ré. 
pond à la nobleffe de fon caraétere, & fi j'ofois le dire , aux 
grendes qualités de fon Ame. Une figure impofante & ma- 


Jeftueufe, un regard affuré, une démarche grave & fiere, 


une voix tonnante, une taille admirablement bien propor- 
tionnée & qui annonce autant de foupleffe que de force, 


une criniere fuperbe dont la face eft ornée, & que l’Animal 
hérifle & agite en tout fens dans fa fureur, une queue 
longue, forte & nerveufe, dont les mouvemens précipités 
terrafferoient un Homme; tels font, en général, les caraca 
teres phyfiques qui diftinguent le Lion de la foule des Qua- 
drupedes. 


DELANATURE. X. Part. 40 


tinguer des Végétaux ; je veux parler de ces 
admirablss métamorphofes, qui nous montrent 
fuccefivement le mème Infeéte fous plufeurs 
afpe&s, quelquefois fi oppoliés, qu’il ne paroît 
plus le mème Animal. 


Maïs, ne pourroit-on poitit comparer le bou- 
ton dans lequel une Plante ou une fleur font 
renfermées , à l’enveloppe de Chryfalide qui 
nous cache le Papillon ? Et de mème que [a 
Plante ne produit point de graines qne la fleur 
ne foit fortie de fon bouton, de mème auffi le 
Papillon ne propage point qu'il n'ait rejetté le 
fourreau de Chryfalide ( 9 ). 


(9) tft Je faifois ïci allufion à l'ingénieufe comoaraifon 
que SWAMMERDAM avoit infituée entre l'Oeillet & la Gre- 
nouille, confidérés dans les divers états par lefquels ils paf. 
fent depuis leur n:ifance ju"qu’à leur parfait accroiflement. 
J'invite mon Lecteur à fuivre dans la Table & dans les 
Bfaches de lAuteur la férie des changemens de formes 
du'offre cette fcene mouvante. 


GA 
VS 


#6 CONTEMPLATION 


#73 


E 1 


—————— M ————— 
CG H'A P'IXT RE OR. 
La ffrucrure. 


( L n’eft pas aufli facile de comparer les Plan- 
tes & les Animaux dans leurs formes intérieu- 
res ou leur ftructure, qu'il eft de les comparer 
«ans leurs formes extérieures. Nous pouvons 
juger de celles-ci fur un fimple coup - d’eil : il 
faut toujours une certaine attention & fouvent 
‘le fecours de divers inftrumens pour juger de 
celles-là. Nous pénétrons, ce femble, plus dif 
ficilement dans lintérieur d’une Plante, que 
dans celui d’un Animal. Là, tout paroît plus 
confondu, plus uniforme, plus fin, moins ani- 
mé. Îci tout paroît fe démèler mieux , foit parce 
que la forme, le tiflu, la couleur & la fituation 
des différentes parties y préfentent plus dea. 
riétés , foit parce que le jeu des principaux 
vifceres y eft toujours plus ou moins fenfible. 


Le microfcope , le fcalpel & les injections qui 


nous conduifent fi loin dans l’'Anatomie des Ani- 
maux, refufent fouvent de nous fervir , ou ne 
nous ‘fervent qu'imparfaitement dans celle des 
Plantes. Il eft vrai aufli que cette partie de l’é- 
gonomie organique a été moins ctudiée que 


L. 


DE LA NATURE X.Part. 407 


celle qui a les Animaux pour objet. La ftruc- 
ture de ces derniers nous intérefloit davantage 
par fes rapports avec celle de notre propre 
æor ps. 


CEPENDANT, quelqu’imparfaite que foit en- 
core l’Anatomie des Plantes, elle ne laifle pas 
de nous découvrir quelques-uns de leurs prin- 
cipaux vaifleaux , & d’en fuivre les ramifications 
jufqu’à un certain point. On peut renger..ces 
vaifeaux fous deux clafles générales; les vaif 
feaux longitudinaux ou qui s'étendent fuivant 
la longueur de la Plante ;. & les vaifeaux tran£ 
verfaux ou qui font placés fuivant fa largeur. 


Les vaifleaux féveux & les trachées appar- 


ai 


tiennent à la premiere clañle; les utticules où 
les. infections appartiennent à la feconde (1). 


Ar) TE Je reviens toujours avec plaifir à l'Anatomie des 
Plantes : elle fut une des études favorites de mon adolefcence 2 
& je l’aime encore dans l’âge qui touche à à la vieilleffe. C’eft 
MaLpiGHi qui avait. donné. le nom d’uricules à la fubftance 
Méficulaire qui remplit les intervalles que laiffent entr'eux les 
vaiffeaux longitudinaux. GREW délignoit, cette fubftance par 
de terme d'énfer tions. I la nommoit encore le purenchyme. Mr. 
Duxaxez Pa mieux défignée. par le terme de #;//u- cellulaire. 
Avec une très-Forte lentille il a apperçu: des vaifleanx_ infi- 
‘ siment déliés, qui paroifloient | fe plonger dans les utricilesr 
&. les traverfer, Il en infere avec fondement, que .ÇeS Utties 


CG æ 


48 CONTEMPLATION 


Les vaifleaux {éveux paroïffent principalement 
deftinés à conduire le fuc. Les utriculés paroif- 
fent fur-tout fervir à le préparer ou à le di. 
gérer. Ce font des clpeces d’eltomacs, comme 
je l'ai déja infinué, 


Iz eft des Plantes qui ne femblent ètre com- 
polées que d’utricules. Telles font quelques 
efpeces de Racines & de Plantes-marines , dont 
le tifiu eft prefque entiétement parenchymateux 
ou véficulaire (2). Il eft pareillement des Ani- 


culés ne font pas des organes auf fimples qu'ils femblent , 


l'être, ‘Leurs dimenfons varient béancoup : il en eft de pro- 
digieufement petits. Les plus grands fe trouvent dans la moëlle. 
La Av! ÿfance parenchymateufe des fruits paroît n'être qu’un 
amas d' atricules, Une bonne vue les démêle très-bien fur le 
bois de Sapin uni avec le rabot. L'entrelacement des fibres 
Tigneules aveo les plans d’utricutes qui les traverfent, donne 
à ce bois l'air d'une natte on d'une claie, MaLp:GHI avoit 
trouvé dans le Chêne des ntriculés exceflivement amplifiés 
&. pleins’ d'une forte de tartre, 

<Shtoi ( DA 

C2 9 ++ Le Fucus on 1e Prec nous fournit un exemple 
remarquable de ses Plantes marines qui femblent fe nourrir 
par toute l'habitude de leër corps. RrAUMuR qui l'avoit 
beaucoup étudié, nous apprend quete fingulier Végétal n’a poiht 
proprement de racifles. [l na à la place qu'une forte d'empa- 
tement par lequel if s'attache aûx pierres, aux eoquilles & 
aux autres corps durs qui fe‘trôuvent au fond de la Mer. I 


remarque qu'il en eft de même-de bien d’autres Plantes mas 


DE LA NATURE. X.Part. 409 


maux qui femblent être tout eftomac, tels font 


_ Je Polype & le Tænia. 


rines, dont le corps entier femble être tout racine. Il n’y 
point de canaux de communication dans ces fortes de Plan- 
tes; point de vaifleaux longitudinaux qui aillent de l’'empa- 
tement à la fommité de la tige. Une expérience facile le dé- 
montre. Si l’on met tremper dans de l’eau de Mer une feuille 
de Fucus ou de quelqu'autre Plante marine , de maniere qu’il 
n’y ait qu'une partie de la feuille qui foit humeétée, cette 
partie reprendra en peu de temps fa premiere figure & fa 
confiftance naturelle ; tandis que la partie qui demeurera hors 
de l’eau confervera fon état de racornifflement. 

Le Fucus n'eft, en quelque forte, qu'une feule feuille, 
profondément découpée en maniere de main, & dont toutes 
les divifions font dans le même plan. Une nervure très - fen- 
fible partage la feuille & chacnne de fes divifions fuivant 
leur longueur , & cette nervure ne jette point de nervures 
latérales. Dans les Plantes terreftres, les deux furfaces des 
feuilles different plus ou moins par leur tiflu & par leurs 
couleurs: dans le Fucus, au contraire, ces deux furfaces 
fe refemblent parfaitement. Les fleurs {ont diftribuées irrégu- 
liérement fur les deux furfaces, & font formées de filets 
auffi déliés que des fils d’Araignée, difpolés en aigrettes, 
& qui fortent d’une petite cavité ménagée dans l'épalfleur de 
la feuille ,. & qui eft comme le calice de cette fleur fingu- 
liere. Les filets ne montrent point de fommets ou d'antheres , 
& pourtant on ne peut guere les prendre que pour des éta- 
mines. 

Lorfque les fleurs font fur le point de tomber, les extré. 
mités des feuilles s’enflent & fe Façonnent en maniere de 
 filiques , & pouflent deux efpeces de cornes. Une matiere vif. 
queufe & tranfparente rémplit les filiques, & on découvre 


410 CONTEMPLATION 


UN des principaux caracteres qui peuvent 
aider à diftinguer les Infectes des grands Ani- 
maux, elt que ceux-là n’ont point d'os dans. 
leur intérieur.” Ce qu’ils ont d’offeux ou d’é- 
cailleux, eft p'acé à l’extérieur pour fervir d’ap- 
pui ou de défenfes aux parties plus délicates 
fituées au - deflous, ou pour foutenir le corps 
avec plus d'avantage, Cet ainfi que dans pref- 
que tous les Infectes proprement dits (3), la 
tète, le corcelet, les jambes, les anneaux ; &c« 
font recouverts d’écailles en tout ou en partie. 


Les Herbes different principalement des Ar- 
bres par un caractere analogue. Elles n’ont point 
de corps ligneux dans leur centre. Ce qu’elles 


dans cette matiere de petits grains ronds & rougeûtres , at- 
tachés aux parois intérieures de la filique , & qu'on croiroit 
être les graines de la Plante. Ils n’en font pas néanmoins: 
ïls ne font encore que les capfules des véritables graines, 
Une matiere vifqueufe & tranfparente remplit. encore ces cap- 
fules; & au milieu de cette matiere on apperçoit de très- 
petits grains ronds, jaunâtres ou rougeñtres, attachés aux 
patois de la capfule comme celle-ci left aux parois de la fr- 
lique, & ce font ces très-petits grains qui prepagent l'efpece 
de la Plante. | 
Le ZLycoperdon n'eft, fuivant le célebre PaLLAS, qu'un petit à 
fac plein de femences, & qui fe nourrit comme le Fucus, 
par toute l'habitude de fon corps. 


E C3) Part. II, Chap. XVEL 


DE LA NATURE. X. Part. 4x1 


ont de ligneux ou de moins herbacé, paroït 
à l'extérieur , & fert à protéger les parties les 
plus foibles ou à fortifier le corps de la Plante. 
C’eft ainfi que les Plantes à tuyaux ont été af 
fermies par des nœuds placés réguliérement de 
diftance en diftance, enforte que les nœuds in- 
férieurs , deftinés à {ervir de bafe, font plus 
forts & plus rapprochés que ne le font les 
nœuds fupérieurs. C’eft dans la mème vue que 
les Racines de beaucoup de Plantes herbacées, 
ainfi que les calices des fleurs , & les capfules 
ou enveloppes des graines ont été rendues pref- 
que ligneules. 


Les Herbes croïflent & s’endurciflent plus 
promptement que les Arbres. Les Infectes croif- 
fent & s’endurciflent plus promptement que 
les grands Animaux. Les Herbes & les Infectes 
étant d’une confiance plus molle que ne le 
dont les, Arbres & les grands Animaux , doi- 
. vent avoir plus de facilité à s'étendre en tout 
fens, & atteindre plutôt le dernier terme de 
leur extenfion. D'ailleurs, les couches concen- 
triques de l'écorce des Aïbres & celles du pé- 
riofte des Animaux, étaut beaucoup plus nom- 
_ breufes que les couches relatives des Herbes & 
des Infeétes, doivent fournir plus long - tems 
à laccroiflement,, 


412 CON TEM PL NP 


OX diftingue deux fortes de parties dans les « 
Corps organifés; les parties fimilaires, & les 
parties dillimilaires. Celles-là font formées de 
fibres du mème genre. Celles-ci font compo- 
fées de fibres ou de vailleaux de différens gen- w 
res. Les nerfs, les arteres , les veines , les vai£ 
feaux lymphatiques, &c. font des parties fimi- 
laires de notre corps : le cerveau , le cœur , les 
poumons, l’eflomac, &c. en font des parties w 
diflimilaires. Les Plantes ne font prefque com- 
pofées que de parties fimilaires. Les vaifleaux w 
féveux , les trachées, les utricules font de ce 
genre. Ces différens vaifleaux ont été répandus 
aflez uniformément dans tout le corps de la 
Plante: ils entrent dans la compofition de tou- 
tes fes parties. On les trouve dans la =acine, 
dans la tige, dans les branches, dans les feuil- 
les, dans les fleurs, dans les fruits. Le moin- 
dre fragment, la plus petite feuille eft une re- 
préfentation du Tout, un abrégé de la Plante. 


IL y a de même des Animaux qui ne font 
prefque compalés que de parties fimilaires. De 
ce nombre font quantité d'Efpeces de Vers longs, 
fans jambes, & quelques Miitepieds aquatiques ; 
certaines Sangfues , les Oïties & les Etoiles de 
mer, les Polypes, les Tænia, les Vers - de- 
terre, &c. Tous ces Animeux ont été conf 


DE LA NATURE. X. Part, 413 


truits de maniere que chacune de leurs por- 
tions, même la plus petite, eft en raccourci 
ce que le Tout eft en grand. 


Daxs les Vers longs que je viens de nom- 
mer, on obferve très-diftinctement un eftomac, 
un cœur , & de fort petits vaifleaux qui femblent 
ètre des dépendances de ce dernier. On ne peut 
mème douter qu’il n'y ait au-deflous de l’eftomac 
un cordon médullaire femblable à celui qu’on 
obferve dans d’autres Efpeces de Vers & dans 
les Chenilles. Ces vifceres ne font pas diftri- 
bués dans certaines régions du corps : ils font 
répandus univerfellement dans toute fa lon- 
gueur ; enforte qu’on peut dire que ces Infec- 
tes font tout cerveau, tout eftomac, tout cœur. 
Mais ce cerveau, cet eftomac & ce cœur pa- 
roiflent extrèmement fimples : le premier n’eft 
prefque qu'un filet nerveux, le fecond un fae 
membraneux , le troifieme une grande artere. 


Les Polypes, plus fimples dans leur ftruc- 
ture, ne font qu'une efpece de boyau, femé 
d’une multitude innombrable de petits grains, 
qui fe teignent de la couleur des alimens. Ce 
boyau peut être tourné & retourné comme un 
bas, fans que lAnimal paroifle en {ouftir. 


44 CONTEMPLATION 


Les Tænia ont quelque chofe de la ftructuré 


des Polypes, mais ils femblent plus compofés. ” 
Ils font formés d’une chaine d’anneaux plats, 


membraneux & blanchäâtres, & emboïtés les uns 
dans les autres comme les divifions dur Ro- 
feau. Chaque anneau a dans {à partie fupérieure 
ou fur un de fes côtés une éminence plus ou 
moins fenfible, au centre de laquelle eft une 
petite ouverture ronde. Le milieu de l'anneau. 
eft occupé par des vifceres de couleur pourpre 
ou blanchätre, qui forment un travail qui s’at- 
tire attention de l'Obfervateur. Le refte de l’an- 
neau eft rempli d’un nombre infini de petits 
grains blancs. Telle eft efentiellement la ftruc- 
ture du Tænia dans toute fon étendue ; nulle 
variété, reffemblance parfaite entre tous les an- 
neaux dont l’affemblage compofe une efpece de 
ruban ou de lacet, qui atteint quelquefois à 
une longueur de plufieurs centaines de pieds (4 ). 


C4) FF Quand je difois dans ce paragraphe , que chaqu'an- 
meau du Teuia a dans Ja partie Jupérieure ou fur un de fes 
côtés une petite ouverture ronde, j'indiquois deux Efpeces de 
Tænia du Corps humain, très-bien cara@érifées par la pof- 
tion de cette petite ouverture, que j'ai nommée le fliginate. 
Dans la premiere Efpece le ftigmate eft placé en effet au mi- 
lieu de l'anneau; dans la feconde, fur le côté. Ces deux 
Efpeces fe diftinguent encore par la longueur des anneaux & 
par la forme ou par l’organifation de la tête. Mais ces petits 
détails de nomenclature n'appytiennent pas à cette Note. 


DIERLA NATURE. °X:,Parf, Axç 


_ Les Vérs-de-terre font de tous les Infectes 
… Que j'ai nommés, ceux dont l’intérieur paroit 


_  C'eft un Etre bien fingulier que le Tænia : il eft du très- 
petit nombre de ces Animaux qui femblent faits fur un mo- 
_ dele particulier, & qui n’ont pas d’analogues connus. On l’a 
comparé à un tuban, & cette comparaifon eft affez juite, 
Mais ce ruban, plus ou moins épais, ouvré & quelquefois 
_ dentelé , n’eft pas par-tout de la mème largeur. La partie an- 
… térieure du Tænia fe termine par un fil délié ordinairement 
 applati, & dont les articulations font fi rapprochées qu’elles 
paroiffent fe toucher. Le Tænia va enfuite en s’élargifant par 
degrés , & les anneaux les plus larges occupent le milieu du 
&orps. Non-feulement il a une bouche qui, dans une des 
deux Efpeces dont j'ai parlé , eft pourvue de quatre fucoirs 
au moyen defquels il pompe le chyle de nos inteftins; mais 
a plupart des anneaux font encore pourvus d’un fucoir ana 
logue. Le ftigmate eft la logette qui recele ce fucoir. Le Te, 
nia l'en fait fortir à volonté. Il fe montre alors fous la forme 
d’un très-petit corps longuet, conique & charnu , qui faille plus 
ou moins hors du ftigmate. Le Tænia a donc des centaines 
de bouches, ou, fi l'on aime mieux, des centaines de trompes 
à l’aide defquelles il pompe fa nourriture. 

Dans les principaux anneaux de la premiere Efpece de 
"Fænia on appercoit deux ftigmates placés l'an au-deflus de 
Yautre : l'inférieur, qui ef le plus apparent , eft le feul qui 
renferme un fucoir. Autour des ftigmates on découvre un af- 
femblage de facs ovales, d’inégale grandeur , dont les rius 
apparens font pleins d'une matiere purpurine, & qui for- 
ment fur l'anneau un travail qui fe fait beaucoup remarquer. 
Ils n’y repréfentent pas mal les pétales de certaines leurs À 
demi-ébauchées. Ces petits vifceres, analogues à l’eftomac & 
aux inteftins, communiquent avec les ftigmates; & fi le plus 


416 CONTEMPLATION 


ètre le plus compofé, principalement parce 
qu’ils réuniflent les deux fexes : mais les Organes 


grand de ces ftigmates fait la fonétion de bouche, on pré 
fume aflez que l’autre s'acquitte de celle d’anus. Ceft, ene£ 
et, par celui-ci qu'on voit fortir la matiere Purpurine des 
grands facs lorfqu’on les preffe avec l'ongle. Ces grands facs 
feroïent donc les gros inteftins , & les petits, ordinairement 
pleins d’une matiere blanchâtre, tépondroient aux inteftins 
grèles. 

Cette organifation remarquable ne fe retronve pas dans 
tous les anneaux de cette Efpeces de Tænia : on ne la découvre 
point, même au microfcope, dans les très-petits anneaux de 
ce fil délié par lequel fe termine la partie antérieure. Mais 
Pextrémité de ce fil offre une particularité qui mérite une 
grande attention: elle eft renflées &@ le renflement imite fort 
bien la tête d'un Poiffon ou d'un Lézard : obfervé au mi- 
crofcope, on croit y voir une grande bouche entr'ouverte , 
dont on diftingue les levres ou les mâchoires: mais l’inter- 
valle compris entre ces levres ou ces mächoires eft plein : 
une fubftance charnue le remplit, & fa couleur plus claire 
que les levres, accioit l'illufion. Si ce renflement eft une 
tête, comme les apparences portent à le préfumer , la forte 
de bouche que je viens d’efgniffer doit avoir nne organifa= 
tion fecrete, bien différente de celle que la fimple infpe&ion 
Fait imaginer. Il eft au moins prouvé par une obfervation di- 
recte, que la partie antérieure du Tænia des Poules ov fon 
extrémité efflée eft prefque toujours fixée dans la tunique 
intérieure des intefiins de l'Oifeau. On peut donc en iuférer 
légitimement, que le petit renflement on l'efpece de tête qui 
termine cette extrémité effilée dans le Tœænia de l'Homme, 
de l'Efpece dont je parle, cft organifée de maniere qu'elle 
peut fe cramponner aux inteftins > & prubablement encore 

en 


, 


! 


DE LA NATURE. X. Part. 417 


en tirer une certaine nourriture. On n’en doute prefque plas , 
quand on confidere que le renflement qui termine l'extrémité 
efilée du Tænia de la feceride Efpece, eft garnie de quatre 
mamelons ou fucoirs dont l’exiftence a été bien conftatée. 

Sur les côtés des deux Efpeces de :Tænia regne un long 
vaifleau très-délié & tranfparent, qui établit une communica- 
tion entre les différentes articulations. On ne le déméle bien 

- que dans les plus grands anneaux. Un habile Anatomifte à 
fu l'injeéter, & cette injetion lui a démontré la liaifon qui 
eft entre les anneaux. Mais on n'y découvre aucun mouve- 
ment , & ce feroit en vain qu’on chercheroit dans le Tænia 
une grande Artere femblable à celle des Chenilles & de tant 
d'autres Infeétes. | 

De part & d’autre des vifosres, dans le Tænia de la pre. 
miere Efpece, s’obferve cette multitude de petits grains dont 
je parlois dans mon texte. Leur figure a paru tenir de l'el. 

yptique. On'ignore encore quel rôle ils jouent dans léco- 
nomie organique du Ver. Ils rappellent à Pefprit les petits 
grains dont tout le corps du Poiype à bras eft parfemé , & qui 
fe teignent des couleurs des alimens dont il fe nourrit. 

Au lieu de cet afflemblage de faes ou de petits inteflins 
qu'on découvre dans les principaux anneaux du Tænia de ia 
premiere Efpece , on ne voit dans ceux de la feconde qu'un 
amas ée ramifications plus ou moins irrégulieres , que jette 
de côté & d'autre am tronc commun, couché au milien de 
l'anneau & qui s'étend dans tonte fa longueur. Ces ramifica- 
tions ont probablement les mêmes unfages effentiels que les 
facs ovales de l’autre Efpece de Tænia. 

Ordinairement les fpécifiques qu’on emploie pour expul®re 
cet étrange Parafite, lui donnent la mort; mais il arrive quel. 


mmquefois qu'il fort vivant ; & fi on le met dans un baïlin plein 


d'eau tiedc, on le voit alors fe donner de grands mouvemens 
endulatoires & darder de tous côtés fa partie antérieure os 


Tome EH. D d 


\ 

#13. C: 0 N'TVE MP, L'ACPITMONR\ 
fon extrémité eMilée, comimne pour chercher à la fixer quéta 
que part. Je n'ai pas vu ces mouvemens dans le Tænia dè 
l'Homme ; mais j'en ai obfervé de femblables dans des Tæ- 
nia d'Efpece très-diférente & qui n’étoient pas moins remar. 
quables. Ils contraétoient & dilatoient alternativement diffé. 
rentes portions de leur corps, & ces contraétions & ces di 
latations alternatives fe fuccéàcient affez rapidement, 

Le Tænia eft très-commun chez les Qualrupedes, chez les 
Oifeaux & chez les Poiflons ; & fa conf’rmation varie beau- 
coup dans ces différentes claffes d’Animaux. On avoit cru 
que le Tæyia de l'Homme étoit renfermé dans les inteftins, 
comme un Hermite dans fa cellule; qu'il y étoit toujours 
feul de fon Efpece, d’où lui étoit venu le nom de Solitaire 
qu'il conferve encore: mais ce nom ne fauroit plus lui con- 
venir depuis qu’on s’eft affuré qu’il n'eft pas rare que le même 
fujet nourriffe à la fois plufieurs Tænia. Il eft des Animaux 


où il femble vivre en grande Société : on a vu des Poiflons 


qui renfermoient plus de trois mille de ces Vers. 

On n’a point encore rencontré le Tænia de l'Homme hors 
du canal inteftinal: mais on a vu des Quadrupedes & des 
Poiflons qui logeoient des T'ænia dans d’autres vifceres du 
bas - ventre. 

Nous formes bien-loin encore d’avoir une bonne Hifboire 
du Tænia; mais nous avons au moins quelques Mémoires 
pour fervir à cette Hiftoire. Ce n'eft pas chofe facile que 
d'étudier à fond un Aniinal appellé à vivre dans les retraites 
les plus obfcures. Nous fommes en particulier fort peu éclais 
rés fur la maniere dont il multiplie. Un habile Obfervateur , 
qui nous en promet une Hiftoire, aflure qu’il eft ovipare. 
Un autre Obfervateur nous apprend, que les Tænia de di. 
vers Animaux multiplient par une forte de divifion naturelle; 


Ja partie poltérieure fe fépare d’elle- même du refte du corps, 


& va végéter à part. Mais c'eft principalement fur l'origine 


ri 
ee 


=> 


Re OS A 


.. R. 


LA 


= DE LA NATURE. X. Part. At9 


cs plus eflentiels à la vie, y font répandus 
de mème dans toute la longueur de PAni- 
mal (5 ). 


de ce Ver fingalier que nous manquons de lumieres: eft -11 
effentiellement parafite? Le corps de l'Homme & des Ani- 
maux eft-il fa vraie patrie où provient-il du dehors? Quel- 
ques confidérations femblent militer en faveur de cette der- 
niere opinion; mais il faut avouer qu'elles ne repolent en 
gore que fur des faits affez équivoques, & dont.une Logique 
un peu févere ne fauroit fe contenter. 


(5) tft Ona faiten dernier lien fur 1e Ver-de-terre 
une petite découverte qui mérite que je l'indique, parce 
qu'elle m'a paru neuve. Une jeune Obfervatenr, Mr. FLau- 
-GERGUES , m'a appris que le Ver-de-terre elt phofphorique 
en Automne: ce n’a été au moins que dans cette faifon qu’il 
l'a vu luire. Sa lumiere, légérement azurée & affez femblable 
à celle du bois pourri, eft répandue uniformément dans 
toute l'étendue de fon corps; mais elle paroît un peu plus ” 
vive dans la partie qui répond aux organes de la génération. 
L'Obfervateur étoit tenté d'en imférer qu’elle pouvoit dépen- 
dre de quelqu’efervefcence amoureufe, analogue à celle qu'on 
fuppofoit dans le Ver-luifant. Mais le célebre de GEER à 
prouvé ,il y a bien des années, que le Ver - luifant efc phof. 
phorique dans des tems fort éloignés de ceux de la métamor- 
phofe. J'ajouterai, que le hafard m'a fourni une preuve plus 
direéte, que le pholpliore du Ver-de-terre ne tient point 
à fes amours : j'ai furpris en Novembre deux Vers- de - terre 
accouplés : je les ai tranfportés aufMi-tôt dans un lien trèg. 
obfeur; j'y fuis refté renfermé avec eux pendant quelques 
quarts - d'heure, & je n'y ai pas apperçu la plus légere lueur. 
Le phofphore s’éteindroit.il douc au moment de la jouiffance ? 


D d 2 


420 CONTEMPLATION 


Les Corps organifés dont la ftructure eft K 
fimple ou fi uniforme, que chacune de leurs 
portions a en petit une organifation femblable 
à celle que le Tout a plus en grand, jouif., 
fent de diverfes prérogatives qui ont été refu- 
fées aux Corps organilés d’une ftructure plus 
recherchée. Les premicts ne font point dé- 
truits, lorfqu’on les divife ou qu’on les met 
en pieces. Leurs différentes portions continuent 
de vivre, & les plaies qui leur ont été faites 
fe confolident facilement. Ces portions végé- 
tent; elles prennent de la nourriture: elles 
produifent de nouveaux organes ; elles multi- 
‘plient. Ce font là les merveilles que les Végé- 
raux @& les Infectes dont nous venons de par 
ler, mettent tous les jours fous nos yeux : 
merveilles qu’on n’a point aflez admirées dans 
ceux-là, & qu’on admire peut-être trop dans 


-CeUX - Ci. 


Les grands Animaux ne nous offrent pas de 
femblables prodiges. La confolidation de leurs 
plaies, & la réunion de leurs fraétures, quoi- 
qu'accompagnées fouvent de circonftances qui 


Mais les deux Amans ne paroïiffoient point du tout langui£ 
fans : je fais cette remarque, parce que l'Obfervateur aflurs 
que la lumiere eft d'autant plus foible, que le Ver eft moin& 
vigoureux : elle difparoît entiérement lorfqu'il ne vit plus. 


DELANATURE. X:Part. 421 


les rendent très - remarquables , ne nous frap- 
pent que médiocrement, comparées aux faits 
analogues que nous obfervons dans les Polypes 
& dans les autres Inféctes qui multiplient de 
bouture. Les mouvemens que fe donirent cer- 
taines parties des grands Animaux , lorfqu’elles 
ont été féparées du corps, eu que l'Animal a 
clé de vivre , ne nous caufent non plus qu’une 
médiocre furprife , quand nous confidérons les 
mouvemens que fe donnent les différentes por- 
tions de certains Vers, ou celles de quelques 
Mille - pieds, 


Mais nentie-t-il aucune fédnction dans 
ces divers jugemens ? Nous jugeons de l’eflet 
produit , confidéré en lui- mème & féparé des. 
circonftances qui l’accompagnent ; au lieu qu’il 
faudroit en juger relativement au plus ou au 
moins de compoftion du corps dans lequel cet 
effet elt produit. I y a mème autant & plus 
de merveilleux dans la confolidation de certai- 
nes fractures de notre corps, qu'il n'y en a 
dans la confolidation des plaies des Polypes ou. 
dans la réunion des parties qui en ont été fé- 
parées. Une machine tres - fimple fe répare ai- 
fément; une machine extrèmement compoñée: 
ne fe répare pas avec la mème facilité. Quand 
nous penferons au nombre prodigieux de pars 

D d 3 


422 CONTEMPLATION 


tics fimilaires & diffimilaires qui entrent dans 
la compofition du corps des grands Animaux , 
& fur-tout dans celle du corps humain 5 quand 
nous ferons attention à la liaifon étroite de 
toutes ces parties, & aux dégrés de compoli- 
#ion de chacune, nous ne pourrons aflez nous 
Ctonner que divers accidens qui furviennent 
a ces corps, n'aient pas de plus grandes fuites. 
Nous, fentirons en mème temps pourquoi il ne 
leur eft pas donné de fe propager comme les 
corps dont l’organifation eft plus fimple (6). 


C6) + Les réflexions que je faifois dars ce Chapitre fur 
Îes merveilles que recelë, la confolidation de certaines plaies 
des Animaux qu'on juge les plus parfaits, font bin jnfti. 
fées par des exemples frappans & ce genres fres-divers. On 
Se rappellera ces furprenantes régénérations que l'illuftre 
DUHAMEL a vu s'opérer dans la jambe d’un Pouiet. ( Part. 
VIII. Chap. XVII. Note 4.) Le Poulet eft déja bicn élevé 
dans l'échelle de l'animalité : mais que d’étonnantes repro- 
ductions ne s'exécutent point encore dans le Corps humain, 
ce chef-d'œuvre de la Création tetreftre! On a vu le cuir 
chevelu de la tête, les tégumens du bas-ventre @& quelques 
vifceres {e réparer en entier ou en très- grande partie ; la 
langue repouffer après avoir été coupée ; de profondes cou- 
pures du bras, du poignet, de la main, des doigts, &c. fe 
confolider , & le membre , prêt à tomber, fe réunir à fon 
fujet & fe greffer avec Ini. Que dirai- je encore ! on a vu 
des parties étrangeres au Sujet {e greffer ou s'incorporer fi 
bien avec lui, qu’elles y prenoïent vie, que la circulation 
S'y établioit & que le fentiment s'y développoit, La théorie 


D£ LA NATURE. X. Pari. 423 


Mars, indépendamment du plus ou du moins 
de compoñtion des parties néceflaires à la vie, 
dès que ces parties fe trouvent placées en 


des plaies eft une des plus belles parties de la fcience chi- 
rurgicale, & celle qui nous donne les plus hautes idées de 
Forganifation du Corps humain. 

J'avois trop attribué, fans doute , à la fimplicité de l'or- 
ganifation : c’eft que j'avois fur-tout dans l'efprit les admi- 
gables reproduétions qui s’operent dans les Infetes qui mul- 
tiplient de bouture, & dont la ftruéture paroît beauconp 
moins compufée que ceile des Animaux des claffes fupérieu- 
res. Les reproluétions plus admirables encore du Limacon 
terreftre & de la Salamandre aquatique, m’avoient point en- 
core été découvertes & n'avoient pas même été. foupçonnées. 
Et comment auroit-on fonpgonné, qu'un petit Quadrupede 
pouvoit réparer-en entier la perte de fes bras, de fes mains, 
de fes jambes, de fes pieds, de fes mächoires, &c.! Com- 
ment auroit-on foupconné, que des membres fi compofés » 
pourvus de tant d'oflulets, de mufcles , de-nerfs, d’arteres, . 
de veines, &c. pouvoient fe réintégrer fi parfaitement ; que 
les nouveaux .membres ne différaflent en rien des anciens ! 
Plus.on eft verfé dans l'anatomie, & plus on s'étonne de 
ces reproductions dans des Touts fi compofés. J'ai fait admi.. 
rer ailleurs (Part. III. Chap. XXI. Notes 4 & s)le grand 
apnareil d'organes divers qui: entrent dans la compofition de : 
Ja tête du Limaçon terreltre; &- pourtant cette tête fe re- 
produit.en entier comme les membres de la Salamandre. Ce: 
n'eft donc pas principalement de la fimplicité de l'organifation 
que dépendent ces reproduétions qui nous étonnent ; c'eft fur- 
tout de la nature particuliere de l'organifation, du degré de 
eoufiftance des folides, du genre & de le température des su 


Dd 4. 


424 CON TEMPLATION 
! 


différentes régions du corps, dès qu’elles ne 
font pas répandues dans toute fa longueur, 
ce corps ne fauroit être multiplié de bouture. 


meurs. La MAIN ADORABLE qui a façonné tous les Etres, 
a pu renfermer très en petit dans des germes, des organes 
extrêmement compofés: fi elle a placé de femblables germes 
dans un Coquillage ou dans un petit Quadrupede ; fi elle les 
y a diftribués dans un ordre relatif aux pertes que ce Co- 
quillage ou ce Quadrupede pouvoient faire de dilférens or- 
ganes ou de difiérens membres ; fi elle en a confitué les £o- 
lides & les humeurs de maniere à y prévenir les hémorrha- 
gies , les inflammations, les dépôts qui accompagnent ‘ordi- 
nairement les grandes plaies chez les Animaux à fang chaud, 
ce Coquillage ou ce Quadrupede, quoique très - compolé, 
pourra fontenir les opérations les plus cruelles, réfifter aux 
plaies les plus énormes, & réparer en entier la perte de tous 
fes membres. Quand on coupe le bras, la cuiffe ou la queue 
à une grande Salamandre, l’on en voit jaillir un jet de fang, 
gros comme une foie de Porc, qui coule fans interruption 
pendant plus de deux minutes, & qui teint l'eäu en rouge 


comme tout autre fang. Mais les vaifleaux fe ferment bien 


tôt d'eux-mêmes, & la force contradile dont ils font doués 
eft telle, qu'ils réfiftent conffamment à la force impulfive du 
cœur & à toutes les ‘impulfions qu'occafonent les divers 
mouvemens que l'Animal ne cefle point de fe donner: car 
il montre à-peu-près autant d’agilité après l'opération qn'au- 
paravant; & fi au bout d'un quatt-d'heure on lui préfente 
un Ver-de-terre vivant, il le faifira avec avidité & l’englou- 
tira. Les folides de la Salamandre font gélatineux : ils con- 
fervent toujours une certaine foupleffe : les os eux-mêmes 


demeu:cnt flexibles & n’acquierent jamais, ni à beaucoup 


DE LA NATURE. X. Part. 42 


En refufant, dans Sa SAGESSE , cette propriété 
aux grands Animaux , en reflerrant chez eux 
les {ources de la vie dans un cercle aflez étroit, 


près, le degré de dureté propre aux os:des grands Ani- 
maux. 

La Limaçon, qui n’a d’offeux que fa coquille, ef plus 
gélatineux encore que la Salamandre , & l’on connoit la vif- 
cofité de fes humeurs par ces traces luifantes qu’il laifle 
fur les corps qu'il parcourt. Immédiatement après qu’on lui 
a coupé la tête, fes vaifleaux & fes chairs fe contraétent 
avec, force : il fe retire aufi-tôt bien avant dans fa coquille, 
& y refte fouvent des femaines & des mois fans en fortir. 
C'eft dans ce long repos qu’il travaille à réparer la perte de 
fa tête: il n'y réuflit pas toujours, & le plus fouvent il pé- 
rit d'inanition avant que ‘de lavoir refaite en entier. Tantôt 
il ne parvient à reproduire qu'une des grandes cornes ou 
une des petites ; tantôt il en reproduit en même tems deux 
ou trois. D'autrefois il ne refait que fes levres, &c. Il n’eft 
pas bien rare encore que toutes ces reproductions foienti"monf- 
trueufes : les deux grandes cornes, par exemple, fe gref- 
fent l'une à l'autre dans toute leur longueur, & ne compo- 
fent plus qu’une feule corne en forme de mufeau, au bout 
duquel font deux, veux en guife de narines. Rien de plus 
. varié que ces fortes de monftruofités , & rien de plus propre 
à répandre du jour fur l’hiftoire ténébreufe des monftres. 
Mais quand le Limacon parvient à refaire fa tête en entier!, 
cette tête eft aufli parfaite, foit à l'extérieur ,! foit dans l’inté- 
teur, que celle qui Ini avoit été enlevée. La difleétion anats- 
mique en fournit la preuve la plus démonftrative. 

Les reproduétions de la Salamandre offrent auffi des monf- 
aruofités très-remarquables, foit par défaut, foit par excés. 


n 


46 CONTEMPLATION 


l'AuTEUR de la Nature les en a dédommagéæ. 
par bien des avantages. Comparez la fuite des: 
mouvemens ou des actions d’une Ortie de mer ». 


* 


Non-feulement il arrive affez fouvent que les doigts des mains 


& des pieds qui fe reproduifent, fe greffent les uus aux au 


tres dans une partie plus ou moins confidérable de leur lon- 
gueur; mais il arrive encore que le nombre des doigts varie, 
€ qu'il eft tantôt plus grand, tantôt plus petit que dans 
ordre naturel. On fait que la Salamandre a quatre doigts 
aux mains @& cinq aëx pieds. On voit affez fréquemment des 
Salamandres dont la main & le pied nouvellemert reproduits 
ne montrent que trois doigts; & l’on en obferve dont la nou- 
velle main a cinq doigts & le pied huit. L'art de l'Obferva. 
teur peut même déterminer la Nature à reproduire plus de 
doigts qu’elle n'en a donné aux mains & aux pieds de l'Am- 
phibie; & ces doigts furnuméraires fuivent dans leur accroit- 


fement les mêmes loix que les autres, & font aufi bien or. 


ganifés. En général les reproductions des membres font très- 
régulieres, & le membre qui fe reproduit aétuellement, cf 


la plus jelie miniature qui renferme très-en petit tout ce- 


que l’ancien membre ofroit en grand. Le membre qui fe re- 
produit & qui n'eft encore qu’une miniature, contient ac- 
tuellement les mêmes feurces de réparations que l’ancien : fi 
où en retranche une partie, il reproduira une partie fem- 


blablement organifée, & qui ne différera que par fa petitelle- 


& fa mollefle de celle qu'on aura retranchée. Si l'on répete 
l'opération fur cette partie nouvellement reproduite, elle en- 
pouffera elle - même lune troifieme , femblable pour leffentiel 
aux deux précédentes, & nous ignorons encore le terme af. 


figné à ces fortes de reproduétions. L'on en a déja obfervé. 


fept à huit confécutives dans le même membre. Je renvois. 


1 


RÉ cs 


DELA NATURE. X. Part. 427 


avec la fuite des mouvemens ou des actions 
du Singe , & vous fentirez bientôt quel cit ce- 
lui de ces Animaux qui a été le plus favorile- 


ENFIN , les Corps o’ganifés auxquels il a 
êté accordé de multiplier par une voie qui fem- 
bleroit ne tendre qu'à leur deltruétion, font 
ceux qui étoient expofés à de plus grands dan- 
gers, & dont jia_vie devoit ètre menacée à 
chaque inftant de mille accidens divers ( 7). 


mon Lecteur fur les autres merveilles de la Salamandre , à 
la Note 6 du Chap. II de la Part. IX. Je le renvoie encot 
fur le méchanifme de la confolidation des plaies, à ce que 
jen ai dit Chap. XVIII de la Part. VIIL. 


(7) tt Tous les Animaux qui jouiflent du privilege de 
refaire leurs membres, font expofés à les perdre par je ne 
fais combien d’sccidens. On péche dans les mares, de ces 
Vers longs & caffans qui multiplient de bonture, dont les 
uns font privés de tête, les autres de queue; d’autres des 
deux extrémités à la fois. On pêche de même des Polypes 
& des Etoiles de mer à qui il manque un ou plufieurs mem- 
bres. Le Ver-de-terre perd fouvent fa tète ou fa queue, & 
guelquefois les deux enfemble qui lui font enlevées par les 
Taupes ou qu'il perd par d’autres caufes accidentelles. On 
retire des étangs des Salamandres dont les membres conier- 
vent des indices très-marqués de mutilation, Il n’eft pas 
rare qn’elles perdent quelques doigts dans les mues qui font 
fréquentes. Enfin, on rencontre dans la Campagne, des Li- 
maçons dont une ou deux cornes ont été pareillemeut mu 


tilées. 


428 CONTEMPLATION 
EE: a 
G'H' 4 ED RUE FOOT 


La Circulation. 


FE NTRE les mouvemens que nous obfervons: 
dans l’intérieur des Machines animales, celut 
de la circulation tient le premier rang, loit 
par fon importance, {oit par fa nature, foit 
part fa durée & l’appareil d'organes au moyen 
duquel il s'exécute. Il regne dans ce mouve- 
ment un air de grandeur qui faifit fortement 
PEfprit, & qui lui fafant fentir les bornes Ctroi- 
tes de l’Intelligence humaine , le penetre du 
plus profond refpe&, & le remplit de la plus vive 
admiration pour INTELLIGENCE INFINIE qui 
brille dans {on Divin AUTEUR. 


\ 

C'eft une claffe immenfe que celle de ces Animaux aux- 
quels il a été donné de refaire leurs membres. Tous les Zoo- 
phytes lui appartiennent, & leurs Familles innombrables 
tapiffent le fond des ruiffeaux, des étangs & des mers. Les: 
Coquillages , dont les Familles ne font pas moins nombreules , 
les Crabes & divers Amphibies lui appartiennent encore; 
& fans doute qu'il eft bien d’autres Efpeces d'Animaux qui 
fe rapprochent à cet égard des Plantes, & qui exerceront l’in- 
duftrie des Naturaliftes des fiecles à venir. Voyez dans com- 
bien d’Efpeces d'Animaux cette propriété a été découverte 


depuis 1712, que REAUMUR la fit admirer dans l'Ecrevifté. 


DE£ LA NATURE. X. Paré. 429 


Au centre de la poitrine, entre deux mafles 
fpongieufes ou vafculeufes, connues fous le 
nom de poumons, eft couchée une pyramide 
charnue , dont la bafe porte deux petits enton. 
noirs, en maniere d’oreillettes, qui commu. 
niquent à deux cavités contenues dans l'inté- 
rieur de la pyramide , & qui le partagent fui- 
vant fa longueur en deux chambres ou ven- 
tricules, le ventricule droit & le ventricule 
gauche. Cette pyramide eft le cœur ou le prin- 
cipal reflort de la Machine. Il a deux ordres 
principaux de fibres mufculaires; les unes vont 
obliquement de la bafe à la pointe : les autres 
coupent celles - ci tranfverfalement. Du jeu de 
ces fibres réfultent deux mouvemens oppolés , 
lun de raccourciflement ou de dilatation ; l’au- 
tre d’alongement ou de contraction. Le cœur 
paroît exécuter ces mouvemens en tournant fur 
lui- mème en forme de vis. Sa pointe fe rap- 
proche ou s'éloigne de la bafe, en montant ou 
en defcendant obliquement. 


Deux gros vaifleaux communiquent avec 
chaque ventricule, une artere & une veine. 
L’artere (1) qui communique avec le ventri- 
cule droit, porte le fang au poumon. La 


(1) L'artere poulmonaire. 


%o CONTEMPLATION 


veine (2) qui communique avec le mème ven: 
tricule, forme le principal tronc des veines, & 
rapporte le fang de toutes les parties au cœur. 
L'’artere (3) qui entre dans le ventricule gauche, 
elt le principal tronc des arteres; & c’elt elle 
qui porte le fang à toutes les parties. La veine (4) , 
qui aboutit au mème ventricule, lui tranfmet 
le fang qu'elle a rapporté du poumon. 


Les principaux troncs des arteres & des vei- 
nes fe divifent en plufieurs branches à peu de 
diftance du cœur. Les unes tendent vers les 
extrémités fupérieures; les autres vers les in- 
férieures. 


Les arteres & les veines diminuent de dia- 
metre & fe ramifient de plus en plus à mefure 
qu’elles s’éloignent de leur origine. Il n’eft point 
de parties auxquelles elles ne diltribuent un 
ou plufieurs rameaux. 


PARVENUES aux parties les plus reculées, 
les arteres s’abouchent aux veines, foit que 


(2) La veine - cave. 
(3) La grande artere ou l’aoris. 


! (4) La veine poulmonuire, 


ES TT. TS ES ee Re 


DE LA NATURE X. Parti 43% 


et abouchement foit réel ou immédiat, foit 
qu’il fe fafle par linterpofition d’un tiffu très. 
fin (5), ou que le mème vaifleau fe prolonge 
à la maniere d’un fyphon à deux branches. 


(s)tt L'obfervation ne dépofe point en faveur de ce 
#iff4 très- fin qu’on fuppoloit gratuitemest former la eommu. 
ñication des arteres avec les veines. On peut s’en rapporter 
à - deffus à l'illuftre HaLzLer, dont je tranfcrirai Jes pro= 
pres termes. ,, On s’eft afuré, dit-il, par des expériences 
>» faites au microfcope, fur les queues, les pattes, les mé- 
» fenteres des Leézards, des Grenouilles, &c. que le fang 
> pouflé par les arteres vers les extrémités, eft porté ou 
> dans les veines continues à ces arteres réfléchies fur elles- 
mêmes, ou dans des rameaux qui communiquent du tronc 
>» artériel avec la veine parallele, @& qu'il revient par les 
» Veines dans la partie la plus proche du cœur. Cette circu- 
» lation a lieu, tant dans les petites veines qui ne peuvent 
,, laifler paffer qu’un feul globule de fang , que dans celles 
» Qui font un peu plus grandes, & par lefquelles il pale 
,, alors deux globules. On ne peut découvrir dans ancune 
» partie aucune matiere fpongieufe ni aucun parenchyme en- 
*,, tre les arteres & les veines; c’eft ce que confirment Île 
» microfcope & fur-tont l’injeétion qui formeroit en s'épan 
n» chant des mafles informes, s’il y avoit des efpaces cellu- 


» laires entre l’artere & la veine ”. 

Mr. SPALLANZANI s'eft aufli affuré, que l’aétion du 
eœur porte fon influence non - feulement jufqu'aux extrémités 
les plus ténues des arteres, mais encore jufqu'à l'entrée des 
veines : car il a vu le mouvement du fang s’accélérer dans 
celles- ci à chaque pulfation du cœur. Ceci n'avait point er- 
core été apperçu, 


43: CONTEMPLATION 


Les arteres {ont compofées de plufieurs memi 
branes principales, pofées les unes fur les au- 
tres, & qui leur donnent le mouvement & le 
fentiment. Les veines ont de femblables mem- 
branes; mais elles y font plus minces ou plus 
foibles. Les veines n’étoient pas appellées à exer- 
cer la mème puiflance que les arteres. Celles-ci 
devoient , comme le cœur & pour la mème fin, 
£e dilater & fe contracter ; elles ont donc été 
poutvues d’une membrane fort élaftique. Les 
veines ne devoient pas avoir de jeu fenfible. 


À la naïflance des arteres & dans l’intérieur 
des veines, font placées de petites éclufes ou 
de petites valvules, qui en s'abaiffant & en fe 
relevant, ouvrent & ferment le canal. Ces val- 
vüles font pofées dans les veines en fens con- 
traire à celui qu’elles ont dans les arteres. Nous 
verrons bientôt la caufe finale de cette dif- 
férence. 


APRÈS avoir été broyés & diflous dans la 
bouche & dans l’eftomac, les alimens defcen- 
dent dans les inteltins , où ils reçoivent une n5u- 
velle préparation par le mélange de deux li- 
queurs, dont l’une eft fournie par le foie, & 
{e nomme la bile, & dont lautre eft fournie 


pat 


DE LA NATURE. X. Fur. 433 


bar tine efpece de glande (6) fituée fous ef 
tomac,. 


Les alimens font convertis en une efpece 
de bouillie grifätre qui à recu le nom de chyle; 
Chaflé de place en placé par le mouvement 
vermiculaire ou périftaltique (7) des intef. 
tins ; preflé fortement contre leurs parois dans 
Pinftant de leur contraction, le chyle pénetre 
. dans des vaifleaux extrèmement déliés (8) qui 
s’ouvrent dans la membrane interne du con- 
duit inteftinal (9). Ces vaileaux tran{mettent 


. (6) Le pancréas & le fuc pancréatique. 


(7) Voyez le Chap. 3 de la Part. VIE 
C 8 ) Les veines Zactées fremiéres: 


Co) ff Liererrünn, fi célebre par fes belles décou: 
Vertes microfcopiques, a prouvé que les petits poils qui 
compofent la tunique vileufe ‘ou le velouté des inteftins , 
étoient autant d’efpeces de petites ainpoules fpongieufes, per- 
tées d’un trou; & qu’à chaque poil aboutit un vaifleau ladé 
Qui paït de la turique vafculeufe, Des artérioles, & ordis 
nairemènt une feule veinule fe rendeñt encore à chaque pôiL. 
Le liquide artériel eft verfé en partie dans l'amponle aveé 
le chyle, & une portion de celui-ci eft tréforbée par It 
veinule. Le pénétrant Obfervateut a découvert encore autout 
de chaque poil plufieurs cavités ou follicules, qui font Îes 
Sources long - temps cherchées de la mucofité qui enduit it 
térieurement les inteftins, à 

Tom, IL E 6 


s © 


g34 CTCONTEMPLATION 


le chyle à de très - petites glandes dont eft par 
femée une efpece de membrane (10) fituée au "| 
milieu des inteftins, & autour de laquelie ils M 
font comme rouiés. Fitré & travaillé dans ces 
glandes , le chyle y elt repris par d’autres vaif 
«faux (11) qui le conduifent dans un ca- 
nal (12) placé le long de Pépine, & qui le 
verfent dans une veine fituée fous la clavi- 
cule gauche. Là, il entre dans le fang, & perd 
le nom de chyle (13). De cette veine le 
nouveau fang pañle dans la branche fupérieure 
du principal tronc des veines, qui le conduit 
vers le cœur. Il entre dans l'oreillette droite , 
qui s'ouvre à fon approche, & qui en fe ref 
{errant aufi-tôt, le pouffe dans le ventricule 
droit, dilaté pour le recevoir. Le cœur fe con- 


(10) Le méfentére & jes glandes s#éfentériques. 
( 11) Les veines Zacfées fecomdaires. 
(12) Le canal #horachique. 


(13) ft Quelques Phyfologiftes avoient cru que les gies 
bules du fang tournoient fur eux-mêmes en même temps qu'ils 
exécutoicnt leur mouvement progrefif. Mr. SPALLANZANI, 
qui a obfervé ces globules dans les vaiffeaux de différens Ani- 
maux vivans, a reconnu avec la plus grande évidence, 
qu'ils n’ont pas d'autre monvement que celui que leur im 
prime le courant lymphatique on féreux, qui les enriaine, 


| 


“ 


DE LANATURE. X. Port. 43$ 


tracte à l’inftant ; les valvules, dont le ven. 
tricule eft garni, s’élevent pour s’oppoler au 
reflux du fang dans l'oreillette # il eft forcé d’en- 
filer la route de l’artere qui doit le porter au 
poumon. Les valvules pofées à l’entrée de cette 
artere, s’abaiffent ; l’artere fe dilate, & le fang 


s’avance dans le canal. Les valvules fe redref 


Sent & préviennent fon retour vers le cœur. 
L’artere fe contracte , le fang eft pouffé plus 
loin, & par ces dilatations & ces contractions 
alternatives du vaifleau, il eft porté au pou- 
mon, dont il parcourt tous les plis & Îles rez 
plis. Les ramifications de la trachée (14), ré- 
pandues dans le vifcere, y pottent un air frais 
& élaftique , qui, en agiffant fur le tiflu liche 
& fpongieux du poumon, le dilate, le dévide, 


“étend, le déploie, & facilite par-là le cours 


du fang dans les plus petites ramifications de 
lartere. De plus, imprégné de cet air, le fang 
s’y atténue, {e rafraichit & prend une couleur 


_ plus vive. Parvenu aux extrémités de l’artere, 


il pale dans celle de la veine pulmonaire qui 
le conduit au ventricule gauche du cœur. Celui-ci 
en fe contractant, le poufle dans l'aorte (15), 
qui, en fe divifant & fe fubdivifant fans cefle, 


(14) Les bronches. 


” (15) Le principal tronc des arteres. 


Ee 3 


435 CONTEMPLATION 


diftribue cette liqueur balfamique à toutes léé 
parties , pour fournir à leur accroïfflement ou à 
leur entretien, & pour donner lieu à différentes 
fécrétions (15 ). Les valvules de l'aorte... 
mais mon Lecteur m'a déja prévenu. Des ex- 
trémités de cette artere, le \fang pañle dans 
celles de la veine cave (17), qui rapporte an 
cœur le réfidu du fang , pour le faîre rentrer 
de nouveau dans les routes de la circulation. 


C’elt ainfi que la grande énergie du cœur, fe. … 
condée de celle dés arteres (18), tranfmét. 


(16) Voyez le Chapitre V de la Part. VIT. 
(17) Le principal tronc des veines. 


(18) ff Aucun Phyfologifie n'a plus approfondi fa eir+ 


“culation du fang, que l'Abbé SPALLANZANI. Son Ouvrage - 


fur ce grand fujet ajoute beaucoup à la Phyfique organique. 
L'Auteur a recherché, en particulier, fi le mouvement dw 
fang dépend uniquement de limpulfon du cœur, ou fi la 
contraction des arteres @& d’autres puiffances fecondent cette: 
impullion. Mais toutes fes obfervations orit concouru à éta= 
blir, que Îe principe de ce mouvement perpétuel réfide uni- 
quement dans la force impulfive du cœur. Il a démontré, 
que les calibres étant égaux, le fang fe meut avec- autant de 
viteffe dans les veines que dans les arteres. Ce réfultat eft 
bien contraire à l'opinion des Phyfiologiftes qui penfent que 
le fang artériel fe meut plus rapidement que le fang vei- 
neux 


@n avoit cru encore que le mouvement du fang artérick 


DELA NATURE. X Port. 437 


le fang aux parties les plus reculées du corps, 
malgre la réfiltance que la gravité, les frotre- 
mens & mille autres circonftances apportent à 


fe ralentifloit beaucoup à mefure qu'il s'éloignoit du cœur, 
& l’on avoit affigné différentes caufes de ce ralentiffement, 
Notre Obfervateur s’eft convaincu par fes longues recherches, 
que le fang conferve aux extrémités les plus déliées des ar- 
teres , une très-grande vitelfe. | 

Ce font encore les Amphibies qui ont valu à notre Auteur 
ces vérités importantes fur la cireulation. 11 l’a aufli étudiée 
dans le Poulet en fuivant les traces des MarPiGHr & des 
Hazrrer. Ce mouvement, qu’on croiroit fi régulier dans 
l'Adulte , y eft pourtant fujet à des anomalies fingulieres. 
Dans une portion de l'aorte contiguë au cœur, & rame dans 
une portion de l'aorte defcendante , le fang s’arrète par 
momens pendant la dyaftole du cœur ; tandis que daus une 
portion différente du même vaiffeau, il court inégalement, 

plus vîte dans la fyftole & plus lentement dans 11 dyaftole: 
mais dans les arteres d’un plus petit diametre , on n’appercoit 
pas ces irrégularités, & le fang s'y meut d'un mouvement 
égal ou uniforme: Chez le Poulet d'un jour ou deux, le 
mouvement du fang eft fouvent interrompu: ii s'arrête dans 
a dyaftole; & la fyftole me lui fait parcourir qu'un chemin 
très - court : mais à mefure que l'Embryon fe développe, les 
xepos deviennent moins fréquens ; les efpaces parcourus aug- 
mentent ; & fur la fin de l'incubation le fang a déja acquis 
une très-grande rapidité. 

Il nous manque encore bien des lumieres touchant l'aétion 
de l'air fur le fang pulmonaire. Notre ingénieux Naturalifte 
a découvert, que ce fluide fubtil inAue beaucoup fur la con- 

- fervation du mouvement du fang pendant fon paflage dans 


Ee:3 


483 CONTEMPLATION 


fa marche. La forte preflion que le fang arté- 
riel exerce continuellement fur le fang veineux, 
furmontant de mème a pefanteur naturelle, 


( 
Les poumons. Il a démontré en même temps la faufeté ds 
Y'opinion qui attribue au fang pulmonaire une viîtefe fingu. 
liere. 

Nous l'avons vu : l’Embryon eft blanchâtre, tranfparent 
& preïque fluide dans les premiers temps. Ses vaifleaux ne 
montrent point alors cette liqueur rouge qu'ils feront circuler 
un jout avec tant de régularité & de conftance, Ce n’eft que 
peu-à-peu que les folides & les fluides fe colorent, parce que 
ce n’eft que peu-à-peu que le calibre des vaifleaux accroît, 
& qu'ils parviennent à admettre des molécules plus hétéro- 
genes, moins fubtiles & plus colorantes. L'Obfervateur ne 
fauroit faifir le temps précis où le fang commence à fe colo- 
rer en rouge. Il pañle probablement par bien des nuances 
avant que de fe colorer ainf. Mais, il eft une chofe dont 
notre Naturalifte croît s'être bien affuré par des procédés qui 
n'avoient pas été employés avant lui : c’eft que le fang qui 
paroïît jaune au travers du vaifleau quand on l'obferve par 
une lumiere réfradtée, paroît conftamment rougeñtre , ob- 
fervé par une lumiere réfléchie. On s’en convainc fur le 
Tétard. Mais cette couleur rougeûtre fe renforce de plus en 
plus à melure que le Tétard avance en âge. J1 eft chez le 
Poulet une autre caufe altératrice de la couleur du fang ; c’eft 
le jaune de l'œuf. On ne peut obferver les vaifleanx fanguins 
du petit Volatiie, fans que leu: couleur propre ne fe reffente 
plus on moins de celle du jaune : les deux couleurs fe con- 
foncent ainfi & produifent une apparence de jaune. Un ha- 
bile Obfervateur paroit y avoir été trompé. Notre Phyfo- 
logifte, plus circonfpe& & plus adroit, a fu faire difparoitre 


DE LA NATURE. X. Part. 43% 


Te force de s'élever des parties inférieures au 
cœur. Les efpeces de valvules diftribuées cà & 
là dans l’intérieur des veines afcendantes, & 
qui font comme de petits echellons, le batte- 
ment continuel des arteres qui rampent à leur 
côté , le jeu des mufcles, &c. aident encore le 
retour du fang. 


TELLE eft, très. en raccourci, l’admirable 
méchanique de la circulation du fang dans 
PHomme & dans les Animaux les plus connus. 
Mais combien cette légere efquiile eft-elle au 
deffous de la réalité ! Combien ces traits font- 
ils foibles pour exprimer les beautés de ce grand 
fujet! Que jenvie votre favoir, Phyficiens , 
qui connoifez mieux que moi ces beautés, qui 
voyez plus à découvert Cette merveilleufè éco- 
nomie, & qui avez ramené au calcul l’action 
de ces puiflances qui entretiennent en nous la 

. 


lillufion, en dégageant du jaune de lœuf la membrane vaf 
oculaire & en la plaçant fur une glace: la couleur jaune s'eft 
évanouie auf -tôt, & les vaifleaux ent paru rouges. 

Tous les vaifleaux fanguins n’apparoiffent pas en même 
temps dans i'Embryon : notre Phyfologifte a été conduit à. 
rechercher fi les vaiffeaux qui n’apparoiffent point encore, 
préexiftoient déja dans le Tout organique ; & c’eft une vérité 
qui lui a paru découler de toutes fes obférvations, & qui 
va À l'appui de tant d’autres Faits qui concourent à établir la: 
bi f univerfelle de la préformation des Etres vivans, 


E'e-4 


410 CONTEMPLATION 


vie & le mouvement! Que font cependant en: 
core vos brillantes découvertes , auprès des beau- | 
tés qui vous demeurent cachées! Que font vos | 
favantes & curieufes defcriptions, relativement 
à ce que le fujet eft en lui- même! Les figu- 
res groflieres qu'une main enfantine crayonne 
fur un mur, font peut-être moins éloignées 
des chefs - d'œuvres d’un RuBENs ou d’un Ra- 
PHAEL. Voyez - vous diftinétement comment les 
forces de la vie fe réparent? Concevez - vous 
nettement la caufe de ce mouvement perpétuel 
du cœur, qui continue fans interruption pen. 
dant 70,80 ou mème 100 ans, qui a duré 
des fiecles dans les premiers Hommes, & qui 
dure encore pendant un temps prefque auffi 
long dans quelques Efpeces d’Animaux { 19)? 
Âvez- vous découvert le point où lartere fe 
change en veine? Avez-vous pénétré dans le 
myftere de la fécrétion de ces efprits, dont la 
fubtilité & l’activité. prodigieufes femblent les 


(19) ft On fait aujourd'hui que la caufe des mouvemens 
du cœur eft dans fon irritabilité : cela n'avoit pas encore été 
démontré, quand je compolois ce paragraphe de mon Texte. 7 
Mais il refte à découvrir ce qu'eft l'irritabilité elle - méme. 
On entrevoit bien qu’elle doit dépendre de lation d’ur Auide l 
invifible fur les fibres mufculaires ; mais ce n’eft-là qu'un \ 
fimple apperçu ou une foible lueur, & on defireroit la lue 
miere du grand jour. 


BL AËEN AT UR E.' X Pari. ‘444 


rapprocher de la lumiere ? Pouvez - vous mème 
décider fur la maniere dont fe font les fécrée- 
tions les plus groilieres ( 20 ) ? Connoïffez-vous 
la véritable méchanique des mouvemens muf- 
culaires ? Avez- vous découvert d’où leur vient 
cette grande force, fouvent fi fupérieure à celie 
du cœur (21)? Toutes ces dépendances de la 
circulation nous demeurent voilées. Une fombre 
nuit couvre encore ces régions, & vous de- 
firez avec ardeur le lever de l’Aftre qui doit 
diffiper ces ombres. L’Aurore de ce jour dorera-t- 
elle bientôt l’horifon du Monde favant ? ou fa 
naiflance eft - elle encore fort éloignée ? 


Mais fi nous ne découvrons pas tout, nous 
en voyons du moins-aflez pour que notre ad- 
miration ne foit point aveugle; & l’efquifle que 
je viens de crayonner de la circulation, fuffit 
pour nous faire concevoir les plus hautes idées 
de la SOUVERAINE INTELLIGENCE qui en à 
ordonné la maniere, la durée & la fin. 


(20) tft On a fait de nos jours d'aflez grands pas dans 
la théorie des fécrétions. Conful, le Chap. VI de a Part, 
VII, & les Notes, 


(21) tt Le problème du jeu des mufcles n’eft pas encore 
pleinement réfolu. Voyez Part, VII, Chap. II, Note 2. 


442 CONTEMPLATION 


Moixs magnifique dans fes plans, moins: 


habile dans l'exécution , Hydraulique ne nous. 
offre de cette merveille que de foibles images 
dans les machines au moyen defquelles elle éleve 
l'eau au - deflus des Montagnes, pour la diftri. 
buer dans tous les quarticrs d’une grande Ville, 
& pour la faire circuler ou jaillir fous cent for. 


mes, dans ces Jardins que l'Art & ia Nature. 


embelliflent à l’envi. 


Les Ouvrages du CRÉATEUR veulent être- 


comparés aux Ouvrages du CRÉATEUR. Tou- 
jours femblable à Lu - mème, I£ a imprimé à 
toutes Ses Piodudions un caractere de nobleffe 
& d'excellence, qui démontre la grandeur de 
leur origine. De cet immenfe amas d’eau ; qui 
ceint les grands Continents, s’éleve fans ceffe 
un Océan de vapeurs (22), qui, raréfiées par 


(22) tt Je n'exagérais pas ici, en parlant d’un Océax de 
vapeurs. Le grand calculateur HALLEY avoit trouvé, qu'une 


furface d'eau exhale en deux heures un cinquante - troifieme- 


d'un pouce à une température égale à celle de nos jours d'Eté. 


Il en avoit conclu , qu'il s’exhale journellement en douze- 


heures. de la Méditerranée plus de cinq mille deux cent quatre- 
Vingt millions de muids d’eau. On fait que le muid eft de 
deux cent quatre - vingt- huit pintes de Paris, & que la pinte: 
vele deux livres. C'étoit ainf que HALLEY prouvoit, que. 
lévaporation des Mers {ufit à l'entretien des fontaines & des 
Reuves. 


DE LA NATURE. X.Part. 413 


Paction combinée du Soleil & de l'air, s’éten- 
dent dans les couches fupérieures de l'Athmof- 
phere, où elles demeurent fufpendues en équi- 
libre , confondues avec le fluide dans lequel elles 
nagent, & pefent avec lui. Raffemblées enfuite 
en nuages plus ou moins denles, & portées fut 
les aîles des vents, elles parcourent les plaines 
céleftes qu’elles ornent de leurs riches couleurs , 
& de leurs formes toujours variées. Fixées enfin 
fur le fommet des Montagnes, elles y verfent 
les pluies abondantes , qui, recueillies dans les 
valtes réfervoirs que renferme leur fein, four- 
niffent par une heureufe circulation à l'entretien 
des fontaines ,ides fleuves, des lacs & des mers. 
Semblables aux arteres & aux veines , les denves 
ferpentent & fe ramifient fur la furface de la 
Terre; ils parcourent d’immendes Contreées , ils 
les arrofent, les fertilifent, les uniflent paru 
commerce réciproque, & roulant majettueule- 
ment leurs flots vers la mer, ils s’y plongent , 
pour être de nouveau élevés en vapeurs, & 
rentrer ainfi dans les routes de cette magnifique 
circulation, 


Fe 


444 CONTEMPLATION 


3 
G'H A Pl TIRE RUE 


VE 


Continuation du même [ujet. 


EL À feve circule-t-elle dans les Plantes, 


comme le fang circule dans les Animaux? Ce . 


nouveau trait d’analogie entre ces deux claf- 
fes de Corps organifés , eft- il auf réel qu’il a 
- paru l'être? 


DE petites veflies pleines d’air, qu’on a cru 
découvrir dans l’intérieur des feuilles ( 1) ; les 
ramifications fans nombre & l’entrelacement de 
leurs vaifleaux , ont perfuadé qu’elles étoient les 
poumons de la Plante (2). On a conjeduré 


(1) tt C’eft le célebre GREW qui avoit découvert ou 
eru découvrir ces véficules dans les feuilles des Plantes. On 
fait que tandis qu’il travailloit à fon Anatomie des Végétaux , 
MazpiGHi travailloit à la fienne, fans rien favoir du tra. 
vail du Naturalifte Anglois, comme celui-ci ne favoit rien 
non plus du travail du Naturalifte Italien. Bien des vérités 
importantes de la Phyfique des végétaux n’en ont été ainf que 

rieux conftatées. 


U2) tt Si les Plantes refpirent, ce n’eft affurément pas 
à la maniere des grands Animaux: elles n’ont point de vrais 
poumons : ce feroit donc plutôt à la maniere des \Infeétes ; 
car leurs trachées ou leurs vailleaux à air reMemblent fort 


dire 


DE LA NATURE. X. Part. 44% 


aue la feve montoit par les fibres du bois, des 
racines aux feuilles pour y recevoir différentes 
préparations, & qu’elle defcendoit par les fibres 


aux trachées des Infeëtes; & dans les unes comme dans les 
autres, ces trachées font répandues par tout le corps. Maïs 
nous ignorons encore fi l'air que les Infeétes afpirent par 
leurs ftigmates, fert chez eux aux mêmes ufages effentiels 
que celui que les grands Animaux afpirent par leur bouche 
&z par leurs narines. On eft fort porté à en douter, lorfqn’on 
retrouve -des trachées jufques dans le cerveau & dans les yeux 
des Infeétes. [ Part. III. Chap. XIX. Note 1.1] 

L'AUTEUR des Recherches fur l'ufige des feuilles dazs Les 
Plantes, avoit Fait autrefois bien des expériences fur les bulles 
d'air dont fe couvrent les feuilles vivantes, plongées fous l’eau 

T& expofées au foleil ou au grand jour. Des raifons plaufiüles 

lavoient porté à croire que ‘cet air ne furtoit pas de l’'inté- 
“rieur des feuilles par une forte de refpiration ou par quel- 
“qu'autre mouvement vital ; mais qu'il n’étoit autre chofe qu'une 
portion d’air atmofphérique demeuré adhérent aux feuilles, & 
qui les avoit fuivies fous l'eau, Cet Auteur avoit donc pente, 
"qu'il en étoit à cet égard, des feuilles comme de tous les 
corps fecs qu'on plonge fous l’eau, & qui ne manquent pas 
‘de s’y couvrir de bulles d’air plus ou moins apparentes & 
plus ou moins nombreufes. Une expérience fort fimple l'avoit 
-affermi dans cette idée ; car ayant pris la précaution de chaf. 
fer l'air de l'extérieur des feuilles avant que de les plonger 
fous l’eau, ces feuilles n'avoient montré que peu on point 
de bulles d'air. Enfin, il voyoit conftimment ces bulles dif, 
paroître à l'entrée de la nuit, & il préfumoit qu’elles deve- 
noient alors invifibles, parce que la fraîcheur de la nuit co®æ 
denfeit l'air adhérent à la fur£ce des feuilles, 


346 CON TEMPLATION 


de l'écorce, des feuilles aux racines, pour ètre 
difiribuée enfuite à toutes les parties. On a 
tenté d'appuyer cette ingénieufe hypothefe de 


C'étoit dans l'Eté de 1747 que cet Autenr faifoit ces expé- 
riences. Les Phyfciens ne s’occupoient point encore de cet 
air déphlogiftiqué qui Fait aujourd'hui tant de bruit dans le 


monde favant. Le nom de cet air n’avoit pas même été in- 
venté ; car on n’impofe des noms qu'aux Etres nouveaux qu’on 
vient à découvrir ; & il n'étoit point encore queftion de la 
belle découverte du célebre PR1ESTLEY fur l'air déphlogif- 
tiqué. Rien ne conduifoit donc l’Auteur de POuvrage fur les 
feuilles des Plantes , à foupconner que l'air qu'il voyoit ad- 
hérer aux feuilles vivantes qu’il tenoit plongées fous. l’eau, 
fût d'une nature particuliere & digne des plus profondes re- 
cherches du Phyficien. Il marchoit fur les bords d’une mine, 
fans fe douter le moins du monde des richeffes qu'elle rece- 
loit. Ce n’a été qu'en 1779 qu'un ingénieux Obfervateur Hol- 
landois , frappé des découvertes du Phyficien Anglois, & éclairé 
des lumieres qu’il avoit déja répandues fur l'air des différen- 
tes fubftances, a imaginé de pénétrer dans l’intérieur de la 
mine & de l'exploiter comme elle demandoit à l'être. On 
comprend que je parle des curieufes expériences de Mr. IN- 
GEN- Housz, fi propres à perfectionner lhiftoire de Pair & 
à agrandir nos idées fur le fyftéme de notre Monde. Je pré- 
fenterai ici quelques-uns des principaux réfultats de fes ex- 
périences, en regrettant que le genre de mon travail & les 
bornes d’une Note m'interdifent des détails qui fatisferoient 
davantage la curiofité de mon Lecteur. 

L'air qui fe montre fur les feuilles & les jeunes poufles 
plongées fous l’eau, & expofées aux rayons du Soleil, n’eft 
point fimplement un air adhérent à la furface de ces parties 


nee … 


DE LA NATURE. X. Part. 447 


plufieurs faits, mais tous fi équivoques, qu’il 
fera mieux de les omettre & de n’indiquer que 


de la Plante, & qui, dilaté par la chaleur , revêt la forme de 
balles : c’eft un air qui fort de l’intérieur de la Plante par un 
mouvement vital ou par un jeu fecret des vailleaux. Il ef 
beaucoup plus pur que l'air atmofphérique ou comman, & 
très - dépouillé de particules inflammables ou de phlogiftique : 
il eft, en un mot, de l’asr déphlogiffiqué. Cette forte d'air 
eft admirable pour la refpiration : un Animal y vit fix à fept 
fois plus que dans l'air commun; la flamme d’une bougie s'y 
dilate beaucoup & y acquiert le plus grand éclat. Mais cet 
air fi favorable à l’Animal ne convient point au Végétal, & 
il s’en décharge comme d’un fuperflu nuifible, Nous avons 
vu ci- deffus , [Part. V. Chap. XIV. Note 2.] que les Vé 
gétaux s’accommodent fort bien d’un air phlogiftiqué on mé- 
phitique ; ils l’abforbent avec avidité, & travaillé dans leurs 
vaifleaux, il s’y dépouille de fon phloziftique qui paroïît s'unir 
au Végétal comme aliment; & le réfidu déphlogiftiqué eft re- 
jetté comme excrément. Un excellent Phyficien [ +] a pour- 
tant expérimenté que les graines germent à- peu - près auf 
vite & aufhi-bien dans un air déphlogiftiqué que dans un air 
phlogiftiqué ou dans l'air atmofphérique. Mais on n'inférera 
pas de cette expérience, que la Plante prendroit fou plein 
accroifflemenc dans un air très-déphlogiftiqué. Un air trop 
pur, comme une eau trop pure ne lui Fourniroit pas les ali. 
mens qui lui font nécefaires. Les particules de divers genres, 
dont l'air & l'eau ordinaires font toujours imprégnés, confti. 
tuent le fond précieux de cette nourriture que la Plante pompe 
par fes Feuilles & par fes racines. 

Cet air déphlogiftiqué que les feuilles rejettent comme ur 


[+] Mr. ACHART, de l'Académie de Pruffe, 


443, C.O N-T:EM P LA TION 


les raifons oppolées, beaucoup plus conväiit 
cantes. 


Tuperfu nuifble, eft bien le réfultat d’un jeu fecret des orgas 
ries excrétoires; mais ce qu’on n'autoif pas foupconné, c'eft 
que ce jeu dépend eflenñtieliement de laétion du Soleil ou du 
grand jour fur les feuiiles & les jeunes poufles de la Plante. 
Pendant la nuit ou à l'ombre, les feuilles, loin de rendre 
un air déphlogiftiqué , rendent au contraire un air méphitique 
qui corrompt l'air commun. Les feuilles exercent donc deux 
opérations oppofées & qui dépendent des aléernatives du jour 
& de la nuit; mais le travail du jour eft plus confidérable 
que celui de la nuit, 

L'Atmofphere ef plus chargée d’exhalaifons nuifibles en Eté 
qu'en Hiver: c’eft aufB dans les jours d'Eté que les Plantes 
y répandent le plus de cet ait déphlogiftiqué qui l’épure. Les 


Plantes travaillent donc ainä pour les Animaux en rendant 


l'air atmofphérique plus propre à la refpiration; & les Ani- 


maux travaillent à leur tour pour les Plantes, en exhatant 


dans l’atmofphere beancoup de ces vapeurs méphitiques ou de 


éet air plilogiftiqué dont elles font avides. Economie admi- 
rable, qui établit en faveur des deux Régaes- un équilibre 
qui aflure la durée des Efpcces en préfervant les Individus ! 
Tels font les liens qui, en uniffant les grandes parties de l« 
Nature, les font converger vers une fin comune & la 
meilleure fin; & c’eft ainfi qu'à mefure que nos recherches 
fe multiplient, nous découvrons par-tout de nouveaux traits de 
cette SAGESSE ORDONNATRICE qui a piéfidé à {a coordi- 
nation de toutes les Pieces de notre Monde. 

L'air des marais eft toujours plis on moins méphitique 3 
& Von fait qu'il fort du terrein un air inflammable. Il ef 
bien remarquaïle afurément, que l'expérience ait appris à 
notre Obfervateur que les Plantes aquatiques où maréçageufes 

51 


» 


+ 


ls. 


DE LA NATURE: X. Part. 449 
Sr la feve s’élevoit des racines aux feuilles 


par les fibres du bois; fi elle defcendoit des 
feuilles aux racines par les fibres de l'écorce ; 


font précifément celles qui rendent Le plus d'air déphlogi£: 
tiqué, & qui par conféquent puriflent lé plus l'ait commun. 


Ce ne font pas feulement les Plantes falubres ou d'une 


odeur fuave, qui purifient l’atmofphere par les pluies invi- 
fibles & abondantes d'air déphlogiftiqué qu’elles y verfent 
pendant le jour ; les Plantes les plus Venimeufes & les plus 
puantes, nous rendent le même fervice. C’eft principalement 
par la furface inférieure de leurs feuilles , que les Arbres éva- 
êuent cet air épuré qui corfige fans ceffe l'air atmofphérique. 

Ce ne font que les Plantes faines & en pleine végétation, 
qui purifient ainfi l'atmofphere : celles qui fout malades ou 
qui languiffent la cofrompent, au contraire, par l’air méphi. 
tique qu’elles y répandent. 

Les Plantes qui occupent les derniers échellons de l'échelle 
des Végétaux , telles que les Moufles, les Lychens, les By£ 
fus, &c. exercent, comme les autres , les deux opérations doné 
jai parlé : mais il eft fingulier que les Champignons répandent 
en tout femps un air mal- faifant. 

Notre habile Phyficien a découvert encore, que l'émanation 
diurne des Plantes eft toujours fimple ; c’eft-à-dire, qu’elle 
ne confifte qu'en air déphlogiftiqué ; mais que l’émanation 
no@urne eft , en quelque forte, double, parce qu’elle 2 k 4 
fa fois d'air fixe & d’air méphitique. 

C'eft donc une vérité d'expérience autant que de raifonre: 
ment, que tout a fes utilités au fa fin dans l’arrangement 
univerfel. Il n’eft pas jufqu’au moindre brin d’herbe, jufqu'à 
la plus petite Moufle ou au moindre Lychen, qui ne joue 


fon rôle dans cette merveilleufe économie, & qui ne travaille 


Tome. IL FF 


40 CONTEMPLATION 


l'extrémité fupérieure des Arbres devroit ëtrà 
humectée au Printemps avant l'extrémité infé- 
rieure. On oblerve cependant le contraire. Les 
Aibres dont le corps ligneux eft détruit, ne 
laifient pas de végeter (3). On n’a point dé- 


en filence pour le plus grand bonheur dés Etres fentans. 

Des recherches plus approfondies modifieront probablement 
les réfultats que je viens de mettre fous les yeux de mon 
Lecteur : nous ne fommes encore qu'à la naiffance de cette 
nouvelle Phyfique végétale; & combien de vérités anffi im 
prévues qu'importantes , ne femble-t.eile pas promettre à ceux 
qui la cultiveront ! Nous ne nous preflerons pas de raifon= 
ner fur les faits qui ont déja été découverts: nous ne cher- 
cherons pas à pénétrer la maniere dont la Plante fépare le 
phlogiftique de Fair commun où il eft incotporé. Nous ne 
fommes pas encore initiés dans ces fecrets de la végétation, 
Mais nous nous rappellerons que les Végétaux font les grands 
Combinateurs des: Elémens, les principaux magafins de la 
matiere combuitible , & que leurs trachées & leurs vaifleanx 
divers fant fufceptibles d’une divifñion extrêmes [ Part. V. 
Chap. XVII. Note 2.] 

(3) tft Les conches intérieures de Fécorce contiennent 
les élémens d’un nouveau bois, qui fe développe peu-à-peu, 
& fupplée au bois détruit. Mais il n’en va pas de même des 
Arbres entiérement écorcés fur pial, ou fimplement cernés 
au collet dans le temps de la feve. Is confervent bien leur 
verdure jufques dans l’arriere.faifon : ils repouffent même aw 
Printemps, & font un peu plus hâtifs que les Arbres de même 
efpece non écorcés: mais ils périflent enfin la feconde ou la 
troifieme année, Des expériences bien faites & (ouvent répé- 


: 
; 


DELANATURE. X. larl ff 


Évuvert dans les Plantes, de vailleaux analo- 
gues aux arteres & aux veines. On n’y a point 
vu d’organe qui y fañle les fonctions du cœur. 
Un Arbre pianté à coBtre-fens, les racines en 
en-haut , les branches en en-bas, vit, croît ; 
fruifie; de fes racines fortent des branches 3 
de fes branches fortent des racines. Il en eft da 
même des bontures & des marcottes. Une jeune 


‘tées , ont preuvé que le bois de ces Arbres féchés fur piod efË 


plus compaét, plus due, plus Fort que le bois de fembla- 

ies Arbres coupés par le pied & qui ont féché dans leu“ 
‘écorce. La feve des Arbres écotcés ne ponvant travailler fur 
une écorce qui n’exifte plus, fe porte toute entiere dans les 
Æbres du bois, & en augmente ainft le poids, la force & læ 


dureté. 


: Si, au lieu d’écorcer les Arbres en entier. on fe borne à 
enlever des afneaux d’écorce em pénétrant jufqu'an bois, om 
aura les mêmes effets effentiels. Ces Arbres ferout conftame 
ment plus hâtffs ; ils Aenriront & noueront plntôt leur fruit 
& ce fruit fera affez bon, quelquefois aufMi bon que ie com- 
portera l’efpece. Mais ces produ@ions ne fe renouvelleron£ 
guere que pendant deux ou trois ans dans certains [ujets, & 
elles'iront toujours en diminuañt. Ce moyen très- fimple peut 
opérér un autre effet utile; il peut mettre À fruit des Ar. 
bres demeurés ftériles pendant nn temps plus où moiss long, 
On en pénetre la canfe : fa féve ralentie dans fon mouves 
ment & moins abondante travaille plns fur les boutons # 
fruit. Les Cultivateurs favent affez que pour mettre à fru 
#n Arbre trop vigoureux, il ne fant que l'affoiblir, & iÿ 


eft plus d’un moyen de procurer cet affviblilement. 


Ff2 


492 CONTEMPLATIOW 


branche, un jeune fruit, greffés fur un Sujet 
étranger, s’incorporent avec lui & y prennent 
tout l’accroiflement qu’ils auroient pris fur la 
Plante dont ils ont été détachés. Des expé- 
tiences faites par une main très - habile, qe 
montrent que le mouvement de la feve dépend 
uniquement des alternatives du chaud & du 
froid, des viciffitudes du jour & de la nuit. 
Ces ex,ériences prouvent que ce mouvement 
eft progreffif pendant le jour , rétrograde pen- 
dant la nuit; que la feve s’éleve pendant le 
jour , des racines aux feuilles; qu’elle defcend 
pendant la nuit, des feuilles aux racines. Ont 
voit cette liqueur foulever, pendant le jour, 
le mercure contenu dans un tuyau de verre 
adapté à une branche qui végete, & le liffer 
retomber à l'approche de la nuit. En un mot, 
il en eft de la marche de la feve, à- peu - près 
comme de celle de la liqueur contenue dans le 
tuyau d'un thermometre. Tout fe réduit à de 


fimples balancemens (4 ). 

(4) tf Je ne voudrois pas qu'on imaginât , que fout Je 
réduit ici à de famples balancemens. La feve doit être élaborée 
pour opérer la nutrition & le développement des différentes 
parties du Végétal; & cette élaboration fuppofe beaucoup 
plus qu'un fimple balancement. Les vaifleaux féveux ne font 
pas desftubes comme ceux de nos thermometres. Ils ne font 
pas rigides comme ces derniers, & tous n€ font pas éten 


ST ne SN 


DE LA NATURE. X. Part. 453 


L'OPin1oN de la circulation de la feve dans 
les Plantes , autrefois fi fuivie, eft donc aujour. 
d’hui très - fufpecte de fauñeté , pour ne rien 
dire de plus. Ceux qui ont cherché à l’établir, 
paroiffent avoir été plus touchés de la beauté 
de la fuppoñition que de fon utilité; ou plutôt 
ils n'ont pas afflez confidéré que Putile eft la 
vraie mefure du beau. La nourriture des Ani- 
maux les plus parfaits demandoit à être plus 
travaillée que celle des Plantes, dans la pro. 


dus en ligne droites il en ef qui forment une infinité de 
plis & de replis, qu’il faut pourtant que la feve parcoure & 
qu’elle parcourt en effet. Que de circonvolutions, par exemple, 
que d’entrelacemens ne découvre-t-on point dans les vaifleaux 
des feuilles, des fleurs, des fruits, & fur-tout dans ces vail- 
feaux fi fins qui portent la nourriture au pepin ou à l’'amande! 
La feve parvient donc à ces dernieres extrémités du fyftème 
vafcuieux 3 mais elle ne doit pas y féjourner , & après y 
avoir fubi diverfes modifications , elle doit être repompée par 
d'autres vaifleaux qui ia ramenent au centre. Tout cela fap- 
pofe manifeftement dans les vaiffeaux un jeu fecret, ana- 
logue à celui des vaifleaux de l’Animal ; mais plus lent & 
plus foible, & que les meilleurs verres n’ont pu encore nous 
faire découvrir. On a au moins apperçu dans les trachées des 
mouvemens très- remarquables, qui peuvent mous faire juger 
de ceux qui nous échappent. En un mot, l'aflimilation des 
matieres nourricieres ne fauroit dépendre d’un mouvement 
auf fimple que l'eft celui d’une liqueur qui s'éleve & s’a- 
bäifle alternativement dans un tube. [ Conf. Part, VI. Chag. 
HL Note 5, 2.] 


F£f3 


a 
\ 


454 CONTEMPLATION 


portion de l'excellence de ceux-là, à la per- 
fe&ion de celles - ci. De-là, la néceffité de la 
circulation du fang. Les préparations de la feve 
n’exigeoient pas un mouvement auf compulé, 
auif régulier, aufli foutenu: de fimples balan- 
cemens fuMfoient. Les grands Animaux ne 
mangent qu’en certains temps; le fentiment vif 
& prefant qui les porte à prendre de la nour- 
iture , n’agit pas en eux à chaque inftant. Les 
différentes préparations que leurs alimens de. 
YVoient recevoir, auroient été troublées ou in- 
terrompucs fi de nouveaux alimens avoient êté 
reçus dans leur intérieur avant que les premiers 
euffent été fuMifamment digérés ($ ). 


(5) tt Un mouvement fingulier qu'un excellent Obfer. 
vateur, l'Abbé CoRTI, a découvert le premier dans l'inté. 
rieur de la Chara, efpece de petite Prèle aquatique , & que 
l'Abbé FELICE FONTANA a auf obfervé & décrit, eft bien 
propre à en impofer à ceux qui ne fe tiennent pas aflez en 
garde contre les apparences, & fe plaifent trop aux analogies, 
Ce mouvement, qui s’attire fortement l'attention de l'Obfer. 
vateur, par fa permanence & par fa régularité, n'eft pour- 
tant poiut celui d'une véritable circulation, quoiqu'il paroife 
s'en rapprocher beaucoup. La Chara eft formée d'un affem- 
blags: de petites tiges cylindriques , creufes & tranfparentes. 
On peut les comparer à de petits tubes de cryftal: ces tubes, 
ex plutôt! ces tubules. font artidulés les uns aux autres, & 
féparés par de petits diaphragmes placés à chaque articulation, 
& formes d'une membranc très - mince. On ne déçouvre painé 


DE LA NATURE. X. Pt. 45$ 


Les Plantes, au contraire , font dans un état 
de perpétuelle fuccion; elles tirent continuelle- 
ment de la nourriture & en très - grande quan. 


N N 
de communication entre les tubules que ces diaphragmes fem- 
blent féparer. Un Auide tranfparent remplit chaque tubule, 
& dans ce fluide nagent des corpufcules qui ont l'air de vé- 
ficules. On voit ces corpufeules s'élever continuellement du 
bas du tube vers le haut, en fuivant une ligne parallele à un 
de fes côtés. Parvenus au diaphragme, ils defcendent par 
une ligne parallele au côté oppofé, artivent au bas du-tube, 
remontent comme la premiere fois pour redefcendre encore; 
& ce mouvement perpéiuel, qu'on pourroit nommer rotatoire, 
ne finit qu'avec la- vie de la Plante. Ainfi, la force qui chaffe 
es corpulcules, de bas en haut, n’agit immédiatement que 
fur la partie de la colonne du fuide qui touche à un des côtés 
du tube. Cette partie du fluide, confervant le mouvement 
qu’elle a reçu, coule fous le diaphragme, chafle devant elle 
les corpufcules & les force de defcendre par le coté oppofé 
XL faut des yeux très-exercés à voir pour diftinguer ici la- 
réalité. d'avec l'apparence, & pour bien juges de cette forte 
de circulation. Mr. FONTANA, qui a recherché le principe 
caché de ce mouvement rotatoire, affüre fort qu'il ne tient 
point à l'irritabilité, dont il n’a apperçu aucun figne dans la 
Chara, 

Une antre chefe qu'il importe beauconp de remarquer au 
fujet de cette Plante aquatique, c’eft qu’on. n'apperçoit dans. 
fon iutérieur ni fibres ni vaifleaux; enforte que la compa-. 
raifon de fes tiges avec des tubes paroïît exacte. Je dis parosés 
parce qu’il feroit poflible que les fibres ou les vaiffeaux Fuf. 
fent fi déliés ou fi tranfparens , qu'ils échappalfent au microf. 
çope. Il fervit poffible encore, que les vaifleaux on les par, 


FE 4 


46 CONTEMPLATION 


cité, le jour par leurs racines, la nuit par leurs 
feuilles. Il y a telle Plante qui tire & tranfpire 


ties qui en tiennent lieu, fuffent logés dans l’épaiffeur des 
parois du tube. Si cela étoit, la Chara reffembleroit à cet 
égard au Polype à bras, dont les vifceres font logés dans 
l'épaiffeur de la peau, & dont le corps eft auffi une forte 
de tube. 

De ces obfervations fur la Chara, Mr. CORTI à déduit 
quelques réfultats généraux qui feront, fi l’on veut , les loix 
qui préfident à la circulation du fluide nourricier de cette 
Plante. Voici ces réfultats. Chaque tubule dont la tige ef 
compofée , a fa eirculation propre. La circulation d’un tubule 
eft indépendante de celle de fes voifins. La colonne du fluide, 
où nagent les corpufcules, tourne fans cefle en rafant les 
côtés du tube, & s'accommode aux irrégularités qui peuvent 
fe rencontrer dans fes bords. Le cours du Auide eft uniforme 
dans tous les tubules, & pour l'ordinaire il ne change pas 
de direétion. 

Mais ce mouvement fi régulier de rotation eft facilement 
troublé par des impulfions étrangeres. On voit alors les cor- 
pufcules s'arrêter, fe groupper, & fe remettre bientôt en 
mouvement, mais fans ordre: tantôt ils font portés vers l’axe 
du tube, tantôt ils prennent une direction oblique à cet axe. 
On obferve encore la lymphe où ils nagent s’amafler auprès 
des diaphragmes, fous la forme d'un petit nuage, qui femble 
envelopper tous les petits corps qui fe trouvent ftationnaires 
à cet endroit : puis un chemin s'ouvre infenfiblement ; le 
nuage fe diffpe; le petit cahos fe débrouille, & les corpuf- 
gules reprennent leur mouvement naturel. 

On tetrouve cette forte de circulation dans les moindres 
fragmens de l'écorce de la tige & des feuilles ; & on peut Py 


DELA NATURE. X. Port. 457 


en vingt-quatre heures quinze à vingt fois plus 
que l'Homme. 


obferver des heures entieres, & dans certaines circonftances 
des jours entiers. Mais elle ceffe entiérement dans le vuide. 

Après avoir obfervé bien des fois le mouvement de rota- 
tion qui s'exécute dans fon efpece de Préle, Mr. CoRTI a 
étendu fes obfervations à d’autres Plantes , foit aquatiques foit 
terreftres, & il a retrouvé le même mouvement dans un affez 
grand nombre d’Efpeces de l’une & de l’autre claffe. Parmi 
les terreftres , les renoncules des prés , les Courges , les Mau- 
ves , les Feves, &c. lui ont offert les mêmes phénomenes 
effentiels que la Prêle aquatique. Mais il a conftamment re- 
marqué, que les mouvemens étrangers qui fe communiquent 
à la Plante, & en particulier ceux qu’on ne manque point 
d’exciter en la préparant pour lobfervation, fufpendent tou. 
jours plus ou moins le curieux phénomene de la circulation, 
& il faut attendre quelque temps pour qu’il reparoifle & re- 
prenne toute fa régularité. 

+ Notre Obfervateur n’explique point comment le fluide con- 
tenu dans les tubules pafle d’une articulation à une autre pour 
s'élever graduellement de la racine au fommet de la tige; 
mais il ne doute pas qu'il ne traverfe les diaphragmes , parce 
que lés faits lui paroïiffent l’exiger abfolument. Peut - être que 
les diaphragmes ne s'appliquent pas exactement aux parois 
des tubes, & qu'il eft des ouvertures ménagées pour le paf. 
fage du fluide d’un tube dans un autre. 

Mais que font les finguliers corpufcules qui nagent dans 
ce fluide & qu'il entraîne avec lui? Sont-ils des particules 
nourricieres , deftinées à s’incorporer quelque part au tiflu de 
la Plante ? Les recherches de notre ingénieux Naturalifte ne 
répandent encore aucune lumiere fur ce fujet ténébreux: c’eft 
déja beaucoup qu'il fe {oit affuré de l’exiftence de ces cor« 


458 CONTEMPLATION 


Mais fi les Plantes different beaucoup des 
grands Animaux par la circulation, d’un autre 
côté, d’autres Efpeces d'Animaux paroiffent fe 
rapprocher beaucoup des Plantes par le défaut 
de cette mème circulation. On n’appercoit au- 
cune trace de ce mouvement dans le Polype, 
dans le Tænia, dans la Moule des étangs, & 
dans divers autres Coquillages. 


Jar nommé plufieurs fois la Moule des étangs. 
Sa ftrudure eft quelque chofe de fort étrange. 
Elle ne reçoit {a nourriture & ne refpire que 
par lanus. Elle n’a point proprement de cer- 


pufcules mouvans, © qu'il ait découvert quelques-unes des 
loix qui les régifent. IT feroit bien plus intéreffant encore de 
connoître la force qui les anime ; & pourquoi après avoir 
été quelques momens ffationnaires ou rétrogrades , ils repren- 
nent leur cours avec la même régularité qu'auparavant. 

Il y a bien de l'apparence qu'il fe pale dans les Arbriffleaux 
& dans les Arbres quelque chofe d'analogue à ce mouvement 
admirable que Mr. Corri a déja découvert dans une tren: 
taine d'Efpeces d'Herbacées, IL a, fans doute, pour princi- 
pale fin la tranfmiffion & le perfectionnement des fucs nour- 
riciers. Que de chofes merveilleufes fe paflent donc en filence. 
dans l'intérieur de ces beaux Arbres qui parent nos Cam- 
pagnes, & dont nous ne découvrons guere que Îles dehors ? 
Que de mouvemens inteftins @& de mouvemens variés & har. 
moniques s'exécutent dans les plus profondes ténebres, & 
dont les derniers réfultats font feuls expofés aux regards de: 
tous Les Hommes! 


x 
TS PE 


DE LA NATURE. X. Part. Aç9 


veau. Ce qu’on prend pour la tête, préfente 
une ouverture, qu'on peut regarder comme la 
bouche de l’Animal. Il à une forte de cœur, 
pourvu d’un ventricule & de deux oreillettes. 
À un certain mouvement de la Moule, l'anus 
s’oûvre & tranfmec la nourriture à certains ca- 
naux qui fe rendent à la bouche. Cette nour- 
riture n’elt guere que de l'eau. Au fond de la 
bouche fe préfentent deux autres canaux. L'un 
va fe terminer au cœur; l’autre pañle par le 
cerveau & par une forte de vifcere qui paroit 
analogue au foie, & qui n’eft pas plus un foie, 
que le cerveau n’eft un véritable cerveau. L'eau 
que la bouche envoie au cœur par le canal de 
communication , tombe du ventricule dans les 
oreillettes, & retourne des oreillettes dans le 
ventricule. Voilà 4 quoi paroït fe réduire, dans 
la Moule des étangs, tout le fyftème de la cir- 
culation. Pas le moindre veftige d’arteres ni 
de veines. Combien cette image de la circula- 
tion eff - elle imparfaite! Ce n’eft en effet qu'une 
image; car le fimple balottement d’une liqueur 
nourriciere ne fauroit être une circulation pro- 
prement dire. 


Ainsi les Phyficiens, qui, fur des raifons 
de beauté & d'harmonie, ont voulu que la feve 
circulât chez les Plantes, comme le fang circule 


460 CONTEMPLATION 


chez les grands Animaux , n’ont pas eu des no: 
tions aflez exactes du fyftème du Monde & de 
la variété des Productions de la Nature. L’é. 
chelle des Corps organilés eft beaucoup plus 
étendue qu'ils n’ont paru le penfer. Sur les 
échellons inférieurs de cette échelle, nous voyons 
des Corps organilés dont les liqueurs font fim- 
plement balancées de bas en-haut, & de haut 
en bas. Un peu au-deffus, nous appercevons d'au. 
tres corps dont les liqueurs font agitées en diffc- 
rens fens. Si nous nous élevons davantage, nous 
découvrirons un commencement de circulation , 
mais dont l'appareil fe réduit principalement à 
un ou deux grands vaifleaux. Cet appareil de- 
vient plus compofé dans les échellons fupé- 
rieurs; d’abord c’elt un cœur de forme ordi- 
naire, mais qui n’a qu’une feule oreillette: 
enfuite ce font deux oreillettes & un beau- - 
coup plus grand afortiment d'organes & de 


vaifleaux. 
&n 
Ye 


DE LA NATURE. X. Port. 46% 
_ HOPPER gs 
CHAPITRE XXIX, 


La faculté loco - motive 


Ux» Ancien définifloit la Plante, un Ani- 
mal enraciné. Il eût défini, fans doute, l’Ani- 
mal une Plante vagabonde. La faculté loco-mo- 
tive eft, en effet, un des caraéteres qui s’of- 
frent les premiers à l'Efprit, lorfque l’on com- 
pare le Regne végétal & le Regne animal. Nous 
voyons les Plantes attachées conftamment à la 
terre. Incapables d’aller chercher leur nourri. 
ture , il elt ordonné que cette nourriture ira les 
chercher. Et fi quelques Plantes aquatiques fem- 
blent fe tranfporter d’un lieu dans un autre, 
ce n'eft point par un mouvement qui leur foit 
propre , mais par celui du fluide dans lequel 
elles font fufpendues. C’eft ainfi, à-peu près, 
que différentes fortes de graines voltigent en 
l'air au moyen des petites aîles dont elles ont 
été pourvues, & qu’elles font portées en des 
Heux quelquefois très-éloignés , pour y pro- 
pager l’Efpece. 


La plupart des Animaux, au contraire , ont 
té chargés du foin de pourvoir à leur {ubl£ 


tance. La NATURE n’a pas toujours placé am 
près d'eux les nourritures qui leur étoient ne- 
ceffaires. ELLE a voulu qu’ils fuffent obligés de 
fe les procurer, fouvent avec beaucoup de tra- 
vail & d’induftrie. Et les diférens moyens qu’elle 
a enfeignés à chaque Efpece pour parvenir à 
cette fin, ne font pas ce qui diverfifie le moins 
la fcene de notre Monde. 


PENDANT que le Laboutreur ouvre le fein de 
la terre pour lui confier le grain qui doit fer- 
vir à entretenir & à réparer fes forces, la Faupe 
& le Taupe-grillon fe fraient dans le mème 
fein différentes routes, pour y chercher la pä- 
ture qui leur a été aflignée. Le Chafeur infa- 
tigabie pourfuit fa proie avec opiniâtrete : il 
Jance fur elle des traits invifñoles, & triomphe 
ainfi de fa légéreté ou de fa force. D'autres fois, 
préférant la rufe à la force ouverte, il s’en rend 
maître en lui dreffant un piege. Le Tigre féroce 
fe jette fur le Faon qui folatre dans la prairie. 
Le Chat, plein de rules, attend immobile & 
dans le filence , que la jeune Souris forte de fa 
retraite, pour s’élancer fur elle avec agilité ou lui 
couper adroitement le chemin. La Guëpe cruelle 
fond fur l’Abeille laborieufe qui revient à la 
ruche , chargée de miel: elle fait puifer dans 
fes inteftins la liqueur délicieufe dont elle ef 


DÉ LA NATURE. X. Par 463 


#ävide. L’Araignée , également adroite & patiente, 
tend à la Mouche un filet dont on admire la 
fruture & la finefle. Le Eourmi-lion , non 
moins patient ni moins induftrieux, creufe dans 
le fable un précipice à la Fourmi, au fond du- 
quel il fe tient en embuicade. Quelques Efpeces 
d'Animaux, s’elevant en quelque forte jufqu’à 
la prudence humaine , favent amañler des pro- 
vifions pour les temps ficheux : ils fe conftrui- 
fent des magafins où regnent de fi juftes pro- 
portions, & des proportions quelquefois fi géo. 
métriques ; qu'on douteroit avec fondement 
qu'ils fuffent louvrage d’une Brute, fi cette 
Brute n’étoit elle - même l’ouvrage de la RAISON 
SOUVERAINE. , 


Qu'iz y a loin en ce genre, du Caftor & 
de lAbeille, à la Galle - infecte , à l’'Huitre, à 
lOrtie de mer & à plufeurs autres Efpeces 
d'Infectes & de Coquillages ! Confondue par fon 
immobilité & par fa forme avec la branche fur 
laquelle elle vit, la Galle-infete fe borne à 
en pomper le fuc: rien n’annonce en elle PAni- 
mal; & il faut y regarder de fort près & avec 
des yeux très-exercés à voir, pour s’aflurer 
qu’elle n’eft point une véritable Galle. Portée 
par le flot fur le rivage de la mer, lHuitre y 
demeure fixée, & tous fes mouvemens fe ré- 


464 CONTEMPLATION 
duifent à ouvrir & à fermer fon écailles L’Ortié 
de mer & tous les différens Polypes à tuyaux 
pourroient être pris, & l’ont été en effét pour 
des productions du Regne végétal ( r ) : fixés à 
la mème place, ils s'ouvrent & fe ferment comme 
une fleur; ils s'étendent & fe refferrent comme 
une Senfitive : ils alongent au dehors des efpeces 
de bras au moyen defquels ils faififlent Les In- 
fectes que le hazard conduit auprès d’eux. C'eft 
ici leur principal mouvement, & le caractere le 
moins équivoque de leur Animalité. 


Ainsi la faculté loco- motive n’eft pas plus 
propre à diftinguer le Végétal de l’Animal, 
que ne le font les autres caracteres que nous 
avons parcourus précédemment. Ce ne font par- 
tout que propriétés ou accidens communs, fans: 
aucune différence réelle. Cependant, quoi de 
plus diftinét en apparence, que left une Plante 
d'un Animal ? quoi de plus facile à caraétérifer 


(x) tt On fait que l’illuftre MarSiGLr eft un des Na. 
turaliftes qui avoient pris les Coraux & les Corallines pour 
de véritables Plantes, & les Polypes qu’on y trouve, pour 
de véritables fleurs. On fait encore que PEYSSONEL a été le 
premier qui a prouvé par des obfervations exactes, que ces’ 
précendues fleurs font de vrais Animaux. Le favant HE’r1s. 
SANT a achevé de démontrer, après les Jussieu & les GuET- 
TABD, la nature vraiment animale des Coraux & des Pro- _ 


duétions analogues. 
aux 


DE LA NATURE. X. Pars. 416$ 


aux yeux de la plupart des Hommes ? Mais 
dés qu’on fait que tout eft nuancé dans la Na 
ture, on n’eft point furpris des difficultés qu’on 
éprouve lorfqu’il s’agit de différenciet les Etres. 
On s'attend nécefairement à voir les Efpeces 
rentrer les unes dans les autres, & on {e borne 
à la plus petite latitude, ou à ce qu'il y a de 
moins vague. Achevons dans ce principe le 
parallele que nous avons entrepris : voyons fi le 
fentiment & la maniere dont les Végétaux & 


les Animaux font nourris, nous offriront quel: 


que chofe de plus précis ou de plus caracté: 
riftique, 


MD RME XX 


Lé fenfiment. 


Sr: eft une faculté qui paroifle propre à 
PAnimal , exclufivement à la Plante, c’elt alu. 
rément celle d’être Animal; je veux dire d’ètre 
oué d’une Ame capable de fentir. Unie à une 
Subltance-organifée , par des nœuds qui ne font 
peut - être connus que de Dieu feul, cette Ame 
eompofe avec cette Subftance , un Etre mixte, 
un Etre qui participe à la nature des Corps & 
à celle des Efprits. Comme portion de matiere, 
Tome.lL Gg 


à66 CONTEMPLATION 


éet Etre eft une Machine admirable dans {a 
ftrudure, & fur laquelle les objets corporels 
agiffent d’une maniere abfolument méchanique. 
Comme fubftance fpirituelle, cet Etre eft affecté 
à la préfence des objets corporels, d’une ma- 
niere qui ne paroît avoir aucun rapport avec 
celle dont les fubftances matérielles agiffent les 
ünes fur les autres. De l’impreflion des objets 
éxtérieurs {ut la Machine, réfulte un certain 
mouvement dans la Machine. De ce mouvement 
réfulte dans l’Âme un certain fentiment , qui eft 
fuivi de la réaction de la Subftance fpirituelle 
fur la Subflance corporelle; réaction qui ma- 
nifefte au- dehors le fentiment , & qui en eft 
lexpreffion ou le figne. 


Les divers fentimens qui s’excitent dans l’Ani- 
mal peuvent tous fe réduire à deux claffes gé- 
nérales, an plaifir & à la douleur , féparés lun 
de Pautre par des degrés fouvent infenfibles , 
& iffus de la mème origine. Le plaifir porte 
Y'Animal à rechercher ce qui convient à fa con- 
férvation ou à celle de l'Efpece. La douleur le 
porte à fuir tout ce qui peut nuire à cette dou- 
ble fin. L’expreffion du plaifir & de la douleur 
n'eft pas la même chez tous les Animaux ; foit, 
parce que l’intenfité ou la quantité du plaifir & 
de la douleur varie en différentes Efpeces , foit 


DE LA NATURE. X. Part. 467 


parce que les érganes au moyen defquels l'Ame 
manifete es fentimens, ne font pas les mèmes 
chez tous les Animaux. 


IL eft des Efpeces où le fentiment fe mani. 
fefte par un plus grand nombre de fignes, par 
des fignes plus variés, plus expreflifs , moins 
équivoques; & ces Efpeces font les plus par- 
faites, celles qui ont avec nous des rapports 
plus prochains. Que d'expreffion , par exemple, 
dans Pair, dans les mouvemens, & dans les 
diverfes attitudes du Singe, du Cheval, du 
Chien, du Chat, de l’Ecureil ! 


ÎL n’y a guere moins d'expreffion chez les 
Oifeaux que chez les Quadrupedes. Il ne faut , 
pour s'en convaincre , que jetter les yeux {ur 
une bafle - cour : mais les Oifeaux de proie font 


peut - être encore plus expreffifs que les Oifeaux 
domeftiques. 


Les Poifons ne s’expriment pas avec autant 
de clarté & d'énergie ; ils forment un peuple 
de muets chez qui le langage des fignes eft peu 
abondant : mais l’extrème vivacité des mouve- 


mens femble y compenfer en pattie la ftérilité 
de l’exprellion, 


G g 2 


488 CONFEMPLATION 


Les Reptiles, les Coquillages & les Infectes, 
encore plus éloignés de nous que ne le font les 
Poifons, nous rendent aufli leurs fentimens 
d'une maniere plus obfcure, mais que nous 
faifidons pourtant jufqu’à un certain point, & 
que nous nous plailons fouvent à trouver très- 
expreflive. 


ENFIN, les Animaux les moins Animaux, 
les Orties & les Polypes, nous donnent des 
marques de fentiment , auxquelles nous ne pou- 
vons nous refufer, lorfque nous les obfervons 
avec quelque attention. La promptitude avee 
faquelle ils {e contractent dès qu’on vient à les 
toucher , quoique tres - légérement ; la maniere 
dont ils alongent & dont ils raccourciffent leurs 
bras pour faifir leur proie & la porter à leur 
bouche, ne nous peïmettent pas de les retran- 
cher du nombre des Etres fentans (1 ). 


(1) ft Tout cela s'offre plus en grand dans ces Animaux 
finguliers, que certaines reemblances avec les Anémones de 
nos parterres ont fait nommer ÆAwénones - de - mer. Ces fortes 
de Zoophites ont le toucher exquis & font très- fenfibles à 
ja lumiere. Il eu eft qui ont des centaines de membres , qu'ils 
peuvent alonger & raccourcir à volonté, & au moyen def- 
quels ils faififfent leurs proies. Tout le corps eft aufli flexible 
que les membres, parce qu’il eft tout membraneux ou plutôt 
gélatineux. On y apperçoit des veftises de vifceres, & l’ex- 
trémité inférieure fe termine par un large empatement. L’ALbé 


DE LA NATURE. X. Pur. 469 


Nous ne découvrons , au contraire, dans 
la Plante , aucun figne de fentiment. Tout nous 
y paroïit purement méchanique. Sa vie nous 
femble moins une vie qu'une fimple durée. Nous 
cultivons une Plante où nous la détruifons , fans 
éprouver rien de femblable à ce que nous éprou- 
vons lorfque nous foignons un Animal ou que 
nous le faifons périr: Nous voyons la Piante 
naître, croître, fleurir & fruétifier, comme nous 
voyons laiguille d'une horloge parcourir d’un 
mouvement infenfible tous les points du: cadran. 


Non - feulement la Plante nous paroït inani- 
mée , confidérée extérieurement ou dans ja fuite 
de fes actions 3 mais elle nous le paroït encore., 
confidérée intérieurement ou dans fa ftructure. 
L'Anatomie la plus fine & la plus recherchée 
ne nous y découvre aucun orgaue qu’on puiile 
dire analogue à ceux qui font le fiege du jen- 
timent dans lAnimal. 


DICQUEMARE, qui a fort étudié ks Anémones-de- mer, 
s'eft donné beaucoup de peine pour prouver qu’elles font de 
vrais Animaux , & non fimplement des Zoophites ; mais il n’a 
pas Fait attention que la dénomination de Zoophites wexclut 
point du tout la notion d'Animal: elle igdique feulement que 
l'Animal qu'on défigne par ce mot a des rapports plus man. 
qués avec le Végétal qu'avec les autres Animaux. { Voyez 
Part. VIIL Chap. IX.] 
Gg3 


470 CONTEMPLATION 


Ce font ces différentes confidérations qui 
pourroient porter à regarder le fentiment ou 
organe du fentiment, comme un caractere pro- 
pre à diftinguer le Végétal de l’Animal, Mais il 
y a lieu encore de nous défier de la bonté de 
ce caractere. Nous l'avons obfervé ; tout eft gra- 
dué ou nuancé dans la Nature ; nous ne pou. 
vons donc fixer le point précis où commence 
le fentiment ; il fe pourroit qu'il s’étendit juf- 
qu'aux Plantes, du moins jufqu’à celles qui 
font les plus voifines des Animaux. Approfon- 
difions ceci un peu plus. 


LE fentiment eft cette impreflion agréable ou 
défagréable que certains objets produifent fur 
un Etre organifé & animé , en vertu de laquelle 
il recherche les uns & fuit les autres. Nous ju- 
geons de l’exiftence du fentiment dans un Etre 
organife, foit par la conformité ou l’analogie de 
fes organes avec les nôtres, foit par la conformité 
ou lanalogie que nous remarquons entré les 
mouvemens qu'il fe donne dans certaines cir- 
conitances , & ceux que nous nous donnerions 
fi nous étions placés dans les mèmes circonf 
tances. La premiere maniere de juger eft afez 
füre : ileft très - probable qu'un Etre crganifé 
qui a des yeux, des oreilles, un nez, eft doué 
des mèmes fentimens que ces fens excitent chez 


DELA NATURE. X.Parf. 471 


nous. La feconde maniere de juger paroït moins 
fûre ou moins exempte d’équivoque , parce qu’il 
nous arrive {ouvent de tranfporter aux autres 
Etres des fentimens qui nous font propres. 


CEPENDANT lorfque nous voyons un Corps 
organilé, dont la ftruéture n’a aucun rapport 
avec la nôtre, & dans lequel nous ne décoy- 
vrons pas même les organes des fens , fe con- 
tra@èr avec une extrème promptitude à lat- 
touchement de quelque corps; fe diriger veus 
la lumiere; étendre de longs bras pour faific 
les Infectes qui pañlent auprès de lui; porter 
ces Infectes près d’une ouverture placée à fa 
partie antérieure ; lors, dis - je, que nous voyons 
tout cela, nous n’héfitons guere à ranger ce 
Corps au nombre des Corps animés, & ce ju- 
gement eft très - naturel. 


RETRANCHONS à ce Corps fes longs bras ; 
reduifons - le à ne faire que fe reflerrer & s'é- 
tendre : il n’en fera pas moins un Animal; mais 
les fignes par lefquels il nous manifeftera ce 
qu'il eft, feront moins nombreux & plus équi- 
| voques. 


OToxs- LUI encore la faculté de fe refferrer 
& de s'étendre, ou du moins ne lui laiflons 


Gg4 


472 CONTEMPLATION 


qu'un mouvement prefqu'infenfble ; le fond de 
Jon être n’en fera pas changé; mais il devien- 
dra plus obfcur pour nous. Tel eft à - peu - près 
Vétat où fe trouvent les plus petites portions 
d'un Polype, avant qu’elles aient commencé 
à reprendre une tête. Quelqu'un qui. les verroit 
alors , méconnoitroit , fans doute , leur véritable 
nature. 


Ne feroit-ce point la le cas des Plant®. & 
€e Philofophe qui les définifloit des Animoux 
enracinés , n’auroit - il point dit une chofe très. 
raifonnable ? Nous Pavons déja remarqué , l’ex- 
preflion du fentiment eft relative aux organes 
qui le manifeftent. Les Plantes font dans une 
entiere impuiflance de nous faire connoître leur 
fentiment; ce fentiment elt extrèmement foible., 
peut-être fans volonté & fans defir, puifque 
Pimpuiffance où elles font de nous le manifelter , 
provient de leur organifation , & qu'il y a lieu 
de penfer que le degré de perfection fpirituelte 
répond au degré de perfection corporelle. 


Quor au’iz en fait, en privant les Plantes 
du fentiment, nous failons faire un faut à la 
Nature, fans en afhgner de raifon ; nous voyons 
Je fentiment decroitre par degrés de l'Homme à 
VOrtie ou à la Moule, & nous neus perfuadous 


DE LA NATURE. X. Part. 473 


qu'il s’arrète là, en regardant ces derniers Ani- 
maux comme les moins parfaits. Mais il y a 
‘peut-être encore bien des degrés entre le fen- 
timent de la Moule & celui de la Plante. Il y 
en a peut - ètre encore davantage entre la Plante 
la plus fenfible & celle qui left le moins. Les 
gradations que nous obfervons par-tout, de. 
vroient nous perfuader cette philofophie : le 
nouveau degré de beauté qu’elle paroït ajouter 
au fyflème du Monde, & le plaifir qu'il y a à 
multiplier les Etres fentans, devroienc encore 
contribuer à nous la faire admettre. J’avouerai 
donc volontiers ‘que cette philofophie eft fort de 
mon goût. J'aime à me perfuader que ces Fleurs 
qui parent nos campagnes & nos jardins d’un 
éclat toujours nouveau; ces Arbres fruitiers 
dont les fruits affeétent fi agréablement nos yeux 
& notre palais ; ces Arbres majeltueux qui com- 
pofént ces valtes forèts que les temps femblent 
avoir refpectées , font autant d’Etres fentans qui 
goûtent à leur maniere les douceurs de l’exif 
tence, 


. ME 


474 CONTEMPLATION 


CH A: P; TU REP OEONANE 


Continuation du méme [ujet. 


No s avons vu qu’on ne trouvoit dans ia 
Plante aucun organe propre au fentiment : mais 
fi la NATURE a dù faire fervir le mème inftru- 
ment à plufieurs fins ; fi ELLE a dû éviter de 
multiplier les pieces, c’eft aflurément dans la 
conftruction de Machines extrèmement fimples, 
tel que left le corps d’une Plante. Des vaiffeaux 
que nous croyons deftinés uniquement à con- 
duire l’air ou la feve, peuvent ètre encore dans 
la Plante le fiege du fentiment ou de quel- 
qu'autre faculté dont nous n’avons point d'idées. 
Les nerfs de la Plante different, fans doute, 
autant de ceux de l’Animal, que la ftructure 
de celle-là differe de la ftrudture de celui - ci. 


Les Plantes nous offrent quelques faits qui 
fembleroient indiquer qu’elles ont du fentiment: 
mais je ne fais fi nous fommes bien placés pour 
voir ces faits, & fi la forte perfuafon où nous 
fommes depuis fi long -temps, qu’elles font in- 
fenfibles, nous permet d’en bien juger. Il fau- 
droit pour cela être table rafe fur la queftion, 


DELA NATURE. X. Part. 47$ 


& rappeller les Plantes à un nouvel examen 
plus impartial & plus exempt de préjugés. Un 
Häabitant de la Lune qui auroit les mèmes fens 
& le mème fond d’efprit que nous, mais qui 
ne feroit point prévenu fur l’infenfibilité des 
Plantes, feroit le Philofophe que nous cher- 
chons. 


IMAGINONS qu'un tel Obfervateur vienne 
étudier les productions de notre Terre, & qu’a- 
près avoir donné fon attention aux Polypes, & 
aux autres [ufectes qui multiplient de bouture, 
il pañle à la contemplation des Végétaux, il 
voudra , fans doute, les prendre à leur naif- 
fance. Pour cet effet, il femera des graines de 
différentes efpeces , & il fera attentif à les voir 
germer. Suppofons en mème temps que quel- 
ques - unes de ces graines ont été femées à con- 
tre-fens , la radicule tournée vers le haut, la 
plumule ou la petite tige tournée vers le bas; 
fuppofons en mème temps que notre Obfer- 
vateur fait diftinguer la radicule de la plumule, 
& qu’il corinoît les fonctions de l'une & de 
l’autre; au bout de quelques jours, il remar- 
quera que la radicule fe fera élevée à la furface 
de la terre, & que la plantule fe fera enfoncée 
dans l’intérieur. Il ne fera pas furpris de cette 
direction fi nuifible à la vie de la Plante : il lat- 


46 CONTEMPLATION 


tribuera à la pofition qu’il avoit donnée à ces 
graines en les femant. Il continuera d'obferver ; 
& il verra bientôt la radicule fe replier fur elle- 
mème, pour gagner l’intérieur de la terre & la 
plumule fe recourber pareillement pour s'élever 
dans Pair. Ce changement de direction lui pa- 
roitra très -remarquable, & il commencera à 
foupc onner quelEtre organilé qu’il étudie eft 
doué d’un certain difcernement. Trop fage néan- 
moins pour prononcer fur ces premieres indi- 
cations , il fufpendra fon jugement & pourfuivra 
{es recherches. 


Les Plantes dont notre Phyfcien vient d’ob- 
ferver la germination, ont pris nailance dans 
le voifinage d’un abri. Favorilées de cette ex- 
pofition , & cultivées avec foin, elles ont fait 
en peu de temps de grands progres. Le terrein 
qui les environne à quelque diftance eft de deux 
qualités très - oppolées. La partie qui eft a ja 
droite des Plantes eft humide, grañle & fpou- 
gieufe : la partie qui elt à la gauche eft feche, 
dure & graveleufe. Notre Oblervateur remarque 
que les racines , après avoir commencé à s’éten- 
dre affez également de tous côtes, ont changé 
de route, & fe font toutes dirigées vers la 
partie du terrein qui elt graffe & humide. EL 
les s y font mème proloñgées, au point de lui 


DE LA NATURE. X. Part. 479 


faire craindre qu’elles n’interceptent la nourri- 
ture aux Plantes voifines. Pour prévenir cet in- 
convénient, il imagine de faire un foffé qui 
{épare les Plantes qu’il obferve , de celles qu’e!- 
les menacent d'afamer , & par-là il croit avoir 
pourvu à tout. Mais ces Plantes qu’il prétend 
ainfi maîtrifer, trompent fa prudence : elles 
font pañler leurs racines fous le foñlé, & les 
conduifent à l’autre bord. 


Surpris de cette marche, il découvre une 
de ces racines, mais fans l’expofer à la cha- 
leur : il lui préfente une éponge imbibée d’eau : 
la racine fe porte bientôt vers cette éponge. El 
fait changer de place plufieurs fois à celle-ci ; 
la racine la fuit & fe conforme à toutes ces 
pofitions. 


PENDANT que notre Philofophe médite pro- 
fondément fur ces faits, d’autres faits aufli re- 
marquables s'offrent à lui prefque en mème 
temps. Il oblerve que toutes fes Plantes ont 
quitté l'abri, & fe font inclinées en-avänt, 
comme pour préfenter aux regards bienfaifans 
du Soleil toutes les parties de leur corps. Il 
obferve encore que les feuilles font toutes dirigées 
de maniere que leur furface fupérieure regarde 
Je Soleil ou le plein air, & que la furface infé- 


48 CONTEMPLATION 


rieure regarde l’abri ou le terrein. Quelques expé- 
riences qu’il a faites auparavant, lui ont appris 
que la furface fupérieure des feuilles fert prin- 
cipalement de défenfe à la furface inférieure, 
& que cette derniere eft principalement deftinée 
à pomper l'humidité qui s’éleve de la terre, & 
à procurer l’évacuation du fuperflu. La direc- 
tion qu’il obferve dans Îles feuilles lui paroit 
donc très-conforme à fes expériences. Il en 
devient plus attentif à étudier cette partie de 
Ja Plante. 


IL renarque que les feuilles de quelques Ef 
peces femblent fuivre les mouvemens du Soleil, 
enforte que le matinelles font tournées vers le 
Jevant , le {oir vers le couchant. Il voit d’autres 
feuilles {e fermer au Soleil dans un fens, & à 
la rofée dans un fens oppofé. Il obferve un 
mouvement analogue dans quelques fleurs (1). 


C1) +t Il eft des fleurs qui ne s'ouvrent qu'à certaines 
heures du jour, d’autres ne s'ouvrent qu’à certaines heures 
de la nuit. Cela eft affez conftant dans chaque Efpece. Les 
Convoluulus s'ouvrent le matin & fe ferment le foir: es 
Mauves ne s'ouvrent que vers les dix à onze heutes du matin. 
La Belle-de-nuit , les Geranions triftes, &c. ne s'ouvrent que 
le foir. C’eft ce qui a fait imaginer au PLINE de la Suede fon 
ingénieufe horloge botanique , qui confifte dans un aflemblage 
de Plantes, dont les fleurs s'ouvrent & fe ferment à de 
feures à-peu-près réglées. re tit 


DE LA NATURE. X. Part. 479 


CoNsipÉRANT enfuite, que, quelle que foit 
la pofition des Plantes relativement à l’horifon, 
la direction des feuilles eft toujours à - peu - près 
telle qu'il la d’abord obfervée , il lui vient en 
penfée de changer cette direétion, & de mettre 
les feuilles dans une fituation précifément con- 
traire à celle qui leur eft naturelle. Il à déja eu 
recours à de femblables moyens pour s’aflurer 
de l'inftinét des Animaux & pour en connoître 
la portée. Dans cette vue, il incline à l'hori. 
fon des Plantes qui lui étoient perpendiculai. 
res, & il les retient dans cette fituation. Par-là, 
la direction des feuilles fe trouve abfolument 
changée : la furface fupérieure , qui auparavant 
regardoit le Ciel ou Pair libre, regarde la terre 
ou l'intérieur de la Plante; & la furface infé- 
ricure, qui auparavant regardoit la Terre ow 
l'intérieur de la Plante, regardele Ciel ou Pair 
Jibre. Maïs bientôt toutes ces feuilles fe mettent 
en mouvement: ‘elles tournent fur leur pédi- 
eule comme fur un pivot, & au bout de quel: 
ques heures elles reprennent leur premiere fitua- 
tion. La tige & les rameaux fe redreflent aufü, 
& fe difpofent perpendiculairement à l’horifon. 


CHAQYE. portion d’une Étoile, d’une Ortie, 
d’un Polype , aeffentiellement en petit la même 
ftruture que le tout a plus en grand. Il en cf 


489 CONTEMPLATION 


de mème des Plantes. Notre Obfervateur, qifi 
ne l’ignore pas, veut s’aflurer fi des feuilles & 
des rameaux détachés de leur Sujet, & plongés 
dans des vafes pleins d’eau, y conferveront les 
mèmes inclinations qu'ils avoient fur la Plante 
dont ils faifoient partie; & c'elt ce que l’ex- 
périence lui prouve, de maniere à ne lui lailer 
aucun doute. 


IL place fous quelques feuilles des éponges 
mouillées : il voit ces feuilles s’incliner verts les 
éponges , & tâcher de s’y appliquer par leur fur- 
face inférieure. 


IL obferve encore que quelques Plantes qu’il 
a renfermées dans fon cabinet, & d’autres qu'il 
a portées dans une cave, fe font dirigées vers 
la fenètre ou vers les {oupiraux. 


ENFIN, les phénomenes de la Senfitive , fes 
mouvemens variés , la promptitude avec laquelle 
elle fe contracte lorfqu’on la touche, font le 
fujet intéreffant qui termine fes recherches (2 ). 


(2) tt Que diroit encore notre Philofophe de la Lune à 
la vue de la Zrémelle de l'ingénieux Corrt , fi néanmoins 
les Trémelles appartiennent proprement au Regne végétal ? 
CVoy. Part. III. Chap. VII. Note 1.) La Trémelle dont je 
veux parler ne reflemble pas mal à un gros fil. On voit de 


ACCABLÉ. 


DE LA NATURE, X Part. 481 


ACCABLÉ de tant de faits qui paroiflent tous 
dépofer en faveur du fentiment des Plantes, 
quel parti prendra notre Philofophe? Se ren 


ces fils entrelacés les uns dans les autres en maniere de grouppe 
ou de peloton. Ils font gélatineux, & par conféquent d’une 
Rexibilité extrême. Quelle n'eft point la furprife de l'Obfer- 
Vateur , lorfque contemplant ces fils, il les voit fe donner les 
plus grands mouvemens, faire effort pour fe défentrelacer , 
fe plier & fe replier de mille & mille manieres, Vibrer comme 
un pendule, changer continuellement leurs apparences, fe 
débarraffer enfin & s'échapper avec viteffe par différens côtés, 
s'arrêter enfuite, rétrograder , puis reprendre leur courfe pro- 
greflve ; exécuter , en un mot, tous les mouvemens qu'on 
obferve dans ces Vers qui reffemblent à des foies ou à des 
crins, & qui ont été nommés Gordius ! 

Les amours des Plantes préfenteroient à notre Philofophe 
hien d’autres faits non moins intéreffans, & qui ne lui paroî- 
troient pas dépofer moins fortement en faveur de la fenfibi- 
lité de ces Etres organifés 11 commenceroit , fans doute, par 
comparer les parties fexuelles des Piantes avec celles des 
Animaux , & en particulier des Infetes; & il s'étonneroit de 
trouver dans la conformation extérieure & intérieure des or- 
ganes de la génération des Plantes, des rapports fi nombreux 
& fi divers avec les organes de la génération des Animaux. 
Mais , ce qui fixeroit le plus fonattention, feroient les mou- 
vemens fi remarquables qu’on obferve dans les parties fexuel- 
les au temps de la fécondation, & qui ont été fi bien décrits 
par le PLINE ‘du Nord. Notre curieux Lunicole ne fe lafleroit 
point d'admirer la manicre dont le ftigmate du piftil ‘ouvre 
pour recevoir la poufliere fécondante, & dont il fe referme 
après l'avoir reçue ; la forte d’avidité avec laquelle il la de. 


Tome Il. Hh 


282 CONTEMPLATION 


dra-t-il à ces preuves? ou fufpendra: t - it 
encore fon jugement en vrai Pyrrhonnien? Il 
me femble qu'il embraflera le premier parti, 
Tur-tout s'il compare de nouveau ces faits 


mande & 1» recoit; l’art avec lequel les fommets s'ouvrent & 
répandent la poufiere fur le figmate; les monvemens, en 
quelque forte, fpontanés que fe donnent dans certaines efpe- 
ces les étamines pour opérer plus fürement la fécondation; 
l'accord marqué de ces mouvemens avee ceux du piftil qui 
leur correfpondent, &c.: tous ces traits comparés à ceux 
qu'offriroient à notre Contemplateur les amours de certains 
Infetes ou de certains Coquilla ges , ne lui fembleroient pas 
moins décififs en faveur de la fenfibilité des Plantes qu’en fa- 
veur de celle des Animaux. S'il venoit enfuite à jetter les 
yeux fur les Plantes aquatiques ; s’il venait. à remarquer que 
celles qui, à l'ordinaire, font entiérement plongées fous l’eau, 
s'élevent à la furface lorfque la leur doit s'épanouir , & que la 
fécondation va s’opérer; s’il remarquoit enfin, qu'immédiate- 
ment après la fécondation, la Plante s'enfonce de nouveau 
fous l’eau ; fi, dis-je, notre Contemplateur obfervoit tous 
ces faits, pourroit-il héfiter encore de croire à la fenfibilité 
des Plantes, & ne viendroit-il pas à penfer qu’elles ne come 
pofent avee les Animaux qu’une feule grande Famille ? 

Un Ecrivain célebre pole en principe ; que ff un Etre or 
ganifé a du fentiment , il l'exprimera par des m1ouvemens ex têx 
rieurs. Ainff, ajoute-t-il, les Plantes, quoique bien organifées, 
font des Etres infenfibles auffi-bien que les Animaux qui, comme 


elles, n'ont sul mouvement cpparent. Le Lecteur éclairé ju. 


gera-t-il cette Logique plus exaéte que celle de notre Phi- 
lofophe de la Lune ? 


DE LA NATURE. X. Por. 483 


avec ceux que lui offrent les Animaux qui {e 
rapprochent le plus des Plantes. 


Mais, dira-t-on,; votre Philofophe de- 
Vroit comprendre qu'il eft facile d’expliquer 
méchaniquement tous ces faits qui lui paroif 
fent prouver que les Plantes font fenfibles. Il 
fufit d'admettre que les Végétaux ont des fibres 
qui fe contractent à lhümidité, & d'autres qui 
fe contraétent à la féchereffe. Cela eft vrai, & 
notre Philofophe le fait très bien : mais il 
fait auffi qu’on a entrepris d'expliquer mécha- 
niquement toutes les actions des Animaux, non- 
feulement celles qui démontrent qu’ils ont du 
fentiment, mais encore celles qui paroiffent prou- 
ver qu'ils {ont doués d’un certain degré d’iu- 
telligence. Procédé fisgultier de lEfprit humain ! 
pendant que quelques Philofophes s'efforcent 
d’ennoblir les Plantes en les élevant au rang 
d’Etres fentans, d’autres Philofophes s'efforcent 
d’abaifler les Animaux en les réduifant au rang 
de fimples Machines. 


Au refte , le Lecteur judicieux comprend aflez 
que je n’ai voulu que faire fentir par une fic- 
tion combien nos jugemens fur l’infenfbilité 
des Plantes font hafardés. Je nai pas prétendu 
prouver que les Plantes font fenfibles; mais j'ai 

H h 2 


44aCONTEMPLATION 


voulu montrer qu’il n’eft pas prouvé qu’elles 
ne le font point. 


NE 


C'H AcP-I TR En 2ERORE 


La nutrition. 


P U 15 donc que la faculté de fentir ne nous 
fournit qu’un caractere équivoque pour diftin- 
guer le Végétal de l’Animal , quel fera celui au- 
quel: nous aurons recours dans cette vue? Il 
femble que nous les ayionstous épuilés. Nous 
les avons du moins tous parcourus. Mais nous 
né les avons pas tous envifagés fous leurs dif- 
férentes faces. Il en eft un, qui confidéré fous 
un certain point de vue, nous procurera peut- 
être ce que nous avons cherché vainement dans 
les autres. 


IL s’agit de la pofition des organes par lef- 
quels les Plantes & les Animaux reçoivent leur 
nourriture. Ces organes font dans les Plantes 
les racines & les feuilles. Les unes & les au- 
tres font garnies de vores au moyen defquels 
elles pompent le fuc nourricier. Ce pores abou- 
tiflent à de petits vaifleaux, qui tranfmettent 


DE LA NATURE. X. Pox -48ç 


le fuc dans l’intérieur , ou plutôt ces pores ne 
font que l'extrémité des ces vaifleaux. 


Les Animaux ont des organes tout - à - fait 
analogues aux racines & aux feuilles. Je veux 
parler des veines lactées ou des vaifleaux qui 
en tiennent lieu. Ces veines s'ouvrent dans les 
inteftins & y pompent le chyle, qu’elles con- 
duifent dans les voies de la circulation. 


L’AximaLz eft donc un Corps organifé, qui 
fe nourrit par des racines placées au - dedans 
de lui. La Piante eft un Corps organifé, qui 
tire fa nourriture par des racines placées 4 fon 
extérieur (1). 


(1) tt C'étoit le caractere qu'employoit l'illuftre Borr- 
HAAVE pour diftinguer la Plante de l'Animal. Mais toutes 
les Plantes n’ont pas des racines proprement dites. Le Fucus, 
pat exemple, n’en a point: nous l’avons vu [ Chap. XXVI, 
Note 2.1]; &c'eft probablement le cas de bien d'autres Plan, 
tes marines. Les Plantes terreïtres nous en fourniflent d’au- 
tres exemples.’ On ne trouve point de racines à la Truffe 
CPart. IIL. Chap. VII. Note 1.]. Le Savant Auteur de la 
Phyfologie des Mouÿes aflure que c’eft encore le cas des Ly- 
chens: les courts filimens qu’on avoit pris dans ces faufles- 
parafites pour de vraies racines, ne font proprement que de 
petits crochets qui leur fervent à fe cramponner auxi corps 
fecs fur lefquels elles croiffent. Il prétend auf que les racines 
des Moufles ne fervent qu'à les fixer, & qu’elles fe nourrif- 


Hb 3 


486 CONTEMPLATION 


VoiLa certes une différence bien légere entre 
la Plante, & l’Animal : ceft pourtant tout ce 
que nous avons trouvé de plus diftin@f parmi 
les divers caracteres qui fe font offerts à notre 
examen. [l n’eit pas meme certain que ce nou- 
veau caractere foit aulli diftin@if qu'il a paru 
Vêcre, & que des découvertes imprévues ne le 
détruifent point. Un Animal qui fe nourriroit 
par toute l’habitude de fon corps ou par des po- 
res diftribués fur fon extérieur , rendroit ce ca- 
raétere infufffant ou équivoque. Le Tænia ne 
paroît pas s'éloigner beaucoup d’un tel Animal. 
Ce Ver, comme nous l'avons déja remarqué, 
et d’une prodigieufe longueur. Il forme dans 
les inteftins un grand nombre de plis & de re- 


fent par les pores dont leurs feuilles font criblées. Il le 
prouve par une expérience. Des Moufles dont les racines feu- 
les plongent dans l’eau, périflent au bout de quelques jours, 
comme fi elles avoient été brülées par le Soleil; tandis que 
celles qui y font plongées par leurs tiges, eontinuent à vivre 
& font mème de nouvelles produétions, 

Il eft d'ailleurs très- indifférent à la queftion qui nous oc- 
cupe, qu’une Plante fe nourrifle par de vraies racines ou par 
fes Feuilles; puifque les Feuilles équivaudront pour elle aux 
racines, & le caraétere diftinétif employé par l'HIPPOCRATE 
de Leyde pourroit fubfifter encore : mais ce qui le rend équi- 
Voque, ce font des produétions vraiment animales qui fe 
nourriflent , comme différentes Plantes, par toute l'habitude 
de leur corps. 


DE LA NATURE. X. Part. 287 


plis, & quelquefois il remplit entiérement la 
capacité de ce canal. Chacun des anneaux qui 
le compofent, & dont la longueur n’eft fouvent 
que d’une à deux lignes, eft percé d’une petite 
ouverture ronde par laquelle on voit fortir le 
chyle dont le Ver eft plein , & qui fait fa prin- 
cipale nourriture. Si cette ouverture eft une 
efpece de fucoir à l’aide duquel lInfe@&e pompe 
le chyle qui l’environne, cette maniere de fe 
nourrir ne differe pas beaucoup de celle des Plan- 
tes. Il eft vrai qu’on a découvert à l'extrémité 
la plus effilée de ce Ver, une tête pourvue de 
quatre mamelons , qui ont paru autant de pom- 
pes ou de fucoirs. Mais cette découverte ne dé- 
truit point la conjetture qu’on vient de hafar- 
der fur l’ufage des ouvertures ménagées dans 
les anneaux ( 2). 


On connoît une autre production animale 
qui paroît fe nourrir d’une maniere qui a beau- 
coup de rapport à celle dont les Plantes fe nour- 
riflent. Cette production eft l’œuf d’une Mouche 
qui pique la feuille du Chène & qui y fait naître 
une galle, au centre de laquelle l'œuf fe trouve 
placé. Il eft membraneux & d’un tifflu uniforme. 


(2) tt Ce que je difois ici fur la meniere dont le Tænia 
fe nourrit, n'eft pas aflez exact. On voudra bien relire la 
Note 3 du Chap. :XXVI de cette Partie. 

H h 4 


488 CONTEMPLATION 


On n’y découvre aucune ouverture particuliere 
par laquelle il fe nourrifle. Cependant 1l eft cer- 
tain qu'il fe nourrit & qu’il prend beaucoup 
d’accroiement: ce qui donne lieu de penfer 
que ces membranes font conftruites avec un 
tel art, qu’elles pompent les fucs qui les abreu- 
vent. Lorfqu’on ouvre des galles qui ne font 
que de naître, on y trouve l’æuf encore très- 
petit. [l eft beaucoup plus gros dans des galles 
plus avancées. On conjecture mème avec vrai- 
femblance, que Paccroilement de l'œuf opere 
celui de la galle, & que la confommation con- 
tinuelle des fucs les détermine à Sy porter avec 
plus d’abondance (3 ). 


Maïs fans alier chercher bien loin des exem- 
ples d’Animaux qui fe nourriffent à la maniere 
des Plantes, ce cas eft celui de tous les Ani- 
maux , fuit ovipares, foit vivipares, pendant 
qu'ils font encore renfermés dans l’œuf ou dans 
le ventre de leur mere. Les vaiffleaux ombili- 
caux peuvent être regardés comme des racines 
qui vont puiler dans les matieres de l’œuf ou 
dans la matrice les nourritures appropriées au 


(3) tt Les œufs des induftrieufes Mouches à fie croif- 
fent de même après avoir été pondus ; & on découvrira pro- 
bablement bien d’autres Efpeces d'œufs, qui offriront la mème 
fingularité, 


DE LA NATURE. X. Part. 489 


fœtus. Il en eft de mème des Infectes qui mul- 
tiplieut par rejettons. Pendant que le Petit tient 
encore à fa Mere, il paroït fe nourrir d’une 
maniere qui differe peu de celle qui eft propre 
aux branches. Les greffes animales fe rappro- 
chent aufli à cet égard des greffes végétales. 


ENFIN, la peau du Corps humain pompe, 
comme les feuilles des Plantes, les vapeurs & 
les exhalaifons répandues dans l'air ; & quoique 
l'Homme tire bien moins de nourriture par 
cette voie que n’en tirent les Végétaux, il 
demeure toujours vrai que la peau & les feuilles 
ont, en ce genre, de grands rapports. Peut. 
ètre découvrira-t-on quelque jour des Ani- 
maux qui ne fe nourrifflent que par leur pezu, 
comme certaines Plantes ne fe nourriflent que 
par leurs feuilles. 


+ 


490 CONTEMPLATION 
CEE cr 20 me ES 
C'H'A P D'TORIE TROP 


L'ivrirabilite. 


E ST-CcE donc en vain que nous cherchons 
un caractere propre à diftinguer le Végétal de 
l’'Animal? Devons - nous renoncer\à cette re- 
cherche, & laifler au temps à réfoudre ce pro- 
blème ? J'apperçois une nouvelle propriété qui 
nous fournira peut-être ce que nous avons 
cherché inutilement ailleurs. Voyons ce qu’il 
faut en penfer. 


UXxE fibre mufculaire fe contracte ou fe rac- 
courcit d'elle - mème à l’attouchement de tout 
corps foit folide foit liquide. Cette propriété fi 
remarquable eft connue fous le nom d’irritabi- 
lité. Nous l'avons entrevue à la fin du Cha- 
pitre IE de la Partie VII (1 ). 


ELLE n’a rien de commun avec la fenfibilité. 


(1) tft Le degré de contraétion ou de raccourciffement de 
la fibre eft la melure de fon irritabilité. Toutes chofes d’ail- 
leurs égales, le mufcle qui fe raccourcit davantage, eft le 
plus irritable. Celui qui fe contracte au plus léger attouche- 
ment ,eft donc très - irritable. 


DE LA NATURE. X. Part. 49t 


Les parties les plus fenfibles ne font point ir- 
ritables, & les parties les plus irritables ne font 
point fenfibles ( 2). 


IL ne faut pas non plus confondre lirrita- 
bilité avec lélafticité. Une fibre feche eft très- 
élaftique , & point du tout irritable. On ne foup- 
gonnera pas que des Animaux purement géla- 
tineux foient étatiques, & ils font néanmoins 
très - irritables. On ne découvre point d’yeux 
au Polype ; il fe dirige pourtant vers la lu- 
miere, probablement par une fuite de Pirrita- 
bilité exquife dont il eft doué. Enfin , les fibres 
des Vieillards , quoique beaucoup plus élaftiques 
que celles des Enfans, font bien moins irri- 
tables. 


Si lon prive un mufcle quelconque de tout 
commerce avec le cerveau, foit en liant les 
nerfs, foit en les coupant , & qu’on irrite ce 
mufcle avec la pointe d’une aiguille ou avec-une 
liqueur un peu acide, il entrera aufli-tôt en 


® C2) tt L'irritabilité n’eft point proportionnelle à la fenf- 
bilité. L’eftomac, plus fenfible que les inteftins, eft moins 
irritable qu'eux. Le cœur, doué d’une irritabilité fi exquife, 
eft peu fenfible. On ne peut donc tirer aucune conclufion de 
la fenfibilité à l’irritabilité, Elles ont d'ailleurs un fiege bien 
éifférent : l’une réfide dans les nerfs, l’autre dans les mufeles. 


492 CONTEMPLATION 


contraction & fe relâchera enfuite, & l’on pourta 
lui faire répéter bien des fois le mème jeu. 


Nous avons vu que le cœur elt un véritable 
mufcle. Si on lextrait de la poitrine , il con- 
tinuera à fe mouvoir jufqu’à ce qu'il ait perdu 
fa chaleur naturelle. Le cœur d’une Vipere ou 
d’une Tortue bat fort bien vingt à trente heures 
après la mort de l’Animal. L’eau ou l'air, in< 
troduits dans le ventricule , fufffent pour ren- 
dre au cœur le mouvement qu'il a perdu. 


LE mouvement périftaltique des inteftins eft 
encore dù à leur irritabilité. Mais voici ce qu’on 
n’auroit pas deviné. Si on les arrache prompte- 
ment du bas - ventre, & qu'on les coupe par 
morceaux , tous ces morceaux ramperont , comme 
des Vers, & fe contracteront au plus léger at- 
touchement. Il n’elt donc pas bien merveilleux 
que des portions d’Infectes vivans , fe meuvent 
encore après leur féparation du Tout. Le fait 
dont jai parlé dans le Chapitre IT de la Partie 
VIIT, eft du mème genre, & dépend du mème 
principe. 


AINSI, non-feulement tout mufcle, mais 
encore tout fragment de mufcle, & mème toute 
fibre mufculaire fe contractent plus ou moins 


DE LA NATURE. X. Part. 493 


à l’attouchement de quelque corps que ce foit, 
fur - tout fi ce corps elt du genre des ftimu- 
lans. Et comme la fibre fe contracte d’elle - 
mème , elle fe rétablit aufli d’elle - mème ; & 
ce jeu alternatif dure un temps proportionné 
au degré de lirritabilité. 


Ux Phyficien (3 ) qui a placé dans l’Ame la 
caufe de tous les mouvemens du corps, a été ré- 
duit pour expliquer ceux dont il s’agit ici, à 
fuppofer que lAme eft divifible. Il y a donc une 
portion d’Âme ou une petite Ame dans chaque 
mulfcle, dans chaque fragment de mufcle, daus 
chaque fibre mufculaire, dans laiguillon de la 
Guëpe, (4) dans la queue du Lézard, &c. ? 


C3) ff Le Savant Wuvr, Anglois, dont l'illuftre Phyfo. 
logifte de Berne n’a pas eu beaucoup de peine à refuter foli. 
dement l'étrange opinion. C’eft auf celle au’adopte le célebre 
Anatomifte de la Chenille, qui ne concoit pas qu’on puille 
expliquer autrement les phénomenes que préfentent certaines 
parties qu’on coupe à des Infectes vivans , & fur-tout ceux qu’of- 
frent les Animaux qu’on multiplie en les mettant en pieces. 
Quand on n’a pas aflez profondément médité fur la nature de 
l'Ame, on ne trouve pas grande difficuité à fuppofer qu’elle 
eft divifible comme le corps: il eft même un Métaphyficien 
par état, qui, dans les meilleures intentions, a täché en der- 
nier lieu d'établir que l’Ame eft une machine organifée, très. 
diftinéte du corps qu’elle anime. 


(4) tt L'aiguillon de la Guêpe, féparé du corps de l'In- 


494 CONTEMPLATION 


Mais l’Ame qui perd un membre, ne change 
point ; toujours mème volonté, mèmes idées , &c. 
L’Ame n’étoit donc pas dans ce membre , il n’ap- 
partenoit pas au fond de fon Etre; il apparte- 


fete vivant , mais pourvu encore de fes mufcles, fait effort 
pour piquer comme s’il tenoit encore à l’Infecte. Il eft une 
multitude d'autres exemples de parties organiques qui conti- 
nuent à fe mouvoir, quoique féparées de l’Animal auquel 
elles appartenoient. Je citerai encore celui de la trompe du 
Papillon. Ceux qui ont lu les Æfémoires pour fervir à l'Hif- 
toire des Infeéles, favent tout ce que cette trompe renferme 
d'admirable. Elle eft en partie écailleufe & en partie mem- 
braneufe. Le Papillon la tient ordinairement roulée en fpirale, 
à la maniere d’un reflort de montre; mais il la déroule & 
l'étend quand il veut pomper le miel des fleurs. Elle eft éten. 
due en ligne droite far la poitrine de fa Chryfalide: dans 
certaines Efpeces, elle y eft recourbée en maniere de long nez. 
Immédiatement après que le Papillon a rejetté le fourreau de 
Chryfalide, toutes fes parties écailleufes font très - molles : la 
trompe l’eft donc aufi, Si on la coupe alors tranfverfalement 
avec des cifeaux, les parties conpées continueront à fe mou- 
voir, à fe rouler & à fe dérouler à plafieurs reprifes , comme 
fi elles tenoient éncore à la tête du Papillon. Bientôt néan- 
moins elles ceferont de fe mouvoir; mais fi au bout de 
trois à quatre heures on vient à les toucher , elles fe remet« 
tront en mouvement, fe rouleront & fe dérouleront comme 
auparavant. La partie membraneufe de la trompe eft garnie 
de mufcles, dont lirritabilité entretient & renouvelle le jeu 
de l'organe. Mais à mefure que les mufcles fe deflechent, le 
jeu fe ralentit, & il cefle enfin lorfque les’ mufcles fout er 
tiérement defléchés, 


DE LA NATURE. X.Part. 49$ 


noît encore moins à une autre Âme ; il n’étoit 
pas...... mais jai déja trop infifte fur une opi- 
nion qui choque autant le fens commun que 
la -Métaphyfique. 


Ox favoit depuis bien des fiecles, que lo- 
reillette & le ventricule droits du cœur étoient 
les parties du corps animal , qui fe mouvoient 
le plus long-temps après la mort. Il avoit 
été réfervé à un illuftre Moderne ( $) de nous 
découvrir la caufe de ce phénomene, & en gé- 
néral celle des mouvemens du cœur. Nous avons 
admiré la merveilleufe irritabilité de ce mufcle. 
Le contact du fang eft uniquement ce qui la 
déploie. Si on empèche le fang d’agir fur l’oreil- 
lette ou fur le venticule , tout mouvement cefe 
a l’inftant, & on le fait renaître à linftant, fi 
on laifle rentrer le fang (6). Il neft pas mème 
befoin de fang ; tout autre liquide produit des 
effets analogues , & nous avons vu, que l’eau 
& Pair, agiflent ici comme le fang. 


(5) Mr. DE HaLrer, 


(6) tt Le grand Phyfologifte que je viens de citer pen. 
foit, que le cœur fe vuide entiérement de fang dans la fyfe 
tole : c’eft une erreur ; Mr. SPALLANZANI l’a démontré. 11 
refte toujours un peu de fang dans le ventricule après chagre 
fyftole, & les arteres reftent toujours pleines après la con- 
traion. 


495 CONTEMPLATION 


IL réfulte de toutes les expériences fur l'ir= 
ritabilité , que les parties vitales font les plus 
irritables. Le cœur eft la plus irritable de tou- 
tes, & après lui les inteftins & le diaphragme. 


La fibre mufculaire eft compofée de deux 
principes très -différens, d’une terre friable, 
& dune efpece de glu. C’eft dans celle - ci que 
l'irritabilité réfide ; car on fent bien qu’une 
terre friable n’eft pas propre à exécuter par 
elle- mème des contraétions & des relächemens 
alternatifs (7). 


(7) tt L'irritabilité paroïit donc devoir réfider dans la ge- 
lée animale, puifque la gelée a une difpofition naturelle à fe 
contracter. Les Animaux très-gélatineux , comme les Polypes 
& les Animalcules des infufions , doivent donc être fort irri- 
tables : mais ils peuvent aufli être fort fenfibles; & il n’eft 
pas facile de diftinguer ici ce qui appartient à l’irritabilité , de 
ee qui elt propre à la fenfibilité. J'ai dit que la tendance na- 
turelle du Polype vers la lumiere pouvoit tenir à fon irrita- 
bilité : c’eft l'opinion de l’habile Phyfologifte à qui nous de- 
vons les plus belles connoiïffances fur cette propriété ; mais 
les organes qui font le fiege de la fenfbilité chez le Polype, 
pourroient être d’une telle délicateffe, qu'ils fuffent fufcepti- 
bles des impreflions de la lumiere. Le Polype ne verroit pas 
la lumiere , car il n’a point d’yeux, mais il la fentiroit à 
fa maniere. Si les nerfs de notre main étoient aufhi délicats 
& aufli à nud que ceux de notre rétine, il feroit pofible 
que nous euflions par notre main un certain fentiment de la 
préfnce de la lumiere, très-diférent , à la vérité, de celui 


La 


DE LA NATUÜRÉ. X. Part. 497 


La nature de l'irritabilité eft auf inconnue 
que celle de toute autre force: nous n’en ju- 
geons que par fes effets. Mais nous concevons 


de la vifion. Ce cas eft probablement celui d’un grand noms 
bre d'Animaux des clafles les plus inférieures qui , privés 
de la vue, font dédommagés en partie de cette privatiori 
par la délicatefle extrême de leur toucher, qui les met ainf 
à portée de jouir à leur maniere, d'un des plus grands bien« 
faits de la Création. 

Ce feroit dans l'irritabilité que je chercherois 14 fofntion 
d'un des plus beaux problèmes de la Phyfique animale : je 
parle du merveilleux phénomene que préfentent ces Animal. 
cules aquatiques qui femblent reflufciter après avoir été con 
lervés au fec des mois & des années. J'ai tracé ailleurs um 
léger précis de l’hiftoire de ces Animalcules admirables, que 
mon Lecteur voudra bien confulter. (Part, IX. Chap. IL 
Note 13.) On a vu que, dès qu'on vient à humeder avec 
une goutte d'ean ces Animaleules fi deféchés, ils reprennent 
affez promptement la vie & le mouvement. Ils peuvent même, 
en quelque forte, mourir & reMufciter bien des fois au gré 
de lObfervateur. Ces Animalcules femblent n'être qu’une 
goutte de gelée épaiflie. Cette gelée paroît bien propre à être 
le fiege de l'irritabilité. Dans le defféchement tous les élémens 
ofganiques fe rapprochent, & toutes les parties fe plient ou 
fe refferrent à - peu - près comme les plis d'une bourfe ov d’an 
éventail. Ce repliement s'exécute avec un tel art que lorga. 

Mifme général n'en fouffre point, Mais, fi uous fuppofons que 
| l'eau dont on humeéte ces Animalcules deftéchés , ‘eft une 
| forte de ftimulant qui éxcite leur irritabilité affoupie, en 

paëme temps qu’elle rend aux parties leur premiere fouplefe, 


Tome IL, Ji 


499 CONTEM P L A T.TON 


très- bien que la fibre mufculaire doit avoir éte 
conftruite fur des rapports déterminés à la 
mäniere d’agir de cette force fecrete. L’efpece, 


nous concevrons, ce me femble , comment ils reprennent 
la vie & le mouvement. 

Nous connoiffons un autre Animal très- fingulier & très- 
différent des Anguilles & des Rotiferes, qui participe , comme 
eux , à la même prérogative. IL eft connu fous le nom Jatin 
de Seta equina où de Crin - de - Cheval. Xl a encore été nommé 
Gordius. Il reflemble, en effet, beaucoup à uñ crin-de-Che- 
val, & le Vulgaire croit bonnement qu’il tire fon origine des 
crins-de-Cheval, qui en féjournant dans l’eau y prennent la 
vie & le mouvement. Il en eft de blanchâtres, de jaunâtres 
& d’un rouge brun. Ils font fort longs & prefqu'auf effilés 
qu'un gros crin. J'ai eu plus d’une occafion d'obferver long- 
temps cet étrange ‘Animal. J'avois fur-tout tâché de décou- 
vrir dans fon intérieur des veftiges de ces vifceres qui font 
fi apparens dans la plupart des Vers; & quelqu’attention que 
j'y aie apporté, foit à la vue fimple, foit à la louppe, je ne 
fuis jamais parvenu à y rien déméler, qui eût l’air de vaif- 
feaux. Tout l’Animal m’a femblé n’être qu’un tube capillaire 
Fort tranfparent. J'ai fur - tout été très - frappé des monvemens 
ondulatoires & continuels que ce Ver fe donnoit dans l’eau 
très-claire où je le tenois. Jamais il ne m’eft arrivé de faifir 
un feul inftant où il ne füt pas en mouvement. Tantôt il 
s'élevoit jufques près de la furface de l’eau; tantôt il fe re- 
plioit vers le fond. Il traçoit une multitude de lacis très- 
agréables : d'autrefois il s’eutortilloit fur lui- même en ma- 
niere de peloton. Sa tête qui et très - petite , ne fe diftingue 
de la queue , que par fa couleur d’an brun noïrâtre, & par 
deux petits’ crochets ou pinces qui la terminent, 


I  — 


DELA NATURE. X. Port. 499 


la forme & l’arrangement refpectif des élémens 
de la fibre font donc en rapport dire avec 
cette force. 


Le Gordius fe trouve dans les fontaines & dans la terre; 
mais ce qu'on n'avoit pas foupconné, c’eft qu'il fe trouve 
auf dans interieur de quelques Infeétes vivans. I1 ef donc 
carnacier. L'illuftre de GEER l’avoit tronvé dans une Teigne 
aquatique; & un Eccléfiaftique eftimable [ f ] la rencontré 
fréquemment dans les Sauterelles. Il en a même trouvé plu- 
fieurs dans la même Sauterclle, & qui n’avoient pris encore 
qu'une partie de leur accroiffement. Cependant ce même Ver 
qui vit aux dépens d’Animaux vivans, peut vivre des mois 
entiers dans de l’eau claire & y exécuter fes mouvemens per- 
pétuels. Divers Obfervateurs fe font affurés qu’il peut multi- 
plier de bouture ; & ceci n’a plus rien de frappant dans un 
Ver long & fans jambes, après tout ce qu'on à obfervé en 
ce genre fur différentes Efpeces de Vers longs aquatiques. 
Mais le Gordius a plus à nous offrir : confervé au fec pen- 
dant un temps plus ou moins long, & expofé en Eté à toute 
l’ardeur du Soleil, il retient conftamment un principe de vie, 
qui reprend fa premiere énergie dès que l’Animal refte une 
demi-heure dans l’eau. C’eft à l'Abbé F. FONTANA que 
nous devons cette obfervation. 

L'efpece de réfurreétion des Tremelles, du Noftoch, des 
Mouffes, &c. pourroit dépendre encore d’une forte d’irrita- 
bilité propre au Végétal ; car nous verrons bientôt qu’il eft 
des raifons affez fortes de croire à l'exiftence de cette pro- 
priété dans le Végétal. 

Si les différens Etres dont je viens de faire mention, onk 


Cf] Mr. CLEMENT, domicilié à Champéri dans le Valais 
li 2 


oo CO: N'T'ETM P L'A TION 


ELe réfide probablement dans le fluide élaf- 
tique difléminé entre les lamelles de la fibre; 
car il ne fufiroit point de recourir à ia ftruc- 


une Ame, [ & comment en douter, puifqu'ils offrent les 
fignes les moins équivoques d’animalité?] nous ne pen- 
ferons pas que cette Ame quitte fon fiege lorfque l’Ani- 
mal s’eft defféché jufqu’à un certain point, & qu'elle le re- 
prend lorfqu'il vient à être humecté. Cette opinion choquerot 
trop les idées que la faine Phyfologie nous donne de l’'Etre 
mixte. Nous ne dirons donc pas que l’Animal zeurt & qu'il 
reffsfcite, ou au moins nous ne le dirons qu’en ftyle figuré. 
Mais nous l’envifagerons dans fon état de defféchement comme 
dans un état de fommeil ou de léthargie. Nous concevrons 
que l'exercice de toutes fes facultés eft alors fufpendu , parce 
qu’il tient effentiellement au jeu des organes, & que tons 
les organes font alors captifs. On fent d'ailleurs affez, que 
nous ne faurions avoir que des notions très-imparfaites de 
l'état d’un Animal qui paffe des années entieres enfeveli dans 
un grain de Froment ou dans la poufliere, fans y donner 
le moindre ‘figne de vie. Il nous fuit de comprendre, que 
cet état fingulier ne fauroit être celui d’une véritable mort; 
puifqu'une véritable mort fuppoferoit la rupture de tous les 
liens qui uniffent le vrai fiege de l’'Âme au corps de l’Animal. 
[Conf. Part. IV. Chap. XII. Note 2, 5. ] Mais ce n'eft pas 
ici le lieu d’approfundir ce que C’eft que la #ort, fujet d'au- 
tant plus intéreffant qu'il eft lié à tout ce que nous avons. 
de plus cher. Je pourrai bien m'en occuper dans un autre 
Ecrit. LEIRNITZ, qui avoit fur l'Animalité des idées très- 
philofophiques, difoit que la génération nef qu'un développe- 
ment, ÊT la mort un enveloppement. S'il eût connu ces Etres 
organilés qui reviennent à la vie après un long defléchementi, 


2 + 


DE LA NATURE X Part. 650 


ture primordiale de celle-ci pour rendre rai- 
fon de fon irritabilité. Le corps; indifférent au 
repos & au mouvement, ne l’eft pas moins à 


toute forte de fituation. Les élémens rapprochés 
dans la contraction, ne fe rétabliroient point 
fans l’intervention d’une force étrangere. Mais 
cette force fuppofe à fon tour dans les é'émens 
des conditions particulieres, & ce font ces con- 
ditions qui diftinguent la fbre mufculaire de 
toute autre fibre, 


Les nerfs ne font point irritables; cela eft 
aujourd’hui bien démontré: mais fi l'on pique 
un nerf, le mufcle auquel il aboutit entrera en 
contracton. Vous lavez vu dans le Ver- à. 
foie (8). Le nerfs peuvent donc imprimer le 
mouvement aux muscles; ils ne leur commu- 
niquent pas une irritabilité qu'ils ne pofledent 
pas eux-mêmes, ils ne font que la mettre en 
action, & c’eft ainfi qu’ils font les miniftres des 
volontés de l’Ame. Ils ne le font pourtant pas 
par eux - mêmes ; diverfes expériences indiquent 


il en eût, fans doute, tiré grand parti pour étayer fon ingé_ 
nieufe opinion. Ils peuvent au moins nous aider à concevoir 
«la pofhbilité de cette reftitution future de tous les Etres vi. 
vans , que j'ai eMayé de rendre probable dans un autre Ecrit. 


(8) Part, VIIL :Chap. II. 
15 2 


02 : C0: NT EME D'ATMONN 


que c’eft par l’entremife d’un fluide très - fubtil 
& très- actif. Le fluide nerveux agiroit - il donc 
fur les muicles comme un vrai ftimulant # ac- 
croitroit - il leur tendance naturelle à fe con- 
tracter ( 9)? 


(9) tft On ne peut guere douter que le fluide nerveux, 
foumis jufqu'à un certain point à l'empire de l'Ame, ne foit 
le fimulant des mufcles. { Part. VII. Chap. I. Note 2. Chap. 
II. Note 1, 2. ] Mais le fluide nerveux n’opéreroit pas dans 
les mufeles ces puiflantes contrattions quetnous y obfervons, 
s’il n’étoit fecondé par la ftruéture propre à ces organes mo- 
teurs, & par la conftitution particuliere de leurs fibres. C'eft 
ainfi qu'un filet d’eau qui met en mouvement une certaine 
Machine, produit des effets furprenans. 
 Aùfi-tét qu'un ftimulant quelconque vient à toucher un 
mufcle, un fragment de mufcle ou une fimple fibre mufcu- 
laire, ils entrent en contraétion, fe relâchent .un moment 
après pour, fe contraéter encore, & ce jeu alternatif dure 
pendant un temps proportionné à lation du flimulant & au 
degré de Pirritabilité propre à l'organe, Nous ne découvrons 
pas le méchanifme de ce jeu; nous ne faifons que l’entrevoir 
confufément. Nous concevons très-bien que le mufcle ne peut 
fe: contracter & fe relacher de lui- même, parce que le corps 
eft indifférent dé fa nature au mouvement @& au repos & à 
auelque fituation que ce foit. Le jeu du mufcle doit donc 
dépendre de l’aétion de quelque fluide invifibleque le ftimu- 
lant excite Ce fluide feroit-il différent dn Auide nerveux ? 
Nous favons que les nerfs qui fe plongent dans les mufcles, 
y verfent un Auide très-fubtil &_-très-aétif: 11 fe répand fous 
une certaine proportion dans toutes les fibres du mufcle: il 
peut y être retenu pendant un. femps ‘plüs. ou moins long. 


“DE LA NATURE. X. Part. $03 


L’'IRRITABILITÉ paroît donc être ce qui conf. 
titue dans l’Animal la puifflance vitale. On n’a 
point encore apperçu cette propriété dans le 


Un fragment de mufcle, une fibre mufculaire détachés du 
eorps peuvent donc contenir encore une certaine portion de 
ce fluide; & fi nous fuppofons qu'il eft doué d'élafticité, les 
condenfations & les raréfactions alternatives qu’il éprouveroit 
par l’action du ftimulant , exeiteroient dans les parties inté- 
grantes de la fibre ces mouvemens alternatifs de contraétion 
& de relâchement , qui caraétérifent l'irritabilité. Ce feroit un 
nouveau rôle bien important que joueroit le fluide nerveux 
dans le fyftême vital. Il feroit ainfi la principale puiffance 
du fyftême. Cette puiMance feroit fubordonnée à divers égards 
à la puifflance immatérielle; mais elle en auroit été rendue 
indépendante à d’autres égards. 

Nous voyons par-tout dans la Nature, que les effets les 
plus confidérables tiennent aux agens les plus fubtils , à des 
agens dont la plupart fe dérobent à nos fens. L'air, la ma- 
tiere électrique, la matiere magnétique, le feu élémentaire, 
l'éther en font des exemples qu'il fuit de nommer. Nous 
ebfervons encore , que le SAGE AUTEUR de la Nature ne 
multiplie noint les agens fans néceflité ; & qu'il fait fervir le 
même agent au plus grand nombre de fins poMbles. 

Mais, en fuppofant la difflémination d'un fluide élaftique 
dans les fibres mufculaires, nous ne voyons point encore com. 
ment un ftimulant quelconque réveille l’irritabilité d’un cœur 
de Vipere féparé du corps du Reptile. Quel rapport fecret y 
a-t-il ici entre le ftimulant & le fluide élaftique caché dans 
les fibres de ce cœur ? Dira-t-on que dans l’état de relâche- 
ment du mufcle , il y a équilibre entre le fluide difféminé 
& les parties intégrantes des fibres; que lation du ftimu« 


I 4 


$4 CONTEMPLATION 


Végétal. Seroit - elle ce caractere diftinctif que 
nous cherchions ? Mais eft. il bien für que les 
Végétaux ne foient point irritables? À -t-on 
foumis toutes leurs parties aux épreuves requi- 
fes ? N’a-ton point attribué à l’élaflicité de 
quelques-unes, des phénomenes qui dépen- 
doicnt peut-être de l'irritabilité ? Eft-il bien 
fûr que ces mouvemens en apparence fi {pon- 
tanés, des racines, des tiges, des feuilles, des 
fleurs, &c. dont je parlois dans le Chapitre 
XXXI, ne doivent rien à itritabilité ? Elle 
réfide dans Ja fubftance gélatineufe de lAni. 
mal: a-t-on bien étudié la fubftance gélatineufe 
du Végétal? ‘Le bois le plus dur n’a d’abord 
été qu’une gelée, & le Cedre majeftueux du Li. 
ban qu'une goutte de mucofité. Une faine Lo. 
gique veut que nous fufpendions encore notre 


lant rompt cet équilibre, fait ofciller le Auide, & par lui 
les fibres dans les interftices defquelles il eft rcpandu ? Dira. 
- ton encore, que le fluide diféminé paffe fubitement de la 
fibre dans le fimulant; & que la petite portion de fluide qui 


eft ainfi tranfmife au ftimulant, eft fur le champ remplacée 


par celle qui afue des parties voifines, comme dans les 
cluences & afMluencés életriques ou magnétiques ? & feroit. 
ce de la forte que naïtroit le jeu alternatif qu'on obferve dans 
Ja fibre mufculaire ? Mais tout cela eft bien Vague & bien 
conjetturel ; & je renonce fans peine à pénétrer au-delà du 
Voile épais :dont fe convre ici la Nature. 


a ts 


DE LA NATURE. X. Parr. 50ÿ 


jugement, & que nous attendions la décifion 
de l'expérience (10 ). 


(10) ++ Dans le temps que j'écrivois ceci, je connoiflois 
bien quelques faits qui fembloient indiquer l’exiftence d’une 
forte d’irritabilité chez le Végétal. Mais ces faits, quoique 
très divers, me paroifloient trop équivoques pour fonder en 
bonne Logique une conclufon affirmative. Je fufpendoïs donc 
mon jugement, & j'attendois de l'expérience de nouvelles 
lumieres. Je n’ignorois point que lorfqu’on touche les étami- 
nes du Figuier d'Inde, elles fe rapprochent aufli-tôt du pif- 
til; & qu’il en eft de même de celles de l'Epine - vinette. 
J'avois contemplé encore bien des fois les mouvemens en 
apparence fpontanés des tiges, des feuilles & des fleurs de 
quantité d’efpeces , foit herbacées foit ligneufes, Néanmoins 
tous ces mouvemens, d'ailleurs fi remarquables , ne me pa- 
roifloient point dépofer d’une maniere aflez décifive en faveur 
de l'irritabilité des Plantes ; parce que je découvrois des cau- 
fes extérieures qui pouvoient les opérer. Mais de nouvelles 
recherches que divers Naturaliftes ont faites dans ces der- 
niers temps, ont un peu éclairci les ombres de ce fujet, & 
augmenté la fomme des probabilités en faveur de l’irritabilité 
végétale, 

Si l’on doit s’en rapporter fur ce point aux obfervations 
du célebre GMELIN , on ne fauroit guere douter que diffé. 
rentes Efpeces de Plantes ne pofledent une propriété qui fe 
rapproche beaucoup de l'irritabilité, fi elle n’eft l’irritabilité 
elle - mème. Les étamines des Orchis lui en ont fourni le pre- 
mier exemple. Leurs étamines fraîches encore & irritées dans 
un lieu chaud, lui ont paru fe contraéter & fe relacher al. 
ternativement, & éprouver enfuite un certain trémouflement. 
D'autres exemples, plus frappans encore , lui ont été offerts 


506 CONTEMPLATION 


par ces fleurs que les Botaniftes nomment compoftes, telles 
que celles du Chardon, de,la Jacée , de la Centaurée, &c. 
L'étamine touchée avec la pointe d’une aiguille , fe contrac- 
toit en deflous. Les filets, auparavant prefque droits, fe cour- 
boient de maniere à imiter un mufcle qui entre en contrac- 
tion. Le ftyle, jufqu’alors emprifonné , s’élançoit au - dehors 
par la contraétion de l’anthere, & fe chargeoïit en paffant de 
la poufliere fécondante. Les filets, laiflés à eux-mêmes, 
s’étendoient de nouveau en ligne droite; fe contractoient 
quelquefois de nouveau pour fe relächer enfuite ; puis on voyoit 
fuccéder quelques ofcillations. 

Notre curieux Obfervateur a appereu de même des fignes 
afez marqués d'irritabilité dans bes fleurs de bien d’autres 
Plantes. Il fait là-deffus deux remarques importantes : la 
premiere , que l’irritabilité fe manifefte fur- tout dans les 
fleurs prêtes à s'épanouir; ou épanouies depuis peu; & qu’elle 
décroit graduellement à mefure que la fleur perd de fa frai. 
cheur, La feconde, qu’on n’apperçoit des fignes d'irritabilité, 
que lorfqu’on applique immédiatement le ftimulant à la partie 
dont on veut éprouver la forte de fenfibilité. 

Voici encore quelques réfultats principaux, que le favant 
Naturalifte tire de fes nombreufes expériences. 

1°. L'irritabilité végétale, comme l'irritabilité animale, ne 
fe manifefte que dans les parties molles. Elle diminue peu- 
à-peu, à mefure que ces parties perdent leur foupleffe. Elle 
difparoît enfin quand elles ont achevé de fe deffécher. 

2°. L'irritabilité végétale eft excitée par un ftimulant comme 
l'irritabilité animale. 

3. À la contraéion des fibres fuccede un relächement fen- 
fibles & les alternatives de contraétion & de relâchement 
font proportionnelles au degré de l'irritabilité & à l’action du 
ftimulant, 


DE LA NATURE. X. Part. 507 


4%. Lorfque le jeu a ceffé dans les parties irritables, on 
peut l'y faire renaître par un nouveau ftimulant. 

5°. Un temps chaud & un peu fec favorife toujours plus 
ou moins l’aétion du ftimulant. 

6°. Ce ne font pas feulement des parties entieres qui don- 
nent des fignes d’irritabilité: elles en donnent encore après 
qu'on les a mutilées on coupées par morceaux. 

7. L'irritabilité végétale a moins d'énergie que l'irritabi- 
lité animale ; & elle a auf moins d’étendue. On ne l'apperçoit 
guere que dans les parties fexuelles, & on ne la retrouve pas 
dans celles de toutes les Plantes. 

Si les mouvemene de la Senfitive dépendent d’une vraie ir- 
ritabilité, il faudra dire que cette irritabilité eft répandue 
dans tous le cerps de la Plante. Les jeux de l’Attrape mouche 
tiendroient donc aufi à l'irritabilité. [ Part. IL. Chap. X{L. 
Noie 1.] 

Un irgénieux Obfervateur Italien, Mr. Covoro , a fait 
fur l'irritabilité des Plantes bien des expériences curieufes qui 
confirment celles de l'Académicien de Pétersbourg. Il a vu, 
comme lui, les jeux variés des étamines de la Centaurée, 
& il s’eft convaincu par plufieurs procédés, que l’irritahilité 
de ces parties fexuelles eft abfolument indépendante des autres 
parties de la eur. Il s’eft afluré encore que chaqu’étamine a 
fon irritabilité propre, indépendante de celle des fes voifines, 
Après avoir obfervé la force contraétile fe déployer à la fois 
dans toutes les étamines, par un léger mouvement imprimé 
à la fleur, il l'a vu fe déployer féparément dans chaqu’étamine 
lorfqu'il venoit à les toucher. Coupées tranfverfalement, & 
touchées un moment après, les étamines Ini ont paru fe 
mouvoir à la maniere des bras du Polype. Enfin, ila vu 
une étamine féparée entiérement de la fleur, fe contourner 
d'elle - même en différens fens comme un petit Ver, dès qu'il 
venoit à la piquer ; & ce qui eft bien plus rema: quabie , il 


v08 CON: TNEM PLDMASTEMONN 


a vu ces mouvemens s’exécuter dans des fragmens d’étamine , 
comme dans l'étamine entiere. 

Je dois ajouter, que Mr. Covoco a obfervé les mêmes 
Faits effentiels dans les parties mâles de quantité d’autres Ef- 
veces de Plantes, dont il donne l’énumération. Le favant Bo- 
tanifte KOLREUTER , a aufli remarqué que les parties femel- 
les fe contraétent avec plus on moins de promptitude, Sui- 
vant que le ftigmate ef arrofé par la poufliere fécondante. 

Il femble donc qu’on ne puiffe plus douter, que les parties 
fexuelles de beaucoup de Végétaux ne poffedent une forte d’ir- 
titabilité fort. femblable à celle qu’on obferve dans l’Animal, 
& qui fe manifefte par les mêmes fignes ou par des fignes 
analogues. Et dès qu’on l’a reconnue dans les fleurs d’un fi 
grand nombre de Plantes, il devient affez probable qu'elle 
réfide de même dans celles où l’on n’a pu encore la décou. 
vrir ; apparemment parce qu’elle y réfide dans un degré 
trop inférieur. On ne verroit pas au moins pourquoi certais 
nes Plantes feroient douées d'irritabilité, tandis que d’autres 
en feroient entiérement privées ; car nous obfervons que tous 
les Animaux, depuis l'Homme jufqu'à l’Infe&e, en font 
doués. 

C'eft fur - tout par leurs parties fexuelles que les Plantes, 
fe rapprochent le plus des Animaux ; & nous apprenons de 
l'expérience, que c’eft auffi dans les parties fexuelles des 
Plantes, que lirritabilité fe manifefte par les fignes les moins 
équivoques. Mais cette admirable propriété qui femble conf 
tituer dans l’Animal le principe de la vie, & qui eft répan- 
due dans tous fes mufcles & dans toutes les fibres de ces 
mufcles, ne réfideroit - elle chez le Végétal, que dans les 
feules parties fexuelles ? Je w'inclinerois pas à le préfumer : 
il eft un trop grand'nombre de faits qui concourent à établir 
que les Animaux & les Végétaux ne compofent qu'une même 
Famiile, J'ai fait fentir ailleurs, que les fécrétions végétales. 


DE LA NATURE. X. Part. sog 


eomme les fécrétions animales, fuppofent dans les vaiffeaux 
un jeu fecret, dont l’effet eft très-différent de ce balancement 
qu’on obferve dans la feve [ Chap. XXVIII, Note 4.]. Ce 
jeu ne dépendroit - il point de la même force qui anime les 
parties fexuelles ? n’auroit -il point quelque analogie avec 
cclui des vaifleaux de lAnimal? Je hafarderai fur ce fujet 
une conjecture qui ne me paroît pas dépourvue de probabi- 
lité. De tous les vaifleaux de la Plante, les trachées font 
eeux qui femblent les plus propres au mouvement. La lame 
fpirale & écailleufe dont elles font formées , eft douée d’une 
élafticité qui fuppofe une action à exercer. Ces trachées fi uni- 
verfeliement répandues dans le corps de la Plante, imitent 
perfaitement celles des Infectes. Mais nous avons vu que les 
trachées des Infeétes font pourvues de membranes : ( Part, 
III, Chap. XIX, Note 1). Les trachées des Plantes pour- 
roient donc aufli ètre pourvues de membranes, & ces mem- 
branes pourroient être des efpeces de mufcles où réfideroit 
une irritabilité aflortie à la nature du Végétal. Ce feroient 
donc les trachées répandues dans les parties fexuelles, qui y 
opéreroient ces jeux variés qu'en y admire. J'ai fait admirer 
ceux que fe donnent les fragmens de la trompe du Papillon 
lorfqu'on vient à les toucher ( Note 4). Ils ont bien du rap- 
port avec ceux des étamines de la Centaurée ; & on fent bien 
que ce n'eft pas la partie écailleufe de la trompe, qui exé- 
eute ces mouvemens. Il faudroit obferver au microfcope les 
trachées des Plantes dans d’autres parties que les fleurs , dans 
les jeunes pouffes des Arbres, par exemple, & tenter fur 
ces parties en différens temps, des expériences femblables à 
celles qu'on a exécutées fur les parties fexuelles. Suivant la 
gonjeéture que je hafarde, les trachées ne feroient donc pas 
feulement les poumons de la Plante; elles en feroient encore 
les mufcles, & ces mufcles influeroient fur les mouvemen, 
des tiges & des feuilles, comme fur ceux des! parties fexnel- 


©OCONTEMPLATION 


GR me CUS 


CH AP ER: ENTICOODMNNT 
Conclufion. 


D) ÎITES au Vulgaire que fes Philofophes ont 
de Ja peine à diftinguer un Chat d’un Rofier : 
il tira des Philofophes, & demandera s’il eft 
rien dans le monde, qui foit plus facile à dif 
tinguer ? C’eft que le Vulgaire qui ignore l’art 
d’abftraire , juge fur des idées particulieres , & 
que les Philofophes jugent fur des idées géné- 
rales. Retranchez de la notion du Chat & de 
celle du Rofier toutes les propriétés qui conf- 
tituent dans l’un & dans l'autre l'Efpece, le 
Genre, la Clafle, pour ne retenir que les pro- 
priétés les plus générales, qui caractérifent 
lPAnimal ou la Plante, & il ne vous reftera 
aucune marque vraiment diftinctive entre le 
Chat & le Rofier. Le parallele que nous venons 


les. Je naffirmereis pas néanmoins, que les trachées foient 
les feules parties irritables de la Plante; car l’irritabilité pour- 
roit réfider encore dans d’autres vaiffeaux. 

Au refle, le degré d'irritabilité propre à chaque Plante peut 
dépendre de Îa quantité & de la nature de la gelée. La pro- 
portion de cette gelée avec la terre doit beaucoup varier dans 
les différentes Efpeces de Végétaux. 


- 


DL AÆ NATURE “X. Part. STE 


de faire des Plantes & des Animaux met ceci 
dans le plus grand jour ( 1 ). 


ON s’eft preflé d'établir des regles générales 


(Cr) tf Ce que je dis ici du Végétal & de l'Animal, con. 
fidérés dans leur organifation & dans leurs opérations , eft 
vrai encore relativement à leurs principes conftituans. La 
Chymie retire de l’un & de l’autre les mêmes principes eWen- 
tiels, & ils ne different à cet égard que du plus au moins. 
L’acide domine plus chez le Végétal; l’alkali chez l’Animal. 
Celui - ci eft donc plus difpofé que l’autre à la putréfaétion. 
Tous deux contiennent une fubftance graffe & huileufe, qui 
ne fe retrouve pas dans le minéral proprement dit. 

Voilà donc des différences chymiques bien légeres entre le 
Végétal & l’Animal; & ce qui les rapproche davantage en- 
core à cet égard, c’eft qu’il eft des Plantes, telles que celles 
dont les fleurs font en croix, & qui en ont pris le nom de 
Cruciferes , qui abondent autant en alkali que les Animaux, 
& qui ont la méme tendance à la putréfattion. 

On pourroit encore comparer le Végétal & l'Animal dans 
le rapport à leur chaleur intérieure; car quoiqu’une Plante 
ne nous paroifle pas chaude au toucher, on ne fauroit douter 
néanmoins qu’elle ne poflede un certain degré de chaleur qui 
lui eft propre , & qui pendant l'Hiver furpafñle celui de l'air 
ambiant. La circulation des fucs ne ceffe pas dans cette fai- 
fon ; elle n’eft que ralentie ; & cette circulation fuppofe effen- 
tiellement une certaine chaleur qu'on a tenté d'évaluer. Il 
réfulte en général de ces tentatives, que la chaleur des Vé. 
gétaux fe rapprochetaffez de celle des Animaux à fang, froid , 
tels que Jes Poifons à écailles, les Amphibies & les In- 
£ectes. 


#12 C.O:NYT EUM:P. L' A) BRON 


fur la nature des’ Plantes & des Animaux. On 
a voulu juger de l'inconnu parle connu, & ott 
a renfermé la Nature dans les bornes étroites 
des connoiflances actuelles. Pouvoïit - on juger 
du Polype par les Animaux connus ? Et les Ani- 
maux que nous croyons connoître, combiért 
renferment-ils de propriétés que nous igno- 
rons ? Combien le nombre des Animaux & des 
Végétaux connus eft-il petit en comparaifon 
de celui des Animaux & des Végétaux qui n’ont 
pas encore éte découverts ? Combien exifte-t-il 
d'Animaux inconnus , dont les propriétés nous 
furprendroient autant que celles du Polype, & 
qui en different peut-être davantage, que les 
propriétés du Polype ne different de celles des 
Animaux qui nous font les plus familiers ! 
Voyez combien les Polypes 4 bouquet different 
des Polypes 4 bras dans leur maniere de vivre; 
de croître, de multiplier. Rappellez à votre ef- 
ptit la maniere de naître de la Mouche-arai- 
gnée (2), & celle dont certains Mille-pieds (3 } 
croiflent & propagent, & vous comprendrez que 
l'Hiftoire naturelle eft la meilleure Logique. Le 
Monde ne fait que de naître: nous n’obfer- 


(2) Part. IX, Chap. VII. 


(3) Ibid. Chap. XIV de la Pat. VIII, & Chap. IV de 
la Part. IX, 
Wols 


DE LA NATURE. X. Pari. 13 


Vons que depuis une heure, & nous oferions 
q P 
prononcer {ur les voies de la NATURE ! 


SI, avant la découverte du Polype, on eût 
demandé aux Faifeurs de regles générales, ce 
qu'ils penfoient d’un Etre qui multiplie de bou- 
ture & par rejettons, & qui peut être greffé, 
ils n’auroient pas, fans doute, manqué de ré- 
pondre que cet Etre étoit une Plante. Mais fi 
on leur eût dit que cet Etre vit de proie, qu'il 
fait la faifir avec un filet, qu’il l’avale & la 
digere, ils auroient nommé cet Etre un Animal. 
plante, & ils auroient cru l'avoir heureufement 
défini. S'ils avoient enfuite appris qu’il poflede 
une propriété inconnue dans la Plante , celle de 
pouvoir être retourné comme un gant, ils 
auroient jugé apparemment qu’un tel Etre n’étoit 
ni Animal ni Plante, & ils l’auroient placé dans 
une Clafle particuliere, 


Le Polype n’eft point, à parler exaétement , 
un Animal-plante : il et encore moins un Etre 
qui n’appartienne ni à la Clafle des Animaux 
ni à celle des Végétaux : il eft un véritable 
Animal; mais un Animal qui a plus de rap- 
ports avec la Plante, que n’en ont les autres Ani- 
maux. 


Tome: IL, Kk 


$t4 CONTEMPLATION 


La Nature defcend par degrés, de l'Homme aw 
Polype, du Polype à la Senfitive, de la Senfitive 
à la Truffe, &c. Les Efpeces fupérieures tien- 
nent toujours par quelque caractere aux Éfpeces 
inférieures ; celles-ci aux Efpeces plus inférieures 
encore. Nous avons beaucoup contemplé cette 
chaine merveilleufe [4]. La Matiere organifée a 
recu un nombre prefqu’infini de modifications 
diverfes, & toutes font nuancées comme les 
couleurs du prifme. Nous faifons des points 
fur limage, nous y traçons des lignes , & 
nous appellons cela faire des Genres & des 
Claffes. Nous n’appercevons que - les teintes 
dominantes , & les nuances délicates nous échap- 
pent. 


Les Plantes & les Animaux ne font donc que 
des modifications de la Matiere organifée. Ils 
participent tous à une mème eflence, & lattri- 
but diftin@if nous eft inconnu. Nous penfons 
connoître les principales propriétés du Corps 
animal : l’irritabilité eft venue nous convaincre 
de notre ignorance, & cette nouvelle propriété 
fur laquelle nous faifons tant & de fi curieufes 


C4] Part, IN, III, IV, VIII, Chap. XVI. 


DE LA NATURE. X. Part. $1$ 


expériences, ne nous eft encore connue que par 
quelques effets [$]. 


Es] t# Je ne faurois quitter ce parallele des Plantes & des 


Animaux, fans revenir à un des principaux traits de reflem- 
blance qu’on obferve entre ces deux Ordres d’Etres organifés ; je 


veux parler de la maniere dont la propagation de l’'Efpece s’0- 
pere chez les uns & chez les autres. Nous avons vu des Ani 
maux qui multiplient fans aucune fécondation apparente : j'ai 
même fait remarquer que cette maniere de propager eft çom- 
mune à un très-grand nombre d'Efpeces de Claffes différentes , 
qui vivent dans le fein des eaux. On ne favoit pas qu'il eft de 
même bien des Efpeces de Plantes qui, quoique pourvues de 
parties fexuelles, peuvent néanmoins propager fans féconda- 
tion. J'ai déja touché à cette découverte importante dans 12 
Note 4 du Chapitre XII de la Partie VII, & jai dit à quel 
Obfervateur nous en fommes redevables. J'ai été fouvent appellé 
à le citer, cet Obfervateur , parce qu'il eft du petit nombre 
de ceux qui ont le plus enrichi l’hiftoire de la Nature. La Note 
à laquelle je viens de renvoyer mon Lecteur, étoit déja im- 
primée , lorfque M. SPALLANZANI m'a communiqué par Let- 
tre le précis de fes nouvelles recherches fur la Fécondation des 
Plantes, dont il publiera incefamment les détails. Je fuis done 
dans l'obligation de placer ici l’efquifle de ces intéreMantes 
nouveautés. 


Dans les Efpeces légumineufes & dans d’autres Elpeces, la 
_ graine apparoît long-tems avant la fécondation, fans néanmoins 


qu'on puifle parvenir à y découvrir nj la Plantule ni les 
lobes. 


Quelque tems après la fécondation , on apperçoit dans la 


Kk 2 


« 


6éCONTEMPLATION 


graine un petit corps gélatineux , plus ou moins informe, logé 
au centre d’une cavité. Bientôt on reconnoît que ce petit corps 
ft la Piantule pourvue de fes lobes. Il tient à la graine pi 
des attaches ou par une forte de toile gélatinenfe. 


Si l’on refranche les étamines des fleurs du Bafilic, de {à 
Guimauve, &c. avant la fécondation, & fi l’on ifole exacte. 


ment la Plante, les graines ne laifferont pas de croître, mais 
ces graines feront infécondes , plnfenrs même avorteront. Dans 


celles qui parviendront à mürir, on appercevra la Plantule & les 
lobes ; mais ces graines n’en demeureront pas moins ftériles. 
‘ 

Si l'on fait la même expérience fur certaines Efpeces de 
Cucurbitacées, elles produiront des graines fécondes, qui en 
produiront elles-mêmes de Fécondes. Ainfi dans ces Efpeces la 
propagation peut s’opérer fans aucune intervention des pouf- 
etes. 


T1 en va de même dans quelques Efpeces dont les Individus 
£ont diftingués de fexes. Des pieds femelles de Chanvre & d'E- 
pinard, renfermés dans nne parfaite folitude, ou qu’on avoit 
fait croître & grainer fix femaines avant le tems ordinaire, ont 
donné des graines fécondes qui en ont produit elles-mêmes de 
Fécondes. 


Mais il n'en a pas été de même de la Mercurielle, dont Îles 
Individus font aufli diftingués de fexes : l'ifolement parfait des 
pieds femelles rend Îles graines ftériles. Cependant ces graines 
infécondes contiennent une Plantule & des lobes comme les 
graines fécondes. 


11 réfulte donc de ces expériences, 1, que la Plantule & le 


eee. 78 


DE LA NATURE. X. Park $1# 


lobes ne'doivent point leur exiftence à la nouffiere des étamines: 
2. que les graines préexiftent dans l'ovaire , indépendamment 


de la pouffere fécondante: 3. que la Plantute n’eft point le ré. 
{ultat de la combinaifon du fuc des poufferes avec celui du piftil. 
Cette hypothefe admife par des Auteurs célebres, ef aujour- 
d'hui défavouée par la Nature elle-même. 


Dès qu'il eft fi bien prouvé que la Plantule préexifte tonte en. 
tiere à la fécondation dans diverfes Efpeces , il y a bien lieu de 
préfumer qu’il en eft de même de toutes les Efpeces : il en eft 
donc à cet égard des Plantes comme des Animaux. On n’a pas 
oublié les preuves que nous avons de la préexiftence de l’'Animal 
dans l'ovaire de la Femelle, à 


Au refte, il ne doit pas paroître plus étrange que des Plantes 
pourvues de parties fexuelles puiffent propager fans Fécondation, 
qu’il l’eft que les Pucerons pourvus auf& de parties fexueiles, 
multiplient fans copulation. Il n’y a pas lieu non plus de s’é- 
tonnet qu’il y ait des Plantes qui ne fauroient produire des 
graines fécondes fans l'intervention des pouflieres , tandis que 
d’autres peuvent propager fans ce fecours. C'eft encore ici un 
de ces rapports qui enchaînent la Plante à l'Animal. Les Ani- 
maux qui nous font Les plus connus font diftingués de fexes, & 
me multiplient que par copulation : mais combien en eft-il qui 
font de vrais Androgynes ! Nous ne fommes pas encore affez 
éclairés, pour pénétrer les raifons d’un tel arrangement, Mais 
nous {avons au moins que toutes les parties du fyftème général 
ont des dépendances réciproques, qui renferment la raifon fecrete 
de l’exiftence de chacune. 


Ces Plantes qui, quoique pourvues de parties fexuelles ,” peu- 
vent néanmoins produire des graines prolifiques , indépendam- 


Kk 3 


$s18 CON T EM\P: L'A TI ON; &c 


ment du concours des parties mâles, ne prouvent point l’inu- 
tilité de ces parties dans ces mêmes Rfpeces. Elles ont des rap- 
ports trop marqués à la génération, pour qu’on ne doive pas- 
préfumer qu'il eft des cas où leur intervention devient nécef- 
faire pour afurer la propagation de l'Efpece, & obvier à cer- 
tains accidens qui la rendroient incertaine ou en dimiuueroient 
trop les produits. 


Fin du fecond Volume, 


519 
CRD LLLLLLL LL, 
ELLE LA A AXES 


FABLE 
DES CHAPITRES 


Contenus dans ce fecond Volume. 


op 


SEPTIEME PARTIE, 
DE L'ÉCONOMIE ANIMALE, 


| BEN PREMIER. Les nerfs, les efprits. X 
Car À 


CHap. IL Les mufcles. è 
Cape. IL Les organes de la nutrition. II 
Cuap.IV. Les organes de la circulation. 23 
CHap. V. Les organes de la refpiration. 26 
CHae. VI. Les fecrétions. 31 
Car. VIL L’accroiffement. 44 
Cuaep. VIIL Les Germes. $9 
CHap.IX. Continuation du même fujet. 69 
CHar.X. La génération. Le Poulet. 53 
CHar. XL. Continuation du même fujet. La géne- 

ration du Mulet. 81 


CHae. XIL. Continuation du même fujet. Forration 
des Monfires. Application aux Végétaux, 93 
Kk 4 


520 rit :BUDE 


| 


HUITÉFEME PARMIE 


DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE DANS 
LES INSECTES. 


une PREMIER. Jntroducrion. Page 108 


Cap. Il. Le principe des nerfs. 109 
Cap. IL La refpiration. T10 
Cap. IV. La circulation. 114 
CHap. V. Exception a une regle eflimée générale. 
| 117 

Cuar. VI. Les organes de la génération € leurs 
dépendances. 118 
Cap. VIL Variétés de la génération. 123 
CHar. VIIL Le Puceron. 129 
Car. IX. Les Zoophytes ou les Animaux-plantes. 
137 


Cuar. X. Les Zoophytes apodes ou les Animaux- 
plantes Jans pieds. Les Vers d’eau douce. 


143 
CHar. XI. Les Polypes à bouquet. 150 
Cap. XIT. Les Polypes en entonnoir. 157 
CHae. XIIL Les Polypes en naffe. 159 


CHar. XIV. Les Zoophytes polypodes ou les Ani- 
maux-plantes à plufieurs pieds. Le Mille-pied 
à dard, 161 
Crap. XV. Le Polype a bras. 164 
Cuar. XVL Cosfdérations philofophiques au fu- 
jet des Polypes. Réflexions fur nos idées d’Ani- 


| 
| 


DESCHADATRES t# 


malité € [ur l'analogie. sA/Pape 17$ 
Cap. XVIL Continuation du même fujet. Nou- 
velles confdérations fur les gradations € fur 
l Echelle des Étres. 190 
CHap. XVIII. Continuation du inême [ujet. Idées 
[ur laffimilation € fur les révénéretions or- 
£ganiques. 21$ 
CHar. XIX. Les Animalcules des infufions. 221 


) — — 


mm 


NEUMIEME PARTIE. 


SUITE DE L'ÉCONOMIE ANIMALE CONSIDÉRÉE 
DANS LES INSECTES. 


Cu PREMIER. Idées fur la maniere dont 
s'operent la régénération € la multiplication 


du Polype à bras. 235$ 
Cap. IL Application de ces idées a la régénération 
des autres Zoophytes. 247 
Cap. IIL Idées fur la multiplication qui sopere 
Jens le concours des [exes. 26$ 
Cap. IV. Mille-pied qui pouffe de nouvelles jam- 
- bes à mefure qw'il croit. 270 


CHap. V. Les métamorphofes des Infeëles. 272 
Caap. VI La métamorphofe en boule alonsée. 

281 
CHap. VIL La Mouche-Araignée. 284 
CHar. VIIL Réflexions. 287 


‘22 T AB LOE 
Cxap. IX. Fhauche d'une divifion générale des 


Infeites. 299 
CHapr. X. Explication des métainorphofes. Les mues 
ou les maludies des Infectes. 298 
Cap. XI Faits relatifs à la maniere dont les mé- 
tamorphoes s'operent. 302 
Cuap. XIL Æbauche d’une théorie des métamor- 
phofes. 306 


CHap. XIIL Réflexions fur les métamorpholes. 315$ 
CHar. XIV. De la perfonnalité chez les Infectes 
qui Je métamorphofent. 320 


oo Ÿ 


DE XIE MEGE PRMAITE 
PARALLELE DES PLANTES ET DES ANIMAUX. 


CHR PREMIER. J##roduition. 322 
Cap. IL. La graine. 323 
CHar. IIL L’Oeuf. 324 
Car. IV. Le bourgeon. 327 
CHap. V. Le Fefus. 328 
Car. VE La nutrition de la Plante. 329 
Cap. VIL La nutrition de P Animal. 330 


CHap. VIIL L'accroiffement de la Plante. 332 
Cap. IX. L’accroiffement de P Animal. 336 
Car. X. La fécondation de la Plante. 342 
CHap. XL La fécondation de P Animal. 344 
CHar. XII. La multiplication de la Plante. 347 
CHar. XIII. La multiplication de l Animal, 348 


DES eC HirA:P'ET'R:E S. 523 


Car. XIV. Irrégularités dans la génération de la 


Plante. Page 350 
CHar. XV. Irrégularités dans la génération de 
l Animal. 3$1 
CHar. XVI. Maladies de la Plante. 352 
Cuar. XVII. Maladies de L Animal. 354 
Caar. XVIIL La vieillefe € le mort de la 
Plante. 35$ 
CHar. XIX. La vieilleffe €S la mort de l Animal. 
356 

CHar. XX. Autres fources d'analogie entre la 
Plante €5 LV Animal. 358 
CHar. XXI. Le lieu. 359 
Car. XXII. Le nombre. 376 
CHapr. XXIII La fécondité. 382 
Car. XXIV. La grandeur. 392 
CHap. XXV. La forme. 393 
CHar. XXVI. La firuture. 406 
CHar. XXVIL La circulation. 428 
CHar. XXVIIL Continuation du même [ujet.444 
CHar. XXIX. La faculté loco-motive. 461 
CHar, XXX. Le fentiment. 46$ 
CHar. XXXI Continuation du même fujer. 474 
CHap. XXXII La nutrition. 484 
Caar. XXXIIL L'irritabilité. 499 
CHar, XXXIV, Conclufron. 519 


= 


V4 | LND CA TION 


ee SE SENS SES SR SALE 
SOS Me ee EEE SE SES SEE MESSE SE 


IN D XCATION 


Des nouveaux Chapitres & des Notes princi- 


\ 


pales ajoutées pa l’Auteur à cette nouvelle 
Edition. 


RARE RE PERTE DER DR RS RER GRR GODURRRS RUE RTS 2 
2 ——_—@—_—_—_—_—_— A ——@ © — 2 


| ue | 


SE PT KE M EMPODIRINNE, 


CHAPITRENVERENMER. 


No 1. Struifure des nerfs € leuys divifions 
principales. Page I 
NOTE 2. Sur l’organifation du cerveau € fur les 
deux fubfiances qui le compofent. Du fluide 
nerveux , de fa prépwration €S de fa circula- 


#107. 
C'H AE FETE RE 
NOTE 1. Sur la firutfure des mufc'es. 8 
NOTE 2. Sur la caufe fecrete des mouvemens muf- 
culaires. | 9 


C'H APT T RTE NOIRS 
NoTE 1. Précis des découvertes de Meffieurs de 
Reaumur €ÿ SpAL&ANZANI fur la digef- 
tion. kéfultat général des expériences de l’Ob- 
fervateur liulien. Variétés des organes de la 
nutrition dans différens Animaux. 11 


a 
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 525$ 


Note 2. Sur la tranfpiration fenfible € infen= 

Jible. Page 2t 
CE A BLL TR Eu BV. 

Note 3. Sur les différentes [ubftances dont le fans 
humain ef} compolé. Nouvelle découverte fur 
les globules rouges. Erreurs qu'on avoit com- 
miles fur ce fujet. 25 


CHAT ECET ROBE 


NoTE 1. Sur quelques ufuges de la refpiration. 29 
NoTE 2. Variétés qu'on obferve dans les organes 
de la refpiration de V Hoinine €S des Animaux. 
De la formation de la voix. Idée de la flruc- 
ture de l’injfrument vocal dans l Homrine 3 les 


ANIMAUX. 30 
CMP QI T R'E -VL 

NOTE 1. Sur les glandes. 37 

NOTE 2. Remarque fur les différentes manieres 

dont s’'operent les Jecrétions. ibid. 


Note 3. Sur la inéchanique qui exécute les fecré é- 
tions, ©ÿ de celle qui opere la reforprion des 
liqueurs animales. 39 


NOTE 4. Sur la firutlure des organes fécréteurs. 42 
CPR RTRE VII 
NOTE 1: Qu'on peut corgetturer que les Corps 
ordanilés [ont d'abord tout vafculeux. De la 
nutrition des fibres élémentaires. 44 
Nore 2. De l'affimilation € de l'arrangement des 
Jucs nourriciers dans les fibres. Dificulré du 
JuJ88, 46 


\ 
526 INDICATION 


NoTE 3. Que lorfque le bois ou les os fe font en- 
durcis jufgwa un certain point, ils ne font 
plus fufceptibles d'extenfion. Obfervations qui 
prouvent que la inême chofe a lieu dans les 
parties purement charnues. De la puiffance 
qui opere l'extenfion des folides.  : 48 

NoTE 4. Maniere dont on peut concevoir que s’o. 
pere l'incorporation des molécules nourricieres 
dans le tifu des folides. Découvertes fur ce 
Jujet. 49 

C HA P'ECE RTS 


NoTE 1. Sur les mouvemens du point vivant dans 


l'œuf de Poule. S2 
Norte 2. Redreflement dune erreur de l? Auteur 
Jur le Ver de terre. 5$ 


CH AP LL EURNE ! 2 
NoTE 2. Détermination du vrai fens du terme 
d'emboîitement , relativement aux Geriues. 
Maniere de concevoir la nutrition € lac- 
croiffement des Germes avant la fécondation, 
dans l’hypothefe de Pemboëtement. 63 
NoTE 3. Preuve diretle de la réalité d’un emboi. 
tement dans quelques Efpeces des ordres inf 
rieurs. Le Polype à bras : le Volvox, 6$ 


CG H'AP L'TRUENSS 


NoTE 1. Comment le jaune de l'œuf ef une dépen 
deuce de l'inteflin du Poulet. Eclairciffement 
a cefujet. 69 
NoïTE 2.;Preuves rigoureufes de la préexiflence 


DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. $27 


des Germes à la fécondation , fournies par di- 
vers Aimphibies. Fécondation naturelle €ÿ ar- 
#ificielle de ces Amphibies. Application à la ma- 
niere dont les Germes font fécondés chez les 
Animaux des clalles fupérieures. Page 71 
NoTEe 6. De l'aliment du Germe dans l'œuf. Pro- 
gres du petit Animal. Sécrétions qui s’operent 
dans fon intérieur. Expérience qui prouve qu'il 
préexifloit avec tous fes organes, lorfqw'il ne 
Je montroit encore que fous l'apparence trom- 
peufe d’une goutte de mucofité. 79 


SRB ITRE. XIE 
NOTE 1. Obfervation importante de LITTRE fr 


un Fetus trouvé dans l'ovaire. 82 
NoTE 2. Obfervation de HALLER fur l'œuf de la 
Brebis. 83 


NoTE 4. Efpeces vivipares €$ ovipares à la fois. 84 
NoTE 6. Que lodeur la plus concentrée du [pere 
ne fauroit opérer la fécondation. 85 
NoTE 9. Sur les Mulets. Qu'il eff faux que le 
Jperme du Mulet proprement dit, ne contienne 


point de Vers [permatiques. 99 
NoTE 11. Que chez les Oifeaux les Mulets propa- 
gent. 92 


CRE RTRE  XIT 
NOTE 1. Que certaines monfruofités peuvent étre 
produites par des caufes fecretes fort anté- 
rieures à la fécondation. 54 
NoTE 2. Sur des côtes furnuméraires qui ne de- 
voient pointé leur origine au prolongement 


528 FN AD NC À T'ON 


°« excefff de certuines apophyfes des ver 
Page 97 

NOTE 4. Réflexion fur Popinion qui place le Germe 

dans un grain de la poufliere des étamines. 
Nouvelles preuves démnonfiratives de la fauf- 
Jeté de cette opinion. Plantes qui ont produit . 

des graines fécondes fans l'intervention des 


poujlieres. Conféquences. 100 
NoTE 6. Métifs chez les Infeites. 10$ 
RE ee ——— | 


HU, TT EME NV PRET PTE: 


CL A PAIE 


N OTE 2. Sur une expérience relative à Pirrira- 

bilité chez les Ifectes. 1C9 
CHA PETER SERRE 

NOTE 1. Sur la refpiration des Cheuilles. IfI 
CH A: PAL TIBMETENE 

NOTE 1. Sur le principal tronc des veines chez les 


In/ecles. T1 
Notre 2. Sur le degré de froid que certains Infectes 
peuvent Joutenir fans périr. 116 


CH AP D ' PRENONS 
Nore 1. Difpofition fr nguliere des organes de la 
génératiog dans quelques Efpeces d'Infeiles. 
118 
CHAPITRE 


DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 623 
Note 6. Sur les infirumens au moyen defquels les 
Femelles de divers Infeites dépojent lenrs œufs. 


123 
G HA PLÆIRE VUE 


Norte 5. Nouvelles découvertes fur la maniere doné 
les œufs de la Reine-abeille [ont fécondés. 127 
MAAPITRE VEITL 

NOTE 1. Sur les altérations plus ou moins remar- 
quables que les piquures des Pucerons occa- 
fronent aux feuilles des Plantes. 129 
Note 2. Obfervation par laquelle M. de GEER 
prétend prouver, que les Pucerons qui Jon£ 
ovipares dans l'arriere faifon , ont jamais été 
vivipares. F3 
NoTE 3. Autre obfervation du mème Auteur, quë 
prouve qu’il eff au moins une Efpece de Pure- 

rons qui offre des Miles au milieu de l'Eté. 


ibid. 
NoTE 4. Diverfes obfervations du même Auteur 
fur les mêmes Infeites. 133 


Norte 6. Autre objervation du méme Naturalifie 
fur une Efpece frnguliere de Puceroïs qui 
habite dans certaines gailes du fapin.  13$ 

GER AE ET R KonlXx 

NoTE 1. Extrait d'une Lettre de COMMERSON 

au fujet des Noimenclateurs. 14Z 


BR PIETRE. XIPE 


NoTE 2. Sur les Polypes en nel]e. 169 
Tome IL. 


jet 


IN DCA TION 


A AS BAL SEL R ES LES 
Multiplication finguliere du Mille- pied 
a dard. Page 163 
CHA PILITRIE KNE 
NoTE 2. Paffage de LEIBNITZ fur la gradation . 
des Etres , © fa prédiction fur le Polype. 177 
C'ÉL'A, PER UE ONE 
NoTE 2. Sur le nombre des vertebres du col chez 
les Quadrnpedes &$ les Oifeaux. Obfervation 
perticuliere fur Puniformité de la difiribution 
de certaines paires de nerfs dans les différens 
ANIMAUX. 193 
NoTE 6. Obfervations qui démontrent la fauffeté 
du fyfléme des molécules organiques , ©ÿ Pori. 
gine des méprifes fingulieres de l’Auteur de 


ce fyfféme. 20E: 
NOTE 7. Étrange erreur fur la génération des 
Anguilles de la colle de farine. : 203 


NOTE 12. Sur l’arrangement que prennent les 
particules intévrantes des matieres métalliques 
en fe refroidiffant. 209 
NoTE 17. Sur la maniere réguliere €S conftante 
dont S'arr angent les molécules de l’eau pendant 
la congelation. Réflexions [ur cette forte de 
cryflallifation. | 212 


CH API T.KR E: XVRIT 


NOTE 4. Éclirciffement fur lefpece de régénéra- 
tion d’une jambe de Poulet. 219 


DES NOUVEAUX CHAPITRES , &e. $3r 
CEA PAT RE 'X.E X. 


(Chapitre entiérement neuf. ) Les Animalcules 


des infufions. Page 227 
NoTE 4. Faits principaux de l'Hifloire des Vers 
fpermatiques. 231 


ET 


NEUVIEME PARTIE. 


L'OREMRLRE PREMIER. 


No 8. Sur la perfonnalité chez les Infees 
qu'on multiplie de bouture : exemple des fer- 
vices qu'une faine Métaphylique peut vendre 
au Naturalifte. 244 

CHÉPORRLE TURÉE. EE 

NOTE 2. Sur la régénération du Ver-de-terre. 249 

NOTE 6. Faits qui prouvent que chez les Infe&tes 
qui réparent la perte de leurs membres , il eff 
des germes appropriés à la régénération de 
chaque membre. 252 

= Note 12. Remarques au fujet des Anguilles de 
NEEDHAM, ES fur fa découverte des To : 
Calmar. 

Note 13. Précis de l’hifloire des Anguilles du bd 
rachitique , €ÿ à cette occafion du Rotifere, 
du Tardigrade , ©c. Réflexions au [ujet de 
ces différentes Efpeces d’Animalcules qui re 
viennent 4 la vie après un long defféchemenr. 


359 
L13 


422 INDICATION 


CHAPITRE: HER 


Note 4. Idée du nombre prodisieux d’ Animaux 
aguatiques qui multiplient fans le concours des 
Jexes. 269 

C'A/A PE FT RENE 

NoTe 2. Remarque [ur le mot de Ver employé 
par l'Auteur dans ce Chapitre. 273 

NoTE 11. Obfervation de M. LYONET qui cou- 
tredit ce que M. de REAUMUR avoit avancé 
fur le changement de direction que la circula. 
tion du fang éprouve dans la Chryfalide. 276 

NoTE 15. Remarque [ur divers organes exté. 
rieurs relatifs à la nutrition, que l'Infeite 
ecquiert lorfqwil revêt [a derniere forme de 
Papillon ou de Mouche. Papillon extrêmement 
fingulier, dont la tête étoit conformée à lx 
maniere de celle des Chenlles. 277 

D Sp à D Vo a DR 

NoTE 3. Huportauce des obfervations de REAU- 
MUR fur la métamorphofe en boule-alongée. 

| 283 
CHA, DA PURGE EN 

NoTE 1. Sur l'état de fluidité apparente où fe 
trouvent tous les membres de l'Infele ar 
moment qu'il revêt la forme de Nymphe où 
de Chryjalide. 302 


CH À PPT RE LAIEUR 


Note 5. Cbfervation de M. de GeEr fur la mens. 
| branetres-fine dont les trachées fe dépouillent , 


DES NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 533 


lorfque le Papillon fe tire du fourreau de 
Chryfalide. Page 37£ 
NoTE G. Tableau en raccourci des grands cha 
gemens qui furviennent à l’orcanifation des 
Infeites qui Je métamorphofent : exemple pris 
du Papillon de la Chenille de LYONET. 312 
CIEAMP,E T KR E SXMILT. 
Note 1. Diverfes utilités que les Arts pourroient 
retirer des coques €ÿ des nids que fe confirui- 
fent différentes efpeces de Chenilles. … 318 
NoTe 2. Que les membres que la Grenouille € le 
Crapaud reproduifent doivent nous porter à 
fufpendre notre jugement [ur la quefion , fr 
parmi les Infectes qui fe métamorphofent il n'en 
eff point qui puille être multiplié de bouture. 


319 

CABANE. RE, XV. 
Norte. 1. Obfervation qui prouve d'une maniere 
directe que la Chenille € le Papillon ne font 
qu'un feul €ÿ même Animal. 320 


ten moe) 
mt eme 


a —— © — 


DIEXIEME PARTIE. 
CHAPITRE III 


OTE I. Indication des différens procédés qui 
ont été imaginés pour faire éclorre des Poulets 
Jens le concours de la Poule. | 325 

L13 


‘34 IN DICATION 


CHAPITRE TS 
NOTE 1. Sur la courte durée de la vie de l'Ephé- 
mere &ÿ de quelques autres Infectes. Page 336 
NOTE 3. Parallele des Arbres © des Os, relati- 
veinent à la maniere dont S’opere leur accroif- 
Jement. 4 339 
CHA P ET R EOMVIER F 
NOTE 1. Procédés au moyen defquels on parvient 
a prolonger la durée de la vie de différentes 
Efpeces de Plantes. 355$ 
C'H'A° PT FRET 
NoTE 1. Procédé au moyen duquel on parvient à 
prolonger la durée de la vie de certains Lr- 
fetes. Analogie remarquable entre certaines 
Plantes qui reprennent la vie après un long 
de eJécheinent , 5 certains Infeëles qui jouif[ent 
de la même prérogative 356 
CH'A'P IT R E XX. Le 
NOTE 4. Particularités intéreflantes de l'hifloire 
de quelques Plantes parafites, €ÿ en particu- 
lier du Gui. 361 
NOTE 5. Efquille de l'anatomie du Pou. 368 
CHA PI TRE: NET. 
NOTE 2. Sur le lumiere phofphorique de la Mer. 


CHAPITRELVAREITS 


NOTE 1,2, 3, 4 Sur la fécondité de divers 
Quadrupedes. 383 
NOTE 5. Du temps auquel divers Animaux font 
capables d'engendrer. 384 


DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 535 


NoTE 6. Fécondité merveilleufe des Poiffons à 


écailles. Page 384 
NoTE 7. Surprenante fécondité des Pucerons €ÿ 
des Polypes à bouquet. ibid. 
NoTE 8. Fécondité non moins admirable des Plan- 
Les. 338$ 


NoTEe 9. Des Mulets chez les Oifeaux. Leur pro- 
pagation entr'eux ES avec leurs races pater- 
nelles &$ maternelles. Reffemblances des Mu- 
lets chez les Quadrupedes ES chez les Oifeaux 
avec leurs Parens. Pafflage remarquable de 
M. de BUFFON /i:7 la maniere dont les molé- 
cules organiques s’arrangent pour former le 
Mulet. Remarques la-deffus. Sur la féconda- 
tion artificielle des Amphibies, opérée par 
P Abbé SPALLANZANI. Procédé auquel il à 
eu recours. Extréme petitelle de la gouttelette 
de fperine qui fufit à la fécondation. Energie 
€3 nature du fperme. Belle expérience tentée 
fur une Chienne, que le même Obfervateur & 
fécondée artificiellement. Fécondation artifi. 
cielle des œufs du Papillon, du Ver-a-foie, 
exécutée par le même Auteur. Fluide éleütrique 
inhabile à opérer la fécondation artificielle, 
mais très-propre a accélérer le développement 
des Embryons fécondés. Ouvertures ménarrées 
par la Nature dans l'enveloppe de l'Embr: 
pour l'introduétion du [perme , €ÿ que l'A 
SPALLANZANI a découvert. Inutilité de 
tentatives pour faire naître des Mulets c 
les Amphibies , par la fécondation artif: 


536 IND.ICAT.IO.N 


CHAPITRE, XXAM 
NoTE 1. Sur le Nofloch €$ La maniere dont il v® 
geie. Page 393 
Note 3. Le Grillo-talpa on Taupe-grillon. 398 
NOTE 4. Sur le Nautile. 399 
Nors $. Sur le petit Poilon doré de la Chine, 


400 
NoTE 6. Sur le Dauphin. MU AGE 
NoTE 7. Sur le Serin. ibid. 
NOTE 8. Sur le Lion. 403 


CH A PAT RE: XXVI 

NoTE 1. Sur les utricules ou le tifu cellulaire des 
Plantes. 407 
NOTE 2. Sur le Fucus ou le Varec. 408 
NoTe 4. Sur le Taenia. Nouvelles particularités 
découvertes dans fa flructure. 414 
NOTE $. Sur la lumiere phofphorique dont le Ver 
de terre brille dans larriere-[ai[on. 419 
NoTE 6. Merveilles que recele la confolidation de 
différentes plaies des grands Aniinaux. Que 

ce nef pas principalement à la fimplicité de 
lorganifation qu'il faut attribuer la régéné. 
ration des membres de différentes Efpeces 
d'Animaux, Généralités à ce fujet [ur les 
reproductions de lx Salamandre aquatique € 

du Limacon terrefire. Monfiruofités remar. 
quables qu'offrent affez fouvent ces reproduc- 
tions, Eÿ que l'art peut quelquefois opérer. 
472 

NoTe 7. Queles Animaux auxquels il a été donné 
de refaire leurs membres; font expolés à les 


perdre 


DES NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 537 


perdre par divers accidens. Exemples. Que 
cette claffe d' Animaux ainfr privilégiés g imi- 
menfe. » 427 
D'ARPTER E"XXVIE 
Note $. Qu'il n'y a point de tiffu interpolé entre 
les extrémités des arteres € les extrémités des 
veines, © que les unes communiquent avec 
les autres immédiatement. Obfervation int- 
portante de M. SPALLANZANI à ce Jujet. 43X 
Note 9. Obfervation curieufe de LIEBERKüHN 


fur la tunique veloutée des intefhins. 433 
NoTE 13. Sur le mouvement des globules du [ang 
daus les vaiffeaux où ils circulent. 434 


NoTE 18. Kéfultats de quelques obfervations im- 
portantes de l'Abbé SPALLANZANI , fur le 
mouvement du fans. PET du même 
Naturalifle [ur la couleur du fong dans les 
premiers temps de la vie de l'Enbryon. Cou- 
clufion du même Auteur en faveur de la pré. 
exiflence des vaifleaux duns l'Exbryon. 436 

NoTE 22. Sur l’évaporation de la Mer. 442 


ORNE I TRE SCRVITIE 
NorTe 2. Kéflexion [ur la forte de refpiration q1'on 
attribue aux Plantes. Précis des découvertes 
du Dr. INGEN-Housz, fur Pair déphlogifrii. 
que que fouruiffent les Plantes. Lioifon de ces 
découvertes avec le [yfféme de notre Monde. 
Services mutuels que fe rendent les Végétaux 
ES les Animaux, 444 
NOTE 3. Faits qui concernent les Arbres écorcés 
Jur pied. 450 


538 EN'D'ECA TE 'EONN 


NOTE 4. Raifons qui perf[uadent à l Auteur que 
les mouvemens de la [eve ne fe réduifent pas à 
un Jgmple balancement. Page 452 

NorE $. Mouvemens finguliers de rotation décou- 
verts par l'Abbé Corr1 dens Pintérieur de 
différentes Efpeces de Plantes, €& en particu- 
lier dans la Chara. 454 

CHA PET, RER 

NOTE 1. Senjbilité des Anémones de Mer. Re- 
sayque au fujet du nom de Zoophyte donné 
a ces ANIMAUX. 46 

CHAPITRE SXARE 

NoTEe 1. Horloge botanique de LINNE’. 478 

NoTE 2. Mouvemens fpontanés des filets de la 
Trémelle, qui dépoferoient en faveur de la 
fenfibilité des Plantes, fi la Trémelle eff une 
véritable Plante. Particularité des amours des 
Plantes, qui femblent indiquer qu’elles ne font 
pas abfolument infenfibles. 489 

CHAMRBI TRE Re 2. 

NoTE 1. Sur le caraffere employé par BOER- 

HAAVE pour diflinguer la Plante de l Animal. 


Faits à ce fujet. 485 
C H'AËPTLR E LR SRRE 
NOTE 1. Mefure de lirritabilité. 490 
NoTE 2. Que lirritabilité n'eft point proportiou- 
nelle à la fenfibilité. 497 
NoTE 3. Erreurs de quelques Phyficiens au fujet 
de lP Ame. 493 


NoTE 4. Mouverens remarquables de la trompe 
du Papillon après qwon la Jéparée du corps 


DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 539 


dans les momens qui fuivent la métamorphofe. 


Page 493 
NorTE 6. Que le cœur ne fe vuide pas entiérement 
de fang dans la [yftolz. 495$ 


Note 7. De l'impreflion que la lumiere produit 
fur le Polype €$ [ur d'autres Animaux des 
claffes inférieures. Application de Pirritabilité 
aux phénomenes frguliers que préfentent les 
Animaux qui, comme les Anguilles de la fa- 
rine © les Roriferes , paroiflent revenir à la 
vie après un long defféchement. Du Gordius 
ou Crin de cheval : qu'il jouit de la même pré. 
rogative que les Anguilles €ÿ les Rotiferer. 
Quelle idée on doit [e faire de Pétat de ces 
Animaux pendant leur defféchement , €ÿ de 


leur efpece de refurrection. 496 
NOTE 9. Idée fur la caufe fecrete de l'irritabilité. 
02 


NoTE 10. Précis de diverfes expériences qui fem- 
blent prouver que les Plantes pofledent une 
forte d’irritabilité. Conjecture [ur le principal 
frege de cette irritabilite. 590$ 

DORA EL ER E -XXX E V. 

NoTe 1. Rapports du Végétal & de l Animal dans 
leurs principes conflituans. Autres rapports 
fondés [ur le degré de chaleur intérieure. $11x 

Nore $. Réfultats généraux des nouvelles recher- 
ches de M. SPALLANZANI fur la fécondation 
des Plantes. Réflexions à ce fujet, SIS 


Fin de la Table, 


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